1
100
14
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53572/BCU_Factums_G2816.pdf
346941c5d22fc82aeedec091af387eda
PDF Text
Text
POUR
Le Sieur Antoine BADUEL, propriétaire-cultivateur,
demeurant à Lafage, commune de Saint-Clément;
et le Sieur Antoine BADUEL, 2e du nom, aussi
propriétaire-cultivateur, demeurant à Lollière, commune de Saint-Clément, défendeurs;
CONTRE
Dame Marie-Charlotte CASSAGNE-BEAUFORT d e
M ir a m o n , veuve de M. le marquis D u p l e s s i s C h a t i l l o n , agissant comme héritière bénéficiaire
de M. le marquis de Miramon, son père, demeurant
à Paris, rue du Bac, n° 128, demanderesse.
— ..................... — 1 ■
—
M adame la marquise veuve de M. Duplessis-Châtillon , représentant,
dit-elle, M . le marquis de Miramon , son père , dont elle est héritière
sous bénéfice d’inventaire , a publié u ne consultation signée par d’honorables avocats , et plusieurs Mémoires ayant pour objet de prouver
qu'elle est recevable et fondée à demander la revendication d’héritages
jadis accensés , ou à exiger le service des rentes et prestations portées
par les titres d’accensement. Les Mémoires se réfèrent les uns aux autres,
et tous ont pour base la consultation. Leur publication , en précédant
eo
demande
tu
judiciaire, semble avoir été faite pour épouvanter d’avance et décourager au moins des adversaires fort modestes sans doute,
qui ne craignent aucun danger, quand ils ont pour eux la consécration du tems et la protection des lois.
il y a quarante-cinq ans que de simples cultivateurs possèdent paisiblement et sans trouble , par eux ou leurs auteurs , des biens-im-
�(2)
meubles libres de toute redevance seigneuriale et fe’odale. Ils les ont
recueillis ainsi dans la succession de leurs païens ; ils n'ont même pas
l'idce que ce patrimoine de famille ait jamais pu être différent de ce
qu’il est aujourd'hui. Et voilà pourtant qu’après un demi-siècle , ils
son^ troublés dans leur bonne foi , comme dans leur sécurité. Celle
sécurité aurait-elle été trompeuse? Cette possession de bonne loi pen
dant un si long-tems serait-elle illusoire ? Nous ne le pensons pas.
Avec eux nous avons confiance dans les lois, et la justice qui les ap
plique. Nous croyons que M"1“ de Châtillon s’ est bercée d’espérances
chimériques, et que ses demandes ne sont ni recevables ni fondées.
F A IT S .
Madame la marquise Duplessis-Châtillon est l’une des trois filles
qui ont survé’c u à M . le marquis de Miramon , leur père. Elle seule*
cependant, a conçu le projet d’attaquer les détenteurs actuels des do
maines de la Roussicrc, hollière, Lacroux, Lajâge situés dans la cou1'
mune de Saint-Clément, et les détenteurs du moulin de Marjons
ses dépendances, situé dans la commune de Polminhac.
Elle a publié un premier Mémoire, ou consultation pour M . le marquis
Duplessis-Châtillon, qui n’a rien à dire , parce qu'à madame sa mère
seule il appartiendrait de parler dans la cause ; et cette consultation .
signée des noms les plus honorables ( i ) , datée de Paris, le 5 mai 1837 »
expose les prétentions de M. le marquis , et cherche à justifier ces pré
tentions , ce qui est dans la règle.
Madame la marquise de C hûlillon, après avoir parlé par son
’
prend elle-même la parole, et public trois Mémoires (2) , dont l’un est
particulièrement dirigé contre M. Pierre Baducl ou ses héritiers et ay‘ini'
cause, comme détenteurs du domaine de hollière. Elle y prend la qualité
d héritière bénéficiaire de M . le marquis de ¡Miramon , son per •
Dans ce mémoire, imprimé, publié avant toute citation en justice ’
M m<î de Châtillon conclut ainsi : « Plaise au tribunal c o n d a m n e r le
» sieur Baducl ou ses héritiers et ayant-cause, à payer à la requérante
» trois années des arrérages de la rente consentie par le bail cmpby
(1 ) Celle consultation est signée par MM" B o l e , l ' u . ’ I H p i n , O i > i i .o s ll.wmoï , A. P a iia OT. e l j î ;
(Je Y atw f .snil . Il est a observer fj'ic , relativement nu domaine «le Loi.ufcitis , la consultation rul
sonne sur un acte du I!) juillet 1084, totalement ¿traiter aux héritiers II aduel .
(2) Ces trois Mémoires 11e sont signés que par MM" Houe et A. P a illk t .
�”
"
”
*
”
“
"
"
*
“
”
(3)
tcotiquc du sixième jour de mars de l’an 1755, laquelle consiste par
chaque an, i° en 2() quintaux de fromages, tant d’été que d’automne,
pesés au Poids de la ville d’Aurillac ; 2° 45 setiers bled seigle, mesure du Mur-de-Barrez ; 3° un quintal beurre ; 4° un cochon g r a s ,
payable à descente de montagne, ou 3o livres pour prix d’icelui ;
5“ un veau gras; 6“ deux paires de chapons; 70 vingt aunes de toile
femelle; — et à se r v ir a l’avenir ladite rente, année par année, soit
aux époques fixées par le bail emphytéotique , soit à telles autres
époques qui seraient fixées par le jugement ou consenties par les
défendeurs, si mieux n’aiment le sieur Baduel et ses ayant-cause raclieter la rente ou bien déguerpir. »
Ces conclusions sont incomplettes d’après l’acte du 6 mars 1 7 5 5 ,
*ïue nous transcrivons ci-après. M me Duplessis-Châtillon oublie de de
mander l'exercice de la justice haute, moyenne et basse, le droit de retention par prclation , les lods et ventes , les tailles aux quatre cas , et
outres droits et devoirs seigneuriaux stipulés par cet acte. En effet, voici
Ce htre qu’il importe de connaître.
<( I-’an mil sept cent cinquante-cinq et lo sixième jour du mois de mars aprèsj au château de Pestels, paroisse de Polminliac , par-devant le notaire royal du
^Hlago immédiat du Carladès, résidant au lieu do Polminliac, soubsignés, présents
°s témoins ci-après nommés, fut présent très-haut et très-puissant seigneur m essire AleX;ii)(]rc-I’ inaiiuel de Cassanhes de Beaufort, chevalier, marquis do Miramon, seigneur
dudit Pestels, Polminliac, Marions, Teyssières-les-Bouliès, Saint-Chaumiel et Saint^'rgues en Jourdanne, Laroque, Saint-Clément, Brezons, Cezeps, Monréal, Nebrousse, Paulhac, Balzac, Saint-IIéran, Cocudoux, Lasalle, la Calsade, Selles,
assinhac, le Cayre, Loubegeac, Lafage, Mougranat ; baron de Foulholles et do
*°u; conseiyneur do Vie et de Thiézac, et autres ses places, liabilant en sondit châ*eau de Pestels; lequel, de gré, pur et franc vouloir, a baillé et baille par ces
I*1«seules, à nouveau bail emphytéotique, nouveau cens et nouvelle inveslison,
* *>'er|e Baduel, laboureur, habitant de la ville de Yic en Carladès, à présent
urn'u,r de M. le marquis de Boussille, en son domaine de Mourèzo, ici présent
acceptant, son domaine appelé de Lollière, dépendant de sa terre et seigneurie de
ar»(jue, composé de maison, grange, vaclial, prés, champs, terres, bois eu
C()uiniun , pâturages, communaux, moutague de Bannes au prorata, et de la
contenue de trente tôtes d’herbages, et autres terres cultes et incultes dépendant
“ dit domaine; le tout, ainsi et de même que (îeraud Prunct et scs autres précé^ens fermiers ont accoutumé de jouir, sans autre réserve que des bois propres et
Particuliers dudit seigneur, si aucuns en y a dans ledit domaine, Oîitres toutefois
flue les bois communs qui en dépendent qui demeurent de la comprise des pré
�(4)
sentes, duquel domaine de Lollière et ses dépendances, tel et do môme qu’il est
ci-dessus baillé, j compris les prés et grange situés au lieu et appartenances do
Laroque, il sera ci-après fait un état particulier cuire ledit seigneur, bailleur, et ledit
Baduel, preneur, de tous les bâtiraens et héritages qui le composent. Le présent bail
emphytéotique à nouveau cens et nouvelle investison fait par ledit seigneur marqua
de Miramon audit Baduel, pour et moyennant le cens et rente annuels, perpétuels,
seigneuriaux cl uniformes de fromage vingt-neuf quintaux tant d'été que d'automne,
portables et posés au Poids de la ville d’Aurillac; plus de la quantité de qua
rante-cinq setiers seigle, mesure du Mur-de-Barrès; plus un quintal de beurre,
un cochon gras payable à descente do montagne ou trente livres pour le prix
d’icelui, au choix dudit seigneur bailleur; plus un veau gras, deux paires cha
pons, deux ports de vin du vignoble en sondit château de Postels, et vingt aunes
de toile femelle ; lesdits quarante-cinq setiers seigle dite mesure, payables et
portables audit château de Pestels à chaque féte Saint-Michel, de môme qi'°
toutes les autres choses ci-dessus spécifiées, annuellement en leur tems et saison,
le tout censuel et raddituel, avec tous droits de directe et justice haute, moyenne et
basse, usage et exercice d’icelle, meze, mixte, impere , droit de rétention par pre~
lation , lods et ventes et tailles aux quatre cas accoutumés au présent pays d’ AuuergM >
et autres droits et devoirs seigneitriaux dûs et accoutumés et contenus aux terriers an
ciens dudit seigneur de sadite seigneurie de Laroque. Auxquelles charges et conditions
ledit Baduel a accepté le présent bail en emphytéose, et sous et en c o n s é q u e n c e
d’icelui reconnaît tenir et avoir le susdit domaine dudit seigneur, marquis de Mi*,
ramon, et a promis et s’est obligé ledit Baduel de payer et porter comme il
est ci-dessus dit, les susdits cens et rente de vingt-neuf quintaux de fromage»
etc., de même que toutes les autres choses ci-dessus s p é c i f i é e s annuellement en
tous tems et saison à perpétuité, audit seigneur , marquis do Miramon et aux siens
à l’avenir, à commencer , etc., tant et si longuement qu’il jouira et sera tenan
cier dudit domaine de Lollière, lequel il a promis melliorer à son pouvoir,
ne le détériorer, vendre ni aliéner à personnes do droit prohibées, ni y nul(re
cens sur cens, ni autre pension annuelle, sans le scù , vouloir e t c o n s e n t e m e n t
dudit seigneur et de scs successeurs ; et d ¡celui domaine de Lollière faire nouvelle
reconnaissance à toute mutation de seigneur ou de paysan, toutes et ((liantes fois qu ^
en sera requis, et d’icelle comme des présentes, bailler et fournir à ses frais e t
dépens expédition en bonne et due forme audit seigneur et aux siens à l’avenir ;
et à 1 égard du droit d ontréo do la présente investison , il a été réglé entre les par*
tics à la somme de trois mille livres, etc. »
T e l est la cté dont M rae la marquise Duplcssis-Châtillon demande
1 exécution partielle contre les héritiers représentons , ou ayant-caiisc
«lu sieur Pierre B a d u e l, de même que par la consultation et les ¡>JC"
moires publics, elle reclame l'exécution d ’actes semblables concernant
�(5 )
les domaines de la Roussière, de Lafage, de Lacroux situe's , ainsi
que le domaine de Lollière , dans la paroisse ou commune de Saint—
Clément.
Mais ici, une difficulté sc présente. Par exploit du 12 brumaire an X I ,
(3 octobre 1802), M m0 A n ne-Jea nne Cassagne-Mirarnon , procédant
tant en son nom propre et p r iv é , suivant l ’acte passé à P a ris, le 20
aodt 1790, devant Boursier et son confrère, notaires, entre elle , son feu
rnn,i , et Jean-Gaspard Cassagne-Beaufort-Mirarnon , son p ère , que
comme mère et tutrice de ses enfans, forma devant le tribunal de pre
mière instance d’ Aurillac , contre le sieur Pierre Griffuel, détenteur
du domaine de Lafage , la même demande que prétend former au
jourd’hui la dame Duplessis-Châtillon, sa sœur; et elle en fut déboutée
par jugement du 4 frimaire an XII (26 novembre i 8o 3 ).
Ce n’est pas tout. L e 11 frimaire an XI (2 décembre 1802), la même
anie » agissant dans tes mêmes qualités, forma une demande semblable
contre le sieur Pierre T r i n , détenteur du domaine de la Roussière, et
n°us croyons que cette demande a eu le même sort que celle dirigée
c°ntre le détenteur du domaine de Lafage.
dame Anne-Jeanne Cassagne-Mirarnon était, comme madame
Uplessis-Châlillon, une fille de M. le marquis de Miramon. Les de
mandes qu’ elle formait en l’an X I , contre les détenteurs des domaines
e Lafage et de la Roussière étaient faites du vivant de M. le marquis
e Miramon , et par suite d’un acte passé avec lui , à P a r is , le 20 août
l ?i)° i acte qui devait lui avoir transmis les droits de M. le marquis
^ Miramon. Comment se fait-il donc aujourd’hui que madame de Châ^ 0n > se disant héritière bénéficiaire de son p ère , vienne réclamer cour° les détenteurs des mêmes domaines de Lafage et de la Roussière ,
^ e,i sa qualité d’héritière de son père , des droits que celui-ci aurait
nsrnis à son autre fille , la daine Anne-Jeanne Cassagne-Mirarnon,
Par 1acte du 20 août i7()0?
d’ J C'S^ c^ lc^e “ ex2>liquer , on en conviendra ; et pourtant, cela est
aI)lcs la consultation délibérée le 5 mai 18^7. On répondra sans doute
j1” 0 ’ dans ces procès intentés en l’an XI , à la requête de la sœur de
du r*116 * * lnanIu' sc
Gbâtillon , il n’ était pas question du sieur Bala
^
(^oma‘ne
Lollière , ce qui est vrai ; mais puisque , d’après
j,] Co!1st>llatioa , M n,c de Châtillon se croyait autorisée, en sa qualité
<]e eri^ re bénéficiaire , à exercer contre les détenteurs des domaines
e ^ aJoge et de la Roussière , des droits qui auraient appartenu à sa
�( 6 )
sœ ur, en vertu de l’acte de 1790, et qu’en cela elle se trompait évi
demment , les siéurs Baduel se croient bien fondés , à leur t o u r , à
demander communication de ce traite' de famille, à provoquer un conipulsoire , si besoin est , alin de savoir si le domaine de Lollicrc est
ou non compris dans les arrangemens portés par ce traité, et si îMm°
de Châtillon a qualité pour s’adresser aux détenteurs de ce domaine
situé, comme ceux de Lafage et de la Roussicre , dans la c o m m u n e de
Saint-Clément.
A i n s i , les qualités de la demanderesse sont encore incertaines , et
les sieurs Baduel déclarent ne pas lui reconnaître, en ce moment, 1e
droit qu’elle prétend exercer.
Cependant, elle a fait signifier aux héritiers Baduel , le 21 août 18^7 ?
l’acte du 6 mars 1755 , qu’ elle qualifie d’acte d’inveslison , e t , le 2 sep
tembre suivant , elle leur a notifié un commandement de payer lcS
arrérages de la rente , avec déclaration que , faute d e paiement, elle
poursuivrait contre eux l’cxccution de son titre par toutes les voies
de droit. Ceux des héritiers Baduel que ce commandement pouvait con
cerner se sont empressés d’y former opposition par acte e x t r a - j u d i c i a i r e
du 4 du même mois ; et ils viennent maintenant exposer dans ce m é m o i r e ,
les motifs d’une opposition qu’ils croient bien fondée. Ils ne d i r o n t
pas que M me Duplessis-Châlillon fait une tentative insensée ou du moin5
téméraire , pour rétablir en France le régime de la féodalité ; ce se
rait, nous en sommes surs , mal interpréter une pensée qui n’a PaS
une aussi vaste étendue. Il est certain , toutefois , que les Mémoire*
publiés ont répandu dans le public , et particulièrement dans la classC
estimable des cultivateurs , des idées fâcheuses qui troublent la scCl1
rité d’un grand nombre de propriétaires. Il est bon de les r a s s u r e r »
en attendant que les tribunaux viennent eux-mêm es leur a p p r e n d r e »
par la solennité des arrêts , que les lois subsistantes n’ont rien per
de leur vigoureuse efficacité.
Les héritiers Baduel ont à répondre à quatre Mémoires, car, b)Cn
qu’ ils ne soient pas tous dirigés contre eux , ils se réfèrent l’un à 1 a u t r e »
et lous ont pour objet de démontrer que M me de Châtillon , en sllP
posant ses qualités reconnues , est recevable e t fondée à d e m a n d e r 1 e%e
cution de lacté d u (i mars lyiïi», à faire revivre, par c o n s é q u e n t )
titre q u i , selon nous , est frappé , tout-à-la fois , par la prescript*°n
par les lois suppressives de la féodalité, comme nous allons le démontre1
Nous le ferons avec ordre cl méthode , ce nous semble , et nous auii°
�( 7 )
.
'
l’occasion de discuter toutes les objections, en nous occupant succes
sivement ;
10 De la nature de l’acte du 6 mars 1755 , qui sert de base aux de
mandes de M ’re de Châtillon ;
2° De la question de savoir e n t h è s e g é n é r a l e , si les baux emphy
téotiques, à cens ou à rentes , sont frappés de la suppression prononcée
Par les lois de 1792 et 1793, quand ils sont mélangés de féodalité;
3° De la question de savoir PARTicuLiÈRtMtNT , si les baux emphy
téotiques perpeiuels sont atteints par ces lois suppressives ;
4° De l’application de la doctrine établie aux paragraphes 2 et 3 cidessus , à l’acte du 6 mars 1755;
5° De l'objection tirée de ce que la ci-devant Auvergne était un
Pa>s allodial ;
6" Enfin , de la prescription , qui , dans tous les cas , rend la dame de
Châtillon non recevable dans ses demandes.
En plaçant le moyen tiré de la prescription, à la suite de l’ examen
du titre , de l’a n a ly e des lois et de la jurisprudence sur la suppression
la féodalité , nous n’avons d’autre objet que de suivre un ordre
plus lo gique , sans entendre préjudicier en aucune manière, aux droits
ceux pour qui nous écrivons. Il nous a paru plus convenable de
Cor>stater le véritable esprit des lois de la matière, la juste application
*lu* doit en être faite à la cause actuelle , avant de prouver que même
dans le doute la prescription protège les héritiers Baduel contre les
demandes de leur adversaire.
§ 1".
la nature de l'acte du 6 mars 1755. — I l est bail à c e n s ,
plutôt que bail emphytéotique.
Ce n’ est pas une futile distinction à établir ’, celle du bail à cens et
11 bail emphytéotique, bien qu’ en définitive, les résultats doivent être
es mêmes quant à l'application des lois abolitives de la féodalité. INIais
me de C h âlillo n , ou ses Mémoires , tiennent beaucoup à donner à
du g mars 1755 le caractère de bail emphytéotique; e t, pour
l t ster dans la vérité, nous devons simplement rechercher la nature de
cel- acte afin d’ en mieux connaître les effets ou les conséquences.
L acte de 1755 par lequel M. le marquis de Miramon concède à
•erre Baduel le domaine de Lollière, e s t , si l’on s’en rapporte à sa
ré<laotiqu , un bail emphytéotique et un bail à cens, on y voit que M . de
�( 8 )
Miramon baille à nouveau bail emphytéotique, nouveau cens et nouvelle
investison, son domaine de Lollière, dépendant de sa seigneurie de Laroque.
Ces expressions le caractérisent aussi bien nouveau bail à cens que nou
veau bail emphytéotique. Dès lors, les termes ne décident rien. Mais on
sait que la nature des contrats se détermine, non par les qualifications
qu’il a plu aux parties contractantes de leur donner, mais par la subs
tance des clauses qu’ils renferment. C'est un principe de tous les tem s,
consacré de nouveau par notre code civil, dont l’article n 56 prescrit
de rechercher dans les conventions quelle a été la commune intention
des parties contractantes, plutôt que de s’arrêter au sens littéral des
termes.
En partant de cette r è g le , et recherchant l’intention des parties , il
est difficile de trouver dans l’acte du 6 mars 17 5 5 , la simple emphytéose des Romains, qui ne savaient pas ce qu’était la directe seigneuriale ,
la justice haute , basse et m oyenne, la taille aux quatre cas , et les au
tres droits et devoirs seigneuriaux, qui se rapportent au régime féodal,
et caractérisent le véritable acccnsernent.
Il est vrai que suivant l’annolateur de Boutaric , traité des droits sei
gneuriaux, page 2 , l’essence du bail à cens et du bail emphytéotique,
ainsi que le fonds de ces deux contrats , sont absolument les m êm es,
puisque l’un et l’autre sont également un contrat par lequel il n’y a que
le domaine utile qui soit aliéné , tandis que la dominité directe reste
au bailleur avec une rente qui lui est payée en reconnaissance de la
direclilé ; ce qui fait que le contrat est spécifiquement le même. « La
» différence, ajoute-t-il, ne vient que des biens qui font le sujet de
» l’un ou de l’autre. Le bail à cens est le bail d’un fonds noble et féo » dal, au lieu que le bail emphytéotique est celui d’un fonds qai est
» tenu en roture. » E t c’est cette qualité des biens qui fait dire aux auteurs
du répertoire universel,* V° emphytéose : En France, l'emphytéose faite
par un seigneur d’ un héritage qui fait partie de son domaine féodal, a
le même effet que le bail à cens.
M . Merlin, dans ses questions de droit, V® M oulin, dit que : « Si un
» seigneur de fief donnait en emphytéose une partie quelconque de son
» domaine féodal, sa concession ne serait pas une emphytéose propre» ment dite , mais un véritable bail à cens. C ’est ce qu’établit Ilerve dans'
» sa théorie des matières féodales , tome 2 , page 3a<) : 1' emphyteose, à per» peluite, dit i l, est un vrai bail à cens ou un vrai bail à rente, suivant
» que le bailleur est ou seigneur de fief-, ou simple propriétaire de censives. »
�( 9 )
Ajoutant à ces autorités celles que nous invoquons au § S ci-après où
nous aurons occasion «le revenir sur cette distinction à faire entre les
biens nobles et les biens roturiers pour caractériser le bail à cens ou le
bail emphytéotique , il est impossible de ne pas reconnaître un bail à
cens dans l'acte du 6 mars 1755. Nous ne considérons pas uniquement,
pour le qualifier ainsi, les expressions bail à cens employées dans l’a c te ,
mais nous voyons la nature des biens concédés. Nous voyons que le
domaine de Lollière, loin d’être un bien roturier, était éminemment noble
dans les mains de M. le marquis de Miramon , qu’il dépendait de sa sei
gneurie de Laroçue, que M. le Marquis se réservait sur ce bien les droits
et devoirs seigneuriaux contenus aux terriers anciens de la seigneurie de Laroque; et de ces indications, puisées dans l’acte même , nous tirons la con
séquence que M. le marquis de Miramon a voulu faire et a fait réellement
tin bail à cens et non un bail emphytéotique. Une des conditions de l’acte
le prouve d’ailleurs d’ une manière claire et précise. M. de Miramon
y fait défense expresse au preneur de mettre cens sur cens sur le domaine
de Lollière. Cette prohibition , étrangère au bail emphytéotique , est
précisément de la nature du bail à cens. D ’ où il faut conclure que ce
serait commettre une erreur manifeste que de qualifier de bail emphytéo
tique l’acte dont il s’agit.
Nous lui conserverons cependant cette dénomination dans le cours
de ce Mémoire, uniquement pour la facilité de la discussion. Nous
pouvons d’autant mieux employer l’expression de bail emphytéotique ,
qu’elle est indifférente comme nous allons l’établir dans le § suivant.
§2.
H est indifférent de considérer l'a cte de i y 55 com m e b a il em phy
téotique ou ba il à cens ; il est toujours un titre fé o d a l ou m élangé
de fé o d a lit é , fr a p p é p a r les lois suppressives.
Après avoir affranchi les personnes , l’assemblée nationale s’occupa
de la libération du sol français. C ’était une mission digne d’elle, et
fIu elle remplit avec de sages précautions. La liberté esl un breuvage
enivrant pour les peuples qui n’y sont pas habitues. Si la pensée
de régénérer l'homme et la terre qui le porte était à la hauteur
de cette auguste assemblée , les grands hommes qui la composaient
savaient aussi combien il fallait de prudence pour prévenir cet enivre
ment dangereux. Ils ouvrirent le sanctuaire avec précaution, e t , pour
2
�( 10 )
ne pas éblouir des yeux accoutumes à la servitude , ils n’accordcrent
que successivement, et p e u - à p e u , une liberte' qui, dans leur inten
tion, devait un jour être entière.
Les décrets des
G, 7 , 8 et 11 août 178g, en détruisant le régime
féodal établirent cette distinction : Les droits et devoirs féodaux ou censuels , ceux qui dépendaient ou étaient représentatifs , soit de la main
morte personnelle ou réelle , soit de la servitude personnelle , furent
abolis sans indemnité. T ous les autres furent déclarés rachetables et main
tenus jusqu’au rachat.
On sentit le besoin d’une énumération détaillée des droits seigneuriaux
supprimés et de ceux qui étaient maintenus et rachetables. L a loi du
i 5— 28 mars 1790 survint, et par son titre 3 , art. 2 , elle classa parmi
les droits rachetables. « Toutes les rentes seigneuriales annuelles en argent,
» grains, volaille , cire, denrées ou fruits de la terre, servis sous la déno» mination de cens, cencives, surcens , capcasal, rentes féodales , sei» neurialcs et emphytéotiques , champart, tasque , terrage, arage , agrier ,
» comptant, so été , dîmes inféodées , ou sous toute autre de'nomina» tion quelconque , qui ne se paient et ne sont dus que par le pro» priétaire ou possesseur d’ un fonds, tant qu’il est propriétaire ou pos» sesseur, et à raison de la durée de sa possession.»
L a loi du 1 8 -2 9 décembre
*a m&ne année, après avoir, par son
article 1 " , déclaré rachetables toutes les rentes foncières perpétuelles
de quelque espèce qu’elles fussent , régla par l’art. 5 , du titre 3 , le
mode et le taux du rachat pour les baux à rente, ou ernphytéose p e r p é tu e lle
et non seigneuriale , qui contiennent les conditions expresses de payer
au bailleur un droit de lo d s , ou autre droit casuel quelconque en cas
de mutation.
C ’est ici que s’arrrete la première période du système d ’ a f f r a n c h is s e
ment. O n voit que la suppression n’avait encore porté que sur une
partie des redevances féodales , et que l’autre était maintenue, mais
les droits étaient déclarés rachetables.
Il fut fait un pas de plus par la loi du 18 juin — 6 juillet I 792,
Cette loi supprima sans indemnité, tous les droits casuels, soit c e n s u e ls ,
soit jéodea ux, et tous ceux qui en étaient rcprésentaiijs , c o n n u s sous les
noms de quint, requint, treizième, lods et trezains , lods et ventes, etc.,
qui se percevaient à cause des mutations qui s u r v e n a i e n t dans la pro
priété ou la possession d’un fonds , sur le v e n d e u r , 1 acheteur, les
donataires , les héritiers , et tous autres a y a n t- c a u s e du précédent pro-
�( Il )
priétaire ou possesseur; à moins , est-il dit, que lesdits droits ne fus
sent justifiés par le titre primitif d’inféodation , d’accensement ou de
bail à cens , tire le prix ou la condition d ’une concession de fonds pour
lequel ils étaient perçus; auquel cas, lesdils droits continuaient d ’être perçus
et d ’être rachetables.
L a loi du 2 5 - 2 8 août suivant confirma celle du 18 ju in , et suppri
ma sans indemnité, « tous les droits féodeaux ou censuels utiles , toutes
" les redevances seigneuriales en argent, grains, volailles, cire, den» rc'es ou fruits de la terre, servis sous la dénomination de cens, cen" cives, surccns......... et généralement tous les droits seigneuriaux, tant
" féodaux que censuels , conservés et déclarés rachetables par les lois an» térieures , quelle qu’en soit la nature et leur dénomination , etc. »
Toutefois , l’art. 5 excepta de cette suppression sans indemnité , les
droits qui auraient pour cause une concession primitive de fonds; et l’art.
*7 fit encore exception pour les rentes champarts et autres redevances
qui ne tenaient point à la féodalité, et qui étaient dues par des parti
culiers à des particuliers non seigneurs ni possesseurs de fiefs.
Ici finit la seconde période.
La première n’ avait supprimé sans indemnité qu’une partie des droits
féodaux et avait déclaré l’autre partie rachetable , la seconde periods
supprima de plus une partie de ces droits , maintenus d’abord et ra
chetables, et n’excepta de la suppression que les droits dûs pour con
cession de fonds , ou par de particuliers à de simples particuliers.
Mais vint ensuite la loi du 17 juillet 1 7<)3, dont l'article 1er supprima
sans indemnité toutes les redevances ci-devant seigneuriales , droits féo
daux , censuels , fixes et casuels , même ceux conservés par le décret du
aoât 1792. L ’article 2 ne maintint que les rentes ou prestations purerement foncières et non féodales.
C ’est la troisième et dernière p é r io d e , car les lois et autres dispo
sitions législatives survenues depuis , ne sont qu’interprétatives de la
loi du 17 juillet i7j)3.
Ainsi , d’après cette loi , les rentes purement foncières et non féo
dales > sont les seules qui soient maintenues ; les droits même conservés
par la loi du 25 août 1792 ’ comme ayant pour cause une concession
de fonds , ne le sont p o in t , s’ils ne sont purement fonciers, c’est-àdire , sans mélange de féodalité.
On ne tarda cependant pas à vouloir faire des distinctions , malgré
les termes positifs de la l o i , en demandant la séparation dans les actes
�( T2 )
de concession primitive de fonds , à titre d’inféodation ou d’accensement, de ce qui e'tait purement foncier, d’avec les droits q u i , sous
le nom de cens et de censualité, rappelaient le régime féodal aboli.
Une loi du 2 octobre 1 7 9 Î , rejetta cette distinction et cette sépara
tion par l’ordre du jour , de sorte qu’il devait être désormais bien
reconnu , que toute renie due pour concession de fo n d s, cesse d’êlre
purement foncière, quand elle est mélangée de droits féodaux ou sei
gneuriaux.
Il 11 en fut pas moins proposé à la convention nationale , peu de
tems après cet ordre de jour, la question de savoir si l’administration
des domaines nationaux pouvait recevoir le rachat offert d’une rente de
35 setiers de b lé , qualifiée foncière et seigneuriale p a r le titre primitif
ou bail d’héritage , dans lequel était en même tems stipulé un droit de
cens emportant /ods et ventes. Par la loi du 7 ventôse an II , la con
vention déclara qu’il n’y avait pas lieu à délibérer, attendu « que déjà
» elle a déclaré par un décret d’ordre du jour , du 2 octobre 17g3 ,
» q u elle avait entendu, par la loi du 17 juillet précédent, supprimer
» sans indemnité les rentes foncières qui avaient été créées , même par
» concession de fo n d s, avec mélange de cens ou autre signe de seigneurie
» ou de féodalité. »
Interprétant encore le véritable sens de la loi du 17 juillet 1703,
line autre loi du 29 floréal an I I , déclara supprimée sans i n d e m n i t é
toute redevance ou rente entâchée originairement de la plus légère
marque de féodalité.
Ce commentaire donné par la législature elle-même, par cette légis
lature qui avait rendu la loi du 17 juillet 1793, manifeste clairement
le sens de cette dernière l o i , et l’on ne peut s’y méprendre. A u s s i ,
ne fut-il plus question, pendant quelques années, de chercher à tourner
la loi pour échapper à scs dispositions précises.
Mais sous le consulat, alors que d’autres idées paraissaient prendre
faveur, et que les législateurs interprètes n’ étaient plus là pour pro
clamer leur pensée, quelques tentatives furent faites. On e s s a y a de res
susciter le système de séparation de la partie féodale de la rente d avec
la partie foncière. Le conseil d’état fut appelé à en délibérer ; et par
son avis du 3o pluviôse an X I , après avoir rappelé la loi du 17 juillet
1 79 3 , les décrets des 2 octobre et 7 ventôse an I I , l’ordre du jour
portant refus de proroger le délai fixé pour le brûlement des litres
constitutifs et récognitifs de seigneurie , et d’autoriser la séparation
�( i3 )
de ce qui pouvait être purement foncier, qui « annonce clairement
* que. la convention regardait tous les droits quelconques établis par
» les titres , comme supprimés par une suite de leur mélange avec des
" cens ou autres signes de féodalité; après avoir ajouté que telle avait
» été depuis l’opinion constante du corps législatif; qu elle s’est ma» infestée eu l’an V , en l’an VIII dans les discussions sur les projets
“ présentés à l’effet d’établir une distinction entre les rentes et pres* tâtions créées par des actes constitutifs ou récognitifs de seigneurie,
" pour soustraire à la suppression celles qu’ on regardait comme pu“ rement foncières ;
Après avoir dit « qu’il n’ est pas possible de méconnaître des inten" tions aussi évidentes, et qu’il ne peut y avoir, lieu à interpréter des
* dispositions qui ne sont nullement obscures ;
“ Le conseil d’état fut d’avis que toutes prétentions , de quelque na“ ture qu elles pussent être, établies par des titres constitutifs de rede" vances seigneuriales et droits féodaux, supprimés par le décret du
” 17 juillet 1793, ont été pareillement supprimées, et que l’on ne
" pourrait admettre les demandes en paiement de ces prestations , sans
changer la législation. »
Se méprendre maintenant sur le sens et sur le but de cette législa
tion , ce serait fermer les yeux à l’cvidcnCc , et se jetter volontairement
dans l'erreur. Q u’011 d is e , tant qu’ on v o u d ra , qu’il y aurait eu justice
d établir la distinction demandée, on peut avoir raison en faisant le
procès à la l o i , mais ce procès ne prouverait autre c h o se , si non que
loi existe, et qu’il faut lui obéir. O r , cette l o i , ou plutôt ces
lois que nous avons analysées avec la plus sévère exactitude, ne font
aucune différence à l’égard des titres constitutifs ou récognitifs de sei
gneurie ou droits féodaux. Elles ne distinguent pas si les litres sont
dcs baux emphytéotiques 011 à cens, ou bien s’ils doivent avoir toute
autre dénomination; elles 11e voient, dans les titres, quels qu’ils soient,
les signes de féodalité ou de seigneurie qui peuvent y exister ;
si de tels signes s’y rencontrent, les lois prononcent la suppres
sion des titres sans égard aux redevances que ce mélange impur cesse
faire considérer comme des prestations purement foncières.
^ avis du conseil d'état du 3o pluviôse an XI n’est pas le seul qui
se soit expliqué sur le véritable sens des lois suppressives. Nous al
lons montrer dans le paragraphe suivant la persistance de ce conseil
® repousser toute idée rétrograde, particulièrement en ce qui concerne
es baux à cens et les baux emphyteoliques.
�Quand on considérerait l'acte du 6 mars 1 755 comme un véri
table bail e m p hy t é o t i qu e , il n'en serait pas moins frappé par
les lois suppressives de la féodalité.
L ’ emphytéose à lems doit être distinguée (le l’emphytéose perpétuelle.
Dans l’origine , le bail emphytéotique n’avait qu’une durée limitée qui
ne pouvait excéder 99 a n s , ou la vie d’un homme , ou bien la vie
du preneur et celle de ses enfans. L ’emphytéose perpétuelle fut dans
la suite autorisée , et elle existait à l’ époque de la loi du 29 décembre
1790, dont l’article I er prohibe pour l’avenir les baux à rente ou emphytéose perpétuelle. L ’article 53o du Code civil a confirmé cette prohi
bition.
U ne emphyte'ose à tems n’ était considérée que comme un simple
louage , bien que des différences essentielles dussent la distinguer du
louage ; tandis que l’emphytéose perpétuelle était une véritable transmis
sion de propriété , une vente réelle. A u ssi, les lois suppressives de la
féodalité et la jurisprudence ont-elles soigneusement distingué ces deux
espèces d’emphytéose.
Sous le gouvernement im périal, il y eut quelque velléité de revenir
au système de séparation des droits féodaux et seigneuriaux d’avec la
prestation foncière, et des essais furent faits. P o u r ne pas suivre la
même voie dans laquelle on s’était précédemment engagé, on inventa
la distinction entre les pays d'allodialitè et ceux où la maxime, nulle
terre sans seigneur, était de droit commun. Un décret du 25 nivôse an
X I I I , ordonna , en conséquence , que des redevances originairement im
posées au profit du chapitre de l’église d’Aix , et qui étaient mélan
gées de féodalité , continueraient d’être servies comme redevances em
phytéotiques , et sans charge de lods et demi-lods qui y avaient été ajoutés
indûment et sans titre par les bailleurs. Ce d é c r e t, en opérant la sépa
ration de la partie purement foncière de celle qui était féodale, et
ordonnant le paiement de la première à l’état, représentant alors l’c'glise
d’A i x , rouvrait la porte à l’introduction d’un système si long-tenis et
si nettement repoussé ; de plus , il établissait une distinction entre les
titres frappés de suppression , et classait les baux emphytéotiques au
nombre de ceux que la suppression ne devait pas atteindre. Enfin, il
était le premier acte de l'autorité publique qui distinguait les personnes ,
suivant qu’elles avaient droit de seigneurie ou qu’elles ne 1avaient pas. Un
�( i5 )
arrêt de la cour de cassation, du 10 février 1806, ne tarda point à se pro
noncer dans le même sens pour une redevance établie dans le PorenIrui, pays allodial.
Mais on s’effraya bientôt des conséquences d’une rétroactivité dont
l'effet certain était de porter le tiouble dans les familles , d’anéantir
les traités , les actes , les conventions de toute nature qui avaient été
la suite de l’abolition du régime féodal, et de détruire les garanties
hypothécaires des créanciers. I)e nombreuses réclamations s’ élevèrent
de toute part, et de nouvelles dispositions législatives, en sanctionnant
les lois subsistantes , vinrent calmer les esprits. La jurisprudence ellemême ajouta son autorité interprétative à la puissance des décrets et
des avis du conseil d’état.
Il est utile de présenter ici l’analyse chronologique de ces nouvelles
dispositions législatives et de la jurisprudence, pour démontrer avec plus
d évidence encore le véritable esprit de la législation , en ce qui con
cerne la suppression des droits féodaux , et prévenir des erreurs dans
lesquelles 011 pourrait facilement se laisser entraîner. Cela est néces
saire d’ailleurs, parce que AI“1' de C h âlillo n , dans sa consultation
et dans ses Mémoires , s’arrête précisément à cette époque dont nous
venons de parler où le gouvernement impérial faisait un pas rétrograde, entièrement à rebours des lois existantes.
Un avis du conseil d’ état, du i 3 messidor an X III, rendu six mois
après celui du 25 nivôse de la même année , commence cette série
de dispositions interprétatives qui doivent désormais faire règle pour
1application des lois concernant le régime féodal. Le conseil d’état
avait à examiner un projet de décret tendant à déclarer maintenues des
redevances à prestation de fruits, mêlées de cens, portant lods, amende
et seigneurie, dues par les habilans d’ Arbois, en vertu de titres d’acccnscmcns consentis par des individus que l ’on prétendait avoir pris
r,,al~à-pr0p 0s la qualité de seigneur. Ce projet fut rejeté par les motifs
suivan's :
* Considérant que lorsque le titre constitutif de la redevance ne
“ présente aucune ambiguité , celui auquel le titre est opposé ne peut
" être admis à soutenir qu'il n'avait pas de seigneurie ;
* Considérant que toutes les dispositions législatives, et en dernier
“ üeu l’avis du conseil d’état du 3 o pluviôse an XI , ont consacré
” la suppression de toutes redevances, de quelque nature qu’elles
” puissenL ê t r e , établies par des titres constitutifs de redevances sei-
�( 16 )
» -gneuriales et droits féodaux supprimés par le décret du i y juillet
« 1793. »
L e gouvernement renh'ait ainsi dans la saine interprétation des lois
de 15 matière , et se mettait en harmonie avec les lois des. 2 octobre
1793 et 29 floréal an II.
L e 23 avril 1807, un décret impérial, rendu à l’occasion de rede
vances provenant de concessions faites à titre de cens annuel et per
pétuel emportant lods et ventes , retenues et tous autres droits censaux et seigneuriaux, quoique l’abbaye de Sainte-Benigne ne possédât
pas les terrains à titre de fief, et qu'elle n'y eut aucun droit de sei
gneurie, s’exprimait ainsi : « Considérant que les redevances dont il
» s’agit sont entachées de féodalité par leur mélange avec des droits
» de lods et ventes, et autres supprimés p arle s lois ; que d’après l’avis
» du i 3 messidor an X III, approuvé par nous , il n’y a pas lieu à exa» miner si lesdits religieux possédaient les fonds à titre de seigneurs. »
E t le décret prononça la suppression sans indemnité de ces redevances.
Ce décret prenait l’avis du conseil d’état du i 3 messidor an X I I I , pour
base de sa d écision, parce que cet avis était rentré dans les vrais
principes. Nous verrons dans la suite que M . M erlin, procureur gé
néral à la cour de cassation , qui avait conclu plusieurs fois dans le
sens du décret du 25 nivôse an X III, revint aussi sur ses pas , et recon
nut que l’avis du conseil d’état tranchait, pour l’avenir , toute difficulté.
Un avis du conseil d’état du 17 janvier 1809, approuvé le 2 fé
v rie r, rejette une réclamation des hospices d’A i x , et s’exprime avec
plus de précision encore. « A tten d u , porte cet a v is , que les rede» vances perpétuelles établies par des titres qui portent en même tems ,
» soit stipulation de lods et ventes ou dem i-lods, soit réserve de la
» seigneurie directe , sont comprises dans les abolitions sans indem» nité prononcées par les lois antérieures , quelle que soit la dctiomi» nation du titre ou la qualité de la personne au profit de qui les re~
» devances ont été étublies. » C ’est conforme au décret du 23 avril 1807,
qui déclare indifférent pour la suppression des redevances, que le
bailleur de fonds eût droit de seigneurie ou qu’ il ne l’ait point. Mais
l’avis du conseil d’ état ajoute de plus qu’il n’y a pas lieu de con
sidérer la dénomination du titre, c’est-à-dire, qu’il importe peu que le
titre soit qualifie de bail à c e n s , de bail à r e n te , ou de bail em
phytéotique.
�( '7 )
D ’ailleurs, il existe des dispositions semblables pour les emphyteoses ,
et notamment pour des emphyteoses créées en pays de droit écrit.
Une décision ministérielle avait autorisé l'administration des domaines
à poursuivre le paiement des arrérages des redevances affectées sur
les biens donnés en emphytéose, dans le ci-devant évêché de Baie et le
pays de Porentrui , pays régi par le droit écrit. L e conseil d’éta t, par
son avis du 8 avril 1809, approuvé le i 3 , rapporta cette décision, et
déclara les redevances comprises dans l ’abolition de la féodalité.
« Considérant, porte cet avis, que les titres, joints aux réclamations
» desdites communes , présentent des emphytéoses perpétuelles , consenties
» par les bailleurs à titre de fiefs sous la reserve de la seigneurie, avec la
" stipulation de lods et ventes à chaque mutation. »
Aussi M. Merlin qui avait porté la parole comme procureur-général
à la cour de cassation , lors de l’arrêt contraire du 10 février 1806, se
hâte-t-il de dire, dans le Repertoire universel, V° f i e f , sect. 2 , ^ 7 ,
que cet arrêt ne peut plus faire autorité, depuis que le conseil d’ état
a pris le parti d’assimiler aux redevances mélangées de droits féodaux,
les rentes constituées par des baux emphytéotiques, contenant stipulation
soit d’ un droit de lods , soit d’un droit de relief à chaque mutation.
Et la cour de cassation est elle-même revenue sur la jurisprudence
qu’aurait établie l’arrêt du 10 février 1806. L e 4 juillet 1809, elle a eu
1 occasion d’examiner à fonds cette question , qu’ elle a résolue dans le
sens des décrets et avis du conseil d’état que nous venons de rappeler.
11 s’agissait encore d’une redevance emphytéotique , assise sur des héri
tages situés dans le Porentrui. Un arrêt de la cour d’appel de C o lm a r ,
du 8 thermidor an X I I , antérieur par conséquent à la jurisprudence
du conseil d’ état et aux décrets que nous venons de citer , avait or
donné la continuation du paiement de cette redevance. Cet arrêt fut
cassé par la cour régulatrice , et les motifs de cassation méritent d’être
textuellement rapportés , parce qu’ils reçoivent une application directe
a la cause des sieurs Baduel.
L ’arrêt commence par viser les lois du 18 juin 1792, le décret du 23
avnl 1807 , et les avis du conseil d’état rappelés ci-dessus ; p u is, il ajoute :
" Attendu que des dispositions de ces lois combinées avec les dis* positions de ce décret impérial et des avis du conseil d’état, rendus
’* eu interprétatation , il résulte évidemment que toutes redevances cm* phyteotiques établies à perpétuité par des titres qui portent en même
® tem s, soit des droits de lods et ventes à chaque mutation , soit réserve
3
�( 18 )
»
»
*
»
»
de seigneurie directe, sont dans le ci-devant pays de Porentrui même , comme dans tous les pays de l’ancienne France , comprises
dans l’abolition de la féodalité , quelle que soit d’ailleurs la dénomination du titre, ou la qualité de celui en faveur duquel ces redevances sont consenties ;
» Attendu que la redevance emphytéotique , comprise au bail du 29
» janvier 174$, et dont il s’agit , est de ce genre ; et en effet :
» i° Elle est dite à perpétuité;
» 20 Elle contient une réserve de seigneurie , puis qu’elle soumet
» le preneur à l’obligation de reconnaître le bailleur comme seigneur
» direct de la terre grevée de cette redevance ;
» 3 ° Elle est accompagnée d’ un droit de lods et ventes, puis que le
» preneur s’oblige à payer un droit de 2 sous par livre du prix de la
« vendition ou cession qu’il fera ;
» Attendu qu’il est stipulé en outre , dans ce bail , un droit de relief,
» puisque le preneur s’y oblige , à chaque changement de main par
» dc'ccs, ou tout autrement, de reprendre cette terre, dans le délai de
» six semaines , des mains du bailleur , de lui payer à chaque reprise
» huit livres bâloires , et de renouveller alors la lettre de fief ;
» Attendu que le preneur s’oblige de plus, pour lui et ses successeurs,
» de prendre jugement du bailleur dans toutes les contestations qu’il
/ » aura à l’ occasion de cette terre ; et que de cette soumission il ré» suite que le bailleur avait un droit de justice sur cette terre , dont
» l’existence serait, au besoin , attestée notamment par la sentence ar» bitrale de i4 8 6 , jointe aux pièces et invoquée par le demandeur,
» droit éminemment féodal , et compris tel dans l’abolition du régime
» féodal ;
» Attendu que s i , comme le prétend le défendeur, à l’aide d’une tran» saction de 149- * postérieure à cette sentence arbitrale , le chapitre
» de Sainte-Ursanc a alors renoncé à tout droit de justice sur le ter» ritoire dans lequel est assise la terre sur laquelle est affectée cette
» redevance , il eu résulterait alors que le chapitre aurait u s u r p é ,
» en I 745 > ce droit de juridiction qui avait cessé de lui a p p a r t e n i r ,
» et se serait dès-lors arrogé un devoir féodal auquel il n 'a v a i t aucun
» droit, ce qui suffirait, d'après l'avis du conseil d ’état , approuvé le 28
» messidor an X I I I , et le décret impérial du 23 avril 1807 , pour faire
j» tomber cette redevance dans lit suppression de la jéod a lité;
» Attendu enfin , que de tout ce dessus , il suit que la redevance
�( T9 )
» emphytéotique, dont il s’agit, était, si non seigneuriale de sa nature,
» du moins mélangée de droits et devoirs féodaux , et comprise dans
» tous les cas , dans cette suppression ;
» Et que l’arrêt attaqué , en confirmant purement et simplement le
* jugement dont était appel, qui avait avait déclaré cette redevance pu» remerut foncière , et ordonné que le paiement en serait continué comme
» par le passé , a évidemment violé les lois , ainsi que le décret impe» rial et les avis du conseil d’état ci-dessus transcrits, c a s s e , etc.»
( Sirey , tome 9 - 1-387).
Le lendemain, 5 juillet 1809, un autre arrêt de la cour régulatrice
cassa celui de la cour d’appel de C olin ar, dans la cause du sieur T hevenol, contre le sieur Moniemdon , par les mêmes considérations et les
mêmes motifs , et surtout , parce qu’il résulte de la combinaison des
lois, décrets et avis du conseil d'c'tat, « que l’intention évidente du lé» gislateur est de frapper du même anathême et de soumettre à la
" suppression sans indemnité , non seulement les redevances emphy” téotiques perpétuelles , qualifiées seigneuriales , quoiqu’ elles ne pusM sent pas l’être, ainsi que celles auxquelles cette dénomination appar“ tenait réellement, mais encore celles déclarées foncières , mais à
* l’occasion desquelles ceux qui les avaient constituées s'étaient dits
* seigneurs , encore bien qu’ils ne le fussent p a s , et n’eussent sur les
» héritages grevés de ces redevances aucune seigneurie ; — qu’il suffit
» même pour cette suppression , que ces redevances , quoique foncières ,
» encore bien que celui qui les a constituées ne se fu t pas dit seigneur,
" fussent accompagnées et mélangées de charges féodales , parce que
" là où le titre n ’estpoint équivoque, il nest besoin d ’aucun examen ultérieur. »
Enfin, un arrêt de la cour suprême, du 18 juillet de la même année ,
déclara frappées de la suppression, les emphytéoses perpétuelles dans le
pays de Porentrui , établies avec stipulation seulement des droits de
consentement aux mutations par ventes, des droits de relief, et des peines
de commise. (Sirey, tome 9 - 1 - 3 9 3 ) .
La cour régulatrice persista dans cette jurisprudence qu’il est impos
sible de ne pas reconnaître comme fondée sur les principes qui ont
déterminé l’abolition du régime féodal et la suppression de tout ce qui
se rapportait à ce régime.
L e 17 juillet 1811 , elle eut de nouveau à résoudre la question dans
une espèce où l’ hospice de Drtle soutenait, que n’étant pas seigneur du
lorrain accensé, le census et le laudirnium stipules au titre primordial, n’a
�( 20 )
vaient rien de féodal ; que les redevances reclamces étaient de simples re
devances emphytéotiques. La cour de cassation, par son arrêt, proscrivit ce
système, et déclara de nouveau : « Q u ’il n’y a pas lieu d’examiner si les fonds
» sont réellement possédés à titre de seigneurie , et qu’il suffit, pour
» l’abolition des redevances , qu’elles soient entachées de féodalité par
» leur mélange avec des droits de lods et ventes , et autres droits sup» primés. » (Sirey, tome 1 1 - 1 - 3 7 7 . )
Nous pourrions citer un grand nombre d’autres arrêts interprétatifs
du sens des lois abolitives de la féodalité , notamment celui de la cour
de cassation du 2 mai 1808 , d’après lequel la clause de cens portant
lods, lo i, amendes , retenues et seigneurie , indique la rétention de la
seigneurie féodale. (Sirey, tome 8 - 1 - 3 12);
Celui de la cour d’appel de Besançon, xlu 29 avril 180g, portant
que la simple qualité de seigneur, prise dans le titre, frappe la rente
de suppression, sans indemnité. (Sirey, tome 9 - 2 - 2 1 2 ) ;
Celui de la cour de cassation, du 4 avril 1810, d’après lequel, la
redevance créée par un ci-devant seigneur sur des fonds dépendant de
sa seigneurie , à titre d’accensement , même sans réserve de directe , est
de plein droit récognitive de la directe féodale , et par conséquent sup
primée. (Sirey, tome io)-i-3o2) ;
L ’avis du conseil d’état du i 5 septembre 1810, approuvé le 2.3, qui
prononce l’annulation de toutes les soumissions ou obligations de payer
les capitaux ou les arrérages , souscrites par des emphytéoses , depuis
l’abolition du régime féodal ; et la rénonciation pour l’état au bénéfice des
jugemens passés en force de chose ju g é e , qui ont condamné des emphy
téoses à servir les rentes établies sur les héritages dont ils sont détenteurs.
¡Niais il faut se borner , cl nous avons d’ailleurs suffisamment cons
taté l’interprétation donnée par le gouvernement et par la cour de cas
sation aux lois abolitives de la féodalité;
Il nous reste à faire l’application de ces lois et de ces interpréta
tions législatives ou judiciaires au titre du 6 mars 1755, eu nous ré
servant de revenir sur les objections qui ont été faites ou qu’ on pourrait
faire, car nous n’ en voulons laisser aucune sans réponse.
§ 4.
Preuves de la féodalité de Facte du 6 mars 1755.
Qui contracte dans cet acte ? Quelle est la p e r s o n n e qui concède le
domaine de Laitière? C ’est le « très-haut et très-puissant seigneur, messire
�( 21 )
» Alexandre-Emmanucl de Cassa'nhes «le Beaufort , chevalier, marquis
»» de M iramon, seigneur de Peslels , Polminhac , M arions, Tcissicrcs1• les-Bouliès , le Chaumeil et St-Cirgues-de-Jordanne , Laroque, St» Clément, Brezons, Cezens, Monréal, Nerebrousse, Paulhac, Balsac,
" Saint-llcran , Cocudoux , Lasalle , Lacalsade , Selles , Bassinhac ,
” Lecayre , Loubejac , Lafagc , Mongranat; baron de Foullioles et de
” (ïiou ; conseigncur de Vie et Thiézac et autres ses places. » Certes,
v°ila des titres nobiliaires et féodaux que nous ne reprochons pas à
M. de Miramon, mais que nous devons faire remarquer dans l’intérêt
bien entendu de la cause.
L e concédant du domaine de Lollière était marquis de Miramon !
P r i qu’était-ce qu’un marquis, avant la révolution de 178g? C ’était
jadis , mais il y a du tems , un seigneur préposé à la garde des fron
tières de l’é ta t, qu’ on appelait marches. Plus tard , ce ne fut qu’un
titre de dignité donné à celui qui possédait une terre que le souverain
avait érigée en marquisat.
Dans l’ordre des dignités féodales et politiques , le titre de marquis
était pins considérable que celui de comte.
M. le marquis de Miramon était de plus seigneur de Pestels , P o l^ m lia c , etc. , et particulièrement de Laroque.
Q u’était-ce autrefois qu’un seigneur ?
Loyseau, Traité des seigneuries, chapitre xer, n° 2 4 , e t c ., enseigne
que seigneurie signifie puissance; il distingue la seigneurie privée, qu’il
°elinit puissance en propriété, de la seigneurie publique , qu’il définit
Puissance de domination.
La seigneurie privée ou la puissance en propriété serait donc \cdominium
directurn q u i , aux termes des lois romaines , est le droit du propric» taire , et le droit de directe retenu par le bailleur à emphytéose.
Mais assurément M. le marquis de Miramon , en se qualifiant de
Scigneur de Pestels , Polminhac , Laroque et autres vingt-une paroisses
011 localités, et conseigncur de V ie et Thiézac , n’entendait pas se dire
Propriétaire de tous les héritages situés à Peslels, Polminhac, Laroque,
101 Thiézac, e t c ., etc. L e titre de seigneur qu’il prenait dans l’aclc
e *7^5 , comme dans tous les actes par lui souscrits, n’avait donc
aucun rapport ¿1 la puissance en propriété dont parle Loyscau , ou bien
au dominium directurn des lois romaines ; il ne pouvait s’appliquer
(j u a la puissance de d o m in a tio n c’est-à-dire, à cette puissance féodale
écoulant naturellement alors de la qualité de marquis, de seigneur,
e monseigneur et de baron.
�( 22 )
Il faut donc reconnaître qu e, soit comme marquis, soit comme sei
gneur , M. de Miramon réunissait en sa personne toutes les qualités
nobiliaires et féodales qui désignent ou un seigneur de f i e f , ou un
seigneur censitaire ; e t , nous nous empressons de le d ir e , cette der
nière dénomination serait trop modeste.
Maintenant que ces qualités sont établies, rappelons l’arrêt déjà cité
de la cour de Besançon , du 29 avril 1809 , qui déclare supprimée la
rente ou redevance , par cela seul que le bailleur avait pris dans le
titre la simple qualité de seigneur.
Rappelons encore un arrêt de la cour de cassation , du 4 novembre
18 18 , qui déclare abolie toute rente censuelle établie par une personne
qui prend le titre de seigneur, encore qu’ elle ne le fût pas. (S ir e y ,
tome 19— 1 — 37).
D e là résulte qu’alors même que M . de Miramon aurait pris une
qualité qui ne lui appartenait pas , ce que nous sommes loin d’ad
mettre, la redevance qu’il réclame des sieurs Baduel, ne serait pas moins
une redevance supprimée sans indemnité.
Ainsi les lois suppressives de la féodalité frappent déjà le titre de 175.),
par les qualifications seules que M. de Miramon a prises dans cet acte.
Poursuivons.
M . le marquis de Miramon donne à nouveau bail emphytéotique, nou
veau cens et nouvelle investison, son domaine appelé de L ollière, « dé» pendant de sa terre et seigneurie de Laroque-» , com p osé, etc.
M . de Miramon s’ était déjà qualifié de seigneur de Laroque T et main
tenant il désigne le domaine de Lollière comme dépendant de sa terre
et seigneurie de Laroque, ce qui veut dire certainement que ce domaine
était un démembrement de son fief de Laroque. Dans tous les cas, ce
domaine de Lollière est suffisamment désigné comme une dépendance
de la seigneurie de M . de Miramon, et c’en est assez pour caractériser
l’origine féodale de ce b i e n , et amener l’application des lois abolitives
de la féodalité.
Après avoir spécifié et détaillé la redevance payable à M. le marquis
de Miramon , l’acte ajoute : « L e tout censuel et redditucl, avec tout
» droit de directe et justice haute, moyenne et basse, usage et exercice
« d’icelle , m ère, mixte, impère , droit de rétention par prèlation , lods
» et ventes, et tailles aux quatre cas accoutumés au présent pays d Au»> vergne , et autres droits et devoirs seigneuriaux dûs et accoutumés ,
» et contenus aux terriers anciens dudit seigneur de sa seigneurie de La» roque, cto. »
�( 23 )
P ar conséquent, la redevance imposée par M . le marquis de Miramon,
est pas seulement censuelle et reddituelle , elle est faite,
i° Sous la reserve de la directe, ce qui concerne évidemment, d’après
les explications que nous avons données sur la qualification de seigneur,
la directe seigneuriale, et non le dominium directurn des lois romaines ,
011 le droit que tout propriétaire d’héritages peut encore se réserver
en donnant ces héritages à bail emphytéotique à tems. E t la preuve qu'il
11 est pas possible de comprendre autrement cette réserve de la directe,
résulte des expressions qui suivent immédiatement ce mot de directe.
2° Sous la réserve du droit de justice haute, moyenne et basse, etc.
Nous n’avons pas besoin d’examiner ici en quoi consistait la haute,
Moyenne ou basse justice. On peut consulter à ce sujet C h ab rol, Cou
tume d ’Auvergne, en tète du chapitre 2. Il nous suffit de dire q u e ,
Quoique le droit de justice n’implique pas nécessairement l’ existence
d u n fief, parce que la justice et le fief peuvent se trouver en des
Plains différentes, la présom ption, d’après le droit com m u n, était en
faveur du seigneur hau t-justicier, Y 0 C habrol, loco citato, tome i ,
PaSe 3g. Il est vrai que dans les pays allodiaux on ne reconnaissait
nul seigneur sans tilre , et que celte maxime s’appliquait au seigneur
iaut-justicier, comme à tout autre. Mais ici , nous avons , dans le
nieme tilre , la preuve de la seigneurie du fief, et du droit de justice
dans la personne de M . le marquis de Miramon. T o u t se trouve réuni
Sllr la même t ê t e , et caractérise de la manière la plus formelle les
droits féod aux de celui qui se réserve en même tems la directe, et les
droits de justice haute, moyenne et basse. L e droit de rendre la justice
, en e ffe t, une émanation de la souveraineté , de la puissance pu1(llle , et le seigneur qui possédait ce droit et se le réservait dans un
a c le , n’agissait plus comme un simple propriétaire , mais bien comme
Un seigneur usant de sa puissance féodale.
3° Sous la réserve du droit de rétention par prelation.
Çe droit de prèlation, c’esl-à-dire de retraire le domaine en cas d’alienation par le concessionnaire, est commun au bail à cens et à l’emphy*éose; c est une conséquence de la directité que le seigneur s’est réservée.
4“ Sous la réserve des lods et ventes.
Ajoutons ici q u e , dans la suite de l’acte de 17^5, le sieur Pierre
uel » concessionnaire du domaine de Lollière, « promet de ne le
vendre, ni aliéner à personnes de droit prohibées, ni y mettre cens
sur c e n s n i autre pension annuelle, sans le s c û , vouloir et consen-
�( 24 )
» tement dudîl seigneur (M. de Miramon) et de ses successeurs ; et
» d’icelui domaine fournir nouvelle reconnaissance à toute mutation de
» seigneur ou de paysan, toutes et quantes fois il en sera requis. »
O r , celte défense d’aliéner sans la permission du seigneur, est une
précaution prise pour assurer le paiement des droits de lods et ventes,
droits reconnus fé o d a u x, et comme tels abolis par les d écrets, avis
du conseil d’état et arrêts que nous avons précédemment rappelés. La
réserve des lods et ventes est donc une nouvelle circonstance carac
téristique de la féodalité dont l’acte de 17^5 se trouve entaché.
Quant à l’obligation de fournir une nouvelle reconnaissance à toute
mutation de seigneur ou de paysan, c’est-à-dire, chaque fois que lar
directe seigneurie changerait de main par décès ou autrement, et chaque
fois que le domaine de Lollierc passerait sur la tête d’un autre paysan,
c’ est une condition particulière et spéciale au bail à cens, aux actes
constitutifs d’une censive et de droits seigneuriaux.
5° Sous réserve des tailles aux quatre cas accoutumés au présent pays
d’ Auvergne.
Argon et ses annotateurs, liv. 2 , chap. 4 i titre des ccnsivcs cl droits
seigneuriaux, nous font connaître ce que c’ est que la taille aux quatre
c a s, redevance féodale, s’il en fut jamais. C ’est le double des devoirs
que le sujet doit ordinairement, et qu’il paie au seigneur.
i° Quand il est fait chevalier;
2° Quand il marie noblement sa fille aînée ;
3 ° Quand il est prisonnier de gu e rre , pour payer sa rançon ;
4e Quand il part pour une expédition en terre sainte , ou pour la
visite des saints lieux.
L a Coutume d’ Auvergne, chapitre 2 5 , intitule des tailles, gaits et
AUTRES
SERVITUDES,
p o r t e .’
Art. i cr. « Le seigneur haut-justicier a droit el faculté de tailler 5« hommes
» reseans et sujets en sa haute justice, cl pour raison d’icellec/z quatre cas»
» Art. 2. C ’est à sa vo ir, quand il se fait chevalier ; quand il va en
» voyage o u tre -m e r visiter la terre sainte; quand il est prisonnier
» des ennemis , et quand il marie scs filles en premières nopces. (**)
( ') L a ta ille a u x quatre c a t, telle que l’imposait le seigneur de Laroque, n'était pas aussi douce
que celle de la coutume. Nous voyous dans une reconnaissance du \ï juin KiS4, imprimée dans le
Mémoire contre les héritiers A uzoi.lk, qua le seigneur stipule en ces termes : « K l davantalge , de payer
» le double cens dudit argent <v. quatre cas en suivant; sçavoir: pour la iriuvelle chevalerie dudit seigneur
» de Laroque, pour le mariage de scs lils, lilles, frères, sniirs, nepveus et niepees, ou pour les mettre en
» religion ; pour le fait de la guerre ou arriére-han que ledit seigneur sera mande par le r o i, notre »il« r
» pour retirer ledit seigneur de prison, étant faict prisonnier en faict de guerre ; etc. »
�( 25 )
On voit que la coutume attribue la taille aux quatre cas à tous les
seigneurs liauts-justiciers , et que ¡NI. de Miramon l’impose, à ce titre ,
au concessionnaire du domaine de Lollière. Est-ce là , nous le deman
dons , une rente, une prestation purement foncière? N ’cst-ce p a s , au
contraire, comme l’indique la rubrique du chapitre 25 de la C ou tu m e,
une servitude, une de ces obligations inutiles à qualifier, auxquelles la
féodalité' avait soumis les personnes et les choses ? Peut-on d o u te r,
après une telle condition, que l’acte de 1745 dont on demande l’exé
cution , soit un titre mélange de féodalité et par conséquent atteint
par la loi du 17 juillet 179'^ ? Si l’on en doutait, il suffirait de lire
ce que dit à ce sujet D u n od , traité des prescriptions, partie 3 , cha
pitre n : « L ’origine des tailles, dit-il, est plus incertaine. On peut
” cependant l’attribuer à la promesse qu'on fa isa it ja ire aux esclaves,
* qu’ils feraient des dons à leurs maîtres, particulièrement dans le cas
” de mariage de leurs filles, lorsqu’ils seraient affranchis. Les seigneurs,
n ont étendu ce droit à d’autres cas extraordinaires , auxquels ils étaient
” constitués en dépense ; surtout pour une cause p u b liq u e , comme
” pour rançon , nouvelle chevalerie et voyage d’outre-mer ; lesquels
” joints au mariage d’une fille du seigneur , font les quatre cas auxquels
" les tailles sont dues aux liauts-justiciers par leurs sujets dans cette
” province. »
6° Enfin , M. le marquis de Miramon se réserve les autres droits et
devoirs seigneuriaux dus et accoutumés, et contenus aux terriers anciens
dudit seigneur de la seigneurie de Laroçuc.
Il serait important de consulter ces anciens terriers de la seigneurie
de Laroque , puisqu’ils énoncent la nature des droits et devoirs dûs
et accoutumés, dont M. le marquis de Miramon se fait la réserve. A
défaut de ces pièces importantes , nous ferons observer que la réserve
a pour o b je t , non-seulement les droits, niais encore les devoirs sei
gneuriaux. Si l’on pouvait contester sur cette expression droits seigneuriaux, bien qu’ elle caractérise assez nettement la nature féodale des
droits réservés , au moins ne peut-on pas raisonnablement élever des
difficultés en ce qui concerne les devoirs seigneuriaux réservés. Les de
voirs ne sont ni un cens , ni une rente , lorsque surtout ils sont ex
primés par opposition aux droits. Les devoirs s’ entendent alors de quelque
chose de personnel, tel que la foi et, hommage , quand ils concernent
seigneur, ou la corvée et autre servitude personnelle, quand ils re
gardent le paysan. En se réservant donc les devoirs seigneuriaux, M. le
4
�( 26 )
marquis de Miramon avait imposé au concessionnaire du domaine de
Lollière et à ses héritiers et a ya n t-ca u se , des obligations féodales,
tenant uniquement à la féodalité , et qui doivent disparaître avec elle
et avec tout ce qu’elle a touché et vicié.
Nous avons d i t , au n° 4 ci-dessus, que le sieur Pierre B a d u e l,
en acceptant la concession de INI. le marquis de M iram on, avait promis
de ne mettre cens sur cens sur le domaine de Lollière, ni autre pen
sion annuelle, sans le consentement du seigneur. Cette prohibition
tient encore à la nature du contrat de bail à cens, et non à celle
du bail emphytéotique, ce qui confirme de plus en plus notre allé
ga tio n , que l’acte du 6 mars 1755 n’est pas une emphyléose.
P o u r démontrer le contraire, M me de Châtillon , dans le Mémoire
qu elle a publié , prétend que cet acte renferme même un véritable
bail emphytéotique à tems. On sent bien l’intérêt qu’aurait la deman
deresse à prouver qu’ effectivement l’acte de 1755 n’est autre chose
qu’ une emphyléose temporaire, puis qu’alors elle ne serait point frap
pée par les lois abolitives de la féodalité, l’ einphytéose à tems n’étant
considérée que comme une espèce de louage par plusieurs arrêts ,
notamment l’un de la cour royale de R o u e n , du 1 " août 1811. (Sirey,
tome 1 2 - 2 - 7 6 . ) Mais les principes de la matière et la simple lecture
de l’acle ne permettent pas de faire celle erreur.
En principes, l’emphyléose est censée faite à perpétuité , si , par une
clause expresse, elle n’est stipulée temporaire, c’ est ce qu’atteste le
Rcpertoire universel, V° emphyléose , § 1“ . A i n s i , quand même il 11c
serait rien dit dans l’acte de 1755 sur la durée de la concession, elle
serait réputée perpétuelle.
Mais il s’en faut bien que cet acte soit muet à cet égard. Il est
formellement exprimé que la concession est faite pour et moyennant le
cens et rente annuels et perpeluels , seigneuriaux et uniformes d e , etc.
Plu s loin , il est ajouté que le sieur Baduel a promis et s’est obligé
de payer les susdits cens et rente de même que toutes les autres char
ges ci-dessus spécifiées annuellement en leur tems et saison a ri;ni>KTurrE
audit seigneur marquis de Miramon et aux siens.
V ainem ent, dit-on, dans le Mémoire publié que c e s mots : Perpétuels
et Perpétuité ne concernent que le service et le paiement des presta
tions , sans se rapporter à la durée de la concession. Nous répondons
que celte distinction est plifs subtile que solide ; que la perpétuité con
sentie pour le paiement des prestations est nécessairement corrélative à
�( 27 )
la perpétuité de la dure'e de la concession ; que l’une ne peut exister sans
I autre , et qu’il serait dérisoire de prétendre avoir assujetti le sieur
Baduel à servir perpétuellement une rente , tandis qu’il ne pourrait
jouir que temporairement du domaine productif de la rente.
A in s i, l’acte du 6 mars 1755 est un acte où la féodalité sue par
tous les pores , si l’on peut s’exprimer ainsi ; c’ est une concession à
perpétuité faite sous des Conditions que les lois , les décrets , les avis
du conseil d’état et les arrêts frappent de suppression sans nul doute.
II faudrait une préoccupation bien singulière pour rester dans l’indécision à cet égard, après avoir lu l’acte , et parcouru la législation de la
Matière ; il nous reste cependant une réponse à faire à l’objection ti
rée de Yallodialité de la ci-devant Auvergne , objection d’avance refutée
parce que nous avons déjà dit , sur laquelle néanmoins il est à pro
pos de revenir pour completter la défense des héritiers Baduel.
§ 5objection tirée de ce que la ci-devant Auvergne était un pays allodial
ri a aucune jorce ni application dans la cause actuelle.
Obligés de traiter une matière aujourd'hui peu connue , et dont un
deuii-siècle d'affranchissement nous a heureusement débarrassés, on nous
pardonnera de donner quelques définitions inutiles sans doute aux an
ciens jurisconsultes, nos maîtres; mais qui faciliteront à beaucoup d’au
tres l’intelligence d’une discussion étrange aujourd’hui , quoique elle
devienne nécessaire dans la cause des héritiers Baduel.
O11 appelait pays dallodialité, ceux où les héritages fonciers étaient
tenus en jranc-alleu.
L e mot alleu avait originairement la même signification que celui d'im nuiuble , d ’heritage. Le terme de franc fut ajouté, dans la suite, pour
désigner l ’alleu ou l’héritage entièrement libre.
Ainsi , le Jranc-alleu était une propriété foncière entièrement lib r e ,
rçui ne reconnaissait aucun seigneur, et, par conséquent, exempte de
lous droits seigneuriaux.
l)ire comment il y avait en F ra n c e , dans le pays des F rancs, des
héritages libres el d’autres qui ne l’étaient pas , serait fort long et fort
uficile, car les auteurs Montesquieu, Mably, Boulainvillers et beau
coup d’autres , ne sont point d’accord. L ’opinion le plus généralement
admise , fait remonter à l’époque de la conquête la division et la dis
�( 28 )
tinction des biens en francs-alleux et en biens soumis aux droits et
devoirs seigneuriaux. Il serait plus curieux qu’utile de rechercher les
causes de cette division.
Ce qu’il importe de bien prc'ciser, c’est que , d’après Argou, desfiefs,
chapitre 3 , et tous les auteurs qui ont écrit sur les matières féoda
les le jrapc- alleu n’est autre chose qu’un héritage qui ne dépend d’au
cun seigneur, ni en fief ni en censive , qui ne doit ni foi et hom
mage , ni autres devoirs seigneuriaux.
D ’après l’article 68 de la Coutume de P aris, et les dispositions d’un
grand nombre d’autres coutumes , e t , en cela , tous les auteurs sont
d’un avis conforme , il y avait deux sortes de franc-alleu , le noble et
le roturier. L e franc-alleu noble était celui qui avait ju stic e , cen sive,
ou fief mouvant de lui. L e franc-alleu roturier était celui qui n’avait
ni ju s tic e , ni aucune mouvance.
Quand nous disons que le franc-alleu était un héritage indépendant,
ne devant ni f o i , ni hommage ou autres droits seigneuriaux , nous ne
voulons pas dire qu’il y avait en France des héritages possédés à titre
de souveraineté, car les francs-alleux étaient comme les autres héri
tages , sous l’ empire de la souveraineté royale , surtout en ce qui con
cernait la justice, les seigneurs hauts-justiciers, comme on les appelait
alors, étant obligés de reconnaître que leur justice était une éma
nation de la puissance royale ou souveraine.
Cela p o s é , et pour rentrer dans la cause voici comment on a cher»
ché à éluder les dispositions des lois abolitives de la féodalité , à l’ égard
des rentes et redevances assises sur des héritages situés en pays allo
d ia l, c’ est-à-dire , tenus en franc-allcu.
L ’art. i cr de la loi du 17 juillet 1793, a-t-tin d it, ne supprime que
les redevances seigneuriales , et l’art. 2 maintient les rentes et prestatalions purement foncières. O r , dans le pays d’allodialité , où les
héritages étaient francs et lib re s, toutes les redevances étaient de leur
nature purement foncières , et par conséquent maintenues par la loi
même du 17 juillet 1793; et quelques arrêts avaient admis ce système
qui tendait à sauver les débris du naufrage léodal. Nous avons même
déjà vu le décret impérial du 2«1) nivôse an XIII , adopter celte idée.
Continuant le raisonnement, 011 a d it: L e t i t r e 3 i de la Coutume
d’Auvergne, et Chabrol, son savant c o m m e n t a t e u r , établissent 1allodialitc du haut et bas-pays d’Auvergne. Le c o m m e n t a t e u r ajoute même
que ce titre 3 i de la Coutume , a etc reçu en entier par les habitons du
�( 29 )
droit écrit d'Auvergne. D o n c , les rentes et redevances pcrar concession
de fonds dues par des héritages situés en Auvergne, ne peuvent être
entâchées d’une féodalité impossible, puisqu’elle est repoussée par la
Coutume ; et dès-lors , les rentes censuelles ou emphytéotiques n’y ont
pas été supprimées sans indemnité par les lois de 1792 et I 7 g 3 , qui
n ont frappé que les rentes féodales.
Ce système , qui n’est pas nouveau, car nous l’avons déjà vu se for
muler , sert de base à la consultation et aux Mémoires de M mc de
Chûtillon. L a consultation et le Mémoire s’efforcent de le rajeunir au
moyen de quelques arrêts mal compris , qu’il suffira d’expliquer pour
dissiper de trompeuses illusions.
Quand nous admettrions, avec Chabrol, que le titre 3 i de la Cou
tume était reçu en pays de droit écrit d’Auvergne , ce qui serait dou
teux pour le Carladès , d’après le procès-verbal, il 11’cn résulterait point
Que tous les héritages étaient nécessairement allodiaux. Chabrol luimême a soin de nous prémunir contre cette idée, en convenant, tome 2,
page 677 , que « s’il y a un bail à cens , ou une reconnaissance qui
” )' équipolle , la présomption d ’allodialité est totalement détruite quant
” a l’héritage qui y est compris. » Cela devait être, en eifet, à moins
de prétendre , malgré l’évidence , que tous les biens étaient roturiers
dans le haut et bas-pays d’Auvergne.
« D e cela seul qu’un pays était allodial, dit M . Dalloz aîné, \ ° féo * dalité , chap. 2 , scct. i re, n° 8, il ne s’ ensuit pas que toutes les Te" devances qui y étaient créées n’ étaient point féodales ; elles avaient
” ce caractère lorsque la redevance était féodale par sa nature ou sa
" qualification ; » et il cite , pour confirmer cette règle , l’arrêt de la
cour de cassation du 27 février 1809 , qui décide que , dans le pays
de Jranc-alleu , il ne résulte autre chose si non , que sous le ressort
des coutumes les plus allodiales, il n’y avait pas de seigneur sans titre.
Dalloz aurait pu citer, à ce sujet , un grand nombre d’autres dé
cisions semblables.
Effectivement , l’arrêt de la cour de cassation , du 23 vendémiaire
an X I I I , rapporté par M me de Cliàtillon sous le n° 5 , des pièces justi
ficatives annexées à la consultation , décide de la même manière en
Ce qui regarde précisément la Coutume d’Auvergne. Il rejette le pourvoi
contre un arrêt de Iliom , parce que « toutes les redevances dues sur
" les biens situés dans le ressort de cette coutume, soumise n la maxime,
” nul seigneur sans titre, étaient de leur nature réputées purement fon-
�( 3o )
» cières , à moins que le contraire ne f û t positivement stipulé par acte
» valable. » (S ir e y , tome 5— i — 5 7 .)
Plus re'cemment, et le 25 mai 1824, la cour régulatrice, en recon
naissant qu’aux termes du droit romain, les droits de cens, commise ,
etc. , pouvaient être imposés aux preneurs des baux emphytéotiques
proprement dits, sans avoir un caractère fc’odal dans un pays d’allodialilé,
ajoute : Pourvu que les circonstances particulières de la transaction n ’clablissent d'ailleurs sa nature féodale , ou mélangée de féodalité. ( Sirey ,•
tome 25— 1— 219). E t il est à remarquer que, dans l’espèce jugée, le
bailleur n’était point seigneur du territoire, et qu’il ne s’était pas at
tribué cette qualité dans l’acte constitutif de la redevance.
C ’est donc le'titre qu’il faut consulter et non la coutume ; c’est dans
le titre qu’il faut chercher les preuves de la féodalité, parce que s’il
est vrai que , sous les coutumes allodiales , la maxime nul seigneur sans
titre, est le droit commun , le titre forme le droit exceptionnel, et
qu’avec ce titre , s’il renferme des signes de féodalité , les héritages
cessent d’être régis par le principe de l’allodialitc'.
L ’arrêt de la cour de cassation, du 27 février 1809, que nous venons
de citer , consacre cette doctrine , et ajoute , en parlant des titres,
que « l’esprit général de la législation relative à la suppression des droits
» féodeanx, est d’en détruire toutes les traces, même dans ce qui n ’ayant
» pas pour base le pouvoir fé o d a l, en réveillerait cependant (idée par des
» stipulations qui en supposent l'existence, et qui ne pouvaient légalement
» émaner que de lui; que c’ est aussi dans ce sens que s’expliquent et
» l’avis du conseil d’é ta t , du i 3 messidor an X I I I , et le décret im» périal , du 3 avril 1807. » ( S ir e y , tome y — 1— 242.)
Une rente était qualifiée dans le titre, de cens annuel et perpétuel,
nature d ’ernphytéose, portant lods et ventes, retenue, rem uage, et tous
autres droits censaux et seigneuriaux. Il s’agissait de biens concédés
dans un pays d’allodialité. Par arrêt du 3o mai 1809 , la cour de cas
sation déclftre cette rente féodale et supprim ée, « attendu que la qua» lilication de la rente dont il s’agit, et les droits qui y sont inliérens ,
v dispensent d’examiner le point de f a it , si le bailleur originaire des
» fonds qui y sont affectés, en était le seigneur, ou s’il les possédait
» allodialcment ou en simple censive, puisqu’il résulte de la qualification
» et des droits attachés à la rente, qu’il s’était réservé une directe sur
» les fonds par lui concédés ; — qu’ il suffit que les droits de lods et
» v e n te s, et autres que le bailleur a établis ou <iu il s est fait recon-
�( 3i )
» naître , soient contraires à la liberté et aux avantages de Vallodialitê,
“ et «le la franchise que les lois précitées ont eu pour objet ; que les
» droits réservés par le propriétaire de la rente soient les mêmes , et
J> qu'ils produisent les mêmes effets que les droits féodaux qui ont été
® abolis , pour que les principes qui ont déterminé cette abolition,
’> soient applicables à ladite rente.» ( Sirey , tome 10— i — 2ÜG. )
Ces arrêts et bien d’autres que nous pourrions citer, sont conformes
au* principes des lois abolitives de la féodalité, tels que les lo is, les
décrets , les avis du conseil d’état et les diverses autorités que nous
avons rappelés au § 3 , ci-dessus , les ont établis. Il en résulte que
le titre et les stipulations qu’il renferme sont seuls à considérer , même
dans les pays allodiaux , pour décider si les redevances sont ou non
féodales. Le territoire disparait dans cette appréciation où il ne s’aque de vérifier le titre ; et c’est pour n’avoir pas bien réfléchi sur
cette doctrine de la jurisprudence que beaucoup de personnes se sont
hissées induire en erreur sur son véritable esprit.
oppose cependant deux arrêts qui semblent à des yeux prévenus,
contraires à la doctrine que nous venons d’ établir; examinons.
Par arrêt du i 5 février i 83o , la cour royale de Rioin avait déclare
Cnlaché de féodalité et frappe de suppression le bail à cens d’une
Raison située dans la coutume allodiale d’Auvergne, bien que le bailleur
n ait point pris dans l’acte la qualité de seigneur ; mais il s’était réservé
h directe seigneuriale. L a cour régulatrice a casse' cet arrêt, le 3 i dé
cembre i 833 , « attendu que la maison baillée à rente , élait tenue en
" franc-alleu roturier ; que par une conséquence nécessaire, le 'bail—
leur ne pouvait conférer à cet héritage une qualité féodale , ni se
conférer à lui-même la qualité de seigneur, que la directe seigneurie
* dont parle la Coutume d’Auvergne , ne peut s’entendre que du dotni” fuurn dirccturn, tel qu’on l’induit des lois romaines , et qui ne tient
a rien à la féodalité ; — attendu , dans l’espcce que le bailleur non
* seulement n’était pas seigneur , mais qu’il ne s'est pas donne cette qua“ Me ", e tc ., (Sirey, tome 34— i — 171.)
Il nous parait difficile de voir dans cet arrêt une contradiction avec
teux précédemment rendus par la même cour ; nous y trouvons , nous ,
au contraire , une confirmation des arrêts antérieurs. La cour régula
trice commence par rendre hommage au principe «le l’allodialité , et
a la maxime nul seigneur sans titre; p u is , examinant le litre, elle voit
1 U il s’agit d’un iranc-allcu roturier, que le bailleur n'avait pas la puis
�( 32 }
sance d'ennoblir, et qui mime n’avait pas eu cette prétention puis
qu’il ne s’était pas qualifié seigneur. Dans celte circonstance, il eût été
bien rigoureux de voir dans le titre des signes de féodalité, et de ne
pas reconnaître dans la directe seigneuriale reservée , cette seigneurie
privée , ou puissance en propriété , dont parle L o y se a u , Traité des sei
gneuries , c’est-à-dire , le simple dorninium directurn des lois romaines.
Cet arrêt est donc en harmonie avec la jurisprudence, et si parfaite
ment d’accord avec elle , que la cour de cassation a soin de faire re
m arquer, dans un considérant particulier , que non seulement le bailleur
n’ était pas seigneur, mais qu’il ne s’est pas donné cette qualité, motif
qui laisse supposer que , s’il en eût élé autrement, s i , dans le titre ,
le bailleur s’ était arrogé la qualité de seigneur, la décision aurait pu
être différente.
Un autre arrêt de la cour de cassation, du 3 juin i 835 , le dernier
sur cette matière qui soit rapporté par les arrêtistes, est relatif à un
droit de percière ou charnpart , établi pareillement dans la Coutume
d’ Auvergne. En rejettant le pourvoi contre un arrêt de lliom , la cour
reconnaît que la percière n’emporte pas la directe seigneurie , et elle
ajoute :
« Attendu que l’Auvergne était un pays allodial, régi par la maxime ;
» nul seigneur sans titre, et où fief et justice n’avaient rien de commun ,
» où , par conséquent , le droit de guet , l’obligation de se présenter aux
» assises , se référaient à la justice , étaient dûs au seigneur liaut» justicier, rationc superioritatis, sans avoir rien de féodal; — attendu
» que les titres des percières dont il s’a g it , ne sont ni féodaux , ni
» mélangés de féodalité. » (Sirey, tome 35— i — 3 a 4 .)
Il y a dans les motifs de cet arrêt , une distinction entre le f i e f et
la ju stice, qui s’accorde peu avec ce que dit M. Dalloz aîné, V° féodalité r
sect. i rc, ait. i cr, que, « lorsqu’il s’agit de décider si un cens est sei» neurial ou ne forme qu’une simple rente foncière , la haute justice
» résout la queslion : le cens dû au seigneur haut-justicier est, par
» cela seul , réputé seigneurial. »11 y a peut-être aussi d é s a c c o r d avec
les avis du conseil d’état et les décrets que nous avons précédemment
cités. Mais enfin , il n’y a pas contradiction avec la règle posée dans
tous les arrêts , que pour les pays allodiaux il faut s’en référer au titre
et savoir s’ il est féodal ou s’il ne l’est point.
Esl-il bien vrai d’ailleurs que fie f et justice n’ont rien de commun
daus les pays allodiaux ; cl doit-on entendre cette proposition en cc
�( 33 )
se n s , que la haute justice exclut dans ces pays la présomption de
féodalité , malgré les titres ? Ce serait, nous le cro yon s, pousser trop
loin les conséquences du principe que fief et justice n’ont rien de
commun. Si l’un peut être séparé de l’autre et n’en dérive pas né
cessairement , les coutumes et les auteurs nous apprennent pourtant
que fief et justice peuvent se trouver réunis dans la même main. Bacq u e t , Des droits de ju stice, chapitre 6 , après avoir établi , au n° 4 i
que fief et justice n’ont rien de commun , que le fief peut appartenir
à l’un et la justice à un autre , les suppose réunis dans la même
personne lorsqu’il dit : « Quand le vassal baille à son seigneur do* minant l’aveu et dénombrement de son fief, il fait mention expresse
" qu'audit j i e f il a justice haute, moyenne et b a sse, ou bien haute
” justice seulement, ou bien moyenne el basse justice tout seulement. »
D u n o d , Traité des prescriptions, chapitre 8 , s’exprime ainsi : « Les
" justices ayant donc été usurpées par les possesseurs des fiefs et à
" l’occasion des fiefs , elles y furent communément unies , et en firent
M la partie la plus noble. Ce ne fut néanmoins que par accident; car
“ la justice en elle-même est différente du fief, comme l’autorité pu” blique diffère de la propriété , et le droit du souverain de celui du
" particulier ; en sorte que l’un n’emporte point l’autre. Ainsi l’on peut
” avoir la justice sans aucune directe dans un territoire , et toute la
" directe du territoire sans la justice. C ’est pourquoi les auteurs disent
” que fief et justice n’ ont rien de commun , l’un n’attirant pas néces” saireinent l’autre , quoiqu’ils soient ordinairement unis. » E l c’est ce
que démontre dans la cause actuelle, le titre du 6 mars i j 55 , où M. le
Marquis de Miramon stipule tout à la fois , comme seigneur du terri
toire et comme haut-justicier.
L arrêt que nous examinons , attribue au seigneur haut-justicier et
non au seigneur féodal, le droit de guet; el la consultation de M me de
Chalillon invoque la pratique de ÎNIasuer et C h a b r o l, pour démontrer
que ce droit n’avait rien de féodal.
Cependant, l'article i o , titre 2 de la loi générale du i 5— 28 mars 1790,
concernant les droits féodaux supprimés sans indemnité , abolit formel
lement les droits de guet et de garde, comme droits féodaux. De
Plus , soit Mazncr , soit Chabrol , et tous les auteurs , établissent
que le droit de guet étail une servitude personnelle à laquelle le sei
gneur avait droit de contraindre ; c’é ta il, comme Bœrius le décide ,
dccisio 212, nos 8 cl 21 , des corvées dues pour les réparations du clià' 5
�( 34 )
leau. II les considère , dit C h a b r o l, tome 3 , page 4^0 , comme faisant
partie du château même , sunt partes castri. Ce droit de guet fut fixe
à cinq sous par a n , par l’ordonnance de Louis X I , de 147f) ? et ^
se payait sur ce taux en Auvergne. Despcisses , tome 3 , page 2 1 6 ,
n° 5 , cite un arrêt du parlement de Paris , du 22 avril i 5 i 8 , por
tant que ce droit était du , même après que le château était démoli.
On peut donc être surpris que l’arrêt de la cour de cassation , en
distinguant le fief et la justice , ait attribué le droit de guet à cette
dernière, et surtout qu’il ne l’ait pas considéré, de même que la loi
du i 5— 28 mars 1790 , comme un droit éminemment féodal et supprimé.
D ’ailleurs, peut-on sérieusement prétendre que le droit de guet n’avait
rien de féodal , parce qu’il se référait à la justice , étant dû au sei
gneur haut-justicier rationc superioritatis? ce serait contredire l’histoire
de l’établissement des justices seigneuriales ; ce serait oublier q u e ,
dans l’origine, les possesseurs de fiefs étaient guerriers et juges en
même tems ; que leur justice et leur fief étaient révocables, et devin
rent permanens , héréditaires et patrimoniaux par suite de l’usurpation
des seigneurs sur la puissance souveraine. L a taille aux quatre cas
était aussi attribuée, comme le droit de g u e t , aux seigneurs haulsjusticiers par le titre 25 de la Coutume d’Auvergne; serait-il raison
nable de soutenir que c ’est pour la justice et rationc superioritatis, que
les vassaux étaient obligés de payer quand le seigneur haut-justicier
était fait chevalier, quand il mariait ses lilles , quand il était prison
nier de g u e rre , quand il lui prenait fajitaisie de faire un voyage en
terre sainte ?
Quoiqu’il en soit, il ne résulte pas de cet arrêt que la haute jus
tice et le fief soient incompatibles , et que la justice , excluant l’idée
de la féodalité, il n’y ait plus lieu d ’examiner les litres pour savoir
s’ils ne contiennent rien de féodal. La cour de cassation qui a pu
se tromper dans l’un de scs m otifs, ajoute celui-ci ; « Attendu que
» les titres des pcrcières dont il s’a g it , ne sont ni féodaux , ni mi:» langés de féodalité , » et prouve par là-même qu’il faut toujours
recourir au titre.
L e titre sur lequel la cour a prononcé était constitutif d’un droit
de percière, portion de fruits qui se prélevait sur la terre m ê m e ,
comme l’atteste C h a b r o l, tome 3 , page ¿3. C ’est donc d une part de
récolte qu’il s'agissait, d’ une espèce de dîme foncière, et non d’ un
bail à cens , ou emphytéotique. La cour de lViom , et la cour de cas
�(35)
sation après elle , ont bien pu ne pas reconnaître ni caractère de féo
dalité',, ni mélange de féodalité dans une concession de terrain sous
réserve d’une part aux fruits.
Cet arrêt ne peut donc faire naître l’idée d’un changement de juris
prudence. Il suffit, pour se convaincre du contraire, de bien se pé
nétrer des circonstances sur lesquelles la cour régulatrice a eu à pro
noncer , et des motifs de sa décision.
Quant à la cour royale de Riom , elle vient de prouver par un arrêt
récent, que sa jurisprudence n’a point varié. Par acte du 3 octobre i y i o ,
ta veuve du marquis de Chavagnac, tutrice de son fils m ineur, dé
laisse à titre de rente annuelle foncière et non rachetable , à Pierre
Baratier , un champ situé au M e y n ie l, paroisse de L u g a r d e , mouvant
en roture de la terre de Lugarde , aux cens anciens el accoutumés, et
Moyennant 60 francs de rente. L e 21 mai 1776, Pierre Tournadrc fut
subrogé aux droits de Pierre Baratier, et le 24 fructidor an X , il
approuva et ratifia le contrat de rente annuelle de 60 francs du 3 oc
tobre 1 y5o. Cette rente fut postérieurement transmise aux pauvres de
Lugarde. L e maire de la commune , dans l’intérêt des pauvres , assigna
]cs héritiers Tournadrc devant le tribunal civil de M urât, en paiement
de cette rente; el le 27 novembre 1833 , jugement qui déclare l’acte
du 3 octobre 1750 et celui du 24 fructidor an X , nuls et de nul effet,
et le maire mal fondé dans ses demandes ;
« Attendu que la loi du 17 juillet I7g3 a supprimé non-seulement
M les cens seigneuriaux et les redevances qualifiées seigneuriales, mais
" encore les rentes foncières crcces simultanément avec ces redevances,
" avec ces cens ; que la convention nationale a interprêté dans ce sens
” la loi du 17 juillet 1793, par deux décrets, le premier, du 2 no” vembre i 7[)3 ; le second, du 17 venlAse an II;
- " Attendu que , dans les pays de droit é c r i t , la renie foncière était
“ considérée comme féodale , toutes les fois qu’elle avait une origine com" rnune avec un cens proprement dit;
” Attendu qu’ on ne peut supposer aux législateurs de I7y3 d’avoir eu
“ ^intention de donner à la loi du 17 juillet, dans les pays coutuntiers,
” une exécution moins étendue que dans les pays de droit écrit ;
” Attendu que l’acte du 24 fructidor an X , est purement récognitif,
" qu’il n’opère pas novation , cl que par suite , il est entaché du même
" vice que le litre primordial, etc... »
, Ce jugement a été conlinné par arrêt de la cour royale de R iom ,
du
juillet i 837 .
�( 36 )
Tenons donc pour certain qu’il n’y a pas de changement de ju
risprudence ; e t , disons-le hautement, s’il y en avait, ce ne serait
pas une raison pour déserter les lois existantes. Les jurisconsultes sa
vent bien que la jurisprudence est parfois obligée de céder aux néces
sités passagères de la politique; c’est un malheur dont nous avons été
témoins au commencement du régime impérial. La restauration, il
faut en convenir , se défendit d’ un exemple semblable , puisque par la
loi du g novembre i 8 i 5 , article 8, elle déclarait coupables d’actes sé
ditieux toutes personnes qui répandraient ou accréditeraient les bruits
du rétablissement des dîmes ou des droits féodaux. Sous l’empire des
institutions de juillet i 83o , on n’ a pas à craindre non plus de ces
retours à de vieilles idées dont la magistrature française s’est pour
jamais débarrassée. Suum cuique sans doute ; mais il ne faut point ren
verser les lo is, ou leur donner des interprétations forcées qui.ont le
même résultat, pour rétablir ce qui ne peut plus exister, et le rétablir
au préjudice de nouveaux droits acquis.
Concluons de tout ce qui précède q u e , pour les pays d'allodialité,
comme pour les autres contrées, les lois de 1792 et I 7 g 3 , frappent
également de suppression les rentes et redevances féodales ou mélan
gées de féodalité.
Alors revient naturellement ce que nous avons exposé sur le cai'aclère féodal de l’acte du 6 mars l'jS j , dans le § 4 ci dessus. M. le mar
quis de M iram on, s’il vivait encore , trouverait fort étrange qu’on mit
en doute sa qualité de seigneur, lui qui comptait dans scs titres vingt
et quelques seigneuries , sans y comprendre les coscigneuries de V ie
et de Thiézac ; lui qui joignait à la directe seigneuriale les droits de
justice haute , moyenne et b a sse , qui se réservait le droit de retrait
ou de prélation, les droits de lods et ventes , et enfin , la taille aux
quatre cas, cl autres droits et devoirs seigneuriaux.
E t savez-vous à quoi il faudrait réduire tant de titres, tant de droits
superbement proclamés ou imposés, pour éviter en pays allodial, l’ap
plication des lois suppressives de la féodalité ? Il faudrait avouer que
ces nombreuses seigneuries ne constituaient qu’un alleu roturier; il fau
drait déclarer, à la face de la justice cl des hommes trompés, que
M . le marquis de Miramon n’était qu’un simple roturier comme ses
paysans , qu’il n’avait que des biens et des droits possédés en roture ,
et que le haut et puissant seigneur, comme il est q u a li f i e dans 1 acte de
1755, n’était quun vilain, comme 011 daignait nous nommer alors, nous
�( 37 )
tous qui n’ avions ni seigneuries , ni directe , ni haute, moyenne ou basse
justice, ni droits de rétention par prélation, de lods et ventes, et q u i ,
privés <le la taille aux quatre cas, étions obligés de nous racheter nousnicmes si nous étions prisonniers de g u e rre , et de marier nos filles
a nos frais et dépens. Certes ! maigre l’intérêt de la cause , nous ne
croyons pas que cette injure soit sérieusement faite à la mémoire de
^ 1- le marquis de Miramon.
On se trompe , au reste , sur les effets ou les conséquences de l’ai—
lodialité. On se trompe , parce qu’ on ne veut pas remarquer la dif
férence qu’ il y avait dans les pays allodiaux entre les héritages nobîts
et les héritages roturiers, ou bien entre les fiancs-alleux possédés par
les nobles et ceux possédés par les roturiers. On confond volontaire
ment ces deux espèces d’héritages pour les soustraire ensemble à l’appl'cation des lois suppressives de la féodalité : c’est une erreur qu’il
importe de relever pour l’empêcher de se répandre.
différence entre le franc-alleu noble et le franc-alleu r o tu rier,
c°nsiste principalement en ce que le propriétaire du franc-alleu noble
pouvait l’inféoder ou l’accenser, tandis que l'acccnsement ou l’inféodatioil
du franc-alleu roturier ne pouvait jamais avoir lieu. De cette règle féodale
(lue nous allons établir, résulte la suppression ou non-suppression des
prestations et redevances.
l*our justifier cette proposition , nous pourrions citer le titre ic),
article 5 , des arrêtés de Lamoignon, portant : « Celui qui possède un
’’ banc-alleu roturier, ne peut donner aucune portion de son domaine
a cens. » Nous nous bornerons à rappeler ce que dit M. ilenrion
e Pansay, dans ses Dissertations féodales, tome i cr, article alleu} § <).
Le propriétaire d’uu alleu roturier , dit le savant jurisconsulte , ne
peut ni l’inféoder ni l’accenser ; il y en a une infinité de raisons : la
principale, c’est qu’ on ne peut donner à fief ou à cens que des hcr*tages nobles; c’est que, pour pouvoir communiquer ou se réserver
puissance féodale, il faut l’avoir, il faut en être investi; enfin,
c est que les fiefs sont des dignités réelles , et que le r o i , ou ceux
flUl en ont reçu le pouvoir de lui, peuvent seuls conférer les dignités,
^e qui constitue la noblesse d’un héritage, c’ est un titre de seigneurie
aJ°uté à la propriété. Le franc-alleu noble est donc_une seigneurie,
Uu
actif. Un fief est un héritage dans lequel la propriété est unie
“ ,l la puissance publique....... »
peu plus loin , il continue : « Sans doute le propriétaire d’un
�(38 )
»
»
»
»
»
»
»
»
»
»
»
»
»
»
»
»
héritage peut le vendre, le donner à renie, à bail emphytéotique, en
un m o t , en disposer comme il le juge à propos ; mais cette règle
reçoit une exception à l’égard du cens. Pour avoir le droit d’imposer
sur un immeuble une redevance censuclle et seigneuriale, il ne suffit
pas d’ en être propriétaire , il faut avoir cette propriété à titre de
seigneurie : celte décision sort de la nature des choses. Le bail à cens
s’ établit par la séparation du domaine direct et du domaine ulilc ;
ce dernier passe seul entre les mains du prem ier, le premier demeure en celle du bailleur. A la vérilé , le bail emphytéotique cmporte de même la séparation des deux domaines ; et tout le monde
peut donner à emphytéose 1111 héritage tel qu’il soit, noble ou roturier. Mais il faut distinguer deux espèces de domaines d irec ts, l’un
particulier et privé , l’autre public et seigneurial. Il ne reste entre les
mains du bailleur à emphytéose que la directe privée ; et le contrat
d’accenseinent doit emporter la directe seigneuriale et publique ; c’ est
cette directe seigneuriale qui en constitue l’essence. »
A cette imposante autorité nous pouvons ajouter celle de Chabrol »
tome 2 , page 677 , qui déclare formellement que l’existence d’un bail
à cens, ou d’une reconnaissance qui y équipolle, détruit totalement
la présomption de l’allodialité ; ce q u i , certes , est d’une autre consé
quence , puisque le bail à cens suffit, lui s e u l , pour soumettre les
héritages au régime féodal. Nous pouvons enfin, invoquer l’opinion
de M. M erlin, questions de droit, V° rente fo n ciè re, § 14-, qui recon
naît sans difficulté que le franc-alleu noble peut seul être inféodé ou
accensé.
Maintenant qu’il est établi que les immeubles roturiers ne p o u v a i e n t
être inféodés ou accenses , et que l’ existence d’un bail à cens détruit
l a présomption d’allodialité, parce que les biens nobles pcuvcnL seuls
être accenses , et l’être par un seigneur fé o d a l, nous demanderons à
M",e de Ghàlillon si le domaine de L ollière, baillé à nouveau cens et
nouvelle investison, par l’acte du 6 mars 173.5, était un allodial ro
turier dans les mains de M. le marquis de Miramon , son père ; si
ce domaine , situé dans la seigneurie de Laroquc dont M. de Miramon
était le seigneur, a pu être concédé comme roturier, alors (p ie le
concédant établissait, par acte de concession, des redevances censuclles , reddituelles , avec tout droit de directe , de liaulc , moyenne
e t basse justice , droit de rétention , lods et v e n t e s , taille aux quatre
cas et autres droits et devoirs seigneuriaux contenus dans les anciens
�( 39 )
terriers de la seigneurie de L aro que ; si enfin, la directe réservée
peut être , avec ce grand cortège de féodalité , reconnue pour ce domaine direct et privé dont parle M . Henrion de P a n sa y , ce deminiurn directurn des lois romaines q u i , dans les pays d allodialité comme
dans les pays où la maxime nulle terre sans seigneur était adoptée, se
réservait sur les biens roturiers. Nous sommes persuadés que sa réponse,
quoique contraire à l'intérfit de sa cause, sera conforme à sa loyauté,
et quelle conviendra franchement de la qualité nobilière du domaine
concédé.
Eh bien ! cette qualité nobilière des immeubles situés dans les pays
allodiaux, cette seigneurie ajoutée à la propriété, comme le dit Ilenrion
forme un fie f, c’est-à-dire, un héritage dans lequel la propriété est unie
à la puissance publique. C ’est ce qu’était évidemment le domaine de
Laitière entre les mains de M. le marquis de Miramon , et ce qu ôtaient
tous les héritages possédés par lui dans les vingt ci quelques seigneuries dont le titre de 1755 nous donne l'énumération. Voilà ce qui
Résulte, sous l’ empire de l’allodialité de la coutume d’ Auvergne, de
^ distinction établie entre les francs-alleux nobles et les fiaucs-alleux
roturiers ; voilà ce qu’il fallait observer pour ne pas se jetter dans
d absurdes contradictions en parlant de 1allodialité.
I)u reste , cette digression est sans utilité réelle dans la cause , parce
qu en prenant le domaine de Lollière pour un franc-alleu roturier, les
prestations et redevances créées par la cté de 1755, n en seraient pas
^oins supprimées. M . Merlin , procureur général à la cour de cassation,
a long-tems fait triompher par ses éloquens et savans réquisitoires ,
Cc système qui tend à distinguer les allodiaux nobles des allodiaux
roturiefS • mais après l’avis du conseil d é ta t, du i 3 messidor an X III,
^ reconnut la nécessité de renoncer a cette distinction. On peut von
Ce qu’il dit à cc s u j e t , dans le Répertoire universel, V° cens , § 8 ,
Pa£e i 37 , et dans les questions de droit, V “ rente foncière , § 4 , p. 3()3 ,
' 0,1 après avoir établi cette doctrine , que le propriétaire d un francalleu roturier ne pouvait le concéder ni à fief ni a cens seigneurial,
tll,e par conséquent, la rente qualifiée seigneuriale qu il s était reservée,
11était point abolie par la loi du 17 juillet 1793 , il ajoute en note : « Cette
” c°nséquence, quelque conforme qu’elle soit aux principes rigoureux
“ du droit , 11c pourrait plus être admise aujourd’hui que dans le
" cas où le bailleur aurait fait connaître par l’acte qualifié de bail à hef
* ou de bail à cens , qu’il n’ était pas seigneur et n’ entendait pas le
�( 4o )
» devenir par cet acte. C ’est ce qui résulte de l’avis du conseil d’état
» du i 3 messidor an X III, et du décret impérial du 2.3 avril 1807.
» La cour de cassation elle-même l’a ainsi jugé par plusieurs arrêts. »
Nous avons rapporté au § 3 ci-dessus, cet avis du conseil d’ c'tat et
le décret cités par M. Merlin ; nous avons de plus fait connaître d’au
tres avis du conseil d’ état et plusieurs arrêts dans le même sens. Il suffit
de les lire avec un peu d’attention pour demeurer convaincu que, mê
me dans les pays d’ailodialité, les redevances et prestations résultant
de concession de fonds , ont été supprimées par les lois de «792 et
I 7 g 3 , quand les titres reservent au bailleur des droits et devoirs qui
se rapportent à la féodalité.
§ 6.
Dans toutes les hypothèses, les demandes de M mt de ChûlUlon sont
repoussées par la prescription.
Nous avons placé cette proposition la dernière , parce qu’il était dans
l’ordre naturel de démontrer la suppression des redevances féodales
ou censuelles que M rae de Châtillon veut faire revivre , avant de s’oc
cuper de la prescription qui , dans tous les cas possibles , vient assurer
aux héritiers Baduel la propriété libre de toute redevance , d’héritages
qu’ils possèdent paisiblement depuis plus de quarante-cinq ans.
C ’est ici le moment de présenter à la justice des considérations q«1
ont bien leur importance. Il a sans doute été fâcheux pour le s pro
priétaires d'héritages et droits féodaux de se voir subitement dépouillés
d’une partie de leur fortune. Ce malheur ne s’excuse pas à nos yeux
par la violence et les nécessités d'une révolution. Mais la même raison qui
nous fait environner de respect les droits acquis , ne nous permet pas
d'approuver des réclamations tardives qui , à leur tour , n’ont et ne
peuvent avoir d’autre but que de dépouiller des fils et petits-fils de
biens qu’ils ont recueilli par succession , qu’ils possèdent l é g a l e m e n t à ce
titre. La prescription est la patrone du genre humain , disait un e m p e r e u r ;
et cela est vrai , parce que la prescription , surtout la p r o s c r i p t i o n trentenaire , est la sauve-garde des droits de propriété. Les biens accensés ,
tous ceux dont les redevances ont été supprimées par les lois de 1792
et 1793, sont possédés depuis, libres des charges qui les grevaient et
en rendaient la valeur presque nulle dans les mains des premiers te
nanciers. Les enfans de ces premiers possesseurs ont recueilli ces me-
�( 4t )
mes biens avec toute la valeur que leur donne l’affranchissement des
droits et devoirs seigneuriaux. Ils les ont partage's en cet e'tat et dans
la pleine confiance qu’ils devaient avoir dans les lois d’affranchissement
et de libération. Des dots ont été constituées et payées eu égard à la
nouvelle valeur de ces biens ; de nombreuses transactions de famille
ont leur base dans cette valeu r, et des créanciers ont consenti à pren
dre pour gage et sûreté hypothécaire, ces mêmes biens libres de re
devances.
Il faut renverser et détruire tout cela , si vous voulez faire revivre
des redevances éteintes depuis si long-tems. Il faut opérer une ré
volution nouvelle, et ruiner , à leur t o u r , ces enfans , pères de famille
aujourd’h u i , ces créanciers qui ont eu foi dans les lois existantes et
dans le long silence des ci-devant seigneurs ou de leurs héritiers.
Y aurait-il de la raison et de la justice !' nous ne le pensons pas.
Les lois politiques ne sont point les seules qui le défendent ; les lois
civiles viennent encore au secours des droits acquis , en offrant à ceux
(iui possèdent , le moyen de la prescription comme une barrière in
franchissable à des prétentions surannées.
Nous ne devons pas être surpris que M me de Chatillon veuille faire
considérer comme bail emphytéotique Uacte du 6 mars 1755, quoique
cet acte soit plutôt un bail à cens ; et qu’elle le présente comme un
bail emphytéotique temporaire. En faisant admettre qu’il s’agit d’une
concession emphytéotique à tems , elle éviterait le moyen invincible de
la prescription , si d’ailleurs les lois suppressives de la féodalité ne
s’appliquaient pas ; et l’acte ne serait plus qu’une espèce de louage,
^«prescriptible de sa nature : ce système , s’il n’est pas fondé , ne man
que point d’adresse.
Nous avons déjà prouvé § 4 ci-dessus , que l’acte de 1 7 5 5 , n’est
Pas un bail temporaire , mais bien une concession à perpétuité ; inutile de revenir sur les preuves que nous en avons données. Voyons donc
Maintenant , si , en supposant un simple bail emphytéotique , et lui
conservant cette dénomination pour la facilité de la discussion , celte
espèce de contrat a de l’analogie avec le louage , notamment quand
les biens sont concédés à perpétuité.
fleineccius dans ses leçons élémentaires sur le Droit civil romain , liv. 3 ,
remarque la différence qui 'existe entre le louage et 1 emphytéose. « Le conducteur, dit-il, est tenu de faire la prestation du salaire
* promis, el l’emphyléose du canon. Dans le louage, le salaire est en
6 -
�(42)
» raison des fruits de la chose du bailleur ; dans l’emphytéose, la. re» devance est modique ; elle est due en vertu de la chose propre au preneur,
» et en reconnaissance du domaine supérieur et direct. »
L ’emphytéote, ajoute-il , perçoit tous les fruits, et même fait sien
le trésor qu’il trouve dans le fonds. Il a le droit d’imposor des servi
tudes ; il peut changer la face du fo n d s, il peut l'aliéner, le donner
entre-vifs, l’échanger, l’hypothéquer ; droits qui certainement ne com
pétent pas au preneur à louage qui paye un salaire ou une redevance pour
une chose qui ne lui appartient pas. Enfin , une autre différence existe ;
c’est que le preneur par bail à louage a droit à une remise de prix
du bail dans le cas de perte des fruits par force m ajeure, tandis qu’il
n’y a jamais de remise pour la prestation du canon emphytéotique.
Il est facile de voir par ces différences entre l’emphytéose et le louage ,
que le bail emphytéotique transmet au preneur le droit utile de pro
priété , ce que ne fait pas le bail à louage.
Voilà ce qui subsistait avant 178g.
Alors on disputait sur la question de savoir si le cens ou la rente
étaient prescriptibles. C h ab rol, dans son savant commentaire, tome 2 ,
pages 668 et suivantes , examine longuement cette question , rapporte
l’opinion des auteurs et cite les nombreux arrêts qui ont décidé pour
ou contre. Il fait voir la difficulté et ne la résout point ; cependant,
l’art. 2 , du titre 17 de la Coutume d’Auvergne p o r te : « T o u s droits
» et actions cens , rentes, servitudes et autres droits quelconques pres» criptibles, soyent corporels ou incorporels , se prescrivent, acquièrent
» ou perdent par le laps et espace de trente ans continuels et accom» plis ; » et il est remarquable que les opinions qui admettent la pres
cription se fondent particulièrement sur les principes de l'allodialilé des
héritages en Auvergne , parce que la prescription du cens les fait rentrer
dans le droit commun.
Les partisans de l’imprcscriplibilité raisonnaient a in s i, d’après Cha
brol , loco cítalo , page 677. Le cens est imprescriptible , disaient-ils ,
» parce que le dQinaine direct , réservé par le seigneur , est regardé
» comme une portion de la chose qui le doit : « L e seigneur est cense
» posséder le domaine direct , comme l’ emphytéote possède le do» mai ne utile. Les droits incorporels sont susceptibles de possession ,
» et elle se conserve par la seule intention. Ainsi , l’cinphyléotc ne
» possédant que le domaine u t ile , ne peut prescrire le domaine direct
» qu’il 11c possède également. » La division des deux dominités , c est
�( 4'* )
a-dire , la séparation du domaine utile et du domaine d ir e c t, était donc
la raison déterminante de l’imprescriptibilité. O r , si cette séparation a
légalement cessé d’exister , si le domaine utile et le domaine direct se
sont réunis en la personne du preneur ; si cetle réunion a duré pen
dant un laps de tems suffisant à prescrire, il faudra bien admettre , même
en supposant l’imprescriptibilité originaire du cens, que, les motifs de
cette imprescriptibilité n’existant plus, la prescription a couru au profit
d» preneur et de ses héritiers ou ayant-cause,
Eh biçn ! Par l’article 6 de la loi du i l août 1789, toutes les rentes
foncières perpétuelles, soit en nature, soit en argent, de quelque espèce
Çu’elks fussent, quelle que fût leur origine, à quelques personnes quelles
fussent dues, ainsi que les champarts de toutes espèces, et sous toutes
dénominations, furent déclarés rachelables. Il fut défendu en même tems,
de plus, à l’avenir, créer aucune rente non remboursable.
L ’article Ier du titre 3 de la loi du i 5 mars 1790, déclara pareillement
^achetables tous les droits et devoirs féodaux ou censuels utiles qui
étaient le prix et la condition d'une concession primitive de jonds ; et
article 2 présuma tels , sauf la preuve du contraire , toutes les rede
vances seigneuriales annuelles en argent, grains, volailles, cire, denrées
0u fruits de la terre, servis sous la dénomination de cens, censives,
surcens , capcasal , rentes féodales , seigneuriales ou emphytéotiques ,
chaniparl , etc.
La loi du 18 décembre de la même année, après avoir de nouveau
déclaré rachetables toutes les rentes foncières perpétuelles, régla, dans
So» titre 3 , le mode et le taux du rachat ; et l’article 5 de ce titre
s °ccupa spécialement du rachat des baux à r e n te , ou emphyteose per
pétuelle et non seigneuriale, contenant la condition de payer des droits
e lods et des droits censuels aux mutations.
Ces lois ont donc déclaré rachctable le cens ou le canon emphy
téotique comme toutes les autres rentes foncières et perpétuelles. Nulle
1 iculte 11c peut s’élever à cet égard, e t , au besoin, les articles £29
«>3o du code civil viendraient confirmer cette doctrine.
Maintenant , que rc'sulte-il de ce changement apporté par les lois de
*789 cl 1790 à l’ancienne législation sur les redevances emphytéotiques
Perpétuelles ?
11 en résulte , d’après l’avis du conseil d’état , approuvé le 7 mars
1 °8 , que « les titres q u i , qualifiés d’emphytéoscs perpétuelles aban“ donnent ensemble la jouissance cl la propriété, ne sont autre chose
�( 44 )
» qu'une aliénation absolue qui fa it reposer la propriété sur la tête de
» Vacquéreur à pareil titre. »
Il
en résulte, comme le dit M. Duranton , Cours de Droit français,
tome 1 9 , page ;5()0 , que « la propriété a passe toute entière sur la tête
» de l’emphytéote , même avant le racliat , par la faculté qu'il a ac» quise , et qu’ont encore ceux qui n’ont point racheté , de se libérer
» de la redevance ; et le concédant n’a plus eu qu’un simple droit de
>» créance , un droit purement mobilier ; en sorte qu’il n’a plus eu le
» droit d’hypothéquer le fonds , et le concessionnaire l’a eu plein et
» entier , non plus comme simple emphyléote, mais comme propriétaire
« absolu du fonds , en restant débiteur de la prestation annuelle , et avec
» la faculté de s’en racheter. » Nous observerons que cette doctrine ,
quant au droit du concessionnaire d’hypothéquer le fonds tenu à eniphytéose, a été consacrée par 1111 arrêt formel de la cour de cassation,
du 19 juillet i 832. (Sirey , tome 3a — 1— 53 1.)
11
ne peut donc plus être^ question aujourd’hui , en matière d’ emphytéose , de comparer ce contrat au bail de louage , et de parler de
possession précaire. La doininité , autrefois séparée , repose maintenant
toute entière sur la tête du concessionnaire qui n’est plus débiteur que
d ’une rente rachetable à volonté. Devenu propriétaire absolu, in to to ,
sa possession est celle de tous les propriétaires d’héritages chargés de
rentes foncières.
Ces principes reconnus , la question de prescription est d’ une solu
tion facile, puis qu’elle rentre dans l’application des règles ordinaires;
et , peut-être , aurait-il sufli de dire que nos lois et nos codes ne re
connaissent plus , à cet égard , de droit exceptionnel.
P ou r appliquer ces règles ordinaires du droit c i v i l , il ne faut pas
continuer à se faire illusion , eu regardant les fonds concédés à titre
d ’emphyléose, comme si le seigneur ou bailleur y avait conservé quelques
droits de propriété : (“) ce serait le moyen de ne jamais s’entendre.
Il ne peut s’agir maintenant que de la rente ou redevance , et de la
question de savoir si cette rente est prescrite , ou si elle ne l’est pas.
O r , nous devons nous reporter, à ce sujet, à l’art. 8 , de la loi du
i 5 mars 1790, qui porte expressément, que toutes les rentes, redevances
et autres droits rachetables, sont soumis , pour le principal, à la pres(*) <'.c fond» est appelé chef-certi dans les Mémoires de la dame de CliAlillon ; cest une erreurLe chef-cens n'est autre chose que le premier ccus dont uu htiriUige est eliargé. — Folhier, intend• >
nu titre 2 de la Coutume d Orléans.
�(4M
crîptîon établie relativement aux immeubles réels ; et à l’art. 33 du titre 2
<le la même loi , qui fait courir cette prescription à partir du 5 mars 179O.
Ainsi d o n c , voilà la rente ou redevance déclarée prescriptible par
cela seul qu’ elle est rachetablc ; et le point de départ de la prescription
fixe au 5 mars 1790.
Il
serait superflu d’ examiner qu’ elle était la durée de tems nécessaire
pour la prescription , parce que s’étant écoulé depuis cette époque ,
plus de 47 ans , la prescription serait acquise , quelle que fut l’hy
pothèse dans laquelle M me de Châtillon voudrait placer sa cause.
Le code civil , titre de la prescription , publié le 25 mars 1804, pose
Cn principe , dans son article 2219, que la prescription est un moyen
d acquérir ou de se libérer par un certain laps de tems , et sous les con
ditions déterminées par la loi. Le tems voulu dans l'espèce actuelle ,
est celui de trente ans, d’après l’art. 2262.
Trente années sont quelque chose dans le cours de la vie humaine.
M est bien juste que celui qui a possédé pendant un laps de tems si
considérable, sans avoir été inquiété dans sa possession , soit protégé
par la loi et maintenu dans cette possession paisible, à l’abri de toute
recherche et de toute tracasserie. Aussi , cette protection a été considérce comme tellement équitable et nécessaire , dans l’intérêt de l’ordre
public et du repos des familles, que l’art. 2281 du code civil a même
l'cduit à cette période de 3o années les prescriptions commencées k l’époque de sa publication, et pour lesquelles il aurait fallu , suivant les
anciennes lo i s , un plus long délai.
Cependant, la consultation, qui ne s’occupe nullement de la presCription établie par l’article 8 de la loi du i 5 mars 1790, prétend
Page 18, que la prescription ne peut courir qu à partir de la qua
trième année après la promulgation du code civil; et elle le prétend sans
donner aucun motif d’une opinion que nous devons trouver au moins
singulière. Il est vrai que la consultation parle de l’action en déguer
pissement ; et si nous sommes parvenus ^ deviner la pensée du ré
dacteur , il a voulu dire , sans doute , que cette action en déguerpisSe,nent étant jadis autorisée après la cessation, pendant trois ans ,
du service de la re n te , ce n’est qu'après ces trois ans expirés, et
par conséquent, la quatrième année après la publication du code civd > que l’action s’est ouverte et que la prescription a commencé.
Ce raisonnement est faux cn tous points. D ’abord , il ne s’agit pas
en ce moment de l'action en déguerpissement qui n’ existe plus et ne
�( 46 )
peut plus exister en faveur du bailleur qui n’a conserve , comme nous
l ’avons démontré, qu’un simple droit de créance sur les fonds con
cédés ; ensuite , parce qu’en reportant le commencement de la pres
cription à la promulgation du code civil seulement , il n’ en sorait
pas moins v r a i , en fa it , que la rente avait cessé d’être servie depuis
plus de trois ans avant ce code , et que l’action en déguerpissement,
si elle avait existé , se trouvant ouverte depuis long-tems , ce ne se
rait plus le cas d’ajouter aucune année supplémentaire aux 3o années,
fixées par l’article 2262.
D'ailleurs , il n’ est pas e xa ct, en principe , de prétendre ajouter au
délai rigoureusement fixé pour l’exercice d’une action , les années pen
dant lesquelles on a négligé de faire ce qui devait empêcher cette
action. La négligence du débiteur motive l’actio n , mais ne prolonge
point la durée du tems pendant lequel elle doit être exercée. Ne seraitil pas absu rde, par exemple , que le créancier d’une rente qui n’aurait
pas été servie depuis 32 ans , c’est-à-dire, depuis la date du titre cons
titutif, prétendit être encore dans le délai de poursuivre le débiteur
en remboursement du capital, sons prétexte qu’il faut ajouter aux 3o
années de prescription , les deux années de cessation de paiement q u i ,
d ’après l’article 1912 du code civil, motivent l’action en remboursement ?
M me de C hâtillon, dans son M ém o ire, va plus loin encore : elle
veut faire porter à 60 années le tems nécessaire pour acquérir la pres
cription ; et voici le raisonnement qu elle fait. Elle commence par se
placer dans la catégorie des absens, et invoque à l’appui de sa thèse ,
les dispositions du code civil sur les biens des absens. Un homme
s’absente , dit-elle , et ne reparaît qu’après 3o ou 4 o ans. Son absence
n’a pas été déclarée, e t , à son retour, il aura le droit de rentrer
dans la propriété de ses biens , sans qu’on puisse lui opposer aucune
prescription acquise.
Elle suppose ensuite la déclaration d’absence et l’envoi de ses hé
ritiers présomptifs en possession provisoire de scs biens dont ils ont
joui depuis plus de 3o ans. En ce ca s, dit-elle, même après l’envoi
en possession définitive, l’absent, s’il reparaît, ou ses enfans et des
cendais directs, recouvreront les b ie n s , lors même qu’il se serait
écoulé plus de Go ans depuis la disparition de l’absent.
T o u t cela est vrai ; mais pourquoi ? parce qu'il s’agit d’une matière
spéciale , parce que la possession provisoire qui doit d’abord être de
mandée , n'est qu'un dépôt entre les mains de ceux qui 1 ont obtenue,
�( 47 )
article 125 du code civil ; et le dépositaire ne prescrit jamais , ar
ticle 2236. Il peut d o n c, à la rigueur, s’écouler 40 , 5o et même 60
a«s « pendant lesquels la prescription ne courra point.
Mais après l’envoi en possession définitive, il n’en est plus de même;
ceux qui possèdent, possèdent animo dom ini, et prescrivent contre
toute réclamation qui ne serait pas faite dans les trente ans, article 133.
L ’exemple est donc mal choisi. Il l’est d’autant plus mal, qu’il prouve
contre M me de Miramon. En effet, l’ envoi en possession définitive qui
fait commencer le cours de la prescription , produit un résultat pareil
a celui des lois de 1789 et 1790, qui , en déclarant toute espèce de
rente foncière rachelable, ont consacré le droit de propriété absolue
sur la tête du redevable , et commencé pour lui le cours de la pres
cription de la rente.
Un aulre argument de même force est encore présenté dans le Menioirc do M me de Châtillon.
Elle y parle de propositions que le sieur Baduel , grand-père, au
rait faites à M . le marquis de M iram on, décédé enj 1810 , et sans
‘ »diqner la date de ces propositions qui seraient conçues en ces ter
mes : « Il y a apparence que M. de Miramon 11’ignore pas la loi du
” 29 décembre 1790, relative au rachat des rentes foncières. En con’* séquence , s’il veut me traiter favorablement, nous ferons un forfait
*• de gré-à-gré relatif au rachat de la renie du domaine de Lollière ,
" déduction faite du cinquième d’icelle , suivant la loi du i 5 pluviôse
" an V ' pour raison des contributions , q u i , pour lors , est réduite
a 34 seliers blé , et 23 quintaux cinq livres fromage et les suites ,
”
pour lors nous prendrons une évaluation commune depuis 3o ans
’’ au plus ; cl pour lors Baduel ferait des termes honnêtes à M . de M in fanion, que la loi soit rapportée ou no n , et M . de Miramon doit
considérer qu’il a été donné trois mille livres d’en trée, etc. »
f
cst 1e texte rapporté dans le M ém oire, texte dont la rédaction ,
*ord à la première personne , puis à la troisième , laisserait sup
poser que ces propositions émanent et n'émanent pas du sieur B a d u e l .
^ en soit de celte contradiction , 011 sent bien que les petits—
| s d.u sieur Baduel îte peuvent avouer ni désavouer une pièce sans
atc et dont 1 ct-cœlera annonce qu’elle n’est publiée qu'en partie.
I1"' de Châtillon prétend , page 1 1 , qu’il n’y a pas 3o ans que les
legociations entre M . Baduel et M. le marquis de Miramon sont inClroinpucs ; et celte observation est faite à coup-sûr, pour échapper
�( 48 )
aux conséquences de la prescription trentenaire, q u e , dans l'idée du
Mémoire , ces négociations auraient interrompue.
Nous ne trouvons , ni dans le code c i v i l , ni dans aucune loi anté
rieure , ce mode d’interruption de la prescription. Nous voyons bien
que d’aprcs l’art. 2248 du code civil, la reconnaissance que le débiteur
ou le possesseur fait du droit de celui contre lequel il prescrivait, inter
rompt la prescription ; mais l’écrit cité par la dame de Chatillon n’est
pas une reconnaissance de la dette. Ce serait, tout au plus , un arrange
ment proposé , resté dans les termes d’un simple projet , en suppo
sant encore que l’écrit soit de la main du sieur B a d u e l, et signé de lui.
Mais quand même cet écrit serait un acte r é e l, un accord , une transac
tion entre le sieur Baduel et M. de Miramon, il ne serait pas d’ un grand
poids dans la cause. Un décret impérial de 24 juin 1808 , approuvé
le 3 i mai, déclare nulle et sans effet une transaction faite à l’occasion
du titre de concession d’un moulin , moyennant un cens emportant lods
et ventes, défaut et amende, transaction (jui avait été exécutée pendant
cinq ans. Le décret décide que n ’ayant pas traité sur la question de l(t
féodalité, la débitrice de la rente n’avait par conséquent pas renoncé
au bénéfice de la loi du 17 juillet i7<)3.
L a cour de cassation a été plus explicite encore , en décidant, par
arrêt du 26 octobre 1808 , qu’entre un ci-devant seigneur (ou ses ayantdroit) et son tenancier , la loi n’autorise pas un acte récognitil d’une
rente féodale pour être payée comme foncière. (Sirey, tome 11 — 1— 3 a3 .)
L a cour royale de Iliom a jugé de même sur la ratification, faite de
puis les lois abolitives de la féodalité , d'un bail emphytéotique per
pétuel , avec droits censucls et reddituels, lods et ventes et autres droits
el devoirs seigneuriaux. Par arrêt du 4 avr*l 1811 , elle a déclaré la ra
tification nulle , parce qu’ elle ne renfermait aucun traité sur le vice du
titre primitif. ( Journal des audiences de la cour de liio r n , année 1811»
page 258.)
11 y a plus encore : Un arrêt de la cour de cassation , du 27 juillet
1818, a positivement déclaré que le paiement des redevances depuis
les lois abolitives , 11c peut priver les redevables du bénéfice de ces lois ,
à moins dune rénonciation expresse de leur part. (Sirey, tome 19— 1 — 126.)
Que peuvent donc signifier, en présence de ces autorités législative?
et judiciaires , les prétendues propositions faites par le sieur Baduel»
on ne sait o ù , à quelle époque , cl qui, dans aucun ca s, 11e sont ni
une reconnaissance , ni un traité , ni une renonciation , au bénéfice des^
�(49)
lois et de la prescription? Elles annonceraient sans doute de bonnes
intentions de la part de celui qui les aurait faites ; mais leur nonacceptation , en les réduisant à un projet honorable d’un côté, prouverait
que , de l’autre , on n’entendait se soumettre à aucune modification et
réduction , et qu’ on avait l’intention de courir la chance des e've'nemens.
Eh bien ! le tems et les évènemens ont prononcé : Il faut savoir accepter
les faits accomplis.
Soit donc que la prescription n’ait commence' qu’à l’ époque de la
promulgation du code civil, c’est-à-dire le 25 mars 1804, il s’est écoule',
depuis , plus de 33 années utiles à la prescription de l’acte de 1755.
Mais si, comme cela doit être , la prescription court du 5 mars 1790,
ou seulement du 2 novembre 1794 1 à cause de la suspension prononcée
Par les lois des 6 juillet 1791 et 20 aoiit 1792, il s’est ccoulé 47 ou 43
ans , près d’un demi-siècle pendant lequel le domaine de Lollière , pos
sédé en toute propriété par ses détenteurs, a successivement p a s s é ,
a titre héréditaire, entre les mains de trois générations, c’en est assez
P°ur que la prescription soit acquise.
Ici se termine la défense des héritiers Baduel. Sans avoir suivi pasd~pas, la consultation et les Mémoires publiés au nom de M me la
^ r q u i s e Duplessis-Châtillon , ils ont cherché à démontrer, dans un
Pel‘t nombre de propositions , que l’acte dont M me de Châtillon de
mande l’ exc'cution, est un acte féodal de sa nature, ou mélangé de
féodalité , et frappé de suppression absolue par les lois de 1792 et
*793, dont l’intention et le but sont clairement manifestés par les lois,
es décrets , les avis de conseil d’é ta t, les arrêts postérieurs. Ils ont
*epOndu aux objections faites , e t , se prêtant à la supposition de dii•cultés qui n’existent p as, ils ont établi que le titre de 1755 est même
elruit par l’effet de la prescription ; de sorte q u e , sous tous les rapP°rts , les demandes de la dame de Châtillon sont inadmissibles. C ’est
^aintenant aux tribunaux saisis de la cause , à prononcer et décider
* d est bien opportun de soulever des questions qui se rattachent à
!*n Régime proscrit depuis un demi-siècle , et que nos mœurs et nos
ln5tituti0ns nouvelles repoussent avec plus d’énergie que jamais.
V I O L L E , Avocat,
Et Conseiller do Préfecture à Aurillac.
f
PELET, Avoue.
OBSËKVATlOft
7
�OBSERVATION ESSENTIELLE
il
Pendant que ce Mémoire était à l’impression, et par acte du 20 septembre 1837,
Mme Duplessis-Châtillon a fait signifier aux cohéritiers Baduel la rénonciation de
ses deux sœurs à la succession de M. le marquis de Miramon, père commun ; et,
en même tems, elle les assigne devant le tribunal de première instance d'Aurillac
en main-levée de leur Opposition du 4 du même mois. Cette assignation donne
lieu à deux observations :
1°. Mms Duplessis-Châtillon ne prend plus, comme dans les actes précédens, la
qualité d'héritière sous bénéfice d’inventaire; elle agit comme seule et unique
héritière de M. son père ;
20. Elle désavoue qu’il ait été publié des Mémoires; désaveu surprenant et dont il
est difficile d'expliquer le motif, lorsqu’il est de notoriété publique que la Consul
tation et les Mémoires sont entre les mains d’un grand nombre de personnes, et
qu’ils ont été distribués à MM. les juges et membres du parquet du tribunal d’Aurillac. Y aurait-il quelque petite ruse de basoche dans ce désaveu ?..... Nous
verrons.
Aurillac, imprimerie de P. PICUT. — Septembre 1837.
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
[Factum. Baduel, Antoine. 1837]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Violle
Pelet
Subject
The topic of the resource
bail emphytéotique
domaines seigneuriaux
cens
retranscription de bail
biens nationaux
émigrés
rentes féodales
droit de propriété
abolition des privilèges
droits féodaux
coutume d'Auvergne
prescription
absence
poids et mesures
doctrine
droit écrit
franc-alleu
directe seigneuriale
jurisprudence
droit de guet et de garde
Masuer
forains
corvées
code civil
droit intermédiaire
domaines agricoles
fromages
vin
percière
droits rachetables
titres nobiliaires
lods
terriers
retrait féodal
opinion publique
bail
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire pour le sieur Antoine Baduel, propriétaire-cultivateur, demeurant à Lafage, commune de Saint-Clément ; et le sieur Antoine Baduel, deuxième du nom, aussi propriétaire-cultivateur, demeurant à Lollière, commune de Sain-Clément, défendeurs ; contre dame Marie-Charlotte Cassagne-Beaufort de Miramon, veuve de monsieur le marquis Duplessis-Chatillon, agissant comme héritière bénéficiaire de monsieur le marquis de Miramon, son père, demeurant à Paris, rue du Bac, n° 128, demanderesse. [suivi de] Observation essentielle
Table Godemel : Bail emphytéotique. v. emphytéote.
2. en Auvergne, les rentes emphytéotiques étaient-elles féodales ? Les baux emphytéotiques étaient-ils prescriptibles ? Féodalité : 1. en Auvergne, les rentes emphytéotiques étaient-elles féodales ? les Baux emphytéotiques étaient-ils prescriptibles ? en d’autres termes, les preneurs emphytéotiques, ou leurs héritiers ou ayans cause, ont-ils pu acquérir ou transmettre, par prescription, la toute propriété des biens fournis à l’emphytéote ?
en d’autres termes les preneurs emphytéotiques, ou leurs héritiers ou ayant cause, ont-ils pu acquérir ou transmettre, par prescription, la toute propriété des biens soumis à l’emphytéose ? Reconnaissance.
4. plusieurs reconnaissances notariées peuvent-elles dispenser le demandeur de représenter le Bail emphytéotique primitif ?
3. les baux emphytéotiques ont-ils été détruits ou intervertis, à l’égard du bailleur originaire, par les lois des 18-29 décembre 1790 et 11 brumaire an 7 et par les dispositions du code civil ? voir les faits spéciaux. ibid.
en tout cas quel caractère doit avoir la notification faite aux représentants du bailleur originaire, pour opérer l’interversion ?
la prescription a-t-elle couru valablement, en faveur du possesseur, dès la notification (1793) si l’on considère que, d’après la législation, la rente quel que soit sa nature, foncière ou féodale, aurait été déclarée rachetable ? prescription.
24. en Auvergne, les baux emphytéotiques étaient-ils prescriptibles ? en d’autres termes, les preneurs emphytéotiques, ou leurs héritiers, ou ayans-cause, ont-ils pu acquérir ou transmettre, par prescription, la toute propriété des biens fournis à l’emphytéose ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Imprimerie de P. Picut (Aurillac)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1837
1755-1837
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
1814-1830 : Restauration
1830-1848 : Monarchie de Juillet
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
50 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2816
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2813
BCU_Factums_G2814
BCU_Factums_G2815
BCU_Factums_G2817
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53572/BCU_Factums_G2816.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Saint-Clément (15180)
La Roussière (domaine de)
Lollière (domaine de)
La Croux (domaine de)
La Fage (domaine de)
Paris (75056)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
abolition des privilèges
absence
bail
Bail emphytéotique
biens nationaux
cens
Code civil
corvées
coutume d'Auvergne
directe seigneuriale
doctrine
domaines agricoles
domaines seigneuriaux
droit de guet et de garde
droit de propriété
droit écrit
droit intermédiaire
droits féodaux
droits rachetables
émigrés
forains
franc-alleu
fromages
jurisprudence
lods
Masuer
opinion publique
Percière
poids et mesures
prescription
rentes féodales
retrait féodal
retranscription de bail
terriers
titres nobiliaires
vin
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53407/BCU_Factums_G2111.pdf
d88eb4b026b2c9a5e3f51798c2e24efa
PDF Text
Text
OBSERVATIONS
EN
REPONSE,
POUR
M.
Jean -B ap tiste-C ésar
C H A M P F L O U R ; la dame
C H A M P F L O U R , le sieur
de
C H A L L I E R , son
é p o u x ; la dame v e u v e L A M O N T E I L H E ; et la
dame v e u v e C H A B R O L , appelans et in terv ena ns;
C O N T R E
L e Corps com m un des h abitans de C hapes, in tim é;
EN
D es Héritiers
A rtaud
PRÉSENCE
de
V I R Y , intimés.
Q U E S T I O N .
L e créancier d 'un e rente peut-il dem ander la réso
lution d u contrat contre un tiers-détenteur, q u i n ’a pas
été chargé du paiement par son a cq u isitio n , et a purgé
les h ypothèques ?
L e s habita ns de Chapes s’ agitent dans tous les sens,
font mouvoir tous les ressorts pour inquiéter un a cq u é l
�( a )
reur qui n ’a contracté envers eux aucuns engagemens;
ils abus ent, après trois plaidoiries , de ce q u ’un délibéré
de la Cour a été prolongé par des circonstances parti
culières. Et quoique la discussion ait été poussée jusqu’à
la satiété, ils espèrent que l’impression des moyens
peut ê t r e e f ï a c é e ; ils osent reproduire, contre l ’usage,
un sj^slêine b izar e, subversif de tous les principes et
du droit sacré de propriété.
Sans doute un m o te ur secret, un solliciteur pas
sionné, les a poussés à cette dém arch e; car il n’est pas
vraisemblable q u ’ un corps co m m un , qui doit agir avec
pr u d e n c e , mette autant d ’acharnement dans une cause
de cette nature.
I l n’est pas vrai d abord que l’objet en litige fût un
comm unal. M . le duc de Bouillon était propriétaire
d ’ une assez grande étendue de terrain , q u’il avait co n
cédé à n o u v e au cens aux liabitans de C hap es , ainsi
q u ’à b ea uc oup
d ’autres particuliers ; il s’est m ê m e
é l e v é j à ce sujet, de très-grandes contestations sur la
q u e s t i o n de savoir si M. le duc de Bouillon avait pu
concéder ces différentes propriétés h nouve au cens,
lorsqu’il était g r é v é d ’une substitution qui embrassait
tous ces objets.
Q uoi q u ’il en soit, de cette grande étendue de ter
rain concédé aux habitans de Chapes, dépendait un
petit marais appelé de la F o l le , continuellement n o y é
dans des eaux stagnantes, n ’étant d ’aucun produit, et
tellement insalubre, que les habitant étaient sans cesse
�( 3)
accablés par des fièvres aut omnales, cjont les suites
étaient toujours funestes au plus grand nombre.
I l était difficile d ’espérer que des cultivateurs peu
so i g n e u x , se déterminassent à dessécher ce marais, et
à ouvrir de vastes fossés pour en faire découler les
ea ux : il y eut des réclamations réitérées à ce sujet
auprès du commissaire départi, et après les formalités
prescrites en pareil cas, les habitans furent autorisés
à aliéner ce marais, à condition que l’acquéreur le
ferait dessécher.
L e 1 5 septembre 1 7 5 r , cet objet fut vendu au sieur
E n jo lb e rt -M a rt il la t, qui fut expressément chargé du.
dessèchement, et exécuta à grands frais cette opé ra
t i o n , qui présentait de grandes difficultés; il fut eu
outre chargé de paye r
l ’acquit d e l à c o m m u n e
M . le duc de B o u i l l o n , en
d e C h a p e s , u n cens annuel de
à
quinze setiers de f r o m e n t, néanmoins sans directe.
L e contrat de vente ne contient point de pacte
com m issoire; mais les habitans de Chapes ve u lent
trouver ce lle stipulation dans la dernière clause de
l ’a c t e , qui porte q u e : « sous les clauses, conventions
et stipulations ci-dessus, les habitans se sont démis et
dessaisis de la propriété ». C ’est être bien in génie ux!
A la v é r i t é , on ajoute que les habitans ont réservé
leurs droits sur le marais; mais ces droits réservés ne
peuv en t s’appliquer q u ’au droit de vaine pâ tur e, que
les habiluns conservaient sur ce marais, com m e une
condition de la v e n t e ; les habitans en concluont que
c est encore un pacte commissoire.
2
�*
Ï
4
)
■ T o u t fait -présumer aux habitans que le sieur E n jolbert, en vendant Martillat au sieur de V i r y , le
chargea de p a y e r la rente : personne n’ en sait r i e n ,
on ne rapporte pas le contrat ; mais ce q u’on sait,
et q u’on a toujours soutenu' en plaidant, c’est que le
sieur de V i r y ne Ta jamais payé e ; c ’est q u ’il n ’y a
pas d’app aience q u ’ il en ait été ch arg é, car on n’aurait
pas oublié d ’en faiie une condition dans la vente j u
diciaire qui a eu lieu postérieurement au profit du
sieur Champflour.
Ce n’est point le sieur de V i r y qui a v e n d u ; ce
n ’est pas une vente volontaire qui a été consentie.
C ’est un conseil de f a m i l l e , co n v o qu é pour les
mineurs V i r y , qui a reconnu la nécessité d’ une alié
nation, et qui a autorisé la vente des biens des mineurs,
en observant les formalités prescrites par la l o i ; il y
a e u u n e estimation préalable, desaffiches, publications
et enchères; l’adjudication en a été faite ail s.r C h a m p
flour , judiciairement et après un cahier d é c h a r g é s
déposé au g r e f f e , o ù , entre autres chos es, on ne
tr ouve pas la plus légère trace de la rente dont il
s’agit.
Cependant une charge aussi onéreuse, une renie de
i 5 setiers de froment n’est pas à négliger; elle devait
diminuer notablement le prix de l’adjudication; et il
est inconcevable que la famille réunie , une tutrice
entourée de conseils éclairés, eussent fait une sem
blable omission dans le cahier des charges, si, dans le
f a it , le sieur de V i r y avait été g ré v é de cette près-
�( 5 )
té c ÿ
talion par son contrat, et s’il avait p a y é cette m ê m e
rente.
Il n'en existe aucune ratification depuis 1 7 6 1 , au
cunes preuves de p a i e m e n t , si ce n ’est que les habitans
de Chapes prétendent que le sieur de V i r y avait laissé
arrérager trois ans; ce qui n ’est encore q u'u n e de ces al
légations sans f o n d e m e n t , jetées au hasard pour donner
une couleur favorable à une prétention chimérique.
C ’est le 18 juillet 1798 ( 22 messidor an 6 ) que le
sieur Champfl our se rend adjudicataire du dom aine
de Mart illat, m oye nn ant 120,000 fr. et les frais de l’ad
judication.
Trois ans après, en l ’an 9, les habitans de Chapes
forment contre le sieur C ham pf lo ur
une
dem ande
hypothécaire, en pai em ent de la rente. Voici les
termes de l e u r - c i t a t i o n d u 8 v e n d é m i a i r e au 9 : « le
« maire de Chapes veu t actionner le dit sieur C h a m p
ee flour, c o m m e possesseur actuel de l’objet asservi à la
ce dite r e d e va n ce, pour voir déclarer affecté et hijpo« théqué au paiement de la redevance tant le domaine
« de Martillat que le marais de la F o l l e , à être c o n
te damné hypothécairement à acquitter ladite redeva nce
« des quatre dernières an née s, échues le 10 fructidor
ce dernier; à continuer le m ê m e paiement à l’a v e n i r ,
ce tant q u ’il sera possesseur des biens; m êm e à passer
« et consentir devant notaire une nouvelle ratiiicalion
« à ses Irais, faute de c e , etc. ».
Cet le action s’accordait avec leur première démarche.
Les habitans de Chapes reconnaissaient e u x - m ê m e s
�( 6 )
q u ’ ils n ’avaient q u ’ une h y p o t h è q u e , puisqu’ils avaie nt
pris une inscription sur le bien de Martillaf, inscrip
tion q u ’ils ont laissé périmer.
L e sieur Cliampflour répond au bureau de paix ce
q u ’il devait rép ondre, q u ’il n’est pas ch a rg é, par son
adjudication, du paiement de cette r e n i e , et q u ’il
faut en faire dire ave c les héritiers Viry.
Il est de suite assigné pu rem ent et simplement en
résolutioii du contrat, en qualité de tenancier et pos
sesseu r' on ne reprend plus les conclusions h y p o t h é
caires prises p a r l a cé dule; il forme contre les héritiers
V i r y une demande en recours.
O u re m a r q u e , c o m m e une chose fort extraordinaire,
que les héritiers V i r y ne contestèrent pas la demande
principale, et s'en remirent à la prudence du tribunal
sur la demande en recours : quel effort de résolution!
Parm i les héritiers V i r y , l'enfant du premier lit a r é
pudié à la succession de son père, les autres ont ac
cepté par bénéfice d ’inve ntaire , et s’établissent cr éa n
ciers de sommes considérables d’une succession qui était
déjà absorbée par les reprises de la v e u v e , ainsi q u ’elle
l'a établi par le compte qu'elle a rendu.
Il n ’est donc pas fort étonnant que n ’ayant rien à
p e rd re, ils n’aient pas contesté une demande à laquelle
ils ne prennent aucun intérêt.
L e s habitans de Chapes in v o q u e n t , à l’appui de leur
act io n, la loi du 10 juin 1 7 9 3 , qui vient à la cause
à-peu-près c o m m e le fleuve Scamandre.
L e sieur Cliampflour, qui n ’a pas remarqué le chati-
�( 7
)
gem en t des conclusions de l ’exploit, croit toujours d é
fendre
îi
une dem ande h yp othéca ir e; son contrat n ’élait
pas transcrit ni notifié, par conséquent il était soumis à
toutes les hyp oth èq ues; el quoiqu’il absorbât, par des
créances antérieures, bien au-delà de la valeur du do
maine de Martillat, néanmoins une h yp othèq ue n’e m
pê ch e pas l’autre ; il fallait donc répondre a ux argumens
de la loi du i o j u i n 1 7 9 3 ; et le sieur Cham pflo ur dit que
cette loi n’est pas applicable; que quand elle le serait,
les habilans seraient non recevables, parce que la loi
les obligeait à intenter leur action dans les cinq ans.
J u ge m en t du tribunal civil de R i o m , d u 2 thermidor
an 11 , qui oublie aussi que les habitans n’avaient
fo rm é q u ’une demande h y p o t h é c a i r e , et co nda m ne
personnellement le sieur Cham pflo ur au paiement de
la re n t e , avec tous1 les a c c o m p a g n e m e n s d ’arrérages,
de prestation à v e n ir, de ratification et résolution d u
contrat.
C e ju geme nt est signifié le 18 fructidor an 1 1 ; le
sieur C ham pfl our en interjette appel le 4 vendé miaire
suivant. Sept années se passent dans le silence ; les habi
tans de Chapes oublient m ê m e de ren ouve ler leur ins
cription dans les dix ans.
U n nouv eau syndic se fait autoriser par un arrêté
du conseil de p r é f e c t u r e , du 28 déc em b re 1 8 1 1 ; les
poursuites se reprennent ; on en vient une première
fois à l’audience de la C o u r , du 2 mai 1 8 1 2 ; on pr é
tend que le sieur C ham pfl our avait médité un nouve au
plan de défense
a u ssi extraordinaire qiC astucieux.
m
�C ’est un compliment à son conseil, car le sieur C h a m p flou r ne s'en est pas m ê l é , et ne s’attendait pas à cette
gentillesse. Mais la première chose que doit examiner
le défenseur, c ’est sans doute la demande et le juge
m en t : il voit que le sieur Champflour n ’a point été
charg é.d u paiement de la renie par son contrat; q u ’il
n ’avait été assigné q u ’h y p o l h é c a i i e m e n t , et q u’il était
c ondam né personnellement.
• Rien de plus bizare que ce jugement. L e sieur C h a m p
flour soutient q u ’il ne peut être tenu que par la force
de l’ hypo thèq ue : il n’y a rien là (T astucieux • c ’esl la
chose la plus simple; mais les habitons de Chapes n’en
perdent pas moins la carte., et se jettent dans des dis
cussions à perle de vue sur la loi du 10 juin 1 7 9 3 , loi
révolutio nnaire, proscrite, qui d ’ailleurs n ’a jamais dit
q u ’ un liers-dél ent eur, possesseur de bonne f o i, qui a
acquis sans aucune charge de la rente, peut être per
sonnellement tenu de la payer.
L e sieur Cham pflo ur s’aperçoit aussi que les liabitans de Chapes
n ’a v a ic n l
pas renouvelé leur inscrip
tion dans les dix ans; q u ’ils avaient perdu leur pri
v i lè g e ; q u ’ils étaient primés par les autres créanciers;
il le dit encor e, et sans doute ce n ’est pas êlre a stu
c ie u x ; son défenseur n ’avait pas l’adjudicalion sous ses
y e u x ; il la croit transcrite, c ’est un fait à vérifier; la
C o u r ord onne un délibéré.
D a n s l’in le rv a ll e , les habilans de Chapes prennent
une nouvelle inscription. L e sieur Champflour s’aper
çoit que son contrat n ’esl pas transcrit : il remplit celte
formalité,
�( 9 )
IT5
fo rm alité , fait notifier son adjudication à tous les créan
ciers inscrils. Aprè s les délais pour les enchères, il fait
ouvrir l’ordre; la cause change de f a c e , il faut la plai
der de nouveau. Po u r le c o u p , les habitans de Chapes
ne peuvent passe plaindre, il n’y a plus d ’a stu ce; tout
est bien connu ; les intimés ont eu tout le temsde méditer
leur défense; on revient à l’audience en cet é tat, et tou
jours la loi du 10 juin 17 9 3 revient à tous propos. L a
défense s’épuise ; encore un délib éré, plutôt par lassi
tude que par nécessité : il a été prononcé le 16 mars
dernier.
L e s habitans de Chapes font l'injure à la C o u r de
croire q u ’ils n’ont pas été entendus; ils publient une
défense qu'ils ont méditée pendant plus de deu x mois;
- et c o m m e le dépit s’ en m ê l e , on n'épargne pas les
injures; on se permet des personnalités, et on s’avise
de parler de ce q u ’on n e connaît pas; par e x e m p l e
( pag. 9 ), on dit : « Qu e le sieur C h am p f l o u r , à force
« de m enées, s’était fait céder la plupart des créances
« existantes sur les V i r y , ses vendeurs; la masse de ces
« créances excédant en apparence la valeur des b ie n s ,
« il avait ob te n u , à vit p r i x , la plupart des cessions,
« mais avec subrogation pour le tou t, et m ê m e des
« procurations pour agir sous le nom de ses cédans. Ces
« détails, dit-on, ont fait assez d ’éclat dans le procès
« de la d a m e d e B i g n y , v e u v e V i r y , jugé par la première
« chambre de la C o u r , et qui découvrit tant de choses ».
Voilà sans d o u t e qui est bi en intéressant et bien n é
cessaire, po u r savoir si les habitans de C h a p e s on t u n e
3
�( 10 )
action h yp othéca ire , ou une action personnelle po u r le
paiement de leur rente. Mais c o m m e on accumule indé
c e m m e n t , dans ce peu de mots, une foule de calomnies;
que le sieur Champflour et ses enfans ont le droit de
s’en plaindre, et doivent en être blessés , il ne leur est
pas permis de mépriser ces odieux m ensonges , et il
est de leur devoir de s’en justifier.
M . C h a m p f l o u r , du ch ef de la dame sa m è r e , était
cohéritier du sieur V i r y , fils de la sœur de la dam e
C h am p f l o u r , propriétaire de la moitié des biens dont
le sieur de V i r y s’était em pa ré ; il lui était dû dés
restitutions de jouissances depuis 17 6 5 ; il était en
outre créancier de 64,000 fr. et des intérêts de cette
so m m e pour la charge de receveur des tailles; il lui
était encore dû des arrérages d ’une rente de
4 , 5oo
fr.
par a n n é e , cr éée en 1 7 8 2 , et dont le paiement avait
cessé depuis 1789. Cette rente était le prix de la charge
de r e c e v e u r , qui appartenait à son grand-pèrê m ater
n e l , dont il lui revenait moitié, et q u ’exerçait le sieur
de V i r y , parce que le titre
ne
pouvait appartenir
q u ’à un seul.
L e sieur de V i r y et la dame Espinasse, oncle et tante
du sieur C h am p flou r , avaient eu six enfans, et avaient
institué le sieur de V i r y , leur fils a în é , leur héritier
un i v e rs e l ,
à la charge d ’ une légitime envers leurs
enfans puînés. Ces légitimaires sollicitent leur cousin
pour lui vendre leurs droits; il se laisse entraîner
par ce futile prétex te q u ’il était créancier considé
ra b le, et q u ’en achetant les légitimes, il n ’aura plus
�rien h démêler a v e c personne; il les acquiert sans aucun
bén éfic e; il p a y e tout c e ; qui leur revient en prin
cipal et intérêts, m êm e les réserves portées par l ’instilulion. Il est porteur de toutes les quittances, et défie
qui que ce soit d ’avancer q u’il ait obtenu des remises,
ou que ses quittances soient enflées.
lia dame v e u v e V i r y , qui s’était approprié tout le
mobilier de la succession, et avait joui de tous les
im m e u b le s, propose la cession de ses droits et reprises
au sieur C h a m p f l o u r ; elle se présentait c o m m e pre
mière créa ncière , elle n’avait pas m ê m e d’inscription
sous la loi du n
brumaire an 7 ; elle avait négligé
celt e précaution dans plusieurs arrondissemens où les
Liens de son mari étaient situés, et n ot am ment dans
celui de Riom.
,
O n fait entendre au s i e u r
Cham pflour,
qui ignorait
cette circonstance, q u ’il est ava ntage ux pour lui d ’être
aux droits de la v e u v e ; elle soutenait n’avoir rien pris,
rien reçu ; elle disait avoir acquis des créances pr ivi
légiées d’ un sieur M i r o y , sous le nom du n o m m é
M ich el d e C o m b ro n d e ; le sieur C ham pf lo ur est ébloui
de ces belles p rom esse s,
il
achète les droits de la
v e u v e le 9 février 1804, Par d eu x actes du m êm e
jour , et le tout pour 69,000 f r . , quoiqu'il n’en revînt
à la v eu v e q u ’à -pe u -p rè s i 5,ooo fr.
L e sieur Cham pflo ur p a y e d’abord les premiers
termes; il s’aperçoit ensuite q u ’il a été t r o m p é , il
demande la nullité de la cession : la discussion
de
celte cause fit connaître en effet co m m en t et par qui
4
�( 12 )
le sieur Champflour avait été trompé ; M . le P r o
cureur général portant la parole dans cette cause, fut
convaincu de l ’erreur; il proclama hautement q u’il
n’y avait rien dans la demande du sieur C h am p f lo u r ,
qui put blesser la délicatesse et l’honneur , mais il o b
serva que le sieur Champflour, m a j e u r , avait traité à ses
périls et risques; que l’acte était un contrat aléatoire,
et que les principes de droit s’opposaient à ce q u ’il
p û t revenir contre des engagemens q u ’il avait e x é
cutés en grande partie. L'arr êt fut conf orme à ces
conclusions.
C e t a r r ê t , loin de découvrir tant de ch o ses, ne
jugea q u ’ un point de droit , et
la discussion qui
eut lieu en présence des héritiers V i r y , de plusieurs
c r é a n c ie r s , apprit à tout le monde que M. C h a m p
flour, loin d ’avoir acquis à vil p r ix , n ’avait obtenu
aucunes remises, et perdait au contraire plus de 80,000 fr.
sur ses propres créances.
Voilà ce que le sieur Cham pflo ur est encore en état
d ’établir; et il est inconvenant que sur une question
absolument
é t r a n g è r e , on se pe rmette des inculpa
tions contre un h o m m e d’h o n n e u r , à qui on n’a ja
mais pu faire le plus léger reproche.
T a n t q u ’on ne fera que la guerre aux m oyen s de
défenses du sieur C h am pflo ur , il n’y a rien que de
l é g i t im e , et il ne s’agit que d ’y
ré p o n d re ; et par
ex em ple est-ce bien ce q u ’avait dit l’ app elant, que
la demande en déclaration d ’h y pothèq ue n’était plus
admise; q u’on ne reconnaissait aujourd’hui que la som-
�;
( i3 )
;
m a t i o n , suivant le m o d e prescrit par le C o d e N a p o
léon ?
Lorsq ue l ’appelant a fait usage de ce m o y e n surérog a t o i r e , il y était autorisé par l ’arrêt de la Cour de
cassation , rendu dans la cause de la dame Chirol ?
fe m m e Ju lien , qui avait f o r m é , contre un acquéreur
de son m a r i, la demande
en
déclaration
d ’h y p o
thèque. On soutenait que cette action était nulle, a u x
termes du C od e Napoléon. L a dam e J u l i e n , à son
t o u r , prétendait que la demande hypothécai re n’était
pas abrogée par le Code ; que la sommation qu'il pres
crit n’était qu' une facilité plus grande pour le cr éa n
cier , qui
pou vait prendre ou la voie de l’action
h y p o t h é c a i r e , ou celle du c o m m a n d e m e n t , tant q u e
l ’acquéreur n’avait pas transcrit et notifié. Elle ajoutait
m ê m e q u e l’action h y p o t h é c a i r e é t a i t n é c e s s a i r e , toutes
les fois que l’h yp o t h èq u e était contestée; la Cour ( pre
mière c h a m b r e ) le
pensa
ainsi, et le jugea par son arrêt.
Sur le pourvoi de l’acq u é reu r, l ’arrêt a été cassé, et
la C our de cassation a j u g é , en pr incipe , que le C ode
ne permettait d ’autre action que celle du c o m m a n
dem ent au principal o b l ig é , et de la sommation au
tiers-détenteur.
Mais les habitans de Chapes confondent encore. C e
m o y e n fut proposé avant la transcription et la no
tification; et lorsque la cause a été plaidée le 16 mars
d e r n i e r , le sieur Champflour s’est contenté de dire
que les habitans de Chapes n’avaient d ’autre ressource
que de venir à l’ordre pour être colloqués suivant le
�( 14 )
rang et la priorité de leur h y p o t h è q u e ; que c ’était à
quoi se bornait toute la cause : il ne s’agit que d’e x a
miner si le sieur Charapflour a eu tort ou raison.
P r é t e n d r e , sous la loi du 11 brumaire an 7 , que
le créancier d ’ une rente peut conserver son privi
l è g e , et form er, en tout état de cause , contre Le tiersdétenteury une demande en résolution du contrat, c ’est
un e absurdité choquante.
■
' L e créancier d’ une rente n ’a q u’ une créance pu
rement mobiliaire, qui peut être purgée par l’ac q ué
r e u r , si le cr é a n c ie r , 011 môme le vend eur n’a pas
pris d’inscription; l’article 2 de la loi citée d i t , en
termes exprès , « que 1 h ypo thèq ue ne prend ra ng,
« et les privilèges sur les immeubles, n ’ont d ’effet que
k par leur inscription dans les registres publics h ce
« destinés ».
Le
C od e
Napoléon
n’a rien changé à ce prin
cipe , l’art. 2 1 0 6 , porte : « E ntre les créanciers, les pri« viléges ne produisent d ’effet ,à l’égard des immeubles,
«
q u ’autant
q u ’ils sont rendus publics par inscription sur
« les registres du conservateur des h yp o t h èq u es, de la
« manière déterminée par la loi et à compter de La date
« de cette inscription ».
Il faut encore faire une très-grande différence entre
le ve n d e u r privilégié pour le prix, et le créancier
d’ une simple rente, quand il serait bailleur de fonds.
I^e v e n d e n r , en efl'et, conserve son privilège par la
transcription du titre qui a transféré la propriété ù
l'acquéreu r, et qui constate que la totalité ou partie
�;
;
m n
du prix lui est due (article* 2108 du Code Nap o léon..
S ’il y a plusieurs ventes successives dont le prix soit dû.
en tout ou en partie, le premier vendeur est préféré au
se co nd, et celui-ci au troisième, ainsi de suite, niais
pourvu que le premier vendeur soit inscrit antérieure
m ent au second, parce que le privilège, sauf les e xcep
tions dans lesquelles les habitans de Chapes ne pe uven t
se placer, ne se conserve et ne prend rang que par l ’ins
cription, lorsque l’acquéreur du premier ven deur n’a
pas transcrit. C'est ce que la Cou r a jugé en thèse, par
un arrêt de la deu xièm e ch a m b re , du 18 janvier 1 8 1 0 ,
dans la cause des créanciers d ’ un sieur Marion. U n sieur
Brillantais avait vendu un imm eu ble à un sieur Hérissé.
Hérissé n’avait pas fait transcrire son contrat, et le sieur
Brillantais, v e n d e u r, n’avait pas pris d ’inscription quoi
que le prix lui fût dû en totalité.
Hérissé vend à s o n t o u r a u x sieurs
M artigny
et Colas,
qui font transcrire et notifier. Les créanciers du sieur
Hérissé étaient inscrits depuis l’an 1 0 ; ce u x du sieur
Brillantais ne s'inscrivirent q u ’en l’an i 3. Nonobstant
cette inscription tardive, ils prétendirent q u’en exer
çant les droits du premier v e n d e u r , ils devaient être
préférés , au x termes de l’art. 2 i o 3 du C od e N a p oléon ;
ils se fondaient sur le pacte commissoire, l’action en ré
solution,
qui
appartient toujours au v e n d e u r , à défaut
de paiement du prix de la vente. L e s créanciers Hérissé
ajoutaient, à leur tour, que le privilège du premier
vendeur ue peut être c o n s e r v é , et ne prend rang que
du jour de l ’inscription ; que le contrat du premier
�^acquéreur n’avait pas élé Iranscrit, et que dès-lors le
sieur Brillantais avait perdu son privilège sur le second
acquéreur. Ju ge ment de Moulins, qui colloque en pre
m ier ordre les créanciers Hérissé, se fondant sur l’ar
ticle 2106 du Code. A p p e l en la C o u r ; arrêt confir<
niatif par les mêmes motifs.
Il
résulte donc de la disposition de la loi du 11 bru
maire an 7 , de celle du C od e Napoléon , et de l’arrêt
de la C o u r , que le vendeur ne peut exercer son pri
vi lè ge contre des tiers, qu'autant q u’il l’a conservé par
u n e inscription, ou que son privilège ne prend rang
q u ’à compter de l’inscription; et la raison en est simple:
p o u r exercer une action contre un tiers, il faut pouvoir
lui donner les moyens de
reprendre
ce q u ’il a p a y é à
la décharge de son déb iteur ; il iaut pouvoir le subroger
à des droits utiles. E t quelle sorte d ’action reslerait-il,
par e x e m p l e , à un tiers-détenteur obligé de rép on dr e,
ou de verser le prix de son contrat aux créanciers ins
crits, si le premier ve ndeur a perdu son privilège; si
le tiers-délenteur ne peut tirer aucun fruit du paie
ment
q u ’ il aur ai t f ai t
à ce ven de ur? q u’ importerait aux
créanciers inscrits sur un im m e u b l e , que le tiers dé
tenteur eût p a y é le prix à un premier vendeur non
inscrit? les créanciers ne diraient-ils pas que le tiersdét enteu r à mal à propos payé à celui qui n ’avait
aucun lit re , qui avait perdu son pr ivilè ge , et q u ’il n’en
doit pas moins verser une seconde fois entre leurs
mains ?
C e q u ’on dit du ve ndeur s’a p p l i q u e , à plus forte
rai son,
�(
*7
)
raison, au créancier d ’ une r en te, qui n’est q u ’ une chose
purement «nobiliaire. Il est inconcevable d'entendre
plaider solennel lement, et de voir publier par l’impres
sion, que le créancier d’ une rente n’a pas besoin d’inscription, parce q u’il a toujours le droit de demander
la résolution du contrat contre le tiers-clé lenteur. O n
dit que la loi du 29 décembre i7 9 ° > en déclarant raclietables les rentes foncières perpétuelles, n’en a pas
changé la nature. Mais depuis la loi de 1 7 9 ° ? ^ en a
été promulgué beaucoup d ’autres; et peut-on dire que
les rentes ne sont pas mobilisées par la loi du 11 b ru
maire an 7 ? Oserait-on le dire encore sous le C o d e
N ap o léo n , d ’après l ’art. 5 2 9 , §. 2 , et l’art.
53 o ,
tous
deux placés sous la rubrique des m lu b les? à moins,
q u’on ne voulût prétendre encore que les servitudes
OU services fo n ciers , q u i sont i m m e u b l e s , veulent
dire les rentes fo n c iè r e s , et q u ’on assimile à une
rente fo n ciè re, un service pour
droit de .p u is a g e ,
passage, ou le service que doit l’héritage inférieur au
supérieur, etc.
Mais le s.r Champflour aura beau d i r e , l ’immortel
D om at qui en savait plus que lui et que n o u s , a dit
sur le titre du contrat de v e n t e , « que celui qui a
« vendu un imm euble dont il n ’a pas reçu le prix ,
« est préféré aux créanciers de l’a ch et eu r, et à tout
« a u t r e , sur le fonds v e n d u ; car la ven te
re n fe rm a it
« la condition que /’ acheteur n ’e n ’ serait le maître ,
« qu’en payant le prix. , etc. ». M .
Domat s a p p u y é
sur la loi 19. Cod. de contrah. empt.\ et ces prin-
5
�C 18 )
cipes sont soigneusement conservés par les art. 1 6 1 2 ;
1 6 5 4 , i 665 , n
83,
1 1 8 4 du Code Napoléon.
Ri en n’est plus juste. L e v e n d e u r , sans c o n t r e d i t ,
a un privilège sur la chose v e n d u e , pour le prix qui
resle dû. Il le suit enlre quelques mains que son gage
ait passé, pourvu q u ’il ail conservé son pr iv ilè ge, par
une inscription, ou que son ven deur ait transcrit. C ’est
là ce q u’ajouterait M .
D o m a t lu i- m ê m e , s’il avait
connu la loi du 11 brumaire an 7 et le Code N a p o
léon ; mais si les habitans de Chapes n ’ont pas con
servé leur privilège par une inscription , ou s’ils sont
primés par des créanciers antérieurement inscrits, c o m
m en t pourraient-ils demander la résolution de leur
ancien contrat contre un tiers-détenteur qui ne tient
rien d ’eux et n ’a rien acquis d ’eux.
L a Cour de cassation l ’a ainsi j u g é , s’écrient les
habitans de C h ap es, et par deu x arrêts successifs! Il
faut donc ex am in er ces deu x arrêts, pour savoir si,
en effet, ils ont la plus légère application à l’espèce.
On conviendra p eut- êt re que le prem ie r, au moins,
n ’ est pas bien choisi. Ü n bail à locaterie perpétuelle
avait été consenti au profit d ’un sieur Pierre Squiroly.
C e bail comprenait deux domaines, et avait passé suc
cessivement aux enfans du preneur originaire. U n e
f e m m e Squiroly avait pris, en l’an 8 , une inscription
sur les biens de son m a r i , pour la conservation de
ses droits; la rente n ’étant pas p a y é e au bailleur,
ce lu i- c i, en l ’an 9 , obtint contre son débiteur un j u
gement qui condamna au paiement des arrérages, dans
�(
*9
)
titl délai fixé j sinon déclara le contrat résolu ; appel de
S q u iro ly , arrêt confirm atif, déguerpissement effectué,
L a fem m e Squiroly se fait séparer de biens; elle
fait procéder , par expropriation forcée* sur les biens de
son m a i i ; inais elle ne comprend pas^ dans la saisie
im m o b ilia ir e , les domaines déguerpis; seulement en
ver tu de
sOn
inscription elle assigne h yp oth écaire m ent
ïe bailleur qui s’élait mis en possession ; elle devait
succomber dans sa p r é l ë n li o n , par un m o y e n tran
chant, un principe universellement r e c o n n u ; c’est qüô
la résolution e x causa a n liq u â , prononcée contre lé
p r e n e u r, fait rentrer dans la main du bailleur l’objet
c o n c é d é , franc et quitte de toutes hypothèques j comrtiô
s’il n’y avait jamais eu de concëssioh;
Cependant la f e m m e Squiroly se pourvoit ên Oâàs à t i o n contré l ’arrêt de T o u l o u s e , qüi l ' a v a i t d é b o u t é ©
de sa d e m a n d e , et le m o y e n sur lequel elle insistai! l é
plus*
aux
était
de vouloir assimilât les Lûcàtenes perpétuelles
r e n te s
q u e ïe
foncières ; et il ést à remarquer énCbie
jugement et l’àrrêt qui avâieilt prorioncé la r é
solution , avaient passé en force de chose jugée. L ’artêt
de cassation, en rejètant la r é q u ê t e ,d o t in e pour m o t if
que le pacte commissoire a lieu en contrats de reniés
foncières; persoiiné ne lë Conteste.
11
dit aussi tjue Io
phcte commissoirë tésoüt lë contriit ab in itia , et pàf
conséquetil efface tbufés hypothèq ues intermédiaires j
il ajoute enliti tjue 1-arrêt qui prononçait la résolulibti
était
contradictoire,
ët
aVait acquis F aulohté dëla'chosô
jugée , quand la réclamante y avait formé bpposilioft,
6
�( 2° )
On a beau s’ingénier , pour découvrir ce que cet
arrêt a de com m u n ave c l’espèce particulière, et on
n ’est pas assez habile pour l’apercevoir. L à , le dé
guerpissement est prononcé contre le preneur • ici •, il
est demandé contre un tiers-détenteur, qui n’a pas élé
chargé
de payer la rente. L à , il n’y avait q u ’une
créance hypothécaire , qui ne pouvait atteindre des
immeubles rentrés dans la main du bailleur e x causâ
a n tiq u â , et affranchis par conséquent de toutes les
hyp ot hèq ue s sur le pren eu r; i c i , il s’agit d ’une pro
priété qui a passé entre plusieurs mains , qui est de
ve n u e le gage des créanciers des seconds a c q u é r e u r s ,
faute par le bailleur d ’avoir conservé son privilège ;
enfin c’est un simple arrêt de rejet , qui pr ouve que
l ’arrêt aflaqué n ’a violé aucune ancienne loi, et q u’il
s’est conformé à l ’ancienne jurisprudence, il ne peut
donc être un préjugé à invoquer dans la cause.
•3 L e s habitans de Chapes seront-ils
plus he ur eu x
pour le second arrêl q u’ils ont encore cité ? En voici
l ’espèce. L e 27 ventôse an 1 0 , le sieur Mignot et la
dame Fages achetèrent conjointement des v e u v e et
enfans L o n g c l i a m p s , un i m m e u b l e , moyennant la
somme de 7,000 fr.; le 22 messidor an 12, acte par lequel
les deux acquéreurs procédant à la licitalion de l ’im
m eu b le par eux acquis, convinrent q u ’il appartiendrait
en totalité à la dame Fages; il fut co n v e n u , com m e
condition sine quâ n o n , q u ’en cas d ’inexécution de
la part de cette daine, d ’une seule des clauses stipulées,
La Licitation serait annullcc de plein d r o it, et que
�( )
}$S
p a r la seule échéance des te rm e s, la dame Fages serait
de droit constituée en demeure.
L e 1 3 thermidor su iv a n t, le sieur M ig not f i t inscrire
l'acte de Licitation au bureau des hypothéqués, pour
conserver son privilège.
Par une clause précise de l’acte , il devait rester
en possession de sa moitié dans l ’im meuble licité, jus
q u ’à ce q u’il eût été satisfait par la dame Fages aux
conditions de la licitation.
L a dame F a g e s , sans avoir rempli aucunes de ces
conditions, s’avise d’assigner le sieur Mignot en désis
tement. Jug emen t qui le maintient en possession.
En cet é t a t , la dame Fages revend l’imm euble entier
a u x sieur et d a m e Ra yna u d. L e sieur Mignot , qui
n ’était pas dépossédé de l’i m m e u b l e , se pourvoit tant
c o n t r e la dame Fages que c o n t r e les s i e u r et dame
R a y n a u d , en résolution de la licitation, et en nullité
de la vente postérieure. Il est déboulé de sa demande
au tribunal de Besançon , parce q u’il avait demandé
l ’exécution de la licitation, lors du premier ju gem ent
qui l’avait maintenu; et q u ’en demandant l ’exécution,
il était censé avoir renoncé au pacte commissoire sti
pulé. Sur l ’a pp el, la C our de Besançon confirme par
d’autres m o ti fs , notam me nt à raison de ce que le
sieur Mignot n’avait exercé son action résolutoire q u ’a
près la vente faite par la dame Fages aux sieur et dame
Ra yn aud , et que la résolution d ’ un
contrat
ne peut
préjudiciel’ à des tiers qui ont acquis de bonne foi.
Pou rvoi en cassation du sieur Mignot :et quels étaient
�( Z2 )
ses m o y e n s? Il disait i.° que la Iicifafion avait été
déclarée rés oluble, et que ce ll e stipulation devait avoir
son effet; que l’article 2182 du Code porte que le
v e n d e u r ne transmet h l’acheteur que la propriété et
les droits qu'il avait l u i- m ê m e ;
2 ° Que le ven deur à faculté de rachat, peut exercer
son action contre un second a cq u é reu r, et q u ’il doit en
être de m ê m e , lorsque la vente a été faite sous clause
résolutoire ;
3 .° 11 convenait
q u ’il fallait faire une différence
•< entre le privilège q u ’a le vendeur sur le bien ve ndu
« pour le prix qui lui esl dû, et le droit que lui assure la
« clause résolutoire è±près sèment stipulée •
« Q u e la demande en résiliation , q u ’autorise là loi,
« pourrait ne pas avoir lieu contre un second acheteur « q u ’il n ’en serait pas de m ê m e de celle qui est établie
« sur là convention »;
« Q u ’on doit distinguer la résolution légale de la ré« solution conventionnelle f car la loi les distingue ( ar
ec ticles i 655 et 16Ô6 C. N. ) »;
Q u e q udiit h la résolution conventionnelle, l ’article
i
656
veut biên qüe l ’acheteur puisse purger sa de-
xn'eüré tant qu'il n*a pas été s o m m é ; mais que cette
grâce prouve la consistance de la stipulation du pacte
commissoire.
L a C o u r de cassation , « Al tendu én fait q u e dans
lŸacté dé licilatiôri , du 22 messidor ûn
1 2 , il a été
expressément con vétiu q u ’en cas d ’i n é x é c ü t i o t i , dé la
part des mariés F a g é s , d ’ une Seule des clauses de Cet
�( 23 )
H ï
a c l e , la licitation serait annulée de plein d ro it, etc.
At te ndu en droit q u ’il est de règle certaine qu'u n
vendeur ne peut transmettre à son acquéreur plus de
droits q u ’il n’en a l u i - m ê m e ; q u’ainsi quelle q u ’ait pu
être la bonne foi des R a y n a u d , ils n ’ont acheté que
la propriété q u ’avaient les mariés Fages 5 et ils ont
été obligés , c o m m e l ’avaient été ces derniers e u x m ê m e s , de supporter l’effet de la clause résolutoire
stipulée en l’acte de licitation. — A tte ndu enfin q u ’il
ne faut pas confondre le privilçge qu'a le vendeur sur
le b ien , pour le p r ix q u i lu i est dû ,} avec le droit réel
que lui assure la clause résolutoire, lequel n’a pas besoin
d ’inscription pour être conservé ; mais que cette ins
cription fût-elle nécessaire, on n’en saurait rien in
d u i r e , dans l ’e s p èc e, au préjudice de M i g n o t , puis
q u ’il a fait transcrire le contrat de lic ita tion , e t c.,
casse, etc. ».
11 faut convenir que les liabitans de C h ap e s , en
faisant usage de ce second arrê t, n ’ont pas fait p r eu ve
de discernement. I l est diamétrale ment en opposition
avec leur système.
Lors de cet arrêt, tout le m o n d e , M ignot lui- m êm e,
reconnaissait que le privilège du v e n d e u r , pour le
prix qui lui est dû, ne subsiste plus contre le second
a c q u é r e u r , lorsqu’il n’a pas été conservé par l ’inscrip
tion.' O n ne se fondait que sur la stipulation expresse
du pacte résolutoire, q u ’on considérait com m e un droit
r é e l, c o m m e une convention qui f a i t essentiellement
partie de là propriété.
/
^
�( 24 )
Et la Cour de cassalion n ’oublie pas d’établir cette
différence dans ses motifs; et comment ne l’aurait-ello
pas fait, lorsque le Code Napoléon l’établil lui-mêm e
dans les art. 1 655 et 1 65 6 ?
P a r l e premier article, lorsque le pacte commissoire
n ’est pas stipulé , le ve n deur peut demander la réso
lution contre Cacheteur. C ’est une de m an de, et il faut
un jugement : c ’est l’espèce de l’arrêt des Squirotij.
P a r le second, et lorsqu’il y a une stipulation expresse,
il ne faut plus q u ’ une simple sommation pour mettre
en demeure 5 et après ce ll e sommation, il n’est plus
permis d’accorder de délai.
Q ue résulte—t-il de là? Rien autre chose , sinon que
le v e n d e u r , ne conserve son privilège contre un se
cond a c h e t e u r , q u ’aulant q u ’il a pris in scr ip lio n , et
à compter de son inscription; q u’il n’y a pas le plus
léger d o u t e , toutes les fois que le pacte commissoire
n ’a pas été stip ulé; q u e , lorsqu’il l’a é t é , l'action en
résolution pourrait être adm ise, si toutefois le v en
deur a
bien
inscrit
; ca r, il faut bien remarquer q u ’on a
pris soin de d i r e , lors du second arrêt, que
M ig not avait transcrit; et la C o ur de cassation n ’a
pas manqué de relever c e ll e circonstance.
I c i , la ve nte de 176 1 , ne contient pas de pacte
résohiloire. L esh ab it an s de Chapes n’avaient pris ins
criplion q u ’en l’an 9; ils étaient primés par une foule
de créanciers
inscrits en l’an
7. Ils ne pourraient
venir q u ’à co mpt er de leur insciiplion.
Les habitans de Chapes ont laissé périmer celte
première
�première
inscription ; ils ne l’ont
pas renouvelée
dans les dix ans; celle q u ’ils ont prise, après le pre
mier arrêt, ne leur donne rang qu'à compter de celte
dernière linscription.
Ils ont formé une simple demande hypothécaire ;
ils se sont jugés e u x - m ê m e s ; ils auraient p u , dans
l ’o rigin
e,7 iormer une demande en résolution contre
D
l ’a c q u é re u r; ils l’ont négligé. L ’arrêt des Squiroly est
rendu contré l’a ch eteu r; l’arrêt des Fages et JReynaud
est rendu tant contre l’acquéreur que contre les tiersdétenteurs , et par des motifs que les habitans de
Chapes ne peuvent invoquer. C o m m e n t pourraient-ils
donc insister dans leur prétention?
•
Les intimés ont si bien aperçu le côté faible de
leur sysième, q u ’ils se sont ingéniés pour trouver le
pacle commissoire stipulé duns leur c o n t r a t , ou au
moins des c ’auses équipollenles.
O r , disent-ils, le sieur Champflour a dû s a v o i r , et
lire dans le contrat de son v e n d e u r , que la propriété
du marais de la Folle était d’origine c o m m u n a l e , et
q u ’ il devait une rente au duc de Bouillon ; ce qui
équivaut au pacte commissoire;
Qu'il devait tenir l’héritage en nature de pré non
c l o s ; donc il y a 1111 pacte commissoire; que la pro
priété ne lui était transmise q u ’à ces conditions : donc
l'inexécution entraîne la clause résolutoire;
',
Q u ’il n’avait le droit d’en disposer, et jouir co m m e
de son bien propre , q u’à la c h a r g e , toutefois, de con
server les droits réservés à la c o m m u n e sur ledit ma-<
�( *6 )
rats. Voilà encore une clause réso lutoire, 'puisque les
habit ans se sont réservé le pacage.
" Il a su que la propriété n'avait passé dans ses mains
q u ’à cette condition ; donc il y a une stipulation , q u ’à
défaut de paiement ou d ’exécution des clauses, le con
trat serait résolu.
Voilà co m m en t raisonnent les intimés , pour sup
pléer à ce qui manque dans leur acte. Ils convien
draient peu t-être que ce pacte commissoire doit être
expressément stipulé, d ’après l’article i 656 du C o d e :
in diget speciali notâ. Mais peu im p o r t e ; il est écrit
dans l’ article 1 1 8 4 du C ode que la clause résolutoire
est toujours sous-entendue. Il fallait cependant aller
plus loin ; on aurait lu , dans le § suivant du m êm e
a r t i c l e , que le contrat n’est pas résolu de plein droit ;
que la résolution doit être demandée en justice contre
La partie qui a contracté L'engagement. On ne verra
nulle part q u ’on puisse la demander contre Le tiersdétenteur qui a acquis sans aucune charge. On aurait
vu aussi ailleurs qu’ un adjudicataire ne doit connaître
que le cahier des charges ; q u’il n’a pas en son pou
voir les contrats antérieurs; et que quand il les aurait,
il doit présumer que les redevances sont anéanties,
toutes les fois q u ’il n ’est pas chargé de les acquitter.
Les intimés, qui voient tant de choses, ont vu dans
l ’article 2108 du C o d e N a p o lé o n , que le vendeur était
dispensé de s’inscrire, et q u ’il conservait son privi
lège j u s q u 'a u
moment de la
transcription. L e sieut
Champilour n’est pas aussi habile ; il a bien vu que
�(*
7
)
¡ C j!
le vende ur conservait son privilège p a r l a trans crip tion,-/
lorsqu’ elle constatait q u’ il était dû au vendeur tout ou
partie du p r i x , et ce n’est pas fort étonnant; mais j u s
qu'à la transcription, c’ est un peu fort j et lorsque la
transcription ne constate pas q u ’il soit d û q u e lq u e chose
au premier v en d e u r, ce serait encore plus fort»
-Enfin, reste la loi du 10 juin i79^> ^ue ^es b a"
bilans veulent faire r e v i v r e , quoiqu’ils dussent formel:
leur revendication dans les cinq ans, et q u ’ils l’aient
négligé. Depuis long-lems cette loi révolutionnaire
est app ré cié e; on a m êm e été obligé de la suspendre
dans ses effets peu de tems après sa promulgation. V o u lûl-on encore l’invoquer? on y verrait que les liabitans
ne pe uvent réclamer que ce qui leur a été usurpé
que d’après l’article 10 de la section 4 , § 2„ ils doivent
r e s p e c t e r les v e n t e s pa r e u x c o n s e n t i e s , l o r s q u ’elles ont
été précédées des formalités prescrites, a vec le consen
tement des liabitans. ,
On y lirait q u’ils peuvent revendiquer leurs c o m m u
naux entre les mains des seigneurs, lorsqu’ils en ont été
dépouillés par la puissance fé oda le ; entre les mains des
particuliers qui n ’auraient pas de titres, ou dont les
titres les constitueraient en mauvaise f o i; com m e si
les officiers municipaux avaient aliéné les propriétés
c o m m u n e s, sans y être préalablement autorisés par le
consentement des liabitans.
Mais vouloir invoquer la loi du 10 juin 1793 pour
reprendre un objet vendu ave c toutes les solennités
prescrites, pour une cause urgente et nécessaire; v o u -
�( 28 )
loir, en vertu de cette loi, réclamer une rente entre les"
mains d'un troisième acq ué reur, qui n ’en a pas été
ch a r g é , contre lequel on n’a pris aucune précaution
po u r conserver l'action hypot hécaire ou privilégiée,
ce sont-là de ces rêves creux qui n’ont pas passé par
la porte d’iv oire, et qui ne peuvent se réaliser.
I l n ’en coûtait pas davantage aux h a b itans, de dis
cuter ou de défendre leur cause avec plus de d é
cence ; de traiter d ’une manière convenable un h o m m e
d ’honneur, fait pour o cc up er , dans la société, un rang
distingué; de ne point l ’accuser d’employer de m isé
rables subterfug es, des moyens a s tu c ie u x , lorsqu'il dis
cute ses droits a ve c l o y a u t é , et q u ’ il veut se dispenser
d ’acquitter une charge onéreuse, qui n e fait point partie
de sa ve nte , et pour laquelle il n ’a contracté aucuns
engagemens.
M .e P A G E S ,
ancien Avocat.
M. e V E R N I È R E , avoué-licencié.
J.-C. S A L L E S , lmp. de la Cour impériale et du Barreau.
�-
_
f
-y— /y
**>uter ct/L v '"à**
t
^UMyovwu»
1**9-
©/«î*.
ijV\A. /’ftitZiTt«
»
c^
vw >w
^ *\
k
Krf¿
nSfrtuxÂOk(M«|(A> jOiur
w « ^jî^»
ùu.1 c o Zs ^ u
u¿fl<
M iJ w C c
fv covJC**í^ w»«»
Q-*t" . <£*-»- ^**1 ^JuaX*â*
t—
^L^feMiJU
Cjtt.
-¿a
/L
f^ iJ x r
t
twu | iM « jr *Zivc.
<¿0
&a L
U
*
•—■
^- o«a
v*4««**" uI*JC“
t
u ^ iu ^ u i
¡)
J
L
^
y
■
- .
]í »¿I
( | i u h 2 a c
' | t]
^*a¿Aua^í (
1•-^^• c*-* ^
*■
—
i^W|®Lü
C|wC ^
*
0
.... U ¿5_ ^__ ', ,, ^1—
'"fc*- *^w**~trûL
»-«/ il* ^LiCtñXvÜ “^o
AoÀÎ*iîZ%
/
w
C*-
yuiw Y»*- cu'à-o cLoJl
£ü**i/Ü.
\jCcî
f+isJ»^akut
\
r
H
Íf¿
'■
*j^|
/~ A*.«ÂT ^
^
*
Owo«/í£*
A
f *
UJ^ïT <^4 ^
¿¿V ,
„.. r „ iis- /<Ta " r - L ” “T “~
- A - /- ^iuG
r»_ it >^“ <>?'.
4*-.
6^
-- - citfc cu w o Æ ;
<T>- £>«^JUuw- £ A«~Jr c^vJsr k
K*/ /ikmai c«J( fj<*\
u- u~
*^rl» *|w**»
c^xS.
^
VMA tsjJuf rC^
-*> /«* A^xr-
fï*A»j3
/** *JuZtic
«^foUli" «—
^
*/t-%
/ *5^
—fc^r"
sj**"
f
¿fcX^
^ ^WJ/i-o IX uV c ti "'
OWO
2i
1\ ' ,
Mauxic~
t^r- 'cjfer^’^ c
JâSrôxtAJr- ^ {<* pu)ï t i r ^ '**£*■<'
f t 4^ f c ***
Ívík-. i£—*- udì’ ^ ir / A ^
u'fc
cfeZ- Co^ÎiAj»«*
wAtA^rf^iû' ^jc~Xô u~~fz¿z.i. «~4»4o «i-—<1«—iw«ffù,,^ ‘“-u
w
|
/m. A>\#
,
ait . <JwO /'fc¿íÍA y U»^-JAO
-/>.t r -/¿}t , n
»y
t^J(
cf~'‘Js
CaJ*^LV4j
tvtt-.
':
^
¿ A iu y ^ - Z r -
ìju
f~-£Z~ì>u /« t*r^r
^ É vo o cM ^
c-> J¡|^
¿ ^ . '^ • X i t A 4 * ^ >
*
%\i*6 f ÿ«>Jtz:
^ tv- U (il «..
/‘arth X \ 6 6 t
^ >v \^ j o j J ‘ m * w >->
^
v.*— Li^öw> p*jU¿4j\ f-“*“
(/^
“ Ù-O
*-* u4a
fc^L.
^-'U
f
(^^p-lwfor«
f_
11
(w —ijrvo
^
¡¡;
rj
iXtjUÒojO»«.
,
"
�*—
'
/
*
-
t,».
ws<-«-\ <^«0 «!
¿*^iaO> Uí'^T ¿ AjC*Jc*^oo- ^üá«UiJtav%
*-^
N f^vA*»^i-vj^ ^ 4.
cMtwiui -y»wOu**j( ■ /'oítiW Ao ^™*^r*
'
•
V
^
t^vl C\o^yw
<i.t^“. t^MX. ¿L fuíi -Tki ía^AÜ^t
(»||liï—-7«*«^iWWj
'Wuí Û4J ^lUjp\«Jit<r
^tU
V>t^c
tvo^UA
(\jUmauj»AO
VtCTi)
^z^AtA^r" ^ -Uo^^íi7
AfcJk—
(/U(MAia/iO
tu i
.
‘" ^
W l/ ^ ^
«<^haJT*
w ü u *^ ^ —
*[' .'UU
/c
a Ax|>\yu4 «I) d^^K/^yO
A****- ü^(í*jJIi!m
^
~
c íf\ J O
Li
C“ÍH
b l \\
&Í\
v%
í \X
»>
*^
.A
4 .A
¿¿V
C
^á jn -^uJ/**~ Ai
í' * t/
iM A f K ^ is ^ o m
r*~
fjuKfca
(fVtK^ A‘
«Xí«_
^ «-c»Av-"
{t* j^o\»~»*_> à
"/« fjuAta &-0 '*¡j\¿~c> o^fjjujiK^Ja:
^ 'o 'd Ù tO « ............ ..
^' />c—
Í4j /vv»/, ^kyvJk^ W • UfAvl í ^ »«a^.,4
(/
3
* " ' '
'
í««v¿^(m3
"*
' ryx
«Xov-Jt T 'Z*». ^jtvvföCT
l^Lx í*.
yUM<^voo¿*>
C^KiSÍvJL^Aum ^ fe**
c
^
«TT^ \oJt~"
-/'oüv*-* «A-- ^
"io iû nTiv^O Cav Ay»-»■
%ívj^~ ^
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
[Factum. Champflour, Jean-Baptiste-César. 1813?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Pagès
Vernière
Subject
The topic of the resource
communaux
pacage
rentes féodales
ventes volontaires
marais
experts
prescription
conciliations
conflit de lois
créances
jurisprudence
code civil
droit intermédiaire
fiefs
conseils de famille
inscription
loi du 10 juin 1793 sur les communes
successions
ventes
Description
An account of the resource
Titre complet : Observations en réponse, pour M. Jean-Baptiste-César Champflour ; la dame Champflour, le sieur de Challier, son époux ; la dame veuve Lamonteilhe ; et la dame veuve Chabrol, appelans et intervenans ; contre le Corps commun des habitants de Chapes, intimé ; en présence des héritiers Artaud de Viry, intimés. Question. Le créancier d'une rentre peut-il demander la résolution du contrat contre un tiers-détenteur, qui n'a pas été chargé du paiement par son acquisition, et a purgé les hypothèques ?
Table Godemel : action en déclaration d’hypothèque : 2. une demande hypothécaire a-t-elle pu être transformée en une action personnelle ? l’action hypothécaire, introduite par l’ancien droit, est-elle admise par le code ? Transcription : 2. le créancier d’une rente peut-il demander la résolution du contrat contre un tiers-détenteur qui n’a pas été chargé du paiement par son acquisition et a payé les hypothèques ? le tiers-acquéreur qui a fait transcrire n’est-il tenu que du paiement du prix de la vente envers les créanciers de son vendeur ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
J.-C. Salles (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
circa 1813
1751-1813
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
28 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2111
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2110
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53407/BCU_Factums_G2111.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Chappes (63089)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Code civil
communaux
conciliations
conflit de lois
conseils de famille
Créances
droit intermédiaire
experts
fiefs
inscription
jurisprudence
loi du 10 juin 1793 sur les communes
marais
pacage
prescription
rentes féodales
Successions
ventes
ventes volontaires
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53242/BCU_Factums_G1502.pdf
909b27e6f454feb8207dae025e0f2c10
PDF Text
Text
ai
COUR
D ’A P P E L
SÉANT
%»' » iu<«k iir
A RI OM.
J a c q u e s C H A V E , appelant ;
C O N T R E
Jeanne
L
A
VALLA, et E l i s a b e t h FERRIER,
sa fille , majeure intimées.
,
recherche de la paternité est interdite , et c’est
dans nos mœurs un scandale de moins. D ans ce secret de
la nature , le législateur ne p o u v o it que s’en rapporter à
la crédulité de l’ h o m m e , ou se jeter dans le vagu e des
conjectures : le prem ier parti seul étoit juste; la loi l’adopte;
et aucun enfant naturel n’a le droit de nom m er son p è re
que celui qui a vo ulu se déclarer tel.
N ul acte ne doit donc être plus lé g a l, plus lib r e , que
cette déclaration. L e soupçon seul de contrainte est incomA
�1
( o
patible avec elle ; car si elle n’est pas clairement l ’eiTet
^
spontané de la réflexion , le bu t m oral de la loi n’existe
plus.
* - *'* -uXLî^ g\
L ’appelant réclam e contre l ’oubli de ces p rin c ip e s, et se
place sous la protection de la c o u r , p o u r faire annuller un
***'
acte in fo r m e , auquel on l’a fait participer par la violence ;
4
il demande à n’être par foi’pè île rçcpnnqître un enfant. ' ',
•
y* " '
■
U fX«rilÉi)
qui ne fut jamais le sien.
-y*
^
^
L es premiers juges n ’ont pas vo u lu admettre là jîreuve*«'^ >*u
q u ’il étoit à m êm e d ’o ff r ir ; et si cette o p in io p ,'p o y v o it ^ .*
p ré v a lo ir , il en résulteroit que , contx;e ,le-*vœu'de i« l a i f
un h o m m e donneroit son nom m algré lui à u n 'e n fa n t
**••?
n a tu r e l, seroit contraint de prendre soin d’un étrtfng^r,-' *- >
et de lui laisser sa succession.
. ;
*" '
F A I T S .
Jeanne Valla^ et Elisabeth F e rrie r, sa fille, habitent le
lieu de M a z e t , m airie de Cham bon. L eu rs habitudes et
leurs mœurs étoient à peine connues de Jacques C h a v e ,
qui demeure à la distance d ’environ une lieue de leur
domicile.
Son â g e , plus avancé m ôm e que celui de la m ère, ne lui
eût donné aucun prétexte de se rapprocher de la fille. U n
séducteur à ch e v e u x blancs est ra re ; au village il ne connoît pas l’oisiveté qui nourrit les illusions, et la m onotonie
de ses travaux rustiques avance l’amortissement de ses
sensations, en occupant toute son existence.
Ces femmes étoient donc absolument étrangères à Clia ver
lorsque tout d’ uu coup il s’est trouvé m êlé à leur destinée
**
�(3)
SU
p ar une de ces sourdes m anœuvres que l ’enfer seul peut
faire concevoir.
U n matin à huit heures ( le 21 germ inal an 9 ) , Jacques
C have , m a la d e , est brusquem ent arraché de son lit par
deux frères de la fille F errier , suivis de trois autres jeunes
gens armés de bâtons ou de fourches. Il se disent envoyés
par le sieur de B an n es, m aire de C h a m b o n , et comman
dent i'i C have de les suivre dans la maison de ce sieur de
Bannes. Il s’habille et les suit.
L à il trouve Jeanne V a lla qui paroit en grande ç o l e r e ,
l ’accueille par des injures grossières , lui dit que sa fille est
a c c o u c h é e , depuis quinze j o u r s , d’un garçon dont il est
le p è r e , suivant le récit de sa fille et de M . le m aire de
C ham bon , et q u ’il faut signer sur le cham p l’acte de
naissance.
C h a ve , étourdi d ’une vespérie aussi in a tten d u e, pressé
entre les cris de la m ère , les coups de poings des f r è r e s ,
et les menaces de leurs trois hom m es d’esco rte, veut éle ver
la v o i x , et in v o q u er la notoriété p u b liq u e; des bâtons sont
levés contre lui p o u r toute réponse : il sollicite la justice
du m aire , mais le m aire le pren d à part p o u r lui dire
q u ’ il falloit céder à la circonstance, et que sa v i e .n etoit
pas en sûreté. L ’avenir a appris à C h a v e quel interet pres
sant le m aire lu i- m ê in e avoit a ce que la calom nie eut
une direction certaine.
O n com prend alors que cette derniere insinuation a
ébranlé le courage de Chave. L e sieur de Bannes prend
aussitôt le registre des actes, y efFace quelques mots, en subs
titue d’a u tre s , et remet une plum e à C h ave : une seconde
résistance am ène de nouvelles violences. I l fait enfin ce
q u ’ on exige ; il signe.
�(4)
E n sortant de chez le m a ire , les satellites le mènent au
cabaret, se font donner ù b o ire , le forcent à p a y e r, mettent
l ’enfant dans ses bras , lui font les pins horribles menaces
s’il dit un m ot ; et se retirent.
Sans doute il m an gu e à ces faits beaucoup de circons
tances
importantes ; mais C h a v e , glacé d’épouvante ,
étoit-il libre de r é flé c h ir ? L a plupart de ces détails ont
échappé à sa m é m o ire , ou plutôt à son attention».
Enfin C h a y e , revenu de son étourdissem ent, p ut réflé
ch ir sur les conséquences de l ’acte qu ’on venoit de lui
e x t o r q u e r , et sur le parti q u ’il avoit à prendre.
L a dém arche la plus pressée et la plus indispensable,
étoit de se débarrasser de l ’innocente créature q u ’une
m ère dénaturée avoit rejetée de ses bras p o u r l'aban
don ner aux. soins d ’un étranger. C h a v e hésita s’il la
r d p p o r te r o it, dans la n u i t , à la porte des F e rrie r : cepen
dant la l’e l i g i o n , l’hum anité , peut-être la terreur pourlu i-m è m e , l’em p ortèren t sur son d é g o û t , et il fit porter
l’enfant à une nourrice.
M a is aussitôt, et en signe de sa protestation, il rendit
plainte au juge de p a ix de T e n c e ; le juge de p a ix le
ren voya au magistrat de sûreté : mais com m e la plainteéloit dirigée aussi contre le m a ir e , les autorités délibé r è r e n t , et ne résolurent rien.
C h a v e in q u ie t , et ne voulant pas que son silence p ût
d éroger a son d r o i t , se décida à citer, le floréal an 9 ,
5
tant Jeanne V a lla et sa fille , que le m aire lui - même-,
p o u r v o ir dire q u ’il seroit restitué contre la reeonnoissince de paternité qui lui avoit élé extorquée p:ir la
v io lé iit e , et que le m aire seroit tenu de rayer du registre
�3ï
XO>
( 5 >
ce qui concernôit ladite reconnoissance •, et la m ere et
la iille p our être condamnées à reprendre l’e n f a n t , payer
ses alimens chez la n ourrice , avec dommages-intérets.
O n pense bien qu’au bureau de p aix la fille F e rrie r
ne manqua pas de faire la réponse d’ u sag e, qu ’elle avoit
été séduite et abusée sous promesse de m ariage , et q u ’elle
seroit en état de p ro u v e r les familiarités de C h ave avec
elle ; celui-ci l ’en d é fia , et ajouta m êm e q u ’il offroit de
p ro u v e r c e u x avec qu i elle avoit eu fréquentation.
T o u t cela étoit de trop de part et d ’a u t r e , puisqu’il
n’èst permis de rien p ro u v e r
et la fille F e rrie r ne
risquoit rien à faire b onn e contenance. Q u o i qu'il
en
s o it, un p rem ier ju g e m e n t, du 28 p luviôse an 1 0 , m it
le m aire hors de p ro cès, com m e ne p o u v a n t être juge
sans au torisation , et a p p o in ta les autres parties en droit.
Cet appointement ne fournit pas plus d’éclaircisse
ment. C h a ve persista toujours à offrir la p reu ve de la
violence exercée contre lui -, et les femmes F e r r i e r , q u i ,
au bureau de p a i x , n’a voien t paru a vo ir aucune crainte,
firent leurs efforts p o u r soutenir cette p reu v e inadmis
sible. L e u r système p r é v a lu t ; et le 14 fructidor an 1 0 ,
le tribunal d ’-Yssengeaux rendit le jugem ent qui suit.
.1
« Considérant que l'article 2 du titre 20 de l'ordonnance de 1GG7
défend de recevoir la preuve par témoins contre et outre le contenu
aux actes publics; qu'à la vérité la force, la violence, sont un
moyen pour les faire rescinder, mais qu’en ce cas il faut articuler
de menaces graves, qui feroient craindre pour la vie nietus rnortis,
ou que la partie obligée auroit souffert ‘cliarte privée, ainsi que*
Renseignent Domat en ses Lois civiles, et Potlûtr en son T ra ité
des obligations;
�7
( 6 )
» Considérant que Jacques Chave n ’a articulé qu’il lui ait été
fait aucune menace, ni qu’il ait été commis aucun excès sur sa
personne, ni dans son domicile, ni dans celui du maire où il s’étoit
rendu pour reconnoilre pour lui appartenir reniant d o n t s’éloit
accouchée Jsabeau Ferrier; et qu’étant dans ce dernier domicile,
il pouvoit articuler sans crainte les excès ou menaces qu’il auroit
éprouvés, contre ceux qui s’cn seroient rendus coupables envers
sa personne. »
Jacques Chave est débouté de toutes ses demandes tant princi
pales que subsidiaires, et il est condamné aux dépens.
Cependant C h ave avoit offert expressément de faire
p reu v e de menaces et violences : ses écritures en font foi.
Il étoit p riv é alors d ’un m oyen important. L ’expédition
de l’acte de naissance produite aloi*s au procès, ne mentionnoit ni les surcharges ni les ratures ; elle étoit délivrée
par le sieur de B a n n es, m a ire , qui avoit trop d ’intérêt
à en cacher l’irrégularité p o u r la faire soupçonner. A u
reste, C have s’est p o u rv u en la cour contre le jugem ent,
et il sera question d’exam iner de quelle influence la form e
de cet acte doit être p o u r la décision du procès.
M O Y E N S .
L ’ancienne législation française étoit extrêm em ent dure
contre les enfans naturels; et cependant, par une étrange
inconséquence., elle admettoit les preuves de paternité
sans distinction. A u jo u r d ’hui la loi a fait p o u r eu x
davantage : mais sans v o u lo ir percer le mystère qu i
cou vre leur naissance, elle rejette désormais les proba
bilités et les fausses conséquences; .elle ne vo it dans
l ’enfant né hors le mariage q u ’ une innocente créature
�^ / 7
/
digne de la pitié de tout le m o n d e , mais ne tenant à la
société que par celle qu i lui a donné le jour. Si cepen
dant un hom m e , gu id é par des apparences q u ’il a ie droit
djapprécier lui - m êm e , et cédant à l’impulsion de sa
conscience,
veut se don ner le titre de p è r e , la loi le
lui p erm et, s’ il n’est engagé dans les liens du mai’iage :
mais com ptant p o u r rien aujourd’hui toutes les démons
trations exté rie u re s, elle exige une déclaration authenti
que et non éq u iv o q u e ; elle prescrit à l’acte une solen
nité plus grande que p o u r la naissance m êm e de l ’enfant
légitim e.
L ’intention du législateur étoit si claire, q u ’elle a ôté
tout prétexte à l ’astuce, et n’a laissé de voies q u ’au faux
ou à la violence. M ais à q u i peut être réservée l ’une ou
l ’autre de ces vo ie s criminelles ? Ce n’est pas à la fille tim ide
q u i , rougissant encore d ’ une prem ière foiblesse, et par
tagée entre l’am ou r de son enfant et la honte de sa nais
sance, n’en ose no m m er le père que dans le secret de son
c œ u r, et se fait l ’illusion de penser que le mystère dont
elle s’en velop p e la p rotégera contre l ’o pin ion qui fait
son supplice.
M ais que feront ces femmes d é b o u t é e s , qui ne voient
dans la prostitution qu ’ une h a b itu d e , dans leur avilisse
ment q u ’ un éta t, et dans leur fécondité qu’ un acciden t?
Incertaines elles-mêmes d’ une paternité q u ’elles déféroient
naguères suivant leurs convenances, elles n’en arrachoient
pas moins des sacriiices pécuniaires aux homm es qui leur
étoient souvent les plus étrangers , mais q u ’ép ouvanloit
la perspective d’ une honteuse et p ublique discussion. Si
on leur laisse en trevo ir aujourd’hu i une tolérance queU
�(; » )
c o n q u e, que leu r coûtera-t-il de tenter d’autres voies p ou r
en ven ir aux mêmes lins? E t s’ il est près de leur demeure
un citoyen paisible, q u i, p ar ses mœurs douces et réglées,
puisse passer p o u r pusillanim e, quelle difficulté y aura-fc-il
de répandre adroitement que c’est là le c o u p a b le , d’ip téresser contre lui qu elqu e personne c r é d u le , de l’effrayer
lu i-m êm e sur les dangers de sa résistance, d’ameuter s’il
le faut ceu x qui ont un intérêt réel <iu succès de la n é g o
ciation ! Jadis il falloit des témoins,«aujourd'hui il ne faut
q u ’une simple signature; tout cela p eu t s’exécuter avec
rapidité : ce n’est q u ’un changem ent de com plot.
Heureusem ent cette rapidité m êm e ne laisse pas au
crim inel le calm e de la réflexion : souvent scs fautes le
trahissent, e t , quelques légères qu ’ elles soient, il faut les
com pter avec scrupule; car on est bien assuré qu’ ellesne
sont pas un simple résultat de sa n égligen ce, mais q u ’elles
ont é c h a p p é à l’excès de sa précipitation.
C e u x qu i ont gu id é la fille F e rrié r dans ses démarches
n ’ont pas visé à l’exactitude ; la co u r en sera convaincue
bientôt par la form e de l’acte de naissance qui fait son titre.
U n e seconde décou verte la convaincra encore q u ’il ne
s’agit point ici de ré p a r e r , envers une fille s é d u ite , des
torts que la m alignité suppose toujours. L a fille F errier
a , le 20 prairial an n , donné une n ouvelle p reu v e de
sa con tinence, en faisant baptiser un fils sous les auspices
de son frère et de sa m è r e , que l’acte apprend m êm e avoir
été sage-femme en cette circonstance.
Il ne paroît pas que p our cette fois la m ère et la fille
Fen-ier aient jugé à propos de réunir un conseil p o u r
disposer du nouveau n é , et lui élire un père ù la p lu
ralité
�(?)
ralité des suffrages; il est vraisem blable que la précédente
tentative les avoit intimidées.
• Q u o i q u ’il en soit, et soumettant cette découverte p ré
cieuse aux réflexions de la cou r , l’appelant ne s’en occu
pera pas plus lo n g -te m p s , et se contentera d’observer
q u ’ il n’y a rien de légal dans la prétendue déclaration de
paternité q u ’on lui a fait sig n er, et au surplus que les faits
-de violences articulés suffiront p ou r la détruire. C ’est à
l ’examen de ces deux propositions que l’appelant réduit
sa défense.
i ° . L a d éclaration de "paternité n e s t pa s légale.
Ija lo i du 12 bru m aire an 2. s’occupoit de trois espèces
d ’enfans naturels, après a vo ir décrété en principe qu ’ils
^toient successibles.
i° . C e u x dont le p è r e é t o it d é céd é , et il leu r suffisoit
de p ro u v e r une possession d’ é t a t , par des soins donnés
à titre de p a te rn ité , et sans in terru p tion ; 2°. xles enfans
d ont le père et la m ère seroient encore vivans lors du
C o d e c i v i l , et leur état civ il y étoit re n v o y é ; 3 0. de ceu x
dont la m ère seule seroit décédée lors de la publication
d u C o d e , et alors la reconnoissance du p è r e , faite devant
l ’oilicier p u b l i c , rendoit l’enfant successible.
Il s’agit ici d’ un enfant de la seconde espèce ; et le p ré
tendu p ère , quel qu ’il s o i t , de m êm e que la m è r e , sont
dits vivans.
O r , quelle nécessité, quelle
urgence y a v o i t - i l de
p réve n ir la publication du Code civ il , en faisant faire
une déclaration que la loi ne demandoit p a s , et q u ’ello
B
�ajournent au contraire ? N ’a percevroit - on pas déjà le
do l dans cette extraordinaire p révoyance ?
D ira -t-o n que le Gode civ il prescrit aussi une décla
ration au th en tiqu e, et q u ’ on n’a pas v io lé la loi en la
devançant ? M ais qui blâm era les législateurs de l’an 2 ^
d ’a vo ir vo u lu p r é v o ir q u e leur système ne seroit peutêtre pns celui du C o d e civ il ? qu i leur reprochera d’a v o ir
supposé que les dispositions de ce code seroient déli
bérées avec plus de maturité , et de s’être défiés de le u r
p rem ie r système sur une innovation aussi im p o rtan te?
Ils vo u lu ren t rég le r le passé seulement ; et les débats
qui ont eu lieu sur la lo i transitoire du 14 floréal an 11 ,
nous apprennent assez q u ’il n’y a eu , dans l ’intervalle d e
l ’an 2 à l ’an 1 1 , aucune législation touchant les enfans
naturels. L es bulletins de la c o u r de cassation sont aussi
rem plis d’arrêts qu i ont cassé tous les jugeinens dans lestjuels les tribunaux avoient vo u lu r é g l e r , m êm e p r o v i
soirem ent , le sort de quelques enfans n a tu re ls, pendant
cette lacune d e n e u f ans.
Il ne p o u v o it donc être question d e fixer l ’état d e
l’enfant d ’Elisabeth F e rrie r q u ’après le Code c i v i l , dont
l ’art. 334 p orte que la recounoissauce sera faite par un acte
a uthentiqu e, si elle ne l’a pas été par l ’acte de naissance.
M ais fût-il indifférent q u e la rcconnoissance contestée’ „
•ait été faite avant ou après le Code c iv il, m algré la sus
pension totale e x ig é e par la cou r d e cassation , et rappelée
par la loi transitoire; cette reconnoissance n ’en est pas
moins ir r é g u liè r e , car elle n ’est faite ni par l’acte d e
naissance lu i-m êm e, ni par un acte séparé authentique*
V oici com m ent cet acte est littéralement écrit au registre*
�c » î
A c T I
D I
N à Î S S A S C I i
rt D u huitième jour du mois de germinal, l’an 9 de la répu« blique française. A cte de naissance de Jacques^ f i l l e ( Ce mot
» est effacé, et on y a substitué au-dessus, dans Vinterligne,
» F e r r i e u , que l’ on a encore effacé, et l ’on a écrit à côté G11 a v e . ),
» né hors de mariage, né le septième jour du mois de germinal,
» à sept heures du soir, fils d ’isabeiu Ferrier, non mariée, domi» ciliée du lieu de la Marette, susdite commune, et Isabeau Ferrier,
» non mariée; le sexe de l’enfant a été reconnu u n e ( On a couvert
» d’encre la lettre e . ) f i l s , né hors de mariage : premier témoin,
» Jean-Pierre Ferrier, demeurant à C iiam bon , département de
» la H a u te - L o ir e , profession de cultivateur, âgé de irente-neuf
» ans; second témoin, Pierre Rue], demeurant à C h a m b o n , dé-*
u partement de la H a u t e - L o ir e , profession de tailleur d ’habits,
» âgé de cinquante-quatre ans. Sur la réquisition à nous faite par
» Marie R u e l, sage-fem m e de ladite accouchée, avons inscrit le
» sus-nommé Jacques Feuuieu ( C e mot est raturé, et l’ on a mis
y> au-dessus, dans l’ interligne, C iia v e. ), portant l e n o m d e sa
» m è r e ( Ces mots ont été rayés, et l ’on y a substitué ces mots :
» l e n o m d u p è r e . ); et ont la déclarante ne savoir signer, et les
» témoins signé. Ferrier, R u e l, signé à l'original. »
« Ledit Jacques Chave père reconnolt ledit Jacques son fils, de
» ladite déclaration de la présente, acte; le reconnoit pour son
»> véritable fils, avoir droit à tous ses biens, en présence de Jean» Louis Riou. ( -f* Ici est un renvoi. ) Constaté suivant la loi, par
» moi Annet de Bannes, maire de la commune de Cham bon, fai» sant les fonctions d ’officier public de l’état civil. Ledit maire
» approuve toutes les ratures ci-dessus. D e Bannes, maire, signé.
“
Et de Pierre C allon , et de Jean-Pierre Fresclict, et de Jeanw Pierre Ferrier ; et dit Jacques Ghavd a signé avec les tcmoin$.
13 2
�_»
t
(
)
» Ont signé, ledit Pierre Callon a déclaré ne savoir signer , C liave,
» R io u , Freschet, Fcrrier. D e Bannes, m aire, signé. »
( Nota. L ed it renvoi est en marge, en travers. )
■
Pour copie figurée :
L e secrétaire général de la préfecture
de la Haute-Loire ,
BARRÉS.
Il est aussi ¿vident q u ’il puisse l ’ê t r e , que cet acte se
compose de deux parties Lien distinctes , qui në sont pas
d ’un m êm e c o n t e x t e , ne sont pas l’ouvrage du m ê m e
m o m e n t , et cependant ne sont pas deux actes absolu
m ent séparés.
i° . A c t e de naissance bien parfait et très en r è g le , d’un
enfant né dyls a b e a u F e r r ie r , s a n s m en tion d u p ère.
O n lu i donne le nom de sa mère. Il y a deu x témoins
de cct a c te , Josep h F e rrie r et M a rie R u el. L ’acte est
donc com plet : le v œ u de la lo i d u 20 septembre 1792
est rem pli.
,
2°. V ie n t ensuite une déclaration de C h a v e , qui est à
la suite du p rem ie r a c t e , et qui a exigé des surcharges.
M a is p e u t - o n , de bonne f o i , y v o ir un acte authen
t i q u e , une reeonnoissance de paternité telle q u e la loi
la com m ande et que la raison la c o n ç o it ?
Cet acte n’a aucune date , parce q u ’en effet il a eu
lie u
le 21 g e r m i n a l, et a été ajouté a un acte terminé depuis
le 8. Com m ent supposer en effet q u e celte déclaration
finale fait partie de l’acte du 8 ? Les témoins dénommés au
.prem ier u c signent pas la déclaration.
�/
37
( 13 )
O n a raturé et interligné le prem ier acte de naissance,
sans faire i*ien ap p ro u ver aux prem iers témoins. L e maire
se u l ap p ro u ve t o u t , m êm e ce q u ’il lui plaira de raturer
e n c o re ; les autres t é m o in s , C h a v e l u i - m ê m e , ne font
aucune approbation. O r , il est de p rin cipe que les ratures
et interlignes sont inutiles dans les actes, s’il n ’y a appro
bation des parties et témoins.
Il est un autre p rin cipe élémentaire en rédaction d’actes,
quelque peu d’ importance q u ’ils aient; c’est que les tém oins
dénommés en l’acte signent à la fin : ici la sage-femme et
le f r è r e , qui ont déclaré la naissance le 8 , n ’ont pas signé
à la fin. Si c’est un seul et m êm e acte, les uns l’ont signé
au m ilie u , et d’autres à la fin : chose bizarre et rid ic u le ,
qui ne peut s’a llie r avec la g r a v ite de l ’acte qu’on prétend
maintenir.
Q u e p e u t - i l résulter d’un acte de cette e s p è c e , si ce
n ’est de la pitié p o u r ses ré d a c te u r s , et une conviction
intime que ce n’est pas C h a v e qu i est allé déclarer la n a is
san ce d’un enfant com m e s’en disant le père ?
L e but de la lo i n’est donc pas rem pli ; car dans qu elqu e
form e que dût être une reconnoissance de p a te r n ité , il la
falloit dans l’acte m êm e portant la déclaration de naissance,
ou bien il falloit un acte p a rtic u lie r, daté lu i- m ê m e , et
qui 11e fût pas réd igé dans une form e ayant p o u r but de le
rattacher à un autre acte, auquel il ne peut appartenir.
Car rappelons-nous q u e l ’article 334 du Code civ il dilt
que la reconnoissance sera faite p a r l’acte de naissance,
«u p a r un acte ath en tiqu e; à qu oi l’article 62 ajoute que
la c té de reconnoissance sera inscrit sur les registres n sa
date y et q u ’il en sera lait m ention en m arge de l’acle de
naissance.
f-V
�7
C «*
B.appelons-nous encore que le but bien positif de la loi
est de ne com pter p o u r rien les reconnoissauces antérieures
au c o d e , quand l ’auteur est vivant. Il en est de cela com m e
des testamens antérieurs à l’an 2, q u ’ il falloit refaire p o u r
les circonscrire dans les termes du droit nouveau. L a loi
a eu ici un but plus m oral : les changernens apportés au
système passé justifient sa mesure dilatoire.
E t ne nous abusons pas sur l ’im portance des formes
dans une matière aussi délicate : on est si scrupuleux
p o u r tant d’autres actes! U n seul m o t é q u iv o q u e en un
testam ent, détruit toute la volon té d’ un père de fam ille;
u n e donation exige encore des formes plus m ultipliées.
Ces actes sont-ils donc aussi importans qu e celui où il s’agit
de transmettre sou nom et sa fortune ; où il s’agit de plus
e n c o r e , de vaincre l ’opinion et de surm onter sa p ro p re
répugnance ? D ’ailleurs , p o u rq u o i 11e p ourrion s - nous
pas dire p o u r un tel acte ce que R ica rd dit des tcstam ens,
« q u e toute leur force consiste dans leur solennité, et toute
« leu r solennité consiste dans les formes ? »
A u jo u r d ’hui il faut y ajouter une v é rité bien c e r t a in e ,
c'est que la seule supposition q u ’un h o m m e est tenu et
obligé de se charger d ’ un enfant naturel sans sa libre
v o l o n t é , est incom patible avec le système indubitablem ent
reçu sur la législation des enfans naturels.
20. Cette d écla ra tion de p a tern ité est n ulle , s 'il y
a
violen ce. L e s f a i t s a rticu lés suffisent. L a preuve en
est a d m issible.
On est extrêmement sévère dans le monde pour ju ger
�5
( i
)
des eiTets de la p eu r d’autrui ; e t , quand on en com
mente les p articu larités, on détaille très-ponctuellement
la conduite qu ’ on auroit tenue en pareille occurrence.
Cependant rien n’est plus difficile à rég ler p o u r soi-m êm e;
c a r , en d e u x cas semblables , le m êm e in d ividu se c o n dui roit rarem ent deux fois de la m êm e manière. M ais
celui q u i raisonne ainsi est de sang-froid , par cela seul
qu’il ra is o n n e , tandis que le p rem ier elfet de la terreur
est d ’absorber toutes les réflexions / p o u r ne laisser place
q u ’à une seule id éed om in an te, la conservation de soi-même.
Q uelques auteurs , partageant sur ce point les idées du
v u lg a ir e , sem bleraient aussi se m on trer difficiles à ad
m ettre la p lup art des excuses fondées sur la crainte. 11
faut d is t in g u e r , d is e n t - ils , la cra in te gra ve et la crainte
l é g è r e , et on ne peut tro u v e r de m oyen rescisoire q u e
dans celle qui su ffiro itp o ur ébranler la ferm eté de l’h o m m e
le plus in tré p id e , m etus n o n v a n i h o m in is , sed q u i in
1
h om in etn co n sta n iissim u m c a d a i, . 6 , fF. Q u o d m etus
causa.
Ces a u te u rs, s’en tenant à une lo i isolée démentie p a r
beaucoup d’autres, n’ ont pas v o u lu ap ercev o ir, dans cette
rigueur étrange, un m on u m ent de la iierté romaine plutôt
qu’une règ le générale. Ce p e u p le , qu i avoit détruit le
tem ple é le v é p ar T u llu s à la C ra in te , n’ éto it, en la pros
crivant p ar ses lois, que conséquent avec lu i-m êm e . Sous;
un système de conquêtes sans b o rn e s, et avec une consti
tution toute m ilitaire, quel rom ain p ou vo it allégu er u n e
crainte lé g è re ! E le v é dans les carpps, son excuse m êm e
eut consacré sa houle , et la loi étoit rigoureusement juste
en exigeant de lui l’intrépidité d ’uu soldat.
�L a France militaire ne réprouvera pas cette législation
sévère ; elle l ?c*ût créée e lle -m ê m e , s’il falloit un code au
courage. M ais les actes civils des simples particuliers ne
se règlent pas par des m axim es nationales; la théorie
principale des lois consiste à les a p pro p rier au x mœurs
de ceux q u ’elles doivent régir.
G ardons-nous donc de l’exaltation , quand elle est hors
de m esure; ne nous obstinons pas à tro uver un Scévola
dans un laboureur tim id e , qui ne connut depuis sa nais
sance que sa charrue et le hameau de ses pères.
L es auteurs les plus judicieux du droit n’ont eu garde
aussi d’appliquer sans distinction la sévérité des principes
romains. D o rn a t surtout, à qui les premiers juges ont fait
Finjure de prêter une opinion si contraire à son discer
n e m e n t, D om at , dont l’ouvrage im m ortel n ’est que le
précis des lois rom aines, bien loin de se fonder sur la
loi 6 , ne la signale que p o u r en blâm er la rudesse.
« N ous avons v o u l u , d it-il, rétablir les principes na« tu rels, et rendre raison de ce que nous n’avons pas mis
« cette règle du droit rom ain parmi celles de cette sec« t i o n ......... T o u tes les voies de fait, toutes les violen ces,
■
v toutes les m enaces, sont illicites; et les lois condam« lient non-seulement celles qu i mettent en p éril de la
k vie ou de quelque tourm ent , mais toutes sortes de
« voies défait et mauvais traitemens. E t il faut rem arquer
« que com m e toutes les personnes n ’ont pas la m êm e
« fermeté p o u r résister à des violences et â des menaces,
ce et que plusieurs sont si foibles et si tim ides, q u ’ils 11e
« peuvent se soutenir contre les moindres impressions,
« un n e d oit pas b o rn er la p rotection des lo is con tre les
« m en a ces
�/-«
4 ^
( ij )
« m enaces et les v io le n c e s , à ne réprim er que celles
« q u i so n t capables d ’abattre les personnes les plus
« intrépides ; mais il est juste de p rotéger aussi les plus
« tim id es............
« 11 est t r è s - j u s t e , et c ’est -nôtre u sa g e , que toute
« violence étant illic ite , on réprim e celles m êm e qui
« ne v o n t pas à de tels ex c è s, et qu’ on répare tout le
« préjudice que peu ven t causer des violences qui enga« gent les plus foibles à qu elqu e chose d’injuste et de con« traire à leur intérêt : ce qu i se tro u ve m êm e fondé sur
« quelques règles du droit r o m a i n ............et ces règles
« sont tellement du d ro it n a t u r e l, q u ’zV ne p o u rro it y
« a v o ir d ’ordre dans la so ciété des h o m m e s , s i les
« m oin dres violen ces
étaien t réprim ées. » ( Sect. 2 ,
des vices des c o n v e n t i o n s , p ré a m b u le .)
•’
Il est peut-être inu tile, après a vo ir cité D o m a t , de faire
d’autres recherches ; mais les prem iers juges ont encore
fait l’ injure à P o th ie r de lui prêter des principes qui ne '
sont pas lës siens.
•
Cet auteur cite les lois ro m a in e s , et par conséquent
les rappelle
lelles q u ’elles sont. M ais il termine son
article de la crainte par dire que « le p rincipe qui ne
« connoît d’autre crainte sufTisante p o u r faire pécher un
« contrat par défaut de lib erté, que celle qui est capable
« de faire impression sur l’hom m e le plus c o u r a g e u x , est
« trop r ig id e , et ne doit pas être suivi parmi nous à la
« lettre ; on d o it, en cette m a tiè r e , a v o ir égard à l'â g e,
« an se x e et à la con d itio n des personnes ( i) ; et telle
( «) Expressions copiées mot pour mot en l'art. 111 a du Code civil.
c
�C 18 )
« crainte q u i ne seroit pas jugée suffisante p o u r a vo ir
« intim idé l ’esprit d’un hom m e d ’un âge m û r ou d’un
« m ilita ire , et p o u r faire rescinder le contrat qu ’ il aura
« f a i t , peut être jugée suffisante à l’égard d ’ une fem m e .
« ou d ’ un v ie illa r d , etc. » ( T ra ité des
page i re. , cliap. I er. , n°. 2 5 , in fin .)
obligations,
Si l’opinion respectable de ces auteurs avoit besoin d’être
fortifiée par d ’autres citations, on les puiseroit dans les lois
romaines elles-m êm es, q u ’il ne faut pas juger par un
fragm ent u n iq u e , et q u i, au c o n traire, nous enseignent
ce que D om a t et P o th ie r vien nen t de nous apprendre.
T o u t consentement doit être l i b r e , disent plusieurs
lo is; e t, p o u r être restitué, il n’est p is besoin d’une v i o
lence c o r p o re lle , mais seulement d’ une crainte inspirée
à celui qui contracte; q u p a d ju sta m restitu tio n is ca u
sa/n n ih il refert u tràm y i an inetu q u is c o g a tu r . . , .
et q u o a d effecturn ju r is u tro b i deest c o n s e n s u s , a c
libéra volu n tas p a tie n tis , ut velle Ji,on videatur. L . 1 , 3 ,
7 e t ü , ff. q u o d m et. C. L . 1 1 6 , de r e g .ju r. ( in C o rv in o .)
Ces lois étoient bien- inoin§ dures, que nç l ’pnt sup
posé les premiers juges; car elles ordonnoient de recevoir
la preuve de la c ra in te , quand m êm e C h a ve auroit été
hors d’état de désigner aucun de ceux qui la lui avoit
inspirée;, n on tatne/i ne cesse est des ig n a r e, perso n am
q u œ m etum in t a lit, sed s u jjic it p r o u a r e in c tiu n , q u ia
7/ietus habet in se ignorantiar//. f , . 14. ff. eod.
En lin , ce qui achève de convaincre que ces lois savole,nt
aussi se mettre à la portée de la foi blesse des h o m m es,
cYst q u ’elles expliquent q u ’ il 11’étoit pas nécessaire de
p ro u v e r l'existence d’un danger- r é e l , mais seulement
�4 $
*
(* 9 )
'.
.
,
.
.
la crainte de ce d a n g e r , qui en elTet devoit detruire le
i)
consentement. S i ca u sa f u is s e t , c ü r p ericu lu m tim eret\
q u am vis p ericu lu m uerb n on f u i s s e t . . . . non con sid é-.
ra tu r e v e n tu s, sed ju s ta opin io.
e0l^‘
1
L e tribunal d’Yssengeaux avoit donc un guide bien sûr:1
A u lieu d’adopter l’antique rig u e u r d ’une lo i oubliée par*
les Rom ains e u x -m ê m e s , il a 4jugé que la crainte inspirée
à C h a ve n’avoit pas été un m o tif suffisant p o u r le con
traindre ; e t cependant il ig n o ro it jusqu’à q u e l'p o in tC h ave avoit été contraint ou menacé ; il l’ ignoroit ët ai
v o u lu l ’ignorer to u jo u r s , en refusant de s’ éclairer par uné'
p reu ve : cependant les faits articulés étoient graves. C h a v e
ofl’r oit et o iïïe encore de p ro u v e r ces f a i t s articulés", etnotam m ent,, i° . que le 21 g e rm in a l îcs frères F e r r ie r ’et*
d ’autres h o m m e s arm és de bâtons SOLlt'Venus c h e z 'l u i
2°. q u ’ils l ’ont forcé de se lev er et de les s u iv r e ,'e n le
m en açan t;
3 0.
que chez de Bannes ils se sont opposés
toute e x p lica tio n , l ’ont in ju rié, menacé et frappé*,
4°.
à*
que1
de Bannes l’a pris à part pour: l ’exhorter à céder à la fo r c e 1
et éviter un plus grand m a l; °. qu’on l’a fd rc é'd e Vëriir'
5
dans un cabaret, où on lui a remis un e n fa n t, avec de
nouvelles menaces.
M a is , a dit le tribunal d’Yssengeaux/, C lia v e 5, soiti dé'
sa m aison.et conduit chez le m aire, p o ù vü it récltfifrér.
■
C e seroit une réflexion b ieiyn atu rèlle, si les faits même'de la caiise n’ étoient déjà venus la détruire ; car ce m aire
lu i-m êm e étoit si peu disposé à user de son a u t o r ité ,'
qu’ il est difficile de ne pas le juger au contraire intéressé1
à l’événem ent.
’
I
1'
il
Muis à quelle protection , il faut' le d ire , auroit pu
�( ' 2 °- )
s’attendre un m alheureux à la m erci de c in q :individus ,
dans le domicile isolé d ’un m aire de v illa g e ? Battu à ses
y e u x , Chave p o u vo it-il se croire dans un asile in viola
b l e ? L e maire lu i-m êm e, l ’e x h o rta n t'à céder à la fo r c e ,
m.ettoit le com ble à sa terreu r, et déclaroit, ou sa p ro p re
c o m p lic ité , ou au moins son impuissance.
L ’acte le m oins im portant d e là v ie seroit vicié par une
semblable v i o l e n c e , à plus forte raison celui de tous les
actes le plus incom patible avec la m oindre contrainte. U n
p ère de famille a contracté un engagement sacré envers
m*s enfans par son m a ria g e; mais c e l u i- l à m êm e qu i
auroit p rocréé des enfans naturels, ne tient à eux par
aucun lien c iv il :.so n h o n neur et les sentimens de la
nature deviennent leu r unique titre , si la paternité lui
a semblé certaine. L es enfans naturels n ’ont point de
fam ille; tel est le langage d e là lo i : elle ne veut pas qu ’ils
en aient une. Q u an d leur père se nom m eroit hautem ent
dans le m o n d e , il ne seroit tenu à rien; la loi lui perm et
seulement de se. déclarer tel par un écrit libre et authen
tique : forcer sa volon té seroit donc se croire plus sage
qu ’elle.
M ais si la loi n’exige rien d’ un père , si elle consi
dère com m e un vice m oral de lui don ner un iils que
sa prop re vo lo n té cependant n’a pas désavoué , peut-on
soutenir l’ idée révoltante q u ’ un h o m m e sera contraint
m algré lui^d’adopter un enfant dont il n’est pas le p è r e ?
Q u i lui donnera la force de supporter , dans sa de
m e u r e , la vue habituelle d ’une créaLure si étra n g è re,
placée là p ou r sa honte im m u a b le, sans aucune com pensatioU'SatisiaisantQ ? et qui oseroit répondre que dans
�4 > '
( 21 )
^
cette situation de d é sesp o ir, aigri p a r u n sentiment d’in
justice , il p û t assez maîtriser une fu re u r c o n v u ls iv e ,
q u i seroit tout à la fois le tourm ent de l’innocence
et
son p ro p re Supplice ?
E loign on s plutôt de vagues suppositions fondées sur une
p u re chim ère. L a p révo ya n ce des magistrats distinguera
la v é rité et les convenances , et éloignera d’aussi sinis
tres présages. O n ne donne p o in t à u n h o m m e l ’enfant
q u ’il repousse avec m épris , qu and la lo i n’en fait pas
un devoir. L a c o u r doit p ron o n cer ici sur les consé
quences d ’un acte l i b r e , et tout p r o u v e q u ’il n’y a pas
eu de liberté dans celui qu i donne lieu au procès. C h a v e ,
con d uit p a r la f o r c e , m enacé dans sa r o u t e , a signé
sous le bâton ; et, p o u r se s e r v ir des expressions de D o m a t,
si un consentement de cette espèce étoit jugé validç , ce
■seroit un a tten ta t a u d ro it n a tu re l ; i l n y a u r o it p lu s
d ’ ordre dans la so cié té des hom m es.
L a conduite d’Isabeau F e rrie r , l ’ép oque de ses co u -ches, c’est-à-dire, de celles qu i donnent lieu au procès,,
le c h o ix de ses croupiers , le lieu de la scèn e , la cir
constance q u ’ un acte de naissance a été c h a n g é , e t c . , tout
cela donneroit lieu à des réflexions beaucoup plus éten
dues , m a is.q u i sei’oient oiseuses, tant que la p reu ve
de la violen ce ne sera pas ordonnée.
Cette p r e u v e , sans con tred it, est adm issible; aucune
ordonnance ne la p r o h i b e ; et ce qui é to n n e , c’est que
les prem iers juges n ’aient pas v o u lu p ronon cer en connoissance de cause.
Il est possible que la m alignité toujours nvide de calom
nie , et toujours difficile ù d é t r o m p e r , prétende que C h a v e
�%
,
. .
( 22 )
n ’a pas été tout à fait innocent envers Elisabeth F errier
de ce dont on l ’accuse : mais il en prend le ciel à tém o in ,
cette fem m e lui fut toujours étrangère.
C h a v e , maître de ses actions , célibataire , feroit sa
jouissance principale de se v o ir re v iv r e dans un fils qu ’il
croiroit le sien ; à son âge, et avec ses principes re lig ie u x ,
il s’en feroit un devoir. Ces deux puissans m obiles ne
peuven t donc être vaincus 'q u e par quelque chose de
plus puissant e n c o r e , une conviction in tim e , une insur
m ontable répugnance.
Il ne demande pas à être cru sur p arole ; et si son
p rem ie r m oyen ne suffit p a s , il offre la p reu ve des v i o
lences qu i l ’ont forcé à donn er sa signature : et certes,
quand la cou r se sera assurée que C h a ve a été forcé de
sortir de son d o m ic ile , mené chez le m aire par cinq
h o m m e s , menacé et battu , elle a p p réc ie ra alors toute
la valeu r d’ une signature donnée dans de telles circons
tances ; et lorsque la vertueuse Elisabeth F e rrie r sera
convaincue q u ’il ne lui est plus libre de faire de sa p ro
géniture une charge p u b liq u e , peut-être s’e fforcera-t-elle
d e mettre un terme a sa féco ndité et au scandale de sa
conduite.
M . G I R O T , rapporteur.
M e. D E L A P C H I E R , avocat,
M e . M A R I E , lic e n c ié avoué.
~
A R IO M , de l'imprimerie de L andriot , seul imprimeur de la
Cour d ’appel. — Therm idor an 15.
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
[Factum. Chave, Jacques. An 13]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Girot
Delapchier
Marie
Subject
The topic of the resource
enfants naturels
faux
menaces de mort
reconnaissance de paternité
code civil
actes de naissance
violences sur autrui
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire pour Jacques Chave, appelant ; contre Jeanne Valla, et Elisabeth Ferrier, sa fille, majeure, intimées.
Table Godemel : Paternité : 1. la déclaration de paternité d’un enfant naturel est nulle, si elle a été arrachée par la violence. quels caractères doivent avoir les faits de violence ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'Imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
An 13
1801-An 13
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
22 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G1502
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0705
BCU_Factums_M0307
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53242/BCU_Factums_G1502.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Le Chambon-sur-Lignon (43051)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
actes de naissance
Code civil
enfants naturels
Faux
menaces de mort
reconnaissance de paternité
violences sur autrui
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53406/BCU_Factums_G2110.pdf
a596aeecfd19318f1bc6e6987504db8e
PDF Text
Text
COUR
P RE C I S
IMPERIALE
DE RIOM.
SUR DÉLIBÉRÉ
3 e. c h a m b r a «
POUR
Le Corps commun des habitans de Chapes,
intimés ;
CONTRE
,
J e a n - B a p t i s t e - C é s a r CHAMPFL OUR ,
et autres appelans
E N
Des héritiers A
P R É S E N C E
r t a u d
d e
V
i r y
_,
intimés.
L E maire de la com m une de Chapes croiroit manquer
au prem ier de ses d evo irs, s’il om ettoit un seul moyen
d’éclairer la justice sur les droits de ses administrés ; il
lui semble utile qu’ une cause juste, et d’un succès in-
�.( 2 ) ,
dubitable à ses yeux, soit retracée brièvement dans tout
ce qu’elle a d’essentiel, afin que la vérité des faits soit
fixée d’une manière durable, et que leur impression
ne s’efface pas. Il supplie la Cour de lui permettre quelques
observations, qui ne seront que l’extrait de sa défense,
et le tableau de sa plaidoirie.
Il s’agit de savoir si la commune de Chapes, qui a
aliéné un communal moyennant une rente, a le droit
de demander le payement de la rente ou le désistement
du fonds. Cette question si simple, qui est exactement
celle de la cause, est devenue un problème dans les mains
du sieur Champflour.
Les habitans de Chapes avoient des communaux pour
lesquels ils payoient au duc de Bouillon, leur seigneur,
une rente annuelle de quinze setiers de froment, et de
i 5 francs argent. Parmi ces communaux se trouvoit un
marais appelé de la Folle, contenant trente septerées.
Il étoit assez insalubre; les habitans jugèrent convenable
de l’aliéner.
En conséquence, après une vérification d’experts, et
diverses délibérations, ils en passèrent vente au sieur
Enjolbert de M artillat, le i 5 septembre 1751.
Les clauses de cet acte sont essentielles à connoître.
« Ledit marais délaissé en toute propriété...............
« moyennant les clauses et conditions qu i suivent. »
io. Que le sieur de Martillat payera à M. le duc de
Bouillon , en l’acquit de la commune de Chapes, la re
devance annuelle, et néanmoins satis directe, de quinze
setiers de froment, etc.
�( 3)
4°. « Sera tenu et obligé de laisser pacager tous les
« bestiaux de la commune de Chapes, dans le marais ou
« étang de la F o lle , depuis Notre-Dame de septembre
c< jusqu’au s5 mars, et -pour cet effet, ne pourra
v cultiver ledit marais en d'autre nature q u en pré
« non clos. »
Après certaines stipulations étrangères à la cause, l’acte
se termine ainsi :
« Et sous les cla u ses, conventions et stipulations ci
ta dessus, lesdits kabitans se sont démis, dessaisis et dé« vêtus de la propriété........... consentent que ledit sieur
« de Martillat en dispose et jouisse comme son bien
« propre, les droits réservés à la commune de Chapes,
« sur ledit m a ra is, demeurant toutefois conservés. »
Il est impossible de ne pas voir dans cette stipulation
un véritable pacte commissoire, d’ailleurs assez inutile
dans le contrat de vente, où il est t o u j o ur s sous-entendu ;
car sans cette conservation des droits réservés à la com
m une, il n’y a plus d’abandon de propriété.
L e sieur de Martillat dessécha le marais, en fit un
héritage précieux, et paya constamment la rente du sieur
de Bouillon.
En 1792, si on s’en rappelle bien, la propriété de
Martillat fut vendue au sieur Artaud de V iry. T out fait
présumer (quoique ce fait soit en lui-meme peu néces
saire à la cause des liabitans) que l’acquéreur fut chargé
de payer la rente qui étoit due au sieur de Bouillon.
L e refus opiniâtre du sieur Champflour de rapporter
la vente faite à Artaud de V i r y , son attention de ne
�( 4 }
jamais employer aucun moyen personnel aux Enjolbert,
et enfin la circonstance que le sieur de V iry paya la rente,
suffisent pour en convaincre.
Survinrent les lois de 1792 et 1793, relatives, soit
aux droits féodaux ou prétendus tels, soit aux biens com
munaux.
Les unes, en abolissant les droits féodaux, avoient
éteint la rente féodale due au sieur de Bouillon ; mais
comme les habitans de Chapes l’avoient stipulée sans
directe, comme condition de leur délaissement, et que
cette redevance n’avoit été ni déléguée ni acceptée par
le sieur de Bouillon, l’indication de payement qu’ils en
avoient faite ne leur en avoit pas ôté la propriété, et
elle n’étoit pas supprimée dans leurs mains; ainsi ils en
redevenoient créanciei’S directs par cela seul.
Mais la loi du 19 juin 1793, vint lever toute incer
titude, par les articles 9 et 10 de la section 4.
Après avoir réintégré les communes dans la propriété
de tous les biens communaux qu’elles justifieroient avoir
anciennement possédés, l’article 9 excepte des disposi
tions précédentes toutes concessions, ventes, etc., etc.,
depuis et au delà de quarante ans, jusqu’à l’époque du 4
août 1789.
Puis l’article 10 s’exprime ainsi:
« A l’égard de ceux qui ne possèdent des biens corn
et munaux, ou partie d’iceux, que depuis quarante ans,
« jusqu’à ladite époque du 4 août 1789, il sera fait cette
« distinction entre eux :
a Les citoyens qui posséderont avec titre légitime et
a bonne foi, et q u i ont défriché par leurs propres mains,
�«
«
«
«
«
«
ou celles de leurs auteurs, les terrains par eux acquis
et actuellement en valeur, ne seront tenus que de
payer à la commune les redevances auxquelles ils
sétoient soumis envers le seigneur, ou tous autres,
s’ils n’en sont entièrement libérés par quittance publique.
*"
« Les possesseurs qui n’auront point de titre, ou dont
« le titre'ne sera pas légitime........... de même que les
« acquéreurs qui n'ont f a i t défricher lesdits terrains
« que par la main d’a u tru i, à leurs f r a i s , ...............
« quel que soit leur titre, seront dépossédés desdits
« terrains communaux, en quelqu’état qu’ils soient, sauf
« la préférence qui leur sera donnée pour possession de
« ces mêmes terrains, s’ils sont du nombre des copar« tageans, etc. »
A prendre cette loi dans toute sa rigu eu r, ce dernier
membre de l’article étoit le seul applicable. L e sieur Enjolbert ne possédoit que depuis moins de quarante ans
au delà de 1789; il n’avoit pas défriché de ses propres
m a in s, mais seulement par la main d'autrui , à ses
f r a is ; ainsi la commune pou voit reprendre sa propriété.
Mais le sieur de V ir y ne refusant pas de payer la
ren te, la commune ne vit aucun avantage à user de
toute la rigueur de la l o i , pour reprendre et remettre
en nature de paccage un terrain qu’il lui avoit paru
utile de convertir en propriété individuelle par le
dessèchement ; elle se contenta donc du payement de
la rente, que le sieur de V ir y servit pendant tout ou
partie du temps de sa possession, et pour laquelle elle
avoit deux titres, i ° . la disposition de la lo i5 20. celle
�( 6 )
de l’acte môme, puisque la condition de la payer avoit
été imposée comme prix de l’aliénation.
En l’an 7 , le sieur de V ir y , qui avoit contracté beau«
coup de dettes, abandonna ses biens à ses créanciers;
la terre de Martiilat fut vendue aux enchères, mais
comme aliénation volontaire seulement. On sait que la
vente volontaire, faite en justice, n’a d’autre effet que de
la rendre valide en s o i, lorsqu’elle pourroit ne pas l’être
par la qualité des parties, et qu’aussi elle n’exige pas
les mêmes formes et n’entraîne pas les mêmes conséquences que l’expropriation forcée.
La vente de Martiilat fut faite sans aucune exception ,
et sans y ajouter la condition expresse de payer la rente
due à la commune; aussi le sieur Champflour ne la payat-il pas; il la refusa en l’an 8 : déjà le sieur de V iry avoit
laissé arrérager trois ans.
- L e 8 vendémiaire an 9, les habitans firent citer le sieur
Champflour en conciliation , annonçant qu’ils vouloient
former une demande hypothécaire sur le domaine de
Martiilat, et conclure à la résolution du contrat.
- L e 21 du même mois, procès verbal de non-conci
liation. L e maire de Chapes expose sa demande; elle est
dirigée contre le sieur Champflour, comme possesseur
de M artiilat ; elle a pour objet de le faire condamner
à payer quatre années d’arrérages de la rente, à en
continuer le service à l’avenir, faute de ce, voir déclarer
le contrat résolu.
Champflour se présente; il se borne à dire que son
adjudication ne le charge pas de cette rente, et qu'il no
no peut la payer sans en fa ir e dire avec les V ir y .
�L e 1 7 ' frimaire an 9 , il est assigné. Il faut encore re
tracer les termes de la demande sur laquelle Champflour
a élevé tant et de si mauvaises difficultés.
* « P o u r, en qualité de tenancier et possesseur, être
« condamné à payer la rente annuelle de quinze septiers
« froment, les arrérages, etc.; à en continuer le service
« à l’avenir, en passer ratification, sinon, voir déclarer
« le contrat résolu, autoriser les habitons à se remettra
« en possession du com m unal, etc. »
La commune invoque, à l’appui de son,action, la loi
du 10 juin 1793.
Une demande en garantie fut formée contre les V ir y ;
elle fut jointe ; et ce qu’il y a de remarquable, c’est
que les V ir y ne contestèrent ni la demande en payement
de la rente, ni la résolution; se reconnoissant garans,
ils déclarèrent s’en remettre à la prudence du tribunal.
Mais le sieur Champflour présenta des moyens au
fond; non qu’il pensât à ceux que son imagination
lui a fournis depuis, et qu’elle lui grossit aujourd’hui ;
ils furent d’un tout autre genre.
Il opposa, i». que les lois nouvelles n’autorisoient les
communes à revendiquer les com m unaux qu’à la charge
d ’exercer leur action dans les cinq ans ; q u ’ainsi l’action
étoit prescrite : ce qui dém ontre au moins qu’il considéroit lui-m êm e la demande com m e une véritable action
en désistement.
Il opposa, en second lieu, que la rente dont le pro
priétaire de Martillat avoit été chargé envers le 6i’eur
de Bouillon étoit féodale, et que la suppression ne pouvoit
p r o fite r qu’à lu i, qui avoit été d élégué, et qui en étoit
seul d é b i t e u r .
�(8)
Enfin , il soutint qu’il étoit possesseur à titre légitime,
et argumenta de son titre d’acquisition en i j 5i.
Les liabitans en demandèrent l’exécution contre luimeme; ainsi le tribunal avoit à juger sur ces deux éléniens, l’acte de 17 6 1, et la loi de 1793.
Observons ici deux choses.
L ’une, qu’antérieurement à la demande, les habitans
avoient pris une inscription régulière le i 5 vendémiaire
an 9.
L ’autre, que la commune agissoit avec l’autorisation
légale.
C’est en cet état que la cause fut portée au tribunal
de première instance de R io m , où elle fut jugée con
tradictoirement avec toutes les parties, le 2 thermidor
an 11.
L e tribunal adjugea la demande telle qu’elle avoit été
formée ; il considéra, entr’autres choses , que la pro
priété vendue étant d’origine communale , la l o i , en
réintégrant les communes dans leurs propriétés alié
nées, n’y avoit maintenu certains possesseurs de bonne
f o i , qu’à la charge de payer à la commune les rentes
qu’ils devoient au seigneur; que cette condition étoit
essentielle à la maintenue en propriété, et que le sieur
Champflour ne pouvoit la conserver, en vertu de son
titre , sans accomplir cette condition indélébile.
Les V ir y furent condamnés à garantir le sieur Champ
flour, qui, en effet, prenoit des conclusions contre eux.
Les héritiers V iry ne se plaignirent pas de ce juge
ment; mais le sieur Champflour en interjeta appel: di
verses circonstances en ont retardé la décision. Le sieur
Cham pflour
�C9 )
Cham pflour a eu tout le temps de méditer un nouveau
plan de défense aussi extraordinaire qu’astucieux.
Les habitans de Chapes vinrent à l’audience de la
C ou r, le 2 mai 18 12; leur défenseur, avec une cause
aussi simple, n’avoit pas cru devoir s’armer d’une masse
d’autorités : l’exécution du titre, et la volonté formelle
de la loi du 10 juin 1793 , faisoient toute sa cause; il
fallut en plaider une autre.
L e sieur Champflour, à force de menées, s’étoit fait
céder la plupart des créances existantes sur les V i r y ,
ses vendeurs; la masse de ces créances excédant en ap
parence la valeur des biens, il avoit obtenu à vil prix
la plupart des cessions, mais avec subrogation pour le
to u t, et même des procurations pour agir sous le nom
de ses cédans. Ces détails ont fait assez d’éclat dans le
procès de la dame de B igny, veuve V i r y , jugé par la
pi’emière c h a m b r e de la C o u r , et q u i d é c o u v r i t tant de
choses. Les habitans de Chapes, munis de leur jugement,
et se tenant forts de leur position, n’avoient pas vu la
moindre utilité à r e n o u v e l e r avant les dix ans l’ins
cription qu’ils avoient prise en l’an 9; cela leur paroissoit
d’autant moins nécessaire que , d’une p a r t , leur droit
étant réel, se conservoit sans inscription; que, de l’autre,
le sieur Champflour n’ayant pas transcrit, leur droit
étoit conservé par cela seul, quand bien môme on l’eût
réduit à un simple privilège; qu’enfin, ce droit, quel
qu’il fû t, ayant été réalisé par un jugement, l’inscrip
tion avoit dans tous les cas produit tout son effet.
Ce fut néanmoins dans ce défaut de renouvellement
d’inscription, et dans quelques chicanes de procédure,
�( IO )
que le sieur Champflour trouva le texte d’une cause toute
nouvelle.
Suivant lu i, l’action n’étoit ni personnelle, ni hypo
thécaire ; elle n’étoit valable sous aucune forme.
A u fond, il étoit un tiers acquéreur; il u’avoit pas
été chargé de la rente ; il ne pouvoit donc en être
tenu que par la voie hypothécaire, et on ne l’aVoit pas
exercée.
Et m êm e, y eût-il eu dans le principe une action
hypothécaire, elle étoit nulle aujourd’h u i , parce que
le Gode Napoléon avoit aboli la demande en déclara
tion d’hypothèque, et que la Cour ne pouvoit pas sta
tuer sur la demande ainsi conçue, quoique déjà cette
demande eût été adjugée par un jugement antérieur au
-Code N apoléon, et qu’il ne s’agît que du bien ou du
inal jugé. Ainsi, d’après lui, les intimés n’avoient d’autres
droits qüe celui de faire une sommation et de pour
suivre j ou le délaissement par hypothèque, ou la dis
tribution du prix de la vente , aux termes du Code
Napoléon.
E n fin , disôit-il, une foule de créances hypothécaires
existent sur la succession V ir y ; l’inscription des liabitans
est périmée; ils ne sotit donc plus en ordre de colloca
tion; leur poursuite est donc une chimère.
La Cour crut entrevoir quelques difficultés, et mit
lu cause en délibéré*
Les liabitans de Chapes prirent alors, et ù toutes fins,
une nouvelle inscription.
Et bientôt après, le sieur Chatnpflour jugea à propos
de transcrire et de notifier son contrat à tous les créan-
�cîers inscrits, comptant bien, avec ses cessions, s’emparer
ostensiblement, ou sous le nom d’autrui, de la totalité
du p rix, et exclure les liabitans de Chapes.'
'P u is , il a prétendu que cette circonstance changeoit
la face de la cause. Elle a été» replaidée le 16 mars
dernier ; le sieur Champflour n’a plus reproduit ses
moyens de forme; il s’cst borné à faire valoir sa trans
cription , et subsidiairement sa garantie.
La Cour l’a miseiune seconde fois en délibéré ; et depuis
cette époque le sieur Champflour a ouvert l’ordre du
p rix, espérant encore, sans doute, en tirer pour sa cause
un autre moyen dilatoire ou évasif.
Il ne semble pas difficile, sur cet exposé de faits tous
constans, de se faire une idée juste de la cause , et d’y
appliquer les points de droit qui la régissent. Ces moyens
se puisent tous dans le titre et dans la loi.
- Il est de principe certain que toutes les conventions
d’un acte synallagmatique sont récip roq u es, et la con
dition les unes des autres, tellem ent que l’une des parties
ne peut m anquer à son engagem ent, sans délier l’autre
partie de celui qu’elle avoit contracté.
-, Ce principe se manifeste spécialement dans lo contrat
de ven te, où la condition de payer le prix au terme
convenu est tellement inséparable du délaissement de
la chose vendue, que la seule violation de cette pro
messe entraîne la résolution de la vente.
La prescription seule, ou un titre contraire, peut
dispenser de cette obligation ; et ici il ne s’élève et ne
peut s’élever aucune question de prescription. _
�Il est un autre principe non moins inébranlable ; c’est
que « celui qui produit un acte en justice , comme
« fondement de sa demande ou de son exception , si
« par cet acte il s’est obligé lui-même à accomplir quel« que chose, il ne peut se défendre d’exécuter ce qu’il
« a promis, bien qu’autrement il eût pu s’en défendre
« par la force de la prescription ; car comme les con
te vendons récipropres sont corrélatives, et dépendent
« mutuellement l’une de l’autre , et que la nature
« des corrélatifs est telle que posez l’un vous posez
« l’autre, ôtez l’un vous ôtez l’autre, il s’ensuit qu’en
« demandant l’exécution d’un acte , vous ouvrez en
« même temps à votre partie la faculté de la demander
cc aussi, et par ce moyen vous vous départez de toute
et prescription que vous pourriez avoir acquise contre
« elle. »
C’est le langage de Salvaing, de Despeysse, de D unod,
etc. C’est ce que jugea la C o u r, dans l’affaire du sieur
Demolen , en ordonnant le désistement d’un domaine
vendu en 1718 , et qui n’avoit pas été réclamé depuis.
D e quoi s’agit-il dans l’espèce?
Un communal a été vendu en 1761 , au sieur Enjolbert, sous la condition de payer, en décharge de la com
mune ^une rente sans directe, duc au seigneur de Chapes.
Cette rente a été payée exactement.
L e communal a été revendu avec l’ensemble d’un
domaine r au sieur de V i r y ; il a continué de payer la
rente dont il avoit été chargé. S’il pouvoit s’élever des
diilicultés sur ce point de fait que Champflour connoît
mieux que personne, et s’il pouvoit paroître utile de
�( i3 )
le v é r ifie r,* les habitans demandent
à la C our un com »
pulsoire pour se procurer l’acte; mais, encore une fo is,
on n’a élevé aucune question de prescription , et la loi
du io juin 1793 y eût fait obstacle, indépendamment
de toute autre circonstance.
• Elle ordonne que les communes rentreront dans la
propriété de leurs biens, même de ceux qu’elles justi
fieront avoir anciennement possédés; et par une excep
tion en faveur de ceux qui possèdent, avec titre légi
time, depuis moins de quarante ans avant 1789, et qui
ont défriché de leurs propres mains , elle les maintient
en possession, mais à la charge de payer à la commune
les redevances auxquelles ils sétoient soumis envers
le seigneur.
L e sieur de V ir y paye la rente à la commune.
. L e sieur Cliampflour achète en l’an 7.
I l est assigné p o u r p a y e r la r e n t e , s i n o n v o i r autoriser
les . ha bi tans à se m e t t r e en possession.
Son premier mot est d’invoquer le titre. Je suis, dit-il,
propriétaire légitim e, mais je n’ai pas été chargé de
la rente; je ne puis la payer sans en fa ire dire avec
mes vendeurs. Par cela seul il s’engage au payement de
la rente.
Les vendeurs sont appelés, et n’élèvent pas de con
testation.
Et cette demande auroit pu souffrir la moindre diffi
culté! Que manquoit-il donc aux habitans de Chapes?
La rente n’eût-elle pas été constituée par e u x , elle
leur eût appartenu par cela seul qu’elle eût été due au
seigneur par le possesseur du communal; à plus forte
�(
*4 )
raison, puisqu’elle étoit établie comme condition de la
vente, et qu’elle étoit due à In commune, sauf l’indi
cation do payement, qui venoit de cesser par le fait même
de la loi.
Si on eût demandé le désistement pur et simple, où
pourroit être la question? Il eût bien fallu se désister
ou payer la rente eu produisant le titre.
Et parce qu’on auroit demandé la rente, et la résolu
tion seulement, faute de payement, le résultat pourroit
changer? la convention pourroit n’être plus exécutée?
Sous ce premier rapport, la cause des habitans de Chapes
paroît indubitable.
Mais , si nous descendons jusqu’aux moyens du sieur
Champflour, nous n’y trouverons que de misérables sub
terfuges , et leur fausseté même nous ramènera à un
second point de vue tout aussi indubitable que le premier.
Que me demandez-vous? dit-il; je suis un tiers dé
tenteur, assigné comme tel; je ne suis donc tenu que
par la force de l’hypothèque; j’ai transcrit sans suren
chère; j’ai ouvert l ’ordre; et comme vous n’agissez que
du chef de mes vendeurs, que vous ne pouvez avoir qu’une
hypothèque, ou tout au plus un privilège pour ce qui
vous est dû sur la chose que vous avez vendue, vous
ne pouvez exercer votre droit que sur le p r ix , c’est-àdire, en comparoissant à l’ordre, puisque je vous y ni
appelé; la Cour nç peut que vous y renvoyer.
L e sieur Champflour dissimule, il voudroit se dissi
muler à lui-mêmelegenred’aclion qui est dirigé contre lui.
Il ne s’agit ni d’une action personnelle, ni d’une action
hypothécaire, ni même d’un simple privilège réclamé
�( i5 )
sur des biens vendus; mais d’une action rée lle, insépa
rable du droit de propriété.
f
O r , la qualité de tiers détenteur, surtout en vertu d’une
aliénation volontaire, n’efface aucun des droits réels,
surtout le droit de propriété de l’immeuble vendu. ( A r
ticle 2182 du Gode Napoléon. ) L ’adjudication sur expro
priation forcée elle-même, « ne transmet a l’adjudicataire
« d’autres droits à la propriété que ceux qu’avoit le
« saisi. » ( A r t . 731 du Code de procédure).
Si donc le sieur de V ir y n*eût pas été propriétaire du
marais de la Folle, quoiqu’il en jouît, sa vente au sieur
Champflour, de tout le domaine de M artillat, ne lui
eût transmis aucun droit à la propriété de ce marais.
Et de m êm e, si V iry n’avoit qu’une propriété con
ditionnelle et résoluble , il l’a transmise avec la même
tache et la même condition à Champflour, son acqué
reur.
O r , faut-il douter que la propriété ne fût dans les
mains d’Enjolbert, et ensuite d’A r ta u d -V iry , seulement
conditionnelle ?
Sans rappeler ici le principe général, si disertement
écrit dans les lois romaines, et rappelé par M . Domat
sur le titre des obligations et celui du contrat de vente,
voyons immédiatement ce qu’il en dit au titre des gages
'et hypothèques.
« Celui qui a vendu un immeuble dont il n’a pas reçu
« le p rix , est préféré aux créanciers de l'acheteur et à
« tout autre sur le fonds vendu; car la vente renfermoit
« la condition que Vacheteur ne seroit le maître qu’en
« payant le p rix. Aiusi le vendeur qui n’est pas payé
�( i 6 .)
u peut, ou retenir le fonds si le^prix devoit être'payé
« avant la délivrance, ou le suivre en'quelques mains
a qu il ait passé s'il f a délivré avant le payement. '»
Ç uod vendidi NON U T I L I T E R F I T A c c i p i e n t i s quant
si aut pretium nobis solutum s it , a ut satis eo nomine
¿factum. L. 19 , D e contrah. empt.
Et à cela se joint cet autre principe, ou cette autre
conséquence du même principe, que la résolution efface
les hypothèques antérieures.
S i vectigali non soluto, JU R E suo dominus usus esset,
etiam ju s pignoris evanuit.
Ces principes sont soigneusement conservés par les
articles 16 12 , i 654 et i 655 du Code Napoléon.
Ils ne le sont pas moins par les articles 1183 et 1184.
« La condition résolutoire est celle q u i, lorsqu’elle
« s’accomplit, opère la révocation de l’obligation , et
« q u i remet les choses au même état que si Vobliga« ti071 tl avoit pas existé.
« Elle est toujours sous-entendue dans les contrats
a synallagmatiques. 35
Ici elle est écrite dans le contrat; car il y est formel
lement exprimé que les habitans ne délaissent la propriété
que sous toutes les cla uses, conventions et stipulations
ci-dessus......... et les droits réservés à la commune de
C hapes , sur ledit m a ra is, demeurant toutefois con
servés.
v
1 O r , i°. on ne paye pas le prix.
20. On les prive du pacage de leurs bestiaux, en con
vertissant en terre labourable l’héritage qu’on s’étoit
obligé de tenir en pré non clo s; deux conditions essen
tielles ,
�tîelles, dont la violation entraîne forcément la résolution
de l’acte.
Enjolbert n’a transmis la propriété à V ir y j et cèlui-ci à Champflour, qu’en vertu de l’acte qui là lui
avoit transmise à lui-même; elle est donc entre leurs
mains ce qu’elle étoit dans les siennes propres ; c’est
donc un mauvais argument que de dire qu’on ne peut
pas exercer le droit de résolution contre un tiers 'dé
tenteur.
Sans nous épuiser en efforts , voyons ce qu’en a dit s
la Cour de cassation. D eux arrêts successifs ont consacré
le principe avec tant de force, qu’il est impossible de ne
pas s’y rendre.
En 1 7 2 1 , deux domaines avoient été cédés au sieur
Squiroly, à titre de locaterie perpétuelle ; le bail ne con
tenait point de clause résolutoire.
En 1786, un successeur de Squiroly se marie, et affecte
à la restitution de la dot les héritages vendus en 1721.
A rrive la loi de brumaire an 7 ; la femme prend une
inscription en l’an 8 ; Caupène, créancier de la rente,
ne s’inscrit pas.
En l’an 9 , il fait prononcer la résolution en l’absence
de la femme; le jugement acquiert l’autorité de la chose
jugée : mais la femme, séparée de biens, et armée de
son inscription, poursuit l’expropriation des biens de
son m ari, et fait sommation à Caupène de délaisser les
héritages; elle forme à toutes fins tierce opposition à
l’arrêt qui prononçoit la résolution.
Déboutée de sa demande, en première instance et en
appel, elle se pourvoit en cassation,
3
�Il semble que la Cour de cassation .pouvoit se borner
à la fin de non-recevoir, résultante de la chose jugée;
néanmoins, par respect pour le principe, elle veut le
proclamer. V oici l’arrêt; il est du 16 juin 1811 (D en evers, page 373 ) :
« Attendu que la loi du 29 décembre 1790, en déa clarant rachetables les rentes foncières perpétuelles,1
« n’a pas changé la nature de ces rentes, et que le pacte
* commissoire est de leur nature ;
« Attendu que le pacte com m issoire, dérivant du
« titre originaire, résout le contrat ab in itio , et par
« conséquent efface les hypothèques intermédiaires ,*
« Attendu que l’arrêt contradictoire, dn 4 août
a 1808, avoit de plus acquis l’âutorité de la chose jugée,
« lorsque la réclamante y a formé tierce opposition ; '
« Attendu qu'elle ne pouvoit avoir plus de droit par
« son hypothèque, que son débiteur lui-m êm e, qu i
« n'avoit qu'une propriété résoluble ; que, dans cet état
« de choses, cette tierce opposition a u r o i t é t é m a l
« FONDÉE, quand même elle eût été recevable. »
Il ne faut pas de réflexions pour faire sentir âveô
quelle force cet arrêt contre un créancier légitime
et régulièrement inscrit, qui est un tiers de bonne f o i ,
s’applique à un second acquéreur, surtout lorsqu’il n’a
pas transcrit avant la demande en résolution, ni même
avant le jugement qui la prononce.
Voyons le second arrêt : il est rendu contre le tiers
acquéreur lui-même.
!
En l’an 10 , le sieur Mignot et la dame Fages achètent
conjointement un immeuble.
�( 19 )
Ity
. En l’an 12, ils le licitent; il est convenu qu’il appar
tiendra en totûlité à la dame Fages, sous certaines charges
et conditions, et que Mignot restera en possession de
sa moitié jusqu’à leur accomplissement. Celui-ci fait ins
crire sa licitation ; elle portoit la clause résolutoire.
La dame Fages l’assigne en désistement en 1806, sans
avoir rempli les conditions ; il résiste, et un jugement
le maintient en possession.
L e 7 janvier 1809 , la dame Fages vend ce domaine
au sieur Renaud.
Celui-ci demande le désistement contre Mignot.
Jugement qui l’ordonne.
Sur l’appel, arrêt de la Cour impériale de Besançon,
qui confirme le jugement. Les motifs en sont précieux ;
ils déclarent le sieur Renaud acquéreur de bonne f o i .
« Considérant que d’après l’article 1683 du Code Na« poléon , la vente est parfaite entre les parties (Fages
« et Renaud ) , et la propriété acquise de droit à* l’ache« teur à l’égard du vendeur, des qu’on est convenu de
« la chose et du prix , quoique la chose n’ait pas été
« livré e, ni le prix payé...................... ; qu’à la vérité,
« M ignot, n’étant pas payé du p rix , auroit pu se pour« voir en résiliation de la vente, soit en vertu de la
« clause résolutoire, soit en vertu de Varticle 1 1 8 4 ,
« qui veut qu’elle soit toujours sous-entendue ............ ;
« mais que le sieur Mignot n’a exercé l’action résolu« toire que postérieurement à la vente authentique
« fa it e à R enaud ; qu’il est de principe consacré par
« les lo is , que la résolution d'un contrat ne peut pré* judicier a u x droits acquis de bonne J o i par des
3*
�tiers; que cela résulte notamment des articles 2 i o 5 ,
2108 et 2113 du CodejNapoléon, qui n’accoi’dent au
vendeur qu’une hypothèque privilégiée contre le tiers
acquéreur, et qui veulent que ce privilège ne puisse
être conservé sans inscription ; que Vinscription exigée pour la conservation du privilège du vendeur deviendroit inutile, si par Vaction en résolution il avoit
la fa cu lté defa ir e tomber les hypothèques et les'droits
des tiers acquéreur ; qu’enfin il implique de croire
que le législateur qui a refusé l’action hypothécaire
au créancier non inscrit, lui auroit cependant accordé
l’action en revendication. »
On trouve dans ces motifs tout ce qu’on peut dire de
plus fort en faveur du tiers acquéreur, en cherchant à
étendre jusqu’à lui des principes que la Cour de Besançon
semble regarder comme certains pour les créanciers ins
crits, ce qui cependant ne seroit pas vrai. On y lit tous
les argumens du'sieur Champflour, que le droit de réso
lution est dépendant du privilège, et ne peut avoir plus
de faveur que lu i, etc.
. Pourvoi en cassation. La défense du sieur Mignot fut
extrêmement simple ; il la puisa toute entière dans les
principes du.droit.
« La question, disoit-il, n’est pas de savoir si la vente
« faite à Renaud est parfaite, mais bien si le titre de son
cc vendeur étoit absolu ou résoluble.
« 11 n’importe que la résolution n’eût été demandée
« que postérieurement à la vente Renaud : la propriété
« de Mignot n’étoit sortie de ses mains que sous la con
te dition qu’il avoit stipulée. La dame Fages n’a pu trans«
«
«
«
«
«
«
«
«
«
a
«
�« mettre que les droits qu’elle avoit elle-même, d’après
« la loi 54, if. D e reg. ju r . , et l’article 2182 du Gode
« Napoléon. »
Nous avons remarqué que Mignot avoit une inscription
en règle; conséquemment, la question de savoir si le
droit de résolution est réel ou s’il dépend du privilège,
ne s’élevoit pas : cependant, la Cour de cassation la juge
encore, sans doute, pour assurer de plus en plus le prin
cipe.
« A tten du, en fa it, que dans l’acte de licitation il
« a été expressément convenu qu’en cas d’inexécution
« d’une seule clause de cet acte, la licitation seroit an« nulée de plein droit;
« A tten du, eu d ro it, qu'il est de règle certaine qu'un
« vendeur ne peut transmettre à son acquéreur plus de
« droits qu 'il n'en avoit lu i-m êm e,* qu’ainsi, quelle
« qu ait été la bon?ie f o i de R en a u d , il n’a a c h e té que
« la propriété qu’avoit la darne Fages , et qu’il a été
« obligé de supporter la clause résolutoire ;
« Attendu, enfin, qu’il nef a u t pas confondre le pri« vilége sur le bien, pour le prix qui lui est dû , avec le
« droit réel que lui assure la clause résolutoire, lequel
« n’a pas besoin d’inscription pour être conservé ; mais
« que cette inscription fût-elle nécessaire, on ne sauroit
« rien en induire, puisque Mignot a fait transcrire la
« licitation. »
Il est impossible de rien dire de plus précis. Il est donc
bien constant que le droit réel de résolution est indé
pendant du privilège; que les stipulations du titre sub
sistent daus la main de tous les acquéreurs possibles, et
�( 22 )
q u ’aucun d’eux ne peut se prévaloir de ne pas les avoir
connues.
O r , le sieur Champflour a lu ou dû lire.dans le titre
de son vendeur, que la propriété du marais de la Folle
étoit d’origine communale, et que son vendeur étoit
chargé d’une rente envers le duc de Bouillon ;
Qu’il devoit tenir l’héritage en nature de pré non clos;
Que la propriété ne lui étoit transmise qu'à ces con
ditions ;
Q u ’il n’avoit le droit d'en disposer et jo u ir comme
de son bien propre , qu’à la charge toutefois de conserver
les droits réservés à la commune SUR LEDIT MARAIS.
Il a su que la propriété n’avoit passé dans ses mains
qu’avec les mêmes conditions.
11 a lu ou dû lire dans les lois comme dans le titre,
que l’engagement étant réciproque, l’inexécution d’une
partie remettoit l’autre dans tous ses droits.
Il a vu dans la loi du io juin 1793, que ce bien , d’ori
gine communale, n’avoit été laissé au possesseur, qu’à
la charge de payer la redevance à la commune.
Et tout ce qu’il a fait au préjudice de ces obligations
çaci'écs, tout ce q u ’ il a manque à faire pour conserver
les droits de la commune sur le m arais, est une in
fraction à son titre, qui entraîne la résolution, s’il ne
l ’exécute pas à l’instant même; car il ne peut se préva
loir de ce qu’il auroit méconnu le titre ou ignoré la loi.
L ’engagement réciproque ne fut-il pas conçu dans des
termes qui sont la clause résolutoire elle-m êm e, ou qui
équivalen t, il est écrit dans l’article 1184 du Code Napo
lé o n , qu’elle est toujours sous-entendue;
�( 23 )
- Dans l’arrêt du 16 juin 1 8 1 1 , que le pacte commissoirô
( quoique non écrit ) étant de la nature du contrat de
vente, il résout le contrat ab in itio , même contre le
tiers, qui n’est que son ayant-cause, et ne peut avoir
plus de droit que lui.
Il est écrit dans la loi du 10 juin , que le possesseur,
avec titre et bonne f o i , d’une propriété à?origine com
munale , ne peut la conserver qu’en payant à la commune
les redevances qu’y avoit le seigneur.
Assurément il ne faut pas d’inscription pour conserver
cette disposition de la loi au profit de la commune, paâ
plus que pour maintenir les conditions écrites dans l’acte
d’aliénation primitive.
Que le sieur Champflour ne présente donc pas cette
cause comme une simple question d’hypothèque ou de
privilège; et quand bien même on voudroit, pour lui
complaire , aborder cette q u es t i o n , il n’y gagneroit
absolument rien.
Il
a acquis en l’an 7; si la loi paroissoit exiger l’ins
cription des privilèges, c’étoit dans le cas d’une vente
parfaite , et la sienne ne l’étoit pas sans le secours de
la transcription.
L e Code civil l’en a dispensée ; mais en même temps,
par son article 2108, il a dispensé le privilège du ven
deur de l’inscription jusqu’au moment de la transcrip
tion; et l’article 834 du Code de procédure a étendu
cette faculté pendant quinzaine, à dater de la transcription.
O r , comme, d’une part, la dernière inscription des liahitans a précédé la transcription de Champilour ; que, de
l’autre, la demande en résolution elle-même a été adjn-
�.( 2 4 )
gée avant cette transcription, et pendant qu’une première
inscription étoit encore entière, il importe très-peu aux
habitans que le sieur Champflour ait jugé à propos d’ac
quérir d’autres créances, et de laisser la leur ; de trans
crire tardivement son contrat, d’ouvrir un ordre où ils
n’ont que faire: tout est consommé; et ne fût-il question
que de privilège, le jugement ne pourroit être infirmé.
Mais, encore une fois, il s’agit de l’exécution de la
l o i , des conditions formelles d’un acte réciproque qui
a lié les deux parties, et qui ne peut être exécuté par
une partie et invoqué par l’autre, sans entraîner la ré
ciprocité.
Signé C O H A D E , maire.
M e. V IS S A C , avocat.
M e. D E V È Z E , avoué licencié.
A RI O M , de l’imp. d e TH IB A U D , imprim. de la Cour impériale, et libraire,
ru e des Taules, maison Landriot. — Mai 1813.
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
[Factum. Corps commun des habitants de Chapes. 1813]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Vissac
Devèze
Subject
The topic of the resource
communaux
pacage
rentes féodales
ventes volontaires
marais
experts
prescription
conciliations
conflit de lois
créances
jurisprudence
code civil
droit intermédiaire
fiefs
conseils de famille
ventes
Description
An account of the resource
Titre complet : Précis sur délibéré, pour le Corps commun des habitans de Chapes, intimés, contre Jean-Baptiste-César Champflour, et autres, appelans ; en présence des héritiers Artaud de Viry, intimés.
note manuscrite : « arrêt infirmatif du 22 juin 1815. Voir les motifs à la fin du second mémoire ».
Table Godemel : action en déclaration d’hypothèque : 2. une demande hypothécaire a-t-elle pu être transformée en une action personnelle ? l’action hypothécaire, introduite par l’ancien droit, est-elle admise par le code ? Transcription : 2. le créancier d’une rente peut-il demander la résolution du contrat contre un tiers-détenteur qui n’a pas été chargé du paiement par son acquisition et a payé les hypothèques ? le tiers-acquéreur qui a fait transcrire n’est-il tenu que du paiement du prix de la vente envers les créanciers de son vendeur ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
de l'imprimerie de Thibaud (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1813
1751-1813
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
24 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2110
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2111
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53406/BCU_Factums_G2110.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Chappes (63089)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Code civil
communaux
conciliations
conflit de lois
conseils de famille
Créances
droit intermédiaire
experts
fiefs
jurisprudence
marais
pacage
prescription
rentes féodales
ventes
ventes volontaires
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53573/BCU_Factums_G2817.pdf
26851e119a733f6da10958df345b76e7
PDF Text
Text
POUR
Mme MARIE-CHARLOTTE
DE
CASSAGNES
DE
BEAUFORT
DE
MIRAMON, Ve de M. le Marquis D uplessis-C hatillon ,
APPELANTE ;
CONTRE
*
M. P i e r r e BADUEL, ou ses héritiers et ayant-cause,
INTIMÉS.
— ----------
■rg»g(JO«^ ■
----------
Nous avons déjà dans trois mémoires ou consultations, produits
devant le tribunal d'Aurillac, examiné les différentes questions qui
vont être agitées à la Cour royale, et qui n'ont pas été jugées
en première instance. Nous nous en référons, à cet égard, à ce qui
a été dit dans ces mémoires, dont les doctrines ont depuis obtenu,
dans quelques espèces semblables, la sanction de la Cour suprême.
Mais un incident inattendu est venu com pliquer ce procès d’une
question nouvelle, la seule qui ait été décidée par le jugement dont
est appel. Nous ne l'avions pas prévu, et il n'était pas de nature à
l’ètre. C'est un fait inconnu qui a surgi au milieu des débats, et du
quel on voudrait faire résulter que les héritiers Baduel, de qui nous
réclamons la rente emphytéotique d'un bail qu'ils tiennent de nos
auteurs,
o n t interverti le litre de leur possession par un acte du 19
septembre 1793, et qu’en conséquence ils peuvent se prévaloir de
�la prescription qui aurait couru à leur profil depuis cette époque.
Voici cet acte :
« L'an mil sept cent quatre-vingt-treize et le second de la répu« blique, le 19 septembre, avant midi, à la requête d ’ Antoine Bà« duel, propriétaire cultivateur, au hameau de Lollière, commune
« de Saint-Clément, où il fait élection de domicile dans sa maison
« d'habitation, je Jacques-Alexandre Cheylus, premier huissier im« matriculé au ci-devant baillage du Carladès à Vie, y demeurant,
« soussigné, suis allé au domicile que fait en la ville de Vie, le ci« toyen Germain-François Arnal, homme de loi, et administrateur
« de la régie nationale, receveur des droits d ’enregistrement, au« quel, parlant à sa servante, lui ai notifié, signifié et laissé copie de
« bail à nouveau cens emphytéotique et investison perpétuelle, con« senti au profit du requérant, par Alexandre-Emmanuel Cassagnes
« de Beaufort, ci-devant marquis de Miramon, seigneur de la Roque
« et autres lieux, devant Trainier, notaire, le G mars 1755, dûment
« contrôlé, insinué et en forme, et du domaine de Lollière, situé en
« ladite commune de Saint-Clément ; en conséquence, ayant été
« instruit par affiche posée dimanche dernier à la porte de l'église
« dudit Saint-Clément, à la diligence dudit Arnal, qu'il devait être
« procédé dimanche prochain vingt-deux du courant, à la vente
« par adjudication au district, du beurre et fromage énoncés en
« l’acte susdaté, et attendu que conformément au décret de la Con« vention du 17 juillet dernier, il est dit dans l'article 1er que toutes
«redevances ci-devant seigneuriales, droits féodaux, censuels,
« fixes et casuels, mêmes ceux conservés par le décret du 25 août
« dernier, sont supprimés sans indemnité; l'article 2 n’excepte que
« les rentes ou prestations purement foncières et non féodales', et
« l'art. 3, que les arrérages des droits supprimés, portés par l'art.
« 1", lesquels sont éteints sans répétition des frais ;
« Ai dit et déclaré audit Arnal, que le requérant entend jouir du
* bénéfice de la loi; en conséquence, il est opposant et s'oppose par
�«
«
«
«
ces présentes à la vente et adjudication du beurre et fromage dudit domaine de Lollière, et autres denrées, si aucunes y a portées
en ladite affiche, protestant de nullité de ladite vente et adjudication qui pourrait se faire au préjudice du présent acte d’ opposi-
« tion, duquel ai baillé et laissé copie audit Àrnal, ensemble du
« susdit bail, en son domicile et parlant comme dessus, le tout à fin
« de dépens, dommages-intérêts, au cas où il soit passé outre.
« Signé Cheylus. — Enregistré à Yic, le 19 septembre 1793.
« Reçu quinze sols. — Signé Arnal. »
C'est sur cet acte que s’est principalement fondé le tribunal de
première instance d’ Aurillac, dans son jugement du 27 mars 1838,
ainsi c >ncu
* :
« En ce qui touche la prescription invoquée par Baduel,
« Attendu que par l’ article 6 de la loi du 19 août 1789, toutes les
« rentes foncières perpétuelles, soit en nature, soit en argent, de
« quelque espèce qu'elles fussent, quelle que fût leur origine, et à
« quelques personnes qu'elles fussent dues, furent déclarées rache« tables ;
<r Attendu que par l’art. 1er du titre 3 d elà loi du 15 mars 1790,
« tous droits et devoirs féodaux ou censuels utiles qui avaient été
« le prix ou la condition d’ une concession primitive de fonds, fu« rent pareillement déclarés rachetables ;
« Attendu que l’art. 8 de la même loi dispose que toutes les ren« tes, redevances et autres devoirs rachetables, sont soumis pour
« le principal à la prescription établie relativement aux biens im« meubles, c ’est-à-dire à la prescription de trente ans ;
« Attendu qu’il ne paraît pas que la loi du 29 décembre de la
n même année 1790, ait rien changé aux dispositions de la loi du
« 15 mars précédent ; qu’ il parait qu’ elle ne fit que régler le mode
« et le rachat desdites rentes ; qu’ ainsi sous ce premier point de vue,
« en supposant que la rente dont s’agit fût. une rente purement
« foncière, il s’ensuivrait toujours qu’ elle serait prescrite, puisque,
�« d'après l'art. 8 d e là loi du 15 mars 1790, la prescription aurait
« commencé à courir à compter du jour où la rente n’ aurait pas été
« servie, c ’est-à-dire à compter du 19 septembre 1793, date de la
« déclaration faite par Baduel, par acte extrajudiciaire dudit jou r,
« signifié à Arnal, receveur des biens nationaux, qu’il n ’entendait
« plus payer ladite rente comme étant supprimée par la loi du 17
« juillet 1793, et qu’ il se serait écoulé depuis celte époque un délai
« de plus trente ans, suffisant pour prescrire ladite rente ;
« Attendu que c’est en vain que la dame Duplessis-Châtillon, pour
« écarter la prescription, invoque l’ art. 2236 du Code civil qui dis« pose que ceux qui possèdent pour autrui ne prescrivent jamais,
« par quelques laps de temps que ce soit, parce que quand il serait
« vrai, ce qui n’ est pas constaté, que Baduel n’eùtjoui, d ’après l’acte
<r du 10 mars 1755, que comme propriétaire utile du domaine de
« Lollière, dont la propriété directe aurait resté au sieur de Mïra-
« m on, ledit Baduel aurait réuni par les lois nouvelles, sur sa tête,
« les deux propriétés par l’effet du rachat qu ’il avait le droit d’exer« cer, et parce qu ’enfin l’ art. 2238 du même Code civil dispose
« que les personnes énoncées dans les articles déjà cités, peuvent
« prescrire, si le titre de leur possession se trouve interverti ;
« Attendu que dans l’espèce il y a eu interversion formelle sur
« l’exécution de l’ acte du 6 mars 1755, par l’ acte extrajudiciaire du
« 19 septembre 1793, puisque par cet acte notifié au receveur des
«
b ie n s
et revenus nationaux, ledit Baduel lui déclara qu’ il s’ oppo-
« sait formellement à la vente de la rente énoncée dans l’ acte dudit
« jour G mars 1755, et fromages, grains et autres objets portés dans
a ledit acte, sur le fondement que ladile renie avait été supprimée
« par la loi du mois de juillet 1793; qu'ainsi ledit Baduel a le droit
« d’ invoquer les dispositions de l’ art. 2238 du même Code civil,
« d 'o ù il suit encore, sous ce second point de vue, que l'auteur de la
« dame Duplessis-Châtillon est non recevable ;
« Attendu que dès que l’ aclion de la dame Duplessis-Châtillon se
�«
«
«
«
«
«
«
trouve éteinte par la prescription, il s'ensuit q u ’il est inutile de
s’occuper de la question de savoir si la rente dont s’agit est une
rente foncière, ou une rente féodale ou entachée de féodalité, puisque quand elle serait déclarée foncière, elle ne serait pas plus
avancée, devant toujours être déclarée non recevable dans sa demande; qu’ainsi c ’est le cas, sans entrer dans d'autres examens,
de la déclarer non recevable;
« Attendu, quant aux dépens, que c ’ est la dame Duplessis-Châtil« lou qui les a occasionnés, qu’ainsi c ’est à elle à les supporter ;
* Le tribunal, jugeant en premier ressort et en matière ordinaire;
« ouï, pendant six audiences, les avoués des parties, M. le baron
« Delzons, avocat de la dame Duplessis-Chàtillon ; M. Viole, avocat
« dudit Baduel, déclare la dame Duplessis-Cbâtillon non recevable
« dans sa demande, et la condamne aux dépens;
« Jugeant MM. Vigier de Meullet, président; Cabanes, Verniols,
« d’Estanne de Bernies, ju g es; assistant M. Bastard, procureur
« d u roi. »
Comme nous n’ avons à nous occuper pour l’appréciation de ce
jugement, que d’ une simple question de droit, citons l’ art. 8 du dé
cret des 15 et 28 mars 1790, invoqué par les premiers juges.
Cet article porte :
« Tous les droits féodaux et censuels, ensemble toutes les ren-
«
«
«
«
«
«
«
les, redevances et autres droits qui sont rachetables par leur naturc, ou par l’effet des décrets des 4 août 1789 et jours suivans,
seront, jusqu’ à leur rachat et à compter de l’époque qui sera déterminée par l’art. 33 du tilre 2 du présent décret, soumis pour
le principal à la prescription que les différentes lois et coutumes
du royaume ont établie, relativement aux immeubles réels, sans
rien innover, quant à présent, à la prescription des arrérages. »
Les premiers juges ont pensé avec raison que cette loi rejetait
notre espèce dans le droit commun ; mais ils ont erré en appliquant
les principes: ils se sont trompés en fait et en droit.
�En fait, même en admettant qu'il y aurait dans l’espèce une inter
version de titre, résultant de l’acte extrajudiciare du 19 septembre
1793, ce qu'on a contesté et dû contester, la prescription aurait été
interrompue par la loi des 5 et G décembre 1814, relative aux biens
non vendus des émigrés; et la nouvelle prescription qui pourrait
dater de cette époque ne serait pas encore accomplie.
En d roit, l’ article 2238 du Code civil qu’ ils ont pris pour base
de leur jugement est inapplicable, et il y a lieu d’ appliquer tout au
contraire l’ article 2236 du même Code qui porte que ceujc qui possè
dent pour autrui ne prescrivent jamais par quelque laps de temps que ce
soit.
Ainsi toute notre tache consiste à démontrer :
1° Q uelaloi des 5 el Gdécembre 1814 a interrompu la prescription
invoquée par les héritiers Baduel, comme leur seul titre;
2° Qu’ il n’ y a eu aucune prescription depuis celte époque.
PREMIERE PARTIE.
La loi des 5 et G décembre 18Lj a interrompu la prescription invo
quée par les héritiers Baduel, comme leur seul litre.
Les héritiers Baduel invoquent la prescription trentenaire, aux
termes de-l’article 8 de la loi des 1 5 - 2 8 mars 1790 que nous venons
de rapporter. Ils font courir cette prescription de la contradiction
faite à l’ ancien propriétaire par l’acte extrajudiciare du 19 septem
bre 1793. Mais l'ancien propriétaire, c ’est-à-dire l’ État qui était h
tous ses droits, a disposé de la propriété, et a fait incontestable
ment acte de maître les 6 - 6 décembre 1814. Alors la prescription
invoquée n’ était pas acquise. Les trente ans requis par laloi n’étaient
pas révolus. La prescription a été interrompue au profit de ceux
à qui l’État a fait son transport.
Il s'agit donc uniquement de savoir quelle est la nature de 1 acte
�du gouvernement sanctionné par la loi que nous invoquons, quel est
le caractère, l'esprit de la loi.
Pour se fixer sur celte question, il suffit de prendre les feuilles
du Moniteur, contenant les séances de la chambre des députés des
17, 25, 26, 27 et 31 octobre, et du 4 novembre 1814, dans lesquelles
la loi pour la remise des biens non vendus aux émigrés fut discutée
el adoptée.
M. Bcdoeh , organe de la commission chargée d ’examiner le projet
de loi, se crut obligé de faire un blâme sévère du discours de M. le
ministre, qui en exposait les motifs. Il l’ accusa de former un
contraste avec la loi même.
« Ce contraste est t e l , disait le rap-
« porteur de la commission , et dans les principes et dans les expres« sions du rédacteur, que si on jugeait de la loi par l'exposé, l'exa« men de ses dispositions et de ses termes mêmes pourrait en prendre
u une fausse direction. » {Moniteur du 19 octobre 1814). C’est qu’en
effet M. le ministre Ferrand avait entendu que le projet de loi n'était
pas le bienfait d ’un acte spontané de la libéralité du gouvernement,
mais seulement la déclaration d'un droit préexistant à la loi. Cette
doctrine fut repoussée avec énergie par la commission et par la
chambre. L’ orateur de la commission rappela les différentes lois qui
ont été rendues contre les émigrés, pour arriver à cette conséquence
(pie leurs biens étaient acquis à la république.
« L'Assemblée nationale, disait-il, par un décret du 9 février 1792,
« mit les biens des émigrés sous la main de la nation et sous la sur« veillance des corps administratifs.
« Le 30 mars suivant, elle rendit un autre décret, par lequel elle
» déclara que les biens, ainsi que leur produit , étaient affectés à
« l'indemnité due à la nation.
« Le 23 juillet de la même année, elle prononça la confiscation et
« la vente au profit d e l ’Etat, des biens des émigrés.
« Enfin, par une loi du 28 mars 1793,1a Convention nationale dé« clara que les émigrés étaient bannis à perpétuité du territoire
�« français, qu'ils étaient morts civilement et que leurs biens étaient
« acquis à la république.
«E n
exécution de ces diflerens d écrets , la majeure partie
« des biens des émigrés fut vendue, et l’État se rendit lui-même ga« rant de ces ventes.
« La constitution de l’an VIII donna une nouvelle force à cette
« garantie, en déclarant, par une disposition de l'article 9 3 , que
« les biens des émigrés étaient irrévocablement acquis au profit de
«la république, et par l’article 94 , qu 'après ane vente légalement
« consommée des biens nationaux, quelle qu’ enjâ t l'origine, l’acquéreur
« légitime ne pourrait en être dépossédé, sauf aux tiers réclamans à
« être, s’il y a lieu, indemnisés par le trésor public. »
Voilà pourquoi la commission proposa de supprimer le titre du
projet de loi dont la rédaction était .linsi conçue :
«Projet de loi relatif à la restitution aux émigrés de leurs biens
« non vendus. »
Et de le remplacer par celui-ci :
« Projet de loi relatif aux biens non vendus des émigrés. »
Pareillement, comme les mots restituer et restitution se trouvaient
dans plusieurs articles du projet de loi, la commission y substitua
partout les mots remettre et remise.
Ces amendemens furent longuement discutés dans les séances
des 25, 26, 27 et 31 octobre 1814, et ils furent adoptés avec la
loi le 4 novembre suivant, à une immense majorité. Sur 192 volans,
169 membres votèrent pour le projet amendé par la commission ,
et 23 contre. ( Moniteur du 5 novembre 1814, page 1246. )
Il n’ est donc pas douteux que la remise des biens non vendus
des émigres est une véritable libéralité, et non pas une r e s titu tio n .
La jurisprudence est aujourd’ hui fixée sur ce point. Voyez notam
ment les savans arrêts de la Cour royalede Dijon, troisième chambre,
du 12 avril 1821; S., 21, 2 , 1 2 6 ; — de l a C o u r royale de Toulouse,
deuxième chambre, du 20 août 1824 ; S., 25, 2, 407;
de laCoui de
�Cassation, du 4 juillet 1825; S., 2 5 , 1, 368. Nous observerons
néanmoins que la question ne s’était jamais encore présentée,
comme dans l’ espèce actuelle, dégagée de toutes circonstances de
fait , et que c ’ est la première fois que les tribunaux sont appelés
à juger uniquement si l’Etat était ou non propriétaire des biens
confisqués sur les émigrés.
ment pas une, soit qu’ on
cipes , comme l’ ont fait les
Toulouse, cités ci-dessus;
La question ainsi posée, n’en est réelle
veuille l’expliquer par d’ anciens prin
arrêts des Cours royales de Dijon et de
soit qu’ on se borne à la résoudre par
les discussions de la chambre des députés qui ont pré; aré la
rédaction et l ’adoption de la loi. Mais toute discussion nous semble
inutile puisqu’ on ne pourrait sérieusement révoquer en doute le
droit de l’ Etat sur les biens qu’ il a confisqués, sans nier tout à la
fois le principe comme le fait de la loi, c ’est-à-dire sans nier la
révolution.
On pourrait faire une objection plus sérieuse, plus spécieuse du
moins. Nous réclamons du chef de M. le marquis de Miiamon le
domaine deLollière, comme non vendu. Nous le réclamons d’ après
l’arh'cle 2 de la loi des 5 - fi décembre 1814. Mais cet article est re
la! if uniquement aux biens immeables séques/rés ou confisqués pour
cause d émigration, et qui font actucllemen' partie f/n domaine de
l’ Etat. — Or, le domaine de Lollière n’ a été ni séquestré ni cont
fisqué; il n’ a jamais fait partie du domaine de l’Etat. Il n’ était
point compris dans l’énuméralion des biens invendus, s’élevant
ensemble à un revenu de 9,383,965 francs, et dont le tableau dé
taillé fut rnis sous les yeux de MM. les membres de la Chambre
des députés par le rapporteur de la loi des 5 - 6 décembre 1814.
(Voir le Moniteur du 19 octobre 1814, page 1176.)
Nous acceptons l’objection dans toute sa force. Mais si nos ad
versaires en avouent les conséquences, à quel titre possèdent-ils, et
.pourquoi viennent-ils invoquer la prescription ? Quels avantages
peuvent-ils alors tirer de l’acte extrajudiciaire du 19 septembre
2
�»
— 10 —
1793, qui est jusqu'à présent toute la base de leurs prétentions ?
Quel serait le sens de cet acte signifié à un fonctionnaire public,
prétendu représentant de l’Etat, qui lui-même n'eut représenté per
sonne ?.C a r , s’ il n'y avait point eu de confiscation par l’ Etat, pour
quoi signifier à PEtat des réclamations quelconques sur la chose
confisquée? Mais il allait confisquer, et la réclamation l’en a empêché !
il a reconnu qu'il était mal fondé, et que Baduel était en droit de
garderies biens litigieux! Eh bien, nous concluons de là qu'en ce
qui touche ces biens, l’ Etat ne s'est pas mis au lieu et place de l'an
cien propriétaire. Quant au détenteur, a-t-il pu, par son acte signifié
à un tiers, se changer à lui-même la cause de sa possession?— Non,
il ne l’a pas pu. Son titre est resté toujours le même; il n’a pas subi
la moindre altération : il en serait autrement si, au lieu de s’opposer
à la vente que PEtat voulait faire à cette époque, il avail acquis de
l'État. Cette acquisition eut indubitablement opéré une conversion
de titre qui eut fait courir la prescription , et les frères Baduel au
raient aujourd'hui deux titres pour u n , leur titre d'achat et la pres
cription. Mais ils n'ont ni l'un ni l’autre dans la position où ils sont
placés; ils n’ ont pas le litre d'achat, puisqu'ils n'ont acquis en
aucune sorte; ils n'ont pas la prescription qui n'était pas accomplie
en 1,814, et qui n’a pu l’être depuis cette époque. S'il n'y a pas eu
de confiscation par l'État, ils sont dans le cas de l'article 223G du
Code civil, et ils ne peuvent jamais prescrire par quelque laps de
temps que ce soit.
On pourrait insister, et dire que si l'État n 'a pas confisqué, il avait
le droit de con fisq u er, et qu'il pouvait toujours s’ emparer des biens
qu'il avait négligé de s’ approprier par erreur ou par omission. D ’où
la con séq u en ce possible que l’abandon présumé qu'il aurait fait de
s«s droits en faveur des tiers détenteurs, eût pu constituer pour
ceux-ci un droit véritable, un titre à la prescription. — Mais outre
que la prescription n'était pas encore acquise en 1814, cette simple
présomption d'abandon ou de donation, en faveur de tiers incon-
�—
11
—
nus, devra-l-elle prévaloir sur la remise faite expressément’par l'État, et avant tout droit acquis de ces tiers, en faveur des ayant-droit
qu’ il adésignés ? D’ ailleurs cettequestion n’est pas nouvelle : elle s’est
présentée devant les tribunaux, et il a été jugé que la loi du 5 dé
cembre 1814, en réintégrant les émigrés dans la propriété de leurs
biens non vendus, alors existans dans les mains de l’É tat, ne les a
pas seulement réintégrés dans les biens dont l’ Élat était en posses
sion de fait, qu’ elle les a encore réintégrés dans toutes les actions
t
que l’ Etal aurait pu exercer lui-même pour recouvrer des biens
contre des tiers détenteurs. Voyez l’ arrêt de la Cour de Cassation du
10 août 1829. (S., 29,1,383.)
Nous croyons avoir suffisamment établi que la loi des 5 et 6 dé
cembre 1814, a interrompu la prescription invoquée par les héri
tiers Baduel, comme leur seul titre, et répondu aux objections les
plus spécieuses qu’ on puisse nous faire. Il nous reste à démontrer
qu’il n'y a eu aucune prescription depuis cette époque.
DEUXIEME PARTIE.
Les héritiers Baduel ne peuvent se fonder sur aucune prescription
depuis la loi des 5 - 6 décembre 1814, jusqu’à ce moment.
En effet, d’ après l'art. 8 du décret des 15-28 mars 1790, qu’ on
cite à l’appui du jugement du 27 mars 1838, les rentes, redevances
et autres droits qui sont rachetables par leur nature, ou par l'effet
des décrets des 4 août 1789 et jours suivans, sont soumis pour le
principal, à la prescription que les différentes lois et coutumes du
royaume ont établie relativement aux immeubles réels, c'est-à-dire
à la prescription de trente ans.
Tout ce qu’on peut conclure de cette loi, c'est 1° que la rente
foncière due par les héritiers Baduel a été'soumise pour le princi
pal à la prescription trentenaire;— 2° que celte prescription doit
être établie d'après les lois et coutumes du royaume relativement
�aux immeubles.—'La loi dit encore que rien n'est innové sur la
prescription des arrérages
1° Nous disons que la renie n’est soumise, pour le principal,
qu’à la prescription trentenaire. C’est en effet ce qui est écrit tex
tuellement dans la loi. Cette prescription, aujourd’ hui la plus lon
gue de toutes, est la seule qui dispense celui au profit duquel elle
exisle de rapporter un titre de sa propriété, et qui ne permette pas
qu'on puisse lui opposer l'exception déduite de la mauvaise f o '. (C. civ.
2202 ).
,
Les autres sortes de prescription, celles par dix et vingt ans, exi
gent : 1° l’acquisition ; — 2° la bonne foi; — 3° le juste litre. Ces
trois conditions sont formellement requises par l’ arl. 2265 du Code
civil qui commence par ces mots : celui qui a c q u i e r t de b o n n e f o i et
par j u s t e t i t r e un immeuble> en prescrit la propriété par dix ans, etc.
Le droit d ’acquisition ne peut pas être un effet du temps : Tempus non est moclus conslituendi vel dissolvendi juris. Il suppose le fait
actuel de l’homme et le concours de deux volontés , au moins
présumables.
La loi veut que l’acquisition soit faite avec bonne foi. La bonne
foi est un accessoire obligé de l’ acquisition , d ’où il suit qu'il n’ y
a pas de bonne foi possible quand l’acquéreur savait que celui qui
lui transmettait la chose n’ en était pas propriétaire; ou qu’ il n’avait
pas le droit et la capacité de l’ aliéner.
Il
est donc indispensable, avant t o u t , de prouver l’ acquisition.
Cette acquisition faite avec bonne foi pourra seule enfanter le juste
titre. Mais s’ il n’y a pas d’acquisition , comment prétendre agiter
les questions de titre et de bonne foi ?
Ainsi, dans l'espèce, les héritiers Baduel n’ ont aucune des pre
mières conditions voulues pour la prescription par dix et vingt ans,
et nous n’ avons pas à nous occuper de savoir s'ils ont ou n’ont pas
de bonne foi dans leur possession, celle bonne foi qui est, dit
M .T roplon g, la croyance ferme et intacte q u 'o n est propriétaire;
�qui n’a lieu qu’avec la conviction que nul autre n'a droit à la chose,
qu'on en est le maître exclusif, qu'on a sur elle une puissance
absolue. — Nous ne demanderons pas aux héritiers Baduel s’ ils ont
eu vraiment jamais cette croyance ferme et intacte qu'ils étaient pro
priétaires des biens qu'ils savaient tenir à titre de bail, de M. le mar
quis de Miramon, ou de ses auteurs? Celte première condition de
la légitimité de la prescription, ils en sont totalement dépourvus. Ils
ne peuvent pas l’avoir-, ils sont non recevables à l'invoquer à l'ap
pui de leur possession.
Diraient-ils que l’acte extrajudiciaire du 19 septembre 1793 leur
a donné titre nouvel, et qu'ils ont pu prescrire par dix et vingt ans,
à partir de ce nouveau titre? Ce serait mal entendre el mal appliquer
l'article 2238 du Code civil qui fonde l'interversion de titre des
personnes qui possèdent pour autrui sur la contradiction qu’ elles ont
opposée au droit dupropriétaire. Dans notre espèce, cette contradic
tion n'était autre chose qu'une fausse application de l’article i er de
la loi du 17 juillet 1793, dont le sieur Baduel se prévalut pour se
dispenser de payer sa rente emphytéotique, sous le prétexte que
celle rente était féodale. L'Etat avait le droit de contester celte al
légation, ou même d'exiger la rente, sans s’ occuper de l’allégation.
C’ étail à Baduel de prouver son exception. Mais l’Etaln'a exercé son
droit de maître qu’en 1814, lorsqu’ il a disposé de toutes les pro
priétés dites nationales en faveur de ceux sur lesquels elles avaient
été confisquées, de leurs héritiers ou ayanL-cause. Jusque là, il avait
indubitablement conservé son droit d’ exiger la rente. Qu’eût pu
répondre Baduel? Qu'il y avait prescription ? — Mais la prescrip
tion n'était pas acquise; car l'État pouvait exercer son droit pendant
trente années, d'après l’article 8, précité, du décret des 15 et 28
mars 1790, depuis rappelé par l'article 530 du Code civil. — Que la
rente était féodale? — Mais celte assertion eût été détruite par la
seule production du titre prétendu féodal. Les tribunaux auraient
prononcé, celle question ne pouvant être légalement résolue ni par
�— 14 l’administration de l'État, ni par la Chambre des députés qui a le
droit de faire les lois, mais non pas celui de les appliquer. C’est en
core aujourd’hui la seule question à juger dans ce procès. On
conçoit que les adversaires veuillent l’éluder par des fins de nonrecevoir. Ils n’ ont point intérêt à porter le débat, sur ce terrain. Ils
savent trop bien que la rente emphytéotique du domaine de Lollière est une rente purement foncière et non féodale.
Dans aucun cas, la prescription dont il s’ agit dans l’article 2238
du Code civil, ne peut être la prescription par dix et vingt ans.
C’est nécessairement la prescription trentenaire, puisque la pres
cription étant en elle-même un moyen odieux, il n'est pas permis
,d*én abréger la durée par voie d ’ interprétation, et que les prescriplions spéciales ne peuvent s’ appliquer qu’ aux cas expressément
déterminés par la loi.
2° Nous soutenons que les héritiers Baduel n’ ont pu dans aucun
temps invoquer la prescription trentenaire, telle q u ’elle est établie,
d ’après les lois et coutumes du royaum e, relativement aux im
meubles.
D’ abord ils ne le pouvaient pas en vertu de leur titre emphytéoti
que. Il est de règle que l’emphytéote, fermier à très longues années,
est assimilé au bailliste et trouve dans la nature de sa possession le
même empêchement pour prescrire. L’ empereur Justin le décidait
ainsi dans la loi 7, § 6 ,C. de prescrip . 30 vel 40. — « Nulla scilicet
« danda licentia vel ei qui jure emphyteolico rem aliquam per qua« draginta, vel quoscumque alios annos, detinuerit, dicendi ex tran« sacto tempore dominium sibi in iisdem rebusquæsitum esse; cum
« in eodem statu semper manere datas jure emphyteotico res
» oporteat. »
Par arrêt du'21 août 1734, le Grand Conseil a jugé qu’ un héritage
donné à emphytéose devait retourner au bailleur, quoique depuis
l’expiration du bail il se fût écoulé plus de 80 ans.
Ils ne le pouvaient pas en vertu des lois et coutumes du royaume
�- 15 —
quidéclaraient pareillement les emphytéoses imprescriptibles,et qui
d'ailleurs n’ admettaient pas qu'un possesseur précaire, quel qu’il fût,
pût jamais prescrire, quand la causede sa possession n’était pas chan
gée. Ce changement s’opérait de deux manières, soit par une cause
venant d ’ un tiers, alirjuâ extrinsecàs accedente causâ, soit par la c o n
tradiction au droit du propriétaire. L’article 2238 du Code n’a fait
que reproduire et consacrer ces doctrines. Mais la contradiction ou
l'interversion n’ opérait la translation de la propriété q u ’au bout de
30 ou 40 ans. Si donc le vrai propriétaire usait de son droit avant
l’expiration de ce laps de temps, l’interversion ne s’ opérait point et
la contradiction restait sans effet.— « Mais comme l’interversion ne
« forme pas un litre légitime, dit Dunod, page 37, et qu ’elle est or« dinairement accompagnée de mauvaise f o i , elle ne suffît pas pour
« donner lieu aux prescriptions qui demandent la bonne foi et le
« titre, elle n’autorise que celle de 30 et de 40 ans ; et il y a des au« teurs qui disent qu’ il faut distinguer dans les droits incorporels,
« celui avec lequel on a interverti la possession du tiers avec lequel
« on voudrait prescrire. Car à l’égard du premier, l’ intention de ce« lui qui prescrit lui étant connue, la prescription commence d ’ a« bord et s’ acquierl par 30 ans. Mais à l’égard de l’ autre, s’ il
« possède encore civilement, animo, il semble qu'il relient toujours
« la possession, lorsque l’ interversion n’ est pas faite avec lui, jus« qu ’à ce que par un long espace de temps, il soit censé l’avoir
« abandonnée ; après quoi seulement l’ on commence à prescrire
o contre lui. »
Nous ne voulons point nous prévaloir de celle distinction, quoi
qu'elle nous soit favorable. Elle nous est totalement inutile, puis
que la prescription Irenlenaire n'ayant pas, dans notre espèce, été
acquise à l'égard de l’ Etat, les 5-6 décembre 1814; l'Etat pouvait
à la même époque disposer, comme il a disposé, valablement des
biens confisqués, au profit de l'ancien propriétaire, de ses héritiers
ou ayant-cause. Dès ce m om ent,ce propriétaire originaire est rentré
�— 16 —
dans tous ses droits, et a pu exiger le paiement 011 le rachat de la
rente. Les héritiers Baduel se sont alors bien gardés de lui faire aucune
notification qu'ils entendaient jouir comme maîtres. Dans la position
nouvelle où ils se trouvaient placés par la loi, cette notification qui
pouvait avoir ses dangers, eût été fort inutile. On ne peut se dissi
muler que si les héritiers ou ayant-cause deM. de Miramon avaient
gardé le silence encore pendant trente ans, à partir de la loi des 56 décembre 1814, ils ne dusssent être repoussés par une prescrip
tion qui prendrait sa source, non dans la qualité de la possession
des détenteurs actuels du domaine de Lollière, mais dans la na
ture du droit de remise qu'ils prétendraient exercer en vertu de cette
loi, droit nécessairement prescriptible.
Nous venons de voir que les deux points auxquels se réduit le j u
gement d’Aurillac, du 27 mars 1838, sont erronés sous le double
rapport de la prescription et de l’ interversion de litre, puisqu’on
ne pouvait invoquer ici que la prescription trentenaire, q u ’elle
n'était pas acquise en 1814, et qu'elle n'a pu courir depuis cette
époque.
Que l’ interversion de titre n’ayant pu également conférer de droits
qu'il partir de l’expiration des trente ans requis pour la prescrip
tion, cette interversion, en supposant qu'elle ail corn meneé, est restée
sans effet, puisqu’ il n’ y avait point de droit acquis aux tiers-déten
teurs, lorsqu'elle a été interrompue parle fait de la loi de 181 i.
Quant à l’objection qu’ on pourrait tirer de la mobilisation des
renies par l’effet de la loi du 1 1 brumaire an VII , combinée avec
les articles 52Í) et 530 du Code civil, il est aujourd’ hui de jurispru
dence constante que cetle mobilisation n’ a pas frappé les renies
emphytéotiques qui sont demeurées purement foncières et suscep
tibles d’ hypothèque, comme les immeubles. (Voyez notamment. l’ar
rêt de la Cour royale de Paris, du 10 mai 1831, S., 31-2-153; et le
pourvoi contre cet arrêt, rejeté par la Cour de Cassat ion, le 19 juillet
1832, S., 32-1-531.)
�Reste la question des arrérages sur laquelle rien n’est innové, par
l’article 8 de la loi des 15 * 28 mars 1790. Mais depuis, l’article
2277 du Code civil, réalisant enfin la sage ordonnance du 15 ja n
vier 1629, tombée sitôt en discrédit par la disgrâce du chancelier
deMarillac, son auteur, arrivée l’année suivante, a soumis à la pres
cription quinquennaleles arrérages des rentes perpétuelles et viagè
res, les loyers des maisons, et le prix de ferme des biens ruraux;
les intérêts des sommes prêtées, et généralement tout ce qui est
payable par année, ou à des termes périodiques plus courts.
On sait que ces arrérages n’ étaient généralement prescriptibles que
par trente ans. Mais celte question est indifférente aujourd’hui,
puisque, aux termes de l’article 2281 du Code civil, toutes les
prescriptions de ce genre qui auraient com mencé, ne fût-ce qu’ à la
promulgation du titre d e là prescription, faite le 29 mars 1804, ont
été accomplies le 29 mars 1834 ; et que, depuis ce moment, l’ article
2277 du même Code gouverne, à cet égard, tous les anciens
titres.
Toutefois ces principes généraux devaient être restreints dans
l’espèce, la coutume d ’ Auvergne ne permettant pas que l’ emphytéote pût être condamné à payer plus de trois ans d’ arrérages.
Voilà pourquoi nous n’ avons conclu qu’ à trois années de paiement
d e là rente de Lollière, devant le tribunal d’ Aurillac. Mais depuis,
l’ incident dont nous venons de nous occuper, s’ il avait quelque fon
dement, aurait changé cet état de choses. Il y aurait eu novation de
titre pour les héritiers des ayant-causede M. de Miramon, parlefail
de la loi des 5-6 décembre 1814. Le nouveau titre de l’ appelante
ne pouvant être régi que par le Code civil, elle aurait droit à
cinq années des arrérages de la rente réclamée, et il faudrait réformer
et amplifier, en ce point seulement, les conclusions prises en pre
mière instance, en y persistant pour le reste.
A Paris le 8 juillet 1838.
�— Í8 —
Nous adhérons au mémoire qui précède, et nous estimons aussi
que le tribunal d ’Aurillac a fait une fausse application des principes
qu’ il a rappelés.
§ Ier
Le bail emphytéotique du 6 mars 1755, était (personne ne peut le
méconnaître) un titre essentiellement précaire , qui ne permettait
pas à Baduel d’acquérir par prescription, la propriété des héritages
dont la jouissance seulement lui était concédée
Le tribunal objecte quela rente due par Baduel, pour prix de cette
jouissance, étant devenue rachetableet prescriptible parles lois de
1789 et 1790, la prescription de la rente, une fois acquise, aeu pour
conséquence d’assurer à Baduel la propriété des immeubles euxmêmes.
La réponse est, Io que, si la prescription d ’ une rente foncière pro
prement dite met le débiteur à l’abri de toute action ultérieure, c ’est
que le titre primitif constitue une véritable aliénation de la propriété
à son profit, et q u ’il en est quitte pour le service de la rente, tandis
que parle bail emphytéotique, la propriété continue de résider sur la
tète du bailleur, qui a toujours le droit d ’ y réunir la jouissance, du
moment où, par un motif quelconque, le preneur prétend se dispen
ser du service de la rente;— 2° quant à la faculté de rachat, sans doute
Baduel,s'ill’ avaitexercée, serait devenu propriétaire incommutable;
mais pourquoi? c ’est qu'il se serait opéré alors une novation dans le
titre primitif, c ’est que Baduel aurait payé le prix de l'immeuble,
c'estquc la qualité d'acquéreur sérieux et définitif aurait remplacé,
dans sa personne, celle de détenteur précaire que lui avait seule
ment conférée le contrat de 1755.
§H .
Aussi le tribunal d ’Aurillac a-t-il cherché une interversion du titre
originaire dans l’ acte exIrajudiciaire du 19 septembre 1793.
�— 19 —
Mais c'est une erreur, car la contradiction que Baduel a opposée
par cet acte, à l’agent de l'administration, ne concernait que la qua
lité de la rente, qu'il prétendait être supprimée comme féodale; il ne
s'agissait nullement là de la question de propriété de l'immeuble
même, dont, par conséquent, Baduel continuait de jouir au même
titre que par le passé, ne pouvant d'ailleurs se changera lui-même
la cause et le principe de sa possession (C. civ. 2240), possession dont
la nature précaire, encore une fois, résistait perpétuellement à la
prescription (2236-2237).
D'où il faut conclure que madame la marquise Duplessis-Châtillon est recevable et fondée à demander, comme elle l’a fait, aux hé
ritiers Baduel, soit la continuation de la rente, soit, s'ils s’y refu
sent , la restitution des héritages compris dans l'emphytéose du
6 mars 1755 (indépendamment même de l'argument tiré d e la lo i du
5 décembre 1814).
A. PAILLET.
ODILON BARROT.
Paris, le 8 juillet 1838.
mv
U
PARIS
IMPRIMERIE
DE
MAULDE
ET
t^(f-
RENOU
RUE
BAILLEUL
PRES
DU
LOUVRE.
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
[Factum. De Cassagne de Beaufort De Miramon, Marie-Charlotte. 1838?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Bole
A. Paillet
Odilon Barrot
Subject
The topic of the resource
bail emphytéotique
domaines seigneuriaux
cens
retranscription de bail
biens nationaux
émigrés
rentes féodales
droit de propriété
abolition des privilèges
droits féodaux
coutume d'Auvergne
prescription
absence
poids et mesures
doctrine
droit écrit
franc-alleu
directe seigneuriale
jurisprudence
droit de guet et de garde
Masuer
forains
corvées
code civil
droit intermédiaire
domaines agricoles
fromages
vin
percière
droits rachetables
titres nobiliaires
lods
terriers
retrait féodal
bail
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire pour madame Marie-Charlotte de Cassagne de Beaufort de Miramon, veuve de monsieur le marquis Duplessis-Chatillon, appelante ; contre monsieur Pierre Baduel, ou ses héritiers et ayant-cause, intimés.
Annotations manuscrites. « le 8 août 1838, 1ére chambre, arrêt confirmatif ».
Table Godemel : Bail emphytéotique. v. emphytéote.
2. en Auvergne, les rentes emphytéotiques étaient-elles féodales ? Les baux emphytéotiques étaient-ils prescriptibles ? Féodalité : 1. en Auvergne, les rentes emphytéotiques étaient-elles féodales ? les Baux emphytéotiques étaient-ils prescriptibles ? en d’autres termes, les preneurs emphytéotiques, ou leurs héritiers ou ayans cause, ont-ils pu acquérir ou transmettre, par prescription, la toute propriété des biens fournis à l’emphytéote ?
en d’autres termes les preneurs emphytéotiques, ou leurs héritiers ou ayant cause, ont-ils pu acquérir ou transmettre, par prescription, la toute propriété des biens soumis à l’emphytéose ? Reconnaissance.
4. plusieurs reconnaissances notariées peuvent-elles dispenser le demandeur de représenter le Bail emphytéotique primitif ?
3. les baux emphytéotiques ont-ils été détruits ou intervertis, à l’égard du bailleur originaire, par les lois des 18-29 décembre 1790 et 11 brumaire an 7 et par les dispositions du code civil ? voir les faits spéciaux. ibid.
en tout cas quel caractère doit avoir la notification faite aux représentants du bailleur originaire, pour opérer l’interversion ?
la prescription a-t-elle couru valablement, en faveur du possesseur, dès la notification (1793) si l’on considère que, d’après la législation, la rente quel que soit sa nature, foncière ou féodale, aurait été déclarée rachetable ? prescription.
24. en Auvergne, les baux emphytéotiques étaient-ils prescriptibles ? en d’autres termes, les preneurs emphytéotiques, ou leurs héritiers, ou ayans-cause, ont-ils pu acquérir ou transmettre, par prescription, la toute propriété des biens fournis à l’emphytéose ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Imprimerie de Maulde et Renou (Paris)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1838
1755-1838
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
1814-1830 : Restauration
1830-1848 : Monarchie de Juillet
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
19 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2817
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2813
BCU_Factums_G2814
BCU_Factums_G2815
BCU_Factums_G2816
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53573/BCU_Factums_G2817.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Saint-Clément (15180)
Lollière (domaine de)
Vic-sur-Cère (15258)
Carladès
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
abolition des privilèges
absence
bail
Bail emphytéotique
biens nationaux
cens
Code civil
corvées
coutume d'Auvergne
directe seigneuriale
doctrine
domaines agricoles
domaines seigneuriaux
droit de guet et de garde
droit de propriété
droit écrit
droit intermédiaire
droits féodaux
droits rachetables
émigrés
forains
franc-alleu
fromages
jurisprudence
lods
Masuer
Percière
poids et mesures
prescription
rentes féodales
retrait féodal
retranscription de bail
terriers
titres nobiliaires
vin
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53571/BCU_Factums_G2815.pdf
41c30e1b0bb0dbc06e61db9ef81cc37a
PDF Text
Text
p
T
TRIBUNAL
de
POUR
PREMIÈRE INSTANCE
D ’A U R IL L A C .
Mme M a r i e - C h a r l o t t e d e CASSAGNE DE BEAU,
.
FORT DE MIRAMON, veuve de M. le Marquis
François-Félix Duplessis-Châtillon, en sa qualité
d’héritière bénéficiaire de M. le Marquis de Miramon, son père, D e m a n d e r e s s e ;
CONTRE
MM. A n t o i n e BADUEL, comme détenteurs du do
maine de Lollière, appartenant a la succession bé
néficiaire dudit Marquis de Miramon, D é f e n d e u r s .
Le 21 août 1837, madame la marquise Duplessis de Châtillon a
fait signifier aux héritiers Baduel un acte du 6 mars 1755, qui les
oblige à la prestation d’une rente emphytéotique, au profit du
marquis de Miramon, son père, de ses héritiers ou ayant-cause.
Le 2 septembre suivant, elle leur a notifié un commandement de
payer les arrérages de la rente.
,|
Aujourd’hui elle les poursuit devant le tribunal civil d ’Aurillac,
faute de paiement, pour obtenir contre eux l ’exécution de son
titre.
Madame de Châtillon avait déjà publié quatre mémoires sur
Audience du
_
�2
PREMIÈRE P A R T IE .
celle affaire, l’un en forme de consultation générale; les (rois
autres contre les héritiers Druo, les héritiers Auzolle, et les héri
tiers Baduel. Ces derniers seulement viennent de répondre dans
un écrit fort insidieux, qu’il importe d’autant plus de réfuter que
la matière q u ’il a pour objet étant fort peu connue maintenant, on
est obligé d ’en faire une étude spéciale pour décider les questions
que ce procès présente à résoudre.
La consultation avait été demandée par M. le marquis de Chàtillon pour sa mère. Elle portait sur quatre héritages dont deux
seulement sont réclamés aujourd’hui. Le rédacteur du mémoire
en réponse se prévaut de celte double circonstance pour nier les
qualités de la demanderesse, qui résultent de ses titres héréditai
res, et de la renonciation de ses deux sœurs à la succession de
M. le marquis de Miramon, père commun, qu'elle a fait signifier
aux héritiers Baduel, par acte du 20 septembre dernier. Il oppose
en outre des exceptions de chose jugée à la demande des domai
nes de Lafage et de la Koussière qui ne sont pas demandés. C’est
à quoi se réduisent les six premières pages du mémoire.
On examine dans ce qui suit jusqu’à la quarante-neuvième page
inclusivement:
« 1° La nature de l’acte du G mars 1755, qui sert de base aux
demandes de madame de Châlillon, contre les héritiers Baduel j
a 2° La question de savoir, en thèse générale, si les baux em
phytéotiques, à cens ou rentes, sont frappés de la suppression
prononcée par les lois de 1792 et 1793, quand ils sont mélangés
de féodalité;
i
« 3° La question de savoir particulièrement,' si les beaux em
phytéotiques perpétuels sont atteints par ces lois suppressives ;
« 4 “ L ’a p p l i c a ti o n d e la d o c t r i n e é t a b l i e a u x p a r a g r a p h e 2 e t 3
c i - d e s s u s , à l’a c t e d u G m a r s 1755.
« 5° L’o b j e c t i o n t i r é e d e c c q u e la c i - d e v a n t A u v e r g n e é t a it
u n p a y s a ll o d i a l .
« G° Enfin la question de la prescription. »
�IL n ’ y
a
pas
de
pr e sc r ipt io n
.
3
Nous répondrons d ’abord au sixième et dernier de ces para
graphes , parce que , s’il était vrai qu’on pût opposer la pres
cription à madame d e C h â lillo n , il serait inutile d’examiner si
sa demande contre les héritiers Baduel est féodale ou non féo
dale.
Quant aux cinq autres, nous n ’avons jamais contesté que les
rentes mélangées de féodalité ne fussent frappées de suppres
sion ; mais nous soutenons que l’acte du 6 mars 1755 n ’est point
féodal, parce que la»féodalité ne se présume point dans la cou
tume d ’Auvergne , et q u ’elle ne résulte pas des clauses de l’acte.
Ainsi , nous écarterons la presque totalité du mémoire de nos
adversaires , qui est étrangère aux difficultés qui s’élèvent entre
nous.-Nous réfuterons tout le reste, t
PREMIERE PARTIE.' '
Les demandes de madame la marquise de Châtillon ne sont pas
repoassees p a r la prescription.
Nous avions é ta b li, pages 5, 14 , 15 et suiv. de la consultation
du 5 mai 1837, q u e , pour q u ’on put opposer la prescription à
madame la marquise de Châtillon , d’après le droit c o m m u n ,
qui ne nous empêchera pas de nous prévaloir des lois spéciales,
il faudrait une interversion de titre, un changement dans la qua
lité de la possession. Sans cela , ou prescrirait contre son titre,
ce qui serait contraire à tous les principes anciens et nouveaux.
Que cette interversion pouvait résulter d’un acquisition faite par
«les tie rs, ou d ’une dénégation légale de la redevance, mais non
d’une transmission à titre héréditaire , ou d’une simple cessation
dupaiinent des rentes promises. Nous avions d it, avec M.Toullier,
que , dans notre espèce, c ’est-à-dire , « à l’égard des rentes fon-
�“*
a
«
«
«
«
PREMIÈRE PARTIE.
cières créées antérieurement à la promulgation du Code, quoique aujourd’hui meubles et rachetables, le débiteur ou ses
héritiers pouvaient encore s’en libérer par le déguerpissement
ou abandon du fonds , parce que les dispositions du Code ne
peuvent avoir d’effet rétroactif. »
Nous avions ajouté que le bailleur pouvait, dans la coutume
d ’Auvergne, exercer l’action en dégaerpissement trois années
après la cessation de paiement de la redevance; q u’il n ’avait droit
q u ’à trois années d’arrérages , quelle que fut la durée de la ces
sation , fût-elle de mille a n n é e s , suivant l’expression énergique
de Dumoulin ; que du moment q u’il n ’y avait, dans l’espèce,
ni interversion de litre, ni dénégation légale d e là redev an ce,
il fallait exécuter l’ancien titre, qui ne pouvait être apprécié que
d ’après les lois d e l à coutume d ’Auvergne, les seules qui l’a
vaient toujours régi. Voilà pourquoi nous avions conclu :
Qu’il plût au tribunal condamner les sieurs B aduel, comme
héritiers directs du preneur originaire, à payer à la requérante
trois années des arrérages de la rente consentie par le bail em
phytéotique du 6e du mois de mars de l'an 1755, et à servir à
l’avenir ladite rente , année par année , si mieux n ’aimaient les
sieurs Baduel racheter la rente, ou bien déguerpir.
Ce langage était simple et conséquent. L’auteur du mémoire
en réponse a feint de ne pas l’entendre. Cependant personne
ne pouvait jug er mieux que lui, que la seule question à exami
ner était ici celle de savoir si l’interversion de titre qui n ’existe
pas en fait dans la cause , pouvait résulter implicitement du fait
de la loi. Mais comment résoudre cette question pour les défen
deurs ? Il est clair q u’il faut une interversion de titre pour que
le titre ancien ne soit pas exécuté, et que cette interversion ne
peut résulter implicitement du fait de la loi. Il aurait fallu , pour
anéantir des contrats quelconques p a s s é s antérieurem ent a nos
lois nouvelles, que ces lois les eussent expressément abolis ,
�IL
n ’y
a
pas
DE PRESCRIPTION.
Ô
ce qu ’elles n’ont fait que pour les actes ou droits féodaux e lcen suels; ou'bien q u ’elles eussent positivement déclaré que le titre
ancien serait remplacé pas le litre dont elles auraient imposé
les conditions. Nous verrons , dans le cours de la discussion , ce
q u ’ont fait les lois spéciales sur les baux à rentes emphytéoti
ques. Il est vrai que les défendeurs assurent que l’acte du 6
mars 1755 est un acte féodal : nous démontrerons q u ’ils se
trompent. Ecartons premièrement ce q u ’ils disent de la pres
cription.
'
Ht, d’abord , remarquons! q u ’après avoir rapidement esquissé
une savante analyse des lois des 5 mars 1790, 6 juillet 1791,: 20
août 1792,'et des articles 529 et 530 du Code civil, on suppose
partout ce q u ’il faut prouver, c’est-à-dire que ces lois générales
ont opéré une interversion de titre- Il faut convenir qu’elles ont
pu déclarer,et on t déclaré prescriptibles-des droits qui n ’étaient
pas d ’abord prescriptibles; mais elles n’ont pas changé le titre du
possesseur originaire, et comme des dispositions de cette nature
doiventêtre restreintes plutôt q u ’étendues, la seule conséquence
rigoureuse q u ’on pourrait tirer de l’article 8 de la loi du 15 mars
1790, tel q u’il est cité, page 44: d ^ m é m o ire , serait que toutes
les rentes, redevances et autres droits rachetables, sont soumis
à la prescription p o u r l e s t i f . u s a c q u é r e u r s . Mais cet article-ne
porte point atteinte à la maxime qu'on ne peut pas prescrire contre
ion titre (C. c. 2240). Le principe qu’il renferme a été d ’ailleurs
de nouveau consacré par l’article 2239 du Code civil , ainsi
conçu : « Ceux à qui les fermiers, dépositaires et autres déten« teurs précaires ont transmis la chose par un titre translatif de
v propriété, peuvent la prescrire ». Encore faut-il, même dans ce
cas, que l’acte translatif de propriété ne rappelle point le titre
purem ent précaire du vendeur, parce que ce dernier ne peut
pas avoir transmis d ’autres droits que ceux qu ’il a déclarés. Le
seul droit que les lois nouvelles aient introduit en faveur des
�G
PREMIÈRE PARTIE.
preneurs originaires ou (Je leurs héritiers directs, est celui de
racheter la rente. Ju sq u ’à ce rachat, la rente reste pour eux ce
q u ’elle était par son litre. On ne peut dire que l’article 8 de la
loi du 15 mars 1790 ne distingue point; qu'il déclare les rentes
et redevances de toute nature rachelables etprescriptibles, parce
que cette manière d ’entendre la loi la rendrait contraire aux
principes, et q u ’il ne faut admettre d’antinomies que lorsque
toute conciliation raisonnable est impossible. D’ailleurs voyons
cette loi; ouvrons, non plus le mémoire de nos adversaires,
mais le bulletin officiel, le texte entier de la loi.
C’est une l o i générale concernant les droits féodaux supprimés
sans indemnité, e t ceux déclarés rachetables. Nous pouvons , par
conséquent, la repousser hautem ent, comme inapplicable. Elle
s’occupe uniquement des droits féodaux. Nous ne réclamons
point de droits féodaux. On invoque l’article 8 ; lisons cet
article.
1
« VIII. Tous les droits féodaux cl censuels, ensemble toutes
« les rentes, redevances, et autres droits qui sont rachetables
« par leur nature ou par l’effet des décrets du 4 août 1789 et
« jours suivans (par lesquels le régime féodal est entièrement
« détruit), seront, ju sq u ’à leur rachat, et à compter de l’époque
« qui sera déterminée par l’article 33 du litre 2 des présentes,
« soumis, pour le principal, à la prescription que les différentes
« lois et coutumes du royaume ont établie .relativement aux im« meubles réels, sans rien innover, quant à présent, à la près« cription des arrérages ».
On voit que cet article, fidèle à la rubrique de la loi, n ’a pour
objet que les droits féodaux et censuels, ou tout ce qui est relatif
au régime féodal, aboli par les décrets des 4, (>, 1, 8 et 11 août
1789, ainsi q u ’il est dil dans le préambule. Ajoutez que l’articlc
n ’établit aucune prescription nouvelle r e l a t i v e m e n t aux immeu
bles réels, et q u ’il s'en réfère aux différentes lois et coutumes du
�Xi1)
IL
n’y
A PAS DE PRESCRIPTION.
7
royaume. Cette citation est donc déplacée et ne prouve absolu
ment rien pour nos adversaires, puisqu’ils n ’ont aucun besoin de
la prescription, s’ils dém ontrent que nous réclamons u n droit
féodal.
D’aüleurs rien n'est plus élémentaire ni plus juste que les p rin
cipes que nous invoquons. Nous disons aux héritiers Baduel :
« Votre père ou grand-père, s’il vivait encore, n ’aurait pu pres« crire la toute propriété du domaine de Lollière, q u’il avait reçu
« du marquis de Miramon, à titre d ’emphytéose. Il n ’aurait
« pu que prescrire les arrérages des redevances, à l’excep« tion des trois dernières années. Telle était la loi de son titre.
« Vous ne faites que continuer votre père ou votre aïeul. Vous
« possédez en vertu du même t i t r e , sans aucun changement
« dans la qualité de la possession. Vous avez tous les droits
« q u ’ilavaitlui-mème; mais vous n ’en pouvezavoir davantage.Si
« vous aviez vendu vos droits successifs depuis que la coutume
« d ’Auvergne est abolie, que les lois anciennesontété changées, le
« titre de vos acquéreurs au domaine que vous possédez, e û t été
a régi par les lois nouvelles ; mais ces lois ne peuvent pas avoir
« de rétroactivité par le seul fait de leur existence. La rétroacti<f vite ne saurait se présumer, et vous la présumeriez nécessaire« ment, si vous vouliez soumettre à la loi nouvelle, des contrats
« passés sous les lois anciennes, alors que cette même loi ne l’a pas
« expressément ordonné : or, toutes les dispositions rétroactives
'< de la loi nouvelle ne frappent que les droits féodaux et censuels,
« et pas d ’autres droits. Rendez-nous donc l’héritage de notre
« père que vous retenez sans aucun titre ...... » Cette d éten
tion injuste, dans son p rin c ip e , ne peut être légitimée par la
longueur de la possession.La détention est injuste dans son
principe : 1° parce qu'on n ’a point respecté la condition de
la redevance dont la stricte observation pouvait seule la légitimer;
2” parce que les héritiers Baduel ne pouvaient pas se prévaloir du
�8
,i
PREMIÈRE P A R T IE .
,
titre emphytéotique de leur père, puisque l’emphytéose n’avait
été consentie q u ’à Pierre Baduel seulement. Q u’il n ’est point dit
dans l’acte q u ’elle ait été consentie à Baduel e t a u x s i e n s ; q u ’ainsi
l’emphytéose du 6 mars 1755 était essentiellement temporaire
ou à vie du preneur. Qu’on ne peut pas induire le contraite des
termes de l’obligation prise par Baduel de p a yer et porter les sus
dits cens et rente... a p e r p é t u i t é . . . au marquis de Miramon et aux
siens... TANT ET SI L ONGUEM EN T Q u ’i l . JOUIRA ET SER A T ENANC IE R DUDIT
d o m a i n e d e L o l l i e r e , car ce mot de
perpétuité est immédiate
m ent suivi d ’autres termes, qui en limitent formellement l’éten
due à la durée de la jouissance par le tenancier : or, cette jo uis
sance n epouvants’étendre audelà de la vie, il suit de là que le bail
emphytéotique a pris fin à la mort de ce tenancier, et que de
puis cette époque ses héritiers ont joui sans aucun titr e ,d ’où nous
concluons qu ’ils n'ont pu prescrire.
Le mémoire en réponse rte se dissimule pas que si le bail
emphytéotique est réellement temporaire, on ne peut point op
poser de prescription. Nous avons montré par les termes mêmes
de l’acte qu'il est temporaire. Mais nos argumens ont plus de
portée. Dans l’hypothèse où nous sommes placés, en l’absence
de tiers acquéreurs, d ’interversion de titre, ou de dénégation lé
gale de la redevance, nous repoussons la prescription tant pour
le bail emphytéotique perpétuel que pour le bail temporaire.
Les héritiers Baduel expliquent la prescriplibilité prétendue du
bail emphytéotique perpétuel par l’article G de la loi du 11 août
1789, « par lequel, disent-ils, page 43, toutes les rentes foncières
« perpétuelles, soit en nature, soit en argent, de quelque espèce
« qu’elles fussent, quelle que fut leur origine , à quelques per« sonnes qu ’elles fussent dues, ainsi que les champarts de toute
« espèce, et sous toutes dénominations, furent déclarés racheta« bles. » Il ne suivrait pas de là que ces ventes fussent prescrip
tibles. Mais lorsque plus tard les articles 529 et 530 du Code civil
�IL n ’y
k
PAS DE PRESCRIPTION.
9
ont mobilisé ces rentes, elles sont devenues seulement alors pres
criptibles, comme nous l’avons établi dans la consultation du 5
mai, d ’après les doctrines expliquées dans les considérans d ’un
arrêt de la Cour de cassation, sections réunies ( lire l’arrêt dans
Dalloz, 3G-1-41). Néanmoins, même dans ce cas, la prescription
ne s’est opérée q u ’en faveur des tiers-acquéreurs. Les preneurs
originaires sont restés sous la loi de leur titre, en ayant de plus la
faculté de racheter la rente, parce que les lois ne disposent que
pour l’avenir. Tout cela a été développé dans la consultation et
appuyé des autorités les plus imposantes. Il nous suffira de faire
observer que le rédacteur du mémoire en réponse n ’a pas même
abordé notre observation que les héritiers directs du preneur em
phytéotique , alors même qu’ils auraient été légalement investis
du domaine de Lollière, ne pouvaient en aucun cas prescrire con
tre leur titre.
Il faudrait donc, pour repousser la demande de madame la m ar
quise de Châtillon, que ses titres fussent féodaux ou mélangés de
féodalité. Ils ne le sont p o in t, comme on va le voir.
DEUXIÈME PARTIE.
L ’acte du G mars 1755 ri est point féodal, ni mélangé deféoaalüf.
Notre honorable adversaire consacre une grande partie de son
mémoire à soutenir que les actes féodaux sont abolis, et que celte
abolition a été étendue, par une loi du 29 floréal an I I , a toute re
devance ou rente entachée originairement de la plus le'gèrc marque
de féodalité. Tel est le principal et comme l’unique objet de ses
s § 1, 2 et 3 qui s’étendent de la page 7 à la page 20. Eh bien !
nous ne contestons pas le moins du monde scs principes sur ce
2
�10
DEUXIÈME P A R T IE .
p o in t; mais nous contestons l’application q u ’il veut en faire à
l’acte du 6 mars 1755, tant dans les paragraphes cilés que dans les
suivans. C’est la mineure du syllogisme auquel se réduit tout son
travail. En démontrant qu’elle est fausse, nous aurons détruit son
mémoire radicalement, et il n’en restera rien q u ’on puisse opposer
à nos prétentions.
Le paragraphe premier du mémoire s’attache à distinguer le
bail à cens proprement dit, ou cens féodal, du bail emphytéoti
que. Il soutient que l’acte du 6 mars 1755 est un bail à cens
féodal. Son principal argument repose sur ce que le bail à cens
est le bail d'un fonds noble et féodal; au lieu que le bail em
phytéotique est celui d ’un fond qui est tenu en roture. Il ap
puie sa distinction d ’une citation de l'annotateur de Boutarie,
traité des droits seigneuriaux, page 2. Ici encore notre contradic
teur suppose ce qu’il faut prouver, que le mol cens introduit,
n ’importe comment, dans un bail quelconque, le rend féodal.
Cependant ce mot se prend pour toutes sortes de renies, c’est
un terme générique dont on peut se servir indifféremment pour
indiquer les redevance foncières, emphytéotiques ou autres.
Voilà pourquoi la rente de l'émphyléose ainsi, que celle de cetts,
porte également le nom de censive. Ces paroles sont précisément la
fin de la phrase de l’annotaleur de Boutarie, citée dans le mé
moire des héritiers Baduel (voir le traité des droits seigneuriaux,
pag. iij, dernières lignes (1). Il paraît que notre adversaire s’en
est rapporté à une citation de M. Merlin, q u e s t i o n s d e d r o i t , verbo,
( 1) M* Viollc, rédacteur du mémoire, qui avance dansl’observation essentielle,
ajoutée page 60, que Mmc de Cliùlillou désavoue, dans l’acte du 20 septembre
1837, qu’il ait été publié des mémoires, a aussi tronqué cet acte. La copie,
sur papier libre, envoyée par M. Hampon à M. Bole, à P aris, porte qu’il n’y
a pas eu de mémoires publiés, à moins ceux confiés à l’ancicn avocat de (a
dame requérante (Mc Viollc).
�LA BENIE DE LOLLlÈUE
n ’ e ST
POINT FÉODALE.
t 1
Moulin. M. Merlin cite aussi par erreur la page 2 pour la page 3;
mais il dit après cette citation: « Ajoutons que le franc-alleu
« noble, c’est-à-diredéeorédes titres deseigneurieetdejustice, peut
« aussi bien être donné en emphytéose que le franc-alleu roturier ,
« c’est-à-dire dénué de justice et de seigneurie. M. Boutaric ni
« son annotateur ne le disent, mais cela sesenlde soi-même.» Ainsi
parle M. Merlin, l. c , page 277, qui ne fait néanmoins, quoiqu’il
en dise, q u ’abréger et reproduire l’opinion professée par Bou
taric, au traité cité, chapitre 13, page 377, lignes 31 et suivantes.
Dans plusieurs contrées, et particulièrement dans les pays al
lodiaux, la dénomination de cens était commune à la rente sei
gneuriale, au canon emphytéotique et à la rente foncière.
L'acte du G mars 1755 est qualifié de bail emphytéotique. Cette
qualification lui convient, et elle n ’esl pas détruite parce que la
rente de Pemphytéose aura été désignée comme fiouveau cens, ou
comme censive.
Après Boutaric, on cite Merlin. Ecoutons Merlin, s’adressant
à la Cour de cassation, dans l’affaire de Jean Salomon et consorts,
( \ Juthss, r é p e r t o i r e u n i v e r s e l , verbo Cens,% 5, pages 129 et
suivantes.— Troisième édition. — Après avoir dit que le mot
cens ne signifie par lui-même q u ’une ren te, une prestation,
un revenu quelconque, il cite une dissertation de feudo censuali,
qui se trouve dans le thésaurus ju risJ e u d a lis d ’Inichen, imprimé
à Francfort en 1750. tom. 2, page 45. « L ’auteur de cette disser« talion, disait M. le procureur général à la Cour suprême, s ’oc« cupe des différences q u ’il y a entre le bail à fief annuel, et le
« bail à emphytéose; et à ce sujet, il s’exprime en ces termes: ou
“ la chose est concédée purement et simplement à censou à rente
perpétuelle, sous réserve du domaine direct, de l’investiture,
« du droit de lods ; et dans ce cas le bien n ’est pas fief, mais sim0 plement ccnsive : ou la chose est concédée à cens, avec réserve
« du domaine direct, de l’investiture, et, comme il arrive sou-
�12
DEUXIÈME PARTIE.
« vent, du droit de lods; et alors,
« MAGE,
c ’e s t
s ’i l y a r é t e n t i o n
UN F IE F CE NSUEL; SI LA F OI-H OM MAGE
n ’ e ST
de
la f o i- hom
PAS R E S E R V E E
« c ’ e s t u n e e m p h y t é o s e ..... Rien à conclure ici de la dénominatiot
« de cens donnée à la redevance.. ..
« Sans doute il est des pays où une redevance originairemen
« foncière, due à un ci-devant seigneur, doit être présumée avoi
« été originairement seigneuriale ; mais quels sont ces pays ? G
« sont ceux où était en vigueur, avant l'abolition du régime féodal
« la règle nulle terre sans seigneur.
« Mais dans les pays allodiaux, rien n ’empêche de présumei
« que le seigneur à qui est due une rente foncière, l'a stipulée pai
« un simple bail à rente qui ne cohtenai t de sa part aucune réserve
«du domaine direct; et non seulement rien n’y fait obstacle à
« cette présomption, mais elle est la conséquence nécessaire de la
« maxime, nul seigneur sans titre.
«Telle est la distinction que nous tracent les principes es« sentiels et fondamentaux de cette matière, et il ne faut pas
« croire q u ’elle soit en opposition avec l’article 17 de la loi du
« 25 août 1792.
« Cet article ne dit pas que les rentes foncières dues à des ci« devant seigneurs soient abolies : il dit seulement que les rentes
« foncières dues à des particuliers non ci-devant seigneurs sont
«maintenues. Il sc tait donc sur les rentes foncières dues à des ci« devant seigneurs, et, par cela seul qu’il se tait à leur égard, il ne
«les abolit ni ne les maintient: il s’en réfère aux principes du
«droit co m m un, qui établissent, entre les pays allodiaux et les
« pays non allodiaux, la ligne de démarcation dont nous venons
« de parler. »
Ces principes furent consacrés par l’arrct du 11 germinal an
XIII, au rapport de M. Lombard-Quincieux (S. 2. 148). La même
question avait été résolue dans le môme sens, par la même Cour,
�LA RENTE DE L0LL1ÈRE
h ’ e ST
POINT FÉODALfc.
15
pour la coutume d’Auvergne, le 13 vendémiaire de la même an
n é e ^ . 5. 1. 57).
On voit, tant par la citation de-M. Merlin que par les doctrines
des plus habiles feudistes, que le bail emphytéotique et le bail à
cens proprement dit, qui avaient d’ailleurs tant de rapports, dif
féraient cependant d’une manière essentielle, mais sur un seul
point. La rétention de là foi-hommage était de l’essence du-bail à
cens proprement dit, mais ne l’était pas du bail emphytéotique.
Peu importait d ’ailleurs la qualification du bail. On avait beau
l’appeler emphytéotique, s’il contenait«rétentiori de la foi-hom-j
mage, ou si la redevance était stipulée en reconnaissance de la
seigneurie, c’était un bail à cens proprement dit, une rente seij
gneuriale, dans le sens de la loi du 25 août 1792; mais s’il n i
contenait pas rétention de la foi-hommage, si la redevance n'étaij
stipulée que pour une concession originaire de fonds, c’était un
bail emphytéotique.
Dans son § '2 , le rédacteur du mémoire en réponse se borne à
une exposition doctrinale des trois périodes de la législation qui
frappa graduellement de suppression les droits féodaux, en les
déclarant en partie rachetables et les maintenant jusqu’au rachat,
ensuite en les annulant sans indemnité, même ceux conservés et
déclarés rachetables par les lois antérieures, enfin, en supprimant
aussi toute redevance ou rente entachée originairement de la plus
légère marque de féodalité.
Nous n ’avons rien à dire contre ces principes ; notre unique
objet est de faire voir qu’on ne peut pas nous les appliquer.
Le mémoire ajoute, page 13 : « O r cette loi, ou plutôt cés lois
* que nous avons analysées avec la plus sévère exactitude, ne font
« aucune différence à l’égard des titres constitutifs ou récognitifs
«de seigneurie ou droits féodaux. Elles ne distinguent pas si les
“ titres sont des baux cmphylcotiqu.es ou à cens, ou bien s’ils doi« vent avoir toute autre dénomination ; elles ne voient dans les ti-
�14
DEUXIÈME PARTIE.
« très, quels qu ’ils soient, que les signes de féodalité ou de sei«gneurie qui peuvent y exister; et si de tels signes s’y rencon« trent, les lois prononcent la suppression des litres, sans égard
« aux redevances que ce mélange impur cesse de faire considérer
«comme des prestations purement foncières.» Cette consé
quence que notre adversaire a tirée de ses principes est vraie gé
néralement; mais elle est fausse dans l’espèce. Il existe une dé
claration de Louis XV, qui, quoique donnée seulement pour la cidevant P rovence, n’est pas moins applicable à tous les pays de
franc-alleu, ainsi que l’a si profondément établi M. Henrion, dans
ses Dissertations féodales , t. 1 , article A lleu , et M. îtlerlin
après lui, questions de droit, Ferbo , Rente seigneuriale, § 12. 11
est vrai que cette déclaration est postérieure à l'acte du G mars
1755, puisqu’elle est du 2 janvier 1769; mais elle s’applique, par
une disposition formelle de l’article 2 , aux redevances emphytéo
tiques stipulées dans des contrats antérieurs. La voici :
I
'V "
a Les gens des trois étals de noire pays de Provence rio^s auraient fait r t» présenter que l'usage du droit éc"i< qui régit la Provi ::cc, aurait donné lieu
a à une sorte d’emphytéose, *j: r lauucll«* 1er. ¿»rcpiiétaires de terres en franc« alleu-roturier , en cédant la propriété utile desdites te rre s , s’en réservent
« la propriété foncière, et n’en font l’aliénation qu’à la charge de redevances,
« de droits de lods et ventes en cas de mutations, du droit de prélation ou de
• retrait, et quelquefois môme à la charge de foi et hommage; en sorte qu’il
« paraîtrait en résulter une espèce de directe ayant la plupart des attributs
a des fiefs, ce qui les aurait fait qualüier abusivement dans les actes, de fiefs,
« de directes nobles et féodales, et de seigueuries : que ces qualifications
« auraient donné lieu aux fermiers de nos droits de franc-fief, de prétendre
o (jue ce droit leur est dû, lorsque ces directes emphytéotiques passent entre
« les mains de roturiers et sont possédées par eux; et de former contre les
« possesseurs de ces redevances, des demandes à l’occasion desquelles il se
« serait élevé un grand nombre de contestations actuellement pendantes en
« notre conseil, sur quoi ils nous auraient supplié de vouloir bien les faire
« cesser, en expliquant nos intentions à cet égard. Nous nous sommes en
�LA RENTE DE LOLLlÈRE
n’est
POINT FÉODALE.
15
« conséquence fait rendre compte de l’origine de cet usage, et nous aurions
« reconnu qu’il pouvait provenir de ce'que notre déclaration du 12 décembre
« 1676 et noire edit du mois d’août 1692, en conservant à la Provence, l’u« sage de cette sorte de contrats, ne se seraient pas suffisamment expliqués
« sur leur nature ; qu’elle ne peut cependant être douteuse, puisqu’il nous
« seuls appartient le droit d'annoblir, tant les choses que les personnes; que
« d’ailleurs les emphytéoses diffèrent essentiellement des inféodations, en ce
« que, suivant les principes du droit féodal, celui de prélation ou re tra it ne
« peut appartenir qu’au possesseur du lief; au lieu que dans cette espèce de
« bail emphytéotique, le droit de prélation peut devenir réciproque, et s’exer*
« cer également par le propriétaire de la redevance foncière, lorsque le fonds
« est aliéné, et par le propriétaire du fonds, lorsque la redevance est ven« duc ; ce qui a même été ainsi réglé par deux statuts des comtes de Provence,
« accordés, l’un dans l’année 1293, à la ville de Sallon, et l’autre en l’année
« 1352, à celle d'Aix. Nous avons, en conséquence, résolu de tellement déter*
miner la nature de ces emphytéoses, qu’elles ne puissent être en aucun cas re« gardées comme formant des fiefs et seigneuries, et que les possessions des
« redevances emphytéotiques ne puissent être inquiétées pour le paiement des
« droits de franc-lief. A ces causes et autres considérations à ce nous mouvant,
« de l’avis de notjçc çonseilet de notre certaine science, pleine puissance et au« torité, avons dit, déclaré et ordonné, d$ons, déclarons et ordonnons, voulons
« et nous plaît ce qui suit : — Art. 1er. Les redevances créées pour la concession,
« à titre d’emphytéose, de terres et héritages tenues en franc-alleu roturier dans
« le pays de Provence, ne pourront, en aucun cas, être qualifiées de directes
« nobles et féodales, de fiefs et seigneuries; encore que par les contrats, les
« bailleurs se réservent les droits de lods et ventes, et quelesdits contrats con« tiennent stipulations du droit de prélation ou de retrait. Défendons à tous
* notaires, gardes notes et autres, d’employer lesdites qualifications, comme
« aussi d’énoncer danslesdits contrats, aucune réserve de foi et hommage en
« faveur des bailleurs.— A rt. 2. Les qualifications énoncées dans l’article
« précédent, qui auraient été données P A n d e s c o n t r a t s a n t é r i e u r s a n o * t r e p r é s e n t e d é c l a r a t i o n , a u x r e d e v a n c e s e m p h y t é o t i q u e s stipulées par
« lesdits c o n tra ts, seront regardées comme nulles, ainsi que les réserves de foi
« et hommage qui y seraient exprimées, et ne p o u r r o n t lesdites qualifica« lions et réserves changer la nature desdites redevances et celle des héri*
" tages qui en sont l’objet. Défendons, en conséquence, aux fermiers de nos
�16
OEUXIEMK PARTIE .
« domaines, d’exiger, t a n t p o u r l e p a s s é q u e p o u r l ’ a v e n i r , aucuns droits de
« franc-fief pour la jouissance desdites redevances, encore qu’elles fussent
« possédées par aucun de nos sujets roturiers. — A rt. 3. Avons dérogé et déro« geons à tous édits, déclarations et autres lettres, et particulièrem ent à notre
« déclaration du mois de décembre 1076, et à notre édit du mois d’août
« 1692, en ce qui pourrait être contraire à la teneur de ces présentes. »
Il résulterait de cette déclaration, qui se fonde sur les prin
cipes généraux de la matière dans tous les pays allodiaux, qu ’a
lors même que le marquis de Miramon aurait inféodé et accensé
son domaine de Lollière, ce qu ’il n’a pas fait, ces clauses d’inféodation et d ’accensement devraient être réputées non écrites, et
que, la rente fût-elle qualifiée seigneuriale ne serait pas abolie
parla loi du 17 juillet 1793. Mais nous ne voulons pas nous en
prévaloir.
Notre contradicteur, poursuivant l’exposé de ses doctrines,
essaie d ’établir, § 3, pag. 14 et suivantes, que si l’acte du 6
mars 1755 était un véritable bail emphytéotique, il n ’en
serait pas moins frappé par les lois répressives de la féodalité.
C’est ici qu’est toute l'alfaire, et l’on nous permettra de discuter
minutieusement les théories expliquées dans cette partie de son
.aémoire.
On y distingue l’cmphytéose à temps de l’emphytéose perpé
tuelle qu’on dit abolie par l’article Ie' de la loi du 29 décembre
1790, et depuis encore par larticle 530 du Code civil. Ces d e r
nières paroles sont une erreur grave. L’article 530 du Code civil,
ne parle que des rentes établies h perpétuité. Or, il y avait autre
fois une différence capitale entre les rentes emphytéotiques et les
rentes à perpétuité. Celles-ci emportaient une aliénation absolue;
point de droits seigneuriaux comme dans le cens, point de réten
tion dç domaine direct comme dans l’emphytéose : tout passait
lu preneur, tout lui appartenait, sans aucune autre charge que la
-"ente stipulée par le bail. Merlin, verbo Cens, § 5, p. 126.
�LA. RENTE DE LOU.lÈRE
n ’ e ST
POINT FEODALE.
17
De ce que le Code civil ne s’est pas occupé d u contrat emphy
téotique, nous tirons la conséquence que ce contrat est toujours
régi par les lois intermédiaires qui en ont parlé, c’est-à-dire par
des lois spéciales qui ne rentrent pas dans la loi commune du
Code civil, et qui peuvent y faire exception.
Eludions ces lois.
La première, du 15-28 mars 1790, se bornant à déclarer rachetables les rentes emphytéotiques de toute n a tu re , nous n’avons
rien à en dire, puisque nous ne nions pas que ces sortes de rentes
ne soient rachelables.
La seconde, du 18-29 décembre de la même année, reconnaît
expressément, par le texte formel de l'article 5 du titre 3, q u ’une
rente emphytéotique peut être perpétuelle et non seigneuriale,
puisqu’elle s’occupe expressément des empliytéoses perpétuelles
et non seigneuriales. En effet, cet article est ainsi conçu :
« 5. Lorsque les baux à rente, ou emphytéose perpétuelle et
« non-seigneuriale, contiendront la condition expresse imposée
« au preneur et à ses successeurs, de payer au bailleur un d ro it
« de lods ou autre droit casuel quelconque en cas de mutation,
« et dans les pays où la loi assujettit les détenteurs auxdits ti« très de bail à rente ou emphytéose perpétuelle et non sei« gneuriale, à payer au bailleur des droits casuels aux muta« lions, le possesseur qui voudra racheter la rente foncière ou
« emphytéotique sera tenu, outre le capital de la rente indiquée
« en l’article ci-dessus , de racheter les droits casuels dus aux
* m utations, et ce rachat se fera aux taux prescrits par le décret
* du 3 mai, pour le rachat des droits pareils ci-devant setgueu" riaux, selon la quantité et la nature du droit qui se trouvera
* dû par la convention , ou suivant la loi. »
Mais nous avons, dans l’espèce, peu d'intérêt à défendre les
e,nphytéoscs perpétuelles, puisqu’on a déjà prouvé, par les lermes même de l’acte du (i mars 1755, que l’emphytéosc consentie
3
�18
DEUXIÈME PARTIE.
à Pierre Baduel était uniquement temporaire. Notre adversaire
prend condamnation, page 26, sur l’emphytéose temporaire : il
conteste seulement le sens du contrat qui fait notre titre, et il
nous oppose les principes applicables à l’emphytéose perpétuelle.
Nous ne parlerons que de ces principes.
'
L’article Ier du titre Ier de la même loi jiorte : « Toutes
« les rentes foncières perpétuelles...... quelle que soit leur
« origine....... seront rachetables...... au taux qui sera ci-après
« fixé. Il est défendu de plus, a l ’a v e n i r , créer aucune rede« vance foncière non remboursable, sans préjudice des baux à
« rentes ou emphytéose, et non perpétuels, qui seront exécutés
o pour toute leur durée, et pourront être faits, à l’avenir, pour
« 99 ans et au-dessous, ainsi que les baux à vie, même sur plu« sieurs tètes, à la charge qu’elles n ’excéderont pas le nombre
a de trois. »
L'article 2 ajoute immédiatement : « Les rentes ou redevances
« foncières établies par les contrats connus en certains pays sous
« le titre de locaterie perpétuelle, sont comprises dans les dispo« sitions et prohibitions de l’article précédent, sauf les modiûca« tions ci-après sur le taux de leur rachat. »
Nous concluons de là : 1° que toutes les emphytéoses et locateries perpétuelles existantes avant cette loi sont devenues rache
tables; 2° qu ’il n’est plus permis de créer à l’avenir aucun bail
emphytéotique, aucune locaterie non viagère dont la durée lé
gale puisse avoir plus de 99 ans, et qui ne soit remboursable après
cette époque.
Or, de ce que les emphytéoses et locatcries perpétuelles sont
devenues rachetables, il s’en suit, non pas q u ’elles sont abolies,
mais qu ’on [»eut les racheter. Elles existent donc toujours jusqu’au
rachat ; et, s’il n ’y a pas de rachat, la propriété desJonds concédés «
titre de baux emphytéotiques perpétuels ou héritables, n ’appartient
aux débiteurs des rentes, qu'à la charge p a r eux de remplir les con~
�'
l.A
IlENTE DE L 0 L L 1 E R E N EST P O IN T
' '^
i
I ' ’ ! 'ï
FE O D A L E.
19
'
diliotis de leur bail. Ces paroles sont tirées de l’avis du Conseil
d’État, du 7 fructidor an XIII, cité par M. Merlin, Reperl. /^ E m phytéose, § 6 , pag. 528.
Le législateur a pu fixer au rachat ün délai fatal. S’il ne l’a
point fait, la rente reste ce q u ’elle était a son origine; mais elle
est de plus rachetablè, nonobstant toute convention contraire.
Le rachat est aujourd’hui de son essence, et cette faculté, déri
vant uniquem ent delà loi, n ’est plus prescriptible.
Mais on ne voit nulle part qu’on ait fait une obligation de la fa
culté de racheter les renies foncières,’et bien moins encore qu ’on
aitpresôril un délai fatal', après lequel le bailleur serait dépouillé
sans indemnité, au profit du preneur qui n’aurait pas voulu ra
cheter. Une telle disposi tion eût été absurde, parce qu’elle eût fait
de la faculté de rachat une faculté dérisoire.
Quand nous disons q u’on n ’est pas obligé de racheter les rentes
foncières, et que la faculté de rachat est imprescriptible, nous
n ’entendons point'que cette faculté soit perpétuelle. Elle doit se
renfermer dans les limites de la disposition qui ne permet pas que
des baux quelconques puissentètre faits pourplusdequatre-vingtdix-neufans, et ce délai doit courir dé là date delà loi' d ùr 18-29 dé
cembre 1790, et non de là date dés bau* dont plusieurs pouvaient
alors avoir plus de quatre-vingt-dix-neuf ans d’existence! Ils’n ’en
sont pas moins compris dans les dispositions de l’article 5, cité cidessus. Cette loi rie lés a pointabolis. Mais en les déclarant racîiétablcs, et en fixant la durée q u’ils pourraient'avoir à l’avenir, elle
a fait une novation dk titre, et ceMlitré nouvel se trouve nécessaire
ment régi par la loi dc'sW créàtiori'qui le valide pour qiiiitre-vingtdix-neüf'a'hs, ét‘qln lé rend raclietable pour toui le temps dé celte
durée.
Nous croyons avoir suffisamment1établi juscjuV préseni que; là
demandé de riladiirhe lii’inirquise de Ch'iltiUon contre les héritiers
N,aduèl; est conformé aux principes'du' droit'coVnlnün . si* on les
�20
DEUXIÈME PARTIE.
invoque, et q u ’elle n’a rien de contraire aux règles spéciales de la
matière qui lui laissent encore un très long délai, pour mettre les
détenteurs du domaine de Lollière dans l’alternative de racheter
la rente, ou de la servir.
Il n'est pas inutile de faire observer que l'article 3 du titre 5 de
la loi que nous commentons, ne veut pas même que les rentes fon
cières dont il s’occupe perdent leur nature immobilière par la fa
culté de rachat. Voici ce qu’il porte :
« La faculté de rachat des rentes foncières ne changera pareil« ment rien à leur nature immobilière, ni quant à la loi qui les
« régissait; en conséquence, elles continueront d ’ètre soumises
« aux mêmes principes, lois et usages que ci-devant, qu ant à l’or« dre des successions, et quant aux dispositions entre vifs et tes« tamentaires, et aux aliénations à titre onéreux. »
Sous ces mots de rentes foncières, l’article comprend générale
ment toutes les rentes dont il est parlé dans la loi, et particuliè
rement les emphytéoses perpétuelles et non seigneuriales.
Pour échapper à des lois si claires et si précises, notre adver
saire n’a d ’autre ressource que d ’établir que notre emphytéose
est seigneuriale. Nous pourrions nous en tenir àce q u e nous avons
dit à cet égard, mais q u ’on nous permelte d’y revenir un moment,
puisque aussi bien c’est un point du litige digne de quelque at
tention.
Sur quoi donc voudrait-on fonder cette assertion que notre em
phytéose est seigneuriale ? On a vu que cette qualité ne résulte
pas de ce que la rente est duc à un seigneur; q u ’elle ne pouvait
venir que des conventions accessoires de l’obligation de payer la
rente, comme par exemple de la réserve de la directe. Mais ces
mots ne doivent s’entendre que de la directe emphytéotique.
« Et dans le fait, dit M. Merlin, q u e s t i o n s d e d u o i t , verbo , rente
« seigneuriale, § 1 1 , page 6GÎ>, ne sait-on pas que les juriscon« suites ont toujours reconnu deux sortes de directes , la directe
�LA l i t S T E DE LOLLILRE
n ’ e ST
POINT FÉODALE.
21
« seigneuriale et la directe emphytéotiqueP Dunod en fait expres« sèment la remarque dans son Traité des prescriptions, partie 3 ,
* chap. 10; et nous devons ajouter que quoique la première de
« ces directes ait été abolie avec la féodalité qui en était la source,
" la seconde subsiste encore et subsistera tant que la loi civile
« n ’ôtera pas au propriétaire d 'u n héritage franc et libre , la fa« culte d ’en concéder le domaine utile, à la charge d ’une rede« vance annuelle, récognitive du domaine direct q u ’il retient de« vers l u i , c’est-à-dire q u ’elle subsistera toujours. » — Le même
auteur traite cette question ex professo dans plusieurs endroits de
ses ouvrages qu’il serait trop long de citer. Nous nous contente
rons d ’extraire quelques passages décisifs de son Répertoire , v°
fief, sect. 2, § 7. — « De même, dit-il, page 242, que dans le bail
« à cens seigneurial, le bailleur retient à soi la seigneurie directe;
« de même aussi dans le bail à emphytéose , le bailleur retient à
« soi la directe emphytéotique et assurément les redevances re« cognitives de la directe emphytéotique ne sont pas seigneu« riales; elles ne sont pas abolies par la loi du 17 juillet 1793 . —
« Témoins deux arrêts de la Cour de cassation, qui l’ont ainsi
« jugé.
« Le premier est celui du 29 pluviôse an I I , que nous avons
« déjà cité.
« Le second arrêt a été rendu dans la coutume d’Auvergne où
« l’allodialité est toujours présumée de droit comme dans la ci-de« vanl Alsace, comme dans le ci-devant Porentruy...» (V. Cens,
S 8 , n . 2.)
« . . . La question se présenterait dans une coutume soumise
* à la règle, nulle terre sam seigneur,... c ’est la directe seigneu* riale, et non pas la simple d i r e c t e emphytéotique, que le bailleur
« serait censé s’être réservée.
« M ais, dans les pays allodiaux , dans les pays ou le bail
* à cens seigneurial ne se présume pas, la présomption de l’em-
�22
DEUXIEB1E PARTIE.
a phytéose doit i’em porler; e ttb u te directe,' réservée sans a u n e
« expression, ne peut être entendue què de la directe e.nrphv« téotique. »
Notre auteur cite à l’appüi de ses doctrines un arrêt du 24 ven
démiaire an XIII, au rapport de M. Ruperon, par lequel la Cour
de cassation a jugé non aboli! par la loi du 17 juillet 1793, un
droit d e persière ou champart que les sieur et dame Lasalle récla
maient sur des héritages situés dans leur ci-devant seigneurie
de Blanzat, régie par la coutume d ’A uvergne, et que l’on pré
tendait avoir été originairement seigneuriale;
n
Il cite un autre arrêt de la même Cour du 9 floréal an XIII.
au rapport de*'M. R ousseau, qui a cassé un arrêt de la Cour
d’appel de Trêves , et proclamé le principe que la présomption
de la qualité purement foncière des redevances } est admise , datis
le cas mcme où elles sont dues à des seigneurs dans les pays allo
diaux. ( V. Tiers ou quart-raisin. )
Enfin M.. Merlin cite encore un décret impérial du 9 vendé
miaire an XIII qui décide que, dans les pays allodiaux, ce n’est
Jjas en fief, mais eni franc-alleu q u’un seigneur de fief est cérisé
posséder les héritages dont la nature n ’est déterminée ni par ses
litres, ni par sa possession.
C’est à l’aide de toutes ces autorités que l’ancien procureurgénéral à lîl'Cour de cassation provoqua l'arrêt d u '10 février 1806,
311 rappôrlide M. Zangiarconii, qui rejeta la demande en cas
sation d’un a rrê t du tribunal civil de Delemont. Le tribunal
¡■ivait condamné le sieur Ilertzeis ii payer comme redevanbe fonhièrodt m aintenue-par les'loi«», une rente établie dans le? PorenIruy; pays allodial comme-la ci-devant Auvergne.
Ndtlle adversnire'soiitient, pagd 15; ligne 21 de son mémoire,
que cet arrêt et ceux qui l’ont précédé, comme le d é c r e t impérial
dui 9 > vendémiaire an X III, sont -e n t i k r k m e n t a ‘ n K i s m i n s o e s l o i s
KxisïANTïfc,'Nous aurions désiréqu’unè assertioh sinrnnbhantc frit
�/
/V
LA KENTE DE L O L U È n r
¡n ’ e ST P O IN T FE ODA LE.
23
appuyée de quelques preuves. Mais c’est encore sur la parole du
maître que nous devons croire. On cite, il est v r a i , un avis du
Conseil d’Etat du 13 messidor an XIII; mais, d ’après le texte mêmp
desconsidérans de cet avis, tels qu ’ils sont reproduits dans le mé
moire en réponse , même page 15 , lignes 33 et suiv., il est évi
dent que cet avis est inapplicable à notre espèce , puisqu’il
suppose manifestement que le titre de la redevance dont il s’a
gissait, dans l’affaire portée au Conseil d’Etal, était féodal, et que
la redevance était seigneuriale. C’est là précisément ce qu ’il
fallait établir. Voici le texte entier de l’arrêt du Conseil d /É ta t,
qui n ’a rien de contraire aux doctrines que nous avons éta
blies.
« 2 ju ille t 1805. — 13 messidor an XIII.
« Le Conseil d’Etat, sur le renvoi qui lui a été fait par Sa Ma« jesté Im périale, d ’un rapport du Ministre des finances, et d ’un
« projet de décret tendant à déclarer maintenues des redevances
« à prestation de fruits, mêlées de cens portant lods, loi, amende
« et seigneurie, dues par des habitans de la commune d’Arbois,
« en vertu d e t i t r e s d ’ a c c e n s e m e n t consentis par des individus que
« l’on prétend avoir pris mal à propos la qualité de seigneurs ,
« — considérant que lorsque le litre constitutif de redevances ne
« présente aucune am biguïté, celui auquel.ce titre est opposé ne
« peut pas être admis à soutenir q u ’il n’avait pas de seigneurie,
« — considérant que toutes les dispositions législatives, et, en
0 dernier lieu, l’avis du Conseil d’Etat du 30 pluviôse an II, ont
" consacré la suppression de toutes prestations, de quelque na* ture qu’elles puissent être, établies p a r des titres constitutifs de
« redevances seigneuriales et droits féodaux supprimés par ledécret
0 du 17 juillet 1793, — est d’avis q u’il n’y a pas lieu d ’adopter le
9 projet présenté par le Ministre. »
�24
DEUXIÈME PAfiT lE.
Nous repoussons l’autorité (le cet avis qui ne peut pas nous at
teindre : i° parce que la commune d ’Arbois n’était pas en pays
allodial; 2° parce qu'il s’agit ici de titres d’accensement, et non de
titres emphytéotiques ; 3° parce que la féodalité de ces litres était
évidente.
iNous repoussons pareillement l’autorité du décret impérial du
23 avril 1807. Il s’agit, dans ce décret, d ’un bail à cens, propre
ment dit, consenti au profit des religieuses de Saint-Bénigne, de
Dijon, le 30 avril 1664. On sait qu’un bail de cette nature élail
féodal;
Enfin nous repoussons l’avis du Conseil d ’Etat du 17 janvier
1809, approuvé, p o u r c e q u i c o n c e r n e l e c a s p a r t i c u l i e r , le 2 fé
vrier suivant, relativement à une réclamation des hospices d’Aix,
parce que la restriction de l’approbation ne permet pas que celle
autorité tire à conséquence. Ajoutez qu’on lit dans l’avis du Con
seil d’Etat, sur cette même affaire, en date du 7 mars 1808, que
le décret du 17 nivôse an X III, « portant que les redevances ori« ginairement imposées au profit du chapitre de l’église d’Aix,
« sur les héritages de divers particuliers, continueront d’être
« servies comme redevances emphytéotiques, et sans la charge
« des lods et demi-lods qui y avaient été ajoutés i n d u e m e n t e t
« s a n s t i t r e s par les bailleurs, n a p o in t pu être d’ordonner le str« vice des renies auxquelles les lois reconnaîtraient un caractère
* essentiel de féodalité ; — que si la non féodalité de ces rentes est
< contestée, l a q u e s t i o n d! o i t ê t r e p o r t é e d e v a n t l e s t r i b u n a u x . »
Ainsi l’avis du Conseil d ’Etat, du 7 mars 1808, ne se prononce
que sur une question de compétence. C’est une simple opinion
que nous nous empressons de partager; ce n ’est pas une loi ni un
jugement qiron puisse opposer h nosprétentions. Si le décreldu 17
nivAse an XIII affranchit les redevables du chapitre d’Aix de la
charge de lods et demi-lods, ce n ’est pas que ces lods et demi-loris
lussent féodaux, c’est uniquement, ainsi que le décret le déclare^
�LA. RENTE DE LOI.LlÈR E
n ’ e ST
POINT FEODALE.
parce q u’ils avaient été ajoutés au bail
in d u e m e n t
et
25
sans t it r e s .
Dans toutes ces objections de notre adversaire, nous ne voyons
rien qui soit contraire aux principes sur lesquels nous avons
fondé les droits de madame la marquise de Ch&tillon au domaine
de Lollière.
»
Notre contradicteur s’appuie encore d'u n avis du Conseil d ’Etat, du 8 avril 1809, qui lui paraît assimiler aux redevances mé
langées de droits féodaux, les rentes constituées par des baux
emphytéotiques, consentis par les bailleurs, a t i t r e d e f i e f , scus la
réserve de la seigneurie, avec la stipulation de lods et ventes à cha
que mutation. Mais nous ne contestons pas q u ’une emphytéose con
sentie à titre de fie f ne soit féodale. Seulement nous affirmons
que les emphytéoses d’Auvergne n'étaient pas et ne pouvaient pas
être consenties à titre de fief. Ces expressions même à'emphytéose à titre de fief, nous sembleraient presque un oubli total, ou
plutôt un non-sens de la langue du droit féodal. On pouvait bien
consentir un fief, ou portion de iief, à titre d'emphytéose; mais
vous ne trouverez point dans les ouvrages des anciens feudistes
cette étrange qualification d ’emphytéose « titre d ejief. Cependant
elle est consignée dans l’avis du Conseil d’Etat, du 8 avril 1809, ap
prouvé le 13 avril suivant, et rapportéen entier dans le quatrième
volume des additions de M. Merlin, à sa troisième édition, v° Fief}
pag. 577.
Ces additions ne sont pas toujours heureuses. Notre affaire va
le démontrer.
« Dans les véritables principes, disait cet auteur au temps de
« toute sa force, R é p e r t., v° F ief, sect. 2, §. 3, lrc colonne, page
« 223, ligues 47 et suiv., c’est à celui qui prétend q u ’un bien
«est fief plutôt que franc-alleu, à prouver que ce bien procède
''originairement de la concession d’un seigneur qui s’en est re° tenu le domaine direct, avec la foi.
�26
DEUXIÈME P A R U E .
« Car la concession de l’héritage est le premier des titres; et
« sans celui-là, tous les autres sont nuls.
« Mais l’usage, bien plus que la raison, l’ascendant des sei« gneurs, bien plus que l’autorité de la loi, ont apporté une modi« fication à cette règle. Il y a des provinces où la concession est
« légalement présumée; il y en a d ’autres où toute terre est présu« mée franche si le seigneur ne démontre le contraire. »
Dans les coutumes allodiales, et particulièrement dans celle
d’Auvergne, on présumait toujours le franc-alleu , s’il n ’y avait
preuve du contraire.
Il résulte de là, non pas que l’emphytéose du 6 mars 1755 ne
doive pas être présumée consentie à titre de fie f, langage que nous
ne saurions approuver; mais q u ’on ne peut pas présumer que
l’emphytéose de Lollière provint ou fût détachée d’une terre
tenue à titre de fief, puisque cette terre n ’était pas fief, mais bien
franc-alleu.
Telles sont les doctrines longuement expliquées par 31. Merlin,
dans les vingt-quatre colonnes de son Répertoire, v° /'7<?/Jsect. 2,
§ 7 ,e td a n su n grand nombre d ’autres articlesdes questions d e d ro it
ou du répertoire. Notre adversaire mentionne une espèce de ré
tractation dece grave jurisconsulte à l’article cité, v® Fief, scct. 2,
§ 7.0ncliercherait inutilement cette rétractation dans la troisième
édition; mais il est vrai de dire q u ’au premier volume de ses addi
tions, publié en 1821, et formant le quatorzième de son grand ou
vrage, page 577, on lit ces mots:
« F ii;k, scct. 2, § 7, pag 2iG, col. 2, après la ligne 5, ajoute/ :
« Cet arrèl ( il s’agil de l'arrêt de la Cour de cassation du lOfé« vrier 1806), quoique fondé sur les vrais principes, ne peut ce«. pendant plus faire autorité , depuis que le Conseil d ’Etal a pris
« le parti d’assimiler aux redevances mélangées de droits féo«daux, les rentes constituées par des baux emphytéotiques
�LA RENTE DE LOLLlÈnE Pc’EST POINT FÉODALE.
27
» conlcnant stipulation, soit d ’un droit de lods, soit d’un droit de
« relief à chaque mutation.»
Suit l’avis du Conseil d ’Étal, du 8 avril 1809, approuvé le 13
avril suivant.
Voilà dans quels termes est conçue la nouvelle opinion de
M. Merlin.
Remarquez 1° qu ’il persiste dans ses doctrines, puisqu’il les
déclare fondées sur les vrais principes; 2° que sa citation des avis
du Conseil d’Élat n’est point entière, ce qui la rend inexacte. On
vieut de voir que si le Conseil d ’Etat avait écarté des redevances emphytéotiques des hospices de la ville d'Aix, la charge des lods
etdemi-lods qui y avaient été ajoutés, ce n’était pas que celte
charge fût féodale: c’était uniquement parce q u ’elle avait été
ajoutée i n d u e m e x t e t s a n s t i t u e s . Enfin q u’est-ce après tout que ces
avis du Conseil d ’Etat sur une question que le Conseil d’Etat
déclare lui-même ne pouvoir être jugée que par les tribunaux or
dinaires? Nous le demandons à lout homme de bonne foi, est-ce
bien sérieusement q u ’on voudrait opposer les quatre lignes des
additions, ou si l’on veut de la nouvelle édition de M. Merlin, à
des théories exposées par lui quelque temps avant, d’une manière
si profonde, après de si pénibles recherches et tant de travaux,
;iprès s u rto u t q u ’elles avaient déjà reçu la consécration de la
Cour suprême? Mais ce serait le dépouiller de son nom, et rayer
de nos annales judiciaires ses plus beaux titres de gloire, ses titres
d’immortalité.
On nous oppose encore plusieurs arrêts de laC ourde cassation,
deux notamment des 4 et 5 juillet 1809. Dans notre consultation
du ü mai dernier, nous avons pu cependant argum enter d arrêts
tout récens, plus explicites encore que ceux rapportés parM. Mer
lin. Nous ne prétendons pas soutenir l’infaillibilité de la Cour
de cassation; mais en supposant que les deux arrêts, des 4 et 5
juillet 1809, eussent décidé que les emphytéoses perpétuelles
�28
•
DEUXIÈME P ART IE .
étaient féodales, ces deux arrêts ne pourraient faire ju ris p ru
dence, en présence d ’arrêts antérieurs et postérieurs de la même
C our, qui ont. jugé le contraire. Voyons cependant.
Le mémoire en réponse fait connaître une partie des considérans du premier de ces arrêts ; mais il ne dit point que le bail
dont il s’agissait était un bail à cens, une emphytéose seigneuriale,
consentie par une lettre de fief, dans le ci-devant évêché de
Bâle et le pays de Porentruy, avec réserve d’un droit de relief que
l’article 1er de la loi du 18 juin 1792, place expressément au nom
bre des droits féodaux q u ’elle supprime sans indemnité. Il ne dit
pas que le bailleur, évêque de Bàle, était feudataire et vassal de
l’empereur d ’Allemagne, seigneur suzerain, tant en ce qui c on
cernait l’évêché et ses dépendances, que les biens particuliers de
l’évêque ; et que l’acte du 29 janvier 1745, par lequel il accensa
purement et à perpétuité une terre de la seigneurie de Porentruy,
à Jean-Claude Baillif de Courtedoux, n était q u ’une lettre de fief,
une sous inféodation, doublement (ëodale. Ces circonstances sont
rappelées en tête de l’arrêt de la Cour de cassation, et étaient
suffisantes pour motiver l’annulation de l ’arrêt rendu lie 8 ther
midor an XII, par la Cour d ’appel de Colmar, qui avait ordonné
le paiement de la rente réclamée comme purem ent foncière.
Qu’importe maintenant que', dans la surabondance de ses motifs,
la Cour de cassation se soit éloignée des vrais principes? Elle fait
autorité par sa décision qui est juste et légale; mais ces motifs
n ’on t de poids que par leur plus ou moins de connexité avec la
nécessité de la décision.
Ces réflexions peuvent s’appliquer encore à l’arrêt du 5 juillet
1809, dans la cause du sieur Thévenot contre le sieur Montaudon. Pour n ’en pas douter, on n ’a qu ’à jeter les yeux sur quel
ques uns des motifs de cet a rrêt, sur le suivant, par exemple : 1
« Attendu, en fait, quant au bail emphytéotique consenti, le
« 7 janvier 1687, par le chapitre de Saint-Germain, à Thévenot
�H
LA RENTE DE LOLI.IÈRE
n ’ e ST
POINT FÉODALE.
29
« el consorts, que l’héritage y énoncé est baillé en Jîefh éri« tab/e\
« Que le preneur est tenu, à chaque changement de main par
« décès, de reprendre le fie f ex. de p a y er au chapitre p a r chaque
« reprise dix sous bâlois, ce qui, d’après les monumens publics
« du pays, était considéré comme un droit de reliej;
« Et que de cette stipulation et de cette qualification, il résulte
« notamment que celte redevance est mélangée de féoda« lité......»
C’est par ces motifs que la Cour a cassé et annulé, le 5 ju illet
1809, l’arrêt rendu, dans cette cause, le 28 floréal an XIII, par
la Cour d’appel, séant à Colmar. On pouvait citer un troisième
arrêt de la même Cour, rendu le même jo u r, dans l’affaire Morel,
C. W etter et Lecomte, au sujet encore d’un droit de relief q u i ,
dans le langage des lois françaises, était un droit féodal. O n cite
celui du 18 juilleL 1809, où il y avait aussi stipulation de droits
de relief, et celui du 17 juillet 1811 qui s’explique par une cir
constance particulière constitutive d’un droit féodal. Le 2 juillet
1742, l’hospice de Dôle avait baillé à C. A. Sengon et H. Yerguet,
un terrain îi titre d'accensement perpétuel, et moyennant le cens
annuel, perpétuel, irrédimable et imprescriptible de 91 liv. 16 s.
8 d . — Le tribunal de I)ôle et la Cour de Besançon avaient jugé
que cette redevance n ’était pas féodale. La Cour de cassation en
!> jugé autrem ent, — « parce qu’il suffit, dit-elle, dans les consi« dérans de son arrêt, que les termes de l’acte portant constitu« tion de cens imprescriptible et irrédimable, avec lods et vente
0 en cas de mutation, ne laissent aucun doute sur l’intention de
« créer une redevance seigneuriale. » Mais la féodaiité de cette
redevance tient h la constitution du cens imprescriptible et irré
dimable qui en fait un véritable bail à cens seigneurial. Nous
n ’avons rien de pareil dans notre espèce.
Enfin, notre adversaire nous oppose deux autres arrêts de
�30
DEUXIÈME PARTIE.
la Cour de cassation, l’un du 2 mai 1808, l'autre du 4 avril
1810. Ni l’un ni l’autre ne sont applicables.
Le premier, rendu sur les conclusions de M. le procureur gé
néral Merlin, déclara la rente dont il s’agissait féodale, parce
qu’elle était mêlée de cens; le second est dans le même cas, ainsi
que l’indique le très laconique dispositif de l’arrêt :
« Considérant que la rente dont il s’agit ayant élé créée par
« un ci-devant seigneur, sur les fonds dépendans de sa seigneu« rie, e t a t i t r e d ’ a c c e n s e m e n t , cette rente est de plein droit re« cognitive de la directe féodale, et par conséquent supprimée
<( par les lois ;
« La Cour rejette, etc. »
Nous avons réfuté toutes les assertions de notre adversaire dans
ses § § 1 , 2, 3 et 0, sans en rien excepter ni réserver. Nous pas
sons aux §§ 4 et 5 , relatifs à ses preuves prétendues de la fé o
dalité de l’acte du G mars 1755, et à ce q u ’il appelle Vobjection tirée
de ce que la ci-devant Auvergne était un pays allodial. Ces deux
paragraphes se lient essentiellement, puisque ce qui était fé o d a l,
dans certaines coutumes, ne l’était pas dans celle d’Auvergne.
L’auteur du mémoire en réponse feint de voir une preuve de
féodalité de l’actudu G mars 1755, dans les qualités nobiliaires du
bailleur. Qui contracte dans cet acte , se demande-t-il i‘ C’est un
très haut et très puissant seigneur , chevalier, marquis , baron ,
conseigneur !,.. « Assurément, poursuit-il, page 21 , M. le mar« quis de Miramon, en se qualifiant de seigneur de Pestels , Pol« minhuQ» Laroque, et autres vingt-un paroisses ou localités, et
« coMseignertK de Vie et Thiézac, n ’eutendait pas se d ire />/*>v pr¡¿taire de Ions les héritages situés à Pestels, Polm inhac, La• roque, Vie, Thiézac, etc., etc. » Non, M. de Miramon n’enten
dait pas se dire propriétaire de lous les héritages situés dans ces
lieux, mais il avait partout des titres de propriété. C’est en vertu
de ces titres q u ’il se disait seigneur deces propriétés, désignée*
�/
,v<
LA RENTE DE LOI.l.lKRE
n ’ f ST
POINT FEODAL!'..
31
sous le nom de la localité où ellesélaient situées et dont elles étaient
souvent la portion la plus importante. Il pouvait les d on ner et il
les donnait à bail emphytéotique, ce qui constituait à son profit
une redevance ou censive toute foncière. Mais il n ’entendait pas
assujettir à cette censive les héritages dont il n ’était pas proprié
taire, et qui se trouvaient situés dans les lieux dont il pouvait être
seigneur, conseigneur, chevalier, baron ou marquis , parce que
tous ces p a y s é t a i e n t allodiaux, et q u ’on n ’y reconnaissait pas de
seigneur sans titre ; toute seigneurie y supposait propriété. Le
savant auteur du mémoire en réponse explique très bien, d ’après
Loiseau, les deux sortes de seigneuries qu’on reconnaissait autre
fois, l’une ayant trait à la paissance de propriété, c’était le dominimn directum de la loi romaine; l’autre à la puissance de domina
tion, c ’était la seigneurie féodale.
Dans les coutumes allodiales, comme était celle d’Auvergne ,
on ne reconnaissait pas de seigneur sans titre, ce qui voulait dire
que le seigneur n’avait aucune puissance de domination su r les
tenanciers des héritages dont il n ’était pas propriétaire. Dans
d’autres coutumes, dites féodales, où dom inait la maxime nulle
terre sans seigneur, le seigneur n ’avait besoin d ’aucun titre pour
exercer la puissance de domination, dans toute la seigneurie,, et
pour imposer un cens aux habitans du pays, ou aux paysans, scs
vassaux. C’était le cens seigneurial qui se payait en reconnais
sance de la seigneurie, in recognitionevi dominii. On voit combien
cette distinction est importante. Elle est établie par Chopin , Du
moulin, Cambolas, Salvaing, Bouhier; par M. Merlin , après
eux, Flépei t. v° Enclave ; cl l’on ne comprendrait pas qu ’elle eut
été si légèrement trailée, et meine méconnue par notre adversaire,
page .‘ÎG , si les besoins de sa cause ne le condamnaient point a
l’oubli de principes q u ’il eût assurément très bien détendus, sans
la circonstance accidentelle et toute fortuite, <jvii a si m alh eu reu
sement tourné contre nous des talens qui avaient protégé , pen
�32
DEUXIÈME PARTIE.
dant une durée de plus de vingt ans, les droits et intérêts de ma
dame la marquise de Châlillon et de sa famille.
C’est par suite de cette confusion , faite si habilement par no
tre adversaire, dns coutumes allodiales et non allodiales , q u’il
donne à la seigneurie de Laroque , page 22 , le titre de fiel, d ’où
il conclut que la seigneurie de Lollière , dépendance de la sei
gneurie de L aro qu e, n’était par conséquent qu’une portion de
fief donnée en emphytéose. Un fief donné en emphytéose ! Cela
se comprend. C’est le langage de nos lois anciennes. Mais il
n ’est pas vrai que M. de Miramon possédât le domaine de Lol
liè re , ni aucune de ses terres du pays d ’Auvergne, à titre de
fief. Q u ’est-il besoin de rappeler, avec Montesquieu, Mably, Henrion , l’origine historique des fiefs, et ce q u ’on entendait sous
cette dénomination ? après tout ce q u ’on a d i t , cet étalage d ’é
rudition est fort inutile. Vous prétendez que notre terre de La
roque est un fief! C’est à vous de le prouver. En a tte n d a n t,
comme elle est située en pays allodial , nous avons le droit de
soutenir, même sans preuves, q u ’elle est franc-alleu. Néanmoins,
si vous pouvez déchiffrer et parcourir des litres qui se conti
nuent sans interruption depuis les 13e et 14* siècles jusqu ’aux
temps présens; si vous avez au moins une ou deux années à
consacrer à celte laborieuse et pénible élude ; madame la mar
quise Duplessis de Châlillon vous ouvrira ses archives et la vo
lumineuse collection de ses anciens titres de propriété sur
les terres de Pestels, Polminhac , Marions, Teissières-les-Iîoulies,
le Chaumeil de Saint-Cirgucs-de-Jordanne, Laroque, Sainl-Clémens, Brdzons, Cézens, Monréal, Nérebrousse , I’aulhac., Balzac,
Saint-lléran, Cocudoux , Lasalle, Lacalsade, Selles, IJassinhac,
Lecayre, Loubejac , Lafage, Mongranat , Foulholes, Ciou, Vie
et Thiézac, et autres places. Ces titres proviennent d’achals ,
échanges, transactions, contrats de mariage , donations entre
vifs et testamentaires, successions et autres manières d’acqué
�L\
RENTE DE LOLLIÈRE
n ’e ST
POINT FÉODALE.
33
rir aux termes de nos lois civiles. Pour le seul domaine de Lollière , si minime dépendance de la seigneurie de Laroque, nous
avons vu près de quatre-vingts titres sur parchemin qui sont les
titres des premiers possesseurs de ce bien, titres dont personne
assurément n ’avait encore imaginé de contester la validité. Ma
dame la marquise Duplessis de Châtillon n’a pas besoin de re
monter si haut pour prouver la justice de ses prétentions. Elle
fonde sa demande sur sa qualité d ’héritière bénéficiaire de M. le
marquis de Miramon , son père , jo in te ^ la circonstance que ce
qu’elle réclame aujourd’hui a été fort heureusement oublié dans
l’immense confiscation de ses palrimoines. Ce n’est point une
rente féodale,, un fief abo li, puisque ces rentes féodales, ces fiefs
ne supposaient pas de titre , pas de propriété. Le fiéf propre
ment dit était une concession gratuite , libre et perpétuelle d’une
chose immobilière ou réputée telle , avec translation du domaine
utile , et réserve de la propriété directe, à charge de fid élité
et de service (1). C’est la définition de D um oulin, l’oracle
«lu droit féodal. A insi, pour tenir une terre en fief, il fallait
1° un seigneur suzerain qui l’eùtdonnée gratuitement, librement
et pour toujours, avec réserve de la d ir e c te ;’ 2° un feudataire
qui l’eut acceptée à charge de reconnaître le droit réservé, c ’està-dire de foi et hommage. Qu’ont fait les lois anti-féodales? Elles
ont maintenu la concession et supprimé le droit réservé, le cens
payé en reconnaissance de la seigneurie , le cens féodal. Mais
dire que le domaine de L o llière, acquis à titre onéreux par la
familie de Miramon, et annexé à la seigneurie de Laroque , pos
sédée de temps immémorial , aussi à titre onéreux , est un fief
(1) Bencvola , libéra et perpétua conccssio rci inimobilis, vel æquipollentis, ciini tradilione utilis dom inii, proprictatc re te n ta, sub fulelitate et
exhibiiione servitiorum. Mol. in cons. par. tit. 1. tn p r a 'J n° 104.
�34
DEUXIÈME P ART IE .
ou démembrement d ’un fief, par cela seul que AI. de Miramon
s’est dit seigneur de Laroque, seigneur de Lollière, c’est vou
loir abuser des mots et donner à la loi une extension qu’elle ne
peut pas avoir; c ’est supprimer, contrairement à la loi, non pas
un droit féodal , niais le droit de propriété le plus inviolable.
Pour prouver que la redevance réclamée des sieurs Baduel
est féodale, notre adversaire se fonde surtout sur un passage de
l’acte du 6 mars 1755, qui après avoir spécifié et détaillé la rede
vance payable à M. le marquis de Miramon, ajoute ces mots : « Le
« tout censuel et rédituel, avec tout droit de directe et justice
« haute, moyenne et basse, usage et exercice d’icelle, mère, mixte,
« impère, droit de rétention p a r prélahon, lods et ventes, et taille
« aux quatre cas accoutumés au présent pays d ’Auvergne, et
« autres droits et devoirs seigneuriaux dus et accoutumés, et con« tenus aux terriers anciens dudit seigneur de la seigneurie de
« Laroque, etc. »
On voit là six causes de stipulations féodales, qui sont :
1°
2°
3°
4°
5°
6°
La directe;
La justice haute, moyenne et basse;
La rétention par prélalion ;
Les lods et ventes ;
La taille aux quatre cas;
Les droits cl devoirs seigneuriaux.
Quant à la réserve de la directe, nous n’ajouterons rien à cc
qui précède. Nous avons déjà bien suffisamment établi que la
directe emphytéotique n ’est pas féodale, comme le cens seigneu
rial; elle est de pur droit privé, cl aucune puissance de domina
tion n ’y est attachée. Voyez Merlin, Questions de droit,verbo'Xmh â g e , tome 9, pag. 17 et suiv. et pag. 50 el s u iv ., où cc point de
droit est traité avec étendue et de la manière la plus lumineuse.
La réserve de la justicc haute, moyenne et basse, se trouve dans
�I,A RENTE DE L0LL1EBE
n ’ e ST
POIIST FÉODALE.
35
le même cas. Comment notre savant adversaire a-L-il pu nous
mettre dans la nécessité de lui rappeler ce brocard de notre an
cien droit : F ief et justice n’ont rien de commun? Toutes les ju r i
dictions émanent du Roi, comme de leur source, dit D um oulin,
de manière q u ’aucun seigneur en France n ’a la justice en son
fief, terre ou seigneurie, sans un litre particulier; c’est-à-dire
sans une concession du Roi, justifiée par écrit, ou par une
possession immémoriale. Il ne faut pas confondre le droit de
justice avec le droit féodal. Autre chose est la juridiction et la
majesté royale ; autre chose le domaine direct, féodal ou censuel,
et l’obligation du vassal ou du censitaire de le reconnaître. Aliuct
jurisdictio et Majestas regia, aliuddomininm feudalevel censuale et
eorum recognilio. Dumoulin, sur Paris, § 1, Gloss., 6.
Cependant, les justices étant devenues des biens patrimoniaux,
elles pouvaient être aliénées en tout ou en partie, ce q u ’il faut
entendre avec ce tempérament qu’il ne soit pas permis à l’acqué
re u r d’ériger un iribunal séparé, où la justice soit rendue parti
culièrement en son nom ; mais q u ’il faut que la justice continue
d’être exercée comme elle l’était auparavant. Dumoulin, su r Pa
ris, § 1, Gloss. 5 , n° 62 , et § 16, n° 25. En effet, il ne peut
pas dépendre des particuliers de multiplier les justices. Ce droit
n’appartient q u’au Roi. Un arrêt du 3 juillet 1625, rapporté au
premier tome du Journal des Audiences, Iiv. 1er, ch. 61 , a jugé
que le seigneur haut-justicier ne pouvait, en donn an t une terre
en arrière-fief, concéder la moyenne et basse justice à son vassal.
Cet arrêt est parfaitement conforme aux principes, parce que
toutes les justices se trouvant comprises dans la haute, le sei
gneur haut-justicier qui aliénait seulement la moyenne et basse
justice, créait deux justices nouvelles, et usurpait un droit ré
galien.
Il est vrai que les seigneurs haut-justiciers jouissaient du droit
de déshérence, de celui de confiscation, de celui de s’approprier
�36
DEUXIÈME PARTIE.
les biens vacans,'et de celui de triage sur les biens communs.
Mais'le droit de déshérence, le droit de confiscation, le droit aux
biens vacans, le droit de triage ne tenaient ni à la mouvance féo
dale, ni à la directe censuelle ; ils dépendaient uniquement de
la justice,' et constituaient par conséquent des biens tout-à-fait
distincts des biens aliénés par les contrats , où les justices étaient
réservées. Comment cette réserve pourrait - elle être féo
dale ?
La rétention par prélalion et la réserve des lods et ventes, la
condition de ne mettre cens sur cens, celle de fournir une nou
velle reconnaissance à chaque mutation de seigneur ou de
paysan/appartenaient à la nature de Femphytéose non seigneu
riale, et ne constituaient rien de féodal.
« La rénovation de l’investiture à chaque mutation de posses« scur, disait M. Merlin, en s’adressant à la Cour de cassation,
« dans l’affaire H ertzeis, contre la Régie de l’Enregistrement
« et des Domaines, et le paiement d’un droit pour cette rénovao tion, n ’est, pas particulière aux fiefs ; elle est commune aux em« phytéoses, et elle a même été introduite, dans celles-ci, par la
« législation rom aine, qui bien certainement ne connaissait pas
« la féodalité : Necessitatem autem habere dominos (dit la loi der« nière, de jure emphyteutico, au Code), noviun emphyteutam in
a possessionem sm cipcre, non perprocuratorem , sed ipsos dominos
« perse, velper litteras suasj vel, si hoc non potnerint vel noluerint,
« p e r depositionem apud magistrum censuum, velprœsentibus tabu
le lariis per attestalionem ....... et ne avaritiâ tanti domini magnant
« molem pecuniarum super hoc cfflagitent , non amplius eis liceat
« pro subscriphone suâ vel depositione, nisi quadragesimam p a r
ti tem pretii velœstimationis loci qui a d alium trans/ertur, accipcre. »
Merlin, Repcrt. v°, f i e f , seel. 2 , § 3, pag. 240.
La ¡prohibition de mettre cens sur cens sans le consentement du
seigneur n ’aurait pas eu besoin d ’être écrite, puisque par Far-
�LA RENTE DE L0LL1ÈRE
n ’ e ST
POINT FÉODALE.
37
licle 4 du chapitre 20, la couiume (l’Auvergne déclare que cens
■sur cens n’a point de lieu sans le consentement du seigneur direct.
Comment une clause de cette nature, une clause de ne point faire
quelque chose qui p o u r r a i t en soi, et sous certaines c o n d itio n s,
être féodale, serait-elle entachée de féodalité PMais c’était, dit-on,
pour assurer le paiement des droits de lodset ventes, droits abo
lis comme féodaux?— Entendons-nous.
Le mot lods se prenait généralement pour tout droit dû au
seigneur pour l’aliénation faite du fonds, et ce mol ventes, pour
le droit dû pour l’achat. Dumoulin, sur Paris, lit. 2 , § 74,
num. 4. On voit par là que c’était une espèce de pot-de-vin qui
devait être payé par l’acquércur, quand le contrat avait reçu son
exécution.
Les lods étaient dus par les héritages, et le seigneur foncier
avait l’action hypothécaire et l’action personnelle pour les ré
clamer. Loyseau, Traité du déguerpissement, liv. 1er, chap. 10,
n° b, 6 e t ! . Ainsi Henri IV, ayant acquis à Fontainebleau quel
ques terres relevant de la dame d ’Alonville, en paya les lods.
Galand, en son Traité du[ranc-alleu, pag. 31, etsuiv.
Mais si le contrat d ’achat, si l’emphyléose avait pour objet un
fief, ou démembrement de lief, les lods étaient dus au seigneur
immédiat du fief. Si le vendeur n’était pas le seigneur immédiat
du fief, ils étaient dus au seigneur plus proche et immédiat du
vendeur. D’Argentré, incons. Brilan., art. G8, in fin. et in tract, de
Innd. cap. 2, inprincip., et Julius Clarus, § E m phyt., quæst. 23,
num. 1. En ces cas, les lods et ventes étaient féodaux, parce que
les lods étaient les fruits du fief. D’Argentré, ibid.
Ainsi la nature des lods et ventes réservés dans un bail em
phytéotique, dépendant de la nature de l’cmphytéose, il faut dis
tinguer si les emphyléoses équipollent à des baux à cens sei
gneurial, ou si elles sont de véritables emphytéoses, telles que
les définit le droit romain. Dans la première hypothèse, les lods
�38
DEUXIÈME PART IE.
et ventes étaient féodaux; ils ne l’étaient pas dans la deuxième.
Notre adversaire prouve la féodalité de l’emphytéose par la
féodalité des lods et ventes, et la féodalité des lods et ventes
par la féodalité de l’emphytéose. Tout son mémoire ne présente
guère q u’une longue série de dialèles, ingénieusement variés
sous toutes les formes.
Nous disons , nous , que notre emphytéose n’a rien de féodal
en elle-même; que c’est l’emphyléose ordinaire de la loi romaine ;
et qu ’on ne peut la présumer féodale en pays de franc-alleu,
où toutes les terres sont présumées libres, comme en pays de droit
écrit. Voyez Merlin, Répei't . , v° Franc-alleu, § 14, p. 346 et aliàs
pas sim.
La réserve de la taille aux quatre cas accoutumés au pays d’A u
vergne, n ’est pas plus féodale que les autres dont on a parlé, puis
que la cause de ces prestations était toujours une concession o ri
ginaire de fonds, une concession non féodale. Pour que la taille
aux quatre cas fût féodale, il aurait fallu qu’elle imposât des ser
vices personnels au profit du seigneur. Mais la taille en Auvergne
n ’était qu’une prestation du double de la redevance promise, dans
les quatre cas prévus par l’article 2 du chapitre 25 de la coutume.
Si cette redevance n ’était pas féodale, l’obligation de la payer
deux fois ne pouvait pas l’ôlre davantage. La féodalité n’était pas
non plus dans la cause de l’obligation, car cette cause était un
événement qui eut pu devenir la condition de tout autre contrat
du droit commun, condition aussi casuelle que potestative, at
tendu q u’il ne dépend pas absolument de la seule volonté d’un
individu de se faire chevalier, d ’aller outre-mer visiter la Terre
Sainte, d ’etre prisonnier des ennemis, pas même de marier ses fil
les en premières noces.
Le sixième et dernier grief, reproché au titre de madame la
marquise do Chàtillon, relatif au domaine de Lollière, est que ce
titre réserve les autres droits et devoirs seigneuriaux, dus et ac
�LA RENTE DE LOLLIP.RE
n ’e ST
POINT FÉODALE.
39
coutumes, et contenus aux terriers anciens dudit seigneur de la
seigneurie de Laroque.
Il faut ici ne pas oublier que dans la coutume d ’Auvergne il
n’y avait que des seigneurs fonciers; que la seigneurie féodale n ’v
pouvait ê t r e établie que par titre; q u ’ainsi les droits et devoirs
seigneuriaux dus et accoutumés ne pouvaient avoir rien de féo
dal. L’expression devoirs, corrélative à celle de droits, indique
l’obligation du seigneur q u i, dans certains c as, était obligé à
l’égard des habitansde son territoire. Tel était son devoir de les
recevoir, eux et l e u r s biens, dans son château, en cas d’invasion
de l’ennemi. De leur côté, les habitans ou paysans lui devaient le
droit de guet et garde. Les droits et devoirs étaient réciproques.
Mais, dit-on, pour savoir s’il n’y avait pas quelque chose de féodal
dans le titre deM. le marquis de Miramon, il faudrait voir l’énumérationde ces droits etdevoirs seigneuriaux, tels q u ’ils sont contenus
aux terriers anciens de la seigneurie de Laroque. Qu’on produise
ces terriers!... » En nous je ta n t cedéfi, on pense peut-être que les
terriers ont été brûlés ou perdus, et que celte production est im
possible. Nous ne nous expliquerons pas à cet égard, quoique
nous sachions très bien que les terriers n ’avaient rien de féodal.
Madame la marquise deChâtillon a justifié sa demande en produi
sant le titre du G mars 1755. C’est aux héritiers Baduel à prouver
leurs exceptions, ficus excipiendo fil actor.
Nous n ’avons presque rien à dire sur le paragraphe 5 du mé
moire en réponse au sujet de l’allodialité de la ci-devant Au
vergne. Notre adversaire n ’a pu s’em pêcher de la reconnaître, et
il se borne à soutenir que la présomption allodiale qui s’attache
aux actes passés sous l’empire de cette coutume, pouvait être dé
truite par un titre féodal, ou entaché de féodalité. C’est très vrai,
et nous ne l’avons nié ni dans notre consultation, ni dans nos
mémoires. La question n ’était pas là : la question était de savoir
si telleou telle clause présumée féodale dans le droit commun, ou
�DEUXIÈME P ART IE .
dans certainescou tûmes, était féodale dans lacoutum ed’/\uvergne.
Nous avons prouvé q u ’elle n ’étaitpas féodale,quand la féodalité ne
ressortait pas évidemmentdu contrat e tq u ’il était nécessaire de la
présumer. Nous avons fait v o irqu en o trecon trat,o u l’acteduGmars
1755, n ’avait par lui-même rien de féodal. Notre adversaire, tou
jours fidèle à son système de prouver la question p a rla question,
suppose partout que notre litre est féodal, et il nous repousse
par les loissuppressives de la féodalité. Il nous accuse de pousser
au rétablissement d ’un régime délesté, et d’émouvoir les habitans
du pays d’Auvergne. Il appelle à son aide les souvenirs de la res
tauration qui avait déclaré coupables d’actes séditieux toutes
personnes qui répandraient ou accréditeraient le bruit du réta
blissement des droits féodaux ; et il se flatte que sous l’empire des
institutions de juillet 1830, on n ’aura point à concevoir de pa
reilles craintes.— Tout cela sans doute est fort éloquent, mais ne
touche point à notre bail emphytéotique du domaine de Lollière,
et ne prouve nullement que les héritiers Baduel ne doivent point
racheter ou servir leur rente foncière.
Toutefois on voit dans les 13 pages de ce paragraphe une
idée nouvelle q u’il faut réfuter pour ne rien laisser sans réponse.
Pressé par les conséquences que nous avions tirées de l’allodialilé de la coutume d’Auvergne, notre adversaire n’imagine rien
de mieux que de rappeler la distinction du franc-alleu, en noble
et en roturier. Il convient que nos raisonnemens peuvent s’ap
pliquer au franc-alleu roturier.» Mais votre franc-alleu, nous dit-il,
était un franc-alleu noble, puisque vous étiez noble, chevalier,
baron, marquis; que vous aviez haute, moyenne et basse justice,
tous les droits et devoirs seigneuriaux. »
Nous répondons q u ’il ne s’agit pas de prouver la noblesse de
M. le marquis de 3Iiramon, mais la noblesse de sa terre, de
son franc-alleu. Celte noblesse, comme celle des personnes , ne
pouvait s’établir que par litres.
�l.A H ENTE T>E LOLLIKRE n ’f.ST POINT FÉODALE.
41
* Ce qui constitue la noblesse d’un héritage, dit Ilenrion dans
* ses dissertations féodales, tome 1, article A lle u , § 9, c’est un
« titre de;seigneurie ajouté à la propriété...... Un alleu noble
“ ne peut:dônc exister qu’en vertu d ’une concession émanée de
« celui dans lequel réside, l’autorité souveraine. » Où donc est ce
titre, cette concession pour l’héritage deLollièrePJusqu a produc
tion du titre qui l’aurait érigé en terre noble, cet héritage est
présumé roturier en pays de droit écrit, et en pays de franc-alleu.
(Merlin, v° Franc-fief, § 2.) Nous ne pouvons nous empêcher de
faire remarquer q u’ici encore notre adversaire fait la pétition de
principe. Il lui faudrait prouver que l’héritage est noble ou non
roturier. II affirme qu’il est noble, et il en conclut que notre rente
emphytéotique est féodale. Nous nions le principe et la consé
quence. Le principe, puisqu’à défaut de litres constitutifs de la
noblesse de l’héritage, il doit être présumé dans la condition natu
relle, dans le droit commun de tout héritage qui est d’être ro tu
rier. La conséquence, parce q u ’alors même que le domaine de
Lollière serait une terre noble, on ne pourrait pas en conclure la
nullité de la rente emphytéotique, qui n ’en serait pas moins pureihent foncière et non féodale, puisqu’il n ’en est pas de l’emphytéose comme du bail à cens, et que tout le monde pouvait donner
à emphytéose u n héritage tel q u ’il fût, noble ou roturier. (Henr i o n , /. t . j ; et q u ’il suffit pour que la redevance ne soit pas
censée féodale q u ’elle soit payée pour prix de la concession ori
ginaire du fonds grevé de la rente, é t'n on pour aucune recon
naissance de la seigneurie, puissance 'publique. Mais quant au
bail à cens, pour avoir le droit d’imposer sur un immeuble, une
redevance censuelle et seigneuriale, ce n’était pas assez d ’en
être propriétaire, il fallait avoir cette propriété à titre de sei
gneurie. ( Henrion, ibid. ) Notre adversaire cite , comme nous*,
H etirion, même article, même paragraphe; mais il parle du
�i-
D E U X IE M E P A R T I E .
bail-à cens, et nous parlons du bail emphytéotique; il conclut
d‘une chose à une autre, manière de raisonner toute sophis
tique. Les paragraphes 4 et 5, qui comprennent depuis la page
20 ju sq u ’à la page 40, ne contiennent plus rien à répondre.
Nous sommes donc arrivés au terme de notre tâche. Nous avons
suivi pied à pied nos adversaires, et nous avons démontré contre
eux 1° q u ’il n ’v a pas de prescription acquise, au profit des hé
ritiers Baduel, contre l’acte d u 6 mars 1755; 2° que la rente
emphytéotique créée par cet acte, pour prix du domaine de Lollière, n ’est point féodale.
Nous avons réfuté leurs objections, qui se réduisent à dire, en
ce qui touche la prescription, que notre emphytéose étant per
pétuelle, la propriété a passé tout entière sur la tête de l’emphytrote, et que la prescription s’en est ensuivie par cela même; en
ce qui touche la féodalité, que la féodalité est abolie, et que notre
rente est féodale parce qu ’elle est rédituelle et censuelle, et ac
compagnée de clauses et conditions féodales.
Nous avons répondu , sur la prescription, q u ’on ne peut point
l’opposer aux termes du droitcommun, puisqu’il n ’y a pas de tiers,
acquéreurs, et que les héritiers Baduel ne peuvent prescrire
contre leur litre. Qu’on ne peut pas non plus l’opposer encore
aux termes des lois spéciales sur les emphytéoses perpétuelles,
antérieures à ces lois.
Nous avons d it, sur la féodalité, que nous ne contestions
point, et que nous n ’avions jamais contesté son abolition, mais
que notre litre n ’était point féod al, ni entaché de féodalité ,
parce q u’il n’avait pour objet aucun bail à fief ou bail à cens
seigneurial ; que les clauses et conditions de ce titre apparte
naient à la n ature de l’emphytéose, et que n’ayant en elles-mêmes
rien de féodal, elles ne pouvaient pas être présumées féodales en
�LA RENTE DE LOLLIKRE
n ’ e ST
POINT FEODALE
43
pays de franc-alleu, où les terres sont présumées libres jusqu’à
preuve du contraire.
On concevra que nous n’ayons pas relevé le reproche de quel
ques arrêts mal compris, mémoire de M. V iolle, page 29, ligne 10,
et d’absurdes contradictions, même mémoire , page 39, ligne 20,
q u ’on n ’a pas pris la peine de nous signaler. Nous ne sommes
pas habitués à des argumens de cette nature , et ce sont les seuls
que nous ayons laissés sans réponse.
Restent les considérations!..Faut-il dépouiller les héritiers Baduel de biens qu’ils possèdent depuis 46 an s, paisiblement et
sans trouble ? Cette possession qu’on nous assure de bonne foi
aurait-elle été illusoire pendant si long-temps? ■
— Notre ,adversaire ne le pense p o in t, mémoire c ité , page 2 , et nous le pen
sons , 1° parce que le temps ne suffit pas pour légitimer une
possession, ni pour faire courir une prescription quelconque ;
2° parce que la possession des héritiers Baduel n’a jamais été ni pu
être de bonne f o i, puisqu’on ne peut pas ignorer le titre de sa
possession , et q u ’on n’est pas de bonne foi contre son titre.
Mais le pays d ’Auvergne s’émeut de nos prétentions! — Nous
ne craignons pas ces alarmes préten d ues, et nous ne püuvons
pas y croire. La cause des héritiers Baduel n ’a rien de commun
avec leurs voisins ou tous autres qui ont acquis légitimement
de la nation les biens immenses de M. le marquis de Miramon.
On n ’a pas la folie de vouloir revenir sur ces ventes doublement
irrévocables, et par l’effet des lois qu i les ont prescrites et qui ont
reçu leur exécution, et par suite de la loi de l'indemnité qui a
désintéressé les anciens propriétaires de ces biens vendus natio
nalement. Mais dans ces ventes on a oublié quelques domaines
qui sont restés depuis dans les mains des colons, fermiers ou pre
neurs à titre précaire. Pourquoi la fille, l'héritière bénéficiaire
�14
DEUXIEME PAUTIE.
de M. l e (marquis de Miramon n ’aurait-elle pas le droit de les
réclamer? Ces biens n ’ont pas été confisqués. La nation ne s’en
est pas emparé , ne les a point vendus ni donnés, n ’en a disposé
en aucune sorte. Seraient-ils dans ses m ains, une loi prescrit de
les rendre. (Loi des 5-6 décembre 1814.)
Nous nous contenterons de faire observer que par l’effet
des lois sur les émigrés, qui paraissent n ’avoir été appliquées
que par erreur à M. le marquis de M iramon, non émigré , il
se vit réduit avec son épouse, lui naguère si magnifique, si
grand et si généreux , à ’trouver ‘dans des secours étrangers et
dans un zèle admirable du service le plus dévoué (1), de quoi
fournir aux premiers besoins de sa v ie , aux nécessités de son
existence ! ! ! Ainsi , sur trois filles qu ’il a laissées après lui ,
deux ont renoncé à sa succession , et la troisième ne l ’a accep
tée que sous bénéfice d'inventaire. Cependant, si du magnifi
que site du château de Miramon , au dessus de Vie, aujourd’hui
propriété de simples chaudronniers, vous portez vos regards, au
tant q u’il pourront s’étendre, sur un immense lointain d’un pays
riant et fertile, partout et de tous côtés, vos yeux s’arrêteront sur
quelque riche domaine ayant appartenu à la famille deM. de Mirainon, jusqu’aux jours de l’émigration et des ventes et confiscations
dites nationales. Elle a beaucoup souffert des loisde cette époque,
qui ne devaient pas l’atteindre. Nous ne venons pas ici nous livrer
pourelle à des plaintes inutiles et sans but; ce sontdes faits accom
plis ; nous les avons acceptés et acceptons, mais tels q u ’ils sónr,
sans les restreindre ni les aggraver. Les héritiers Caduel veulent
être plus sévères que la loi et nous ravir, à leur profit, ce qu'elle
(1) Mademoiselle llumcl. Tout le inonde sait à Auriliac, les soins généreux
rendus» Monsieur et Madame de Miramon, par cette respectable (ille.
�L a r e n t e d e L O L L I E R E n ' e s t P O IN T
45
FÉ O D A L E .
nous avait laissé par oubli, ou par quelque fausse e t trop rapide
appréciation de nos titres.
C’est au tribunal civil de la ville d ’Aurillac à décider s’il fera
maintenant, contre le marquis de Miramon ou ses héritiers et
ayant-cause, ce que n ’ont pas fait les administrations révolu
tionnaires au temps de la république; et s’il reconnaîtra aux hé
ritiers Baduel, par cela seul que leur possession précaire de l’hé
ritage que nous réclamons s’est continuée furtivement, sous un
faux prétexte , un droit de propriété sur cet héritage , que même
l’état ne pourrait avoir aujourd’hui par le double fait de son an
cienne confiscation et de la durée de sa jouissance.
Paris, le 15 novem bre 1837.
A . P A IL L E T ,
BOLE,
!
Avocats à la Cour royale de Paris.
Le baron DELZONS, Avocat plaidant à Aurillac.
RAMPON, Avoue.
E rratum . Page 7, ligne 29. La détention est injuste, etc.
nons que la détention, etc,, etc.
l is e z
: Nous soute-
PA RIS. — MAULDE E T R E N O U , IM P R IM E U R S , R U E B A IL L E U L , 9 e t 11.
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
[Factum. De Cassagne de Beaufort De Miramon,Marie-Charlotte. 1837?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
A. Paillet
Bole
Delzons
Rampon
Subject
The topic of the resource
bail emphytéotique
domaines seigneuriaux
cens
retranscription de bail
biens nationaux
émigrés
rentes féodales
droit de propriété
abolition des privilèges
droits féodaux
coutume d'Auvergne
prescription
absence
poids et mesures
doctrine
droit écrit
franc-alleu
directe seigneuriale
jurisprudence
droit de guet et de garde
Masuer
forains
corvées
code civil
droit intermédiaire
domaines agricoles
fromages
vin
percière
bail
Description
An account of the resource
Titre complet : Réplique pour madame Marie-Charlotte de Cassagne de Beaufort de Miramon, veuve de monsieur le marquis François-Félix Duplessis-Chatillon, en sa qualité d'héritière bénéficiaire de monsieur le marquis de Miramon, son père, Demanderesse ; contre MM. Antoine Baduel, comme détenteurs du domaine de Lollière, appartenant à la succession bénéficiaire dudit marquis de Miramon, défendeurs.
Annotations manuscrites.
Table Godemel : Bail emphytéotique. v. emphytéote.
2. en Auvergne, les rentes emphytéotiques étaient-elles féodales ? Les baux emphytéotiques étaient-ils prescriptibles ? Féodalité : 1. en Auvergne, les rentes emphytéotiques étaient-elles féodales ? les Baux emphytéotiques étaient-ils prescriptibles ? en d’autres termes, les preneurs emphytéotiques, ou leurs héritiers ou ayans cause, ont-ils pu acquérir ou transmettre, par prescription, la toute propriété des biens fournis à l’emphytéote ?
en d’autres termes les preneurs emphytéotiques, ou leurs héritiers ou ayant cause, ont-ils pu acquérir ou transmettre, par prescription, la toute propriété des biens soumis à l’emphytéose ? Reconnaissance.
4. plusieurs reconnaissances notariées peuvent-elles dispenser le demandeur de représenter le Bail emphytéotique primitif ?
3. les baux emphytéotiques ont-ils été détruits ou intervertis, à l’égard du bailleur originaire, par les lois des 18-29 décembre 1790 et 11 brumaire an 7 et par les dispositions du code civil ? voir les faits spéciaux. ibid.
en tout cas quel caractère doit avoir la notification faite aux représentants du bailleur originaire, pour opérer l’interversion ?
la prescription a-t-elle couru valablement, en faveur du possesseur, dès la notification (1793) si l’on considère que, d’après la législation, la rente quel que soit sa nature, foncière ou féodale, aurait été déclarée rachetable ? prescription.
24. en Auvergne, les baux emphytéotiques étaient-ils prescriptibles ? en d’autres termes, les preneurs emphytéotiques, ou leurs héritiers, ou ayans-cause, ont-ils pu acquérir ou transmettre, par prescription, la toute propriété des biens fournis à l’emphytéose ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Maulde et Renou, imprimeurs (Paris)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1837
1755-1837
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
1814-1830 : Restauration
1830-1848 : Monarchie de Juillet
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
45 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2815
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2813
BCU_Factums_G2814
BCU_Factums_G2816
BCU_Factums_G2817
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53571/BCU_Factums_G2815.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
La Roussière (domaine de)
Lollière (domaine de)
La Croux (domaine de)
La Fage (domaine de)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
abolition des privilèges
absence
bail
Bail emphytéotique
biens nationaux
cens
Code civil
corvées
coutume d'Auvergne
directe seigneuriale
doctrine
domaines agricoles
domaines seigneuriaux
droit de guet et de garde
droit de propriété
droit écrit
droit intermédiaire
droits féodaux
émigrés
forains
franc-alleu
fromages
jurisprudence
Masuer
Percière
poids et mesures
prescription
rentes féodales
retranscription de bail
vin
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53626/BCU_Factums_G3009.pdf
e0d6ec2c3c88324a34a962c56101555c
PDF Text
Text
MEMOIRE
cour royale
HK
POUR
,r' CHAMI ì UF.
MM. D U J O U H A N N E L D E J E N Z A T ,
ROY D E
L A C H A I S E , et autres, créanciers de Madame et
M.
D e
LO N G U EIL,
intimés;
CONTRE
M adam e M a r i e - M
a d ela in e
D E LABO ULAYE
D E M A R I L L A T , épouse séparée de biens de
M. A
ug uste-H i l a i r e - J o seph-R é n ê
Marquis de
L O N G U E I L , demeurant à Fouranges, commune
de Brout- V ernet, appelante de jugements rendus
p a r le Tribunal civil de Gannat, le 19 ju in 1846.
Madam e de L o n g u e i l , mariée sous le régim e de la communauté
et libre de disposer de ses b ie n s, est devenue débitrice envers les
intimes de sommes considérables au payement desquelles elle s’est
obligée solidairement avec son mari qui l a' autorisée.
L o rsq u e le moment de la libération est arrivé , la fortune des
débiteurs paraissant insuffisante pour faire face a tous leurs engage
�ments, Madame <le L o n g u e il, animée des sentiments les plus hono
rables de loyauté et de bonne f o i , a fait aux intimes l’abandon
de certains immeubles qu’ils ont acceptés en payem ent de leurs
créances.
Cet abandon a été librement consenti par deux actes notariés
souscrits au profit de deux séries de c ré a n c ie rs, les 16 août et 5o
novem bre 1 8 4 1 • L e p rem ier de ces a c tes, auquel les parties ont
donné la forme d’un abandonnement volontaire de biens , tel qu’il
est défini p ar l’article
J
2C7 du code c iv i l, a été fait au profit de
quinze créanciers dont les créances réunies formaient un total de
cent quarante-six mille francs en principal;
L e second, auquel les parties ont donné la forme ordinaire d’une
v e n te , a été fait au profil de sept créanciers dont les créances ré u
nies formaient une masse de cinq mille francs seulement.
Pendant cinq a n s , ces actes ont été exécutés de bonne foi; les
créanciers compris au p rem ier acte du 16 août iS /ji ont joui en
commun des immeubles qui leur avaient été ab andonnés, et s’en
sont partagé les revenus.
Quant aux créanciers qui ont figuré au second acte , du 5o n o
vem bre 18 4 1, ils se sont partagé les immeubles compris audit acte,
et chacun d’eux a joui de sa portion.
L a valeur vénale des immeubles abandonnés était de beaucoup
au-dessous du chiffre total des cré an ces; mais, en acceptant l’aban
don pour so ld e, les créanciers avaient rendu hommage à la bonne
volonté de madame de L oiigueil qui paraissait faire p o u r se libérer
envers eux tout ce qui lui était possible.
Cependant madame de Lon gu eil avait dit, dans les deux actes
des iü août et 00 novem bre 1 8 4 1 , que les immeubles dont elle
faisait l’abandon ou la vente, étaient inaliénables comme étant sou
mis au régime dotal absolu-, elle avait m ê m e, à raison de cette
circonstance, fuit insérer dans celui du 5o n ovem bre rengagem ent
�q u ’elle prenait de le ratifier et renouveler quand elle pourrait le
faire d’une manière légale ; mais la confiance des créanciers était si
g ra n d e , qu’aucun d’eux n’avait songé à vérifier ou faire vérifier en
droit la vérité de cette assertion.
L es dispositions bienveillantes de madame de L on gu euil envers
ses créanciers n’ont pas duré ; le temps les a promptement changées ,
e lle s regrets ont succédé bien vite à l’empressement qu’elle avait mis
à se libérer envers eux ; dès les premiers mois de i 845, elle a formé
le projet d'ajourner les deux séries de créanciers dénommés aux
actes des 16 août et 3 o novem bre 1 8 4 1 » devant le tribunal de
G a n n a l , pour faire prononcer la nullité de ces actes et se faire
réintégrer dans la propriété et possession de ses biens qu’elle disait
être dotaux.
M algré sa séparation de biens qu’elle avait fait p r o n o n c e r, m a
dame de L o n gu e u il ne pouvait pas ester en justice sans l’autorisa
tion de son mari ; celle autorisation a été demandée à M . de L o n
g u e u il, qui a répondu par un refus formel. Ses sentiments d’honneur
et de délicatesse , qui sont si bien connus cl si généralement a p p ré
c ié s, repoussaient avec énergie la pensée de revenir, après quelques
an n é e s, sur des engagements contractés sous le sceau de la bonne
foi -, mais madame de L o n gu eil 11e devait pas s’arrêter devant le
prem ier o bstacle; elle s’est adressée au tribunal de G annat; elle a
fait faire à son mari une sommation de venir devant les magistrats
déduire les motifs de son refus; elle a obtenu du tribunid une d é c i
sion rendue en chambre du c o n s e il, qui lui a accord é l’aulorisation
d é sirée, cl immédiatement a p rè s, elle a formé contre ses créanciers
une demande en nullité des deux actes.
C ’est sur cette demande que le tribunal de Gannat a rendu , le 19
juin i8/|C>, deux jugements dont madame de Longueuil a interjeté
appel. Ces deux jugements fortement motivés ont décidé que les
immeubles abandonnés ou vendus aux créanciers par les deux actes
des iG août et 3 o novem bre 18 4 * > «’étaient pas dotaux ; en consé
�quence , le tribunal a déclaré madame de Lon gu eil mal fondée
dans sa demande en nullité de ces a c t e s , et a ordonné qu’ils conti
nueraient de rec evo ir leu r exécution.
L e s questions de droit résolues p ar le tribunal de G a n n a t, vont
donc être soumises à la C o u r royale de I\iom saisie de l’appel -, elles
vont être l’objet d’une nouvelle discussion et d’un nouvel examen.
L e s créanciers , qui sont sortis avec succès d’un prem ier déb at, ne
redoutent pas les suites de la seconde lutte p ro v o q u é e par madame
de Lon gu cuil ; ils vont poser et traiter ici toutes les questions du
pro cès , et ils demanderont ensuite à la C o u r ro yale la confirma
tion des jugem ents, avec la juste confiance que leur inspirent l’é v i
dence de leurs droits et la haute sagesse des magistrats.
L a discussion qui a eu lieu devant le tribunal de Gannat a fiit
naître trois questions; on va les reproduire ici en conservant l’ord re
suivant lequel elles ont clé examinées et résolues dans les motifs des
jugements.
P R E M I È R E Q U E S T I O N : Madame de L on gu euil pouvait-elle
valablem ent, par les stipulations de son contrat de m a r ia g e , sous
traire au régim e dotal scs biens immeubles situés en A u v e r g n e , et
donner à ces biens le caractère de propres de communauté ?
D E U X I È M E Q U E S T I O N : Si madame de L ongueuil avait celle
faculté, a-i-elle réellement voulu en u s e r , sa volonté sur ce point
est-elle suffisamment manifestée par son contrat de m ariage?
T R O I S I È M E Q U E S T I O N : N ’exislc-l-il pas dans la cause une
question de droit transitoire qui écarterait les deux prem ières
questions cl rendrait leur examen inutile, en ce sens que les c o n
ditions du m ariage de madame de L o n g u e u il, en ce qui concerne
l’ aliénabiliié des biens qui font l’objet du procès , seraient régies
par la législation intermédiaire cl par le code c iv il?
�Il est indispensable pour l’examen de ces questions de connaître ,
par une analyse succincte , les clauses du contrat de m ariage de
madame de Lon gu euil.
L e contrat a été passé devant M e C o llin , notaire à G annat; il
porte la date du 17 vendémiaire an 1 2 , correspondant au i o o c
tobre i 8o 5.
Madame de L on gu eu il, alors future épouse, s'est constituée « tous
» et un chacun ses biens meubles et immeubles et droits qui lui sont
» échus et advenus par le décès
d e J e a n -N ic o la s- A m b r o ise
» L ab ou laye de M arillat, son p è r e , en quoi qu’ils puissent et
» doivent consister, et où ils soient dus et situés , sans reserve. »
M adam e de S a lv e r t , m ère de la future, « l’a instituée et institue
» sa s e u le , unique et universelle héritière de tous les biens dont elle
» m ourra vêtue et saisie, aussi sans réserve.
II est ensuite stipulé q u e , « le mariage fait et a c c o m p li, le s
» futurs seront uns et communs en tous biens meubles de présen t,
* acquêts et conquèts d ’iimneublcs à fa ire , suivant la disposition
» de la Coutume du ci-devant Bourbonnais.
» P o u r com poser laquelle com m un au té, chacun d’eux y con» fondra la somme de 5oo fr. ; le surplus de leurs b ie n s , ensemble
» ce qui leur écherra par successio n , donation, bienfait, ou
» au trem en t, leu r sortira nature de propres à eux et aux leurs
» respectivement. »
L e contrat se termine par celle, clause : « E t pour toutes les autres
» clauses non prévues ni exprim ées en ces dites présentes, les
» futurs se régiront par la Coutume du ci-devant Bourbonnais. »
C ’est en présence de ces dispositions du contrat de m ariage et
sous leur influence que doivent èlrc examinées en droil les deux
prem ières questions qui viennent d’èlrc poiées.
�Exam en tic la première Question.
•Mi
Suivant les dispositions de la Coutume d’A u v e r g n e , cliap. i/( ,
art. 3 , les seuls biens de la femme qui fussent frappes d’inaliénabilité par une règle g é n é ra le , étaient les biens dotaux. Cet article
disait, en effet : « L e s m ari et fem m e, conjointement ou sépa» rément, constant le m ariage ou fiançailles, ne peuvent v e n d re,
» alién er, perm uter, ni autrement disposer des biens d otau x de
» ladite femme. »
11 n’y a ici aucune difficulté, aucun doute possible ; ce sont les
biens dotaux de la femme qui seuls sont inaliénables.
Mais parm i les biens qui composaient la fortune de la fem m e,
quels étaient les biens dotaux? L ’article 8 de la Coutume et l’opinion
du commentateur sur cet article vont nous l’apprendre. L ’article 8
porte : « T ou s les biens que la femme a au temps de ses fiançailles,
» sont tenus cl réputés biens dotaux s’il n’y a dot particulière cons» tituec en traitant le m ariage. » E t le com m entateur, pour e x
pliquer ce que la rédaction de l’article présente de trop v a g u e ,
ajoute : * T ou s les biens qui appartiennent à la femme au temps de
» ses fiançailles lui sont dotaux s i le contrat de m ariage ne le règle
» p as différem m ent ; voilà le précis de cet article. *
D é jà , sur l'article i*r du titre 1 4 , le commentateur avait dit :
« Los biens dotaux sont ceux que la femme se constitue p a r son
» contrat de m a r ia g e , ou les biens qui lui appartiennent à cette
» époque, \i le contrat 11e renferm e p as de conventions contraires,
» c’est ce qui résulte de la disposition de l’art. 8 . »
Enfin le com m entateur, revenant po u r la troisième fois sur ce
principe fondamental , dit encore sur l’article
i /j
: « Toutes les
» questions de cette matière sont subordonnées aux conventions du
» contrat de mariage. »
Ainsi, quoiqu’il fût de principe général en A u vergn e que le statut
coutumicr était réel , c’est-à-dire qu’il régissait tout le territoire
soumis à la C o u tu m e , les cfiels du statut, en ce qui concerne les
�biens qu’il déclarait d o tau x, n’avaient lieu qu’à défaut de stipulations
contraires dans les contrats de m a r ia g e ; les biens étaient dotaux
quand le contrai de m ariage ne !e réglait pas autrement.
L e Com m entateur de la C o u tu m e , développant plus amplement
ces principes généraux , explique que la convention contraire au
droit général qui rendait tous les biens dotaux, pouvait ôtre expresse
ou tacite.
E lle était expresse quand il était stipulé que les biens de la femme
q u ’elle possédait lors de son m a r ia g e , seraient réputés paraphernaux en tout ou en partie, et qu’elle se les réservait com m e tels.
E lle était tacite quand il était dit simplement que la femme se
constituait en dot tels et tels biens, et qu’elle en avait d’antres; l'effet
tic cette constition particulière était de rendre le surplus des biens
paraphernal , d ’en ôter conséquemment au mari la jouissance rt
l’administration, et d’en laisser la femme dam e et m a îtresse, co n
formément aux articles i " et 9 du titre i/j de la Coutume.
11 est bien vrai (¡ne, soit dans les dispositions de la Coutume, soit
dans les développem ents du Commentaire , chaque fois q u ’il est
parlé du droit laissé aux époux de d é ro g e r , par leur contrat de
m ariage aux règles générales qui soumettaient les biens des femmes
au régim e dotal , la Coutume et le Commentaire n’ indiquent pas
d ’autre exemple ou d ’autre mode pour cette dérogation que la fa
culté laissée à la femme de rendre ses biens paraphernaux on tout on
en partie. Mais il est facile de se convaincre que ce mode de d e ro
gation n’était pas le seul que la coutume cm voulu autoriser.
E ffectivem en t, lorsque la fem m e, par son contrat de m a r ia g e ,
s’était réservé des biens comme paraphernaux , elle était , suivant
l’expression énergique des anciens commentaires , dam e et m aî
tresse de ces biens; elle pouvait, pendant le m a ria g e , en disposer
à son p la isir cl vo lon té, sans le consentement de son m a r i, au
profit de scs enfants ou autre quelconque perso n n e , le tout suivant
les dispositions formelles de l’article 9 , chapitre i/t de la Coutume.
A i n s i , nonobstant le statut réel qui régissait tout le territoire de
l’Auvergne , nonobstant la règle générale qui soumettait les biens
�des femmes au régim e tlolal, la libre et entière disposition des biens
parapliernaux leur était accordée , dans le sens le plus large et le
plus absolu , sans le concours ni le consentement du m ari, et si l’on
considère qu’il dépendait d ’elle , par une clause insérée dans son
contrat de m a r ia g e , de rendre tous ses biens parapliernaux, on est
amené à reconnaître que, sous l’empire de la Coutume d’A u v erg n e ,
le régim e dotal et l’inaliénabilité qui en élait la c o n séq u en ce,
étaient bien de droit commun , mais la volonté des époux pouvait
m odifier ces principes généraux au point de m eure les biens des
femmes dans une condition diamétralement o p p o sée, en les rendant
librement aliénables par la femme seule sans le consentement du
mari.
On com prend d’ailleurs très-bien que la Coutume d’ A u v ergn e ,
qui n'admettait pas la communauté entre les époux et q u i, par con
séquent , n’a dû contenir aucun ensemble de dispositions sur le
régim e en communauté, n’ait pas dit que la femme mariée pourrait
rendre scs immeubles aliénables en se les constituant comme propres
de communauté ; elle ne pouvait pas le dire.
A côté de la règle générale d’inaliénabilité des biens dotaux des
fem m es, elle plaçait, com m e exception purement facultative pour
les époux , le droit accordé à la femme de se réserve r ses biens
comme parapliernaux ; elle ne parlait pas du droit que la femme
pourrait également avo ir de les rendre aliénables en se les con s
tituant com m e p ro p res de communauté, parce qu’ eile ne s'occupait
pas des communautés.
Mais faut-il conclure du silence de la Coutume sur ce point que
la femme n’avait pas cette faculté, qu'elle ne pouvait pas se cons
tituer ses biens situés en A u vergn e comme propres de communauté?
évidemment n on ; lorsque les époux empruntaient à une autre
Coutume les principes qui devaient régle r les conditions civiles do
leur union, lo rsq u e , par e x e m p le , ils disaient dans leur contrat de
m ariage qu’ils entendaient se soumettre au régim e de la com m u
nauté, tel qu’ il était établi par les dispositions générales de la C o u
tume du Bourbonnais, les biens de la fem m e, situés en A u v e r g n e ,
�n’ étaient pas forcément dotaux et inaliénables; la règle déduite de
l’art. 8 de la Coutume d’A uvergn e subsistait toujours , c’est-à-dire
que, dans ce cas, les biens de la femme n’étaient encore dotaux que
quand le contrat ne le réglait pas différemment. L a femme avait
donc alors la faculté de rendre scs biens d’A u vergn e aliénables en
se les constituant comme paraphernaux, et elle avait , à plus forte
raison 1 le droit de les rendre aliénables en se les constituant com m e
propres de communauté.
Nous disons à plus forte raison, parce q u e , dans le cas de cons
titution comme paraphernaux , les biens devenaient aliénables p ar
la femme seule, sans le concours de son mari, tandis que dans le cas
de constitution des mêmes biens com m e propres de communauté ,
ils n’étaient aliénables par la femme qu’avec le concours du mari
dans l’acte , ou son consentement par écrit. ( Art. a 58 de la C o u
tume du Bourbonnais. )
Une législation qui permettait aux époux de soustraire les biens •
de la femme au régim e d o t a l, sans qu’ils eussent autre chose à faire
que d’en exprim er la volonté dans le contrat de m ariage ; une légis
lation q u i, dans ce cas , reudait les biens de la femme aliénables par
elle seule, sans le consentement du m a r i , ne p o u v ait, sans contra
diction choquante , défendre aux époux de rendre ces mêmes biens
aliénables par la femme , avec le consentement du mari.
L e s lois sur l’aliénation des biens des femmes ont toujours été
considérées comme des dispositions d’ord re public : Reipublicœ
interest dotes mulicvum salvas esse. O r, si l’ordre p u b lic, inté
ressé à la conservation des droits des fem m es, 11 était pas blessé par
la faculté qui leur était accordée de les aliéner seules, sans le c o n
sentement du m a r i, comment aurait-il été blessé par la faculté de
les aliéner avec le concours et le consentement du mari.
L'autorisation maritale est ici une garantie de plus ; elle place la
faculté d’aliéner sous la surveillance du c h e f de l’association conju
g a le , et la nécessité de celte autorisation protège la femm e, au liou
de tendre à la dépouiller, puisque, dans les deux c a s , son consen
tement et sa volonté sont nécessaires pour l’aliénation.
�* L a faculté de d éro g er au statut coutumier pour les stipulations du
contrat do m ariage , est également attestée par Pothicr, Traité d c i
la Com munauté ; il divise les provinces de F r a n c e eu quatre
classes , savoir :
i ° Celles où la communauté s’établissait de plein d ro it, sans sti
pulation ;
2 ° Celles où elle ne s’établissait, sans stipulation, que quand le
m ariage avait duré un au ;
'>° Celles qui n’admettaient jamais la communauté sans stipula
tion , mais ne défendaient pas de la stipuler ;
4« Enfin , la Coutume de Normandie qui la prohibait form elle
ment.
Potbier place dans la troisième classe les provinces régies par le
droit éc rit, ou par quelques Coutumes analogues, telles que celle
d’A u v e r g n e , qui n’admettaient pas de communauté entre mari et
femme , s’ils ne l’avaient stipulée en se m aria n t, mais ne défendaient
pas de la stipuler.
E t dans la quatrième classe, la Normandie s e u le , parce qu’ en
effet sa coutume était la seule qui contînt une exception à la faculté
de d éro îî
g er au droit commun reconnu partout
ailleurs, et cette e x 1
ception résultait du texte formel du statut normand qui disait
d’abord que les époux n’étaient pas com m uns, et ajoutait (art. 55o)
(jue les contractants ne pouvaient pas d éro g er au droit coutumier.
11 résultait delà que la femme n orm and e, ou qui possédait des
biens en N orm and ie, lors même qu’elle se mariait sous l’empire
d ’une coutume qui permettait la communauté , telle que la Coutume
du bourbonnais , ne pouvait pas donner à scs biens de Normandie
le caractère de propres de communauté ; nonobstant toutes stipu
lations qui auraient été faites à ce sujet dans son contrat de m aria ge,
�— 11 —
\
4
r
ses biens demeuraient dotaux et inaliénables, parce que le statut
réel normand le voulait ainsi , et qu’ il n’était pas permis d’y d é
ro ge r.
E t , au contraire , la femme d’A uvergne ou qui avait des biens en
A u v e r g n e , pouvait, en se mariant sous l’em pire de la Coutume du
Bourbonnais , d onn er à scs biens d’A uvergu e la qualité de propres
de communauté , parce que l’aliénabilité qui est le caractère essen
tiel de cette qu alité , n’était pas prohibée par le statut d’A uvergn e
dont les dispositions donnaient, au contraire, à la femme dans la paraphernalité facultative , un m oyen de soumettre tous ses biens à une
condition d’aliémibilité plus facile et moins entourée de garantie
que celle des propres de Communauté.
II
113
paraît pas nécessaire de pousser plus loin l’examen de la
pre m ière question du p r o c è s; tous les principes sur lesquels sa so
lution est basée sont incontestables , ils se résument en peu de mots :
L a Coutume d’A uvergn e était un statut réel , qui soumettait au
régim e dotal et à l’inaliénabilité, tous les biens des femmes situés
sur son territoire ;
Mais cet effet général du Statut ne se produisait que lorsque les
époux, par leur contrat de m ariage, ne l’avaient pas réglé autrement.
L a Coutume leur indiquait un m oyen qu’ ils pouvaient e m plo yer
pour le régle r autrement; ce m oyen consistait à rendre les biens de
la femme paraphernaux , et alors ils devenaient aliénables par la
seule volonté de la femme , sans même qu’elle eût besoin do deman
d er l’autorisation de son mari.
C e m oyen n’était pas le seul que les epoux pusssent em p lo ye r ,
ils pouvaient aussi se soumettre au régim e de la communauté et
donner aux biens de la femme le caractère de propres de c om m u
nauté j cl a lo r s , ils devenaient aliénables avec le consentement du
mari.
L a Coutume d ’A u vergn e ne parlait p a s , il est vrai, de ce moyen
de soustraire au régim e dotal les biens des fem m es, situés sur son
territo ire, et cela vient de ce qu’elle ne contient aucun corps de
droit sur le régim e en communauté.
�*' Mais c o m m e elle ne prohibait pas ce régim e et qu’au contraire ,
elle admettait en principe la faculté laissée aux époux de rég ler,
p a r l e s clauses de leur contrat de m a r ia g e , les conditions de leur
un ion , s’ils adoptaient le régim e en Communauté et cherchaient
dans une autre C ou tum e, par exem ple dans celle du Bourbonnais ,
les principes auxquels ils voulaient se soumettre , ils conservaient
toujours la faculté de rendre aliénables les biens de la femme situés
en A u v e r g n e , en les lui réservant comme paraphernaux, e t, à plus
forte raison , de les rendre aliénables en leur donnant le cayactère
de propres de communauté.
L a prem ière question ci-dessus p o s é e , doit donc être résolue
affirmativement, et c’est avec raison que le tribunal de Gannat ,
dans les motifs de ses jugements, a dit en principe général de droit
coutum ier : que la femme d’A u v e rgn e , ou celle qui avait des biens
en A u v e r g n e , pouvait valablement par son contrat de mariage se
soumettre au régim e de la communauté établi par la Coutume du
B ourbonn ais; donner à ses biens d’A u v e r g n e la qualité de propres
de communauté , et les rendre aliénables avec le consentement de
son mari.
E xam en «le la ileuxicm c Question.
Mais si madame de Longueuil avait celle faculté , a-t-elle réelle
ment voulu en user? Sa volonté sur c.e point est-elle sufiisamment
manifestée par son contrat de m ariage? C ’est l’objet de la seconde
question qui doit trouver sa solution dans l’appréciation des clauses
du contrat du 17 vendémiaire an 12 .
On a vu q u e , par leur contrat de m a r ia g e , les époux de L 0 11gueuil avaient déclaré en termes formels qu’ils eniendaient se sou
mettre au régim e de la communauté , tel qu’il était établi par la
Coutume du Bourbonnais.
L article a 38 de celte Coutume formait donc la loi du con
trat j les époux l’adoptaient com m e s’il eût fait partie de leurs
�conventions m atrim oniales; il devenait une des clauses de leur
contrai de m a r ia g e ; o r cel article dispose :•.« Q ue la iemtuc peut
» v e n d r e , donner , é c h a n g e r , et autrcmcnt>aliénci\'scs h é rita g e s,
» de l’autorilé d e son m a r i , sans «ire récom pensée. » L es époux ,
par celte prem ière stipulation g én é rale, annonçaient donc déjà leur
intention de faire tout ce que les lois leur permettraient de faire pour
rendre les biens de la femme libres entre scs m a i n s , cl aliénables
av e c le concours et le consentement de son mari.
¡Mais il fallait une clause plus expresse po u r soumettre spéciale
ment à l’aliénabilité les biens de la future épouse , qui étaient situés
en A u v e rg n e , et on la trouve dans la stipulation par laquelle l’épouse,
ap rès s’è lr e soumise en lermos généraux au régim e d e la com m u
nauté , déclare que sous ce régim e elle se constitue tous ses biens ,
« en quoi qu’ils puissent et doivent consister, et où ils soient dus et
» situés sans réserve . »
La constitution générale que se faisait la future épouse en se sou
mettant à un régim e qui a sa hase dans la iaculté générale d’aliéner,
com prenait donc ses biens situés en A uvergn e aussi bien que ceux
situés en Bourbonnais : où ils soient dus et situés, sons réserve.
L e s auires dispositions du ro u irai vieunent ensuite form er le
com plém ent et fixer les conséquences de ces premières id ées; les
é p o u x , voulant d é r o g e r à la disposition générale de l’article a 53 de
la Coulum e du Bourbonnais, en ce qui concerne la partie de leur
ibrlune qui se confondra dans la com m unauté, expliquent q u e , pour
c o m p o se r le fonds de celte com m unauté, chacun d ’eux y confondra
une somme de 3 o o f r . , « le surplus de leurs b iens, ensemble ce qui
» leur écherra par su ccessio n , donation, bienfait ou autrem ent,
» leur sortant nature de propres. »
11 n’y a plus maintenant aucun doute sur une intention que les
liilurs exprim ent en termes aussi e x p rè s; après l’adoption du régime
de la com m unauté, après la constitution de ses biens d’A uvergn e ,
com m e de tous autres , que la future s’est faite sous l’influence de
<e r é g im e , elle déclare vouloir que tous ses biens lui sortent nature
de propres. L llc va plus loin e n co re , ci dans une clause finale du
�-
>4 -
contrat, elle se soumet encore à la Coutume du Bourbonnais p o u r
tout ce qui ne serait pas prévu dans ce même contrat.
Cette volonté si nettement exprim ée agit sur tous les biens de
l’ép o u se, en quelque lieu qu’ils soient situés, en Auvergne comme
ailleurs ; aucun de ces biens ne reste soumis au statut réel d’A u
v e rg n e ; aucun d’eux ne reste soumis au régim e dotal : tous au c o n
traire ont le caractère légal de pro pres sous le régim e de la c o m
munauté, c’est-à-dire de propres de communauté, e t, à ce titre, ils
sont régis par l’article 258 de la C o u tu m e , ils sont aliénables par la
l’e tninc avec le consentement du mari.
Cette solution, qui paraît d’abord si sim p le, a cependant donné
lieu de la part de madame de Lon gu euil à quelques objections.
E lle a dit que si on adoptait ce systèm e, si 011 plaçait ses biens
d’A u vergn e dans la condition de pi'opres de com m unauté, on d o n
nerait à la Coutume du Bourbonnais une action sur la Coutume
d’ Auvergne . on reconnaîtrait une préém inence de la C outum e du
Bourbonnais sur le siatut d’A uvergn e.
L ’objection pourrait av o ir quelque force si le contrat de m ariage
de madame de Lon gu euil ne contenait rien autre chose que l’article
par lequel les époux se sont soumis en général au régim e de la
communauté établi par la Coutume du Bourbonnais, et celui par
lequel ils ont dit que pour toutes choses non prévues , ils entendaient
se régir par la môme Coutume.
Effectivem ent alors , l’aliénabilité de tous les biens de la femme ,
situés en A u v e r g n e , ne proviendrait que des dispositions générales
de la Coutume du Bourbonnais, auxquelles on attribuerait le p o u
v o ir de neutraliser le statut réel d’A u v e r g n e , com m e le ferait une
législation prééminente.
Mais le contrat de m ariage contient bien autre chose que la s o u
mission des époux aux dispositions générales de la Coutume du
Bourbonnais. La constitution que se fait la fuLure de tous scs biens ,
en quelque lieu qu’ils soient situés, constitution faite sons l’empire
et sous l’influence du régim e de la communauté auquel les époux
se sont soum is, l;i clause par laquelle la future entend que tous scs
«
�— i5 —
, .
» ,
•••'/*».%
.
biens com pris dans cette désignation générale où ils soient dus et
situ és , lui sortent nature de p r o p r e s ; la conséquence de celle stipu
lation qui donne à tous les biens de la femme le caractère légal de
pro pres sous le régim e de la com m unauté, ou de propres de c o m
munauté , forment un ensemble de dispositions q u i ont leur origine
dans la volonté dos époux librement manifestée par leur contrat de
m a r ia g e , et non dans les dispositions générales de la Coutume.
C e serait donc p a rla volonté des époux dans le contrat de m ariage,
c l non par la préém inence attribuée à une Coutume sur l’aulrc , que
les biens situés en A uvergn e auraient perdu la qualité de biens d o
taux ; ce serait par leur volonté que les effets du statut réel d’A u
v ergn e miraient été effacés $ ce serait pur leur volonté que ces biens
seraient devenus aliénables.
Cette prem ière objection doit donc être écartée ; une réfutation
plus longue ramènerait la discussion au poini de départ. L e s biens
de l’épouse situés en A u vergn e auraient été dotaux et inaliénables
si le contrat ne l’avait pas réglé autrem ent, et ici il l’a ré glé autre
ment en les rendant propres de communauté.
M adam e de Lon gu eil avait puisé une seconde objection dans
quelques passages des Commentaires des deux Coutumes ; elle citait
l’opinion du Commentateur de la Coutume d’A u v ergn e, sur l’article
3 , chapitre i/y , seizième question, cl celle du Commentateur de la
C outum e du Bourbonnais, sur l’article a 58 , cl avec loute l’autorité
qui s’attache à l’opinion de ces deux jurisconsultes, elle dis.iit que
la défense d’aliéner, écrite dans l’article 5 de la Coutume d ’A u v e r
g n e , ne s’ appliquait qu’aux biens que la femme possédait dans le
territoire régi p a r c e ll e C outum e, de même que la permission d’a
lié n e r , écrite dans l’arlicle a 58 de la Coutume du Bourbonnais, ne
s’appliquait q u ’aux biens que la femme possédait dans celle p r o
v in c e ; elle concluait delà avec Chabrol et A uro ux-D espo m m ier,
que la femme qui se mariait en Bourbonnais, pouvait vendre ses
biens de Bourbonnais cl non ceux d’A u v e rg n e , cl faisant l’application
de ces principes à la c au se, elle soutenait q u e , quoique mariée eu
Bourbonnais cl soumise par son contrat de m ariage aux dispositions.
' •*
�« ¡ü b
— 16 —
de la Coutume qui régissait celle pro vin ce , elle n’avait pas pu
aliéner ses liions silués en A u v e rg n e .
Enfin , à l’appui de celle o p in o u , elle cilaii encore un autre pas
sage de Chabrol dans lequel le Com m entateur, s’occupant des effets
que pouvait prod uire, relativement aux biens de la fe m m e , réta
blissement d ’ une communauté d’acrjucts, s’exprim e ainsi : « La femme
« ne risque que sa mise, et de même que le surplus de ses biens lui
» resterait propre à P a r is , il lui dem eure dotal en A u v ergn e. »
Il est facile de v o i r , avec un peu d ’attention , que cette seconde
objection 11’est pas autre chose que la p r e m iè re , reproduite sous
une autre f o r m e , et qu’elle trouve sa solution dan* les m oyens qui
ont déjà servi à la résoudre.
Il est évident, en effet, que les Commentateurs des deux C o u
tumes, dans les passages qu’on vient de ciler , n’ont raisonné que
pour les cas où le m ariage est régi par les dispositions générales de
ces Coutumes, c’est-à-dire, pour les cas oh le contrat de m ariage ne
l’a pas réglé'différem m ent; c ’esi d ’ailleurs ainsi que raisonnent tou
jours les Com m entateurs, et même ils ne peuvent pas raisonner a u
trement ; le but de leur travail étant de déterminer les effets d’une
législation p a r l’examen attentif de sa lettre et de son e s p r it , ils ne
doivent s’attacher qu’à la loi e ll e - m ê m e , telle qu’elle existe quand
elle n’a éprouvé aucune altération, ni modification par les d ispo
sitions de l'homme.
A in si, lorsque le Commentateur de la Coutume d’A u v e r g n e ,
d’ accord avec celui .de la Coutume du Bourbonnais, a dit que la
leminc mariée en Bourbonnais, ne peul pas vendre les biens d 'A u
v e r g n e , il a dit une vérilé qui ressort des dispositions générales de
la Coutume d ’A u v e r g n e ; mais cette vérité ne s’applique qu’ aux
biens que la Coutume frappait d’inaliénabililé, et com m e le C o m
mentateur lui-même a précédemment établi qu’en A u vergn e , il n’y
avait d’inaliénables que les biens d o tau x, son opinion se réduit à
dire que la femme mariée en Bourbonnais, ne pouvait pas vendre
ses biens d’A uvergne quand ils lui étaient dotaux , et ils lui étaient
dotaux , quand elle 11c les avait pas rendus paraphernaux, ou quand
�“
17
"
elle ne les avait pas rendus propres de communaulé , comme e ll e N
po uvait le faire par son contrat de m ariage.
**
D e même e n c o r e , lorsque Chabrol a dit qu’en établissant une
communaulé d ’a c q u ê ts, la femme ne risquait que sa mise, et que le
surplus de ses biens qui lui restait propre à P a r i s , lui restait dotal
en A u v e r g n e , il a dit une vériié générale qui cesse d’en être une
quand il y a convention contraire; car dans ce cas, com m e dans tous
autres , scs biens d’A u vergn e ne lui restent dotaux que quand le
contrat ne l’a pas réglé différemment.
Toutes les objections faites par Mme de L on gu e u il sont sans force;
elles pèchent p ar la base en ce sens qu’elles se réfèrent à l’ensemble
de la législation g é n é r a le , tandis que c’était sur cette même législa
tion modifiée par le contrat de m a ria g e , qu’il fallait raisonner, et
alors elle aurait rencontré com m e un obstacle insurmontable à ses
prétentions , ces deux solutions qui répondent aux deux premières
questions du procès :
M adam e de L o n g u e u i l, com m e il a été établi sur la prem ière
question , pouvait valablement soustraire scs biens d’A uvergn e au
régim e dotal et les rendre alién ables, soit en se les constituant
com m e paraphernaux , soit en se les constituant com m e propres de
communauté.
E t elle a usé de celle faculté qu’elle tenait des dispositions g é n é
rales des Coutumes , en disant expressément par l’ensemble des dis
positions de son contrat de m aria g e , qu’elle voulait donner le carac
tère légal de propres de communauté à tous ses biens , en quelque
lieu qu’ils fussent situés, en A u v erg n e comme ailleurs.
E lle n’avait donc pas de biens dotaux ; elle n’avait pas de biens
inaliénables, cl par conséquent les aliénations qu’elle a consenties
au profil de scs cré anciers, par les actes des 1 6 août et 5o novembre
> 8 4 1 , sont valables.
•*
3
�Exam en
«le l a
t r o is iè m e Q u e stio n *
Mais après la solution des deux prem ières questions du procès ,
la troisième se présente et demande à son tour un examen sérieu*.
L e tribunal de G an n a t, dans les deux jugements du 1 9 juin 1 8 4 6 ,
a dit que la discussion de celte troisième question plaçait toute la
cause sous l’influence d’un autre o rd re d’idées, en telle sorte qu’il
serait peut-être inutile de se form er une opinion sur les dçux p r e
mières.
E n e f f e t , s’il venait à être démuntré que le m ariage de M m e de
L o n g u e i l , en ce qui concerne la liberté d’aliéner les biens compris
dans les deux actes des iG août et 5o novem bre 1 8 4 * 1 a été régi
par le C od e civil et par la législation interm édiaire, et non par les
dispositions des Coutumes d’A u vergn e ou du Bourbonnais, la cause
se présenterait sous un aspect nouveau ; d’autres principes devraient
être invoqués, et tout ce qui a été dit jusqu’à présent ne resterait
plus que comme une réponse nécessaire aux prétentions de Mine de
L o n g u e il, qu’il fallait bien com battre, en lui prouvant qu’on p o u
vait la suivre jusque sous la protection des dispositions du d r o it
coutumier qu’elle in y o q u a it, et que m ê m e , dans cette situation , sa
demande en nullité des deux actes dont il s’agit ne pouvait pas être
accueillie.
V o y o n s donc quelles sont les circonstances du proç.ès qui p e u
vent lui donner celle face nouvelle.
H a clé re co n n u , com m e point de faii constant enire toutes les
parties , que les biens cédés par Mme de L on gu eil à scs créanciers,
p ar les deux actes des >6 août et 5o novem bre 1 04 1 » avaient été
recueillis par elle dans la succession de M me de S a lv e r t , sa m è r e ,
qui l’avait instituée sa seule et unique héritière par son contrat de
mariage.
O
D ’uu autre côté , il a été constaté, par la production des p iè c e s ,
que ce contrat de m ariage a été passé devant M ° C o llin , notaire à
G a n n a t, le 17 vendém iaire an l a , correspondant au 10 octobre
�— >9 —
i 8o 3 , et que la dame de S a l v c r l , mère de M me de L ô n g u e il, ôSt
décédée dans l’année i 8 a 5 .
O r , à cette époque du 10 octobre l 8o 3 , le livre 3 , titre 2 du
C od e c i v i l , intitulé : D es Donations entre - vifs et des Testaments
émit prom ulgué depuis le mois de mai précédent ( 1 ) . L é chap. 8 de
ce titre, intitulé : Des Donations f a i t e s , p a t contrat de m a ria g e ,
a u x ép ou x et a u x enfants à naître du m aH age , nVait force de
loi à l’exclusion de toutes dispositions Contraires des lois àrttérieü res; et notamment, les articles 10 8 2 et l o 83 du C o d e , placés
dans ce chapitre, régissaient dans tous leurs effets les institutions
d’héritiers faites par contrat de m a r ia g e , o u , eri d’autrei tértriCis ,
les donations faites aux é p o u x , par leur contrat de m ariage , des
biens que le donateur laisserait à son décès. Ces articles 10 8 2 et
i o 83 sont ainsi conçus :
'
Art. 1 0 8 a . « L e s p è re et m è r e , les autres ascendailtë, les parents
» collatéraux des époux , et même les é tr a n g e r s , p o u r r o n t , par
» contrat de m aria g é , disposer d e tout ou partie des biens qu’ils
» laisseront à leu r décès'; tant au profil desdits époux qu’au profit
» des enfants à naître de leur m a ria g e , dans le cas où le donateur
» survivrait à l’époux d o nataire... »
Art. i o 83. « L a donation dans la forme portée au précédent a r -
» ticle sera i r r é v o c a b le , en ce sens seulement que le donateur ne
» pourra plus d isposer, à litre gratuit, des objets com pris dans là
» donation , si ce n’est pour sommes m o d iq u es, à tilrc de réc o m » penses ou autrement. »
L o r s donc que M me d e S a l v e r t , inerc de Mme de L ô n g u e i l ,
faisait insérer, dans le contrat de m ariage do sa fille, une disposi-
(1) Le livre 3 , titre 2 d u Code c iv il, qui contient au c h a p .'8 les a rt. 1083
et 1083, relatifs aux Institutions d’héritiers p a r co n trai de m ariag e, a été dé
crété le 3 mai 1803, et prom ulgué le là du môme mois.
�lion par laquelle elle Tinsliluait héritière de tous les biens dont elle
mourrait vêtue et saisie, com m e le dit le contrat, elle faisait usage
d ’un droit qui lui était accordé par le C od e c i v i l , et dont les effets
légaux étaient réglés par le C od e civil.
11 est même remarquable que les dispositions du C od e contenues
aux articles 10 8 2 et i o 83 , établissaient alors un droit n o u v e a u ;
car les institutions contractuelles avaient été prohibées par la légis
lation interm édiaire; et s i , au jour du contrat de m ariage de M a
dame de L o n g u e i l , le C od e c iv i l, au titr e des D onations, n’eût
pas été p r o m u lg u é , l’institution contractuelle que sa m ère voulait
faire en sa faveur n’aurait pas été possible , ou même elle aurait été
n ulle, quoique écrite dans le contrat. E ffe c tiv e m e n t, les lois des
17 nivôse et 22 ventôse, an 2, prohibaient les institutions universelles,
et il a même été jugé par la cour de cassation , le 1 er juin 1 8 2 0 , que
cette prohibition n’avait pas été le v ée par la loi du 29 germ inal an 8,
qu’ elle avait continué de subsister jusqu’à la promulgation du C od e
civil ; en sorte q u e , pendant les dix années qui se sont écoulées d e
puis le mois de nivôse an 2 jusqu’au mois de mai i 8o 3 , les institu
tions contractuelles ont été impossibles et frappées d ’une nullité
absolue.
C ’était donc bien le C ode civil seul qui conférait à M me de S a lve rt le droit dont elle faisait usage dans le contrat de m ariage de sa
f i lle , quand elle l'instituait héritière de tous les biens qu’elle po ssé
derait au jour de son d é c è s; et com m e l’instituante est décédée en
) 8a 5 , dès les prem iers pas qu’on fait dans celte discussion , on se
trouve en pi’ésence d’une institution contractuelle, faite sous l’em
pire du C od e civil et ouverte sous l’em pire du même C ode.
A quel titre et en vertu de quelle autorité les biens recueillis par
M m e de L o n g u e i l , par l’effet de l’institution contractuelle et du dé
cès de sa m è r e , seraient-ils donc d o taux? Serait-ce en vertu de la
Coutume d’A u vergn e et parce que ces biens étaient situés sur le
territoire de cette Coutum e? Cela n’est pas possible , car la Coutume
d ’A u vergn e était alors abrogée dans ses dispositions relatives aux
�--- 2 1 ---
f» ■:*, **
institutions contractuelles , et le C od e civil , qui permettait ces d is
positions et qui leur imposait des règles , après les dix années de
prohibition prononcées par la législation intermédiaire , n’avait c er
tainement pas po u r but de faire r e v iv r e la Coutume d ’A u v e r g n e ,
p o u r replacer sous son em pire les institutions qu’ il autorisait.
S e r a it-c e en vertu du contrat de m ariage? Mais il faudrait, pour
pro d uire cet ciIV;t, que les époux s’y fussent soumis au régim e d o
tal, a v e c constitution, de la part de la fu tu re , de tous ses biens
présents et à v e n i r , et nous avons vu , au contraire , que les époux
d e L ou g u eil s’ étaient soumis au régim e de la com m unauté, et que
tas biens de l’épouse lui étaient r é s e r v é s , comme propres sous ce
régim e.
O n a essayé , dans l'intérôt de M m e de L o n g u c i l, d’élever des
doutes sur ce que nous venons de dire , que la Coutume d’A u
v e r g n e , au mois d’octobre i 8 o 3 , était abrogée dans scs disposi
tions relatives aux institutions contractuelles; on a voulu soutenir
que l’abrogation de la Coutume n’avait été o péré e que par l’ar
ticle 1 5g o du C od e c i v i l , au litre du Contrat d e M a ria g e , qui n’a
été prom ulgué qu’au mois de fév rie r 18 0 4 ; mais on n’a pas persisté
long-temps dans ce système qui n’était plus soutenable en présence
des dispositions de la loi du 5o ventôse an 1 2 . Cette lo i, dans sou
article i , r , prescrivait d’abord la réunion en un seul c o r p s , sous le
uom de C o d e c i v i l , de toutes les lois successivement promulguées
au nombre de trente six , depuis le 14 v e n t ô s e an 1 1 jusqu’au
24 ventôse an 1 3 , sur les diverses matières de la législation civile ;
elle ajoutait, dans son article 6 , que la disposition de l’article i ' r
« ’empêchait pas chacune de ces lois d’av o ir son exécution du jour
où elle avait ilù l’a v o i r , en vertu de sa promulgation particulière.
E n fin , dans son article 7, elle ajoutait qu’à com pter du jour où cha
cune d e ces lois avait été exécuto ire, les lois rom ain es, les o rd o n
nances , les coutumes générales et locales , les statuts , les r è g le
m ents, avaient cessé d’avoir force de loi générale ou particulière
dans les matières qui avaient été l’objet desdites lois.
�o o \
W »
22
C ’est donc une e rre u r de dire que la Coutume d’Auvet-gnc n’àété
abrogée que p a r l’art. 1 5go C . c ., au titre du Contrat dé M ariage.
Cet article a bien dit que les Coutumes étaient abrogées pat le
p résen t C ode. E t en e f fe t , c ’esi p ar l’ensemble du C od e que l’a
brogation a eu lie u ; mais elle n’a pas été opérée en un instant ét
en un seul jour : elle a eu lieu successivem ent, au fur et à mesure
de la promulgation des titres du C od e civil. Ainsi, par exem ple ,
le jour où le titre du C o d e sur les servitudes n été proriiulgué ,
tout ce que la Coutume contenait concernant les servitudes a été
ab ro gé. E t de m ê m e , le jour où le titre des Donations a été p r o
m ulgue , le jour où le chapitre 8 de ce litre sur les donations par
contrat de m ariage et les institutions contractuelles, a eu force de
l o i ; tout ce que la Coutume contenait relativement à ce genre de
disposition, sé serait trouvé ab ro gé , s’ il ne l’eût pas déjà été par la
législation interm édiaire. L e Vieil edificó n’a pas été détruit en un
instant, il l’a été pièce à p i è c e , au fur et à mesure que lé nouveau
s’élevait sur ses ruines.
E t ce serait une e rreu r encore de dire que toutes les dispositions
des Coutumes relatives au m a r ia g e , n’auraient été abrogeôs qiie par
le titre du C od e civil du contrat de m ariage ; c ar il s’agit bien dans
le chapitre 8 du livre 3 , titre 2 du C od e c iv i l, de donations et
d’institutions qui ne peuveiit être faites qué par Cohti at de m ariage ;
par conséquent, cette partie importante dés convéritions matrim o
niales a été régie par le C od e des le mois de niai i 8o 3 , et la partie
correspondante des Coutumes a été a b r o g é e , quoique le surplus dé
ce qui concerne les m ariages n'ait été prom u lgu é qu’en 18 0 4 . C e
pendant on a insisté, et devant le tribunal de Gannat * on a fait,
dans l’intérêt de Rime de L o n g u e i l , les plus grands efforts pour
établir q u e , nonobstant la promulgation des ajuicies 10 8 2 et i o 85
du C od e c i v i l , nonobstant les dispositions si formelles de la loi du
5o ventôse an 12 , la Coutume d’A u vergn e avait continué de subsis^
ter comme statut réel jusqu’à la promulgation de l’article i 5g o du
(’ ode. On a conclu de là qu’au moment du contrat de m ariage de
M me de L o n g u e i l , le statut réel existait , et on a ajouté que l’insti-
�lulion faite en sa faveur par sa m è r e , quoiqu’elle n'ait été ouverte
p ar le décès de l'instituante, qu'en i 8 a 5 , était censée , p ar un effet
rétroactif cl une fiction légale , a v o ir produit tous ses effets en fa
v e u r de l’ instituée, le jour même de son m a r ia g e ; en sorte que M a
dam e de [.ongueil aurait été s a is ie , depuis i 8 o 3 , d ’un véritable
droit d e propriété sur les biens qu’elle a tro u v és, 22 ans plus tard ,
dans la succession de sa mère , et ces biens lui seraient arrivés frap
pés et régis par le statut d’A u v e rg n e . auquel 011 suppose toujours
q u ’elle ne pouvait pas d é r o g e r , contrairement à ce qui a été dit
ci-dessus sur les deux prpniières questions.
Il serait bieu singulier que des biens qu’on dit av o ir été assurés
à M m e de L o n g u e u i l , pat' une disposition puisée dans le code c i
v i l , cl recueillis par elle sous l’eoipire de ce môme c o d e , fussent
cependant régis p ar la .^Coutume d?A u v c r g n e ; en o u t r e , si Mme
de S alvcrt avait acheté, ou acquis à tout autre titre, en 1 8 2 4 pat’
exem ple , un immeuble situé dans le département du Puy-de-Dôm e,
c l que Mme de L ongueuil eut trouvé cet immeuble dans la succes
sion de sa m è r e , o uverte en 1 8 2 5 , il serait encore plus singulier
q u ’il fût également régi par la Coutume d’A uvergn e.
C ’est cependant à cette conséquence bizArre qu’on serait conduit,
si on adoptait le système mis en avant p a r M me de L o n g u c i l , p u is
que l’institution d ’ h é iitie r, faite sous le code c i v i l , d e v a it, suivant
l ’article 1 0 8 ? , lui assurer tops les biens que ?a mère laisserait à son
décc^.
Mqis pour porter des esprits justes cl sérieux à rejeter un système
de d éfen se, il ne suilit pas toujours d’en signaler la singularité et les
conséquences b izarre s, il faut le combattre avec d ’autres armes et
em p lo yer contre lui la force du raisonnement positif.
On a invoqué po u r Mme de L o n g u e il, un passage du C o m m e n
t a i r e ‘de la Continue d’ A u yergn e t. 2. p. 2 G 5 , dans lequel C habrol
décide que les biens dépendants d’ une institution d 'h é ritie r, portée
au contrat de m ariage de la fem m e, lui sont dotaux (toujours si le
�contrat ne le r cg le pas d ifférem m ent); il en donne pour motif, que
l'institution venant à s’o n v r ir , elle a un effet rétroactif au temps du
contrat de m aria g e , parce que la succession de l’instituant est dèslors assurée à la f e m m e , quo ique le plus ou le moins de ce qui
com po se cette succession, n’ait rien de certain et de fixe. Il invoque
à l’appui un arrêt rendu en faveur des nommés B a r g e , de T liie r s , et
il termine en disant : C e la ne ju it plus de doute depuis l'a rrêt
des B a rg e .
Il n’est pas nécesssaire de discuter et réfuter cette opinion du
commentateur, car il ne faut qu’ un instant de réflexion p o u r se con
vaincre que Mme de L o n g u e il ne peut pas en invoquer l’appui.
L e jurisconsulte qui commente une législation , raisonne toujours
dans la pensée que la loi existante continuera d ’e x is te r ; la loi ellemême est toujours écrite sous l’ em pire de cette idée qu’elle ne sera
jamais abrogée. E t s’il est v rai que la mobilité des événements et les
changements survenus dans les mœurs des nations , soumettent la
législation à de fréquentes v ariatio n s, il n’est pas moins certain que
ces variations ne sont pas prévues au moment où la loi est portée ,
et qu’au con traire, l’ idée dominante est que la loi durera toujours.
On com pren d d ’ailleurs très-bien q u ’ un commentaire n’est p o s
sible que sous l’em pire de cette idée. Quand le commentateur parle,
p a r e x e m p le , d’une institution d’héritier, quand il examine les effets
que celte disposition doit produire à une époque future et incertaine,
telle que celle du décès de l’instituant, quand il en fixe les c on sé
quences p ar une sorte de rétroactivité qui se reporte du jo ur du
décès de l’instituant au jo ur du c o n tra t, il raisonne forcément dans
celte pensée que la législation existante au jour de l’institution ,
existera encore au jour de l’ouverture,
Ainsi , quand le commentateur de la Coutume d’A u vergn e a dit,
dans le passage invoqué , que les biens d’A u vergn e recueillis par la
femme en vertu d’une institution con tractuelle, étaient régis par le
statut r é e l , quand i{ a ap puyé cetlo opinion sur la jurisprudence
des cours do justice , c ’est com m e si le commentateur cl les cours
�-
25 _
Ç tà t
de justice avaient dit que quand une institution'sérail faite sous,
l'empire de la Coutume d 'A u v erg n e et qu’elle s’ouvrirait sous l'em
pire de la Coutume d’A u v e r g n e , les biens d 'A u v e r g n e , recueillis
par la femme en vertu de celle institution , seraient régis par le
S ta tu t.
T o u s ont raisonné cl dû raisonner sous l'influence de celte idée,
que le statut existant au jour du c o n tr a t, existerait encore au jour
du décès de l'instituant. L ’abrogation n'était pas p ré v u e et ne p o u
vait pas l'être , e t, si elle l'eut été , il aurait fallu s’abstenir de toutes
inductions, puisqu’on n’aurait pas pu savo ir quelles seraient !c>
dispositions et les effets d’une loi nouvelle qui viendrait rem placer
l'ancienne.
....
L a jurisprudence nouvelle fournit un exem ple très-remarquable
de l’application de ces principes : Une fem m e, mariée avant le Code
civil , avait recueilli dans la succession de scs père et m ère , des
biens situés en N o rm and ie; la m ère était décédée sous l'empire de
la C o u tu m e, mais le père n'était décédé qu’après la promulgation
du C ode civil ; il s’agissait de savoir si les biens étaient dotaux.
L a C ou r royale d’Amiens et la C o u r de cassation , successivement
saisies de l’affaire , ont décidé : « que la jurisprudence normande
» garantissait bien à la femme l’inaliénabilité des biens qui lui sc-
» raient échus sous son empire , mais elle ne lui garantissait pas
» l'inaliénabilité des biens qui lui ¿choieraient sous l’empire d’une
» loi qui abrogéiait un jour la Coutume de Normandie : ce qui a
» été fait par le C od e civ 1;
» Q ue les principes ne permettent pas de confondre des droits
» ii révocablcm ement a c q u is , avec des circonstances qui ne cons
ul tituent que des expectatives. »
E n con séquen ce, les biens provenant de la mère ont été déclarés
d o ta u x , cl ceux provenant du père ont été déclarés aliénables.
L 'a r r ê t de la C o u r de cassation est du 29 avril 18 5 4 ; H est rap
porte par Dalloz , 54 , 1 , 25 1.
Il est vrai que les détails donnés par le Recueil d'A rrêls ne font
pas connaître si, dans l'espèce, la femme avail été instituée héritière
4
�.
— 20 —-
«
par scs père et m è r e , dans son contrai de m aria ge; il est cependant
probable qu’ il y avait eu institution, car autrement ces expressions
em ployées p a rla C o u r , qu’il ne faut pas confondre des droils acquis
av e c une simple exp ectative, n’auraient pas d’application à l'affaire.
Mais il esi évident que, soit qu’ il y ait une institution d’h éritie r,
soit qu’il n’y en ait p a s, les principes sont les m ê m e s ; car pour
faire pro d uire à l’institution les cfi’els que madame de Longueuil
voudrait lui attribuer, 011 est forcé de dire qu’elle rélroagit de l’époque du décès de l’ instituant à l’époque du contrat de m ariage. O r ,
il est bien certain qu’une disposition écrite dans un contrat, 11e peut
jamais agir ou r é lr o a g ir , ou enfin produire aucun effet, qu’avec le
secours et l’appui de la loi qui régit Ses effets actifs ou rétroactifs
cessent donc forcément quand ta loi n’existe plus. P o u r ag ir ou pour
ré lro agir , il faut exister.
A in s i, même dans le cas où l’institution faite au profil de madame
de Longueuil dans son contrat de m a r ia g e , aurait été écrite avant
le C o d e , la circonstance que l’ institution ne se serait o u v e r t e , par
le décès de l'instituante , qu’en 1 8 2 5 , suffirait p o u r que les biens
recueillis par l’instituée en vertu de celte disposition , ne fussent pas
régis par le statut réel d’A u v e r g n e , parce qu’en 1 8 2 5 , ce statut
n’ existait plus , et il aurait fallu qu’il eût encore force de loi pour
faire produire à l’instiiulion l'effet rétroactif qu’ une c la u se , écrite
dans les dispositions de l'homme , ne peut jamais av o ir que par le
concours cl avec l'appui de la loi.
E t qu’on ne dise pas qu’il y ait rien là de contraire ni à la juris
prudence ancienne, ni aux dispositions de la Coutume d ’ A u v ergn e,
ni à l’opinion de son com m entateur; car il 11e faul pas oublier cette
vérité qui a été ci-dessus d ém o n trée, que la jurisprudence et la
Coutume et le com m entateur, quand ils ont parlé de l’effet rétroactif
de l’institution contractuelle, ont toujours raisonné pour le cas d'une
institution faite sous l'empire de la Coutume et ouverte sous l’e m
pire de la Coutume ; ils n’ont pas pu p r é v o ir le changement de légis-
�.
?u£ H û f
lation qui surviendrait avant l'ouverture de l’instiiulion p a r le
décès de l'instituant, et par conséquent ni leur autorité ni leurs
raisons ne s’appliquent à une institution ouverte en 1 8 2 5 .
Mais on a v u , par le rapprochem ent des dates, q u e , dans l'es
p è c e , non seulement l’institution s’est ouverte sous l’em pire du C od e
c iv il, mais encore elle a été faite et écrite après la promulgation du
titre du C ode qui régit ce genre de dispositions; en sorte que pour
ne rien laisser à dire sur la question qui nous occupe , il reste à
exam iner une dernière branche de la question p rin cip a le, qui con
siste à rechercher quels peuvent être les effets d’une institution
contractuelle faite au mois d ’octobre i 8o 3 , et ouverte en 1 8 2 5 ;
institution qu’on voudrait en définitive faire considérer comme
placée à une époque transitoire telle, qu’au moment du contrat, la
Coutume d’A u v e r g e , abrogée il est vrai dans ses dispositions r é g le
mentaires applicables aux institutions d’héritiers , aurait cependant
existé encore com m e statut réel.
P o u r éclaircir complètement ces dernières difficultés, il suffit de
traiter avec quelque soin cette question : Quelle est la loi qui régit
l’institution contractuelle? Est-ce la loi existante à l’époque du con
trat de rnariageou celle qui e x i s i e à l’époque du décès de l’instituant?
L a loi romaine ( lo i 49 ¡»u digeste de liœ redibus in stitu endis )
disait : ju s luvredis èo vel m axim e tempore inspicicndum e s t ,
qub acquirit Jiœ redilalem .
C ’était donc au jour de l’ouverture de l’hérédité , qu’il fallait
principalem ent se reporter pour fixer les droits de l’héritier.
E n F r a n c e , sous l'ordonnance de 1 7 5 1 , qui formait le droit c o m
mun sur la matière qu’elle traitait, le commentateur de cette ordo n
nance , F u r g o le , disait sur l’article 1 7 : « L a donation de biens à
« v e n i r , était incertaine et imparfaite et ne pouvait av o ir d'effets ,
« ni pour sa disposition, ni pour son exécution, qu’après la mort du
« donateur. »
C e jurisconsulte allait donc plus loin que la loi ro m a in e ; il ne se
(.•ontentait pas de dire que le droit de l’héritier se réglait principale-
�■ 7 ,0 9
~ 28 “
ment à l'époque de l’o uvcrlu re île l'hérédité ; et en appliquant sp é
cialement les principes gén éraux du droit à une donation de biens
à v e n ir , telle qu’ une institution d ’h éritie r, il enseignait qu’ une telle
disposition ne produisait aucun effet q u ’après la mort du donateur.
Mais la jurisprudence nouvelle a fait re v iv re la distinction dont 011
aperçoit le germ e dans ces expressions de la loi romaine velm axim e,
inspiciendum est.
• La C o u r de cassation dans un arrêt du 23 avril i 83q , rapporté
par Dnlloz, vol. 3 g
1. 2 0 / j, a dit en termes généraux : ceso n t les
lois en vigueur à l’époque de l'institution contractuelle et notam
m ent celles en vigueur à l’époque de la succession , qui règlent les
droits de l’héritier institué.
E t effectivem ent, c ’est là que se trouve la vérité sur cette q u e s
tion , qui 11e présente de difficultés que quand on ne vent pas s’en
tendre ; l'institution d ’hcrilier n’est régie e x c lu siv e m e n t, ni par l;i
loi du contrat, ni par celle de l’o u v e r t u r e ; elle est régie par les
deux législations, selon qu’on l’envisage dans tel ou tel de ses effets.
E lle est régie com m e l’a dit la C o u r de cassation, par la loi en v i
gu eur à l’époque du contrat, et notamment par colle en vigueur à
l’époque du décès de l’instituant. C ’est cette dernière qui domine
parce qu’elle règle les effets principaux. E xpliquo n s cette distinc
tion , elle se déduit des principes les plus élémentaires.
Q uand 011 examine si une institution d’héritier est une disposition
p e r m is e , p ar quel ac te , en quelle forme elle peut être faite, la
disposition , sous tous ces rapp orts, est régie par la loi existante à
l'époque du contrat. S i , par e xem p le , une institution d’héritier
avait été faite soits la loi de nivôse an 2 , qui la pro hib ait, elle
serait nulle , quoiqu’elle se fût ouverte sous l’empire du C od e qui
la permet. C ’est alors la loi du contrat qui la régit.
Si une institution d’héritier était faite aujourd’hui par un acte
autre qu’un contrat de mariage , 01.1 par un acte qui 11c serait pas fait
en YUC de m ariage , elle serait nulle quand même il interviendrait,
�avant son o u v e rt u r e , une loi nouvelle qui la permettrait clans celle
fo rm e, parce q u e , sous ce rapport encore , c ’est la loi du contrat
qui la régit.
INI;iis pour tout ce qui con cern e la transmission dos biens , p o u r
lont ce qui se rntlaclic au droit de p ro p riété, po u r tous les effets
réels , tels que le droit de disposer des bieus, de les vendre , de les
éc h an ger, de les h y p o th é q u e r, de les g r e v e r de servitudes de toute
nature et de tous autres droits réels , l'institution est régie par la loi
existante au jour du d('cès de l'instituant, parce que c’ est à ce m o
ment seulement que les droits rcels passent entre les mains de l’inslit u é , et que jusqu’ ici ils sont restés entre les mains de l’instituant
d e la manière la plus absolue.
L ’art. i o 85 du C od e civil ne laisse aucun doute sur ce dernier
point; la disposition connue sous le nom d ’inslilutiou contractuelle
est irrévocable , dit cet a r tic le , en ce sens seulem ent que le dona
teur ne pourra plus disposer à titre gratuit des objets compris dans
la donation , si ce n’est pour sommes modiques , à titre de ré c o m
pense ou autrement.
Ainsi , sauf cette restriction au droit de disposer librement de sa
fortune, restriction qui ressort de la nature même de la disposition,
1 instituant conserve , après l'institution , le droit entier de propriété
s u r to u t ce qu’ il possède. Aucune p o r tio n , aucun démembrement
de ce droit de p ro p rié té , ne passe alors à l'institué; il ne peut dis
p o ser de r ie n , il ne peut e x e r c e r sur la fortune de 1 instituant aucun
droit r é e l , aucun droit actuel ; et comme il est de principe général
et fondam ental, dans n o t r e législation , que les pioprictés ne p e u
vent pas être incertaines , tous ces droits réels que l'institution ne
transmet pas à l’institué, restent à l'instituant jusqu’au jour de son
décès. 11 conserve en un mot le droit d’ user cl d’a b u se r , qui ca
ractérise le droit de propriété ; il peut dénaturer toute sa fortune
im m o b ilière , la transporter d’un lieu à un autre par des ventes et
des échanges ; il peut enfin réduire à rien les effets de l’institution ,
par une mauvaise administration, ou même p a r de fo lle s dissipa-
�20V
- 3° lio n s, si telle est sa volonté ou son c a p ric e ; et il est même rem a r
quable que la restriction au droit absolu de diposcr, qui est la suite
de l'institution, n’établit pas un démembrement de la propriété dont
l'institue puisse actuellement se prévaloir ; clic ne confère pas ;i l'ins
titué le droit de disposer lui-mème des biens à titre gratuit ; c’est
un mode de disposer qui n’appartient momentanément à personne.
J/instituant en est p r i v é , mais l’institué n’en jouit pas e n c o r e , il ne
peut en user qu’au décès de l’instituant, et d’ailleurs, avant cette
époque , il ignore absolument sur quels biens scs droits s’ouvriront
un jour.
Il
n’y a aujourd’hui parmi les jurisconsultes et dans la jurispru
dence qu’une seule opinion sur tous ces principes.
T o u l l i e r , tome 5 , n®5 85o à 858 , s ’exprim e ainsi : « L e caractère
» particulier de la donation permise par l’article 10 8 2 du C od e
» c i v i l , est de ne s ’étendre qu’aux biens que le donateur laissera à
» son d é cè s __ Celle disposition n’assure au donateur aucun droit
actuel , mais seulement l’espérance de succéd er aux biens que
» laissera le d o n ateu r; c’est le don de sa succession en tout ou en
» partie , et c’est pour cela que les dispositions de cette nature
» étaient appelées institutions contractuelles— E n ti 11 m o t, celle
» donation ne dessaisit pas le donateur comme les donations entre
» vils. .. E lle peut être rendue sans cil et par les aliénations que le
■» donateur est libre de faire ou par les dettes qu’ il peut contracter.
» Elle forme un genre mixte qui participe de la donation à cause de
» mort et de la donation entre v ifs ... Com m e dans les donations à
* cause de m o r t , le donataire n’est saisi de la propriété qu’au décès
* du donateur ; avant ce temps, il n’a point de droit formé , il n'a
»
»
»
»
qu'une espérance qui n’est pas transmissible à ses héritiers—
N ’a y a n t , pendant la vie du donateur, qu’une simple espérance du
succéder aux biens compris dans la d o n atio n , il ne peut pas plus
les hypothéquer ou autrement en d isposer, qu’ un habile à succé-
» der 11c peu t, pendant la vie de sou p a re n t, hypothéquer ou
�—
3i
—
-
* • QÇjZ*
» aliéner les biens de la succession future qu’ il a l’ espérance de ' * /
» recueillir un jour. »
L ’auteur de la Ju risp ru d en ce générale du ro ya u m e , M. Dalloz,
t. G, p. 2 0 6 , résume les mêmes principes en ces termes : « L ’ insti» tulion contractuelle n’assure an donataire aucun droit a c tu e l, mais
» seulement l’ espérance de la succession de l’instituant. »
C es principes ont été sanctionnés par plusieurs arrêts des Cours
royales et de la C ou r de cassation.
L e i 5 d écem bre 1 8 5 7 , la C o u r ro yale de Pau , appréciant les
clauses d ’uu contrat de mariage passé sous l’em pire du C od e civil ,
a décidé qu’ un contrat de mariage doit cire réputé contenir une
donation entre vifs régie par la loi du contrat, et non une institution
héréditaire régie par la loi du décès , lorsque l’ensemble du contrat
emporte l’ idée d’ un délaissement actuel ( Dalloz , 4 0 , 2 , 8 ).
Dans le système de cet arrê t, l'institution contractuelle , en d’auires termes , la donation des biens que le donateur laissera à son
d é c è s , n’ opère donc pas le dessaisissement actuel du d o n a te u r, et
l’ institué n’est saisi d ’aucun droit réel actuel, que lo rsq u ’on découvre
dans le contrat les caractères d ’ une donation entre vils plutôt que
d ’ une institution contractuelle.
Un arrêt de la C o u r de cassation , du 19 décem bre 1 8 4 3 (D alloz,
44 , 1 , Go ) , a statué dans le même sens. L ’ espcce de cet arrêt n’a
pas d ’analogie avec celle qui nous o c c u p e ; mais son autorité n’en
est que plus imposante , com m e consacrant les mêmes principes
av ec d ’autres conséquences. Une donation de biens présents el à
venir avait été faite sous l’empire de l’ordonnance de 1 7 5 1 ; l’ institué
était morl avant l'instituant, il avait laissé des enfants. L a question
à résoudre était de savoir si les enfants recueilleraient le bénéfice de
l’ inslitulion com m e héritiers de leur p è r e , ou si au con traire, ils
recueilleraient de leur c h ef, ju re p rop no.
E v id e m m e n t , cette question était soumise aux mêmes règles que
celle qui nou? occupe.
I
*
�Si l'institution avait saisi l’institue d’un droit réel et actuel sur les
biens com pris dans la disposition , ses enfants devaient les recueillir
com m e héritiers de leur père. Si au con traire, l’ insiituiion n’avait
saisi l'institué d’aucun droit réel et actuel , les enfants n’en r e c u e il
laient le bénéfice qu’en vertu de la règle g é n é r a le , qui veut qu’ une
telle disposition soit toujours présum ée faite au profit des enfants et
descendants du donataire, en cas de prédécès de c e lu i-c i, cl alors
ils venaient à la succession de l’instituant de leur chef, ju re ¡noprio.
L a question ainsi p o sé e , la G o u r d e cassation l’a résolue dans ce
dernier s e n s , en décidant q u e , sous l’empire de l'ordonnance de
j 7 5 i , com m e sous l’em pire du C od e c iv i l, la donation contrac
tuelle de biens présents cl à venir ne saisit pas actuellement le d ona
taire , et en cas de p réd écès de celui-ci , scs cnf.mts la recueillent
ju re proprio, dans la succession de l'instituant et non dans celle do
leur père.
L e s développements qui précèdent doivent suffire p o u r q u ’il no
resta plus aucun doute sur la question de d roit, cl l’application de
ces principes à l’ affaire n’ exig e plus qu’ un moment d'attention.
Plaçons la cause de ¡Mme de L on gu eil dans la situation la plus ÎÎit
vorahlc pour e l l e ; nous sommes au 10 octobre i 8 o 5 , le litre du
("ode civil sur les donations et notamment le chapitre 8 , de ce litre,
sur les donnations faites p a r contrat de mariage aux époux et aux
enfants à naître du m a r ia g e , est pro m u lgu é. Les articles 10 8 2 et
i o 83 du C o d e , relatifs aux donations des biens que le donateur
laissera à son d é cès, oui force de lo i; ils autorisent, valident et
régissent, après une époque transitoire deprohibition , les donations
de cette nature qui seront faites à l’aven ir.
Madam e de Longueil se m a r ie ; sa m ère stipule dans son contrat
de m ariage, cl profitant de la faculté que lui donnent les articles
J0 8 2 et 1 0 8 5 du nouveau C o d e , elle l'insiilue héritière de lous les
biens qui composent sa succession. C elle disposition est valable,
�clic csi permise dans celle forme ; elle csl régie p a r la loi du contrat
qui est le code civil.
Mais, p o u r parler le langage des auteurs et des cours de justice,
elle n’opère aucun désaisissement de la mère instituante en faveur
de la fille instituée; elle ne transmet à l’instituée aucun droit réel,
aucun droit actuel sur la fortune de sa mère. Celle-ci reste au c o n
traire saisie de tous les droits de p ro p riété; elle reste saisie du droit
d’ user et d ’ab u s e r; elle reste saisie, à l’égard de scs immeubles , de
tous les droits réels, dans le sens le plus ab so lu , sans aucun partage,
sans aucun démembrement en faveur de sa fille.
P e u importe alors et en présence de celte v é r ité , désormais in
contestable, qu’on puisse prétendre à tort ou à raison que le statut
réel d’A uvergn e n’était pas ab rogé. C a r , en lui supposant toute son
existence et toute sa f o r c e , il ne pouvait agir que sur les biens s i
tués en A u v e r g n e , sur lesquels la future épouse aurait eu un droit
réel alors acquis , et si elle n’en avait aucun sur les biens de sa mère
qui l’instituait héritière en vertu des dispositions du C o d e , si les
droits réels de propriété sur ces biens restaient aux mains de l’ins
tituante le statut d’ A u v ergn e ne pouvait pas aller les y atteindre.
L e décès de l’instituante arrive ensuite en 1 8 2 5 ; alors, et alors
seulement, le droit de propriété s’o uvre pour l’ instituée sur tout ce
qui compose la succession de sa mère. Alors seulement , ce qui
n’ avait été jusque-là qu’une espérance , devient une réalité., mais à
cette é p o q u e , il ne pouvait plus être question du statut d’ A u v ergn e.
C ’est donc avec raison que le tribunal de Gannat a dit, dans les
motifs de scs jugements , que les dates com parées du contrat de
m ariage de madame de Lon gu ouil et du décès de sa m è r e , et ce
fait recon n u , que les biens par elle abandonnés à ses c ré a n c ie rs ,
proviennent de la succession de c e l l e - c i , plaçaient la cause sous
l’empire d'un autre o rdre d ’ idées cl de p rin cip es, à tel point qu’ il
serait inutile d o se faire une opinion sur les deux prem ières questions
examinées dans les jugements cl traitées dans ce m ém oire.
3
�— 34 —
Cttu
•wa
L e s créanciers intimés n'entendent renoncer à aucun de leurs
m o y e n s ; ils ont établi, en termes généraux de droit coutumicr, que
la femme qui avait des biens en A u v e rg n e , et qui pouvait en se
mariant rendre ces biens aliénables en se les constituant comme
paraphernaux , peut à plus forte raison les rendre aliénables en se
lis constituant comme propres de la communauté.
Ils ont dém ontré, par l’ interprétation et le rapprochement des
d lveises clauses de son contrat de m aria g e, que madame de L o n
gueuil a usé librement de celte faculté, et qu'elle a voulu d o n
ner à tous ses biens le caractère de propres de c om m u n au té,
en quelque lieu qu’ils fussent situés, en A uvergn e comme ailleurs.
Mais ils s’emparent de ce fait constant et a v o u é , que les imm eu
bles abandonnés par madame de L ongueuil à ses c ré a n c ie rs, dans
les deux actes des 16 août et 1 1 novem bre 18 4 * , lui sont provenus
de la succession de sa m c r c , qui l’avait instituée héritière par son
contrat de mariage du 10 octobre i 8o 5 , et ils en concluent qu’on
n’a plus à s'o c c u p er de la Coutume d’ A u v e r g n e , ni d ’aucune autre
partie de l’ancien droit coutumicr , parce que toute la cause est régie
par le Code civil.
S i madame de L o n g u e u i l , persistant dans le système qu’elle a
cherché à faire p r é v a lo i r , veut soutenir que l’institution contrac
tuelle est régie par la loi du con trat, et non par la loi du d è c è s , après
avoir discuté la question avec e l l e , les créanciers lui répondront
qu'après tout, dans l'affaire qui nous o c c u p e , la loi du contrai, c'est
le Code civil tel qu’il était en i 8o 3 ; la loi du d é c è s , c'esl le Code
civil tel qu'il était en 1 8 2 5 .
Nous retrouvons le C od e civil partout, et la Coutume d ’A uvergn e
nulle part.
Si
elle insiste sur sa dernière distinction, qui consisterait à sou
tenir que le C od e civil incomplet, tel qu’il était au 10 octobre i 8o 5,
pouvait bien régir l'institution faite au contrat de mariage de ce
�jo u r, sous le rapport de sa validité et de sa forme , mais qu’il ne la
régissait pas dans les effets réels , les créanciers répondront que les
effets réels , consistant dans la transmission du droit de propriété
des mains de l’instituante en celles de l'instituée, ne sont pas à en
visager au 10 octobre 1 8o 3 , qu’ils ne se sont produits qu’en 1 8 2 5 ,
par le décès de l'instituante, et qu’alors le C od e civil était complet
depuis long-temps.
Alors la discussion sera épuisée , et les créanciers demanderont
avec confiance à la cour r o yale la confirmation des deux jugements
du 1 9 juin 1 8 4 6 .
M* J . R O L L A T ,
A vocat à G annat ,
rédacteur du Mémoire.
«
M* F . G R E L L E T , Avocat plaidant.
M*
S ylvain
M A R I E , L icen cié-A vo u é.
Riom. — Im prim erie de A. Jo u v et, L ibraire et Lith. près le Palais.
�CjJjß (W A U
o i S t A W C A M t t í T , . - á t c/otACJ'tAjCn% .
—
t
" Ä 'I O U . '
V— V
.
^ ^
_
^
•
* J^ C *^ *0 ü t*o á
(/< J o u a
O
LAi ^
h
j a
^
Í
¡CíyUm
^>fci> f Ov% V ««A < m r
*»A U . <1^ 0 %(X^UjVa
/ O» CX>U M (a>A<AIu^ / A * ^
*-4— 4-"—
A
i
**ö
V • (>
U - Oa ^ C uua momü T
^
^
^ “ j c r
ík ü w A ^ *
Ju ü »
' W
fe *
’ÄAUOuuüf- /«.
<? —
P<A ^«â.
/•
O
k.
^ U il| u lju t ( t
M . ÍÚ jtw « k « J( •
/
<x
l «. A y u i^ » u *^ w *x >
-*'•*'
<J> fá.‘ ■/i
(T U ÿ ^ U i< ^ U w itc M A ô â r '« u > * M '
1/
cljS u.
a l ^*' ^ l,,* * ï'
*/fr
jf
"*
« A )U \r« > J Ü h « M M
«yO U ^ M lr ^<JUxt<AMZEdt- «A»' Cj cU ícuaJIm
*~~
-
, 1 1 ^ , -------- _
> “ ‘>
¿IMAJL O U U M Ü A U
‘< ^ IÚ Ü b (i!(\< Á iA
•“ 'A t * '- " * 0
-V
Í M » o íti.f c » » » a .
fl“ -
0 lJU ¿0 |Ú Ú I¡M /) joÍ* * M ^ í)? U-
V <~G w f ‘ /o *~
/ n r f( a Ji¿ U * já ,*
(A \ O
l
|UM UlUJUUr
I
^3
í^ a ^ T
l)*v U lu J v tC lib
I
^ /o *a
*%
/• ®)t***
/ m M fj^ ú o JC Ú ü u b 'i f c w n * » A « t t
^
XÍJ^W»**lÍ
».
.O-
^
/r¿uX¿*aXU>U. fro +iImJ&l* ^«. AUUWfa.^^y ^
t y<A>' ¿ j* < a > v a l ü f M A
A <aaoa*Ȓkcja>
6U
^k
______
'í
,»
, 1^
^
V.
m »ijlaí U l t>jp
«a **>
1 I #m aIV íJMtlJLA#
- V .
,
^
.
' C O tJtv ü U **'> U . f t c ^ i l o W ¿ Í L >
/ A
i
U La<>~~¿
W
.
/<A V ouA vju^
/
/•««. c /u u u k u iA b
V
CX~A----- . ^ C ^ ^
c ^ T c ^ u à .« ^
CK
^ r r f F
,« ~ r
/ « r r ^
* ¿ tS Jt Á u J / L
.
—
cuwjCfwT v , « ~ * ~ r ï ô /
^
/ ( I V úmI l
•
^
„
i
i # , ’ “*
UAAM. «M r V O A * w '.
*
^
A i *.-
»I
"*-* >ui' j)
h í
C~
w<Cu.>V
�^
Ifa m .
j
£A ,M ^ td t^ to vu ú
« .« M » > M » < u u t
u i /(V
»
C JJu F ü tr ^ ‘ UAU**tKfO
/O Uí<oX-n riSOÍI
á « i(o u ^ u < 4 ;
»
'
U lu J ItA M k t
^
/
.
f t o t a J ü O W MO»
* / “ *
»
H ^
y /,
«»
v «i*n<i<Aa-
—• t A Í O W " -
^
* » .
>
sV *
tÚ S/~*~ ~
,4
^ ,
/*•*£ ]'■ T >¿¿*
fi>~. (s¿¿XÍ¿y*. . a ¿ * * A - ^ u a .íu*Aaí*:i/tX?,^lT
cU mA »Ja *. U,*A&
¿
.
/
1 ,
*«A *
J¿
U A A M JU W U
a í o ^ t^ u ffc ¿ c ,
r /tUAL
m.
.
, / b M < |u A \ .
1
ft o ir «
^
caI ou» « « ^ ^
^*>^V
/ ? ¿A í/ b u r c X o u S k c - » * ^ ^ " ^ « * ^ ^ 0
__ I
x I
'
A f .. . f«.« - CUMV <AA*JoW föAUl44
OA>lk»oAAC4\ru>ir
CL.
»f-tUÄ
cAr
«
r*«y
a liA * fc U » / ^
•
V
o. _
.
' ^
,»
JU
¿
* r ^ “
-il / ~ ~
c o j, c
I
^ a lu f u
x.
ç ^ » <
/í^ llí? J
^ S *a*a
a a ^ ~ ^ / * A 4
~ L r X u .- y ~ *
Vcaa^W
/V _ / i
“ T
aJ
V /;l u
^
:/
y
^ í« » ¿ ^ u » > r | ^ ‘,^‘ r
ïU * £
^__
__ _
.........—
»
í
f
Ct f í * « - <VO <*<iu»
\
1«^\.7T > . ^ L j l
/ o «uoxW
,
íy ,u » v u » to u u *
L ¿ - “W
MMü^<A*0>
— «ÄS U
I
p r,''~ “ T Xí ' l ^ \
***.««» « o A ~ T ^ :
¿ ? . OU¿.
*
^
^ \ * jf c Í K £ ~ ~ o
6»« o u o M .y 'á » c
u#-
, á. fá
to
fo . v « ~ « ^
J
^
I' '
à*
/«W o*.
r t o a < - Ä - - ^
& ¿ *
¿ b u ilá á r «4* ^m Tcim
/-O *« ^ “
.t .
.
,
,.
h ( r â !r ^ y i
» « * •“ ! - ‘« S
— .~ < u ,
�macuco í%U<t
<
^
^
g
^
^*“
r
»
a *4íí¿ w i^ Y 'fc*-' / in a /XaXu
<**S f f €**«**,.
7
i/ »
«M «wt^ '^ÉUAtAOuuv«^-
/ouí'fc*» yyUwXA*u»*jUL
^
-eyou j»*«. A a ^ u L u * u r
) « ^t<^u<r < u ít~ «UjkjtlÄ^Ä».«j»**.,^A. /4» V u » t
^ ‘ K**r_**ÍM Y u u c
Û«»*: / c ’¿ í t u M i J
y o - 'k o w t J l o
1 » ^ *A^a «i» mm- O iwy ^ t^ ^ U M 4 *Vl
y ^ * v Jl
au w
^ »w ^ X iM U O Ä M ir-^
^ u n » ^ « y iin t x , c u /iriM n T àu u . “ K^ fc/ W
^ u « l ' a v o u e . a > w i( u ^ r
U>
C~V f'f» < *.«X c> tZ «
~fïM*+ U h u Íu au > « a>
^ u !l k y U ^ cA « u Á ¿Jt~ « j« * » tA M X ^ < .
Otp»14Jk. CUM /lÜJltJtAlli« r 2 t r<UU(»U
juLÂT CtAt *^W‘J ,»»t»»i
¿A . C ijouA M dL
t **’“ ^
Í*. A«0|^iv~ m u > ^
u ju c u ^ K tu .
Mw. (A
^C U M M . ^ « .
r^ c u u ,^
^
/?
f
< j p t Í 1* -v “ *^*- * ^ * * r
a°-
t A . ' f a j u u ù r y 'a « y * j o » -
—
-
^ o « « t*
OUUL*jt O U U \
------
/L v ^ iu ja
y iA C u J C r
■u r
^ i^ b
ChAjc»«A4-
t*XOJ*jMW»
i »
w
J a
'*■— ïu»
«Life-
rc>
/<• V«*Æi.
A°
I# “ Jo u Ï m â J
M<i«J|uiJU LO|6lÜ
«
y
ftlA(Mk*44
ttuUA.i|CJU. f i i r y
C ^ fU ^ A iJ U
T A uar A cat
/t^SftMA.Í57 « M « M « c JU ' < í Í t ilW l< * Jv j
M
A*
( **-/* * O^CiViA,cuuurC^ Or- ^ V liL n iu ‘
om ( U
i
&
Q¿>~xr- «A> U .^ < * « ^
O U AyO ^/
C
------vjj
a -iu k
'
/^ < i c w «««yT > «
tMA* Cl*«*<i6>Xiuk<.
«-
'u*~ ' ^ a * « ~ o - t ' f ' t y
¿<i « y, ^» 'a
’ <Uiu /o*Ar_
W ~«~«~U -ÿ.—
U iCUvlJUaX"
^ ^ jL x « ~ jt ú .
~V
^ c / i ” 1' **i a * ' • ^ '
'
RÍ
fttA ô
¿ Éru/Lutiut. A W '
’»
'
'X cA w .«uW* * 7 >i«. i t 4A ~ *rt*/ * * ^ A o ^ v i a E c .
"
�5Ufc
<AA^ H <jf*AA A* ItCMAM.
^ O t^ c-v û ti CS <t¡L~ (UkWUl/u
A
r* .
J . .
'y .'
^ t- ClU«At> /"AjiixtjL*- ^ iou/co lu o lliu r
—Cj a fic u u tu sii
/^ C A W U « ^ (. ^ Ï M
a»u
. U >û£l
¿ l u f i u X u ^ ie u T 3 S o iU a > W tfr;
^J*44 * </*A CAA ^Y/cX \cM M < «AMA rt~ît^ bU&UAU
tiiLt,
Cjyi*».'~k«n«etJWo r ’ /VLKJLXtJUub flWMAOr ■ÔÎT'kWvÇ"
ÍM*/' a ^ ~ «A< ' i * .
V u !bvL O. ^ u / ( ù iu >
tAAAJ*. ^U U J^lU lXi
tAA.î^âaAT"Va ^ k ^ lla
a / lu À ^ H
_
^fu! a .'^ Jjiû u u Jr ' a « iO ^ ( a u ( u \ o ^ I
J « Cj a rv o iiA tx ^
^ /Ii/Ík Á c
ta ^ u *
/&
SçtoSlJLÂJiftüUL, Jt»%K JO \*-/^ fc, 'tAJUUl. «AACVAA^lkt C JuJ«U «»J
u l < J ¿ « * A c u r '¿
C x .i
r-v
^
/fc V lU t
o J > \JU
l
X
/»
'
C
'
Q f t 't o m y
'
^
.
0 «. c o à t ô t A M m i w v ^ < ¿ o ¿ l0
^
¿IU \C L u tu
t
t* '
^
im .
0 ^*0*
^UtAX—/ (AjukX
CAAXOll, ^ u !
o ! jI m m S<\
/-.. . . ^
j «■***-
^
f c l WO V C
^ a n t » ¿ f ii /-
»■■■ «r Ak U u u n b
< /o « M j« jll
'
le ■/*-
UU^^UAOJWJLl
c i MA
' '
^
/56I
. •
tM Ú u a — t R o
/« T ^ u u A b M ij^ c. b u ^ M N tu n xi
A r? K ... . , ,
A w ttli
^lA iltittkU r
Û U . / Cv
^O M ^IfU JC c-
"^«
t*fc (|tu n ^ à iu (
r~ C*
« A i à u iÎ -
r
' Jr 'tyl**» ■** ^ Bw ’ '
^ U U . V ^t»M _ W l ( m »»»a 1
M fclu Ju JI _
o Ü t^ A A
***-
X
l ia
i *
U iu M Ú u lu iv L u
—
u u u u A t«
CfjUUL- tu. IAA OIU.1A é jl t f lu i t O
jr-
\x
i/-
V
g»
y
i oJlaajt u
— /
y
-
tr
^ « .^ « ^ * * * ^ 0
CA^umaKl ttM /\ o u m u jW i 3^ k*«Jiù .
( U .( |u u i i t ù i i t
^
4
<x i'A X (^ iu i\Jtv ü H
^ tk » r« o i< A ttA A k ^
^O A . ¿ítJtJLr y y 1 CòuuA
A t u la / «
<A*.
tv
£û>uA<cMkÀ](
^ K U l Î k t CAAJvl
^
U |< 0 }t> ^A
tu » J» —
j o u . j^livi
/yUULU\Ö»»JL> //«A äJLuul!
J f J OAAJLAr- tM> /OuJU"
A*
�^
/ “ *-% «AaöJu^ e r
"" ’
c(fAt~ ^ y ^ ^ Ä A ju "in C ú o ja r ^ 'h iM ^
t* '* ,,* * í
«M y»^
/o ïx ^ b * * * ^ J *
tU u ^ m u i^ A i
AO uj. . >
J t s : ^
^AA-*
*—
—cJtî
t iflr
«XAAjNVMt«H
v u u Jû tr
^
U iiu tu J lu
» «»y
V m jJ t
< m -
«««..
^*». V ü u t l
U A u ftn a j
«L f ü l l t e «
^U|>^>u| cu-< aa a i t »
U i* a o a a a x
/ o ï« J tZ i
U M
&% o t t c T ^ i u A i
-,_
* ^ f /"
»*- VUÛ» / v
y i 'u u k
c*.
JÍ—
^ u io v »
f .r v .‘
..i
c|i u
u iiu ü
O M 4. Ífo
A TâCUAAC
ÀA
bt**Jìri^
Aj«_ ÎCK U ju J [ Û * M C
M C u ii~ \(j
fA ïu JC Z iZ
éc*
â ti
«- /* ^ c u a j L i O im ^ I c"
^<U<L ¿L ‘ * ^ |M " « ,
c tà 4 ~
Ç jX i&
¿ 4 n u
(W «XI« ■-“ -
^ u ir / a
^
A ite jr /«* V c ^ li
^ u O
^
ÂdGU. a i L l Ü
CfcAiJLuv4^ a A u i v \
ü
ä ^
Í* t , “ ^ ‘ l> «AAA««AiJ^
CH t« U j.« * » 4 » J \ t
^
c * ~ '^
. ,
(P * * * * * 1
v « « » « « “
U ^ c ---------^
<—
'*
Ia a îm u lI^ v ^ '
,
caiwa^
' /
^U j
/
O a J T iJ L
:ow iiuu¿ 4
fiW
AUUur\av^«H<
^ Ü M A Ä ü ia * J t
-6 u u « ^ c^
C>£,fc*jfc
A . V «Ajfcr >W
f
*
*
Ä
cm
^ —ir-
( M O u u » ia « > » « . ^a -
^
/fc V<A« jtT O k O U ^
¿C om ^
otuA i>úr t iv íú » *
CACuÎT*
4A M A M U C . ^ d t u u
'ttê Jjr /n+* v * " " i
/^ *
' “ vv
f r t J U
¿ T fc
ß ^ K
ü » ^
/o ^ y w U
U* fc* ' ^ y * * a
u i «m «u *.
o«! irv o Jf ;
e*
u,6 *w « » * / K Î ü
A w A v h t / U x J t — Q ylA t A t i u J r # t \ i ^ ( i r y *
tX f.f* \m A
tl)w tu » fc« T
C i|i<<\«y
tfe.‘ Ti—t / y â t A t r i v a n
^W ^C O K C U U ^
u J tx
cm
<#AA*7<*
�^ (H K a u ù i
t»T6'*u~ L ^
~ ùdtZ Â
<
*
•
a j-t|v -lrt x,
f ju iK -y ji du .
JuXA<j[iU>\A
^ ■ Vu« ^
^0*A ÛUlAl
¿»r
a« »
I***, ^
^ cJU lC lJT ' à t (^LaÂ- ^
^om C T T
t l «Afc-UAÎÔÂAk
C ù .» ^
rf\cL~Jp<.t*~ ~ vx/
~^c
M'
O —«■** y o v s 4M.«kAÎL
—
««. u o -
c o M n ^ to b ¿ C u
<^Uut ¿Ü« ftA* * * y 1 ff> / f a t b ü t ^
^ u l
«JU- ^ » m t» ^ O l» «UXUU.
C*<*A~ tTl (jLlUUU « U r ¿ . O lii«. Ú m J ylftlU 4Cl« .'4
J - V/
1 . •
\ á *"
_ , '
^ O uu»» (Ml «»J u m X ;
t«UCü<ty
*
-
W t" tj.^1^44.
U
6k~ IUü T tt.U«ut"
e^ ‘*JL
U| l O
^JV > * » M * M O
^
^Í* ^»4 OWI^UmA <Îm iUAlUACAi^P^IA #*r*
f*^ j
^ ¿ U M
1U
fa. H tJU üu. c * - ù i / c < j» « J L ir ^ « * L\a^i>-
M ^ t liu ^ A t e X r
**■ y
«a.
/í(kíj«A ««*ir«J.
/ 7 \ /> .
y* /di1
¿ U
c A u r-
^UUV tA M oÚ ./
* * — &J»
cJL u »
(1 U«. L v t t r
/ “ / < JL . €K ij¿Jk < A ~ u -jr< > > ¿r
^ / U u it u iu n c r -
j**
/c ¿ i
î^ * .
^
i h ^ ^
/&***_ ;
/ t . AAlAUXU)
i l * *rt^r y *
A o i b . ^ « » Si D (aa&aaj
^
w u e 'h c
/ o « « |u i l
O uVU
eu»,
/ ù. o ^ ^
—(Í* (a
0 % JW U A M ^ Î k ^ c m uaoaX ^
v| mokJC* Caá X Jc*—uaj^2> C
Jtß^L caaacmXT^«.
ZuujC 6u>
/î*>
yiAjcjUAiA*
h
uxouu.
a,.
mttjifcCrO^1^
/ í
c a mcaaK" c u i u â l
/c* Jü»m^»*U4U)
Wi>v tM x ín o
O t i t ^ ô r y OUAAtÜ «AAJkculc—^ u ! à. ^ | é^a£ uu
/^ ¿ (J
-¿U— «AAUaotb
*
---'
-—
»- —
■«V
t o *>*h<u,>V
f ^6^^
-
^
^ A jUmulüt y (AUA»i <y
c»C“ Q lJ>M A uim »<*A
- *
/
- /
fß “ ^
y f ^....^— « L t^ ^ u JC%
? /T1
<aa^m-
/hüjLfc
ÍM
^
'
«
J*
—
^
•
^
A
j/V ~ iL v\V < t***** f
il
fouuac-
C A i u a 'Ä « ^ t y * * .
(<t*j&L
^
/fc A o
<AA^» o - J ñ « Í T
M ^U >U
^
(ivJLWU
e»_ ^ 4 |> < < u i ( U
/n_ ^CfcA M A à
•
�àt </u<*yWV|
**K
__l u
W
(«.
u \( ù f
6 * .. ( M
cow ifc
.( u f .u u u a
/ a . y i i u 4 .t»r
<*.
A 4AAAXUt\
^
O.JÍM,
O U I. C j ( A W u J !
tj^ _
^ 1
(T "
>*»<AAiuir
V ivC h xx a x u t u A 'J !, 11ouXcZ^>>v«»a«-—
tx C M A h cu A O
Cli|U*UJUCUAXJ&
c ^ ü ^ t 'Y
tu
CyuS¿U* o x . t u ^ o u r L « k t * f u iu r ^ l« u u
«L i a ^ i u Æ
i
^
< « « * ^ <3C
cm o
* » ujÚi ¿>
(M>t« ifUUAcuCä . « . « f / t ì X o»*A"'(/i»îX~
^ o « « y h ¿ u n ^ » ----f w i . u » * * A « J a m
tiA r a f iá ^ iu M .
ouA ^o
l '& * T u io y
*»
o»^
CJL K u i t i -/
O^ A
A * -« .y y »
4* a W » * i* >
ÛA*-*^ «V*-—< A *» » « |-rlr-‘ - * í
.
;
O l ~ oJkä. CA*- A*
/b lA Iju a
***"
/« .
/ a . CJUCuUiLLlto
_
^ ^ Jt ¿ A Í S u
^<A
7
^
/,r,m t <N
;
,
tT L f X A ~ ^
« M V fc u J iíu i
X lib U li^ T
TTi-----|ii^~
^ \b b
(jL W W w C jV »
*-*
/ u timbeo ^
(|u ! OULurti
¿ a b ¿ ¿ ib (Jlú tu A i
4 tM
u!
a iu i/ t o jilu i
%
culazo 6úU¿um < 1^
X E
/ C uu. b M b ár
^
) .
rr^
ÿ
A
^
Ú|UA-
- ~
1° * ^ * '
^
A
- V
¿
^ '
f/«X
U
V
Tr x* A
**JtL
**
I
***^ *-
“Í í a
Cu
^|<mtúj> *
(As%___
CA>~*£¿
A
.
7
r f e
.
J
„
V
t
'
fc íu » » fc X
a . / ^ í ú k M . U 1>K\ LlU »A10U /*^Ai)JU U )Ct j f
u^U u^
JltimtjsAjítXj
r V
y -
V “
rt
/ía w v fc ir ^ t»
A a ir t U i. U O r | ^
.
*—
n
~ ^
0./ÎUU.
^
vu
Lo
O
c
T |tO
lA v
A cCjJujt
UUUO
duA A
tXZm *K J •***'*
^
^ u * /
/J L
/ .< » * ,íu
¿o>
/ u .^ K . « .
Æ
í“ '* 1
^ C U u » | 'W i x J « >
^>
<XAW~*
�^ O U jUAA t » o u fc l
<Af*>fc.
<jUk ^ ( ^ U U l u t - tt. (i**!**.
O t i o MMX
C| U O
^
¿A -U > tA M C u X Ú l< U j
cJN
r- ¿ a I^IOum) ^ \mtlt tL é\ .
OiUL^cí<JÜÍ*j)
i«*j
<*t.vf «^
1 » ■*.
^ l i^UUA^
(V
tl<*MA4\»
__„
^ ¿ j J í O X . / * M 4A U JC ~ ^U u tA M U L u JT CÜiAfcUfcUM.
4
_
_
_
_
__
_
_
_
_
_
«_
^
JL v
—
tA’^ ¡ ¿ 1 « , ^ * « » Ä fcT>y« i a s
« A ^ js J O iv I OLA-y»
^U lufU lA .'^llvU luU r ¿Ú a\ fl IX».KUJUt(>*••** r i d T
t/lBfir “ “ K«í
—& /ft cixat^tyi A u . iu o M jIa ( y i i / l i íJL.%. _
jtAX* & » ouujCùfc ^ cu a> cA
^ i m Í u jü
c u u jlt iin u iu a i
A a—
A < u > ^«_ ^ u ie ú u . a
g \ tXJLr
AuTujajt«'
o
O ltb C v i
fiAÁjiXr Ctii^tSUL j o *
C^I|Ü<1
d ^ u cu u u H
Ul
1AAUM.
. ^yu^- tHu t » o
t t ¿ * í^ ,u ^ y > £w «fl/«¿fc '.
01*. tu.
f o « t cmm
(w.
d<AMbuuiUc
^ iü u íjíu
c****Jn*. tila*
U *u. t t i m t f A . . ' ^ m 4u.^fi4 d jL <m- «m A Tc/Iiu íu»Jtñ«»**«AÍ«.
AAi*^í«4A4.
fftrlr*!****- A*. ***■^^- fri €A3%aÁmjl. (í&aÍa.
o « i«.> .t~
til*. ¿
^ jOUaL l ^ ü l - o ^ r
y íT
<JÍÍ*
^
à
(M ^ iu u u ^ t ^uxA u^
^ a u * . 4 t*. rt4Ji* h d L d & X ~ to f*****-
X ts ^ U ^ lS
C * -^ ~
f
% C^j\ajU+
(< ftu *^ « A
a t~ C ^ ¿ Á b ^
,
au^ * ' ,
Ov+IK***^.
^
Of * ^ -
O u u Jjc .
^UULU. ^vLftj^ «A. * í | í c X u m ^ u w m x Í o « l » j Í u .? X i i . . m ^
6 a.
|M
t* - ó } y u ^ < u t4 r
L o t t ^ ° b ^ J ^ I |<
/
«wßv^yu.y*
fc iu X *
<~***» i t o A u i u t e
¿
<
—
L l¿ X X ¿ . J*K COOA^Uï —« / 0
OUV (JL <4 u n
'T
?*t
tüU < N a ^ U » * Jt CÄr- o u Jtt« ujú _
(O
‘T
««Jui-A
jc * » i« u ja . ; (jpUU<
C ifc/ A A a J Í - ^ Á ^ 1 «----* "
U ,^ c w « » » o r 'T k '
L ..M M C
( U ib U i
^
À A».
*A*' (ü.uJ*h^
/tlT .tU
íÉA-
�fAA^
tjuouool*,
/ t C í» -U < ñ c ^ / M ^ tx titK U < **o JT v^
h ~ . * c < ***^ <<M
ao L
a)<W W A )t
¿
^
à t. c ^ o ^ ^ lX
( u À À ü -Ma u a
a i* ^ o íu iu
o u ^ ^ s^ ó t
rt»M» Æ > ^
«u^,
<X*Á*A\
Ctm! Cáax n u ¿ y i
/M, : . A| ........
¿ L u ir-
A
^ IM ^ ^ C U U I
C illa.
___ _
J ¿ tx « il\l> » l
¿*A
M iU r Í l
'
^ ^ L olU íx, ^cxJbr
k Ô U U A C U M JO
á tO
,
/»A í»*^ tO L .vu jn r l^aCAOULXX- fllOJjüUL "ÍÚ 4_ ^ « V I^ O lÍ-^ A .
<*~
y » u ir Y t iC ^ < i, W ^ O Ä fo Ò»*
a ^ w t> *JT*.t^itíjo ^ O uT«M .
/t"i> u i« F Í> 'ft|u jM Ío ^
/et 'ïtow iuu.
¿ fu ifc íp u U
Ml»««»- jItrp^Áx C|\uat
^ « .U u m o
(M M u t k
OI
JüíA.
/ f nJLu w «.t tu w
4 A * eu ú ^ < jr
(M
0|t>^U>VkMar
/« ^ o ' n M A t v J r frcu A x a > v u u v te U n (>
r b 'o lt ft ( jiu u j
¿ l jCibit«:
OiAAJt/' Y
/
KJU^ar
mmm
X*- / fc ío ^
/J K ú tü .
« /i
N
.
/
I . . .t Z Z m m -. L ____ t - ^ a W V . O * * -
■
«4 ^ . ;
/
CM MrtlCJVUiA ^ O U * l . ^
J W¡ y W *k ^
« * *- <Vu^ * -
Juuu- /«K ¿ L ^ u ijí) tJTuJW
/ a lAAV)O <Mk CUUHO*.
A
{*5 f* * * "*
*Ü * 0 .
r
V 60 ~ ^
/ " ^ “ ‘ ■ - K ^ W»ÁVt-
foÄS'
^ U n f¡A M * * £ r-
/ l <A »J*A »Jo J'*A À * ^ M lV Ü « j« o r
^ -ít¿L t< ¿*~ e >
ia a h ^
^
/o.
t/f*- <X <A*.cuuuiVovt»'
C jjL í* ^ tuv f â ^
«»
< j« -, á * r ^ .
< * .^ U
^ < .^ u ( ) U u u
^ ^ « * » 0 ^ 0 ,
^
O -U L
7l¿
¿
Y tWk*t‘ *J& ^ u x / °
J t i If Ó - W
fl ^
* JL ~
^ u . lÚ u tM < A
t m . U iu fc iítu
/
«A^OLH o X
Í L
« jt-
1 mT*K« ■t »k.fc »
- -V
iajiT u Í U
^ t u ^t
chk g&*XM%.iJLr- J * '* ' WfcUM“ W:>
0
f t l ( I u a A U 'U iv v
C x íG L O ^
M
c u JM x o
«Jk-
a l liA M A
Ä. ^ tA M
¿
H X U A xóv^*
�tXoAA_A "Í)oíoL»«y.
t* -
xku1uau>hu ^
t/ ii- ä u  T l u .
caX
c l*
y ( u m CAx
/a ^ u itîu
oui //¿CùLCa«A>
C |U X UL U i U i â t ^ U .
O r ¿ i 7U «ti
(^«u.
^ U U * * » « X l w « n /« ù û u
(m c a m u .
/ 'a ^ ^ L U L t û ,i i t
^
y
« A 1IU Â < jU -
/ Uj €t~ o» M u iM jti
/«, J c ¿ ^ __ _ , / o ù - ^ u u CAA U A o l u l u i « «
< ^ u < |a i k t t u w
l'OK ft
"à«. J ü t u
/?bjuu0
,yUL»%
**lOÍAJO
r ^_
CiL.W l«A**¿r
c O tz L jS * q/uuL lu>
(tk.~ô «»»» «. ^
/ u i*
J
x
d
t
k v u u ^
A -
j t ô J t ^ S
/* * « á
ü un
A
<U-H UU>
«t*A « f —
y 1 *■
«® = T“ V
' l < U ,* * l r
a ,« » « » .« « .
, ,
à*
«X~
3 «. ffOJ+xV»*K--
c t l t í '^ t » 4 Á ¿ 'A
y - i « .
^ a lu x Jt u iM
V a lïk Jtc
^ /\* J x a a » * jj« * o S
¿
/ ^ O L ^ 7 k* f«* r&<M A U . V
0 X3
C^LXXXX^XI^
^ T U A u 1 j> t
OCH«* ü ^ U | jiu « X U J t i
V
c i¿ t<
^
o u t ~ a 3 >«*»»b ^
fluwuyt / Í a x m * \ ( ^ »*
A b i< - Jc u jt r ^4 t a
O'HUk.^JlÀ n
kA /
wAm*. ^ OAX riu n j¡/íx~ (Lia C |J U u ^ )
ÎV^A*
j . . . . - r <[-rX - /(» J^>UW
’X *. / / a t ô ü A o X ^ i M
/ ^ lU ,U fe r
f t c
/«s
M C fv u W A «
^ lA . (AXfi CK
O*«"■ i , ,
V «jujfcc
y
"à<_ /« . V cAaJCl ^ j/'otA M U .
jfouk^ v u ¿4
u fe
,
{ H U a C Ía íia J
«*/iitKÂr t<*.
OtttlAÏhxK r a ' ^ I l é*a
' J *A a
<X"
<¡7**-
Cxft». "à u ju lM * f^ u i^ > w v tv iiu ( f J i o J n i f t * -
***
O X U .1 ,« ! / ô v ^ JU
CxÎfcû^ÛM. o - r UiAA-ObvvAfio^jr <//— ^
r< -^ t
/ o « ,« p ^ a o u t ' i o a . ^ - ^ O
î— ( ik r y ^ f / íü ^ a r o J i u t * « * *
^ t o i i
^4.
lA O M itJ u m
*
/ ^ J i T *“ *
« r
c jf^ /u *
*V *
y ^ d u . [ L x^ ,~ A l+ ^ '*~*irrL^u*
< /c
/ u m j l t ’b ù k -
om ! 4
«- ^
> c ^ ÄL 4^ - * - —
^(XmA c u u v \€ .
fc u t*
j*
d*
TliilOUkpL
«*
%
Oft**M.
^(M M uuC ^tA f J r a iu x lu n û iu jc i ^ ù Ü o ia u x . //< ^ a* 4 «M
ÿuuktUk. (V JV L u ^ lf O 'Â u k .y tW J» M * * M lr / e t t Jb v A n x .M l ^ CkfT
e * * .( fa
» w n ì ì w - <j^~ g » ^ ^ m 4 ^ t o ^ c > » » M»A / ( » J i A
Î a v ^ fcxlvix»-,
* ~ ’"
�^ y /A X ríítw .C W v « ,
C *~
/ ÍU A to o X ü ^ e u ^ M ^
^ M ÍÜ
jv u
);
^ * ^ ® Á \ 6üü
ÛOLâUi Maa.«.
,
-f-—
r
^ U4A U>U ^ Û ^ Ü t U ^ Â A x Î a l t .
**
Jt
u í Ql
(^ u ia TÚ j u
ú ^ / t ü L f r ' O XA(|tA>V(^
-*
CXJ tM tM lA A A .^ Ok.
» V |-^ ì» iU lìc j ^ , <u ' ’
^ CtJ*A** J ^ t A M í u i í j ^
^ la irílflü
J O'V ^AOUI^
^ W J U iiu iíir
/ a ^ p ü u iiu ju
/tuo UJtA*AÍ^Ajt< tlMAJ^>MJr °^ lí U l í ^ /c l u » o
Jo u r
^\<W -1AA4. J ^ J L c w o ir ,
C ^A iiD ui
cha
tU n /\lìltA M
( |t u i l > ^ r
^ lO ir
A iM jiilt t
^
(A ü v u i
U)<An h u l ^ Í » ^ U iu lr-O ^ u r
<AWUUUAW
t í i j j —'
f C u ^ lL t J O
« W « ^ “ í Í *,,W Í / J C
,
J u Á lÚ #
eu».
V
L X K i^
^a ^ * 1
**
iit ^ o w / r - o c i U jjij) « * * ^ ‘ *t *
/x
CM AlfcCU A A
ik « . ^ f t v u . VC l I o U i
«)
tU ^ U iijr
fj\ « i t < « . . l > i » n .
Cj im u a A
^
/ üua
/ù .6 iì
caá U j b i / i a ü jOJT
/'Ú ^ 1 0 « .« lI VJJ«
'
* f*
iAA.CirJ«Kyji>
" b t /«*
2 ^ / *
tT r
/ o ^ v v i^
O u!¿l> O«**
'A . /tx CX~JtaZ~S~*> O A ^ jc r v ^ ^ U i iU r
/«<»*
ouuuyT&cÁpO f i t t i l o
x>
___ .
,( ? * * *
“
ÍO o < * ¿ í i *
/ tt 6 u m
**€ja\*i
CA»«j|
C iJ U I^ t l u J U « » *
J L
c W *« o r^
'’W
O íu ta Á n M U
~
lA K « ^ ^ o
. ~
o u ítí
\ 'S / r . «----’X ,
y * - ®*- ó « |C u U T O
t '
/ p L :« J L o ^
y
t a |J » í ¿ Ü
^»U lvfcr
U)(AAtAA.u^
ó cuuuya D 1U U 3
W * ^* » * * -
CA-f c
^ U ÍW
^ cÍÁikjMv
OlkOL. {(|« L .
> .. .€ ,UAIC
..
�CAA.
U M 1-
iX u W lJ l
C ü u tî* * * * *
lU
/ t
° •* <
( b 0 U A jb o « « A A U l> ^
U A * J |> U A l t U .
< (lA e u liA i
^ u iu « X
O O M A tA A .«A JU t O u k jJ T t
/ lU
Ò.
T l t ^ U U ip V U .
€t«í/»
/«L ¿UV
fc u U * * A
A U U t^ u /ljtU lM
^
U JU ^O l> | tA
'< ~ ÎS U ~ X c A ~ * C ^
¿ ti
tu « iiu i( |u u >
d
^ r-C ^ V M * * «
î( M A r t C » « i^ r U w / '
^
^
û 3 « * U lO l iJ1**'*
^
.
lA A ^ O ,^
3,
« "* * -
M“ »
"
^ fA iiiÙ A M
M U A JIU r- 0 , a * "
jü J r
(« H . J
.
V O^X,
a l n i i ^ a ^ ^ u a u s 'J '« - 7*«x aw O M X ^ «jtt ^
^O uX ^ ((A muuul,
íav Í a jl
* j JO w y ’ .
í*'e*Jl¿u«- g \***- <*** U,‘A)Ü'*4 ' / * '
tauJjLS tt ,'* * J<A* ^ a,v x*1 (/iauZwwa»»*
C a ^ ia u t l
à . /»O CÒXM-0 U*U¿X> « * * ~ V *
OUL.W
‘------------' / ' u
(A A A U a ^ O
^ lA ¿ )(M O
ÎXXVtXAAAX. ¿ j& Jio A iV t
f. /a V u u ^ a Jjd
* ,< « ¿ ¿ « 0
^U A U U
y * I
^ 1*
A 4r l í i ,
ttft«
//d S C ïU
. /
U K M Û U ^ ;^
¿ u o iû / a
«fc-
f|
M A a lu A K c J t lJ l4 i
/* ^ /ctjL d t^ 'î"> ?UlUAj ox CjU *.
/ /
l/( M » .« M « A
A t
^ • Kljf « *
«A*" U A iJM ia* A JL ^
.
6 *!l
£
^
/ o - j- U
¿ Û M A t ^ a u J r ( H l v «a ô w »a «\
/ a r * a ~ ^ iu - J o l — */ a V llL .
^
,A
^
.
SŒfii. »'ia I iI
>
im o m >
A a
^
(« A ^ o r
^ o .a Jtà l-
u .^ a r J L
« „ m
^
/««*<*
<to 0
#€»«*
/ro -^ o O ^
/ .
fJtiÂ. kJtúuH
—
^UIA
,■
« r -,
^
c u û u ir « •
-1
^ , ^
^ *■"
g i » f t « > ? > u v w \ ( A « * . < **" a lu M f c íu iw i»
16
.
^
^
» ira i a * v « * » » 1 »w. / u A ^ y o u i r
�W
|u l u n »
Uajjl»
<JUV /(X
AjÍaÜ*.
uu
cajJI
,
'
' '
c£ ol>
r
</T«x»»Am
jtXàitSÇ OC
^ < A |u O ii^ U lw J>
/o u tu u iû Jt
^ liiu n jL t r ^ ^IACujl>~ tu. /></%» l.»«.lu m
Ce
X<X
^
"**
+K iG (UivOt
C U c u a iu « ^
8.
¿U ^U ^O m Í ,
JC y ° U X
/(A ( I t u i lf u ji u ]
¿fctaJt“ tXiuíwuA)
V
O'uv
<A ^ ÎA n fc fll A iX v jL tt
O iu in a * A x A iu a « < jr
/ ^ O M « .V
CD
/î
w aoJI
a + * jy -
^ ^ v o /^ ta /A jL
^OAMJL ^ ^
Mr~ J ^ UAÂA#Urf
Î
l
o^ aJU
*
U a u m I ^ iX '
OM
^
,
/K O .^
lA tu J *
IO ü t J ô t u
^
* ic
Vr
(a v i C J^U ciaIX «
/ ï ' i i , " i o w ' ^ u . i" .
l O w j^ U M .
la .
S U ^
^
ú><_ ^ u i u u > / o ^ ( | | « * ^
V u * io « v c iu u )
S ^
/ex -ocJZh*X<
/cKC^OL^tli^
Via OM M jO . . . . - -^Äyi ja q->vA va»uoû
«
^ W jX u J Ç ü î U ^
JL <~>
/< 4a^ ( U | A û i ^
<X
*-v UUfUJk ^U_ / a
* W W Ϋ A _
^
ff* *
«*cuO Î*«Jr
*£
tA*OU^ Itt lU
£*<~ôu'
0¿ ¡ L < ^
- VxMJjut
/ £ c l£ « jt / fc ^ V
^ b v o JU
<W V
-^ <
U * * y * <llU (P
^ ^ - r 7 ‘ ' a-L “ ^
30« . «A «***»*.
'
’
OWkAÎA*y' tA^ t
ClAAl>"
A c ^ û - --
<^¿0u^iU ~0
.^
** **V
/ OtA UAAA C| OJL>
'j T
/«A *
à , •
V o o jr ^
C ï< * * u L ~ * r
/U 1a ÂU> .
,.
y / T ^
f~
*
.
.
'
-
�OVÍUaaa ^|COr fa^OAAJU.
/ ' i </wv«*AX.
A
'
tu íí
A<HjvC|U4ÎA
( i i u A t e t . . . ..........r
'
*^ A*A**<- ( J U u t u . i l *
,
u
ftu * .
( k Ci \aZ3uj£ \Uit4
i
/^
1
.
JI<m X m u u i > -
CA (I m J
m
Î
m
^»CUr /*. .
V « * ÎC
^ u flü A b s ^ e u ^ o u « y “ "
I I J ia a U a k - ' ^ ^ U M ( « > ] r r ^ ' c b u t ( l U > \ b A u < M
( ¿A ^ U A y^ ytA «»«
i/(AiUOM
liiA ¿ Û a4 \
/ilii» ^ Ifiü y u r
£u
f«X<»
<
X
MIt*
û .
te A A JU L ' Â 1
/O a c A b C u
tu c « « ^
^ ^
a
C t r U A » » » tAÄÄ<' ^ *
5Lt
Ä- 9»1 ^ Wwl* 'Û^'t ~
¿u /y « ^ “ "
À *, a f t r c ^ J O i J ù . « - - .
U *u xlt*n u fw jb
c A ~ ^ n »»»iy
e u (V A ù U (K i\ l
<» »«
^
^
um o
44
/ iT W - . ^
¿L fc t* * & * CIU O M H OH .
/<k <»«»tl»At
) i a ft »
" A<*
¡ € o in u r t V " *V® ^
/O kdAM JL / P L ^ /h |w M<.
»■-- <Vj ^ M A U X X ^lbiu
à
6U . i'tifU ^ U A iJI
^
<A<aÍm»»(**4
ic l^ x / Í® -
/WA/<Wo
t(K*JtAMJc e M ( w - .^ |u v ií? t> ^
<£<*JU\ Y^uc U l i « ,
ohu IîUa Ùiwa.
" i t / k ^ c lim íl
(U M r
Í
»6 ojb^jt _
Ufttijfu Ju
à ix y ê tx A A *
Í
CIa
'èb M K /<. f e k J i r
^Á)A<4U iu
<
^* '
^
o y o u A M t « A « ,ir à . /* .
b W *****-
‘ “ * J"
J ( g u w < |u l m X _
6m Ù
■** * ■*- »
l/<l«V <|<u )/
( * u jw
/f tU 4 «UJ& ^ ' * 4 *-' --------
/ç^ y CutwuXf / K Â é
^ U eu^iu.
ß w tx ^ .-
/û k ^ ^ A* /( m c ju itt
tU i^ ìj^ X iu l ' ^
6w ijja » » r ‘ ^ '« M M . b|U|u(>)tXuiu
i h ^
^
à
<Jt~
¿AA*.tAjij J
&AUAV
A c ^ c j> - \ f a x t ^ i u
/ O (U m ^ t
i .
�#//
CM t. CAAJ< u ir CxxxJti
.. y ( u ^ t u
*»#*»»*>./ • j
t o u T ia Î «
/a
y
<M C uû^bA (üiU A ,
o»**iy#
|C A i a * u u A < |^ ^ t ù .
tU-^m i*v«UHA».V ^ J l o u à u r ^ lU r ^ W ic u ^ * X iL « ^
,
oÆ tf: ,$ * / o v A ^ i í
* / ^ f ïv u J U *
o .'Â c ilà A Î
^ « A ^ 'U u ^ .Z te . « T i b i a r
C . ^ W c L t f c ^ C~v u^<Ar,<v~JTr ^ ' û ^ iô W ! ^
C^lUXXK «A«,» ^ u ìu A ttÌA iA M U n ^ * - tU * ^ “ U ,lU ' *
í« ¿ £
Xo4
»
^
¿r?
/ ó ¿ /> o u > « ~ -A
S u \ l L *
#
. * fc jt t o ^ îw
,
« - « iu Jt U
' ^ " ' ) ' af A '
v « i s r i . ' u ^ ^ u . < v « * - a A -“ » .
■ ••>»'': . l y . .d
^
^
r t'
<J uu^ ^ Ü « u u ü r
« r£ ^ ¿« .
^ < U iM tA « u J\) i l UOtAJliUi
i. .
hi
</uM <iuk<A «lt(ui
u m m « m .u ^
o***r~
y .u .
A
.^ .\
^ ,A
r ^VBdT‘
, | ^ | 1Ufc* , Î
^
V t. f a u t e ü u ,. t i ^ u . ^ “ “
^ L í.* v » v ^ y
GU U M (úi(i>u4j • ’m U f e q »j>A
iÚ ÍU Ó l
o>A oü vu i
^
/ < * / cm / í .
f y w * “
t e
**"
- -M i * '
^
y e u x <**-cjü 1 C i u m
a . -o
_°
¿T ^ T V ,
•» ^ io« Î u j <■
O t u Jiú k ú f
•
rl
C^uA. **®*
ílt A o »íu Í< -» 1 , ^
^ /«.i
-
« r ^
^
r
~
i
:
c u a ^ Jiû b d u
— V
/ « 1/ u m m ^
/yM i»M «< Jrfc» b JÁ Ó I**»
/ l ^ í £. •
I
U *
w
rv
i.
/ I r /« J M
jb M
CX.ÚOIUM . V > /o v »
^ « u » » f 'a O L | k
j p»
>
*
U K ÍU i
” W ^ t x . ^ 'A A ^ r ^ 'a u j u u v j ^ ^ « ¡ ^
‘C ^ J ju ’ k . ^ ¿ í ^ í t ó V c^jw ioo .
m j£ ! &UAOk ^ « » t S u y -, cfcr C u C u iu u "À*. /«*. j'i* * » “ * j- fe»«**-"
�U
i r,j|_---^ —
^
C |U L i »
U<OA43
*'
H < ¿ u U
—
*ji;
* ' j 1M» ' J o
*
/<X
< ^U k
^**-
r t U í U M t t j r (A K < u u Íu C d< H » ^
IM
¿M u ü v».
oI u u o
LC u ^ % |k i> J
------- . » -
/«juJ c. pootou X » ^ • f a > **- ¿ >o~
a
0lJK
ex gJL^Qayt.C
JL
»
a iú tu b £ ¿ (j>
n
~
C lU (JULO«
ífviouw ^ 1 .
^ u iü k í
Íaauiaa o ^ x /
Q l £mtm-
q ..j
ü **t
f « ..J »
CbUüC¿¿AteÍK
u | ( iu it
fcTUjk tx > ^v*J*Al
(M
- *UD \
ÍAAOAk<K^<0
f« M
¿»wYr
«X
• Í ^ F
"
^«. U k c u u * '
/< Í
^ u !U
'* f ^ L
“ ***'
y ^ WH » ►* ^ «Ar- O^ofc- W ^ * * | l w r * ' ^
*M l b i l t A o n i f r '
^bM.feX^IUA
5rMa«***tót»
«.
/jíKMtfcjfiJJ»-, ^ « ¡ f y ^ 1
1‘^ ‘/ l ^ ” /
a«A (<i | f c u « » <xj^ '
c /\« ü U U M .r 1 >r < A > y >
u J^ u ü ú b M
* < A < J tu < íl
< |w u
^ M
M U U ^uJtU T
I^O<ikC|ULi«^tt
t f^ K
t ^ u » .
J o ju a o
^ ü iu u
/ ^ ^ f>**» *
Él- t W l t t J i l U
AuuUj j u u V . Í Í Ü a i *a w » Ú S -^ « ’1> <X f c Ú »
/ó « Y
^ » í i j j p '^ o O T i 'í ^ ^
c ic k u n « & w ft ( J ¿ ^ i
^ L Í# » 3 r
üm ’
A * - » 4« - * '* *
.
O ui
,
am a.
fu
m
n « ^
^ U u U CA^^AAAJÁjO»
t t >Uw^
' e f ? n **
^
J
A
,AW
1^
. JY
•
,* » '
le »
..
»
% ( . UXAlkV ¡X W *fct*»J«
&AU ÁÁbM u>
y
k
\
i^ t ít o v o i^ JC - A ^
VeJl^McAAAJuLutr-
< 1,^
>c u « J j
« I b u ^ jr .y u u u p v u a
u .M ( « i W
J
’V ' í i í l T } ^
u A JtK H “ ^ * *
U l ÚÍul J€ iuuuuuL
a>
o ik lA j^ M
^
yn W
* " - •* ^ ^
^
—
Cjuí 4
Q «** tík U 6ú¿Wv. « ¿ - Jt iÁ
y ti.
/,„
; ««* ^
«JU. u O iJt '
/ U U A V U t ¿ C .^ 6 lUU. U ü X \~
6 .
< |U * lip U >
u tu ik iiu ^ u A c u J k í
u f t : —O j«A »vu«W uitoJt
a »*^
0«>
Í*A.
« f “ »**“
^ > vllk « iu L ¿ ^ « t* K * >
^* - A »
V É ^ - JU
U lU M < U
V^uu
Jb U ^ |» » .
l x C |i A M * .
* 4 -|a- C» ¿ j k »
(Mtci< /( b ju Ju iv th iu Ü u )« . ^ 64»
/ ’ * " . r - K^ - n **•>
/ im
/<
’
« liiu a »
te » " A c u J t o ^ ^ t « « *
T^OfA- OLÜLMOvAry^H
ia
.
c a ta tiX
« -J.
..._
_V
« A fttiS T »
_
; " cju! c
^
a
/,;
�tu.U ¿ A
Q itU Ü jL \
m ■<jwi i t
<*. cA,«.
U» « ttM l O
• ‘i t
/fHk«|>uU
fj\ iou
U ju iiaaam ^ 'c u i i L u t i u a
V
U
L fcjuO.
(u
^
ftú te u
^ U u u U A b tu ù u JU . ^U U lM w euud t ù_
i l A k ^ o u u i w ^ i(a \ u ü a jr y o Iw JA i, Í* :
< « « o Î cm»K- a I n . t
/a U iu m
m 'h u i U " /U u b /
_
---^
«**JU
'I*
fattu r i
1*
AitoCT &ju
4L 4M O A A ^ | 0
' I aÄ
à «A
(A A rb u k '^ o ilî.'ilu (^ V ( u â « M À < u \ L . oi*»\ Í 5» ' —3
^O tA C jiual
U i t k M ^ iU « « 2 a u u 3 p «tw
a ttu a v i
(Cl O í í d f c l t
Û*i ,
#v l u r t u i u
^ OMM.
( i o u u n i K "À* *-*-
U lü Ju Ä »
/
i«
( ,A "
OUhVJUkmjl /uuuiûûu. ^«T /(1Ù 4 i l» ^ <«***>
ÛU4 j o v i r
c u tra l
^
2
'á L ^ V . o . o X á , ^
/<
^ ^
^
U . t £ ü l « u JÛ b ù it ^
^ O fa - t jü Jb it a - A u lA naM «i|o
ou«y
(a u Îo
j
t|jo W y . t^T g * * y
^
^
îe x
C iit o u i^
t ,~
«>«»»« «. n ***»‘ t
/•
W o ^ L ix ^
*,
***1
^ ^
.
•
a
,,¡
—-
~ ,
,
c ^ r-“ï k « ^ «
** ’
Í*
-
«A—«a* ,u ^‘J ’ "
a w c u » X ^ * ln « a » R fc^ C > j
canü Ä ^
o^
2*.
‘*A~
^ OW h A oJ ^XJ I •
tí euc¿C£I—
^ tftu i« . Cl f ï
/
« •”**-
« ^ jK ü Jy
S
. ■
A
;
aa,
"
»
. X
(|u t. t u O LxtÛ tu. / ( ) % )
c « ^ iX ie ^ 'jïd c % ^ b J COux*. fir r*w
y ox>“ r
f f< A > ï* r ^ L » { / f i * ' i ' T * o ^ K â , ^ o
t ó
W
r T
J i
OUKUUUUULA—
'^ O v k a í« « *
/(û/icnn i a ^ j o ^ ^ y “ *
t .u .u .A *
/ /
cE Ä o iiw
* '
-
i
c o ^ Z û i» U
codÚJU*
/
9 /u u T ^ A ay^ u ic/» < *< w vu u kx ^ *
A « ^ C ü CuJ & > h p « ^
¿ Â r t *
/^-~vA
- f c i w
£ tÉ L
/O K 51 « * -/5 ü * 0
/&. /T°*^K7'*A
* f .~ jT ~
4
^ ft^ / « T fc c u ~ « r w . ^ « w i l c j r
' r
^
“ *“ ^
q A ¿ < U < -Jtá x - / o«*AÄ 4a o
-V
.
t f ^ - r -
cu V
r
r
j ^
2 '
c * -c x * U * . a * * " “ *-
U n i i ; . < y** " * * iïa O fa L .
�l u
U lä «
CÁwJ
ÍUH** ( u
TVm. rto V c^ C tu i«. a ^ l % /
^ l/1 ^ l ü ) i l u i U A I
® **K *
L /li
U r/u fte w u d ^ '
u
ft—
f . l «,
i t j c i A» ¿ L y u f o liu u
~&«A. f> M u u o ió ClM.Sk
O iu J b la itu iilu
I a I m u ju
/yiu-ir f t
o X > u i^ Ím
-
_
^ ^CXAlAJlAC|\A
.(_
O u iy
(k iu v
» ..'
U.«|UAM.
U a iiÍ
I k ' i u i X
U -í|iU j
£u
Ä Ü *W
t u u . « ’» ( l n
ll« u
/
'
'
/ ^ / ^ T ^ 'T T ’
-
c f c t
Í^<UU<MJU Ä» /
1lif a u iu f a íü ju
^ u l If/o tü ii^O v * >«»«*»<Ayu-»
CUlJflAi"
íü V >
«*— **-
p~*r
/ü l
/ / < * * A ÍlÍ* * fe» J
J\ju \< jx ¿¿k . ^ (lv ^ ')k (JjlA
ftlA ^ lU 1l A u i u
f«K €uV ikto
,
//O - w S iU x ,* » ^ -
(^ ¿ U M U
/ ft‘
CJt-
O- C*Ä«
» t 3 w J .U « » Im K ~ « m £ u . 6 ^ I M a Á m ju ^ t* / / < M n û ïu L ( O *»* w
,ÄA a >*»>> ¡
. .A .
_
, a (/
y Ú A < | ^ M U tO j UAr t u UUÚfcV
Oft* «U M í^M A IC T v i l A ^ V ^ « * A .
/<iui.-C^»«»«-K~ WM«. M fM M u u j.
(jy ú
, a *Aw ¡dLÜtiuj&M
c u í/v i
Uaa tiirfriO ^'
qu a
^
^
Ü IM M C llu W o i
/ f a - x ti ^ « a
'■mm m u »»»’
If -
«. uabc. CamU ^ , (^uÁ W
r>
cwV ^U‘ '* ] p . t* ^ °
t u » ft\fh M U V < m K
(6
^
tr J t 'J O u w i a
wj>»K:
Í 'S Í a
tM ~
o«¿Íbu.>*
» O-
OA>
^ lï ÿ f \ * ~ * r
/*. V M t ~ t
T t J . . . ___ /- r '~ X ...... / ( c u t
a ft^ M
< u t f iiv !^
« Jfc u fe ^
w A »^*kr.
^
*'
c *X fc iÄ » *
^
«A». «■«J'“ - <XIVLf"*lM« /
M c fr
JL .
^ Ü“ * ^
O ju Í a iu
Í cu
------- »J ^
° “ 4
CUU a u r /íftU Ú Í, / ‘I f ú b ' i u . c t f Á 1 CA^*<f?^
y W l.u ^ iu ^ ü .Ä o
C m . u ju L & ju u
/l$ ) ^
/
< /w « * iu
i
SpJlÁJ\Cy (U
/«CUr f«*. É u V ^ '*
o U r -J
U A «^
i/ '* * * 1 * ì
fp *
‘Í ^ i o v x a ^ Y r ~ *** ~ A*~ tLA
o o ^ ^ L x i,
V/'A
JU
o *».6CÍaJ
¿ u .h J L u m c J L ¿ u l.
C
VUA /'l» { y «-cfcH.1* ,
6 i iM
/ u v fc * T ^ o i* » fc í* » ú
o L u i r l ' un“"
OuukU-
b w ! CUMA1
( « .'« '( t r . U > u u A < t u
<-W- | a ~ V o ^ f/u^
—
*^4 / E
lw /l y
CJt—
( / c* UlUKUk«UM OaJC
jfbw.<kuùl
,
^
<
av\ u Í* J I u j vo.'l
<{üba>r ^ ) u c u ) *
* . d f u u ^ ^ L j /tt. /<U u í ,'« , h
/*.
< iâ A Û JU L v v U k Jt r t ^ o ^ a i b r y ^
ÜJUtl ^ «4—
A ftlr UlUAC OUlAaJC
^
^ (h lc iM y
ò * .fu .( o ù
l i xÍÁtMÍtc CA*. o ^ jC u :
U hÁ
JT
íaA
aÁ^
C
X
jvvA««««<»(.,
< J u fc -tte
â , £ *Jt->
« u itû i« ,
\
« jt* o
a
i
t
^
í ^ ,kf , .‘ ^ ,
¿ X ¿ yioJáXM.
�/ '« u t o * * (£ -a«!««*" f & £ l ;
feu -
**
* tr*
^
a « a ü « íl,
(m .u m ÍU < '^ « ä U 'W i ^ ; <ÿ*ï «JL» ^ u ^ ^ iin t u o r W U « V
íu
( ^ o > i > f „ ^ t . • /*!*, K u » tti¡ ci;> ii| U io A * i ' J
t>ji-i^ ^ ú .r .'Mj| - i L j j ^
u
i
^
' *
¿o
.o6> U\ fu C0< { t ^ ;
cK UJS k ^ uSÍ
G^lÚXtl 'ib tU k
ÒilAujl^
'
/ÍK ~ktAA~MJL ^ » . < /o«.«pV A .
\/ok^h(AAA OaaJ^C
(m
«... I L I » '
/w Á l^ "hlMA*- < i l l
U
/h
A í u t " ^ '* -
A
^ÚJLuAl
"U .
»llír f * " 1
<AU\a t u i x > o í l í » "icuu*
Û- Z & ^O A M L
‘
»
u u íu .
,
/« T b a iU ll» . V
/tA /<Zuu^ f r c * * A * ~ c r
»I
'* ^
- J* .
J*
'
o / Jv ^ o ^ V »
1o~*
^
■’ ■•*-
A
,
V
t^ X JÍ< *~ ¿v *v
^
' .
ü
Ó uaaK ^ ^
o
^
J
•*
ÍMcA^tb^hlM
^úlc^U L /oTfcc*A~* 'fc*
^<Lu¿
/
'i
• . ' • " ^ tí ¿ i A ^ 5 >
t/c
/Vi A t
<A
*-
« ^ JU tr ^
•€ •» « — Í»~»
T l a w r ( i/ ¿ w * - '^ A o « í « í . * “ u ;,^ , 1 1 ■**•*3.
»
^
■'
j
'
n» • .
a
*
tu JjU L
1 « * ^
/ H o 2 v¿^
/ »
fu
iU*AAi3
t - - v
/ p « ^ / " ;, * '
< ' / “ V* - • ^ 'a « l l « i ;
-
( f e t i k CAA«*JL
vL
rf A *,
\
\,
A '> '* 'j '« ^ í
»,
ejt
-
m í
\
Ú lito u ^ tA
7
q v u fot 'i t t M M . M
b u t í f . ¿( a <m (Ú m
• ^> m«>j ^
( V
fK o tífc :
A
^
B| Uf , 0 ' V^
(Lu.
M
iß
a iu ú Jt' /54¿kl
(V- 9l6
' '
jnfA** l Ä i äX jcA**Xt>w*M^
. «fcJU>«»m ,i>c J ^ V L yu >ljli(|aA iu Lfu jj Or-
•^*«*V « ü í u
^
^ o ^ tju ú l
jf*» *—-*-iV»«i ') ( »
u
...
iu tu tu
Ir * i- — • ‘
,/*
Ê
(% {* * *
*■
O ^M * , s
#AW.
ÇÜ4* UAJU\ (|VU. U r ~S s w *ACUUaA
/^uCa<JU)
Ótí
CAJlOU*UJAA>
�C tX fc i* x > » A .
/ ( l U Í M U tr
i t -
c |w
o ^ b i i A
t* A
tju ? o w t ô u X
ì l i x u b ju »
^U t
u 7M i a
iu ^ iû u M
¿ fl ÀÚU
V tM Â i V d u ú u u í
O iiu
Ca t É Ù
o û u u v jr
d«A 4 Í
^ Ó
^ S u iju ù l
^ O A u t
"
i u
( b u iim
u M
i)
O A lte u
cat
•
o ia i4 a * jt-
tsftvXtXK
’
A
,
. 1 T *V U ~ . J 1/
1
flkM stJ.- t\t\À3b**- A -
U
{ J1
á
/ 1 * i» «7 K u A A
//
OL
,
jiX u f '
¿ / jr«jL ^ jT c
e U iu t ^
«uiûùuk.
/ Æ
,
o u i o « r-
*V** ' (T
^
-X .
j
..
CAA. O X A M C M Ä ^
^
^
^
-
’£
A A ,^ f u v ^ o L ^ .
y » if d t i Y o r j i t e i ^ » í i - r
d -
wâ J
c a r o li
/
,a it j
umvî ^é î u »
.
Í
/ íU .u « « á ^
Z T ^ J r S . r 1^
a lt r ^ w
r ^
CAA. U . C fV k A
or
üÙ
U '
à
c j^ L u T u ^
r
o y U L .^ i» < O M
a
à * . < O u /.
7"
/¿tX U
y
~~
.
/ ¿ t ^ jt r
/,
U M U M
M
**-
.
*A A r
w ic ü ii
A
« « j r
“
'
/
à t c a jjo ^ ju .
^
«— l U o ^ c . >>c—
t
« fi
k
*
*
»
/c » * ^ A , V s y y ^ * A * l ^
, ^ « À
.
/ » ) U a * * * < iu x >
J
i ^ U
J ^ .
¿ u w t f^ T ‘ V c n '
L
/
/«¿o,
'
c a a o
».
« « j ,tAtSX
-A
O u *fo v l,
d t iA
^
.f c u
O
**.
^
¿ u « Jlic ^ u ija . C iiL ^ u V C ^ c - X ^
/ £ « ¿L u c / * A »
f
eiin
<>a6
/< *«-«.> > *»»*-
,
ÍW
«N
-"'«*> '■ ‘’S / i n A i i .
«XMiLuOt- « u ' ^ ( K M M M a u n , a w u , A j u i O , ,
\
m f J
t U k * r ftx .
4An
« Ϋ U U U A to
( V u u u u c iuuvu. fll(H4t ' <».
«¿A ï
o jU u ^ x ú
a
ím ¿ >
^
Àuayix* Ÿ ° L*Jvt>
{ % f\ l
iu lu x
I í i a I ,
'
f c
m
.
W
i
j «
«a . ~ £
«~C k*
ù
&
-
'
p A A * * * »* J * A S r
(A « !< U A U M > ^
* « V - Ö .
.
�f
•
A o ^ o ijïb ^
^ ( A M t v á ú ) "à** ¿ Û u u , Î l ^ i ^ t u A
b u iù ¿
Ua o m u
a
ftit, .
O uu^U
âa.U .(^\U . U W U a » « <«<k.T ^ C A 1A « u u a> r fcfc^ t
(A
A
C
aA
X
. 4K/ lC
1
/
C|«A. y\<ULr t u - c u l r
ç‘ |-1 ÎU. d ftn h ^ u û t
îajlA a*.*tM^Jjf. -,
^ ^ ÎM U U
^ itîû u . ¿
cL
|i t u u
/^ U m ^ K U l u A t r
b b lU M U M M
Cl^1U>M ft «/¡t"
^***r ^
Cl
JcLiiLA’v«Jr-^/r®,tA**J
^ a o (u u j£ /
Ok~
í 'f c i n l r r - l
4 ¿ k ¡¿ *
/ t f l l O l O - CJt|u
( ¡tCfoJáb
»<>
«»»>* tA n u fcO t*!,
m m í í t r « * ^oui(ouL 4jn r^ > u
//(ZlAH'
O Ä , " W“ ’
MJUul>
6ufct>
/íx « M jjU -U lJt/ i / ^ í ú J n
o J ____
'à
•
ttÄ S Ä M
£ * ■*«
^ 9
W
ad U r
0 .4
i»
^
^
U J u J l t : ¿ u .^ !< u lü i* °***~
A r r ^ i* ^ '-----
CL
AvuuCaeuMJï-"^e*,euuUt- /* r o « -
* • /Lú»«**
* * — 4
»
e u A 6 l£ l
• i
rta tm »
«
<ft»>¡l **- y
Sf
u
cm. u i u i u
„ Ü¿
a íríA Ju o u
« u to A i.
odU u.
ct*I<il “ > -
•»-
Qua /riw *
« u i
íÍ
L -. -
k-
.
/ A
. u
«“ *-
. < » 1 « ^
OJL<|V*Iv
/ ^ ( u ^
M AbUL VOLÄvl t>^ A l 7 -
^
- / T
*
.
# .
^
n
o.
v« v .
- ^ -
.
*tü L x ~ t-d ^ a i i | « « » f e * û
^ « ./ o ä ii V ^ A “ ,f k* A l.
7
»/
■1 '\\
/ .
C * Í ttA * á ^
•
*
✓ f
'
t u U O J Cài»***-
•
<«■?»■ » • * * « -- - r
/ü W
SAAMjyCfM
^
^
A / 'w
. ,—
^ -.
/ <**- r .■
/«r^O wwu Q* * .U w * » u J
I*
,
J
-
o .___ . < u á ? w
L ^ . t- ~ ~ Ä
¡r ,
■ ..A .V . ■
< tr -
C U ^ U ^ « ^ ^
-1
^
] < J n.< ~ ^ / o -
/ ^
T T '^
■%/ .
i
^
22
,
._.
¿
r
.
/ a 7 vAAA*x a .
V
'.
*
0M <ur
o«~
1(J(,
«**■
^
c4rr oujrw < J ^ »
i . « -/.
t
^
-í
/ fc u d t
¿Ú r-/~ U
„ . [
j- ./o l^ .^
*
j* * k X - 'b * * i f + í \
^ U I U ^ C ’U A ^
(* 6 ^ 0
r .^ Jt r* * ^ « A o v ím a »
/
—
ir da {<£'****- ***" &<X»A*.
f '-
*
.
c Æ L : * , V - < - < " t ”“ í ’
(b ^ u iiX
tiU l a ì w m i m C ^ \ i u l
4K **'*‘ ^
,
“ <y *
�.
% *£
tf ' “ V
Uujla/qÌ A '
¿
ûu ^
« ^
/k o
C t i/ :
d iïl f c t i A M o ! p
^ {A><SOMM|«A
r r ri .
l/C/VUUULâ.
tuitC i.
i <MCUIaa.
/ « ^
»**>
^ u f p k K . u i u » . '^ * - r^ U < A ( U A ( J ^ ' à « . frc Y Y 0 * » » * ! « «
(u
ÔAUi* ífcu.
u
IMOuLuU
i* A
Ait*. ^itAM ***«!^«*-
M ,'**^*U t
< 6 o -^ ^ t /**A v < * - a ^ * M M » - i % ^ -
cñ h u vsA JU L «J*¿L 6 *
U¿(kJtAM.«A»lr
/ caaAU
^ Ù i^ O iu J C
lAA'h'imiuU ^ m « » n f l ** ^
***
- •»i '
Ò .U * - < j ^ « - Ä.
° * “ 4-' Î u iV t - ^ W ^ iA J U
û - j/ c dtüTeuuJr jixMr / 't t J j t ^ t *
¿Q>*t «1«
/o u
ctu cu o . (K i(i»/ Ä u l a i i i i
o ÌÌu Ìim Ic. ( ^ < 1
t< m ¿ A m i<
' ^ « » litV « r ( aa  j^ caamx ^
^ '(M ä u . ^ O U l> é u tlM ix liw U iv m l
-ox*.»®—
ÿU t (/ /i (k^lW AU^ ^ f i V ‘ î - Î U.
^UUi UJUUM jU' /k tA»■ (X«A< ^
- V»
/eVfc*»JC ®»»CO
^ tu ^ k b lu iu A
'è-tA ^
A
^
l%ù&^ M -O ja iM
‘
^ ®U r W ^ t S iA
tAXM**UtJj'
t u t o lo » »»1 »«^
( x ilr t u
U «»«»->■> ^ i» « r
l* * tiJV ftA jr / X M f u t í u . ^ Ù m a u
a.
î< » « K « * » ju i£ C
<•
m tu îü > _
v‘
«
p
'
->
C&CK
»
■
^ U U X ^ U lu C 1 <A m /|6-< O a (A ü T
jo ^ u lv ü tl
¿UltjLl
OU/\(<UAjUAi
f.
U - ¿ .U .^ « u i u
<v£v*t
— t^ < tr-
c u tü
y jJ L 1
C l <|<m
ÍM*W
tG
■
*
AO
k
d Û u u / Z IX
/«» A i a . y
ti L
f h>*^^
fc ' <JLuuuüjtsCJVU»»1AjJU*aJv 'V o l
¡\£
ITAOIUJ
f%Àc>
U r OCMiliV u u l£ u >
(lA .
« - » »■ -
Il
« l.t . t p î .
o w
y j ^ f c ' Q » fc>
( 4- W m iIu m u K u x ),
y 4»/û Â iU iû u o
/S j
r / .../ - i— ----- V----’ I * J
* IviU Ü f U 'fK ,jtl
2^
J
à . ^ lA ilu » ju ^ fe ju i
u .atîü u û M b Jtu > m J0
^ IU ^ X w K . C t'd 'flL
^ u * " ^ ( |i w j .
¿ C n Jia ^ t 4 l>
¿ á t e ' tus»^. •
6 » *. <A>» J
»O1
j “ ¿ I t h t n i . ...r ,...^ - /fO tJT u w tU L J
fio *vi
/u ù ^ M > *
JtM* u j t b u i r
y 'iW
fcS tn ***»*.'* *.
d ju
.
�a«*
y w *« ' i o jt
4 * Ä0>'
,M^ U‘ ^ Ä *f*UM ^ / tu via 'iO fluuj] OjoomX /* I k ù it
/ ^ 'i o u M . ^ t
/o o .y t./. I
^ ÿ i
c u i,
e ifin .
^ -^ -rf T
<-»*- ( m m a a u l M l i
^yU M «M ilt C<<uCu A jW jU
A J ? i l JtA^Xtxir
<*. A * u c ü k
1»
/ ' ' * ■ * *
—
Æmrn. A m 1. . » I
g
^
r t ìV
f u i j (iuUA^jr
tftiú x
^ O a a m
*
y " ^ » - m . <x
iit,
»
Ag
\
tt/il
O
/U lA O
y,
J O****»**'
P«*-
*
U'*'
*,.5
(f«jL> / ú j i l i f c í t V***A
m
.» '
O jU liu ^ jlc u itO k lA U O
/ ÍK
■»—
"**
'“
•* *
^ v lÚ jb b u T
, /' / ^ JU
f* fc /s ¡k r" ¿ i A
'\«i, /(likO
/ A ___
AMAD
• ' • •“ * '
{ u iu >
»
t.
(L e t v ^ J t
f-
¿ U x • * ^ A A X Ä X v « X ä *3
^ « u u u ^ ^ tj ¿ a £
u .<r)w»»»» « ^ a iu iu . äüL
.
“
j( û < c itt* M
y^Ú J^W #
« k i r Al O i «OOuu oX o a u
/>.
omA®*««í
^U U ljU oÁ jfl'' <MJU. ^Ajü^uÀX'CXM.V*\iâ
j,
â*
O 1M . | Í U M U a ^ M Ù i 44
b u J¿
o w .^ iu > /u
IfN
au^U l
'
lk~&Lum*Lxx* / fc A > , C R A A Ä ''
p K t n ib f* ^ - .
<41^
O'
jlA Â r f
J O U â tu iU ^
J
r
úc/t^UU^ < * « * / * c j^ r O u w
I
/ .¿ t i » j i i . v í í t « ,
flia.lfc«. *%
c
<
s<
a
JC
~ ^***A
■**' -
Vo¿áa*A*A~X¿J.*
' ’
w #k*
'■»'
-
*‘ T * * ~ * * r W s ^ i| f ' ° ~ v
^
V
/
/
. í
v
0 4 ^ J U » |u U j l ^ 1* CJUtMlUJkUM
cj U
a c£ |u ijc ”ä*X a .OL»4AA^¿Cr^«iuJÍ*
C|u!
cjt»4----------- — ^ -( i
■ 4j
¿Uklijcjd£c Q\+*T *ÜL* 'it t . C u i^ > í a Á u » ^
^ iÚ J rC k ^ M ^ Í a A J U
^
"W
< ^ * > 3
4f *
T > O L *a*>
à «
fc Æ
T
*+* U xr «Ix* y w .
0 , ojiXÚa.
!
oa*¿
¿A u iju t. /Ö u X
/a ^ iM
^
u u m
Uu w o u .
o ^ b ) ú
o « V y û m ju j ' ï \ t n u l « A t
C tJ Á ¿ Á
H
< ^u ! ¿1
xaA % aJ1 6 u * ^ < X
« - 1 $ a2 ^ « *r /’V 1 ^ . /..<^ . <AÄ C vu Jjta^ A
flL i f i n
y “ *« /
^
Ia
(1
V>
�A u JU .
(A JL C tkA C U A jU
¿JL
Î^KAA,UA*^ ’ 0*AÎ*X M Û ^ v t f c l c UAAUH4
V
_
'
(|u !(A ^UVUcajJ(— / f£j6uL.
Ì A A .C U L K
O u* b>* / j l u / u o
i-f- '
/ly ^ ic W A i « ft« a i« ■
V u- a
u u ,
fii
/ a 'ic U A U . 'ÎU.
à« ^ Û jH 4 '
■
A jia X u â / A
Q i C u r ( m.
1« M
^*^1^1<w»Tt
/o w ^
t %
f u
ÙWâ ^
ü“
Jüm L i
/< . U jC ^ u m u u
^ •U 4t \ b ib t o , C#«*«****-" g «
•
/• -*. .
<s
f l i l.l »/ h
I
ftjbjUvfb^OiA
f c*. / o v
O h
-----/ (
Cùi uu
,
r
CIA.
om.' «
.í'
^ '°
’ ®-\ - i f MM » *>
J 71
W |U -‘J
<*ACUUHi<jt3^ Cïix
J«_ J O U W A c ttû .
tAlt^J
/u u y u u A ,
eu
«
Cx» A M o J t u i u J J , / A l i » * «U I -
U iu £îfcX
}
V llt^ tfl. 1r- <M
CUUA«U«W«
C b u t u M U * . ^CuOtiüUuJloUUJL
^ U U r6 u u
^**c t '
fi»t«»«A^ 9
».
^ Ü U A litA C&A*Aài
C A iu ä iw u
4 \ G
^
C A X o » ím Á a * í
CM CiUMC, ^ f c O - Z i k ^ O * « *
^ , «j \
.
,^Ar
ü » u Iitc iû J u ô u j> » M » > f
u ú o
f t *111
A»
MAIjtMIUUlX^tliDVW
À< VUlu
o ^ ^ â iiif l.p . . .
'
-/■
€
/ j t O S u . À** m n u m » A i
^ a lr.« U U L C f^ ilU
IO u UMM^UU
tX A .
___
« U u » tu « u <
''%
/ u M v r & « A U (u « M '
^ C lU ^ u ù l
¿ O u j^ w u .
^UA&iT
O u r-< lr
cl
CaAl^O VUx
/ cv O U b X iA f- à «
f« A * '
i(
O i v u w u ^ « a lji|iv< /iu*A ai»A
à .l /& M b ^ i> à « f/)A *-*■*—T_
/
Cl3>ì'
™
O iA IttjtM r
j [ ft y < f e » f c f c ñ ^
OUüU^ r i ^ ( ^ |0 0 \ J(Ul>vOU rfc'-W rtX. « l u X w l « * .
Cjütá ÎAftilk«
.^
«
l ^ u u ^ u i O | 3f D U it/i( A « u u u X '
i * . 7 *L
J .X u u J U i,^
' C A T^*
/*
^ ^ /.L tiJ tv L u
CJU.
Ov>«¿b u w a u u
y « l« f c » .r
C U uÎÂ ^A
C f ttiU
t
^
¿IV ^ ( » ( u K
ì l i ¿uu> %
»C^U uJTc
V l
tH * r-
<AAfaAAay.^N * 7 lu
C M ^U ^u
• “ “ »* - °
;
î« A X i< j« r
À
(X ù
£ i T k O i» * i« i«
(AMUUkf" <AA< U U ^ « ( u
O ttiîC u
I f & O ’Î !
~
./ o ^ y w
tU U Î ' 4 7 <" ^ ''
0 «»U j 4 .
i | I U u |6 l ^
fib u y ^ U |a U ^ j t « b u U
I 4
Ä-
/it-
�Ÿv i
c^ i X ï i A ÿ ^
)<A
. 5<vt)
o a f c '- ^ y . fc-----
/€* e x M ^ c '^ o ^ ^ ’V ^ i u ^ c A ^ ü ^ U Û , ^
ft< iu a A o « n M u ^ ^
C
l /a c |v u Ì L i
il> y<
à. ^
1
c
* |« A oua^
^ JT
um m .
^
—■
*««•*« -j-m r..............K—
A n M u i» A a « T - t ^ u i ^ » i u i ,.u ^ i i ~ | ,a / / 'c à ^ M ^ O L l  r À o
c«£t»
o c/^xj (jb ^ u > \A
c*. / oí. u j u J T u a m i / & & a a k i< a < |w ^
tfU fl« .
U l |* y | 0
çfi*tk*xr^ d. ^
/
«mA
 « _ i f Cm T u ¿ <
Ck JOlA IAAOaI^* - < A • p * ^
cO «U w ^A
j/tiZ lÇ ' g t
l > u f t c i a » A *»<*«»*<> ^, ) y ¿ ‘ a ^ w i r t ~
t lu ^ U t e u /fa y * Vif «
/a
u » n ^ v a><«*> o ~ j r i
ü u X o O u lu iu ^
Ítlíjf»
^ e x
U iÎ M .> U H t J l
y u jL ^
l i w « j i ^ ( ^ t a x . ^ j f ^ « A C M o u u J ltx ^ u .
il»
U
H
u
i f ô
w
X
c
/e »
< M A A lk U i n
O A i x »
^
<
« » i i
m
A
aJ*\ o c x  u ju j^
I
»
.
Ä
n
t a
i a
à b t tp u *
^
4a a a * ~ * ^
^ c X ^ JT c
;
^ im *
ji t x * - ¿ u
a
' o ttì r ' J
v ^ a ^ o
m w u L ^ u
^ (
iC L .
J:
'*/^tfaA^ILtA*^x i^ ■
ÍU
(A U jtt/)
, (A - ; . « u
/ £ , U A * W l VJi i » * .
U i U ^ G l M U . 'i k U
____
o lim ó t w ^
.\ Î T t
Vg * > ^ U
v
« * » "
,X A ^ * > i A A J ;
^
fc > u u iii(À u * jJ C
' W
k
m
r
-a l. / r ï j
h x JZ . t u ! ^ t u o o u j i w .
Clc x ^ r
^
‘t ^
Y ;
à_ / l o i W
¿ ¿ u ]^
a
^
«JL»uAlfcU*»Â
cjlLm-ÍÓ^aj^ ¡UXA- t » U W
vC xao
< A * t,
>
l
/
Om I
,
# ,'•'1
^
p'iT^Î.Tr^" ""
iiîb»*>A
c^oû X u ü «^
« ■ • t« ■> ^ ^ f ^ U r t i t ú m O
(7ti^ká*K£.
x ^ f ^ « r r °
V
^ U u U c j v l 'I I
O uy
—
T f . ^ L » i . ■ ■ » » » « » » —T u <>* *
tx jjl/ o u U u | ll A i
Ì fb u J t
C A iu ^ tiy « J - o
^ 1* ^ '
«»Æ i ifiu - y .,
a u
i'
g JIu i^ o JÎ n u i Ä c ^ /a ÉBÎ"^«k
•A* íúkX fcyni^
U
| rc u f c ' ^ \ « ' ( t -
& a w i U»«fl« j. ^ u > u j< i» » i» r ~ ° v : ' >
<1 «» « W«M f iX h À«JL J U
' u f l c o t y u X u i H ^owir- ^ Cum>
'^ l 4jü b|iÍtA < ¿a>
/ ix ^ o*»> «. ÎU_>
t f c - î ^
/“ £ “
tl¿ * » Á t» .^
^ u u ù ^ i
f t c « l* ï> Ü M A » « u l
c iL M
;
((
< ~ W ,
y ^
, ^
u a :j u i m
ia
|
i
O \iA Û
O U e « M
u
'
1 « jy » « * n « J â v ^ > , \
** ü
i i o Ä
C U i ^ « |{ r
-
< y a i U U L-
'
�(JUjGkL CM iy
t<\AAjL U i« t k ^ u M v a u J( ï
"&
«- ^ A I A O aA ^ ^^ÛLU^Uàii * CJfc-^*.
C uuv
U ili^ U A Ù jtL ^ C .
íu itA
f p i i -/ !
^/AAAtAA/i1//iy .
«*jLdtc ^»fiuwU. | ^ « u r
¿ A ^ U L tu r £ * - il CUUUJl'i)«. ^ 01A.CJujui
'« u x
¿L V<Aâl l f
V(>
^ C
A
>V
L*A
Jk*_ oL
f <.. . f a . . . t n l t f t l
C IU K uIcÜ
)c^UU>|OUJb 'À*.
^ Q ^ C i^ tX c
^
0 /tu .^ o ú t~ .U q iL -
x
<(/¿ &
tAA*~
l c t ¿ *A
r
O.T / ^ C ^ P ^ U a XÜiw
<AJUuX«4l ^'¿H.«UAM*UUr
»
j ^ y “ 1
6 a
i* * l í c i t o
V
^
/ f t A li
i
im
—
f o nuui.
^A U A C
^v
a
! Uvi_
ft
,______'
u u u filb l
t
fa ii» r
*
o«-. <AAOKAÍ^y£)
flUMl»«*.
OA^
¿ U M li
« « o r
"
OJL ¿U iviMC ^OJULU
^ É j k i u ¿ b X u i i |'
^ ^ X ltiu iM
/c«. < |u w t e ú .
/í« íitÍÁ to » ^
■ "V
OCt
/J í ( |^
ffcaJ ■. ^lA 4jU/)£ltiJUilUi>
U )« A UaÚ*ACUxA<! ^ t* - ¿K
I^mJTuAí
6 1 .
rU ^tU A U -
'{p y ^ x y *
Ϋ ju u i
^
» ‘A * ‘ ~ *^0 CojUL. / f t
X . m ’f i . l ----/ovl
Y ~
6 w jo .
» lim ^Hl Ix
MA C|Vt*X^«L«.f fcum.
A * u \6 c > Il ^ C|U.<iujr à .
q i¿ J
/ü c u
f i “*y*
CvmA
<****—
( ^ uuL ^ O i u Aa <m jlm X ^ « J t i i i U ü
fc u llu itjljù ë . C*jtt¿ /t^ x J iu J tiü tA
¿ b I r ^ 4 A .< A A ^
^ 'if lu lu A U m *^»À Xjuc^ùu^jt. 'V t*y¿t*.€ ^ S ru v /
t(
tic
<**C6uJtúilA
Jl*4 -
*CXiui^\.iLil<iüüjLo
^ Ü U A li
U i—OUA/y« f A l f i t . r u » 1 .
.
V/
6 lU ^ < y j
_
>
(A U i u i A
y ^ í^ jt í
^LU /ki>Tl^M .(U JtU 3
X* ■
OU. J U ^ U
2 ic / / c o t ^ u 'n 6
— V. ^ . . . « - 1 ^ « l l f l A r«
'b c W A U . *ik«
-V
/ o u o u ú l
•*
0 < I1 M C U |« 4
íu u * | lfe .
XAAOLMU
jv U L a t-
/o ía
.
axxaJC —
d i»
C^u! a .
/« A ir
:-
Ä»
^ o a * -e u ú u rf-
tfc -
^
d *>
ÙJU.' ( K
j
<x
a
$«JL*u«nit
(« ,
" ik u ,
'»
rO T « M i l l t u « u » t
f
í f * ' ^^ÍAAjkÁjCi CI/^caaÂÀc
r*u < x*r
3 - - /o ,A ^ C * * ^
¿
^
tlA llu íá
'■ , .
AJ
vJL m U X :
Tv*» ^*í
U
« j< S h r iú > u K O S c ife l-
>» I v X m
/ft
/ a ‘ A U U ^ w L | y iu o ^ßU -^W eA jbL
ü /t» Á
^
U>UULAaM. ^ C j w
i% U f
-fttß fjL A
/
OCJukvtMA,
/f««|C»Ajh
f% ^ !b
•
-
t u
U rv J tú ((J lu i< « l>
/^ O u /a C jU iu A l«
u lt t
'0
^üX
ÍXAr 6 l J « A ^ t A ~ J * d r ^ l A f c É w M . ^
¿L ú » « * . <e u f V e j t s r T í* *
^ U .Í L ( |J « a ¿ a
CAA. c í j ^ l l M ^ G u o l ‘ A a -
^
o iu li
cy+ }*!U a _
«Ar «**,<* ^ c-
“.
^
j
'
�/
«j^u*
% bi.
,
/ ^ * <Wr ]
*»<**. /</»
4 ím «
^
'J O
^
u
a
u a a jju .
¿
3«
J
/ a . > . i U 4 /IU 1 U
/ l d
<XA^ U < J ¿ U J X .
¿L A t^ cû ô » Î * /q ^ e w u x 3 O a l í t r
, 'o A o ( l » t t u u J
/
« o u lu n i^ «
V
< A iO > t^
ia
a f t a '*1»**-,
ím m
Cm
a f t c '^ t u k f a , /< a £ ^ u iu jL tr f %&6 aa!kam~
'
( •
•»
-- *-"^ u . j«»»j. . . - . lnT - ^ a . a iú jb < u ü u tu * X u iM
j
/ '-V '
a iu iu if
j"
*> < jk -'b a ju u a
l
__
^ M ju íj« » * '
¿ ..a T - c u f c
^
.
Î K jfc n * « u ¿ d
c u ^ o w lr
U o m u u u o A ü Ôu
• j KXMr
^U |^oítlA O AA x<
b 'c i* j ( ú t- ^ u i k
(^uu> w
^
&k C t u n u
car- Mm l
K'» * * J u A j a í i «
auuOLMW
. TU
/ ti M / m Í « A u ^ J r ^ C M ^Ú »^
tvM d d tï ^ u .
/^ A t,
^ -C
j
.ft
c ifii
ÿ
^
9
^
<*a
(j^ M ^
c jL lu iü b o M M .Y U M > J ¡ r
f6 f t lî v ü r « r 'ï ‘»
Í*JULAT ^OIWL*
< S £ u\Vs Ú £ L / 6
/
»
/
.
‘ j/ M^
ftt >u*-
u ^ u V /h ^ tt» « »
M -JT«
4L'
¿ ¿
,
-ó *>
_
_
_
_
_
_
rtutfu»yv«iy.T>»»Ai «> , /<A yuJR uA i «a í h q »
(n u x ju jtU iu ^
M a x tu J b
/u
/ u u u .^ fíu iiis « » ;
/(X / A u f > t U f Y <X¿A*/\\ U u i ÍL ......
;
ttfc*. t ¿
ta e -w ia i
u Íj< J L u jm j
V**. c o v x > o l¿ jr¿ o ¿ JL Í
,v
ÍX*^
o»*u » »
^/O ^Ü Jim A u»JÏ
/-«A
0,6 M w u i l ^ f v o
fc-tu
>»■
r
ó b v u t.
fmu>
^ ^ u Ú T b iA v b ^
U A r-U U iU A w
—. '
C f^ Y "
”
“
—/ - / .....
, ^ b j/ « l u ^ o u w v j u d t T
^ U u e u i u t « . y m m m u u t t ) ^ o u ^ A l> \lO y « í u
y
f t o í e J 'A * .
y o .y o x n .M t~
( ^ u u l r r-tiu .\0 u u ^ u y ^
.:
u > i« |ju .* /Cu
(«,
<
Counti|«kLiu><
4l>
..
/Acor tá
L j* ~ tc
'c u , ^
(|M < u u k ~ &
fflk ÔOÜU»! Ö-«
iKÜtKCpAAjJ
tfi «X»»»or ^
¡,
lip u
^*^«4 JT
^ ( I U ^ / Ó ua. UA Í A U Í ^ I ,
^öSfAf oin\A‘vy:
A
/ w
r r * ^ ^
,
/ * * , /« . T « ~ X
V—
f/ a iix o a c o c
cL / f e ^ l x w *
tL U M O lU ^UUJ|UU|(Íl U » Á £ ú f l» /u u ^ ixlL » ^ M I A U a A O *- «*—
^
‘» U T '
f / ( l ^ L i |i > l c u i í t r ( A k - 'Á Í L o « ! « ! ^
b ú
«X / « o
�ìL % -
à u A A U » M .
C U «y. Guilß} /uve
. .
/
^(jfu' <1 ‘C* tfe - 4 ¿U » / u y « .
^ S u lo A «
.-TV__
^
- ,W
X jv j< t ijL
#.
.
''j
-+-'-^0
<*» ^ » Í X A Í ¿ ^ I jlG U L r t ^ ¿¡¿ ¿« A JU tx Jl
^
(
a m &I
^■OUUMA.taJk-
^i
I s c i i ^ io ^ f c ì xti~K x*
' ^> JLVo "to
AA#y J )
«**
1
^
*
" ( 0 jfo u k ij« w j( V ft »» ^ u t JlU » > ,B Ì * ^
d c S * ( ft fe fx O .
r
*
^ tt ¿ u
‘j ' t t ^ A o u u * , ^
(
C M ^ C ------------------ V u
u cf M*u
- J U« 4
j
rciu|3^m3
U < j t a » J p
Í
l
lk >
‘-*-»41^ ^
>».
«A A . / '
< m m «ju> i ü u Í m
/ i
^ M iu u u L t A
^ lu l( ü U
—**»«
% < tr^ C lM iu i
o-c / u
O Ü
U
j u a u
À
V «L r 7 «
.
__
J»V-
^ — .(jy ^
. -V
^ «
.
u u a JUU*
.
'■' '
ü im
7
^
^
.\a * Ó
a a
> ^
*>Ç
v » f4
____
J
«M l
.
a
IN
**
A**>,A V ,
T
M *!çf yï l .M O ,. i l*
V
/
i%
-
>/ r t i
i t
e u e * « » ! .
_____
x x 4 u U iy . gto‘^ C ü a r ^ * *
*■
"Ä «
C k .iìn a
c u u
-Ä ^ «
f l*
^ \u a Ìju » ^
£ y ftU H il «t / * 4 y '**'
Aouul^Ùjuuuu
^ » W > \C u Jr^ U A A ¿ Í-
t t M A X i u y ‘V > i
/ g «A.
iu
« X M u ii
L u o ,''
C /■ ) -
m
g » 1 « |r6 j u ^ i » > . . . nfr . f
<6 « a : « r í « ¿ , ;
u * r Cycuuk
U A U M 44 à
4
T
* * * * ► •»
* -
.
^
•*
CA A 4
'
■ **
-v«W »v
-
i
1 u « ..< .
I
'
,
,
' i* •J
’*—
i
É r-,
* * ’
.1^ .%
w
\i
^
............—
.
,
» y V
î AÜ a \ \
-■*»;.*>
t
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
[Factum. Du Jouhannel de Janzat. 1846?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
J. Rollat
F. Grellet
S. Marie
Subject
The topic of the resource
contrats de mariage
coutume d'Auvergne
coutume du Bourbonnais
propres
biens dotaux
successions
code civil
séparation de biens
émigrés
créanciers hypothécaires
créances
communautés de biens
droit intermédiaire
doctrine
statut réel
jurisprudence
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire pour messieurs du Jouhannel de Janzat, Roy de la Chaise, et autres, créanciers de madame et monsieur de Longueil, intimés ; contre madame Marie-Madelaine de Laboulaye de Marillat, épouse séparée de biens de monsieur Auguste-Hilaire-Joseph-René marquis de Longueil, demeurant à Fouranges, commune de Broût-Vernet, appelante de jugements rendus par le tribunal civil de Gannat, le 19 juin 1846.
Annotations manuscrites. Questions, suivies du jugement et d'une analyse chronologique des faits
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Imprimerie A. Jouvet (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1846
1803-1846
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
1814-1830 : Restauration
1830-1848 : Monarchie de Juillet
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
35 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G3009
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G3008
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53626/BCU_Factums_G3009.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Chausse-Courte (terre de)
Biozat (03030)
Charmes (propriété de)
Brugeat (propriété de)
Chambarande (propriété de)
Fourange (propriété de)
Broût-Vernet (03043)
Saint-Pont (03252)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
biens dotaux
Code civil
Communautés de biens
contrats de mariage
coutume d'Auvergne
coutume du Bourbonnais
Créances
créanciers hypothécaires
doctrine
droit intermédiaire
émigrés
jurisprudence
propres
séparation de biens
statut réel
Successions
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53570/BCU_Factums_G2814.pdf
c3f08c7e6499bfb2f8d03d918a5c80c4
PDF Text
Text
MEMOIRE
ET C O N S U L T A T I O N
P OUR
M. le Marquis D U P L E S S I S - C H A T I L L O N ;
CONTRE
Les
détenteurs
L O L L IÈ R E ,
de ses
domaines
LA CROUX ,
de
LA
RO U SSIÈRE ,
L A FAGE ,
situés
dans
la paroisse de S a in t-C lém en t, en Auvergne.
-------—
——
\
,
«
L E C O N S E I L S O U S S I G N E , q u i a lu q u a tr e r e c o n n a i s s a n c e s n o
tariées de b a u x e m p h y t é o t i q u e s , p u b li é e s d a n s les p iè c e s j u s t i f i c a
tives c i - jo i n t e s , 1" p a rtie , n “‘ 1, 2 , 3 et 4 ; et q u i a e n t e n d u M. le
m a r q u i s D u p le s s is - C h â tillo n d an s sa c o n s u lt a t i o n v e rb a le ;
C O N S U L T É su r les q u e s tio n s de s a v o i r : 1° Si le s su s d ites re
c o n n a i s s a n c e s n o ta r ié e s p e u v e n t d is p e n se r d e r e p r é s e n t e r le titre
p r im o r d ia l des b a u x e m p h y t é o t i q u e s a u x q u e l s elles se r é fè r e n t ; —
2* S i c e titre est p r e s c r i p t i b l e ; — 3 ° S ’il est fr a p p é d e n u llit é c o m m e
féo d al ; —
4° S ’il est d é tr u it o u in te r v e r ti p a r les lois n o u v e l l e s ;
E S T I M E q u ’il y a l i e u de r é s o u d r e a f f i r m a t i v e m e n t la p r e m iè r e
q u e s tio n , et n é g a t i v e m e n t les trois au tres.
«
A i n s i , n o u s p e n s o n s q u e les r e c o n n a i s s a n c e s d is p e n s e n t d u titre
p rim o r d ia l ;
Q u e ce titre n ’est p o in t p r e s c r i p t i b l e ,
N ’est p o in t f é o d a l ,
N ’est p o in t d é tr u it o u in terverti p a r les lois n o u v e lle s.
N o u s a llo n s tra ite r s u c c e s s i v e m e n t ces q u a tr e q u e s tio n s .
�i-
2
PREM IÈRE Q U ESTIO N .
r
Q u elle est la valeur actuelle des quatre l'cconnaissanccs notariées des
bau x em phytéotiques de la R o u ssiè re , la F â g e , L olliere et la C r o u x ,
dom aines situés dans la paroisse de S a in t-C lé m e n t, en A u v er g n e ?
— ■P eu v e n t-e lle s dispenser le consultant de représenter le b a il p r i
m itif?
D ’a p rè s l ’a rticle 1 357
C o d e c i v i l , « les actes r é c o g n it ifs n e d is
p e n s e n t p o i n t de la r e p r é s e n t a t io n d u titre p r i m o r d i a l , à m o in s q u e
»sa t e n e u r
n 'y
soit s p é c i a l e m e n t r e la t é e . N é a n m o i n s , s ’il y a va it
» p lu sie u rs r e c o n n a i s s a n c e s c o n f o r m e s , s o u t e n u e s de la p o ssessio n ,
«et d o n t l ’u n e e u t tr e n t e a n s de d a t e , le
créancier p ou rrait
être
» d i s p e n s é de r e p r é s e n t e r le titre p r i m o r d i a l. »
D a n s n o tre e s p è c e , o n n e p r o d u i t q u ’u n e se u le r e c o n n a i s s a n c e
p o u r c h a q u e b a il e m p h y t é o t i q u e ; elle e s t , il est v r a i , fort a n c i e n n e .
S e lo n D u m o u l i n , § 8 , g l . , n* 9 0 , c e tte c i r c o n s t a n c e d ’u n e g r a n d e
a n c i e n n e t é , si elle e s t s o u t e n u e de la p o s s e s s i o n , p e u t é q u i p o ll e r
au titre p r i m o r d i a l , et d is p e n s e r le c r é a n c i e r de le ra p p o r te r, P o t h i e r r e p r o d u it c e t t e o p in io n d a n s so n n° 7 7 7 d u T r a ité des O b lig a
tions. O n sait q u e t o u t e s le s d is p o sitio n s d u C o d e c i v i l , s u r
cette
m a t i è r e c o m m e su r b i e n d ’a u t r e s , o n t été co p iées p r e s q u e littérale
m e n t de Potlu'er , ce q u i d o n n e b e a u c o u p d e p o i d s à so n o p in io n
pour
les q u e s tio n s q u e le C o d e 11’a p a s s p é c i a l e m e n t p r é v u e s , et
q u i p e u v e n t ê tre c o n s id é r é e s c o m m e u n e c o n s é q u e n c e d es a n c i e n s
p r in c ip e s .
M ais il est u n e c i r c o n s t a n c e d é c is iv e q u i d o n n e
a ux reco n n ais
s a n c e s p r o d u i t e s p a r le c o n s u lt a n t t o u te la fo rce d u titre p r i m o r d i a l :
c ’est le c o n t e n u
de ce s a c t e s , q u i p r é s e n t e n t u n é ta t d e s c r i p t i f des
lie u x d o n n é s à b a il e m p h y t é o t i q u e , et q u i r e la t e n t s p é c i a l e m e n t l ’ob_
je t et les c o n d i t i o n s d u c o n t r a t . L e c o n s u lt a n t est d o n c b ie n d an s
l ’e x c e p t i o n p r é v u e p a r l ’a rtic le 1 5 3 7 . l i n e l l e t , q u e fa u t - i l e n te n d r e
�o
p a r ces m o ts : a moins que sa teneur n ’y soit spécialem ent r e la té e? L a
loi n ’a pas v o u lu dire q u e l ’a c te r é c o g n i t i f d e v a it r e p r o d u ir e la co p ie
littérale et au l o n g d u titre m ê m e ou d e ses d is p o sitio n s . R é f é r e r lu
t e n e u r d ’u n titre , ce n ’est pas le c o p i e r , ce n ’est pas n o n p lu s se
b o r n e r à l’i n d ic a tio n du titre : c ’est e n dire le c o n t e n u , e n p r é s e n
ter l ’a n a ly s e . L e s r e c o n n a i s s a n c e s p r o d u ite s r e m p lis s e n t la r g e m e n t
c e tte c o n d i t i o n , c a r les d é ta ils q u ’elle s d o n n e n t de l ’o b je t e t des
c o n d itio n s d u c o n t r a t y so n t é n u m é r é s d ’u n e m a n i è r e si m i n u t i e u s e ,
q u ’i l e s t p r o b a b le q u e le titre p r im o r d ia l
y est r e p r o d u i t , c o m m e
l ’e x ig e n t les c a n o n is te s et D u m o u l i n : ad longum tenor....... enarralo
toto tenore.
N o u s n ’h é s it o n s pas à d é c id e r q u e ces r e c o n n a i s s a n c e s d is p e n s e n t
le c o n s u lt a n t
de r e p r é s e n te r le titre p r i m o r d i a l , s ’il est p e r d u , et
q u ’elles fo n t p reu ve, e n ce cas , de t o u t ce q u e l l e s c o n t i e n n e n t . « L e
« C o d e , d i t M . T o u l l i e r . t o m e 8, p. 6 84 , n ° /| 85 , n ’e x ig e m ê m e pas
• q u e l ’acte r é c o g n it i f soit a n c i e n ; il ne p o u v a it l ’e x ig e r san s t o m b e r
» d a n s u n e c o n t r a d i c t io n m a n i fe s te a v ec l ’article i 555 , n. 1 , q u i
» d o n n e à la co p ie tirée e n p r é s e n c e d u d é b i t e u r , p a r le d é p o sitaire
»de la m i n u t e , la m ê m e foi q u ’à l ’o r i g i n a l , s ’il est p erd u , q u o iq u e
• la co p ie n e soit pas a n c i e n n e .
» A p lu s forte r a i s o n , 011 ne p o u r r a it r e fu se r à l ’acte r é c o g n it i f, qui
» est 1111 vé rita b le o r i g i n a l , la fo r ce de su p p lé e r le titre p r im o r d ia l
kq u ’u n e
La
s im p le co p ie p e u t s u p p lé e r . »
co u tu m e
d ’A u v e r g n e
p r o c la m a i t les m ê m e s ' p r i n c i p e s .
et
n ’était p a s m o in s fa v o r a b le ..
« L e s r e c o n n a i s s a n c e s , dit C h a b r o l , t o m e 2 , p. 70 2 et s u i v a n t e s ,
• les r e c o n n a is s a n c e s s u p p lé e n t au b a il à c e n s ; m a i s , c o m m e elles
» n e s o n t q u e des r a tific a tio n s , q u e l q u e s a u t e u r s o n t e x i g é q u ’il y en
» ait p lu s ie u rs , et au m o in s , s ’il 11’y en a q u ’ u n e se u le , q u e l l e soit
» a n c ie n n e ou q u ’elle en r a p p e lle u n e a u t r e , o u q u e l l e soit e n la v e u r
de l ’é g l i s e o u d u s e ig n e u r h a u t - j u s t i c i e r , o u , e n fin , qu elle soit s u i /tvie de p r e s t a t i o n s , o u a c c o m p a g n é e d ’a d m i i u c u l e s . »
C h a b r o l r ap p elle , e n t e r m i n a n t ce p a s s a g e , u n e s e n t e n c e de la
�sé n é c h a u s s é e d ’A u v e r g n e , c o n f ir m é e p a r a r r ê t , la q u e lle
avait j u g é
su ffisante u n e se u le r e c o n n a i s s a n c e de d e u x ce n ts a n s , sans p r e sta
tio n s , e n fa v e u r d e la d a m e m a r q u i s e de L a f a y e t t e .
Il
sera it
bon
q u e le c o n s u lt a n t p r o d u i s i t , à l ’a p p u i d es actes
r é c o g n it ifs d o n t il v e u t se p r é v a l o i r , u n e p reu v e de p o ssession ou
jo u i s s a n c e d e
ses
auteurs,
qui
d o it r é s u lte r des lièves et r e ç u s
q u i é ta ie n t en u s a g e d a n s la c o u t u m e d ’A u v e r g n e et a u tr e s c o u t u m e s ,
d e p u is la fin d u s e iz iè m e siècle. O n a p p elait ainsi u n e e s p è c e d e r é
p e r t o ir e , u n e t a b le im a g i n é e p o u r fa cilite r la p e r c e p t io n d e s c e n s .
C e t t e t a b le c o n t e n a i t le n o m de l 'h é r i t a g e , c e lu i d u c e n s i t a i r e , l ’o b
je t de
la r e d e v a n c e et le p a i e m e n t . S o u v e n t o n se c o n t e n ta it de
m e t tr e u n e c r o i x à c ô t é d e l ’a rticle p o u r p r e u v e des p a ie m e n t s . Q u e l
q u e fo is les fe r m ie rs se s e rv a ie n t d e s p r e m iè r e s lettres de l ’a lp h a b e t
p o u r i n d i q u e r q u ’ils a v a ie n t r e ç u les a n n é e s d e l e u r b a il. L a lettre A ,
m ise à c ô t é de l ’a r t i c l e , su p p o s a it le p a i e m e n t de la p r e m iè r e a n n é e ,
la lettre B
de la s e c o n d e , et ainsi d es au tres. ( C h a r r o i . , Coutume
d ’ A u v erg n e, t. 2, p. 684 et su iv a n te s . )
N o u s p a ss o n s à la s e c o n d e q u e s tio n p ro p o sée.
DEUXIÈME QUESTION.
IsCS b a u x emphytéotiques des quatre dom aines situés dans la paroisse de
S a in t-C lé m e n t, en A u v e r g n e , sont-ils p rescrip tib les? E n d ’ autres
term es, les preneurs emphytéotiques, ou leurs héritiers et ayants-cause
o n t-ils pu acquérir ou transm ettre pa r prescription la tonte-propriété
des biens soum is à Vem phytéose?
La
so lu tio n n é g a tiv e d e c e t t e q u e s tio n ne p e u t p a s . ê t r e d o u
teu se. 11 est «le règle q u e <r p o u r p o u v o ir p resc rire il fau t u n e pos» se ssio n c o n t i n u e et non i n t e r r o m p u e , ¿
t it re de propriétatiie .*
(C.
civ. 3 2 2 9 . )
De là , cette c o n s é q u e n c e é crite d a n s u n e fo u le d e lo i s , r e n o u v e l é e s
p a r l ’a rticle 2250 du C o d e c i v i l , q u e « c e u x qu i p o s s è d e n t pofh- ;m-
�»tru i n e p r e s c riv e n t j a m a i s , p a r q u e l q u e laps de t e m p s q u e ce soit.
»— A i n s i , le fe r m ie r , le d ép o sitaire , l ’u s u f r u i t i e r , e t to u s a u t r e s q u i
» d é t i e n n e n t p r é c a i r e m e n t la ch o se d u prop riétaire., ne p e u v e n t la
»prescrire.
» L ’a rtic le 22.57 a jo u te q u e «les h é r itie r s de c e u x qui
» t e n a i e n t la c h o s e à q u e l q u 'u n d es titres d é s ig n é s p a r l ’article p r é c é » d e n t , ne p e u v e n t n o n p lu s p resc rire. » U n te x te si cla ir n ’a b e s o in
d ’a u c u n c o m m e n t a i r e .
C e t t e d isp o sitio n d u C o d e civil e x ista it d a n s les lois 1, C . com. de
usucap. —
1 , C od .
in
quib. caus. 3 et d a n s la loi 2 , § i 3 f f .p r o •
herede. E lle s ’a p p liq u e à l ’e m p h y t é o t e , q u o i q u e le C o d e n ’en ait
p o in t r a p p e lé le n o m ; il est fra p p é de la m ê m e i n c a p a c i t é q u e le
fe r m ie r o rd in a ire : c e tte i n c a p a c i t é n e cesse p a s p a r l ’e x p ir a tio n d u
b a i l , p a r c e q u e la fe r m e est c e n s é e p r o r o g é e p a r t a c it e r e c o n d u c
tio n . L e s h é r itie r s s u c c é d a n t à la fe r m e s u c c è d e n t ù l ’i n c a p a c i t é de
l e u r a u t e u r . P a r arrêt d u 21
août 1 7 3 4 ,
le
G ra n d -C o n seil a jugé
q u ’ u n h é r ita g e d o n n é e n e m p h y t é o s e d ev a it r e t o u r n e r au b a i ll e u r ,
q u o iq u e d e p u is l ’e x p ir a t io n d u ba il il se fû t é c o u lé p lu s de q u a trev in g ts ans.
Q u a n d 011 a c o m m e n c é à p o s s é d e r p o u r a u t r u i , o n est t o u jo u r s
p r é s u m é p o s s é d e r a u m ê m e t i t r e , s ’il n ’y a p r e u v e du c o n t r a ir e . ( C .
c i v . , 2 2 J 1. ) O n n e p e u t p a s p rescrire c o n t r e so n titre, e n ce se n s q u e
l ’o n n e p e u t pas se c h a n g e r à s o i - m ê m e la c a u s e et le p r in c ip e de
sa p o ssession ( I d . , 2 2 4 0 ) : TSemo sibi potest m utare causant posscssionis—
P o u r d é tr u ire c e t t e p r é s o m p t io n , il fa u d r a it u n e in te r v e r
sion de t i t r e , c ’e s t- à - d ir e u n c h a n g e m e n t d a n s la q u a lité de la p o s
session.
T e l s so n t les p r in c ip e s d e d ro it c o m m u n , a n c ie n s e t n o u v e a u x .
M ais q u e lle é t a i t , en cette m atière, la loi sp éciale d ’A u v e r g n e ?
L 'a r t i c l e
2 1 8 d e la
c o u t u m e d ’A u v e r g n e c o n s a c r a it le p r in c ip e
g é n é r a l de la p r c s c r i p t i b i li t é p a r tre n te ans. M ais elle a d m e tta it des
droits i m p r e s c r i p t i b l e s ; et la fix a tio n faite p a r cette c o u t u m e des d if
fé r e n te s p r e s c rip tio n s à tre n te ans n e . s ’e n t e n d , dit C h a b r o l , t. 2,
pag.
G68,
q u e des d ro its p rescrip tibles, et n ’est relative q u ’a u x
�G
p r e sc rip tio n s lé g a le s
de d i x , de v i n g t a n s ,
de' tr e n t e et q u a ra n te
ans.
Q u e l s é t a ie n t les d ro its i m p r e s c r i p t i b l e s ? — L a j u r i s p r u d e n c e et
les a u t e u r s d o n t l ’a u to rité a v a it le p lu s d e p o i d s , d i s t i n g u a i e n t . l e
c h e f - c e n s , ou le c e n s e n t o t a l i t é , d u c e n s de q u o tité o u d es a rré
r ag es . Ils d is a ie n t q u e le c l i e f - c e n s éta it im p r e s c r ip tib le e n A u
v e r g n e , im p r e s c r i p t i b l e à to to , niais q u e les a rr é r a g e s é t a ie n t p r e s
cr ip tib les. O n cita it u n a rr ê t d u 4 m a r s 1 6 0 7 , r e n d u e n fa v e u r d u
■
s e ig n e u r de T h i e r s ( M .
de M o n tp e n s ie r ) , c o n t r e le n o m m é C h a -
b r i o t , q u i d é c l a r e i m p r e s c r ip tib le u n c e n s d û su r u n e v ig n e situ ée
d a n s le te r ro ir de T h i e r s , p a y s de c o u t u m e , q u o i q u ’il y
eût cent
a ns q u ' a u c u n e p r e s t a tio n n ’e û t été fa ite a u s e ig n e u r terrier.
T o u t le p a y s d ’A u v e r g n e n ’éta it pas r c g i p a r la m ê m e loi. U n e
p a rtie se g o u v e r n a i t e n t i è r e m e n t p a r le d ro it é c r i t , u n e
a u tr e p ar
l e d r o i t é c r i t e t p a r l a c o u t u m e ; u n e t r o is iè m e s ’éta it s o u m is e à la c o u
t u m e d u B o u r b o n n a is . L e s lo c a lité s d o n t il s’a git a u p r o c è s é ta ie n t
situ é e s d a n s la p a ro isse d e S a i n t - C l é m e n t , q u i o b é is s a it au droit
é c r i t , ain si q u ’o n p e u t vo ir d a n s l ’état d es lie u x p l a c é a u
cem en t du
com m en
p r e m ie r v o l u m e d u C o m m e n t a i r e de la c o u t u m e , pa r
C h a b r o l , p a g e 5 G.
D a n s le d e r n i e r é ta t d e la j u r i s p r u d e n c e , le c e n s o u c h e f - c e n s
a v a i t , a p rè s d es arrêts
c o n t r a i r e s , é té en fin r e c o n n u c o m m e i m
p r e sc rip tib le d a n s la p a rtie de d ro it é c r it d ’A u v e r g n e .
M ais l ’im p r e s c r ip tib ilité de la d ir e c te s e ig n e u r ie ou d o m a in e d i
rect d u
b a i ll e u r e m p h y t é o t i q u e n ’a va it j a m a i s é té m is e en d o u t e .
T o u s les a u t e u r s t ie n n e n t u n a n i m e m e n t q u e l ’e m p h y t é o t e n e [»eut
p a s p resc rire c o n t r e so n t i t r e , pas p l u s q u e le fe r m ie r o u le c r é a n
c ie r h y p o t h é c a i r e , m ê m e q u a n d il y a u r a it c e s s a tio n d e p a i e m e n t
p e n d a n t m ille a n n é e s , d it D u m o u l i n , à m o in s q u ’il n ’y a it eu in t e r
version de t i t r e , c o m m e q u a n d o n c h a n g e l ’é ta t et la q u a lité de la
p r e m iè re p o s s e s s io n , o ù q u e l ’e m p h y t é o t e , d é n i a n t le d o m a i n e d i
rect au b a i ll e u r e m p h y t é o t i q u e ,
le p r e n d p o u r l u i - m è m e e t c o m
m e n c e à p o ss é d e r de son c h e f : Q u u m d iü cnim possidet tn hac cam<)
�7
et in luic q u a litate, etiam per spatium m ille annorum nunquam prœscrib i t ,q u ia ...S i c u t in sim ili em p h iteu ta , colonus, creditor hypothecarius,
quam dià in illâ qu a litate possident, etiam si n ih il so lv a n t, nec a lite r reco g n o sea n t, nullo tempore p ræ serib u n t, nec unquam incipiunt prœscrib ere, n is i in d ie quâ , possessione p rio ri intei-versâ , cœperint pro suo
possidere ( C a r o l . M o lin e i O p é r a , t o m . I , p. 2 1 9 ).
N o u s n ’a v o n s p a s à n o u s o c c u p e r (le la d i s t i n c t i o n fa ite p a r la
c o u t u m e e n t r e l e c e n s d es b a u x o r d i n a i r e s , e t le c e n s des b a u x e m p l i y t h é o t i q u e s . L e s a rr é r a g e s d e s p r e m ie r s n e se p r e s c r i v a i e n t q u e
p a r t r e n t e ans. M a i s l ’e m p h y t é o t e n e p o u v a it ê tre c o n d a m n é à p a y e r
p lu s d e trois a n s d ’a rrérag es . « L a l o i , d it C h a b r o l , t. I I , p a g .
» a d é s ir é p r é v e n i r la g r a n d e m u l t i p l i c a t i o n
d e s a r r é r a g e s , d a n s la
» cra in te q u e l ’e m p l iy t é o t e n e fû t t r o p grevé. »
M ais t o u t e s ces r e n t e s n ’o n t -e lle s p a s été fr a p p é e s de n u llit é pa r
les lois des 25 a o û t 1 7 9 2 et 1 7 j u i l l e t 1 7 9 0 ?
N o n , c a r e lle s n ’o n t
a u c u n e c a u s e fé o d a le , c o m m e o n v a le voir.
TROISIÈM E QUESTION.
L e s rentes emphytéotiques d ’ A u v e r g n e ne sont nullem ent féodales.
L a loi des 25 -28 a o û t
d ’a b o r d , art.
1 7 9 2 , r ela tive a u x d ro its f é o d a u x , a tt e in t
1 " , t o u s les e ffe ts q u i p e u v e n t a v o ir é té p r o d u i t s par
la m a x i m e nulle terre sans seigneur.
M ais o n sait q u e la
co u tu m e
d ’A u v e r g n e r e c o n n a i s s a it , to u t au c o n t r a i r e , la m a x i m e n u l seigneur
sans tit r e , d ’où il su it q u ’il fa lla it u n titre p a r t i c u l ie r p o u r éta b lir
la d ir e c te . C e titre , t o u te p e r s o n n e n o b le o u n o n n o b le p o u v a it l ’a c
q u é r i r : ce q u i fait d ire q u e c e tte c o u t u m e éta it a llo d ia le , c ’es t-à -d ire ,
s e lo n 1 e x p lic a t io n de C u j a s , liv. 2 , des F ie f s , tit. 1 7 , f r a n c h e de t o u l
v a s s e la g e , de t o u te fé o d a lit é .
L a rticle 5 de la m ô m e l o i , e n a b o lis s a n t to u s les d ro its i é o d a u x
o u c e n s u e ls u tile s , t o u te s les r e d e v a n c e s s e ig n e u r ia le s a n n u e ll e s en
a r g e n t , g r a i n s , v o l a i l le s , e t c . , e x c e p te e x p r e s s é m e n t le c a s o ù ils
�seraient ju s tifié s avoir pour cause une concession p rim itive de fo n d s,
l o r s q u e cette c a u s e se trouvera clairem ent énoncée dans l'acte, prim or
d ia l d ’ inféodation, d'accenscm ent ou de b a il à cens.
L e s titres p r o d u its p a r le c o n s u lt a n t
sont é v id e m m e n t
d a n s le
cas de c e tte e x c e p tio n . Mais la loi d u 17 ju i l l e t 17 9 0 a s u p p r i m é ,
sans i n d e m n i t é , t o u te s les r e d e v a n c e s c i - d e v a n t s e ig n e u r ia le s , m ê m e
celles c o n s e r v é e s p a r le d é c r e t des 2 5 - 2 8 a o û t 1 7 9 2 .
A i n s i , la seule q u e s tio n à e x a m i n e r est c e lle d e sa v oir si les r e n
tes r é c l a m é e s p a r le c o n s u lt a n t so n t d es r e d e v a n c e s s e ig n e u r ia le s ,
si la d ir e c te se ig n e u r ie q u i s ’y tro u v e st ip u lé e p o u r le b a i l l e u r d oit
s ’e n te n d r e d a n s l ’a c c e p t i o n fé o d a le ou se p r e n d r e p o u r le
d o m a in e
d ir e ct d a n s l ’a c c e p t i o n o r d in a ir e d u d ro it é c r it e n g é n é r a l , et de la
c o u t u m e d ’A u v e r g n e en p a r t ic u lie r .
D u n o d , T r a ite des P r e s c r ip tio n s ,p a r t i e 5 , c lia p . 1 0 , n o u s a p p r e n d
q u e s o u v e n t , p a r u n e c o n f u s i o n de t e r m e s , o n a q u a lifié d e directe
le d rô it d ’ u n e r e d e v a n c e s tip u lé e p o u r c o n c e s s io n de f o n d s , le d ro it
q u e d o n n e l ’e m p h y t é o s e ; d ’o ù il fa u t c o n c l u r e q u e le m o i directe ne
d é s ig n e pas to u j o u r s u n d r o it ’ féod a l.
Il s ’agit u n i q u e m e n t d a n s les titres p r o d u its p a r le c o n s u lt a n t d ’un
bail à c e n s e m p h y t é o t i q u e , e t n o n d ’a u c u n b a il à c e n s s e ig n e u r ia l.
O n ne p e u t dire q u e le c e n s e m p h y t é o t i q u e p r e n d
la n a t u r e d u
ce n s s e ig n e u r ia l p a r c e la se u l q u ’il est d û à u n s e ig n e u r , c a r il est i n
co n t e s ta b le q u e d a n s les p a y s a ll o d i a u x la c o n c e s s io n p a r bail à re n te
p u r e m e n t f o n c iè r e é ta it p r é s u m é e p l u t ô t q u e la c o n c e s s io n p a r ba il
à c e n s se ig n e u r ia l. ( M e r l i n , Rëpert.
v° C e n s ,
§ 5,
pag. i 3 i , 3e
»'•dit. )
D ’a illeu rs , la C o u r de ca ss a tio n a ju g é , l e a ô v e n d é m ia i r e an i 3 ,
q u ’ u n e re n te ne p o u v a it pas être p r é s u m é e s e ig n e u r ia le p a rc e q u ’elle
était d u e à u n se ig n e u r . L e m ê m e a rr ê t d é c i d e a ussi q u ’a v a n t le C o d e
ci\il la loi n e d é fe n d a i t p a s de j u g e r q u ’u n e s e u le
r e c o n n a is s a n c e
suffit p o u r é t a b lir u n e re n te ( voir c e t arrêt d a n s Sin iiY , ô.» 1 ^ ->7 »
et d a n s les p iè c e s ju s tific a tives c i - j o i n t e s , a* p a r t ie , 11° 5 ).
V o u d r a it - o n a r g u m e n t e r co n t r e les p r é t e n t i o n s d u c o n s u lt a n t , d«
�9
ce q u e les a c te s d o n t il v e u t se p rév a lo ir r é se r v e n t au s e ig n e u r les
d ro its d e l o d s e t vente*, r é te n tio n p a r p r é l a t i o n , et a u tres d ro its de
d ir e c te s e ig n e u r i e , e n s e m b l e , t o u t e j u s t i c e b a u t e , m o y e n n e et b a s s e ,
les c e n s et r e d e v a n c e s c o n v e n u s , et les a u tr e s d ro its et d evoirs se i
g n e u ria u x ?
.
M ais-, d ’a b o r d , il a été j u g é p a r a rrêt d u p a r l e m e n t . d e P a r is , d u
5 fév rie r 1 7 8 6 , a u su je t d e la terre d e P o l i g n y , q u e d an s les p a y s
a ll o d i a u x où il n ’y a p o in t de statu t c o n t r a i r e , l ’a llo d ia lité est aussi
b i e n de d ro it p o u r les s e ig n e u r ie s d é c o r é e s de h a u t e , m o y e n n e et
b a ss e j u s t i c e , q u e p o u r les fo n d s p o ss éd é s e n r o tu re ( M e u l i n , /. c.,
p. 10 0 ).
Q u a n t a l a r é s e r v e 'd e la directe seig n eu rie, ces m o t s 11e d o iv e n t
ici é v i d e m m e n t s ’e n t e n d r e q u e du dom inium directum d es e m p h y t é o tes,
de la directe emphytéotique telle q u ’o n l ’e n t e n d d a n s les lois
r o m a i n e s , d a n s l ’é d i t d u m o is d ’a o û t 1 G 9 2 , et d a n s la d é c la r a tio n
d u 2 ja n vier 17 6 9 . E n ce s e n s , la d ir e c t e s e ig n e u r ie 11e t ie n t rien
de la féo d alité. C e tte i n t e r p r é ta t io n sort n a t u r e l l e m e n t de la c o m b i
n a iso n des a rticles 1 et 2 d u c h a p itr e 5 i de la c o u t u m e d ’A u v e r g n e ,
p u i s q u e , s u iv a n t l ’a rticle i e r , t o u s c e n s et r e n t e s d u s su r h é r ita g e s
certain s e m p o r t e n t directe seigneurie , et q u e l ’article 2 p o rte aussi
q u e q u i c o n q u e a c q u ie r t c e n s o u r e n t e s u r fo n d s a l l o d i a l , a c q u ie r t la
directe; q u e , de c e t t e id e n t ité d o n t se sert la c o u t u m e d a n s d e u x ar
ticles q u i se s u iv e n t , il fa u d r a it , p o u r i n t e r p r é te r le m o t directe d an s
le se n s f é o d a l , a ller j u s q u ’à dire q u e t o u t p a r t ic u lie r q u i a lié n a it
son fo n d s en A u v e r g n e , m o y e n n a n t u n e r e d e v a n c e .,c e n s o u r e n t e ,
se fa isa it u n f i e f , se fo r m a i t u n e v r a ie d ir e c t e fé o d a le : ce
q u i est
a b s u r d e , et c e q u e la c o u t u m e d ’A u v e r g n e n e su p p o s e n u lle paft.
( Voyez, l ’arrêt de la C o u r d e c a s s a t io n , d u 21 b r u m a i r e an 1 /j, d an s
M erlin , /. c. p. 1 0 7 ) .
L a d ir e c t e p u r e m e n t
e m p h y t é o t i q u e n ’a pas été c o m p ris e d an s
l’a b o litio n d u r é g i m e f é o d a l , et
le s r en tes r é c o g n it iv e s de c e t t e d i
re cte su b s iste n t e n c o r e a u j o u r d ’h u i d a n s t o u te l e u r é t e n d u e . C ’est
c c q u i a été j u g é p a r u n a rrêt de l a C o u r de c a s s a t io n , d u 26 plu viôse
a
�10
F
an 1 1 , q u ’o n p e u t v o ir d a n s S i r e y , 5 , i , 16 2 . O n y lit q u e la d irecte
qui tirait so n e x i s t e n c e d e c e t t e a n c i e n n e ma’x i m e : nulle terre sans
seig n eu r, es t la se u le q u e les lois a ie n t a b o li e ; q u e ce lle q u i d eva it
so n e x i s t e n c e à u n e c o n c e s s io n d e f o n d s su bsistera
t a n t q u e la loi
n ’ô te ra p a s au p r o p rié ta ir e le d ro it d e c o n f é r e r sa p r o p r ié t é m o y e n
n a n t u n e r e d e v a n c e q u e l c o n q u e , c ’e s t - à - d i r e q u ’elle e x istera t o u
jou rs.
Un avis d u C o n s e i l - d ’É t a t ( S. 8, 2, i 3 4 ) a a ss im ilé la c la u s e d e
p e r p é t u i té d es l o c a t e r i e s o u e m p h y t é o s e s p e r p é t u e lle s à la réserve de
la d irecte s e ig n e u r i e , et l ’a q u a lifié e de fé o d a le . M a is , o u t r e q u e c e t
avis a b i e n p e u d e p o id s d a n s u n e p a r e ille q u e s t i o n , la d ir e c t e sei
g n e u r ie n ’a y a n t rie n d e fé o d a l d a n s la c o u t u m e d ’A u v e r g n e , la f é o
d a lité n e p e u t p a s p l u s s e p r é s u m e r d a n s c e t t e c o u t u m e p o u r la c la u s e
d e p e r p é t u ité q u e p o u r d ’a u tr e s c la u s e s .
Q u a n t à la r éserv e d e s lo d s et v e n t e s , elle e s t e n c o r e a tt a c h é e à la
n a t u r e do l ’e m p l iy t é o s e , q u i e m p o r t e à c h a q u e m u t a t i o n u n d ro it
de l o d s , taudim ium .
L e s r e d e v a n c e s e m p h y t é o t i q u e s d o i v e n t d o n c c o n t i n u e r d ’é tr e ser
vies c o n f o r m é m e n t a u x titres q u i les c o n s t i t u e n t : c ’est ce q u e d é c i d e
f o r m e l l e m e n t u n d é c r e t im p é r i a l d u 25 n iv ù s e a n i ô , r a p p o r té d a n s
'
M e r lin , /. c ., p . 1 5 4 11 se ra it fa cile d e m u lt i p li e r les a u to rité s et les citations;. m a is n o u s
c r o y o n s i n u t i le d ’e n t r e r d a n s p l u s d e d éta ils s u r u n p o in t q u i ne n o u s
pa ra ît p o in t souffrir d e d ifficu lté.
11 est c e p e n d a n t u n e o b je c t io n g r a v e q u ’on p e u t tirer des term es
de 1 a cte d u î a n o v e m b r e 1 6 8 3 , le q u e l stip u le le d ro it de fa ire gu et et
gçirde au château de la Roque. C e t t e st ip u la t io n p o u r r a i t p a ra ître fé o
d a le , d ’a près les t e r m e s e x p r è s d e l ’a rtic le 10 d u titre 2 de la l o i d e s
i 5 - 2 8 m a r s 179 0. M ais 011 a vu q u e les s t i p u la t i o n s de lo d s et v e n te s ,
et a u tres q u e le s lois d é c l a r e n t fé o d a le s , n e l ’é t a ie n t p a s d a n s la c o u
t u m e d ’A u v e r g n e ; il en é t a i t d e m ê m e d u d r o it d é f a i r e g u e t et g a r d e.
C e n ’éta it
pas
d a n s cette
co u tu m e
u n e s e r v itu d e p e r s o n n e lle ;
m a is b i e n u n e s e rv itu d e r é e l l e , é t a b lie d a n s l ’in t é r ê t c o m m u n tan t
I
,
�n
•
d u s e i g n e u r q u e des p a y s a n s , q u i a v a ie n t le d ro it de se r é fu g i e r en .cas
d e péril é m i n e n t , a vec le u rs b i e n s , d a n s le c h â t e a u . C ’est de là q u e
v e n a i t le d ro it de g u e t et g a r d e , qui é ta it c o m m a n d é p a r l e u r p r o
pre i n t é r ê t , et q u i l e s o b li g e a i t
à. c o n t r ib u e r a vec
le s e ig n e u r à
c e r ta in e s r é p a r a t io n s d é t e r m i n é e s p a r l ’u s a g e . U n e p r e u v e q u e ce
d ro it n ’é ta it pas u n e s e rv itu d e p e r s o n n e l le é t a b lie en fa v e u r d u se i
g n e u r , c ’est q u e si le c h â t e a u était trop é l o i g n é o u tro p p etit et q u ’i l '
n e p û t c o n t e n i r les p a y s a n s a v e c le u rs b i e n s , ils n e d e v a i e n t p lu s ni
g u e t ni g a r d e , et a v a ie n t le d ro it d ’a lle r faire g u e t et g a r d e a illeu rs,
p r è s d ’u n c h â t e a u p lu s v o i s i n , o u q u i p û t a u b e s o i n les r e c e v o i r e u x
e t le u rs b ie n s . Il fa u t l i r e , s u r c e t t e q u e s t i o n , la P r a tiq u e de M a s u e r ,
é d itio n de P a r i s , 1 5 19 , fo l. 10 2 . N o u s n o u s b o r n e r o n s à
en rap
p o r t e r la t r a d u c t i o n fr a n ç a is e , p a r A n t o i n e F o n t a n o n , 3' é d itio n ,
P a r i s , 1 58 1. A u t i t r e 8 , des ta ille s , c o lle ctes, g u e ts , e tc ., p a g . 553 ,
§ § i 4 et i 5 , o n lit ce q u i s u it :
« § 14. L e s e ig n e u r a y a n t u n c lia s te a u ou f o r t , p e u t , e n t e m p s de
» g u e r r e , c o n t r a i n d r e les h a b i t a n t s de sa j u r i d i c t i o n à faire le g u e t ,
>>çt c o n s é q u e m m e n t les r é p a r a t io n s e n so n c l i a s t e a u . T o u t e s f o i s , il
» fa u t c o n s id é r e r si le c lia s te a u est a ssez fo rt en g r a n d e u r et fo r te » resse p o u r la d é fe n s e d e s d ic ts h a b i t a n t s et de leurâ b i e n s , et si les» d i c t s h a b i t a n t s p e u v e n t a v o ir a c c è s a u d i c t c l i a s t e a u , en p éril éin i» n e n t : c a r s’il y a vait l o n g u e d i s t a n c e , de f a ç o n q u e l ’a c c è s l e u r
»soit q u a s i i m p o s s i b l e , ils d o iv e n t a vo ir r e c o u r s au p lu s p r o c h a i n
• c l i a s t e a u , et e n ic e l u i faire le g u e t et r é p a r a t i o n s . . . . T o u t e s f o i s , le
» s e ig n e u r est t e n u de c o n t r i b u e r , p a r c e q u e c e la r e d o n d c p r in c i» p a i e m e n t à so n u tilité .
» § 1 5 . Q u a n t a u x fo r a in s se Retirant avec le u rs b ie n s e n q u e lq u e
»ville m u r é e et g a r n ie de fo s s e / , ils s o n t te n u s à la r é fe c tio n et
p r é p a ra t io n d ’i c e u x , se lo n la fa c u lté d es b ie n s q u ’ils y o n t
m is,
» e n c o r e q u ils a ie n t d es m a i s o n s l o u é e s , p o u r c e q u e cela v ie n t
au
» profit et u tilité d ’u n c h a c u n . E t e n o u t r e , y fa is a n t l e u r d e m e u r e et
« r é s id e n c e en cas de p éril é m i n e n t , p e u v e n t être c o n t r a in ts de faire
»le g u e t et a s s is t e r a la g a r d e des p o r t e s , p r i n c i p a le m e n t s ’ils ne le
�'
•- K
'
¿2
» fa isa ien t e n a u tre lieu. A u t r e c h o s e serait des r é p a r a t io n s des c h e » m in s et d es p o n t s , c a r le u rs lo c a t e u r s s o n t t e n u s à c e l a , c ’est-à»dirc les p r o p r i é t a i r e s des m a is o n s q u ’ils t ie n n e n t à lo u a g e . A u s s i
» u n fo r a in n ’est t e n u d e p a y e r l a taille r o y a l e , p o u r c e q u ’elle doit
» s ’im p o s e r a u x p e r s o n n e s en r a is o n des b ie n s. >•
N ’est-il p a s é v i d e n t , d ’après c e l a n g a g e , q u e d a n s la c o u t u m e
d ’A u v e r g n e la se rv itu d e de g u e t et g ard e n ’était p a s d u e à la p e r s o n n e , m a is à la c h o s e : ce q u i n e p e u t c o n s t i t u e r u n e s e rv itu d e fé o d a le ?
L e c a r a c t è r e des se rv itu d e s fé o d a le s est d ’etre p u r e m e n t p e r s o n n e l le s
et de c o n t r a i n d r e u n e p e r s o n n e au service d ’ u ne a utre p e r s o n n e . M ais
l o r s q u e l ’o b lig a tio n a p o u r o b je t l ’e n t r e t i e n o u la r é p a ra t io n d ’u n
b i e n c o m m u n , t a n t d a n s l ’in t é r ê t de l ’o b lig é q u e d u c o -tr ^ ita n t, o ù
p e u t être la féo d alité ? O r , les c h â t e a u x , en A u v e r g n e , é t a ie n t , c o m m e
on v ie n t de v o i r , l ’asile fo r c é des p o p u la t io n s cir c o n v o is in e s ; elles
p o u v a i e n t s ’y r e tir e r , s ’y lo g e r a v e c le u rs fa m ille s , d a n s des cas p r é
vus. C e d ro it n ’a c e r t a i n e m e n t rie n de féo d a l.
O n p e u t e n c o r e lir e , su r c ette q u e s tio n , le C o m m e n t a i r e de C h a
b r o l , s u r l ’art. 455 de la c o u t u m e d ’A u v e r g n e .
« L e g u e t , d it- il,
» p a g e 4 4 9 » t o m e 3 , est u n e e s p è c e d e c o r v é e é ta b lie p o u r l ’utilité
» c o m m u n e d es j u s t ic ia b le s et d u s e ig n e u r . C e d ro it a pris sa n a issan ce
» d a n s ces t e m p s m a l h e u r e u x o ù n u l n ’éta it e n sû reté c h e z soi ; tel
» q u i s ’éta it c o u c h é lib re se tr o u v a it es cla v e à so n réveil : ses effets
» é t a ie n t pillés j sa f e m m e et ses filles vio lées ; la fo rce et la vio len ce
» d é c i d a i e n t . L e s s e ig n e u r s lé s p lu s p u iss a n ts se fo r t i fi c r c n t d a n s leurs
» c h â t e a u x ; le u rs su je ts ét e m p h y t é o t e s s ’y retir a ie n t avec le u rs e f« fets, quand
i l s 'é t a i e n t m e n a c é s de q u e l q u e i n v a s i o n ; p o u r a c -
» q u é r ir ce d r o it, ils s ’ass u jettis sa ien t à g a r d e r le c h â t e a u et à e n tr e
t e n i r les fo r tifica tio n s; les voisin s s ’y s o u m e t t a i e n t aussi l o r s q u ’il
» n ’y avait p o in t de c h â t e a u - f o r t d a n s le lieu où ils h a b ita ie n t . » C es
pa ro les p r o u v e n t b ie n q u e le g u e t , e n A u v e r g n e , était é ta b li d an s l ’in
térêt c o m m u n d u s e ig n e u r et d es ju s tic ia b les .
N o s p r in c ip e s s o n t c o n s a c re s p a r un arrêt de la C o u r de c a ss a tio n ,
du 3 juin
i 8 3 5 , rap p o rté p a r Si r e y ,
tom e
35 , p r e m iè r e pa rtit1,
�13
p a g . 024 et su iva n tes. N o u s l ’a vo ns c ité t e x t u e l l e m e n t en e n t i e r ,
a u x p iè c e s ju s tific a tiv e s , 2 ' p a rtie , n° 6.
.
,-
V o y o n s m a i n t e n a n t si les a n c ie n s titres., i n v o q u é s p a r le Consul
t a n t , n ’o n t p a s été d é tr u its o u intervertis p a r le s lois n o u v e lle s.
QUATRIÈME Q U ESTIO N .
Les b a u x dont il s ’ a g it n ’ ont été d étruits ou intervertis, à l ’ég a rd du
bailleur o rig in a ire , n i p a r les lois des 18-29 décem bre 17 9 0 et 11 bru
m aire an 7 , ni pa r les dispositions d u C o d e civil.
L a p r e m iè r e de c e s lois, c e lle des 18-29 d é c e m b r e 1 7 9 0 , q u i dé
cla re r a c h e t a b l e s t o u t e s les r e n t e s fo n c iè r e s p e r p é t u e l l e s , soit e n
n a t u r e , soit en a r g e n t, de q u e l q u e e s p è c e q u ’elles so ie n t, et q u e lle
q u e soit l e u r o r ig in e {tit. t , art. 1 . ) , n e c h a n g e a it r ie n à l e u r n a
tu re i m m o b i l i è r e , ni à la loi q u i les rég is sa it (tit. 5 , art. 5 ) ; e lle
11e d é r o g e a it e n rie n a u x droits,- p r iv ilè g e s et a ctio n s q u i ' a p p a rte
n a ie n t c i - d e v a n t a u x b a i ll e u r s de f o n d s , soit c o n t r e les p r e n e u r s p e r
s o n n e l le m e n t , soit s u r les fo n d s b a illé s ;’i r e n t e (art. 1 , même titre).
E lle fixait le m o d e et le t a u x d u r a c h a t . T o u t r e d e v a b le q u i v o u
la it r a c h e t e r la r e n t e o u r e d e v a n c e f o n c iè r e d o n t so n fo n d s éta it
g r e v é , é ta it t e n u de r e m b o u r s e r , a v e c le ca p ita l d u r a c h a t , t o u s les
a rr é r a g e s q u i se tr o u v a ie n t d u s , t a n t p o u r les a n n é e s a n t é r ie u r e s , q u e
p o u r l ’a n n é e c o u r a n t e , au p r o r a ta d u t e m p s q u i s éta it é c o u lé d e
puis la d e r n i è r e é c h é a n c e j u s q u ’au jo u r d u r a c h a t (tit. 5 , art. i/j).
C e t t e f a c u l t é de r a c h a t , é ta n t a u j o u r d ’h u i de d ro it c o m m u n , n ’est
p l u s p r e s c rip tib le c o m m e elle l ’éta it autrefo is. M ais tou t l ’e fT e td e c e
p r i n c i p e de la loi n o u v e lle est d ’a c c o r d e r a u x d é b ite u r s des rentes
f o n c i è r e s , u n d ro it q u ’ils n ’a v a ie n t p a s a n t é r ie u r e m e n t . C e d ro it
n ’est pas u n e o b li g a t i o n , et le d é b i t e u r de la r e n t e est to u jo u r s p a r
fa i te m e n t lib re de la r a c h e t e r a u x c o n d i t i o n s v o u lu e s pa r la l o i , o u
de c o n t i n u e r de la s e r v i r , s o u s p e in e de d é g u e r p i s s e m e n t , fa u te d e
p a i e m e n t de la r e d e v a n c e .
�A près la loi d u 18 d é c e m b r e 1 7 9 0 , est v ç n u c la loi d u 11 b r u
m a ir e an 7 , su r le r é g i m e h y p o t h é c a i r e , q u i porte', art* 7 , q u e les rentes
constituées3 les rentes foncières3 et tes autres prestations que la loi a dé
clarées raclietables, ne pourront plu s à l'a v en ir être frappées d ’hypo
thèques. C e t a rticle est u n g r a n d p a s vers la m o b ili s a t io n des r en tes ;
m a is c ette m o b ili s a t io n n e r é su lte n é c e s s a ir e m e n t ni d e ce q u e les
r e n te s so n t d é c la r é e s r a c li e t a b le s , ni de c e q u ’elle s n e p e u v e n t p lu s
être fr a p p é e s d ’h y p o t h è q u e s .
E lle n ’a été p a rfa ite q u e p a r les lois p o s t é r ie u r e s . 'V o y ez les c o n
sid éran ts d ’u n arrêt de la C o u r d e c a s s a t i o n , c h a m b r e s r é u n i e s ,
d u 2 7 n o v e m b r e i 855 . (S. 55- 1 , 900. — D . 56 , 1, 4 i - )
D ’a i l l e u r s , d a n s a u c u n c a s , o n n é p o u r r a i t o p p o s e r au c o n s u l
t a n t la loi d u 11 b r u m a i r e a n 7 , p u i s q u e t o u s les titres q u ’il p r o
d u it à l ’a p p u i de ses p r é t e n t i o n s o n t é té cr é é s a v a n t c e t t e loi.
L e s art. 5 29 et 55 o d u C o d e civil s o n t les p r e m i è r e s ' l o i s - q u i
a ie n t r é e l le m e n t c h a n g é la n a t u r e d e s r e n t e s , les p r e m iè r e s q u i les
a ie n t r e n d u e s e n t i è r e m e n t m e u b l e s . « D a n s l ’a n c i e n n e j u r i s p r u d e n c e ,
» d i t M . T o u l l i e r , t o m e 5 , n° 55 2 , p a g . 2 2 1 , elles ( le s r e n t e s ) é t a i e n t
»des d ro its r é e l s , d es d é li b a t i o n s de la p r o p r i é t é ; et c o m m e p e r » s o n n e n e p e u t être fo r c é d e v e n d re son b i e n , il éta it de l e u r e s se n ce
» d e n ’être p a s r a c l i e t a b l e s , t e l le m e n t q u e si la fa c u lté de les r a c h e
t e r é ta it s tip u lé e d a n s le c o n t r a t de bail à r e n t e , c e tte fa c u lté se
» p r e sc riv a it p a r tr e n t e ans.
» M ais le C o d e les d é c la r e m e u b l e s et e s s e n ti e lle m e n t r a c h e t ù b l e s .
»sa n s q u ’o n p u iss e s t ip u le r le co n t r a ir e (art. 5 2 9 c t 55 o ). Il e n r é » su ite q u e l l e s ne s o n t p lu s d es d ro its r é e l s , et q u ’elles n ’a ffe c te n t
» p lu s le fo n d s q u e p a r h y p o t h è q u e o u p rivilè ge. L ’o b lig a tio n de les
• p u r g e r n 'est d o n c p lu s p u r e m e n t r éelle d a n s la p e r s o n n e d u p r e » n e u r ou d e ses h é r itie r s , q u i ne p e u v e n t p l u s se lib é re r a u t r e m e n t
» q u e p a r le r a c h a t .......
•
M ais à l ’é g a r d d es r e n te s fo n c iè r e s cr é é e s a n t é r ie u r e m e n t à la
’ p r o m u lg a t io n du C o d e , q u o iq u e a u j o u r d ’h u i m e u b l e s et r a c h e t a » )>les, le d é b i t e u r o u ses h éritiers p e u v e n t e n c o r e s ’en lib ére r p a t le
�15
» .d ég u erp isse m e n t o u a b a n d o n d e fo n d s , p a r c e q u e les d is p o sitio n s d u
» C o d e n e p e u v e n t a v o ir d ’effet ré tro a c tif. »
C e t t e d is tin c tio n est fort im p o r t a n te d a n s l ’e s p è c e p r o p o s é e . Si l ’o n n e p e u t faire r é t r o a g ir les d is p o sitio n s d u C o d e civil p o u r res
t re in d r e les d ro its d u p r e n e u r o u de ses h é r itie r s , o n ne le p e u t p a s
d a v a n ta g e p o u r r e str e in d re les droits q u e lé s lois a n c i e n n e s d o n
n a ie n t au b a ille u r . Il fa u t r e sp e cte r t o u s es d ro its a c q u i s , so u s p e in e
d e v io le r la g r a n d e et sa lu ta ire m a x i m e q u e les lois ne disposent que
pour l ’avenir.
D e là n o u s c o n c l u o n s q u e le b a i lle u r e m p h y t é o t i q u e o u ses h é
r it ie r s , p r o p rié ta ir e s de r e n te s f o n c iè r e s c r é é e s a v a n t la p r o m u l g a
tion d u C o d e civil, o n t t o u j o u r s l 'a c t i o n e n d é g u e r p i s s e m e n t , fa u te
de p a i e m e n t de la r e d e v a n c e , et q u ’a u c u n e p r e s c r ip t io n n e d o it leu r
être o p p o sée à c e t é g a r d , p a r c e q u e le p r e n e u r n i ses h é r itie r s n e
p e u v e n t p r e s c rir e c o n tr e le u r s titres.
'
J u s q u e là ces p r in c ip e s n e n o u s p a r a i s s e n t p a s 'd e v o i r être c o n . t e s t é s ; m a i s le c o n s u lt a n t n e dit pas d e p u i s q u e lle é p o q u e les r en tes
e m p h y t é o t i q u e s d o n t il s ’a g it o n t cessé d ’être p a y é e s , ni s ’il y a d e s
t ie rs-a cq u éreu rs.
N o u s p e n s o n s q u e s ’il n ’y a p o i n t de m u t a t i o n , ni d 'in te r v e rs io n
d e t i t r e , ni d é n é g a t i o n lé g a le d e l à r e d e v a n c e , la ces sa tio n de p a i e
m e n t d es r e n t e s e m p h y t é o t i q u e s n e s a u r a it suffire p o u r la p r e s c r ip
t io n , q u e lle q u e p û t être sa d u r é e , p a r c e q u e la p r e s c rip tio n d o it avoir
u n p o in t de d é p a r t a u tre q u e le titre d e la r e d e v a n c e . S ’il en éta it
a u t r e m e n t , o n p r e s c rir a it c o n t r e so n t i t r e , o n v io le ra it c e c é lè b r e
a x i o m e q u i, d e p u is d es s iè c le s , f o r m e la règle de n o s t r i b u n a u x : ad
prim ordiurn titu li om nis form atur eventus.
S ’il y a d es l i e r s - a c q u é r e u r s , il fa u t d is t in g u e r s ’ils o n t a c h e t é
a v a n t o u après la p r o m u l g a t i o n d u C o d e civil.
S ’ils o n t a c h e t é a v a n t la p r o m u l g a t io n d u C o d e c i v i l , il fa u t e n
co re d i s t i n g u e r s ils o n t fait o u n o n la sig n ifica tio n d u t r a n s p o rt au
b a ille u r o rig in a ir e . C e n ’est q u e d a n s l ’h y p o t h è s e de cette s i g n i fi c a -
�tion q u ’ils se s o n t d o n n é u n titre p r o p re , u n titre n o u v e l q u i p e u t
o p é r e r la p r e s c rip tio n , p a r c e q u e c e l t e s ig n ific a tio n p e u t être c o n
sid érée c o m m e u n e d é n é g a t i o n du d o m a i n e d ir e c t au b a ille u r e m
p h y t é o t i q u e , c o m m e u n e c o n t r a d i c t io n de so n titre : ce q u i suffisait
a u t r e f o i s , 'e t suffit e n c o r e , p o u r o p é r e r u n e in t e r v e r s io n de titre. —
V o y e z U u p e r r i e r j Q uestion s n o ta b les, liv. 2 , c h a p . 7 ; — M erlin.,
v° P re s cr ip tio n s, 5e é d i t i o n , p a g e 477 > et le C o d e c i v i l , art. 2208 .
S ’il n ’y a p o i n t eu de s ig n ific a tio n de t r a n s p o r t , ils 11e s o n t en
q u e l q u e sorte q u e de s im p le s m a n d a t a i r e s de l e u r v e n d e u r , q u i n ’a
p u l e u r c o n f é r e r q u e les d ro its q u ’il a va it l u i - m ê m e . L e v e n d e u r l e u r
a t ra n s m is les b i e n s a vec t o u te s les c h a r g e s d o n t ils é t a ie n t grevés ,
e t il n e p o u v a it p a s en être a u t r e m e n t , ca r les a c q u é r e u r s é ta ie n t
t e n u s de p u r g e r , p o u r se g a r a n t i r d e to u te s p o u r s u i t e s , et p a r c o n
s é q u e n t te n u s de r e m b o u r s e r le c a p ita l de la r en te. ( A r r ê t de la C o u r
de ¡Nîmes, d u 20 fr im a ir e an i 4 - — S. 6 , 2-82. ) S ’ils ne l ’o n t p o in t
f a i t , ils n e s o n t p o i n t v a l a b l e m e n t saisis à l ’é g a r d d u b a ille u r e m
p h y t é o t i q u e , et ils n ’o n t p u c o m m e n c e r a u c u n e p r e s c r ip t io n c o n t r e
lu i, p a r c e q u ’ils n ’o n t p o in t e t q u ’ils n e p e u v e n t i n v o q u e r c e t t e sorte
d ’in t e r v e r s io n de titre q u i r é s u lte r a it de la sig n ific a tio n d u t r a n s
p o rt au vrai p r o p rié ta ir e . A i n s i , les
tie rs -d é te n te u r s n ’o n t a cq u is
d ’a u tr e s d ro its q u e c e u x d es p r e n e u r s o r i g in a ir e s ; ils s o n t à leu rs
lieu et p l a c e , et la v e n te est c o m m e n o n a v e n u e à l ’é g a r d d u b a i l
le u r e m p h y t é o t i q u e . E lle n ’a d ’effet p o u r l ’a c h e t e u r q u ’à l ’é g a r d du
v e n d e u r ; elle n ’en a p o i n t à l ’é g a r d des tiers a u x q u e l s le tra n sp o rt
n ’a p o in t é té sig n ifié. L e 10 ve n tô se a n 1 2 , le t r i b u n a l d ’ap p e l de la
S e in e a j u g é q u ’en pareil c a s , le d é f a u t de s ig n ific a tio n é q u iv a la it
au d é fa u t de t i t r e , et q u e le n o u v e l a c q u é r e u r n ’a va it ja m a is été va
l a b le m e n t saisi à l ’é g a r d d e s tiers. ( S. 4 > 2 , 70 4 )• H n ’a d o n c pu
prescrire c o n t r e e u x , ni p a r les a n c ie n s p r i n c i p e s , ni p a r les n o u
v e a u x q u i les r e p r o d u i s e n t , ainsi q u ’il r é su lte des t e r m e s d e l ’article
a2.")8 d u C o d e c i v i l , q u i n ’a d m e t de p r e sc rip tio n en fa v e u r d es d é
te n te u r s p ré ca ire s c o n t r e les b a illeu rs o rig in a ir e s de b ie n s i m m o b i
li e r s , q u e tou t a u t a n t q u ’il y a eu in terversio n de t it r e , soit p a r u n e
�17
v a u s c v e n a n t d ’u n t i e r s , soit p a r la c o n t r a d i c t io n au d ro it d u pro
p r i é t a i r e , q u i est ici le b a i ll e u r e m p h y t é o t i q u e .
i,
Si l ’a cq u isitio n d es b ie n s e m p h y t é o t i q u e s est p o sté r ie u r e à la p r o
m u lg a t i o n d u C o d e c i v i l . il est certain q u e la m o b ilis a t io n d es r e n
te s , *par l ’effet de la loi n o u v e l l e , les a r e n d u e s p r e sc rip tib le s pa r
tre n te a n s ; m ais cette p resc rip tio n n e p e u t c o m m e n c e r q u e du j o u r
d e l ’a c q u is it io n faite a près la p r o m u l g a t io n d u C o d e civil. E lle ne
p e u t d a te r de c e tte p r o m u l g a t i o n , p a rc e q u ’elle n e c o u r a it pas au
p ro fit des v e n d e u r s , d é te n t e u r s p r é c a ire s des b i e n s e m p h y t é o t i q u e s .
11 ;n’y a eu in te r v e r sio n de titre p a r le fait de la loi q u e p o u r les n o u
v e a u x a c q u é r e u r s s e u le m e n t. C e t t e c i r c o n s t a n c e n e l e s a p a s d isp en sés
d e se c o n f o r m e r a u x a rticles 2 1 83 et 2 1 8 4 d u C o d e c iv il, q u i p r e s c r i
v e n t la n o tifica tio n à faire p a r l e n o u v e a u p r o p rié ta ir e a u x c r é a n c ie r s ,
avec offre de p a y e r j u s q u ’à c o n c u r r e n c e s e u l e m e n t d u prix., to u tes
les d ettes e x ig ib le s ou n o n e x ig ib le s . S ’ils o n t n é g li g é de r e m p lir ces
c o n d itio n s , ils 11e p e u v e n t a u j o u r d ’h u i r é c l a m e r le b é n é fic e de ces
lois p o u r se g a r a n tir de l ’effet d es p o u rs u it e s d u b a ille u r e m p h y t é o
tiq ue. P e u im p o r te q u ’en soi la c r é a n c e soit d é so r m a is p r e sc rip tib le
011 n o n p r e s c rip tib le ; du m o m e n t q u e le b a i lle u r e m p h y t é o t i q u e rtv
pa ra ît a vec son titre , et q u ’il p e u t a gir d i r e c t e m e n t , la q u e s tio n ne
d o it p lu s être co n s id é r é e d ’u ne m a n i è r e a b s o l u e ; elle est t o u te r e
lative, e t q u a n t à l u i , sa c r é a n c e o rig in a ir e reste im p re s c r ip tib le .
T o u t e f o i s , il est p o ss ib le q u e le b a i lle u r e m p h y t é o t i q u e 11e se soit
pas c o n f o r m é
a u x d isp o sitio n s de l ’a rticle 07 de la loi d u 11 b r u
m a ir e an 7 , q u i v o u la it q u e les d ro its d ’h y p o t h è q u e o u p r iv ilè g e ,
e x ista n ts lors d e la p u b lic a t io n d e c e t t c lo i, fu s s e n t in s crits d a n s trois
m o is p o u r to u t d éla i. M ais c e tte n é g l i g e n c e ne d o it pas lui
faire
p erd re ses d roits. L ’a rticle 267 d e la loi d u 9 m e s s id o r a n 3 , r e p r o
d u it d e p u is p a r l ’a rticle 3 g de la loi d u 11 b r u m a i r e an 7 , se b o rn e
à d é c la r e r q u e les h y p o t h è q u e s q u i n ’a u r a ie n t pas été inscrites d an s
le d élai v o u lu n ’a u r a ie n t effet q u ’à c o m p t e r d u jo u r d e l ’in s c r ip tio n
q u i en sera re q u ise p o s t é r i e u r e m e n t : — c ’est là toute la p e in e légale
de la n é g lig e n c e .
3
�M ais q u e d o it faire le c o n s u lt a n t p o u r r e n t r e r e n possession di
ses droits?
L a loi 2 , C od e de ju r is p . emphyt. , d é c i d e , en g é n é r a l , q u e l'e m p liy t é o te q u i ne p aie p a s p e n d a n t trois a n s , ou ne c o n s ig n e pas les
a r r é r a g e s , p erd t o u t le d ro it q u ’il a v a it s u r la c h o s e . Il est d 'a illeu rs
o rd in a ire d e s tip u le r d a n s les b a u x à r e n te q u e , fa u te de p a i e m e n t
p e n d a n t trois a n s , le c o n tr a t d e m e u r e r a n u l et r é s o l u ; a in s i, la r é so
l u t io n s ’o p ère ta n t e n ve rtu de la c o n v e n t i o n , q u ’en c o n s é q u e n c e de
la loi.
M ais c e tte p r iv a tio n n ’a p a s lieu d e p le in d ro it : il fa u t la d e m a n
d er e n ju s tic e . 11 n est p a s
n é ce ss a ir e de p r e n d r e i n s c r ip t io n p o u r
la co n s e r v a tio n de c ette f a c u lté , q u i n ’est p o in t s o u m is e aux f o r m a
lités éta b lie s p a r les lois s u r le r é g i m e h y p o t h é c a i r e . (V o ir a u x p iè c e s
j u s tific a tiv e s , 2*partie, n ° 7 , l ’arrêt de la C o u r de c a ss a tio n , d u 1 1 o c t o
b re 1 8 1 4 , S . , i 5, î, i4 7 - ) U n a u t r e a r r è t d e l a m ê m e C o u r a p a r e i ll e i n e n t
d é c i d é , le i 6 j u i n 1 8 1 1 , q u ’u n ba il à r e n t e fo n c iè re r e n f e r m e essen
t ie ll e m e n t u n p a c t e
c o m m i s s o i r e ; q u ’il n ’e m p o r t e de sa
n a tu re
a lié n a tio n de p r o p rié té q u e so u s la c o n d i t i o n de p a i e m e n t ; q u ’ainsi
le c r é a n c i e r d ’ u n e r e n t e , cr é é e p a r c o n c e s s io n d e fo n d s , p e u t d e
m a n d e r le d é g u e r p i s s e m e n t , fa u te de p a i e m e n t des a r r é r a g e s , e n
c o re q u ’il n ’ait pris a u c u n e i n s c r i p t i o n , q u e l 'i m m e u b le ait été
h y p o t h é q u é au profit d ’u n t i e r s , et q u e le d é b i t e u r de la re n te a it
la fa c u lté de la r a c h e te r . ( V o ir S . , » 1 , 1 , 53 ; , et les p iè c e s ju s t ific a
t iv e s ; a* p a r t ie , 11" 8. )
C e t t e a c t io n en d é g u e r p is s e m e n t est u n e a c tio n q u i se ratta c h e
a u x a n c i e n s p r i n c i p e s , et q u i , pa r cela s e u l , n ’est p a s m o b iliè r e .
M a i s ,a l o r s m ê m e q u 'e ll e a u r a it été r e n d u e m o b i l i è r e , elle n e p o u r
rait pas être p r esc rite a v a n t le 5 i m a r s 1858 , p u i s q u e , m ê m e d an s
la p lu s f â c h e u s e h y p o t h è s e , la p r e sc rip tio n 11e p o u r r a i t c o u r ir q u ’à
p a rtir de la q u a tr iè m e a n n é e après la p r o m u l g a t io n d u C o d e civil.
L e c o n s u lt a n t d evra d o n c m e t tr e les d é t e n t e u r s d e s e s l i i o n s en
d e m e u r e de lui p a y e r : i° u n e a n n é e d es a rrérag es
d e v a n c e s fo n c iè re s s t ip u lé e s en
d es r en tes et re
service d e j o u r n é e s d 'h o m m e s , d e
�c h e v a u x , b ê t e s de travail et de s o m m e o u de v o i t u r e , é v a lu é s ainsi
q u e de d ro it ;
2° T r o is a n n é e s des arrérag es des r e d e v a n c e s fo n c iè r e s s t ip u lé e s
e n a rg e n t c o m p t a n t , et de lu i servir ù l ’a v e n ir , e x a c t e m e n t , lesd ites
r e n i e s , a n n é e p a r a n n é e , si m i e u x ils n ’a i m e n t d é g u e r p i r , o u les
r a c h e te r .
L a raison d e c e t t e d is tin c tio n est p u is é e d a n s l’a rticle i 5 d u titre 5
de la loi d u 18 d é c e m b r e 1 7 9 0 , q u i p o rte q u e les r e n t e s et r e d e
va n ce s e n n a tu re n e s ’a r r é r a g e r o n t p o in t.
E n r é s u m é , il reste éta bli : i° q u e les r e c o n n a i s s a n c e s p r o d u i t e s
p o u r r a i e n t d is p e n se r le c o n s u lt a n t de r e p r é se n te r les titres p r i m o r
d ia u x a u x q u e l s elles se r é f è r e n t ;
20 Q u e ces titres s o n t im p r e s c r ip tib le s ;
5° Q u e les r e n t e s q u ’ils o n t é ta b lies n e s o n t pas fr a p p ées de n u l
lité c o m m e f é o d a l e s ;
4 ° E n l i n , q u e ni les lois des 1 8 - 2 9 d é c e m b r e 1 7 9 0 , et 11 b r u
m aire a n 7 , ni les d isp o sitio n s d u C o d e civ il, n ’o n t c h a n g é la n a tu re
de ce s r en tes e n les r e n d a n t r a c h e ta b le s , et q u e le c o n s u lt a n t a t o u
jours le d ro it de ren tr e r d a n s ses p r o p r i é t é s , si m i e u x n ’a i m e n t les
d é b ite u r s , soit d é g u e r p i r , soit r a c h e t e r , o u servir le s rentes.
D é lib é r é à P a r i s , le 5 m a i
18 3 7 .
''B O L E .
P u . D U P IN .
O D IL O N
BARROT.
A. P A I L L E T .
II.
de
Y A T IM E SIS’ IL.
�PIÈCES JUSTIFICATIVES
PR E M IÈ R E PA R T IE . — T IT R E S.
( N 'â .)
LA ROUSSIÈRE.
Antoine et Guillaume Trine, cousins, laboureurs, habitants du village de
la Roussière, paroisse de Saint-Clément, lesquels, solidairement l’ un pour
l’autre, et le seul pour le tout, sans faire division ni discussion, y renonçant
de leur bon gré et volonté, ont reconnu et confessé tenir et posséder en
emphytéosc perpétuel, tènement et p a gé zie, du puissant seigneur messire
Claude de Brezons, chevalier, seigneur, baron de La R o q u e , M ontm ayoux,
Paulhac, Bulsac et Samtheran, résidant ordinairement h son château et place
dudit Paulhac, près la ville de B rioude, absent, mais pour lui présents,
stipulants et acceptants, les notaires royaux soussignés h l’original du présent,
comme personnes publiques, commissaires députés en cette partie, à savoir:
Un domaine et tènement appelé de la Roussière, situés audit village, et
appartenances d’icelui, consistant :
i* En une maison à trois étages, couverte de tuiles, contenant sept toises
de face et trois et demie de profondeur;
a0 Une élable et grümge contenant dix-huit toises de face et quatre de
profondeur ;
3° Autre ¿tnb'le et grange contenant environ douze toises de face et quatre
de profondeur;
4° Autre ¿table et grange contenant cinq toises de face et trois do pro
fondeur ;
»
5° Autre élable et grange contenant huit toises de face et quatre de pro
fondeur.
Cours et terrains contigus auxdits bâtiments :
i° Un jardin potager et h chanvre de la contenue de quatre seterées, h<
semer chenovis;
a0 Loges l\ pourceaux et volaille;
�22
TIÈCES JUSTIFICATIVES.
5° Divers prés tic la contenue de quatre-vingts journaux de faucheur;
4° Un moulin h deux meules dans l’un desdits prés , sur le ruisseau
d’égout;
5° Divers champs de la contenue de soixante seterées terre labourable;
6° Divers pâturages, bois et autres terres inculles, de la contenue de cent
seterées terre ;
7° Une montagne avec dcuxburons et loges h veaux et à pourceaux , de la
contenue de cinquante têtes d’herbage ou environ , compris la troisième
partie d’un bois situé dans ledit tènement de la Roussière, appelé de la Devèze, contenant en tout trente seterées ou en viro n , et d’ icelui prendre et
user pour chauffage, y passer lesdits bestiaux, le tout conjoint et incorporé
ensemble, tenant et aboutissant dans le même tènement appelé de la R o u s
sière, qui fut donné et délaissé à titre de nouveau bail emphytéotique per
pétuel, par défunt puissant seigneur messire Jacques de Brezons, vivant,
seigneur baron desdites terres et seigneuries, capitaine d’une compagnie
d’ordonnance, et maréchal de camp de l’ armée du r o i , h Pierre et Antoine
Trinc frères, pères desdits reconnaissants, suivant lo contrat sur ce, fait et passé
par-devant Boissy, notaire royal à Vic, le trois février mil six cent vingt-neuf,
où les propriétés, possessions et héritages composant ledit tènement sont
spécifiquement dénombrés, le tout h présent confiné en son entier, du sep
tentrion par les montagnes appelées d ’Esclaux et de Lalandes; du midi par
les prés et champs de Pierre T r i n c , fils dudit Antoine reconnaissant, et le
pré du seigneur de Lasalle Salvagnac; d’orient par le bois dudit seigneur
d’ un bout h l’autre; et d’occident par la montagne dudit seigneur, appelée
de Belle-Vesle, auxquels confins, bornés et lim ités, doivent être mis et
ailichés suivant ledit contrat de bail emphytéotique;
8* Plus, leur part et portion de pâtureaux com m uns, fra u x , bois et autres
choses qui sont communes, indivises, entre eux et les autres habitants emphytéotes de ladite seigneurie de La Roqu e, et spécialement du bois de la
Boulesque , appartenant en propre audit seigneur, étant situé 5 l’endroit du
côté de la montagne de la Cepceyrc, pour leur usage. Quant aux outils ara
toires et autres nécessaires pour lo service dudit tènement et domaine de lo
Roussière , encore de pouvoir faire passer et repasser toute sorto de bétail
dudit domaine dans le bois de la Goulcsque dudit seigneur, et do couper
toutes sortes de bois, arbres, buissons des haies et endroit* dépendant do
�PREMIÈRE PARTIE. —
TIT8ES.
23
tout ledit tèncment, et ledit bois étant coupé, le pouvoir vendre h autrui
ou faire b r û le r , et autrement en faire et user ainsi que bon leur semblera.
Sous les cens et redevances :
Annuellement et perpétuellement en pagézie, de la quantité de soixantehuit quintaux fromages de montagne, un quintal beurre aussi de montagne,
poids de la ville d’Aurillac !
Quatre gellines;
Un veau de lait gras, le tout bon, suffisant, et de recette; que Iesdits Trinc
cousins, reconnaissants solidairement comme dessus, ont promis et s’obligent
payer et délivrer audit seigneur, ses fermiers et receveurs, savoir:
Lesdits fromages peser et recevoir dans les burons de ladite montagne, ti
chacun jour de Sainte-Foi, sixième octobre un chacun'an; et où il n’y aurait
assez de fromage d’été dans ledit buron pour suffire î» ladite quantité de
soixante-huit quintaux , ledit seigneur, et ses successeurs h l’ avenir, seront
tenus de prendre le surplus qui manquera en fromage d’autom ne, qui se
feront avant ln fête des Rois, aussi bons et de recette.
Lesdites gellines portables, et aussi ledit veau de lait gras, au château dudit
La Roque, ¡celles gellines à Saint-André apôtre, et ledit veau ¿1 la fête de
Pâques, après au suivant.
En outre, seront tenus lesdits T r in c reconnaissants, ou l’ un d’e u x , par
même solidarité que dessus, de faire audit seigneur, et sesdits successeurs
h l’avenir, un port de vin avec une paire de bœufs chacun an, h l’ arrièresaison et aux environs ladite fêto Saint-André apôtre, du vignoble du Quercy,
audit château de La Roque perpétuellement.
Aussi ont reconnu lesdits Trinc, reconnaissants pour eux et leurs successeurs
à venir, devoir audit seigneur, et h ses suctésseurs aussi à l’avenir, pour
raison et à cause dudit tènement sus-confiné et déclaré, propriétés, posses
sions et héritages qui le com posent, le droit de faire guet et garde audit
château de La Roque, en temps dû et accoutumé, droit de lods et ventes,
rétention par prélation.
Lnscmble, toute justice haute, moyenne et basse, mère mixte, empire et
tout exercice d ¡celle, être bons et fidèles tenanciers, payer les susdits cens
et redevances aux terme* ci-dessus réglés, et les autres droits et devoirs sei
gneuriaux, n y mettro cens sur cen s, ni autres charges, au préjudice dudit
*cigneur. F aire montre et vue oculaire d’iceux, (aire semblable reconnaissance
�2/i '
HÈCES JUSTIFICATIVES.
quand requis en seront et leurs successeurs h l’ avenir, et lui donner l’expé
dition en grosse î» leurs dépens, et généralement faire lout ninsi et comme
de bons paysans sont tenus faire, le tout suivant et conformément audit bail
emphytéotique dudit jour trois février 1G29, et sans rien innover aux parties,
aux autres conventions portéos par icelui respectivement, m êm elesd its
reconnaissants, à ce qui regarde l’effet do la taiile. Car ninsi tout, ce dessus,
lesditsTrinc reconnaissants l’ont promis et juré n’ y contrevenir directement,
ni indirectement, h peine de tous dépens, domaiges et intérêts, et h ce faire
ont solidairement, comme dessus, obligé, affecté, etliypothéqué, tous et cha
cun leurs biens , meubles et im m eubles, présents et à v e n ir , même et par
exprès, sans qu’une qualité déroge ü l'autre, de la généralité h la spécialité,
n i , au contraire , le susdit lènement reconnu , propriétés, possessions et
héritages qui le composent, avec les fruits, revenus et émoluments d’iceux,
pour quoi faire se sont soumis aux rigueurs de toutes cours royales qu’il
appartiendra, même de la cour et juridiction ordre dudit seigneur de La
R oqu e, voulant être contraints h l’ usage et stil d’ icelles et que une rigueur
de cou r; qu e,po ur raison de ce, sera accommencé pour l’autre non cessant,
renonçant à toutes exceptions de fait, de droit, qui pourraient être 5 ces
présentes contraires.
Fait et passé audit lieu de La Roque, paroisse dudit Saint-Clément, dans
la maison de Bernard Boisset, h ô te , le douze novembre après m idi, l’an
m i ls ix cent quatre-vingt-trois, en présenco de M* Guillaume Trin , prêtre
de la communauté de l’église dudit Saint-Clément, et M* Guillaume Apchier,
praticien du village de Lasscnac, paroisse de Cezeus, et Antoine Péchnud,
cle r c, résidant audit Cezcns, signés ù l’original des présentes, et lesdits
reconnaissants n’ayant su signer de ce requis.
S ig n e , B l a k c , Notaire.
( K* 2. )
L Ü L M iiIlE .
Jean Bastides a i n é , habitant au domaine de Lollièrc, paroisse do Snintiilément, faisant tant pour lui que pour autre Jean Bastides, son frère, au-
�25
PttEMIÈItE PA11TIE. - TITRES.
quel il promet faire agréer et ratifier le contenu en ces présentes, toutes et
«{liantes fois qu’ il en sera requis, î» peine de tous dépens, dommages et
intérêts des intérêts, de son bon gré et volonté, a reconnu r l confessé tenir
et posséder en emphyléose perpétuelle, lènemenl cl pagézie, du puissant sei
gneur inessire Claude de Brezons, chevalier, seigneur, baron de La llofjuc,
Montmayoux, Paulhac, Lalnac, Saint-Iléran et autres places,'résidant ordi
nairement h son château dudit Paulhnc, en la ville de Brioude, absent, mais
pour lui présents, stipulants et acceptants, les notaires royaux soussignés,
comme personnes publiques, commissaires députés en cette partie, h savoir :
ledit domaine et linement appelé de L o lliè re , situé audit lieu et apparte
nances de Lollière, que ledit seigneur aurait ci-devant baillé et délaissé auxdits Bastides frères, à litre d’investison et bail emphytéotique perpétuel, par
contrat passé par-devant Martin, Boudesd, notaires, le vingt-huitième août
mil six cent quatre-vingt-un : ledit domaine consistant en une maison h trois
étages, couverte de tuiles, contenant cinq toises de face et trois et demie de
prolondeur au four; loge h pourceaux; trois jardins, do la contenue, tous
trois, d’environ six cartonnées, pour semer clicnevis, laitues de terrain; une
élable et grange de la conteniie*de trois toises et demie de largeur ci seize
toises de longueur, avec un aire sur sol; le tout contigii, allouant et abou
tissant, confinant en leur entier du Septentrion : par le grand chemin qu’on
va de Paillieyrols en la ville d’Aurillac ; et de tous les autres aspects par les
champs dépendants dudit domaine de Lollière. Plus deux prés joignants, l’ un
appelé- Despradaux , et l’autre D u prodel, contenant tous deux environ huit
journaux de faucheur, confinés ; du Septentrion par le ruisseau appelé de
Cantcrimne; du Midi par ledit chemin dudit Pnillioyrols audit Aurillac;
d’ Orient par un bois levé dépendant du domaine de la Fage; et d’Occidcnt
par un pré et bois sive Vernieyres dépendant du domaine de Mourèzc. Plus
un autre pré appelé le Manis, contenant environ six journaux de faucheur,
confiné : du Septentrion par les prés et champs dudit domaine du Mourèzc;
du Midi par le pré de derrière, la grango dudit domaine de Lollière; d ’ Orient
par le pâturage et bois, broussaillc, appelé Labuge-Pialade; et d’Occidcnt
par ledit champ de Derrière la Grungc ci-après reconnu. Plus ledit pâturage
et bois, broussaillc, appelé la Buge-Pialade , contenant environ six selcrécs,
confinant : du Septentrion pnr le chemin dudit Pnillioyrols audit Aurillac;
du Midi par le champ appelé de Devant la Grango ci-après reconnu ; d’Orient
4
�20
TIKCES JUSTIFICATIVES.
pur le bois levé dudit domaine h la F a g e; cl d’Occident par ledit pré du
Manis ci-dessus reconnu. Plus ledit champ appelé de Derrière la G ran ge,
contenant environ trois seterées terre, partie duquel étant présentement en
buge, confiné : du Septentrion par le chemin dudit domaine de Mourèze;
du Midi pnr le chemin susdit ; d’ Orient par le même chemin ; et d ’Occident
pnr autre chemin qu’ on va dudit Mourèze h Paulhac. Plus un autre champ
appelé de Devant la Grange , contenant environ quarante-cinq seterées,
confiné : du Septentrion par le susdit chemin'dudit Paillieyrols audit Aurilluc; du Midi par le champ d’ Ktienne Fabre , maréchal; et d’Occident
pr.r les bâtiments et pré de la Gorale dudit domaine de Lollière ci après
reconnu. Plus ledit pré appelé de la C o m b e , contenant environ trois jo u r
naux de faucheur, confiné : du Septentrion par le champ de la Froinental
dudit domaine de Lollière; du Midi par la Buge do
, de Pra-
d e b c n c , pré do Jacques Dégoul dudit Pradebenc ; d’ Orient par le susdit
champ de devant là ; et ¿ ’ Occident par le champ del Qucyrel dudit domaine
de Lollière ci-après reconnu.
Plus ledit champ appelé Delgueyrel, contenant environ douze seterées,
confiné: du Septentrion par autre champ ci?après reconnu appelé do Laubré;
du Midi parla Buge dudit domaine Delleus; d’ Orienl par ledit pré de la Combe;
et ¿ ’Occident par autre pré aussi ci-après reconnu, appelé Prot de Casorne.
Plus ledit champ appelé de Laubré, contenant environ six selerées, confiné :
du Septentrion par ledit chemin dudit Paillieyrols audit Aurillac; du Midi
par ledit pré do la Couilic et ledit champ de la Fromental; d’ Orieiit par
lesdits bâtiments, parties et terrains dudit Lollière ; et d’Occidenl par ledit
pré de la Casorne. Plus ledit champ appelé de la F ro m en ta l, contenant
environ quatre seterées, confiné : du Septentrion par ledit champ de Laubré
et ledit pré de la Casorne; du Midi par ledit champ Delgueyrel ; d’ Orient
par led it pré do la Com be; et d’Occidenl par ledit pré de la Casorne. Plus
ledit pré appelé de la Casorno, contenant environ seize journaux de fau
cheur, confiné: du Septentrion par le communal de la Cans dudit Lollière ; du
Midi par le pré de maitio Joseph F a b re , avocat do Vie ; d’Orient pnr les
dits champs de L a u b ié , de la Fromental et Delgueyrel; et d ’ O c c i d e n t par
les terres et bois broussailles de lo Casorne, contenant environ huit seterées,
confinant: du Septentrion par ledit communal de la Cans; du Midi parles
terres et bois broussailles dudit F a b re , avocat; d ’ O r i e n l par ledit pré de la
�PREMIÈRE PARTIE. — TITRES.
27
Casorne; cl ¿ ’Occident par ledit communal de In Cans. Plus mie buse appelée
D c l- lio c , contenant environ quatre scieries, confinée : du Septentrion par les
terres dudit domaine ds Mourèze; du Midi par ledit chemin dudit Paillieyrols
audit Aurillac ; et d’Occident par le roucher dudit Lollière. Pliis ledit bois
indivis entre ledit Bastide et lesdits jésuiies d’Aurillac, contenant tout ledit
bois,environ quinze scie ries, confiné en son entier: du Septentrion par ledit
champ appelé de Devant la Grange; du Midi par 1rs bois de Jean Dégoul et
Jacques Dégoul dudit Pradebenc; d’Orient par lesdits bois et terres dudit
Étiennc F a b re , maréchal, et le bois de Jacques Dégoul ; et d’ Occident par
divers héritages des habitants dudit Pradebenc.
Plus un pré appelé Pro t-C laux, contenant environ un journal, confiné:
du Septentrion par le chemin qu’on va dudit Mourèze aux Ultes; et de tous
les autres aspects par ledit communal appelé de la Cans. Plus ledit com
munal appelé de la Cans, contenant environ soixante seterées, terre confinée:
du Septentrion par le communal dudit Mourèze appelé de la Cans; du Midi
par la Cnns dudit sieur F a b r e , avocat; ¿'Orient pur Iesdiles terres et bois
broussailles de la Casoritè, plusieurs rochers entre deux; et d’Occident par la
(’ ans
du village de l’ Ernel, une base entre deux, faisant les limites, el
généralement tout ce tp i dépend el peut dépendra dudit domaine de Lollière,
avec tous droits ¿ ’entrées, servitudes, privilèges dus, anciens d'accou tu m és
sous les cens et rente annuelle, perpétuelle et uniforme, c l en pagézie, de la
somme de quatre cents livres, prix réglé par ledit contract ¿ ’¡nvestison el
bail emphytéotique perpétuel : laquelle somme de quatre ccnls livres ledit
Bastide a promis et s’ oblige payer fiudil seigneur et porter audit chateau de
La Roque, annuellement h perpétuel, un chacun ou en deux termes égaux,
le premier le jour et fêle de N o ë l , el le second le jour et fêle ¿e Saint-JeanBaptislc, ¿e chacune ¿es années.
De p l u s , ledit Basti¿c reconnaissant sera tenu et s’oblige ¿ ’ aller faire
voitureret apporter nadit chateau de La lloque; un chacun dft aussi perpé
tuellement une charretée de vin que ledit seigneur achctcra au vignoble b ses
dépens, et ladite voiture et port dudit vin sera fait aux dépens dudit
ilastide. Pourra icelui Bastide reconnaissant couper, prendre et emporter
un chacun ou à perpétuel, trois arbres bois do hêtre, autrement face du bois
<t forêt diulit seigneur, que part de le ruisseau D égo u l, propre et réservé
audit seigneur, poi»«’ lesdits trois arbres être employés aux utils ¿ ’agriculture
�28
PIÈCES JUSTIFICATIVES,
dudit domaine , h la charge d’ averlir pour lui ledit seigneur ou son fermier
lorsqu’ il les voudra couper, prendre et emporter. Aussi ledit Bastide recon
naissant, pour lui et scs successeurs à l’avenir, pour raison et h cause dudit
domaine de Lollière, propriétés, possessions et héritages qui le composent,
le droit do faire guet et garde audit c'hateau de La Roque en lomps dû et ac
coutumé. Droit de lods cl ventes en mutation de mains, rétention par droit
de prélation; ensemble toute justice haute, moyenne et basse, more mixte,
empire et tout exercice d’ icelle, être bon et fidèle tenancier r payer ladite
somme de quatre cents livres aux termes ci-dessus réglés, faire ladite voiture
et port de ladite barrique de vin lorsqu’il en sera requis, ne mettre cens sur
cens ni autres charges au préjudice dudit seigneur, faire vue et montre
oculaire desdites propriétés et héritages ensemble, et reconnaissance quand
requis en sera et ses successeurs îi l’avenir, et en donner expédition en bonne
et duc forme, h ses dépens, audit seigneur, et généralement faire tant ainsi et
comme en bon paysan est tenu faire îx son seigneur, car ainsi tout ci-dessus
ledit Bastide reconnaissant l’ a promis cl juré tenir, et n’ y jamais contrevenir
directement ni indirectement par quelque cause, occasion et prétexte que ce
soit, h peine de tous dépens, dommages et intérêts, et à ce faire a obligés,
affectés et hypothéqués tous à chacuns les biens meubles et immeubles pré
sents et avenir, spécialement ledit domaine de Lollière reconnu, propriétés,
possessions et héritages qui le composent, avec fruits, revenus cl émolemcns
d’iceux : pour quoi faire s’est soumis aux rigueurs de toutes Cours royale«
qu’il appartiendra, même de la Cour et juridiction ordre de ladite seigneurie
de La Iloque, voulant être contraint suivant l’usage et stil d’icclles.et qu’ une
rigueur de Cour que pour raison de ce qui sera commencé pour l’autre non
cessant, renonçant 5 toutes exceptions do fait et de droit qui pourraient être
h ces présentes contraires. Fait el lu audit lieu de La Roque, maison de Bernard
de Boissel haute , le dix-neuvième jour du mois de juillet avant midi , mil
six cent quatre-vingt-quatre, en présenco de Guillaume Apchier, praticien
du village de Lussenac, paroisse de C ezens, et Pierre R c v a l, huissier dudit
Cezens, signés h I original des présentes, et ledit Bastide reconnaissant ne l’a
su faire de ce requis.
S ig n e B l a n c , not ai re.
�PREMIÈRE P4RTIE. — TITRES.
29
( K - 3 .)
• LA c n o u x .
Antoine Auzolle, fils h Pierre, laboureur, habitant du village de La Croux,
paroisse de Saint-Clément, de son bon gré et volonté, a reconnu et confessé
tenir et posséder en emphytéose perpétuel tènement et pagézie, du puissant
seigneur messire Claude de Brezons, chevalier, seigneur, baron d eL a R o q u e,
Montmayoux, Paulhac, Balsac et Saint-Héran, r é s id a n t o F d in a ir e m e n t à son
château et placeduditPaulhac, lès la ville deBrioude, au Bas-Auvergne,absent;
mais pour lui présents, stipulants et acceptants les notaires royaux soussignés,
comme personnes publiques, commissaires députés en cette p a rtie ,
à
savoir : Un corps de domaine et métairie sis et situé audit village et appar
tenances de La Croux, que les prédécesseurs d u d i l seigneur auraient baillé
et délaissé aux prédécesseurs dudit A u zolle, à litre de nouvelle investison
et bail emphytéotique perpétuel, suivant le contrat sur ce fait et passé pardevant Dumas, notaire royal, vingt-sept décembre mil six cent douze, con
sistant :
i°. En une maison à quatre étages , couverte de paille , contenant quatre
toises de face et trois et demie de profondeur; cour nu-devant, et jardin
de la contenue d’environ quatre cartonnées, pour sômer chenevis; le tout
joignant et attenant ensemble, confinant en leur entier : du Septentrion par
une rue publique, et le four c f l e jardin dudit A u zo lle , à cause du bail e m
phytéotique perpétuel ; du Midi par autre rue publique
dudit village ;
d’Orient par autre jardin dudit Auzolle, de son ancien patrimoine; e t d ’ Occident par le chemin qu’on va dudit La Croux audit saint Clément, aux det
tes contenues, et confins compris, et englavés lesdits four et jardin.
2*. Plus une établo et grange contenant douze de longueur et quatre de
largour, parties de fumier, aire ou sol, et-un champ appelé Delpuech , con
tenant dix cartonnées : le tout contigu et adjacent, confinant en leur e n
tier : du Septentrion par nutro champ dudit Auzolle, do son patrimoine; du
Midi
et d Occident par le chemin qu’on va dudit La Croux à la tuillèrc;
et d’Orient par ledit chemin qu’on va dudit La Croux au d it Saint- Clément.
3°, Plus un autre jardin et champ joig n a n t, appelés Delacombo et Dugnot, contenant tout environ trois seterées terre, confinant : du Septentrion
�30
PIÈCI-S JUSTIFICATIVES.
par le jardin de Pierre Àuieilliaii ; du Midi par le communal dudit villnge ;
d’Orient par ledit jardin dudit Pierre Auieilhan, le jardin du gérant lisdouloux ; et d’Occidenl par le jardin de George llecural.
4°. Plus autre pré appelé Lasgoutles-Basses, contenant environ dix jour
naux de faucheur, confiné: du Septentrion par le chemin qu'on va dudit vil
lage de La Croux à Vie ; d’Orient par le pré de Jeanne Lacroux, veuve, dite
Joanniquo; du Midi par les prés de la Ganc, de la Live et de la S ì,igne, autre
ment des Serres ci-après mentionnées; et d’Occident par le communal d u
dit village, et susdit chemin qu’ on va d’icclui audit Vie.
ii°. Plus autre pré appelé de Gane , de la Live et de la Saigne de Legue ,
autrement des Serres, contenant environ quinze journaux de faucheur, c o n
finé: du Septentrion par ledit pré de Lasgoultes-Basses, ci-dessus reconnu;
d’Orient par le pré dudit Esdouloux et le pré de Jean Lacroux ; du Midi par
les prés de la Izoulles et la côte dépendant du domaine de Mourèze; et
d’Occidenl par le pré d’Abian, dudit domaine de Mourèze.
T)0. Plus un autre pré appelé le Pradel de B ru n et, contenant environ Irois
qunrls de journal de faucheur, confiné : du Septentrion par le pré de Jean
Calmon Bousquet; d’Orient par le pré dudit Récurât et d’Antoine Auziol ;
du Midi par le pré dudit Auziol et le champ dudit Auzolle reconnaissant,
de son patrimoine; et d’ Occidenl par autre champ d’icelui Auzolle , d épen
dant dudit bail emphytéotique.
7°. Plus un mitre pré appelé lePrat-Long, contenant environ un journol de
faucheur, confiné : du Septentrion et d’Orij'nl par le pré dudit Auzolle; du
Midi par le champ d’icelui Auzolle; et d’Occident par aulre champ dudit
Auzolle, dépendant dudit bail emphytéotique.
»S\ Plus un autre pré appelé Prnt-Mort;', contenant environ deux journaux
de faucheur, confiné : du Septentrion p a rle pré de la Gleyse dudit Aii/.olle;
d’ Oricnt par le chemin qu’on va dudit Lacroux h T hiézac; du Midj par le
pré de Borio dudit Auzolle; et d’Occidcnt par ledit Pré-Long ci-dessus r e
connu.
Plus un autre pré appelé d’Extrase, contenant enviion deux journaux de
funchcur, confiné : du Septentrion pur le chemin tendaul de C.urebourse a la
Tuillère; d’Orient par autre chemin susdit duditLn Croux audit Thiézac; du
Midi par lo pré d’Antoine \ iollard ; t l d’Occident par les champs desdits
(iéraud, Ksdouloux et Jeanne Lacroux Joaunique.
�PREMIÈRE PAT.TI1Î. -TITRES.
31
. 9°. Plus autre pré appelé Lou-Gombel, contenant environ cinq journaux de
faucheur, confiné : du Septentrion par le champ des dames religieuses de la
Visitation, à Sainl-Flour; d’ Orient par le .pré desdites dames religieuses,
et un petit pré d’Antoine et Marguerite Auzolle de Saint-Clément ; du Midi
par le champ de Jeanne l l e y t , veuve do M* Martial d’ A b crn n rd , notaire
d’AurillaC, et autre petit préd e ladite R ey tj et d’ Occident par ùutre champ
desdites religieuses. ‘
•
10». Plus autre champ appelé Del Gouteilzou et do Lasparrso, contenant
environ quatresetérées, confiné: du Septentrion par le champ dudit Auzolle
de son fait particulier; d’ Orient par le champ desdites dames religieuses;
du Midi par le champ de ladite Lacroix Joannique ; et d’Occident par le
champ d’Antoine Lacroux.
ï i°. Plus unpetit champ appciédelGoubel,contenant environ unesetérée,
confiné: du Septentrion par le pré desMonnies dudit Auzolle de son fait par
ticulier; d’Orient par ledit pré Del Goubcl ci-dessus reconnu ; du Midi par le
champ desdites religieuses; et d’ Occident par le champ appelé dudit Esdouloux.
12°. Plus un autre champ appelé de la Vaissière , contenant environ sept
cartonnées, confiné: du Septentrion p a rle chemin dudit Antoine Lacroux;
d’Orient par ledit chemin dudit village h ï u il l è r e ; du Midi et d’Occidenl
par le champ dudit Auzolle reconnaissant, de son fait particulier.
i 5°. Plus un nuire champ appelé de la Croix d’E x trex , contenant environ
dix cartonnées, confiné: du Septentrion par le communal de la Gonleilze et
d itls s a r d ; du Midi par le pré d’Extrex, dudit bail emphytéotique ci-dessus
reconnu; d’ Orient par ledit chemin qu’on va audit Thiézac; et d’Occident
par le champ dudit Esdoulonx.
i/|°. Plus autre champ appelé Lou-Camp de-Marty-d’Extrex', contenant
environ quatre setérées, confiné: du Septentrion par le communal appelé des
iss a r d sjjlu Midi parledilchemih dudit La Croux nudit Thiézac; d’Orient par
lo champ dudit Antoine Lacroux; et d’Occident par le champ do Marguerite
Armandies, fillo îi leu Uunoît.
i 5®. Plus autre champ appelé Lou-Calcadis, contenant environ dix carton
nées, confiné : du Septentrion par le champ del Calcadis dudit domaine de
Mourèzc; d’ Orient par le coudcrc commun del Calcadis, et le chemin par
lequel l’on va de Currhourtsc à Vcrnet.
�3*2
HÈCES JUSTIFICATIVES.
i6°. Plus autres champs appelés Deltremou-Lcus-des-Camps, et pièce rcdonde, et de Puech-Ferre, joignant, contenant par ensemble environ cin
quante selérées terre, confinant en leurentier : du Septentrion par le champ
de Jean Viallard ; d’Orienl par le pré de Jean Calmon et ledit Pral-Long cidessus reconnu, et Pradel dudit Auzolle, de son fait particulier; du Midi par
le pré do Laprégne, de ladite Jeanne Lacroux Joanuique; et d’ Opcidenl par
le communal du Puech-Ferre, et champ dudit Esdolloûx.
17°. Plus un pré appelé de Losgnnes , contenant environ un journal de
faucheur, que ledit Auzolle, reconnaissant, tient par permutation de ladite
Lacroux Joannique, en contre-change d’ un autre pré appelé Lasgoultes-llau
tes, dépendant dudit bail emphytéotique; enfin du Septentrion, Orient et
Midi, par les prés de la Ganc, de la Line, de la Saigne, de Lègue et des Ser
res, ci-dessus reconnus , le ruisseau appelé de la Gnne, et ledit chemin dudit
La Croux audit Vie.
18°. Plus un champ appelé de Curebourse, contenant environ cinq carton
nées, confiné : du Septentrion et d’ Orient par ledit communal dePuech-Ferre;
du Midi par le pré de Marguerite Lacroux, veuve de Jean Boise ; et d ’Occi
dent par le grand Thermidor du Puech Bossct h la Tuillère.
190. Plus trente têtes d’herbage à la montagne dudit seigneur de La Roque,
appelée de B e lle-V iste, située dans le district de ladite paroisse de SaintClément, avec un buron : toute ladite montagne contenant environ
d’herbage, confiné : du Septentrion par le communal et maison
de la Tuillère, appartenant à Marguerite Gaillard , veuve de Pierre Benoch ,
dudit la Tuillère, de la montagne de l’Estrade, appartenant à M. M* Jean (Je
Culdaguès, président à la Cour des aides, h Clermont; d’ Orient par le bois
commun de la Goulesquc; du Midi par la montagne de Megeannc-Cornc, ap
partenant à ladite Reyt, veuve dudit Dabernard , et le bois de la Roussière ;
et d Occident par la montagne appelée du Caylal, appartenant à Antoine
d’Uumières, écuycr sieur de Le Begeac.
ao*. Plus dépendantes et indépendantes dudit bail emphytéotique perpé
tuel, ail cens cl revenu annuel, redituelct perpétuel, pour tout ce dessus Ircnlesix quintaux de fromages bons et marchands, et un carteron beurre aussi
bon et marchand : le tout poids d’Aurillac; un chareau , deux gellinrs dp
r e c e t t e , et le port d’ une barrique do vin h aller prendro au vignoble du
Q ucrcy, et la conduire audit château de Lnroquc, ii la saison qu’il plaira
�/
A
PREMIÈRE PARTIE. -TITRES.
33
a u d i t s e i g n e u r , et c e s er a à f e i u l r o U d u d i l v i g n o b l e du Q u e i c y q u e led it s e i
g n e u r a c h è t e r a le v i n , san s q u ’ ic e lu i s e ig n e u r soit ten u de r ie n c o n t r i b u e r à
ladite v o i l u r e , le s q u e ls t r e n t e -s ix q u i n t a u x d e f r o m a g e , e t le d it c a r t c r o n de
b e u r r e , e t le d it s e i g n e u r e t ses s u c c e s s e u r s , à l ’ a v e n i r , s e r o n t t e n u s d ’e n v o v e r
•
•
*
o u a lle r luire p e s e r , p r e n d r e et r e c e v o i r u n c h a c u n au b u c o n d u d it r e c o n n aissan t, le j o u r d e l à S a i n l - G é r a 'u d . e t l e s d i t s c h e v r e a u e t g c ll iu e s p a y a b l e s e t
p o r t a b l e s a u d i t c h â t e a u , Aussi un c h a c u n , led it c h e v r e a u h P â q u e s e t les d ite s
g c lli n e s h N o ë l , et a u t r e m e n t c o m m e r é s u l t e d u d it b a il e m p h y t é o t i q u e p e r
p é t u e l , a u q u e l il n ’e st rie n d é r o g é p a r la p r é s e n t e d é c l a r a t io n e t r e c o n n a i s
s an ce .
Confessant ledit A u z o lle , reconnaissant ledit seigneur avoir sur les pro
priétés et héritages susdits cl reconnus oulre et au par-dessus, les redevances
ci-dessus s p é c i f i é e s , .droit et lods et ventes, droit de rétention par droit de
prélalion et advanlnge, le cas advenant et tout autre droit de directe sei
gneurie, ensemble loutc justice haute, moyenne et basse mère mixte , em
pire et exercice d’ icelle; et généralement ledit reconnaissant s’est soumis en
vers ledit seigneur el lesdits successeurs à l’ aven ir, à tous et chacun lus
autres droits et devoirs seigneuriaux, à la réserve de la taille aux quatre cas.
Et aussi s’est soumis aux mêmes clauses, rigueurs, soumissions et renoncia
tions portées par la déclaration et reconnaissance rendue audit seigneur,
par Pierre A m eilh a u , dudit Lncroux, devant lesdits notaires commissaires
susdits, le six juin dernier, de laquelle lui a été fait lecture du mot îi m ot,
tout au long. Fait et passé audit lieu de Laroque. dans la place publique du
dil lieu, le troisième jour du mois de septem bre, avant m i d i , mil six cent
quatre vingt-cinq, en présence d’ Antoine Laroque, marchand dudit La Roque,
• paroisse de Saint-Clém ent, et Jean Boudon ; clerc du village de Lapeyro
Piarre.
I)e Paulliac signées it l’original/les présentes, avec ledit Auzolle recon
naissant, et François Ameilhau , limitant du village de L u b a r ie , paroisse
dudit Saint-Clément, qui n’n su signer de ce requis.
S ig n é B l a n c , notaire.
4
5
\
�PIÈCES J ljSTIFICATi YES.
( N ' 4 .)
LA
FA G lï.
Barthélémy Malgràs, laboureur, habitanl.au lieu et domaine de la Fage,
paroisse de Suint-Clément, du son bon grc et volonté, a reconnu et confessétenir et posséder en emphyléose et perpétuel tellement et pagezie, du puis
sant seigneur messire Claude de B r e z o n s, chevalier seigneur , baron de la
Roque, Monlmayoux, Paulhac, Balzac, Saint-Iléron, et autres places, rési
dant ordinnircment îi son château et place dudit P au lh ac , en la ville de
Briotide au bas Auvergne; absent,mais pour lui présent,stipulant cl accep
tant, les notaires royaux, soussignés comme personnes publiques, commissai
res, députés en cette partie; h savoir : Un corps de domaine et métairie sis
et situé audit lieu , et
appartenance de la F a g e , que ledit seigneur de. la
Roque aurait ci-devant buillé cl délaissé audit Barthélémy Malgras, h litre
de nouvelle investiture et bail emphytéotique perpétu el, suivant le contrat
sur ce fait cl passé par-devant Caflinial, notaire r o y a l, le vingt-quatrième
mai mil six cent soixante-seize , consistant en différentes propriélées, pos
sessions ethérilages, ci-après désignés, limités et confinés, cl premicremrnten
une maison à deux étages compris le sellier avec cheminée, entrée servitude
au-devant, et au-dessus grange et ¿table , sol du côté du septentrion, porte
du fermier du côté d’.cricnl, jardins potagers au derrière de ladite maison,
jardin îi chanvre au-devant ladite grange du côté du,m idi, four contigu
auxdiles maison et grange, pré au-dessous,-¡cellesmaisons et granges a p p e
lées de la Goutte, Pro-Voullet, de la Boigues, do Tram cyrcs; terres appelées
Dclcamp Redon de B a u d y , les lernièyres Delcnmp cl Dontcuil : le tout joi
gnant et attenant ensemble, conlennftt lesdils jardins, environ six carton
nées pour semer chenevis, en prés vingj journaux do faucheurs ou environ ,
en terres environ cinquante seterées, confinant en leur entier, do septentrion
par les buges et champ des damos religieuses du couvent de la Visitation de
la villo de Sa in l-H o ur, h cause de leur domaine de Cnflolain ; do Midi et
d’O ccidcnt, par le ruisseau de Canlcronue , encore d’Occidcnt par le pré de
Jean Calmon , et d’Oricnt par le ruisseau do Goulettc ; plus, en bois pnrlio
levé et partie broussailles et terres appelées de C o u rbio y res, contenant en
champs terro labourable environ trois seterées , et bois levé ou
brous-
�PREMIÈRE PARTIE. -TITRES.
suilles environ
cinquante seterées , confinant en. leur entier par ledit
ruisseau de Gculeltes , et
Midi,
3")
audit ruisseau Canteronne ; (¡’Orient ,
du
p a r la terre et bois d’Etienne Fabre , maréchal dudit Courbières;
il'Oceident, parles buges et terres du domaine d cl’Ollière, c l bois du domaine
de Mourèze; et du Septentrion p a r l e bois de Georges, ouvrier, et audil
ruiseau de Canteronne et un chemin par lequel ou va du village de Cassa
t e
audit domaine de l’Ollière. Plus en une barthe et bois broussailles ap
pelé deLastremeyres,contenant environ trois seterées, confiné : d’ Orientpar
ledit ruisseau de Canteronne ; du Midi par le pré dudit ouvrier ; d’ Occident
par le chemin susdit dudit village do Cassagnes , audit domaine de l’O l
lière; et du Septentrion par le pré dudit domaine de l’OHière, et audit ruis
seau deCanteronne. Plus en une terre et buges ou bois et bar the, contenant
environ.six seterées appelésBoigueBasseD elm iexet delaBoigue-IIaute, contenanten bois, bugesou barthes, bois broussaille, environ huitseterées, con
finant : du Septentrion par les buges dudit domaine dé l’Ollière; du Midi, par
le bois dudit domaine de Mourèze; d’ Occident par lesdites buges dudit do
maine de l’ O llière, et d’Orient par le même chemin qu’on va dudit Cessagne audil l’ Ollière. Plus en un pré appelé Pral-Migier, et champ appelé del
Sivedal, joignant, contenant environ un juurnal el d e m i, et en terres cinq
seterées, confinant en leur entier : d’Orient parle communal des habitants du
dit lieu de la Roque appelé de La Salle; du Midi par la terre de Bernard
Boissct-llaste, et le pré de Pierre Jurquet; et d’ Occident par le pré du
seigneur de Uoussilîe, à cauâe de sou domaine de la Gaminade* et le chemin
qu’ on va dudit Cassngnc au lieu de la lloqu e; et du Septentrion par le mê
me chemin.
Plus un pré appelé de Pesquier^ contenant
environ ciuq journaux de
fa u ch eu r, confiné : d’Orient par le chemin qu’ on va dudit Cassagne à Con
l’o len; du Midi par nuire chemin tendant dudit Cassagnes audit Confolen ;
il’ Occident par le pré de Claude Bonnal, et ledit' ruisseau de Goulettes; et du
Scptcutrion par autre
chemin qu’on va dudit lieu do la Roque audit lieu
de la Fage. — Plus en un autre pré, terre et pâturage joignants, appelés des
Vicrs, contenant, en pré et pâturages, dix journaux de faucheurs ou environ,
eten torredix-huit seterées ou environ, confiné : d’Orientpar le pré de Jean
Mondât, et communal des habitants dudit lieu d e là Roque; du Midi par le
communal et terre d’Annel Malgras, et au susdit pré appelé del Pejquior, les
�3G
PIÈCES
ju s t if ic a t iv e s .
susdits chemins de la.Fage h la Roque, entre d e u x ; d’ Occident par le ruis
seau dos Gouleltes et du Septentrion par le passage desdites dames religieu
ses de la Visitation-Notre-Dame de Saint Flour, et le chemin tondant dudit
Confolen , ou Heu de la Roque et nu prò dudit Annct Malgras , au milieu
duquel pré de Viers et dudit paturage est ledit chemin traversant dmlit Cassa g n e , audit Confolen.
Plus une nuire terre appelée aussi de Viers, contenant environ quatre seterées, confinée : d’Orient par ledit chemin tendant dudit Cassagne audit la
Roque; du Midi, par le pré dudit Pierre T rin e; d’Occident par le pré et par
le pâturage desdites dames religieuses, et la terre dudit Trine ; et du Septen
trion par la terre dudit Malgras.
Plus une autre terre appelée de Paubercyres, contenant environ quatre seterées, confinée : d’Orienl, parle chemin appelé de Pauberceyres, tendant du
dit Cassagne audit La R o qu e; du Midi par la terre, dudit Malgras ; d'Occi dent par la lerre dudit Pierre Trine et la terro de Suzanc de Laubré, femme
de maître Jean F u b rie r , procureur au siège de V i e ; et du Septentrion, par
la terre dudit seigneur de Roussiile.
Plus une autre terre appelée del Fagens, contenant environ trois selcrées,
confinée : d’ Orient par la terre dudit seigneur de Roussiile; du Midi par la
terre de ladite L au b ré; du Septentrion p a rle pré de Jeanne Cliastre, fem
me de Pierre Lnfon; etd'O ccident, par le ruisseau desG oulettes, et avec les
autres confrontations plus vraies, si point y en a , entréo issue et servitudes
anciennes, ducs et accoutumées, prises et perceptions d’eaux. Plus en vingtcinq têtes d’herbages dans la montagne dite Claux hauts cl bas; plus toutes
les autres propriétés et choses dépendantes, et qui peuvent dépendre du
dit domaine
de la Fage , et dudit bail emphytéotiquo perpétuel d ’icelui, au
censet revenu annuel, rédituelet perpétuel pour tout ci-dessus, de la quan
tité de vingt-huit quintaux fromage et demi-quintal beurre: le tout bon et
m archand, pur et net, poids d’ Aurillac, que ledit Barthélémy Malgras re
connaissant n promiset s’est obligé de payer annuellement audit scigncurde
Ln Roque ou h ses fermiers, un chacun pour la fête deSaint-Michel-Arebangc.
Plus do faire voîturer et charrier avec bœ ufs, une barrique a u d it sei
gneur du vignoble du Q u c r c y , chacune année audit jour et fêle de SaintMichel-Archnngo , d e 'l ’endroit dudit vignoble du Q ucrcy, q u e ledit seigneur
fera a c h e te r , qui sera conditilo par ledit reconnaissant et Ì» scs d épen s, au-
�PREMIÈRE PARTIE. -TITRES.
37
«lit château de La Roque, le tout conformément h autre contrat «Vin vos tison
dudit domaine, du dernier octobre mil six cent dix-huit, auquel je n’ai rien
dérogé par la présente déclaration et reconnaissance,-confessant ledit Malgras, reconnaît ledit seigneur avoir sur toutes lesdites propriétés , posses
sions et héritages ci-dessus reconnus, outre et autres par-dessus lesdites re
devances ci-devant expécifiées, droits de lods et ventes, droit de rétention
par droit de prélation et advantages le cas advennnt, et tout autre droit de di
recte seigneurie; ensemble toute justice, haute, moyenne et basse, m ère,
mixte, empire et exercice d’icelle, et généralement. Ledit reconnaissant s’est
soumis envers ledit seigneur et ses successeur.'h l’ avenir, à tous et chacun les
autres droits et devoirs seigneuriaux, h la réserve de la taille aux quatre cas,
et aussi s’est soumis aux mêmes clauses , rigueurs , soumissions et renoncia
tions portées par la déclaration et reconnaissance rendue audit seigneur des
propriétés, possessions et héritages que Annet Malgras , son frère, a reconnu
do son fait particulier qu’ il tient et possède, dépendant de la seigneurie de
La Roque , devant lesdits notaires commissaires susdits, le dernier août, de
•laquelle il a entendu la lecture qui lui a été faite tout au long et mot à
mot. Fait et passé audit lieu de La Roque, dans la place publique, le quatriè
me jour du mois de septembre mil six cent quntre-vingl-cinq,avant midi, en
présence de M. Jean S o b ricr, procureur aux cours royales de V ie , rési
dant audit La Roque, et Jean B eu d eu , clerc, résidant au lieu et paroisse de
Cezens, signés h l’original des présentes ; et ledit reconnaissant n-’ a su signer
de ce requis. — Signé B l a n c , notaire.
�38
PIÈCES JUSTIFICATIVES. - DEUXIÈME PARTIE.
( i V 5 .)
Arrêt de la Cour de "cassation., recueil de S i r e y , t. 5, i ” partie, p. 5 - .
R E N T E . --- T lT I tE PRIMORDIAL. ---- P ü R C lk R E .
Une rente est-elle présumée seigneuriale, parce qu’ elle est due à un seigneur?
— Rés. nég.
Lorsque ¿’existence de la rcn le est avérée, et que sa nature est présumée foncière,
le débiteur qui excipe de son abolition est-il obligé de ju stifier par litre
q u e lle a été créée seigneuriale? — Rés. aff.
I a percière ( d’ A u v e rg n e) est-elle présumée rente foncière ? — Rés. aff.
(Jacoux, Mouly et consorts, demandeurs. — Delassalle et sa fem m e, dé
fendeurs.)
Entre les sieur et dame Delassalle , ci-devant seigneurs hauts-justiciers de •
la baronnie de Blanzac, et leurs ci-devant tenanciers Jacoux, Mouly et con
sorts, il était constant en point do fait :
Q u e , par acte du 17 mai 1 7 7 2 , les tenanciers avaient reconnu « tenir,
»porter et posséder, et les auteurs et prédécesseurs avoir, de tout temps et
»ancienneté, tenu, porté et possédé de Simon-Claude Amable de T u b c u f,
»seigneur de Blanzac, en un tènement, e t c .,d e terres, charmes et rochers >
» etc. ; »
Que. ln redevance établie consistait en une portion de fruits;
Que les biens arrentés étaient situés sur le territoire régi par la coutume
d ’Auvergne.
L e seigneur prétendait que l'existence de la rente étant établie par l’ acte
du 10 mai 1772 , elle devait lui être payée, à moins que les débiteurs de la
rente , excipant de l’ ubolition, ne justifiassent qu'elle fût seigneuriale.
Ceux-ci répondaient qu’ il.sullisait do la qualité de seigneur dans le pro
priétaire do la r e n t e , pour qu’elle fût réputée seigneuriale.
8 nivôse an 11. — Arrêt de la cour d’nppcl séant h R io m , »u profit du
seigneur; — considérant que la coutume d ’ Auvergne est allodiale ; qu ainsi
les rentes sont présumées foncières; que la présomption est plus forte h l’é-
�ARRÊTS DE LA COUU DE CASSATION.
39
giird des percières, donl les arréarges pouvaient être demandés de vingt-neuf
a n s , à la différence du cens seigneurial, dont les arrérages se prescrivaient
par trois ans : et que la coutume ne parle point des percièrcs dans les divers
titres qui concernent les droits féodaux et seigneuriaux.
Pourvoi en cassation pour contravention aux articles 5 et 17 de la loi du
a 5 août 1 7 9 2 , ainsi conçus :
( A r t. V .) c Tous les droits féodaux ou censuels utiles, toutes les rede-
» vances seigneuriales annuelles, et-généralement tous les droits seigneuriaux
» conservés ou déclarés rachetables par les lois antérieures... sont abolis sans
»indemnité, h moins qu’ ils no soient justifiés avoir pour cause une conces» sion primitive de fonds.
{ A r t . X V I I . ) > Ne sont point compris dans le présent déçret les rentes,
»champarts et autres redevances qui nn tiennent point à la féodalité, et qui
»sont dus de particuliers à particuliers non seigneurs ou possesseurs de fiefs.»
Les demandeurs voyaient dans ces deux dispositions com binées, que les
particuliers non seigneurs ou possesseurs de fitfs étaient dispensés de justi
fier que la- rente eût pour cause une succession primitive de fonds.
Ils e n c o n c l u a i e n t , a contrario sen su , o u p a r l a r è g l e qui de uno d icit, de
nllero n e g a t , q u e les s e ig n e u r s n e p o u v a i e n t ê t r e d isp en sés d e c e l l e p r e u v e .
Ou , en d’autres termes, qu’ il suffisait de la qualité do seigneur pour que
la renie fût présumée seigneuriale.
Les demandeurs trouvaient cette doctrine justifiée par un décret du G mes
sidor an 2 , portant : — «La Convention nationale, après avoir entendu le
»rapport de son comité do liquidation sur la pétition des citoyens P ip elet,
» père et fils, considérant que les citoyens Îip elet père et fils étaient ci devant
»seigneurs dp L a illy , que la rente dont le remboursement ost réclamé était
»duc sur un bien situé sur la paroisse du même nom ; que la loi du 25 août
» 1792 n’excepte de la suppression que les rentes purement foncières dues à
» des particuliers von seigneurs ni possesseurs de fiefs; el enfin que lesdits Pi-
»pclel 11e sont pas dans le cas de l’cxceplion : — Décrète qu’il n’ y a pas
»lieu 5 liquidation. »
•
V o ilà , disaient-ils, clairement décidé q u ’ u n e renie 11’csl pas purement
foncière lorsqu’elle est due à un ci-dcvant seigneur; que cette qualité do sei
gneur lui donne une couleur de rente seigneuriale , et la fait présumer telle
jusqu’h justification du contraire.
�fiO
PIÈCES JUSTIFICATIVES.
—
DEUXIÈME PARTIE.
Après avoir amplement développé tous les moyens cjui faisaient présumer
la foncialité de la percière, les défendeurs se sont attachés h prouver, en géné
ral, que lu qualité de seigneur ne suffisait pas pour faire présumer une rente
seigneuriale, pour obliger le propriétaire h justifier par titre de sa foncialité.
Ils ont invoqué un arrêt de la C o u r , rendu le 5 pluviôse au 11 , par la
section des requêtes, au rapport de M. B o yer, sur la demande rejetee de
Fleehlein et consorts, en matière de rentes colongérrs ( i).
Ils ont rappelé comment M. M erlin,.procureur-général impérial, avait
alors réfuté l ’argument pris de l’article 5 de la loi du «5 août 1 792 , et celui
qui était pris du décret du 6 messidor an 2.
C ’est un principe, disait ce m agistrat, qu’un seigneur peut posséder des
renies purement foncières. — Donc celui qui prétend le contraire doit en of
frir la preuve ; — et la présomption contraire n’est point établie par la loi
du 25 août 1792.
L ’ art. 5 maintient les renies seigneuriales qui sont prouvées, par litre pri
mitif, être récognitives d’ une concession d’ immeubles. Quant aux rentes sei
gneuriales dont l’origine n’est pas constatée par de pareils tilres, la loi les
déclare abolies sans indemnité. — Mais la loi ne s’arme de celle rigueur qu’à
l ’égard des rentes seigneuriales ; elle ne dit rien des rentes foncières.
L ’arl. 17 porte bien que la loi du 25 août 1792 n’ost pas faite pour les
rentes purement foncières dues î» des particuliers non seigneurs. — Mai»
quant aux renies foncières dues b des ci-devant seiggeurs, la loi ne s’ex
plique point. Et l’art. 2 d elà loi du 17 juillet 1790 les maintient, puisque,
sans exception, elle maintient les renies purement foncières et non féodales.
A u s s i, le 7 ventôse an 2 , la Convention nationale déclara-t-elle abolie une
rente, non parce qu’elle était due h un seigneur, mais parce q u e , réunie îi
un cens emportant lods et vente , elle était seigneuriale et qualifiée telle.
Si le décret du G messidor an 2 semblo décider que la qualité de seigneur
.sullit pour faire présumer la féo d a lité , c ’est parce q u e , dans l’espèce propo
sée , la renie était réclamée sur un bien sis dans le ci-devant Verm and ois,
pays n o n -allodial, où l’on’ tenait pour maximo : 11tdle terre sans seigneur , où,
conséquemment, toute renie première ¿luit réputée seigneuriale,
M. le procureur-général Merlin, dans celle cause de p ercière, comme
( 1 ) V o jc z S irc y , llc c u c il d e l ’an 1 0 , p. 2 1 5 .
�ARRÊTS DE LA COUR DE CASSATION.
/jl
dans colle tle rentes colongeres , a été d’avis que la qualité de seigneur ne suf
fisait pas pour que la rente fût présumée seigneuriale; et attendu q u e , dans
l’espèce, l’existence de la rente était constatée et que la Coutume la pré
sume foncière , — il a conclu au rejet.
A rrêt.
Attendu (sur le moyen du fond de l’ affaire) que ia Coutume d’Auvergne
étant purement a llo d ia le, ainsi que cela résulte de la comLinaison de plu
sieurs de ses articles et de la jurisprudence constante du pays ;
Que, par conséquent, toutes les redevances dues sur les biens situés dans
le ressort de cette Coutume qui était soumise à la maxime : nul seigneur sans
titres, étaient, de leur nature, réputées purement foncières, à moins que le
contraire ne fût positivement stipulé par acte valable ; qu’il est d’autant n^oins
permis de supposer qu’en Auvergne les redevances connues sous le nom de
perr.ières étaient exceptées de cette conséquence générale résultant d e l ’allodia-
lité, et réputées, de leur nature, seigneuriales ou censuclles; que, de l’aveu des
demandeurs, il n’en est pas dit un mot dans les divers litres de la Coutume
qui concernant les droits féodaux et seigneuriaux , et qui en font une longue
énumération ; et qu’en oulrc la cour d’appel met en fa it, ce qui n’est point
contesté non p l u s , qu’ il est de principe reconnu , qu’à la différence du cens,
dont la Coutume ne permettait de demander que les trois dernières années
d’arrérages , on pouvait, au contraire , demander vingt-neuf années d’ arréra
ges ou fruits de la pcrcicre.
Q ue l’ article 5 de la loi du 25 août 1792 n’oblige que les propriétaires de
droits féodaux ou censucls h représenter le litre primitif, et que l’article 17
dispose que les rentes et cliamparls purement fonciers ne sont pas compris
dans la disposition do cet article 5 ; que si ce même article ajoute : «et autres
redevances qui ne tiennent point à la féodalité, et qui sont ducs par des par
ticuliers h des particuliers non seigneurs ou possesseurs de fiefs », on ne saurait
induire de ces dernières expressions, non-seulement que le législateur uit
d it , mais encore qu’il ait entendu dire «pie désormais, et par dérogation aux
lois antérieures , toutes les renies purement foncières , lorsqu’elles se trouve
ront ducs à des ci-devant seigneurs ou possesseurs do fie fs , seront réputées
féodales cl obligeront les propriétaires h représenter le titre primitif.
A t t e n d u enf i n q u e , p a r a u c u n e îles cl a us e s des act e s p r o d u i t s a u p r o c è s ,
6
�hll
PIÈCES JUT1FICATIVES. —
DEUXIÈM E
PAIïTIE.
il n ’c s l é ta b li q u e les «leux p e r c i è r e s d o n t ¡1 s ’ agit e u s se n t un c a r a c t è r e féo d a l
ou se ig n e u r ia l.
P a r t e s m o t i f s , la C o u r r e j e t t e , e t c .
D u 25 v e n d é m ia i r e a n
i 3 . — C o u r d e c a s s a t i o n .- — S e c t i o n c i v i l e — P r é
sident, AI. M a lc v ille . — Rapporteur, AI. R u p e r o u . — P la id a n t, MAI. D u fr e s ncau c l G uich a rd .
N . B . — L e m ô m e a r r ê t d é c i d e aussi q u ’ a va n t le C o d e c i v i l
d é fe n d a it p a s
de j u g e r q u ’ u n e se u le r e c o n n a i s s a n c e
lu loi ne
s iifiï l p o u r
établir
u n e re n te .
(N * 6 .)
M ê m e R e c u e i l , t. 55 , i r* p a r t ie , p . 5 a/[ e t s u iv an tes .
i “. R E N T E
F É O D A L E . — P e r c i Lr e .
a 0. R k c o k s a i s s a k c e . —
T
itre
primordial.
i ° E n pays d’a llo d ia lité , les percières, ou renies en portions de fru its, n'avaient
pas essentiellement le caractère de droit féo d a l; elles étaient réputées fonciè
res, ci m oins.de stipulations contraires ; —
Ces rentes n'ont donc pas été a t
teintes par les lois abolitives de la féodalité ( i ) ; et cela encore que lis débi
teurs aient reconnu q u ils tenaient de la directe seig neu rie, et que les fonds
étaient mouvants de la ju s tic e du seigneur; qu'ils aient aussi reconnu devoir
un droit de guet, cl se soient soumis « l'obligation de se présenter aux assises :
toutes ces stipulations sont insuffisantes pour établir un mélange de féoda
lité. ( L L . 2.r) a o û t 1 7 9 2 e t 1 7 j u ill. 1 7<>3.)
•i° I)e simples reconnaissances antérieures au C od e civil peuvent être regardées
comme suffisantes pour établir l ’ existence d ’une ancicnni r en te, bien qu’ elles
ne relaient pas la teneur de l ’acte prim ordial. ( C o d . c i v . , 1 0 5 7 . ) (a)
( S o u c h a t e t a u t re s —
L e s h é r it ie r s R id o n
C . de Y i l l e m o n l e i x . )
de V i l l e m o n l e i x r é c l a m a i e n t d e s s i e u r s
Soucliat ,
(1) C’est ce que la Cour dp cassation avait déjà décidé. J'uy. t. 5, i , 57, et J u r h p , du 1 9 ' ttt'c/r,
v* ¡lent» fio d a te, n* 8 0 . — I oy. uussi le Ilipcrt. de M erlin , v" T errage, $ l ,r.
(2) / ov. J’arrf-t filé dans la note précédente, -r- f ’oy. aussi t. 28, 2, 270 et 2 7 7 ; — Ju riip r.
(ï* tiicle, v* Rente t J 1",
,I»
�ARRÊTS DE I,A COUP. DE CASSATION.
Ù3
lix ier et autres, le paiement de plusieurs rentes pvreières (espèce de droit
de champart) dass en vertu d’anciennes reconnaissances.— Les défendeurs
soutenaient que ces fentes étaient nlleinles par les loisabolitives de la féo
dalité, soit comme étant essentiellement seigneuriales, soit comme se trou
vant mélangées de féodalité ; e t , pour établir le mélange de féodalité, les
défendeurs argumentaient de ce que les actes produits constataient que les
débiteurs avaient reconnu tenir de la directe seigneurie du baron deVillemonteix; de ce qu’ ils avaient aussi reconnu que les fonds concédés étaient situés
dans la ju s tic e liante , moyenne et ¿•nsse du seigneur; de ce qu’ils s’étaient
soumis au paiement d ’un droit de guet, et h l’obligation de comparaître aux
ossises, à peine d’amende; enfin, de ce que les reconnaissances étaient por
tées dans un terrier où figuraient d’autres reconnaissances féodales. — En
outre, les défendeurs opposaient le défaut de représentation des titres pri
mordiaux , et prétendaient que les reconnaissances invoquées ne pouvaient
suppléer ces titres.
Les premiers juges déclarèrent les rentes frappées d’abolition; mais sur
l’appel, c l le 2y mai i 834. la Cour royale de Riom rendit un arrêt ailirmatif,
motivé principalement sur ce que la Coutume d’Auvergne, dans le ressort
de laquelle se trouvaient situés les fonds concédés, était une Coutume allo
diale , et que le pays était régi par la maxime : n u l seigneur sans litre. —
Quant au défaut de représentation des litres prim ordiaux, l’arrêt considère
que les reconnaissances rappelant ces titres et ayant été insérées au terrier
des demandeurs, doivent faire pleine foi et justice tant que les défendeurs
ne démontreront pas qu’elles contiennent autre chose que ce qui élait con
tenu dans les titres anciens.
POURVOI .en cassation par le sieur Souchat et consorts : i* pour viola
tion des lois nbolitives des rentes féodales ou mélangées de féodalité; —
pour violation] des règles relatives h la preuve de l’exislencc des rentes.
(Art. 5 d e là loi du a 5 août 1792,01 art. 1537, Cod. civ.)
ARI\KT.
LA C O U R ; Attendu, sur le premier m oyen, qu’il en est de la percière
conune du champart : ce n’est pas un droit essentiellement féodal; il n’est
pus incompatible avec la directe; il n’emporte pas la directe seigneuriale, et
même les mots directe seigneurie 11c supposent point, en pays allodial, une
�PIÈCES JUSTIFICATIVES. - DEUXIÈME TAHTIE.
Uh
mouvance féodale : c ’est le dominium directum retenu par le bailleur ït cmphy téoso ;
*
Attendu que l’Auvergne était un pays allodial régi par la maxime : nul
seigneur sans litr e , et où fief et justice n’avaient rien de commun , o ù , par
conséquent, le droit de guet, l’obligation d e sc présenter aux assises, se ré
féraient à la justice, étant.dus au seigneur haut justicier, ralione superioritatis, sans avoir rien de féodal; — Attendu que les titres des percières dont
il s’ agit ne sont ni féodaux ni mélangés de féodalité;
Attendu, sur le deuxième m o y en , que l’obligation de rapporter le titre
primitif n’est imposée, par l’art. 5 de la loi du 25 août 1792, que relative'
ment aux droits féodaux; que l’art. 1307, God. civ., ne pourrait être appli
qué à la cause sans effet rétroactif, et que la question étant fort controversée
avant le Code civil, sans qu’il existât de loi positive, In Cour royale de Piiom
a pu, sans violer aucune l o i , admettre comme suifisnntes des reconnaissan
ces qui contiennent l’ aveu du droit, la confession de la dette , qui sont la
loi dos conventions, et forment, entre les parties, des actes parfaits, le lien
civil résultant du consentement qui forme le contrat, des reconnaissances
qui sc réfèrent h d ’anciens titres remontant aux années 1765, 153g et 1542 ;
— Rejette, etc.
Du 3 juin i 835. — Ch. req* — P r è s ., M. Borel. — lîa p p ., M. Mesladicr.
— C o n cL , M. Lebeau, f. f. d’ av. gén. — P l . , M. Garnier.
( I V -7 .)
Même R ec u e il, t. i 5 , 1” partie, page 147P A C T E C O M M I S S O I R E . — D é g u e r p i s s e m e n t . — P i u v h . é g k . — In s cjiip noN
HYPOTHÉCAIRE.
f a pacte commissoire (ou la faculté de reprendre la chose aliénée à défaut d ’exé
cution des conditions de l ’aliénation, telles, par exem ple, (jue la condition
de paiem ent du p rix) est essentiellement compris dans le bail à rente, foncière.
— A i n s i , le défaut de paiement résout le contrat, et autorise l ’ action en
déguerpissement . — C e droit de reprendreest (entre le bailleur et le preneur)
�ARRÊTS DE
la
COUK HÉ CASSATION.
/|5
toute autre chose qu’ une créance soumise pour sa conservation a u x form a li
tés établies par les lois sur le régime hypothécaire. (Loi du i 8-29 décem
bre 1790, tit. 1 " , art. 1 et 2; tit. 5 , art. 1 et 3 ; — Loi du 11 brumaire
an 7, sur les hypothèques, art. 4°- — Cod. civ., art. 1284» 2106.)
( Galonier — G. Vors. )
.
1—
».
1:
Ces questions ayant déjh ¿té agitées devant la Cour de cassation , et jugées
dans un sens moins restreint par arrêt du 1G juin 1811 (V. tom. u ,
r*
p a r t ., pag. 3 5 7 ) , il suffira de dire ici un mot du fait qui a donné lieu à l’ ar
rêt suivant.
Le sieur Vors,détenteur d’ un domaine baillé en 1770, à titre de locatairie
perpétuelle, no payait pas la rente stipulée pour prix du bail. Déjà, en 1 an 8 ,
il avait été condamné au paiement de plusieurs années d’arrérages échus;
depuis cette condamnation il avait également négligé le service de la rente.
E n fin , le 5 avril 1808, il fut rendu contre lui jugement portant condamna
tion au paiement de nouveaux arrérages é ch u s, cten outre au déguerpisse
ment , si, dans le délai de trois m o is , il n’ avait purgé la demeure. — Sur
l’ap p el, un arrêt de la Cour de Nismes avait réformé et rejeté la demande en
déguerpissement; a Attendu que pnr les nrl. 1 et 2 du lilro 1 " , la loi du
18 décembre 1790 a déclaré rachetables les redevances foncières établies
par des baux h locatairie perpétuelle; qu’ elle a , par cela seul, aboli l’action
en déguerpissement; et q u e, pour leur conservation,elle a soumis ces ren
tes aux formalités de l’inscription hypothécaire , et qu’ ici le créancier de la
redevance n’ a point rempli ces formalités» » — Sur le pourvoi du sieur
Galonier, cet arrêt a été cassé.
A iuiêt (par défaut).
L A C O U R : — Vu les articles 1 et 2 du tit. 1 " de la loi du 29 décembre
1 790, et les art. 1 cl 3 du tit. 5 de la même loi ; — Vu la loi du 11 brumaire
an 7 et autres sur le régime hypothécaire;
Attendu que, d’ après les articles 1 et 3 précités du lit. 5 de la loi du 29
décembre 179 0 , le rachat autorisé par l’ art. 1 " du tit. i " d c la même loi
" ’a rien changé h la nature des rentes foncières, ni aux droits en résultant
pour le bailleur; q u e , suivant les lois et la jurisprudence ancienne, le pacte
commissoire était de la nature du contrai do bail îi renie foncière, et que
ce principe a même élé appliqué h tous les contrats synallagmaliques, pnr
�PIÈCES JUSTIFICATIVES. —
ftC>
DEUXIÈME PARTIE.
P a r i. 1 1 84 «1» C o d e c i v i l ; q u ’ il s uit de là q u e le d r o it q u i c o m p è t e a u b a i l
l e u r d e r e n t r e r dans son f o n d s , e u v e r l u d u p a c t e c o m m i s s o i r e , £1 d é fa u t de
p a i e m e n t d e la r e n t e f o n c i è r e , e s t , au m o in s d a n s so n a p p l ic a t i o n a u
prdiieur
e t vis-à-vis d e c e d e r n i e r , a b s o l u m e n t é t r a n g e r a u x lois s u r le r é g i m e h y p o
t h é c a i r e , e t se c o n s e r v e in d é p e n d a m m e n t d e s f o r m a li té s é ta b lie s p a r ce s lois;
q u ’ ainsi l ’a r r ê t a t t a q u é , e n d é n ia n t au d e m a n d e u r l ’e x e r c i c e de c e d r o i t ,
so us le p r é t e x t e du d é f a u t d ’in s c r i p ti o n d e sa p a r t s u r les b ie n s a ff e c t é s à ln
r e n t e , n fait u n e f u i s s e a p p l i c a tio n des lois s u r le r é g i m e h y p o t h é c a i r e ; et
f o r m e l l e m e n t v io lé les a r t ic l e s 1 *r e t 5 du lit. 5 < l e l a l o i d u y g d é c e m b r e 17 9 0 ;
— C a s s e , etc.
Du
11
octobre
4 - — C o u r du c a s sa tio n . — S e c t i o n c i v ile . —
18t
RI. le b a r o n M o u r r e , p . —
Prcs.
Rapp. M. B o y e r . ;— C oncl. M. G i r a u d , a v o c . g é n .
P l. -M. M a ilh e. ( Z . )
(iV 8.)
M ê m e I l e c u e i l , t. 1 1 , 1 " p a r t ie , p . 0 5 7 .
j ”.
PACTE
CO M M ISSO IRE.
—
P ropriété. —
H y p o t h è q u e . —r R e s t e
FOSClfcnE. - DÉGU ER PI9SEM EN T.
a°.
T
ierce
-
opposition
.
—
R
eprésentation
judiciaire
.
—
C
réancier
.
1". U n bail à rente foncicrc renferme essentiellement un pacte commissoire : it
n’ em porte, de sa nature, aliénation de p rop riété, ¡¡ne svtts la condition du
paiement. — A in s i, le créancier d'une rente créée pour concession de fonds
peut demander le déguerpissement, faute de paiement des arrérages, encore
ou il n'ait pris aucune inscription, que l'imm euble ait été hypothéqué au pro
fit d'un tiers, et que le débiteur de la rente ail la faculté de ta racheter.
20. Les créanciers hypothécaires ne peuvent form er tierce-opposition aux j u g e
ments rendus, sans fraude, contre leur débiteur, et passés en force de chose
j u g é e , encore que leur hypothèque se trouve sans effet par suite de ces j u g e
ments. — D ans ce eus, les créanciers ont été représentes au jugem ent par
leur débiteur.
( C o d . P r o c . c i v . , a rt. 074*)
(L a dam e S q u iro ly —
C. D écès-C anpènr. )
L e .r> s e p t r m b r e 1 7 ‘i 1 , l’ un d e s n u tc u r s de Décès- C a n p è n e d o n n a , ù titre
�ARRETS DE LA COUR DE CASSATION.
47
de bail à Iocatairié perpétuelle, à l’un des auteurs du sieur Squiroly, deux
domaines situés dans lo ressort du parlement de Toulouse.
Le sieur Squiroly négligea de servir la r en te, c l , en l’ an g , il fut con
damné au'fléguerpissement; le jugement fui confirmé par un arrêt du 4 août
1808, çt mis h exécution.
'
Observons qu’à cette époque le créancier n’ avait rempli aucune formalité
pour la conservation do sa rente, devenue rachetable par l’effet de la loi du
29 décembre! 1790; tandis que la dame Squiroly avait pris une inscription
hypothécaire pour la*conservation de sa d ot, sur les deux domaines tenus
par son mari, à tilro de locntairie perpétuelle.
La dame Squiroly, après avoir fait prononcer la séparation de biens entre
elle èl son mari, fit sommation au sieur Décès-Canpène de lui payer le mon
tant do sa dot; ou de délaisser les immeubles sur lesquels elle avait pris une
inscription.
Décès-Canpène répondit que le pacte commissoire avait eu l’effet de faire
rentrer dr.ns ses mains les immeubles donnés à locatairic perpétuelle, quittes
de toutes hypothèques; q u e , d’ailleurs, la dame Squiroly ne pouvait avoir
plus de droilsj que son créancier, et que le jugement qui avait ordonné le
déguerpissement, ayant acquis l’autorité d e là chose jugée, était inattaqua
ble de la part du sieur Squiroly el de scs créanciers.
Le 23 août »809, jugement du tribunal civil de M u r e t, qui débouta la
dame Squiroly de sa demande.
Sur l’nppel, elle forma tierce-opposition à l’arrêt du 4 août 1808, confir
mât^ du jugement qui avait ordonné le déguerpissement; mais ses moyens
échouèrent, comme ils avaient échoué en première instance.
Un arrêt do la Cour de Toulouse la débotita de sn tierce-opposition et de
son appel.
P O U RVO I en cassation.
La demanderesse invoquait d’abord les dispositions de l’art. i “ du lit. 2
de la loi du a 9 décembre 1790, qui déclarent rachetablcs toutes rentes cl
redevances perpétuelles; elle disait que celte loi avait converti les droits des
propriétaires do rentes foncières eu des créances personnelles, et que les dé
biteurs étaient devenus propriétaires inconiinulobles des immeubles affectés
au service des rentes; que, par conséquent, ils avnicnt pu les aliéner et les
hypothéquer, du moment que la loi sur le rachat avait été promulguée; que,
�48
p iè c e s
ju s t if ic a t iv e s ,
d e u x iè m e
p a r t ie .
—
ARRÊTS,
dès ce moment, le sieur D écès-C anpèn e aurait dû prendre inscription sur
les biens de son débiteur pour la conservation de ses droits ; mais qu'ayant
négligé de remplir cette formalité , il ne pouvait exercer scs droits qu’ après
les créanciers inscrits de son débiteur; que, d’ ailleurs, il devait poursuivre
le paiement de sa rente par la voie de l’expropriation forcée , et non pas de
mander le déguerpissement ;
Q ue la Cour d’appel de Toulouse, en déclarant la tierce-opposition mal
fondée, avait violé l’art. 474 du Code de Procédure; qu’il est faux, de dire
qu’ un débiteur représente son créancier; que, s’il en était ainsi, il s’ensui
vrait que les créanciers hypothécaires n’ auraient aucun droit à exercer toutes les fois qu’ il plairait à leur débiteur d’aliéner les biens affectés au paie*ment de leurs créances, puisque les acquéreurs seraient fondés à soutenir
que la vente est parfaite à l’égard du vendeur, et que ses créanciers n’ ont pas
plus de droit que lui.
A rrêt.
LA CO U R : — Sur les conclusions de M. Daniels, avocat-général ;
Attendu que la loi du 29 décembre 1790, qui a rendu rachetables les ren
tes foncières perpétuelles, n’a pas changé la nature de ces rente s , et que le
pacte commissoire est de leur nature ;
Attendu que l’exécution du pacte commissoire, dérivant du titre origi
naire, résout le contrat ab initio, e t , par conséquent, efface toutes les hypo
thèques intermédiaires.
Attendu que l’arrêt contradictoire du 4 août 1808, conforme à ce prin
cipe, avait de plus acquis l’autorité de la chose jugée lorsque la réclamante
y a formé opposition ;
Attendu qu’elle ne pouvait avoir plus de droit par son hypothèque que
son débiteur lui-même, qui n’ avait qu’ une propriété résoluble; q u e , dans
cet état de ch oses, cette tierce-opposition aurait é té mal fondée
quand
même elle eût été rece vable;
Attendu, enfin, que l’arrêt attaqué n’est contrevenu à aucune loi, et s’est
c o n f o r m é , au contraire , à l’ ancienne jurisprudence, à laquelle la loi du
29 décembre 1790 n’ a porté aucune atteinte : — Rejette.
Du 16 juin 1811. — Section des requêtes. •— P r . , M. le baron Henrion.
R app., M. Lefessier Grandpre y.
Im p r im e r i e d e T E R Z U O L O R U E D E V A U G IR A R D N 1 1
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
[Factum. Duplessis-Chatillon. 1837?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Bole
Ph. Dupin
Odilon Barrot
A. Paillet
H. De Vatimesnil
Subject
The topic of the resource
bail emphytéotique
domaines seigneuriaux
cens
retranscription de bail
biens nationaux
émigrés
rentes féodales
droit de propriété
abolition des privilèges
droits féodaux
coutume d'Auvergne
prescription
absence
poids et mesures
doctrine
droit écrit
franc-alleu
directe seigneuriale
jurisprudence
droit de guet et de garde
Masuer
forains
corvées
code civil
droit intermédiaire
domaines agricoles
fromages
vin
percière
bail
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire et consultation pour M. le marquis Duplessis-Chatillon ; contre les détenteurs de ses domaines de la Roussière, Lollière, la Croux, la Fage, situés dans la paroisse de Saint-Clément, en Auvergne [suivi de ] Pièces justificatives.
Table Godemel : Bail emphytéotique. v. emphytéote.
2. en Auvergne, les rentes emphytéotiques étaient-elles féodales ? Les baux emphytéotiques étaient-ils prescriptibles ? Féodalité : 1. en Auvergne, les rentes emphytéotiques étaient-elles féodales ? les Baux emphytéotiques étaient-ils prescriptibles ? en d’autres termes, les preneurs emphytéotiques, ou leurs héritiers ou ayans cause, ont-ils pu acquérir ou transmettre, par prescription, la toute propriété des biens fournis à l’emphytéote ?
en d’autres termes les preneurs emphytéotiques, ou leurs héritiers ou ayant cause, ont-ils pu acquérir ou transmettre, par prescription, la toute propriété des biens soumis à l’emphytéose ? Reconnaissance.
4. plusieurs reconnaissances notariées peuvent-elles dispenser le demandeur de représenter le Bail emphytéotique primitif ?
3. les baux emphytéotiques ont-ils été détruits ou intervertis, à l’égard du bailleur originaire, par les lois des 18-29 décembre 1790 et 11 brumaire an 7 et par les dispositions du code civil ? voir les faits spéciaux. ibid.
en tout cas quel caractère doit avoir la notification faite aux représentants du bailleur originaire, pour opérer l’interversion ?
la prescription a-t-elle couru valablement, en faveur du possesseur, dès la notification (1793) si l’on considère que, d’après la législation, la rente quel que soit sa nature, foncière ou féodale, aurait été déclarée rachetable ? prescription.
24. en Auvergne, les baux emphytéotiques étaient-ils prescriptibles ? en d’autres termes, les preneurs emphytéotiques, ou leurs héritiers, ou ayans-cause, ont-ils pu acquérir ou transmettre, par prescription, la toute propriété des biens fournis à l’emphytéose ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Imprimerie de Terzuolo (Paris)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1837
1651-1837
avant 1661
1661-1715 : Règne de Louis XIV
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
1814-1830 : Restauration
1830-1848 : Monarchie de Juillet
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
48 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2814
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2813
BCU_Factums_G2815
BCU_Factums_G2816
BCU_Factums_G2817
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53570/BCU_Factums_G2814.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Saint-Clément (15180)
La Roussière (domaine de)
Lollière (domaine de)
La Croux (domaine de)
La Fage (domaine de)
La Roque (château de)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
abolition des privilèges
absence
bail
Bail emphytéotique
biens nationaux
cens
Code civil
corvées
coutume d'Auvergne
directe seigneuriale
doctrine
domaines agricoles
domaines seigneuriaux
droit de guet et de garde
droit de propriété
droit écrit
droit intermédiaire
droits féodaux
émigrés
forains
franc-alleu
fromages
jurisprudence
Masuer
Percière
poids et mesures
prescription
rentes féodales
retranscription de bail
vin
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53485/BCU_Factums_G2431.pdf
5cc80560c1b54c4c33d979e01276a6bf
PDF Text
Text
MEMOIRE
EN
P O U R le sieur
Ju lien
RÉPONSE,
J O U V A I N R O U X , propriétaire,
en qualité de père et légitime administrateur de
C
l a u d i n e
- F
JO U V A IN R O U X ,
l a v i e
sa f i l l e,
intim é
.
.
i •
CONTRE
1
~
L e sieur L o ui s L E G R O I N G j chevalier de ju stic e
de l ' Ordre de Saint-Jean de Jérusalem , chevalier
de l ' Ordre royal et
militaire de S a in t-L o u is
appelant.
sieur Jean -B aptiste, comte L e g r o i n g , maître
d ’une fortune q u ’il ne tenait p o i n t de sa fam ille,
L
e
n ’ayant pour héritiers naturels que des collatéraux,
a fa it, le 24 décembre 1 8 1 6 , un te s ta m e n t olographe.
�( 2 )
Ce testament contient une institution d ’héritier en
faveur de Claudine-Flavie Jouvainroux, alors âgée de
cinq ans. Ce jeune enfant est chargée de payer à sa
mère une pension viagère de 800 f r . , et de lui laisser
la jouissance de quelque mobilier.
Le testateur ne se borne point à remplir les forma
lités exigées par l ’article 970 du Code civil, pour
assurer la validité de ses dispositions ; toutes les pages
de son testament sont encore numérotées et signées par
l u i } il le met sous enveloppe 7 le cachète au sceau de
ses arm es, et écrit : « Ceci est mon testament olo« graphe,
déposé de confiance entre les mains de
]\ï- E spiaiasse „ n o taire- ro y a l, à C le r m o n t. — C e 2 4
« novembre
f8 i 6
». Il signe cette suscription.
Le sieur Legroing décède en août 18 17. Pendant
ces huit mois de survie > non seulement il ne montre
aucun regret, mais encore, le 17 mai suivant, il ac
quiert, au profit, de Claudine-Flavie Jouvainroux, une
propriété assez considérable j et bientôt après, craignant
que. ses volontés ne fussent pas pleinement exécutées,
il passe à cet enfant l ’ordre de différentes lettres de
changes dues par le chevalier, son frère.
Il était difficile de penser que ce testament serait
attaqué; jamais, en effet, la volonté d’un testateur
11’avait été plus régulièrement manifestée \ jamais l ’in
tention de persister- dans des dispositions faites avec
liberté, m’était re^sor^ d ’actes austsi positifs.
Aussi, aaidécC'S du comte, l’on put remarquer un
�( 3 5
contraste assez frappant dans la conduite de ses héri
tiers naturels.
i
L a dame chanoinesse Legroing, sa sœur, et le che
valier, son frère, étaient également appelés à lui suc
céder ab intestat. L a sœur a respecté les volontés
du comte : quoique réduite à une fortune modique ,
si on la met en comparaison avec celle du chevalier,
elle a pensé qu’il ne lui convenait pas de s’associer à
ce dernier, pour outrager la mémoire de celui q u ’elle
avait l ’habitude de respecter} elle a voulu conserver
intact l ’honneur de la fam ille, et ne point s’exposer
à rougir d ’une augmentation de fortune, q u ’elle n ’au
rait pu essayer d ’o b ten ir, qu ’en méprisant une vo
lonté qui lui -était con n ue, et en élevant une voix
sacrilège pour insulter aux mânes de son frère.
L e chevalier, au contraire, célibataire, comblé de
richesses, a cru devoir , dans l ’intérêt de la morale
publique ( \ ) , et pour resserrer les liens de la société
et d e s fa m ille s , attaquer ce testament, q u i, suivant
lu i, prouve Valiénation mentale ou Vabrutissement
de Vauteur. U n mémoire de 58 pages, signé par le
chevalier, distribué en première instance avec profusion
et sans nécessité, devait apprendre au public que le
comte, réputé par tous pour homme d ’ honneur, d’une
probité austère } sur dans ses principes, ami c h a u d ,
citoyen écla iré} sujet f i d è l e , était devenu l ’esclave
( i) T o u t ce qui est en caractères italiques est textuellem ent extrait
du Mémoire du chevalier.
�C4 )
d ’iine
f il l e
de
p e in e
cVune servante sans éducation ,
et qui ne possédait aucun des charmes de son sexe y
que , sexagénaire et malade j ce débile amant, dont
des attaques réitérées d ’apoplexie avaient paralysé
une partie de la bouche, et affaibli les ja m b e s, avait
cédé à la captation et à la suggestionne sa concubine
(qu i avait déjà, en sa faveur, un premier testament
authentique, du 28 avril 1807), pour écrire un tes
tament olographe, qui fait passer sa succession, à qui? à
Claudiue-Flavie Jouvainroux, enfant âgée de cinq ans,
que le chevalier suppose être la personne interposée
de sa mère.
Jouvainroux avait épousé F r a n
çoise Boudon. Cet homme adroit et rusé 3 convoite
Ma i s le sieur J u l ie n
les trésors de son maître j i l est le père p u ta tif
d ’une f i l l e q u ’il a eue de son mariage $ i l V instruit à
em ployer toutes les ruses qu i peuvent toucher un
'Vieillard im bécille ; et comme i l 11 avait ja m a is eu
personnellement aucune espèce de crédit sur l ’esprit
de son m aître, q u ’il mangeait même toujours à la
cuisine (1), et que la femme, en changeant de véteteuiens et d ’état} en se form ant une société nouvelle ,
en négligeant son maître et le laissant dans un état
d ’abandon 3 dont tous les voisins étaient indignés, en
fa isa n t des dettes } suite du lu x e auquel elle se l i
vra itj et qui excédait ses moyens a c tu e ls, avait in
disposé le comte qui manifestait sa colère par des
(1) Conclusions signifiées.
�( 5 )
im précations f o r t énergiques et q u ï l répétait avec
fo r c e ; Jouvainroux q u i, en outre, s’apercevait depuis
quelques tems que le com te L eg roin g tém oignait de
l ’hum eur et de la colère contre la m ère, q u ’il résistait
peut-être à fa ir e un testament en sa fa v e u r , lu i f i t
entendre q u ’il valait mieux faire porter le legs uni
versel sur sa fille que sur elle.
Mais A P R È S L E T E S T A M E N T O L O G R A P H E , JUSf/u’ ail décès
du co m te , on ne v o it p lu s q u ’ horreurs , menaces et
mauvais traitemens de la part de Jouvainroux............
d ’où le chevalier, induit que la violence a été jointe à
la captation et à la suggestion, pour arracher à la
faiblesse du comte, la disposition'testamentaire dont
il s’agit.
Il faut convenir que l ’a t t a q u e d u c hevalier ne p o u
vait présenter aucun m otif de crainte à l ’héritière d u
comte; les idées de captation et de suggestion , non
seulement devenaient invraisemblables , mais encore
s’évanouissaient entièrement, si on voulait les appli
quer à Jouvainroux et à son épouse; il était même
avoué que l ’un et l’autre avaient perdu toute leur
influence sur l ’esprit du testateur; de manière que la
captation et la suggestion étant reconnues l ’ouvrage
d ’un enfant de c i n q ans_, il était peu dangereux de ne
pas repondre aux plaintes du chevalier à cet égard.
Que dire également d ’actes de violences exercés après
le testam ent? N ’était-il pas é v i d e n t , d ’une part,
q u ’ils ne pouvaient être
impuiés à
Claudine-F lavie
Jouvainroux, seule partie dans la cause; et de l’autre,
�s’ils eussent existé, loin d ’être propres à obtenir les
dispositions testamentaires du comte, ne devaient-ils
pas, au contraire, le porter à les révoquer ou à les
anéantir ?
L e chevalier disait encore qüe le testament de son
frère était l ’ouvrage de la haine et de la colère ; mais
le rapprochement de différens passages de son Mémoire
prouvait que le comte et le chevalier, d ’un caractère
absolument opposé, ne pouvaient avoir une vive affec
tion l ’un pour l ’autre. L e com te, sur dans ses prin
cip es, alliant l'honneur à la fie r té } avait cru devoir
s ’expatrier et suivre le sort de nos princes. Il était
rentré dans sa p a t r i e ; mais sa s a n té é ta it a lté r é e 3 et
son humeur changée , ce qui était sans doute l'effet
d e ses longs voya g es, de ses souffrances, et des pertes
q u ’il avait éprouvées.
Le chevalier , au contraire , moins sûr dans ses
principes , tenant moins à d ’anciens souvenirs , et
appréciant mieux les avantages de la fortu n e, avait
rendu le fo j't Saint-Ange au conquérant de M alte. I l
suivit le vainqueur en E g y p te, et rentra en France
avec des cap itaux considérables , débris d'un service
a c t if et de ses spéculations maritimes, à l ’aide desquels
il acheta à son profit une partie des biens qui avaient
appartenu à sa fam ille, et se créa une existence plus
douce et plus indépendante que celle q u ’il pouvait
espérer avant la révolution.
'
‘
Cette différence de principes devait éloigner les
deux frères. L e comte no manifestait contre le chevn-
�( 7 )
lier ni Haine ni colère ; mais sa froideur et son indiffé
r e n c e , lorsqu’il en était question , pouvaient facilement
faire deviner quel sentiment il lui inspirait........
Ainsi le Mémoire du chevalier apprenait tout ce
qu’il était nécessaire de savoir pour apprécier sa de
mande : aussi le p u b lic , ses amis même l’avaient jugce.
avant qu ’elle fût présentée au tribunal de Clermont.
Il était dès-lors inutile d ’ajouter à ce que le sieur
Legroing avait écrit ; on pouvait, par reconnaissance,
ne pas lui demander compte de certains principes
légèrement avancés , et lui faire remise du ton de
supériorité et d’audace qu ’il avait pris clans sa défense j
dédaigner ses outrages, et mépriser même ses calomnies.
Le chevalier fut laissé à lui-même, l ’héritière du comte
garcla le silence,, et le t es t a m e n t f u t conf irmé.
Mais sur appel, le sieur Legroing réunit tons, ses,
moyens et renouvelle ses efforts. Il a fait un voyage à
Paris : il y a obtenu une consultation signée de cinq
jurisconsultes, qui lu i permettent d ’espérer de faire
annuller le jugement de Clermont. Fort de ces suffrages,
le chevalier jouit déjà de son triomphe, et il ne re, connaît pour amis que ceux qui le complimenlent à
l’avance sur le gain futur de son procès.
Il faut détruire cette illusion : l ’intérêt de la léga
taire du comte Legroing lui impose a u j o u r d ’ h u i le
devoir de publier sa défense. E lle aurait v o u l u ne point
rompre le silence j mais déjà sa r é s e r v e est présentée
comme l ’effet de la crainte. Ne
pouvant
plus se taire
sans d a n g e r, elle expliquera du moins avec modération
�( 8 )
es circonstances et les moyens de sa cause. Forte de
son d r o it , c’est au magistrat seul qu ’elle prétend
s’adresser. E lle doit dédaigner les vains efforts de l ’in
trigue, et mépriser les passions de certaines coteries,
q u ’à défaut d ’autres moyens le chevalier cherche à
exciter, et appelle à son aide.
/
F A IT S.
L e sieur comte Legroing avait épousé la dame
Demadeau; elle lui porta une grande fortune, et lui
assura des reprises considérables en cas de survie.
L e c o m te émi gr a : tous le§ biens provenus de son
père furent soumissionnés et ven d u s, de manière qu ’à
son retour de l ’émigration, qui eut lieu en 1804, il
ne lui restait d’autres ressources que de faire liquider
les reprises q u ’il avait sur la succession de la dame
son épouse. Ces reprises, réunies à quelques sommes
peu considérables provenues de la succession de sa
mère, composent toute la fortune du comte.
A u retour de l ’émigration, le comte Legroing vint
dans la maison paternelle : l ’état de sa santé exjgeait
un service continuel 5 sa mère, qui l ’ a v ai t a c c u e illi avec
bonté, le confia aux soins de Françoise B ou d on , dont
les qualités lui étaient oonnuesj depuis, cette do
mestique ne l ’a plus quitté.
Le chevalier était à Malte en 1798 : il rendit le
fort Saint-Ange, où. il avait l’ honneur de commanderj
«’embarqua sur l’escadre du vainqueur 5 assista à
�( 9 )
l ’expédition d ’E g y p t e , et revint en France comblé des
dons de la fortune, et honoré secrètement, d it-o n , de
la faveur de son nouveau maître.
Dès leur première entrevue, les deux frères purent
se juger*, le comte Legroing crut s’apercevoir que le
chevalier s’éloignait un peu des principes q u ’il jugeait
ne pouvoir être abandonnés sans d é s h o n n e u r - , il v it,
sans l ’envier, mais peut-être avec pein e, l ’état d ’opu
lence de son frère. On apercevait, en effet, dans leur
position , un contraste si p a rfa it, qu ’il eût été difficile
de deviner q u ’ils avaient servi sous les mêmes dra
peaux, et combattu pour la même cause.
Le chevalier, de son c ô té , pouvait par fois être
blessé de la fierté de son frère. Au tems où il vivait,
sa fidélité à ses anciens
souvenirs d e v a i t ¿-tonner celui
qui savait avec art se plier aux circonstances.
Le
comte n’était plus q u ’un censeur chagrin et incommode :
le chevalier dut s’en éloigner et ne plus penser q u ’à
utiliser les capitaux que son séjour chez Vétranger et
un service a c tif lui avaient procuré.
L e chevalier s’entremit dans les affaires de la fa
mille : il est inutile d ’examiner s’il agit dans ses in
térêts ou dans celui de ses proches ; mais l ’on doit
remarquer que cette circonstance ne fit q u ’augmenter
le refroidissement des deux frères, et que bientôt ils
cessèrent de se rechercher et de se voir.
Le comte avait pris un logement particulier5 il y
habita pendant trois ans : b o r n é à la société intime
de quelques personnes, il ne s o r t a i t de sa maison que
�pour rendre fréquemment ses devoirs, à sa respectable
mère.
Cependant la santé du comte était altérée; son
état d ’infirmité l ’alarmait. Dans cette position, il
crut, devoir disposer de ses biens : en conséquence, il
f[t, le 8 avril 1807, un testament par acte public;,
[)ar lequel il donna à Françoise B oudon, sa. gouver
nante, la propriété de tous les biens meubles et im
meubles dont il mourrait vêtu, et saisi. Ce-testam ent,
très-régulier en sa forme, fut
reçu par Me Cailhe ,
notaire R io m , en présence de quatre témoins.
Cependant le comte sentait la nécessité de se pro
curer q u e l q u e s distract ions et de se créer un genre de
v.ie plus conforme à ses goûts. Il fut se fixer à» Clerm o n t ,. où il avait beaucoup de connaissances , et
çomptait. quelques amis; il y fréquenta plusieurs
maisons quix l ’accueillirent avec égards et am itié , et
fi.tj ijienje long-tems partie d’une société connue à
Çlermont sous la dénomination de Salon delà Poterne.
lin 1 8 1 1 , Frajiçoise Boudon fut recherchée en
niftriçtge«par Julien Jouvainroux; cet homme, né dans
u»p classeï industrieuse et utile de la. société, était
alo^s sacrjstajn,de; latcathédrale; la surveillance et la
conservation, des orneinens et des trésors de l ’église
lui étaient confiées; son honnêteté, sa fidélité à remplir
ses devoirs, et ses vertus modestes lui avaient concilié
l’estime et; la., confiance des ecclésiastiques dont il
dépendait, d e:mnnièrc que le comte Legroing dut voir
avec satisfaction) une union
qui
lui promettait de
�( lï )
nouveàux secours, et q u i , d ’ailleurs, était devenue
indispensable.
L e mariage est du 17 septembre 18 11. ClaudineFlavie Jouvainroux est née le 4 mars 1 8 1 2 , et a été
présentée à l ’officier de l ’état civil par son père, qui
a signé son acte de naissance.
Cette enfant devint bientôt l ’objet de l'affection du
comte. La douce symphatie qui existe entre l ’enfance '
et la vieillesse, les rendit nécessaires l ’un à l ’autre ;
les jeux et les caresses de Flavie charmaient les ennuis
et calmaient les souffrances du vieillard. Les petits
cadeaux et les empressemens de ce dernier captivaient
h. leur tour la légèreté de l ’enfant, qui ne quittait
plus .ton bon ami y le séclitisait à ehacjue instant dll
jour par de nouvellés preuves d ’attachem ent, se joi
gnait h ceux qui lüi prodiguaient des secours, et
appaisait, par ses énipressemeris et ses innocentes pré
venances , les plaintes et les emportemens que la
douleur pouvait lui arracher. C ’est ainsi que Flavie
devint, par les qualités aimables de son âge, si chère
au comte Legroing, q u ’il l’a présentait comme son
héritière à tous ses amis et îi toutes ses connaissances;
ne dissimulait ni l’attachemént q u ’il avait pour elle,
ni la sollicitude dont elle était l ’objet, et ne se plai
gnait des pertes q u ’il avait éprouvées et des dépenses
que nécessitait son état de maladie, q iic parce q u ’il
craignait ne pouvoir assurer à c e t t e enfant une existence
aussi douce qu ’il l ’aurait désiré.
Le testament du comte est du 24 décembre 181G.
�( 13 )
Claudine-Flavie est la seule personne qui occupe sa
pensce; il l ’institue son héritière universelle, et ne
lui impose d ’autre charge que celle de payer à sa
mère une pension alimentaire de 800 francs, et de
lui laisser la jouissance de quelque m obilier; i l ré
voque, au r e s t e t o u s testamens anciens, et même
tous codicilles.
Ainsi l ’institution d ’héritier, de 1807, est complète
ment anéantie, et Françoise Boudon ne reçoit, dans
ce dernier testament, que la récompense due à ses
longs servicesL a forme de ce testament est également remarquable.
L article 970 du Gode civil fuit dépendre la v a l i d i t é
des testamens olographes de l ’accomplissement de for
malités extrêmement simples; la disposition, la signa
tu re, et la date écrite de la main du testateur, sont
les trois seules choses nécessaires et exigées; mais le
comte Legroin g, se complaisant dans son ouvrage, et
voulant donner à sa volonté un caractère d’authenticité
qui lui fut propre, ajoute à la volonté de la lo i; ainsi
toutes les pages de son testament seront numérotées et
signées par lui ; cet acte se trouvera sous une enveloppe
cachetée au sceau des armes du testateur, et déposé
dans l ’étude d ’un notaire, avec cette suscription datée
et signee: « Ceci est mon testament, déposé de confiance
« entre les mains de M. Espinasse, notaire royal à
« Clerm ont-Ferrand, le 2/, décembre 181G. »
La suggestion et la captation, sur-tout la violence,
exigent-elles des soins aussi minutieux pour la coufec-
�9 3
( .3 )
tion des actes arrachés aux malheureùx q u ’elles dé
pouillent...... ? Non : presque toujours la contrainte sé
décèle par l ’omission de quelques formalités essen
tielles.
Mais poursuivons : ce testament n ’était q u ’un acte
de précaution. L e comte Legroing, familiarisé avec
ses m aux, et accoutumé à souffrir, espérait encore
vivre assez long-tems pour assurer la fortuné de son
héritière de prédilection, en réalisant en immeubles
les capitaux q u ’il lui destinait 5 il paraît même que
ce projet aurait été promptement *et pleinement exé
cuté , si le comte avait encore vécu quelques années ,
et si, sur-tout, il eût pu être certain de la rentrée
prochaine cle fonds considérables prêtés avec générosité
mais dont le recouvrement devenait
difficile.
L e 17 mai 1 8 1 7 , c’est-à-dire, cinq mois après le
testament olographe, déposé chez Me Espinasse , le
comte L e g ro in g , Julien Jouvainroux et Françoise
Boudon, son épouse, stipulant pour F la v ie , le u r f ille ,
acquièrent de Marien C ou steix, différens immeubles
situés a Laroche-Blanche, moyennant la somme de
33 ,Goo francs. Cet acte assure ¿1 F la vie la nue pro
p riété de ces im m eubles, moyennant 20,000 fr a n c s/
le comte doit en avoir la jouissance ¿a vie durant ;
et le p r ix de cet usufruit entre dans la vcnie pour
1 3 , 6 oo francs.
Cet acte manifeste bien é v i d e m m e n t la volonté il il
comte. Comment résister aux inductions qui s’en
déduisent naturellement? D ’abord on no cl ira point
‘v
�0 4 )
q u ’il a été arraché par la suggestion, la captation ou
la violence. L a nature de l ’acte repousse.cette idée;
ensuite, s’il n ’eut pas été consenti librem ent, Jouvainroux et sa femme seraient seuls acquéreurs ; ils
n ’auraient point acquis pou r le compte de F la v ie , et
M. Legroing ne se serait pas réservé Vusufruit des biens
compris dans cette acquisition.
Il est évident que la même voloulé qui avait dicté
le testament du 24 décembre, a présidé à la- vente
du 17 m ai; le comte Legroing ne fait rien dans les
intérêts de Jouvainroux et de son épouse; il acquiert
pour J^lavie 3 leur f i l l e . Dans ses intentions, l ’ u s u f r u i t
des biens ne d o it p o i n t leur a p p a r t e n i r , il s 'en réserve
la jo u issa n ce, et y met un p rix, qui prouve q u ’il
conservait l ’espérance d ’élever, et peut-être d ’établir
lui-même cette enfant. Enfin, Jouvainroux et sa femme
ne sont rien dans la pensée du comte; Flavie est la
seule personne dont il s’occupe; elle seule sera pro
priétaire lorsque son usufruit aura cessé.
Peu de tems après, les infirmités du comte devinrent,
plus graves : une maladie cruelle, des plaies q u i s’élaicnt formées aux jambes et qui
exigeaient
des pan-
scineus aussi multipliés que douloureux, rendirent les
soins de plusieurs médecins nécessaires, et obligèrent
d ’appeler une garde-malade. MM. Monestier, Voiret et
Blatin lui donnèrent successivement , et ensemble ,
leurs soins; ils l ’ont vu jusqu’à sa mort. L a nommée
Terrasse, gerde-malade, n’a point, quitté le chevet de
son lit. Les uns el les autres ont éié témoins de l ’af-
«
�( >5 )
fection du comte pour Flavie; il la désignait constam
ment comme son héritière ; recommandait la plti£
stricte économie, et se lo u a it, d ’ailleurs, des soins et
des services de ceux qui l ’entouraient.
F l a v i e était, en effet, 'constamment présente à la
pensée du comte. Les douleurs les plus vives ne pou
vaient le distraire de cette idée unique qui le m aî
trisait entièrement, et q u i, parfois, l’aidait à supporter
ses maux. S’il s’agissait de cette e n fa n t, il devenait
soupçonneux et défiant; les précautions q u ’il avait
prises pour lui assurer sa fortune, lui paraissaient, par
fois, insuffisantes; il aurait désiré pouvoir imprimer
à chacun dés objets qui devaient composer sa succession,
un signe tellement ineffaçable, q u ’ilr fut propre à les
faire reconnaître par tous, c o m m e apj-ïartenant: à son
héritière, et à rendre toute soustraction impossible.
L e comte Legroing était créancier de son frère d'une
somme àssei considérable : il était porteur de tiois
lettres de change; il ne voulut point en laisser la
disposition au sieur Jouvainroux. Se défiait-il de lui?
Avait-il le pressentiment que lés circonstances pourraient.'
lui faire désirer d ’acheter la paix au prix de quelques
sacrifices...... ? Quoi q u ’il en soit, il signala ces effets,
et en passa l ’ordre h Claudinc-Flavie.
Cette précaution du comte sera-t-elle aussi regardee
comme l’effet de la suggestion et de la violence ? Mais
quel avantage présentait-elle à Jouvainroux et à sa
fem m e.....? F ile n ’ajoutait rien à 1» force de la dis->
position faite par le com te, en faveur de Flavie; Îe
�( i6 )
testament était suffisant pour la rendre propriétaire
de la succession, et en exclure le chevalier*, le comte
n ’avait donc, en écrivant cet ordre, d’autre but que
celui d ’assurer la propriété de Flavie contre ses propres
parens, et d ’ôter u ces derniers la possibilité d ’abuser
du dépôt que la loi leur confiait. Les père et mère de
Flavie n ’ont pu désirer cet acte : il est évident q u ’ils
n ’ont point employé la suggestion et la violence contre
leurs propres intérêts; il est aussi certain que le testa
m ent, la vente et les ordres émanent de la même per
sonne, ne forment, pour ainsi dire, q u ’un seul acte, dont
l’objet est d ’assurer à F la v ie s e u le , et au détriment
de ses ascendans 3 la propriété des biens du c omte .
Comment d onc p our r ai t -o n diviser u n ensemble de
faits si propres à manifester une volonté libre et éclairée?
Ne prouve-t-il pas, au contraire, de la part du testa
te u r,
une
anéantit
à
persévérance dans
ses dispositions, qui
l ’avance les reproches de captation et de
violence que le chevalier a osé articuler?
A u mois d ’août, l’état du comte Legroing était
devenu
plus inquiétant; sa maladie avait
fait des
progrès rapides; il était livré à des souffrances cruelles;
il eut recours aux douces consolations de la religion.
MM. C aban e, curé des Carmes, et M o u lh o t, vicaire
de Notre-Dame-du-Port, étaient venus constamment
le voir pendant les 1 5 derniers jour de sa maladie ; il
s’entretenait avec l ’un d ’eux au moins deux fois par
jo u r; il remplit tous ses devoirs avec une respectueuse
soumission, çt mourut en chrétien résigné. Les mal
�heureux espérait peut-être que samémoire serait honorée,
ou q u ’au moins ses héritiers se respecteraient assez
eux-mêmes pour ne pas attaquer les dispositions d ’un
frère auquel, depuis long-tems, ils étaient devenus
étrangers.
Flavie ne pouvait apprécier combien était grande la
perte q u ’elle venait de faire ; cependant ses regrets
furent amers. Mais Jouvainroux et sa femme sentirent
ce q u ’ils devaient à la mémoire du comte. Ses obsèques
furent magnifiques ; sa dépouille mortelle repose dans
un terrain acquis par Jouvainroux, et consacré à con
server le souvenir du bienfaiteur de Flavie.
Les faits principaux qui ont entouré le testament
du comte Legroing étant connus, il convient de tracer
rapidement l ’esquisse de la p r o c é d u r e , d ’i n d i q u e r la
marche tenue par le chevalier, et de mettre sous les
yeux de la C ou r les dispositions du jugement qui a
rejeté ses prétentions.
On a dit que le comte était mort le i 3 août 1 8 1 7 ,
c’est-à-dire huit mois après la confection et le dépôt de
son testament.
L e 1 4 , M® Espinasse, notaire, assisté du
sieur
Julien
Jouvainroux, présenta ce testament à M. le président
du tribunal civil de C lerm on t, qui dressa procès-vcrbal
de son ouverture et de sa forme e x t é r i e u r e , e t rendit
une ordonnance qui en continua le dépôt chez le no
taire Espinasse.
Il a fallu parler de celte
circonstance
pour détruire
les allégations que le chevalier Legroing a osé se per-
3
�svp
(' 18 )
mettre clans son mémoire imprimé (pages 24?
et 2^)Suivant lu i, le testament a été déposé par Jouvainroux
seul; donc il est demeuré, contre la volonté du comte,
possesseur de cet acte important jusqu’au décès de ce
dernier. La signature de M. le président n’est pas suf
fisante pour le rassurer sur la sincérité d’un renvoi qui
indique Me Espinasse comme étant celui qui a présenté
le testament, « parce q u ’on n ’ignore pas ce qui se passe
« à l ’hotel, lorsqu’on vient demander des signatures.
« On présente ordinairement une foule d ’actes rédigés
«■la veille ou le jour même; le président, qui en a
« connaissance,
signe avec confiance , apostille les
« r e n v o i s sa n s a u t r e m e n t y
r e g a r d e r ............. »
Que répondre à une pareille imputation consignée
dans un Mémoire signifié, et que l ’on a osé faire ré
péter dans une consultation?......... E lle est fausse : le
magistrat respectable et éclairé auquel elle était adressée
a cru devoir la dédaigner; et l’héritière du comte ne
doit plus s’en occuper que pour manifester ses regrets
d’avoir été privée, par ce fait, de l ’autorité q u ’aurait
pu ajouter au jugement q u ’elle a obtenu, le suffrage
de M. le président, qui crut devoir
s’ abst eni r.
Le i 5 août, le sieur Jouvainroux, tuteur de Flavie,
lit apposer les scellés sur le mobilier du défunt.
Le 19 , le chevalier Legroing forma opposition à la
rémotion.
U ne ordonnance du
août 1817 avait envoyé le
sieur Jouvainroux en possession des biens ayant appar
tenu au comte Legroing, conformément aux art. 1006
«
�V
( *9 )
et 1008 du Code civil. L a rémotion dös scellés avait
eu lieu , et l'inventaire était même presqu’achevé ,
lorsque le chevalier crut pouvoir prétendre que le mo
bilier d evait'lui être remis, comme héritier naturel,
sauf à le représenter, et déclara q u ’il formait opposition
à l ’ordonnance du 2 3 août.
Une ordonnance rendue en référé, le 2 6 , donna
au chevalier acte de son opposition, et renvoya à l ’au
dience du 27 pour y être statué.
Le chevalier présenta alors une requête où , sans
préciser aucuns faits, il soutint que le testament était
n u l, comme étant l ’eifet de la captation, de la vio
lence,’ de l ’obsession, du d ol, et fait ab ircito. 11 de
manda en conséquence à être envoyé provisoirement en
possession 5 mais le j u g e m e n t d u 27 le déclare non
recevable dans son opposition à l ’ordonnance du a 3 5
maintient, en conséquence, l’envoi en possession pro
noncé en faveur de Jouvainroux, et ordonne q u ’au
fonds les parties procéderont en la manière ordinaire.
Bientôt le chevalier
fait signifier et publier un
mémoire.
Suivant lui ,
i°.L e testament est fait ob irato : il est l ’ouvrage de ■
la haine et de la colère \
20 II est l’ouvrage de la captation et de la suggestion
de la part d ’une concubine.
Pas un seul mot de la v i o l e n c e comme cause de
nullité du testament; ce moyen n ’a même jamais été
présenté au tribunal de Clerm ont, et ne l’est pas
f
�( 20 )
encore dans les consultations distribuées en la Cour.
Ce mémoire est suivi d ’une requête signifiée le 28
mars 1818.
Le chevalier y demande la nullité du testament de
son irère, sous un double point de v u e ,
1" Comme fait en faveur d ’ une f i l l e naturelle du
sieur comte Legroing et -de Françoise Boudon,
sa
gouvernante, laquelle f i l l e naturelle ne s t pas légalement reconnue, et ne p e u t, à ce titr e , espérer que
des alimens;
20 Com me fait ab irato,
co n tre
sa
fa m ille ,
et
comme étant l ’effet de l ’obsession, de la captation et
de
la
s u g g e s t i o n d e la . p a r t d e
JU LIEN
F ra n ço ise
boudon
e t de
JO U V A IN R O U X .
Passant ensuite à la preuve de ces propositions, il
soutient que C laudin a-F la vie Jouvainroux est née du
concubinage de la dame Jouvainroux avec le comte
Legroing.
Parce qu e, i° il est prouvé (suivant lui) que Fran
çoise Boudon est devenue enceinte une première fois,
en 18065 que son enfant, nommée Joséphine, a été re
connue par le comte Legroing, tant dans son acte de
naissance que dans celui de décès;
20 Que Françoise Boudon a continué de cohabiter
avec son m aître, et de vivre avec lu i, soit à Riom ,
soit à C le rm o n t, notoirement et publiquement en
concubinage 5
3 ° Que Françoise Boudon est devenue enceinte une
deuxième fois en 18115 que sa grossesse était de plus
�( 21 )
de trois mois, lorsque M . Legroing a p ig é à propos
de la marier avec Julien Jouvainroux. Q u e, conséquemment, Claudine-Flavie est le fruit du concubi
nage ; ce qui est, au surplus, confirmé par la présomption
de la loi, suivant la maxime : A n cilla m prœgnantem
in dubio vid eri prœgnantem à domino m axim e ;
4 ° Que ces faits se trouvent justifiés par les circons
tances de cohabitation du mari et de la femme avec le
comte,
Par la différence q u ’il mettait entre e u x, faisant
manger la femme avec lu i, et le mari à la cuisine-, par
les soins q u ’il avait pour Flavie : il l ’appelait habi
tuellement sa fille , et celle-ci lui répondait en lui
d o n n a n t le n om de papa.
Enfin, par la tendresse que le comte avait pour cette
enfant. « E lle était si grande, que lorsqu’il s’élevait
« des querelles entre lui et les Jouvainroux, ce qui
« arrivait souvent 3 on le menaçait de lui ôter la petite
« Flavie, pour l ’appaiser et obtenir dé lui tout ce q u ’on
« désirait. »
E n conséquence, le chevalier conclut à ce que C lau
dine-Flavie Jouvainroux soit déclarée enfant naturel
non reconnu du comte Legroing; à ce que l ’institution
contenue au testament du 24 décembre 1 81 6 , et te
donation indirecte faite par la vente du 17 mai 1817,
ainsi que la donation indirecte r é s u l t a n t des ordres
qui se trouvent au dos des lettres de change souscrites
par le chevalier, soient annullées; à ce que toute la
succession lui soient remise, s’en rapportant d’ailleurs
�• f(
22 )
à la prudence du tribunal sur la quotité de la pension
alimentaire qui doit être accordée à C laudin e-F lavie.
Il faut convenir que le chevalier ne pouvait créer
un système qui outrageât plus ouvertement les mœurs
et la dignité du mariage. Ainsi c’est vainement que
les rapports qui existent entre le père et l ’enfant sont
liés à l ’institution la plus sainte et consacrée par les
lois les plus positives : un étranger, mu par un vil
intérêt, peut, en invoquant les. mœurs, troubler le
repos des familles, tenter de détruire l ’état d ’un enfant
légitime, pour le classer parmi les enfans naturels non
reconnus; e t, se jouant de la religion et des lois, les
i n v o q u e r p o u r d ét ru ir e ce q u ’elles ont de pl us sacre,
à l’eiFet de se rendre maître de la succession d ’un frère
dont il ne craint point de flétrir la mémoire.
Tel était cependant le moyen principal employé par
le chevalier en première instance. Les faits de capta
tion et de suggestion, ceux même q u i, suivant l ui ,
tendaient à prouver que le testament du comte avait
été dicté par la colère, n ’étaient articulés que subsidiaireinent.
Les voici :
i u Françoise Boudon a vécu en concubinage avec le
sieur Lcgroing depuis q u ’elle est entrée à son service;
2° A compter de cette époque, elle a mis tous ses
soins pour séparer et éloigner son maître de toute sa
famille. F ile et son mari ont em pêché toute commu
nication avec son frère, ses parens et ses amis ;
3 " F ile avait inspiré à son maître une telle haine
�9*3
( ’3 )
contre ses proches, et notamment contre~le chevalier,
que lorsque le nommé Ghantelot emporta, dans le
mois de juillet 1 81 7 , 8000 francs, de la part du che
valier, à-compte de ce q u ’il lui devait, le comte refusa
de les recevoir, en désavouant le chevalier pour son
frère, et en tenant contre lui les propos les plus inju
rieux ;
4° Que le chevalier s’étant présenté chez le comte,
le 12 du même mois de ju ille t, pour régler ses comptes
avec lui et lui payer une partie de ce q u ’il lui devait,
il ne p ut pas parvenir ju s q u ’ à lu i; q u ’il fut en con
séquence obligé d ’avoir recours à des tiers, et spécia
lement à un jurisconsulte de C le rm o n t, qui se trans
le c o m t e , rédigea la quittance des sommes
q u ’il recevait, et du mo de de p a i e m e n t de ce q u i res
tait d û ; que ce jurisconsulte lui ayant fait lecture de
po rt a chez
cette quittance, dans laquelle il lui faisait dire q u ’il
avait reçu telle somme de son frère, il se mit en fu
reu r, se leva sur son séant, quoique dans un état qui
le privait, en quelque sorte, de tout mouvement; dit
que le chevalier n ’était pas son frère, vomit contre lui
toute espèce d’injure , et ne consentit à signer la
quittance, que lorsque le jurisconsulte présent, qui
l ’avait rédigée, «ut rayé ces mois : Mon frère ;
5 ° La dame Jouvainroux était toujours présente
toutes les Ibis q u ’il arrivait quelques personnes auprès
de son maître. Lorsqu’elle sortait, elle l ’enfermait sous
clef, pour q u ’il y eût impossibilité de sortir ou de
communiquer avec qui que ce fût;
�Fvo
( H )
6° E lle a souvent maltraité son m aître, qui a fait
entendre ses plaintes, et se mêttait à la fenêtre , en
criant au secours! à Vassassin! que ses cris ont attiré
les voisins, le p ub lic, et même la police;
7° Q u ’elle s’emparait des lettres qui venaient de la
fa m ille , et spécialement du chevalier, pour que son
maître n ’en eût aucune connaissance; et q u ’une de
ces lettres a été trouvée dans la commode de la dame
Jouvainroux, lors du proccs-verbal du juge de paix ;
8° Que le comte était absolument dans la dépenda nce de' sa domestique-gouvèrnante, qui s’était em
parée de tous ses biens et facultés, et que le comte
é ta i t t o m b é dans u n é t at de faiblesse et d ’ i mb éc il li tC
tel, q u ’il ne lui restait ni volonté, ni discernement.
L e vague et l ’insuffisance de ces faits se laissent
facilement apercevoir : aucune circonstance n ’y est
déterminée; ils sont d ’ailleurs anéantis par le rappro
chement que l ’on peut en faire des faits connus et
constans au procès.
Les premiers juges les ont appréciés; ils ont examiné
cette cause dans son ensemble et dans tous ses détails.
Il convient de faire connaître leur jugement. }
P remière question : en la forme ;
L e testament du comte L egroin g est-il valable?
A tten d u q u e , conform ém ent à l ’article n eu f cent soixante-dix du
Code c iv il, il a <He écrit en entier, daté et signé de la main du testateur;
que la loi ne l ’assujétissait à aucune autre form alité ; qu ’il n’est môme
pas attaqué en ce point.
D euxièm e question : au fond ;
L e comte L egroing avait-il capacité pour disposer par tostament?
�(
25 )
A ttendu q û e , d'après l ’article n eu f cent deux du Code c iv il, toutes
personnes peuvent disposer, par testa m en t, excepté celles que la loi en
déclare incapables ;
A ttendu que le comte Legroing n’était dans aucun des cas de l'article
guatre cent quatre-vingt n eu f du Code civ il ; qu’il est m ort iiitegri
statds, et que son testament même prouve qu ’il était sain d’esprit.
Troisième question.
L e comte Legroing a-t-il pu disposer de l ’universalité de ses Liens?
A ttendu que le comte L egroing n’avait ni ascendans ni descendans ;
Q u ’a in si, et aux termes de l ’article n eu f cent seize du Code c iv il, ses
dispositions testamentaires ont pu épuiser la totalité de ses biens.
Q uatrièm e question.
L e comte Legroing a -t-il fait son testament par colère et en haine do
sa fam ille ?
A tten d u q u e , quoique le Code civil ne dise rien du cas où un testa
m ent serait attaqué pour cette cause, il faudrait examiner s’ il peut
encore y avoir lieu à l ’action en n u llité admise par l'ancienne jurispru
dence , dans q u e l q u e s - u n s de c e s c a s ;
Mais attendu q u e , quand les faits allégués par le dem andeur seraient
é ta b lis, il n’en résulterait aucune preuve que ce testament a été reflet
de la haine et de la colère du comte L egroing contre sa fum ille, ou ,
pour m ieux d ir e , contfe le dem andeur ; car la dame L e g ro in g , leur
sœ u r, a pensé qu’elle n’avait pas le droit de s’en plaindre.
Ces faits de haine et de colère seraient :
L e p rem ier, un rëfus de la part du comte L egroing de recevoir une
somme de huit m ille francs, que le dem andeur lui aurait envoyée par
le sieur C lia n telo t, le premier ju illet m il h u it cent d ix -sep t, et d’avoir
accompagné Ce refus d’injures contre le demandeur.
L e dem andeur ne dit pas quelles furent ces injures , ni le m otif dû
refus.
L e deuxièm e fait serait que le dem andeur s’étant
p ré s e n té
Iui-mômc,
le douze du mémo m ois, chez son frè re, pour r é g i« 'ses comptes et
payer une partie de ce q u ’ il lu i d e v a it, il ne put pas parvenir jusqu’il
!«»•
L e dem andeur ne dit pas non p lu s pourquoi et par qui il fut empêché
de parvenir jusqu’à son frère,
4
�L e troisième fait est que le dem andeur ayant alors invité un juris
consulte à porter pour lui la somme à. son frère, de rédiger la quittance,
et de régler le mode du paiement de ce qui resterait dû , et le jurisconsulte
ayant fait lecture de la quittance au comte L e g r o in g , celu i-ci se m it
en fu re u r, parce qu ’il y était dit que le chevalier Legroing était son
frère; il vom it contre lui toutes sortes d’in ju res, et ne signa la q u it
tance que lorsque le jurisconsulte eut rayé les mots : M on frère.
L e dem andeur a laissé également ignorer quelles furent ces injures ,
/
et cependant il serait possible que les expressions du comte L egroing ne
fussent pas reconnues injurieuses ; le dem andeur aurait pu regarder
comme injures quelques paroles seulem ent désobligeantes , qu ’un mo
ment d’hum eur ou le m écontentem ent aurait pu p ro d u ire, sans que le
coeur du comte L egroing y prît aucune part.
A u surplus, les frères L egroing auraient pu vivre en m ésintelligence r
ne pas s’aimer ; mais entre la haine et l ’amitié il y a tant d’autres sentim e n s q u i n e t r o u l i l c n t n i l'esprit n i la r a i s o n , q u i ne s o n t n i de la
haine ni de la colère !
E t s i , par de semblables motifs , il était possible d ’annuller les testamens faits au préjudice des collatérau x, il serait presque inu tile d’en
faire.
Enfin , et cette observation serait seule décisive sur ce point :
'A ttendu que le testament dont il s'agit est du vingt-quatre décembre
m il huit cent s e iz e , et que les fa its de colère et de haine allégués ne
seraient que du mois de ju ille t mil huit cent d ix - s e p t;
Q u ’a in s i, ils n ’auraient pas pu influer sur des dispositions testa
mentaires fa ite s sept mois avant leur existence.
Cinquièm e question.
Si ce testament n’a pas élé l ’effet de la haine et de .la co lerc, a-t-il
été celui de la captation et de la suggestion ?
il'
A tten d u que U\s moyens de captation et de suggestion sont comme
ceux de hnine et de coli-rc , méconnus par le Code c iv il; q u e, néanm oins,
s'il en existait, il faudrait encore examiner .aussi s’ils peuvent encore
fonder l’action en nullité, d’ un testament: olographe ;
Mais attendu qu’ il serait ridicule de prétendre qu'un enfant de cinq
ans a employé lu r u se , l'artifice, la mauvaise f o i , lés insinuations per
fides, pour tromper le comte L e g ro in g , lui rendre sa fam ille odieuse,
�V
)
le faire changer de volonté, et surprendre, en sa faveur, des dispositions
qu’il aurait eu l ’intention de faire en faveur du dem andeur;
A ttendu qu’il n'est pas vraisemblable que la force d’esp rit, la fierté
du caractère du comte Legroing aient jamais cédé aux volontés de Fran
çoise B o u d o n , au point sur-tout de faire ce q u ’il n’aurait pas voulu
faire ;
Q u ’il n’est pas presumable que la femme Jouvainroux eût tenté ce
triom phe; elle eût cra in t, sans d ou te, de déplaire à son m aître, et
m ême de l ’offenser ; s’il eût pensé qu ’elle vonlait le dom iner, elle eût
craint
d'achever de perdre une confiance déjà tant affaiblie par son
mariage ;
A ttendu , q u ’en supposant même que la femme Jouvainronx eût
quelque pouvoir sur l ’esprit de son maître , il n'est pas vraisemblable
qu’ elle Veût em ployé pour fa ir e exercer envers sa f i lle une libéralité
qu'elle eut désiré conserver en vertu du testament de m il huit cent sept >
ou fa ir e renouveler pour elle ;
,
A ttendu qu ’il e s t, au contraire , tout naturel de croire que c’ est par ses
caresses , par ses assiduités, par s e s s o in s , e x c i t a s peut-âtre par de petits
cadeaux que l ’âge mûr et la vieillesse ont coutum e de faire à l ’en fan ce,
que Claudine-Flavie a o b te n u , sans le savoir ni le d ésirer, cette marque
de sensibilité , d ’affection et de toute la bienveillance du comte L egro in g ;
q u e , ce dernier a pu penser qu’il ne devait aucun témoignage d’aflcction
ni de reconnaissance au chevalier Legroing , son frère , q u i , célibataire
comme l u i , ne transmettrait qu’à des étrangers ou à des collatéraux
éloignés les biens qu’ il lui laisserait ;
A ttendu q u e , comme le disent les auteurs, le testament olographe
est celui qui dépose avec plus de sûreté de la volonté du testateur;
A ttendu que les précautions surérogatoires que le comte Legroing a
prises pour assurer et conserver saine et entière l ’existence du sien, en le
cotant, et signant à chaque page , et en le mettant sous une enveloppe
cachetée au sceau de scs arm es, avec une inscription
sa main ;
Q ue la facilité qu’ il avait de révoquer d’un
é c r ite
m om ent
et signee de
à l’autre ces dis
positions, d’en faire de nouvelles, ou de n ’en pas laire du tout , et dç
c o n fie r
l’écrit de sa dernière volonté, soit à un des médecins qui lui
prodiguaient des soins pour prolonger ses jo u r s , soit ¿1 un des ministres
�c
( »8 )
q u i lu i portaient souvent les consolations de la religion, et le préparaient
à bien m o u rir, soit à toute autre personne qu ’il aurait choisie pour eu
être le dépositaire, fa cilité q u i, comme le dit R ica r d } a v a itfa it établir,
comme m a x im e indubitable au palais , que les fa its de suggestion n'é
taient pas recevables contre un testamen t olographe ;
Q u e , Vacquisition qui fu t faite au nom de C laudine-Flavic Jouv a in r o u x , le dix-sept mai m il h u it cent d ix -se p t, environ cinq mois
après le testam ent,
Q u e l ’ordre passé par le comte L e g r o in g , en sa faveur , sur lçs effets
de commerce à lu i consentis ;
Q ue le silence du comte L e g r o in g , ou p lu tôt sa persévérance pendant
les huit mois qui s’écoulèrent entre le testament et son d écès,
P ro u ve n t, d ’une m anière incontestable, que le comte L egroin g u ’a
été subjugué par personne ; qu’ il n’a cédé ni à l ’obsession ni aux solli
citations ; qu’ il n’ a été entraîné par aucune volonté étrangère ;
Q u il
h'u
a g i ( ju e p a r
l ’ im p u ls io n d e so n c œ u r d ’ a p r is
s e s s e f lt i m e n S
et ses affections personnelles.
L e dem andeur a lui-m êm e reconnu les affections du com te pour
F la v ie , en disant : « Q u e , quand le comte avait des momens de colère
« et d ’ im patience, elle allait se jeter dans ses b ras, et que ce petit
« manège calm ait sur-le-cham p le maître em porté. »
L e choix de F lavie pour son héritière a donc été l ’effet de sa volonté
lib r e , ferme et constante.
A ttendu que l’ acte qui le renferme , contient la preuve aussi que le
comte Legroing l ’a fait avec réflexion et tranquillité d ’esprit et de raison ;
Q ue l’ordre mis par le comte L egroin g sur les effets de com m erce,
n’a sans doute été imagine par lui , que pour conserver 1« valeur de ces
effets à C la u d in c-F la v ie , et em pêcher que son père et sa mère pussent
les lui soustraire, «t s’en approprier le montant.
l) ’où s’en suivrait une nouvelle preuve que rien n’a été fait ni suggéré
par la femme Jouvainroux , ni par son mari.
E t une observation qui ne laisse aucun doute à cet égard , c’est que
le dem andeur est lui-m ônic convenu que la mère de F lavie n’u v a it, h
l’époque du testam ent, aucune influence sur l’esprit de son m nître, en
disant : « Q u e , depuis quelque tems avant ce testam ent, le comte
t Legroing témoignait de l'hum eur et de la colère contre elle. »
�( =9 )
'A tte n d u q u e , quand il serait vrai que le comte Legroing se fût
procuré un modèle pour rem plir les formes d u testament qu ’il voulait
fa ire , cette circonstance serait absolum ent insignifiante, et ne pourrait
pas autoriser la critique des dispositions ;
Q ue d’officiers publics ont souvent recours aux formulaires !
Sixièm e question.
Claudine-Flavie Jouvainroux était-elle capable de rece v o ir, par testa
ment , le legs universel que lui a fait le comte Legroing ?
A ttendu q u e , d’après l ’article n e u f cent six du C o d e , il su ffit, pour
être capable de recevoir par testam en t, d ’être conçu au décès du tes
tateur ;
E t attendu qu’au décès du comte L e g r o in g , C laudine-Flavie Jou
vainroux était âgée de près de six ans ;
A tten d u que C laudine-Flavie Jo u va in ro u x, née le cent soixanteonzième jour du mariage de Françoise Boudon sa mère et de Julien
Jo u vain ro u x, ne peut pas être considérée comme enfant naturel du
c o m te L e g r o in g ;
Q ue le mariage fait présum er que Jouvainroux était l’nnteur de la
grossesse de Françoise B o u d o n , avec l ’intention réciproque de s’unir
par le mariage ;
Q ue le dem andeur n’a pas été exact dans sa citation de la maxime
suivie dans l ’ancienne ju risp ru d en ce, et justement abolie par nos lois
nouvelles ; en voici les termes : Crcditur virgini ju ra n ti se ah aliquo
cognitam et e x eo prœgnantcm.
E lle n’établissait, comme l ’a prétendu le dem andeur, aucune pré
somption , pas même les soupçons contre le m a ître , sur l ’état de la
grossesse de sa servante ; et le serment qu ’était obligée de faire la fille
en cein te, avait seulement l ’cflet de faire contraindre celui qu’elle avait
déclaré l ’auteur de sa grossesse, à lu i payer une somme modique pour
frais de gésine.
Q ue la présomption que Jouvainroux était l ’auteur de la grossesse de
Françoise Boudon , c'est q u ’au lieu de désavouer V evfun t, c’est Jou
vainroux lui-m êm e q u i l'a f a it inscrire
s u r
h registre de l ’état c iv il ,
comme étant son enfant d'avec Françoise B ou don, et qui en a signé
l'a cte ;
E t q u e , d’après les articles trois cent dix-neuf et trois cent vingt du
�( 3o )
Code c iv il, cet acte seul eût suffi pour constituer Claudine-Flavie ênfant
légitim e d u dit Jouvainroux ;
Q ue C laudine-Flavie a en outre obtenu la possession d’état d ’enfant
légitim e de Jouvainroux , par tous les faits que l ’article trois cent vingtun du Code désire ,
Puisqu’elle a toujours été regardée comme te lle , soit par sa fa m ille ,
soit par le public ;
Q u ’elle en a toujours porté le nom , et que Jouvainroux l’a toujours
traitée comme son enfant.
A ttendu q u e, d’après l’article trois cent v in g t, cette possession aurait
elle-m êm e suffi pour constituer cet état ;
A ttend u q u e , d’après l ’article trois cent vingt-deu x, nu l ne peut
contester l ’état de celui qui a une possession conforme à son titre de
naissance ;
Q u ’ainsi il n’est pas permis d’examiner com m ent Françoise Boudon a
v é c u a v a n t so n m a r ia g e ;
Q u ’ainsi il n’est pas permis d’alléguer que C laud in e-F lavie est le fruit
d ’un concubinage de sa mère avec le comte L egroing ;
Q ue la loi ne reconnaît même pas de concubinage après le mariage ;
Q ue le commerce illicite d’ une épouse avec tout autre que son ép oux,
est qualifié adultère ;
E t que le mari a seul droit de s’en plaindre.
A ttendu que l ’article trois cent tren te-n eu f du C o d e , qui autorise
tous ceux qui auraient intérêt à contester toute reconnaissance de la
part du père et de la mère , ne s’applique qu’aux enfans nés hors
mariage ;
,
Q ue toutes les dispositions qui composent la section 2“ du chapitre
des enfans naturels, et particulièrem ent celles de l’article trois cent
trente-sept, sont positives à cet égard ;
Q u ’ainsi la disposition universelle eut pu être valablem ent faite en
faveur de la fem m e, après le mariage ;
Q u ’ainsi l’on ne peut considérer C laudin e-F lavie Jouvainroux comme
personne interposée pour faire passer la libéralité sur la tête de sa inere.
Eh ! pourquoi aurait-on conçu celte idée plulAt en faveur de la mère
qu ’en faveur du père ? et cependant l’on n’ allègue aucune iucopacitü
contre le père..
�( 3i )
Comment concevoir aussi qu ’un en fa n t, q u i, dans l ’ordre de la n a tu re,
¿Levait survivre à ses père et m è re , eût etc choisi pour leu r transmettre
une libéralité?
Q u ’ainsi, et quand on supposerait que le maître ne peut pas faire un
legs universel à son domestique , l ’état de domesticité de la mère n’ in
fluerait en rien sur les dispositions testamentaires faites en faveur de
Claudine-Flavic Jouvainroux ;
Q ue l ’article m ille vingt-trois du C ode permettant de disposer en
faveur d’un dom estique, et ne lim itant pas la disposition, elle peut
s’étendre pour l u i , comme en faveur de toute autre personne non
prohibée ;
Q u ’ainsi la raison, la m orale, l ’honnêteté p u b liq u e , la sainteté du
m ariage, l ’ordre s o c ia l, le repos et la tranquillité des familles sont ici
en harmonie avec la loi pour assurer à C laudin e-F lavie Jouvainroux son
état d’enfant légitim e et le legs qu’elle a reçu ;
A ttendu que les faits allégués par le dem andeur sont ou vagues ou
insignifians, et ne seraient pas suffisans pour fonder l ’ action en nullité
d u te s ta m e n t ;
Q u ’ainsi la preuve offerte est non recevable et inadmissible , d ’après
la maxime : Frustrà probatur quod probatum non relevât.
L e tr ib u n a l, sans s’arrêter
à
la preuve offerte par le dem andeur,
ni
avoir égard à la demande en nullité par lui fo rm ée, le déboule de
toutes
ses
demandes, et reçoit les parties de Bayle opposantes
à
l ’ordon
nance obtenue par le dem andeur, partie de Pages; fait m ain-levée de
la surseance, et ordonne qu’ elle demeurera sans effet; leur fait m ain
levée des saisies-arrêts faites à la requête du dem andeur ; met hors de
cause sur les autres demandes des parties de B ayle, et condamne celle
de Pagês aux dépens ; et attendu que la partie de Bayle est fondée en
titres, ordonne que le
présent
jugem ent sera exccule provisoirem ent,
nonobstant et sans préjudice de l ’ a p p el, et sans qu’ il soit besoin de
donner caution.
X
■ '
?
■
L ’appel interjeté par le chevalier Legroing a soumis
les questions que présente cette cause,.et le jugement
Je
Clerm ont, à l ’examen de la Cour.
�( 3= )
D ISC U SSIO N .
L ’exposition du fait a déjà donné tous les élémens
nécessaires pour apprécier les prétentions du sieur
chevalier Legroing.
Que demande-t-il ?
L a nullité de toutes les dispositions directes ou in
directes faites par le comte Legroing, son frère, en
faveur de Claudine-Flavie Jouvainroux. Le testament
du 24 décembre 1 81 6 , la vente du 17 mai 1 8 1 7 ,
et
les ordres passés en faveur de Flavie , des lettres de
change dues par le chevalier, sont à-la-fois et égale
ment attaqués par lui.
Il convient que le testament est régulier en sa forme;
que le comte pouvait disposer de l ’universalité de ses
biens.
Quels sont donc ses moyens ?
Il répond :
i ° Q u e Claudine-Flavie Jouvainroux était incapable
de recevoir une institution du comte Legroing, parce
q u ’elle est son enfant naturel non reconnu, et q u ’en
cette qualité elle n ’avait droit q u ’à des alimens ;
20 Que le comte Legroing lui-même était incapable
de donner, parce q u ’il était en état d ’imbécillité ;
3 ° Que le testament du comte a été fait ab irato,
et en haine do ses proches, notamment de lui chevalier,
et que cette haine a été inspirée au comte par les
manœuvres de Jouvainroux et de sa femme;
%
�( 33 )
4 ° E n fin , que ce testam ent, et les actes qui l ’ont
suivi, ont été arrachés à la faiblesse du comte, par
l ’obsession, la suggestion, la captation, et même la
violence, également pratiquées ou exercées^par les père
et mère de Claudine-Flavie Jouvainroux.
Les moyens employés par le sieur chevalier Legroing
tracent naturellement l ’ordre de la défense de l ’héiitière du comte; elle doit les examiner successivement,
mais elle ne fera q u ’indiquer sés m oyens, et tâchera
de les resserrer dans le cadre le plus étroit.
Claudine-Flavie Jouvainroux était-elle incapable
de recevoir ?
Pour faire admettre l ’affirmative, il faudrait que le
chevalier Legroing put prouver :
Q u ’il est reeevable à a t t a q u e r l ’état d ’enfant légi
time de Claudine-Flavie Jouvainroux, état cjui est
établi et lui est assuré, soit par son acte de naissance,
soit par sa possession ;
Il faudrait q u ’il eût la faculté de substituer un état
incertaiu à un état acquis;
Q u ’il pût faire descendre un enfant légitime dans
la classe des enfans naturels, et prouver même que
Claudine-Flavie est l’enfant naturel du comte ; car
sans cette condition elle aurait été également capable
de recevoir.
Il faudrait enfin que le chevalier put , pour servir
ses intérêts, faire tout ce que les lois défendent, tout
ce que la religion et les moeurs réprouvent; q u ’il pût
outrager la dignité du mariage, détruire les rapports
5
�( 34 )
qui existent entre les enfans et les pères, rompre enfin
les liens les plus sacrés de la société.
Il est inutile d’insister sur le premier m oyen; il ne
doit rester dans la cause que pour apprendre q u ’il n ’est
rien de respectable aux yeux de celui q u ’un vil intérêt
aveugle; que, quels que soient d’ailleurs son rang, ses
lumières et sa réputation, l ’ambition peut l ’égarer,
jusqu’au point de lui faire manquer aux devoirs les
plus saints, en l ’obligeant à soutenir un système scan
daleux , que tous les amis de l ’ordre doivent repousser,
et q u ’il rejetterait lui-même avec une noble indigna
tion , si les passions qui l ’égarent lui permettaient d ’en
calculer les conséquences.
L e C o m te e tcn t - i l i n c a p a b l e cle d o n n e r ?
L e chevalier déduit cette incapacité de l ’état d ’im
bécillité de son frère; il ne cote aucun fait propre à
prouver son assertion : il se contente d’alléguer que le
comte était tombé dans un état de faiblesse et d ’imbé
cillité, tel q u ’il ne lui restait ni volonté ni discernement.
Quels sont les principes?
L a première condition pour la validité d ’un testa
ment est que le testateur soit sain d ’esprit (Code c i v i l ,
art 901).
Ce principe général, commun à tons les actes, à
tous les contrats, e s t , pour les testamens et donations,
iine disposition spéciale qui les régit particulièrement,;
de manière que l’article 5o 4 du Code 11e leur est point
applicable;
q u ’ils sont spécialement régis par l ’ar
ticle 901; et q u ’en conséquence ceux qui veulent at-
«
�/ ô û / ï,
( 33 )
laquer
un testament peuvent articuler et être admis
à prouver tous les faits qui sont de nature à établir
que le testateur dont l ’interdiction n’avait pas été
prononcée de son vivant, n ’était pas sain d ’esprit à
l ’époque du testament. Cette preuve est même admise,
quoique les notaires aient inséré dans l ’acte la clause
inutile que le testateur était sain d ’esprit ( i).
Mais pour pouvoir user de cette faculté, il faut
alléguer et prouver des faits de démence positifs et
concluans, parce que la présomption est toujours en
fa'veur de l’acte, et que la démence ne se présume ja
mais. Ce principe est si certain, que la Cour de cas
sation, par arrêt du 18 octobre 1809,
a jugé que
l ’dge a va n cé d u d on a teu r, l ’o u b li de sa f a m ille ,
l ’im portance d u le g s , la q u a lité p e u élevée d u d o
nataire , ne suffisaient pas pour faire décider que le
donateur n’était pas sain d ’esprit. Il s’agissait du tes
tament du sieur Leguerney de Sourdeval, qui avait
été jugé valable par la Cour royale de C aen; le testa
teur était âgé de quatre-vingt-six ans : ses légataires
universels étaient ses dom estiques , et les biens légués
excédaient
i
, 5 o o , ooq francs ( a ) . U n arrêt de la Cour
royale de Paris, du 26 mai 1 8 1 5 , a consacré ces prin
cipes en termes même plus absolus, et a maintenu le
testament du sieur Debermont, quoique le testateur
\
(1) Arrêt de cassation, du 22 novembre 1 8 1 0 . — Conclusions de
M. Merlin.— S i r c y , 1 8 1 1 , pag. 7 3 .
(2) Sircy, 1810, page $7.— Denevers, 1809, page/J^-
�(36)
eut été pourvu d ’un conseil, et que l ’on alléguât des
faits qui tendaient à prouver qu e, depuis 1788 jus
q u ’au 21 février 1809, il était dans un état habituel
de démence, facile à reconnaître par l'affaiblissement
de ses organes, son défaut de mémoire, et la facilité
de lui suggérer des opinions qui auraient pu compro
mettre sa fortune et sa liberté (1).
Ces principes s’appliquent spécialement aux testamens rapportés par des notaires; mais si le testament
est olographe, la présomption de sagesse augmente;,
elle est toute entière en faveur du testateur*, qui prend
le soin d ’écrire ses dernières volontés : dans ce cas, il
faut que le testament fasse naître par lui-même des
soupçons de faiblesse et d ’égarement d ’esprit; autre
m ent, il doit être respecté.
Tels sont les principes : sont-ils favorables aux pré
tentions du chevalier...... ?
D ’abord , il n’allègue aucun fait dont la preuve puisse
être ordonnée. L ’état de faiblesse d ’esprit et d ’imbé
cillité de son frère, aurait du se manifester par des
signes propres à le caractériser et à le faire reconnaître;
le chevalier n’arlicule rien , et cependant ses recherches
oiit été faites avec trop de soin, trop d ’ardeur et de
passion peut-être, pour que l ’on puisse supposer que
tous les faits ne sont point parvenus à sa connaissance.
Mais que pourrait-il prouver? L a solidité d ’esprit
du testateur n ’est-elle pas connue?
( 1) S iro y, 1 8 1 G, 2 e p artie, page a 38.
'
�fO ù ï
( 37 )
Au retour de rém igration, il liquide les reprises
qu’il pouvait avoir sur les biens de la dame son
cpouse; il en conserve seul l ’administration, jusqu’à
l ’instant de son décès; surveille ses nombreux débiteurs,
et écrit lui-même aux gens d ’affaire chargés de ses in
térêts , pour stimuler leur zèle ou leur indiquer la
marche q u ’ils ont à tenir.
E n 1807, il veut disposer de ses biens : un testament
fait par acte public, les transmet à Françoise Boudon,
sa gouvernante; il persiste dans cette disposition jus
q u ’en 181 G; mais , à cette époque , ses affections
changent d ’objet; sa volonté se manifeste de nouveau;
un testament olographe indique Claudine-Flavie .Touvainroux pour l ’ héritière du comte : une vente vient
b i e n t ô t après a ppr end re q u ’il persiste d an s cette vo
lonté, et il donne une dernière preuve de sa p r é vo y an c e,
en passant , au profit de son héritière, l ’ordre d«
certains effets, dont il pouvait craindre le mauvais
emploi.
Ces faits rendent toute autre explication superflue;
le comte pouvait disposer; son testament émane d’une
volonté éclairée; ainsi, l’étrange allégation du chevalier
est dénuée de fondement, et les conséquences s’en
rétorquent contre lui.
L e testament d u co m te a - t - i l é t é f a i t a b i r a t o ,
et en haine de ses proches ^ notamment du chevalier
L eg ro in g ?— Cette haine a-t-elle é té inspirée au com te
^ b
”
par les manœuvres de Jouvainroux et “ e sa fem m e?
On sait que les coutumes reconnaissaient un moyen
�( 38 )
d ’attaquer les testamens lorsqu’ils étaient faits en Iiainc
des présomptifs héritiers; l ’aversion générale des cou
tumes pour
les donations, avait
fait imaginer
ce
m oye n , à l ’exemple de la querelle d ’inofficiosité inventée
par les préteurs ro m ains, en faveur des enfans oubliés
ou prétérits dans l e te sta m en t de
l e u r s ascendans,
ou même exhérédés injustement. On appelait disposi
tions ab ir a to , celles qui étaient faites entre-vifs ou
par te s t a m e n t , par une personne injustem ent irritée
contre u n ea u tre; et action ab ir a to , la demande formée
pour annuller cette disposition. Tous ceux q u i se livrent
à. l ’étude des lois savent aussi que cette action faisait
naître une foule de procès scandaleux, dont la décision,
par la nature même
de
la d e m a n d e , était presque
nécessairement arbitraire.
L e C o d e garde le silence sur cette ac tio n , et de ce
que l ’article du projet q ui portait que la loi n ’admet
point la p r e u v e , que la disposition n ’a été faite que
par haine, colère, suggestion et cap tatio n, a été omise,
en faudrait-il
conclure que l ’action ab ir a to , do'ive
continuer d ’être
admise ? Bien
évidemment non :
puisque d ’ un côté, le Code permet les testamens ,|sans
permettre aux juges de créer d ’autres nullités que
celles qui existent dans la l o i , et que de l ’a u t r e , la loi
du
3o
ventôse an 12 abroge les coutumes q ui a u t o
risaient l ’action ab irato.
Dirait-on que celui dont les dispositions sont déter
minées par la haine et la colère, n’est pas sain d*esprit^
et que l ’article 901 exige celle co n d iti o n , po u r que la
�/Û
( 39 )
donation ou le testament soit valable? Mais doit-on y
en jurisprudence, rechercher la moralité des actions?
Le testament du célèbre lieutenant civil le Cam us,
fut annullé en 1712 , comme dicté par la haine et la
colère; qui aurait osé dire que ce magistrat, qui fu t ,
ju s q u ’à sa m o rt, l ’oracle le plus sûr de la justice, dans
la capitale du royaum e, n’était pas néanmoins sain
d ’esprit? On doit dire, avec M. Toullier, q u ’annuller
un testament, sous un prétexte aussi visiblement faux,
ce serait imiter les préteurs romains, q u i, dans l'im
puissance de faire des lois nouvelles, imaginèrent la
querelle d’inofiiciosité, sur le prétexte reconnu faux
par les jurisconsultes, que le testateur 11’était pas sain
d ’esprit.
pourrait-elle être
intentée? Appartiendrait-elle aux collatéraux, en fa
D ' a i l l e u r s , par q u i
c et t e ac t io n
veur de qui la loi ne fait point de réserve...? Faudraitil que les motifs de haine fussent écrits dans l ’acte ?
Quels caractères devraient avoir les faits, pour servir
de base à l ’action? De quelle manière la haine devraitelle être prouvéee— ?
Plus on réfléchira, plus on louera la sagesse du lé
gislateur, qui a écarté cette action de notre jurispru
dence (1).
Les arrêts des Cours sont conformes à ces idées. Trois
arrêts, l ’un du 3 i août 1810, de la Cour royale de
Limoges, l’autre du 16 janvier 1808, de la Cour royale
(1) Toullier, tome 5 , pages 7 1 4 et suiv.
�( 4o )
d ’A ix , et le troisième, du 2 5 juillet 18 16 , de la Cour
royale de L y o n , jugent uniformément que l ’action ah
irato n’est pas formellement conservée par le C o d e ,
q u ’elle ne peut être exercée que comme suite du prin
cipe q u ’il faut être sain d ’esprit pour disposer ; que la
disposition est valable, quoique faite par une personne
en c o l è r e si cet état ne lui a pas ôté la liberté d ’esprit
et atténué sa raison ; q u ’enfin , il faudrait que la haine
et la colère eussent été assez fortes pour occasionner
l ’aliénation des facultés intellectuelles du testateur (1).
Ces principes pourraient rendre inutile l ’examen
des faits. L e chevalier n ’avait autun droit à la succes
sion de son frère; e t , dans l ’ancienne jurisprudence,
1 action ab irato n ’ ét ai t admise cjii’cn f av eur des descendans en ligne directe (1).
D ’un autre côté,
le
testament ne laisse apercevoir aucun m otif de haine;
il est écrit avec sagesse; le chevalier Legroing n’y est
pas même nommé : comment
donc pourrait-il se
plaindre d ’un acte où le testateur ne s’est pas occupé
de lui ?
Mais le système d ’attaque, adopté par le chevalier
Legroing, repousse l’action q u ’il a intentée. Il a soutenu
que le comte avait une vive affection pour ClaudineFlavie Jouvainroux; c’est cette affection qui lui a fait
dire que Claudine-Flavie était la fille naturelle du
(i)Sir<*y, tome 10,
partie,page 5 a i ;torné i l , a* partie, page f\Qi ;
tome 17, a* partie, page i 3 .j.
(a)
Ricard, partie i r% cliap.
3,
section i 4 *
�comte; ce sont les preuves de cette affection, que le
chevalier voulait employer pour ôter à Claudine-Flavie
son état d ’enfant légitime. Les tribunaux ne peuvent*
point admettre ce genre de preuve, que la loi repousse;
mais les assertions du chevalier demeurent, pour ap-,
prendre que le comte avait pour Claudine-Flavie Une
préférence si marquée, q u ’il ne peut être permis de
s’étonner q u ’il ait voulu être son bienfaiteur.
Pourquoi donc chercher de la haine, là où il est
prouvé que l ’affection a dicté le testament ? Quelle est
la loi qui oblige de disposer en faveur d ’un parent in
différent, au préjudice de l ’étranger que l ’on préfère?
Comment serait-il perm is, sur-tout à un collatéral,
d ’outrager la mémoire d’un parent décédé, pour spo
lier l ’ héritière de son c h o i x ?
Mais encore il serait peu important que le testament
du comte eut été dicté par la haine, si elle avait été
conçue par le disposant lu i- m ê m e ,, et si elle était
fondée sur ses idées personnelles. Ce sentiment aurait
pu diriger sa volonté , sans que pour cela le chevalier
eût une action, parce q u ’en matière de testament, la
volonté assurée du disposant fait loi.
Si l'on supposait cette haine, qui oserait décider
qu ’elle fût injuste? qui oserait indiquer le caractère
q u ’elle devrait avoir, pour servir de base à.une action?
qui oserait enfin imposer à un testateur l ’obligation
de choisir, pour son héritier, celui q u ’il aurait sujet
de haïr?
Les faits ont appris que le
6
com te
et le chevalier son
�( 4a )
Irène devaient vivre dans une espèce d’éloignem etit;Le
niémoirè du chevalier donne les raisons qui pouvaient
légitimer la froideur du comte envers lu i; la différence
de lèivr conduite dans des tems difficiles; l ’entremise
du chevalier dans les affaires de la fam ille, pour de
venir le propriétaire des débris d ’une fortune, auxquels
lé comte croyait avoir des droits; une foule de nuances
q u ’ il ne peut être permis d ’indiquer : tout devait
l'aire désirer au comte de vivre éloigné de son frère.
Lorsque sa mémoire lui rappelait certaines circons
tances, il pouvait même se livrer U quelques emportemens:
1
.
,
s
^ Mills q u ’a de co m mu n cette haine avec Cl au d in e-
Flavie Jouvainroux? Ce n ’est point elle qui l ’a excitée;
on ne peut pas plus justement prétendre q u ’elle serait
** -
\f
'
l ’ouvrage de ses père et m ère, puisque le testament
qui institue Claudine-Flavie héritière du com te, ré
voque l ’institution fa ite , en 1807, en faveur de la
dame
Jouyainroux.
On
pourrait
donc
croire que
ce dernier testament a été fait non point en haine du
sieur chevalier"LegrQing, qui n ’avait pas un seul ins
tant été appelé à la sucqession de son frère, mais bien
en haine de celle que le comte
a v a it
honorée d ’une
institution, q u ’ uu changement d ’affection lui a ensuite
fait anéantir.
Q u e penser d ’ailleurs d ’une action ah ir a lo , intentée
contre un testament fait en 1 8 1 6 , et dont les causes
remonteraient à une époque antérieure à 1 8 0 7 ? ....
�( 43 )
JJi5Si l ’on examine les faits cotés par le chevalier,
quel eifet peuvent-ils produire?
Peut-on supposer que Françoise Boudon ait eu assea
d ’influence sur le, comte pour l ’éloigner de toute sa
fam ille?f
' •'
^ ■
Mais le chevalier convient, dans son mémoire, que
son frère avait eu des relations avec tous ses parens; il
convient q u ’il est accouru pour rendre ses devoirs à sa "
respectable mère , lorsqu’elle devint sérieusement ma
lade; q u ’il se montra’ pénétré, et donna des marques
de sensibilité dans ces dernières et touchantes en
trevues.
n ’est donc-point" contre sa famille q u ’il avait de
la haine : aussi la dame chanoinesse Legroing iie'se
plaint pas d ’avoir inspiré cet odieux sentiment à sou
frère.
•
L e décès de la dame Legroing mère est du 12 juillet
1 8 1 6 ; le testament est du 24 décembre suivant : il n ’a
donc eu lieu q u ’après une entrevufc assez touchante,
pour changer les intentions du com te, si sa volonté
n’eut été aussi ferme q u ’irrévocable.
Sous un autre point de v u e , de quelle importance
peuvent être les faits qui ont eu lieu en 1817 ? N ’est-il
pas insignifiant que le comte ait refusé *dé recevoir une
somme plus ou moins considérable des main s de Chantelot? q u ’il ait montré plus ou moins d ’impatience au
jurisconsulte qui lui présentait une quittance à signer?
tous ces faits seraient au moins personnels au testateur.
11 pouvait arriver que cette circonstance lui rappelât
�( 44 )
certains souvenirs peu favorables au chevalier; mais au
moins cette colère ne lui était inspirée par personne :
c ’était la
présence des intermédiaires
du
chevalier
qui l’excitait , et elle ne peut être regardée comme
suggérée par Jouvainroux ou son épouse. D ’ailleurs ces
faits étant postérieurs au testament et aux autres dis
positions du comte,
ne pourraient influer sur sa
validité.
Mais le chevalier n ’avait pu être admis auprès de
son frère! Une lettre écrite par lui n ’a point été-lue ;
elle n’a même pas été remise! Q u ’importerait à la
cause? Le sieur Legroing serait-il en état de prouver
que son frère désirait de le vo i r ; que les domestiques
s’étaient opposés à leur entrevue ; q u ’ils avaient sous
trait les lettres du chevalier, pour lui créer des torts
auprès de son frèré?
L e chevalier ne peut répondre affirmativement à
aucune de ces questions : tous ceux qui connaissaient
les deux frères savaient q u ’ils vivaient dans un éloi
gnement absolu, que le comte ne craignait point de
manifester. Les explications q u ’il a eues avec Chantelot
et le jurisconsulte chargé de la confiance du chevalier,
prouvent invinciblement que la présence de ce dernier
ne pouvait lui être agréable. Pourquoi donc rejeter
sur le compte de Jouvainroux et de sa femme la haine
dont il s’est plaint? Ces derniers devaient-ils faire vio
lence à la volonté de leur m aître, et le contraindre h
recevoir le chevalier, ou à lire ses lettres?...... Non; le
chevalier est réduit à se demander compte à lui-même
�( 45 )
d ’un sentiment dont les motifs lui sont connus. Il a
dédaigné l ’indifférence de son frère , tout le tems
q u ’elle n ’a pu lui être désavantageuse. Comment oset-il aujourd’ hui en faire reproche à sa mémoire, et
s’en créer un moyen pour arracher un bienfait q u i,
dans tous les cas, ne lui aurait été refusé, que parce
que le disposant l ’en aurait jugé indigne?
E n f a it , le testament du comte est une preuve de
son affection pour Claudine-Flavie ; il
ne montre
aucune haine contre le chevalier : son indifférence pour
lui a toujours été la même. Si le testament de 1816
est fait ab irato contre quelqu’un , c’est contre la
dame Jouvainroux.
du chevalier? Ce sentiment
est né des idées personnelles que le comte p o u v a i t avoir
sur son frère. Les faits qui peuvent l ’indiquer seraient
S e r a i t - i l fait on haine
postérieurs au testament. Ils ne peuvent donc influer
sur sa validité, ni être imputés à Jouvainroux et h
son épouse.
�I ( A V'
( 46 )
; . .
•
‘
L e testament et les actes r/ui l ’ ont suivi ont-ils été
arrachés p ar suggestion et captation ?—^L e chevalier
est-il recevable à proposer ces m oyens? — E xam en
des faits.
!
à
L a captation est l ’action de celui qui parvient II
s’emparer de la volonté d ’ un autre, à s’en rendre
m a ître , à la captiver ; elle s’opère par des démonstra
tions d ’attachement et d ’am itié, par des soins assidus*^
par des complaisances et des prévenances affectueuses,
des services, en un mot par tous les moyens qui peuvent
nous rendre agréables aux autres. L a captation . est
donc lcmaljle en cllc-meme j clic entretient l !umon
dans les familles et dans la société; elle ne peut être
vicieuse que par l ’intention, que par le but q u ’on sé
propose, et par l ’abus q u ’on en fait.
Aussi Furgole a-t-il remarqué que le mot captare ,
d ’où nous vient celui de captation , n ’était pas
toujours pris en mauvaise part ( i) . Dans le droit
romain, les institutions capta toires y étaient défendues;
mais cette prohibition ne concernait que les disposi
tions conditionnelles qui tendaient à s’attirer à soimême, ou ;i une autre personne, des libéralités de même
nature que celles que faisait le testateur; au reste, les
lois romaines permettaient des’atlirer des libéralités par
des caresses, des services, même par des prières (2).
(1) Fu rg o le , des T cs la mc n s , clxap. 5 , scct. 3 , n° 9.
(2) F ur gole , n° 19.
%
�/ û / b J è-j
( 47 )
L a suggestion suit la captation-, elle consiste en ce
que celui qui est parvenu à captiver la volonté d ’un
autr e, use de l ’ascendant q u ’il a pris sur son esprit, pour
lu i faire faire des dispositions q u ’il n ’aurait pas fa ite s,
s’il avait été abandonné à lui-même.
L e mot suggestion 3 qui vient du latin suggestio 3
et qui dérive du verbe suggerere 3 signifie proprement
avertir, inspirer, faire ressouvenir. Ainsi suggérer un
testament, c’est donc avertir, conseiller, persuader de
le faire (i).
L a suggestion par elle-même n’a rien de vicieux. Les
jurisconsultes romains, qui suivaient les austères prin
cipes d uP o rtique, n ’en tenaient pas moins pour maxime
q u ’il n ’est pas d é f e n d u de se
par des soins, des caresses, des
des prières (2).
des libéralités
c o mpl ai sanc es, et même
procurer
Cependant l ’on sait q u ’à Rome, plus que chez aucun
autre peuple, on abusait de la captation et de la sug
gestion; q u ’on en avait fait une sorte d’a r t, que culti
vaient avec fruit une foule d’ hommes méprisables ,
flétris du nom d ’ hére'dipètcs.
Mais comme la jurisprudence ne s’occupe que des
actions extérieures, et q u ’elle 11e doit ni rechercher,
ni juger rin tem ion des hommes, les viles pratiques des
(1) L a b b c , sur B cr r y, titre 18 , part. 8 , dit : « Suggerere cnim
est
« indicate, monerc. »
(2) F ur g ol c, ubi suprà, et n°
— Domat, 2e partie, Iiy. 3 , tit. 1 " ,
sect. 5 , u° a 5 , à la note ; et n° ^7.
�10** : ' ô .
1
( 48 )
hérédipètes n'étaient réprimées par aucune l o i , lors
q u ’on n ’avait à leur reprocher ni violence, ni dol, ni
surprise. On trouve même des lois formelles qui con
firment les dispositions provoquées par des soins, des
complaisances, et même des prières (i).
L e principe consacré par les lois romaines n ’est donc
pas douteux ; la suggestion et la captation simples
n ’entrainent point la nullité des dispositions testamen
taires, parce q u ’elles ne détruisent point la volonté du
testateur, à moins q u ’elles n ’aient le dol pour fon
dement.
Plusieurs coutumes de France proscrivaient les testamens faits par suggestion ; mais ce mot y était pris
par opposition à. l ’ a ct ion de dict er Çu) , c o m m e si 7 a u
moment de l ’acte, il y avait eu auprès du testateur
une personne qui lui suggérât les dispositions q u ’il
devait dicter; car ces coutumes exigeaient, comme le
Code civ il, que le testateur dictât son testament.
Bientôt quelques auteurs allèrent
plus loin , et
soutinrent que la captation et la suggestion, dégagées
de violences, de dol et de surprises, suffisaient pour
faire annuller les donations entre-vifsou testamentaires.
On
peut même dire que l ’ordonnance de i y 35 parut
favoriser cette opinion, q u a n d , après avoir ordonné,
sous peine de n u llité , l’observation des formes q u ’elle
prescrit, elle ajouta (article l\7) : « Sans préjudice des
( 3) Fnrgolc, ubi suprà, n° a 5 .
(1) Voyez Furgole cl le Nouveau Deni sai t, au mot Captation,
�C 49 )
IÛ
« autres moyens tirés de la suggestion ou de la capta^
« tion desdits actes ». Dès-lors il n ’y eut plus de règle
certaine;, ce moyen vague devint un prétexte pour at
taquer ^les testamens auxquels on n’avait à opposer
aucun yice réel ; et bientôt naquirent rune foule de
procès, scandaleux, dans lesquels des héritiers peu dé
licats
cherchaient
parens
i
* à flétrir la mémoire
1
I*de
/ leurs A
descendus dans la ]tombe, pour disputpij les dons q u ’ils
avaient faits à des.^légataires dont on ne manquait
jamais-def noircir , plus ou moins. gri^yement la répu
tation.
•
...•• i l; 1, {r jxr
.. . \j *%j ^ .il.
,
....
»
. Les .rédacteurs du projet du C od e-cjvil voulaient
prévenir ces abusjj;^ et .i}nr,article portait : « L a loi
« n’admet point la pr^uve^que la disposition n V é t ç
« fuite :<jue par , haine , ¡suggestion.! OU. captation. » ...
L e conseil d!Etat fut arrêté par la crainte d ’e n c o u
rager la cupidité. L ’article fut supprim é, mais avec
regret. i:«iLa ’ loi V 1 dit’ Forateur du Gouvernement ,
«' garde le silen ce'su r'lè défaut de 'liberté qui peut
« résulter de la suggestion et de la captation, et sur
« le vice d ’une volonté déterminée par là colère ou
« par la h a in e............. Peut-être vaudrait-il mieux ,
« pour Y intérêt g é n é r a l,r que cette source de procès
« ru in eu x et sca n d a leu x f û t ta rie, en déclarant que,
u ces causes de n u llité ne seraient pci s qçlm isesj mais
« alors la fr a u d e et les passions auraient cru »avoir
'
' ' -r '
•
a dans la loi même un titre d ’impunité. Les circons« tances peuvent être telles, que la v o lo n té de celui
disposé n 'a it, p a s é té libre ,, ou q u ’il ait
« qui a
7
�"
C
50 )
« été clolîiiné éntièrcnient par une passion injuste. »
L e m otif du silence de la loi prouve q u ’elle n 'au
torise point l ’action en nullité d ’un testament pour
cause de captation et de suggestion. L e Code exige
que lie tëstateui^ ait Tesprit sain , que sa volonté soit
lib r e , q u ’il n’ait pas été surpris où induit en errëUr:
cés principes sont fondés sur la raison^ Mais comment
la suggestion , qui rie consiste que dans la simple per
suasion tîégagée1 de fraude et de dol, pourrait-elle être
. un moyen ‘d'attaquer un acte? Détruit^élle la liberté,
lors même que les caresses et les prières seraient vive^,
pressantes et réitérées, et même importunés? Il n ’y a
que les moyens frauduleux: qui soient réprouvés par
la justice et lu morale j dans tous les attires V:as ‘ tbut
se réduit au point clé savoir si le testateur ¡n’était point
inibécille, ou si sa volonté tétait libre (r).
A in si, la captation et la suggestion nre pont pas, dans
notre d r o it , des ¡moyens différons du d o l, de la fraude
et de l ’erreur. La preuve n ’en peut être admise,, que
lorsque les faits tendent à prouver le dol* Ces1maximes sont célleâ de notre jurisprudence. Ôn
peut consulter lès arrêts rendus sur celle matière* on
y ven'a (pie la captation n’est cause de nullité d ’un
testament, qu'autan i q u ’elle est empreinte de d o l et
de fr a u d e / qu autant q u ’elle a tendu à tromper le
(r) Furgolc,'t<&i suprà, n° i S . — Mallevillc, torao a , p^go
�7èstctïeûr', et à 'anéànlir sa v o lo n té'( i j . j E lî s^écartant
rfe’ ces''principes-, ori retomberait nécessairement-dans
-l’arbitraire.
!
| e L
uJiipoùi’ être admis ti la'preuve d ’une suggestiou artb■ficieùsb, il faut encore poser des' faits précis j ’des faits
qui caractérisent des machinations, des artifices^ des
fourberies*, en un m ot, le dol et la fraude.
~ De simples présomptions, telles que celles que définit
l ’art. i 353 du C o d e , ne suffisent pas. On a déjà v u ,
"dans un arrêt de la'C o ur de cassation, du 18 novembre
1809^(2) , que l ’importance du. legs, l ’oubli de sa
"fam ille, la qualité1des légataires , qui les tenait perpé
tuellement attachés ‘à la personne du testateur1, en
qualité de domestiques, ne pouvaient être^une preuve
<que-le testateur ¡fût en c lémence, et que le .testament
lui eut-été artificieusement suggéré.
; ■
Mais la difficulté augmente , si l ’on veut prouver
la suggestion et la captation contre un testament
olographe. Tous les auteurs conviennent q^u’il çst, plus
difficile d’attaquer un testament olographe , q u ’un
testament notarié^ Dans /celui-ci on ne trouve, que la
s i g n a t u r e du testateur : c’est la.seule part, qiie l ’acte
prouve q u ’il y ait eue; le reste est une pr^spnrçtjlon. iy.e
. testament olographe, au co n tra ire ,.\est parUçuÎièvèWtiHt
et tout entier l ’ouvrage du testateur; iL pst ontit^ement
(1) Bruxelles, 21 ’avril 1808.— Si re y, 2* partie, pag. »46 el suiv.— •
Poitiers, 27 mai 1809. ■
— Si rey, , 1 81 0, a ” partie, pag. 23 et suiv.—
Agen , 18 juin 1812.— Si rey, tome
i rc partie, pag. 219.
�écrit’, -daté et . signé de sa main : ce f acte est consé»
quemment moins exposé aux surprises; et il est difficile
de supposer dans un homme faible d ’esp rit, ou qui
agit contre sa volonté, assez de patience, de docilité
et' de Soumission , pour écrire de sa main son testa
ment (i).
Aussi la forme olographe d ’un testament forme-t-elle
une fin de non-recevoir contre le reproche de sugges
tion et de captation.
Les auteurs les plus recommandables nous appren
nent q u ’il a passé comme maxime au palais, que les
faits de suggestion et de captation ne sont pas recevables contre les testamens olographes.
O n p e u t c onsult er le J o u rn a l d u P a l a i s d e P a r i s ,
itom. i er, pag. 907. — Ricard, part. 3 e, chap. i«r,
n° 49 * — B a rd e t, tom. 1 " , liv. 2 , chap. 67. —
Basnage, art. 7 3 , sur la coutume de Normandie. —
Soëfve, tom. i er, centurie 4 ? chap. 8 4 La jurisprudence nouvelle est aussi conforme h ces
maximes. L ’arrêt de la C our d ’A g e n , du 18 juillet
1812 , confirmé par arrêt de la C ou r de cassation,
du 6 janvier 1814 > a consacré, en principe, que la
fo r m e olographe d u testam ent, la survie du testateur
p en dan t un tems m o r a l, son éloignem ent et son in
d ifféren ce envers ses su cccssib le s , étaient autant de
présomptions exclusives de suggestion et de captation,
contre lesquelles elles élevaient une fin de non-recevoir.
[ ( 1 ) Œ u v re s de d’Agucsscau, lome 3 , page 3 6 8 .
�(
«3 )
Ces principe^ établis, le chevalier Legroing est-il
recevable à opposer (les moyens de suggestion et de
captation contre le testament de son frère?
Ce testament est olographe ; non seulement
il
est écrit en entier, daté et signé par le testateur, mais
encore toutes les pages en sont signées et numérotées -,
il est sous enveloppe et cacheté au sceau de armes du
comte : la suscription est écrite et signée par lui -, le
dépôt est aussi de son fait : tous ces caractères ne
sont-ils point autant de preuves de la liberté et de la
volonté du testateur ? ne détruisent-ils point à l ’avance
toutes les allégations du chevalier?
L e testateur a survécu pendant huit mois à son tes
tament. Cette survie n ’est-elle point encore une nou
velle p r e u v e de sa v ol onl d ? C h a q u e jo u r, chaque
moment n ’en sont-ils point une ratification s o le n n e lle ?
L e comte avait mille moyens pour changer ou dé
truire ses dispositions; il n ’en a employé aucun; il est
entouré de trois médecins et d ’une garde-malade; il
reçoit les consolations de la religion; pas un seul mot
de regret dans ses derniers instans; il ne manifeste
q u ’ u n e seule volonté, celle de
maintenir l'institution
d ’héritière faite en faveur de Claudine-Flavie Jouvainroux; q u ’un seul regret, celui de ne pouvoir lui
une fortune plus considérable.
Les avocats généraux les. plus célèbres, les oracles
de la justice et les docteurs, consacrent la survie du
tra n sm ettre
testateur pendant un teins moral, comme une fin de
non-reccvoir insurmontable : nu arrêt a même décidé
�q u ’ un espace de trois semaines était une présomption
qui devait faire rejeter la preuve ( i). :‘f
A insi, le simple silence du testateur*serait suffisant
pour faire rejeter les moyens de suggestion et de cap
tation; mais Claudine-Flavie peut encore prouver que
son bienfaiteur a persisté dans ses volontés d ’une ma
nière très-expresse. E n effet, la vente du 17 mai 1817
et les ordres des lettres de change sont autant d ’ap
probations du testament de 1816 : ces actes démontrent
aussi que la volonté et l ’intention du comte d ’exercer
ses libéralités envers tout autre qtie le chevalier, ont
été immuables; et il est impossible, depuis 18 0 7, de
t ro uve r
aient
un seul instant où les dispositions du comte
p a r u f a vor ab le s à sou frère.
Il importe peu que le testament olographe ne reçoive
de date que par le décès du te stateur, et que rien ne
prouve que le testament soit antérieur à la vente et
aux ordres: d ’abord ce moyen ne serait pas exact ,
puisque l ’acte de dépôt fait preuve de la date du tes
tam en t; mais le fut-il? il serait insignifiant. De quelque
manière q u ’on place ces actes, les conséquences sont
les mêmes; en effet, si la vente et les ordres sont an
térieurs au testa m en t, ils prouveront
que
l ’intention
du comte a toujours été d ’être libéral envers Claudine(1) Arrêts du parlement de Paris, du iG janvier 16G4; a 3 avril 1709.
Journal des Audiences, tome
, livre 3 , chapitre t\ . — To me 5 ,
partie a ” , livre 9 , chapitre 19.— Soëfvu, tome a , centurie a , clinp. 19.
Arrêts du parlement de Toulouse , 3 o août 1735 ; 11 septembre 1722 ;
ao aoûl 1726 , etc.
�(55)
'
fldvie Jouvainroux, et que son testament* n’est que
l ’accomplissement de sa volonté déjà manifestée; si,
au' contraire, ces actes sont postérieurs au testament,
ils en seront la ratification et l ’approbation la plus
complette.
xi Que l ’on se fixe actuellement sur la suggestion et
captation reprochées à Jouvainroux et à son épouse :
la plus légère ¡attention convaincra de la faiblesse et
de la nullité de ce moyen.
h
D ’abord , il était contre l ’intérêt de la mère de
suggérer ,un testament olographe qui anéantissait son
institution d ’héritier; si elle avait eu quelque influence
sur l ’esprit du. com te, elle s’en serait servie pour fixer
ses dispositions en sa faveur; si elle avait dicté le tes
t a m e n t olographe de 18 16 , il ne serait autre, chose
que la confirmation de celui du 18 avril 1807.
Le chevalier répond par un moyen d ’incapacité.
Suivant l u i, la mère de Claudine-Flavie Jouvainroux
vivait en concubinage ayçc le comte; depuis,.,qu’julle
était entrée k son service, elle ne( pouvait recevoir, de
lui : Claudine-Flavie Jouvainroux est donc la personne
interposée de sa mère incapable. .
j
.
M ais, d’une part, si l ’ancienne législation rejetait
les dispositions faites entre personnes qui avaient vécu
dans un commerce illicite; si on y tenait pour maxime
que don de concubin à concubine ne v a u t , il est cer
tain aujourd’hui que cette prohibition n’existe plus;
qu e, suivant l ’article 902 du Code, toutes ¡personnes
peuvent disposer et recevoir, excepté celles que la loi
�( S6 )
en déclare incapables. Gom m ent, avec un texte aussi
formel, les juges pourraient-ils, sans excéder leurs
pouvoirs, faire revivre une incapacité prononcée par
l ’ancienne loi? Plusieurs arrêts ont fixé la jurisprudence
sur ce point (i).
D ’un autre côté, comment proposer un pareil moyen
contre une épouse et une mère! La preuve d ’un pareil
fait blesserait à-la-fois la morale publique et la dignité
du mariage ; il est évident q u ’elle serait plus scanda
leuse que le fait lui-même.
Il n ’y a donc point d ’incapacité, conséquemment
point d ’interposition de personne; et l ’idée de concubi
comme celle de l ’illégitimité de la naissance de
Claudine-Flavie Jouvaiuroux ne restent « q u e pour
nage
« apprendre q u ’il ne faut pas confondre la captation
« qui inspire, par ruse ou par fraude, une volonté dif« férentedecellequ’auraiteueledisposant,quisubstitue
« une volonté étrangère à la sienne, avec le motif qui
« dirige une volonté qui lui est propre. Dans le pre« mier cas, la volonté est dirigée par le fait d ’autrui ;
« dans le second, il ne peut y avoir du fait d’autrui :
« c’est la volonté du disposant qui agit » (M. Grenier,
« Traité des donations).
Ainsi les moyens les plus puissans du chevalier se
( i ) Arrôt de la Cour île Tïlincs , du 29 tlicrinidor an i a . — Jurispru
dence du Code c i v i l , loinc S , page 198.
Arr6t de la Cour de T u r i n , du 9 juin 1 8 0 9 . — Voyez M. Grenier,
des D onation s, tome i ,T, p»g(,s 3q3 cl suiv.
�rétorquent contre lu i, et viennent l ’accabler. La loi
repousse la preuve des faits q u ’il allègue ; s’ils conservent
quelque vraisemblance, c’est pour manifester la vo
lonté' du testateur; prouver q u ’il n’a point agi par
le fait d ’autrui, mais bien par une détermination qui
lui était propre, et par des motifs dont la loi ne de
mande aucun compte.
Que reste-t-il donc au chevalier? Dira-t-il encore
que la dame Jouvainroux était toujours auprès de son
maître? que celui-ci était dans sa dépendance? q u ’elle
s’était emparée de tous ses biens et facultés?
Mais que signifient de pareilles imputations? Quels
sont les faits précis? les faits propres à caractériser les
machinations, les artifices, les fourberies, en un mot,
le tlol et la f raude <jue la loi a v o u l u réprimer? L e
chevalier ne cote pas un seul fait dont la preuve puisse
être ordonnée.
Toutes ces allégations seraient même insignifiantes,
si elles étaient prouvées. E n effet, le comte Legroing
était malade et infirme : il était naturel q u ’il désirât
la présence de ceux qui devaient lui accorder des soins;
et si le besoin de son service obligeait ses domestiques
à le laisser momentanément livré à lui-m êm e, il était
aussi convenable de fermer son appartement, pendant
ces courts instans, pour le soustraire à des visites que
son état de souffrance pouvait lui rendre importunes,
et lui éviter le désagrément d ’aller ouvrir aux étran
gers , ce que d ’ailleurs il était hors d’état de faire dans
J.a dernière année de sa vie.
�( 58 )
E n fin , la suggestion et la captation ne peuvent être
produites que par les prévenances et les conseils de la
personne que l ’on aime : elles ne sauraient être imputées
à celui qui n ’aurait ni la confiance, ni l ’amitié du
testateur au moment où il écrit ses dernières volontés.
O r , que l'on suive, dans le mémoire et les conclu
sions signifiées du chevalier, l ’état de l ’in térieu r; du
comte.
Jouvainroux nravait aucune influence sur l ’esprit de
son maître; le comte le tenait éloigné de lui : il man
geait à la cuisine.
L a femme, depuis son mariage, méconnaissait son
état; elle s’était fait des sociétés nouvelles; elle négli
geait son maî t re , le laissait dans u n é t a t d ’a b a n d o n ,
faisait des dettes, excitait enfin sa mauvaise h u m eu r,
qui se manifestaiti fréquemment par des imprécations
énergiques et souvent répétées.
Claudine-Flavie Jouvainroux, au contraire , était
l robjet de toutes les caresses du comte. Sa tendresse
pour cette enfant était si grande, q u ’une prière, une
prévenance de Flavie pouvaient appaiser sa colère, et
que le chevalier n’a pu la dépeindre, q u ’en la compa
rant aux effets de la tendresse paternelle.
Si la captation e f l a suggestion ont été pratiquées, il
serait dès-lors évident q u ’elles ne peuvent être imputées
à Jouvainroux et à son épouse. L 'u n avait toujours été
indifférent au comte; rautre s’était attiré sa haine. L e
comte lui donnait même des preuves de son ressenti
m e n t, en anéantissant le testament q u ’il avait fait en
�¡ ( ù 'k ?
(i 59 )'
¡¿a laveur.
L ’auteur dé ces manœuvres serait donc
Claudine-Flavie Jouvainroux!...... Son jeune âge inté
ressait le comte : les caresses, les tendres soins del ’enfant soulageaient les douleurs du vieillard. Les empressemens de Claudine-Flavie ne pouvaient ressembler
aux démonstrations d ’ une amitié feinte; ses complai
sances n’avaient point un sordide intérêt pour mobile
la récompense q u ’elle en a reçue doit donc être sacrée
pour les tribunaux. La religion, la morale et la loi se
réunissent pour approuver et faire respecter le testa
ment du comte Legroing.
* Il faut dire un mot de la violence prétendue exercée'
sur la personne du testateur.
Les principes sont simples. Des excès réels , de
mauvais traitemens , la soustraction des a l imens ou
*
des services au testateur malade, la menace même de
le laisser sans alimens ou sans service , ou d ’user
d ’excès réels sur sa personne , pourraient être des
raisons suffisantes pour annuller un testament.
Mais il faudrait que la violence fût intervenue
et que les faits propres
& la prouver fussent articulés; car elle ne doit pas être
avan t
la
faction
du t e st a m e n t
,
présumée (i).
E n fait : les reproches du chevalier sont dénués de
vraisemblance. On supposera difficilement que la fierte
de caractère du comte se fût abaissée jusqu’au point
de souffrir de mauvais traitemens de la part de ses
I
(1) F u rg o lc , l'e s t. , cliap. 6 , scct. i ” , n°* 4 > 5 , 6 , 8 çt io.
í-l¿}
�11^
1
( 6o
gens. Il n ’est pas plus possible de croire que Jouvainr o u x , que l ’on se plaît à peindre comme un homme
a d ro it, ru sé, dissim ulé, ne perdant ja m a is de vu e
son o b jet, ait essayé de l ’atteindre en employant la
violence.
E t où aurait-elle été pratiquée? A Clerm ont! dans
une ville populeuse, dans une maison où habitaient
d ’autres locataires!
Dans quel t e m s P A p R È s
du
te sta te u r
!
le
testam en t
, ju sq u ’a u décès
Ainsi Jouvainroux et sa femme auraient
cherché à anéantir, par la violence, une disposition
q u ’ils s’étaient attirée par la suggestion et la cap
tation !
T out ce système est inconcevable; il n ’y a point
eu de violence, puisque , d ’après le chevalier luiméme, loin d ’être une cause impulsive du testament,
elle aurait été exercée dans un tems où elle ne pou
vait avoir d ’autre objet que d ’en provoquer la révo
cation ; et si elle eût existé, elle prouverait plus
fortement
encore l ’attachement que le comte avait
pour Claudine-Flavie Jouvainroux, puisqu’il aurait
persisté dans ses dispositions bienfaisantes, malgré les
justes motifs de plainte q u ’il pouvait avoir contre les
père et mère de sa légataire.
Mais toutes ces imputations ne sont qu'un roman
monstrueux, odieux, enfant de l ’imagination du che
valier. Le comte a reçu, tous les secours et toutes les
consolations que son état pouvait exiger : les souilrànces
ont pu lui arracher quelques cris de douleur; des voi-
�( 61 )'
éîns, la police même ont bien pu s’introduire dans son
domicile : q u ’y a-t-on vu ? le m alade dans les bras
de ses dom estiques, q u i le caressent, le d ésh a b illen t,
et prennent les p lu s grandes précautions p o u r soulager
ses m a u x ........ I ( i )
Il faut terminer :
i
• i
Claudine-FlavieJouvainrouxaremplila tâche q u ’elle
s’était imposée.
■
>
Elle était capable de recevoir, et ne doit point être
regardée comme la personne interposée de ses père et
m ère, puisqu’on ne peut leur reprocher à eux-mêmes
aucune espèce d ’incapacité.
Le comte, de son côté, était capable de disposer;
s o n t e s t a m e n t a é t é d i c t é par 1’afïection ; aucune trace
de haine ne s’y fait remarquer ; lors même q ù ’il au
rait eu de l ’éloignement pour son frère, ce ne pourrait
être un m otif pour annuller ses dispositions.
Les faits de suggestion, de captation et de violence
sont dénués de vraisemblance; ils sont vagues et insignifians; ils sont même détruits par les aveux du che
valier : en point de d ro it, la preuve en est inadmis
sible.
Que peut donc espérer le chevalier Legroing?.........
Fallait-il outrager la mémoire de son
frère
? Essayer
d anéantir 1 état d u n j eu ne enfant? Se montrer si peu
difficile dans le choix de ses moyens, pour n’en obtenir
aucun résultat ? Convenait-il sur-tout de descendre
( i) Mémoire du chevalier, page 1 5 .
' v
1,1
�(6 2 )
jusqu’à la calomnie pour capter la fa v e u r ,e t inspirer
un intérêt qui devait si .promptement être remplacé
par la plus juste indignation:
...
L e chevalier s’est abusé; il s’est même exposé à de
justes représailles; mais la légataire d u co m te . doit.
oublier que le chevalier n’a respecté n i son âge, ni sa
faiblesse. Son devoir est. de consoler ses parens des
chagrins q u ’ils ont éprouvés, et dont elle est la cause
innocente.
E lle attendra d o n c , avec confiance et respect,
l ’arrêt qui doit statuer sur ses plus chers intérêts;
mais il peut lui être permis de désirer que le chevalier
n e sente jamais que les faiblesses, produites par l’ambi
tion et l ’avidité des richesses , peuvent quelquefois
avilir et dégrader un homme d ’honneur; et que les
excès auxquels peuvent entraîner c e s p assions ne
sauraient, en aucun tems, trouver d ’excuse auprès des
hommes qui ont quelques vertus ou quelque générosité
dans le caractère.
'
‘
J u lie n
J O U V A IN R O U X .
Jn - C h . B A Y L E ain é, ancien A vocat.
B R E S C H A R D , A vo u é.
RIOM, IMPRIMERIE DE SALLES, PRÈS LE PALAIS DE JUSTICE.
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
[Factum. Jouvainroux, Julien. 1819?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Bayle
Breschard
Subject
The topic of the resource
testaments
abus de faiblesse
domestiques
servante-maîtresse
enfants naturels
créances
séquestration
mobilier
maltraitance
émigrés
ordre Saint-Jean de Jérusalem
fraudes
fisc
inventaires
lettres de change
doctrine
nullité du testament
captation d'héritage
testament olographe
jurisprudence
concubinage
legs universels
egyptologie
code civil
bedeau
vie intellectuelle
garde-malade
atteintes aux bonnes mœurs
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire en réponse, pour le sieur Julien Jouvainroux, propriétaire, en qualité de père et légitime administrateur de Claudine Favie Jouvainroux, sa fille, intimé ; contre le sieur Louis Legroing, chevalier de justice de l'Ordre de Saint-Jean de Jérusalem, chevalier de l'Ordre royal et militaire de Saint-Louis, appelant.
Table Godemel : ab irato : 2. l’action ab irato contre les testaments est-elle admise par le code civil ? peut-elle appartenir à l’héritier collatéral ? Etat (question d') : 3. l’héritier du sang a-t-il le droit, pour prouver l’interposition de personne, de rechercher si le légataire, qui a dans une famille le titre et possession d’état d’enfant légitime, est, ou non, l’enfant naturel du disposant, surtout, lorsque cette recherche conduirait à la preuve d’un commerce adultère ? Sanité d'esprit : d’après quels principes se résout la question de savoir si le testateur était sain d’esprit ? Suggestion : La suggestion et captation sont-elles moyens de nullité pour la législation actuelle ? peuvent-elles être opposées contre un testament olographe ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de J.-C. Salles (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1819
1807-1819
1804-1814 : 1er Empire
1814-1830 : Restauration
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
62 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2431
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2429
BCU_Factums_G2430
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53485/BCU_Factums_G2431.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Riom (63300)
Clermont-Ferrand (63113)
Biozat (03030)
Fontnoble (terre de)
La Roche-Blanche (63302)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
abus de faiblesse
atteintes aux bonnes mœurs
bedeau
captation d'héritage
Code civil
concubinage
Créances
doctrine
domestiques
egyptologie
émigrés
enfants naturels
fisc
fraudes
garde-malade
inventaires
jurisprudence
legs universels
lettres de change
maltraitance
mobilier
nullité du testament
ordre Saint-jean de Jérusalem
séquestration
servante-maîtresse
Testament olographe
testaments
vie intellectuelle
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53483/BCU_Factums_G2429.pdf
38d5071a225b8a7916f9cb3f8f6975b1
PDF Text
Text
M. L o u i s
MÉMOI RE
f 4AA*4 r * '%
POUR
o m ît .
L E G R O I N G , Chevalier de justice de J
l’Ordre de Saint-Jean de Jérusalem, Chevalier de
l’Ordre royal et militaire de Saint-Louis , demandeur ;
CONTRE
J u lie n
J O U V A IN R O U X
Cathédrale, et Cordonnier
,ancien Bedeau de La
F ra n ço ise
sa femme et encore contre Ledit
BOUDON,
J u lie n
JO U -
V A I N R O U X , en qualité de père et légitime ad
ministrateur de Claudine-F lavie J o u vain ro u x, sa
f i l l e , mineure, défendeurs.
Gvavius agendum cum servis, quam cum alus.
(Maxime duDroit.)L
e
chevalier Legroing dénonce à la justice un acte
de ténèbres, fruit de la violence, d e la haine, et de la
plus honteuse débauche; un acte arraché par la plus
I
�(2 )
vile et la plus dangereuse séduction ; un acte scandaleux
qui blesse la morale publique et rompt tous les liens de
la société; un acte qui est la récompense du crime et
de l’opprobre, qui dépouille un frère et une sœur d’un
antique patrimoine, pour leur substituer les personnes
les plus abjectes; un testament enfin portant legs uni
versel et sans réserve d’une succession de plus de
, 3 oo,ooo francs au profit d’ un enfant de six ans, lille
de la domestique, de la concubine du feu comte L e groing.
Qui osera élever la voix pour faire maintenir une
libéralité exorbitante, qui ne peut être que l'effet de
la démencfe, ou la suite d ’hàbitudos crapuleuses qui
'énervent, avilissent et détrüièent la Volonté? Toutes
les familles, la société entière est intéressée à faire
proscrire ces libéralités abusives arrachées à la faiblesse,
et qui prouvent l’aliénation m entale, ou l’abrutissenient de l’auteur. L o in de nous ces philosophes du jour,
qui ont si souvent outragé les mœurs, sous le piélexte
de venger la nature; qui vantent avec tant d’éclat cetle
liberté indéfinie dans les dispositions, ne voient dans
ces spoliations criminelles qu'un simple mouvement de
fortune. L o in de nous ces praticiens officieux et vils,
dont la complaisance servile, mais largement p a y é e ,
facilite ces odieuses manœuvres, et choisit avec ait le
moment opportun pour en présenter le modèle.
, A quel d fgi’é de dépravation serions-nous donc par
venus, s’il était vrai q u e T a c t e dénoncé trouvât des
partisans? Dans quelle classe pourrait-on rencontrer
�( 3 )
des hommes assez déhontés pour.maintenir un testa
ment qui,est un scandale ,public, çt que la,société re
pousse avec indignation?
Serait-il vrai que le Code civil proscrit les attaques
de l’hérilier du sang? qu’il exclut toute action en nullilé pour cause.de suggestion?(q u ’il a déclaré les ser
viteurs capables de recevoir un.legs universel, à l’ex
clusion des héritiers?
On ne trouve rien dans le Code qui puisse appuyer
celte assertion; on ne voit pas.que le législateur ait
voulu être im moral, qu’il ait dérogé aux anciens prin
cipes, à l'ancienne jurisprudence ^o.n sait, au contraire,
qu’une section avait voulu proposer d’abolir l’action en
suggestion, et que cette propositioniut rejetée.
L e Code civil n’a rien changé à ce qui s’observait
autrefois dans cette matière; il a voulu qu’un testament
ne fût valable qu’autant qu'il serait l’expression des
dernières volontés de l’auteur; il le rejette toutes les
fois quJil est établi que cette volonté a été captée, sur
tout parles personnes qui, parleur état, ont un empire
trop grand sur l’esprit du testateur.
Les questions de cette nature ont toujours été aban
données ù la sagacité et à la sagesse du magistrat, qui
se détermine suivant les circonstances et les présomp
tions plus ou moins graves de captation et d’obsession.
L e chevalier Legroing ne doit donc pas redouter ces""
impuissantes clameurs; il peut user de tous ses moyens;
la loi les protège, la justice les.réclame et l’encourage;
�( 4 )
et il encourrait le blâme de tous les hommes de bien, *
s’il ne cherchait à venger un aussi grand outrage à la
morale publique.
F A ITS.
J ean -B ap tiste, comte L e g ro in g , ancien capitaine
au régiment de dragons d’Artois, avait épousé la de
moiselle de Madeau , qui lui porta une grande fortune,
et lui assura des reprises considérables en cas de survie.
Ses père et m è r e , le marquis et la marquise L e groin g, l’instituèrent leur héritier universel, à la charge
d’une légitime modique envers ses frères et sœurs. Ses
deux frères, suivant l’anlique usage de celte illustre
m aison, étaient entrés dans l’ordre de M alte ; deux
sœurs, dont l’une est décédée, avaient été nommées
chanoinesses de l ’ordre.
L a révolution a détruit les espérances des deux frères,
et les prébendes des deux sœurs. Ils étaient donc ré
duits à leur légitime.
L e comte Legroin g, connu par ses sentimens de fidé
lité à la dynastie régnante, crut devoir s’expatrier, et
suivre le sort de nos princes. L a marquise L e g r o in g ,
sa mère, vint s’établir à R iom ; elle conserva la propriétédela terre deF ontnoble, qui venait de son estoc,
seul reste de l’opulence de la famille : tout ce qui pro
venait du père avait été soumissionné et vendu.
L e sieur comte Legroing avait eu le malheur de
perdre son épouse. D e retour de l’ém igralion, en 1804,
il vint se réunir, à sa famille. Il retrouva une mère
�( 5 )
octogénaire, qui le reçut avec la plus vive tendresse.
Ses deux frères et sa sœur aînée cherchèrent à lui offrir
toutes les consolations de l’amitié.
On crut s'apercevoir que sa santé était altérée et son
hum eur changée. C ’était, sans doute, l’effet de ses longs
voyages, de ses souffrances, et des pertes qu'il avait
éprouvé.
r,J
L e sieur comte Legroing était hom m e d’honneur,
d ’une probité austère, sûr dans ses principes, ami
chaud, citoyen éclairé, sujet fidèle; on pouvait peutêtre lui reprocher une certaine fierté qui tenait à d’an
ciens souvenirs, à une haute naissance, et à tous les
avantages de la fortune.
Mais bientôt des infirmités qui devançaient la vieil
lesse , des attaques réitérées d ’apop le xi e, le réduisent h
un état d’inanition et de débilité qui le mettent dans
la dépendance de tout ce qui l’approche ou l’environne.
Il avait alors tout ce qui peut tenter la cupidité; il
avait récupéré des capitaux considérables; il tran
sigea avec les héritiers de sa fem m e, et recouvra des
effets d’un grand prix. Il se retrouvait encore à la têt©
d’ une brillante fortune, toute mobilière, qui pouvait
aisément devenir la proie du plus vil intrigant.
,
Si le comte Legroing avait joui de toutes ses facultés,
s’il avait pu consulter son cœur et ses anciennes affec
tions, il eût jeté un regard d’amiliéisur deux frères
dépouillés de toutes ressources, privés des pensionsque
leur avaient mérité leurs longs services dans les armées,
�(
6
)
ét des récompenses q u i n ’échappaiehf jamaisiaux che
valiers i dé Malte. - - >rv,,:iîr- ' j-.. ■i - .
Mais qui pourrait le croire? c’estidans les plus vils
emplpis'de la cuisine-qu’il va chercher des consolations;
et cette-circonstances va faire paraître celle qui.Revint
l’objet de ses'affections, et qui depuis a e u , non-seu
lement la plus grande influence>mais un empire absolu
sur _s.es volontés,
f•
. »/
#
Françoise-Boudon, née à Effiat, d’ un pauvre jour
nalier hors d’état de nourrir sa nombreuse, famille ,
*
avait quitté de bonne heure la chaumière paternelle
p()ur.fse mejtre e n (servicô; elle ne paraissait pas douée
d’ une gronde int elligence , car elle ne s’est jamais élevée
au-dessus des derniers emplois de la domesticité telle
fut toujours ce. qu’on appelle vulgairement fille de
peine.
Quelles ressources pouvait donc trouver le comte
Legroing, sexagénaire, malade, à la compagnie d’une
servante sans! éducation, et qui ne possédait aucun des
charmés de son sexe. Cependant cette fille rusée, lourà-tour complaisante et grossière, esclave et maîtresse
attentive’ou mënacahlfe,a su Conserver son empire jus
qu’à la m'oit ilë celui dont elle avait séduit les sens et
capté les volontés.
On sent que pour tout obtenir, il fallait ne rien re
fuser. Survint un enfant, dont le comte Legroing se
crut le
p è r e , 'dont
il prit soin , mais qui n’a vécu que
quelques années. L a naissunce et la mort de celle iille
6onl constatées au procès. .
.
�( 7 )
C ’est après la mort de cet' en fan t, que Françoise
-Boudon voulut faire le premier essai de son autorité,
et obtint de son débile amant un premier testam ent,
reçu Cailhe, notaire ¿1 R i o m , sous la date du 18 avril
i8oy_, par lequel le comte Legroing institue sa gou
vernante son héritière universelle de tous les biens dont
il mourra saisi.
Ce testament fut l’efîet d’ une adresse qui annonçait
que cette fille avait l’esprit plus fin et plus délié qu’on
ne le supposait. L e comte Legroing avait éprouvé du
chagrin de la mort de l’enfant qu'il avait eu de Fran
çoise Boudon. On voit par les détails que lui donne le
chirurgien qui l’avait soigné, qu’il répond à plusieurs
questions précédentes, lui assure que sa fille a eu tous
les soins possibles. L e chirurgien n ’oublie pas ses salu
tations à mademoiselle Fanchette, cette mère malheu
reuse.
Cette lettre est sous la dale du 5 février 1807. File
a été trouvée à R io m , après le départ du comte L e
groing.
Il fallait bien consoler une mère affligée qui perdait
-toutes ses espérances, et qui était sur le point de faire
■reconnaître cet enfant par son maître. On ne put tarir
la source de ses larmes qu'avec un testament qui lui
assurait la succession entière du sieur comte Legroing.
11 se contenta de demander le secret. Il ét;iit de la
•plus grande importance pour Françoise Boudon , et
par conséquent elle devait être discrète. Personne de
la famille n ’aurait osé en concevoir l’idée. On con-
�'T?*( 8 )
■naissait bien le singulier et nouveau penchant du comte
Legroing; on s’apercevait de ses habitudes et des fa.miliarités qu’il avait avec cette fille : on le plaignait,
maison ne se permettait aucunes remontrances. Fran
çoise Boudon, enhardie par la protection du c o m te,
fut quelquefois audacieuse, insolente m êm e envers
quelques personnes de la famille; on dissimula, on.
méprisa ces grossières incartades.
Une affaire plus sérieuse porta l’allarme dans la fa
mille. La terre de Fonlnoble, son berceau, était la seule
propriété qui eut échappée à la rapacité nationale.
C ’était l’unique ressource d elà m ère, qui en partageait
le produit avec ses enfans. Tout-à-cou p ce seul m oyen
d’existence va lui être enlevé.
L a baronie du Jaun et, achetée en 1 7 6 5 , par le
marquis Legroing père , n’avait pas été entièrement
acquittée; une partie notable du prix restait d u e ; les
intérêts;avaient cessé d’êlre payés pendant rém igra
tion du comte Legroing : celui-ci, héritier de son père,
donataire de la terre d e F o n tn o b le, sauf l’usufruit de
la m ère, était tenu personnellement et hypothécaire
ment du paiement de celle dette. Les créanciers, pen
dant la révolution, avaient gardé le silence, et n’avaient
fait aucunes démarches pour la liquidalion de leurs
créances. Une loi du 3o ventôse an 12 les autorisait ¿1
prendre des inscriptions sur les biens que possédaient
encore les débiteurs émigrés. Les inscriptions sont prises ;
les poursuites com m encent, le commandement est
lancé: on va faire vendre la nue propriété deFontnoble.
�( 9 )
L e comte Legroing, affaibli par ses maux, tout occupé
de celle qu’il appelait sa Fanchette, ne voyant, n’écoutant qu’elle, apprend l’événement avec indifférence,
el déclare netlement qu’il ne veut pas s’en occuper, ni
faire le plus J é g e r sacrifice. Fanchette était de cet
avis; une terre ne lui convenait pas; elle ^préférait
une succession mobilière, dont elle disposait en maî
tresse, qui élait toute sous sa main.
Cependant il fallait prendre un parti; la chose était
urgente : il n 'y avait pas un moment à perdre. Il res
tait au chevalier Louis Legroing quelques capitaux,
les débris d’un service actif, de ses spéculations mari
times dans un long séjour chez l’étranger; il se déter
mine à traiter avec sa famille, et à se charger de l’é v é
nem ent; il paye les dettes de sa m ère, lui assure une
rente viagère de 6,000 francs, en constitue une de
3.000 francs à l’aîné de ses frères, et un capital de
3 0.000 francs payable au décès de sa mère ; prend des
engagemens personnels de payer les légitimes de sa
sœur et de son frère le chevalier, qui existait alors;
vend la terre de F ontnoble, et fait face à tous ses en
gagemens avec la plus scrupuleuse exactitude.
Il fallait autant d’activité que d’honneur et de cou
ra ge , pour déterminer le chevalier Legroing à se char
ger d ’un aussi pesant fardeau, qui ne lui a pas laissé
un moment de repos pendant dix années, qui sont
encore une longue période dans la vie; mais il fut le
bienfaiteur, le sauveur de sa famille, et le comte L e
groing se réveilla parfois de son apathie, pour lui té2
�( 1° )
moigner qu’il lai savait quelque gré de cette conduite
généreuse.
Les choses ont bien changé. Françoise Boudon , ou
plutôt Fanchette, voulait se débarrasser de ceux qu’elle
regardait comme des surveillans incommodes. Elle fait
entendre à son maître qu’il avait autrefois habité la
ville de Clerinont, qu’il y avait des amis, que sa santé
avait toujours été meilleure dans cette ville; elle lui
fait bien vite prendre celte résolution; et malgré les
larmes d’une mère octogénaire, l’empressement de ses
frères et de sa sœur, il quitte le toit m aternel,'et se re
tire à Çlermont.
Dans les premiers momens, le comte Legroing vi
sitait ses anciens a m i s , allait à la ca m pa gn e; il visita
même son frère Louis dans son habitation, distante de
vingt lieues de Clermont, où le chevalier avait l’habi
tude de passer la belletsaison. Mais ce genre de vie fut
rapidement changé; il devint taciturne, sédentaire; sa
porte est fermée à ses amis; Fanchette introduit deux
de ses sœurs dans la maison de son maître : il n’a plus
d’autre société; ses amis le plaignent ; on savait l’em
pire que ses domestiques avaient sur lui. Il arrivait
m êm e souvent des scènes singulières, qui ont parfois
attiré dans son domicile la visite des commissaires de
police. On aura occasion d’en parler plus en détail.
Fanchette fait doter par son maître scs deux sœurs;
elles sont mariées par ses largesses. Fanchette veut aussi
prendre un établissement ; elle a besoin de secours pour
soigner les infirmités du comte Legroing. Elle avait
�V i f
(II
)
distingué Julien Jôuvainroux, bedeau de la!cathédrale,
et cordotinier'de profession.
C ’est un personnage qu’un bedeau de paroisse! Il
fait commodément placer les personnes qu’il affec
tionne; iTse vantait d’avoir la 'protéction des'prêtres,
qui tous agiraient en ;sa faveur :>bref, il épouse Fran
çoise .Boudon, et vint grossir le ménage du comte L e groing. *11 n?avait plus besoin de *son métier.
Mais Fanchctte disparaît ; c’est madame Julien ;
d’autres vêtemens annoncent son changement d’état ;
elle affecte la réserve et l’austérité qui conviennent à sa
nouvelle condition; plus de 'liaison avec les domestiqu es'; elle forme une société n ouvelle, vante sa for
tune à venir, néglige sonYnaître, et le laisse dans un
état d ’abandon dont tous les voisins sont indignés. Elle
se livre à un luxe qui excédait ses moyens actuels; elle
fait des dettes; les créanciers importuns ne veulent pas
attendre, parviennent jusqu’au m aître, q u i, malgré
son asservissement, n ’entendait pas raillerie lorsqu’il
fallait donner de l’argent; delà deà imprécations fort
énergiques, et répétées avec tant de fo rce, que les
voisins et le public en étaient toujours informé.
M adam e Julien fut imprudente; son époux craignit
les suites des boutades de son maître : il chercha à cal
mer l’ôrnge; il avait les talens nécessaires pour y par
venir.
Julien est adroit et rusé; pale, taciturne, dissimulé,
les yeux toujours fixés en terre, lie perdant jamais de
vue son objet, il convoitait les trésors de son maître;
�( 1 2 ')
mais il n’était pas asse2 maladroit pour en gratifier sa
fem m e; dont l’humeur dissipatrice commençait à l’in
quiéter.
Il avait eu une fille de son mariage, ou du moins il
en était le père putatif; il conçut le projet de faire
tourner au profit de cet enfant toute la fortune de son
m a ître; il y parvint par son adresse, et sut employer
toutes les ruses qui peuvent toucher un vieillard imbécille.
Cet enfant fut instruit à prodiguer ses caresses au
sieur Legroing : elle l’appelait papa; elle ne manquait
jamais d’aller se jeter dans ses bras quand il avait des
mouvemens de colère ou d’impatience, et ce petit ma
nège calmait sur-le-champ le maître emporté.
Mais le comte Legroing ne disait rien encore. Un
événement funeste sembla, pour un m om ent, sus
pendre cet acte si désiré, et donna les plus grandes
inquiétudes. L a marquise Legroing devient sérieuse
m ent malade; son grand â ge , ses infirmités font craindre
une fin prochaine : elle a en effet succombée après de
longues souffrances. Elle est morte le 12 juillet 1816.
L e comte Legroing, instruit du fâcheux état de sa
m è re , donne encore des preuves de sensibilité ; il ac
court pour lui rendre ses devoirs :Fanchette l’accom
pagne. Ces dernières entrevues furent touchantes. L e
comte Legroing se montra pénétré; il semblait faire
une nouvelle connaissance avec sa famille : le cri du
sang se fait entendre; un regard sur lui-m êm e, sur
l’état d’avilissement dans lequel il était tombé, lui ar-
�( i3 )
•rache des larmes; il rougit de lionte et* d’effroi. On
l ’emmène bien vite; on ne le laisse pas m êm eren d re
les derniers devoirs à sa m ère; et alors ses tyrans, ses
serviteurs, devenusses maîtres, mettent tousleurs soins,
-emploient tous les mouvemens pour le séquestrer à tous
les regards, pour l ’empêcher sur-tout de voir personne
de sa famille. On calomnie son frère, on le noircit dans
son esprit, on va jusqu’à lui prêter des vues ambitieuses
et criminelles. Il n’a pas été possible au chevalier L e groing de parvenir jusqu’à son frère. U n respectable
ecclésiastique, M. l’abbé Legroing de la R o m agère,
parent et ami des parties, que le roi vient d'élever à
l’épiscopat, n’a pas pu être admis. L a porte a été fer
mée à madame Henriette L e g io in g , chanoinesse, cou
sine du d éfun t, à qui il payait annuellement une pension
de 200 francs, et qu'il a depuis oublié.
Enfin tout fut consommé le 24 décembre 1 8 1 6. Jouvainroux fit entendre à sa femme qu'il valait mieux
faire porter le legs universel sur sa fille que sur elle;
que depuis quelque tems le comte Legroing témoignait
de l’humeur et de la colère contre la m ère; qu’il résis
terait p e u t- ê tr e , et qu’on courrait le risque de tout
perdre.
Les batteries étaient dressées, le modèle du testa
ment tout prêt ; les sollicitations sont pressantes; on
redouble de soins, on fait entendre au sieur L e g r o i n g
qu'il est le père de cet enfant. L e comte Legroing
prend le modèle, le co p ie, et le signe. 11 a la maladresse
de laisser tomber son encrier sur lu feuille, mais on ne
�(■14
)
i,veut, pas lui donner Jarpeine de le-transcrire de nou
v e a u i:; on le prend; tel qii’iliest. Jouvainroux s’en emcpare, le fermecsoigneusement.illne.s’agit plus que do
.surveiller,-et dïempêeher qu’il en soit fait un autre.
iPour prouverque le comte Legroingin’estipas l'au
teur; de. ceitestainent, et,qu’on^ui aiprésenté un modela
tout prêt, iffa u t faire.connaître cet acte dans toute sa
, teneur.; -u
r<
- « Je' soussigné , 'Jean-Baptiste , • comte Legroing ,
je ancien capitaine de dragons.au régiment d’A rto is ,
p« dem eurant à Clerm ont, ai fait mon testament oloif< graphe, ainsi qu’il ¡suit :
« Je ,n omme et .institue pour mon héritière géné■
r raie et universelle de tous les biens meubles et im,*< meu,bles, d ro its, raisons et actions-dont je mourrai
« vêtu et saisi, Claudine^Flavie Jouvainroux, fille de
<r Julien et de Françoise Boudon, aux charges hérédi* tai.res, ,e,t de plus, de payer annuellement à sa mère
« la somm eide .800 francs, moitié de six mois en six
jk m ois, et d’avance, sans aucune retenue, pendant la
« vie de,la^dame Boudon , de laquelle somme annuelle
« je lui ‘fais don et legs, par forme de pension alimen
te taire; plus, sa chambre bien garnie pour elle, et une
« chambre! pour: sa domestique; plus, la jouissance de
six couverts et une écuelle d ’argent pendant sa vie;
« plus., quinze paires de draps, tant de maître que do
« domestique; douze douzaines de serviettes, et de la
«r batterie de cuisine., Je révoque tous testamens antérieurs, même loul codicille. T e l est mou testament
�(
»5
)
* ¡olographe, q u é 'j’ai écril de m a'm ain, et signé; le-1
« quel j’ai déposé ès-m ains de M e Espinasse, notaire r
« royal à Clermont-Ferrand. Je prie M. le président du ’
« tribunal de celte ville de lui confier ce dépôt. Fait à
«■ Clerm ont-Ferra nd, dans ma m a i s o n , l e i 4 d é c e m b r e ,;
«■1816. Sign é, J e a n - B À p t i s t e , comte L E G R O I N G .J» '
Sur l’enveloppe étaiUécrit :<
«■Ceci est‘mon testament olographe, déposé d e c o n <r fiance entre les mains de M e Espinasse,1 nôtaire ro ya l'1
« à Clermont, ce 24 décembre 1816. Signé', J . - 'B y «r comte ’L egRoitîG.-» *
•1
■- : i.< )
Tiff comlç LegrOing1n avait aucune Connaissance dans
les affaires; i l ‘ignorait1 sur-tout les term'ës techhrqu'ës
du m étier, et la rédaCtiôn d e ’ce testament’ annonce*'1
plutôt un praticien à protocole,: qu’un hom m e r'du"i
m onde; le préambule sur-ibüPést d’une^oridilé peu
commune. *11 est’ rare que l’hom m e'bien né ne fasse
précéder un acte aussi important de quelques réflëxiohsir*
morales, des motifs qui' le déterminent ; mais qüand
011 lit, Les droits, raisons et-dotions, les biens meublés ;
et immeubles; quoique le comte Legroing n ’eût'pas ’
d’im m eubles, ces mots'ès-m ains, qui ne Sont’ pa's une '
locution de société, on est bientôt convaincu qiid ‘cér''
ne fut pas son ouvrage, et qu’il en copia'Servilerrieïit’
le mod<Me;quJon lui a présenté. On dit servilenlent, car ‘
on a remarqué qu il était tout d’üne;:suifé^ sans £iccens:,
et sanfc'ponctuation.
On suspend pour un liiomént la discussion de cet ’
acte, dans lequel on répète si souvent le mot oldgraphè,
�(
16 )
sans doute parce qu’o n y attachait quelqueimporfance,
pour revenir sur des faits antérieurs bien importons à
connaître.
L a dame marquise Legroing m ère, peu de tems
avant son décès, avait fait quelques dispositions au
profit de la dame sa fille, et des dons à ses domestiques.
.Après sa mort, les scellés furent apposés, à raison de
l’absence du chevalier Louis Legroing. Les choses traî
nèrent en longueur, et le frère aîné s’occupait peu de
ces détails; mais madame Julien s’en occupait beau
coup; elle convoitait le mobilier, qui devait revenir à
son maître : elle le tourmentait; son mari se joignait à
elle pour le contrarier, et souvent on allait jusqu’aux
mauvais traitemens; alors l’infortuné menaçait de son
frère, qui mettrait ordre à tout, et punirait leur inso
lence. A qui vous adresseriez-vous, s’écriait-on? A votre
plus mortel ennem i, qui n’en veut qu’à vos b ien s,
cherche à vous faire passer pour un fou, et veut vous
faire interdire, peut-être pis encore.........On exaspère
par ces calomnies le frère aîné. On se rappelle qu’a
près le décès de la m ère, le chevalier devait compter
h son frère un capital de 3o,ooo francs, indépendam
ment de la rente viagère de 3 ooo francs : le comte les
exige sur-le-champ; il menace par écrit de prendre
tous les moyens de l’y contraindre, de faire enregistrer
les actes qui contenaient les arrangemens de famille;
il injurie sou frère dans toutes les lettres qu’il écrit à
son conseil. L e frère veut se présenter; il ne veut rien
entendre; enfin le chevalier est obligé de payer de suite
�( I? )
uno partie, et de faire des lettres de change à termes
très - rapprochés ; il n’obtient c e court délai que par
riulermédiaire d’un jurisconsulte estimable, qui voulut
bien interposer un ministère de paix, mais q u i , ne
connaissant pas le comte L egroing, crut, en l’écoutant,
que son frère avait eut envers lui les torts les plus
graves. Son étonnement augmenta encore, lorsqu'en
lui présentant à signer la quittance des sommes qu'il
recevait, s’étant aperçu qu’il y était dit : R eçu d u
chevalier Legroing, mon fr è r e , il raya ces derniers
mots avec la plus grande violence.
En vertu des actes de famille, le chevalier Legroing
devait aussi remettre à son frère une certaine quantité
de mobilier désigné, comme faisant partie du mobilier
paternel, mais en Cétat où ces meubles se trouveraient.
M . et madame Julien arrivent pour faire l’enlève
ment de ces meubles; ils prétendent avoir le choix des
articles sur la totalité du mobilier, e t, comme déraison,
ils prennent le meilleur. L e chevalier garde le silence;
mais les autres paraissent fort mécontens de ce que les
lits et les couches n’étaient pas neufs, et de ce que le
linge était usé. D e retour à Clermont avec leur proie,
ils recommencent leurs imprécations ordinaires contre
le chevalier, disent à l’aîné qu’ils n ’ont pu obtenir que
le rebut : l’aîu6 s’emporte en vociférations; et ce mo
ment est choisi pour présenter le modèle du testament.
11 a été copié à cette époque.
Com me le comte Legroing a survécu encore longtems à cet acte de démence et de colère, on craignait
3
*
�V, *' ( 18 )
toujours un retour de sa part, et de meilleurs sentimens
pour sa famille, il fallait s’assurer une planche dans le
naufrage. Il avait des capitaux très-considérables placés
dans des maisons opulentes et respectables. Les débi
teurs , la plupart ses anciens amis, sont sommés devenir
s’acquitter; on se refuse c'i tous renouvellemens.
L a majeure partie rentre. On fait acquérir par le
comte Legroing une propriété de 40,000 francs, payés
de suite, sous le nom de la petite Flavie. On fait plus,
on pousse l’impudeur jusqu’il faire passer à l’ordre de
cet enfant les lettres de change non encore acquittées,
et notamment celles qui avaient été souscrites par le
chevalier T^egroing à son frère. On ve rra dans un mo
ment l’usage qu’en a fait le tuteur.
Mais M. Julien n’a ara-t-il pas fait une maladresse ?
L e comte Legroing n’a donné à Flavie que les objets
dont il mourra saisi et vêtu. Bien certainement il n’est
pas mort saisi et vêtu des lettres de change qu’il a
transmises, par son ordre, à Flavie Jouvainroux. Celleci en est évidemment propriétaire, au moyen de l’ordre
passé à son profit; M. Julien ne voudra pas prétendre
que Flavie ait fait les fonds de ces lettres de change :
ce ne serait donc alors qu’un don m an u el, une libé
ralité indirecte, nulle dans son essence, puisqu’elle
ne serait pas dans la forme des donations entre-vjfs
ou à cause de mort; e t, dans ce cas, ces lettres de
change 11e feraient pas partie de la succession du feu
comte Legroing : il faudrait les rapporter aux héritiers
du sang.
�( I9 )
Revenant au récit de ce qui s’est passé après le tes
tament olographe jusqu’au décès du sieur Legroin g,
on ne voit plus qu’horreurs, m enaces, et mauvais
traitemens; on fait peser une verge de fer sur un mal
heureux moribond privé de toutes ses facultés p h y
siques et morales, ne pouvant se donner aucun m ou
vem ent, et dans la dépendance la plus absolue de ses
tyrans.
l i s e révolte parfois; on entend des cris concentrés
de fureur : M alheureux! vil cordonnier ! tu veux être
mon héritier; tu m ’as trom pé, trahi. Il se traîne jusqu’à
la croisée, crie au secours! à l ’assa ssin ! Les voisins
s’assemblent, le commissaire de police, les gendarmes
s’introduisent dans son domicile; on trouve le malade
dans les bras de ses domestiques, qui le caressent , le
déshabillent, prennent les plus grandes précaulions
pour soulager ses maux. 11 est va in cu , déclare qu’il a
pardonné, et renvoie la force publique qu’il venait
d’invoquer à grands cris.
Ces scènes se sont renouvelées souvent, et terminées
d e là même m anière;au point que ses cris deviennent
impuissans et vains : on y est accoutum é; on le regarde
comme un maniaque, un insensé qui revient à luimême lorsque sa colère est calmée.
Ses derniers momens ne sont pas plus paisibles. Il
renouvelle encore ses crisdécliirans, il répète les mêmes
menaces, manifeste son repentir. Des amis de Jouvainroux sont témoins, et lui entendent proférer les injures
�;
.......
(
)
les plus atroces contre le moribond, les menaces de s’en
débarrasser., et de Le jeter par les fenêtres.
C e n’est pas seulement ici un emportement brutal,
ou la menace d’ un homme grossier : peut-être que
l ’agonie dans laquelle le malade était entré, la certitude
d’ une mort prochaine, ont empêché un grand crime.
Iiabitans de Clermont! vous en avez vu un cruel et
funeste exemple. Il est trop récent pour être oublié.
Leçon terrible pour les malheureux célibataires livrés
à des domestiques ambitieux et infidèles !
j
L e sieur Legroing est mort le i 3 août 1817. L e len
demain 14 , Jouvainroux se présente à l’hôtel du pré
sident , porteur du testament olographe de son maître ,
que J o u v a in ro u x avait toujours gardé en sa puissance,
quoiqu’il soit dit que le comte Legroing en avait fait le
dépôt chez M e Espinasse; que cette déclaration fait
partie de la disposition, et même est répétée sur l'enve
loppe portant suscription du testament.
L e président, après avoir dressé procès-verbal de
l'acte, le remet ès-mains du greffier, qui en devient
dépositaire, pour le rendre à M e Espinasse, notaire.
Julien avait caché la mort de son maître pendant toute
la journée du i 3 . Personne de la famille n'avait été
averti : le chevalier arrive plusieurs jours après. Il ap
prend qu’on avait posé les scellés chez son frère le
i 5 août, qu ainsi on avait eu le teins, pendant trois
jours, de dévaster et d’enlever tout ce qu’il y avait de
précieux; qu’en effet il y avait eu spoliation complète
à côté du corps, qui reposait encore dans la maison.
�(
21)
On ne doit pas omettre une anecdote précieuse que
fournit cette apposition descellés du i 5 août. L e juge
de paix était absent; le suppléant fut appelé. C e sup
pléant se trouve l’avoué des Jouvainroux. 11 met les
scellés sur tout ce qui est apparent ; mais lorsqu’on ar
rive à l’appartement occupé par Monsieur et madame
Jou va in roux, on s’incline respectueusement. Com m ent
mettre les scellés sur le boudoir de madame? Et pour
rait-on sans crime gêner la maîtresse de la maison dans
ses habitudes et dans son secret asyle? B ref, cet appar
tement , où il y avait des placards et un secrétaire, reste
intact.
L e juge de paix se transporte, le 25 août, pour pro
céd era la rémotion; et la première chose qu’il aperçoit,
c ’est que cet appartement est resté libre ; il demande
pourquoi cet oubli ou ce ménagement? On lui répond
que c’est ici l’appartement de M a d a m e . — Mais des
valets ont-ils quelque chose à eux chez leurs maîtres?
Huissier, je vous confie cet appartement; vous le garde
rez jusqu’à ce que mon opération soit terminée: je vous
l ’ordonne; tout est sous votre responsabilité. Madame
Jouvainroux tombe en syncope.Pendant qu’on emploie
à grands îlots l’eau de Cologne et qu’on fait flairer des sels
pour rappeler les sensde madame Julien, le juge de paix
continue, et se met en devoir de poser ses scellés sur
/
l ’appartement. L ’évanouissement avait cessé. M ad am e
s’oppose à ce que les scellés soient mis, et demande
un référé chez le président. Il est ordonné; on se rend,
h près de neuf heures de relevée, chez le président, qui
�( 22 )
renvoie l’incident à l’audience du lendem ain, sans rien
ordonner sur l’objet principal. L e juge de paix, informé
de ce qui s’est passé à l’hôtel, croit qu’il est de son de
voir d’aller en avant, et appose ce scellé fatal...........
Proh doLor. Lorsqu’il a fallu les lever, on trouve dans
un des tiroirs du secrétaire cinquante jetons d’argent,
sur cent qu’en avait le comte Legroing, et qui avaient
été réclamés lors de l’inventaire. Madame Julien dit
agréablement que ces jetons sont le jouet de sa fille j
que le comte les a livrés à cet enfant, à peine âgé de
six ans, pour son amusement.
On continue les recherches. Dans un des tiroirs se
trouvent huit sclials de prix, destinés à la parure de
madame Julien. On lève ces scl i al s, et tout-à-coup sort
de l’un d’eux des papiers qui se trouvaient renfermés
dans les replis; on examine ces papiers : il n’y avait
que pour 23 , 8 oo francs de lettres de change, parmi
lesquelles figure une lettre de change du modeste
notaire de confiance.
Pourquoi ces lettres de change sont-elles cachées si
soigneusement dans un schal? Jouvainroux, seul pré
sent, avec toute la pilleur et la lividité qui caractérisent
sa physionomie anguleuse, r é p o n d à cet interrogat sé
v è r e , qu’il ne veut faire tort à personne, el qu’il avait
détourné ces effets par de bonnes vues, pour diminuer
d’autant les frais delà régie, pourles droits de mutation.
Survient nindame Julien. Malheureusement , elle
n’avait pas entendu la réponse de son mari ; elle répond
à son tour que son maître lui avait fait personnellement
�( *3 )
cadeau de ces effets. L e procès-verbal du juge de paix
contient le récit de l’incident, les interrogáis, et les
réponses.
Louis Legroing, habile à succéder à son frère, forme
opposition à la rémotion des scellés le 19 du même
mois d’août. L e 2 1 , Jouvainroux présente requête au
président, pour demander la rémotion des scellés : or
donnance conforme. L e juge de paix du canton fixe
au 2 3 août la levée des scellés; le mêm e jou r, Jou
vainroux fait notifier au chevalier Legroing , et au
subrogé-tuteur, le testament du défu n t, le procès-verbal
d’ouverture, et acte du dépôt d’icelui, la requête et
l’ordonnance, avec sommation d’être présens à la ré
motion des scellés et à l’inventaire du mobilier.
L e 2,3 août, nouvelle requête du lu leur, pour.de
mander l'envoi en possession de la succession du comte
Legroin g, en conformité, est-il dit, des articles 1006
et 1008 du Code civil. Il obtient ; ne ordonnance qui,,
sur le vu du testament et de l’acte de dépôt, envoie la
mineure en possession.
On procède a 1 inventaire. L e chevalier demande ;i
y faire des dires, et il déclare qu'il entend attaquer le
testament de nullité, par tous les moyens de droit, et
qu’il forme opposition à l’ordonnance qui envoie Jou
vainroux en possession de la succession ; il soutien! q u ê
tant habile ¿V succéder, comme héritier du sang, le
mobilier doit lui être remis, sauf à le représenter. Il
demande, dans tous les cas, qu’il soit nommé un sé
questre judiciaire; il se plaint principalement des en-
�( H )
lèvemens, des spoliations qui ont été commises, des
transports qui ont étéfaitsen main tierce, qu’il indique,
de ce qu’il y avait de plus précieux, en diamans, o r 7
argent et effets ; il insiste sur son opposiiion, et demande
qu’il en soit référé à l’hôtel du président.
Il est remarquable que le chevalier Legroing, qui ne
fut instruit de la mort de son frère que trois jours après,
se transporta, en arrivant à Clerm ont, au greffe du
- tribunal, où il prit connaissance de l’acte de dépôt, qui
avait été fait par Jouvainroux, du prétendu testament
olographe, le 14 août, c’est-à-dire le lendemain du
décès.
I l avait principalement observé que J o u v a in ro u x
seul s’était présenté, quoique, d’après ce testam ent,
•le comte Legroing déclarât qu'il avait déposé son tes
tament ès-mains d’Espinasse, et priât M . le président
de confirmer ce dépôt.
E n conséquence,. après avoir obtenu le référé qu’il
demandait, il présente sa requête au tribunal le 27
août. On y lit l’exposé suivant :
« L a présentation faite par Jouvainroux, porteur de
« ce prétendu testam ent, est d’autant plus remar« quable, qu’on lit en termes exprès, dans le corps du
« testament , ces lignes : Suit La mention du, dépôt èsk m ains d ’E sp in asse, etc.-«
I l ajoute : « On voit ici une condition d’autant plus
r essentielle, qu’elle est dans la disposition, et en fait
ce partie. L e défunt y avait attaché la preuve de la nia
it niieslation de sa volonté et do sa confiance. Il était
�-(*5)
« heureux encore qu’il eut obtenu celte faculté de ceux
« qui exerçaient leur empire et leur violence sur son
* esprit. Ce dépôt chez un notaire de confiance lui lais« sait au moins l’espoir de pouvoir révoquer ou changer
«• ses dispositions, qui, dans un moment lucide ou l i b r e , .
«• lui auraient paru extraordinaires et bizarres.
«■Il paraît que le défunt tenait d’autant plus à ce
« dépôt, que sur l’enveloppe qui contient la suscription
«■du testament, il répète comme chose fa ite que ce
« testament est déposé de confiance entre les mains de
« M e Espinasse. »
L e demandeur atteste, sur son honneur, que cet
exposé n'a eu’lieu que sur le vu de la m in u le, qui ne
contenait aucun renvoi. Il en avait pris une co p ie , et
c ’est sur celte copie qu’il avait cru pouvoir invoquer ce
m oyen en sa faveur.
Mais bientôt il apprend que la minute n’est plus dans
le même état , que la marge contient plusieurs renvois,
et qu’il résulte notamment de ces renvois que M e Espinasse aurait présenté lui-même le testament, accompagné de Jouvainroux.
/• '
•’
.-j s • *-i
11 y a plus, dans la copie qu'on lui a fuit signifier;
le 23 août, de cet acte de dépôt, à la requête de Jou- ,
vainroux, il paraîtrait q u e M e Espinasse seul a présenté
le testament au président; il n’y est pas même clïl qu'il
était accompagné de Jouvainroux; et quoique le gref
fier Fauverteix eût été personnellement dépositaire,
et chargé de remettre le testament à Espinasse, cq
4
�'(
20)'
n’ést^lusqLÎeCombétj'cômmisdugrëiïej'qui comparaît
dëvànt Espinàsse pour effectuer cette remise.
'L é ‘ ¿hëvâlier L e g ro in g , instruit, et sur-tout fort
étonhé ^ e bes vàriaritesldaris uïi'dépôt publient sacré,
a vdlila;iâVbir tinè expédition vidiméë*ét[figurée de cet
acte de défiât qui üV£Îïtusübi cette métamorphose. Il
est) porteur d e ’ceite exp éd ition ;‘on fy voit sans inter
ligne , ique Jôuvainroux seul a présentéde testament ;
mais>par ûn'renvoi quiippécèdé le prénom tel le nom
de Jouvainroux^-on «ajbute.,*à la m arge, ces mots :
M ‘ E sp in a sse, notaire en cette ville, assisté de , etc.;
ce qui ferait croire qu’Espinasse était porteur de l’acte,
et qu’il était seulement accompagné de Jo uvain ro ux.
A la fin , le président ren voie le dépôt à Espinasse ^en
ajoutant :« E t-a vo n s signé-avec ledit comparant el lo
« greffier ». On a surchargé le mot ledit, et m êm egrossièrement, pour y ajouter Lesdits. L e greffier n’a pas
nianqüe‘'dèafaire menfion clé*cette surcharge dans l’exjiédi lion1figurée‘qu’il a délivrée.
~ Q u e ll e ^ é s t dO’ric la fàlalilé'qùi'règne dans celle afflure^'Jouvàinroüx né Sait doncêniployer que des voies
tortueuses? et ne peui-on pas croire que le doigt de
jD itu ub'stJtâl‘ jj)du redécouvrir les f r a u d e s et les rusés?
JtjtivnirticMx^a è u 'p e u r ; il a traint l’obsirvalion du
sidur Légm itig; il y a remédié |iiir‘ 'un renvoi q u ’il a
dbl&hu■
ou^hiit1 insérer bn 'he' sdit comment ; ‘mais le
jytge- è,st°grb^ier.* Si PEs[JiH;i's^e/ élail pOrlëur du lesiamefit j s’il Pa1 p'réiëhlé, ^oüYquoiie président a-l-il rejiiis la- pièce1au gréflibr?’ 11 élïiil si ¿impie de lit rétidre
�( 27 )
à Espinasse, et d’en faire mention dans le procèsv e r b a l ? Pourquoi a^tron surchargé ledit, popr mettre
le singulier au pluriel? Pourquoi
Qh! combien
de questions il y aurait à fa ir e , et auxquelles on ne
répondrait rien de raisonnable !
On ne manquera pas de dire que ce renvoi est pa
raphé par le président, des lettres iniliales de son nom.
A Dieu ne plaise, que le chevalier Legroing ou son
conseil veuillent adresser ici le plus léger reproche à
ce vénérable magistrat; ils se plaisent, au contraire, à
rendre un hommage public h ses lum ières} sa sagacité,
ses vertus, et à son inaltérable probité. .
Mais on ,n’ignore pas ce qui se passe à l ’hôtel j lors
qu’on vient demander des signatures. On présente or
dinairement une i'o^le d ’actes rédigés la veille ou le
jour m êm e; le président,, qui en,a çonnaissance, signe
avec confiance, apostille les renvois sans autrement y
rpgarder, parce qu'il doit avoir la plus entière confiance
dans les fonctionnaires qu’il emploi,ç. Il est trop juste
et 1rop généreux pour vouloir priver le chevalier d’un
de ses principaux moyens de.dé£ep,se, et pour ne .pas
reconnaître la justesse de cette observation.
Quoi qu’il en soit, sur Je référé qu’avait demandé
Louis Legroing, le,président renvpya à l’audience; et
le 27 août 1 8 1 7 , le tribunal, prqnpn.cymt sur l’incident,
ordonna qu’au principal, sur la demande en nullité,
les iparties procéderait en la manière ordinaire ; mais
débouta l e . chevalier I-egroing .d.e ,(son opposition h
l'ordonnance d’envoi en/possessiçn, pav le m qtif qu’on
�( *8 )
ne pouvait annuller par provision un litre, et q u e ,
d’après ce titre, Jouvainroux, jusqu’au jugement du
fo n d , avait un droit universel à la succession.
L a chose était toute simple. C'est sans doule une
fatalité et une lacune dans la loi, qu’il n’y ait pas de
moyens d’empêcher l’exécution provisoire d’un litre,
sur-tout lorsqu’il y a péril dans la dem eure, que les
nantis n’offrent aucune responsabilité; mais ce n’estlà qu’un inconvénient particulier qui doit céder à
l’intérêt général.
Néanmoins, on croit pouvoir dire que si le président
et le procureur du roi eussent eu connaissance de
l ’anecdote de l ’appartement , de la soustraction des
jetons et des effets, le président n’eût pas envoyé en
possession un tuteur infidèle; il eût nommé un sé
questre; et le procureur du roi aurait sans doute requis
la destitution de la tutelle, dans l’intérêt même de la
mineure. Malheureusement, on n’en fut pas informé;
le procès-verbal qui constate l’enlèvement fut ignoré.
Les Jouvainroux ont cru avoir une pleine victoire;
ils se sont livrés à la plus insolente jactance. On ne ré
pétera pas leurs expressions grossières; on devine assez
tout ce que peut dire celte classe d’hommes, vile hotninuni genus. L e chevalier Legroing a pris le seul parti
qui lui convenait; il a gnrdé le silence.
Il n’ignorait pas même avec quelle joie brutale les
Jouvainroux jouissaient de leur bonne fortune; il savait
que madame Julien avait étalé la plus ridicule parure
au spectacle, et aux premières loges, le i 5 ao û t, le
�'
( 29 )
surlendemain de la mort de son maître; que son époux
avait passé la même journée au cabaret, et que peu
de jours après, ils avaient fait nommer leur fille reine
d ’une fête baladoire, où elle parut revêtue de brillans
ajustemens qui annonçaient sa nouvelle fortune. M al
heureux frère! dans quelles mains avez-vous placé vos
bienfaits !
Reste un dernier épisode pour embellir cette narra
tion. On se rappelle que le chevalier Legroing était
débiteur envers son frère d’ün capital de 3 o,ooo f r . ,
payable après le décès de la mère commune. Il sem
blait, sur-tout entre frères, et d’après toutes les cir
constances qui avaient accompagné le traité de famille ,
que le chevalier pouvait espérer un délai moral pour
s’acquitter de cette def le. 11 est difficile de penser qu’on
puisse avoir dans le moment même un capital aussi
important; et la justice lui aurait accordé un terme
raisonnable, s’il l’avait demandé. Mais l’aîné était tel
lement excité et irrité contre lui, qu’il se vit obligé de
prendre les moyens les plus prompts pour l’appaiser,
et éviter des droits énormes. Il était à Clermonf ; il
souscrivit différentes lettres de change qui furent datées
de R io m , tirées sur D om ergue, banquier. Ces lettres
sont sous la date du 12 juillet 181 y 5 l’une d’elles., de
la somme de 4997 francs, était à échéance le i 2 oc
tobre, lors prochain. L ’ordre, comme on l’a dil, était
passe au profit de Flavie Jouv ain roux, voleur reçue
comptant. (/<>1 une véritable jonglerie; mais ce qui
est sérieux, c ’est qu'à l’échéance, il y a eu protêt à
�( 3o)
la requête du tuteur, très-soigneux, de Flavie; signifi
cation du protêt au domicile du tireur ^ jugement par
défaut, du tribunal de commerce de Clerm orit, qui
n’y regarde pas de si près sur la forme des lettres de
change. L e chevalier Legroing en a interjeté appel en
la Cou r, tant de juge incompétent qu’autrement. L ’ap
pel est pendant en la Cour; il sera l ’objet d’ une dis
cussion très-sérieuse; et c’est ici que se termine le récit
des faits. On a cru devoir abréger des détails minutieux
qui ne sont d’aucune im portance, pour ne pas dimi
nuer l’intérêt qu’inspire naturellement une cause qui
est celle de toutes les familles.
'Le chevalier Legroin g s’oblige à établir différentes
propositions pour démontrer que le prétendu testament
olographe ne peut avoir aucun effet.
i° Il démontrera que le testament dont il s’agit est
ab iratoj qu’il a été dicté par la colère, qui tient de si
-près à la dém en ce;
2° Q u ’il est le fruit de la captation et de la sugges
tion; qu’il a eu lieu au profit d’une concubine et d’une
fem m e adultère;
3° Que le Code civ^il laisse subsister les actions ab
irato, et les moyens de captation et de suggestion;
4° Que les domestiques sont incapables de recevoir
un legs universel;
5° Et très - subsidiaireinent, que l’acquisition faite
sous le nom de F la v ie , et les lettres de change passées
ù son ordre, ne font pas partie de la succession du
�( 3i )
comte L egro in g, et ne sont pas comprises dans son
testament.
§ I er.
L e testament est fa it ab irato. IL est l’ouvrage de La
haine et de La colère.
Tous les interprètes du droit sont d’accord qu’un
testament est vicié par la liaine et la colère; on en trouve
plusieurs textes de droit au Code de inojf. test. Personne
n ’a mieux traité cette question que le célèbre Cotliin,
dans son plaidoyer pour'JVL le duc de Richelieu, contre
M . l’abbé de Laval. Il n’avait pas dans cette cause les
mêm esavantagesqu’a aujourd’huile chevalierLegroing.
Mais celui-ci n’a pas les mêmes talens pour le défendre.
M . Cochin demandait la n u l l i t é du t e s t a m e n t delà dem oiselle D acigné, tante de M. le duc de Richelieu, qui avait
institué pour son légataire universel le sieur abbé de
Laval,hom m e'dequalité. Mais le testament était attaqué
pour cau^e de haine, de colère et de suggestion, comme
fait d’ailleurs au profit d’un agent. La haine est ainsi
définie : «C’est un mouvement du cœ ur, inspiré par une
« mauvaise volonté contre l’héritier présomptif, qui
* h’éçoule plus ni la voix du sang, ni les impressions de
« la nature.« D ’argent ré l’avait déjà dit fort énergique-'
ment sur l’article 218 delà coutum ede Bretagne: Motus
anim i contra . prœsumptum hœredem ex rnalevolencïa
prœterqjficuan riaturœ et charitatem uulitam sanguine.
I-ie testament fait par une personne en colère n’est
�( 32 )
pas plus valable : il ne suffit pas que l’auteur ait lesté
recle, il faut aussi qu’il ait testé ex ojjicio pietatis; sans _
quoi son testament est comparé à celui du furieux et de
l ’homme en dém ence, quasi non sanœ mentis fu isset.
C ’est encore ce qui est répandu en différentes lois du
titre de inojjicioso testamento. On peul aussi voir Ilenrys
sur celle matière, tom. 2 ,li v . 6 , queslion 7.
11 est vrai, et 011 ne doit pas le dissimuler, quoique
tous les docteurs soient d’accord sur ce principe général,
que la colère et la haine annullent le testament; que
plusieurs ont douté qu'il pût être attaqué, sur ce motif,
en ligne collatérale; on s'est principalement attaché à
établir que ces moyens avaient plus de force contre ceux
faits par le père ou la m è r e , ou m ê m e le iils, en haine
de son ascendant. Mais les auteurs qui ont adopté cette
distinction y ont cependant apporté une modification ,
et ont pensé que les moyens ab irato reprenaient toute
leur force, même en faveur des collatéraux, lorsque le
testateur avait institué une personne vile, n isi turpis
persona sit instituía ; c ’est ce qui est enseigné par
.Boniface, tom. 4 , liv. 1 ., cliap. 1.
Cocliin n’a pas embrassé cette opinion; il pense, au
contraire, fortement que ces motifs doivent faire annuller le testam ent, tant en ligne collatérale qu’en
Jigne directe. Mais quand on ferait celle concession ¿i
Ja fem m e Julien, on se trouverait dans l’exception do
toutes les manières, turpis persona f u it instituía. E n
effet, sur qui le comte Legroing a - t - i l répandu ses
bienfaits? Sur un enfant de six ans, pour qui il no
�( 33 )
pouvait éprouver aucun mouvement d’affection, ou s’il
en éprouvait, ils étaient criminels; c'était la suite d’un
adultère honteux, d'un concubinage qui le dégradait,
q u ’il manifestait par des familiarités publiques et indé
centes, qui ont si souvent fait rougir ses anciens amis,
témoins du dégré d’avilissement dans lequel était tombé
un homme d’honneur, qui jusqu’ici ne s’était jamais
oublié, et n’avait eu aucunes faiblesses.
Sur qui a-t-il versé ses largesses? Sur la fille d’une
servante, d’un domestique, devenus tous deux ses
tyrans et ses m aîtres, dont les moindres volontés
étaient des ordres pour cet infortuné. L e chevalier
Legroing n’a pas besoin de descendre à aucune preuve
pour établir la haine et la colère du testateur, dont le
frère a été tout à-la-fois l ’objet et la victime. Ces mouvemens de haine et de colère sont prouvés par les lel 1res
qu’il a écrites après la mort de sa m ère; par la rature
injurieuse qu’il s'est permise sur la quittance, en ne
voulant pas reconnaître son frère, par les propos et
les injures qu’il a proférées en présence de lém oins,
dans des emportemens tels qu’il ressemblait à un furieux
et à un insensé, quasi non sanœ mentis / ulsset. L e
chevalier est, au surplus, en état de faire la preuve de
tous ces faits d’emportemens çt de colère.
5
�( 34 )
§ II.
L e testament est Couvrage de la captation et de la
suggestion de la part d ’une concubine.
Cet article ne donne point matière à une longue
discussion. Un testament doit être l’expression d ’une
volonté libre et éclairée; toutes les fois qu’il est prouvé
que cette volonté a été enchaînée, que les dispositions
à cause de mort ont été suggérées, alors le testament
est déclaré nul;, le texte des lois, la doctrine des au
teurs, la jurisprudence des arrêts sont également uni
formes, sur le point de droit.
Il ne s’agit donc que de prouver la. suggestion; et
pourrait-elle être douteuse dans l’espèce particulière?
L a notoriété publique apprend que peu de teins après
le retour du comte Legroing auprès de sa mère, à R io m ,
il eut des attaques réitérées d ’appoplexie. Ces atteintes
successives avaient paralysé une partie de la b o u c h e ,
affaibli les jambes, et surtout affecté le m oral; ce
ij’était,plus le m êm e hpmrpe; faible et pusillanime,
il< n ’exprimait, que difficilement sa pensée, com men
çait une phrase sans pouvoir la finir, perdait la m é' m o ire, répétait dans le même moment ce qu’il venait
de dire , confondait les noms et les choses, en un m ot,
était parvenu h cet état de débilité sénile, qui rap
proche de l’enfance, et réduit à une sorte de dégra
dation l’homme q u i , peu de tems a v a n t, avait des
%
�connaissances agréables, s’exprimait avec pureté, an
nonçait des principes et des sèritimens d'honneur.
On sait que ces attaqués d’appoplexie, l’ennemi lè
plus cruel du genre hum ain , réduisent à un état pas
sif, lorsqu’elles ne sont pas foudroyantes, pardonnent
rarem ent, font toujours craindre de nouvelles secousses,
et prévoir une fin prochaine.
L e comte Legroing était dans cet état, lorsqu’il se
livre à Une fille de peine, domestique de sa mère. Se
serait-il oublié à ce point, lui connu par des sentimens
d'honneur et de fierté, qu'il poussait quelquefois trop
loin ? Quels charmes aurait-il trouvé
dans les bras
d’une fille grossière qui n’offrait aucun agrém ent? Il
fallait bien, sans doute, que le moral fût affaibli, pour
excuser cette eâpèce de dégradation que rien ne jus
tifie. Cette fïiie prend sur son maître un empire absolu;
elle devient mère : l’enfant est éloigné; on l’envoie
dans une terre qui appartient au sieur de l’Estrangës,
ancien ami du comte. On l’élève comme la fillè de‘ ce
dernier; elle est soignée, entretenue suivant la condi
tion du père. Elle tombe malade ; les médecins sont
appelés : le père s’informe de son état avec une grande
sollicitude, apprend sa mort avec chagrin.
Privé de cet enfant, et p ou f consoler la m è r e , il
fuit un testament secret, portant institution universeïÎe
au profit de sa concubine, qui l’avait maîtrisé au point
de lui faire faire cet acte de démence. Si dans la suite
il a changé ses dispositions, ce n’est que par une ruse
du mari, qui a fuit tomber le bienfait' sur son enfant,
�( 36 )
parce qu’il en aura l’ usufruit jusqu’à ce que sa fille
aura d ix -h u it ans, et que s’il venait h la perdre, il
lui succéderait pour moitié; il n ’a pas voulu laisser
entre les mains de sa femme une succession opulente,
toute extra-dotale, et dont elle eût été maîtresse. Ainsi
la femm e avait sous sa dépendance le maître; elle
f ■
*
élait aussi sous la dépendance de son époux , plus
rusé qu’elle ; mais ces deux personnages règlent la
destinée de celui qu’ils opprim ent, qu’ils maltrailent,
qui ne peut se passer d’e u x , et qu’ils tiennent sé
questré à tous les regards. Il ne lui était permis de
recevoir aucune visite. Ses parens, ses amis ne peuvent
s’introduire, et ils se contentent de gémir sur son sort;
parfois il résiste , appelle du secours, soutient qu’on
veut l’assassiner. L a police arrive; on l’a caressé, ama
doué : il pardonne. Ces scènes se renouvellent; elles
ne font plus de sensation; on le considère comme un
homm e aliéné, qui a les caprices d’un enfant ou d’un
furieux : on ne croit plus devoir s’en occuper.
T e l est le triste état dans lequel il a consumé le reste
d’ une vie languissante et douloureuse. Son testament
lui-m êm e n’esl-il pas l’ouvrage de la captalion? Il a
servilement copié le modèle d’un praticien à proto
c o l e , d ’une aridité et d’ une sécheresse qui ne peut
émaner d’ un hom m e qui réfléchit dans le silence et
la solitude, et qui se met en présence de l’Être suprême,
lorsqu’il n’attend plus rien des hommes, qu’il va payer
le dernier tribut à la nature. Un individu qui lienl à
une classe élevée, qui a goûté les douceurs delà société,
�( 37 )
et joui des plaisirs que donnent le luxe et l’o p u len ce,
ne va pas prendre son testament dans le Praticien
fr a n ç a is , s’occupe peu des mois raisons, droits et
actions, mots techniques et barbares qu'on n'entend
qu’au barreau, et qu’on ne lit que chez les notaires
de campagne, ou dans les actes du siècle dernier; c’est
une copie mecanique qu’il a faite avec langueur, sans
soin, sans ponctuation, versant son encrier dans des
momens d ’impatience,, et sentant qu'il signe sa honte.,
qu’il va se couvrir d’opprobre; si on fait attention
qu’on lui recommande sur-tout de déposer cet acte
chez Espinasse, notaire, qui ne peut plus é c rire , et
par conséquent ne peut recevoir un testament; que
ce dépôt lait partie essentielle d e l à disposition;
esl répété dans la suscriplion , et que cependant il
en la puissance de Jouvainroux, qui veillait à ce
n’en pût faire un autre.
qu’il
reste
qu’il
^
Que lout-à-coup on oublie la disposition du dépôt,
que Jouvainroux a l’impudence de présenter seul ce
testament au président; que l’acte de dépôt est dressé
en conséquence; que la minute en est connue; qu’on
lé remarque dans la demande du chevalier Legroing,
qui s’est aperçu de la maladresse, qui a fait usage du
m o y e n , après avoir lu et tenu l’acte, l ’avoir lait lire
à plusieurs personnes, et que cependant on trouve dans
la suite un renvoi aussi gauchement exprimé, qui an
noncerait tantôt que c ’est l’Espinasse accompagné de
Julien Jouvainroux, tantôt que c ’est l’Espinasse seul,
suivant la copie qui en a été notifiée; que Ledit com
�( 38 )
parant est métamorphosé par une surcharge, pour y
substituer lesdits comparans,• que malgré la présence
de l’Espinasse, on remet le testament au greffier, lors
qu’il était si simple de le rendre à Espinasse présent;
on demeure inlimément convaincu que ce testament
n’est pas l’ouvrage de celui qu’on en dit l’ auteur; qu’il
a été gê n é , tyrannisé dans ses dispositions, et que le
doigt de Dieu a marqué du sceau de la réprobation
cet acte scandaleux.
Qu'on vante maintenant les testamens dits olo
graphes! qu’on vienne soutenir qu’un acte de cette
nature est le fruit d’une mûre réflexion ! Ce n’est pas
ainsi que Justinien l'avait pensé, lorsqu’il bnnnit cette
form e de tester dti code de ses lois; qu’il révoqua
expressément la disposition du code Théodorien , qui
autorisait ce mode ou cette form e; ce n’est pas ainsi
qu’ont pensé tous les auteurs du droit écrit, qui ensei
gnaient que les testamens olographes n'étaient pas
valables, et qu’il fallait la solennité de sept témoins
pour un testament, qui est le dernier acte de la puis
sance , de l’affection, et d’une volonté qui doit survivre
h l’auteur.
C e n’est pas ainsi que pensait M* Terrasson, dans
un éloquent mémoire pour le sieur d’E p in ay, où il
fit annuller un testament olographe de Louis d’E p in a y,
en faveur de sa femme : « Il y a des acles si importans,
c< disait-il, pour l’intérêt des familles, qu’on ne peut
« y apporter trop de solennité et d’exactitude. Les
* dernières dispositions, reste précieux des m ourans.
�( 39 )
«• sont du nombre de ces actes solennels que les diffék
rentes lois ont assujéti à diverses formalités; on pré-
« tendra que toutes les formalités n’ont été introduites
«• que pour assurer les preuyes de la volonté; qu’011
« est aussi sûr de l’intention du testateur par le témoi« gnage de six personnes que par celui de sept; qu’on
«■Test encore plus par l'écriture et signature du testa« teur, que par la présence des témoins. Tous les paror ticuliers s’érigeront en critiques des lois établies; et
<r par la licence des raisonnemens, les règles perdront
«- leur autorité, et la jurisprudence deviendra arbi« traire. »
L e lestament olographe e st-il donc si recom m andable? doit - il avoir la préférence sur un testament
solennel? quel pourrait en être le m otif? T e l homm e
dans la solitude, et dans la fougue de ses passions, écrit
rapidement cinq à six lignes, qui dépouillent, déshé
ritent les héritiers dursang ; t e l autre se permettra des
dispositions bizarres, ridicules, honteuses, qui le désho
norent, et qu’il n’aurait pas osé faire devant un officier
public et des témoins; tel autre encore sera forcé par
un misérable, un audacieux intrigant, d’écrire quelques
mots qui transmettentrà son ennem i, son tyran , une
fortune qu’il destinait à sa famille, tandis que devant
notaire1il eût été parfaitement libre, il eût dicté ses
volontés hors la présence de celui qui en gênait 1 exer
cice, ou osait donner ses ordres absolus.
Disons au contraire, malgré tout le respect qu’on
doit à la loi qui autorise cette form e de tester, qu’elle
7
�u
( 4° )
n ’est ni plus précieuse, ni plus favorable; qu'elle n'est
pas une preuve de la volonté du testateur, qu'elle peut
être commandée par la crainte ou la tyrannie; qu'elle
étouffe le sentiment et anéantit la^volonté, favorise
le caprice d’un homme im m oral, et que sous lousles
rapports les solennités sont plus recommandables, as
surent la volonté, et préviennent souvent de grands
'
crimes.
Fanckette d ir a - t - e ll e qu’en tout cas il existe, en
faveur de La gouvernante, un testament ancien et
solennel qui reprendrait toute sa force; mais ce pre
mier testament, fait dans les premiers momens d’ une
passion v éh ém en t e et grossière, qui agissait encore
avec plus de force dans un hom m e qui se trouvait
dans un état d’aliénation m entale, prouverait la sug
gestion d’une concubine devenue m ère , et qui avait
alors les plus puissans moyens de séduction.
Ceci conduit naturellement à l’état de concubinage,
dans lequel a constamment vécu Fanckette avec le
comte Legroing. Sa grossesse, ses couches, les familia
rités indécentes qu’elle autorisait, qu’elle provoquait
m êm e en public, ne sont ignorées d ’aucun de ceux
'
qui fréquentaient la maison de la dame Legroing m ère,
et ont souvent servi d’alimens à la malignité.
D écriée par ses cam arades, méprisée par les per
sonnes au-dessus d’elle, elle a bravée l’opinion publique
pour parvenir à ses fin s, et ce concubinage si cons
ta n t, si notoire, est encore un des plus grands vices
pour annuller les dispositions dont elle est l’objet.
�( 4i ) '
L e maintien des bonnes mœurs exige que les parens
des personnes que leur passion a aveuglées au point
de préférer les objets de leur attachement criminel à
ceux à qui ils tiennent par les liens du sang, soient
admis à prouver le désordre. Lorsque la preuve en est
faite, les dispositions qui ont eu lieu au profit des
concubines1sont annullées, ou réduites à de simples
alimens. Un arrêt du 2 5 février i 6 6 5 , rendu sur les
conclusions de M. l’avocat général T a lo n , prononce
la nullité des ventes, et d’un bail à rente, consenties par
le baron de Saint - G em m es, au profit de Jacqueline
R ig o f, sa concubine et sa servante. U n second, du
2.2. août 16 7 4 , annulle deux contrais de constitution
de deux rentes j|au principal de 1900 francs, créées, par
l’abbé Lapinardière, au profit de sa domestique, qui
était aussi sa concubine; ces arrêts sont rapportés
dans le dernier recueil de jurisprudence, au mot Con
cubinage. On en trouve un troisième au Journal des
Audiences, du 3 juillet i 6 8 5 , q u ia annullé une obli
gation de 3 , 5 oo francs, souscrite par la dame F au veau ,
au profit d'un sieur L atou r, avec lequel elle vivait en
mauvais commerce. Un autre, de 17 2 4 , qui a annullé
les billets du chevalier de Graville, au profit de la fille
T rico t, etc.; en un m o t, les recueils sont remplis de
semblables décisions, et la jurisprudence est uniforme
sur ce point. I>e concubinage ne peut avoir que les
suites les plus funestes; il altère les sens et détrrit la
raison; et celui qui a le malheur de se livrer à cette,
passion, méconnaît, dans son délire, les obligations les
�( 42 )
plus sacrées, pour suivre sans pudeur le penchant ir
résistible qui l’entraîne. Comment 'dès-lors les tribunaux
pourraient-ils laisser subsister un acte qui est l’ouvrage
de la débauche et le monument honteux d’ une passion
criminelle ?
Elle le devient bien davantage lorsqu’il y a adultère;
lorsqu'un mari pervers n’est qu’un manteau pour cou
vrir le désordre; lorsque sur-tout sa bassesse tend à
faire supposer, à attribuer la paternité à celui qu’on
dépouille.
L e chevalier offre la preuve de tous les faits de
suggestion qu’il vient d’annoncer, ainsi que les faits
de concubinage et d’adultère. Qu'on ne dise pas que
le Code çiyil a abrogé les peines que les lois anciennes
prononçaient contre le concubinage, plus encore contre
l’adultère, puisque, dans ce cas, elles refusaient même
des alimens. L e silence du Code sur les effets de ce
désordre, n’est pas une abrogation des anciennes lois.
C ’est ce qu'on va établir dans le chapitre suivant.
§
III.
L e Code civil Laisse subsister les actions ab irato, ainsi
,que les moyens de captation et de suggestion.
Tous les auteurs sont d’avis que pour abroger une
l.pi reçue, il faut une abrogation spéciale. L e silence
d’une loi nouvelle, sur certaine matière de çlroil, n’en
est pas une dérogation. L e savant Dumoulin, dont
�( 43 )
l'autorité est si grande parmi les docteurs, a d it , sur
l’ancien style du parlement, partie 7, n° i c 5 : Constitatlo générales non derogat speciali legi. Il prend
pour exemple la loi si pater puellœ cod. de inojf. test.,
avec la loi quoniam , du mêm e titre. Par la prem ière,
l ’empereur Alexandre décide que la substitution réci
proque entre deux enfans fait cesser la plainte d’inofficiosité. Par la deuxièm e, Justinien ordonne que
même dans ce cas, la légitime soit laissée pleine et
entière aux enfans, sans aucunes charges. C e savant
auteur examine si la deuxième loi déroge à la pre
m iè r e , et tient pour la n é g a tiv e, parce que la loi
quoniam, ne contient pas une abrogation spéciale de
la loi si pater. Cependant cette séconde loi paraissait
bien contraire à la pr em iè re; car en voulant conserver
la légitime entière, on donne à l'enfant, m êm e appelé
à une subslitution réciproque, le droit d’attaquer le
testament d’inofïiciosité pour obtenir sa légitime ;
néanmoins la première ne laisse pas de subsister.
O r , s’il faut une dérogation spéciale pour anéantir
une loi précédente, comment vouloir que le silence
d’une législation nouvelle, qui n’a pu embrasser tous
les cas, puisse déroger aux anciens principes sur les
points qu’elle n’a pas prévus? On sait bien que dans
ces premiers instans d’engouement sur le bienfait d’une
législation uniforme , quelques novateurs orft pense
que tout ce qui n’était pas prévu dans le Code, cessait
d’exister; qu’ils en ont m êm e conclu que l’action ab
irato, celle en suggestion, e tc ., étaient abrogées. Mais
�( 44 )
bientôt la réflexion et la raison ont fait place à cet
instant de délire , et peut-être d’immoralité. N ’est-il
pas, en effet., immoral de soutenir ou de protéger des
actes qui sont la récompense du crim e, bouleversent
l’ordre social, outragent les mœurs, la religion, et tout
ce que les hommes ont de plus saint et de plus sacré ?
Quant à l’action ab Lrato, deux arrêts, l’un du 28
frimaire an 1 4 , rendu par la Cour de Paris, dans la
cause des enfans de Farges ; l’autre par la Cour de L y o n ,
du 2,5 juin 1 8 1 6 , tous deux rapportés dans la collec
tion de Denevers et Jalbert, le premier an 1806, le
deuxième an 1 8 1 6 , ont décidé en principe que Fac
tion ab irato n’était pas abrogée. 11 est vrai que dans
les deux, la demande a été r e j e t é e , parce que les
circonstances n’ont pas paru assez graves; et les ma
gistrats ont observé que le silence du législateur sur
cette action, démontre assez qu’elle n’est pas proscrite,
mais qu’il faut en restreindre les effets pour le repos
des familles.
L ’auteur du nouveau Traité des Donations professe
sur celte matière une sage doctrine, tome 1 , png. 286
et suivantes. Il examine si le sentiment d’aversion
qu’on prétend avoir dicté la disposition, aurait été
conçu par le testateur lu i-m ê m e , ou si ce sentiment
de haine aurait été produit par des insinuations étran
gères, par des moyens de fraude et de calomnie mis
en œuvre par ceuxr-mêmes qui profiteraient de la dis
position , et qui auraient rendu odieux au disposant
l ’héritier appelé par la loi.
�_ A u premier cas, il pense que loufe action devrait
être interdite; mais au second cas, il décide que l’ac
tion doit être admise; et pourquoi? «-C’est qu’alors il
« n’y a plus, à proprement parler, une volonté de la
« part du disposant ; des manœuvres odieuses ont substi«r tué une volonté étrangère à la sienne. L ’action rentre
« alors dans celle de captation ou suggestion, etc. »
Cet auteur,, comme on le vo it, ne tranche pas d ’une
manière absolue sur la première hypothèse, et il y '
aurait bien des observations à faire; car la colère et
la haine, quelque soit le m otif qui les aient inspiré,
détruisent la raison et la volonté, et doivent vicier le
testament. Ce n’est pas tester ex officio c h a rita tis,
pour se servir du langage de la loi. Mais le chevalier
Legroi ng n ’a nul besoin de discuter sur la première,
et se place naturellement dans la seconde.
11 est victime des insinuations perfides de cette gou
vernante; c’est ainsi qu’elle est qualifiée dans le pre
mier testament. C ’est elle qui a fait entendre à son
maître que son frère voulait le faire passer pour fou,
et le faire interdire; qu’il en voulait à sa fortune; c’est
elle qui a excité son maître à poursuivre le chevalier,
dans les premiers tems du décès de la mère; c’est elle
qui, par les plus odieuses manœuvres, a fait fermer
la porte au chevalier Legroing, lorsqu’il voulait s’ap
procher de son frère; c ’est elle enfin q u ia p r o f i t é , par
la plus abominable calomnie, de toute une fortune, au
préjudice des héritiers du sang.
L e chevalier Legroing a également offert la preuve
�( 46 )
de ces faits, e tc e tle preuve est incontestablement ad
missible.
Quant aux faits de captation et de suggestion, il y
a encore bien moins de doute que cette action est con
servée sous l’empire du Code civil. Un arrêt de la Cour
de Grenoble, du 14 avril 1806, a jugé contre les héri
tiers du sieur Denis M on tlevin , que la preuve des faits
de captation et desuggestion n’était point expressément
réservée par le Code civil; il a , par conséquent, laissé
aux juges la liberté d’admettre ou de rejeter cette
preuve suivant les circonstances (D en evers, an 1806,
pag. i 52 , sup.). U n arrêt plus ré ce n t, rendu en la Cour
de Paris le 3 i janvier 18 14 , rapporté dans le même
recueil, an 1 8 1 6 , pag. 2.6 et suiv., a jugé en ihèse que
les téstameos faits depuis le Code ne pouvaient être
annullés pour cause de suggestion, et que ce moyen
de nullité était admissible contre un testament olo
graphe. Il s’agissait du testament olographe d’une de
moiselle L e fè v r e , âgée de trente-quatre ans, portant
institution universelle au profit d’un sieur M o u tie r,
jeune homme de dix-sept ans, àvéc lequel elle avait
vécu en concubinage. 11 est delà plus haute importance, ,
pour la cause, d éfaire connaître lès principaux motifâ
de cet arrêt. La Côur considère ¿que 1 état de concu« binage où elle vivait avec celui qu’elle a institué son
« héritier universel, est une présomption immédiate h
i la suggestion; que cet état où la passion aveugle, où
«■l’acne, subjuguée par un sentiment im périeux, n’est
* plus à soi, et où les docteurs, lorsqu’il s’agit de dons
�C 47 )
9
« faits par les concubins l’un à l’autre, ont unanime« ment reconnu, non-seulement un motil et un m oyen,
« mais l’indice le plus violent et une présomption légi«■time de séduction.,..
«
«
«•
«
« Qu’il est hors de doute que la captation et la suggestion annulle le testament sous l’empire du C ode,
comme dans la législation ancienne; que le Code n’en
contient pas de texte form el, mais que cela résulte
manifestement de son esprit et de l’ensemble de ses
c dispositions; que ce Code proscrit tout ce qui est te
« fruit du dol et de la fraude, et qu’il n’y a point de
« dol plus caractérisé, de fraude plus certaine, quoi« qu’en même tems la plus fine et la plus délipe, et
* par cela même la plus dangereuse, que la caplation
<r et la suggestion; que suivant le Code civil, etd apiès
<r tous les Codes, un testament est la déclaration que
«• fait un homme de ses dernières volontés sur la dis—
« position de ses biens; qu’il doit être conséquemment
«■l’expression pure et franche de sa volonté, et non de
« celle d’un autre; qu’enfin on a rem a rq u é, dans le
* projet du Code civil, qu’il y avait un article, qui, du
« nombre des moyens admis pour attaquer un tesfa« ment, retranchait celui de caplation et de sugges<r tiou, et que dans la discussion et la rédaction défi« n iliv e , l’arliclç a été. supprimé. Ce qui fait voir que
« 1 intention du législateur a été que ce moyen demeurât
« toujours ouvert, et ffit soumis à la prudence des juges
«r pour y avoir., selon les circonstances, tel égard ç^e
«• de raison. »
�( 48 )
« P a r ces MOTIFS, la Cour, en infirmant le jugement
<r du tribunal civil de Paris, déclare le testament 0/0«• graphe de la fille L efèvre , en date du 9 octobre 1 8 1 1 ,
« nul et de nul effet. »
M adam e
moyens de
cipes, sont
m êm e n’est
Julien d ir a - t - e lle m aintenant, que ces
suggestion sont exhumés des anciens prin
abrogés par le C od e, que le concubinage
pas un motif de captation,une présomption
de fraude, etc. Mais, dans cette cause, nous n’en
sommes pas réduits à de simples présomptions. L a
notoriété publique accuse la fem m e Julien; il y a
séduction, concubinage, adultère, captation, oppres
sion, co lère, haine, suggérées par ses calomnies; en
un m o t, on trouve i c i , dans le sens le plus propre,
et avec des caractères qui peut-être ne se sont jamais
rencontrés au même d é g r é , tout ce que les juriscon
sultes ont qualifié de captation et de suggestion.
§
IV.
L e s domestiques sont incapables de recevoir un legs
universel.
U n ancien au teu r, Brillon, dans son Dictionnaire
d e s Arrêts, au mot domestiques, les traite avec sévé
rité.
« D o m e s t i q u e s , serviteu rs
<r q u e f o i s
a
des p a r t i c u l i e r s , e t q u e l -
leurs maîtres. Il y a b i e n d e s c h o s e s à d i r e
contre cette n a l i o n i n f i d è l e et i n g r a t e » .
�ï 4 9)
Il est dans la justice d’arrêter ce m ouvem ent, qi i
n’est que trop appuyé sur des exemples sinistres.
Mais il est des exceptions honorables!
Dans ces leras malheureux de désordres et de crimes,
dont on voudrait perdre le souvenir, on a vu des do
mestiques fidèles, respectables par leur courage et leur
généreux dévouement.
Qui ont bravé la mort pour sauver la fortune et la
vie de leurs maîtres, et se sont quelquefois immolés
pour eux.
Hom m age et respect à ces hommes rares et précieux
qui ont su ennoblir les offices d e là servitude, et dont
les noms devraient passer à la postérité.
Mais ces serviteurs si recommandables ont reçu un
legs modique, une pension exiguë qui les met à peine
au-dessus des besoins de la v ie , plus souvent n'ont ob
tenu aucune récompense.
Tandis que Fanckette, par ses déportemens, désho
nore le ch ef d’une famille illustre, et arrache un legs
universel de plus de 3 oo,ooo francs ! !
Pour revenir h l’auteur c i t é , lorsqu’il rappelle le
texte des lois qui les concernent , il invite à par
courir celles des Institules et du Code, au titre de
JNoxaUbus aciionibus. 11 rappelle la maxime du
droit, gravius cigendum cum servis. 11 ne balance pas
à déclarer qu’ils sont incapables de recevoir un legs
universel; il cite plusieurs exemples, parmi lesquels eu
choisira un arrêt rendu en la grand’ehambre du p ai-
7.
�(
)
Jement de Paris, le i er juillet 17I17, dans l’espèce
suivante :
«•Un maître de pension de cette ville de Paris, dit-il,
avait fait un legs de 12,000 francs au profit de sa gou
vernante, rpar un premier testament.
« Par un second testament, il lui avait fait un legs
universel. Les héritiers offrirent les 12,000 francs du
premier legs; ils contestèrent le legs universel.
« Sentence du Châtelet, qui fait délivrance du legs
universel. Par l’arrêt, la sentence fut infirm ée, et la
gouvernante déboutée de sa demande. TVL Joly de
ï l e u r y observa que si les héritiers n'avaient pas offert
les 12,000 francs, il aurait eu de la peine à se déter
miner pour un pareil legs, qui paraît être l’ouvrage
de l’autorité et de la séduction, suivant les ordon
nances ».
R icard, Traité des D o n a tio n s, partie i re, chap. 3 ,
section 9, pense également que les domestiques ne
peuvent recevoir de leurs maîtres .un legs univèrsel.
'Le dernier annotateur de Ricard a dit sur celte ma
tière les choses les plus justes et les plus raisonnables,
dl remarque v que les dispositions faites aux domes« tiques sont favorables quand elles ne sont pas exces« sives; mais que l’homme sage ne doit récompenser
* qu’avec mesure : l'excès est une présomption pres
te qu irrésistible de suggestions de la part des domes« tiques. Ils savent quelquefois prendre sur l’esprit de
« leurs, maîtres.un ascendant qu’il serait dangereux de
« favoriser, j*
�( 5i )
• 11 rapporte un arrêt du n août t 7 i 3 , que l’on
trouve au Journal des A u d ien ces, qui refusa la déli
vrance d’un legs universel d’environ 30,000 francs ,
fait au profit du valet de chambre du testateur, et ne
lui accorda que 3 oo francs de pension viagère, pour
récompense de ses services.
Autre arrêt du 22 avril 1 7 6 6 , réduit un legs universel,
fait par le sieur Potier en faveur de sa domestique, à
6,000 fr. une fois p a y é e , et 200 francs de pension.
O11 regarde, en général, les domestiques comme
incapables de recevoir des libéralités trop considérables
de leurs maîtres. Quand elles sont trop fortes, la justice
les réduit ordinairement à une valeur proportionnée
à la qualité des domestiques, à l’importance des ser
vices q u ’ils ont rendus, à l ’état et à la fortune des
maîtres. Il est du devoir des magistrats de mettre un
frein à ces libéralités excessives qui dépouillent les
familles, et qui peuvent raisonnablement faire soup
çonner que les volontés des testateurs ont été captées.
Personne, sans doute, ne contestera ces principes;
mais on s’attend à cette perpétuelle objection, que ce
sont des principes gothiques, et que toutes ces règles,
qui gênent la liberté des donateurs, ont été abrogées
par le Code civil. On dira que sous l’empire du Code
les domestiques sont capables de recevoir de leurs
maîtres des legs universels, puisque l’article 902 du
Code fait rémunération des i n c a p a c i t é s qu’il déclare,
et n’en prononce aucunes contre les domestiques ; que
l’article i o a 3 détermine que le legs fait au domestique
�( 52 )
ne se compense pas avec les gages qui lui sont dus;
d’où il suit qu’ils sont capables de recevoir un legs
universel.
Eh quoi! parce que la loi a cité ou a fait ré n u m é
ration de certaines incapacités, il en résultera qu’on
ne peut pas les étendre à un autre cas? L a loi écarte
les médecins, les confesseurs, les conseils, les notaires,
parce qu’ils sont présumés avoir trop d’influence sur
l ’esprit de leurs malades ou de leurs cliens; et les do
mestiques seraient exempts de cette suspicion, eux qui
savent prendre sur l’esprit de leurs maîtres un empire
absolu, qui peuvent dans tous les instans emplo}7er tous
les m oye ns de séduction! C e serait supposer une ab
surdité dans la lo i, qui cile des exem ples, mais qui
n ’est pas limitative; qui établit des incapacités absolues,
et laisse à la prudence des juges les incapacités relatives
qui naissent dés circonstances; et il faut sans doute tirer
une conséquence toute contraire à la prétention des
domestiques, de la disposition de l’article 1023 du
C ode; car si le Code dit que le legs fait aux domes
tiques ne se compense pas avec les gages qui leur sont
dus, la loi, bien certainem ent, n’a entendu parler que
du legs particulier, n’a supposé dans aucun cas un legs
universel, puisqu’il aurait bien fallu alors que les gages
fussent compensés forcément.
On ne prétendra pas, sans doute, que le legs uni
versel n’étant pas fait au profit de la domestique, mais
h sa lille, l’incapacité cesse.
On répondrait péremptoirement à celte objection
�( 53 )
avec l’article 9 1 1 du Code. Il n’y aurait ici qu’une
interposition de personnes, et le legs fait à la fille est
censé fait à la mère.
§ V
ET
DERNIER.
L'acquisition' fa ite sous Le nom de F la vie, les lettres
de change passées à son ordre ne fo n t pas partie
du legs universel, et doivent être restituées a u x héri
tiers du sang.
\
Ce n’est' que très-subsidiairement que le chevalier
Legroing donne quelques détails sur ce singulier inci
dent. Il ne l’aurait pas même discuté dans le moment
actuel, s'il n ’y trouvait une nouvelle p re uve de la haine
et de la colère du testateur contre lui„ des insinuations
perfides, et de l’infidélité des Jouvainroux.
Il est p ro u vé, p a rle procès-verbal du juge de paix,
que les lettres du chevalier Legroing ne parvenaient
pas à son frère.
1
On voit dans le procès-veabal, que dans le même
endroit où on avait caché les effets soustraits, se trou*
vait une lettre du chevalier, du 3 décembre 1 8 16 , à
son frère le com te, dans laquelle il lui marquait «-que
»
«
«
«
ne voulant ni l’aigrir, ni lui donner des su jets de
m écontentem ent, étant m alade, il lui e n v o i e son
domestique pour savoir positivement ses intentions,
et les époques des paiemens du c api ta l qu’il lui doit
«■après la mort de sa m ère, et à qui il veut que ces*
�( 54 )
<r sommes soit pdyées, quand, et dans combien d?é « poques. »
Cette lettre est cachée avec soin dans*les sclials; et
aussitôt après la mort du frère^ les Jouvainroux ont
l’insolence de
traduire le chevalier au tribunal de
commerce !
Mais quelle est donc la sottise ét la' maladresse de
ces ambitieux? Ce n’était pas assez d’avoir arraché un
legs universel, d’être porteur de cet acte d ’iniquité,
dont Julien s’est emparé du moment qu’il a contraint
le feu comte Legroing d’écrire et signer le modèle qu’il
lui a présenté, on veut encore ajouter aux odieuses
manœuvres qu’on a emplo yées; on’ ne v e u t lui laisser
aucuns effets disponibles dans les mains ; on le dépouille
à l’avance, on entoure son lit de m ort, sicut vuLtus
cadaver expectàns ; on fait acheter par lu i, sous le nom
de F la v ie ,u n e propriété de 40,000 francs; ou le force
de passer son ordre au profit de cet enfant de six ans,
sur les lettres de change qu’il a dans son porte-feuille.
E h quoi! c ’est lorsqu’on l’excife contre son frère, qu’on
force ce dernier à s ’acquitter d’une dette qui devient
exigible après le décès de la m è r e , et lorsque sa d é - ‘
pouille mortelle fumait e n c o r e ,le chevalier n’obtient.,
n ’arrête les poursuites q u ’en souscrivant dos billets sous:
la forme de lettres de change; on lui tient le pied sur
la gorge, il ne peut quil 1er d’un instant; il y a suppo
sition de lieu, puisqu’ il les souscrit à Clerm ont, datées
d e B i o m ; e t ¿1 peine a-t-il signé, q u e , sans intervalle,
ceseflets passent dans les mains de Flavie ; qu’à récliéance1
�( 55 )
.du premier, on traduit le chevalier, sous le nom de cet
enfant, au tribunal de com m erce, pour obtenir contre
lui une condamnation par corps.
N ’est-ce pas le comble de l’infamie! et que doit-on
attendre de gens de cette espèce, qui veulent s’élever
jusqu’à une famille dont ils ont dépouillé le c h e f3 tout
autre à leur place .aurait usé de procédés, aurait attendu
au moins qu'il ait été statué sur la demande en nullité
du testament. Jusques-là les Jouvainroux ,n’ont qu’un
titre précaire, q u i‘va s’évanouir et s’échapper de leurs
mains infidèles et avides. Les moyens du chevalier ¡sont
victorieux ; tous ceux qui ont quelques principes d’hon,neur se réunissent à sa voix pour demander justice et
«vengeance contre une spoliai ion dévastatrice, contre
le vol le plus dangereux^ et contre les auleurs, qui sont
•le plus cruel iléau de la société.
En attendant, le chevalier Legroing s’est rendu
appelant en la C ou r, du jugement par défaut qu’on a
surpris contre lui. Il l’atlaque, tant de juge inçom pé-tenl qu’autrement. Il établira devant la C ou r, qu^l
n’y a ici aucune spéculation de com m erce,.qu e des
lettres de change souscrites de frère à frère, pour des
co n v e n io n s de famille, ne sont que de simples billets;
qu’il n’y a pas eu de change ni de remise de place en
place, qu’il y a supposition de lieu, erreur dans la
dénomination de l’effet.
A u fond, il prouvera que Flavie n ’est pas proprié
taire de ces effets, malgré l’ordre valeur reçue comptant.
-Qu’il est impossible qu-un4enfant de six ans ait fourni les
�( 56 )
fonds; que cet ordre n ’est autre chose qu’une'libéralité
indirecte, un don manuel que les lois annullent, une
donation entre-vifs qui n’est pas revêtue de la forme
prescrite par le C od e; enfin que ces effets et les im
meubles acquis sous son nom , ne font pas partie de la
succession du sieur comte L egro in g; que celui-ci n’a
légué que ce dont il mourrait vêtu et saisi, et qu’il
n ’est mort saisi, ni des immeubles, ni des prétendues
lettres de change. Cet incident donnera la mesure de
la moralité des Jouvainroux, et fera connaître à la
Cour leurs odieuses manœuvres. Ce sera un épisode,
le prélude de l’action principale ; on verra si l’ancien
b edeau dé la cathédrale aura la protection des prêtres,
s’ils agiront en sa faveur. Misérable! qui s’avise de
comprometlre les ministres d’ un D ieu vengeur, dont
la justice doit s’appesantir sur des têtes coupables! Ce "
serait un sacrilège.
C e Jouvainroux ne laisse pas’ aussi que d’avoir sa
malignité. L e chevalier Legroing est informé que cet
individu se permet de répandre contre lui des calom
nies, qu’il s’avise de critiquer sa conduite politique;
il insinue adroitement qu’il était à Malte lors de l’in
vasion de l’île; qu’il a peut-être facilité la reddition
de lu. ville; qu’il a suivi en E gypte l’armée fran
çaise, etc.
N e sutor ultra crepidani. Sans d o u te , le chevalier
Legroing devrait mépriser ces insinuations ou^ ces
calomnies; mais il est ])ien aise de saisir l ’occasion de
rendre compte de sa conduite ù celte époque mémo-
�( 5? )
rabie, et de rappeler des faits qui sont connus de
l ’ordre e n tier, ainsi que de l’armée française.
O u i, sans doute, le clievalier Legroing était à M¿ilte
lors de l’invasion. Renferm é dans le fort S a in t-A n ge,
il voulait vaincre on mourir. Ce fort inexpugnable
domine l ’entrée du port ; de triples batteries s’oppo
saient à l’entrée de l’escadre de débarquement. L e
chevalier sut comprimer l’insurrection de la garnison,
résister aux sommations du vainqueur, et ne se rendit
ensuite que sur les pressantes sollicitations ,■l’ordre
exprès du grand-maître , qui' avait déjà fait son traité.
L e chevalier Legroing suivit les Français en E gypte!
que pouvait-il faire de m ieux? Inscrit sur la liste’fatale
des émigrés, tous ses biens ayant été vendus, il n’avait
plus de patxiej il ne devait pas, sans d o u t e , se confier
au Directoire, qui renouvelait ses proscriptions contre
les émigrés, et faisait encore périr une loule de vic
times.
. L e chevalier eut l’honneur d’être aggrêgé à la
commission des arts et des sciences faisant partie de
l ’institut d ’Egypte ¿^il chercha ù se consoler de son
espoir déçu, parcourant une terre classique et visitant
les monumens, et vit enfin arriver le moment où il
pourrait revoir sa patrie.
Pourrait-on d’ailleurs suspecter la conduite politique
d’ un chevalier français qui a su défendre l’ordre dont
il est membre, et de sa plume et de son épée, et q u i,
dans les premiers m o in en s, s’est rallié autour des
défenseurs du trône?
8
�( 58)
On répand encore avec adresse que le chevalier
Legroing est célibataire comme son frère, qu'il aura
les mêmes faiblesses, et que ce n'est pas la peine do
lui rendre une fortune que la.nature et la loi lui attri
buent, pour la transmettre peut-être en des mains qui
ne seront pas plus pures.
D e quel droit Jouvainroux vient-il attaquer le che
valier L eg ro in g , et calomnier ses habitudes? Q u’il soit
célibataire ou n on , n’en e s t-il pas moins le frère et
le plus proche héritier du défunt? A-t-il un reproche
à se faire dans son intérieur, et son existence dans la
société n’est-elle pas honorable? S’il avait des faiblesses,
il sait comment un h o m m e d’ honneur les ré pare , mais
on ne le verra jamais s’avilir ou se dégrader.
Signé le Chevalier L o u is L E G R O IN G .
M e P A G E S , Bâtonnier des A vocats à La Cour royale.
F L E U R Y , A v o u é licencié.
A RIOM , DE L’IMPRIMERIE DE J.-C. SALLES, IMPRIMEUR DU PALAIS.
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
[Factum. Legroing, Louis. 1819?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Pagès
Fleury
Subject
The topic of the resource
testaments
abus de faiblesse
domestiques
servante-maîtresse
enfants naturels
créances
séquestration
mobilier
maltraitance
émigrés
ordre Saint-Jean de Jérusalem
fraudes
fisc
inventaires
lettres de change
doctrine
nullité du testament
captation d'héritage
testament olographe
jurisprudence
concubinage
legs universels
egyptologie
code civil
bedeau
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire pour M. Louis Legroing, Chevalier de justice de l'Ordre de Saint-Jean de Jérusalem, Chevalier de l'Ordre royal et militaire de Saint-Louis, demandeur ; contre Julien Jouvainroux, ancien bedeau de la Cathédrale, et cordonnier ; Françoise Boudon, sa femme ; et encore contre ledit Julien Jouvainroux, en qualité de père et légitime administrateur de Claudine-Flavie Jouvainroux, sa fille, mineure, défendeurs.
note manuscrite : « 28 juin 1819, chambres réunies, arrêt, journal des audiences, p. 493 ».
Table Godemel : ab irato : 2. l’action ab irato contre les testaments est-elle admise par le code civil ? peut-elle appartenir à l’héritier collatéral ? Etat (question d') : 3. l’héritier du sang a-t-il le droit, pour prouver l’interposition de personne, de rechercher si le légataire, qui a dans une famille le titre et possession d’état d’enfant légitime, est, ou non, l’enfant naturel du disposant, surtout, lorsque cette recherche conduirait à la preuve d’un commerce adultère ? Sanité d'esprit : d’après quels principes se résout la question de savoir si le testateur était sain d’esprit ? Suggestion : La suggestion et captation sont-elles moyens de nullité pour la législation actuelle ? peuvent-elles être opposées contre un testament olographe ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de J.-C. Salles (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1819
1807-1819
1804-1814 : 1er Empire
1814-1830 : Restauration
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
58 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2429
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2430
BCU_Factums_G2431
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53483/BCU_Factums_G2429.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Riom (63300)
Clermont-Ferrand (63113)
Biozat (03030)
Fontnoble (terre de)
Egypte
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
abus de faiblesse
bedeau
captation d'héritage
Code civil
concubinage
Créances
doctrine
domestiques
egyptologie
émigrés
enfants naturels
fisc
fraudes
inventaires
jurisprudence
legs universels
lettres de change
maltraitance
mobilier
nullité du testament
ordre Saint-jean de Jérusalem
séquestration
servante-maîtresse
Testament olographe
testaments
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53484/BCU_Factums_G2430.pdf
37bcf9e52774cffcac992e7f1aaf5206
PDF Text
Text
L ’ANCIEN AVOCAT SOUSSIGNÉ,
V u le mémoire imprimé à Riom, pour le chevalier
Legroing, contre Julien Jouvainroux, Françoise Boudon, e t c .
V u aussi les pièces jointes, et notamment copie du
jugement rendu sur cette affaire, au tribunal civil de
C lermont-Ferrand, le 11 mai 1 8 1 8
E S T IM E , en droit, que le double moyen de capta
tion et de suggestion , contre les testamens, peut tou
jours être légalement opposé depuis la promulgation
du Code civil ;
t
E t en fa it, que les circonstances qui ont précédé,
accompagné et suivi le testament de Jean-Baptiste ,
comte Legroing, du 24 décembre 1816, sont denature
à être articulées et admises en preuve qu e, si elles
sont prouvées, elles devront faire prononcer la nullité
de la disposition testamentaire dont il s’agit.
Dans le droit, d’abord, on a tout lieu de s’étonner
que le tribunal de première instance ait mis en doute
que, dans les principes du Code civil, l’action en nul
lité des testamens en général, fondée sur la captation
et la suggestion, ait été conservée. La seule nature des
choses ne permettait pas de controverse sur ce point de
jurisprudence ; et les discussions au conseil d ’E tat ,
�( 2 )
dont il y a tradition, impriment à cet égard, au juge
ment attaqué, le caractère d ’un pyrronisme into
lérable.
Suivant la définition du droit romain, le testament
est un jugement réfléchi, conforme à la loi, que l’homme
prononce sur ce q u ’il entend être exécuté après lui ;
c’est une ordonnance de sa dernière volonté, exempte
de toute iniluen.ce étrangère.
T esta m en tu m est ju s ta v o lu n ta tis nostrœ sententia
de eo q u o d q u i p o st m ortem "suani f i e r i v e l i t .
On a dû dès-lors considérer comme nulle et non
.avenue, dans tous les teins, la disposition, à cause de
inort ,
f £ ui
était
le
fru it
é v i d e n t , t i e l a c a p t a t i o n , SOlt
des artifices frauduleusement employés pour dominer
les facultés morales des testateurs, soit des mauvaises
voies pratiquées par des tiers pour substituer leur
propre volonté à celle des disposans.
Aussi la loi- romaine s’en était-elle expliquée caté
goriquement en plusieurs endroits 5 elle avait statué
que tous ceux qui avait dissuadé l’auteur de la dispo
sition de tester comme il l’aurait v o u l u , (.levaient être
déchus des. avantages q u ’ils s’étaient fait concéder; elle
avait même réputé crime toute violence employée pour
faire écrire à un testateur rien de contraire à ses in
tentions.
Q ui j du/n copiât hœ reditatem lé g itim a n t, v e l e x
tostfïnientos p ro h ib u it teslam entarium introire3 volente
�(
3
)
eo fa c e r e testa m en tu m , v e l m u ta r e
,
e i denegaritur
acliones.
E t crim en a d ju n g itu r , s i testa to r, non su d sponte
testam entum f e c i t ,
se d
co m p u lsu s 3 (juos
,
n o tu e n t
s c r ip ù t hœ redes.
Ces principes, comme raison écrite, avaient été
universellement reçus parmi nous 5 ils ont été pi'ofessés
par tous nos auteurs, et consacrés par des monumens
nombreux de notre ancienne jurisprudence.
»
Lors de la rédaction du Code civil, on avait d ’abord
été tenté d ’abolir l ’action en nullité des test.amens,,
pour cause de captation et de suggestion, sous prétexte
que ces exceptions faisaient naître.une foule de procès
fâ c h e u x d o n t il importait de tarir la source. On avait,
dans c et t e v u e , inséré au projet du Code un article
ainsi conçu :
« L a loi n’admet pis la preuve que la disposition n’a
« été faite que par haine, colère, suggestion et cap:i :i
« tation. »
1
Mais de toutes parts on réclama contre rimmoralité
' i l
•J)
et le danger d’une semblable proposition.
)
#
Plusieurs
Cours souveraines observèrent sur-tout q u e lle livrerait
la fortune des personnes laibles au crim e, à la fraude:
« Que de m aux, que de brigandages, s’ écrièrent-elles,
« pour éviterdes procès et d e s poursuites dont la cramte
« arrêtait le crime! N e serait-il pas p l u s juste., plus
« digne de la sainteté de la loi, de laisser aux tribunaux
�( 4 )
« le jugement des faits, des circonstances qui pourront
« donner lieu à admettre la preuve que des gens cupides
« ont su , par leurs artifices, substituer leur volonté
« à celle du donateur ? »
Ces considérations prévalurent, et déterminèrent à
retrancher du projet l ’article qui abolissait les argumens de captation et de suggestion.
E n conséquence , l ’orateur du Gouvernement ,
j
s’adressant au Corps législatif, s’exprima ainsi : « La
« loi garde le silence sur le défaut de liberté qui peut
« résulter de la suggestion et de la captation, et sur
« le vice d’une volonté déterminée par la haine ou par
« la colè re................... E n d éc lar ant q u e ces causes de
« nullité ne seraient pas admises, la fraude et les
« passions auraient cru voir, dans la loi même, un
« titre d ’impunité.
Les circonstances peuvent être
« telles, que la volonté de celui qui a disposé n ’ait
« pas été lib r e , ou qu ’il ait été dominé par une passion
« injuste. C ’est la sagesse des tribunaux qui pourra.
« seule apprécier les faits et tenir la balance entre la
« foi due aux actes et l ’intérêt des familles-, ils empê« chcront q u ’elles ne soient dépouillées par les gens
« avides qui subjuguent lesmourans, ou par l’effet d ’une
« haine que la raison et la nature condamnent. »
D ’apres des déclarations aussi solennelles du légis
lateur, n ’est-il pas éirangcquele tribunal de Clermont
ait affecté des doutes sur le point de droit, et q u ’il
�(
5
)
a it , en quelque sorte, disputé aux tribunaux cette
puissance qui leur fut si positivement attribuée ?
Pour achever la réfutation de sa doctrine, on pour
rait invoquer le suffrage de tous ceux qui ont écrit sur
le Code civil ; tous s’accordent à maintenir que les
causes de captation et de suggestion sont toujours
admissibles en matière de testament. Il suffit d ’en
indiquer deux dont le nom fait plus particulièrement
autorité : M. Toullier, avocat de Rennes; M. Grenier,
en son T ra ité des D onations,
M. Toullier professe que tous les vices d’erreur, de
crainte, de violence, de dol et de fraude, que l ’on peut
opposer aux contrats, peuvent être objectés contre les
testamens. Il donne la définition dés mots captation
et suggestion, il rappelle, en j"KirtiG, le discours ¿m
Corps législatif, de l’orateur du Gouvernement, que
nous avons transcrit. Il relève, dans l’article 901 du
Code, la condition que le testateur doit être sain d 'es
p rit ; il pèse sur-tout, avec M. M alleville, sur les moyens
frauduleux, tels que les calomnies employées auprès
du testateur contre ses héritiers naturels.
:
M. Grenier, page 33 g , tome i er, dit à son tour :
«
«
«
«
L a crainte de voir triompher l’artifice et la fraude,
qui se montreraient avec d’autant plus d ’audace ,
que la loi ne leur opposerait plus de frein , empêche
de se* rendre Iv l ’idée de la suppression »le cette
« action : elle existe sans être é tay.ee d ’une disposition
�« positive de; la loi, On la ¡mise dans ces principes de
« justice, .que le silence de la loi ne peut détruire,
« que ce qui est l ’ouvrage du dol et de la fraude ne
-u"p eu t Subsister. Lors même que la^Ioi dispose, les
« cas de fraude, en général, sont exceptés. >>
1
A toutes ces autorités vient se joindre, sur le^ oint
de droit, pour le confirmer, l ’arrêt de la Cour royale
de Paris, du 3 i janvier i 8 i 4 > dont le chevalier, ¡Legroing s’était, aidé dans son mémoire.
. , . j » wn
■ 'y
Y w :». it‘:
Ayant tergiversé sur la doctrine, les premiers juges
se sont donné libre carrière sur les.faits; ils ¡n'en, ont
trouvé aucun pertinent ni admissible, .Jl faut convenir
q u e , sous ce d e ux iè me aspect de la c a u s e , leur tolerance a été loin-, Car, sans vouloir ni S’appesantir sur
les détails qui appartiennent plus spécialement à la
plaidoirie, il était difficile de rencontrer un cadre plus
repoussant que celui des dispositions prétendues du feu
comte Legroing.
TJn legs universel très-considérable, fait au profit
d ’un enfant de quatre ans et dem i, fille de sa domes
tiqu e, avec laquelle il avait vécu en c o n c u b i n a g e , et
d o n t il .avait eu lui-même une au tr e fille pai’j. lui
r e c o n n u e mais décédée le 11 janvier 1807 ! Quelle
affection légitime le comte Legroiïig jmuvait-il avoir
pour cette fille de quatre ans, qui,lui élait étrangère,
étant née du mariage de sa d o m o t iq u e , Françoise
Bûtidon > avec Julien Jmivainroux. ? Aucuns soins ,
�( ( 7 ;)
aucuns services encore ne pouvaient l'attacher à la
Claudine Jouvainroux, qui était évideriinïént
ici une personne interposée , pour parer à l ’inconVénient de tester au profit de la mère , Son ancienne
petite
concubine, et restée vis-à-vis de
la domesticité.
lui
dan& leS liens de
Cette tournure, imaginée dans la vue manifesté de
m asquer, de déguiser le véritable objet d’une telle
libéralité, n’est-elle pas la preuve que le testateur a
été dominé pas ses alentours ?
Un
fait non moins pertinent pour proclamer la
suggestion à laquelle le testateur était livré, est celui
de l’acquisition immobilière de 40,000 fr. au nom
de la petite Jouvainroux ; celui encore de lettres de
change pour fortes sommes , passées h son ordre.
Quoique ce soient dès- actes entre-vifs, leur' Singularité
est telle, que l ’état d’assujétissement du testateur aux
volontés de ceux qui l ’entouraient, en ressort avec la
plus grande évidence : rien de plus insolite, notam
ment, que cette négociation des lettres de change, dont
il est impossible que la petite Jouvainroux ait fourni
la valeur.
U n troisième fait déterminant est dans l ’articula
tion des calomnies journellement débitées par les
Jouvainroux, auprès du testateur, contre lé chevalier
TLegroing, son frère ; les odieuses suppositions, que
celui-ci voulait attenter à ses j ours, ou le faire inier-
�( 8 )
dire, etc. : toutes impostures, dont les suites sont
signalées par l’aversion que le testateur avait conçue
contre son frère , et dont il a donné une preuve si
frappante, en supprimant la qualité de frère qui lui
était donnée dans une quittance.
;
Une quatrième articulation , digne de toute la
sollicitude de la justice , est celle des violences , des
mauvais traitemens sous lesquels gémissait le comte
Legroin g, et dont la manifestation avait été te lle , que
plusieurs fois des officiers publics avaient été appelés
pour faire cesser l ’oppression des Jouvainroux.
*.,;U lie cinquième circonstance, quoiqu’extérieure au
testament , q u o i q u e su rv en u e s e u le m en t depuis , et
assez difficile à établir judiciairement, est sans con
tredit celle relative au dépôt du testament. La volonté
du testateur avait été q u ’il fut déposé entre les mains
du notaire Espinasse ; il l ’avait à cet effet renfermé
dans une enveloppe cachetée, et il avait couvert cette
enveloppe d ’une suscription indicative du dépôt, datée
du ït\ décembre, dix jours après la confection du titre,
et signée.
11 parait cependant que le d é p ô t, aussi rigoureuse
ment vouluj n’a jamais été effectué; que Julien Jouvainroux s’est emparé du testament, et que c’est lui
qu i, après la mort du testateur, l ’a présenté en justice.
Cette particularité est remarquable , en ce q u ’elle
donne la mesure de l’ascendant dç$ Jouvainroux sur
�( 9 )•
(
l ’esprit du testateur, et des abus de confiance q u ’ils se
permettaient. Qui dira que si le testament avait été
Jivré à la foi d ’un officier public dépositaire, le comte
Legroing , alors qu ’il s’est vu le jouet de la famille
Jouvainroux, n ’aurait pas donné l ’ordre de le sup
primer? au lieu que, la pièce étant au pouvoir des
domestiques du testateur, dans l ’état de paralysie et
d ’incapacité où il était tom bé, ils se sont mis à l ’abri
de toute révocation.
On regrette de ne trouver au jugement de première
instance, sur ces diverses articulations, que de vains
palliatifs ou pointilleries, comme quand les premiers
juges reprochent au chevalier Legroing de n ’avoir pas
précisé les injures débitées sur son compte , à son
frère, par les Jouvainroux. Y avait-il rien à préciser
au -d el a des supposit ions d ' e m p o i s o n n e m e n t ,
d ’assas-
sinat, de plan d’interdiction, etc. ?
Que signifient encore les réflexions glissées au juge
m ent, sur la fierté du caractère du comte Legroing,
pour en induire q u 'il n ’avait pu s’abaisser jusqu’à
condescendre aux désirs de Françoise B oudon , sa do
mestique? lorsqu’il est prouvé q u ’il avait vécu avec elle
en concubinage. Que signifie cette invraisemblance ,
que la domestique ait jamais songé à dominer son
maître ? lorsqu’il est si bien avéré, si notoire, q u ’elle
faisait de ce vieillard tout ce qu ’elle v o u l a i t ; q u ’elle
l’accompagnait par-tout; q u ’elle ne laissait approcher
de lui que qui bon lui semblait.
�E t ces huit mois de persévérance, écoulés depuis la
confection du testament ? lorsqu’il est de notoriété
p u b liq u e , que l ’état physique et moral du testateur,
k celle du période de Sa v i e , était celui d’une débilité
excessive , et de l ’aiFaissement extrême de toutes ses
facultés.
‘
t
Des juges qui avaient débuté par réduire en pro
blème toute pertinence , toute admissibilité des faits
de captation et de suggestion, ont dù naturellement
se donner libre carrière sur l ’appréciation de ces faits.
Il était difficile q u ’a leurs yeux aucun de ces faits
conservât la couleur qui lui était propre.
Il n ’ en peut pas être de même devant une C o u r
souveraine, impassible, mieux pénétrée de la vraie
doctrine, plus éminemment placée pour le maintien
des règles qui protègent la morale-publique, les pro
priétés des fam illes, et qui répriment les iniques
combinaisons de la domesticité, incessamment dirigées
vers la spoliation, dans les derniers momens de l ’exis
tence d ’un maître q u ’elle a su cerner et subjuguer.
Délibéré à Paris, le 4 avril 1819.
BERRYER.
�I - Æ S C O N S E IL S S O U SS IG N É S, qui ont pris lecture
d ’un jugement du tribunal de Clerm ont-Ferrand, du
i i
mai 1818, lequel, sans s’arrêter à la preuve offerte
par le chevalier Legroing, ni avoir égard à la nullité,
par lui demandée, du testament du comte Legroing ,
son frère, portant legs universel en faveur deClaudineFlavie Jouvainroux, fille de sa domestique, l ’a débouté
de toutes ses demandes ,
que M. le chevalier Legroing doit espérer
de faire annuller, sur l ’appel, ce jugement qui met en
doute si un testament peut être annullé pour des
E
stim ent
causes qui, quoique non exprimées dans le Code civil,
parmi celles qui emportent nullité des testamens ,
résultent évidemment de l ’esprit de ses dispositions,
et qui tippiecic, de la manicre la plus otriingGj des
faits articulés pour justifier que le testateur n ’avait
pas, disposé librement et par l ’effet de sa propre
volonté.
Le comte L egro in g, par testament olographe du
24 décembre 18 16 , a nommé légataire universelle de
ses biens, qui peuvent se monter de 3 à 400,000 fr.^
Claudine-FlavieJouvainroux, déclarée, à la naissance,
fille de Françoise Boudon, sa domestique, et de Julien
Jouvainroux, bedeau de la cathédrale de Clermont ,
son mari. Cette disposition compose tout le testament
avec celle du legs d ’ une rente viagère de 800 francs,
et d ’un
mobilier assez considérable, en faveur de
Françoise Boudon elle-même.
�( 12 )
Françoise Boudon, sous le nom de Claudine, était
fille de peine dans la maison de madame la comtesse
Legroing, mère; le comte Legroing, son fils, l ’avait
prise à son service, où elle était encore à son décès,
arrivé le i 3 août 1817.
v
Cette fille vivait en concubinage avec son maître.
De ce commerce est né %le 7 septembre 1806, un enfant
du sexe féminin, présenté à l ’officier de l ’état civil ,
par le comte Legroing lui-m êm e, qui lui a donné le
nom de J o sé p h in e , et q u ’il a déclaré avoir eue de
Françoise Boudon, s’en reconnaissant le père. C e t
enfant est décédée le 11 janvier 1807; l ’acte mortuaire
la dénomme Joséphine L egro in g, fille de J- B. Legroing
et de F ra nç oi s e B o u d o n .
Françoise Boudon , lorsqu’elle s’est mariée avec
Jouvainroux, était enceinte ; son mariage est du 16 sep
tembre i'811 j et la naissance de Claudine-Flavie, du
5 mars 1812.
O11 a prétendu que cet enfant provenait des œuvres
du comte L egro in g, et q u e , pour la rendre capable
d’une disposition universelle, que sa mère méditait
de lui faire faire par son maître, elle avait préféré lui
donner un père étranger.
La sainteté des nœuds du mariage et la foi due aux
actes qui constituent l ’état des familles, ne nous per
mettent pas d ’insister sur cette présomption, lorsque
sur-tout le concubinage est suffisamment prouvé par
l ’acte authentique de la naissance du premier enfant.
�( i3 )
Quoi qu ’il en soit, le chevalier Legroing a attaqué
le testament de son frère, comme une suite du con
cubinage, comme fait dans la démence, comme l’effet
de la haine et de la colère suggérées au testateur envers
sa fam ille, et comme le fruit de sa suggestion et de la
captation.
Il a articulé divers faits analogues à ces causes, et
il a demandé à en faire preuve.
,
Le jugement du tribunal de Clermont décide net
tement que le concubinage n’est point une cause de
nullité des testamens; il le décide aussi, mais avec
l ’expression du doute, pour la démence, la haine et
la colère, et la suggestion et la captation; et cepen
dant, en en supposant l ’efficacité possible, il discute
les faits articulés et les déclare insuffisans.
Il faut donc exa mi ne r d a b o rd si les causes sur les
quelles M. le chevalier Legroing fondait son attaque
contre le testament de son frère, sont admissibles,
sous l’empire de la législation du Code civil.
On fera ensuite quelques réflexions sur le mérite des
faits articulés, et des motifs sur lesquels le tribunal
les a écartés.
j
�\
( «4 )
EXAM EN DES CAU SES D E N U LLITÉ .
Une liaison illégitime entre un donateur ou un
testateur, et la personne en faveur de laquelle il a '
disposé; sa démence au tems de la disposition; la haine
et la colère q u ’il aurait manifestées envers son héritier,
et la suggestion et captation étaie n t, dans l ’ancienne
législation , considérées, comme autant de causes de
nullité des dispositions à titre gratuit; du concubinage
ressortait, dans l ’intérêt des mœurs, une incapacité
de donner et de recevoir; et l ’on jugeait que les autres
causes produisaient, sur l ’esprit d ’un disposant, une
in.ilu.ence cjui ne laissait pas à sa v o l o n t é le caractere
de liberté requis pour disposer.
Les auteurs du Code civil n ’étaient pas sans doute
moins zélés pour la cause des mœurs que les anciens
magistrats, mais ils ont cru les mieux servir en effaçant
une incapacité qui donnait toujours lieu à des discussions
scandaleuses, dont les mœurs étaient plus offensées que
de la chose même.
L e Code civil ne fait donc pas, du concubinage,
une cause de nullité des testainens.
Au
contraire ,
lorsque, par l ’article 9 0 2 , il est dit q u e toutes personnes
peuvent disposer et recevoir, soit par donation entre
vifs, soit par testament, excepté celles que la loi en
déclare incapables, et qu'immédiatement, signalantles
incapacités, il n ’exprime rien par rapport aux liaisons
illégitimes, il en faut
nécessairement conclure que
�(
>5
)
Ceux mêmes qui ont des rapports que les mœurs
improuvent, ne sont point dans une exception quant
au pouvoir de donner et de recevoir.
Cependant si, de ce fait seul, il n ’est pas permis de
tirer une nullité contre un testament, il faut convenir,
q u e , lorsque, justiiié par un acte public, il se joint à
d ’autres causes qui agissent sur la volonté du disposant,
il est un point de départ probab le, et favorise la
preuve de l ’influence étrangère qui a contraint cette
volonté.
Parmi ces causes qui agissent sur la volonté, se
rangent incontestablement la haine et la colère du
disposant envers les siens, la suggestion et la captation,
même la faiblesse d’esprit, et à plus forte raison la
démence.
L a c o l e re , prise i s o l e m e n t , serait, sans effet
sur un
testament; c’est un mouvement impétueux de l a m e ,
qui se calme comme il s’élève; mais uni avec la haine,
la colère en devient une conséquence; son mouvement
se répète toutes les fois que l ’objet haï se représente
à l ’imagination, et par là elle se constitue en passion
d urable, q u i , nécessairement détourne de la personne
qui en est l ’objet, tous les sentimens de bienveillance^
même de justice, et lui fait préférer, dans l ’esprit du
testateur, des individus auxquels, autrement, il n’eût,
pas pensé.
Il faut cependant convenir que cette cause de nul
lité dégénérerait en arbitraire, si elle était légèrement
adoptée; s’il suffisait à celui que la loi donnait pour
�( >6 )'
héritier à un testateur, d’articuler, de prouver même
q u ’il était pour lui un objet de haine et de colère ,
il faudrait encore établir que le testateur a ya n t, par
la loi, le pouvoir absolu de disposer, n’a pas été dé
terminé par un juste m otif, en faveur de la personne
q u ’il a préférée.
Mais où la haine et la colère peuvent devenir un
moyen puissant contre la disposition, c’est lorsque ce
sentiment ne s’est formé dans l ’ame du testateur que
par des rapports, des manœuvres, des suggestions in
téressées de la part de celui en faveur duquel la dis
position est faite.
Cette cause alors rentre dans le suggestion et la
c apt a ti on , et en forme un des moyens les plus efficaces.
Que la suggestion et la captation soient des causes
de nullité des dispositions à titre gratu it, point de
doute. Sans entrer dans la différence que les anciens
auteurs mettaient entre la suggestion et la captation ,
il faut les entendre dans le sens de manœuvres em
ployées pour captiver la volonté d ’autrui à son profit,
pour séduire et tromper le disposant, suivant l ’expres
sion de INI. Grenier, dans la vue d ’attirer ses biens au
préjudice de sa famille, et pour enfin substituer une
volonté étrangère à la sienne.
S i , dans les moyens pratiqués pour séduire la volonté
du disposant, est entré celui de lui donner de l ’éloignement, et de lui inspirer de la haine et de la colère
pour sa fam ille, alors la captation et la suggestion
prennent un caractère de dol et de fraude ? qui ne
�V *7 )
permet pas de laisser subsister la disposition; car,
outre que le dol et la fraude ne peuvent jamais
produire des effets légitimes, comme le testament doit
être l ’effet de la volonté libre du testateur, il s’en suit
q u e , quand il a cédé à des manœuvres frauduleuses,
il n’a pas suivi sa volonté; et par conséquent sa dis
position est viciée dans son essence.
Cette doctrine a été professée par tous les bous es
prits qui se sont occupés de cette matière ; elle est
disertement développée dans l ’excellent Traité des
Donations de M. Grenier; elle est partagée par M. Toullier, dans son ouvrage estimé sur le Code civil.
Des arrêts l ’ont consacrée; il en existe un du i 4
avril 1806, de la Cour de Grenoble; un du 14 juin
de la même année, de la Cour de Bruxelles; et un
dernier, de la même C o u r, du 21 avril 1808 , qui
tous ont reconnu que la cause de nu llité, résultant de
la suggestion et captation, n ’est point abrogée.
Le Code civil ne s’en explique pas. Mais il a été
remarqué que le premier projet de ce grand ouvrage
avait un article portant que la loi n’admet pas la
preuve que la disposition n ’a été faite que par haine,
colère , suggestion et captation , et que cet article ,
dans la discussion, a été supprimé.
L ’orateur chargé de présenter le Titre des Donations
et Testamens au corps législatif, s’est exprimé de
manière à faire connaître quel a été l ’objet de la sup
pression de l ’article.
« L a loi garde le silence, disait-il, sur le défaut de
3
�liberté qui peut résulter de la suggestion et de
la c a p ta tio n , et sur \e vice d’une volonté déterminée
p a r la colère ou p a r la haine. Ceux qui ont entre
pris de faire annuller des dispositions pour de
semblables motifs, n ’ont presque jamais réussi à
trouver des preuves suffisantes pour faire rejeter des
titres positifs; et peut-être vaudrait-il m ieux, pour
l’intérêt général, que cette source de procès ruineux
et scandaleux fut ta rie , en déclarant que ces causes
de nullité ne seraient pas admises; mais alors la
fraude et les passions auraient cru avoir, dans la
loi-même, un titre d’impunité. Les circonstances
peuvent être telles, que la volonté de celui qui a
disposé, n ’ait pas été libre, ou q u ’il ait été e n ti è
rement d o m in é par u ne passion injuste. C ’est la
sagesse des trib u n a u x , qui pourra seule apprécier ces
faits, et tenir la balance entre la foi due aux actes
et l’intérêt des familles. Ils empêcheront q u ’elles ne
soient dépouillées par les gens avides qui subjuguent
les mourans, et par l'effet d ’une haine que la nature
et la raison condamnent. »
Il faut s’en rapporter à l’orateur du gouvernement y
qui n’eût point pris sur lui de suppléer au silence
du projet q u ’il venait proposer au corps législatif de
convertir eu lo i, et qui n’a du dire que ce qui avait
été dans l ’esprit de la rédaction.
Il faut donc regarder comme certain, que l ’action
en nullité pour haine et colère, pour captation et
suggestion subsiste, mais que seulement le mérite de
�( ]9 )
cette action et l’appréciation des faits sur lesquels on
la fonde, sont abandonnés à la sagesse des tribunaux.
Quant à la démence du testateur, elle doit être
aussi une cause de nullité des testamens. L ’article g o i
du Code civil, d ’accord en cela avec le droit romain
et les coutumes qui régissaient la France avant lui ,
dispose « que pour faire une donation entre-vifs ou
« un testament, il faut être sain d ’esprit. » Il y aurait
contradiction entre cette disposition et son applica
tio n , si le testament cI’u r c personne en démence pou
vait avoir son effet.
L ’article 5 o/|. du même Code porte : « Q u ’après la
« mort d ’un in d ivid u , les actes par lui faits ne peu« vent être attaqués pour cause de démence, q u ’autant
■
« que feon interdiction aurait été prononcée ou pro« v o q u é e a v a n t son décès, à moins que la preuve de
« la démence ne résulte de l ’acte même qui est at« taqué; »
Cet article fera-t-il obstacle à l ’action en nullité
pour cause de démence, lorsque le testateur sera dé
cédé integri s ta tu s , lorsque l ’interdiction n’aura été
ni prononcée ni provoquée avant le décès?
Non : il est généralement reconnu aujourd’hui que
l ’article 5 o 4 ne s’applique point aux testamens.
« Q uoiqu’avant la disposition , dit M. Grenier ,
« T ra ité des D o n a tio n sy il n’y ait point eu , contre
« le disposant, une prononciation ou une provocation
« d’interdiction, il faut, pour juger de sa capacité
« morale, se reporter uniquement à l ’mstant de la
�( 20 )
« disposition, abstraction faite de toutes autres cir« constances. Il est aisé de comprendre les motifs de
« l ’article 901. Le législateur n ’a pas dù considérer
« les dispositions gratuites, du même œil que
les
« autres actes. L a loi redouble de prévoyance, pour
« prémunir l ’homme contre les pièges de la cupidité
« qui peut épier un instant de faiblesse, ou le pro« voquer, pour extorquer une libéralité5 or, ce mo« ment peut exister, quand il aurait même un usage
« habituel de la raison. »
L ’auteur étaye son sentiment du résultat qui eut
lieu au conseil d’É t a t , lors de la discussion de l ’ar
ticle 901 , dont le projet ajoutait à ce que l ’article
c o nt i ent aujourd’hui « que ces actes (les donations
« entre-vifs et les t es tame ns) ne p our r ai ent être atta« qués pour cause de démence, que dans les cas et de
« la même manière prescrite par l ’article 5 o 4 du
« Titre de la majorité et de l ’interdiction. »
Plusieurs conseillers d’É tat s’élevèrent contre la se
conde partie de l’article. Il fut reconnu que l ’art. 5 o 4
ne pouvait pas s’appliquer aux donations entre-vifs et
aux testamens 5 et l ’article 901 fut réduit à ce qui en
reste dans le Code.
Plusieurs arrêts l ’ont décidé ainsi , et notamment
un arrêt de la Cour de cassation, d u 22 novembre 181 o ,
qui a rejeté le pourvoi formé contre un arrêt de la
Cour de Poitiers, par un m otif ainsi conçu : « Con«
sidérant
que Particle 5 o 4 du Code civil n ’est point
,< applicable aux donations entre-vifs ni aux testamens
«
�«
«
«
«
«
régis par l ’article 901 du même C o d e , qui a été
définitivement adopté et promulgué en ces termes
(Pour faire une donation entre-vifs ou un testament,
il faut être sain d ’e s p r i t : q u ’il résulte de la généralité d’expression de cet article, que, nonobstant
« les articles 1 3 4 1 ? ^ 4 7 ? i 352 et 1 353 dudit Code,
« il est permis aux parties d ’articuler, et aux tribu•« naux de les admettre à prouver tous les faits qui
« sont de nature à établir que l ’auteur d’une dona« tion entre-vifs ou d’un testam ent, n ’était pas sain
« d ’esprit., à l’époque de la confection de ces actes ,
« sans distinguer si ces faits ont ou n ’ont pas constitué
« un état permanent de démence. »
L a jurisprudence est donc bien établie sur ce point.
Il est incontestable, en d roit, q u ’un testament peut
être a t t a q u é de n u l l i t é p our cause de démence du tes
tateur , quoi q u ’il soit mort integri s ta tu s , sans inter
diction prononcée ou provoquée, comme pour cause
de haine et de colère, de suggestion et captation; et
la décision du tribunal de Clermont et ses doutes en
droit, sont en opposition avec la doctrine générale
ment adoptée par les jurisconsultes et par les arrêts.
A la vérité, il ne suffit pas de la cause; il faut
q u ’elle soit soutenue par des faits qui la justifient,
qui prouvent que la disposition en a été l ’effet.
M. le chevalier Legroing attaquait le testament de
son frère par les causes réunies de la haine et de la
colère, de la suggestion et captation et de la démence ;
�( 22 )
il a rticu la it, sur. ch a cu n , des faits que le tribunal de
Clermont ne l ’a point admis, à prouver.
Il faut passer à l ’examen de ces faits, et des motifs
par lesquels ils ont été écartés.
E X A M E N D E S F A IT S E T D E S M OTIFS.
C om m e f a i t s p ro b a tifs de haine et de colère étaient
a rticu lés:
PREMIER
FAIT.
U n refus , de la part du comte L egroin g, de rece
voir une somme de 8000 f r . , que son frère lui avait
envoyée p a r le sieur C h an telot, le
avait a c c o m p a g n é l e r e f u s d ’ i n j u r e s
Legroing.
juillet 1 8 1 7 ; i l
c o n t r e le chevalier
I er
« L e demandeur , porte le jugement , ne dit pas
« quelles furent ces injures. »
In ju r e est un mot générique qui exprime un outrage ;
des injures proférées sont des paroles outrageantes contre
une personne. Quant à l ’espèce de ces paroles, c’est à
celui qui les a entendues à les déclarer. Il a suffi d ’arti
culer le fait, l ’occasion, l ’époque, et de dénommer le
tém oin, pour que l ’articulation soit pertinente et
complète.
SECOND
FAIT.
Le chevalier Legroing s’étant présenté lu i-m êm e,
le l2 du même mois , chez son frère, pour régler ses
1
�( ¿3 )
comptes, et lui payer une partie de ce q u ’il lui devait,
il ne put parvenir jusqu’à lui.
« Le demandeur, dit le jugement, ne dit pas non
« plus p o u rq u o i et p a r q u i il fut empêche de parvenir
« à son frère. »
L e p o u rq u o i est nécessairement connu, puisque le
fait est articulé pour établir l ’indisposition et l ’éloignement de son frère contre sa famille.
P a r q u i! l ’information le dira; d ’ailleurs le p a r
q u i il fut empêché de parvenir jusqu’à son frère est
assez indifférent, quand il ne s’agit que du fait de
l ’éloignement. Il suffira q u ’il soit prouve que le sieur
Legroing ne pouvait pas voir son frère ; que sa porte
lui était fermée. Le comte Legroing était infirme, ne
sortait pas : ce n’était donc pas une cause accidentelle
q u i p o u v a i t e m p ê ch e r son frère de le v oi r chez l ui .
TRO I S I ÈME
FAIT.
L e chevalier Legroing ayant invité un jurisconsulte
à porter pour lui la somme à son frère , de rédiger la
quittance, et de régler le mode de paiement de ce qui
restait d û ; et le jurisconsulte ayant fait la lecture de
la quittance au comte L egroin g, celui-ci se mit en
fu re u r, parce q u ’il y était dit que le chevalier Legroing
¿tait son fr è r e . Il vomit contre lui toutes sortes d ’in"
jures, et ne signa la quittance que lorsque le juris
consulte eut rayé cet mots : M o n fr è r e .
Le jugement répond : « Le demandeur a laissé
�(* 4 )
« également ignorer quelles furent ces injures ; et
« cependant il serait possible que les expressions du
« comte Legroingne fussent p a s reconnues injurieuses.
« L e demandeur aurait pu regarder comme injures
« quelques paroles seulem ent désobligeantes , q u ’un
« moment d ’humeur ou de mécontentement aurait pu
« produire , sans que le cœur du comte Legroing y
« prit aucune part. Au surplus , les frères Legroing
« auraient pu vivre en mésintelligence et ne pas
« s’aimer ; mais entre la haine et V a m itié il y a tant
« d 'a u tres sentim ens qui ne troublent ni l ’esprit ni la
« raison, qui ne sont ni de la haine ni de la colère I
« S i, par de semblables motifs, il était possible d ’an« nuller les testamens faits au préj udice des c ol l at ér aux ,
« il serait p re sq n’ i n u t i l e cl’ en faire. E n f i n le testament
« dont il s’agit est du i!\ décembre 1 8 1 6 , et les faits
« de colère et de haine allégués seraient du mois de
« juillet 1817. »
Quelles furent les injures? Ne sont-elles pas assez
caractérisées, quand elles viennent à la suite du fait
que le comte Legroing entra en fureur, quand il
s’e n t e n d i t
qualifié fr è r e du chevalier?
Les juges qui ont pénétré dans les replis du cœur
h u m ain ,'q u i ont creusé la m éthaphysique, pour dé
couvrir qu ’il y a tant d’autres sentimens entre la haine
et l ’am itié, que jusqu’ici on avait cru 11’avoir d ’in-termédiaire que l’indifférence, n ’ont pas pu calculer
les effets de la fureur; ils n ’ont pas senti ce q u ’a de
dénaturé le mouvement d ’un homme qui renie, qui
�( *5 )
méconnaît, qui repousse son frère, qui s’emporte sur
le titre de frère, que lui donne celüt qui l’est: en effet.
E t ils veulent que, dans l ’état de fureur, il ait prononcé
des paroles seulem ent d éso b lig ea n tes, auxquelles le
cœur n?a point de part!' S’il est un fait révoltant qui
caractérise la haine et la colère, c’est celui-là ; et;
certes, pour l ’honneur de la nature, dans l ’intérêt des
moeui's et de l ’ordre social-, les tribunaux doivent s’em
presser d’anéantir un testament fait sous de tels aus
pices.
Q u ’importe que le fait articulé soit antérieur ou
postérieur au testament attaqué? D ’abord un- testament
olographe n’a point de date jusqu’au décès du testateur ;
mais ensuite, q u ’a-t-on à prouver? la passion furieuse
que l ’on avait suggérée au comte Legroing, sa haine
p o ur son frère. U n s e n t i m e n t , une passion, ne sont
pas des choses matérielles qui se distinguent ;Y la
vue ou au toucher; ils se manifestent par des effets
que des occasions produisent ; or , un effet aussi
marquant que la fureur qui' s’empare d ’un frère>
parce que son frère l ’appelle son- frère dans une q u it
tance, et qui ne veut recevoir l ’argent qui lui' est
offert, que quand cette qualification (q u i lui» est
odieuse) est effacée de l ’écrit; cet effet, qui:vient à la
suite de deux autres, ne peut être accidentel; il dé
montre nécessairement la disposition habituelle de
l ’ame et la passion, dont, elle est occupée. Il faUt donc
reconnaître que cette passion doit avoir une influence*
pour ainsi dire exclusive, sur des dispositions testa-
4
�méntaires, consacrées sur-tout à la bienveillance, et
dont l ’idée réveille les haines comme les affections.
De la haine et de la colère, le jugement passe à la
suggestion et captation.
L e chevalier Legroing articulait des faits : i 0 de
suggérée par Jouvainroux et sa femme, soit à
l’occasion du partage du mobilier de la succession de
liaine
la mère commune, soit lorsque le comte, se plaignant
de l ’obsession dans laquelle il était tenu, et menaçant
de son frère, le mari et la femme lui disaient : « A
« qui vous adresseriez-vous? A votre plus mortel en« n e m i, qui n’en veut q u ’à.vos biens, cherche à vous
« faire passer pour fou , et veut vous faire interdire? »
20 D e chartre privée : le comte, éloigné de tout ce qu i
n’est pas la cotterie des J o u va i n ro u x ; le chevalier, son
frère, qui ne peut pas parvenir jusqu’à lu i; l ’abbé
Legroing de la Romagère, son parent et son ami, et
la demoiselle Henriette Legroing, chanoinesse, sa cou
sine, qui ne sont point admis à le voir; 3 ° de Vob
session p erp étu ellem en t p ratiquée su r l u i , résultant
de l ’empire que donnent naturellement à une femme
jeune, sur un vieillard, une intimité avérée et des
familiarités habituelles; de ce que le comte ne voit
que les Jouvainroux , n’est entouré que de leur famille,
n’a de distraction que par l ’e n fa n t dressé à l ’appeller
p a p a 3 à le rechercher, à le caresser, et dont on lui a
persuadé q u ’il était le père; de ce q u ’on lui a fait re
tirer un testament où, ne suivant que sa volonté et son
penchant, il transmettait sa fortune à sa famille; et
�(< 27 )
enfin de ce q u e , non content d ’une disposition uni
verselle au profit de l ’enfant, on lui a fait acquérir,
sous le nom de celle-ci, une propriété de 40,000 f r . ,
et on lui a fait passer des lettres de change à son
3^5
ordre.
!
1
Le jugement ne discute pas ces divers faits articulés;
il les élude et s’attache à diverses considérations.
« Ainsi l ’enfant a été incapable, par son âge, d ’em« ployer la ruse', l ’artifice, la mauvaise foi^des insi« nuations perfides, pour tromper le comte Legroing,
« lui rendre sa famille odieuse, le* faire changer de
« volonté, et surprendre en sa faveur des dispositions. »
Comme si toutes ces manœuvres étaient imputées à cet
enfant; comme si elles n ’étaient pas visiblement l’œuvre
des Jouvainroux; comme si enfin il n ’y avait pas eu
plus d ’art et (le perfidie à diriger sur un enfant l ’effet
de toute l ’intrigue, que de l ’avoir applique aux père
et mère eux-mêmes !
« Il n’est pas vraisemblable, dit le jugem ent, q re
« la fo r c e d ’esprit , la f i e r t é d u caractère du'comte
« Legroing, aient jamais cédé aux volontés de Fran« çoise Boudon, au point sur-tout de faire ce q u ’il
« n’aurait pas voulu faire. Il n’est pas présumable que
« la femme Jouvainroux eût tenté ce triomphe; elle
« eût craint sans doute de déplaire à son maître , et
« même de l' offenser, s’il eût pensé
v oulait le
« dominer; elle eût craint d ’achever de perdre une
q
« confiance déjà lant affaiblie par
son
u
’ e l l e
mariage. »
C ’est une fort mauvaise manière de. raisonner et de
�( =8 )
conclure;, que cle tirer cjes inductions de laits contestés ,
et des conséquences de principes qui sont précisément
en question. On demande k prouver, d ’un côté, que
le comtç Legroing n’ayait ni force d ’esprit, ni -fierté
de caractère; et d ’autre côté, que la femme Jouvainroux le dominait m4 me tyranniquement. Où trouve-t-on
fie la forpe d ’.esprit et de la fierté de caractère dans un
homme d ’upe naissance distinguée, qui ne craint pas
de s'abandonner à une fille des derniers rangs de la dor
mesticité^ q u i, pour se consacrer à elle tout entier ,
quitte et abjure sa fam ille; qui ne craint pas d ’avouer
publiquement un enfant q u ’il a eu de son commerce
honteux avec elle y et q u i, frustrant ses propres parens *
m e t sa f or t une sur la tète
d ’ u n e n fa n t q u i
a p our
mère sa domestique, et pour père, le bedeau de la
pathédrale? Comment supposer à cette fille, sa con
cubine, la crainte de déplaire à son maître? lorsqu’elle
le tient en chartre privée; lorsqu’elle le dérobe à la
famille et à gps amis; lorsque, pour le dom iner, elle
le m altraite, et que les voisins et l’officier de police
peuvent attester que, las de sa position , il crie par la
croisée : au sçcQifrs / à l ’assassin !
. L e jugement continue ; « E n supposant même que
« Ja femme Jouvainroux eut q u e l q u e pouvoir sur l’es« prit de son inaiiro, il n ’est pas vraisemblable q u ’elle
<î l'eut employé pour faire exercer envers sa fille une
» libéralité qu'elle ei\t désiré conserver en vertu du
« testampnt de 1807; q u ’il est,
au contraire, plus
( naturel de crpjre que c’est par ses caresses? par ses
�(
«
assiduités,
29
)
par ses soins excitéé peu t-être par de
„ petits cadeaux, que l ’âge mûr et la vieillesse ont
« coutume de faire à l ’enfance, que Claudine-Flavie
« a obtenu, sans le savoir ni le désirer, cette marque
« ide sensibilité, d ’affection et de toute la bienveillance
« du comte Legroing; que ce dernier a pu penser q u ’il
« ne devait aucun témoignage d ’aiFec-tion ni de recon« naissance au chevalier L egro in g, son frère, q u i, cé« libataire comme lu i, ne transmettrait q u ’à des
« étrangers ou à des collatéraux éloignés, les biens
« qu ’il lui laisserait. »
Ici ce sont encore des inductions et des suppositions
morales ^ qui sont opposées à des faits dont la preuve
est offerte.
. On ne peut mettre en doute que la femme Jouvainroux ait eu un gra nd p o u v o i r sur l ’esprit de son
maître , q u ’autant que la preuve par témoins offerte
ne répondrait pas à la conséquence des faits articulés.
Pourquoi n ’est-il pas vraisemblable que cette femme
eût fait substituer un testament en faveur de sa iille, à
celui qui avait été fait en sa faveur en 1807? E lle y a vu
apparemment quelqu’intérêt. N ’a-t-elle pas pu penser
que la critique en serait moins facile? et 11e serait-elle
pas confirmée dans l ’utilité de cette prévoyance, par le
jugement de Clerm ont, qui se sert du nom de reniant,
pour écarter les justes reproches faits à la mère? N al-elle pas pu croire aussi lier davantage le comte
Legroing, par une disposition en faveur de l’enfant,
sur-tout si elle lui avait persuadé q u ’il en était le père?
�( 3° )
\ne
»
Déjà elle avait fait retirer le testament que le comte
avait fait pour sa famille : elle a pu craindre un retour
dans sa volonté. D ’ailleurs Jouvainroux , son m ari,
avait aussi ses vues; et il a pu espérer, pour son propre
compte, plus de chances de la disposition faite en
faveur de son en fan t, que de celle qui aurait donné
la fortune exclusivement à sa femme.
Il n ’y a , en cela , que des conjectures; mais elles
sont aussi
exprime.
probables que
celles que
le
jugement
N ’est -ce pas outrer toutes les vraisemblances, que
de prétendre que l ’enfant aura tout fait par ses ca
resses , par ses assiduités et par ses soins ? Des assiduités
et cles soins de la part d ’un enfant de cinq ans ! Ses
assiduités et ses soins ne peuvent convenir q u ’à ses
père et mère. Les caresses, à la bonne heure : encore
sont-elles l ’eifet de la direction donnée à son jeune
âge. Les caresses d ’un enfant étranger peuvent bien
porter l ’àge mûr et la vieillesse à de petits cadeaux ;
mais il n’y a que la démence qui peut payer ces caresses
du legs d ’une fortune de 3 à 400,000 francs, enlevée
à une famille.
s
« Le chevalier Legroing, dit le jugement, est céli« bataire comme le comte l ’était : il transmettrait lui« même à des étrangers ou à des collatéraux éloignés. »
L a morale 11e peut pas avouer une conjecture aussi
hasardée, pour justifier un fait déraisonnable.
Le chevalier est célibataire, mais il peut encore se
marier. Il a de proches parons, qui l’étaient aussi du
�( 3x )
comte, et qui portent leur nom. De tels collatéraux,
qui sont l ’espoir cl’une famille honorable, ne peuvent
point être assimilés à des étrangers. Si le comte eût
disposé pour eu x, toute la famille eût applaudi à son
choix , et eût béni sa mémoire ; mais prendre pour
héritière un enfant qui n ’avait aucun titre personnel
à une telle libéralité, la fille de sa domestique, de sa
concubine! c’est l’oubli de tous les devoirs de famille,
et de toutes les convenances sociales.
Il faut donc convenir que le jugement de Clermont
n ’a point détruit les faits de suggestion et de captation-,
il ne les a pas même appréciés , puisqu’il ne s’est
attaché à les combattre que par des considérations
fondées sur des suppositions.
Ce jugement n’est pas plus convaincant , lorsqu’il
s a t ta ch e a la forme d u t e s t a m e n t , au soin que le
comte Legroing a pris de le signer à. toutes les pages,
et de le mettre sous enveloppe cachetée au sceau de ses
armes, et à la facilité q u ’il aurait eue de révoquer
son testament et d’en faire un au tre, qu’il eût confié
à son médecin ou à son confesseur.
Ricard a bien prétendu que l’action en suggestion
n’était pas recevable contre les testamens olographes;
mais il est resté seul de son avis : des arrêts contraires
ont prouvé q u ’il s’était trompé. U n arrêt récent de la
Cour royale de Paris, du 3 i janvier i 8 i 4 > a annulle,
pour cause de suggestion et captation, 1« testament
olographe d’une demoiselle Lefèvre.
E t pourquoi le testament olographe serait-il excepté
�( 3a )•.
de la règle commune? Le testament olographe, écrit,
signé el mis sous envoloppe cachetée du sceau du tes
tateu r, n ’offre pas plus de garantie que le testament
p u b lic , qui porte au moins celle de la présence de
notaires et de témoins.
L ’influence qui fait écrire le testament en dirige
les autres circonstances; et l ’enveloppe et le sceau
peuvent être Touvrage d ’une autre main que celle du
testateur.
Cette même influence s’exerce sur les démarches
ultérieures^ et protège le testament contre la révoca
t io n , q u i , parce q u ’elle est possible, est exactement
surveillée; et il n’y a pas médecin ou confesseur qui
t i e n n e , lorsque le malade est subjugué, que sa raison1
est perd ue, que les parties intéressées ne le quittent
pas.
*
Le jugement enfin propose, comme preuve de la
volonté libre du testateur, l’acquisition q u ’il a faite,,
sous le nom de Flavie Jouvaiuroux, le 17 mai 181-7 >
cinq mois après le testament; l ’ordre q u ’il a passé plus
ta r d , à cet enfant de cinq a n s , d ’effets de commerce;
à lui consentis, et enfin sa persévérance dans son tes
tam ent, pendant les huit mois qui se
sont
écoulés
entre cet acte et son décès.
Il n’est pas bien certain que le testament soit de la
date q u ’il porto. Les deux actes cités comme subséq;liens
déposeraient que le testament n ’était pas encore fait;
car le legs universel fait à la jeune Flavie comprenant
tous les biens, il devenait inutile de faire une acqui
�(33
)
sition sous son nom , et de lui passer l ’ordre des billets.
L ’ordre était, suivant le jugem ent, une précaution du
testateur pour empêcher que les billets ne fussent
soustraits par les père et mère. Mais aurait-on pu sous
traire des billets à l ’ordre du comte, qui ne pouvaient
être touchés que par lui ou par son ayant-cause ?
Cet ordre, au contraire, ne porte-t-il pas l ’empreinte
de l ’absence de la raison ? Il est absurde d’avoir passé
un ordre au profit d ’un enfant de cinq ans, p o u r
v a le u r reçue com ptant. La démence seule peut donner
la raison d ’un'tel fa it, comme la démence seule a pu
porter le comte Legroing, q u i, dans les tems de sa
raison, avait, ainsi que le jugement le déclare, de la
force d’esprit et de la fierté de caractère, à mettre sur
la tête d’un enfant étranger, à qui il ne devait rie n ,
une fortune de 3 a 4ooj°o0 francs dont il prive sa
famille.
Une telle disposition sera sans doute reconnue par
la C ou r, saisie de 1 appel du jugement du tribunal de
C le rm o n t, comme 1 œuvre ténébreuse de la suggestion,
de la captation, du dol et de la fraude réunis, pour
abuser d ’un vieillard qui n ’avait plus sa raison.
L a société est intéressée au succès de la réclamation
du chevalier Legroing. Il importe à l ’ordre public,
au repos et à la prospérité des familles, q u ’il soit mis
un frein à la cupidité des gens qui spéculent sur les
successions. Les plus dangereux sont les domestiques,
les femmes sur-tout, q u i, par l'habitude de leur pré
sence et de leurs soins, plus encore par les familiarités
5
�q u ’elles perm ettent, ou q u ’elles exciten t, acquièrent
un ascendant sur l ’esprit de leur maître, que l’âge et
les infirmités ne font q u ’accroître. Devenues néces
saires, elles l ’indisposent contre ses parens q u ’elles
écartent de sa maison ; et quand l ’affaiblissement des
organes ne lui laisse plus de volonté, elles le font
disposer, et la fortune est envahie.
L e legs d ’une fortune opulente, en totalité, en
faveur d ’un domestique., porte en lui-même un ca
ractère de séduction de la part de celui-ci et d ’as
servissement de la part du maître. Il n'est pas naturel
q u ’un homme raisonnable se porte
à
laisser de grands
biens à un individu étranger, que ni son éducation,
ni ses habitudes n’ont préparé à la richesse, et dont
il peut récompenser les services l a r g e m e n t , sans man
quer aux convenances et aux devoirs que les biens de
famille imposent. Les tribunaux ne sauraient être
trop attentifs
à
de tels excès, qui sont toujours un
abus de la loi.
Délibéré par nous , anciens avocats, ce 18 avril 1819.
C H A M P IO N - V IL L E N E U V E .
BONNET.
D E L A C R O IX -F R A IN V I L L E .
T R IP IE R jeune.
RIOM, IMPRIMERIE
de
SALL E S , PRÈS LE P AL A I S DE J USTI C E .
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
[Factum. Legroing, Louis. 1819]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Berryer
Champion-Villeneuve
Bonnet
Delacroix-Frainville
Tripier jeune
Subject
The topic of the resource
testaments
abus de faiblesse
domestiques
servante-maîtresse
enfants naturels
créances
séquestration
mobilier
maltraitance
émigrés
ordre Saint-Jean de Jérusalem
fraudes
fisc
inventaires
lettres de change
doctrine
nullité du testament
captation d'héritage
testament olographe
jurisprudence
concubinage
legs universels
egyptologie
code civil
bedeau
Description
An account of the resource
Titre complet : [consultation]
Table Godemel : ab irato : 2. l’action ab irato contre les testaments est-elle admise par le code civil ? peut-elle appartenir à l’héritier collatéral ? Etat (question d') : 3. l’héritier du sang a-t-il le droit, pour prouver l’interposition de personne, de rechercher si le légataire, qui a dans une famille le titre et possession d’état d’enfant légitime, est, ou non, l’enfant naturel du disposant, surtout, lorsque cette recherche conduirait à la preuve d’un commerce adultère ? Sanité d'esprit : d’après quels principes se résout la question de savoir si le testateur était sain d’esprit ? Suggestion : La suggestion et captation sont-elles moyens de nullité pour la législation actuelle ? peuvent-elles être opposées contre un testament olographe ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de J.-C. Salles (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1819
1807-1819
1804-1814 : 1er Empire
1814-1830 : Restauration
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
34 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2430
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2429
BCU_Factums_G2431
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53484/BCU_Factums_G2430.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Riom (63300)
Clermont-Ferrand (63113)
Biozat (03030)
Fontnoble (terre de)
Egypte
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
abus de faiblesse
bedeau
captation d'héritage
Code civil
concubinage
Créances
doctrine
domestiques
egyptologie
émigrés
enfants naturels
fisc
fraudes
inventaires
jurisprudence
legs universels
lettres de change
maltraitance
mobilier
nullité du testament
ordre Saint-jean de Jérusalem
séquestration
servante-maîtresse
Testament olographe
testaments
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53625/BCU_Factums_G3008.pdf
54ed996686e738b5c22014717298f8ef
PDF Text
Text
/*»■
PRÉCIS
POUR
M adam e la M arq u ise D E L O N G U E I L ? née D E
LABOULAYE
D E M A R I L L A T , Appelante,
CONTRE
M M . D E S N A N O T et J O U A N I Q U E , prenant la
qualité de Syndics des créanciers hypothécaires
et chirographaires de M . le Marquis de Longueil y
ET
MM. D U JO U HA N N E L D E JA N Z A T , R O Y D E
L A C H A I S E , et autres créanciers chirogra
phaires y
En présence de M. le Marquis D E L ON G U E 1 L .
Madame de Longueil a vu périr son patrimoine dans le naufrage
où s’est perdu celui de son mari. Un sentiment irréfléchi l’a a ssociée,
par d’énormes sacrifices, à une ruine dont elle ne devait pas être
solidaire ; l'honneur du nom qu’elle porte n 'y a rien gagné ; ses
�sacrifices n’ont sauvé ni son repos p erso n n el, ni même les intérêts
de ceux à qui ils étaient offerts; la liquidation dont ils étaient le prix
n’a pu s’accomplir.’ Elle veut ressaisir quelques débris d’une fortune
qu’ elle a reçue de sa fam ille, et dont elle doit compte à ses enfants.
Quand toute autre protection lui manque, qui peut la blâmer de
réclamer celle de la Justice ?
FAITS.
Mademoiselle de L abou laye de Marillat devint, en l’an 1 2 ,
l ’épouse de M. de Longueil.
A cette é p o q u e , le régime des Coutumes subsistait encore.
M. de Longueil appartenait, par son dom icile, à la Coutume du
Bourbonnais; Mademoiselle de L abou laye de Marillat appartenait,
par le sien , à la Coutume d ’Auvergne.
L e contrat nuptial, on le com pren d, dut s’empreindre de la loi
du domicile du mari.
Aussi fut-il écrit dans ce contrat, dressé le 17 vendémiaire, an 12,
que « les époux seraient uns et communs en tous biens meubles de
p ré se n t, acquêts et conquêts , immeubles à fa ir e , suivant la dis
position de la Coutume du ci-devant Bourbonnais.»
Mademoiselle de Laboulaye de Marillat se constitua les biens
qui lui étaient échus par le décès de M. de Laboulaye de M arillat,
son p ère ; plusieurs de ces biens étaient situés en A u vergne.
Madame de L aboulaye de Marillat, née de S a lv e r t, sa m è re ,
l’institua son héritière universelle pour tous les biens dont elle
mourrait vêtue et saisie. C eux qu ’elle possédait dès celle époque
étaient aussi p our la plupart situés en Auvergne.
Une clause d’exclusion de propres caractérisa, en le modifiant ,
le régime de communauté adopté par les époux. Cette clause est
ainsi conçue : « Pour composer laquelle communauté chacun d’eux
�_ 3 —
» y confondra la somme de trois cents francs ; le surplus de leurs
» biens, ensemble ce qui leur écherra par successions, donations,
» bienfaits ou autrement, leur sortira nature de propres à eux et
» aux le u r s , de chaque côté et ligne respectivement. »
Enfin , le contrat se termine par ce protocole usité : « E t pour
toutes les autres clauses non prévues ni exprimées en ces dites p ré
sentes , les futurs se régiront par ladite Coutume du ci-devant Bour
bonnais. »
Cette loi nuptiale peut se résumer ainsi :
Communauté d’acquêts ,
Exclusion formelle des propres.
M a i s , quant à l’aliénabilité des propres exclus au profil de la
femme, aliénabilité permise évidémment p a rla Coutume du B o ur
bonnais pour ceux de ses biens qu'elle possédait dans celle p r o
vince , elle ne résultait d’aucune stipulation convenlionnelle pour
ceux de ses biens situés en A u v e r g n e , où le statut local la prohibait
énergiquement.
A défaut de stipulation relative à l’aliénabililé , les biens d’Au
vergne devaient donc rester soumis au régime d o ta l, c ’est-à-dire
au régime de l’inaliénabiliié; il n’y était donc pas dérogé.
Madame la marquise de Longueil avait recueilli la succession
de son père avant son mariage.
Elle a recueilli, sous l’empire du C o d e , la succession de sa mere,
en verlu de l’institution contractuelle insérée dans le contrat de
l’an 12.
C ’est aussi sous l’empire du code qu’elle a recueilli, en vertu
d'une disposition testamentaire, la succession de M. de Salvcrt,
son oncle maternel.
Les trois successions ont été jelées dans le gouffre où s’est
englouti le patrimoine personnel de M. le marquis de Longueil.
Quelles causes ont
lentement préparé ce désastre ? Mme de
Longueil ne veut pas s’en enquérir. Elle ne les révélerait, du reste,
que pour excuser le sentiment du sécurité qui les dérobait à une
�-
4 -
généreuse im p ré v o y a n c e , et pour meltre en relief le sentiment
d’iionncur qui a voulu couvrir l’éclat d'une ruine trop complète
par l’éclat des sacrifices les plus empressés.
Mais ces sacrifices, d e là part de Mme de L o n g u eil, n’ont-ils pas
dépassé la mesure légale que l’intérêt même de sa famille co m
mandait d’observer? — V oilà la série des actes qui ont consacré
son imprudente abnégation.
D ’a b o rd , le 26 mars 1840 , elle s'est associée à un abandon que
M. le marquis de Longueil a fait au profit de ses créanciers h y p o
thécaires, de sa riche terre de Saulzet et de ses autres biens. Elle
a apporté pour son contingent :
L a terre de C h a u sse -C o u r te ,
Sa propriété de B io z a t ,
C elle de C h arm es ,
Celle de B rug ea t,
E t celle de C hambarandc.
Quoique situés sur le territoire de l’ancienne province d’A u
v e r g n e , ces biens n’ont pas paru soumis au statut local qui en
défendait l’aliénation. On a eu la précaution de les placer sous
l’influence du droit n o u v e a u , en exprimant que les uns provenaient
de la succession de M . de S a l v c r t , ouverte en 1 8 5 4 , et que les
autres provenaient d’échanges opérés à des dates plus récentes.
Quant aux prem iers, on verra bientôt qu’une indication erronée
attribuait à la succession de l’oncle ce qui avait toujours appar
tenu à la succession du p è r e , ouverte sous l’empire de l’ancien
droit. Quant aux a u tres, peu importerait la date récente des
échanges; si les biens donnés par Mme de Longueil étaient dotaux
et inaliénables, ceux qu’elle recevait 11e prenaient-ils pas par subro
gation ce caractère?
Cet abandon considérable laissait à Mme la marquise de Longueil
des biens considérables e n co re, mais que les créanciers avaient
dédaignés, parce q u e , provenant évidemment de la succession
�paternelle ou de la succession m aternelle, ils étaient considérés
comme inaliénables. C ’était notamment la propriété de Fourcinge.
II a fallu en quelque sorte faire violence aux créanciers pour les
déterminer à en accepter l’abandon. Sommation a été faite aux
créanciers chirograpbaires de venir en l’étude d’un notaire pour le
recevoir. Un acte dressé le i G août 1 84-1 ^ par Mc RabussonD e v a u re , constate les diligences et l'offre de Mme de Longueil
de leur abandonner les biens situes sur les communes de BroutV ern et et de Saint-Pont, en leur eæpliquant bien que ces im~
m eubles étaient soumis au régime dotal absolu. Cet acte con
sacre enfin le consentement des créanciers à recevoir cet abandon
périlleux.
Enfin il restait à madame de Longueil deux pièces de terre si
tuées dans les mêmes co m m u nes, et frappées , à cause- de leur
o r i g in e , de la môme inaliénabilité. Suivant acte du 3 o novembre
1841 , elle en a transmis la propriété à sept créanciers , en les dé
clarant soumis au régime dotal absolu. L e prix en a été fixé à
5 ,ooo fr. qui ont été compensés avec les créances des acquéreurs ,
chacun d’eux devant être copropriétaire dans la proportion de ce
qui lui était dû.
A la différence de c e lu i- c i, les deux actes des 26 mars 1840 et •
jG
août 1841 ne sont pas translatifs do propriété. Les créanciers
abandonnataires , sont seulement investis du mandat de vendre les
biens mis à leur disposition et de s’en distribuer le prix , en acquit
de leurs créances , sauf à rendre compte de l’excédant ou à r e c e
vo ir le déficit, s’il y a lieu.
Celui du 26 mars 1840 est consenti au profit des créanciers h y
pothécaires représentant une masse de 474»I9 5 f r . 55 cent. Mais
tous 11e sont pas présents; et il est stipulé : « L e présent traité
» n’aura d'effet qu’autant qu’il aura été accepté par tous les créan* ciers hypothécaires de M. cl de Madame de Longueil. »
Celui du iG août 1 8 / fi, est consenti au profit des créanciers chirograp|iyircs } formant une masse de 14 6 ,586 fr. 67 cent. On y
�prévoit la nécessité de faire des démarches pour obtenir l’adhésion
de deux créanciers absents, Madame de la Chapelle et M. de la
Chaise. L e sy n d ic, c’est-à-dire le mandataire des créanciers, est
chargé de ce soin. Il est stipulé que s’il ne peut y p arven ir, il est
autorisé à remettre à M. et à Madame de Longueil les terrains qui
seraient dévolus à ces deux créanciers dans la proportion qui existe
entre la valeur totale des biens cédés et le montant total des
créances, et c e , au moyen d’un partage opéré par un expert du
choix des parties.
Toutes ces combinaisons anormales entouraient de difficultés la
liquidation projetée. C e but dont la perspective avait pu détermi
ner les énormes sacrifices de Madame de L o n g u e il, échappait aux
efforts des mandataires que les créanciers s’étaient donnés. On ne
se place pas impunément en dehors des voies légales.
Les syndics , puisqu’il faut appeler ainsi ceux à qui les créanciers
ont donné mandat d’agir en leur nom , ne pouvaient parvenir à
vendre des propriétés suspectes de dotalité. La propriété de Chaussccourte , recueillie sous l’empire du c o d e , dans la succession de
M. de S a lv e r t, semblait toutefois se trouver dans des conditions
plus rassurantes. La vente en a été faite, mais avec une sorte de
timidité et d’hésitation. Un simple acte sous signature p riv é e , la
consacrait d’abord.
L ’a cqu éreur, M.
G r e l li c h e , a demandé la
réalisation de cet acte non seulement au syndic qui l’avait consenti ,
mais encore à Madame de Longueil qui y était restée étrangère.
C ’était un moyen imaginé pour la forcer à formuler une prétention
dont certaines rumeurs signalaient, disait-on, l’imminence. En vain
Madame de Longueil a-t-elle voulu
décliner l’action déduite
contre elle d’un acte auquel elle n’avait pas concouru ,
ajourne^
un
débat dont elle ne voulait pas prendre l’initiative , cl dont elle
n’avait pas encore préparé les éléments ; un jugement du tribunal
de Riom cl un arrêt confirmatif de la' cour onl pourvu à la sé
curité complète de l’a c q u é r e u r , en déclarant valable l’acte du
uG mars 1840.
�-
7 -
/
Il est inutile d'examiner et de discuter les motifs de celte déci- ,
sion. Madame de Longueil l’accepte, en faisant remarquer q u e ,
si elle a pu valablement abdiquer son droit à la propriété d’ immeu
bles qui lui sont échus par le décès de M. de S a lv e r t , sous l’in
fluence du droit nouveau, cela ne préjuge nullement qu’elle puisse
aliéner les biens que lui a laissés son p è r e , décédé avant la p r o
mulgation du C o d e , non plus que ceux dont elle a été instituée hé
ritière par sa m è re , en v e n u d’une disposition contractuelle é g ale
ment régie par l’ancien droit.
Cette double question est restée entière. D eux instances l’ont
soulevée.
D ’une p a r t , Madame la marquise de L o n g u e il, ayant obtenu un
jugement qui la sépare de biens d ’avec son mari et l’autorise à p our
suivre le recouvrement de ses reprises, s’est opposée à ce que les
fermiers des biens illégalement abandonnés payassent leurs fer
mages aux créanciers. M. Desnanot, syndic des créanciers h y p o
thécaires , e t M . Jouanique, syndic des créanciers chirographaires,
ont demandé conjointement la main-levée de cette opposition , sou
tenant la validité des actes par lesquels Madame de Longueil avait
abandonné ses droits. Mais il n’était pas possible d’engager un dé- •
bat régulier avec de simples mandataires; un jugement rendu avec
eux n’aurait pas été opposable à leurs mandants. Madame de L o n
gueil a dù faire de ce défaut de qualité l’objet d’une exception sé
rieuse. Toutefois , loin d’éluder le débat qu’elle voulait régulariser,
elle a soutenu, subsidiairement, que son contrat de mariage ne
contenant aucune dérogation au statut réel qui régissait scs biens
d’Auvergne et les frappait d’inaliénabilité absolue , elle devait re atrer dans l’entière et libre disposition de scs biens paternels , parce
qu’ils lui étaient acquis au moment du contrat; de scs biens mater
nels, parce qu’elle les a recueillis en vertu d’une disposition inhé
rente au contrat. Elle a signalé particulièrement comme biens pa
ternels ceux composant la terre de Chnmbarandc, qu’à tort les in
dications de l’acte du 26 mars 1840 ont placée dans lu succession
de Salvert ; elle a offert de prouver que sou père n’avait cessé d’en.
�jouir, nonobstant la confiscation nationale qui avait suivi son émi
gration, et l’adjudication qui cri avait été faite à M. de S a l v e r t ,
acquérant évidemment pour son compte; qu’elle l’avait trouvée
dans la succession de son père ; qu’elle la possédait avant son ma
r i a g e , et qu’elle avait continué d e là posséder par son mari jusqu’à
l’acte de 1840. Elle a signalé comme biens maternels ceux de Fou-
rcinge, abandonnés par l’acte du 16 août 184«.
D ’autre part, dans son désir d’obtenir une solution légale etopposable à tous les intéressés, Mme de Longueil a pris l’initiative d’une
instance dans laquelle elle a appelé personnellement tous les créan
ciers chirographaires qui ont pris part, soit à l’acte d’abandonnement
du 16 août 1841» soit à l’acte du 5 o novembre suivant. E lle avait
préludé à l’introduction de celte instance, en révoquant au besoin
le mandat de vendx-e, résultant de l’abandonnement, et en inter
pellant les créanciers, de déclarer s’ils entendaient ou non se p r é
valoir de cet acte. Cette interpellation a amené un désistement
complet de la part de M. E léonord C o la s-J u v ille , de M. E m e r y ,
de madame veuve Colas-Juville. E t comme, d’un autre côté
Ma
dame de la Chapelle avait refusé son adhésion à l’acte du 16 août
j 8 4 1 , il en est résulté que Madame de L o n g u e il, reprenant les
paris de ses quatre cré a n cie rs, s’est trouvée dans l’indivision avec
les autres, pour les biens ainsi partiellement abandonnés, situation
b iz a r r e , illé g a le , et qui signale d’une manière énergique le vice
des actes qui l’ont produite.
Tels étaient les cléments du litige porté devant le tribunal de
première instance de Gannat. T ro is jugements rendus en l'au
dience du 19 juin 1846» ont donné aux questions agitées les solu
tions suivantes :
i° L ’exception déduite du défaut de qualité des syn dics, a été
écartée à l’égard d e M . Desnanot, représentant les créanciers h yp o
thécaires , parce qu’après l’e x c c p iio n , Mme de Longueil avait
cependant conclu contre lui à la nullité de l'acte du 2G mars 1840,
�-
9 -
/
en[ce qui concerne les immeubles situés à Chambarande; et à l’égard
de M. Jouanique, représentant les créanciers chirographaires ,
parce que l’instance principale engagée avec ces créanciers directe
ment, recevant le même jour une solution favorable à leurs intérêts,
il était sans difficulté d e pronon cer, au profit de leur syndics, la
main-levée de l’opposition. A u fo n d , il a été d é cid é , spécialement
quant aux biens de Chambarancle , abandonnés aux créanciers
hypothécaires, q u e, suivant les déclarations de Mme de L o n g u e i l,
insérées dans l’acte du 26 mars 1840, ces biens lui appartenaient
pour les avoir recueillis dans la succession de M. de S a lv e r t , son
o n c le , et que M. de Salvert lui-même les avait achetés nationale
ment au district de Gannat, le 21 septembre 179^; — « que les
biens échus à Mme de L ongueil, comme héritière de M. de Salvert,
ne peuvent être dotaux sous aucun rapport, puisque M. de Salvert
est mort sous l’empire du code civ il... » E n conséquence, main
levée a été faite de l’opposition, et l’acte du 26 mars 1840 a été
déclaré valable ;
20 Sur le débat principal, agité avec les créanciers ch iro gra
phaires personnellement appelés, les premiers juges ont porté une
décision de principe. « Fendant l’existence de la Coutume d’A u * v e r g n e , ont-ils d it, le régime de l’ inaliénabilité des immeubles
m des femmes, bien qu’il fût de droit commun pour tout le ter-
» riloire régi par la Coutum e, n’était cependant pas obligatoire et
» absolu; il pouvait y 'ê t r e d é r o g é ; cette vérité résulte des dis-
» positions combinées des art. 1 , 5 , 8 et g , chap. 14 de la Coutume,
» suivant lesquels les seuls biens des femmes qui fussent inaliénables,
» étaient les biens dotaux ; il dépendait des époux de soustraire
» tous les biens de la femme à cette inaliénabilité en les rendant
# paraphernaux , et alors la femme pouvait les aliéner valablement,
• sans le concours de son mari et sans son autorisation.
» Si la femme qui possédait des biens en Auvergne pouvait les
» rendre aliénables sans le concours ni l’autorisation de son m a r i ,
» elle pouvait à plus forte raison leur imprimer le caractère légal
* de propres de communauté, c l , à ce titre , les rendre aliénables
�avec l’autorisaiion de son mari; — O r , par leur contrat, les
époux de L o n g u e il, après avoir exprimé que la future se cons
tituait tous les biens «à elle échus par le décès de son p è r e , en
quelques lieux qu’ils fussent situés , ont ajouté qu’ils entendaient
se marier sous le régime de la communauté tel qu’il était réglé
par la Coutume du Bourbonnais ; pour composer cette com m u
nauté, ils y ont confondu chacun une somme de 5oo f r . , et ont
expressément stipulé que leurs autres biens présents, ensemble
ceux qui leur échoieraient à l’avenir par successions, donations,
bienfaits ou autrem ent, leur sortiraient à chacun d’eux nature de
propres. Par cette clause Mme de Longueil a évidemment donné
le caractère de propres de communauté à tous ses b ie n s, en
quelques lieux qu’ ils fussent situés; et en outre, par une clause
finale de leur contrat de mariage , les époux se sont encore
soumis, pour toutes choses non prévues , aux dispositions géné
rales de la Coutume du Bourbonnais, suivant les dispositions
des articles a 53 et 238 de cette Coutume; les biens de la femme ,
qui lui étaient propres de communauté, étaient valablement alié
nables par la f e m m e , a vec le consentement et l’autorisation de
son mari ; ainsi l’acte d’abandonneinent du 16 août 18/fi , doit
recevo ir son exécution. D ’ailleurs, est-il ajouté, il a été reconnu
que tous les biens compris dans ledit acte, sont des biens mater
nels , provenant à Mme de Longueil de la succession de Mme de
Marillat, sa mère , et ce fait constant place la cause, en droit, sous
l’empire d’une autre série de motifs. L e contrat de mariage des
époux de Longueil est en date du 17 vendémiaire, an X II, corres
pondant au 10 octobre i8 o 5 ; par une des clauses de ce c o n tra t,
Mme de Marillat, mère de Mme de L o n g u e il, l’a instituée héri
tière de tous les biens qui lui écherraient au jour de son décès.
L e titre a du livre 111 du C ode c i v i l , intitulé : D es Donations
entre-vifs et des T estam ents , et notamment le chap. V l ï l de ce
titre, intitulé : D es Donations faites p a r contrat de mariage a u x
ép oux et a u x enfants à naître du mariage , étaient promulgués
et en vigueur depuis le i 3 de la même année i 8 o 5 , environ cinq
�» mois avant le contrai de mariage. Mine de Marillat est décédée
» vingt-deux ans plus t a r ^ e n > 8 ^5 5 les art. 1083 et i o 8 3 d u C o d e
j> c i v i l , placés au chapitre V III du livre III sus indiqué, règlent la
» fo r m e , l’objet et les effets des donations faites aux époux par
* contrat de m ariage, de tout ou partie des biens que le donateur
» laissera à son décès , donations connues dans l’ancien d r o it , de
» même que dans la pratique nouvelle, sous le nom d’institutions
» contractuelles. Des rapprochements de ces dates , il résulte que
» l’institution faite par Mme de Marillat au profit de Mme de L o n » gueil a eu lieu sous l’ empire du C ode c i v i l , telle qu’elle était
» permise et réglée par les art. 1082 et i o 85 du Code civil; de
» l’art. i 5 go du même C o d e , combiné avec les art. 1, 6 et 7 de la
» loi du 3 o ventôse an XII ; il résulte en outre que les dispositions
» de la Coutume d’Auvergne et de toutes autres Coutumes rela» tives aux institutions contractuelles, ont été abrogées par le titre
» du C od e civilsur les donations et testaments, et cela avec d’autant
* plus de raison que déjà la législation intermédiaire, notamment
» la loi du 17 nivôse, an 11, avait prohibé les institutions contrac» tuelles. Ainsi les biens recueillis par la dame de Longueil dans la
>■ succession de sa m è r e , lui sont provenus d’une institution faite et
» ouverte sous l’empire du C ode civil , et par conséquent ils ne
» peuvent être ni dotaux ni inaliénables, puisqu’elle était mariée sous
» le régime de la communauté. L ’objection prise de ce que l’abro* galion du statut d’Auvergne n’a été complétée que par l’art. 1 5 go
» du C od e civil est sans f o r c e , parce q u e , sous l’empire du C o d e ,
» l’institution contractuelle autorisée par les art. 1082 et i o 83 e.'t
» bien régie par la loi du contrat, en ce qui concerne son exis» tence et ses effets entre l’institué et l’instituant, mais elle est régie
m encore par la loi de l’ouverture , en ce qui concerne la disposi-
» tion des biens qui restent à l’instituant jusqu’à son décès, et passent,
» à cette époque seulement, entre les mains de l’institué , qui n’a
* jusqu’alors sur ces biens aucun droit r é e l, mais seulement une
* espérance comparable en droit à celle qui résulterait d’un testa» ment irrévocable. Enfin l’acte du 16 août 1841 est un a. te d’a-
�» bandonnemciu qui est autorisé par l’art, i 267 du C od e c i v i l , qui
» 11’est soumis à aucune r è g l e , et dont les effets se régissent par la
ü volonté des parties contractantes, exprimée dans l’acte lui-mème.
» Un pareil acte n’a rien d’illicite et d’insolite. »
Ce môme jugement statuant à l’égard de Madame de la C h a
pelle , créancière qui n’a pas adhéré à l’abandonnement, déclare
qu’à tort Madame de Longueil a tonné contre elle une demande
en nullité de l’acte qui lui est étranger , et qu’au surplus les motifs
qui précèdent écarteraient cette demande.
5° Ces motifs textuellement reproduits, fondent un troisième
jugement qui valide la vente du 3 o novembre »84 * » consentie dileclement au profit de quelques créanciers chirographaires.
Madame la marquise de Longueil demande à la cour l’infirmatioa de ces sentences.
Les appels qu’elle a interjetés ont mis en présence, d’une p art,
M. Desnanot, syndic des créanciers hypothécaires , et M . Jouanique , svndic des créanciers chirographaires ; d’autre p a r t , les
créanciers chirographaires eux-mêmes appelés à défendre l’acte
d’abandonnement du 26 août 184 1; d’autre part enfin, ceux des
créanciers hypothécaires à qui a été consentie la vente du 3o no
vembre suivant.
M M . Desnanot et Jouanique auront encore à répondre du vice
de qualité qui empreint la demande dont ils ont pris l’initiative
contre Madame de L o n g u e i l, pour obtenir la main-levée de son
opposition en payement des fermages : il est bien certain que le
mandat purement volontaire dont ils sont revêtus, ne saurait,
comme dans le cas d’un syndicat com m ercial, leur donner le droit
d’ester en justice pour leurs mandants.
Mais comme , en cour souveraine , il faut plaider à toutes fins.
Madame de Longueil n’hésite pas à résumer les moyens qui p ro
�tègent sa cause vis-à-vis de tous les adversaires qui ont triomphé
de son droit en première instance.
Supposant la jonction des appels, pour concentrer et simplifier
le débat, elle se propose de démontrer, comme critique des juge
ments attaqués et en réponse au mémoire publié par les intimés,
i° Q u e , pour ses biens d’Auvergne , elle a été soumise à la p r o
tection du statut réel qui était en vigueur au moment de son con
trat de mariage, cl qui les déclarant dotaux, les vendait absolument
inaliénables;
2" Q u ’aucune stipulation du contrat n'a dérogé à ce statut réel ;
5 ° Q u ’ainsi tous les biens qui lui appartenaient lors de son co n
trat, ont été frappés d’inaliénabilité, notamment ceux qui lui étaient
échus par le décès de son père et qu’on a voulu soustraire à l’ap
plication de ce régime , en supposant qu’elle les avait recueillis
dans la succession de M. d e S a l v e r l , son oncle;
4 ° Q u e cette règle s’applique aux biens que lui a donnés sa mère
et qu’elle a recueillis, en vertu de l’institution contractuelle inhé
rente à son contrat de m ariage, et soumise, quant à ses effets, à
la loi qui régit ce contrat;
5° Q u e d’ailleurs, quel que soit le caractère de ses biens, les
actes qui les mettent à la disposition de ses créanciers sont entachés
d’illégalités qui en rendent l’exécution impossible.
DISCUSSION.
P R E M I È R E P R O P O S IT IO N .
L e contrat destiné à régler les conditions civiles de l’union de
M. et de Madame de Longueil a été dressé le 17 vendémiaire,
an 1 2.
il est antérieur à la promulgation du titre de notre code mo
�—
¡6U
14 —
d e r n e , qui régit le contrat de mariage et les droits respectifs des
i
époux.
Sa date seule le soumet donc à l’influence de l’ancien droit.
M . de Longueil habitait le Bourbonnais , son domicile devait
être le domicile conjugal; la coutume du Bourbonnais a du être
en conséquence la loi générale , le statut personnel des époux.
11 ne faut donc pas s’étonner de rencontrer dans leur contrat
uuptial des clauses inspirées par l’esprit de celte coutume : commu
nauté d’acquêts, exclusion de propres, adoption du régime coutumier pour toutes les clauses non prévues dans ce contrat de
communauté conventionnelle.
O r , la Coutume du Bourbonnais permettait l’aliénation des biens
de la femme. E n stipulant que ses immeubles lui resteraient p ro
pres, Madame de Longueil n’avait pas stipulé qu’ils seraient dotaux.
P artan t, ceux qu’elle possédait sur le territoire de la province sou
mise à ce statut réel ont pu èlre aliénés sans difficulté.
.
•
Mais il en est autrement de ceux q u e lle possédait sur le territoire
de la province d’Auvergne. La coutume de cette province répu
gnait au système de la communauté; profondément empreinte de
droit é c r it , elle disposait en son chap. X I V :
« Art.
I er.
Fem m e mariée ou fiancée est en la puissance de son
» mari , excepté quant aux biens adventifs et paraphernaux, des» quels elle est réputée more de famille et dame de ses droits.
*
Art. 5 . L es mari et fem m e, conjointement ou séparément ,
» constant le mariage ou fiançailles, ne peuvent v e n d r e , aliéner,
» permuter , ni autrement disposer des biens dotaux de ladite
» femme , au préjudice d’ icelle, et sont telles dispositions cl nlié» nations nulles et de nul eff'cl cl valeur, et ne sont validées par
» serment.
» Art. 8. Tous les biens que la femme a au temps de scs fian» çailles sont tenus et réputés biens dolauæ , s’il n’y a dot parti-
» culierc constituée en traitant mariage. »
C e statut réel régissait de plein droit les biens d’Auvergne. Il sti-
�pillait pour Madame de Longueil ; il arrêtait, à la limite qui sépa
rait l’Auvergne du Bourbonnais} la faculté qu’avait Mme de Lougueil de disposer de ses propres avec le concours de son mari.
C ’ctait en effet une maxime constante de l’ancien droit que l’au
torité de chaque Coutume était renfermée dans son territo ire, et ne
pouvait s’étendre que sur les biens qui y étaient soumis. « Ce serait,
» disait Cochin (t. 5 , 554 ). donner à une Coutume un empire qui
» ne peut jamais lui convenir sur une autre qui ne lui est point
* subordonnée et qui est revêtue de la même autorité. »
, L e savant commentateur de la Coutume d’A u vergne , Chabrol ,
résumait ainsi toute la théorie de la puissance du statut réel : « O n
» a toujours pensé , en Auvergne et en Bourbonnais, que la femme
» mariée en Auvergne pouvait valablement vendre ses biens de
* Bourbonnais sans l’autorisation de son m a ri, et que celle mariée
* en Bourbonnais ne p ouvait point aliéner ses biens d ’sJu» vergue. » (T om . a , p. 2a5.)
E t de son côté , le commentateur de la Coutume du Bourbon
nais, Auroux des Pommiers sur la foi d’un acte de notoriété des
7
ï
officiers du présidial de Moulins et d’une consultation rapportée
par D uplessis, enseignait « qu’une femme domiciliée à Paris ne
» peut aliéner le fonds dotal qu’elle possède en pays de droit écrit,
» et qu ’au contraire une femme mariée en pays de droit é c r i t ,
» où la loi Julia s’observe , a la faculté d’aliéner les biens qu’elle
» possède à Paris et dans les autres provinces où la loi Julia n’est
» pas reçue. » (P. 38 G.)
Cette doctrine, attestée d’ailleurs par tous les interprètes de l’an
cien droit, cl notamment par Boulenois, en son traité du Statut
réel et du Statut personnel, n’est nullement contestée par les adver
saires. Ils l’ont reconnue en première instance ; ils la proclament
encore dans leur^méinoire. C ’est donc une prémisse irrévocable
m ent acquise. La dotalité était en Auvergne de droit commun ; la
femme mariée en Bourbonnais ne pouvait aliéner scs biens dotaux
situes en Auvergne.
�— i6 D E U X IÈ M E PRO PO SITIO N .
I.
Il n’a pas été dérogé, par le contrat de mariage de M . et de Mme
de L o n g u e il, à cette règle du statut local.
Sans doute ce n’était point une règle absolue. A la différence de
la Coutume de Normandie , la Coutume d’Auvergne permettait de
stipuler l’aliénabilité des biens de la femme.
Cette aliénabilité existait pour les biens paraphernaux dont la
femme pouvait disposer comme rfome de ses droits ( A r t . i*r du
chap. X I V ) .
E lle pouvait résulter aussi de la clause par laquelle la femme se
constituait une dot particulière en traitant mariage ( Art. 8 ).
Ecoutons encore Cliabrol sur l’art. 8 :
« Tous les biens qui appartiennent à la femme lors de scs fian-
» cailles lui sont dotaux , si le contrat de mariage ne le règle pas
» différemment.» V oilà le précis de cet article :
» La convention contraire à ce droit général peut être expresse
» ou tacite.
» E lle est expresse, s'il est stipulé que les biens actuels de la
» femme seront réputés paraphernaux, en tout ou en partie , et
» qu’elle se les réserve comme tels.
* » L a convention est tacite s’il est dit simplement que la femme se
» constitue en dot tels et tels biens, et qu’elle en ait d’autres. L ’effet
* de cette constitution particulière est de rendre le surplus des
» biens paraphernal, d’en ôter conséquemmenl la jouissance et
* l’administration au m ari, cl d’en laisser la femme dame et mat-
« tr e sse , conformément aux articles i cl 9 de ce titre. »
Ceci p o sé , le contrat de l’an
xii
contient-il une dérogation e x
presse; implique-t-il au moins dérogation tacite à la règle d’inaliénabilité des biens d’A uvergne?
�V
~ 17 ~
]
Aucune dérogation n’y est e x p r im é e , au point de vue de la co m
munauté d’acquêts, qui fait la base de leur association conjugale, et
sous l’influence du droit coutumier qui régit cette communauté , les
parties gardent le silence le plus complet sur le sort des biens d’A u
vergne appartenant à la femme. L e statut réel stipule pour e l l e , et
les termes du contrat lui laissent toute sa puissance.
Aucune dérogation tacite ne saurait résulter ni de l’établissement
d’une
com m unauté
d’acquêts, ni de la clause d’exclusion des propres,
ni de la relation à la Coutume du Bourbonnais pour les clauses non
prévues.
« Quoique la communauté ne soit pas d’ un usage ordinaire en
» Auvergne , cependant on la stipule quelquefois , surtout dans le
a cas où la fille est originaire des lieux où il y a communauté ; la
» femme commune en biens profile des gains qui se font dans la
* communauté.
» Néanmoins , il est contraire à l’esprit de la Coutume qu’une
» femme, en se rendant commune, puisse aliéner sa dot; la somme
» qu’elle confond dans la communauté est réglée; c ’est tout ce
» qu’elle peut p erd re ... Si la femme pouvait aliéner, sous prétexte
» qu’elle est en communauté , ce serait encore un moyen ouvert
» au mari pour aliéner les biens de sa femme, contre l’esprit g é néral de la Coutume. Ainsi la femme qui , en stipulant la com-
» munauté , y a apporté et confondu i,o o o livres , par exemple ,
» ne peut risquer la perte que de celte somme; et de même que le
» surplus de ses biens lui resterait propre à Paris , il lui dem eure
» dotal en Auvergne, avec tous les caractères de la dotalilè ( si
» ou peut s’exprimer ainsi), dont le principal est la défense
m d’aliéner. *
Cette solution de Chabrol (t. a , p. 199) s’applique si topique nient à la c a u se , qu’elle dispense de tout commentaire. Tenons
donc pour certain que l’établissement d’une communauté conjugale
et surtout d ’une communauté réduite aux acquêts , loin de déroger
3
�au principe de l’inaliénabilité de la dot en A u ve rg n e , est au con
traire la confirmation implicite de celte prohibition.
II . L ’exclusion des propres a le même caractère et la même si
gnification.
Exclure de la communauté les propres de la femme , ce n’est
certainement pas les paraphernaliser et les rendre aliénables. D ’a
bord , il faut considérer que toutes les combinaisons du contrat du
1 7 vendémiaire an 12, sont dominées par ce régime de communauté
qui est la loi nuptiale. Conformément à la pratique usitée dans le
Bourbonnais, la communauté proprement dite est modifiée en ce
que les biens des époux en sont exclus. Cette exception au régime
de la communauté ne s’étend pas au-delà de l'exclusion stipulée ; et
réciproquem ent, cette exclusion ne peut avoir d’autre effet que
d’empêcher la communauté d’absorber les propres des époux.
E u Bourbonnais, le régime de la communauté pouvait recevoir
une exception : l’exclusion des propres. Celle exception a été sti
pulée.
En Auvergne , le régim e dotal pouvait èlre modifié par une
constitution particulière de d o t , par l’établissement d'un parapher
nal ; il ne l’a pas été.
D o n c , en excluant ses propres de la communnuté , Madame de
Longueil n’a pas dérogé au statut qui prohibait l’aliénation de ses
immeubles d’Auvergne.
III. Cette dérogation ne se rencontre pas davantage dans la sti
pulation q u i , pour les clauses non prévues, se référé à la coutume
du Bourbonnais.
D e quoi s’agissail-il en effet? de régler toutes les conditions de
celle communauté d’acquêts établie sous l’empire de la coutume
qui était la loi générale du contrat. C ’esi comme si les époux s’é
taient soumis purement et simplement aux dispositions de la c o u
tume de. leur dom icile, pour tout ce qui concernait leur com m u
nauté d’acquêts. Il est évident qu’une
clause
de
celte nature
�— i9 —
était. impuissante pour soustraire les biens d'Auvergne au droit
spécial qui les régissait. La prohibition de vendre les immeubles
de la femme dans celle province était trop énergique pour qu elle
put céder à une clause de s t y l e , à un protocole de pure forme.
Q u o i! s’écrient les adversaires, madame de Longucil p o u v a it,
çn se constituant scs biens comme paraphernaux , se réserver la
faculté d’en disposer sans le consentement de son m a ri, e t, quand
elle se les est constitués comme propres de com m unauté, elle ne
pourrait les aliéner avec la garantie résultant du concours marital !
rien n’est plus simple. Si elle n’a pas usé de la faculté qui lui était
donnée de se constituer, comme paraphernaux, ses biens d’A u
v e rg n e , elle est restée sous la protection du droit qui les déclarait
inaliénables : celte protection valait assurément mieux que la ga
rantie du concours de son mari pour les vendre.
Loin de contenir une dérogation au statut d’Auvergne pour les
biens soumis à son influence, le contrat de l’au 12 renferme au
contraire des combinaisons équipollentes à ce régime.
Ainsi, pourquoi à côté d’une stipulation de communauté d’a c
quêts, avec exclusion formelle de propres, une constitution parti
culière de dot? — Cette redondance de précautions »’impliquet-elle pas la volonté d’entourer la dot constituée de tous les moyens
de conservation qui peuvent la protéger? Dans une espèce régie
par l’ancien droit é c r i t , il a été décidé » que lorsque la femme
» déclare se constituer ses biens, cette déclaration ne peut avoir
» d’autre objet que la constitution dotale ; que ces expressions sont
» répulsives de la paraphernalité. » (Arrêt de la cour d’A g c n , du
20 avril 1841 , J. du palais., t. 2 de 18/j 1 , p. 456 ).
La C ou r de cassation a également reconnu , en brisant un arrêt
qui avait décidé le contraire, que les époux qui, en se mariant sons
la coutume de Normandie , ont établi entr’eux une communauté
d ’acquêts et stipulé que le surplus de leurs biens leur demeurerait
propre , ne doivent pas être réputés avoir entendu d é r o g e r , quant
« ces biens p ro p re s, au régime dotal du statut normand; qu’en
conséquence les biens propres de la femme sont demeurés dotaux
�cl
1
par suite inaliénables. (A rrêt du 10 février 18 4 1 • Siroy , 4 1
>
, 234).
]1 faut donc reconnaître que le contrat de mariage du 17 vendé
miaire , an 12 , a laissé à la Coutume d’Auvergne toute sa puissance
sur les biens que madame de Longueil possédait en cette province.
T R O I S I È M E P R O P O S IT IO N .
L ’inaliénabilié décrétée par ce statut réel s'applique d’abord aux
biens q u e, même antérieurement, à son m ariage, madame de L o n
gueil avait recueillis dans la succession de M. de M arillat, son
père.
, O r , M. de Marillat possédait notamment les biens de C ham ba-
ra n d c , situés $ur les communes de St.-Pont et de B rou l-V ern et, en
Auvergne.
Ces biens ont été compris parmi ceux abandonnés aux créanciers
hypothécaires, par l’acte du 26 mars j8/fO.
Vainem ent, pour les soustraire au principe de l’inaliénabililé d é
coulant de l’ancien droil de la p ro v in ce , prétend-on que Mme de
Longueil
les a recueillis dans la succession de M. de Salvcrt 1, son
O
o n c le , qui lui est échue sous le C ode civil.
Il est bien vrai que le contrat d’abandonnement leur minime celle
origine.
Il est bien vrai que celle origine semble établie par un aclc d’adjudication nationale tranchée au p ro lild e M. de Salvcrt.
Mais ce n’est là qu’une vaine apparence.
11 a été expliq ué, et Mme de Longucuil offre encore de prouver,
que ces biens ont toujours appartenu à M. de Laboulaye de
Marillat ;
Q ue son émigration avait pu les soumettre à la main-mise natio
nale j mais que l’adjudication tranchée
au
nom de M. de S alvcrt,
�son beau-frère, était une pieuse fraude employée pour les lui con
server;
Q u ’en effet, pendant Immigration de M. de Marillat, ils ont été
régis pour son com pte, et qu’à son retour il a continué de les régir
lui-même ;
Q u ’ils étaient en ses mains lors de son dé cè s; qu’il en jouissait
comme légitime et
exclusif
propriétaire , et que Mlle de Marillat, sa
fille, les a trouvés dans sa succession;
Qu'elle en jouissait au même titre, lors de son mariage avec M. de
Longueil ;
Et que M. de Longueil a continué pour elle une jouissance q u i ,
commencé par elle ou son auteur , ne peut profiter qu’à elle;
Q u e depuis 1795 notamment, les impôts ont toujours été payés
par elle ou par son père.
D ’où la conséquence qn’en admettant une translation de p r o
priété sérieuse , en 1 793 , au profit de M. de S alvert, qui n’a jamais
possédé, l’influence de tout titre translatif disparaîtrait devant la
prescription conquise par Mme de Longueil depuis cette époque.
Q U A T R I È M E P R O P O S IT IO N .
L e principe de l’aliénabilité s’applique avec la même puissance
aux biens d’Auvergne que Mme de Longueil a reçus de sa mère.
En cfl’e t, ils lui ont été donnés dès le 17 vendémiaire an
x i i ,
en
vertu de l’institution contractuelle insérée au contrat de mariage.
Peu importe que le bénéfice de celte institution se soit réalisé par
le décès de Mme de Marillat, arrivé sous l’empire du Code.
Du jour de la célébration du m a r ia g e , il y a v a it , au profit de
Mme de Longueil un droit irrévocablement acquis. L ’émolument
de ce droit était éventuel en ce sens que la succession de Mme de
Marillat pouvait être plus ou moins considérable. Mais, il faut le
rt‘péter , le droit était irrévocable ; il datait de l'institution , et
�dès cette époque les biens que la volonté de l’instituante transmettait
en cette forme à sa fille , recevaient de la loi alors en v ig u e u r ,
l’empreinte tutélaire de l’inaliénabilité.
Écoutons encore le g rave commenlateur de la Coutume d’A u
vergne : « Non-seulement, dit-il ( p . 2 6 5 ) , les biens dont la femme
» est propriétaire dans le moment de son mariage lui sont d o la u x , si
» le contrat ne contient pas de clause co n tra ire , mais il en est de
» même de ceux dont l’espérance est déjà certaine, quoiqu’ils ne
» soient pas encore a c q u is , comme le bien d’ une institution contrac» t u e lle , qui ne dépouille pas l’instituant, et ne s’entend que des
» effets dont il mourra saisi et vêlu. Les biens qui arrivent à la femme
» dans le cours de son m ariag e, par l’effet d’une pareille institution,
» sont dolaux ; ainsi les biens même que l’instituant ne possédait
» pas encore lors de l’institution qu’il a faite en faveur d’une fille
* qui se mariait, lui sont réputés dotaux, et ils sont censés cons-
» titués en dot par le mariage qui contient l’institution.
» Celle disposition venant à s’accomplir a un effet rétroactif au
» temps du contrat de mariage , dans lequel elle a été laite; la suc-
» cession de l’instituant est dès-lors assurée à la femme , quoique le
» plus ou le moins de ce qui compose cette succession n’ait rien de
» certain et de fixe. On l’a ainsi décidé par un arrêt rendu en faveur
» des nommés Barge , de Tliiers , el la sénéchaussée d’Auvergne
» l’avait jugé auparavant par une sentence du 20 juillet 1640... L e
» contraire ne fait plus de doute depuis l’arrêt Barge. »
Celte prémisse se refuse à tout commentaire. Abordons immé
diatement l’objection : Les adversaires , avec l’autorilé du premier
j u g e , placent la cause en dehors de ce principe , en soutenant que ,
lors du contrat du 17 vendémiaire, an x n , le titre des donations et
testaments , qui a pris place dans notre C ode c iv il, était déjà p r o
m u lgué, que les art. 1082 et i o 85 réglaient
par
conséquent l’insti
tution contractuelle qui a été faite , et qu’ainsi le statut coutumicr se
trouvait expressément abrogé.
�O u i , les articles 1082 et i o 8 5 , confirmatifs des principes de l’an
cien d r o i t , sur la faculté de disposer par institution contractuelle ,
étaient promulgués. Ilsavaient levé l’obstacle que la loi du 17 nivôse,
an 11, avait transitoirement apporté aux dispositions de celte nature.
Mais l’art. 1590 qui a abrogé les Coutumes dans leurs dispositions
relatives au mariage n’existait pas encore.
D o n c , pour leurs biens d’A u v e r g n e , la loi nuptiale des époux
était toujours le statut d’A u v e r g n e , de môme que , pour leur c o m
munauté , leur loi nuptiale était la Coutume du Bourbonnais.
Il ne faut pas confondre la fa c u lté de disposer, F étendue et la
Jorm e de la disposition, avec le caractère des biens donnés.
Les art. 1082 et i o 85 réglementaient incontestablement le droit
qu’avait Mme de Marillat de donner à sa fille tout ou partie des biens
qu’elle laisserait à son décès. Mais ils n’introduisaient pas un droit
n o u v e a u , et loin d’abroger les statuts coutumiers , ils en étaient au
contraire la consécration la plus explicite.
Quant au statut local qui fixait le caractère et réglait le sort des
biens donnés à la femme, il conservait encore toute sa puissance.
C ’est sous son influence que la volonté de l’ instituante s’est mani
festée ; tout était accompli quant au droit résultant de l’institution ,
lorsque le statut a été abrogé.
Q u e Madame de Marillat ait d o n n é , en verlu du droit ancien
ou en vertu du C od e civil qui le confirmait, peu importe. Ce que
Madame de Longueil recevait à titre d’épouse était protégé par
l’ancien d r o it, toujours en vigueur sur ce point. Voilà ce qu’il im
porte de considérer.
Cette distinction entre le droit qui régit la donation et le droit
qui régit les biens donnés est fondamentale et décisive. Une juris
prudence constante la maintient. On peut consulter comme consa
crant ce principe les arrêts de la cour de cassation des 6 avril 1818
(S irey, 19, i , G 5); a 5 novcnib. 1822 (Sirey, 25 , 1, 101); 11 nov.
>828 (S irey, 29, 1, G3) ; 2 avril i 85 /| (Sirey, 34, ‘ j 6GG); 12 juillet
>8/,a ( S ir e y , 42, 1, G91).
�¡y!s
2í
Il faut donc tenir pour constant, avec la cour suprêm e, « que
» le régime conservateur de la d o t , dans l'intérêt de la femme et
» de ses héritiers, établit un statut réel q u i, étant indépendant
* de la capacité des personnes, n’aurait pu cire abrogé que par une
» loi positive; — que les effets d ’une disposition entre-vifs irrévo» cable sont réglés par les lois qui existaient au moment de leur
» confection... »
Les adversaires citent dans leur m ém oire, p. 2 5 , un arrêt q u i ,
loin d’affaiblir cette doctrine, la fortifie au contraire. 11 en résulte
que des biens échus par succession, sous le C od e, n’étaient pas do
taux , comme ceux échus sous l’empire du droit coutumier, parce
qu’il ne faut pas confondre les droits irrévocablement acquis avec
des expectaiives. O r ,u n e succession future est une expectative; une
institution contractuelle crée un droit irrévocablement acquis.
Partout il restera, d’une part, que Madame de Marillat avait c a
pacité pour assurer à sa fille toute sa succession par voie d’institution
contractuelle; qu’elle a régulièrement usé de cette faculté par l’acte
du 17 vendémiaire, an 12, et que cette disposition était irrévocable.
(Art. 1082 et i o 85 du C o d e civil. )
D ’autre p a r t , que les biens ainsi transmis à Madame de L ongueil
prenaient à l’instant même le caractère dotal et inaliénable que leur
imprimait le statut du lieu de leur situation, statut réel auquel cette
forme de disposer ne portait aucune atteinte. (Art. 5 et 8 de la C o u
tume d’Auvergne.
Et si l’on considère que Madame de Longueil était l’ unique en
fant de Madame de M arillat, qu’elle était seule appelée à recueillir
sa succession; que dès lors une institution contractuelle était à peu
près inutile, 011 se convaincra que celle disposition a dû avoir pour
but ci doit avoir effet de placer les biens do l’instituée sous la p ro
tection de la loi spéciale qui les régissait alors.
Ces propositions constituent louic la cause do ¡Madame la mar
quise de L o n g u e il, en ce qui louche la nullité des actes qui dépouil
�lent madame de Longueil de ses biens d’Auvergne , au mépris de
la loi spéciale qui en proclamait l’inaliénabilité.
Ces solutions devront s’appliquer i° aux créanciers h yp othé
caires qui ont reçu , par l’acte du 26 mars 1840 , l’abandonnement
des biens de Chambarcmde, provenant de la succession paternelle;
2 0 Aux créanciers chirographaires qui ont reçu , par l’acte du
16 août 1841 , l’abandonnement des biens de Fourange , p ro v e
nant de la succession maternelle ;
5" Aux acquéreurs de biens de même origiue , suivant l’acte du
5 o novembre 1 8 4 1 7
4° E t à madame de la C h ap elle, créancière qui a refusé son
adhésion à l’abandonnement et qui a requis une inscription d 'h y
pothèque judiciaire sur les biens dotaux de madame de Longueil.
C IN Q U IÈ M E P R O P O S I T I O N .
Si
les actes attaqués par madame de L o n g u e il, ne tombaient pas
devant le droit spécial qui les prohibe, ils ne pourraient, comme
actes d’abandonnement, se soutenir en présence du droit commun.
Quand le législateur a permis la cession de biens volontaire ,
c ’est-à-dire, l’abandon par le débiteur de tous scs biens pour se
lib é r e r , quand il a attaché à ce contrat l’effet résultant des stipula
tions intervenues entre les parties , il a supposé à ces stipulations
une efficacité quelconque , une exécution possible.
11
est de l’essence d’un tel contrat qu’il profite à tous les créan
ciers , et que, sauf les droits de préférence acquis , il les place dans
une situation égale.
4
�n 6
— a6 —
II ne transfère pas la propriété; il confère mandat de la vendre
pour en distribuer le prix ; il doit aboutir à une liquidation.
O r , les actes dont il s’agit créent une situation étrangement
anormale.
D ’a b o rd , ils ne sont pas acceptés par tous les créanciers : il y a
refus d’adhosion de madame de la Chapelle. Il y a désistement
formel de plusieurs de ceux qui avaient d’abord adhéré.
Ensuite , l’abandonnement réserve à madame de L ongucil les
parts qui pourraient compétcr à ces créanciers placés en dehors du
contrat.
Comment dès-lors le contrat pourrait-il s’exécuter?
De quel droit quelques créanciers disposeraient-ils du gage de
tous ?
O n conçoit ce droit quand il s’exerce en vertu d’un mandai in
rem suam auquel ont concouru le débiteur et tous les créanciers.
Mais quand l’unanimité des créanciers mauque , il ne reste plus
qu’un mandat ordinaire que le débiteur peut l'évoquer. Madame
de Longucil a révoqué le sien.
Et puis comment concilier le droit des créanciers sur une partie
des biens avec celui réservé avec madame de Longueil sur l’autre
partie? de quel nom appeler celte étrange indivision?
Comment contraindre les créanciers résistant, madame de la
Chapelle, par exem ple, qui a obtenu hypothèque , à accepter leur
dividende?
Les parties ont-elles eu la volonté de se soumettre à toutes les
conséquences de ces anomalies ?
L e contrat inexécutable ne doit-il pas être tenu pour non avenu?
t
T elles sont, sommairement exposées, les bases de la discussion
orale qui va s’ouvrir. Elles sont offertes aux méditations de la cour,
�avant l’audicncc ou elles recevront le développement dont elles ont
besoin.
F . G 1R E R D , Avocat du Barreau de N e v e r s,
R édacteur du M ém oire;
R O U H E R , A v oca t;
M A R C H A N D , A voué.
R iom. — Im prim erie de A. Jo u v e t, L ib raire et L ith . près le Palais.
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
[Factum. Longueil, de. 1846?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Girerd
Rouher
Marchand
Subject
The topic of the resource
contrats de mariage
coutume d'Auvergne
coutume du Bourbonnais
propres
biens dotaux
successions
code civil
séparation de biens
émigrés
créanciers hypothécaires
créances
communautés de biens
droit intermédiaire
doctrine
statut réel
jurisprudence
Description
An account of the resource
Titre complet : Précis pour madame la marquise de Longueil, né de Laboulaye De Marillat, appelante, contre messieurs Desnanot et Jouanique, prenant la qualité de syndics des créanciers hypothécaires et chirographaires de monsieur le marquis de Longueil ; et messieurs Dujouhannel de Janzat, Roy de la Chaise, et autres créanciers chirographaires ; en présence de monsieur le marquis De Longueil.
Annotations manuscrite.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Imprimerie A. Jouvet (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1846
1803-1846
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
1814-1830 : Restauration
1830-1848 : Monarchie de Juillet
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
27 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G3008
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G3009
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53625/BCU_Factums_G3008.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Chausse-Courte (terre de)
Biozat (03030)
Charmes (propriété de)
Brugeat (propriété de)
Chambarande (propriété de)
Fourange (propriété de)
Broût-Vernet (03043)
Saint-Pont (03252)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
biens dotaux
Code civil
Communautés de biens
contrats de mariage
coutume d'Auvergne
coutume du Bourbonnais
Créances
créanciers hypothécaires
doctrine
droit intermédiaire
émigrés
jurisprudence
propres
séparation de biens
statut réel
Successions
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53364/BCU_Factums_G1912.pdf
1e706d0ae817c2978abc3de1a6355bc0
PDF Text
Text
CONSULTATION.
' « ' • Z T ' '<?*
L E C O N S E I L soussigné qui a pris lecture d’un
Mémoire a consulter pour le S t J e a n - P i e r r e
R O U B I N , et d’un extrait de testament y joint
est de l ’avis qui suit :
'
*
■
P O I N T S DE FAI T.
L e 20 floréal an X I , testament nuncupatif écrit, fait par le S .r Lhoste ,
dans le département de la Haute - Loire.
C e testament est conçu en ces termes :
« Le.
, par devant J e a n - François Mouras, notaire public........ ..
et témoins bas-nommés, fut présent J e a n L h o ste .. . . , lequel un peu
indisposé , néanmoins libre de ses sens , ainsi qu’il nous a paru ,
voulant profiter des dispositions des lois relatives aux lib é ralité s,
de gré nous a déclaré vouloir faire son testament nuncupatif écrit ,
et disposition de dernière volonté, qu'il nous a dicté mot à mot en la
forme qui suit :
» Il donne et lè g u e .. . .
» Et en tous ses biens présens et à v en ir, il a fa i t , institué, et de
» sa bouche , nommé Marguerite Reymond , sa fe m m e , pour héritière
» générale et universelle, à laquelle il se confie pour ses honneurs
» funèbres.
»
»
»
»
»
»
»
»
»
»
»
» C'est ici le dernier testament dudit Lhoste , testateur , qui veut
qu’il vaille par forme de testament , donation à cause de mort et
codicille ; ce qui a été fait au lieu de. . . • maison et dans la cuisine dudit Lhoste , testateur , en présence de ( suivent les noms des
témoins au nombre de six ) , soussignés avec ledit Je a n Lhoste testateur : duquel présent testament avons fait lecture en entier audit
A
�( 2 )
» Lhoste, testateur , toujours en présence desdits témoins, au q uel, il
» a dit persister. »
Dans le mois de nivôse an X I I , décès du testateur.
Contestation sur la validité du testam ent, entre ses héritiers na
turels , et sa veuve , héritière testamentaire.
Celle-ci est venue aussi à décéder, laissant pour héritier le S.T Roubin,
consultant.
L e procès repris avec ce dernier est pen d an t, en première instance ,
au Tribunal civil du Puy.
P O I N T S
D E
D R O IT .
Il s’agit d ’apprécier les moyens de nullité que les héritiers naturels
opposent au S .r Roubin, représentant l’héritière testamentaire.
L e S .r Roubin propose à cet égard quatre questions, qui seront succes
sivement rappelées et discutées ci - après.
P R E M I È R E
QUESTI ON.
L e testament dont il s’agit, est-il susceptible d'être annuité pour n’a
voir pas été fait avec les formes voulues par le Code civil ?
N o n assurément.
C e testament fut fait le 20 floréal an X I.
E t la loi du i 3 du même mois qui fait partie du Code c iv il, et
qui règle les formalités à, suivre pour la validité des testamens, ne fut pro
mulguée par le chef de l'Etat que le 23 , de sorte que la promulgation
n ’en fut connue que le 28 dans le département de la Haute-Loire.
O r, le Code civil déclare lui - m êm e, art. 2 , que la loi ne dispose
que pour l’aven ir, qu’elle n ’a point d effet rétroactif ; et dans cet ar
ticle qui s’applique à tous les cas indistinctement, se trouve le principe
que la loi 29 , Cod. de testamentis; le chap. i .er de la nov. 66 de J u s t i n i e n ,e t l ’art. 80 de l’ordonnance de 1 7 3 5 , avaient nominativement
consacré à 1 égard des testamens : principe qui voulait que tous actes
de dernière volonté, faits dans la forme prescrite par la loi existante lors
de leur confection , eussent leur e f f e t , nonobstant toutes lois postérieures
qui dérogeraient ou innoveraient à la forme des actes de cette nature.
Peu importe donc , que J e a n Lhoste eut survécu à la promulgation de
la loi du i 3 floréal an X I.
Toujours est-il que son testament porte une date authentique et
antérieure à cette promulgation.
C ’en est assez pour qu’il doive être m ain ten u , si d'aillevrs il sc
trouve revêtu des formalités qu ’exigeait la l o i , au moment où il fut
rédigé.
�C 3 )
S ’il s’agissait d'une question rélative à la capacité du testateur J
ou à la portion disponible de ses biens , elle ne pourrait être dé
cidée que d’après la loi en vigueur au moment du décès.
Mais tant qu’il ne s’agit que de la forme du testament , la loi
du jour où il a été f a i t , doit seule être consultée.
L a question s’est présentée devant la Cour de cassation , dans
une espèce exactement s e m b la b le à celle proposée par le consultant.
U n arrêt de la Cour d’appel de Bruxelles , avait déclaré va- labiés un testament et un codicille^ faits le 28 nivose an I X , et
23 ventôse an X , mais dont l ’auteur n’était décédé que dépuis
la promulgation de la loi du i 3 floréal an X I.
L a veuve de Villers se pourvut en cassation contre cet a r r ê t ,
sous prétexte que les deux actes de dernière volonté dont il était
q u estion , auraient dû être annullés comme ne^ se trouvant pas faits
avec les formes prescrites par le Code civil.
Mais par arrêt du i . er brumaire an X I I I , rapporté par D e n e v e r s ,
dans son Journal des audiences de la Cour de cassation, 2.e cahier
de cette même année , pag. 81 et suiv. , le pourvoi fut rejeté.
« Attendu que , quant à la forme des testamens et codicilles ,
» ils sont et restent réguliers , lorsqu’ils sont revêtus de toutes les
» formalités prescrites par les lois en vigueur dans le moment de
» leur confection, encore que ces formalités fussent par la suite chan» gées ou modifiées par de nouvelles lois..........»
du
L a première
consultant.
question
ne saurait donc
D E U X I È M E
être
jugée
qu’en
faveur
QUE ST I ON.
L e s héritiers naturels prétendent qu’en admettant que le testa
ment de J e a n Lhoste , doive être régi par les lois antérieures
au Code civil , il y a lieu de l’annuller comme renfermant une
contravention formelle à l ’art. 5 de l ’ordonnance de 1 7 3 5 , en ce
qu’il n’y est pas fait mention que les dispositions aient été écri
tes par le notaire qui l ’a reçu.
Sont-ils fondés dans cette prétention ?
L a négative n’est susceptible d’aucune difficulté sérieuse.
L art. 5 de l’ordonnance voulait bien que toutes les dispositions du
testament nuncupatif fussent, écrites par le notaire , mais il n ’exi
geait point qu il en fut fait mention.
Cet article voulait que le notaire, après qu’il aurait écrit toutes
les dispositions du testam ent, en donnât lecture en entier au
testateur.
A 2
�C 4
)
E t puis il ajoutait : de laquelle lecture il sera fait mention par
le notaire.
Mais remarquons bien qu’il ne s’expliquait ainsi , qu’à l’égard
de la lecture seulement , sans rien dire de semblable à l'égard
de lecriture. E t , d e là , il résulte évidemment qu’aux yeux de la l o i ,
la mention n’était nullement nécessaire à legard de l ’écriture.
Sans doute le testament nuncitpatif devait être écrit par le notaire >
et il était nul , s'il avait été écrit par tout autre.
Mais dans les contestations qui pouvaient s’élever à. cet é g a r d ,
tout se réduisait au peint de savoir si , dans le fait , le testament
se trouvait écrit , ou non , de la propre main du notaire : de sorte
que le sort du testament n’était subordonné qu’au résultat d’une sim
ple vérification.
C ’est donc en ce sens que l'article précité fut constamment en
tendu , et appliqué par la jurisprudence.
Tém oin entr’autres l ’arrêt du ci-devant parlement de Toulouse , du
2 8 août 17 4 2 , qui est rapporté par Furgole » dans son Traité des testamens, chap. 12 , n.° i 5 , et qui , avant de statuer sur la demande en
nullité d’un testament contenant la clause codicillaire , mais que les
successeurs ab intestat soutenaient être écrits par tout autre que le
notaire, ordonne qu’ils feraient vérifier ce fait.
A y m a r , sur l’art. 5 , de l’ordonnance de 1 7 3 5 , rapporte lin arrêt dir
ci-devant parlement de Paris, du 9 décembre 1 7 4 0 , q u i , sur une de
mande en nullité de la même nature » ordonne un pareil interlocutoireTout testament fait par acte public postérieurement à la promulga
tion des dispositions du Code c i v il, relatives à la forme des actes de
dernière volonté, doit porter avec lui la mention expresse qu’il a été
écrit par le notaire ; et pourquoi ? C ’est que le Code c i v i l , art. 9 7 2 ,
ordonne formellement cette mention, mais elle netait prescrite par au
cune loi préexistante ; jusques-là donc, elle n’était pas nécessuire.
T R O I S I È M E
Q UE S T I O N .
L e s héritiers naturels de J e a n Lhofte sont-ils fondés à prétendre que
le testament est n u l , en ce que le testateur n’y parle pas à la pre
m iè r e personne, c’est-à-dire, avec le pronom j e ; mais bien à la troisième,
c ’est-à-dire , avec le pronom il ; que d’ailleurs 1 institution à titre uni
versel y est faite avec trait au passé ( il a fa it, institué, e t c .) , au lieu
d ’être conçue au présent ( il f a i t , institué ) ; que de tout cela , il
résulte que le testament n’a pas été écrit tel qu’a dû le dicter le
testateur, et que les dispositions en sont moins l ’ouvrage de ce der
nier , que celui du notaire qui les a rédigées à son gré?
Tour donner à la discussion de cette question toute la clarté q u e lle
�( 5 )
e xig é , remarquons d’abo rd , que l’ordonnance de 1 7 3 5 eut pour o b j e t ,
ainsi qu’il est dit dans son préambule , non pas de faire un changement
réel aux dispositions des lois que les différentes Cours de l’Empire
avaient observées jusqu'alors , mais au contraire, d’en affermir l’autorité
par des règles tirées de ces lois m êm es, et appliquées d’une manière
précise , et propre à faire cesser le doute et l’incertitude.
Aussi maintint-elle , et les principes généraux du droit romain , par
rapport aux pays qui l’avaient ad o p té , et ceux des coutumes par rap
port aux pays qui se trouvaient régis par des statuts particuliers : de
sorte qu’elle ne s’attacha essentiellement q u à faire disparaître les abus
et les in co n v é n ie n s qui prenaient leur principale source dans les sentimens et les subtilités des interprètes ou des commentateurs , souvent
contraires les uns aux autres, et quelquefois aux lois mêmes ou aux
statuts qu’ils avaient prétendu expliquer.
Il est donc sensible que , parmi les formes testamentaires main
tenues ou modifiées par l’ordonnance , il 11e faut pas confondre celles
qui concernent les pays de droit é c r i t , avec celles qui s’appliquent
aux pays coutumiers.
Nous n’avons à nous occuper ici que des formes du testament nuncupatif écrit , et il suffira même de rappeler celles qui se réfèrent à la
question proposée.
Quelles étaient ces formes, avant l’ordonnance, dans les pays de cou
tume ? Quelles étaient-elles dans les pays régis par le droit romain l
E t en quoi l’ordonnance y a t - e l l e respectivement dérogé ou innové ?
Voilà ce qu’ il faut bien distinguer.
L e droit romain admettait le testament nuncupatif écrit ou solenn el,
et le testament purement nuncupatif, c'est-à d ir e , fait de vive voix et
sans écriture. Voyez la loi 2 1 , in princ. au Coil. de testamenlis , et les
§§ 3 et 1 4 , du tit. 1 0 , du liv. 2 , des instit. de Justinieu.
Quand le testateur voulait faire un testament nuncupatif écrit , il
pouvait ou en écrire les dispositions de sa propre main ou les faire
écrire par tout autre. Ensuite le testameni devait être revêtu du sceau
de sept témoins, à <jui Ion pouvait en laisser ignorer le contenu , et
en outre il devait etre souscrit et signé par le testateur , ainsi que par
les témoins en présence du testateur , et sans divertir à aucun autre
acte. Voyez les textes que nous venons de citer.
C es textes ne disent point q u e , dans le cas où le testateur em
ployait le ministère d’un écrivain quelconque pour écrire ses disposi.
tions , il fut nécessaire de faire mention qu’il les lui eut dictées.
Us ne disent même pas qu'il dût précisément les dicter : il on résulte
seulement qu’il devait déclare* ses volontés à l’écrivain, par lequel il les
Jui faisait rédiger par écrit.
�( 6 )
A la v é r ité , ce mot d icter, par rapport au testament, se trouve dans
quelques lois romaines , et notamment dans la loi 2 1 , versic. in omnibus
au Cod. de testam.
E t F u rg o le , chap. 2 , sect. i . r e , n .° 4 , se fonde sur cette loi , ainsi
que sur la loi 2 8 , ff. qui testam. fa cere possunt, et sur la loi 2 , §. 7 ,
ff. de bonorum -possessions secundum tabulas , pour dire « qu’il faut
» qu’il paraisse que le testateur a dicté le contenu du testament ou
» q u e , du moins, il est nécessaire qu’il n’y ait point de preuve ni de
» circonstance qui puisse faire présumer que le testateur n’a pas dicté
» sa volonté à l ’écrivain: c a r, ajoute cet auteur, ce serait alors non la
» la volonté du testateur de laquelle dépend la force et l’efficace du
» testam en t, mais celle de l ’écrivain. »
Mais d’abord, il paraît que , dans’ le langage du droit rom ain, le
mot dicter par rapport à un testam e n t, était synonyme des mots dé
clarer ou expliquer ses volontés ; et Furgole l’a lui-même entendu ainsi.
D ictare suum arbitrium , dit la première des lois ci-dessus citées.
Mais la seconde, dit simplement, que rien n’empêche qu’un esclave
appartenant même à un autre qu’au testateur, écrive le téstament par
l ’ordre de ce dernier. Servus licet a lien u s, jussu testàtoris teStamentum
scribere non prohibetur.
Et la troisième, après avoir dit que , si le nom de l ’héritier a été
effacé à dessein, il ne doit pas être admis à la succession prétorienne ;
ajoute : il en est de m ê m e , à l ’égard de l’héritier dont le nom a été
écrit à l ’insçu du testateur, ou sans que le testateur fut consulté ; car, on
regarde comme non écrit l’héritier qui n’a pas été écrit par la volonté du
testateur : Quemadmodùm non potest qui h<rres scriptus est non consulto
testatore : nam pro non scripto ; quem scribi noluit.
D ’après ces t e x t e s , il n’était nullement nécessaire qu’il parut que le
testateur eut précisément dicté ses dispositions , et qu’elles eussent
été littérallement écrites, telles qu’il les aurait dictées; mais il suf
fisait que le testateur eut déclaré ses volontés à l ’écrivain , et que ce
lui-ci en eut rédigé la substance , sans rien ajouter ou omettre qui fut
de nature à les contrarier. A u surplus voyez la loi 2 9 , au Cod. de testam entis, et les notes de Godefroi sur cette loi.
]1 est constant d ’ailleurs , que la loi romaine était entendue et ap
pliquée dans ce sens par la jurisprudence du ci-devant parlement de
Toulouse.
Entr’autres auteurs, voyez Cambolas , liv, 3 , chap. 12 , où cet au
teur observe , d’après la loi rom aine, et d’après un arrêt de ce parle
m ent, qu’un testament ne pouvait pas être valablement fait par signes;
mais q u ’il fa lla it , et que c ’était d’ailleurs assez qu’il parut que le tes
tateur eut parlé pour faire entendre ses volontés.
Souvent même on voyait des testamens faits par les simples mono-
�rî> y ï
C 7 )
syllables o u i, ou non, arrachées à des moribonds, sur les demandes qui
leur étaient faites par les notaires ou par des personnes intéressées ;
et ces testamens, quelques suspects qu’ils fussent , étaient déclarés valables-par les parlemens des pays de droit écrit. Voyez Cam bolas,
liv. 5 , chap. 5 , et Henrys , tom. i . e r , liv. 5 , question 3 i.
Ajoutons que les notaires étaient dans l’usage d ’écrire les testamens
en l’absence des témoins , et de ne les appeler que pour en entendre
la lecture.
C ’est pour rémedier à ces abus que l ’art. 5 de l'ordonnance de
1 7 3 5 , en statuant à l ’égard des pays de droit écrit , voulut que »
» lorsque le testateur voudrait faire un testament nuncupatif é c r i t , il
» en prononçât intelligiblement toutes les dispositions en présence au
» moins de 7 témoins , y compris le notaire , lequel écrirait lesdites
» dispositions à m.esure qu elles seraient prononcées par le testateur etc. »
Quant aux pays coutumiers , la coutume de Paris voulait, art. 289 ,
que le testament passé par-devant notaires , f u t dicté et nommé p a r
le testateur aux dits notaires, et qu’il f u t fa it mention audit testament
qu’il avait été ainsi dicté et nom m é, etc ; et la plupart des coutumes
avaient une disposition semblable.
Certaines voulaient ultérieurement qu’il fut fait mention que le tes
tament avait été dicté sans suggestion.
L e s parlemens des pays coutumiers étaient si rigoureusement atta
chés à ces dispositions de la loi municipale, qu’ils annullaient les tes
tamens pour la plus légère omission.
T é m o in , entr’autres l’arrêt du ci-devant parlement do Paris, du 1 4
juillet 1642 , (rapporté au Journal des audiences) , qui cassa un tes
tament fait dans le pays de Poitou , dont la coutume exigeait que le
testament portât qu'il avait été dicté et nommé sans suggestion d'au
cune personne, et qui le cassa par cette seule raison , qu’au mot sugges
tion , le notaire avait substitué le mot induction, quoique assurément
ce dernier terme fut assez équipollent.
L ’ordonnance voulut écarter ces vaines subtilités, dont l ’abus tendait
à rendre illusoire la faculté de tester.
* C ’est dans cet objet, qu’en statuant, par son art. a 3 , sur les testa
mens mincupatifs écrits à l ’égard des pays coutumiers , elle s’expri
mait dans les termes qui suivent : « Les testamens qui se feront de» vant une personne publique, seront reçus par deux notaires, ou par
» un notaire , en présence de deux témoins; lesquels notaires ou l ’un
» d ’eu x, écriront les dernières volontés du testateur , telles qu'il Us die» t e r a ....» Sans néanmoins qu'il soit nécessaire de se servir précisé
ment de ces termes : d ic té, nommé , tu et relu sans suggestion ou au
tres requis par les coutumes ou status.
�(
3
)
On voit qu a l ’égard des pays coutumiers , l’ancien législateur s’ex
prime bien autrement qu a l'égard des pays de droit écrit.
Pourquoi cette différence ? Pourquoi voulait - il que, dans les pays
coutumiers, les notaires écrivissent les dernières volontés du testateur
telles qu’il les dicterait ? C ’est que les coutumes exigeaient effecti
vement que les dispositions de dernière volonté fussent écrites telles
qu'elles étaient écrites par le testateur , et qu’il voulait maintenir
cette disposition h l ’égard des pays régis par ces coutumes , en déro
geant seulement à la nécessité de faire mention expresse de la dictée.
Pourquoi, au contraire, l’art. 5 qui statuait pour les pays de droit écrit
n eiriployait*il pas le mot d icter, mais se contentait d’ordonner que le
testateur prononcerait intelligiblement toutes ces dispositions, et que le
notaire les écrirait à mesure qu’elles seraient prononcées p a r le testateur>
C'est que la loi romaine, ou la jurisprudence des pays de droit écrit,
qui en. avait fixé le sens , n ’exigeait pas que le testateur dictât préci
sément ses dispositions, ni , par conséquent , quelles fussent littérale
ment é c rite s, mais voulait seulement qu’il les prononçât ou les déclarât
à l ’écrivain , et qu’elles fussent rédigées dans un sens correspondant à
ses volontés.
Aussi Furgole, en expliquant (chap. 2 , sect. 3 , n . ° 8 ) , l’art. 23 de
l ’ordonnance, relatif aux pays coutumiers, après avoir observé qu’il n’est
plus nécessaire d’employer les mots d ic té, nommé ou autres requis par
les coutumes ou statu ts, a jo u t e - t - il , « Il suffit seulement qu’il pa» raisse que le testateur a dicté ou expliqué sa volonté , ou du moins
» qu’on 11e puisse pas présumer le contraire.. . . »
Mais voici comment s'exprime le même auteur, en expliquant ( aux
n.oS i 3 et 14 de la même section) , l’art, 5 de l ’ordonnance concernant
les pays de droit écrit.
« Selon l’art. 5 , lorsque le testateur voudra faire un testament nuncupatif é c r i t , il devra i . ° en prononcer intelligiblement toutes les
dispositions , en présence au moins de sept témoins y compris le 110taire , c’est-â d ire , que le testatsur doit exprim er par sa voix le nom
des héritiers , les portions qu'il leur assign e, les legs , les fid e i commis
et autres choses qu'il voudra ordonner',
le notaire doit écrite les dis-,
positions à mesure qu’elles seront prononcées par le testateur, etc. »
Furgole va plus loin : après avoir observé ( chap. 8 , sect. i . re , n.° 59 ) ,
que d’après la loi 2 1 , if. qui testamenta fa cere possunt, le testateur
doit prononcer le nom de son héritier, ou le désigner d’une manière
certaine et indubitable , et qu’en conséquence l’ordonnance art. 2 , dé
clare nulles toutes les dispositionsftqui ne seraient fa ite s que par signes,
encore qu’elles eussent été rédigées par écrit sur le fondem ent desdits
signes ; il ajoute : « mais 011 ne doit pas induire que si un testateur
montrait
»
»
»
»
»
»
�( 9 )
•» montrait , par signes aux témoins et aux notaires, la personne qu’il
v voudrait faire h éritier, en déclarant qu’il l'institue héritier, une telle
5» institution fut nulle ; car l'ordonnance n’entend prohiber que les dis» positions où le testateur n’emploie que des signes sans aucunes paroles :
» ces signes étant presques toujours équivoques, et non lorsque le testa» teur p a r le , et qu’il dit que la personne qu’il montre et désigne de
» la main ou autrement , soit son héritier; auquel-,cas il ne peut y avoir
» ni doute ni équivoque, puisque le testateur déclare, de p a ro le, qu’il
» veut faire un h éritier, et que le signe ou la démonstration*n’est que
» pour fa ire connaître la personne de l’héiitier. Ainsi il ne faut pas
v croire que l’art. 2 de l’ordonnance , ait dérogé à la loi 58 de hered.
» instit. , ni aux autres lois'qui veulent que 1 institution où la personne
» de l ’héritier n'ëst: pas expressément 1 nomméé , et où: elle n’est qùè
» •simplement désignée^soit valable : ’elle ne défclare-huiles que les dis» positions qui sont totalement faites par sign es, et non celles qui sont
y mêlées de paroles et dé signes, et où les signes ne sont faits que pour
» désigner la personne' de ^héritier, ce qui résulte bien clairement de
» ces mots de l’ordonnance qui ne seraient fa ite s que par signes ; et cela
» est si v r a i , que l’art. 5 o.de la ¡même: ordonnance admet les désigna*-'
» lions pour faire connaître les personnes qui 'sont instituées. »
II est sensible que dans* ce passage,’ ainsi que dans le précédent',
Furgole raisonne sur une hypothèse • oûï le testament n ’a été ni litté
ralement dicté par le testateur , ni écrit par, le notaire tel qu’il au
rait pu être dicté; et il n’en décide pas moins, d ’après le texte même
de la lo i, que le testament est valablo.,
,
C e testament ne constate-t-il 1 pas que le testateur a f a i t j institue',
et de sa propre , bouche nommé Alarguerite R aym ond , sa fem m e pour
héritière générale et universelle en tous ses biens présent et à venir. E t une fois constant que le testateur a lui-même prononcé ses dis
positions, le vœu de la loi ne se trouve-t-il pas pleinement rempli?
O n pourrait, d’ailleurs invoquer, s’il en était besoin, les lois 7 , i 5
et 2 4 , Cod. de testam entis, qui voulaient qu'on ne s’arrêtât point à
de vaines subtilités, et qu'un testament ait son effet , en quelques
termes qu’il fut conçu , et nonobstant des erreurs de l ’écrivain , ou les
vices de rédaction , pourvu que la volonté du testateur se trouvât cons
tante. E rro re scribentis testamenlum ju ris solemnitas mutilari nequaquam
potest.—r- Quoniàm indignum est ab inanem observationcm irritas f i e r i ta
bulas et judicia mortuorum placuit ademptis his quorum imaginarius
iisus est institutioni hceredis verborum non esse necessarium observantium , utrùm imperativis et directis verbis f a t , aut ir fe x is . S c d quibus
libet confecta sententiis , vel in quolibet loquendi genere fo rm a ta institutio
valeat ; simodd per eam liquibet voluntatis intentio. _ Ambiguitaleque vel
B
�4u<»
(
io
)
im pcritiâ, vel desidio testamenta conscribentium oriuntur resecandas ess<t
censemus : et sive institutio hæredum post legatorum donationes scripta
sit, vel alia prœtermissa sit observatio, non ex mente testatoris, sed vitio
tabellionis vel allerius qui testamentum scribit , nulli licentiam concedimus p er eam occasionem testatoris voluntatem subvertere vel minuere.
Mais ce n’est pas tout : le testament porte , en toutes lettres , que
le testateur en a dicte' mot â màt les dispositions au notaire.
E t peu importe que cette énonciation précède l ’institution d’héritier.
Ricard , dans son Traité des donations , part. i .Te , n.° 1 5 1 8 , en
parlant des solemnités qu’exigeait la coutume de Paris antérieurement
à l ’ordonnance de 1 7 3 5 , se fait la question de savoir si les solen-nités des testamens ne peuvent être mises qu’à la fin.
» Il semble dit-ili, d!abord , que' les formalités regardant tous les
» testamens et étant nécessaire par e x . , qu’il soit entièrement dicté’
» parle testateur, et ensuite à lui lu et relu , la clause qui en fait men» tion , ne puisse être mise qu'à la fin ; d’autant qu’on ne peut paS'
» écrire , dans la v é rité , que ces formalités ont été gardées, avant que
» toutes les dispositions contenues au testament aient été achevées ,
» et que les témoins aient reconnu si le testateur a effectivement
» dicté son testament, et si le notaire l u i ^ n a fait la lecture réitérée. v
E t puis , Ricard réfute ce système en ces termes
» C ’a été pourtant avec raison , que cette opinion rigoureuse a été
9 rejetée ; parce que le testament étant individu et ne composant
» qu’un acte , il acquiert sa perfection en un moine tems : tellement
» qu(il n'importe pas en quel endroit du testament il soit fait men> tion qu’il a été dicté’ v lu et relu ; d ’autant que cette clause , en
» quelque lieu q u elle se trouve placée, a son rapport à tout l’a c t e ,
» lequel n'est conclu que par les signatures qui servent de sceaux ec
» qui font foi de la vérité de tout ce qui y est contenu : de sorte
» qu’il suffit que les solennités dont nous parlons aient été observées
» avant les signatures, et il est indifférent que la clause de d ic té ,
9 nommé, tu et relu , soit au commencement , au m ilieu , ou à la fin ,■
* pourvu que la solennité ait été gardée , et la clause rédigée p a r
» écrit , ayant que la partie, le notaire et les témoins aient signé. »
Ainsi , en supposant même que le testament d e J e a n Lhoste ,•
quoique fait en pays de droit é c r it , ait dû être dicté , et être lit
téralement écrit tel qu’il était dicté , sans qu’il eut suffi que le tes-tateur en prononçât intelligiblement les dispositions, les héritiers na-turels n’en seraient pas plus avancés, puisque le testament constate
qu’il a été dicté mot à mot par le testateur.
L a r t . 97a du code c iv il, veut que le testament par acte public soit
�4 °t
(
11
)
dicté par le testateur et écrit par le notaire te l qu'il est dicté, et
q u ’il en soit fait mention.
E h bien ! qu’un testament fait depuis la promulgation du codecivil,
constate qu’il a été dicté : croit-on que cette énonciation puisse être
emportée, parce que le testateur aura parlé, soit à la r.e re , soit à la
3 .eKle personne , ou qne les termes dont il se sera s e r v i , n’auront pas
été littéralement écrits par le notaire l Non , sans doute.
'Voici comment monsieur JVialeville > président de la Cour de cas*
sation , s’exprime à ce sujet , sur l ’art. 972 du Code c iv il, dans son
analyse raisonnée de la discussion de ce C o d e , au Conseil d’Etat.
» J e 11e crois pas que le notaire doive écrire en patois un testament
» que le testateur lui dictera dan? cet .idiome, ni même qu'il soit
» obligé de se servir des mêmes termes que le testateur, comme un
» auteur moderne, ( l’auteur, ou les auteurs des Pandectes françaises 1
» l a pensé ; le notaire est seulement obligé de rendre exactement le
» sens des dispositions que le testateur lui dicte , et c’est ainsi que
» les diverses lois qui ont exigé la d icté e , ont toujours été entendues. »
Ajoutons que la question s’est présentée devant la Cour d’appel de
Bruxelles’ dans l ’espèce suivante.
L e 3 ventôse ah X I I , Martin Ramaca fait un testament par acte
public , e t donne la majeure partie de ses biens à son épouse Anne
Catherine Meens.
C e testament porte qu’il a été dicté par le testateur, et néanmoins
toutes les dispositions en sont conçues à la troisième personne.
L ’héritière présomptive du testateur argu m en te, de l à , pour pré
tendre que le testateur n ’a pas dicté lui*même le testament tel qu’il
est é c r it , et qu’en conséquence , il doit ctre déclaré nul.
L e 16 prairial an X I I , jugement du T ribun al civil de Louvain ,
qui déclare le testament valable.
A ppel de ce jugement de la part de l’héritière présomptive.
L e 3 fructidor de la même a n n é e , arrêt de la Cour d’appel de
Bruxelles , qui déclare qu’il a été bien jugé , etc.
« Attendu que l’acte produit lait mention'expresse qu’il a été dicté
» par le testateur ; que rien ne s’oppose à ce que la disposition soit
» faite en 3 .me personne, puisque rien n ’empêche de dicter de cette
» manière ; que d'ailleurs foi doit être ajoutée à l’acte aussi long» temps que le contraire n’est prouvé; ce q u i, dans ce cas , ne pouvait
* se faire que par une inscription en foux. » '
Voyez cet arrêt dans la jurisprudence
Codé civil, l . er semestre
de l’an X I I I , tom. 3 , pag. ¿ 3 3 et suivantes. 1
Il est sensible, en effet , qu’un testateur' peut dicter ses volontés en
B 2
�(
J2
)
parlant à la 3 .me comme en parlant à la i*re person ne, et qu’il peut
de même les dicter en parlant avec trait au passé , tout comme eu
parlant avec trait au présent.
A u surplus, le testament de J e a n L h o ste , constate qn’il a lui-même
dicté mot-à-mot au notaire, et c’en est assez pour que tous les raisonnemens doivent se briser contre cette énonciation qui ne pourrait
être emportée que par la vole de l'inscription de faux.
L e 3 .me moyen de nullités échappe donc encore aux héritiers
naturels , sous quelque rapport qu’on l’envisage.
Q U A T R I È M E
QUE S T I O N .
L e testament fait par J e a n L h o ste , le 20 floréal an X I , posté
rieurement à la promulgation de la loi du 2 5 ventôse de la memê année r
contenant organisation du notariat , p e u t- il, d’après l ’art. 1 4 de cette
l o i , être considéré comme n u l, sur l e ‘ fondement qu’il n'y est pas
fait mention de la signature du notaire qui l’a r e ç u ,e t qni dailleurs
l ’a réellement signé.
L'art. 1 4 de cette loi du 2 5 ventôse an X I , porte r
» L e s actes seront signés par les parties, les témoins et les no» taires, qui doivent en faire mention à la fin de l ’acte.
» Quant aux parties qui ne savent
» notaire doit faire mention , à la fin
> tions à cet égard.
Point de doute qu'aux termes de cet
moins qui signent réellement l'acte , ne
le notaire qui ie reçoit.
ou ne peuvent signer ; le
de l'acte de leurs déclaraarticle, la signature des t é
doive être mentionnée par
Mais , d ’abord , on- pourrait peut-être soutenir avec quelque fon
dement que cette mention n ’est prescrite au notaire, que par rap
port à la signature des témoins , et non par rapport à sa propresignature.
On objectera que le notaire est lui-m êm e considéré comme témoin.
E t , en effet , il était considéré comme tel par l’ancienne légisîation concernant les testamens. S e p t témoins au m o in s, y compris
le n otaire, disaient l’article 5 de l ’ordonnance de 1^ 3 5 , relativement
au testament nuncupatif é c r it , et l'art. 9, de la même ordonnance
relativement au testament clos ou mystique.
Cette objection néanmoins ne serait pas absolument sans réponse.
M ais, admettons que l’art. 1 4 de la loi du 2S ventôse an X I , im^
pose au notaire l ’obligation de mentionner sa propre signature ainsi
que celle des témoins, dans les actes qu’il reçoit, et cette entente
de la loi e s t , en effet > la plus probable.
�(
i3
)
C ela posé , il reste à examiner si cet article s’applique aux testamens.
A vant de discuter directement cette qu estion, il ne sera pas hors
de propos de jeter un coup d’œil sur les lois et la jurisprudence
antérieures qui s’y référent.
L ’ordonnance de B lo is , du mois de mai i 5y g , voulait, art. i 65 »
que
tous notaires et tabellions , soit en pays coutumier ou de
» droit é c rit, fussent tenus faire signer aux parties et aux témoins
» instrumentales ,' s’ils savaient sign er, tous contrats et actes , soit
» testamens ou autres , qu’ils recevraient, dont ils feraient m ention,
» tant en la minute que grosse qu’ils en délivreraient , à peine
» de nullité desdits contrats, testamens ou actes; et qu’en cas que
>> les parties ou témoins ne sussent signer , lesdits notaires ou tabel» lions fissent. mention de la réquisition par eux faite auxdites parties
» et témoins de signer, et de leur réponse. »
Même disposition dans l’art. 84 , de l’ordonnance d’Orléans du mois
de janvier i 56 o , avec cette seule différence qu’il n’y était pas nomi
nativement parlé des testamens.
Comment ces dispositions furent-elles entendues dans l’usage ?
Vers le.m ilieu du 17 .e siècle, la question se présenta au ci-devant
parlement de Paris , dans une espèce où il s’agissait de décider si un
testament et un codicille , faits par le S r. Désespoir, et réellement si
gnés de lu i, étaient n u ls, en ce que les notaires n’avaient pas fait
mention qu’il eût signé. <
■ L e 7 mars 16 52 , arrêt qui nonobstant cette omission, déclara valables
le testament et le codicille.'
Voyez cet arrêt dans le Journal des audiences , ( tom. i . er , liv. 7 ,
chap. 5 , pag. 532 , édit. de 1 7 6 7 ) , avec l'extrait du plaidoyer de l’avo
cat général Talon , où l ’on remarque les expressions suivantes : » E n
» ce qui touche les solennités de la signature du d é fu n t , l’effet est
» plus puissant que la p arole, et est assez indifférent que les notaires
» aient écritt dans la minute que le testateur a sign é , p u isq u e , par
» e f f e t , il a. Signé, comme la coutume le désire. »
R icard , t Traité des donations , part. i . re, n.03 1628 et Ó 2 9 ) , et
Rousseau de Lacombe , ( Recueil de jurisprudence civile sur le mot
testament, se’ct.*3 , dist. i .r e , n.° 3 ) , observent d’après cet arrê t,
que « cette omission ( c ’est-à-dire , le défaut de mention de la si» gnature réellement apposée ) , ne rendait pas le testament nul ,
» et que la nullité irrogée par l’ordonnance de Blois , en ce qu’elle
» v o u la it-( ait. 1 65 ) , que le testament fut sign é, et qu’il en fut
9 fait mention , ne se rapportait qu’au défaut dè signature. »
; Cependant un arrêt rendu par le même parlement de Paris , le 9
C
�( H )
mars 1 7 3 0 , et rapporté par Dénizart sur le mor testam ent, n.° 7 7 ,
déclara nul un testament reçu par un notaire de Saint - Germainen-Laye , et deux témoins , parce qu’il n’y était pas fait mention de
la signature de ces derniers , quoiqu’ils l’eussent en effet signé. C e
même arrêt , rendu en forme de règlem ent, enjoignit aux notaires de
se conformer à l ’art. 1 6 5 , de l ’ordonnance de Blois.
L e parlement de Dijon adopta cette dernière jurisprudence de celui
de Paris , par arrêt du i . er avril 1 7 3 5 , rendu aussi en .form e de r è
glement.
Quant au parlement de Toulouse , il confirmait depuis , comme
avant l’ordonnance de Blois, les testamens non signés par les testateurs r
bien que le notaire eut omis d’énoncer la cause pour laquelle ils n’a
vaient pas signé. Voyez les arrêts rapportés par Cam bolas, ( liv. 2 r
chap. 44 ) ; p a r D c liv e , ( liv. 5 , chap. 5 ) , et par D espeisses, ( tir.
des testamens , sect. 4 , n.° 12 6 ).
A plus forte raison , ce parlement n’annullait-il point les testamen?
pour le défaut de mention de la signature du testateur ou des témoins,
lorsqu’ils avaient réellement signé.
Survînt l ’ordonnance de 1 7 3 5 , qui voulut que le testament m m cupatif é c r i t , fut signé par le testateur, parles témoins et par le notaire.
Cette ordonnance ajouta que , dans le cas où le testateur déclarerait
ne savoir ou ne pouvoir signer, il devait en être fait mention expresse.
E lle voulut également que si parmi les témoins , il y en avait qui
ne sussent ou 11e pussent signer dans les cas où il était permis d'en
employer de non-signataires, il fut fait mention qu’ils avaient été pré-sens , et qu’ils avaient déclaré ne savoir ou ne pouvoir signer.
Mais elle n’exigea point qu’il fut fait mention de la signature du
testateur, ou des témoins, et encore moins du notaire, lorsque leurs'
signatures respectives se trouvaient au bas du testament.
Aussi les parlemens mêmes q u i, jusqu’alors s’étaient rigoureusement
conformés à l’art. i 6 5 , d e l’ordonnance de B l o is , regardèrent-ils ce t
article comme tacitement abrogé par l’ordonnance de > 7 3 5 , en ce qu’il
prescrivait cette mention , à l ’egard des signatures existantes pa* le lait^
Tém oin l ’arrêt , par lequel le parlement de Paris postérieurement
à cette dernière ordonnance, confinïia , au rapport de M. Pasquier, un
testament fait dans la coutume d’A u v e rg n e , et réellement signé par
îes témoins, mais sans mention de leur signature dans le corps du
testament.
Témoin l ’arrêt du parlement de D ijon, du a 5 juin 177 8 , qui re
jeta la demande en déclaration de nullité d ’un testam ent, fondée sur
ce que le notaire qui lavait reçu et signé , n ’y ayait pas fait mention,
de sa signature.
�<oJ
( i5 )
V o y ez ccs deux arrêts et autres dans le Répertoire universel de
jurisprudence , à l ’art, signature , § 2 , quest. 3 .
L e s rédacteurs de cet article , expriment d ’ailleurs leur opinion en k
ces termes : « Il est à croire que ces décisions fixeront enfin la juris» prudence en faveur du parti qu’elles ont adopté ; du moins , il ne
» paraît pas que les principes permettent d ’en suivre un a u tr e , tant
» que le législateur ne jugera pas à propos d’ajouter au texte de
» l'ordonnance de 1 7 3 5 , une formalité que ni cette lo i, ni les pré» cé d e n te s, n’ont prescrites à peine de nullité. »
Une telle addition s e trouve-t-elle dans la loi du 2S ventôse an X I ,
ou si l’on v e u t, cette loi a-t-elle renouvellé l ’art. i 65 , de l ’ordonnance
de B lo is , en admettant que cet article eût prescrit, à peine de n u llité ,
la mention des signatures existantes dans le fait ?
Quelques observations suffiront pour établir la négative de cette ques
tion , à l’égard des testamens.
E t , d ’a b o rd , l’art. 1 65 de l’ordonnance de Blois , ne se bornait pas à
parler des contrats et actes en général ; mais elle comprenait nommé
ment les testamens dans sa disposition, au lieu que la loi du 2 5 ventôse
an X I , ne parle nominativement que des actes , et cette différence dans
les expressions du législateur, en indique déjà une dans son objet.
Il est vrai que le mot acte est un terme générique qui comprend
le testament, ainsi que le contrat.'Voyez, les notes de Guy-Coquille T
sur l’art. ¡65 de l’ordonnance de Blois.
Ma is la loi du 2 5 ventôse , a - t - e l l e en effet compris-les testamens
dans cetie dénomination générale d’actes ?
Non , certainement. Et pour s’en convaincre , il suffit de connaître
l ’objet de cette loi , et d ’en comparer les dispositions , ainsi que les
actes dont elle parle , soit avec la nature des testamens , soit avec les
formes que le Code civil a ultérieurement établies pour la validité de
cette dernière espèce d’actes.
Quel est-il l ’objet de la loi du 2 5 ventôse ?
C ’est d’organiser le notariat ; de déterminer le nombre , le place
ment et le cautionnement des notaires; les conditions requises pour leur
admission et le.mode de leur nomination ; leurs fonctions, leur ressort
et leurs devoirs; les cas de parenté et d ’alliance où ils doivent's’abs
tenir ; la forme de leurs acte s, et les obligations qu’ils Qnt à remplir
pour leur donner la forme authentique et le caractère de l’autorité pu
blique ; l’obligation d’en garder minute , et le droit d ’en délivrer des
grosses et des expéditions.
t,
Tout cela est étranger aux formes requises par la rédaction des tes
tamens, soit mystiques , soit faits par acte public.
L a loi du 25 ventôse an X I , ne déterm ine, par rapport à la r é d a o
�(
16
)
l i o n , que la forme des contrats ou actes synallagmatiques ou bilatéraux
passés devant notaires, sans s'occuper de la forme dés testamens.
E t c’est le Code civil qui règle les formes dans lesquelles doivent être
rédigés les testamens, sans s’occuper de la forme des contrats.
Cette proposition se justifie sous plusieurs rapports ;
i . ° L ’article 9 31 du Code civil veut : « Que tous actes portant dona» tion entre-vifs , soient passés devant notaires, dans la forme ordinaire
» des contrats. »
L e s articles subséquens fixent le mode dans lequel une donation doit
être acceptée pour être obligatoire ; et en e f f e t , ce n ’est qu’au moyen de
l ’acceptation faite par le donataire, que la donation entre-vifs prend le
caractère de contrat ou d’acte bilatéral.
Mais pourquoi le Code civil ne règle - t - i l pas d’ailleurs la forme de
la donation entre-vifs ? C ’est que cette espèce de donation , une fois
acceptée , est un véritable contrat, et que la forme des contrats se trou
vait déjà réglée par la loi du 2 5 ventôse , à laquelle il renvoie, en con
séquence , pour la forme dans laquelle doit être rédigée la donation.
Pourquoi , au contraire, le Code civil détermine - t - i l les formes aux
quelles il a voulu subordonner la validité des testamens ? C ’est que les
formes des testamens ne se trouvaient réglées ni par la loi du 2 5 ven
tôse , ni par aucune autre loi émanée du même législateur qui a suc
cessivement voulu tout régénérer.
20. L a loi dH 2 5 ventôse , avait statué , art. 1 0 : « Q ue les paren s, alli é s , soit du notaire , soit des parties contractantes , au„degré prohibé
par l'art. 8 , leurs clers et leurs serviteurs , ne pourraient être témoins. »
S i le législateur avait voulu que cette loi s’appliquât aux testamens
notariés , il n’aurait pas eu de nouvelle disposition à faire à cet égard
dans le Code civil ; et très-certainçment, il s’en serait référé à celles déjà
existantes.
M ais, au lieu de cela , il a expressément disposé, art. 9 7 5 : « que ni
» les légataires, à quelque titre qu’ils soient, ni leurs parens ou alliés ,
» jusqu’au 4 .' degré inclusivem ent, ni les clers des notaires par lesquels
» les actes seront reçus, ne pourront être pris pour témoins du testa» ment par acte public. »
E t remarquons bien que le Code civil ne porte aucune disposition de
cette nature , à 1 égard do la donation entre-vifs. Et pourquoi ! Nous l’a
vons déjà d it; c’est que cette donation est un con trat, et que la forme
des contrats se trouvait déjà fixée par la loi du 26 ventôse.
Cette loi v e u t , art. 9 , que les actes dont elle parle , puissent être
reçus par deux notaiies sans tém oins, ou par un notaire assisté de deux
témoins.
Mais le Code civil , art. 97 x , exige la présence de deux témoins ,
lorsque le testament par acte public est reçu par deux notaires, et la
présence de quatre témoins, lorsqu’il est reçu par un notaire seulement,
�</o >
( *7 )
A joutons, qu’à l’égard des actes réglés par la loi du 25 ventóse , les
témoins doivent être citoyens français, c’est à-dire, qu'ils doivent avoir
la jouissance des droits politiques; au lieu que pour être apte à être té
moin dans les testamens réglés par le Code civil , c'est assez qu’on ait
l’exercice des droits civils.
Ces différences furent t r è s - b i e n remarquées par le tribun Jaubert (de
la G iro nde) dans le rapport qu’il fit au T r ib u n a t , le 9 floréal an X I *
au nom d e l à section de législation , sur le projet de loi décrété le ï 3
du même mois , et dans lequel il s exprime en ces termes :
« Quelques observations sur les témoins testamentaires ; i . ° il suffit
» qu’ils jou issen t des droits civils ( à l’égard des testamens, art. 980 , du
» Code civil ) r tandis que pour les actes publics ordinaires ( réglés par
» la loi dix 25 ventôse ) , o ù , à la vérité il n’en faut que deux , il est in» dispensable qu’ils jouissent des droits politiques.
» 2 ° L e s légataires ne pourront être pris pour témoins dans un tes» tament par acte public. L e projet n’a pas dû répéter l ’exclusion pour
y le testament dont les dispositions sont secrètes. L ’ordonnance de 1 7 3 5 ,
* n’avait pas non plus interdit aux légataires, mêmes universels, de ser» vir de témoins dans les testamens mystiques.
» 3 .° L e projet dit aussi, que les clercs des notaires par lesquels les
;» testamens publics seront reçus, ne pourront être pris pour témoins.
» L e projet ne répété pas cetie exclusion pour les testamens mystiques.
y L a loi sur l'organisation du notariat, exclut absolument les clers des
» notaires.
» M ais cette loi générale ne peut être invoquée dans la m alilre des
» testam ens, pour lesquels une loi particulière règle tout ce qui est re la tif
> aux témoins. Il faut remarquer d ’ailleurs, que la prohibition ne cesse que
» pour l’acte de suscription , où la présence de six témoins est nécessaire. »
3 .° L e Co 'e c iv il, art. 9 7 1 et suiv. , règle spécialement avec la plus
grande précision, non seulement tout ce qui est relatif aux témoins tes
tamentaires , mais encore toutes les formes qui doivent être ultérieu
rement observées pour la validité des testamens.
D o n c, la loi générale sur l’organisation du notariat, est étrangère ou
inapplicable à tout ce qui concerne la forme des actes de dernière volonté.
4.0 L ’art, io o î , du Code civil porte : « L e s formalités auxquelles les
s> divers testamens sont assujettis par les dispositions de la présente sec» tion et de la précédente, doivent être observées à peine de nullité. »
Il est évident que cet article n’admet pas d ’autres nullités que celles
résultantes de l’inobservation des formes déterminées par le Code civil.
E t , par conséquent le Code civil doit seul être consulté pour la vali
dité ou l’invalidité d'un testament fait sous son Empire.
O r , le Code civil n’exige pas que le notaire fasse mention de sa si
gnature non plus que celles des tém oins, dans le testam ent, soit myslique , soit par acte public.
�( i8 )
A in si, un testament par acte public, fait depuis la promulgation du
Code civil, et réellement signé par le notaire et les témoins, serait incon
testablement valable, nonobstant le défaut de mention de leurs signatures.
E t nous avons vu que cette mention n’était pas non plus nécessaire dans
les testamens faits antérieurement à la loi du 25 ventôse.
Elle ne se trouve prescrite que par cette loi, à l ’égard dos actes sur les
quels elle dispose.
Mais n’est-il pas absurde de supposer que le législateur eut voulu
créer pour les testamens, qui se feraient dans le cours intervalle de
la promulgation de la loi du 25 ventóse, à la promulgation de la loi du
i 3 floréal suivant , une forme' particulière à laquelle ne devaient pas
être assujettis les testamens postérieurs , non plus que les testamens
antérieurs ?
N ’est-ce pas insulter à la sagesse et à la prévoyance du législateur que
de supposer qu'il ait voulu s’occuper des formes des testamens dans
une loi préparée et décrétée à une é p o q u e , où il avait déjà rédigé le
projet de loi, où se trouvaient spécialement réglées toutes les formes des
testamens, et qui devait incessamment faire partie du Code civil l
5 .° L a loi du 2 5 ventôse, porte avec elle la preuve matérielle qu’elle
11e s’occupe point de la forme des testamens , mais seulement de la
forme des contrats,
C ’est dans la section 2 , du tit. i . eT de cette loi , qu’il est question de
la forme des actes ; et, en e f f e t , cette section est intitulée : D e s actes ,
de leur fo rm e ; des minutes, des gro sses, expéditions et repertoires.
E h bien ! l’art. i . er de cette même section, qui est I’a n . 8 de la loi,
annonce déjà que le législateur ne va s’occuper que de la forme des con
trats : car déjà l’on y trouve le mot parties à côté du mot générique actes,
et l ’on sait qu’on ne peut figurer avec la qualification ou le caractère de
parties , que dans les actes où il s’agit dç contracter ou de former des
obligations réciproques.
Q u ’on lise ensuite les art. 1 0 , 1 1 , i 3 , 1 4 , 1 5 , 18 , 2 6 e t 3 o q u i rentrent
dans la même section : on y retrouvera et souvent répété , soit le mot
parties , soit le mot contractans.
Et les articles intermédiaires ne présentent d ’ailleurs rien de contraire
à la conséquence qui s’induit des articles que nous venons d’indiquer.
Sans doute , parmi les dispositions de la loi générale du 25 ventóse, il
en est qui , par leur nature et leur objet, peuvent s’appliquer aux testatnens; mais dans ces dispositions, il n’est nullement question de la forme
des actes considérés en soi.
Q u ’on reporte particulièrement son attention sur l’art. 14.
Il veut que les actes soient signes par les parties , les témoins et les
» notaires qui doivent en faire mention à la fin de l’acte. »
E t c’est précisément en vertu de cet article, que les héritiers naturels
de Je a n Lhoste prétendent faire annuller son testament.
�( *9
)
'
Mais cet article est évidemment inapplicable aux testamens , puisqu'il
ti’y est question que d’actes passés entre parties.
Q u ’on lise enfin l’art. 6 8 , il est conçu en ces termes :
« Tout acte fait en cçntravenlion aux dispositions contenues aux arti» d e s 6 , 8, 9 , i o , 1 4 , 2 0 , 52 , 6 4 , 6 5 , 66 et 67 est n u l , s'il n’est pas
3» revêtu de la signature de toutes les parties , et lorsque l ’acte sera re» vêtu de la signature de toutes les parties contractantes , il ne vaudra que
» comme écrit sous signature p rivée, sauf dans les deux cas, s’il y a lieu,
les dommages et intérêts contre le notaire contrevenant. »
C et article qui attache la peine de nullité à l’inobservation des dispo
sitions y mentionnees , ne peut certainement pas concerner la forme des
testamens, puisqu’il maintient comme actes sous signature p r iv é e , les
actes notariés qu'il rappelle , et qu’assurément , un testament par acte
public ne pourrait pas valoir comme acte sous signature p riv é e , ou comme
festament olographe.
E t i c i , il faut en dire autant des donations entre-vifs ; puisque l’ar
ticle 9 3 1 du Code civil , après avoir dit que tous actes portant donation
enlre-vifs , seront passés devant notaires dans la forme ordinaire des
contrats, ajoute indistinctement qu’il doit en rester minute , sous peine
de nullité , et qu'on ne pourrait pas prétendre qu’il restât minute d ’une
donation qui cesserait d’être considérée comme acte notarié,
De l’art. 68 de la loi du 25 ventôse , combiné avec l’art. 1 4 qu’il
ïappelle , il résulte qu'un acte notarié qui ne ferait pas mention de
la signature du notaire ou des notaires et des témoins , devrait être
déclaré n u l , sous les rapports d’acte notarié.
Mais que peuvent avoir de commun les art. 1 4 et 68 , avec la forme
des testamens , quand on voit qu’ils ne portent que sur les actes passés
entre parties contractantes, entre parties qui s’engagent, qui s’obligent
irrévocablement par des conventions ou des liens respectifs î
Cela n’e s t- il pas radicalement étranger à la forme des testamens en
général et particulièrement à la forme des testamens par acte p u b lic,
où le testateur parle et figure seul , et sans contradicteur , devant le
rédacteur et les témoins de ses intentions ; où il ne contracte p o in t ,
où il ne forme aucun lien obligatoire, où il ne fait que dicter une vo
lonté irrévocable à son gré.
Enfin , redisons - le encore, une loi spéciale qui fait partie du Code
civil , a fixé toutes les formes testamentaires , et a circonscrit dans
l’inobservation de ces formes, les nullités susceptibles d'être opposées
aux testamens.
C ’est donc dans cette loi spéciale, à l’égard des testamens faits depuis
sa promulgation , ou dans les lois spéciales anciennes à l'égard des tes
tamens antérieurs , et non pas dans la loi générale sur l ’organisation
du notariat, qu’il faut vérifier si un testament se trouve ou non rédigé
selon la loi.
�/,lû
*»•
(
20
)
Concluons que le dernier moyen de nullité allégué par les héri
tiers naturels de J e a n Lhoste , n’est pas plus solide que les trois
précédens.
Cette question, si la loi sur le notariat du 25 ventôse an X I , quant
aux formalités q u 'e lle prescrit pour les actes, était applicable aux testam ens, et si un testament était nul par le défaut de mention à la fin
de l’acte que le notaire a signé , a été jugée négativement par un arrêt
de la Cour d ’appel de Bruxelles , du 27 prairial an X I I . C et arrêt est
rapporté dans la jurisprudence du Code c iv il, tom. 2 , pag. 329 , et dans
les Annales du notariat, 1 8.e livraison, n .° du 1 .er fru ctid o r an X I I ,
pag. 4 3 1 . Il a été rendu dans la même espèce que celle discutée dans
la présente consultation , c ’est-à-dire , dans l’espece d ’un testament fait
dans l’intervale de la loi du 25 Ventôse an X I , sur le notariat, à celle
du 1 3 floréal sur les donations et les testamens.
Délibéré à Paris , le 7 février 18 0 6 , par nous anciens Jurisconsultes
Avocats en la Cour de cassation.
M A IL H E .
C H A B R O U D .
p a r tie
i
Au Puy
, D e l ' imprimerie
de
sig n é R o u b i n ,
J . B. L a
Com be.
1806.
I
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
[Factum. Roubin, Jean-Pierre. 1806]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Mailhe
Chabroud
Subject
The topic of the resource
testament nuncupatif
conflit de lois
code civil
rétroactivité de la loi
vices de forme
jurisprudence
droit romain
droit coutumier
droit écrit
doctrine
patois
signatures
notaires
témoins
nullité du testament
testaments
Description
An account of the resource
Titre complet : Consultation. Le conseil soussigné qui a pris lecture d'un Mémoire à consulter pour le Sieur Jean-Pierre Roubin, et d'un extrait de testament y joint, est de l'avis qui suit.
Note manuscrite : « Voir arrêt au journal des audiences, 1809, p. 19. »
Table Godemel : Testament : 10. un testament est-il valable s’il a été fait conformément aux lois existantes lors de sa confection ? Sous l’ordonnance de 1735, était-il nécessaire, pour la validité du testament, qu’il fut fait mention qu’il avait été écrit par le notaire ? un testament peut-il être rédigé à la troisième personne ? est-il nécessaire que le testament contienne mention de la signature du notaire, si d’ailleurs il l’a signé ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de J.B. La Combe (Au Puy)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1806
An 11-1806
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
20 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G1912
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Saint-Julien-Chapteuil (43200)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Relation
A related resource
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53364/BCU_Factums_G1912.jpg
Code civil
conflit de lois
doctrine
Droit coutumier
droit écrit
droit Romain
jurisprudence
notaires
nullité du testament
patois
rétroactivité de la loi
signatures
témoins
Testament nuncupatif
testaments
vices de forme
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53374/BCU_Factums_G2004.pdf
314e002e28e3b0d9066159ff242c18af
PDF Text
Text
MEMOIRE
POU R
Dame M a r i e - A n t o i n e t t e - G e n e v i è v e
STR A ZY, femme GUILBERT en qualité
de tutrice d’ A n n e - F r a n ç o i s e - H e n r i e t t e
DRELON , sa fille naturelle, demanderesse,
CONTRE
La Dame D R E L O N et le Sieur T H O M E U F
son mari, la Dame D R E L O N et le Sieur
T O U V IN son mari, la Dame D R E L O N
et le Sieur B O Y E R son mari, autre Dame
D R E L O N et le Sieur L A G R A N G E son
mari, défendeurs. .
Q U E S T IO N ..
P e u t-o n
reconnoitre un enfant naturel avant sa naissance,
spécialem ent dans la circonstance où le père est obligé de partir
pour les arm ées, avant que la m ère soit arrivée à term e?
S
sd o u t e il n’y a d’unions avouées par les lois et
n
a
par les m œ u rs, que celles qu’elles ont sanctifiées par
des rites sacrés, et auxquelles elles ont im prim é , par
le serment un caractère religieux et durable s a n s doute
A
�-■¡■¿A-
(2 )
l
aussi que les fruits de ces unions légitimes sont les seuls
enfans chéris des lo is, com m e,ils sont les seuls enfans
adoptifs des mœurs : mais les lois n’ont frappé de toute
leur malédiction que les fruits de l'adultère et de l’iuceste, et se montrant indulgentes pour les foiblesses des
hom m es, elles tendent une main secourable aux infor
tunés qui doivent le jour à ec charme puissant,par lequel
deux personnes libres sont entraînées hors des limites
du devoir.
C ’est bien assez pour ces malheureuses victimes de
l’eireur et de l’am our, d’avoir ù lutter sans cesse contre
des préjugés sévères, et d’être toute leur vie attachées
nu pilori de l’opinion ; il est bien juste au moins qu’elles
en soient dédommagées, en prenant quelque part à la
fortune de ceux qui leur ont fait le don funeste de
l’existence.
L orsqu’un homme foiblc rougit d’être p è re , et aggrave
encore sa faute en ne la î-cconnoissant p a s , q u e son en
fant abandonné a i l l e p o u r t o u j o u r s c a c h e r ses larmes et
sa honte dans le sein de sa m ère 5 les lois ne le reconnoîtront p o in t, puisque son père n^a point voulu le
j-econnoître , et ih n e trouvera ,que des lois inflexibles,
après avoir trouvé un père barbare. M ais si la nature
lui a donné un père'assez généreux pour avouer son
erreur après l’avoir com m ise, et pour la consacrer sur
un papier bienfaisant et solen n el, qu’il se console : les
lois ne s o n t plus sourdes à .ses cris, et elles lui pro
clament une p ro tectio n , une fortune et un père.
L ’humanité doit applaudir ù l’homme courageux qui
sacrifie l’opinion à l’h o n n eu r, et ce qu’o n ,appelle sa
�(3 )
réputation à ses devoirs 5 ce dévoûment est une amendehonorable faite aux mœurs outragées, une réparation
donnée aux lois, un triomphe accordé à la naturej et
la nature, les lois et les mœurs ne doivent-elles pas être
justement indignées, en voyant l’avidité s'opposer à tant
de bienfaits , et vouloir fermer le sanctuaire de la justice
à l’infortuné qui s’y présente, tenant d’une main le titre
authentique de son état, de l’autre le livre de nos lois
qui le protège ?
Assez et trop souvent on a vu l’état d’un citoyen
dépendre d’un mot, de la moindre formalité, du plus
léger trait d’écriture omis ou mal employé dans l’acte
qui le constitue : mais aujourd’hui, que reproclie-t-on
à celui que l’on conteste P Les formalités , même les
plus minutieuses, ont-elles été oubliées? n on , elles y
sont observées avec un soin scrupuleux. Cette reconnoissance a-t-elle été arrachée par la violence, enlevée
par l’adresse, ou obtenue par la séduction? n on , elle
est l'expression de la plus libre volonté , comme du plus
généreux sentiment. Donne-t-elle lieu à des doutes sur
les liens de filiation entre celui qui s’en prévaut et celui
qui l’a faite ? A-t-elle été accompagnée de la plus légère
hésitation , ou suivie du plus léger repentir ? Non , les
rapports de paternité sont incontestables , et cette reconnoissance fut l’élan d’un cœur qui ne s’est jamais dé
menti. Que vient-on donc lui reprocher ? On vient lui
reprocher d’avoir été faite trop tôt. Trop tôt ! Est-il
jamais trop tôt pour faire la plus noble et la plus im
portante des actions ? Est-il jamais trop tôt pour assurer
a son enfant un nom, une légitime, un état? Que dis-je,
A 2
�V >0.
( 4 )
pour prononcer l’arrêt qui doit faire de lui, ou un être
fortuné, ou le rebut de la société entière? L ’événement
lie le lui a que trop appris : si celte reconnoissance
avoit été différée, c’en étoit fait, le malheureux n’auroit jamais eu de père !.... Trop tôt ! Mais qu’importe
que cette reconnoissance ait précédé ou suivi la nais
sance! ne suffit-il pas qu’elle existe et qu’il n’y ait aucune
équivoque sur l’intention de celui qui l’a faite, et sur
l’identité de celui qui en est l’objet ? Si un homme
bienfaisant, et qui me tient par les liens les plus sacrés
du sang, est pressé de faire en ma faveur un acte de
générosité d’où dépendent mon rang , mon honneur,
ma fortune, qu’importe que je sois encore pour un
instant éloigné de lu i, et n’est-il pas indifférent à la
loi que son bienfait ait précédé ou suivi immédiate
ment mon arrivée ?
Ne l’outrageons point, cette loi protectrice, en lui
prêtant une sévérité qui l’offense *, et soyons bien con
vaincus que toutes les fois que le mallieur et l’innocence
se présentent devant elle, elle est indulgente et favorable,
connue elle est rigide et sans pitié, loisqu elle poursuit le
crime et la mauvaise foi. L ’orpheline qui implore
aujourd’hui son appui, peut donc se jeter avec confiance
dans le sein de ceux qui en sont les organes. Gomme
magistrats, ils sauront pénétrer le sens de la loi; et s’il se
cache dans l’ambiguité ou dans l'insuffisance des termes,
ils sauront fouiller l’intention de cette loi, et découvrir
son esprit jusque dans son silence même. Comme hommes,
ils feront parler leur cœur, si la loi se tait, et ne verront
point, sans être touchés, l’infortunée qui tend vers eux
�(5 )
ses mains innocentes, et qui leur demande du pain pour
subsister, et un nom pour subsister sans opprobre. L ’erreur
d’un moment, et qui ne fut point la sienne, ne sera point
le supplice de toute sa vie, et elle ose espérer qu’elle re
trouvera dans ses juges un père dont elle n’a connu que
les bienfaits, et qu’une moi't prématurée a moissonné au
champ d’honneur.
C’est dans cette ville, et le 7 octobre 1780 , que naquit
François Drelon. L ’humeur chagrine et sévère de son
père lui fit trouver peu de charmes à la maison paternelle,
et il la quitta pour suivre la carrière des armes. Il s’enrôla
dans le 9 e régiment de hussards, dans le courant de l’an
douze. Bientôt il fut fait bi’igadier.
Son régiment, qui faisoit partie de la grande armée
envoyée, en l’an i3, sur les côtes, pour l’expédition que
le gouvernement projetoit contre les Anglais, étoit en
garnison à Calais.
Drelon étoit logé dans la maison d’un particulier
nommé Leleu, qui avoit chez lui une jeune orpheline
à laquelle il servoit de père. Geneviève Strazy et Drelon
vivoient sous le même toit, à la même table; ils se
voyoient à chaque instant de la joui-née. Entre deux per
sonnes jeunes, la séduction est prompte, puisqu’elle est
réciproque , et bientôt il exista entr’eux l’attachement
le plus intime , et on ne craint pas de dire aussi le plus
sincère. Mais combien Drelon le sentit a u g m e n t e r , lors
qu’il apprit que son amante portoit dans son sein le gage
trop certain de leur amour! ou plutôt, ce n’étoit plus
l’amante qu’il idolâlroit ; c’étoit la dépositaire de son
�•
■
( 6 ).
enfant, de sa nouvelle existence, de l’objet de toutes ses
affections.
Déjà Geneviève Strazy étoit grosse de plus de sept
mois, et Drelon attendoit, avec une sollicitude impatiente,
le moment où il alloit se voir renaître, quand son régi
ment reçut l’ordre de partir pour les campagnes d’Alle
magne. Cette nouvelle fut sans doute un coup funeste
pour son amour; mais un soin plus cher, plus important,
l ’ o c c u p o i t . Il laisse sa maîtresse enceinte, et va courir les
chances périlleuses de la guerre!..... Son enfant va-t-il
être exposé à n’avoir jamais eu de père ? Sera-t-il destiné
à grossir la foule de ces infortunés qui ne reçoivent le
jour que pour le détester, et qu’une naissance honteuse
condamne à traîner toute leur vie la misère et l’igno
minie P.......Rassurons-nous ; les sentimens de la nature
et de l’honneur ont des droits sur Drelon : il va être père,
et veut mériter ce titre.
Pressé par le besoin de son cœ ur, et par un pres
sentiment que n’ont que trop justifié les circonstances,
il conduit, le s3 f r u c t i d o r an i 3 , jour même de son
départ, Geneviève Strazy chez un notaire , et là, il
fait une déclaration publique et solennelle, dans un
acte authentique ainsi conçu :
« Par-devant Nous Jean-Louis-Dominique François et
» son collègue , notaires publics à la résidence de Calais,
« soussignés, fut présent Monsieur François Drelon ( i ) ,
( i ) Il est ici nommé François, quoique véritablement il ait été baptisé sous
le prénom de Michel ; mais nos adversaires ne peuvent tirer de cette différence
aucune induction contro l’iden tité, i° . parce que l ’acto de reconnoissance est
�v £>
»
»
»
»
»
»
»
»
»
»
»
»
( 7 )
brigadier au 9e régiment de hussards, en garnison à
Calais, fils de feu François Drelon, négociant à Clerm ont, P u y -d e -D ô m e , et d’encore vivante Dame
Destera } lequel, en présence de Demoiselle MarieAntoinette-Geneviève Slrazy, fille mineure, demeuraxit h Calais , et pour ce comparant que l’enfant
dont ladite Strazy est enceinte est des œuvres dudit
sieur Drelon: laquelle déclaration il a affirmé sincère
et véritable, ainsi que ladite demoiselle Strazy. Ils nous
ont requis acte, que nous leur avons octroyé pour servir
et valoir ce que de raison, et assurer l’état civil dudit
enfant h naître; car ainsi, etc. Signé F r a n ç o is ,
»
R
oberval
, D
relon
. »
Cette reconnoissance adoucit à Drelon l’amertume de
son départ, et il s’éloigna avec la douce persuasion que,
s’il mouroit au service de sa patrie, il avoit assuré du
moins un nom et un état à son enfant.
Le régiment dont il faisoit partie quitta Calais le même
jour, 23 fructidor an i3. Ce fait est attesté par un cer
tificat de M . le commissaire des guerres résidant h Calais,
Geneviève Strazy accoucha, le 11 brumaire an i4>
d’une fille qui fut inscrite le surlendemain sur les registres
signé de la maio do D relon ; 2°. l ’indication du gra d e, du régim ent, du lieu
de naissance, des noms des père et mère de D relon , lève toute espèce do
doute ; 3°. il a été toujours connu sous le nom de F ra n çois, et dans tous les
actes de famille , il a été désigné sous ce nom , notamment dans les contrats
de mariago des dames Boyer et T h o m e u f, ses sœurs ; dans le testament de
François Drelon son pèro ; dans deux procurations données au sieur D relon Feuillade ; dans le partage de la succession du pèro com m un , et dans une
quittance donnée au sieur Drelon-Feuillade par les adversaires eux-mèmes.
<•
�( 8 )
de l’état civil.. On lui donna les prénoms d'Anne-Françoise-Henriette.
L ’éloignement ne refroidit point les sentimens de
Drelon. Il écrivit plusieurs fois, soit à Monsieur Leléu,
soit à Mademoiselle Strazy , des lettres pleines de ten
dresse, et où il exprimoit de nouveau les dispositions
paternelles où il étoit toujours envers son enfant.
Dès les premières campagnes, il fut nommé maréchaldes-logis , et après avoir fait les dernières guerres
d’Autriche et dTIongrie, il fut tué à la bataille de R.aab,
le premier juillet 1809.
Aussitôt après sa mort, ses quatre sœurs se partagèrent
sa succession. Chacune retira en nature le mobilier échu
à son lot; les immeubles furent vendus, et le prix divisé
entre elles.
Aujourd’hui, Geneviève Strazy vient réclamer, pour
son enfant, les droits que la loi accorde aux enfans na
turels reconnus ; c’est-à-dire, dans la circonstance où nous
sommes , la moitié des biens du père. ( C. N. art. 55^).
Les héritiers collatéraux repoussent cette demande,
sous le prétexte que la reconnoissance d’Henriette Drelon
est nulle, comme ayant été faite avant sa naissance; ils
s’appuient de l’article 334 du code N apoléon, ainsi
conçu :
u L a reconnoissance d’un enfant naturel sera faite
» par un acte authentique, lorsqu’elle ne l’aura pas été
» dans son acte de naissance, »
Et ils se renferment dans ce raisonnement : La loi ne
s’est exprimée que sur les reconnoissances postérieures
à la
�(9)'
à la naissance de l’enfant -, donc elle n’en permet point
avant que l’enfant ait reçu le jour.
Etablir que l’argument à contrario sensu ( d’ailleurs
rarement concluant, et presque toujoui’s dangereux dans
l’interprétation des lois) ne peut point servir à l’applicacation de l’article 334 \ prouver que lorsque les lois
contiennent des dispositions favorables, elles doivent
s’interpréter par l’équité, et' l’intérêt des personnes
qu’elles ont voulu favoriser; justifier le principe si hu
main et si connu, que toutes les fois qu’il s’agit de l’in
térêt d’un enfant conçu, il est réputé vivant. Tels sont les
objets que l’on se propose dans la discussion de cette
affaire.
Si l’art. 334 avoit exprimé qu’il n’y a de reconnoissances
valables que celles qui sont postérieures à la naissance,
alors les héritiers pourroient raisonner par les contraires.
Mais qu’on ne se méprenne point sur le sens de cet
article,
L ’article 334 admet deux modes de reconnoissance,
qui produisent les mêmes effets : le premier, est l'acte de
naissance ; le second, est un acte authentique. A la vérité,
le second mode devient inutile, lorsqu’on s’est servi du
premier, parce qu’en effet il seroit superflu de répéter
devant un notaire une déclaration précédemment faite
devant l’olficier de l’état civil : mais ce seroit une erreur
bien grave de penser que l’acte authentique est sans effet,
lorsqu’il précède l’acte de naissance; car il s’ensuivroit
de que si le père, après la naissance de l’enfant, l’avoit
B
�.v,V42-
( 10 )
reconnu par un acte authentique, avant de faire dresser
l’acte de naissance, la reconnoissance seroit nulle; ce qui
seroit une opinion bien étrange, puisqu’il est évident,
au contraire, que l’article 334 admet indistinctement l’un
et l’autre m od e, et que c’est comme s’il eût dit : Un
enfant naturel pourra être reconnu par son acte de
naissance ou par un acte authentique.
Le législateur ne s’est occupé dans cet article que du
cas le plus ordinaire, de celui où la reconnoissance est
faite après la naissance, et il n’a pas cru nécessaire de
s’expliquer sur les déclarations antérieures : la faveur
attachée aux reconnoissances, les principes semés dans*
plusieurs endroits du code, sur les enfans conçus, décidoient assez qu’il les admettait; et s’il eût voulu les prohi
ber, il en auroit fait une disposition expresse.
Ce qu’il s’est proposé dans l’article 334, a été de pres
crire formellement que la reconnoissance d’un enfant
naturel De pourrait être faite que dans son acte de nais
sance , ou par un acte authentique ; et par cette pré
caution salutaire, il a v o u l u écarter tous les actes sous
seings privés, q u ’ il a u r o i t été trop facile, daus une matière
aussi importante, de se procurer par des voies de fraude
ou de séduction. L ’article est en termes impératifs, pour
le cas qu’il a prévu, et non en termes prohibitifs pour
les autres cas.
L a loi ne s’expliquant point sur les reconnoissances
antérieures à la naissance de l’enfant, la prohibition de
ces reconnoissances ne peut se présum er, d’abord, parce
que le code seroit en contradiction manifeste avec cette
règle de droit qu’il a consacrée lui-meme dans plusieurs
�( ” )
de ses articles : Qui in utero est, jam pro nato habetur,
quoties de commodis agitur; il suffit que l’enfant soit
conçu, pour être capable de tous les avantages qui peu
vent lui être faits après sa naissance. Cette prohibition
ne peut pas se présumer non plus, parce qu’il faudroit
admettre que la loi a eu l’intention d’interdire à un père
prêt à expirer la consolation d’assurer, avant sa mort, un
état à l’enfant qui lui devra bientôt le jour*, intention qui
auroit été cruelle et sans motifs.
Telle est l’intei'prétation donnée par Locré , par
Chabot ( de l’Allier ) , et par tous les auteurs qui ont
écrit sur cette partie du code (i).
Telle est aussi l’opinion consacrée par la jurisprudence
des cours impériales de Paris, d’A ix et de Bruxelles.
Il ne faut donc point s’arrêter au sens spécieux que
présente au premier aperçu l’article 334; c’est une lueur
(i)
On dit tous les auteurs. N ous devons avouer cependant que M . G ira u d,
substitut du procureur général près la cour de cassation paroît avoir émis une
opinion contraire, en établissant au surplus une distinction entre une reconnoissance faite par un homme bien portan t, et qui survit à la naissance de son
enfant, et la reconnoissance faite par un liomme menacé de la mort. « Je ne
» me permettrai pas, d it-il, de décider ce qu’il faudroit prononcer sur la vali» dité d’une reconnoissance faite avant la naissance de l’enfant, par un homme
» attaqué d’ une maladio sérieuse, et qui verrait sa mort prochaine. » On sent
assez que la position où se trouvoit D relon , lorsqu’il fit sa déclaration do pater
n ité, c lo it , sous certain ra p p ort, à peu près semblable à celle d ’un homme
atteint d’une maladie sérieuse.
.Sur les autres cas, on doit observer que la question n’avoit point été élevée
dans la cause. M . Giraud nu la traita que par occasion et en passant; et
l’arrêtisto ajouto : « La cou r n’a point a p p 'é cié sous ce rapport la reconnois» sance do paternité ; mais si elle n’avoit pu se dispenser de résoudre lu question
» élevée par M. Giraud, nous croyons qu’elle n’auroit pas consacre l’opinion
9 de ce magistrat. » Sibet , tome 0 , page 584*
�V\ m a .
( 12 )
trompeuse, qui ne peut éblouir que les yeux de l’intérêt,
et sur laquelle on ne doit point se fixer pour découvrir
la véritable intention du législateur.
Pour saisir avec justesse l’esprit d’une loi, il faut bien
se pénétrer de son intention et des motifs qui la dictèrent.
Lorsque le législateur a permis la reconnoissance des
enfans naturels, et leur a donné, par une innovation
bienfaisante, quelques droits à la succession de leur père,,
que s’est-il proposé? deux choses: 1a première, d’accorder
à un père la douce faculté d’avouer un enfant auquel il est
persuadé d’avoir donné l’être \ la seconde, d’assurer à cet
enfant des moyens de subsistance, sur les biens de celui
qui s’est déclaré authentiquement son père. Cette loi fut
donc inspirée par le double intérêt du père et de l’ enfant;
elle est donc favorable sous tous les points de vue; et en
la supposant équivoque ou insuffisante dans ses termes,
on doit s’attacher plus à son intention qu’à sa lettre, et
l’interpréter par l’intérêt de ceux qu’elle a voulu favoriser.
« Les lois qui f a v o r i s e n t , d i s e n t les légistes, ce que
» l’intérêt public, l’humanité, la religion, la liberté des
» conventions, et d’autres motifs de ce genre, rendent
» favorable, et celles dont les dispositions sont en faveur
» de quelques personnes, doivent s’interpréter avec l’é» tendue que peut donner la nature de ces motifs, jointe
» à l’équité, et ne doivent pas s’interpréter durement, ni
» s’appliquer d’une manière qui puisse préjudiciel' aux
» personnes que ces lois ont voulu favoriser, u Gvyot,
Rép. de jurisp. (i).
( j ) Nulla juris ratio , aut œfjuitatis benignitas patitur, ut tjua; salubriter
�(
)
Appliquons ces règles à l’espèce qui nous occu pe, et
toujours dans la supposition que nous voulons bien faire
de l’arabiguito de la loi ; voyons si Vintérêt public, Vhu
manité , la religion , la liberté des conventions nous
donnent des titres pour la faire interpréter en notre
faveur.
L ’intérêt public : toute la société est intéressée lorsqu’il
sJagit de l’application d’une loi d’où dépend l’ état d un
de ses citoyens; et irest de son avantage, que les lois
favorables ne soient point restreintes dans une rigueur
dont elle souffre, et de son honneur, qu’on ne lui donne
point un membre dont elle ait à rougir.
Ifhumanité : c’est à ce titre surtout, que l’orpheline que
nous défendons, a des droits à toute la faveur, à toute la
bienveillance de la loi. D e l’interprétation de cette loi
dépendent ses intérêts les plus chers. Elle combat pour
son n om , pour son bien ; disons plus, pour n’être pas
réduite à mourir de faim ou de honte. Elle combat, et
contre qui ? Fille de l’adultère, vient-elle lutter contre
des enfans légitimes ? A h ! si c’étoit ainsi, elle ne se présenteroit qu’en tremblant ; elle redouteroit un parallèle
qui la couvriroit d’humiliation, et ce ne seroit qu’en
rougissant, qu’elle viendrait disputer aux enfans du ma
riage les alimens que la loi jette avec mépris aux enfans
du vice. Mais non , elle est née de parens libres, et c’est
contre des collatéraux qu’elle vient réclamer ses droits;
contre des collatéraux, pour qui lessentimens delà nature
4
T.
pro utilitate hominum introducunlur, ea nos duriore interpretalione contra
ipsorum commodum producamus ad severitatem » L o i 25 > D . do logibus,
�'■/â 6-
C i4 )
ne sont rien, et l’argent tout; ceux-ci ne sont guidés que
par la cupidité, elle est conduite par l’honneur -, ils ne
demandent que de l’or , elle demande plus, elle réclame,
le nom et l’état que lui laissa son père. Si l’on pouvoit
ci’oire un moment que l’intention de la loi fût douteuse,
l’intérêt et la pitié qu’inspire Henriette Drelon, mettroient dans la balance \in poids qui auroit bientôt rompu
l’équilibre.
,
, La religion : non, la religion n’est point étrangère à
l’intérêt que nous agitons. Lorsque nous sommes menacés
de la mort j n’est-ce pas elle qui nous prescrit le repentir,
qui exige l’expiation de nos eri’eurs, qui nous enjoint de
réparer, autant qu’il est en nous, le mal que nous avons
lait? C’est un motif de religion qui a fait admettre les
mariagesz« extremis dans notre législation. C’est le même
motif qui doit faire accorder à un père mourant la con
solation de reconnoître l’enfant qui va lui devoir l’exis
tence. On doit respecter le cri de la conscience, surtout
lorsqirïl est aussi celui de la natui-e.
La liberté des conventions : si l’on entend par là la favèur, le respect dûs aux volontés exprimées dans un acte,
quelle faveur, quel respect ne méritera pas la profession
de foi échappée à D relon, avec tant d’effusion , consacrée
avec tant d’énergie dans un titre solennel ! Qu’on se rap
pelle les termes de la reconnoissance du 23 fructidor
an i 3 ; qu’on se rappelle les sentimens qui l’ont dictée;
qu’on se rappelle la situation critique de celui qui l’a
faite, et qu’on dise que cet acte n’est pas digne de toute
la faveur, bien plus, de tout le respect des interprètes de
la loi !
' .
�(
)
Mais pourquoi n’implorer que la faveur et la commisé
ration , lorsque nous pouvons réclamer la justice au nom
de la loi même ? Pourquoi nous livrer à l’arbitraire d’une
interprétation, lorsque nous pouvons nous appuyer de
textes précis et d’autorités respectables ?
La législation de tous les temps a consacré ce principe
dicté par l’équité, que lorsqu’il y va de l’intérêt d’un
enfant conçu, il est réputé vivant : qui in utero est, jatn
pro nato habetur, quoties de commodis agitur, disent les
Institutes ; et l’on poussa si loin a Rom e la faveur de ce
principe, qu’il suffisoit que la mère esclave eût été libre
un seul moment pendant sa grossesse , pour conférer la
liberté à son enfant.
La maxime qui in utero a été adoptée par le Code Na
poléon. L ’article 725 déclare capable de succéder celui
qui est conçu à l’ouverture de la succession ; l’art. 906
déclare également capable de recevoir, par donation ou
par testament, celui qui est simplement conçu, pourvu
qu’il naisse viable.
Ce principe, en faveur des enfans simplement conçus,
est inséré au titre des Successions ; c’est aussi au titre des
Successions que sont fixés les droits attribués aux enfans
naturels. La loi française a donc voulu qu’ils jouissent,
comme les légitimes, de la faveur de la maxime.
Puisque les enfans naturels, simplement conçus, peu
vent profiter du bénéfice d’une donation ou d’un testa
ment, à plus forte raison ils pourront profiter du bénéfice
bien plus grand d’une reconnoissance ; car plus l’avantage
est important, plus devient applicable la maxime, qui in
�\/4*
C 16 )
utero est, jam pro nato habetur,
q tjo tie s
de
c o m m o d is
A .G I T U R .
Dans le silence de la lo i, cette maxime devroit seule
suffire à décider la question ; mais si l’art. 334 présente
encore du louche aux yeux de quelques personnes, où
peut-on mieux trouver le véritable esprit de cet article,
que dans l’ouvrage, justement célèbre, intitulé Esprit du
Code Napoléon? Voici comment s’exprime Locré ( 1) :
« L a reconnoissance peut-elle être faite avant ou après
» la naissance de l’enfant ?
» L a commission vouloit qu’elle fût valable dans les
« d eyx cas (2).
» Ce système a passé dans l’art, 334 du c°de , lequel ne
» contenant point de restriction, et ne fixant pas l’époque
» où la reconnoissance devra être faite, l’admet dans tous
»> les cas,
» Pourquoi, en effet, refuseroit-on à un homme qui a
»> Ja conviction de sa paternité, le droit d’obéir à sa cons« cience , même avant que l’enfant ne soit né ? Les cir»
» c o n s t a n c e s p e u v e n t l’obliger à s’éloigner avant ce terme»
*> u n e m a l a d i e grave peut l e sui*prendre, et ne pas lui
»> laisser le temps d’attendre l’accouchement de la mère. »
V o ilà l’esprit de la lo i; voilà le sens que lui donne celui
q u i a coopéré à la faire, et q u i, comme secrétaire du con
seil d’état, a assisté à chaque discussion , a vu à découvert
l ’intention du législateu r, et a recueilli ses savantes
( 1) Esp. du C. N . tom . 4 , pag. 177.
( 2) Proj. de C. C. liv» i er* > tit. 8, art. 28«
observations
�( Î1 )
observations dans un livre profond, où l’on va puiser,
comme à la véritable source, l’esprit de la loi dans toute
sa pureté.
M. Chabot s’exprime de même. Après avoir traité la
question fort au long et sous tous les points de vue, il finit
par conclure qu’une reconnoissance faite avant la nais
sance de l’enfant, a le même effet que celle qui est faite
après*, « car, dit-il, s’il falloit s’enténir rigoureusement au
» texte de l’art. 334 du C ode, dans l’interprétation qui
» feroit considérer l’acte de naissance comme le premier
» acte où puisse être faite la reconnoissance , il en résul» teroit qu’un homme atteint d’une maladie grave, et
» qui verroit sa mort prochaine, ne pourroit reconnoître
» valablement un enfant naturel, seulement conçu, dont
» il sauroit êti*e le père.
» M ais nous avons déjà prouvé qu’on ne peut supposer
» à la loi une telle injustice , que repoussent également
*> et la nature et la morale.
» Il faut donc penser avec raison que l’art. 334 n’a eu
» pour objet que de statuer sur les reconnoissances faites
» après la naissance, qu’il n’a point embrassé les recon» noissances faites antérieurement, et qu’ainsi, à l’égard
» de ces dernières reconnoissances, il faut en revenir à
» la maxime de justice, proclamée par les lois romaines ,
» et consignée dans le Code , qui in utero e st, jàm pro
» nalo habetur, quolies de commodis illius agitur (i). »
En considérant l’intérêt que présente cette affaire , on
auroit désiré , en quelque sorte, avoir au moins le mérite
( 0 Quest.-trans. V erb . Enfans naturels.
c
�ISO ■
( 18 )
de traiter une question entièrement neuve, et le tribunal
de Clermont auroit sans doute été jaloux de fixer le pre
mier sa jurisprudence sur un point de droit aussi impor
tant ; mais nous devons avouer que déjà il a été prévenu,
et quatre arrêts ont déterminé à jamais la véritable inter
prétation de l’article 334 du Code Napoléon.
La cour impériale de Paris a jugé en principe, par son
arrêt du 25 prairial an ij^qu’ime reconnoissance antérieure
îi la naissance de l’enfant naturel, étoit suffisante.
Par ax-rêt du 10 février 1806 , la cour impériale d’A ix a
aussi jugé expressement qu’une pareille reconnoissance
étoit valable, quoiqu’elle n’eût pas été réitérée postérieu
rement à la naissance de l’enfant, et que le père, absolu
ment libre, eût survécu plusieurs années. Les circonstances
étoient cependant bien moins favorables que celles dans
lesquelles nous sommes; carie père n’avoit qu’une con
viction très-imparfaite de sa paternité. Il avoit exprimé
qu’il se repentoit d’avoir fait cette reconnoissance, et avoit
exigé que l’on mit dans l’acte de naissance de l’enfant, né
de parens inconnus. Cette volonté fut justifiée par une
note écrite de sa inain , que l’on trouva après sa mort, et
où il disoit : « je recommande ma fille ù mon frère, décla
rant que cet enfant peut être à m oi, mais que l’inconduite
de la mère m’a persuadé du contraire; c’est pourquoi je la
fis baptiser comme de père et mère inconnus. » Néanmoins
la reconnoissance fut déclarée bonne, et les nombreux
considérans de l’arrêt sont ù remarquer par la force des
motifs.
L a même cour a rendu une décision p areille, par arrêt
du 3 décembre 1807.
�( 19 )
Celle de Bruxelles a aussi, par arrêt du 12 janvier i 8 t$,
déclaré valable une reconnoissance d’enfant naturel,faite
avant la naissance de l’enfant, quoique le père eût sur
vécu pendant cinq ans , sur les lieux, sans avoir réitéré la
reconnoissance.
Jusques-là la jurisprudence a été unanime sur ce point
de droit, et sans doute elle le sera toujours, non seu
lement parce que la loi est muette, non seulement parce
que les lois romaines, l’humanité,notre code ont consacré
ce principe d’équité , que l’enfant conçu étoit suscep
tible des mêmes prérogatives que s’il étoit né; mais encore
( et l’on 11e cessera de le dire, ) par la considération mo
rale et si puissante, que le système contraire auroit la
cruauté gratuite d’ôter à un homme expirant la con
solante faculté de reconnoître son enfant posthume.
Quelles suites funestes auroit cette doctrine ! Quel tableau
affligeant oiTi'iroit une aussi injuste sévérité! Un homme
vertueux , mais qui fut foible un m om ent, est étendu
sur son lit de mort. Son heure est marquée ; dans un
instant il n’existera plus : auprès de lui est celle qui par
tagea son amour et ses erreurs; elle est sur le point de
mettre au jour le fruit de leur affection mutuelle. Ce
père infortuné n’aura-t-il pas la consolation, en mourant,
d’expier un égarement qui empoisonne les derniers momens de sa vie ? Ne lui permettra-t-on pas, à cette heure
futaie, un acte de vertu qu’il pourroit. faire c aus quel
ques jours, dans quelques instans peut-être, si la mort
vouloit différer ? Descendra-t-il dans la tombe avec le
remords déchirant d’abandonner une posténté innocente
à toutes les horreurs de la pauvreté et de l’oppTobre ?
C 2
�iôX.
( 20 )
Sa mémoire sera-t-elle étei’nellement outragée par les in
fortunés qui lui reprocheront sans cesse leur misère et
leur naissance ?....A h ! loin de nous un tableau aussi
aiiligeant ! loin de nous une supposition qui offense la
loi et révolte l’humanité ! Non , la loi ne sera jamais un
gibet où l’on étouffera cruellement la nature. Il sera
permis de consacrer son repentir dans un moment où
l’on a tant besoin de miséricorde ; et celui qu’une erreur
alloit rendre père pourra toujours se dire en mourant:
j’étois homme et je fus foible ; j’outrageai les mœurs,
mais il me reste la douce consolation de pouvoir réparer
mon offense, et, en quittant la v ie, j’ai l’espoir que
mon enfant me pardonnera la sienne : sa naissance ne
sera point légitime , il est vrai, mais en se rappelant
mon repentir et mes bienfaits, il pourra encore bénir
ma mémoire.
Ici l’on nous fera peut-être une objection. Il est dange^
reux , dira-t-on , de permettre les reconnoissances d’en
fant, à l’heure de la mort. Il est à craindre qu’une femme
adroite n’abuse de son e m p i r e , pour faire consentir à son
amant mourant une déclaration qui sera plutôt le fruit
de la séduction que d’une libre volonté. — Cela peut
arriver : mais pour un inconvénient possible , se prive
ra-t-on de cent bienfaits assurés ? Pour un homme séduit
( séduction , au surplus, qui tourne au profit de la société
et de la morale ) , en piivera-t-on cent autres de céder
à l’impulsion de leur cœur et au cri de leur conscience ?
Ce n’est pas d’ailleurs dans notre nouvelle législation
que l’on peut émettre de pareilles considérations, puis^
qu’elle a permis les mariages à l’extrémité de la vie.
�/J'S.
(
21
)
La séduction étoit cependant bien plus à redouter ,
parce que dans ce cas elle est directe , et qu’elle agit
pour elle-même. « M a i s pourquoi, dit M . Portalis, des
enfans qui ont fixé la tendresse d’un p è re , et une com
pagne qui a mérité sa reconnoissance, ne pourroientils pas, avant de recueillir ses derniers soupirs, faire
un appel à sa justice ?....En contemplant la ci'uelle situa
tion de ce père , on se dit que la loi ne peut ni ne
doit aussi barbarement immoler la nature. »
Mais ces considérations générales, toutes vraies qu’elles
sont, s’éloignent du cas particulier où se trouvoit Drelo n , lorsqu’il fit l’acte du
fructidor an i3. Le corps
aussi sain que l’esprit, voué à un état où l’on se joue
également et des .craintes chimériques et des manœuvres
de la séduction, n’écoutant d’autre règle que l’inspira
tion de la nature, d’autre voix que celle de son cœ ur,
il v o l e au-devant de ses devoirs plutôt qu’il ne cède
î\ des considérations étrangères, et sa déclaration porte
le caractère du sentiment le plus tendre et de la vo
lonté la plus déterminée.
;
; >
XiOrsqu’un homme de tout autre état que celui que
professoit Drelon se trouvera dans une occurrence pa
reille, la reconnoissance qu’il fera peut satisfaire la loi 5
mais elle laissera encore quelque chose à désirer pour
les mœurs, et l’on sera toujours en droit de lui dire:
une simple déclaration de paternité n’est point une
expiation suffisante, et puisque vous aimez une femme,
puisqu’elle*vous a tout sacrifié, que ne sacrifiez-vous
¿ votre tour votre indépendance à son honneur et au
vôtre? que ne l’ épousez - vous ? Mais cette ressource
�.(J//
( 22 )
n’est point offerte aux militaires ; et l’on sait que le
Gouvernement, qui veut dans ses armées des hommes
dégagés de tous les liens qui peuvent les attacher à la
vie, leur a presqu’entièrement interdit le mariage par
le décret plus politique que moral du 16 juin 1808.
Quelle satisfaction leur restera-t-il donc à donner aux
mœurs et à leurs plus douces affections? Livrés à une
profession nomade qui les oblige d’abandonner, à l’irnproviste et sans délai, le lieu où ils peuvent contrac
ter des inclinations, les placera-t-on dans cette alternative,
de n’être point hommes, ou d’être hommes dénaturés ?
. On pourroit dire aussi de cet habitant sédentaire d’ une
ville , qui auroit reconnu son enfant avant sa naissance :
Sa déclaration peut être valable, mais elle laisse du doute
sur la persévérance de sa volonté. Il a vécu long-temps et
paisibe auprès de celui dont il vouloit se proclamer le
père il pouvoit confirmer sa déclaration dans son acte de
naissance, ou la renouveler dans un acte postérieur. Il
sufiisoit quC sa reconnoissance laissât la moindre prise à la
controverse , pour lui faire un devoir de lui imprimer
toute (’authenticité que lui suggéroitla prudence. Lors
qu’ une volonté è^t constante , elle ne croit jamais s’entou
rer d’assez de précautions. Mais a-t-on pu tenir ce langage
à Drclon ? On n’a point oublié qu’il n’a fait sa déclaration
:avant là nnissahde de son enfant, que parce qu’un ordre
impérieux lui ôtoit la faculté de la faire plus tard. Aussitôt
après avoir satisfait ;\ ce devoir, il s’éloigne sans retour;
et ce n’étoit point dans les champs de la Pologne et de
l’IIongrie, à 4 ou ^00 lieu(‘s de sa patrie, au milieu des
camps et du tumulte des combats, qu’il pouvoit trouver
�( 23 )
des juristes pointilleux, des hommes de loi assez pré
voyons pour lui faire apercevoir la possibilité des diffi
cultés que l’on élève aujourd’hui.
Il croyoit, il devoit croire, avec raison, qu’il avoit
tout fait pour sa tendresse et pour la loi. Pour sa ten
dresse ! n on , il n’avoit point tout fait : il lui restoit
encore à y imprimer le sceau de la religion et de l'hon
neur ; il se le promettoit, et lui-même l’a révélé dans
une lettre ; mais un éloignement précipité et un décret
impérial lui interdirent pour jamais cette consolation,
et il est mort avec le regret de n’avoir pas accompli
le plus doux de ses vœux.
A-t-il tout fait pour la loi ? Résumons.
Nos adversaires, fiers d’un refuge qu’ils croient trou
ver dans l’art. 334 du Code, s’y renferment comme dans
un fort imprenable, et répondent à nos attaques par ce
cri de ralliement, la lo i, la l o i , rien que la loi. Eh bien ,
c’est aussi la loi que nous invoquons ! La raison, l’impar
tialité n’y verront jamais que ces mots : un enfant naturel
sera reconnu par son acte de naissance ou par un acte
authentique. Qu’on la lise, qu’on l’approfondisse, qu’on
pénètre ses motifs et son intention, on se convaincra
qu’elle s’est proposé une précaution salutaire, et non
une rigueur inutile et cruelle.
C’est aussi la loi que nous invoquons ! Partout elle a
consacré la maxime qu’un enfant conçu est capable des
mômes avantages que s’il étoit né. Ce principe, tiré du
droit naturel, écrit dans tous les Codes de d r o i t positif, ne
peut être renversé que par une disposition expresse de la
loi.
�(.
XH)
Nous l’invoquons encore cette loi, parce que nous la
croyons jnste, et qu’elle n’a point voulu -, non elle ne
voudra jamais (et le législateur l’a dit. lui-même en termes
énergiques) « qu’ un père mourant , dont le cœur est
»> déchiré par le remords, soit privé, en quittant la vie,
» d’assurer l’état d’une compagne qui ne l’a jamais aban» donné, ou celui d’une postérité innocente dont il
» prévoit la misère et le malheur (i). »
Faut-il des interprètes à cette loi ? Chabot, Locré ont
prononcé. Faut-il des arrêts ? La question s’est présentée
devant trois cours impériales, aucune n’a varié.
Si nous n’étions point forts de tant d’autorités , et que
cette cause fût de celles où les considérations morales , la
situation particulière des parties influent sur la décision,
à combien de titres, Henriette Drelon devtoit intéresser!
Victime innocente de l’erreur de ses parens \ privée
presqu’en naissant de celui qui devoit être son soutien ;
le premier pas qu’elle fait dans la vie est marqué par une
démarche qui lui fait déjà sentir la honte de sa naissance ;
et combien le fardeau de la vie lui seroit encore plus
odieux , si la tendre prévoyance de son père n’étoit point
confirm ée’par la justice ! Frappée^ dès le berceau des
rigueurs dé la fortune et de l’opiuion ; sans nom , sans
biens, obligée de lutter sans relâche contre les besoins,
le vice n’attendroit que le moment favorable pour en
faire sa proie, et peut-être n’auroit-elle été appelée h
l’existence que pour la consumer dans les horreurs de
la misère et de l’infamie.......... Mais rassurons-la. Le
( i ) M. Püi-talis, discours sur le mariage.
titre
�( 25 )
titre qu’elle présente lui confère un n om , un état et une
fortune qui seront ses sauve-gardes contre les besoins et
l’opprobre ; et ses juges sauront apprécier la déclaration
franche et généreuse d’ un guerrier, qui ne mit de la pré
cipitation à remplir les devoirs de la nature, que parce
qu’il fut forcé d’obéir à ceux de son état.
:
B E S S E (de Beauregard), avocat.
•
'. n
.
T R É B U C H E T , avoué.
. »j
.i ;
rnm
m
—m—
. . 1
i)
L e CONSEIL SOUSSIGN É, qui a vu et examiné
le Mémoire ci-dessus, et les pièces;
que la déclaration de paternité, faite par le
sieur Drelon, avant la naissance d’Henriette D relon, est
aussi valable que si elle avoit été faite dans son acte de
naissance, ou depuis.
Dans l’ancienne jurisprudence, on suivoit la maxime,
Creditur virgini ’ juranti se ab aliquo cognitam, et e x eo
prœgnantem.
A l’ombre de cette maxime, une fille pou voit choisir
dans toutes les classes de la société le père qu’elle vouloit
donner à l’enfant dont elle étoit enceinte. Le magistrat
dont les mœurs étoient le plus'sévères, n’en étoit pas plus
a l’abri que le jeune débauché; et le plus souvent la dési
gnation frappoit sur celui qui y étoit le plus étranger.
Le code Napoléon :a aboli cette dangereuse législation,
D
E
s t im e
�ISS.
( 26 )
et y a substitué des principes puisés dans la saine raison.
Il a interdit aux enfans naturels la recherche de la pa
ternité , parce qu’elle est toujours couverte d’un voile
impénétrable.
Il a voulu qu’on ne reconnût pour père que celui qui
croyoit l’être, et qui en faisoit l’aveu dans un acte authen
tique.
La loi ne s’est attachée qu’à ces deux points :
La rejcherche de la paternité est interdite.
La loi ne reconnoît que celle qui est avouée par acte
authentique.
Il importe peu que cet aveu soit fait avant la naissance
de l’enfant, dans l’acte civil qui constate sa naissance, ou
dans les temps postérieurs.
L ’art. 334 dit, à la vérité, que « La reconnoissance d’un
» enfant naturel sera faite par un acte authentique, lors» qu’elle ne l’aura pas été dans son acte de naissance. »
Mais cet article ne dit pas dans quel temps il faut que
soit fait cet a c t e authentique. Qu’il soit fait avant ou après
la naissance, le v œ u de la loi est également rempli.
C’est comme si la loi avoit dit : Le silence de l’acte de
naissance d’un enfant naturel ne peut être suppléé que
par la reconnoissance faite par le père dans un acte au
thentique.
1 L ’unique but de la loi, c’est qu’on ne soit pas père mal
gré soi, et qu’on le soit toutes les fois qu’on reçonnoît
l’être, dans les formes reçues.
Toute autre manière d’interpréter cet article 334 du
cod e, n’est q u e subtilité et pointillerie.
La raison, d’ailleurs, ne dit-elle pas qu’il n’y,a aucune
�( 27 )
espèce de différence entre une déclaration faite par le
père pendant la grossesse, et celle faite après la naissance
de l’enfant ; que l’une et l’autre méritent le même degré
de confiance; que si la loi admet l’une, elle ne peut pas
être assez inconséquente pour rejeter l’autre , surtout
d’après cette maxime tirée des lois romaines, et consacrée
par plusieurs articles du code : Qui in utero est, jam prç,
nato habetur, quoties de commodis agitur.
En prenant même cette maxime à la lettre, pro nato
habetur, il s’ensuit que cette déclaration du père doit être
considérée comme si elle étoit faite après la naissance de
l’enfant, puisqu’il est censé né, dès qu’il est conçu, et qu’il
s’agit de ses intérêts : pro nato habetur, quoties de com
modis agitur : ce qui rentreroit rigoureusement dans le
texte comme dans l’esprit de l’art. 334 du code.
Mais d’ailleui-s l’absurdité des conséquences qui résulteroient du système des héritiers D reïon , suffiroit pour
faire sentir l’absurdité du principe qu’ils invoquent
Le sieur Drelon étoit- militaire ; son corps est obligé
de quitter Calais, pour se rendre en Allemagne. Il laisse
Geneviève Strazy enceinte de sept mois ; il lui est impos
sible d’être présent à l’acte de naissance de son enfant. Il
va courir les hasards des combats; la mort l’attend sur le
champ de bataille. Il n’aura désormais à sa disposition ni
notaire, ni officier public, qui puisse recevoir sa décla
ration , et lui donner les formes légales : et on veut que
dans cette position il lui soit interdit de c o n s i g n e r , avant
son départ, sa déclaration dans un acte aulhentique, qu’il
se reconnoîl le père de l’enfant dont Geneviève Strazy est
enceinte, et qu’il laisse cet enfant livré à toute l’huiuilia-
�'‘
Pà* ■
( 28 )
tion d’une naissance dont les auteurs sont inconnus, et à
toutes les horreurs de la misère !
C’est calomnier la loi, que de l’interpréter d’une ma
nière aussi contraire aux premières notions de la justice
et de l’humanité.
Mais s’il pouvoit rester quelques doutes sur ce point,
ils seroient bientôt dissipés par ce que nous dit à cet égard
Locré, qui a assisté aux délibérations des célèbres juris
consultes qui ont rédigé cette loi, et qui tenoit la plume
sous leur dictée;
Par l’opinion de Chabot, de l’Allier, ancien législateur,
membre de la cour de cassation ;
Et par quatre arrets des cours souveraines de Paris,
d’A ix et de Bruxelles, qui ne permettent plus d’agiter
cette question, qui n’auroit jamais dû l’être.
. Délibéré à Clermont-Ferrand, le 18 avril 1811.
BOIROT.
6 j-uiU l(6l\ ,
aJ
%<i
o-IcM j
A
.
m ,
--
(T ~ ^
A C L E R M O N T , de l’Imprimerie de LANDRIOT, Imprimeur-libraire.
■'
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
[Factum. Strazy, Marie-Antoinette-Geneviève. 1811]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Besse
Trébuchet
Boirot
Subject
The topic of the resource
enfants naturels
successions
reconnaissance avant naissance
code civil
mariage des militaires
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire pour dame Marie-Antoinette-Geneviève Strazy, femme Guilbert, en qualité de tutrice d'Anne-Françoise-Henriette Drelon, sa fille naturelle, demanderesse ; contre la dame Drelon et le sieur Thomeuf son mari, la dame Drelon et le sieur Touvin son mari, la dame Drelon et le sieur Boyer son mari, autre dame Drelon et le sieur Lagrange son mari, défendeurs. Question. Peut-on reconnaître un enfant naturel avant sa naissance, spécialement dans la circonstance où le père est obligé de partir pour les armées, avant que la mère soit arrivée à terme ?
Note manuscrite : « 6 juin 1811, jugement du tribunal de Clermont déclare la réconnaissance valable. 23 août 1811, audience solennelle : confirme pour les motifs. »
Table Godemel : Reconnaissance d’enfant naturel : 1. peut-on reconnaître un enfant naturel avant sa naissance, spécialement dans la circonstance où le père est obligé de partir pour les armées avant que la mère soit arrivée à terme ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'Imprimerie de Landriot (Clermont)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1811
1780-1811
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
28 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2004
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Clermont-Ferrand (63113)
Calais (62193)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Relation
A related resource
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53374/BCU_Factums_G2004.jpg
Code civil
enfants naturels
mariage des militaires
reconnaissance avant naissance
Successions