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M
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M
O
I
R
E
EN R É P O N S E
A CONSULTATION SIGNIFIÉE,
POUR
Antoine-Am broise,
J e a n -B a p tiste
et
F r a n ç o is PÉRISSEL, B o n n e t t e PÉRISSEL,
le cito yen M O R T I L L E T , son mari, e t M a r
g u e r i t e PERISSEL, intimés ;
/
„
Ck^'' ii ' iwi{ùJv/'tUA,( ÙI /
CONTRE
A
nnet
'
P E R I S S E L , avoué au tribunal d'appel
de Riom appelant.
L citoyen Périssel est héritier contractuel de ses père'
E
et mère. Il a joui de leurs biens depuis 17 9 1, et en a
vendu plus des deux tiers. Maintenant, pour ne pas payer
à ses frères et sœurs leurs légitimes conventionnelles, il
A
�(
2
)
veut les forcer ù venir à partage avec lui de ces mêmes
Liens , qui se composeront en ce cas, i°. du tiers qui
lui reste; 2°. d’autant de procès qu’il a fait de ventes.
Libre en 1792 de n’être pas héritier, il a traité pour
le redevenir. Libre de nouveau en l’an 2 , il a traité
encore. Quand il a pu partager, il n’a pas voulu de par
tage : le désir ne lui en est venu qu’après avoir tout
innové et dénaturé.
(
Vaincu par les circonstances, le citoyen Périssel a
voulu dissimuler ou affoiblir au moins les plus déter
minantes. Il le falloit sans doute pour obtenir un avis
favorable de jurisconsultes célèbres, (1) qui, s’ils eussent
eu tous les actes de la famille au lieu d’un mémoire
infidèle, n’eussent pas basé leur décision usurpée sur
des lois que le citoyen Périssel s’est lui-mcme rendues
étrangères.
Les légitimâmes Périssel ne s’effraieront donc pas de
cette nouvelle arme de leur frère; ils osent croire au
contraire qu’ils la neutraliseront dans ses mains, en rap
pelant les faits avec plus de détail et d’exactitude.
F A I T S .
Pierre Périssel et M iclielle Labry, père et mère des
parties, ont laissé huit enfans.
( 1 ) 11 étoit peut-être inconvenant de la part du citoyen Férissel,
de signifier au lieu de causes d ’appel, une consultation imprimée
des citoyens Bigot - Préarneneu, G renier, Favard cl Iicrgier. 11
sem ble que ce soit vouloir capter les suffrages par le poids des
signatures. Le respect du aux tribunaux ne perrnettoit pas autre
fois de signifier des consultations comme un acte de procédure.
�( 3 )
Gilberte fut mariée au citoyen Colange, en 1767 :
Marianne avec le citoyen Coudert, en 1773. Toutes deux
furent dotées effuso sermone, et forcloses, mais sous fa
culté du rappel. Les autres enfans sont les parties qui
plaident.
L e 20 septembre 1786, le citoyen Périssel père vendit
à Annet Périssel, appelant, son office de procureur en
la sénéchaussée d’A u vergn e, pour la somme modique
de 14,000 francs. L ’acte porte quittance de 6,000 francs;
et il fut dit que l’acquéreur seroit dépositaire des 8,000 fr.
restans jusqu’au décès de son p ère, pour les rapporter
à sa succession.
L e 4 mai 1789, Annet Périssel se maria avec Gilberte
Albert.
Il fut institué héritier universel de ses père et mère,
sous réserve de 2,000 francs, à la charge de payer les légi
times suivantes : i°. à chacun de ses trois frères, 12,000 fr. ;
2°. à Bonnette, sa sœur, 10,000 francs-, 30. k M arguerite,
autre sœur, 8,000 francs; 40. à la dame Colange, un sup
plément de ,ooo francs; ?. à la dame Coudert, un
supplément de 4,000 francs.
Ces sommes furent dites payables, moitié deux ans
après le décès du père, et moitié dans l’an du décès de
la mère; et si celle-ci décédoit la première, moitié après
le décès du père, et moitié un an après le premier
payement. Enfin, il fut dit que dès le moment du décès
du sieur Périssel père, le futur se mettroit en possession
de l’universalité des successions de ses père et m ère, à la
charge de payer à sa mère une pension viagère convenue.
L e sieur Périssel père est mort en 1790. A ses derA a
5
5
�(
4
)
mers momens il eut une inquiétude : son héritier-, en
achetant à très-bas prix un des meilleurs offices de pro
cureur de la sénéchaussée, avoit toujours espéré que
son pèi'c lui donneroit quittance des 8,000 francs qu’il
avoit en dépôt; et c’est alors qu’il renouvela plus sérieu
sement ses tentatives. Un de ses raisonnemens principaux
auprès du père , étoit la charge trop considérable des
légitimes, et la menace d’abandonner l’institution pater
nelle, pour faire perdre les supplémens des deux filles
fo rclo seset pour que les légitimes qui étoient faites ejfuso
sermonc 11e fussent pas imputées sur les biens de la mère.
Cette menace frappa peut-être trop le mourant, qui
voulut consolider son ouvrage. Il fit un testament le
29 septembre 1790, par lequel il légua aux dames Golange et Coudert les mêmes sommes de ,000 francs et
de 4,000 francs qu’il leur avoit promises ; et prenant tout
à fait à la lettre ce que lui avoit dit son fils, il ajouta
que s’il abdiquoit l’institution d’héritier, et si cette abdi
cation diminuoit les légitimes de ses puînés, les deux
legs qu’il venoit de faire souffriroient une diminution
proportionnelle.
L e père mourut cinq jours après ce testament. Annet
Périssel, s’abusant toujours sur l’imputation des légitimes,
voulut abdiquer l’institution paternelle. En effet, il déclara
lors d’un inventaire du 24 mai 179 1, qu’il abdiquoit reflet
de l’institution contractuelle faite à son profit par son père,
pour s’en tenir à sa portion héréditaire dans les biens pa—
lcrneïs, se réservant l’ellet de ladite institution pour lesbiens maternels : cette déclaration fut acceptée par ses frères
et sœurs, sous la réserve de leurs moyens contre la retenue
que leur frère entendoit faire des biens maternels.
5
�(
5
)
L e citoyen Périssel ne tarda pas à se désabuser du sys
tème faux qui l’avoit engagé dans une démarche dont
il se repentoit. Il proposa aux puînés de rétablir les
choses comme elles étoient avant son abdication» ; et
comme il y avoit des mineurs , comme il vouloit
redevenir héritier avec sûreté, il assembla un bureau
de famille composé de six hommes de loi et de deux
experts. Ce bureau rendit une décision arbitrale le 28
janvier 1792 : cette décision fut adoptée par les parties,
et homologuée le 7 avril.
On y voit qu’Annet Périssel ayant proposé à ses frères
et sœurs de laisser les choses dans leur premier état,
c’est-à-dire, de laisser subsister sur sa tête l’institution
faite en sa faveur par ses pèi*e et m ère, aux mêmes
clauses, charges cl conditions portées par son contrat
de mariage ,• sur cette proposition les parties nomment
un bureau de famille.
L e bureau entend le rapport des citoyens M aneville
et Savarin, et s’occupe de former la masse tant des biens
de la succession de M e. Pierre P é r is s e l, que de ceux
de dame M ichelle L abry ; après cela, pour la sureto
de l’appelant contre les mineurs, le bureau dit que, toutes
charges déduites,.il revenoità peine à l’héritier une por
tion égale h celle de ses frères et sœurs; qu’un partage
seroit long et difficile, en raison des reprises delà m ère,
compensations, et rappel des filles forcloses..
E t v u , est-il dit,, le consentement par écrit donné
par dame Michelle Lnbry, à ce que ledit Annet Périssel
exécutât, tant à son égard qu’à celui de ses frères et sœurs,
les clauses et conditions de son contrat de mariage j le
�'
.
(6 )
bureau, pour le bien général des cohéritiers, est d’avis
que les offres fa ite s par A n n et Périssel à ses fr è r e s et
sœ urs, soient par eux acceptées comme avantageuses.
Eu conséquence, leslégitimaires déclarent qu’ils accep
tent lesdites çffres ; consentent que leur frère exécute
toutes les dispositions portées par son contrat de mariage,
à condition d’être renvoyés indemnes de toutes charges
des biens des père et m ère, sans qu’en cas de recherche,
de la part de quelqu’un d’eu x, ledit Périssel puisse se
dispenser d’exécuter les engagemens portés par son con
trat de max-iage, vis-à-vis des autres.
A u moyen de qu oi, l’abdication faite par l’intimé,
et l ’acceptation d’icelle, dans l’iiiventaire, demeurent
comme non avenues.
Voik\ donc Annet Périssel en possession des biens de
ses père et m ère, aux charges de son contrat de ma
riage; et loin d’avoir du regret, comme il le dit, d’être
redevenu héritier, il se trouva fort bien de jouir de tout,
de vendre ç;\ et là des immeubles, et il craignit, au con
traire, que la révolution ne lxii ôtât la qualité dont il veut
aujourd’hui se dépouiller lui-même.
La loi du 17 nivôse ordonnoit le partage, par égalité,
de toutes les successions ouvertes depuis 1789 ; et dès - lors
venoit fort à propos le relever de ses engagemens, s’il
les eût Irouvés onéreux : deux années de jouissance lui
avoient donné le temps de s’en apercevoir.
Il fit donner une citation à ses frères et sœurs, le 7 ger
minal an 2, sous prétexte de se concilier sur le partage
par égalité voulu par la loi; mais, au fait, pour les faire
réunir et consentir de nouveau qu’il demeurât héritier.
�7
C )
Il conviendra, sans cloute, qu’il les a engages à souscrh’e à ces arrangemens , en leur dictant, lui-m êm e, des
procurations en blanc, pour consentir, soit au partage
des biens des père et mère tout à la fois, soit au main
tien des précédentes conventions.
Il fut passé un second traité, le 4 prairial an 2 , en
présence de deux hommes de lo i, pris pour tribunal de
famille.
Pour satisfaire à la loi du 17 nivôse , il falloit parler
de partage et d’égalité, avant de convenir d’autre cliose.
L ’acte contient, à cet effet, deux parties très-distinctes,
que le citoyen Périssel veut empêcher d’apercevoir.
Les arbitres reconnoissent, d’abord, qu’il paroît pres
que impossible de faire un partage égal des biens du
père , parce qu’ils sont confondus avec ceux de la mère.
Sur cela, ils pensent que les parties doivent inviter leur
mère à consentir que ses biens se partagent en même
temps. Michelle Labry intervient, et dit, que pour main
tenir l’union entre ses enfans, et leur témoigner son
attachement, elle souscrit à ses propositions, pourvu que
le partage se fasse par égalité entre ses enfans.
Après cet hommage rendu à la loi du 17 nivôse, les
arbitres se sont occupés, disent-ils, en présence de toutes
les parties, et après la fixation faite de la valeur des
biens paternels et maternels, et composer la portion
revenante à chacune.
D ’après cette opération, est-il d it, les parties s’étant
convaincues que l’institution d’héritier, faite en faveur
d’Annet Périssel, ne leur étoit point préjudiciable, clc.
les parties traitent et transigent comme il suit :
�(
8
)
Annet Périssel s'oblige de payer à ses frères et sœurs
le montant des légitimes, telles quelles s ontfix é e s par
son contrat de m ariage, dans les termes y stipulés,
sans, qu’en cas de recherche par quelqu’un d’e u x , il
puisse se dispenser d’exécuter tous les payemens portés
par son contrat, vis-à-vis les autres..L e s légitimaires
ratifient, à cet effet, Tinstitution portée par ledit con
trat de m ariage, ainsi que la sentence du tribunal de
fam ille, du 7 avril 1792; se départant, en tant que de
besoin, de toute propriété sur lesdites successions, vou
lant que leur frère en jouisse et dispose : ce q u i est
accepté par lui.
_ M ichelle L a b ry intervient encore à cette nouvelle
convention, et consent aussi qu’Annet Périssel, son fils,
jouisse et dispose, comme il Ta f a i t jusqu i c i , x'atifiant,
à cet effet, le délaissement de la propi'iété et jouissance
de ses biens, tel qi£il est porté par le contrat de ma
riage de 1789.
L e citoyen Périssel avoit bien ses raisons, lorsqu’il
étoit en l’an 2 moins difficile qu’aujoui-d’liu i, pour rester
héritier : le moment étoit opportun pour vendre et
liquider la succession.
L ’objet le plus considérable des biens de la mère, étoit
un domaine appelé de la Barge; il le vendit au citoyen
Larue, moyennant la somme de 33,000 francs, environ.
Laruc, pressé de payer, avoit consigné le prix de son
acquisition. L e danger étoit urgent; il falloit, pour écarter
l’effet de celte consignation, une tournure quelconque.
Comme la mèi'e étoit vivante, elle seule p o u v o i t arrêter
L arue, cil l’assignant, comme propriétaire du domaine,
II
�*
(
9
)
Il falloît une occasion aussi im pérative, pour l’engager
à s’y prêter : sans cela, le scrupule de sa conscience lui
eût fait rejeter toute proposition de x*evenir conlre ses
engagemens, même en apparence. A vec un peu plus de
mémoii’e , le citoyen Périssel eût dit ce qu’on vient de
dire ; avec un peu plus de bonne fo i, il eût ajouté , que
l’intervention de Miclielle L ab ry, dans cette affaire , fut
si peu sérieuse, que c’est de l’un des légitimâmes qu’il
en reçut le conseil.
Quoi qu’il en soit, M iclielle L ab ry, avant d’assigner
L a ru e , signa un acte préalable du 29 prairial an 4 ,
portant, qu’elle révoquoit le consentement par elle
donné , à ce qu’Annet Périssel jouît de ses biens.
En même temps, elle assigna Annet Périssel, pour
voir déclarer valable ladite révocation.
En même temps, elle assigna Larue en désistement du
•domaine de la Barge.
Comme la première demande n’éloit que pour la
forme, elle a demeuré impoursuivie; mais celle du citoyen
Larue a été suivie d’un jugem ent, par lequel M iclielle
Labry a été déboutée de sa demande. Annet Périssel
a payé à Larue les frais de cette procédure.
Malgré cet échec, la demande n’en avoit pas moins eu
’eiTet qu’on s’étoit promis. La chûte du papier-monnoie
a eu lieu avant la libération de Larue, et la valeur réelle
du domaine.de la Barge a été fixée par une expertise.
Annet Périssel, comme on le pense bien, n’avoit pas
cessé de jouir des biens de sa mère, malgré l’acte du 29
prairial an 4 5
continué celte jouissance sans la moindre
innovation, aux mêmes charges de la pension via°-èr<j
1
B
�( ÏO )
stipulée par son contrat de m ariage, jusqu’au décès deM iclielle L a b ry , arrivé le floréal an 8.
La succession de M ichelle Labry étoit beaucoup
moindre que celle de son.mari ; et comme Annet Périssel'
devoit payer alors l’autre moitié des légitim es, il s’est
persuadé qu’en abdiquant cette succession, il se dispen
serait de payer cette moitié. En conséquence, il a fait
cette abdication au greffe, le 14 prairial-, et a attendu
patiemment qu’on l’assignât, sans cesser de jouir.
Les légitimantes l’ont fait citer en l’an 9 , et les parties
sont d’abord convenues de s’en rapporter à des arbitres
dont le choix distingué ne devoit pas laisser croire qu’au
cune d’elles préférât un procès à leur décision : mais
précisément cette décision étant connue du citoyen P é
rissel , n’a pas eu «on approbation, et il a fallu plaider.
L e citoyen Périssel a donné aux légitimaix-es une assi
gnation , le 26 messidor an 9 , pour voir déclarer valable
son abdication, et venir à partage de la succession de la mère.
A u moment de l’audience, il a conclu par requête à la
nullité des deux traités de 1792 et de l’an 2. Il sembloit
dès lors qu’il faisoit revivre l’abdication du père, et il le
dit ainsi à présent : mais sa requête ne contient nullement
l’offre de partager lôs biens du père; au contraire, il a
conclu au partage des biens maternels seulement. Et en
plaidant, son défenseur s’est attaché à faire valoir la
nécessité d’imputer une moitié des légitimes sur les biens
maternels, persistant toujours à retenir les biens du père
pour l’autre moitié.
Par le jugement dont est appel, du 2 nivôse an 10 , le
tribunal d’arrondissement de jRioxu a pensé qu’au moyen
5
�Périssel et des ventes par lui faites, les choses n’étoient plus
entièi*es; que les conventions faites entre les parties étoient
-corrélatives et indivisibles ; qu’ainsi il n’étoit pas au pouvoir
de l’une des parties de rejeter les clauses qu’il trouvoit oné
reuses : qu’il n’y avoitdans ces actes ni traité sur la succession
d’une personne vivante, pui&qu’Annet Périssel jouissoit
de tout comme propriétaire jax\§ vœu de mort prochaine,
puisque la mère avoit donne son consentement-, et d’après
ces motifs présentés avec un développement très-clair et
une force de raisonnement qu’il a été plus aisé de critiquer
que d’affoiblir, le tribunal de première instance, sans
s’arrêter à l’abdication d’Annet Périssel , a ordonné
■
l’exécution de son contrat de m ariage , et des traités de
1792 et an 2; a ordonné qu’Ambroise Périssel, un des
légitimantes, feroit déduction sur sa légitime de la valeur
d’un immeuble par lui vendu; et à l’égard des citoyens
Colange et Coudert, le partage est ordonné avec eux ,
parce qu’ils y donnoient les mains.
Annet Périssel a interjeté appel de ce jugem ent, et
prétend toujours que les actes qu’il a passés en 1792 et
en l’an 2, sont nuls, comme traitant sur la sticcession d’une
personne vivante. En désespoir de cause, il offre maintenant le partage des deux successions de ses père et mère>,
et dit que'sH 11 faîTïïes ventes ,"~éïïes_ne changent rien
à la position des légitimaires, parce qu’on mettra iictivement les objets vendus j^son lot, suivant l’usage.
T el est le système de défensëTcle l’appelant : son seul
mérite est d’être défendu par des opinions respectables;
son moindre défaut est d’être inexécutable.
B a
�C 12 )
M O Y E N S ,
'
Les intimés n’auront de plan dans leurs m oyens, que
de suivre les objections proposées contre eux ; et en y
répondant, ils se flattent de prouver que les traités de
1792 et de l’an 2 , ne sont nullement contraires aux lois;
que les circonstances en rendent le maintien nécessaire,
et que l’ajjpelant a rendu un partage impossible..
Il est très-certain qu’on ne peut pas vendre la succession
d’une personne vivante, et que dans ce cas non seulement
il manque une des conditions nécessaires à la vente', qui
est la chose ; mais encore , qu’une telle vente est contre
les bonnes mœurs, comme injurieuse à la personne de
qui on vend la succession futureMais n’y a-t-il pas une grande différence de ce qui s’est
passé entre les parties, à la vente d’une succession future T
et ne semble-t-il pas qu’il étoit presque inutile de recher
cher si une telle vente est nulle en droit, dès que le
citoyen Périssel qui se plaint des traités, n’a pas vendu
la succession de sa mère. Si cela est évident, les lois citées,
dès-lors ne le concernent pas.
L a consultation du citoyen Périssel semble confondreen sa faveur le titre du digeste, de hœreditate vel actione
vendita, et le titre du code de pactis : c’est peut - être
une erreur*
lia dénomination de ces titres annonce une diversité
de matière; les lois qui s’y trouvent pour la cause portent,
aussi une diversité de législation.
A n if. de hœred. vel act. vend, la loi première dit eu
�3
( i )
général que la vente de la succession d’une personne
vivante est n u lle, parce que ce n’est pas une cliose vénale.
Mais la législation s’cn tenoit à la prohibition de
vendre; et il paroît que l’école césaréenne se faisoit des
doutes sur plusieurs genres de conventions qui étoient
faites sur l’espérance des successions futures : ces doutes
donnèrent lieu à une application portée par la loi der
nière au code'de pactis.
Cette explication prouve que le législateur ne con
fond oit pas les ventés et les pactes ; il ne confondoit pas
le cas où un héritier pressé de succéder, vend incognito
son espoir à la succession , avec le cas bien différent où
le pacte est un arrangement de famille fait soùs les yeux
de la personne dont la succession est l’objet du traité.
La consultation du citoyen Périssel dit en principe
général que toute espèce de conventions sur les successions
futures-, étoient odieuses et dévoient être anmillées, parce
-qiie cètteioi porte omnes hujus modipactiones odiosœ....
»s-ancimus'omni modo repelli, n is i, etc.
M ais, au milieu de cette règle générale , étoit une
explication limitative qu’il étoit peut-être essentiel de
laisser à sa place ; car le législateur ne déclare pas nulles
toutes les conventions faites sur la succession de personnes
vivantes, mais seulement les conventions faites à Finsu
de celui auquel on doit succéder.
Ce n’est donc pas une nullité générale et indéfinie ; car
il faut lire omnes hujus modipactiones odiosœ..- QUODAM
V I V E N T E E T I G N O R A N T E , DE REBUS E J U S . . . . Sancimus
om ni modo repelli.
La loi ajoute que le consentement de celui de cujus
�C 14 )
valide de telles conventions : nisi ipse de cujus hœreditate
pactumest, voluntatern suam accomodaçerit et ad cxtremuni vitœperseveraverit .Elle termine par des expressions
qui ne permettent pas d’équivoque ‘ tune enim sublatâ
acerbissimâ spe, licebit eis , illo sciente et juben te,
Jiujus modi pactiones serçare> Quod etiani anterioribus
constitutionibus non erat incognitum. Telle étoit la
position des parties : ainsi les ti’aités de 1792 et de l’an 2,
sont déclarés valables par ce texte bien clair et doublement
répété.
L a consultation du citoyen Périssel répond à cette loi,
i ° . qu’elle n’est pas admise dans le droit français, d’après
Godefroi, D o m at, Louet et Potliier; 20. que la dame
Périssel a révoqué son consentement.
Comment Godefroi auroit - il dit expressément le
contraire de la loi même qu’il commente, lorsqu’il com
mence sa note par ces expressions, eo de cujus successione
. agitur, sciente , jubente, adde et nequidem in mortis
articula reçoeante de ejus hereditate , lie et viventis,
pascisci possumus. Godefroi, dans ce qui suit, ne fait que
donner un raisonnement tendant à prouver que les contractans ne peuvent s’obliger envers lu i, parce qu’il 11e s’oblige
pas envers eux ; pasciscens non obhgatur, ergo nec
,pasciscentibus consentire. On voit donc que le raisonne
ment de Godefroi est relatif seulement à l’intérêt qu’^
au traité celui qui y donne son consentement, ci non
aux contractans entre eux; ce qui le prouve, c’cst
lin de sa note : So/çe hoc nostro casu qui consentit
hœreditatern suam , non promittit absolutè, ciim ante
.jnorteni suam voluntatern reçoeare possit. Cet auteur
�. c i5 ,}
nya donc pas commis l’inconséquence de détruire dans le
milieu de sa note, les expressions approbatives du com
mencement.
Il eût d’ailleurs été le seul commentateur de son opi
nion : Cujas , Accurse , Voetius, approuvent la loi ;
Coccéius y ajoute la réflexion que la nullité n’est pro
noncée qu’en faveur des vivans, et qu’ainsi ils peuvent y
renoncer par leur consentement : nam cùrn hoc in favorem viventium constitutum s it, Mi suo fa vo re renuntiare possunt.
Domat est cité comme disant qu’un héritier ne peut
pas renoncer à une succession, sans savoir le décès de celui
de euju s , et son aptitude à succéder. Ce n’étoit pas, ce
sem ble, le consulter dans la partie de son excellent
ouvrage , la plus applicable à l’espèce;
Dom at, après avoir dît au tit. er. sect. j y ? des conven
tions, qu’un héritier peut traiter avec ses cohéi’itiers, detous ses droits en là succession , pour préférer un parti
certain à l’attente incertaine des événemens , ajoute la
note suivante.
« Il faut prendre garde dans l’usage de cette règle,.
» de ne pas l’étendrc à des cas qui blesseroient les lois
» ou les bonnes mœurs. Com m e, par exemple, si deux
» héritiers présomptifs traitoient entre eux sur la succès-» sion future de celui à qui ils doivent succéder ; car
» cette convention scroit illicite, si ce n èst q u e lle fû t fa ite
par la volonté expresse de celui de la succession de q u i
» on traiteroit. »
A u tit. Ier. section I I I , des héritiers, Domat regarde*
comme incapable de succession celui qui auroit disposé.-
1
,
/
�(i6)
des biens d’une personne à qui il devoit succéder, avant
sa m ort, et sans son consentement. Il se fonde sur la
loi S i quis v in I G N O R A N T I S ; if. de his quœ ut ind.
Dans son Legum delectus, au titre D e pactis, Dom at,
qui réduit les lois à leur sens exact , rapporte la loi
dernière ci-dessus rappelée, en ces termes,circa jid u ra m
viçentis successionern pascisci illicitum , eo non consentiente vel ignorante. Il ajoute en n ote, quod s i consen~
se r i t , semper tamen revocare pote st. Ainsi Domat est
tout à fait contraire au citoyen Périssel qui l’a cité.
L ouet, lettre H , n°. 6 , cite un arrêt de 1630 et non de
173°? ( ce
pouvoit se confondre dès qu’il étoit d it, édi
tion de 1772 ,) qui ne semble nullement avoir jugé en
tlièse, qu’un traité quelconque fait sur une succession fu
ture, étoit nul malgré le consentement de cujus bonis.
Car d’abord il s’agissoit d’une vente d’hérédité : ce n’est
pas l’acquéreur qui se plaignoit.
En, second lie u , il paroît que celui qui.avoit donné
spn consentementl’avoit révoqué, et avoit pris des lettres
de rescision pour cela. Car Louet dit que les lettres
lurent entérinées, la révocation de la vente et du con
sentement déclarée bonne. 11 n’y a donc à cet arrêt rien
que de naturel et juste, puisque la loi cilée permet do
révoquer le consentement qui seul validoit l’acte.
. Enfin , il pouvoit y avoir une contrainte dans cette
vente d’hérédité, démontrée par le vendeur.
Louet peut d’autant moins avoir entendu fixer la règte
générale qu’on suppose, qu’il seroit en contradiction aVCC
lui-même sur ce qu’ il dit lettre R , n°. 9.
« On tient pareillement que le consentement qui sur
vient
�. ^ 17 ^
» vient après coup,' valide la convention sur le rappel ou
» autre (convention) fa ite sur fu tu r e succession. » Il cite
à cet égard Dumoulin sur Alexand. liv. 6. con. 113.
P o th ier, invoqué pour le citoyen Périssel, ne lui est
pas plus favorable ; car au lieu cité , il ne parle que de
la vente des successions, et lorsqu’il dit que sa décision
sur la vente est conforme à celle des jurisconsultes romains
qui ont condamné toutes sortes de conventions sur les
successions futures, d’après les lois 19 et ult. de partis,
cet auteur renvoie à ce qu’il a dit au n°, 132 du traité
des obligations.
O r , voici ce que dit P otliier, à ce n°. 132, en rap
pelant les mêmes lois. « Ces lois proscrivent, comme
» indécentes et contraires à l’honnêteté publique, toutes
» les conventions par rapport aux successions futures.....
» à moins que le tiers n intervînt et ne donnât son
» consentement à la convention. »
Aucun des auteurs cités en faveur de l’appelant, n’a
donc pensé que la loi citée ne fût pas admise en droit
français.
Rien ne seroit plus aisé que de citer une foule d’autres
auteurs, qui rappellent les mêmes principes. Henrys,
Ricard, Lebrun, M eynard, Rousseau la Combe, etc. ne
pensent pas, non plus, que cette loi soit abrogée ; mais il
suffit d’en trouver l’approbation dans les auteurs même
cités pour le citoyen Périssel ; et lorsque Domat a classé
cette loi dans son Legum delectus, il ne faut pas d’autres
preuves, sans doute, que le droit français ne la rejette pas.
La législation actuelle la rejette encore moins ; car l’art.
26 de la loi du 17 nivôse, porte que les donations ou
-
G
�. c 18 1
ventes h fonds perdu, faites en ligne directe ou collatérale,
a l’un des héritiers présomptifs, sont interdites, à moins
que les autres cohéritiers n'y interviennent et y con
sentent. Cet article n’e s t-il pas une imitation de la loi
dernière de p actis, et ne permet-il pas y comme elle
de traiter sur une succession future.
L e tribunal de cassation n’a pas été de l’avis de la
consultation du citoyen Périssel, dans un jugement du
premier brumaix-e an 10; car quoiqu’il ait maintenu la
nullité d’une cession de succession à échoir, ses motifs
prouvent qu’il se fût décidé par la l o i , si la loi eût été
suivie.
D eux frères Falcimaigne firent un traité, en 1790,
par la m édiationjï’tm arbitre. L e père étoit vivan t, et
les parties, à cause des reprises du p ère, vouloient pro
céder au partage, conjointement, tant des biens de la
mère m orte, que du père vivant.
L ’aîné délaissa certains objets au cadet, pour ïa valeur
d’un sixième, garanti de toutes dettes, et les parties se
tinrent quittes pour les deux successions. L e père donna
ison approbation au bas de l’acte.
L e cédant se pourvut contre cet acte , ét demanda le
partage , qui fut ordonné par jugement du tribunal civil
du Puy-de-Dôm e, du 8 frimaire an 6 , sur appel du
Cantal. L ’aîné se pourvut en cassation, et fit valoir lf?
consentement de son père. L e défenseur du cadet n’alloit
pas j u s q u ’ à prétendre que la loi ult. départis fût abi*ogéej
niais il disoit que le traité étoit contre les bonnes nicc'>u^s >
et nul, étant fait hors la présence du p ère; qu’ensuite
le consentement ultérieur du père ne yalidoit Pas 1111
acte nul.
7
�C *9 )
L e tribunal de cassation adopta ces moyens, et rejeta
le p ou rvoi, par les motifs qui suivent.
« Attendu que Falcimaigne, père, n’est pas intervenu
» dans le traité du 9 novembre 179° » attendu qu’a
» défaut de cette intervention, Tacte est n u l, aux termes
» des lois romaines , sous l’empire desquelles vivoient
» les parties : » donc, par argument a contrario , si
Falcimaigne père étoit intervenu dans l’acte, le traité
fait entre ses enfans eût été valable.
Donc la loi dernière depactis est en vigueur en France,
et les traités passés entre les frères et sœurs Périssel, en
1792 et en l’an 2, sont valables; car M iclielle L ab ry,
leur mère, est intervenue dans ces traités et y a donné
son consentement.
Mais , ajoute le citoyen Périssel, ce consentement a ét(é
révoqué par elle, par l’acte du 29 prairial an 4 ; c’est
comme s’il n’existoit pas , et la loi n’est plus applicable.
Ce moyen, d’abord, n’est pas de bonne foi ; car p e r
sonne ne sait mieux que le citoyen Périssel, que sa mère
ne se prêta que pour la form e, à l’acte du 29 prairial
on 4 , pour .le tirer d’embarras, et éviter le payement
que La rue vouloit lui faire en assignats.
Les circonstances le prouvent, puisque le même jour
elle donna une assignation, et à l’intimé pour la formç,
et à Larue pour 6C désister.
Elles le prouvent encore p lu s, puisque l’assignation
donnée au citoyen Périssel resta sans poursuites, d’après
lui - même ; et en effet il a continué de demeurer eji
possession des biens, et de payer la pension de la mère.
Qu’est-ce donc qu’une révocation d’acte, quand elle no
C 2
�( 20 )
consiste que dans les m ots, et que Pacte prétendu révoqué
continue d’avoir son exécution. On ne juge pas de l’in'tention des parties par ce qu’elles écrivent, mais parce
qu’elles font, surtout quand l’intention des parties se reconnoît ; c a r , c’est une règle de droit q u e, de contrahentium mente ubi apparet ea debetpotiüs attendvq.uàm
'verba. L . 2 19 , de verb. signif. C’en est une autre que,
' in contractibus semper id sequimitr quod actitrn est.
I<e citoyen Périssel, pour augmenter ses moyens à cet
égard, d it, que le consentement donné par sa m ère,
étoit une démission de biens qui étoit révocable ad
nutum y et que ce consentement d’ailleurs n’a pas été
exécuté, puisqu’elle ne l’avoit donné qu’à condition
d’un partage par égalité , tandis qu’on avoit fait tout le
contraire.
Quelque indifférent qu’il soit à la cause, de savoir si
les consentemens de la dame Périssel étoient une démis
sion, puisqu’elle n’a jamais été réellement révoquée,
il est difficile de trouver dans les divers actes de la famille
les caractères d’une démission de biens.
« La démission de biens, dit Lebrun ( liv. 1er. cj1> ]er )
» est un acte par lequel, par une anticipation de succession
7) on abandonne à tous ses héritiers présomptifs, la pro» priété ou l’usufrit de ses biens. »
« Je n’estime pas, continue cet auteur, qu’elle puisse
» être faite en faveur de quelques-uns des héritiers na5) turels, à l’exclusion des autres, à moins que la coutume
» n’eu dispose autrement.... Celui qui se démet en faveur
» d’un ou de deux, au préjudice des autres au meme
» degré, est réputé donner, et la démission sera sujette a
» l’insmuation. »
�( 21 )
Boulenois, question deuxième, est du même avis. « L a
» démission de biens, d it-il, doit être faite aux héritiers
» présomptifs ; mais ce n’est pas assez, elle doit etre faite
» à tous ; car sans cela elle n’imite pas la loi en la pré» venant, et ne sera pas une démission de biens. »
L a dame Périssel n’a pas fait de démission par les actes
de 179-3 et de l’an 2 , car ils se réfèrent tous deux au
contrat de mariage de 1789, dans lequel elle instituoit
l’intimé seul héritier universel, consentant qu’il jouît de
'sa succession aussitôt le décès de son p ère, à la charge
d’une pension.
Cet acte n’étoit pas une démission , d’après Lebrun ;
’ il étoit une donation h rente viagère, ainsi que l’appelant
l ’a dénommée dans le procès devant les arbitres, la disant
irrévocable pour cette cause; et en effet, elle l’est même
d’après l’article X V I de la loi du 17 nivôse, puisque les
cohéritiers du degré égal sont intervenus pour y consentir,
après que cette loi l’a permis.
Quant à l’objection, que le consentement de la dame
Périssel n’étoit donné que pour un partage par égalité ;
il est bien étonnant qu’elle soit présentée comme une
vérité, lorsque l’acte de l’an 2 la dément formellement.
Il y a dans cet acte deux consentemens de la dame
rissel; l’un, pour le partage, quand ses enfans paroissoient
d’abord vouloir partager pour satisfaire à la loi du 17
nivôse ; le deuxième ensuite , pour maintenir toutes les
clauses du contrat de mariage, et laisser ses biens à l’intimé
seul qui les avoit déjà : c’est ce dernier consentement qui
termine l’acte, et qui est exécuté; le premier étoit donc
un simple projet. Ainsi de bonne foi falloit-il en faire un
�( 22 )
moyen ? II en résultait même un moyen contraire; car si
la mère vouloit un partage par égalité , ce n’est donc pas
elle qui gênoit l’appelant. Pourquoi donc ne profitoit-il
pas de cette volonté , pour vouloir lui-m êm e ce qu’il
demande à présent ?
Mais que signifie encore cet acte de l’an 2, lorsque celui
de 1792 existoit ; les vices du second n’annulleroient pas
le premier , et il resteroit toujoui-s entre les parties le
traité de 1792, fait en grande connoissance de cause entx*o
toutes les parties, par lequel l’intimé a accepté la ratifica
tion d’abandon de la part de sa m ère, du consentement
de.ses cohéritiers, et s’est obligé dii*ectement de leur payer
leurs légitimes conventionnelles, du consentement de la
mère. Rien sans doute n’est plus irrévocable que cet acte.
Les autres objections proposées ne sont pas plus fondées
que les précédentes.
•La consultation du citoyen Périssel combat les motifs
du jugement dont est appel, et pense qu’ils sont vicieux
en ce qu’ils sont appuyés d’abord sur l’indivisibilité des
institutions, et sur ce qu’il avoit toujours exécuté les
traités, joui et vendu.
L a confusion d’idées imputée aux quatre premiers
motifs de ce jugement,est un reproche d’autant plus injuste
qu’ils sont très-clairs etméthodiques, et que les expressions
substituées pour les épurer, n’en rendent rien moins que le
sens; ou plutôt elles 11e sont que l’extrait du dernier m o t i f j
et nullement des trois autres. L ’indivisibilité des institu
tions n’est point du tout ce qui a décidé les juges dont est
appel ; mais bien l’indivisibilité des c o n v e n t i o n s libres
faites entre les parties, l’exécutioii de ces conventions
�/
2 3
)
pendant huit ans, et l’évidence que les choses ne peuvent
être remises en leur premier état.
. A lors le citoyen Périssel vouloit ne partager que la
succession de la m ère, quoique la consultation dise qu’il
offroit les deu'x partages; et c’est cette erreur, peut-être,
qui a fait trouver de la confusion où il n’y en avoit pas.
Cependant le jugement même rendoit compte des efforts
faits par l’appelant pour prouver qu’il pouvoit retenir
l ’une des deux institutions, en payant la moitié des
légitimes.
Les auteurs de la consultation ont laissé entrevoir que
ce système leur sembloit fondé en principe ; mais à la
vérité, en glissant légèrement sur cette erreur, et pour se
servir de leurs propres expressions , marchant sur des
charbons arde?is. Car sérieusement les termes de paye-*
ment des légitimes étoient pour la commodité de l ’hé
ritier , et nullement pour la division des estocs. L é
principe que partes non diçisœ censentur œquales est
pour tout autre chose que pour des dots ou légitimes
faites effuso serm one, si ce n’est dans les-pays de com
munauté ; car il répugne à la raison , comme le dit le
Commentateur de notre coutume, qu’une femme qui a sou
vent beaucoup moins de fortune que son m ari, contx-ibue
pour moitié aux légitimes. Aussi la jurisprudence veutelle qu’en ce cas, la contribution des estocs soit fixée par
une ventilation.
Aujourd’hui cette discussion devenoit oiseuse, puisque
le citoyen Périssel veut bien offrir un partage gén éral,
qui u’est pas plus acceptable ; mais en ce cas, il devenoit
également oiseux de chercher à établir que la nullité
�S 24)
des actes attaques devoit avoir lieu pouf la succession
futui’e seulement. Les deux autorités citées, Brodeau et
L ebrun , ne seroient d’ailleurs pas applicables à la cause ,
s’il étoit encore question de la division à laquelle le citoyen.
Périssel renonce.
Cet abandon que fait le citoyen Périssel de ses premiers
moyens ne le rend pas pour cela plus favorable; car il
faut toujours qu’il fasse tomber les actes de 1792 et de
l ’an 2 , et il faudroit encore qu’il remît les choses en
leur premier état, ce qui est devenu impossible par son
fait.
L a validité de ces actes a été déjà établie en elle-même,
fit le citoyen Périssel n’a pas même la ressource de dire
que son consentement ait été gêné, car toujours il a été
»le moteur des conventions qui ont eu lieu.
S’il n’existoit que son contrat de mariage , peut-être
bien argumentant de la crainte révérentielle, pourroit-il
dire que l’engagement qu’il a pris de payer les légitimes ,
étoit extorqué par ses père et m ère, ne pejus J'acerent p
.comme il l’a fait valoir en première instance, et encore
lui opposeroit-on l’édit si quis omissa causa tesiamenti,
le sentiment de L ebru n , liv, I I I , cliap. I I , n°, 40, et
celui de Dom at, liv, I I I , tit. Ier. sect. Y . n°. 17.
Mais c’est après la mort de son p è re , c’est après avoir
d’abord abdiqué , qu’il est venu ratifier ses engagemens
en toute connoissance de cause, proposer lui-même cette
ratification, et agir depuis en véritable propriétaire , par
une jouissance exclusive de huit ans , et par un grand,
nombre de ventes ; enfin traiter une seconde fois.
P eu t - il donc se dire gêné par le consentement de sa
mère
�*5
(
)
mère ? Il y auroit à cela de la mauvaise f o i , car elle n’est
venue le donner que quand il l’a appelée pour cela, et
pa rce qu’il avoit intére t de l’avoir.
La crainte révérentielle n’est pas un moyen d’annullation adopté légèrement. Lapeyrère , lettre R , n°. 4 1 ,
dit qu’on 11e l’admet pas pour le fils majeur. Il excepte le cas
où il auroit fait des protestations secrètes, pour constater
qu’il n’a pas été libre , à supposer encore qu’il y eût de la
lésion. Henrys et Bretonnier, question 175 du liv. I V ,
sont du même avis. Ricard désire aussi ces protestations.
I c i , où sont donc les pi’otestations du citoyen Périssel,
et où est la lésion ? Bien loin de protester , il a au
conti’aii-e confirmé ses premières conventions par de
nouvelles ; et la libex*té qu’il avoit de faire en l’an 2
ce qu’il demande à présent, est la meilleure preuve qu’il
n’a fait alors que sa volonté.
Q u’a donc de commun la position de l’appelant avec
les pi’incipes rigoureux q u i, dans le sens même adopté
pour lu i, annullci'oient indistinctement toutes les conven
tions relatives à des successions futures. Voit-on ici ce
que les autcui’s appellent corvina conventio, cette soif
de la succession d’un vivant que la loi appelle acerbissimani spem , ces dangei’s que comporte ce désir de
succéder trist/ssimi et pericnlosieçentûs? Tout est effacé
par le consentement que donne la dame Périssel à chaque
ratification ; et ain si, comme ledit Despeisses, ( des suc
cessions et testamens, tit. Ier. sect. I I I ) : « On ne ci’oit
5) pas que ce soit le désir de capter l’hérédité d’autrui, qui
» ait fait faire detelles conventions;et 011 présume, dans
» ce cas, que celui de l’hérédité duquel il s’agit, a bien
D
�{**)
» reconnu la prud’homie et fidélité de ceux auxquels
» il permet de pactiser de son hérédité de son vivant. »
La position du citoyen P érissel, lors des actes qu’il
attaque , n’a en effet rien qui tienne de la contrainte ,
du dol, ni’de Terreur ; les jurisconsultes qui lui ont donné
des m oyens, reconnoissent (page 2 ) que ceux-là ne
doivent pas décider la contestation. G’étoit cependant les
moyens sur lesquels en première instance il fondoit tout
son espoir; en les abandonnant, il se retranche sur ses
hésitations et variations, et sur ce qu?il traitoit sur de&
objets qu’il ne pouvoit connoître.
Mais comment ses variations peuvent-elles être un
moyen pour lu i, lorsqu’elles prouvent au contraire qu’il
a eu toute la liberté possible^ d’ètre ou de n’être pas
héritier. Après son abdication , il a proposé de redevenir
héritier : n’est - ce pas en connoissance de cause ? Après
avoir joui deux ans de to u t, il pouvoit partager par
égalité, en vertu de la loi du 17 nivôse : ses frères enétoieiit d’accord. Point du tout : il reste héritier. Mais
alors il n’y avoit plus de nécessité présumée ;,et s’il a opté
pour l’institution , à qui donc peut-il s’en prendre ?
A cette époque de l’an 2, peut-il dire de bonne foi que sa
mère n’eût pas été bien aise de jouir elle-même de ses biens
fonds, au lieu d’avoir une pension de cent pistoles en
assignats ?
Quand il dit qu’il ne connoissoit pas le testament de
s o n père, c’est un jeu sans doute;mais à quoi p e u t s e r v i r
ce testament dans la cause. Dabord i l n ’a u g m e n t e ni ne
diminue les droits des parties. I/appelant
p r é v a u t d une
supposition d’abdication, et cela est d ’ a u t a n t plus sans
5
s ’ y
�7
( f2 \
objet, que le père ne le prévoyoit que pour sa succession,
tandis que ce n’est précisément pas celle que le citoyen
Périssel a voulu abdiquer.
Les biens , d i t - i l , étoient insuffisans pour acquitter
les charges ; mais, si cela étoit, pourquoi les reprenoit-il
en 1792? Pourquoi les reprenoit-il en l’an 2 ? Comment
se fait-il qu’il ne se soit avisé de cela qu’après huit ans de
jouissance ?
Plus on lit les traités faits à ces deux époques , plus
on se pénètre que personne moins que l’appelant ne peut
les attaquer , et qu’ils sont irréfragables pour lui. Mais
suivons son système jusqu’au bout : supposons que le
partage qu’il demande soit ordonné, soit pour u n e , soit
pour deux successions ; il est clair que ce partage est
devenu impossible par son propre fait. Cette démonstra
tion prouvera ce que les intimés ont dit dabord, que les
■circonstances ont rendu le maintien des deux traités
nécessaire.
La succession de Pierre Périssel étoit composée en
•immeubles ] i° . de deux maisons ; 2°, de deux septerées
de terre à Couriat; 30. de onze œuvres de vigne à la
V aye ; 40 de sept septerées de terre à Mariolle ; °. d’un
.jardin près Mozac.
La succession de Miclielle Labry étoit composée,
i° . du domaine de la B arge; 2°. d’un p ré-verger à
Mozac ; 30. de dix-sepL œuvres de vigne au même lieu.
Annet Périssel a vendu les trois premiers objets de
la succession du p ère, moyennant 27,200 francs : il ne
lui reste que sept septerées de terre, et un jardin.
Il a vendu le domaine de la m ère, à La rue, ce qui
D a
5
�C *8 )
a donné lieu au procès dont il a été parlé ci-devant. Ce
domaine, vendu 35,000 francs d’assignats, a été estimé
•20,800, sans les bestiaux. La succession du père y avoit
'une reprise, mais qui se réduisoit en argent.
Il a encore vendu le pré-verger de la même succes
sion , pour 4,000 francs ; il ne lui reste que les dix-sept
•œuvres de vigne.
M aintenant, qu’il explique quels objets il présente à
partager? il ne lui en reste que trois, qui sont les moindres.
Sans doute , il ne veut pas prétendre que la moitié
des légitimes qu’il a payée, partie en assignats, vaille
pour la moitié de la portion héréditaire-, car, dès qu’il
offre le partage de tou t, il est de droit que les immeubles
seraient partagés par égalité, sauf le rapport, par chacun,
de ce qu’il a touch é, de même qu’il rapporteroit, de
son côté, les 8,000 francs restant du prix de l’office de
son père, le mobilier qu’il a usé, et les rentes dont il a
reçu les remboursemens.
Il y a huit enfans, il ne lui reviendroit donc qu’un
huitième, et en mettant, par aperçu, les immeubles à
80,000 francs, il ne lui en reviendroit que 10,000 francs.
Cependant il en a vendu pour plus de ,ooo francs. Sa
demande a donc pour objet de donner à ses cohéritiers,
non pas des immeubles à partager , mais des procès ; et,
ce qui est in ou i, sa demande tend à créer des procès
contre lui-m êm e, car tous les acquéreurs se pourvoiroient contre lui.
Les auteurs de sa consultation ont donc été induits en
erreur, lorsqu’ils ont cru trouver, à ces ventes, le l’emede
ordinaire de faire échoir les objets au lot du vendeur.
52
�29
(
)
Mais s’il lui revient 10,000 francs, on ne peut lui en faire
échoir
. En sachant cela ils n’eussent pas dit : « que
» les cohéritiers sont désintéressés par le rapport de
» la valeur de l’ob jet, comme par le rapport de l’objet
» môme. » C'ir alors , ce prétendu principe eut été une
.très-grande erreur ; on ne peut mobiliser la portion d’un
copartngeant, et l’empêcher d’avoir sa porlion de tous
les immeubles.
A ces moyens devoit s’en ajouter un autre plus im
portant encore ; c’est que, quand les légitimaires seroient
suffisamment indemnisés par les procès que l’appelant
leur cèderoit contre ses acquéreurs, en échange de leur
légitim e, ces acquéreurs ne manqueraient pas d’opposer
qu’ils ont traité avec le vrai propriétaire, et de pré
tendre qu’on ne peut les évincer.
En effet, Annet Périssel avoit qualité pour vendre;
il étoit héritier universel et jouissoit de tous les biens.
Les légitimaires se sont contentés de leurs légitimes con
ventionnelles ; ainsi, d’après cette option, ils n’ont plus
eu d’action pour troubler les acquéreurs des immeubles.
Comment donc le citoyen Périssel peut-il leur rendre
cette action, lui précisément qui a ven du, et qui est
obligé de garantir. Cette proposition de sa part est même
bizarre et choque le bon sens.
L ’acquéreur du domaine de la Barge, Larue, a prouvé,
même en plus forts term es, que sa vente devoit sortir
effet; car il l’a fait déclarer valable par jugement , contre
Michelle Labry elle-même, et ce jugement a été exécuté.
La conséquence de ce jugement est frappante. Si les
légitimaires étoient réduits k chercher leur légitime en
52
�3
( ° )
assignant les acquéreurs de leur frère , Larue leur opposeroit la chose jugée ; et comment pourroient-ils, eux
‘héritiers de leur m ère, faire tomber un jugement rendu
contre elle.
Ces entraves évidentes suffiroient, seules, pour pros
crire les propositions inacceptables du citoyen Périssel.
Les choses ne sont plus entières, et c’est par son fait;
c’est lui-même qui , dans une manutention de huit ans,
'a tout dénaturé, tout bouleversé; et il veut que les choses
se remettent dans leur premier état, quand il l’a rendu
impossible. Il reste quelques biens fonds qui suffiront,
à peine, pour la portion de ceux qui ont donné les mains
au partage des biens de la m ère, ou même pour la
légitime de ceux qui auraient droit de la demander en
biens fonds, d’après la loi du 18 pluviôse.
Mais il est effrayant de calculer où mènerait la néces
sité de recomposer, en entier, les deux successions ; car
les ventes, l’office, le m obilier, les rentes remboursées
et l’abolition de la forclusion , rendraient un partage la
•chose du monde la plus inextricable et la plus ruineuse;
la famille l’avoit pensé ainsi, lors des traités, et que seraitce donc maintenant que rien n’est à sa place!
Ces moyens ne sont pas simplement déconsidération,
car des cohéritiers doivent partager une succession et non
pas le simulacre d’une succession ; ils doivent trouver
des biens fonds en masse, et non des procès. Une c a u s e
de cette nature s’étoit présentée au tribunal civil de c c
département, entre le sieur de Bassiguac, d o n a t a i r e de
son père, des biens présens et à venir, et ses s œ u r s , envers
lesquelles il étoit grevé de légitimes conventionnelles. 11
�(30
avoit aussi joui de tout, du vivant de jo n p è r e , e jja it
plusieurs ventes ; cependant, après sa m o rt, il disoit dç
môme, que ce qu’il avoit fait, pendant la vie de son père,
n’avoit pu l’obliger, et il vouloit abdiquer sa donation.
M ais, par jugement du^i6 prairial an , il fut jugé
que les choses n’étant plus entières, il devoit exécuter
ses engageinens. IA u î des motifs de ce jugement mérité
d’ètre transcrit, à cause de sa grande analogie à la con
testation actuelle.
cc Attendu qu’il a aliéné une partie des biens donnés,
33 que les acquéreurs ont traité de bonne f o i, et ne peu33 vent pas être valablement dépossédés ; que respecti33 vement à eux, l’exercice de l’abdication est impraticable, _
33 et que, par conséquent, cette même abdication, qui
33 ne peut pas avoir lieu à l’égard des acquéreurs, ne
33 peut pas être admise par rapport aux citoyennes de
» Bassignac. 33
Ce jugement a été confirmé sur appel. ^
Ge n’est donc pas une chose aussi aisée que le dit la
consultation du citoyen Péi'issel, de faire rapporter au
partage tout ce qu’il a aliéné ; car les acquéreurs d iroient qu’ils ont acquis valablement, et Larue surtout,
opposeroit un jugement qui seroit une barrière insur
montable.
Ainsi les prétentions du citoyen Périssel sont contraires
tout à la fois aux principes et aux circonstances. Il étoit
tenu par son contrat de mariage de payer des légitimes
que scs père et mère n’avoient pas aggravées par inofficiosité,puisqu’ils le faisoienl héritier univei’sel. Il a prouvé
lui - même qu’il ne trouvoit pas cette charge excessive,
5
�( 32 )
puisqu’il a ratifié son contrat de mariage par deux fois ,
qu’il a joui de tout pendant huit ans sans abdiquer, et
qu’il a vendu les deux tiers des biens pour mieux montrer
qu’il n’entendoit pas revenir sur le passé. Il étoit majeur
et versé dans les affaires, il a traité et vendu en connoissance de cause. Aujourd’hui les choses ne sont plus en
tières ; au lieu des formes ordinaires d’un partage, il n’y
auroit qu’entraves, procès et difficultés. Il faut donc en
revenir aux traités faits entre les parties, dont les con
ventions devroient être validées par nécessité et par pru
dence, quand il n’auroit pas été démontré qu’elles sont
adoptées par les p rincipes, et qu’elles ont été de la part
du citoyen Périssel, le résultat de l’expérience et de la
réflexion.
L . F. D E L A P C H IE R , homme de loi.
C O L A N G E , avoué.
A R I O M , de l'imprimerie de L a n d r i o t , seul Imprimeur du
T ribunal d ’appel. — A n 1 0
�
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[Factum. Périssel, Antoine-Ambroise. An 10?]
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The topic of the resource
successions
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tribunal de familles
partage
égalité des héritiers
offices
ventes de biens successoraux
doctrine
jurisprudence
Description
An account of the resource
Mémoire en réponse à consultation signifiée, pour Antoine-Ambroise, Jean-Baptiste et François Périssel, Bonnette Périssel, le citoyen Mortillet, son mari, et Marguerite Périssel, intimés ; Contre Annet Périssel, avoué au tribunal d'appel de Riom appelant.
Annotations manuscrites.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa An 10
1767-Circa An 10
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
32 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0332
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Riom (63300)
Mozac (63245)
La Barge (domaine de)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Relation
A related resource
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/5/53780/BCU_Factums_M0332.jpg
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