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7 o>
CONSULTATION
POUR
La dame BEAUFRANCHET-D’AYAT.
L e c o n s e i l s o u s s i g n é , qui a pris lecture
d’ un mémoire à consulter, pour madame d’A y a t , et de
la copie d’un jugement du tribunal de première instance
de R i o m , rendu le 21 février 18 12, entre M . et madame
d’A y a t , M. D ech amp p è r e , et madame Dechamp de B lo t,
veuve de M . Dechamp fils, agissant tant en son nom que
comme tutrice de ses enfans ; consulté sur les questions
suivantes :
1°. La première vente de la terre de B lo t, faite le 17
août 1807, n’est-elle pas pour madame d’A yat un juste
sujet de craindre le trouble prévu par l’art. 1653 d u C ode
Napoléon ?
2°. Dans le cas où elle seroit obligée, pour constater
l’existence de cette vente faite sous seing p r i v é , de faire
enregistrer un des doubles, qui devroit supporter les frais
d’enregistrement?
;
3°. L e sieur Dech a m p , pour faire cesser le trouble dont
madame d’ Ayat est menacée, ne doit-il pas faire déclarer
nulle la vente du 17 août 1807, par un jugement rendu
avec toutes les parties qui sont intéressées dans cet acte
de vente, et qui y ont paru ?
1
C
�co
4°. La veuve Decliamp peut-elle à la fois défendre ses
intérêts et représenter ses mineurs ?
5°. Ne doit-on pas consulter le conseil de famille sur
le mérite de la vente de 1807, et quelle est la marche
il suivre s’il ne veut pas s’expliquer?
6°. En réformant le jugement qui condamne madame
d’A y a t à payer, ne doit-on pas renvoyer le vendeur à se
p o u r v o ir , par action 'principale, contre toutes les parties
intéressées dans l’acte de vente de 1807?
7 0. Une reconnoissance judiciaire de la validité de la
seconde v en te, faite par toutes les parties, même par les
mineurs, mettroit-elle madame d’A y a t à l’abri de toute
éviction ?
8°. M . A r n a u d , partie contractante dans la vente de
18 0 7, et qui a aussi signé l’acte de vente de 1 8 1 1 , n’estil pas garant de la validité de cette seconde vente ?
E s t d’ a v i s ,
Que madame d’A y a t a juste sujet de craindre l’éviction ,
tant que la vente de 1807 n’a pas été déclarée nulle par
un jugement; que jusque-là elle ne doit pas payer; que
c’est au vendeur à se pourvoir par action principale
contre les mineurs Dechamp ;
Q u ’il doit appeler dans l'instance toutes les personnes
qui ont concouru à l’acte de 1807;
Que la veuve Dechamp ne peut point représenter ses
enfans dans l’instance, ayant des intérêts opposés aux leurs;
Que le conseil de famille peut n’être pas réuni pour
autoriser le tuteur à plaider, mais qu’il faudrait le réunir
pour consentir la nullité de la vente de 1807;
%
�C 3 )
Que ce ne seroit qu’avec son consentement, et celui
de toutes les parties intéressées dans cet a c t e , qu’une
recoiinoissance judiciaire mettroit madame d’Ayat à l’abri
de toutes recherches ;
Que le coût d’enregistrement de l’acte sous seing privé
entrera dans les frais du procès ;
E t enfin , que M . A rn au d ne peut être engagé par
la signature donnée dans l’acte de 1811.
Selon l’exposé :
L e 11 août 1 8 1 1 , et par acte notarié, M . Decliam p
a vendu la terre de Blot à madame d’A y a t , autorisée
par son mari.
L e prix eu fut porté à 168,960 francs ; 3,960 fr. furent
payés comptant. 11 fut convenu que madame d’A yat retien d ro it, i ° . 100,000 francs pour être employés au
payement de la dot de l’épouse du vendeur; 20. 24,000 fr.
pour le gain de survie de madame D e c lia m p , veuve
du fils du vendeur. Les 41,000 francs, restant du p r i x ,
devoient être payés deux mois et demi après le jour de
la vente.
L a vente fut consentie en présence de M . A r n a u d ,
gendre du vendeur : mention est faite dans l’acte de sa
signature. Cette signature est aujourd’hui biffée ; l’on
assure que M . A rnau d s’o ffre, en cas de besoin , à signer
de nouveau.
Madame d 'A ya t alloit payer les 41,000 francs exigi
bles , lorsqu’elle apprit que M . D echainp avoit déjà vendu
cette terre à son fils aîné.
L ’acte de vente avoit été fait sous seing privé , le 17
août 1807. L e ven d e u r, l’acquéreur, l’épouse du yen-.
�M
^
(
4)
d e u r , son fils puîné , le sieur Arnaud , son gen d re,
avoient tous concouru à cet acte.
L ’acquéreur s’y engageoit à payer 3,000 francs à son
p è re , au 1e1'. avril 1808, i 5,ooo fr. aü I er. août suivant.
Il s’engageoit également h payer, après le décès de
son père, diverses sommes à la dame sa m ère, à son frère,'
et au sieur Arnaud.
Il fut stipulé que si le sieur Decliamp fils n’exécutoit
pas toutes les conditions de l’acte, les conventions seraient
nulles, sans recourir à aucune formalité. V o ici les termes
de l’acte même : L e défaut d'exécution dans les term es,
et a u x échéances fix é e s , devant les anéantir de plein
d r o it , et par Veffet seul de notre volon té, sans qiioi
le présent acte iia u r o it pas eu lieu.
L ’acte énonce qu’il est fait quadruple, et signé de
toutes les parties.
O n ignore si cet acte a été enregistré.
Mais il a acquis une date certaine par la mort de l’ac
q u ére u r, arrivée au mois de juin 1809, ainsi que le
constate un acte de n o to riété, reçu à Saragosse, par
quatre notaires.
D ’après toutes ces circonstances, madame d’A yat re
fuse de payer. Commandement lui en est fait. Elle y
forme opposition, et donne pour m otif l’acte existant
entre le père et le fils.
L ’ instance s’engage.
M . Decliamp remet à madame d’A y a t , trois doubles
de l’acte de 1807; les signatures en sont binées : le qua
trième, qu’on avoit dit d’abord ne pas exister, est,
diUon ; rapporté aujourd’hui.
%
�C 5 )
Ces doubles ne sont pas enregistrés ; ils n’ont pas été
produits.
Mais M. Decliamp produit une lettre de son fils,
datée d’Espagne, et adressée à sa mère. Ce jeune homme
y rend compte des malheurs qui l’ont empeché de donner
de ses nouvelles au temps prescrit pour Paccomplisse
ment du traité que vous aviez bien v o u lu , a in si que
mon p ère) me consentir. Il ajoute quV/ voit avec regret
q u i l J'aut renoncer à Îespoir de conserver la terre de
B lo t dans la fa m ille ; que ce moment est p eu t-être
trop éloigne pour q u ’il puisse avoir la moindre pré
tention.
M . Dechamp fils a laissé trois enfans m in eurs, sous
la tutelle de leur m ère; deux ont été, à ce qu’on croit,
émancipés depuis peu.
M. Dechamp père a dénoncé à sa belle-fille l’oppo
sition de madame d’A y a t , et il l’a assignée, en sa qua
lité de tutrice, pour qu’elle la fît cesser en ce q u i la
concernoit.
Les deux enfans émancipés n’ont pas été mis en cause.
L a veuve du fils D ech am p , assignée comme tutrice,
est intervenue comme créancière personnelle du ven
deur; elle a signifié des conclusions en ces deux qua
lités. Comme tutrice, elle a dit que l ’instance ouverte
sur l’opposition de madame d’A y a t étoit parfaitement
étrangère à ses mineurs ; q u e , dans tous les cas , elle ne
pouiToit agir qu’en vertu d’un avis d’ un conseil de fa
m ille, et qu’elle ne peut le prendre, ne sachant sur quoi
le demander; et elle conclut à ce que le sieur Dechamp .
fût déclaré non recevable quant à ce. Comme créan3
�(
6
)
cîère, elle a déclaré accepter la délégation qui lui a été
faite par l’acte de vente de 1 8 1 1 , et elle a conclu au
payement, par madame d’A y a t , du montant de cette dé
légation.
M . Dechamp a soutenu qu’il n’y avoit eu entre son
fils et lui que des projets de vente ou d’arrangement sur
la terre de B l o t , et non une vente consommée ; que
la réalisation de ces projets dépendoit de certaines con
ditions que son fils n ’a point accomplies; que son iils
ou ses représentans étoient par conséquent sans aucun
droit à la terre de Blot ; il a conclu à ce que la dame
d’A yat fût déclarée non recevable dans son opposition.
L e 28 février 1 8 1 2 , jugement du tribunal de première
instance de R io m , qui fait droit à ces conclusions, en
adoptant textuellement leurs motifs.
Madame d’A yat a interjeté appel, en offrant de payer,
avec caution.
C ’est sur l’instance, liée en appel, qu’elle propose au
conseil les questions sus-énoncées.
. L a première question ne peut pas faire grande diffi
cu lté, et l’on doit s’étonner que les premiers magistrats
n’aient pas été frppés du péril d’éviction que couroil
madame d’Ayat. Il est vrai qu’en première instance, on
ne produisoit aucun double de l’acte sous se in g -p r iv é ,
fait quadruple,* il paroît que l’on n’nlléguoit que des
présomptions de l’existence d’ une première vente, et
ces présomptions pouvoient paroître suffisamment dé
truites par la lettre de M . Dechamp fils, datée d’Espagne. Mais maintenant que madame d’A yat présente à
la justice la preuve matérielle de cette première ven te;
�te ?
(7 )
maintenant qu’elle veut faire usage des doubles qu’elle
possède, il est impossible de révoquer en doute l’existence
de cette vente. On ne lui avoit remis que trois doubles du
premier acte fait quadruple, ainsi que l’attestent ceux qui
sont connus. Dans cette première position, personne ne
ne pouvoit lui répondre que le quatrième double n’existoit réellement pas; on ne pouvoit lui répondre que les
enfans du premier acquéreur, lors de leur majorité, ne
viendroient point, armés de cette pièce, la troubler dans
sa possession, et la sommer de leur restituer une pro
priété déjà transmise à leur auteur. Et alors quelle défense
opposer? se prévaloir d’un jugement qui auroit décidé
qu’il n’a jamais existé qu’un projet de vente, entre le sieur
Dechamp pere, et son fils aîné; projet qui ne s’est point
réalisé par le défaut d’accomplissement des conditions
stipulées? Les mineurs se plaindroient justement de n’a
v o ir pas été valablement défendus. E t, en effet, la repré
sentation de l’acte môme ne prouveroit que trop qu’on
auroit eu tort d’alléguer que la vente n’avoit été qu’en
projet; e t , aux termes de l’article 481 du Code de procé
du re , la voie de la requête civile leur seroit ouverte.
L e quatrième double, donc, tant même qu’il n’étoit
pas produit, mettoit madame d’A yat dans un véritable
péril d’éviction.
Mais aujourd’hui qu’il seroit produit, et quand même
on le remettroit à madame d’A y a t , est-il permis à celte
dam e, est-il permis au sieur Dechamp de supprimer la
preuve d’un tel acte ? e t , dans ce cas, les mineurs ne pourroient-ils pas également former leur action contre ma*dame d’ A y a t? L e conseil pense qu’elle doit le craindre*
�m
L ’opposition de madame d’Ayat est consignée dans les
archives du tribunal de Riorn. L ’existence de la première
vente a été en quelque sorte proclamée dans des pièces
de procédure. Si les preuves n’étoient pas entières, les
commencemens de preuves par écrit se présenteroient du
moins en foule aux mineurs Dechamp : les personnes qui
ont concouru à l’acte, ou d’autres qui en ont eu connoissance, pourroient encore exister; et qui sait le succès que
les mineurs pourroient obtenir avec de tels moyens?
L e péril de la dame d’A y a t seroit toujours le môme.
Il est vrai que madame d’A y a t appelleroit le sieur
Dechamp père en garantie. Celui-ci ne pourroit pré
tendre, comme l’a jugé le tribunal de première instance,
qu’il n’y a eu qu’un projet de vente; car l’acte de 1807
dit que les conventions seront anéanties dans certains
cas. On n’anéantit que ce qui existe. Les conventions
ont donc existé. Mais enfin il pourroit dire qu’aux termes
même de l ’acte qu’on in v o q u e , la vente de 1807 est
anéantie, puisque les conditions stipulées n’ont pas été
remplies ; alors s’élèveroit entre lui et les réclatnans la
question de savoir si ces conditions ont été remplies.
Peu importe à madame d’A yat de savoir qui succomberoit ; peu lui importe de savoir de quelle influence
seroit alors dans la cause la lettre de Dechamp iils,
écrite d’Espagne. Une première vente existe : le fait est
incontestable , et cela lui suflit. Cette première vente
n’a pas été déclarée n u lle, o u , si l’on v eu t, il n’a pas
encore été jugé que les conditions dont sa nullité dép e n d o it, n’ont pas été rem plies, et dès-lors il y a pour
elle péril déviction ; elle est dans le eus de l’article 1653
�( 9 )
du Code Napoléon ; et l’on ne peut la forcer de payer/
tant que Dechamp père n’a point fait cesser le p é r i l ,
tant qu’il n’a point fait disparoître tout moyen de con
testation à cet égard.
C ’est lui seul qui en est ten u , aux termes de l’article
1653. Il f a u t , avant to u t, qu’ il fasse disparoître ce qui
n’est, selon l u i , qu’ un fantôme de ven te; e t , sous ce
r a p p o r t, le jugement du tribunal de première instance
doit être reformé ; le sieur Dechamp père doit être
renvoyé à former une action principale contre ses petitsfils mineurs. L ’objet de cette action sera de faire déclarer
nulle la vente de 1807 , faute par le premier acquéreur
d’avoir rempli les conditions stipulées : et pour que cette
action soit formée légalem ent, pour qu’elle mette ma
dame d’Ayat à l’abri de toute éviction , il faut que le
sieur Dechamp appelle en cause tous ceux qui ont con
couru à l’acte de 1807 : madame d’A y a t a le droit de
l ’exiger.
En elfet, par cet acte il étoit stipulé qu’après la mort
du sieur Dechamp père, l’acquéreur (le sieur Dechamp
fils) payeroit diverses sommes à sa m è re , à son frè re ,
au sieur A r n a u d , son beau-frère. A u décès du sieur
Dechamp p è r e , ceux-ci auroient donc intérêt ù faire
revivre cet acte auquel ils ont concouru, et dans lequel ils
ont sans doute accepté les stipulations qui les concernent.
Il ne peut être déclaré anéanti sans eux. Eode/n m o
do dissolvuntur fa c ta quo colligantur. Ce qui a été
stipulé avec plusieurs, et ce qui intéresse plusieurs, ne
peut être résilié avec un seul. Il faut donc mettre en
caüsc tous ceux qui ont paru dans le premier acte, pour
�leur ôter tous moyens do troubler jamais la possession
de madame d’Ayat. Il faut que l’action soit dirigée con
tradictoirement, et contre e u x , et contre les mineurs.
Il n’y a pas de doute que la C o u r , en réformant le
jugement du tribunal de première instance, ne doive
renvoyer Dechainp à se pourvoir en nullité de la pre
mière ven te, par action principale. L a Cour ne peut
ordonner que les parties qui ont concouru à l’acte seront
mises en cause devant elle; elle ne peut e lle-m ê m e
décider la question , parce que c’est une action toute
nouvelle pour ces parties, qui n’ont.pas encore été ap
pelées, et môme toute nouvelle pour les mineurs, qui
jusqu’à présent n’ont pas été valablement représentés
dans l’instance. Il est évident qu’on ne peut les priver
les uns ni les autres d’un premier degré de juridiction.
O n vient de dire que les mineurs n’ont pas été vala
blement représentés, et cela est incontestable. Ils ont
été représentés par leur tutrice , par la dame veuve
D e c lia m p , à laquelle le second acte de vente fait une •
délégation d’ une partie du prix de la terre de B lot,
pour lui payer ses gains de survie dont le vendeur étoit
débiteur. L a veuve Dechamp est intervenue dans l’ins
tance, comme créancière personnelle du sieur Dechamp
père; elle a déclaré accepter la délégation, et a conclu
«nu maintien de la deuxième vente; elle y étoit, comme
on le v o it, intéressée. D e leur cô té , les mineurs pouvoient avoir intérêt à soutenir la validité do la première
vente. Toujours e s t - il vrai que cette vente subsiste
e n c o r e , et que c’est contre eux que tout le inonde veut
eu faire prononcer l ’annullation. D ès-lors, leur mère
�C h )
étoit incapable de les représenter, parce qu’elle pouvoit
dissimuler leur intérêt, qui se trouvoit en opposition
avec le sien. L e subrogé tu te u r, aux termes de l’ar
ticle 240 du Code N a p o lé o n , a seul le droit de les re
présenter, et il n’a point été appelé. Madame d’ Ayat
a donc intérêt à ce qu’on répare cette erreur, pour que
sa sûreté soit entière. Ce seroit, comme nous l ’avons
déjà d i t , laisser aux mineurs la voie de la requête ci
v ile , article 481 du Code de procédure. Madame d’A y a t
a droit d’exiger que le subrogé tuteur les représente
dans l’instance, parce qu’elle a droit d’exiger qu’on fasse
disparoître tout moyen de contestation dans l’avenir.
L ’on demande si l’on doit , dans ce c a s , requérir
l’autorisation du conseil de famille \ le conseil ne le pense
pas. A la vérité", c’est ici une action relative à des droits
immobiliers. L ’article 464 du Code Napoléon dit bien
que le tuteur ne p e u t, sans l’autorisation du conseil de
famille, acquiescer à une pareille action, ni Vintroduire
en justice; mais il ne dit pas que le tuteur ne pourra point
tout seul défendre à une pareille action , et cela seul
prouve qu’il en a le droit. O r , ici l’action doit être dirigée
contradictoirement contre les mineurs ; seulement, s’il y
en a d’émancipés, il faut, aux termes de l’article 482 du
Code N a p o lé o n , les mettre en cause, ainsi que leur
curateur.
E n fin , l ’on demande s i , pour éviter tant de forma
lités et tant de frais, toutes les parties intéressées dans la
première vente, même les mineurs, ne pourroient point
faire une reconnoissancc judiciaire de la validité de la
deuxième vente de 1811.
�( 12 )
L e conseil pense que cette reconnoissance suffiroit pour
rassurer madame d’A y a t , mais en y apportant des pré
cautions. Ce seroit reconnoître la nullité de la première
vente; ce seroit alors un acquiescement à une action im
mobilière , et l’autorisation du conseil de famille deviendroit dans ce cas indispensable.
L e coût de l’enregistrement de l’acte sous seing privé
entrera dans les dépens, et par conséquent la partie qui
succombera sur l’appel en sera chargée ; et comme le pre
mier jugement ne peut manquer d’être réform é, le sieur
D echam p, qui nioit la première vente, devra supporter
les frais faits pour en prouver l’existence.
L e sieur A r n a u d , au reste, par sa signature même ré
tablie dans l’acte de vente de 1 81 1 , n’a pu se lier que
comme témoin, si l’acte ne fait pas mention qu’il se soit
lié autrement. On pourroit tout au plus en conclure qu’il
a reconnu la nullité de la première ven te, mais jamais
qu’il a voulu se rendre garant de la seconde. D e pareils
engagemens ne se présument pas ; ils doivent être formelle ment exprimés.
D é l i b é r é à Paris le 1er. mai 1812.
B E L L A R T ,
DE
SÈZE.
A RI O M , de l ’imp. de T H I B A U D , imprim. de la C ou r impériale, et libraire,
ru e des T a u le s , maison L
a n d r iot.
— A o û t 1 8 1 2.
%
�
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The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
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Factums Godemel
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Description
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A name given to the resource
[Factum. Beaufranchet-d'Ayat. 1812]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Bellart
De Sèze
Subject
The topic of the resource
ventes
nullité
éviction
conseils de famille
Description
An account of the resource
Titre complet : Consultation pour la dame Beaufranchet-d'Ayat.
Table Godemel : Eviction : 3. l’acquéreur par acte notarié éprouve-t-il juste sujet de craindre éviction, par l’existence d’une vente antérieure consentie par le vendeur à son fils, décédé, laissant des enfants mineurs ? est-il fondé à refuser le paiement du prix jusqu’à ce que la première vente aura été déclarée nulle par les tribunaux ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
de l'imprimerie de Thibaud (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1812
1807-1812
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
12 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2130
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2207
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Coverage
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Blot-l'Eglise (63043)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
conseils de famille
éviction
nullité
ventes
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b5a701135185e70b0d3520dd56193d3e
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CONSULTATION,
L e s C O N S E IL S S O U S S IG N É S , qui ont v u le m ém oire
à consulter du citoyen D audin de la Fabrie; ensem ble,
1 °. copie du testament nuncupatif d’Etienne Descaffres, en
date du 3 avril 17 7 3 ; 20. copie d’ un contrat passé devant les
notaires publics à A u rilla c, le 1er. mars 1782 , contenant
vente par madame veu ve Daudin de la F a b rie , au
citoyen C a p e lle , d’un domaine appelé V e r n e t , appar
tenant à son fils , en qualité d’héritier d’Etienne D escaffres ; 30. copie d’un autre contrat passé devant les
notaires publics à V i c , département du C antal, le 2. ven
dém iaire an 8 , contenant vente et cession par le citoyen
D audin d e la F a b rie , au citoyen D esprats, de tous les
droits successifs, m obiliers et im m obiliers, fruits et reve
nus d’iceu x, appartenans audit citoyen D a u d in , en vertu
du testament d’Etienne Descaffres de la R iv iè re ; 40. copie
figurée d’un écrit portant la date du 21 mars 178 8 , au
bas duquel est apposée la signature D a u d in la F a b r ie ,
contenant une prétendue ratification des actes faits par
la veuve D a u d in ; 5°. la demande en revendication et
A
�i H’
( O
désistement de la propriété du domaine du V e r n e t,
form ée par le citoyen Desprats contre le citoyen Capelle;
6°. enfin la demande en garantie formée par le citoyen
Capelle contre le citoyen D audin la Fabrie.
qu’ indépendamment des fortes présom p
tions de faux qui s’élèvent contre l’écrit sous seing privé
que le citoyen Capelle fait servir de base à sa demande
en garan tie, deux moyens de nullité péremptoîres vien
nent so r é u n ir pour é c a r te r cet acte in form e, qui ne
peut être aux yeu x de la justice que l’ouvrage du dol et
E stim en t
de la su rprise, s’il n ’est pas celui d’un faux m atériel Lien
caractérisé.
L e prem ier de ces moyens résulte de ce que la pré
tendue ratification qu’il l’enferme n’est point une ratifi
cation spéciale, attendu que ni la n atu re, ni les causes,
ni même la date des actes qu’il ratifie ne s’y trouvent
énoncées..
L e second, de ce qu’il n’est pas fait double entre les
parties contractantes..
11 résulte des pièces que, par un testament nuncupatif,
en date du 3 avril 1 7 7 3 , E t i e n n e DescaiTres de la R i
vière a institué pour son h é r i t i e r universel le citoyen
Daudin de la F a b r ie , son petit-neveu, et que dans les
biens de l’hérédité se trouvoit un domaine nommé du
y ’ernety situé dans la commune de V i e , département du
Cantal.
Comme l’extreme jeunesse de l’heritier institué neluipermettoit l’aliénation d’aucun immeuble, quoiqu’il fût néces
saire d’en yendre une partie pour l’acquittement des dettes
�4 »/
( 3 )
et des legs, le testateur a voit donné pou voir à la citoyenne
D audin de la F ab rie, sa n ièce, m ère de cet héritier ins
titué, d’aliéner ce qui seroit nécessaire ; e t, en effet,p lu
sieurs immeubles ont été vendus par e lle , mais en qua
lité de m ère et tutrice de son fils mineur.
E n 178 2 , la m ère du citoyen D audin de la Fabrie
crut pouvoir vendre le domaine du V e r n e t , non plus
com m e mève et tutrice, m ais com m e propriétaire, et
«e fut au citoyen C a p elle, alors conseiller au présidial
. d’A urillac , qu’elle consentit de faire cette vente. L e p rix
énoncé au contrat paroît être de 2,1600 francs, payés
comptant ; mais on assui'c qu’il s’en faut de plus d’un
tiers que cette somme ait été payée, et on ajoute que
l’acquéreur employa d’ailleurs tous les moyens qui étoient
en son pou voir pour se rassurer contre la revendication
postérieure du citoyen D audin de la F a b rie , seul pro
priétaire du domaine vendu par la mère.
C e lu i-c i, m ineur en core, et dans la fougue des pas
sions, se prêta volontairem ent, sans p révo ir les consé
quences de ce qu’on exigeoit de lui , à tout ce que le
citoyen Capelle v o u lu t, m oyennant qu’on lui fît toucher
une partie de la somme portée au contrat.
Il commença d’abord par donner une ratification conçue
en ces termes: « Je soussigné approuve et ratifie les actes
«
«
«
«
que ma m ère a consentis en faveur de M . C a p e lle ,
conseiller, du domaine du V e r n e t, et tout ce qui en
dépend , et promets de l’en faire jouir en vrai propriétaire. Fait le.......... Signé Daudin de la Fabrie. »
Comme il n’avoit encore que dix-neuf an s, et qu’une
pareille ratification ne pouvoit produire aucun effet, à
A 2
�(
4
)
raison de la m inorité de celui qui l’avoit souscrite, on
lui lit laisser la date en blanc} pour la rem plir lorsqu’ il
seroit majeur.
D ’un autre c ô té , un procès crim inel s’étant élevé entre
le citoyen Capelle et la m ère du citoyen D a u d in ,(* ) le
citoyen Capelle eut encore l’adresse de se faire écrire par le
m ineur la lettre qui suit : « M . le curé de G iou m’a marqué
« que je ne m ’étois pas assez expliqué au sujet des affaires
« de Sistrières (c ’étoit le magistrat chargé de l’ instruc« l:on du procès crim inel ) 5voici plus clairement ce qui
« en est. L orsque je fus a rriv é , je subis un interrogatoire
« pour Ravoir ce que j’ai reçu de vous. Sistrières croyoit,
,« et cro it e n c o r e , que vous n’ayiez fait de billets
k que pour quatorze m ille francs ; j’ai répondu que
çf vous en aviez fait pour le contenu du contrat, ce qui
« l’interloqua fort dans le temps. Q u o i qu!il en s o it ,
« je ne vous n u ira i ja m a is , parce que vous ni avez bien
« p ayé ce que vous m 'avez prom is. Si Sistrières fait tra
ct vailler à R iom au nom de ma m è re , elle l’ignore. J e
« vous prie de m e m arquer ce q u i l f a u t que j e lu i f a s s e
« f a i r e , pour ne pas être com promise dans les discuscc sions qu’a Sistrières avec vous. Je les crojs très-m au« vaises. .Au prem ier jour j’aurai l’honneur de vous v o ir ,
cc et nous causerons plus amplement. »
Cependant cette affaire crim inelle n’eut pas d’autre
suite, et les choses en restèrent là pendant plusieurs années.
M ais lorsque le citoyen Daudin de la Fabrie , devenu
(*) Le procès crim inel etoit contre le fils, el non contre le §icur
Capelle.
�( 5 )
m ajeur, voulut réclam er contre la fausse quittance portee
au co n tra t, il éprou^pi de la part du citoyen Capelle
une telle î-ésistance, que , désespéi*ant d’obtenir de lui
ce que la bonne la foi seule et l’équité e x ig o ie n t, il
prit le parti de vendre au-citoyen Desprats tous ses droits
dans la succession du citoyen Descaffres , son gi'ando n cle, dont il étoit héritier institué. Cette vente eut lieu
par acte passé devant les notaires publics de V ie , dépar
tement du C a n ta l, le 2 vendém iaire an 8. ’
Aussitôt le citoyen Desprats form a contre le citoyen
Capelle une demande en revendication du domaine du
Vei'net ; et le citoyen Capelle , qui sentoit parfaitement
tout le vice de son titre d’acquisition, ne crut trouver
de l’essourcc que dans la prétendue ratification qu’il avoit
surprise au cit. D audin de la Fabrie pendant sa minorité.
11 forma donc une demande en garantie contre ce der
nier ; demande fondée sur les termes de cette prétendue
ratification , dont la date laisséer en blanc se trouva rem
plie par celle du 21 jnars 1788 qu’on y avoit mise après
coup. U n prem ier jugement ordonna, sur lu réquisition
du citoyen D audin de la F a b rie , qu’elle seroit déposée
au greffe du tribunal ; et là , suivant le m ém oire à con
sulter , il fut facile de voit*, i° . que les deux chiffres 21
étoient écrits d’ une autre main et avec une autre encre
que le corps de l’acte; 20. que le mot m ars avoit été
évidemment surchargé ; 30. que les quatre chiffres for
mant la date de 1788 étoient d’ une autre encre et d'une
autre plum e; 40. que l’encre dont'on s’étoit servi pour rem
plir cette date étant plus récente et beaucoup plus noire,
par conséquent, que celle de I’écritiire du corps de l’acte ,
�( 6 )
on a v o it, p o u r faire disparoître cette différence , repassé
la plum e sur plusieurs lettres, Notamment sur cinq ou
six de celles qui composoient la signature.
L e citoyen Daudin de la Fabrie auroit pu sans doute
s’inscrire en faux contre cette pièce , et c’étoit même la
voie qu’on lui conseilloit de prendre ; mais il a cru y vo ir
,des moyens de nullité si frappans et si décisifs, q u e, sans
„recourir à ce moyen auquel il est toujours libre de revenir,
il se borne-à la discuter en ce m om en t, comme s’il l’avoit
s o u s c r ite e n p le i n e m a j o r i t é .
E n conséquence, il propose aux conseils les deux ques
tions suivantes :
i° . L ’écrit sous seing p r iv é , portant la date du 21
mars 1788 , peut-il être regardé comme une véritable
ratification de la vente faite par madame D audin de la
Fabrie au citoyen Capelle?
2°. Ce même écrit n’est-il pas n u l, pour n’avoir pas
été fait double entre les parties contractantes?
PREMIÈRE
QUESTION.
L a prétendue ratification contenue en Técrit sous seing
p r iv é , portant la date du 21 m ars 178 8 , n est-elle
pas radicalem ent nulle^ f a u t e d énonciation des actes
ratifiés ?
Sur la prem ière de ces deux questions , les soussi
gnés estiment q u e , faute d’avoir exprim é dans l’acte
dont il s’a g it , la n atu re, les causes et la date de ceux
qu’on a voulu faire approuver au citoyen Daudin de
�( 7 )
la F a b rie , cet acte ne renferm e ni ratification ni appro
bation v a la b le , et qu’il est impossible par conséquent de
lui donner aucun effet.
Dans le sens le plus étendu qu’on puisse donner au
m ot de ratification , il présente l’idée générale d’une
approbation ou confii'mation de ce qui a été fait ou
promis antécédem m ent, soit par celui môme qui ap
prouve , soit par son m andataire, soit enfin par un liom m e
qui auroit agi en son nom , mais sans aucun p ou voir
de sa part.
rt r
A in s i, par exem ple, un m ajeur ratifie les actes par lui
souscrits en m inorité , lorsqu’il les approuve en pleine
conuoissance de cause, speciali conjirrnatione : sa rati
fication les rend obligatoires pour lui à com pter du jour
même qu’ils ont été passés. A i n s i, le commettant ratifie
ce qui a été fait par son mandataire , m êm e hors les
termes ou les bornes de son m an d at, lorsqu’il consent
de l’adopter. A i n s i, e n fin , celui dont on a fait l’affaire
à son insu , quoiqu’en son n'orn et se portant fort pour
l u i , se rend propres et personnelles toutes les obligations
qui en d ériven t, lorsqu’il se soumet à les exécuter. Dans
les deux derniers ca s, la ratification équipolle au mandat r
suivant la m axim e ratihabitio m andato cornparalur;
et dans tous elle a un effet rétroactif au moment où les
actes ratifiés ont été souscrits, parce qu’elle n’en est que
1 accessoire et le com plém ent.
Il est une autre espèce de contrat a u q u el, dans l ’usageT
on a très-mal à propos appliqué le nom de ratification T
dont il diilère essentiellement dans ses caractères p ro -
�^ ( 8 .)
près et dans ses effets ; c’est celui par lequel on approuve
un acte essentiellement n u l, te l, par exemple , que seroit
l ’obligation d’ une femme m ariée qui l’auroit consentie
sans l ’autorisation de son m ari ; tel encore que la vente
d’un héritage faite par celui qui n’en étoit pas p rop rié
taire , ou l’aliénation d’un bien de m ineur faite par son
tuteur sans le concours ou l’autorité de la justice. Cette
prétendue ratification ne peut pas avo ir d’effet rétroactif au
tfm ps du contrat, puisque ce contrat étant n u l, ah in it io ,
n’a pu produire aucun e ffe t, ni recevoir de com plém ent
par une approbation postérieure. C ’est une nouvelle obli
gation ou une nouvelle v e n te , q u i n?a d’exécution que
du jour môme qu’elle est consentie ; quippè ratum habens
et confirm ons ya ctu m , q u ia lià s vim non obtineret, ipsum
constituera videtur, ncc ratihabitio ejus retrotrahipotest.
Cette espèce d e conti'at , qui est. celle de la contesta
tion , et qui fera plus particulièrem ent l’objet de la seconde
des questions proposées , a. néanmoins cela de c o m m u n
avec la ratification ordinaire, qu’elle doit m êm e, à f o r
t io r i, énoncer de la manière la plus form elle et la j)lus
précise la nature, les causes et la date du contrat que l’on
entend approuver et confirmer ; a u t r e m e n t il seroit im
possible de se r e n d i’e certain que l’approbation a été
donnée en pleine: connoissance de cause , que le consen
tement a été libre et parfaitement é c la iré , qu’eniin celui
qui ratifie a eu tous les moyens possibles d’éviter l ’erreur
et la surprise sur l’objet de la convention.
Suivant les principes du droit rom ain, adoptés dans
notre jurisprudence française , celui qui ratifie en ma
jorité
�<9 5 .
jorité les actes qu’il a faïls étant m ineur, ne peut pas in vo
quer le bénéfice de la rescision. ( Leg. i et 2 , if. cod. S i
m ajor fa c t. rat. lmb. )
Mais il faut que cette ratification soit spéciale , c’està-dire , qu’elle soit exempte de tout soupçon de fraude
de la part de celui qui l’e x ig e , ou d’erreur et de surprise
de la part de celui qui la donne ; à bien plus forte raison
cette règle doit-elle être observée, lorsqu’il s’agit non pas
d’un acte fait par le m ineur lui-m êm e , mais d’un acte
fait sans le concours de sa volonté , soit pour disposer de
son b ie n , soit pour compromettre ses intéiêts.
A in s i,p a r exem ple, u n m ineur, devenu m ajeur, con
sent d’approuver et de ratifier les ventes faites par son
tu teu r, sans autorité de justice, pendant le cours de sa
m inorité. L a loi d écid e, en ce cas> qu’il ne peut troubler
les acquéreurs, ni revendiquer sur eux sa propriété; mais
elle décide en même temps que si la ratification n’a pasété sp écia le, ou si la prescription n’est pas acquise contre
l u i , il a le droit incontestable de faire anéantir les alié
nations. S i sine decreto prccsidis prœ dia tua à tutore
tuo a lh n a ta su r it, nec s p e c j a l i conjirm atione ; vel
( sibon a fid ep ossesso r fu iss e t) statuti temporis e x c u r s u ,
id (jitod perperam est a c tu m , fu e r a t sta b ilitu m , preeses
provm ciœ possessionem in ju s tuum retraJiet. L eg. 2 ,
eod. Si m ajor. Jxict. alien. sïn. decret. rat. hab.
O r ? quels caractères doit avoir cette ratification pour
^
ecre spéciale? L e prem ier de tous 7 sans doute ? est l’ononciation précise et form elle de la n atu re, des causes et
de la dale du contrat que l’on entend ratifier; elle doit
être faite expresse e t n o m i n a t i m , dit Perrézius, sur le
B
A«
�i
( 10 )
titre 4 6 , cod. S i m ajor ratam hab. , etc. ; ca r, si Ton
confirme un acte, ou des actes en gén éral, sans exprim er
ni leurs objets, ni leurs clauses principales, ni le temps
où ils ont été passés, la convention est radicalement nulle
par la seule indétermination des choses qui en font la
m atière, et par l’impossibilité d’assigner d’ une manière
fixe et certaine l’objet sur.lequel a porté le consentement
des parties contractantes.
U ne autre raison non moins évidente rend encore cette
énonciation absolument indispensable, savoir, la nécessité
de constater que celui qui ratifie a bien connu l’acte qu’ il
consentoit d’a p p ro u ver, qu’il l ’a lu en en tier, et qu’il ne
s’est déterm iné à le revêtir de son approbation qu’après
avo ir pris tous les éclaircissemens nécessaires pour éviter
l’erreur et la surprise. L a loi 5 , cod. P lu s ralere quod
agit, quàm quod sim ul. concip. , nous présente encore
un exem ple frappant de l’application de ce principe dans
l’espèce suivante :
a V o u s avez donné ordre de prendre pour vous le bail
« à ferme d’ un héritage ; mais le m a n d a ta ir e infidèle que
« vous en aviez chargé vous présente, au lieu d’un contrat
k de lo u age, le contrat de vente de ce même im m euble,
« et vous le signez ou vous l’approuvez sans le lire, »
Dans ce c a s, dit, la l o i , il n’y a ni vente ni contrat de
louage, faute du consentement des parties contractantes sur
le même objet : .Sifa lsu rn insirum entum einptionis conscriptum t i b i , relut locationis quant f i e r i tib i m andaver a s , suhscn bere n o n e e l i c e n t e m , sedjidctn haben—
teni f e c e n l , neutrum contractum ( iu utraque parte ,
déficiente consensu ) constitissc prucul dubio est.
�( “ )
Dans cette espèce,la loi suppose que celui qui approuve
ou ratifie le faux acte fait en son nom n’a pas eu l’attention
de le r e lir e , n o x r e l i g e n t e m \ et ce n’est pas sur sa
simple allégation qu’elle le suppose, car ce seroit une
grossière absurdité , mais elle l’induit nécessairement du
défaut d’énonciation , c’est-à-dire, de cela seul qu’il n’a
pas exprimé en signant ou approuvant l’a cte, qu’il l’avoit
lu en entier, et qu’il en connoissoit la nature et les causes.
V oilà donc le caractère propre et distinctif de cette con~
Jtrm àtion spéciale requise par la loi, parfaitement bien fixé ;
elle doit énoncer spécifiquement expresse et h om in a tim y
la nature , l’objet et la date de l’acte qu’on approuve ; elle
doit montrer que celui qui le ratifie a eu la plus entière
connoissance des stipulations qu’il renferme; elle doit
enfin présenter les preuves d’un consentement éclairé
dans tous les motifs de sa détermination : autrement, elle
est nulle ; elle n’oblige point celui qui la donne ; elle ne
produit aucun droit en faveur de celui qui l’obtient; et
comme la loi lui refuse toute espèce d’elfet ou d’exécu
tion , les tribunaux ne peuvent en prendre connoissance
'’que pour en prononcer la nullité.
Gela posé , que porte la prétendue ratification du ci
toyen Daudin de la Fabrie, o u , pour mieux dire, l’écrit
«w bas duquel se trouve sa signature? Il porte : « Je
«
K
«
«
ii
soussigné approuve et ratifie les actes que ma mère
a consentis en faveur de M . Capelle, conseiller, du
dom aine du T^ernet et totxt ce qui en d ép en d , et
promets de l’en faire jouir en vrai propriétaire. Fait
le 21 mars 1788. »
Mais quels sont les actes qu’il ratifie? S o n t- c e des
B 2
�• ♦•
( 12 )
contrats de ven te, des baux einphitéotiques ou à rente
fo n ciè re , des échanges, des donations m êm e? car ce
mot vague et indéterm iné exprim e tous les genres pos
sibles d’aliénation, soit ù titre o n é re u x , soit à titre
gratuit, sans laisser dans l’esprit aucune idée certaine de
l’espèce particulière d’aliénation qu’ils ont opérée , et
conséquemmcnt sans faire connoître quel est l’objet précis
de la ratification.
Si on dit qu’en s’obligeant de fa ire jo u ir le citoyen
Concile ci titre de p ropriétaire, le citoyen Daudin de la
Fabrie a suffisamment déterm iné la nature de l’engage
ment qu’il contractoit, on ne fera que rentrer dans la
difficulté qui restera toujours aussi insoluble qu’aupara
vant, puisque la propriété s’acquiert par toutes les espèces
d’aliénations qu’on vient d’énoncer, et qu’il faut néces
sairement en revenir à savoir quel est le genre particu
lier du titre que le citoyen Daudin a voulu revêtir de
son approbation.
L ’incertitude devient encore plus grande à raison de
ce mot tous les actes, qui embrasse dans sa généralité
non-seulement les actes authentiques, mais encore les
actes sous signatures privées, conséquemment les contrelettres , les quittances, les. décharges, et généralement
toutes les conventions, de quelque nature qu’elles puis
sent ê tre , qui ont pu intervenir entre la mère du cit.
Daudin de la Fabrie et le cit. Capelle. Pourquoi dire
tous les actes, s’il n’y a qu’un seul contrat de ve n te ,
et si ce coutrat porte quittance du p r ix ? Pourquoi nepas énoncer ce con trat? pourquoi ne pas faire mention.,
de sa nature, de sa d ate, de ses clauses, du prix m oyen-
�4 %i
*■13 ^
nant lequel l’héritage a été v e n d u , des différens objets
qui y sont en trés, du nom de l’officier public qui en
a rédigé la m inute, et du dépôt dans lequel on pourra
la trouver? Seroit-ce que le citoyen D audin de la Fa brie
ne le connoissoit pas, qu’il ne l’avoit jamais v u , et qu’il
l’approuvoit sur p a r o le , sans aucune espèce d’examen ?
M ais de cela même il résulte que sa ratification est n u lle ,
puisqu’ indépendamment de l’indétermination qu’elle p ré
sente dans son o b je t, elle n’a point ce caractère propre
et distinctif que la loi veut y tro u ver, celui d’un con
sentement donné en pleine connoissance de cause, expresse
et norninatim ; en un m o t, celui d’une confirm ation
spéciale , qui fait nécessairement supposer l’énoncialion
de l’acte ou des actes que l’on confirme et que l’on ratifie.
E t quand on considère que celui qui exige une pareille
ratification est un juge, un magistrat, un homme instruit
plus que tout autre des formes dans lesquelles un pareil
acte doit être r é d ig é , tandis que celui qui la donne est
un jeune homme sans expérience, sans lum ières, sans
moyens aucuns de s’éclairer sur ce qu’ il fait, combien la
présomption légale de fraude et de surprise qui résulte
•du seul défaut d’énoncialion n’acquiert-elle pas de force
et d’évidence, si l’on y ajoute surtout les présomptions
Particulières qui naissent en foule du seul rapprochement
des diverses parties de cet informe écrit!
Sous ce prem ier point de vue on doit donc nécessai
rement décider qu’il est n u l , et qu’on ne pourroit lui
donner d exécution ou d'effet sans renverser à la fois les
principes les plus certains du droit civil et les premières
notions du bon seus.
�(
S E C O N D E
x4 )
Q UE S T I ON.
L 'é c r it portant la date du 21 m ars 1788 n 'e s t - il pas
n u l, pour n avoir p a s été f a i t double entre les parties
contractantes ?
M ais ne l’e s t- il pas encore sous un autre aspect,
comme n’ayant pas été fait double entre les parties
contractantes? C ’est ce que l ’on demande par la seconde
des questions proposées, et ce qu’il s’agit d’examiner en
cet instant.
P o u r arriver à une solution satisfaisante et sûre , il
fout remonter d’abord à quelques maximes générales sur
l ’efTet de la vente du bien d?autrui, considéré , d’une
p a r t, dans ses rapports avec les parties contactantes ellesmêmes, de l’autre, avec les tiers dont on a vendu la pro
priété.
Relativem ent aux parties contractantes, il est certain
que la vente du bien d’autrui' est valable , en ce sens
qu’elle oblige le vendeur à faire a v o i r la chose vendue
à l’acquéreur, prœstare eirem habere licere, conséquemment à l’acheter de celui qui la p o s s è d e , o u , en cas d’im
possibilité, à lui payer des dom m ages-intérèts propor
tionnés î\ la perte qu’il éprouve et au gain qu’il manque
de faire, propter ipsarn rein non habitant.
M ais relativement h celui dont on a vendu la chose,
la vente est radicalement n ulle, puisque cette vente, faite
sans son consentem ent, ne peut pas plus avoir l’ellet de
le dépouiller de sa p ro p riété, que celui de la transférer
�4 ?°)
( 15 )
_ ^
entre les mains d’un autre. A cet égard la loi est fo r
m elle : id quod nostrum e s t, sine ja c t o nostro , ad
a li utn transferri non ■pot-est. L eg. 1 1 , if. D e regul. jur.
A in s i, par exem p le, le mari qui vend le Lien de sa
femme sans le consentement form el de celle-ci, ne donne
aucun droit à l’acquéreur; et la vente est l’adicalement
n u lle, quand même cette fem m e, induite en erreur par son
m ari, l’auroit tacitement ratifiée en apposant son cachet
ou sa signature sur l’acte ou l’instrument de la vente.
D istra hen te rnarito rem t u iju r is , s i consensum e i non
accornniodasii, licetsigillo tuo venditionis instrunienlum y
fr a u d e co n qu isitâ , signaveris, Jiujusrnodi tarnen cornfnentum em ptori usucapione non su b secu ta , vel longi
temporis prœ scriptione, m inim e m unito nullam prœ stitisse securitatem potest. L eg. 2 , cod. D e reb. aîien,
non aliénand.
P ar ex em p le , encore , la vente faite par une m ère
( Leg. 4 , H tit. ) , celle consentie par un père {L eg . 5.) ,
du bien de son fils ém ancipé, sont radicalement nulles, si
le fils n’est pas intervenu à l’acte de vente, ou s’il ne l’a
pas expressément ratifié; s i fu n d u m tuum pater, te non
consentiente renundedit, jieque ei su cce ssisti, rteqne
possidens longi teniporisprœscriptione t u unit us est. T ib i
ogenti rector provinciœ reddi ejficiet. L eg . 5 , cod. D e
reb. a/ien. non alienand.
La loi
au cod. D e rei v in d ica ty présente un autre
exemple d’autant plus frappant, qu’il est identiquement
celui de l’espèce proposée. « T^otre m ère, ou votre m ari,
« porte celte lo i, n’ont pu valablement vendre m algré
« vous, ou à voire in su , et par c o n s é q u e n t vous pouvez
�f iS )
revendiquer votre chose entre les mains de l’acquéreur,
même sans lui restituer le prix. M ais si postérieurement
vous avez consenti à cette vente ( on vient de vo ir
plus haut dans quelle form e devoit être donné ce consentement ou cette ratification ) , ou que vous ayez
perdu la propriété de toute autre manière ( putà par
la prescription ), vous n’avez plus aucune action contre
cet acheteur ; mais vous avez celle negotiorum gestoru m , en restitution du p r ix , contre celui ou celle qui
n vendu (*). »
D e ce principe incontestable et non contesté, que la
vente du bien d’autrui est radicalement n u lle, relative
ment au propriétaire lu i-m êm e, tous les jurisconsultes,
sans exception, tirent pour conséquence directe que l’acte
par lequel le propriétaire approuve l’aliénation, est moins
une ratification proprem ent dite, qu’une véritable vente
qu’il fait de sa chose; attendu que celui qui ratifie et qui
confirme un acte de cette nature, essentiellement nul par
rapport à lu i, doit être censé vendre lu i-m ê m e , et sa
prétendue ratification ne peut avoir en ce. cas d’eiïet ré
troactif , quippè ratura habens et co n jirm a n s, a ctu m ,
q u i aliàs vi.ni non obtineret, ipsum constituere videtur,
nec ra tiha b itio, retrotrahi potest.
«
«
«
«
«
«
«
«
«
«
(*) M ater tua, v e l maritus fundum tuum invito, v e l ignorante,
njcndere jure non potuit ; sed rem tuam a possessore vindicare
etiam non oblato pretio poteris. Sin autem posteà de ea ven ditione con sen sisti, v e l alto modo proprietatem ejus am isisti :
adversits emplorem quideni nullani habes actionem• adversiis
venditorem verb de pretio negotiorum gestorum actionem exer
cera non prohiberis .
L ’application
�4^1
( '7 )
Inapplication de cette conséquence avoit particulière
ment lieu autrefois dans la matière du retrait lignager et
du retrait fé o d a l, dont le délai ne commençoit à courii
que du jour de rensaisiuemcnt du contrat de vente.
M ais quand quelqu’un avoit vendu le bien d’ un autre,
sans que le jn’opriétaire y eû t.con sen ti, co m m e, par
exem p le, dit D uplessis, lorsqu’un m ari vendoit le bien
propre de sa femme , on distinguoit s’il l’avoit fait en
vertu d’une p ro cu ratio n , et alors le délai ne pouvoit
courir que du jour de la ratification de la femme (*).
Il n’en ¿toit pas de m êm e, suivant ce jurisconsulte,
du m ineur qui avoit vendu son héritage avec promesse
de ratifier en m ajo rité, ou du tuteur qui l’avoit vendu
par avis de parens. Dans ce dernier cas, le contrat n’étoit
pas nul de so i, sed veniebat tantum annullandits; la
ratification n’y ajoutoit r ie n , et conséquemment l’an du
retrait avoit dû courir du jour du contrat.
L a raison de cette différence, qui se présente d’elle*
m ême au prem ier coup d’œ il, est parfaitement bien dé
veloppée par les dçux sa vans annotateurs de D u p le ssis ,
de Laurière et Berroyer. « U n mari ven d, disent-ils, le
« propre de sa fem m e, et prom et de la faire ratifier.
« A p rès la mort du m ari, la femme ratifie le contrat-,
« scs enfans agissent en retrait dans l ’an de la ratifica« tion; savoir s’ ils y sont bien fondés, quoique le contrat
« ait été passé vingt ans auparavant. .
« L ’opinion commune est qu’ils sont bien fondés; la
« raison est que l’héritage étoit un propre de la femme;
(*) Duplessis, T ra ité du retrait, pag. 281 de I'édit. de 170g,
G
�'i
«
«
«
«
«
«
«
«
«
«
«
( 18 )
de sorte que son mari l’ayant vendu sans son consentem ent, la vente étoit n u lle , et elle pouvoit la faire
casser; c’est pou rquoi, quand la femme a ratifié, ç’a été
volontairem ent, et ii lui étoit libre de le faire ou dé
rie le pas faire : ainsi celte ratification n’a point d'effet
rétroactif à son égard ; elle n ’est présumée avoir vendu
q u ’ au m om ent de la ratification. L e fait d’ un tiers ne
peut préjudiciel’ i\ un pi’op riétaire, ni à ses lignagers;
ainsi l’an et jour ne court que du jour de la ratification.
« E t , en effet, la î-atification n’a un effet réti'oactif que
pour faire valider un contrat fait par une môme person n e, ou suivant sa procuration, ratijicatio ad hoc
« tantiim Jïfigitur ut q u a si continuatione duorum ac« tuum contractus validetur. »
Pocquet de L iv o n iè re , T raité des fiefs, liv. 5 , chap 6 ,
pag. 4 9 1 , dit absolument la même chose, relativem ent au
retrait féodal. « Si le contrat est nul de so i, dit ce p ro « fond jurisconsulte, et qu’il ne soit validé que par la ratir fication , comme si le mari a vendu le bien de sa femme
« sans sa participation, et que plusieurs années après la
« femme ratifie, le temps du reti'ait féodal ne court pas
« du jour du contrat, mais seulement du jour de l’exlii« bition de la ratification, qui n’a point d effet rétroactif
« au jour du contrat qui étoit nul : la Jnutation de pro« p riété, et la m utation de vassal ne s est f a it e que
a p a r la ratification et non p a r le contrat. »
L e célèbre P o th ie r , T raité des retraits, part. i re. ,
chap. 4 , n°. 12 3 , nous enseigne égalem ent, et en général,
que si la vente a été faite p a r un autre que par le pro
p rié ta ire , quoique la tradition soit intervenue, ce n’est
�( r9 )
que du jour du consentement donné à la vente par ce
pro p riétaire, qu’ il y a ouverture au retraiten faveur de
sa famille ; car, d it-il, ce ri est que p a r ce consentement
q u i l est censé avoir v en d u , et que Vhéritage est mis
hors de sa fa m ille.
Il seroil trop lo n g , et à coup sûr parfaitement inutile,
de m ultiplier davantage les citations sur un des prin
cipes les plus incontestables du droit com m un : on se con
tentera donc d’indiquer en note les autres jurisconsultes
qui ont traité la question, et qui Font décidée de la même
m anière et par les mêmes motifs , en observant qu’il n’en
est pas un seul qui ait osé soutenir l ’opinion contraire (i).
A cette foule d’autorités du plus grand poids, se réunit
la jurisprudence constante et invariable d.e tous les tribu
naux de la France.
L es annotateurs de Duplessis rapportent quatre arrêtsdu parlement de Paris;
(*) V o y ez, entr’autros, M ayn ard, liv. 7 , chap. 35.
C atelan , tom. 1, liv. 3 , chap. 12.
B oucheul, sur l’art. 219 de la Coutum e de P oitou, n*. 2.
V igier, sur celle d’Angoum ois, art. 76 et 77, n . 4 > aux additions.
L ap eyrère, lettre R , n°. i^ 5.
L ecam u s, Observations sur le titre du retrait, § . 4 , n°. g.
Ferrière, sur l’art. 129 de la Coutum e de Parjs, glose 6 , n°. i 3.
B e ra u lt, sur l’art.
4^53 de la Coutum e de Normandie.
V a s lin , sur l'art. 33 de la Coutum e de la Rochelle, tom. 3 ,
pag. i 35, n°. 146.
Œ uvres de Cochin , tom . 5 , mémoire 159.
Lítcom be, verbo h e t r a i t .
Répertoire universel de jurisprudence, verbo r e t r a i t
section 6 , § . 1 " . , n\ 3 et 5 .
C
a
l ig n ag er ,
�> r.
( âo )
L e p rem ier, du i er. avril i 65 o , cité aussi p a r P a p o n ,
li v. i i , tit. 7 , n°. 37 ; et par Garondas, en ses Réponses r
liv . 2 , cliap. 76.
L e second, du 4 décembre 1578, sur un appel d’A n jou j
il est également rapporté par C h o p in , liv . 1 , cliap. 81 ,
n°. 1 de son Com m entaire sur cette coutume.
L e troisièm e, du 21 avril iô p ô , q u’on trouve dans les.
notes sur Papon.
Enfin le quatrièm e, du 22 janvier 160 7, sur un appel
de Senlis, dont M orn ac fait mention , sur la loi 1 6 , fi’, dû
Pignoribus.
' A u parlement de R ouen il en a été rendu un , le 20
juin 1 6 1 9 , qui a décidé la même ch ose, et dans la m ême
espèce ; il est rapporté par B e ra u lt, sur l ’article 453 de
la Coutum e de Normandie.
Celui de D ijo n avoit également la m ême jurisprudence,,
qui se trouve consacrée par un arrêt du 7 février 1 6 1 1 ,
inséré dans le RecueU de B o u v o t, tom. 2 , art. retrait
conventionnel.
L es parlemens de d roit é c r it, notamment celui de T o u
louse , jugeoicnt constamment la même chose dans le
retrait conventionnel et dans le retrait féodal , com m e
on peut s’en assurer par le tém oignage de Catelan , de
Bretonnier sur H enrys •, de I* ip e y re re , de B o u v o t, et
d’ un grand nom bre d’autres jurisconsultes.
C ’est donc un principe certain , que si le véritable pro
priétaire ratifie la vente de son bien , faite par un outre
que l u i , sa ratification, qui dans ce cas n’a point d’effet
rétroactif, et ne peut en a v o ir, doit être cousidéréeconim e
une aliénation nouvelle qu’il fuit lui-m êm e , que c’eSt de
�( M )
cet instant seul qu’il est dessaisi de la propriété -, de cet
instant seul qu’il y a mutation ou transmission du domaine
de sa personne en celle de son acquéreur ; de cet instant
seul enfin que cet acquéreur dévient propriétaire, attendu
qu’il ne l’étoit pas auparavant, et qu’il n’avoit pas même
l’apparence d’un titre en sa faveur.
Ce principe une fois bien é ta b li, en voici un autre
qui n’est pas moins incontestable, sa v oir, que dans les
contrats sinallosjnatiques rédigés par é c r it , sous signa
tures p riv é e s, il fa u t, à peine de n u llité , que l ’acte soit fait
double entre les parties contractantes, parce qu’autrement
celle des deux q u i atirôît Vacte en sa -possession pou
vant le s u p p r i m e r sans qu’il en restât aucune tra çe , seroit
libre de se délier par là de ses obligations , si elle jugeoit
plus convenable'à ses intérêts de Les anéantir que de les
exécuter ; ce qui détruiroit absolument ce. lien civil , au
moyen duquel chacun des deux contractons est tenu
envers l’autre à l’exécution de ses engagemens/
S’a g it-il, en effet \ d’ un contrat de1vente ? Si l’écrit se
trouve entre les mains dç l’acqueTeur, et que la chose
vendue vienne à p é rir, ¿1 peut supprimer'cet»écrit p ou r
rejeter la perte sur'sOû v e n d e u r, et annuller par là ses
propres obligations. 1
'
V ic e v er sa , le vendeur lui-m êm e est-il possesseur de
cet écrit ? Si la chose vendue vient à augmenter de valeur
depuis l’aliénation , rien de plus facile p o u rilü i que de
rentrer dnns sa propriété en détruisant la seule preuve
qui existe de la vente.
Dans ces deux cas, et m ille autres semblables qu’on peut
im agin er, il n’y a réellem ent pas de co n trat, puisque
�i
\.
( 22^
les deux, confractans ne sont pasjréciproqucm ent et civi
lem ent tenus vinculo ju r is à l ’àccompLsscment de leurs
obligations.
Vainem ent diroit-on qu’il faut bien distinguer dans lin
acte ce qui appartient au contrat , et forme le vinculum
obligcitionis qui en est l’essence, d’avec ce qui n’est relatif
qu’à la preuve ; que le consentement seul forme l’obliga
tion et lui donne toute la perfection dont elle est suscep
tible ; que la rédaction par écrit n’est utile que pour la
preuve ; que le défaut de preuve ne peut pas en em porter
la n u llité; que si la preuve testimoniale n’est pas admise
dans les conventions au-dessus de 100 francs, l ’ordonnance
de 1667 a fait exception pou'r'le cas où il se trouve un
commencement de preuve par écrit;-d ’où il résulte que
la convention étant écrite daiis Un acte sim p le, cette
preuve littérale suffit pour en fairé,ordonner l’exécutjon
Cette objection , répétée m ille fois dans toutes les
contestations où la question s’est présentée, n’a jamais
réussi dans les tribunaux ^rparqç..qu’elle ne porte réelle
ment que sur une véritabIef!équivoque. Il est bien vrai
que le lien civil'se form e par le consentement des parties
contractantes ; mais ce lien civil seroit illusoire et n u l,
si chacune d’elles n’avoit pas un m oyen sur de con
traindre l’autre à’ l’exécution, de ses pngagemens , çu si
ce moyen SC' trouvoit seulement dans les mains de l’une,
sans que l’autre eût le pou voir ni même la possibilité de
s’en servir. L e lien civil ne consiste pas seulement dans
l’obligation consensuelle des contractans; il consiste de
plus dans le droit très-réel d’em ployer l’autorité de la
justice et des tribunaux pour le faire exécuter, vinculum
�4
&
( *3 )
ju ris quo n e c e s s i t a t e adstringimur ad dandum ali-
,
qu id velfaciendurn. O r , il n’astrcindroit pas également
les deux parties, et par conséquent il n’existeroit pas, si
l’ une d’elles avoit seule le pou voir de contraindre l’autre
à rem plir ses engagemens ; tout en conservant la liberté
de se soustraire h l’accomplissement des siens par la sup
pression de l’écrit qui les renferme.
Aussi voyons-nous que la jurisprudence du parlem ent
de Paris a constamment prononcé la nullité toutes les
fois que l’acte n’étoit pas fait double entre les parties
contractantes, et m êm e lorsqu’ayant été fait doub le,
les deux écrits n’en p o r t o i e n t pas la m e n t i o n form elle.
L ép in e de G r a i n v i l l e nous a conservé l’espèce d’un arrêt
du même parlem ent, en date du 30 août 1736 ?
ainsi
ju g é , et qu’on trouve dans le R ecueil des arrêts de la
quatrième chambre des enquêtes, auquel les soussignés
se contentent de re n v o y er, en observant que les motifs
de la décision s’y trouvent développés dans toute leur
étendue, avec une force de logique et de raison à laquelle
il est impossible de résister.
U n autre a rrê t, du 6 août 1740 , rapporté par D enîsart,
verbo double écrit , n°. 5 , a pareillement déclaré nulle
une promesse d’acquérir l ’hôtel de C o n ty, souscrite par
l’archevêque de R lieim s, au profit des héritiers de la
princesse de C o n ty, et cela sur le fondement que l’écrit
qui l«i contenoit n’avoit pas été fait double.
L e même arrêtiste en cite un troisième du 23 janvier
1767.
O n en trouve encore un quatrième dans le R éper
toire universel de jurisprudence, verbo eo d eru , qui a pro-
�( H )
nonce la m ême nullité dans le cas d’un écrit portant
promesse de ven d re, souscrite par le citoyen Forge l , au
profit du ( duc ) de Gram m ont : ce dernier est du 19
novem bre 1781.
\
<.. j'r
M aintenant, s’il est vrai quedans l’espèce où se présente
la contestation actuelle , on doit regarder comme une vé
ritable vente la prétendue ratification surpiùse au cit. D audin de la F a b rie, ver a venditio et a lie n a tio fu n d i, pour
em ployer ici les expressions de D u m o u lin , il s’ensuivra
nécessairement q u e l’écrit q u i la renferm e a dû être fait
double, sous peine DE n u l l i t é , e t , p a r une conséquence
ultérieure, que l’écrit inform e représenté aujourd’hui par
le citoyen Capelle ne peut servir de fondement à la de
m ande en garantie qu’il
fo rm é e , puisque non-seule
m ent il n’énonce pas que Pacte a étévrédigé en deux d o u
bles séparés, mais que de plus il est constant et reconnu
qu’il n e Fa pas été (*).
J
* --- 1.......— ---------
---- —
1•
(*) L e sieur Capelle, danè le1précis imprimé qu’il a fait distri
b u er, pag. 2 9 , prétend que le éieur Daudin n ’est point recevable
à arguer de cette nu llité, ayant exécuté la convention portée dans
l ’acte de ratification. 11 invoque l’article i3a5 du Code civ il, qui
porte que le défaut<de mention que les originaux ont été faits
doubles, triple«; ne peut être oppose par celui qui a exécuté de
sa part la convention portée dans 1 acte.
Com m ent le sieur Daudin a-t-il exécuté,? Sold patientid, jus
qu ’au moment où il a réclamé. Est-ce de ce genre d ’exécution dont
la loi a entendu parler ? Les législateurs ont entendu parler d’un
fuit extérieur d ’exécution , et non du simple silence.
L e sieur Capelle prétend, en sedond lieu, que les actes sous
seing privé ne doivent être faits doubles qu’autant qu’ils contiennent
�( 25)
L ’objection que le citoyen Capelle voudra probable
ment tirer de la lettre qu’ils ’çstfait é c rire ,le ioaoû t 1783,
des engagemens réciproques; mais qu’il n ’en est pas de même lors
que la vente est pure et simple, et què le contrat porté quittance.
Il cite un arrêt de la cour, dans la cause du sièur Bertier.
Sans entrer dans l’examen de l ’arrêt, rendu sans doute dans des
circonstances particulières, on répôndra que l’adyersaire, par une
pétition de principes , rattache l’acte de ratification à la vente,
tandis que ce sont deux actes absolument indépendans, absolument
distincts. O n voudroit faire perdre de vue que la vente a été ici
consentie par un tiers; que la m ère, ayant vendu en son n o m ,
doit être considérée comme tiers. L a ratification souscrite par
D audin ne peut être considérée comme une continuation de la
vente consentie par la mèrë en son nom t laquelle lui est étrangère.
Ensuite le sieur Capelle a pris soin de détruire lui - même la
quittance portée par la v e n te , en produisant, la lettre du 10 août
1783.
Veut-on regarder la ratification isolém ent, et abstraction faite
"de la’ vente? il n ’y a" ni prix ni quittance : on ne~peüt donc ap
p liq u e r ï ’arrêl dé lat dour. :i ; m n •>! ait»;! »..<• •»?> . q
:
Veut-on la rattacher à la vente', cqntreitous les 1principes? 'la
^vente’ porte quittance;,niais nne'quittancé fausse, une quittance
détruite par> le sieur Capelle lui-^rnumefi et c’est conime s’il n ’y
avoit point de quittance : l’arrêt de la cour ne'reçoit donc point
encore d ’application..: i<>i -urs! oii;ol
jrtoJ;.
¡loi
,
S i ônjréfere la'ratificatibn'-â la venté, le sieur<Daudin n ’a donc
enÎeriilu ratifier qua pour 121600 ^frànc6 y et le sieur. Gapelle n’a
payé'n i-vo u lu payer qùo r 38oo francs : ' i l n ’y a :donc poinl de
ven te, les parties n ’ayant point été consentantes sur le prix. Le
" sieur C apelle, qui veut rattacher la vente à la ratification, et qui
n a payé que i 38oo francs, ainsi qu’il en a fourni lui-même la
preuYC '.par la lettre du sieur. D ajidin .qu’il a produite, n ’offre
D
«
�' ( 26 )
par le citoyen Daudin d e là Fabrie (enregistrée au lon g,
à la requête dudit Capelle, le 8 brumaire an 8 ), ne mé
rite d’ailleurs aucune réponse sérieuse, parce q ue, d’une
p art, elle ne renferme aucune ratification; parce que, de
l’autre, elle a été écrite en m i n o r i t é , et que si on vouloit
en induire contre le citoyen Daudin de la Fabrie qu’il a
touché le prix de la v e n t e , il faudroit prouver en même
temps que ce prix a tourné à son avantage.
A u surplus , il ne faut que lire attentivement cette lettre
pour être bien convaincu que si le citoyen Daudin de. la
Fabrie a touché quelque chose, ce n’est très-certainement
p a s , et même à beaucoup p r è s , la somme entière portée
au contrat. •
'
i
A près avoir dit au citoyen Capelle que le magistrat
chargé de l’instruction de la plainte le soupçonne très-for
tement de n’avoir payé que 14000 fr. au lieu des 21600 fr.
dont le contrat porte quittance, il ajoute, q u o i Qu ’ i l
•
■,
■.
n'>
cependant pas de parfaire le prix ; ¡1 veut- retenir, et l’excédant
du p rix, elile domaine : proh / i d e s ! I
E t si on sépare la ratification de la vente, si on la regarde comme
ayant seule constitué un titre au sieur C a p e lle , comme étant
nova etprincipalis dispositio, les principes développés par la con
sultation subsistent dans toute leur force..
L e sieur Capelle y a donné lui-meme un nouveau poids par
l’arrêt qu’il cite, pag. 33 , du 7 février 1 6 1 1 , rapporté par Brillon.
m Une personne vend le bien d’autrui ; la. vente n'est pas bonne :
a mais si le propriétaire ratifie,'le contrat prend sa force du jour
» de la ratification. » ( E t non par conséquent du jour du premier
acte. )
1
P A G È S - M E Y I Y 1 A C , jurisconsulte.
�Ç27\
44!
EN s o i t , je ne vous n u ira i ja m a is,p a rce qtie vous m 'avez
bien payé ce que vous ni avez prom is. O r, qu’e s t - t e
que le citoyen Capelle lui avoit promis ? et quelle somme
lui a-t-il pnyée ? Voilà ce que la lettre ne dit pas; mais
à coup sûr ce n’étoit pas les 21600 francs énoncés au
«contrat, puisque dans ce cas il n’atiroit eu besoin^ pour
rassurer le citoyen Capelle sur les--craintes qu’il paro/ssojt
avoir conçues , d’après la manière de penser du juge
chargé de .l'instruction, que de rqcopïjoître franchement
avoir reçu la totalité du prix.
Cette lettre n’est d o n c, comme la prétendue ratifica
tion , que l’effet des manœuvres exercées sur l ’esprit d’un
ncfalheureu* m ineur qui > ne connaissant ni la valeur
des choses, ni même*celle cîé l ’argent qu’on lui donnoit
pour surprendre de lui Unë' apparence de consentement,
auroit certainement signé pour beaucoup moins toutes
les approbations qu’on lui auroit demandées.
A in si l’avantage que le citoyen Capelle voudroit tirer
de la lettre du 10 août 178 3, se réduit précisément à
rie n , d’après le fait certain que cette lettre a été écrite
en m in orité, et le principe qu’un m ineur ne peut pas
plus s’obliger par lettre que par acte authentique ou
sous signatures privées.
Il
ne reste donc absolument que l’écrit portant la
date du 21 mars 178 8 ; mais indépendamment de ce
qu’une foule de présomptions s’élèvent pour dém ontrer
que cette date est fausse, et que l’écrit, comme la lettre,
«■
1 été fait en m in orité, on vient de vo ir qu’il est radi(•{.ildnent u u l, même dans l’hypothèse où le cit. Daudin
de la Fubrie l ’auroit souscrit depuis sii, majorité acquise,
�\V«-( 2 8 )
parce que, d’un côté, il n’énonce ni la nature, ni les
clauses, ni la date des actes prétendus ratifiés, et que,
de l’autre, il n’a pas été fait double entre les parties con
tractantes; o •
1
l
"■ •'
'■
.*?
"i! o o
i-
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t.
par les soussignés anciens jurisconsultes,
Jà Paris, ce 29 ventôse an 8 de la rép. fr.
D é lib é r é
'•
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P O IR IE R , T R O N C H E T , C O F F IN H A L .
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A R IO M ; de l'imprimerie de L andri ot , seul imprimeur de la
C o ur d’ap p el.— T herm idor an 13.
�
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A name given to the resource
Factums Godemel
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Description
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Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Daudin de la Fabrie. An 13]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Pagès-Meymac
Poirier
Tronchet
Coffinhal
Subject
The topic of the resource
ventes
abus de confiance
abus de faiblesse
prescription
éviction
minorité
testaments
Description
An account of the resource
Titre complet : Consultation.
Table Godemel : Dol : 1. Vente du 1er mars 1782 critiquée de nullité comme ayant été surprise, à une femme, par des manœuvres concertées entre l’acquéreur et le fils mineur de la venderesse. Eviction : 2. si la vente d’un immeuble et la ratification qui en a été faite par son héritier, devenu majeur, sont nulles, le vendeur qui a contracté en son propre et privé nom et reçu le prix, peut-il être dispensé de garantir l’éviction sur le fondement que le vice du contrat même en est la cause, et que l’acquéreur connaissait l’incapacité du vendeur ? Exécuteur testamentaire : autorisé à vendre pour payer des dettes, peut-il vendre sans aucune formalité pendant la minorité de l’héritier ?... L’acquéreur doit-il surveiller l’emploi des deniers ? Prescription : l’acquéreur, dont le titre est vicieux, peut-il se prévaloir de sa possession, et opposer, en pays de droit écrit, de l’action en nullité et en désistement, la prescription de dix ans entre présents et de vingt ans entre absents ? Ratification : 1. l’acte par lequel l’héritier devenu majeur ratifie les actes passés par l’exécuteur testamentaire, soit-il, pour être valable, énoncer expressément les actes ratifiés ? cet acte, s’il est sous signature privée, doit-il être fait double ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'Imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
An 13
1782-An 13
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
28 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G1515
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0715
BCU_Factums_M0404
BCU_Factums_G1512
BCU_Factums_G1513
BCU_Factums_G1514
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Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Vic-sur-Cère (15258)
Vernet (domaine du)
Rights
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Domaine public
Abus de confiance
abus de faiblesse
éviction
minorité
prescription
testaments
ventes
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MEMOIRE
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SOBRIER, veuve
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Sieur F r a n ç o i s C A P E L L E f intimé et appelant;
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Présence
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D ' A n t . D E S P R A T S , et d ' E l é a z a r d R O S T A N G D A U D I N , appelans et intimés,
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i
dame D audin vouloit oublier tout ce qui tient à une ven te.
qu'e lle a signée en 1782. L e sieur C apelle, qui l’a trom pée, veut
obtenir contr’elle une garantie
en est dû aucune,
il faut lui démontrer qu’il ne lui
r.
L e sieur Descaffres ,p a r son testament d u 7 avril 1 7 7 3 , institua
Eléazard D audin , son petit-neveu , pour son héritier ; il légua à
M arguerite Sobrier, sa m ère, le mobilier et l’usufruit de ses biens
et la désigna exécutrice testamentaire, avec pouvoir de vendre pour
le payem ent de ses dettes. t. • :
•
E lle avoit vendu quelques objets avant 1782 , et ne voyoit pas de
nécessité d ’en aliéner encore, lorsque le sieur Capelle concerta avec
Daudin fils m in eu r , le projet de se fa ire vendre le domaine du
V e rn e t, dépendant de la succession D escaffres.
Daudin fils , épris d' une passion violente, avoit résolu d ’aller se
marier à Avignon ou en Italie ; e t pour c e la , il cherchoit de l'ar
gent : un négociateur du sieur Capelle lui proposa la vente de ce
domaine.
�i >r '
( a )
-
M in e u r, et n ’ayant pas le pouvoir de ven d re , Daudin fils y
décida sa m è re , qui fixa le prix à 21600 francs. En eut-elle voulu
demander le double, il n ’y avoit pas d ’obstacles, puisque le sieur
Capelle avoit déjà son plan.
Il feignit d’adopter le prix de 21600 francs , exigea que le contrat
portât quittance, au moyen des billets qu’il devoit faire ou céder.
En effet, par acte notarié du 1". mars 1782, la veuve Daudin lui
vendit avec garantie , moyennant 21600 francs , le domaine du
V e rn e t, tous les bestiaux et outils d ’agriculture, ensemble cin
quante seliers de blé à prendre s u r la récolte pendante, et le quart
du surplus de ladite récolte.
‘
1
Mais ce prix , bien sérieux pour la dame Daudin , n ’étoit que
fictif pour le sieur Capelle ; déjà il avoit arrêté, avec Daudin fils,
que le prix du domaine ne seroit que de i 38oo francs , sur lequel il
devoit compter à peu près 4000 francs pour le voyage d ’Italie, et
le surplus étoit délégué sur une maison dé commerce d’Aurillac.
L a prévoyance fut portée plus loin; D a u d in , mineur, pouvoit
réclamer un jo u r, el l(f siéur Capelle se munit d ’une ratification
générale, dont la date fut laissée en blanc. 11 paroit même qu ’elle
étoit fabriquée avant la vente; c a r , dans l’incertitude du mode de
mutation, le sieur Capelle y fit ratifier tous les actes passés à son
profit ( et il n'y en a qu’un seul ). Daudin fils écrivit tout cet
acte » excepté la date : le sieur Capelle avoue qu’elle est d ’une autre
main.
On comprend d ’avance que les articles secrets de cette capi
tulation éloient subordonnés à la reprise des billets signés le jour
de la vente. Daudin fils les enleva, et disparut.
L a dame D audin, justement irritée-, rendit plainte en soustrac
tion des billets de 21600 francs, et en o u tr e , de divers blancs
seings. Sur le vu îles informations, le bailliage de Vie rendit une
sentence, le 18 juillet 1782, qui condamna Daudin fils à restituer
à sa mère 21600 im u c s , permit de faire des saisies-arrêts , et
a n n u l l a les blancs seings q u i,
en e lie t, n'ont plus reparu. Ces
informa lions sont perdues, et 011 ignore qui a eu le crédit de les
�<?<
(
3
)
supprimer: la sentence seule existe, et le sieur Capelle d it , dans»
son m ém oire, qu’il en est porteur.
Il est à croire que ces informations secrètes , suivant l’usage ,
contenoient des révélations qui seroient aujourd’hui bien utiles;
car le lieutenant général de Vie ( le sieur Sistrières ) , qui se trouvoit seigneur féodal d’une partie du domaine du V e r n e t , exerçale retrait contre le sieur Capelle, et soutint que le prix réel n’éloit
pas de 21G00 francs.
- .
Alors Daudin fils étoit de retour ; le sieur Sistrières l’interrogea
ou le fit interroger; mais Daudin fils peu rassuré encore , et,
pudori suo parcens, fut fidèle à son m entor, et répondit de ma-,,
nière à mériter ses éloges : il se hâta de s’en glorifier par une
lettre du 10 août 1783 , que le sieur Capelle a la bonté de produire.
« J’ai subi interrogatoire pour savoir ce^quc j ’ai reçu de vous.
» Sistrières croit que vous n ’avez fait de billets que pour quatorze
v mille francs j j’ai dit que vous en aviez fait pour tout le con» tenu au contrat, ce qui l’interloqua fort. Quoi qu’il en s o it,y e
» ne vous nuirai jamais , parce que vous m’ avez payé ce que
» vous m’aviez promis. »
L e procès Sistrières dura quelques années encore , et fut terminé
par un traité du 5 mai 1789 , dans lequel les parties se contentent
de dire que, parfaitement instruites de leurs droits , elles se sont
respectivement départies de leurs prétentions.
T o u s ces résultats mystérieux étoient ignorés de la dame Daudin,
qui se consoloit de ses chagrins précédens par le retour de son fils.
L a révolution a amené pour elle d’autres terreurs et d ’autres sacri
fices : elle a été enfin obligée de faire plusieurs ventes ; et le sieur
Capelle, qui ne conçoit pas que les fortunes puissent diminuer, lui
en fait un crime. Elle a réglé ses affaires avec son fils pour la suc
cession Descaffres ; et n’ayant plus que le souvenir de son ancienne
aisance, elle étoit loin de s’attendre, sur la fin d e'sa carrière, à
¿tre accusée de collusion et de complots de la part de l ’homme à
qui elle pouvoit en reprocher si justement.
Daudin fils a
ses j roits ^ D e s p ra ls, qui a cité le sieur
A 2
�xc>*
(
4
)
Capelle en désistement du domaine du Verneten l’an 8. L e sieur
Capelle a produit la ratification, qu’il a datée de 1788; et alors
Daudin , mis en cause par D esprats, a commencé line procédure
en inscription de faux contré la date de cette ratification.
L e tribunal d’Aurillac en a ordonnéle dépôt au greffe; le procès
verbal mentionne que là date est d’une autre main, et d ’une encre
pins noire, qu’on a repassée sur plusieurs lettres du même acte. L e
sieur Capelle se défendoit d ’abord par des nullités contre cette
procédure; mais il a fini par la rendré sans objet, en déclarant
qu’il reconnoissoit la date de la ratification pour être d'une autre
main.
L e sieur C apelle, qui sentoit bien toute la difficulté.qu’il avoit
de faire usage désormais de cette ratification, a cherché à élaguer
tout à fait Daudin fils, s’il le pouvoit; d ’abord il lé reconnoissoit
pour héritier Descaffres ; ensuite il a attaqué le testament de nul
lité , et a prétendu que la mère étoit héritière
. -
Sa défense s’est basée principalement sur ce moyen ; il a , de.
p lu s , crié à la collusion, et s’est tourmenté, par un appareil d’in-t
terrogatoires, pour se donner l’apparenccd’une \ictime de la mau
vaise foi. En concluant à la garantie contre la dame Daudin , il
a affecté de dire qu'il n ’auroit pas cependant de ressources contre
elle, s’il perdoit son>procès. L e sieur Capelle, par jugement du i 5
germinal an 11 , a été débouté de sademande.en nullité du testa
ment de 1773. La vente du 1 " . mars 1782, et là ratification de
*788, ont été déclarées nulles. L e sieur Capelle.¿a, été condamné
à se désister du domaine du V ern et. L a dame Daudin a été con
damnée h le garantir et indemniser, et à lui payer non-seulement
31600 francs, mais encore ses dommages-intérêts. Daudin fils est
condamné à rembourser i 58oo fra n cs, et lés améliorations. Il
est ordonné q u e , sur une demande en garantie solidaire formée
par Capelle contre les sieur et dame Daudin , îles parties contca( * ) A u jo u r d ’h u i il se ju g e lu i-m e m e ; c a r , pendant l ’im pression de co m é m o ir e , il v ie n t do
con clu re c c n tre D esp rats A la su b rogation 1é g a lé . Est-ce un p ropriétaire q ui a ch è te sa p ro p rié té î
•s t-c e un a c q u é r e u r , p rêt à ê tre évin cé» q u i » chete le fo n d du procès i rem aïbi n ectsiariam .
�4
( 5 )
teront plus amplement. L a dame Daudin est condamnée aux dépens.
Toutes les parties ont interjeté appel de ce jugement.
M O Y E N S .
^
L a vente de 1782 est annullée; et cependant la dame Daudin
est condamnée à garantir le sieur C a p e lle , et même en des dommages-inlérêts considérables : n’y a-t-il pas. à cela de l’inconséquence?
Une telle décision se conçoit, si le sieur Capelle a acquis loya
le m e n t et de bonne foi ; car alors la garantie qu'il a fait stipuler
ne peut pas être illusoire.
]\lais s’il a voulu tromper celle qui lui vendoit, il répugneroit
à toute justice qu’elle seule fû t grevée, et qu’il profitât au con
traire de sa propre fraude.
• O r, il est indubitable que le sieur C apelle a trompé la dameDauin ,
et il doit en résulter non-seulement qu’il n ’y a pas lieu ¿1 garantie,
mais même qu’il n ’y a pas de vente.
i°. Il n’y a pas de vente ; car le consentement en fait le prin
cipal caractère , et il faut qu’il intervienne sur la chose et sur
le prix , sans cela il n ’y a pas de vente.
C e ne seroit qu’une subtilité de dire qu’il a dans la vente de
1782 un prix quelconque, parce que si ce prix n ’est pas réellement
celui dont les parties sont tombées d’accord , il n ’y a plus véritable
consentement, surtout quand c ’est l’acheteur qui veut donner une
somme moindre : tels sont les principes.
» L e consentement, dit Pothier, doit aussi intervenir sur le
» prix. C e consentement ne se trouve p o in t, si l’un compte vendre
» pour unesommeplusgrande quecellc pourlaquellel’autré compte
» acheter. Il n’ y a donc pas de contrat de vente, faute
4e consen-
ii tentent.» ( T r a i t é du contrat de v e n te , pag. 1” . , n?. 56. )
E t ce n'est là que la copie de la loi elle-même : S i in pretio vel
tn ne errent, v el dissenliant, contractus erit imperjectus. L . 9
f f ' D e conlr. empt.
A quoi la glose ajoute : Qubd si minus emptor } majhs venditor
putavit, impeditur contractus.
. L a loi a donc voulu pourvoir aux surprises, et il n ’importe que,
�\
( 6 }
clans l’espèce , la vente ait été exécutée, parce qu’il est évident
que la même erreur , qui présidoit au contrat, devoit en protéger
l’exécution.'
L e principe est général ; et si l’acheteur a le secret de persuader
au vendeur qu’il est d’accord sur le prix , il est certain q u ’iÎ y
aura le simulacre d ’une vente, jusqu’à ce que le vendeur soit certain
qu’il a été trompé ; alors , si par les circonstances on peut juger
qu'il s’est opéré une nouvelle convention , celle-là seule aura quel
que considération, plutôt que la première qui étoit vicieuse.
Si donc on pouvoit reprocher à la dame Daudin qu’elle n ’a pas
réclamé plu tôt, elle répondroit avec raison' que la collusion de son
fils et du sieur Capelle contre elle-même a entretenu son erreur ;
qu’elle a si bien cru le sieur Capelle innocent, quelle n'a accusé
que son fils, comme il l’observe lui-même : elle a si bien cru avoir
stipulé pour prix de vente 21G00 francs , qu’elle a fait condamner
son fils à i u i payer 21600 francs.
Quel intérêt auroit-elle eu d ’ailleurs à faire un procès pour ce
domaine ? il ne lui appartenoit pas. Le principal intéressé étoit
son fils; mais il colludoit, et il étoit condamné à son égard.
Les éclaircissemens d’ailleurs ne sont nés que du procès actuel,
des variations du sieur Capelle, et de la lettre de 1783 qu’il a
produite.
Ses variations étoient frappantes: i #. il disoit, quant au testament
Descafl’res, qu’il avoit été rassuré, en achetant, par le pouvoir que ce
testament, dont il avoit connoissance, donnoit ù la dame Daudin
de vendre. Ensuite, il a dit qu’on lui en avoit caché 1existence ;
il en a demandé la nullité , et il répète encore aujourd’hui qu’il l’a
méconnu.
2°. Quant au prix de la vente, le sieur Capelle disoit d’abord
que l’enlèvement des billets étoit un conte; que la vente faisoit foi;
que les 31600 francs avoient été payés comptant, ce qui exclu t
toute idée de soustraction d ’effets : et, aujourd’hui, il est obligéde
changer de langage, et de dire qu’il n’a payé que 6000 francs
com ptant, et fait des billets pour le surplus.
L a lettre de 1785 a rendu nécessaire çette esnèr.e de confe«*-
�r>
%
;
'
/s
sion forcée ; car , comment répéter qu’il n ’y avoit pas eti d’effets ,
lorsque Daudin fils écrivoit: 7 ’ai dit que vous en avez fa it pour tout
le contenu au contrat ; et le sieur Capelle avoit excipé de cette lettre* '
Mais , c ’est delà que naissoit la révélation essentielle pour la
dame Daudin : elle étoit forcée d ’y lire tout à la fois la surprise
qui lui avoit été faite, et la sujétion de son fils pour la tromper
encore après s o n retour. Vous m ’ a v e z payé ce que 'vous m’ avez
promis ; je ne 'vous nuirai jamais : donc il résultoit de ces deux
phrases qu’ il y avoit un prix autre que les 21600 francs : donc le
sieur Capelle a voit pzy è directement à Dsudin fils; vous m ’ a v e z payé.
E t dès-lors quelle poignante réflexion pour la dame Daudin !
Jusque-là elle avoit pu croire que son fils, ayant enlevé des billets,
avoit couru chez les banquiers pour a’irn faire payer avant sa fuite;
et il a fallu voir dans cette lettre que le sieur Capelle avoit payé à
un fils de famille rebelle, à un mineur, des billets enlevés, et après
une information d’un genre aussi peu ordinaire.
L a dame Daudin avoit bien aisément été trompée. Son erreur a
duré jusqu’à ce que son fils, détrompé lui-même sur le compte du
6ieur Capelle, a fait la cession qui a donné lieu au procès. Alors ,
attaquée elle-même, elle a eu intérêt d ’examiner ce qu’elle eût mieux
aimé ignorer toujours.
Il
n ’y a pas de vente, disons-nous , puisqu’il n’y a pas de consen
tement sur le prix , dès que le.sieur Capelle avoit machiné le projet
de n ’acheter que i 38oo fr. un domainequ’il feignoit payer 21600 fr.
Mais encore moins , y a-t-il lieu à garantie , et cette proposition
est fondée sur les principes les plus constans.
On peut vendre la chose d’a u tru i, dit le sieur C apelle, et par
conséquent on peut garantir une telle vente : cela est vrai ; mais
alors il y a au moins dans l’acheteur bonne foi dans la garantie qu’il
fait stipuler.
Dans 1 espèce, le sieur Capelle n ’étoit pas plus de bonne foi dans
cette garantie que dans la vente; caria g a r a n t i e é t o i t une condition
du prix de 21G00 francs; si donc il savoit qu’à sou égard le prix
étoit moindre , il y avoit dol dans la garantie qu’il exigeoit.
�m
v L e d o l , dit le Code civil , est une cause de nullité de la con» vcntion , lorsque les manœuvres pratiquées par l’une des parties
>) sont telles, qu’il est évident que, sans ces manœuvres, l’autre
w partie n’auroit pas contracté. » ( A r t . 1116. )
O r , personne ne doute que la dame Daudin n ’auroit pas vendu
€t encore moins garanti au sieur Capelle, s’il l’avoit prévenue qu’il
machinoitavec Daudin fils le projet de n ’acheter que pour i 58oo f r . ,
et même de fournir ce prix à un jeune homme qui fuyoit sa famille,
perituro.
, En général, l’acheteur qui sait le vice de la chose vendue sciens
reigravamen , ne peut pas demander de garantie; et à plus forte
jraison celui qui a coopéré à ce vice, et qui plutôt l’a créé lui m ê m e ,
en sous-entendant un prix que le vendeur ignoroit et n ’qdoptoit pas.
E t , à cet égard, il faut remarquer un double principe ; c’est que,
,i°. la garantie même de tout troubles et évictions ne peut s’entendre
que d’une cause d’évictîon qui existât avant la vente, et que le
vendeur pouvoit ou devoit savoir; 20. que si la cause d ’éviclion
résulte de la vente elle-même, quant à sa forme ou sa substance,
il faut que l’acheteur sefasse garantir expressément de ce vice connu,
, » L e débiteur, dit l’article u 5o du Code civil, n ’est tenu que
» desdommages-interêtsqui ont été prévus, ou q u ’on a pu prévoir
*) lors du contrat ; » et cet article s’applique à la garantie d ’évic
tion , d ’après l’article iG5c).
.. C ’est en vertu de ce principe que la cour d ’appel de Paris , par
arrêt du 27 messidor au j o , déchargeoit de la garantie un ven
deur qui s’y étoit soumis solidairement; mais à 1 égard de l’im
meuble d ’un interdit, qui ne pouvoit être vendu sans formes ;
» Considérant qu’on n’entend par garantie d’évictions et troubles,
» que ceux étrangers au contrat, et dont il y a une cause e x isj) lanle au temps du contrat....... Q u’on n ’entend point par cette
)) garantie l ’éviction dont les vices du contrat même sont la
« cause. » (J- palais, n°. 17 1.)
Dans l’espèce, la vente de 1782 a deux vices: l ’u n, que la chose
veudue ctoil à autrui : le sieur Capelle n’ignoroit paç le testament;
�/ f f £ •>
C 9 )
il l’a avoué, et sa précaution anticipée de prendre une ratifies lion
en blanc , le prouve d ’avantage.
L e second vice, radical en ce qu’il attaque la substance de l’acte,
étoit connu de l’acheteur seul, et cette circonstance est bien plus
décisive que celle de l’arrét de Paris. L e sieur Capelle savoit seul
que le prix exigé par la dame Daudin n ’étoit pas le prix qu'il vouloit payer, et la dame Daudin qui gnranlissoit ne le savoit pas.
A-t-elle donc donné un consentement valable à la garantie? N o n ,
car non 'videntur qui errant consentire.
» L e troisième c a s , d itP o th ie r, auquel il n ’y a pas lieu à la
» la garantie, est celui d’un acheteur qui, ayant connoissancede,
» la cause qui donne lieu à l’éviction , l ’a cachée au vendeur qui
» l’ignoroit, et de qui il a stipulé la garantie : comme en ce cas
w c’est l’acheteur qui a induit en erreur le ven d eu r, en stipulant
» de lui une garantie qu’ il n’auroit pas promise ....« le vendeur
n paroit fondé à l’exclure, de son action de garantie par l’excep» tion.du d o l, en lui offrant seulement de lui rendre le prix
» qu’il a reçu. » Contr. de vente, pag. i ,-n*. i g i .
O r, la dame Daudin n’a rien re ç u , et le sieur Capelle le sait
mieux que personne. Daudin fils avoue avoir reçu les 1 58oo francs ;
il en a offert le remboursement, et dès-lors la veuve Daudin doit "
rester aussi neutre dans cette malheureuse affaire, qu’elle l’eût
toujours été sans les manœuvres du sieur Capelle.
Répétera-t-il que tout est controuvé dans ce qu’il appelle une
perfide calomnie? la dame D audin, qui n ’a eu intérêt de s’informer
de la vérité que depuis qu’on l’ attaque, offre de prouver à la cour
que, par le dol du sieur Capelle, le prix exigé par elle fut fixé à une
somme beaucoup m o in d re, entre lui et Daudin , alors âgé de
dix-neuf ans; qu’il n ’y eut pas, comme il le dit, pour i 56oo fr.
d’efiets tirés sur la maison Lespinat et D om ergue, et que celte
•
maison n ’en a acquitté que pour 10000 francs aü plus.
Mais qu’est-il besoin d ’une preuve testimoniale , quand tout est
clair par des écrits, et qu’il y a plus de matériaux qu’il n’en est
nécessaire pour asseoir les présomptions que la loi cxi^e scules en
matière de fraude.
/ i#
�\ <s » i
( IO )
Que le sieur Capclle explique, s’il le peut, comment le prix réel
de sa vente étoit de 21600 francs, lorsque la lettre qu’il produit
porte : Vous m'avez payé ce que vous m’ avez promis, je ne vous
nuirai pas.
Q u ’il explique comment il a payé 6000 francs en argent, et le
surplus en effets, lorsque la lettre porte : Vous en avez fa it pour
tout le contenu au contrat ; lorsqu’après une plainte en soustrac
tion des billets, Daudin fils est condamné à payer à sa mère
vingt-un mille s ix cents livres.
Q u’il explique dans quel temps il a payé ces billets, faits à divers
termes; e st-ce au banquier? il avoit une saisie-arrêt; est-ce à
Daudin fils? Mais un magistrat pouvoit-il acquitter des billets
volés , à l'auteur du v o l, mineur, après l’éclat d ’une information?
Que sont devenus ces billets qu'aujourd’hui il avoue? Acquittés
par l u i , il doit les avoir.
N o n , ce ne sont pas là les signes de cette loyale franchise
qu’il faut toujours retrouver dans les transactions sociales.
L e sieur Capelle a obligé la dame Daudin à s’instruire de ce
qu’elle s’efforçoit d’ignorer, et à voir ses derniers momens em
poisonnés par la conviction d'une trame qu’elle eût été plus heu
reuse de ne pas aussi pleinement acquérir.
Cette conviction même ne l’eût engagée à aucune démarche ;
car leur éclat même eût rappelé des chagrins que le cœur d’une
mère sait dissimuler. Mais le sieur Capelle lui envie cette paix
et sa neutralité ; il ose demander à la dame Daudin une garantie
surprise par des manœuvres sans lesquelles il est evident qu'elle
n'auroit pas contractée. U ne telle demande n est donc que le pro
d uit de la turpitude; elle est proscrite par les principes : car nemini
fraus sua patrocinari debet.
Me
D E L A P CHIER,
M .
avocat.
F A Y E , avoué.
A R I O M , de l’imprimerie de L a n ddrio t , seul imprimeur de la
Cour d ’appel. — Therm idor an 13.
�
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The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Sobrier, Marguerite. An 13]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Delapchier
Faye
Subject
The topic of the resource
ventes
abus de confiance
abus de faiblesse
prescription
éviction
minorité
testaments
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire pour Marguerite Sobrier, veuve Daudin, appelante ; contre Sieur François Capelle, intimé et appelant ; en présence d'Ant. Desprats, et d'Eléazard Rostang-Daudin, appelans et intimés.
Table Godemel : Dol : 1. Vente du 1er mars 1782 critiquée de nullité comme ayant été surprise, à une femme, par des manœuvres concertées entre l’acquéreur et le fils mineur de la venderesse. Eviction : 2. si la vente d’un immeuble et la ratification qui en a été faite par son héritier, devenu majeur, sont nulles, le vendeur qui a contracté en son propre et privé nom et reçu le prix, peut-il être dispensé de garantir l’éviction sur le fondement que le vice du contrat même en est la cause, et que l’acquéreur connaissait l’incapacité du vendeur ? Exécuteur testamentaire : autorisé à vendre pour payer des dettes, peut-il vendre sans aucune formalité pendant la minorité de l’héritier ?... L’acquéreur doit-il surveiller l’emploi des deniers ? Prescription : l’acquéreur, dont le titre est vicieux, peut-il se prévaloir de sa possession, et opposer, en pays de droit écrit, de l’action en nullité et en désistement, la prescription de dix ans entre présents et de vingt ans entre absents ? Ratification : 1. l’acte par lequel l’héritier devenu majeur ratifie les actes passés par l’exécuteur testamentaire, soit-il, pour être valable, énoncer expressément les actes ratifiés ? cet acte, s’il est sous signature privée, doit-il être fait double ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'Imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
An 13
1782-An 13
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
10 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G1514
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0404
BCU_Factums_G1512
BCU_Factums_G1513
BCU_Factums_M0715
BCU_Factums_G1515
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53254/BCU_Factums_G1514.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Vic-sur-Cère (15258)
Vernet (domaine du)
Rights
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Domaine public
Abus de confiance
abus de faiblesse
éviction
minorité
prescription
testaments
ventes
-
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abddf4fe23abe7e076db5b3557e42cb1
PDF Text
Text
. i; > i ‘>. , ?
P RÉCI S EN RÉPONSE
PO U R
M. F r a n ç o i s
,
C A P E L L E , a n c ie n magistrat
in tim é e t a p p e l a n t
CONTRE
Sieur E
léazard
ROSTANG
ÉTIENNE
D A U D I N ,:appelans et intimés;
e n c o r e
A
ntoine
M
:11
D E S P R A T S , et co n tre dame M
S O B R IE R
guerite
D
c o n t r e
au d in
,
veuve
, appelans et intimés.
de
ar
Jean
T
:M)
, propriétaire d’un domaine qu’il a
acquis et payé depuis vingt-cinq ans, se voit obligé de
défendre à une demande en désistement formée par le
fils de sa venderesse. L e plan d’attaque, concerté avec
,
A
C a p e lle
�k
( 2 )
perfidie, présente des circonstances singulières. On voit
d’abord figurer D audin, bientôt après Desprats, qui
vient officieusement se substituer, sous le prétexte d’une
prétendue cession. Tous deux veulent détruire un acte
authentique, avec des assertions qui choquent la vrai
semblance et la vérité : mais au moins ni l’un ni l’autre
n’ont aucun risque ù courir. Daudin a toute sa fortune
en porte-feuille, Desprats n’a rien.à perdre s’il succombe
dans sa prétention; et enfin la dame D audin, venderesse,
a commencé à vendre tous ses biens pour rendi’e illusoire
la garantie qu’elle devroit à son acquéi-cur.
c T o u t ce que la calomnie peut inventer de plus absurde
a été mis en œuvre contre le sieur Capelle. La question
la plus simple est devenue monstrueuse dans ses détails;
et quand on a parcouru les volumes énormes de procé
dures , on est tout étonné de ne trouver autre chose qu’une
vente authentique exécutée pendant plus de vingt ans,
line ratification de cette même vente contre laquelle on
n’a réclamé que plus de dix ans après, et qu’on voudroit
détruire par le roman le plus1 grossier et le plus invi’aisemblable.
Il est cruel pour un homme d’honneur de se trouver
ainsi compromis avec- des fourbes ou avec des sots: mais
la cour fera justice de toutes ces allégations, et s’em
pressera d’ordonner l’exécution de deux actes solennels,
qui sont ù l’abri de toute critique.
FAITS.
• L e I er. mars 1 7 8 2 , 1a dam e So b rier, v e u v e D a u d i n ,
�(3 y
vendit à M . Cap elle un domaine appelé du Vernet. Elle a
consenti cette vente en son n o m , avec pleine et entière
garantie, et moyennant la somme de 21600 francs, dont
le contrat porte quittance.
' Ce domaine étoit alors en mauvais état ; les bâtimens
en ru in e , la plupart des héritages en jachère, nécessitoient les réparations les plus urgentes, ainsi que les soins
d'un maître vigilant.
O n a souvent répété dans le cours de la procédure
que ce domaine étoit à la convenance de M . Capelle,
qui le convoitoit depuis long-temps. Ce qu’il y a de vrai,
c’est que le sieur Capelle étoit déjà propriétaire dans le
môme lie u , mais qu’il étoit bien loin du désir d’aug
menter ses possessions dans un pays de montagnes, qui ne
présente qu’un terrain aride et difficile à exploiter ; il a
des propriétés plus agréables et plus utiles, et il ne se
détermina à acquérir qu’après les plus vives instances de
la dame Daudin.
M . Capelle ignoroit alors, q u o iq u ’on en dise, que
cette propriété résidoit sur la tête du sieur Daudin; il ne
connoissoit pas le testament d’Etienne DescafFres, grandoncle maternel de Daudin; il étoit au contraire tout simple
de penser que la dame Daudin avoit succédé à son oncle :
d’ailleurs , la garantie de la venderesse, qui ofïïoit une
solvabilité suffisante, devoit mettre l’acquéreur à l’abri
de toutes inquiétudes.
Depuis long-temps la dame Daudin disposoit des biens
de cette succession comme de sa chose propre. Elle avoit
ven d u , le 28 février 1775, à un sieur C o m b e , un do
maine situé u R olliac, moyennant la somme de 11000 fr. ;
A 2
�(4)
elle avoit également vendu, le n novembre 1780, en
qualité d'héritière de son oncle, une terre située au même
lieu de R o llia c, à un sieur Bertrand Greilh. Comment
dès-lors le sieur Capelle a u ro it-il hésité d’acquérir?
Daudin fils étoit le négociateur de la vente, et Daudin
avoit alors plus de vingt ans. Il devoit connoître les droits
qu’il avoit à ces im meubles, et il se gardoit bien d’en
faire part au sieur Capelle.
L ë sieur Capelle ne dissimulera pas qu’il ne paya point
la totalité du prix de la ven te, quoique le contrat porte
quittance. 11 ne compta que la somme de 6000 francs, et
souscrivit trois lettres de changes tirées sur l’Espinat et
D om ergue, négocians à Aurillac. Les deux premières
étoient payables à une époque très-rapprocliée, mais la
troisième avoit des termes plus reculés.
Cette vente une fois consommée, le sieur Daudin nous
apprend lui-même qu’il étoit alors fort épris des charmes
d’une jeune personne qu’il a associée à son sort. Sa mère
avoit sans doute des motifs püissaüs pour s’opposer ù ce
m ariage; et le sieur Daudin , dont la passion ne connoissoit pas de bornes, partit pour A v ig n o n , où il se crut
libre de se marier sans le consentement de sa mere: mais
il avoue qu’il employa des moyens bien extraordinaires,
et il confessé sa turpitude. Il enleva chez sa mère les
deniers qu’elle avoit i*eçus, ainsi que les lettres de
change souscrites par le sieur Capelle, dont la-première
n’étoit qu’à une échéance de quiznaine.
L a dame D audin , irritée contre un fils rebelle, se porta
à des extrém ités violentes ; elle rendit plainte contre lui :
cette plainte fut suivie d’informations dans lesquelles on
�3#
( 5)
pourroit découvrir des renseignemens utiles; mais les in
formations ont disparu du greffe.
Cependant la plainte a été suivie d’une sentence rendue
au bailliage de Vie,le 18 juillet 1782, et dont le sieur Capelle
est porteur. Cette sentence, rendue sur les conclusions du
ministère public , et sur le vu des charges et informations,
condamne Daudin fils à payer à sa mère la somme de
21000 francs; le condamne pareillement à lui remettre
trois signatures en blanc qu’elle lui avoit confiées*, faute
de ce, les déclare nulles, et défend à Daudin d’en faire
aucun usage, ainsi que des actes qui auroient été ou pourroient être écrits au-dessus d’icelles.
La dame Daudin est autorisée à faire sa'sir et arrêter
entre les mains de l’-Espinat et D om ergue, négocians à
A u rillac, et de Bordeaux , négociant à Paris , toutes les
sommes qu’ils doivent ou devront à D audin, tant à raison
des lettres de change par eux tirées, acceptées ou autre
m ent, avec défenses de s’en dessaisir en d’autres mains
que celles de la dame D au d in , à peine de payer deux fois.
Depuis cette aventure, qui eut une grande publicité,
Daudin a trouvé les moyens de se réconcilier avec sa
m è re , et de lui faire oublier ses torts.
A son retour, et parvenu à sa majorité , Daudin apprit
lui-m êm e au sieur Capelle le contenu du testament
d’Etienne Descafl'res, son grand-oncle ; et pour rassurer
entièrement l’acquéreur de sa m ère, il ratifia par acte sous
seing p riv é , d u 21 mars 1788, l’acte de vente du I er.
mars 1782.
L e sieur Cnpclle a joui paisiblement du domaine du
Vernet. 11 s’étoit élevé quelques discussions entre le sieur
ff*
�sn *
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...
( 6 )
Cnpelle et un sieur Sistrières, qui se prétendoit seigneur
du V e rn et, et vouloit, en cette qualité , exercer le retrait
féodal. M ais, par traité du 8 juin 1789, les parties transi
gèrent , et se départirent respectivement de toutes pré
tentions.
L e sieur Daudin fils paroît avoir voulu régler toutes
ses affaires avec la dame sa mère. O n voit q u e , par traité
du 7 octobre 1790, la dame Daudin reconnoît avoir reçu
de son fils une somme de 14100 francs ; celui-ci se charge
de payer à différçns créanciers de la mère une somme
de 6900 francs; et enfin la dame Daudin se reconnoît
débitrice envers son fils d’une somme de 27000 francs.
L e sieur Daudin fit quelques tentatives contre le sieur
v R ou pon , acquéreur de sa m ère, le 18 fructidor an 5 ; il
se pourvut en restitution, pour cause de lésion, contre
la vente que sa mère avoit consentie le 11 novembre 1780.
Ce genre de demande annonçoit que son fils reconnoissoit
à sa mère la capacité de vendre , puisque l’objet vendu
à Roupon provenoitde la succession de Descaffres. M ais,
comme toute demande en lésion étoit alors supprimée
par la loi du 14 fructidor an 3 , le sieur Daudin se vit
obligé d’abandonner une entreprise téméraire : il se dé
partit de sa demande, par traité du 2.5 brumaire an 6.
lies demandes en restitution ne pouvant faire fortune,
le sieur Daudin fit d’autres spéculations : il forma le projet
d’attaquer de nullité toutes les aliénations qui avoient été
faites par sa m ère, comme des biens Descaifres; mais sa
mère avoit contracté l’engagement personnel de le faire
v a lo ir , et il en résultoit contr’elle une pleine garantie.
Que lui en coûtoit-il pour rendre cette garantie illusoire ?
�(7)
Il avoit un empire absolu sur l’esprit de sa mère ; il la
détermina à vendi’e tout ce qu’elle possédoit, et il mit la
plus grande rapidité dans l’exécution de ce projet ; car
depuis le 7 nivôse an 6 , jusqu’au 11 du même m ois,
toutes les propriétés de sa mère furent aliénées. On voit
que Je 7 nivôse elle vend à.un nommé Geraud-Lavignè
^ une grange, jardin , et terres situés à T liié za c, moyen
nant 1910 francs; le lendemain 8 nivôse, autre vente à
Guillaume Vergne et consorts de difïerens immeubles
situés au même lie u , moyennant la somme de 18000 fr. ;
le même jo u r, autre vente à François B erger, pour là
somme de 3000 francs ; le lendemain 9 nivôse, elle vend
encore pour 6000 fr. d’immeubles a Antoine Delmas ; le
même jo u r, autre vente au sieur Rame , pour 5ooo f r . ;
le même jour , autre vente au sieur D elm as, moyennant
i 5oo francs; le même jo u r, autre vente à Jean A u rus j
moyennant 1000 francs; le même jo u r , autre vente à
Agnès R ig a l, moyennant 600 francs : enfin la dernière
vente qu’on connoisse, est du 11 nivôse an 6 ; elle est
faite encore à L avig n e, moyennant 800 francs. Toutes
ces ventes partielles excèdent la somme de 30000 francs ;
elles comprennent toutes les possessions de la dame veuve
Daudin ; elles ont toutes été soumises à la transcription ;
et le sieur C apelle, qui étoit bien loin de penser qu’on se
préparoit des moyens contre lu i, fut tranquille spectateur
de ces manœuvres perfides.
Daudin n’a rien voulu précipiter dans ces démarches,
pour les rendre plus utiles. Ce n’est que le 2 vendémiaire
an S , qu’il a consenti à un sieur Desprats une cession de
tous les droits successifs qu’il pouvoit amender comme
�(8)
-
héritier d’Etienne Descaffres ; et ce qui doit surtout
étonner, c’est que Daudin , qui prétend que le domaine
du V e rn e t, faisant partie de cette succession a été vendu
par sa mère à vil p rix , a cependant cédé tous ses droits
universels, même les rescindans et rescisoires immobiliers
moyennant une somme de 6000 francs.
Il est vrai que le sieur Desprats , son cédataire , n’est
qu’un personnage officieux et interposé , lié d’intérêts
avec Daudin , faisant la banque avec l u i , et connoissant parfaitement les valeurs et le taux de la place.
Quoi qu’il en soit, il est stipulé que l’officieux Desprats
pourra agir contre les tiers, au nom du cédant, et que
l ’acte vaudra procuration à cet effet.
D eux jours après , c’est-à-dire le 4 vendémiaire , le
sieur Daudin fait citer M . Capelle en désistement du
domaine du Vernet par lui acquis de la dame veuve
Daudin le I er. mars 1782; les parties comparoissent au
bureau de conciliation ; le sieur Capelle fils se pi’ésente
pour son père , et après avoir combattu victorieusement
une prétention aussi inconvenante , il argumente de la
ratification souscrite par le fils Daudin le 21 mars 1788.
Il est dressé procès verbal de non conciliation , et le
sieur Daudin n’alloit plus en avant. M . Capelle fut
obligé de le faire assigner le 8 brumaire an 8 , pour voir
dire que , sans s’arrêter à la demande en désistement par
lui formée , M . Capelle seroit gardé et maintenu dans
son acquisition.
L e ton d’assurance de M . Capelle déconcerta un ins
tant le sieur D audin; mais bientôt on fait paroître Des
prats , qui cite à son tour M . Capelle en désistement,
et
�Ô 74
( 9)
et qui déclare que quoiqu’il ait le d ro it, en vértu de sa
cession, de procéder sous le nom de son cédant, il doit
se mettre à découvert à raison de la ratification du 21 mars
1788 dont M . Capelle a excipé.
L e 17 brumaire an 8 , assignation de Desprats au sieur
Capelle, au tribunal civil de Saint-Flour. < 5 -■ 5
L e 1 5 floréal an 8, jugement contradictoire qui ordonne
que l’acte sous seing p riv é , portant ratification par Daudin,
sera déposé au greffe.
1
\
Bientôt après, le tribunal civil est! supprimé ; Daudin
traduit alors M . Capelle au tribunal d’Aurillac , par
exploit du 23 therm idor an 8 ; et le 7 fructidor su ivan t,
M . Capelle dépose au greffe du tribunal d’Aurillac l’acte
de ratification dont il s’a g it, conformément au jugement
du i 5 floréal précédent.
M . Capelle, à toutes fins, forma , le 9 frimaire an 9 ,
sa demande en recours et garantie contre la veuve Daudin,
sa venderesse.
L e 25 ventôse, M . Capelle présenta une requête pour
demander permission de faire interroger sur faits et arti
cles, le sieur D au d in , la dame Sobrier, sa m ère, et le
sieur Desprats. 11 obtint une ordonnance conforme , et
présenta les faits et articles sur lesquels il entendoit faire
interroger chacun de ces trois individus.
Il demandoit au sieur D au d in , i° . s’il avoit eu connoissance de la vente du domaine du V ern et, lorsqu’elle
fut consentie par sa mère ; 20. si depuis celte époque il
n avoit pas vu le sieur Capelle jouir constamment de ce
domaine , et y faire dos l’éparations considérables ; 3(\ s’il
connoissoit des dettes actuellement existantes de la sucB
�(: *9 )
cession d’Etienne Descaffres; 40. d’où provenoitla créance
d’environ 48000 francs qu’il avoit fait inscrire sur sa
mère ; 5 °. s’il éloit vrai qu’il eût vendu ses créances mobi
lières au sieur Chaimac des Chazeaux.
Pou r Ja dame Sobrier , il lui dem andoit, i° . si elle
avoit connoissance de quelques dettes qui fussent encore
dues par la succession d ’Etienne Descaffres; 2°. pourquoi,
à différentes époques, elle a souscrit des actes qui la cons
tituent débitrice envers son fils de sommes considérables,
et d’où provenoient ces sommes; 30. si elle savoit que
son fils, eut vendu au sieur Desprats la succession de Descaifres, de laquelle dépendoit le domaine du Vernet par
elle vendu au sieur Capelle le i er. mars 178 2; 40. si
elle avoit connoissance que çon fils eût vendu ses effets
mobiliers.
A l’égard du sieur Desprats, M . Capelle désiroit sayoir,
i ° . si à l’époque de la vente à lui consentie par le sieur
D a u d in , il ne savoit pas que depuis long-temps le sieur
Capelle étoit acquéreur et possesseur du domaine du
V ern et; 20. s’il connoissoit aucunes dettes passives de la
succession d’EtienneDescaifres ; 30. d’expliquer comment,
après avoir vendu ses biens patrim oniaux de Thiézac , il
avoit acheté un petit bien dans la commune de V i e ,
sujet à contestation , éloigné de son domicile et de ses
nouvelles acquisitions.
L ’interrogatoire a eu lieu le 2 germinal an 9. Daudin
fils a répondu affirmativement qu’il connoissoit la vente
consentie par sa m ère; il a également vu jouir le sieur
Capelle du domaine du V ern et, mais il ignore s’il a été
fait des réparations, parce qu’il n’est pas allé dans ce
�3 /6
C ii )
domaine depuis dix-neuf ans : il dit connoître des dettes
encore existantes sur la succession Descaffres, mais'il n’est
pas en état de déclarer à quelle somme elles peuvent se
monter.
Il convient avoir pour 48000 francs de créances contre
sa mère ; elles résultent de diiférens actes souscrits en sa
faveur, qui ont eu pour motifs des arrangemens de famille
étrangers au sieur Capelle, et dont il ne doit lui donner
aucune connoissance : au surplus, lorsqu’il a fait sous
crire ces actes à sa m ère, ce n’étoit pas dans l’intention
de les opposer au sieur Capelle.
Il déclare avoir vendu ses créances mobilières au sieur
Chaunac,son beau-frère. Lorsqu’il a cédé au sieur Désprats
les droits qu’il amendoit dans la succession Descaffres, il
ignoroit l’existence de la ratification dont il s’agit : le
sieur Capelle en étoit nanti, disoit-il, depuis dix-neuf ans.
S’il a donné à si bas p tix ses droits immobiliers, c’est
que l’acquisition dont se chargeoit Desprats étoit trèsincertaine , et dépendoit d’un événement litigieux envers
une personne très-entendue en procédure et de difficile
discussion. L e sieur Desprats, qui prenoit la vente à ses
périls, risques et fortune, n’avoit pas voulu donner une
plus forte somme ; et le sieur Daudin s’étoit vu obligé
d’accepter ses offres à cause des besoins où il étoit dans
ce moment.
O n demande à Daudin pourquoi., malgré toutes les
ventes que sa mère a consenties, il n’a pas été payé des
sommes qu’elle lui de voit.
Il repond que ces ventes n’avoient pour objet que des
arrangemens de fam ille, et qu’elles n’ont jamais été sousB a
�crites par sa mère dans l’intention de les opposer au sieur
Capelle. C’est encore par des motifs d’arrangemens de
famille étrangers au sieur Capelle, qu’il a donné ù Chaunac
ses créances mobilières pour une somme de ioooo francs,
quoique celles qu’il a contre sa mère se montent à 48000 fr.
Si le sieur Capelle a été cité en son nom , de lui D audin,
■'la vérité est néanmoins que le sieur Desprats étoit le pour
suivant sous le nom .de D audin, en vertu d’une clause
-insérée à cet effet dans la cession. IL convient avoir payé
les frais de la vente mobilière par lui consentie à Chaunac,
mais c’est une avance qu’il a faite pour son acquéreur.
A u surplus, il ne défend dans la cause que pour lu i; il
s’étoit d’abord adressé à M e. Guittard pour le défendre ,
.mais celui-ci se trouva chargé par le sieur Capelle : il
choisit alors M e. Courbaise; et comme ses intérêts étoient
différens de ceux de Desprats, Courbaise, chargé pour
Desprats , a remis le dossier de ce dernier.
- Interrogé s i , lors de la cession par lui consentie à
Desprats, il n’étoit pas créancier du même Desprats d’une
: somme considérable, il répond que depuis plus de dix
ans il a fait des affaires avec le sieur Desprats; que tantôt
ils ont été débiteurs et créanciers mutuels, mais il ne se
: rappelle pas dans: ce moment si u cette epoque il étoit*
, créancier ou débiteur.
La dame Sobrier, veuve D audin, a connoissance qu’il
, est encore du quelques sommes à la succession d’Etienne
;.Descaffres ; elle convient avoir souscrit des actes qui la
constituent débitrice de son fils de sommes considérables,
;mais c’est pour certains arrangemens et conventions de
-famille dont elle ne doit compte à personne; elle n’a
�/
( 13 )
aucune connoissance des ventes qu’a faites son fils à
Desprats ou à Chaunac; elle a payé des legs et des dettes
de la succession Descaff'res, elle en a également payé pour
la succession de son mari ; mais ces payemens ayant été
faits à. différentes époques, elle n’en a pas conservé la
m ém oire, et ne peut en dire le montant. Elle désavoue
que son fils ait reçu le montant des ventes qu’elle a faites
de ses propres biens ; c’est elle qui a reçu et fourni quit
tance : elle convient que Chaunac lui a fait notifier la
vente que son fils lui a consentie de ses créances mobi
lières. Il n’est pas étonnant qu’elle n’ait point payé ses
dettes, quoiqu’elle ait vendu ses propres biens : les cir
constances de la révolution lui ont occasionné des dé
penses et des sacrifices considérables, et ont absorbé ses
fonds, de sorte qu’elle a été dans l’impossibilité d’acquitter
ses dettes.
V ien t ensuite l’interrogatoire de Desprats. Lorsqu’il
a acquis les droits immobiliers du sieur D audin, il avoit
ouï dire que le sieur Capelle jouissoit du domaine du
Yernet en vertu d’un acte n u l, comme n’ayant pas
acquis du vrai propriétaire. Il a oui dire que la suc
cession DescafFres étoit grevée de quelques dettes, mais
personnellement il n’en avoit point de connoissance par
faite.
On lui demande par quel m otif il a vendu ses biens
patrimoniaux de T h iéza c, pour acquérir un petit bien
dans la commune de V i e , sujet à contestation, éloigné de
son domicile et de ses nouvelles acquisitions.
11 trouve fort plaisant qu’on lui fasse une pareille ques
tion , il n’a presque rien vendu de Thiézac en compa-
�C *4 )
raison de ce qui lui reste ; et en achetant ce bien du
V e r n e t, il étoit certain de l’acheter du vrai propriétaire:
cependant s’il n’en a pas donné davantage, c’est parce
qu’il sa voit qu’il y avoit un procès à soutenir contre le '
sieur Capelle , et qu’il y avoit quelque difficulté d’arra
cher d’entrer ses mains un bien qu’il avoit su se pro
curer. Il déclare d’ailleurs n’avoir jamais eu connoissance
de la ratification consentie par Daudin fils ; il ignoroit
même si elle étoit enregistrée ou n o n , et il n’a su que
long-temps après son acquisition qu’elle n’étoit pas enre
gistrée. Il convient que les frais de vente ont été avancés
par Daudin fils ; mais il les lui a remboursés. Il ne de voit
pas grand chose à Daudin à l’époque de la cession ; il
a des comptes courans avec Daudin depuis longues années,
et se trouvant tantôt débiteur, tantôt créancier, il ne
peut pas fixer le montant de ce qu’il devoit lorsqu’il a
acquis.
Si le sieur Capelle a été assigné sous le nom de D audin,
c’est parce que Desprats s’étoit réservé cette faculté lors
de la vente ; mais voyant qu’il s’élevoit des contestations
entre les sieurs Daudin et C apelle, il avoit agi en son
propre et privé nom ; enfin il a été libi*e de faire trans
crire sa vente quand il l’a jugé à propos.
V oilà tout ce qu’ont produit ces différons interrogatoires.
O n voit qu’il y avoit un plan de réponses concerté entre
trois individus qui ne font qu’un. Cependant il résulte
de ces interrogatoires que la dame Daudin a vendu tous
ses biens sans payer aucune dette ; et quoiqu’elle ne pos
sède plus rien , elle doit encore 48000 francs à son fils;
elle est également débitrice de sommes considérables
�2>zo
( i5 )
envers Elisabeth et Louise Sobrier , et différens autres
particuliers.
Desprats n’a pas honte de s’avouer cédataire de droits
litigieux -, il a fait la loi à Daudin , quoiqu’il fût son débi
teur ; il n’a voulu donner qu’un prix m odique, parce
qu’il avoit à soutenir un procès , et il a été assez maladroit
pour ne pas s’apercevoir qu’on pourroit l’écarter par une
subrogation d’action, si d’ailleurs le sieur Capelle avoit
quelques risques à courir.
L e 2Ô brumaire an u , Daudin a reconnu l’écriture
et signature mises et apposées'au bas de l’acte sous seing
privé , portant ratification ; mais il a désavoué avoir écrit
en chiffres la date du 21 mars 1788 : il a demandé que
cette date fût soumise à une vérification. Un jugement
du i er. pluviôse suivant l’a ainsi ordonné : mais le sieur
Capelle a formé opposition à ce jugem ent, qui étoit abso
lument inutile ; il est convenu au procès que cette date
n’est pas écrite de la main de D au d in , et cette circons
tance est fort indifférente dans la cause.
Bientôt après on a vu éclore un tissu d’absurdités. L e
sieur Daudin a prétendu qu’on ne pouvoit lui opposer
la vente consentie par sa mère ; que cet acte lui étoit
étranger. Sa mère à la vérité avoit le pouvoir de vendre,
par le testament d’Etienne Descaffres, mais elle ne pouvoit le faire qu’i\ la charge de l’emploi ; et le sieur Capelle
etoit hors d’état d’établir que la mère eût fait un emploi
utile des deniers de cette vente.
La ratification personnelle de Daudin n’étoit, suivant
lu i, qu’une chimère ; il convient qu’il étoit majeur le 2
mars 1788 : mais le sieur G»pelle avoit cette ratification
jtf;
�(16\
dans les mains depuis le premier moment dé la vente;
il avoit eu la précaution de faire laisser la date en blanc,
et il lui a été facile de remplir ce blanc comme il a voulu.
Cette date a été visiblement mise après coup ; les chif
fres et le mot mars étoient écrits d’une encre et d’une
main différentes. Pour affoiblir le contraste, on avoit eu
la précaution de repasser la plume sur les lettres du corps
de l’acte, et de leur donner la teinte de l’encre de la
date ; mais la plume avec laquelle on avoit écrit la date
s’est trouvée plus fine que celle qui avoit servi à écrire
le corps de l’acte , et a laissé à découvert une partie de
l’ancienne écriture. Il paroissoit donc deux encres, con
tinue Daudin , et cette circonstance doit annuller la rati
fication ; elle est d’ailleurs donnée en minorité ; elle est
yague et générale ; elle n’a pas été faite double.
Enfin le sieur Daudin a dit que le sieur Capelle n’avoit
jamais p a y é , sur le pi'ix de la ven te, qu’une somme de
13800 f r . , dont le sieur Daudin a offert de faire raison.
L e sieur Capelle s’étoit servi de blancs seings que Daudin
avoit dérobés à sa mère , pour se donner une quittance du
surplus du prix de la vente.
C’est ainsi que Daudin veut détruire des actes authen
tiques.
'
Desprats a soutenu la sincérité de sa cession ; il a dit
que le sieur Capelle étoit sans intérêt pour la contester,
parce que s’il étoit propriétaire légitime du domaine du
V ern et, Desprats ne pourroit pas le lui ôter en vertu de
sa cession; si, au contraire, l’acte de 1782 est n u l , peu
importe au sieur Capelle que ce soit Desprats ou Daudin
qui rentre dans le domaine du Vernet.
La
�( *7 )
La dame veuve Daudin , de sa p a rt, a soutenu qu’eTle
ne devoit aucune garantie au sieur Capelle , parce qu’il
avoit connu le vice de la.vvüte lorsqu’il se l’é'toit fuit
consentir’, et qu’il avoit lui-même coopéré à la fraude.
L e sieur Capelle s’est défendu* avec toute la dignité qui
lui convenoit; méprisant les injures et les calomnies , il
a dit qu’il étoit:-porteur d’une vente valable’,’ ratifiée par
le fils , vrai propriétaire, et en connoissance dé Caùse. Le
contrat de vente porte quittance de l’entier-pn^’ i'il tn a
payé le montant en deniers du en lettres dé cluhige:1Les
'blancs seings que le fils Daudin avoue1avoir' dérobés h
sa m ère, ne pouvoient être d’aucune utilité au sieur
Capelle; il n’avoit pas besoin d’autre quittance que de
celle qui étoit portée au contrat de vente : une quittancé
particulière de la mère ne l’auroit^aà dispensé de payer
ses lettres de change à leur échéancé; Le sieur'Daudin fils
devroit donc imaginer quelque chose de plusVraisemblable.
Sa ratification n’avoit été donnée-qu’à sa'majorité : il-est
vrai que la date n’etoit pas écrito de sà main } mais c'étoit
à lui à se reprocher cette^ omission du sn négligence; En
supposant que la ratification eût été faite par lui en mi
norité, il auroit dû au moins revenir, dans lcs dix ans de
sa m ajorité, contre un engagement téméraire , ou contre
la surprise qu’il disoit faite à sa bonne foi. Cependant'H
avoit atteint plus de trente-six ans lorsqu’il a attaqué’,
pour la première fois le sieur'Capelle : il étoit donc abso
lument non recevable , quelque différence ‘qù’il puisse y
'avoir dans l’écriture de là date ou de celle de la ratifica
tion. Cet acte sous seing;privé n’avoit rien de vague ni
d’indéterminé, puisqu’il së rupportoit au seul objet vendu,
C
�( 18 )
au domaine du Vernet exclusivement. La ratification
n’avoit pas besoin d’être faite double, puisqu’elle ne contenoit pas d’engagement réciproque. Ce n’est point avec
des assertions ridicules qu’on anéantit des actes solennels;
mais dès qu’au mépris de sa. ratification le sieur Daudin
s’étoit permis de vendre ses droits à Desprats, il devenoit
garant de sa propre demande et de celle' de Desprats ,
-comme^teillionataire ;,et le sieur. Çapelle conclut expres
sément à cette garantie.
)
!
MaisjComment le sieux* Daudin étoit-il assez maladroit,
contre la teneur des actes, de soutenir que le sieur Capdle
n’avoit payé qu’une somme de 13800 fr. pour le prix de
sa vente, lorsque la dame.Daudin elle-même avoit fait
condamner son fils à lui payer la somme de 21000 francs,
par la sentence du 18 juillet, 1782 ? Quelle contradiction
ne résultoit-il pas du système de défense embrassé par le
sieur Daudin?
, Enfin, lesieur Capejle jouisçoit du domaine du Vernet,
*
i
avec titre et bonne fo i, depyis plus de dix ans; dès-lors
,il avoit acquis la prescription, puisque ce domaine est
situé en pays de droit écrit de la Haute-Auvergne.
Desprats ne valoit pas la peine qu’on daignât jeter un
i;egai*d,1sur sa prétention. Ce n’étoit qu’un p rête-n om
¡ou un vil cessionnaire, vilis htiurn redernptor, pour
se servir des expressions de la loi ; et sa cession ne pouvoit avoir aucune préférence sur la vente consentie au
sieur Cnpçlle.,
v
La dame, Daudin avoit vcnc]u avec pleine et entière
garantie. On lui faisoit jpuer,un rôle bien ridicule, lors
qu’elle cojivenqit avoir frauduleusement.vendu; elle ne
�»
( r9 )
pou voit argumenter de sa propre turpitiide , pour* sè d'f>~
penser de la garantie subsidiaire à‘ laquelle le sieur
Capelle avoit conclu contre tillef.
^ i (’ :i
L e sieur Daudin senti t ' touië1 la'1force ' de l’argitinent
résultant de la prescription dé dix ans! Pour s’y soustraire
il voulut se faire considérer comme une victime de1 la
révolution ; il prétendit avoir été mis en réclusion , et
invoqua la disposition de la ‘loi du 16 germinal ari 3 '
qui suspend là;prescription en faveur des détenu^/depiiis
le mandat d’arrêt jusqu’à la mise en liberté.
1
En cet état, la cause portée à l’audience-du tribunal
d’A urillac, le 1 r germinal an 1 1 , intervint jugement'eontradictoire',! q u i, en déclarant ihiïïe l a ‘vente fdu r'ermars 1782 , ainsi que la ratification du J2i mars 1788,
ordonne que le testament d’Etienne Descaffres,-ainsi que
la cession1 consentie par Daudin à Desprats, le 2 vendé
miaire an 8, seront exécutés suivant leur forme et teneur.
Le- sieur Capelle est condamne àtsë désister en faveur de
Desprats , céd^taire/dii domaine du Vernét •'comme fai
sait partie de là succession’ d’Ëticnne Descaffres, dont
Daudin est héritier , avec restitution des fruits et intérêts
d’iceux, i\ compter de la demande judiciaire,' ainsi que
des dégradations , s’il y en a ; t2t l e 1sieur Capelle est
condamne aux dépens envers’ Daudin et Desprats.
Î
*
v*»
• ' ** *
^a veuve Daudin est condam née'à; garantir lé sieur
Capelle des condamnations contre lui prononcées, avec
înterets et dépens; en conséquence , à rendre et rem
bourser au sieur Capelle la somme de 21660 francs, prix
princivil de la vente, les frais e t ’loyaux coûts d’icelle ,
avec intérêts du tout ¿ compter d e'la'-demande ; elle
C 2
�( 20 )
est condamnée aux dommages-intérêts résultans de l’évic
tion et de la vente faite par Capelle de la maison qu’il
avoit à son domaine du V ernet; elle est aussi condamnée
à payer les dommages-intérêts dûs au fermier pour la
résiliation de son b a il, suivant l'estimation qui en sera
faite par experts, lesquels estimeront en même temps
les dégradations, réparations et améliorations qui peu
vent avoir été faites par le sieur Capelle.
j ,
Daudin est condamné, suivant ses offres, à rendreet rem
bourser à Capelle, sur et en tant moins du p rix delà vente ,
la somme de 13800 francs, ainsi que les réparations et
améliorations, suivant l’estimation qui en sera faite, sauf
à lui à se régler avec Desprats pour la valeur des amé
liorations dont ce dernier doit profiter, et dont il peut
être tenu.
Sur la demande en garantie formée parle sieur Capelle
contre le sieur D audin, stellionataire, il est ordonné que
les parties contesteront plus amplement; la dame Daudin
est condamnée aux dépens envers toutes les parties.
Il-est indispensable de connoître quelques-uns des.
motifs de ce jugem ent, du moins quant à la nullité de
la vente et de la ratification.
Les premiers juges disent, d’une.part, que les biens
des mineurs ne peuvent être vendus sans observer, les
formalités prescrites; et que, d’apres les arrêts de règle
m ent, un testateur ne peut autoriser l’exécuteur testa
mentaire à vendre : ce seroit ordonner que les lois ne
seront pas exécutées.
Relativement à la ratification, toute vérification est
iuutile, dès que le sieur Capelle convient que la date n’est
�pas écrite de la même encre ni de là même main; mais
cette ratification est nulle, parce que Daudin a seulement
ratifié les actes que sa 'mère avoit consentis en faveur
du sieur C ap elle, relativement au domaine du Y ern et,
et que, d’après l’avis de Perrézius , toute ratification doit
être expresse et nominative. Il semble qu’elle s’applique
à plusieurs actes , tandis qu’il n’y a qu’un seul contrat
de vente; et la circonstance que la date n’est pas écrité
de la même main peut faire présumer que cette ratifi
cation avoit été donnée par Daudin avant la vente con
sentie par sa mère.
La vente de la mère n’avoit pu opérer aucune trans
lation de propriété j mais une simple obligation de
garantie.
1
L a ratification n’étant p'as faite double est insuffisante,
dès qu’elle est sous seing privé.
La prescription avec titre et bonne foi ne s’acquiert
que par dix ans entre présens , et vingt entre absens.
O n regarde comme absens ceux qui habitent dans des
ressorts de tribunaux différens.
Jusqu’à l’installation du tribunal de district d’A u rillac,
Daudin habitoit dans le ressort du bailliage de V i e , et
Capelle dans celui d’Aurillac.
Daudin a été majeur le 24 septembre 1787: jusqu’au
n décembre 1790, époque de l’installation du tribunal
de district, il ne s’est écoulé que trois ans neuf mois et
neuf jours, qui, réduits à m oitié, font un an sept mois et
vingt jours.
Depuis le 11 décembre 1790 , jusqu’au 4 vendémiaire
an 8 , il ne s’est écoulé que huit ans neuf mois et quinze
�( 22 )
jours, ce qui feroit en tout dix ans cinq mois et cinq
jours. Mais Daudin a été reclu comme suspect le 24
messidor an 2 ; il n’est sorti qu’en vertu d’un arrêté dit
comité de sûreté générale , du 17 pluviôse un 3 : il faut
distraire du temps utile celui qui s’est écoulé, pendant si
détention jusqu’à la publication de la l o i , qui est du 4
floréal an 3 ; alors il n’a couru que neuf ans cinq mois
et vingt-cinq jou rs, et Daudin s’est pourvu en temps
utile.
.
- Tels sont les seuls motifs qui ont paru utiles à rappeler ;
les autres font un volume assez considérable : mais ce
seroit entrer dans des détails bien fastidieux , si on vouloit entreprendre de les analiser.
Toutes les parties se sont rendues appelantes de ce juge
m ent; la dame Sobrier,' véuve Daudin, par acte du 13
messidor an 1 1 , interjette a p p el, en ce qu’elle est con
damnée à rembourser le prix de la vente du i er. mars
1782, quoique ce prix n’ait pas été reçu par e lle , mais
par son fils ; 20. en ce qu’elle a été condamnée en des
dommages-intérêts résultans de l’inexécution d’une vente,
lors de laquelle elle fut victime de la surprise pratiquée
envers elle par le sieur Capelle, qui connoissoit le vice de
la vente.
'
, Daudin , par acte du i 5 du même mois de messidor
an 1 1 , a interjeté appel de ce jugement, en ce que ,
par une disposition subséquente, il est dit que les par
ties contesteront plus amplement sur une demande engarantie solidaire que le sieur Capelle avoit cru devoir
former contre lui.
* Il n’y a pas jusqu’à Desprats qui ne sdsoit rendu aussi
�S %7
( 23 ) ,
appelant, par acte du lendemain 16 messidor, en ce que
le sieur Capelle n’a été condamné à restituer les jouis
sances du domaine d u V ern et qu’à compter du jour de
la demande judiciaire, tandis que ces jouissances lui sont
dues depuis l’indue détention du sieur Capelle, qui re
monte au i er. mars 1782.
E n fin, le 27 du même mois de messidor, M . Capelle s’est
aussi rendu appelant de ce jugem ent, pour les torts et
griefs qu’il a reçus par icelui, et qu’il se propose de dé
duire devant la cour. •
r
T e l est l’état de la cause. Daudin a cru devoir donner
une grande publicité à ses moyens, dans un memoire
qu’il a fait notifier, et auquel on va s’occuper de répon
dre sommairement.
L e sieur Daudin a étrangement abusé du droit d’écrire;
il s’est livré à des personnalités injurieuses envers un
ancien magistrat qui jou it, à juste titre, de l’estime pu
blique. 11 voudroit l’associer à ses extravagances et à ses
folies. Suivant lu i, M . Capelle auroit été le premier à
favoriser les écarts d’un jeune insensé qui oublioit tous
ses devoirs, le respect qu’il de voit à sa mère , sacrifioit
sa fortune et toutes les convenances à une passion dé
sordonnée. 11 avoit besoin d’argent pour épouser la jeune
personne dont il étoit épris, et il voudroit faire croire
que M. Capelle a profité de cette circonstance pour ac
quérir à vil prix un domaine qui lui convenoit. Il a
surpris des blancs seings à sa m ère, destinés à faciliter
la libération de M. Capelle. Mais comment cela est-il
possible, lorsque le contrat de vente consenti par sa inère
�'( M ) .
contenoit quittance de la totalité du prix? et quelle pou voit
' être la destination* de ces blancs seings? ■>
'•'C ’est trop s’arrêter à de pâveilles abs'urdités. M . Capelle
est porteur'd'une vente authentique,'au ier. jnars iy b s ,
d’après'laquelle il résulte que le s '21600 francs ont été
payés comptant ; et rien ne peut détruire un acte de cette
nature.
.1 . .;
Si le sieur Daudin a enlevé les lettres de changes sous
crites' pariM .- Capelle' au .profit dé’sa mère , : ainsi que
l’argent qu’elle avoit reçu, le siëur :Daudin l’avoit déjà
destiné aux frais de son voyage et de son établissement.
La dame Daudin alors n’accusa que son fils; c’est contre
lui seul qu’elle rendit plainte ; et jamais M . Capelle ne
fut compromis ni nommé dans cette- accusation.
La vente: consentie à M. Capelle étoit tellement pu
b liq u e, la sincérité en étoit tellement reconnue, que le
sieur Sistrières, se prétendant seigneur du V ern et, voulut
exercer le retrait féodal : mais comme le p rix de la vente
paroissoit exagéré au sieur de Sistrières, il imagina qu’on
l’avoit enflé pour empêcher l’eXereice de son droit; et
c’est à ce sujet que fut écrite la lettre de Daudin ; lettre
qui n’avoit de rapport qu’à la prétention du sieur de
Sistrières; lettre dont il sera encore question, puisqu’on
veut en tirer des inductions contre M . Capelle.
Pour! répondre5à ‘toutes les allégations de D audin,
M . Capelle doit se 1borner à d ire, 1^. qu’il est nanti
d’une vente consentie par la dame veuve Daudin avec
pleine et entière garantie; que cette vente doit avoir son
exécution, puisqu’elle a été-suivie d’une ratification-de
Daudin
�( 25 )
Daudin fils, propriétaire de l’objet vendu. Cette ratifi
cation, donnée en majorité, écarte toutes les prétentions
du sieur Daudin. E û t-il été mineur lorsqu’il a ratifié,
il n’a voit que dix ans pour se pourvoir con tre son enga
gement , d’après l’article 134 de l’ordonnance de 1539.
11 a laissé écouler plus de dix ans de majorité sans ré
clamer ; d’un autre côté, M . Capelle a joui avec titre et
bonne foi pendant plus de dix ans; et la prescription de
dix ans entre présens est admise en pays de droit écrit
de la Haute-Auvergnc.
Quels sont les argumens de Daudin pour i*epousser
des moyens aussi victorieux ? Il prétend, en premier
lie u , que la vente consentie par la dame veuve Daudin
est infectée d’une nullité absolue et viscérale. L a dame
Daudin 11’étoit pas propriétaire ; elle a vendu tout à la
fois, et la chose d’autrui, et les biens d’un mineur; elle
les a aliénés sans observer aucune des formalités pres
crites pour la vente des biens de m ineur; et d ès-lors
cette vente ne peut produire aucun effet.
Cette objection est absolument frivole. D ’aboi’d ce
seroit une grande question que celle de savoir s’il est
vrai que la dame Daudin ait vendu la chose d’autrui.
L e testament du sieur Descaffres étoit évidemment nul :
le testateur étoit atteint d’une cécité com plète, ce qui
obligeoit d’appeler un témoin de plus pour la validité
du testament ; et cette formalité est expressément recom
mandée, à peine de nullité, par l’ordonnance de 173^*
Si ce testament est n u l, la dame D au d in , héritière de
son oncle, étoit propriétaire exclusive du domaine dont
il s’a git, et par conséquent elle a pu aliéner valableD
�( a« )
frient. M . Capelle ne donnera pus plus de développe
m ent, quant à présent, ù ce premier moyen de nullité;
mais il observe que par ce même acte la dame Daudin
âvoit le pouvoir de vendre les biens du testateur ; elLe
avoit la faculté de vendre ou de délaisser des biens en
payement des dettes de la succession. Cette faculté n’a
rien de contraire aux lois ni à l’ordre public. La dame
D au d in , en vendant, a acquitté toutes les dettes de la
succession de son oncle, et il ne reste plus aucun créan
cier : c’est en vertu de ce pouvoir qu’elle a vendu à
M . Capelle; et, d’après le principe qu’on est toujours
présumç agir aux qualités qui peuvent rendre un acte
valable, il faudrait décider que le contrat de 1782 doit
avoir son effet.
Si la dame Daudin a vendu en son nom personnel,
personne n’ignore qu’on peut vendre la chose d’autrui
avec pleine et entière garantie; et la dame D audin, en
vendant de cette m anière, n’a pas eu besoin d’observer
les règles prescrites pour les ventes des biens des mineurs.
Il est vrai que le propriétaire de la chose vendue peut
dans ce cas la réclam er, et que l’éviction de l’acquéreur
ne donne lieu qu’à une indemnité en deniers contre le
vendeur-: mais comme le sieur Daudin a ratifié la vente
Consentie par sa m èi'c, il est lui-meme non recevable ;
il a contracté l’engagement personnel de la faire valoir.
L e sieur Daudin , embarrassé de cette ratification ,
s’attache principalement à soutenir qu’elle est nulle. Il
■est forcé de convenir que cet acte est écrit en entier de
sa m ain, et que la signature est la sienne; il n’y a que
la date qui ait été mise d?une main étrangère. Mais est-ce
�( *7 )
au sieur Capelle que Daudin peut faire un reproche, ou
de l’omission de la date, ou de ce qu’elle a été écrite
d’une main étrangère? L e sieur Capelle a reçu cette rati
fication telle qu’elle lui a été donnée, et n’a besoin de
descendre à aucune justification, parce que c’est à Daudin
à se reprocher, ou de l’avoir omise, ou de l’avoir fait
écrire par un tiers. Les actes sous seing privé ont la même
force que les actes authentiques; ils obligent irrévocable
ment les personnes qui les ont signés, et la foi leur est
due jusqu’à l’inscription de faux.
Q u’importe qu’on ait repassé de l’encre plus ou moins
noire sur l'ancienne écriture, pourvu qu’on n’ait point
altéré ou changé les termes dont s’etoit servi le sieur
Daudin : ces détails minutieux ne doivent point occuper.
Ce n’est point au sieur Capelle qu’on peut reprocher
d’avoir repassé une plume plus line, ou une encre plus
noire; c’eût été un soin inutile ou une grossière mala
dresse de la part d’un homme que D audin, Desprats,
et la veuve Daudin s’accordent à représenter comme trèsadroit et très-délié dans,les affaires.
Dans tous les cas, cette encre, cette plume ne détruisent
pas la ratification, n’empêchent pas qu’elle ne soit écrite
et signée par le sieur Daudin : ce ne pourroit être que
lui qui auroit fait ces altérations, pour se ménager à
l’avance des moyens d’attaquer cet acte. L e sieur Capelle
a dû la prendre comme on la lui a donnée, et n’est pas
présumé s’être amusé à répandre de l’encre plus noire
avec une plume plus fine, dès que cette précaution étoit
inutile.
L e sieur Daudin n’est pas plus heureux en rapportant
D 2
�( î8 )
cette date au temps de sa minorité. 11 avoit vingt ans lors
de la vente; il étoit par conséquent émancipé : dès qu’il
est domicilié en pays de droit écrit, la vente, s’il l’avoit
lui-même consentie, n’eût pas été nulle; elle n’eût été
que rescindable dans les dix ans de sa majorité. Il a donc
pu ratifier, comme il auroit pu vendre ; et il a dû se
pourvoir contre sa ratification dans les dix ans à partir
de sa majorité.
Mais le sieur Daudin ne se tient pas pour battu ; il
prétend que sa ratification ne seroit pas moins sans effet,
quand on supposerait qu’elle a été consentie en majorité.
E lle n’a pas été faite double; elle ne contient point
de prix ; elle est vague et générale, et ne s’applique pas
plus à la vente de 1782 qu’à tout autre acte.
L a ratification n’est pas faite double. Il n’en étoit nul
lement besoin. Les actes sous seing privé ne doivent être
faits doubles qu’autant qu’ils contiennent des conventions
synallagmatiques ou des engagemens réciproques; e t, par
exemple , lorsqu’il s’agit d’une v en te , s’il est imposé
quelques conditions à l’acquéreur, si le prix n’est pas
payé comptant, il y a nécessité que l’acte soit fait double,
parce que le vendeur contracte l’obligation de garantir
la chose vendue, et l’acquéreur s’engage, ou à exécuter
la condition, ou à payer le prix.
Mais lorsque la vente est pure et simple, que le ven
deur reconnoît avoir reçu la totalité du prix , alors il
n’y a plus d’engagement réciproque, l’acquéreur a rem
pli fous les siens; et la vente sous seing p rivé, quoique
non faite double, n’en est pas moins valable. Tels sont
les principes biens constans à cet égard; principes adoptés
�* 9 *
( 29 )
par la jurisprudence de la cour d’appel, qui a admis cette
distinction par plusieurs arrets, et notamment dans la
cause du sieur Berthier, de Brioude, pour lequel plaidoit
M e. P ages, de Riom.
D ’un autre côté, l’acte eût-il contenu des conventions
synallagmatiques, que le sieur Daudin ne pourroit plus(
opposer ce vice, dès qu’il a exécuté la convention portée
dans l’acte de ratification dont il s’agit. C’est ce qui est
textuellement décidé par l’article 1325 du Code c iv il,
qui porte que le défaut de mention que les originaux
ont été faits doubles, triples, etc., ne peut être opposé
par celui qui a exécuté de sa part la convention portée
dans l’acte.
L e sieur Daudin se trouve dans ces deux hypothèses.
D ’une part, sa ratification ne contenoit qu’un engage
ment personnel, le sieur Capelle n’en contractoit aucun
envers lui ; l’acte n’étoit donc pas synallagmatique : de
l’autre, le sieur Daudin a exécuté cette ratification, en
gardant le silence pendant plus de dix ans de majorité :
il 11e pourroit donc plus opposer ce prétendu vice, quand
bien même l’acte eût renfermé des engagemens réci
proques.
Et qu’on ne dise pas que le Code civil ne doit point
s’appliquer à l’espèce particulière. D ’une part, le Code
ne fait que rappeler les anciens principes; et de l’autre,
l’action étant encore entière et indécise sur la question,
le Code civil est la seule loi qu’on doive invoquer.
I-a ratification ne contient point de prix. Mais une
ratification est un acte de bonne foi qui ne fait que
confirmer un autre qui précèd e, et dout le prix se
�C 30 )
trouve dans la loyauté de celui qui le souscrit. D ’un
autre côté, le sieur Daudin n’étoit-il pas héritier de
sa m ère? ne devoit-il pas savoir qu’une demande en
éviction par lui formée auroit reflué contre sa mère ;
qu’il en seroit résulté une garantie coûteuse qui en
traîne des dommages-intérôts? Il a dû pour son intérêt
personnel confirmer la vente consentie par sa mère; il
l’a dû par respect et déférence pour elle : c’est autant
de procédé que de devoir; et le sieur Daudin l’a dit
d’autunt mieux qu’il convient avoir profité du prix de
la vente : comment oseroit-il donc prétendre que sa rati
fication a été faite sans prix.
E lle est vague et générale; et sur ce point le sieur
Daudin se livre à de longues dissertations. Pour appré
cier le mérite de ce m oyen , il est bon d’analiser l’acte
portant ratification. Il approuve et ratifie les actes que
sa mère a consentis en faveur de M . Capelle, du domaine
du V e r n e t, et de tout ce qu i en dépend, et promet
le f a ir e jo u ir en vrai propriétaire.
On demande si un acte de cette nature a quelque chose
de vague ou d’incertain, et s’il avoit besoin d’une plus
grande spécialité. L a ratification s’applique au domaine
du Vernet exclusivement : le sieur Daudin promet d’en
faire jouir Je sieur Capelle en vi’ai propriétaire : n’y
a-t-il pas intention bien expresse de confirmer la vente
de ce domaine , et de lui donner tout son effet ? Cepen
dant elle paroît insuffisante au sieur Daudin. Il invoque
la loi au code S i major foetus ratum habite rit \la loi 74 ,
au code S i m ajor fa ctu s altenationem factarn sine
decreto ratam habuerit; l’autorité de Perrézius sur la
�( 31 )
première loi; Dumoulin , l’Epine de (3 rainville, et le Code
civil.
Ces autorités ne sont pas choisies avec discernement.
Si les lois citées exigent une confirmation spéciale, c’est
en ce sens que celui qui approuve ait vraiment intention
de ratifier et de se soumettre à exécuter l’acte qu’il ratifie;
mais il n’est pas nécessaire de spécifier la nature, les
clauses ni la date de l’acte ; il suffit que la ratification
en rappelle/« substance, et fasse connoître suffisamment
l’acte qu’on approuve. D um oulin, qui a traité cette ques
tion s u r i’ancienne Coutume de Paris, au mot dénom
brem ent, nombres 88 et 89, distingue deux sortes d actes
confirmatifs; le prem ier, fuit en pleine connoissance de
cause, cum causœ cognitione et ex certa conscientia confrm a n tis quando enarrato loto tenore conjìrmati approbatur , recogniscitur et conjìrmatur. Cet acte, d it-il,
prouve autant, et fait foi comme le premier titre cons
titutif; il dispense celui qui le rapporte de produire le titre
primordial.
L ’acte qui est simplement confirm atif, et sans connois
sance de cause , confirm atiofacta in form a com m uni
quando non exprim itur ad longum ténor conjìrm ati,
ne dispense pas de rapporter le titre prim itif, et il faut que
la ratification s’y trouve conforme : voici comment il
s’exprim e, nombre 8 9 , Jn primo casu instrumentum
confìrrnalionis in fo rm a com m uni nonprobat ncc fa c it
Jìdem d e donatione privilegio vel. alio quovis jure c o t i Jìrinato , sed necesse est de ilio docere per instrumen
tum originale ,• secundo vero casu sufficit producere
instrumentum confi rniationis ex certa scientia et piene
�( 32 )
probat etiam s i non aliter doceatur de origin ali conJirniato.
V o ici donc la seule différence qui se trouve entre la
ratification faite en connoisance de cause, et où l’acte
qu’on ratifie est confirmé dans toute sa teneur , d’avec
la ratification qui n’est faite qu’en forme commune , et
où le titre prim itif n’est pas rapporté. La première fait
foi en justice , seule et sans qu’il soit nécessaire de rap
porter le titre originaire ; l’autre ne prouve qu’autant
qu’elle est accompagnée du titre prim itif-, mais c’est aussi
la seule différence qui s’y rencontre.
Eu appliquant cette autorité que le sieur Daudin invoque
lui-m êm e, quelle conséquence faut-il en tirer ? La vente
consentie par la mère , n’est pas rapportée dans son con
texte , ni avec sa date , et alors pour se servir de sa
ratification , M . Capelle doit rapporter la vente qui a été
consentie par la dame veuve Daudin , afin d’établir que
la ratification s’y réfère, et ne peut avoir d’autre objet.
L ’arrêt rapporté dans l’Epine de Grainville est abso
lument étranger à la question. Il s’agissoit de savoir si
une donation qui ne pouvoit avoir lieu que par contrat
de mariage , et qui étoit faite par un frère comtne se
"portant ¿fort pour sa sœur, avoit pu être ratifiée vala
blement par la sœur dans un acte postérieur au contrat.
L ’arrêt intervenu après partage déclare la ratification
nulle , ainsi que la donation , par cela seul que la dona
tion ne pouvoit être faite sans une procuration spéciale,
et qu’elle ne pouvoit avoir lieu qu’en contrat de mariage :
ce n’est pas là ce qu’il s’agit d’exam iner, mais seulement de
savoir si celui qui ratifie une vente consentie par une
personno
�A y
’ ( 33^)
.
^ ...
.
personne qui n’avoit pas le droit de vendre peut revenir
contre sa ratification. Les tuteurs ont toujours décidé le
contraire. B rillon , dans’ sort Dic’tiorinairë des arrêts, au mot
rotißention, s’exprime ainsi : Une'pêirsonne vend le bien
Jd’autrui, la vente fa’est pas bônriëi; mais si le propriétaire
ratifie, le contrat prend sq force du jour de la ratification'.
Il cite un arrêt du 7 février i;6 n , qui l’a ainsi jugé. rr
L e sieur Daudin n’est‘ pds plus lïeureüxPeii citant le
Code c iv il, qu’il ne traite encore qiié^de projet. L ’ar
ticle 1338 du Code civil ( loi 'du -17 pluviôse an 12 )
porte : L ’acte de confirmation ou ratification contre laquelle
la loi admet l’action en nullité ou en rescision , n’est
valable que lorsqu’on y trouve 'la substance de cette obli
gation. O r , la ratification du i^.^mdrs 1788 ne con
tient-elle pas la substance de la vente de 1782 ? Daudin fils
ratifie les actes que sa mère à consentis en faveur de M .
Capelle, du domaine du Vernet et de tout ce qui en
dépend, et promet le faire jouir en vrai propriétaire. Cet
acte s’applique essentiellement et exclusivement à la vente
de ce domaine et dépendances; il contient l’intention de
l’exécuter; il renferme l’obligation qu’entraîne la vente,
qui est de faire jouir l’acquéreur ; et il est ridicule d’exiger
une plus grande spécialité , de vouloir trouver du vague
dans des expressions qui ne peuvent s’appliquer qu’au
seul objet vendu , au domaine du Vernet.
L e sieur D audin, d’ailleurs, peut-il dire qu’il ne connoissoit pas la vente consentie par sa mère ? Dans sa
lettre du 28 mars 1782, il prouve qu’il dirigeoit toutes
les affaires de sa maison , et il donne à M . Capelle des
détails sur le cheptel des bestiaux, qui font voir évidem»
E
�\;v*
.
( 34)
ment qu’il connoissoit toutes les clauses de la vente. Dans
.celle du 10 août 1783, il reconnoît encore que M . Gapelle
a payé le prix soutenu au contrat. Il est bien déloyal de
la paît de Dqudin de vouloir abùsçr, des expressions de
cette lettre; elle n ’est point relative/aux conventions qui
avoient été faites entre M . Capelle et la dame Daudinr,
mais bien à l’interrogat que lui avoit fait subir le sieur
^S'strières , qui prétendoit que le prix de la vente-avoit
été exagéré; et lorsqu’ il a affirmé en justice, sous‘la foi
du serment, que M . Gapelle avoit payé l’entier prix ex
primé au contrat de ven te, ne doit-on pas être indigné
de le voir aujourd’hui avouer un parjure, le déclarer sans
_pudeur, pour avoir le plaisir d’inculper M . Gapelle, et
_se faire uu moyen contre lü i?jL a lettre du 25 mare 1787
est une ratification nouvelle de la vente; il reconnoît que
M . Capelle est propriétaire ; il l’engage à contester au
seigneur de V aladis, pour se dispenser par là de payer
60 fr. d’arrérages échus avant la vente ; et lorsqu’à la
suite de toutes ces lettres le sieur D audin, m ajeur, ratifie
.cette vente de 1782 , fera-t-il croire qu’il ii’a pas su ce
qu’il ratifioit, ce qu’il approuvoit, parce qu’il s’est servi
d’un terme générique , qu’il a parlé des actes consentis
,par sa m ère, quoiqu’il n’y eût qu’une seule vente ?
M . Capelle ajoute encore un autre m oyen, qui se tire
de la prescription de :dix ans entre présens : cette pres
cription , admise en droit é crit, demandç juste titre et
bonne foi. M . Capelle a l un et l’autre ; il a le titre, c’est
la vente de 1782 et la ratification de 1788 ; il est aussi en
bonne f o i , puisque la daine Daudin lui a vendu en son
nom personnel , et sans faire çoïinoîlre le testament
�( 3 5 );.
_ . . . .
.
d’Etíenne Descaffres. Ici D audia se ré crie , et prétend
que M . Capelle n’étoit pas en bonne fo i, parce qu’il a
su le vice de la ven te, et qu’il avoit connoissancë du tes
tament; il rappelle un passage de l’écriture signifiée le 8
floréal an 9 , dans laquelle le défenseur avoue que M .
Capelle avoit cette connoissancë. M . Capelle est étonné
lui-mêm e de cette déclaration, qui émane de son défen
seur : on ne peut l’attribuer qu’à l’inadvertance, parce que,
dans la vérité, M . Capelle n’á'connú le testamènt que
depuis la demande qui a été formée contre lui. Mais
M . Capelle n’a pas besoin de se livrer à d’autres réflexions
sur ce p oint, parce qu’on ne peut pas disconvenir qu’au
moins M . Capelleseroit en bonne foi du jour de la: rati
fication du I e r . mars 1788. Dès ce m om ent , il a eu le
titre du* véritable propriétaire. O r , depuis le I e r . mars
1788 jusqu’au 4 vendémiaire an 8 , date de la demande,
qui représentele 26 septembre 1799, il s’ést écoulé dix ans
six mois et vingt-six jours. M . Capelle auroit donc un
temps plus que suffisant pour préscrire ; et le sieur D audin
l’a si bien reconnu 4 qu’il a voulu recourir à un moyen
extraordinaire, pour prouver qu’il ne s’étoit pas écoulé
un délai emportant la fin de non-recevoir. Il invoque la
disposition de la loi du 1 5 germinal an 3 , qui relève de
la prescription les personnes qui ont été détenues à l'oc
casion de la révolu tion , ou du moins suspend le cours de
la prescription depuis le mandat d’arrêt jusqu’à la publi
cation de la loi. L e sieur Daudin prétend avoir été détenu
depuis le 24 messidor an 2 , et n’avoir obtenu sa liberté
que par arrêté du 17 pluviôse an 3. M a is le sieur Daudin
seroit bien embarrassé de prouver sa réclusion ; il n’a
E 2
�C 36; >*
jamais été détenu. L ’arrêté du comité de sûreté générale
dont il parle est un arrêté qui s’applique généralement à
tous les réclus, sans en désigner aucun; et M . Capelle est
porteur d’un certificat du secrétaire général de la préfec
ture du Cantal, qui constate que parmi les papiers des
ci-devant comités révolutionnaires qui existent dans les
archives de la préfecture, il n’est aucun registre qui date
les époques pendant lesquelles les reclus ont été détenus,
soit dans les maisons de reclusion, soit d’arrêt.
L e sieur Daudin voudroit encore écarter cette pres
cription , sur la circonstance qu’il n’étoit pas domicilié
dans le même bailliage que M . C apelle, et que dès-lors il
doit être réputé absent au moins jusqu’au moment où le
bailliage de V ie a été réuni au district d’Aurillac. Mais
le sieur Daudin est encore dans l’erreur. Suivant le droit
rom ain, on ne répute absens que ceux qui sont domiciliés
en différentes provinces ; et ici les parties doivent se régir
par le droit romain. A la v érité, quelques coutumes réputent absens ceux qui demeurent en différens bailliages -,
mais le statut de ces coutumes est réel, et ne peut s’étendre
au delà de leur territoire. On ne doit point considérer ces
dispositions particulières comme une règle générale du
droit français ; il faut toujours en revenir à la disposition
de la l o i , et on défie le sieur Daudin de citer une seule
loi du droit romain qui contienne une semblable dispo
sition : on verra qu’elles ne parlent que de ceux qui étoient
domiciliés en différentes provinces. D ’ailleurs, dans l’es
p èce, le bailliage de V ie ressortissoit au bailliage d’A u
rillac ; le domaine est situé dans le ressort du bailliage de
V ie , où étoit domicilié le sieur Daudin. Il pouvoit tous
�i
( 37' ) ’
les jours, à chaque instant, être témoin de la possession
et de la jouissance du sieur C apelle, et l’exception dans
laquelle il voudroit se placer n’est que ridicule.
M . Capelle daignera-t-il jetter un regard sur l’officieux
Desprats , qui convient avoir acquis des droits litigieux ,
qui n’a donné un prix modique que parce qu’il savoit qu’il
avoit un procès à soutenir, qui prétend avoir acquis lors
qu’il étoit déjà débiteur du sieur Daudin , et qui a osé se
plaindre du jugement, parce que M . Capelle n’est pas con„ damné à lui restituer les jouissances dépuis la vente d e i 782.
Il faut convenir que si, pour la somme de 6000 fr. payée ou
n on , Desprats obtenoit le désistement du domaine du V e rnet, acquis 21600 francs, et les restitutions de jouissances de
ce domaine depuis 1782, c’est-àdire, depuis vingt-trois ans,
ce seroit certainement une spéculation très-avantageuse :
on n’en fait pas d’aussi bonnes sur la place. Mais une pré
tention de cette nature n’est digne que du mépris : c’est
le comble de l’impudence ; et M . Capelle se doit à luimême de ne pas entrer dans une plus longue discussion
sur ce point. Il suffit de renvoyer aux motifs du juge
ment dont est appel.
La dame Daudin est aussi appelante; elle refuse de
garantir M . Capelle de l’éviction : on ne lui répondra
qu’un seul m o t, c’est que celui qui vend la chose d’au
trui est tenu de garantir. Lorsque le vendeur connoît
les vices de la chose, il est ten u , outre la restitution
du prix qu'il en a reçu , de tous les dommages-intérêts
envers l’acheteur. L ’article 1645 du Code civil n’est en
cela que la confirmation des lois anciennes et de la doc
trine de tous les auteurs. L a dame Daudin savoit mieux
�( '3 8 )
que personne qu’elle n’étoit pas propriétaire du domaine
du Vernet. Peu importe que M . Capelle le sût ou
l’ignorât ; il a pu se contenter de la garantie personnelle
de la vendéresse ; et cette dernière est tenue de tous les
effets qu’entraîne avec elle la garantie qu’elle a promise.
Il ne reste plus que la demande en garantie solidaii^e.
que M. Capelle a formée contre D audin, sur la demande
en désistement de Desprats. D audin, stellionataire, puis
qu’il avoit déjà ratifié au profit de M . C apelle, est
nécessairement garant de l’action intentée par Desprats.
L e jugement dont est appel a ordonné que les parties
contesteroient plus amplement sur ce chef. D o it - o n
regarder cette disposition du jugement comme purement
d’instruction, ou bien e s t-c e un déni de justice? Si
la cour pense que l’appel est recevable dans ce ch ef,
M . Capelle s’en plaint également, et prouvera dans ce
cas que sa garantie ne peut lui être refusée. Mais aupara
vant il faut décider si cet appel peut être examiné en
la co u r, et M . Capelle s’en rapportera sur ce point à
la prudence des magistrats. 11 ose même se flatter qu’il
sera inutile d’en venir à cette discussion , parce que M.
Capelle étant porteur de deux titres authentiques qui
Jui assurent la propriété inçommutable du domaine du
V e rn et, toutes les allégations de Daudin viennent se
briser contre ces actes. Les magistrats s’empressent tou~
jours d’accueillir tous les moyens qui tendent h confir
m er, à maintenir des actes solennels, ut potiùs actus
va ka t quàm ut perecit ; et la coiïr repoussera avec
indiguation des assertions calomnieuses et mensongères
qui ne peuvent atteindre un ancien magistrat dont l’exis-
�( 39 )
tence, la fortune et la probité sont à l’abri de toute
atteinte.
D audin, réuni à sa mère et à Desprats, peut-il espérer
quelque faveu r, lorsqu’on jette un coup d’œil sur la
conduite qu’ il a tenue jusqu’ici.
Ces ventes successives qu’il a fait consentir à sa m ère,
dans l’intervalle de trois jours, pour rendre sa garantie
illusoire; la reconnoissance de. 48000 francs qu’il lui a
fait souscrire à son profit; la cession de Desprats ; celle
faite à Chaunac, son beau-frère : toutes ces machinations
perfides, ne conviennent point à un homme délicat; et
lorsqu’il ose se permettre d’inculper M . Capelle, de lui
reprocher d’avoir manqué aux lois de l’honneur et de
la probité, on peut lui répondre avec le fabuliste : M utato
nom ine fabula de te narratur.
M e. P A G E S ( d e R io m ) , ancien avocat.
M e, M A R I E , avoué licencié.
A R IO M , de l'imprimerie de L a n d r i o t , seul imprimeur d e la
Cour d ’a p p el.— Messidor an 13.
�
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The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
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/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Capelle, Fançois. An 13]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Pagès
Marie
Subject
The topic of the resource
ventes
abus de confiance
abus de faiblesse
prescription
éviction
minorité
testaments
Description
An account of the resource
Titre complet : Précis en réponse pour M. François Capelle, ancien magistrat, intimé et appelant ; Contre sieur Eléazard Rostang, Etienne Daudin, appelans et intimés. Encore contre Antoine Desprats, et contre dame Marguerite Sobrier, veuve de Jean Daudin, appelans et intimés.
Table Godemel : Dol : 1. Vente du 1er mars 1782 critiquée de nullité comme ayant été surprise, à une femme, par des manœuvres concertées entre l’acquéreur et le fils mineur de la venderesse. Eviction : 2. si la vente d’un immeuble et la ratification qui en a été faite par son héritier, devenu majeur, sont nulles, le vendeur qui a contracté en son propre et privé nom et reçu le prix, peut-il être dispensé de garantir l’éviction sur le fondement que le vice du contrat même en est la cause, et que l’acquéreur connaissait l’incapacité du vendeur ? Exécuteur testamentaire : autorisé à vendre pour payer des dettes, peut-il vendre sans aucune formalité pendant la minorité de l’héritier ?... L’acquéreur doit-il surveiller l’emploi des deniers ? Prescription : l’acquéreur, dont le titre est vicieux, peut-il se prévaloir de sa possession, et opposer, en pays de droit écrit, de l’action en nullité et en désistement, la prescription de dix ans entre présents et de vingt ans entre absents ? Ratification : 1. l’acte par lequel l’héritier devenu majeur ratifie les actes passés par l’exécuteur testamentaire, soit-il, pour être valable, énoncer expressément les actes ratifiés ? cet acte, s’il est sous signature privée, doit-il être fait double ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'Imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
An 13
1782-An 13
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
39 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G1513
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G1512
BCU_Factums_M0404
BCU_Factums_G1514
BCU_Factums_G1515
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53253/BCU_Factums_G1513.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Vic-sur-Cère (15258)
Vernet (domaine du)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Abus de confiance
abus de faiblesse
éviction
minorité
prescription
testaments
ventes
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53252/BCU_Factums_G1512.pdf
5d1c5daa1c6d9d3a80e59c159bb1da36
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Text
MEMOIRE
POUR
E l é aza r d - R o s t a n g - E t i e n n e
DAUDIN ,
propriétaire
CONTRE
,
C A P E L L E ci-devant conseiller au.
bailliage et siège présidial d'Aurillac ;
F r a n ç o is
e n
D 'A n t o i n e
p r é s e n c e
DESPRATS,
E t de dame M a r g u e r i t e S O B R I E R ,
de Jean D a u d i n .
veuve
Peu de causes méritent autant l’attention de la
cour.
Quels que soient les faits qui y ont donné lie u ,
A
�(*)■
le sieur Daudin ne se permettra aucun écart ; il n’aura
garde d’oublier qu’il plaide contre un ancien magis
trat; il respectera, dans son adversaire, et la charge
dont il a, été revêtu, et le tribunal dont il a été membre.
«
F A I T S .
L e domaine de V e rn e t, dont il s’a g it, a appartenu
originairement à Etienne Descaffres.
L e 3 avril11773 ,'Étienne Descafiïes fit son testament,
par lequel, après différens legs k différens neveux, il
légua à la dame Sobrier', veuve Daudin, sa nièce, tout
son m obilier, et l’usufruit de tous ses immeubles, jus
qu’à la majorité de Daudin son fils, et institua ce der
nier pour son héritier général1et universel; et attendu,
est-il dit, que l’héritier ne peut; actuellement recueillir
l’hérédité , le testateur nomme pour exécutrice testa
mentaire ’la dame Sobrier, à laquelle, est-il ajouté, il
donne plein et entier pouvoir de vendre ou délaisser
des biens immeubles de son hérédité pour le payement
des legs et des dettes passives. ■
Le premier mars 1782 , la dame Sobrier, veuve Dau
din, simple usufruitière, a vendu au sieur Capelle le
domaineTde V ern et, dépendant de la succession. C’est
ce domaine que fait l’objet de la contestation.
Rien de plus simple que les termes de la vente. La
dame veuve Daudin vend purement et simplement, en
s o n nom et comme chose a elle appartenante , avec toute
garantie, ce domaine, moyennant la somme de 21600 fr.,
dont le contrat porte quittance.
�( 3 )
.
'
Mais comment cette vente a - t - e l l e été consentië?
C ’est ce qui reste à développer ; ce qu’il a fallu enfin ;
dévoiler, puisque Capolle en a imposé la nécessité.1
Le jeune Daudin, héritier .institué ,! âgé alors seule-’;)
ment de 19 ans, avoit conçu la passion la plùsl violente^
pour celle qui est aujourd’hui son épouse. Cette pas
sion fut encore irritée par l’opposition d’une mère ,
qui ne désiroit pas voir sitôt l’établissement de son
fils. Il résolut de vaincre tous les obstacles , et de con
tracter, en pays étranger, un mariage auquel il ne
voyoit point de possibilité en France. Pour exécuter
ce projet, il falloit des ressources pécuniaires : il s’adressa
au sieur Capelle.
I^e hasard l’avoit mieux servi qu’il ne pouvoit espérer.
La dame veuve Daudin, dans un moment où ses infir
mités ne lui permettoient pas d’a g ir, pleine de con
fiance dans un fils unique qu’elle aimoit aveuglément,
lui avoit confié des signatures en blanc. Muni de ces
signatures, il en fit confidence au sieur Capelle , et lui
proposa en même temps de lui vendre le domaine de
V ern et, domaine contigu à une autre de ses propriétés,
et par conséquent singulièrement à sa bienséance.
Capelle n’eut garde de laisser échapper une si belle
occasion.
Il fut d’abord incertain s’il prendrait un acte de loca-.
terie perpétuelle pour éviter le droit de lods , ou s’il
prendvoit un acte de vente : il s’arrêta à ce dernier parti.
On fut bientôt d’accord sur le p rix ;' Capelle le fixa
lui-meme à 13800 f r ., cheptel et grains tout compris.
�t r4 )
!Mais comment 'rédiger l’acte de vente ?
Il ne pouvoit acheter du fils, parce qu’il étoit mineur.
La mère a v o it ,à la vérité , pouvoir par le testament
de vendre ; mais le pouvoir n’étoit donné qu’à la charge
de l’emploi,- : '
• Capelle ne trouva d’autre expédient, que de faire
consentir la vente purement et simplement par la mère,
et en son nom.
-C e point arrêté, il délibéra s’il prendroit une vente
sous seing privé , à l’aide d’une des signatures en blanc.
Il y trouva trop d’inconvéniens ; la vente sous seing privé
ne lui donnoit ni hypothèque ni date contre des tiers.
Il pensa qu’il ne pouvoit contracter avec sûreté que
par acte devant notaire.
- Mais ici même les obstacles augmentoient. Comment
parvenir à une vente pardevant notaire ? Il falloit que
la mère compaïût elle-même. On ne pouvoit la sup
pléer par l’interposition d’une autre personne : les suites
en auroient été trop dangereuses. On ne pouvoit la
suppléer non plus par les signatures en blanc ; le notaire
ne s’y seroit pas prêté. Il falloit donc que la mère se
présentât. Mais comment l’y déterminer ? Comment la
déterminer à vendre ce qu’elle savoit ne pas lui appar
tenir? à vendre 13800 fr. , cheptel et grains, un domaine
qui-valoit près du double ?
,
f .
!■D ’un autre côté , la ven te, même consentie p arla
nière en son nom , pouvoit assurer les deniers, mais
n’assuroit pas la propriété : nonobstant cette vente,
Gipelle n’étoit pas moins exposé à être évincé un jour
par le fils.
�( 5 )
Toutes ces difficultés furent aplanies*
Il fut convenu qu’on feindroit de porter le prix à
une somme beaucoup plus considérable , dont le contrat
porteroit quittance ; que Gapelle feroit des billets ou,
lettres de change, pour l’entier montant de la somme;
qui seroit énoncée en l’acte de vente : mais qu’en même
temps , et à l’instant de l’acte, le sieur Daudin remettroit
secrètement une quittance de l’excédant, et qu’il rempliroit à cet effet une des signatures en blanc étant en
ses mains. A u moyen de cette quittance, Capelle ne de
meurait effectivement obligé que pour 13800 fr.
La quittance délivrée , les billets représentatifs de
l’entier prix devoient être remis à la mère , des mains
de laquelle le fils se promettoit bien de les enlever ; ce
qui étoit facile par la confiance sans bornes de la dame
Daudin , qui n’avoit rien de iéservé ni de secret pour
lui. Les billets enlevés, Capelle devoit les acquitter jus
qu’à concurrence du prix convenu.
Il restoit une dernière précaution. Capelle n’entendoit avancer les deniers qu’autant qu’il auroit la pro
priété incommutable du domaine. Pour se mettre à
l’abri de toutes recherches de la part du fils , il falloit
imaginer encore un moyen.
Ce moyen fut de faire remettre , avant tout , par
le sieur Daudin , une ratification , avec la date en blanc,
qu’il rempliroit comme bon lui sembleroit, à l’époque
de la majorité : et comme il étoit encore indécis s’il
prendroit une vente pour un prix fixe et déterminé ,
ou une locaterie perpétuelle , il la fit générale. Elle est
conçue en ces termes ;
�( 6 )
« Je soussigné approuve et ratifie les actes que ma
« mère a consentis en faveur de M. Capelle , con« seiller , du domaine du Vernet et tout ce qui ea
« dépend , et promet le faire jouir en vrai propriétaire.
« Fait le
- 1
Signé Daudin de la
« Fabrie. » Il n’est pas indifférent d’observer qu’il n’est
pas d it , Fait double,
La- date a été depuis remplie. lia ratification est rap
portée aujourd’hui , à la date du 21 mars 1788. Il paroît
encore qu’il a été fait des altérations et des surcharges
sur plusieurs letti;es du corps de l’acte.
L e plan ainsi concerté et préparé , la mère se rendit
à Aurillac , et là elle consentit la vente dont il s’agit.
Par cette vente , elle vend en son nom , avec pro
messe de garantir , fo u r n ir et fo ir e valoir, au sieur
Capelle , acceptant, le domaine de V ern et, tel q u il
se poursuit et comporte, avec les bestiaux et outils
d'agriculture , ensemble, sur la récolte pendante par
racines , la quantité de 5o setiers de blé seigle , et le
quart de ce que la récolte pourra produire en sus des 5o
setiers , moyennant la somme de 21600 f r . , dont le con
trat porte quittance. En représentation du prix , Capelle
délivra des billets ou lettres decliange ; et Daudin, de son
côté , lui remit, en particulier, et à l’insu de la mère, la
quittance convenue , dont il avoit rempli une des signa-*
tures en blanc.
Iln e s’agissoit plus que d’enlever les billets ou lettres
de change. Daudin n’eut pas de peine à y parvenir ;
et ; au moyen de ce , il effectua le projet qu’il avoit
�( 7 )
conçu d’aller en Italie contracter l’union dont il faisoit
dépendre son bonheui’.
11 partit effectivement le n mai 1782.
La mère s’aperçut bientôt de l’enlèvement djs effets.
Elle rendit plainte devant le sieur Sistrières , lieute
nant général civil et criminel au ci-devant bailliage
de Vie. Il y eut des témoins entendus. Le fils ayant
ensuite fait la paix avec sa mère , cette procédure n’eut
pas d’autres suites.
Elle fit naître cependant un autre procès.
Le sieur Sistrières , seigneur ou se prétendant seigneur
du domaine de V ern et, éclairé par l ’information sur
le véritable prix de la vente , v o u lu t exercer le retrait
féodal. C a pelle craignant que Daudin ne fît une décla
ration contraire à ses intérêts , lui fit parler par un de
ses parens ; et ce fut à cette occasion que celui-ci lui
écrivit la lettre du 10 août 1783 , lettre dont Capelle a
cru pouvoir faire usage , et qu’on transcrira plus bas.
Cette instance a été pareillement terminée à l’amiable
par un acte du 5 mai 1789 , passé entx-e le sieur Sistrières
et Capelle. Il paroît que par cet acte Sistrières s’est
départi de sa demande.
Daudin, à l’époque de la vente , étoit, comme on l’a
déjà d i t , âgé seulement de 19 ans.
L e temps a amené la réflexion. Il n’a pas tardé à
reconnoître combien il avoit été lésé , combien on avoit
abusé de son inexpérience.
. •
Après avoir cherché inutilement à terminer ¿\ l’amia
ble avec le sieur Capelle, il a pris le parti de céder au
�( 8 : i
jsieur Desprats, par acte du 2 vendémiaire an 8 , tous
les droits qu’il pouvoit avoir résultans du testament
d’Etienne Descafîres , même les actions rescindantes et
rescisoires, moyennant le prix convenu entre eux , porté
dans l’acte à la somme de 6000 fr. seulement , et sous
la condition d’acquitter toutes les dettes et charges de
la succession. Par une clause particulière, il est dit qu’il
demeure convenu que Desprats pourra agir et exercer
les droits et actions cédés, au nom du cédant; à l’effet de
quoi le présent acte lui tiendra lieu de procuration pour
intenter audit nom toutes demandes , sans que ladite
procuration puisse être révoquée par le vendeur, comme
faisant partie de l’acte.
Cette vente et cession a été enregistrée le même jour,
2 vendémiaire , et transcrite au bureau des hypothèques
le i 5 du même mois,
1
En cédant ses droits , le sieur Daudin croyoit se
rédimer de tout procès : on va voir lo contraire,
Desprats ne tarda point à agir,
L e 4 du même mois de vendémiairo , et avant la
transcription, il fit citer Capelle, sous le nom de Daudin ,
comme il en avoit le pouvoir par l’acte , en conciliation
sur la demande qu’il se proposoit de former en désis
tement dudit domaine dont il jouissoit, est-il dit , en
vertu d’une vente surprise à la dame veuve Daudin,
Capelle comparut sur cette citation, par son fils , qui
répondit qu’il étoit d’autant plus étonnant que Daudin
l ’accusât d’avoir usé de surprise, qu’il ayoit lui-môme
approuvé et ratifié la vente.
La
�f 9>
La conciliation n’ayant pas eu lieu , Capellc crut
devoir agir de vitesse. Il actionna, le premier, Daudin ,
sous le nom duquel il avoit été cité au bureau de paix ,
devant les juges du tribunal de Saint-Flour, par exploit
du 8 brumaire suivant, pour voir dire qu’il seroit gardé
et maintenu dans la propriété et possession dudit do
maine , se voir faire défenses de l’y troubler , et se voir
condamner aux dépens.
Le 9 du même mois, Desprats obtint une nouvelle
cédule du juge de paix. Dans cette cédule , après avoir
rappelé la cession qui lui avoit été consentie par Daudin ,
il exposa qu’il avoit été convenu par ledit acte qu’il
pouiToit agir au nom de son cédant, à l’effet de quoi
l ’acte lui tiendroit lieu de procui’ation ; qu’il avoit en
conséquence cité, sous le nom dudit D audin, Capelle ;
mais que celui-ci ayant excipé d’une prétendue ratifica
tion , qui pouvoit faire naître des discussions entre e u x ,
il entendoit agir en son nom , et se subroger aux pour
suites encommcncées.
La conciliation ne réussit pas plus cette seconde fois
que la première.
. Le procès verbal de non-conciliation est du 16 bru
maire. Dès le lendemain 17 , Desprats fit assigner Capelle
au tribunal civil de Saint-Flour, et conclut par l’assigna
tion au désistement du domaine, avec restitution des jouis
sances et dégradations depuis l’indue détention.
Le i 5 iloréal, jugement contradictoire intervint, qui,
sans préjudice du droit et des moyens respectifs des par
ties , ordonna , avant faire droit , que dans la décade
Capelle seioit tenu de déposer au greffe du tribunal civil
33
�i* ..
( 10 )
la ratification du contrat de vente consentie par Daudin,
dont il avoit excipé à l’audience , sinon qu’il seroit fait
droit.
Capelle ne se pressa pas d’exécuter le jugement.
Les tribunaux civils ayant bientôt après cessé d’être
en activité, Daudin le fit assigner, par exploit du 23
thermidor an 8 , au tribunal d’arrondissement d’Aurillac , pour , faute par lui d’avoir déposé la ratification,
soit au greffe du tribunal civil de Saint-Flour, soit à
celui du tribunal d’A u rillac, conformément au jugement
rendu entre les parties, se voir condamner à se désister
du domaine, avec restitution des jouissances et des dé
gradations, h compter de l’indue détention ; sauf, est-il
d it, audit Daudin, à s’arranger avec celui auquel il
avoit vendu ses droits, c’est-à-dire, avec Desprats.
Par le même exploit, il fit citer Desprats pour assister
en la cause , et prendre telles conclusions qu’il aviseroit.
Le 7 fructidor, ’ Capelle prit enfin le parti de dépo
ser l’acte', il fut dressé procès verbal du dépôt , lor3
duquel procès verbal, le greffier, qui avoit le plus grand
intérêt, pour ne pas s’exposera être compromis lui-même,
de constater l’état de la pièce, telle qu’elle IuLétoit re
mise, vérifia et constata que dans le corps de l’acte, et
sur plusieurs lettres, il paroissoit qu’on avoit passé la
plume avec une encre plus noire.
Le 9 vendémiaire an‘9, nouvelle citation, aux mêmes
fins,’ par Daudin, tant à Capelle qu’a Desprats; citation
nécessitée par le rétablissement des avoués.
' Le 9 frimaire, demande en recours de Capelle contre
la veuve Daudin, demande qui a ensuite été renouve-
�5 oj
( II )
lce par autre citation du 29 messidor an 9 , après avoir
essayé la voie de conciliation ; formalité qui avoit été
omise lors de la première citation.
Le 25 ventôse an 9 , Capello a présenté requête à
l ’effet de faire interroger sur faits et articles, et Daudin,
et Desprats, et la dame veuve Daudin.
,
Comme il a cherché à tirer avantage de ces interro^
gatoires, il est nécessaire de les mettre en partie sous
les yeux du tribunal.
I
n t e r r o g a t o i r e
r
S’il
connoît
d e
D
a u d i n
.
r
des dettes actuellement existantes de
la
succession d’E tienn e Descaffïes ?
A répondu en conuoître, sans pouvoir dire à quelle
somme elles peuvent se monter.
D ’où provient sa créance sur sa mère , à raison de
laquelle il lui a fait souscrire des engagemens pour
une somme considérable , par actes des 7 octobre 1790
et 28 novembre 1792 ?
A répondu que les différens actes souscrits par sa
mère, en sa faveur, jusqu’à concui’rence de 47 à 48000 fr.,
eurent pour motifs des arrangemens de famille, étrangers
au sieur Capelle.
Pourquoi il n’a vendu que 6000 fr. l’entière succession
de DesçafFres ?
A répondu que l’événement de l’acquisition dont se
ehargeoit Desprats étant très-incertain , il n’en voulut
pas donner une plus forte somme ; que le répondant fut
>
3 2
�C ** )
obligé d’accepter à cause des besoins où il étoit en ce
moment, et qu’il seroit inutile de détailler ici.
Poui-quoi, malgré les ventes consenties par sa mère,
il n’a pas été payé des sommes qu’elle lui doit?
A répondu que ces ventes n’avoient pour objet que
des arrangemens de famille, et que ces ventes n’avoient
pas été faites dans l’intention de les opposer au sieur
Capelle.
Pourquoi il a vendu à Chaunac pour iooo fr. ses
créances mobilières, dont celles sur sa mère montent à
48000-fr. ?
A répondu que c’étoit pour des motifs d’arrangemens de famille, étrangers au sieur Capelle, et au procès
dont il s’agit.
S’il a payé les frais des ventes consenties à Desprats
et à Chaunac ?
A répondu que oui; mais qu’il avoit fait ces avances
pour leur compte.
Si le 2 vendémiaire an 2 il n’étoit pas créancier
du sieur Desprats d’une somme - considérable ?
A répondu que depuis plus de 10 ans il a fait des
affaires avec le sieur Desprats ; qu’ils ont été débi
teurs et créanciers mutuels ; mais qu’il ne se rappelle
pas si à cette époque il étoit créancier ou débiteur.
I
n t e r r o g a t o i r e
de
D
e s p r a t s
.
Si à l’époque de la vente qui lui fut consentie par
Daudin , il n’avoit pas connoissance que Capelle avoit
acheté depuis long-temps le domaine de Vernet ?
�3o y
^ 13 ^
A répondu avoir ouï dire que Capelle jouissoit de
ce bien en vertu d’un acte n u l, comme ne l’ayant pas
acquis du véritable propriétaire.
S’il connoissoit quelques dettes passives de la succes
sion d’Étienne Descafïïes ?
A répondu «voir ouï dire qu’il y avoit des dettes
passives -, mais qu’il n’en avoit point de connoissance
paria ite.
S'il avoit payé les frais de vente ?
A répondu que Daudin eu avoit fait les avances, et
qu’il les lui avoit remboursées.
Si à cette époque il ne devoitpas à Daudin une somme
considérable ?
A répondu qu’il ne lui devoit pas grand’cliose ;
qu’ayant des comptes courans avec lui depuis longues
années , et se trouvant tantôt débiteur , tantôt créancier 3
il ne pou voit fixer de combien il étoit débiteur.
Pourquoi il avoit tardé jusqu’au i 5 vendémiaire à
faire transcrire la cession ?
A répondu qu’il est libre à tout acquéreur de faire
transcrire quand il le juge à propos.
In t e r r o g a t o ir e
de
la
dame
veuve
D
a u d in
.
.
Pourquoi, à différentes époques, elle a souscrit des
actes qui la constituent débitrice de son fils de sommes
considérables ?
A répondu que c’est pour certains arrangemens et
conventions de fumille , dont elle ne doit compte à per
sonne.
-v
�Cwt>
V ; .•
( 14 )
Si elle sait que son fils a vendu k Desprats la suc
cession dont dépend le domaine de Vernet qu’elle vendit
au sieur Capelle le I er. mars 1782?
A répondu qu’elle n’a aucune connoissance des affaires
que fait son fils.
Si elle sait qu’il a vendu ses créances mobilières à
Chaunac ?
A répondu de même.
Si elle a paj^é des legs portés au testament d’Etienno
Pescaffres ? si elle a payé des dettes pour la succession de
son mari ?
A répondu que oui.
A quelles sommes peuvent se monter les difFérens
payemens ?
A répondu que les ayant faits à différens termes et
époques , elle n’en a pas conservé la mémoire.
Si Cliaunac lui a fait notifier la vente que son fils lui
a faite de ses créances mobilières?
A répondu que oui,
Pourquoi, après avoir vendu ses biens , elle doit encore
des sommes considérables à son fils et à d’autres personnes ?
A répondu que les circonstances de la révolution lui
ayant occasioné des dépenses et des sacrifices considé
rables , elles ont absorbé les fonds, et l’ont mise dans
l ’impossibilité d’acquitter sa dette.
A la suite de ces interrogatoires, et le 8 floréal an 9,
Capelle a présenté une requête'contenant ses premières
défenses. .Dans cette requete il commence par rendre
compte du testament d’JËtieune Descaflrcs. il rappelle
�( i5 )
le pouvoir donné par ce testament à la mère de vendre.
Il explique après comment la vente a eu lieu.
« Les legs, dit-il , ou les dettes reconnues par le
« testament , montant à i 58 oo f r ., en ce non compris
« les autres dettes et charges de la succession , tout le
« mobilier étant légué à la veuve, il étoit indispensable
« de vendre des immeubles pour liquider l’hérédité ;
« c’est sans doute ce qui détermina celle-ci à vendre.
« Daudin devoit connoître la destination nécessaire de
« cette vente dont il fu t nn des négociateurs. Devenu
« majeur il ratifia volontairement la vente, par acte du
« 21 mars 1788 ; d’autre part, la veuve Daudin paya
« les legs et dettes d’Etienne Descaffres.
ce A ussi, ajoute-t-il, r a s s u r é par le pouvoir que le
a testament, dont il avoit la connoissance, donnoit à
« la veuve Daudin , par l’emploi utile du prix de la,
« vente, et par une ratification que rien ne rendait
cc nécessaire, il se croyoit propriétaire irrévocable du
« domaine, lorsqu’il s’est vu citer en désistement. »
Il expose ensuite que Daudin , Desprats et la veuve
Daudin ont concerté ensemble le projet de lui enlever
une propriété qu’il avoit payée le double de sa valeur ;
qu’ils ont concerté le projet de lui enlever même tout
espoir et toute ressource de garantie sur les biens de la
dame Daudin , en simulant une infinité d’actes pour
faire disparoître sa fortune.
De là il passe au récit de la procédure.
Venant aux moyens, il a soutenu d’abord que la mère
avoit pouvoir de vendre , que le testateur avoit pu va
lablement donner ce pouvoir.
�Voici comment il s’exprime :
« Il est constant aujourd’h u i, par le rapport du tes
te tament d’Etienne Descaffrcs, du 3 avril 1773, que
« le sieur Daudin est son héritier, et conséquemment
« que le domaine de Vernet lui a appartenu. Mais le
« même testament ne lui a fait passer la succession que
« sous la condition expresse portant plein et entier pou
ce voir à la veuve de vendre pour le payement des dettes
« et legs : la clause est conçue uno contextu avec celle
ce qui renferme l’institution; elles sont indi visibles. Ce
ce pouvoir , oi’dinaire dans les testamens, n’a rien de
ce contraire ni aux bonnes mœurs, ni aux bonnes lois,
ce Les lois i re. et 3e. au Code, Quando decreto opus non
ce est , le consacrent d’une manière expresse.
ce La mère Daudin n’a pas mésusé de ce pouvoir : elle
ce vendit 21000 fr. un domaine qui ne valoit que les
e< deux tiers; elle fit payer la convenance et la fantaice sie : elle a employé le prix ,à l’acquit des dettes et
ce des legs. »
Il ajoute qu’on le dispensera, sans doute , de rapporter
les quittances des créanciers et légataires : la collusion
de toute la famille Daudin étant trop évidente, pour no
pas croire qu’on a cherché, par toutes les précautions
imaginables, à lui en dérober la connoissance ; que dans
le fait on ne connoît aucun créancier; que le conserva
teur des hypothèques a constaté , par son certificat du
ir pluviôse an 9 , qu’il n’y avoit aucune inscription sur
les biens d’Etienne Descafl'res ; qu’il y en a une, h la vérité,
de 10000 francs sur les biens de la dame ^Daudin par
Gabriel Chaunac a en vertu du testament du 3 avril 1773,
qui
�( 17 )
qui paroît être celui d’Etienne Descaffres ; mais qu’indé
pendamment qu’on ne voit pas qu’il soit rappelé dans le
testament, on voit encore moins ce qu’il auroit à de
mander à la veuve Daudin , qui riétoit pas héritière
& Etienne Descaffres.
Il a soutenu que la vente étoit encore irrévocable
comme ayant été ratifiée par le fils.
Défendant particulièrement à la demande de Desprats,
il a dit que la cession à lui consentie , datée du 2
vendémiaire an 8 , étoit nulle , comme frauduleuse et
simulée ; qu’au surplus cette cession n’avoit pu lui trans
mettre plus de droits que n’en avoit son cédant.
Il ne s’est pas borné là : il a soutenu que la ratification
faite par Daudin , en majorité , ne le rendoit pas seule
ment personnellement non-recevable a pi'ovoquer le dé
sistement , mais le î-endoit encore garant de la demande
de Desprats ; qu’il n’avoit p u , au mépris de cette rati
fication , vendre le même objet à un autre , et qu’il
devoit être condamné , même par corps, comme stellionataire , à faire cesser la demande de Desprats , ou en
ses dommages-intérêts.
Il a insisté sur la demande en recours par lui formée
contre la veuve Daudin ? qu’il a dit dans tous les cas ne
pouvoir être contestée.
11 a soutenu enfin que tous les actes passés , soit par
Daudin, soit par la dame veuve D audin, et par eux si
mulés , en fraude de la garantie, actes dont il a fait
l’énumération , étoient nuls.
Il a conclu , en conséquence , à ce que , joignant tou
tes les demandes , faisant droit sur le tout j)ar même
G
�(i8)
jugement : en ce qui touchoit Daudin , il fût déclaré
purementetsimplement non-recevabledans sa demande ; en
ce qui touche Desprats , que la vente du 2 vendémiaire an
8 fût déclarée nulle, frauduleuse et simulée ; subsidiairement que Desprats fût déclaré purement et simplement
non-recevable dans sa demande ; et où , soit Daudin , soit
Desprats parviendroient à leurs fins , faisant droit sur la
demande en garantie formée contre la dame Sobrier, et
sur celle qu’il formoit présentement contre Daudin ,
ils fussent condamnés , et Daudin par corps , comme
stellionataire , à le faire jouir du domaine , sinon à lui
en payer la valeur , ainsi que le montant des construc
tions et améliorations qu’il y avoit faites , à dire d’ex
perts , à lui rembourser les frais et loyaux coûts de la
vente , et aux dommages-intérêts résultans de l’éviction ,
suivant l’estimation qui en seroit faite par les mêmes
experts , et en tous les dépens.
Desprats , Daudin et la dame veuve Daudin ont ré
pondu chacun à cette écriture.
Desprats a soutenu la sincérité de la cession. Il a d it,
au surplus, que Capelle la contestait sans objet ; qu’en
effet , ou la vente consentie à C apelle étoit valable ,
ou elle ne l’étoit pas. Que si elle étoit valable , peu
importoit que Daudin eût revend u ou non , et que la
seconde vente eût été transcrite ou non ; que Capelle
n’en conserveroit pas moins la propriété , en vertu de
la première vente q u i, étant antéi’ieure à la loi de b ru
maire an 7 , n’étoit point sujette à la transcription pour
la transmission de la propriété : que si , au contraire ,
la vente faite à Capelle n’étoit point valable, peu lui
�5 /3
( 19 )
importait d’être obligé de se désister envers Daudin ,
ou envers celui à qui Daudin avoit vendu.
Daudin a répondu qu’on ne pouvoit lui opposer la
vente consentie par sa mère -, que cet acte lui étoit étran
ger : qu’à la vérité elle avoit , par le testament , pou
voir de vendre ; mais que , d’une part, le testateur n’avoit
pu donner ce pouvoir ; e t, d’autre p art, que le pouvoir
avoit été donné à la charge de l’em ploi, et que C apelle
étoit loin d’établir, ou de pouvoir établir que le prix
eût été employé conformément à la volonté du testateur :
Qu’on ne pouvoit lui opposer davantage la ratification :
qu’à la vérité elle paroissoit aujourd’hui à la date du 2
mars 1788 , époque à laquelle il avoit atteint la majo
rité ; mais qu’il avoit été facile à Capelle de remplir
comme il avoit voulu la date qu’il avoit eu soin de
laisser en blanc ; date si visiblement remplie après coup,
que les chiffres et m ot, 21 mars 1788 , étoient écrits
d’une plume , d’une encre et d’une main différentes ;
que pour affoiblir le contraste on avoit eu la précaution
de repasser la plume sur les lettres du corps de l’acte ,
et de leur donner la teinte de l’encre de la date ; mais
que malheureusement la plume de la date s’étant trouvée
plus fine que celle qui avoit servi à écrire le corps de l’acte,
avoit laissé à découvert une partie de l’ancienne écriture,
en sorte que sur la même lettre il paroissoit deux encres :
Que cette ratification étoit nulle à tous égards ;
Comme donnée en minorité ;
Comme vague te générale, s’étendant indistinctement
à tous actes quelconques que la dame Daudin auroit pu
souscrire 5 tandis qu’il est de principe que toute approC 2
/ilí
�C 20 )
bation, pour être valable, doit être faite en connoissance
de cause , avec laconnoissance du contenu en l’acte que
l’on entend approuver et confirmer ;
Comme n’ayant pas été faite double.
... Quant à la demande en recours et dommages-intérêts
que Capelle avoit imaginé de former contre lui, il a dit
qu’il n’y en avoit jamais eu de plus ridicule ; qu’il n’y
«voit de sa part ni stellionat, ni fraude; que c’étoit lui
au contraire qui réclamoit contre la fraude. Il a au sur
plus offert, comme il l’avoit toujours fait, de faire rai
son de la somme de 13800 fr. , payée effectivement par
le sieur Capelle, ou de la compenser, ensemble les m-térêts, avec la restitution des fruits ou dégradations.
• La veuve Daudin a défendu aussi de son côté a la de
mande en garantie dirigée contre elle. Sa défense a été
simple ; elle a soutenu Capelle non - l’ecevable, comme
payant eu connoissance du vice.de l’acte, et non-seule
ment comme en ayant eu connoissance, mais comme
ayant coopéré la fraude.
Le 7 ventôse an 10 , nouvelle écriture de Capelle.
Dans cette écriture, il a commencé, comme de rai
son , pnr son apologie ; il s’ést efforcé d’écarter les faits
de dol et de surprise qu’on lui imputoit.
S’il faut l’en croire , il ignoroit par quel motif la
dame Daudin s’étoit déterminée à lui vendre le domaine
dont il s’agit. Il a assuré qu’il avoit acquis, parce que
cette acquisition lui convenoit; qu’il s’étoitpeu inquiété
de savoir quels étoient les titres de propriété de celle
:qui lui vendoit, parce qu’elle avoit une fortune suffi
sante pour le garantir; que le prix avoit été fixé ¿\
�3 / /
( 21 )
zi6oo f r ., et paye comptant. II a dit qu’il falloit'toute
l’imagination de Daudin pour jeter de l’odieux sur une
négociation aussi simple ; que Daudin avoit cru se ren
dre intéressant en s’accusant d’avoir surpris à sa mère
des blancs seings, pour donner le moyen de réduire la
vente au prix seulement convenu, mais que le fait est
invraisemblable; que s’il avoit eu des blancs seings, il
n’auroit pas eu besoin de combiner une intrigue aussi
compliquée ; qu’il auroit eu sur ,les billets de la mère
tout l’argent nécessaire à son projet de voyage; que
d’ailleurs, dès que le prix de la vente étoit payé comp
tant , que. le contrat même portoit quittance, une quit
tance séparée, adaptée à l’un des blancs seings , n’au
roit pu avoir aucun effet ; que pour parer à cette ob
jection, Daudin avoit supposé que le prix avoit été
payé en billets, mais que pour éviter une invraisem
blance il étoit tombé dans une autre; que cette quit
tance auroit été datée et donnée avant ou après la vente.;
.que donnée avant, elle n’ auroit. été d’aucune valeur,
puisque les billets auroient été postérieurs; que si elle
■eut été post-datée, l’acquéreur ne sc serait pas mis à la
merci du vendeur qui, après s’être emparé du billet.,
«aiiroit pu protester contre la quittance, et la faire an.imlier ; que l’on ne pouvoit pas supposer une pareille
imprudence; que l’embarras de Daudin pour donner un
«mploi à ces blancs seings, étoit te l, qu’ il ne sav-oit pas
dire s’il eu avoit fait un billet, une quittance ou une
«contre-lettre; qU(. le SPU{ -fuit qui paroissoit être v r a i,
«étoit celui de l’enlèvement commis par Daudin de l’ar
gent que sa mère avoit reçu du prix de la v e n t e ^
�'«
(
/
que la mère avoit aussitôt porté plainte qui n’avoît
pas eu de suites, Daudin ayant su à son retour dés
armer sa mère ; mais que la plainte et la réconciliation
étoient étrangères à celui qui avoit acquis de bonne foi et
payé comptant le domaine ; qu’il étoit vrai encore que
le sieur Sistrières, lieutenant général civil et criminel,
devant qui la plainte avoit été portée, et les témoins
entendus , avoit pris occasion de là pour former une
demande en retrait, mais qu’il s’étoit désisté par traité
du 5 mai 1789; qu’il étoit étonnant que Daudin cher
chât à l’inculper, après avoir été le premier à lui ren
dre , à l’occasion de ce môme procès , toute la justice
qu i lui étoit due. Ce sont ses expressions.
A l’appui de cette dernière assertion, il a produit et
fait signifier trois lettres.
Une première du 28 mars 1782, une seconde du 10
août 1783, dont on a parlé plus haut, sans songer aux
inductions qui en l'ésulteroient contre lui-même.
En voici les termes : « Monsieur, le curé de Lyon m’a
« marqué que je ne m’étois pas assez e x p liq u é au sujet
« des affaires : voici plus clairement ce qui eu est. Lors« que je fus arrivé, je subis interrogatoire-pour savoir
c< ce que f a i reçu de vous. Sistrières croyoit et croit
a encore que vous n’aviez fait de billets que pour
« 14000 fr, J’ai répondu que vous en aviez fait pour
« le contenu au contrat, ce qui l’interloqua fort dans
« ce temps. Quoi qu’il en soit, je no vous nuirai jamais,
« parce que vous m’avez payé ce que vous m’avez promis,
« Si Sistrières fait travailler a Riom cette affaire au nom
« de ma m ère, elle l’ignore. Je vous prie de me mar
�te quer ce qu’il faut que je lui fasse faire pour ne pas
« être compromis dans les discussions que Sistrières
« a avec vou s, et que je crois très-mauvaises. A u prê
te mier jour, j’aurai l’honneur de vous v o ir , et nous con« férerons plus librement. »
1
Et une troisième, du 26 mars 1785, à l’occasion d’une
censive que le seigneur de Valadi réclamoit sur partie
du même domaine de V e rn et, ainsi conçue :
« Monsieur, je n’ai reçu votre lettre que ces jours
« derniers. Je me hâte de vous marquer que j’ai demandé
« à ma mère si elle a jamais payé de la rente à M. de
« Valadi. Elle m’a dit qu’elle avoit entendu dire que
« M . Descaffres lui en donnoit ; mais qu’elle ne sait
« pas si c’est du domaine de Vernet ou de Raulhac,
« car on nous en demande aussi pour Raulhac. Nous
« n’avons jamais vu de reçu dans les papiers de mon
« oncle pour l’objet dont il s’agit. Tâchez de terminer
« cela à votre profit : je serai dispensé par là de payer
« une vingtaine d’écus d’arrérages. Je n’ai pas trouvé
« l’échange des héritages appartenans à mon oncle et
« à M . de Sistrières. Vous ne devez pas douter que
« je ne voulusse vous obliger ; mais ce papier - là
« s’est sans doute perdu à la mort de mon oncle.
« L ’oncle Sobrier doit arriver dans peu du Querci;
« peut-être me donnera-t-il des renseignemens : je vous
« en lerai part. »
1
Il a prétendu qu’il résultoit de ces lettres , et une
nouvelle approbation de la vente, et la preuve que
X)audm 11 avoit imaginé qu’après coup , et pour le besoin
de la cause , toutes les imputations qu’il s’est permises.
�C 24 )
De là passant à la discussion, il a développé, et les
moyens qu’il avoit déjà fait valoir, et ceux que son
imagination lui avoit suggérés depuis.
- Après avo ir, dans sa requête du 8 floréal an 9 , prin
cipalement insisté sur le testament, il a imaginé tout à
coup de prétendre qu’il étoit nul.
Il a inféré de cette nullité que la propriété du
domaine avoit passé, après la mort de DescaiTres, non
sur la tête de Daudin, mais sur celle de la m ère, plus
proche d’un degré ; que celle-ci avoit vendu sa propre
chose ; qu’elle seule pourroit réclamer, et qu’elle ne
réclamoit pas ; que Daudin et Desprats étoient sans
qualité.
Il a fondé la nullité sur ce que de dix tém oins, y
compris le notaire, qui y avoient assisté, il falloit retran
cher les deux derniers surnuméraires, ces deux témoins
n’ayant assisté qu’à la lecture, et non à la rédaction ;
qu’il falloit encore retrancher Etienne Terisse , comme
n’ayant signé ni été requis de ce faii’e : ce qui réduisoit le nombre à sept, y compris le notaire , tandis
qu’il en falloit un de plus, le testateur étant privé de
Ja vue.
Il a insisté avec complaisance sur cette nullité.
Revenant ensuite subsidiairement à ses premières
défenses, il a dit : Qu’en supposant même la validité
du testament, la vente ne seroit pas moins inattaquable
d’après le pouvoir donné à la mère de vendre : qu’à
ja vérité il ne rapportoit pas les quittances des créan
ciers et des légataires constatant l’emploi, conformément
viu Vfïî.u du testateur j mais qu’il étoit d’abord trop é v i
dent
�( 2 5 )
dent qu’on avoit pris dans la famille Daudin toutes
les précautions imaginables pour lui en dérober la connoissance, et qu e, d’un autre côté, il étoit hors de doute,
et prouvé par les réponses mômes consignées dans les
interrogatoires, que les dettes et les legs avoient été acquit
tés ; que l’emploi étoit ainsi justifié par le fait.
Il a dit que dans tous les cas la î-atification auroit cou
vert le vice de l’acte ; que cette ratification operoit
seule une fin de non-recevoir invincible contre la ré
clamation de Daudin -, qu’en vain on cherclioit à en
faier rapporter la date à la date môme de la vente,
c’est-à-dire du i et. mars 1782, pour en induire qu’elle
avoit été souscrite en minorité ; que quand cela seroit,
il n’en seroit pas plus avancé *, qu’il auroit du toujours
se faire relever dans les dix ans de la majorité ; qu’en
vain on objectoit encore qu’elle étoit conçue en termes
généraux ; qu’aucune loi n’exigeoit qu’elle fût spéciale ;
qu’il suiïisoit qu’il fût constant que celui qui ratifioit
avoit eu connoissance de l’acte ; qu’aucune loi n’exigeoit, non plus, que la ratification fût faite double ; que
Daudin n’avoit pas fait un nouveau contrat, qu’il avoit
consenti simplement que le premier eût son effet-, qu’une
pareille approbation pouvoit ôtre faite de toutes sortes
de manières , même par une simple lettre ou une
quittance,
A ces deux moyens résultans, et du pouvoir donné
par le testament , et de la ratification , il en a ajouté un
troisième : la prescription. Il a dit qu’en pays de droit
écrit il étoit constant qu’on prescrivoit avec titre, p^r
dix ans entre présens , et vingt ans entre absens ; qu’ici
D
�( 2 6 )
il avoit titre et possession de plus de dix ails , déduction
faite même du temps de l’absence de Daudin ; qu’ainsi
sous cet autre rapport Daudin étoit encorenon-recevable.
Relativement à Desprats , il a soutenu que toutes les
circonstances concouroient à prouver la simulation de
la cession du 2 vendémiaire an 8.
i°. L ’antidate évidente. Comment, a-t-il d it, si la ces
sion avoit été véritablement à la date du 2 vendémiaire,
le premier acte hostile , la citation devant le juge de paix,
qui est du 6 vendémiaire, postérieure de 4 jours , auroit-elle été au nom de Daudin ? Comment cette cession ,
qu’on a été si pressé de faire enregistrer , puisqu’elle
est enregistrée du même jour , n’a-t-elle été transcrite
que le i 5 ? N’est-il pas évident qu’on a profité de la
communication donnée au bureau de paix de la ratifi
cation , de la remarque qu’on a faite qu’elle n’étoit point
enregistrée , pour aviser au moyen de la rendre sans
effet ■
, qu’on a alors imaginé la cession ; qu’on a profité
du délai que la loi donne pour l’enregistrement des actes,
pour en faire remonter la date au 2 vendémiaire ,
et qu’en même temps, pour obvier à l’objection résultante
de la citation donnée, postérieurement à la cession , au
nom de Daudin , on a inséré da,ns l’acte la clause que le
cessionnaire pourroit agir au nom du cédant?
2°. La qualité des parties. Daudin créancier de
Desprats , et parla ayant un empire absolu pour le faire
condescendre à ce qu’il désireroit.
30. La succession entière vendue 6000 fr. ,. tandis que
le domaine de Vcrnet avoit été vendu, seul, 21600 fr. ,
et de l’aveu même de Daudin , au moins 13800 fr. ,
�( *7 )
et le domaine de Raulhac, vendu auparavant, 10177 fr.
40. La multiplicité des actes passés par la mère , par
le fils , pour dérober le gage de la garantie ;
5 °. L ’impossibilité d’alléguer la moindre cause de cette
vente précipitée , autre que celle de rendre sans effet
la ratification ;
6°. L ’avance faite par le vendeur des frais de cette
cession, ainsi que d’autre vente , consentie à Cliaunac
à la date du même jour 2 vendémiaire.
Il a conclu de la réunion de toutes ces circonstances ,
qu’il ne pouvoit y avoir de doute sur le concert de
fraude.
Il a observé , au surplus , que les mêmes moyens qui
militoient contre la réclamation de Daudin , militoient
contre celle de Desprats.
Quant à la demande en garantie , par lui form ée,
contre Daudin comme stellionataire , et encore quant
à la demande en garantie solidaire formée , tant contre
la dame Daudin , que contre Daudin lui-même, et sur
la nullité des actes par eux passés en fraude de cette
même garantie , il s’est borné à persister dans ce qu’il
avoit précédemment dit.
Tels sont en analise les moyens que Capelle a fait
valoir dans sa requête du 7 ventôse an 1 0 , et auxquels
il a donné le plus grand développement.
Daudin et Desprats y ont répondu. Ils ont établi
quant au testament, d’une p a rt, qu’il étoit valable, et
de l’autre , que Capelle n’étoit pas recevable à l’attaquer ;
qu’il ne pouvoit l’attaquer, ni comme exerçant les droits
de la veuve Daudin sa venderesse , puisque celle-ci
D a
�^ 28 ) : l’avoit approuvé et exécuté , ni de son propre chef,
puisqu’il l’avoit approuvé lui-même.
Quant à la prescription de dix ans, qu’il ne suflisoit
pas d’avoir titre; qu’il falloit encore titre et bonne fo i;
que de plus, si l’on déduisoit, et le temps de l’absence ,
et le temps pendant lequel la prescription avoit été
suspendue par les nouvelles lo is, il ne s’étoit pas écoulé
le temps requis pour cette espèce de prescription ; qu’enfin'
l’usure ne se prescrivoit pas.
La cause en cet état portée à l’audience du 25 thermi
dor an 10, est intervenu, sur les plaidoiries respectives
des parties, un jugement qui a ordonné qu’il en seroit
délibéré.
Avant le jugement sur délibéré , et le 20 brumaire
an 11 , Daudin présenta requête par laquelle il de
manda. , sous réserve de ses moyens de nullité contre la
ratification , et subsidiairement seulement, qu’il lui fût
donné acte de ce qu’il reconnoissoit l’écriture du corps
de la pièce , ainsi que la signatux-e , pour être de sa
m ain, et désavouoit avoir écrit le mot et les chiffres 21
mars 1788; qu’en conséquence il fût procédé à la véri
fication de la date de l’acte.
L e 4 pluviôse, autre r e q u ê t e aux mêmes fins.
Daudin conclut de nouveau à ce qu’il soit ordonné
que par experts convenus ou nommés d’office il soit
procédé à ladite vérification; lors de laquelle opération
ils vérifieront et constateront,
10. Si le caractère de l’écriture du corps de la pièce
et de la signature D a u d in , étoit conforme à la manière
dont il ¿crivoit en 1788 , ou si au contraire il étoit plus
�(29).
S z y
analogue à la manière dont étoit formé le caractère de
son écriture vers 1782 , et à laquelle de ces deux épo
ques- paroissoit se référer davantage l’écriture du corps
de la pièce et de la signature ;
20. Si lors de la confection et rédaction de la ratifi
cation , la place destinée à recevoir la date ne paroissoit
pas avoir été laissée en blanc , et si ce blanc 11’avoit pas
été rempli après coup des mot et chiffres 21 mars 1788 *
et si ces mot et chiffres n’avoient pas été tracés avec
une plume , une encre et une main différentes ;
30. Si pour faire illusion à la vue 011 n’avoit pas
essayé de repeindre les lettres du corps de la pièce et de
la signature Daudin , avec la môme enci'e dont 011
s’étoit servi pour tracer les mot et chiffres 21 mars 1788 *
et si cette encre 11’étoit pas plus noire , et ue tranchoit
pas sur celle plus terne et plus ancienne du corps de la
pièce et de la signature.
Capelle ne manqua pas de combattre cette demande.
Il soutint qu’elle étoit nulle et contraire aux règles de
l’ordre judiciaire; d’une part, les juges ne pouvant sta
tuer que sur les fins et conclusions qui avoient été prises
lors du jugement qui avoit ordonné le délibéré ; e t ,
d’autre part, parce que Daudin reconnoissant la signature,
prétendant seulement que la date avoit été remplie après
coup, et d’une autre main, il n’avoit que la ressource
de l’inscription de faux.
II a ajouté que de plus elle étoit frustratoire ; que le
premier fait tenoit à une infinité de causes et de nuances
trop impossibles à vérifier , et 11e pouvoit présenter un
motif assez certain de décision ; que le second et troi
sième fuit étoient également inutiles à vérifier.
�( 3° )
Il importe de mettre sous les yeux du tribunal cette
dernière partie de la requête en date du 11 pluviôse :
voici comme il s’exprime, ou son défenseur pour lui :
« Il est fort inutile de faire vérifier si la date 21 mars
« 1788 est de la main de Daudin , si elle est écrite de
« la même main et encre que le corps de la pièce. Le
« contraire a été constamment avoué. Daudin n’avoit qu’à
« en demander acte.
*
« Puisqu’il est constant qu’elle n’a pas été . écrite par
« Daudin , mais par une autre main , avec une encre
« et tine plume différentes , il est bien constant aussi
cc que la date ne fut pas mise au même instant que
« Daudin écrivoit la pièce : deux mains ne pouvoient
« écrire à la fois sur le même papier. Il est donc encore
« fort inutile de faire vérifier un fait reconnu et physi« quement constaté. Mais de tout cela il ne résulte aucun
« moyen de faux. Il n’y a que Daudin qui puisse expli« q u er comment cette pièce a été écrite, puisqu’elle est
« de son fait. Il suffit à Capelle do dire qu’elle lui a été
« remise telle qu’elle est : il faudroit que Daudin prouvât
« que l’acte a été remis, ou v u , sans date, ou qu’il l’a signé
« en 1782,
/
« Le troisième fait est encore inutile à vérifier , et le
« résultat en est in d ifféren t, puisqu’il est impossible de
« dire par qui, et quand, ces prétendues surcharges ont
<
■
< été faites. La pièce étant du fait de Daudin , il est
« présumé l’avoir remise telle qu’elle est présentée, tant
« qu’il ne prouvera pas le contraire. Cette pièce lui a
« été communiquée a Saint—Flour du temps que la cause
« étoit pendante au tribunal civil. Le procès verbal du
<< greiliçr à qui elle a été déposée , dit bien que dans le
�&ZS
( 31 )
corps de l’acte, et sur certaines lettres , il paroît que
l’on a repassé la plume d’une encre plus noire. Mais
ce procès verbal ne constate pas le nombre de ccs
prétendues surcharges , ni l’identité de cette encre
avec celle de sa date, ni môme qu’il y en eût sur la
signature Daudin. C’est cependant alors que cela auroit
k dû être constaté , puisque la pièce cessoit d’être au
« pouvoir du sieur Capelle. »
A la suite de cette requête il a conclu à ce que Daudin
fût déclaré non-recevable dans sa demande en vérification;
et, faisant droit sur les nouvelles demandes qu’il formoit
par la présente requête , dans le cas où les conclusions
précédemment prises contre Daudin ne lui seroient point
adjugées , attendu que par l’effet des fraudes par lui pra
tiquées et par la dame Daudin sa mère , il étoit nanti
de tous les biens affectés à sa garantie, sans s’arrêter à ses
offres, lesquelles seroient déclarées courtes et insuffisantes,
il fût condamné solidairement avec la dame Daudin à lui
payer , i°. la somme de 21600 fr. , prix principal ,
ensemble les frais et loyaux coûts ; 2°. les réparations et
améliorations ; 3°* ^cs dommages résultans de la vente
par lui faite de la maison de son ancien domaine de
V ern et, ceux qui pourroient être dûs au fermier pour
la résiliation du bail , et ceux résultans de l’éviction.
Sur cet incident les parties furent renvoyées à l’au
dience ; et le i 5 du même mois de pluviôse, jugement
contradictoire intervint, qui joignit au délibéré.
Le délibéré a ensuite été prononcé le i 5 germinal.
Voici les dispositions du jugement :
Le tribunal, jugeant à la charge de l’appel, sans s’ar-
«
et
«
«
«
«
�( 3 0 .
rêter ni avoir égard à la demande formée par Çapelle en
nullité de la procédure faite postérieurement au juge
ment du délibéré du 25 termidor an 10 , non plus
qu’à la demande de Daudin en vérification de la ratifi
cation dont il s’agit, déboute les parties de leurs deman
des , dépens entre elles compensés à cet égard. Sans
s’arrêter pareillement aux demandes de Çapelle en nul
lité du testament d’Etienne Descaffres , et de la vente
du 2 vendémiaire an 8 , consentie par Daudin à Dcsprats, dont il est débouté , non plus qu’à la vente du
I er. mars 1782 , et à la ratification du 21 mars 1788 ,
lesquels deux actes sont déclarés nuls et de nul effet.,
ordonne que le testament dudit Etienne Descaffres , ainsi
que la vente faite à Desprats le 2 vendémiaire an 8 ,
seront exécutés suivant leur forme et teneur ; en consé
quence condamne lo sieur Çapelle à se désister, en faveur
dudit Desprats, du domaine du V ern et, dont il s’agit,
comme faisant partie de la succession dudit Descaffres,
dont ledit Daudin est héritier , avec restitution.des fruits
et intérêts d’iceux , à compter du jour de la demande ju
diciaire , ainsi que des dégradations , s’il y en a , et con
damne le sieur Çapelle aux dépens envers les sieurs
Daudin et Desprats.
Le môme jugement, faisant droit sur les demandes en
recours et garantie formées de la part de Çapelle, tant
contre la dame Daudin que contre son fils : en ce qui
touche la dame Daudin, la condamne à relever et ga
rantir ledit •Çapelle des condamnations, contre lui pro
noncées, avec intérêts et dépens; en conséquence, à
rendre et rembourser audit Çapelle la somme de 21600I.,
prix
�( 33 y
.
prix principal de ladite vente par elle consentie, frais et
loyaux coûts d’icelle, avec intérêts du tout à compter
du jour de la demande ; la condamne , en outre , aux
dommages-intérêts résultans de l’éviction, et à ceux ré
sultans aussi de la vente faite par Capelle de la maison
qu’il avoit à son domaine de V ernet, comme aussi à
ceux qui seront dûs au fermier pour la résiliation de son
bail, le tout avec intérêts légitimement dûs; et ce sui
vant l’estimation qui en sera faite par experts pris ou
nommés d’oflice, lesquels experts estimeront en même
temps les dégradations, réparations et améliorations qûi
peuvent avoir été faites par Capelle dans ledit domaine,
pour, après leur rapport fait et rapporté, être ordonne
ce qu’il appartiendra ; dépens , quant à ce, réservés.
En ce qui touche ledit Daudin; le même jugement le
condamne /suivant ses offres, à rendre et rembourser
au sieur Capelle , sur et en tant moins du prix- de la
vente, la somme de 13800 francs, ainsi1 que les ré
parations et améliorations suivant l’estimation qui en
sera faite par lesdits experts, avec les intérêts du tout*
légitimement dûs; sauf à lui à se régler avec Despratsj
à qui il a vendu, pour la valeur des améliorations dont
ce dernier doit profiter. Il ordonne ensuite que , sui*
la demande en garantie solidaire parformée Capelle
contre la dame Daudin et son fils , les parties con
testeront plus amplement pour leur être fait droit ,
ainsi qu’il appartiendra ; dépens, quant à ce , réservés-:
déclare l’assignation donnée par Capelle ù la dame Daudin,
le 9 frimaire an 9, ensemble la procédure qui en a été
lavsuite , nulle et de nul effet ; en conséquence , conE
�:•>
_ ( 34)
damne Capelle aux dépens faits à cet égard, et condamne
la dame veuve Daudin aux dépens envers toutes les
parties.
Daudin a interjeté appel le premier, par acte du 1 5
messidor, en ce que, sur la demande en garantie soli
daire, il a été ordonné une plus ample contestation.
Capelle a interjeté appel indéfiniment aux chefs qui
lui étoient gréveux, par acte du 27 messidor.
Quoique cet appel soit postérieur , et que sous ce
rapport il puisse être considéré comme appel incident,
néanmoins Capelle doit être regardé comme principal
a p p e la n t, puisqu’ il a succombé sur tous les points delà
contestation, à l’exception de celui à l’égard duquel il
a été ordonné que les parties contesteroient plus am
plement.
• La dame Daudin et Desprats se sont aussi rendus appelans.
Desprats, en ce que Capelle, condamné envers lui au
désistement, n’a été condamné à lu restitution des jouis
sances et des dégradations, qu’à compter du jour de la
demande, et non depuis l’entrée en possession.
Et la dame D audin, en ce qu’elle a été condamnée
à relever et garantir Capelle de toutes les condamnations
contre lui prononcées e n v e r s Daudin et Desprats , et en
tous les.dommages et intérêts résultans de l’éviction.
C’est sur ces appels que la contestation a été portée
en la cour.
Il: s’agit maintenant de développer les moyens, et
d’abord de justifier le jugement en ce qu’il a condamné
le sieur Capelle à se désister du domaine qui fuit l’objet
�. ( 35)
du litige. Il ne sera pas difficile, malgré tous ses efforts,
d’y parvenir.
M O Y E N S .
Il ne peut déjà exister de doute sur les faits : le sieur
Capelle a pris soin de se condamner lui-même.
Il a désavoué d’avoir traité avec le fils, d’avoir acheté
du fils.
Il a désavoué que le fils lui ait fait confidence des blancs
seings, et encore plus qu’il lui ait donné, à l’instant de
la vente, quittance d’une partie du prix , à l’aide de l’un
de ces blancs seings.
Il a désavoué que le prix ait été payé en billets, et
que ces billets , après l’enlèvement, aient été acquittés
au fils jusqu’à concurrence de la somme de 13800 fr .,
montant du prix convenu.
Voici comme il s’exprime , ou, si l’on veut, son dé
fenseur , bien avoué par lu i, dans sa requête du 7 ven
tôse an 10.
« Le sieur Capelle ignore pour quels motifs la dame
« Daudin se résolut à lui proposer la vente du domaine
« de Vernet. Cette acquisition lui cônvenoit, parce qu’il
« avoit un autre domaine dans ce village. Il s’inquiéta
« peu de savoir quels étoient ses titres de propriété \
« elle avoit une fortune capable de garantir et de rassu« rer l’acquéreur. Le prix fut convenu et arrêté à 21600 f.,
« et payé comptant. Il étoit exorbitant, mais il étoit
« celui de la convenance.
Plus bas : « Pour se prêter aux arrangemens de Dau« din yil faut supposer que le prix fût payé en billets, et*
E 2
»
�( 3« )
«
«
«
k
«
«
qu’avant la vente Daudin avoit donné quittance de
partie au moyen d’un des blancs seings....... Sur ce
premier point, il faut se référer à la vente authentique du I er. mars 1782, d’après laquelle les 21600 fr.
ont été payés comptant à la dame Daudin. Rien ne
peut détruire cette clause de la vente.
Quelques lignes plus bas : « Daudin poursuit son
« conte, et dit qu’il enleva les billets. Il est en con« tradiction avec la vente, qui fait foi que les 21600 f.
« ont été payés comptant ; ce qui exclut toute idée de
a soustraction d’effets. »
Et il a l’imprudence de produire lui-môme parmi les
lettres du sieur Daudin, une du 10 août 1783, qui le
confond.
Que dit cette lettre ?
« Sistrières croyoit et croit encore que vous n’aviez
« fait de billets que pour 14000 fr. J ’ai répondu que vous
« en aviez fait pour le contenu du contrat. »
Donc il avoit fait des billets ! donc il n’avoit pas payé’
comptant en numéraire ! donc il en a déjà imposé sur ce
premier point !
Suivons toujours la lettre.
« Je ne vous nuirai jamais. »
Donc il craignoit que Daudin ne lui nuisît ! et celuici ne pouvoit lui nuire qu’en déclarant la vérité. S’il
ayoit fait des billets pour l’entière somme de 21600 fr.,
ou qu’il eût véritablement payé cette somme, auroit-il
eu cette crainte ?
« Je ne vous nuirai jamais, parce que vous m’avez
«. payé ce que vous m’avez promis. »
�£3 \
C 37 )
Donc c’est au fils que les deniers ont été comptés
après l’enlèvement des billets !
« Vous m’avez payé ce que vous m’avez promis. »
Donc il n’a pas payé l’entier prix porté au contrat!
donc il y a eu concert de fraude entre lui Ct le fils,
pour tromper la mère !
Comment échappera-t-il à ces conséquences?
Comment n V t-il pas réfléchi qu’il produisoit contre
lui-même l’arme la plus victorieuse?
Se retranchera-t-il dans la vente? Dira-t-il que contre
un acte authentique on n’admet point de preuve testi
moniale , encore moins de simples allégations, qu’il
n’y a que l’inscription de faux?
Il ne s’agit point ici d’allégations; il ne s’agit point
ici de preuve testimoniale.
11 y a preuve é c rite , et preuve du fait même de l’adVersaire , puisqu’elle émane d’une pièce par lui produite.
La ratification n’est-elle pas une nouvelle preuve, et
qu’ il a traité avec le fils, et qu’il connoissoit le vice de
la vente ?
Il a désavoué , et il le falloit bien pour la cause,
qu’elle lui ait été remise ù l’époque de la vente, et que
la date ait été laissée en blanc. Il a soutenu que c’est en
majorité, et à l’époque du 21 mars 1788, que Daudin
a librement, et en pleine connoissance de cause, ratifié
la vente.
Et sur la vérification demandée, il a été obligé d’a
vouer que la date, les mot et chiffres 21 mars 1788,
etoiènt écrits d’une autre main , d’une autre plume et
d’une autre encre.
�( 30 ;
Il a été obligé d’avouer que ces. mot et chiffres n’avoient pas été écrits au même instant que le corps de
la pièce.
Il a été obligé d’avouer plus ; que les lettres du corps
de l’acte avoient été surchargées.
Ces aveux'ont été acceptés.
De ces aveux ne résu lte-t-il pas la preuve la plus
évidente des faits avancés par le sieur Daudin, du fait
principal, que la date a été laissée en blanc?
Indépendamment de ces aveux, l’inspection seule de
la pièce suflisoit pour le prouver.
Une remarque essentielle , c’est que l’écriture et l’encrç
de la signature , en même temps qu’elles diffèrent de
récriture et de l’encre de la date, concordent parfaite
ment avec celles du corps de l’acte.
La concordance avec le corps de l’acte prouve que
le corps de l’acte a. été écrit et qu’il a été signé uno
contextu.
La différence avec la date prouve qu’elle a été mise
ex intervallo , et lorsque l’acte étoit déjà signé.
On d it , lorsque Vacte étoit déjà signé : e t , en effet,
si la signature avoit été mise après l’insertion de la date,
de deux choses l’une ; ou elle auroit été mise au même
moment que la date, et alors l’encre de la signature
auroit concordé avec celle de la date , ce qui n’est pas;
ou quelque temps après, et alors on conçoit que l’encre
de la signature aijroit pu être différente de celle de la
date , mais elle auroit été plus différente encore de celle
du corps de l’acte, avec laquelle cependant elle con
corde,
�332
( 39 )
,
.
.
Il est donc évident, par l’inspection de la pièce, indé
pendamment des aveux arrachés au sieur Capelle par la
crainte de la vérification , que la date a été mise après
coup ; que lorsque l’acte a été signé , il n’étoit point
revêtu de sa date; que par conséquent la date a été
laissée en blanc.
*
Ce fait une fois constant, il doit demeurer également
pour constant, que la ratification a été consentie, non
en majorité , mais en minorité.
Que Capelle explique autrement à quelles fins la date
aurait été ainsi laissée en blanc ! qu’il explique com
ment Daudin, après avoir écrit le corps de l’acte , n’auroit pas écrit en même temps la date! n’avoit-il'pas
la force d’écrire quelques caractères de plus ?
Dira-t-on qu’après avoir écrit l’acte , et avant de lui
donner son complément par la date, il a voulu prendre
encore le temps de réfléchir ; qu’en conséquence Pacte
a demeuré en simple projet ; que- s’étant ensuite déter
miné , on a mis la date ?
Mais alors auroit-il signé ? Signe-t-on un acte avant
qu’il soit parfait? N’auroît-il pas remis à signer, comme
il remettoità écrire la date? ou, s’il vouloit tant,signer,
he pouvoit-il pas écrire , dater et signer , sauf à remettre
l’acte quand bon lui semblerait ?
Comment ensuite la date se rencontreroit-elle, nonseulement d’une autre plume et d’une autre encre,
mais encore d’une autre main ?
Capelle n’a garde de dire que la ratification lui a été
remise sans date : il comprend qu’il se condamnerait
trop lui-même. Son système est, au contraire, de dire
�( ,4 0 )
que la ratification lui a été remise avec la date.’ Mais
alors comment cette date seroit-elle d’une autre main?
Daudin ayant écrit le corps de l’acte, n’auroit pas écrit
aussi l;1 date ! Gomment concevoir qu’il eût présenté au,
sieur Çapelle un acte écrit, partie de sa m ain, partie
d’une main étrangère? et Çapelle l’auroit-il accepté? *
. Comment encore expliquer les surcharges?
Vaines difficultés ! Çapelle écarte toutes ces objec
tions d’un mot.
, Rien de plus simple que sa réponse.
Est-ce à moi , d it-il, qu’il faut demander pourquoi,comment? C’est Daudin seul qui peut le savoir; c’est,
lui seul qui peut l’expliquer; c’est lui qui m’a remis
la pièce telle qu’elle est : je n’en sais pas davantage.
Que Daudin prouve qu’il me l’a remise autrement : s’il
ne le prouve pas , s’il ne prouve pas qu’il me l’a remise
avec la date en blanc, l’acte doit faire foi.
’ .
Et vite il a recours à ce brocard de d ro it, que Pacte
fait foi jusqu’à inscription de faux.
Il est bien ici effectivement question de preuve et
d’inscription de faux , lorsque le fait est avoué , lorsque
l’adversaire est obligé de reconnoître que la date est
d’une autre plum e, d’une autre encre et d’une autre
main!
Cette réponse ne satisfaisoit cependant pas à tout; il
restoit encore les surcharges. Çapelle ne pouvoit pa§
dire qu’il avoit reçu l’acte ainsi surchargé ; il auroit donné
une trop singulière opinion de sa dextérité et de son
intelligence en alfaires : il falloit imaginer une nulrç
liaison, Convenir que les surcharges avoient été corn?
mises
�( 41 )
mises depuis? Mais comment faire cet aveu ? Il ne pouvoit dire qu’elles avoient été commises depuis le dépôt
au greffe. Le greffier avoit eu la précaution de constater
l’état de la pièce, et elles existaient déjà. Avant le dépôt?
Autre embarras : il falloit supposer que l’acte étoit revenu
au pouvoir de Daudin ; autrement c’étoit se reconnoitre
soi-même l’auteur des altérations, C’étoit s’avouer cou
pable. Et comment mettre en avant une pareille pro
position ? comment lui donner une couleur ?
Capelle n’a point été en peine : il a dit que la pièce
avoit été communiquée à Daudin , à Saint-Flour , dans
le temps que la cause étoit pendante au tribunal civil.
C’est dans la même requête du 11 pluviôse : on en a
transcrit plus haut les termes ; et alors tout s explique.
On pourroit cependant demander au sieur Capelle
comment il ne s’est pas plaint, à l’instapt ? comment il ^
r çu cette pièce ainsi surchargée, sans réclamation ? com
ment , en remettant la pièce au greffier, il n’a pas pro
testé contre les surcharges, surtout dès que le greffier
les constatoit ?
.
. Est-ce devant des juges éclairés , devant un tribunal
renommé par ses lumières , qu’on propose de pareils
moyens !
Il importait de commencer par fixer l’opinion du
tribunal sur les faits : l’honneur, l’intérêt de la caüse
en faisoient un devoir, au sieur Daudin. Il s’agit mainienant d’entrer dans la discussion des nïoyens de droit:
nous suivrons le sieur Capelle dans les diverses objec
tions qu’il a faites.
’
.
, F
�(4 0
P R E M I È R E
O B J E C T I O N .
N ullité du testament etEtienne Descaffres : quelle est
cette nullité ?
Capelle a prétendu qu’il falloit retrancher du nombre
des témoins instrumentales les deux témoins surnu
méraires , comme n’ayant assisté qu’à la lecture, et
Etienne Térisse , comme n’ayant ni signé, ni été requis
de signer-, que, ces témoins retranchés, il n’en restoit
que sept , y compris le notaire, et que le testateur
étant privé de la vu e, il en falloit huit, aux termes de
l’article 7 de l’ordonnance de 1735.
On a vu quelle est la conséquence qu’il a tirée ensuite
de cette nullité.
~ Sans le suivre dans la discussion à laquelle il s’est
liv ré , il en resteroit toujours, de son propre aveu, sept,
y compris le notaire ; ce qui suifiroit pour la validité
du testament.
A la vérité , l’article 7 de l’ordonnance des testamens,
porte que si le testateur est aveugle , ou s i, dans le
temps du testament , il n’a pas l’usage de la vue , il sera
appelé un témoin, outre le nombre porté par l’article
5 . Mais le testateur étoit-il aveugle ? avoit-i! perdu
l’usage de la vue ? Il est dit : A cause de la faiblesse
de sa vue. A voir la vue foible , est-ce être aveugle ? estce être privé de l’usage de la vue ? A voir la vue foible ,
c’est y voir foiblement ; c’est ne pas avoir la vue excel
lente mais c’est y voir,
�3W
( 43)
L ’adversaire a donc fait une fausse application de cet
article. L ’intérêt l’a aveuglé.
Il auroit encore moins fait cette objection , s’il avoit
réfléchi sur la disposition de l’art. 45 de la même ordon
nance. Cet article, en exigeant qu’il ne puisse être admis
que des témoins signataires , fait exception à l’égard des
testamens passés ailleurs que dans les villes ou bourgs
fermés. Il suffit pour ceux-ci qu’il y ait deux témoins
signataires. Peu importe donc que Terisse ait signé ou
non , puisque , indépendamment de Terisse , il y a tou
jours le nombre de témoins signataires suffisant.
En supposant le testament n u l, pourroit-il s’en pré
valoir ? Il ne pourroit, sans doute , avoir plus de droits
que la dame Daudin, sa venderesse; et celle-ci seroitelle recevable à attaquer le testament, après l’avoir ap
prouvé et exécuté ?
Elle l’a approuvé et exécuté , en s’emparant , aussi
tôt après le décès, de tous les meubles , en vertu du
legs à elle fait, en propriété, du mobilier.
Elle l’a approuvé et exécuté , en se mettant en pos
session de tous les immeubles, en vertu du legs d’u
sufruit.
Elle l’a approuvé et exécuté , en acquittant partie
des legs.
Dans un acte du 20 janvier 1774 , on voit qu’elle .a
pris expressément la qualité d’exécutrice testamentaire.
Par cet acte , un nommé Etienne Rame , laboureur ,
en qualité d’héritier de Catherine Descaffres , sa m ère,
transige avec la dame veuve Daudin , en qualité , est-il
d it, d'exécutrice testamentaire <£Etienne Descaffres }
�( 44 )
et comfiie mère et tutrice cCEtienne Daudin ¡ son
fils, ce dernier héritier dudit Descaffres , sur la de
mande en entérinement des lettres de rescision prises par
Catherine Descaffres , contre la renonciation faite aux
successions échues et à échoir de Pierre Descaffres et
Marguerite Déconquans , et sur la demande en paye
ment de la somme de 800 fr. , pour legs à lu ifa it par
Etienne Descaffres, par son testament du 3 avril 1773,
desquelles demandes il se départ , moyennant la somme
.de 1620 fr. , en sus de celle de 300 fr. , qu’il devoit au
dit Descaffres , et qui lui a été , est-il ajouté , pareil
lement léguée par ce dernier.
Capelle lui-même en a excipé et argumenté dans sa
requête du 8 floréal an 9 contenant ses premières dé
fenses ; il s’en est fait un principal mojen , il en a ré
clamé l’exécution. Il a insisté sur le pouvoir donné , par
ce testament, à la mère de vendre ; il va même jusques à dire qu’il n’a acheté qu’en conséquence de ce
pouvoir. Il emploie plusieui*s pages à prouver la légiti
mité d’une pareille clause. Dans un endroit il s’exprime
ainsi : Rassuré par le pouvoir que le testament, dont
il avoit connoissance , donnoit à la veuve Daudin , ......
il se croyoit propriétaire irrévocable. Dans un autrç
endroit , il dit : I l est co n sta n t aujourd'hui , par le
rapport du testame?it (£Etienne Descaffres , du 3 avril
1 7 7 3 } que le sieur Daudin est son héritier, et que la
propriété du domaine lui appa rien oit ; mais le testa
teur ne lui a f a i t passer sa succession que sous la
condit on expresse de plein et entier pouvoir à la mère
cde vendre. Plus Las \On ne voit pas ce que Chaunac
�auroit pu demander à la veuve Daudin , qui riétoit
pas héritière d’ Etienne Descaffres.
C’est après s’être exprimé ainsi , et dans la requête
du 7 ventôse an 10 , qu’il a changé tout d’un coup de
langage , et qu’il a imaginé cette prétendue nullité.
Il ne peut pas dire qu’il ne connoissoit pas le testa
ment. Il dit lui-même, dans sa requête du 8 floréal, qu’il
en avoit la connoissance ; et on voit qu’il lui en avoit
été de nouveau justifié, puisqu’il dit : I l est constant
par le rapport du testament, etc.
Il excipe de la nullité ; et il fait , d’un autre côté ,
tous ses efforts pour prouver que les legs ont été payés.
Il assure que le prix de la vente a été employé à l’acquit
tement des legs. Il a fait interroger , principalement sur
ce fait , et le sieur Daudin , et la dame Daudin. Com
ment n’a-t-il pas vu qu’il étoit en opposition avec luimême : qu’il impliquoit de soutenir le testament n u l,
et d’argumenter en même temps de son exécution ?
Il faut donc écarter ce moyen , fruit tardif de son
imagination.
Passons aux autres objections qu*il ne propose, dans son
nouveau système , que subsidiairement.
SECONDE
OBJECTION.
Pouvoir donné à la mère par le testament.
Déjà elle n’a point fait usage de ce pouvoir. Ce n’est
point en vertu de ce pouvoir qu’elle a vendu. Elle a
vendu en son propre et privé nom ; et c’est sur ce qu’elle
�% o
( ‘-'U-'i
C46)
a vendu en son propre et prive nom , que le sieur
Capelle fonde la demande en garantie , qui ne pouvoit
avoir lieu, si elle avoit vendu en vertu du pouvoir.
Le testateur a donné pouvoir à la mère de vendre ;
mais ce pouvoir n’a pas été donné indéfiniment; il a été
grevé de la condition, de la charge de l’emploi en
acquittement des dettes et des legs.
Capelle se donne beaucoup de tourment pour prouver
que les dettes et les legs ont été acquittés. On l’accor
dera , s’il veut : mais l’ont-ils été dgs deniers de la vente ?
C’est ce qu’il est loin d’établir,
Qu’il n’attribue pas l’impuissance où il est de rapporter
cette preuve au peu de bonne foi de Daudin et de la
dame sa m ère, qui retiennent les quittances. On pourroit d’abord lui dire qu’il devoit veiller lui-même à
l’emploi , et se munir des actes qui pouvoient servir à
le constater. Mais ici, non-seulement il ne prouve pas
l’em ploi, mais il fi fourni lui-même la preuve de nonemploi. La lettre du 10 août 1783 , qu’il a produite ,
prouve que le prix a. été payé en billets , lesquels ont
été ensuite enlevés par le fils, et par une suite nécessaire
payés au fils.
Le testateur a donné pouvoir de vendre ; mais ce
pouvoir doit s’entendre civilement dans le cas où il y auroit
nécessité, dans lq cas où les créanciers et les légataires
feroiént des poursuites. Il y avoit si peu nécessité , que
le prix , comme on yient de le voir } $ été payé en
billets.
TtO testateur a donne pouvoir de vendre ; mais pour
l’acquittement des dettes et des legs ; e t, par conséquent,
�'( 47 )
jusqu’à la concurrence seulement de ce qui étoit néces
saire pour les acquitter. X,a mère ne pouvoit pas vendre
au delà. Elle avoit précédemment vendu le domaine de
Raulhac et autres héritages dont le prix avoit été em
ployé. Il faudroit donc prouver que ces premiers deniers
ont été insufïisans. Il faudroit prouver qu’il restoil encore
des dettes et des legs assez pour absorber l’entier prix
du domaine de Vernet , c’est-à-dire , que la succession
étoit plus onéreuse que profitable , puisqu’il n’y avoit
point d’autres immeubles.
Le testateur avoit donné pouvoir de vendre ; mais
avoit-il dispensé, avoit-il pu dispenser des formalités
nécessaires pour l’aliénation des biens des mineux-s ? S’il
s’agissoit d’entrer dans cette question , il ne seroit pas
difficile d’établir que les biens des mineurs sont sous
la surveillance des lois , et que nul ne peut déroger à
ce qu’elles prescrivent , suivant cette maxime : Nerno
potest cavere testamento ne leges valeant.
On ne manqueroit pas d’autorités à l’appui de ce
sentiment.
Louet, dans son Recueil d’arrêts, au mot Aliénation ,
tome i , page 19 , sommaire 5 , rapporte un arrêt qui
l’a jugé ainsi :
« Le bien , dit-il , que le père avoit ordonné de
« vendre par son testament, est aliéné par le fils même
« sans solennité. On a demandé si cette aliénation
« pouvoit subsister. Jugé au contraire; et que la volonté
« du testateur dispense seulement de discussion et de la
« vente du mobilier. V'ohmtas testatoris excusât à
« discussione mohilium,
�( 48 )
« Mais pour faire vendre l’héritage , il faut que ce
« soit au plus offrant et dernier enchérisseur, ut justo
« pretio cilienetur. Et le père ou autre, par son testa« ment, ne peut dispenser de cette solennité, ut illœsum
cc rninorum servetur patrirnonium } qui ne peut se
« vendre , spretâ juris solennitate.
Brodeau , son commentateur , ajoute : « C’est une
« règle et maxime certaine, que l’immeuble du mineur,
« qui est sous la protection de la loi et de la justice ,
« ne peut être vendu, soit en pays coutumier, soit en
« pays de droit é crit, que sous les formes et formalités
« publiques; et la disposition d’un particulier, par tesk tament, qui ordonne la vente et l’aliénation , ne peut
« déroger au droit public, et empêcher que les lois et
« ordonnances aient lie u , ce qui a été souvent jugé par
« les arrêts, On ne suit point les lois contraires au Code :
« Quandà décréta opus non sit. »
Meslé , Traité des minorités, chapitre 8 , pose éga
lement pour principe que le fonds que le testateur a
ordonné être vendu , ne peut l’être sans affiche ? estima
tion, publication et enchère,
Fromental, la Peyrère , page 5 i 8 , enseignent la mêrnù
doctrine. Ils disent que le bien dyi mineur ne peut être
vendu sans formalités , lesquelles, ce sont les expressions
du premier , doivent être observées , dans le cas même
où le testateur, qui a institué héritier un m ineur,
aurait ordonné la vente pour le payement de ses dettes,
et quoique le prix eût été employé au payement de ces
mêmes dettes, uivant lintention du testateur.
j\|ais cette question est même indifférente. Quel quo
fû t
�( 49 )
fût le pouvoir, il ne pouvoit être séparé de la condition
de l’emploi qui y étoit attachée , et il n’a pas été satis
fait à cette condition ; quel que fût le pouvoir, le testa
teur a entendu autoriser une vente dont le prix seroit
sincère, et non une vente dont le prix seroit simulé ,
une vente qui ne seroit que l’effet de la circonvention
et du dol.
T R O I S I È M E
OBJECTION.
Ratification du 21 mars 1788.
Le sieur Capelle a-t-il osé produire cette ratification ?
ose-t-il encore y insister? a -t-il pensé qu’il pouvoit
se faire un titre à lui-même en remplissant à son gré
la date ?
La ratification auroit-elle été consentie en majorité,
elle ne seroit pas moins sans effet.
Elle est triplement nulle : et comme n’ayant point
été faite double ; et comme ne contenant point de prix;
et comme vague et générale, ne s’appliquant pas plus à
la vente dont il s’agit qu’à tout autre acte.
C’est à la discussion de ces trois propositions qu’on
va se livrer. Ces trois propositions établies, il ne res
tera sans doute à l’adversaire aucune espérance.
Et d’abord, la ratification n’a pas été faite double.
Ici le sieur Capelle a crié à l’erreur. Où a-t-on v u ,
a-t-il d it, qu’il soit nécessaire qu’une ratification doive
être faite double ? est-il une loi qui l’exige ?
G
�( 5° )
C’est dans sa requête du 7 ventôse an 10, qu’il s’est
attaché h combattre cette proposition. Il n’est pas indif
férent de mettre sous les yeux du tribunal une partie
de ses raisonnemens.
« La première idée , d it-il, qui se présente naturel« lcment, est que la ratification n’est que l’approba« tion de ce qui a été fait ; o r , l’approbation peut être
« faite de toutes sortes de manières , même par une
« simple lettre, par une quittance........ Celui qui ratifie,
« qui consent que tel acte soit exécuté , ne consent
« pas cet acte déjà subsistant, il n’en change ni n’en
« altéré les clauses.........On ne peut appliquer ici les
« principes concernant les actes synallagmatiques. Il est
« évident qu’en ce cas il faut une preuve réciproque
« de ces obligations. Mais ici il y a un acte préexistant f
« une convention rédigée, qui contient les obligations
« du vendeur et de l’acquéreur. Si l’on vouloit y déroger,
« faire un nouvel acte, il est clair qu’il faudroit lui
« donner la forme du contrat de vente , et par consé« quertt la fa ir e double. Mais 011 n’a pas voulu cela;
« on a voulu seulement que le premier contrat fût
« exécuté : celui qui ratifioit n’a eu besoin que de
« renoncer au droit qu’il avoit d’attaquer l’acte, et
« l’autre, dont le droit et les obligations restoient les
« m êm es, a dû par conséquent ne rien faire , si ce
« n’est recevoir la ratification.............On 11e peut pas
« dire non plus que dans cet état de choses une partie
« ne puisse forcer l’autre à exécuter l’acte__ _ . Elle
« est liée par le précédent contrat........ On défie Daudin
« de rapporter lin seul préjugé qui ait la moindre ana-
�( 5 0
« logie avec l’espèce dans laquelle il se trouve. Dans
« toutes celles-là il n'y avoit pas de contrat, et ces
« actes informes ont dû être annullés. »
Il faut donc, suivant le sieur Capelle lui-même, que
la ratification soit faite double , lorsqu'il n y a pas de
contrat préexistant, parce qu’alors la ratification est
moins une ratification qu’une vente.
En avouant ces principes, enseignés d’ailleurs par
tous les auteurs, il s’est jugé lui-même.
Qu’entendons-nous, en disant, lorsqu'il n'y a pas de
contrat préexistant ? Toute ratification suppose néces
sairement un contrat antécédent.
Nous entendons un contrat qui ait pu produix-e quelque
engagement.
Nous entendons un contrat fait par celui même qui
ratifie , ou au moins au nom de celui qui ratifie. ’
Si le contrat est absolument n u l, s’il n’a pu produire
aucun engagement, s’il est nul dans le principe, et ah
initio , pour se servir de l’expression des auteurs, l’acte
par lequel on ratifie n’est point une ratification ; c’est
un nouveau contrat : il n’y a point deux contrats , il
n’y en a qu’un. Tune e s t , pour se servir des expres
sions énergiques de Dumoulin , nova et principalis
dispositio.
Si l’acte est étranger à celui qui ratifie , s’il n’a été
fait ni par lu i, ni en son nom , c’est encore impro
prement une ratification.
Il faut éclaircir ceci par des exemples.
Un mineur devenu majeur ratifie l’acte qu’il a sous
crit en minorité. Il y a un contrat préexistant. Avant
G 2
^
�r 52 )
la ratification, le mineur étoit déjà lié. On sait que
l’engagement du mineur subsiste tant qu’il ne se fait pas
restituer. L ’acte n’est pas n u l, il est seulement sujet à
être rescindé ; venit annullandus. Il n’est pas nul de nul
lité absolue, il n’est nul que d’une nullité relative. Il
n’est pas même besoin d’une ratification expresse, la
ratification tacite par le laps de dix ans , sans réclama
tion , suffit: et la ratification , soit expresse, soit tacite,
remonte pour l’hypotlièque, et a un effet rétroactif au
premier contrat.
Une femme en puissance de mari contracte une obli
gation sans le consentement de son m ari, ou vend
sans son autorisation, ou , si l’on veut, avec son autori
sation, une partie de ses biens dotaux. L ’obligation et la
vente sont absolument nulles , elles n’ont produit aucun
engagement. Si la femme, après la dissolution du mariage,
ratifie, c’est un contrat entièrement indépendant. C’est
un nouveau contrat dont l’effet ne remonte point au
premier contrat. "
Exemple du second cas. Un mineur, parvenu à la
m ajorité, ratifie un contrat qu’il a souscrit en mino
rité. Il ratifie un acte de son fait. Un commettant ratifie
ce qui a été fait par son mandataire, quoique hors des
bornes de son contrat. Un particulier dont on a fait l’affaire
à son insu , se portant fort pour l u i , ratifie ce qui a été
fait pour lui. L ’un et l’autre ratifient un acte fait en
leur nom. Dans tous ces cas, même dans les deux der
niers, il y a un contrat préexistant. Le commettant,
le particulier dont on a fait l’affaire à son insu , en rati
fiant ? sont censés avoir contracté eux-mêmes les enga-
�( 53 )
^4 1
gcmens qui ont été contractés en leur nom. C’est le cas
<le la maxime , Katihabilio mandato comparatur. La
ratification a alors un effet rétroactif, parce qu’elle n’est que
l’accessoire et le complément des actes qui ont été ratifiés.
Mais un tiers vend la propriété d’un particulier. Il
la vend non au nom de ce particulier, mais en son propre et
privé nom; le particulier ratifie ensuite : la ratification
n’aura effet que du jour même , et non du jour de la
vente faite par ce tiers. Il n’y a point dans celte espèce
de contrat préexistant. On ne peut pas appliquer la
maxime , Ralihabitio mandato comparatur. On ne
peut pas feindre un mandat, là où le mandataire a
contracté, non au nom de celui qui i*atifie, comme dans
l’espèce précédente, maison son nom propre et privé ;
non pour l’affaire de celui qui ratifie, mais pour sa
propre affaire : le contrat résiste dans ce cas à la fiction.
Ce que l’on vient de dire est la doctrine de tous les
auteurs.
C'est principalement à l’occasion du retrait féodal et
du retrait lignager, qu’ils ont traité la question de savoir
•de quel jour la ratification devoit avoir effet pour faire
courir l’an du retrait; et ils la décident par les distinctions
qu’on vient d’exposer.
Qu’on lise tous ceux qui ont écrit sur cette matière,
ils sont unanimes.
Pour ne pas s’étendre > on se bornera à citer Pothier,
traité des Retraits.
« Lorsqu’un m ineur, d i t - i l , part. i ere. chap. 4 ,
n. 124 , a vendu son héritage propre, et que devenu
« majeur il ratifie, c’est du jour du contrat de vente
« que le retrait lignager est ouvert ; car la nullité de
�«
«
«
«
«
«
te
«
«
cc
l’aliénation des mineurs n’est pas une nullité absolue,
mais relative , et en faveur du mineur seulement.
1,’acte n’est nul que dans le cas auquel le mineur, ou
ceux qui succèdent à ses droits, jugeroient à propos
de s’en plaindre. L ’acte par lequel il ratifie en majorite , est un acte par lequel il renonce à s’en plain
dre; mais ce n’est pas par cet acte, c’est par la vente
qu’il a faite de son héritage, qu’il l’a mis hors de
sa famille , et c’est cette vente qui donne ouverture
au retrait, et non sa ratification.
« 11 semble, ajoute-t-il, nombre 1 2 , qu’il en doit
« être autrement d’une vente qu’une femme sous puisk sance de mari auroit faite sans être autorisée , et
« qu’elle auroit ratifiée en viduité. L ’acte qu’elle a fait
«. en la puissance du mari est absolument nul. La rati« fication qu’elle a faite en viduité n’est pas proprement
« une ratification , ce qui est nul ne pouvant être con« jïrm é. C’est un vrai contrat de vente qu’elle a fait de
« nouveau , par lequel elle a mis son héritage propre
« hors de sa famille. La vente qu’elle en avoit faite
« sous la puissance du mari , ne l’en a pas fait sortir
« puisque cette vente étant un acte absolument n u l, ne
« pouvoit avoir aucun effet. »
Voilà pour la première distinction entre le cas où l’acte
est nul par lui-même , et le cas ou il est simplement
sujet à être rescindé ; ce que les auteurs expriment par
nullité absolue , et par nullité relative.
Voici pour la seconde distinction entre le cas où celui
qui ratifie , confirme un acte fait par lui , ou par un
tiers pour lui et. en son nom , et le cas où au contraire il
ratifie un acte qui lui est totalement étranger.
�( 55 )
« Lorsque la vente, dit le même auteur au même
« endroit, nombre 123, a été faite par un autre que
« par le propriétaire, quoique la tradition soit inter« venue ; ce n’est que du jour du consentement donné
« à la vente par ce propriétaire , qu’il y a ouverture
« au retrait ; car ce n’est que par ce consentement qu’il est
« censé vendre. »
C’est l’espèce dans laquelle se rencontre le sieur Daudin.
La vente a été consentie par la m ère, non comme
tutrice, non en qualité d’exécutrice testamentaire, non
pour les affaires du mineur , puisque l’acte ne constate
aucun emploi ; mais en son nom propre et privé , comme
de chose à elle appartenante. X>a ratification que le sieur
Daudin en a faite, n’est point une ratification : il n’y u
point de contrat préexistant, e t, de l’aveu même du
sieur Capelle, elle devoit alors être conçue en forme
de vente et être faite double.
Pour prouver qu’il n’y avoit pas de contrat préexis
tant, que la vente faite par la mèi’e, non en sa qualité
de tutrice, mais en son nom propre et privé , étoit
entièrement étrangère au mineur , on ne fera qu’une
question au sieur Capelle. La ratification tacite par le
laps de dix ans, s a n s réclamation, auroit elle dépouille
le sieur Daudin? Non , sans doute.
11 y a plus, il 11’y a de contrat préexistant, ni de la
part du fils, ni même de la part de la mère.
Il 11’y en a pas de la part du fils, puisqu’il 11’existe
aucun acte de sa p art, et que le sieur Capelle n’a pas
même voulu qu’il entrât dans la v e n t e , pour qu’on ne
pût lui dire qu’il avoit eu corinoissnnce du vice de l’acte.
�Et il n’y en a pas non plus de la part.de la mère.
C e c i , sieur Capelle, va vous surprendre ; mais écoutez :
Vous savez qu’il faut trois choses pour constituer la
vente ; la chose, le prix et le consentement : res , pretium et consensus. Il faut que le consentement porte
sur la chose et sur le p rix , sans quoi il n’y a point de
vente. C’est la disposition de plusieurs lois.
Si je compte vendre une chose, et que vous comp
tiez en acheter une autre ; il n’y a point de vente.
Si je compte vendre pour un p rix, et vous acheter
pour un autre moindre; il n’y a pas de vente.
Pour quel prix la mère a-t-elle entendu vendre ? Pour
la somme de 21600 f r ., puisque c’est le prix'porté au
contrat. Pour quel prix Capelle a-t-il entendu acheter?
Pour la somme de 13800 fr.; et il n’a effectivement payé
que ce prix. La lettre fatale du 10 août 1783 le prouve.
Sistrières, dit Daudin dans cette lettre, croit encore que
t o u s 71 avez f a i t de billets que pour 14000 f r . Quoi
qu'il en soit , je ne vous nuirai jamais, V ous nCavez,
payé ce que vous m avez promis.
Si la dame Daudin a entendu vendre pour 21600 f r .,
s’il est constant que Capelle n’a payé et n’a voulu payer
que 13800 f r ., il n’y a donc pas eu de vente. La vente
pèche par une de ses qualités constitutives, par le con
sentement.
IL n’y a donc pas de contrat préexistant, môme delà
part de la mère. C’est donc mal à propos qu’on veut
qualifier l’acte du 21 mars 1788 de ratification. On ne
peut confirmer ce qui est n u l, et non-seulement ce qui
est n u l, mais ce qui n’existe pas, puisque, par défaut de
consen lomei.it,
�•
3 JÏ
(
57 )
consentement, il n’y a pas de vente, même de la part de
la mère.
Ce seroit donc une vente, et non une ratification que
le sieur Daudin auroit souscrite , et elle devoit être faite
double.
Le sieur Capelle veut faire regarder la vente consen
tie par la mère comme un contrat préexistant. Ce contrat
porte 21600 f r ., et il n’a payé que 13800 fr. ; il devroit
donc offrir les 7800 fr. restans, puisqu’il demande l’exé
cution de ce contrat. M ais, non , il veut retenir, et cet
excédent de prix et le domaine.
La ratification est nulle en second lieu comme ne con
tenant pas de prix.
Le prix, dira l’adversaire, n’est-il pas dans le contrat?
O ui, s’il étoit sincère; maison a v u , et il est prouvé
qu’il étoit simulé.
Maintenant, quelle est la convention que le sieur
Daudin a ratifiée? Il a consenti, si l’on veut, que le
sieur Capelle demeurât propriétaire; mais est-ce moyen
nant le prix réel qu’il a donné, ou moyennant le prix
simulé? Est-ce moyennant la somme de 138006.*;, ou
moyennant celle de 21600 fr. ? C’est ce que la ratification
ne dit pas, et ce qu’elle devoit dire. Il y avoit d’autant
moins d’inconvénient, que la ratification ne devoit pas
paroître aux yeux de la mère, qu’elle devoit demeurer
entre les mains de Capelle.
1
1 Enfin la i*atification est nulle, comme étant vague et
générale. Il faut encore développer les principes à cet
II
t ' J;
�W*
II'-,' -
.
_ ( 58 )
égard. Ils sont consacrés dans la loi même, dans la loi
au Code, S i major fa ctu s alienationem factam ratant
habuerit, livre 5 , titre 74 : voici les termes de cette
loi.
S i sine decreto prœsidis prœdia tua à tutore tuo
alienata su n t, nec speciali corrfirmatione, vel ( si bonâ
Jide possessorfuisset) statuti temporis excursu id quod
perperàm est actum, fuerat stabilituni, prœses provinciçe possessionem in jus tuum retrahet.
La ratification doit donc être spéciale. Une ratifica
tion en termes vagues et généraux, qui ne désigne p¿is
même l’acte qu’on ratifie, ne suffit pas.
La ratification doit être expresse et faitznominatïm,
dit Pérésius, sur le titre 46 , au Code, livre 2 : S i major
ja ctu s ratum habuerit. Car si l’on confirme un acte
pu des actes en général, sans exprim er, ni leur objet,
ni leurs clauses principales, ni le temps où ils ont été
passés, la convention est radicalement nulle par la seule
indétermination des choses qui en font la matière , et
par l’impossibilité d’assigner, d’une manière fixe et cer
taine , l’objet sur lequel a porté le consentement des par
ties contractantes.
. L ’adversaire ne peut se dissimuler les termes de la loi;
il cherche à les intei’préter. Suivant lu i, si la loi exige
que la ratification soit spéciale, c’est en ce sens, qu’il faut
qu’il paroisse que celui qui a ratifié a eu connoissance
de l’acte ; mais en induire qu’il faut spécifier la nature,
les clauses, la date, le nom du notaire qui l’a reçu, c’est
une puérilité qui n’a été ni pu être dans l’esprit du
législateur.
�O r , ajoute-t-il, le sieur Daudin peut-il dire qu’il n’a
pas eu connoissance de l’acte, tandis que d’un autre côté
il soutient que c’est lui qui a traité, que c’est lui qui
a reçu le prix?
D ’abord , on pourroit répondre, en admettant la res
triction que l’adversaire veut donner aux termes de la
loi , qu’il ne sufïiroit pas qu’il fût constant d’ailleurs
que celui qui ratifie a eu connoissance de l’acte ; qu’il
faut que l’acte en renferme lui-même la preuve, probetionem probatam; qu’un acte doit contenir par lui-même
tout ce qui sert à en constituer la validité, toutes les
formes essentielles.
Mais l’adversaire interprète encore mal la loi. Lors
que la loi exige que la ratification soit spéciale , ce n’est
pas seulement afin qu’il soit établi que celui qui ratifie
a eu connoissance de l’acte', il faut non-seulement qu’il
soit établi qu’il a eu cette connoissance, mais encore qu’il
a eu intention de réparer le vice de l’acte. C’est prin
cipalement cette intention , et la manifestation de cette
intention , que la loi requiert.
Les interprètes ne l’ont jamais entendu différemment. >
On a déjà cité Péi’ésius ; on pourroit citer Dumoulin, •
l’Epine de Grainville mais une autorité plus remarqua
ble, est ce qu’on lit dans le Projet du Code civil, art.
229 du livre 2, qui n’est que la transcription de ce que
Dumoulin avoit enseigné. « L ’acte confirmatif, dit cet
« article, suppose un contrat antérieur, et un contrat
« valable. Si l’acte confirmé est radicalement nul, il n’est
« point validé par la simple confirmation, à moins qu’elle
« n’cuonce la connoissance de la nullité du premier, avec
lia
�( 60 )
cc Tintention de la réparer, qu’il n’en rapporte la sub« stance, et ne contienne la déclaration de la volonté de
« lui donner l’exécution, »
Le sieur Daudin ne désavoue pas avoir eu connoissance de la vente ; mais il fout que l’acte porte la ma
nifestation de l’intention de lui donner l’exécution.
Et comment supposer cette intention, si le vice n’est
pas énoncé, si l’acte n’est pas même rappelé? C’est pour
que cette intention ne pût être équivoque , que la loi
a- voulu que la ratification fût spéciale.
On ne peut pas même dire quel est l’acte que le sieur
Daudin a voulu ratifiei\ La ratification, pour s’étendre
à. tou t, ne s’applique à rien ; pour trop signifier, elle
est insignifiante.
On a vu comment elle est conçue : Je soussigné, est«. il d it, approuve et ratifie les actes que ma mèi'e a
« consentis en faveur de M . Capelle, conseiller, du do
te maine de Yernet et tout ce qui en dépend, et pro« mets de l’en faire jouir en vrai propi’iétaire. »
Quels sont ces actes qu’il.approuve et ratifie? Sont-ce
des contrats de vente , des baux emphytéotiques , des
échanges,. des donations même ?
On a cru écarter cette objection en disant que le sieur
Daudin l’a suffisamment expliqué en ajoutant, promets
Ten faire jou ir en vrai propriétaire. Mais c’est rentrer
dans la difficulté ; car tous les actes qu’on vient d’énon
cer sont translatifs de propriété.
Il n’es« pas dit Pacte , il est dit les actes ; ce qui em
brasse, par la généralité de l’expression, les actes au
thentiques , les actes sous signature privée, les contre-
�•
3
fS
(6 0
lettres, les quittances, les décharges et toutes les con
ventions quelconques qui pourroient être intervenues
entre la dame Daudin et le sieur Capelle.
Il est dit, les actes, et cependant il n’en paroît qu’un.
L e sieur Daudin convient bien avoir eu connoissance
de la vente; mais il ne convient pas avoir eu connoissance d’autres actes, et on ne prouvera pas qu’il en a eu
connoissance. La ratification s’étend à tous ; elle est done
nulle, de l’aveu même du sieur Capelle, et d’après l’in
terprétation qu’il donne lui-même aux termes de la lo i,
relativement à ces actes dont il n’a pas eu connoissance.
Si elle est nulle pour les uns, elle est nulle pour l’autre.
11 n’y a pas deux ratifications, il n’y en a qu’une: on ne
peut pas la diviser : on ne peut pas la déchirer en partie.
Mais toute ratification doit au moins être postérieure
à l’acte qui est ratifié. O r, qui ne voit qu’elle a précédé,
. . , . (
qu'elle a été remise à l’avance ?
Capelle, ainsi que nous l’avons dit, étoit incertain s’il
prendroit un bail à locaterie. perpétuelle pour éviter le
droit de lods, ou s’il prendroit une vente. Dans cette in
certitude, il se fit remettre une ratification en tenues gé
néraux et à toutes fins.
T el est l’acte qu’il oppose. T el est l’acte qu’il produit
avec confiance ^ dont il fait le principal moyen de sa
défense.
Il argumente des lettres à lui écrites par Daudin. Dans
l’une ; ce sont des renseignemens. suy la forme : dans
�( S
*
( 6 2 }
l’autre, celle du ro août 1783, Daudin dit qu’il ne lui
nuira jamais auprès de Sistrières: dans une autre, il parle
cl’une rente réclamée par le seigneur de Valadi ; il ter
mine par lui faire des complimens ; car l’adversaire a été
jusqu’à relever cette circonstance.
Que signifient ces lettres , écrites toutes en minoi'ité,
puisque Daudin n’a été majeur que le 2 septembre 1787?
Ces lettres seroient tout au plus une suite de la vente.
Mais qui sait mieux que le sieur Capelle que ce qui n’est
que la suite, l’exécution d’un acte, n’en est pas la ra
tification ?
Il faudroit un engagement formel, une intention bien
manifeste de ratifier; et quand les lettres contiendroientcet
engagement, il resteroit à opposer ce qu’on a opposé
contre la ratification du 1e1'. mars 1788, que l’acte devoit être fait double,
QUATRIÈME
OBJECTION.
Prescription de 10 a n s, avec titre.
On sait qu’en pays de droit écrit on prescrit nonseulement l’hypotlièque, mais encore, si l’on veut, la
propriété , avec titre et bonne foi, par dix ans entre pré
sens, et vingt ans entre absens. Le sieur Capelle a cru
pouvoir invoquer cette espèce de prescription , admiso
en pays de droit écrit, et rejetée par plusieurs Coutumes,
notamment par celle d’Auvergne. Il a soutenu que si la
vente consentie par la mère, en son propre et privé nom,
ne lui avoit pas transféré la propriété, elle étoit au moins
�a y
i
«3 )
un titre apparent, suffisant pour prescrire ; qu’au titre
il joignoit la possession pendant le temps requis par la
loi ; qu’ainsi, dans tous les cas, la réclamation du sieur
Daudin seroit tardive.
On prescrit par dix ans, avec titre; il faut ajouter,
et avec bonne f o i . Il ne suffit pas d’un titre apparent,
il faut encore la bonne foi. Qu’entend-on par bonne
foi? L ’opinion d’avoir acheté du véritable propriétaire,
opinio quœsiti dominii.
Le sieur Capelle avoit-il cette opinion? A - t - il cru
avoir acheté du véritable propriétaire? Il a pris soin
encore de fournir des armes contre lui. Qu’on lise sa
requête du 6 floi'éal an 9 , il y fait lui-même l’aveu du
contraire. On n’en rappellera que ces expressions qu’on
a déjà citées : « Rassuré , est-il dit, par le pouvoir que le
« testament, dont il avoit connoissance , avoit donné à
« la veuve Daudin, par l’emploi utile du p rix , il se
« croyoit propriétaire irrévocable. »
A voit-il la bonne foi lorsqu’il a pris la ratification ?
Est-ce pour prouver qu’il avoit acquis de bonne foi ,
qu’il a produit la lettre du 10 août 1783 ?
A u titre et à la bonne foi il faut joindre la posses
sion de dix ans utiles ; e t , d’après le calcul même de
l ’ adversaire, il ne s’est point écoulé ce temps.
Il convient qu’il ne faut compter que pour moitié le
temps de l’absence de Daudin ; et par absens 011 sait qu’il
faut entendre, en cette matière , non-seulement ceux
qui sont véritablement absens, qui sont hors du terri
toire français , mais même ceux qui sont domiciliés dans
des ressorts diiïérens ; non-seulement ceux qui ctoient
�( 6 4 }
alors domiciliés dans des parlemens , mais même dans
des bailliages diflércns. Il ne faut donc compter que pour
moitié le temps qui s’est écoulé depuis le 2 septembre
1787, date de la majorité de Daudin , jusqu’au 11 dé
cembre 1790 , date de la suppression du bailliage de
V ie , lieu du domicile de Daudin , et de l’installation
du tribunal de district d’Aurillac , au l’essort duquel il
a été réuni ; ce qui présente 1 an 7 mois et 24 jours
seulement de temps utile; à quoi ajoutant 8 ans 10
'mois et 24 jours écoulés depuis , jusqu’au 4 vendémiaire
an 8 , date de la réclamation de Daudin , correspondant
au 26 septembre 1799 , il s’est écoulé 10 ans 6 mois et
18 jours : mais on connoît la disposition de la loi du i5
germinal an 3 , qui a relevé de la prescription et de
tout autre délai emportant fin de non-recevoir tous lcâ
détenus à l’occasion de la révolution , pendant le temps
de leur détention , et même jusqità la publication du
décret. Le sieur Daudin a été reclus le 24 messidor an 2.
L ’arrêté du comité de sûreté générale qui l’a rendu à
la liberté , est du 17 pluviôse an 3. Si on déduit ce
temps de sa réclusion on verra qu’il ne s’est pas écoulé les
dix ans utiles. Ainsi disparoît cette quatrième objection.
Tels sont les moyens que le sieur Capelle a fait valoir
pour se maintenir dans son injuste possession. On croit
les avoir suiïisamment combattus. Oncroit avoir démontré
le bien jugé du jugement, en ce qu’il l’a condamné à
se désister d’un domaine aussi illégalement acquis.
L ’appel qu’il a interjeté ne porte pas seulement sur
cette disposition.
11 est appelant , en second lieu , en ce que le sieur
Daudin
�C 65 )
Daudin n’a pas été condamné, comme slellionataire, à
le faire jouir , sinon à lui rembourser l’entier prix porté
au contrat de vente , frais et loyaux coûts , et dommagesintérêts ; qu’il n’a été condamné qu’à lui payer la somme
de 13800 f r ., pour le prix de la vente. Cette seconde
disposition n’est qu’une 9uite de la précédente. Le bienjugé de l’une entraîne nécessairement le bien-jugé de
l’autre. Il est inutile de s’arrêter davantage sur ce se
cond clief.
On ne dii*a qu’un mot sur la qualification de stellio—
nataire. Qu’est-ce que le stellionat ? c’est le délit de celui
qui vend la même chose à d eux, qui * après avoir vendu
à un , vend à un autre. Pour qu’il y eût stellionat ,
il faudi'oit qu’il y eût une pi’emière vente consentie à
Capelle par Daudin ; il faudroit que Capelle eût acheté
valablement , ou de la mère, ou du fils. E s t-il dans
cette position ? On a vu comment il a surpris le consen
tement de l’ une , comment il a abusé du délire de l’autre.
Est - ce le sieur Capelle qui inculpe Daudin de fraude ?
Qia's lulerit Gracchos de sedîtione querentes!
Il est appelant , en troisième lieu , en ce que sur la
demande en garantie solidaire il a été ordonné une plus
ample contestation.
Ici le sieur Daudin est loin de s’opposer à l’infirmation
de cette partie du jugement. Il est lui-même appelant en
ce chef. Il a le même intérêt que le sieur Capelle, celui
d’éviter, et les- frais, et les longueurs d’un nouveau procès.
J^e tribunal n’hésitera sans doute point à accueillir leur
appel, a les sortir d’affaire par un seul et même jugement.
I
�( 66 )
; La loi qui veut que dans toute cause il y ait deux
degrés de juridiction , ne s’y oppose point. On connoît
le jugement du tribunal de cassation, d u ..........................
qui a jugé que lorsque le tribunal de première instance
a prononcé sur certains chefs' et ordonné une plus
ample contestation à l’égard des autres , le tribunal
supérieur , saisi par appel de la connoissance de ceux
sur lesquels il a été fait droit définitivement, peut statuer
sur le tout ; que ce n’est point là l’évocation défendue
par les nouvelles lois ; et cela, pour que les parties ne
soient pas exposées à subir autant d’appels qu’il y a de
chefs de demande.
Ceci nécessite d’entrer dans le mérite de la demande
même. Il sera facile d’établir qu’elle ne peut épouvanter
le sieur Daudin.
j ¡; • ,
- \
.
^
!
' ■
Garantie solidaire.
L ’adversaire commence par faire l’énumération des
actes préparés, médités, concertés entre le fils et la mère
et Desprats, pour lui enlever tout à la fois, et sa pro
priété et le gage de sa garantie.
7 octobre 1790, et 28 novembre 1792, actes par
lesquels la dame Daudin se reconnoît débitrice envers
son fils de 47660 f r ., inscrits le 3 messidor an 7.
7 , 8 , 9 et 11 nivôse an 6 , ventes par la dame
Daudin, à différens particuliers , pour plus de 40000 fr.,
toutes transcrites le 4 vendémiaire an 8.
6
complémentaire an 7 , inscription par Louise et
.Elizabeth Sobrier , sœurs de la dame Daudin, pour
�1200 fï\ , en vertu d’un testament du 30 septembre 1778.
Du même jo u r, inscription de 3000 fx*. dûs à AnneRose Abeil, belle-sœur de Daudin, sur la dame sa mère,
en vertu d’un acte du 2 complémentaire an 7.
7
brumaire an 8 , inscription de i 5ooo fr. par Gabriel
Chaunac, beau-frère de D audin, sur la dame Daudin ,
sa belle-mère, en vertu de deux testamens du i 5 février
1766, et 3 avril 1773.
2 vendémiaire an 8 , vente par Daudin audit Gabriel
Chaunac, de ses créances mobilières,moyennant 10000fr.
i 5 vendémiaix-e an 8 , transcription de la vente passée
entre Daudin etDesprats , sous la date du 2 vendémiaire,
même jour de la vente consentie à Chaunac.
Ne voit-on pas, s’écrie le sieur Capelle , le concert
de fraude ? Ne voit - on pas que l’on a cherché par
tous ces actes à mettre à couvert la foi'tune de la mère ;
qu’on a voulu la constituer en faillite frauduleuse ?
Or , ajoute - 1 - i l , ceux qui coopèrent à la fi-aude ,
ceux qui sont complices d’une faillite frauduleuse , sont
pei’sonnellement responsables , et i*esponsables par corps.
Ce n'est pas dans l’espoir du succès, c’est dans l’intention
de jeter de la défaveur sur le sièur Daudin, qu’on a élevé
une prétention aussi chimérique.
Il
n’y a point de complicité, là où il u’y a point de
fraude. Il 11’y a point de fraude: on n’a pas cherché,
comme il s’en plaint, à lui enlever le gage de la garantie,
s’il n’y a point de garantie, s’il n’a aucune action en ga
rantie à exercer, on ne dit pas contre le fils , mais même
contre la mère.
Il n’y a point de garantie , là où il n’existe point d’engaI 2
�( 6S )
gainent : or il n’en existe point. On a prouvé plus haut
que le contrat de vente ne peut produire aucun enga
gement , même de la part de la mère. E t , en effet ,
moyennant quel prix a-t-elle entendu vendre ? Elle a
entendu vendre moyennant la somme de 21600 francs.
Capelle n’a entendu acheter et n’a acheté que 13800 fr.
Les parties ont donc été divisées sur le prix. 11 n’y a
donc point eu de consentement. S’il n’y a point eu de
consentement, il n’y a point de vente. Il ne s’agit pas
ici de restitution , il ne s’agit pas de nullité : c’est plus.
L ’acte n’est pas seulement n u l, il n’a pas existé; il n’y a
point de vente. Le prix e$t de l’essence de la vente : il
n’y a point de vente , si les parties ne sont pas d’accord
du prix.
Secondement, il n’y a pas lieu à garantie, c’est-à-dire ,
à dommages-intérêts , lorsque l’acquéreur a connu le
vice de la vente l’acquérpur ne peut en ce cas prétendre
que la restitution du prix. La loi dernière, C. Emptor
communia de legatis, en q une disposition précise.
Emptor sciens rei gravanien, adçersus venditorem
actionem habeat tantum ad rcstitutionem p retii, nec
ex duplœ stipulatione locum habeat, ciim sujjiciat ei
pro pretio quod sciens dédit pro re alienâ satisjieri.
Onsait que ceux qui sont d’une opinion contraire,
qui pensent que la pleine garantie est due lorsqu’elle a
été stipulée , soit que l’acquéreur ait connu ou non le
vice de la vente, prétendent que cette loi Emptor est
une loi particulière pour les choses comprises au legs
et iidéicommis, par la grande faveur que les legs et les
fidéicommis, et généralement les dispositions des mou-
�,
( ‘6 9 )
rans, avoient chez les Romains. Mais , en admettant cette
interprétation, le sieur Capelle se rcncontreroit précisé
ment dans l’espèce de cette loi. Le fils avoit été institué
héritier, la mère avoit été nommée exécutrice testamen
taire. Elle devoit en conséquence veiller davantage à la
conservation de l’hérédité , à la conservation des biens
compris dans l’institution , au lieu de les aliéner. D ’uu
autre côté, l’adversaire n’a point dissimulé avoir connu
le testament ; il auroit donc sciemment concouru avec la
mère à l’inexécution de la volonté du testateur ; il seroit
doue dans le cas de la loi ; e t , aux termes de cette loi ,
quelque clause qu’il ait stipulée, nec ex duplœ stipulatione , il ne peut exiger que la restitution du prix.
Il
ne peut donc prétendre qu’on a cherché à frauder
la garantie quant aux dommages-intérets , et il ne peut
dire que les actes dont il a fait l’énumération ont été
consentis en fraude de la garantie , quant au p r ix , puis
que le sieur Daudin a toujours offert, et par conclusions
précises, de lui faire raison de la somme de 13800 f r .,
prix réel de la vente.
Ces offres prouvent sa franchise et sa loyauté.
Le sieur Capelle, qui a exercé pendant plusieurs années
les fonctions honorables de la magistrature, n’ignore pas
que le mineur n’est tenu de rendre les deniers qu’ il a
perçus, qu’autant qu’ il en a profité par un emploi utile
et avoué par les lois : Quatenùs in rem versum.
Daudin pouvoit donc se dispenser de faire ces offres;
il les a faites : il n’a donc point colludé pour faire perdre
le sieur Capelle !
Et le sieur Capelle, qui l’accuse de fraude , réclame ce
„>'&
�( 70 )
qu’il n’a même pas payé. Il réclame la somme de 21600 fr.
indépendamment de ses dommages-intérèts, tandis qu’il
est prouvé qu’il n’a payé que 13800 fr.
Et quels sont les actes sur lesquels il fonde la pi'euve
de collusion et de fraude ?
La vente consentie à Desprats ! Mais cette vente doit
lui être indifférente; il doit lui être indifférent d’être
condamné à se désister d’un domaine envers l’un ou
envers l’autre.
Les deux actes par lesquels la mère s’est reconnue
débitrice envers lui d’environ 48000 fr. ! Mais le sieur
Daudin lui a dit, dans son interrogatoire, que ces actes
avoient eu pour motif des arrangemens de famille ; que
lorsqu’ils avoient été souscrits, ils ne l’avoient point été
en vue de les lui opposer,
Les inscriptions faites par les créanciers, parens, sî
l’on veu t, ou alliés de Daudin ! Mais elles ont été faites
en vertu de titres anciens qui ne sont du fait, ni de la
dame Daudin, ni de son fils,
La vente faite par Daudin à Chaunac de ses ci’éances
mobilières ! Mais Daudin n’a-t-il pas pu disposer de sa
chose propre ? E st-il, a-tril jamais été le débiteur du
sieur Capelle ? Quel titre le sieur Capelle a-t-il pour
être le scrutateur des spéculations qu’il a pu faire ?
Enfin on va plus loin. Auroit-il colludé ; il aui’oit
colludé , non pour commettre une fraude , mais pour
§’en rédimer. Seroitril repréhensible?
Que voit-on dans cette cause ? D ’une p art, un jeune
homme sans expérience, livré à la fougue de l’âge, et
�( 71 )
emporté par une passion ardente ; de l’autre, un ju ge,
un ancien magistrat , faisant céder ses devoirs à son
ambition.
C’est entre eux que la cour a à prononcer. Est-ce le
sieur Daudin qui doit redouter le jugement?
P A G È S - M E I M A C , jurisconsulte.
M A L L E T , avoué,
A RIOM, de l’imprimerie de LANDRIOT, seul imprimeur de
la Cour d’appel. — An 12.
'Mfi
M
�
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Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
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/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
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Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Daudin, Eléazard-Rostang-Etienne. An 12]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Pagès-Meymac
Mallet
Subject
The topic of the resource
ventes
abus de confiance
abus de faiblesse
prescription
éviction
minorité
testaments
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire pour Eléazard-Rostang-Etienne Daudin, propriétaire ; contre François Capelle, ci-devant conseiller au bailliage et siège présidial d'Aurillac ; en présence d'Antoine Desprats, et de dame Marguerite Sobrier, veuve de Jean Daudin.
Table Godemel : Dol : 1. Vente du 1er mars 1782 critiquée de nullité comme ayant été surprise, à une femme, par des manœuvres concertées entre l’acquéreur et le fils mineur de la venderesse. Eviction : 2. si la vente d’un immeuble et la ratification qui en a été faite par son héritier, devenu majeur, sont nulles, le vendeur qui a contracté en son propre et privé nom et reçu le prix, peut-il être dispensé de garantir l’éviction sur le fondement que le vice du contrat même en est la cause, et que l’acquéreur connaissait l’incapacité du vendeur ? Exécuteur testamentaire : autorisé à vendre pour payer des dettes, peut-il vendre sans aucune formalité pendant la minorité de l’héritier ?... L’acquéreur doit-il surveiller l’emploi des deniers ? Prescription : l’acquéreur, dont le titre est vicieux, peut-il se prévaloir de sa possession, et opposer, en pays de droit écrit, de l’action en nullité et en désistement, la prescription de dix ans entre présents et de vingt ans entre absents ? Ratification : 1. l’acte par lequel l’héritier devenu majeur ratifie les actes passés par l’exécuteur testamentaire, soit-il, pour être valable, énoncer expressément les actes ratifiés ? cet acte, s’il est sous signature privée, doit-il être fait double ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'Imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
An 12
1773-An 12
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
71 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G1512
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0532
BCU_Factums_G1513
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Coverage
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Vic-sur-Cère (15258)
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Rights
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Domaine public
Abus de confiance
abus de faiblesse
éviction
minorité
prescription
testaments
ventes