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E T C O N S U L T A T I ON.
�Q U E S T IO N S .
Iere. F i lle renonçant à succession f u t u r e , en pays
de droit écrit au profit de l'héritier q u i seroit institué,
sa renonciation profite aux m â les, si le père meurt
sans f a i r e d'autres dispositions.
IIME- E n pays de droit écrit, o u l'institution est né
cessaire pour la validité des testamens , l'institution du
posthum e, dont la fem m e est enceinte, comprend tous
les posthumes q u i naissent après le testament.
�Ï2>\
_
C 'A
TRIBUNAL
M E M O I R E
ET C O N S U L T A T I O N ,
P O U R j e a n C A R T I E R , propriétaire, habitant
de la commune de Saint - Germain - l'H erm ,
appelant
,
C O N T R E L o u i s e C A R T IE R e t m a r c B A R R IE R E ,
son m ari officier de sa n té, habitans de la même
com m une, intimés
E t encore C O N T R E m a g d e l e i n e C H R IS T O P H L E
veuve de F r a n ç o i s C A R T IE R F r a n c o i s e t m a r i e
C A R T I E R , tous citoyens de la même com m une
intimés.
a:
F A n ç o i S CARTIER et Magdeleine Christophle ont
R
eu plusieurs enfans, dont quatre seulement : deux gar
çons, Jean et François Cartier; deux filles, Louise et
�( o
Mario Cartier ont survécu à leur père , mort le 16
mai 1791.
Il habitoit la commune de St. Germain - l’Herm ,
pays de droit écrit ; la principale partie de sa fortune se
régit par la même loi : une très-petite portion est située
en pays de coutume.
A u mois d’août 1769 , François Cartier "fut atteint
d'une maladie dangereuse, qui lui laissoit peu d espoir
de retour à la vie : il avoit alors un garçon (Jean Cartier)
et trois filles : Magdeleine Christophle, sa femme , étoit
grosse.
• L e 1 3 'août-1769, il fit un testament nuncupatif, par
lequel, entr’autres dispositions, il légua à sa femme, pen
dant sa vid uité, là jouissance universelle de ses biens', à
la charge par elle d’accepter la tutelle de s q s bnlans, sans
être tenue de lyur. rendre compte.
Il institua Jean Cartier, son fils, héritier universel ¿le
tous les 7)iens dont il mourrait vêtu et saisi', mais qù’il
ne pourroit recueillir qu après la cessation de 1 üèüfrüit
.......
^
légtfé’iVsa mère.
; jCette institution fut encore faite à la-charge.par-lui
de ])nyer à Louise, M arie, autre M arie, ses sœurs ,et> au
posthume dont la fem m e étoit enceinte, la somme de
deux mille liv re s, et un ameublement, chacun suivant
leu r état et condition, pour laquelle somme de deux
mille livres et un ameublement, il institue lesdiles Loiii^q,
Marie , autre M a rie , et le posthume , sés héritiers-'par
ticuliers.
Si lu "posthume est un m aie, le testateur lui donnomillfc
�. -t.
V'
( .3 )
livres de plus : si l’héritier universel vient h décéder avant
que de se m arier, il sera libre à Magdeleine C'iristophlede choisir pour l’héritier celui de ses enfans qu elle vou
dra préférer ; mais, si le posthume est un m âle, il sera
dans le cas prévu son héritier de droit : seulement dana
ce cas le posthume donnera à chacune de scs sœurs mille
livres de plus.
Telles sont les principales dispositions , et les seules
utiles à rappeler du testament du père commun. Il se réta
blit de la maladie grave dont il étoit attaqué, et a sur
vécu vingt-deux ans à ce testament.
L ’enfant dont la mère étoit grosse alors n’a pas vécu;
il est mort long-temps avant le père : mais depuis , M agdeleine Christophle a eu un autre enfant; c’est François
Cartier, toujours vivant : l’une des filles, appelée M arie,
a également prédécédé son père.
L e 2.6 février 1 7 8 6 ,François Cartier a marié L ouise,
sa fille aînée, avec Marc Barrière : ses père et mère lui
constituèrent un ameublement détaillé au contrat de mariage, et une somme de trois mille livres en dot; savoir :
deux mille neuf cents pour biens paternels , et cent pour
biens maternels ; au moyen de q u o i, Louise Cartier a
renoncé au x successions à venir seulement de ses père
et m ere, en faveur et au profit de l’héritier que les père
et mère jugeront à propos d’instituel’.
• Après le décès du père com m un, arrivé, comme on
Ta dit, le 16 mars 1 7 9 1, Jean Cartier voulut profiter du
bénéfice de l’institution faite en sa faveur par le testa
m ent; mais cet acte fut attaqué par Jcelloi des ’enlan$
z
�qui y avoit le moins d’intérêt Louise'Cartier , femme
Barrière , avoit'-renoncé expressément à la succession
de^son père; une pareille'renonciation, laite par contrat
de m ariage, à.une succession a éch oir, est valable en
faveur des nulles.
j
Elle prétendit que le décret du 8 avril 1791 , qui
supprime les forclusions coutumières, abolit également
les renonciations fuites en droit écrit. Feignant d’ignorer
que son père étoit mort avant la promulgation de cette
lo i, puisque François Cartier est décédé le 16 mai 179 1,
.et que la loi n’a été en vo yée que le 24 du même m ois,
elle vouloit absolument s’en appliquer les dispositions,
sur le fondement quelle n’avoit renoncé qu’en faveur
de l’héritier qui seroit institué, et qu’il n y avoit pas
d’institution valable.
'
■ .
En effet, suivant elle le testament étoit nul pour toutes
les dispositions qu’il contient; il y avoit prétérition dans
son systèm e, parce que le posthume, qui étoit conçu lors
du testament, est décédé depuis , et qu’il y avoit eu un
:autre enfant dont le testament ne fajsoit pas m ention, ce
qui entraînoit la nullité de l’institution, d’après l’ordon
nance de 1735.
Elle attaquoit encore le legs d’usufruit fait h sa m ère,
parce que, disoit-elle, ce legs n’a été fait qu'à la charge
d’accepter la tutelle de scs enfans, et lors du décès du
testateur , tous les enfans étoient majeurs ou hors de
tutelle. Elle accusoit encore sa mère d’avoir fait 1111 in
ventaire frauduleux.
D ’un fiutrc côté, elle soutenoit que ce legs, étant
�f 5 J
universel, étoit également annullé par la prétérition ;
en conséquence elle demanda le partage et une portion,
égale dans les biens de son père.
Jean Cartier combattit avçc avantage les singulière*
prétentions de sa sœur •, suivant tous les principes, la
renonciation d’une fille à une succession à échoir, faite
en droit écrit par contrat de m ariage, etoit valable en
faveur des mâles ; il irnportoi-t peu qu’elle fût dirigée
au profit de tel ou tel autre} tant qu’il existoit des mâles
ou descendans d’e u x , la renonciation avoit tout son effet.
Dès qu’il n’y a pas de forclusion légale en pays de
droit é crit, on ne pouvoit pas appliquer une loi qui ne
supprime que les forclusions coutumières.
..D ’ailleurs , la loi du 8 avi'il 1791 n’a pas d’effet
rétroactif} elle ne regarde que les successions qui s’ouvrirontà compter de sp publication; et, suivant lé certificat
donné par le départem ent, la loi n'a été promulguée
que le 24 mai 1791 ; le père étoit décédé huit jours
auparavant; Louise Cartier n’avoit donc aucune .action.
Eût-elle qualité pour demander le partage, l ’institution
testamentaire faite au profit de Jean Cartier devoit avoir
tout son efïet , dès que le posthume, c o n ç u l o r s du testa
m ent, avoit été institué : cette institution a com pris tous les
posthumes qui pouvoient naître dans la suite, par 1 egalito
d’affection qu’on présume dans le testateur pour tous les
posthumes, qui lui sont également inconnus: telle est la
disposition des lois auxquelles l’ordonnance de 1736 n’a
rien changé.
l ’ ouï- ce qui regarde le legs d’usufruit fait à la m èrc3
3
�( .6 } , . •
le système de Louise Cartier étoit absurde; lu charge
daccepter la tutelle disparoît, dès qu’il n y a plus de
mineurs , mais la libéralité reste ; ce u’est d’ailleurs qu'iui
legs particulier, puisqu’il ne consiste qu’en jouissance ,
et la prétéritiou d’un légitimaire n’annulleroit tout au plus
que l'institution universelle.
T e l étoit l’état des choses, qui devoit faire espérer un
plein succès à Jean Cartier; mais la loi du 17 nivôse
vint mettre tout le monde d’accord ; il fallut partager par
égalité.
Cette loi révolutionnaire-ayant été rapportée dans ses
effets rétroactifs, Louise Cartier a renouvelé scs pré
tentions devant un tribunal de fam ille, qui a porté une
décision aussi injuste qu’inattendue ; il est indispensable
d en faire connoître les motifs et les dispositions?
Les arbitres de famille ont' d'abord posé quatre ques
tions.
K i° . La forclusion de Louise Cartier est-elle valable ?
« 2°. Dans le cas où la forclusion ne seroit valable
« qu’en partie, quelle portion de sa dot devroit-on con« fondre avec la partie des biens dans lesquels elle seroifc
« admise h rentrer ?
« 30. L e testament de François Cartier est-il nul par
« vice de prétention ?
« 40. En cas de nullité, d oit-elle entraîner celle de
« legs d’usufruit fait à la mère ?
« A ttendu, sur la première question , est-il d it, qu'il
« faut distinguer, dans la succession de François Cartier,
« k s biens de coutume et ceux du droit écrit,* q u à
�« l'égard, des prem iers, la renonciation, quoique voguo
« meut dirigée, a un effet légal qui ,1a dirige au profit
a de tous les mâles indistinctement, parce que la coutume
« d’Auvergne eût opéré la forclusion légale, quand il
« n’y auroit pas eu de renonciation précise ; qu’on no
« peut pas opposer, en, faveur de Louise Cartier, la,lo i
« du 8 avril 1 7 9 1, qui abolit les forclusions coutumières,
« parce que cette loi 11’a point d’effet rétroactif, et n’a été
v publiée dans le district d’Am bert que postérieurement
* au décès de François Cartier.
« Que pour ce qui concerne les biens de droit écrit,
« a l égard desquels il faut une renonciation expresse et
« directe, on ne peut pas dire que ces deux caractères
« se rencontrent dans la renonciation de Louise Cartier,
« en ce qu’elle n’a renoncé qu’au profit de l’héritier
que ses père et mère jugeront à propos d’instituer, et
« que dans le fait, après ce m ariage, ils n’en ont point
« institué ; d’après quoi une renonciation conventionu nelle ne pouvant s’étendre^ d’après les principes, d'une
« personne à une autre, ni d’un cas à un au tre, il en.
« résulte qu’aucun des enfans de François Cartier ne peut
« s adjuger cette renonciation , ni Fopposer ù Louise
« C artier, qui dès lors ne peut être dite avoir valable« ment renoncé aux biens de droit écrit. Qu’enfin si
« on pouvoit étendre cette renonciation à un héritier
« déjà institué, malgré les expressions du contrat de ma« riage, et l’irrégularité d’une pareille extension, la for« clusion ne se seroit pas pour cela opérée, en ce q u il ne
« se trouve parle fait aucun héritier valablement institué
* par les motifs qui seront déduits ci-après.
4
�(8)
« Attendu, 2°. que la forclusion étant valable pour le»
biens de coutum e, et ne l’étant pas pour les biens de
droit écrit, la x’ègle la plus siiro, et la plus juste et sin
cère pour l’imputation de la d o t, est une restitution
des biens de l’une et de l’autre espèces, pour déter
m iner, à proportion de chacun,-quelle'somme devra
rapporter Louise Cartier, quand il en sera temps.
« Attendu, 30. que si , avant l'ordonnance de 1730 ,
les auteurs éloient divisés sur l’application de 1 institu
tion d’héritier au profit du pojthurne ; et s i, en géné
ralisant une novelle tic Justunen, on paroissoit fixé à
l’appliquer à tous les posthumes conçus ou n o n , lors
du testament, cette variabilité ne peut pas avoir lieu
depuis l’ordonnance des testamens', qui ne laisse plus
d’équivoque sur cette question, d’après les articles 49
et fío , qui veulent que Finstîlùtion soit assez claire
ment expliquée pour désigner les enfans nés et à naître :
d’après q u o i, si on peut dire que François Cartier a
assez clairement désigné le posthume dont sa femme
étoit enceinte, on ne peut pas dire qu’il ait désigné
du tout celui dont elle ne pouvoit l’être alors, et qui
n’est né que quelques années après le testament ; de
sorte que , inclusio unius , est exelusio allerius , et
c’est précisément parce qu’il a très-clairement institué
Je posthume alors con çu , qu’il y a prétérition pour
celui qui 11e l’étoit pas alors, le père 11e pouvant être
excusable dans cette prétérition , parce qu il a vécu
plusieurs années a p r è s la naissance de ce fils prétérit.
« A ttendu, 40. que l’article 70 de l'ordonnance qui
�( 9 7
« com prend, "dans la nullité opérée par la prétéritioii,
« les dispositions universelles', ne semble pas devoir
a s’étendre à un legs d’usufruit, q u i, quoiqu'universel,
et ne peut être considéré que comme un simple legs, de
« manière qu’il est maintenu par l’article 53 de Tordon« nance, qui-, malgré la nullité de l’institution, conserve
« les legs portés par le testament ; que l’article 70 ne
« paroît devoir s’appliquer, par exem ple, qu’au cas où
« un pèi’c, croyant n’avoir pas d’enfant, fait un legs uni* versel à un étranger, ou bien dans le cas d’une substi« tution, tout quoi est entraîné dans la nullité comme
« disposition générale. Que les moyens d’inventaire
« frauduleux, allégués par les demandeurs , ne peuvent
« donner contre la mère qu’une action en spoliation de
k la succession, quand il en sera temps ,* mais qu’autre« ment on n’a pas d’action contr’elle, dès que son usufruit
«■est valable, et qu’elle ne peut être contrariite de tout
«■laisser, lorsqu’on ne sait pas encore, ni qu’on ne doit
«• pas savoir en quoi consiste une succession dans laquelle
* on n’a que des droits à venir. Que tout au plus a-t-on
<r le droit de surveiller les dilapidations et les détérioa rations de l’usufruitier, pour en tirer tel parti que
<r de droit. Qu’en fin , à l’égard de la maintenue en
<r jouissance, elle n’a plus d’objet, d’après la suppression
cr decretée et publiée de l’ciTet rétroactif donné à la loi
«■du 17 nj^ôse, et que d’ailleurs c’étoit une action pos«■sessoire, de la compétence du juge de paix.
«Attendu enfin que les dempndeurs n’ont pas d’action
« actuelle en partage, dès que la citoyenne Christoplile
�1^0
( 10 )
« a l’usufruit universel, et que leur droit n’aura sou effet
« qu’à la cessation légale de cet usufruit.
« L e tribunal do fam ille, sans s’arrêter au contrat de
et mariage de Louise Cartier , quant à Ja renonciation.
« par elle faite h la succession de son père?, à l’égard des
« biens situés en pays de droit é c rit, déclare ladite re« nonciation nulle et de nul effet, e t , en tant que de
« besoin, déclare ladite Cartier restituée; et néanmoins,
« ayant égard au testament de François Cartier, en date
« du 3 août 176 9, en ce qui concerne le legs d’usufruit
e fait à Marguerite C h ri'top h le, sa veuve, lequel testa« m en t, en cette partie, sortira son plein et entier effet,
e déclare les demandeurs non recevables en leur demande
« en privation d’usufruit; et, sur la demande en partage
« par eux formée , les déclare quant à prescrit non recc« vables en icelle ; sauf a eux à se pourvoir ainsi qu’ils
c aviseront, lors de la cessation dudit usufruit; déclar
« x*unt, en tant que de besoin, le testament du 13 août
« 1769 nul et de nul effet, quant aux institutions d’hé« ritiers , pour vice de prétérition de François Cartier,
« posthume , non compris auxdites institutions. Sur le
« surplus des demandes, met quant à présent les partie«
a hors de cause ; compense les dépens, etc. »
Celte décision, aussi obscure dans scs motifs qu'injuste
¿ans ses dispositions, blesse évidemment les intérêts de
Jean Cartier et ceux de la famille, en ce qu'elle rappelle,
contre les principes les plus évidens, une fille renonçante.
Jean Cartier s’est pourvu par appel au tribunal civil du
¿épavtemetit : çt, couune sa mère et ses autres frère et
�\i\\
( 11 ) '
sœurs clolent en cause , il les a également intimés. Il de
mande au conseil de vouloir bien l’éclairer sur ses moyens
de défense. Cette cause présente un assez grand intérêt
dans sa discussion, comme dans son ob jet, et demande
une certaine publicité, pour qu’elle soit mieux connue
dans ses détails.
L e C O N SE IL S O U S S IG N É , qui a pris lecture, i
du testament de François Cartier, du 13 août 1769 ‘
2°. du contrat de mariage de Louise Cartier avec Marc
Barrière, du 26 février 1786,* 30. de la décision du
tribunal de fam ille, dont est ap p el, en date du 8 ven
démiaire dernier • 40. de l’extrait mortuaire de François
Cartier, du 16 mai 1791 ,• ensemble du mémoire à1 con
sulter,
e s t i m e que la décision du tribunal de famille est
injuste et contraire aux principes, dans toutes les dispo
s io n s qui concernent Jean Cartier \ ice sont aussi les seules
qu on doit exam iner, attendu qu’il 11e s’élève pas de diffi
culté entre le fils aîné et la m ère, et les autres frère et
sœurs non mariés ; d’ailleurs Louise Cartier , femme
B arrière, ne se plaint pas de la disposition qui a con
firmé le legs de Magdeleine Cristophle, mère commune.
P our mettre plus de clarté dans cette discussion, 011
suivra le même ordre qui a été adopté par les arbitres
de faxnifie ; il est important d’examiner d'abord quel
!
�14*
.
‘
.
.
. C .I 2 }
eiïet doit avoir la renonciation do Louise Cartier, femme
Barrière , parce que dans le cas où cette renonciation
seroit valable , Louise Cartier est sans intérêt, comme
sans qualité, pour attaquer le testament de son père.
O r , la validité de la renonciation ne peut faire la
matière d’un doute dans notre droit français. La renon
ciation des filles à succession future étoit regardée comtnc
une disposition judicieuse, plutôt que comme l’elFet d’une
injuste prédilection. L e p ère, premier législateur de ses
enfans, est toujours censé prendre le meilleur parti pour
e u x ; aussi jugeoil-on qu’une l’enonciation faite par une
fille , moyennant un certain p r ix , étoit plus solide que
l’espérance de grands Liens à venir , qui peuvent se
perdre par une infinité d’accidens que la prudence
humaine ne peut éviter.
Ces sortes de renonciations, d’ailleurs, n’avoient été
admises qu’en faveur des maies, et il est malheureux
sans doute que dans de certaines circonstances les pères
aient abusé de leur p ou voir, en obtenant de leurs filles
des renonciations pour des prix modiques, et peu pro
portionnés à leur fortune; car les renonciations ou for
clusions étoient une des grandes et belles opérations de
notre droit; c’étoit le seul moyen d’éteindre les procès
dans les familles.
Aussi toutes les fois qu’il y avoit des mâles, les re
nonciations faites par les filles, en pays de droit écrit ,
étoient valables , pourvu qu’elles fussent faites par contrat
do mariage. C’est ce que nous enseignent tous les auteurs
qui ont traité la m atière, comme L ebru n , dans son
�//fS'
( T3 )
traité
des
m c c c s s io n s , tit.
des
r e n o n c ia tio n s , liv*. 3.
ch ap . 8. d’E sp eisse, tom . 2, p. 3 ^ 3 , et L a c o m b e , au
m o t renonciation , section prem ière.
Les arbitres de famille n’ont pas attaqué ce principo,
en ti’.èse générale; ils ont dit seulement qu'il fallo it,
en pays de droit écrit, que la renonciation lût expresse
et directe , et que ces deux caractères ne se rencontroient
pas dans celle de Louise Cartier ; elle 11’a renoncé , disentils , qu’au profit de riiérifier que scs père et mère jugeroient à propos d’instituer; les père et mère n’ont
pas fait d’institution après ce mariage; on en a conclu
qu une renonciation conventionnelle ne pouvant s'étendre
d'une personne ¿\ une autre, ni d’un cas à un au tre,
aucun des enfans de François Cartier ne pouvoit s'ad
juger cette renonciation, ni l’opposer à Louise Cartier,
qui, selon eu x, n’a pas renoncé valablement aux biens
de droit écrit.
Ce système est une erreur en point de droit. Il est de
principe que toutes les fois que la fdle a renoncé , en
laveur de ceux qui seront institués , la renonciation pro
fite aux mâles , quoique le père n'ait pas fait de testament.
C est ce que décide le savant Dumoulin , conseil 55 ,
tome 2 , page 968, nombre 6 , o ù , après avoir dit que
la renonciation de la fille étoit valable, lorsqu'il y avoit
des m aies, ajoute : JLt lam músculos tune institutos }
quàm instituendos , quoniam institut us propric is est,
qui teinpore jnortis instituentis talis inven i t u r } cm/i
et voluntas sit ambulatoria , imb illud paclum
non
J'cstringitur ad liberos rnasculus institutos ¿ et sic non
�*4
( i4 )
oljstat quod patar decessit ab intestdto, sed satis qïwd
non ridetur mutasse voluntateni.
Lebrun , à l'endroit déjà cité, nombre 4 , dit : « Qu’au
« cas qu’une fille eût renoncé en faveur de ses Jrères qu i
tr seraient institués par le testament de son p è re , la
a renonciation n’en est pas moins valable , quoique dans
« la suite le père n’eût point fait de testament ; car comme
« on peut croire que la clause n’a été apposée que contrôles
« exhérédés, et à l’effet de les exclure du profit de la re« nonciation, elle doit être présumée apposée en faveur
« de ceux qui ne seront point déshérités, et qu’ainsi,
« le père n’ayant point fait de testament, elle profite
« aux frères. »
Rousseau-La com be, au mot renonciation, section i ere,
nombre 6 , tient le même langage; il d it, que quand la
fille a renoncé en faveur des frères qui seront institués, sa
renonciation profite au frère, quoique le père n’ait pas
fait de testament.
C’est pour la p rem ière fois d’ailleurs qu’on a entendu
dire qu’une renonciation, pour être valable, doit être
directe, parce que les renonciations n’ayant été introduites
qu’en faveur des nulles, ainsi que l’enseigne L o u et, toutes
les fois qu’au temps de la renonciation il y a des m âles,
la renonciation pure et simple est présumée au profit des
fils seuls. I/article 309 de la coutume de Bourbonnois
en a une disposition précise, et A u ro u x - Despoxnmiers
enseigne encore cette vérité : Que la renonciation soit
expresse ou tacite, d it- il, elle est valable en faveur des
m âles, -et sont telles renonciations approuvées par la.
t
�couhira^ générale'rd e 'F r a n c e t a r if en pays coutum îcr,
que de droit écrit. L eb ru n , à l’endroit cité, nombre 14,
dit que s i, au temps de la renonciation, il y a des fils et des
filles, la renonciation ptird et 'simple est présumée laite au
profit des fils, qui en d o iven t profiter seuls, dans la pureté
des maximes. Il cite Aufrérius et Paul Decastres, cons.
31 x. L e p re m ie r s’exprime en termes tres-precis ; u4.ddey
quoà s i sunt ducv sorores fr a lr e m habentes, quorum
un a renuntiavit Jiœreditati yaternee , in j'a v oram f i citr is , et non sororis, ridetur rcnimtiasse. E n fin, c’est
une maxime certaine en‘ d roit, qui n’est aujourd'hui
ignorée de personne, et qui n’a pas besoin d’un plus
grand développement.
Lors de la renonciation de Louise Cartier, il y avoit
deux fils • que la renonciation soit expresse ou tacite ,
qu’il y ait eu un héritier institué ou n on, sa renonciation
n en profiteroit pas moins aux mfdes ; et tant qu’il en
existe, elle 11’a aucune action à exercer.
Celte décision termine sans doute le procès, et établit
le mal jugé de la décision ai’bitrale. Louise Cartier 11e
peut pas exciper de la loi du 8 avril 1791 , puisque, lors
du décès du p ère, cette loi n’étoit pas promulguée, et que
les arbitres en conviennent. D ’ailleurs, cette loi ne semble
s appliquer qu aux forclusions cou lumières , et il s’agit
ici dune renonciation en pays de droit écrit, qui n’admettoit pas les forclusions. On pourroit donc s’arrêter ù
ce point, qui juge toute la cause, parce que Louise Cartier,
étrangère à la succession, n’a plus de qualité pour attaquer
le testament de sou père.
�( i 6 )
Mais il est important de prouver que la renonciation
de Louise Cartier profité à Jean , son frère, seul ; qu’il
a été valablement institué, et que le testament de son père
est revêtu de toutes les formes requises.
Par ce testament, François Cartier institue’ J e a n , sou
fils, son héritier universel de.tous les biens dont il inourroit
vêtu et saisi, à la charge de payer à L ouise, M arie, autre
Marie , ses sœurs, et au -posthume dont sa fem m e étoit
enceinte, la somme de 2,000 liv. et un ameublement,
chacun suivant leur état : pour laquelle somme et ameu
blem ent, il institue ses trois enfans, et le posthum e, ses
héritiers particuliers : si le posthume cst un m âle, le
testateur lui donne mille livres de plus.
L e père a survécu long-temps à ce testament. L e pos
thum e, dont la femme étoit enceinte , est mort peu de
temps après avoir vu le jour. D epuis, il est né uu autre
enfant, toujours pendant la vie du testateur, et cet enfant
est François Cartier; le testateur est décédé sans avoir
rien changé à scs dispositions 5 on prétend que François
C artier, second lils , a été prétérit, et que le testament
est nul pour vice de prétérition. Cette prétention est
choquante et contrarie ouvertement la disposition des lois.
L a question qu’on va agiter n’est pas nouvelle; elle a
été traitée, exprofesso, par plusieurs savans jurisconsultes,
et décidée uniformément par différons arrêts. L ’institution
du posthume comprend tous les posthumes qui naissent
après le testament. Henrys, liv. 5 , quest. 1 1 6 , décide
que l’institution d’un posthume , dans uu seul cas , s’étend
à tous les autres. Voici coumient il s’exprim e, nomb. 8 ,
�/47
( 17 )
après avoir rappelé les anciennes et nouvelles lois, et
concilié loutes celles qui pouvoient paraître contraires :
« Il nous a donc été proposé qu'un père auroit institué
« son héritier universel le posthume ou la, p.osthiimc
« dont sa femme se trouverait enceinte après son décès ,
* et où elle feroit un fils ou une fille, auroit laitle. fits
« héritier et légué à la fille une somme a titre diustitu* tion , comme encore où elle feroit deux; fils, il ins¡i« tue, l’aîné ,• et où elle feroit deux liiles posthumes', les
« auroit laites héritières par égale p o rtio n , et qu’api^s
« ce testameut, et le testateur viv a n t, lui seroit né une
« fille de laquelle sa femme p o u v o it, lors dudit t;‘sta* m ent, être enceinte, et depuis seroit encore né un fils
« pendant la vie dudit testateur ? Nous avons harù:mo:it
« répondu, qu’ertcore que ce fils fût né du vivant du p ère,
« il ne laissoit pas d’être compris dans finstUutioa du
« posthume dont la femme se trouverait enceinte lors
« du décès, et d’autant plus favorablement que c’est p v.ir
« faire subsister le testament; et ut potiùs actas valeat,
« quant ut pereat ; et c’est en effet le fondement que
* Justinien prend en la loi dernière , G . de posthuni.
* liœredib. mstituend. ad adjuvandant lesta lorunt tq « luntateni. »
V oici comment s’exprime cette loi : Nobis ilaquc corn ni
sententiam decidentibus, cum f^requen tissi ma s levées /;,)•
su in iu s, testatoruni volunta tes adjuvantes, : ex tieuh-;,
hujusniodi verhorum compositione , rupturn ficri t. wtamentum videtur ; s e d , sivè vivo testa tore, .sivè po.st
morteni cjus y intra deceni niaises ¿1 morte testaient#
�( i8 )
m unerandos. Jllius v e ljlliœ f ie r in l pi'ûgenili, maneat
testatoris voluntas immutilata , nec pœnam palialur
prœ teritionis, qu i s nos ftlios non prœteriit.
Henry s cite à l’appui de sou opinion , celle du docte
Cujas , sur la loi com m odissim e, ff. de V.b.etposthum. ,
et encore sur la dernière du C. qu’on vient de rappeler.
Ctî savant auteur adopte la même résolution, et Henrys
dit qu’il faut s’en tenir à l’avis de ce grand jurisconsulte.
Bretonnier, sur H enrys, d it, nomb. 18 : Si le testateur
a institué le posthume, dont sa femme pourrait être en
ceinte *, si plusieurs posthumes naissent, soit de la mêtne
grossesse, ou en différens temps, tous seront également
héritiers ; il ajoute, nomb. suivant, que, si le testateur
a légué seulement une certaine somme au posthume qui
n aîtra, et qu’il en naisse plusieurs , la même somme
sera due à chacun. T e l est encore le sentiment de Papon ,
clans ses arrêts, liv. 20 , nomb. 13. Il rapporte un arrêt
du parlement de B ordeaux, qui a jugé que l’institution
faite en faveur d’un posthume, par un testateur qui
m o u rra it sans autre testament, s’étendoit tant au posthume
de cette fois, qu’aux autres nés depuis le testament.
Catelan, dans ses arrêts, toin. 2 , chap. 62, dit qu’une
institution faite en ces termes: La posthume> dont ma
fem m e est enceinte, comprend tous les posthumes qui
naîtront de cette femme , par l’égalité d’afîection qui.
est à présumer dans le testateur pour tous les posthu
mes qui lui sont également inconnus ; il rapporte
plusieurs arrêts qui l’ont juge de cette manière j 1 un ,
du 1 mars 1668; un second du 4 avril 1 65*5 ; un troi-
�( *9 )
r
sicme1 du 6 mars 1638; un autre du 9 mai 1642. La
nomination de la femm e, d it-il, fait présumer que le
testateur a eu en vue tous les posthumes qui naîtroient
d’elle *, il ajoute même que les jurisconsultes sont allés
plus avant,- car ils ont décidé q u e , sous cette institu
tion du posthume, dont la femme est enceinte, sont
compris tous les posthumes qui naîtroient d’une autre
femme.
On voit que les auteurs sont uniformes sur cette
quéstion. Les arbitres de famille ont prétendu, au con
traire , qu'ils étoient divisés , mais que , depuis l’ord. de
1735, il ne p o u vo ity avoir de doute que l’institutioil
d’héritier ne s’appliquoit pas aux posthumes non conçus,
lors du testament, parce que les art. 49 et 5 o de l’ord.
de 1735 , 'voulaient que l’institution fût assez clairement
expliquée^ pour désigner les enfans nés et à naître. Mais
d’abord il semble que les arbitres ont fait une fausse
application'dé l’art. 4 9, parce que cet art. ne pàrle que
des:'institutions universelles , et non de l’institution particulière pour ceux qui n’ont qu’un droit de légitime. On
conçoit le in’otif de cet art. ïl est essentiel à la qualité
d héritier iriAtihié , que cet héritier prenne la place du
defurit après sa m ort, et que l’hérédité ne co u rre point
risque'clé demeurer valante. (Jc'scroit une institution
idéale et chimérique ; voilà pourquoi cet art. dit que
l'institution d’héritier île pourra v a lo ir , si celui ou ceux.,
ou profit de qui elle aitra été faite, n’étoiont ni nés ni
connus lors du décès du testateur. L art. 60 est le pre
mier qui parle 'de ceiix^qui ont droit de légitime. A
�(
)
la vérité il veut qu’ils soient institués héritiers au moins
en ce que le testateur leur donnera , et les institutions
faites en les appelant par leurs nom s, ou en les dési
gnant de telle manière que chacun d’eux y soit com
pris; ce qui aura lieu , même à l’égard des. enfans qui
ne seroient pas nés au temps du testament, et qui
seroient nés au temps de la mort du testateur. Mais ,
loin de voir dans cet article un m otif d’annuller le
testament pour vice de prétérition, on n y vo it, au con
traire, que la confirmation des principes de droit écrit,
suivant lequel le posthume doit être institué. Il est
évident que l’ord. n’a point dérogé, ni entendu révo
quer la loi dernière du code qu’on a cité plus h au t, non
plus que l’explication qu’elle a reçue de la jurisprudence
et des interprètes du droit. Rien ne le prouve ni ne le
fait présum er, et comment même pourroit-on appe
ler par son nom un posthume qui n’en a pas encore ?
Il n’y a rien d assez précis dans l'art, de l’ord. pour en
induire qu elle ait entendu d é ro g er aux principes qu’oïl
vient d'établir.
En un m o t, comme le remarquent les jurisconsultes,
il yaudroit mieux dans le doute adopter un parti qui
tend a consci vei le testament, plutôt que celui qui tend
à le détruite. On ne peut pas dire d’ailleurs qu’il y ait
p réléritio n , des que la femme est nom m ée, et que le
posthume qui naîtra d’elle est institué; on doit néces
sairement appliquer l'institution à tous les posthumes ¿1
qui elle donne le jour.
En résumant, Jean Cartier a été valablement ins-
�0<*
*
2
1
titué ; il n 'y a point de prétention dans le testament
de son père, L a renonciation de Louise Cartier doit
profiter à s on frère , dès qu’elle est dirigée au profit de
l’héritier qui se ro it institué. Quoique cette disposition
soit au fu tu r, et que Jean Cartier fût dès lors institué,
néanmoins la clause n e peut concerner q u e lui ; il
étoit institué par un testament , qui est un acte ambu
latoire et révocable à volonté ; son institution ne devoit
prendre effet q u 'a compter du décès d e so n p è r e et
dès que le testateur a per sisté dans. sa volonté, en ne
changeant rien à ses dispositions, la r enoncia tion ne
s’applique qu’à lui seul.
Il est inutile d’examiner la disposition du jugement;
qui a confirmé le legs d’usufruit , aucune, des parties
ne s’en plaint, et Jean Cartier lu i-m êm e , lo in de la
contester, en a toujours soutenu de la validité ; la décision
des arbitres de' famille doit
donc être confirmée en
».
cette partie.
Délibéré à R io m , le 19 nivôse ,, l’an 4 de la répu-,
"blique fr a n ç a is e une et indivisible. P A G E S . •
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T O U T T É E , A N D R A U D , G R A N C H IE R ;
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Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Cartier, Jean. An 4?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Toutée
Andraud
Granchier
Toutée jeune
Grenier
Deval
Subject
The topic of the resource
renonciation à succession
successions
conflit de lois
testament nuncupatif
testaments
usufruit
posthume
droit écrit
forclusion
inventaires
tribunal de familles
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire et consultation, pour Jean Cartier, propriétaire, habitant de la commune de Saint-Germain-l'Herm, appelant ; Contre Louise Cartier et Marc Barrière, son mari, officier de santé, habitans de la même commune, intimés ; Et encore contre Magdeleine Christophe, veuve de François Cartier ; François et Marie Cartier ; tous citoyens de la même commune, intimés.
Annotations manuscrites: arrêt de la cour d'appel.
Table Godemel : Institution d'héritier testamentaire : en pays de droit écrit, où l’institution est nécessaire pour la validité des testaments, l’institution du posthume, dont la femme est enceinte, comprend tous les posthumes qui naissent après le testament. Renonciation : 5. fille renonçante à succession future, en pays de droit écrit, au profit de l’héritier qui serait institué, sa renonciation profite aux mâles, si le père meurt sans faire d’autres dispositions.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa An 4
1769-Circa An 4
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
21 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G1209
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Saint-Germain-l'Herm (63353)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Relation
A related resource
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conflit de lois
droit écrit
forclusion
inventaires
Posthume
renonciation à succession
Successions
Testament nuncupatif
testaments
tribunal de familles
usufruit
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/5/53650/BCU_Factums_M0109.pdf
ab8b7219d2f8d50b8a0337836934f988
PDF Text
Text
T R IB U N A L
M
É
M
O
I
R
E
ET C O N S U L T A T I O N ,
P O U R JEAN C A R T I E R , propriétaire, habitant
de la commune de Saint - Germain - l’Herm ,
appelant ;
C O N T R E L o u i s e C A R T I E R et m a r c B A R R I E R E ,
s o n m a r i, officier de s a n té , habitans de la même
co m m u n e, intim és ;
E t encore C O N T R E m a g d e l e i n e C H R I S T O P H L E ,
veuve _de_F r a n çJo i s C A R T I E R : p r a n c*o i s et m a r i e
C A R T I E R , tous citoyens de la même com m une
intimés.
'
F r a n c o i s C a r t i e r et M agdeleine Christophle ont
e u plusieurs enfans ? dont quatre seulement : deux gar
çons, Jean et François Cartier ; deux filles, Louise et
C
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!
M arie Cartier ont survécu à leur père , m ort le 16
mai 1791.
,
.. . ,
Il liabitoit la commune de St. Germ ain - TH erm ,
pays de droit écrit ; la principale partie de sa fortune se
régit par la m ême loi : une très-petite portion est située
cil pays de coutume.
,
\ . , - A u m ois-d ’août 1769 , François Cartier fut atteint
d’une maladie dangereuse , qui lui laissoit peu d'espoir
de retour à la vie. : il avoit alors un garçon ( Jean Cartier )
et trois fdlès : Magdeleine C hristophle, sa femme , étoit
grosse.
O
^
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■
■
L e 13 août 17 6 9 , il fit un testament nuncupatif, par
lequel, entr’autres dispositions, il légua à sa fem m e, pen
dant sa v id u ité , la jouissance universelle de ses b ien s, à
la charge par elle d’accepter la tutelle de' ses enfans, sans
être tenue de leur rendre compte.
Il institua Jean C artier, son fils, héritier universel de
tous les biens dont il m ourroit vêtu et saisi, mais qu’il
ne pourroit recueillir qu’après la cessation de l’usufruit
légué à sa mère.
,
•* ’ ]r. 1 . ’ ’ V ‘ ’
’ . ’
*.
„
Cette institution fut encore faite à la charge par lui
de payer à L o u ise , M arie, autre Marie , scs sœ urs, et au
posthum e dont la fe m m e étoit enceinte , la somme de
deux mille liv r e s , et un am eublem ent, chacun suivant
leu r état et condition , pour laquelle somme de deux
mille livres et un ameublement, il institue lesdites L ouise, .
M arie , autre M a r ie , et le posthume , ses héritiers par
ticuliers.
Si le posthum e est un. maie ? le testateur lui donne mille
�C3 )
livres de plus : si l’héritier universel vient à décéder avant
que de se m arier, il sera libre à M agdeleine Cliristoplile
de choisir pour l’héritier celui de ses en fans qu'elle vou
dra préférer ; m ais, si le posthume est un nulle , il sera
dans le cas prévu son héritier de droit : seulement dans
ce cas le posthume donnera à chacune de ses sœurs millo
livres de plus.
_
Telles sont les principales dispositions , et les seules
utiles à rappeler du testament du père commun. Il se réta
blit de la maladie grave dont il étoit attaqu é, et a sur
vécu vin g t-d eu x ans à ce testament.
L enfant dont la m ère étoit grosse alors n’a pas vécu;
il est m ort long-temps avant le père : mais depuis, M ag
deleine C liristophle a eu un autre enfant*, c’est François
Cartier, toujours vivant : l’une des filles, appelée M arie,
a également prédécédé son père.
L e 26 février 1 78 6, François Cartier a marié L o u ise ,
sa fille a în ée, avec M arc Barrière : ses père et m ère lui
constituèrent un ameublement détaillé au contrat de ma
ria g e, et une somme de trois mille livrés en d o t; savoir :
•deux mille neuf cents pour biens paternels-, et cent pour
bieng maternels ; au m oyen de q u o i, Louise Cartier a
frenoncé a u x successions à venir 'Seulement de 'ses père
et m e re , en faveur et au profit de- l’héritier que les père
et m ère jugeront à propos d’instituer.
A près le décès du père com m un , a rriv é , comme on
l a d it, le 16 mars 1 7 9 1 , Jean Cartier voulut profiter du
bénéfice de l’institution faite en sa faveur par le téstament ; mais cet acte -fut attaqué par ctille des enfans
�(4 )
.
.
qui y ayoit le moins d’intérêt : Lou:î:c Cartier ,' femme
Barrière , avoit renoncé expres-ément a la succession,
de son père ; une p a r e i l l e ' renonciation, laite par contrat
de mariage , à une succession à échoir , est .valable
faveur des mâles.
.
Elle prétendit que le décret du 8 avril 1791 , qui
supprime les forclusions coutum ières, abolit également
,les renonciations üiites en droit écrit. Feignant d’ignorer
que s o n père étoit m o rt ayant la promulgation; de celte
lo i, puisque François Carder est décédé le 16 mai 1791»
et que la loi n’a été envoyée que le 24 du même m ois,
elle vouloit absolument s’en appliquer les dispositions,
sur le fondement qu’elle n’avoit renoncé qu’en faveur
de l ’héritier qui seroit institué , et qu’il n’y avoit pas
d’institution valable.
:
.
'■
E n effet, suivant elle le testament étoit nul pour toutes
les dispositions cju’il contient 5 il y avoit.prétérition dans
son système, parce que le posthum e, qui étoit conçu lors
du-testam ent, est décédé depuis, et qu’il y avoit eu un
■autre enfant dont le testament ne faisoit pas m en tion , ce
qui entraînoit la nullité de l’institution, d’après l'ordon
n an ce de 1735.
.
.
Elle attaquoit encore le legs d’ usufruit fait ¿1 sa m ère,
parce q u e , disoit-elle, ce legs n’a été fait qu’à la charge
d’accepter la tutelle de scs enfans, et lors du décès du
testateur , tous les enfans étoient’ majeurs ou hors de
tutelle. Elle accnsoit encore sa mère d’avoir fait un in
ventaire frauduleux. _
D ’un autre côté, elle soutenoit que ce legs, étarife
�,
c 5 }
■
u n iversel, etoit également annuité par la prétérition ;
en conséquence elle demanda le partage et une portion
• égale dans les biens de son père.
Jean Cartier combattit avec avantage les singulières
prétentions de sa sœur ; suivant tous 'les principes, la
renonciation d’une lille à une succession à éch o ir, faite
en droit écrit par contrat de m ariage, étoit valable en
faveur des mâles \ il im portoit peu qu’elle fût dirigée
au profit de tel ou tel autre ; tant qu’il existoit des mâles
ou descendans d’e u x , la renonciation avoit tout son effet.
. Dès qu’il n’y a pas de forclusion légale en pays de
droit écrit, on ne pouvoit pas appliquer une loi qui ne
supprim e que les forclusions coutumières.
D ’ailleurs , la loi du 8 avril 1791 n’a pas d’effet
rétroactif ; elle ne regarde que les successions qui s’ouvriro n ta com pter de sa publication; et, suivant le certificat
donné par le département , la loi n'a été prom ulguée
que le 24 mai 1791 ; le père étoit décédé huit jours
auparavant; Louise Cartier n’avoit donc aucune action.
Eût-elle qualité pour demander le'partage, l’institution
testamentaire faite au profit de Jean Cartier devoit avoir
tout son e ffe t, dès que le posthum e, conçu lors dü testa
ment , avoit été institué : cette institution a compris tous les
posthumes qui pouvoient naître dans la suite, par l’égalité
d affection qu’on présum e dans le testateur pour tous les
posthumes, qui lui sont également inconnus: telle est la
disposition des lois auxquelles l’ordonnance de 1735 n’a
non changé.
P ou r ce qui regarde le legs d’usufruit fait à la m ère,
3
�(6 )
.
.
le système de Louise Cartier étoit absurde; Ta charge
d'accepter la tutelle disparoît, dès qu’ il n’y a plus de
m ineurs, mais la libéralité reste ; ce n’est d’ailleurs qu’un
legs particulier, puisqu’il ne consiste qu’en jouissance ,
et la prétention d’unlégititnaire n’annulleroit t o u t au plus
que l'institution universelle.
: T e l étoit l’état des choses, qui devoit faire espérer un
plein succès à Jean Cartier ; mais la; loi du 17 nivtbe
vint mettre tout le monde d’accord ; il fallut partager par
égalité.
Cette loi révolutionnaire ayant été rapportée dans ses
effets .rétroactifs , Louise : Cartier a renouvelé scs pré
tentions devant un tribunal de fam ille, qui a porté une
décision aussi injuste qu’inattendue ; il est indispensable
d'en faire connoître les motifs et les dispositions.
Les arbitres de famille ont d’abord posé quatre ques
tions.
.
*
te
«
«
«
« i ° . L a forclusion de Louise Cartier est-elle valable ?
« 2°. Dans le cas oii la forclusion ne seroit valable
q u en partie, quelle portion de sa dot devroit-on con
fondre avec la partie des biens dans lesquels elle seroit
admise à ren trer?
«c 30. L e testament de François Cartier est-il nul. par
vice de prétérition ?
« 40. En cas de n u llité, d o it-e lle entraîner celle de
legs d’usufruit fait à la mère ?
« A tte n d u , sur la première question , est-il d it , qu’il
g faut distinguer, dans la succession de François Cartier,
* les biens de coutume et ceux du droit écrit; q u i
�.
C 7 )
•
•
.
cî. l-'égard des prem iers, la renonciation , quoique vagur« ment d irigée, a un ciïct légal qui la dirige au profit
« de tous les maies in distin ctem entparce que la coutum e,
cc d’^ i v ÿ ^ u e eut opéré la iorclus'on léga le, quand .il
« 'ny auroit pas eu de rononciation précise * qu’on ne
« peut pas opposer, en faveur de Louise C artier, la loi
« du 8 avril 1 7 9 1 , qui abolit les forclusions coutum ières,
« parce que cette loi n’a point d’effet, rétroactif, et n a étc
« publiée dans le district d’A m b ert que postérieurement
« au décès de François
Cartier.
a
« Que pour ce qui concerne les biens de droit é c rit,
« ci l’égard desquels il faut une renonciation expresse et
« d irecte, on ne peut pas dire que ces deux caractères
« se rencontrent dans la renonciation de Louise C a rtier,
« en ce q u elle n’a renoncé qu’au profit de l’héritier
« que scs père et m ère jugeront à propos d’instituer, et..
* que dans le fa it, après ce-m ariage, ils n’en ont p o in tt
« institué \ d’après quoi une renonciation convention
« nelle ne pouvant s’étendre, d’après les principes,, d une
cc personne à une a u tre, ni d’un cas: à vul autre , il en.
« résulte qu’aucun des enfans de François Cartier ne-peut ,
« s’adjuger cette renonciation , ni l’opposer à Lo,uise 4
ce C a rtie r, qui dès lors ne peut être dite* avoir valable-,
« m ent, renoncé aux biens de droit éfirit;, Q iiciiiln si.,
« on pouvoit étendre cette renonciation; à. un héritier ^
cc déjà institué, m algré les expressions.du contrat-de^mji-.,
« riage, et l’irrégularité d’une’ pareille extension, la; fpj,'-^
c« clusion ne se seroit pas pour cela opérée , en ce qu’il ne,.
« se trouve p a rle fait aucun héritier valablement; institué
* par les motifs qui seront déduits ci-après.
4
�.
.
. . .
.
.
'« A ttendu, 2°. que la forclusion étant valable, pour les
a biens de coutum e, et ne l’étant pas pour les biens de
« droit é c rit, la règle la plus sû re , et la plus juste 'et'sin« cère pour l’imputation de la ''d o t, est une î/ewti/rtiion
« des biens de l’une et de l’autre espèces, p o u r dé-ter-'
c<‘ m iner, a proportion de chacun, quelle somme dcV-ia« rapporter Louise C artier, quand ii en sera*temps.-" "
~ « A tten d u , 3°.' que si avant ¡l'ordonnance d e-1736»
« les auteurs étbierit'divisés 'sur l?aj>plicàtiôîV
a tion d'héritier au proiife du posthume ;-et s i, c irg é n é cc ralisant une novclle de Jüstuiien , ’ôn parbissoit fixé à „
a rappliquer à tous les posthumes conçus ou n o n , lors"
« du testament j cette variabilité, rie peut pas avoir'lieu '
a depuis l'ordonnance des::teslamens', qui rie laisse plus'
a-d’équivoque sur cette question *, d’après les articles' ^ 5
« et ’5o , qui veu len t que 'l’institution- so if assez claire« ment expliquée pour désigner les en fans nés et à naître
d’après q u o i, si ou peut dire que François'Cartier a 3
«eassez 'clairement désigné le' post-humë ;üôntis'a'Tënimc'
a ":étoit «enceinte ^ on ne peut pas dire qu’il ait désigné'
« du.tout'!celui dont elle né pouvoit l’être alors, et qui11’est né que quelques années après le testam ent; de
« sorte que , inclus¿0 unius , est exclusio alterius y et
c’est précisém ënt parce qu’il a ; très-clairement institué
"le - posthüinë alors co n çu , qu il y ¡a prétérition pour
' celui qui ne l’étoit pas alors, le pere-he pouvant élre
#“ excusable dans cette prétérition , parce qu’il a vécu
»'-plusieurs années après la naissance de ce fils'prétérit.
-« Attendu ; 4 0, que 1 article 70 de l'ordonnance - qui
�..
.
^ 9 ^ , „
.
, . *
compmrd'j'Ylans ÏÏt nullité, opérée par la prétériiîoïi ï
« les dispositions' universelles1, : ne semble pas devoir.
« s’étendre à un legs d’usufruit, q u i, Iquoiqu univeri.el,
« ne peut être considéré que'com m e un simple legs,.d o
« manière qu’il est maintenu par l’article 03 de 1 ordon
ne nance, q u i, m algré la nullité de l ’institution, conservé
« les legs portés par le testament ,■q u e . 1 articie 70 110
« paroît devoir s'appliquer, par exem ple, q u a u cas ou
« un père, croyant n'avoir pas d’enfant, fait un legs unia versel à un étranger , ou bien dans 1er c a s ‘d’une substi« tu tio n , tout quoi est entraîné dans 'la nullité comme
« disposition générale. Què >les moyens d inventaire
a frauduleux, allégués par les demandeurs , ne peuvent
« donner contre la m ère qu’une action en spoliation ae
« la succession, quand il en sera temps ,• mais qu autre« ment on n’a pas d’action c ont r e li e , dès que son usufruit
«■est valable, et qu’elle-ne peut êlre contrainte de tout
«* laisser, lorsqu’on ne sait pas e n c o re , ni q u o n ne doit
« pas savoir en quoi consiste une succession dans laquelle
«• on n’a que des droits: a ven ir. 'Qu'e tout au plus a-t-on
a le droit de surveiller les dilapidations et 'les détério« rations de l’usufruitier, pour eii tirer te ll'p a rti que
«• de droit. Q u ’e n fin , à l’égard de la maintenue en
«■jouissance, elle n’a plus d’o b jet, d’après la suppression
'«•^décrétée et publiée de l’effet rétroactif donné à la loi
■
« du 17 n ivô se, et que d’ailleurs c’étoit une action'pos« sessoire, d e. la compétence du juge de paix.;
.
«Attendu enfin que les demandeurs n’ont pas" d’action
« actuelle, en p artage, dès que la citoyenne Cliristoplde
5
�. , .
10 5
. ,
«î a l’usufruit universel, et que leur droit n’aura scm.ciTeC
« qu’à la cessation légale de.’ cet usufruit; îc
:
, « L e tribunal ,de fam ille, sans s’arrêter au contrat de
« mariage de. Louise Cartier ? quant à la r e n o u e . utiou
« 'par.-.elle faite à:là;succession de son. p è r e ,■
à. l’égard:des
« biens situés en pays de'-droit é c rity déclare ladite rc->
a nonciation /nulle .et ‘de nul. effet yiefc , en . tant que de
a besoin, déclare ladite Cartier restituée; et néanmoins,
« ayant égard au testament de François C artier, en date
« dû 3 août .176 9 , en ce qui concerne',le,l'.'gs cf usufruit
e fait A M arguerite C hrîstôphle, sa veu ve, l e q u e l tes ta
« m e n t, en cette partie, .Sortira' son plein et entier.effet,
« déclare les demandeur^ non reeev'ables’èn l e u r demande
« en privation d’usufruit; cl,;sur la demande en partage
«, par/eux formée, y tks déclare quant à présent tl oa-rece™
« vàbles en icelle.; sau f'a 'eux. ¡vse pourvoir a i n s i ' quüils
« .avisero n t, -Înr-Sockiia cessation dudit usuhüit ,-dédite« rant , en tant que de b eso in , le testament du 13 août
« 1769 nul efc de nul effet, quant aux institutions d’hé* r-itiçrs jjpQur-.vice dfe p réten tion .d e François-C artier,
a posth um e, non ¡compris, auxdites mstitutiorisi Sur le
« surplus dés *demandes, met quant, à présent-les parties
* liors dç cause ; compense les dépens , etc. »
;
Cette décision, aussi obscure dans ses motifs qu’injuste
dans, ses;d isp o sitio n s,; blessé évidem ment les intérêts de
Jean Cartier et eeux de la; fam ille, en j?e.quelle:rappelle,
contre les principes les-plus évidiùis, une fille ¿renonçant©.
Jean Cartier s’est pourvu par appel au tribunal civil du
départem ent : et,.com m e su ni ère -et scs autres frère et
�.
.
. / 11 \
.
sœurs étoient en cause, il les a également intimés. Il de
mande au conseil de vouloir bien l'éelairer sur ses moyens
de défense. Cette cause présente un assez grand intérêt
dans sa discussion, comme dans son o b je t, et demande
une certaine publicité, pour q u elle soit m ieux connue
dans ses détails.
J U E C O N S E IL S O U S S IG N É , qui a pris lectu re, i ° .
du testament de François ‘C a rtie r, du 13 août 1769 ;
20. du contrat de m ariage de Louise Cartier avec M arc
B arrière, du 2 6 'fé v rie r 1786 ; 30. de la décision du
tribunal de fam ille, dont est a p p e l, en dato du 8 ven
démiaire dernier,- 40. de l ’ e x t r a i t m ortuaire de François
C artier, du 16 niai 1791 ,• ensemble du m émoire à con
sulter,
:i. J • . ' • ' ’
'
E S T IM E que la décision du tribunal de famille est
injuste et contraire aux principes, dans toutes les dispo-1
skions q u i concernent Jean C artier *, ce sont aussi les seules
qu’on doit Exam iner, attendu qu’il lié s’elèvè pas de diiliculté entre le fils aîné et la m ère, et les autres frère et
sœurs non mariés •, d'ailleurs Louise Cartier , lemme
Bar x’iè re , ne se plaint pas de la disposition qui a con
firmé le legs de M agdeleine C ristop lile, mère commune.
P o u r mettre plus de clarté dans cette discussion , oii
suivra le m êm e ordre qui ri été adopté par les arbitres
de -fauivllè ; il est im partant a exam iner d'abord quel
�.
' 12 ^
.
-Uct doit avoir la renonciation de Louise C a rtier, femme
B arrière, parce que dans le cas où cette renonciation
oroit valable , Louise Cartier est sans in térêt, comme
ans qualité, pour attaquer le testament de son père.
. Or-, la validité de la. renonciation ne peut faire la
matière d’un doute dans notre droit français. La renon
ciation des fdles à succession future étoit regardée comme
une disposition judicieuse , plutôt que comme l’effet d’une
injuste prédilection. .Le p è re , prem ier législateur de ses
e n f a n s , . est toujours.censé prendre le meilleur parti pour
eux ; aussi ju g e o it-o n qu’une renonciation faite par une
fille , m oyennant un certain p r ix , étoit plus solide que
l’espérance; de grands biens à, venir , qui peuvent se
perdre par une .infinité d’accidens que la prudence
humaine ne peut, éviter. . ._ - .
r
Ces sortes de renonciations, d’a ille u r s n ’avoient été
admises qu’en faveur des m âles,' et il est m alheureux
sans doute que dans de certaines circonstances les pères
aient abusé de leur "p o u vo ir, en obtenant de leurs filles
des renonciations ¡pour des prix m odiques, et peu pro
portionnés à leur fortune j car les. renonciations ou for
clusions étoient une «des grandes et belles opérations de
notre droit*, c’étoit.le seul moyen d’éteindre les procès
dans les familles.
_ A u s s i toutes ; les fois qu’il y : avoit des m âles, les re
nonciations faites «pav les-filles, en pays de droit', écrit ,
étoient ¡valables,, pou rvu qu’elles fussent faites par contrat
çle mariage. L>est ce que nous enseignent tous les auteurs
qui ont traité la m atière, comme L e b ru n , dans son
�—.,
r
^
( 13 )
.
#
traité des successions’*'tit. ■
des renonciations, liv. 3;
cliap. 8. d’Espcisse, tom. 2 , p. 3 6 3 , et Lacom be , an
mot ren o n cia tio n , section première.
Les arbitres de famille n’ont pas attaqué ee p rin c ip é
en thèse générale; ils ont dit seulement qu’il l'alloit',
en pays de droit é crit, que la renonciation fût expresse
et directe , et qu-î ces deux caractères ne se rencontroient
pas dans celle de Louise Cartier ; elle n’a renoncé , disentils , qu'au*.profit de l’ héritier que scs père et m ère ju-=
geroient à propos d’ins'tituer; les père et m ère n’oat?
pas fait d’institution après ce mariage ; 011 en a c o n c l u
qu une renonciation'conventionnelle ne pouvant s’étendre
dune personne à une au tre, ni d’un cas à un au tre,
aucun des enfaris de François Cartier ne pouvoit s’ad
juger cette renonciation, ni l’opposer à Louise Cartier,
q u i, selon e u x , n’a pas renoncé valablement aux biens
de droit écrit.
^
'
.
Ce système est une erreur en point de droit. Il est de
principe que toutes les fois que la fille a ren o n cé, en
faveur de ceux qui seront institués , la renonciation p ro
fite aux m aies, quoique le pere n’ait pas iait de testament.
C’est ce que décide le savant D um oulin , conseil 55 ,
tome 2 , page 968 , nom bre 6 , o ù , après avoir dit que
la renonciation de la iiîle étoit valable, lorsqu’il y avoit
des milles , ajoute : E t tain 7?wscuïos tune institutos ,
quàm instituendos , quoniam institutus propriè is est,
qui témpora m ortis instituentis talis in ç c n itu r , ciun
d voluntas sit am bulatoria , ifno illud p a e t uni non
restringí tur ad liberos rnasculos institutos j et sic n o n
�,
( i4 )
.
(
obstat quod pater decessit ab in testa to, sed satis qubd
non videtur mutasse vohintatem.
'
L ebrun , à l'endroit déjà ciLé, nombre 4 , dit : « Q u’au
« cas qu’une fille eût renoncé en faveur de ses f r è r e s q u i
« seraient institués par le testament de son père , la
« renonciation 11'en est pas moins valable , quoique dans
« la suite le père n’eût point fait de testament*, car com m e
« on peut croire que la clause n’a été a p p o s é e que contre les
« exlié.rédés, et à l’effet de les exclure du profit de la rc« nonciation, elle doit etre présumée apposée en faveur
« de ceux qni ne seront point déshérités, et qu’ainsi,
c< le père n’ayant point fait de testament, elle profite
« aux frères. ■
*>
R ousseau-Lacombe , au mot renonciation , section i erc,
nom bre 6 , tient le même langage; il d it, que quand la
fille a renoncé en faveur, des frères qui seront institués , sa
renonciation profite au frè re , quoique le père n’ait pas
fait de testament.
C ’est pour la prem ière fois d’ailleurs qu’on a entendu
dire qu’une renonciation, pour être valable, doit être
directe, parce que les renonciations n’ayant été introduites
qu’en faveur des mâles , ainsi que l’enseigne L o u e t, toutes
les fois qu’au temps de la renonciation il y a des mâles ,
la renonciation pure et simple est présumée au profit des
fils seuls. L article 3°9
coutume de Bourbonnois
en a une disposition précise, et A u rou x-D esp om m iers
enseigne encore celle .vérité : Que la renonciation soit
expresse ou tacite , d i t - i l , elle est valable en faveur des
m âles, et sorxt telles renonciations approuvées par la
�( i 5 ’) •
.
c ont urne générale de F ra n ce , tant en pays coutum ier,
que de droit écrit. L e b r u n , à l’endroit cité, nom bre 14,
dit que s i, au temps de la renonciation, il y a des fds et des
filles, la renonciation pure et simple est présumée laite au
profit des fils, qui en doivent profiter seuls, dans la pureté
des maximes. Il cite A ufrérius et Paul D ccastres, cons.
311. L e prem ier s’exprim e en termes très-précis : jid d e ,
quod s i sunt duce sorores J'ratrem ha ben tes, q u a n m i
ima renunticLvit hœ raditati -patsrnœ , in j'avoram J r a t n s , et non s o ro ris, videtur renunticisse. E n f i n , ce? t
une maxime certaine en d ro it, qui n est aujourd liui
ignorée de personne, et qui n'a pas besoin d un plus
grand développement.
Lors de la renonciation de Louise C artier, il y avoit
deux fils - que la renonciation soit expresse ou ta cite,
qu’il y ait eu un héritier institué ou n o n , sa renonciation
n en profiteroit pas moins aux mâles ’ et tant qu’il en
existe, elle n’a aucune action à exercer.
Cette décision termine sans doute le procès, et établit
le mal jugé de la décision arbitrale. Louise Cartier ne
peut pas exciper de la loi du 8 avril 1791 , p u isq u e, lors
du décès du p è re , cette loi n’étoit pas prom ulguée, et que
les arbitres en conviennent. D ’ailleurs, cette loi ne semble
s appliquer qu’aux forclusions coutum ières, et il s’agit
ici d’une renonciation en pays de droit é c r it , qui n’adniettoit pas les forclusions. O n pourroit donc s’arrêter à
ce point, qui juge toute la cause, parce que Louise Cartier,
étrangère à la succession, n’a plus de qualité pour attaquer
le testament de son père.
�( i6 )
'
^ ^
, Mais il est important de prouver que la renonciation
de Louise Cartier profite à J ea n , son frère, seul ; q u il
a été valablement institué , et que le testament de son père
est revêtu de toutes les formes requises.
.
Par ce testament, François Cartier institue Jean , son
fils,son héritier universel de tous les biens dont il mourroit
vêtu et saisi, à la charge de payer à L o u ise , M a rie , autre
M arie , ses sœurs , et au posthume dont sa fe m m e était
e n c e in te , la somme de 2,000 liv. et un am eublem ent,
chacun suivant leur état: pour laquelle somme et ameu
blem ent, il institue ses trois enfatis, et le p o sth u m e, ses
héritiers particuliers : si le posthume est un m ille, le
testateur lui donne mille livres de plus.
L e père a survécu long-temps à ce testament. L e pos
thume , dont la femme étoit enceinte , est m ort peu de
temps après avoir vu le jour. D epuis, il est né un autre
enfant, toujours pendant la vie du testateur, et cet enfant
est François Cartier \ le testateur est décédé.sans avoir
rien changé à ses dispositions ; on prétend que François
C a rtie r, second fils, a été p rétérit, et que le testament
est nul pour vice de prétention. Cette prétention est
choquante et contrarie ouvertement la disposition des lois.
L a question qu’on va agiter n’est pas. nouvelle • elle a
été traitée, exprofesso , par plusieurs savans jurisconsultes,
et décidée uniformém ent par différens arrêts. L ’insti tutioj 1
du posthume com prend tous les posthumes qui naissent
après le testament, lle n ry s, liv. 5 , quest. 1 1 6 , décide
que l’ institution d’un posthume , dans un seul cas , s’étend
ù tous les autres. V o ici comment il s'exprim e, nomb. 8 ,
�C 17 )
#
’
après avoir rappelé les anciennes et nouvelles lois, et
concilié toutes celles qui pou voient pavot tre contraires :
c< Il nous a donc été proposé qu’ un père auroit institué
« son héritier universel le posthume ou la postuume
« dont sa femme se trouveront enceinte après son décès ,
a et où elle feroit un fils ou une 1111c, auront lait le fi is
« héritier et légué à la iille une somme à titre d in-.titu« tion , comme encore où elle fero’ t deux; fils, il m st
« tue l’aîné et où elle feroit deux filles posthum es, les
« auroit laites héritières par égale, portion , et qa après
« ce testament, et le testateur v iv a n t, lai serait né une
« fille de laquelle sa femme pou v o it , lors d uait t,%sta« m en t, être enceinte, et depuis seroit encore né un fi ¡.s
« pendant la vie dudit testateur ? Nous avons hardim ent
« répondu, qu’encore que ce fils fût né du vivant du p è re ,
« il ne laissoit pas d’ètre com pris dans l’instilution f.u
« posthume dont la femme se trouverolt enceinte lors
« du décès, et d’autant plus favorablement que c’est pour
« faire- subsister le testament,* et lit pot l u s actus v a len t,
« qrunn u t pereat • et c’est en effet le fondement que
« Justinien prend en la loi dernière , C. de posthwn.
« hœredib. instituend. ad adjuvandam testatoruui vo« luntaiem . »
V oici comment s’exprim e cette loi : N obis i ta que eoruvt
sententiarn deciden tibus, cüm fr e q u e n liss im a s leges pus m in u s, testato runi vo /un ta tes adjuvantes : e x n a îtra
hujusm odl verborum com positione , ruptum fic r i iestainentuni vidctur ,* s e d , sivè vivo testa tore, sivè pont
morte/n e ju s , intra dcce/u m enses ti m o i ta t e s t a taris
�( i8 )
_
ntirnerandos, filiu s vel filice f u e r in t p ro g en iti, m aneot
testât or îs voluntas im m utilata , ncc pccnarn patia tur
prœ teritionis, q u i s nos filio s _n o n .prœ tcnit.
Hernys cite à l’appui de son opinion , celle du docte
Cujas , sur la loi conim odissim e , f f . de lib. etposthum .
et encore sur la dernière du C. qu’on vient de rappeler.
Ce savant auteur adopte la môme résolution, et llen rys
dit q u ’ i l faut s’en tenir à l’avis de ce grand jurisconsulte.
B r e t o n n i e r , sur île n r y s , d it, noml). 18 : Si le testateur
a institué le posthum e, dont sa femme pourroit être en
c e i n t e *, si plusieurs posthumes naissent, soit de la mémo
g r o s s e s s e , ou en diliérens tem ps, tous seront également
héritiers; il ajoute, nomb. suivant, q u e, si le testateur
a légué seulement une certaine somme au posthume qui
n a îtra , et qu’il en naisse plusieurs , la même somme
sera due à chacun. T e l est encoi'e le sentiment de P a p o n ,
dans ses arrêts, liv. 20 , noml). 13. I l rapporte un arrêt
du parlement de B ord eaux, qui a jugé que l’institution
faite en faveur d’un posthum e, par un testateur qui
m ourroit sans autre testament, s’étendoit tant au posthume
cle cette fois, qu’aux autres nés depuis le testament.
Catelan, dans ses arrêts, tom. 2 , chap. 62, dit qu’une
institution faite en ces termes: L a posthum e, dont m a
J'ém ule est en cein te, com prend tous les posthumes qui
n a î t r o n t de cette fem m e,, par légalité d’affection qui
est à présumer dans’ le testateur pour tous les posthu
mes qui lul s011t également inconnus -, il î-apporle
plusieurs arrêts qui l’ont jugé de cette m anière; l'un ,
du 1 mars 1668 ; un second du 4 avril i 6 5 6 ; un troi-
�t
\
t
'•
\
' --------- 1 9 )
sième du 6 mars 16 3 8 ; un autre du 9 mai 1642. L a
nomination de la fem m e, d it - il, fait présum er que le
testateur a eu en vue tous les posthumes qui naîtraient
d’elle 5 il ajoute m êm e q u e les jurisconsultes sont" allés ‘
plus avant ,* car ils ont décidé q u e , sous cette institu- '
tion-du posthum e, dont la fem me est enceinte, sont
compris tous les posthumes qui naîtroient d’une autre
femme. * •
• .*■).*.
.......
' "
O n voit que les auteurs sont uniformes sur cette
question.'Les arbitres de famille ont prétendu, au con-• traire, qu’ils étoient d ivisés/m ais que j depuis l’ord. de
1 7 3 5 , il ne p o u v o ity avoir de doute que l'institution
d’héritier ne s’appliquoit pas aux posthumes non conçus,
lors du testam ent, parce que les art. 49 et 5 o de l’ord.
de 1735 , vouloient que l’institution fût assez clairement
expliquée, pour désigner les enfaris nés et à naître. Mais
d abord il semble que les arbitres ont fait une fausse
application de l’art. 4 9 , parce que cet art. ne parle que
des institutions universelles , et non de l’institution par
ticulière pour ceux qui n’ont qu’un droit de .légitime. O n .
conçoit le m otif d e'cet art. Il est essentiel à ‘ la qualité
d’ héritier institué , que cet héritier prenne la place du
défunt après sa m o r t, et que l’ hérédité ne courre point
risque de demeurer vacante. Ce scroit une institution
idéale et chimérique ; voilà pourquoi cet art. dit que
1 institution d’ héritier ne pourra valoir , si celui ou c e u x ,
au profit de qui elle aura été faite, n’ étoient ni,nés ni
connus -lors-du décès du testateur. L ’art. 5 o est le pre
mier qui parle* de ceux qui ont droit de légitim e. A
�( 20 )
_
,
la vérité il veut qu’ils soient instituas héritiers au moins
en ce que le testateur leur donnera , et les institutions
faites en les appelant par leurs noms , ou en les dési
gnant de telle manière que chacun d’eux y soit com
pris; ce qui aura lie u , même à l’égard des enians qui
ne seroient pas nés au temps du testam ent, et qui
seroient nés au temps de la m ort du testateur. Mais ,
loin de v o ir dans cet article un m otif d’annuller le
testament pour vice de prétérition, on n’y v o it, au con
tra ire, que la confirmation des principes de droit écrit,
suivant lequel le posthume doit être institué. Il est
évident que l’ord. n’a point d érogé, ni entendu révo
quer la loi dernière du code qu’on a cité plus h a u t, non
plus que l'explication, qu’elle a reçue de la jurisprudence
et des interprètes du droit. R ien ne le prouve ni ne le
fait présum er, et comment même p o u rro it-o n appe
ler par son nom un posthume qui n’en a pas encore ?
XI n y >a nen d assez précis dans la rt. de l’ord. pour en
induire qu elle ait entendu déroger aux principes qu’on
vient d établir.
En m i m o t, comme le rem arquent les jurisconsultes ,
il vaudroit m ieux dans le doute adopter un parti qui
tend ii conscivei le testament, plutôt que celui qui.tend
à le détruire. O n ne peut pas dire d’ailleurs qu’il y ait
p ré ten tio n , des que la femme est nom m ée, et que le
posthume qui naitia delle est institue ; on doit néces
sairement appliquer 1 institution à tous les posthumes à
qui elle donne le jour.
E n résum ant, .Jean Cartier a été valablement ins-
�( 21 )
titué ; il n'y a point de prétérition dans le testament
de son père. L a renonciation de Louise Cartier doit
profiter à son frère , dès qu’elle est dirigée au profit de
l'héritier qui seroit institué. Quoique cette disposition
soit au fu tu r , et que Jean Cartier fût dès lors institué,
néanmoins la clause ne peut concerner que lui ; il
étoit institué par un testam ent, qui est un acte ambu
latoire et révocable à volonté ; son institution ne devoit
prendre effet qu’à com pter du décès de son père , et
dès que le testateur a persisté dans sa v o lo n té , en ne
changeant rien à ses dispositions, la renonciation ne
s’applique qu’à lui seul.
Il
est inutile d’exam iner la disposition du jugement
qui a confirmé le legs d’usufruit ; aucune des parties
ne s'en plain t, et Jean Cartier lu i- m ê m e , loin de la
contester, en a toujours soutenu la validité; la décision,
des arbitres de famille doit donc être confirmée en
cette partie.
'
D élibéré à R io m , le 19 n ivôse, l’an 4 de la répu
blique française } une et indivisible. P A G E S .
T O U T T É E , A N D R A U D , GRANCHIER,
T O U T T É E , je u n e ; G R E N I E R , D E V A L .
A
RIOM
DE
L’ I M P R I M E R I E
DE
LANDRIOT.
�
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
Factums Marie
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Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
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A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Cartier, Jean. An 4?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Pagès
Touttée
Andraud
Granchier
Touttée jeune
Grenier
Deval
Subject
The topic of the resource
successions
posthume
droit écrit
tribunal de familles
conflit de lois
Description
An account of the resource
Mémoire et consultation pour Jean Cartier, propriétaire, habitant de la commune de Saint-Germain-l'Herm, appelant ; contre Louise Cartier et Marc Barrière, son mari, officier de santé, habitans de la même commune, intimés ; et encore contre Magdeleine Christophle, veuve de François Cartier ; François et Marie Cartier, tous citoyens de la même commune, intimés.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa An 4
1769-Circa An 4
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
21 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0109
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Saint-Germain-l'Herm (63353)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Relation
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conflit de lois
droit écrit
Posthume
Successions
tribunal de familles
-
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a88884e31c51389cbe502f32824340cf
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M
POUR
É
G
M
eneviève
C lau d e
O
C
I
hauder on
C H A U D E R ON,
e t
R
E
, tu trice de M
arie
et
C lau d e V illach on ,
cu ra te u r des m êm es e n f a n s , défendeurs ;
CO N TRE
A N N E - R OS E L a n g l o i s - R a m a n t i è r e s ,
J e a n L a n g l o i s - R a m a n t i è r e s , procédant sous l'autorité du
citoyen Fournier , et N i c o l a s S e m in , tuteur de l 'enfant mineur
de défunte Geneviève Langlois-Ramantières, veuve Salvert,
demandeurs en cassation.
Q U E S T I O N
D’ É T A T .
D a n s notre nouvelle législation, des enfans nés hors du mariage
sont-ils admissible à succéder à leur père quand ils ont été re
connus par lui dan» un acte authentique ?
L a loi ne permet pas de doute sur une pareille question; elle
a prononcé l'affirmative, Elle a dissipé nos anciens préjugés qui
p u n i s s eiont les enfans naturels des écarts de ceux qui le u r avoient
donné le jour: el quelle que soit encore la faveur des parens, aux
ye u x de ceux qui ont intérêt de regretter ces préjugés, cette loi doit
être consacrée par les tribunaux comme un triomphe de la nature
sur des institutions barbares.
Sans doute le législateur a dû poser des barrières capables d’arr êter l'intrigant qui pourroit tenter de s’introduire dans une famille
à laquelle il seroit étranger; et il en a élevé de telles, qu’il est
presque impossible que la plupart des enfans naturels ne regrettent
pus l ’aucienne jurisprudence.
A
�•,'V.I
( 2 )
Dans l’espèce, si le tribunal du Puy-de-Dôme ne les à pas franchies
en faveur des enfans Chauderon, si au contraire il les a religieu
sement respectées, c’est en vain que les héritiers collatéraux du
citoyen Langlois - Ramantières auront dénoncé son jugement au
tribunal vengeur des lois violées.
L e fait s’explique en peu de mots ; il est tout entier dans deux
actes dont aucune des parties ne peut dissimuler le contexte.
L e premier de ces actes , passé en l’absence des parties
intéressées, et par cela seul plus digne de foi que le second,
parce qu’on ne peut le soupçonner être le fruit d’aucune cap
tation , est conçu en ces termes :
« Aujourd’hui vingt-deux Fructidor de l’an 2 , heure de huit
après midi, je Claude Delacodre , notaire public à la résidente
de Saint-Pourçain , district de G a n n a t, département de l’Allier,
à la réquisition de L ou is-Jean -P ierre Langlois - Ramantières,
citoyen de la commune de C h a re il, me suis transporté au do
micile de Marc R o y e t , aubergiste, demeurant au faubourg de
P a lle c o t, de celte commune de Saint-Pourçain , où étant dans
une chambre haute, j’y ai trouvé ledit Louis-Jean-Pierre LangloisRamantières gissant au lit m alade, néanmoins sain d'esprit et
d’ entendement, ainsi qu’ il m’ a apparu et au x témoins ci-après
nommés et qualifiés ; lequel, de son bon gré et bonne volonté,
m ’a dit et déclaré, en présence desdits témoins, qu’il a un enfant
naturel âgé d’environ neuf à dix mois, issu de ses œuvres avec
Geneviève Chauderon ; que cet enfant est une fille , à laquelle a
été donné le nom de Marie Chauderon ; et que ladite Geneviève
sa mère est actuellement enceinte aussi de ses œuvres; qu’il ré
clame lesdits enfans comme étant réellement les sien s, et qu’il
veut et entend qu’ils en exercent les droits comme s’ils étoient
nés en légitime mariage.
» M ’a déclaré de plus ledit Langlois qu’il doit à Michel
Fournier une sounne de iooo livres, prêtée depuis environ deux
�( 3 )
J
mois ? et qu’il doit aussi à la commune de Chareil une somme
de zy liv r e s , provenant d’une confiscation de grains,
» Ledit Langlois-Ramantières m’a requis a c t e , ce que je lui
ai octroyé l e d i t s jour et an que dessus, heuie de n e u f après
m i d i , en présence de . . . . . . etc ».
Voici le second acte, reçu par le même notaire le lendemain
de très-grand matin , en présence de la m ère, qui fut amenée là
par des moyens qui seront dévoilés dans un instant.
« Aujourd?bui vingt-trois Fructidor de l’an d eux, heure de six
avant m idi, je Claude D elacodre, notaire public , e tc ,, à la
réquisition de Louis-Jean-Pierre Langlois-Ramanlière8, me suis
transporté au domicile de Marc Iloyel, aubergine, où étant dans
une c h a m b r e .. . . j'y ai frouvé ledit Louis-Jean-Pierre LangloisRamanlières gissant au lit m alade, néanmoins sain d’esprit et
d'entendement, ainsi qu’il m’a apparu et aux. témoins ci-après
nommés; lequel, de sou bon gré et bonne volonté, m’a dit et
déclaré, en présence desdits témoin», que se rappellant eonfu^
sèment que le jour d’hier il m’a fait une déclaration dont je lui
ai octroyé acte pardevant témoins, et craignant qu’elle soit l’effet
de la crise dans laquelle il se trouvait alors, il me requéroit de
vouloir lui en faire lecture; ce qu’ayant fait a haute et intelli
gible v o ix , et Payant bien entendue et comprise, ainsi qu’il me
l ’a certifié, il a dit et déclaré que c’eft «nul à propos qu'il m’a
fait ladite déelaraiion, attendu qu’il n’a jamais eu d’enfant avec
Geneviève Cliauderon, et (pie son intention n’a jamais été dès*lors
que l’enfant «jn’elle peut avoir et celui dont elle peut être en
ceinte soient regardés comme ù lu i, et tju’ ils en exercent les
droits; <|ue s’il m’a dit le contrairo le jour d’hier, il me l’a dit
sans reli gion , dans un moment sans doute où la force de sa
maladie lui ôtoit toute connoissance ; qu’il rétracte cette décla
ration , comme contraire à la vérité, attendu qu’il n’a jamais eu
A ij
�commerce avec ladite Geneviève Chauderon , qu’il ignore même
si elle a eu un enfant, et si elle est enceinte actuellement.
« Et à l’instant est comparue ladite Geneviève Cliuuderon ,
laquelle ayant pris connoisnance de ce que dessus, m’a dit et
d éclaré, aussi en présence desdits témoins, que la iG radation
dudit Langlois-Ramantières est juste en ce qu’elle n’a jamais eu
de commerce avec lui , et qu’elle a lieu de croire que s’il a dit
le contraire , ce n’a été que dans la force de son mal qui , sans
doute le privoit alors de toute réflexion. Desquels dires, décla
rations et rétractations ledit Langlois-Ilamantières et ladite Chau
dron m’ont demandé, acte, ce que je leur ai octroyé ».
Si ces deux actes avoient aux yeux de la loi la même force;
si , dans cette hypothèse, il falloit les comparer et les juger sut*
leur contexte , qu’il seroit facile de démontrer que le premier a
tous les caractères de la vérité , tandis que le second respire le
mensonge à chaque ligne !
Dans le premier, le citoyen Langlois-Ramantières est sain d’es
prit et d’entendement ; cela a paru au notaire comme aux témoins :
ni le notaire, ni les témoins n’attestent qu’il fut dans un de ces
accès de douleur qui privent un malade de l’ usage de sa mémoire
et de sa raison ; et cependant rien n’est moins équivoque qu’un
pareil état.
Dans le deuxième il est également attesté sain d’esprit et d’en
tendement. Si l’on veut croire à cette seconde attestation , pour
quelle raison ne croiroit-on pas la première ?
Mais comment croire au deuxième a c te , quand on y lit que
le citoyen Langlois-Ramantières déclare qu’il ignore si Geneviève
Chauderon a eu un enfant, et si elle est enceinte actuellement;
comment croire que , s’il avoit ignoré ces deux circonstances, il
les auroit déclarées la veille avec tant de précision et de justesse?
L e délire et le transport donnent-ils le talent de la divination ?
�C« )
Comment croire que la déclaration écrite dans le premier acte
ait été faite dans un moment de délire , quand elle porte sur
d’autres faits exacts et non rétractés? Le citoyen Langlois y con
fesse en effet deux dettes qu’il ne dénie pas dans le second acte.
A l’égard de l ’intervention delà mère que les adversaires regardent
comme d’ un grand poids , elle ne prouve à l ’homme qui réfléchit
qu’une c h o s e ; c’est qu’elle a été provoquée, et que cette femme,
soit qu’elle ait cédé à la crainte , soit qu’elle ait été séduite par
des promesses et des dons, a trahi dans ce moment la nature et
la vérité.
Mais c’est trop s’arrêter à comparer ces deux actes, quand la
loi ne peut en reconnoître qu’un seul, le premier, ainsi que nous
le démontrerons dans un instant. Poursuivons le récit des faits.
L e citoyen Langlois-Ramantières mourut le 26 Fructidor, trois
jours après ces d e u x actes.
Dès le 25 Vendemiaire, Geneviève Chauderon se présente chez
le juge-de-paix pour y déclarer sa grossesse, des œuvres du citoyen
Langlois, dont elle étoit la domestique, et dont, dit-elle, elle
seroit devenue l’épouse.
L e 22 du même mois, elle provoqua la formation d’un tribunal
arbitral pour statuer sur les droits des enfans reconnus par le
premier acte.
Un jugement du 19 Brumaire ordonna qu’un curateur seroit
nommé à ces enfans. II en fut nommé un , et bientôt après la
loi renvoya ces sortes d’affaires devant les tribunaux de district.
Celui de Ganriat qui fut saisi de celle qui nous occupe , rendit
le 18 Messidor un jugement contradictoire, dont voici les motifs
et les dispositions :
« Attendu que la loi du 12 Brumaire de l’an 2 , relative aux
droits des enfans nés hors le mariage, dans la preuve de la posses-
�m
sïon d’état ordonnée par l ’article 8 n’a pour objet que des en fans
actuellement existans lors de la publication de ladite loi; que ceux
de ladite Ghauderon et pour lesquels elle agit, sont nés postérieu
rement à ladite publication; que d’aiileùrs la reconnoîssance des*
dits en fans faite par Louis-Jean-Pierre Langlois^Ramantières le
22 Fructidor, a été par lui rétractée le lendemain a 3 , rétracta
tion appuyée et confirmée par ladite Geneviève Ghauderon ; que
d’après ce la , et aux termes de ladite lo i, il n’existe et ne peut
exister aucune preuve de paternité ni de possession d’état desdits
enfans, le tribunal déclare les demandeurs ès qualités qu’ils pro
cèdent non-recevables et mal fondés en leur demande.
Sur l’appel de ce jugement porté au tribunal civil du dépar
tement du Puy-de-Dôme, Geneviève Ghauderon articula subsidiai'
rement les faits cjue voici :
« Qu’en Novembre 1792 elle accoucha d’une fille dans la maison
du citoyen Langlois ; que celui-ci assista à l’accoucheuient et fit
donner à l’enfant tous les soins pécestsaim.
» Qu’il donna un parain et une maraine à l’enfant.
» Qu’il envoya chercher la nourrice dont il s’étolt assuré d’a
vance, lui donna dès étrennes et la paya tous les mois.
» Que souvent il visitoit l’enfant, et que lors dq sa mort il a
payé tous les frais de sépulture.
« Qu’à la naissance de M arie, deuxième enfant, le père a eu
le* mêines soins, la même conduite, les jjiCme3 procédés, qu’il
a payé la nourriture et l’enlretien.
» Qu’aprc*s la reconnoîssance du 22 Fructidor, la mère du cit,
Langlois et sa sœur, la femme de Dar qui avoient été présentes à
la reconnoîssance, se rendirent très pressantes et très-importunes
auprès du malade; que la mère et la to ur voulurent absolument
qu’elle allât se reposer daus la nuit du 22 nu 20; que toute cette
�à o s
S & ,'
C 7 )
nuit fut employée par la mère et la sœur à obtenir la rétracta
tion; (ju’el les pleurerent, firent des représentations et des promesses,
di.-oient que c’étoit une action digne de la colère divine d’incor
porer dans leur famille des billards, et de leur assurer sa succes
sion au préjudice des vrais héritiers.
» Qu’on la fit ensuite appeller ; qu’on parla de l’incertitude,
de la durée de la révolution , de la versatilité des lois ; qu’on
promit la nourriture et l ’entretien cfes enfans, 6000 livres pour
la mère.
» Que le notaire parut; que Langlois fit plusieurs fois jurer
sa mère et sa soeur 3 que l’on auroit soin des enfans ; que Ge
neviève Chauderon seroit logée, auroit 6000 livres, etc., etc.
» Que le citoyen Langlois vouloit que les 6000 livres fussent
assurées à Cencviève Chauderon par un biilet : ce que l ’on éluda
au moyen de beaucoup de protestations qu’on ne s’y refuseroil pas.
» Que le citoyen Langlois perdit connoissance le a 3 Fructi
dor vers midi, et ne la recouvra pas.
» Qu’aussitôt sa m o r t , Geneviève Chauderon fut emmenée
chez lanière du défunt, où elle fut reçue très-affectueusement,
admise à sa table, et traitée avec amitié , etc., ctc.
L e tribunal ne crut pas avoir besoin de la preuve de ces faits;
et il rendit son jugement contradictoire le 9 Nivôse dernier, en
ces termes :
« Attendu que l ’article X I de la loi du' 12 Brumaire an 2 ,
porte , qu’ en cas de mort de la mère avant la publication du
code civil, la reconnaissance du père , faite pardevant un officier
public, suffira pour constater, à. son égard, l’état de l’enfant né
hors du mariage et le rendre habile à succéder.
» Attendu que Louis-Jean-Pierre L a n g lois, par l’acte du 2
Fructidor, a déclaré, etc.
�o
f
(8 )
» Attendu que cette déclaration circonstanciée est accotnpa«
gnée da reconnoissance d’une dette de j q o o livres au profit du
citoyen Fournier, et d’une autre dette de 29 livres envers la eom»
roune de Chareil, pour confiscation de grains, porte le carac
tère et l’impreinte de la vérité ;
» Attendu qu’en question d’état la déclaration de paternité
est irrévocable ;
» Attendu que la rétractation du 23 , loin d’anéantir la décla
ration de la veille, ne peut même pas l’atténuer, dès q u e , par
essence, son irrévocabilité est incontestable;
». Attendu que cette même rétractation est accompagnée de ca
ractères de Fausseté , en c e qu’ el l o c on t r e d i t et d é m e n t des faits
dont la véracité se montre à la simple lecture de la déclaration
du 22 Fructidor, faits qui sont matériellement avoués dans la
cause quant à la naissance de l’en Faut et à la grossese de Geneviève ;
» Attendu que les enfans nés hors du mariage o n t , suivant les
lois nouvelles , le môme droit de successibilité que les enfans
légitimes, et excluent les héritiers collatéraux;
» L e tribunal, sans s’arrêter à la rétractation du 23
an 2«., qui est déclarée nulle et frauduleuse , dit qu’il
jugé e t c . , autori.se les deux enfans à porter le nom
Rmiiuuiu*rt*s , et les déclare seuls et uniques héritiers,
en possession de la succession,
Fructidor
a été mal
Langloisles envoie
C ’est do ce jugement que la cassation e6t demandée.
Prouvons que cette demande ne peut être accuiellie.
M O Y E N S .
Trois moyens sont présentés par les demandeurs : voici leur
moyen principal.
« Il
�( 9 )
» Il y a , disent-ils, fausse application de la loi du 12 Brum eire, en ce que le jugement a déféré une succession paternelle
à des enfans nés hors du mariage , sans reconnoissauce légale
de paternité, et a appliqué l’article VIII de la loi du 12 Bru
maire à un cas où le père présumé est mort antérieurement à
la promulgation de la l o i , tandis que la disposition de cet article
n ’eït a pplicable qu’au cas où le père est décédé antérieurement à
la loi ».
R É P O N S E .
Il seroit difficile de concevoir comment le jugement attaqué
auroit fait une fausse application de l ’article V I I I de la loi du
12 Brumaire an 2, puisqu’il n’est, et n’a pas dû être basé sur
cet article.
II n’a pas été basé sur cet article : car le tribunal du Puy-deDôme n’a invoqué dans ses motifs que l’article I I , et n’a rien
jugé que conformément à ce dernier article.
<
Il n’a pas dû être basé sur l’article V III : car cet article n’est
applicable qu’aux enfans naturels qui réclameront la succession
de leur père , décédé avant le ia Brumaire an 2 , et que le ci
toyen Laiiglois-Ramantières n’est décédé que 10 mois après.
Ce jugement, disons-nous, est Basé sur l’article 11 de la lo i,
et ses dispositions ont dû y être conformes.
L ’article premier de la loi porte que les enfans nés hors du
mariage seront admis aux successions ouvertes depuis le 14 Juillet
1789 ; et J’arlicle ü règle la manière dont iis devront exercer
des droits nouveaux. '
L e même article premier porte qu’ils seront également admis
à celles qui s’ouvriront à l’aveuir > sous lu réserve portée par
l’article io.
B
�t *i , '
C .i» )
€et article X est conçu en ce» termes :
: «
« A l'égard des enfans nés hors du mariage dnnt l é père e f
la mèrt* seront rnrore exisl'ans lors de la promulgation du code
civil , leur état et leurs droits seront en tout point réglés par
les dépositions du code
Mais en attendant ce code c i v i l , il falloit pourvoir au sort
des enfuns dont le père et la mère vivraient’ encore ef décéderoient cependant avant la promulgation dé ce codé si lohg-tempsattcndu. C'est ce que la loi de Brumaire a fait par l’urticle X I ,.
ainsi qu’en conviennent nos adversaires.
E l que veut celtè loi ? En voici'les dispositions littérales :
« N é a n m o i n s , en c as d e mort d e l a m è r e , a v a n t la publica«tion de la loi , la recnnnoissance du père, faite devant un offi
cier p u blic, suffira pour constater, à son cgard, l’état de l’eufant
né liors du m ariage, e t le rendre habile à lui succéder ».
E lle consacre donc en principe que Penfant né hors du ma»riage , quand il est reconnu par son père, devant un officier
public , peut recueillir sa succession.
E t voilà précisément ce qu’a décidé le jugement attaqué , quiest basé sur ce t article X I de la loi du 12 Brumaire.
Mais il faut entendre les subtilités des adversaires.
Suivant eux , I o . la mère n ’ é t o i t pas décédée ; des-lors sesenfans devoient avuir sa reconnoissance : car la loi ne se con
tente de celle du p ère, qu’en cas de mort de la m ère, elle
a clairement manifesté que l’une et l’autre étoient nécessaires*
quand le père et la mère vivoiënt.
a°. L a reconnoissance du père devoit être faite devant l’ofHcier public que laloireconnoît pour recevoir les actes de l’état civil..
Qui ne reconnoît , à de pareils moyens , l’embarras qu’on
éprouve à soutenir un systôine erronné ?
�C í* )
*°.
loi a manifesté sans doute, que pour qu’un enfant na
turel pût être admis & recueillir la succession de son père cl
de sa mère , i l devroit rapporter la reconnoissauce de l’un et
4 e l’ autre»
Aussi a-t-elle distingué clairement, que lorsque l’enfant na
turel ne rapporterait que la reconnoiasance du p ère , il ne pourroit réclamer que la succession do son père.« L a reconnoissance
du père, a-t*elle d it , suffira pour constater, à son égard, l’état
de l’eniant né hors du mariage et le rendre habile à lui succéder ».
O r , il ne s’agit ici que de la succession du père j il ne s’agit
pas de la succession de la mère qui vit encore. Il suffit donc
aux enfans Langlois de rapporter la reconnaissance de leur père ,
pour être habile aà lui succéder t,i).
a". Pourquoi faire tenir à la loi un langage qu’elle n’a pas
tenu ? Pourquoi vouloir exiger que la rcconnois«ance du père soit
faite autrement que le veut la loi ? L a loi veut qu’elle soit faite
devant un officier public. O r , c ’est un officier public qui a reçu
la reconnaissance du citoyen Langlois ; car on ne peut pas ha
sarder de dire qu’un notaire n’est pas un officier public«;
M a is , ce n’est p a s , d it-on , l'officier public qui doit consta
ter l’état civil.
Nous convenons qu’un enfant né dans le mariage doit être présenté
à l’officier civil à qui la loi a confié le soin de constater sa naissauoe.
Mais d’un côté, il ne s’agit pas ici d’un enfant né dans le|marîage.
D ’un autre côté, il s’agit encore moins de constater l’état civil
( i ) S ’ ils «voient besoin de la reconnoissance de leur m è r e , ils la tro u v e roient dans l'action que la m ère a intentée pour eu x , laquelle est bien uue
reconnoissunce q u ’iti sont nés du citoyen L an g’ois-R am antières. E t n’ ont-ils pas
d'uilleurs sa déclaration devant le juge de p a ix » qu’ils avoient pour p ère le
citü_yca L o n ^ lo is-llam u a liètes ?
B ij
�( 12
et la naissance d’nn enfanl ; il n’est question que de constater
qu’un père reconnoît un en Tant pour être né de lui C elle reconnuîï-sance qui n'est p ¡s un acte public, lin acte qui intéresse
l'ordre .social, ne dispense pas l’enfant qui se présente dans la
société, pour y prendre sa plare et y déterminer ses rapports,
de ju.sti'ier d’un acte de naissance qui aura été reçu par l’oiïicier de l’état civil.
L a recontioissance du père est un acte qui n’intéresse que
l ’individu au profit de qui elle est faite, et ceux qu’elle exclut
de la succession à laquelle ils auroient été appelés sans cet écrit;
dè.s-Iors elle peut être reçue par l’officier public qui reçoit toutes
les autres transactions entre particuliers*
E t croira-t-on que si le législateur eût voulu que ces sortes
de reconnoissances Fussent f a i t e s d e v a n t l ' o f f i c i e r d e l’ é l a t c i v i l r
il se fût contenté de dire quelles se feroient devant un officier
public ? Se seroit-il servi de cette expression générique, quand
il avoit à exprimer une idée spéciale? croira-t-on qu’il n’eût
pas dit que la reconnoissarice du père seroit faite devant l’of
ficier de l’état civil? n’est-il pas enfin bien extraordinaire qu’ou
équivoque sur un point de cette nature ? ignore-t-on ce que la
loi a eu pour objet ? ignore-t-on qu’elle a voulu éviter le scandale
qui suit toujours une recherche de paternité ? qu’elle a voulu
l’aveu du père , ou rejetter la réclamation de l’enfant ? qu’im
porte, d'après cela, que la reconnoissance du père soit faite devant
un notaire , ou devant un juge de paix , ou devant l’officier dé
l’état civil ? Le fuit dont la loi veut que le juge soit assuré, sera-t-il
plus certain , attesté devant tel ou tel homme ? l’essentiel n’est-il
pas que celui qui reçoit la déclaration soit revêtu par la loi d’un
caractère qui commande la confiance? Et encore une fois, cette
reconnoissance n’est pas l’acte qui introduit un enfant dans l’ordre
social ; elle ne"fait que l’ introduire dans une fam ille, et ne le
dispense de l’acte qui constate et son rang dans la société , et
l'époque de sa naissance.
�Ce n’est donc qu’ en confondant^ foutes les idées , qu’on a pu
hasarder Je système que nous combattons.
Tout étrange qu’il e s t , nos adversaires en poussent plus loin
le développement.
'
Ils disent qu’il n’y a pas de reconnoissance , parce qu’il y a
u n e rét ract at i on.
i
.i i
i
Mais si c’est làj leur dernière ressource, l’affaire est jugée au
tribunal de cassation.
L e tribunal du Puy-de-Dôme'a d écid é , conformément à l’ar
ticle a du 12 Brumaire , que les enfans de Geneviève Chauderon , reconnus par le Citoyen L a n g lois, leur père , devoient
lui succéder. Il a donc rendu .hommage à la loi : son jugement
est donc à l ’abri de toute censure.
On opposoit la rétractation du citoyen Langlois ; c’étoit une
nouvelle question.
Qu’a - t - i l jugé ? il a jugé que la reconnoissance de paternité
étoit irrévocable, j
Y a-t-il une loi dans notre code qui décide le conlraire ?
Si nos adversaires sont forcés de corivenir qu’il n’efi existe
pas, comment ce jugement pourroit-il en avoir violé ? et s’il n’en
a pas v io lé , où donc est le moyen de cassation ?
Il pourroit avoir mal jugé; mais un mal-jugé n’est pas un moyen
pour faire unnuller un jugement.
Mais il faut le venger même de ce soupçon : il a consacré tous
les principes reçus , les lois romaines, qui seules se sont expli
quées sur la question.
Ou n’a jamais douté qu’un a c t e , q u a n d il avoit reçu tous les
caractères qui le constituent , ne pouvoit être anéanti sans le
consentement de ceux à qui il donnoit un droit quelconque.
�CM 3
E t qu'on nç„dise pais que la xeqonnoîssance du père étant faîte,
sans l’intervention de *es enfans ^ a , , volonté seule ajant con
couru pour la fo r m e r, sa volonté seule a dû sufUre pour la
détruire.
¡v bi.
On répondroit que la volonté seule du père forme Taote civil
qui établi! la naissance de l'enfant qui est présenté à la mu
nicipalité. Cependant il ne peut pas la rétracter. Ce contrat qui
paroit unilatéral est sjllanagmatique : il se passe entre le père
qui d éclare, et la société représentée "par son officier qui accepte
la déclaration pour l’enfant. Cet a cte , comme les autres, libre
dans son principe, devient forcé et irrévocable, lorsqu’il est con
sommé. Voilà les vrais principes.
Ils sont professés par tous les jurisconsultes; et pour ne citer
que Daguesseau, voici ce qu’il établit dans son trente-quatrième
p laidoyer;
K\
.
.’ ■
i
i ; . .. î
« Il y a long-temps qu’on a demandé si l’on pouvait regarder
la déclaration du père et de la mère comme un jugement domes
tique, toujours également décisif, soit qu’il fût contraire ou favo
rable aux enfans. L e nom sacré de père et de m ère,'et la tendresse
que la nature le u r inspire pour leur propre sang, ne eembloient
pas pouvoir permettre que l’on doutât de la vérité de leur suffrage.
'i; ; i
') : l'i
r'i
.'
» On voit dans les lois romaines que la reconnoissance du père
c6t un grand préjugé pour assurer l’état de son fil» : Grande prcejudicium ad/crt pro J ilio con/essio patris. L . i , §. 12 , if. de
agnosc. et ùlcud. lib. On y voit en môme temps que quelque
déclaration que la mère ait faite contre l’état de ses enfans, la
vérité conserve toujours ses droits, et on la recherche par toutes
sortes de vo ie s, môme après le serment de la mère ».
Ce magistrat examine ensuite la jurisprudence française, et
après en avoir cité différons inonumens tous conformes à ce prin
cipe , il termine eu ces termes :
I
�(i5)
« Vous'avez donc établi ce principe général aussi eonvenablè
à l’équité naturelle qu’à l’utilité de la société civile qu’«« père
et une mère peuvent bien assurer par leur suffrage l'éta t de leurs
enfans r mais qu’ils ne peuvent jam ais le détruire ».
A in s i, loin que le tribunal du Puy-de-DÔme ait violé les prin
cipes, il les a au contraire consacrés en jugeant que le père ne
pouvoit pas rétracter sa déclaration.
E t que seroiit-ce, si nous discutions cette rétractation qui a paru
aux j e u x de ce tribunal comme un monument de surprise, d’er
reur et de mensonge ? N’y verroit-on pas à chaque ligne des traces
non équivoques de tous ces vices.
On y fait dire au père qu’ il a fait sa reconnoîssance dans un
moment où l ’accès de la douleur le privoit de sa raison : et cepen
dant tout annonce dans ce premier acte qu’il jouissoit en effet de
la plénitude de sa raison et de sa mémoire. Il y confesse deux
dettes dont il n’existoit pas de titres : il y confesse deux faits constans, c’est que Geneviève avoit un premier enfant vivant et qu’elle
étoit enceinte dix second.Dans la rétractation, au contraire, on remarque un esprit en
di'lire ou esclave de la volonté des personnes q u i l ’entouroient.
On y lit qu’ il ne sait pas si Geneviève a eu un enfant, si elle étoit
enceinle d’un second, comme si un maître pouvoit ignorer des
faits de celle nature , de la part d’une fille qui est h ses gages
et à son service; comme s i , les ignorant dans le calme de sa raison,
il pouvoit les deviner quand son esprit est troublé par l’ardeur de
la fièvre. Tout ne décèle-t-il pas le mensongç et l’artifice ?
Nous pourrions pousser plus loin l’analyse; mais c’en est assez.
•Le tribunal de cassation n’a pas à juger le fond de ce second acle.
(Quoiqu’ il en soit, il n’a pas pu détruire le premier qui étoit irré
v o c a b le ; et quand on pourroit aller jusqu’à prétendre que le tri
bunal du Puy-de-Dôme a mal jugé en rejettant celte rétractation,.,
�Il
'C *6 i)
ce ne sçroit pas un moyen capable d’opérer l ’anéaqtisçenient, de son
jugement : car il n’existe pas uneiseule, loi qui permette de révo
quer l’aveu de la paternité : et dès-lurs ce jugement ne peut avoir
violé aucune loi.
>
Examinons maintenant et avec rapidité les deux moyens auxi
liaires que les adversaires invoquent.
Voici le premier. « L a fille Chauderon est sans qualité pour
soutenir le procès ».
; T ’ "o ■
On répond avec la loi : L ’article 175 de la coutume du Bourbonuois, qui régit les parties est conçu en ces termes :
« L a m è r e est t ut r i c e et l é g i t i m e a d m i ni s t r a t r i c e de ses enfans
mineurs, tant qu’elle demeure en v id u ité ’».
M a is , disent les adversaires , cette tutelle narurelle n’est dé
férée qu’à la inère devenue yeuve : or la fille Chauderon ne peut
pas se dire veuve.
Misérable subtilité ! la fille Chauderon est veuve maintenant
sans avoir eu d ’époux. L a loi appelle veuve la mère qui a perdu
le père de ses enfans. C ’est ici une tutelle naturelle, et la loi
naturelle qui ne reconnoît pas de plus sûr soutien de l’enfanco
que la mère quand elle est séparée du père de ses enfans, est
bien loin de prononcer la distinction injurieuse imaginée par les
adversaires. L a loi civile elle-même n’a pas une institution aussi
barbare. L a tutelle appartieut à ceux qui ont le plus d’intérêt
de conserver les enfans : sous ce rapport, qui peut méeonnoîtrc
les droits d’une mère à être tutrice de ses enfans, qu’ ils soient
nés dans le mariage ou hors do cette union légitime ?
L a loi ne lui refuseroit rette qualité qu’autant qu’elle pordrnit
son état en se mariant. Mais elle est aujourd’hui dans l’état où
elle étoit ù la mort du père de ses enfans.
Au
�C *7 )
A u surplus comment peut-on se permettre aujourd’hui de co n
tester cette qualité à la fille Chauderon , quand on la lui a recon
nue et donnée ? Les adversaires ont-ils oublié qu’en luî signi
fiant le jugement de première instance, ils lui ont donné la qualité
de mère et tutrice naturelle de ses enfans mineurs:1Ont-ils ignoré
qu’ils la lui ont donnée, en les citant au bureau de p a ix, sur
l ’appel et dans tous les actes qui ont suivi ?
Ils seroient donc non-recevablés aujourd’hui à proposer ce moy en’ •
quand d’ailleurs il ne leur seroit pas enlevé par la loi elle-même.
L e deuxième moyen se détruit par une discussion aussi rapide.
Les adversaires le fondent sur ce que l’article 14 du titre 5 de
la loi du 16 Août 1790 ne permet pas d’interjetter appel d’un juge-,
ment contradictoire , après trois mois écoulés depuis la signifi
cation du jugement : or, ajoutent-ils , trois mois sont composés
de quatre-vingt-dix jours, et l'appei a ¿té signifié quatre-vingtquinze jours après la signification du jugement.
On répond, i°. que les jours complémentaires sont compris
dans ces q ua tre-vin g t-q u in ze jours, et qu’ils n’appartiennent,
d’après l’article 7 de la loi du 4 Frimaire an 2, à aucun des mois
qui composent l ’année républicaine , suivant la computation
actuelle.
On répond , z°. que les jours complémentaires forment une
fraction qui ne compte pas, lorsqu’il faut calculer par mois, mais
seulement lorsqu’il faut calculer par jour.
T e lle est la décision portée par différentes lois : celle du 19
Fructidor an 2 , sur les appointemens et traitemens, art. 1 et 2 ;
celle du 18 Frimaire an 3 , sur l ’intérêt annuel; celle du 3 Plu
viôse suivant, pour l’exposition des contrats à l’affiche des hypo
thèques ; celle sur le recours en cassation; enfin, celle du 21
ï ’ructidor an 4 >sur les vacances des tribunaux.
G
�Ce sont , disent enfin nos adversaires, des lois d’exception qui
ne peuvent être ¿tendues aux cas dont elles n’ont pas parlé.
*•
Ce n’est encore là qu'une subtilité. Il est généralement reconnu
que ces jours n’apparliennent à aucun mois, et ce ne peut être
sérieusement qu'ou hasarde un pareil moyen : aussi ne lui a-t-on
donné aucun développement daus le mémoire auquel nous ré
pondons.
O
A in si, en nous résumant .sur le moyen principal :
L a loi n’admet point la recherche de la paternité; elle exige
que l’enfant qui réclame une succession ouverte avant la promul
gation du code c iv il, vienne avec une reconnoissance de son père,
fai te d e v a n t u n o j f i c i e r p u b l i c .
Un notaire est un officier public : et la loi n’ayant pas dit que
la reconnoissance seroit faite devant l’ofHcier de l’ctat civil, celle
qui est reçue par un notaire est valable.
Cet acte n’a rien de commun avec l’acte de naissance qui doit
être inscrit sur les registres de la municipalité, et le premier ne
dispense pas du second.
C elle reconnoissance, unilatérale en apparence, est réellement
synallagmatique, et dès-lors elle est irrévocable.
L a rétractation c.st l’ouvrage de la séduction : le mensonge qui
y règne attesle qu’ une volonté étrangère l ’a dictée.
&
Voilà ce qu’a décidé le tribunal du Puy-de-Dôme.
Il faut donc consacrer son jugement, qui a rendu un hommage
si pur à la loi et aux principes.
S ’il est dur pour des héritiers collatéraux de se voir privés
I
�(19 )
d’une succession dont l’espoir avoit flatté long-temps leur ambi
tion , il est juste que des enfans qui ne sont pas coupables du
vice de leur naissance, recueillent les biens de leur père, puisque
leur père l ’a vo u lu , et que la loi l’a permis.
Le
citoyen B A R R I S ,
L e citoy en
rapporteur.
commissaire.
L e citoy en C o u r m o l ,
défenseur officieux.
•s.
-------- ---
- '
D e l'imprimerie de H o n n e r t
1
, rue du Colombier,
n°. 1160,
�
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The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
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A name given to the resource
Factums Godemel
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Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Chauderon, Geneviève. An 4?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Barris
Cournol
Subject
The topic of the resource
enfants naturels
successions
droit intermédiaire
reconnaissance de paternité
témoins
domestiques
rétractation
officier public
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire pour Geneviève Chauderon, tutrice de Marie et Claude Chauderon, et Claude Villachon, curateur des mêmes enfans, défendeurs ; Contre Anne-Rose Langlois-Ramantières, JeanLanglois-Ramantières, procédant sous l'autorité du citoyen Fournier, et Nicolas Semin, tuteur de l'enfant mineur de défunte Geneviève Langlois-Ramantières, veuve Salvert, demandeurs en cassation.
Table Godemel : Enfant naturel : 1. des enfants nés hors mariage sont-ils admissibles à succéder, au préjudice des héritiers collatéraux, à leur père, décédé après la loi du 12 brumaire an 2, quand ils ont été reconnus par lui dans un acte authentique ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Honnert (Paris)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
circa An 4
Circa An 2-Circa An 4
1789-1799 : Révolution
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
19 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G1423
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Saint-Pourçain-sur-Sioule (03254)
Rights
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Domaine public
Relation
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domestiques
droit intermédiaire
enfants naturels
officier public
reconnaissance de paternité
rétractation
Successions
témoins
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ef7209a765ea8c54fbae67306fbe6a72
PDF Text
Text
PRECIS
ET C O N S U L T A T I O N ,
P
G u illa u m e
et
O
U
F ran ço is
R
'
C H A U T A R D , appelans;
C O N T R E
Jean n e
T IP H A L IE R , veuve de
A n to in e ,
F ran ço is ,
autre F r a n ç o i s
enf a n s , intimés.
et
Jean
J e a n n e
P ie r r e
:
CHAUTARD,
A n n e - M a r ie
7
C H A U T A R D , leurs
-
Q U E S T I O N .
Un enfant légitimaire qu i, après le décès de son p è re ,
a approuvé le partage-que ce père avoit f a i t dans sa
fa m ille ; qu i a reçu de sesfr è r e s héritiers institués ,s a
légitime conventionnelle, qui étant devenu m ajeur a ,
par une transaction su rp rocès, traité de tous ses d ro its,
peut-il être admis ensuite à demander le partage des successions qu’il a cédées, et dont il a reçu le prix ?
D U mariage de François Chautard avec L ouiseP rulh ière
toient issus, entre autres enfans ? François et Antoine
é
�,
( 2 }
.
Chautard, pères des appelons; et Jean Chautard, mari
et père des intimés.
_
E n 1 7 4 7 , François Chautard, fils aîné, ayant épousé
Marie Bravard, François Chautard, son p è r e , l’institua
son héritier universel, à la charge d’associer à l’institution,
Antoine et.Annet C hautard, ses deux frères puînés. L a
légitime de Jean Chautard lut alors lixée à un ameuble
ment et à la somme dé 400 liv. tant pour biens paternels
que maternels. L a mère étoit décédée, et sa dot consistait
cri une modique somme en argent.
Avitoineet Annet Chautard ayant aussi contracté mariage
en 1700 , leur père renouvela l’institution qu’il avôit déjà
faite en leur fa^eurypar le contrat de mariage de son fils
aîné, et augmenta «de la somme' de 5o liv. la légitime de
Jean Chautard.
Annet Chautard, 1 un de ces trois héritiers, décéda sans
postérité peu._de temps après., et. avant son père,-de sorte
‘ V-- ! t '! que tout l’eiTet de l’institution se réunit sur les têtes de
François et d’Antôine Chautard, co-institués, re et verbis.
'
\ < Le
juilÎet 17^ 9, François Chautard, premier du
■nôiti-j déjà très-avancé en âge, fit un dernier règlement
•
dans sa iamille, afin d’éviter, après son décès , toute espèce
'
. de contestation entre scs enfans. Ayant fait nommer un
v
curateur a Jean Chautard, François Chautard, premier
du n o m , partagea par égalité , tous ses biens entre scs deux
; liéritiers^institués, se réduisit à une pension, et porta à la
somme de 600 liv. la légitime de 4Ôo liv. qu’il avoit d’abord
faite à Jean Çhautard: ce dernier, autorisé de son curateur,
' \ promit de sè contenter de cette légitime.
\s
\
�( 3 )
,
Après le décès de François C liautard, pi-emier du nom %
arrivé le 12 avril 1764, Jean Ghautard ayant contracté
mariage, reçut de ses frères une: somme de 350 liv. sur sa
légitime conventionnelle : Jeap. Cliautard étoit. alors m i
neur •, mais, parvenu à sa majorité, et par transaction du 4
novembre 17 6 9 , il traita avec ses frèi-és de'tous les droits
généralement quelconques qu’il pouvoit prétendre dans les
successions, directes et collatérales, et même pour les droits
d accroissement de sgs sœurs forcloses. Cette, cession de
droits fut faite moyennant la somme de 35o liv. en sus de
la légitime conventionnelle. L e prix de cette cession fut
dans la suite payé sans aucune protestation ni réserve de
la part de Jean Cliautard.
*;
, fI o u t paroissoit être terminé irrévocablement ; néan
moins environ dix ans a p rès, Jean Cliautard prit des
lettres dé rescision contre la transaction du 4 novembre
1769,- il donna, pour seul prétexte que, par ce traité, il
éprouvoit une lésion de plus d’outre moitié : dans la
suite, il im a g in a de prétendre que ses frères, cédataires ,
avoient été ses protuteurs ,* d où il conclut qu il n’avoit pu
valablement traiter avec eux sans un compte préalable. L a
demande en entérinement de ces lettres ayant été portée
en la ci-devant sénéchaussée d’A u vergn e ; y fut accueillie ;
par sentence du 10 mars 1786 *, les lettres furent entérinées
et le partage fut ordonné-, mais, sur l’appel porté en la cidevant cour du parlement de Paris, cette sentence fut infir
mée sur les productions respectives des parties,par arrêt
rendu en la seconde chambre des enquêtes, le 28 mai
1789 : Jean Cliautard fut déclaré non recevable dans toutes
ses demandes, et condamné aux dépens.
A 2
�( 4 )
. . . .
Ch au tard étant décédé, les intimés obtinrent au
tribunal de cassation, le 2,8 frimaire de l’an 2 , un jugement
par défaut,, qui cassa l’arrêt du parlem ent , e t renvoya le
fond de la-contestation, de-vant les juges qui en dévoient
Jean
connoître.
Les motifs de ce jugement sont remarquables : « attendu,
y est-il dit, « que Dicte du 4 novembre 1769, est le pre<c mier acte passé entre -les Cliautard -, héritiers institués,
« et leur frère légitimaire, et qu'il ne s’est pas é c o u l é dix
« années, à compter de eet'atte, jüsqu’à l’obtention et la
« signification des lettres de rescision , le tribunal casse et
« annullel’arrêtdüio'i'-deMantparlement de Paris, du 28 mai
« 1789, parce qu’il a déclaré Jean Cliautard non recevable
« dans 9a demande ^ e n té rin e m e n t de lettres de rescision ;
«en quoi il est contrevenu à l’article 46 de l’ordonnance
« dè Louis X l t , du mois de juin i 5 io , qui porte : Voulons
¿ e t ordonnons que toute rescision de contrat et d’autres
«actes quelconques, fondée sur dol, fraude, circonven« tion, crainte , violence ou déception dyoutre m oitié d u ■
v juste p r ix , se prescrivent dorénavant, tant en nos pays
« coutumiers que de droit écrit, par le laps de dix ans con« tinuels, a compter du jour que lesdits contrats et autres
ç actes auront été faits. »
*
, On demande au conspil si les héritiers de Jean Chautard
sont recevables à demander le partage des successions dont
il avoit reçu le prix.
L E C O N S E I L S O U S S I G N É , qui a pris lecture
du mémoire et des pièces y énoncées,
�E s t i m e que la réclamation des héritiers de Jean
Chautàrd n’est pas fondée : plusieurs moyens, aussi puis^
sans que décisifs , concourent et se réunissent pour la faire
proscrire et pour faire infirmer, par conséquent* la sentence
de la ci-devant sénéchaussée d’A u v e rg n e , du 10 mars 1786.
i°. François Chautard, premier du nom , avoit iaitun.
partage dans sa fam ille, et Jean Chautard y avoit
acquiescé. Personne n’ignore que- de tels partages et
àrrangemens de famille, faits par le père entre sesenfans ,
ont toujours formé entr’eux des jugemens domestiques,
que la nature , la raison et la loi les obligent de respecter.
Optim um enirn con silium paternel pietas stm per pra
liber is cap ¿t.
■
Les coutumes décident et les auteurs disent que les
partages faits par les pères et mères entre leurs enfans,
prévenant l’office des arbitres ou experts , 'sont favora
blement reçus par les lois romaines ; les auteurs en citent
plusieurs à l’appui de leur opinion : ils ajoutent q u e ,
par ces partages, les pères et mères peuvent donner
aux uns leurs portions en argent seulement, et aux
autres , en héritages ; ils ont la liberté de faire ces par
tages conjointement ou séparément, s im u l, dit D u
moulin , vel seoj'sim ’ hoc est etiam de ju re comrnuni.
Cette maxime est si favorable que nos usages l’ont étendue
même aux coutumes muettes (1),* on trouve à ce sujet,
(1)
Bourbonn. coutum e, art. 216. Nivern. art. 17, cliap. 34.
Duc lié de Bourgog. art. 6 et 7, chap. 7. Amiens, art. 49. Lor
raine, art. 4. Auroux Desponiniiers sur Bourbonn. art. 216, nos.
1 • 6 et i 5 . Lacombe, verbo partage, sect. 6, n. 3. d’Espeissés,
A 3
�,
( 6 )
.
.
-
une très-belle décision dans les capitulaires de Charîemagne ( i ) . Ce législateur, après avoir observé qu’il
n’est pas permis de disposer de la fortune des personnes
vivantes, ajoute : Sed prœcipiente pâtre divisionem ab
eo Juctam durare , si modo nsque ad extremuni ejus
vivendi spatiian, volimias eadem perseçerasse doceatur.
On ne sauroit douter que François Chautard, premier
du n o m , n’eût laissé à Jean Chautard, son fils, tout ce
qui lui pouvoit revenir pour sa légitime de droit, puisqu'il
eut l’attention de l’augmenter, soit à proportion que
sa fortune prit quelque accroissement, soit à proportion
que le nombre de ses en fans diminua. Ce partage fait par
un père, premier législateur de scs enfans, doit opérer
une première fin de non recevoir contre la prétention des
héritiers de Jean Chautard.
2 Il est aussi de principe fondé sur le texte même de
la loi municipale du département du P u y - d e - D ô m e ,
laquelle régit les parties, que celui qui a "approuvé les dis
positions faites par un défunt, n’est plus recevable à
les contredire (2).
Cette décision est en tout conforme aux dispositions
des lois romaines : Q u i agnovit judicunn defuncti, accu
sare ut inojjiciosam volunlatem patris quant probavÎt,
I er. pag. i49.BrocIeausur Louet, lett. p, s o m . 24. Lebrun,
traité des suce. liv. 4 , cliap. i cc. nos. 10 et 11.
tom.
( 1 ) Liv. 7, cbap. 248.
(2) Cout. d’Auverg. tit. 12, art. 5o.
�.
( 7 )
.
lion p o te s t, dit' l’une de ces lois ( i) . Godefroy s’exprime
de la môme manière. L a moindi'e approbation suffit, porte
une autre lo i, agnovissevidetur, q u i quale quale ju d iciurn defuncti comprobavit. Basmaison et P r h o e t ( 2 )
disent que si le ljgnager venant ab-intestat agrée tant soit
peu le testament, recevant ou baillant, de fait ou de
p aro le, il ne pourra plus contrevenir à la volonté du
d éfu n t ( 3 ).
Jean Cliautard accepta, du vivant de son p è re , la
légitime conventionnelle qui lui étoit destinée : après le
décès de son p è r e , il reçut une partie de cette légitime :
des payemens lui ont été faits, lors même qu’il étoit
en m ajorité,• on doit donc d ire , avec assurance, qu’il
avoit approuvé les dispositions de son p è re , agnoveraù
ju d iciu m d e fu n c ti, et qu’il n’étoit plus rècevable dans
sa demande en partage,
■
. 3 . Une troisième fin de non recevoir aussi décisive
résulte de la transaction du 4 novembre
, Une transaction se reconnoît à deux marques princi
pales : la prem ière, quand elle est faite pour assoupir ,
soit un procès qui étoit déjà n é , soit un procès qui
étoit sur le point de naître : T r a n sa d lo est rem issio
litis pressentis vel in u n in en tis, dit C u ja s, et après lu i,
Pothier. La seconde marque est quand les parties, sc
relachant respectivement de leurs droits, retiennent ou
(1) Paragr. i cr. 1. 8. cod. de i/wffic. testam.
(2) Sur le même art. 5o de la cout. d’Auverg.
(3) Cout. de Bourbon, ait. 32J.
�-reçoivent
( 8>
d’un côté, tandis qu’elles abandonnent de
l’autre , aliquo d a to , aliquo retenta. Ces deux caractères
distinctifs se trouvent dans l’acte de 1769. Par ce traite,
Jean Cliautard a renoncé à une légitime en corps héré
ditaire, à un supplément de légitime, et à tous les droits
qu’il pouvoit avoir dans les successions de ses père et
mère et dans celles de ses frères et sœurs : cette renon
ciation est expresse,* et, pour prix d’icelle, ses frères lui
donnèrent une somme de 360 liv. en sus de sa légitime
conventionnelle. Cet acte doit donc être regardé comme
une véritable transaction sur procès. Cela étant, il paroit
évident que Jean Chautard ne pouvoit être écouté dans
sa demande. E n effet, tout le monde sait qu’on ne peut
revenir contre une transaction passée entre majeurs sans
dol ni contrainte : telle est -la disposition de plusieurs
lois romaines et celle de l’ordonnance de Charles I X ( 1
laquelle porte : « Confirmons et autorisons toutes tran
« sactions q u i, sans dol et fo rce, auront été passées
«entre nos sujets majeurs............. Voulons que contre
« icelles nul ne soit reçu à se pourvoir sous prétexte de
</ lésion quelconque, même de celle appelée, à cause de
.r son énormité, dohis re ipsâ , mais que les juges, dès
« l’entrée du ju g em e nt, s’il n'y a autre chose alléguée
«contre lesdites transactions, déboutent les impétrantes
« lettres de l’effet et entérinement d’icclles ».
(1) L. ï o , au cod. de transact, 1. 16, cod, tit. 1. 20, cod. tit.
ordonu. de i 56o.
'
Mornac
�C9 )
.
Mornac ( i ) dit que les tribunaux ont toujours jugé
que l'ordonnance de i 56 o , sur le fait des transactions,
devoit être observée tant pour le passé que pour l'avenir,
cùm sit declaratoria ju r is antiqui.
Jean Chautard n’avoit pas prétendu que la transaction
de 1769 fût l’effet de la force, du d o l, de la violence
et de la surprise ; il avoit uniquement exposé qu’il avoit
été lésé par ce traité ; ainsi, comme il est démontré que
la lésion n’est point considérée en transaction, et qu’il
est avoué que Jean Chautard étoit alors m a je u r, il
devoit encore, par ce m o tif, être.déclaré non recevable
dans sa demande.
40. Si l’on envisage la transaction de 17 6 9 , non comme
une transaction sur procès , mais comme une simple
vente de droits successifs, il est également sensible que
la demande de Jean Chautard nepouvoiL être accueillie,
quand même il auroit éprouvé une lésion de plus d’outre
moitié : en effet, il est constant parmi nous, et telle est
la jurisprudence de tous les tribunaux, que la cession
de droits successifs n’est pas susceptible de rescision pour
cause de lésion d’outre moitié : Loysel (,2) en a fait une
règle du droit français. L ’incertitude, à laquelle s V p >sc
un acquéreur , est une considération puissante qui
exclut toujours et absolument le moyen de lésion,
qui pourroit donner lieu à la restitution contre lui.
S il se trouve du b én éfice, il n’est pas juste de lui
(1) Sur la loi 16 qui vient d’êlrc cilée.
Liv. 3 , lit. 4 , n°. xi .
B
�.
(
10
envier ce profit , parce que , s’il y a de la p e rte , elle
retombe sur lu i, sans ressource : le vendeur reçoit une
somme certaine qui ne peut lui être enlevée ; son gain
est assuré et à couvert de tout événement : l’acquéreur,
au contraire, ne tr o u v e , pour le prix de son a rg e n t,
qu’une espérance traversée de périls et d’ inquiétudes.
L ’on ne peut connoîtreles dettes d’ une succession qu après
- les trente ans dans lesquels les actions personnelles se
peuvent prescrire : jusqu’à ce terme fatal de prescription ,
un acquéreur flotte toujours entre la crainte et l’espé
rance , entre la perte et le gain : il ne faut qu’ une
promesse, qu’une garantie du défunt, pour renverser la
fortune la mieux établie.
C ’est d’après ces raisons naturelles que nos lois et nos
jurisconsultes ont toujours décidé q u e , dans une vente
de droits successifs, il n y avoit point de restitution, à
cause de l’incertitude de l’événement. On trouve, à ce
sujet, une foule d’arrets dansM aynard, Papon, Ferrières,
Beroyer sur Bardet, L e b ru n , D enisart, etc............... L e
dernier commentateur de la coutume du département
du Puy-de-Dôme ( i ) en cite un , du 26 août 1782, coniirniatif d’une sentence de la ci-d eva n t sénéchaussée
d’Auvergne. Cette fin de non recevoir seroit seule
suffisante pour faire rejeter la réclamation des héritiers
de Jean Chautard.
■
'
5*. Les intimés sont mal fondés à prétendre qu’il étoit
( 1) Chap. 1 2 , art. 5 o , quest. 2e.
�( 11 )
dû nn compte u «Jean Cliautard, p^r l f,s auteurs dos
appelans, attendu qu’ils n’avoicnt été ni ses tuteurs, ni
ses proluleurs : ils n’avoient point été ses tuteurs, le
■fait est constant, puisque les tutelles sont dalives en
France, et qu’on ne rapporte point d’acte de tutelle ;
ils n avoientpas été non plus ses protuteurs., ni n’avoient
pu lètre : en effet, on nomme protuteur celui q u i ,
sans aucune mission, sans aucun titre , s’ingère, à délaut
de tuteur, dans l’administration des Liens d’un mineur ;
mais ce n o m , cette qualité et ces conséquences cessent
toutes les lois que celui qui s'immisce, le fait et le peut
Jaire a tout autre titre que celui de protuteur, notam
ment quand il est héritier universel, comme clans l’espèce.
L en ru n , L o u e t , L aco m b e, F errières, etc........... par
lant des actes qui sont sensés donner la qualité d’héritier,
se reunissent pour dire qu'il suiiit de pouvoir faire une
chose en une autre qualité ,■pour être réputé ne l’avoir
pas laite comme héritier. C e l u i , par conséquent, qui
seroit présumé protuteur, à défaut de titre qui lui donnât
droit de jouir des biens d’une succession indivise entre
l u i, -ses frères et sœurs m ineurs, cesse d etre présumé
protuteur, quand ce titre se rencontre danssapersor.no:
si Ion considère un moment le droit que donne l'ins
titution d h é ritie r, cette proposition devient évidente.
I **
• *
■
. •
.
<institution d h éritie r, ,disent tous les auteurs, est
lui titre Universel., qui assure à celui qui en est revêtu,
le droit de jouir de la succession entière de l’institution',
dy. succeder ni witvcrsitni ju s defanclL Tou te l’hérédité
«ippartient u l’héritier institué, comme s'il éloit setd.
'
B a
�'( 12 )
, ..
héritier ab -in testa t. Lorsqu’il se présente des légitimaires , ils so n t, en quelque sorte, considérés comme de
simples créanciers donnés par le ministère de la loi a la
succession du défunt, et qui demandent à l'héritier institué
le payement de leurs créances.
C ’est d’après ces principes que, par arrêt du ci-devant
parlement de Bourdeaux , du 29 avril 1699 ( 1 ) , il
fut jugé qu’un frère institué héritier, qui clevoit une
légitime pécuniaire à son frère , n’étoit point présumé
a v o ir été son protuteur , et conséquemment qu’il n’étoit
p o in t tenu de lui rendre compte. C’est ce qui fut aussi
jugé en la ci - devant sénéchaussée d’A u v e rg n e , le 23
novembre 1 7 8 4 , et ce .qui avoit été jugé peu de temps
auparavant dans la famille des Altaroclie, de la commune
de Massiac. Telle est enfin la jurisprudence constante du
tribunal civil du département du Puy-de-Dôme. Il y e n
a un jugement très-récen t; il a été rendu en dernier
ressort, le 8 du présent m ois, après-une très-a m p le
discussion, et sur les conclusions du commissaire du
directoire exécutif.
François et Antoine Chautard , pères des appelans,
avoient été institués héritiers universels par François
C hautard/ premier du nom : Jean Chautard avoit été
réduit à une légitime conventionnelle ; les auteurs des
appelans avoient donc un titre qui les autorisoit à jouir
(1)
Rapporté par Brillon , verbo interêt, cl par ‘ Lapcyrère ,
édition de 1706, lot. I. n°. 82.
�.
( 13 )
des biens de l’institution ; c’cst en vertu de ce titre
qu ils ont j o u i , et non comme protuteurs de Jean
Chautard, leur frère ; d’où il résulte qu’ils ne lui devoient
point de compte.
6°. E n fin , le motif qui a servi de base au jugement
du tribunal de cassation, n’est étayé que sur une erreur
de droit.
D ’abord, en supposant que le traité de 1769 eût été
sujet ¿1 rescision, pour cause de lésion d’outre moitié, le
tiibunal n auroit pu de piano casser l’arrêt du ci-devant
parlement de Paris : il axiroit dû s’assurer auparavant
s i l y avo it, ou n o n , lésion.
2. . On a prétendu mal i\ propos , que le traité de
1769 étoit dans le cas d’être rescindé, pour cause de
lésion d o utre m oitié, sur le fondement que c’étoit le
premier acte passé entre les Chautai’d.
Il
est vrai q u e , si cet acte étoit un simple partage,
et que Jean Chautard y eût éprouvé une lésion, m ême
du tiersau quart, il auroit été en droit de le faire rescinder
dans les dix ans; mais cet acte n’est pas un partage,
c’est une vraie transaction sur procès, contenant .vente
de droits successifs : cela vient d’être démontré.
Quelques auteurs avoient distingué, à la v é rité , la
cession laite à un cohéritier, de celle laite à un étranger:
ils avoient pensé que dans le premier cas la lésion du
tiers au quart sullisoit pour eh o p é r e r la rescision ,
- suivant la maxime que le premier acte entre cohéritiers
est réputé partage, dont l’égalité doit être l’aine et la
base ; mais le sentiment contraire a p r é v a lu , et tous les
�.
.
f 14 >
,
autours qui ont écrit après Brodeàü ont pensé qu’une
cession de droits entre cohéritiers, 11e mérite pas plus
de laveur que si elle étoit faite aux étrangers, par la
raison que l’incertitude de l’événement est la même
dans les deux cas.
Un acte ne peut être considéré comme un partage ,
que sous deux conditions : la p rem ière, que les parties
soient cohéritières *, la seconde , quelles aient l’inten
tion de diviser, les biens entr"elles , et non de vendre et
d'acheter la portion l’une de l’autre. Ce principe est
enseigné par Dumoulin ( 1 ) qui dit que, si ceux qui ont
quelque chose de commun , traitent ensemble, que
l’acte no commence pas par un partage, on ne peut le
Considérer .comme formant un partage, quia rem citnt
non intendant diviilere, non est divisio.
d’Aguesseau (2 ) étoit si convaincu de cette vérité q u il
cLisoit à ce sujet : Il est inutile d'emprunter le -secours
cles.jlçîig et l’autorité des docteurs , pour prouver une,
maxime qui est également constante dans les principes
çle 1 équité naturelle, dans les maximes ¿de droit et dans
la jurisprudence. Parmi les arrêts qui ont jugé cette
question, il y en a un très^célèbre du <û-devant parlem ent
de Paris , rendu sur les conclusions de Seguier, le 10
mai 1760 • cela avoit été ainsi jugé par autre arrêt du 7
juin 1728.
( î ) Sur l’art. 33 de la commue de Paris, n°, 71*
(2) Dans ses .plaidoyers»
�'
(
1 5 }
.
.
.
.
O n observera enfin, que le tribunal de cassation a fait
une très-mauvaise application tle l’article 46 de l’ordon
nance de 1.510, attendu que cet article ne s'a p p liq u e
qu’aux ventes ordinaires de biens - immeubles, dans
lesquelles le vendeur se trouve lésé et 1 ordonnance de
i 56 o défend d’admettre la rescision pour cause de lésion,
même d’outre moitié, qui pourroit se trouver dans une
transaction. A i n s i, sous quelque point de vue qu on
envisage la demande en partage qu’avoit formee Jean
Chautard, il est, sans difficulté, quelle ne pouvoit être
accueillie, et que la sentence de la ci-devant sénéchaussee
d’A u vergn e doit être infirmée.
D é lib é r é à R io m , le 10 ventôse, an 4 de la r é p u b liq u e
française.
G A S C H O N.
T O U T T É E , père, A N D R A U D , T O U T T É E ,
jeu n e, G R E N I E R , B O R Y E ,
PAGES.
A R I O M , DE L’ I M P R I M E R I E D E L A N D R I O T .
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¿I
�QUESTIONS.
1ere. Fille renonçant a succession fu tu re , en pays
de droit é c rit, au profit de l héritier qui seroit institué,
sa renonciation profite aux mâles : si le père meurt
sant f a ir e d ’autres dispositions.
.
IIME E n pays de droit éc rit, où l'institution est né
cessaire pour la validité des testamens , L'institution du
posthume, dont la fem m e est enceinte, comprend elletous
les posthumes qui naissent après le testament. 1
�
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Factums Marie
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A name given to the resource
[Factum. Chautard, Guillaume. An 4?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Gaschon
Touttée
Andraud
Touttée jeune
Grenier
Borye
Pagès
Subject
The topic of the resource
successions
minorité
coutume d'Auvergne
Description
An account of the resource
Précis et consultation pour Guillaume et François Chautard, appelans; contre Jeanne Tiphalier, veuve de Jean Chautard, Antoine, François, Jeanne, Anne-Marie, autre François et Pierre Chautard, leurs enfans, intimés. Question. Un enfant légitimaire qui, après le décès de son père, a approuvé le partage que ce père avait fait dans sa famille ; qui a reçu de ses frères héritiers institués, sa légitime conventionnelle, qui étant devenu majeur a, par une transaction sur procès, traité de tous ses droits, peut-il être admis ensuite à demander le partage des successions qu'il a cédées, et dont il a reçu le prix ?
Annotations manuscrites.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa An 4
1747-Circa An 4
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
15 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0108
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
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Auzelles (63023)
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M
É
M
O
I
R
E
P O U R
M a rg u erite
CO U G U ET-FLO R AT,
d e R e y r o l l e s , in tim é e ;
v e u v e d u sieur
COUR
C O N T
D ’a p p e l
DERIOM.
R E
.
MA IG N E , se disant aussi veuve
dudit ____
sieur R
, appelante.
Ca t h e r i n e
de
eyrolles
l re. SECTION.
L A demoiselle Maigne n’est pas satisfaite d'avoir usurpé une
grande fortune, et empoisonné la vie d'une malheureuse épouse;
elle ose lui disputer encore un titre respectable reçu aux pieds des
autels, et opposer une formule révolutionnaire et illégale au plus
sacré des engagemens. L e désir de tout contester à son adversaire
l ’a aveuglée et jetée dans cette inconséquence. Pour exposer sa haine
devant les tribunaux, il lui a semblé doux d ’y être en scène ellemême; et elle n ’a pas craint, dans son propre pays, de livrer sa
vie toute entière à de pénibles souvenirs.
Une première tentative devoit la convaincre que la passion n ’est
pas le plus sûr des guides. Condamnée par les juges qui la connoissoient le mieux, elle avoit lieu de croire qu’un système de calomnie
ne prévaudroit pas contre les principes, et qu’une cour supérieure,
gardien naturel des lois de l’empire, ne porteroit pas légèrement une
atteinte dangereuse au lien sucré du mariage, le premier fondement
des sociétés civiles.
La dame de Reyrolles avoit été justement indignée du genre de
défense d’abord adopté par la demoiselle M a ig n e , et son premier
A
�( 2)
mouvement avoil été d’user d’une représaille bien légitime. Plus en
état que personne , dans sa triste position , de rendre compte
des faits et gestes de sa rivale, elle n ’avoit rien tu de ce qui la tourrnentoit depuis tant d’années , et il lui paroissoit consolant de la
jtoursuivre encore, comme un remords vengeur, de la forcer à
sentir le poids de son opulence, et de mériter enfin une haine
qu’elle ne provoquoit pas.
Cependant la dame de Reyrolles a réfléchi que cette jouissance
décevante n ’étoit pas digne de la majesté de la cour ; en consé
quence elle s’est fait un devoir scrupuleux d’écarter de son récit
toutes les épisodes étrangères à ses moyens. L a réclamation d ’un
état civil présente d’ailleurs trop d’intérêt par elle-même, pour que
cet intérêt soit sacrifié à des personnalités et à une stérile vengeance.
L e mariage est-il un contrat d ’ordre public; c’est-à-dire, une
femme sous la puissance maritale a-t-elle p u , après un divorce
nul, traiter irrévocablement avec son mari? et si le mariage n ’étoit
pas légalement dissous, a-t-elle pu consommer cette dissolution
par un acte privé ?
T elle est la principale question de cette cause; et il faut avouer
que sans cette espèce de vandalisme philosophique, qui a brouillé
long-temps toutes les idées morales, on rougiroit de la trouver difficultueuse. Mais avec la gloire du nom français renaissent de jour
' en jour ces antiques maximes, dont nous n ’avons éprouvé l’ébran
lement que pour sentir les funestes conséquences de nos vicissitudes.
Aujourd’hui le mariage, placé sous l’égide de la religion et sous la
sauve-garde de la magistrature, a reconquis sa dignité primitive;
et tout ce qui tend à la maintenir retrouve dans les tribunaux une
protection salutaire, indépendante des personnes et des circons
tances.
f a i t s
.
L a dame C o u g u e t - F I o r a t contracta mariage avec l e sieur de
Reyrolles, médecin, le 7 novembre 1774, et se constitua en d o t
ses biens échus et à échoir, c’est-à-dire, qu’elle donna plein pou-
�(3 )
voir à son cpoux de rechercher et régir une fortune inconnue à
elle-même. L e contrat mentionne la stipulation d’un douaire, et
autres avantages matrimoniaux.
Les premières années de ce mariage furent heureuses. Devenue
m ère, et possédant toute l’affection de son époux , la dame de
Reyrolles étoit loin de prévoir que cette félicité seroil détruite par
une femme qui alors ne lui sembloit nullement à craindre, et que
le sieur de Reyrolles paroissoit juger avec rigueur.
L a destinée de la dame de Reyrolles en disposa autrement, et
bientôt elle se convainquit que les goûts des hommes ne se règlent
pas toujours par leur estime. Dans sa fierté , elle abandonna un
époux parjure, à sa nouvelle conquête, et se retira chez la dame
de F lo r a t, sa grand’mère.
Cet éclat, imprudent peut-être, tourna tout entier au profit de
sa rivale; la dame de Fxeyrolles fut privée de tout secours, de ses
bijoux ; et poussée d'infortunes en infortunes , pour obtenir six
louis de son époux , il exigea qu’elle les reçût de la demoiselle
Maigne. T e l étoit, après dix ans de mariage, l’humiliation à laquelle
étoit condamnée une épouse : tels étoient les premiers chagrins
qu’elle fut obligée de dévorer.
Une réconciliation apparente succéda à ce premier orage. Dupe
de son cœur et de sa franchise , la dame de Reyrolles se trouvoit
encore heureuse des égards de son époux; mais l ’illusion qu’elle
s’efforça long-temps de se faire, céda à l’évidence : l’indignation
étouffa tous les calculs d ’intérêt personnel, et l’épouse outragée ne
connut plus les ménagemens de la dépendance.
Les sieur et dame Caldaguès, parons de la dame de R eyrolles,
alloient s’établir à Limoges. Affligés de sa position, ils lui propo
sèrent un asile; et celle qui dominoit le sieur de Reyrolles ne sen
tant que le plaisir d ’être délivrée d’une surveillante incommode,
la pressa de consentir à cette séparation.
Combien étoit déjà changé le sort de la dame de Reyrolles! elle
avoit un époux; une étrangère lui faisoit oublier ses sermens et
ses devoirs : elle avoit eu un enfant; la m ort, moins cruelle, le lui
A 2
�....................................................................... / ( 4 )
avoit ravi à l’âge où il étoit incapable de tendresse. C ’est ainsi
qu'épouse sans é po ux, mère de famille sans enf’ans , la dame de
Reyrolles a vécu plusieurs années à Limoges , abandonnée aux
consolations de l’amitié et aux fantômes de l’espérance.
Elle avoit touché assez régulièrement à Limoges une pension de
bienséance que lui faisoit le sieur de Reyrolles , par égard pour la
maison de Caldaguès; mais au commencement dè la révolution
elle ne reçut plus rien , et revint à Brioude.
Cette espèce de résurrection d’une femme oubliée parut lui re
donner le charme de la nouveauté, et réveiller dans le cœur du
sieur de Reyrolles des feux mal éteints.
est certain qu’il eût fait
son bonheur de rompre ses chaînes, et de mériter l'affection de
son'épouse, si la prévoyance allarmée de la demoiselle Maigne
n ’eût cherché à la hâte à détruire ce premier mouvement par toutes
11
sortes de moyens.
Mais tel est le sort d ’un homme subjugué; le sieur de Reyrolles
voyoit, et il n’osoil voir; il vouloit, et ne pouvoit s’enhardir à vouloir:
l ’homme le plus impérieux n ’est donc qu’un foible enfant devant
la passion qui le domine. L e premier acte de foiblesse qu’il s’est
laissé surprendre, es t l’abandon qu’un vaincu fait de ses armes ;
il reste désormais sans défense, et se dévoue à l’esclavage.
L a demoiselle Maigne triompha , et le premier usage de sa
victoire fut de dicter les conditions et de profiter de la faveur des
circonstances.
Alors existoit une loi récente, que quelques femmes regardèrent
comme un présent du ciel et une faveur de la Providence. Après
la dissolution de la monarchie, de la féodalité et de la puissance
paternelle, en quelques jours d’intervalle, et avant d ’atlaquer la
religion dans ses solennités, il n ’y avoit plus qu’une destruction in
termédiaire «» prononcer; et le lien du mariage, malgré son antique
inviolabilité, fut dissoluble indistinctement par le divorce.
Cette innovation étoit trop précieuse à la demoiselle Maigne
pour qu’elle ne s ’e m p r e s s â t pas de la saisir. En conséquence , le
3/, mai 1797, il fut signifié à la dame de Reyrolles, de la part de son
�( 5 ;)
m a r i , un acte par lequel, il déclarait qu’il entenrloit divorcer pour
cause d ’absence, et pour incompatibilité d ’humeur et de caractère;
en conséquence de quoi il nominoit trois amis , et lui faisoit som
mation de nommer de sa part trois parens ou amis.
Dans cette conjoncture que pouvoit faire une épouse? plaider?
les tribunaux n’éloient pascompétens ; résister? la loi ne le lui permettoit pas : souvent le demandeur se faisoit lui-même signifier
une réponse, et le divorce n ’eu alloit pas moins à sa fin.
Quoi qu’il en soit , le 27 mai il fut d éclaré, à la requête de
la dame die Reyrolles, que pour satisfaire à la sommation du 24
elle nommoit trois parens, ajoutant que le sieur de R eyrolles, en
provoquant son divorce , n ’avoit fait que prévenir scs intentions.
L e 27 juin il fut tenu une première assemblée de fam ille, tou
jours motivée pour absence et incompatibilité; et après les dires du
demandeur et la tentative de conciliation des parens, on lit la ré
ponse suivante : S u r quoi ladite Conguet-F lorat leur,a répondu
q u e lle étoit disposée à suivre en tout point la 'volonté de son
mari ; mais que s i son dit mari persiste à requérir le divorce ,
elle y donne les mains.
Cette réponse si naïve , où l’obéissance seule se laisse apercevoir,
étoit en elle-même insignifiante : mais on voulut lui donner un sens.
Les longs délais de l’incompatibilité s’accordoient mal avec l’im
patience de la demoiselle Maigne. On crut, donc découvrir dans
les dires de la dame de Reyrolles des matériaux suffisans pour para
chever un divorce par consentement m utuel, pour lequel il n ’y
avoit plus qu’un mois à attendre.
En conséquence, à la date du 28 juillet 1785, un mois après la seule
assemblée de famille, on fit rédiger u n acte de divorce , dans lequel
on suppose qu’il a été requis par les deux époux, d’après la procé
dure voulue pour le consentement mutuel.
Cet acte fut porté à la dame de Reyrolles par un valet du comité
révolutionnaire, long-temps, quoiqu’on en dise, après la date qui
lui a été donnée : elle signa, il n ’y avoit pas à hésiter; d ’ailleurs
son re fu s, en l'exposant, n ’eùt fait que rendre cette pièce inu-
�( 6 )
lile , et forcer à reprendre la suite du premier mode de divorce.
Ainsi s’accomplit cette œuvre d ’iniquité , et la demoiselle Maigne
eut enfin levé le plus grand des obstacles : mais comme si le ciel
se fut joué de ses plus chères espérances , l’époque de son ma
riage qu’elle avoil tant hâtée s’éloignoit de jour en jour ; et pendant
quelque temps il y eut lieu de croire que le sieur de Reyrolles,
pénétré de la perte volontaire qu’il avoit sollicitée, oublioit la pro
cédure monstrueuse qu’il avoit ébauchée, et revenoit à ses pre
miers engagemens.
L a dame de Reyrolles se livra de bonne foi à une si douce rési
piscence ; elle feignit même ne pas remarquer qu’il ne venoit chez
elle qu’à la dérobée et avec la timidité d’un esclave. Enfin , une
grossesse lui parut le comble du bonheur, et le gage assuré d’une
réconciliation après laquelle elle soupiroit depuis si long-temps.
Mais les assiduités du sieur de Reyrolles n’avoient pas échappé
aux ennemis de son épouse, T ro p adroits pour faire un éclat, ils
frappèrent des coups plus certains, et le poison de la calomnie vint
ébranler l’imagination foible d ’un homme que le premier mouve
ment faisoit agir, et q u i , dans ce qui concernoit ses passions , ne
savoil j a m a i s p e n s e r par lui-méme. C ’est ainsi que, dans sa confiance
aveugle, la dame de Reyrolles se croyoit encore épouse quand ses
ennemis ourdissoient sa porto : Inquivebant niala sib i, et doloy
totd die meditabantnr.
- L a grossesse de la dame de Reyrolles fournit une vaste champ
à leur malignité; l’époux lui-même fut entraîné à douter contre sa
conviction intime ; et ce que la dame de Reyrolles avoit cru être lo
sceau de la paix devint en un instant le signal de la discorde et de
la haine.
- T o u t d’un coup la scène chango : on profite diligemment de la
disposition d’esprit où on a mis le sieur de Reyrolles , et son ma
riage avec la demoiselle Maigne est consommé le 11 messidor
an 2 , douze jours avant que la dame de Reyrolles , sur son lit
do douleur , donnât le jour à une malheureuse créature sous d’aussi
sinistres apspiccs.
�( (7)
N o n , le ciel ne l’a point béni, ce fatal mariage ! Il a entendu Panathème prononcé par une épouse dans sa désolation; et elle n’a
pas eu la douleur de savoir plus heureuse qu’elle celle qui l’avoit
ch asscc du lit conjugal. En portant un nom usurpe , la demoi^
selle Maigne ne trouva plus dans le sieur de Reyrolles cet être
soumis sur lequel elle a voit exercé tant de fois une capricieuse
puissance.
L a demoiselle Maigne avoit calculécet effet habituel du mariage;
et pour se prémunir contre son résultat , elle profita d’une époque
où le sieur de Reyrolles venoit d’être destitué de sa place de rece
veur du district, pour proposer un testament mutuel qui fut respec
tivement signé en l’an
5.
Quelque temps après, une séparation
volontaire les a éloignés jusqu’à la mort.
Cependant la dame de Reyrolles, abandonnée à sa situation péni
ble , dévoroit ses chagrins et se devouoit à sa destinée. Occupée
des soins maternels que demandoit le premier âge de sa fille, elle
attendoit avec résignation que le sieur de Reyrolles, rendu de nou
veau à ses premiers liens , s’occupât de deux êtres qu’il avoit si
cruellement traités. M a is, au lieu d ’un retour à-la nature, il ne fit
plus apercevoir son autorité maritale que par des hostilités et par
l’abus de son administration.
Il avoit recueilli la succession considérable de l’aïeule de son
épouse, avoit traité de gré à gré avec un cohéritier pour le partage
des immeubles, et s’éloit emparé des effets mobiliers, sans compte
ni mesure.
Néanmoins, demeurant libre d ’en fixer la consistance, et pour
consommer la ruine de son épouse , le sieur de Reyrolles lui fit
faire , le 7 messidor an 4 , un acte d ’offres de 7000 francs en man
dats territoriaux, pour le m o n ta n t, dit-il, de ce qu’il avoit touché
sur sa dot , attendu que ladite Couguet avoit toujours élu d é de
déclarer ce qui pouvoit lu i être du ; qu’ elle ne cherchoit qu’à re
tarder la libération dudit Reyrolles , q u 'il étoit de son intérêt
d’ opérer le plutôt possible.
L a dame Ue Reyrolles répondit qu’elle ctoit surprise et lassée
�(S)
des procédés iniques de son m a ri, et refusa les offres. Il y eut
procès verbal de non conciliation , après lequel elle fut assignée
le 21 messidor su ivan t, devant le tribunal du P u y , en réalisation
et validité desdites offres.
Ces diligences avoient lieu à la dernière heure du papier-monnoie;
le numéraire reparut au commencement de l’an ; et, dans ce pre
mier instant où l ’opinion en augmentoit la valeur, le sieur de R e y
5
rolles se hâta de faire proposer à sa femme une modique somme de
Gooo francs pour tout terminer ; ajoutant, pour l’intimider, que
si elle ne l’acceptoit pas , les offres de Fan /j seroient jugées vala
bles , parce qu’elles avoient eu lieu avant la suppression du papier.
En vain la daine de Reyrolles demanda-t-elle à être éclairée sur
la valeur réelle de sa propre fortune ; il fallut obéir à la puissance
maritale , et céder à la crainte de n’avoir que les mandats offerts
au lien du numéraire promis, si elle s’exposoit à aller plaider dans*
un tribunal presque inconnu , à douze lieues de son domicile.
L a dame dé Reyrolles signa donc un traité le 16 frimaire an
5,
par lequel on lui fit dire qu’elle étoit venue à compte avec son
mari, et qu’après communication prise de l’inventaire de son aïeule
et d ’un p a r t a g e de 1785, il lui revenoit 6126 liv. 10 sous; ¿1 quoi
ajoutant d/autres articles touchés par son m ari, quoique non com
pris dans l’inventaire, en valeur de 873 liv. 10 sous, le sieur de
Reyrolles se trouva tout juste débiteur des Gooo fr. qu’il vouloit
payer , et dont l’acte porte quittance.
A ccnnpter de cette époque les époux furent séparés, et la dame
de Reyrolles 11’eut plus qu’à s’étourdir sur le passé et à supporter
son sort avec courage : elle se consoloit avec sa lille, et celte con
solation même lui lut enviée. Après le 18 fructidor , 011 lui donna
l ’alarme sur le sort de cette e n la n t , qui n’avoit pas encore d ’état
civil. On lui persuada que les peines de la loi pourroient l’attein
dre, et elle se décida à laire une déclaration à l’officier public. On
n ’eut garde de transcrire la qualité qu’elle vouloit se donner, par
la raison qu’il eût été incivique de mépriser un divorce, et quo
le sieur de Reyrolles, redevenu puissant, n’auroit pas trouvé bon
q u ’ il
�9
.. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . C )
qu’il fût fait mention de lui sans sa participation. L a dame de
Reyrolles déclara donc seulement qu’il lui étoit né une fille le 21
messidor qui suivit son divorce. Comme ce divorce étoit daté de
l’an 2 de la liberté, on supposa la naissance de l’enfant au 21 mes
sidor an . Cette erreur a été reconnue par la demoiselle Maigne,
et seroit aisée à rétablir à l’égard d ’un fait aussi notoire.
Dans ces entrefaites le sieur de Reyrolles, nommé receveur du
département de la H aute-Loire, alla s’établir au Puy. Là , ayant
vécu près de six années séparé absolument de la demoiselle Maigne,
qui habitoit Brioude, il fut atteint de la maladie qui Ta conduit
au tombeau.
5
A celte époque terrible, où l’homme, ne trouvant plus d’asile
dans les illusions du monde, voudroit réparer dans un instant les
fautes de sa vie toute entière, l’opinion générale a rendu au sieur de
Reyrolles la justice d ’attester qu’il n’avoit rien plus à cœur que de
se réconcilier avec sa femme, et de lui en donner, par un testament
honorable, la seule preuve qui fût désormais en son pouvoir.
En e f f e t , il est de notoriété au Puy que le sieur de Reyrolles
avoit fait un testament par lequel , cassant celui qu’il regardoit
comme un monument de foiblesse et de honte, il léguoit 40000 f.
à la dame de Reyrolles personnellement, et faisoit en faveur du
sieur Vauzelles, ex-législateur, une disposition considérable.
Aussitôt que la demoiselle Maigne apprit la maladie du sieur
de Reyrolles, elle voulut se mettre à portée de déranger des projets
dont elle ne pouvoit douter. Craignant de ne pas se hâter assez,
elle envoya au Puy le sieur Grancliier le mercredi, et arriva ellemême le vendredi suivant. Sa vue fit une révolution singulière au
sieur de Reyrolles , q u i, à ce qu’on assure, se tourna brusquement
du côté opposé, et se couvrit la tête avec un mouvement con
vulsif. Quoi qu’il en soit, il expira le même jour 18 floréal an 12.
Cette mort soudaine servoit mieux la demoiselle Maigne que
tous les plans qu’elle avoit pu concevoir. Seule dans la maison du
sieur de Reyrolles, et en attendant les scellés qui ne dévoient être
posés que le lendemain, au lieu de verser des larmes stériles qu’il
li
�•
( 10 )
valoit mieux réserver pour la pantomime des audiences, la de
moiselle Maigne étoit libre de tout parcourir. Un certain porte
feuille vert avoit paru donner de l’inquiétude au défunt : il n'a
plus paru; et le public qui se trompe rarement en conjectures dé
sintéressées, paroit avoir été imbu de l’idée que dans ce porte-feuille
gissoient les papiers les plus précieux, et surtout le dernier tes
tament. Et qu’on ne dise pas que c’est là une fable de pure ima
gination ; ce bruit avoit pris une telle consistance, que le sieur
Vauzelles, légataire, a rendu sur ce m otif une plainte en suppres
sion de ce testament.
L a dame de Reyrolles ne donnera pas d’autres détails d’un fait
qu’elle n ’a appris que par la notoriété publique. C e n’est point la
fortune du sieur de Reyrolles qu’elle ambitionne; elle ne demande
rien qui ne soit à elle-même; elle veut son état civil, sa dot, et ne
dispute point à la demoiselle Maigne une opulence chèrement
achetée, et dont la source équivoque n’est de nature à donner du
crédit que vis-à-vis quelques collatéraux.
Après la mort du sieur de Reyrolles, ce n ’étoit plus que des
tribunaux que son épouse pouvoit attendre justice; en conséquence,
le 19 thermidor an 12, elle fit citer Catherine Maigne en payement
de ses dot, trousseau et gains matrimoniaux, e t, en tant que de
b esoin, en nullité du divorce et actes postérieurs.
L a demoiselle Maigne ne savoit pas encore à fond le rôle con
venable à la circonstance. Cette tendresse soi-disant conjugale qu’il
falloit supposer à un homme dont les dernières volontés avoient
été d ’enrichir sa fidèle moitié, ne s’allioit guère avec un domicile
constamment séparé, et à douze lieues de distance. Cependant la
demoiselle Maigne, qui avoit toujours habité Brioude, et qui ignoroit les moindres affaires du sieur de Reyrolles, proposa un déclinatoire, soit qu’elle crût qu’il n’avoit pas transféré au Puy son do
micile de droit, soit qu’elle iiU entraînée par la vérité à convenir
qu’elle n’avoit pas le même domicile de fait que celui qu’elle disoit
son époux; elle ignoroit que le sieur de Reyrolles avoit acquis une
maison au P u y , s’en déclaroit habitant dans les actes publics, et
�( * 0
avoit même fait rayer sa cote mobilière à Rrioude. En conséquence,
et par ces m o tifs, elle fut déboutée de son déclinatoire par juge
frimaire an i .
ment du
A u fond la demoiselle Maigne répondit que la dame de Reyrolles
n ’étoit pas recevable dans sa demande, soit à cause de la loi du
26 germinal an 1 1 , soit parce que la demande n’avoit été formée
qu’après la mort du sieur de Reyrolles, soit parce que la dame de
Reyrolles étoit divorcée par un acte requis et signé par elle-même;
qu’elle avoit traité avec son mari en qualité de femme divorcée,
23
3
et avoit pris la même qualité dans plusieurs autres actes , no
tamment dans la déclaration de naissance d’un enfant né un an
après le divorce; qu’à l’égard d ’elle-même Catherine Maigne, elle
11’avoit point à craindre le sort de ce divorce, parce qu’elle étoit
mariée légitimement, héritière universelle, et que le sieur de
Reyrolles avoit tellement persisté dans cette volonté pendant sept
ans, qu’à sa mort on avoit trouvé le testament de la demoiselle
Maigne parmi ses papiers les p lus p récieux.
Il est inutile de rappeler les moyens opposés par la dame de
Reyrolles à cette défense de la demoiselle M a ig n e , les faits cidevant narrés les indiquent; et il suffit de dire qu’en déclarant le
divorce nul, les premiers juges ne virent plus dans la dame de
Reyrolles qu’une épouse restée sous la puissance maritale, n ’ayant
pu dès - lors traiter valablement avec son époux , ni prendre
une qualité qu’elle n ’avoit pas. En conséquence, par jugement du
24 floréal an 1 , le tribunal du P u y, sans s’arrêter aux fins de
non-recevoir proposées par Catherine M aign e, déclara nul l’acte
de divorce du 28 juillet 1793, et tout ce qui l’a précédé, de même
que le traité du
frimaire an ; remit la dame de Reyrolles au
même état où elle étoit avant lesdits actes; condamna Catherine
Maigne, en qualité d ’héritière du sieur de Reyrolles, à lui payer,
i". oo ir. pour le montant de son trousseau stipulé en son contrat
de mariage du 7 novembre 1774 ; 20. 1200 fr. pour ses bagues et
joyaux; °. /¡oo fr. pour sa pension vîtluelle; *- à lui fournir un
logement garni et meublé, suivant son état et sa fortune, dans le
3
3
5
3
5
4
B 2
�dernier domicile du défunt, à la charge par ladite dame de Reyrolles
de constater l’état dudit mobilier qui lui sera remis, pour être rendu
à qui et dans le temps de droit; °. à payer à ladite dame de R eyrolles i oo fr. pour son deuil et celui de sa domestique; et à l’égard
du payement de la dot, le tribunal ordonna que les parties conlesteroient plus amplement, et à cet effet fourniraient leurs états res
5
5
pectifs, sauf débats. Les inscriptions de la dame de Reyrolles furent
maintenues jusqu’à parfait payement, et il fut ordonné que ledit
jugement seroit exécuté en la forme de l’ordonnance nonobstant
l’appel.
Cette dernière disposition donna lieu à la demoiselle Maigne de
hâter singulièrement son appel et ses poursuites. Impatiente de
jouir sans entraves, elle remontra à la cour que la douairière d’un
receveur général ne pouvoit vivre avec des saisies qui arrétoient des
comptes extrêmement pressans, et que la trésorerie nationale la
pressoit pour les rendre. L a co u r, par son arrêt provisoire du
3
24 floréal an i , a fait défénse d’exécuter le jugement jusqu’à son
arrêt définitif.
Les parties sont aujourd’hui sur le point de faire juger le fond
de la contestation, et la dame de Reyrolles attend sans inquiétude
une décision qui ne peut être qufe conforme à la morale et à la
justice.
m
o
y
e
'n
s
.
^Toute la défense de la demoiselle Maigne est fondée sur ce
paradoxe : L e mariage est une simple convention privée; il peut
être détruit de gré à gré par un simple acte, qui supplée les formes
de la lo i , ou qui en dispense.
L a défense de la dame de Reyrolles est de dire, au contraire,
que le mariage est un lien destiné à union de deux fam illes,
intéressant la société entière, et ne pouvant être dissous que dans
la rigueur des formes légales.
Sans doute la solution de ces deux systèmes est écrite dans le
1
�( *3 )
cœur Je tous ceux qui n ’auront pas oublié ces principes immuables
qui résislent au fracas des révolutions et à l’éblouissement de^
systèmes.
Ici il est constant qu’en 1774 la dame de Reyrolles a été mariée
avec toutes les solennités civiles et religieuses, et que son époux
n'est mort qu’en l'an 12. 11 s’agit donc d’examiner si le mariage
a été légalement dissous par un divorce. Mais la dame de R e y
rolles oppose des fins de non-recevoir, qu’il faut examiner; et ses
prélentions donnent lieu aux questions suivantes : i°. L a d a m e ’
de Reyrolles est-elle recevable à demander la nullité de son divorce
après la mort de son m ari, et malgré la loi du 26 germinal an
onze ? 2°. A u f o n d , le divorce opposé est-il valable ?
3°.
Si ce
divorce n’a pas été valable , a-t-il pu néanmoins être validé par
la convention particulière de la dame de*Reyrolles?
P
ï i e m i è r e
Q
u e s t i o n
.
I m dame de R eyrolles est-elle recevable à demander la nullité
de son divorcé après la mort de son m ari, et malgré la lo i
du 26 germ inal an 1 1 ?
Sur quoi donc seroit fondée la première fin de non-recevoir?
sur une loi romaine ? mais elle ne s’applique pas : ne de statu
defunctorum post quinqiiennium queratur. Ici le sieur de Reyrolles
est mort en l’an 12, et il ne s’est pas même écoulé six mois de son
décès à la demande.
C ’est encore moins le Code civil qui favoriseroit la demoiselle
Maigne. L ’article 188 porte que « l’époux au préjudice duquel a
») été contracté un second mariage, peut en demander la nullité,
w du vivant même de l’époux qui étoit engagé avec lui. »
L a loi ne permet donc de se pourvoir avant la mort de l’époux,
q u ’à titre de grâce; et il semble, par ses expressions, que c’est à
regret qu’elle y a consenti : elle laisse entrevoir le conseil de ne pas
user de ce consentement ; et ce mot m êm e, qui semble pour ainsi
�*4
(
)
dire échappé à la plume du législateur, est cependant de la plus
grande moralité.
Q u ’est-ce en effet qu’une demande de ce genre, formée par l'é
poux abandonné contre l’époux coupable, si ce n’est une espèce de
dénonciation ouvrant le champ le plus vaste à la discorde, et ren
dant désormais toute réconciliation impossible?
Est-ce une foible épouse qui, du vivant de son mari, osera l’ap
peler devant les tribunaux pour lui dire ; Je veux qu’on vous oblige
à me rester fidèle? Mais si une seule fois peut-être, dans l’anti
quité, la sensible Hypparelte a reconquis par un appel en juslice,
la tendresse du plus infidèle des époux, combien d’autres s'indigneroient d ’être ainsi troublés dans leurs affections, et vengeroient
leur amour propre par un abandon plus éternel! Car les hommes,
qui font les institutions, n’ont créé que la puissance maritale; et
quels que soient les dons que le sexe ait reçus de la nature en dé
dommagement de sa foiblesse, ce pouvoir d’équilibre n'est plus
qu’une divinité imaginaire, quand les premières affections ont perdu
leur prestige. Malheür donc à epouse inconsidérée qui tenleroit de
proclamer son abandon et de chercher son époux jusque dans les
bras d’une rivale !
Il est bien plus dans l’ordre qu’une femme prudente ferme les
yeux sur les torts de son époux, et qu’elle tolère son infidélité pour
espérer son inconstance : le même caprice qui l’a éloigné du lit
c o n j u g a l peut l’y ramener repentant et fidèle. L e lien sacré du
1
mariage est comme l ’amour de la patrie, Cunctos d u cit, et irnt
memores non sin it esse sut.
T o u t devoit faire penser à la dame de Reyrolles que son goût
pour la demoiselle Maigne ne devoit être qu’éphémère : leur ha
bitation séparée , une haine qu’ils ne dissimuloient plus, annoncoient une rupture prochaine ; et sans les difficultés que le Code
civil a ajoutées au divorce, il est notoire que le sieur de Reyrolles
auroil vaincu la répugnance de divorcer une seconde fois, car il
ne cachoit à personne qu’il n ’étoil retenu que par cette considéra-,
lion. Quoi qu’il en soit, la darne de Reyrolles a fait ce qu’elle ;
�( i5 )
devoit faire; tant qu’elle a eu de l’espoir, elle a gardé le silence;
et quand la mort ne lui a plus présenté qu’une étrangère à pour
suivre, elle a réclamé ses droits.
L a demoiselle Maigne n’est pas le premier héritier qui ait op
posé que la nullité d ’un divorce ne pouvoit pas être demandée contre
lui. Mais la cour de cassation a décidé le contraire par arrêt du
i4 vendémiaire an 10.
L a deuxième fin de n o n -recevoir n ’a pas même le mérite de
fonder un raisonnement sur le bon sens.
Parce que la loi transitoire du 26 germinal a dit : T ous divorces
prononcés, etc., auront leurs effets, on en a conclu qu’à compter
de cette loi il n’étoit plus possible d’attaquer les précédons divorces.
C ’est-à-dire que si la veille dé la loi nouvelle un divorce avoit
été prononcé sans aucunes épreuves, les époux n’en seroient pas
moins séparés à jamais; et c’est ainsi qu^on fait l’injure au légis
lateur de lui prêter des pensées irréfléchies et monstrueuses.
Mais la demoiselle Maigne n ’a réussi à se faire un moyen de la
loi du 26 germinal qu’en tronquant entièrement l’article invoqué.
« T o u s divorces prononcés par des officiers de l’état civil, ou
» autorisés par jugement, avant la publication du titre du Code
» civil relatif au divorce, auront leurs effets conformément a u x
» lois qui existaient avant cette publication. »
Ainsi le législateur n ’a pas commis la faute de valider ce qui étoit
nul, il a au contraire déclaré ne valider que ce que la loi existante
lors du divorce approuvoit expressément. Incivile erat, n isi totd
logeperspectd, judicare. Maintenant que l’article entier est rétabli,
l ’objection de la-demoiselle Maigne se rétorque contre elle.
D
e u x i è m e
Q
u e s t i o n
L.e divorce du 28 ju ille t 1 yg
5 e st-il
.
valable ?
Comment le seroit-il? il y en a trois dans un seul.
Ces trois espèces de divorces exigeoient trois sortes d’épreuves et
�( 1 6 )
de procédures. L e sieur de R eyrolles, plus pressé qu’il ne devoit
l ’être, amalgama to u t, et interrompit au milieu de son cours une
première procédure, pour lui en substituer une seconde qui ne s’y
allioit pas.
L a nature de toute procédure se fixe irrévocablement par la
demande introductive. Le sieur de Reyrolles, par son exploit ori
ginaire du 24 mai 1793, avoit formé demande en divorce, soit
pour absence depuis n e u f ans, soit pour incompatibilité d’ humeur
et de caractère. Cependant le divorce est prononcé sous prétexte
de consentement mutuel.
L e divorce pouvoit être demandé, comme cause déterminée pour
absence pendant cinq ans sans nouvelles , ou pour abandon pen
dant deux ans. ( 2'. loi du 20 septembre 1792, § . 1 , art. 4. )
Si le sieur de Reyrolles eût voulu un divorce pour absence pen*
dant cinq ans sans nouvelles , 'ù lui falloit pour première pièce
1 un acte de notoriété constatant cette longue absence ( § . 2 , art. 17):
mais sa femme étoit près de lui le 24 mai 1793.
S ’il eût voulu un divorce pour abandon pendant deux ans , il
falloit assigner sa femme devant un tribunal de famille ( art. 18 ) ,
parce que le fait d’abandon comportoit une défense justificative.
O r , il étoit constant que la dame de Reyrolles n’étoit allée à
Limoges qu’avec l ’agrément de son mari , qu’elle y recevoit ses
lettres et une pension annuelle. Mais ce n ’est pas pour abandon que
le sieur de Reyrolles demanda le divorce : l'exploit n’en dit rien.
Pour in co m p a tib ilité d ’i n i m e u r , le sieur de R e y r o lle s avoit sa
m a r c h e tracée d ’une m an ière positive,
« Il convoquera une première assemblée de parens, ou d’amis à
« défaut de parens , laquelle ne pourra avoir lieu qu’un mois après
» la convocation. ( §. 2 , art. 8. )
» La convocation sera laite par un des officiers municipaux....
» L ’acte en sera signifié ù l’époux défendeur. ( A rt. 9. )
» Si la conciliation n ’a pas lieu , assemblée se prorogera à deux
» mois , et les époux y seront ajournés. A l’expiration des deux
» m o i s , . , si les représentations,11e peuvent encore concilier les
1
1
époux,
�( l7 ) * #
» époux , l'assemblée sc prorogera à trois mois. ( A rt. 10 et n . )
» Si à la troisième séance le provoquant persiste, acte en sera
» dressé. 11 lui en sera délivré expédition , qu’il fera signifier à
« l’époux défendeur. » ( A rt. 12. )
L e sieur de Reyrolles provoqua un divorce le 24 m ai, sans acte
de convocation d ’un officier municipal.
Il ne nomma point de parens ; il indiqua seulement des a m is,
sans même exprimer que ce fût à défaut de parens.
L a première assemblée eut lieu le 27 juin 1793. Il en fut dressé
acte; mais aucune signification n’ a été faite à la dame de Rey
rolles , parce que les moteurs craignoient que dans l’intervalle les
choses fussent pacifiées.
Il n’y a ainsi pas eu de divorce pour incompatibilité d ’humeur,
pas plus que pour absence.
C e seroit donc un divorce par consentement mutuel qu’il faudroit valider.
Mais l’acte primitif y est un obstacle perpétuel; on veut cepen
dant que les actes qui suivent aient corrigé cette première procédure.
L a loi en exigeoit une absolument différente.
■
*»
« L e mari et la femme qui demanderont conjointement le di» vorcc, seront tenus de convoquer une assemblée de six au moins
» des p lu s proches parens, ou d’amis à défaut de parens. ( §. 2 ,
art. 1". )
» L ’assemblée sera convoquée à jour fixe et lieu convenu avec
» les parens ou amis. . . . L ’acte de convocation sera signifié par
» un huissier aux parens ou amis convoqués. ( Art. 2. )
» Les deux époux se présenteront en personne à l’assemblée; ils
» y exposeront qu’ils demandent le divorce. » ( Art. 4. )
L e but de la loi se remarque assez par la différence des actes
préliminaires.
L ’incompatibilité pouvoit n’avoir lieu que de la part d’un époux:
la procédure devoit donc avoir des formes hosliles ; c’est pourquoi
la convocation devoit être réglée par un officier m unicipal, et un
• G
�}
huissier devoit sommer l ’époux défendeur de concourir à la forma
tion de l’assemblée , et d’y comparoître.
Mais le divorce par consentement mutuel supposoit de la part
des époux un accord préalable né d’une égale satiété de vivre
ensemble. L a loi vouloit donc la preuve évidente qu’ils avoient
un désir unanime de mettre fin à une cohabitation insupportable ;
et de là vient que, pour éprouver l’uniformité de cette vocation,
la loi exigeoit une simultanéité dans les démarches.
A in s i, bien loin de se signifier par huissier une nomination de
parens , et par actes séparés , ce qui marqueroit une provocation ,
la loi a voulu que le mari et la femme indiquassent ensem ble les
parens, en les choisissant par moitié; ellea vouluqu’ilsdemandassent
le divorce conjointement .- ce qui exprime avec clarté que la loi ne
veut ni demandeur ni défendeur.
(
1
8
L a demoiselle Maigne objectera-t-elle que le but est également
rempli quand l’un des époux a requis le divorce et que l’autre y a
consenti ? Mais voilà une provocation , voilà un défendeur en
divorce : ce n’est plus une demande conjointe , et l’intention de la
loi est manquée.
Souvent l’incompatibilité d’humeur pouvoit être égale; mais la
moralité de l ’un des époux peut répugner à un remède désiré
par l’autre. T e l époux ne se résoudroit jamais à vouloir le di
vorce , q u i , provoqué par une demande, trouve dans sa fierté une
adhésion qui n ’éloit pas dans son cœur ; sa répugnance est vaincue
par l’idée que la loi ne lui a offert aucun moyen de résister à l’at
taque, et, dans son accord même, son opinion est soulagée en se
disant qu’il n ’a point été le provocateur.
Mais pourquoi chercher l’intention de la loi quand elle est claire?
N on omnium quee à majoribus constituta sunt ratio reddipotest.
Il est encore un principe bien constant en fait de lois rigoureuses,
c ’est que toutes les formalités doivent etre suivies à la lettre sous
peine de nullité ; et la loi du l\ germinal an 2 a étendu celte peine
à ^inobservation des formes prescrites par toutes les lois rendues
depuis 178g.
�r9
(
)
Ce seroit donc s’abuser étrangement que de voir dans la procé
dure qui a précédé le divorce prononcé le 28 juillet 1793, les actes
préliminaires d ’un divorce par consentement mutuel.
Non-seulement cette procédure n ’est pas conforme à la lo i,
mais le sieur de Reyrolles a donné un autre nom au divorce par
lui demandé. Il a requis seu l le divorce ; et si sa femme a répondu
par un second acte qu’il n ’avoit fait que prévenir ses intentions,
elle n ’a pas pour cela changé la nature d’une demande, tellement
indélébile qu’elle ne coinportoit ni opposition, ni débats , ni ju
gement.
Lors de l’assemblée, la dame de Reyrolles ne paroît encore que
pour répondre ; elle ne requiert pas le divorce , elle veut seulement
suivre la volonté de son mari. A u lieu de demander conjointement
le divorce, elle donne les mains à la demande, s i son mari y persiste.
Alors le mari persiste ; donc c’est lui seul qui veu t le divorce ,
c’est lui seul qui le provoque et qui le consomme.
Voilà cependant ce que l’officier public , dans l’oubli de ses
devoirs , a reçu comme les épreuves suffisantes d’un divorce.
Un divorce commencé pour incompatibilité d ’humeur exigeoit
une foule d’actes et de longs délais ; cet officier public s’est contenlé
d ’un seul acte cl de trente-trois jours de délai.
C ’est donc ainsi que la sainteté du mariage auroit été mise à la
merci de l’arbitraire ou du caprice, pour ne rien dire de plus.
Mais il seroit insensé de justifier cette procédure dans ses délais
etdanssa forme; elle a péché encore par une irrégularité non moins
grande. L e sieur de Reyrolles semble avoir voulu esquiver les repré
sentations de sa famille, car il n ’a appelé aucun de ses parens à
son divorce.
Ici encore la loi a marqué entre les deux proce'dures une dif
férence notable. Pour l’incompatibilité d ’hum eur, il suffisoit de
parens ou amis ; mais pour le consentement m utuel, la loi a voulu
la convocation des plus proches parens.
Si , comme veut le dire la demoiselle Maigne , il eût été égal
d’avoir des amis , c’étoit inutilement que la loi étoit plus exigeante
C 2
�C 20 )
pour le consentement mutuel. Mais , sans raisonner plus long-temps
sur un point déjà trop évident , il suffît de remarquer que la loi
ne vouloit des amis qu'« défaut de parens.
Oseroit-on supposer qu’à Brioude le sieur de Reyrolles n ’avoit
pas de parens? cela est aisé à démentir : mais si cela eût été
vrai, il falloit au moins l’exprimer. T o u t acte de formalité doit por
ter avec lui-même la preuve que cette formalité a été remplie. Déjà
la cour d’appel, dans une cause semblable, a annullé un divorce
entre des habitans de Riom , par arrêt du 26 pluviôse an 10 , sur le
m o tif que les actes n’exprimoient pas que des amis n ’eussent été
appelés qu’à défaut de parens.
Que signifie même cet acte si précipité , qu’on dénomme si impro
prement un acte de divorce? L ’officier public, de sa pleine puissance,
y dissout un contrat de mariage passé devant Couguet et Iïéra ud ,
notaires, le 7 novembre 1774• Mais jamais on n’a ouï dire que ce
fût le contrat notarié qui donnât l’état civil aux époux, et consti
tuât le mariage. Avant 1792, l’église donnoit tout à la fois l’état
civil et le sacrement ; le mariage ne tenoit son essence que de la
célébration. Or , ce n’est pas l’acte de célébration du 8 novembre
qui a été dissous, mais un simple contrat privé, réglant des affaires
d ’intérêt, et totalement incapable d’opérer un mariage.
Enfin , la loi du 20 septembre a exigé que « tous actes de divorce
» fussent sujets aux mêmes formalités d ’enregistrement et de publi» cation que l'éloient les jugemens de séparation » ( §. , art. 11. )
3
Or , le divorce opposé ne parolt pas même avoir été enregistré.
On avoitobjectéà ladame de Reyrolles qu’elle-même avoit assigné
pour la prononciation du divorce. Elle ignore si aucun exploit
existe, car elle n’en a jamais donné l’ordre ; mais, quand on supposeroit le contraire, prétendroit-on sérieusement qu’une défende
resse en divorce a pu provoquer à son tour un divorce par con
sentem ent m utuel ?
Un exploit après le changement de formalités auroit rétabli la
procédure pour incompatibilité d ’huriieur , et cet exploiltinême
seroit une nullité de plus.
�T
r o i s i è m e
Q
u e s t i o n
.
S i le divorce n'a pas été v a la b le, a -t-il pu néanmoins être v a lid é
par une convention particulière de la dame de R ey rolles?
Un contrat qui n ’intéresse que les deux parties peut sans doute
ne dépendre que d ’elles seules, et alors il est rompu aussitôt qu’elles
en ont exprimé la volonté.
Mais un contrat qui intéresse la société entière ne peut se dis
soudre que par des actes publics et authentiques, et dans les formes
rigoureusement exigées. Celte différence est sensible, et lient à la
nature du contrat de mariage.
Oser dire qu’il est un simple contrat privé n ’est qu’une hérésie
insoutenable; elle est condamnée par toutes nos lois; et les R o
mains eux-mêmes, qui cependant admetloient la répudiation et le
divorce, nous ont transmis les idées grandes et nobles qu’ils avoient
sur l’importance du mariage.
« Parmi toutes les institutions humaines, a dit Justinien , rien
» n ’est si sacré et si important que le mariage, car c’est par lui que
t) se forme la suite des générations; c’est par lui que se peuplent
» les régions et que les citpa fleurissent : il est le conservateur de
» la république et la source de sa prospérité. »
N ih il in rebus mortalibus perinde venerandum est atque matrimoniurn : qu ip p eex quo liberi, omnisque deinceps sobolis sériés
e x is tâ t, quod regiones atque civitaies frequenter reddat, undè
déni que reipublicce coaugnientatio fia t. ( N ovell. i
T o u t ce qui lenoit au mariage participoit chez les Romains de
cette considération. Les dots étoient aussi considérées comme objet
d ’intérêt public : lïeip u b licœ interest dotes mulierum salvas esse.
L e divorce avoit aussi mérité l’attention du législateur ; il en
déterminoit les formes, et exigeoit l’avis de la famille et la présence
de sept témoins, afin que leur nombre, leur influence et leurs re
présentations fussent un frein à la rupture du mariage. ( ff. D e
divortïus et repudius. )
4°0
�Et si les formes n ’étoient pas exactement suivies, le divorce étoit
radicalement nul : Nullum divorlium ratum est. ( L . g. eod. )
Quand cette nullité n ’auroit pas été textuelle, elle eût été pro
noncée par la loi qui portoit que toutes les conventions faites contre
le droit civil, contra ju r is civilis régulas, étoient nulles de plein
droit, et ne produisoient aucune action. ( L . 28, f f . D e p a ctis.)
O r, il n’étoit pas douteux que la forme de dissolution du mariage
ne fût réglée par le droit civil : Jure c iv ili dissolvere solet matrimonium. ( h . 11 , f f . D e divort. et rep. )
D ’autres lois disent expressément que tout ce qui tient à l ’état
des hommes n ’est pas en leur pouvoir, parce qu’on ne peut changer
la condition des personnes : Status hom inis v e l conditio personarum mutari non potest. ( L . Ilhéros, c. D e lib. c. )
Sans doute ces principes suffiroient pour établir qu’un divorce
n’est pas susceptible d’êlre validé par des conventions particulières •
et il résisteroit d'ailleurs au bon sens que la loi eût exigé des formes
rigoureuses, et que cependant elle eût permis aux époux de s’en
dispenser indirectement.
Mais la loi, après avoir exprimé scrupuleusement les formes à suivre
pour le divorce, avoit aussi prévu que des époux trop peu attachés
à son observation pourroientse permettre des traités pour valider ce
qu’elle ne valide pas; et, par une prévoyance très-conséquente, elle
repousse ces conventions illégales, et les déclare radicalement nulles.
P actiones sanè s i quœ adversus prœsenlia scita nostrœ majestatis fu erin t attentatee, tanquam legibus contrarias nullam habere volurnus firmitatem. ( L . 8 , code D e repudiis. )
Ainsi la question est disertement jugée par la loi elle-même.
Si un divorce n ’a pas été légalement f a i t , les époux ne peuvent
ensuite le valider par aucune convention.
Sans doute la demoiselle Maigne ne prétendra pas que ces prin
cipes soient combattus par aucune loi irançaise. On demande,
dit Vinnius, s’il est permis de transiger sur la validité des mariages:
o u i , répond-il, s’il s’agit de valider le mariage : U t sponsa ma~
fieat sponsa, placet transactionem v a lcre; mais la transaction est
�23
(
)
absolument n u lle, s’il s’agit de relâcher le lien du mariage. ( V inn.
D e trans. )
L a demoiselle Maigne opposera-t-elle la loi du 20 septembre
1792. Mais quelle que fût l’opinion du temps, elle n ’y trouvera
rien de favorable à son système. « L a dissolubilité spontanée du
» mariage, disoit le rapporteur de cette lo i, la liberté d ’en con» tracter un second , après un premier qui ne seroit pas légalement
» rompu , seroit une liberté immorale et impolitique. »
Aussi la loi du 20 septembre s’exprime-t-elle d’une manière trèsconforme aux principes enseignés par les lois romaines.
a L e mariage est dissous par le divorce légalement prononcé.
» Les époux ne peuvent contracter un second mariage qu’après
» que le premier aura été dissous conformément auoc lois. »
Que la demoiselle Maigne ne se dissimule pas toute la force de
l’expression ne peuvent. Toutes les fois , dit Dumoulin , qu’elle se
trouve dans les lois de rigueur, elle marque la plus forte des prohi
bitions ; elle ôte la puissance de droit et de fait , et a le même
résultat que l’impossibilité absolue.
Il en résulte donc que la demoiselle Maigne n ’a jamais pu être
l ’épouse du sieur de R e yro lles, dès que son divorce n ’a pas été
fait conformément aux lois.
L e Code civil répète ces dispositions de la loi du 20 septembre.
Rien n ’est plus c la ir , et il est difficile d ’y voir que si le divorce
n ’est pas légalement prononcé, on pourra dissoudre le mariage par
des conventions particulières.
D ’ailleurs , suivant le Code c iv il, il faut pour la validité d ’une
convention ,
la capacité de contracter, 2". une cause licite dans
l ’obligation. ( Art. 1108. ) O r, suivant l’art. 1124, la iemmemariée
est incapable de contracter elle-même; e t , d’après l'art. i i 5 3 , la
cause est illicite quand elle est prohibée par la .lo i , ou contraire à
l ’ordre public.
Se départir de son état civil est sans doute la plus grande dis
position qu’une iemrnc mariée puisse f.iire; et cependant elle n ’a
pas la capacité de faire des dispositions bien moindres. Comment
�24
(
) .......................................
• trailcroit-elle librement avec son m a r i , à qui elle doit obéissance,
et qu’elle est obligée de suivre partout où il juge à propos de ré
sider? ( A r t . 2 i3 et i * )
L e mari lui-même , chef de la puissance maritale , ne peut y
déroger et s’en départir par une convention. ( A rt. i
. ) Com
ment donc concevoir que le mariage soit dépendant d’une transac
tion , quand la puissance maritale n ’en seroit pas susceptible, elle
qui n ’est cependant qu’un effet ou une émanation du mariage?
Jusqu’ici la dame de Reyrolles a supposé un traité sur la vali
dité de son divorce ; et , dans ce cas m êm e, il est évident qu’un
traité seroit nul : mais il n ’en existe d ’aucune espèce ; et ce que la
demoiselle Maigne appelle à son secours , est seulement une appro
bation du divorce , résultante du traité de l’an
et de quelques
exploits.
L a dame de Reyrolles, objecte la demoiselle Maigne, s’est donnée
24
588
5
plusieurs fois la qualité de femme divorcée: donc elle a approuvé,
elle a ratifié, elle a v a lid é son acte de divorce.
Ce qu’on n ’oseroit pas dire pour l’acte du plus mince intérêt, la
demoiselle Maigne le propose avec assurance pour une dissolution
de mariage.
Mais peut-on s’imprimer une qualité qu’on n’a p a s , et perdre
par un seul mot son état civil ? U n mineur cesse-t-il de l’être en
se disant majeur ? et un époux, en se disant veuf, cesseroit-il d ’être
engagé dans les liens du mariage ?
L ’exécution d’un acte n u l , dit M . Cochin dans son 37e. plai
d o y e r , n ’en a jamais opéré la ratification ; c a r , dans les cas où
la loi donne dix ans pour réclamer , si chaque acte d’exécution
opère une ratification , il faudroit dire que la loi n’a accordé aucun
délai ; et au contraire tout le monde sait qu il 11e iaut considérer que
l ’acte nul , et compter pour rien son exécution.
D e même , la dame de Reyrolles ayant coopéré par sa signature
à un premier acte n u l , c ’est-à-dire , à son divorce , tout ce qu’elle
a fait ensuite n’en a été que 1 exécution.
Il fulloit qu’elle réclamât ou exécutât, M ais, étant en puissance
m aritale ,
�25
(
)
m aritale, elle avoit au moins dix ans pour réclamer à compter du
décès de son mari : jusque-là elle étoit donc forcée d’exécuter un
divorce nul , car son intérêt n’étoit pas de réclamer , de peur que son mari ne divorçât une seconde fois plus régulièrement.
Sans doute la restitution de sa dot étoit la première exécution
du divorce ; et on a vu comment'elle fut forcée par des offres à
traiter pour ce que voulut le sieur de Reyrolles. L e compte d’ins
truction qu’il lui devoit comme mandataire, pour avoir touché des
droits successifs inconnus, exigeoit d’après les lois un détail qu’il n’a
pas donné; et quand cette partie de la cause , pendante encore de
vant les premiers juges , sera remise en discussion , la dame de
Reyrolles prouvera l’abus évident de la puissance maritale, et le
tort considérable qui lui a été fait.
L a dame de Reyrolles n ’a point traité sur son divorce : elle n’a
fait que l'exécuter par contrainte. Pour exister , elle fut obligée de
former quelques demandes ; et sans doute pour la régularité des
exploits, ne pouvant sc dire autorisée du sieur de Reyrolles, elle
étoit forcée de se dire divorcée pour recevoir ce qu’elle demandoit.
Mais toutes les fois que celte qualité n’étoit pas de forme néces
saire, la dame de Reyrolles s’abstenoit de la prendre; elle peut
représenter plus de soixante actes où elle ne se l’est pas donnée ;
elle a même prouvé, par les registres de son m a r i , qu’il n ’a pas
cessé de lui donner par écrit le nom de F lorat-R ejrolles après le
prétendu divorce.
L ’exécution d’un acte nul, on le répète, n ’a jamais produit une
ratification ; et le Code civil a fait aujourd’hui une loi du célèbre
passage de Dumoulin sur celle matière. « L a ratification d ’une
» obligation contre laquelle la loi admet l’action en nullité ou en
« rescision , n ’est valable que lorsqu’on y trouve la substance de
» cette obligation, la mention du m otif de l'action en rescision,
» et l’intention de réparer le vice sur lequel cette action esl iondée. »
( Art. i
.)
358
Une donation nulle ne peut même être ratifiée : il faut la refaire
en form e légale. ( A r t . i q. ) Un divorce auroil-il moins intéressé
D
53
�(* 6 )
le législateur? et pensera-t-on qu’il fut plutôt susceptible d’une
simple ratification ?
La jurisprudence ne s’est jamais écartée de ces principes. Un
jugement a été cassé le
messidor an 4» parce que des quittances
données en viduité avoient été réputées ratification d’une vente de
bien dotal en coutume d’Auvergne, « attendu que les form alités
» n’ ont pas é té rem plies, et que l’ exécution pendant plusieurs
» années du traité du...... n’ a pii 'valider un acte nul dans son
» principe. »
23
Cependant la demoiselle Maigne insiste, et il lui semble que tous
les principes qu’on vient de lui rappeler ont été renversés par un
arrêt récent de la cour de cassation, qui a jugé en thèse, dit-elle,
que le mariage et le divorce ne sont plus des contrats d’ordre public,
et qu’on est non recevable à demander la nullité d’un divorce quand
on l’a approuvé par des actes subséquens.
Mais ce n’est là qu’une calomnie de la demoiselle Maigne contre
la cour de cassation , qui ne peut être sérieusement accusée d ’un
tel paradoxe. Il n ’étoit question devant elle que d’un divorce 'va
la b le, dès-lors la cause n’est plus la même.
Cependant un arrêt de cassation est une arme trop puissante
pour qu’il suffise de ne se défendre contr’elle qu’avec cette seule in
dication. L a dame de Reyrolles va en rappeler l’espèce précise, et
il sera aisé de voir que la demoiselle Maigne a voulu seulement
abuser de quelques expressions fugitives et ambiguës d’un arrêt de
circonstance.
« Le sieur Bocliler, après avoir reconnu dans plusieurs contrats
» la v a lid ité du divorce obtenu par sa icm m e, avoit cependant
» tenté de le faire annuller par justice.
» Celle-ci, en repoussant les nullités, opposoit d’ailleurs et pé*
» rcrnptoircrnent que son ci-d evant mari étoit non recevable,
» attendu qu’il avoit reconnu la v a lid ité du divorce.
» Arrêt de la cour d’appel séante à Trêves, qui admet la fin de
» non-recevoir ; attendu que les moyens de n u llité étaient sans
)) fondem ent ; et encore, attendu que le inari a pu et voulu renoncer
�.7
( 2 )
)) au droit qu’il avoit de contester les effets civils du divorco de son
» épouse.
n Pourvoi en cassation, pour contravention à l’article 6 du Code
» civil.
» L e demandeur soutenoit qu’une convention tendante à faire
» valoir un acte de divorce n u l, seroit contraire à l’ordre public
» et aux bonnes mœurs ; qu’ainsi, en supposant le fait de recon>i n o is s a n c e ou consentement par le m ari, la cour d’appel n ’auroit
» pu conclure, en point de d ro it, que par la force de celte con» vention le divorce fût devenu inattaquable.
» A r r ê t . — Attendu qu’en ajoutant à la considération de la non
» application des lois invoquées par le demandeur aux actes par
»
»
h
»
»
»
»
»
lui attaqués, celle de l’approbation par lui donnée à la régularité
de ces actes, et même celle de la reconnoissance par lui faite dans
d’aulres actes publics de sa qualité de fem m e divorcée, à celle
qui a fait prononcer le divorce d ’avec lui, la cour d’appel n’a
pas violé l’art. 6 du Code civil, q u i , défendant de déroger par
des conventions particulières à l ’ordre public et a u x bonnes
m œ urs, et bornant sa défense à ce qui concerne ces objets d’intérêt public, a voulu permettre l’effet des reconnoissances et celui
» des transactions sur l’ intérêt civil et privé; ce qu’il a formelle» ment exprimé dans Fart. 2046, et ce que la loi transitoire de
» floréal an 11 a spécialement appliqué au divorce.
» La cour rejette.
» D u 24 pluviôse an i . — Section des requêtes. »
( S ir e y , an i 5 , pag.
3
225. )
Combien de différences notables entre cet arrêt et la cause!
Après un divorce demandé et obtenu par une fe m m e , c ’est le
mari qui, n’étant sous la puissance de personne, fait des conven
tions sur ce divorce.
11 traite librement; il n’est pas incapable.
11 traite sur les intérêts civils du divorce.
11
ne traite pas seulement sur la suite du divorce, mais il reconnoit par plusieurs actes la v alidité du divorce.
D 2
�( *8 )
En plaidant, il ne peut pas même prouver que le divorce ait etc
nul d’aucune nullité.
L a cour d ’appel en effet ne se décide que par ce motif.
En cassation, l’époux n’essaye pas même encore de prétendre que
son divorce est n u l, et il se borne à une dissertation polémique
sur l ’effet de la ratification qu’il a donnée.
Ainsi la position de la question n’étoit pas de savoir s’il avoit
pu transiger sur un divorce n u l, mais s’il pouvoit faire rescinder
un traité relatif aux intérêts civils, par cela seul qu’il avoit aussi
transigé sur la validité du divorce.
C ’est donc encore le fait qui a décide la cour de cassation ; et
si ses motifs donnent à méditer sur leur sens, il n’en résulte qu’une
plus grande conviction qu’elle a clairement distingué ce qui tenoit
à l’ ordre public et à l’ intérêt civ il et privé, et qu’elle ne s’est dé
cidée à juger aussi le sieur Boehler non recevable, qu’en ce que, le
divorce étant valable, ses traités étoient étrangers à l’ordre public.
L e m otif pris de l ’art. 2046 du Code le prouve. Il porte qu’on
peut traiter sur l’intérêt privé résultant d ’un délit. On 11’est donc
pas libre de traiter aussi pour l’intérêt de la société.
E t comme une femme ne peut pas être épouse respectivement
au corps social, el divorcée pour sa famille et pour elle-même,
il en résulte qu’elle peut bien traiter pour son intérêt privé, mais
seulement après que l’ ordre social n’ a plus d’ intérêt; c’est-à-dire,
quand son divorce a été consommé conformément aux lois.
L ’arrêt de cassation est donc bien loin d’être favorable à la de
moiselle M aigne, qui ne peut pas exciper d’un divorce légal, après
lequel sans doute la dame de Reyrolles eût pu traiter sur les intérêts
civils résultans de son mariage.
L a demoiselle M a ig n e , en citant cet arrêt, a prétendu, avec
le rédacteur, que l'article 6 du titre préliminaire du Code ne porte
qu’une prohibition obscure el incertaine, qui ne peut s’appliquer
à la cause, parce que les traités sur les divorces ne sont pas d’ordre
public.
J1 est vrai que ce rédacteur propose cette obscurité, seulement
�*9
(
)
comme un doute; mais il termine de manière à prouver qu’il ne
s’est pas décidé comme la demoiselle Maigne l’entend.
Cependant sa première application semble fautive; car en rédui
sant la définition d’ordre public à ce qui concerne l’état de la
république, quodadstatum reipublicœ pertinet, il n’a pas remar
qué que l’expression ju s publicum étoit alternativement employée
par les lois romaines pour le droit public et pour l ’ ordre p u b lic;
ce qui comporte encore une nuance nécessaire à distinguer, comme
on peut le prouver par des exemples.
Lorsqu’avant les novelles , la défense de distraire la falcidie
n’éloit pas permise, si un testateur avoit voulu en prescrire la dis
traction, à peine par son héritier de payer une somme aux léga
taires, celte disposition étoit déclarée nulle, comme contraire au
droit public , et toute action étoit déniée aux légataires ( i ) . . .
Cependant une telle nullité n’inléressoit aucunement l’ état de la
république.
Si en donnant la dot au mari on avoit stipulé qu’il ne contribueroit pas aux frais d ’inhumation que la loi meltoit à la charge
de la dot, celui qui avoit payé ces frais n ’en avoit pas moins une
action en répétition contre le mari, et il ne pouvoit pas opposer sa
stipulation, parce que la loi la déclaroit nulle et attentatoire au
droit public (2)... Cependant encore l ’état de la république étoit
fort étranger à cette convention.
(1)
F ra ler cum hceredem sororem scriberet, e t aliu m ab e A , c u i dona-
tum v o le b a t , stipulavi cnravit ne f a lc id it i uteretur
niam
,
si contrd f e c i s s e t , prcestare
,
Tej'ragandum co n stitit ; e t ideo sororem
luram
(a)
,
,
et ut certain p e cu -
privatoruni cautione legibus non esse
ju r e
p u h lico
et action em e x stipulata denegandarn.
(
L.
1
retentionem Jiabi-
S , f f . A d leg. f a l c . )
N eratius quterit s i is q u i dotem dederat pro muliere
,
stip u la tili
est.... N e q u id m aritus in fu n u s co n jerret , ari funeraria m aritus teneatur?
e t a it... S i alius fu n eravit, posse eum m aritum convenire , q u ia p a c to hoc
J u s 1‘ u b l i c u m
infringi non possit.
(
L.
20
, f f D e rclig. et sum pt.
)
�3
( ° )
Ces dispositions n ’étoient donc que d'ordre public, et la loi ne
vouloit pas qu’elles pussent être éludées par des conventions par
ticulières. Comment donc seroit-il proposable de supposer à la
prohibition de dissoudre le mariage, un moindre intérêt d ’ordre
public? et au lieu de se jeter dans l'application vague de la loi 6 ,
cod. D e p a c tis, et de l’art. 6 du C o d e, comment ne pas trouver
une nullité radicale aux divorces faits sans toutes les formalités,
quand la loi a dit : N ullum ratum est divortium, m s i, ete.? com
ment ne pas trouver une nullité radicale dans les conventions sur
les divorces, quand la loi a dit : P actiones nullam habere voluinus
Jirm itatem , tanquam legîbus contrarias? enfin, comment ne pas
voir une disposition prohibitive et irritante dans la loi du 20 sep
tembre, quand elle dit qu’un second mariage ?ie p e u tè Ire contracté
qu’après un divorce lé g a l?
Quand les lois sont si claires, comment seroit-il possible do
penser qu’une femme, à qui un divorce illégal n ’a pas ôté la qua
lité de femme mariée, ait pu s’en priver elle-même en se disant
divorcée, et en ne transigeant pas même sur la validité du divorce
qu’on lui oppose?
Que r e s t e - t - i l donc à la demoiselle M aigne, si ce n ’est de faire
d iv e r s i o n à la cause par la naissance d ’un enfant, survenue, dit-elle,
long-temps après le divorce? Mais d ’abord elle est convenue que la
date donnée à cette naissance étoit une erreur. Que n’avouoit-elle
avec la même franchise les circonstances explicatives dont elle étoit
mieux informée encore. On verroit qu’un époux chancelant entre
u n e épouse et sa rivale, déterminé it fixer son irrésolution par un
retour à scs devoirs , en est tout à coup détourné par une séduc
tion toujours active; habitare fa c it sterilern in dom o, et la mère
doses enfans, r e p o u s s é e comme une vile esclave, est obligée de céder
ii une étrangère les honneurs du ht conjugal.
E h ! qu’importe à la demoiselle Maigne cette naissance; est-ce
bien à elle à scruter la conduite d’une épouse? Si cette conduite
étoit blâm able, cet adultère qu’elle proclame ne seroit-il pas
�(3 0
son propre ouvrage?-n'en porteroit- elle pas le poids éternel?
Mais il ne s’agit point ici de la naissance d’un enfant; il suffit
à la dame de Reyrolles de déclarer qu’elle n’a point à en rougir,
et qu’elle est à même de présenter des témoignages non équivoques
pour sa justification. L e fait de celte naissance n’est ici employé
que comme moyen de la cause, et parce que la qualité de femme
divorcée y est donnée à la dame de Reyrolles. Mais ne seroit-il
pas bizarre que, dans la commune où un divorce a été prononcé,
l’officier public eût lui-même rendu à la femme la qualité d’épouse?
L ’objection est dorlc absolument nulle , et rentre d’ailleurs dans la
discussion précédente, où elle trouve sa réponse.
Ainsi s’évanouissent tous les moyens de la demoiselle Maigne,
et se justifie la décision des premiers juges.
L e nom de veuve du sieur de Reyrolles lui est ôté , mais il lui
en reste la fortune. La dame de Reyrolles se borne à vouloir ce
qui lui appartient , d ’après son contrat de mariage. N ’est-ce pas
assez qu’elle soit réduite à le demander à la demoiselle Maigne ;
qu’après vingt-neuf ans de mariage elle ait quelque chose à lui
envier, et que le sort de l’une et de l’autre soit aujourd’hui si
différent ?
Une règle de droit a prévu ces caprices de la fo rtu n e,et le vœu
du législateur n ’a pas balancé: M e liu s estfavererepetitioniqucim
cidventitio lucro. L e sort des parties seroit écrit dans cette loi
seule , s’il n’étoit déjà réglé par des principes d’une plus haute
importance.
A u x yeux de la morale et de l’opinion , l’intimée ne cessera pas
d ’être la veuve de Reyrolles; elle le sera de même aux yeux de la
co u r, puisque les lois ne réputent pas son mariage dissous. L a
demoiselle Maigne ne laissant pas de postérité, il ne s’agit point
ici du danger d’ôter un état civil à des enfans nés dans la bonne
foi. Ainsi, les principes demeurent dans toute leur force , et ne
sont vaincus par aucune considération. L a demoiselle Maigne est
réduite à des fins de non-rccevoir. Mais que signifient de misérables
�( 33 )
subterfuges dans une cause de cette nature ? Les magistrats n’y
verront qu’un mariage ou un divorce, c’e s t - à - d i r e , un objet
majeur et d ’ordre public. Alors disparoîtront les personnes, l’in
térêt seul de la société sera mis en balance, et l’arrêt de la cour
sera tout à la fois une leçon de morale et un monument de juris
prudence.
Signé F L O R A T , veuve D E R E Y R O L L E S .
M e D E L A P C H I E R , avocat.
M e C R O I Z I E R , licen cié avoué,
À R IO M , de l ’ im p rim e rie de L a n d r i o t , seul im p r im e u r de la
Cour d ’appel. — F r im a ir e an 1 4
�
Dublin Core
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Factums Marie
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Title
A name given to the resource
[Factum. Couguet-Florat, Marguerite. An 4?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Delapchier
Croizier
Subject
The topic of the resource
divorces
assignats
substitution de testaments
jugement moral du divorce
Description
An account of the resource
Mémoire Pour Marguerite Couguet-Florat, veuve du sieur de Reyrolles, intimée; Contre Catherine Maigne, se disant aussi veuve dudit sieur de Reyrolles , appelante.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa An 4
1774-Circa An 4
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
32 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0309
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0706
BCU_Factums_M0708
BCU_Factums_M0615
BCU_Factums_M0524
BCU_Factums_M0707
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/5/53757/BCU_Factums_M0309.jpg
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The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Brioude (43040)
Le Puy-en-Velay (43157)
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assignats
divorces
jugement moral du divorce
substitution de testaments
-
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d01873fd93da70a3f6cb5df4286cf407
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Text
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M É M O I R E
P O U R
M argu erite
C O U G U E T - F L O R A . T , v e u v e d u sieur
d e R e y r o l l e s , intimée;
COUR
C O N T R E
r-
d ’a p p e l
i
V
C a t h e r i n e M A I G N E , se d is a n t a u s s i veuve d u d it
d e
sieu r d e R e y r o lles , appelante.
ri o m
.
section.
L A demoiselle M aigne n ’est pas satisfaite d'a voir usurpé une
grande fortune, et empoisonné la vie d'une malheureuse épouse;
elle ose lui disputer encore un titre respectable reçu aux pieds des
autels, et opposer une form ule révolutionnaire et illégale au plus
sacré des engagemens. L e désir de tout contester à son adversaire
l’a aveuglée et jetée dans cette inconséquence. Pour exposer sa h aine
devant les tribunaux, il lui a semblé doux d ’y être en scène ellemême; et elle n ’a pas cra in t, dans son propre pays, de livrer sa
vie toute entière à de pénibles souvenirs.
Une première tentative devoit la convaincre que la passion n ’est
pas le plus sur des guides. Condamnée par les juges qui la connoissoient le m ieux, elle avoit lieu de croire qu’un système de calomnie
ne prévaudroit pas contre les principes, et qu’une cour supérieure,
gardien naturel dès lois de l'em pire, ne porteroit pas légèrement une
atteinte dangereuse au lien sacré du mariage, le premier fondement
des sociétés civiles.
L a dame de Reyrolles avoit été justement indignée du genre de
défense d’abord adopté par la demoiselle M a ig n e, et son premier
A
�c 2 y ,
mouvement avoîl été d’user d’une représüille bien légitime. Plus en
état que personne , dans sa triste position de rendre compte
des faits el gestes de sa rivale, elle n ’avoit'rifch tu dé te qui la tourrnentoit depuis tant d’années, et il lui^paroissoit consolant de la
poursuivre encore, comme urir’remords Vengeur, de la forcerrà
sentir le poids de son opulence, et de mériter enfin une liaine
qu’elle ne provoquoit pas.
Cependant la dame de Reyrolles a réfléchi que cette jouissance
décevante n ’étoit pas digne de la majesté de la cour ; en consé
quence elle s’est fait un devoir scrupuleux d ’écarter de son récit
touj«* les épisodes étrangèr^»à ses moyens. L a réclamation d’un
état crvil présente d’ailleurs trop d’intérêt par elle-même, pour que
cet intérêt soit sacrifié à des personnalités et à une stérile vengeance.
3 L e mariage est-il un contrat d’ordre public; c ’est-à-dire, une
femme sous la puissance maritale a-t-elle p u , après un divorce
n u l, traiter irrévocablement avec son m ari? et si le mariage n ’étoit
pas légalement dissous, a-t-elle pu consommer cette dissolution
par un acte privé?
T elle est la principale question de cette cause ; et il faut avouer
que sans cette espèce de vandalisme philosophique, qui a brouillé
long-temps toutes les idées morales, on rougiroit de la trouver difficultueuse. Mais avec la gloire du nom français renaissent de jour
en jour ces antiques maximes, dont nous n’avons éprouvé l’ébran
lement que pour sentir les funestes conséquences de nos vicissitudes.
A ujourd’hui le mariage, placé sous l’égide de la religion et sous la
sauve-garde de la m agistrature, a reconquis sa dignité prim itive;
et tout ce qui tend à la maintenir retrouve dans les tribunaux une
protection salutaire, indépendante des personnes et des circons
tances.
F A I T S .
L a dame C o u g u et-F lo ra l contracta mariage avec le sieur de
R eyrolles, médecin , le 7 novembre 177/»» et se constitua en dot
ses biens échus et à échoir, c’est-à-dire, qu’elle donna plein pou-
�voir à son époux, ¡de rechercher et régir une fortune -inc^nnuc^a
elle-même. L e contrat mentionne la stipulation i(d un^douaire,, et
autres avantages m atrim oniaux.^
,{Les premières! années de ce mariage furent heureuses. Devenue
m ère, et possédant*toute l’affection de son époux , la damende
Reyrolles étoit loin de prévoir que cette félicité seroit détruite par
une femme qui alors ne lui sembloit nullemenl: à c r a i n d r e , et que
le sieur de Reyrolles paroissoit juger avec rigueur. j n6fono<
L a destinée de la dame de Reyrolles en disposa autrem ent, et
bientôt elle se convainquit que les goûts des hommes ne^se règlent
pas toujours par leur estime. D ans sa fierté , elle abandonna^un
époux parjure, à sa nouvelle conquête, e^ se retira c h e z la^dame
de F lo ra t, sa grand’mère. if;
il. C et éclat, imprudent peut-être , tourna tout entier au profit de
sa xivale; la dame de Reyrolles fut privée de tout secours , denses
bijo u x; et poussée d ’infortunes en infortunes, pour obtenir six
louis de son époux , il exigea qu’elle les reçût de la demoiselle
M aigne. T e l étoit, après dix ans de m ariage, l’humiliation à laquellb
étoit condamnée une épouse : tels étoient les premiers chagrins
qu’elle fut obligée de dévorer. •
Une réconciliation apparente succéda à ce premier orage. Dupe
de son cœur et de sa franchise , la dame de Reyrolles se trouvoit
encoi’e heureuse des égards de son époux; mais l’illusion qu’elle
s’efforça long-temps de se fa ir e , céda à l’évidence : l’indignation
étouffa tous les calculs d’intérêt personnel, et l’épouse outragée ne
connut plus les ménagemens de la dépendance.
Los sieur et dame Caklaguès, parens de la dame de Reyrolles ,
alloient s’établir à Lim oges. Affligés de sa position , ils lui propo
sèrent un asile ; et celle qui dominoit le sieur de Reyrolles ne sen
tant que le plaisir d’être délivrée d’une surveillante incom m ode,
l^pressa de consentir à cette séparation.
Combien étoit déjà changé le sort de la dame de R eyrolles! elle
avoit un époux; une étrangère lui faisoit oublier ses scrmens et
ses devoirs : elle avoit eu un enfant; la m ort, moins cruelle, le lui
A 2
�< 4 )
avoit ravi à l ’âge où il «toit incapable'de tendresse. C ’est ainsi
qu’épouse sans époux , mère de famille sans enfans , la dame de
Reyrolles a vécu plusieurs années à Limoges , abandonnée aux
c o n s o l a t i o n s de l’amitié et aux fantômes d e ,l’espérance.
Elle avoit touché assez régulièrement à Limoges une pension de
bienséance que lui faisoit le sieur de R eyro lles, par égard pour la
maison de Caldaguès; mais au commencement de la révolution
elle ne reçut plus rien , et revint à Brioude.
Cette espèce de résurrection d ’une femme oubliée parut lui re
donner le charme de la nouveauté, et réveiller dans le cœur du
sieur de Reyrolles des feux mal éteints. Il est certain qu’il eût fait
son bonheur de rompre, ses chaînes, et de mériter l’affection de
son épousp, si la prévoyance allarmée de la demoisellt/ Maigne
n ’eût cherché à la hâte à détruire ce premier mouvement par toutes
sortes de moyens.
Mais tel est le sort d’un homme subjugué; le sieur de Reyrolles
vo yo il, et il n’osoil voir; il vouloit, etnepouvoit s’enhardir à vouloir:
l'homme le plus impérieux n’est donc qu’un foible enfant devant
la passion qui le domine. L e premier acte de loiblesse qu’il s’est
laissé surprendre, est l’abandon qu’un vaincu fait de ses armes ;
il reste désormais sans d éfense, et se dévoue a l’esclavage.
L a demoiselle Maigne triompha , et le premier usage de sa
victoire fut de dicter les conditions et de profiter de la faveur des
circonstances.
Alors existoit une loi récente, que quelques femmes regardèrent
comme un présent du ciel et une faveur de la Providence. Après
la dissolution de la m onarchie, de la féodalité et de la puissance
paternelle, en quelques jours d’intervalle, et avant d ’attaquer la
religion dans ses solennités, il n’y avoit plus qu’une destruction in
termédiaire à prononcer ; et le lien du mariage, malgré son antique
inviolabilité, fut dissoluble indistinctement par le divorce.
Celte innovation étoit trop précieuse à la demoiselle Maigne
pour qu’elle ne s'empressât pas de la saisir. En conséquence , le
34 mai 1797»
>1 lut signifia à la dame de R eyrolles, de la part de sou
�( 5 )
m a ri, un acle par lequel il déclaroit qu’ il entendoit divorcer pour
cause d’absence, et pour incompatibilité d’humeur et de caractère,
en conséquence dé quoi il nominoit trois amis , et lui faisoit som
mation de nommer de sa part trois parens ou amis.
11
Dans cette conjoncture que pouvoit faire une épouse? plaider?
les tribunaux n ’éloient pas compétens ; résister? la loi ne le lui per-’1*
mettoit pas : souvent le demandeur se faisoit lui-même signifier
une réponse, et le divorce n ’en alloit pas moins à sa fin.
^
Quoi qu’il en s o it, le 27 mai il fut déclaré , à la requête de
la dame de -Reyrolles, que pour satisfaire à la sommation du 24
ellé nommoit trois parens , ajoutant que le sieur de R eyro lles, en
\
provoquant son divorce , n ’avoit fait que prévenir ses intentions'.
L e 27 juin il fut tenu une première assemblée de fa m ille, tou-’
jours motivée pour absence et incom patibilité; et après les dires du
demandeur et la tentative de conciliation des parens, on lit la ré
ponse suivante : Sur quoi ladite Couguet-Florat leur a répondu
qu’elle était disposée à suivre en tout point la 'volonté de son
mari ; mais que si son dit mari persiste ¿1 requérir le divorce ,
elle y donne les mains.
Celte réponse si naïve , où l’obéissance seule se laisse apercevoir,
étoit en elle-même insignifiante : mais on voulut lui donner un sens.
Les longs délais de l’incompatibilité s’accordoient mal avec l’im
patience de la demoiselle M aigne. On crut donc découvrir dans
les diresde la dame de Reyrolles des matériaux suffisans pour para
chever un divorce par consentement m u tu el, pour lequel il n’y
avoit plus qu’un mois à attendre.
En conséquence, à la date du 28 juillet 1783, un mois après la seule
assemblée de fam ille, on fit rédiger un acte de divorce , dans lequel
on suppose qu’il a été requis par les deux époux, d’après la procé
dure voulue pour le consentement mutuel.
Cet acte fut porté à la dame de Reyrolles par un valet du comité
révolutionnaire, long-temps, quoiqu’on en d is e , après la date qui
lui a été donnée : elle sign a, il n’y avoit pas à hésiter ; d’ailleurs
son refus , en l’exposant, n’eût fait que rendre celle pièce inu-
�■'itfi1! ubnsiilO fi il î f -ci.-i'ii l
' s;>^ijf:n^ f ‘ !nni
a .ni,tile içt forcer à reprendre la suite du premier mode de divorce.
A^nsi s’acconiplit cette œuvre d’iniquité, et la demoiselle M aignc
eut enfin levé lç plus grand des^obstacles Ornais comme si le d e l
se fu t joué de ses plus clières espérances , l’époque de son ma
riage qu’elle avoit tant hâtée s’éloignoit de jour en jour ; et pendant
quelque temps il y eut lieu de croire que le sieur de R eyrolles,
p é n é t r é dejla perte volontaire qu’il avoit sollicitée, oublioit la pro
cédure monstrueuse qu’il avoit ébauchée, et revenoit à ses pre
miers" engagemens.
11
L a dame de Reyrolles se livra de bonne foi à une si douce rési
piscence ; elle feignit même ne pas remarquer qu’il ne venoit chez
elle qu’à la dérobée et avec la timidité d ’un esclave. Enfin , une
grpssesse lui parut le comble du bonheur, et le gage assuré d’une
réconciliation après laquelle elle soupiroit depuis si long-temps.
.j'M ais .les assiduités du sieur de Reyrolles n ’avoient pas échappé
aux ennemis de son épouse. T ro p adroits pour faire un é cla t, ils
frappèrent des coups plus certains, et le poison de la calomnie vint
ébrauler l’imagination foible d’un homme que le premier mouve
ment faisoit agir, et q u i, dans ce qui concernoit ses passions , ne
savoit jamais penser par lui-méme. C ’est ainsi que, dans sa confiance
aveugle, la darne de Reyrolles se croyoit encore épouse quand ses
ennemis ourdissoient sa perte : Inquirebant niala s ib i , et dolos
totd die medilabantiir.
L a grossesse de la dame de Reyrolles fournit une vaste champ
à leur malignité; l’époux lui-même fut entraîné ii douter contre sa
conviction intim e; et ce que la dame de R ejrolles avoit cru être le
sceau de la paix devint en un instant le signal de la discorde et de
la haine.
T o u t d’un coup la scène change : on profite diligemment de la
disposition d’esprit où on a mis le sieur de Reyrolles , et son m a
riage avec la demoiselle Muigne est consommé le n messidor
an 2 , douze jours avant que la dame de Reyrolles , sur son lit
de douleur, donnât le jour à une malheureuse créature sous d ’aussi
sinistres auspices.
�Non , le ciel nç l’a point béni, ce fatal mariage î II a entendu ^aua"
thème ,pronjpjnç^ par 4une épouse dans sa désolation ; fet elle n a
pas eu la douleur de savoir plus* heureuse qu’elle celle qui 1 avoit
*J; !-, *î ’ .. •, i ./ ‘
1M'
/ I J
#’
chassée du lit conjugal. En portant un nom usurpé , la demoi
selle M aigue ne trouva plus dans le sieur de R eyrolles cet être
soumis sur lequel elle avoit exercé tant de fois une capricieuse
1
-.;or>
puissance.,
L a demoiselle Maigne avoit calculé cet effet habituel du mariage j
et pour se prémunir contre son résultat , elle profita d’ürie époque
où le sieur de Reyrolles venoit d’être destitué de sa place de rece
veur du district, pour proposer un testament mutuel qui fut respec
tivement signé en l’an
5 . Quelque temps après, une séparation
volontaire les a éloignés jusqu’à la m ort.
^
Cependant la dame de R eyrolles, abandonnée à sa situation péni
ble , dévoroit ses chagrins et se devouoit à sa destinée. Occupee
des soins maternels que demandoit le premier âge de sa fille ^elle
attendoit avec résignation que le sieur de R eyrolles, rendu de nou
veau ù ses premiers liens , s’occupât de deux êtres qu’il avoit si
cruellement traités. M a is, au lieu d’un retour à la nature, il ne fit
plus apercevoir son autorité maritale que par des hostilités et par
l ’abus de son administration.
I
.11 avoit recueilli la succession considérable de l’aieule de son
épouse, avoit traité de gré à gré avec un cohéritier pour le partage
des immeubles, et s’étoit emparé des effets m obiliers, sans compte
ni mesure.
Néanm oins, demeurant libre d ’en fixer la consistance , et pour
consommer la ruine de son épouse , le sieur de Reyrolles lui fit
faire , le 7 messidor an 4 > un acte d’offres de 7000 francs en man
dats territoriaux, pour le montant , d it-il, d e ce q u ’il avoit touché
sur sa dot , attendu que ladite Couguet avoit toujours éludé de
déclarer ce qui pouvoit lui être dû ; qu’ elle ne cherchoit qu’à re
tarder la libération dudit Reyrolles , qu’il étoit de son intérêt
d’ opérer le plutôt possible.
L a dame de Reyrolles répondit qu’elle ctoit surprise et lassce
�.,
( 8 )
des procédés ¡niques de son m ari, et refusa les offres. 11 y eut
procès' verbal 'de non''conciliation , après leq u el’eÏÏê' fu t assignée
le oi
su iv a n t dcvaRt le tribunal du Puf*; en réalisation
et v a l i d i t é desdites offres.
^
Ces diligences avoient lieu à la dernièVe heure du papier-monnoie;
numéraire reparut au commencemçnt de l’an 5 ; et, dans ce pre
mier iustant où l’opinion en augmèntoit la valeur, le sieur de R e y
rolles se hâta de faire proposer S sa femme une modique sómme de
6ooo francs pour tout terminer ; ajo u tan t, pour l’intim ider, que
si elle ne l’acceptoit pas , les offres de l'an 4 seroient jugées vala
bles , parce qu’elles avoient eu lieu avant la suppression du papier.
En vain la dame de Reyrolles demanda-t-elle à être éclairée sur
la valeur réelle de sa propre fortune; il Fallut obéir à la puissance
maritale , et céder à la crainte de n ’avoir que les mandats offerts
au lieu du numéraire prom is, Si cile s’exposoit à aller plaider dans
un tribunal presque incon nu, à tlôuze lieues de son domicile.
L a dame de Reyrolles signa donc un traité le 16 frim aire an 5 ,
par lequel on lui fit dire qu’elle étoit venue à compte avcca son
ïjiari, et qu’après communication prise de l’inventaire de son aïeule
et d ’un partage de 1786, il lui revenoit 6126 liv. 10 sous; ù quoi
ajoutant d’autres articles touchés par son m a ri, quoique non com
pris dans l’inventaire, en valeur de 873 liv. 10 sous, le sieur de
Reyrolles se trouva tout juste débiteur des 6000 fr. qu’il voiiloit
p a ye r, et dont l’acte porle quittance.
A compter de cette époque les époux furent séparés , et la dam e
de Reyrolles n ’eut plus qu'à s’étourdir sur le passé et à supporter
m e s s i d o r
,
l e
son sort avec courage : elle se consoloil avec sa fille, et cette con
solation même lui lut enviée. Ajirès le 18 fructidor , on lui donna
l’ularine sur le sort de cette enfant , qui n’aVoit pas encore d’état
civil. O11 lui persuada que les peines de la loi pourroient l’attein
d re, et elle se décida à faire u n e déclaration ù Pofiicier public. On
n ’eut garde de transcrire la qualité qu’elle vouloil se donner, par
la raison qu’il eût Oté incivique de mépriser un divorce, et que
le .sieur de R eyrolles, redevenu puissant, n ’auroit pas trouvé bon
q u ’ il
�Y... . r -ijj.vï
( 9 )
vïw v w
r W '
qu’il fût fait mention de lui sans sa participation. L a dame de
Reyrolles déclara donc seulement qu’il lui^étoit né une fille le 21
messidor qui suivit son divorce. Com m e ce divorce étoit daté de
l’an 2 de la liberté, on supposa la naissance de l’enfant au 21 m es
sidor an 5 . Cette erreur a été reconnue par la demoiselle M aigne,
et seroit aisée à rétablir à l’égard d ’un fait aussi notoire.
Dans ces entrefaites le sieur de R eyro lles, nommé receveur du
département de la H au te-L o ire, alla s’établir au P u y. L à , ayant
vécu près de six années séparé absolument de la demoiselle M aigne,
qui liabitoit Brioude, il fut atteint de la maladie qui l’a conduit
au tombeau.
A cette époque terrible, où l’hom m e, ne trouvant plus d asile
dans les illusions du m onde, voudroit réparer dans un instànt les
fautes de sa vie toute entière, l ’opinion générale a rendu au sieur de
Reyrolles la justice d’attester qu’il n’avoit rien plus à coeur que de
se réconcilier avec sa fem m e, et de lui en donner, par un testament
honorable, la seule preuve qui fû t désormais en son pouvoir.
j En e ffe t , il est de notoriété au P u y que le sieur de Reyrolles
avoit fait un testament par lequel , cassant celui qu’il regardolt
comme un monument de foiblesse et de honte, il léguoit 4 o °00
à la dame de Reyrolles personnellem ent, et faisoit en faveur du
sieur Y auzelles , ex-législateur, une disposition considérable.
Aussitôt que la demoiselle Maigne apprit la maladie du sieur
de Reyrolles, elle voulut se mettre à portée de déranger des projets
dont elle ne pouvoit douter. Craignant de 11e pas se hâter assez ,
elle envoya au Puy le sieur Granchier le mercredi , et arriva ellemême le vendredi suivant. Sa vue fit une révolution singulière au
sieur de R eyro lles, q u i, à ce qu’on assure, se tourna brusquement
du côté opposé, et se couvrit la tête avec un mouvement con
vulsif. Quoi qu’il en so it, il expira le même jour 18 floréal an 12.
Cette mort soudaine servoit mieux la demoiselle M aigne que
tous les plans qu’elle avoit pu concevoir. Seule dans la maison du
sieur de R eyrolles, et en attendant les scellés qui 11e dévoient être
posés que le lendemain , au lieu de verser des larmes stériles qu’il
13
�Valoit mieux, r é s e r v e r . -pour la pantomime.de& audiences , la~de~
moiselle M a i g n e étoit libre de tout parcourir,[[Un ¿çertainc,pqrte-;
feuille vert avoit paru donner de l’inquiétude au défunt : il n ’an
plus paru; et le public qui se trompe rarement en ¡conjectures dé
sintéressées, parolt avoir été imbu de l’idée que dans çe porte-feuillen
gissoient les papiers les plus précieux, et surtout le dernier!tes-c
tament. E t qu’on ne dise pas que c’e s t jà une fable de pure im a-p
gination ; ce bruit ayoit pris une telle consistance, que le sieur
Y auzelles, légataire, a rendu sur ce m otif une plainte en suppres-ip
sion de ce testament. .u; ju
jo
,JLa dame de Reyrolles ne donnera pas d’autres détails d’qn fait
qu’elle n ’a appris que par.Ja notoriété,publique. C e n’est point las
fortune du sieur de Reyrollfes qu’elle ambitionne; elle ne demande
rien qui ne soit à elle-même; elle veut,son état civil, sa dot , et ner
dispute point à la demoiselle Maigne une opulence chèrement,*
achetée, et dont la source équivoque n ’est de nature à donner du
crédit que-vis-à-vis quelques collatéraux.
•/[
■ Après la ;mort du sieur de Rqyrolles, ce n ’étoit plu§ que des
tribunaux que son épouse pouvoit attendre justice; en conséquence, ;
le, 19 thermidor an 12, elle fit citer Catherine Maigne en payement
de ses d ot, trousseau et gains m atrim oniaux, e t, en tant que de
besoin, en nullité du divorce et actes postérieurs.
; L a demoiselle Maigne ne savoit pas encore à fond le rôle con
venable à la circonstance. Cotte tendresse soi-disant conjugale qu’il
falloit supposer à un homme dont les dernières volontés avoient
été d’enrichir sa fidèle m oitié, ne s’allioit guère avec un domicile
constamment séparé, et à douze lieues de distance. Cependant la
demoiselle M aigne, qui avoit toujours habité Brioude, et qui ignoroit les moindres affaires du sieur de R eyrollcs, proposa un déclinatoire, soit qu’elle criU qu’il n ’avoit pas transféré au Puy son do
micile de d roit, soit qu’elle fût entraînée par la vérité à convenir
qu’elle n ’avoit pas le même domicile de fait que celui qu’elle disoit
son époux; elle ignoroil que le sieur de Reyrollcs avoit acquis une
maison au l Ju y , s’en déçlaroit habitant dans les actes publics, et
�( ( i l ' 1)
. . . . .......
a^oil mêmë fait’l*â‘ÿ ê r sà' cotë’ttidbilière à Bri6üdéï,T!h consequetibé/
et par çes' tntotifs P'^lle ftit’ déboütéè dè son déclmatÔÎTé 'par J1* ^
ment du 23 f l a i r e
,jb T m n ob
JioT* 5iav .9»Uu»‘
A u fond la dCm'oiselle Maignë'Tépondit que la dame dë Reyrolles*}
n ’étoit^pasirecëvable’dàns s a ’ dem ande, soif à causé de la loi <ïtiia
26 germinal ran'l i n é d i t parce que la defilande n’ avoit êt<^ form ëèâ
qu'après la mort du sieur d e;ReyrolIes, soit parcé que la darfie dë'*
Reyrolles étoit divorcée par uri' acte requis èt'signé pat ellé>niâtne;’§
qu'elle avoit traité avec son >màri en qualité dc'xfemniê' divorcée,
el avoit pris la même qualité dans plusieurs autres8actes^^110" *
tamment dans la déclaration dé naissance-druri 'ertfant ilé ^ n - a n
après le divorce; qu’à l’égard d’elle-même1Catherine M aigne 9^elltí^,,
n ’avoit ipoint à craindreJle sort de'ce'dW orce* parce qu’tillé étôit*
mariée légitim em ent, héritière unîversélle'J1'e t que le ''sieur d e 1
Reyrolles avoit tellement persisté dans cette Volonté pendënt
ans, qu’à sa:imort on avoit trouvé le testament dd la démôiselfel5
M aigne parmi ses papiers les plus préùieuoc.'
1 5' -'
¿11 est inutile de rappeler les moyens opposés par la datïielBe
Reyrolles à cette défetièe de la demoiselle M a ig n e , les fa itsT*61- ';
devant narrés les indiquent; et il suffit de dire qü’en déclarant lé ’^
divorce n u l, les premiers juges ne virent plus dans la dame d e ’
Reyrolles qu’une épouse restée sous la puissance m aritale, n ’ayant
pu dès - lors traiter valablement avec son époux , n i:rprendre
une qualité qu’elle n’ avoit pas. En conséquence, par jugement du
24 floréal an i 5 , le tribunal du P u y , sans s’arrêter aux fins de
non-récevoir proposées par Catherine M aigrie, déclara nul l’acte
de divorce du 28 juillet 175)3, et tout ce qui l’a précédé, de même
que le traité du 3 frimaire an 5 ; remit la dame de Reyrolles au'
même état où elle étoit avant lesdits actes ; condâmna Catherine*
M aigne, en qualité d’héritière du sieur de R eyrolles, à lui payer,
i #.
3oo fr. pour le montant de son trousseau stipulé en son contrat
de mariage du 7 novembre 1774 ; 2°* 1200 fr. pour ses bagues et
joyaux; 3“. 400 fr. pour sa pension viducllfc; 4*. à lui fournir un
logement garni et m eublé, suivant son état et Sa fortune, dans le
B 2
�( I;2 >
à qui et dans le temps de droit; j . à payer à ladite dame de.Reypi
rplles ¿l5 o° fr - P our S0D Jeuil.flt pe^uj de.s^ dwqestique; et à,l'égard
(jj^p^yemept
d o tale tribunal o r d o n n a . p a r t i e s conteste--.
rfiiei^plup amplement, et à, cet e ff& fournirpienLjeurp^tats w s«
pe^tifs, çauf débats. Les inscriptions de,la dame de Reyrolle^ furent,
HiaintepyejS jfjsqy a parfait; .payement,, et, il fu t ordonné que ledit
jùg^riiepM eroit exécuté en la fpyme de l'ordonnance nonobstant;
l’?PPçl*b nos: ■bujili .Yi ei nobpr,.
*’ ‘
C çt.te^ p n ièrç d$posit/pn^dçnx*a lieu »à lat demoiselle,Maigne de;
h ^ e r singulièrep.entjiSQn appel et $es poursuites. Impatiente de;
jQuip Sjap^eptr^vp^clle r^mfliïtra à la çour que la douairière d ’un
receveur génér^l ne pouvoi^vi^re^ayec des saisies qui arrêtaient des l
comptes extrêmement pressans, et que la trésorerie nationale la
pressait pour les rendre. L a c o jir, par son arrêt provisoire du
24 floréal an i 3 , a fait défense d’exécuter le jugement jusqu’à son
nYàtw '
ï»Vta ■'*'
. >v
*
^pg.r^i5îs s°u,t aujourd’hui sur le point.de faire juger le fond
de la contestation, et la dame de Reyrolles attend sans inquiétude,
une décision qui ne peut être que conforme à la morale et à la
juS.^ÇC^vyi,
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T o u te la défense de la demoiselle Maigne est fondée sur ce(
paradoxe : L e mariage est une siqiple convention privée; il peut
être détruit de gré à gré par un simple acte, qui,supplée les form es'
de ta loi , ou qui en dispense.
• •
L a défense de la dame de Reyrolles est de d ire , au contraire,'-,
q u elle mariage est un lien destiné à l’union de deux fam illes,
intéressant la société entière, et ne pouvant être dissous que danaj.
la rigueur des formes légales.
Sans.jdoutc la solution de ces deux systèmes cpt écrite dans le
�{ *3 )
. . .
cœur de tous «eu*>qm:tt^äüront 'pas oublié ¿iéè'^A’incipcS1îïnrôÂ'abléi^
qui résistent au. fi'acasr*des‘ rövölutionä et à l’ébloiiiss?enienÎ des
8ystèmes.''intjb oJibel h i ^ e q é .‘ Ö ^iioib *b «r moJ » ^ b Jo ^-iuv «
b Ic i il est constant' qu ’en
77/v1^ datafté!‘d e R eyrolleV a été m artel
i n . . I_LA lès-'solennité*
A.
h l ! /■! n ( lO f >
ilO^ que^ 'CftYl
avec toutes
fcivilès" é t '‘ Mfcfeligieuseé^et
son ep'oux
n'est m ort qu’en' 'l'an^ i'ai 111 s’dgitMotìc^cl’exàm irier^i l^ 'iilanage ^
a été légalem eril dissoüs par uufTd h ô rco . M a is lar>'(liw*ii ^"ill 'îW j^
l« r oppose des fins dc'non-riécevoii*, qu’il faut bxâiîiitttir?3et‘^èsT
prétentions donnent1 lieu aux questions suivantes ^1
S ’’darri e j
de Reyrolles est-elle recevable à demander la nullité de son di'voVïc
après lai. mort de son m a ri^ e t malgré la' lo i i du 26'‘gÇi^in'dl^an
onze ?' 2*.t À u fond , le rdivorce opposé éàt-il -valable?1^ 3S P i e „
divôtee n ’a pas été:Valable , a-t-il* p ü n éaft& o in s7être validé
^
la convention particulière de là damende Reyrolles ?
kI r ' " - t'vt6' vd
wip l ì
.»Vil 1 eolqmoo
,
l«o~7
'
iv.Yiq 1‘ P(R E M I È R e T Q ’u e's t i o n .
” >ri
}n*;mf)^u[ al-îjJuoèzs D aôrrewL
,t ‘ t 6 i ftc loinoft fcc
L a dame de Reyrolles est-elle recevable à demander là 'n u llité *1
hde son divorce aprè¿¡la mort de son inari, et m a lg ré Ici toi
a'du 26 germinal an 11 ?
;,jlno!> fil 0
ftl . -* r -,
i
iloieiDr-b bnil
Sur quoi donc seroit fondée la première fin de non-recevoir?-I
sur une loi rom aine? mais elle ne s’applique pas : ne de statu
defunctorum post quinquennìtmì qùeràtur. Ici le sieur de Reyrolles
est mort en l’an 12, et il ne s’c6t pas même écoulé six mois de son
décès à' la demande.
■ C ’est encore moins le Code civil qui favoriseroit la demoiselle
Maìgne. L ’artldfc'ì 88!'porte que \i l ’époux au préjudice duquel a
» été contracté un second m ariage, peut en demander la nullité ,
» du vivant même de l’épôux'qui étôit engagé avec lui. »
L a loi ne permet donc de se pourvoir aVaht la mort de l’époux,
qu’à titre de grâce ; et il semble', par ses expressions, que c’est à
regret qu’elle y a consenti : elle laisse entrevoir le Conseil de ne pas'
user de ce consentement- ; et ce mot
qui terrible potir ainsi
aAAÂ jüul
^ 7 ®
�( i4 )
dire,échappéaà:1a, plume du logislatçur, ¿^ ¡cepen d an t de lajplus,,
gr^n^c m oralitc.jâ arr '>/■
eulq b iul on ttora s i Imfii;’Q u’est-ce en effet qu’une d e m a n d e ^ ce,genre i form ée par Té-y
poux abandonné contre l’époux coupable, si, ¡cc^ n’,êst une espèce de
dénonçiation..ouvrant le champ le plus .vasjte à,la discorde, et ren
d a n t désormais, toutp, réconciliation impossible?
Est-ce une foible épouse qui, du vivant de son m ari, osera Tapp e l e r , .devant ,les tribunaux pour lui dire : Je veux qu’on vous o^ igç
à me rester fidèle? Mais si une seule fois peut-être, dans l’anti-v
quUéj.Ja^sensible Hypparette a reconquis par un appel en justice,
la,tendresse du plus infidèle des époux, combien d’autres s'indigne-»**
roiçnt d ’être ainsi troublés dans leurs affections, et vengeroient'j
leuç amour propre par un,abandon plus éternel! C ar les homm es,
qui font les institutions, n’on.t^créé, que .la .puissance, maritale,; et
quels que soient les dons que le sçxe ait reçus de la nature en dé
dommagement de sa foible^se „ ,çe pouvoir d ’éqpilibre n'est plus
qu’un^ divinité imaginaire, quand les premières affections ont perdu
leur prestige. Malheur donc à l’épouse inconsidérée qui tenteroit dq
proclamer son abandon et de çhercljer son,époux jusque dans les
bra§ d ’une riyale !
11 est bien plus dans l’ordre qu’une femme prudente ferme les
yeux sur les torts de son époux, et qu’elle tolère son infidélité pour
espérer son inconstance : le même caprice qui l’a éloigné du lit
conjugal, peut l’y ramener repentant et fidèle. L e lien sacré du
mariage est comme l ’amour de la patrie. Cunctqs ducit, eÇ inir*
memores non sintt esse sut,
T o u t devoit faire penser à la dame de Reyroljps que son goût
pour la demoiselle Maigne ne devoit être qu’éphémère : leur lia-*
bilalion séparée , urje haine qu’ils ne dissimuloient plu s, annon-,
çoient une rupture prochaine; et sar,S lcs difficultés que le Code
civil a ajoutées au divorce, il est notoire que le sieur de Reyrolles
auroit vaincu la répugnance de divorcer une seconde fois, car il
ne cachoit ù personne qu’il n ’étoil retenu que par celte çonsideratiçu. Quoi qu’il en. soit, la daine de Reyrolles a lait ce qu’elle
�devoit^fatèe j
((!& * )'
,
„
'fjlTèlIé'a eti de l ’esp o ir, elle a g a rd é ie Silcnce'V
et quand la m ort ne lui a plus présenté qu ’une étrangère à pour
suivré^'éllé-Sï réclâïrië’Be's'dfoit^inüri10^ 3nu UP 3j
n39° B"
L a demoiselle Maigne ri’è'st pas le'prem ier héritier qüv'àit opposé que là nullité d’un divorce ne pouvoit pas être demandée contre
lui. M ais la cour de cassation a décidé le contraire Jpar arrêt du
14 "vendémiaire anf,io .
i f>Y
li:
■■o.-aïo. ->nu
L a deuxième fin7de non -recevoir‘ n ’ a pas même le hlérite de
fonder un raisonnement sur le bon sens.
' *
'»rut;
Parce que la loi transitoire du 26 germinal a dit : Tous divorces :
■prononcés, etc., auront leurs effets / o n en a conclu qu’à com pler'
dé fcétte loi il n’étoit plus possible^d’attaquei* les précédons divorces?*
«C’est-à-dire que si la veillé de la loi nouvelle un divorce‘avdit1
été prononcé sans aucunes épreuves ,fIles époux n ’en seroient pasP
moins séparés à jam ais; et c ’est ainsi qu'on fait Finjure ali légtà-P
lateur de lui prêter des pensées irréfléchies et monstrueuses. ainu^
l M àis la demoiselle M aigne n’a réussi à se faire un moyen dè là'P
loi du-a6 germinal qu’en1 tronquant entièrement l’article invoqulél3^
« T o u s divorces‘prononcés par des officiers de l ’état civ il,"6 tr('
» autorisés par jugem ent, avant la publication du titre'd ù Codef1^
» civil relatif au divorce, auront leurs effets conformément aux
» lois qui existoient avant cette publication. »
Ainsi le législateur n ’a pas commis la faute de valider ce qui étoit
nul, il a au contraire déclaré ne valider que ce que la loi existante 3
lors du divorce approuvoit expressément. Incivile erat, nisi lotâ
legeperspeeld, judicare. M aintenant que l’article entier est rétabli,
l ’objection de la demoiselle Maigne se rétorque contre elle.
D
e u x i è m e
Q
u e s t i o n
.
L e divorce du 28 ju illet iy g 3 est-il valable ?
Comment le seroit-il? il y en a trois dans un seul.
Ces trois espèces de divorces exigeoient trois sortes d’épreuves et
�(
16
)
de procédures. L e sieur de R e yro llcs, plus pressé qu’il ne dcvoit
l ’è lre , a m a l g a m a to u t , et interrompit au milieu de son cours une
p r e m i è r e procédure, pour lui en substituer une seconde qui ne s’ y
allioit pas.
L a nature de toute procédure se fixe irrévocablement par la
demande introductive. L e sieur de R eyrolles, par son exploit ori
ginaire du 24 mai 179 3, avoit form é demande en divorce, soit
pour absence depuis neuf ans, soit pour incompatibilité d’ humeur
et de caractère. Cependant le divorce est prononcé sous prétexte
de consentement mutuel.
L e divorce pouvoit être dem andé , comme cause déterminée pour
absence pendant cinq ans sans nouvelles , ou pour abandon pen
dant deux ans. ( 2\ loi du 20 septembre 179 2, § . 1 , art. 4. )
Si le sieur de Reyrolles eût voulu un divorce pour absence pen
dant cinq ans sans nouvelles, il lui falloit pour première pièce
un acte de notoriété constatant celte longue absence ( § . 2 , art. 17) :
mais sa femme étoit près de lui le 24 mai 1793.
S ’il eût voulu un divorce pour abandon pendant deux ans , il
falloit assigner sa femme devant un tribunal de famille ( art. 18 ) ,
parce que le fait d’abandon comportoit une défense justificative.
O r , il étoit constant que la dame de Reyrolles n’étoit allée à
Lim oges qu’avec l’agréncient de son mari , qu’elle y recevoit ses
lettres et une pension annuelle. Mais ce n ’est pas pour abandon que
le sieur de Reyrolles demanda le divorce : l'exploit n’en dit rien.
Pour incompatibilité d ’hum eur, le sieur de Reyrollcs avoit sa
marche tracée d ’une manière positive.
« Il convoquera une première assemblée de parcns, ou d ’amis à
» défaut de pareils , laquelle ne pourra avoir lieu qu’un mois après
») la convocation. ( § . 3 , art. 8. )
» La convocation sera faite psr l’un des officiers m unicipaux....
» L ’acte en sera signifié à l’époux défendeur. ( A rt. 9» )
» Si la conciliation n ’a pas lieu , l’assemblée se prorogera à deux
» mois , et les époux y seront ajournés. A l’expiration des deux
» m o is. . . si les représentations ne peuvent encore concilier les
époux,
�« époux.,
§e,prorogera à^trbis mois* (t Ar.U-. 10 e t - n . )
(i>) Si,^.lja, tr,bisicmGl?éançe-le(provoquant persiste , acte en sera
>tpressé. l l 9JuL>en- scip -délivré expédition >qqu’il fera signifier à
» l’époux "défendeur. » ( A rt. 12. )
;" ! *®BCÏ
„ L e sieur^de Reyrolles provoqua un divorce le 24 mai ,.sans acte
de^convocation d’un officier, municipal, j J ^iviJDiihoaiQi .obnfitnob
Il ne nomma, point 4 <r parens ; iljindiqua.seulem ent' des amis ,
sans même exprimer, cjue ce fû t à-défaut de parens.
aiioq
^ L a première assemblée eut lieu le 27, juin 1793 .11 en fut dressé
acte; mais aucune signification n’a été faite à?la dam e-de Rey-;
rp lles, parce que les moteurs craignoient que» dans l ’intervalle les
choses fussent pacifiées.
8ns p n h .intîbnéf? oaroads
Il n’y a ainsi pas eu, de divorce pour^incompatibilité d’humeur p
pas plus que pour absence. nu ,jluo-r
g o lk ^ f-»- ^b'r.j-r.a 0! i£ . nC e seroit donc lun divorce pan consentem ent m utuel qu’il faui*
droit valider.
: r»n ohatoo ou
M ais l’acte prim itif,y,est un obstacle perpétuel; oniveütcepen-:
ejant que les actes qui suiv/entaient corrigé cette première procédure.
^ La loi en exigeoit une absolument différente. : ? T^iigie^c jiollfit
s«. L e ’ mari et.la, fqmme qui demanderont conjointement le d i-j
»i^vorce, seront tenus de convoquer une assemblée de six au moins'
» des plus proches parens , ou d’amis à défaut de parens. ( §• 2 ,i
art, t " . )
» f;
•
■<{iu io '.oniiai
(>> L ’assemblée,sera convoquée à jour fixe et lieu convenu avec^
» les parens ou amis. . . . L ’acte de convocation sera <signifié par
» un huissier aux parens ou amis convoqués. ( A rt. 2. ) '*
' ' •
» Les deux époux se présenteront en personne à l’assemblée ; ils
» ,y exposeront qu’ils demandent le divorce. » ( A r t . 4. )
. L e but de la loi se remarque assez par la différence des actes
préliminaires. „ ,
. fr i f
-,vf ; c i:
o.
L ’incompatibilité pouvoit n ’avoir lieu que d e là part d’un époux:
la procédure devoit donc avoir des formes hostiles ; c’est pourquoi
U convocation devoit être réglée par un officier m u n icip al, et un
•I G
*—
�( 18 )
huissier devoit sommer répouxr défendeur do concourir à la form a
tion de l'assem blée, et d 'y com paroître.><ib al il, ooirf c iup 'nub
M ais le divorce par consentement m utuelisupposoit.dedaipart
des époux un accord préalable né d’une égale satiété’ de vivre
ensemble. L a loi vouloit donc la preuve évidente qu’ils avoient
un désir unanime de mettre fin à une cohabitation ¡insupportable ;
et de là vient que, pour éprouver l’uniformité de cette vocation,
la loi exigeoit une simultanéité dans les démarches;
i A in s i, bien loin de'se signifier par huissier une nomination de
parens , et par actes séparés , ce qui marqueroit une provocation ,
la loi a voulu que le mari et la femme indiquassent ensemble les
parens,'en les choisissant par moitié; elle a voulu qu’ils demandassent
le divorce conjointement .* ce qui exprime avec clarté que la loi ne
veut ni demandeur ni défendeur.
«i):L a demoiselle Maigne objectera-t-elle que le but est également
rempli quand l’un des époux a requis le divorce et que l’autre y a
consenti ? Mais voilà une provocation , voilà un défendeur en
divorce : ce n ’est plus une demande conjointe , et l’intention de la
loi est manquée.
Souvent l’incompatibilité d’humeur pouvoit être égale; mais la
moralité de l’Un des époux peut répugner à un remède désiré
par l’autre. T e l époux ne se résoudroit jamais à vouloir le di
vorce , q u i, provoqué par une dem ande, trouve dans sa fierté une
adhésion qui n ’étoit pas dans son cœur ; sa répugnance est vaincue
par l’idée que la loi ne lui a offert aucun moyen de résister à l’at
taque, et, dans son accord m êm e, son opinion est soulagée en se
disant qu’il n ’a point été le provocateur.
Mais pourquoi chercher l’intention de la loi quand elle est claire?
Non omnium quai à majoribus constitutn surit ratio reddi potest.
11 est encore un principe bien constant en tait de lois rigoureuses,
c’est que toutes les formalités doivent être suivies à la lettre sous
peine de nullité ; et la loi du l\ germinal an 2 a étendu cette peine
à l'inobservation des formes prescrites par toutes les lois rendues
depuis 1789.
�( * 9 )
C e serolt donc s'abuser étrangement que de voir dans la procé
dure qui a précédé le divorceiprononcé le 28 juillet 1793 ¿lies actes
préliminaires d ’un, divorce*par consentement mutuel.
.icl-fl
Non - seulement r. cette* procédure n ’est pas conforme à la l o i ,
mais le sieur de R cyrollesja donné un autre nom au divorce par
lui demandé.i II a requis seul le divorce ; et si sa femme a répondu
par un second acte qu’i l n ’avoit fait que prévenir ses intentions,
elle n ’a pas pour cela changé la nature d’une dem ande, tellement
indélébile qu’elleine comportoit ni opposition ,r<ni débats , ,ni ju
gement.
eimpr
Lors de l’assemblée , la dame de Reyrolles ne parolt .encore que
pour répondre ; elle ne requiert pas le divorce , elle veut seulement
suivre la volonté de son mari. A u lieu de demander conjointement
le divorce, elle donne les mains à la demande, ¿/son m a r i y persiste.
Alors le mari persiste ; donc c’est lui seul qui veut le divorce ,
c’est lui seul qui le provoque et qui le consomme.
¡min
Voilà cependant ce que l ’officier public , dans l’oubli dejses
devoirs , a reçu comme les épreuves suffisantes d’un divorce.-.. >y-ib
U n divorce commencé pour incompatibilité d ’humeur exigeait
une toule d’actes et de longs délais ; cet officier public s’est contenté
d ’un seul acte et de trente-trois jours de délai.
... ext’
C ’est donc ainsi que la sainteté du mariage auroit été mise à la
merci de l’arbitraire ou du caprice , pour ne rien dire de plus.
Mais il seroit insensé de justifier cette procédure dans ses délais
etdanssa forme; elle a péché encore par une irrégularité non moins
grande. L e sieur de Reyrolles semble avoir voulu esquiver les repré
sentations de sa fam ille, car il n’a appelé aucun de ses parons à
son divorce.
Ici encore la loi a marqué entre les doux procédures une dif
férence notable. Pour l’incompatibilité d ’h u m eu r, il suffisoit de
parens ou amis ; mais pour le consentement m u tu el, la loi a voulu
la convocation des plus proches parens.
S i , comme veut le dire la demoiselle Maigne , il eut été égal
d’avoir des am is, c ’étoit inutilement que lu loi étoit plus exigeante
C 2
�!
i
( 20 )
pour le consentement mutuel. M ais , sans raisonner plus long-temps
sur un point déjà trop évident , il suffit de remarquer que la loi
ne vouloit des àtttis q u 'à défaut de parens.? S & sa .
w i c r ’' !
Oseroit-on. supposer qu’à Brioude le sieur de Reyrolles n ’avoit
pas de parens? cela est aisé à démentir : mais si cela eût été
vrai , il falloit au moins l'exprimer. T o u t acte de formalité doit por
ter avec lui-même la preuve que celte formalité a été'rcm plie. Déjà
la cour d’ap p el, dans une cause sem blable, a annullé un divorce
entre des habitans deR iom , par arrêt du 26 pluviôse an 10 , sur le
m o tif que les actes n’exprimoient pas que des amis n ’eusSent été
appelés qu’à défaut de parens.
Que signifie même cet acte si précipité, qu’on dénomme si impro
prement un acte de divorce? L ’officier public, de sa pleine puissance,
y dissout un contrat de mariage passé devant Couguetet Héraud ,
notaivés , le 7 novembre 1774* Mais jamais on n ’a ouï dire que ce
fût le contrat notarié qui donnât l’état civil aux époux, et consti
tuât le mariage. A vant 1792, l’église donnoit tout à la fois l ’état
civil et le sacrement ; le mariage ne tenoit son essence que de la
célébration. Or , ce n’est pas l’acte de célébration du 8 novembre
qui a été dissous, mais un simple contrat privé, réglant des affaires
d’intérêt, et totalement incapable d’opérer un mariage.
Enfin , la loi du 20 septembre a exigé que « tous actes de divorce
» fussent sujets aux mêmes formalités d’enregistrement et de publi» cation que l'étoient les jugemens de séparation » ( §. 5 , art. 1 1 . )
O r , le divorce opposé ne paroit pas même avoir été enregistré.
On avoitobjectéà Iadame de Reyrolles qu’elle-même avoit assigné
pour la prononciation du divorce. Elle ignore si aucun exploit
existe, car elle n ’en a jamais donné l’ordre ; m ais, quand on supposcroit le contraire, prétendroit-on sérieusement qu’une défende
resse en divorce a pu provoquer à son tour un divorce par con
sentement mutuel ?
U n exploit après le changement de formalités auroit rétabli la
procédure pour incompatibilité d ’humeur , et cet exploit même
seroit une nullité de plus.
�C 2 1 .0
s ,,; “ '" t W ' Î s ' ! ï m e
<[j; oupicm -t sb Jiliiia ;i
U E S T I
0
Tî.
S i le divorce n'a pas été valable, a-t-il pu néanmoins elre valide
,l par une convention particulière de la dame de Reyrolles? '
'>■
>
.ru ■ii n
_
rr
t;'
U n contrat qui n ’intéresse que les deux parties peut sans doute
ne dépendre que d ’elles seules, et alors il est rompu aussitôjL qu’elles
.en. ont exprimé ^ „vo lo n té..
:Ji.
rJi
Mais un contrat qui intéresse la société entière ne peut se dis- .
soudre que par des actes publics et authentiques, et dans les fornies^
rigoureusement exigées. Cette différence est sensible, et tient à la
nature du contrat de mariage.
n
Oser dire,qu’il est un simple contrat privé n ’est qu’une hérésie^
insoutenable; elle est condamnée par toutes nos lois ; et les ^°"-^
mains eux-mêm es, qui cependant admettaient la répudiation et
.divorce, nous ont transmis les idées grandes et nobles qu’ils avoient ^
sur l’importance çlu mariage.
, n.
,
,
« Parmi toutes les institutions hum aines, a dit Justinien, rien^
» n’est si sacré et si important que le mariage, car c’est par lui que
» sc forme la suite des génératioiis; c’est par lui que se peuplent
» les régions et que les cités fleurissent : il est le conservateur de^
» la république et la source de sa prospérité. »
N ihil in rebus mortalibus perindé 'venerandum est atque matrimonium : quippeecc quo liberi , omnisque deinceps sobolis sériés
existâ t} qnod regiones atque civitates fréquenter reddat, undè
denique reipublicœ coaugmentatio fia t. ( N ovell. i/jo. )
T o u t ce qui lenoit au mariage participoit chez les Romains de
cette considération. Les dots étoieut aussi considérées comme objet
d’intérêt public : Ileipublicœ interest dotes mtdieram salvas esse.
L e divorce avoit aussi mérité l’atlention du législateur; il en
déterm inoitlcs form es, et exigeoit l’avis de la famille et la présence
de sept témoins, afin que leur nom bre, leur influence et leurs représentalipns fussent un frein ù la rupture du mariage, ( jf . D e
divortius et repudiiis. )
�iSV.El si
formes n ’étoient pas exactement suivies, le divorce étoit
radicalement nul : Nidlum divortium ralwn est. ( L . 9 . eod. ) *
3»
■cetlemullité n ’aüroit pas été textuelle, elle eût été pro
noncée' par la loi qui portoit que toutes[lés conventions faites contre
le'droit civil, contra juris civilis régulas t étoient nulles de plein
droit, etUic produisoient aucune action. ( L . 28, f f . D e pactis.)
\s' O r, il n?étoit pas douteux que la form e de dissolution du mariage
ne fû t réglée par le droit civil : Jure civili dissolvere solet matri-ntoninmM^ L . 1 1 , f f . D e divort. et rep. )
l e s
Q
u
a
n
d
D ’autres lois disent expressément que tout ce qui tient à l’état
des hommes n’est pas en leur pouvoir, parce qu’on ne peut changer
la condition des personnes : Status hominis ■vel conditio personarum mutari non potest. ( L . liheros, c. D e lib. c .)
ob Sans- doute ces principes suffiroient pour établir qu’un divorce
n ’est pas susceptible d’être validé par des conventions particulières;
et ilirésisteroit d’ailleurs au bon sens que la loi eût exigé des formes
rigoureuses, et que cependant elle eût permis aux époux de s’en
dispenser indirectement.
tr
'ii M ais la loi, après avoir exprimé scrupuleusement les formes à suivre
?pour le divorce, avoit aussi prévu que des époux trop peu attachés
à son observation pourroient se permettre des traités pour valider ce
qu’elle ne valide pas; et, par une prévoyance très-conséquente, elle
repousse ces conventions illégales, et les déclare radicalement nulles.
Pactiones sanè si quæ adversus prœsentia scita nostrœ majestatis fuerint attenlatœ, tanquam legibus contrarias nullam liabere ■vohtrnus fimiitatem. ( L . 8 , code D e repudiis. )
Ainsi la question est disertement jugée par la loi elle-même.
Si un divorce n’a pas été légalement fa it, les époux ne peuvent
ensuite le valider par aucune convention.
'
Sans doute la demoiselle Maigne ne prétendra pas que ces prin
cipes soient combattus par aucune loi française. On dem ande,
dit Vinnius, s’il est permis de transiger sur la validité des mariages:
oui, répond-il, s’il s’ngil de valider le mariage : Ut sponsa manval sponsa, placcl Iransaclionem valcrc; mais la transaction est
�(
23 )
absolument n u lle , s’il s?agit de relâcher le lien’ du mariage. ( P in n .
D e trans. ) ,v\ )
«\v\Y&rc u\ui'
■
'
1tj 11 ■*'' fP
L a demoiselle M aigne t opposera-t-elle la loi du 20 septembre
1792. M ais quelle, que fù tll’opinion du tem ps, elle n ’y trouvera
rien de favorable à son système. « L a dissolubilité spontanée du
» m ariage, disoit lis rapporteur de celte l o i , la liberté d en con» tracter un second , après un premier qui ne seroil pas légalem ent
» rom pu, seroit une liberté immorale et impolitique. »
Aussi la loi du 20 septembre s’exprime-t-elle d’une manière 1resconforme aux principes enseignés par les lois romaines. :iui
« L e mariage est dissous par le divorce légalement prononcé.
)> Les époux ne peuvent contracter un second mariage qu’apres
)) que le premier aura été dissous conformément aux lois. » mv
j: Que la demoiselle M aigne ne se dissimule pas toutejla force de
l’expression ne peuvent. T outes les fo is, dit Dum oulin , qu’elle se
trouve dans les lois de rigueur, elle marque la plus forte des prohi
bitions ; elle ôte la puissance de droit et de fait , et a le même
résultat que l’impossibilité absolue.
n (nii
Il en résulte donc que la demoiselle M aigne n ’a jamais pu être
l’épouse du sieur de Reyrolles , dès que son divorce n ’a pas été
fait conformément aux lois.
L e Code civil répète ces dispositions de la loi du 20 septembre.
Rien n’est plus c la ir , et il est difficile d’y voir que si le divorce
n’est pas légalement prononcé, on pourra dissoudre le m a r i a g e par
des conventions particulières.
D ’ailleurs , suivant le Code civil , il faut pour la validité d une
convention, 1“. la capacité de contracter, 2°. une cause licite dans
l’obligation. ( A rt. 1108. ) O r, suivant l’art. 11 2/,, la femme mariée
est incapable de contracter elle-même ; e t , d’après l’art. 1 i5 3 , la
cause est illicite quand elle est prohibée par la l o i , ou contraire à
l’ordre public.
Se départir de son étal civil est sans doute la plus grande dis
position qu’une femme mariée puisse faire; et cependant <Ile n’a
Tas la capacité de faire des dispositions bien moindres. Com m ent
�(, 24 )
t r a i t e r o i t - e l l e librem ent avec son m a r i , à qui elle doit obéissance,
et qu’elle est obligée de suivre partout où il juge à propos de ré- sider? ( A r t . a i 5 et 2 i 4 * ) q ne 'n .. \ii
Ui
L e mari lui-même , chef de la puissance maritale , ne peut y
x déroger et s’en départir par une convention. ( A rt. i 388 . ) C om , m ent donc concevoir que le mariage soit dépendant d’une transac
tion , quand la puissance maritale n ’en seroit pas susceptible, elle
g qui n ’est cependant qu’un effet ou une émanation du m ariage?
t. Jusqu’ici la dame de Reyrolles a supposé un traité sur la vali
dité de son divorce; e t , dans ce cas m êm e, il est évident qu’un
: traité seroit nul : mais il n ’en existe d ’aucune espèce ; et ce que la
»demoiselle Maigne appelle à son secours , est seulement une appro
bation du divorce , résultante du traité de l’an 5 et de quelques
Ê'exploits; io
ar <usb L a dame de Reyrollea, objecte la demoiselle M aigne, s’est donnée
¿plusieurs fois la qualité de fem m e divorcée: donc elle a approuvé,
s (elle a ratifié, elle a validé son acte de divorce.
•Ji<> Ge qu’on n ’oseroit pas dire pour l’acte du plus mince in térêt, la
demoiselle Maigne le propose avec assurance pour une dissolution
de< mariage.
• M ais peut-on s’imprimer une qualité qu’on n’a p a s, et perdre
■par un seul mot son état civil ? Un mineur cesse-t-il de l’êtreen
se disant majeur? et un époux, en se disant veuf, cesseroit-il d’être
engagé dans les liens du mariage?
L ’exécution d’un acte n u l, dit M . Cochin dans son 37*. plai
d o y e r, n ’en a jamais opéré la ratification; c a r , dans les cas où
la loi donne dix ans pour réclam er, si chaque acte d ’exécution
opère une ratification , il faudroit dire que la loi n ’a accordé aucun
délai ; et au contraire tout le monde sait qu’il ne faut considérer que
l’acte nul , et compter pour rien son exécution.
D e même , la dame de Reyrolles ayant coopéré par sa signature
à un premier acte n u l, c ’est-à-dire , à son d iv o rce, tout ce qu’elle
a fait ensuite n’en a été que l’exécution.
11 falloit qu’elle réclamât ou exécutât. M ais, étant en puissance
maritale ,
�( * 5 )
m aritale, elle avoit au moins dix ans pour réclamér à compter du
décès de. son mari : jusque-là ellç éto ird o n c forcée d’exécuter un
divorce n u l, car son intérêt n’étoit pas de réclamer , de peur que
son mari ne divorçât une seconde fois plus régulièrement.
Sans doute la restitution de sa dot étoit la première execution
du divorce ; et on a vu comment elle fut forcée par des offres à
traiter pour ce que voulut le sieur de Reyrolles. L e c o m p t e d'ins
truction qu’il lui devoit comme m andataire, pour avoir touché des
droits successifs inconnus, exigeoit d ’après les lois un détail qu’il n’a
pas donné; et quand cette partie de la cause , pendante encore de
vant les premiers juges , sera remise en discussion , la dame de
Reyrolles prouvera l’abus évident de la puissance m aritale, et le
tort considérable qui lui a été fait.
!
L a dame de Reyrolles n’a point traité sur son divorce : elle n’ a
fait que l'exécuter par contrainte. Pour exister , elle fut obligée de
form er quelques demandes ; et sans doute pour la régularité des
exploits, ne pouvant se dire’ autorisée du sieur de R eyro lles, elle
étoit forcée de se dire divorcée pour recevoir ce qu’elle demandoit.
n Mais toutes les fois que cette qualité n’étoit pas de form e néces
saire , la dame de Reyrolles s’abstenoit de la prendre ; elle peut
représenter plus de soixante actes où elle ne se l’est pas donnée ;
elle a meme prouvé, par les registres de son m a ri, qu’il n ’a pas
cessé de lui donner par écrit le nom de Floral-Reyrolles après le
prétendu divorce.
L exécution d’un acte n u l, on le répète, n ’a jamais produit une
ratification ; et le Code civil a fait aujourd’hui une loi du célèbre
passage de Dum oulin sur cette matière. « L a ratification d ’une
» obligation contre laquelle la loi admet l’action en nullité ou en
» rescision , n ’est valable que lorsqu’on y trouve la substance de
» cette obligation, la mention du m otif de l’action en rescision
» et l’intention de réparer le vice sur lequel cette action est fondée. »
( A rt. i 338 . )
Une donation nulle ne peut même être ratifiée : il faut la refaire
en forme légale . (A r t. jojçj. ) U n divorce auroit-il moins intéressé
D
�( 26?
le législateur? et pensera-t-on qu’il fût plutôt susceptible d’une
simple ratification?
jurisprudence ne s'est jamais écartée de ces principes. Un
L
a
’
jugement a été cassé le
messidor an 4 , parce que des quittances
données en viduité avoient été réputées ratification d’une vente de
bien dotal en coutume d’A uvergne, « attendu que les formalités
» n’ ont pas été remplies, et que l’ exécution pendant plusieurs
» années du traité du ...... n’ a pu valider un acte nul dans son
» principe. »
Cependant la demoiselle Maigne insiste, et il lui semble que tous
les principes qu’on vient de lui rappeler ont été renversés par un
arrêt récent de la cour de cassation, qui a jugé en tlièse, dit-elle,
que le mariage et le divorce ne sont plus des contrats d’ordre publie,
et qu’on est non recevable à 'demander la nullité d’un divorce quand
on l ’a approuvé par des actes subséquens.
Mais ce n ’est là qu’une calomnie de la demoiselle Maigne contre
la cour de cassation , qui ne peut être sérieusement accusée d’un
tel paradoxe. II n’étoit question devant elle que d’un divorce va
lable, d ès-lo rs la cause n’est plus la même.
Cependant un arrêt de cassation est une arme trop puissante
pour qu’il suffise de ne se défendre contr’elle qu’avec cette seule in
dication. L a dame de Reyrolles va en rappeler l’espèce précise, et
il sera aise de voir que la demoiselle M aigne a voulu seulement
abuser de quelques expressions fugitives et ambiguës d’un arrêt de
circonstance.
« L e sieur B ocliler, après avoir reconnu dans plusieurs contrats
» la validité du divorce obtenu par sa fem m e, avoit cependant
» tenté de le faire annuller par justice.
» C elle-ci, en repoussant les nullités, opposoit d ’ailleurs et pé» rcinptoircmenl que son ci-d eva n t mari étoit non recevable >
» attendu qu’il avoit reconnu la validité du divorce.
» A rrêt de la cour d ’appel séante à T rê v e s, qui admet la fin de
n non-recevoir ; attendu que les moyens de nullité étoient sans
» fondement ; et encore, attendu que le mari a pu et voulu renoncer
�( 27 )
» au droit qu’ il avoit de pontes ter les effets civils du divorce de aon
» épouse.
Boni1 ■
’
“
i> Pourvoi en cassation, pour contravention à l’article 6 du Code
« c iv il.
'pooiiK, , ...
.«■
3'
>5 '» L e demandeur soutenoit qu’une convention „tendante à lairc,
» valoir un acte de divorce n u l, seroit contraire à l’ordre public,
» et aux bonnes mœurs ; qu’ain si, en supposant le tait de recon« noissance ou consentement par le m ari, la cour d’appel n auro.it,
» pu conclure, en point de d ro it, que par la force de cette çon» vention le divorce fû t devenu inattaquable.
,ncbn "
» A r r ê t . — Attendu qu’en ajoutant à la considération de là non
» application des lois invoquées par le demandeur a u x , .actes pars
» lui attaqués, celle de l’approbation par lui donnée h la régulant^
»- de ces actes, et même celle de la reconnoissance par lui faitç.d_an$9
» d’autres actes publics de sa qualité de fem m e divorcée, à cell^j
n qui a fait prononcer le divorce d ’avec lu i, la cour d’appel n a
» pas violé l’art. 6 du Code civil, q u i, défendant de déroger,par.
» des conventions particulières a Vordre public et aux bopyqfy
» mœurs, et bornant sa défense à ce qui concerne ces objets d ’in»' térêt public, a voulu permettre l’effet des reconnoissancçs,ct cc^ui
» des transactions sur Vintérêt civil et privé ; ce qu’il a formelle-;.
» ment exprimé dans Fart. 2046, et ce que la loi transitoire do.
» floréal an 11 a spécialement appliqué au divorce.
» La cour rejette.
» D u 24 pluviôse an i 3 . — Section des requêtes. »
( Sircj', an 1 5 , pag. 2 25. )
Combien de différences notables entre cet r.rrêt et la cause!
Après un divorce demandé et obtenu par une femme , c’est le
mari qui, n’étant sous la puissance de personne, fait des conven
tions sur ce divorce.
Il traite librem ent; il n’est pas incapable.
11 traite sur les inlérdts civils du divorce.
11 ne traite pas seulement sur la suite du divorce, mais il reconnoit par plusieurs actes la 'validité du divorce.
D a
�( »8?) )
En
p la id a n t
jfil ne peut pas m êm e prouver que le divorce ait été-
nul d’aucune n u llité. ! »Myin /I olfoeiomob c l 9rnmo 3 àbioàb seq îaa '8
L a c o u r d’appel en effet ne se décide que par ce m otifif: q
En cassation, l'époux n ’essaye pas même encore de prétendre que
son divorce est n u l, et il se borne à une dissertation polémique
s u r l’effet de la ratification qu’il a donnée. >
noi
p
A insi la position de la question n’étoit pas de savoir s’il avoitr.
pustransiger sur un divorce n u l, mais s’il pouvoit faire rescinder
un traité relatif aux intérêts civils, par cela seul qu’il avoit aussi
transigé sur la validité du divorce.
C ’est donc encore le fait qui a décidé la cour de cassation ; et/n
si ses motifs donnent à méditer sur leur sens, il n’en résulte qu’une >
plus grande conviction qu’elle a clairement distingué ce qui tcnoit
à l’ ordre public et à Vintérêt civil et privé, et qu’elle ne s’est dé- \\>
cidée à juger aussi Je sieur Boehler non recevable, qu’en ce que, le
divorce étant valable, ses traités étoient étrangers à l’ordre public.
L e m otif pris de l’art. 2046 du Code le prouve. 11 porte qu’on
peut traiter sur l’intérêt privé résultant d’un délit. O n n ’est doncrd
pas libre de traiter aussi pour l’intérêt de la société.
E t comme une femme ne peut pas être épouse respectivement
au corps social, et divorcée pour sa fam ille et pour elle-m êm e,
il en résulte qu’elle peut bien traiter pour son intérêt privé, mais
seulement après que l’ ordre social n’ a plus d’ intérêt; c’est-à-dire,
quand son divorce a été consommé conformément aux lois.
L ’arrêt de cassation est donc b h n loin d’être favorable à la de
moiselle M aigne, qui ne peut pas exciper d’un divorce légal, après
lequel sans doute la dame de Reyrolles eût pu traiter sur les intérêts
civils résultans de son mariage.
L a demoiselle M aigne , en citant cet a rrê t, a prétendu , avec
le rédacteur, que l’article G du titre préliminaire du Code ne porte
qu’une prohibition obscure et incertaine, qui ne peut s’appliquer
à la cause, parce que les traités sur les divorces 11e sont pas d ’ordre
public.
Il est vrai que ce rédacteur propose cette obscurité, seulement
�commoiun-doute;»mais il termine de maniéré à prouver qu i! ne
s’est pas décidé comme la demoiselle M aigne l’entend, onuaur, !• \v\s\
Cependant sa.première application semble fautive j car en (rédui
sant la définition? d'ordre public ù ce qui concerne l’état de la
république-, quodadstatum reipublicce pertinet, il n’ appas remar-joe
qué que l’expression jus publicum étoit alternativement employee uô
parties lois romaines pour le droit public et pour l’ ordre public;
ce qui comporte encore une nuance nécessaire à distinguer, com m eaq
on peut le prouverJpar des exemples.
¡JbI-.
:-'ü
nu
Lorsqu’avant les novelles , la défense de distraire lai_falcidie it
n’éloit pas permise, si un testateur avoit voulu en prescrire la dis
traction , à peine par son héritier de payer une somme aux léga-, 12
taires, cette disposition étoit déclarée nulle, comme contraire^au lq
droit public , et toute action étoit déniée aux légataires
&
Cependant une telle nullité n’intéressoit aucunement Vétat\de la.hd
république.
..
o io y ib
Si en donnant la dot au mari on avoit stipulé qu’il ne contribueroit pas aux frais d’inhumation que la loi mettoit à la chargeaq
de la dot, celui qui avoit payé ces frais n ’en avoit pas moins unesq
action en répétition contre le m ari, et il ne pouvoit pas opposer sa
stipulation , parce que la loi la déclaroit nulle et attentatoire auüt
droit public (2)... Cependant encore l’état de la république étoit
fort étranger à cette convention.
.110
____________________ __________________________________ l:
(1) Frater curn hceredem sororem scriberet, et alinm ab eà, oui donattim %>olebat, j tipulnri curavit ne falcidià uCeretur , et ut certain pecurtiam , si contrd fecisset , preestare , privatorum cautions legibus non esse
refragandum conslitit et ideo sororem
rétention habi
ta ram , et actionem ex stipulant denegandam. ( L. i 5 ,ff. A d leg.falc. )
:
j u
r e
v u h l i c o
<■ m
(a) Neralitis queerit si is (/ni dotent dederat pro muliere , stipulatus
est.... Ne qtiid maritus in fanus conferret, an fitneraiia maritus leneatur>
et ait... Si alius funeravit, posse eum maritum convenire, quia pacto hoo
*us ruiiu cu ii infringi non possit. (L . 20 ,ff. De relig. et sumpt.)
�( 30 )
• Ccs dJspófcitioTiá n ’étoient donc que d'ordre public? et la loi ne
v o u lo il' >á¿ qti’elles pussent êtie é lu d a s1 par des conventions partic id U 'r e s ^
Cotnm ent donc seroit-il proposable de'supposer à la
Volubition' de dissoudre le mariage!, un moindre intérêt d ’ordre
piibÚc? et au lieu de se jeter dans ^application vague de la loi 6 ,
cod . D e petetis ; ' cl de l’art. 6 du C o d e, comment ne pas trouver
une' nullité radicale aux divorces faits' sans toutes les formalités ,1
quand la loi a dit : Nnllum ratum est divortium, n isi, etc.? com
ment ne pas trouver une nullité radicale dans les conventions sur
les divorces, quand la loi a dit : Pactiones mdlam habere vohnnus
Jirmitatem, tanquam legibus contrarias? enfin, comment ne pas
voir'urie disposition prohibitive et irritante dans la loi du 20 sep
tem bre, quand elle dit qu’un second mariage ne peut être contracté
qu'après un divorce IdgaH
■
' ' ~
Quand les lois sont si claires, comment sero it-il possible de
penser' qu’une femme, à qui un divorce illégal n ’a pas ôté la qua
lité de femme mariée, ait pu s’en priver elle-m êm e en se disant
divorcée, et en ne transigeant pas même sur la validité du divorce
qii’on lui oppose?
•
-îo
Que reste-t-il donc à la demoiselle M aign e, si ce n’est de faire
diversion à la cause par la naissance d’un enfant, survenue, dit-elle,
long-temps après le divorce? Mais d’abord elle est convenue que la
date donnée à cette naissance étoit une erreur. Que n’avouoit-elle
avec la même franchise les circonstances explicatives dont elle étoit
mieux informée encore. On verroit qu’un époux chancelant entre'
une épouse et sa rivale, déterminé à fixer son irrésolution par un
retour à ses devoirs , en est tout à coup détourné par une séduc
tion toujours active ; habitare fa cit sterilem in domo , et la mcie
de ses onfans, repoussée comme une vile e sc la ^ , est obligée de cédcr
ù une étrangère lea honneurs du lit conjugal.
Eh ! qu'importe à la demoiselle Maigne cette naissance; est-ce
bien à elle à scruter la conduite d’une épouse ? Si cette conduite
étoit blâm able, cet adultère qu’elle proclame ne seroit-il pas
�son propre ouvrage? n ’eil porteroit - elle pas le poids éternel?
Mais il1ne s’agit point ici de la naissance d’un entant; il suffit
à la darne de Reyrolles de déclarer qu’elle n’a point à en rougir,
et qu’elle est à même|de présenter des témoignages non équivoques
pour sa justification. L e fait de celte naissance n’est ici employé
que comme moyen de la cau se, et parce que la qualité de ienune
divorcée y est donnée à la dame de Reyrolles. M ais ne seroit—il
pas bizarre q u e , dans la commune où un divorce a été prononcé,
l’officier public eût lui-même rendu à la femme la qualité d’épouse?
L ’objection est donc absolument nulle , et rentre d’ailleurs dans la
discussion précédente, où elle Irouve sa réponse.
Ainsi s’évanouissent tous les moyens de la demoiselle M aigne,^
et se justifie la décision des premiers juges. (|[~.
^
L e nom de veuve du sieur de Reyrolles lui est ôté , mais_(jl lui^.
en reste la fortune. L a dame de Reyrolles se borne à vouloir, çe
qui lui appartient , d ’après son contrat de mariage. N ’est-ce pas
assez qu’elle soit réduite à le demander à la demoiselle Maigne ;
qu’après vingt-neuf ans de mariage elle ait quelque chose à lui
envier , et que le sort de l’une et de l’ autre soit aujourd’hui si
différent?
T T
‘
'
Une réglé de droit a prévu ces caprices de la fo rtu n e ,e l le yœuj
du législateur n ’a pas balancé : M elius estfavere repetitioni quam
cidventitio lucro. L e sort des parties seroit écrit dans cette loi
seule , s’il n’étoit déjà réglé par des principes d’une plus haute
importance.
A u x yeux de la morale et de l’opinion, l’intimée ne cessera pas
d ’être la veuve de R eyrolles; elle le sera de même aux yeu x de la
co u r, puisque les lois ne réputent pas son mariage dissous. L a
demoiselle Maigne ne laissant pas de postérité, il ne s’agit point
ici du danger d’ôter un état civil à des enfans nés dans la bonne
foi. A in si, les principes demeurent dans toute leur force , et ne
sont vaincus par aucune considération. L a demoiselle Maigne est
réduite à des fins de non-rccevoir. Mais que signifient de misérables
�( 3 2 )
subterfuges dans une cause de cette nature ? Les magistrats n’y
verront qu’un mariage ou un d ivorce, c’e s t - à - d ir e , un objet
majeur et d ’ordre public. Alors disparoitront les personnes, l’in
térêt seul de la société sera mis en balance, et l’arrêt de la cour
sera tout à la fois une leçon de morale et un monument de juris
prudence.
Signé F L O R A T ,
veuve D E R E Y R O L L E S .
M e D E L A P C H I E R , avocat.
M e C R O I Z I E R , licencie avoué
A R IO M , de l’imprimerie de L a n d r io t, seul imprimeur de la
Cour d’appel. — Frim aire an 1 4
�
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Factums Marie
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A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Couguet-Florat, Marguerite. An 4?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Delapchier
Croizier
Subject
The topic of the resource
divorces
assignats
substitution de testaments
Description
An account of the resource
Mémoire Pour Marguerite Couguet-Florat, veuve du sieur de Reyrolles, intimée; Contre Catherine Maigne, se disant aussi veuve dudit sieur de Reyrolles , appelante.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa An 4
1774-Circa An 4
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
32 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0706
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0524
BCU_Factums_M0708
BCU_Factums_M0615
BCU_Factums_M0309
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Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Le Puy-en-Velay (43157)
Brioude (43040)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
assignats
divorces
substitution de testaments
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f7dba76bfa3ed43b145937137b9518b4
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C O N S U L T A T IO N
S u r le douaire stipulé en coutume d'Auvergne ,
en cas de viduité seulement
Le
, qui a vu le
contrat de mariage de Joseph Delafarge et de
Marie - A n n e Urion , du 17 janvier 1 7 7 6 , et
l ’assignation donnée à la requête de ladite MarieA n n e Urion et de Joseph D ufraisse, son second
mari, à Antoine Delafarge , son fils du premier
mariage, le
nivôse dernier, et auquel il a été
exposé que Joseph Delafarge est mort au mois
de mai 1793 ,
c o n s e il
s o u s s ig n é
23
E S T I M E que la demande en continuation
de paiement du douaire, formée par la mère
contre le fils, est parfaitement ridicule et abso
lument mal fondée,
A
c
�( 2- )
A
époque du contrat de mariage de 1 7 7 6 ,
et encore à celle du décès de Joseph D elafarge,
nous étions gouvernés par les dispositions de la
coutume d’Auvergne. O r , en Auvergne il n ’y
avoit point de douaire coutumier ; la femme ,
devenue v e u v e , ne pouvoit en prétendre contre
la succession de son mari, qu’autant qu’il lui en
avoit été constitué par son contrat de mariage.
Par la m ê m e raison qu’elle ne pouvoit pas
exiger un douaire, s’il ne lui en avoit pas été
^ constitué , aussi ne pouvoit-elle le demander que '
tel et de la manière qu’il avoit été stipulé.
D ’un autre c ô t é , l’usage le plus général de la
province étoît de ne constituer le douaire que
pour le temps de la viduité ; et p eut-être sur
cent contrats de mariage n ’en trouveroit-on pas
d e u x où la restriction du douaire , au temps de
la vid u ité, ne fût pas e x p r e s s é m e n t c o n v e n u e ?
D ans notre u sage, le douaire ne pouvoit donc
être considéré que comme un secours donné à la
fem m e devenue veuve , pour soutenir le nom et
l ’état du mari q u e lle avoit perdu. Ainsi , lors
qu’elle en perdoit le nom par un second mariage,
et qu’elle prenoit letat d u n nouveau mari,il n ’eût
pas été juste, sur-tout lorsqu’elle avoit des enfans ’
du premier mariage , d’enrichir le second mari
aux dépens des enfans du premier.
1
�fû ï
3
<.U
'
(
)
D ans le dernier état du droit romain, et par
la disposition de la novelle 2 2 , chapitres 43 e t ^
44 , la condition de ne point passer à d e ^ T * * ^
secondes noces , étoit valable
soit qu’elle
imposée par le mari dans une disposition qu’il
2t 2M *-*-'•
fa'isoit en faveur de sa fe m m e , soit qu’elle le fût/~v.»*LtM^hL..
par tout autre que le m ari, et elle emportoit
perte de la disposition par la feitime qui
trevenoit à la condition.
D ’ailleurs, on ne regardoit pas la disposition^'/'**^. * ti.
. faite par le mari en faveur de la femme pendant^
qu’elle demeureroit veuve , comme une interdic- ' * t • ¿ L . K
i
.
.
,
fa * .
tion de se remarier, mais seulement comme une
consolation et un soulagement que le mari lui
accordoit pendant sa viduité : hœc conditio , si
vid.ua erit , cum vidua e r it, non indicit viduitatem , sed solarium viduitati prœbet : c ’est ainsi
que s’en exprime élégamment j e savant Cujas ,
dans son commentaire de la novelle 22 ; de
même G o d e fro y , sur la loi dernière, au code de
indicta viduitate.
O n peut même dire que le douaire constitué
en A u v e r g e , pour avoir lieu pendant la viduité
seulem ent, ne peut pas, à proprement parler,
être considéré comme une disposition conditionnelle ; c’est seulement une disposition de la qua
lité de celles que Ricard appelle donations tem-*
A 2,
3
�(
4
)
poraires ou à tem p s, trait, des disp. cond. n. 7 ;
et les jurisconsultes font une distinction entre
la disposition d’usufruit faite par un mari à sa
fem m e, à condition de ne pas se remarier, et celle
de l’usufruit dont elle jouira, tandis qu’elle de
meurera en viduité : la première devenoit caduque
par l’effet du second mariage ; c etoit le cas de
la caution mucienne qui obligeoit la femme à la
restitution des fruits qu’elle avoit perçus pendant
sa vid uité, si elle venoit à passer à de secondes
n oces; au lieu que la disposition faite pour jouir,
tant quelle demeureroit veuve , n etoit en effet
qu’une disposition temporaire, qui se divisoit en
autant de dispositions, in singulos anno s , pour
chaque année de la vid uité, après laquelle seule
m ent la disposition cessoit, mais sans restitution
des fruits du temps antérieur.
D ’après c e la , et d’après la clause d’un contrat
* de mariage qui n ’accordoit un douaire à la femme
que pendant le temps de sa viduité seu lem en t,
certainement dans l’état de nos anciennes lois ,
une femme qui se seroit remariée, n ’auroit pas
eu l’impudeur de demander la continuation du
douaire.
Y auroit-il donc dans les lois survenues depuis
la révolution, y en auroit-il q u e l q u ’une qui auto
risât là femme remariée à exiger la continuation
�(
5
)
d un douaire stipulé en cas de vidurté seulement ?
11 paroît par la demande que la femme Dufraisse
vient de former contre son fils du premier mariage ,
qu’elle veut faire regarder la disposition de. son
contrat de mariage pour le •douaire, restreint au
temps de sa viduité , comme une clause impérative
et prohibitive, gênant la liberté de se remarier ,
et par cette raison proscrite par l’article Ier. de la
loi du
brumaire, an 2 , et l’art. 12 de celle du,*
J 7 nivôse, même année.
d " ' 11 y a deux réponses à cette objection.
i°. L a clause dont il s’agit n ’est par elle-même
ni impérative ni prohibitive. C e n ’est point une
disposition conditionnelle qui ait commandé à la
femme de ne point se remarier, qui lui ait dé
fendu de le faire ; c’est seulement une disposition
temporaire qui a été faite en sa faveur pour tout
le temps qu elle seroit veuve; et le second mariage
est si peu une condition imposée à la disposition,
q u e , venant à se remarier, la femme n ’auroit pas
été privée de son douaire pour le temps qu’elle
seroit demeurée veuve; au lieu qu e, si la disposition
lui eut été faite à condition de ne pas se remarier,
en se remariant, elle eût été, suivant nos anciennes
lois, sujette à la restitution des fruits qu’elle auroit
perçus pendant sa viduité. T elle est en effet la doc
trine des jurisconsultes, et particulièrement celle de
5
�C 6 )
Pérégrinus ,V<? Jpdeicommissis, art. t t , n°s. 122 et
, rappelée par les annotateurs de Ricard, des
dispositions conditionnelles, n°. 2 5 2 ; 'e n un m o t,
la disposition n ’emporte avec elle aucune prohibi
t io n de se remarier, aucun commandement de
garder la viduité, non indicit viduitatem, comme
.dit C ujas, ce n ’est qu’une consolation et un secours
qui lui est accordé pendant qu’elle demeurera
v e u v e , sed soLatium. viduitatiprœbct. Autre chose
est de détourner de se marier par l’imposition d’une
peine; autre chose d’inviter à la viduité par une
récom pense, dit Maynard en ses arrêts, tome
page 321 ; aliud est à nuptiis pœnâ deterreri, aliud
ad viduitatem prœmio invitari. D ès que la veuve
Delafarge., par un second mariage, est devenue
fem m e Duf'raisse, elle ne doit plus avoir c e q u in e
lui avoit été donné que comme une consolation
pendant sa viduité, consolation dont elle n ’a plus
besoin.
Il doit donc paroître évident que les nouvelles
lois de brumaire et de nivôse, seroient dans tous
.les cas sans application à la clause du premier con
trat de mariage de la femme Dufraisse, et que
cette clause n’est ni impérative ni prohibitive.
Mais il y a une seconde réponse à son objection.
Il doit paroître certain que ce ne scroit que par
lin effet rétroactif des deux lois de brumaire et de
123
�({(
(7
)
n iv ô se , que la femme Dufraisse pourroit s’en pré
valoir contre la clause expresse du contrat demariage
de 1 7 7 6 , antérieur de plus de, 1 7 ans à ces lois ,
et contre les lois qui étoient alors en vigueur, et
qui letoien t encore au décès du premier mari. E lle
ne pourroit pas dire en effet qu’avant l’existence
de ces lo is, elle auroit pu seulement hasarder la
prétention qu’elle élève aujourd’hui; elle eût été
alors sans doute rejetée avec indignation r elie sera
bien forcée d’en convenir. Donc il est évident que
c’est l’effet rétroactif de ces lois qu’elle invoque.
O n vient de prouver cependant qu’elles n ’ont pas
d’application à l’espèce. Mais quand elles auroient
pu s’y appliquer, ce n ’eût é t é .encore une fois que
par 1 effet- rétroactif qui y avoit d’abord été attaché.
O r, l’effet rétroactif étoit d’une souveraine injus
tice; et les législateurs, forcés de la reconnoitre, se
sont vus obligés de la corriger, en rapportant cçt
effet rétroactif par la, loi du 9 fructidor dernier. '
Ainsi le contrat de mariage étant de 1 7 7 6 , par
conséquent antérieur aux lois de b ru m a ire et de
n ivose, la mort même de Delafarge, premier mari,
étant aussi antérieure à ces lois, leurs dispositions,
fussent - elles applicables à l’esp èce, 11e peuvent
plus frapper sur un acte et sur un événement qui
les ont précédés, et la prétention de la'femme D u
fraisse se présente aujourd’huf avec autantr çTimpu-
Of
�ilk
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8
8
Ÿ f * ' ^ deur qu’elle auroit pu le faire avant des lois qu’elle
r f f f invoqueroit d’ailleurs sans aucun fondement ,
t f ,ak ^ quand même leur effet rétroactif n ’auroit pas été
^
rapporté.
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Délibéré à R i o m , le 10 pluviôse, an quatrième,
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ANDRAUD.
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T O UT TE E ,
G R A N C H IE R ,
T O U T T É E , fi!s ; P A G È S .
• N ota . L e citoyen Delafarge ; en faisant imprimer cette
consultation pour sa défense , croit devoir observer q u e ,
plein d’amour pour sa m ère, il n’a garde de lui imputer
une action q u’ il est persuadé qu’elle désavoue dans son
c œ u r : il ne l'attribue qu'a la c u p id ité d 'u n s e c o n d mari
qui d’ailleurs, suivant la pensée d’un ancien jurisconsulte,
doit avoir en haine les enfans du premier mari ; c um eos
o d io e i s i t m an ifcstum . L e citoyen D elafarge est douloureu
sement affecté de ne pouvoir arracher de sa mémoire do
tristes souvenirs.
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Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
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Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Delafarge, Joseph. An 4?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Andraud
Toutée
Granchier
Toutée, fils
Pagès
Subject
The topic of the resource
douaire
contrats de mariage
coutume d'Auvergne
secondes noces
conflit de lois
droit intermédiaire
droits de la femme
Description
An account of the resource
Titre complet : Consultation sur le douaire stipulé en coutume d'Auvergne en cas de viduité seulement.
Anotations manuscrites, énoncé du jugement. « Il n'y a pas de rétrocativité » etc.
Table Godemel : douaire : en auvergne, il n’y avait point de douaire coutumier, il fallait qu’il fut stipulé, et on ne pouvait le demander que tel et de la manière qu’il l’avait été. L’usage était de ne les instituer que pour le temps de la viduité. cette disposition purement temporaire n’était nullement prohibitive et ne restreignait pas la liberté de convoler. seulement le secours donné à titre de consolation cessait. - les lois intermédiaires ont-elles modifié ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa An 4
1776-Circa An 4
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
8 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G1207
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Riom (63300)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Relation
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conflit de lois
contrats de mariage
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