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c9aafba94fb7442e224d43c3301a3c09
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POUR
S.r
Josep h
B U R E L L E r N otaire
i m p é r i a l , -habitant
de
la. ville de Varennes-sur-A l l ie r, appelant.
CONTRE.
L es sieurs G u i l l a u m e D E L A I R E ,B
J
D ELA~
' G E N E S T E , et F r a n ç . - B l a i s é B A R D O N N E T D E - L Á - T Ó U L E ' , intimés.
'
'
L e propriétaire d’ une m aison ayant dés vues et égouts sur
le terrain, d ’un voisin , a-t-il le droit de r é c la m e r une portion
de ce te r r a in , à titre de tou r d ’é chelle , en co u tu m e de B o u r
b o n n a is , et sans ft itre ?
,• . »
.
" L é voisin qu i n'a jam ais ce ssé !de* jouir de son terrain e x clu sivem ent , peut-il être contraint d’en ab a n d o n n e r une partie ,
et de batir à une distance q u i ne nuise pas a u x vues d é jà 'é ta b lie s?
C '
est
à cela que se réduit toute la difficulté actuelle.
Elle était d'abord bien plus considérable : car les
�.........
( o
sieurs D elaire et Bardonnet réclamaient co m m e pro
priété le terrain q u ’ils ne dem andent aujou rd ’hui que
co m m e servitude de convenance.
Ils com prenaient q u ’il leur fallait des litres
et ils
disaient en avoir*; mais pour les appliquer il fallait dé
naturer la lo ca lité , et il s la dénaturaient.
I l n ’a pas tenu à eux que la C our ne crût sur leur
attestation qu'il régnait le long de leur maison une ai
sance en d é p e n d a n t , bien distincte, sur laquelle d on
naient des fenêtres ouvrant et ferm a n t ; une ancienne
porte à d e u x battans , ouvrant en d e h o rs, a vec ses
g o n d s, et encore un évier égoutant. L e tribunal de L a palisse a cru tout cela , et a condam né le sieur Burelle. "
L a C o u r a vo u lu éclaircir la v é r ité , et a ordonné une
expertise.
Alors tout ce q u ’avaient attesté les sieurs D ela ire et
Bardonnet n ’a plus été qu'un rêve. L ’aisance s’est trouvée
du côté opposé à celui où ils la plaçaient. L es experts
n'ont vu ni cet évier ég o u ta n t, ni ce lle porte à d e u x
ba tta n s, q u i (suivant eu x ) était encore en place.
Us n ’ont v u , au lieu de celte p o rte , q u ’ un trou irré
gulier, rebâti com m e une usurpation e m p ê c h é e , et mas
qué par des planches; un évier égalem ent condam né en
m açon n erie ; une seule fenêtre au rez-de-chaussée agran
die après c o u p , et b arrée; deux autres fenêtres sous
le toit : le tout sans contrevents au dehors, et un sou
pirail.
L ’expertise condam ne donc tout ce qu’ a v a ie n t mis
en % il les sieurs Delaire et Bard onn et, et l’applica-
�( 3 )
.tion qu’ils faisaient de leurs titres. Mais les experts ter
m inent par ém ettre leur opinion sur la question de
droit qui devait résulter de leur vérification , et ils
opinent pour que les sieurs D elaire et Bardonnet o b
tiennent de la Cour La concession d ’un tour d’échelle ,
V oilà en som m e le résultat de la cause 7 dont les faits
vo n t être rappelés à la C our ; ils dispenseront le sieur
J 3urelle de revenir sur les rapprochem ens de titres et
les raisonneméns q u ’il avait présentés d’abord pour
p ro u ver que lui seul était sincère sur la localité ; il ne
lui restera q u ’à prouver que tout le terrain jusqu'au
m u r du sieur D e la ir e , est sa p ro p riété, et que sans un
“titre contraire, on ne peut pas plus lu.i en disputer; trois
pieds que là totalité parce q u e , dans aucun p a ys,
on ne peut pas ôter du terrain à un voisin, lorsqu’ on
n ’a à lui opposer ni titre, ni possession.
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: 1;., l . :
—; î r' i
r :.
• ’F A I T S . . . ‘ j
‘
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: - : ï r '!
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I^e sieur Burelle est adjudicataire d ’ un enclos trèsp r é c ie u x , situé au faubourg de la ville de V a re n n e s,
- v e n u des sœurs de la. Charité , e t , avant elles, de la
cure de Varennes.
'
;
f
Ji n i > -A
Cet, enclos.est co n fin é , de bise, par la grande ro u te ;
et d’ occident ^ pctr
baicmciis et jQif.çfoti ¡dit steitr
■D elaire,
. * r
' Ces bûtimens çt jardin du sieur D e la ire , portan t,
jadis, le : nom du logis du; Cheval-Blanc , proviennent
d’ un Gilbert S e n a u d , qui le vendit à Gilbert M o n e r a t,
�( 4 )
le i .cr juin 1689. L ’acte contient un détail de chambres,
■grenier, c a v e , écurie et aisances pour aller à ladite
écurie ; cour et jardin par derrière , le tout ayan t
deux coupées, et se confinant par La terre d u curé de
, T^areiraes ; ! d ’orient et m id i; par la maison, cour et
•jardin de la v e u v e M o in a r d , de n u it, et par le grand
c h e m in , de bise.
;Gilberi D u ch é n e acheta cette maison de M o n é ra t,
¡le 2 8 'mai; 1700.;.O n 'y voit, le m êm e détail des objets
vendus,?at toujours p o u r c o n fin im m édiat La terre du
a ir e dé Varetities\ '
:
n. L e 6 décem bre 1792 ^Philippe D e le v a u x et sa fem m e
^vendirent les ;tniemes 'bâtinifens ei jardin» au sieur B a rdonnet - l a - î T o u l e e n c o r e ; c o n f i n é s r par Le\ jardirù des
D arnes 'de la charité ( l e m ê m e que celui du curé de
V a r e n n e s )« <
: , .>•
-■
jc . ;
-, :
L e sieur B a rd o n n e t-la -T o u le avait réuni a la m aison
, du C h eval-Blanc, le biiïiiiumt M o in a r d , -qui la joignait
¿1 l’occident. Il vendit le tout au sieur L a g en este, le
24 novem bre 1 7 8 3 ) &V n o y a n t pour voisin que des
.religieuses , a V u e crui:>pas -devoir s’assenvir. ail^‘ c o n ^iins de 5e& propres ¡titres."H vendit donc <r une’ m aison
rr com posée de c h a m b r e s , cabinets./'grenier-,
cave,,
; « c our , - c u is jn e , ;les tx)‘urs d ’. é c h e l l e , autres issues,
Les
’ * joups^du côté du clos dés Sœurs g rises,, lajil dajis }e
« haut q u e dans le b a s , dont partie ont é té polontcki«
ùtr\e(it, b o u c h a s par le sieur v e n d e u r ,,ou ses auteu rs,
« et q u ’il sera l i b r e au .sieur accpiéreur de l'aire ouvrir
*
h sa v o l o n t é j p l u s , u n jardin .et m o r c e a u de t e r r e *
�r«
«
.e?
«;
<C‘-5P
avec un p u ils ^circonstances et dépendances, e.n fun
seul té n e m e n t, d’entour trois coupées,, y compris
le sqJ des-.büjtir^ens e t ç o u r ^ j^igpant le grand cliemin fdç sP Wis a .¡Lyon
'4e, ¿4 ch a-
f rt i * > S c%}A'k\ pis 1 ri(>•t c ' ^rcrb j,l il
:.y •<*
-jG - *r *
L• - ’année
suivante,
le s*r
tagen.este
vendit
les
-mêmes
c. . . 7
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' a. u R
r ;i_ .xi
■
* ' ! I‘
:•
objets -•au sieur
;Drelaire, ?en suivant
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pour mot
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c i . “ l ' . ' . M J. i i J
) 1.1J : ii
i l . J>. , j , . i
; '.‘ i . .) i
o . . . r.,-
^ é f a il0e t , l e ? q o R t o 4 h A ? 4M * i i . i u>oi> t f
oi; Î ' f
ai,
ê F ^ M .Ç ^ e^ ; ! î ç n^ i l ps;Ç®iFir^e
,1a charit,é..^çoptjg^.^Faiçe. ^nfj^ab^t.ion.j.Il ne pouv a i t la p l a ce r q u e d u côt^, du „grand f b e m i n * et sur
ra^gnemgn.t
-È i^ia î p } eji?
g litres p^aisp^Si Jl^batit , d o p e ;d 'a b o r d
t ì of gw é de ,|fi cj^ i^ p ;n .P ,$ l^ r e y J ’espace
,-cour * tçi^ fatten d ant^qu'il
.pût com pléter -ses c,onstrucUo,ns, p a r -une écurie et
^t I^a ^l^^ernjat.ur^lle de^ceye.rem ise. rélait Vis-à-vis sa
jg h isp n * c ^ t - à j ^ i r ç ^ Jp ltp-ng ;% qcelle <Jii sieur P e la ire ;
v et c ’ est ici le lieu de dire quel est l ’étai de^la maison
D elaire à ce,t aspqçt.
, X g f a ç a d e de c e l l e maison est sur la g ra n de
tou
le:
. . 7i .5 ? r. cifl,:,, > . •.. . n
\ : «. •
V
•' .•
y
,.çlle avait,-jadis., des fenêtres e i portes ii l ’occident ;
inais quand le s.r ,B ard onnet eut acheté deu£ maisons ,
il les réunit par des constructions. E q fin , du côté de
rencÎps des Soeurs grises, il y a deux fenêtres sous ,1e
t o i t , une fenêU’e plus .basse-* ca rré e , et un soupirail
de cave. L e sieur Delaire y a ajouté un petit tr o u ,
pour éclairer un escalier, eti.il l a icii^ fort irrégulier.,
p eu t-êire pour que çette. innovation ne fut pas ap-
�w
perçu e dans le tems." E n f i n , le toit a une saillie de
..............................., .............., . . .
v in g t pouces.
'
R ie n de tout 'cela S a u r a it pu em p êch er le sieur
Burelle d’adosâër sa'n ouvelle construction au m u r du
sieur D elaire , à la c h a r g e , tout au p lu s; de p a ye r
la m oitié d e 'c e m ur , cpbur le rendre m ito y e n , s'il ne
l ’était pas. Mais afin 'd’é v îté r le s discussions et les pertes
de t e m s , le sieur Burelfé2'pifêféra faire qiiatre murs
neufs , et laisserLénlrfe?ih îi; e ty î e 'sieur D elaire', une
r r .
. . ’ Í . ' * -î , T
'
• •*
r
f
petite r u e lle , Jqui d ’aiiréuts rbcevrâit lesr eaux de son
toit ; c’est ainsi q u ’il a bâti.'
'
" '
!
:! *
L e sieur DelkireV.s’ittiaginant que lé 'Côde civil p ré
vaudrait sur'la toutttriib rdu ‘BourboHiiaiis j, fît signifier
"au sieur B ú r e l l e ü û é ! dënoftcÎàii'drt3 dë^oiivél-cfeiu^ifèr,
disant que lui e t 'seá áüteuts dVáíiefitrtoujours 'joui1des
vues et é gou ts, que le C od e maintenait les servitudes
continues et'd p párente s J
vqti‘ë / siiiVatit 4 *àrti&lé ¿ 7 8 ,
le sieur B u reííé né' pôùvâït!1 Bâtir^ '^ u^ ^ ïx píéd¿ntíe
! 'V 1*> ?p c î ' r' eh u: il cl n i l,//o 1}
. .........; t !'
distance de son mur.
L
A la suite de cette d énon ciatïôn, le ‘siètir D ëlaire
assigna le sieur B u re lle , pour dém olir’, ckinâ deux jo b r s ,
le m ur q u ’il faisait bâtir ci d ix -h u it póu¿es de La m aison
d u d it D elaire y ainsi que lé m ur, aspect de rtiidi, faisant
liaison a vec ladite maison ÎDélairë , e t pour etre tenu
de laisser s i x pieds de d is ta n c e , entre ladite maison
et la propriété dudit Burelle* non compris le
tour
d'échelle.
,
On plaida au trib u n a l'd é la Palissé'sur cette p r é
tention du sieur D e la ir e , qui mit en cause le sieur
�(7 )
Lageneste, lequel a ap p elé en garantie le s,r *BardonnetL a to u le 3 ces trois j adversaires firent, yaloir. les ventes
de 1782 et 178 4 ( ém anées d ’e u x , et qui sont leur
ouvrage ), r pourp-en;'conclure , q ^ ils ont ces vues et^
égouts par une possession im niéiuoriale qui leur vaut^
titre.
:
. .
• ¡:
V r
. .
L e sieur Burelle d éco u vrit les ventes de 1689 e t
de 1700, qui condam naient celle de 1 7 8 s. M ais les sieurs
Bardonnet et D elaire ne perdirent pas courage jl-éçurie
et aisances comprises dans^ lesdites. ventes., leur four
nirent un m o y e n de p lu s, dont ils ,se saisirent, en
disant que l ’.écurie était au bout de la m aison, et les
aisances ..en . dehors. Ils e n 0jncliquaient les- vestiges
com m ec très-rvisibles, h des juges qpi ne les rvoyaien t
p a s , en ajoutant qu'il n’y av^itpas de façade du côté de.
la grande (route ; q u ’elle „était toute entière du côté
des Speurs, grises, et g u ü j i i j qvaip aucun autre moyen}
popùr parvenir
Cécurie , q u ’en, longeant la. façade de,
ladite ,piaisop.J(5 n fip ^ marchant, de. p reuves en preuves
ils ne se. con testèren t plus ;d ^ vo ir des fenêtres
trouvèrent des portes à deux..bat tans.
, :
t
ils
.En.vain.le
sieur Burelle se■■'récriait
contre ce,boule............
...........................
I•
' • - : J -. - ■.
} ..
versem ent absolu de.la l o c a l i t é , e n vain prouvait*-il
que Técurie et ses aisançes ne pouvaient êlre qu(’enIre
la m a i s o n M o n e r a t, et celle du Cheval-Piano, puisque
les ventes postérieures à la réunion de.ces deux maisons
ne ^mentionnaient plus: ces. aisances, et -qvi’en les pla
çant à l’o rié n t, elles|n’auraient eu ,n i en trée, ni issue,
puisque le m ur de Fenclos joignait la maison D ela ire,
�à anglé droil ; en vain* pYoüvàit^iFp&f tin devis n otarié,
de 1 7 9 3 , que lë siëur 'Delaire avait bât!i sur r e m p la
cem en t de c e lte 'a r ic ie n n é é b ü r iè ^ c è 'q iii com prenait
un lodai tout autre que ’ctelüi1 q û ’iÎ î riHiqxi a il a u fo ur—
d*iiu'i contre sa^ propre convictìon". Tout" Cela n ’a pas
persuadé aux premiers juges q u ’il fallait au moins v é
rifier laquelle des deu x pai!tie^rendait un com pte inexact
de la localité. '*
’
‘
U n jugemerit du t 'j octobre r8o8 , statua sur un
incident é le v é 'a u sujet d ’ü'n prôjet d ’arrangem ent ; ce'
jugem ent donne acte ad âieur! Buréllë- d ë ce q u ’il a1
sur ce point déféré le serm ent à ses adversaires y e t
de ce q ü ’iïs ont rëfci'sé' de lé ■p^êtér; ;1It ;-ordÔnfre'
fbnds ^ q u ’ôti prdfliiirâ '¿ ii greffe ^ÜTïcteté*',?-èâiisfïda,f ë )?
érioncë d&iis;la‘ U h i é W } ï 6 ^ >
o t fcr.q.
!tL ë jugement définitif, du 2i ‘ décembre1'1808, règle*
d’abord là"suite dit mérite- i’htìd&hi: y et yc stà!tuéJ èri1
faveni'"dii1 siiiir1
'est intitilé* dò ìVans^rÌré'Tés'.
m'plifs>qiii*'é*ÿ5rk^pèfVérit’riP sliffit dfe itieÌtrd;'sélusilÌesl
y e u x ^ é la C out^ eux ^iti còiicèrrie^t'l^^ohd’s. 'M1
-i
« Considérant que les parties n’ayant fias satisfait
« aii ju|emènt( prépdPâtbirè‘^dÎ!‘ i y ’ acfòb'rd ’d erider,
cc!il *ÿ a
'cjub *l^aishridé"'p'ò ' dller1à•
cT*l’éc'urîè méntioiinéë(dahy l'acte die vdnte du 'i *r juin
«•''1(589, dariâ celili du 20 mai 1700 ? et dans celui
« reçu Chartieir, notaire à Charroux, le 19 novembre
« 1*752 ', ’signifié paiv à'cle'' de ' Decimi p ^ dii 'i^ juin
« 1764, n V pÿs* été changée posléribhrèïhént par 'le'
p’èrè de fa initie , môme'quand il a pii donner aux
'de présdthê’r
üV
«
« Sœurs
�( 9 )
« sœurs de la Charité de V a re n n e s, le surplus du terrain
« qui fait aujourd’hui le sujet de la contestation dont
oc il s agit, p u isq u ’ il n avait pour lors d ’autres moyens
« pour parvenir a son é c u r ie , d ’autres jo u r s ou vues
« pour sa m aison ou auberge
f' Considérant que-, de son aveu , le sieur Burelle
« est tenu: de souffrir les droits de jouissances qui
« pouvaient se, trouver légalement établis lorsqu’il est
« d eve n u 'p ro p riétaire du terrain litigieux 5
« Considérant que l ’acte de vente de la maison de
« la partie de D e r e n n e s, rapporté par la partie de
« B e li in , porte que cette maison a été ven d u e en
« 1 6 8 9 , a v e c ses aisances pour aller à écurie, le tout
« co n fo rm ém en t à un décret de M . le ju g e d e . V a « rre n n e s, et rappelé dans ledit acte-de^ 1689 ; et que
« ces aisances ne pouvaient être moindres, de d ix -n e u f
« d écim ètres, o u ,s ix pieds de la rg eu r, ladite maison
« form ant alors u n e auberge ; que cet acte [qui a cent
? Idixrneuf ansi de d a te , doit.faiçe p reu ve de.sor» énon» ciatiori, qüoi'que le décret y rappelé et non daté ,
« suivant' lequel la maison, et ses aisances étaient
cc vend u es, ne soit pas rap porté; que par con séq u en t,
« les vues droites, égouts saillans et to u r s 'd ’échelle de
'« cette
m a is o n ,
vendus a v e c icelle par les actes des
« 25 octobre 1 7 8 4 , et 24 n o vem b re 1 7 8 3 , seraient
« même moins une servitude qu’un, droit de propriété
;
« que la partie de D erennes et ses auteurs ont con stamment 'conservé, par une possession im mém oriale
3
�C IO )
« non déniée , desdits égouts , vues droites , tours
« d ’échelle et porte à d e u x batlans
« Condam ne le sieur Burelle à dém olir le mur qu il
« a fait construire en midi de la maison du sieur D e « Jaire, à l'indue distance de cirïq déèimètres^ où d ix « huit pouces environ , et c e , dans le mois de la si« gnification , à personne ou domicile , dü présent
« jugem ent ; passé l e q u e l d é la i, autorise ladite partie
« de D erenn es à le faire dém olir aux frais dudit B u
te relie, qui sera contraint a u -re m b o u rse m e n t, sur les
« quitlances authentiques des ouvriers qui y auront
c< travaillé ; fait défenses à Burelle de faire à l’aven ir
« aucunes constructions sur ledit terrain , qu’ à- la dis« 'tanCe de^dix-tîeuf décim ètres , àu ‘s ix pbeds, confor« 'rn ém en t à l’article '678 idu Code N apoléon^ de la
« maisôri de ladite partie de D erennes : co n dam n e
« Burelle aux dépens à cet é g a rd , tant des dem andes
« p r i n c i p a l e s , tqu’ é n g a r a n t i e , etc. »
< •
L e sieur DelàtÎfd ■
rr en cfvait 'pas dem andé autant \
Car il rie voulait pas être propriétaire du local en con
testation : cependant i l poursuivait l’e xécu lio n de ce
j u g e m e n t , lorsque le sieur Burelle en a porté l ’appel
devant l a 'C o u r , ou il a été obligé de lutter encore
contré
les exagérations de ses adversaires q u i, toujours
peu sincères sur la localités, ne m anquaient pas de se
^prévaloir ¡de ce q u ’ ils a p pe la i en t la conviction person
nelle des premiers juges.
M ais il est inutile de reven ir sur leurs dires; la Cour
�C
)
se les rappellera par la lecture de son arrêt interlo
cu toire, du 21 m ai 1 8 1 0 , dont on va préciser les dis
positions.
P ar cet a r r ê t , la Cour a commis les sieurs L e g a y ,
Gailhe et Savarin , experts, pour v é rifier, i.° quel est
Remplacement de ré c u rie et des aisances énoncées a u x
actes de 1689 et 1700*, s’ils pensent que ces aisances
s’appliquent, au terrain ou le ,sie u r Burelle a fait un
m u r ; 2.0maudit cas, quelle était l ’issue desdites aisances
pour a rriv e r’ à ladite é c u r i e , et au m ê m e c a s , si le
n o u ve au m ur de Burelle est à une distance suffisante
dé la maison de D elaire.; 3 .° quelle est tl a saillie du
ioit!; si la ch u te des eaux .est lib re , ou si elles tom b en t
sur le m û r 'd e Burellé^-.et sont,,repoussées icontre le
m u r de D elaire ; 4.0 le.s dimensions de sou p ira il, et
si en. b âtissan t, B u re lle a éd ifié sur tou t ou partie
d u d ft soupirail ? ou su r ses fondem ens ;
5 .° l 'é v i e r }re
j e t a i Les ea u x de [La cu isin e <dè D ela ire 'sur'le .terrain
en q u estion ,* 6.-° l’ouvertu re pratiquée dans le m u r , et
que D elaire prétend avoir été une porte à deuoc venta use
ouvrant extérieurement sur Les aisances ou terrain dont
il s 'a g it, et .s’iL est vrai q u ’à l ’extérieur on voie.encore
les gonds de cette porte; 7 .0 si cette p o rte , ce soupirail,
*cet évier et les fenêtres de la façade de la maison de
^Delaire, qu'on d it avoir été anciennem ent d u x ô té d u d it
terrain^ sont d’ancienne construction ; si ces o u v ia g es
et tous autres indices leur paraissent sufJTisan3 pour
attester l’ usage dudit terrain à titre• d 'aisan ces de La
m aison D ela ire ; faire toutes autres observations, etc.
4
�( 12 )
L e s experts ont déposé leur rapport le 1 6 août
1810. Ils ont vérifié sur le i . er article que , d’après
les litres et la localité , l ’écurie et les aisances pour y
parvenir étaient à l’aspect opposé du locaLen contes
tation ; que le sieur Delaire - avait rebâti l u i - m ê m e
sur les fondem ens de ladite écurie ; que les aisances*
étaient entre les deux m aisons, réunies avant 1 7 6 2 ,
et ne pouvaient être du côté des Sœurs grises ,>!ou il
n ’y avait m êm e jamais eii d ’issue du côté du chem in.
* Ils ont dit que le toit du sieur D elaire étant en
saillie horizontale de vingt p o u c e s , portaient les eatix
sur le nouveau m ur du sieur B u re lle , au point de le
dégrader en peu d ’années ; et delà les eaux refluaient
par incidence contre le m ur du sieur Delaire.
Ils ont constaté l’ex iste n ce , i.° de deux croisées au
grenier et sous le toit, ferm ant par simple v o le t, ddnt
l ’ un est c l o u é ; 2.0 d ’ u n e o u v e r t u r e p r a t i q u é e depuis
peu par le sieur D elaire pour éclairer un escalier ; 3 :®
d ’ une croisée à quatre pieds du sol, ouvrant et ferm ant
a vec v it r a g e , barrée de trois b a rre s , n’ayant pas sa
fo rm e prim itive, ayant été a g ra n d ie, mais depuis longtertis; 3.® d’ un évier qui ne sert p l u s , et qui est bâti
dans le mur.
Ils ont donné les dimensions d ’ un soupirail b â t i'e n
p ie r r e , sans s a illie , b a r r é , et a v e c araignée. On a
mis en dehors trois pierres, non pas incorporées dans
le m ur (c o m m e on le disait), mais posées sur ch a m p ,
pou r éviter le reflux des eaux. L a nouvelle construction
y a fait am onceler du terrain : mais il est constaté-que
�,( i 3 )
le sieur Burelle n’a pas bâti sur ces pierres com m e on
le soutenait aussi.
A u lieu de la porte à deux battans et de ses gonds
existans en co re, les experts n’ont v u q u ’ une ancienne
ouverture q u ’on avait voulu p r a tiq u e r , mais qu'on
avait rebâtie ; elle avait eu trois pieds de haut sur deux;
pieds de large ; elle était plus haute que le s o l , de
deux pieds : ils ignorent si le projet avait été d ’y faire
un placard ou une fe n ê tr e , et ils ont p ré su m é , h son
ir r é g u la r ité , que les religieuses
ne laissèrent point
a ch ev er l’ouverture. En effet, une dam e v e u v e J o ig n y
ileur a déclaré que ce projet avait occasionné de la
discu ssion entre les religieuses et le s.r la T o u le ; mais
q u ’ensuite ce jour avait été bouché : les experts pensent
q ue ce furent les religieuses qui appliquèrent desplanches
en dehors pour leur sû reté, et parce que cet étoupem en t
avait été fait en m açonnerie grossière.
L e s experts term inent leurs réponses aux questions
faites par la C o u r, en disant que là'J a çade et l ’entrée
de la maison Delaire ont toujours été du côté du grand
chem in , et qu il n y a ja m a is eu de porte donnant
sur le terrain litig ie u x . Ils rem arquent seulement que
sur la façade du côté de B u relie, co m m e sur celle du
côté opposé, il y avait eu des assises de pierres figurées
au pinceau 5 que les deux fenêtres du toit , et le sou
p ira il, leur ont paru de première construction, et que
1 avancem ent du toit prouve que la maison avait été
isolée de tout autre à cet aspect ; d’où ils concluent
q u ’elle n’a aucun caractère de mitoyenneté.
�( H )
C e lte dernière réflexion en fournit à l ’instant un e
autre
aux experts, lorsqu’ils semblaient avoir tout dit.
Ils croient q u ’une maison est présum ée de droit avoir
un tour d ’é c h e ll e , par cela seul qu'elle a des jours et
un égout du côté du voisin; la plantation de la char
mille à une petite distance du m u r , leur paraît une
chose d é c is iv e , et ils rec ue il l ent a vec soin la relation
des indicateurs, dont l ’ un désigne cette distance co m m e
suffisante pour le passage d ’un h um m e chargé d ’un
faix de bois; l ’a u tre , pour laisser passer les rayons du
soleil : un autre a vu cinq à six pieux de bois pourris,
sans dire à quelle é p o q u e , ni à quelle distance, ni à
quel u sa ge; un autre a vu dans un vieu x m ur u n e
vieille porte qui ne s’ouvrait pas ; e n f in , un Charles
G irau d , qui était e n c o re , en .1 7 9 1 , ferm ier de l ’enclos
des Sœurs de la C h a r it é , a dit q u ’il cultivait ju s q u ’ au
m u r dê La m a iso n JDeLaire, ruais q u e des fenêt res on
jelait des ordures sur ses sem is.Tels sont les dires qui ont
ach evé la conviction des experts sur le tour d ’é c h e lle;
laquelle conviction ils ne m anquent pas de fortifier
par la réflexion d ’usage , que le voisin n’aurait pas
souffert
chez lui des servitudes, telles que des égouts
et des jours , s’il 11’y avait été obligé.
T e l est le rapport des experts
com m is
par la C o u r:
et on peut dire a vec confiance que si les sieurs D e
laire
et Bardonnet fussent c o n v e n u s des points de fait
et de localité q u i y sont fixés , ce rapport eût été
pa r f a i t e m e n t
in u lile; car la question du tour d ’échelle
( ¿ipparlenait tout entière au point de droit, sur lequel
la Cour n’avait pas besoin d’éclaircissemens.
�( i
5 )
L e sieur Burelle n ’aura donc rien à critiquer de ce
qui lient à l ’expertise e lle - m ê m e ; au con tra ire, il se
prévaudra de ce que la localité était telle q u ’il l ’avait
décrite a v e c ex a ctitu d e , et de ce que ses adversaires
ont été constitués en mauvaise foi sur tous les points:
toute sa tâche consistera donc à prouver q u ’ un tour
d ’échelle ne se donne pas sans t i t r e , et que les cir
constances qui ont déterm iné les experts ne p e u v en t
jpas suppléer au titre que la loi exige im périeusem ent.
M OYENS.
L e s auteurs enseignent que le tour d ’échelle s’entend
<Je deu x m a n i è r e s ; l’ u n e , de la faculté de poser des
échelles sur le fonds voisin,, quand on veut réparer
^sa m a iso n ; l’autre., du ¡terrain abandonné par le pro
priétaire , pour avoir droit d ’y faire des jours.
L e prem ier a lieu sans titre , parce qu’il est sim
p lem en t précaire, e-1 n ’ôle rien à la propriété du voisin.
Presque tout le pays coutum ier avait adopté à-cel égard
la disposilion de l ’article 5 i o de la coutum e de B o u rx bonnais. « Quand aucun fait édifice et répare son lié« rita g e , son voisin lui est tenu de donner et prêter
« patience à ce faire, en réparant et amendant dili—
« gem m ent,
par celui qui édifie, ce qu'il aura ro m p u ,
« démoli et gâté à sondit voisin ; et ne peut pour c e ,
« le réédifieur, acquérir nul droit de possession co n tre,
« ni au préjudice de celui qui a souffert ladite rép a« ration o u édifice ».
�( *6 )
Cet article était nécessaire en Bourbonnais o ù , d’après
l ’article 6 1 9 , aucune servitude n'a lieu sans titre.
L e second tour d ’éch elle, im proprem ent appelé de
ce n o m , tient à la p r o p rié té , et ne peut se prouver
que com m e la propriété elle-m e me.
C e lu i-c i est parfaitem ent inutile en Bourbonnais 5
puisque la loi y donne le tour d’échelle à titre de fa
culté. I l n’y a donc aucune probabilité que le pro
priétaire d’une maison pouvant à son aise faire une
façade sur la ru e , et m êm e une autre du côté de sa
cour, ait abandonné une portion de son terrain sur cette
m ê m e ru e , pour s’isoler de son voisin , et avoir q uel
qu es
feuêti es de plus.
M a is, d it - o n , voilà des vues et un égout qui font
présum er cet abandon : car co m m en t supposer que le
voisin eût souffert une servitude aussi dangereuse, s’il
n ’y eût été fo rc é ?
C ette réflexion est toute d’A u vergn e., et au moins
elle y convient parfaitem ent; car les servitudes y sont
prescriptibles par la co u tu m e , en sorte q u ’il faut y être
sur ses gardes pour veiller aux entreprises d’ un voisin
q u i, en bâtissant, ferait des fenêtres ou des toits en
saillie ; tout cela d evan t avoir vigueur de titre au bout
de trente a n s , suivant le texte de la coutum e.
Mais on n’a pas besoin des m ê m e s précautions en
Bourbonnais; car tant qu'on laisse son terrain en place
vid e, sans y bâtir, on n ’a pas besoin de s’inquiéter de
ce q u e son voisin fera sur sa limite ; et si on n'en
ép rouve aucune incom m odité ré e lle, rien n ’em p êch e
de
�( *7 )
de le to lérer,'puisq ue la loi donne le droit èxprès de
tout faire détruire.
L ’article 5 19 de la cou tum e prohibe tout- droit de
servitu d e, possession et sa is in e , en place vide , par
quelque laps de tems que ce soit.
L eq u e l des usages vaut le m ieux ? C e n ’est point
ici le lieu de l’exam iner : tout ce qu'on peut en d ire ,
c ’est q u ’on est moins gêné sur les procédés de voisi
nage
lorsqu’on ne court pas le risque de perdre ses
droits. Alors les vu es, les égouts et autres com m odités
que se donne le propriétaire v o is in , d evien n ent sans
co n sé q u en ce , et restent co m m e tolérés, tant q u ’il n ’y
a pas de motifs essentiels pour y m ettre em pêch em en t.
C e q ui a embar ras sé les e x p e r t s n ’ est pas u n e n o u
v e a u t é p o u r tout le p a y s c o u t u m i e r , o ù les s er vitudes
*
'
»
t
n ’avaient pas lieu sans titre. I l était inévitable que'
cette législation produirait une
indulgence
dont le
possesseur voudrait' souvènt se prévaloir à la lon gu e:
mais la loi ést ven u e tnèttre, uhe barrière à son usur
p a t io n , et lui a p p ren d re'q u e s’ il a pii faire dès jours
et des égouts dans des contrées de toléran ce, aucun laps
de tems ne peut c on v e r t i r sa possession en une propriété.
T o u t é s ’lës coutum es ¡qui-ont prévti la q u e s tio n , l a 1
décident de là m êm e m’anière. ' '
’’
■
O rléa n s, 2^5. K V u es ^ égouts et autres droits de
« se rvitu d e, ne portent saisine à celui qui les a , s’ il
« n a titre valable \ et sans titre v a la b le , fne lès peut
« prescrire par quelque terris que ce soit n. ( L a côutùni0
de Blois, en l'art. a 3 o , a les m êm es dispositions).
�( i8 )
Sens, i o 5. « Celui qui a égout sur PKérifage d’a u t r u i,
* est tenu de le retirer, lorsque le voisin veut bâtir ». 1
M e l u n 3 1 9 1 . « C h acun peul lever son b â t im e n t ,
« tout d r o it , aplom b et à ligne , si haut que bon lui.
« sem ble, et contraindre son voisin de retirer'chevrons
« et toutes autres choses qu’il trouvera sur ladite place,
« em pêchant le bâtim ent qu'on y peut faire ? nonobstant
« quelque laps de tems que ce soit, f û t - il de cent a n s ,
« et p lus Jt>.
.t -
.
B o u rb o n n a is, 519. « A ü c u n , en place v id e , n ’ac-*
« quiert droit de se rvitu d e, possession et saisine, par
« quelque laps de tems que ce s o i t , et j a ç a i t , q ue
« Yégoufi qu évier, d ’une maison descende en ladite
« place,,, ou que l ’on ait pues sur ic e lle , ou que Ton
« ait passé et repassé, allé et ven u par aucun te m sj
« pourtant*n’est acquis en ladite place ou cham p v id e,
« aucun dr^oit de servitude, par quelque laps dei tems
« .que, ce soit,, tyntfn%
qu 9¡¿¿y;
titre du, contraire, ou
« q u ’ès-çhoses. si^dites y çûl eu contradiction’, et après« icelle joui^ a^ c^ .de trentej ans ».
f K ;
•
,
;
A i n s i, tou ¡es. ces 1cpuf u mes ;ont. pré vu tout ce qui
devait résulter, des vues , égouts , éviers , chevrons et
autres choses anciennem ent étabjiesjsuit,un tçrrain non
b â t i, lorsque le possesseur voudrait s’en prévaloir; 011
plutôt ces co u tu m es, qui sont le résultat de l ’exp é
rien ce, ont condam né des prétentions q u i, en les ac
cu eillan t, juraien t
la lopgue détruit, le,, principe de
riinprpscript¡¡bililè des servitude®* \e \ em pêché ;to u te >.
espèce de tolérance.
. ■.
�( *9 )
L e s sieurs D elaire et B ard onnet argum entent du
Code c i v i l , en distinguant les servitudes continues et
apparentes qui peuvent prescrire par trente ans. Mais
le Code civil n ’est pas la loi des parties : il le sera à
com pter de r 8 o 3 . Et c ’est depuis cette époque seule
m ent que les habitans du Bourbonnais auront à veiller
sur les fenêtres et égouts des maisons voisines : jusquelà , la loi du territoire veillait pour e u x , et les pré
servait de toute prescription. ;
C ette l o i , cependant, ne semble pas aussi claire aux
^sieurs Bardonnet et D e l a i r e , q u ’elle l ’était pour A u roux-des-Pom m iers, et ils trouven t que' le m ot place
vide n’a aucun rapport aux en clo s, jardins et terres
cultivées ; sur tout quoi ils pensent q u ’on peut établir
une servitude autrem ent que par titre.
Supposons pour un instant, qu’A u ro u x ait eu tort
de ne pas être de cette o p in io n , et demandons a u x
sieurs Bardonnet et D e l a i r e , com m ent et par quoi ils
ont grevé de servitude l’enclos et terrain cultivé des
Sœurs grises, quant aux six pieds qu'ils récla m en t, ou
à tout autre espace m oin dre?
Ils reconnaissent ne l ’avoir jamais p ossédé, et sup
posent que le sieur Burelle a pu l ’acquérir par Icl
prescription : d’après cela ils n ’ont ni titre ni possession.
E st-ce par la saillie du toit de vingt pouces ? mais
ce serait décider la question par la q u e s tio n , et e u x
seuls seraient de leur avis.
A u r o u x , en pensant que l ’article 5 19 s’étend 11 toute
espèce de servitudes, en donne une b on n e raison; c ’est
6
�( 20 )
« d i t - i l , qu’il faut en attribuer l ’origine au p r é c a ir e ,
« à l ’a m itié , à la toléran ce, et qu’il ne serait pas juste
a d ’établir une servitude sur ce fondem ent ».
.D e c u lla n t, sur le m ot ég o u t, donne la note suivante :
H o c sequitur quod ¿¿cet per tr¿g¿nta a n tios, vel aLcud
tempus ¿ongius et immemor¿a¿e, stitlLCidlum e x tecto
dom us vicirtœ
in
aream meam
cec¿der¿ty non tamen
acqu¿r¿tur servitus > et possum cogéré vLcinum ut aquam
pLui>¿am d¿l>ertat, et rec¿p¿at m fu n d u m suum .
A i n s i , D ecullan t ne suppose pas que la place soit
vacante et non cultivée \ il la désigne par l ’expression
générale du sol ou terrain appartenant au vo isin , ¿n,
aream meam ,* et en cela il pense co m m e  u r o u x *
co m m e le$ r éd a ct eu rs des coutum es ci-dessus citées’*
et co m m e tous les com m entateurs de la cou tum e de
Paris.
O ù en s e r a it - o n , en e f ï e t , si après avo ir souffert
en b o n voisin ce q u ’on n ’avait pas un grand i n t é r ê t
d’e m p ê c h e r , il fallait s’attendre à la singulière apos
trophe des sieurs D elaire et B ard o nn et? « C ’est à vous
« de reculer de six p ie d s , disent-ils au sieur Burelle ;
« Ca
r
,
suivant la lo i, nul ne peut faire des fenêtres
« en son m u r, si ce n ’est à six pieds de distance du
« voisin ».
Ils 11e se sont pas aperçus que cette loi les condam ne
eux-m êm es, puisque ce sont eux qui
o nt
fait des fenêtres,
et cependant leur héritage n’était pas à six pieds du
champ voisin. Ils ne
devaient
donc pas les ouvrir 5 et
en Bourbonnais cette ouverture est réputée tolérance.
�( 21 )
C ’est une bien bizarre idée que celle de re n v o y e r à
six pieds de soi celui qui nous a laissé m ettre à notre
aise ; si celui qui a des vues avait conservé le droit
de les garder, au moins n e faudrait-il pas le chasser
à la plus grande distance connue.
E n effet, la distance, à R e im s , n ’ est que de d eu x
pieds et dem i (art.
35 y ) . E n L o rra in e , de ce q u ’e m
porte le tour d’ un contrevent (titre 4). E n A n jo u et
M a in e , d ’ un dem i-p ied ( 4-55 et 4 6 3 ).
Ces deux dernières coutum es donnent lieu à un raison
nem ent qui n ’est pas sans analogie à l ’espèce. D 'ab ord
elles n’adm ettent pas les servitudes sans titre; mais en
s u ite , elles adm ettent la possession lorsqu'elle est ac
com pagnée d ’un ouvrage e x té rie u r5, e nf i n , elles per
m ettent de faire vues sur s o i, n 'y eût- il qu’ un dem ipied d’y voir. L e rapprochem ent de ces principes prouve com b ien
la loi est en garde sur les conséquences à tirer des ou
vrages extérieurs; com m ent donc faudrait-il présumer
q u ’on a laissé plus de vingt pouces de distance, en
B o u rb o n n a is, où la cou tum e parle d ’imprescriptibilité
ab so lu e, et sans m odification?
Mais avan t que les experts se crussent autorisés à
présumer que le propriétaire de la maison Delaire avait
dû se retirer sur soi pour avoir des vues et égo u ts, il
fallait q u ’ils tirassent plutôt des présom ptions, soit de
leur plan, soit des titres, soit des principes. Il est dom
m age q u ’ils aient aussi mal fini un excellent rapport :
on ne peut cependant s’em pêcher de dire ; que leur
�( 22 )
digression sur le tour d’échelle, détruit par de fausses
idées les observations lumineuses q u ’ils avaient faites
sur tout ce qui tenait aux titres et au local.
D e sin it in piscem muUer fortnosa superne.
Mais si les dernières raisons du rapport ne sont pas
concluantes, il est facile d 'y su p p lée r, sans s’en écarter
le moins du monde. E n e f f e t , le plan des experts
donne l ’alignem ent de la mai so n D e la ire , de son jardin
et de son cham p qui viennent à la suite. Ces trois
objets sont sur la m êm e ligne ; et la m aison , au lieu
d ’abandonner cette ligne en arrière de six p ie d s, se
prolonge sans la quitter, et se courbe m êm e en dehors
sur son extrém ité : donc s’il y a quelque chose à -pré
sum er ^ c'est que loin de laisser du terrain, le proprié
taire de la maison n ’a pas m êm e voulu abandonner
une c o u r b e , afin de profiter de toute sa ligne.
Si du plan nous venons aux titres m êm e de la maison
des adversaires, e n 1 6 8 9 , 1 7 0 0 et 1 7 5 2 , no us v er r ons
que la terre du C u r é ou des Sœurs grises est donnée
pour confia im m édiat de la maison D e la ire , par ceu xlà m êm e qui vendaient et achetaient ladite maison.
Q ue si le sieur Bardonnet revenait à l'acte de 1 7 8 2 ,
ém ané de lu i- m ê m e , on lui répondrait que Les tours
d ’échelLe, par lui ven d u s, n ’ayant rien de spécifié pour
l ’aspect ni l ’étendue , ne sont q u ’ une superfétation de
s ty le , com m e les entrées et issues q u ’il vendait aussi;
en sorle q u ’il n ’ajoulait rien de spécial à ce qui était
aussi une cession de la loi. M ais loin d’indiquer une
distance quelconque du côté de l’enclos des Sœurs grises,
�( 2 3 }
il n ’a pas m anqué l u i - m ê m e de le donner aussi pour
con fin , sans parler de ruelle ni d ’interm édiaire; ce qui
n est pas une m édiocre circonstance.
E n fin , les experts auraient bien d û , en décidant un
point de droit, s’occuper un peu des principes, et hésiter
à prononcer que celui qui prétend s’être retiré sur son
terrain, pour b âtir, n’a besoin, pour le faire juger a in si,
que d ’une simple conjecture ; ils auraient vu que cette
retraite doit être p ro uvée par éc rit, ou par des bornes.
Ils l’auraient v u dans Desgodets, qui est le guide le
plus usuel des exp erts, et dans A u r o u x , qui est le guide
le plus sûr pour les lois de sa province. Desgodets, sur
l ’art. 210 de la coutum e de P a ris, indique l ’alignem ent
que doit prendre le second propriétaire qui bâtit , et
il le borne à la limite laissée par l ’autre propriétaire,
si c e l u i - c i a laissé l ’espace du tour d ’échelle hors de
ses m u rs , et qu’ il y a it acte valable q u i le prouve.
« Quand on s’est retiré de trois p ie d s , dit A u ro u x
« sur l ’article
5 i o , il faut planter bornes au-delà , et
« dresser proces-verbal double avec le v oisin , ou laisser
« un bout de m ur ou de p ig n o n , pour m arquer que
« le terrain est encore à s o i , sans quoi il faut pré«' sum er le contraire. D e là est ven u e la m axim e q u ’en
« pignon ou m ur à pied droit
n’y a pas de tour
« d'échelle ».
» >
C ette autorité si précieuse n’est, com m e on le v o it,
q u ’ un plus grand développem ent du p rin cip e, q u ’en
Bourbonnais il n ÿ a pas de servitude sans titre. Si on
en était quitte pour dire com m e le tribunal dev la
�( 24 )
Palisse, q ue c’est à titre de propriété q u ’on donne u n
tour d ’é c h e ll e , plutôt q u ’à titre de servitude , il ne
serait pas difficile d ’éluder la loi à son loisir, et l ’usur
p a te u r aurait tout à gagner, puisqu’au lieu d ’une simple
servitude q u ’il aurait cru co n q u érir, on lui donnerait
une propriété pour se m ettre d ’accord a vec la loi.
Quel a été le m o tif des experts, lorsqu’ils ont voulu
constater q u ’il y avait eu une charm ille parallèle à la
maison D elaire , et qu’on pou vait passer entre cette
charmille et le m u r ?
’
Ont-ils pris garde q u e , non-seulem ent à cause de
la végétation des arbres, mais encore par l’obligation
de la lo i, ces charmilles ne pouvaient pas être adossées
contre le m u r ? 11 fallait absolument laisser une dis
tance telle, que les vents ne pussent pas y pousser les'
branches. Mais , encore une fo is , quand la distance
aurait été à vingt pied s, cet adm inicule v a u t - i l un'
titne pour donner le terrain in term éd ia ire? si une
charmille é t a i t u n e l i m i t e , où s’a r r ê t e r a i t - ô n , car celleci ne longeait qu’ une partie de la maison voisine ?
T a n t que les experts n’ont raisonné que par h y p o
th èse, ils ne sont pas fort à crain dre, puisqu’ils pensent
autrem ent que la loi. Mais il y a lieu de s’é to n n e r,
q u e , dans leur résu m é, ils aient paru regarder com m e
co n sta n t, q u ’une porte avait existé jadis dans le m ur
des bâtimens du sieur Delaire.
Qui le leur a dit ? un seul indicateur, dont ils ne
disent ni le n o m , ni l ’a g e , tandis que d’autres indi-r
* cateurs désignés, et d ’ un âge a van cé, font la description
de
�.
. ( 25 }
de Fétat ancien des lie u x , et ne disent rien de pareil.
C et inconnu méritait^il donc assez de confiance pour
qu un fait aussi invraisemblable fût regardé com m e
Constant ? 1
C e qui devait prouver cette invraisem blance a u x
exp erts, était’ l ’ép iso d e , noté par e u x -m ê m e s y de la
porte ou fenêtre que le sieur Bardonnet avait vo u lu
f a ir e , et dont les religieuses em pêch èren t Touverture :
s’il avait eu une ruelle laissée p a r '‘l u i , hors de sa
m a is o n , elles n ’auraient pas pu s’y o p p o ser, m êm e
quand cette ruelle n’aurait été que pour le tour d’é
c h e l l e , ainsi que l’enseigne C œ pola, en son traité de
'servitut. urb. prœd. , ch. 1 1 , n.° 6. :
* C ette résistance des religieuses ’ devait paraître un
m o y e n ¡décisif a u x experts : car en l ’absence d’un titre ,
le sieur Bardonnet aurait dû avoir possession après
contradiction ; et au c o n tr a ir e , la contradiction avait
eu pour résultat d’em pêch er dè posséder. '
C ette réflexion si naturelle se fortifiait par la décla
ration de l ’in d icateu r, qui / pendant sa ferm e , avait
cultivé le terrain ju sq u 'a u , mu r ) fait d’autant plus in
con testable, que les sieurs D elaire et B a rd o n n e t, loin
d e - le n ie r , ont regardé le terrain en litige co m m e
acquis a u sieur Burelle par la prèscription.
C om m en t donc des expertsaussi judicieux et instruits,
ont-ils négligé des conséquences aussi frappantes, nées
de leurs propres rem arques, pour s arrêter à ce q u ’ils
ne voyaient ni par leurs y e u x , ni par les y e u x d ’autrui ;
en un m o t, pour courir après un fantôme. N ’en soyons
7
�( s6 )
pas surpris; car que le-plus sage a d o p te’ un systèm e
q u e lco n q u e , il veut le fortifier de tout ce q u ’il croit
propre à le faire valoir, et il ne se hâte pas de noter
ce qui le contrarie. C e r te s , la question était délicate
pour des experts nourris des usages d’A u vergn e. Il y
avait)Un rebord de bois a une fen être, et^ sans d o u te,
les experts se sont s o u v e n u s aussitôt de la cou tu m e
locale de C l e r m o n t . L es principes auxquels on est fa
miliarisé dès son e n fa n c e , reviennent toujours à la
m ém oire com m e un e-règle dominante et sure. D é là
vient q u ’ici les experts ont parfaitem ent raisonné dans
tout ce qui ne tenait pas spécialement aux usages
d ’A u v e r g n e ; mais une fpi$;yenus à cet a rticle, le na
turel lfa em po rté; et rejetant toute réflexion 'co n traire,
ils ont p r o n o n c é ren point de jdroit co m m e ils l ’eussent
fait pour un procès d 'A u ve rg n e. N aiurarn expellas
f u r c â j tameiz, usqub 'reciirret»
-, .
;
P e u t-ê tre leur opinion?}) assez brièvem en t énoncée
sur le>tour d ’échelle,jest-ellë donnéé-com m e un m o yen
term e entre la demande]du s ie u r D e la ir e , qui, co m m e
on l’a dit, veut avoir six pieds.de distance, non compris
le todr d'échelle , e tile * ju g e m e n t de< la Palisse , qui
accorde six. pieds. ¡Mais un procès n ’est pas jugé; par
a m e n d e m e n t, quand la loi ne compose pas.
t
Elle compose s i ’p e u , que m ê m e en coutum e d ’A u
v e r g n e , des vues et é gouts n’em p êc h en tcpas le voisin
d'acheter>la m i t o y e n n e t é du m ur pour y bâtir, et de
supprimer les
jours.
L a C our l ’a ainsi jugé dans la
causé des sieurs C hevalier et C h a p a v e y r e , en l ’an i 3 j
�( %1 }
et cependant il y avait aussi une façade à vues droites
qui n était point mise à la hauteur de coutum e : la
C ou r jugea seulement que le stillicide était acquis par
la prescription, et ordonna qu'il serait conservé en b â
tissant contre le m ur : mais les vues ont été bouchées.
L e sieur C hevalier citait deux arrêts, l’ un du parlem ent
de P aris, par A u g e a rd ; l’autre , de-la C ou r de cassation:
ces arrêts ordonnaient aussi la suppression des jours
pratiqués sur l ’héritage voisin , malgré leur n écessité,
et m algré toutes prescriptions et présomptions.
C ’est p eu t-être un in con vénient que d ’ôter des fe
nêtres h celui qui en a usé lon g-tem s : mais il a dû
s’y atten dre; et l'inconvénient serait bien plus grand
de dépouiller le voisin d ’ une portipn de sa p ro p riété,
de le forcer m êm e h dém olir un bâtim ent. L e sieur
Burelle avait sacrifié une partie de son droit pour vivre
en bon voisin ; il avait abandonné une partie de son
terrain ( 1 8 , 20 et 22 pouces, suivant le r a p p o r t ) , et
s’ était retiré de près de deux pied s, sans y être o b lig é ,
et lorsqu’il aurait pu faire supprim er l ’égout et les jours
du sieur Delaire.
C elui-ci trouve que l ’eau de son toit lui revient par
incidence, après être tom bée sur le m ur du s.r Bu relle;
mais le plus grand dom m age en ce cas serait bien pour
ce dernier; au resle, il y a un m o yen peu dispendieux
d ’éviter ce dom m age resp ectif, c ’est de cou per la
m oilié de saillie du toit, ou d y placer un chenal qui
conduira les égouts dans la rue.
.Si le sieur Burelle eût cru ne pas éviter uft procès,
�(28)
r
.
'
il a u r a it " agi différem m ent, et il aurait usé de tout 'son7
droit.; Mais quand il a sacrifié quelque chose à la p a ix /
on ne peut pas en tirer avan tage; et encore une fois,
si les lois ne sont pas un vain m o t, le sieur Burelle ne
peut pas être contraint d’aban donner son terrain à celui
qui n ’a nul tître pour s'en dire propriétaire : il a pour
lui la lo c a lité , les titres , l’expertise , la c o u t u m e , e t
l ’opinion uniform e de tous les com m entateurs.
M . e D E L A P C H I E R , ancien avocat,
j
M . G O U R B E Y R E p è r e , avoué.
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A RIO M , de l'imprimerie du Palais, chez J.-C, SALLES.
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Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Marie
Relation
A related resource
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Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
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A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Burelle, Joseph. 1810?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Delapchier
Gourbeyre, père
Subject
The topic of the resource
coutume du Bourbonnais
droit de voisinage
nuisances
Description
An account of the resource
Mémoire pour Sieur Joseph Burelle, Notaire impérial, habitant de la ville de Varennes-sur-Allier, appelant ; Contre les sieurs Guillaume Delaire, J.-B de la Geneste, et Franç.-Blaise Bardonnet-de-la-Toule, intimé.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie du Palais, chez J.-C Salles (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1810
1689-Circa 1810
1661-1715 : Règne de Louis XIV
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
28 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0415
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Varennes-sur-Allier (03298)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Relation
A related resource
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/5/53799/BCU_Factums_M0415.jpg
coutume du Bourbonnais
droit de voisinage
nuisances
-
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21cef8c74614dfdb8e594b983983a918
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P R E C IS
POUR
Jean-P
ie r r e
^ ^ l}buy
U t o 'C i - u w ù J .
/tyu<+rfc4li_ /[iiH f^ ,
■
‘ '
' ■IMcu/ulJ
A S S E Z A T , de la ville du P u y ,
! a p p e lan t ;
\
CONTRE
Matthieu
J E A N , de la même Ville, intimé.
LE sieur Assezat est propriétaire d’une tannerie pour
l’usage de laquelle il a une prise d’eau qui ne lui est
pas contestée , mais que le sieur Jean veut partager
avec lui.
Le seul motif du sieur Jean , pour prétendre à ce
partage; est de dire, 1.° que sa maison provient originairement du même propriétaire, et.qu'elle était aussi
une tannerie, il y a 2 5o ans; 2.0 que le même proprié-
�( O
_
faire l’a ensuite réduite en boutique à teinture , et
qu’en pratiquant, il y- a seize ans, un aqueduc,
autre que celui cju7ilfi;éclame ,'il a repris et conservé
le droit dey redemander^ l’ancienne.* p r is e d ’eau telle
qu’il la suppose,_l
A cela le sieur Assezat répond, i.° que de tems
immémorial il a joui seul de la prise d’eau, et que si
l’ancien propriétaire des deux maisons a aliéné celle de
Jean, sans prise d’eau, la retenue qu’il a faite de cette
eau pour' lui-même ne peut être disputée aujourd’hui à
ceux qui le représentent ; 2.0 que c’est lui qui a permis
au précédent propriétaire de la maison Jean, d’établir
un aqueduc fort différent de celui qu’on voudrait au
jourd'hui, puisque n’étant accordé que pour une simple
teinture, et pour le trop plein de l’eau, Assezat n’était
privé de rien.
Telles sont en abrégé les prétentions des parties qui
_
p la id e n t; il fallait les a n n o n c e r p o u r ren d re intelligible
la localité qui va être indiquée, et appeler rattention
de-la Cour sur les circonstances qui s'appliqueront
aux difficultés de la cause.
Les deux maisons d’Assezat et Jean, sont situées
en la ville du P u y , faubourg de St. Barlhélemi. Elles sont
séparées par une branche de ruisseau appelée le Béaidu-Breuil ; il passe sous une voûte qui lie les deux
maisons.
Ce n’est pas ce ruisseau qui fournit à la prise d'eau
en conteslation ; elle vien t au contraire le couper en
ligne droite par des aqueducs en maçonnerie , qui dis-
�( 3 )
iribuent ensuite les eaux, par des gargouilles en pierre y
dans les tanneries voisines qui 'sont en possession immé
moriale d’en user ainsi.
L e dernier embranchement de cette distribution est
celui qui nous occupe. Ayant à traverser un chemin
public, l'eau passait dans un aqueduc , couvert d’une
voûte assez é le v é e , de laquelle sortait une autre gar
gouille qui menait l’eau h la tannerie d’Assezat.
On a fait assez récémment une grand’route sur
l ’emplacement de ce chemin, et les ingénieurs y fai
sant un pont et une chaussée, ont néanmoins respecté
cette ancienne vo û te, qui est restée sous l’arche du
pont, telle qu’elle était; ensorte que cette réparation
publique n’a rien dérangé à l’ancien cours des eaux.
La tannerie d’Assezat, achetée par son aïeul, n’a
jamais cessé de jouir de cette prise d’eau. Encore une
fois on ne le nie pas, mais voyons ce qu’il en a été
de la maison voisine, pour laquelle le s.* Jean reven
dique une portion de l’eau.
L e sieur Jean nous apprend que sa maison et celle
du sieur Assezat appartenaient en 1544 au même pro
priétaire, Michel Pendraud qui était coLratiery ou tan
neur, et qui dans un cadastre se reconnut possesseur
d’un oubradoar en deux parties.
Si cela est exact, il paraît que ce Pendraud vendit
ensuite la portion de bâtiment située sur la rive gauche du Béai, et qu’il garda toute la prise d’eau pour lui • car
le sieur Jean nous prouve par un autre cadastre de
16 78 , que François Entier, possesseur de la même'
�{4 )
maison à cette époque , en fit réduire l’impôt de
moitié, attendu (porte le cadastre ) quelle riest plus
un ouvroir,
Cependant, il.paraît que depuis cette date on avait
voulu’rendre quelque activité à cette maison (Jean);
on y établit une teinture, et'personne n’ignore que
cet établissement, dans l’usage à-.peu-près général,
n’a besoin que d’avoir un ruisseau à sa proximité : or
p r é c i s é m e n t , le Béal-du-Breuil en baignait les murs.
. On voit dans un 3 .« cadastre de 1730 , que Jacques,
Soulier ( propriétaire’ de la maison. Jean ) avait alors
y ne maison et boutique à teinture, tandis que François
Balme (propriétaire de la maison Assezat ) avait tou
jours une' tannerie, et par conséquent la prise d’eau
nécessaire.
■
1
. Aussi remarque-t-on , que ce François Balme ven
dant à Pierre Assezat sa maison et tannerie, le 6 avril
1-739, comprit dans’ la vente la prise d ’ea u , comme
une chose sans laquelle Assezat n’aurait pas voulu
acquérir.
On voit encore dans un acte de 1747 que le seigneur
du lieu, en donnant ¿1 Assezat l’investiture, y dit que
le béai est pour le service des tanneries.
Il paraît que le sieur' Ameline acheta de Jacques
Soulier sa maison et teinture ; il n’en acheta d’abord
que la moitié et un huitième, par ac^ du 11 janvier
17 9 3 , et quoiqu’il fût très-important de désigner la
prise d’ea u , non - s e u l e me nt comme acquise, mais
e-ocore par lu quotité et le mode de cette prise d’eau>
�(5 )
■puisqu’ elle.aurait dû se diviser à raison de chaque part,
si elle était inhérente à la maison.
Les autres portions de ladite maison furent achetées
par Âméline des autres héritiers Soulier , savoir, un
seizièm e,île 4 ventôse an 2’, et trois seizièmes, le 4
complémentaire an 1 1 ; ensorte que ce n’est que le
dernier jour de Tan 1 1 , qu’Ameline à été propriétaire
de toute la maison. Quoiqu’il en soit, c’est le s.r Ameline qui, après 179 3, fit un nouvel œuvre, dont il est
nécessaire de bien entendre le placement et le motif.
La maison Jean, baignée à l’orient par le Béal-duBreuil, a deux entrées,l’une au midi, qui se rapproche
beaucoup de l’aqueduc voûté auquel il veut participer ÿ
l ’autre au nord, et c’est là que s’exploitait la teinture.
A côté de la porte du midi était un ancien puisard,
bâti dans le m ur, ■saillant en dehors, et exhaussé par
une mardelle couverte tantôt par des dalles de pierres ?
tantôt par des planches.
Si ce puisard avait eu une destination dans le tems
que la maison était oubradour , en 1544, au moins
est il constant qu’il devint inutile lorsque le tanneur
Pendraud ou ses successeurs la vendirent. En e ffe t,
de quelque loin que les voisins se souviennent ce
puisard n’a toujours servi qu’à tenir du fumier.
Soulier et Ameline ne purent pas même Futiliser
pour leur teinture, car il demeura fosse à fu m ier, et
aujourd’hui même il ne sert à rien.
Le voisinage de l’aqueduc donna une idée à Ameline;
�c 6 }
il la communiqua à Assezaf, qui n’y voyant aucun'dé
triment réel pour lui, s’empressa d ’y souscrire.
Il s’agissait d’établir un tuyau en bois, non pas vers
la voûte même’ de l’aqueduc, ce qu’Assezàt n’aurait
pas souffert ,' mais dans un angle par lequèl une gar
gouille , portant les eaux chez Assezàt, en laissait
aller Ië trop plein dans le ruisseau, par une autre gar
gouille inférieure.
’
'
Ce tuyau de bois devait fournir à la teinture une
eau plus claire ; son nivellement le portait au-dessus
du puisard qu il n’était pas possible d'utilisèr, et ce
tuyau traversant le mur de la- maison Jean , se pro
longeait hors de la maison , jusques à la boutique à
teinture, qui*était comme on l’a déjà dit , à l’autre
extrémité vers la porte du' nord. Là le tuyau rentrait
par le m ur, dans l'intérieur de cette boutique, où il
venait verser l’eau dans un nouveau puisard. '
V o i l à ce q u ’ A ssezal perm it à A m e l i n e / l l le d e v a it
en b o n voisin, p u isqu ’il n ’ e»ût pu refu ser que par mé
chanceté ce qui ne lui nuisait pas. Assezàt restait le
maître de l ’eau, et lorsqu'il la voulait toute entière,
il lui suffisait de faire mettre un bouchon au tuyau
de bois.
!
r '
C ’est ainsi que la chose's’est pratiquée amiabl'ement
pendant toute la durée de la possession d’A m elin e,
et si le sieur Jean ne lui eût pas s u c c é d é , il n ’y aurait
pas de procès.
Le'sieur Jean, acquéreur d’Ameline, a débuté par
�(7 )
un coup d’autorité, ou plutôt par un tour d’adresse
qui aurait dénaturé les lieux de manière à ne plus
reconnaître le droit de chacun , si Assezat ne s’y fût
pris à tem s, pour arrêter cette voie de fait.
Il ne s’agissait plus de prendre l’eau dans un tuyau
de bois , ni même de la mener à l’ancien puisard,
auquel Jean veut se borner aujourd’hui. Pour établir
une tannerie et conduire l’eau dans le derrière de la.
maison, il y avait bien des obstacles à vaincre; car
l’ancien puisard est beaucoup plus bas que -le sol de la
maison Jean ; alors, au lieu de conduire l’eau par là ,
le sieur Jean conçut l’idée de la faire dévier par un
autre angle de sa maison; mais pour cela,-au lieu de
la prendre dans la gargouille d’Assezat, il fallait aller
yusques sous la voûte du grand chemin , enlever les
pierres trop larges de l’aqueduc d’Assezat, et partager
l ’emplacement , de manière à faire deux aqueducs,
dont l’un aboutirait chez Jean.
Telle était la conception de ce s.r Jean, et déjà il avait
débâti l'aqueduc d’Assezat, lorsque celui-ci le cita au
possessoire le 6 juin 1809; et comme il y avait grande
urgence , le juge de paix cita Jean à comparaître
sur les lieux dans la même journée; il y dressa un
procès-verbal, et néanmoins Jean continua son nouvel
oeuvre, malgré le juge de paix; il fut cependant arrêté
par un jugement possessoire, qui ordonna la remise
des lieux au même état.
Alors Jean se pourvut au pétitoire; il conclut à
être autorisé à prendre les eaux au même point où
�(3 )
Assezat les prenait, sous l’arcade du pont’ : subsidiai—
rement il conclut au partage des eaux.
L e 2,6 juillet intervint un jugement interlocutoire
dans un sens qu’il était difficile de prévoir. En effet,
le sieur Jean étant demandeur avait tout à prouver,
et en efïet il offrait la preuve directe, i.° que depuis/?/^
de trente ans il y avait dans sa maison une fabrique
a tannerie , et des fosses de tanne rte dont Les- traces
subsistent encore ,* q u ’ elle était alimentée p a r l’aqueduc
dont partie subsiste encore, et qui fournit l ’eati aux
deux maisons; 2.0 que ce n’est que depuis vingt-quatre
ans qu’Ameline changea le mode de prise d'eau j qu’il
bâtit et ferma dans son mur un ancien aqueduc en
pierre, et qu’en place dudit aqueduc, il plaça l’arbre
percé; 3.° que l’arbre percé prenait Feau dans le même
aqueduc principal et au même point où Assezat la
pren d , et où l’aqueduc la conduisait précédemment
dans la m aison de Jean,* 4.0 qu’Ameline et ses pré
décesseurs ont de tems im m é m o ria l c o n t r ib u é , h raison
de ladite prise d’eau, à l’entretien de l ’aqueduc du pont.
Assezat n’étant que défendeur soutenait que la de
mande n’était pas établie, et au surplus offrait la preuve
contraire desdits faits, et notamment qu’il a toujours
joui de l’eau ; que ce n’est que depuis dix- huit ans
qu’il donna La permission à Ameline d’établir un cor
en bois, et qu’il en fermait l’orifice toute les fois.qu’il
avait besoin de la totalité de l’eau.
Par un renversement dont 011 ne peut pas trop se
rendre raison, le tribunal du Puy chargea Assezat de
la
�( 9 )
la preuve directe, qu’il avait toujours joui de l’eau, et
donné à Ameline la permission d’établir le cor en bois.
Et ce qui est peut-être plus inexplicable encore, Jean,
dans son enquête contraire, fut dispensé de l’art: i .er ,*le
plus important de sa preuve , c’est-à-dire qu'il ne fut
pas astreint à prouver que depuis plus de trente ans il
y avait dans sa maison une fabrique à tannerie. Ce
pendant il était demandeur au pétitoire, il devait éta
blir sa demande par titre ou possession de trente ans, et
il avait bien compris qu’en l’absence d’ un titre yil devait
en première ligne offrir la preuve de celte possession.
J L a preu ve, exigée du sieur Jean , se borna aux
trois autres articles par lui articulés ; mais la diffé
rence était essentielle; car prouver l’usage d’une prise
d'eau, ou ses vestiges, n’était pas lever.la difficulté de
savoir s’il fallait de l’eau pour une teinture ou pour
une tannerie, ce qu’il était de la plus grande impor
tance de distinguer.- :
Ainsi, la première impression que laisse ce jugement
interlocutoire, c’est de s’étonner que Jean ait à prou
ver moins qu’il ne le devait, c’est de s'étonner encore
qu’Assezat soit astreint a prouver sa possession, quoique
défendeur, et malgré un jugement possessoire qui l’avait
déclaré maintenu.
v
Il faut ajouter que le même jugement interlocu
toire ordonne que M. le commissaire - enquêteur sera
assisté du sieur Gendriac, architecte, lequel lèvera un
plan, et fera la description des lieux à M. le commis
saire, qui en dressera procès-verbal.
3
�( IO )
Celte mesure était absolument nécessaire pour l’in
telligence et même la rédaction des dépositions; car,
les témoins ayant à parler d'aqueducs, de vestiges et
de nivellemens, il était difficile de tout comprendre ,
sans cette opération préalable, ou sans s’interrompre
à chaque instant pour aller voir les divers points dé
crits par les dépositions. Il était plus difficile encore
de rédiger ces dépositions d’une manière intelligible
pour ceux Fqui auraient , à les lire , si le local décrit
n’était à l’instant désigné par les signes d'un plan.
Voilà ce que le sieur Assezat désirait , ce qu'il de
manda, et ce qu'il n’obtint pas, malgré son insistance
pour ne rien laisser d’équivoque dans toutes les expli
cations qui devaient être données.
Quoi qu’il en soit,-voyons ce qui est résulté de cet
interlocutoire, et sachons si c’est le demandeur au
■
.
.
pétitoire qui approuvé sa possession, aaimo çLomini,
ou si c’est au contraire Assezat qui a prouvé que cette
possession n’a eu lieu que par sa permission et tolé
rance.
On voit dans l'enquête ¿ ’Assezat , les i.er, 2 e, 3 .%
5 «, 7.%8.®, 12.*, i 3.c, i 5 .e et 17.* témoins déposer una
nimement avoir toujours vu Assezat jouir des eaux
en maître, ouvrir et fermer le canal quand il le vou
lait , placèr des moites pour e m p ê c h e r qu’il ne s’en
échappât dans le ruisseau, et les ôter quand il n’en
avait plus besoin; que les lieux étaient toujours comme
a u jo u rd ’h u i , et qu’ils n’ ont changé que depuis le iems
qu'Ameline plaça un tuyau de bois.
�( 11 )
L e 9.% le io,e et le i y . e témoins parlent de la per
mission donnée par Assezat à Ameline d’établir un
tuyau de bois pour prendre l’eau ( ils étaient ap
prentis d’A m e lin e ); le g.e dit qu’avant cet établisse
m e n t , Ameline avait une pompe pour entretenir sa
chaudière; qu’ensuite en ayant monté une seconde,
il envoyait ses ouvriers chercher l ’eau au ruisseau, et
que ce ne fut qu’après ladite permission qu’Ameli.ne
prit l’eau à l'aqueduc; que lorsque Assezat avait be
soin de l'eau, il venait boucher le tu}^au; que cepen
dant, lui déposant allait quelquefois la reprendre fur
tivement, mais qu’alors Assezat s’en plaignait. L e 10.%
qui n’a quitté Ameline que. lorsqu’il vendit sa maison
à Jean., ajoute qu’Ameline disait quelquefois, qu'Assezat était un bon voisin de lui avoir donné la facu lté
d’établir ce tuyau de bois;-il ajoute que lorsqu’Assezat le bouchait, Ameline ne s’en.plaignait pas.
L e 17.' dit qu’Ameline prenait l’eau avec ïagrément
d'Assenât y lorsque celui-ci n'en avait pas besoin.
Les 7-e et 8.® témoins disent que lorsqu'Ameline
acheta la maison Jean, il n ’y avait de fabrique d’au
cune espèce.
Le 1 i.e et le i 3.e ont vu deux puits dans la maison
Ameline (ce qui eût été assez superflu, si l ’eau y fût
venue par des aqueducs); ce n . e témoin est l’ouvrier
qui a placé le tuyau de bois; il dit avoir vu dans le
même alignement une gargouille en pierre de taille
qui traversait le mur, et le dépassait de quatre pouces.
E n fin , le 3 .®et le i6.e témoins déposent un fait assez
4
�( 12 )
essentiel, et qui prouve que tous les moyens sont bons
à Jean pour en venir à ses fins; il avait prétendu que le
déversoir d’Assezat menait jadis les eaux chez lui 3 mais
une des pierres était coudée, ce qui était l’idée qu’il
•veut donner; or, ces deux témoins disent que pendant
le procès Jean a enlevé cette pierre coudée.
Voyons maintenant si l’enquête;de Jean détruira les
faits de tolérance ci-dessus établis. Tout ce qu’il paraît
avoir prouvé c’est la coopération d'Ameline aux frais
de nettoiement du canal, ce qui était fort naturel,
puisque l’eau lui était utile, mais ce qui n’a rien de
commun avec le mode de jouissance.
Les 3 .e , 9-e et io.e de lia .première enquête, les s.e
et 5.e de la seconde disent bien qu’Ameline et Assezat
jouissaient de Téau concurremment, mais il n^y a rien
là qui caractérise une possession de propriétaire plutôt
qu une possession de tolérance, en sorte que l’enquête
directe reste dans toute sa force sur ce point principal.
Les 3.e, 4.% 7.® et n . e témoins de la première en
quête de J e a n , les
4.% 5.e et 6.e de la seconde font
la description'des lieux, et ne sont rien moins que d’ac
cord dans leur obligeance; les uns disent que le cpnal
en pierre, qui fait le déversoir d ’Âssezat pour jeter le
trop plein dans le béai, se pro lo nge ai t autrefois jusqu’au
puisard ancien de la maison Jean , H y en a même qui
disent avoir vu tomber l’eau dans le puisard (chose phy
siquement impossible, mais d’ailleurs inutile au procès) 3
�( i3 )
d ’autres n’ont toujours vu ce puisard que plein de terre
et de fumier. Il n’y a pas jusqu'à la veuve Ameline qu'on
n ’ait fait entendre, et qui, sansdoule, pour se préserver
d'une menace de garantie, arrange les lieux d’une ma
nière toute particulière. Ce puisard, toujours à sec et plein
de fumier, était, suivant elle, un bon aqueduc il y a
vingt-quatre ans, et l’eau parcourait l’intérieur par des
conduits en pierre. Malheureusement le sol de la mai
son est plus élevé que le puisard ; mais elle y a réfléchi,
et elle nous apprend que c’est elle qui a fait élever le pavé
il y a quatorze an s, et qu’ensuite on remplaça ces
aqueducs de pierre par des tuyaux de bois qui eurent
une autre direction5 puis, elle nous révèle aussi qu’elle
a vu sous la terre des débris de fossés à tanneurs. E n fin ,
perdant un peu de vue tout le bouleversement qu’elle
vient de faire, elle termine par dire qu’elle a toujours
vu les lieux au même état, excepté le placement du
tuyau de bois qui a remplacé la prise d’eau ; du reste,
elle déclare que son mari et Assezat vivaient en trèsr
grande intimité.
L e témoin qui vient après veut bien un peu s’ac
corder avec elle pour trouver des conduits au-delà du
puisard, mais ce qui ne va pas avec les vingt-quatre
ans, c’est que ce témoin dit avoir été localaire de la
maison Jean , il y a vingt-deux ans, (ce qui prouve
qu’Ameline.n’ y était pas encore alors), et après avoir
parlé d’un conduit de pierre dans 1 intérieur, il dit que
ne se faisant aucune fabrique dans celle maison, le pui
sard était plein d’ordures. Quand 011 l’interroge ensuite
�( i4 )
sur Assezat, il avoue qu’Assezat plaçait des mottes
quand il voulait pour ôter l’eau au voisin, et que
Bartliélemi (ouvrier d’Assezat), donnait des coups de
poings à ceux qui venaient la lui couper. Ce dernier
fait est encore attesté par d’autres témoins.
L e procès-verbal de description des lieux, et le
plan qui auraient dû précéder les enquêtes ne furent
dressés que le 21 novembre 1809, et la Cour pourra
y voir si les descriptions de la veuve Ameline ont quel
que réalité.
L ’expert, après avoir parlé de l’état actuel des lieux
et du déversoir en pierre , qu’on disait mener au pui
sard, et de là dans la maison Jean, fait creuser la terre
dans cet alignement ; au lieu de trouver un canal en
pierre, il ne voit sous le pavé qu’une pièce de bois de
sapin de trente-sept pouces, pourrie et informe, tiab ou tissa n t p o in t a u p u isa rd .
Il constate que la gargouille dont on voulait faire
l ’ancien aqueduc de Jean est plus basse que celle qui
conduit l’eau chez Assezat.
11 fait creuser derrière la porte de la maison Jean, il
trouve un pavé en pierre de taille; il trouve aussi un
canal en pierre, mais il vériiie le le n d e m a in qu’il ne
dépasse pas Fépaisseur du mur (ainsi ce ne peut pas
être un aqueduc de tannerie). Au-dessus de ce canal
il voit encore une gargouille, q iJi a la vérité traverse
le mur , mais qui n’a de saillie dans la maison que de
quelques pouces.
�( i5 )
Il a cherché dans toutes les tanneries voisines quelle
est la position des conduits dans l'intérieur , et il a vu
que 1 eau rentre par un coin de la porte; ensuite il vient
faire fouiller chez Jean , le long du m u r , et n’y trouve
aucune gargouille.
Il remarque que Faire de la boutique du côté de
midi a été déblayée de la hauteur de huit décimètres.
Il trouve cinq fosses en pierre de taille, mais elles
sont neuves, et Jean est obligé de convenir que c’est
lui qui les a fait b âtir, sans articuler même que c’est
sur d’anciens vestiges.
Enfin il nivelle le terrain pour savoir si l’eau récla
mée peut aller jusques dans Fintérieur de la maison ,
et il trouve que Faire de la première boulique est plus
élevée que la gargouille où Jean veut trouver l’origine
de son ancienne prise d’eau. L ’expert fait même un
nivellement plus essentiel qui prouve que la partie du
pavé près le puisard (celui découvert plus haut) est
encore plus élevé que Faire de ladite boutique ( ce
qui prouve forcément que l’eau n’a jamais pu monter
ni à la boutique qu’on sou lient avoir été une tannerie,
ni même au pavé ancien qui la précède >puisqu’il est
encore plus élevé que la boutique.
Aussi quand il serait vrai que la veuve Ameline
aurait fait élever Faire de la maison , quand le nou
veau déblaiement vu par 1 expert n aurait pas rebaissé
le sol , le pavé découvert est toujours la pour atlester
Fancien état des lieux ; et prouver évidemment que
�( 16 )
l ’eau n’a pas pu remonter du puisard jusques aux
boutiques de ¡’intérieur.
Quoi qu’il en soit , le tribunal du Puy n’a pas jugé
à propos de faire toutes ces remarques, il a cru voir
au contraire dans ces éclaircissemens une preuve complette que Jean et ses prédécesseurs avaient joui cons
tamment de l’eau , et c o n c u r r e m m e n t à titre de pro
priétaires. Il a cru v o ir e n c o re q u e le tuyau de bois
n’a été que le remplacement d’un ancien aqueduc ;
en conséquence il a ordonné le partage de l’eau dont
il a néanmoins proportionné le volume à la dimension
comparative de la gargouille d’Assezat y avec le pré
tendu conduit de Jean , d'où il suit que Jean est auto
risé à avoir le tiers de l’eau , et ce qui est plus extraordinairë, à la prendre à l’embouchure de l’aqueduc (in
novation qui suffit seule à prouver que ce n’est point
un ancien aqueduc qu'on veut conserver à Jean / mais
u n e n o u v e lle concession q u e la m u n ific en c e du tri
bunal du Puy lui octroie ).
Cette décision est-elle tolérable lorsqu’elle n’est ap
puyée ni sur les faits, ni sur les actes, ni sur des prin
cipes ?
•
Des faits? La Cour verra par la lecture des enquêtes
comparées à la description des lie u x , s’il est possible
de penser qu’avant rétablissement d Ameline , tein
turier, il pût y avoir une prise d eau dont le tuyau en
bois n’ait été qu’un remplacement. Elle verra s'il n’est
pas
�( 17 )
pas clairement prouvé que jusqu’alors rien n’avait l’ap
parence d une tannerie, ni même d’une teinture ; que
le puisard même était encombré ^ que loin de cher
cher des vestiges d aqueducs dans l’intérieur, Ameline
fût forcé de conduire par des tuyaux en bois, et par un
nivellement cherché hors de sa maison, l’eau qu’Assezat lui permettait de prendre.
Tout les faits constans sont en faveur du s.r Assezat ;
il n’a pas seulement contrarié la preuve de son adversairepar une preuve de permission qui s’attache à la
possession de Jean et lui donne un caractère de tolé
rance, mais il a lui-même prouvé sa. possession et son
dioit. Cependant il n’avait rien h prouver, car il était
défendeur. Son adversaire avait à établir sa demande,
et sans discuter les enquêtes dont on vient de donner
le précis, il suffit de dire comme chose constante, que
le droit de Jean à réclamer une prise d’eau pour une
tannerie, n’est pas prouvé.
Des actes? Mais Jean n’en a d’ aucunes espèce, et
tous ceux qui sont produits en la cause détruisent son
système de fond en comble.
Car si Michel Pendraud a eu les deux maisons Asse
zat et Jean en i 544 >il n’est pas prouvé d’abord que
ces deux maisons fussent tanneries; et il n’est pas prouvé
qu’un ouvroir veuille dire uue tannerie : mais quand ce
serait prouvé, il en résulte quelque chose de plus fâcheux
encore pour Jean, c’est qu’il est constant que l’une des
deux a été tannerie,au moins depuis 1678, et c’est celle
5
�( 18 )
d’Assezat, tandis que l’autre est prouvée ne Tavoir
été ni en 1678, où elle était en ru in e, ni en 1730,
où elle était teinture, ni avant A m e lin e , où elle n'é
tait rien du tout.
A moins de contester tous les usages en fait de titres,
il est bien évident que lorsqu’il s’agit d’une prise d’eaù,
divisible entre plusieurs , et conduite par des embranchemens de canaux, la première règle pour un acqué
reur est de faire exprimer qu’il en achette une part.
Et c’est ici où les comparaisons deviennent essentielles.
Assezat, plus ancien acquéreur, prouve par les titres
qu’il rapporte qu’on n’a jamais parlé de sa maison , sans
parler de la prise d’eau comme partie intégrante.
A u contraire, Jean a une multitude de titres frap
pant sur sa maison, et la prise d’eau n’y est mentionnée
nulle p art, pas même lorsqu’il achetait des quarts et
seizièmes de maison , et lorsqu’il avait intérêt de faire
expliquer le mode de prise d’eau et son volume.
Dirait-il que l’usage dans les actes est de parler va
guement de servitudes sans s’inquiéter de leur détail,
et que les précautions prises dans les titres dAssezat
sont insolites. On lui répondra à l’instant par le relevé
qui a été fait de tous les actes relatifs à l’aqueduc qui
distribue ses eaux aux tanneries du faubourg St.-Bartliélem i, et il y verra que nulle part il n’est parlé de
ventes de maisons, sans ajouter en meme tems que la
prise d'eau en faisait partie.
Ainsi les actes produits condamnent le sieur Jean,
et ce qui en résulte de plus clair, c’est que l’une des
�( 19 )
.
parties veut conserver ce qu’elle a , tandis que l’autre
ne veut pas s’y ten ir, et bouleverse tout, pour aug
menter sa propriété aux dépens d'un voisin.
Ceci nous mène à Fexamen des principes, et c’est
là ce qui a donné le moins d’inquiétude aux i . ers juges
ou peut être le plus d’embarras; car, sans cela, com
ment concevoir qu’ils fussent allés chercher dans une
enquête contraire ce qui était démenti en fait par
l ’enquête directe, et ce qui était démontré impossible
par un nivellement. Gomment adopter sur-tout qu’ils'
aient pu donner à Jean une prise d’eau tout autre
que celle dont ils s’attribuaient la possession.
l a aquœductu nihiL est Lnnovandum contcà veterem
formam. Voilà un principe élémentaire enseigné par
un grand m a ître , il renferme toute la doctrine des
prises d’eau, et déjà nous y voyons que Dum oulin,
s’il eût été le juge de cette cause, n’aurait pas consenti
yolontiers à ôter à Assezat un tiers de l’eau nécessaire
à une tannerie de trois siècles, pour donner à Jean le
droit nouveau de faire un établissement qu’il n’a jamais
eu, et de (métamorphoser une teinture en tannerie.
Si le sieur Jean voulait persister à soutenir qu’il ne
réclame qu'une ancienne possession d'aqueduc , et qu’il
en a fait la preuve , il est inutile de revenir à une
démonstration contraire, puisqu elle ne serait prise que
dans ce qui vient d'être lu, et que ce serait se répéter;
mais quand on lui ferait grâce de la vérité pour sup
poser qu’il a eu une ancienne possession d'aqueduc,
6
�( 2° )
que pourrait-il en résulter, si ce nJest qu’il doit con
server , par la prescription, ce que la possession lui a
donné. Tantum prœscriptum quantïnm possessum.
Or, quelque étendue qu’on puisse donner à la pos
session du sieur Jean , quelque disposé qu’on soit à
fermer les yeux sur la tolérance qui la dénature, le
maximum pour lui serait d’ajouter aux quinze 'ans de
prise d’eau, p a r u n tu yau de bois, autres quinze ou
vingt ans d’ une prise d’eau précédente, dont il a pré
tendu que le tuyau n’était que le remplacement, il est
visible qu’il ne naîtrait pas de cette possession trentenaire le droit de prendre l’eau nécessaire à une tan
nerie, et sur-tout de la prendre en un autre lieu, par
un aqueduc nouveau, et en remontant jusqu’à la voûte
du pont.
Il ne peut pas en résulter non plus la privation au
sieur Assezat de prendre toute l’eau quand elle lui sera
nécessaire, puisqué la possession du sieur Jean, en la
supposant trentenaire, a toujours été conditionnée de
cette charge.
Si le sieur Jean, remontant à des époques plus loin
taines, voulait s’emparer des rêveries de l’un de ses té
moins, pour dire que sa maison avait jadis des canaux,
et même des fosses, dont les débris ont été vus sous
la terre, et pour en conclure, que, par la destination
du père de famille, ces vesliges o n t conservé sa posses
sion, le système du sieur Jean n en serait pas meilleur.
Faisons lui g r a c e e n c o r e sur ces débris de fosses et
de canaux, invisibles pour l expert qui les a cherchés,
�( 21 )
et pour Jean lui-même qui n’a su montrer que des
fosses nouvelles, supposons qu’il a fait réellement l’heu
reuse découverte de vestiges bien apparens, que fau
dra-t-il en conclure?
• T^estigia possessîonem réitnent, cela est* vrai.^Mais,
qu’on lise Dargëntré, [ auteur d’une dissertation sur
cette matière, et on y sera convaincu que la possession
•*
1
•
.
.
n’est conservée par des’ vestiges que lorsque l’état des
lieux reste v a c a n t, lorsqu’il n’y a aucun changement
qui les dénature, lorsque sur-tout le rétablissement des
choses ne nuirait pas à l’occupation d'un tiers.
%
I
r
L e tems qui dénature tout/ ne veut point être in
terrogé sur ‘cè qu’il n’a- pas jugé* ;V propos de nous
révéler par, des signes cértains. Celui qui prétend
lire dans le passé, avec des conjectures, est aussi in
sensé que celui qui veut lire dans l ’avenir; tious avons
assez de'sujets d’erreur dans le présent/sans" en cher'icher de plus grands hors la sphère de notre intelli'i
,
gence.
'■
! ::Que le propriétaire d ’un bâtiment en ruine , em
pêche un usurpateur de s’en approprier le sol, sans
doute nous comprendrons qu’il est resté le maître de
rebâtir, parce que cette idée juste1 et naturelle n’est
contrariée par aucune autre.
' Mais, si un sentier, un pont, un aqueduc, marquent
un droit pour vous, même à titre de servitude sur mon
fonds, de simples vestiges en ruine ne vous donneront
pas le droit de rétablir les lieux comme ces vestiges
l ’indiqueraient, parce que cette idée est contrariée par
�(
)
la présomption, que la servitude n’a été détruite qu’à
titre de convention, ou comme usurpation empêchée.
C ’est par ce motif que les servitudes sont censées
éteintes, non utendo; et ce que disait, à cet égard, le
droit romain, est ratifié .par l’art. 706 du Code civil.
Remarquons à cet égard combien ce principe est fa
vorable, puisque la coutume d e P a r is ,, qui n’admet
tait pas les servitu d es sans titre , voulait cependant
qu’elles pussent être perdues par la prescription. Autre
preuve convaincante que le législateur ne veut pas
qu’on porte ses regards trop en arrière, pour que nous
„soyons forcés de prendre les choses en l’état où nous
les vo yo n s, sans déranger l’ordre établi.
Ou parle de destination du père de famille ; mais
.si Michel Pendraud a été le propriétaire des deux inaions, est-il prouvé d’abord qu’elles furent toutes lesdeux
tanneries? ne faut-il pas plutôt présumer le contraire?
J)ans tous les cas il n’a voulu conserver qu’ une tan
nerie, et, à cet égard ,sa volonté est écrite sur la pierre,
de manière à ce que la postérité ne s’y trompe pas. S’il
faut remonter jusqu’à lui, et croire qu’il a mis les choses
jen l’état où nous les voyons, il sera évident qu’il a fait
une tannerie pour la maison Assezat, et qu’il n’en a
pas fait une pour la maison Jean. Si nous supposons
que c’est après lui que les prétendus aqueducs de Jean
ont été détruits (s’i l ,y en avait eu à sa maison) „ i l
faudra nécessairement croire que cette destruction a
été exigée par le père de famille lui-même, quand il
a mis hors sa main la maison qui n’a plus d’aqueducs.
�( 23 )
.Toutes ces présomptions sont légales ? car le Code
civil les adopte, même en fait de servitudes; il dit que
la destination du père de famille conservera les servi
tudes continues et apparentes, ce qui prouve, qu’à
défaut de titre, celui qui voudrait en exciper ne doit
pas laisser détruire la servitude , sans quoi la loi la
supposerait éteinte par convention.
Concluons de toutes ces hypothèses que le sieur Jean
n’est pas plus fondé à vouloir une prise d’eau , en disant
qu’il veut la faire revivre, qu’il ne l’est en demandant
franchement à la créer. Concluons encore que s’il est
possible de se tromper sur le droit des parties, il ne
peut y avoir qu’une très - grande injustice d’ôter h
Assezat ce qu’il avait, s’il n’est pas évidemment cer
tain qu’il doit le perdre ; tandis qu’en laissant à Jean
ce qu’il a v a it, et sans aucune innovation , il n’y a
violation d'aucun titre, d’aucun droit r é e l , d’aucune
possession, et que c ’ est véritablement, d’après D u
moulin , laisser les choses en l ’état où les parties les
avaient mises. D e telles vérités n’ont pas besoin d ’exem
ples , mais s’il était permis de détourner un peu
l ’app^cation d’un grand principe, Domat nous prê
terait sa première pensée et la citation par laquelle "
îl a jugé à propos de commencer son immortel ou
vrage. Q u i d em im tà m congruum est fid e i hum anw ,
quàm servare €d
cjucb
inter eos pLacuerunt.
M. D E L A P C H I E R , A vocat
M .é G A R R O N , Licencié- Avoué.
�
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The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
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Factums Marie
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Description
An account of the resource
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A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Assezat, Jean-Pierre. 1810?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Delapchier
Garron
Subject
The topic of the resource
tannerie
témoins
jouissance des eaux
Description
An account of the resource
Précis pour Jean-Pierre Assezat, de la ville du Puy, appelant ; contre Matthieu Jean, de la même ville, intimé.
Annotations manuscrites.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
s.n.
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1810
1689-Circa 1810
1661-1715 : Règne de Louis XIV
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
23 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0416
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Le Puy-en-Velay (43157)
Rights
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Domaine public
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Jouissance des eaux
tannerie
témoins
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2368609c44d58c6a947b05db130540c3
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Text
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M É M O IRE.
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c) <—_(ñn&vti- -Ctriït^itvUl^-yCcj u¿Dn/tcirtC-- _
£ ^ l L C ir u ja - / t
”& u~ - CmvÚÍü taJunL- 3 au*:-,i f if'fl.y ¿4: : : : / ^ t>uA44tfz:& ti¿ u & J
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/2
si
/^
’f~ïï'
$.tdaAj^—.4jL-.^átñ¿L£-.ú}^sJ¿^ÍA~.i4An*.~Xt£&VA/í^---C'-&4*4 iSt/L—^oCfUM
_
�MEMOIRE
POUR
Joseph
A
D U B I N , P i e r r e M O U R G U Y E et G
a b rie lle
B A R E Y R I E , fem m e B A P T I S T A L , cu ltiv ateu rs,
habitant au village de M o n c e l, com m un e de SainteEulalie, appelans et défendeurs en p é rem p tio n ;
CONTRE
L e sieur A n d r é C A B A N E , se d isa n t ancien ferm ier
de La terre de S a in t-C h a m a n t, in tim é et dem andeur.
;
‘
7
'
L e sieur Cabane prend le prétexte d’ une pérem ption
pour poursuivre l’effet de plusieurs sentences féodales,
contre les appelans, qui cependant ont régulièrem ent
payé ce q u ’ils doivent eux-m êm es, mais que la pagésie
forcerait de p a ye r des sommes considérables p ou r les
cens de tout leur village.
i
�Ca )
L a révolution a éteint la pagésie et la féodalité; le
sieur Cabane l’avo u e : il avou e aussi qu’ une dem ande
en pérem ption d’appel a pour résultat d’obtenir la
confirmation de la sentence attaquée; d ’où il faudrait
conclure que si le législateur a annullé la sentence et
l ’appel , il s’ensuit nécessairement qu'il ne reste plus
de procès en pérem ption.
Mais ce n’est pas ainsi que raisonne le sieur Cabane.
Il dit que des sentences rendues au profit du seigneur
p e uven t n’être pas féodales ; que d’ailleurs il n’y a
procès que sur la pérem ption d ’ un a p p e l, ce qui est
un procès indépendant de l’appel ; d ’où il conclut que
la Cour doit juger la p é rem p tio n , sans s’inquiéter de
l’objet pour lequel on plaide.
V o ilà tout le systèm e que les appelans ont à co m
battre ; mais en prouvant q u ’il n ’y a ni pérem ption
de f a it , ni procès à ju g e r , ils se préserveront d’une
injustice criante qui aurait pour résultat de les forcer
à payer la dette d’a utrui, sans avoir aucun m o yen de
recouvrem ent.
FAITS.
L es agens du sieur de L ig n e ra c, seigneur de SaintCham ant et S a in t-M a rtin , formaient presque annuel
lem ent des demandes contre plusieurs censitaires, et
obtenaient sentences sur sentences.
Cette multitude de poursuites , gardées par devers
eux , n’est certainement pas une preuve de n on paiement. On sait que le moindre retard occasionnait
�(3)
des diligences, toujours en pagésie contre les prin
cipaux tenanciers, et toujours avec des réserves des
condamnalions précédentes.
L e 6 fevrier 1 7 6 4 , Gabriélle Berghaud et Louis
M o u rg u y e furent assignés à la requête du marquis de
L ig n e ra c, seigneur de S a in t-C h a m a n t, devant le juge
de Sain t-M artin , com m e tenanciers de tout ou partie
du village M o n c e l, pour payer audit seigneur trentehuit setiers seigle, trente setiers a vo in e , sept livres un
sou a r g e n t , e tc ., pour les cen s, rentes et droits sei
gneuriaux d u s a u d it seigneur, sur ledit v illa g e , par
reconnaissances solidaires, et c e , par chacune des trois
dernières années échu es, avec l ’intérêt : le sieur de
L ign erac termine par indiquer le paiem ent à faire
entre les mains du sieur C a b a n e, son ferm ier-g én éra l,
a vec réserve de tous autres dus, droits de lods, etc.
Sur cet ex p lo it, le juge du seigneur rendit une
sentence par défaut le 17 mars 1764. L e sieur Cabane
en rapporte une copie in fo rm e , et sans form e exécu
toire.
Aussitôt que les autres censitaires du village furent
informés de cette demande en pagésie qui allait re
tom ber sur e u x , ils s'en plaiguirent. O n voit par une
requête du 17 mai 1 7 6 6 , que les nom m és L a b ru n e ,
A lz ia c , Louis Berghaud et M e y lia c articulèrent avoir
p ayé exactement leurs cens au sieur Cabane , qui
endossait leurs paiemens sur les liéves sans donner de
quittances; ils dem an dèren t, en c o n s é q u e n c e , p e r-
�( 4 )
mission de l ’assigner pour vérifier le fait; et leur donner
quittance des sommes par lui reçues.
Le
juge donna
une simple ordonnance portant
permis d ’assigner; et ce qui ne sera pas vu sans éton
nem ent , le sieur Cabane interjeta ap p el, au parlem ent,
de cette ordonnance d u 'j u g e , qui permettait de l’as
signer pour déclarer ce q u ’il avait reçu. C e ne serait
donc pas lui qui aurait obtenu les sentences qu’il s’ad
juge aujourd’h ui? car a u r a it- il; osé étouffer la voix
de ceux q u ’il poursuivait indirectement en la personne
de leurs co-paginaires.
>
L e 18 janvier 1 7 6 8 , Louis Bareyrie et Louis M ôurg u y e furent assignés à la requête du seigneur, pour p a ye r
solidairement les dernières années des cens du village. L e
29-février 1 7 6 8 , le juge du seigneur rendit une autre
sentence par d é fa u t, q u i'a d ju g e lesdites conclusions.
Elle est dans la m êm e form e que la précédente.
Pendant que ces poursuites étaient dirigées à la re
quête du seigneur, contre B areyrie et M o u rg u y e , il
en existait d ’autres contre François
D aub in en vertu
j
de sentences obtenues contre lui en 17 5 9 et 1 7 6 1 ,
pour la m êm e pagésie. Ses meubles et ses bestiaux
furent exécutés le 14 mars 1 7 7 1 , avec dép lacem en t,
toujours à la requête du seigneur.
L e 4 mars 1 7 7 4 , Louis M o u rg u ye et ledit Joseph
Daubin furent assignés en pagésie pour payer les trois
dernières années du ténem eut , toujours à la requête
du seigneur, et ils y furent condam nés par d é fa u t, par
sentence du 27 août 1774»
�l 5)
Ils ont été encore assignés en 177 8 e t 1 178 1 , et
condam nés par sentences des
19
décem bre
177 8
et 17 décem bre 178 1 5 toutes ces sentences sont sans
form e e x éc u to ire; la dernière seu le-est signée du
-greffier, maïs en seconde expédition. Il paraît que
ces mêmes sentences furent successivement attaquées
par appel porté à Salers ; aucune des parties n ’a les
procédures qui y furent faites.
L e 2 n ovem bre 1 7 8 4 ,
'
,
4e sieur C a b a n e , en qualité
de ferm ier générai des terres- pour lors appartenantes
a u sieur de L ig n e r a c , fit • signifier les sentences de
1 7 6 8 , 1 7 7 4 , 1 7 7 8 et 1 7 8 1 ’ à L ouis B a r e y r ie , Louis
M o u rg u y e et Joseph D a u b in , a vec som m ation de les
e x é c u te r, et assignation en liquidation des grains.
'
C e u x -c i1notifièrent au sieur C a b a n e , par exploit du
1 7 novem bre 1 7 8 4 , qu'ils persistaient dans l’appel déjà
interjeté des deux premières sentences, et q u ’ils inter
jetaient appel des d eu x d ern ières, co m m e n u lle s, in
compétentes et attentatoires à l’autorité de la sénéchaus
sée d ’A u vergn e , saisie de la contestation ; en consé
q u en ce, ils assignèrent le sieur Cabane à y p r o c é d e r ,
com m e se d isa n t ancien ferm ier et aux droits du sieur
de L ig n e r a c , tant pour lui que pour ledit s e ig n e u r ,
dont il prenait le f a i t et cause.
L e sieur Cabane se présenta, sur cet a p p e l, le 10
février 1 7 8 6 ; il dit que sa présentation ne fut suivie
d’aucunes autres procédures.
L e 1 3 août 1 7 8 8 , il demanda la pérem ption de
T a p p e l, et obtint sentence par d é fa u t, le 14 juillet
�(,6)
1 7 8 9 , qui prononça ladite pérem ption; le 4 août 17 8 9 ;
les B areyrie en interjetèrent appel simple au parlement.
O n ignore s’il fut pris des lettres de re lief sur cet appel,
et si le parlement fut saisi. L a révolution a d évoré
ou paralysé tout ce .q u i tenait aux matières féodales,
et il n'est pas surprenant , ni que la trace de ce qui
a pu exister soit ¿perdu, ni que toutes les parties aient
gardé le silence depuis 1 7 8 9 .
... :
..
L es lois de.r.793 ayant ;cc>ndamné aux flammes les
titres et sentences qui porteraient signe de féodalité
ou qui la renseigneraient, certainem ent le s.r Cabane
a dû s’y - c o n fo r m e r , ely.vpilà pourquoi il n ’a plus les
expéditions exécutoires des sentences du sieur de L i gnerac ; voilà ,pourquoi ne . réclam ant r ie n , pendant
vingt an s, contre des censitaires-qui avaient payé leur
item ré g u liè re m e n t, et qui ne devaient plus payer la
portion des autres, tous les d ocum ens, toutes les traces
de leurs procédures se sont perdues en presque totalité;
et aujourd’hui on veut qu’ils en soient victimes.
L e sieur Cabane s’est souvenu en 1809 de l ’appel
de 1 7 8 9 , et il a pensé que s'il pouvait l ’attaquer par la
pérem ption , il obtiendrait par cette voie indirecte une
confirmation de se n te n c e / q u e la C our ne pourrait pas
prononcer directement.
En con séquen ce, par exploit du 22 février 1 8 0 9 ,
le sieur C abane a assigné en la C our d’appel Joseph
D a u b in , et Louis M o u rgu ye ( d é c é d é p o u r voir dé
clarer l’appel simple-, du 4 !aout 1 7 8 9 , n u i, périmé et
com m e non a v e n u , et voir ordonney l ’exécution de
la sentence attaquée.
�(7 )
P ar autre exploit du 1 3 juillet 1 8 0 9 , il a'assign é
M o u rg u y e fils , et Gabriellë B a r e y r ie , fille de L o u i s ,
pour voir déclarer.le m êm e appel de 1 7 8 9 , pêri> désert
et n u l y v oir en conséquence ordonner ¡’exécution de
la sentence attaquée.
1: L es parties en sont venues à l ’audience de la C o u r ,
le 10 mars 18 10 ; .les appelans ont soutenu q u ’ un
appel sim p le, et non suivi d'ajo urn em en t, ne pouvait
pas tom ber en pérem ption , et que la désertion ne
pouvait jamais avoir lie u , sans que l'appelant eût droit
de ren o u veler son appel.
; L a Cour n ’a pas débouté expressém ent le s.r Cabane
de ses demandes en pérem ption et désertion , mais
elle a ordonné que les parties mettraient leur procé
dure en état* sur l ’appel du 4 août 1 7 8 9 , et a remis
la cause d'un m o is , pour y . statuer.
L e sieur C a b a n e , en notifiant cet arrêt, le 22 m a i,
a u x appelans ¡( les a assignés co m m e cor-debiteurs so
lid a ir e s , pour .lui voiii a d ju g e r 'le s conclusions prises
par lesi deux exploits,de 18 0 9 , ¡et ew tout cas, pour
procéder sur 1’appel >de 1789 7 et vo ir prononcer le
bien -ju gé de la senlence du 14 juillet 1789.
..
Ces
conclusions prouvent que. le s,r C aban e n ’ab an
donne pas sa prétention de faire, déclarer cet appel
péri et désert. C epen dan t, quoique, l ’arrêt de la C ou r
jie soit,pas m o tiv é , et ne statue pas expressément sur
ses premières conclusions, il est évident que la C o u r
n'a pas entendu
les
adopter,; ni m êm e les laisser re*
�(8 )
p ro d u ire; eau elle n ’aurait pas ordonné, de «faire une
procédure sur un appel périm é ou désert.
\ Mais puisque le sieur Cabane ne veu t pas se,croire
ju g é sur ce point, les appelans le prendront au.m ot*
pou r dem ander eux - m êm es un 'arrêt»¡positif sur sesf
dem andés.ën pérem ption et désertion y qui étaient la
seule chose à ju g e r , f a u f à lui à recom m encer toute
procédure nouvelle qu’il avisera.
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M O Y E N S .'. •
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Il né p e u t y . avoir lieu à pérem ption pour un appel
simple : car l ’ordonnance de Roussillon ne fait périm er
que yles \ in sta n ces} et un appel 'simple n ’en est- p a s'
une , dès; q u ’aucun juge n ’e n est saisie T e lle a été sud
ce point la jurisprudence constante.*
*
r
■ : .
n ¿.
.
- *■
.
.
. "il. !
.
Quant à.'la désertion , elle n'est point opposée à.
D a u b in y assigné par le premier, exploit du n février
18 0 9 , qui rie contient aucunes conclusions à cet égard;
I l suffit donc d ’y répondre au nom des M o u rg u y e et
B areyrie.
11
■
> ; {-W
'
- D ’abord la désertion est incom patible a vec la p é
rem p tion ; car si un appel pouvait périmer^ il ne serait
pas désert. L e sieur C abane devait d ’abord conclure à
la désertion, qui était la prem ière fin de non-recevoir
à opposer dans Tordre de la procédure; il a dem andé
que Fappel fû t déclaré péri et désert. A i n s i , en s’oc
cupant
�( 9 )
■
cnpant de la p é rem p tio n , il a renoncé à la désertion;
de m em e que s il eût conclu au bien jugé et à la p é
rem p tio n , il aurait renoncé à la pérem ption : à plus
forte îaison faut —il lui dire qu ayan t assigné D aubin
et M o u r g a y e p è r e , en février 1 8 0 9 , sans parler de
désertion, il n ’a pu y conclure contre M o u r g u y e fils
par un exploit postérieur.
L a désertion, au reste, n’est plus prononcée par les
tribunaux depuis 1790 ; lorsque des tribunaux
ont
vo u lu renouveler cet ancien u sag e, la C our de cas
sation n ’a point approuvé leurs décisions, et cela par
un m o tif bien sage et bien simple.
C ’est q u ’avant la révolu tio n , la jurisprudence gé nérale était d’accorder trente ans pour interjeter appel,
en sorte que la désertion prononcée ne produisait que
des effets frustratoires , puisqu’elle n’ em pêchait pas
de refaire l ’appel : aussi plusieurs parlemens avaien t
l ’ usage de converir en anticipation les demandes en
désertion q u i , dès-lors, se réduisaient à des dép en s,
com m e le dit B r o d e a u , lettre P , n.° 14.
Mais depuis que les appels sont limités à un délai
plus c o u r t , c ’e st-à -d ire , à trois mois et à dix ans, la
désertion a paru un abus à r é f o r m e r , puisqu’on ne
peut pas la faire m arch er avec le droit de recom m en cer
un appel pendant trente ans. V o ilà pourquoi la dé
sertion est absolum ent to m b ée en désuétude : on en
est convaincu par le grand nom bre d arrêts qui se
trouvent aux Bulletins de cassation de Fan 7 , de l ’an 9,
de l’an 10 et de l ’an 11. Par-tout on voit les désertions
3
�( IO )
proscrites; et nulle part on ne voit q u ’il en ait été
toléré une s e u l e , m êm e par simple rejet.
Il y a donc lieu , en statuant sur les demandes du
sieur C a b a n e , de le 'd é b o u te r de ses conclusions en
pérem ption et désertion. O r , on le répète , c’était là
l ’objet unique de ses conclusions avant l’arrêt du. 10
mars 1 8 1 0 ; et il ne peut pas les confondre avec le
bien jugé de la sentence de 1 7 8 9 , puisqu’au lieu de
se départir de sa’ prem ière d em a n d e, qui y était en
core plus in com p atib le, il la renouvelle et y persiste.
«
C ep en d an t, si la C o u r croyait devoir statuer sur.les
nouvelles conclusions du si’e ur C abane , il s’agira de
savoir au fo n d ;s’il ,a p u reprendre une procédure de
pérem ption en m atière fé o d a le , au préjudice des lois
qui ont éteint'tous les ptocès y relatifs; et subsictfairement,- s’il y a pérem ption.
.
, . . ?.
- A bordons , ^dès à’ présent , le subsidiaire, qui sera
plus briévem ’eiU e x p é d ié , et disons qu'il n ’y a pas de
pérem ption.
’
*
'J
»I
,
il-
r
*
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*
L îappielportéén la séfléchauss<$6 d ’A u v e rg n ç , était un
•appel'¡d'incompétence. On soutenait que l$s premiers
appels ay a ni saisi la séuéchapsséë', le ç.r Cabane n ’avait
revenir devant le juge du seigneur poui* dem ander une
-pagésie;en vertu de reconnaissances de cens soumises
ou juge supérieur.' En effet, la sénéchaussée seule é tci.it
'Compétente p o u r accorder ou refuser les arrérages de
ces mêmes c e n s , échus pendant le p ro cès; il fallait
�(II )'
y conclure devant e l l e , et. non saisir un juge déjà
dépouillé, pour multiplier les sentences et les appels.
Cet appel d incom pétence n’était pas susceptible de
péremption , 'suivant l’opinion »des auteurs, conform e
au texte m êm e de la loi.
Rousseau -X a c o m b e ., ; v.° péremption , n.°* 1 2 , dit
q u ’ elle n’a pas lieu è's-causes o u :procès du d o m ain e,
n i ès-appeLs ci’incom pétence, parce que cela regarde; Le
droit pubLic. n ,
'
■
’
“ C ette décision est'co n fo rm e à la loi Prpperandum
d’où est tirée l’ordonnance de Roussillon. Censemus
itaque omnes Lites non ultra triennii meta s , post Litem
contestatam , esse protrahendas. {ecccëptis tantum modor
causis quœ a d \ ju s JiscàLe pertin en t, v'eL quœ a d p u bLicas respiciunt fun ctiones).
r
• , - j :;
N ’y a u r a i t - i l pas en effet un in con vénient graye .
que le silence d ’ une p artie, souvent occasionné par la
difficulté de réunir des co-intéressés, ou par des .pour
parlers d ’arrangem ens, pû t donner la force de choseju gée à des sentences rendues par des personnes sans
ca ractère, et peut-être quelquefois dans dés matières
où il serait choquant que ces sentences ne fussent pas
réform ées?
^
!
C ertes, les juridictions sont de droit p u b lic, cela est
incontestable ; et s il est encore incontestable q u ’ une
partie ne peut déroger au droit public par une co n
vention
particulière, com m ent le p o u rra it-e lle par
son silence ? - C ’est donc une monstruosité que la loi
a voulu prévoir et éviter, en disant que la pérem ption
4
�( 12)
n ’ aurait pas lieu pour ce qui tient au droit p u b lic, aux
fonctions p u b liq u e s; en un m o t , à l’ordre des juri
dictions.
Mais quand la pérem ption eû t pu exister ic i avant
1 7 8 9 , il est impossible d ’adopter que la procédure y
relative ait seule resté debout , quand l ’appel et les
sentences sont anéantis co m m e chose féodale.
A cela le sieur Cabane, objecte, i.° q u ’il ne s^agit
pas de féodalité , parce quë c ’est uu ferm ier qui est
créancier, et que la suppression n ’atteint pas les fer
miers 5 2.0 que quand l ’objet du procès serait féod al, )
il n’est question que de juger s’il y a pérem ption ; ce
qui est une procédure indépendante.
R épondons d’abord que le sieur C abane se dit fer- >
m ie r, sans l’établir par des b a u x de ferm e. Il a pris,
celte qualité dans une signification .des senten ces, en
1 7 8 4 , et l’appel lui en a é té : notifié, co m m e se disant*
ferm ier et aucc droits du sieur de Lig n erac,
>
Q uo iq u’il en ' s o i t , com m ent l’objet du procès ne
serait-ii pas fé o d a l, lorsqu’il s'agit de cens demandés
à trois censitaires, par le seigneur, et en celte qualité,^
pour la totalité de la redevance assise sur un iénem ent.
A la v é r i t é , il y a des cas où les fermiers ne sont*
pas atteints par la suppression féo d a le, mais c ’est quand
ils se sont procuré un titre personnel, em portant no
vation.
-i
•Une lettre du com ité de législation, écrite au tri-,
bun al du district de R io m , le 9 prairial an
a décidé
q u ’ une rente constituée au profit d ’un fermier,, en 1 7 3 0 ,
�(.
13
)
devait être p a y é e , quoiqu’elle dérivât d’arrérages de
cens. U n e lettre du ministre de la ju s tic e , écrite au
commissaire du d irectoire, à P a u , le 22 pluviôse an 7 ÿ
décide de la m êm e m an ière,
pour une obligation /
consentie à un f e r m ie r , pour cens. R ien n ’est plus
légal que ces décisions, puisque Le ferm ier était censé
avoir touché ce q ui lu i était d u , et l ’avoir échangé
contre une obligation q u i, par cette fic tio n , rentre'
d a n s la classe des autres obligations, 'M ais cette r é
flexion du ministre prouve par e lle -m ê m e que le fer
m ier n’aurait pas été exem p t de la suppression, s’il
n ’y avait pas eu engagem ent personnel h son p r o fit,
dont refiait 'avait été de dénaturer Corigine fé o d a le ,
e t évid em m en t le titre ne cessait d’être féodal que
par novation.
L a n ovatio n , en effet, peut seule em pêch er de re
garder com m e féodal ce que la loi déclare tel. N ovatio
est p rio n s d e b itiin aluum debitum tra n sf usio
p erim a tv r.
ut prior
Si donc la prem ière dette est étein te , il
n ’en reste q u ’ une entré de simples particuliers, et la
féodalité est évanouie. M a i s , hors ce cas dirim ant, la
règle générale reste; et il est aisé de m ontrer que les
fermiérs ne sont pas à l’abri des suppressions féodales.
L a loi du 2 5 août 1792 , supprim e tous les droits
féodaux. L ’art. 10 porte que les arrérages; m êm e ce u x
dus en vertu de ju g e m e n s , ne sont pas exigibles; l’art.
12 éteint tous les procès relatifs aux droits féodaux.
On a quelquefois argumenté de Fart. i 3 , qui c o n
serve au x fermiers les« actions qui leur sont réservées
�( H )
par Fart. 3 j de la loi du i 5 mars 1 7 9 0 , de se faire
restituer, les sommes payées aux seigneurs, pour les
droits é c h u s , depuis Le 4 août 1789.
f M ais en lisant cette loi de 1 7 9 0 , on rem arque qu’ elle
est relative aux droits de bannalité et de justice, sup
primés le 4 août 178 9 ; fil y est dit que les b au x sont
résiliés depuis la suppréssion > et que si les fermiers ont
p a y é au seigneur.des pots de v i n , ils les répéteront au’
prorata de la non jouissance.
,
, , '
?
U n e dernière loi du 28 nivôse an 2 , a déclaré ne
pas com prendre dans l ’annullation des procès féo d a u x ,
ceux intentés, i.° p ar:des vassaux ou censitaires, pour
restitution des droits exigés'd’e u x ; 2.0 par des ci^deyant
ferm iers, pour, restitution des pots dé vin qu'ils .ont
avan cés, ou des fermages qu’ils ont payés .à raison des
droits qui leur étaient afferm és, et dont ils n’o n t pu
jo u ir...
' ;< 'j fu!-;- b u>* p,i -■
■
; (!
;.r . h -h w )' 1 .•*> .
A in s i, bien loin q u ’il résulte de ¡’ensemble des lois une
exception pour les fermiers 9 et un droit subsistant en
leur fa v e u r, contre Les censitaires, il faut en conclure,
au contraire^ que la loi ne s’est occupée d ’eux pendant
trois.fois>, que. rpour leur donner une action contre L&
seigneur, seulement y--et■
■
que , par conséquent , elle les
a laissés pour tout; le reste dans la règle générale de
la suppression,
à
moins? q u ’ils
n ’e u s s e n t,
com m e on
l'a diéjà dit ,. un titre nouvel et. personnel: . \ t
1 .>
C.e,'»point de droit se co n firm e quand* oit suit les lois
postérieure^ C elle !du 1.7rjuillet 179.3, en ordonnant
le brûlem ent de tous les titres i é o d a u x , y assujétit
�( ,i 5 )
tous les dépositaires defcdits titres f et:déclare qu3e.lle;y
com prend t o u s ju g em en s 'et a r r ê ts,qui porteraient re
connaissance des d ro its. féodaux , pu qui les rensei
gneraient. Ixes registres et cueillerets*sont désignés en
core pour le brûlement. Or, tout le. m o n d e se rappelle
que les ^fermiers furent les 'prem iersià brûler leurs re
gistres ' de recettes,
‘
•; :
\] •. î :
...s.
U n e autre p reu ve que la lo i r i exceptait personne,
•c ’ est qu’il fallut une exception -expresse^le <9 .frimair.e
an 2 y par esprit d ’équité en Sayem idhsoco-déàitéùns
jqui avaient p a yé la part de leurs- co>-.obligés: en
v e r tu d e1 la pagésie; et e n c o r e , ce- droit ne fut ouvert
q u ’ à celui qui p rouverait a vo ir.payé par autorité de,
\ ju s tic e . e i i t
: donc iin ferm ier ¿,aurait.-iL iun'>pri
v i l è g e , --sous p rétex te q u ’i l a '-payé son- ferm age (m ais
volon tairem en t), lorsque le co-débiteur poursuivi ^ mais
non c o n d a m n é , n ’aurait pas d’action en pareil cas, et
■¿supporterait la suppression.rx
;
P eu t-être bie h. élira it-o n ;pu^ accorder ce,, privilège
;à un fe rm ier, dans un tems où la jurisprudence exa
minait la vraie quaLité du: d e m a n d e u r , “ pour savoir
•s’il était seigneur ou non ; ca r'lo rsq u 'o n adm ettait le
-propriétaire lu i-m êm e à dem ander un cens sous p r é
t e x t e que l-abolition: n ’était p ro n o n c é e que contre Les
seigneurs , il était très-co n séq u en t que les ferm iers
réussissent par le m êm e motif.
Mais aucun; tribunal ne reviendrait à cette jurispru
dence, depuis l ’avis du conseil d ’é t a t , du
3 o pluviôse
�(
)
an i- r , et sur-tout depuis les décrets im périaux des i 3
messidor an i
3 , et 2 5 avril 1807, portant que Lorsque
Le titre ne présente aucune a m big u ité, ceLui auquel ce
titre est opposé, ne peut pas être a dm is a soutenir q u i l
n avait pas de seigneurie.
r
'
L e sieur C abane ne se dissimule pas que ces décrets
le condam nent visiblement ; mais il croit y échapper,
en disant qu'il y a chose jugée par les sentences qu’il
produit. C'est une double e r r e u r; car, i.° c'est dé
cider la question par la question e lle - m ê m e , puisqu’il
-y a appel de ces sentences , et que la pérem ption
q u ’il demande est* dirigée contre cet appel; 2.0 il crée
' une autre exception im a g in a ire , puisque quatre lois
successives ont annulié positivem ent le s ju g e m e n s et
arrêts portant condam nation de droits fé o d a u x , ce qui
p r o u v e que la chose jugée n ’est pas pour elle un titre
meilleur.
:
’
t
R em arquons encore , quoique ce soit sans une grande
u t ilit é , que ces 'sentences sont rendues au p r o fit d u
sieur de L ig n e r a c , seigneur, pour les cens de sa terre;
à la vérité , on voit à la fin du dispositif, que ce
seigneur indique le sieur Cabane com m e devant r e
cevo ir le paiem ent des condamnations : mais quel tour
de force ne faudrait-il pas pour profiter de ce bout
d’oreille, afin de changer le rôle des parties et effacer
les qualités du dem an deur! Cette argutie mesquine
peut-elle être proposée sérieusem ent, et ne serait-elle
pas indigne de la C o u r?
Il
�( i 7 J
I l suffit , sans d o u t e , de rem arq uer que it seigneur
seul est en qualité dans les sentences. Elles em portent
donc tout le privilège du cens.
Enfin, que le sieur Cabane réponde h cette question:
Si les censitaires avaient fait débouter Le dem andeur de
sa d e m a n d e, contre qui auraient-ils eu action pour les
dépens ?
Concluons d o n c, sur cette prem ière partie d e s .p r é
tentions du sieur C a b a n e , que l’objet des sentences
q u ’il poursuit est f é o d a l , et que rien ne peut les faire
excep ter de la suppression.
V o y o n s actuellem ent co m m en t une pérem ption
aurait le privilège inoui de neutraliser toutes, les lois
féodales, et de ressusciter, pour le sieur C aban e seul,
un genre d’action abandonné par tout le m onde et
par lu i- m ê m e , depuis la ré v o lu tio n , lorsqu’il s’est agi
purem ent de cens.
,
Retenons bien que la loi a supprimé non-seulement
les droits f é o d a u x , mais encore tous Les procès y r e
latifs.
A p rès les lois des 2.5 août 1 7 9 2 , et 17 juillet 1 7 9 3 ,
qui portaient expressément cette suppression, il paraît
q u e , sous divers prétextes, des poursuites eurent lieu
de la part de quelques ferm iers, et que des censitaires
eux-m êm es voulurent faire prononcer par les tribunaux
q u ’ils ne devaient rien. Alors une loi du 9 brum aire
an 2, déclara de nouveau nuls et com m e non aven u s,
tous jugernens sur les procès intentés a raison des droits
féodaux ou censuels, ensemble les poursuites fa ite s en
5.
�( i8 )
exécution desdits ju g e m e n s , ordonna que les frais pos
térieurs aux lois d'abolition seraient à la charge des
avoués qui les auraient fa ils , et défendit au x ju g e s ,
à peine de fo rfa itu re , de prononcer sur les instances
indécises.
T rès-c erta in em en t, après cette lo i, le sieur C abane
ne se serait pas cru fondé à poursuivre les censitaires
de Sain t-C h am ant ; et il a bien prouvé ^ par le f a it,
q u ’il partageait sur ce point l'opinion générale. C o m
m en t donc aurait-il aujourd’hui un droit qu’il n’avait
pas alors, et en quoi les lois seraient-elles devenues
plus indulgentes sur la féodalité ?
J a m a is , au co n tra ire , elles n ’ont été moins équi
voques depuis que les décrets im périaux ont prescrit
de ne pas considérer si te dem andeur est seig n eu r,
mais seulement si Le titre de sa dem ande est féodal :
car s’il n ’y a pas d’am biguité sur le t i t r e , il y a sup
pression.
E q u ivo q u eraît-o n encore sur cette ambiguïté , en di
sant q u ’un ferm ier peut poursuivre ? M ais a vec ce
cercle vicieux où a r r iv e r a it-o n , si ce n ’est à jugèr
de la féodalité par La personne du créancier? et c ’est
ce que la loi proscrit absolument. Sa sévérité est te lle ,
q u ’il n ’y a pas seulement suppression par le signe féo
dal, mais encore par le mélange de féodalité.
D ès q u ’il y a dans les titres opposés par le sieur C a
b a n e , signe ou m élange de
féodalité,
il ne reste à e n 1
tirer que deux conséquences incontestables;
i.° Si les sentences sont féodales, la loi les a déclarées
�( 19 )
nulles et co m m e non a ven u e s, y eût-il arrêt ou choseju g é e ( L o i , 17 juillet 1 7 9 3 , art.
3 , 6 et 8 .) ;
2,° L annullation ne se borne pas au x sentences et
arrêts ; elle s étend aux poursuites postérieures ( L o i*
9 brum aire an 2 , art. i . er).
A in si, toute procédure tendant à rappeler ou faire
rev iv re ce que la loi a a b o li, est rép rou vée et inadmis
sible.
D ’après de telles lo is, u’ est-ce donc pas une p u é
rilité que de dire à une C ou r souveraine : Vou s n ’aurez
pas à juger l ’appel cPune sentence féo d a le • vous aurez
seulement à juger la péremption de l ’ appel d ’une sen
tence f é o d a le ?
A b u s des mots et pure cacophonie.
Quand il existe un ap p el, l ’intim é n'est pas réduit à
tin seul m o y e n de défense; il peut l’ attaquer par des
vices de f o r m e , des fins de n o n - r e c e v o ir , ou la p é
rem ption : tout cela est égal aux y e u x de la lo i; tout
cela rentre dans les exceptions du défendeur.
L e résultat uniform e de ces exceptions est d ’a rriver
a la confirm ation de la sentence attaquée par un appel j
o r , ce résultat est le but du procès : in oninibus respice
J în e m .
I l n’est donc pas permis de croire que la C o u r veuille
ju ger un fragment de procès sans regarder à son ori
gine et à ses conséquences.
U n e pérem ption d ’ailleurs est si peu un procès nou
veau, q u ’elle ne s’introduit pas par un exploit à domi
cile, et en i . re instance. L'usage a toujours été d e c o n -
�( 20 )
d u r e par r e q u ê t e , quand il n ’y a pas de décès survenu ;
et le code a c tu e l, article 4 0 0 , en fait un devoir. L e
sieur C ab a n e a lui-mêm e constaté cet usage, en signi
fiant sa dem ande en p é re m p tio n , par requête signi
fiée à procureur le 12 août 1788.
Il a don c/lui-m êm e considéré la pérem ption com m e
un m o yen de procès.
11 l’a proposée co m m e un e exception.
I l a condamné son propre système.
M ais quand on serait privé de le citer lui-m êm e pour
pro u ver qu’ une pérem ption d ’appel n'est pas un procès
nouveau et indépendant , la raison seule dirait que
quand le fonds du procès est a b o l i , il n'est pas plus
perm is de plaider pour la pérem ption que pour la
prescription.
,
f>
L a féodalité n ’est pas la seule matière abolie par la
révolution ; et il est sans exem ple que des procès re
v iven t sous prétexte de savoir s’ils sont périmés. N e
trouverait - 011 pas ridicule , par e x e m p le , que par
suite d’ un procès en m atière b én éficiale, un d é v o lu taire qui aurait obtenu un bénéfice co n teslé, vînt re
prendre d evant les tribunaux actuels la pérem ption
d ’ un appel y rela tif?
L a loi n’a permis q u ’en un seul cas de plaider sur
les matières supprimées 5 c ’est dans les retraits lignagers , et seulem ent pour les dépens. L à on pourrait re
prendre une dem ande en péremption ; mais l'exception
confirme la règle , q u i de uno d i c i t , de altero negat.
,Au d em eu ra n t, l ’idée conçue par le sieur C a b a n e,
�( 21 )
cPisoler une pérem p tio n , n ’est q u ’ un piège contre des
censitaires qui ne doivent r i e n , et qui seraient plus
victimes de la suppression de la féod a lité, que si la fé o
dalité existait encore.
E n effet, un arrêt de pérem ption emporterait de plein
droit la confirmation de cinq sentences féodales.
L es censitaires n ’auraient aucune voie pour en em
p êch er l ’exécution. L ’accès aux tribunaux leur serait
ferm é ; tous les degrés de juridiction seraient épuisés,
et le prem ier juge ne pourrait réform er une décision
ém anée de lui. L e sieur C abane ferait donc ex écu te r
sans obstacle des sentences dont l’arrêt aurait prononcé
im plicitem ent la confirmation : car quel juge pourrait
arrêter des poursuites faites par suite d ’un arrêt de la
C o u r?
Ces poursuites forceraient les appelans à payer la
dette d 'a u tr u i, sans m oyen s de répétition. O n dit la
dette d ’a u tru i, c a r , encore une fois., les censitaires,
poursuivis par le sieur C a b a n e , ont p a y é régulièrem ent
leu r portion des cens.
Ils prouvent par les quittances de cens à eux données
chaque année par les préposés du seigneur, sur un cahier
particulier, savoir 7par le sieur C a b a n e , j usques et compris
1 7 8 ° ; p a r le sieur L a d e n , depuis 1780 jusqu’à 1 7 8 6 ;
et enfin par le sieur C o u d e r t , pour les années posté
rieures.
Ainsi ce n’est que par la force de la solidarité et de
la pagésie que le sieur Cabane veut faire p ayer aux
D a u b in , M o u rgu ye et B are yrie ce q u ’ils 11e doivent pas»
4,
6
�( 22 )
Mais une loi du 20 août 1792 a supprim é la soli
darité; c’ est donc pour l ’éluder qu’il veu t se prévaloir
de sentences qui com prenn en t le cens de tou t un
ténemerit.
Si la solidarité existait encore . l'action serait re
poussée par l’exception cedendarum a ction u m .L e sieur
C aban e ne pourrait se faire: p a y e r , qu'en subrogeant
à ses action s, pour être t rem boursé du c o - d é b i t e u r
solidaire. ( C o d e civil, art. 20 37.)
O r , co m m en t pourrait - il subroger à une action
é te in te ? com m en t serait-il en état de justifier ce q ue
doivent les Ço-débiteurs? co m m en t et par quelle v o ie
les forcerait-on de p ayer une portion de cens in con n u e?
Ces difficultés ach èven t de m ontrer q u ’il est toujours
im prudent d'éluder les l o is , m êm e les plus sévères.
C hacun en profite dans ce q u ’elles ont d ’a van tageu x
pour lui ; et souvent hors de là , les taxe d ’injustice.
A u reste, il ne s'agit pas de montrer que la dem ande
du sieur Cabane causerait aux appelans un tort consi
dérable : il suffit d ’avoir prouvé q u ’elle tend à la v io
lation de la lo i, et ce serait s'aveugler v o lo n ta irem en t,
que d’hésiter à s’en dire convaincu.
M . e D E L A P C H I E R , ancien avocat.
M . e G A R R O N , Licencié-avoué.
A RIO M , de l'Imprimerie du Palais, chez J.-C. SA LLE S.
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
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Factums Marie
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Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
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Title
A name given to the resource
[Factum. Daubin, Joseph. 1810?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Delapchier
Garron
Subject
The topic of the resource
cens
contentieux post-révolutionnaires
Description
An account of the resource
Mémoire Pour Joseph Daubin, Pierre Mourguye et Gabrielle Bareyrie, femme Baptistal, cultivateurs, habitant au village de Moncel, commune de Sainte-Eulalie, appelans et défendeurs en péremption; Contre Le sieur André Cabane, se disant ancien fermier de la terre de Saint-Chamant, intimé et demandeur.
Annotations manuscrites.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie du Palais, chez J.-C Salles (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1810
1764-Circa 1810
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
22 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0420
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0625
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/5/53804/BCU_Factums_M0420.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Sainet-Eulalie (15186)
Saint-Chamant (15176)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
cens
contentieux post-révolutionnaires
-
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ddd83e4afb2b609bf321d83220c3e666
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MÉMOIRE
EN R E PON S E
POUR
D am e J à c q u e t t e - G i l b e r t e B O N I OL et le sieur,
J e a n B O U R D I L L O N - D U G R A V I E R ? son m a r i
dame M a r g u e r i t e B O N IO L et le sieur C h a r l e s
A R R A G O N È S D E L A V A L 9 son mari;'et demoiselle
M
arie
B O N I O L , tous propriétaires,, habitans de
la villet,de Clermont-Ferrand,, intimés.
contre
D am e M a r i e B O N I O L et Le sieur G i l b e r t S E R S I R O N , son m ari, propriétaires habitàns du lieu
de Roure paroisse de S a in t- Pierre -Le Chastel
appelans.
L
a
'
i
,
dame Sersiron demande à ses nièces le partage
de deux successions ouvertes il y a plus de 40 ans.
�■
( ^
Il y aurait lieu de s’étonner de sa p a tien ce, sî ,
depuis cette époque , elle attendait encore ce qui lui
revient; mais en i7 7 7 > clle fornpa la mêm e.dem ande
contre sa mère- et sou frère : et aprèsi un procès trèscourt, elle vitit à partage avec son frère et sa sœur.
Chacun prit la portion qui lui rev en a it, et le lot de
la dame Sersiron fut de trois domaines.
Elle s’en mit s u r - le - c h a m p en possession, et le
procès cessa. Elle a joui , depuis cette é p o q u e , sans
rien réclamer : elle a disposé de son lot en maître
absolu , coupant tous les bois , vendant tantôt des
parcelles de cham ps, tantôt un domaine entier : nul
n’avait le droit de l’en empêcher, puisqu’elle disposait
de sa propriété.
Pendant que la 'd a m e Sersiron dissipait son patri
moine par des dégradations, son frère améliorait le
s ie n , et payait de grosses dettes laissées à sa charge.
Alors l ’envie faisait des comparaisons; cepen d an t,
comme tout était term iné, on était forcé de s’en tenir
à de la convoitise.
Mais la mère est m orte, le frère est m o rt, les trois
nièces en bas-âge ont été mises en tutelle. Des liaisons
de famille ont amené une confiance sans bornes ; et
lorsque la tante en a tiré tout le parti que l’expérience
de son âge fait supposer, alors levant le masque, elle
a dit ¿1 ses nièces : vous n’avez plus à votre pouvoir
le partage qui fixe mon lot ; je prétends qu ’il n ’y en
a jamais e u , et je veux reprendre la. demande que je*
formai en 1777 ; car je soutiens ne posséder trois do-’
�.
'
(
3
. }
mainesiqu’cV-tiire de provision
j ’élevërai même bien
d'autres prétentions:que tous les changemens survenus
depuisïcette époque favoriseront.
Voilà l’origine et le plan du procès. L a mauvaise
foi :1 a fait: n aître, la mauvaise foi l ’a entretenu par
des variations continuelles de prétentions ; toujours
croissantes. Mais ce qui a échappé aux accidens et à
l’im p révo yan ce, a suffi pour convaincre les premiers
juges que là dame Sersiron cherche des dupes, et ne
demande rien dedégilime. L a Cour en sera convaincue
aussi, et ne sera pas plus-disposée certainement à ac
corder à la mauvaise foi un triomphe qu’elle ne mérite
jamais.
. .
F A IT S .'
W<î !Îî.v;î.îC-:L e sieur A nnet Boniol, substitut de M. le procureurgénéral à la Cour des aides de C le rm o n t, laissa1,
de son mariage avec M arie -G ilb e rte D argn at, trois
enfans, savoir, Marie-Françoise, Marguerite et Antoine
Boniol.
Il mourut le 4 avril 1766 , laissant un testament
olographe, daté du 21 mars 17^4, par lequel il léguait
tous ses revenus à sa fem m e, sans reddition de com pte;
et léguait un quart en préciput à son fils, s’il en sur
venait un.
L a dame veuve Boniol, dépositaire de ce testament,
le remit en 1767 au sieur A lley ra t, notaire h Giat.
Elle fit faire un inventaire, et se mit en possession des
biens.
�4
Si on en croit les sieur et dame Sersîrorï* qui blâment
tout, ce dépôt chez un notaire, qui n’était pas le plus
voisin, ce testament fait 12 ans avant de mourir, sont
des choses fort extraordinaires. Mais il n’était pas pos
sible de le déposer chez iin notaire du lieu : car il n’y
en avait* pas. '
Et lorsque la date’ du testament leur fait soupçonner
qu’il a pu^y en avoir un autre, ils sont inconséquens
lorsqu’ils remarquent eux-m êm es que le sieur Boniol
était 'dans la force de l'âge en 17*54 ; et qu'en léguant'
un quart à son fils à naître, il ajoutait que si ce fils
décédait, le legs vaudrait pour tout autre enfant mâle
qu il a u ra it, ne f u t - i l que Le vingtième, ce qui nJan-rN
nonçait pas l'idée d’une mort très-prochaine.
Une sœur du sieur Boniol père, qui avait toujours
habité la m aison, mourut en‘ 1 7 6 8 , et légua par
testam ent, au même Antoine B o n io l, f son neveu,,
un quart de ses biens-, dont la presque totalité venait
du sieur M ugnol, son m ari, qui lui en avait fait don.
Elle avait institué le sieur Annet B on iol, son- fr è r e ,
son héritier, en partie, par son contrat de mariage du
20 novembre 1747 : mais la majeure partie de sa suc
cession était encore disponible à son décès.
Marguerite Boniol, l’aînée des enfans d’A n n e t, con
tracta m ariage, le 6 juillet 1772 , avec le s.r Sersiron.
Elle se constitua en dot la portion à elle échue par le
décès de son père ; et la dame D argnat, sa mère, lui
constitua de son chef une somme de 6,000 fr.? payable
après la majorité du 111s, à condition qu’elle ne sera
�(
5.}
point inquiétée dans sa gestion, et que son fils ne le
sera pas dans le quart à lui légué par son père, sinon
la dame Dargnat réduit sa constitution à 2,000 fr.
X<a dame Sersiron dit qu’elle n’a renoncé qu’à con
dition des 6,000 francs : mais qu'elle a gardé un silence
respectueux sur la constitution des 2,000 francs. Si elle
avait bien lu l’acte, elle aurait vu qu’elle a réitéré sa
renonciation, après cette restriction à 2,000 francs.
Cependant la dame Dargnat ne voulant pas profiter
du legs général des revenus que lui avait fait son mari,
se montra généreuse envers sa fille, et elle crut devoir
annoncer ses intentions aux familles réunies ; elle
déclara donc que son intention était de se départir de la
jouissance des biens de son mari, aussitôt que son fils
serait m ajeur; et elle renvoya le partage des biens à
faire à cette époque, jusqu’à laquelle elle s'engagea
à payer 5 00 francs par an à sa fille.
Malgré cette convention, les sieur et dame Sersiron,
commençant à être tracassiers, avant d’y être autorisés,
firent assigner la dame Dargnat en qualité de tutrice
de son fils, pour venir à partage de la succession de
leur père, et de celle de la dame M agnol, sans pré
jud ice, disent-ils , à toute demande en reddition de
compte de tutelle.
L a dame Boniol répondit à cette demande par des
défenses, du 14 juillet 1 7 7 7 , i.° qu’elle était préma
turée quant au partage des biens patrimoniaux, d’après
les conventions du contrat de mariage de 1 7 7 2 , jus
qu’à la majorité de son fils; 2.0 que le mobilier de la
�(
6
)
tante avait été partagé après son décès, et que la dame
Sersiron a eu sa portion
consistant en un quart ;
3.° qu’elle offrait le partage des immeubles de cette
dernière succession.
Ces défenses arrêtèrent l’empressement de la dame
Sersiron ; elle vit qu’il fallait attendre la majorité de
son frè r e , et en effet elle cessa jusqu’alors ses pour
suites.
de 17 77 n ’ avait pas été faite seulement
au nom des sieur et dame Sersiron ; ils l ’avaient in
L a demande
tentée aussi au nom de Marie-Françoise B o n io l, qui
avait épousé le sieur Peyronet. Mais soit que ce fut
à rinsu de la,dame P ey ro n et, soit q u e lle se reprochât
cette hostilité envers sa m ère, elle ne voulut pas prêter
son nom à une nouvelle demande.
r lies sieur et dame Sersiron assignèrent donc seuls
le sieur Antoine B on io l, par exploit du 26 août 1 7 8 3 ,
pour venir à partage de la succession du père com m un,
et de celle de la dame M ag n ol leur lante. L e sieur
Boniol donna de simples défenses de style, auxquelles
on répondit par de longues répliques, qui n’éclaircissaienl rien ; le sieur Sersiron, pour abréger, forma une
demande additionnelle, pour obtenir une provision de
3ooo fr. , quoiqu’il fût régulièrement payé de 5 oo fr.
On y défendit comme à une chicane , en disant qu'une
provision n’est due qu’à celui qui ne touche rien ;
au surplus il ne paraît pas qu'il y eût de difïicullés éle
vées sur le fonds du partage.
La dame veuve Boniol décéda le 21 septembre 1784.
�(
7
)
Il n’y avait pins de prétextes de retarder le partage;
en conséquence, les trois co-héritiers se rapprochèrent
pour convenir de leurs droits respectifs.
Apres avoir vérifié la valeur des biens, chacun sut
bientôt à quoi s’en tenir; mais là comme par-tout les
sieur et dame Sersiron furent les plus difficiles; les con
seils de leur pays ne leur parurent pas suffisans; ils v o u
lurent en référer à M .e L a p e y re , et le sieur Boniol se
fit un devoir d’adopter le choix de ce jurisconsulte.
On se rendit donc à R io m , où les traités furent rédigés.
L ’acte qui concerne la dame P eyron et contenait
une cession de droits, m oyennant 45,000 fr. ; et pour
la valeur de cette somme il lui fut délivré un domaine
évalué à 3 i,ooo fr. ; le surplus fut payable à termes
convenus. Cette cession fut faite sous seing privé le
9 octobre 1784.
Quant à la dame Sersiron , qui était encore en puis
sance maritale, et
h
qui le sieur Boniol était bien aise
de ne pas donner sa portion en a r g e n t , il lui fut d é
laissé trois domaines pour sa portion des biens pater
nels , et 6000 fr. pour sa dot maternelle. C ’est cet
acte que les sieur et dame Sersiron savent perdu, et
dont la perte est le seul m otif du procès actuel.
Tant que le sieur Boniol a vécu , les sieur et dame
Sersiron n’ont pas m êm e conçu l ’idée de prétendre
que le procès n’élait pas entièrement terminé. On
s’élait quitté avec un acte : la dame Sersiron qui n'avait
porté à Riom que son exploit de 1 7 7 7 , parce qu’il
réglait ses demandes, en avait fait remise au sieur
�C8 )
Boniol com me pièce désormais inutile. Elle avait été
mise en possession des trois domaines à l’instant m êm e;
il lui restait à recevoir 6000 francs.
t Jusqu’alors les quittances données parle sieur Sersiron
n ’avaient aucune im p u tatio n /p arce qu’elles se rap
portaient au seul revenu de 5 oo fr. promis p a r le c o n 7
trat de mariage de 1 7 7 2 ; mais après
changent, et le slyle de ces quittances
dont on veut se prévaloir.; ; > .
Dans l ’intervalle de 1784 à 1788
fit en deux fo is , au sieur. Sersiron ,
1784 les sommes
éclaircit le doute
, le sieur Boniol
un paiement de
1200 fr. 3 mais par une confiance fort mal avisée, il
n'en prit point de quittance.
Lorsqu’il demanda cette quittance à son beau-frère,
il paraît que celui-ci disputa sur l’imputation d’une
somme de 436 francs, q u i, sans doute, était un reste
de la dernière année du revenu de 5 oo francs* On
n ’avait pas dans ce moment là le traité sous les y e u x ,
pour vé ri lier si celte somme de 436 francs y était
portée comme quittancée , par le moyen des autres
arrangemens, ou si elle y était portée comme restée
en débet. On imagine bien que le sieur Sersiron ne
manqua, pas de vouloir faire toutes ses protestations
sur cet article ; et comme il est écrit que les êtres les
plus disposés à la mauvaise f o i , s’y laissent souvent
prendre par les précautions même q u 'i ls ont cherché à
accumuler, il est résulté de cette première quittance la
révélation de ce que les sieur et dame Sersiron osent
nier aujourd’hui.
Je,
�G9 )
« J e , soussigné, reconnais avoir reçu dç M . Boniôl , mon
beau-irère, la somme de douze cents f r . , en, ¡deux p a iem e n s,
suivant les arrangemens p r i s entre nous^ ‘l ’un de 436 francs,
en 178 7, dont il "n’a pas de quittance, e t 'q u i doit être porté
sur le traité de A/.e L apey re; et l’autre paiement de 764 fr. ;
lesquelles deux somoles/font celle .de *1,200 fiv, dont quittance j
et dans le cas que la susdite somme de 436 fivsoit portée dans
le traité de
L a p ey re, sans .quittance, la présente quittance
ne vaudra que pour la somme de 76^ î r . , dont .quittance ».
« Fait ce 22 mai 1788. Signé Sersiron ».
«V
.*!•, . .
iv
'
-r-.-. ■ !
,
.
T
i':; À :. : ,r . ’ ■J'
■ •'
r X<e ;2.8 juin* de 1$ m ê m e gnn^e 1788,,. le sieur Ser
siron donna une autre quittance de 612 fr. Alors il
n ’y avait plu? de reserves a. faire 7 e;L le sieur Sersiron
$e: cfl^enta. .de dire ; ; % c u 6r2.fr; de mon,beau-frère,
à compte de ce q u il me doit pour^la Légitime de ma
fem m e
ir , -J
. Il a été donné quatre autres quittances au sieur B o .
*
../*
.j
n
&
Y
’
} f r
:f!
,
*
niol, l’une de 720 fr., le 24„octobrer 1788; la secotide
de 1,100 fr., le* 1-5 juillet; 1789; la troisième.de 760 f r . ,
le 29 septembre, 178 9; et la quatrième de 400 f r . , le
2 5 mai 179 1. Toutes sont dans les mêmes termes :
q u i l me d o it pour La Légitime de ma fem m ei ,
rOn a /trouvé par hasardjune lettre isolée de la dame
Sersiron, écrite en/l’an 2 a son^rère'; elle lui demande
.60 fr. ,tr em prunter, >ce q u ivne laisse pas douter que
toutes leurs araires d’intérêt ne fussent alors terminées.
. , L e sieur, Antoine Boniol est0 mort en l’an 8 , lais
sant deu* filles mi nègres qui furent mises sous la tutelle
d’ un étranger. Ce tuteur i i t émanciper, ses pupilles aus
sitôt qu’il le put.
?
3
�( IO )
Ces cliangemens donnèrent au sienr Sersiron quelque
espoir d’en tirer parti. D e fréquentes visites faites chez
ses nièces laissent beaucoup de soupçons.surleur motif,,
mais de ces soupçons qu’il faut taire quand on e n ,e s t
réduit,¡.à ne pas. pou voir!prouver ce qu’o n avancer*
Quoiqu’il en- 'soft du résultat de ces visiles*, le sieur
Sersiron les interrompit to u t-à -x ;o u p pour menacer
d ’une demande en partage. . . f ■
■ •
;
•l.es demoiselles Boniol semblaient avoir plus à craindre
u n e -recherche
de la part*de la famille Peyronet : car
F ran çoise’Boniol, qui avait traité avec A n toin e, était
décédée, laissant trois enfans; et ceux-ci auraient p u ,’
peut êtïè sans mauvaise foi, nier l’existence d’ un traité
qui n’était pas de leur fait. ' •
’
Ils furent les premiers auxquels on s’adressa : mais
les demoiselles Boniol ne trouvèrent avec eux que de
la loyauté et de la bonne foi.
Les enfans Peyronet avouèrent avoir t r o u v é , dans
les> papiers de leur m è r e , le traité sous seing p riv é ,
écrit sur un quarré de papier en 17 8 6 , et ils se firent
un devoir d’en offrir la ratification.
E n conséquence, et pour y donner une forme plus
régulière, il fut fait un nouvel acte le 6 germinal an 12,
par - devant notaire, contenant les conventions déjà
faites ; c'est-à-dire que le domaine donné à la veu ve
Peyronet pour 3 1,000 francs, fut mis à son lot ; on
vint à compte des paiemens fa its , dont deux étaient
de 1793 : les héritiers Boniol se reconnurent débiteurs
de 7>9°8 francs.
�( II
)
Les sieur et dame, Sersiron qui ont eu connaissance
de cet a c t e , disent, pour se soulager la conscience,
que les héritiers Peyronet n'ont traité qu’avec un sup
plément de lot , parce que c’est. en efFet le terme em
ployé par le notaire. Mais s’ils ne se plaisaient ■
pas à
tout dénaturer, ils verraient que le domaine seul étant,
considéré comme un lot, il était bien juste que ce lot
d'immeubles eût un supplément de 7,908 francs en
l ’an i 3 , puisqu’il en avait eu un de 14,000 fr. en 1784.
Quoiqu’il en soit, cette leçon de bonne'foi fut en
pure perte pour les sieur et dame Sersiron ; et tout fâchés
qu’ils étaient de perdre un auxiliaire qui aurait rendu
plus probable le défaut de partage, ils formèrent de
mande par citation du 10 vendémiaire an 1 4 , en reprise
dé l’exploit de 17 77 (quoiqu’ils en eussent remis l’ori
ginal depuis le traité); et ils.conclurent au partage des
deux successions d'Annet Boniol et de la veuve Magnoî ,
ppur être délaissé à la dame Sersiron uui tiers de. cha
cune dans les immeubles, et un quart dans le mobilier,
avec restitution de jouissances^/>wi\y Le m ariage de la
dame Sersiron, et intérêts depuis la demande de 1 7 7 7 .
f Le s premières, défenses données à cette demande
ne furent qu’une ébauche des.moyèns à faire valoir,
et dont on se lit réserve pour, l'a plaidoierie (a fin sans
doute d’attendre que le sieur Sersiron eût donné quel
ques explications de plus ) ; on se contenta de dire que
la demande
e n
partage était non recevable
,
qu’elle
était encore prescrile, puisqu’on la fondait sur un ex
ploit de 1777, qui n’existait pas, et que le sieur Ser~
4
�(12
)
siron ne représentait pas ; qu’elle était encore sans
intérêt, parce que la dame Sersiron avait reçu un do~
mairie de 1 5^ooo f r . , ce qui excédait de beaucoup le
quart
qui lui rev en a it, d’après le testament de 1754.
On voif que l’avoué chargé de rédiger ces défenses
ignorait la réception de deux autres domaines , et don
nait du large aux sieur et dame Sersiron , toujours prêts
à profiter des circonstances.
A u lieu de répondre par une écriture, ils se content
tèrent de signifier des conclusions,, où , n'avouant tout
juste que ce que les défenses les empêchaient de nier,
ils offrent de rapporter Le petit domaine dont iis sont a i
possession, ainsi que tout ce qu’ils peuvent avoir touché.
Ils ajoutèrent que°, d’après les termes du testament olo-<
graphe, il n’y avait eu legs, au profit d’Antoine Boniol,
que du quart des m e u b le s en sorte que les immeubles
devaient être partagés par égalité.
On voit déjà la perfidie de cette offre de rapporter Le
petit dom aine, puisqu’ils en ont eu trois 5 mais elle estbien plus grande encore dans ces mots dont Us sont
en possesion, lorsqu’on saura qu’ils avaient-déjà vendu1
un des trois domaines, en sorte que croyant tout cela
ignoré de leurs nièces , ils ne craignaient pas d’offrir
le petit domaine dont ils étaient en possession, parce
qu’ils avaient lu dans les défenses que l’avoué ne con
naissait qu’un petit domaine évalué par lurà i 5,ooofr.
A l’égard du testament, et pour comprendre la res
triction que les sieur et dame Sersiron voulaient y
fa ir e ; il faut savoir que ce testament portait legs, par
�( ï3 )
Annet Boniol à son fils à naître, du quart de ses biens;
'meubles et effets, le tout par préciput. Les sieur et dame
Sersiron jouant misérablement sur la virgule cjui vient
après le mot biens, et qu’ils supprimaient, prétendirent
que le testateur n’avait entendu léguer que ses biens
meubles.
Les héritiers Boniol répondirent que cette honteuse
équivoque s’évanouissait à la lecture du testament en
tier, parce que le testateur, revenant sur son inten
tio n , disait ailleurs léguer le quart en préciput à son
enfant mâle ; qu’en lin autre endroit , léguant à sa
femm e , dans les mêmes term es, la jouissance de ses
bien s, meubles et effets, il ajoutait à Pirislant le-m otif
qui l ’avait engagé à laisser à sa femme le revenu de
tous ses biens] et enfin les sieurs Boniol ajoutaient-que?
ces m o ts, le tout par préciput, montraient assez que
le mot biens avait un sens séparé du mot meubles, et
s’entendait de toute l'acception que la loi et les usages
donnent au mot biens.
Lorsque les héritiers Boniol virent que les sieur et
dame Sersiron affectaient d’éviter les explications sur
le passé, ils pensèrent qu’en les obligeant par les voies
légales, ils parviendraient h la découverte de la v é rité 5
ils demandèrent d o n c ‘ un interrogatoire sur faits et
articles, et 1’obtinrent.
Mais il fallait, suivant la l o i , signifier les questions
sur lesquelles les sieur et dame Sersiron devaient
être interrogés, et quoiqu’on ne doive pas douter de
la perfection des lois, il sera bien permis de penser
�( H )
au moins que deux personnes devant être interrogées
sur les mêmes faits , sont à-peu-près certaines d’être,
unif orm es, lorsqu’elles sont à portée de concerter leurs
réponses.
*
C ep en d a n t, et malgré la préparation qu’il est im
possible de ne pas supposer dans les réponses des sieur
et dame Sersiron, on va voir que le sieur Sersiron fut
au moment de révéler ce q u ’il avait pris tant de peine
à cacher.
Après que le sieur Sersiron eut fièrement répondu
à la première question qu'il n’y avait ja m a is eu de traité
contenant partage de la succession Boniol^ le magistrat
lui demanda si M .e L ap eyre n ’en avait pas été chargé.
Il répondit que M .6 Lapeyre n’avait été employé dans
cette a ffa ire, n i pour rédaction de tra ité, Ni AUTRE
MENT.
Viennent quelques autres questions auxquelles il n’y
avait qu’à répondre non pour être conséquent. Mais
ensuite le .magistrat représenta au sieur Sersiron la
quittance de 17 8 8 , dans laquelle il était question de
M .e Lapeyre, et il lui demanda comment ilse faisait qu’il
y eût parlé lui-mêm e d’un jurisconsulte absolument
étranger à cette affa ire, com m e il venait de le dire.
L e pas était glissant, et tout exercé qu’était le sieur
Sersiron, il fallait absolument cju’il revînt sur ses pas.
11 répondit donc qu’à la rcrité, M .e Lapeyre avait
été chargé de fa ir e un tra ité, mais que cet arrange
ment. n ’eut pas lieu ; que s’il avait mentionné ce traité
dans une quittan ce, c’était dans la supposition qu’il
aurait lieu.
�( i5 )
Quant à la délivrance des trois dom aines, et aux
sommes payées, le sieur Sersiron dit que le sieur Boniol.
ne lui avait donne ces domaines que comme provision,
et que les sommes reçues'concernaient la succession
maternelle.
,
L a dame Sersiron répondit comme son mari * mais
pour ne pas faillir, elle se fit la violence de parler
moins, et s’expliqua sur chaque article avec une briè
veté surprenante , toujours pour nier ; sauf qu’elle
ré p é ta , mot à m o t, que les trois domaines étaient
Une provision sur la succession paternelle, et les sommes
reçues en paiement de ses droits maternels.
• A u lieu de s’avouer vaincus par leurs contradic
tions et l’invraisemblance de leurs allégations, les sieur
et dame Sersiron crurent qu’il fallait faire bonne con
tenance, et être plus exigeans que jamais. En consé
quence , n’osant plus faire réduire le teslament au
quart des m eubles, ils n’abandonnèrent cette p r ê t e r
tion que pour en mettre au jour une n o u v e lle , plus
absurde encore.
. ,
Quoique le testament de 1754 eût éfé lu et coni^
menté par eu x, comme on vient de le vo ir, ils im a
ginèrent de dire brusquement que ce testament avait
été irrégulièrement déposé en 1767, et qu’ils n ’en re
connaissaient pas l'existence.
.
En conséquence, par de nouvelles conclusions du 2
août 1 8 1 0 , ils déclarèrent rétracter ce qu’ils avaient
'd é jà dit, et rectifier leurs demandes! Ils révoquèrent
donc l’ofire par eux faite d’allouer m ê m e -le quart
�c i 6 )
des ' meubles ; ils sommèrent les héritiers Boniol de
s’exp liqu er, e t ‘ déclarer positivemènt si ce testament
existe en original et en minute cke% le notaire, p o u r ,
en 'cas.de non - existence,»être redemandé le^part^ge.
de toute la succession par égalité. Ils demandèrent
enfin un compulsoire contre le notaire.
* ,
Les héritiers Boniol'qui avaient dans leurs mains ,
non-seulement une expéditiqn,, ayant ¡plus de 40 an£
de date, délivrée à leur grand’vmè;re ^jiiais encore une
autre: expédition que la 'dame P eyron el( leur,, avait
délivrée lors du partage de 1784, trouvèrent si bizarre
q u’on leur demandât sérieusement une explication sur
Inexistence ou non-existencô de la miniTte cl’un notaire,
q u ’ils ne crurent pas-nécessaire de répondre à, cette
chicane nouvelle;; ils sollicitèrent l’audience , ou la
cause fut soutenue avec chaleur par,les sieur et dame
Sersiron pendant plusieurs,séances.
août 1810/ifut rendu le jugement dé
finitif que les sieur et dame Sersiron se sont contenté
E n fi n, le 14
d en on cer comme proscrivant leurs demandes
mais
dont les héritiers Boniol ont le plus grand intérêt de
mettre les motifs sages et précis sous les y e u x ,de ,1a
Cour.
,
J
u g e m e n t
'
dont
j. ' *
est
a t t e l
.
- ^
« Attendu qu’il résulte, i-° de 1 énonciation ¡d’un
traité rédigé par M .c L a p e y r e , contenue dans la quit
tance du 22 mars 17883
« 2 ,®
�( *7 )
« 2.® D u délaissement de trois domaines, dépendant
de la succession à partager, fait aux sieur et dame
Sersiron ;
« 3.° D e 1 aliénation qu’ils ont faite d’un de ces trois
domaines ;
« Qu’il y eut en 1784 un premier partage, et que tout
porte à croire que ledit règlement était définitif« Attendu que les partages sont du nombre des
contrats qui se^ forment par le simple consentement
verb al, sans qu’il soit besoin pour leur validité qu’ils
soient revêtus de la solennité de l ’écriture;
« Attendu que les sieur et dame Sersiron étaient
majeurs en 178 4, lors du partage;
« Attendu que d’après l'art. 13 4 .d e l’ordonnance
de i 539, les majeurs n’ont que 10 ans pour se pour
voir contre les actes passés durant leur minorité;
. * Attendu que c'est en 1784 que les sieur et dame.
Sersiron ont fait ce règlement portant partage, et que
n’ayant formé leur demande en reprise d’instance pour
en venir à un nouveau partage, qu’en l ’an 14 , il s’est
écoulé un laps de tems de plus de 2 4 années;
c<Mais attendu que les parties se doivent un com pte,
tant sur le paiement des arrérages d’un revenu de
5oo francs promis à la dame Sersiron par son contrat
de mariage, jusqua l’évenement du partage, que sur
les paiemens faits sur la dot de 6,000francs, constituée
à ladite Sersiron, par la-dame Dargnat, sa m ère;
« L e tribunal déclare les sieur et dame Sersiron non
recevables dans
le u r
demande en reprise d’instance,
�( IB )
ainsi que dans celle qu’ils ont formée pour en venir à
un nouveau partage; ordonne que les parties se reti
reront par-devant M .c Chassagne, doyen des notaires
de cette com m une, que le tribunal nomme d’office
pour recevoir le compte que les parties se doivent,
tant sur les arrérages d’ un revenu de 5 oo francs porté
au contrat de mariage de la dame Sersiron, que sur
le paiement de la dot de 6,000 francs, qui lui a été
donnée par la dame D a r g n a t , sa m è r e 5
« Condamne les héritiers Boniol au quart des dé
pens; réserve un autre quart des dépens jusqu’après
la reddition de compte; et condamne les sieur et dame
Sersiron, en l’autre m oitié, ainsi qu’au coût, expédition
et signification du présent jugement».
T e l est le jugement que les sieur et dame Sersiron
n’ont pas craint d’attaquer comme injuste ; et persé
vérant dans leur esprit de ch ica n e, ils ont renouvelé
en la Cour la demande en compulsoire du testament
de 17^4, qu'ils avaient formée en désespoir de cause ;
comme s i, après 44 ans de délai, après la mort du
notaire, et peut-être de son successeur, le soin qu’on
avait eu de ses minutes pouvait être de quelque in
fluence dans cette cause, lorsque ce testament avait
été connu et discuté par ceux-la mêm e qui feignent
aujourd’hui de le méconnaître.
Non contens d'avoir m a n i f e s t é leur mauvaise foi
dans une série de conclusions toujours variables et con
tradictoires, les sieur el dame Sersiron ont cru devoir
�( i9 )
la rendre publique par la voie de l ’impression. Ils obli
gent donc leurs neveux à révéler par la même voie
des faits qu’ils eussent préféré ensevelir dans le secret
d’une plaidoirie. Mais puisque le gant en est jeté, les
héritiers Boniol ont dû se tenir en défense, et exposer
à la Cour tous les faits qui ont précédé le procès actuel,
pour ne lui laisser ignoreraucune des demandes et des
prétentions toujours croissantes de leurs adversaires :
car leur nombre et leur changement rapide n’est pas
du tout inutile à la conviction de leur mauvaise foi.
Suivant les sieuç et dame Sersiron dans leur mémoire,
rien ne prouve l'existence d’un partage, et ils s’opposent
absolument à ce que la preuve testimoniale en soit
ordonnée, d’ou ils concluent que leur action est fondée
malgré leur mise en possession séparée de trois do
maines, depuis 178 4, et l’abandon absolu du procès.
Après cela, et croyant avoir assez prouvé lè besoin
d’un nouveau partage, les sieur et dame Sersiron exa
minent quelles doivent en être les bases; ils attestent
que le notaire n’a pas trouvé la minuté du testament,
ni du dépôt, d ’où ils concluent qu’il faut tout par
tager par égalité. A l’égard de la succession de la
dame M agnol, dont le testament n ’e s t pas p e rd u ,
ils font une autre découverte : elle avait institué son
frère en 1747 >
en concluent qu’elle n'a pu
léguer un quart a son neveu.
'
Voilà en quoi consistent les moyens auxquels les
héritiers Boniol ont à répondre. Ils suivront pour cela
l ’ordre des questions présentées par leurs adversaires.
6
�(
2°
)
MOYENS.
§. I er
L a demande en partage est-elle recevable?
Il ne s’est pas écoulé 3 o ans, disent les sieur et dame
Sersiron 3 depuis le décès du sieur Annet Boniol, jus
qu'à la demande de 1777 et * 7 ^ 3 ; donc ^ y a lieu à
partage, parce que celle action dure 3 o ans.
Rien n’est plus incontestable que ce principe de
droit; chaque c o - h é r itie r a 3o ans pour demander
un partage,' c’est-à-dire, pour forcer ses co-hériliers
à lui abandonner sa portion des biens communs; et il
n ’est pas moins incontestable que de 1767 à 17 77 ou
178 3 , il n’y a pas 3 o ans.
Mais qu’ est-ce que cela p ro u ve , sinon qu’en 17 77
et 1783 la demande était recevable? S’ensuit-il néces
sairement qu'elle le soit encore aujourd’hui?
O u i, si les choses étaient en 18 11 au mêm e état
qu’en 1777. N o n , si le défendeur en partage a donné
ce qu'on lui demandait.
L a loi donne aussi 3 o ans à un associé pour ré
clamer sa portion de la société ; mais si, après l’avoir
dem andée, on prouve qu’il a été mis en possession de
sa part, si vingt-quatre ans de silence ont succédé à
cette mise en possession, cet associé sera-t-il admis à
recommencer contre la seconde génération le procès
�( 2 1 .)
qu’il a terminé avec la première? Il est impossible cle
le penser.
■ Quel- est le but d'une demande en partage , si ce
n ’est d’oblenir la mise en possession d’ un lot ou le dé
sistement d'une portion de la succession? Or, supposons
qu'un demandeur en désistement, qui était privé d e là
chose demandée, lorsqu’il a agi en justice pour obliger
son adversaire à;la lui livrer, se trouve ensuite nanti
.de ce qui était l’objet de,sa.réclamation ; pourra-t-il,
.après un long délai, reprendre un procès qu’il n’avait
intenté que pour obtenir, et qu'il a abandonné après
avoir obtenu?
•
i . ' •
'
- ,Cette prétention serait repoussée sans d o u te , parce
q u’elle serait de mauvaise: f o i , et parce que l ’action
serait éteinte par le paiement ou la délivrance de la
chose demandée. •
.\
\
•
Toutes les obligations/produisent une action.-Mais
avant de dire qu'elles sont éteintes p a rla prescription,
la lo L d it qu’elles’s'éteignent par le paiement.
~ L e co-héritier eh 'possession de toute la succession
commune contracte sans difficulté l’obligalion de rendre
la portion des autres. Sa gestion opère un quasi-con
t r a t , q u i, d'après la lo i„ a les mêmes effets qu'un en
gagement
qu il aurait signé ; mais si on l’attaque pour
se désister, et si, après avoir disputé quelque te m s ,
il se désiste, il est évident, que son obligation ne sub
siste plus; elle est éteinte par la remise ou paiement de
la chose demandée.
i
�( 22 )
Ainsi, bien loin que les exploits de 17 7 7 et de 1783
servent aux sieur et dame Sersiron, comme une dili
gence.interruptive de prescription, ils ne sont là que
.pour attester leur mauvaise foi , sans aucune autre
utilité pour eux.
■ Car, par cela seul qu’ils poursuivaient avec vigueur
en 1783 , par cela seul qu’ils montraient, par des con
clusions réitérées, leur empressement à finir ce procès^
ils ont prouvé par leur silence , survenu brusquement
et non interrom pu, depuis 1 7 8 4 , que le procès était
fini, et par conséquent que la demande a cessé d’exister.
M a is , disent-ils, j ’ai pu l ’interrompre sans l’aban
donner; à la vérité', ma demande n ra valu trois do
maines et 6000 fr. N ’importe, je suis le maître de don
ner à ce désistement une autre cause; et je dis que les
domaines ne sont qu’ une provision; en sorte qu’il faut
achever le partage, que cette-jouissance provisoire n ’a
fait que suspendre.
" S
'
L e sieur Boniol, il faut en convenir,, était un héritier
d ’une générosité bien rare. On lui demande, par une
requête du 26 août 178 3, une provision de trois mille
fra n cs seulement ; et après avoir mêm e disputé ces
3 ooo fr. en offrant le partage, il donne volontairement
trois dom aines, c ’est-à-dire plus de 40,000 fr. qu'on ne
lui demande pas. Cela serait admirable; mais l’habitude
du palais n ’accoutume pas à' voir les défendeurs offrir
douze fois ce qu'on leur a demandé.
11 faut cependant attacher une idée quelconque à
�c
2
3
}
cet abandon de trois demaines et à ce paiement d’ un
grand nombre de sommes, après la cessation absolue
du procès. O r, quelle autre idée y ajouter, si ce n’est
que le procès a été terminé , que l’obligation a été
éteinte par le paiement. Voilà une demande tendante
à obtenir des immeubles et de l’argent. L e défendeur
y adhère, et donne des immeubles et de l'argent; il
n 'y a donc plus d’action, et la meilleure preuve que le
demandeur se désiste de sa dem ande, c'est qu’il aban
donne pendant vingt-quatre ans un procès qu'il pour
suivait avec chaleur , c ’est qu’il remet l’original du
seul exploit qui lui fût utile, celui de 1 7 7 7 , qui con
tenait le règlement des conclusions, et l e - s e u l, par
conséquent , qu'il ait été nécessaire de porter à Riom
chez M .e L a p e y re , avec les deux testamens et l’in
ventaire. Cet exploit n ’a pas été perdu , comme on
voudrait le faire croire; il a dû être remis par les Ser
siron, comme la veuve Peyronel remit l’expédition du
testament de 1 7 5 4 , délivrée à elle, par cela seul qu’après
avoir traité elle1n’en avait plus besoin.
~ Que les sieur et dame Sersiron ne s'ingénient donc
plus à chercher des possibilités , et à dire qu’on a peutêtre retenu cet exploit dans les fréquentes com muni
cations de pièces, et qu’ils prennent garde au contraire
r
à ce que Ici Cour ne pense pas d’elle-m êm e, que par
un hasard dont ils ont p rofité, lorsque chacun reprit
ses papiers après le procès fin i, le sieur Boniol crut
etnporter-son double du traité , e t se trouva n’avoir
pris qu’ un exploit inutile. Ce n ’est encore là qu’une
�( 24 )
Vraisemblance ( i ) ; mais dé tous les soupçons que tai
sent les héritiers B ô n io l, celui-là leur serait le moins
pénible , parce que la perte de ce traité ne serait née
que du hasard.
< Quoi qu’il en soit de toutes ces conjectures, elles
n’ôtent rien ni n'ajoutent rien à la principale vérité
de cette cause, et au point capital duquel il ne faut
point s’écarter , c ’est q u ’il y a eu un procès pour ob
tenir un lot de succession, et que ce procès a été fini
aussitôt que le demandeur a obtenu’ ce lot. -j
Il y a donc;eu désistement de fait et’ de droit de la.
demande, puisqu’elle était âcquiescée, et l ’acquiescer
ment suivi d’exécution. Et qu’on ne dise pas qu’il faut
un jugem ent pour terminer un procès : la loi n’est pas
aussi exigeante ; elle se contente d’ un simple acte
d’avoué à a vo u é, même pour së désister de la demande
sans rien obtenir; cependant‘on sait combien un acte
pareil est sujet à s’égarer. L a loi ne parle pas de désiste-,
me nt ', pour le cas où le défendeur a adhéré à la demande ::
car le législateur ne voulant pas prescrire des.•.formes*
inutiles, n'a pas cru devoir s’occuper d’une espèce sem
blable , parce qu’elle se réduisait à un point de fait
^
I
:
.
- I
• ' *
( i ) Si cette vraisemblance où ces soupçons choquent la dame
Sersiron, q u ’elle explique comment elle se trouve nantie de
l'expédition du testament rdu s.r M n g n o l, du 10 décembre i y 35 ,
poiiqnt legs du quart à s a , f ç m m e lo r s q u ’à aucun titre , et dans
aucune circonstance la dame S e r s h o n n a dû avoir les papiers
de la dame M o g u o l, si le procès n était pas fini.
' qui
�( *5 )
qui rentrait dans.le domaine du juge, et dans Içs pré
somptions que la: loi lui abandonne absolument.
Nous voici arrivés a l’arlicle le plus incommode pour
les sieur,et; dame; Sersiroii. «Oppressés ¡sous le poids de
tant de circonstançes;;accumulées sachant bien que
c’est-là de Vévidence pour «tout ;lej m o n d e , mais que le
magistuatneipeut donner, à ce [qui n’esUpas écrit, que
le nom dejpïésprhpjions^ilpjspiix fort prononcés pour
em pêcher, autant qu’ils le pourront, l’examen de ces
ci ipo ns ta nces>) A u§si s]en tç>urç n t-ils,de tous 1es articles de
la loi qui pourraient donner à la Cour la tentation de
ne. pas trop réfléchir sur la réunion des présomptions,
qui, suivant;eux, n e rdoiyjent pas,dispenser d’ un écrit
formel; n Ii\,p
'V. ^ i r A'i
c I - r ; <\
îLa Cour, disent-ils , <n’a pas leîdrôit de se servir^ de
présomptions eh cette matière : car la loi ne les aban
d o n n e à ’sa ipriidencè qué dans'les;cas ou elle admet
les preuves testimoniales (Code civil, i 353 ). O r, con-ù n u eh t-ils} illn’ÿ a’pasliëu'à preuve* testimoniale dans
tout ce qui excède i 5 o francs : la loi a voulu en ce
.cas qu’il fût passé. u!n écrit ( 1 3 4 1 ) .
•
Voilà donc le palladium derrière lequel les sieur et
darnesSersirônYse ^ont retranchés, • le vïnciilum ju r is
'présentent à lia Cou^ ipour, qu'elle, se refuse à
l ’éviderjce par respect pour la loi.
•
;jMais|CQ9Cplosse 3) des pieds d’argile ; il est appuyé
q u ’i l s
sur une base qui n'est qu# s p é c ie u s e , i et-'que* la loi
•ëlle-mêmè'va détruireo u- ïiiinorr.i«-* >{ ,
' . 'Ii’ait. r
*.du Code(¡défend d’admettre la preuve
7
�(*6 )
des conventions excédant i 5o francs : mais Part. i 347
dit aussi que cette règle reçoit exception lorsqu’il y a
commencement de preuve par écrit.
E t qu’ést-cë qu’un commencement de> preuve par
écrit
? Lia
loi le définit elle-même.'*
ft
; ■
r
•
«■On appelle- ainsi tout ¡acte pàr ^crit>,i *émahé'de
c< celui contre iequel la demande est fo r m é e , ou de
« celui qu5il( représente > et qui rei^d vraisemblable lé
« fait'àirégüè. « '
. < . ; ç'i;. • >\,ç n t
INTy: a -t-il donc -pas’ commencement de preuve par
écrit, 'd’un partage,
* *«i’ ^ ’
.. ‘ ?? i
!
i.0
Dans l ’aveu du siëur Sersiron, qu’il a reçu trois
domaines e n ’ abandonnaht sa demande en 1784.;
■
2.° Dans les quittances réitérées , qu’il a données
11 compte de lai-légitime de sa-femme , lorsqu’à uparavant il les donnait sur le revenu .provisoire d e ‘5o o fr .;
*3 .0v Dans la quittaiice oii ilpaule du traité de. M.® L a "peÿré;
1 ** • >*
”
> •
=
■
■
v
i :. \ ■
4.° Dans feon interrogatoire, où il dit' que M .e L a
peyre-n'a jamais été’ chargé de cette affaire ? et où
il dit ensuite qu’il en à -été chargé pou r-faire un
traité.
• P " '*• ;
•»-
ci on 1;
•
Cliàcli il' dé ces *f a i t s 1émanés de celui iontre qui le
' f a it est àrlicuié, -nAèSt^il'pas seul suffi&antpour rendre
vraisemblable le fait*alléglté ’qu'il y'a'<eu un partage
après la deinande feii partage, et que^c^est'pour cela
Qu’e l l e ' p l u s été suivies’p * ^ fl * î;
«>n •.<.
L a preuve testimoniale est doncradmis‘s ibley‘et;mâiniènant Îoüiè-Pdbj^ctiOri loitabe-pc&ifî sijlai preuve est
�o; 27 j
admissible■,les-préjonïptijons restent abandonnées
h
la
prudence de là Cour ,<id’après l’art. 1 353 . ; r
O r, qui pourrait nier qu’il n’y ait ¡ci un tel concours
de présomptions que" la vérité peçce de. toutes parts?
Et véritablement ce serait douter de la justice que de
ne pas leur donner le caractère d ’une preuve matérielle.
Sôus F ordonnance de M o u l i n s q u i avait la mêm e
disposition que l’art. 1341 du C o d e, mais qui ne donf.
riait pas. la latitude de Tartv 1:347 , l e s auteurs sentaient;
la nécessité de. s'écarter de la; rigueur de cette loi,'dans
les. cas d'évidence où:il serait plus nuisible qu’utile de
l ’appliquer sans, discernement.
:.
Omrùif'. aLid probando genere ( dit ;Bjoic’eau ) fratldes
detegù dehere eocisUtno y ne lew ista 'quœ crimèn intendit
everbere,, 'permittere vidùatur j et itaeos su/rimo ju r e et
stricto. ejus obsèrvaiïotie major injuria, nascatun
- -.Aussi la j u ris p ru de nç a s’accor d a - t- elle uniformément
u.regarder lés préàomptions comme'des preuves, lors-!
qu'elles étaient assez fortes pour en tenir, lieu.
L a présomption de »droit, dit Dahiiy, chap. 7 , est
« u n e conjecture clans un,é affaire douteuse, qui résulte
dr des argument :dt des indices qu’on 'liré de certaines
«• icirconstanées.du faitiqui'^accompagnent pour l’ordi-*
cc naire
Naseeksc 'ex\ eb quod plerumque iia s oiea t ac
te ciderc, et ram contrà ».
, ’O r v on le.demande aux.sieur et dame Sersiron, n ’estil pas d’usage le plus fréquent qu’un défendeur ne dé
livre ce •q,u'6n lut a'demandé, que lorsqu’il e s td ’acôrd,
et que le réclamant consent â se désister de sa demande?
8
�(
2
8
X
......................................................................................
Voilà bien qaod plerumque accidit. Qu’ils disent encore'
s’ils ont vu souvent donnér trois domaines en provi-'
sion , et 6000 fr. d’argent , lorsque’ le demandeur se
contentait de 3 ooo fr. ; il faudra bien qu’ils reconnais
sent qu’un défendeur ne donne ce prodigieux excédant
c]ue p'our être quitte entièrement ; et làrdessusr il ne:
faut pas seulement dire raro contra, car on les défie
de citer un seul exem ple où. un défendeur ait donné
tout cela pour qu’onr continuât dé plaider1contre lui.*
« 'jJj'sl loi, continue D an ty , ’regarde les présomptions
« comme des té m o in s lo rs q u e la preuve'par témoins"
« ou celle par écrit viennent à manquer
>
• On peut suivre encore toutes les conditions que cet
auteur exige pour la concordance ‘des présomptions,
et leiir liaison entr’elles p t o u t cela est.^répété dans
l'art. 1 353 du C od e, et plus on réfléchira sur la liaison
des faits eritr’eux>depuis 1784,' jusqu’à la itiortM 'Antoine Boniol,; plus on sera pénétré de ^leur »parfaite
concordancè. ; ;oî :: : nrt : '¡'.-a!)
!i,oi
j Un autre fait étranger a u x ’ Sersiron s’y:<lie pour
achever de dissiper tous les* doutes. C ’est’dans le même
tems et poiir les^mêmes intérêts que lia veuve1Peyronet
traita. Elle avait même pluspa? demander : car elle
n ’avait reçu aucuns revenus depuis la 'mort, de son
p è re , jusqu’à 1784, tandis que la femme Sersiron avait
reçu 5 oo francs par an. L a veuve Peyronet r e ç o it ,
non par provision, mais par tous ses droits paternels,
maternels, et ceux de la tante, en capital et intérêts^
45,000 fr. L a dame Sersiron a reçu trois domaines
�( 29 )
qui valent plus de 40,000 francs, et 6,000 francs en
argent (n o n compris les 4 3 6 ) , et elle ose d ire , elle ^
ose faire plaider sans honte, qu’elle n’a reçu tout cela
que provisoirement, et sans entendre renoncer à son
action en partagé. L ’esprit se soulève d’indignation à
cette persévérance de mauvaise foi.
L e signe le plus infaillible que puissent en donner
les sieur et dame Sersiron, c’est l’effort qu’ils font pour
éviter tous les' éclàircissemens que la Cour voudrait
prendre.
■
'
\,
N ’ordonnez pas de preuve testimoniale, disent-ils,
la loi le défend.
N e jugez pas la cause par les présomptions, ajou
tent-ils, la loi le défend encore.
N ’ajoutez aucune foi à l’énonciation d’ un traité qui
se trouve dans la quittance de 1788 : car la loi ne
l ’admettrait, que si les termes du traité y étaient écrits:
non créditer referenti nisi constet de reiato.
Il n’ÿ avait plus qu’ un mot à ajouter, et ils lelaissent
entendre : n’ajoutez foi qu’à ce que nous disons, c ’est
le seul m oyen de nous rassurer; car si nous ne sommes
pas nos propres juges, toute recherche de la vérité
nous épouvanté.
11 est vraisemblable que la Cour ne. se laissera pas
toucher par des terreurs aussi intéressées. L e plus beau
ministère du juge est de démasquer la mauvaise fo i,
et de proscrire les procès qui lui doivent le jour; voilà
pourquoi la loi abandonne les présomptions à sa con
science et à son discernement.
.
�(
30)
Ici il n’y a pas seulement une présomption non éta
blie par la loi, comme celle indiquée en l ’art. i 353 du
Code , il y a présomption légale, J u r is et de ju re.
L'art. 888, conforme à l’opinion de M ornac, réputé
partage” tout acte qui a eu pour objet de fa ir e cesser,
C indivision entre co-héritiers.
.
Si de-là nous venons au Code , de J id e instrum ent
nous y lirons qu’un partage est un fait qui peut être
constaté sans écritures. Itzstrum entis etiam non interve*
n ien tib u s , semeL divisio recte fa c ta non habetur irrita .
( L . 9 .)
Il en est de m ê m e , à plus forte raison, si Pacte à
été dressé, et ne se trouve plus. A m is sis etiam ( instrumentis ) quœ intercesserant, non tolli substantiam
çeritatis'placuit. ( L. 10. ) I
- On ne manquera pas de répondre à ces textes que la
loi française ne les admet pas, puisqu’elle veut un écriit
pour les conventions excédant i 5 o fr.
Sans doute unei conventions à fu tu r a besoin d’être
écrite pour faire fo i, mais une convention exécutée en
a-t-elle eu besoin? Ce serait méconnaître la loi que
d’exagérer
ainsi.
O
v
Si j ’assigne quelqu’un pour me délaisser son c h am p ,
'que je dirai avoir a c h e té , je serai éconduit sans diffi
culté , parce que je devais prévoir qu’on pourrait re4 user la tradition. Mais si déjà j ’ai la maison, et que
l ’acquéreur ait reçu mon a r g e n t* et ne le désavoue
pas, alors le contrat do ut des est parfait ^ et la néces
sité d ’un acte s’évanouit.
�(
3
1
)
Mais si la Cour jugeait dans sa sagesse qu'il n’y a
pas ici de présomption légale> il y a au moins un con
cours de présomptions ordinaires, capable de prouver
l ’existence d un partage ; leur liaison et leur gravité
sont entraînantes.
.
, Un partage est demandé; on le refuse d ’abord jus
qu’à la majorité du fils; il y a reprise alors, et après
un court procès., il y a délaissement au x deux sœurs
d ’un lot égal.
Toutes deux accepten t, et le procès,s’arrête ; toutes
-deux sont en possession pendant vingt - quatre ans,,
sans rien demander au-delà ; l'une des sœurs avoue
le partage , l’autre le nie ; et précisément celle qui le
nie a vendu une portion de son lot.
Plusieurs sommes sont payées; les imputations chan
gent; on y relate un iraité ^ on y dit le nom du ré
dacteur de ce traité. Quand toutes les sommes sont
payées, l e sieur Sersiron écrit pour emprunter de L'ar
gent au sieur Boniol.
•,
L e sieur Boniol meurt sans qu’on songe à reprendre
un procès éteint j on va chez ses enfans, on vit f a - ♦
rnili.èrement avec e u x , on ne leur parle d ’aucun pro
cès à avoir,;, mais on s'instruit peu à peu de l ’état de
leurs..affaires ; on s'assure de leur ignorance absolue
du passé; alors on leur intente un procès; et combien
d ’asluce et de variation on met dans sa poursuite!
On dit d’abord qu’on n’a reçu qu’un domaine, jus- qu ’à c e 'q u e 'les mineurs^sachent^queJeur père en a
• ’ donné trois. On n ’avoue pas les sommes iç ç u e s , jus-
�(3 0
qu’à ce qu’ils aient retrouvé leurs quiltances. Quand
on est interrogé , on dit sur le même fait le blanc
et le noir. On bat encore la campagne sur le testament
de 1 7 5 4 ; et après l ’avoir discuté dans ses term es, on
en nie l ’existence; 011 ose encore-imprimer contre
une mère le soupçon d ’avoir fabriqué ce testament.
Ce n’est donc pas assez que les circonstances prouvent
le fait d’ un partage. L a mauvaise foi des adversaires
vient fortifier cette preuve : car si la Cour se décidait
à condamner des mineurs qui viennent franchement
exposer leur situation, ce ne serait qu’avec la convic
tion de la sincérité des demandeurs. Mais quelle con
fiance méritent ceux qui mentent ainsi sur plusieurs
articles. N e faut-il pas croire qu'ils mentent également
sur le point capital : semel m en d a x, semper m en d a x/
ce proverbe est rarement sans exactitude.
Cependant les sieur et dame Sersiron veulent se
donner un simulacre de sincérité. Si la quittance de
17 8 8 , disent-ils, parle du traité de M.* Lapeyre c’est
tom m e d’ un acte à f a ir e } et dans l ’incertitude s3il le
sera,
L a plus simple lecture d e ,c e tte pièce donne un
nouveau démenti à cette version : ( les'arrangemens
p r i s entre nous.......et dans le- ca s, y est-U d u , que
ladite
somme
de 436 fr. soit portée
d a n s le
tra ité
de M .e Lapeyre, sans quittance, la présente ne vaudra
que pout 7 6 4 fr a n c s ). Ces termes prouvent bien qu’on
parlait d’un traité déjà existant; car si alors il n ’eût pas
été
fait, comme on le dit dans l’interrogatoire; on avait
eu
�('3 3 ),
eu simplement le :p ro je t de jçharger :MV\ L a p e y r e d e -,
rédiger un traité; et si, par le fa it, on ne rav.ai^jjraii^is^
chargé de cette a f f a i r e , ril était inutile7 de! prévoir ce
qui serait ou neuserait pas dans<un aptp:¡noiljexistapt ;
il suffisait du siojple re^ù de i^^ppjfpy stfnsimpiitatipn ,
sauf à le rappeler,dañóle projetnd’jaçtei lorsqu’il s’agirait
de le signer. . . • •.•Ynu;',; oor^/ inoj ; [
M .e ;Lapeyre .est mort*? et les adversaires, ne crai
gnant . plus ses ^révélations Qse,fyt jinvoquer; le. té.moi>
i
gnàge de M;.ej Beaulaton ,- p/ir.ç^ ?que çla jquiUance i ne’
parlé ipáSe.dfc lux-i oi*ps'i<:í, oiíivíIücd n L /m'; ;-í: .tjsÍ oh
¿ 7 Mais; .qu’ils, prennent;’ garde. ! G e : respectable ; juris
consulte a su [aussi ceqili^s’estjpassç 5 ej|: quoique .Jetéms éfface, en général,ler;Sp,U;Veflir;.^
rentes , çm nei dput^ ,pas; qu’il
jsejjrappglle» très-bien
qu’il y a eu un traité. Lui-piême vint à Tracros^en 17 8 4 ,
¿ivec le sieur .Çhassaingj .çuré de-ServagnaL; Qeli^i-ci se
ï e t irá,}parce:q;uç;lp &fo§çr$iron, rp&rçti$ij: ,a^ejd^fenrce
•injiqrièiise icQntre îqu$ (j^ux^quii dÍRÍ$SLti$n;írijo^ pour
Tabréviation des dií&eulíé&w¿nais ;lev^ipiriç,' $ieur ç,uré
.' '
.
.
' 'c: ' '
de Servagnat,
vint
féliciter
O
* ensuite
—
\ la famille
' ' » ■' * sur ' Taccommodement dopt il,fu,t instruit.Xes dames P^yronet
et Sersiron se plaignaient(de,la/modicité ^e.lpujs lois;
et le sieur Peyronet, notaire à^Herment^leur répondit
qu’elles n’en auraient pas;eu autant en justice, et quo
.tout le bien n e rapportant pas 3,000 fr. de rente, on
leur avait beaucoup,trop donné.
...
. ,
v
Voilà ce que des renseignemens précis ont appris
aux héritiers Boniol; ils les prouveront si la Cour croit
5
�G 3 4 -))
cet fe^reurv^ nécessaire : ’et rie a ne p eu t em pêcher de
n j . l i n î f.-t'i; r t *, , > • i. j r 1:-Â ^ •*;
Jüéqti’ ifci tes héritiers»-Bbniolf n’ont pas même parlé
dii:;poiiit dé idftjit combattu ppr les adversaires, qui
prétëridènT 'qué leUr ^osseSsiori séparée de trois domaines
déplii> i ^8:4!]2riè! f^oiivte’ pais uiilpariageJ ,
Sans doute, la jouissance séparée pendant 10 ans n é
p rd u v ë ff>as dépLeiti d ro it iin* partage : cela est vrai.
- i {M àïâ Gèlë ne peut s’entendre ‘que de ceux - qui ont
jro üi 's’é|b'àréWërii? sütis ^pTbcèstét cdiiïme pari sufccessiort
de leur auteur. A u contraire, lorsque l ’un dès héritiers
é ta it d ’abord'én possession de; tout ^et qu’ ensuite après
tind^ dèm'aiïd&il àbândonrfe-à^on c o ^ h é iilie r un rlot
é g a l a i ;bë qü$ lui9éèrait-révénü^ !ilJÿ à rpréscmiptionide
partagé1/ ét lü jiï^tifee 3iè dôit' plus ordonner fce qué les
pattiés^elléé-rilênles !ô ïif ïé g ïé i l!V^
1 i: ’ r >n ' i; ;
«• Partage-pdiï 7Rou'sÎeâU“ Lacom be 3 doit êtref fait ÿ
ir- bien-rqii-oŸi ¿vt>*jélii; ¿épdré'meirt ^efa'dàtït fort iorigir1iéjufei' Sfeûfemèftff^éëir'énlongüô jduîssarice induit ;pârXiQèi^ f t i d ê è * é \ i ü k r ' é s > < p à r e x e m p l e , s ï
n’ c h a c u n 'a 'pà’s séd é séparém ent 'éga le*portion ,
’ou que^
t< n’ÿ ^jfehtfipi3à^gràndë •inégàlité;? : Pun - ait ¡fait la foi >,
« où rériciii^-déteiaratibn^é^km lot.
Partage; .sect.
« l ; ïeV n.'° :4 y èt ¿ect. llt ^ rii0 4 ».
Dèspéissës ét-Boeriufe insistent plus fortement encore
sur lës conséquences de cette jouissance séparée. Lebrun
donne pour exemple le cas où il y ju r a it eu iin »projet
de partage écrit ; après lequel chacun S& serait mis en
pos^ësfcîon. * ^
0
�<
35)
* Ainsiile? principe général :n"a» lieu, q u e , dans les cas
ordinaires d’ une¡po^se^siqn séparée, sans apparence de
partage y e.t5$v.fcCou-iaqri^égalij jê q^i i|iit ¡présumer^au
contraire
& p^s ;^ q ,[
VJOn \u .
• 'I c i; il .est) notoire-que res t^Qi^j dona.aiji^s val^i^nt plus
que ¡la portion spaternelle d e }a dàfine ;Sersir.on,;.§fi 1784;
et on voit que,la quiMange,,âé,i)7$8; ^quiya^Là la m en
tion postérieure ,/üd.i»i^?.paij‘k&ii$luiepj& chaîne:.une
ratificationoécrite .du ! p^iHflge, 0b luod n "inoy % °
L e point 1derdroit discuté pa;r les £iet}rfjet,daüie, Ser
si ron 7 loiriide le u rê tre favo rable, npifait donc qu’ajou*er<a.ux auires[pr.ésomptiops ac.çumu 1é es :; .qui ne lais^
sent raucuii doute 'sur la fin de, j&oh-rèeeYoirj de-leur
demande en noiivea à partage^ rrin -^j r y i W : 3 0 it*-:,- r\
Cii
:• *!>: . i[) r>ï .
i
:b
i
ci l:/j N? .§. ' . L L - i
K 'u V I r '
*;,
•v-c. 7 :
.. iic. , ./:r' -r
r n v'\X2ommentïie fe fa it. Le partagé?. ; ;i
"VI
11c~*
o i .'i ; t -
uir. ?.-M
h. 3- c
- Il est ¡visible que cette (qàestion nîest traitée par les
héritiers B o n io l, que pour ne pas laisseroç.roir;e ;iaux
,rê vèriesodtes ;sieur e t , dam e sSersiron, ’ iqAii' &<pjit.der jtt a u'vaise*formai\tousries'.points, avi*-,« *\uA ? ,»v\; Ç|U
Car^Vdès.queU’èxîstencertrun Cpactage .'est-(prouvée,
jîli efltiin-U'tilè deVsavpir; jcom.ment ah faut en «faire .un
‘auilte.’ALà cloi ne' xlo'nnai’tVqu^VidîXbaris p,our-,revenir:,
s'il y savait.'lésion'*/ icinilTiniyi a: eubaucunej 4 ésjpn:; et
¿tflieu’idd dix ians'v o h ren a laissé Jécoùler ¡Yingt-quatre.
A u reste, et comme les s.r et dame Sersiron veulent
�-
, ( .'3 6 }
apitoyer sur leur' sort * ils disent qu’il! leur revenait
plus qu’on ne leur a donné. Cette chicane a un autre
motif'^lus astucieux!; ils veulent grossir leur amende-r
ment pour éloigner la principale présomption d'ün par
tage ^parcé que si” le 'lo t qu’ils possèdent était’ Beau
coup !m 5 ins considérable que leur amendement réel}
la Cour-rie Croirait-pas qu’ils ont entendu partager définitivenfièàt ;; ët voilà leur espérance.t i -ji- ;
Pour venir à .bout de cette* démonstration, ’ils atta
quent *lés deux îéStamens de 175 4 et de! 1768;:
Quant auMéstament ide 1768 , ib.est.’d’un' même
itttéirêt pour Jâ^ntestationi; car »outre que les biens de
lâ’ tantene consistaient q u a u :quart de ceux de son marr,
la dameSersiron n’y amenderait d'après elle-même que
le tiers des sept huitièmes de ce quart : ainsi il suffit de
s’occuper de l’objet m ajeur/.qui est le testament du
père, fait en 1764.
Y
Après avôir nié ;sans pudeur l ’existence d’un partage
exécuté 24 ans, les sieur et dame Sersiron nient l'exis
tence d’uh'U‘e stament!?q u ^ otit connu et* .approuvé
pè&datit 4'oians;i
on
^
c
l.
Y* 'i ^ oi '• ,.t
-1 'Onodit^qu’ilspl’ont conriu- et,approuvé ; et en effet y
on lit, clans leur propre coritratcde m a ria g e., que la
,dame B on io l, m è r e , y énonce Le testam entilolographe
-d^Aiinet B o n io l\ d u 2.i:m ars 1 7 6 4 9,déposé a u x m in u tes
A ley ra ti n o ta ire cu G ia ty su iv a n t llàcte d u
3roj ù ï n . 17.64 ;
'donc' les^siôur et^dame*» Sersirlôni savaient en: 177 2 <Jue
•ce'testam'ênt existait et on ne leur^en cachait pas le
-lieu de dépôt.-^ tinn-b io *.? i-'A
�( 3? )
A la v é r ité , commetils le disent i r e s - b i e n , on ne
leur montra pas la minute de ce testament, parce que
sans doute l'usage n’était pas alors de montrer les mi
nutes, plutôt que les expéditions aux demoiselles qui
se mariaient : mais ce qui était d’ usage alors, c’est qu'il
fallait attaquer dans les 10 ans les approbations qu’on
avait données. Or, 40 ans(se sont passés sans attaquer
ce testament ainsi approuvé.
;
1,
L e notaire Alleyrat était vivant en 1 7 7 2 ; ils pou
vaient demander à voir sa minute ; ils le pouvaient
-encore en 1777? lorsqu’ils formèrent leur d em an d e,
lorsqu’ils élevèrent des doutes sur la ¡validité des leo-s.
et que M. Chabrol fut consulté sur Le vu du testament,
le 6 mars 1777.
'
-,
. Il y a 25 ou 3 o ans que le notaire Alleyrat est mort,
après avoir délivré une première expédition à la dame
B o n io l, une seconde à la dame P e y r o n e t , et • sans
•doute line troisième à la dame Sersiron qui n’en con
viendra pas, parce qu’elle nie tout,* mais qui ne fera
croire à personne qu’elle seule n’ait pas voulu en avoir
u n e, lorsque précisément elle seule a élevé des con.r
testations sur ce testament.
!
Nous avons déjà dit, que d’abord la dame Sersiion
avait conclu à ce que le teslament de 1754 ne valût
que pour le quart du mobilier , parce que cela résultait
.des ternies ds cc testament.
Après cet aveu formel de la par finie connaissance
d’ un acte déjà médité pour son intérêt , la dame Sersii’on revient sur ses pets au mois d ’août 18 10 , pour dire
�( 38 )
à ses neveux : «M ontrez moi ce testament : je soutiens
« qu'il n’existe pas ».
' Cependant il existe deux expéditions fort anciennes
de ce -testament ;le*iotaire qui les a délivrées est mort
il y a plus de 2 5 ans, et il est visible ^qu’elles sont an
térieures à 1777.
; .
C ’est un testament olographe, d i t - o n ; il ne vaut
que quand il est signé, et comment vo u le z-v o u s que
-la signature soit reconnue par nous, si nous neila voyons
pas.
Où est donc le besoin de «ce tte reconnaissance d'écri,ture pour un testament<dôntrl'auteur est mort il y a
f45 ans? ‘ '
' Ji
••’ ’ .
11 ne s’agit pas ici de l’adtigé non creditur referen ti 7
ni m êm e’ de celui In antiquis enunciatura probant.
;Car l’expédition originale existe; elle est prise sur l'acte
[m êm e; en conséquene elle fait pleine foi en justice.
I/a rl. i3 3 4 du Code civil porte : <r Les copies, lors« que le titre original subsiste , ne font foi que de ce
« qui est contenu au titre, dont-la représentation peut
* toujours être demandée
~
^ Lorsque le titre original n existe p lu s , les copies
a* font foi d’après les distinctions suivantes:
« i.° Les grosses ou premières expéditions fo n t la
« même f o i que Coriginal, etc. »
Ainsi la loi a prévu la perte des titres ; elle n’a pas
exigé qu'on prouverait com me nt il s'est perdu, ainsi
que le disent les adversaires ; lorsqu’il en existe des
expéditions originales , il suffit de les représenter.
�( 39 )
Outre celte preuve Légale, les héritiers Boniol rap
portent , i.° l’extrait du répertoire du notaire chargé
de ce testament; 2.0 le certificat du contrôleur qui en
a enregistré la minute; 3.° les quittances des legs par
ticuliers qui y sont contenus.
S’il faut, de la part d e la dame Sersiron, une recon
naissance de l’écriture de son père , elle la trouvera
dans son contrat de mariage et dans les actes de pro
cédure où elle a commenté et chicané tout à son aise
sur les expressions de ce testament.
L a dame Sersiron devait réfléchir à tout cela avant
d’insulter aux mânes de sa m è r e , jusqu’à l’accuser
d’avoir fabriqué un testament, et avant d’attaquer la
probité d’un notaire qu’elle flétrit aussi d ’un soupçon
de complicité. Mais plus une cause est déplorable ,
plus l ’intérêt suggère des moyens honteux aux plai
deurs qui, per f a s et n e fa s , voudraient réussir.
M ,e D E L A P C H I E R
ancien avocat.
M . e D E V È Z E , avoué- Licenc ié.
J
■
♦
A R I O M , de l’imprimerie du Palais, chez J.-C . S A L L E S .
�
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The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Marie
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Description
An account of the resource
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Title
A name given to the resource
[Factum. Boniol, Jacquette-Gilberte. 1810?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Delapchier
Devèze
Subject
The topic of the resource
successions
partage
Description
An account of the resource
Mémoire en réponse pour Dame Jacquette-Gilberte Boniol et le sieur Jean Bourdillon-Dugravier, son mari ; dame Marguerite Boniol et le sieur Charles Arragonès de Laval, son mari ; et demoiselle Marie Boniol, tous propriétaires, habitans de la ville de Clermont-Ferrand, intimés. Contre Dame Marie Boniol et le sieur Gilbert Sersiron, son mari, propriétaires habitans du lieu de Roure, paroisse de Saint-Pierre-le-Chastel, appelans.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie du Palais, chez J.-C Salles (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1810
1754-Circa 1810
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
39 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0421
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Clermont-Ferrand (63113)
Saint-Pierre-le-Chastel (63385)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Relation
A related resource
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partage
Successions
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/5/53885/BCU_Factums_M0625.pdf
4644854efc5f8ad59f2c6fea925107b3
PDF Text
Text
MÉMOIRE
POUR
J oseph
D A U B I N , P i e r r e M O U R G U Y E et G a b r i e l l e
B A R E Y R I E , fe m m e B A P T I S T A L , cu ltivateu rs,
habitant au village de M o n c e l, co m m u n e de SainteEulalie, appelans et défendeurs en pérem ption ;
CONTRE
L e sieur A n d r é C A B A N E , se d isa n t ancien ferm ier
de La terre de S a in t-C h a m a n t, in tim é et demandeur.
IVV%W VVW\VWVV\»WV^
L
E sieur Cabane prend le prétexte d ’une péremption
pour poursuivre l ’effet de plusieurs sentences féodales,
contre les appelans, qui cependant ont régulièrement
p a yé ce q u ’ils doivent eux-m êm es, mais que la pagésie
forcerait de p a y e r des sommes considérables p o u r les
cens de tout leur village.
i
�( o
L a révolution a éteint la pagésie et la féodalité; le
sieur Cabane l’avou e : il avou e aussi q u’ une dem ande
en pérem ption d ’appel a pour résultat d’obtenir la
confirmation de la sentence attaquée; d’où il faudrait
conclure que si le législateur a annullé la sentence et
l’a p p e l, il s’ensuit nécessairement q u’il ne reste plus
de procès en pérem ption.
Mais ce n’est pas ainsi que raisonne le sieur Cabane.
I l dit que des sentences rendues au.profit du seigneur
peuvent n’être pas féodales ; que d ’ailleurs il n’y a
procès que sur la pérem ption d ’ un a p p e l, ce qui est
un procès indépendant de l’a p p e l; d’où il conclut que
la Cour doit juger la p é re m p tio n , sans s’inquiéter de
l ’objet pour lequel on plaide.
V oilà tout le système que les appelans ont à com
battre ; mais en prouvant q u ’il n’y a ni pérem ption
de f a i t , ni procès à ju g e r , ils se préserveront d’ une
injustice criante qui aurait pour résultat de les forcer
à payer la dette d ’autrui, sans avoir aucun m o y e n de
recouvrem ent.
F A IT S .
L e s agens du sieur de L ig n era c, seigneur de SaintCham ant et Sain t-M artin , formaient presque annuel
lem ent des demandes contre plusieurs censitaires, et
obtenaient sentences sur sentences.
C ette multitude de poursuites, gardées par devers
eux , n’est certainem ent pas une preuve de n on paiement. Ori sait que le moindre retard occasionnait
�(3 )
des diligences, toujours en pagésie contre les prin
cipaux len an ciers, et toujours avec des réserves des
condamnations précédentes.
L e 6 février 1 7 6 4 , G abrielle Berghaud et L ouis
M o u rg u y e furent assignés à la requête du marquis de
L ig n e r a c , seigneur de S a in t - d ia m a n t , devant le juge
de Sain t-M artin , com m e tenanciers de tout ou partie
du village M o n c e l, pour p ayer audit seigneur trentehuit seliers seigle, trente setiers a vo in e , sept livres un
sou a r g e n t , e t c . , pour les c e n s , rentes et droits sei
gneuriaux d u s a u d it seigneurf sur ledit v illa g e, par
reconnaissances solida ires, et c e , par chacune des trois
dernières années éch u es, avec l ’intérêt : le sieur de
L ign erac termine par in d iq u e r le paiem ent à faire
entre les mains du sieur C a b a n e , son ferm ier-gén éral,
a vec réserve de tous autres dus, droits de lods, etc.
Sur cet e x p lo it, le juge du seigneur rendit une
sentence par défaut le 17 mars 1764« L e sieur Cabane
en rapporte une copie in fo rm e, et sans form e exécu
toire.
^
Aussitôt que les autres censitaires du village furent
informés de cette dem ande en pagésie qui allait re
tom ber sur e u x , ils s'en plaignirent. On vo it par une
requête du 17 mai 17 6 6 , que les nom m és L a b ru n ç,
A lzia c , L ouis Berghaud et M e y lia c articulèrent avoir
payé exactem ent leurs cens au sieur Cabane , qui
endossait leurs paiemens sur les liéves sans donner de
quittances; ils d em a n d èren t, en c o n s é q u e n ce , p e rZ
�m
mission de l’assigner po u r vérifier le fait ^et leur donner
quittance des sommes par lui reçues.
L e juge donna
une simple ordonnance portant
permis d ’assigner; et ce qui ne sera pas vu sans éton
n e m e n t, le sieur Cabane interjeta ap p el, au parlem ent,
de cette ordonnance du ju g e , qui permettait de l’as
signer pour déclarer ce q u’il avait reçu. C e ne serait
donc pas lui qui aurait obtenu les sentences qu’il s’ad
juge aujourd’h u i? car a u r a it-il osé étouffer la voix
de ceu x q u ’il poursuivait indirectem ent en la personne
de leurs co-paginaires.
L e 18 janvier 1 7 6 8 , Louis Bareyrie et Louis M ourg u y e furent assignés à la requête du seigneur, pour p aye r
solidairement les dernières années des cens du village. L e
29 février 1 7 6 8 , le juge du seigneur rendit une autre
sentence par d é fa u t, qui adjuge lesdites conclusions.
Elle est dans la m êm e form e que la précédente.
Pendant que ces poursuites étaient dirigées à la re
quête du seigneur, contre Bareyrie et M o u rg u y e , il
en existait d’autres contre François D au b in en vertu
de sentences obtenues contre lui en 176 9 et 1 7 6 1 ,
pour la m êm e pagésie. Ses meubles et ses bestiaux
furent exécutés le 14 mars 1 7 7 1 , avec dép lacem en t,
toujours cl ici requête d u seigneur.
L e 4 mars 1774, Louis M o u rg u ye et ledit Joseph
D aubin furent assignés en pagésie pour payer les trois
dernières années du t é n e m e n t, toujours à la requête
du seigneur, et ils y furent condamnés par d é fa u t, par
sentence du 27 août 1774*
�(55
Ils ont été encore assignés en 17 7 8 et 178 1
condam nés par sentences des
19
décem bre
et
17 7 8
et 17 décem bre 178 1 ; toutes ces sentences sont sans
form e e x é c u to ire ; la dernière seule est signée du
greffier, mais en seconde expédition. Il paraît que
ces mêmes sentences furent successivement attaquées
par appel porté à Salers ; aucune des parties n ’a les
procédures qui y furent faites.
• L e 2 n ovem bre 1 7 8 4 , le sieur C a b a n e , en qilalité
de ferm ier général des terres pour tors appartenantes
a u sieur de L ig n e r a c , fit signifier les sentences de
>1768, 1 7 7 4 , 1 7 7 8 et 178 1 à Louis- B a r e ÿ r ie , Louis
M o u r g u y e et Joseph D a u b i n y a v e c somïnation de. lés
e x é c u t e r , ret- assignation en liquidation des grains.
C e u x - c i notifièrent au sieur C a b a n e , par exploit du
1 7 no vem b re 1 7 8 4 , qu'ils persistaient dans l’appel déjà
interjeté des deu x premières sentences, èt q u’ils inter
jetaient appel des d eu x dern ières, corn m e nulles, in
compétentes et attentatoires à l’autorité de la sénéchaus
sée d ’A u vergn e , saisie de la contestation ; en consé
q u en ce, ils assignèrent le sieur Cabane h y p r o c é d e r ,
co m m e se d isa n t ancien ferm ier et aux droits du sieur
de L ig n e r a c , tant pour lui que pour ledit s e ig n e u r,
dont il prenait le f a i t et cause.
L e sieur Cabane se p résen ta, sur cet a p p e l, le 10
février 1 7 8 5 ; il dit que sa présentation ne fut suivie
d ’aucunes autres procédures.
L e i 3 août 1 7 8 8 , il demanda la pérem ption de
l ’a p p e l, et obtint sentence par d é fa u t, le 1 4 juillet
�•i 6 )
1 7 8 9 , qui prononça ladite p é re m p tio n ;le 4 août 1 7 8 9 ;
les Bareyrie en interjetèrent appel situ pie au parlement.
On ignore s’il fut pris des lettres de relief sur cet appel,
et si le parlement fut saisi. L a révolution a dévoré
ou paralysé tout ce qui tenait aux matières féo d ales,
et il n ’est pas su rp ren an t, ni que la trace de ce qui
a pu exister soit perdu, ni que toutes les parties aient
gardé le silence depuis. 1789.
L e s lois de 179 3 ayant condam né aux flammes les
titres et sentences qui porteraient signe de féodalité
ou qui la renseigneraient, certainem ent le s.r Cabane
a dû s’y con form er , et voilà pourquoi il n ’a plus les
•expéditions exécutoires dés sentences du sieur de L i gnerac ; .voilà pourquoi ne, réclam ant rie n , pendant
vingt an s, contre des censitaires qui avaient payé leur
¡item ré g u liè re m e n t, et qui ne devaient plus p ayer la
portion des autres, tous les d o c u m e n t,to u te s les traces
de leurs procédures se sont pierdues en presque totalité*;
et aujourd’hui on veut q u’ils en soient victimes.
.
L e sieur Cabane s’est souvenu en 1809 de l ’appel
de 1 7 8 9 , et il a pensé que s’il pouvait l’attaquer par la
pérem p tio n , il obtiendrait par cette voie indirecte une
confirmation de se n ten ce, que la C our ne pourrait .pas
prononcer directement.
En conséquence, par exploit du 22 février 18 0 9 ,
le sieur Cabane' a assigné en la C our d ’appel Joseph
D u u b in , et Louis M ou rguye ( d é c é d é ) , pour voir dé*
clarer l’appel sim ple, du 4 août 1 7 8 9 , n u l , périmé et
com m e non a v e n u , et voir ordonnev l’exécution de
la sentence attaquée.
�(7 )
P a r autre exploit du i 3 juillet 1 8 0 9 , il a assigné
M o u rg u y e fils , et G abrielle B a r e y r ie , fille de L ouis ,
po u r voir déclarer le m êm e appel de 1 7 8 9 , p éri, désert
et n u l, voir en conséquence ordonner l ’exécution de
la sentence attaquée.
L e s parties en sont venues à l ’audience de la C o u r ,
le 10 mars 1 8 1 0 ; les appelans ont soutenu qu’un
appel sim p le, et non suivi d’ajo u rn em en t, ne pouvait
pas tom ber en pérem ption , et que la désertion ne
pouvait jamais avoir lie u , sans que l ’appelant eût droit
de ren ou veler son appel.
L a C our n’a pas d ébouté expressém ent le s.r Cabane
de ses demandes en p érem ption et désertion , mais
elle a ordonné que les parties mettraient leur procé
dure en é t a t , sur l ’appel du 4 août 1 7 8 9 , et a remis
la cause d ’ un m o is, pour y statuer.
L e sieur C a b a n e , en notifiant cet arrêt, le 22 m a i,
a u x a p p e la n s, les a assignés co m m e co-débitcurs so
lidaires , pour lui voir adjuger les conclusions prises
par les deu x exploits de 1 8 0 9 ,
en tout cas, pour
procéder sur l’appel de 1 7 8 9 , et voir prononcer le
b ien -ju gé de la sentence du 14 juillet 1789.
Ces conclusions prouvent que le s.r C aban e n’aban
donne pas sa prétention de faire déclarer cet appel
péri et désert. C ep en d an t, quoique l’arrêt de la C our
ne soit pas m o tiv é , et ne statue pas e x p r e s s é m e n t sur
ses premières conclusions, il est évident que la C o u r
n ’a pas entendu les a d o p ter, ni m êm e les laisser re
�( 8 )
p ro d u ire, car elle n ’aurait pas ordonné de faire une
procédure sur un appel périm é ou désert.
'
Mais puisque le sieur Cabane ne veu t pas se croire
jugé sur ce poin t, les appelans le prendront au m ot
pour demander eux - mêmes un arrêt positif sur ses
demandes en pérem ption et d ésertio n , qui étaient la
seule chose a ju g e r, f a u f à lui à recom m en cer toute
procédure nouvelle q u’il avisera.
..
;
MOYENS.
»
I l ne peut y avoir lieu à pérem ption pour un appel
simple : car l ’ordonnance de Roussillon ne fait périm er
que les in sta n ces, et un appel simple n’en est pas
u n e , dès q u ’aucun juge n ’en est saisi. T e lle a été sur
ce point la jurisprudence constante.
Quant à la d ésertio n , elle n ’est point opposée à
D a u b in , assigné par le prem ier exploit du n
février
i 8 ° 9 , qui ne contient aucunes conclusions à cet égard.
11 suffît donc d’y répondre au nom des M o u rg u y e et
Bareyrie.
D ’abord la désertion est incompatible ave<j: la p é
rem p tion ; car si un appel pouvait périm er, il ne serait
pas désert. L e sieur Cabane devait d ’abord conclure à
la désertion, qui était la première fin de non-recevoir
ù opposer dans l’ordre de la procédure; il a dem andé
q ue l’appel fût déclaré p én et désert. A i n s i , en s’o c
cupant
�( 9 )
cupanf de la pérem ptio n , il a renoncé à la désertion;
de m êm e que s’il eût conclu au bien jugé et à la p é
remp tion, il aurait renoncé à la pérem ption : à plus
forle raison f a u t - i l lui dire qu’ ayant assigné D au b in
et M o u rg u y e p è r e , en fé vrier 1 8 0 9 , sans parler de
désertion, il n ’a pu y conclure contre M o u rg u y e fils,
par un exploit postérieur.
L a désertion, au reste, n’est plus prononcée par les
tribunaux depuis 1790 ; lorsque des tribunaux
ont
vou lu renouveler cet ancien u sa g e, la C our de cas
sation n ’a point approuvé leurs décisions, et cela par
un m o tif bien sage et bien simple.
f
!
C ’est q u ’avan t la r é v o lu t io n , la jurisprudence g é '
nérale était d’accorder trente ans pour interjeter appel,
en sorte que la désertion prononcée ne produisait que
des eifets frustratoires, puisqu’elle n’em pêchait pas
de refaire l’appel : aussi plusieurs parlemens avaient
l ’ usage de converir en anticipation les demandes en
désertion q u i , d ès-lo rs, se réduisaient à des dépens,
com m e le dit B r o d e a u , lettre P , n.° 14.
Mais depuis que les appels sont limités à un délai
plus c o u r t, c ’e st-à -d ire , à trois mois et à dix ans, la
désertion a paru un abus à r é f o r m e r , puisqu’on ne
peut pas la faire m arch er avec le droit de recommencer
un appel pendant trente ans. V o ilà pourquoi la dé
sertion est ab so lum en t to m b ée ien désuétude : on en
est convaincu p a r le grand nom bre d ’arrêts qui se
trouvent aux Bulletins de cassation.de l ’an 7 , de l ’an 9,
de l ’an 10 et de l’an 1 1 . Par-tout on voit les désertions
3
�C 10 )
proscrites ; et nulle part on ne voit q u ’il en ait été
toléré yne seule , m êm e par simple rejet.
Il y ;a donc lie u , en statuant sur les demandes du
sieur C a b a n e , de le débouter de ses conclusions en
pérem ption et désertion. O r , on le r é p è t e , c’était là
l ’objet unique de ses conclusions avant l ’arrêt du 10
mars 1 8 1 0 ; et il ne peut pas les confondre a vec le
b ien jugé de la sentence de 1 7 8 9 , puisqu’au lieu de
se départir de sa prem ière d em a n d e, qui y était en~
core plus in com p atib le, il la renouvelle et y persiste.
1.
...
•
. . .
C ep en d a n t, si la C o u r croyait devoir statuer sur les
nouvelles conclusions du sieur C aban e , il s’agira de
savoir an fond s’il a pu reprendre une procédure de
pérem ption en m atière fé o d a le , au préjudice des lois
qui ont éteint tous les procès y relatifs; et subsidiai.rem ent, s’il y a pérem ption.
¡
; .
/
; 1 *. ,.
A b o r d o n s , dès à présent , le subsidiaire, qui sera
plus brièvem ent e x p é d ié , et disons q u ’il n ’y a pas de
pérem ption.
;
I / a p p ë lp o r t é e n la sénéchaussée d’A u v e rg n e , était un
appel d'incom pétence. On soutenait que les .premiers
appels ayant saisi la sénéchaussée, le s.r Cabane n’avait
revenir devant le juge du seigneur pour dem ander une
; pagésie en vertu de reconnaissances de cens soumises
.au juge supérieur. E n effet, la sénéchaussée seule était
com péten te pour accorder ou refuser les arrérages de
ces mêmes c e n s , échus pendant le procès ; il fallait
�( n )
y conclure devant e l l e , el' non saisir un juge déjà
dépouillé, pour multiplier les sentences et les appels.
Cet appel d’in com p élen ce n’était pas susceptible de
p é re m p tio n , suivant l’opinion des auteurs, conform e
au texle m êm e de la loi.
B o u s s e a u - L a c o m b e , v .ù péremption , 'n.° 1 2 , dit
q u ’elle n’a pas lieu ès-causes ou procès du dom aine,
n i es-appels d ’incom pétencè, parcè que cela regarde' le
d r o it’public.
C ètte décision est conform e à la loi Properandum
d ’où est tirée l’ordonnance de Roussillon. Censetnus
itaque omnes lites non ultrà triennii meta s , post litem
contestatam , esse protrahendas ( except is tantum m odo
c a u s L s quœ a d /u s J is c d le p ertin en t , vel quai a d p u blicas respiciunt fun ctiones).
N ’y a u r a i t - i l pas en effet un inconvénient grave
que le silence d ’ une partie, souvent occasionné par la
difficulté dç-réunir des co-intéressés, ou par des pour
parlers d ’arrangemeris, p û t donner la force de chosejugée h des sentences rendues par des personnes sans
caractère, et peut-être quelquefois dans des matières
o ù il serait choquant que ces sentences ne fussent pas
réform ées?
C ertes, les juridictions sont de droit p u b lic, cela est
incontestable; et s’il est encore incontestable qu’une
partie ne peut déroger au droit public par une con
vention p a rticu lière, com m ent le poU rrait-elle par
son silence? C ’ést donc une monstruosité que la loi
a voulu prévoir et é v ite r, en disant que la pérem ption
4
�(
12
)
n ’aurait pas lieu pour ce qui tient au droit p u b lic, aux
fonctions publiques ; en un m o t , à l’ordre des juri
dictions.
Mais quand la pérem ption e û t pu exister ic i avant
1 7 8 9 , il est impossible d’adopter que la procédure y
relative ait seule resté d e b o u t , quand l ’appel et les
sentences sont anéantis com m e chose féodale.
A cela le sieur Cabane o b je c te , i.° q u ’il ne s’agit
pas de féodalité , parce que c ’est uu ferm ier qui est
cré a n c ie r, et que la suppression n ’atteint pas les fer
m ie rs; 2.0 que quand l’objet du procès serait féo d a l,
il n’est queslion que de juger s’il y a pérem ption ; ce
qui est une procédure indépendante.
Répondons d’abord que le sieur C aban e se dit fer
m ie r , sans l’établir par des b a u x de ferm e. I l a pris
ce lle qualité dans une signification des sen ten ces, en
1 7 8 4 , et l’appel lui en a été notifié, co m m e se d isa n t
ferm ier et a u x droits d u sieur de Lignerac.
Q uoiqu’il en s o i t , com m en t l’objet du procès ne
serait-il pas fé o d a l, lorsqu’ il s’agit de cens demandés
à trois censitaires, par le seigneur, et en cette qualité,
pour la totalité de la redevance assise sur un ténemerit.
A la v é r ité , il y a des cas où les fermiers ne sont
pas atteints par la suppression féod ale, mais c ’est quand
ils se sont procuré un titre personnel, em portant no
vation.
U ne lettre du com ité de législation, écrite au tri
bun al du district de Riorn, le 9 prairial an 2 j a décidé
qu’ une rente constituée au profit d ’ un fermier, en 173 0 ?
�( I3 )
devait être p a y é e , quoiqu’elle dérivât d ’arrérages de
cens. U n e lettre du ministre de la justice , écrite au
commissaire du d irectoire, à P a u , le 22 pluviôse an 7 , '
décide de la m êm e m an ière,
pour une obligation }
consentie à un f e r m ie r , pour cens. R ien n’ est plus
légal que ces décisions, puisque le ferm ier était censé
avoir touche ce q u i lut éta it d û , et l ’avoir échangé
contre une obligation q u i, par cette fic tio n , rentre
d a n s la classe des autres obligations. M ais cette r é
flexion du ministre prouve par e lle -m ê m e que le fer
m ier n ’aurait pas été ex e m p t de la suppression, s’il
n ’y avait pas eu engagem ent personnel à son p r o fit,
,
dônt l ’effait aVait été de dénaturer Corigine féodale
et é v i d e m m e n t le titre ne cessait d ’être féodal que
par novation.
L a n o va tio n , en e ffe t, peut seule em pêcher de re
garder c om m e féodal ce que la loi déclare tel. Novatio
est p rio n s d e b itiin alùum debitum trans/usio
p m rim a tu r.
u t p rio r
Si donc la prem ière dette est étein te , il
n ’en reste q u ’ une entre de simples particuliers, et la
féodalité est évanouie. M a is , hors ce cas d irim ant, la
règle générale reste; et il est aisé de m ontrer que les
fermiers ne sont pas à l ’abri des suppressions féodales.
L a loi du 2 5 août 1 7 9 2 , supprime tous les droits
féodaux. L ’art. 10 porte que les arrérages, m êm e ceu x
dus en vertu de ju g e m e n s , ne sont pas exigibles; l’art,
12 éteint tous tes procès relatifs aux droits féodaux.
O n a quelquefois argum enté de l ’art. i 3 , qui c o n
serve aux fermiers lès actions qui leur sont réservées
�(. *4 y
par l’art. 3 7 .d e la loi du i 5 mars 1 7 9 0 , de se faire
restituer les sommes payées aux seigneurs, pour les
droits écliu s, depuis Le,4 août 1789.
M ais en lisant cette loi de 1 7 9 0 , on rem arque q u’elle ,
est
relative aux. droits de bannulilé; et de justice, sup
prim és Le. 4 aoû,t 1 7 8 9 ; il y est dit que les b aux sont
résiliés
depuis la suppression, et que si les fermiers ont
p a y é au seigneur des pots de v in , ils les répéteront au
prorata de la non jouissanceU n e dernière loi du 28 nivôse an 2 , a déclaré ne
pas com prendre d a n s l’annullation des procès fé o d a u x ,
ce u x in ten tés, i.° par des vassaux ou censitaires, pour
restitution des droits.exigés d’e u x ; 2.0 par des ci-devant
ferm iers, pour restitution des pots de vin qu'ils ont
avancés, ou des fermages q u ’ils ont payés à raison des
droits qui leur étaient afferm és, et dont ils n’ont pu
jouir.
• . 1
1.
A in si, bien loin q u ’il résulte de l ’ensemble des lois une
exception pour les fe rm ie r s , et un droit subsistant en
leur fa v eu r, contre Les censitaires, il faut en con clure,
au contraire, que la loi ne s’est occupée d ’eux pendant
lfo is.fo is, que pour leur donner une action contre Le
seigneur seulement, et que,, par co n sé q u e n t, elle les
a laissés pour tout le reste dans la règle générale de
la suppression, a moins qu ils n’eussent, c o m m e 'o n
l a déjà d i t , un titrç. nouyel et personnel.
C ç point; dej(drpitj£g confirme’ quand ,011 suit les lois
pQ^tqrieiu’es^; Coü^ du', 1.7 juillet. ^ 7^ 3, en ordonnant
le bj-ulemqnt de, toq$. les, titres fé o d a u x , y assujétit
�( :* 5_)
tous les dépositaires desdits titres, e t 1déclare q u îe lle:y
com prend tous jug em en s et arrêts qui porteraient re
connaissance des droits féodaux , o u q u i les rensei
g nera ient. Les registres et cueilleretsisont désignés en
core pour le brûlem ent. Or, fout, Immonde se rappelle
q u e lès fermiers furent les premiers à brûler leursTre
gistres de recettes.
-
'
'
(
U n e autre p re u ve qup la loi n’excep tait personne,
c ’ est q u’il fallut une exception expresse j l e >9.frimaire
an 2,' par esprit^d’équité en
CQ^-dèbitéurs
qui avaient p ayé la part dé leurs
co - obligés en
-vertu de lâ pagésie; et e n c o r e , ce droit ne fut ouvert
‘Cju’ a itelui qui prouverait a v o ir 'p a y é par autorité de
ju s tic e . C o m m e n t d o n é :un ferm ier aurait-il un pri-vilége, sous prétexte q u ’il a payé son ferm age (m ais
^volontairement), lorsque le co-débiteur p o u r s u iv i m a is
non c o n d a m n é , n ’aurait pas d ’action en pareil c a s , et
supporterait la suppression.
■
P eu t-être bien aurait-on pu accorder ce privilège
à un ferm ier, dans un tems où la jurisprudence exa
minait la vraie qualité du d e m a n d e u r, pour savoir
•s’il était seigneur ou n o n ; car lorsqu’ on adm ettait le
propriétaire lui-mêm e à dem ander un cens sous p ré
texte que l ’abolition n ’était p ro n o n cée que
c o n tr e
les
seigneurs , il était très - conséquent que les fermiers
réussissent par le m êm e motif.
Mais aucun tribunal ne reviendrait h cette jurispru
dence, depuis l ’avis du conseil d’é t a t , du 3o pluviôse
�( 16 )
an i * , et sur-tout depuis les décrets im périaux des i 3
messidor an i 3 , et 2 5 avril 1807, portant que Lorsque
le titre ne présente aucune a m b ig u ité, celu i auquel ce
titre est opposé, ne peut pas être a d m is a soutenir q u ’il
n ’ avait pa.s de seigneurie. . ) i
-
.. ¡i. i ■ ; •■'q
l i e sieur C aban e ne. se dissimule |jas qiie cës décrets
le condam nent visiblement ; mais il croit y échapper,
en disant q u ’il y a cHose ju g é e par les sentences q u’il
produit. C ’est une double erreur,; c a r , i . ° i c ’est dé
cider la question par là question e lle rm ê m e , puisqu’il
y a appel de ces sentences , et que la pérem ption
- q u ’il dem ande est dirigée contre cet appel j 2.0 il crée
u n e autre exception im a g in a ire , puisque quatre lois
successives ont annullé ’positivem ent Les ju g em etis et
arrêts portant condam nation de droits fé o d a u x , ce qui
prouve que la chose jugée n ’est pas pour elle un titre
m eilleur.
' -'h
¡' ..
■
;/=; .
•-* 1 •
R em arquons en core, quoique ce soit sans une grande
u tilité , que ces sentences sont rendues a u p r o fit du,
sieur de L ig n èra c, seigneur, pour les cens de sa terre;
à, la v é r i t é , on voit à la fin du dispositif, que ce
seigneur indique le sieur Cabane co m m e devant re
c e v o ir le paiement des condamnations : mais quel tour
de force ne faudrait-il pas pour profiter de ce bout
d ’o reille, afin de changer le rôle des parties et effacer
les qualités du dem andeur! Cette argutie mesquine
peut-elle être proposée sérieusem ent, et ne serait-elle
pas indigne de la C our?
Il
�( *7 )
I l suffit, sans d o u te , de rem arq uer que /c seigneur
seul est en q u a lité dans les sentences. Elles em porten t
donc tout le privilège du cens.
E nfin, que le sieur Cabane réponde à cette question:
Si les censitaires avaient fait débouter le dem andeur de
sa d e m a n d e , contre qui auraient-ils eu action pour les
dépens ?
Concluons d o n c , sur cette prem ière partie des p r é
tentions du sieur C a b a n e , que l’objet des sentences
q u ’il poursuit est f é o d a l , et que rien ne peut les faire
excep ter de la suppression.
V o y o n s actuellem ent co m m e n t un e pérem ption
aurait le privilège inoui de neutraliser toutes les lois
féodales, et de ressusciter, pour le sieur C aban e seul,
un genre d ’action abandonné par tout le m onde et
par lu i- m ê m e , depuis la ré v o lu tio n , lorsqu’il s’est agi
purem ent de cens.
Retenons bien que la loi a supprimé non-seulement
les droits f é o d a u x , mais encore tous les procès y re
latifs.
A p rès les lois des 25 août 1 7 9 2 , et 1 7 juillet 1 7 9 3 ,
qui portaient expressém ent cette suppression, il paraît
q u e , sous divers prétextes, des poursuites eurent lieu
de la part de quelques ferm iers, et que des censitaires
eux-m êm es voulurent faire prononcer par les tribunaux
q u ’ils ne devaient rien. Alors une loi du 9 brum aire
an 2 , déclara de n ouveau nuls et com m e non a ven u s,
tous jugem ens sur les procès intentés à raison des droits
féodaux ou censuels, /ensemble les poursuites fa ite s en
5
�t j l * )■
exécution desdits ju g e n ie n s; ordonna qué'les frais'pos*
térieurs aux lois d ’aboliliôn seraient à la charge des
avoués qui les auraient faits
et défendit au x ju g e s ,
à: peine de forfaiture, de prononcer sur les instances
indecises.
'-S
-A |) !••••.■ ;
lit U-.-y.- *■:'.>! vi
Trës-certûinemen^‘, a|jrès 'cètte l o i , le ^sieùr'Ccibàne
n e se serait pas cru fondé à poursuivre les censitaires1
d e 'S a in t - d ia m a n t ; et il ¡a bien prouvé , par le fa it,
qWil partageait sur ce point l'opinion générale. C orn -'
m e n t d o n t'a u rait-il aujourd’hui5 un drüit Iqii’il n’ava it pas alors, et en quoi les lois'seraient-elles devenuesplus 'indulgentes sur la féodalité ? *
!i
f
fclJamîlis , au contraire^'ellës n rdht ' é t é 1 fiioiris éqirî-’"
vaq ues depuis que lés décreis' impériaux-'on't tpre’scrit1*
de ne: pas! considérer•'s i ' ( é 'vàëhictiidèur''ësè seigneur fniais 'àeulernèrit si leHttré de sa dem andé est féo d a l:
car s’il n’y a pas d’am biguïté sur le •litre ^ il ÿ :a ''s u p -:
p r io ri;* '
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' ;,‘ n
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1
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"E qu iv oq ii er a it -o n' en co rf e ^s iir fc'è’ff e 1rfYnbrgüi t é ë ri; dt - 1
sant q u ’un ferm ier peut po u rsu ivre? Mais a v e c ' c e
cercle vicieux où a r riv e ra it-o n
si cV '^ est^ if 1juger
dé1 la féodàlit'é'par Ld jpér50/i/ze';du??cféarifcier?'eltf c’estP
ce qùô la loi prbâcrii absolument.’ Sa s é v é r ité èitctelle y >
q u ’ il n ’y a pas seiilémènl siippression par le signe féo
dal, mais encore par le mélange de féodalité’.
Dès q u ’il y a dans les litrés oiipôsés par le sieur C à - :
b n n e , signe ou m élange 'de féodalité ,l il në reste à eri
tirer que deux conséquences'incontestables; ‘
-'i -
j.° Si les sentences sont féodales, la loi les a déclarées
�C 19 )
nulles et com m e lion aven u es, y eût-il arrêt ou 'ch oseju g ée ( L o i , 17 juillet 1 7 9 3 , art. 3 , 6 et 8 .) ;
1
.
2.0 L ’annullaiion ne se borne pas aux se n te n ce s’ et
arrêts; elle s’étend aux-'poursuitespostérieures ( L o i , 1
9 brum aire an 2 , art. i . e ,) .i!
'
.Ainsi, toute procédure tendant à rappeler ou faire
rev ivre ce que la loi a a b o li, est rép rou vée et inadmis
sible.
*>'»«;«!
; :
D ’après de telles lois, n ’ëst-cé^doné pas une p u é
rilité que de dire à une C o u r soütyëraine : V o u s 'n ’aurez
pas à juger l'appel <£une Seritencé féo d a le ■vous aurez
seulement à' juger la péremption de l\'appel d ’u'ne sen
tence f é o d a le ?
'■
1:1 ■
'
ol ?
iji A b u s des mots1 et pure cacop'hdnie. 11
i i't
Quand il existe un ap p el, l’intim é n’est pas réduit à
*r r
■
,
.
j
f
}
un seul m o yen de défense; il pdut 1 attdquer par des
vices 'dé f o r m e / ‘ des fins de nôn-receVÔir,: làn là pé^
rem ptioiî : tout cela est égal au± ÿ ë u i de la'{loi;; tout
cela rentre ddris les exceptions dür défendeur.*'5' :
;
“ L e résultat uniform e dè cès éxcèp tio n s‘est'rd 5arriver
à ia cdnformation}de La
al la q u é e 'jla f uH'&ppël ;
o t j cëTréèültat'est-l&' b u t'd u p r o c è s : Cn bm>nibuiyrk'spicë
J in e m .
• ^11slv i Y b q q r, i-. <h
■Il n ’est donc pas permis de croire que la C o u r veuille
juger un-fragm ent de procès*sans regarder iYson::ori“
gind et à èës conséquences. ^ ::J :H >
J «. ■
i* •
U n e péremption d ’ailleurs'est si peu un prdcès nou
veau, q u’elle ne s’introduit^pas par un exploit à domi
cile , et en i . M instance. L'usage a toujours été de c o n -
�( 2° )'
d u r e par r e q u ê t e , quand il n’y a pas de décès su rven u ;
et le code a c tu e l, article 4 0 0 , en fait un devoir. L e
sieur C ab an e a lui-même constaté cet usage, en signi
fiant sa demande en p é r e m p t i o n , 'par req uête signi
fiée à procureur le 12 août 1788.
I l a donc lu i-m ê m e considéré la pérem ption com m e
un m o y e n de procès.
I l l ’a proposée co m m e un e exception.
I l a con d am n é son propre système.
M ais quand on serait privé de le citer lui-m êm e pour
prou ver q u ’ une pérem ption d’appel n ’est pas un procès
nouveau, et indépendant , la raison seule dirait que
quand le fonds du procès est a b o l i, il n ’est pas plus
perm is de plaider po u r la pérem ption q u e pour la
prescription. ,
\
L a féodalité n’est pas la seule m atière abolie par la
révolution ; et il est sans exem ple que des procès re
viven t sous prétexte de savoir s’ils sont périmés. N e
trouverait - on pas rid ic u le , par e x e m p le , que par
suite d ’un procès en m atière b én é fic ia le , un d é v o lu tairç qui aurait obtenu un b énéfice con testé, vînt re
prendre devant les tribunaux actuels la pérem ption
d ’un appel y rela tif?
L a loi n’a permis q u ’en u n seul cas de plaider sur
les matières supprimées ; c ’est dans les retraits lign a g e r s , et seulem ent pour les dépens. L à on pourrait re
prendre une dem ande en pérem ption; mais l’exception
confirme la r è g l e , q u i de uno d i c i t , de aitero negat.
Au demeurant, l’idée conçue par le sieur Cabane,
�' ( 21 )
d ’isoler une pérem ption , n’est q u ’ un piège contre des
censitaires qui ne doivent r i e n , et qui seraient plus
victimes de la suppression de la féodalité, que si la fé o
dalité existait encore.
' En effet, un arrêt de pérem ption emporterait de plein
droit la confirmation de cinq sentences féodales.
L e s censitaires n’auraient aucuné voie pour en em
pêch er l’exécution. I/accès au x tribunaux leur serait
ferm é ; fous les degrés de juridiction seraient épuisés,
et le prem ier juge ne pourrait réform er une décision
ém an ée de lui. L e sieur C aban e ferait donc exécu ter
sans obstacle des sentences dont l’arrêt aurait prononcé
im plicitem ent la confirmation : car quel juge pourrait
arrêter des poursuites faites par suite d ’un arrêt de la
C our ?
Ces poursuites forceraient les appelans à p ayer la
dette d’a u t r u i, sans m oyens de répétition. O n dit la
dette d ’a u tru i, c a r , encore une fo is , les censitaires,
poursuivis par le sieur C a b a n e , ont p a yé régulièrem ent
leur portion des cens.
Ils prouven t par les quittances de cens à eux données
chaque année par les préposés du seigneur, sur un cahier
particulier, savoir,par le sieur C a b a n e , j usques et compris
1 7 8 0 ; p a r l e sieur L a d e n , depuis 1780 jusqu’à 178 6;
et enfin par le sieur Coudert , pour les années posté
rieures.
Ainsi ce n ’est que par la force de la solidarité et de
la pagésie que le sieur Cabane veut faire p a ye r a u x
D a u b in , M ou rgu ye et B areyrie ce q u ’ils 11e doivent pas»
6
�( 22 )
Mais une loi du 20 août 1792 a supprim é la soli
darité; c ’est donc pour l ’éluder qu’il veu t se prévaloir
de sentences qui com prennent le cens de tout un
ténement.
Si la solidarité existait encore , l ’action serait re
poussée par l’exception cedendarum a ction um . L e sieur
C aban e ne pourrait se faire p a y e r , q u ’en subrogeant
à ses actio n s, pour être remboursé du co - débiteur
solidaire. ( C o d e civil, art. 2037.)
O r , co m m en t pourrait - il subroger à une action
é te in te ? com m en t serait-il en état de justifier ce que
doivent les co-débiteurs ? com m ent et par quelle vo ie
les forcerait-on de p ayer une portion de cens inconnue?
Ces difficultés a ch èven t de m ontrer q u ’il est toujours
im prudent d’éluder les l o i s , m êm e les plus sévères.
Chacun en profite dans ce q u ’elles ont d ’avan tageux
pour l u i ; et souvent hors de l à , les taxe d’injustice.
A u reste, il ne s’agit pas de m ontrer que la dem ande
du sieur Cabane causerait aux appelans un tort consi
dérable : il suffit d’avoir prouvé q u ’elle tend à la v io
lation de la lo i, et ce serait s’aveugler vo lo n ta irem en t,
que d hésiter à s’en dire convaincu,
»•
M .e D E L A P C H I E R , ancien avocat.
M . e G A R R O N , licencié-avoué.
A RIOM , de l'imprimerie du Palais, chez J.-C. SALLES.
�
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The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
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Factums Marie
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Description
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Title
A name given to the resource
[Factum. Daubin, Joseph. 1810?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Delapchier
Garron
Subject
The topic of the resource
pagésie
cens
contentieux post-révolutionnaires
droits féodaux
ferme
Description
An account of the resource
Mémoire Pour Joseph Daubin, Pierre Mourguye et Gabrielle Bareyrie, femme Baptistal, cultivateurs, habitant au village de Moncel, commune de Sainte-Eulalie, appelans et défendeurs en péremption; Contre Le sieur André Cabane, se disant ancien fermier de la terre de Saint-Chamant, intimé et demandeur.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie du Palais, chez J.-C Salles (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1810
1764-Circa 1810
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
22 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0625
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
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BCU_Factums_M0420
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Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Sainet-Eulalie (15186)
Montcel (63235)
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contentieux post-révolutionnaires
droits féodaux
ferme
Pagésie
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1aa6ae81b3b7d71b222a0d95a067d3ca
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Ï 7 V.
REPONSE
POUR
L e s ie u r N A T T H E Y ,
CONTRE
M. et Mm
e. DE LA ROCHE-LAMBERT.
E
LS créanciers unis de Tane se sont départis de leur
appel contre le sieur Natthey ; mais M . et Madame de
la Roche-Lambert maintiennent leur action en garantie
contre lui, et soutiennent qu’ils lui ont délégué ces mêmes
créanciers. ( M ém oire pour M . de la R o c h e - L a m b e r t ,
pag. 41 et 42. )
On va prouver que M . ni Madame de la Roche-Lambert n’ont jamais délégué les créanciers unis de T a n e ;
que le sieur Natthey, acquéreur de C hadieu, a été chargé
par le sieur Sauzay, son vendeur, de le libérer envers
M . et Madame de la R och e -L a m b e r t, alors émigrés
A
�( 2
)
qu’ayant reçu , le 1 5 pluviôse an 4 , du préposé de la
régie, séquestre des émigrés et de leurs créanciers, quit
tance définitive du prix total de Chadieu, cette quittance
vaut pour lui comme donnée par M. et Madame de la
Roche-Lambert eux-mêmes, et comme décharge de la
part de leurs créanciers ;
Et qu’au besoin c’est uniquement à M. et à Madame
de la Roche-Lambert à faire valoir cette quittance envers
toutes tierces personnes.
Qu’enfin, l’action en garantie exercée par M . et Madame
de la Roche-Lambert, et leur inscription sur Chadieu,
dénuées de tout fondement réel, et moyens plus périlleux
qu’ utiles à leur cause, n’ont été q u ’ une pure vexation
qu’nuroit repoussée leur loyauté, s’ils en a voient connu
le vrai motif.
F A I T S
ET
MOYENS.
Chadieu a été acquis le 17 juin 1788, par M. et Madame
de la Roche-Lam bert conjointement et solidairem ent,
moyennant 375000 livres.
La vente a été consentie par Madame de Tanc-M ontmorin, sœur et h é ritiè re bénéficiaire d’Einmanuël-Frédéric de T a n c , son frère, décédé en 1783 propriétaire
de Chadieu.
Une partie des créanciers du frère avoit form é, le
11 avril 1 7 8 5 , un contrat d’union chez M°. T r u ta t,
notaire à Paris; et la sœur, créancière de sa dot, étoit
entrée dans cette union.
>
Par cc concert, Madame de jVlontmorin pouvoit vendre
�(3)
plus facilement Chadieu ; elle seule possédoit, elle seule
vendoit; et les syndics de l’union devant intervenir au
contrat pour l’approuver, les acquereurs se trouvoient
• garantis de toute surenchère de leur part.
C ’est sous cette forme, en effet, que Chadieu a été
vendu à M . et à Madame de la Roche-Lambert.
Ces acquéreurs s’obligèrent à payer 376000 liv. chez
Trutat, notaire-séquestre.
L e contrat ne contient aucune délégation , il n’y a
qu’une simple indication de payement; seulement la dame
de Montmorin se réserve la faculté de faire payer aux
créanciers qui auront été délégués dans le cours de deux
années.
L a ré se rv e de d é lé g u e r dans la s u ite , est e x c lu s iv e d e
to ute d é lé g a tio n a c tu e lle ; et la d am e de M o n t m o r i n n ’en
a fait a u c u n e , n i dans le d éla i d é t e r m i n é , n i d epuis.
A insi, point de délégation originaire; et M . ni Madame
de la Roche-Lambert ne peuvent appeler le sieur Natthey
à participer à aucune obligation qui dût s’y rapporter; à
raison surtout d’un acte qui lui est étranger.
Il faut prouver maintenant que M . et Madame de la
Roche-Lambert, en revendant Chadieu au sieur Sauzay,
par contrat du 27 novembre 17 9 1, ne lui ont pas délégué
les créanciers unis de Tane; ne les ont mûmc ni nommés
ni indiqués dans ce contrat.
O n y v o it d ’abord que M . et M adam e da la Roche»
L a m b e rt reçoivent com ptant i a 5 ooo liv. (ils ont aussi
reçu le môme jour 30000 liv. de p lu s, hors du contrat).
u Quant aux 375000 liv. restant dues, le sieur Sauzay
c< (ce sont les termes du contrat) s’oblige de les payer,
A
%
�( 4)
«
«
«
«
«
«
soit auxdits sieur et clame de la Roclie-Lambert; soit
audit S a in t-P o n ey, leur fondé de pouvoir; soit, si
bon semble audit Sauzay... • aux créanciers desdits
sieur et dame de la H oche- L a m b ert, spécialement
a u x créanciers privilégiés sur Chadieu, dans le cours
de deux années, etc. »
Quels étoient ces créanciers privilégiés, que le sieur
Sauzay pouvoit payer s i bon lui sernbloit, d’après l’in
dication de son contrat? Ce n’étoient point les créanciers
de Tane en général; ils n’étoient ni connus de M . de
la Roclie-Lambert, ni privilégiés.
E u c o r e m oin s l’ u n io n : car en cette q u a lité , elle n ’étoit
p o in t p r i v i l é g i é e ; et elle n’est n o m m é e ni in d iq u é e ù.
«aucune ligne de ce contrat.
Aussi ne s’agissoit-il nullement dans ce môme contrat
d’aucune espèce des créanciers de T a n e , unis ou non
unis, privilégiés ou non privilégiés.
Il s’agissoit de créanciers aussi parfaitement connus de
M . de la Roclie-Lambert, que les créanciers de Tane
lui étoient inconnus; et les oppositions aux lettres de
ratification prises à la même époque par M. Sauzay, vont
aussi nous les faire connoître.
C ’étoient les créan ciers person n els de M. de la RoclieLam bert, il qui il avoit e m p r u n té 109600 livres pour
payer une partie du prix de Chadieu ; et à qui il avoit
donné privilège pour le u r sûreté. G’étoient, nominative
ment, M. de Tarie de Santcnas, aujourd’hui représenté
par M. Amédée de T a n e , son neveu, partie au procès ;
M . de Saint-Prix, ancien fermier général, et I^ladame de
JtourncyiUc, tante de M. de la Roclie-Lambert.
�(5 )
Tels étoient les créanciers personnels de M.- de la
R o ch e-L ain b ert, spécialement privilégiés par lui sur
Chadieu , et dans les mains desquels il autorisoit
M . Sauzay à verser si bon lui sem bloit, sur le prix de
Chadieu, le montant de leurs créances.
Leurs oppositionssoDt les première, seconde et sixième
parmi les huit à la charge desquelles ont été scellées,
le 25 avril 1792 , les lettres de ratification prises par
M . Sauzay sur son contrat d’acquisition, du 27 novembre
I791‘
Parmi les autres oppositions sont celles de M . et de
Madame de la Roche-Lambert eux-mêmes, en date du
28 janvier 1792, pour la conservation de leurs droits sur
le p r i x d e le u r v e n te d e C h a d ie u ; et celle de M . S a u z a y
sur lui-même, en sa qualité d’acquéreur.
Quant à celles des créanciers de T a n e , unis ou non
unis, ce sont les trois suivantes.
;
Celle des syndics et directeurs des créanciers unis, du
22 décembre 1791 ( ils avoient négligé d’en former sur
le contrat du 17 juin 1788 )•,
Celle d’Antoine Compan, et celle de Parades-Veyrières,
créanciers non unis.
Sur l’opposition faite au nom des créanciers unis, il
faut observer que c’est le premier acte par le q u el ils nient
été connus de Sauzay , et bien retenir qu ils n ont eto
ni nommés ni indiqués dans son contrat d’acquisition,
du 27 novembre 1791.
1
Et afin que M. de la R o c h c -L a m b c rt ne puisse pas
chercher dans cette opposition quelque trace d ’h y p o
t h è q u e , il faut encore se souvenir que les créanciers
�{ 6 )
unis deTane avoient négligé de faire opposition au sceau
des lettres de ratification par lui prises sur son contrat
d’acquisition, du 17 juin 1788; d’où suit que Chadieu
a été vendu à M . Sauzay, purgé de l'hypothèque des
créanciers unis.
Enfin , M. et Madame de la Roche-Lambert avoient
pris l’engagement formel dans le contrat de 1791 , de
rapporter mainlevée des oppositions qui surviendroient,
et d’en effectuer la radiation dans un mois à dater de
la dénonciation que leur en feroit M . Sauzay.
Elle leur a été faite le 17 mai 1792, mais vainement.
A b s e n s alors , il ne p u t y a v o i r de leur p a rt aucune
e x é c u t io n de celte c o n d itio n p r in c ip a le d e le u r contrat.
Ainsi jeté dans de très-grands embarras, et forcé de
retenir dans ses mains le restant du prix de son acqui
sition, M . Sauzay devenu lui-mt*me créancier de M. de
la Roche-Lam bert, à raison de divers rembonrsemens
qu’il avôit été contraint de faire pour eux, se vit forcé
par la loi du 30 octobre suivant ( 1792 ) , h donner lu
déclaration authentique de ces circonstances. Elle est con
tenue dans l’acte du 10 décembre suivant, reçu Cabal,
nota ire à P a r i s , enregistré et notifié.
Jusqu’à p résen t les créanciers unis de Tanc ne sont
que des créanciers opposans; ils vont enfin utre délégués.
L e 7 nivôse an 2, le sieur S a u z a y a revendu Chadieu
au gieur N atthcy, sous le nom de W a llie r, moyennant
530000 livres.
Il a reçu comptant 40000 livres, puis 136000 livres;
et a laissé 355ooo livres pour être employé^ h la libé
ration de Chadieu. L'acte do vente contient au sujet de
celte dernière somme les dispositions suivantes.
�(7)
ft L ’acquéreur s’oblige de payer les 355 ooo livres ,
« soit A U X C RÉ A NC I ER S DE T A N E QUI SE SONT T R O U « VÉS
Orr OS ANS
AUX
lettres
de
RATIFICATION
« PRISES PA R L E D I T S A U Z A Y SUR SON A C Q U I S I T I O N ,
«
«
«
«
«
«
«
soit enfin d’en faire le dépôt et la consignation partout
où besoin sera , aussitôt après le sceau sans opposition
des lettres de ratification à prendre sur la présente
vente, avec les intérêts à partir du 12 du présent
mois, sur le pied du denier vingt safis retenue. Faisant
ledit Sauzay desdites 355ooo livres et intérêts du prix
de la présente vente, TO UTE S D É L É G A T I O N S N É C E S -
« SAI RES A U X D I T S L A R O C H E - L A M B E R T E T SA F E M M E ,
« o u a u x c r é a n c i e r s d e T a n e , p o u r s’acquitter
a e n vers e u x de to u t ce q u ’il le u r d o it de to u t le j^assé
c< jusqu’à ce jour. »
Telle est l’unique délégation en faveur des créanciers
de Tane. Elle a été faite, non par M . et Madame de la
Roche - Lambert , mais par le sieur Sauzay; et il en a
déclaré le motif : c’est parce que ces créanciers de Tane
se trouvent opposans aux lettres de ratification qiüil
a prises sur son acquisition.
O r , cette délégation n’est point spéciale en faveur des
créanciers unis de Tane; car, en cette qualité, ils ne s’y
trouveroient pas nommés. Lu délégation les embrasse in
distinctement sous la dénomination commune de créan
ciers de T a n e , opposans a u x lettres de ratification
prises par le sieur Sauzay.
Il est donc constant que la seule délégation qui ait
existé en faveur des créanciers unis de fa n e , non spé
ciale ni exclusive , et même prcsqu’équLYoque üt leur
�( 8)
égard, a ¿té faite, non par M . de la Roche-Lambert,
comme il le prétend dans son mémoire ( p . 4 2 ) , mais
par M . Sauzay. Que même , au lieu d’etre déléguans,
M . et Madame de la Roche-Lambert sont délégués. D ’où
suit que, cette délégation 11’étant point absolue en faveur
des créanciers de T an e, et plaçant en concours avec eux
les sieur et dame de la Roche-Lambert, le sieur Nattliey
ne pouvoit payer aux uns ni aux autres, qu’après con
tradiction et règlement sur leurs droits respectifs, et après
la mainlevée des oppositions.
A peine ce contrat de vente, du 7 nivôse an 2, étoit
passé , q u e la r é g i e n a t i o n a l e , cjui ne c onnoi ssoit p o i n t
e n c o r e le" n o u v e a u p r o p r ié t a ir e de C h a d ie u , in d iq u a au
sien?' S a u za y, les citoyen et citoyenne la R o ch e-L a m
bert comme émigrés \ et par acte du 24 pluvisôse an 2 ,
lui fit commandement de payer au bureau du receveur
de Saint-A m ant le -prix total de C ha dieu , en deniers
ou quittances : ce sont les expressions de ce comman
dement. A son tour, le sieur Sauzay le dénonça au sieur
Natthey.
A u m ô m e instant s’é v a n o u ir e n t les réserves faites p a r
M . et M a d a m e de la R o c h e - L a m b e r t , p o u r r e c e v o ir le
restant du p r i x de C h a d i e u , soit p a r e u x , soit par leurs
fo n d é s de p o u v o i r s ; car la loi citée dans le c o m m a n d e m en t de la r é g i e , disposoit ce q u i suit :
« Tout payement ialt a u x émigres ou à leurs fondés
« de pouvoirs, depuis le 9 lévrier 1792, est nul. »
{ A r t . 41 de la lo i du 28 mars 1793. )
T)ès-lors, et quand il y auroit eu les règjemens de
compte les plus réguliers avec les époux la Roche-Lamb ert,
•
�(9)
bert,
il
y avoit
i mpos sibil ité
de leur rien payer, à peine
de nullité du payement.
R e s to it dans le co ntrat de 1 7 9 1 >
fa c u lté d e p a y e r
les créan ciers des é p o u x la R o c h e la m b e r t ; et dans c e lu i
d u 7 n ivose an 2 , la d élé g a tio n au p ro fit des créan ciers
d e T a n e , opposans a u x lettres d e ratification prises p a r
le sieur S auzay.
Mais la loi du s 5 novembre 1793 ( art. 17 ) avoit
déjà prononcé ce qui suit :
« Les sommes dues aux émigrés seront versées dans
« la caisse des receveurs de l’enregistrement, nonobstant
« toutes oppositions , comme sans y préjudicier. »
Ici les sommes étoient dues aux époux la Roche
la m b e r t , p u is q u e c ’<5toit Je p r i x de Chadieu; et la délé
gation en faveur des créanciers de T an e, avoit pour seule
cause leurs oppositions.
Il y avoit donc égale impossibilité de faire aucun
pnyement, soit aux uns, soit aux autres.
A l’autorité irrésistible de ces lois, se joignirent bientôt
et se suivirent presque sans interruption, depuis le 24
ventôse an 2 , jusqu’au 9 frimaire an 4 , des commandemens, des contraintes, des saisies, la mainmise na
tionale , et le séquestre le plus rigoureux sur Chadieu.
C’étoit l’emploi constant de la force m a j e u r e , pour
ni-radier tout ¿\ la fois à un propriétaire, et sa propriété,
et le prix de cette propriété, et des sommes supérieures
à ce prix.
On voudroit s’abstenir de toute espèce de retour sur
des poursuites aussi injustes qu’opiniâtres; mais la cause
exige tout au moins le léger développem ent qu i va suivre.
B
�( IO )
L ’administration départementale du P u y - d e - D ô m e
commença, dans son erreur, par déclarer qu’il y avoit
eu collusion entre le citoyen Sauzay et les époux la
Rochelam bert pour soustraire Chadieu à la saisine
iiationale.
Ensuite elle annulla l’acte de vente consentie au sieur
Sauzay par les époux la Rochelambert le 27 novembre
1791 , quoique cette date fût fort antérieure à toutes les
lois sur l’émigration.
Il est vrai que la commission des revenus nationaux,
chargée spécialement de l’exécution des lois domaniales
et fiscales contre les ém igrés, ne partagea point cette
e r r e u r , et q u ’elle repoussa u n e tro p injuste s é v é rité .
Par décision motivée, du 13 prairial an 3, elle ordonna
la levée du séquestre sur Chadieu.
Cependant l’administration départementale persistant
dans ses premières résolutions, crut ne devoir pas déférer
à cet ordre.
Elle motivoit sa résistance principalement sur ce que
Madame de la Rochelambert ayant acquis Chadieu
conjointement avec son mari , et n’ayant point donne
une procuration sullisante pour vendre sa pari dans
cette propriété, son mandataire, en la vendant, avoit
excédé SCS pouvoirs ; qu’elle n’a voit pas rniiiié cette
vente-, qu’ainsi la nation qui étoit aux droits de Madame
de la Rochelambert, devoit tout au moins rosier pro
priétaire de moitié do Chadieu.
Ces motifs n’étoient que spécieux : les véritables
questions étoient de savoir, si Madame de la Roche
lambert, soumise par son contrai de mariage aux lois
�( II )
et usages du droit écrit, ayant eu des biens dotaux et
n’ayant pas eu de paraphernaux, avoit pu acquérir la
terre de Cliadieu conjointement avec son mari ?
S i , dans celte situation , M. de la Rochelambert,
'seul propriétaire légal de Cliadieu, n’avoit pas eu le
droit de le vendre en entier; surtout lorsque sa femme
n’avoit fait aucun payement ?
Et enfin, si l’ayant vendu solidairement ; et si M . de
Saint-Poney ayant également donné dans le contrat sa
garantie solidaire, il n’en résultoit pas que, la nation qui
les représentoit l’un et l’autre, se trou voit soumise envers
leur acquéreur à la même garantie qu’e u x; et par'eonséquent au maintien de la vente de Chadieu?
C es questions aynnt été soum ises par la régie à des
jurisconsultes , ont été toutes résolues contre l ’avis de
l’administration départementale du Puy-de-Dôme.
Cette administration avoit aussi attaqué la procuration
donnée par M . de la Rochelambert, et prétendu, dans
son arrêté du 17 pluviôse an 3 , qu’ayant été donnée en
pays étranger, elle auroit dû être revêtue du visa de
l’ambassadeur de France, et que ce visa n’y étoit point.
Mais le visa existoit; l’assertion contraire n’étoit qu’une
erreur de plus de la part de cette administration.
Quant à l’insuffisance de la p ro c u ra tio n do M a d a m e
de la Rochelambert , qu’importoient sa forme et sa
teneur? D ’après la loi de son mariage, Madame de la
Rochelambert n’étoit p ro p r ié ta ir e d’aucune portion de
Chadieu , malgré l ’autorisation et le consentement de
son mari, dans le contrat du 17 juin 1788.
Dès-lors aucune procuration d’elle n’étoit nécessaire
B 3
�( 12 )
pour vendre ce qui ne lui appartenoit pas; et M . de la
Rochelambert, seul propriétaire de la terre de Chadieu,
auroit pu la vendre seul, sans le concours de sa femme;
puisque, malgré son contrat d’acquisition, elle n’y possédoit rien.
Une dernière objection étoit tirée de ce que le fondé
de pouvoirs qui a fait la vente, avoit promis la ratifi
cation de M. et de Madame de la Rochelambert, et
que cette ratification n’avoit pas été faite.
On observa que les parties n’avoient pas fait dépendre
la validité de la vente, de cette ratification; qu’en pareil
cas, et sur le refus même du vendeur, l’acquéreur obtient
to u jo u rs u u ju g e m e n t q u i en tient lieu.
Mais qu’il n’en étoit nullement besoin dans cette
circonstance oil M . et Madame de la Rochelambert
avoient donné spontanément, par leur opposition du
25 février 179 2, au bureau des hypothèques de Cler
mont, la plus parfaite ratification de la revente de Cha
dieu faite en leur nom le 27 novembre 1791 ; puisqu’ils
avoient, par cette même opposition, renoncé à la chose
pour s’en tenir au prix.
Cependant, malgré l’avis des jurisconsultes , malgré
de nouvelles décisions de la commission des revenus
nationaux, l’administration départementale du Puy-deDôme s’obstina à maintenir, de sa seule autorité , le
séquestre sur Chadieu.
Mais enfin, un arrêté du comité des finances, du 4
brumaire an 4? y 111^ 0l'dre
ces mots :
« Considérant que la décision de la commission des
c revenus uatiouaux , sur la validité de la vente de
�( i3 y
« Chadieu au cit. Sauzay, n’a été donnée qu’après un'
« examen très-approfondi de cette affaire, et après avoir
c< entendu les corps administratifs ; . . .. que le refus que
« fait le département du Puy-de-Dôme, est une atteinte
k portée aux règles de la hiérarchie des pouvoirs, etc.; >
<f Arrête qu’il est enjoint à l’administration du dé« partement du Puy-de-Dôme, d’exécuter et faire exé« cuter, par tous préposés, la décision de la commission
« des revenus nationaux, du 13 prairial dernier, relative
« à la validité de la vente du domaine de Chadieu ; ï
« Charge la commission de rendre compte, le i 5 bru
it maire prochain, de l’exécution du présent arrêté. »
Cette fois, l’administration du département dut obéir,'
C e ne fu t ce p en d a n t q u ’ap rès a v o i r e x p r im é beaucoup d e
r e g r e t s , q u ’elle arrêta ce q u i s u i t , le 9 fr im a ire an 4 :
« V u la décision de la commission des revenus na« tionaux, ......... qui déclare bonne et valable la vente
« faite au cit. Sauzay , par le fondé de pouvoirs des
« sieur et dame de la Roclielambert................ comme
« étant d’un bien appartenant en totalité à la Roche« lambert, etc.
« V u l’arrêté du comité des finances de la conven tion
« nationale.......
« A rrêten t..,, que le séquestre établi su r le d o m a in e
« de Chadieu, acquis par le citoyen Sauzay des sieur et
« dam e de la Roclielambert, émigrés , est dès cet instant
« l e v é , etc., etc. »
L a vente de Chadieu par M . de la Rochelambert
ayant été reconnue valable, et pour sa totalité, en faveur
du sieur Sauzay, cette décision irrévocable de l’autorité
�c14y
administrative, et son exécution par la levée du séquestre,
lie laissoient plus à désirer par le propriétaire de Chadieu
qu’un règlement de comptes avec le préposé de la régie,
et les suites de ce règlement; s a vo ir, la quittance définitive
du prix de Chadieu, les mainlevée et radiation des op
positions sur Chadieu , et principalement de celle ejes
créanciers unis de Tane , à lui délégués par le sieur
Sauzay.
En conséquence , il a fait sommer par exploit du
I er. nivôse suivant (an 4 ) « les créanciers unis de Tane,
a.dans lu personne de leurs syndics et directeurs, et au
« domicile par eux élu dans leur opposition du 22
« novem bre I 7 9 I ■
> ^ l’eilet d e se t r o u v e r , si b o n le u r
« semble, le i 5 du mois de pluviôse prochain, au bureau
« .de leur séquestre lé g a l, le receveur de l’enregistrement
«. à Saint-Amant.... à raison de ce qu’il entend y faire
« reconnoître, vérifier et déclarer le payement total et
« définitif de Chadieu, tant en capital qu’en intérêts;
« et recevoir quittance et décharge valable des sommes
a qui ont été versées, soit par ledit Natthey, soit par
« le citoyen W allier sous le nom duquel il a acquis la« dite propriété , soit du citoyen Parades régisseur dudit
« Chadieu , soit de celles qui ont été saisies par ledit
« préposé de la r é g ie , et même par action de la force
« majeure;.y réclamer tout excédant, ou payer à qui de
« droit tout complément qui scroit dû ; obtenir 110111« mémcnl desdits syndics et directeurs, leur consente« ment, si besoin est, h la mainlevée et radiation de leurs
« oppositions. »
A u jour indiqué, les créanciers n’ont point paru ; le
�( 15 y
débat des comptes a eu lieu tant en capital qu’en intérêts,
tels qu’ils avoient été liquidés par la régie; et quittance
définitive a été donnée au sieur Nattliey, avec réserve de
se pourvoir devant qui de droit pour la restitution des
sommes touchées par le receveur de l’enregistrement, en
sus des sommes dues pour l’entière libération de Chadieu.
M . et Madame de la Rochelambert ne contesteront
pas sans doute sur cette quittance donnée en leur absence
par l’autorité administrative ; elle leur est personnelle^
ils doivent la respecter : le sénatus-consulte, de floréal
an .10, leur en impose l’obligation. Jamais ils ne doivent
perdre de vue qu’ils ne peuvent élever aucune discussion
sur tout acte émané de l’autorité administrative; qu’elle
a to u t fait , to u t o r d o n n é , tout d é cid é entr’eux -et le
sieur Natthey, soit sur la nature et la validité de leur
contrat de vente au sieur Sauzay, soit sur la liquidation
du prix de cette vente, en capital et intérêts; et, qu’en
donnant quittance de ce prix, elle a même reconnu a v o ir
reçu plus qu’il 11’étoit dû pour l’entière libération du
sieur Nattliey.
Par cette quittance, tout a donc été consommé entre
le sieur Nattliey et M. et Madame de la Rochelambert.
Quant aux créanciers de T a n e , un jugement du tri
bunal civil de Clermont, du 7 p lu v iô s e .m 12, et qui a
passé en force de chose jugée, a décidé que Sauzay, ou
N a l l h e y qui le représente, éloit valab lem ent libéré du
prix de la ve n te de C h a d ie u . 11 est fuit mainlevée de
l’opposition du 22 décembre 1791 ; 1;> radiation en est
ordonnée avec d o m m a g es et intérêts contre les créanciers :
et l’un des principaux motifs de ce jugement porte-que;
�( 16 )
le contrat du 17 ju in 1788 ne contient aucune délé
gation.
Eu vertu de ce jugement l’opposition a été rayée, et
les créanciers se sont, à leur tour, rendu justice en se
départant de l’appel qu’ils avoient interjeté contre le sieur
Natthey.
Ils ont reconnu dans leurs mémoires que le sieur
Natthey étoit valablement lib é ré , et qu’ils n’avoient
jamais eu aucune action ù former contre lui.
Cela posé, comment est-il entré dans l’esprit du premier
conseil de M . et de Madame de la Rochelambert, de
leur faire prendre inscription sur Chadieu, et d’appeler
l e sieur N a tt h e y en g a r a n t i e ? et m u iu t e n a n t, co m m e n t
peuvent-ils y persister?
Il reste un mot à dire au sujet de la publicité de deux
lettres de M . de Batz à M. de la Rochelambert.
Ces lettres étoient confidentielles, et de la nature de
celles qu’on laisse aller avec autant de rapidité que d’aban
don , lorsqu’elles s’adressent A des personnes du caractère
de M M . de la Rochelambert. En pareil cas il reste, avant
de les publier, un sceau de plus à rompre; ou doit ob
ten ir l’autorisation de celui qui les écrivit.
Pour la règle s u r t o u t , ainsi que pour la parfaite intel
ligence des deux lettres imprimées, il auroit fallu publier,
avant tout, celle de M. de la Rochelambert; car les lettres
do M . de Batz n’ont été que des réponses. Et il ne falloit
pas supprimer de cette correspondance ce qu’elle contient
de plus nécessaire à savoir. Car lorsque l’on vous écrit,
il ne tiendra, qu'à vous que je fasse un traité* avec vous;
ces paroles étant conditionnelles, on doit tout au moins
�( i7 )
dire à quoi tient ce traité. C ’est ce qu’il faut rétablir.
On n’imprimera pas les lettres de M . de la Roclielambert ; on se contentera d’en extraire ce peu de mots :
« Des inscriptions viennent d’être prises sur tous nos
« biens, de la part des créanciers de Tane...... Dans ces
« circonstances, j’espère que vous ne nous mettrez pas
« dans le cas de vous renvoyer la balle............... Issoire ,
a 14 juin 1808. »
Ces mots, et la lettre qui les contient, ont été dictés
à M . de la Rochelambert : le style, et des détails tech
niques de procédure ne permettent pas d’en douter.
. M . de la Rochelambert n’auroit pas écrit de son chef,
le 14 juin 1808 : D es inscriptions viennent d’être prises
p a r les créanciers de T a n e , lorsqu’elles étoient prises
depuis le 8 janvier précédent. Il n’auroit pas ajouté :
V o u s ne nous mettrez pas dans la nécessité de vous
renvoyer la balle, lorsqu’elle venoit d’être renvoyée déjà
depuis trois jours ; lorsque depuis trois jours M. et
Madame de la Rochelambert avoient fait leur inscription
sur Chadieu : et encore, quelle inscription!
M. de Batz prit tout à la lettre; tenant pour certain
que les inscriptions des créanciers venoient à?être.faites;
croyant les choses entières; loin de soupçonner que
M M . de la Rochelambert eussent commencé c o n tre lui
des hostilités; touché, au contraire, des égards et de
l ’extrême confiance qu’ils lui témoignoient , il s’aban
donna sans reserve au juste intérêt qu’inspiio leui cause
contre des créanciers q 111 n’ont j;inliI,s ^ ^cs leurs.
. Inquiet pour eux du plan de défense annoncé dans
la lettre qu’il venoit de recevoir, il prévint franchement
C
�.
.v t
( 18 }
M M . de la Rochelambert, que, prise comme elle devoit
l’être , cette contestation n’avoit pour eux rien d’alarmant; que, mal saisie, on pourroit y trouver des doutes :
qu’en un mot, du début d é p e n d a it Vissue.
Plein de cette opinion, M . de Batz l’avoit manifestée
en ces derniers termes (il croit sa mémoire fidèle). Pour
quoi les a-t-on supprimés? N ’étoit-ce pas répondre à
M . de la Rochelambert : Si vous ne portez pas atteinte
à votre cause; si vous renoncez à donner pour créanciers
à Natthey les créanciers de Tane; à les prétendre délégués
par vous-même; et si vous ne me renvoyez pas la balle, en
prenant sur Chadieu des inscriptions qui conti’arieroient
N a tt h e y et m o i clans d es affaires t r è s —i m p o r t a n t e s ; à CCS
conditions , il ne tiendra qu'à vous que ISatthey ou
m oi ne vous offrions de nous substituer à vous dans
cette affaire.
Q u’on lise maintenant la seconde lettre; on la trouvera
empreinte d’un juste mécontentement. Les inscriptions de
M . de la Rochelambert étoient prises; rien ne restoit de
sa lettre, si ce n’est la mise en action du plan que M . de
Batz désaprouvoit. Et M . de la Rochelambert s’étant
refusé à lever l’inscription qu’il ne lui appartenoit assu
rément pas de faire sur Chadieu, M. de Batz peut lui
dire : « Vous avez eu l’option sur tous points, et sur
« tous points vous avez préféré une contestation avec
« Natthey. Je consentois à me substituer à vous dans votre
« cause; mais ¿\ condition que vous ne jetteriez pas le
« trouble dans mes alla ires et dans celles de Natlhcy, par
« des inscriptions que vous ine disiez n’avoir pas faites.
« Et elles étoieut faites! Et cependant, vous Voulez que
�( 19 )
« je m’approprie gratuitement une discussion qui m’est
« étrangère !
« D e même pouvois-je vous dire : I l ne tiendra qu'à
« vous que f achète votre maison ,* mais, si vous y mettez
« le fe u , certes, je ne l’achèterai pas. »
Que résulte-t-il donc de ce dernier moyen de garantie?
Que les autres sont bien désespérés : et, qu’en soi-même,
celui-ci est aussi absurde qu’inconvenant, dirigé contre
M . de B atz, qui n’est point partie au procès.
CONCLUSIONS.
E n ce q u i to u c h e l ’nj^pel in terjeté co n tre N a tt lie y p a r
les créanciers d e T a n e ,
Attendu que ces créanciers s’étant départis dudit
appel, et leur département ayant été accepté, tout est
consommé entre eux , et qu’ainsi la Cour n’a rien à
statuer à cet égard.
En ce qui touche l’appel des sieur et dame la Roclielainbert, et leur demande en garantie,
Attendu que le sieur Nattliey n’a contracté envers eux
aucun engagement qui ait pu autoriser une semblable
action ;
Attendu que par le contrat de vente de 1788, les sieur
et dame la Rochelambert ne furent chargés d’aucune
délégation envers les créanciers de T a n e ;
A t t e n d u que par la re v en te de 1791 les sieur et dame
la Rochelambert, après avoir reçu comptant le quart du
prix de ce contrat, ne réservèrent qu’à eux et à leurs
C a
�( 2° )
créanciers personnels le restant du même prix ; qu’ainsi
ils en exclurent formellement les créanciers de Tane;
Attendu que par cet acte les vendeurs s’engagèrent à
l’apporter mainlevée des oppositions qui seroient formées
au sceau des lettres de ratification ; que ces lettres furent
effectivement chargées de plusieurs oppositions; que les
oppositions furent dénoncées, niais qu’il n’y eut pas de
mainlevée rapportée ;
Attendu que si par le contrat de vente de pluviôse
an 2 , les créanciers de Tane se trouvent en quelque
sorte délégués, cette délégation n’est qu’une conséquence
de leurs oppositions ; que cette délégation d’ailleurs est
purement alternative, et son elTet toujours subordonné
à la mainlevée des oppositions formées par les créanciers
la Roclielambert ;
Attendu dès-lors que les sieur et dame la Roclielambert
étant les vendeurs directs du sieur Sauzay, représente
par Natthey, ce dernier n’a dû et pu devoir qu’à eux
seuls le restant à payer sur le prix de la revente de 1791 ;
Attendu que les sieur et dame la Roclielambert ayant
été considérés comme émigrés, et leurs biens séquestrés,
la nation est devenue propriétaire à leur place des sommes
à eux restées dues par Natthey ;
Attendu que les receveurs de l’enregistrement étoient
investis par la loi du droit e x clu s ii de recevoir toutes
les sommes dues à des émigres, ou provenantes de leurs
biens ;
Attendu que Natthey fut sommé par la régie de verser
dans la caisse du receveur de Samt-Amant-Talendc, la
somme Ue Oooqqq l i v . , pour prix total de la vente du
�( 21 )
ï<jgi ; qu’ainsi les versemens faits par le sieur Nattliey
ayant été l’effet de la contrainte, devinrent encore plus
légitimes ;
Attendu que ces versemens ayant été déclarés valables
vis-à-vis les créanciers de Tane, par le jugement acquiescé
du 7 pluviôse an 1 2 , il est vrai de dire que ce jugement
doit également imposer silence aux sieur et dame la
Rochelambert ;
Attendu encore qu’on ne pourroit mettre ces verse
mens en litige sans attaquer uu acte administratif, et
que dès-lors la Cour cesseroit d’être compétente;
Dire qu’il a été bien jugé par le jugement dont est
appel, mal appelé; ordonner que ce dont est appel sortira
effet ; et dans l e cas OÙ , c o n t r e t o u t e a t t e n t e , la l i b é r a t i o n
du sieur Nattliey seroit mise en doute, alors renvoyer
cette partie de la cause devant les autorités administra
tives, pour déterminer les eifets de cette libération.
En ce qui touche l’appel interjeté incidemment par
Nattliey contre les sieur et dame la Rochelambert,
' Attendu que lors de la vente consentie par ces derniers
au sieur Sauzay, de la terre de Chadieu, il dépendoit
de celle même te rre, un pré verger appelé le GrandClos , avec moulin et four ban au x, le tout situé aux
Martres.de V a yre ;
que p ar acte du 25 juillet 1793 ?
sieur
S auzay vendit ces objets au sieur F eu illa n t, m oyennant
Attendu
la somme de 6 110 0 l i v r e s ;
Attendu que par la v e n t e consentie par Sauzay à W a llie r , le 7 nivôse an 2 , cette somme de 61100 liv. fut
comprise dans le prix général des objets cédés par ce
dernier contrat;
�( 22)
Attendu que Sauzay réitéra au profit de W allier la
lélégation expresse de la même somme, par la notification
du 17 germinal suivant; qu’ainsi, et par ces deux actes,
le sieur Natthey, comme représentant W a llie r, en est évi
demment propriétaire; et que pour parvenir au paye
ment de cette somme, il a eu le droit d’exercer toutes
actions ordinaires et conservatoires;
Attendu que les sommes versées par Natth ey dans la
caisse nationale excèdent même celles qui pouvoient
être nécessaires pour libérer intégralement la terre de
Chadieu, et pour le libérer lui-même comme proprié
taire de cette terre ;
A t t e n d u q u e l’e x c é d an t , s’ il y a , n e d o it ê tre re n d u
q u’à Sauzay, d’après la réserve qu’il s’en étoit faite par
le contrat;
Attendu enfin, que pour raison de la même somme,
existe une contestation entre Feuillant, acquéreur,
et Nattliey; et que devant le tribunal de Clermont, il
’a été formé aucunes demandes ni pris aucunes con
clusions relatives à cet objet; qu’ainsi les juges de ce
dernier tribunal n’ont pas dû s’en occuper;
D ire qu’il a été mal jugé par le même jugement, bien
appelé émendant, déclarer le sieur Natthey propriétaire
du prix de la vente faiteà Feuillant le
5
2
juillet 1793,
is mieux la Cour n’aime déclarer qu’il n’y a lieu à statuer
sur cet objet; et condamner les sieur et dame la RocheLambert aux dépens.
M c. D E V È Z E , licencié av oué.
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Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Natthey. 1810?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Devèze
Subject
The topic of the resource
créances
émigrés
union de créanciers
assignats
émigrés
confiscation nationale
prête-nom
fraudes
ventes des biens d'émigrés
séquestre
fisc
receveurs de l'enregistrement
Description
An account of the resource
Titre complet : Réponse pour le sieur Natthey, contre M. et Madame de la Roche-Lambert
note manuscrite : « 9 août 1810, 1ére chambre, arrêt. »
Table Godemel : Union (contrat d') : 2. les mariés de Laroche-Lambert sont-ils débiteurs des héritiers et créanciers d’Emanuel-Frédéric de Tane, pour raison de l’acquisition de la terre de Chadieu par eux faite le 17 juin 1788 ? sont-ils débiteurs de la rente de 1500 livres créée par l’acte du 31 janvier 1791, en faveur de Gabriel de Tane de Santenac ? Amédée de Tane peut-il demander, dans l’état actuel des choses, le paiement de l’intégralité de cette rente ? Nathey est-il garant, envers les mariés de Laroche-lambert, du paiement, soit de la créance d’Amédée de Tane, soit des emprunts personnels par eux faits pour la libération de Chadieu ? y a-t-il lieu de statuer, quant à présent, sur les réclamations des mariés de Laroche-Lambert et de Nathey, relativement au prix de la vente consentie par Sauzay à Feuillant, le 25 juillet 1793 ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
s.n.
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1810
1783-1811
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
22 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2024
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2025
BCU_Factums_M0423
BCU_Factums_M0424
BCU_Factums_M0412
BCU_Factums_G2024
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53394/BCU_Factums_G2024.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Authezat (63021)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
assignats
confiscation nationale
Créances
émigrés
fisc
fraudes
prête-nom
receveurs de l'enregistrement
séquestre
union de créanciers
ventes des biens d'émigrés
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'<
PRÉCIS
1J
POUR
Sieur G i l b e r t G I B O N , propriétaire et avocat, habi
tant du lieu du Cros-de-Georand, département de
l'A rd èch e, appelant d’un jugement rendu au tribunal
civil du P u y , le 20 décembre 1809;
CONTRE
Sieur
J
e a n
-B
aptiste
E X P E R T O N , avoué au
tribunal du P u y , intimé.
L E sieur G ibon , héritier testamentaire d e Margueritte
Gibon sa tante, devait recueillir tous les biens dont se
compose c e tte succession.
M argueritte Gibon devait sa fortune à l'affection de
J e a n -L ou is Gibon son frère, qui l’avait instituée son
héritière universelle par un testament du 1er d écem
bre 1 8 o 3.
L e sieur E xperton, parent au m êm e degré que l’ap1
2m
s
.
�( 2 )
pelan t, de M argueritte Gibon 3 a voulu s’approprier les
biens de sa tante; e t , pour y parvenir, il n’a pas craint
d’em ployer toutes les ruses que l’ambition inspire, et
que l’intrigue prépare.
Fertile en ressources, les suppositions de personne,
les manœuvres les plus téméraires ne sont qu’un jeu
de son imagination, et il en a tellement imposé aux
juges du tribunal près lequel il exerce ses fonctions, qu’il
est p a rv e n u ^ tout e n v a h ir , et à dépouiller un héri
tier légitime.
Mais ce succès ne sera qu’éphémère ; et les suites
pourraient être funestes à cet ambitieux. L ’appelant va
mettre au jour la conduite scandaleuse de son adroit
et dangereux adversaire.
F A IT S .
D u mariage de Pierre Gibon et de Claudette Plan
cher étaient issus six enfans; Jeanne Gibon morte sans
postérité; L o u is , père de l’appelant; M a r ie , femme
E xperton, mère de l’intimé; J e a n - L o u is ; M argolon
et Margueritte.
Jean-Louis Gibon a vécu célibataire à la compagnie
de ses deux sœurs Margoton et M argueritte, qui ne
se sont pas mariées.
J e a n - L o u i s faisait un c o m m e rce considérable de
dentelles, et ce c o m m e r c e a toujours pr ospé ré; il est
l'auteur de sa fortune ; Ma rg o to n sa sœur a în é e , était
boiteuse et infirme. F aib le de corps et d ’esprit, c ’était
lin de ces êtres infortunés disgraciés de la natur e, oué-
�rJlW.
( 3 )
.reux pour les familles, mais auxquels on doit quelque
pitié; elle avait dix-huit ans de plus que sa sœur M argueritte; elle avait toujours porté le nom de M argoto n , et n ’était connue que sous cette dénomination.
M argu e ritte ,la plus jeu n e, aussi active, que sa sœur
était faible, était à la tête de la maison, tenait le m é
n age, administrait les biens de son frère, qui se livrait
•tout entier h son com m erce; il était reconnaissant des
soins de sa sœ ur, pour laquelle il avait une affection
particulière.
Jean-Baptiste E xp erto n , né dans l ’indigence, sem
blait être condamné à passer sa vie dans la misère; Louis
G ib on , père de l’appelant, en prit pitié, le reçut dans
la maison, le nourrit , l’éleva com m e ses enfans, et
lorsqu’il fut parvenu à l’ûge de vingt ans, son oncle
l ’envoya chez un procureur, au P u y , pour s’y former
dans la pratique, et se mettre en état de gagner sa vie.
-
L à , ses idées s’agrandirent, et le premier projet qu'il
conçut fut de s’approprier exclusivement la fortune de
Jean-Louis G ib o n , et de ses deux sœurs; il s’y prit
d ’abord assez adroitement : il les détermina à venir
habiter au P u y ; mais il paraissait indispensable d’ac
quérir une maison : elle fut bientôt trouvée.
L a veuve Benoît vendit à Jean-IiOuis G ibon , une
maison située rue St.-Jacques, avec le mobilier dont
elle était garnie, et deux terres. Cette vente fut faite
moyennant la somme de 8,000 fr ., dont Jean-Louis
Gibon paya la majeure partie.
Mais le pr évoyant Expert on fit croire à son oncle,
q u ’ une ve nte sous seing privé était suffisante, et il en
2
�(4 )
conserva le double dans ses mains; bientôt l’acte sous
seing privé est déchiré; la maison est revendue sous le
nom de la veuve Benoît ; Experton en reçoit le prix,
et s’en sert, pour a cq u é rir, en son nom , la maison du
sieur E s b ra y a t, où il conduisit son oncle et ses deux
tantes.
T
Cette première expérience lui réussit m a l; JeanLouis Gibon s’apperçut qu’il était joué par son n eveu;
il ne cessa de s’en plaindre , tomba malade peu de
t.ems après, et le i . er décembre i 8 o 3 , il fit son tes
tament par lequel il institua Margucritte Gibon sa
sœur, son héritière générale et universelle, sans aucunes
charges.
Personne ne s’est trompé sur la véritable héritière :
le défunt avait manifesté son intention avant son décès;
il s’en était ouvert à son curé de Landos, et à ses amis.
3 'Iargoton n’eut jamais de prétention à l’hérédité de
son frère; E xperton, lu i-m ê m e , savait bien que M a rguerittc avait été l’objet du choix de son frère; il s’est
mêm e van té , sans doute, pour se faire valoir auprès
de l’héritière, d’avoir dirigé le testam ent, et d’avoir
influé sur la détermination de son oncle.
Cette jactance n’a rien de vraisemblable; Experton
avait perdu son influence, et s’il en avait e u , il aurait
dirigé la bonne volonté de son oncle sur lui-même.
Jean-Louis Gibon succomba peu de jours après son
testament; Margucritte sa sœur, se mit en possession
de toule la fortune de son frère; une foule d ’actes sui
virent son administration el sa jouissance.
XiO 28 messidor au 1 2 , elle vendit un champ appelé
�( 5 )
de L ouschanel, situé à Landos, dépendant de la suc
cession de son frère, à Claude Cliastel, cultivateur.
L e 24 prairial an i 3 , règlement de compte entre
M argueritle G ibon, tant en s o m n o m , que comme hé
ritière de Jean - L o u is son fr è r e , en vertu de son testament, avec J e a n - Baptiste R eynion d j ce dernierse re
connaît débiteur, envers M argu eritte, d’une somme
de i , 35 o francs.
L e 11 brumaire an 1 4 , acte notarié par lequel JeanFrançois M unier se reconnaît débiteur, envers M ar
gueritte G ib o n , d’une somme de 5 oo francs, pour ar
rérages de contributions dus à Jean - Louis G ib o n ,
pendant qu’il était percepteur des impositions.’ •
1
L e 10 du même mois de bru m aire, Margueritte
G ib o n , héritière de J e a n -L o u is , avait fait un règle
ment de compte avec un sieur A g u lh o n , pour diffé
rentes sommes que ce dernier devait à la succession
de Jean-Louis.
L e 20 du môme mois de brumaire, autre acte por
tant règlement de compte entre M argueritte G ib o n ,
héritière de J e a n - L o u is , et Pierre Gros débiteur de
cette succession; le même jour quittance de M argue
ritte G ib o n , d ’une somme de 45 o francs, pour jouis
sances perçues par Jean - Baptiste Bonnaud, de deux
prés et d ’un c h a m p , dependans de la succession de
Jea n -L o u is.
9
janvier 18 0 6 , vente par Margueritte G ib o n , au
profit de Jacques M ilhit, d ’un jardin dépendant de la
succession de Jean-Louis Gibon.
24 février même a n n é e , quittance de M argueritle
�(6 )
G ib on , héritière de J e a n - L o u is , au profit de M arlin
Rivet.
Tous ces actes sont passés par-devant notaires; il en
existe plus de trente de cette nature. Margueritte Gibon
jo u it , perçoit, dispose, afferm e, v e n d , paye comme
hérilière de son frère.
C elle succession élait considérable; Jean-Louis Gibon
indépendamment des immeubles qu’il possédait, avait
aussi beaucoup d ’argent com ptant, qui élait le fruit de
cinquante ans de com m erce, et d’un travail assidu.
Cet argent avait passé dans les mains de M argue
r i t e , héritière'; elle est frappée d’apoplexie, le 7 ven
démiaire an 1 4 ; elle fut m om enlaném ent privée de
ses fa cul lés.
E x p e rto n , impatient de su cc é d e r, enlève l’argent
comptant que sa tante avait recueilli de la succession
de son frère.
M a r g u e r i t t e , re v e n u e à e l l e - m ê m e , s’apperçoit de
l’enlève m en t qui lui a été fait > elle redemande son
argent h Exp er to n ; elle s’exhale en reproches , en
plaintes amères. Ses a m i s , ses voisins sont témoins de
ses l arm es , de son chagrin.
E x p e r t o n , sans s’é m o u v o i r , garde l’argent. C ’est un
ejj'et de la léthargie de sa tante.
Margueritte G i b o n , ranimant ses forc es, se trans
porte ch e z un notaire, le 12 brumaire an 14 (n ovem
bre i 8 o 5 ) , où ello fit son teslament nuncupatiT, dont
les dispositions nousdémontren! q u ’elle était la véritable
hérilière instituée de Jea n-l-oui s Gibon son frère.
Elle no prend d’autre nom dans ce teslament que
celui de Margueritte G ib o n , fille célibataire.
�( 7 )
Elle tègue 400 francs pour messes ou aumônes ;
Elle donne aux filles dévoles de la paroisse de
L andos, sa m aison, située au même lie u , avec les
meubles qui y seront à. son décès, et le jardin y atte
nant (Ces objels dépendent de la succession de JeanL o u is);
Elle lègue un autre ja rd in , dépendant de la m êm e
succession, aux filles de l ’assemblée actuelle de Landos ;
Elle donne à une nièce religieuse 2,000 francs;
Elle lègue 1,000 francs
Experton;'
600 fr. à une demoiselle Agulhon , sa petite nièce ;
A la sœur de celte dernière, pareil legs de 600 fr.;
Quelques meubles à une cousine ;
Elle donne et lègue à sa sœur la jouissance entière
de tous et un chacun ses entiers biens revenus ou
intérêts pendant sa vie.
Enfin Margueritte Gibon institue pour son héritier
général et universel, Gilbert G ib on , fils à Louis (ap
pelant).
Margueritte Gibon a survécu à son testament, jus
qu’au 11 mars suivant. M argolon sa sœur était ellem êm e à l’extrém ité, et n’a vécu que jusqu'au 27 du
mêm e mois de mars.
Gilbert G ibon , appelant, se rend au P u y le lende
main du décès de sa tante. E xperlon lui anonce qu’il
a des reprises considérables à exercer sur la succession
de Jean-Louis G ib o n , com me sur celle de M argueritte,
qui venait de décéder.
Il refuse de s’expliquer sur rétendue de ses préten
tions; Gilbert Gibon en conçoit quelqu’inquiétude; il se
�8 }
détermine à provoquer l’apposition des scellés, et à
n ’accepter la succession que sous bénéfice d’inventaire.
L e procès-verbal d’apposition de scellés, est du 20
mars 1806 ; on y remarque que le juge de paix avait
tro uvé, dans la chambre où était décédée M argue
r i t e , une fem m e détenue malade dans un lit, qui n a
pu répondre à nos interpellations.
Celte fem m e ?gisante, était l ’infortunée Margoton
qui mourut cinq ou six jours après. Cette M argoton,
témoin des plaintes et des gémissemens de sa sœur,
sur la perte de son argent, était bien éloignée d’avoir
des vues sur Experton ; elle était au contraire dans
l ’intenlion de faire passer tout ce q u ’elle possédait à
Gilbert G ibon; le 18 mars elle avait mandé E y ra u d ,
notaire au P u y , pour recevoir son testament ; Eyraud
rédige l ’acte, conformément aux intenlions de M argofo/i, qui y est ainsi dénom m ée; Gilbert Gibon est institué
héritier universel; mais survient E xp erto n , avant que
le testament soit terminé ; il oblige Eyraud et les té
moins de se retirer; le testament reste imparfait. 11
existe entre les mains d’Eyraud , qui est en état de
le représenter; Gilbert Gibon a demandé devant les
premiers juges le dépôt de cet acte ; et on verra bien
tôt que celte légère faveur lui a été refusée.
L e même jour 18 mars, après minuit, Experton in
troduit dans l'appartement de sa tan te, un notaire à
sa dévotion (D u ra slel), et lui fait faire un second tes
tament dans lequel il ne manque pas de désigner
Margoton sous le nom de M argucrittc, et bien en
tendu qu’il est l'héritier universel.
Margoton
�(9 )
M argoton meurt le 2.5 m ars; Experton garde le
silence ; Gilbert Gibon avait fait procéder à l'inven
taire du mobilier de M argueritte; il est en possession
paisible des biens de son oncle et de sa tante; en
cette qualité, il afferme à la dame Pallier une vigne
située au terroir de Vais.
Experton veut commencer l’attaque, mais par des
voies obliques : il vend cette vigne à un sieur Héritier
qui veut en jouir.
>
D em ande en complainte de Gibon contre Héritier
et Experton; Gilbert Gibon forme cette demande en
qualité à'héritier de Margueritte G ibon, qui Celait de
J ea n -L o u is.
L e juge de paix ordonne la preuve de la possession
d’an et jour; enquêtes respectives jconcluantesen faveur
de Gibon ; cependant il est débouté de sa demande.
A ppel au tribunal civil du P u y , toujours en qualité
d ’héritier de Margueritte G ib o n , qu i L'était de son
frere.
10
mars 1809, jugement du tribunal du P u y , con
tradictoire avec E xperton, qui infirme le jugement du
juge de paix , et réintègre Gibon dans sa possession.
Qualités signifiées, sans opposition d’ Experton qui a
approuvé la qualité prise par G ib o n , d’héritier de Margueritte sa tante, qui l’était do son frèro.
L e 19 juin 1806, Experton se mit plus h découvert;
il ne s’adresse cependant pas directement au s.r G ib on ,
mais il fuit citer devant le juge de paix de Pradelles
les nommés M ilhit, Rivet et autres, acquéreurs, ou
fermiers de M argu e ritle G ib o n , la plus jeun e; il prend,
3
�('iO )
dans cette citatio n ,la qualité d’héritier de M a r g u e rite
Gibon (M argoton) sa tantè, suivant son testament du
19 mars 1806, laquelle était, dit-il, héritière de JeanLouis son frère, suivant son testament du 2 5 frimaire
an 12 , ou i . er décembre i 8 o 3 . Il suppose, com m e on
voit, que Margoton, , qu'il affecte d’appeler M argue
ritte , fût celle que le frère avait instituée ; il conclut
contre les acquéreurs au désistem ent, et contre les
fermiers au paiement du prix de leurs baux.
Tous les cités ¡comparaissent; les acquéreurs disent
qu’ils jouissent des biens, en vertu de contrat de vente
à eux consenti par feue demoiselle M arguerilte G ibon ,
la plus jeu n e; l’un d’eux déclare m êm e-avoir payé
une partie du prix à Gilbert Gîbon son héritier; les
fermiers déclarent q u ’ils ont joui des biens, 011’ à titre
de ferme verbale à eux consentie par Margueritte G i
bon, la plus jeu n e, 011 en vertu d’un bail notarié de la
m êm e; et l'un d’eux ajoute que le i . er mai précédent,
il a payé partie de sa ferme au sieur G ibon , neveu de
Marguerilte^
Gilbert Gibon comparaît aussi au bureau de p a ix ,
déclare qu’il prend le fait et cause do loiis les cités;
eJ ¡soutient Experton aon-recevable dans sa demande.
Ce procès-verbal du bureau de paix, semble être mis
de côté, pour faire place a une autre procédure; Exper
ton imagine de prendre la voie du commandement do
payer contre tous ceux qu il suppose être débiteurs de
la succession de J e a n -L o u is Gibon ; c e u x - c i forment
opposition au com m andem ent, dénoncent les pour
suites à Gilbert Gibon qui prend leur fuit et cause, et
�( 11 )
demande à son tour à être gardé et maintenu dans
l ’hérédité de Margueritte Gibon , et par suite dans
celle de Jean-Louis ; qu’il soit fait défenses à E xperton de l ’y troubler, et pour l’avoir fait, se voir con
damner en 3,ooo fr. de dom m ages-inlerêts, et aux
dépens.
E x p e r lo n , de son cô té, conclut a etre envoyé en
possession et jouissance des biens délaissés par M ar
gueritte «et Jean-Louis G ib on , et subsidiairement, en
cas de difficulté sur.ses conclusions principales, à ce qu’il
soit au moins e n voyé provisoirement en possession, et
à ce que tous les débiteurs de la succession fussent condumnés à lui payer le montant de leurs dettes en prin
cipaux, intérêts et frais.
Il est bon d’observer qu’au moment où Experton
élevait si haut ses prétentions , il croyait avoir fait une
découverte Importante. Il rapportait l’extrait de nais
sance-de Margueritte G ib o n , la plus je u n e , sous la
date du 18 avril 17 4 5 , et on y voyait qu’elle avait été
baptisé
avec les prénoms
de
M arie - M argueritte.
Cependant sa m arraine, qui est la fem m e A c c a r io n ,
veu ve C avard , n’a d’autre prénom que celui de M ar
gueritte.
Il avait encore à la main un acte d’ un autre gen re,
intitulé, E g a lité ou la M o rt, et qu'on est étonné de
trouver dans une procédure : c ’était un certificat de
civisme du 27 floréal an 2 , accordé a J e a n -L o u is
Gibon, et à ses deux sœurs,, dans lequel M arguerilte,
la plus jeune, est encore désignée sous le prénom de
M arie Margueritte.
�( *2 )
D ès-lors, plus de doute que Jean-Lou is a institué
Margoton sa sœur aînée ; et que M arie-M argueritte
n ’avait rien à prétendre dans la succession de son frère.
Un premier jugement par défaut contre l’appelant,
en date du 3 o août 1809, envoie Experlon en posses
sion provisoire des biens de J e a n - L o u is G ib o n , à la
charge par lui de donner caution.
Sur l’opposition intervient un jugement contradic
toire sur le fond, le 2.0 décembre 1809; il est impor
tant de le connaître dans son entier.
q u e s t io n . «• Quelle est celle des deux
« sœurs, Margueritte Gibon a în é e , et Marie-Margue« ritle Gibon cadette, qui a été instituée héritière par
P
remière
« Jean-Louis G ib o n , dans son testament du 25 frimaire
« an 12.
<r La solution de cette première question résulte« t-elle assez évidemment du testament de Jean-Louîs
« G ib o n , des actes de naissance des deux sœurs, et
» du certificat de civisme du 2.1 iloréal an 2 ?
«■Dans le cas de la n égative, peut-il y être suppléé
«■par les faits et circonstances dont le sieur Gibon a
« offert la preuve, et celle preuve est-elle admissible?
« D o il-o n ordonner l’apport et remise du testament
* non a c h e v é , que le sieur Gibon prétend avoir été
« fait par M argueritte ou Margoton G ib o n , devant
« E y ra u d , nolaire, et ordonner aussi que le notairo
«r et les témoins appelés seront entendus pour s’expli« qucr sur les causes qui ont empêché la confection
« de co testament?
r Margueritte Gibon aînée a-t-ello dû être désignée
�( i3 )
«• dans les actes qu’elle a passés, et dans ceux qui ont
« été faits à son profit, sous: la dénomination vulgaire
« de M argoton , et cette iamilière dénom ination, qui a
«
»
»
«
pu être consacrée par, l ’usage, empêche-t-elle de la
reconnaître sous le nom de M argueritte, d an sladisposition de Jean -G ibon ? S’il est reconnu et décidé
que Margueritte Gibon a été l’héritière; de J e a n -
«• Louis son frère, les demandes du sieur Experton
« sont-elles justifiées? Faut-il ou non les lui adjuger?
« et par voie de suite , les oppositions de Bonnaud ,
« R eym on d et autres, envers les commandemens à eux
«• faits, ii la requête d’Experton , et envers le juge« ment du 3 o août 1809, sont-elles fondées ?, doit-on
* en prononcer le démis o u non ?
D a ns la même hypothèse , les demandes et prê
te tentions de Gibon, et son opposition envers le juge« ment du 3 o août dernier, ont-elles quelque fonde<r m e n t, et doit-on l’en démettre ou non?
Si les demandes du sieur Gibon sont reconnues
* m al-fon d ées, et qu’il en soit démis, les conclusions
* en garantie, subsidiairement prises, sont-elles véri» fiées, et doit-on les adjuger ou non?
« E n fin , la cause est-elle en état d’être jugée défir nitivemenl ?
Attendu que les registres publics de l’état c iv il,
« sont destinés à prouver la filiation des individus, et
* les noms sous lesquels ils doivent être connus et
« désignés dans la société ;
« Attendu qu’il résulte des extraits de naissance,
* produits, que les deux sœurs de Jean-Louis G ib o n ,
�C 14 )
« qui lui ont s u rv é c u , y.so n t désignées, l’ une sous le
« nom de M argueritte, l ’autre-sous celui de M arieft Margueritte •
1 k Attendu qu'aucun usage certain et quelque long
« qu’i i f u t f n’aurait pu faire perdre aux deux sœurs
* Gibon les'prénom s qui leur ont été donnés dans
Tt lëurs actes de naissance, et leur en faire acquérir
& d’autres differens ;
* « Attendu que la dénôminatio’ii de M argoton, qu’a
v.
«•
*r
«
pu réCevoif vulgairement la fille ainée G ib o n , n’est
qii’ iïne corruption du prénom M argueritte, ou plulôt n’est que ce prénom rendu dans l’idiôme du pays
où ello a-pris naissance, et où elle a v é c u ;
«■Attendu que & l t e dénomination patoise, et fami
ne lièrie1 dô M'ar-gotoiV> në pouvait être em ployée dans
* les actes prtblifcs tjui doivent être rédigés eu français;
c Alténdu que la fille puînée G ib o n , a p u , dans
ir l’usage familier, n’être pas d én om m ée, Marie-Mar« gtieritte-, paice que ce double prénom aurait été
<r trop lôttg h prononcer; qu’elle 11e pouvait pas être
* appelai)-simplement M a rie, parce que c ’était le pré« nom propre
une de ses autre sœurs plus agéc ( la
<r datne Exporton); qu’elle a pu recevoir le simple nom
<r de M argueritte, qui la distinguait suffisamment de
« sa s(èuV appelée M argoton ;
« Attendu que ces dénominations, bonnes pour dis« tingnor les deux sœurs dans leurs communications
« domestiques et familières, doivent disparaître dans
« dos actes publics et solcninels, où elles ne pourraient
« pas roinplir le môme o b je t, el où chacune des sœurs,
�(CilbO)
«. ptiup être reconnue,)'avaiti.bèsoiivnd’êtret distinguée
« sous ses véritables.nom s'et prénoips ; j ¡1
" ,,i i »
«■Attendu que si les‘deux iilles G ib o n , qui'étaient
« illitérées, avaient p u , à cause de. 1 liabitùdeule s’en«' tendre appeller l’une M argoton, L’autre M argueritte,
« croire qu’elles.n ’avaient pas d’autre ^prénom, Jea n « Louis Gibon "qui savait lire et écrire, e tiq u i avait
* toujours fait toutes lés affaires com m u n es, né pour-,
« vait partager cette ¡irreur Ipetoqu’ii paraît en effet
« qu’il a su les distinguer par leurs véritables1 prénom s,
« puisque dans le certificat de civ is m e , délivré par
« le maire* de Landos’, le 27 floréal an 2 , lant à lui
« qu’à ses sœurs, celles-ci sont désignées de la m êm e
« manière que dans leurs ¡actes de naissance ; n! ;
>
«■A t te n d u q u e par suite J e a n - L o u i s Gibon en ins«. tituant M argueritte G ibon son héritière, a nécessai* rement désigné l’aînée de ses deux sœurs, et non
« la ca d e tte, puisqu’indépendamraent du nom de M ar«■g u eritte, c e lle - c i portaitüencore celui de M a rie,
qui la distinguait dtf sa sœur aînée ;
«• Attendu qu’on 11e saurait présumer d’ailleurs' la
» moindre prédilection de la part de Jean-Louis G i» b o n , en faveur de: sa sœ ur,eadelle, au préjudice de
« l’a în é e , puisque le mêm e lien les unissait, ol que
« dans l’intimité où ils vivaient tous trois, il
pou« vait y avoir d’autre m otif de préférence, que 1 âge
« plus avancé de Pim des survivans;
; /
» Attendu que si Mm guérit lo Gibon avait pu croiro
«■Marie-Murguerilte sa sœur, héritière de Jean-Louis
* Gibon, par la raison q u ’on l ’appelait sim plem entM ar-
�( i6 )
« gueritte, tandis qu’on l’appelait elle-même Margoton,
« et l’avait laissé jouir paisiblement de l’hérédité, une
« pareille erreur n’aurait pu lui préjudicier, non plus
a- qu’à son héritier;
* A ttendu que là preuve testimoniale, offerte par
« G ib on , tend à détruire lai foi due à des actes pu
te blics*, et qu’au surplus, les faits qu’il met en avant
« seraient insignifians pour justifier son assertion, que
« c ’est la sœur cadette, et non la sœur aînée de Jean« Louis G ibon, que ce dernier a eu l ’intention d’ins« tituer son héritière ;
« Attendu que la représentation du fragment d’un
a testament com m encé, et laissé imparfait par M arr gueritte Gibon, le 18 mars 18 0 6 , est inutile dans
« la cause, puisque Experton convient de La teneur de
« ce fragm ent y telle quelle est rapportée par G ibo n , et
« qu’elle ne peut en rien influer sur le testament anté<r rieurement fait par Jean-Louis G ibon ; et que d ’un
« autre côté, un projet d’acte non ach evé, et qui n’est
« revêtu d’aucune signature, ne peut être produit en
« justice;
- ¡« Attendu qu’Experton ayant été institué héritier
« do Margueritto Gibon a în é e , et celle-ci l’ayant été
c< de la part de Jean-Louis Gibon son frère, il doit sans
«• difficulté recueillir les deux hérédités ;
* Attendu que sous ce point do v u e , Experfon a pu
« poursuivre valablement le recouvrement des deniers
« faisant partie do l’hérédile do J e a n - L o u is Gibon ,
» tout comme les possesseurs des immeubles par lui
« délaissés; que conséqucim ncnt, les oppositions for
mées
�C '7 )
« mées par les débiteurs ou fermiers, envers lescom * mandemens à eux faits de la part d ’E x p erto n , sont
dénuées de fondement; que néanmoins, s’ils ont ac« quis ou affermé les immeubles par elle jouis, et qui
« proviennent de la m êm e hérédité dei M arie - M ar« gueritte G ib o n ’, ou de G ibon , héritier de cette der« nière, ou s’ils ont p a y é ,à l’un ou à l ’autre certaines
» créances dues à Jean-Louis G ibon , ils doivent néces« sairement obtenir leur recours et garantie des de« mandes à eux faites, contre ledit Gibon ;
« Attendu que l’opposition qu’ils ont encore formée,
». ainsi que G ib on , au jugem ent du tribunal du 3 o août
« dernier, est mal f o n d é e p u i s q u ’Experton avait titre
« suffisant pour être en voyé en possession provisoire de
« l’hérédité de Jean-L ouis Gibon ;
«• Attendu enfin que la demande au fond paraît suf« fisamment instruite , et que les parties en requièrent
« réciproquement le jugement définitif » ;
Par tous ces m o tifs,
*
'
i
.
L e tribunal, jugeant en premier ressort, faisant
« droit aux conclusions prises par E x p e rto n , sans avoir
« égard à celles prises par G ib o n , ni h la preuve par lui
» offerte, ni à sa demande en représentation de la
« minute d ’un com mencement de testament fait Par
« Margueritte G ib o n , le 18 mars 18 0 6 , non plus
“ qu’aux autres choses déduites par lui/dont l’a dém is,
« déclare M argueritte G ib on , sœur aînée de Jean « Louis, héritière de cc dernier; en conséquence, rena voie E xperton, en sa qualité d’héritier de M argue» ritte G ib on , en possession et jouissance définitive des
5
�( IS )
« biens'délaissés par (Jean-rLouis G ibon , -avec défenses
» à Gilbert Gîb'ôn d e l ’y troubler, aux .peines de droit.
^ Sans s'arrêter n o a ; pliis:Jj)quanl..àice , à 1’opposition
«• formée pjarlles-iacquéreurs; ou ferm iers, envers les
«• c o m oaandémens iiijéuXiFails , dout iez a dém is, a ren« vo yé Expertori en continuation de sesr poursuites ;
« démet auisii Jesdiis,acquéreurs ou fermiers, ainsi que
« Gibon/rdeJerir oppcisiiion'envers-lé jugement du 3 o
« août dernier^ jcônckimno G ib on iïrrelever et garantir
« lesdits acquérHaVsiiuli fermiers d ès’ demandes à eux
a faites, de ia jiaTt d ’Ejcperton, ep principal et âccesk soires;'condamné lesdites pairties a u x dépéris* chacune
«> e n c e q-ui lè s c p n c e m e ; condamne G ib ôn à relever et
«'^garantir les opposans des dépens dont la condamna« tion est ci-dessus prononcée contre e u x , a i n s i q ù ’en
« c e u x de la ga ra ntie; ord o n n e q u e lo présent ju g e« n ient se ra , en cas;d’a^pol, provisoirement e x é c u t é ,
v de conformité iiilh loi»!.
- .:u* l u -
>• -
Ce jugemenl a été signifié au s. *Gibon le 2 3 avril 1810.
Celui-ci pn a v a i t interjeté a p p e l l e 1 4 du m ô m e mois;
m ais, conjm e il était exécutoire par provision, E x p e r ion a exercé led poursuites les plus rigoureuses contre
lés ferinierset les cjébitenrs; il a fait procéder par saisiee x é c u t i o n , a multiplié les frais; e t , sans offrir aucune
ca u tio ,n chose re marquable! le.ju gem ent ne l’en dis
pensait ni ho pouvait l’on dispenser; son prétendu ti 1ro
était en litige ; le prem ier ju gement q u ’il avait oblenu
par défaut le chargeait expressément de donner c a u
t i o n , et ce lte formalité était d ’autant plus indispensa
b l e , que l ’exécution provisoire serait irréparable en
définitif. E n effet, Exp er ton est absolument insolvable,
�( 19 ].
il a pour plus de, 60,000 fr. d’inscriptions , somme qui
excède dix fois la valeur d e tce qu’il possède, et la suc
cession dont il s'agit est en grande partie mobiliaire.
L e sieur Gibon se vit donc obligé de demander des
défenses contre l’exécution provisoire; il présenta sa
requête'en ilaj C ou r, le r3 o avril 18 10 , et fut ren voyé
h l’audience, où il obtint un arrêt par d é fa u t, qui fit
défenses de m ettre le jugement à exécution, et ordonna
que l’arrêt iserait exécuté nonobstant l’opposition.
!: Experton s’est néanmoins pourvu par opposition
contre cet'arrêt jamais,,'du consentement des parties ,
la cause fut ren voyée à line audience fixe pour en venir
sur le provisoire et sur le fon d , toutes choses dem eu
rant èn. était jusqu?à\.ceü
>: 1
‘
■ ;
11 s’agit: donc d’examiner le mérite du jugem ent
dont est appel, ainsi que des motifs qui l ’ont déter
m in é ; m a is, avant tou t, i l est essentiel d’instruire la
Cour des faits« dont le sieur Gibon avait offert la preuve
en cause, principale^
L e sieur Gibon avait d’abord d e m a n d é , qu’E y ra u d ,
notaire, déposât la minute qu’il avait dansles mains,
du testament resté imparfait', d eM argoton G ib on ; que
le notaire et les témoins fussent) enlendus pour s’expli
quer sur les causes qui avaient em pêché la confection
de ce testament, pour être pris ensuite telles conclu
sions que de droit.
11 offrait d eiprouver, tant par titres que par témoins,
i-° que la demoiselle G ib on , la plus jeune , n a jamais
été connue, ni;désignée, soit dansila fam ille, soit hors
de la famille , que sous le prénom de M argueritte ,*
2.0 que dans tous les actes qu’elle a passés, elle n ’a
�( 2° )
pris que le seul prénom de Margueritte ; 3 .° que l’aînée
n’a jamais été appelée autrement que M argoton, et
qu’elle a con tracté, sous^ ce n o m , dans le testament
qu ’elle avait fait devant M .e E y ra u d , notaire, lequel
n'a pas été ach evé; 4.0 que le sieur Experton lui-même
n ’a jamais autrement qualifié la plus jeune des deux
sœurs, que du prénom de M argueritte; 5 .° que c ’est
cette sœur, plus je u n e , que Jean-Louis Gibon a eue en
v u e , en instituant Margueritte Gibon sa sœur, pour son
héritière ; 6.°. que cette mêm e demoiselle G ib o n , la
plus jeune , a joui exclusivement depuis la mort de
J e a n - L o u is G ibon , des entiers biens composant la
succession, sans opposition com me sans intervention,
de la part de sa sœur; qu’elle a vendu partie des biens,
en a affermé d’autres, réglé avec les débiteurs, reçu
des à-com ptes, et formé des inscriptions, le tout sous
le seul prénom de Margueritte ; 7.° que le s.P Experton
non-seulement n’a jamais' donné à la plus jeune des
deux sœurs d’autre nom que celui de M argueritte, mais
encore s’est flatJé d ’avoir coopéré h faire instituer cette
sœur, plus jeune, héritière de Jean-Louis Gibon; 8.° e n
fin , que Margoton a î n é e , a déclaré que Margueritte
Gibon cadette, était héritière de Jeun-Louis G ib on ,
et q u ’elle S a v a it rien à. prétendre sur la succession.
C ’est cetto pr’e uv o si précise, que le tribunal dont
est appel a ju g é inadmissible et inutile; on verra bien
tôt que si elle est inutile, elle ne le serait deve nue que
par les a v e u x d ’E x p e r t o n , consignés ou reconnus dans
les motifs du ju g e m e n t ; m o ti fs , q ui, quoique rédigés
a v e c a r t , ne portent que sur des futilités, qui ne p e u
vent souffrir la plus légère discussion.
�( 21 )
Quelques réflexions préliminaires serviront à démon
trer le vide des raisonneinens des premiers juges. On
paraît sur-tout avoir attaché une grande importance à
l ’acte de baptêm e de la demoiselle Gibon , 1a plus jeune,
qui lui donne deux prénoms, quoique sa marraine ne
portât que celui de Margueritte. Gètte multiplication
de noms de baptême est souvent affaire de fantaisie
ou de caprice, quelquefois de van ité, et a moins d ’u
tilité qu’elle ne présente d’inconvéniens. M a is , quel
que soit le nombre des p ré n o m s, il faut nécessaire
ment qu’un seul prédomine , et devienne habitude ;
c ’est celui qui est adopté dans l’usage pour distinguer
l’individu; une fois qu’il est consacré, qu’ilest reçu dans
l ’intérieur, il lie , il unit, par une chaîne non interrom
pue de faits, d’aclions et de dém arches, tous les insfans
de notre vie à celui qui nous a vu naître; il nous ap
prend à nous-mêmes, il apprend aux autres qui nous
som m es, par l’habitude de nous reconn aître, et par
l ’habitude d ’être reconnu; il sert à nous désigner d’une
manière certaine, à nous distinguer des autres parens
du m êm e nom. En v a in , vo u d rait-o n varier dans la
suite, l’impression reste, et si 011 s’avisait de changer,
ou d’adopter tout autre prénom , on vous prendrait
pour un autre, on s’accoutumerait diflicilement à une
nouvelle dénomination.
Naguères, dans les familles, on
connaissait
des dimi
nutifs, ou des abréviations, qui souvent dérivaient de
la manière dont les premiers accens de l’enfant pro
nonçaient le nom qu’ il avait reçu : ainsi, Margueritte
devenait M argot ou M argoton, Catherine, C a th o , etc.
�•
à o+t-
( 22 )
M a is , ces noms familiers, adoptés dans l’in fé rie u r,
désignaient chaque m em bre de la famille d’une ma
nière invariable, et cette désignation se transmetlait
extérieuremeut chez les parens, les voisins et les amis,
en un m o t, auprès de tous ceux qui avaient des rap
ports avec la maison.
* Si cette habitude devait principalement influer sur
quelqu’un, c ’était sur-tout sur le frère,,qui avait tou
jours v écu , et vieilli avec deux sœurs célibataires, et
qui ne devait les désigner, ou les faire connaître que
sous le nom qu’ellesiportaient constamment depuis leur
naissance'; d ’où il faut conclure que si Jean-Louis Gibon
avait voulu instituer sa sœur aînée , il Veut appellée
M a rg o to n ,. eti que quand il a institué M argueritte, il
a voulu donner cette marque de préférence ou de pré
dilection a sai sœ ur, la, plus jeune,! seule connu«* sous
celte dénomination.
Voilà c e que tout hom m e raisonnable doit penser,
et lorsqu'on voit que M argueritte, la plus je u n e , était
seule en état d’a g i r , et de soulager son frère du fardèau des afiaires et du ménage , q u ’elle avait loulo
sa confiance; que M argoton, infirme, im potente, était
un. être inutile et à charge , un objet de pitié ; com
ment pou rrait-il y avoir du doute sur les intentions
du testateur?
Aussi, lorsque Jean-Louis Gibon fit son testament,
personne' ne se trompa sur celle des sœurs qui était
uistituùo héritière; Margueritte fut reaonue pour telle
par. les paron s, les a m is, les ferm iers, les débiteurs
de la succession.
�( * 3 ï)
L e testateur en avait fait confidence à son cu ré , et
à ses amis,* après son décès, M argueritte se mit en
possession de tous les b i e n s d e toutes les créances j
elle géra t o u t , elle administra tout à son gré ; elle
vendit partie des biens Xonds, afferma les autres ver
balem ent, ou devant notaire; régla avec les débiteurs,
toucha tantôt des capitaux, tantôt des intérêts, fit un
grand nombre d’inscriptions aux bureaux des h y p o
thèques , toujours sous le seul nom de M argueritte,
héritière de son fr è r e ; enfin, pendant deux ans et quel
ques m o is, qu’elle a survécu à son fr è r e , elle a fait
tous les actes qui étaient une suite de sa'qualité d’hérii
tière, exclusive et universelle.
<■
Ces actes sont des preuves écrites, qui expliquent,
interprètent les intentions du testateur, qui ajoutent,
s’il se peu t, à une désignation certaine et non équi
voque.
; li
) t '
! i ii..{ |\,
L ’appelant v o u lû t.y joindre la'p reu ve testimoniale
des faits, qu’on a expliqués plus h au t, et l’admissibilité
de cette preuve ne pouvait .être mise en question^ :
Il ne sagit point ici d ’une preuve testimoniale, contre
un a cte ; il ne s’agit pas de prouver une convention
qui excède le taux des ordonnances, ou dofl’art. i 34 i
du Code Napoléon. Mais il s’agit de
susp icion ,
de sup
position de personne : en un m o t , il est question de
découvrir quelle est celle des deux soeurs qui a été
instituée. O r, dans cette matière , la vérité doit tou
jours prévaloirsuivant le sentiment des docteurs; le juge,
comme l’enseignent Boiceau et D an ty , T raité de la
prouve pur tém oin s, chapitre 7 , doit chercher h con-
�( H )
naître quelle a été la véritable intention des parties ;
ce qui est écrit est un signe équivoque de la v o lo n t é ,
et c ’est cependant cette volonté qui doit décider plu
tôt que ce qui est écrit ; res gesta potior quam scriptura habetur, et lorsque des témoins honnêtes et pro
bes, qui ont vécu familièrement avec le testateur, qui
connaissent ses intentions, com me ses habitudes, vien
nent attester un fait à la ju stice, elle doit s’en rap
porter à leur attestation. S i testes omnes ejusdem honn esta tis, et existim ationis sive, et negotii qualitas ac
J u d icis motus cuni his concurrat, sequenda surit om
nium testim onia, conjirniabitque ju d e x motum anim i
s u i , ex argumentis et testimoniis quœ rei aptiora et
vero proxim iora esse compenet. L o i , ob carmen fa m o su m y if. de testibus.
Les ordonnances de M oulins, de 1 6 6 7 , le Code N a
poléon n’ont jamais rien dit de contraire ¿1 cette loi
qui s’exprime avec tant de force; ici, tout est en rap
port avec la vraisemblance, avec le sentiment que doit
éprouver le ju g e , d ’après toutes les circonstances de la
cause; il peut donc y joindre la preuve testimoniale, s’il
y avait lieu à hésitation. On observe que les lois em
ploient souvent ce mot argum entis, dont un savant
magistrat nous expliquait dernièrement le senset l’éner
gie, et que l'art. 323 du Code a voulu exp rim er, en
parlant des présomptions ou indices résultant de fa its
dès-lors constans.
Pourrait-on mieux appliquer ce passage qu’à l’espèco
présente? combien de présomptions et d’indices résul
tent de faits constans? N ’est-il pas constaut et avoué
qu'après
�( *5 )
qu’après la mort de, son frè re , Margueritte s’est mise
en possession de tous les biens, en vertu du testament ?
N ’est-il pas constant e t.av o u é que M argoton n’a pas
réclamé contre cette main-mise absolue et exclusive?
N ’est-il pas,constant, par.une foule d’actes,authentir
ques, que M argueritte, la plus jeun e, a géré ^adminis
tré, ven d u , affermé les biens en qualité à'héritière de
son frère? Son testament du 12 brumaire an 14 ,n ’estil pas une preuve certaine qu’elle se regardait com m e
seule héritière de son frère? Com m ent concevoir au
trement qu’elle eût fait des legs aussi considérables,
des dispositions aussi étendues, qui toutes frappent sur
les biens dù frère, puisqu’elle n’a v a it,rie n ,en propre?
Sa sage p ré v o y a n ce ‘de léguer l’ usufruit h sa sœur, pour
ne pas la mettre dans la dépendance des collatéraux,
ne démontre-t-elle pas qu’elle était reconnue com m e
seule héritière?
¡,
Si on ajoute à ces présomptions graves et concor
dantes , la preuve que la demoiselle G ib o n , la plus
je u n e , n’a jamais été co n n u e , ni désignée dans son
intérieur, ou hors sa fam ille, que sous le prénom de
M argueritte, qu’elle 11’en a pas pris d’autre dans tous les
actes qu ’elle a passés"; que l’aînée n ’a jamais été ap
pelée autrement que M argoton,* qu’elle a contracté,
sous ce n om , dans le testament qu’elle avait fait de
vant Eyraud ; qu'Experton n’a jamais désigné autre
m ent les deux sœurs ; quo Jean-Louis Gibon a eu en
vue sa sœur ca d ette , lorsqu’il ,a fait son testam en t;
qu’il en a fait confidence à ses amis, à son cu ré; que
M argoton a déclaré e lle - m ê m e , que M argueritte sa
7
�;(:* 6 )
s'uar, était héritière? dei ion frère ; qu'elle M argoton
n e prétendait rieii sur cette succession y certes, en voilà
plus qu’il n’éri faut pouf convaincre les plus incrédules,
que l'hérédité dé Jéàh-'Lôùis ü été transmise à M arguerille Giboti , làplùs jeune, ét par suite à l’appelant,
»
;
en vertu'de son insfifiitiôn testamentaire.
Mais pourquoi balancer, et se jeter dans des preuves
de faits aVoüé^ et récbhrius? qu'on parcoure rapide
ment îek iW t if ë ; du ÿügétiïe'rtf et on y trouvera tous
ces faits ¿ohsignéé:IédHifrie conktaris.
O n a déjà' dif qüé les motifs portaient sur une fausse
base, et toarnaiérit ¿tins cessé sur un cercle vicieux.
O h m ë t én àvfatit qUé lés 'registres publics de l’état
civil sont destin^ a ‘pkouvét la filiâtion des individus,
et les nornà Sou3 léstipiéls ils doivent ê’tre connus et
désignés dàns la société ; voilà une vérité certaine, mais
qui ne s’applique qu’ au nom de fa m ille * qui nous fait
rem onter juS^u’à la'SôilrCo dé notre sang, ot nous as
signe'ÎeTÜngqh&f noüs devorts occuper dans la société;
il serait ridicule d’étendre cette maxirùe jusqu’aux pré
nom^ qui varient ou; Se multiplient, qui ne peuvent
tdus s’énlployèi pour la désignation dé l ’individu, et
qui dans Fttëàge dôivetit se réduire à un seul , adopté
par l’h abitu d e, et poiir distinguer un mem bre de la
famille; ainsi, il es* constant par les registres civils, que
M afgucŸitte Gifrori est'fille'légitim e do Pierre Gibon
et de Claüdéttè P la n ch e r, mais ces registres ne peuvent
influer sur le tort du téstainent du frère, et priver la
sœur cadette de l’h é ré d ité , quoiqu’on lui eût donné
deux noms de boptOme; s'il est vrai qu’elle n’a jamais
�S * 7 .)
été désignée dans, son intérieur que sou? le prénom de
M argueritte. ,
. Ces registres de l’état civil ne seront pas plus concluans en faveur de la sœur aînée, quoiqu elle y ait été
désignée sousje nom de M argueritte, s il est vrai, qu’elle
a toujours’ été connue et distinguée so.up le nom de
Margoton.
Mais il est faux en p rin c ip e ,;jqu’ un long usage ne
puisse faire, la règle ; cette assertion serait contraire à
toutes les idées reçues,- admise^?par la loi B arban us
Philipp us : E rror comm uais fa c it ju s . L ’ usage , sans
d ou te, ne fera pas- perdre aux deux sœursr les noms
de baptême qu’elles on tjreçu s; mais l’usage les fera
reconnaître ii celui qu’elles ont adopté dans leur inté
rieur; personne n ’y sera Irom pé, et justice sera rendue,
puisqu’on est forcé de convenir de ce long usage.
Q u’importe maintenant que M argoton soit unej c o r
ruption du prénom M argueritte, que ce prénom tienne
à l’idiôine du pays, que celte dénomination soit patoise
et fam ilière, que les actes doivent être reçus en fr a n
çais ye\c.f etc.? Tous ces grands mots deviennent insignifians ; Margoton n’est pas patois ; c ’est une dériva
tio n , si l’on v e u t , du nom de M a r g u e r ite , mais c ’est
une manière de distinguer l ’individu , une cliose fré
quente et usitée dans les familles nombreuses ; lçs pré
noms sont de toutes les langues, et on ne se serait.(pns
avisé de demander la nullité d ’uu testam ent, si J e a n Louis G ib o n , avait institué M argoton son héritière.,
quoique tous les actes publics doivent être rédigés en
français.
, ’
8
�(
2 8
)
On conviertt’ etîéuif'e que la fille puînée Gibon,-a p u ,
dans l’usage familier , n’être pas dénom m ée M arieM argu§ritte, parce que ce double prénom aurait été
trop long à prononcer^ parce que M arie était le pré
nom d’ une autre d é ses scieurs ( l a dame Experton ) ,
et que le simple nom dé M argueritte la distinguait suf
fisamment de sa sœur appellée M argoton ; mais on
ajoute que ces dénominations ne sont bonnes que dans
les communications domestiques, et doivent disparaître
dans les actes publics,' où elles ne peuvent remplir le
m êm e objet.' •• V ' *
:
Il est donc vrai que l’aînée s’ appelait Margoton t
et la cadette Margueritte ,• com ment dès-lors cette dé
nomination ne remplirait-elle pas le mêm e objet dans
un acte public, que dans les communications fam i
lières? Q uoi! l’article 2148 du Code N ap o léo n , exige
impérieusement qu’on insère dans une inscription , le
nom et le prénom du débiteur, mais il ajoute de s u ite ,'
ou une désignation individuelle et spéciale, qui puisse
faire reconnaître et désigner l’individu.
Dans une inscription, qui tient à l’ordre public, où
iout est deTÎgneur j où la loi veut le prénom du débi-<
l e u r , elle se contente néanmoins, à défaut du prénom;
d’une désignation individuelle etspéciale qui fasse reconnaître le débiteur; e t, dans un testament où il est do
principe qu’on doit considérer plutôt la volonté que
les paro les, çolunt&tem potiusquam verba spectari,
une désignation spéciale ne serait pas suffisante pour
assurer le legs ou l’institution. M ais, où donc est la loi
qui commande de donner le véritable prénom dans
�( 29 )
un testament, à peine. de nullité; sur quels préjugés
peut-on appuyer une pareille assertion? L ’article 5 o
de l’ordohnance de 1 7 3 5 , qui règle la forme des ins
titutions, dans les pays où l’institution est nécessaire
pour la validité du testament, exige que tous ceux qui
ont droit de légitim e, soient institués, en les appelant
par leurs noms (il n'est pas question de p ré n o m ), ou
en Les désignant de telle manière que chacun d ’eu x y
soit compris. U ne désjgnation propre à faire reconnaître
l ’institué, remplit donc le but de la loi ; qu’on ouvre le
savant R icard , qui écrivait avant l’ordonnance, on y
lit n.° 85 a , «rque combien que l’institution ne soit pas
• spécifique, pourvu qu'elle contienne quelque dési• gnation particulière de ceux au profit desquels elle
« est faite, qu’elle ne laisse pas d ’être suffisante pour
«r la validité du testament*. D o m a t, liv. 3 , titre i . er,
sect. 6 , n .' 6 , cite un exemple qui va prouver encore
combien ce m otif du jugement est contraire à l’autorité
deslois,et à la doctrinedesauteurs. «-Si le testateur,dit-il,
• avait erré dans- le nom de son h é ritie r, le nommant
» Jacques pour J e a n , et qu’il y eût une autre personne
• du môme nom et surnom dont le testateur se serait
« servi, mais à qui les qualités qu’il considérait, pour
• le choix de son héritier, ne convinssent pas, ces mêmes
« circonstances d’am itié, de parenté, ou les autres qui
• pourraient distinguer celui qu’il a u r a i t voulu nom m er
r h éritier, le feraient préférer h celui qui ne se trou• verait nommé que par uno e r r e u r , contre l’inten• tion de ce testateur, et il en serait de m êm e d’une
« pareille erreur qui regarderait quelque légataire.
�( 3o )
S i quidem in nom ine, cognomine ¡prœnom.ine, agnomine legatarii testator erraverit càm de persona constat,
nihiiom inùs valet legatum. Idem que in hœrcdibus servaturet reciè, nomina enirn significando/am hominum
gratiâ reperta sunt : qui s i alio quolibet modo intelligantur n ih il interest , §. 29 , instit. de légat. Error
h u ju sm o d i n ih il officit veritati, loi 4 , c. de testant. S i
in persona legatarii designandi aliq u id erratum fu e r it,
constat auteni cu i legare voLuerit, perinde valet legatum^
ac s i niillus error intervenerit, 1. de prob. et demonstrad
L es dispositions concordantes de ces différentes lois
écartent sans replique les faux raisonnemens des pre
miers juges. Que signifie, par e x e m p le , cette circons
tance relevée avec so in , que les deux sœurs étaient
illitérées; que l'habitude de s’entendre appeler l ’une
M a rg oton , l ’autre M argueritte , pouvaient leur faire
croire qu’elles n’avaient pas d ’autre prénom , mais que
le frère qui savait lire et écrire ( c ’est une erreur : le
frère ne savait que signer), ne pouvait partager celte
erreur, ce n’est là que du remplissage; mais on en vient
au certificat de civism e, du 27 floréal an 2 , dans le
quel certains officiers m unicipaux, en dénommant le
frère et les deux sœurs G ib o n , appelent l’une d’elles
M a rie- M a rguerittc.
Com m ent Experton a-t-il osé faire usage d ’un cer
tificat de civism e, qui rappelle de si cruels souvenirs?
la seule nature de cet acte 11 aurait pas dû permettre
de le présenter à la justice; d ailleurs il n est pas du
fait de Margueritte G ib o n , ln jeu n e; il prouve seule
ment par son isolement, au milieu de plus de soixante
�<( 31 )
ans d’existence , que »ce prénom de M arie était abso
lument insolite, soit pour Margueritte G ib o n , soit pour
sa famille, soit pour les étrangers, soit enfin pour Experton lu i- m ê m e . qui a été l’agent de sa tante pendant
tout le tems que la succession de son frere a reposé
sur sa tête, et jusqu a l ’enlèvement de l’a rg e n t, qui a
rédigé tous ses actes, fait toutes ses inscriptions, sans
lui donner jamais d’autre nom que celui de M argue
ritte. A u surplus, on ne trouve pas mêm e sur les re
gistres de la municipalié , ce prétendu certificat de
civisme, et ce n ’était pas la peine de le tirer de la
sentine
Il
dégoûtante où il était plongé.
est assez com mode de dire que Jean-Louis G ib o n ,
en instituant M argueritte pour son héritière, a néces
sairement désigné l’aînée de ses deux sœurs ; c ’est
m ettre en fait ce qui est en question, et celte asser
tion s’accorde mal avec la certitud e, que l’aînée s’ap
pelait M argoton; ce dont on convient à chaque ligne.
Mais on ne peut présumer, d it-o n , la moindre pré•dileclion du testateur en faveur de la cadette, au pré
ju d ic e do l’aînée ; le mêm e lien les unissait, et dans
l’intimité où ils vivaien t, il ne pouvait y avoir d’autre
m o tif de p référen ce, que l’âge plus avancé de l ’un
des survivans.
S’il n’y ayait pas eu de prédilection, de la part du
testateur, il les eût instituées toutes deux, s il avait eu
une préférence pour la plus âg é e , il cu t nom m é M a rgoton , mais il n’a voulu nommer que M argueritte, et
la cadette no portait pas d’autre nom ; il l’a voulu
n om m er, parce q u ’il était reconnaissant de ses soinsj
�( 32 )
parce qu’elle était seule en état d’a g i r , parce qu’elle
faisait les affaires, tenait le m én age, et qu’elle seule
pouvait avoir soin de sa sœur infirme.
Les premiers juges ajoutent, que quand bien même
l’aînée des sœurs aurait pu croire que la cadette était
héritière, parce qu’on l’appelait simplement M argue
r it e , tandis qu’on l’appelait elle-même M argoton, une
pareille erreur ne pouvait lui préju dicier, non plus
q u ’à son héritier.
C ’ est convenir en termes p ré cis , que M argoton a
eu cette pensée , et n’a pas élevé ses vues jusqu’à
l ’hérédité de son frère; m ais, où a-t-on pris que l ’ap
probation d’un testament ne pouvait pas nuire à l’h é
ritier du sang; cette proposition serait démentie par
la disposition précise des lois, et les assertions les plus
positives de tous les docteurs du droit.
Plus loin les premiers juges décident que la preuve
testimoniale, offerte par l’ap p elan t, tend a détruire la
foi due à des actes publics; quelle absurdité! lorsque
cette preuve n’a d’autre o b je t, d’autre b u t , que de faire
valoir le testament, et faire exécuter les véiitables in fentionsdu testateur; mais ces faits seraient insignifians,
et ne prouveraient pas que Jean-Louis Gibon a eu l'in
tention d ’instituersa sœur cadet te. C ’est s’aveugler étran
gement , puisque Gibon offrait do prouver que son oncle
avait manifesté cette m êm e intention à son cu ré , à ses
omis, et n’avait jamais pensé qu’à sa sœur cadette.
L a représentation du testament imparfait est inutile,
dit-on. Experton convient de la teneur do te fragment
telle qu’elle est rappo, tée paiG ibon , il ne peut en lien
influer,
�( ;33 )
in flu e i, ni sur le testament de Jeriri - L ou is, ni sur le
dernier de la sœur ainéè. Ori traite.bien légèrement une
des circonstances les plué importantes de la cause; Si
Ce testament imparfait eût été déposéi; si E y r a u d ,
notaire,1 avait été entendu, ainsi que les témoins qui
le v a ie n t accom pagné, on aurait su qu’Experton avait
empêché sa tante de tester, d ’exprimer ses dernières
volontés.
■
i C e fait une fois é ta b li, Gibon aurait été fondé à de
m ander la nullité du testament postérieur, com m e étant
l ’effet.du dol, de la violence et de la fraude; il aurait
demandé q u ’Experton fût privé de la succession de
M argoton G ib o n , dont il s’est rendu indigne, en l’e m
pêchant de tester à son gré.
Cette indignité est prononcée par les lois romaines»
ff. liv. 2 9 ,tit. 5 , de h is qui aLiquem testari prohibuerit
vel toégerit\ lois qui de tout tems ont été admises dans
notre jurisp ru d en ce, suivant L e b ru n , traité des suc
cessions, liv. 3 , chap. 9 , n.° i 3 , Lacom be au mot m*
d ig n ité, n.° 8.
E t pour ajouter à ces motifs puissans, on aurait su
encore qu’E xperton, inquiet dans ses combinaisons,
craignant de la part de sa tante une révocation de son
testam ent, lui avait fait faire, le m êm e jour, ou plutôt
avait arraché de la faiblesse d ’une femme m ourante,
une donation entre-vifs pour se prémunir contre les
accidcns, dans le cas où sa tante Margoton viendrait
ii survivre.
Les autres motifsne sont qu’ une conséquence des pre
miers, dès qu'il paraît aux premiers juges qu’Experton
�( 34 )
a été institué héritier de Marguerite Gibon a în ée; que
celle-ci l'était de Jean-Louis Gibon son fr è r e , Experton
doit sans difficulté recueillir les deux hérédités; dès-lors
les oppositions des acquéreurs ou fe rm ie rs , celle de
G ibon , ne peuvent se soutenir; il faut tout donner à
E xp erto n , verser entre ses mains tous les fonds, tous
les deniers des deux-successions.
Etranges conséquences! vaines subtilités! Com m ent
a -t-o n pu se déterminer aussi légèrement à dépouiller
un héritier légitim e, pour enrichir un usurpateur, qui
dans toutes ses démarches a donné une juste opinion de
sa perversité; qui par ses perfidies et ses profondes com
binaisons a commis un délit d’un genre nou v e a u , et qui
ne saurait profiter à son auteur?
r,’.
Experton en imposait tellement devant le tribunal
où il exerce les fonctions d’a v o u é , que Gibon n ’a pu
trouver un défenseur dans la ville du P u y , et s’est vu
livré à ses propres forces. Mais le m o m e n t de la justice
est arrivé; e t c’est en la Cour que l'appelant est sur de
trouver une perpétuelle et constante volonté de rendre
à chacun ce qui lui appartient.
Signé G I B O N .
M. e P A G E S , ancien avocat.
M. e D E V È Z E , avoué-licencié.
i
.
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A R IOM , DE L ’IMP. D U P A LA IS , CHEZ J.-C. SA L LES.
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Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Gibon, Gilbert. 1810?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Gibon
Pagès
Devèze
Subject
The topic of the resource
captation d'héritage
testament nuncupatif
dentelle
textile
infirmes
certificats de civisme
confusion d'héritier
patois
surnoms
diminutifs
nom d'usage
nullité du testament
testaments
Description
An account of the resource
Titre complet : Précis pour sieur Gilbert Gibon, propriétaire et avocat, habitant du lieu du Cros-de-Georand, département de l'Ardèche, appelant d'un jugement rendu au tribunal civil du Puy, le 20 décembre 1809 ; contre sieur Jean-Baptiste Experton, avoué au tribunal du Puy, intimé.
Nota manuscrite : « Voir l'arrêt au journal des audiences, 1810, p. 382. »
Table Godemel : Testament : 11. dans le doute que peut présenter la volonté d’un testateur, faut-il rechercher et faire exécuter sa volonté ? pour reconnaître le véritable héritier institué entre deux personnes qu’on prétend l’être, l’une exclusivement à l’autre, faut-il considérer l’exécution que le testament a reçue, et le jugement qui a été porté dans la famille, dans le public et par celui qui contracte ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie du Palais, chez J.-C Salles (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1810
1803-1810
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
34 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2009
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2010
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53379/BCU_Factums_G2009.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Cros-de-Géorand (07075)
Le Puy-en-Velay (43157)
Landos (43111)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
captation d'héritage
certificats de civisme
confusion d'héritier
dentelle
diminutifs
infirmes
nom d'usage
nullité du testament
patois
surnoms
Testament nuncupatif
testaments
textile
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/5/53892/BCU_Factums_M0632.pdf
3cc82c918bd3e4e0977fc00123b6114c
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Text
CONCLUSIONS
D E M. M E R L I N , (*)
Procureur général impérial près la Cour de cassation t
Dans l’affaire des Légataires universels de
Mme de Chazerat, contre le Sr M azuel,
demandeur en cassation,
L e 26 messidor an 9 , Marie-Gilberte R o lle t, épouse
du sieur de Chazerat, domiciliée à R io m , fait un tes
tament olographe, par lequel, après plusieurs legs par
ticuliers, et une disposition qui assure à son mari l’usu
fruit de tous ses bien s, elle s’explique ainsi:
« Quant à la propriété de mes biens, mon intention
étant, autant qu’il dépend de moi, de les faire retourner
(*) Telles qu’il les a publiées dans son recueil des questions de d roit.
A
�(a )
à ceux de mes parens qui descendent des estocs des
quels ils me sont parvenus, je donne et lègue tout
ce dont il m’est permis de disposer suivant la loi du
4 germinal an 8 , à tous ceux de mes parens de la
branche de mes aïeul et aïeule paternels, et de celle
de mon aïeule m aternelle, qui seraient en ordre de
me succéder, suivant les règles de la représentation à
V'infini, telle q u elle avoit lieu dans la ci-devant cou
tume dJAuvergne , pour être partagé entre les trois
branches, au marc la livre de ce qui m’est parvenu
de chacune desdites branches, et être ensuite subdivisé
dans chacune d’elles , suivant les mêmes règles de la
représentation à l’infini. »
L e 14 messidor, la dame de Chazerat fait un codi
cille , dans lequel se trouve une disposition ainsi conçue :
« La nouvelle loi m’ayant accordé la faculté de dis
poser de la totalité de mes biens, je veux et entends
que le legs universel que j’avois fait par le susdit tes
tament , en faveur de mes parens de l’estoc de mes
aïeul et aïeule paternels, et de ceux de l’estoc de mon
aïeule m aternelle, de tout ce dont il m’étoit permis
de disposer par la loi du 4 germinal an 8 , ait son
effet pour la totalité de mes b ien s, sauf les divisions
et subdivisions à faire entre mesdits héritiers, de la
manière expliquée audit testament*, s a u f aussi mes legs
particuliers, et les dispositions par moi faites en faveur
de mon mari 5 à tout quoi il n’est dérogé par le présent
codicille. »
L e 3 vendémiaire an 14, décès delà dame de Chazerat.
L e 29 du même mois, son testament et son codi-
�(3)
cille sont déposés, en vertu d’une ordonnance du pré
sident du tribunal civil de R io m , entre les mains d’un
notaire de la même ville.
L e i 5 janvier 1807, deux des légataires particuliers
form ent, contre les légataires universels, une demande
en délivrance de leurs legs.
Les assignés se présentent au nombre de trente-sept.
L e 11 juin suivant, d’autres parens de la testatrice,
se prétendant appelés au legs universel, interviennent
dans l’instance.
Tous, en se réunissant pour répondre aux deux léga- taires particuliers , demandent, respectivement les uns
Contre les autres, le partage de la succession de la
dame de Chazerat, et concluent à toutes les opérations
nécessaires pour y parvenir.
L e 28 janvier 1808, le sieur M irlavaud, cousingermain de la défunte, et son plus proche héritier
m aternel, présente une requête en intervention, et
demande > i°. que le legs universel porté aux testa
ment et codicille de la dame de Chazerat, soit déclaré
n u l, attendu q u e, par sa relation à la ci-devant cou
tume d’Auvergne, il est en opposition avec les art. 6
et i q o du Code Napoléon, et avec l’art. 7 de la loi
du 3 o ventôse an 12*,
que la succession ab intestat
soit partagée en deux moitiés, dont l’une pour la ligne
paternelle, et l’autre pour la ligne maternelle.
L e 18 mai suivant, le sieur Mirlavaud fait donation
entre-vifs au sieur M azu e l, son n eveu , de la moitié
de tous les droits qui lui appartiennent dans la suc
cession de la dame de Chazerat, sous la réserve de
3
A2
�(4)
l’usufruit, et de la faculté de poursuivre lu i-m ê m e ,
jusqu’à arrêt définitif, sa demande en nullité du legs
universel, sauf au sieur M azuel à y intervenir, s’il le
juge à propos.
L e 22 juin de la même an n ée, jugement du tri
bunal civil de Riom ', ainsi concu
» :
« La'dame de Chazerat a-t-elle pu ordonner, par la disposition générale, que
ses biens retourneroient aux estocs dont ils étoient provenus j qu’ils seroient
partagés entre les trois branches de sa famille qu’elle dénomme , suivant les
règles de la représentation à l’infini, telle qu’elle avoit lieu dans la ci-d e v a n t
coutume d’A uvergne, et ensuite subdivisés dans chacune d’elles , suivant les
mêmes règles de la représentation à l’infini î
» En exprimant ainsi sa volon té, la damo de Cliazcrat a -t- e lle remis en
vigueur, en termes généraux, une coutume] abolie? A - te lle subordonné sa
disposition aux règles de cette coutume ? et enfin sa volonté ainsi exprimée
doit-elle être réputée non écrite, comme contraire aux lois d’ordre public ?
» Attendu la maxime constante , base de toute législation , et consacrée par
l’article 6 du Code N apoléon, que nul ne peut, par des conventions'particulières, déroger aux lois qui intéressent l ’ordre public et les bonnes m œ urs,
puisque ce qui a été établi pour le bien de tous, no doit pas être interverti
par la volonté changeante des individus ; qu’il faut reconnoitre incontestable
ment pour lois d’ordre public celles qui ont un rapport direct et spécial à la
société en co rp s, dont les conséquences réfléchissent éminemment sur l’en
semble des citoyens ; que s i , à quelques égards , on peut regarder toutes les
lois comme ayant pour objet une certaine utilité publique, dans les unes cepen
dant cette utilité se borne à ne régler que des intérêts privés , pluribits ut singulis ;
dans les autres au contraire cette utilité embrasse la société entièro , elle se lio
à tous les intérêts , pluribus ut universis ; qu’ainsi lorsque le testateur fait la
distribution de scs biens , il use d’une faculté qui est toute relative à lui seul
et dans son intérêt p r iv é ; m ais lo modo dont il so sert, l’ordre qu’il doit obser
ver dans cette répartition est du domaine public , qui est pour lui-même une
barrière insurmontable.
» Attendu que parmi ces lois inviolables, l’art. 1390 a placé la prohibition
faito aux époux do stipuler entre eux d'une manière g én éra le, que leur asso
ciation sera régléo par l’une des coutumes qui régissoient ci-devant les diverses
parties de la France, qui sont abolies ; qu’en effet l’abrogation de tous ces statuts
�( 5 )
locau x, jugés nuisibles tant par leur multitude que par la bizarrerie de grand
nombre de leurs dispositions , que l’avantage d’une loi uniforme, long-temps
désiré et profondément senti, entrent évidemment dans l’intérêt commun de la
société ; que c’est s’élever contre cet intérêt de tous établi au Code pour l o i ,
qué de faire renaître ces lois anéanties, et les tirer de l’oubli auquel le corps
social les a condamnées en grande connoissance de cause.
» Attendu que les testamens, ainsi que tous autres actes ou contrats, sont
indistinctement soumis à ces principes sacrés; que la faction du testament,
comme disent les lois romaines, est incontestablement d'ordre public; que lo
premier devoir du testateur est de lo reconnoitre et de le respecter; que do plus
les grands motifs qui ont dicté cet art. i3 g o , relativement aux contrats do ma
riage , s’appliquent naturellement aux testamens ; que l’avantage du public ,
ainsi que la tranquillité des familles, no sont pas moins compromis en rappelant,
en termes généraux, dans une disposition testamentaire, une coutume abolie,
qu'en la reconnoissant dans un contrat de mariage ; que dans l ’un comme dans
l’autre cas l’intérêt public est violé, puisque la dame de Cliazerat s’est consti
tuée au-dessus de la v o lo n té générale, soit par son mépris étudié de la précieuse
uniformité de nos lois, soit en reproduisant cette multitude infinie de coutumes,
et avec elles les contestations interminables, que la sagesse du législateur a
voulu écarter.
» Attendu que la l o i , en laissant au testateur la plus grande latitude dans la
disposition de ses biens, en l’établissant l ’arbitre et le souverain de scs dernières
volontés, lui a cependant donné pour bornes toutes les règles qui concernent
l ’ordre public , les bonnes mœurs et les formalités des actes; que c ’est sous ces
conditions qu’il a reçu de la loi un pouvoir si étendu ; qu’il perd ce pouvoir, ou
du moins que ce pouvoir est rendu sans effet, dès qu’il oublie les conditions
sous lesquelles il l’a reçu.
» Attendu que la dame de Cliazerat a méconnu ou méprisé ces principes,
lorsque dans son testament et dans son troisième co d icille, au mépris de la
volonté et des intérêts de la société, elle a remis en vigueur , en termes géné
raux , une coutume ab o lie, en ordonnant que ses bi«ns retourneraient aux
estocs desquels ils étoient provenus; qu’ils seroient partagés entre les trois
branches de sa famille qu'elle dénomme, suivant les règles de la représentation
à 1infini, telle qu’elle avoit lieu dans la ci-devant coutume d’Auvergne, et
ensuite subdivisés dans chacune d’elles suivant les mêmes règles de la repré
sentation à l ’infini.
» Attendu quo ce rappel en termes généraux à la coutume d’Auvergne , ren
ferme une résistance réfléchie à la volonté et à l’utilité publique, sous deux
rapports frappans : l'un en obligeant ses héritiers de faire la rechercho de la
I
I
�( 6 )
nature el de l ’origino des biens dans chaque esto c, suivant la coutume d’A u
vergne, contre la prohibition précise du C o d e ; et l ’autre en astreignant se»
héritiers à faire entre eux les divisions et sous-divisions , suivant la représen
tation à l’infini, dans les principes de la même coutume d’Auvergne. O r , la
coutume d’Auvergne a v o it, sous ces deux rapports, des maximes spéciales et
particulières à elle seule, et qui s’éloignoient de toutes les autres coutumes qui
avoient admis la fameuse règle paterna paternis , materna materais ; et que les
principes de la coutume ont été reproduits par la dame de Chazerat dans sa
famille et dans sa succession, comme un brandon de discorde et de contestations.
» Attendu qu’on objecte vainement que la coutume d’Auvergne n’est rap
pelée dans le testament que comme une démonstration, un point com paratif,
et non comme loi impérieuse : raisonner a in si, c’est jouer sur les mots et abu
ser des term es; car , comment la coutume d’Auvergne ne seroit-elle dans le
testament que comme mode d’indication, lorsque la dame de Chazerat veut
disertement, et en termes gém inés, que cette coutume soit la règle du partage
de ses biens ; lorsque presque tous les appelés par elle ont donné à leurs con
clusions la forme d’une demande en partage, d’après les maximes de la coutume
d’Auvergne; lorsque dans le fait et dans la réalité il seroit impossible à ces héri
tiers de faire co partage tel qu’il est prescrit, sans être guidés par la coutume
d’Auvergne l Ainsi c’est la coutume d’Auvergne à la m ain, qu’ilsseroient obligés
de rechercher quels sont les biens qui sont provenus de chacune des lignes
favorisées ; qu’ils scroient obligés de faire une recherche semblable pour attri
buer à chaque branche, par la subdivision, les biens qui y ont aussi été rap
portés ; qu’il faudroit distinguer les dots pécuniaires ou mobiliaires qui auront
fait souche par double confusion ; qu’il faudroit également dans le cas do la repré
sentation, savoir si l’oncle et le neveu étant en ligne'égale doivent concourir en
semble ; si au préjudice d ’une renonciation , on peut venir par représentation
de son auteur qui a renoncé; si par l’effet de la représentation, le partage doit
se faire par souches ou bien par têtes ; et une multitude d’autres difficultés
semblables : ainsi s’ouvriroit pour ses héritiers une ample carrière do débats ,
aux juges une multitude de questions épineuses, pour la décision desquelles la
coutume d’Auvergne seroit la seule régulatrice.
» Attendu qu’on no peut pas dire que la coutume sera prise ici commo
autorité seulement , et non comme loi nécessîire , puisque cette coutum e,
ses usages , sa jurisprudence , «croient la seule règle par laquelle on devroit
se diriger pour suivre la volonté et les vues rétrogrades do la testatrice ; que
la coutume ne seroit pas simple renseignement, puisquo sans elle , sans s'y
renfermer, on ne pourroit opérer la distinction des biens, éclaircir leur origine,
les appliquer à diverses lignes , aux différentes branches , découvrir les indi-
�. ( 7 )
ridus appelés par la représentation, et parvenir enfin à débrouiller les obscu
rités de ce partage laborieux. L a coutume ne seroit pas un simple mode ,
une condition, puisqu’en général les modes et les conditions peuvent se con
cevoir et s’isoler des conditions auxquelles ils sont apposés ; mais ici le mode',
la condition, prescrits par la dame de Chazerat, sont inséparables : car enfin ,
si la testatrice a institué légataires universels les trois lignes qu’elle a affec
tionnées , c ’est principalement pour prendre les biens provenant de chacune
d’elles , suivant la coutume d’Auvergne ; c ’est pour les subdiviser ensuite
d’après les mûmes principes , d’après la même origine et nature de biens ;
ses vrais héritiers seront ceux qui lui seront doiïnés par la représentation de
la coutume d’Auvergne : ainsi, et forcément, la coutume d’Auvergne se lie pt
s’incorpore à tout lo partage , et commandera à ses opérations.
9 Attendu qu’on oppose encore sans fondement que la dame de Chazerat n’a
pas généralisé son rappel de la coutume d’Auvergne , puisqu’elle l’a restreint
à une seule de ses dispositions. C ’est une erreur : car la soumission à une
coutume prend évidemment la forme de disposition générale, lorsqu’elle porte
sur un objet de disposition générale ; or , c ’est pour la nomination de ses
héritiers universels, que la dame de Chazerat invoque la coutume d’Auvergne ;
c’est cette coutume en général qui règleroit leurs qualités et leurs avantages ,
cette disposition prend nécessairement un caractère de généralité dans ce par
tage. Sans doute la dame de Chazerat eût pu aisément spécialiser sa disposition;
elle eût pu légitimement faire entre ses héritiers l ’application do tels ou
tels de ses b ien s, suivant sa volonté ; elle eût pu , par cette voie spéciale ,
faire rentrer dans chaque ligne , dans chaque branche , la portion de fortune
qu’elle en avoit reçue ; rien ne la gênoit dans cotte manière do disposer ;
par l à , elle eût rempli ses intentions, respecté l ’ordre public , et étouffé
le germe de mille contestations dans sa famille : mais au lieu do faire co
qui lui étoit permis , elle a préféré do fairo ce qui lui étoit défendu. D e telles
dispositions ne peuvent être protégées par la loi qu’elles offensent.
y Attendu qu’en vain on
prétend excuser la dame de Chazerat , en
alléguant qu’on no peut lui fairo un reproche d’avoir établi le partage do
ses biens sur la représentation à l ’in fin i, puisque cette représentation étoit
admiso par la loi du 17 nivôse an 2. Cette justification ne peut être admis«,
i.° parce qu’au décès de la dame de C h a zera t, ce n’étoit pas la loi du 17
nivose qui devoit régler soit la formo , soit le mérite de ses dernières dispo
sitions ; c’éloit le co d e c iv il, sous Pempiro d u q u el elle est décédée, et que
son testament olographe a reçu une date ; 2 .0 la testatrice est loin d’avoir
puisé dans la loi du 17 nivôse la représentation qu’elle ordonne ; cette lo i,
dans toutes les branches, sous tous les points de v u e , établit 1« représentation
�( 8 )
•
sous le rapport de la proximité du sang; au contraire, la coutume d’Auvergne
attachoit la représentation à l’origine et à la nature des biens ; il falloit avoir
pour auteur celui duquel les biens provenoient : la loi du 17 nivAse avoit
à cet égard puisé sa représentation dans l’affection naturelle , l’avoit liée aux
personnes ; la coutume d’Auvergne l’avoit fait dépendre des usages féodaux,
l ’avoit attacbée à la glèbe plutôt qu’aux liens du sang : on ne peut donc
trouver aucune analogie entre ces deux représentations , dont la so u rce,
comme les effets , étoient si difiérens.
» Attendu qu’on oppose encore , sans raison , qu’on ne peut demander la
nullité de la clause dont il s’agit, puisqu’elle n’est pas prononcée par la loi.
C ’est encore une illusion. Il y a nullité absolue dans toute disposition de la loi
négative prohibitive. En prononçant on ne p eu t, la loi use de toute sa puissance,
elle impose un devoir indispensable , elle écarte tout prétexte : excludit potentiam juris e tfa c ti. O r , l’art. 6 du Code, dispose qu’on ne peut déroger, par
des conventions particulières, aux lois qui intéressent l ’ordre public. L ’article
1D90 statue de même que les époux ne peuvent stipuler , d’une manière géné
rale, que leurs conventions seront réglées par l’une des coutumes abolies; et
ces termes impérieux , on ne peut et ne peuvent, renferment sans doute une
prohibition énergique , une impossibilité de faire de semblables dispositions ;
ils prononcent implicitement une nullité insurmontable.
» Attendu que cette nullité ne peut être écartée p arla disposition de l’article
96 7, sur lequel on veut encore s’appuyer. Cet article perm et, à la vérité, au
testateur de manifester sa volonté sous toute espèce de litres et de dénomi
nations ; de sorte que ; soit que le testateur dispose à titre de legs, de donan a tio n , d’institution d’héritier , ou sous toute autre qualification , peu im
porte, sa volonté connue, si elle est conforme à la lo i, çuœ légitim a e s t ,
reçoit toujours son exécution. Mais disposer sous toute dénomination, n’est
pas faire toute espèce de dispositions. En permettant au testateur de se
servir do toutes expressions pour dicter ses intentions, la loi no l ’a pas
autorisé à disposer sous un mode et dans une latitude indéfinis; les moeurs,
l’utilité publique , les formalités des a ctes, et tout ce qui intéresse l ’ordre
social , sont toujours pour lui une barrière in v in c ib le . C ’est d’après co
principe tutélaire que l’article 900 a voulu que dans toutes dispositions
entre-vifs ou testamentaires , les conditions contraires aux lois ou aux mœurs
soient réputees non-écrites ; cest ce que la dame de Chazerat a méconnu
et m éprisé, en faisant l ’institution d’hérititier universel dont il s’agit. Elle
a violé l ’ordro public , en subordonnant sa disposition aux règles d’une
coutumo anéantie; elle l’a vio lé, en rejetant avec affectation le bienfait de
la loi nouvelle ; elle l ’a v io lé , en prescrivant une forme de partage qui
seroit
�( 9 )
soroit une source féconde de contestations. La justice, comme la lo i, ne
peuvent accueillir une telle disposition; il faut donc la regarder comme nonécrite dans le testament de la dame de C h azerat.. . .
» En ce qui touche le partage, attendu que la succession de la dame de
Chazerat s’est ouverte sous l ’empire du Code, qu’ainsi c’est par les principes
do cette loi que le partage doit en être terminé.
» Par ces motifs, le tribunal, par jugement en premier ressort, reçoit le
sieur Mirlavaud partie intervenante dans la contestation pendante entre les
sieurs Farradesche de G rom ond, fils aîné , et le sieur Sablon-Ducorail,
d’une part ; et les héritiers et prétendans droit à la succession de la dame de
Chazerat, d’autre part ; et faisant droit sur ladite intervention, ainsi que sur
la demande en nullité du legs universel en propriété , fait par la dame de
Chazerat; sans s’arrêter, ni avoir égard audit legs universel fait au profit des
trois branches d’héritiers y dénom més, et compris au testament olographe
de la dame de C h a zera t, du 26 messidor an 9 , et codicille du 14 messidor
an II , légalement déposés, enregistrés les 25 et 29 vendémiaire an 14 , lequel
legs universel est déclaré nul et do nul e ffe t, et comme non-écrit dans ledit
testament ; ordonne que, dans la huitaine de la signification du présent juge
ment , il sera procédé au partage de la propriété seulement de tous les
biens , meubles et immeubles , provenus de la dame M arie-Gilberte A ollet,
femme de C h azerat, pour en être délaissé moitié aux parens de la ligne
paternelle , et l’autre moitié aux parens de la ligne maternelle , conformé
ment à l’article 735 du Code Napoléon, sauf les sous-divisions entr’elles , s’il
y a lieu, conformément à l’article 754 du même Code; auquel partage tous
intéressés feront tous rapports et prélèvemens que de d roit, à la charge , par
les héritiers des deux lignes ci-dessus, de souffrir , sur la totalité desdits biens,
meubles et im meubles, l ’usufruit universel au profit du sieur de Chazerat,
époux de ladite dame M arie-Gilberte Rollet...........»
Les légataires universels interjettent appel de ce juge
ment , et font assigner le sieur M azuel, donataire de
la moitié des droits du sieur M irlavaud, en déclai’ation
d’arrêt commun.
Par arrêt du 14 août 1809, la cour de Riom pro
nonça en ces termes sur cet appel :
a
L a dame do Chazerat pouvant disposer de l’universalité de ses b ie n s,
B
�( 10 )
a-t-elle suffisamment exprimé son c h o ix , en désignant les légataires collec
tivement par l’indication certaine de leur origine !
» Le testament de la dame de Chazerat est-il parfait dans la volonté qu’elle
a exprimée / l ’est-il dans la volonté de la loi 1 est-il contraire à l’ordre public ,
aux lois politiques , et au droit naturel et civil de morale l
» A-t-ello soumis sa propre volonté à la volonté générale de la ci-devant
coutume d’ Auvergno , abrogée par les lois nouvelles ?
» Etoit-ce le cas d’appliquer à son testament l’art. i 5c)o du code Napoléon ¡f
» S'il étoit vrai que des termes de la représentation à l ’infini , exprimés
dans le testament , il dût résulter , comme le prétend le sieur M irlavau d ,
que des filles forcloses , ou les descendans d’elles , dussent être exclus du
partage , cette question peut-elle le concerner f n’en demeure-t^il pas moins
exclu lui-même de la succession par le testament / n’e x c ip e -t-il pas du
droit d’autriii en agitant cette question ?
» Attendu, dans le d ro it, que la testatrice a pu disposer à volonté de l ’uni
versalité de ses biens ; qu’elle a pu choisir des légataires entre toutes
personnes capables , et les désigner collectivement ou individuellement , soit
par leurs noms ou états distinctifs , soit par des indications certaines d’origine ,
de iàmille ou de parenté , également propres à les faire connofcre.
» Attendu , dans le fait , qu’on ne conteste ni sa capacité personnelle ,
ni celle de ses légataires , ni la disponibilité de tous ses biens , ni la faculté
d’en disposer à tels titres , et de les distribuer selon telles mesures qu’elle a jugé
à propos , ni la forme extrinsèque de ses testament et codicille.
» Attendu qu’il y a certitude dans sa disposition , puisqu’on convient qu’elle
est de l’universalité des biens ;• qu’il y a certitude égale dans le nombre et
les personnes des légataires , en ce qu’ils sont désignés par leur qualité
spécifique de descendans des trois estocs indiqués , en quelquo nombre qu’ils
so ien t, et que sous co rap p o rt, leur existence individuelle n’est susceptible
d’aucun doute.
» Attendu qu’un testament qui réunit tous ces caractères, est nécessairement
parfait dans la volonté exprimée du testateur , puisqu’elle étoit libre ; et qu’il
est aussi nécessairement parfait dans la volonté de la loi , puisqu’il est fait
sous son a u to rité, et q u ’e lle n ’e x ig e rie n au delà de ce qui a été observé j
» Attendu que celui de M arie-Gilberte RoIIet de Chazerat , étant ainsi
conforme , sous tous les rapports , à toutes les règles prescrites, il est impos
sible qu'il ne soit pas aussi conformo à l ’ordre public , puisqu’il est vrai que
l’ordre est toujours le résultat de l’observation de la règle j
» Attendu que dès lors sa disposition universelle ne devoit recevoir aucune
atteinte des motifs par lesquels on l'a attaquée , et qui ont cependant décidé
�( 11 )
les premiers juges à la déclarer nulle ; que c’est en v a in , et contre l ’évidenca
du fait, qu’on lui reproche d’avoir soumis sa volonté propre à la volonté générala
de la ci-devant coutume d’Auvergne , puisque , d’une p a r t, elle a clairement
et très-expressément déclaré sa vo lon té, dont aucune loi ne lui défendoit de
prendre l’exemple dans une coutume abrogée ; que de l’autre , loin de disposer
généralement, selon le vœu de la coutume , elle s’est au contraire mise en
opposition presque entière avec elle , soit dans sa disposition , en ce qu’elle
est universelle, soit dans le choix de ses légataires , en ce qu’elle a donné à
£on m ari, soit en faisant estoquer les dots au delà de la personne des enfans ,
soit en ne réservant pas ses meubles et acquêts aux seuls parens paternels,
soit en les confondant avec les propres de ces trois estocs , pour n’en faire
qu’une seule masse divisible indistinctement entre tous , dans la proportion
des apports, soit enfin en ce qu’elle a laissé une succession toute testamentaire,
comme elle en avoit le d ro it, au lieu de laisser une succession ab intesta t,
comme le vouloit la coutume ; que c’est par suite de cette illusion , qu’on a
appliqué à son testament l ’art. 1390 du code N apoléon, qui défend aux époux
de stipuler d’une manière générale , que leur association sera réglée par una
des coutumes qui sont abrogées ; que la première erreur qui se remarqua
dans cette assertion , c ’est que l ’article cité n’a rapport qu’aux contrats de
m ariage, et que les prohibitions no s’étendent pas des actes exprimés à ceux
qui ne le sont pasj que celle-ci s’étend si peu aux testamens , qu’indépen
damment de ce que l’article même prouve le contraire par son énonciation et par
la rubrique sous laquelle il est placé , on le voit encore plus clairement par
la comparaison des art. 911 et 1172 , dont l ’u n , relatif aux testamens , dit que
les conditions prohibées par les lois , sont seulement réputées non écrites ; et
l ’autre, relatif aux contrats, veut qu’elles rendent la disposition nulle ; qu’une
erreur plus étonnante que la première , vient de ce qu’on ne s’est arrêté ni au
sens de l’article , ni à la signification grammaticale des deux mots qui y sont
employés , manière générale.
» Que cependant 011 devoit savoir que ce qui est général comprend indéfi
niment toutes les espèces sans en marquer aucune ; car si les espèces
étoient expliquées , la manière cesserait d’être générale, n’y ayant rien de si
opposé à la généralité que la spécialité. Qu’ainsi, un pacte d’association con
tractuelle soumis d’uno manière générale au régime de telle coutume , seroit
évidemment exclusif de toute volonté propre des contractans , et no pourroit recevoir son effet quo des termes do la coutume indiquée, comme un
mandat général reçoit toute son exécution de la volonté do celui qui le rem
plit , par suite de la soumission entière de celui qui l’a donné ; qu’alors on con
çoit comment et pourquoi la loi résiste à ce que les citoyens qu’elle rég it,
Ba
�( 12 )
osent s’arroger la puissance de rétablir l'autorité d’une coutume qui est abolie,
et prétendre faire produire un effet à une cause qui n’existe plus. Mais que
de près ni de loin on ne sauroit rien remarquer dans le testament de Marie
Gilberto R o lle t, qui ressemble à ce cas, puisqu’au contraire tout y est énoncé
et spécifié; qu’il n’y a pas une seule disposition qui ne puisse être exécutée,
indépendamment de toute coutume quelconque, par le seul fait de la volonté
certaine et connue de la testatrice , par la seule autorité du Code N apoléon,
et en opposition totale à celle de la coutume d’Auvergne, qu’on a si singu
lièrement imaginé avoir été p rise , d’une manière générale , pour règle de ce
testament. Q u’à la .vérité, on y parle d’estoc et de représentation à l’iniini
pour désigner les légataires ; mais que cela même prouve la sagesse de la
testatrice, qui, par l’expression la plus b rè v e , fait connoîtrc ses légataires
de la manière la plus parfaite , sous uno désignation qui a deux termes mani
festement certains, l’un , les auteurs indiqués, l ’au tro celui où cesse leur
descendance; que lorsque, pour plus grande intelligence des règles de cette
représentation qu’elle ordonne de su ivre, elle a ajouté ces m ots, selon qu'elle
avoit lieu dans la ci-devant coutume d ’Auvergne, on doit reconnoître d’abord,
qu’au moins dans le seul endroit où elle parle de cette coutum e, elle a spécialisé
la règle qu’elle en em pruntoit, et que ce n’est p lu s , comme on l ’a d it, une
manière générale de s’y référer; que dans la r é a lité , non-seulement elle n’a
rien dit que le Code réprouve, mais qu’elle l’a dit surabondamment, en ce
sens, que la représentation à l’infini s’entend assez d’elle-mêmo pour n’avoir pas.
besoin d’être expliquée par un exemple; qu’ainsi, en regardant cette citation de
la coutume comme vaine, en la supposant même condamnable, il en résulteroit seulement, qu’aux fermes du Code N apoléon, il faudroit la considérer
comme non-écrite, et qu’alors la volonté de la testatrice n’en demeureroit pas
moins entendue ; on ne pourroit l’anéantir sans violer ouvertement la loi, qui en
protège l ’exécution. Que c ’est une erreur manifeste do penser qu’il soit
défendu , en exprimant sa volonté dans un testam ent, de rappeler pour mo
dèle une loi a b o lie, lorsque d’ailleurs on ne veut rien que la loi nouvelle
ne permette; et tandis qu’on ne sauroit n ier, qu’on no nie pas en effet que la
testatrice a pu se choisir des héritiers do l’espèce et de la qualité de ceux
qu ’elle a désignés ; qu’il suffit de lire la phrase pour être convaincu qu’elle
n’a rappelé les règles de la coutume d’Auvergne , quant à la représentation
à l’infini, que pour qu’on ne se trompât pas dans l ’exécution do sa volonté ,
ou plutôt , pour mieux indiquer tous ses héritiers ; si bien , que quand elle
n’ea auroit pas dit un m o t, sa disposition n’en seroit ni moins certaine quant à
sos biens , ni moins expliquée quant à ses héritiers , puisque la représentation
à l'infini » à quoi elle auroit pu se born er, n’auroit été ni la représenta-
�( i3 )
t!on de telle coutume, ni celle de telle autre, mais telle que le mot seul 1«
signifioit, c’est-à-dire, les descendans, tant qu’il y en auroit, des estocs indi
qués. Et que si ces m ots, telle qu’elle avoit lieu, ajoutent quelque chose réelle
ment à l’expression de sa pensée , du moins il est évident que ce qu’ils y
ajoutent n’est qu’une explication do plus, et que par cela même ils témoignent
plus fortement qu’elle a eu une volonté prop re, déterminée et éclairée , bien
loin qu’elle se soit référée d’une manière générale à l’autorité d’une coutume
abrogée. Qu’il (n’est pas permis de voir des fautes là où la loi n’en voit pas ;
et que devant la loi, comme aux yeux de la raison , il n’y en pas plus à citer
une coutume abrogée pour exemple , qu’à rappeler qu’elle a existé, ou à rap
peler ce que porloit tel autre de ses statuts. Que s’il étoit vrai que des ter
mes de la représentation à l'inlini, il dût résulter , comme l’objecte la partie
de B a y le , que des filles forcloses, ou les descendans d’e lle s, dussent être
exclus du partage , cette question no saurait le concerner, puisqu’il n’en de
meurerait pas moins exclu lui-m ême, p a rle testament, de la succession ;
qu’ainsi , il ne fait qu’exciper vainement du droit d’au tru i, en agitant une
question qui n’intéresseroit que les héritiers testamentaires, et qu’ils n’élèvent
pas. Que si pour régler les proportions des partages entre ces h éritiers, il
est nécessaire de remonter à l’origine des biens, et d’en connoître la nature ,
quoique la loi ne considère ni l’un ni l’autre dans les successions ab intesta t,
il n’en résulte autre chose que ce qui résulte de la loi elle-même, c’est-à-dire,
qu’il peut y avoir, selon la loi , deux espèces de successions très-différentes,
l ’une ab intestat, que la loi a réglée comme il lui a p lu ; l’autre testamentaire,
qu’elle a abandonnée à la volonté de ceux qu’elle a autorisés à en disposer ;
qu’i c i, il s’agit de cette dernière espèce de succession , et que la volonté de
l’homme y fait taire légalement celle de la loi.
» Attendu que si la testatrice a été libre , comme on en co n v ien t, de dis
tribuer ses biens selon sa fantaisio, elle a pu aussi, et à plus forto raison ,
les partager ,p a r des motifs qui lui ont paru de justice, entre tous les descondans de ceux dont ils lui étoient provenus; et qu’aucune loi politique, ni
d’ordre public ou do droit naturel ou c iv il, pas plus qu’aucune loi morale , no
lui interdisoient de se déterminer par ce louable m otif; que c’est même un des
bienfaits particuliers de la faculté de tester, et qui n’a point échappé aux con^
seils du législateur ; que par là on peut réparer, en certains cas, les injustices
résultant d’une loi trop générale , ou d’une affection faussement présumée.
» Attendu enfin, que Marie-Gilberte Rollet ne pouvoit pas so montrer moins
attachée à la loi ancienne, qu’elle l ’a fait, en la contrariant presque en tout ; ni
mieux marquer son respect pour les lois nouvelles, qu’en usant
des facultés
qu’elles lui accordoient, en déclarant qu’elle ne youloit le retour do ses biens
�( i4 )
à leur source qu'autant que cela dépendoit d’e lle , comme cela en dépendoit
en effet ; en ne disposant que de ce que la loi lui permettoit de donner à
l ’époque de son testament, et du reste seulement, quand une loi nouvelle 1g
lui a permis ; en ne donnant rien à des personnes prohibées , et n’attachant à
ses libéralités aucune condition défendue; que toutes ses dispositions sont
légitim es, puisque la loi les autorise; et que son testament est lé g a l, puis
qu’on n’en contredit pas la forme.
» L a cour dit qu’il a été mal jugé par le jugement dont est a p p e l, bien
appelé ; émendant, déboute la partie de Ba^le ( le sieur Mirlavaud ) de ses de
mandes ; ordonne que le testament sera exécuté suivant sa forme et teneur;
faisant droit sur la demande en assistance de cause formée contre M azu el,
partie de V a ze ille , attendu qu’il est donataire de M irlavaud, intéressé par
conséquent à la cau se, et qu’il n’a pas plus de droit que son donateur,
déclare l ’arrêt commun avec l u i . . . . . . »
L es sieurs Mirlavaud et M azuel se pourvoient en
cassation contre cet arrêt.
Trois moyens de cassation ( ai-je dit à l’audience de
la section des requêtes, le 10 juillet 18 10 ), vous sont
proposés dans cette affaire. Violation de l’article 1390
du Code N apoléon, portant que les époux ne peuvent
plus stipuler, d’une manière générale, que leur associa
tion sera réglée par l’une des coutumes, lois ou statuts
locaux qui régissoient ci-devant les diverses parties du
territoire français, et qui sont abrogées par le présent
code. Violation des articles 392, 895 et ()Q5 du même
code, qui, en exigeant que le testateur fasse personnelle
ment ses dispositions de dernière volonté, annoncent
clairement l’intention de maintenir les lois romaines,
qui déclarent nulle toute disposition par laquelle un
tCBtateur confie à un tiers le choix de ses héritiers.
Violation de l’article 7 de la loi du 3 o ventôse an 12 ,
qui abroge les lois romaines, les ordonnances et les cou-
�( iS ) .
tûmes générales ou locales, dans les matières qui sont
l’objet des lois composant le Code Napoléon.
Sur ces trois moyens, il s’élève une question préalable
qui leur est commune, et dont nous devons dire un m ot5
c’est de savoir s’ils ne doivent pas être écartés tous trois,
par la circonstance qu’il s'agit ici d’un testament d’une
date antérieure au Code Napoléon.
L ’affirmative seroit incontestable, si ce testament
n’étoit attaqué que dans sa forme extrinsèque -, car il est
de principe que la forme extrinsèque d’un testament ne
dépend que de la loi du temps, comme de la loi du lieu
où il a été fait, et vous l’avez ainsi jugé le premier
brumaire an i 3 , au rapport de IVI. Sieyes, et sur nos
conclu sions , en maintenant un arrêt de la cour d’appel
de Bruxelles, qui avoit déclaré valable un testament fait
dans l’ancienne form e, le 28 nivôse an 9 , par un parti
culier mort le 19 prairial an 1 1 , après la publication des
articles du Code Napoléon, relatifs aux formalités des
dispositions à cause de mort.
Mais ce n’est point dans sa forme extrinsèque; ce
n’est point par un défaut de solennité qu’est attaqué le
testament de la dame de Chazerat : il n’est attaqué que
dans le fond de ses dispositions; et tout le monde sait
qu’en ce qui concerne le fond des dispositions d’un
testament, on ne doit s’attacher qu’à la loi du temps où
le testateur est décédé. C ’est ainsi que le 18 janvier 1808,
la section civile a jugé, en reje ta n t le recours de JeanPierre R ayet, contre un arrêt de la cour d’appel d’A g e n ,
du 3 o avril 1806, qu’un testament fait en 1787, étoit nul,
par cela seul qu’il renfermoit une clause de substitution
�.( *6 )
lidéicommissaire, prohibée par l’article 896 du Code
N apoléon, à la publication duquel son auteur avoit
survécu.
On ne peut donc pas douter que le Code Napoléon
ne doive être pris pour la règle du fond des dispositions
de la dame de Cliazei’at ; et par conséquent que si le code
Napoléon condamne la manière dont la dame de Chazerat
a nommé ses légataires universels, les dispositions de la
dame de Chazerat ne soient nulles à cet égard.
Cela posé, entrons dans l’examen des trois moyens
de cassation que les demandeurs vous proposent.
E t d’abord, en jugeant que la dame de Chazerat
avoit pu nommer ses légataires universels, par la seule
vocation de ceux de ses parens, du côté de ses aïeul et
aïeule paternels, et de son aïeule maternelle, qui seroient
en ordre de lui succéder, suivant les règles de la repré
sentation à l’infini, telle qu’elle avoit lieu dans la cidevant coutume d’A uvergn e, la cour d’appel de Riom
a-t-elle violé l’art. 1890 du Code?
Elle l’auroit certainement vio lé, si cet article étoit
applicable au testament de la dame de Chazerat; mais elle
a jugé qu’il ne l’étoit point, et elle s’est fondée sur trois
motifs :
L e premier, que l’article 1890 du code n’est relatif
qu’aux contrats de mariage, et que les prohibitions ne
s’étendent pas des articles exprimés à ceux qui ne le sont
pas.
L e second, que cet article, fût-il com m unaux testamens, 11e seroit pas applicable à celui de la dame de
Chazerat, parce que ce n’est pas d’une manière générale,
mais
�( î7 >
mais seulement pour la détermination des règles de la
représentation à l’in fin i, que la dame de Chazcrat y
a déclaré s’en rapporter à la ci-devant coutume d’A u
vergne.
L e troisième , que les termes par lesquels la dame
de Chazerat s’en est rapportée h la ci-devant coutume
d’Auvei-gne y ne forment dans son testament qu’une
clause surabondante.
D e ces motifs , le troisième s’applique également
à tous les moyens de cassation des dem andeur •, et
nous croyons devoir, par cette raison, en renvoyer la
discussion h la suite de celle du dernier de ces moyens.
Quant aux deux autres, il en est u n , et c’est le
second, qui nous paixrît dénué de tout fondement. .<
En effet, d’art. i q o du Code n’est pas seulement
applicable à la clause d’un contrat de mariage par laquelle
les futurs époux déclareroient adopter telle coutume
pour règle de leurs droits respectifs : il l’est aussi ù la
clause par laquelle ils déclareroient adopter telle cou
tume pour règle de tel droit matrimonial spécialement
désigné*, par exemple, de la communauté ou du douaire :
car, dans un cas comme dans l'autre, les futurs époux ne
spécialiseroient pas eux-mêmes leurs conventions ; ils
les laisseroient dans un vague qui ne pourroit être
fixé que par la coutume à laquelle ils se soumettroient;
et par conséquent il y auroit, dans un cas comme
dans 1 autre , soumission d’une manière générale à la
coutume.
3
, Si donc l’art. 1890 ne doit pas être restreint aux
contrats de m ariage, s’il est commun aux testamens ,
c
�\
, ( 1 8 )
nul cloute qu’il ne soit violé par une disposition tes
tamentaire qui, pour la détermination de l’ordre dans
lequel doivent venir, et des parts que doivent prendre
les légataires universels, renvoie à telle coutume, comme
il le seroit par une disposition par laquelle le testateur
s’en rapporteroit à cette coutume pour le règlement
universel de sa succession j nul doute par conséquent
q u e , dans cette hypothèse, la cour d’appel de Riom
n’ait erré dans son second motif.
Mais cette hypothèse est-elle exacte, ou, en d’au
tres termes, l’art. 1890 est-il véritablement commun
aux testamens, ou, en d'autres termes encore, la cour
d’appel de Riom a-t-elle erré dans son premier motif,
comme dans le deuxième ?
» Sur cette question, il y a deux choses à considérer^
l’esprit dans lequel a été rédigé l’art. 1390, et l’objet
auquel sa rédaction s’applique.
L ’esprit de cet article pai-oît^ manifesté par le pro
cès verbal du conseil d’état :
« lia section de législation, disoit M . T ro n ch et, a
voulu, en proposant cet article, empêcher les notaires
de continuer à insérer dans leurs actes une clause usitée
dans les contrats de mariage, lorsque les parties vouloient établir leur communauté sur d’autres principes
que sur ceux de la c o u t u m e de leur domicile : on exprimoit alors qu’elles se marioient suivant telle ou telle
coutume. Cette clause seroit nulle après la confection
du Code civil •, puisqu’il abroge toutes les coutumes ,
il n’est plus possible de les reconnoître \ o u , si on
leur conservoit une sorte d’existence, le système bien-
�(
1
9
y
Élisant de l’uniformité des lois seroit dérangé. — La pro
position qu’on discute, ajoutoit Al. Berlier, n’implique
nulle contradiction avec la faculté laissée aux époux
de régler leurs conventions comme ils le veulent : cette
faculté n’est pas ici blessée, quant à la matière ; elle
n’est restreinte que quant à la forme. Les époux stipu
leront en détail toutes les conditions de leur union ;
mais ils ne pourront, en termes généraux., se référer
à telle ancienne loi ou à telle ancienne coutume. Voilà
ce que dit l’article, et ce qu’il devoit dire par respect
pour le nouveau Code., et pour atteindre les bienfaits
qu’il permet. Ne seroit-ce pas en effet perpétuer l’exis
tence de quatre cents et quelques lois ou coutu
mes qui régissoient la France, que de permettre de
s’y référer pour les conventions à venir? Qui veut la
fin , veut les m oyens; or, plus d’uniformité, plus de
Code civil, proprement dit ; si l’on permet cette bizarre
alliance. — L e di’oit seroit hérissé (continuoit M. R é a l),
d’autant plus de difficultés, qu’il faudroit étudier à la
fois et le droit qui a existé et le droit qui existe__—
En employant ces clauses générales, disoit également
M . T reilh ard , les notaires peu instruits ignorent le
sens cle ce qu’ils écrivent dans leurs actes; ils ne peuvent
en conséquence l’expliquer aux parties. Il est bon ce
pendant que chacun sache positivement ce qu’il stipule.
On doit craindre , d’un autre côté, que dans certains pays
la routine ne fasse durer encore lo n g - te m p s l’empire des
coutumes. Il ne s’agit, au surplus, que d’empcclier
les citoyens de les rappeler’, ce qui ne gene la liberté
de personne, puisque chacun conserve la faculté de
C2
�( 20 )
faire passer dans son contrat de mariage les dispositions
de la coutume , pourvu qu’il les én o n ce....»
M . Berlier répétoit la même chose dans son discours
au corps législatif: « L e projet ne permet pas aux époux
de stipuler désormais, d'une manière générale, que leur
association sera réglée par l’une des coutum es, lois ou
statuts locaux , qui régissoient ci - devant les diverses
parties du territoire français , et qu’il abroge *, c’eût été
les rejeter dans le dédale d’où il s’agit de les retirer, et
élargir le gouffre que le code civil doit fermer. »
Voilà des motifs qui , assurément 3 s’a d a p t e n t tout
aussi bien aux testamens qu’aux contrats de mariage.
Mais le texte de loi que ces motifs paraissent avoir
d icté, com prend-il ceux-là comme c e u x - c i dans sa
disposition ?
Nullement : ce texte est restreint aux contrats de
mariage , et il y est restreint non seulement par ses
propres term es, mais encore dans la rubrique sous la
quelle il est placé. D e là comment pourriez-vous ann u lle r, comme violant ce texte , un arrêt qui a refusé
de l’étendre aux testamens ? L ’article 66 de la cons
titution du 22 frimaire an 8 , ne vous autorise à casser
les jugemens en dernier ressort, que pour contravention
expresse aux lois 5 et certes , il ne peut pas y avoir
contravention expresse à l’article i q o du Gode Napoléon,
là où on ne peut apercevoir qu’un refus de donner à
cet article une latitude qu’il n’a pas lui-mêm e.
Admettons que la cour d’appel de Riom eût p u , en
s’étayant sur l’identité de raisons , étendre cet article
aux testamens *, admettons même qu’elle eût pu justifier
3
�( 21 )
cette extension, en invoquant, non comme disposition
législative, mais comme raison écrite, les lois 12 et i3 ,
D . de legibus, Non possunt oimies , etc.
Eh bien ! dans cette hypothèse , l’arret qui vous est
dénoncé, pourra-t-il être annullé sur l’unique fondement
qu’il n’a pas fait une extension qu’il eût pu faire ?
Une question semblable a été agitée tout récemment
à l’audience de la section civile. — Les sieurs Pastoris
demandoient la cassation d’un arrêt de la cour d’appel
de T u rin , du 11 juin 1808 , qui avoit déclaré légitime , à raison de la bonne foi de son père et de sa m ère,
l’enfant né à l’ombre d’un second mariage que Thérèse
Bellone avoit contracté dans la Ligurie en 1799, du
vivant de son premier mai’i , avec Henri Pastoris. Pour
établir que ni Henri Pastoris, ni Thérèse Bellone , ne
pouvoient être censés avoir contracté de mariage de
bonne f o i, ils alléguoient, et le fait n’étoit point dénié,
ou plutôt il étoit avoué dans les termes les plus formels,
que ce mariage n’avoit pas été précédé des bans prescrits
par les lois ecclésiastiques ; ils citoient la décrétale Ciim
ïnhibito, qui en effet décidoit que les enfans nés d’un
mariage contracté sans publications préalables , entre
un homme et une femme parens au degré prohibé t
ne dévoient pas jouir des prérogatives de légitim ité,
parce que le défaut de bans ne permettoit pas de pré
sumer que leurs père et mère eussent ignoré l’empê
chement qui s’opposoit à leur union ; et ils ne manquoient
pas d’observer que quoique cette décrétale, qui, en 1799,
faisoit loi en Ligurie comme en P iém on t, ne parlât
que de l’empêchement de parenté , elle n’en devoit
�C 22 )
pas moins être étendue, par identité de raisons, à tous
les autres empêchemens, notamment à celui qui résultoit
de la non-dissolution d’un mariage précédemment con
tracté par l’une des parties j ils prouvoient même que
telle étoit l’opinion d^une foule de canonistes. — En
portant la parole sur cette affaire, nous avons dit que
sans doute la cour d’appel de Turin eût pu donner à
la décrétale Ciim inhibito l’extension que les sieurs
Pastoris l’accusoient de ne lui avoir pas donnée ;
qu’elle n’eût même fait par là que se conformer à la
jui’isprudence du sénat de C h am béry, attestée par le
président Favre ; mais que ne pas étendre une loi au-delà
de ses termes précis, ce n’étoit pas la v io le r , et qu’en
conséquence , il y avoit lieu de rejeter le pourvoi des
sieurs Pastoris.— Par arrêt du 21 mai dernier, au rapport
de M . Carnot , « attendu que les conciles n’ont pas
prononcé la nullité des mariages pour simple défaut
de publication de bans *, que l’on peut seulement en
induire, suivant les cas, qu'ils ont été clandestinement
contractés; mais que dans l’espèce,le vice de clandestinité
ne pouvant être reproché au mariage dont il s’agit,
il en résulte que le seul défaut de publication de bans
n’a pu constituer Thérèse Bellone et H enri Pastoris en
mauvaise foi *, que si la décrétale Cum inhibito a été plus
loin sur ce p o in t, que les décrets des conciles, ce n’a
été que par voie d’exception , et pour le seul cas où
les époux auraient été parens au degré prohibé ; et
que la cour d’appel, en s’en tenant à la lettre de cette loi
d'exception, sans l’étendre par induction au cas d’exis
tence du premier époux réputé m o rt, n’en a pu violer
�<>3 )
ouvertement les dispositions...............................................
La cour rejette. ............................ »
Dans cette espèce cependant, les sieurs Pastoris avoient
deux avantages qui manquent ici aux demandeurs.
D ’une part, les textes du droit romain qui autorisent
les juges à étendre les lois à des cas non compris dans
leurs dispositions, mais auxquels leurs motifs s’adaptent
parfaitement, avoient, pour la cour d’appel de T u rin ,
toute l’autorité des lois proprement dites, puisque le droit
romain étoit la loi supplémentaire du Piémont et de la
Ligurie , à l’époque de la célébration du mariage dont
il étoit question.
I c i , au contraire , ces textes n’avoient pour la cour
d’appel de Riom que l’autorité de la raison écrite.
D ’un autre côté, nulle différence quant au motif qui
avoit déterminé la disposition de la décrétale Ciim inhibito , entre les cas où les époux étoient parens au degré
p rohibé, et le cas où l'un d’eux étoit engagé dans les
liens d'un mariage non encore dissous. Il y avoit m êm e,
pour appliquer cette disposition au second cas, une raison
bien plus puissante que celle qui l’a voit provoquée pour
le prem ier5 car il importe bien plus à l’ordre public
de prévenir les bigamies, que les mariages entre les
parens à certain degré. On pouvoit donc argumenter
à fortiori du cas sur lequel portoit la décrétale Cum
inhibito, à celui qui étoit l’objet de l’urret dont il s’agit.
I c i, au contraire, bien q u ’on puisse dire des testamens comme des contrats de mai*iage, que si l’on y
toléroit l’usage de ne disposer ou de ne traiter que par
des renvois à telles coutumes abrogées par le Code Napo-
�( H )
léon , ces coutumes survivroient en quelque sorte à leur
abrogation } et que les citoyens, les jurisconsultes, les
magistrats seroient obligés de les étudier encore, comme
si elles avoient conservé toute leur autorité ; il n’en est
pas moins vrai q u e , relativement aux motifs de la dis
position de l’article i 3 g o , il existe entre les contrats
de mariage et les testamens deux différences très-sensibles.
D ’abord, avant le Code N apoléon, il étoit extrêmement rare que des testateurs se référassent, pour le
choix de leurs héritiers ou légataires universels, à des
coutumes q u i, ou étoient abrogées , ou le u r étoient
étrangères. Il faut même sortir de l’ancien territoire
français pour en trouver des exemples autres que celui
de la dame de Chazerat ; car les seuls, absolument les
seuls auteurs qui en parlent, sont Grotius et V o ë t ,
tous deux Hollandais -, le premier dans sa Manuductio
ail jurispruclentiam Hollandiæ,liv. 2. cliap. 29 '7le second,
sur le digeste, tit. de hœredibus instituendis, n. i 5 . Et
au contraire , rien n’étoit alors plus fréquent que de
voir des époux adopter, pour règle de leur association ,
des coutumes qui n’étoient ni celles de leur domicile,
ni celles de la situation de leurs biens.
Est-il étonnant, d’après cela, que le législateur ait res
treint, aux contrats de mariage la disposition de l’article
1390 du Code? Il l’a restreinte à ces contrats, parce que
ces contrats étoient les seuls actes où il étoit à craindre
que ce genre d’adoption se perpétuât. Il ne l’a pas
rendue commune aux testamens, parce qu’il n’y a pas
vu le même sujet de crainte j parce qu’il a pensé q u e ,
si quelque testateur venoit un jour à se singulariser, en
adoptant ,
�.( 2 5 )
adoptant, pour le choix de ses légataires universels,
une des coutumes abrogées du territoire français, ce
seroit une bizarrerie sans conséquence , un phénomène
qui ne mériteroit pas qu’une loi expresse lui fît l'hon
neur de le proscrire par anticipation; en un mot, parce
qu’il a dit avec les lois 4 et 6 , D . de legibus : E x his
quee forte aliquo uno çasu accidere possunt, jura non
constituuntur,....
Ensuite, le motif énoncé dans le procès verbal du
conseil d’état, par ceux qui ont parlé sur l’art. 1390,
est-il bien le seul qui ait déterminé, soit la majorité du
conseil, soit la majorité du tribunat, soit la majorité
du corps législatif, à voter pour cet article
Nous pouvons .en douter d’autant plus raisonnable
ment , qu’il se présentait pour réunir tous les suffrages
en faveur de cet article, une raison bien plus grave ,
bien plus décisive , que le motif mis en avant dans le
procès verbal du conseil-d’état.
En effet, il est de la plus haute importance que les
conventions matrimoniales soient rédigées de manière
que tous ceux avec qui l’un ou l’autre des époux peut
être dans le cas de traiter, connoissent d’une manière
certaine et positive les modifications qu’elles ont faites
à la loi, qui,
défaut de stipulations particulières, règle
l’association conjugale. Et comment auroient-ils pu ac
quérir cette connoissance ? Comment sur tout auroientils pu être assurés de l’avoir acquise, s’ils n’avoient pu
la puiser que dans les coutumes, dans les statuts locaux
abrogés, et par conséquent tombés dans l’oubli? Qui
d’eux n’auroit tremblé de voir un jour sortir de ces
D
�( *6 )
statuts, de ces coutumes, des prohibitions, des inca
pacités , des empechemens qui eussent vicié ou neutra
lisé les contrats qu’ils auroient pu faire avec l’un des
époux ? Et n’est-il pas évident que par là on eût exposé
chacun des époux au danger de ne trouver personne qui
eût voulu contracter avec lui ? L e merne inconvénient
n’étoit point à craindre dans les dispositions testamen
taires ; car de deux choses l’une : ou la coutume à laquelle
un testament se réfère , est parfaitement con n ue, ou
elle ne l’est pas. A u premier cas, sa disposition sei-a exécu
tée ; au second, elle sera sans effet, d'après cette maxime
du droit romain , ou plutôt de la raison universelle :
Quœ in testamento scripta essent neque intelligerentur
quid significarent, ea perindè sunt atque si scripta
non essent. L . 2. D. D e his quœ pro non scriptis habentur.
Que devient après cela le grand argument sur lequel
les demandeurs fondent principalement leur système
d’extension de l’art. 1890 aux testamens? Les contrats
de m ariage, disent-ils, sont par leur nature suscep
tibles de toutes les clauses qui ne blessent ni les lois
prohibitives ni les mœurs. Ils sont par conséquent bien
plus favorables que les dispositions testamentaires. Si
donc on ne peut pas , dans un contrat de m ariage, se
référer à une coutume abrogée, combien moins le peuton dans un testament ? Si donc la loi l’a prohibé pour
l’un, à'eom bien plus forte raison est-elle censée l’avoir
prohibé pour l’autre ?
Trois vices essentiels dans cet argument:
i ü. 11 n’est pas vrai que les époux aient plus de liberté
�( 27 )
dans les contrats de m ariage, que les testateurs n’en
ont dans leurs dispositions à cause de mort. Si les époux
peuvent, par les un s, faire toutes les stipulations qui
ne contrarient pas les lois prohibitives, ni ne blessent
les mœurs, les testateurs peuvent également, par les
autres, faire toutes les dispositions qui n’offensent pas
les mœurs et ne heurtent pas des lois px-ohibitives. Les
contx’ats de mariage et les testamens sont donc, quant à
la liberté des parties qui y figurent, des actes absolu
ment parallèles. On ne peut donc pas argumenter à
fortiori des contrats de mariage aux testamens.
2°. L ’argument à fortiori n’est qu’un sophisme , toutes
les fois qu’entx’c les deux objets qu’il tend à faire juger
d’après la même règle, il se trouve une différence quel
conque j et nous venons de voir qu’enti’e les contrats
et les testamens, il existe, relativement à la question
qui nous occupe , deux différences très-frappantes.
3 °. Ce n’est point par des argumens à fortiori que
l’on peut faire trouver dans un arrêt une contravention
à une loi qui ne prévoit pas précisément le cas sur lequel
il statue ; et c’est une vérité dont l’arrêt de la section
civile, du 21 mai dernier, nous fournit à la fois la preuve
et l’exem ple, en rejetant les moyens de cassation que
les sieurs Pastoris cherclioient à tirer de la décrétale
Cum inhibito.
E nfin, Messieurs, il est une grande maxime qui doit ici
écarter toute idée d’extension de l’art. 1390 du Code Na
poléon aux testamens, c’est que les lois qui disposent en
sens contraire aux principes du droit, ne peuvent jamais
être tirées à conséquence, ni étendues hors de leurs
D 2
�( 2 8 }
termes précis : Quod verà contrà rationem ju r is , etc.
L. 1 3 . D . de legibus.
On ne peut clouter, en effet, que la disposition de
l ’art. J390 ne soit contraire aux principes du droit, et
qu’en la décrétant, le'législateur n’ait sacrifié les prin
cipes du droit à des considérations purement politiques.
Il est difficile, disoit M . l’Arcliichancelier*, dans la dis
cussion de cet article au conseil d'état, de concilier
cette disposition avec celle qui précèd e, et qui laisse
aux parties une liberté indéfinie dans leurs conventions
matrimoniales,pourvu qu’elles ne blessent pas les mœurs...
Il ne doit y avoir de stipulations nulles que celles qui
blessent les principes du Gode civil.
Ces observations, il est vrai, n’ont pas empêché Fadoption de l’article qu’elles combattoient ; mais elles n’en
forment pas moins une preuve irrésistible, que cet article,
quelque sage qu’il soit, n’est pas en harmonie, même
avec les principes généraux de la matière des contrats
de mariage , et que par une suite nécessaire, il ne peut
pas être étendu au delà de son objet.
L e premier moyen de cassation des demandeurs ne
peut donc , sous aucun rapport, être accueilli.
L e deuxième est - il mieux fondé ?
Sans doute il n’est pas plus permis à un testateur sous
le Code Napoléon, qu’il ne l’étoit sous l’empire des lois
romaines, de c o n fie r à u n tiers la désignation de ses
héritiers ou légataires universels; et il faut sous le Code
N apoléon, comme il le falloit sous l’empire des lois ro
maines, que le testateur fasse lui-même cette désignation.
Mais est-ce à dire pour cela que le testateur est
�( 29 )
obligé de désigner ses héritiers ou légataires par leurs
noms individuels ? A cette question écoulons la réponse
des lois romaines : Si quis nomen hœredis quidem non
d ix erit, sed indubitabili signo eum demonstraverit,
quod penè nihil à noniine distat... valet inslitutio. L oi
9, § 9, D. de hœredibus instituai dis. L. 34 , D. de conditionibus et dernonstrationibus. Et pourquoi cela ? c’est,
dit la loi G, D . de rebus creditis, parce que la dési
gnation certaine et l’expression du nom sont tellement
identiques dans le droit, qu’elles peuvent s’employer
indifféremment l’une pour l’autre } N ihil refert proprio,
etc....
O r , n’est-ce pas désigner clairement ses héritiers ou
légataires univei'sels, que de déférer sa succession à ceux
qui dévoient la recueillir ab intestat d’après telle l o i ,
telle coutume, tel statut? Nous avons déjà dit que V oët
et Grotius regardent l’affirmative comme une vérité irré
fragable -, et, en effet, voici les termes du premier: Sed
nec dubium quin teslatar rectè testamento hceredes insti
tuât per relationem ad certum statutum , veluti instituendo eos quos ju s scabinicum v el quos ju s ces
dom icum , aut loci alterius le x dejinit ab intestatq
successores , ut id colligi potest e x his quee habet
Hugo Grotius in manuductione ad jurisprudentiam Hol~
landice. Lib. 2, cap. 26.
M a is, disent les demandeurs., et c’est leur troisième
moyen , la coutume d’Auvergne à laquelle la dame de
Chazerat s’est référée, dans le legs univei’sel que con
tient son testament, est abrogée par l’article 7 de la loi
du 3 o ventôse an 12. La dame de Chazerat s’est donç
�(
3°
)
mise, par la manière dont elle a exprimé son legs uni
versel, en rébellion contre cet article. La Cour d’appel
de Riom a donc violé cet article, en déclarant valable
le legs universel do la dame de Chazerat.
Quoi donc ! la dame de Chazerat n’auroit-elle pas p u ,
nonobstant l’abrogation de la coutume d’Auvergne, s’en
approprier littéralement les dispositions, les transcrire
dans son testament, les adapter, et à ceux de ses parens
qu’elle vouloit gratifier, et aux biens dont elle vouloit
disposer en leur faveur ? Les défendeurs sont forcés de
convenir qu’elle en avoit le pouvoir; et si elle l’eût
fait, ajoutent-tils, nous respecterions sa volonté. Mais
quelle différence y a - t - i l entre ce qu’elle eût pu dans
cette hypothèse, et ce qu’elle a fait réellement? Il n’y
en a que dans l’expression : la dame de Chazerat a dit,
en termes très-brefs, Ce qu’elle eût pu délayer dans
plusieurs phrases ; et assurémènt une disposition q u i,
développée dans un long assemblage de m ots, seroit
valable, ne peut pas être nulle parce que la testatrice
l’a exprimée avec le plus de concision qu’il lui a été pos
sible ; assurément la loi du 3 o ventosean 12, que cette
disposition n’offenseroit en aucune manière dans le pre
mier cas , ne peut pas en être blessée dans le second.
En effet, dans un cas comme dans l’au tre, ce n’est
point la coutume d’Auvergne qui régit la succession
de la dame de Chazerat ; dans un cas comme dans l’autre,
cette succession n’est régie que par la volonté de la dame
de Chazerat elle-même ; dans un cas comme dans l’autre,
la coutume d’Auvergne ne fait rien, c’est la volonté
de la dame de ChaztTat qui fait tout.
�( 31 )
Si la dame de Chazerat eût été et fût morte dans un
temps où la coutume d’Auvergne étoit encore dans toute
sa vigu eu r, et que dans son testament elle eût déclaré
instituer légataires universels ceux de ses parens à qui
cette coutume déféroit la succession, à quel titre ses
parens ainsi appelés auroient-ils recueilli ses biens ? comme
héritiers ab intestat, comme saisis par la coutume ?
N o n , ils les auroient recueillis comme légataires uni
versels, comme appelés par la testatrice. Taies instituti
( dit V oët à l’endroit déjà cité N. 18, en parlant du
cas où le testateur institue pour héritiers ceux qui doivent
lui succéder ab intestat ); Taies instituti, non e x v i legis,
sed e x testatoris volúntate succedunt.
E t l’on voudroit qu’il en fût autrement dans notre
espèce ! On voudroit que la coutume abrogée d’A u
vergne régît une succession que ne régiroit pas la
coutume d’Auvergne encore subsistante ! On voudroit
q u e , d’après les dispositions de la dame de Chazerat,
les légataires imiversels de la dame de Chazerat succé
dassent en vertu de la coutume abrogée d’Auvergne ,
tandis que si cette coutume n’étoit pas abrogée, ils ne
pourroient, d’après ces mêmes dispositions , succéder
qu’en vertu de la volonté de la dame de Chazerat !
C ’est une véritable dérision.
Est-ce plus sérieusement que les demandeurs opposent
à l’arret de la cour d’appel le principe écrit dans
l’article 6 du code, qu’on ne peut déroger, par des
conventions particulièx-es, aux lois qui intéressent l’ordre
public et les bonnes moeurs? Est-ce plus sérieusement
que l’on vient vous dire que les successions tiennent à
�( '3a ) '
.
l’ordre publie ; el que c’est attenter à l’ordre public ,
que de créer un ordre de succession contraire à la loi ?
Autant vaudroit-il dire qu’il y a attentat à l’ordre
public, toutes les fois qu’un testateur, usant du pouvoir
que lui en donne la l o i , dispose de ses biens en faveur
d’autres personnes que celles qui y seroient appelées
par la loi elle-m êm e, à défaut de testament.
Car , encore une fo is, ce n’est point de la coutume
abrogée d'Auvergne , que les légataires universels de
la dame de Chazerat tiennent leur vocation ; ils ne lai
tiennent que de la volonté de la testatrice; et la testatrice,
en se. référant en peu de mots à la coutume d’A u v erg n e ,
ne l’a pas plus remise en vigueur comme l o i , qu’elle ne
l’eût fait en calquant, comme elle en avoit incontes
tablement la faculté , ses dispositions personnelles sur
les anciennes dispositions de cette coutume.
A vant l’abrogation des coutumes, un testateur pouvoitil instituer légataires universels de ses meubles, ceux de •
ses parens qui auroient dû y succéder d’après une cou
tume autre que celle de son domicile? pouvoit-ilinstituer
légataires de ses immeubles disponibles, ceux de ses parens
qui aurbient dû y succéder d’après une coutume autre
que celle de leur situation ? Oui , sans doute , il le
pou voit : Voè’t et Grotius nous en donnent l’assurance ,
et les demandeurs eux-mêmes n’eu disconviennent pas.
Cependant on eût pu dire alors, comme le disent
aujourd’hui les demandeurs , qu’en disposant ainsi , le
testateur créoit un ordre de succéder contraire à la loi
qui devoit régir sa succession ; qu’ériger une coutume
étrangère à sa personne et à ses biens , en loi régu
latrice
�( 33 )
latrice clc sa succession , c’étoit faire ce qui n’appartenoit
qu’au législateur ; qu’il n’appartenoit qu’au législateur
d’étendre les limites d’une coutume au - delà de son
territoire. Mais ces objections aui-oient disparu devant
le principe, que ce n’étoit pas comme l o i , que c’étoit
uniquement comme disposition de l’homme , que la
coutume étrangère à la personne et aux biens du tes
tateur a'uroit régi sa succession.
Eh bien ! la dame de Chazerat a-t-elle fait autre chose ?
Si ce n’est pas usurper le pouvoir du législateur , que
de se référer à une loi existante, mais étrangère, comment
pourroit-on être censé l’usurper en se référant à une loi
abrogée ? une loi existante, mais étrangère, n’a pas plus
de force par elle-même, que n’en a une loi qui n’existe
pas \ et de même qu’il n’est permis qu’au législateur de
rappeler à la vie une loi qui n’existe plus , de même
aussi au législateur seul est réservé le droit de rendre
obligatoire dans un pays, une loi qui n’a été faite que
pour un autre pays.
La dame de Chazerat n’a donc pas plus violé , soit
l’art. 6 du code Napoléon , soit l’art. 7 de la loi du 3 o
ventôse an 12 , en disposant par relation à la ci-devant
coutume d’A uvergne, qu’un testateur mort il y a dix ans,
n ’eût v io lé , en disposant par relation à une coutume
étrangère à son domicile et h ses biens , la maxime
de droit public qui restreignoit l’autorité de chaque
coutume aux personnes domiciliées et aux biens situés
dans son arrondissement.
Et comment ne sent-on pas que si l’art. 6 du code
Napoléon , si la seule abrogation des coutumes avoit
E
�I
( 34 )
suffi pour empêcher que l’homme ne se référât , dans
ses dispositions , à des coutumes abrogées , il eût été
inutile que l’article 1390 le défendît spécialement aux
futurs époux ? Comment ne sent-on pas que de là naît,
par la règle , inclusio unius est exclusio a lten u s, la
conséquence que la chose est permise dans les testamens ?
Ecartons donc tous ces grands mots d’attentat à l’ordre
p u b lic, de blasphème contre les lois nouvelles , que
les demandeurs font sonner si haut et si xnal à propos ;
et disons q ue, quand même la clause par laquelle la
dame de Chazerat renvoie à la ci-devant coutume d’A u
vergne le règlement de sa succession, seroit absolument
nécessaire pour l’exécution de sa volonté, cette clause
n’olfriroit rien d’illégal, rien qui ne fût une conséquence
directe de la pleine liberté que le Code Napoléon accorde
à tous les testateurs auxquels il ne survit ni enfans ni
ascendans.
M ais il y a plus, et ici se présente une considération
qui doit faire rentrer dans le n éan t, non-seulement le
troisième moyen de cassation des demandeurs , mais en
core le premier et le second : la cour d’appel a jugé
que cette clause ne forme , dans le testament de la dame
de Chazerat, qu’une disposition surabondante’, qu’elle
y est inutile pour l’exécution de la volonté de la dame de
Chazerat ; que par conséquent elle ne peut pas nuire
à l’exécution de cette volonté: que c’est le cas de la
maxime , utile non viciatur per inutile.
E t qu’oppose - t -011 à cette partie des motifs de l’arrêt
de la cour d’appel ? D e grands détails, de longs raisonDcmens, qui tendent à établir que la cour d’appel s’est
�( 35 )
trom pée, en interprétant ainsi le testament de la dame
de Chazerat.
Supposons-le avec les demandeurs: en résultera-t-il
que l’arrêt de la cour d’appel doit être cassé ?
Sur cette question , M essieurs, nous nous tairons pour
laisser parler l’arrêt que vous avez rendu le 2 février
1808, au rapport de M . Vergés, en sections réunies sous
la présidence de M . le Grand - J u g e , ministre de la
justice : « Considéi'ant que la cour dont l’arrêt est at
taqué, en décidant que la société contractée le il\ octobre
1800, entre M oke et Vankanegliem , étoit simplement
en commandite, s’est déterminée d’après l'interprétation
qu’elle a donnée aux clauses du contrat social et aux
lettres circulaires écrites en exécution de ce contrat ;
que par cette interprétation, qui étoit dans ses attribu
tions , cette cour n’a violé aucune loi ; la cour rejette
le pourvoi des frères Hubert et fils. »
Dans cette espèce , il étoit dém ontré, avec la plus
grande évidence, que la cour de laquelle étoit émané
l’arrêt dont il s’agissoit, sJétoit trompée dans l’interpré
tation qu’elle avoit donnée au contrat de société du 24
octobre 1800, et que ce contrat marquoit dans tous ses
articles l’intention des parties de former entre elles une
société générale et un nom collectif; mais il a suffi qu’en
donnant à ce contrat une interprétation qui clioquoit
toutes les notions reçues en matière de société, elle n’eût
violé aucune l o i , pour vous déterminer à maintenir cet
arrêt.
Et comment pourriez-vous aujourd’hui juger autre
ment ?
E2
�( se )
C ’est, dit - on , parce que les magistrats de la cour
d’appel de R iom , ¿1 qui le texte et l’esprit de leur an- >
cienne coutume sont familiers, et qui en conséquence
savent distinguer parmi les parens de la dame de Chazerat, ceux qui seroient en ordre de lui succéder d’après
la coutume indiquée par e lle , ont supposé qu’on ne
peut pas se méprendre sur les héritiers qu’elle a voulu
se donner, et que ces héritiers, ainsi que leurs droits
respectifs, doivent être considérés comme suffisamment
désignés dans son testament. En un m o t, continue-t-on,
c’est leur érudition particulière , et n o n pas les expres
sions de la dame de Chnzerat, qui les a induits à dire
que cette prétendue désignation se trouve dans sa dis
position , et qu’elle s’y trouve même indépendamment
de l’indication de la coutume d’Auvergne. A u surplus,
ils ont tracé les élémens apparens de leur détermination
k cet égard \ o r , ces élémens se réfèrent non à des points
de fait, mais à des points de droit ou de coutum e, sur
lesquels les juges ont faussement raisonné. « Et à l’appui
de cette assertion, les demandeurs entrent dans de fort
longs développemens pour prouver, i.° que si, de la
disposition de la dame de Chazerat, on retranche la partie où elle indique la coutume d’Auvergne comme expli
cation de sa volonté, on ne saura plus dans q u e lle accep
tion elle aura employé le mot estoc} on ne salira plus
s’il faut en chercher la signification dans la classe des
coutumes de tronc com m un, ou dans celle des coutumes
soudières, ou dans celle des coutumes de côté et ligne \
2.° que dans la même hypothèse on ne sauva pas
comment doit se réglpr la représentation à l’infmi que
�( 57 )
la clame de Chazerat a établie entre ses parens ; que le
mode de la représentation à l’infini n’étoit pas uniforme
dans les coutumes qui l’admettoient ; qu’i c i , les descen
dais du testateur devoient être préférés à ceux qui
n’étoicnt parens que de son côté et ligne , tandis que
là il en étoit autrement ; qu’ici , la succession d’un
défunt qui îï’auroit laissé que des neveux , devoit se
partager par souches , tandis que là elle devoit se
partager par têtes ; q u 'ic i, la représentation à l’infini
pouvoit se faire per saltum , en sorte que l’on pouvoit
remonter à son a ïe u l, lors même que la personne avec
qui l’on concouroit , n’avoit besoin que de la repré
sentation de son père , tandis que là on jugeoit le
contraire , etc.
Mais en admettant tout cela , quelle conséquence
peut-on en tirer ? Il n’y en a qu’une seule de raison
nable : c’est que la cour d’appel de Riom a mal à pi'opos
considéré les mots représentation à Vinfini en ligne col
latérale, comme présentant par eux-mêmes un sens clair,
absolu et indépendant de la coutume d’Auvergne ;
c’est-à-dire, que pour trouver à ces mots un sens clair,
absolu et indépendant de la coutume d’A u vergn e, elle
a mal à propos supposé que les ci - devant coutumes
d’estoc et de représentation à l’infini étoient uniformes;
c’est, si l’on veut , qu’elle a jugé contre le texte de
celles de ces coutumes qui , sur le sens du mot estoc
et sur le mode de la représentation à l’infini, s’écartoient
de la coutume d’Auvergne.
O r, casseriez-vous l’arrêt de la cour d’appel de R iom ,
pour avoir jugé contre le texte de coutumes qui sont
�(
38
)
abrogées ? Proposer cette question , c’est la résoudre
poür la négative. Les dispositions des coutumes abrogées
ne forment plus des points de droit \ elles ne sont plus
que des faits 5 elles n’existent plus que comme monumens historiques de l’ancienne légishition. Les courâ
supérieures peuvent donc les méconnoître , sans qu’on
puisse pour cela les accuser d’avoir violé une loi quel
conque ; et de même que vous ne pourriez pas casser
un arrêt qui eût jugé que -tel événement constaté par
les chartes les plus authentiques , n’est jamais arrivé ;
vous ne pouvez pas davantage casser un arrêt qui
a jugé que toutes les coutumes d’estoc entendoient
uniformément le mot estoc même , et que toutes les
coutumes de représentation à l’infini étoient d’accord
sur le mode d’exercice de ce droit.
* Par ces considérations, nous estimons qu’il y a lieu
de rejeter la requête des demandeurs , et de les con
damner en l’amende de cent cinquante francs.
Arrêt de la Cour de cassation , du 19 juillet
1810, au Rapport de M. Aumont.
« Attendu que l’art. 1890 du code Napoléon est au'
livre 3 , titre 5 , du contrat de mariage et des droits
respectifs des époux ; que c’est l ’association des époux
que cet article défend de régler d’une manière générale,
par l’une des coutumes , lois ou statuts locaux , qui
régissoient ci-devant les diverses parties du territoire
français, et qui sont abrogées \ que les dispositions du
même co d e , relatives au testament, sont au livre 3 ,
�( 3g )
tit. 2, cliap. 5 , art 967 et suivans que la cour d’appel
de Riom ne peut avoir violé l’article 1390 du Code
Napoléon , en ne se croyant pas permis d’étendre aux
testamens une disposition de ce Code , faite pour les
contrats de mariage.
» Attendu que M arie - Gilberte Rollet , veuve de
Chazerat , n’a pas confié à un tiers le soin de choisir
ses légataires, et de régler la distribution de sa succession;
qu’elle les a désignés elle-même et d’une manière certaine ;
qu’elle a déterminé de même la portion revenant à chacun
d’eux dans ses biens , en appelant à les partager tous
ceux de ses parens dans les trois branches de ses
aïeul et aïeules paternels et de son aïeule m aternelle,
qui seroient en ordre de lui succéder suivant les règles
de la représentation à l’infini , telle qu’elle avoit lieu
dans la ci - devant coutume d’Auvergne , pour être
divisés entre les trois branches au marc la livre-de ce
qui lui est parvenu de chacune desdites branches,
et être subdivisés entre chacune d’elles suivant les mêmes
règles de la représentation à l’infini ; qu’en confirmant
un testament d o n t, ainsi que l'observe la cour d’appel,
les dispositions témoignent fortement que la testatrice
a eu une volonté propre , éclairée et déterminée, cette
cour ne peut pas avoir violé les articles 392 , 895 et
965 du Code Napoléon.
» Attendu que le partage de la succession de MarieGilberte Rollet entre ses légataires, aura lieu suivant
les principes de la coutume d’Auvergne, non par la
force de cette coutume qui n’existe plus comme loi de
l’E m p ire, mais par la volonté de ladite R o lle t, qui,
n’ayant ni ascendans ni descendans, maîtresse par con-
�( 40
)
séquent de disposer à son gré de la totalité de ses biens,
a pu les distribuer par testament entre ceux de ses
parens qu’elle a jugé à propos de choisir, qu’ainsi l’arrêt
attaqué ne fait pas revivre une coutume abrogée, et ne
contrevient ni à l’article 6 du Gode N apoléon, ni à l’art.
7 de la loi du 20 ventôse an 12.
» Attendu que la cour d’appel a jugé que la clause,
telle q u elle avoit lieu dans la ci-devant coutume d’ A u
vergne , n’étoit dans le testament contentieux qu’une
clause surabondante , qu’il n’y avoit pas dans cet acte
une seule disposition qui ne pût être exécutée indé
pendamment de toute coutume quelconque, et parle seul
fait de la volonté certaine et connue de la testatrice ;
qu’on ne peut voir là autre chose qu’une interpréta
tion du testament sur lequel cette cour étoit appelée à
prononcer ; que quand elle auroit mal à propos sup
posé à ces expressions , les règles de la représentation à
l'in fin i, un sens clair, absolu et indépendant de la cou
tume d’A u v e rg n e , cette erreur ne seroit la violation
d’aucune loi.
» Attendu enfin qu’il seroit superflu d’examiner s’il
y a dans l’arrêt de Riom fausse application de l’article
2 5 , titre 12, de la ci-devant coutume d’A u verg n e , puis
que cette fausse application, fût-elle réelle, il ne peut
résulter d’ouverture de cassation, ni de la violation, ni
de la fausse application d’une coutume abrogée.
» Par ces motifs, la Cour rejette le pourvoi des de
mandeurs. »
A.
C l e h m o n t , de l ’im prim erie de
grande rue Sain t-G en ès.
L a n d r i o t ,
�
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Factums Marie
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Description
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A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Chazerat. 1810?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Merlin
Subject
The topic of the resource
successions
testaments
legs universels
ordre de successions
coutume d'Auvergne
code napoléonien
conflit de lois
paterna paternis
materna maternis
jurisprudence
cassation
Description
An account of the resource
Conclusions de M. Merlin, Procureur général impérial près la Cour de cassation, dans l'affaire des légataires universels de madame de Chazerat, contre le sieur Mazuel, demandeur en cassation.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
de l'imprimerie de Landriot (Clermont-Ferrand)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1810
An 9-Circa 1810
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
40 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0632
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0512
BCU_Factums_M0513
BCU_Factums_M0514
BCU_Factums_M0515
BCU_Factums_M0516
BCU_Factums_M0518
BCU_Factums_M0520
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/5/53892/BCU_Factums_M0632.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Clermont-Ferrand (63113)
Riom (63300)
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conflit de lois
coutume d'Auvergne
jurisprudence
legs universels
materna maternis
ordre de successions
paterna paternis
Successions
testaments
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b13da05e373257f25f1ccc84d756b56d
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Text
PRÉCIS
COUR
i m p é r i a l e
DE RIOM.
PO U R
Sieur C l a u d e M I C H E L E T
i . r®C
et dame M a g d e l e i n e
:
!
ï
I
hambre.
P A S T I E R , son é p o u s e , habitans de cette ville
de R io m in tim és:
. .
u f
0>«Au
WIHaX—’
IO W.«*A^
l ï !•>,
CON T R E
M* --- T1-1
L e sieur
T A L O N , a u ssi h a bitan t de cette
C la u d e
v i l l e , appelant d 'u n jugem ent rendu a u tribunal
civil de R io m , le 3 1 décembre 1812.
L
es
sieur et
dame M i c h elet
se
voient
obligés
d’e n trer en lice av ec le sieur T a l o n , leur g e n d r e ,
et sa p r é te n tion inconvenante leur rappelle des sou
venirs déchira ns.
I l s ont
lui a
perdu
survécu
est
leur
fille u n iqu e;
mort
un enfant qui
dans leurs bras. D an s ce
1
�(2)
cruel état d ’is o l e m e n t , qui
se fait si pé niblement
sentir, et dont rien ne console, ils croyaient au moins
être
à l ’abri
favorisé
de
de toutes recherches.
la f o r t u n e , marié ,
Leur
gendre ,
ayajit des enfans
d ’ une seconde u n i o n , a réparé toutes ses pertes , et
oublié ses premiers liens ; ou du moins il ne s’en
souvien t que pour f a t i g u e r des parens m alheu re ux
dont il n’eut jamais à se pl ain dre, et qui ont rempli
a v e c exactitude tous les engagemens q u ’ils avaient
contractés.
D é j à un premier ju g em e nt a proscrit la demande
du sieur T a l o n ; sera-t-il plus h e u r e u x sur l’appel ?
Le
c r a i n d r e , ce serait douter de la justice et des
lumières de la Cour.
F A I T S .
L e 1 7 pluviôse an 6 , le sieur Claude T a l o n épousa
la demoiselle Gilb ert e Michelet ; ses père et m èr e
l’instituèrent .leur héritière générale et univers elle,
à la charge de l ’usufruit de la moitié des biens au
profit du survivant.
Us constituèrent à leur fille un trousseau é v a l u é
à 1,200 f r . , dont le contrat tient lieu de quittance.
« Et pour tenir lieu de plus
ample ava n c e m e n t
« d'hoirie , les sieur et dame Michelet s’obligent de
« recevoir les futurs é p o u x dans leur m aison , de les
« nour rir, chauffe r, éc la ire r, blanchir et entretenir
�« pendant leur co h a b it a tio n , ^eux et leurs enfans à
« naître du présent m ar ia g e , à la charge par le futur
« de rapporter ses soins, tr avaux et industrie, et le
« rev enu de ses biens ».
I l est dit que pour dédom m ag er le futur ép o u x
de la confusion de ses travaux et
in d u str ie , ainsi
que du rev enu de ses biens, le sieur Michelet l ’associe
po u r moitié à son c o m m e r c e , ainsi q ü ’aux acquisitions
d ’im m e u b l e s , et placement des capitaux q u ’il pourra
faire dans la suite ; et pour déterminer les profits ou
les pertes de la société, la valeur actuelle des m ar
chandises et autres effets de c o m m e rce appartenons
au sieur M i c h e l e t , a été fixée entre les parties à la
so m m e de 8,ooo fr. Cette somme doit être pr élevée
pa r le sieur Mic hel et en cas de partage de la société ,
en marchandises aux prix de leur a c h a t , sans que
sous aucun prétexte , elles puissent être évaluées à
plus haut prix pou r le pr élèvement.
E n cas d ’inc omp atibilité, les sieur et dame M ich elet
constituent, en avancement d 'h o irie, à la futu re, leur
fille , une rente annuelle
de
dix setiers from en t ,
payab le ch aque année de six en six m o i s , à c o m
m e n c e r le premier paiement au jour de la séparation.
Cet avancement d’hoirie doit s’imputer en totalité sur
la succession de celui de ses père et mère qui viendra
à prédécéder.
Il est aussi stipulé entre les ép o u x une c o m m u
nauté
de biens meubles
et çonquêts imm eubles à
2
�(4)
faire pendant la durée du mariage. L a future doit
confondre
iooo
dans cette co m m un aut é
francs sur sa
une pomme de
constitution de d o t ; le surplus
lui demeurera propre.
L e survivant des ép ou x doit gagner sur les biens
du pr édécédé la so m m e de 2000 francs, et si c ’est
l’ép ou x , il gagnera le trousseau de sa fe m m e , aux
charges de la Coutume.
I l est enfin ajouté que les père et mère des fu tu r s
se r é s e rv e nt , chacun en ce qui le c o n c e r n e , la ré
version des objets par eu x ci-dessus constitués en cas
de prédécès des futurs é p o u x , sans enfans, ou de
leurs enfans sans descendans , « sans néanmoins que
«■ladite réversion puisse porter atteinte aux gains et
« avantages acquis au survivant des é p o u x , en vertu
« des clauses du présent contrat de mariage ».
L e co ntra t, au surplus, ne contient aucun en ga
gem ent personnel des père et m è r e , aucune garantie
de leur part pour les gains stipulés.
Ce mariage n ’a pas eu une long ue durée ; les sieur
et dame Miclielet eurent le malheur de perdre leur
fille unique dans les premiers jours de ventôse an 9.
Elle laissait une fille dans le plus bas âge.
U n mois après le décès de sa f e m m e , et le premier
germinal an 9 , il fut passé un traité entre le sieur
Miclielet et le sieur T a l o n , portant dissolution de la
s iciété contractée entre eux lors du m a r i a g e ; l’a ct if
de la société fut porté à 9,200 francs, ce qui donnait
�1,200 francs de b é n é f i c e , dont moitié revenait au
sieur Talon.
L e traité porte quittance de cette somm e de 600 fr.
de la part du sieur Ta lon , qui reconnaît aussi avoir
reliré de la maison de son b e a u - p è r e , le trousseau,
bardes et nippes de sa f e m m e ; et il est stipulé que
les autres clauses du contrat de m a r i a g e , du 17 plu
viôse an 6 , resteront dans leur force et vigueur.
Il restait un gage de cette u n i o n ; le sieur T a l o n ,
dans les premiers m om en s , avait pris cet enfant auprès
de lui; mais bientôt il lui devint à c h a r g e , lorsqu’il
eut contracté de no uve au x liens ; cependant le sieur
M ic helet était
exact à p a y e r la
rente
q u ’il avait
promise > mais il était dévo ré d ’inquiétude sur le sort
de sa petite f i l l e , dont la santé était chancelan te; il
croyait s’apercevoir que cet enfant était à charge à
une n o uve ll e-é pous e, et ne recevait pas tous les soins
q u ’exigeaient son é t a t , et la faiblesse de sa santé.
O n doit pardonner quelque chose à un aïeul dont
la tendresse est a larm é e, et qui n’a d ’autre consolation,
d ’autre espoir que dans un enfant qui lui tenait lieu
de sa fille chérie : le sieur Ta lon 11e fut pas indulgent ;
1 aigreur s’en m ê la; il y eut des écrits qui alla ie n t jusqu aux injures. On fera grâce au sieur Ta lon de quel
ques lettres, qui ne feraient honneur ni à son style, ni
pe ut -êt re à son cœur; il suffit de dire q u ’il re n v oy a
assez durement cet enfant à son a ïe u l , qui le reçut ave c
bienveillance; que les soins les plus tendres lui furent
�«*•'
(
6
)
prodigués, mais soins inutiles ! l’enfant a succombé à
ses m a u x , et l’aïeul a p a y é tous les frais de maladie
ainsi que les frais funéraires.
Gilber le T a l o n , petite-fille du sieur M i c h e l e t , est
déc édée le 2 décem bre 1809. L e sieur Miclielet avait
jusques-là acquitté la rente des dix seliers de blé : sa
dernière quittance est du i 3 septembre de la m ê m e
année 1809.
L e s fraisde maladie, q u ’il a payé s, se portent, d ’après
les quittances, à i ô o f r . , et les frais funéraires à 8 3 fr.,
ce qui fait la so mme de 243 fr. Il est facile de v o i r ,
d ’après cet a p e r ç a , que le sieur Miclielet est cr éa n
cier de son g e n d r e , quand il pourrait réclamer ce qui
a couru de la rente depuis le 20 a o û t , époqu e de
l ’é c h é a n c e , jusqu’au 2 déc em b re 1809.
Mai s le sieur T alo n a une toute autre id é e , il pense
que celt e rente de dix setiers de b l é , promise pour
tenir lieu d ’alimens, n’est pas éteinte par le décès de
sa fille. Suivant lui, c ’est une rente pe rp étuelle, transmissible, q u e le sieur Miclielet doit lui servir à per
p é tu ité , ou du moins l e s ie u r M i c l i e l e t est te n u de lui
p a y e r la so m m e de 2,000 fr. stipulés pour gain de
survie dans son contrat de mariage.
E n c o n s é q u e n c e , et par acte du 2 3 mai 1 8 1 0 , il
fait notifier son contrat de mariage aux sieur et dame
M i clie le t , avec sommation de satisfaire à la teneur
d’i ç e l u i , e t pa ye r les arrérages échus de la rente de
dix seliers de froment en deniers ou quittances, depuis
�(7)
la date de son con tra t, à en continuer le service et
paiement à l'avenir et à chaque te rm e, sinon et faute
de le fa ir e, il déclare q u ’il se pourvoira à l ’effet d ’ob
tenir une grosse en fo rm e exécutoire de son contrat de
m a r ia g e , pour les y contraindre par les voies légalesj
il se fait aussi réserves de tous autres droits.
On ne voit pas trop pourquoi le sieur T alo n s’adresse
aussi à la dame M i c h e l e t , sa b e l l e - m è r e , qui n’a que
des biens d o ta u x , et n’a contracté auc un e obligation,
du moins v alab le, par le contrat de mariage de sa fille.
L a dot , ou avancement d’hoirie sont la dette du p è r e ,
mais le sieur T a l o n n’a rien voulu-avoir à se reprocher,
et la dam e Michelet a resté en qualité.
Elle a formé , conjointement avec son m ar i, oppo
sition à celte espèce de com m andem en t fait dans une
fo rm e n o u v e ll e , et sans être muni d ’un litre en forme
exécutoire. L e s sieur et dame M ic hel et observent q u’ils
ne devaient rien à leur g e n d re ; que la rente ou pension
par e u x promise à leur fille, n’était qu'en r em p lac e
ment des alimens q u ’ils devaient fournir ; que leur
obligation était éteinte par la mort de leur 1111e et
pe lit e-fïlle.
Sur cet exp osé, une ordonnance en r é f é r é , rendue
à l'hôtel du Pré siden t, le 27 juin 1 8 r o , re n v o y a les
parties à l’au die nce , toutes choses demeurant en état.
L e s poursuites ont été suspendues jusqu’ au i 3 d é
cembre 1 8 1 3 , q u ’il a été rendu ail tribunal civil de
celte ville, un jugeme nt contradictoire, dont il importe
de connaître les motifs et le dispositif.
�(8)
« Considérant que la future seule s’oblige au paie» ment de la somme de 2,000 fr. de gain de su rvie,
» et qu ’ ainsi ses biens seuls actuels 011 à venir y élaient
» affectés ;
» Considérant
q u ’on ne saurait - regarder com m e
» biens acluels de la f u tu re , ni c o m m e une donation
» perpétuelle et transmissible, un objet dont elle a pu
» disposer c o m m e d'un bien actuellement et irrévo» cablement acquis, la simple
obligation contractée
» par ses père et mère de recevoir les ép ou x dans leur
» maison, de les nourrir, chauffer, etc., pendant leur
» cohabitation et celle de leurs enfans;
» . Q u e cette nourriture et ce l o g e m e n t, sansaffecta» lion de capital, sont censés personnels à la future
» et aux enfans à naître, et doivent s’éteindre a vec e u x ;
» Considérant que l’obligation de paye r chaque ann ée
» dix setiers de b l é , obligation conditionnelle, subor» donnée au cas d ’incompatibilité, n’étant que le rem» placement de la nourriture et du l o g e m e n t , n ’eut pas
» d’ autre ca rac tèr e, et ne fut pas d’autre nature que
» celle dont elle devait tenir lieu , le cas a v e n a n t;
» Considérant que la clause de réversion fut, en ce
» p o i n t , sans objet et inconciliable m ê m e avec une
» libéralité q u i , ne dessaisissant le donateur d’aucune
» partie de ses biens , se bornait à des alimens à prendre
» à sa t a b l e , et à participer à une habitation cotn» mune ou bien à une fourniture annuelle de dix
» setiers de blé pour en tenir lieu ; q u ’ainsi on ne saurait
» en inférer rien d ’utile à la cause ;
» En
�» E n ce qui est relat if aux arrérages de la re n t e ,
» attendu q u ’ils sont dus jusqu’au décès de l ’enfant
» T a l o n , et que le sieur Michelet ne fait point d ’offres
» à cet ég ard ;
» L e tribunal jugeant en premier ressort, déclare le
» sieur T a l o n n on -r ec ev ab le dans sa dem an d e, co n» d a m ne le sieur Miclielet à justifier de sa libération
» de ladite rente de dix setiers de blé jusqu’au décès
» de l ’enfant T a l o n , et à pa ye r tous arrérages q u ’il
» pourra devoir sur icelles; com pense, dans ce cas, les
» d é p e n s ; ' e t ' s i toutefois il n’est dû aucuns arrérages,
» co ndam ne le sieur T a l o n en tous les dépens ».
L e sieur T a l o n , qui ne court aucun risque de pe rd re ,
q u i certat de lucro ca p ta n d o , ne se tient pas pour
b a t t u , et veu t épuiser tous les degrés de juridiction; il
rit de sa dé fa ite, et a l'indiscrétion de publier q u ’ il a
la certitude d’être plus h eur eux en la Cour. C ette ja c
tance ne doit pas effrayer; les principes, les motifs les
plus puissans de considération se réunissent e n .f a v e u r
d ’ un père m a l h e u r e u x , qui gém it sur son sort, et doit
plutôt rec ev oi r des consolations q u’ un accroissement
d ’infortune. L e sieur T a l o n devait le sentir, et s u r - tout
s apercevoir q u ’il m anque aux c o n v e n a n c e s , aux égards
q u ’il doit à son b e a u - p è r e , en affichant une prétention
inconsidérée.
Mais il est des personnes qui ne s’occupent et ne
voient que leurs in t é rê t s, et ne se mettent pas en peine
de justifier leurs pr océd és, p o u rv u q u ’ils trouvent leur
3
�profit : si la délicatesse y r é p u g n e , le bénéfice d éd o m
mage.
Le
sieur T a l o n ,
malgré son apparente s é cu r it é ,
obtiendra-t-il la continuation d ’ une rente à pe rp ét uité ,
c o m m e i l l’a dem andée par son exploit d u 2 3 mars 18 10 ?
ou f e r a - t - i l cond am ner son b e a u -p è r e au paiement
d’ une so m m e de 2,000 fr., à laquelle il réduit sa pré
tention en dernière analyse.
Que l est son titre ? un contrat de mariage par lequel
le père de sa f e m m e s’o b l ig e , à titre d ’a va n ce m en t
d ’h o i r i e , de lui fournir des alimens, dans sa m a i s o n ,
o u , pour en tenir l ie u , une rente de dix setiers de blé.
O n ne voit rien jusqu’ici q u ’une convention qui
ne peut avoir plus d ’étendue que la durée du mariage;
ce n ’est pas un avancement d ’hoirie, proprement dit;
il n ’y a aucune transmission de la propriété d ’ un m o
bilier ou d’ un i m m e u b l e , en attendant Fouverture de
la succession.
E n g é n é r a l , un a v a n ce m en t d ’hoirie n ’est autre
chose q u ’u n e r e m i s e anticipée , d ’u n e portion de la
succession q u ’on doit recueillir un jo u r ; l ’enfant qui
la reçoit est tenu de la rapporter lors de l ’ouverture
de la su cc es sio n , et dans la rigueur de l’ancien droit ;
l ’enfant ne pouvait se dispenser du rapport, m ê m e en
renonçant à la succession; tel est l ’avis du savant D u m oulin , sur le § 17 de l ’ancienne co u tu m e de P a ri s ,
n°s. 1 et 4 : n on licet ig itu r hoc casa J ilio
se tenere
a d donalLonem sibi f a c t a m , abslinendo se à succès-
�( II )
sione , secl necesse habet vel adiré vel rem donatani
restituere.
Il faut co n ven ir que l’opinion de ce jurisconsulte,
qui faisait loi de son t e m s , ne fut pas suivie dans la
jurisprudence. On pensa générale ment que le fils p o u
vait conserver l ’objet donné en a v a n ce m en t d ’hoirie,
en re n on ç ant, sauf le retranchement pour les légitimes.
Mais dans quel cas? lorsque l ’avan ce men t d ’hoirie con
sistait en un corps ce rta in; q u ’il y avait transmission
réelle ou d’ un mobilier ou d ’un immeuble.
Il n’en est pas de m ê m e lorsque l’avanc emen t d’hoirie
ne consiste q u ’en un simple reven u , une pension ,
une prestation annuelle ; ce re v enu n’est alors q u ’ une
provision alimentaire pour aider l ’ un-des é p o u x à sup
porter les charges du mariage; et l’obligation s’étein t
par le décès de l ’ép o u x auquel elle a été promise. C ’ est
ce q u i a été jugé bien fo rm e l le m e n t , et en th ès e, lors
d ’ un arrêt de la C o u r , du 24 mai 18 08, rendu sur les
conclusions de M. le Président B o n a rm e s , qui rempla
çait M. le Procureur général. E n voici l’espèce.
L e s sieur et dame Pé rig and de R o c l ie n e u v e avaient
marié leur fille unique a v e c le sieur B o n h o m m e - L a jaumont. Par ce co nt ra t, du 27 messidor an 3 , il fut
con venu que les futurs feraient leur dem eure et rési
dence en la maison et compagnie de leur père et m è re ,
qui s’ obligèrent de les nourrir. E n cas d’incom p ali bilité , ils s’obligèrent de donner aux fu tu rs, le jour de
leur s o r t i e , la jouissance de la maison qui était alors
4
�(
12
)
occ up ée par le frère du sieur R o c h e n e u v e , a vec les
meubles énoncés au contrat , et de leur p a y e r , pour
ch aq ue a n n é e , de quartier en quartier, et par a v a n c e ,
à co m p t er du jour de leur sortie, une so m m e de 1,200
f ra nc s, et la quantité de i 5 seliers de blé-seigle.
L e s futurs se font ensuite respec tivement donation
de l’entier usufruit des biens qui se trouveront appar
tenir au p r e m ie r mourant lors de son décès.
L a demoiselle Périgaud est morte sans pos térité5 ses
père et mère lui survivent.
L e sieur L a ja u m o n t fait sommation à son beau-père
de lui p a y e r les arrérages de sa pens ion, depuis sa
sortie de leur m a i s o n , et dem ande , c o m m e le sieur
T a l o n , la continuation de la rente pendant sa v i e ,
c o m m e usufruitier des biens de sa femme.
L a j a u m o n t , c o m m e T a l o n , prétendait que cette
rente était un av a n ce m en t d’hoirie transmissible, qui
avait saisi du m o m e n t m ê m e la d a m e , leur f i l l e , et
dont le mari devait jouir à titre d’ usufruitier pendant
sa vie.
L e sieur R o c h e n e u v e répondait q u ’il n’avait rien
d o n n é ; q ue la rente stipulée par le contrat de sa
f i l l e , n’était
q u ’en
remplacement de la nourriture
q u ’il sréiait obligé de f o u rn i r; mais que ce lte obli
gation s’éteignait
par le prédécès de sa f ille, q u i ,
n ’aya n t pas s u c c é d é , n avait pu rien tr ansmetlie a
son époux.
1 ^ tribunal civil avait déclaré I i ü j a u m o n t non r e -
�c e v a b l e , et n’avait m ê m e donné aucun effet au c o m
mandement pour les arrérages échus avant le décès
de la dame Lajaurnont.
L ’arrêt de la C our rectifie le ju gem ent à cet égard;
mais « en ce qui louche les arrérages de la pension
« réclamée par L a ja u r n o n t , pour le tems postérieur
« au décès de sa f e m m e , et pour l ’a v e n i r pendant
« la dur ée de la vie du m ar i;
« A t ten d u qne la pension et jouissance convenues
« par le contrat de mariage du 27
messidor an 3 ,
« en cas d ’incompatibilité, n’ont été assurées q u ’en
« remplaceme nt de la nourriture et du logement que
« les père et m ère s’étaient obligés de fournir aux
« deux é p o u x dans leur propre maison ;
« A t te n d u
que
ces
conventions
ne
doivent pas
« avoir plus d ’étendue que la durée du m a r i a g e , et
« se sont éteintes par le décès de la dame Lajaurnont ;
» A tte ndu que les ép oux ne se sont fait par leur
« contrat de m ar iage , d ’autre donation
en usufruit
« que des biens q u ’ils auraient au m om ent de leur
« décès ;
« Atte ndu que la dam e Lajaurnont n’en avait aucun
« a 1 instant de sa mort , arrivée avant q u ’elle eût
« recueilli auc un e
succession ; que tout, son r ev en u
« consistait dans une pension qui lui avait été assurée
« accidentellement en cas d ’inc ompatibilité, pension
« qui a été anéantie
par sa m o r t , et qui ne peut
« pas revivre au profit du m a r i , en contemplation
�cc duquel elle n a v a it pas été stip u lé e, et qui n ’avait
« uni quement lieu que pour soutenir les charges du
c< m ar ia ge ;
« L a C o u r confirme quant à ce , elc. ».
Q u e le sieur T a l o n lise et q u ’il se juge : peut-il y
avoir
d ’espèce
plus
semblable.
Mirhelet , c o m m e
R o c h e n e u v e , s’oblige de r e c e v o i r les ép ou x à sa c o m
pagnie , de les n ourr ir ; en cas d ’incompalibilité , il
donne
en re m placem ent dix selicrs de froment par
a n n é e ; il ne iîxe
aucun capital; ce
n ’est point en
contem plation de son g e n d r e , «[ju’ il promet de paye r
cette rente ; elle n’a d’autre objet que des alimens ,
des m oyen s de soutenir les charges du mar iage ; donc
l ’obligation ne peut pas avoir plus d ’étendue que la
dur ée du m ar ia ge, et s’est éteinte par le décès de la
da m e Talon.
L a dame T a l o n , c o m m e la dame L a j a u m o n t , n’a
.recueilli auc un e succession, n ’a laissé aucuns b ie n s ;
tout ce q u ’elle avait consistait dans cette rente
de
d ix se t ie rs , qui lui avait été assurée accidentellement,
en cas d ’incompatibilité , et pour
tenir lieu de la
nourriture et du logement.
Cette pension s’est anéantie ave c elle ; ses père et
m è r e n ’ont rien p r o m i s , ne se sont engagés en rien ,
n ’ont garanti aucun des gains. L e sieur T a l o n ne peut
donc avoir aucune action contre eux.
L ’appelant est bien convaincu que la constitution
d’ une simple re n t e , pour le cas d ’inc omp atibilité, doit
�( i5 )
^
cesser a v e c le mariage , mais il voudrait trouver dans
son contrat des clauses qui la rendent transmissible,
011 du moins jusqu’à concurr ence des ga in s ; en co n
séquence , il propose plusieurs objections, i
1.® L a future a dû c o n f o n d r e , dans la c om m un auté
conjugale , une som m e de i o o o francs à prendre sur
sa constitution de d o t , et il ne lui a été constitué
q u ’un trousseau et la rente dont il s’agit ;
2.° Les père et mère de la future ont stipulé la
réversion des
objets par eux constitués, en cas de
décès de t leur fille sans e n f a n s , et des enfans sans
descendans ; il est dit que cette réversion ne pourra
porter atteinte aux gains et avantages acquis au sur
v iv a n t des futurs époux.
Le
sieur T alo n conclut de cette stipulation, q u ’il
existe une transmission réelle et perpétuelle; que cette
rente
survie
constituée est au moins affectée au gain
de
2,000
francs,
et
que
dès-lors le
de
sieur
M ichelet est te nu , pe rso nnellem ent, de lui p a y e r c e ll e
s o m m e , si mieux il n’aime continuer le service de
la rente.
4
C ’est sur-tout ce dernier m o y e n sur lequel le sieur
T a l o n co m pte le plus, car il conviendrait aisément
qu il n en a pus d'autre.
E n ef fet , la première objection est insignifiante et
n ’a aucun fondement ; la confusion que la f e m m e
doit faire pour prendre part à la c o m m un auté , est
u n e confusion
é v e n t u e l l e , qui ne doit
avo ir
lieu
�*(■>&
( 16 )
q u ’aulant que la c o m m u n a u té serait profitable. T o u t
à été terminé à cet ég a r d , et le sieur T a l o n y
a
trouvé un b én éfic e; la société contractée avec son beaupère , a eu un act if de 1,200 francs, dont la moitié
a été reç ue par T a l o n , ainsi q u ’il résulte du traité du
p rem ier germinal an 9. Sur cette som m e de 600 f r . ,
il en revenait celle de 3 oo francs à sa fe m m e c o m m e
c o m m u n e \ on ne lui a rien dem ande a ce sujet ;
mais il est bien évident que la som m e de 1000 francs ne
doit plus être confondue , dès q u’on n’a point eu égard
à la c o m m u n a u t é , et dans tous les cas , ce ll e somme
ne pourrait être prise que sur les biens q u ’aurait re
cueillis la dame T a l o n ,
si elle avait succédé à
pè re et mère ; cette survie
ses
devait avoir lieu dans
l ’ordre de la n a t u r e ; c ’est sur cet aven ir q u ’on a
c o m p t é , puisqu’il n’y a eu a u c u n e autre constitution,
et le sieur T a l o n ne pouvait pas s’y m é p r e n d r e ; il
n ’a dû espérer autre chose que les biens qui pro
viendraient des sieur et dame M i c h e l e t , et que la
d a m e , son é p o u s e , ne pouvait
recueillir q u ’en leur
survivant.
T o u t a été subordonné à cet évé ne m ent ; les père
et mère n ’ont vo ulu se dépouiller de rien : ils ont
promis leur succession et rien de plus. Les conventions
personnelles des é p o u x , les gains q u ’ ils ont stipulés,
n ’ont
eu
d ’autre
base
que
l’espoir
de
succéder;
le prédécès de la fille a tout a n é a n ti ; les disposiiions
sont devenues caduques dès que la iille n’a pu succéder.
M a is
�s.
( i7 )
Mais à quoi b o n celt e clause de re tour , dira le sieur
T a l o n ? Il faut bien lui donner un effet q u e l c o n q u e ;
les père et mère ont manifeste par-là leur inlenlion
de transmettre à leur fille une rente en propriété , pré
cisément pour la garantie des gains, en cas de prédécès.
D o n n e r un effet quelconque à une clause inutile! O n
n ’ en voit pas la nécessité. Il faut d ’ailleurs ne pas o u
blier que le contrat de mariage est de l’an 6 , anté
ri eu r à la publication du C o d e Nap oléon ; on doit se
reporter à l ’anci enne co u tu m e de la p r o v in c e , où les
ascendans ne succédaient pas. T e l l e est la disposition
prohi bilive de l ’art. 2 du tit. 1 2 , qui a été modifié
par l’art. 3 , qui fait succéder les ascendans quant a u x
meubles et acquêts aut rem ent faits et avenus que par
hoirie ou succession ab intestat.
C ette
exclusion
cou tumière de
toute succession
luctueuse avait fait introduire dans tous nos 'contrats
l a clause de réversion au profit des asc en da ns , de tous
les objets par eu x do nn és ; elle était tellement d ’u s a g e,
q u ’on en a v u dans les contrats qui n e contenaient
q u e de simples institutions. E t il n ’est pas étonnant
q u ’on l ’ait insérée dans le contrat de mariage du sieur
Talon.
D ab o rd , sous l ’em p ire de la loi du 1 7 nivôse an 2 ,
la présence des frères faisait cesser le droit de s u c cessibilité des ascendans.
L a clause était nécessaire pour le sieur Talon p ère,
qui constituait à son fils dix septerées de terre en
3
�( i8 )
avan ce m en t d’h o i r i e ; i l est bien certain que si le sieur
T a l o n fils fût mort avant son pè re , ses frères auraient
succédé
pour
l ’imm euble
donné
en
av a n ce m en t
d' hoirie , et le pè re a dû le prévoir.
Il
n ’est pas étonnant alors q u ’on ait stipulé une
réversion g é n é r a l e , tant pou r le père du futur que
pour les père et m ère de la f i l l e , chacun en ce qui
les concerne ; cette clause n ’a pas m êm e
dû être
m é d i t é e , parce q u ’elle ne pouvait nuire à pe rson ne,
quoique surabondante : utile per in u tile non vitiatur.
Elle n’était pas également tout à fait inutile pour
les sieur et dam e M i c l i e l e t , qui avaient constitué à
leu r fille un trousseau évalué à 1,200 fr. en Fan 6 ;
le mari ne gagnait pas
le trousseau ; il fallait une
convention ex presse, ainsi q u ’il a été jug é par p l u
sieurs Arrêts de cassation, parce que toutes C outu m es
étaient abrogées par la loi du 17 nivôse; il est c o n v e n u
par le contrat que le mari le gagnera pour sa survie ;
si le mari était mort
le
p r e m i e r , et q u ’ensuite la
f e m m e eût prédécé dé ses père et m èr e , il fallait
encore les clauses de réversion pour que les père et
m è r e pussent reprendre le trousseau q u ’ils avaie nt
constitué à leur fille; voilà donc un motif pour stipuler
la réversion , s'il n’avait pas été dit que cette ré v er
sion serait sans préjudice des gain s, le retour aurait
privé le mari survivant du trousseau malgré la co n
vention , à raison du prédécès de la
c a s , les choses retournnt
fille; dans ce
leur p r em ier é t a t , les*
�3^
( i9 )
ascendans reprennent ce qu'ils- ont d o n n é , franc et
q u i t t e , indé pe nda m men t de toutes stipulations p e r
sonnelles entre les ép ou x ; il a donc fallu dire encore
pour ce trousseau , que la réversion serait sans p r é
judice des gains. P a r conséquent , la stipulation du
retour est justifiée par cela seul q u ’elle a un o b j e t ,
q u ’elle porte sur une constitution
quelconque , sur
une chose donnée par les père et mère.
Mais vou drait-o n encore que c e ll e réversion
sans objet , q u ’il n ’y
fût
eût rien à reprendre par les
ascendans? alors il faudrait dire a ve c les premiers juges,
que cette clause est inconciliable ave c une convention
p r é c é d e n t e , qui ne dessaisissait le donateur d ’aucune
portion de ses biens, qui se bornait ¿1 des aliinens 011 à
une fourniture annuelle de deniers pou r en tenir lieu.
Mais prétendre qu' un e clause de réversion change
la nature et le caractère des dispositions qui précèdent j
q u ’ une rente annuelle ou pension en remplacement de
nourr it u re , devient une propriété transmissible, une
re d e v a n ce perpét uelle, lorsqu’ on convient q u e , sans la
stipulation du retour, elle serait éteinte p a r l a mort de
celle q u i e n fut l ’o b je t, c ’est le comble de l ’a b s u r d i t é ;
c est un système subversif qui ne peut entrer dans une
tête bien organisée.
U n e clause de retour n’est q u ’ une précaution q u ’on
peut prendre sans c o n s é q u e n ce , stipuler sans nécessité,
q u o iq u ’elle soit indispensable, lorsqu’ il y a une dona
tion ; dans ce cas elle a l ’eifet de faire retourner au dona-
�’
(
20
)
teur les objets par lui donnés ; si’l n’y a pas de do
nation, elle devient inu tile, mais ne peut être vicieuse
ni aggraver le sort de celui qui a cru devoir la stipuler.
U n e donation, au contraire, ne se présume pa s, ni
ne peut être t a c i t e , il faut q u ’elle soit expresse; la
fa v eu r des contrats de mariage ne va pas jusqu’à faire
supposer une chose qui n’existe pas. Et pour que le sieur
Ta lo n pût réclamer son gain de su rvi e, il faudrait abso
lu m e n t , ou que le sieur Michelet eût d i t , qu'en cas de
prédécès de sa fille, la rente q u ’il lui constituait serait
le gage des gains promis au su rvivan t, ou qu'au m ê m e
cas il eût promis de garantir ces m êmes gains sur ses
biens personnels.
L o in de tr ouver rien de semblable dans le contrat
de m ar iage , on y voit tout le contraire; on y re m ar
que une intention bien prono nc ée des père et m è r e ,
de ne contracter aucune obligation; ils n ’entendent se
dessaisir de rien ; ils veulent bien avoir leurs enfans
auprès d’e u x , les nourrir et e n tr e te n i r, les l o g e r , etc.;
mais ils ne souscrivent à cette obligation que pour
enga ger leurs enfans à rester à leur compagnie , et s’ils
ne pe uvent com pat ir, ils pourvoie nt à leurs alimens,
mais par le m o yen d ’ une redevance annuelle, subor
donnée à la durée du mariage.
lies autres
conventions
matrimoniales
entre
les
futurs leur sont absolument personnelles : les père et
mère de la future y sont étrangers; ils ne promet lent
à leur tille que leur succession, et rien de plus. P o u r
�( 21 )
lÿ j
avo ir cette succession, il faut survivre a u x instituans;
et les é p o u x devaient l’espérer; mais ce n’est q ue sur
cette fortune à venir que la fe m m e a pu asseoir la
confusion de la c o m m u n a u té , c o m m e le pa iem e nt
des gains ; le mari n'a dû com pter que sur les biens
que sa f e m m e aurait un j o u r ; il a couru la ch ance
du pr édécès, puisque sa f e m m e n ’avait rien d’acquis;
il n’a exigé aucune sûreté, aucune garantie des père
et m è r e ; ce u x -c i n’ont pas voulu en d onn er; ils n’ ont
r i e n pr om is; n ’ont rien affecté : c ’était un hasard à
courir. L e sieur T a l o n avait toutes les chances dans
l ’ordre de la nature ; il s’en est contenté ; il a tout mis
au hasard ; le sort lui a été contraire , puisque sa f e m m e
n ’a recueilli aucune succession : c ’est un malheur pour
l u i ; c'est une consolation pour les père et m ère de
n ’être pas dépouillés de leur v i v a n t , pour enrichir un
gendre qui leur devient étranger, et qui a trouvé un dé
d o m m a g e m e n t à ses peines dans les bras d’ une seconde
épouse.
Quelle différence dans leur deslinée! L e sieur T a l o n
a tout réparé par un nouvel établissement. Ri en ne
peut remplacer dans le cœur d ’ un père et d ’une m ère
1 enfant q u ’ils ont perdu. Faudrait-il encore que la
perle de leur fille fût suivie de celle de leur fort u n e?
que les recherches continuelles, les vexations odieuses
d’ un gendre leur rappellent, à chaque instant, leur
m a l h e u r ? Loin de nous une pareille idée! Elle révolte
lout à la fois la n a t u r e , la justice et l’équité.
�( 22 )
Qu e le sieur T a l o n cesse donc de se faire illusion ;
q u ’il abandonne une .prétention odieuse que la déli
catesse re pouss e, que la loi condamne. Q u ’il sache que
toutes les faveurs seront aujourd’hui pour ceux qu'il
a tt a qu e; que loin de trouver dans son contrat une dis
position à son pr ofi t, on chercherait
à l’effacer s’il
pouvait y en exister; que tousles principes s’opposent
¡1 ce q u ’on puisse iaire résulter une obligation tacite
d ’une clause surabondante, dont Feffel est de conserver
au lieu de n u i r e , et qui ne peut jamais aggraver le sort
de ce ux qui Font stipulée.
Il
ne reste plus q u ’un mot à dire sur les arrérages de
la pension, antérieurs au décès de l 'e n f a n t; le^ sieur
T a l o n n ’avait rien demandé à ce su jel, et il est facile
d ’établir la libération du sieur Michelet ; il a toutes ses
quittances jusqu’au 20 août 1809. L ’enfant est décédé
le 2 déc em b re su iv ant; il y aurait donc trois mois et
douz e jours d ’arrérages, qui ne donnent pas le tiers de
la rente : ce serait à peu près trois setiers; mais le sieur
M ich e le t rapporte les quittances des frais de maladie
et d ’en te rrem en t, q u ’il a p a y é s , et qui seraient à la
charge de son gendre : ces objets se portent à 260 fr.;
le sieur M ich e le t est donc créancier au lieu d ’être
débiteur.
E n f i n , le sieur T a l o n a mal à propos compris la dame
Michelet dans ses poursuiles. On a déjà ‘dil que la dame
M ich elet n ’avait que des biens do ta u x ; q u ’elle n ’avait
pu contracter d’engagemens valables pendant le m a -
�.
riage ; que l’avancement d ’hoirie était la dette du p è r e :
le sieur T a l o n est d o n c , dans t ous les cas, non re c e vable contre la dame Michelet.
.
.
Mais cette dernière observation n’est que pour l ’ho n-
neur des règles. On croit avoir démon tré que le sieur
T a l o n a créé une chimère pour la combattre et q u ’il
" •• est absolument sans action contre le sieur •Michelet :
"
’que toutes les conventions de s on contrat sont anéanties
par le prédécès de son épouse,
-
4*
..
Signé- M I C H E L E T .
M .E P A G E S ,
ancien A v o c at.
% . «
*
M. e T A R D I F , A v oué-Licencié.
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A R IO M , de l’imprimerie du Barreau, chez J.-C. SA L L E S .
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Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Michelet, Claude. 1810?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Pagès
Tardif
Subject
The topic of the resource
successions
avancement d'hoirie
rentes
rentes en froment
société de fait
société de commerce
communautés
coutume d'Auvergne
frais de maladie
frais funéraires
jurisprudence
dot
obligation alimentaire
pension de réversion
Description
An account of the resource
Titre complet : Précis pour sieur Claude Michelet et dame Magdeleine Pastier, son épouse, habitans de cette ville de Riom, intimés ; contre le sieur Claude Talon, aussi habitant de cette ville, appelant d'un jugement rendu au tribunal civil de Riom, le 31 décembre 1812.
note manuscrite : « Le jugement a été infirmé par arrêt du 10 mars 1813. Voyez les motifs à la suite du mémoire ».
Table Godemel : Avancement d'hoirie : 2. la constitution, par les père et mère de la future, en avancement d’hoirie d’une rente en grains est la constitution d’un capital de rente et non d’une simple pension viagère. cette constitution est une véritable donation entre vifs qui a saisi les contractants ; ce capital doit être affecté en paiement des gains de survie et autres avantages stipulés en faveur de l’époux survivant par le même contrat de mariage. Si dans le contrat de mariage il y a 1° stipulation de communauté entre les époux, avec déclaration d’un apport déterminé, par la future ; 2° clause de retour au profit des père et mère, constituants, sans préjudice aux gains et avantages stipulés entre les époux ; ces circonstances prouvent que l’intention des constituants était conforme à la convention effective.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de J.-C. Salles (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1810
An 6-1810
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
23 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2213
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53442/BCU_Factums_G2213.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Riom (63300)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
avancement d'hoirie
communautés
coutume d'Auvergne
dot
frais de maladie
frais funéraires
jurisprudence
obligation alimentaire
pension de réversion
rentes
rentes en froment
société de commerce
société de fait
Successions
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https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53444/BCU_Factums_G2215.pdf
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- C harles NOYER
D U S A U V A G E ,J
C h a m b r e s r é u n ie !]
propriétaire, habitant de la ville du Monastier,
département de la H a u te - L o i r e , intimé;
CONTRE
A
nne
-F
rançoise
se disant N O Y E R
D U
9«—xi*^
S A U V A G E , mineure, M . e G A R R O N , avoué
en La C o u r , son curateur ad hoc , appelans d 'u n
jugem ent du tribunal civil du P u y , du 3 o août 1 8 1 0 ;
E t le sieur H o n oré D E B R U S , notaire impérial,
habitant du lieu d 'A lla ira t, commune de Sallette,
défendeur en assistance de cause.
Q U E S T I O N
DÉSAVEU
U
n
D’ E T A T ,
DE PA T E R N ITÉ .
époux infortuné, blessé dans ce qu’il a de plus
cher, se voit obligé de faire au public le récit de ses
malheurs.
*'*'*
~ ,
i
�Dans quelle position cruelle, dans quel embarras se
trouve le sieur Noyer du Sauvage? Comment pourrat-il s’exprimer avec décence sur un sujet aussi vil ?
Il voudrait conserver celte dignité qui convient à la
C o u r ; il craint tout à la fois de parler et de se taire;
mais le silence serail trop dangereux : il lui importe de
dévoiler un mystère d’iniquité, qui a mis le comble
à ses maux.
A bsent, proscrit, dépouillé de ses biens, au moment
où il retrouve une patrie, il apprend que son épouse
s’est livrée, pendant son absence, aux désordres les
p l u s criminels, à tout ce que la débauche et la crapule
peuvent présenter de plus lionleux el de plus avilissant.
Cette femme adultère, en proie aux passions les plus
effrénées, ignoble dans ses caprices, dépravée dans ses
goûls, a lié son sort à celui d’ un vil scélérat qui a
trouvé sur l’échafaud la peine de ses crimes.
Elle est devenue mère : quatre enfans sont nés pen
dant l’émigralion du mari, et ces naissances lui oui été
Caillées avec soin.
On lui avait annoncé que cette femme criminelle et
déliontée avait
fait prononcer son divorce ; celle
démarche tendait à diminuer ses peines : au moins
n ’avait-il plus rien de commun avec cet être dégradé
el corrompu.
Mais quel a été son désespoir, lorsque plus éclairé
sur ses malheurs, il a élé convaincu q u ’il n’existait
aucune trace de ce divorce sur les registres publics!
Bientôt il est instruit que quatre euians, nés d un coin-
�( 3 )
merce scandaleux, prétendaient s’élever jusqu’à lui
et se faire reconnaître comme nés de son mariage.
Saisi d’horreur et d ’effroi à cette nouvelle, il s’informe
avec soin, dans la ville qu ’il habite, aux environs, s’il
existe des traces de ces différentes naissances. A force
de recherches, il découvre que cette femme a accou
ché d’un premier enfant à Clermont, et de trois en
la ville de Tournai.
Il oblient les extraits de naissance , et s’empresse
d’user du moyen que lui donne la loi : il désavoue la
paternité.
Il réussit au tribunal du P u y ; le désaveu est accueilli ;
ces enfans de ténèbres, fruits de l’incontinence et du
crime, rentrent dans le néant : il leur est fait défense
de porter un nom auquel ils ne doivent pas prétendre.
Trois d’entr’eux ont eu assez de pudeur pour res
pecter cette décision. L e jugement est aujourd’hui inat
taquable. Une seule, Anne-Françoise, a eu l’audace
d ’interjeter appel en la Cou r, ou plutôt on l’a fait en
son n o m , sans respect pour la morale publique.
L a mère, au moins, n’a pas élevé la voix; accablée
de tous les maux qui sont la suite de la débauche , elle
a fait offrir, sur son lit de douleur, une déclaration qui
put venir au secours d’un époux offensé. L e sieur du
Sauvage a refusé lout ce qui pouvait le rapprocher
de cette senline dégoûtante; il est assez fort de ses
moyens. On n’a jamais prétendu qu5A nne-Francoise
lui appartînt, 011 ne se défend que par des fins de nonrçcevoir; 011 soutient que son désaveu n’a pas été fait
�dans le délai prescrit. On a offert de prouver qu’il con^
naissait l’existence de cet enfant; qu’il était instruit
qu’elle portait son nom depuis long-tems.
Ces assertions audacieuses ont donné lieu à un arrêt
interlocutoire; des enquêtes respectives ont élé faites;
on en examinera le mérite, lorsqu’on aura fait connaîire les faits et les circonstances particulières de la
cause.
F A I T S .
L e sieur N oy e r du Sauvage eut le malheur d’é
pouser la demoiselle Anne-Françoise de V é n y , le 9 jan
vier 1782. Les conventions matrimoniales sont fort
indifférentes dans la cause; cependant il n’est pas inu
tile d’observer que le mari reçut le pouvoir de vendre
et aliéner les biens de sa femme à la charge du rem
ploi en fonds cprtains.
La révolution arriva. L e sieur du Sauvage n’avait
rien à regretter dans son intérieur; il part en 1791.
L e 9 thermidor an 2 , son nom est insciil sur la
liste des émigrés; mais déjà sa femme n ’avait pas
l a i s s é ignorer l’absence de son mari; car on voit que
dès 1 7 9 2 , et ensuite, le 4 mai 1793, elle a présenté
une pétition au directoire du département de la HauleL o i r e , pour obtenir une pension, en sa qualité de
femme du sieur du Sauvage réputé émigré.
C ’est dans le moment le plus orageux, où le gou
vernement d’alors prenait les mesures les plus san
glantes contre ceux qui avaient quitté le sol français,
�( 5 )
que la dame du Sauvage vient elle-même publier
l ’émigralion de son mari!
'<
Elle avait cependant sous les yeux de grands exem
ples! hommage et respect à ces épouses vertueuses
dont le dévouement généreux, le courage éclatant a
sauvé lli o n n e u r , la fortune et la vie de leurs époux!
qui de nous n’a pas été témoin de ces actes d ’hé
roïsme, dans un sexe faible et tim ide, qui bravait
la misère, les supplices et la m o rt , par un attache
ment sans bornes à ses devoirs.
Mais pourquoi rappeler des souvenirs aiïligeans ,
qui feraient verser des larmes sur le sort de ces tendres
victimes! L e sieur du Sauvage n’a-t-il pas assez de
ses peines, et doit-il les aggraver par un contraste aussi
choquant?
Il lui reste encore trop de choses à exprimer; il doit
dir e, en reprenant sa narration, qu ’en l’ an 3, ses c o
héritiers se virent obligés de faire le partage de leurs
biens indivis avec la nation; et que la portion qui lui
revenait fut vendue nationalement.
Dans le mois de messidor de la même année 3 ,
la dame de V é n y , prenant la qualité de femme de
l émigré du Sauvage, attaqua en désistement des tiers
détenteurs qui avaient acquis de son mari des immeu
bles propres à la fe mme, en vertu du pouvoir qu ’elle
lui avait donné par son c o n t r a t de mariage.
Celle demande donna lieu à une discussion sérieuse
qui fut terminée par un jugement du liibunal civil
de Xliom, du 24 messidor an 4 ; on lit dans les faits
�*
•
( S )
insérés au ju g e m e n t , que Jean - Charles du Sau
vage était émigré , et que dès le 17 novembre 1 7 9 2 ,
la dame de V é n y avait présenté une pétition aux
autorités administratives de la Haute-Loire, et obtenu
une provision de 2,000 francs.
Il est souvent question dans ce jugement du sieur
du Sauvage, et toujours avec la qualification d'émi
gré ou réputé émigré.
On doit donc tenir pour constant que le sieur du
Sauvage était absent depuis 1791 : qu ’en 1 7 9 2 , il est
dénoncé comme émigré par sa femme elle-même,
d ’après son indiscrète pétition ; el que le sieur du Sau
vage était encore émigré en l’an 4 , le 24 messidor.
Cette observation ne laisse pas d’être importante
pour les faits qui vont suivre ; car c'est le 19 fructidor
qu’est née A n n e-F ra n ço ise ; et il est curieux de
connaître son acte de naissance 5 on, va le rapporter
fidèlement.
« Aujourd’h u i , 4-e jour complémentaire an 4 , a
« comparu en la maison c o m m u n e , et par-devant
« m o i , officier public soussigné, Charles Blancheton,
«■officier de santé, habitant de cette commune de
« Clermont-Ferrand , qui m’a déclaré, en présence de
« Benoite G u ittard , femme d ’Anguslin R a y m o n d ,
« instituteur, et de Mugdeleine Jouberton, fille de
a L a u re n t, cultivateur, toutes deux majeures, non
« parentes de l’enfant, qu’il a accouché clans la maison
« de lui Blancheton , déclarant, le 19 fructidor der« m er, à trois heures après midi, A n n e T^ém/y épouse
�( 7 )
« de Cliarles-A ugusïin Sauvage, propriétaire, habitant
« ordinairement de la commune de Mouastier, dépar
te tement de la Haute-Loire,
actuellement absent
,
v d’une fille qui m ’a été représentée, et à laquelle
« il a été donné le prénom d’Anne-Françoise^ de tout
« quoi j’ai dressé, etc.»
Voilà donc cette femme V é n y obligée de cacher sa
honte dans une maison de santé destinée à recevoir ces
viles créatures, pour y déposer les fruits de leur incontinence.
La femme V é n y est abandonnée, séquestrée de toute
sa famille, et n’a d’autre ressource que d’aller accou
cher chez un chirurgien; elle a encore assez de
pour ne pas présenter sa fille comme l’enfant
époux; on se garde encore bien de la qualifier
légitime; l ’acte de naissance prouve, constate
pudeur
de son
de fille
même
que le mari était absent. Ainsi il ne peut résulter de
cet acte aucune possession d’état en faveur à 'A n n e Françoise.
La femme V é n y ne quille la maison de santé que
pour se livre ra de nouveaux desoídles; elle fait con
naissance avec un avenliuier, connu sous le nom de
Guine%, et bien loi elle devient féconde; liois actes de
naissance ont élé délivrés au sieur du Sauvage; il est
encore imporlanl de les faire connaître.
L e premier esl du 2 genjiinal an 6 , devant un sieur
Bonnet, membre de radminislration municipale de la
ville de Tournai. Ce même jour, comparaît Jean-Baptisle .Baigne!, accoucheur , domicilié en la même ville,
�section Egalité, « lequel, assisté de Louis Guine%, apo« thicaire, et de Pierre François, officier de santé,
« a déclaré en Cabsence de Chartes- Joseph Guine%}
« absen t pour ses a ÿ a ire s, qu A n n e V é n y , son épouse,
« en légitime m ariage, est accouchée aujourd liui æ
« trois heures du m a l i n , en son domicile, rue du
« C y g n e , d’un e n f a n t femelle, que lui, Jean-Baptisle
« Baignet m’a présenté, et auquel il a donné les prê
te noms de Louise-Antoinette-Joseph ».
L e second est du 23 germinal an 7 , devant Mazure,
officier de l’état civil de la même ville de Tournai. C ’est
Guinez lui-même q u i , assisté de deux témoins,
a
« déclaré qu’Anne-Francoise V é n y esl accouchée hier,
« à onze heures du soir, d ’un enfant m âle, qu’il m’a
« présenté, et auqueliladonné les prénoms de Charles« Isidore, le p è r e et les témoins ont signé, etc. »
L e troisième acte de naissance est ainsi conçu : « Du.
« 6 pluviôse an 11 , acte de naissance de Ju lie Guine%,
« née le 24 brumaire dernier, vers onze heures du
« soir, fille de Charles-Joseph , rentier, domicilié rue
« du Château , et d'A n n e V én y , non m ariés, ainsi que
« l’a d é c la r é , en l ’absence du p ère , Jean -B ap tiste
« Baignet, autre Jean-Baptisfe Baignet, accoucheur;
« le sexe de l’enfant
\ a été reconnu être féminin,' etc. »
L e sieur du Sauvage, comme on peut le penser,
n’avait aucune connaissance de ces laits; il obtient une
surveillance sur la lin de l ’an 9, et revient au lieu de
sa naissance ; mais il ne fut amnistié , en vertu du sénat 11sconsulle du 6 iloréal an 10, que le 8 pluviôse an 1 1* On
se
�( 9 )
se doute bien qu’ une femme coupable n ’a pas osé se
présenter à son époux ; ses parens ou ses amis igno
raient même le lieu de sa résidence; mais on le ras
sure : on lui atteste qu’elle a fait prononcer son divorce
pendant l’émigralion, et que ce divorce a été transcrit
sur les registres publics.
Il reste dans la plus profonde sécurité, voulant sur
tout oublier qu’il fut époux, dès qu’il n'avait plus le
bonheur d’être père : il avait en effet perdu, depuis
long-iems, les deux enfans provenus de son mariage.
Plusieurs années se passent dans cet état de calme,
si nécessaire à un infortuné, qui avait traversé avec
tant de sollicitude et de crainte le tems orageux de la
révolution.
Mais bientôt sa tranquillité est troublée; il n ’entend
d’abord que des propos vagues, qui semblaient le con
cerner, mais qui ne lui étaient pas adressés directement.
Son inquiétude augmente; ilapprend enfin qu’i l n ’existe
pas sur les registres de Iraces du divorce de sa femm e;
qu ’elle a vécu dans le libertinage le plus crapuleux,
et qu’elle a donné le jour à plusieurs enfans. 11 sent
combien il est important pour lui de découvrir ce mys
tère d’iniquité; il veut suivre les traces de la femme
V é n y ; toutes recherches sont i n f r u c t u e u s e s dans le lieu
de son domicile, comme dans les villes voisines; le
hasard lui fait découvrir que la femme V é n y a fait un
long séjour dans la ville de Tournai; il écrit aux auto
rités de celle ville; et le 1 3 mai 1809, il reçoit de l’ad-
joinl de .la mairie de Tournai les trois actes de nais—
3
�V*
( IO )
sance duement en fo r m e , et légalisés, dont on vient
de rendre compte.
Ce n’est pas tout : il est aussi informé qu’il existe
à Clermont un premier enfant, dont on lui a caché la
naissance ; il se fait délivrer l’acte de naissance d 'A n n eFrançoise, qci’on a rapporté en première ligne.
Il prend sur-le-champ son parti. L e i 5 juin 1809)
il fait notifier un acte extrajudiciaire aux quatre enfans
mineurs, et à la femme Vény. Il y expose qu’il a nou
vellement découvert que les liens qui l’avaient uni
avec cette dernière n’avaient pas été légalement rom
pus, ainsi qu’il aurait dû le croire d’après la publicité
et la nature des liaisons q u ’elle avait eues pendant
l’émigralion de son mari; il se réserve de se pourvoir
contr’elle par les voies de droit.
Il ajoute que ne voulant pas laisser dans sa famille
des enfans étrangers, il entend former l'action en dé
saveu de paternité contre ces quatre enfans; il expose
qu’il lui sera facile de prouver que non-seulement il
était, pour cause d’éloignement, dans l’impossibilité
physique de cohabiter avec sa femme pendant le tems
déterminé par l’article 3 12. du Code Napoléon, mais
encore pendant plusieurs années avant ; enfin , parce
qu ’à l’époque de la naissance de ces enfans, et avant, la
femme V é n y vivait publiquement avec tout autre, ce
qui est établi par les actes de naissance, el ce qui le
serait au besoin par d’autres preuves non équivoques.
Il déclare que pour défendre à cette demande en
désaveu de paternité, il se propose de faire nommer
�4 ai
( ”
)
un tuteur aux enfans, en présence de leur mère, et
qu’il va se retirer par-devant le juge de paix de son
domicile, qui doit être, aux termes de l'article 108 du
Code Napo léon, celui de la mère et des enfans.
4 juillet 1809, cédule du juge de paix, pour con
voquer le conseil de famille. L e sieur du Sauvage a
soin d’observer que ses parens ne doivent pas être con
voqués à raison de la nature de sa d em a n d e, et il
indique huit p a r e i l s maternels, habitant tous le dépar
tement du Pu y-d e-D ôm e.
Alors le juge de paix , attendu l’éloignement, et que
le cas requiert célérité, ordonne que huit personnes
par lui indiquées comme voisins ou connus pour avoir
eu des liaisons d’amitié avec la femme V é n y , seront
appelées pour comparaître le lendemain devant l u i ,
à l ’effet de délibérer sur le choix et nomination d’ un
tuteur a d hoc aux quatre enfans mineurs.
L e lendemain, les personnes indiquées par le juge
de paix comparaissent devant l u i , en vertu de sa
cédule et de l’assignation de la veille; le sieur Debrus,
notaire, est nommé tuteur a d hoc aux enfans, et en
accepte la charge.
lie 7 juillet , demande en désaveu de paternité
des quatre enfans, devant le tribunal civil du P u y ,
contre le sieur Debrus, en sa qualité de tuteur. L e
sieur Noyer du Sauvage conclut à ce qu’il soit fait
defense à ces quatre individus de se dire et de prendre
la qualité de ses enfans, aux peines de droit.
4
�( 12 )
Le
ii
juillet, même assignation, et demande ré
pétée contre la femme V é n y.
La femme V é n y ne comparut pas: le tuteur seul
constitua avoué , ce qui donna lieu à un jugement
de jonction contre la femme V é n y , en date du 10
avril 1810.
Il s'éleva quelques discussions sur l’irrégularité de
la procédure; mais le 3 o avril
1 8 1 0 , il fut rendu
un jugement, par lequel le tribunal « Considérant
qu’il résulte des actes de naissance d’Anne-Françoise
Sauvage, Louise-Antoinetle, Joseph Guinez, CharlesIsidore G u in ez, et Julie Guinez, qu’ils sont nés dans
des communes éloignées du domicile du sieur du
Sauvage, en l’absence du sieur du Sauvage , et pen
dant son émigration ;
« Que depuis son retour, Anne V é n y et ses enfans
n ’ont pas cohabité avec lui ;
« Q u ’il parait que le sieur Noyer du Sauvage n’a eu
légalement connaissance de l’existence des enfans de
son épouse que par l’extrait des actes de naissance qui
lui ont été délivrés à Tournai et à Clerm on t, aux mois
de mai et de juin 1809; que sa demande en désaveu
a été formée dans les délais et en observant les formes
prescrites par les articles 3 r 6 et 3 18 du Code Napoléon ;
« Considérant, au fond, qu’il n’est pas disconvenu
que le demandeur fut absent du domicile conjugal, et
n’eût aucun rapport avec sa femme plusieurs années
avant lu naissance de ces enfans; qu’il est même de no
toriété publique que, vers la fin de l’année 1 7 9 3 , la
�( i3 )
femme V é n y avait f a i t , à raison de l'émigration de
son m ari, une déclaration de divorce en la maison com
mune du P a y ‘
« Q u ’on lui a donné, dans le premier des actes
de naissance, le titre de femme légitime de CharlesAugustin Sauvage, ce qui n’est pas le nom du deman
deu r; que dans les autres, on lui a donné le nom de
femme légitime de Charles-Joseph Guinez; qu’aucun
de ces enJans ne peut réclamer ainsi ni son acte de
naissance, ni la possession d'état pour se dire enfant
de Jean-Charles du Noyer du Sauvage ;
« Considérant q u ’à défaut - d’acte de naissance
pour prouver leur filiation avec le demandeur, on
n ’établit pas la possession constante de Tétat d ’enfant
légitime; qu ’on n’offre pas môme de prouver que le
demandeur ail reconnu cesenfans; qu’il lésait jamais
traitéscomme les siens; qu’il eût pourvu en cette qualité
à leur éducation, entretien ou établissement ; ni même
qu’ils aient jamais été reconnus dans la société ou dans
sa famille pour ses enfans;
« Considérant
q u ’il ne peut y avoii» lieu à faire
transcrire le jugement qui prononce sur le désaveu
des enfans, en marge des regislies de l’étal civil,
que lorsqu’ils sont inscrits sous le nom du père qui
les désavoue; que leur acte de naissance les aililie à
une famille qui n’esl pas la leur; et qu’aucun des enfans ne sont inscrits sur les registres, comme enfans
de Jean-Charles du N o y e r ;
« Par ces motifs, statuant sur la demande en désa
�( i4 )
ve u de Jean-Charles du Noyer du Sauvage, donne
défaut conlre la dame V é n y comparante, et demeu
rant le défaut joint à la demande
principale, par
le jugement du 10 avril 1810 , signifié par l’huissier
commis le 10 mai suivant; sans s'arrêter à choses
déduites par le tuteur des enfans désavoués , déclare
l a d e m a n d e régulière en la forme et b i e n poursuivie;
et y faisant droit, prononce qu ’Anne-Françoise Sau
vage , Louise-Antoinette, Joseph G u i n e z , CharlesIsidore G u in e z , et Julie Guinez ne sont pas les
enfans d e J e a n - C h a r l e s du Noyer du Sauvage; leur
fait défenses, en conséquence, de prendre son nom
à l’avenir, et de se dire nés de son mariage avec
Anne-Françoise V é n y , sous les peines de droit; pro
nonce n’y avoir lieu d’ordonner la mention du présent
jugement en marge des registres de l’état civil des
villes de Clermont et de Tournai, attendu que les en
fans n’y
sont pas inscrits comme enfans de Jean-
Charles du Noy er du Sauvage; déclare le jugement
commun avec la dame V é n y de Villemont et la con
damne aux dépens, etc. »
Ce jugement a été signifié au üiteur et à la femme
Vény. Cette dernière ainsi que les enfans Guinez ont
gardé le silence. A nne-Françoise seule a d ’abord in
terjeté a p p e l ,
m ais
ensuite elle a prétendu que sa
défense avait été absolument négligée par celui qui
avait été nommé son tuteur; elle a cru devoir pré
senter une requête en la C o u r , pour demander la
nomination d ’un nouveau c u r a t e u r , à 1’eflet de pou-
�( i5 )
4® *
voir, sous son autorisation, faire appel du jugement
rendu par le tribunal du P u y , le 10 avril 1810.
Sur celte requête non communiquée, il a été rendu
un arrêt, le 11 mai 1 8 1 1 , portant nomination de
M . e Garron, avoué en la Cou r, pouriCuraleur d'A nn e*
Françoise,* et M.e Garron, tant en son nom de curateur
qu’en celui d’Anne-Francoise, a interjeté un nouvel
appel le 14 du même mois de mai.
Cette nomination de curateur sur simple requête
est elle régulière? Cette forme paraît inusitée, et n ’est
autorisée par aucune loi. L e Code Napoléon n’indique
qu’un seul mode pour la nomination des tuteurs ou
curateurs, et c’est par la voie d’ un conseil de famille.
L e sieur du Sauvage qui ne met pas autrement d’im
portance aux discussions de forme, a cependant cru
devoir insister sur la nullité de cette nomination.
D ’un autre côlé , A n n e Françoise a aussi prétendu
que les procès verbaux du conseil de famille, des 4
et 5 juillet 1809, étaient irréguliers. Suivant elle, lë
conseil de famille devait être composé de pareils pa
ternels el maternels, el elle n’a pas voulu faire attention
qu’il était déplacé de iaire comparaître des parers du
sieur du Sauvage, d’après la nature de sa demande;
que c était dans l’intérêt même de ¡’appelante que
l ’observation avait été faite; et que les païens mater
nels étant à une plus grande distance que celle déter
minée par la loi, devait être remplacés par des amis
ou voisins.
Au surplus, ces questions de forme sont encore
�f
( 16 )
intactes; elles sont soumises à la Cour qui les appréciera
dans sa sagesse, et elles ne doivent pas retarder la dis
cussion du fond.
L e sieur du Sauvage a désavoué ces quatre enfans,
en se fondant sur l’article 3 16 du Code Napoléon,
dernier §. Les naissances lui avaient été ca il lées;
les enfans avaient été conçus et nés pendant son émi
gration, l o r s q u ’il y avait impossibilité physique de co
habitation entre les époux. Rien de mieux prouvé
que son absence, par une série d’actes qui émanent
tous de la femme V é n y , en 1 7 9 2 , 1 7 9 3 , an 3 , an
4 et an 5 . Et la cause portée en l’audience solennelle
de la Cou r, le 5 août dernier, l’évidence de sa de
mande fut portée à un si haut d e g r é , que l’ap
pelante ne parvint à en arrêter la manifestation qu’en
offrant des preuves qui tendaient à établir, i.° que
le sieur du Sauvage, après sa rentrée dans son domi
cile, et notamment en l’an 10, était venu chez la dame
Demariolles, où il avait vu rappelante, l'avait reconnue
0
et considérée comme fille de son épouse ; 2 que l’appelanle était connue sous le nom d'.Antie du Sauvage j
3.° qu’elle était ainsi nommée dans la pension où elle
était envoyée par la dame Demariolles, et dans laquelle
pension le sieur du Sauvage avait vu et reconnu l’ap
pelante comme il l ’avait fait dans la maison de la dame
Demariolles; 4.0 enfin, que le sieur du Sauvage avait
dit plusieurs fois que l’appelante ressemblait à la femme
V é n y , sa mère.
L a Cour qui met toujours la plus grande maturité
dans
�4*7
( 17 )
dans ses décisions, rendit, le même jour 5 août 1 8 1 2 ,
un arrêt interlocutoire, par lequel, en réservant res
pectivement les fins, elle ordonna, avant faire droit,
que l’appelante ferait preuve par témoins : que plus
de deux ans avant la demande en désaveu de paternité,
formée par le sieur du Sauvage, il était venu après sa
rentrée en son domicile, et notamment en l’an 10,
chez la dame Demariolles 5 qu’il y avait vu A n n e Françoise, et l'avait teconriue pour êfre la fille de sa
f e m m e ; 2 ° qu ’elle élait connue de lui sous Le nom
d ’ A nna-Françoise du, Sauvage; 3 .° qu'en sa présence
de lui du Sauvage, et dans la pension où élait élevée
l ’appelante, elle a été ainsi appelée et dénom mée, et
qu ’il l’y a reconnue comme fille de sa f e m m e , sauf
au sieur du Sauvage la preuve contraire dans le
même délai.
En exécution de cet arrêt, les parties ont respec
tivement enquêté. Il est indispensable de faire con
naître ces enquêles à la Cour.
Le
premier témoin de l’enquête directe est M.
Gauthier, juge au tribunal civil de Clermont. Il ne
sait rien des faits consignés dans l'interlocutoire; il
se rappelle néanmoins avoir entendu dire chez la dame
Lacaussade, que M. Noy er du S a u v a g e était dans l’in
tention de se pourvoir eu désaveu de paternité des
enfans que sa femme avait pu avoir pendant le teins
de son émigration : il ne peut préciser l ’époque où ce
propos a été tenu, ni par qui il l a été.
L e second témoin est lu dume Lacaussade, femme
�François:
• > / elle ne sait absolument rien des faits inlerloqués.
*•
L e troisième, Victoire Vignau , femme de Pierre
Vignau , limonadier à C l e r m o n l , dépose qu'il y a
environ sept ans, autant qu’elle peut s’en rappeler,
ayant à dîner chez elle le sieur du Sauvage, le sieur
Cellier et le sieur Gervis , dans le cours de ce dîner ,
le sieur du S a u v a g e , parlant de son épouse, dit qu’il
lui serait facile de rentrer dans ses biens, mais pour
ses enfans qu'il ne les reconnaîtrait jamais, et que
c ’était ce qui l’empêchait de poursuivre la rentrée
de ses biens.
L e quatrième témoin, Victor Cellier, un des con
vives dont parle la femm e Vignau , dépose ne rien
savoir des faits interloqués, si ce n’est qu ’il y a environ,
sept ans, étant à dîner chez la dame Vignau avec le
sieur du Sauvage et le sieur Gervis, le sieur du Sauvage ,
parlant de sa malheureuse situation à l’égard de son
épouse, dit qu’ils avaient eu deux enfans qui n’exis
taient plus, niais que depuis son émigration, il en
était survenu d’autres, qui n ’ é l u i e n t pas de l u i;
que le déclarant ayant cherché à le réconcilier avec
sa f e m m e , par des voies de douceur, il n’avait pu y
parvenir; qu’au contraire, le sieur du Sauvage avait
formellement déclaré qu’il ne reconnaîtrait jamais ces
enfans, et qu ’il ne verrait pas sa femm e; qu’il savait
qu’ il y avait un de ces enfans chez la dame Demariolles, sa belle sœur, mais qu’il ne le r e c o n n a i s s a i t
pas pour le sien.
�( *9 )
L e cinquième témoin* Jean-Baptisfe Giron , dépose
qu’il connaît depuis long-tems le sieur du Sauvage ;
qu’il a tenu sur les fonds baptismaux un enfant à lui
déposant avec la dame Demariolles, sa belle sœur;
qu’en l’an 12* étant allé voir cet enfant, qui était
à l’école secondaire de Pontgibaud, à l’époque de la
distribution des prix de celte année 12 , il y rencontra
le sieur du Sauvage, qu’il n’avait pas vu depuis longtems : il lui témoigna son élonnement de le trouver
en cet endroit. L e sieur du Sauvage lui dit qu’il y éIait
venu exprès pour voir son filleul, fils du déclarant, qu’il
lui était fort atlaclié, et qu’il voulait même le faire son
héritier* à quoi le témoin répondit que cela ne se pouvait
pas, puisqu’il avait des enfans. L e s i e u r du Sauvage ré
pliqua qu’il n’en avait pas, et qu’il n ’en connaissait
point. Lors de cette conversa lion* intervint le sieur
Gauthier de B io sat, ce qui fit que le déclarant ne
poursuivit pas plus loin la conversation.
Ajoute le déposant, qu’à une époque postérieure
à celle qu’il vient de désigner, sans pouvoir la pré
ciser, il lui fui présenté, ou par le sieur du Sauvage* ou
par le sieur D e t e ix , sans pouvoir assurer par lequel
des deux, trois extraits de naissance de trois enfans
de l’épouse du sieur du Sauvage ; dans l’un de ces
extraits était le nom du sieur du Sauvage, comme père
de l’enfanl; dans le second, la paternité était attribuée
au nommé Gu inez; dans le troisième, le père était
déclaré inconnu. Celle époque remonte à-peu-près à
celle où la fille A nne du Sauvage fut retirée des mains
6
�( 20 )
de Guinez, en vertu d’un jugemeut de police correc
tionnelle.
L e témoin interpellé, à la réquisition du sieur du
Sauvage, s’il savait le nom que portait celle fille, lors
qu’elle élait chez la dame Demariolles, a répondu qu’il
ne lui connaissait pas d’autre nom que celui d’A n n a .
L e sixième témoin est le sieur Bernard Vincent. Il
dépose qu’en qualité d’ami, soit du sieur du Sauvage,
soit de la dame Demariolles, il s’est trouvé souvent avec
l’un et avec l’autre, et même avec tous les deux en
semble ; que la dame Demariolles prenait soin, et tenait
auprès d’elle un enfant nommé A n n a - que quelquefois
les personnes de la maison l’appelaient sous le nom de
du Sauvage, mais que la dame Demariolles, publique
m e n t , ne lui donnait d’autre nom que celui d ’A n n a ;
quelquefois, et par inadvertance, elle la nommait par
celui de du Sauvage; néanmoins, lorsque le sieur du
Sauvage allait chez sa be lle-sœ ur, elle avait le plus
grand soin de faire disparaître cet enfant ; et cet enfant
l u i- m ê m e , sans se le faire dire, avait soin de ne pas
se montrer. Le déclarant y a y a n t fuit attention, avait
témoigné son étonnement à la dame Demariolles, qui
lui avait dit qu’elle estimait Irop le sieur du Sauvage,
son beau-frère, pour lui montrer cet enfant; que d ’ail
leurs il n’était pas dans ses principes de lui taire voir
un enfant qu’elle savait n'être pas à lui, quoique pro
venu de sa femme.
L e témoin ajoute à ce sujet, q u ’a y a n t eu p l u s i e u r s
conversations avec le sieur du Sauvage, qui n ’iguo-
�( 21 )
4k \
mit pas l’existence de cet enfant, qu’on lui avait dit
appartenir à sa fe m m e , et être chez la dame D e m a riolles, il lui avait témoigné avoir remarqué cet enfant,
et l’aflectation de se cacher lorsqu’il se montrait. Il le
pria de savoir où la darne du Sauvage s’était accouch ée,
el où l’extrait de naissance pourrait se trouver, et s’il
avait élé fait sous son nom : il voulait même que le
déclarant s'adressât pour cela à la dame Demariolles,
sans le nommer; celui-ci montra de la répugnance sur
ce point, mais il lui offrit de s’acquitter de la commis
sion, s’il voulait trouver bon qu’il le demandât en son
nom à la dame Demariolles. L e sieur du Sauvage ne
voulut point que la commission fût faite ainsi, en con
séquence le déclarant n’en parla pointa la dame D e m a
riolles.
Interpellé sur l’époque de cette conversation, le té
moin n’a su la préciser, néanmoins il a dit qu’elle se
rapportait à l'époque d’un procès que le sieur du Sau
vage oncle avait alors pendant à la Cour.
L e septième témoin est un sieur Esmelin, d’Aigueperse. 11 était fermier de la dame Demariolles ; mais
il dit avoir cessé de l’être depuis cinq ans. 11 dépose
qu il y a environ dix ans, il a connu à Aigtieperse,
une fille à qui on donnait le nom de du Sauvage.
Elle était sous la direction d ’un nommé Guinez, alors
logé dans l’auberge de la veuve Tapon , aujourd’hui
occupée par le nommé Claustre son gendre. Elle y a
ainsi demeuré sous la même direction pendant quatre
à cinq mois. Guinez, qui était un tiès muuuais sujet,
�( 52 )
usant de mauvais procédés envers cet enfant, on fut
obligé de se pourvoir à la police correctionnelle, où
il intervint un jugement à la requête de la dame de
Mariolles, qui remit l’enfant à cette dernière, et con
damna Guinez à un emprisonnement. L e té moin ,
ayant eu plusieurs fois l’occasion de voir M. du Sau
vage , et lui a y a n t parlé de celte fille qu’il croyait
être vraiment la sienne, il lui rappela les mauvais
traifemens exercés sur elle par G u in e z , el la punition
qui avait été infligée à ce dernier par le jugement de
police correctionnelle; à quoi le sieur du Sauvage ne
répondit rien. Suivant le tém oin , l’époque de cette
conversation peut remonter à enlour huit a neuf ans,
autant qu ’il puisse s’en souvenir. Il ajoule avoir vu la
petite fille en question dans la maison de la dame de
Mariolles. On l’appelait alors la petite du Sauvage.
Ce n’est que depuis cinq ans qu’il Ta connue sous le
nom d'A n n a . Enfin les conversations que le témoin
a eues avec le sieur du Sauvage, au sujet de cet e n f a n t ,
ont été tenues h l’auberge de Boyer , et point chez
la dame de Mariolles.
Le
huitième témoin est M. Chas^aing, juge au
•tribunal de Clermont. On a observé à ce témoin qu’il
• avait la confiance générale de la maison Villemont;
qu ’il a été chargé de plusieurs comptes et liquidations
pour cette maison; que même il a contracté plusieurs
eng.'igemcns de garantie envers les acquéreurs de la
dame de Villemont.
Lorsque lé sieur du Sauvage s’est permis do faire
�celte observation à M. Chassaing, il n’avait nullement
l'intention de le blesser. Mais il est du plus grand in
térêt pour lui cl’écarter tous ceux qui pourraient avoir
quelques liaisons avec la seule personne qui ait préparé
celte intrigue, et qui lui a suscité cet incident dans les
intentions les plus hosliles : elle ne les a pas même dis
simulées, et les a présentées à ses créanciers comme
une ressource. Dans ses indiscrètes confidences, et à
raison de la pénurie de ses mo yens, elle croit que si
elle parvenait à faire déclarer cet enfant fille du sieur
du Sauvage, elle aurait à répéter contre lui des pen
sions considérables, qu ’elle promet à ses créanciers.
Il est assez naturel dès-lors que le sieur du Sauvage
suspecle ceux qui ont contracté des engagemens, ou se
sont rendus caillions de la dame Demariolles.
M. Chassaing, il faut en convenir, a répondu avec
franchise : il a dit que cela élail vr ai, dans le tems
qu'il était a v o u é , mais que tous ces faits n’exislent plus
depuis qu ’il est dans la magistrature; que la liquidation
de la dame Demariolles, donl il était chargé comme
avou é , se poursuit aujourd’hui judiciairement, et que
bientôt les engngemens par lui contractés ne subsisteront plus • donc ils existaient au moment de la dépo
sition. La Cour appréciera ces observa lions.
A u surplus, ce témoin dépose qu ’à une époque
donl il n’est pas parfuilernenl mémoralif, le sieur du
Sauvage vint le trouver dans l’ancienne maison qu ’il
occupait alors; il était accompagné du s.r L e v e t ; il était
porteur d ’un eflet de i ?6oo fr, tiré ou endossé par la
�dame Demariolles; il le pria de le faire négocier p a r l e s *
D u m a y , son gendre. Cette négociation ayant été ef
fe ctu ée, occasionna plusieurs visites chez le déposant,
de la part du sieur du Sauvage. Dans une de ces visites,
le déclarant lui demanda s’il était ic i avec la dame son
épouse; sur quoi, le sieur du Sauvage se récria, en
disant qu'il était impossible cfh ibiler avec une femme
aussi immorale, aussi déréglée qu’elle; qu’il n'ignorait
pas que pendant son émigration, elle avait eu deux
ou trois enfans, dont, notamment une fille demeu
rant chez la dame Demariolles, mais qu’il désavouait
tous ces enfans ; qu ’il se proposait même de se
pourvoir en divorce contre sa fem m e, et en désaveu
de paternité contre chacun desdils enfans; qu’ alors
le déclarant lui dit : vous ne voyez donc pas madame
Demariolles votre belle sœur? que le sieur du Sauvage
lui répondit : je la vois quelquefois; je la vois même avec
plaisir; je fais cas de la bonté de son caractère, mais,
par égard pour moi, elle a soin de faire disparaître
1 enfant lorsque j ’entre dans la maison.
Interpellé, à la requête du curateur, sur l’époque de
c e s diverses visites et conversations, le témoin déclare
ne.pas se rappeler de l’époque, que néanmoins c ’était
plusieurs mois avant 1 acquisition desa nouvelle maison,
ce qui remonte à plus de cinq ans ail moins; n’ayant
point actuellement sous les yeu x son contrat d’acqui
sition.
L e neuvième témoin est Gabriel Gervis. Il dépose
qu ?il no sait rien des faits interloqués. Depuis très longterns
�(
2$ )
44J
tems et,antérieurement à l'émigration du sieur du Sau
v a g e , il a eu l’honneur de sa connaissance. Tout ce dont
il se rappelle, ayant rencontré ledit sieur du Sauvage
dans la ville de Germont y il l’engagea à dîner, ce que
le sieur du Sauvage accepta. Il y eut à ce dîner d’autres
convives, notamment lesieur Cellier et la dameVig nau;
mais il ne se rappelle nullement qu’il eût été question
de rien sur celle a fia ire.
L e dixième et dernier témoin est le sieur Claude
Tapon. Ce témoin a été entendu au tribunal de Thiers;
et par une singularité dont on ne peut rendre compte,
le sieur du Sauvage fut assigné pour être présent à
l ’audilion de ce tém oin , le même jour qu’il assistait
à la Cour à l’enquête faile à la requête d'A n n a . Son
avoué de Thiers a cru devoir protester de nullité, et
se réserver tous moyens de récusation.
Quoi qu’il en soit, ce témoin a déposé qu’il a fré
quenté la maison de la dame Demariolles, depuis l’an
7 ou environ jusqu’en 1806, momentanément et par
intervalles; que dans le courant de l’an 10 et années
suivantes, il a eu occasion d y voir, à différentes fois, le
sieur N oy er du Sauvage; que même le sieur du Sau
vage l u i a dit souvent, dans la c o n v e r s a t i o n , que si la
dame de V é n y , son épouse, ne s’élait pas prostituée
au nommé G u in ez, qui a été guillotiné, il se serait
peut-être décidé à faire du bien à A n n a ; qu ’il a eu
pareillement occasion de voir A n n a dans la maison
de madame Demariolles, et c e , depuis entour 14 ans,
qu’il l 'y a toujours vue depuis cet le époque jusqu’au mo
�* H*
( 26 )
ment où elle fut mise en pension, et Ta constamment en^
tendu nommer A n n a , sans autre dénomination. A n n a
appelait madame Demariolles sa tante, et la dame
de V e n y sa mère : à l’égard du sieur du Sauvage, iL
ne lui a jamais dit qu’ A n n a fût la fille de sa fe mm e;
quant à lui déposant, il est bien persuadé qu ’Anna;
est fille de la dame du Sauvage, et il était d’autant
plus fondé à le croire, que c’était là l’opinion publique,
et qu ’A n n a ressemble singulièrement à la femme Veny.
L e témoin observe que lorsque le sieur du Sauvage
venait chez la dame Demariolles, sa belle sœur, Anncu
ne venait pas à table tant que le sieur du Sauvagô
séjournait chez celle d am e, et elle y reparaissait lors
qu ’il était parti; il semblait qu ’on voulût faire en sorle
que le s>ieur du Sauvage ne la vît pas.
On demande au témoin s’il est de sa connaissance
que le sieur du Sauvage .sût qu ’A n n a était l’enfant de
]a dame V é n y son épouse. Il répond que le sieur du
Sauvage 11e lui a pasdit<précisément qu’il le savait, parcequ e , malgré lest soins qu ’on prenait pour empêcher:
A n n a de se rencontrer avec le s i e u r du Sauvage, il
n ’avait pas laissé de la* voir quelquefois, et n’avait pu
faire-autrement que de lui trouver une parfaite res
semblance avec la dame Vény.
Telle est-l'enquête directe faite à larequêt CCA n n e Françoise. On sera sans doute étonné qu ’elle 11’ait
fait assigner aucun témoin qui pût déposer sur le
troisième fait dont l’arrêt delà Cour ordonne la preuve,
fait■
très-important puisqu’il tendait à établir qu eu la
�( 27 )
présence du sieur du Sauvage, e t 'd a n s la pension
à 'A n n a , elle avait été appelée et dénommée A n n a
d u Sauvage, et qu’il l’y avait reconnue comme fille
de sa femme.
L e sieur du Sauvage a remarqué cette lacune; et s’est
déterminé, à raison de ce, à faire uneenquête contraire;
mais il s’est contenté de faire assigner deux seuls té
moins, la dame de Rigaud qui tenait la maison d’é
ducation où a été élevée A n n e-F ra n çoise, et la dame
Decham p.sa coadjutrice. Cette dernière n’a pu com
paraître; mais la dame de Rigaud a été entendue.
Elle dépose que tenant une maison d’éducation de
jeunes demoiselles , conjointement avec la dame Dechamp, il lui fut amené par la dame Dum onlel d ’Ardes,
actuellement décédée, une jeune fille, âgée d ’environ
sept à huit ans, que la dame D umonlel lui dit être
la nièce de la dame Demariolles , et lui être amenée
de sa part ; qu’en effet depuis cette épo que, et pendant
environ deux ans et demi, que cette nièce avait de
meuré com me externe dans sa maison, sa pension a
été payée par la dame Demariolles; mais elle n’était
connue dans la maison que sous le nom d'A n n a , nièce
de la dame Demariolles. Pendant Finlervalle de ces
deux ans et demi, elle *se rappelle que le sieur du
Sauvage est venu une ou deux fois dans la maison ,
tnais que ce n’était que pour voir une jeune veuvo
du P u y , qui y habitait ; il était chïirgé , de la part de
la famille de cette ve u v e , de la voir, et de lui porter do
l ’argent. 11 lui en porta en e lfet, et il n’a jamais étéques-
8
�i W
'M b
( 28 )
tion , de la part du sieur du Sauvage, de demander des
nouvelles de la fille A n n a } qui même ne lui a jamais
été présenlée.
L e sieur du Sauvage a cru devoir rapporter fidè
lement et matériellement la déposilion des témoins,
avant de se permettre aucunes réflexions; il a pensé
q u e , p a r c e m o ye n , on en saisirait mieux l’ensemble,
pour comparer ensuite les faits dont il a été déposé,
avec ceux gisant en preuves.
Dans celle matière, il n’y a rien
d’indifférent; ce
n ’est qu’après la plus mure délibération que la Cour
a resserré les faits dans un cadre étroit, a pesé ceux
qui étaient susceptibles de faire impression ou de
porter la conviction dans les esprits; elle se rappellera
su r-tou t qu’ A nna-Françoise , 011 ceux qui la font
agir, voulait prendre une plus grande latitude, et ne
niellait en avant que des laits vagues et insigniiians;
q u e , malgré ses observations, la Cour maintint son
arrêt, sans vouloir rien ajouter ni retrancher.
Ainsi A n n a avait h prouver t r o i s faits : x°. que plus
de deux ans avant la demande en désaveu de palernilé, et notamment, en l’an 10 , le sieur du Sauvage
est
venu chez la dame Demariolles , qu ’il y a vu
A n n a , et l’a reconnue pour être la tille de sa femme.
11 convient de s'arrêter d’abord sur le premier fait.
L e désaveu de palernilé est du i 5 juin 1809, et
remonte à trois ans et demi.
L e premier témoin a entendu dire, sans se rappeler
�( 39 )
l ’époque , que le sieur du Sauvage voulait se pourvoir
en désaveu de palernilé.
L e second ne sait absolument rien.
L e troisième a ouï dire, il y a environ sept ans, que
le sieur du Sauvage déclara qu’il ne reconnaîtrait j a
mais ces enfans.
L e quatrième tient le même langage : le sieur du
Sauvage savait qu’il y avait un enlant chez la dame
de Mariolles, mais qu’il ne le reconnaîtrait jamais pour
le sien.
L e cinquième a voulu observer au sieur du Sau
vage qu’il avait des enfans; celui-ci lui a répondu
qu’il n'en avait pas. 11 a vu entre les mains du sieur
du Sauvage ou du sieur Deleix trois extraits de nais
sance; il ne sait pas dire lequel des deux, ni préciser
l ’époque.
On sait que ces extraits de naissance n’ont été con
nus et retirés qu’en juin 1809 , el que le.désaveu de
palernilé a eu lieu dans le mois de la découverte.
Ce même témoin n’a connu l’appelante que sous le
nom d 'A n n a .
L a d é p o s i t i o n du s i x i è m e t é m o i n est p l u s é t e n d u e ;
m a i s il d é c l a r é b i e n p o s i t i v e m e n t c | u e lu d a m e R e m a iiolles ne donnait
p u b l i q u e m e n t à cet
enfant
q u e le
n o m d 'A n n a ■e l l e fiii-ail d i s p a r a î t r e c e l l e f i l l e , t o u t e s
les fois q u e le s i e u r d u S a u v a g e e n l r a i t c h e z e l l e ; e l l e
eslimaU t r o p son b e a u - f r è r e p o u r lui m o n t r e r cet e n
f a n t . 11 n’élail pas dans ¿es principes d e l u i faire voir
�un enfant qu’elle savait n’être pas à la i, quoique pro
venu de sa femme.
L e septième témoin a voulu entretenir le sieur du
Sauvage des mauvais traitemens que Gainez, faisait
éprouver à cette fille ; }le sieur du Sauvage ne lui a
rien répondu.
L e huitième dépose que le sieur du Sauvage lui a dit
ne pas ignorer que sa femme avait eu deux ou trois
enfans pendant son émigration, notamment un chez
la dame Demariolles, mais qu ’il désavouait tous ces
.enfans", et se proposait de former la demande en dé
saveu de paternité ; il ajoute aussi que le sieur du Sau
vage lui avait déclaré«, que lorsqu’il se présentait chez
la dame Demariolles, elle avait soin de faire retirer
■cet enfant.
Ce témoin fait remonter cette conversation à cinq
ans ; au moment où il déposait^ la demande en dé
saveu était formée depuis trois ans et quatre mois.
L e neuvième n’a aucune connaissance des faits.
L e d i x i è m e a entendu constamment appeler cette
fille A n n a , san s autre d é n o m i n a t i o n . Lorsque le s.r
du Sauvage arrivait chez la dame Demariolles, on
faisait retirer l’enfant; elle ne se mettait pas à'table.
L e sieur du Sauvage ne 'lui a jamais dit qu’il connût
l'enfant pour être celui'dè sa femme, mais il présume
que le sieur du Sauvage le savait.
lie dernier, la dame de R ig a u d , maîtresse de pe n
sion, atteste que le sieur du Sauvage n’a jamais vu
Anna, chez elle; qu’elle ne lui a jamais été présentée.
�Il n’est donc aucunement proavé qu’en l ’an i o le
sieur du Sauvage a vu A n n a chez la dame D e m a
riolles, et qu’il l’a reconnue pour être la fille de sa
f e m m e ; puisqu’au contraire il est établi que toutes
les fois que le sieur du Sauvage est arrivé chez la>
dame Demariolles , on a fait disparaître l’enfant.
Second fait : E lle était connue de Lui sous le nom
d 'A nna-Françoise du Sauvage. Pour le cou p , il n’y
a pas un seul témoin qui ait déposé de cette circons
tance ; personne ne s’est avisé de dire que le sieur du
Sauvage ait connu ou souffert que celte fille portât son
nom; et la maîtresse de pension apprend même qu’elle
n ’a été présentée chez elle que sous le nom d ' A n n a >
nièce de madame de Mariolles.
L e dixième témoin, celui q u i a é l é entendu à Thiers^
liors'la présence du sieur du Sauvage, n’a jamais en
tendu appeler cel enfant que sous le nom d' A n n a ^
sans autre dénominalion , el ne fait que présumer que
le sieur du Sauvage savait qu ’elle était fille de sa.
fem m e; mais loin de convenir q u ’elle pQijlâl le nom
de du Sauvage, le témoin lui-même le désavoue for
mellement.
Ainsi, c e second fait a donc é t é f a u s s e m e n l a l l é g u é .
Tioi.sieme fail :« Llle a ' é l é ainsi appelée et d é « nommee dans la pension où elle éluit éle vée, en.« présence du sieur du Sauvage, qui l y a reconnue
« comme fille de sa femme. »
Cette assertion a été completlement désavouée par,,
la maîtresse de pension qui a élevé A n n a : le ’ sieur
�du Sauvage ne l’y a jamais vue; elle ne lui a jamais
été présentée; le sieur du Sauvage n’esi venu à la
pension que pour porter de l’argent à une jeune veuve
du P u y ; aucun des autres témoins n’a déposé sur ce
fait si important : cependant la lilie A n n a , lors de l’arrêt
d e l à Cou r, s’appesantit sur cet te circonstance dans ses
conclusions, d ’une manière tellement précise, qu ’elle
détermina peut-être l ’interlocutoire.
Quel peut être l’espoir de celle fille audacieuse?
A -t-e lle satisfait-à l’arrêt d e ' l a C o u r ? Osera-t elle
espérer de porter un nom qui ne lui appartient pas?
Sans doute elle voudra entreprendre de discuter le
fo n d , en s’appuyant sur une disposition d’ usage , con
signée dans l’arrêt de la C o u r , « Sans préjudice des
’fins qui demeurent respectivement réservées ». Il
faut donc 'la suivre dans ce dernier retranchement.
« On ne croit cependant pas devoir s’occuper des
moyens Qu’elle a proposés en la forme ; et ce n’est
pas sérieusénient qu’elle a 1 prétendu !que le conseil!
de famille 'devait' être composé de parens du sieur
dti Sauvage et de ses parens d’elle A n n a . Malgré*
leur éloignement, « la femme mariée n’a poinf d’autre
« domicile que'celui de son mari :1e mineur émam ip é
«ra-soh dbmicile chez ses père el mère (art. 108, Code
« N a p o l é o n *
1“
' ■
*
*« iMi’sque lés parens ou alliés se trouvent à la dis—
« lance de plus de deux myriamèlres, le juge de paix
«’’ pèiit Appeler', pour Composer le conseil do famille,
«■'danslncommuncofi la tutelle est ouverte, des citoyens
* connus
�( 33 )
« connus pour avoir eu des relations habituelles cî’a« mi lié avec le père ou la mère du mineur ( art. 4 ° 9 ?
« Code Napoléon ). »
Il répugnerait au bon sens et à la raison, que celui
qui désavoue la paternité, fît appeler ses parens au
conseil; ce serait une contradiction évidente avec la
demande; en soutenant qu’il n’est pas le père, il sou
tient aussi que les enfans désavoués n ’ont aucun lien
avec sa famille.
Mais si ces moyens sont ridicules, en est-il de même
de la procédure singulière, inusitée, qu’a tenue la fille
A n n a ? Pouvait-elle se débarrasser à son gré du tuteur
qui lui avait été nom mé? P o u v a it - e lle , par un arrêt
sur req uête, non communiqué, substituer un curateur
de son choix à ce tuteur légal?
To ute tutelle doit être déférée par un conseil de
famille , lorsque le père et la mère sont dans l’in
capacité de l’être ( Art. 405 C. N. ). C ’est encore un
conseil de famille qui doit nommer un curateur au
mineur émancipé ( Art. 478 C. N. ). L a loi n’admet
aucune nomination sur requête. Elle a dérogé à cet
usage de l'ancienne procédure ; et il ne paraît pas
douteux que M . e Garron a été i r r é g u l i è r e m e n t nommé
curateur ; que l'appel est n u l el i r r é g u l i e r . L a Cour
appréciera ce m o y e n , sur lequel le sieur du Sauvage
insiste pour l’honneur des rc^gles; mais il n ’y donnera
pas d’aulres* développemeus.
Il
serait encore assez inulile d’examiner la question
d’éiat en elle-même; mais le sieur N oyer du Sauvage
9
�( 34 )
ne doit rien négliger dans une cause d’un aussi grand
in té rê t, quelque humiliation qu’il éprouve. Combien il
est cruel de se voir forcé de dévoiler la honte d’une
femme immorale, qui lui a porté un coup si funeste!
Son nme est flétrie, il ne peut plus espérer de bonheur;
des souvenirs déchirans fatiguent sans cesse son esprit
et son cœur.
Eh quoi! il était né bon, généreux et sensible; il
adorait son épouse, elle fut infidèle et perfide! Il désirait
d’être père! Ces liens touclians qui semblent perpétuer
notre existence; ces rapports aimables, d'où naissent
les charmes les plus doux, ne sont pas faits pour lui ! 11
fut père un instant, il est vrai! mais ses enfans ont
vécu! et lorsqu’il revient dans son domicile, lorsqu’il
a recouvré une patrie , que va-t-il apprendre— ? Mais
jetons un voile sur un tableau aussi dégoûtant, où le
vice est toujours en action sous les traits les plus hideux.
Ledésaveu delà paternité est sans doute une demande
pénible, elle excite la curiosité publique, elle met en
évidence celui qui est forcé d’en intenter l’aclion. C e
pendant c ’est un remède salutaire, et la loi, dans tous
les lems, a oflert ce motif de consolation à un époux
outragé.
lia célèbre maxime décrétée depuis plus de deux
mille ans * patcr est is queni clemonstrant nuptiœ , rece
vait aussi ses exceptions dans le droit romain. Plusieurs
docteurs avaient déjà remarqué que cette règle n’était
point placée parmi les texles du droit, qui parlent de
l’état des h o m m e s , puisqu’elle est tiiéc de la loi £>, iï. de
�4V
(35)
in ju s vocando; mais on trouve une exception dans la
loi fiLLam, ff. his qui su i vel alieni ju r is surit: celle loi
dit expressément que le mari n’est point tenu de reconnaîlre un enfant donl sa femme accoucherait pendant
une longue absence du mari d’avec sa femme : J îliu m
euni d ejîn in m s, qui ex viro et uxore ejus nascitur. Sed
siJ in garnit s abfuisse m arltum , çerbi gratiâ per decennuim reversum annicuium invertisse in dom osua, pLacet
nobis J u tia n i sententia hune non esse m a ritijîh u m . L a
loi prend pour exemple un enfant d ’un an , annicuium ,
après dix ans d’absence, mais elle n ’en est pas moins
générale et absolue, toutes les fois qu’il y a eu impos
sibilité physique de cohabitation : tous les docleurs,
dans ce cas, s’accordent à décider que l’enfant n’apparlienl pas au mari. C ’est la doctrine de l’avocat
général Talon, lors d’un arrêt du 16 janvier 16 6 4,
rapporté au Journal des Audiences, tom. 2 ; de Cocliin ,
dans la cause de la demoiselle Ferrand , quoiqu’il
plaidât dans un intérêt opposé; de M M . Daguesseau,
Séguier, et de tous les jurisconsulles.
L ’absence du sieur du Sauvage a duré dix ans. Il
est parti en janvier 1 7 9 1 , il n’est rentré q u ’à la fin de
1801. H n’y a pas de doute sur celle absence, le lableau
de proscription, celle liste fatale est là pour l’établir.
L a peine do mort prononcée contre les émigrés qui
rentraient ; les perquisitions cruelles et si souvent renou
velées contre le petit nombre de ceux qui ont essayé
de franchir les barrières, et qui ont été viclimes de leur
té m é r ilé , prouvent encore l'impossibilité du retour du
10
�sieur du Sauvage, jusqu’à la reslauraiion du gouver
nement; une série d’acles continuels et indiscrets de la
femme V é n y , en 1 7 9 2 , en 1793, en l’an 3 , où elle
a loujours pris la qualité de femme de l’émigré du
Sauvage; son autorisation en justice pour poursuivre
les acquéreurs de son mari; une procédure qui a duré
contre eux jusqu'en messidor an 4; le traité qui Ta
suivie; le partage de la successien de sa mère, fait en
l ’an 4 , toujours en l’absence de son mari, sont des
preuves irrésistibles de l’impossibilité de la cohabita
tion; et lorsqu’il est notoire q u e , pendant tout cet in
tervalle, la femme V é n y vivait publiquement avec tout
autre; qu’elle s’est dite femme Guùie%; a fait baptiser
un de ses enfans comme enfant légitime de ce misé
rable, ne trouve-t-on pas, dans cette horrible dépra
vation , de quoi convaincre les plus incrédules? On ne
peut pas résister à l’évidence.
Ainsi, dans l’ancien ordre, la sévérité des lois, la
rigueur des magistrats n’eussent pas été un obstacle h
la réclamation du sieur du Sauvage : il eût repoussé avec
succès ces enfans de ténèbres. N ’a-t-il pas encore plus
d’avonlage dans la nouvelle législation?
lie Code Napoléon, art. 3 12, a admis, comme dans
l’ancien droit, la maxime pater e s t, etc. « L ’enfant
« conçu pendant le mariage a pour père le mari ; néan« moins celui-ci pourra désavouer l’en fan I , s’il prouve
« que pendant le tems qui a couru, depuis le troiscen« tième jusqu’au cent quatre-vingtième jour avant la
« naissance de cet e n f a n t , il é t a it , soit pour cause
�4S J
( 37 )
« d’éloignëmenl, soit par l’efïet'de quelqu’accident,
« dans l'impossibilité physique de cohabiter avec sa
« femme ».
Voilà déjà une grande modification à la rigueur des
.anciens principes : il ne faut plus une absence aussi
longue que celle prise pour exemple dans la loi JiUutn.
L e législateur, en admettant la présomption du ma
riage pour fixer la paternité, a vu qu’il se mettrait en
opposition avec les premiers élémens du droit et de
le raison, s’il faisait prévaloir une présomption à une
preuve positive, ou à une présomplion plus forte. A u
lieu de soutenir la dignité du mariage, on l'avilirait,
on le rendrait odieux, s’il servait de prétexte à légilimer un enfant qui, aux ye u x du public convaincu
par des circonstances décisives, n’appartiendrait point
au mariage.
C'est ainsi que s'exprimait l’orateur du gouverne
m ent, lorsque la loi fut présentée.
L e mari qui se voit obligé de désavouer un enfant,
n ’est-il pas déjà trop malheureux? Comment penser
qu’il se porte à une démarche aussi scandaleuse, s'il
était véritablement père ? La nature a m a r q u é en
caractères inefîaçables les traits de la paternité; elle a
rempli le cœur des pères et mères et celui des enfans
des sentimens de tendresse les plus profonds et les plus
éclalans. El comment croire qu’un père étouffe tous
lessentimensde la nature! Comment croire qu’il allume
dans sa main les lorches de la discorde, et qu’au dehors
il se dévoue à l'humiliation, s’il n’est pas dans la con-
*<+
�\u >
( 38 )
viclion intime que l’enfant n’est point né de son ma
riage. Ce sont encore les termes dont se servait l’orateur
• du gouvernement.
L e sieur du Sauvage a le droit de se placer dans
l ’espèce prévue par le législateur; il n’est que trop
certain pour lui, que la dignité du mariage est avilie:
il en appelle au public, à tous ceux qui ont eu des rela
tions avec sa famille; à tous ceux qui connaissent la
femm e Vény. Ne sont-ils pas convaincus, par les cir
constances les plus décisives, que l’enfant désavoué
n ’appartient pas au mariage?
Mais il ne s’agit pas ici d’une naissance tardive ou
prématurée, prévue par l’article 3 i 2 du Code. Aux
termes de l’article suivant, le désaveu est admis lorsque
la naissance de l’enlanl a été cachée au mari; et suivant
l ’article 3 i 6 , le désaveu doit avoir lieu dans le mois,
si le mari se trouve sur les lieux de la naissance de
l ’enfant; dans les deux mois après son retour, si, à la
m êm e époque, il est absent ; dans les deux mois après
la découverte de la fra u d e , si 011 lui avait caché la
naissance de l ’e n f a n t .
L a naissance d’ Anne-Francoise a-t-elle élé cachée
au sieur du Sauvage ?
A quelle époque a-t-il découvert la fraude?
A - t - i l formé sa demande en désaveu dans le délai
prescrit par la loi ?
Si le gieur du Sauvage établit ces trois propositions,
il aura rempli sa tache. Anne-Francoise sera repoussée
avec indignation.
1
V
�( 39 )
L ’acte de naissance d’ Anne-Françoise établit sans
réplique que la naissance a élé cachée an mari. Il
était alors absent. La femme V é n y le disait elle-même
lors du jugement du 24 messidor an 4.
C ’est le 19 fructidor an 4 , qu’A nne-Françoise a
vu le jour. Ce n’est que le 4 complémentaire de
la même année, quinze jours après la naissanee, que
celte fille a été présentée à l’officier public. Ce retard
annonce déjà le, mystère; et sans doute qu ’alors la
femme V é n y avait déjà disparu de la maison secrète
où elle avait déposé ce fardeau d’iniquité. Que dit
l ’accoucheur chargé de présenter l ’enfant ? Q u ’il a
ac couch é, dans sa maison de Lui d écla ra n t, le 19
fru ctidor dernier, An ne V é n y , épouse de CharlesAuguslin Sauvage, actuellement absent. Les premiers
juges ont remarqué que ce n’étaient ni les prénoms
ni le nom du mari, qui s’appelle Jean-Charles N oy e r
du Sauvage, et non Charles-A ugustin Sauve.ge\ mais
le chirurgien n’en savait sans doute pas davantage.
Ce qu’il y a de moins douteux, c’est que le sieur
du Sauvage ignorait tout. S’il avait élé instruit , sa
femme n’aurait pas accouché à Clermont , dans une
maison de santé destinée à recevoir des femmes de
mauvaise vie. Ce n ’est pas ainsi qu’il aurait avili, dés
honoré son épouse.
Si la femme V é n y n ’avait pas mené une conduite
scandaleuse; si elle n ’a v a i t pas eu besoin de cacher
son crime et sa honte, elle était à Clermont, au mi
lieu de sa famille qui n’aurait pas souffert qu’elle se
�( 4° )
fût cachée dans une maison d’accoucheur , pour se
dérober à tous les regards.
I/accouclieur lui-même ne prend pas sur son compte
de présenter cet enfant comme appartenant au mari;
il ne la qualifie pas de fille légitime; il dit seulement
qu ’il a accouché Anne V é n y femme de Sauvage*
actuellement absent. Personne de la famille n ’assiste
h cet acte. L e chirurgien n’est accompagné que
de deux femmes du
peuple. Ainsi
c ’est un „acte
occulte, ignoré de tous ceux qui pouvaient y prendre
intérêt. A n n a -F ra n ço ise ne peut s’en prévaloir , ni
réclamer une possession d’étal. Elle n’a pas même
osé s’en servir. 11 est donc certain que sa naissance a
été cachée au mari de sa mère. Il n ’est donc plus
douteux qu ’elle n ’appartient pas au mariage.
L a fraude a-t-elle été découverte bientôt après ?
Cela est impossible. L e sieur du Sauvage n’est rentré
que sur la fin de l’an 9 ; il n ’a été amnistié qu’en
l ’an n . Sa femme n’élait pas à son domicile, puisqu’en l’un 11 elle vivait avec Guine%, à Tournai. L e
troisième acte de naissance n’est inscrit sur les regis
tres de celte ville de T o u r n a i, que le 6 pluviôse an
11. L e sieur du Sauvage ne pouvait savoir, au M o rjaslier, que sa femme élail en Flandre, et avait suivi
un vil scélérat. On 11e s’empresse pas de raconter h un
mari des événemens aussi désagréables; on s’était con
tenté do lui dire que sa femme avait fail divorce. Le
jugement dont est appel constate que ce divorce était
notoire. L e sieur du Sauvage devait être dans celte c o n
fiance
�{ 4* )
fiance que tous ses liens étaient rompus avec la femme
V é n y ; qu ’il n’avait plus rien de commun avec e lle ;
et c ’était la plus consolante de ses idées. Mais enfin
il est averti qu'on ne trouve pas l’acte de divorce ;
que les registres civils n’en font pas mention. Il prend
alors des informations, fait des recherches, et découvre
enfin les quatre actes de naissance, qu’il se fak dé
livrer.
C e n’est qu’au mois de juin 1809 , que ces actes lui
sont remis. On sent combien il a fallu de soins et de
peines pour les découvrir; mais ce n’est qu’au moment
où il les a r e ç u s , que la fraude a été découverte, et
q u ’il a eu la faculté d’agir pour désavouer la palernilé.
Comment en effet aurait-il pu se pourvoir contre
des individus qui se cachaient dans l’ombre^ qui n’agis
saient en aucune manière? L ’enfant même qui était
chez la dame Demariolles disparaissait toutes les fois
qu’il arrivait chez sa belle-sœur. La dame Demariolles
avait alors pour principe de ne pas montrer à un beaufiere qu elle estimait, un enfant qu’elle savait ne pas
lui appartenir.
Il
fallait donc être certain que ces e n f a n s existaient,
qu ils etaient nés de la femme V é n y , pour pouvoir
les attaquer en d é s a v e u ; il n’a pu le faire qu’avec
leurs actes de naissance, qui, par leur contenu, lui
sont étrangers; ce n’est donc que du jour q u ’il les a
eus en son pouvoir, qu ’il a découvert la fraude • il
•semble qu ’on ne peut pas être divisé sur ce point de fait.
�46 *
( 4^ )
Q u’importe que des témoins de l’enquête aient dit
que le sieur du Sauvage savait qu’il y avait un en
fant chez la dame Demariolles, qu’on faisait disparaîlre loutes les fois qu’il arrivait? Il ne résulte de cette
circonslance autre chose, si non qu’on voulait lui ca
cher la naissance de cet e n f a n t , et qu’on reconnaissait
qu’il ne l u i 1 a p p a r t e n a i t pas; c’était précisément la
fraude dont il n’a pu avoir la certitude que lorsqu’il
a connu l’extrait de naissance , qui ne lui a été dé
livré que le 24 juin 1809; ainsi, ce n’est qu’à ce mo
ment qu’il a pu concevoir des craintes, et qu’il a pu
faire des démarches légales.
" Il forme son désaveu sans perdre un instant. L e
i 5 juin 1806, acte exlrajudiciaire aux enfans mineurs
et à la mère ; 4 juillet suivant, nomination de tuteur;
7 juillet, demande au tribunal du P u y : tout a été
fait dans moins d’un mois, à die detectæ fra u d is.
A tin a -F ra n çoise voudra-t-elle enfin objecter que
sa mère n’est point condamnée comme adultère; et
qu’il répugne dès - lors qu’elle soit tille adultérine?
celle objeclion a déjà été proscrite par un arrêt so- l e n n e l , du 24 août 1811 , dans la cause du sieur B011g a r e l , contre l’enfant de son épouse, qu’il avait dé
s a vou é , et dans des circonstances bien plus fortes,’
puisqu’ il avait élé prononcé un divorce entre les époux,
par consentement mutuel, pendant la grossesse de la
femme. L ’enfant 11’en a pas moins été déclaré adul
térin ; et la Cour de cassation a confirmé cet a r r ê t .
Ainsi tout se réunit en faveur du sieur du Sauvage.
�Quiconque voudrait soutenir que cet enfant doit être
- à sa charge,blesserait également la justice et l’équité;
. ce serait une atroce barbarie que d’obliger un épo u x
malheureux , de donner son nom à un être ignoble,
•v f ruit de l'inceste, et de l’adultère. Si l a loi. naturelleet la loi divine nous imposent le droit d’aimer,, desecourir nos enfans ;si la nature a imprimé dans notre
âme en traits brûl ans, une tendresse profonde pour
ceux qui nous doivent le j o u r q u e l d o it être le dé
sespoir d’ un é p o u x , de trouver , d a n s son intérieur,
une femme infidèle et perfide ; d e voir croître à ses
côtés des êtres qui lui sont étrangers? Quel doit être
son s o r t , lorsqu’il n’ a pas même la consolation de
douter; lorsque le cri public l’avertit sans cesse de son
malheur; lorsque d e s circonstances décisives entraînent
' de toutes parts la plus intime conviction? N on! il n'est
point d’état plus déchirant, plus digne de pitié ! et la
loi doit venir au secours d’ un époux aussi cruellement
o ffensé.
S ign é N O Y E R D u SA U V A G E .
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The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
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/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Noyer du Sauvage, Jean-Charles. 1810?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Pagès
Devèze
Subject
The topic of the resource
émigrés
reconnaissance de paternité
tutelle
divorces
témoins
conseils de famille
absence
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire pour M. Jean-Charles Noyer du Sauvage, propriétaire ; habitant de la ville du Monastier, département de la Haute-Loire ; contre Anne-Françoise, se disant Noyer du Sauvage, mineure, maître Garron, avoué en la Cour, son curateur ad hoc, appelans d'un jugement du tribunal civil du Puy, du 30 août 1810 ; Et le sieur Honoré Debrus, notaire impérial, habitant du lieu d'Allairat, commune de Sallette, défendeur en assistance de cause.
note manuscrite : « Jugement confirmé par arrêt (sections réunies) du 5 avril 1813. Voir les motifs et l'arrêt à la fin de ce mémoire. »
Table Godemel : Tutelle : la délibération du conseil de famille portant nomination d’un tuteur n’est pas nulle pour avoir été prise par un conseil composé uniquement de parents maternels, surtout, dans la circonstance où la nomination du tuteur a eu lieu à la diligence du mari, à l’effet de former contre les enfants de sa femme une demande en désaveu.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de J.-C. Salles (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1810
1791-1810
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
43 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2215
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0617
BCU_Factums_G2216
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53444/BCU_Factums_G2215.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Le Monastier-sur-Gazeille (43135)
Sallette (43231)
Clermont-Ferrand (63113)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
absence
conseils de famille
divorces
émigrés
reconnaissance de paternité
témoins
tutelle
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/5/53877/BCU_Factums_M0617.pdf
8dbc85d56fa91aa40156f0e9a50b9bb7
PDF Text
Text
M É M O IR E
DE RIOM.
POUR
M. J e a n - C h a r l e s N O Y E R D U S A U V A G E ,
propriétaire-, habitant de la ville du Monastier,
département de la H a u te - L o i r e , intimé;
CONTRE
A
n n e -F ran çoi se ,
se
disant
N OYER
D U
S A U V A G E , mineure M .e G A R R O N , a voué
en la C o u r , son curateur ad hoc , appelans d'un
jugem ent du tribunal civil du P u y , du 3 o août 18 1 o ;
E t l e sieur
Honoré
D E B R U S , notaire im périal,
habitant du lieu d 'A lla ir a t, commune de Sallette,
défendeur en assistance de cause.
Q U E S T I O N D ’ E T A T.
DÉSAVEU d e
p a t e r n i t é
.
U n époux infortuné, blessé dans ce qu’il a de plus
cher, se voit obligé de faire au public le récit de ses
malheurs.
�Dans quelle position cruelle, dans quel embarras se
trouve le sieur Noyer du Sauvage? Comment pourrat-il s’exprimer avec décence sur un sujet aussi vil ?
Il voudrait conserver celle dignité qui convient ;'i la
C o u r ; il craint tout à la fois de parler et de se taire;
mais le silence serait trop dangereux : il lui importe de
dévoiler un mystère d'iniquité, qui a mis le comble
a
à ses maux.
A b s e n t , proscrit, dépouillé de ses biens, au moment
où. il retrouve une patrie, il apprend que son épouse
s’est livrée, pendant son absence, aux désordres les
plus criminels, l\ tout ce que la débauche et la crapule
peuvent présenter de plus honteux et de plus avilissant.
Cette femme adultère, en proie aux passions les plus
e f f r é n é e s , ignoble dans ses caprices, dépravée dans ses
gouls, a lié son sort à celui d’un vil scélérat qui a
trouvé sur l’éc hafaud la peine de ses crimes.
Elle est devenue mère : quatre enfans sont nés pen
dant l’émigration du mari, et ces naissances lui ont été
cachées avec soin.
On lui avait annoncé que celte femme criminelle et
déboutée avait fait prononcer son divorce ; cette
démarche tendait à diminuer ses peines : au moins
n ’avait-il plus rien de commun avec cet être dégradé
et corrompu.
Mais quel a été son désespoir, lorsque plus éclairé
sur ses malheurs, il a été convaincu q u ’il n’existait
aucune trace de ce divorce sur les registres publics!
Bientôt il est instruit que quatre enlans, nés d ’un com
�( 3 )
merce scandaleux, prétendaient s’élever jusqu’à lui t
et se faire reconnaître comme nés de son mariage.
Saisi d’horreur et d’effroi à cette nouvelle, il s’informe
avec soin, dans la ville qu ’il habite, aux enviions, s’il
existe des traces de ces différentes naissances. A force
de recherches, il découvre que cette femme a accou
ché d’un premier enlant à Clermont, et de trois en
la ville de Tournai.
Il obtient les extraits de naissance , et s’empresse
d’user du moyen que lui donne la loi : il désavoue la
paternité.
Il réussit au tribunal du P u y ; le désaveu est accueilli ;
ces enfans de ténèbres, fruits de l’incontinence et du
c r i m e ,■rentrent d an s le néant : il leur est fait défense
de porter un nom auquel ils ne doivent pas prétendre.
Trois d V n lr ’eux ont eu assez de pudeur pour res
pecter cet te décision. L e jugement est aujourd’hui inat
taquable. Une seule, Anne-FrançoLse, a eu l’audace
d’interjeter appel en la Cou r, ou plutôt on l a fait en
son n o m , sans respect pour la morale publique.
L a mère, au moins, n’a pas élevé la voix; accablée
de tous les maux qui sont la suite de la débauche , elle
a fait offrir, sur son lit de douleur, une déclaration qui
pût venir au secours d’un époux offensé. L e sieur du
Sauvage a refusé tout ce qui pouvait Je rapprocher
de celle sentine dégoûtante; il est assez fort de ses
moyens. On n’a jamais prétendu qu'Anne-Françoisc
lui appartînt, on ne se défend que par des fins de nonrecevoir; on soutient que son désaveu n’a pas ¿lé fait
�( 4 )
dans le délai prescrit. On a offert de prouver qu'il con
naissait l’existence de cet enfant; qu’il était instruit
qu’elle portait son nom depuis long-tems.
C e s assertions a u d a c i e u s e s ont d o n n é lieu à u n a rr êt
i n t e r l o c u t o i r e 5 des e n q u ê t e s r e s p e c t i v e s o nt é l é fa i te s;
o n en e x a m i n e r a le m é r i t e , l o r s q u ’ o n a u ra fuil c o n
n a î t r e les faits et les ci rc o n st a n c e s p a rt ic u li èr e s d e la
cause.
F A I T S .
t
L e sieur N oy e r du Sauvage eut le malheur d ’é
pouser la demoiselle Anne-Franc.oise de V é n y , le 9 jan
vier 1782. Les conventions matrimoniales sont fort
indifférentes dans la cause; cependant il n’esl pas inu
tile d’observer que le mari reçut le pouvoir de vendre
et aliéner les biens de sa femme à la charge du rem
ploi en fonds certains.
La révolution arriva. L e sieur du Sauvage n’avait
rien à regretter dans son intérieur; il part en 1791.
L e 9 thermidor an 2 , son nom est inscrit sur la
liste des émigrés; mais déjà sa femme n’avait pas
laissé ignorer l’absence de son mari; car on voit que
dès i 7 9 2 > et ensuite, le 4 mai 1793, elle a présenté
u n e pétition au directoire du département de la HauleLoire , pour obtenir une pension , en sa qualité de
femme du sieur du Sauvage réputc émigré.
C ’est dans le m o m e n t le plus orageux, où le gou
vernement d ’alors prenait les mesures les plus san
glantes contre ceux qui avaient quitté le sol français,
�( 5 )
que la dame du Sauvage vient elle-même publier
¡’émigration de son mari!
Elle avait cependant sous les yeux de grands exem
ples! hommage et respect c'i ces épouses vertueuses
dont le dévouement généreux, le courage éclatant a
sauvé l'honneur, la fortune et la vie de leurs époux!
qui de nous n’a pas été témoin de ces actes d ’hé
roïsme, dans un sexe faible et timide, qui bravait
la misère, les supplices et la m o r t , par un attache
ment sans bornes à ses devoirs.
Mais pourquoi rappeler des souvenirs affligeans ,
qui feraient verser des larmes sur le sort de ces tendres
victimes! L e sieur du Sauvage n’a-t-il pas assez de
ses p e i n e s , et doit-il les aggraver par un contraste aussi
choquant ?
Il lui reste encore trop de choses à exprimer; il doit
dite, en reprenant sa narration, qu ’en l’ an 3 ; ses co
héritiers se virent obligés de faire le partage de leurs
biens indivis avec la nation; et que la portion qui lui
revenait fut vendue nationalement.
Dans le mois de messidor de la même année 3
la dame de V é n y , prenant la qualité de femme de
L’émigré du Sauvage, attaqua en désistement des tiers
détenteurs qui avaient acquis de son maii des ïiriiiieiT1'bles propres à la fe m m e , en vertu du p o u v o i r qu’elle
lut avait donné par son contrat de mariage.
Celte demande donna lieu ;'i une discussion sérieuse,
qui fut terminée par un jugement du tiibunal civil
de R io m , du 24 messidor an 4 ; on lit dans les faits
�( 6 )
insérés au j u g e m e n t , que Jean - Charles du Sau
vage était émigré , et que dès le 17 novembre 17 9 2,
la dame de V e n y avait présenté une pétition aux
a u t o r i t é s administratives de la Haute-Ivoire, et obtenu
une provision de 2,000 francs.
!
Il est souvent question duns ce jugementi'du' sieur
du Sauvage, et toujours avec la qualification cTémi
gré ou réputé émigré.
t
On doit donc tenir pour constant querle sieur du
Sauvage était absent depuis 1791 ; qu ’en 1 7 9 2 , il est
dénoncé comme émigré par sa femme elle-même,
d’après son indiscrète pétition ; et que le sieur du Sau
vage était encore émigré en l’an 4 , le 24 messidor.
Cette observation ne laisse pas dfêire importante
pour les faits qui vont suivre ; car c’est le 19 fructidor
qu’est née A n n e-F ra n ço ise ; >et il est curieux de
connaître son acte de naissance ; 011 va le rapporter
fidèlement.
« Aujourd’h u i, 4.“ jour complémentaire an 4 , a
« comparu en la maison co m m u n e , et par-devant
« m o i , olïicier public soussigné, Charles Blancheton,
a officier de santé, habitant de cette commune de
« Clermont-Ferrand , qui m’a déclaré, en présence de
« Benoite Guittard,
femrne d’Augüstin R a y m o n d ,
« instituteur, et de Magdeleine Jouberton, fille de
« L auren t, cultivateur, toutes deux majeures, non
te parentes de l’enfant, qu’il a accouché dans la maison
« de lui B la n ch eto n , déclarant, le 19 fructidor der« tuer, à trois heures après midi, A n n e V én y, épouse
�( 7 )
« de Charles-Àugustin Sauvage, propriétaire , habitant
« o r d i n a i r e m e n t de la commune de Monaslier , dépar
te tement de la Haute-Loire, a c t u e l l e m e n t a b s e n t ,
r d’une
1111e
qui m ’a élé représenlée, et à laquelle
« il a été donné le prénom d’Anne-Françoise, de tout
te quoi j’ai dressé, etc. 35
Voilà donc cetle femme V é n y obligée de cacher sa
honte dans une maison de santé destinée à recevoir ces
viles créatures, pour y déposer les fruits de leur incon
tinence.
La femme V é n y est abandonnée, séquestrée de toute
sa iamille, et n’a d’autre ressource que d’aller accou
cher chez un chirurgien ; elle a encore assez de pudeur
pour n e pas p r é s e n l e r sa fille c o m m e l’e n f a n t de son
é p o u x ; on se g a r d e e n c o r e b ie n de la q u a li fi e r de fille
légitime; l ’acte de naissance prouve, constate même
q u e le m a r i était absent. Ainsi il ne peut résulter de
cet acte aucune possession d’état en faveur à 'A n n eFrançoise.
La femme V é n y ne quille la maison de sanlé que
pour se livrer à de nouveaux désordres; elle fait i onnaissance avec un aventurier, connu sous le nom de
Gmne%, et bientôt elle devient féconde; trois actes de
naissance ont élé délivrés au sieur du Sauvage; il est
encore important de les faite connaître.
T/e p r e m i e r esl du 2 g e r m i n a l an 6 , d e v a n t un sie ur
B o n n e t , m e m b r e de l' a d m i n i s t r a t i o n m u n i c i p a l e d e la
ville de J ourn ai. C e m ê m e j o u r , c o m p a r a i t J e a n - B a p liste B a i g n e l , a c c o u c h e u r , d o m i c i l i é e n la m ê m e v i l l e ,
�( 8 )
seclion Egalité, « le que l, assislé de L ou is Guine%, apok lliicaire, et de Pierre François, officier de santé,
« a déclaré en Cabsence de Charles-Joseph Guirie%,"
« absent pour ses affa ires, qu A n n e T^ény, son épouse ,*
« en légitime m ariage, est accouchée aujourd’hui à
« trois heures du malin , en son domicile , rue du
« C yg n e , d’un enfant femelle, que lui, Jean-Baptiste
« Baigne! m ’a présenté, et auquel il a donné les pré« noms de Louise-Anfoinetle-Joseph ».
L e second est du 23 germinal an 7 , devant Mazure,
officier de l’état civil de la même ville de Tournai. C ’est
G a i n e z lui-même q u i , assislé de deux témoins, « a
« déclaré qu’Anne-Françoise V é n y est a c c o u c h é e h i e r ,
« à onze heures du soir, d ’un enfant mâle, qu’il m’a
« présenté, et auquel il a donné les prénoms de C ha rl es
te Isidore, le
père
et les témoins ont signé, etc. »
L e troisième acte de naissance est ainsi concu : « D u
« 6 pluviôse an 1 1 , acte de naissance de Ju lie Guine%,
« née le 24 brumaire dernier, vers onze heures du
« soir, fUle de Charles-Joseph, rentier, domicilié rue
« du C h â t e a u , et d’ A n n e V e n j , non m ariés, ainsi que
« l a décla ré, en l ’a b s e n c e du père, Jean - Baptiste
« B a ig n e l, autre Jean-Baptiste Baignet, accoucheur;
« le sexe de l’enfant a été reconnu être féminin, etc. »
L e sieur du Sauvage, comme on peut le penser,
n’avait aucune connaissance de ces faits; il obtient une
surveillance sur la fin de l ’an 9, et revient au lieu do
sa naissance; mais il ne fui amnistié,en vertu du sénalusconsulte du 6 floréal an 10, que le 8 pluviôse an 11. On
se
�( 9 )
se d o u t e b i e n q u ’ u n e f e m m e c o u p a b l e n ’a pas osé se
p r é s e n t e r à son é p o u x ; ses p a r e n s o u ses a m is i g n o
r a ie n t m ê m e le lieu d e sa r é s i d e n c e ; mais o n le ras
sure : o n lui a tt es te q u ’elle a fait p r o n o n c e r son d i v o r c e
p e n d a n t l ’é m i g r a l i o n , et q u e c e d i v o r c e a é t é trans cr it
suk
les registres publics.
Il reste dans la plus profonde sécurité, voulant sur
tout oublier qu’il fut é poux, dès qu’il n'avait plus le
bonheur d’êlre père : il avait en effet perdu, depuis
long-t ems, les deux eufans provenus de son mariage.
Plusieurs années se passent dans cet état de calme,
si nécessaire à un infortuné, qui avait traversé avec
tant de sollicitude et de crainte le tems orageux de la
révolution.
M a i s b ie n t ô t sa tra nq u ill ité est t r o u b l é e ; il n ’ e n t e n d
d ’a b o r d q u e des p r o p o s v a g u e s , q u i s e m b l a i e n t le c o n
c e r n e r , mais q u i ne lui é ta ie n t pas adressés d i r e c t e m e n t .
Son i n q u i é t u d e a u g m e n t e ; il a p p r e n d e n fi n q u ’ il n ’ exis te
pas sur les registres d e trac es d u d i v o r c e d e sa f e m m e ;
q u ’ elle a v é c u dans le l i b e r t i n a g e le plus c r a p u l e u x ,
et q u ’elle a d o n n é le j o u r à plusie urs enfa ns . 11 s en t
c o m b i e n il est i m p o r t a n t p o u r lui d e d é c o u v r i r c e m y s
t è r e d ’i n i q u i t é ; il v e u t s u i v r e les tr ac es de la f e m m e
V é n y ; toutes r e c h e r c h e s sont i n f r u c t u e u s e s dans le li eu
d e son d o m i c i l e , c o m m e dans les villes v o i s in e s ; le
ha s a rd lui f a i l d é c o u v r i r q u e la f e m m e V é n y a fait u n
l o n g s é j o u r dans la ville d e T o u r n a i ; il écrit a u x a u t o
rités d e c e l t e v i l l e ; et le i 3 m a i 1 8 0 9 , il re ço it d e l ’a d
j o i n t d e la m a ir i e d e T o u r n a i les trois a ct es d e n a is -
3
�( 1° )
sance cîuement en f o r m e , et légalisés, dont on vient
de rendre compte.
Ce n’est pas tout : il est aussi informé qu’il existe
à Clermont un premier enfant, dont on lui a caché la
naissance; il se fait délivrer l’acte de naissance $ A n n eF ran çoise, qu’on a rapporté en première ligne.
Il prend sur-le-champ son parti. L e i 5 juin 1809,
il fait notifier un acte extrajudiciaire aux quatre enfans
mineurs, et ¿1 la femme Vény. Il y expose qu ’il a nou
vellement découvert que les liens qui l’avaient uni
avec cette dernière n’avaient pas été légalement rom
pus, ainsi qu’il aurait dû le croire d’après la publicité
et la nature des liaisons q u ’elle avait eues pendant
¡’émigration de son mari; il se réserve de se pourvoir
contr’elle par les voies de droit.
Il ajoute que ne voulant pas laisser dans sa famille
des enfans étrangers, il entend former l’action en dé
saveu de paternité contre ces quatre enfans; il expose
qu’il lui sera facile de prouver que non-seulement il
était, pour cause d’éloignement, dans l’impossibilité
physique de cohabiter avec sa iemme pendant le teins
déterminé par l'article 3 i z du Code Napoléon, mais
encore pendant plusieurs années avant ; enfin , parce
qu’à l’époque de la naissance de ces enfans, et a v a n t , la
femme Vény vivait publiquement avec tout autre, ce
qui est établi par les actes de naissance, et ce qui le
serait au'besoin par d’autres preuves non équivoques.
Il duclaro que pour défendre à celle demande en
‘
désaveu de paternité, il se propose'de faire nommer
�( II )
un tuteur aux enfans, en présence de leur m ère, et
qu’il va se relirer-par-devant le juge de paix de son
domicile, qui doit être, aux fermes de l ’article 108 du
Code Napo léon, celui de la mère et des enfans.
4 juillet 1809, cédule du juge de paix, pour con
voquer le conseil de famille. L e sieur du Sauvage a
soin d’observer que ses parens ne doivent pas être con
voqués à raison de la nature de sa demande , et il
indique huit pîtrens maternels, habitant tous le dépar
tement du Pu y-d e-D ôm e.
Alors le juge de p aix , attendu l ’éloignement, et que
le cas requiert célérité, ordonne que huit personnes
par lui indiquées comme voisins o u c o n n u s pour avoir
eu des liaisons d ’a m i t i é a v e c la f e m m e V é n y , seront
appelées pour comparaître le lendemain devant l u i,
à l’effet de délibérer sur le choix et nomination d’un
tuteur ad hoc aux quatre enfans mineurs.
L e lendemain, les personnes indiquées par le juge
de paix comparaissent devant l u i , en vertu de sa
cédule et de l’assignation de la veille; le sieur Debrus,
notaire, est nommé tuteur ad hoc aux enfans, et en
accepte la charge.
L e 7 juillet , demande en désaveu do p a t e r n i t é
des quatre enfans, devant le tribunal civil du P u y ,
contre le sieur Debrus, en sa q u a l i t é de tuteur. lie
sieur Noyer du Sauvage conclut à ce qu’il soit fait
defense a ces quatre individus de se dire et de prendre
la qualité de ses enfans, aux peines de droit.
4
�( 12 )
Le
ii
juillet, même assignation, et demande ré
pétée contre la femme Vény.
La femme V é n y ne comparut pas: le tuteur seul
constitua avoué , ce qui donna lieu à uu jugement
de jonction contre la femme V é n y , en date du 10
avril 1810.
Il s’éleva quelques discussions sur l ’irrégularité de
la procédure; mais le 3 o avril 1 8 1 0 , il fut rendu
un jugement, par lequel le tribunal « Considérant
qu’il résulte des actes de naissance d’ Anne-Françoise
Sauvage, Louise-Antoinette, Joseph Guinez, CharlesIsidore G u i n e z , et Julie G u i n e z , qu’ils sont nés dans
des communes éloignées du d o m i c i l e du sieur du
Sauvage, en l’absence du sieur du Sauvage , et pen
dant son émigration ;
« Que depuis son retour, An ne V é n y et ses enfans
n ’ont pas cohabité avec lui ;
« Q u ’il paraît que le sieur Noyer du Sauvage n’a eu
légalement connaissance de l’existence des enfans de
son épouse que par l’extrait des actes de naissance qui
lui ont été délivrés à Tournai et ¿i Clermont, aux mois
de mai et de juin 1809; que sa demande en désaveu
a été formée dans les délais et en observant les formes
prescrites par les articles 3 16 et 3 i 8 du Code Napoléon;
. « Considérant, au fond, qu’il n’est pas disconvenu
que le d e m a n d e u r fût absent du domicile conjugal, et
n’eût aucun rapport avec sa femme plusieurs années
avant la naissance de ces enfans; qu’il est même de no
toriété publique que, vers la fin de l’année 17 9 3 , la
�( i3 )
femme V é n y avait f a i t , à raison de Cémigration de
son m ari, une déclaration de divorce en la maison com
mune du P uy •
« Q u’on lui a donné, dans le premier des actes
de naissance, le iilre de femme légitime de CharlesAuguslin Sauvage, ce qui n’est pas le nom du deman
deur; que dans les autres, on lui a donné le nom de
iemme légitime de Charles-Joseph Guinez; qu ’aucun
de ces enfans ne peut réclamer ainsi ni son acte de
naissance, ni la possession d’état pour se dire enfant
de Jean-Charles du N oy er du Sauvage ;
« Considérant qu ’à défaut d’acte de
naissance ,
pour prouver leur filiation avec le demandeur, on
n’établit pas la possession c o n s t a n t e d e l'état d ’e n f a n t
légitime; qu ’on n’offre pas même de prouver que le
demandeur ait reconnu ces enfans; qu’il lésait jamais
traités comme les siens; qu’il eût pourvu en celle qualité
à leur éducation, entretien ou établissement; ni même
qu’ils aient jamais été reconnus dans la société ou dans
sa famille pour ses enfans;
,
« Considérant qu’il ne peut y avoir lieu à faire
transcrire le jugement qui prononce sur le désaveu
des enfans, en marge des registres de l’élat civil,
que lorsqu’ils sont inscrits sous le nom du péri* qui
les désavoue; que leur acte d e naissa nce les affilie a.
une famille qui n’est pas la leur; et q11 a u c u n des enfans ne sont inscrits sur les registres, comme enfans
de Jean-Charles du N o y e r ;
« Par ces motifs, statuant sur la demande en désa
�( i4 )
veu de Jean-Charles du N oyer du Sauvage, donne
défaut contre la dame V é n y comparante, et demeu
rant le défaut joint îi la demande principale , par
le j u g e m e n t d u 10 avril i 3 i o , signifié par l ’huissier
com m is
le 10 m a i suivant; sans s’arrêter à choses
déduites par le tuteur des enfans désavoués , déclare
la demande régulière en la forme et bien poursuivie;
et y faisant droit, prononce qu’Anne-Fruncoise Sau
vage , Louise-Antoinette, Joseph G u in e z , ChailesIsidore
G u in e z ,
et Julie
Guinez ne sont pas les
enfans de Jean-Charles du Noyer du Sauvage; leur
fait défenses, en conséquence, de prendre son nom
à l’avenir, et de se dire nés de son m a r i a g e avec
Anne-Françoise V é n y , sous les peines de droit; pro
nonce n’y avoir lieu d ’ordonner la mention du présent
jugement en marge des registres de l’état civil des
villes de Clermont et de Tournai, attendu que les e n
fans n’y
sont pas inscrits comme enfans de Jean-
C h a r l e s du Noyer du Sauvage; déclare le jugement
commun avec la dame V é n y de Villemonl et la con
damne aux dépens, etc. »
Ce jugement a été signifié au tuteur et à la femme
Vény. Cette dernière ainsi que les enfans Guinez ont
gardé le silence. A nne-Françoise seule a d ’abord in
terjeté appel j mais ensuite elle a pretendu que sa
défense avait été absolument négligée par celui qui
avait été nommé son tuteur; elle a cru devoir pré
senter une requête en la Cour , pour demander la
nomination d ’un nouveau curateur, à l’eilet de pou
�( i5 )
voir, sous son autorisation, faire appel du jugement
rendu par le tribunal du P u y , le 10 avril 1810.
Sur cette requête non communiquée, il a été rendu
un arrêt, le 11 mai 1 8 1 1 , portant nomination de
M . e Garron, avoué en la Cou r, pour curateur à’A n n eFrançoise; et M.e Garron, tant en son nom de curateur
qu'en celui d’Anne-Françoise, a interjeté un nouvel
appel le 14 du même mois de mai.
Cette nomination de curateur sur simple requête
est elle régulière? Cette forme paraît inusitée, et n ’est
autorisée par aucune loi. L e Code Napoléon n’indique
qu’un seul mode pour la nomination des tuteurs ou
curateurs, et c ’est par la voie d’un conseil de famille.
L e sie u r d u S a u v a g e q u i ne m e t pas a u t r e m e n t d’im
portance aux discussions de forme, a cependant cru
devoir insister sur la nullité de celle nomination.
D ’ un autre côté, Arm e Françoise a aussi prétendit
que les procès verbaux du conseil de famille, des 4
et 5 juillet 1809, étaient irréguliers. Suivant elle, le
conseil de famille devait être composé de païens pa
ternels et maternels et elle n’a pas voulu faire a tien lion
qu il élait déplacé de faire comparaîlre des parons du
sieur du Sauvage, d’après la nature de sa demande;
que c ’élail dans l’intérêt même de l’a p p e l a n t e que
1 observation avait été faile; et que les païens mater
nels élant à mie plus grande dislance que celle déter
minée par la loi, devait être remplacés par des amis
ou voisins.
A u surplus, ces questions de forme sont encore
�( i6 )
intactes; elles sont soumises h la Cour qui les appréciera
dans sa sagesse, et elles ne doivent pas relarder la dis
cussion du fond.
l ie sieur du Sauvage a désavoué ces quatre enfans,
en se fondant sur l’arlicle 3 ï 6 du Code Napoléon,
dernier §. Les naissances lui avaient élé cachées ;
les enfans avaient élé conçus et nés pendant son émi
gration, lorsqu’il y avait impossibilité physique de c o
habitation entre les époux. Rien de mieux prouvé
que son absence, par une série d’actes qui émanent
tous de la femme V é n y , en 1 7 9 2 , 179^, an 3 , an
4 et an 5 . Et la cause portée en l’audience solennelle
de la Cou r, le 5 août dernier, l’évidence de sa de
mande fut portée à un si haut d e gré , que l'ap
pelante ne parvint à en arrêter la manifestation qu’en
offrant des preuves qui tendaient à établir, i.° que
le sieur du Sauvage, après sa rentrée dans son domi
cile, et notamment en l’an 10, était venu chez la dame
Demariolles, où il avait vu l’appelante, lavait reconnue
et considérée comme fille de son épouse ; 2 ° que l’ap
pelante était connue sous le nom d 'A n n e du Sauvage ;
3.° qu’elle était ainsi n o m m é e dans la pension où elle
était envoyée par la dame Demariolles, et dans laquelle
pension le sieur du Sauvage avait vu et reconnu r a p
pelante comme il l’avait fait dans la maison de la dame
Demariolles; 4.0 enfin, que le sieur du Sauvage avait
dit plusieurs fois que l’appelante ressemblait à la femme
V é n y , sa mère.
La Cour qui met toujours la plus grande nnituiilé
dans
�( i7 )
dans ses décisions, rendit, le même jour 5 août 1 8 1 2 ,
un arrêt interlocutoire, par lequel, en réservant res
pectivement les lias, elle ordonna, avant faire droit,
que l’appelante ferait preuve par témoins : que plus
de deux ans avant la demande en désaveu de paternité,
formée par le sieur du Sauvage, il était venu après sa
rentrée en son domicile, et notamment en l’an 10,
chez la dame Demariolles ; qu’il y avait vu A n n e ' F rançoise, et l’avait reconnue pour être la fille de sa
f e m m e ; 2.0 qu’elle était connue de lui sous le nom
d ’A nna-Françoise du Sauvage - 3.° qu’en sa présence
de lui du Sauvage, et dans la pension où était élevée
l ’appelante, elle a été ainsi appelée et dén om m ée, et
q u ’il l'y a r e c o n n u e c o m m e tille de sa f e m m e , s a u f
au sieur du Sauvage la preuve contraire dans le
m êm e délai.
En exécution de cet arrêt, les parties ont respec
tivement enquêté. Il est indispensable de faire con
naître ces enquêtes à la Cour.
Le
premier témoin de l’enquête directe est M.
Gauthier, juge au tribunal civil de Clermont. Il ne
sait rien des faits consignés dans l’interlocutoire; il
se rappelle néanmoins avoir entendu dire chez la dame
Lacaussade, que M. Noyer du Sauvage était dans l’in
tention de se pourvoir en désaveu de p a t e r n i t é des
en fans que sa femme avait pu a v o i r pendant le teins
de son émigration : il ne peut préciser 1 epoque on ce
propos a été tenu , ni par qui il l’a été.
L e second témoin est la dame Lucaussade, femme
�( i8 )
François; elle ne sait absolument rien des faits in
terloqués.
L e troisième, Victoire V i g n a u , femme de Pierre
Vignau , limonadier à Clermont , dépose qu’il y a
environ sept ans, autant qu’elle peut s’en rappeler,
ayant à dîner chez elle le sieur du Sauvage, le sieur
Cellier et le sieur G e rv is , dans le cours de ce d î n e r ,
le sieur du S a u v a g e , parlant de son épouse, dit qu’il
lui serait facile de rentrer dans ses biens, mais pour
ses enfans qu'il ne les reconnaîtrait jamais, et que
c’était ce qui l’empêchait de poursuivre la rentrée
de ses biens.
L e quatrième témoin, Viclor Cellier, u n des con
vives dont parle la femme Vignau , dépose ne rien
savoir des faits interloqués, si ce n’est qu ’il y a environ
sept ans, étant à dîner chez la dame Vignau avec le
sieur du Sauvage el le sieur Gervis, le sieur du Sauvage ,
parlant de sa malheureuse situation à l’égard de son
épouse, dit qu’ils avaient eu deux enfans qui n’exis
taient plus, mais que depuis son émigration, il en
était survenu d’autres, qui n’étaient pas de lu i;
que le déclarant a y a n t cherché à le réconcilier avec
sa f e m m e , par des voies de douceur, il n’avait pu y
parvenir; qu'au contraire, le sieur du Sauvage avait
formellement déc laré qu il ne reconnaîtrait jamais ces
enfans, et q u ’il ne venait pas sa femme; qu ’il savait
qu'il y avait un de ces enfans chez la dame Demariolles, sa belle sœur, mais qu’il ne le reconnaissait
pas pour le sien.
�(<ï9 )
L e cinquième témoin, Jean-Baptiste Giron , dépose
qu’il connaît depuis long-lems le sieur du Sauvage ;
qu’il a tenu sur les fonds baptismaux un enfant à lui
déposant avec la dame Demariolles, sa belle sœur;
qu ’en l’an 12, étant allé voir cet enfant, qui était
à l’école secondaire de Ponlgibaud, à l’époque de la
distribution des prix do cette année 12 , il y rencontra
le sieur du Sauvage, qu’il n’avait pas vu depuis longtems : il lui témoigna son étonnement de le trouver
en cet endroit. L e sieur du Sauvage lui dit qu’il y était
venu exprès pour voir son filleul, fils du déclarant, qu’il
lui était fort attaché,.et qu’il voulait même le faire son
héritier, ¿1 quoi le témoin répondit que cela ne se pouvait
p a s , p u i s q u ’il a v a i t des enfans. L e sie ur d u S a u v a g e r é
pliqua qu’il n’en avait p a s , et qu’il n’en connaissait
point. Lors de cette conversation, intervint le sieur
Gauthier de B io sat, ce qui fil que le déclarant ne
poursuivit pas plus loin la conversation.
Ajoute le déposant, qu’à une époque postérieure
à celle qu’il vient de désigner, sans pouvoir la pré
ciser , il lui fut présenté, ou par le sieur du Sauvage, ou
par le sieur D e te ix , .sans pouvoir assurer par lequel
des deux, trois extraits de naissance de trois en fa n s
de l’épouse du sieur du Sauvage ; dans l’un de ces
extraits était le n o m du sieur du S a u v a g e , c o m m e père
de 1 enfant 5 dans le second, la p a t e r n i t é était attribuée
au nommé Guinez; dans le t r o i s i è m e , le père é ta it
déclaré inconnu. Cette époque r e m o n t e à-peu-près à
celle où la lille A n n e du Sauvage fut relirée des mains
6
�de-Guinez, en vertu d’un jugemeut de police correclionnelle.
L e témoin interpellé, à la réquisition du sieur du
Sauvage, s’il savait le nom que portait cette fille, lors
qu’elle était chez la dame Demariolles, a répondu qu’il
ne lui connaissait pas d’autre nom que celui A’A n n a .
L e sixième témoin est le sieur Bernard Vincent. Il
dépose qu ’en qualité d’ami, soit du sieur du Sauvage,
soit de la dame Demariolles, il s’est trouvé souvent avec
l’ un et avec l’autre, et même avec tous les deux en
semble ; que la dame Demariolles prenait soin, et tenait
auprès d’elle un enfant nommé A n n a ; que quelquefois
les personnes de la maison l’appelaient sous le nom de
du Sauvage, mais que la dame Demariolles, publique
m e n t , ne lui donnait d’autre nom que celui d’A n n a ;
quelquefois, et par inadvertance, elle la nommait par
celui de du Sauvage; néanmoins, lorsque le sieur du
Sauvage allait chez sa b elle-sœ u r, elle avait le plus
grand soin de faire disparaître cet enfant ; et cet enfant
l u i- m e m e , sans se le faire dire, avait soin de ne pas
se montrer. L e déclarant y ayant fait attention, avait
témoigné son étonnement à la dame Demariolles, qui
lui avait dit qu’elle estimait trop le sieur du Sauvage,
son beau-frère, pour lui montrer cet enfunl ; que d ’ail
leurs il n’élail pas dans ses principes de lui faire voir
un enfant q u ’ e l l e savait n’être pas à lui, quoique pro
venu de sa femme.
L e témoin ajoute h ce sujet, qu’ayant eu plusieurs
conversations avec le sieur du Sauvage, qui n'igno
�/
( 21 )
rait pas l’existence de cet enfant, qu’on lui avait dit
appartenir à sa fe m m e , et être chez la dame D e m a riolles, il lui avait témoigné avoir remarqué cet enfant,
et l’ailectation de se cacher lorsqu’il se montrait. Il le
pria de savoir où la dame du Sauvage s’était accouchée,
et où l’extrait de naissance pourrait se trouver, et s’il
avait été fait sous son nom : il voulait même que le
déclarant s'adressât pour cela à la dame Demariolles,
sans le nom mer; celui-ci montra de la répugnance sur
ce point, mais il lui offrit de s’acquitter de la commis
sion, s’il voulait trouver bon qu’il le demandât en son
nom à la clame Demariolles. L e sieur du Sauvage ne
Voulut point que la commission fût faite ainsi, en con
s é q u e n c e le d é c l a r a n t n ’e n pa rla p oi nt à la d a m e D e m a
riolles. ,■
Interpellé sur l'époque de cette conversation, le té
moin n’a su la préciser, néanmoins il a dit qu’elle se
rapportait à l’époque d’un procès que le sieur du Sau
vage oncle avait alors pendant à la Cour.
L e septième témoin est un sieur Esmelin, d’ Aigueperse. Il était fermier de la dame Demariolles; mais
il dit avoir cessé de l’être depuis cinq ans. Il dépose
qu’il y a environ dix ans, il a connu à Aigueperse,
une fille à qui on donnait le nom de du Sauvage.
Elle etail sous la direction d’un nommé Guinée, alors
logé dans l’auberge de la veuve T u p o n , aujourd’hui
occupée par le nommé Claustre son gendre. Elle y a
ainsi demeuré sous la même direction pendant quatre
à cinq mois. Guinez, qui était un liès-inauuais sujet,
�( «
)
usant de mauvais procédés envers cet enfant , on fut
obligé de se pourvoir à la police correctionnelle, où
il intervint un jugement à la requête de la dame de
Mariolles, qui remit l’enfant à cette dernière, et con
damna Guinez à un emprisonnement. L e témoin,
ayant eu plusieurs fois l’occasion de voir M. du Sau
vage , et lui ayant parlé de cette fille qu’il croyait
être vraiment la sienne, il lui rappela les mauvais
traitemens exercés sur elle par G u in e z , et la punition
qui avait été infligée à ce dernier par le jugement de
police correctionnelle; à quoi le sieur du Sauvage ne
répondit rien. Suivant le témoin, l’époque de celte
conversation peut remonter à entour huit ¿1 neuf ans,
autant qu’il puisse s’en souvenir. Il ajoute avoir vu la
petite fille en question dans la maison de la dame de
Mariolles. On l’appelait alors la petite du Sauvage.
Ce n’est que depuis cinq ans qu’il Ta connue sous le
nom d'A n n a . Enfin les conversations que le témoin
a eues avec le sieur du Sauvage, au sujet de cet enfant,
ont été tenues à l’auberge de Boyer , et point chez
la dame de Mariolles.
L e huitième témoin est M. Cliassaing, juge au
tribunal de Clermont. On a observé à ce lémoin qu ’il
avait la confiance générale de la maison Villemont ;
qu’il a été chargé de plusieurs comptes et liquidations
pour cette maison; que même il a contracté plusieurs
engngemens de garantie envers les acquéreurs de la
dame de Villemont.
Lorsque le sieur du Sauvage s’est permis de faire
L
�( 23 )
celte observation à M. Chassaing, il n’avait nullement
Fintenlion de le blesser. Mais il est du plus grand in
térêt pour lui d’écarter tous ceux qui pourraient avoir
quelques liaisons avec la seule personne qui ait préparé
celle intrigue, et qui lui a suscité cet incident dans les
intentions les plus hostiles : elle ne les a pas même dis
simulées, et les a présentées à ses créanciers comme
une ressource. Dans ses indiscrètes confidences, et à
raison de la pénurie de ses mo yens, elle croit que si
elle parvenait à faire déclarer cet enfant fille du sieuv
du Sauvage, elle aurait à répéter contre lui des pen
sions considérables, qu’elle promet à ses créanciers.
11 est
assez n a t u r e l dès-lors q u e le s ie u r du S a u v a g e
s u sp e ct e c e u x qui on t c o n l r a c l é des e n g a g e m e n s , ou se
sont r e n d u s c a u t i o n s d e la d a m e D e m a r i o l l e s .
M. Chassaing, il faut en convenir, a répondu avec
franchise : il a dit que cela était v r a i, dans le iems
qu'il élail a v o u é , mais que tous ces faits n’existent plus
depuis qu’ il est dans la magistrature; que la liquidation
de la dame Demariolles, dont il était chargé comme
avoué, se poursuit aujourd’hui judiciairement, et que
bientôt les engagemens par lui contractés ne subsiste
ront plus ; donc ils existaient au moment de la dépo
sition. La Cour appréc iera ces observations.
A u surplus, ce témoin dépose qu’à une époque
dont il n’est pus parfaitement m é n i o r a l i f , le sieur du
Sauvage vint le trouver dans l’ancienne maison qu’il
occupai! alors; il élail accompagné du s.r Levet ; il était
porteur d un eilet de 1,600 fr. tiré ou endossé par la
�( M )
dame Demariolles; il le pria de le faire négocier p arles.'
D u m a y , son gendre. C e lle négociation ayant été ef
fe c tué e , occasionna plusieurs visites chez le déposant,
de la part du sieur du Sauvage. Dans une de ces visites,
le déclarant lui demanda s’il élait ici avec la dame son
épouse; sur quoi, le sieur du Sauvage se récria, en
disant qu’il était impossible d’ habiter avec une femme
aussi immorale, aussi déréglée qu’elle; qu’il n’ignorait
pas que pendant son émigration, elle avait eu deux
ou trois enfans, dont, notamment une fille demeu
rant chez la dame Demariolles, mais qu’il désavouait
•tous ces enfans ; qu’il se proposait même de se
pourvoir en divorce contre sa fe m m e , et en désaveu
de paternité contre chacun desdits enfans; q u ’ alors
le déclarant lui dit : vous ne voyez donc pas madame
Demariolles votre belle sœur? que le sieur du Sauvage
lui répondit : je la vois quelquefois; je la vois même avec
plaisir; je fais cas de la bonté de son caractère, mais,
par égard pour moi, elle a soin de faire disparaître
l'enfant lorsque j ’entre dans la maison.
Interpellé, à la requête du curateur, sur l’époque de
ces diverses visites et conversations, le témoin déclare
n e pas se rappeler de l’épo que, que néanmoins c ’était
plusieurs mois avant l’acquisition desa nouvelle maison,
ce qui remonte à plus de cinq ans au moins; n’ayant
point a c t u e l l e m e n t sous les ye ux son contrat d’acqui
sition.
L e neuvicSme témoin est Gabriel Gervis. Il dépose
qu’il no sait rien des faits interloqués. Depuis très longtems
�( 25 )
tems et antérieurement à rémigration du sieur du Sau
vage
, il ya, eu l’honneur de sa connaissance. To ut ce dont
O
il se rappelle, ayant rencontré ledit sieur du Sauvage
dans la ville de Clerm ont, il l’engagea à dîner, ce que
le sieur du Sauvage accepta. Il y eut à ce dîner d’autres
convives, notamment lesieurCellier et la dame Vignau;
mais il ne se rappelle nullement qu’il eût été question
de rien sur celte affaire.
L e dixième et dernier témoin est le sieur Claude
Tapon. Ce témoin a été entendu au tribunal de Tliiers;
et par une singularité dont on ne peut rendre compte,
le sieur du Sauvage fut assigné pour être présent à
l ’audition de ce tém oin , le même jour qu’il assistait
à la C o u r à l ’ e n q u ê f e fa it e à la r e q u ê t e d ’ A n n a . Son
avoué de Thiers a cru devoir protester de nullité, et
se réserver tous moyens de récusation.
Quoi qu’il en soit, ce témoin a déposé qu’il a fré
quenté la maison de la dame Demariolles, depuis l’an
7 ou environ jusqu’en 1806, momentanément et par
intervalles; que dans le courant de l’an 10 et années
suivantes, il a eu occasion d y voir, à différentes fois, le
sieur Noyer du Sauvage; que même le sieur du Sau
vage lui a dit souvent, dans la conversation, q u e si la
dame de V é n y , son épouse, ne s’était pas p r o s l i l u é e
ou nommé Guinez, qui a été guillotiné, il se serait
peut-être décidé à faire du bien h A n n a , . qu il a eu
pareillement occasion de voir A n n a dans la maison
de madame Demariolles, et c e , depuis enlour 1 4 ans,
qu ’ il Ty a toujours vue depuis cet le époque jusqu’au 1110-
7
�( 26 )
menl où elle fui mise en pension, et l ’a constamment en
tendu nommer A n n a , sans autre dénomination. A n n a
appelait madame Demariolles sa tante, et la dame
de V é n y sa mère : à l’égard du sieur du Sauvage, il
ne lui a jamais dit qu'‘ A n n a fut la fille de sa fe mme;
quant à lui déposant, il est bien persuadé qu’A n n a
est fille de la dame du Sauvage, et il était d’autant
plus fondé à le croire, que c ’était là l’opinion publique,
et qa’A n n a ressemble singulièrement à la femme Vény.
L e témoin observe que lorsque le sieur du Sauvage
venait chez la dame Demariolles, sa belle sœur, A n n a
ne venait pas à table lant que le sieur du Sauvage
séjournait chez celte d am e, et elle y reparaissait lors
q u ’il était parti; il semblait qu ’on voulût faire en sorte
que le sieur du Sauvage ne la vît pas.
On demande au témoin s’il est de sa connaissance
que le sieur du Sauvage .sût qu 'A n n a était l’enfant de
Ja dame V é n y son épouse. Il répond que le sieur du
Sauvage ne lui a pasdit précisément qu’il le savait, parcequ e, malgré les soins qu’on prenait pour empêcher
A n n a de se rencontrer avec le sieur du Sauvage, il
n ’avait pas laissé de la voir quelquefois, et n’avait pu
faire autrement que de lui. trouver une parfaite res-*semblance avec la dame Vény.
Telle est l ’enquête directe faite à la requêt d 'A n n e Françoise. On sera sans doute étonné qu’elle n’ait
fait as^'gner aucun témoin qui pût déposer sur le
troisième fait dont l’arrêt de la Cour ordonne la preuve,
fait très-important puisqu’il tendait à établir q u ’en la
�( 27 )
présence du sieur du Sauvage, et dans la pension.
à.’ A n n a , elle avait été appelée et dénommée A n n a
d u Sauvage, et qu’il l’y avait reconnue comme fille
de sa femme.
L e sieur du Sauvage a remarqué cette lacune; et s’est
déterminé, à raison de ce, à faire une enquête contraire;
mais il s’est contenté de faire assigner deux seuls té
moins, la dame de Rigaud qui tenait la maison d’é
ducation où a été élevée A n n e-F ran çoise, et la dame
D echamp sa coadjutrice. Cette dernière n’a pu com
paraître; mais la dame de Rigaud a été entendue.
Elle dépose que tenant une maison d’éducation de
jeunes demoiselles, conjointement avec la dame'D ec h a m p , il lui fut a m e n é pur la d a m e D u m o n t e l d ’ A r d e s ,
actuellement décédée, u n e jeune fille, âgée d’environ
sept à huit ans, que la dame Dumontel lui dit être
la nièce de la dame Demariolles , et lui être amenée
de sa part ; qu’en effet depuis cette époque, et pendant
environ deux ans et demi, que cette nièce avait de
meuré comme externe dans sa maison, sa pension a
été payée par la dame Demariolles; mais elle n’était
connue dans la maison que sous le nom à "A n n a , nièce
de lu dame Demariolles. Pendant l’intervalle de ces
deux ans et demi, elle se rappelle que le sie u r du
Sauvage est venu une ou deux fois dans la maison,
mais que ce n’était que pour voir u n e jeune veuve
du P u y , qui y habitait ; il était chargé , do lu part de
la famille de cette ve u ve, de lu voir, et de lui porter de.
l ’argent. 11 lui en porta en effet, et il n’a jamais été ques-
8
�/
( *8 )
tion , de la pari du sieur du Sauvage, de demander des
nouvelles de la fille A n n a , qui même ne lui a jamais
été présentée.
L e sieur du Sauvage a cru devoir rapporter fidè
lement et matériellement la déposition des témoins,
avant de se permettre aucunes réflexions; il a pensé
q u e , p a r c e m o y e n , on en saisirait mieux l’ensemble,
pour comparer ensuite les faits dont il a été déposé,
avec ceux gisant en preuves.
Dans cetle matière, il n’y a rien d’indifférent; ce
n ’est qu’après la plus mure délibération que la Cour
a resserré les faits dans, un cadre étroit, a pesé ceux
qui étaient susceptibles de faire impression ou de
porter la conviction dans les esprits; elle se rappellera
su r-tou t qu ’ Anna-Françoise , ou ceux qui la font
agir, voulait prendre une plus grande latitude, et ne
mettait en avant que des laits*vagues et insignifians;
q u e , malgré ses observations, la Cour maintint son
arrêt, sans vouloir rien ajouter ni retrancher.
Ainsi A n n a avait h prouver trois faits : i°. que plus
de deux ans avant la demande en désaveu de pater
nité, et notamment, en l’an 10 , le sieur du Sauvage
est
venu chez la dame Demariolles, qu’il y a vu
A n n a , et l’a reconnue pour être la fille de sa femme.
11 convient de s’arrêter d abord sur le premier Jait.
L e désaveu de paternité est du i 5 juin 1809, et
remonte à trois ans et demi.
L e premier témoin a entendu dire, sans se rappeler
1*
�( 29 )
l ’époque , que le sieur du Sauvage voulait se pourvoir
en désaveu de paternité.
L e second ne sait absolument rien.
L e troisième a ouï dire, il y a environ sept ans, que
le sieur du Sauvage déclara qu’il ne reconnaîtrait ja
mais ces enfans.
L e quatrième tient le même langage : le sieur du
Sauvage savait qu ’il y avait un enfant chez la dame
de Mariolles, mais qu’il ne le reconnaîtrait jamais pour
le sien.
L e cinquième a voulu observer au sieur du Sau
vage qu’il avait des enfans ; celui ci lui a répondu
q u ’il n 'e n a v a i t pas. il a v u e n t r e les m a in s d u sie ur
du S a u v a g e ou du sieur D e l e i x trois e x tr a it s d e nais
sance; il ne sait pas dire lequel des deux, ni préciser
l’époque.
On* sait que ces exlrails de naissance n’ont élé con-t
nus et retirés qu ’en juin 1809 , el que le désaveu de
paternité a eu lieu dans le mois de lu découverte.
Ce même témoin n’a connu l’appelante que sous le
nom d ’ A nna.
L a déposition du sixième témoin est plus étendue;
mais il
riolles
nom d
les fois
déclare bien positivement que la dame D e m a ne d o n n a i t publiquement à cet enfan t que le
A n n a • elle faisail disparaître c e l l e fille, toutes
que le sieur du Sauvage e nl ra it chez elle; elle
estimait trop son beau-ftère pour lui montrer cet en
fant. Il n’était pas dans ses principes de lui iaire voir
�( 3o )
un enfant qu'elle savait n’être pas à lu i, quoique pro
venu de sa femme.
L e septième témoin a voulu entretenir le sieur du
Sauvage des mauvais traitemens que G ainez faisait
éprouver à cette fille ; le sieur du Sauvage ne lui a
lien répondu.
L e huitième dépose que le sieur du Sauvage lui a dit
ne pas ignorer que sa femme avait eu deux ou trois
enfans pendant son émigration, notamment un chez
la dame Demariolles, mais qu ’il désavouait tous ces
enfans, et se proposait de former la demande e n ’dé
saveu de paternité ; il ajoute aus^i que le sieur du Sau
vage lui avait déclaré, que lorsqu’ il se présentait chez
la dame Demariolles, elle avait soin de faire retirer
cet enfant.
C e témoin fait remonter cette conversation à cinq
ans ; au moment où il déposait, la demande en dé
saveu était formée depuis trois ans et quatre mois.
L e neuvième n’a aucune connaissance des faits.
. L e dixième a entendu constamment appeler cette
fille A n n a , sans autre dénomination. Lorsque le s.r
du Sauvage arrivait chez la dame Demariolles, on
faisait relirer l’enfant; elle ne se mettait pas à table.
L e sieur du Sauvage ne lui a jamais dit qu ’il connût
l ’enfant pour être celui de sa femme, mais il présume
que le sieur du Sauvage le savait.
L e dernier, la dame de R ig a u d , maîtresse de pen
sion, atteste que le sieur du Sauvage n ’a* jamais vu
A n n a chez elle; qu’ellé ne lui a jamais été présentée.
�( 3i )
Il n’est donc aucunement prouvé qu’en l ’an 10 le
sieur du Sauvage a vu A n n a chez la dame D e m a
riolles, et qu’il l’a reconnue pour être la fille de sa
f e m m e ; puisqu’au contraire il est établi que toutes
les fois que le sieur du Sauvage est arrivé chez la
dame Demariolles , on a fait disparaître l’enfant.
Second fait : E lle était connue de lu i sous le nom
d Anna-Françoise du Sauvage. Pour le coup , il n’y,
a pas un seul témoin qui ait déposé de cette circons
tance ; personne ne s’est avisé de dire que le sieur du
Sauvage ait connu ou souffert que cette fille portât son
nom; et la maîtresse* de pension apprend même qu’elle
n ’a é t é p r é s e n t é e c h e z e ll e q u e sous l e n o m d ' A n n a ,
n i è c e d e m a d a m e d e M a ri ol ie s .
L e dixième témoin, celui qui a été entendu à T h ie r s ,
hors la présence dti sieur du Sauvage, n’a jamais en
tendu appeler cet enfant que sous le nom d 'A n n a ,
sans autre dénomination , et ne fait que présumer que
le sieur du Sauvage savait qu’elle était fille de sa
fem m e; mais loin de convenir qu ’elle portât le nom
de du Sauvage, le témoin lui-même le désavoue for*
mellement.
-Ainsi, ce second fait a donc été faussement allégué.
Troisième fait : « Elle a été ainsi appelée et d é « nommée dans la pension où elle était élevée, en
« présence du sieur du Sauvage, qui l ’y a reconnue
« comme fille de sa femme. »
Celte assertion a été complettement désavouée par
la maîtresse de pension qui a élevé A n n a ; le sieur
�( 32 )
du Sauvage ne Ty a jamais vue; elle ne lui a jamais
été présentée; le sieur du Sauvage n’est venu à la
pension que pour porter de l’argent à une jeune veuve
du P u y ; aucun des autres témoins n’a déposé sur ce
fait si important : cependant la fille A n n a , lors de l’arrêt
de la Cour, s’appesantit sur celle circonslance dansses
conclusions, d’ une manière tellement précise , qu ’elle
délermina peut-être l’inlerloculoire.
Quel peut êlre l’espoir de cetle fille audacieuse?
A - t-e lle satisfait à l’arrêt de la C o u r ? Osera-I elle
espérer de porter un nom qui ne lui apparlienl pas?
Sans doute elle voudra entreprendre de discuter le
fo n d , en s’appuyaut sur une disposition d’usage , con
signée dans l’arrêt de la C o u r , « Sans préjudice des
€c fins qui demeurent respectivement réservées ». Il
faut donc la suivre dans ce dernier retranchement.
On ne croit cependant pas devoir s’occuper des
moyens qu’elle a proposés en la forme ; et ce n’est
pas sérieusement qu ’elle a prétendu que le conseil
de famille devait êlre composé de parens du sieur
du Sauvage et de ses parens d’elle A n n a . Malgré
leur éloignement, « la femme mariée n’a point d’autre
« domicile que celui de son mari ; le mineur émancipé
a a son domicile chez ses père et mère (art. 108, Code
« Nupoléon). »
« Lorsque les parens ou alliés se trouvent à la dis—
« tance de plus de deux myriamètres, le juge de paix
« peut appeler, pour composer le conseil de famille,
« dans la commune ou. la tutelle est ouverte, des citoyens
* connus
�C 33 )
« connus pour avoir eu des relations habituelles d’a« mi lió avec, le père ou la mère du mineur ( art. 409,
« Code Napoléon ). »
Il répugnerait au bon sens et à la raison, que celui
qui désavoue la paternité, fît appeler ses parens au
conseil; ce serait une contradiction évidente avec la
•demande; en soutenant qu ’il n’est pas le père, il sou
tient aussi que les enfans désavoués n’ont aucun lien
avec sa famille.
Mais si ces moyens sont ridicules, en est-il de mêm e
de la procédure singulière, inusitée, qu’a tenue la fille
A n n a ? Pouvail-elle se débarrasser à sou gré du tuteur
qui lui avait élé nominé? P o u v a it - e lle , par un arrêt
Sur r e q u ê t e , n o n c o m m u n i q u é , s u bs tit u e r un curateur
de son choix à ce tuteur légal?
To ute tutelle doit être déférée par un conseil de
famille , lorsque le père et la mère sont dans l ’in
capacité de l’être ( Art. 4o5 C. N. ). C ’est encore un
conseil de famille qui doit nommer un curateur au
mineur émancipé ( Art. 478 C. N. ). L a loi n’admet
aucune nomination sur requête. Elle a dérogé à cet
usage de l’ancienne procédure; et il ne paraît pas
douteux que M . e Garrón a été irrégulièrement n o m m é
curateur ; que l ’appel est nul et irrégulier. L a Cour
appréciera ce m o ye n , sur lequel le sieur du Sauvage
insiste pour l’honneur des règles; mais il n ’y donnera
pas d autres développemens.
Il serait encore assez inutile d’examiner la question
d ’état en elle-même; mais le sieur N oyer du Sauvage
9
�( 34 )
ne doit rien négliger dans une cause d’un aussi grand
intérê t, quelque humiliation qu’il éprouve. Combien il
est cruel de se voir forcé de dévoiler la honte d’une
femm e immorale, qui lui a porté un coup si funeste!
Son ame est liéIrie, il ne peut plus espérer de bonheur ;
des souvenirs déchirans fatiguent sans cesse son esprit
et son cœur.
Eh quoi! il était né bon, généreux et sensible; il
adorait son épouse, elle fut infidèle et perfide! Il désirait
d’être père! Ces liens touchans qui semblent perpétuer
notre existence; ces rapports aimables, d’où naissent
les charmes les plus d ou x, ne sont pas faits pour lui ! Il
fut père un instant, il est vrai! mais ses e n fa n s ont
vécu ! et lorsqu’il revient dans son domicile, lorsqu’il
a recouvré une patrie, que va-t-il apprendre— ? Mais
jetons un voile sur un tableau aussi dégoûtant, où le
vice est toujours en aclion sous les traits les plus hideux.
L e désaveu delà paternité est sans doute une demande
pénible, elle excite la curiosité publique, elle met en
évidence celui qui est forcé d’en intenter l’action. C e
pendant c’est un remède salutaire, et la loi, dans tous
les tems, a ofïert ce motif de consolation à un époux
outragé.
I,a célèbre maxime décrétée depuis plus de deux
mille an s } pater est ¿s quem demonstrant nuptice, rece
vait aussi ses exceptions dans le droit romain. Plusieurs
docteurs avaient déjà remarqué que cette règle n’était
point placée parmi les textes du droit, qui parlent de
l ’état des hommes, puisqu’elle est tiiée de la loi 5 , (1. de
�( 35 )
'la ju s voccindo; mais on trouve une exception dans la '
loi filL u m , fï‘. lus qui su i vel alieni ju r is surit : cette loi
dit expressément que le mari n ’est point tenu de recon
naître un enfant dont sa femme accoucherait pendant
une longue absence du mari d’avec sa femme : Jiliu m
eum de/in un u s , qui ex viro et u xoreeju s nascitur. Sed
si Jing am us ab/uisse m aritum , verbi gratiâ per decenm um teversian anm cuium invenisse in dom osua, pLacet
nobis JuLiani sententia hune non esse m a ritijiliiim . L a
loi prend pour exemple un enfant d’un a n , anniculum ,
après dix ans d’absence, mais elle n’en est pas moins
générale et absolue, toutes les fois qu’il y a eu impos
sibilité physique de cohabitation : tous les docteurs,
dans
c e e u s , s ’a c c o r d e n t h d é c i d e r q u e l ’e n f a n t n ’a p
partient pas au mari. C ’est la doctrine de l’avocat
général T a lo n , lors d’un arrêt du 16 janvier 16 64,
rapporté au Journal des Audiences, tom. 2 ; de Cochin ,
dans la cause de la demoiselle Ferrand , quoiqu’il
plaidât dans un intérêt opposé; de M M . Daguesseau,
Séguier, et de tous les jurisconsultes.
L ’absence du sieur du Sauvage a duré dix ans. Il
est parti en janvier 1 7 9 1 , il n’est rentré q u ’à la fin de
1801.11 n’y a pas de doute sur celle absence, le tableau
de proscription, celle liste falale est là pour l’élablir.
L a peine de mort prononcée contre les émigrés qui
rentraient ; les perquisitions cruelles et si s o u v e n t renou
velées contre le petit nombre de ceux qui ont essayé
de franchir les barrières, et qui onl élé victimes de leur
témérité, prouvent encore l’impossibilité du retour du
10
�( 36 )
sieur du Sauvage, jusqu’à la restauration du gouver
nement; une série d’acles continuels et indiscrets de la
femm e V é n y , en 1 7 9 2 , en 1793, en l ’an 3 , où elle
a toujours pris la qualité de femme de l’émigré du
Sauvage; son autorisation en justice pour poursuivre
les acquéreurs de son mari; une procédure qui a duré
contre eux jusqu'en messidor an 4; le traité qui l’a
suivie; le partage de la successien de sa mère, fait en
l ’an 4 , toujours en l’absence de son mari, sont des
preuves irrésistibles de l’impossibilité de la cohabita
tion; et lorsqu’il est notoire q u e , pendant tout cet in
tervalle , la femme V é n y vivait publiquement avec tout
autre; qu’elle s’est dite femme Guine^- a fait baptiser
un de ses enfans comme enfant légitime de ce misé
rable, ne trouve-t-on pas, dans cette horrible dépra
vation, de quoi convaincre les plus incrédules? On ne
peut pas résister à l’évidence.
Ainsi, dans l’ancien ordre, la sévérité des lois^ la
rigueur des magistrats n’eussent pas été un obstacle à
la réclamation du sieurdu Sauvage : il eût repoussé avec
succès ces enfans de ténèbres. N ’a-t-il pas encore plus
d ’avantage dans la nouvelle législation?
L e Code Napoléon, art. 3 1 2 , a admis, comme dans
l’ancien droit, la maxime pater est, e t c .« I/enfant
« conçu pendant le mariage a pour père le mari ; néan*f moins celui-ci pourra désavouer l’enfa nt, s’il prouve
« que pendant le tems qui a couru, depuis le trois cen« tième jusqu’au cent quatre-vingtième jour avant la
« naissance de cet en fant, il était, soit pour cause
�C 37 )
« d’éloignement, soit par l’effet de quelqu’accident,
« dans l'impossibilité physique de cohabiter avec sa
« femme ».
Voilà déjà une grande modification à la rigueur des
anciens principes : il ne faut plus une absence aussi
longue que celle prise pour exemple dans la loi JiUum.
L e législateur, en admetlant la présomption du ma
riage pour fixer la paternité, a vu qu’il se mettrait en
opposition avec les premiers élémens du droit et de
le raison, s'il faisait prévaloir une présomption à une
preuve positive, ou à une présomption plus forte. A u
lieu de soutenir la dignité du mariage, on l'avilirait,
on le rendrait odieux, s’il servait de prétexte à légi
t i m e r u n e n f a n t q u i , a u x y e u x du public c o n v a i n c u
par des circonstances décisives, n’appartiendrait point
au mariage.
C'est ainsi que s’exprimait l’orateur du gouverne
m en t, lorsque la loi fut présentée.
L e mari qui se voit obligé de désavouer un enfant,
n ’esl-il pas déjà trop malheureux ? Comment penser
qu’il se porle à une démarche aussi scandaleuse, s'il
était
véritablement père? L?v nature a marqué en.
caractères ineffaçables les traits de la paternité; elle a
rempli le cœur des pères et mères et celui des en/ans
des seniimens de tendresse les plus profonds ei ¡¿s plus
eclalans. Et'commenl croire qu ’ un père éloufle tous
lessenlimensde la nature! C o m m e n t croire qu’il allume
dans sa main les torches de la discorde, et qu ’au dehors
il se dévoue à l’humiliation, s’il n’est pas dans la con-
�( 38 )
viction intime que l’enfant n’est point né de son ma
riage. Ce sont encore les termes dont se servait l'orateur
du gouvernement.
L e sieur du Sauvage a le droit de se placer dans
l ’espèce prévue par le législateur; il n’est que trop
certain pour lui, que la dignité du mariage est avilie:
il en appelle au public, à tous ceux qui ont eu des rela
tions avec sa famille; à fous ceux qui connaissent la
femm e Vény. Ne sont ils pas convaincus, par les cir
constances les plus décisives, que l’enfant désavoué
n ’appartient pas au ’mariage?
Mais il ne s’agit pas ici d’une naissance tardive ou
prématurée, prévue par l’article 3 ia du C o d e . A u x
termes de l’article suivant, le désaveu est admis lorsque
la naissance de l’enfant a été cachée au mari; et suivant
l ’article 3 i 6 , le désaveu doit avoir lieu dans le mois,
si le mari se trouve sur les lieux de la naissance de
l ’enfant; dans les deux mois après son retour, si, à la
même époque, il est absent; dans les deux mois après
la découverte de la fr a u d e , si on lui avait caché la
naissance de l’enfant.
L a naissance d’^énne-Francoise a-t-elle été cachée
au sieur du Sauvage ?
A quelle époque a-t-il découvert la fraude?
A - t - i l formé sa demande en désaveu dans le délai
prescrit par la loi ?
Si le sieur du Sauvage établit ces trois propositions,
il aura rempli sa tache. Anne-Françoise sera repoussée
avec indignation.
�C 39 )
I/acte de naissance d’ Anne-Françoise établit sans
réplique que la naissance a été cachée au mari. Il
était alors absent. La femme V é n y le disait elle-même
lors du jugement du 24 messidor an 4.
C ’est le 19 fructidor an 4 , qu’Anne-Françoise a
vu le jour. Ce n’est que le 4 complémentaire de
la même année, quinze jours après la naissance, que
cette fille a été présentée à l’officier public. Ce retard
annonce déjà le mystère; et sans doute qu’alors la
femme V é n y avait déjà disparu de la maison secrète
où elle avait déposé ce fardeau d’iniquité. Que dit
l ’accoucheur chargé de présenter l’enfant ? Q u ’il a
accou ch é, dans sa maison de lu i déclaran t, le 19
fr u c tid o r
d e r n ie r , A n n e
Vény,
épouse de Charles-
Augustin Sauvage, actuellement absent. Les premiers
juges ont remarqué que ce n’étaient ni les prénoms
ni le nom du mari, qui s’appelle Jean-Cliarles N oy e r
du Sauvage, et non Charles-Augustin Sauvage ; mais
le chirurgien 11’en savait sans doute pas davantage.
Ce qu’il y a de moins douteux, c ’est que le sieur
du Sauvage ignorait tout. S’il avait été instruit, sa
femme n’aurait pas accouché à C l e r m o u t , dans une
maison de santé destinée à recevoir des femmes de
mauvaise vie. Ce n’est pas ijinsi qu’il aurait avili, dés
honoré son épouse.
Si la femme V é n y n’avait pas m e n é une conduite
scandaleuse ; si elle n’avait pas eu besoin de cacher
son crime et sa honte, elle était à C le rm o n t ,a u mi
lieu de sa famille qui n’aurait pas souffert qu’elle se
�( 4o )
fût cachée dans une maison d’a ccou ch e ur, pour se
dérober à tous les regards.
L ’accoucheur lui-même ne prend pas sur son compte
de présenter cet enfant comme appartenant au mari;
il ne la qualifie pas de fille légitime; il dit seulement
qu’il a accouché Anne V é n y iemme de S a u v a g e ,
actuellement absent. Personne de la famille n ’assiste
à
cet
acte. L e chirurgien «n’est
de deux femmes du
accompagné
peuple. Ainsi
c ’est un
que
acte
occulte, ignoré de tous ceux qui pouvaient y prendre
intérêt. A n n a -F ra n ço ise ne peut s’en prévaloir, ni
r é c l a m e r une possession d’état. Elle n’a pas même
osé s’en servir. Il est donc certain quo sa naissance a
été cachée au mari de sa mère. Il n ’est donc plus
douteux qu’elle n’appartient pas au mariage.
,
L a fraude a-t-elle été découverte bientôt après ?
Cela esI impossible. L e sieur du Sauvage n’est rentré
que sur la fin de l’an 9 ; il n ’a élé amnistié qu’en
l ’an i r . Sa femme n’était pas à son domicile, puisq u ’en l’an 11 elle vivait avec Guine%, à Tournai. L e
troisième ac le de naissance n ’est inscrit sur les regis
tres de celle ville de T o u r n a i, que le 6 pluviôse an
11. L e sieur du Sauvage ne pouvait savoir, au M o naslier, que sa femme élijjt en Flandre, et avait suivi
un vil scélérai. On ne s’empresse pas de raconter à un
mari des événemens aussi désagréables; on s’était con
tenté de lui dire que sa femme avait fait divorce. L e
jugement dont est appel constate que ce divorce était
notoire. L e sieur du Sauvage devait être dans celle con
fiance
�( 4* )
fiance que tousses liens étaient rompus avec la femme
V é n y ; qu ’il n’avait plus rien de commun avec e lle ;
et c ’était la plus consolante de ses idées. Mais enfin
il esl averti qu'on ne trouve pas l'acte de divorce ;
que les registres civils n’en font pas mention. Il prend
alors des informations, fait des recherches, et découvre
enfin les quatre actes de naissance, qu’il se fait dé
livrer.
Ce n’est qu'au mois de juin 1809 , que ces actes lui
sont remis. O11 sent combien il a fallu de soins et de
peines pour les découvrir; mais ce n’est qu’au moment
où il les a reçus, que la fraude a été découverte, et
q u ’il a eu la faculté d’agir pour désavouer la pater
nité.
Comment en effet aurait-il pu se pourvoir contre
des individus qui se cachaient dans l’om bre, qui n’agis
saient e n ‘aucune manière? L ’enfant même qui était
chez la dame Demariolles disparaissait toutes les fois
qu’il arrivait chez sa belle-sœur. La dame Demariolles
avait alors pour principe de ne pas montrer à un beaufrère qu ’elle estimait, un enfant qu’elle savait ne pas
lui appartenir.
Il fallait donc être certain que ces enfans existaient,
qu ils étaient n<5s de la femm e V é n y , pour pouvoir
les attaquer en d é s a v e u ; il n ’a pu le faire qu ’avec
leurs actes de naissance, qu i, par l e u r contenu, lui
sont étrangers; ce n’est donc que du jour qu ’il les a
eus en son pouvoir, qu ’il a découvert la fraude ; il
semble qu’on ne peut pas être divisé sur ce point de fait.
�( 42 )
Q u’importe que des témoins de l’enquête aient dit
que le sieur du Sauvage savait qu’il y avait un en
fant chez la dame Demariolles, qu’on faisait dispa
raître tonies les fois qu’il arrivait ? 11 ne résulte de celte
circonstance autre chose, si non qu ’on voulait lui ca
cher la naissance de cet e n f a n t , et qu’on reconnaissait
qu’il ne lui appartenait pas ; c’était précisément la
fraude dont il n'a pu avoir la certitude que lorsqu’il
a connu l’extrait de naissance , qui ne lui a été dé
livré que le 24 juin 1809; ainsi, ce n’est qu ’à ce mo
ment q u ’il a pu concevoir des craintes, et qu’il a pu
faire des démarches légales.
11
forme son désaveu sans perdre un instant. L e
i 5 juin 1806, acte extrajudiciaire aux enfans mineurs
et à la m è r e ; 4 juillet suivant, nomination de tuteur;
7 juillet , demande au tribunal du P u y : tout a été
fait dans moins d’un mois, à die delectœ fra u d is.
A tin a -F ra n çoise voudra-t-elle enfin objecter que
sa mère n’est point condamnée comme adultère; et
qu’il répugne dès - lors qu ’elle soit fille adultérine?
cette objection a déjà été proscrite par un arrêt so
lennel , du 24 août 1811 , dans la cause du sieur B011garei , contre l’enfanl de son épouse, qu’il avait dé
s a v o u é , et dans des circonstances bien plus forles,
puisqu’il avait été prononcé un divorce entre les époux,
par consentement mutuel, pendant la grossesse de la
femme. L ’enfant n’en a pas moins été déclaré adul
térin ; et la Cour de cassation a confirmé cet arrêt.
Ainsi tout se réunit en faveur du sieur du Sauvage.
�( 43 )
Quiconque voudrait soutenir que cet enfant doit être
à sa charge, blesserait également la justice et l’équité
ce serait une atroce barbarie que d’obliger un époux
malh eu reux, de donner son nom à un être ignoble,
fruit de l’inceste et de l’adultère. Si la loi naturelle
et la loi divine nous imposent le droit d’aimer, de
secourir nos enfans;si la nature a imprimé dans notre
â me en traits brûlans, une tendresse profonde pour
ceux qui nous doivent le j o u r , quel doit être le dé
sespoir d’un é p o u x , de tro uver, dans son intérieur,
une femme infidèle et perfide ; de voir croître à ses
côtés des êtres qui lui sont étrangers? Quel doit être
son s o r t , lorsqu’il n ’a pas mêm e la consolation de
douter; l o r s q u e le cri p u b li c l ’a v e r t i t sans cesse de s o n
malheur ; lorsque des circonstances décisives entraînent
de toutes parts la plus intime conviction? Non! il n’est
point d ’état plus déchirant, plus digne de pitié ! et la
loi doit venir au secours d’ un époux aussi cruellement
offensé.
Signé N O Y E R D U S A U V A G E .
M .e P A G E S ,
M. e
ancien Avocat.
D E V È Z E , Avoué-Licencié.
i ................................
■
, ,,
J.-C. S A L L E S , lmp. de la Cour impériale et du Barreau.
�
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The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
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A name given to the resource
Factums Marie
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Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Noyer du Sauvage, Jean-Charles. 1810?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Pagès
Devèze
Subject
The topic of the resource
reconnaissance de paternité
émigrés
divorces
témoins
Description
An account of the resource
Mémoire pour M. Jean-Charles Noyer du Sauvage, propriétaire ; habitant de la ville du Monastier, département de la Haute-Loire ; contre Anne-Françoise, se disant Noyer du Sauvage, mineure, maître Garron, avoué en la Cour, son curateur ad hoc, appelans d'un jugement du tribunal civil du Puy, du 30 août 1810 ; Et le sieur Honoré Debrus, notaire impérial, habitant du lieu d'Allairat, commune de Sallette, défendeur en assistance de cause.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
J.-C. Salles (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1810
1782-Circa 1810
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
43 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0617
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2215
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/5/53877/BCU_Factums_M0617.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Clermont-Ferrand (63113)
Tournai (Belgique)
Le Monastier-sur-Gazeille (43135)
Sallette (43231)
Salette-Falavaux (38469)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
divorces
émigrés
reconnaissance de paternité
témoins
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53391/BCU_Factums_G2021.pdf
0e5a491054d55a27b7eebd52fee367c4
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Text
P R É C I S
P O U R
Sieurs
A n to in e
et
E tien n e
I R L E , appelans;
C O N T R E
E t i e n n e
I R L E
in t im é ,
D U mariage d’Etienne I r l e , aïeul des parties, avec
M a rie Salvage, sont issus quatre, enfans, dont deux seu
lement doivent occuper la C o u r , P ie r r e , premier du
n o m , et A n to in e , prem ier du nom.
(
Pierre I rle , premier du n o m , s’est marié deux fois;
U ne première fois avec Catherine C o u m o u l, duquel
mariage est issue une fille appelée A gn ès Irle
Une seconde fois avec M arie Boudou.
;
Par ce second contrat de mariage, q u i est de l’année
1 7 5 6 , le p è r e , encore v iv a n t , donne à son, fils, par
donation, est-il d it , entre - vifs
pure, simple et irréA
�4U*.
( 2 )
Vocable, avec- promesse de garantir , fournir et faire
v a lo ir , tous ses biens présens et à venir, sous la réserve
a ’etre l o g é , nourri et entretenu dans la maison, et, en
cas d’incompatibilité, d’une pension de 200 francs; et
encore sous d’autres clauses , sous lesquelles clauses ,
charges et conditions il lu i f a it tradition réelle des
„ v
biens donnés.
•11 , «.,»• D e çe mariage sont issus six enfans, Catherine, Etienne,
premier du n o m ; P ierre, second du n o m ; A n to in e ,
second du n o m , Etienne, second du n om ; et Jean.
A n toin e et Etienne, seconds du n o m , sont les appelans.
Etienne, premier du n o m , est l’intimé.
P ierre, premier du n o m , est décédé en 1768, a v a n t
son p ère , après a v o ir fait un testament, le 22 février
de la même année, par lequel il a destiné à chacun de
ses enfans une somme de 200 francs, et institué celui
d’entr’eux qui seroit choisi par l’aïeul et par son épouse
conjointement, ou par le survivant d’entr’e u x ; ce qu’il
dit être sa dernière volonté ; voulant que le présen t,
q u i a été lu au testateur en présence des tém oins , sorte
son elfet :’ ét ensuite, continuant d’exprimer ses inten
tions , il prohibe expressément tout inventaire , s’en
remettant à la fidélité de fees héritiers chargés d’élire : il
çst dit qu’ il a ’bien v o u lu 'fa ir e la description de ses
meubles et effets, desquels effets il a exhibé au notaire
un mémoire ou est contenu le nom et la date d’ic c u x ,
qu’il a fait écrire par le curé de la paroisse : il fait l’état
et la prisée db '¿éi> meubles et bestiaux ; il recommande à
l ’héritier charg'é d’élire, de les rendre en nature, autant
que possible. E t il rfest point fait lecture de toute cette
�-tu*
( 3 )
partie du testament, contre la disposition de l’ordon
nance de 1 7 3 1 , qui veut que le testament soit lu en
entier au testateur.
Ce testament est-il valable? Dans tous les cas peut-il
frapper sur les biens compris en la donation de l’aieul?
Pierre premier ayant prédécédé, a-t-il été saisi de ces
biens? a-t-il pu en disposer?
Peu après la mort de Pierre Irle , et la même année
176 8 , l’aïeul marie Agnès Irle, sa petite-fille du premier
lit.
Par le contrat de mariage il lui constitue, pour les
droits maternels éc h u s, une somme de 900 fran cs, et
quelques m eubles, et pour les d ro its, aussi éch u s, dans
la succession du p è r e , une somme de 400 f r . ,
compris le legs à elle fait par le testament du
ne lui ré se rv e p o in t les fu tu re s successions ;
qu’ayant été mariée du vivant de l’a ïe u l, elle a
égard forclose. On connoît la disposition de la
en icelle
père : il
en sorte
été à cet
coutume
d’A uvergne.
Etienne Irle, aïeul, est décédé en 1769.
E n 177 2 , Pierre second, frère des parties, est décédé.
Par son testament du i 5 avril 1768, il a institué Marie
B o u d o u , sa m ère, pour son héritière.
Marie B o u d o u , mère des parties, a fait son testament
le 20 décembre 1781. Par ce testament elle lègue à
Catherine Irle, pour lui tenir lieu des droits legitnnaires
paternels et maternels, y compris, e s t-il dit, le legs à
elle fait par son p è r e , par son testament du 22 février
176 8 , une somme de 1200 francs; à chacun de ses autres
enfaus une somme de 5oo francs, également pouiMous
A 2
�(4)
droits paternels et m aternels, y compris le legs à eux
fait par leur père, par le susdit testament. Elle nomme
pour son héritier E tienne, premier, du nom , son fils
aîn é, qu’elle*choisit pareillement pour recueillir l’hérédité>du p è re, d’après le pouvoir donné par le testament.
Elle est décédée la même année.
A p rès son décès, Etienne Irle s’est emparé de>.tous
les biens.
E n 178 9 , Jea n , autre frère des parties, est décédé
sans avoir fait de dispositions.
En l’an 2 , Etienne I r l e , second du n o m , l’un des
appelans, se marie avec Marie Albaret. Par le contrat de
m a r ia g e , il cèd e et tran sp o rte à son fr è r e aîné, présent,
ses d roits dans la succession du p è r e , de la m è r e , et de
Jean , mais non de l’a ïe u l, ni de Pierre second ; autre
frère décédé, moyennant la somme de 1000 francs.
L e I er. germinal an 1 2 , l’adversaire obtient une autre
cession de Catherine I r l e , sœur com m une, de tous ses
droits généralement.
O11 a vu qu’Etienne Irle, aïeul, avoit laissé deux enfans,
Pierre prem ier, et Antoine premier.
Celui-ci s’est marié en 176 0 , du vivant du père : par
son contrat de m ariage, il lui fut constitué une somme
de 55o fr., tant pour droits maternels et sororels échus,
que pour d roits paternels à é c h o ir , au p a yem en t de
laquelle le p è re, et Pierre prem ier, son frère a în é ,
s’ o b lig è r e n t solidairement; et au moyen d’icelle, ledit
Antoine quitta à tous lesdits dioits échus et îl échoir,
même au supplément d’iceux.
Irle, comme Pierre premier du n om , a pré
�(5)
décédé son père , laissant pour unique héritière une
iille, M arguerite, aujourd’hui veuve Boucharain.
L a constitution de.légitime n’ayant pas été payée du
v iv a n t, le surplus a été payé par l’intim é, dont il lui a
été donné, en 178 8 , quittance finale.
L e 2 germinal an 1 2 , l’intimé s’est fait céder par ladite
Marguerite Ii'le, autorisée de son m ari, tous droits de sup
plément qu’elle pourroit prétendre, du chef d’A n to in e ,
son père, dans la succession de l’aïeul.
P ar acte du 20 thermidor de la même année, Marguerite
Irle, devenue v e u v e , a ratifié cette cession.
E n vertu de cette cession, l’intim é, Etienne Irle pre
mier , demande à prélever la portion dudit A n to in e ;
prélèvement qui lait encore un des objets de la contes
tation.
L e 21 p lu v iô se an 1 2 , d em an d e p a r E tie n n e , second
du n o m , l’un des appelans, contre E t ie n n e , son frère,
ou plutôt cédule à l’effet de citer en conciliation sur la
demande qu’il entendoit former en nullité, et subsidiairement en restitution contre la cession par lui consentie
dans son contrat de m ariage, en faveur dudit Etienne
premier, de ses droits dans la succession de ses père et
m ère, et dans celle de Jean, décédé ab intestat , comme
consentie en faveur de tuteur ou protuteur, sans reddition
de com pte, et comme contenant dol et lésion én orm e.
Cette cédule n’ayant pas eu de suite, Etienne premier
a i'i son tour obtenu cédule, le 27 germinal su iv a n t, dans
laquelle il n’hésite point à rcconnoître, ce qu ¡1 conteste
aujourd’h u i, que par le prédécès de Pierre prem ier, la
donation de l’aïeul a profité aux petits-enfans, qui l’ont
�(S )
recueillie jure s u o , et que Pierre premier n’a pu par
son testament, en en supposant la validité, disposer que
de scs biens personnels. Il n’a pas non plus été donné
suite à cette eédule.
Nouvelle cédule en conciliation, par Etienne second,
et par A ntoine second. A celui-ci on ne peut opposer
aucun acte. Il n’a point tra ité, il a conservé ses droits
entiers.
Sur la non-conciliation, citation au tribunal de SaintFlour. Jugement contradictoire. A p p e l de la part des
exposa ns.
Les biens sont situés au village de Serres, commune de
la Vastrie, p a rtie co u tu m e d ’A u v e r g n e , partie droit écrit.
Ce qui é to it d u m an d em en t de Château-N euf, apparte
nant au r o i , étoit de droit écrit. Ce qui dépendoit de la
seigneurie de Montbrun étoit coutum e, et relevoit de
la ci-devant sénéchaussée de Riorn. O n sait la différence
qui en résultait, surtout pour les successions. En coutume,
on ne pou voit disposer par testament que des trois quarts;
en pays de droit é c r it, on pouvoit disposer de tout. En
coutum e, la fille mariée du vivant du père ou de l’aïeul,
douée ou non douée, étoit forclose; en pays de droit
é c r it, on ne connoissoit que les renonciations conven
tionnelles portées par contrat de mariage. L e privilège
du double lieu avoit lieu en pays de droit écrit; ¡1 n’avoit
point lieu dans la coutume.
Par arrêt du 4 juillet 1806, la Cour a ordonné, avant
faire droit, que les parties conviendroient d’experts pardevant elle, sinon qu’il en scroit pris et nommé d’oilice,
môme un tiers, s’il y avoit lieu, ù l’effet par lesdits experts,
�( 7 )
i ° . de vérifier si le domicile de famille dans le lieu de
Serres, et où ont été passés les divers testamens, se trouve
situé en pays de droit écrit, ou en pays de coutum e;
2°. de faire la distinction de ceux des héritages compo
sant la succession dont il s’agit, qui sont situés en pays
de droit écrit, et de ceux situés en pays de coutum e;
30. de faire la désignation des uns et des autres par articles
séparés, avec mention de leur contenue et de leur valeur
par aperçu ; et pour procéder auxdites opérations, or
donne que les parties fourniront respectivement les reconnoissances et titres par elles produits, et qu’il en sera fait
application par lesdits experts, ainsi que de tous autres
titres qui leur seroient fournis.
Les experts Chirol et R o d ie r, Cliirol nommé par les
a p p e lo n s , R o d ie r p a r l ’in tim e , se son t tran sp ortés su r
les lieux. A p rè s avoir fait ré n u m é r a tio n des h é rita g e s ,
article par article, formant trente-sept articles, ils ont
p ro c é d é à l’application des titres. Ils n’ont été divisés
que relativement au dom icile, à la maison d’habitation.
Rodier veut que la maison d’habitation, le courlilage,
le jardin, la g ra n ge, écurie et loge attenante, le tout
estimé 2672 francs, soient du mandement de ChâteauI^euf; C h ir o l, au contraire, estime qu’ils relevoient,
comme la majeure partie des héritages, et la majeure
partie du villa ge, de la seigneurie de Montbrun.
A l’égard des autres héritages sur lesquels ils ont pu
.oppltqiier les titres , ils sont d’accord sur l’emplacement;
ils sont aussi 'd’accord sur l ’estim ation. Us évaluent les
héritages dépendans d e là seigneurie de M ontbrun , for
mant seize articles, à 9957 francs, et ceux qu’ils ont jugé
�( S )
avoir fait partie du fief de Château-Neuf, formant quinze
articles,
3604 francs.
Nous disons, sur lesquels ils ont pu appliquer les titres.
Il en est encore neuf dont ils déclarent n’avoir pu faire
l ’emplacement à défaut de titres, estimés 2310 francs.
Les experts ayant été divisés sur le domicile, le sieur
Legny a été nommé tiers expert, par arrêt de la C o u r,
du 29 juillet 1808. Ce tiers expert s’est rangé entière
ment de l’avis de Cliirol; il combat l’opinion de Rodier.
Il ne s’est point occupé des autres objets sur lesquels les
premiers experts ont été unanimes, et il n’avoit point à
y porter son attention. Il ne s’est pas occupé non plus
des h éritag es d o n t les p rem iers e x p erts n’a v o ie n t p u faire
l ’emplacement, faute de titres.
T e l est l’état de la cause.
Il s’agit maintenant de faire droit définitivement aux
parties sur l’appel.
O n se bornera à mettre sous les yeux de la Cour le
jugement de première instance, et les conclusions moti
vées des appelons.
J
u g e m e n t
d e
p r e m i è r e
i n s t a n c e
.
C onsidérant qu’il n’y a pas eu de contrat judiciaire formé
entre Etienne Irle, premier de nom , défendeur, e t(ses frères,
demandeurs, sur le partage des successions dont il s’agit;, que
ce contrat ne peut se former sans l’intervention de l’autorité de
la ju stice, qui n’a pas eu lieu dans l’espôce ; que la première
citation en conciliation de la part d’Etiennc I r le , 'premier do
•nom, n’étoit qu’un projet de demande, et un projet abandonné,
•dès qu’il n’a pas été suivi de citation au tribunal; que les dqmandeurs
�C9 )
mandeurs eux-mémes ne l’ont pas autrement considéré , puis
qu’ils ont de nouveau cité ledit Etienne Ir le , premier de n o m ,
en conciliation aux mêmes fins; qu’ensuite par leur citation
en ce tribunal, ils n’ont pas demandé a cte , ni par le jugement
qu’ils ont obtenu par défaut, ne se sont pas fait donner acte
de l’adhésion qui pouvoit résulter des conclusions insérées dans
la première citation en conciliation, d Etienne I r le , premier
de n o m , aux conclusions par eux prises en ce tribunal ; d’où
il suit que les droits du défendeur étant entiers à cet égard, il
y a lieu d’examiner si les prétentions des demandeurs sont ou
non fondées ;
Considérant qu’il ne faut pas confondre une simple donation
de biens présens et à venir , qui ne transmet au donataire
qu’une part expectative, que le droit de recueillir après la mort
-du donateur daqs les biens que celui-ci laisseroit, en payant
toutes ses d ettes, ou de déclarer qu’il entend s’en tenir aux
biens du donateur à. l’époque de la donation, en payant seule
ment l es dettes a lo r s e x i s t a n t e s , q u i t i e n t e n u n m o t la trans
mission de la propriété en suspens, et jusqu’à l ’événement qui
‘doit l’opérer, avec une donation de biens présens et à v e n ir,
par laquelle le donateur se dépouille actuellement des biens
présens, en fait tradition réelle à titre de donation entre-vifs,
pure et irrévocable, et ne laisse pas de division des biens pré
sens d’avec les biens à ven ir, à faire après la m ort;
Considérant que la donation faite par Etienne Ir le , a ïe u l, à
Pierre Irle, son fils, dans son contrat de m ariage, et de Marie
Boudou , du vingt-deux mai mil sept cent cinquante-six , est
de ce dernier genre ; qu’elle contient réellement d e s s a i s i s s e m e n t
et transmission de propriété des biens présens, et leur distinc
tion d’avec leurs biens à venir; que les termes de la cté ne
Jaissent a u c u n doute sur ce point;
!‘r<Considérant que ce seroit jouer'sur les m ots, q u e de ne vou
loir pas reconnoltre iiu’une telle donation ne diffère presque
B
�útk*
( ío )
en rien d’une donation de biens présens, et institution des
biens à v e n ir, et doit produire les mêmes effets ;
Considérant que récem m ent, et par arrêt du vingt-un fri
maire an treize, une institution contractuelle des biens dont
l’instituant se trouvoit saisi à son d é cè s, avec la clause que
dès à présent l’instituant en faisoit tout don à l’institué, a été
considérée par la Cour d’appel comme une véritable donation
contenant tradition réelle des biens présens ;
Considérant que les contrats de mariage ne sont sujets à
aucune form alité, et sont en général susceptibles de toutes les
Conventions qui ne sont pas contraires aux bonnes mœurs ;
que c ’est surtout dans ces actes qu’il faut principalement s’at
tacher à connoitre l’intention des parties , pour juger du mérite
des dispositions qu’ils renferment ; qu’en général m ôm e, toute
espèce de c o n t r a t doit m o i n s ê t r e a p p r é c i é p a r s a d é n o m i n a
tion que par sa substance et ses effets ;
Considérant que ce principe est consacré textuellement dans
la loi du vingt-deux ventôse an deux, interprétative de celle
du dix-sept nivôse précéd en t, qui a une application directe à
l ’espèce ; qu’en e ffe t , le législateur invité à statuer sur le sort
des dispositions, q u i, bien <jue qualifiées institutions contrac
tuelles , contiennent un abandon d’usufruit, ou la seule réserve
de disposer de tel ou tel fo n d s, ou enfin tradition e ffe c tiv e ,
a décidé que de semblables dispositions renferment une véri
table donation entre *vifs, qui saisit le donataire, les contrats
«levant s’interpréter plutôt par leur substance que par. ;leur
dénomination ;
.j
Considérant, dans l’espèoe, q u e l’intention du donateur de
se dépouiller des biens présens, est non-seulement manifestée
par les termes même du con trat, mais encore par l ’exécution
mêm e de ce co n tra t, puisque du vivant même du donateur,
e t sans réclamation de saipart, le donataire, usant du droit de
propriété il lu i transmis par la donation, fit échange d’un des
�(f r j .
( 11 )
héritages compris en icelle, avec un autre héritage à lui con
cédé par Antoine M a llet, ainsi qu’il résulte de l’acte produit
sous la date du'vingt-sept décembre mil sept cent soixante-un ;
Considérant dès-lors que la seule donation des biens à venir
est devenue caduque par le prédécés du donataire , et a saisi
les petits-enfans du donateur par égales portions; d’où il suit
que là succession de Pierre Irle , pere commun , doit etre com
posée des biens objet de la donation des biens présens , du
vingt-deux mai mil sept cent cinquante-six, pour être partagés
suivant l’effet et validité du testament dudit Pierre Irle , père
commun; et que ceux objet de la donation des biens à venir,
doivent faire partie de la succession de l’a ïe u l, pour être par
tagés par égales portions entre ses petits-enfans ;
Considérant, en ce qui touche la succession de Pierre I r le ,
père com m un, que par son testament du vingt-un février mil
sept cent soixante-huit, il nomma celui de ses enfans qui seroit
élu par E t i e n n e I r l e , s o n p è r e , e t p a r M a r i e B o u d o u , sa fem m e,
conjointem ent, o u p a r l’un d ’e u x , si l ’é l e c t i o n n ’é t o i t faite du
v i v a n t des deux; q u ’il légua pour légitime paternelle à chacun
de ses en fan s, une s o m m e de deux cents fra n cs, avec pouvoir
à ceux qui étoient chargés d’élire de l’augm enter; qu’Etienne
Irle , aïeul, étant décédé en mil sept cent soixante-neuf, Marie
Boudou demeura seule chargée de la remise de l’hérédité , et
fit cette remise ou éléction d’héritier en faveur d’Etienne Irle,
son fils, premier de nom , par son testament du vingt-un sep
tembre mil sept cent quatre-vingt-un;
Considérant que le susdit testament de Pierre Irte , père com
mun , du vingt’Un février mil sept cent soixante-huit, est régu
lier en la forme ; qu’il a été lu en entier au testateur et aux
témoins ; qu’il a été signé par eux, sans divertir à d’autres actes ;
puisque la signature est h la suite de l ’i n v e n t a i r e des m eubles,
ce qui n’est pas divertir ¡i d'autres a ctes, d’après 1explication
portée en la loi 21, au dig. D e testant. , ainsi conçue : E s t auteur
uno conscnsu, nullum alienwn actum iuLcnuiscerc , quod si
B 2
�( 12 )
quid pertinens, a d testamentumJîat testamentum non vitiatur;
qu’on ne peut pas dire que les dispositions qui ont trait, et qui>
sont de l’essence du testam ent, n’aient été lues ; que quand la •
partie relative à l’inventaire n’auroit pas été lu e, cela ne peut
vicier les dispositions dont la lecture a été fa ite , suivant la '
m axim e, utile per inutile non vitiatur;
Considérant qu’il est également certain , d’après la maxime ,
locus régit a ctu m , que les testamens sont réguliers lorsqu'ils
sont revêtus des formes voulues dans le pays où ils ont été
faits ; mais que leur e ffe t , quant à la quotité disponible, dé
pend de la situation des biens ;
<
Considérant à cet égard que le domicile d’Etienne Ir le , aïeu l,
et de Pierre Irle, père com m un, étoit situé au lieu de Serres,
et que l e l i e u d e Serres est lui-méme situé dans le mande
ment d e C h â t e a u - N e u f ; q u e c e l a r é s u l t e , i°. d e l ’a c q u is itio n ,
faite par Antoine I r le , bisaïeul des parties, en mil six cent
quatre-vingt-quatorze, du nommé M olinier, 20. d’une quittance
de droits de lods et........ de droits de la succession de Delphine
M archadier, du vingt-deux août mil sept cent soixante-dixhuit ;
Considérant que le mandement de Château-N euf étoit situé
en droit é c r it , ainsi que l’attestent les commentateurs de la
Coutume d’Auvergne ; que cela est encore confirmé dans l’es
pèce par la forme même adoptée pour tous les testamens dont
il s’a g it, dans la cause qui est la même que celle usitée dans le
pays de droit écrit ;
C o n s i d é r a n t q u e de la forme adoptée p o u r ces testam ens, il
en résulte encore q u ’ ils seroient r é g u l i e r s , quand m ê m e l e do
m icile des testateurs se trouveroit situé en pays coutum ier,
qui n’exige pas, pour ces sortes d’actes, d’aussi grandes solen
nités que le droit écrit;
Considérant que par les rcconnoissances produites par les de
m andeurs, il n’est pas suffisamment établi que les héritages y dé
nommés soient situas en co u tu m e, parce q u e , quoique Mont-
�( i '3 F
brun soit lui-méme situé en pays coutümier , ces reconnoissances énonçant les qualités simultanées du seigneur de Mont
brun , de Château-Neuf et de Verrières , n’attribuent pas pro-.I
visoirement la dépendance des héritages y énoncés à un man
dement plutôt qu’à l’autre ;
’
Considérant au surplus que cette question e st, quant à pré
sent, indifférente pour la décision de la contestation , dès qu’il
est'également avoué par toutes les parties que dans les biens
dont le partage est dem andé, il en est de situés en droit écrit,
et d’autres en pays icoutumier ; qu’il en résulte que ceux des j
légitimaires qui ont conservé leurs droits au partage, doivent
opter, ou pour la délivrance de leur légitime sur tous les biens
tant de coutume que de droit é crit, ou pour le partage dans
les trois quarts seulement des biens de coutume ; que ce n’est
que dans le cas de l’option pour le partage des biens de, cou
tume , qu’il s’agira de les reconnoltre et distinguer de ceux de
d ro it é c rit ;
Considérant que défunt Pierre Irle , f r è r e c o m m u n des par
ties, fit aussi un testament en bonne et due form e, le v i n g t cinq avril mil sept cent soixante-dix-huit, en faveur de Marie
Boudou, sa m ère; qu’il approuva..par icelui la destination de
la somme de deux cents francs à lui faite par Pierre I r le , son
p ère , d’où il résulte que la succession étant purement m obilière,
ainsi que l’annonce le testament lui-m êm e, il n’y a lieu au par
tage d’icelle, puisque la disposition se trouve valable, le tes
tament étant fait en pays de droit écrit ;
Considérant, relativement à la succession de Marie Boudou,
mère commune des parties , et au testament par elle fait en mil
sept cent quatre-vingt-un , par leqn el, en instituant E t i e n n e Irle ,
premier de n o m , s o n héritier personnel, elle lui fit remise de
l ’hérédité du père com m un, que ce t e s t a m e n t est aussi régu
lier en la forme ; que les a u t r e s eiifim s s o n t s a n s intérêt à 1 at
taquer , soit parce qu’ils a u r o i e n t moins jjar l’effet d’un partage
rigoureux, que ce qu’ils ont eu à titre de destination de légi-
�( i4 )
tim e , déduction faite de ce qui seroit censé donné par elle en
augmentation de la légitime paternelle, ainsi qu’elle en avoit
le droit, ne pouvant être censée avoir fait cette augmentation
qu’après s’étre libérée de ce qu’elle devoit à ses enfans pour
leur légitime de droit sur ces biens personnels ; soit parce qu’il
y à confusion de successions, et que celle de ladite Boudou ne
consiste qu’en reprises sur celle du père commun ; d’où il suit
encore qu’il n’y avoit pas lie u , sur la demande en partage')de
cette succession, d’épuiser préalablement les voies de concilia
tion qui favoient été sur celle en- partage de la succession du
père ;
Considérant, en ce qui touche le droit des demandeurs aux
diverses successions dont il s’a g it, que l’un d’e u x , Etienne Irle ,
second de n om , par son contrat de mariage du vingt-sept plu
viôse an deux, a fait v e n t e et cession à E t i e n n e I r l e , premier
de n om , défendeur, de tous ses droits tant dans les biens et
successions de ses père et m ère, que de Jean Irle, son fr è r e ,
décédé en mil sept cent quatre-vingt-neuf ; que cette v e n te ,
faite à fo rfa it, n’est sujette h la rescision pour cause de lésion ;
q u e lle est également régu lière, n’ayant été faite en faveur de
tuteur ni protuteur ; qu’Etienne Irle n’a pu avoir cette q ualité,
ayant joui en vertu du titre universel à lui déféré par les testamens de ses père et mère ; d’où il suit que ledit Etienne Irle,
deuxième de n om , ne peut avoir de droit que dans la succes
sion d’Ëtienne Irle, son a ïe u l, si tant est que celu i-ci a laissé
quelque chose à son d écès, n’ayant pas fait cession de ses droits
i\ cet égard ;
Considérant qu’il en est autremeint à l’égard d’Antoine Irle,
autre des demandeurs ; que celui-ci est également non recevnble
dans les successions de la mère com m une, de Pierre , son frère,
décédé en mil sept cent soixante-dix-huit, mais qu’il a droit à.
celle du p è r e com m un, dans laquelle il amende un quatorzième
sur tous les biens, ou un septième dans les trois quarts de ceu x
de coutume seulement ; qu’il a également droit à la succession
�¿>0) .
( i5 )
de Jean , son frère , décédé ab in testa t, en mil sept cent quatrevingt-neuf, laquelle se c.oriipose des mêmes droits qu'il amendoit clans la succession du père commun, et que ledit Antoine
Irle amende dans celle-ci un cinquièm e, eu égard au nombre
des frères et sœurs qui •ont survécu audit Antoine Irle ;
Considérant qu’aucune cession ou approbation de la part du
dit Antoine Ir le , de la destination du père de fa m ille, ne met
obstacle à l’exercice de ses droits;
Considérant qu’Etienne Irle, défendeur, excipe inutilem ent,
vis-à-vis des demandeurs , de la cession à lui faite par Agnès Irle,
femme R ig a l, sœur consanguine de toutes les parties ; que cette
cession n’auroitpu avoir d’autre effet que de l’exclure elle-méme
du partage auquel elle auroit eu d ro it, si elleiven eût été exclue
déjà par l’effet de sa renonciation portée par son contrat de
mariage du treize septembre mil sept cent soixante-trois'*, qui
^profite à l ’hérédiié ; d’où il ’suit que ledit ’Irle n’a d’autre droit
que de répéter, lors de la liquidation des successions dont il
•s’agît, ce q u ’il p e u t avoir payé d u m o n t a n t d e la d o t d e ladite
Jeanne R ig a l, formant le prix de sa renonciation ;
t Considérant qu’il en,;est autrement dé la cession, faite audit
Etienne Irle , défendeur , par Marguerite I r le , femme Boucharain , fille d’Antoine Irle , oncle commun des parties , du sup
plément de légitime que celui-ci avoit droit de réclamer dans
les biens d’Etienne I r le , son père, aïeul des parties;
Considérant à cet égard que la renonciation n est pas admise
de la part des mâles en faveur d’antres m âles, et ne les exclut
pas du supplément ; qu’elle n ’-est jamais censée, d’après les prin
cipes reçus , pouvoir les' priver 1de la légitime ; qu’il a même
été jugé qu’il n’étoit pas autrefois nécessaire de r e c o u r i r aux
lettres de rescision contre de telles renonciations ;
Considérant que s’il y a eu par la suite , de la part d Antoine
Irle ou de son h éritier, approbation de la destination de légi
time , il n y a pas eu de renonciation expresse au supplément
dont n’étoit pas exclu ledit Antoine I r le , par l’effet de sa re-
■***
�( i6 )
nonciation portée par son contrat de mariage avec Marguerite
,F ré v q l, en mil sept cent soixante; que le droit au supplément
n’étant pas p re scrit, et ayant été cédé par Marguerite I r le , fille
dudit A ntoine, à Etienne Irle , défendeur, celui-ci a le droit
de le prélever en natu re, d’après la loi du dix-huit pluviôse ;
mais que le mérite-de cette demande est néanmoins subordonné
à l’estimation de la valeur des biens d’Etienne I r le , père dudit
Antoine , et aïeul des parties ;
Considérant enfin^qu’Antoine Irle , un des demandeurs,
n’ayant rien touché , a droit à une provision ; mais qu’il y a
lieu de recevoir le défendeur opposant au jugement qui en
accorde également une à Etienne I r le , second de nom , autre
des demandeurs, qui n’a aucun droit au partage réclamé de la
succession du père commun.
P a r c e s d iv ers m o t i f s ,
Le tribunal reçoit Etienne I r le , premier de nom , opposant
à l’exécution des jugemens par d éfau t, des douze nivôse et neuf
pluviôse an treize ; faisant droit sur l ’opposition, déclare lesdits jugemens nuls et comme non avenus ; ce faisant, et pro
nonçant par jugement nouveau, et faisant droit aux parties,
ordonne que la succession de Pierre Irle, père commun des par
ties , sera et demeurera composée des biens objet de la donation
faite à son profit, avec délaissement d’usufruit, dans son contrat
de mariage du.........mil sept cent cinquante-six, par Etienne
Irle, son p ère; plus, des autres biens qui pouvoient appartenir
personnellement audit Pierre*Irle, s’il en existe;
j
Ordonne que celle d’Etienne Ir le , aïeul, sera et demeurera
composée des b i e n s q u ’il peut a v o i r laissés à son décès, autres
que ceu x objet de la donation des biens présens par lui faite
audit Pierre Irle, son fils;
Et les patrimoines ainsi distincts et séparés, ordonne, quant
ü la succession dudit Etienne Irle , aïeul commun des parties,
qu’elles, viendront à division qt partage d’icelle tpar égalité , si
.ta n t est que ledit Etienne Irle ait laissé'quelques bienij à, son
d é cè s,
�( i7 )
décès, autres que ceux compris en la donation de mil sept cent
cinquante-six ; savoir, des immeubles suivant leur consistance,
et du mobilier suivant l’inventaire qui en a été eu dû être fait
au décès dudit Etienne Irle, sinon suivant l’état déclaratif que
le défendeur sera tenu d’en fournir, sauf tous contredits, même
toute preuve en s u s , pour du tout en être fait sept lots égaux,
et un desdits lots être délaissé à chacun desdits Antoine, et
Etienne I r le , second de n om , demandeurs , et un autre lot à
la succession de Jean I r le ,” frère commun des
i parties, décédé
ab in testa t, pour icelui être subdivisé en quatre portions égales,
et une desdites quatre portions attribuée à chacun desdits A n
toine et Etienne Ir le , demandeurs, le tout à dire d’experts dont
les parties conviendront, sinon qui seront pris et nommés d’o f
fices, même un tiers s’il y écliet, avec restitution des jouissances
depuis le déç£s dudit Etienne Irle, intérêts du mobilier à compter
de la même, époque , et intérêts des intérêts ,à .compter de là,
demande/
■
- En c e q u i t o u c h e la s u c c e s s i o n d e P i e r r e I r l e , p è r e , c o m m u n
îles parties, sans s’arrêter ni avoir égard à la demande d’Etienne
Irle , second dç nom , l’un des demandeurs à fin de.nullité de
la cession.par lui faite le vingt-sept pluviôse an deux, au profit
d’Etienne Ir le , p r e m i e r de n om , défendeur, ayant au contraire
¿gard à ce qui résulte de ladite cession, déboute ledit Etienne
Irle , second de nom , de sa demande en partage tant de la
succession de Pierre I r le , père com m un, que de celles de Marie
Uoudou, sa m ère, et de Jean Irle, son frère.; et ayant égard
à , ce q u i résulte du testament de Pierre I r l e , autre ¡de ses
jfÙTes, dccèdç en mil sept cent soixante-dix-huit, le déboute
ï>areillement de la demande en partage de ladite s u c c e s s i o n ;
le déboute enfin de sa demande en provision, et le condamne
^ ..d é p e n s faits à son égard envers ledit Etienne Irle , premier
de n fm , défendeur, hors les frais q u i p o u r r o n t être faits pour
parvenir j nu partage e ffe c tif, s’il a l i e u , d e la succession de
l ’aïejuij
Iaquejlçi il est appelé par le,-présent,,jugement^ qui
Cj
�(i 8)
seront compensés pour être employés comme frais de partage.
Au surplus", sans s’arrêter pareillement à la demande d’Antoine
Ir’e , à fin de nullité du testament de Pierre Irle , père com m un,
ayant égard rà ce qui résulte tant dudit testament que de la
remise d’hérédité faite à Etienne Irle 1par Anne Boudou,>sa
mère,, à ce qui résulte de la donationide mil sept!cent cin i
q uan te-six, et de l’aveu des parties, que les biens, objets
d'icelle , sont situés partie en coutum e, partie en droit é crit;
Ordonne que par les mêmes experts qui auront été choisis
pour procéder au' partage d é la successiori'dé'ràïeul', il sera
piocédié à la 'division et partage desdits biens', ainsi que de tous
autres biens que peut avoir délaissés ledit Pierre Irle à son décès,
si autres il y a; savoir, des immeubles ,suivant leur consistance,
et d u mobilier, suivant l’inventaire qui en a été ou d ù é t r e fàitaprès
l e décès d u d i t P i e r r e I r l e , s i n o n , suivant l ’ë t a t d é c l a r a t i f que le
défendeur seia tenu d’en fournir, sauF'contredits , m ême'toute
preuve en sus, pour être délaissé par cantonnementaudit Antoine
Irle, un des demandeurs, ou un quatorzième sur la totalité des
biens de ladite 1'succession, meubles et’immeubles, tant de .cou
tume que de droit é c r it, bu seulement un s'eptiènie clans les trois
tjuarts'de ceu x desdits biens qui sont situés en pays to u tu m ier,
au choix dudit Antoine Irle, demandeur; ce qu’il sera tenu d’opter
dans le mois , à compter de la signification du présent juge
ment , sinon, et ledit délai passé, en vertu du présent juge
ment et sans qu’i l 'en soit beSôin d’autre, l’option est et de
m e u r e déférée au défendeur; en cas d’option de la part du de
mandeur pour le partage dan9 les trois quarts des biens de
Coutume, ordonne que l e s experts détermineront le nombre f
la nature et situation do ces biens , par application des titres qui
leur seront remis h cet effet par le défendeur, même par le
demandeur, si aucuns il a en son pouvoir; condamne le défen
deur
faire Taison au demandeur, au dire des mêmes experts/
des jouissances des immeubles qni lui écherront par l’effet du
partage et d’après l’option préalable qu if sera tenu'dé faire ;‘ et
�(' l 9 )
c e , à compter'du décès de Pierre. Ir le , si à cette époque Antoine
Irfe ,j deînpn4 eur, a.Yoit'atteint sa quatorzième a n n ée, -sinon,
à compter seulement de l’époque où il a atteint ladite quatorzième
année';r condamne le,défendeur) pareillement à faire raison au
demandeur,: depuis la même, époque, de 1intérêt du quatorzième
du mobilier ,•s’il opte pour le quatorzième dans tous les biens, au
lieu du partage dans les trois quarts de ceux de coutume ; et dans
tous;les.ida's.à faire raison au demandeur défi intérêts desdites res
titutions des. jouissances etiintéréts du^mobilier^s’il y a lie u , à
compter de la.demande ÿ
(
•
‘
L E t ¡quant à la portion revenante !audit Antoine, dem andeur,
dans celle qu’auroit amendé Jean I r le , son frère , décédé ab
in testa
: <
j t.
;. Ordonne que les experts .seront, tenus de délaisser^parjCantdfmernent au lot d u d i t Jean Irle,. pu un quatorzième dans la
totalité dés biens meubles et im m eubles, tant de droit écrit
que de coutum e, ou u n septième dans les trois quarts des biens
de coutum e, d’aprés l ’o p t i o n q u e s e r a t e n u d’en f a i r e ledit A n
toine Ir le , dem andeur, dans le délai à lui imparti ,_pour la por
tion q u ’i l 'amende de son -cjief, sinon l’option déférée au dé
fendeur ;
l- ’
, -a■
' .
Ordonne eh outre que le lot, tel qu’il serp. formé d’après ladite
option, sera subdivisé en cinq portions égales, pour 1une d’elles
être délaissée audit Antoine Irle, dem andeur, avec restitution
des joùissances, à compter du décès de P ierre,Irle, père com
m un, ou de la m ajorité de Jean Irle ;.’et si à l’une 1comme à
l’autre époque ledit Antoine Irle n’avoit atteint luiTm èm e 1sa>
m ajorité, à compter seulement de la majorité dudit A ntoin e
Irle s et en outre avec intérêts desdites restitutions de jouis
sance , à compter de la demande.
Et avant de procéder au partage ci *dessus ,
a.
cession de Pierre Irle , père com m un, o r d o n n e que les experts
s ront tenus d ’estimer la valeur à l’époque du décès d Etienne
I r le , a ïe u l, des biens avenus audit Pierre I r le , son fils , par
G 2
�( 20 )
l’effet de la donation que lui fit ledit Etienne Irle en mil sept
cent cinquante-sîi pour fixer et déterminér:i?la valeur 'dut
sixième revenant sur lesdits biens à Antoine Irlej’bncle Côtttmuri
des p a r t ie s p o u r sa légitime de droit; et en'Cas queiladitéTvaleur excèder la solnme de..............qui avôit été destinéeaudit Antoine Irlé, pour la légitime dans son contrat de mariage avec Marguerite Fréval , du............mil sept cent soixante,
ordonne que prélèvement en nature sera fait du supplément au;
profit d’Etienne I r le , premier de nom , défendeur, comme
représentant ledit Antoine Irle, son o n c le , par l’effet de la»
cession consentie à son profit par Marguerite Irle et Antoine
Boucharain, son m ari, les premier germinal et vingt thermidor
an douze, pour, au cas dudit prélèvement en nature, le par
tage ci-dessus ordonné de la succession de Pierre I r le , père
c o m m u n , n’étre f a i t q u e d u r e s t a n t d e s d its b i e n s après ledit
prélèvement dans les proportions précédemment établies.
Déboute ledit Antoine Irle , demandeur, de sa demande en
partage de la succession de Pierre Irle , son frère, décédé en
mil sept cent soixante-dix-huit.
En tant que touche la demande en partage de la succession
tle Marie B oud ou, mère commune ;
Attendu qu’elle se trouve confondue dans celle du père com
m un, met à cet égard les parties hors d’instance.
Et pour subvenir aux frais du partage ci-dessus ordonné de
la succession du père com m un, comme en cas d’appel, fait
p r o v i s i o n h Antoine Irle , dem andeur, de la somme de deux
cents fra n c s .
Sur le surplus des demandes, fins et conclusions des parties ,•
les met hors d’instance, tous dépens entre ledit Antoine Irle,
demandeur , et Etienne Irlo , défendeur, compensés, qu’ils
pourront employer en frais de partage.
�( 21 )
LC
r
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o n c l u s i o n s
.
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■T; y j loii.c. j ü :
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1s . ;
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A ce qu il plaise a la. cpur,
1
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:: •-'■i'.:
1 >•;
i
E n ce qui concerne la succession de l’aïeul ;
•■Attendu qu’Etienne Irle, par le contrat-de mariage de
Pierre Irle, premier du n o m , son fils , lui a fait une dona
tion de biens présens et à v e n ir, sous la reserve de la
demeure dans la maison, et d’une; pension viagère;
Attendu qu’une donation de biens présens et à venir
ne saisit que p a r la survie du donataire;
Attendu que là circonstance qu’il est d it q u e le dona
teur a fait tradition réelle, sous lesdites clauses et réserve,
ne change r ie n ; que cette clause n’a trait,qu’à l’usufruit
dont E tie n n e I r le se d é m e tto it, sous la r é se rv e d’une pen
sion viagère; que la démission d’ usufruit ne change point
la nature d’ une pareille donation ; i •/
Attendu que le donateur ne po ü voit'p as, lors du con
trat, délivrer les biens à v e n ir , puisqu’il ne les avoit
pas encore ;
Attendu que la donation n’étant qu’ une, et étant cumu
lativement des biens présens et à v en ir, u’auroit pu ne pas
saisir pour les uns, et saisir pour les autres; ,
A ttendu que les premiers juges ont reconnu eux-mêmes
que la donation n’avoit pas saisi des biens à venir; qu’ils
ont borné la saisine aux biens présens; qllC Par ^ 1^s
ont établi deux donations, l’un e, de biens piesens qui
nuroit saisi, l’autre, de biens à venir q u i n’auroit point
saisi, quoique le donateur n’ait voulu faire, et que l’acte
�. «*-•
( 22 )
ne contienne en ciïet qu’une seule donation de biens
présens et à venir ; * ^ ~
g
Que si l’ordonnance permet de diviser la donation de
Liens présens et h v en ir, ce n’est qu’après le décès } et
lorsque le donataire est saisi des uns et dds autres, mais
non du v iv a n t, et quant à la' saisine.; •
*' '
,jTA tten d it que PièrM) Ivle^ donatarne ,:'a piiédécédé'i que
dè^lüi^ !il h ?ti jamais été ’saisi de la donation ; ’
:i-'Attdfcdu qüe la donation a profité dès-lors' par égales
portions aux enfans qui l’ont recueillie directement jure
suo ;
Attendu qu’elle a profité aux enfans provenus du second
Cofitl'at'de mariage dans lequel elle a ¿té faite, à l’exclusion
d’A gnès Irle , iilte dii premier l i t , ainsi que l’enseigne
Ghafcrol, sauf la légitime de ¡droit de ladite A gn ès Irle;
Attendu que quand môme il auroit été saisi de l’eflet
de la. ddnation, et auroit pu en disposer, le testament
est nul faute d’avoir été lu en entier au testateur., conftifriléiridut à la disposition impérieuse de l’a,rticle 5 du
titre 35 !de rdrd'ontlttâoe des testamens;
Q u ’inutilement diroit-on que ce qui a été ajouté après
Iri létiture, ne tient point à l’essence du'testament; que
ro i!dbhhh!n'ce ne dfetîngUO' point y
Attendu que la cesiiou consentie par Etienne I r l e ,
dëiikiÔhte’dit rtiVm, p'ar’son contrat de niai-rngo, en faveur
de Ih pattie adverse, en la supposant valable, ne porte
c jü c ’Au* la succession du p è re , de la m ère, et de Jean ,
iMUe*’ IVèftis d'éfctM'éfe', cft'tm hitïf l.t succession de l’nïetils
(^Ub'dè^îërs elle fob
être un1olistadd à lu réclamation
dtè ’¿“a jidrtiohi 'dh'ni lto5: bîeiis dül liiieul^ .
..
.
�<S*r.
................................................................................................(
2 3
)
' A ttend u , quant au'prélèvement réclamé par la partie
adverse, sur les mêmes biens; dü cÎiël’ d’A ntoine I r l e ,
oncle ,' que quand* on vondrôit induire des termes'du
contrat de mariage d’Antoine I r le , et de la quittance de
17 8 8 , donnée par Boucharain, son gendre , une cession
et transport de la part d’A n toin e, ’d e tous ses droits, l’eifet
de la cession et transport tomberoit dans la succession dè
Pierre Irle, père'comiiiun1, ¿Vec'lequel il a traité; et ledit
Pierre Irle étant dééecîé safaV'dispositions valables, les
exposans en partageroient également le montant dans
ladite succession *
0 1 -
p r e s c r i t e , Paï cu l rè'l!ahtrd ë c é d é cri,,i j 6 g y
Attendu que la-succession de l ’aïéiil, composée tant
des biens existans àTépoqüe d e là 1donation,;que des*biéns
a* venir, doit dès-lBfectré divis^e‘Jcntièrércntre ïés'enfans
du seconcV’ l i t , saiifJla ié^ititne^d’A gnès 'I r le j ‘fille du
. f
{ ¡^ . 0 ,,1
••
-
■
r
premier lit;
c Attendu qu’A gnès Irle ayant'été mariée du vivant de
vnriic
nOThriti
rmv
'Que dèi-ïôi’s il doit être préléVé sur ies biens de coutu fn c , en faveur des mâles ? la ‘légitim e de droit de la
dite A gnès'Irlc, à UVcTiar^e du rapport de la d o t, et tout
le'surplus être divisé par' ¿¿des'portions entré lés enfans
du seccirid ïit."’ r ’
«‘
1
1
’’
1 *’
En ce qui concerne la'succession du p è re , composée
�CH )
seulement des biens par lui acquis personnellement -,
Attendu que le testament dudit Pierre l r l e , premier
du n om , est n u l, faute d’avoir été lu en entier au tes
tateur;
Attendu qu’Agnès lr le , fille du premier lit, ayant été
mariée après le décès de P ie rre , premier du n o m , et le
droit étant éch u , n’a point été forclose.de ladite suc
cession, et que les exposans ne peuvent prétendre dans
cette succession aucun accroissement du chef d’Agnès
lrle ;
Attendu que la cession consentie par Etienne lrle ,
second du n om , dans son contrat de mariage, en faveur
d e la ¡partie a d v e rs e , île ses d ro its dans la succession d u
p è re, de la m ère, et de Jean,,, u n des frères, est nulle,
comme faite en faveur d’un tuteur ou protuteur;
Attendu que l’adversaire ne peut pas dire avoir joui
des biens en .vertu d’un, titre, u n iversel, en vertu du
testament du p è r e , ce testament étant n u l , et d’autre
part ne pouvant porter snr.les biens de l’aïeul;
Que dès-lors cette cession ne peut être un obstacle à
ce qu’Etienne, second du n o m , prenne sa portion dans
la succession
dudit IPierre.Ii'lc,
premier
du
nom.
J\
.•
♦
'•
'*
*•
; ;En ce qui concerne la succession, de Pierre lr le , sçcond
du n o m , décédé après le p è re, mais avant, la m ère; ,
. Attendu que le tesUunenf: dudit 3>ierre lrle , second du
n om , ne peut valoir que pour les biens de droit écrit,
* ;
et le.quqrt spujemçnt, des bjens^de, c(|^timie;
. _^ mi|;
Attendu .
ljt j .ayant
été mariée du vivant de l’aïeul, est fo r c lo s e ,^ a is que
¿ h portion accroît’ aux* itè res; q ilç par cpnséquent la
' succession
�( 35)
.
succession dudit Pierre Irle, second du nom , quant aux
trois quarts des biens'de coutume ‘dont i l 1 n’a pu dis
poser , Üioit 'être diviséê^en six ‘ p ortion s, en comptant
A g n è s ‘Irle le pri vilège du double lien n’ayant pas lieu
ën°coutumé d’A u v erg n e , et la portion d’A gnès Irle être
.
. . .
.
sous-divisée entreJles mâles; 11
7
■ r' Q u ’on ne p e i i t ’ opposer à Etienrre ^ I r l e s e c o n d du
nom',' un des 'exposans1, la cession’ par lui consentie,
puisqu’elle ne porte point sur la succession dudit Pierre
Irle, second du n o m ;
Que 'dès-lors le jugement a incontestablement mal ju g é ,
en déboutant A n to in e , et Etienne I r le , deuxième du
n o m , de leur demande en partage de ladite succession.
E n ce qui concerne la succession de J e a n , composée
d e ce q u ’il a v o it re c u e illi dans la succession d e l ’a ïe u l,
d u p è r e , d e là m è r e , et de P ie r r e I r le , second du n o m ,
:s on frère ;
*- !
•'
J
î
•
! Attendu qu’il est décédé sans avoir fait de dispositions;
Attendu que la cession consentie par Etienne I r le ,
second du-nom , de ses droits dans ladite succession, est
nulle, ainsi qu’ori l’a déjà observé;
t
- A tte n d u 'q u ’A gn és I rle , fille du premier lit] est for
close q u an t;aux biens de coutum e, mais'que sa portion
profite aux mâles; que par conséquent la succession dudit
Jean doit être divisée, quant aux biens de c o u tu m e ,
■eu cinq po rtio n s, A gnès Irle com prise, et la portion
de celle-ci' cire sous-divisée entre les mâles;
‘A ttendu , quant aux biens de droit écrit, qu Agnès
Irle est exclue desdits liions , non co m m e forclose, mais
jjür le privilège du double lien ; que par conséquent
D
�{ * 6: )
la succpssion
dudit
de
ç.çri(;.
•l•» . .Jeqn.,
. ' J''il •- quant.aux.kjens
.wl' » I I
4 drpjt
Î
# «I k.
doit pt\*e partagée pap, ^ga|e^ portions entre :§ps. quatre
enfans jlu spcondjit.^ pt par çoçs^Henj^ppr.;guàr.ff>?(...
Eu ce qui.conpernp
sucçessjon de la mère^ attendu
que le testament de }a m ^ ejes^inexécutable, faute ç^ayqjp
distingué ce qu’elle donnoit .de son çjief;
( A t t e n d u , dans .tous les c a s? que( la s,uçcps?iqp/de la
mère est m o b ilière,,et que lpf mobilier syit lç ^ojniçile^
A ttendu que pa‘r le rapport, clii tieys p^pert, le lievi
d’habitation est dans la partie régie par la coutum e;
que dès-lors, son testament,ne ppurroit valoir qup pour
les trois quarts ;
•■'•j
..ti
A tte n d u , quant aux jouissances, qu’ellesrspnt due?
incoBtestpblement, à com pter de VQUvev|:ure dç çliaque
succession:7
r
.
1 I \j . .» . .
J ,f.'W
A ttendu que les jouissances adaugent hœredttafàn^
et qu’à défaut de payement le cohéritier a droit de Jes
réclamer en fon ds, po,ur éyitpr-.lje^fr^-d’une suite de
procédures judiciaires j, ;[l,.
[
Attendu qu’il doit également etrp fyit compte des dé
gradations , du jour qu’elle^ ont été commises ;
Pire, qujil a été mal jugé par le jugejnçqt dont est
Appel, bien appelé; émendant, jçt faisant çp que les juge?
dont est appel auroient dû faire;
,
<
En ce qui concerne la succession de l’a ïe u l, ordonner,
sans s’arrêter à la demande formée par la partie adverse,
en prélèvem ent du s u p p l é a n t , qu’Antoine Irlp, oncle,
pouvoit prétendre, ,d,ans laquelle dci^ancje elle spra dé
clarée purement et simplement nqn; repçvalilc, ou do^t
eu tout cas (.léboutpe ; qu’il sera procédé au partage de
�^
»
* i*
. ( *7 )
. . .
toits lesdits b ien s, pour en être préieVé en fàÿetir des
m â le s, sur les bietis de c'oïitume, un 'quatorzième à
sous'-diviser en tr'eü x, à la change de rapjobrhîi la consti
tution de dot qui a été faite à ladite A gn ès Irle , du cliéf
¿ ë l’aïeul; et le surplus des biëiW !de coutÜnié, ainsi que
¿éux qui se trouveront régis pat le droit cêrit, êti;e divisé
¿Ü éix portions, d o i t tint à’ chacun des expfrsans, ùné à
ÏÛ succèsàîbiïr,cte ï^îetV-y ïrléJ'sèèbtid du tibiii^ ’ décédé
(ïépüi'sY èt(4i/i(è 'ci ;la sticcëssiûftdb 'Jèaii’jî ïâ doiïati'bn^prbifta'nt ^ üx1 i^iiîs ' énfân'i ijdii Séèbrïcl3lit'/
qui c^ii^Bi-rteia siicdéssibn ^ ¿ ‘ P ië ftè I r le , père
¿oiilmun, laquelle sera défcïâréé composée sè'uÎértiéilt^és
ni
¿'là cessibii çbü'sèntiè p&r Êtiénné Ïrïè, setoWi diï iibiti^
l ’un des éxjiosàns, dans son contrat de m afiàge, 'en faveur
¿ib* là partie àdvèrsè, lâqüëllé sent égaleriient déclarée
m ille , cdncÎamnèr là' prali',iïlé)1àd^‘éWè' à venir à division et
partage de ladite süccessToûj pbür en è’tre délaissé à chacun
déà bxpoisans' Un septième, thnt des biens de di’oit écrit
que dè Jé'bütume , un autre septième à la succession de
Piévre Ir le , second dü n om , et un autre à la succession
Jean Irle.
E n ce qui ‘conéerne la s’uccdssibn de P ie rre , second
du n o m , riiort éh 1 7 7 2 , après le pèrd et 'ra ieu l, mais
àvhftt la môr6, ordonner que la partie adverse sera egaIdment tetujc dé vbiiir division et partage des trois quarts
de tous les biéils de co u tlttn c^ forimint le lbt dudit Pierré
gfccorid, daiis la succession du 'jjèrè- ’et dé l’a ïô u l, pour
D 2
�( a8 )
en être délaissé- un.ysixième' à chacun des e x p o s a n s u n
autre sixième à la succession de Jean, et un nutrq sixième
à A gnès Irle,. et ce dernier sixjème .être*. tfiyi^ çjy tre les,
frères. __ _
;
]'■'
ï
1 ’ -iù
n o ’ JuJ
En ce qui, concerne la succession de J e a n , laque^Ç/se^
dite composée de ee qu’il avoit recueilli da,n$ la suc.ççssion
du p è r e , de l’aïeul, de la m ère, et de P ie r r e , second ’
du nom , tarit «Je jj q n chef .que par. accr^isse/n e^nt,.de lit
fille forclose, ordonner qu’il sera .égalqmept ¡procédé, au^
partage de ladite 'suç,cession, pour, en .Çtrp délaissé dans
les biens de coutume un cinquième à chacun des exposans,
et ui* cinquième à A gnès I r le , et cette dernière portion.
cf.vc sous-divisée entre les frères; et quant aux biens de
droit
écrit,
en. être .cléliiissé un quart à Antoine Irle, et
.■
j
J
^
un autre .^juart à,Etienne I r le , second du npm j et.ee ^
C■
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I '<
.
sarjs s’arrêter à la cession par lui consentie de,ses droits
dans lad ite,
succession,
laquelle
sera •*1déclarée
n ulle:,
) J‘
.
> J
0i1! ,
*
L e tout a v e c restitution des, jouissances depuis chaque
décès, et; des dégradations depuis qu’elles ont été c<p^nmises, et intérêts du tout depuis'la demande.
■'
,
t
'• *
’
H om ologuer le rapport du sieur L ega y, tiers expert,'
sur le point sur lequel les premiers experts ont été di
visés; homologuer également le rapport des premiers
experts Chirol et Rodier , aux points sur lesquelp ils
ont été unanimes; ayant égard à cc qui résulte desdits
rapports, ordonner que les biens de coutume demeu
reront composés de la maison d’habitation et autres
objets formant les deux premiers articles du rapport
des p r e m i e r s experts, sur lesquels ils ont été ,divisé;) ;
des articles qu’ils ont déclaré unanimement avojr été
�c '* u :
.
daps la ¿dépendance d e fla seigneurie de Montbrun ; et
des articles dont ils ont déclaré n’avoir.pu faire rem pla
cement :fa,u.te de titrpsylsoit <Jomme;lgi ç^utume formant
le flroit;commun.e,t presque général ,'so\t comme l’adversairejé,tapt,[pp'üti .de_,,tqusjlçfijt-itrespapiers de [la-su.ccesçiçp./et affectant de nerproduire que ceux qu’il croit
lui être avantageux:
. ta
v
.'
^[Ep.içç qui.çoncerpeJa succession de la mère, ordonner
parçülçment^qu’il.sci^ procédé au .partage,de ladite suc
cession,, pour en ¡çtye,délaissé jV chacun, des exposans un
cinquième ,dans la totalité; subsidiairement, dans le cas
où, la Gour js’arrêteroit au testament de ^ladite Marie
Boudou, un cinquième dans les trois quarts, le testament
ne pouvant valoir que pour un quart, et pareille portion
à la succession
Jean r .av.ee intéjr£ts, depuis ,1e décès.
Donner acte aux exp osan s cto cc qu’i l s ‘ co n sen ten t h
ce que. la pprtion qui^peut leur revenir dans lesdites
successions',' leur soft expédiée en un seul et même lot ;
en conséquence, ordonner qu’il sera procédé audit par
tage, de proclie en p ro ch e, par ensemble et canton
nem ent, autant que faire se p o u rra , et que les diffé
rais lots et portions qui peuvent revenir à chacun d’e u x ,
quoique distincts et séparés entr’eux , seront réunis pour
leur être expédiés vicinalem ent, et ne former qu’un seul
et même l o t ; ordonner aussi qu’il leur sera expédié
des fonds également de proche en p r o c h e , en payement
des jouissances et des dégradations à dire des mêmes
experts qui procéderont au p a r ta g e ; o rd o n n e r que par
'i f ,,? # » '? æ ? p î ;:! s
mareçti.o#.
a yçc .
H i.^ j.
¿
.
f
i
p
c
s
�( 30 )
d’eau et autres servitudes actuellement 'existantes e t
cessaires pour l’exploitation des lots.
Ordonner que l’adversaire sera tenu de justifier de
l ’inventaire qui a été fait ou dû être fai t a p r è s l e s
divers décès, ou de donner un état déclaratif du m obilier
de chacune desdites successions, et ce dans la h u itain e
à compter de la signification de l ’arrêt à intervenir, sauf
les contredits, sinon autoriser les appelans à fai r e la
preuve de la consistance dudit m ob ilier, tan t p a r titres
que par tém oin s, pour l’enquête, ou les enquêtes faites
et rapportées, être ordonné ce qu’il appartiendra. !
Condamner l’intim é en tous les dépéns tant de cause
principale que d’appel.
;
.1
M e. P A G È S - M E I M A C , a v o c a t
'
"
M e. CO S T E S , avoué licencié.
1
i
A R IO M , de l’impr. de T h i b a u d , imprimeur de la c our
d'appel, et libraire, rue des Taules, maison LANDRIOT
�
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Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
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/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Irle, Antoine et Etienne. 1810?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Pagès-Meimac
Costes
Subject
The topic of the resource
testaments
donations
successions
inventaires
experts
droit écrit
droit coutumier
contrats de mariage
forclusion
Description
An account of the resource
Titre complet : Précis pour sieurs Antoine et Etienne Irle, appelans ; contre Etienne Irle, intimé.
note manuscrite : « Voir l'arrêt au journal des audiences, 1810, p. 119. »
Table Godemel : testament : 12. un testament est-il nul s’il ne contient pas la mention qu’il a été donné lecture d’un inventaire qui le termine ? Donataire : un donataire de biens présents et à venir, n’est-il saisi de la propriété des biens présents qu’au décès du donateur, quoique celui-ci abandonne la jouissance des biens présents ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
de l'imprimerie de Thibaud (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1810
1768-1810
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
30 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2021
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Lavastrie (15099)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Relation
A related resource
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contrats de mariage
donations
Droit coutumier
droit écrit
experts
forclusion
inventaires
Successions
testaments