1
100
4
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/5/53856/BCU_Factums_M0545.pdf
1e2c02c93c3ca0bf2f2262d4f4e10181
PDF Text
Text
• » « « H * ïfiîH f* jf ît * *
» if» « » « :» « # » * +
i+
l ++++++++++f+++4M
t\
t,^
’‘^ t t » S I K » * 3i : » 3l*ÎHïi
*+++*++++*++++++++++
ËaBt{pmrfrtft£3f|pTn^ ; a f f gjffi73h|pr^ î f t atfr^u 1fffiîa^
EPLIQUE
P O U R
M e.
A ndré.
F a u g i e r
de l’ enfant pupille du feu Sieur C
B o u rg eo is ;
le
Sieur
J
l a u d e
a c q u e s
& D e m o i f e lle F r a n ç o i s e
Prêtre
M
T u teu r
F a u g i e r ,
a s s a r d i e r
F a u g i e r ,
mariés
;
9
In tim és;
C O N T R E
lés Sieurs B
a r t h e l e m i
R
o b i n
,
Appellant ;
Et
J
e a n
- B
a r t h e l e m i
R
,
obin
auffi
Intimé
L
O R SQ U ’U N teftam ent, arraché à la Foibleffe par l'obfeffion bleffe
également la nature & la loi
{
la juftice, en le profcriv a n t, venge avec
'plaifir le mépris de la l o i , & l’injure faite à la nature.
parvienne à fe faire inftituer héritière par fon époux ,
judice des fucceff eurs légitimes de ce dernier •,
le
.
y
Qu’une f e m m e rufée employé toute forte da manœuvres &
au
commun
A
pré
des
?
(/
c r f ù ' *.
�z
hommes qui n’y regarde pas de fi p rès, fur les moyens de s’enrichir, ne
la blâmera pas peut-être \ mais fera-t-elle applaudis par les perfonnes
honnêtes qui fa piquent d’une certaine délicateffe ?...... C e n’eft pas des
adverfaires que nous attendons la réponfe.
Que cette femme diflîmulée , violant fes promettes les plus folemnelles 8c les plus foutenues , trompant l’intention bien connue du
teftateur, dépouille les héritiers, du fang pour enrichir des étrangers 5
qui approuvera cette trahifon, cette perfidie ? Perfonne , fi ce n’eft
ceux qui en recueillent le fruit.
L ’avidité , impatiente de tenir fa proie , ne prend pas toujours
toutes les précautions pour fe l’affurer : le teftament furpris eft nul ;
les héritiers du fa n g , conduits par la l o i , viennent réclamer aux
pieds de la jufticc l’héritage de leurs peres envahi' par des étrangers :
qui pourra le trouver mauvais Si fe plaindre ? Perfonne ; fi ce n’eft
les étrangers , intérefies à fe maintenir dans leur ufurpation.
T e l e f t , en racourci, le tableau fidèle de la conduite de la D llc,
Robin
des adverfaires. T elle eft la pofition refpeclive des parties.
C ’eft bien vraiment aux freres Robin qu’il appartient de qualifier
les expofans de collatéraux avides.
Quoi donc ! les adverfaires, abfo~
lument étrangers au nom , au fang, à la famille du fieur Dancette , ces
étrangers injuftement revêtus des dépouilles des enfans de la m aifon, les
traiteront d'avides collatéraux ! . . . Lcîdefir de nuire porta-t-il jamais
à 1111 excès plus révoltant l’abus des termes
5c des qualifications !
Ces adverfaires croient fuppléer à ce qui manque du côté de la
jufticc S i des moyens à leur prétention, par le ton avantageux 8ç
confiant avec lequel ils la foutiennent ^ mais les juges que nous avons
Je bonheur d’a v o ir, font trop fa g e s, trop éclairés, pour prendre
le change.
A entendre les fieurs Robin ( 1 ) , les expofans font d ingrats calonu
_ ............................
......... ........ > ■
( 1) P a g . 1 , 1 £c 3 du m é m o i r e des adverfaire».
�ï
niateurs", qui déchirent impitoyablement celle .q u ia verfé fu r eux des
bienfaits à pleines mains.
A entendre ces adverfaires, c e f i à la D lle.
Robin que Me. Faugier , prêtre , ' doit fon éducation & fort état*
C'eft elle q u i, pour favorifer l'établiffement du pere du pupille Faugier ’
lui donna , dans fon contrat de mariage , des biens confidérables qui
embrajfent tout l'ancien patrimoine du teflateur.
C ’eft ainfi que , pour tâcher de jetter un vernis de défaveur fur les
expofans, pour avoir le plaifir de les taxer d’ingrats, de calomnia
teurs , les adverfaires fuppofent des bienfaits verfés à pleines main
fu r eux par la D lle. Robin , tandis qu’ils favent bien que cette femme
a fait aux expofans tout le mal qu’il etoit en fon pouvoir de leur faire :
quelle imprudence de la part des adverfaires 1 ils n’ont pas fenti qu’ils
mettoient les expofans dans la néceiTité de relever des faits qu’ils
avoient bien voulu taire jufqu’ic i, par égard pour la mémoire de la
Dlle. R o b in , 8t par ménagement pour les adverfaires'eux-mêmes.
L a calomnie cft l’arme ordinaire des lâches j l’ingratitude eft le
vice malheureufement trop commun des cœurs plus vils, plus lâches
encore. Ces traits odieux n’ont jamais caraûérifé les expofans } ils
ne font point de vils ingrats , de lâches détracteurs ; leur conduite,
leurs fentimens leur ont toujours mérité l’affe&ion & l’efHme de leurs
compatriotes : ils tiennent plus à leur réputation qu'à leur fortune ;
& s’ils défendent avec chaleur celle-ci contre les efforts de l’ufurpatio n , ils ne fouffriront pas fans doute que l’autre foit impunément
en butte aux atteintes de la calomnie.
Pour repoufler les traits envenimés des adverfaires, il faut d o n c,
puifqu’ils l’exigen t, faire connoître la conduite de la Dlle. RoTiin à
1égard des expofans,
Sc les prétendus bienfaits quelle a yerféfur eux j
ils fon: vraiment d’une efpece iinguliere.
L e premier coniifte à avoir fait perdre aux expofans, Sc à Anne
Dancettc leur m ere, fes droits légitimâmes en capital Si intérêts,
fe portant à plus de 40,000 liv.
A i
�4
Anne Dancettc étoit la feeur unique du Heur André Dancette , du
teftament duquel il s’agit.
Ce frere étoit le feul garçon , & l'héritier
de la maifon , beaucoup plus pgé que fa feeur 6c Ton parrein. Après
le décès des parens communs, Anne Dancette fut fous la tutelle 6i
la dépendance de fon frere 6c de la Dlle. Robin fon époufe.
Devenue
nubile , ils lai marièrent comme ils voulurent , 6c ne lui conftituerent
qu’une chétive dot de 4000 liv. ,
cela , parce qu’il ne plut pas à
la Dlle. Robin de lui donner davantage , quoique le fieur André
Dancette eût hérité des pere 6c mere communs de plus de cent
mille livres.
Cette circonitance n’eft pas indiff-rente pour les expofan& j il ei^
réfulte que l’héritage qu’ils réclament n’eil pas le fruit <^es fueurs ,
des travaux 6c de l’induitrie du fieur André Dancette } il n’exerçoit
aucune profeflion ; la fortune dont il jouiffoit, 8c qui ne fut pas
certainement augmentée par fon mariage avec la Dlle. R o b in , qui
ne lui porta qu’une miférablç dot de 40Ç0 liv. : cette fortune é to it ,
pour ainfi dire , un dépôt que fes peres lui avoient tranfinis, pour
qu’il le re m ît, à fon to u r, aux héritiers du môme fang. ‘ En récla
mant la fucceffion du fieur André D an cettc, que la loi leur aflure ,
ce 11’eft donc que le patrimoine de leur grand - pere maternel que
les expofans revendiquent contre
des étrangers qui le détiennent
injuftement.
Mais revenons à la Dlle. Robin.
-
La mere des expofans eut le malheur de perdre trop tôt le (leur
Faugier fon époux, qui la laifla elle -mêm e infirme 6c chargée dç
trois enfans en bas âge.
L a Dlle. Robin , qui étoit fort prévoyante,
fentit qu e, tôt ou ta rd , Anne Dancette ou fes enfans réelameroient
les droits légitimaircs qui lui étoient dus.
Pour éviter toute difcuiïion
à cet égard , la Dlle. Robin S i le fieur Dancette fon é p o u x , qu’elle
fnifoit mouvoir à fon gré , abufant de la trifte fituation de leur fœur ^
¿S". on la berçant de la fau'iTc promefie de fe charger de l’éducatlofl
�^
Y
¿Mi/
& de rétabliflement de Tes enf;
une renonciation gratuite à tous
rent , par a£te pu b lic,
egitimaires
ou iupplcmcnt
de légitimé , moyennant la chétive Tomme d g -4 000 liv. reçues lors
de ion mariage, St c e , tant pour le capital que pour les intérêts
1—
depuis près de trente ans , ce qui faifoi: un objet de plus de 40,000 1. ,
v u , comme nous l’avons dit ci-deffus, que le patrimoine délaillé par
les pere & mere communs étoit de plus de 100,000 liv.
Les adverfa'res ne contefteront pas vraifemblablement ces faits ;
ils ne font que trop notoires ; les expofans peuvent d’ailleurs produire
le contrat de mariage de leur mere , 6c. 1 a£le à elle extorque de
renonciation gratuite.
Il eft vrai qu’Anne D an cette, trop confiante , envoya, chez ion
frerc , fon fils cadet ( c’eft M e. F augier, prêtre ) , qui y refta deux
ou trois ans.
»
Mais comment la Dlle. Robin rempliffoit - elle fa promefie , &
foignoit - elle l’éducation de cet enfant ? En l’envoyant travailler aux
champs avec les journaliers , ou garder les beftiaux avec les domçiliques ?
L e jeune Faugier fe plaignoit amèrement } pour le rendre plus
docile , la Dlle Robin le maltraitoit de la maniéré la plus cruelle,
Nous voulons bien épargner à fa mémoire le détail affligeant de ces
mauvais traitemens, qui auroient mêtpe excédé les bornes de la
corre&ion paternelle \ les adverfoires les connoilTent, &L tout le
monde s’en rappelle avec horreur dans le pays.
Voilà des traits ’
d’humanité S i de bienfaifance de la par de la Dlle. Robin a l’égard
des expofans.
L e jeune Faugier, très-dégoûté de l’éducation que luidonnoit la Dlle.
Robin , revint auprès de fa mere.
C e lle-ci, convaincue par une trifte
expérience, combien perfides étoient les promettes qu il’avoicnt féduite,
réfolut d’impétrer contre l’afte de renonciation qu’on lui avoit extor~
gué.
Avant d’ufer des voies de rigueur; elle employa la médiation
tUCUJ il A
�6
du paftcur refpcclable qui fait encore le honneur 8c l’édification de
la ville de Beauzac.
L e fieur Dancette 8c la Dlle. Robin prièrent ^
Me. Proriol de repréfenter à leur fœur , que deux de leurs enfans
ayant fait profeiîion dans l’état monaftique , & le troifieme n’ayant
point de lignée , leur intention étoit d’ailurer tous leurs biens par
une fubilitution aux enfans de leur fœur :> que fi elle fe permettoit
la moindre démarche , elle feroit avorter ce defiein. Cette affurance
mille fois donnée, fit perdre, à la mere fe s expefans, toute idée de
réclamation.
L e iieur André Dancette étoit de bonne foi dans fes promefies ;
6c ce qui le prouve , c’eft le tellamcnt qu il fit en 176 0 , par lequel,
au cas du décès de M e. Claude Dancette y -a v o c a t, fon fils , fans
enfans, il fubftitue tous fes biens à Claude Faugier pere du pupille,
dont Me. Faugicr , prêtre , cil tuteur.
Mais la Dlle. Robin étoit-elle
auilî lincere que fon époux ? Le -procès actuel prouve fuilifammenr
le contraire.
Les adverfaires font fonner fort haut la donation faite par leur tante
dans le contrat de mariage de Claude Faugier.
Mais on eft forcé de rabattre beaucoup de cette prétendue libé
ralité , quand on fait qu’elle avoir pour objet de doter une fille de
la fœur à la Dlle. R o b in , quelle voulut unir à Claude F augier, en
dépit, de l’avcrfion que ces jeunes perfonnes avoient l’une pour l’autre.
Les chagrins que ce ménage mai aiTorti a procurés à Claude Faugier ,
& qui ont abrégé fes jo u rs, n’ont que trop juftifié fa répugnance.
O n eft encore forcé de rabattre beaucoup de la prétendue libéralité,
quand on voit dans l'aéte même , qu’elle n’a été faite qu’à condition
1
que la future renonceroit à fes droits légitimaires, tant paternels que
maternels ) quand on voit que les biens donnés, qui ne font évalués,
qu’à 8000 l i v ., ce qui ne fait pas la vingtième partie du patrimoine
du fieur D an cette, font chargés , indépendamment d’une
infinité
d’autres réferves, d’une penfion de 400 liv. en faveur de dom Jacques
Dancette benédi&in.
�?
• Enfin, les biens donnés, eflimés 8000 liv.
en valulTent-ils 30 , 8c
fuflent-ils donnés en feule confidération de Claude Faugier , ce qui
n’eft pas , ce
/croit jamais qu’un foible dédommagement de partie
des droits légitimâmes que la Dlle. Robin a fait perdre aux expofans
6c à leur mere.
On n’a pas calomnié la Dlle. R o b in , quand on a dit qu’elle avoit
forcé fes enfans_à faire profeffion dans l’état monailique.
Comment
les adverfaires peuvent-ils foutenir le contraire, eux qui ont été témoins,
ainfi que tous les habitans de la ville de Beauzac 8c des environs,
des plaintes am ères, des reproches que le religieux D ancette a fait à
la Dlle. R obin, d’avoir violenté fes goûts 8t fon inclination décidée
pour le commerceT
Les tentatives inutiles de ce religieux, fa con
duite , fa fuite 8c fa poiition a & u e lle , ne prouvent que trop l’averilon qu’il a toujours eue pour un ctat que fa mere lui fit embrafler
malgré lui.
Les fieurs Robin n’ont pas meilleure grâce à faire valoir le pré
tendu teilament du 7 avril 1733 , pour prouver l’afFedlion confiante
&. les diipofitions inébranlables qu’ils prêtent au fieur Dancette en
faveur de fon époufe.
Sans regarder de bien près ce prétendu teilam ent, on voit que
ce n’eft qu’un p ro je t, un chiffon, une minutte informe d’un teila
ment dont la Dlle. Robin n’auroit jamais pu prendre avantage ÿ au
<lemeurant, tout s’y réduit pour elle à un iimplc legs de jouiifance.
Mais ce teilament fût - il aufn férieux qu’il efl illufoire, 8c les
adverfaires puflent-ils en invoquer cent pour un , plus ils en produiro ie n t, plus ils fourniroient des preuves de l’importunité de cette
femme , de l’obfeiTion Sc de l’efclavagc dans lefquels elle tenoit fon
époux.
T out cela ne fait pas que , lorfquc le fieur André Dancette a pu
échapper à fon argu s, ôc fuivre les mouvemens de fon afïe&ion 6c
&c fa volonté, il n’ait difpofé en faveur des expofans j témoin le
�3
teftament de 1 7 6 0 , en faveur de Claude F aü gier, pere du pupille,'
don: Me. Faugier eft tuteur.
Après c e la , comment les adverfaires
ofent-ils dire qiie toutes lés fo is que le fieur^ EiMyùfc a teflé , fort
époufe a été l'objet invariable dé fa prédilection ?
Ne croyons donc pas , ajoutent les adverfaires , qilt ddns le tef i ar
ment du i ç décembre 17¿>8 , le fieur Dancette lia it été que l'écho de
ta volonté de Marie Robin. (1)
Pardonnez-moi, rien que l’é ch o , Sc moins encore : lé fieur Dancette
n’a jamais été que l’inilrumerit très-paflîf de la volonté trcs-abfolue
de Marie Robin.
Les adverfaires fe prévalent iinguliéremënt de la diftance des lieux ;
ils nont pas dfc fe permettre ce tas de menfonges devant le Sénéchal
du Puy
ils n’auroient pas fait fortune auprès de ces juges , qui j
pius rapproches des parties & dii lieu de la feene, étoient plus par
ticulièrement inftruits de toutes les circoniïances.
Les iîeurs Robin imaginent - iis que les expofans aient oublié c e
dont tout le monde fe fouvient encore avec indignation dans le pays j
toutes les manœuvres que leur tante employa pour fe procurer le
teftament du 29 décembre 1768 ?
L e fieur Dancette ne penfoit à rien moins qu’à faire teftament ce
jour-la •, mais la Dlle. Robin y penfoit fans relâche depuis le décès
de fon fils aîné.
Pour cet e ffe t, elle invita à dîner cô joür-là n iêm é, 2.9 décembre
1768 , le notaire Duplain 8c les deux témoins iignataires.
Après le
dîner , elle dit au fieur Dancette , qu’il falloit qu’il fît teftament eh
fa faveur.
Ce pauvre m a ri, qui n’a jamais ofé dire non en face dé
fa chere moitié , quand elle avoit di: o u i, ne fit aucune réfiftance •
en conféqucnce on fabriqua le teftament foi» la cheminée de la cuifine.
( 1)
P a g e 3 du m ém o ire des adverfaires*
Quand
�Quand
¡1 fut
clôture 8c
Robin , pour compléter le
nombre des témoins num érfeis^hijirChercher elle-même le grangier
ou jardinier de la D o rliere, qui travailloit dans l’enclos avec fes trois
fils -, elle leur dit de venir tous les quatre à la cuifine boire une
bouteille de vin : ils entrent:, on prend leur nom de baptême 3 ils
boiven t, ils fe retirent fans qu’ils aient même entendu lire le teftam en t, fans favoir même qu’ils eufTent été appelés à raifon d’un teftament.
Ce font des faits que ces quatre témoins ont raconté , 8t qu’ils
atteftent chaque jour à qui veut l’entendre.
T ou t le monde a vu la garde févère que la Dile. Robin faifoit au
tour de fon mûri ; elle ne le quittoit pas plus que fon om bre, depuis '
qu’elle l’avoit fait difpofer en fa faveur.
T out le monde a vu com
bien elle éroit ardente St foigneufe d’empêcher toute communication
contraire à fes intérêts, fur-tout de la part des expofans ou de leur
m ere, à l’époque de la dernière maladie, qui enleva prefque fubiteinent le iieur Dancette , qui demandoit inflamment 5z à hauts cris ,
mais en vain, un notaire pour refaire-fon teftament.
T out le monde à Beauzac 8c à Confolent a connu les promeiles
perfides, à l’aide defquelles la Dlle. Robin a arrêté Sc fufpendu les
juftes réclamations des expofans du vivant de cette derniere , contre
le teftament furpris à fon époux.
Les expofans peuvent invoquer le témoignage non ful^e# de la
dame Dancette , religieufe à Moniftrol.
Cette dame ayant obtenu la
permifiîon d’aller voir fa mere dangereufement malade, lui repréfenta,
■qu’en fe conformant à l’intention de.fon époux , elle ne pouvoit s’em
pêcher de rendre aux expofans les biens de leurs aïeux.
L a Dl!c.
Robin aflura fa fille que tel avoir cté toujours fon deflein , qu’elle y
avoit pourvu, Si que les expofans auroient lieu d’être fatisfaits} St
cependant elle avoit déjà difpofé, en faveur des étrangers, de cette
‘fucceiïion ufurpée fur les héritiers du fang.
J1 n’en coûte rien aux adverfaires de fe permettre les impoftures
�10
les plus patentes : n’ont - ils pas ofé dire que les diipoiltions de la.
1311e.
Robin ont été généralement applaudies 8c refpe&ée's dans le
p a y s , tandis qu’au contraire elles exciterent 6c excitent encore aujour
d’hui l’indignation univcrfellc ! Il ri’eit perfonne dans le pays , non'il
n’eiï perfonne , iî l’on excepte la famille Robin , qui n-5 rafle les vœux
les plus ardens pour voir rentrer les expofans dans l’héritage de leurs
p ere s, qui leur a été enlevé par la perfidie la plus ivoire.
E t les fieUrs Robin eux-mêmes , quoiqu’ils fulTent bien à quoi s’en
tenir fur les intentions fecrettes de leur tante : quelles tram es, quelles
manœuvres ces deux freres rivaux n’ont-ils pas em ployé, foit auprès
des dom eiliques, foit auprès du religieux Dancette , pouf s’arracher
l’un à l’autre la proie qu’ils s’envioient mutuellement ! Peuvent - ils
penfer que les expofans les ignorent, lorfque tout le pays en eft
plein ? Cette coniidération, &C bien d'autres, auroient dû les rendre
plus diferets 6c moins avantageux.
Loin de provoquer les expofans
auiïi hardiment qu’ils l’ont f a it , leur propre intérêt auroit dû les
engager à favorifer le filence des expofans fur des circonftances fi peu
flnttcufes pour eux 6c pour leur tante , £c fur lcfquclles les expofans
auroient volontiers continué de fe taire 3 parce que qu an don eft aufiî
puilfamment défendu qu’ils le font par la l o i , on peut fans crainte
négliger de limples coniidérations.
Mais les adverfaires , par leurs
imputations odieufes , ont fait violence à la modération, à l’indulgencc
des expofans ; ÔC il ctoit trop de leur intérêt de convaincre la Coup
6c le public qu’ils ne fo n t, ni de vils ingrats, ni de lâches calonir
niateurs.
D ’après ces faits, quç les adverfaires nous ont forcés de dévoiler j
d’après ces faits généralement connus, que tout le monde attefteroiç
dans le p ays, ÔC qui prcfquc tous font établis par des a£tes publics,
de quel»front les adverfaires ofent-ils dire (1) , que f i cette caufe dévoie
( 1 ) P a g e 16 du m ém o ire des adverfaires,
\
�ïî
êtte jugée fur des conji¿¿rations , perfonne ti'ejl plus favorable qu'eux.
On ne fait comment cara&érifer tant d’audace !
Ces confidérations, que les adverfaires invoquent fi mal adroite
ment , font toutes pour les expofans j mais quelques décifives, quel
ques favorables quelles foient pour e u x , l’équitc , la nature 8c la
loi leur font encore plus favorables.
§.
P R E M I E R .
L A ientcnce dont eft appel a caiTé
déclaré nul le teftament du
lieur André Dancette , du 2,9 décembre (^1768, par contravention à
l’ordonnance de 1735 , en ce que ce teftament, ayant été fait dans une
maifon du fauxbourg de la ville de Beauzac , ne fe trouve figné que
par deux témoins.
Les adverfaires font forcés de convenir (t) , qUC fi Beauzac eft
une ville , le teftament du fieur Dancette retenu dans le fauxbourg
de cette ville , eft néceffairemcnt nul 8c caflable.
Cela pofé , l’ordre progreflif 8C naturel des idées exige que , pour
juftificr la fentence attaquée, on prouve d’abord que Beauzac eft
réellement une ville ayant des fauxbourgs* i° . Que la maifon où a été
retenu le teftament dont s a g it , fait une dépendance de ces fauxbourgs.
Et d abord Beauzac eft une ville murée ayant des fauxbourgs.
Nous avons déjà rapporté la preuve la plus vi&orieufé de ce fait ;
8c pour éviter des répétitions inutiles , nous fuppiions la Cour de fe
fixer fur le précédent écrit des expofans, depuis la page 9 , jufqu’ù
la page 18.
Nous nous contenterons de rappeller en pafiant, que la nature du
Jieu , fa conftruftion , fa population, l’ufage confiant du pays , la
notoriété publique, les a&es anciens Sc modernes les plus authentiques,
( 0 P a g . 19 du m ém o ire des adverfaires.
�IZ
les cadaftres, livres terriers, les rôles des im p ortion s, les procé
dures , les aeïes des notaires, les cartes géographiques levées par
ordre du Gouvernement, tout ce qu’il cil paiïible d’invoquer pour
établir la nature 6c la maniéré d’être d’un lie u , tout fe réunit pour
conitater que Bcauzac jouit £c a joui de tous les temps du privilego
& de la qualification de ville ayant des fauxbourgs.
Grandement intçreiTés à anéantir B cau zac, il n’eft pas de menfonge
ÔC de faits concrouvés à loifir que les adverfaires ne fe permettent;
peur déprécier cette ville 6c fes habitans.
A entendre ces adverfaires , les murs , les p ortes, les tours qui
forment St défendent l’enceinte de la ville de B eauzac, ne font autre
chofe que les murs , les porces, les tours du ch âteau, ce fon t des
débris. , des Jignes antiques du gouvernement féodal.
T ou t cela eft fa u x j les tours Si autres fortifications , les mu
railles , les portes de la ville, ne font pas celles du château \ chacun
a les iîennes très-diftin&es} il iufïît de jetter un coup d’œil fur le
procès-verbal de vérification , Sc fur le plan figuratif pour s’en con
vaincre. , Il en eft de cette allégation, comme des places publiques
que l’on voit à Beauzac.
Les adverfaires difent que nous en comptons
quatre, en y comprenant le cimetiere Sc la cour du château ; fi celq
eût été -, nous en aurions compté lix \ l’ancien cimetierc Sc la cour
du château exiften: indépendamment des quatre places publiques} on
le voit par le plan.
L a citadelle, ruinée , n’eft point les débris d’une tour du château j
il fuilit encore de jetter un coup d’œil fur le p la n , pour s’appercevoic
que la citadelle étant beaucoup plus coniidérable que le château
celui-ci feroit plutôt une tour de la citadelle , que la citadelle ung
ipur du château.
C ’eft bien m a l-à-p ro p o s que les
adverfaires veulent comparer
£v confondre la ville de Beauzac avcc Blagnac ,
Maubourguct %
�Sc Beauzac , lu mémo
différence, qu’entre la ville de
*i>; "ccelle du P n y , entre celle
du Puy 8c Touloufe.
D ’ailleurs , peu nous importe que Çampan , Blagnac , Pompignan,
M aubourguet, foient des villes' ou des villages ; il ne s’agit pas de
ces licux-là , niais bien de Beauzac
£t dès que nous prouvons que
c’eit une ville ayant des fauxbourgs, nous n’avons que faire de ht
maniéré d’être des autres lieux.
Nous avons dit aux adverfaires, qu’un caractcre conilitutif de la
qualité
de ville , en faveur de Beauzac , c’elt que fa cure a été
poifédée de tous les temps par des gradués,
Nous en avons rapporté
la preuve au procès , depuis 17 17 , jufqu’ à ce jour
nous avons
défié les adverfaires de prouver le contraire : ils n’ont pas rempli ,
ni ne rempliront jamais ce défi : ils exeufent leur détreffe, en diiant
que nous leur avons impofé la preuve d’un fait négatif, en les défiant
de rapporter ancun arrêt qui ait décidé que la cure de Beauzac pouvoit
ctre poifédée par un iïmple prêtre non gradué } 8c ils nous renvoient
fort adroitement ce défi , fans s’appercevoir combien il cil: illufoire
de leur part.
En e ffet, la euro de Beauzac ayant été occupée de tous
les temps par des gradués, comment les adverfaires veulent-ils qu’il
y ait des arrêts fur une queftion qui n’a jamais eu lieu ? Un arrêt
de la Cour fût-il même favorable , annonceroit toujours que l’état
de Beauzac auroit été douteux, puifqu’il aurait été contelté ; au lieu
.que la poilefllon confiante 2t immémoriale de cette cure par des
gradués, prouve que Beauzac c i l , 6c a toujours été une ville murée
puifque perfonne n’a jamais ofc poiTédcr cette cure fans être gradué.
Cela efi il vrai, que Me. P ro rio l, curé aftu el, qui n’étoit pas gradué
avant d’être pourvu de cette cure , n’eut rien de ii prelTé que de
prendre fes grades avant de s’en mettre en poirefilon.
C ’eft un fait;
connu 5 8c ce digne pafteur ne contredira pas les expofans.
Il ne s’agit pas dans ce procès d’examiner cruels font les attributs,
�14
les qualités qu’une paroifle doit réunir poür avoir un paiîeur gradué
mais d’examiner fi Beauzac cft un lieu tel , que l’on ne puifle y
retenir de teftament qui ne foit figné par fept tém oins, y compris
le notaire , conformément à la difpofition des art. 5 8t 45 de l’ordon
nance des teftamens.
Cela étan t, rien de plus inutile , de plus déplacé que les diflertations canoniques des adverfaires, en deux ou trois endroits de leur .
-mémoire , pour tâcher de perfuader qu’on ne doit avoir égard qu’à
la qualité des habitans , pour favoir il un lieu eft ville ou plate
campagne.
Certainement c’eft bien a nous a dire aux adverfaires ,
non erat his locus.
A leur avis , une v ille , qiiels que foient fes attributs, fa popula*
tien , ne pourra ctre regardée comme ville , ii elle n’elt habitée par
des nobles , dés gradués, des avocat?. Propofer de telles erreurs ,
c'efl les combattre.
Au demeurant, quoique les expoians ne puilient fe ranger à l’avis
des adverfaires , ce n’eft pas qu’ils fe méfient de la qualité des habi*
tans de Beauzac.
Que
nos adverfaires fe donnent la peine de parcourir les a£tei
nombreux que nous avons remis ,
ceux qu’ils ont produit eux-*
mêmes (r) ? ëc ils verront parmi les parties contrattantes ou les
témoins , des nobles , des gradués , des avocats, des bourgeois , des
négocians, K c . , tous habitans de la ville de Beauzac au de fes '
fauxbourgs.
Pourquoi donc fe permettre des allégations aufli faufies,
quand les aftes qu’on produit foi - même les démentent aufiî for
mellement ?
Autre menfonge de la part des adverfaires : ils difent que la ville
( 1 ) Fid. l a q u i t t a n c e du 16 avril 1 6 4 4 ; I’ a p p o i i n c m c n t du 16 j a n v i e r 176$,
p r o du i t s p a r les a - J v c r i j i r c » , Tous entes 1 4 & 16 , Imainid .
�r5
SC les fauxbourgs de Beauzac ne contiennent, dans la plus grande
vérité, que deux, cents ou deux cents cinquante habitans.
L a ville 8c les fauxbourgs de Beauzac comprennent cent huit
maifons * il n’y a pas de maifon qui ne foit habitée par une fam ille,
la plupart par deux* il n’y a pas de famille qui ne foit compofée de
cinq ou iix individus* il y en a grand nombre qqi font couipofces
de h u it, dix perfonnes , quelquefois davantage,
Il ne faut prendre le procès-verbal de vérification po\ir tarif de la
population, parce que les experts fe font contentés de déiigner le
propriétaire , ou le chef de famille de chaque maifon.
Ainfi , en
prenant une moyenne proportionnelle , 011 peut aiTurçr que la ville
8c les fauxbourgs comprennent au moins de fix à fept cents habitans *
on pourroit môme aller plus loin , fans craindre d’outrer la vérité,
A quoi bon ce ton injurieux 8c mcprifant qui regne dans les écrits
des adverfaires pour la ville 8c les habitans de Beauzac 1 Ces habi
tans font très-honnêtes, très-bien éduqués ; ils connoiflent
très-bien la langue francaife.
parlent
Il y a à Beauzac des maifons très-riches
relativement au pays,
A entendre les adverfairçs, tout fe réduit, à Beauzac , à un chirur
gien , q u i, nayant pas ajfe\ cToccupation dans fon é ta t, eft devenu
marchand de dentelles communes , & ù quelques très-petits marchands
de doux & d'allumettes, ( i)
C ’eft infulter bien gratuitement des citoyens cftimables : le iieur
Deman , chirurgien à B ea u za c, eft très-riche * il n’a pas befo:n de
fa profeffion pour vivre * il l’exerce noblem ent, pour le feul plaifir
d’être utile à fes compatriotes * fon époufe 8ç fes enfans, pour vivifier
le pays , commercent fur les dentelles qu’ils font fabriquer : ils occu
pent un grand nombre d’ouvriers, en c e la , ils n’en font que plus
rc.commandables 8c plus chers à la patrie.
( 0 P a g e 9 du m ém o ire des adycrfaircs.
�i 6
Les adverfaires croient avilir Beauzac , en difant qu’il y a de mar-*
chands d’allumettes Sc de d ou x. Grand merci de l’obfcrvation , nous
n’y aurions pas penfé fans eux
ce font précifément des marchands
de cette efpece qui caracfcérifent une ville
ce n’eft pas en plate
campagne ni dans les villages qu’on trouve des marchands de cette
efpece : les payfans ne s’amufent pas à aller chercher des allumettes ;
cette marchandée n’étant pas bien chere , il faut que le marchand
qui en fait commerce y trouve tout au moins de quoi vivre par le
débit coalklérable , &: ce débit fuppofe une confommation, une popu
lation notables dans le lieu où il eli établi.
» Mais , quoi ! nous difent les adverfaircs, uns ville fans foires,
» fans marché , fans hôpital , fans maire , dont les confuls font fans
» chaperon?
V oilà une plaifante v ille !»
Il eit raux q a i l n y ait point de marché à Beauzac
il y en a tous
les jours de dimanche &. fê te s, où les habitans vendent le fuperflu
de leurs denrées.
Il cft vrai qu’il n’y a point de foires à Beauzac ; màis les foires
font-elles un attribut conftitutif des villes ? Si cela é i o i t , il faudroit
regaider comme autant de villes, une infinité de villages &i de hameaux
dans nos provinces , parce qu’il y a de foires établies
tandis qu’il y
a de vihes . ôc de villes notables qui n’en ont point : la b res > dans le
Kouergue ? na ni fuiras ni marches $ cependant c’eft: une ville , £c
une ville épiicopalc*
Saint-P.vtL de C.idajo:ix , clans le diocèfe de
Lnvaur > n a ni foires 7 ni marenes ) clic n a ni p o ïtc s5 ni murailles?
ni m aire, ni hôpital $ une trentaine de maiibns compofent tout fon
cnfemble j cependant c’cit la feconde ville du diocèfe de Lavaur
■qui entre , en cette qualité , aux états de la province.
On fait que le privilège des foires s’acquicren: à prix d’argent r
la ville de Beau/ac ne s'cil point fondée d’en avoir , parce qu’elle
n’eft.qu’à quelques quarts d'heure de diitancc de M oniitrol, Diiïinjeaux
ce autres lieux où il y a des foires.
Bcau/ac
�Beauzac n’a point d’h ôp ital, St fe^âK/gloire de ne point en avoir :
heureufes les villes 6c les contrées qui peuvent fe paffer de ces établiflemens, ii louables d’ailleurs, fi précieux à l’humanité.
Les bonnes mœurs, la fobriété, l’induftrie, l’application au travail,
mettent les habitans de Beauzac 6c des environs à l’abri du befoin
6c des maladies que produifent l’intempérence, l’oifiveté 6c la débauche :
dans tout le diftriâ ou juridi&ion de Beauzac il n’y a pas un feul
pauvre , un feul mendiant
que feroient-ils d’un hôpital ?
Il feroit extraordinaire que les confuls de Beauzac fuflent fans
chaperon.
Au demeurant, comme le chaperon ne fait pas toujours
le co n fu l, que chaque pays a fa mode Sc fes u fages, 6c qu’on n’eit
pas bien fixé fur ce fa it , nous ne conviendrons ni ne contefterons à
cet égard, c’cft d’ailleurs affez indifférent.
Comment ofer dire qu’il n’y a pas une cour de juftîce dans la ville
de Beauzac , tandis que les adverfaires eux-mêmes nous fournillent
la preuve du contraire dans l’appointement du z6 janvier 176 8 , qu’ils
produifent ? Cet appointement prouve qu’il y a à Beauzac une cour
de juftice, compofée d’un juge 6c de plufieurs affeffeurs.
- L e cadaftxe de 1 $43 , les rôles des im portions, 8c plufieurs a&es
remis par les expofans , prouvent que noble Louis de Navette 8c
plufieurs de fes defeendans ont été fucceffivement juges châtelains de
Beauzac j aux juges châtelains fuccéderent les maires ; mais les mairies
ayant été ilipprimées , celle de Beauzac fubit le fort commun.
Les adverfaires ne veulent pas que les géographes 6c ingénieurs de
ki province foient compétens pour connoîtrc Sc diftinguer Jes villes
d’avec les iimples ham eaux, les villages : il y a cependant tout lieu
de croire que lorfque les ingénieurs-géographes ont, par ordre du
Gouvernement , levé la carte géographique de la province 6c des
divers diocèfes en particulier-, fous les yeux des commiffaires des
É ta ts, il y a tout lieu de croire, difons-n ous, qu’ils favoient ce
Qu’ ils -faifoient, £c qü’ils n’ont- défigné comme ville, que ce qui cil
C
�réellement ville*, d’autant mieux qu’on ne voit pas. des. erreurs, des
équivoques de cette efpece dans les cartes géographiques.
O r , Beaurac étant d écrit, défignc.dans la cartp générale de la
province , Ôc dans. celle du diocèfe du Puy ,. avec. la. même marque
carailériilique 8C Taillante qui dé(Igne les autres villes, il eil évident
■que, les géographes ne. l’ont déiigné a in ii, que parce q ^ la nature du
lieu , l’ufage , la notoriété publique, leur ont annoncé Beauzac comme
une ville.
A quel propos d’ailleurs les géographes ..auraient-ils pré-
variqué , trompé la France.Sc l’univers en tieren .an n o n çan t comme
ville ce qui ne le feroit pas ?
,
Mais non, l’almanach cil le çode des adverfaires j ils propofent 4
la Cour de m e ttre de côte tous les a ile s , tous les monumens qui
an n o n cen t 8c défignent Beauzac
comme ville , pour s’en tenir à la
déciiïon du livre-, qnnuel & périodique fa it pour le, V elay.
U eft
vrai que dans le catalogue porté par l’almanach des foires 5c des
lieux où elles fe tiennent, on ne. voit pas Beauzac ,. par la raifon
qu’il n’y a pas de foires à B e a u za c} mais s’en fuit-il d e - là que
Beauzac n’eft qu’un hameau , une plate campagne ? Pas plus que i l
l’on vouloit conclure que tous les villages,, où il y a des foires Sç
marchés , fo n t, de cela, fe u l, des villes.
Indépendamment des ailes 8c des preuves inombrables qui impri
ment à Beauzac le cara£lere de v ille , la mauvaiib foi des adverfaires
nous a procuré un a£le d’autant plus péremptoire contre eux , que c’e il
leur propre ouvrage, le procès-v.erbal de vérification de B eau zac, qu’ils
ont folücité, qu’ils ont rendu néceflaire par leurs mauvaifes conteilations.
L ’interlocutoire ayant cté ordonné contradiiloirement avec toutes
parties, toutes parties y ayant acquiefcé \ la vérification faite contradiéloircment avec elles, Sc en leur préfence, fourniiTant la preuve
invincible que Beauzac cil une ville ayant des fauxbourgs j que la
maifon de la Dorliere fait une dépendance de ces fauxbourgs} cette
vérification fournit autïï aux expofans, contre les adverfaires, imçi
�t
19
1
fin de non-receroir iniurmantable , qui leur interdit toute conteftation fur l’état de Beauzac ,
5c
fur la fituation de la maifon
de
la D orliere, par rapport à Beauzac.
On ne conçoit pas comment Barthelemi Robin a le courage de
dire que l’interlocutoire n’a pas -été ordonné avec lu i , qu’il n’ y
a
pas acquiefce , qu’ il lui eft totalement étranger, que c’cft par rapport
à lui , tout comme s’il n’exiftoit pas.
Que la cour daigne lire la fentence interlocutoire du 31 mai 1783 ,
&. elle y verra qu’elle a été rendue très - contradi&oirement avec
Barthelemi Robin.
C et adverfaire a laifle procéder à l'exécution de l’interlocutoire
ordonné fans s’y oppofer.
Quand il n'y auroit que c e la , ce feul
défaut de réclamation , ce ieul lilence, fer o ien t, de fa p art, l’acquiefcement le plus formel.
, Nous trouvons dans le journal du palais, tome 5 , page z i , un
arrêt du5i3 avril 17 3 0 , rendu c-ntre Me. Boutonnet, curé de Centrés,
fiC les nommés Camboulibes , qui a jugé que c’eft acquiefcer for
mellement à une fentence interlocutoire, que de laifer procéder à
fon exécution fans en réclamer.
O n peut encore voir le tome 4
,
page 45 , 6c tome i , page 388
du même journal, où l’on trouve des arrêts Si de 'dédiions con
formes } il eft donc certain que par fon feul défaut de réclamation
Barthelemi 1Robin auroit formellement acquiefcé à l’interlocutoire.
■Mais il y a plus.
Barthelemi Robin etoit préfent :’i la vérification,
non-feulement lu i, mais fes deux fils , mais encore deux avocats &C
un feüdifte , qu’ils avoient pris 8c amené pour leur co n fe ïl, Me.
De ' Lafayette de Saint-Didier, Mo. Soulié ,
4 ûux
le fieur Soulié , ces
derniers , beâu-freres de Jean-Barthelemi Rabin cadet -, les uns
St les .autres firent leurs obfervations, dires , 'comparans ik. proteftalionSi
T o u t cela eft prouvé par le procès-verbal de vérification qui
tft au ■
procès.
Comment donc Barthelemi Robin ofe-t-il dire que
C i
�■" 2 . 0
l’interlocutoire lui eft totalement étranger , qu’il' n’ÿ a pas acquie’fcé 7
tandis que le procès-verbal prouve le contraire ?
Cela pofé , il eft inconteftable en point de droit, que lorfqu’un inter
locutoire ordonné a été acquiefcé par toutes parties, on ne s’occupe plus
que du fa it, favoir iï l’interlocutoire a été rempli par le rapport de
Ja preuve ordonnée : nihiL amplius quœritur, nifi an probatum f i t
nec n e , par la raifon toute fimple , que fi la preuve eft rapportée telle
quelle étoit exigée , on ne peut plus s’en écarter, chacune des parties
ayant reconnu par fon adhéilon à l’interlocutoire, que tout confiftoit
uniquement entr’elles dans la certitude des faits dont FéclairciiTement
avoit été reipe&ivement convenu } c’eft donc un quaii - contrat formé
entr’elles qui les. altrcint à fe foum ettre, Si le juge à prononcer rela
tivement aux preuves réfultantes de l’interlocutoire.
V id. Leprêtre »
Corbin , dans fes plaidoyers j F aber, dans fon code \ Rebuffè , de
fententiis executoriis, art. xo , glojf. n ° . j , f i judex , dit cet auteur,
pronunciet tejîes ejfe admittendos , vel n o n , dicitur gravamen irrevocabile.
Or , la vérification contradi&oircment ordonnée avec toutes parties,'
faite en leur préfence, 8t acquiefcée par toutes, fournit la preuve
la plus irrcfirtiblc des faits dont l’éclairciirement avoit été rcfpe&ivement convenu
favoir , que Beauzac eft une ville ayant des faux-
bourgs , 8C que la maifon où le teftament dont s’agit a été retenu ,
fait une dépendace de ces fauxbourgs.
On net peut donc plus s’écarter
de cette preuve rapportée, nihil amplius quœrendutn j &. la queftion
eft décidée en faveur des expofans.
On ne s’arrêtera pas aux prétendues atteftations d’un notaire 8c
d’un commis au cçntrôle , que les adverfaires allèguent même fans
les produire , 80 defquqlles ils veulent, induire , qu’en' fuppofant qu’ilfoit prouvé que Beauzac eft réellement v ille , tandis: que les attoftations alléguées prouvent, fuivant e u x , qu’il a toujours été regade'
comme une plate cam pagne, cc fcrojc là une erreur commune, qui
�doit couvrir de fon ombre pfôtciftw $ 4 a nullité patente du tcilament
dont s’a g it, 8t à l’appui de cette belle découverte ils invoquent la
célèbre loi barbarius Philippus.
. Il eil malheureux pour les adverfaires que cette fuppofition ingénieufe manque par le fa it} l’ufage confiant de tous les fiecles , les
monumens, les aéles de toute efp ece, la notoriété publique , prou
vent au contraire que Beauzac a toujours été généralement traité 5C
regardé comme ville •, il ne peut donc pas y avoir d’erreur commune
à le regarder comme plate campagne, lorfqu’il n’a jamais été regarde
comme t e l} ainii les adverfaires peuvent garder la célèbre loi barbarius
Philippus pour une meilleure occafion.
Au demeurant, quand bien même les adverfaires produiroient le
prétendu certificat du com m is. au contrôle ,
la preuve par a&es
du prétendu fait attefté, ce qu’ils ne font p a s , nous avons prouvé,
Si le Sénéchal a juilifié , en le rejettant, le peu de cas qu’il mérite.
Il en eft de même des prétendues recherches légales faites dans
les regiftres des notaires de Beauzac j les adverfaires n’en confiaient
d’aucune maniéré \ ils allèguent cependant qu’il réfulte de ces recher
ches , que les notaires ont toujours regardé Beauzac comme une
plate cam pagne, puifque, difent-ils , on n’a trouvé depuis 1751 que
deux teilamens en ligne collatérale , où il y ait fix" témoins fignataircs,
5c
que tous les autres ne font lignés que par deux témoins.
Les expofans fouticnnent Sc prouvent le contraire j ils remettent
au procès huit expéditions de divers teilamens faits en ligne colla
térale», depuis 1751 , jufqu’en 178 0 , retenus dans la ville de Beauzac
ou dans fes fauxbourgs, tous revêtus de la iïgnature de fept témoins,
y compris le notaire \ on pourroit en produire cent 8t davantage con
formes à ceux-là } mais ce ne feroit que des frais inutiles 8c des aéles
furabondans au procès.
On
faits
défie les
en
ligne
adverfaires
collatérale ,
de produire
depuis
1752 ,
autant
de
jufqu’à
teilamens
ce
jour >
�retenus dans Beauzac ou dans fes fauxbourgs ,
iignés que par deux témoins.
&
qui ne foient
Les expofans on: fait auiïï des recher
ches de leur côté , S i ils n’en ont trouvé aucun en cette forme.
Il
eft donc faux que les notaires aient regardé Beauzac comme une
campagne, en n’appellant que deux témoins fignataires aux teftamens
en' ligne collatérale , retends dans l’enceinte de cette ville ou dans
fes fauxbourgs.
C ’eft à pure perte que les fieurs Robin veulent prendre avantage
du teftament du 6 avril 17 59 : qu’ils l’examinent plus attentivement,
2>C ils y verront la fignature de fix témoins , y compris le notaire:
ce teftament n’entre pas dans le nombre des huit dont nous venons
de parler, 6t les expofans m l’ont produit qu’à raifon des énonciatives du lieu de la rétention , des qualités Sc du domicile de la
teftatrice 6c des témoins.
Au demeurant , loin de favorifer la pré
tention des adverfaires , il la contrarie formellement.
On ne voit
donc pas qu’ils aient tant à remercier les expofans de l’avoir produit.
Il n’eft pas indifférent d’obïerver que les huit extraits, de teftamens
produits par les expofans, dans chacun defquels on voit fix témoins
fignataires , ont été callationnés 6c expédiés par Me. C h om eton ,
notaire de Moniftrol , fur les cèdes de feu Me. Duplain.
Cela pofé , il n’eft pas poifible que Me. Chometon ait attefté que >
parmi tous les teftamens en ligne collatérale , retenus à Beauzac ou
dans fes fauxbourgs, depuis 175Z jufqu’à ce jour , il n’en exifte que
deux revêtus de la fignature de fix témoins.
En nous réfuinant fur cc ch ef, il eft démontré que la nature du
lie u , fa population, l’ufage confiant de tous les fie cle s, les monuinens les a&es authentiques de touto efpece, que tout fe réunit pour
imprimer à Beauzac le cara&ere de ville ayant des fauxbourgs, Sc
que la vaine critique des adverfaires, loin d’alîoiblir ce cara&ere j
n’a fervi qu’à le faire reflbrtir avec plus d’avantage.
Voyons main
tenant s’ils feront plus heureux dans les tentatives qu’ils font pour
�tâcher de perfuader que- la maifon de. la Dorliere eft indépendante
de Beauzaç . 6c- de fes faubourgs.
$ . 1 1 .
L a maifon de la Dorliere , où a été retenu le tçftament du fieuf
Dancette , fait une dépendance des fauxbourgs de la ville de Beauzac.
Pour ne pas ufer de répétition , nous nous référons encore fur
ce c h e f, aux fa its '& aux a£bs ramenés dans notre précédent é crir,
depuis la pag» iS jufqu?à la page i z , &C qui reftent dans toute leur
force 6c intégrité, malgré les vaines obje&ions des adverfaires.
L a fentence interlocutoire du 31 mai 17^3 •> en ordonnant qu’il
feroit procédé par experts à la vérification de la fituation ÔC diihincG
de la maifon de là Dorliere des fauxbourgs de B eauzac, pour favoir
fi cette maifon eft ou n’eft pas dans l’enclave de ces fauxbourgs ,
n’a pas ordonné en cela une preuve contre fit o u tr e le contenu au
teftam ent, puifque le teftament' ne dit nulle part , que la maifon de
la Dorliere foit un ch ef lie u , diftinft
5c indépendant
des fauxbourgs
de Beauzac 5 &C l’eût-il d it , çe ne feroit qu’une énonciativç erronée
de la part du notaire , qui ne pourrait pas changer la nature, la
fituation 6c le rapport de la Dorliere avec les fauxbourgs de Beauzac,
moins encore cette faulle énonciative pourrait - elle prévaloir- fur le
cadaftre Sc fur la foule des autres aftes authentiques, qui attellent
jque la maifon da la Dorliere fait une dépendance des fauxbourgs de
Beauzac , 6c eft enclavée dans leur diftrift.
C ’cft tout comme il le tfcftament ayant été fait à Beauzaç , le
notaire eût dit : f a i t & pajféâ Beauzac-, ville capitale de la province
de Languedoc.
qualification.
On n’auroit certainement aucun 'égard à cette fauife
Il en eft de même pour ce qui concerne le prétendu
château de la D o rliere, avec d’autant plus de raifon , que le teftament ne dit pas que cette maifon foit diftin&e 6c indépendante dé
Beauzac ôt de fes fauxbourgs, 6c que ce n’eft qu’une faulle conicqueuce
�14
que les adverfaires veulent induire de la maniéré obfcure dont le
notaire a alle&é de déiigner le lieu où le teftament a été retenu.
Ainfi , ce n’eft pas ici le cas de la maxime , adverfus fcriptum
teftimonium , non fcriptum , non adm ittitur, ni des ordonnances
citée s} les adverfaires peuvent les garder pour en faire une plus
heureufe application.
.
Ils ne veulent pas que les rôles des impofitions, les livres terriers,
les cadaitres foient des titres fuffifans pour conftater l’em placem ent,
ies bornes 8c les rapports qui diftinguent un héritage , un territoire
d’un autre.
Cependant nos loix , nos auteurs 8c tous les tribunaux du royaume y
pour décider les conteftations qui s’élèvent fur la nature, la firuation,
l’étendue Sc les rapports des lieux contentieux , ne reconnoiilent point
d’a&es plus authentiques , de guides plus sûrs que les livres terriers ,
les cadaitres. On eit certainement aux derniers abois , 8c pour ainfi ,
dans le délire du défefpoir, quand on contefte des vérités aufii tri
viales , auflî inconteftables.
» M a is , nous difent les adverfaires, les cadaitres, les rôles des
» impofitions que vous produifez ne méritent aucune foi , parce qu’ils
» ont cté fabriqués par des cabaretiers.
Et qui a dit aux adverfaires que le cadaftre de 1 543 , que les rôles
des impofitions ; depuis 1690 , juiqu’a ce jour , ont été rédigés par
des cabaretiers ? Si où eft la preuve qu’ils rapportent de cette iïnguliere allégation ?
Nous lifons au contraire dans le procès-vcrbal de vérification de
Bcauzac , que les rôles des impofitions que les adverfaires produiiirent
eux-mêmes fous les yeux du commiifaire , ont été rédigés par ordre
des commifiaires du diocèfe 8c des états , qu’ils ont été par eux vifés
&. paraphés \ les adverfaires diront-ils que ce font auifi des caba
retiers ?
Les cadaftres font des moiiumcns p u b lics, autorifés par la loi ,
pour
�pour fixer les limites des provinces, des villes & des bourgs ; ce font
les cadaftrcs qui fixent le territoire de chaque ville , de chaque terre $
c’eft par le fecours de ces titres qu’on connoît le territoire , banlieue
ou diftriâ: de chaque ville , où ils commencent, où ils finiiTent. In
finalibus quœjlionibus , vetera monumenta , cenfus autoritas , antè
litem incohatam , ordinati , fequenda efi , leg. 11 , Jf. finium regund.
L a loi 4 , jf . de cenfib. , dit encore : forma cenfuali cavetur, ut
agri fie in cenfum referantur
nomen fundi cujufque 5 & in qua civi-
tate , ù quo pago f i t , & quos vicinos proximos habeat, &c.
Sur quoi Godefroi ajoute , ad fitum fundi , ifta pertinent, civitas , pagus -, confinium.
Enfin , la loi 10 , ff. de probat. & prœfump. ? dit que le tém oi
gnage du cadaftre ou compoix doit l’emporter fur toute preuve vocale
contraire , cenfus & mçnumenta publica potiora ejfe tejlibus , fenatus
cenfuit. D ’après ces loix , il n’eft pas permis de révoquer en doute
la foi pleine &t entiere que méritent 6c obtiennent en juftice , les
cadaftres St autres aftes de cette nature , pour décider de la iituation
des confins des lieux contentieux.
L e cadaftre du mandement de Beauzac de l’année 1 543 , place dans
l’enclave 6t diftriâ du fauxbourg de Beauzac , fous le tenet de Louis
de N avette, châtelain de ladite ville , les bâtimens , jardins, ôte.
connus aujourd’hui fous le nom de la Dorlicre ; les adverfaires font
forcés d’en convenir.
L a iituation , la dépendance de la Dorliere des fauxbourgs de
Beauzac , eft encore conftatée par les rôles des impofitions , depuis
169° , jufqu’en 1764 , 6c jufqu’à ce jour , par les a&es des notaires ,
par 1 ufage des habitans $ &. bien mieux encore par le procès-verbal de
vérification , où l’on voit qu’indépendamment des faits concluans qui
y font ramenés , les adverfaires ayant forcé le commiffaire de vérifier
les rôles des vingtièmes du mandement de Beauzac pour l’année 178 4 ,
efpérant y trouver quelque chofe de favorable ù leur prétention, ils
D
�v
i6
virent au contraire avec douleur qu’ils avoient produit eux-mêmes
leur propre condamnation, puisqu'on lut dans ce rôle que les fer
miers eu grar.gers de la Dorliere étoieat impofés dans le chapitre
des habitans des fauxbourgs de Beauzac j
8c tout le monde fait
combien les a& es qui trahifient l’attente de ceux qui les invoquent ,
font accablans contra producentes -, d’après des preuves fi authentiques',
fi gém inées, les adverfaires ne peuvent plus concerter avec quelque
pudeur que la Dorliere ne foit iituéc 8c ne faife une dépendance des
fauxbourgs de Beauzac.
Cependant ils s’obilinent à vouloir perfuader le contraire j 8c pour
c e la , ils produifent quatre ou cinq prétendus aûes-, qui tous iùfpeéh
qu’ils fo n t, ne prouvent rien ,. ou ne prouvent que contre eux.
E t d’abord , aucun de ces a¿les ne dit que la maiibxr de la D or
liere foit un chef-lieu , diilinil Sc indépendant de Beauzac 8c de1 fes
fauxbourgs : dans les deux premiers du premier novembre' 1642; 8ï
2.6 avril 1644 , qui font en faveur de noble Louis de la D orliere,
On voit que ce gentilhomme s’y qualifie de ieigneur de ta Dorlierele-^Beauyic. E t c’eft cette unique qualification qui foit tout l’eipoir
des adverfaires \ .mais cette qualification défigne-t-elle la Dorliere
comme indépendante de Beauzac ? bien loin de-lù y puifqu’au- con
traire , elle confond 8c identifie l’un-avec l’autre.
Au demeurant, que
1amour-propre
de ce gentilhomme T qui avoit
quelque fief dans le territoire de Beauzjic , ait voulu faire" regarder
fon domaine comme un feigneurie , c’efi: alfez ordinaire Sc alfez indif
férent \ quelle qualité que ce foit donnée , le fieur de la1 Dorliere ,
dans des aû cs pollérieurs au cadaftre , elle ne fauroit changer ni
altérer la nature , la iituation di les rapports d’une maifon , d’un héri»
tage , irrévocablement fixés par le compoix 8c les livras terriers."
L e troiiicme a£le invoque , eft un appointement de la Cour Je
Beauzac , rendu le 16 janvier 176& , en faveur de Me. Dancetrcr,
¿avocat; cet appointement prouve contre les adverfaires, qu’il y
>
�I ...
2.7
Beauzac une Cour de juiHce , compofée d’un juge Sc de plufienrs
aiTcfieurs : il cil vrai que l’exploit eft fait à la requête de Me. Daucette, habitant du lieu de la D orliere, mais cette énonciative ne ligni
fie rien * d’ailleurs, une défignation erronée , échappée par inadver
tance à un baile exploitant, ne doit pas fans doute prévaloir fur le
témoignage des a&es authentiques.
Les trois derniers prétendus a il e s , en date des 2.3 o & o b re , 27
décembre 1773 , Si 30 décembre 1777 , font une aiVignation à la
requête de la demoifellc Robin , une quittance en fa faveur, un bail
à locatairie par elle conferçti : tous ces a âes font fu fp e & s, ils font
non-feulement poil ¿rieurs au cadaftre, mais même au teftament du fieur
Dancette -, la demoifelle Robin les a faits exprès pour fe procurer une
cfpcce d’appui dans des a£tes qui continrent une énonciative aulïï
équivoque, aulTi erronee que celle d u .teftam ent, par rapport à la
rnaifon de la Dorliere * mais ce n’eft là que propria annotatio de la
main intérelTée de la demoifelle Robin , 8c c’eft ici que s’applique
très:à-propos la décifion de la loi 7 , cod. de probat. exemplo perniciofum eft ut ei fcripturcs credatur qua quis annotatione propria, &c.
En nous réfumant fur cette colle&ion des adverfaires, ces actes ne
prouvent rien, aucun ne défigne la Dorliere comme un lieu diftinct
ôc indépendant de Beauzac * 8c le difient-ils, ils ne mériteroient aucune
fo i, foit parce qu’ils font pofterieurs au cadaftre, dont le témoignage
contraire doit prévaloir * foit parce qu’ils partent d’une main fufpe&e
&. intéreflee à faire envifager la Dorliere comme 1111 lieu particulier.
Enfin, ces a&cs , loin des favorifer la prétention des adverfaires ,
la condamnent formellement* ils prouvent contre l’aiTertion des fieurs
Robin qu’il y a ordinairement à Beauzac des Nobles , des gradués y
des avocats , une Cour de Jufticc * ils prouvent que Beauzac eft une
ville ayant des fauxbourgs, puifqu’ils parlent de la Cour de Ju fticc,
des places publiques, des fauxbourgs de la ville de Beauzac. A inii,
ce n’étoit pas la peins de les produire * suffi les adverfaires fe fontils contentés de les indiquer fans ofer en faire l’analyfe.
D x
�Autre erreu r, autre bévue de la part des adverfaires : ils difent à
la pag. i z de leur mém oire, qu’il fufiît de jetter un coup-d’œil rapida
fur la carte du pays pour fe convaincre que la Dorliere eft un lieu
à part & absolument ifolé de Beauzac.
Les iieurs Robin ont vu fans doute dans la carte du diocefe du P u y ,
-au-deiîus de B eauzac, du côté du nord , une maifon déiignée fous le
nom de la Borilene , qu’ils veulent faire prendre pour la Dorliere :
on ne peut pas fe prêter à cette erreur , elle eft trop grofllere ; la
Borilene n’eft point la Dorliere : cette maifon , dite Borilene, n’exiftoit pas à l’époque du teftament du fieur André Dancettc -, elle a été
conftruite, après le décès de ce dernier, par dom Jacques D ancette,
bénédiélin : la Borilene eft au bord d’un bois appellé de Montortier 5
la Dorliere n’eft auprès d aucun b o is , mais fur la promenade publi
que appellée le Choffat. La Borilene eft à un quart de lieue de la
ville , au-delà de la Varenne, 8c tout-à-fait au nord de Beauzac \ la
Dorliere n’eft qu’à cent pas environ des murs de Beauzac , 8t toutà-fait à fon levant; ainiî, plus de mauvaife équivoque à ce fujet.
Nous avons enfin parcouru, ôc pleinement réfuté les faux faits,'
les frivoles objections que les adverfaires ont aventuré à l’appui de
leur prétention \ que la Cour juge maintenant fi elles peuvent balan
cer un feul inftant ce corps accablant de preuves 8c d’aétes authen
tiques de toute eipece, qui etabliflent de la manière la plus irréfiftib le , que Beauzac eft une ville ayant des fauxbourgs, 8c que la maifon
de la Dorliere fait une dépendance de ces fauxbourgs.
Cela p o fé , la loi qui prononce la nullité du teftament du fieur
Dancettc, qui n’oftre que la fignature de deux tém oins, quoiqu’il ait
été retenu dans une ville , ou ce qui cil la même chofe , dans un
de fes fauxbourgs ; cette loi eft ii abfolue , fi claire , fi p rccife, qu’il
n eft pas pofiible d’en éluder la diij^oiition fous aucun prétexte. L e
fenechal du Puy n a fait que fe conformer à la l o i , en proferivant
le teftament du fieur Dancettc; la juftice de la Cour ne peut quo
�de la nature Si de l’équitc.
Malgré le ton d’aiTurance qu’ ils affc& enf , les adverfaires s’y atten
dent eux-mêmes, puifqu’ils fe retranchent à dire ( i ) , que dans le
cas de doute fur la validité du teftament, la reflitution des fruits n’auroit dû être prononcée par la fentence attaquée, qu'à compter du jour
de l'interpellation judiciaire , &C qu’ils rclevent de toutes leurs forces
ce prétendu g r ie f ,
en
alléguant qu'ils font desfucceffeurs de la meilleure
f o i poffible , dès qu'ils o n t , difent-ils, en leur faveur l'opinion com
mune de tout le monde , qui erige en vérité ce qui auroit pu être
erreur \ 8c ils invoquent la maxime : error commums fa cit jus.
Malheureufement pour les adverfaires, cette erreur commune qu’ils
font confifter dans le fait fup pofé, que Beauzac, quoique démontré
ville, a toujours été traité 6c regardé par tout le monde comme une
platte campagne, cette erreur commune manque par le fa it, nous
l’avons fuffifamment établi ci-deiTus par les a&es du procès. Ainfi c’eit
à pure perte que les adverfaires , dans l’extrême défeipoir de leur
caufe, s’accrochent fans cefle à cette prétendue erreur com m une,
qui n’a jamais exifté.
1
D ’ailleurs ne s’apperçoivent-ils qu’ils tombent dans une contradi&ion
faillante ? C a r ,
en fuppofant que cette prétendue erreur commune
exiftât, 8c qu’elle pût couvrir la nullité du teftam ent, les adverfaires
n’auroient pas befoin de l’invoquer pour fauver la reftitution des fruits,
6c ii n’e x ifta n t p a s , elle ne peut pas fauver le teftam ent, elle ne pourra
pas non plus fauver la reftitution des fruits.
Il
cft vrai qu’il y a eu pendant long-temps un grand conflit d’opinions
ôc d’arrêts fur la queftion, favoir, de quel jour eft duc la reftitution
des fruits, d’une hérédité par la caiTation d’un teftament.
Ceux qui étoient fournis à cette reftitution difoient, comme nos
adverfaires, que ces fruits ne font dus que depuis l’inftance en caila-
( i ) M é m o ire des a d v e r fa ir e s , p a g e :
, z$ ^ *6 .
�3°
rion, parcs qu’il falloit iuppofer indéfiniment que l’héritier a toujours
poiïédé dans la bonne f o i , à moins qu’il n’y eût des preuves du
contraire 5 &C ils citoient divers arrêts rendus par les différentes cham
bres de la Cour , qui avoient adopté ce fyflême.
Les fuccefïeurs légitimes qui demandaient la reilitution, foutenoient,
au contraire, que dans le cas d’une nullité patente , ces fruits étoient
dus depuis le décès du teilateur , que fur cette qu eilion, la Cour jugea
d’abord que l’héritier qui avoit joui en vertu d’un teilament nul devoit
rendre les fruits , à dire d’experts, depuis lo décès du teilateur ; ils
citoient Furgole , q u i, au tom. premier , chap. 7 , ie£t. 2 , n°. 290 ,
ramené un arrêt du 16 feptenibre. 1736 > qui le jugea ainii. Un autre
feinblable du 23 avril 1747 » au rapport de Mr. de R aym ond} un'
troiiieme le 16 mars 1748 , au rapport de M r. de Baflard.
Mais depuis, pour metttre fui à ce conflit d’arrêts & d’opinions *
toutes les chambres du palais fe ionç réunies à adopter une diilinûion
di&ée par la fageiTe Si par l’équité même.
L a jurifprudence de la Cour eil fixée aujourd’h u i , à diflinguer dans
les teilamens dont la callation cil prononcée , le vice occulte du vico
patant.
Lorfque le vice eil caché comme lorfque le teilament a été écrit
par le clerc du notaire , ou lorfque le teilament fait mention de ld
le£lurc quoiquelle ait cté omiic •, dans ces circonflances l’héritier?
comme ayant joui en vertu d’un teilament qui ne préientoit au dehors
aucun vice , eil réputé poiToHeur de bonne f o i , Si confequamment
relaxé de la reilitution des fruits perçus avant l’inilance $ c’eil ainii
que la Cour le juge conilamment \ on peut citer quatre arrêts con
form es, des 17 avril 174 9 ? 7 a°ût 1761 ,
20 juillet 6c 12 août
1776.
Mais quand le vice eil patant, tel qu’efl le défaut d’un nombre iliflîfant de témoins, le défaut d’exprefïïon de la le£lurc, la prétériti^n Sic.
Dans tous ces ca s, la Cour ordonne conilamment la reilitution des
fruits par état depuis le décès du teilateur j 8c à dire d’experts , depuis
�l’interpellation judiciaire } c’eft ainil qirj lit rprefilott a etc jugé'c tour
tes les fois qu’elle s’eft préfentéç; on petit citer pour garants un nom
bre infini cP'arréts , notamment un- du,Z3 avril 1757 , rendu â fa'.pre
mière chambie des enquêtes", aü rapport de Mr. de Baftard \ ùrî feccnd
du 6 feptembre 1764 , au rapport de Mr. d‘e Poulharle? 3 un troiYîeme
du 31 mai 17703 un quatrième d\j 2.1 avril- 1774 5 im cinquième du
2,5 juin 1775 3 enfin-, un fixienve du 13 fepteinbre ï7S l4 , au rapport
de Mr. de Lab roue , entre íes fieurs' D eím as, Fournôls'
Fabrc.
O r , le vice qui opère la nullité du teftament du ficur Aridfé Dau-
.
cette , eft ue" vice p atent, l'es- adverfaires ne peuvent donc invoquer
pour eux ni pour leur tante ; c’eft le défaut d’un nombre fuffifant
de
témoins. Une
prétendue
bonne foi d'ans laquelle
jamais é t é , ni les uns- ni les- autres r il's font donc
ils
n’ont
dans le cas
des derniers- arrêts' que nous venoits de c ite r , ôc lefénéchal'du Puÿ
en les condamnant à la reftitution des fruits par é ta t, depuis le décès
du fieur André Dancette , Si à dire d’experts depuis l’introduttion de
l’inftance , a tres-bren íaifi l’efprit de la C o u r, St n’a fait que fe con
former à fa jurifprudence aufli fàge qu’éclairée.
Nous finirons en diiïïpant une fauffe alarme que les adverfaires vou
draient donner à la C o u r,
2>C à
l’ombre de -laquelle ils cherchent à fe
fouftraire'à la loi qui .les pouriliit ôC les condamne.
Combien de fam illes réduites a la 'mendicité, s’écrient-ils , com
bien de particuliers ruinés , <•) caufe du grand nombre de teflaments qui
fe trouveraient nuls , s'il étoit vrai que Beauzac fû t une ville !
Ce n’eft là qu’une fauffe 6c très-fauifc alarme-, Beauzac eft inconteftablement une v ille , & dans celle-là comme dans toutes les autres du
royaume , la loi des teftamens y reçoit fon exécution, nous en avons
affez produit pour le juftifierj nous avons défié ôc nous défiogs avec
la plus grande confiance les adverfaires, de produire Un feul teftartient
*W
en ligne collatérale, retenu dans la ville ou les fauxbourgs de B eauzac,
depuis trente ans, à compter de ce jo u r, qui ne fo ir iigné que par
deux feuls tém oins; iis aflurent qu’il y en a un notfere infini, ï l î '
�¡/jrz& <U*JTjLJJL*r- y.
/L r& v rO
■
3Z
pourroient bien en produire quelques uns, & il y a tout ‘à croire, qu’ils
n’auroient pas tant tardé s’il en exiftoit.
/¿
M
Mais quand il feroit auff i vrai qu’il eft fa u x , qu’il y eut un grand '
nombre de teftamens nuls à Beauzac , par le défaut d’un nombre fuffifant de témoins , cette confidération devroit-elle engager la Cour à
commettre l’injuftice la plus criante, en maintenant contre
ca, yi ~
toutes
les lois des étrangers ufurpateurs dans un héritage qui ne leur appar
tient pas ? ......... Loin de nous ce blafphême , s’arrêter un feul inftant à
cette idée , eft un crime.
L a juftice ne connoît ni le refpect humain ni les confidérations ;
^
/x
,
-elle rend à un chacun ce qui lui ef t d û , fans égard pour les perC ¡S¿¿¿¿Cl- ¿CfUjUL.
fonnes , pour les temps e t pour les lieux. Reddere fuum cuique. Voilà
jj*njjj/r
fon eff e n c e , &
c’eft fous ce rapport inaltérable que fes auguftes
miniftres nous la font connoître chaque jour par leurs oracles.
perfiftent.
Monfieur L ' A B B É
D E C A M B O N , Rapporteur
Me. D E S C O M P S ,
Avocat.
B A R A D A P ro cu reu r
¡p if-v r o j ¿ , 1
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Marie
Relation
A related resource
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/vignettes/BCU_Factums_M0101_0017.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
[Factum. Faugier, André. 1789?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Cambon, de
Descomps
Barada
Subject
The topic of the resource
successions
captation d'héritage
opinion publique
coutume du Velay
distinction entre villes et campagnes
témoins
Description
An account of the resource
Réplique pour Me. André Faugier, prêtre, tuteur de l'enfant pupille du feu sieur Claude Faugier, bourgeois ; le sieur Jacques Massardier ; et demoiselle Françoise Faugier, mariés, intimés ; contre les sieurs Barthélémi Robin, appelant ; et Jean-Barthélémy Robin, aussi intimé.
Annotations manuscrites.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
s.n.
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1789
1760-Circa 1789
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
32 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0545
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G0223
BCU_Factums_M0726
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/5/53856/BCU_Factums_M0545.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Beauzac (43025)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
captation d'héritage
coutume du Velay
distinction entre villes et campagnes
opinion publique
Successions
témoins
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/5/53715/BCU_Factums_M0216.pdf
47a0bf12ee766875e43fbe9cdb44d392
PDF Text
Text
ni
/fr V c£t 'ù
MÉMOIRE
E N
R E P O N S E ,
SU R
LA
PR O PR IÉTÉ
/f/
yUj.< L , £
DES
ET
LE
PARTAGE
EAUX.
IfrhÀÛâ/'ï
’
y*/ ja.
y,^AJU)/vJg "’
A
de
l ’im p r i m e r i e
IMPRIMEUR
du
R IO M ,
de
L
ANDRIOT,
t r i b u n a l
1804. =
XII.
s e u l
d ’a p p e l.
��MEMOIRE
POUR
J e a n - A n d r è C A B A N E S , n otaire, habitant du
lieu d’A utrières, commune de Saint-C ham ant,
appelant de la sentence des requêtes du palais,
du 2-0 mai 1789 j
CONTRE'
P ie r r e
"
’
C O U D E R T , négociant, habitant de
la ville d’Aurillac intimé;
,
EN RÉPONSE AU MÉMOIRE DE L ’INTIMÉ.
“ ‘
t
T
•
•
.
.
cit. Cabanes a-t-il d r o it, à titre de servitude i pou r
l’arrosement de ses prés de l’Espinasse et du C lo u x , aux
eaux qui naissent dans le P ré du Chûteau, appartenant
au cit. Coudert ? C ’est la matière du procès soumis au
jugement du tribunal d’appel.
■
- A v an t de poser les questions auxquelles la contestation
A
�C a )
peut donner lie u , il est essentiel de rappeler les faits et
de présenter l ’état du lo c a l, qui sera d’ailleurs rendu
sensible par le plan géom étrique qui en sera mis sous les
y e u x du tribunal.
Il d é p e n d o i t de la terre de Saint-Cham ant, dont le cit.
Coudert est devenu acquéreur, un pré d’une étendue assez
c o n s id é r a b le , appelé le P ré du Château. Ce pré jo ign o it,
entre le nord et le couchant, à un petit pré appelé del
P ra d e l, qui étoit à la tête du pré de l’Espinasse, appartenant
à un nom m é M alp rad e, q u i , par une acquisition , avoit
réuni le petit pré del Pradel à celui de l ’Espinasse ; d’un
autre côté, et entre nord et m id i, le P ré du Château joi
gnoit en partie au pré du C lo u x , appartenant également
à M alprad e; mais au m ême aspect il y avoit un petit in
tervalle dans lequel le P ré du Château confinoit à des
terres appartenantes à différens particuliers, et c’étoitcet
intervalle qui em pêchoit la jonction des prés de l’Espinasse
et du C lou x , l ’un et l’autre appartenans à M alprade.
O n vient de pai’ler du petit pré del Pradel que M alprade
avoit acquis pour le joindre à celui de l’Espinasse. U ne
partie de ce pré del Pradel faisoit avancement dans le
P ré du Château, e t , pour rendre celui-ci plus ré g u lie r,
le seigneur de Saint-Cham ant désiroit que M alprade lui
cédât l’avancement que faisoit le pré del Pradel dans
celui du Château.
D ’un autre c ô té , on a remarqué qu’entre le pré de
l ’Espinasse et celui du C lo u x, tous deux appartenans à
M alp rad e, il y avoit un intervalle du P ré du C hâteau,
qui cm pechoit la jonction des deux prés de l’Espinasse et
du C lo u x , et M alprade désiroit que le seigneur de Saint-
�(3 )
Chamant lui cédât la très-petite partie du pré du Château _
qui séparoit le pré de l ’Espinasse de celui du C loux.
Ces avantages réciproques que désiroient le seigneur de
Sain t-C h am ant et M alprade , déterm inèrent l’acte d’é
change qui se fit entr’e u x , le 30 juin 1713 ? Par l ecIuel
M alprade céda au seigneur de Saint - Chamant la partie
du pré del Pradel qui faisoit avancement dans le P ré du
C hâleau, et le seigneur de Saint - Chamant lui céda en
échange l’espace du P ré du Château nécessaire pour join
dre le pré de l’Espinasse à celui du C loux.
Il est encore essentiel de rem arquer qu’il existoit aur
dessus du pré del P ra d e l, joint à celui de l’Espinasse, une
petite fontaine, appelée du Coudert de M any , dont les
eaux se partageoient pour l’arrosement du pré del Pradel
et de celui du Château-, e t , dans l ’acte d’échange de 1713 ,
M alprade consentit que les eaux de cette petite fontaine
du Coudert de M any appartinssent tout entières, à
l ’a v e n ir, au P ré du Château.
.
Il fut convenu , dans le même acte , que le seigneur de
Saint-Chamant feroit, à ses fra is, un m ur de séparation
entre l’avancement de ce pré del Pradel qui lui étoit cédé
et le reste de ce même pré.
'
.
Il fut également convenu que M alprade feroit à’ ses
frais un m ur de séparation entre l’espace du P ré du
Château qui lui étoit c é d é , et le reste de ce même pré ;
et il fut dit que l’espaco cédé du P ré du Chateau é to it« à prendre d e là dernière rase du P ré du Château, qui
« sort du P ré de l’Espinasse, et qui entre dans le P ré
« du C lo u x , laissant la rase dans le P ré du C hâleau,
« p o u r, par M alprade, joindre ladite portion d’environ
A 2
�r( 4 ')
« soixante-trois toises aux prés de l’Espinasse et du C lou x
« dudit M alp rad e, lequel sera tenu de faire la m uraille
« ’ pour la séparation desdits prés, au-dessus de ladite rase
te et b i a l l u r e , à ses frais et dépens. »
Cette dernière rase est une de celles qui recevoient les
eaux des sources qui naissoient dans le P ré du Château,
pour les traduire dans le P ré de l’Espinasse, d’où elles
rentroient encore dans le P ré du Château, pour se rendre
dans le P ré du C loux par une ouverture ou aqueduc
pratiqué dans le m ur de séparation ; aqueduc suffisam
m ent désigné dans le langage du pays par le terme de
biallure.
O utre cette dernière rase, il y en avoit une autre qui
traduisoit encore les mêmes eaux dans le pré du C lo u x ,
après avoir traversé une petite partie du P ré de l ’Espinasse, en sortant du P ré du C hâteau, dans lequel elles
rentroient encore , et n’en ressortoient que pour arriver
dans le P ré du Cloux.
M a i s ce qui est su r to u t x-em arquable, c’est que le P ré du
Château, dans les parties qui jo ig n o ie n t les p r é s de l’Espinasse et du C lo u x , étoit environné de murs anciens à
travers lesquels étoient pratiqués des ouvertures ou aque
ducs pour donner l’issue des eaux naissantes dans le P ré
du C h âteau, soit dans le P ré de l’Espinasse, soit dans
celui du C lou x ; ouvertures et aqueducs pratiqués dans
ces murs lors m ême de leur première construction, et
qu’il est encore aisé de reconnoître et de vérifier dans
ces mêmes murs toujours existans.
Indépendamment des eaux naissantes dans le P ré du
Château, le pré de l ’Espinasse jouissoit encore, pour son
�C 5 5
arrosement dans sa partie su p érieu re, des eaux de la
grande fontaine de M a n y , différente de la petite fon
taine du Coudert de M a n y , dont on avoit abandonné les
eaux pour le P ré du Château, dans l ’acte d’échange de
1713. Les eaux de cette grande fontaine de M a n y , qui
existent au delà du P ré du Château où elles entrent par une
grande rase qui le traverse, se versent de suite à la te te
du P ré de l’Espinasse par une ouverture ou aqueduc pra
tiqué dans l’ancien m ur de séparation du P ré du Châ
teau de celui de l ’Espinasse, dans cette partie ; ouverture
pu aqueduc q u i, comme les autres dont on a p a r lé , avoit
été pratiqué dans le temps même de la construction
de l ’ancien m ur , ce qui est encore aujourd’hui facile a
reconnoitre et à vérifier.
.
. U n e o b se rv a tio n q u ’ o n ne doit pas non plus n é g l i g e r ,
c’est q u e les p r é s d e l ’Espinasse et d u C l o u x n e p e u v e n t
être arrosés, le P ré de l’Espinasse dans sa plus grande
partie, et le P ré du C lou x dans sa totalité, que par les
eaux naissantes dans le P ré du Château-, et il n’est pas
possible de croire que l ’on eût fait des prés du terrein
qu’ils o ccu p en t, prés qui existent de toute ancienneté,
si l’on n’eut pas eu le droit de les arroser par les seules
eaux qui pouvoient y parvenir.
- U ne dernière observation non moins intéressante, c’est
que si l’on retenoit les eaux qui naissent dans le P ré du
Château , comme les sources d’où elles découlent sont
situées dans les bas fonds de ce même p r é , elles y seroient
stagnantes, et en inonderoient toute la partie intérieure.
Ce 11’est alors que par ém ulation , et sans aucun objet
�(
6 )
d’utilité ni d’agrém en t, que le propriétaire du P ré du
Château voudroit p river de ces eaux les prés inférieurs;
ce qu’il ne peut faire qu’en rejetant ces mômes eaux dans
la voie publique qui est au levant du P ré du Château,
d’où elles vont se jeter dans la rivière, sans aucun avan
tage ni pour le propriétaire du P ré du C hâteau, ni pour
aucune autre propriété, mais tout au détrim ent des prés
de l’Espinasse et du Cloux.
T e l étoit l’état des choses lorsque la terre de SaintCham ant, d’ou dépendoit le P ré du Château, fut mise
en vente judiciaire par les directeurs des créanciers du
duc de Caylus, seigneur de St.-Chaînant.
D é jà , et avant la vente, le cit. Cabanes avoit acquis de
M alprade les prés de TEspinasse et du C lo u x , et il avoit
conservé la possession q u ’avoit eue M alprade de la ser
vitude des eaux naissantes dans le P ré du Château. Ce
f u t alors que les gens d’affaires du duc de C aylus, et les
directeurs des créan ciers, voulurent s’assurer si dans la
vérité le cit. Cabanes avoit un droit de servitude sur les
eaux d u P r é d u C h âte au . P lu s ie u r s lettres fu re n t écrites au
cit. Cabanes, soit par l’intendant du duc de Caylus, soit par
le chargé d’affaires de la direction des créanciers; lettres
qui sont jointes au procès et qui annoncent que ce fut
pou r les satisfaire que le cit. Cabanes demanda un acte
de notoriété des plus anciens habitans cl voisins des prés
dont il s’a git, dans lequel ils attestèrent la possession im
mémoriale de M a lp rad e, vendeur du cit. Cabanes, de
prendre les eaux des sources du P ré du Château pour
l’irrigation des prés de l’Espiiiasse et du Ç lou x; et parmi
�C7 )
.f f
les particuliers qui donnèrent cet acte de n o to riété, le
16 avril 1781 , étoient plusieurs anciens fermiers ou
métayers de la terre de St.-Chamant.
Ce fut quelque temps après que le cit. Coudert devint
adjudicataire de la terre de St.-Cham ant, et qu’il entreprit,
après trois ans de silence, de contester au cit. Cabanes le
droit de servitude dont lui et M alprade s o n vendeur avoient
joui de tous temps sur les eaux du P ré du Château pour
l ’arrosement des prés de l ’Espinasse et du C loux.
L e cit. Coudert avoit trop à.crain dre des tribunaux
ordinaires, dans une coutume où les servitudes peuvent
s’acquérir sans titre, par la seule prescription; il profita
du com m ittim us que lu i donnoit une charge de secrétaire
du roi qu’il avoit acquise, pour porter aux requêtes du
palais la contestation qu’il vou lo it élever c o n t r e le cit.
Cabanes, p r é v o y a n t que sa prétention seroit m ieux ac
cueillie par des juges imbus de la m axim e de la coutum e
de P a ris} qui ne reconnoît point de servitude sans titre.
Il est nécessaire de rappeler les conclusions qui furent
prises par le cit. C o u d ert, dans la demande qu’il form a
contre le cit. Cabanes aux requêtes du palais. D ’ab ord , à
l’égard des eaux des deux fontaines, celle du C oudert
de M any et celle de M a n y, quoique le cit. Coudert p ré
tendît y avoir seul d ro it, cependant à cause de l’usage
qu’il fut obligé d’avouer qui en avoit été fait pour l ’ar
rosement des prés de l’Espinasse et du C lo u x , il en con
sentit le partage, et demanda qu’il fût fait par exp erts,
dans la proportion de l’étendue de son pré du Château
et de celle des prés de l’Espinasse et du C lo u x , se réser
vant toutefois de révoquer son consentement au partage,
�(S )
.
s’il venoit à découvrir des titres qui lui attribuassent le
droit exclusif des eaux de ces deux fontaines.
.
M ais à l ’égard des eaux des sources existantes dans le
P ré du Château, il demanda à y être maintenu exclusi
vem ent , soutenant que la possession que pou voit en avoir
le cit. C a b a n e s n’étoit qu’une possession p réca ire, qu’il
s’étoit attribuée dans le temps que lui-même étoit' ferm ier
de la seigneurie de Saint-Chamant et du pré du Château
qui en dépend, ayant profité de cette circonstance p o u r,
pendant la durée de sa fe rm e , user des eaux du P ré du
Château pour en arroser les prés voisins dont il étoit
propriétaire.
Sans rappeler les moyens par lesquels le cit. Cabanes
combattit les demandes du citoyen Coudert aux requêtes
du palais, parce que ces moyens seront employés dans
la suite de ce m ém oire en plus grand nombre et avec
plus d’étendue, il est néanmoins essentiel de rem arquer
ce que d isoit le cit. Coudert dans une requête signifiée
le 22 f é v r i e r 178 7, a u x pages 33 et suivantes de la grosse
de cette r e q u ê te. O n va le transcrire m o t p o u r mot.
cc II a été fait anciennem ent, entre le seigneur de Saint
« C ham ant, propriétaire du pré du Château, et le procc priétaire des prés de l’Espinasse et du C lo u x , un tra ité
« par lequel ce dernier a renoncé à se servir jamais des
« eaux de la fontaine du Coudert de M any. D e p lu s ,
« le suppliant prétend des droits de p ro p riété, en sa
« qualité de seigneur de Saint-Chamant, sur le com m un,
« et par conséquent sur les deux fontaines dont l’eau
« lui appartiendrait entièrement. Il est donc important
« pour le suppliant, dans la ca s où dans la suite il
youdroit
�( 9 )
t/
<* voudrait f a i r e usage de Vacte passe entre le proprié
té taire des prés de Y Espinasse et du C lo u x , et le pro
« priétaire du pré du C h â tea u , et au cas où il voudroit
« exercer son droit de propriété sur ledit commun en
« question, qu’on ne puisse lui opposer le partage des
« eaux desdites fontaines, qu’il a lui-m êm e p ro v o q u é ,
« et le soutenir non-recevable de prétendre à la totalité
« desdites eaux. V o ilà quel a été le m otif de la réserve,
« faite par le suppliant. »
.
•
O n voit par ce -passage de la requête signifiée par le
cit. Coudert le 22 février 17 8 7 , qu’il avouoit form el
lement l’existence d’un ancien traité fait entre le seigneur
de Saint-Chamant et le propriétaire des prés de l’Espinasse et du C lo u x ; traité q u ’il c o n v e n o i t a v o i r en son
p o u v o ir, p u i s q u ’i l se r é s e r v o it d’en faire usage. O r , ce
traité est celui dont on a p a rlé, du 30 juin 1 7 1 3 , puisque
la copie produite par le cit. Cabanes lui fut remise par
le cit. C o u d ert, et que le cit. Cabanes offre de prouver
au besoin l’aveu de cette rem ise, de la part de l’abbé
Y e y rin è s, beau-frère du cit. Coudert.
D ’après l’allégation de ce tra ité , faite par le citoyen
C oudert, il im portait au cit. Cabanes d’en avoir une
parfaite connoissance; c’est pourquoi il fit au cit. Coudert
deux sommations successives, le 9 et le 24 mars 17 8 7 ,
de lui donner copie du traité, sous protestation, en cas
de refu s, de le rendre garant de tout événem ent : mais
sans doute le cit. Coudert ou son conseil avoit réfléchi
sur l’avantage que le cit. Cabanes pourroit lui-m êm e tirer
de ce. traité, pou r'p rouver son droit aux eaux naissantes
‘
'
B
�( IO )
dans le pré du Château aussi refusa-t-on obstinément
d’en donner connoissahce au cit. Cabanes 3 et de lui en
fourn ir copie.
C ’est en cet état qu’intervint la sentence des requêtes
du p a la is , du 20 mai 1789, qui ordonna le partage des
eaux de la fontaine du Coudert de M any et de celle de
JVIany, mais qui maintint le cit. Coudert dans le droit
exclusif des eaux naissantes dans le pré du Château ; en
quoi ne fut pas trompée la prévoyance qui a voit engagé
le cit. Coudert à porter cette affaire devant des juges
imbus de la maxime de la coutume de Paris, qui n’admet
point de servitude sans titre. M ais, dans ce système m êm e,
il est inconcevable que les premiers juges n’eussent pas
forcé le cit. Coudert à justifier du traité de 1 7 1 3 , dont
il a voit excip é, et qui auroit lui-m êm e été un titre à la
servitude.
L e cit. Cabanes interjeta appel de la sentence des re
quêtes du palais , au parlem ent, où la cause fut appointée
au conseil, et où il avoit déjà été signifié p lu sieu rs é c ri
tures de part et d’autre, causes ou moyens d’app el, ré
ponses , salvations, etc. lorsque survint la suppression
des parlemens ; en sorte que la décision est aujourd’hui
soumise a ce tribunal d a p p e l’, et c est au mémoire im
prim é que vient de repandre le cit. Coudert qu’il s’agit
de répondre.
M ais auparavant il y a encore quelques faits à exposer.
A v a n t d’introduire l’alfaire dans ce tribunal, les parties
avoient successivement passé deux compromis pour la
faire décider par un jugement arbitral. Les premiers
�■
( II )
arbitres s’étoient transportés sur les lieux pour les exami
ner. Cependant ces premiers arbitres, on ne sait par quels
motifs, pressés par le cit. Cabanes de rendre leur juge
m ent, et même long-tem ps après que le délai du com
promis étoit e x p iré , d ilajan t toujours de prononcer sur
la contestation, le cit. Cabanes se v it forcé de révoquer
le com prom is, toujours cependant dans l’intention de se
faire juger par des arbitres, mais autres que ceux qui refusoient de juger. Aussi se prêta-t-il à passer un nouveau
compromis par lequel les parties nomm èrent pour arbitres
les cit. D u cla u x , D o liv ier et G ro s; le prem ier président,
les autres deux juges du tribunal d’arrondissement de
M auriac.
•
Ces trois nouveaux arbitres se transportèrent aussi sur
les l i e u x p o u r vérifier l’état des fontaines de M any et du
c o m m u n de M a n y , les sources existantes dans le P ré
du Château, les rases et fossés, les ouvertures et aqueducs
•placés dans les murs de clôture du- P ré du Château , par
lesquels les eaux couloient ordinairement dans les prés
de l’Espinasse et du Cloux. Ils entendirent les observations
des parties; et ce fut même devant ces arbitres que l’abbé
V e y rin è s , beau-frère de C ou d ert, et qui assistait pour
lui à la visite des arbitres, convint que la copie du traité
de iy ig a v o it été remise au cit. Cabanes p arle cit. Coudert:
les arbitres pourroient même le témoigner. Les arbitres
étaient encore dans le délai du com prom is, et ils alloicnt
rendre leur jugem ent, lorsque l’abbé V e y rin è s, frère de
la femme de C ou d ert, et son conseil, p révo ya n t, par
l’attention que portaient les arbitres à exam iner scrupu
leusement l’état des lie u x , que leur jugement ne seroit pas
B 2
�( 12 )
favorable, pria les arbitres de le suspendre de quelques
jours, pour lui donner le temps d’aller chercher à A u rilla c , au dom icile du cit. Coudert, un acte de partage
des eaux , qu’il dit exister, et qui pourroit apporter quel
que c h a n g e m e n t dans la décision. Les arbitres ne crurent
pas d evoir refuser un si court d é la i, et le cit. Cabanes
lui-m êm e ne s’y opposa point. Mais le m otif pour lequel
il avoit été demandé n’étoit qu’un vain prétexte pour
laisser passer le temps du compromis ; et aussi, presque
aussitôt, il fut fa it, à la requête du cit. C o u d e rt, une
révocation du com prom is, qui fut signifiée tant au cit.
Cabanes qu aux trois arbitres; et c’est à la suite de cette
révocation que l’afFaire a été portée en ce tribunal pour
juger l’appel de la sentence des requêtes du palais.
Il n’y a plus qu’ une remarque à faire sur ce qui a été
dit dans une requête signifiée de la part du cit. Coudert,
le 9 fructidor an 11.
Dans cette req u ête, le cit. C o u d ert, après avoir nié
l’existence de l’acte de 1 7 1 3 , après avoir soutenu que la
copie qu’en représentoit le cit. C a b a n es étoit in form e,
qu’elle ne pouvoit faire aucune foi en justice, il a ajouté
« qu’il avoit sommé formellement le cit. Cabanes de
« s’exp liq u er, s’il entendoit exécuter cet acte ou n o n ,
« parce qu’il l ’exécuteroit de son côté dans tout son
« co n ten u ; » et il lui dit avec justice et vérité : « V ous
« ne p o u rrie z, cet acte fût-il en form e, vous dispenser de
« l’exécuter dans toutes ses clauses, parce que les clauses
et d’un acte sont de leur natureindivisibles. 33 O r, le cit. Ca
banes déclare dès<\ présent qu’il accepte cet aveu et ce con
sentement du cit. Coudert ; et que de son côté il consent
�( *3 )
•
formellement à l’exécution de l ’acte de I 7 I 3 * A insi il
pourra en tirer toutes les conséquences qui en peuvent
.
résulter.
A lors il est vrai qu’il pourroit être prive des eaux de
la petite fontaine du Coudert de M any , parce que dans
le fait, par l’échange de 1 7 1 3 , M alprade son auteur avoit
consenti que les eaux de cette fontaine appartinssent en
entier au seigneur de Saint - d ia m a n t , propriétaire du
P ré du Château-, mais le cit. Coudert s’est abusé en croyant
trouver dans le même acte un abandon des eaux de la
fontaine de M a n y, toute différente de celle du Coudert
de M any ; ces deux fontaines se trouvent à une grande
distance l’une de l’autre.
Il est vrai q u e , m a l g r é l’abandon des eaux de la petite
fon tain e d u C o u d e r t de M a n y , M a l p r a d e , et après lui
le cit. C a b a n e s , les a v o ie n t to u jo u r s partag é e s a v e c le sei
gneur de Saint - C h aîn an t, et que le cit. C oudert, dans
l’instance pendante aux requêtes du palais, avoit lui-mêm e
provoqué et fait ordonner un nouveau partage de ces
eaux. Mais le cit. Cabanes renonce quant à celles de
la petite fontaine du Coudert de M any , dès que , de sa
part, le cit. Coudert consent à l’entière exécution de l’acte
de 1713 ; consentement que le cit. Cabanes vient d’accep
ter. Mais il 11’en est pas de même des eaux de la fontaine
de M a n y , à l’usage desquelles il n’a été fait aucune re
nonciation par le traité de 1713- E n sorte que le citoyen
Coudert, consentant à l’exécution de tout le contenu de
ce traité , il ne peut pas y comprendre l’abandon des
eaux de la fontaine de M a n y, qui ne fut point fait dans
le traité, mais seulement celui des eaux de la petite fon-,
�{ T-4 ) r
taine du Coudert de M a n y, différente de celle de M any.
M aintenant il ne s’agit plus que de répondre au m é
m oire imprimé du cit. C oudert, de présenter les questions
qui peuvent s’élever dans cette affaire, d’établir les prin
cipes de la m atière , et d’en faire l’application aux faits
dont on vient de rendre compte.
m
o
y e
n
s
.
L e m em oire auquel on répond a pour objet principal
d’établir le principe général que celui dans le fonds du
quel naît une source d’eau a le droit d’en disposer à son
g r é , q u o iq u e, même d’un temps im m ém orial, les eaux
de cette source, à la sortie de l’héritage où elle naît, aient
servi ù l’irrigation des fonds inférieurs. O n s’est épuisé en
citations de lois, d’auteurs et d’arrêts, pour établir ce prin
cipe; mais c'est peine inutile, pour prouver ce que per
sonne n’entreprendra de contester, aux exceptions près
dont il est susceptible.
lia v ra ie , la principale q u estio n d e cette affaire, est de
savoir si le propriétaire de l’héritage inférieur à celui où
naît la source peut acquérir la prescription des eaux de
cette source , pour l’irrigation de son h érita g e, par des
travaux de main d’homm e pratiqués dans l’héritage supé
rie u r, et par une possession continuée pendant l’espace
de 30 ans. M ais on n’a pas osé aborder franchement celle
question; on s’en est presque tenu ù la négative, au lieu
que l’allirmative est fondée sur la disposition des lois , la
doctrine des auteurs , même de quelques-uns de ceux cités
dans le m émoire auquel on répond, et sur la jurispru
dence, même sur celle du tribunal d’appel.
�C ^ )
Il y aura une question secondaire à examiner : celle de
savoir si le propriétaire du fonds in férieur, qui est devenu
fermier du fonds supérieur , mais qui avant d’etre fer
m ier étoit déjà, par lui ou par son vendeur, en possession
de la servitude,' en continuant d’en jouir pendant le temps
de sa ferm e, a fait interversion de la possession anté
rieure , de manière que la prescription n’ait pas pu con
tinuer de courir en sa fa v e u r, comme elle auroit fait pour
son vendeur, s’il n’eut pas cessé de jouir de l’héritage et
de la servitude.
'
< Commençons par développer les principes relatifs à ces
deux questions ; il ne sera pas difficile d’en faire l’appli
cation ; elle se présentera comme d’elle-m ême , d’après
les faits exposes/
■
P rin cip es sur la première question.
'
L a loi Prœ ses, I V , God. D e servitutibus et a q u â , que
l’on cite communément dans cette m atière, mais dont on
abuse sou ven t, comme on l’a fait dans le m émoire du cit.
Coudert ; cette loi p o rte , il est v r a i , que celui dans le
fonds duquel naît une source d’eau, peut en disposer ;\ son
g r é , et la retenir dans son h érita g e, ou la faire couler dans
d’autres héritages qui peuvent lui appartenir. Eu cela cette
loi n’est que l’application de la règle générale par laquelle
chacun est maître de disposer de sa chose comme hon lui
semble.
• Il est vrai encore que cette même loi veut qu’ il en soit
usé ainsi, bien que , de tout tem ps, les eaux de la source
aient servi à l’irrigation des héritages inférieurs, contra
�( i6 )
statulam consuctudinis Jo rm a m , carere te non per
m itid .
■ Mais la disposition de la loi Prœ ses souffre deux excep
tions.
Xi’une, q u a n d celui dans le fonds duquel naissent les
eaux ne veut les retenir ou les détourner que par émula
tion , sans aucune utilité pour l u i , et uniquement pour
nuire à ses voisins : la raison et l ’équité suffiroient pour
dicter cette exception. Mais toutes les lois qui défendent
de faire quelque chose par ém ulation, s’entendent quand
ce que 1 on fait est seulement dans l’intention de’ nuire ,
sans aucune utilité pour soi—m em e, cltivtïio nocdzdi non
utilitatis causa ; en un m o t, quand te que l’on fait ne
profite point à soi-m em e, mais nuit à autrui, quando non
prodest f a c ie n t i, et alteri nocet. O n peut vo ir sur cela les
lois citées par H enrys, tom. 2 , liv. 4 , quest. rj5 .
O r ici ce n’est vraiment que par émulation que le cit.
Coudert voudroit reteñirles eaux qui naissent dans le P ré
du C hateau, pour en priver les prés in férieurs du cit.
Cabanes, puisque ces eau x, qui suffisent à l’irrigation du
P ré du Château, et qui arrosent ensuite les prés inférieurs,
si elles étoient retenues dans le Pré du Château, deviendroient stagnantes dans les bas fonds de ce p r é , où sont
situées les sources, et par lâ non-seulemeut ne luiseroient
d’aucune utilité, mais même lui scroient nuisibles; et si
pour les faire sortir de son pré le cit. Couder t ne peut en.
procurer le versement q u e dans la rue publique, d’où elles
iroient se jeter dans la riv ière, d’un côté la rue publique
en seroit dégradée, et deviendroit moins praticable-, et
d’un autre côté ces eaux ne pourroient plus être utiles
personne,
�.
(. 17 ^ .
.
. .
personne, et'les prés in férieu rs,q u i en ont toujours jo u i,
souffriroient un préjudice notable de leur privation.
Si donc les faits qu’on vient de rappeler etoient vérifiés
par un rapport d’experts s’il étoit constant que ce n’est que
par pure ém ulation,sans utilité pour son propre héritage,
et au contraire au préjudice de ce même h éritage, que le
cit. Coudert veut priver le cit. Cabanes du bénéfice de
.ces mêmes eau x, à la sortie du P ré du Château , et que
d’ailleurs il ne pourroit les en faire sortir que par la voie
publique , sans utilité pour qui que ce s o it, il devroit
■paraître évident que son opposition à la possession du
cit. Cabanes ne seroit form ée que par pure ém ulation,
anim o n o c e n d i, non utilitatis causâ ; et sans doute le
cit. Cabanes n’eût-il que ce seul moyen à. faire valo ir, la
justice du tribunal le déterm ineroit à. ordonner une v é
rification p a r experts.
M ais la loi P rœ scs souffre encore une autre exception
dans laquelle se trouve le cit. Cabanes. Cette loi ne s’entend
que dans le cas où les eaux de la source qui naît dans l’hé
ritage supérieur, p a rle u r pente naturelle ont coulé dans
les héritages intérieurs, qui en ont profité pour leur irri
gation, et non lorsque les propriétaires des héritages in
férieurs ont été eux-mêmes prendre les eaux dans le fonds
supérieur, et y ont pratiqué des o u vrages, des fossés, des
rigoles , des aqueducs, pour faire parvenir ces eaux dans
leurs héritages ,• et qu’ ils en ont conservé la possession
pendant trente ans. V o ilà la doctrine constante de tous
nos bons auteurs.
Celui qui m érite d’être cité le p rem ier, D u m o u lin ,
cet oracle de notre jurisprudence française , et qui n’étoit
C
�( i 8
)
.
pas moins versé dans la jui’isprudence rom aine, s’en exp li
que avec énergie dans sa note sur le conseil 69 d’Alexandre.
Il p a r o ît, d’après ce que dit D u m oulin , que dans ce
conseil A lexan dre avoit été d’avis généralem ent que le
propriétaire de l’héritage inférieur, queD u m ou lin appelle
J o a n n e s , pouvoit empêcher le propriétaire de l’héritage
supérieur de retenir la source des eaux qui y naissoient,
au moyen de l’usage qu’il avoit eu de ces eaux pour l’arrosement de l’héritage inférieur ; sur qUQj[ D um oulin dit
qu’A lexan dre auroit mal con su lté, s’il n’y avoit pas eu
d’autres circonstances dans le fait qui lui avoit été exposé :
¿id çerte , si 71071 esset aliud quarn in prœdïcto ihem ate ,
A le x a n d e r pessim è consuhiisset. E t la raison qu’ il en
d o n n e ; c’est q u e , quoique d’un temps im m ém orial l ’eau
eut coulé naturellement dans le m oulin du fonds infé
rieu r, elle n’étoit pas censée y avoir coulé par droit de
servitude , mais par droit de pure faculté : Q u ia e tia m si,
per ternp us im m ém oriale, aqua sic p e r se flu x isset ad
m olciidinum dom ini J'un di inferioris , non censetur labi
ju r e servitutis , sed merœ fa cu lta tis. E t il faut bien
prendre garde à ces mots per se , qui veulent dire que l’eau
a coulé par sa pente naturelle; et c’est ce que fait bien
entendre D um oulin en ajoutant: Si le propriétaire de l’hé
ritage inférieur n’a rien lait dans le fonds supérieur pour
en faire parvenir les eaux dans le sien : Si dom inus i/if c r i o r nihH f o c i t in fu n d o superiori ut aqua sic flu a t.
E t ain si, pour justifier le conseil d’A le x a n d r e , D um oulin
dit qu’ il faut supposer que dans l’espèce qui lui étoit p ro
posée le propriétaire de l ’héritage inférieur avoit fait quel
que ouvrage dans l’héritage su p érieu r, pour en faire
�( 19 )
parvenir les eaux dans le sien : Ideo prœsupponendurn quod iste Joan n es in fu n d o superiori , domino
scie?ite et patiente, et ju re serv itu tis,jecit et du xit n vu m .
Seulement D um oulin ajoute qu’en ce cas la possession
de la servitude de la conduite des eaux ne commence que
du jour qu’à titre de servitude a été pratiqué dans l’ hé
ritage supérieur l’ouvrage nécessaire pour faire arriver
les eaux dans l’héritage inférieur : T a m en q u a si posses
sio servitutis aquœductûs non incipit antequànide fa c to ■
,
ju re servitutis , f a t rwus per quem aqua ducatur.
Nous avons un traité de Cæpola , D e servitutibus ,
où dans le chapitre I V , au titre D e servitute aquœ duc
tûs , il examine notre question •, et cet auteur se trouve
cité au nombre 5 i , dans le m ém oire du cit. Coudert.
C æ p o l a , dans ce n o m b r e 5 i , d ’après la loi P r œ s e s ,
établit la r è g l e g é n é r a le q u e le p r o p r ié t a ir e d u fon d s dans
lequel naît une source d’eau peut la retenir et en disposer
à son gré , malgré l’usage qu’en ont fait de tous temps les
propriétaires des héritages inférieurs., à la sortie de L’hé
ritage supérieur. M ais il fall'oit aller plus lo in , jusqu’au
nombre 5 6 , où cet auteur excepte de la règle générale le
cas où les propriétaires des héritages inférieurs ont euxmêmes été prendre l’eau dans l’héritage su p érieu r, et y,
ont pratiqué des aqueducs, des fossés, des rig o les, pour
la faire arriver dans leurs héritages inférieurs.
Cæpola distingue les eaux qui naissent dans un fonds
qui appartient au p u b lic, ou dans un fonds qui appar
tient à un particulier. Dans le prem ier cas, il exige une
possession im m émoriale; mais dans le second, il se con
tente de la prescription ordinaire , q u i, même chez les
C 2
�( 20 )
R om ain s, en matière de servitudes, n’étoit que de dix ans
entre p résen s, et de v i n g t ans entre absens.
■
Puis venant à la m anière dont il fau t, pour déroger à
la règle gén érale, que les eaux aient été prises dans le
fonds supérieur par les propriétaires des héritages infé
rieurs , afin d’acquérir la prescription ju re servitutis ,
il veut qu’on en juge par la nature des actes qui ont été
exercés , comme si celui qui prétend avoir prescrit la
servitude a coupé la haie du fonds supérieur, s’il y a fait
ou fait faire des fossés, s’il les a nettoyés pour y introduire
les eaux et les faire arriver dans le fonds inférieur; autant
d ’actes qu’il ne pouvoit exercer qu’à titre de servitude :
E x quo quis f u e r i t usus ju re serv itu tis, com prehendi
potest e x actibus quos J e c it , per quos q u i per se ipsum
non posset J u cere ni fu n d o v icin i citra ju s et nomen
serv itu tisy ut prœcedere sepem , mundcire vel m undari
fa cere Jv ssa tu ra m in f u n d o v ic in i, vel ducere aqitcim
per fim d im i v ic in i, q u œ jie r i non possunt regulariter,
n isi ju re servitutis.
Quand on lit un a u t e u r , il ne faut pas s’arrêter à l’en
droit où il établit la règle générale, il faut poursuivre la
suite de son discours où il établit les exceptions que doit
souffrir la règle. G est ce qui arrive souvent à ceux qui
prennent dans D um oulin 1 objection pour la solution,
pour ne pas s’etre donne la peine d’aller jusqu’au bout.
On trouve la m ê m e doctrine, la règle générale et l’excep
tio n , dans le traité des Prescriptions de D u n o d , o ù , à la
page 8 8 , i l dit que le maître de l’héritage où naît une
source d’eau , peut la retenir ou la conduire ailleurs pour
son u tilité, q u o i q u ’e lle ait coulé d’uu temps im m éino-
�(
21 )
rial dans ceux de ses vo isin s, et qu’ils s’en soient servis,
à m o in s, a j o u t e - t - i l , qu’elle n’ait coule par un droit de
servitude prouvé par actes , ou parce que les voisins
auroientfait un canal dans le fonds duquel la source sort,
pour en conduire l’eau dans les leurs.
A u cun des auteurs qu’on nous oppose, ni H c n ry s, ni
Bardet, ni B erro yer, ne disent rien de contraire à cette
doctrine. L a dissertation d’H enrys, l’arrêt qu’il rapporte,
et celui-qui est dans B ard et, ne sont que dans l’espèce de .
la règle générale. Les propriétaires des héritages infé
rieurs n’avoient d’autre possession que de r e c e v o i r les eaux
par leur pente naturelle, à la sortie de l’héritage supérieur.
A l’égard de la citation de B e r r o y e r , on en est étonne;
car l ’ o b s e r v a tio n q u ’ o n lu i fait faire n’existe point
dans l ’ é d itio n q u ’ il n o us a d o n n é e de B a r d e t , il n ’y en a
a u c u n e sur l ’ arrêt de B a r d e t dont on a p a r lé . I l est v r a i
qu’il y a une nouvelle édition de Bardet , qui a paru
en . . . . et où on a ajouté des notes de Delalaure. O n n’a
pas sous les yeux celte nouvelle éd itio n , et il pourroit
bien se faire qu’on eût confondu une observation de D e lalau re,avec une note de Berroyer. Cependant on auroit
peine h croire que Delalaure eût p u , dans une de ses notes,
combattre la doctrine générale q u e l’onvient d’établir, puis
que ce même D elalaure, dans le traité qu’ il nous a donné
sur les servitudes réelles, c o n firm e lu i-m ê m e cette d oc
trine, comme on peut le voir à la page 1 7 ° ? ou cet au
teur , traitant de la p r e s c r i p t i o n des servitudes dans les
provinces du Lyonnais , Fore/, et Beaujolais, pays de droit
é c rit, où les servitudes s’ a c q u iè r e n t sans titr e , par la
seule force de la prescription, comme eu coutum ed’A u -
�( 22 )
ve rg n e , il dit qu’on admet une exception par rapport aux
servitudes d’aqueducs et d’égoûts incorporés , et qu’elles
peuvent s’acquérir sans titre , par une prescription de dix
ans; et entre les motifs qu’il en donne est celui que ces sortes
de servitudes exigent nécessairement que l’on fasse des
constructions sur le fonds d’autrui, n’étant pas possible
de penser que ces constructions aient pu être faites sans
le consentement du propriétaire sujet à la servitude.
On pourroit m ultiplier ù l’infini les autorités ; mais il
suffit de terminer par celle du dernier commentateur de
la Coutum e d’A u v e rg n e , aux pages 7 17 et suivantes du
second tom e, où, après avoir rappelé le principe gén éral,
que le maître de l’héritage où il naît une source d’eau
peut l’y retenir ou la faire couler dans d’autres héritages
lui appartenans, sans que le propriétaire des héritages
inférieurs qui avoient joui de cette eau à sa sortie de l’hé
ritage supérieur, d’un temps im m ém orial , puissent s’en
p la in d re, et après avoir rappelé les arrêts qui ont con
sacré ce p rin cip e, M . C habrol ajoute : « M ais si ceux
« contre qui ces arrêts ont été rendus avoient eu une véri« table possession de prendre l’eau des sources dont il
« s’agissoit; s’ils avoient pratiqué, depuis plus de trente
« ans, un aqueduc dans l’héritage où elle nnissoit, pour
« la conduire dans les leurs; ces ouvrages extérieurs et
« appareils, soulierls p a r le propriétaire, auroient tenu
« lieu de titre; il en seroit résulté une vraie possession
« q u i, ayant continué pendant trente ans, auroit opéré
« la prescription dans une coutume où les servitudes sont
« prescriptibles. » L e commentateur prouve la distinction
p r les passages de D um ouliu et de Cæpola que nous
�avons cite s, et il y
excellent traité D e
tuent une servitude
d eles écui’er et de
( 23 )
ajoute ce que dit M . D uval dans son
rebus d u b a s , que les actes qui consti
en pareil cas , sont de faire des rases,
les rétab lir, n vu m f a cere, 'purgare}
reficere.
E n fin , comment pourroit-on désormais élever la ques
tion , après que le titre des servitudes, dans notre nouveau
code c iv il, a de plus en plus .confirmé les pyincipes que
nous venons d’é ta b lir, par l ’article 63 5 , qu’on, ne doit
pas regarder comme une loi nouvelle , mais comme
le développem ent des anciens principes sur cette m atière?
A près q u e, dans l ’article 634, il est dit que celui qui a
une source dans son fonds peut en user ù sa volon té ,
sauf le droit que le propriétaire inférieur pourroit avoir
acquis par titre ou par prescription , l’article 635 ajoute
que 'la prescription , dans ce cas , ne pevit s’acquérir
que par une jouissance non interrompue pendant l’espacé
de trente années, à compter du m oment où le propriétaire
du.fonds inférieur a fait et terminé des ouvrages appurens
destinés ù facilitei* la chute et le cours des eaux dans sa pro
priété : ce qui n’est proprem ent que la traduction de ce
qu’on a rapporté,de D um oulin dpns ses notes sur les con
seils d’Alexandre.
^
.
A des principes quiidpi.y.ent ppr pitre si incontestables,
on nous oppose deux arrêts’, fu n d e 178 6 , l’autre de 1788,
que l’on dit avoir été rendus , le prem ier en faveur des
tfordelicrs d’A u rilla c,.e t le second au profit d’ un nommé
Pradier. D ’un côté, c e s deux arrêts ne nous sont connus par
oucun ouvragti p u b lic; de l’autre , ce n’esL rien , comme
dit un de nos anciens praticiens ( R u u ilh ard ) , d’avoir le
�( 24 )
corps des arrêts, si l’on n’a pas l’âme des hypothèses. L a va
riété des espèces est infinie-, il est rare qu’on puisse raison
ner juste de l’une à l’autre; et il n’y a guère que les arrêts
de règlemens , ceux qui étoient autrefois publiés aux au
diences solennelles en robes rouges, sur lesquels on puisse
établir "quelque fondement. E nfin, tegibus , non exemp'Us
■jùdïcahdum • et l’on terminera par rem arquer que déjà
la jurisprudence du triblrnal d’appel s’est fixée sur la
question.
'
’
■
O n doit sentir à présent la juste application des prin
cipes établis aux faits et aux actes dont il a été rendu
com pte.
'
;
■
>
U ne s’agit pas ici d’une simple possession de recevoir les
eaux par leur pente naturelle. Il existe des rases'et des
rigoles pratiquées de tout temps dans le P ré du Château,
par le propriétaire des prés de l’Espinasse et du C lou x;
des rases et rigoles', que le propriétaire a toujours net-r
toyées et entretenues pour faire arriver' dans ses p ro
priétés les e a u x naissantes dans le P ré du C h â te a u . Il
existe des o u v e r tu r e s et des aq u e d u cs dans les m urs de
clôture du P ré d u C hâteau,pour traduire les eaux; ouver
tures et aqueducs que Foh reeonnoît -aussi anciens que
les murs de clôture eux-memes , que l’on voit être de la
môme c o n s tr u c t io n et du même terri])};, qui existent peutêtre depuis des siècles. Ces rasés, ces'rigoles, ces aqueducs
tracés . dans le plan géom étrique
de l’état des lieux.
|
Ce plan est connu du cit. C ouderl;'il n’a p'aS énlreprisde le
so n t
contester, non plus que l’ancienneté des rases, des rigoles
et des aqueducs; et surtout' l’ancienneté des aquediics-so
manifeste à l’inspection des mura dans lesquels ils sont
pratiqués,
�( 25 )
'
pratiqués. T^e cit. Coudert n’a pas meme ose contester
formellement la très-ancienne possession de la servitude ;
et cette possession se trouve même proüvee par 1 ancien
neté des aqueducs, qui ne peut être m éconnue, et q u i,
quand il n’en resteroit que des traces, et qu’on n’en auroit pas fait u sage, auroient toujours conservé la posses
sion de ceux qui les avoient construits.
C ’est en effet un principe certain q u e, quoiqu’on n’ait
pas fait usage de la servitude, on n’en a pas moins con
servé la possession , tant, qu’il se trouve des vestiges des
ouvrages qui ont été faits,pou r l’exercer ; c’est ainsi que
s’en explique d’A rgen tré, sur l’article C C L X V I de la cou
tume de Bretagne , pag. 1092 : Signa ternporis succes
sion et perm anentis, signatura retinent i/i possessione
ju r is j et il dit encore au meme endroit : V estigia pos
sessionem retinent. L ’on trouve la m ême doctrine en
seignée par M ornac ,sur la loi 6 , ff. D e rerum diçisione.
E t quand même le cit. Coudert entreprendroit de con
tester la possession du cit. Cabanes et de M alprade son
-vendeur , le cit. Cabanes seroit en état, et offre même
d’en faire la preuve par tém oins; ce qu’il 11e croit pour
ta n t pas nécessaire, la preuve de la possession pouvant
se faire par la vériiication des experts, qui reconnoîtront
la haute antiquité des rases, fossés et aqueducs qui sont
désignés dans le plan géom étrique.
P rin c ip e s s u r la deuxièm e question.
Celte question est, comme ou l’a dit en com m ençant, de
savoir si le propriétaire du fonds in férieu r, qui est devenu
D
j
�( 26 )
^
ferm ier du fonds supérieur où naît la source des eaux,
mais q u i, avant'd’être ferm ier, éto it, ù la suite de son ven
d eu r, en possession de la servitude, en continuant cette
possession pendant la dui'ée delà ferm e, a fait interversion
de la possession qu’il avoit déjà , de manière que la près*
c r i p t io n n’ait pas pu continuer en sa fa v e u r, comme elle
a u r o i t f a i t p o u r son vendeur, s’il avoit continué de jouir
d e l’héritage inférieur et de la servitude sur l ’héritage
su p é rie u r.
Il n’y a sur cette question qu’un seul principe à in vo
q uer; c’est celui que rappelle ' notre célèbre D o m a t, au
titre de la possession, sect. I I , n. 27 : que « celui qui entre
cf en possession d’une chose qu’il a cq u iert, succède aux
ce mêmes droits, et ne possède ni plus ni moins que son
« auteur avoit possédé. » Ce n’est là que la traduction
m ême de la loi X X , if. D e acquir. rerum dom inio,
Q uoties dom iniuin tran sfe r tur ad eum q u i a ccip it, taie
transfiîitur q u a le fu it apud eum q u i tradidif.
D e là vien t, comme le dit D u nod dans son T raité des
p r e s c r i p t i o n s , pag. 2.0 , que « quand le titre vient de l’ail« teur qui avoit la possession, on peut joindre sa possession
« à la sienne. » C ’est ce que l ’on appelle en droit, accèssio.
L ’accession de la possession est pleinement accordée à
ceux qui succèdent aux droits d’a u t r u i P la n é tribuitur
h is q u i in loco aliorum succedunt, sive ex con tracta,
sive ex voluntate. L . I ,
diçersis te/nponb.
prœscrip. et accessionibus. Grodefroy, dans sa note 65 sur
cette lo i, dit que les accessions des temps sont des conjonc
tions des temps par lesquelles deux ou plusieurs personnes
ont joui successivement de la xneme chose, adccessiones
�C 27 ■
)
tem porum , sunt conjunctiones tem porum , quibus duo
a utp lu res separatïm eamdem rem possident. E t lem em e
G odefroy, dans la note
dit encore que l’accession du
vendeur est accordée à son acquéreur: V en d it or is accessio
tribuitur ejus emptori.
Il est donc certain que l ’acquéreur succède à tous les
droits qu’avoit le ven d e u r, à raison de la chose qu’il lui
a vendue, soit quant à la propriété , soit quant à la posses
sion ; c’est ce qui s’induit aisément des termes de la loi
T a le quale.
A i n s i , par ex e m p le , on ne pourroit pas douter que la
complainte possessoire ne pût bien être exercée par l’ac
quéreur du fonds dont son vendeur avoit la possession
d’an et jo u r; et la possession annale, donnant l’action en
com plainte possessoire, si elle est continuée pendant trente
an s, doit, par la même raison, opérer la prescription.
Il est bien v r a i , en g é n é r a l, que le ferm ier et tous
autres qui ont reçu la chose à titre de p récaire, ne prescri
vent contre le maître de la ch ose, pas plus que leurs h éri
tiers ou successeurs; mais quelle en est la raison? c’est
qu’on remonte à l’origine et à la cause de leur possession ,
et qu’ils n’ont pas pu en changer la cause par le prin
cipe : N em o sib i causant possessionis m ut are potest.
M a is, si l’origine de la possession remonte à un temps an
térieur à la fe rm e , si la possession du ferm ier se trouve
avoir tout autre cause que celle de la ferm e, si cette pos
session n’est que la continuation de celle qu’avoit son ven
d eu r, lequel étoit étranger à la ferm e, ce n’est plus alors
le cas où on puisse lui opposer qu’il a changé la cause de
sa possession. Ce n’est plus alors comme ferm ier qu’il
B z
�( ^8 )
a possédé ; il n’a fait que continuer la possession de son
vendeur, qui a conservé dans sa personne la même qua
lité , la même nature qu’elle avoit dans la personne du
vendeur : en un m o t , sa possession esl la même que celle
du vendeur, taie q u a lc , et doit produire le même effet à
son égard qu’elle auroit eu pour le vendeur lu i-m ê m e .
A in s i, de même que le vendeur, s’ il n’eût pas ven d u , et
qu’ il eut continué de jouir pendant (rente ans de la ser
vitude sur le fonds supérieur, l ’auroit acquise par la pres
cription ; l’acheteur, quoique ferm ier du fonds supérieur,
doit avoir le même avantage, puisque sa possession esl de
la jnême nature, et qu’ il succèdeau même droit, ta/e qualc.
C ’est une bien foible objection que de dire que le fer
m ier auroit dû avertir le propriétaire des entreprises qui
se faisoienl sur son fonds par le propriétaire de l’hérilage
inférieur. D ’ab ord , où est la loi qui l’y obligeoil ? D 'un
au Ire c û lé , le ferm ier q u i, entrant dans la ferm e, avoit
trouvé le propriétaire du fonds inférieur en possession
de la servitude dans le fonds supérieur, avoit dû croire
que celle possession nvml u n titre légitime. K m l i n , le
marquis de l.ig n era c, rl après lui le duc de C aylus,
seigneurs de Sainl-C ham ant, avoieul loujours ru sur les
lieux un intendant ou agent d'affaires, chargé de veiller
¡) la conservation de leurs biens, soit à l'égard des étran
gers , soit à l’égard des fermiers eux-mêmes.
M ais il y a plus : In possession de la servitude par
M alprade étoit bien antérieure a la vente qu'il fit au cil.
Cabanes, des prés de l'Iv-pi nasse et du (,lo u \ ; et le cit.
Coudert, prétendant que le cit. Cabanes , riant ferm ier,
auroit dû avertir le propriétaire du pré du Chateau de
�C 29 )
-
l'entreprise que faisoit M alpradc sur les eaux du pré du
Château, c’est bien co n v en ir, de sa p a rt, (pie M alpradc
avoit d ès-lo rs la possession de prendre ces eaux. Cette
possession étoit même im m ém oriale, suivant l’acte de
notoriété qui en fut donné au cit. Cabanes par les plus
anciens habitans de la terre de Saint-C ham ant, dans le
nombre desquels étoient même plusieurs des anciens fer
miers ou métayers de ccLte même terre de Saint-Chamant.
Cet acte de notoriété est du 16 avril 1781.
En vain a-t-011 dit que cet acte de notoriété avoit été
m endié par le cit. Cabanes; il 11e fut au contraire qu’une
suite des doutes qu’011 avoit voulu inspirer au duc de
Caylus sur le d r o i t de servitude dont il s’agit. Il existe
deux lettres qui élablisseut la nécessité où se trouva le
c i l . (.,¡1 b a n c s de d e m a n d e r e e l a e l e d e n o l o r i é l é . 1 <a pre
mière d e e e s l e t t r e s , d u 3 a v r i l 1 7 8 1, e s t c e l l e q u i lut
écrite au cit. Cabanes par un sieur Bussy, intendant du
duc (h' C aylu s, a Paris, par laquelle, après l avoir entre
tenu d’autres objets qui concernoient la ferme de SaintChamant , il ajoute : J l / égard de Veau que vous avez
pour votre pre , je ne p eu x prendre de p a rti que cette
affaire n a î t etc éclaircie : envoyez - m o i un petit M é
m oire bien e x a c t , et je vous fe r a i rendre ju stice. Ce fut
aussitôt après avoir reçu cette lettre, que le cit. Cabanes
se fit donner l\.cte de notoriété dont il s'agit ; et il an
nonça , d o n s le mémoire qu'il en vo ya, l'acte de notoriété
qu'il s'etoit fait d on n er, pour répondre à la plus grande
pv elitu-le qui lui étoit dem indée.
Presque
da ns
le m ê m e
t e mp s
les bi ens d u
d u c de
C ' v l u s f u i e n t nü> e n d i r e c t i o n ; et le cit. C i I k i u o m u t .
�( 30 )
.
.
une seconde lettre d’un sieur J o ly , agent de la direction, ^
datée du 4 septembre 1 7 8 1 , par laquelle il lui rappelle
la promesse q u ’il a ço it f a it e cCun acte de notoriété pu
bliq u e, su r le droit p a r lu i prétendu de prendre, trois
fois p a r se m a in e, Veau de la fo n ta in e de S a in t- d i a
m ant , et autres sources v iv es, pour Varrosem ent de
son pré.
L ’acte de notoriété dont il s’agit n’est donc pas, comme
le cit. Coudert veut bien le d ire, un acte m endié, une
enquête à fu tu r; c’est un acte de notoriété p u b liq u e,
nécessité par les circonstances où se trouvoit alors le cit.
Cabanes, provoqué par le duc de C aylus, o u , ce qui
est la même chose, par son intendant, et redemandé par
ses créanciers lorsque ses biens furent mis en direction.
O r , comme on l ’a d it, cet acte de notoriété atteste une
possession immémoriale de la servitude par .M alprade,
ancien propriétaire des prés de l ’Espinasse et du C lo u x ,
et continuée par le cit. Cabanes, son acquéreur.
E n fin , une preuve de plus en plus décisive de la posses
sion de M alprade, est celle q u i résulte de l’acte d’échange
de 1713 ? antérieur de près de cinquante ans à la vente
faite par M alprade au cit. Cabanes, des prés de l ’Espinasse et du C lo u x , auxquels est duc la servitude des
eaux naissantes dans le pré du Château.
P o u r s’assurer de la preuve qui se tire de l’acte de 1713,
il faut se mettre sous les yeu x le plan géom étrique de
l ’état des lieu x (1). O n y vo it d’abord toutes les sources
( 1) C e plan géo m étriq u e, q u ’a fait faire depuis lo n g-tem p s le
cit, C a b a n e s, sera joint au procès. 11 existe un autre plan <jue le
�C 31 )
qui naissent dans la partie basse du P ré du Château : les
eaux de ces sources, très-rapprochées les unes des autres,
vont se répandre et se distribuer dans deux rases, l ’une
supérieure, qui est la prem ière, et l’autre in férieu re,
qui est la seconde; l ’une et l’autre, après avoir parcouru
quelque espace dans le pré du C hâteau, viennent ré
pandre leurs eaux dans le pré de l’Espinasse, par deux
ouvertures ou aqueducs pratiqués dans le m ur de clôture
du pré du Château ; alors les rases continuent dans le
pré de l’Espinasse , et rentrent ensuite dans le pré du
Château par deux autres ouvertures ou aqueducs égale
ment pratiqués dans le m ur ; ces rases se prolongent
encore quelque temps dans le pré du Château, d’où elles
sortent encore par deux autres ouvertures toujours pra
tiquées clans le m ur de c lô tu r e du pré du C hâteau, pour
introduire leurs eaux dans le pré du C loux. T e l éto it,
à l ’époque de l’échange de 1 7 1 3 , et tel est encore l’état
des lieux parfaitement désigné dans le plan géom étrique.
V oyon s maintenant ce que dit l’acte de 1713 . Il s’y fait
un échange entre le seigneur de Saint-Cham ant, à qui
appartenoit le pré du C h âteau , et le sieur M alp rad e,
alors propriétaire des deux prés de l ’Espinasse et du Cloux.
M alprade cède au seigneur de Saint-Cham ant une por
tion du pré del P rad el, qu’il avoit nouvellem ent réunie
à son pré de l’Espinasse, pour par le seigneur de Saintcit. C oudert a fa it faire lui-m êm e. M a is ces deux plans son t con
fo rm e s, ù bien peu de chose p rè s; et le tribunal trou v era, dans
l’un et dans l’a u tre , les ra se s, fossés et aqueducs dont on a rendu
com pte.
�( 32 ) #
Chamant réunir cette môme portion à son pré du Chan
teau ; e t, de sa part, le seigneur de Saint-Chamant donne
en échange à M alprade la portion de son pré du Château
qui séparoit les deux prés de l’Espinasse et du C loux ,
appartenans à M alprad e; et il est dit que cette portion
du pré du C h âteau, cédée à M alprade dans la longueur
de soixante-dix toises, est à prendre de la dernière rase
dudit pré q u i sort du p ré de l’JEspinasse, laissant la
rase dans le pré du Château. M ais cette dernière rase
est la seconde marquée sur le plan géom étrique : cette
seconde rase, sortant du pré de l’Espinasse, n’étoit ellem ême q u’une suite de celle qui existoit dans le pré du
Château, pour traduire les eaux dans le pré de l’Espinasse,
d’où elles rentroient dans celui du Château pour parvenir
dans le pré du C loux. A in si il doit paraître évident que
la dernière rase dont il est parlé dans l ’échange de 1 7 1 3 ,
que l’on y dit être dans le pré du C h âteau , mais sortant
du pré de l ’Espinasse; que cette dernière rase ne pouvant
recevoir d’autres eaux que celles des soui’ces qui étoient
dans le pré du Château, et qui y rentroient après être
sorties du pré de l’Espinasse, le seigneur de S a in t-d ia
mant avoit recon n u , dans l ’échange de 1 7 1 3 , le droit
du pré de l’Espinasse aux eaux des sources du pré du
Château,
‘
Ce que l ’on vient de dire de la dernière rase, doit se
dire également de la prem ière, prenant aussi les eaux des
mêmes sources, les transmettant d ab ord dans le P ré de
l ’Espinasse, d’où elles rentrent, comme celles de la der
nière rase, dans le P ré du Château, pour se verser ensuite
dans le Pré du C lo u x; ce qui a nécessité toutes les ouver,
tures
�( 33 )
tures et aqueducs, au nom bre de s ix , existons de tout temps
dans le m ur de clôture du P ré du Château, pour en faire
sortir les eaux dans le P ré de l’Espinasse, les faire rentrer
ensuite dans le P ré du Château, et enfin les en faire res
sortir pour les verser dans le P ré du C loux.
A in si la possession de la servitude dont il s’agit, est au
moins prouvée depuis la date de l ’échange de 17135 dans
la personne de M alp rad e, alors propriétaire des prés de
l ’Espinasse et du C lo u x , et par l ’aveu du seigneur de St.Chamant lui-m êm e, qui résulte des termes de cet échange,
qui pourroit même être regardé comme un titre dans les
coutumes qui n’admettoient pas de servitude sans titre.
E t la possession 5 au moins constante depuis 17135 avoit
continué dans la personne de M alprade pendant près de
soixante ans ju s q u ’en 1 7 7 2 , qu’il vendit au cit. Cabanes
les prés de l’Espinasse et du C lou x ; possession continuée
depuis 1772 jusqu’à présent, par le cit. Cabanes, dans la
même qualité et la même nature que M alprade l’avoit
eue jusque-là.
M ais, nous d it-o n d e là part du cit. Coudert : V ou s
ne présentez qu’une copie inform e de ce prétendu échange
I 7 13 5
qui n’a aucun caractère d’authenticité ; c’est
un chiffon qui ne peut faire foi en justice. Cette objec
tion est pleine de mauvaise foi.
Lorsque les parties plaidoient aux requêtes du palais,
le cit. Cabanes n’établissoit sa défense que sur la posses
sion de trente ans ; il ignoroit absolument l’échange de
1 7 1 3 ; ce fut le cit. Coudert lui-m êm e qui le lui app rit,
comme on l’a v u dans le récit des faits, par une requête
signifiée le 22 février 1787. Rappelons encore les termes
E
�t
( 3 4 ')
de cette requête du cit. Coudert. « Il a été fait ancien«
« nement ( on ne dit pas en 17 13 , mais on dit ancienne« m e n t), e n t r e le seigneur de St. - Ghamant et le pro
«
«
«
«
«
priétaire des prés de l’Espinasse et du C lo u x, un tra ité
p»£ l e q u e l ce dernier a renoncé à se servir jamais des
eaux de la fontaine du Coudert de M any. D e plus,
le suppliant prétend des droits de propriété , en sa
qualité de seigneur de Saint - C h am ant, sur le com
'« m un , et par conséquent sur les deux fontaines, dont
« -les eaux lui appartiendraient entièrement. Il est donc
« im portant pour le suppliant, dans le cas où dans la
« suite il voud rait faire usage de l’acte passé entre le
ce propriétaire des prés de l’Espinasse et du C lou x, et le
« propriétaire du P ré du Château, et au cas où il vou « droit exercer son droit de propriété sur ledit commun
«
«
«
«
«
en question, qu’on ne puisse lu i opposer le partage des
eaux desdites fontaines, qu’il a lui-même p ro v o q u é ,
et le soutenir non-recevable de prétendre à la totalité
des eaux. V o ilà quel a été le m otif de la réserve faite
par le suppliant. »
D e l’aveu m ême du citoyen Coudert, il y a donc eu
a n c ie n n e m e n t un traité entre le propriétaire des prés de
l’Espinasse et du C lo u x , et celui du P ré du Château; de
son aveu c’est par ce traité que le propriétaire des prés
¿e l’Espinasse et du C loux abandonna au propriétaire
du P ré du Château la totalité des eaux de la fontaine du
Coudert de M any. J u s q u e -lâ il y a un véritable rapport
entre ce traité fait a n c i e n n e m e n t , et la copie que l’on
rapporte de l’acte de 1713 >011 ^on trouve en effet l’aban
don des eaux de la fontaine du Coudert de M any \ mais
�.
C 3*5 )
ce traité pouvoit contenir d’autres clauses, et expliquer
les causes de l’abandon de ces eaux du Coudert de M a n y ,
et les conditions sous lesquelles il étoit fait. Pourquoi
donc Coudert se refusa-t-il obstinément de satisfaire aux
sommations qui lui furent faites aux requêtes du palais,
les 9 et 24 mars 17 8 7 , de justifier de ce traité lait an
ciennem ent, dont il avoit argumenté dans sa requête du
22 février précédent, et qui par là 'é to it devenu un titre
commun au cit. Cabanes.
' M ais, dans la suite, ce fut le cit. Coudert lui-mêm e qui
remit au cit. Cabanes la copie du traité de 1 7 1 3 , que
celui-ci présente aujourd’h u i, et qui ne peut être autre
que celui fait a ncienn em en t, dont le cit. Coudert avoit
argumenté dans sa x-equête du 22 février 178 7, puisqu’on
y trouve l’abandon de la totalité des eaux de la fontaine
du Coudert de M any. Ou bien si le cit. Coudert prétend
que ce n’est pas celui dont il a entendu parler sous le titre
d’un traité fait ancienn em en t, qu’il rapporte donc cet
ancien traité dont il a lui-m êm e argum enté, et que par
là il a reconnu être en son pouvoir-, sans quoi il faut
qu’il avoue l’exactitude de la copie du traité de 1713
qui lui est opposé, et alors doivent subsister dans toute
leur lorce les inductions que l’on a tirées de ce traité
de 1713.
M a is il y a même plus, et ceci devroit trancher toutes
les difficultés du procès : c’est le consentement form el
donné par le cit Coudert à l’exécution, dans tout son
contenu, de l’acte de 1 7 1 3 , tel qu’il est conçu dans la
copie qui en est produite par le cit. Cabanes, s i celu i - c i
voulait de sa part V exécuterj consentement que le cit.
�.
(
3
6
3
.
.
Cabanes a ci - devant accepté. Comment le cit. Coudert
auroit-il pu avouer plus form ellement l’existence du traité
et l ’exactitude de la copie qui en est p ro d u ite , surtout
tant qu’il n ’en représentera pas l ’o rigin al, qui est certaine
ment en son p o u v o ir, puisqu’il en avoitargum enté dans
la r e q u ê t e qu’il avoit signifiée aux requêtes du palais,
le 22 février 1787 ? A lors il faut donc prendre dans tout
leur ensemble toutes les clauses et tous les termes du traité,
et par conséquent souffrir toutes les preuves et les induc
tions qui en résultent. O r , il a été établi que ce même
traite atteste la possession de la servitude des prés de l’Espinasse et du C lou x sur les eaux naissantes dans le P ré du
C h âteau, par l’existence , au temps même du traité de
1 7 1 3 , des rases qui commencent dans le P ré du C h â t e a u ;
qui conduisent les eaux dans lès prés de l’Espinasse, où elles
se prolongent, rentrent ensuite dans le P ré du Château
pour se verser dans le pré du C lo u x , et par l’existence des
six aqueducs pratiqués dans les murs du P ré du C h âteau,
et q u i, à la seule inspection , paroissent avoir été prati
q u é s dans le même temps q u e la c o n s tr u c tio n des murs
de clôture.
D e là donc que la copie du traité de 1713 est avouée
par le consentement du cit. Coudert de l’exécuter, si le
cit. Cabanes veut aussi l’exécuter de sa part, ce qui a été
accepté par le cit. Cabanes, il ne peut plus y avoir de
difficulté à réform er la sentence des requêtes du palais,
et à maintenir la servitude dont le cit. Cabanes est en
possession, par lui ou par M alprade son vendeur, depuis
plus de quatre-vingt-dix ans. L a seule chose qui en pourra
résu lter, est qu’il n’y aura point lieu au partage des eaux
�.
.
• c 37 ) .
f
de la petite fontaine de M an y, qui avoit etc ordonné par
la sentence des requêtes du p alais, qui n’avoit pas été
demandé par le citoyen Cabanes , mais qui avoit été
provoqué par le cit. Coudert lui-m êm e; et, en cela, le
cit. Cabanes ne fait que consentir l’exécution du traité de
1 7 I 3 5 Pav lequel M alp rad e, son atfreur, avoit fait au
propriétaire du Pi'é du Château abandon de la totalité
des eaux de cette fontaine.
U ne dernière réflexion n’échappera pas au tribunal :
comment concevoir qu’on eût pu mettre en pré des terreins qui ne pouvoient recevoir d’arrosemens que par les
eaux naissantes dans le pré supérieur , si on ne se fût pas
assuré auparavant du droit à la servitude de ces eaux.
O n croit donc avoir déjà suffisamment établi dans ce
m ém oire la possession même im m ém oriale de la servitude
dont il s’agit, par les ouvi’ages dem ain d’hom m e, existans
de tout temps dans le P ré du C hâteau, pour en faire par
venir les eaux qui y naissent dans les prés de l’Espinasse
et du C lo u x ; et l’on se persuade q u e , dès à présent, le
tribunal d’appel pourrait prononcer définitivem ent sur
la contestation des parties. M ais y trouvât - il encore
quelque d ifficu lté, une vérification par experts leveroit
jusqu’au m oindre d o u te, en constatant l ’antiquité des rases
et fosses et des aqueducs pratiqués dans le m ur de clô
ture du P ré du Château, et que ces aqueducs pratiqués
dans le mur de clôture sont de la même construction que
le m ur lui-même. L e cit. Cabanes est même encore en
état de prouver par témoins que M alprade son vendeur
éto it,lo n g - temps avant la vente, dans celte possession
im m ém oriale, qu’il a transmise au cit. Cabanes son acqué-
�.
(
38
}
.
re ur , telle qu’il pouvoit l ’avoir lui-m êm e, tale quale. E t
ce m ém oire r e n fe r m e les motifs les plus puissans qui
fondent les conclusions qui ont été prises par le citoyen
Cabanes.
.
L e cit. ARM AN D , ju g e, rapporteur.
L e cit. A N D R A U D , avocat,
L e cit. D E V È Z E , avoué,
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Marie
Relation
A related resource
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/vignettes/BCU_Factums_M0101_0017.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
[Factum. Cabanes, Jean-André. 1789?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Armand
Andraud
Devèze
Subject
The topic of the resource
jouissance des eaux
successions
prescription acquisitive
Description
An account of the resource
Mémoire en réponse sur la propriété et le partage des eaux. Mémoire pour Jean-André Cabanes, notaire, habitant du lieu d'Autrières, commune de Saint-Chamant, appelant de la sentence des requêtes du palais du 20 mai 1789 ; contre Pierre Coudert, négociant, habitant de la ville d'Aurillac, intimé. En réponse au mémoire de l'intimé.
Annotations manuscrites.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1789
1783-1804
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
38 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0216
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0215
BCU_Factums_G1407
BCU_Factums_G1408
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/5/53715/BCU_Factums_M0216.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Aurillac (15014)
Saint-Chamant (15176)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Jouissance des eaux
prescription acquisitive
Successions
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53222/BCU_Factums_G1408.pdf
e7f1ace9422577e7f365ca0f07de1d96
PDF Text
Text
MÉMOIRE
POUR
J e a n - A n d r É C A B A N E S , n o ta ire , habitant du
lieu d’A u triè re s, com m une de Saint-C h am an t,
appelant de la sen tence des requêtes du palais,
du 20 mai 17 8 9 ;
CONTRE
P ie r r e
C O U D E R T , négociant, habitant de
la ville d’Aurillac intimé ;
,
EN RÉPO N SE A U M ÉM OIRE D E L ’IN TIM É.
L e cit. Cabanes a-t-il d ro it, à titre de servitude, pour
l’arrosement de ses prés de l’Espinasse et du Cloux, aux
eaux qui naissent dans le Pré du Château, appartenant
au cit. Coudert ? C’est la matière du procès soumis au
jugement, du tribunal d’appel.
A van t de poser les questions auxquelles la contestation
A
�C 2 )
peut donner lieu, il est essentiel de rappeler les faits et
de présenter l’état du local, qui sera d’ailleurs rendu
sensible par le plan géométrique qui en sera mis sous les
yeux du tribunal.
Il dépendoit de la terre de Saint-Chamant, dont le cit.
Coudert est devenu acquéreur, un pré d’une étendue assez
considérable, appelé le Pré du Château. Ce pré joignoit,
entre le nord et le couchant, à un petit pré appelé del
Pradel, qui étoit à la tête du pré de l’Espinassej appartenant
à un nommé M alprade, q u i, par une acquisition , avoit
réuni le petit pré del Pradel h celui de l’Espinasse ; d’un
autre côté, et entre nord et m id i, le Pré du Château joi
gnoit en partie au pré du C lou x, appartenant également
à M alprade; mais au même aspect il y avoit un petit in
tervalle dans lequel le Pré du Château confinoit à des
terres appartenantes à différons particuliers, et c’étoitcet
intervalle qui empêchoit la jonction des prés de l’Espinasse
et du Cloux , l’un et l’auti*e appartenans à Malprade.
On vient de pai’ler du petit pré del Pradel que Malprade
avoit acquis pour le joindre à celui de l’Espinasse. Une
partie de ce pré del Pradel faisoit avancement dans le
Pré du Château, e t , pour rendre celui-ci plus régulier,
le seigneur de Saint-Chamant désiroit que Malprade lui
cédât l’avancement que faisoit le pré del Pradel dans
celui du Château.
D ’un autre c ô té , on a remarqué qu’entre le pré de
l ’Espinasse et celui du Cloux, tous deux appartenans à
M alprade, il y avoit lin intervalle du Pré du Château,
qui empêchoit la jonction des deux prés de l’Espinasse et
du C lo u x , et Malprade désiroit que le seigneur de Suint-
�ÀCH
( 3 )
Chamant lui cédât la très-petite partie du pré du Château
qui séparoit le pré de l’Espinasse de celui du Cloux.
Ces avantages réciproques que désiroient le seigneur de
Saint-Cham ant et M alprade’, déterminèrent Pacte d’é
change qui se fit entr’e u x ,' le? 30 juin 1713 ) Par lequel
Malprade céda au seigneùr de Saint-Cham ant la partie
du pré del Pradel qui faisoit avancement dans le Pré du
Château, et le seigneur de Saint - Chamant lui céda en
échange l’espace du Pré du Château nécessaire pour join
dre le pré de l’Espinasse à celui du Cloux. î= >
Il est encore essentiel de remarquer! qu’il existait aur
dessus du pré del P rad el, joint à celui de l’Espinasse, une
petite fontaine, appelée du Coudert de M a n y , dont les
eaux se partageoient pour l’arrosement du pré del Pradel
et de celui du Château ; e t, d a n s l’/inte d’échnnge de i y i 3 j
Malprade consentit que les eaux de cette petite fontaine
du Coudert de M any appartinssent tout entières, à
l’avenir, au Pré du Château.
Il fut convenu ,-dans le même acte , que le seigneur de
Saint-Chamaut feroit, à ses frais, un mur de séparation
entre l’avancement de ce pré del Pradel qui lui étoitcédé
et le reste de ce même pré.
Il fut également convenu que Malprade feroit à ses
frais un mur de séparation entre l’espace du Pré du
Château qui lui étoit cédé, et le reste de ce même pré ;
et il fut dit que l’espace cédé du Pré du Château étoit
« à prendre de la dernière rase du Pré du Château, qui
« sort du Pré de l’Espinasse,.et qui entre dans le Prc
« du Cloux , laissant la rase dans le Pré du Château,
« pour, par M alprade, joindre ladite portion d’environ
A 2
�to x
toV,
•( 4 )
¡te
«
«
«
soixante-trois toises aux prés de l’Espinasse et du Cloux
dudit M alprade, lequel sera tenu de faire la muraille
pour la séparation desdits prés, au-dessus de ladite rase
et BlALLURE, à ses frais et dépens. »
Cette dernière rase est une de celles qui recevoient les
eaux dds sources qui naissoient dans le Pré du Château,
pour les traduire dans le Pré de l’Espinasse, d’où elles
rentroient encore dans le Pré du Château, pour se rendre
dans le Pré du Cloux par "une ouverture ou aqueduc
pratiqué dans le mur de séparàtion ; aqueduc suffisam
ment désigné dans le langage du pays par le terme de
biallure.
Outre cette dernière rase, il y en avoit une autre qui
traduisoit encore les mêmes eaux dans le pré du C lo u x ,
après avoir traversé une petite partie du Pré de l’Espinasse, en sortant du Pré du Château, dans lequel elles
rentroient encore , et n’en ressortoient que pour arriver
dans le Pré du Cloux.
Mais ce qui est surtout remarquable, c’est que le Pré du
Château, dans les parties qui joignoient les prés de l’Es
pinasse et du C lo u x , étoit environné de murs anciens à
travers lesquels étoient pratiqués des ouvertures ou aque- .
ducs pour donner l’issue des eaux naissantes dans le Pré
du Château, soit dans le Pré de l’Espinasse, soit dans
celui du Cloux ; ouvertures et aqueducs pratiqués dans
ces murs lors même de leur première construction, et
qu’il est encore aisé de reconnoître et de vérifier dans
ces mômes murs toujours existans.
Indépendamment des eaux naissantes dans le Pré du
Château, le pré de l’Espinasse jouissoit encore, pour sou
'
.
-i
�Z
où
C* î
ari’osement dans sa partie supérieure, des eaux de la
grande fontaine de M a n y , différente de la petite fon
taine du Coudert de M any, dont on avoit abandonné les
eaux pour le Pré du Château, dans l’acte d’échange de
1713 . Les eaux de cette grande fontaine de M a n y , qui
existent au delà du Pré du Château où elles entrent par une
grande rase qui le traverse, se versent de suite à la tête
du Pré de l’Espinasse p ar une ouverture ou aqueduc p ratiqué dans l’ancien mur de séparation du P ré du Château de celui de l’Espinasse, dans cette partie ; ouverture
ou aqueduc q u i, comme les autres dont on a parlé, avoit
été pratiqué dans le temps même de la construction
de l’ancien m u r , ce qui est encore aujourd’hui facile à
rcconnoître et à vérifier.
Une observation qu’on ne doit pas non plus négliger,
c’est que les prés de l’Espinasse et du Cloux ne peuvent
être arrosés, le Pré de l’Espinasse dans sa plus grande
partie, et le Pré du Cloux dans sa totalité, que par les
.eaux naissantes dans le Pré du Château; et il n’est pas
possible de croire que l’on eût fait des prés du terrein
qu’ils occupent, prés qui existent de toute ancienneté,
si l’on n’eût pas eu le droit de les arroser par les seules
eaux qui pouvoient y parvenir.
Une dernière observation non moins intéressante, c’est
que si l’on rctenoit les eaux qui naissent dans le Pré du
Château , comme les sources d’où elles découlent sont
situées dans les bas fonds de ce même pré, elles y scroient
stagnantes, et en inonderoient toute la partie intérieure.
Ce 11’est alors que par ém ulation, et sans aucun objet
�( 6 )
d’utilité ni d’agrém ent, que le propriétaire du Pré du
Château voudroit priver de ces eaux les prés inférieurs;
ce qu’il ne peut faire qu’en rejetant ces mêmes eaux dans
la voie publique qui est au levant du Pré du Château,
d’où elles vont se jeter dans la i*ivière, sans aucun avan
tage ni pour le propriétaire du Pré du Château, ni pour
aucune autre propriété, mais tout au détriment des prés
de l’Espinasse et du Cloux.
T e l étoit l’état des choses lorsque la terre de SaintChamant, d’où dépendoit le Pré du Château, fut mise
en vente judiciaire par les directeurs des créanciers du
duc de Caylus, seigneur de St.-Chamant.
D éjà, et avant la vente, le cit. Cabanes avoit acquis de
Malprade les prés de l’Espinasse et du C loux, et il avoit
conservé la possession qu’avoit eue Malprade de la ser
vitude des eaux naissantes dans le Pré du Château. Ce
fut alors que le? gens d’affaires du duc de Caylus, et les
directeurs des créanciers, voulurent s’assurer si dans la
vérité le cit. Cabanes avoit un droit de servitude sur les
eaux du Pré du Château. Plusieurs lettres furent écrites au
cil. Cabanes, soit par rintendant du duc de Caylus, soit par
le chargé d’alï'aires de la direction des créanciers; lettres
qui sont jointes au procès et qui annoncent que ce fut
pour les satisfaire que le cit. Cabanes demanda un acte
de notoriété des plus anciens habitans et voisins des prés
dont il s’agit, dans lequel ils attestèrent la possession im
mémoriale de M alprade, vendeur du cit. Cabanes, de
prendre les eaux des sources du Pré du Château pour
l’irrigation des prés de l’Rspinasse et du Cloux; et parmi
�2oJ
C 7 )
les particuliers qui donnèrent cet acte de notoriété, le
16 avril 1781 , étoient plusieurs anciens fermiers ou
métayers de la terre de St.-Chamant.
Ce ïut quelque temps après que le cit. Coudert devint
adjudicataire de la terre de St.-Chamant;, et qu’il entreprit,
après trois ans de silence, de contester au cit. Cabanes le
, droit de servitude dont lui et M’alprade son vendeur avoient
joui de tous temps sur les eaux du Pré du Château pour
l’arrosement des prés de l’Espinasse et du Cloux.
L e cit. Coudert avoit trop à craindre des tribunaux
ordinaires, dans une coutume où les servitudes peuvent
s’acquérir sans titre, par la seule prescription*, il profita
du committimus que lui donnoit une charge de secrétaire
du roi qu’il avoit acquise, pour porter aux requêtes du
palais la contestation cju’il vouloit élever contre le cit.
Cabanes, prévoyant que sa prétention seroit mieux ac
cueillie par des juges imbus de la maxime de la coutume
de Paris} qui ne reconnoît point de servitude sans titre.
Il est nécessaire de rappeler les conclusions qui furent
prises par le cit. C oudert, dans la demande qu’il forma
contre le cit. Cabanes aux requêtes du palais. D ’abord, à
l’égard des eaux des deux fontaines, celle du Coudert
de Many et celle de M any, quoique le cit. Coudert pré
tendît y avoir seul d ro it, cependant à cause de l’usage
qu’il fut obligé d’avouer qui en avoit été fait pour l’arrosement des prés de l’Espinasse et du C lo u x , il en con
sentit le partage, et demanda qu’il fût fait par experts,
dans la proportion de L’étendue de son pré du Château
et de celle des prés d e'l’Espinasse et du C lou x, se réser
vant toutefois de révoquer sou consentement au partage,
�<c»*
c 8 )
s’il venoit à découvrir des titres qui lui attribuassent le
droit exclusif des eaux de ces* deux fontaines.
Mais à l'égard des eaux; des sources existantes dans le
Pré du Château, il demanda à y être maintenu exclusi
vement , soutenan.^que la possession que pou voit en avoir
le cit. Cabanes n’étoit qu’une possession précaire, qu’il
s’étoit attribuée dans le temps que lui-même étoit fermier
de la seigneurie de Saint-Chamant et du pré du Château
qui en dépend, ayant profité de cette circonstance pour,
pendant la durée de sa ferm e, user des eaux du Pré du
Château pour en arroser les prés voisins dont il étoit
propriétaire.
Sans rappeler les moyens par lesquels le cit. Cabanes
combattit les demandes du citoyen Coudert aux requêtes
du palais, parce gue ces moyens seront employés dans
la suite de ce mémoire en plus grand nombre et avec
plus d’étendue, il est néanmoins essentiel de remarquer
cç que disoit le cit. Coudert dans une requête signifiée
le 22 février 1787, aux pages 33 et suivantes de la grosse
de cette requête. On va le transcrire mot pour mot.
,« Il a été fait anciennement, entre le seigneur de Saint-*
« Chamant, propriétaire du pré du Château, et le proa priélaire des prés de l’Espinasse et du C loux, un traité
« par lequel ce dernier a renoncé à se servir jamais de^
« eaux de la fontaine du Coudert de Many. D e plus,
« le suppliant prétend des droits de p ro p riété, en sa
« qualité de seigneur de Saint-Chamant, sur le commun,
« et par conséquent sur les deux fontaines dont l’eau
u lui appartiendroit entièrement. Il est donc important
« pour le suppliant, dans le cas où dans la suite il
Voudrait
�Zot
( 9 ) '
voudroitfa ire usage de Vacte passé entre le proprié
taire des prés de i ’Espinasse et du C lo u x , et le propriétaire du pré du Château, et au cas où il voudroit
exercer son droit de propriété sur ledit commun en
question, qu’on ne puisse lui opposer le partage des
eaux desdites fontaines, qu’il a lui-même p ro voq u é,
et le soutenir non-recevable de prétendre à la totalité'
desdites eaux. V oilà quel a été le m otif de la réserve
faite par le suppliant. »
On voit par ce passage de la requête signifiée par le
cit. Coudert le 22 février 178 7, qu’il avouoit formel
lement l’existence d’un ancien traité fait entre le seigneur
de Saint-Chamant et le propriétaire des prés de llEspinasse et du Cloux ; traité qu’il convenoit avoir en son
p ou voir, puisqu’il se réservoit d’en faire usage. O r , ce
traité est celui dont on a parlé, du 30 juin 1713 j puisque
la copie produite par le cit. Cabanes lui fut remise par
le cit. Coudert, et que le cit. Cabanes offre de prouver
au besoin l’aveu de cette rem ise, de la part de l’abbé
V eyrin ès, beau-frère du cit. Coudert.
D ’après l’allégation de ce traité, faite par le citoyen
C oudert, il importoit au eit. Cabanes d’en avoir une
parfaite connoissance; c’est pourquoi il fit au cit. Coudert
deux sommations successives, le 9 et le 24 mars 178 7,
de lui donner copie du traité, sous protestation, en cas
de refus, de le rendre garant de tout événement : mais
sans doute le cit. Coudert ou son conseil avoit réfléchi
'sur l’avantage que le cit. Cabanes pourroil lui-môine tirer
de ce traité, pour’ prouver son droit aux oaux naissantes
B
a
té
«
«
«
«
«
«
«
�C‘. ï O )
dans le pré du Château ; aussi refusa-t-on obstinément
d’en donner connoissance au cit. Cabanes, et de lui en
fournir copie.
C ’est en cet état qü’intervint la sentence des requêtes
du palais, du 20 mai 1789, qui ordonna le partage des
eaux de la fontaine du Coudert de M any et de celle de
M an y, mais qui maintint 4 e cit. Coudert dans le droit
exclusif des eaux naissantes dans le pré du Château; en
quoi ne fut pas trompée la prévoyance qui avoit engagé
le cit. Coudert à porter cette affaire devant des juges
imbus de la maxime de la coutume de Paris, qui n’admet
point de servitude sans titre. M ais, dans ce système même,
H est »inconcevable que les premiers juges n’eussent pas
forcé le cit. Coudert à justifier du traité de 17 13 , dont
il avoit excipé, et qui auroit lui-même été un titre à la
servitude.
L e cit. Cabanes interjeta appel de la sentence des re
quêtes du palais, au parlement, où la cause fut appointée
au conseil, et où il avoit déjà été signifié plusieurs écri
tures de part et d’autre, causes ou moyens d’appel, ré
ponses , snlvations, etc. lorsque survint la suppression
des parlemens ; en sorte que la décision est aujourd’hui
soumise a ce tribunal d’appel ; et c’est au mémoire im
primé que vient de répandre le cit. Coudert qu’il s’agit
de répondre.
Mais auparavant il y a encore quelques faits h exposer.
A van t d’introduire l’affaire dans ce tribunal, les parties
avoient successivement passé deux compromis pour la
faire décider par un jugement arbitral. Les premiers
�( 11 )
arbitres s’étoient transportés sur les lieux pour les exami
ner. Cependant ces premiers arbitres, on ne sait par quels
motifs, pressés par le cit. Cabanes de rendre leur juge
ment, et même long-temps après que le délai du com
promis étoit exp iré, dilayant toujours de prononcer sur
la contestation, le cit. Cabanes se vit forcé de révoquer
le compromis, toujours cependant dans l’intention de se
faire juger par des arbitres, mais autres que ceux qui refusoient de juger. Aussi se prêta-t-il à passer un nouveau
compromis par lequel les parties nommèrent pour arbitres
les cit. D uclaux, D olivier et Gros; le premier président,
les autres deux juges du tribunal d’arrondissement de
Mauriac.
Ces trois nouveaux arbitres se transportèrent aussi sur
les lieux pour vérifier l’état des fontaines de M a n y et du
commun de M an y, les sources existantes dans le Pré
du Château, les rases et fossés, les ouvertures et aqueducs
placés dans les murs de clôture du P ré du Cliûteau , par
lesquels les eaux couloient ordinairement dans les prés
de l’Espinasse et du Cloux. Ils entendirent les observations
des parties; et ce fut même devant ces arbitres que l’abbé
V eyriu ès, beau-frère de Coudert, et qui assistoit pour
lui ù la visite des arbitres, convint que la copie du traité
de i7 i3 a v o it été remise au cit. Cabanes parle cit. Coudert.:
les arbitres pourroient même le témoigner. L es arbitres
étoient encore dans le délai du compromis, et ils alloient
rendre leur jugement, lorsque l'abbé V ey ri nés, frère de
la femme de Coudert, et son conseil, prévoyant, par
^attention quepnrtoient les arbitres ù examiner scrupu
leusement l’état des lieux, que leur jugement ne seroit pas
B 2
�( 12 )
favorable, pria les arbitres de le suspendre de quelques
jours, pour lui donner le temps d’aller chercher à A u rillac, au domicile du cit. Coudert, un acte de partage
des eau x, qu’il dit exister, et qui pourroit apporter quel
que changement dans la décision. Les arbitres ne crurent
pas devoir refuser un si court déla i , et le cit. Cabanes
lui-même ne s’y opposa point. Mais le motif pour lequel
il avoit été demandé n’étoit qu’un vain prétexte pour
laisser passer le temps du compromis ; et aussi, presque
aussitôt, il fut fait, à la requête du cit. Coudert, une
révocation du compromis, qui fut signifiée tant au cit.
Cabanes qu’aux trois arbitres ; et c’est à la suite de cette
révocation que l’affaire a été portée en ce tribunal pour
juger l’appel de la sentence des requêtes du palais.
Il n’y a plus qu’une remarque à faire sur ce qui a été
dit dans une requête signifiée de la part du cit. Coudert,
le 9 fructidor an 11.
Dans cette requête, le cit. Coudert, après avoir nié
l’existence de l’acte de 17x3 , après avoir soutenu que la
copie qu’en représentoit le cit. Cabanes étoit inform e,
qu’elle ne pouvoit faire aucune foi en justice, il a ajouté
« qu’il avoit sommé formellement le cit. Cabanes de
« s’expliquer, s’il entendoit exécuter cet acte ou n on ,
« parce qu’il l’exécuteroit de son côté dans tout son
« contenu ,*.» et il lui dit avec justice et vérité
Vous
« ne pourriez, cet acte fût-il en form e, vous dispenser de
« l’exécuter dans toutes ses clauses, parce que les clauses
« d’un acte sont de leur nature indivisibles. » O r, le cit. Ca
banes déclare dès i\ présent qu’il accepte cet aveu et ce con
sentement du cit. Coudert ? et que de son côté il consent
�( i .3 )
formellement à l’exécution de l’acte de 1713. Ainsi il
pourra en tirer toutes les conséquences qui en peuvent
résulter.
Alors il est vrai qu’il pourroit être privé des eaux de
la petite fontaine du Coudert de M a n y , parce que dans
le fait, par l’échange de 17 13 , Malprade son auteur avoit
consenti que les eaux de cette fontaine appartinssent en
entier au seigneur de Saint - Cham ant, propriétaire du
Pré du Château; mais le cit. Coudert s’est abusé en croyant
trouver dans le même acte un abandon des eaux de la
fontaine de M any, toute différente de celle du Coudert
de M any ; ces deux fontaines se trouvent à une grande
distance l’une de l’autre.
Il est vrai que, malgré l’abandon des eaux de la petite
fontaine du Coudert de M iin y , M alprade, et après lui
le cit. Cabanes, les avoient toujours partagées avec le sei
gneur de Saint - Cham ant, et que le cit. Coudert, dans
l ’instance pendante aux requêtes du palais, avoit lui-même
provoqué et fait ordonner un nouveau partage de ces
eaux. Mais le cit. Cabanes renonce quant à celles de
la petite fontaine du Coudert de M any , dès que , de sa
part, le cit. Coudert consent à l’entière exécution de l’acte
de 1713 ; consentement que le cit. Cabanes vient d’accep
ter. Mais il n’en est pas de même des eaux de la fontaine
de M an y, à l’usage desquelles il n’a été fait aucune re
nonciation par le traité de 1713. En sorte que le citoyen
Coudert, consentant à l’exécution de tout le contenu de
ce traité , il ne peut pas y comprendre l’abandon des
eaux de la fontaine de M any, qui ne fut point fait dans
le traité, mais seulement celui des eaux de la petite fon-
�C ï .4 )
taîne du Coudert de M an y, différente de celle de Many.
Maintenant il ne s’agit plus que de répondre au mé
moire imprimé du cit. Coudert, de présenter les question?
qui peuvent s’élever dans cette affaire, d’établir les prin
cipes de la matière , et d’en faire l’application aux faits
dont on vient de rendre compte.
,
f
M O Y E N S ,
■L e mémoire auquel on répond a pour objet principal
d’établir le principe général que celui dans le fonds du
quel naît une source d’eau a le droit d’en disposer à son
g ré , quoique, même d’un temps immémorial, les eaux
de cette source, à la sortie de l’héritage où elle naît, aient
servi à l’irrigation des fonds inférieurs. On s’est épuisé en
citations de lois, d’auteurs et d’arrêts, pour établir ce prin
cipe; mais c’est peine inutile, pour prouver ce que per
sonne n’entreprendra de contester, aux exceptions près
dont il est susceptible,
La vraie, la principale question de cette affaire, est de
savoir si le propriétaire de l’héritage inférieur à celui où
jiaît la source* peut acquérir la prescription dësTeaux~~dè
cette source , pour l’irrigation de son héritage, par des
travaux de maiii d’hoinmc pratiqués dans l’héritage supé
rieu r, et par une possession continuée pendant l’espace
de 30 ans. Mais on n’a pas osé aborder franchement celle
question; on s’en est presque tenu à la négative, au heu
que Pailirmative est fondée sur la disposition des lois , la
doctrine des auteurs, même de quelques-uns de ceux cités
dans le mémoire auquel on répond, et sur la jurispru
dence, même sur celle du tribunal d’appel,
�C 15 )
11 y aura une question secondaire à examiner : celle de
savoir si le propriétaire du fonds inférieur, qui est devenu*
fermier du fonds supérieur , mais qui avant d’être fer
mier étoit déjà, par lui ou par son vendeur, en possession^
de la servitude, en continuant d’en jouir pendant le temps
de sa ferm e, a fait interversion de la possession anté
rieure , de maniéré que la prescription n’ait pas pu con^
tinuerde cour if'en sa favenf7~comme elle auroit fait pour
son vendeur, s’il n’eût pas cessé de jouir de l’héritage et
de la servitude.
. Commençons par développer les principes relatifs à ces
deux questions ; il ne sera pas difficile d’en faire l’appli
cation -, elle se présentera- comme d’elle-m êm e, d’après
les faits exposés.
Principes sur la première question.
La loi Prœ ses, I V , Cod. D e servitatibus et a q u â , que
Ton cite communément dans cette m atière, mais dont on
abuse souvent, comme on l’a fait dans le mémoire du cit.
Coudert ; cette loi p o rte, il est v r a i, que celui dans le
fonds duquel naît une source d’eau, peut en disposer à son
g r é , et la retenir dans son héritage, ou la faii-e couler dans
d’autres héritages qui peuvent lui appartenu’. En cela cette
loi n’est que l’application de la r è g l e générale par laquelle
chacun est maître de disposer de sa chose comme bon lui
semble.
Il est vrai encore que cette même loi veut qu’il en soit
usé ainsi, bien qu e, de tout temps, les eaux de la source
aient servi à l’irrigation des héritages inférieurs, contra
�(
1
6
}
statutam consuetudinis Jbrm am , carere te non per
mit le t.
Mais la disposition de la loi Prccses souffre deux excep
tions.
L ’une, quand celui dans le fonds duquel naissent les
eaux ne veut les retenir ou Iis~detourner que par émula^ fio ïi’j' sa'ns aucune utilité pour' lui'^Tt^uniqueraent pour
nuire à ses voisins : la raison et l’équité suffiraient pour
dicter cette exception. Mais toutes les lois qui défendent
de faire quelque chose par émulation, s’entendent quand
ce que l’on fait est seulement dans l’intention de nuii*e,
sans aucune utilité pour, soi-m êm e, animo nocendi, non
utüitatis causâ; en un m ot, quand ce que l’on fait ne
profite point à soi-même, mais nuit à autrui, quando non
pi'odest fa c ie n ti, et alteri nocet. O n peut voir sur cela les
lois citées par Henrys, tom, 2 , liv. 4 , quest. 75.
O r ici ce n’est vraiment que par émulation que le cit.
Coudert voudroit retenir les eaux qui naissent dans le Pré
du Château, pour en priver les prés inférieurs du cit.
Cabanes, puisque ces eaux, qui suffisent à l’irrigation du
P ré du Château, et qui arrosent ensuite les prés inférieurs,
si elles étoient retenues dans le Pré du Château, deviendroient stagnantes dans les bas fonds de ce p r é , où sont
situées les sources, et par là non-soulement ne lui seroient
d’aucune utilité, mais même lui seroient nuisibles; et si
pour les faire sortir de son pré le cit. Coudert ne peut en
procui’er le versement que dans la rue publique, d’où elles,
iroientse jeter dans la rivière, d’uti côté la rue publique
en seroit dégradée, et deviendroit moins praticable; et
d’un autre côté ces eaux ne pourroient plus être utiles à
personne,
�21/
( 17 )
personne, et les prés inférieurs, qui en ont toujours jo u i,
souffriroient un préjudice notable de leur privation.
♦ Si donc les faits qu’on vient de rappeler étoient vérifiés
par un rapport d'experts j^s’il étoit constant que ce n’est que
par pure émulation, sans utilité pour son propre héritage,
et au contraire au préjudice de ce même héritage, que le
cit. Goudert veut priver le cit. Cabanes du bénéfice de
ces mêmes eaux, à la sortie du Pré du Château , et que
d’ailleurs il ne pourroit les en faire sortir que par la voie
pu b liqu e, sans utilité pour qui que ce so it, il devroit
paroître évident que son opposition à la possession du
cit. Cabanes ne seroit formée que par pure émulation,
animo n ocen d i, non utilitatis causcî ; et sans doute le
cit. Cabanes n’eût-il que ce seul moyen à faire valoir, la
justice du ti’ibunal le détermineroit à ordonner une vé
rification par experts.
Mais la loi Prœ ses souffre encore une autre exception
dans laquelle se trouve le cit. Cabanes. Cette loi ne s’entend
que dans le cas où les eaux de la source qui naît dans l’hé
ritage supérieur, par leur pente naturelle ont coulé dans
les héritages inférieurs, qui en ont profité pour leur irri
gation , et non lorsque les propriétaires des héritages in
férieurs ont été eux-memes prendre les eaux dans le ionds
supérieur, et y oiTt pratiqué des ouvrages , des losscs, des
rigoles, des aqueducs, pour iaire parvenir ces eaux dans"
leurs héritages , et qu’ils en ont conservé la possessTôîT
pendant trente ans. Voilà la doctrine constante de tous
nos bons auteurs.
Celui qui mérite d’être cité le prem ier, D um oulin,
cet oracle de notre jurisprudence française, et qui n’étoit
C
�. ’ (
. i
8
}
pas moins versé dans la jurisprudence romaine, s’en expli
que avec énergie dans sa note sur le conseil 69 d’Alexandre.
Il paroît, d’après ce que dit D um oulin, jju e dans cê
conseil Alexandre avoit été d’av.is généralement que Te
propriétaire de l’héritage inférieur, que Dumoulin appelle
J o a n n es, pouvoit empêcher le propriétaire de l’héritage
supérieur de retenir la source des eaux qui y naissoient,
au moyen de l’usage qu’il avoit eu de ces eaux pour l’arrosement de l’héritage inférieur ; sur quoi Dumoulin dit
qu’Alexandre auroit mal consulté, s’il n’y avoit pas eu
d’autres circonstances dans le fait qui lui avoit été exposé :
u4d\’erte , si non esset alind quàm in prœdicto themate ,
A lexa n d er pessimè consuluisset. E t la raison qu’il en
donne, c’est q u e, quoique d’un temps immémorial l’eaii
eût coulé naturellement dans le moulin du fonds infé
rieur, elle n’étoit pas censée y avoir coulé par droit de
servitude , mais par droit de pure faculté : Q uia etia m si,
per tempus im m em oriale, aqua sic perse fluxissel ad
molendinum d o m in ifo n d i iiiferioris , non censetur îobi
jure servitutis , sed merœ facultatis. E t il faut bien
prendre garde à ces mots p e r s e , qui veulent dire que l’eau
a coulé par sa pente naturelle ; et c’est ce que fait bien
e n t e n d r e . Dumoulin en ajoutant: Si le propriétaire de l’hé
ritage inférieur n’a rien fait dans le fonds supérieur pour
en faire parvenir les eaux dans le sien : Si dominas inf c n o r n ih il fe c it m fo n d a superiorient aqua sic fluat.
E t ainsi, pour justifier le conseil d’Alexandre , Dumoulin
dit qu’il faut supposer que dansl’espèce qui lui étoit pro
posée le propriétaire de l’héritage inférieur avoit fait quel
que ouvrage dans l’héritage supérieur, pour en faire
�20
C 19 )
parvenir les eaux dans le sien : Ideò prœsupponcndurn quod iste Joannes in fu n d o superiori , domino
sciente et patiente, et jure servitutis,jecit et duxit rivurn.
Seulement Dumoulin ajoute qu’en ce cas lu possession
de la servitude delà conduite des eaux ne commence que
du jour qu’à titre de servitude a été pratiqué dans l’hé
ritage supérieur l’ouvrage nécessaire pour faire arriver
les eaux dans l’héritage inférieur : Tam en quasi possessio serçitutis aquœductûs non incipit antequàm de facto,
jure seryitutis, jìat riyus per quem aqua ducatur.
Nous avons un traité de Cæpola , D e servitutibus ,
où dans le chapitre I V , au titre D e servitute aquœduct û s , il examine notre question; et cet auteur se trouve
cité au nombre 5i , dans le mémoire du cit. Coudert.
Cæ pola, dans ce nombre 5 i , d’après la loi JPrœses,
établit la règle générale que le propriétaire du fonds dans
lequel naît une source d’eau peut la retenir et en disposer
à son gré , malgré l’usage qu’en ont fait de tous temps les
propriétaires des héritages inférieurs , à la sortie de l’hé
ritage supérieur. Mais il falloit aller plus lo in , jusqu’au
nombre 56, où cet auteur excepte de la règle générale le
cas où les propriétaires des héritages inférieurs ont euxmêmes été prendre l’eau dans l’héritage supérieur, et y
ont pratiqué des aqueducs, des fossés, des rigoles, pour
la faire arriver dans leurs héritages inférieurs.
Cæpola distingue les eaux qui naissent dans un fonds
qui appartient au public, ou dans un fonds qui appar
tient ¿1 un particulier. Dans le premier cas, il exige une
possession immémoriale; mais dans le second, il se con
iente de la prescription ordinaire, q u i, même chez les
C 2
�■
Vt ..
( 20 )
Rom ains, en matière de servitudes, n’étoit que de dix ans
entre présens, et de vingt ans entre absens.
Puis venant à la manière dont il faut, pour déroger à
la règle générale, que les eaux aient été prises dans le
fonds supérieur par les propriétaires des héritages infé
rieurs , afin d’acquérir la prescription jure servitutis,
il veut qu’on en juge par la nature des actes qui ont été
exercés, comme si celui qui prétend avoir prescrit la
. servitude a coupé la haie du fonds supérieur, s’il y a fait
ou fait faire des fossés, s’il les a nettoyés pour y introduire
les eaux et les faire arriver dans le fonds inférieur; autant
d’actes qu’il ne pouvoit exercer qu’à titre de servitude :
E x quo quis f u e r it usus jure servitutis, comprehendi
potest ex actibus q u o s fe c it, per quos q u i per se ipsum
non posset Jacere in fundo vicini citra ju s et nomen
servitutis, ut prœcedere sepem , mundare vel mundari
facere fossaturam in fu n d o v icin i, vel ducere aquam
per fu n d u m v icin i, q u œ jieri non possunt regulariter,
n isi jure servitutis.
Quand on lit un auteur, il ne faut pas s’arrêter h l’en
droit où il établit la règle générale, il faut poursuivre la
suite de son discours où il établit les exceptions que doit
souffrir la règle. C’est ce qui arrive souvent à ceux qui
prennent dans Dumoulin l’objection pour la solution,
pour ne pas s’etre donné la peine d’aller jusqu’au bout. .
On trouve la même doctrine, la règle générale et l’excep
tion, dans le traité des Prescriptions de D unod, où, à la
page 88, il dit que le maître de l’héritage où naît une
source d’eau , peut la retenir ou la conduire ailleurs pour
son utilité, quoiqu’elle ait coulé d’uu temps immémo-
�( 21 )
rial dans ceux de ses voisins , et qu’ils s’en soient servis;
à m oins, ajoute-t-il, qu’elle n’ait coulé par un droit de
servitude prouvé par actes , ou parce que les voisins
auraient fait un canal dans lé fonds duquel la source sort,
pour en conduire l'eau dans les leurs;
‘
Aucun des auteurs qu’on nous oppose, ni H enrys, ni
Bardet, ni Berroyer, ne disent rien de contraire à cette
doctrine. La dissertation d’Henrys, l’arrêt qu’il rapporte,
et celui qui est dans Bai’det, ne sont que dans l’espèce de
la règle générale. Les propriétaires des héritages infé
rieurs n’avoient d’autre possession que de recevoir les eaux
par leurpente naturelle, à la sortie de l’héritage supérieur.
A l’égard de la citation de Berroyer, on en est étonné;
car l’observation qu’on lui fait faire n’existe point
dans l’édition qu’il nous a donnée, de Bai’d e t, il n’y en a
aucune sur l’arrêt de Bardet dont on a parlé. Il est vrai
qu’il y a une nouvelle édition de Bardet , qui a paru
en . . . . et où on a ajouté des notes de Delalaure. On n’a
pas sous les yeux cette nouvelle édition, et il pourrait
bien se faire qu’on eût confondu une observation de D e
lalaure, avec une note de Berroyer. Cependant on aurait
peine à croire que Delalaure eût p u , dans une de ses notes,
combattre la doctrine générale que l’on vient d’établir, puis
que ce même Delalaure, dans le traité qu’il nous a donné
sur les servitudes réelles, confirme lu i-m êm e cette doc
trine, comme on peut le voir à la page 17 0 , où cet au
teur , traitant de la prescription des servitudes dans les
provinces du Lyonnais, Forez et Beaujolais, pays de droit
écrit, où les servitudes s’acquièrcnt sans titre , par la
seule force de la prescription, comme en coutume d’A u
�vergn e, il dit qu’on admet une exception par rapport aux
servitudes d’aqueducs et d’égoûts incorporés , et qu’elles
peuvent s’acquérir sans titre, par une prescription de dix
ans; et entre les motifs qu’il en donne est celui que ces sortes
de servitudes exigent nécessairement que l’on fasse des
constructions sur le fonds d’autrui, n’étant pas possible
de penser que ces constructions aient pu être faites sans
le consentement du propriétaire sujet à la servitude.
O n pourroit multiplier à l’infini les autorités ; mais il
suflït de terminer par celle du dernier commentateur de
la Coutume d’A u vergn e, aux pages 717 et suivantes du
second tome, où, après avoir rappelé le principe général,
que le maîti*e de l’héritage où il naît une source d’eau
peut l’y retenir ou la faire couler dans d’autres héritages
lui appartenans, sans que le propriétaire des héritages
inférieurs qui a voient joui de cette eau à sa sortie de l’hé
ritage supérieur, d’un temps im m ém orial, puissent s’en
plaindre , et après avoir rappelé les arrêts qui ont con
sacré ce principe, M . Chabrol ajoute : « Mais si ceux
« contre qui ces arrêts ont été rendus avoient eu une véri« table possession de prendre l’eau des sources dont il
a s’agissoit; s’ils avoient pratiqué, depuis plus de trente
« ans, un aqueduc dans l’héritage où elle naissoit, pour
« la conduire dans les leurs ; ces ouvrages extérieurs et
« apparens, soufferts p arle propriétaire, auroient tenu
« lieu de titre; il en seroit résulté une vraie possession
« qui, ayant continué pendant trente ans, auroit'opéré
c< la prescription dans une coutume où les servitudes sont
« prescriptibles. » L e commentateur prouve la distinction
par les passages do Dumoulin et de Cæpola que nous
�f
( 23 )
avons cités , et il y ajoute ce que dit M . Duval dans son
excellent traité D e rebus d u b u s, que les actes qui consti
tuent une servitude en pareil cas, sont de faire des rases,
de les écurer et de les rétablir, riçurn fa c c r e , purgare,
reficere.
E nfin, comment pourroit-on désormais élever la ques
tion , après que le titre des servitudes, dans notre nouveau
code c iv il, a de plus en plus confirmé les principes que
nous venons d’établir, par l’article 635, qu’on ne doit
pas regarder comme une loi nouvelle , mais comme
le développement des anciens principes sur cette matière?
Après q u e, dans l’article 634, il est dit que celui qui a
une source dans son fonds peut en user à sa vo lo n té ,
sauf le droit que le propriétaire inféiùeur pourroit avoir
acquis par titre ou par prescription, l’article 635 ajoute
que la prescription, dans ce cas , ne peut s’acquérir
que par une jouissance non interrompue pendant l’espace
de trente années, à compter du moment où le propriétaire
du fonds inférieur a fait et terminé des ouvrages apparens
destinés à faciliter la chute et le cours des eaux dans sa pro
priété : ce qui n’est proprement que la traduction de ce
qu’on a rapporté de Dumoulin dans ses notes sur les con
seils d’Alexandre.
A des principes qui doivent paroître si incontestables,
on nous oppose deux arrêts; l’un de 1786, l’autre de 1788,
que l’on dit avoir été rendus , le premier en faveur des
cordeliers d’A urillac, et le second au proiit d’un nommé
Pradier. D ’un côté, c e s d e u x arrêts ne nous sont connus par
aucun ouvrage public; de l’autre , ce n’est rien, comme
dit un de nos anciens praticiens ( Rouilhard ) , d’avoir le
�( M )
corps des arrets, si l’on n’a pas l’âme des hypothèses. La va
riété des espèces est infinie; il est rare qu’on puisse raison
ner juste de l’une à l’autre ; et il n’y a guère que les arrêts
de'règlemens , ceux qui étoient autrefois publiés aux au
diences solennelles en robes rouges, sur lesquels on puisse
établir quelque fondement. Enfin, ïegibus, non exernpiis
judiccindunt ,• et l’on terminera par remarquer que déjà
la jurisprudence du tribunal d’appel s’est fixée sur la
question.
On doit sentir à présent la juste application des prin
cipes établis aux faits et aux actes dont il a été rendu
compte.
Il ne s’agit pas ici d’une simple possession de recevoir les
eaux par leur pente naturelle. Il existe des rases et des
rigoles pratiquées de tout temps dans le Pré du Château,
par le propriétaire des prés de l’Espinasse et du Cloux;
des rases et rigoles, que le propriétaire a toujours net
toyées et entretenues pour faire arriver dans ses pro
priétés les eaux naissantes dans le Pré du Château. Il
existe des ouvertures et des aqueducs dans les murs de
clôture du Pré du Château,pour traduire les eaux; ouver
tures et aqueducs que l’on reconnoît aussi anciens que
les murs de clôture eux-mêmes, que l’on voit être de la
même construction et du môme temps, qui existent peutêtre depuis des siècles. Ces rases, ces rigoles, ces aqueducs
sont tracés dans le plan géométrique de l’état des lieux.
Ce plan est connu du cit. Coudert; il n’a pas entrepris de le
contester, non plus que l’ancienneté des rases, des rigoles
et des aqueducs; et surtout l’ancienneté des aqueducs se
manifeste â l’inspection des murs dans lesquels ils sont
pratiqués.
�<2
2$
( 25)
pratiqués. L e cit. Coudert n’a pas même osé contesterformellement la très-ancienne possession de la servitude ;
et cette possession se trouve même prouvée par l’ancien
neté des aqueducs, qui ne peut être méconnue, et q u i,
quand il n’en resteroit que des traces, et qu’on n’en nuroit pas fait usage, auroient toujours conservé la posses
sion de ceux qui les avoient construits.
C ’est en effet un principe certain que, quoiqu’on n’ait
pas fait usage de la servitude, on n’en a pas moins con
servé la possession , tant qu’il se trouve des vestiges des
ouvrages qui ont été faits pour l’exercer ; c’est ainsi que
s’en explique d’A rgentré, sur l’article C C L X V I de la cou
tume de Bretagne , pag. 1092 : Signa temporis successwi et pcrm anentis, signatum retinent in possessions
ju r is ; et il dit encore au même endroit : T^estigia pos
sessionem retinent. L ’on trouve la même doctrine en
seignée par M ornac ,sur la loi 6 , ff. JDe rerurn di\>isione.
Et quand même le cit. Coudert entreprend roi t de con
tester la possession du cit. Cabanes et de Malprade son
vendeur , le cit. Cabanes seroit en état, et offre même
d’en faire la preuve par témoins; ce qu’il ne croit pour
tant pas'TTCüussaii'e ,'ia - preuve'rhr'ln possession pouvant
se faire par la vérification des experts, qui rcconnoitronfc
la haute antiquité des rases, fossés et aqueducs qui sont
désignés dans le plan géométrique.
P rincipes sur la deuxième question.
Celte question est, comme on l’adit en commençant, de
savoir si le propriétaire du fonds inférieur, qui est devenu
D
�(
26 ?
fermier du fonds supérieur où naît la source des eaux,
mais q u i, avant d’être ferm ier, étoit, à la suite de son ven
deur, en possession de la servitude, en continuant cette
possession pendant la durée delà ferme, a fait interversion
de la possession qu’il avoit déjà , de manière que la pres
cription n’ait pas pu continuer en sa faveur, comme elle
auroitfait pour son vendeur, s’il avoit continué de jouir
de l’héritage inférieur et de la servitude sur l’héritage
supérieur.
Il n’y a sur cette question qu’un seul principe à invo
quer; c’est celui que rappelle notre célèbre D om at, au
titre delà possession, sect. I I, n. 27 : que « celui qui entre
if en possession d’une chose qu’il acquiert, succède aux
« mêmes droits, et ne possède ni plus ni moins que son
« auteur avoit possédé. » Ce n’est là que la traduction '
même de la loi X X , ff. D e acquir. rerum dominio.
Quoties dominium transfertur ad eum q u ia ccip it, taie
transfer tur quale f u it apud eum qui tradidit.
D e là vient, comme le dit Dunod dans son Traité des
prescriptions , pag. 20, que « quand le ti.ttt3_vienj.de l’au« teur qui avoit la possession, on peut joindre sa possession
« à la sienne. » C’est ce que l’on appelle en droit, accèssio.
L ’accession de la possession est pleinement accordée à
ceux qui succèdent aux di’oits d’autrui : P lane tribuitur
1iis q u i in loco aliorum succedunt, siçe ex contractu,
sive ex volúntate. L . I , §. I , ff. D e diçet'sis temporil).
prccscrip. et accessionibus. Godefroy, dans sa note 65 sur
cette lo i, dit que les accessions des temps sont des conjonc' tions des temps par lesquelles deux ou plusieurs personnes
ont joui successivement de la même chose, jiccessiones
�( 27 )
tem porum, surit conjunctiones temporum, quibus duo
autplures separatim eamdem rem possident. Et le même
Godefroy, dans la note 7 5 , dit encore que l’accession du
vendeur est accordée àson acquéreur: VenditorLs acccssio
tribuitur ejus emptori.
Il est donc certain que l’acquéreur succède à tous les
droits qu’avoit le vendeur, à raison de la chose qu’il lui
a vendue, soit quant à la propriété , soit quant à la posses
sion ; c’est ce qui s’induit aisément des termes de la loi
Taie quale.
A in s i, par exem ple, on ne pourroit pas douter que la
complainte possessoire ne pût bien être exercée par l’acN quéreur du fonds dont son vendeur avoit la possession
d’an et jour; et la possession annale, donnant l’action en
complainte possessoire, si elle est continuée pendant trente
ans, doit, par la même raison, opérer la prescription.
11 est bien v r a i, en gén éral, que le fermier et tous
autres qui ont reçu la chose à titre de précaire, ne prescri
vent contre le maître de la chose, pas plus que leurs héri
tiers ou successeurs; mais quelle en est la raison? c’est
qu’on remonte à l’origine et à la cause de leur possession ?
et qu’ils n’ont pas pu en changer la cause par le prin
cipe : Nenio sibi causam possessionis mut are potest.
M ais, si l’origine de la possession remonte à un temps an
térieur à la ferm e, si la possession du fermier se trouve
avoir tout autre cause que celle de la ferme, si cette pos
session n’est que la continuation de celle qu’avoit son ven
deur, lequel étoit étranger à la ferme, ce n’est plus alors
le cas où 011 puisse lui opposer q u ’il a changé la cause de
su possession. Ce n’est plus alors comme fermier qu’il
*
D2
�O r
(
28
)
a possédé ; il n’à fait que continuer la possession de son
Vendeur, qui a conservé dans sa personne la môme qua
lité, la même nature qu’elle avoit dans la personne du
vendeur : en un m o t, sa possession est la môme que celle
du vendeur, taie q u a le, et doit produire le môme effet à
sôn égard qu’elle auroit eu pour le vendeur lui-m ôm e.
A in si, de même que le vendeur, s’il n’eût pas vendu, et
qu’il eût continué de jouir pendant trente ans de la ser
vitude sur le fonds supérieur, l’ouroit acquise par la pres
cription; l’acheteur, quoique fermier du fonds supérieur,
doit avoir le même avantagé, puisque sa possession est de
là même nature, et qu’il succède au même droit, taie quale.
C ’est une bien foible objection que de dire que le fer
mier auroit dû avertir le propriétaire des entreprises qui
se faisoient sur son fonds par le propriétaire de l’héritage
inférieur. D ’abord, où est la loi qui l’y obligeoit? D'un
autre côté, le fermier qui, entrant dans la ferme, avoit
trouvé le propriétaire du fonds inférieur en possession
de la servitude dans le fonds supérieur, avoit du croire
que cette possession avoit un titre légitime. Enfin , le
marquis de Ligrierac, et après lui le diic de G iylus,
seigneurs de Saint-Chamant, avoient toujours eu sur les
lieux un intendant ou agent d’affaires, chargé de veiller
à la conservation de leurs biens, soit à l’égard des étran
gers, soit à l’égard des fermiers eux-mêmes.
Mais il y a plus : la possession de la servitude par
Malprade étoit bien antérieure à la vente qu’il fit au cit.
Cabanes, des prés de l’Espinasse et du Cloux; et le cit.
Coudert, prétendant que le cit. Cabanes, étant ferm ier,
duroit du avertir le propriétaire du pré du Château de
�a it
(29)
l’entreprise que faisoit Malprade sur les eaux du pré du
Château, c’est bien convenir, de sa part, que Malprade
avoit dès-lors la possession de prendre ces eaux. Cette
possession étoit même immémoriale, suivant l’acte de
notoriété qui en fut donné au cit. Cabanes par les plus
anciens habitons de la terre de Saint-Chamant, dans le
nombre desquels étoient même plusieurs des anciens fer
miers ou métayers de cette même terre de Saint-Chamant.
Cet acte de notoriété est du 16 avril 1781.
En vain a-t-on dit que cet acte de notoriété avoit été
mendié par le cit. Cabanes; il ne fut au contraire qu’une
suite des doutes qu’on avoit voulu inspirer au duc de
Caylus sur le droit de servitude dont il s’agit. Il existe
deux lettres qui établissent la nécessité où se trouva le
cit. Cabanes de demander cet acte de notoi'iété. La pre
mière de ces lettres, du 3 avril 17 8 1, est celle qui fut
écrite au cit. Cabanes par un sieur Bussy, intendant du
duc de Caylus, à Paris, par laquelle, après l’avoir entre
tenu d’autres objets qui concernoient la ferme de SaintChamant, il ajoute : A Tégard de Veau que vous avez
pour votre p r é , je ne peux prendre de parti que cette
affaire lia it été éclaircie : en voyez-m oi un petit mé
moire bien e x a c t, et je vous fe r a i rendre justice. Ce fut
aussitôt après avoir reçu cette lettre, que le cit. Cabanes
se fit donner l’acte de notoriété dont il s’agit; et il an
nonça , dans le mémoire qu’il envoya, l’acte de notoriété
qu’il s’étoit fait donner, pour répondre à la plus grande
exactitude qui lui étoit demandée.
Presque dans le même temps les biens du duc de
Cnylus furent mis en direction ; et le cit. Cabanes reçut
�( 3° )
une seconde lettre d’un sieur J o ly , agent de la direction,
datée du 4 septembre 178 1, par laquelle il lui rappelle
la promesse qu’il avoit fa ite d’un acte de notoriété pu
blique, sur le droit par lu i prétendu de prendre, trois
J'ois par sem aine, Veau de la fontain e de S a in t-C h a
înant , et autres sources vives, pour Tarrosement de
son pré.
' L ’acte de notoriété dont il s’agit n’est donc pas, comme
le cit. Coudert veut bien le dire, un acte mendié, une
enquête à futur; c’est un acte de notoriété publique,
nécessité par les circonstances où se trouvoit alors le cit.
Cabanes, provoqué par le duc de Caylus, o u , ce qui
est la même chose, par son intendant, et redemandé par
ses créanciers lorsque ses biens furent mis en direction.
O r, comme on l’a dit, cet acte de notoriété atteste une
possession immémoriale de la servitude par M alprade,
ancien propriétaire des prés de l’Espinasse et du Cloux,
et continuée par le cit. Cabanes, son acquéreur.
E nfin, une preuve de plus en plus décisive de la posses
sion de M alprade, est celle qui résulte de l’acte d’échange
de 1713* antérieur de près de cinquante ans à la vente
faite par Malprade au cit. Cabanes, des prés de l’Espinasse et du C lo u x , auxquels est due la servitude des
eaux naissantes dans le pré du Château.
Pour s’assurer de la preuve qui se tire de l’acte de 1713,
il faut se mettre sous les yeux le plan géométrique de
l ’état des lieux (1). On y voit d’abord toutes les sources
(1) Ce plan géométrique, qu'a fait faire depuis long-temps le
cit, Cabanes, sera joint au procès. 11 existe un autre plan que lu
�(3 0
qui naissent dans la partie basse du Pré du Château : les
eaux de ces sources, très-rapprochées les unes des autres,
'v o n t se répandre et se distribuer dans deux rases, l’une
supérieux-e, qui est la prem ière, et l’autre inférieure,
qui est la seconde; l’une et l’autre, après avoir parcouru
'quelque espace dans le pré du Château, viennent ré. pandre leurs eaux dans le pré de l’Espinasse, par deux
ouvertures ou aqueducs pratiqués dans le mur de clôture
•du pré du Château; aloi's les rases continuent dans le
pré de l’Espinasse, et rentrent ensuite dans le pré du
Château par deux autres ouvertures ou aqueducs égale
ment pratiqués dans le mur ; ces rases se prolongent
encore quelque temps dans le pré du Château, d’où elles
sortent encore par deux autres ouvertures toujours pra
tiquées dans le mur de clôture du pré du C hâteau , pour
introduire leurs eaux dans le pré du Cloux. T el étoit,
à l’époque de l’échange de 17 13 , et tel est encore l’état
des lieux parfaitement désigné dans le plan géométrique.
Voyons maintenant ce que dit l’acte de 1713. Il s’y fait
un échange entre le seigneur de Saint-Chamant, à qui
appartenoit le pré du Château, et le sieur M alprade,
alors propriétaire des deux prés de l’Espinasse et du Cloux.
Malprade cède au seigneur de Saint-Chamant une por
tion du pré delrPradel, qu’il avoit nouvellement réunie
•à son pré de l’Espinasse, pour par le seigneur de Saintcil. Coudert a fait faire lui-même. Mais ces deux plans sont con
formes, à bien peu de chose près; et le tribunal trouvera, dans
l’un et dans l'autre, les rases, fossés et aqueducs dont on a rendu
compte.
�¡t>
^
•
( 30
Chaînant réunir cette même portion à son pré du Châ
teau ; e t , de sa part, le seigneur de Saint-Chamant donne
en échange à Malprade la portion de sou pré du Château
qui séparoit les deux prés de l’Espinasse et du Cloux ,
appartenais à M alprade; et il est dit que cette portion
du pré du Château, cédée à Malprade dans la longueur
de soixante-dix toises, est à prendre de la dernière rase
dudit pré qui sort du pré de PÆspinasse, laissant la
rase dans le pré du Château. Mais cette dernière rase
est la seconde marquée sur le plan géométrique : cette
seconde rase, sortant du pré de l’Espinasse, n’étoit ellemême qu’une suite de celle qui existoit dans le pré du
Château, pour traduire les eaux dans le pré de l’Espinasse,
d’où elles rentroient dans celui du Château pour parvenir
dans le pré du Cloux. Ainsi il doit paroître évident que
la dernière rase dont il est parlé dans l’échange de 17 13 ,
que l’on y dit être dans le pré du Château , mais sortant
du pré de l’Espinasse; que cette dernière rase ne pouvant
recevoir d’autres eaux que celles des sources qui étoient
dans le pré du Château, et qui y rentroient après être
sorties du pré de l’Espinasse, le seigneur de Saint-Cha
mant avoit reconnu, dans l’échange de 1 7 1 3 , le droit
du pré de l’Espinasse aux eaux des sources du pré du
Château.
Ce que l’on vient de.dire de la dernière rnse, doit se
dire également de la première, prenant aussi les eaux des
mêmes sources, les transmettant -d’abord dans le Pré de
l’Espinasse, d’où elles rentrent, comme celles de la der
nière rase, dans le Pré du Château, pour se verser ensuite
dans le Pré du Cloux; ce qui a néces^ito toutes les ouver
tures
�•
(
33
)
tures et aqueducs, ali nombre de six, existans de tout temps
dans le mur de clôture du Jt^ré du Château, pour en faire
sortir les eaux dans le Pré de i'Espmasse, les faire rentrer
ensuite dans le Pré du Château, et enfin’ les en faire res
sortir pour les verser dans le Pré du Cloux.
A insi la possession de la servitude dont il s’agit, est au
moins prouvée depuis la date de l’échange de 1713? dans
la personne de M alprade, alors propriétaire des prés de
l’Espinasse et du C loux, et par l’aveu du seigneur de St.Chainant lui-même, qui résulte des termes de cet échange,
qui pourroit même être regardé comme un titre dans les
coutumes qui n’admettoient pas de servitude sans titre.
E t la possession, au moins constante depuis 1713 , avoit
continué dans la personne de Malprade pendant près de
soixante ans jusqu’en 1 7 7 2 , qu’il vendit au cit. Cabanes
les prés de l’Espinasse et du Cloux ; possession continuée
depuis 1772 jusqu’à présent, par le cit. Cabanes, dïtns la
même qualité et la même naïure que Malprade l’avoit
eue jusque-là.
M ais, nous d it-on d e là part du cit. Coudert: Vous
ne présentez qu’une copie informe de ce prétendu échange
de 17 13 , et qui n’a aucun caractère d’authenticité; c’est
un chiffon qui ne peut faire foi en justice. Cette objec
tion est pleine de mauvaise foi.
Lorsque les parties plaidoient aux requêtes du palais,
le cit. Cabanes n’établissoit sa défense que sur la posses
sion de trente ans ; il ignoroit absolument réchange de
17 13 ; ce fut le cit. Coudert lui-même qui le lui apprit,
comme on l’a vu dans le récit des laits, par une requête
signifiée le 22 février 1787. Rappelons encore les termes
E
�(34
)
de cette requête du cit. Coudert. « Il a été fait ancien« nement (on ne dit pas en 17 13 , mais on dit ancienne« ment ), entre le seigneur de St. - Chamant et le pro'« priétaire des prés de l’Espinasse et du Cloux, un traité
« par lequel ce dernier a renoncé à se servir jamais des
« eaux de la fontaine du Coudert de Many. D e plus,
« le suppliant prétend -des droits de propriété , en sa
« qualité de seigneur de Saint - Cham ant, sur le com
te m un, et par conséquent sur les deux fontaines, dont
« les eaux lui appartiendraient entièrement. Il est donc
« important pour le suppliant, dans le cas où dans la
« suite il voudrait faii’e usage de l’acte passé entre le
« propriétaire des prés de l’Espinasse et du Cloux, et le
« propriétaire du Pré du Château, et au cas où il vou« droit exercer son droit de propriété sur ledit commun
« en question, qu’on ne puisse lui opposer le partage des
« eaux desdites fontaines, qu’il a lui-même provoqué,
« et le soutenir non-recevable de prétendre à la totalité
« des eaux. V oilà quel a été le m otif de la réserve faite
« par le suppliant. »
D e l’aveu même du citoyen Coudert, il y a donc eu
anciennement un traité entre le propriétaire des prés de
l’Espinassc et du C loux, et celui du Pré du Château’, de
son aveu c’est par ce traité que le propriétaire des prés
de l’Espinasse et du Cloux abandonna au propriétaire
du Pré du Château la totalité des eaux de la fontaine du
Coudert de Many. Ju sq u e-là il y a un véritable rapport
entre ce traité fait anciennem ent, et la copie que l’on
rapporte de l’acte de 1713» où l’on trouve en effet l’aban
don des eaux de la fontaine du Coudert de Many ; mais
�( 35)
ce traité pouvoit contenir d’autres clauses, et expliquer
les causes de l’abandon de ces eaux du Coudert de M any,
et les conditions sous lesquelles il étoit fait. Pourquoi
donc Coudert se refusa-t-il obstinément de satisfaire aux
sommations qui lui furent faites aux requêtes du palais,
les 9 et 24 mars 178 7, de justifier de ce traité fait an
ciennement , dont il avoit argumenté dans sa requête du
22 février précédent, et qui p arla étoit devenu un titre
commun au cit. Cabanes.
’ M ais, dans la suite, ce fut le cit. Coudert lui-même qui
remit au cit. Cabanes la copie du traité de 17 13 , que
celui-ci présente aujourd’hui, et qui ne peut être autre
que celui fait anciennement, dont le cit. Coudert avoit
argumenté dans sa requête du 22 février 17 8 7 , puisqu’on
y trouve l’abandon de la totalité des eaux de la fontaine
du Coudert de Many. O u bien si le cit. .Coudert prétend
que ce n’est pas celui dont il a entendu parler sous le titre
d’un traité fait anciennem ent, qu’il rapporte donc, cet
ancien traité dont il a lui-même argumenté, et que par
là il a reconnu être en son pouvoir-, sans quoi il faut
qu’il avoue l’exactitude de la copie du traité de 1713
qui lui est opposé, et alors doivent subsister dans toute
leur force les inductions que l’on a tirées de ce traité
de 1713.
Mais il y a même plus, et ceci devroit trancher toutes
les difficultés du procès : c’est le consentement formel
donné par le cit Coudert à l ’e x é c u tio n , dans tout son
contenu, de l’acte de 1 7 1 3 , tel q u ’il est conçu dans la
copie q u i en est produite par le cit. Cabanes, si celui - et
voulait de sa part íexécu terj consentement que le cit.
�Cabanes a ci - devant accepté. Comment le cit. Coudert
auroit-il pu avouer plus formellement l’existence du traité
et l’exactitude de la copie qui en est produite, surtout
tant qu’il n’en représentera pas l ’original, qui est certaine
ment en son p ou voir, puisqu’il en avoit argumenté dans
la requête qu’il avoit signifiée aux requêtes du palais,
le 22 février 1787? Alors il faut donc prendre dans tout
leur ensemble toutes les clauses et tous les termes du traité,
et par conséquent souffrir toutes les preuves et les induc
tions qui en résultent. O r, il a été établi que ce même
traité atteste la possession de la servitude des prés de l’Espinasse et du Cloux sur les eaux naissantes dans le Pré du
Château, par l’existence , au temps même du traité de
1713, des rases qui commencent dans le Pré du Château;
qui conduisent les eaux dans les prés de l’Espinasse, où elles
se prolongent, rentrent ensuite dans le Pré du Château
pour se vprser dans le pré du C lo u x , et par l’existence des
six aqueducs pratiqués dans les murs du Pré du Château,
et q u i , à la seule inspection , paroissent avoir été prati
qués dans le môme temps que la construction des murs
de clôture.
D e là donc que la copie du traité de 1713 est avouée
par le consentement du cit. Coudert de l’exécuter, si le
cit. Cabanes veut aussi l’exécuter de sa part, ce qui a été
Accepté par le cit. Cabanes, il ne peut plus y avoir de
difficulté à réformer la sentence des requêtes du palais,
et à maintenir la servitude dont le cit. Cabanes est en
possession, par lui ou par Malprade son vendeur, depuis
plus de quntre-vingt-dix ans. La seule chose qui en pourra
résulter, est qu’il n’y aura point lieu au partage des eaux
�(
37
)
de la petite fontaine de M any, qui avoit été ordonné par
la sentence des requêtes du palais, qui n’avoit pas été
demandé par le citoyen Cabanes , mais qui avoit été
provoqué par le cit. Coudert lui-m êm e; et, en cela, le
cit. Cabanes ne fait que consentir l’exécution du traité de
1 7 1 3 , par lequel M alprade, son auteur, avoit fait au
propriétaire du Pré du Château abandon de la totalité
des eaux de cette fontaine.
Une dernière réflexion n’échappera pas au tribunal :
comment concevoir qu’on eût pu mettre en pré des terreins qui ne pouvoient recevoir d’arrosemens que par les
eaux naissantes dans le pré supérieur, si on ne se fût pas
assuré auparavant du droit à la servitude de ces eaux.
On croit donc avoir déjà suffisamment établi dans ce
mémoire la possession m ê m e i mmé mo ri a le de la servitude
dont il s’agit, par les ouvrages demain d’homme, existans
de tout temps dans le Pré du Château, pour en faire par
venir les p^’ix qui y naissent dans les prés de l’Espinasse
et du C loux; et l’on se persuade que, dès à présent, le
tribunal d’appel pourroit prononcer définitivement sur
la contestation des parties. Mais y trouvât - il encore
quelque difficulté, une vérification par experts leveroit
jusqu’au moindre doute, en constatant l’antiquité des rases
et fossés et des aqueducs pratiqués dans le mur de clô
ture du Pré du Château, et que ces aqueducs pratiqués
dans le mur de clôture sont de la même construction que
le mur lui-même. L e cit. Cabanes est même encore en
état de prouver par témoins que M a l pr a de son vendeur
étoit, long - temps avant la v e n t e , dans cette possession
immémoriale, qu’il a transmise au cit. Cabanes son acqué-
�( 38 )
reur, telle qu’il pouvoit l’avoir lui-même, tale quale. Et
ce mémoire renferme les motifs les plus puissans qui
fondent les conclusions qui ont été prises par le citoyen.
Cabanes.
L e cit. A R M A N D , juge, rapporteur,
L e cit. A N D R A U D , avocat.
L e cit. D E V E Z E , avoué,
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
[Factum. Cabanes, Jean-André. 1789?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Armand
Andraud
Devèze
Subject
The topic of the resource
jouissance des eaux
successions
prescription acquisitive
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire pour Jean-André Cabanes, notaire, habitant du lieu d'Autrières, commune de Saint-Chamant, appelant de la sentence des requêtes du palais du 20 mai 1789 ; contre Pierre Coudert, négociant, habitant de la ville d'Aurillac, intimé. En réponse au mémoire de l'intimé.
Table Godemel : Eau : 10. le propriétaire d’un héritage dans lequel naissent des eaux, peut-il se servir de ces mêmes eaux exclusivement ?
le propriétaire de l’héritage inférieur a-t-il pu acquérir la prescription de ces eaux de source, pour l’irrigation de son héritage, par des travaux de main d’homme pratiqués dans l’héritage supérieur, et par une possession continue pendant 30 ans ?
ce dernier propriétaire, en devenant fermier du fonds supérieur, a-t-il fait interversion de sa possession antérieure ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
s.n.
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1789
1713-Circa 1789
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
38 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G1408
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G1407
BCU_Factums_M0215
BCU_Factums_M0216
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53222/BCU_Factums_G1408.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Saint-Chamant (15176)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Jouissance des eaux
prescription acquisitive
Successions
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53047/BCU_Factums_G0713.pdf
45e416ce9f32fc904d58ef2ba386e1c3
PDF Text
Text
PLAIDOYER
PRONONCÉ à
la Toure l le-Criminelle le Jeudi 19 M ars 178 9,
p ar lefieu r B E R G A S S E , dans la Caufe du fieur KORNMANN
M
ESSIEURS,
I L faut donc que je me défende encore!
V O U S favez dans quelles conjonctures j’ai entrepris la Caufe
du fieur Kornmann; comment à l’époque de fon affaffinat, le
voyant fans appui, fans fecours, dénué de toute efpèce de
A
�;
h*
2
confolation, le plus malheureux comme le plus perfécuté de
tous les hommes; je me fuis décidé à partager fa folitude 8c fes
dangers.
Vous favez comment, expofé depuis à ce que l’intrigue a de
plus noir, la calomnie de plus audacieux, la méchanceté de
plus redoutable, de quelques menaces, de quelque fédufîiùn,
de quelques manœuvres qu’on ait fait ulage, ii a été impoffible
de me détourner un feul inftant du projet que j’avois formé de
le faire triompher de fes nombreux ennemis.
Vous favez encore à travers quelles fingulières révolutions,
ne faifant pas une démarche que je ne rencontraffe un obftacle;
les évènemens fur lefquels j’avois le plus com pté, manquant
à chaque inftant à ma prudence; ayant quelquefois à braver
toutes les autorités réunies pour me perdre; toujours tranquile.
cependant, efpérant toujours alors même qu’il falloit efpérer
le moins, j’ai amené jufqu’aux pieds de votre Tribunal, l’Infortuné, qui, depuis fi long-tems, réclame avec tant de confiance
& d’éclat, votre juftice.
Enfin , M e s s i e u r s , vous n’avez point oublié, je l’efpère au
m oins, quelle a été ma conduite dans ces circonftances mémo
rables où vous avez donné à la Nation de fi grands exemples
de fermeté, de prudence 8c de patriotifme; vous n’avez point
oublié comment, vous prenant en tout pour modèles; imitant
autant qu’il m’étoit donné de le faire , votre dévouement & vos
facrifices; n’écoutant comme vous que la voix impérieufe du
devoir, je profitai, de concert avec le fieur Kornmann, des
rapports qui exilloient entre notre fituation particulière, & les
deftinées publiques, pour parler, à votre exemple, au milieu de
la diffolution de tous les principes, le langage des Lois 8c de la
liberté, proclamant, ainfi que vous l’aviez fait, parmi les
0
�4^
3
habitudes du defpotifme, & au fein de fes plus formidables
*• vengeances, ces grandes vérités, defquelles réfultent comme
des conséquences infaillibles, le fyftême conftitutif des fociéte s , & les droits du genre humain qui ne peuvent pas
mourir.
TOUS ces faits font connus, &: il faut que je me défende
encore !
Et il s’ell: trouvé dans un Ordre juftement eftimé par fes
lumières, & à caufe des exemples de courage & de patriotifme
qu’il a donnés auffi en plus d’une occafion mémorable, il s’eil:
trouvé quatre hommes, dirai-je affez hardis, ou aiTez imprudens ( i ) , pour ofer m’accufer en votre préfence, &. m’obliger
h juftifier aux pieds de votre Tribunal, une conduite conftamment noble & généreufe, avec les mêmes foins qu’on employeroit à juitifier une conduite criminelle!
Et pendant fept audiances j’ai demeuré devant eux, écou
tant avec une patience bien étrange tout ce que la méchanceté
humaine peut inventer de menfonges, de fophifmes, de ca
lomnies, pour dénaturer les aétions les plus fimples, pour créer
des motifs malhonnêtes aux aftions les plus pures, pour faire
regarder, dans leur inconcevable délire, comme un axiome
inconteftable, cette idée auffi affligeante que faufle: qu Un y a
( i ) . M e. D o n n e r , Avocat de l a d am e K o r n m a n n .
M e- L a M a l l e , Avocat du ficur Daudet.
M e. I l i m b e r t , Avocat du iîeur de Beaumarchais»
M e. M a r t i n e a u , A v o c a t du P rince de Nailau.
Il cft iinportiblc de fc form er une idée des injures groilîcrcs que ces quatre A vo cau
p i’ont prodiguées,
A 3
'Ui
�4
pas de Vertu qu’un intérêt prefque toujours odieux ne puijje pro
duire, pas de mouvement, même héroïque, dont on ne pulffe trouver
la caufe dans une affection perverje, ou unevolomé corrompue.
Et d’après cet odieux fyftém e, je les ai vus combiner entre
eux tous les moyens de me faire perdre l’ellime publique, que
j’ai malheureufement obtenue; car, je vois bien que c’eft un
malheur que d’obtenir Feftime publique à un certain degré:
8c fans pudeur, comme fans mefure, dans ce ianflua’re où
fiégent les Magiilrats que je me fuis efforcé de prendre pour
modèles, fous les yeux de ce peuple pour lequel vous m’avez
appris à me dévouer, folliciter à grands cris ma condamnation
& ma honte.
bien! queft-ce qu’ils me reprochent? Puifqu’après tant
de travaux entrepris pour faire triompher la Caufe des mœurs
Eh
& de l’humanité, c’ eil à des reproches qu’il me faut répondre ! .
n’exigeront pas, fansdoute, que je m’occupe férieufement
de l’imputation qu’ils m’ont faite, 8c qu’ils ont répété jufqu’à
la fatiété, que c’eft le defir d’une vaine célébrité, qui, me
faifant tout-à-coup fortir de mon repos 8c de ma folitude, m’a
déterminé à entreprendre la Caufe du fieur Kornmann,
S’ils n’ont vu dans mes Mémoires que les produâions d'un
efprit ambitieux , s’ils ont véritablement penfé qu’avec les
feules reiTources d’une imagination vive 8c forte , fans que la
vérité fut mon guide , il m’étoit poffible de les écrire ; que
I ls
leur dirais je ? Et pourquoi entreprendrais-je de détruire en
eux une opinion qui feroit moins alors de leur part l’effet de
la réflexion , que le réfultat nécelTaire d’une organifation
mallieureufe.
�5
S i, au contraire , à l’exemple de tous ceux qui ont lu ces
Mémoires, devenus trop fameux, ils tint compris que je n’avois
pu les compofer , fans m’abandonner à tous les mouvemens
d’une ame profondément émue , s’ils ne peuvent fe diffimuler
qu'une ame profondément émue eil toujours franche, toujours
fincère, s’ils favent comme moi qii’il y a un langage que l’efprit réduit à fes feuls m oyens, que l’imagination même la
plus brillante avec toutes fes refiources n’imitera jamais ; que
’ leur dirais-je encore ? & pourquoi voudroit-on [que , fur un
objet d’une ii foible importance, je m’arrêtafle péniblement à
leur prouver qu’ils ont constamment parlé contre leur penfée,
& que li le befoin de leur caufe ne les y avoit pas contraint, ils
euifent porté, fur ce que j’ai fait, un jugement moins févère.
J e laiiTe donc-là, une fois pour toutes , cette imputation
vague 8c fans m o tif, 8c j’arrive aux feuls reproches que j’aye
quelque intérêt à détruire.
C es reproches fe réduifent à deux.
S’il faut les croire , en défendant le fieur Kornmann , je
favois que je ne défendois qu’un coupable; enaccufant la dame
Kornmann, je favais que j’accufois une femme innocente ; 8c
pour prouver cette étrange propofition, ils ont produit des
billets écrits par moi à M,: Fournel, billets defquels il réfulte,
a ce qu ils prétendent, que je ne croyois en aucune manière
aux délits que j’imputois à la dame Kornmann, puifquc j’y
offre non-feulement de la réconcilier avec fon mari , fi elle
veut fe féparer publiquement des hommes que nous accufons
de l’avoir corrompue, mais que je m’y engage même en quelque
forte, cette féparation obtenue, à lui faciliter les moyens de
-fe jufliiier. Voilà leur premier reproche.
�6
S’il faut fcscroire encore, je n’ai pu , fans une pcrveriîté
dont il y a peu d’exemples ( ce font leurs termes ) parler du
Prince & de la Princefle de NaiTau comme je l’ai f a it , mani
feste r fur leur conduite des foupçons qui les outragent, leur
faire jouer un rôle indécent dans une affaire à laquelle, ainfi
que le fieur de Beaumarchais, ils n’ont pris part que pour obéir
aux mouvemens de la fenfibilité la plus refpe&able & la plus
pure; 8c, en conféquence, vous les avez vu commenter à leur
manière, c’eil-à-dire, en inve&ivant fans ceife, 8c en ne raifonnant jamais, le peu de mots qui me font échappés dans deux
de mes Mémoires fur le Prince 8c la Princefle de NaiTau, 8e
conclure de leur commentaire , à la confirmation du décret
d’ajournement perfonnel que le Prince de Naflau a obtenir
contre moi. Voilà leur fécond reproche,
J E reviens, fur le premier reproche,
V o u s favez m aintenant, MESSrEURS', ce que vous devez
penfer du fieur Kornmann 8c de fon époufe : fi mes Mémoires
n’ont pas fuffi pour démontrer l’innocence de l’un , 8c la con
duite conilamment criminelle de l’autre ; s’il reftoit encore
quelques nuages à diffiper dans cette' caufe , 8c quelques fan
tômes à combattre,grâce aux rares talensde notre défenfeur,(x)
à l’ordre dans lequel il vous a préfenté le vafte fyftéme de faits
& d e moyens dont il avoit à vous rendre compte , à l’éloquence
impofante 8c fière avec laquelle il a repoufîe lesobje&ions tou
jours faibles &. toujours faiblement expofées de nos Adverfaires, il me femble qu’aujourd’hui vous n’avez plus de doutes
à former.
Pour vous, comme pour m o i, comme pour ce Public qui
) l ) M«. Duverycr,
�•
(
7
m’ écoute, le plus infortuné de tous les homm es, & celui qui
a le moins mérité fes malheurs, eft inconteftablement le fieur
Kornmann ; ôc s’il faut appcller aufii infortunée la dame Korntnann , ce n’eil certes pas parce qu’elle eil innocente , mais
feulement parce q ue, malgré fes erreurs , on ne peut fe dé
fendre de quelque pitié , en fongeant à la deftinée , qui fera
déformais fon partage.
Il n’a donc pas dû exifter, dans le cours dë cette affaire, un
feul inftant où j’aye pu penfer-que la dame Kornmann netoit
pas criminelle.
< Mais alors que fignifient les billets que j’ai écrits à Mc Fournel?
Pourquoi y promets-je d’aller au iecours de la dame Korn
mann ? Pourquoi y vais-je même jufqu’à dire que fi elle fait ce
q u ej’éxigé d’elle, je m’occuperai de fa junification?
' M a l h e u r e u s e m e n t je ne puis m’expliquer ici fans rendre
compte de quelques circonftances encore inconnues, que j’aurois bien voulu pouvoir diiTimuler toujours, mais fur lefqueUes
mon honneur trop publiquement offenfé , ne me permet plus
de garder le filence.
Je vous prie , MESSIEURS, de m’écouter avec quelque at
tention.
M*Fournel, dans le cabinet duquel fe font fi à propos re
trouvé les billets dont on a cherché à fe prévaloir contre moi
dans cette audience , a été non-feulement le confeil, mais
l’ami du fieur Kornmann.
■ .'
C ’eft d’après fon avis, 8c en conféquence même de fes preffantes follicitations , que le fieur Kommann a rendu plainte
contre fon époufe ; c’eit même lui qui a rédigé cette plaints
�a* •
-\.8
( j’en puis fournir une preuve écrite de fa main (j ), ),6c..quita
‘ confeillé l’information qui l’a. fuivie.
O r , voici m aintenant, MESSIEURS, ce qu’il vous im porte
• d ’apprendre.
A l’époque' de raiïaiïinatdu fiéur Kornmann, bien que j’euffe
formé la réfolution de ne le plus quitter jufqu’à ce que jç
l’euiie arraché à l’affreux fyilême de perfécution dont il avoit
failli devenir la viitime.,.il ne me vint pas d’abord dans lapenfée
d’écrire pour le défendre.
Cette tâcfce me parut ne devoir regarder que Me Fournel,
& ce ne fut que par ce qu’il trouva bon que je m’en chargealTe,
que je me déterminai à la remplir,
Nous convînmes enfemble que je ferois un Mémoire pour
le fieur Kornmann , où je ne diiïimulerois aucun des faits
graves que celui-ci avoit à raconter, & que lui MeFournel ac
compagnerait ce Mémoire d’une Confultation lumineufe ,
comme il difoit alors, où, faifant fentir toute l’importance
de l’affaire qui y étoit traitée , il porterait jufqu’à l’évidence
la démonftration des délits que le iieur Kornmann imputoit à
fes Advèrfaires, 8c la légitimité des accufations qu’il leur avoit
intentées.
J’écrivis, en conféquence, mon premier Mémoire.
Quand il fut achevé , je le fournis aux lumières de M* Four
nel. Il approuva la manière dont il étoit écrit; mais il blâmai
fortement la modération avec laquelle j’y parlois de la dame
Kornmann. Si je l’avois cru , j’aurois dû la traiter fans
( i ) J ’ai la m in u te de cette plainte ¿crite de la m ain de M e F o u rn e l, com m e aulfi d ’au trei
C onfultations pour le ficur K ornm atm , ou ¿c ru es ou figuées p ar lui.
ménagement
�9
ménagement, caraôérifer fes fautes avec févérité, 8c au lieu dç
la prefenter au Public comme un objet fait pour l’intéreller
encore, malgré Tes nombreufeserreurs, la dévouer avec éclat
au mépris des gens de bien qu’elle n’avoit que trop mérité *
& à la vengeance toujours trop tardive des Lois, à laquelle ,
féduit par une faufle pitié, je cherchois mal-à-propos à la fouftraire(i).
• Il me fut impoflible d’adopter l’opinion de Me Fournel. Je
lavois mieux que perfonne combien la dame K-ornmann étoit
coupable; mais il me parut dur de brifer, fans retour, les liens
qui l’attachoient à fes enfans. J’aimois mieux lui fuppofer des
fentimens q u e, depuis long-tems, elle n’avoit pas, 8c je trouvai
préférable de lui ménager de loin, par la manière dont je ren
dais compte de fes fautes, les reffources d’un aveu noble Sc
tî’un falutaire repentir.
M e Fournel tint à fon avis : je ne pus abandonner le mien.
Les chofes allèrent ii loin, que je déclarai que s’il ne vouloit
pas adopter mon Mémoire tel que je l’avois compofé, je fou-
;
{ i ) Je me rappelle, qu’à cette époque , Me Fournel ne cefloit de me dire que m a modé
ration ne pourroit que faire le pîus grand tort à l’affaire du fîeur Kornmann , 3 c que li je i»e
m ’élevois avec toute l’énergie dont j’étois capable contre la dame Kornm ann, je m oterois le
droit de pourfuivre arec vigueur fes complices- O n a vu.ee même fyfb m c , tout ridicule
qu'il c i l , développé à l’audience par le D éfcnfcur de la dame K o rn m a n n , qui a pris beau
co u p de ren iêign em cn s de M e F o u rn e l, & j’ avoue que ce n’a pas etc fin» une grande lurp r ife , que j’a i entendu cet hom m e foutenir qu’ il falloit donc que la dame Kornm ann ne
fu t pas coupable > puifque je n’avois jam ais parlé d’elle qu’avec m énagem en t,
comme
£ on o c pouvoit parler avec m énagem ent d’ un coupable, puis conclure de cette proportion
citra va g a n te que , puifqu’clle n’étoit pas coupable , elle n’avoic donc pas de complicc, &
enfin entreprendre de m e prouver que fi j ’avois attaqué M - le N oir & les iieurs D audet
fit Beaum archais, ce n a v o it été uniquement que parce qu’ un jo u r , fans d o u te , où je
«a’eoaujrois de m oa o ilîveté, je m 'é to is mis dans la tête de faire beaucoup de bruit a leurs
4épexu< O a * férieufem ent dit toutes ces chofes.
�*
/
IO
haitois n’être cite en aucune manière dans l'affaire. J'ajoutai de
plus que n’attachant aucune importance k cet ouvrage , je le
priois d’en ufer ainfi que de fon bien propre , & d’en tirer ,
comme d’un canevas informe, des matériaux pour récompofer
un écrit plus conforme à fes vues.Mon Mémoire, en effet, fut p o rté, dans ce deflein , chez
M e Fournel.
Je ne dois pas omettre ici que durant le cours de ces difcufiions, Mc Fournel ne pouvant fupporter les délais que M. le
Procureur du Roi apportoit à donner des conclufions fur l’in
formation à laquelle il avoit été procédé contre la dame Kornmann, voulut abfolument qu’on lui fit des fommations judi
ciaires pour l’y contraindre , & qu’il rédigea lui-même ces foinmations.
Je ne dois pas omettre encore que ce fut auffi par le confei-Î
de Me Fournel, que le iieur Kornmann, diftinguant le iieur de
Beaumarchais de tous les complices du fieur Daudet, rendit une
plainte fpéciale contre lu i(i).
Ainfi , comme on le v o it, aucune démarche eiTentielle ne
s’eft faite en cette affaire , qu’elle n’ait été , en quelque forte r
commandée par Me Fournel.
le bruit fe répandit que j’avois compofé u n
Mémoire dans la caufe du fieur Kornmann, où M. le Noir n é CEPENDANT
toit pas bien traité.
Alors s’ouvrirent, chez M. le Procureur du R oi, ces confé
rences fameufes, dont on a tant parlé, conférences qui n’avoient
( i ) Je dirai plus b a s , dans «nc nocc t £c qui s’cft paiTc entre Me Fournel & le fieur Koc»
jnautt ,
au fujet de
la plainte contre le fieur de Bcaum arçhaij.
�4£ ï
it • ■
fo u r objet que,de fouftrâire M. le Noir au danger qui le menaçoit; M e Fournel fut invité à s’y trouver, 8c il nous prévint,
qu’il ne pouvoit fe difpenfer de s’y rendre.
Il faut bien le dire ; dès ce moment M>’ Fournel ne nous parut
plus le même. Il trouvoit toujours l'affaire dufieur Kornmantt
excellente au fond ; niais le fuccès, d ifo it-il, commençoit à
lui en paroître problématique;la dame Kornmann étoit encore
jeune 8c jolie ; 8c que ne pouvoit pas, dans une Ville de cor
ruption 8c d’intrigue , pour fe fouftràîre à l ’empire des L o is,
une femme accoutumée à féduire, 8c, dans cet âge encore où,
■en faveur des agrémens, on pardonne fi facilement les erreurs ;
M . le Noir fur-tout étoit puiflant. On connoifloit fesliaifons,
jfon crédit, le grand nombre de perfonnes de la Cour qu’il avoit
obligées, fes reflburces pour nuire, fes moyens pour fe garantir
des coups qu’on pouvoit lui porter ; nous étions fçuls , nous
étions foibles, 8c qu’étoit>ce que la folitude -8c la fbiblelle contre
toutes les efpèces d’autorité réunies pour protéger un cou^
pable?
Malheureufement, il eit impofiible d’obtenir quelque .choie çle moi par la crainte. Ces diverfes raifons ne firent aucune impreffion fur mon efprit. Pour toute réponfe, je demandai mou
Mémoire, 8c à quelques tems de*là je le fis imprimer.
Je fupprime à dçilein des détails curieux fur la manière dont
■cc Mémoire a été imprimé, 8c fur les précautions q u il nous a
fallu prendre pour qu’on ne devinât pas le lieu de l’impreffion,
iur une trahifon qui nous fut faite au moment même ou
l’impreflion du Mémoire étoit aehevée , trahifon qui faillit
rendre toute notre prudence inutile, f u r l’ordre qui fut donné
¿pu çonféquence, par M. le Garde des Sceaux , pour arrêter 8c
«üj
�12
110s perfonnes & notre écrit, rurTadreiTe avec laquelle nous nous
garantîmes de l’effet de cet ordre , toujours pourfuivis , jamais
atteints, & nous jouant avec une facilité &. un courage peutêtre fans exem ple, des obftacles de tout genre qu’on multiplioit à chaque inftant fur nos pas.
'[
Me Fournel eil loin de fe douter que j’ai des preuves écrites1
du rôle, pour le moins bien étrange, qu’il a joué dans des circonftances fi périlleufes pour nous, & qu’il ne me feroit pas d if-.
ftcile de démontrer qu’il en avoit un plus honorable à'rem -'
p lir(i).
•
1
( i ) Il faut dire un m ot de ce rôle & rendre com pte de la trahifon dont je viens de p arlerv
tout-à-l’heure. J’ avais cru devoir , par m énagem ent pour M e F ourn el , diffimuler ic i'
toutes ces chofcs. J’avois même porré la modération jufqu’à ne pas vouloir faire im prim er'
mon plaidoyer, principalem ent parce que j ’ ai fenti que je ne pouvois le publier, fans faire»
à M e Fournel un tort irrréparable ; mais les propos indécens qu’ il tie n t, & ceux qu’ il a
fait tenir à Js dernière audience par le D éfenfeur de la dame Kornm ann , m ’apprennent
qu’ il y auroit de l ’ im prudence à le diftinguer plus lo n g -tem s de la troupe d’homme»
m éprifables auxquelles il s’eft trop inconfidérem ment a flo cié , & qu’il a fi inal-à-propos,
entrepris de fe r v ir , en fe rendant coupable, à notre é gard , de l’abus de confiance le plus
criminel*
O r , voici ce dont il s’ a git. L e fieur K o rn m a n n , prêt à fe rendre dans la V ille où l ’ou
im p rim oit mon M é m o ire , eut l ’imprudence de confier fon fccrct à M e Fournel. C e lu i-ci
n’en fu t pas plutôt pollefleur , qu’ il chercha les m oyens d’en inftiuirc M . le Noir. E t pour
cela , ne voulant pas fe co m p ro m ettre, en lui écrivant de fa propre m a in , il fe rendit au
Palais , & y dicta , à un des E crivain s qui s’y railem blcnt, un billet à l’o n adreiTei oà
il l’inftruifoit de tout ce qui fe pafloit.
•>
M u n i de ce b il l e t , M . le Noir a lla trouver M . le Garde des S ce a u x , q u i , d e p u is, à
rapporté à D a v ille , au iîcur K ornm ann lu i même , qu’il n'avoit pu fe difpcnlèr , ' d’apres
l ’indication t.cs-précife que lui avoit donnée M . le N o ir, du lieu où nous faisons im
primer , de donner des ordres & d’envoyer des gens de la Police pour l'c faifir de notre
é c r it, & même de nos perfonnes.
Quoi qu’il en fo it, quelque tems après la publication de mon premier M é m o ire , l’Er
« rivainqui avoit r é d ig é , fo u s la d ifté e de M e F o u rn el, le b illet i-M . le N o ir ,
voyant
le
fieur K orn m ann fe promener fréquem ment dans la Salle du Palais avec M« F o u rn ct, &
�- ï.
-,'3 .
'
?
Quoi qu’il en fo it, le Mémoire parut.
Avant Ton apparition, la dame Kornmann avoit rendu quel
ques yiiites à M c Fournel ; dans ces vifites, il avoit été beaucoup
entendant dire que ce même M e Fournel éto it l’Avocat du fieU r K o rn m a n n , ne pût s’em
pêcher d’en manifefter fa furprife , & de raconter à plulîeurs perfonnes le fais du b ille t
qu’on lui avoit fait écrire.
•
C e fait parvint ainfi jufqu’à nous; d e p u is, & quand nous avons voulu en acquérir la
certitude * nous avons fait venir l’E crivain, q u i , en préfence de témoins , nous a déclaré
que non-feulem ent il ¿toit prêt à Pattefter & à m un ir fon atteftatioa de fa ilgn atu re; mai*
qu’il fe rappdloit très-bien qu’ il avoit à côté de lui,torique M e Fournel lu i d id o it le b ille t
dont il s’a g i t , un autre E crivain dont il connoifïoit toute l’honnêteté, & qui attefteroit
le fait de la même manière que lu i. Nous avons en conféquence envoyé chercher l’ autre
E c r iv a in , qui ,|cn e ffe t, a confirmé le récit du p rem ier, & tous les deux nous ont fourni
la déclaration fuivante.
T
’ • '
ji,.
, • .
>
u
et Je fouffigné d éclare, pour rendre hom m age à la vérité , que dans le courant du moi*
» d’A v ril de l ’ année dernière 1 7 8 7 , M e F o u rn e l, A v o ca t, vin t m e trouver Grande Sallç
>5 du Palais de Juftice, au banc où j ’écris ordinairem ent, pour m e faire écrire une L ettre
» dont il tira la m inute de fa poche , qu’ il me d id ta, conçue en cet scrm cs à peu-près.
(
» la déclaration fuirante :
.
■■
.
1
\ /
'
■
- j
*
-
M.
__ _
...
Quelqu'un qui prend p art à ce qui vous intereffi , vous avertis que M . Kornmann fa i t
dans ce moment , imprimer à C h a r t r e s le Mémoire contre vous.
» Q u ’il déchira fa m inute , plia la L e ttre que j ’avois tra n fe rite, ne la figna p a s, &
. . . .
x nie fit m ettre l ’adrefle.
.À A i. te N o i r , B ibliothécaire du R oi , &C.
1
j
.<• T
' 53 Q u e je lui fis l'obfervation que c ’étoit un anonym e qu’il m’avoit fa it copier, il ré -1
» pondit que ce n’étoit rien de conféquent.
,
|
» C e fait fe pafla en prélcuce du iîeur K ic a rd , écrivant journellem ent à côte de m oi,
m
ce que j ’offre & fuis prêt d’affirmer en tel cas requis»
1
» A P a r is , ce 0,6 A vril 1788. Signé G autier.
’
r N ota- » M e Fournel me paya 6 fols pour cette copie.
’
En m arge de c e t t e déclaration eft é c r it,
>
» J e fuis prêt & offre d’affirmer les faits énoncés en la déclaration ci-contre du fieur
j j G a u t i e r . A P a r is , c e 19 A vril 1788. Signé R icard.
.
.1 , ;
>
Je ci ois ijuc je n’ ai pas befoin de faire remarquer combien , dans cette circonlbnce j
îà condwitc de Me Fournel eft odieufe , & il m e femble qu’il a ’cA perionne qui
�14
queilion de recommencer de nouveau & toujours de la part
de la dame Kornmann, dans le defiein de tromper des négo
ciations avec le iîeur Kommann,
O r, mon Mémoire épargnant, autant qu’il étoit poffible, la
dame Kornmann , & l’opinion qu’il avoit produite dans l’efprit
du Public , n’étant défavorable qu’aux hommes qui l’avoient
égarée, on crut qu’on pourroit s’en fervip comme d’un moyen
pour m’engagér à propofer un accommodement, dont on le
propofoit bien de nous rendre les dupes.
;
En. conféquence, Mc Fournel vintnous voir, & nous proteA
tant que la dame Kornmann étoit abfolument changée, qu’elle
n’avoit pu lire, fans vepfer des larmes, l’écrit que nous venions
de publier , que c e t écrit lui avoit fait faire des réflexions férieùfes fur fa pofition, qu’elle n’afpirpit plus qu’à réparer fes
torts & à fe réunir à fes enfang, il nous conjura de l’aider dans
un projet fj louable, & finit par m’inviter à venir dans fon ca
binet en conférer avec elle (i).
tente Je regarder ; com m e une fau te légère , le crim e d’avoir livré le fecrct de fes clients,
à l'homme qui a vo it le plus d’intérêt à leur n u ire , & q u i , du propre aveu de Me F o’u r n e l,
pouvoir djfpofer dç plus de moyens pou r y parvenir.
( i ) Je puis citer pour témoins de ce que j ’avance jc i,.le .fie u r.C la v ie rc ., B a n ju içr
à
P a r is , & le liti^r B rillot de W a rv J lc , homme de Lettres d’ un m érite reconnu, q u i t u s
les deux dinoient ch rz le iieur K orn m ann , au m om ent où IVÎe. Fournei vint iiqus fiire. I4
proportion de confcntir à une entrevue avec la dame Kornm ann. Ils diront) comment le
lipur K orm an n rejctt.i d?aboul cette prbpoiîtion, avec quelle peine on parvint eofuice 4
l ’e n gager à fo jlfr ir qu’au m oins, m o i, je ville la d u n e l'Çorninannclicz M c . F o u r n il,
com m ent ce confcntcm ent obtenu > j embrallois M e. F o u rn e l, l^i d é cla ra n t, que 1) en
e ffe t, comme il me le d if o it . la (.l'âme Korrimnnn étojt repentante , je ferois pout ce qui
dépendroit de moi pour lui erre u tile, & ajoutant que le plus.beau jour de ma vie feroic
çelui où je pourryis lui faire retro u ver,' àii m ilieu de fa tymille & parm i ceux qu’cllç
devoit chérir , toutes les habitudes qdi l’avoient rendu li heureufe a u tre fo is , . . T ^ t e s
pes circonihnoes ne peuvent encore être oubliées de M e. F o u rn e l. . . ,
trpmjier 1
E t il
*QJ|u fl)Ç
�I5<
— Le fieur Kornmann fi fouvent joué par fon'épouie, eût bien
de la peine à croire à un changement fi fubit. Je fus plus
facile.
L’idée de ramener une mere à fes enfans, d’opérer entre
elle & fon mari , une paix durable après tant d’orages, de dé
tourner d'elle à jamais cette honte cruelle qui fuit nécellairement la manifeftation des crim es, mais, qu’un repentir fincère
devroit toujours effacer, cette idée fi confolante &fidoucene
pouvoit que me féduire, & je promis, du confentement toutes
fois du fieur Kornmann, de me rendre à la conférence qui
m’étoit indiquée.
■ Plufieurs jours s?écoulèrent avant le moment fixé pour cette
conférence. Pendant cet intervalle nous eûmes loccafion de
nous entretenir plus d’une fois avec M 1. Fournel, des objets
qui
devôiént y être traités.
Il me parut que dans toiit état de caufe, & fur-tout après
l'éclat que le Mémoire avoit fait, il étoit impoffible de fonger à rapprocher la dame Kornmann d’abord de fès enfans, enfuite de fon mari; fi elle ne fe fép’arôit de la maniéré la plus
décidée & la plus folem nelle, des hommes qui. avoient trop
efficacement contribué à la favorifer dans.fes défôrdres, c’elîà-dire alors, de M. le -Noir & du. fieur de Beaumarchais, car le
fieur Daudet étoit abfent. Je demandai donc avant tout, comme
on vous l’a dit, que la dame Kornmann m’écrivit une lettre que
j’auroisle droit de publier, o ù , fans s’expliquer d’une manière
détaillée fur fes fautes., relie contiendrait .en général qu’elle
avoit été féduite par de mauvais confeils , 6c ou nommant
les homm es'qui l’avoient féduite , elle déclareroit qu’elle
s’en rapportoit abfolument à moi fur ce qu’il lui conve**
�■
i6
no'it de faire dans la circonilance malheureufe où elle ¿toit
placée ( i ). .
Il me parut jencore que cette Lettre publiée, la dame
Kornmann devoit faire un Mémoire où rendant juilice à la
conduite conftamment généreufe de ion m ari, évitant des
aveux trop difficiles, mais annonçant un repentir véritable;
parlant fans aigreur de cette troupe d*hommes fans foi, aux
quels elle s’étoit livrée, mais ne diffimulant pas leurs crimes;
invoquant fur fa jeunefle & fon inexpérience la pitié de tous
les gens honnêtes, elle offriroit le fpeftacle fi touchant & ii
noble d’une femme féduite, & non pas encpre pervertie , qui
abjurant de bonne foi fe's erreurs, répare, par l’éclat de fon
retour à la vertu, le fcandale trop public que fa conduite a
.caufé.
. .
Toutes ces idées furent trouvées fages par M e^ Fournel ;
feulement il obferva que la dame Kornmann étant décrétée
'd’aifigné pouf être o u ï, né pouvoit fe difpenfer de prêter fe*
Téponfes, 8c que pour achever mon ouvrage,, il falloit que je
miffe par écrit à-peu-près ce qu’elle pourroit dire , lorfqu’elle
feroit interrogée par -M. le Lieutenant-Criminel, afin qu’elle
(ne nuifit pas, par fa propre imprudence , au rôle fi intéreflant
■que je lui deftinois.
Je n’apperçois quàpréfent le piège qu*on m etendoit alors.
Il ne me feroit, certes, jamais venu dans la penfée qu’on dut
un jour fe prévaloir contre moi des écrits qu’on follicitoit de
ina pitié en faveur de cette femme trop coupable, 8c qu’un
moment viendrait où l’on fe feroit un moyen pour me dcs( i ) J’exigeai de p lu s, conim c ot^lc verra plus b a s , qu’elle écrivit deux lettres» l ’ une
à M . le N o ir , l’autre au fieur de Oeaum arclnis > où elle leur annonceroit qu’elle renonçoit
absolum ent à leur fo ciité .
honorer
�^33
.
7
. !> .
honorer au Tribunal de l'opinion, de ce qu’on m’invitoit â faire
pour elle.
M=. Fournel, je l’ai déjà d it, étoit notre ami autant que
tiotre Confeil ; nous lux avions donné, en plus d’une occafion,
des preuves d'un attachement trop véritable pour penfer un
inftant qu’il voulut nous tromper. Il étoit donc tout fimple
que je TécoutaiTe fans défiance, & que je n’héfitafle pas à faire
tout ce qu’il trouvero.it convenable de me prefcrire, dans une
circonftance où il m e'ïembloit que, comme m oi, il n’avoit
qu’une bonne aftion pour objet,
D e -là , Meffieurs, les différents billets que j’ai écrit à
M 2. Fournel, billets écrits fans précaution, parce que je croyois
écrire à mon ami; billets néanmoins o ù , quoiqu’on ait pu
d ire , je défie , comme je le prouverai dans peu, qu’on apperçoive autre chofe que les intentions que j’expofe ici.
Je reviens à mon récit.
Quoiqu’il en fo it, le jour fixé pour la conférence arriva. La
dame Kornmann fe rendit avant moi chez Me. Fournel. J ’i
gnore quel fut le fujet de leur entretien jufqu au moment où
je parus ; ce que je fais , c’eit que ce n eil pas avec des re
proches ( i ), comme on a ofé l’avancer^ mais avec des com*
plimens vraiement exagérés, que la dame Kornmann m’ac
cueillit; ce que je fais encore, & ce que je défie de n ier, c’eft
qu’avant même que je me fuife expliqué, on me déclara qu’on
adoptoit mon plan à-peu-près dans toute Ion étendue..
’ Une feule chofe pafut devoir y ‘être modifiée. On defira
que je n’exigeaiTe pas que le fieur de Beaumarchais & M. le
Noir fuiTentexprefiement nommés dans la Lettre qu’on devoit
.(i) Das reproches á moi tic la part Jo la Jam i K o n m u n u .
c
�i8
m’écrire, parce qu’il y avoit une.forte de difconvenance , difoit-on, à ce qu’une femme, placée dans une poiition auffi dé
licate que celle où fe trouvoit la Dame Kornmann , fe déter-r
minât elle-même à flétrir les complices de fes fautes.
Je ne fus pas d’abord de cetavis. Cependant après quelques
difcuifions, je confentis à la modification qu’on me dcmandoit,
parce qu’on me promit d’ailleurs de défigner ii bien les perfonnages, que qui que ce foit ne pourroit s’y méprendre.
,
C eci convenu, on propofa de rédiger fur le champ la Lettre.
M e. Fournel & la Dame Kornmann me prefsèrent beaucoup de
me charger de ce travail. Je ne le trouvai pas convenable, parce
que cette Lettre devant être de quelqu’étendue , il étoit pofiîble qu’on y reconnût ma manière d’écrire , & qu ainii j otaffe
à la Dame Kornmann le mérite d’être revenue d’elle-même, &;
fans autre impulfion que celle de fa confcience, à fes devoirs de
mère & d’époufe.
On feignit d’approuver mes raifons. Mc. Fournel alors fe
réduiiit à me prier de mettre par écrit feulement les idées
principales qui devoient fe trouver dans cette Lettre. Je ne
crus pas la chofe bien néceffaire , je connoiiïois l’intelligence
de Mc. Fournel, ôc il me fembloit qu’il n’avoit aucun befoin de
mon fecours pour rédiger une Lettre q ui, au fond , ne me paroiflbit pas bien difficile à faire. Je cédai néanmoins , & me
plaçant à fon Bureau, j’écrivis le peu de lignes informes qu’on
vous a produit ( i ), n’employant pas une exprefïion que Mc.
( I ) V o ici CCS lign rs informes :
C onvenu entre Madame K . & moi , au nom de M . K . , qu’elle m ’écrira une L ettre
qui fera rendue publique , dons laquelle cil; dira qu’elle n’a pas attendu la publication de
mon M ém oire, pour rendre juflice à fon rnari, qu’elle a etc entraînée loin de lui par de»
circonilanccs malheurcufes , qu’au fciu de ces circonftantcs elle n’a ccflc de regretter
�Fournel napprouvât , ou q u il ne me fuggérât me me fpécialement ( 2 ),
Le projet de Lettre arrangé , la Dame Kornmann me parla
deies enfans, 8cfe cornpofantla phyiîonomie d’une mère affli
gée , elle fe plaignit de ce que je ne les avois pas amenés avec,
m oi; puis elle me prefla vivement de la conduire fans délai
chez le fieur Kornmann, afin de lui procurer la fatisfadion de
les embraifer.
Tout cela fut dit avec un intérêt fi peu véritable , qu’heureufement pour moi je ne fus pas ému. Je répondis, 8c Me.
Fournel ici feignit encore de m’approuver, qu’il m’étoitimpoffible de la rapprocher de fes enfans, tant que je n’aurois pas la
certitude, par la Lettre que je demandois qu’elle avoit entiè
rement rompu avec fes corrupteurs; qu’au refie il ne falloir pas
beaucoup de tems pour écrire cette Lettre , & que fi je l’avois
■------ -- -
-
----------
^ *■ ^
r
-----
«nfans, Je pleurer leur abfcn ce, & de fe rciTouvenir avec amertume des fix années de paft
& de tranquillité, & c. & c.
Q .t’ ellc croit devoir s’ éloigner des perfonnes q u i, foit involontairem ent, foit im pru
dem m ent, ont néceilîté k s réclamations de fcm mari ; qu’il lui paroît convenable de recou
rir
à l’homme fcn'îble & généreux qui a défendu arec tant d’intérêt la caufe de fon m a ri,
pour établir, &c. &c.
A u moyen de laquelle Lettre M . K . amènera fes enf&nS a M adam e K . , fera offrir ju
diciairement à M . de Beaumarchais ce qu’elle lui doit, & donnera a fa femme des marquât
¿ ’ une iincèrere conciliation.
Signé B E R G A S S E .
( a ) Par exemple , je me rappelle t r k - b i en que les mots f hom m e finfiblc & généreux
qu’on lit dans le projet de Lettre d dciïlis , & q u i' fcmble contenir une efpécc d clo ge de
m o i, m ’ont été diftés par M c. Fournel,‘ que j ’avois mis à la place c e u x - c i, VA m ï
vertueux , & que M e. Fournel me les fit effacer pour y fubftitucr les précédons. L u im êm e, il y a peu de jours , cft convenu ¡Je ce fait ; cette rem arque, quoique m in ucieufc,
éto it nccclfairc.
'
\"
�dans fa matinée 'du lendemain, elle verroit fes enfans le jour
même.
O n vint alors à m’expofer l’embarras où l'on Te trouvoit visà-vis du fieur de Beaumarchais. On m’avoua qu’on lui devok
dix-fept mille liv ., parce que la penfion de deux mille écus que
payoit le fieur- Kornmann , n’avoit pas toujours été fuffifante
pour les dépenfes qu’on avoit faites. •
Je n’héiïtai pas à levér , au nom du fieur Kormanrï, cette
difficulté, &, trouvant fage d’affranchir promptement de toute
efpèce de reconnoiflance envers un homme auifi. vil que le fieux
'de'Beaumarchais, une femme que j'aimais encore à. croire plus
égarée que coupable, je m’engageai , fitô-t que nous ferions
poffefTeurs de la Lettre , & même avant qu’elle fut publiée , à
'faire porter chez le fieur de Beaumarchais les 17, 000 liv. qu’il
avoit prêtées.
L
"
‘
L a conférence avoit duré deux heures. Nous- n’avions plusrien à nous dire y & j’allois quitter la Dame K o rn m an n lo rfqu'ellenouspropofa de faire avec elle un tour de promenade an
jardin du Roi. J’acceptai. Durant cette promenade, il fut encore
queftion de la conduire fur le champ chez le fieur Kornmann p
pour y voir fes enfans. Me. Fournel q u i, comme on vient de
le voir , n’avoit pas d’abord approuvé cette démarche , parut
alors fe rapprocher un peu de la Dame Kornmann. Heureufement je demeurai ferme dam ma réfolution., infiftant toujours
fur la Lettre qu’on m’avoit promife T & décidé à tout refafet
jufqu’à ce qu’on eût rempli ce préliminaire indifpenfab!e*
i
.
N ous nous féparâmes. enfin. En me difant adieu, la Dame
K.ornmann m’afTura que le lendemain j’aurois la Lettre. Je
�43/
2
i
l’attendis vainement, le jour fuivant 6c pluiieurs autres s’ecôii«
lèrent fans que j’en entendifle parler.
s
.
1
.
.
A cette époque , parut ma réponfe âü premier Mémoire dut
iïeur de Beaumarchais. Dans cette répOnfe , ainfi que dans mon
grand Memoire, la Dame Kornmann eft iingulièrement mé
nagée. Comme j’y parlois de l’avenir affreux qu’elle fe préparoit
ii elle continuoitàvivre danslafociété deshommeâqui l’avoicnt
perdue, je penfai que la peinture effrayante que j’y faifoisde cet
avenir, hâteroit encore le deifein, ou j’avois cru la laiifer, de
s’éloigner d’eux fans retour; je le lui envoyai donc, & j’imaginai
en même tems de faire figner l’envoi que je lui en fis par fes
enfans ( i ).
Il me fembla que le nom de/e s enfans tracé de leur main}& mis
fous fes y e u x , feroit quelquimpreiTion fur ion e fp rit, quelle
fe reffouviendroit enfin quelle étoit m ère, & que fa tendreiîe
pour eux la porteroit à ne plus différer ce qu’elle m’avoic
promis.
( i ) V O I C I C E T ENVOIA M aJanie K O R M A N N ;
D e la part de f e s E nfans.
Signé
A délaïde
COCO ; c'eft le nom de ion Fiis,
Kornmanrt.
que m :ÿ
me les oppofer à l ’ A u d icn ce , & cil conclure toujours avec la merric logrcjir; ,
que la Dame Kornnun croit donc bien innocente à mes yeux , puifque j a vois pu la i ertvoyer une lig n e , lignée Coco & Adélaïde Kornnunn , & que dôs-lors il fillort, de toj.e
néceflité , que je fullc un homme déteifable , puifque j’ai éié capable de 1 accuicr in-Ugre
Croiroit-orï qü’on a gardé pendant pendant deux Années ce peu de iigncs » ainfi
billets i pour
l ’opinion que j’avois de fon innocence. C ’ cA cependant à do »elles pauvret.*? qu it fane
répondre»
�V
22
Je me trompai,' mon envoi refta fans réponfe. Mais, jç
jfcmpçonnois fi peu qu’on m’eût abufé, que je n’attribuai les
délais que j’éprouvais, qu’au defir que Me. Fouinel pouvoit
avoir de rédiger avec plus de foin, qu’un Ouvrage ordinaire, la
Lettre que j’avois demandée.
f
C e p e n d a n t les délais parurent fi longs, que je commençai
h vouloir en connoître la caufe.
On ne s’attend pas à ce qui me reile à raconter.
L e crime n’efl pas toujours prudent. Je ne tardai pas à être
inflruit de la part d’une perfonne qui le tenoit du fieur de
Beaumarchais même, que cette fameufe conférence où je procédois de fi bonne-foi, n’étoit qu’un piège que m’avoit tendu
le fieur de Beaumarchais, qu’on ne s’étoit propofé d’abord que
de m’engager à écrire quelques lignes, dont on pût inférer quç
je çroyois la dame Kornmann innocente, enfuite de me dé
terminer, en intéréflant ma fenfibilité, à conduire la dame
Kornmann chez fon mari, moins pour y voir fes enfans, que
fous le prétexte d’y yoir fes enfans : il faut bien diftinguer çes
deux chofes.
Ces articles obtenus, on auroit dit au fieur Kornmann : vous
¿ivez reçu la dame Kornmann chez vous, elle y a v u , elle y a
cmbraiTé fes enfans; c’eil votre ami qui l’y a conduite, vous êtes
donc réconcilié avec elle? O r, toute aâion d’adultère eft
éteinte, fitôt qu’il eft prouvé qu’il exifte une réconciliation
entre l’époux qui accufe, &. l’époufe qui elt accufée ; il ne vous
jreile donc plus d’autre parti à prendre que de garder le filence,
�4& )
& de vous ioumettre à la loi qu’il nous plaira de vous faire
jfubir.
Ces articles obtenus , on m’auroit dit : de votre aveu, 5c’
d’après l'écrit que vous avez rédigé : la dame Kornmann eil
innocente, vous avez donc menti à votre confcience en défen
dant fon mari, en transformant en de vils corrupteurs, des
hommes recommandables qui ont pris foin d’elle dans fa mifère;
vous n’êtes donc plus qu’un audacieux Libellifle ; ceux que vous
avez outragé vont rendre plainte contre vous, & demander la
jondion du Miniflère public, pour vous faire punir comme vous
l’avez mérité. En conféquence, le Miniftère public devoit être
engagé à réquerir contre moi les peines les plus infamantes ;
& on eft allé jufqu’à me nommer celui de MM. les AvocatsGénéraux, qui, difoit-on , pour venger M. le Noir, & fur-tout
le fieur de Beaumarchais, dont on ofoit le fuppofer l’am i,
avoit promis de fe charger de cet étonnant réquiiitoire (i).
Une pareille trame eil horrible : elle m’étonna peu, comme
on le penfe bien, de la part du fieur de Beaumarchais; ce n’étoit
pour lui qu’un crime de plus. Il n’y avoit, dans tout cela, que
•le rôle de Me. Fournel qui devoit me furprendre; mais j’étois
fi aveuglé fur fon compte; d’ailleurs il auroit fallu, en le foupçonnant, lui fuppofer un cara&ère fi étrange, pour ne rien
dire de plus, que j’aimai mieux le croire abufé comme
moi (2).
( i ) 'C cft a cette m m ic époque que le fîcur de Beaumarchais annonjoit par tout qu il
alloir me faire condamner aux G A L E R E S .
(cl) J’ai ici une obfervation importante à faire. On a lu à l ’audience les originaux de
mes billets t & on a eu foin de dire , q u ’on en lifo it les originaux. Depuis j ai demande
qu’on m e proJuiiît ces o rig in a u x , comme j ’en ai in con t:ftabl:m :n t le d r o it, & je u ai pu
�Ce n’a étç qu’environ un ou deux mois après, qu’inilruit qu’il
cntretenoit des liaifons fecrettes avec M. le Noir & le fieur dç
Beaumarchais, dans le tems même où je l’avois cru le plus en
tièrement dévoué aux intérêts du fieur Kornmann, je cpmmençai à penfer qu’il pouvoit bien n’être pas entièrement
étranger au complot formé pour me perdre , 8c que je finis par
engager le fleur Kornmann à lui retirçr fa confiance. .
l’obtenir. M e. to n net s’efl: contenté d’en envoyer îles copies à M e. D u veyrier, écrites de
la main de la dame Korninann , Sc encore n’a -t il pas envoyé d’abord des Copies de tous
Us billets. C e n’a été que fur la remarque de M e. D u veyrier, qui s’vft apperçu , que parmi
ces co p iis , il lui en tjiancjuoit un : bien cilen cicllc} que nous fem m es parveuus a nous (es
procurer toutes,
'
Q r , çn premier li-u , pourquoi ne me pro lu it on pas mes originaux, & qui mV.ilure
que les copies qu’on en a faites ne font pas iufiileües ?
En fécond lieu , pourquoi les copies qu’on m ’a produites, font elles écrites de la niait»
(Je U dame Korninann ? Seroit-ce parce qu’on a u rtit voulu m énager à M ?. Fournd l’excufç
de dire cij’ a l’époque où nous nqus fommes occupés cnlsjnble de rapprocher la dame Korn_
mann de fun m a r i , il n’a cru fuivre que mes intentions en les communiquant a La
4 ame
K orninann.
M ais il y a loin cîç communiquer mes billets, à permettre qu’on les copie ; c a r , a quoi
lx>n les copier ?
M a s de p ljs , parmi ces büjet.s, il çn cft un qui ne devoit jamais (ç retrouver dans les
mains de la dam e K orn m ann , & qui cependant s’y retrouve; & on a li bien fenti qu’ il ij;
devoit pas s’y retrouver, que c ’eft précifém cnt la copie de celui-là qui ipanquoit à U
^ollcilion de M ç. D uveyrier.
J),ins cç dernier biJlct, caufant fam ilvrem en t av cc Me. Fouruèl ftim m c dans tous les
a u tre s, je dis ces mots remarquables : J e lui amènera! (es e n fin s , & nous feron s m e (cent
de larmes qui finira tout. Certainem ent un billet de cette efpèto ne devoit pas fe retioavet
dijis les mains de la dame Kortunann.
Non. Q uoiqu’on f tilc , on n’evitera pas le b liin c qu’on a encouru en livrant mes billets,
& de telles rulcs n’empêcheront pas qu’ une upiaion défavorable ne fe forlne fur [e compe
de l'hom m e peu délicat qui le$ a livrés.
Il
�44 \
*5
- i ï étoit important que je rendiiTe compte de ces circonftances.
‘ Or , ces circonilances expofées, j’ai deux chofes à demander.
A-t-on pu faire ufage de mes billets dans cette caufe ? Mes
billets iignifient-ils ce qu’on a eu la méchanceté de leur faire
iîgnifier ?
D ’abord, a-t-on pu faire ufage de mes billets dans cetti
ca.ufe ?
A qui ai-je écrit ces billets ? A M c. Fournel ; c’eil-à-dire au
Confeil du iieur Kormann, à mon C on feil, à notre ami com
mun. Qui les a produit dans cette audience ? Les adverfaires
du fieur Kornmann, les miens. Qui les a livrés à nos adver
faires? Ce même M e. Fournel ( 1 ) , qui nous dirigeoit dans
( 1 ) J’ai dit plus h iu t que c’étoit Me. Fournel qui a v jit engagé le fieur Iv a r n a u iu 1
rendre plainte fpécialement contre le fieur de Beaum archais.
O r . voici encore un fait qu’il faut raconter.
A l’époque des conférences tenues chez M . Ic Procureur du R o i, M e. F ourn il perfiita
• toujours k vouloir que le fieur Kornmann rendit fa plainte ; il la rédigea m im e & me
l ’envoya pour m'en demander mon avis , je l ’approuvai, Si il fu t décidé que le lendcm ai«
ou le furlendemain elle feroit remife à M . le Procureur du Koi.
En eonféquence le fieur Kornm ann fe
ren d it
chez M *. Fournel pour la ligner. A peine
ctoit- il arrivé que le copiflede Me. Fournel parut avec la plainte m ifeau net. Me. Fournel
f r i t la plainte des mains du copifte, & l’ ayant parcourue des yeux , il dit au fieur K orn*
irwnn , c’eft b o n , elle elt exa& cnicn t copiée , vous pouvez la ligner.
L e lietir Kornm annTieurcufem ent aufîi voulut la parcourir. Quand il arriva aux con*
d u rio n s, fa furprife fut extrême de voir que M e. Fournel y avoit ajouté une phrafe, par
laquelle l u i , fieur Kornmanrt, fe défirtoie de toute a&ion contre fon époufeÉtonné d’ une addition fi é tra n g e ,
M e. Fournel. . . .
le
fieur K ornm ann en demanda
la raifon à
J’ai v o u lu , répond celui-ci , vous mettre dans le casd'obten;r une
iuflicc plus prompte de vos cansm is. O n oc vous refufera rien , & j en ai parole, fitét
D
�chacune de nos démarches, fans l’avis duquel nous ne nous per
mettions de rien entreprendre. Mais j’interroge ici tous les
<Jurifconfultes qui m’entendent, quels fo n t, relativement à
leurs cliens , les devoirs rigoureux de l’honorable profeflion
qu’ils exercent ? Peuvent-ils en aucune occafion, révéler les
fecrets qu’on leur confie ? Exiile-t-il aucune circonftance où ils
aient le droit de faire paiTer des mains d’un clien t, dans les
mains de fon ennemi, 8c même dans des mains feulement étran
gères , des a&es, des titres quels qu’ils foien t, qui peuvent
que vous vous ferez défiftè de votre aftion contre votre époufe. M a is , rep’ ujue le lïeur
K o rn m a n n , comment voulez-vous que je puiile pourfuivre mes ennemis que vous m ’avc&
en g ag é vous même à attaquer comme complices de mou époufe, il j’ abandonns mon
a&ion contre elle; avez-vous oublié que vous avez blîm é la m anière modérée Jonc j’ai
parlé de M ad. Kornmann dans mon M ém o ire, & cela uniquement p.irce que vous avex
craint que je nenuifiiTc ainfi à l ’a£Uon que j’ intentois a fes corrupteurs? ne détruirai-jepas
infailliblem ent cette dem iere aélion , Jn moment que mon aâio n contre Made. Korm ann
n’exiftera plus ? comment .peut-on être fondé à pourfuivre des complices quand on renonce
à pourfuivre un accufé principal; y a - t il même des complices où il ne fe trouve point
d’accufé principal ?
L ’obfervat’on étoit péremptoire. M e. Fourncl en fu t un moment déconcirté. Puis fe
décidant à propos , il arracha la requête des mains du fieur Kornmann & la jetta au feu j
proteftant qu’ il n’avoit vou'u faire autre choie que nous fauver , que nous n i connoiflïons
pas le nombre & la puilÎance de nos e n n e m is, q u ’in failliblem en t nous fuccombcrions à
notre a tta q u e , Sic.
C es menaces effrayèrent peu le iîeur K o rm m n n . C r ? y e z , M oniteur, rép ondit-il, que
fi j’ avois été capable de lign er de pareilles conclufions, je m ’en l'rrois puni fur le champ »
en brûlant la main qui les auroic lignées.
Le
lendemain ou le furknd em ain de cette fcènc , Me- Fournel refit la requête d’ une
manière conforme aux intentions du ficnr K o rn m a n n , à quelques mots perfides, pris
ce p e n ia n t, que le Procureur dii iîeur K orn m ann de concert t.vcc celui - c i , crut devoir
retran ch er, avant que de la revêtir de fa fignature.
C e r é c it , n a , je crois , pas bclbin de Com m entaire, J’obfcrvcrai feulem ent que nom
étions encore , a 1 epoque ou tout ceci fe pniTi , tellement confiant dans l ’honncteté de M*
Fourncl , que nous nous contentâmes de croire qu’on l’avoit in tim id é , & qu’ il ne nous
tin t pas dans l’efjprit de foupçonner qu’il eût voulu nous tromper.
�44$
27
intereiîer I honneur de ce client ou fa fortune ? Je vais plus
loin ; quand celui qui vient implorer le fecours de leurs lu
mières feroit abfolument indigne de leur affiftance, de cela feul
qu ils l’ont écouté, ne fe forme-t-il pas entre eux 8c lu i, comme
une convention tacite, qui ne let^r permet plus de prêter leur
miniilère aux perfonnes qui fe font déclaré fes parties ?
Et fi les a&es, que livre à mon ennemi le Jurifconfulte
auquel je m’adrefle, font des titres qu’il a lui-même follicité
de ma crédulité; ii lui-même m’a tendu des pièges pour me
livrer fans défenfe aux hommes que je pourfuis; fi fon cabinet,
qui devoit être à mes yeux l’afyle de la diferétion & de la
confiance, n’a été pour moi qu’un ahtre ténébreux où fiégeoient
à Tes côtés le menfonge 8c la perfidie.
Et fi le Jurifconfulte auquel je m’adreffe , étoit non-feule
ment mon confeil ordinaire, mais mon ami, fi jufqu’au moment
où il m’a trompé , il étoit impoflible que je trouvaife dans mon
cœur auGun foupçon qui m’avertit de me défier de fa bonne foi,
fi j’ai dû m’abandonner fans craipte à fes fatales infpirations,
fi depuis je l’ai trouvé partout agiiTant fourdement pour mon '
deshonneur 8c ma ruine.
Je vous le demande à tous, exiile-t-il un délit plus grave que
celui qu’on m’oblige de révéler en ce moment? Et quand, en
effet, entraîné hors des bornes ordinaires de la prudence, j’aurois
p u -me permettre quelques démarches, tracer quelques lignes
qui m’euffent compromis, auroit-on le droit de s’en prévaloir
„ contre moi? Ne voyez-vous donc pas ici que fi les Magiilrats
pouvoient prononcer , d’après des titres obtenus par un abus de
confiance pareil à celui dont je me plains, ne v o y e z - vous pas»
fans que j’aie befoin de vous le faire remarquer, qu’il n y auroit
plus rien de facré parmi les hommes ; que le recours aux
D 2-
�k
wV
Triburiaux^déjà fi difficile, deviendroit-’ néceflairement tou
2
8
jours dangereux ; que fi l’on ofoit admettre une fois contre un
accùfé quelconque , des titres fournis par celui auquel il auroit
confié le foin de fa défenfe, il n’y auroit pas d’innocent, pas
d'homme injuflement perfécuté, qui ne dût frémir en appro
chant du'cabinet d’un Jurifconfulte; que fi ces cabinets ne font
pas des âfyles facrés h. la porte defquels veillent fans ceffe l’hon
neur &. le fiience, il n’y a plus de repos, plus de fécurité po£
•fibles pour les malheureux qui viennent implorer le fecours des
lois ; enfin que fi l’on ne pofe pas en maxime que tout titre
livré par le confeil d’une partie eft un titre obtenu contre la foi
publique, & dont l’ufage doit être févérement interdit, l’ordre
focial tout entier eft infailliblement ébranlé, p uifque l’ordre
• focial n’exifte que par la loi , &. que la loi n’eft plus qu’une
inftitution illufoire, partout où l’homme qui l’invoque peut,
’avoir quelque chofe à redouter de ceux - là m êm e, quelle a
chargé du foiii de le défendre.
Jurifconfultes honnêtes , qui m’écoutez , ces maximes
font les vôtres , & l’outrage dont je me plains , eft un ou
trage fait aufli à la noble profeffion que vous exercez. Pourquoi
m Vt-on forcé de parler, quand, depuis deux ans, bien con- vaincu de l’abus de confiance-, dont je viens de rendre com pte,
r je m’étois impofé l’obligation de me taire? Ah! croyez que de
r tout ce qu’ils ont imaginé dans cette audience, pour aigrir ou
• affliger ma fenfibilité, rien n’a été plus douloureux pour m oi,
r que la néceffitéoù ils m’ont mis de révéler une faute que j’avois
pardonnée, que la cruelle alternative dans laquelle ils m’ont
placé, ou de manquer à ce que je me devois à moi-même, ou de
faire connoître publiquement, comme un perfide, un homme
; honoré d’un Miniftère que vous rendez fi refpeitable par vos
lumières & par vos vertus.
�-9:
r - C e n’eft pas tout : non-fisuiement, orj n’a.pu.£e prévaloir de
mes billets dans cette Caufe mais 'ils offrent précifément un
fens oppofé à cçlui qu’on a eu la mauvaife-foi de leur donner ;
mais le fens qu’ils.-offrent ne fait qu’ajouter à l’opinion .qu’on
, a déjà fi généralement conçue de la pureté des motifs qui m’ont
çonftamment déterminé dans tout ce que j’ai entrepris pour la
defenfe duiîeur Kornrnan.tf.. - r
1 e n ; ,j- Car enfin, M e ssie u rs, que trouve-t-on'‘dans ces billets,
jmême en les confidérant, indépendamment des circonllanœs
dont je viens de parler ? Y trouve-t-pn, commç on a ofé vous
le dire, que j« crois la dame Ivoinmanri innocente? Que fâché
'd’avoir écrit eu fay.eur du feur Kornn^un-, je voudrais bien
trouver le moyen de la réconcilier avec lui; enfin^ qu.e^moimême j’ai follicité cette réconciliation? N on , certes: & il
falloit être doué d’ un efprit auffi faux que méchant, pour
mettre à côté de ces billets iï fimples, des opinions de ma
. part, après ce que j’avoit fait, après ce que je n’ai celle de faire,
fi peu vraifemblables 8c fi ridicules.
Q u’y trouve-t-on donc, quand ce n’eft pas avec le deffein de
de calomnier qu’on les lit? Ceci feulement, que je promets de
venir au fecours de la dame Kornmann, fi elle confent à fe
féparer avec éclat de fes corrupteurs ; fi elle m’écrit une lettre
que j’aurai le droit de rendre publique, où elle confeifera que
les confeils perfides d’une troupe d’hommes fans foi l’ont éga
rée ; fi, dans cette même lettre, elle rend hautement juiîice
aux aflions conflamment nobles, conftamment généreufes de
fon mari (i).
( i ) V o ic i co m m e D t je m ’exp lique: « V o u s rjpyc*.qu’il.cft de la plus.liuut« itnpprtance
•)} que notre plan s’exécute , il faut abfolum ent q u e vous aracniez Madame K o m it ia p a à
�I*
3°
Qu’y trouve - t - o n encore? que ces préliminaires remplis,
je m’engage à faciliter à la dame Kornmann les moyens
de fe juftifier : ce qui ne veut pas dire, ainfi qu’on a eu l’impu_
dence de le prétendre, que j’offre de lui fournir les moyens do
combattre avec avantage le fieur Kornmann, puifqu’çn même-*
tems, je le repète, je veux qu’elle lui rende hautement juilice,
puifqu’en même-tems je le repète, je veux qu’elle avoue que de
perfides confeils l’ont égarée; mais ce qui veut dire Amplement
que je fuis prêt ¿'ménager fa défenfe, de manière à ce que,
fans diffimuler fes fautes, elle en rejette tout l’odieux fur chacun
de ceux qui l’ont favorifé dans fes défordres, comme je l’avois
fait' moi-même jufqu’alors ; comme je n?ai ceiTé de le faire,
depuis ( i ) .p
*
» écrire à M . le Noir & à M . de B e a u m a rch a is, uns lettre courte, iîmple & noble, dans
» laquelle elle dira : que revenue de fe s erreurs, voyant dans toute la profondeur l'abyme où
on l ’a entraînée\ elle f e propofe de rendre compte au public de f a conduite , qu elle
t> s'éloigne d'eux f i n s retour » . E t on a. ,pr<Jduic ce billet ? l’audien cc, pour prouver que
jecro is la
dam e
Kornmanp, innoccpte ! A u .r ç ftç , remarquez dans ce billet ces mots«,
et Vous voyez qu’ il cil de la plus haute importance q\ie nQtre p|an s’exécurï » . Le plan
dont il s’ a git ici , é to itd o n c autant le plan de M®. F o u rn cl, que le ir.i:n , & comment
aprèj cela Mé. F o u rn d a-t-il eu le courage de livrer mes billets À la dame K ornm ann & à
fon défenfe ur ? C o m m e n t n’ a -t- il
pas fenti qu’ en donnant à mes billets une interpréta
tion auflî fiu llc que calqm nieufe, l ’opinion qu’ il cflayoit de former fo n tre tu p i, il la
formoit encore plus contre lui.
( i ) V o ic i encore ce que je dis dans un Sucre de mes billets : c< Sauyons M adam e K orn » mann fur toute cl.ofc ,
& préparez le canevas des lettres dont je vous ai parlé ( les
?> lettres à M . le Noir & au lieur de Beaum archais ). Vous fave? quelles font mes in ten.
» tions , & li la Nature m’ a doué d’ une âme méchante. Je contribuerai de bon cœ ur à lu j
» f.rrc jouer dans le public , le rôle le plus iiitér^flant & le plus noble, pourvu qu’elle
» veuille s’y prêter », M ais en quoi pouvoir confiftcr ce rôle intércifant& noble? n’étoit cc
pas à s’ élever, en quelque fo r te , au delTus de fes fau tes, en ne ro u giflan t p u d’en faire
l ’aveu? E t p:ut-on en douter, quand qp renia rque que je dem ande, avant t o u t , qu’oit
é t f i r c M . à le Noir & au fieor de Beaum archais ? O r , oa a vu plus haur dans quels terme*
�44.1
‘ Enfin, qu’y trouvê-t-'on, fi dn les confidère relativement
aux circonflances dans lefquelles ils ont été écrits, relative
ment aux moyens qu’on a mis en œuvre pour me les faire
écrire ?
Que j’ai été dupe, en les écrivant de'm a- confiance en un
homme dont je n’ofois më permettre de ibupçonner la bonnefoi; que j’ai peut-être trop facilemént cédé à la pitié qu’il tâchoit de m’infpirer pour une femme coupable ; qu’au moindre
figne de repentir que cette femme m’a donné, ou plutôt qu’elle
a feint de me donner de concert avec l’homme qui me trompoit, je fuis allé au-devant d’cllé pour l’arracher à la deilinée
qu’elle fe préparoit; enfin, que j’ai vivement fouhaité qu’il
put exifter un moyen de la rapprocher de fes enfans, en la féparant de fes corrupteurs ; 8c qu’en conféquence, je me fuis
prete fans effort, fans précaution, a faire toutes les démarches
qu’on a exigé de moi pour opérer ce rapprochement falutaire.
. " '
'
< .
ç;
.
!.
r
Voilà tout ce qu’on remarque dans mes billets; voilà tout
ce qui réfulte des circonflances dans lefquelles on me les a
fait écrire.
r E t ce font là des crimes! Et des intentions fi douces 8c fi
pures, ont été travefties en intentions malfaifantes! Ah! je ne
m’en défends pas. Oui, j’ai voulu fauver la dame Kornmann;
oui, j’ai faifi avec toutTempreflement d’une âme honnete 8c
fenfible, l’occafion qui m’a été offerte de diffiper l’illufion
je veux qu’on leur é c riv e , & conjtncnt j ’cxige.«ju’on Jcur déclare, qu on rcnoncc pour
toujours à leur io d écé.
4
�32
fatale dont elle aimoit à s’énvironner; o u i, j’ai defîré la fépa
rer de fes corrupteurs; oui, je nai pu fans frém ir,voir fe brifer,,
fous mesyeux , les liens qui l'attachaient à fes enfans.. . . . . . #
Une mère & des enfans, & un éternel iilence entre une mère 8c
des enfans. .*>................. .^Cette idée étoit horrible pour m oi,
8c c’étoit parce qu’elle étoit horrible , que dans tous le i
Écrits que j’ai publiés dans cette Caufe , je me fuis iingulièrement occupé depréfenter, fous un point de vue intéreflant,
celle que d’affreufes circonftances m’obligeoient d’accufer ;
c étoit , parce qu’elle étoit horrible , que plus cette
femme eft devenue criminelle , 8c plus ma pitié pour elle
efi: devenue profonde ; c’étoit parce qu’elle étoit horrible,
que plus les auteurs de fes honteux égaremens m’ont
perfécuté , 8t plus j’ai éprouvé d’émotion en fongeant au fort
cruel qui devoit être un jour fon partage, & moins j’ai pu me
réfoudre à manifefter l’opinion, hélas! trop véritable que je
m’étois faite de fa dépravation profonde ;'efpérant toujours
qu’un moment viendrait, où tant de modération de ma part,
opéreroit dans fon dîne une révolution falutaire, 8c n’ofant pas
hum ilier par des vérités trop févères, celle qui pouvoit encore
fe montrer fi digne d’être honorée, par un retour fincère à
la vertu.
Infortunée! vas, je te pardonne tout le mal qu’ils ont voulu
me faire en ton nom. Quelque part qu’ils t’ayent donnée dans
leurs lâches com plots, ne crois pas que je t’impute aucun de
ceux qu’ils ont formé pour me perdre. Non , jamais, quoique
'tu faffes, tu ne trouveras dans mon cœur que de^laco.mpalfion
& de l’indulgence.
Infortunée ! dans quel abîme de corruption ils t’ont fait des
cendre ! Comment celle qui rempliffoit fes devoirs avec une
fidélité
�fidélité fi touchante èc il refpeftable, comment celle qui pré-:
feroit aux vains plaifirs du monde , la paix de fa maiibn, le
bonheur tranquille dont elle joüiiToit auprès de fes enfans ,
comment eft-elie devenue la plus perfide des époufes , la plus
infenfible des mères ? Oh ! pourquoi n’es-tu pas ici ? Pourquoi
fous les yeux de tes J u ge s, enpréfence de ces femmes qui m’écoûtent 8c qui font mères comme toi, pourquoi ne pùis-je in
terroger ton cœur? Non , je ne le crois pas; non, quelqu’ayent
çté tes fureurs, tes égaremens, tes attentats, ils ont égaré ton
cœur, ils ne l’ont pas entièrement corrompu / La nature garde
le cœur d’une mère ; il eiï des méchans qu’elle laiife fans re
mords; mais pour la confolation 8c le bonheur de l’efpèce hu
maine , alerté d’une mère coupable, elle place toujours le re
pentir!
. Hélas ! peut-être en ce moment, tu pleures foiitaire 8c délailfée ! Peut-être tu gémis fur les funeftes confeils qu’ils n’ontceffé de te donner jufqu’à ce jour; peut-être confidérant déplus
près l’avenir dont je t’avais menacée, tu regrettes d’avoir cher
ché à me trahir, quand-je m’occupais avec tant d’intérêt de te
tendre une main fecourable ! Combien elles doivent être
amères tes larmes ! Comme je les vois totflber lentement fur
ton cœur ! Que de fautes elles expient à mes yeux'.Infortu
née , . . . tu ne verras plus tes enfans, 8c tu pleures !....
Voiis, qui devez la juger; vous, les témoins de mon trouble
8c de la douleur que j’éprouve, en fongeant au fort qui lui eft.
maintenant réfervé ; non, vous ne ferez point inexorables, vous
aurez pitié d’une mère , puifque nous nous fommes vus forcés
d’acçufer une mere devant vous ; je le fais, il en efl peu d’auiîi
coupables : mais auffi, exiih. - t - i l jamais une fociété plus ,
E
�*
H
pCrverfe, plus corrompue que celle dans laquelle une première
f a u t e l’a malheiïreufemeht entraînée? _
Lorfqu il s’àgit de punir une femme infidelle , qüélqües
foicnt Tes erreurs, quelques foient même Tes crimes, n’oublions»
jamais que la première caufe de fes erreurs & de fes crimes
• ne fut pas en elle-même ; que c’eft toujours une féduâion étrari*
gère qui les a préparées ; que la nature, qui fit les femmes polir
aim er, leur donna aufli plus d'abandon dans lé développeinéfrt
de leurs partions ou de leurs féntimens ; que prefque toujours
toute la raiion d’une femme efl dans fon cœur; qu’il eft comme
impoiTible qu’elle ait d’autre morale que celle de l'homme
qu’elle aime , & que fi cet homme eft artificieux 8c méchan*,
il faut bien enfin, à moins que quelqu’évé n e m e n t imprévu ne
diffipe le charme qui la fé d u it, qu’elle devienne , comme in
volontairement la complice de fes artifices & de fa méchan
ceté ( i).
• N on, encore:une fo is, vous ne ferez point inexorables,vous
nè verrez pas d’un même œil & les bourreaux & la viftim e, &
cette troupe d’hommes fans fo i, dont vous connoiffez mainte-
' f i j J î rem arque une choie bien étrange dans flos m œ urs. U n hom m e cité pour fa vie
Jnccntieufi , un- homme qui- aura porté le trouble dm» vin g t ménages ,. n ’en:ourrc aucunr
blâm e ; on le v ç it fin s ferupule , on l'a ccu eille avsc in té rê t, on plaidante même avec lui
de cc qui fait la d é fla tio n des fam illes qu ’ il a désho.-.orées, & une femme que tan r de
circonftances c.Tcufcnt q u e lq u e fo is , fi m aîheureufem ent fon infidélité eft devenue tro p
pttbHqne, fc trairre rout-ir-coup vouée'a l ’abâm !on & a la honte i certainem ent je ne veux
j u s q u e - la fem m e qui s'cft b iffée fé d u ire ,
4c q u i,
f u r t a u t , a donné trop d’éclat à fes
fa u te s , conferve encore une conlidération qu'elle a m érité de perdre ; m ais l'hom m e
qui l’a fédulte , n’eft il donc pas plus coupable, & p o u rqu o i.le traite-t-o n avec une R
Ihm daleufc in dulgen ce, ' UDdis qu’ on la punit, e lle , avec taat de rigu eu r & de f é » ir iic l
.
—
�4S\
35
riant tous les crim es, & l’infortunée qu’ils ont perdue. Le Ma*
giilrat, chargé des importantes fondions du Miniftère public j
faura déterminer la julle diftance qu’il faut mettre entr’eux.
Vous l’entendrez, avec cette éloquence énergique & douce,
avec cet efprit de lumière qui le cara&érife, établir des difc
tin&ions néceflaires entre la femme adultère , & celui qui la'
détournée de la route de fes devoirs ; il vous préfentera dans
tout fon jour cette vérité fi fimple & fi importante en mêmetems que la nature elle-même punit la femme adultère d’une
manière déjà bien rigoureufe, en la privant de toutes fes affedions domefliques , ( i ) en brifant les liens qui l’attachoient à fes enfans , en mettant une éternelle folitude danç
fon cœ ur, & tandis qu’il appellera toutes les vengeances de$
Lois fur la tête des coupables, que nous vous avons dénoncés,
vous le verrez accueillir, avec i n t é r ê t , la prière de celui que
nous avons défendu., la prière d’un époux couvert d’outrages,
q u i, pour fe garantir des attentats de ceux qui lui ont ravi fon
¿poufe, forcé de l’accufer elle-même, ne vous demande pas
fa honte, vous conjure , au contraire, d’éloigner d^elle toute
(0
Prçciftm cnt parce que les f : mn'.es font faites pour aim er, elles ne font Hcurcufe*
«jue par des rapports dom efiiqujcï, & ces rapports leur font-encore plut cflcntieJs qu’i
nous. L a vo cat.o n d’ une fem m e, fi je peux me fervir «le-ce m o t, cil d e tre époufe &
m ère ; & fa vie , m algré le tumulte du monde , n’eft prefque toujours qu’ L’n î vie foücaire,
in quietts & p kijje d’canifis ; quand Ies'aiRcHoiU de mère & d’époufe lui m a n q u en t..O r,
l ’ jd u ltcrc une fois cp np u, fiiparont nécciTaircmeni une fem m e de fa fam ille , I’ifol.mt
in fa illib lem en t de tout ce qu’cJJe devoit a im e r , porte avec lui fa peine, & une peine q u i,
m alheurçufcm ont.nc peut finir qu’ avec l'infortunée qui en eft l ’omet. Mais, d’apics cette
id é e , nos loi* qui p'Jni/Tent avec autant d« févérité la fcnjine infùjellc que fprç corrup
teur , ne font-elles pas fufceptibles de quelque reforme ,
& a l ’égard d f la femme in fi
dèle , fi la rature venge les m eturs a rc c tant d’énergie , fiut-il encore ajouter beau?
ceup de chofe à la vengeance f
B 'j
Hé
�condamnation trop févère , 8c ne defire autre chofe de votre
juilice , finon que vous déterminiez fon fort, de manière à ce
qu’elle ne puiiïe s’égarer davantage.
. Hélas ! j’ai vu les plus hautes protégions employées a fouftraire à un châtiment trop mérité , les fcélérats qui ont con
sommé fon opprobre. J’ai vu le Magiftrat prévaricateur, qui,
au mépris des Lois les plus faintes, s’ell occupéde la favorifer
dans fes défordres ; j’ai vu l’homme vil auquel elle s’eft aban
donnée; j’ai vu l’homme audacieux qui s’eil fait un mérite de
ta fouftraire à l’autorité de fon époux ; je les ai vus tou s, en
vironnés de ce que le crédit a de plus im pofant, l’intrigue de
plus dangereux, l’autorité quelquefois de plus formidable, 8c je
n’ai vu perfonne s’intéreiTer véritablement au fort de cette infor
tunée, & depuis qu’elle a quitté la maifon de fon époux,tous ont
cherche à mettre k profit fes erreurs, tous l’ont encouragée dans
la carrière licentieufe qu’ils ont ouverte devant elle , nul n’a
youlu lui donner un confeil falutaire. Et moi feu l, peut-être ;
j’ai cherché à la fauver, 8c vous voyez comme ma pitié pour elle
a failli me devenir funefte, 8c vous voyez comme ces hommes
affreux ont tenté de tourner à ma honte tout ce que j’ai entre
pris pour la rappeller à fes devoirs ; comme ils ont eflayé de
transformer, en démarche crim inelle, la démarche la plus in
nocente, la plus fnnple, la moins fufceptible d’une interpré
tation défavorable.
Après cela, dois-je me repentir d’avoir été trop crédule dans
une circonftance où ma crédulité, quoiqu’excitée parles motifs
les plus nobles, a pu avoir pour moi des conféquences fi cruelles?
Non : j’aime encore mieux être imprudent qu’impitoyable. S’il
efl des larmes perfides, on pourra, je le fens, me tromper en
core , 8c quelque dure que foit l’expérience que j’acquiers
�w
37'
aujourd'hui, ce fera'toujours avec le même abandon, la même
difpofition à me laiiTer féduire par de trompeufes apparencesj
que j’irai au-devant des malheureux qui imploreront mon
appui.
v
jr
Je paffe au fécond reproche qui m’eft-fait. Vous n’avez point
oublié qu’il a pour objet ce que j’ai dit du Prince & de la Prineeile de NaiTau dans mes Mémoires; qu’en conféquence de.
ce que j’y ai dit de l’un 8c de l’autre, le Prince de Nafiau a rendu
plainte contre le iîeur-K..ornmann 8c contre moi; 8c que, fur
cette plainte, grâce à la complaifance des premiers Juges,nous
nous trouvons tous les deux décrétés d’ajournement perfonnel.Je remarque, entre le Piince de NaiTau 8c m oi, deux efpèces
de difficultés : des difficultés de f o r m e , 8c des difficultés de
fond.
Difficultés de forme. Il prétend que la plainte qu’il a rendue,
contre nous eil régulière’; 8ç m o i, je foutiens qu’elle eil récri- ‘
minatoire.
Difficultés de fond. Il prétend qu’il a eu raifon de rendre :
plainte contre nous, parce que nous l’avons calomnié: 8c m oi,
je foutiens q u e , loin de l’avoir calomnié, nous n’avons pas
dit de ltli tout ce que nous pouvions, tout ce que nous devions
dire.
Je m’arrêterai peu fur-les difficultés de forme.
Le Prince de Naiïau afïure que j’ai tort de regarder comme
récriminatoire la plainte qu’il a rendue contre nous, attendu,
d it-il, qu’une plainte récriminatoire eil la plainte que rend,
un accufé contre fon accufateur, 8c que nous ne l’avions pas
accufé lorfqu’il a rendu plainte conrre nous.
�3$Et comment le ’ Prince de Naiïauveut il prouver qu’à cette
époque, il n’étoit pas accufé ? De deux manières;
5
Il n’étoit pas accufé, parce q u e , quand il a rendu plainte
contre nous, il n’étoit pas décrété, & q u e, parmi nous, il n’jr
a que le décret qui accufé,
Il n’étoit pas accufé, parce q u e , quand il a rendu plainte
contre nous , non-feulement, il n’exilloit point de décret, mais
même il n’exifloit pas de plainte fpéciale contre lui de la part
du fieur Kornmann.
A ces deux moyens, j’oppofe deux réponfes bien fimples.
Premièrement, il eil faux que, fuivant notre jurifprudence #
il faille être décrété pour êtrea'ccufé. Deux“particuliers rendent
plainte le même jo u r, l’un contre l’autre fur le même fait, en
s’accufant mutuellement. Dans cette pofition , quel eil le
devoir du Juge. Peut-il accueillir les deux plaintes à la fois?
N’eil-il pas tenu au. contraire de rejetter l’une pour adopter
l’autre? De déclarer ainfi qu’entre ces deux particuliers, l’un eil
accufateur & l’autre accufé? E t cependant il n’a point encore
prononcé de décret. Ce n’eil donc pas, comme vous le voyez ,
le décret qui accufé, mais la plainte; puifque dans cette h ypoth èfe, c’eil entre des plaintes qu’on choifit pour déterminer
quel eil l’aceufé & quel ell l’accufateur.
n
En fécond lie u , il eil faux que lé fieur Kornmann n’ait pas
rendu plainte contre le Prince de Naflau , bien antérieurement
h la plainte du Prince de Naflau, contre lu i; car, dix-huit
mois avant la plainte du Prince de Nauflau, le fieur Kornmann
avoit rendu une plainte générale contre le fieur Daudet, fes
complices, fauteurs & adhérens. O t , le fieur Kornmann a
dém ontré, & je le démontrerai dans peu davantage, que le
Prince de NaiTau eil un des complices du fieur Daudet. Il eû
�40
39
do rtc ¿vident qt/en rendant plainte contré îe iieùr Daudet,
il a rendu plainte aufii contre ïe Prince de Naffau.
Mais , dites-vous, ces mots com plices, fauteurs & adhérans
-qui fe trouvent dans la plainte contre le fieur D aud et, font
des mots que vous pouvez appliquer à tout le monde, 8c qui,
conféquemment, ne s’appliquent à perfonne.
O u i, je peux appliquer ces mots à tout le monde; maisl’effentiel eft de favoir ii je les applique bien ou mal.
S i, par exemple, je ne vous démontre pas que le Prince de
Naflau eft fauteur, complice ou adhérent du fieur D a u d et, il
fe trouvera que j’ai mal appliqué ces expreiîions au Prince de
Naffau, qu’il n*eft pas accufé, & que fa plainte n’eft pas récria
•minatoire.
Mais fi je vous démontre invinciblement que perfonne nV
plus favoriie le d élit & la continuation du délit du fieur Daudet
.que le Prince de Naffau, il fe trouvera que j’ai bien appliqué
au Prince de Naffau la qualité de com plice, fauteur ou adhé
rent du fieur Daudet; q u e, dès-lors, il eft néceffairement com
pris dans la plainte que le fieur Kornmann a rendue contre le
fieur Daudet; que, dès-lors, il eft accufé; que, dès-lors aulïi,
la plainte du Prince de Naffau eft récriminatoire.
Ces idées font trop faciles à faifir pour que je m’y arrête dar
.vantage : j’arrive aux difficultés du fond ; c’eft-à-dire, à la ca
lomnie que m’impute le Prince de Naffau.
. *.
, S’ i L faut croire le Prince de Naffau, je l’ai calomnié, nonfeulement dans fa perfonne; mais ce qui eft bien pis, dans la
perfonne de. la Princeffe de Naffau, fpn époufc.
. Et fur quoife fonde^t-il pour dire que je f a i calomnié? fur
�ti
• -\
r '4 °
(deiix phrafes qui fe trouvent dans deux de mes Mémoires. Et
quelles font ces deux phrafes (i)?
- ¿.
: - L e f i e u r d e Beaumarchais publie un Écrit, où:il annonce
qu’il ne s’eft chargé de faire des démarches en faveur dé la
dame Kornmann, qu’en conféquence de la miffion expreife
qu’il en a reçue.chez le Prince de Naffau.
'Et' moi je réponds au iieur de Beaumarchais, que la miifion
qui lui a ét.é donnée chez le Prince de Naifau, par quelques
hommes corrompus & quelques femmes fans pudeur, ne fuffit
pas p .mr le juiKfier du rôle odieux que je lui reproche.
M.. le Noir publie un Écrit où il dit. que la PrinceÎTe de
JNaiTau, a vivement follicité auprès de lui, la liberté de la
dame Kornmann, 8c ce qui eft bien plus fort, où il nous apr
prend q u e l l e a e n v o y é aux M in ières des Mémoires, dans lef-r
quels, à coup fur, afin de difculper la dame Kornmann, elle
ne traitoit pas le fieur Kornmann avec beaucoup de .ména
gement.
;
. Et moi je réponds à M. le Noir que les.follications de la
Princeffe de Naiïau, ne l’excufent en auçune façon à mes*
( i ) O n trouvera ic i trois ou quatre pages de réflexions déjà développées dans mon
grand M ém o ire contr« le P rin ce de N aflau ; il faut b ien , m a lgré m o i, répùter ces
réflexions, & trè j-fo u ye n t dans les mêmes termes >quand ;e ne puis reneontrer m ieux ;l
l’Avoc.it du Prince de Naifau n’a fait autre cliofc Ü l’audience que p a te n te r k s o b je d io n s
cf.ic je me fuis faites dans cc même M é m o ire , & tout fon art â conlîfté à ne pas dire un
m ot de mes réponfes. Cependant cet A v o c a t, comme les trois autres , prétend que mes
M ém oires font fa m e u x , que tout le monde les.a lus
mais alors n’ i - t - i l p as.un peu
m an qu é, non-feulem ent de b o n n e-foi, mais de .pudeur, en extrayant de ces M ém oires fi
connus , tout ce'que j ’y avois m is n u i-m cin e à. m a tlia rg e , afin d’en com poler fon P la i
doyer , & en laiil'ant"dû côté toÜJ l e ; raifonnemens) un peudécififs, il élt v r a i, dont je
ïn ï fuis fervi pour liét^uut fans jretour les im putations que je prévoybfadevoir un jour
m'erre faites.
yeux,
�4j y
,
.
.
.
4 *
. ..
*
.
*
yeu x, attendu qu’il favoit très-bien qu’il exiftoit desrelation£
intimes, entre elle & le fîeur Daudet, & que lui-même, en
parlant de ces relations au fieur Kornmann, ne s’en étoit pas
expliqué d’une manière bien avantageufe.
Voilà ce que j’ai écrit. O r, pour favoir fi j’ai calomnié en
écrivant ainii, il faut rechercher fi ce que j’ai écrit eft vrai
pu faux.
E t d’abord, en ce qui concerne la PrinceiTe de NaiTau, elle
ne niera pas, & tout le public fait comme moi, qu’il exiftoit
entre elle 8c le iieur Daudet, des relations intimes. M. le Noir,
defon cô té, n’oferoit pas nier, s’il fe trouvoit ici en préfence
du fieur Kornmann, qu’il n’a pas parlé de ces relations, en des
termes très-honorables.
M . le N oiravoit ent re fe s mains les regiftres de Ja Police,
remplis de notes infamantes contre le fieur Daudet , regiftres
dont, dans les cours momens de fa profpérité, le fieur Daudet
avoit vainement follicité la fuppreffion, regiftres qui dépofent
encore en plus d’un lieu cjue le fieur Daudet eft un efcroc, un
intriguant, un homme fans principes 8c fans f o i, & , d’après
cela, dequel œil M . le Noir pouvoit-il voir les relations de la
Princefle de Naffau avec un. tel perfonnage ? Et comment entreprendroit-on de nous prouver aujourd’hui que nous en avons
im pofé, lorfque nous avons affirmé que M. le Noir en s’expli
quant fur de telles relations avec le fieur Kornmann, n’en a paî
parlé d’une manière favorable(i) ?
( i)
les
b ien
L ’A rocat du fieur D audet a ofé me faire uu crime de ce que je cite ici
régim es de 'la Police , 8t il a déclaré avec une
* fuuluitcr
q u ’i l
renonçât ,
qu’ il
me
emphafe à laquelle
rcndoit
iclponfable
il ferpit
«.eCoutcs
F
les
�M a i s , me répliquez-vous , qu’importe tout ce que vous
dites ici.? En avançant qu’il ejuiloit des relations intimes entre
la PrinceiTe de Nafiau 8c le fieur Daudet, vous avez fait naître
des foupçons fur les mœurs de laPrincefle de Naffuu, 8c fous ce
point de vue vous êtes toujours bien coupable.
N on , je ne fuis pas coupable. S i , dans cette occafion ,
comme vous le prétendez , les moeurs de la Princefle de
Nafiau ont été ofïenfées, à qui doit-elle imputer cetteoffenfe?
Ju fais, pour un m om ent, une fuppofition impofliblc. Je fuppofequa le fieur Daudet, que vousconnoiiïez maintenant pour
le plus vi l , le plus odieux de tous les hommes , fi le fieur de
Beaumarchais n’exifioit pas , foit au contraire.un homme d’une
çoiu|uite pure St irréprochable. Eh bien , dans cctte hypotlicfe,
quand j’ai dit qu'il ex ifloit des relations intimes entre la Princefie de Nafiau & le fieur D audet, je n’aurai rien dit qui puilïe
faire foupçonner les mœurs de la PrincelTe de NalTau. Et pour
quoi? parce que des relations intimes entre la PrinceiTe de Naffau & un homme de bien, ne peuvent qu’être honorables.Ce
imputations que
je m’etoi* permife», d’aprèi c ; que p o iro it tontenir et» n u !h «u -
reu i re£iftrc> i l'A voeat du fieur Daudet n '.tro 'i p u befoin rie faire tin t »le fctui«; •«
xpf fiiu toii.o’J f* ren.lu lefponfable Je tout ce que /a i dit ou ¿ t n t , depuis que je me m 'Ie
Je dire o j d e a ire - Je déclare lion: ici que (i l«t Kegülrc« «le h Police n- .îipofent p u que
le fie ir D j j J c i c.1 un in tti^ u an t, un cfctoc , un homme fin? principes & O n, fu i, je cooftm a pa(Ter pour en n o i r impofé au P.ib!ic & au* M agiftrJts. Ap*es cette I r .l a t a t io a ,
le lieur Daudet n'a pîui qu'une choie à faite- C/ctl <k io llm te r un A trct de la C o u r . qui
orJonoc l’apport iîc» Ktgiftre» de la P o lic e , 01 birn je le foilictterai , r a o i , 8t pi i»
■ o j»
Il
*e »on» te qui féfu lt:ra de ta fonfron: >:i.»o de t r t Hep.-ftrei >»ee le(‘« m D aiik't.
faut dire cneoeeque t ’eft .le M le Noir . j-: r>o n te ’•vu j ie le tioa» d'i fitur Dai: let
qui fc tr o jr e e n piut d'uo lieu lu» I«* K cgi r u .U la P o ù s ', o ’jr cil n j|I-: p-ui aeion^rig
J u ta epiii
h-wotaWe, A p tit tela, c « f i;:n c r : M le No»» a*t il pu U m i ladauvc
r u an au Ikur Daudet. Je lui Utile cette q j « t W i t tii’%
»-» re .
�43
n’oft donc uniquement que parce que.le fieur Daudet eft en
vironné de la réputation la plus infâme , que je n’ai pu-, félon
vous, fans que les mœurs de la PrincelTe de Naflau aient été
oiîenfées, parler de fes relations avec elle ; mais alors , à qui
doit s’en prendre la PrincelTe de Naflau? Eft-ce à moi qui inc
fuis vu contraint, parla nécel'fité de la défenfe du fieur Kornmann , de faire remarquer de telles relations ? Ou à c l b , qui
ne s’eft fait aucun ferupule de les entretenir ? Ou h elle , q u i ,
en recevant habituellement dans fa maifon, comme fon homme
de confiance, comme fon ami , un perfonnage de tout point mal
famé; en le fervantoutre-mefure dans une circonftatice où il
ne méditoit qu’un crim e, a donné à connaître combien fa ré
putation lui étoit peu chère, 8c n’a pas craint de préparer ainfi
fur elle -même l’opinion défavorable dont vous m’accufez fi inconfidcrétncnt d’être l’ Autcur aujourd'hui ?
lu puis, pourquoi me parlez-vous ici des mœurs do la Prin
celTe de Naflau ? Kt comment pouvez-vous dire que j’aye fongé
il les oftenfer, quand les Mémoires mêmes dont vous vous plai
gnez, prouvent évidemment qu’il eft impoiTible qu’un tel dclTcin
me Toit jamais venu dans Tefprit?
N'avez-vous pas remarqué que dans ces Mémoires, en mèmetems que je parle des relations de la PrincelTe de Naflau avec
le fieur Daudet, je rends compte dans le plus grand détail de la
pafiion du fieur Daudet pour la dame Kornmann? N avez-vous
pas remarqué que dans ces mêmes Mémoires, j’expole qtte c eft
pour fervir cette pallion malhonnête, que la PrincelTe de Nallau a fait un fi grand nombre de démarches, toit auprès de M.
le N oir, foit auprès des Minirtre*.
O r , fi ?’v rends com pte dans le plus grand détail , de la p\ffiondu fieur Daudet pour la dame Kormn »tui, <>l >’ peins cnmêtrtc
K «j
�44
tems la Princeffe de Naffau, tout occupée de fervircette paflion
malhonnête , comment pouvez-vous fuppofer que mon deffein
ait été de donner à entendre un feul inftant que cette même
PrinceiTe de Naffau n’agiffoit ainfi,que parce qu’elle étoit éprife
du iieur Daudet. Ne fentez-vous donc pas que dans une pareille
hypothèfe, l’intérêt de la Princeffe de Naffau eût été précisé
ment d’éloigner la dame Kornmann du fieur Daudet , & que
dès que je vous la préfente , au contraire , employant tout ce
qu’elle a de crédit, & de moyens pour rapprocher le fieur,Daudet
de la dame Kornmann, néceffairement je fuis allé au-devant de
l’opinion qu’il ait pu exifter entr’elle 8c le fieur Daudet des ha
bitudes offenfantes pour les mœurs, des habitudes femblàbles
à celles qui exiftoient entre le fieur Daudet par exemple, & la
dame Kornmann. Tout cela eft fi clair , que je n’ai pas befoin,
de m’y arrêter davantage.
A i n s i , je n’ai pas calomnié la Princeffe de Naffau. Voyons
m aintenant fi le Prince de Naffau p e u t, avec plus de raifon ,
prétendre que je l’ai calomnié.
J’o u v R E le Mémoire du fieur de Beaumarchais ; & qu'y
vois-je ? Le Prince de Naffau agiffant ,' écrivant, multipliant
les démarches pour procurer à la dame Kornman fa liberte.
J’ouvre le Mémoire du fieur de Beaumarchais, 8cquTy vois-je?
Le Prince dé Naffau invitant le fieur de Beaumarchais à fe pré
valoir des Lettres du fieur Kornmann au fieur D au d et, pour
lépandre en fecret chez les Miniftres l’opinion que le fieur K.ornmann avoit vendu fon épotife au fieur Daudet , tandis qu’ea
Public , n’ofant pas fe prévaloir de ccs mêmes Lettres, qui atteftent précisément, 8c d’une manière invincible, l’opinion con*
�¿féî
45
traire, ils s’efforçoient l’un 8c l’autre de faire regarder le iieur
Kornmann comme le mari le plus jaloux & le plus intraitable^
Enfin j’ouvre le Mémoire du fieur de Beaumarchais , & qu’y
vois-je encore ? que c’eil aux fol licitations très-preffantes du
Prince de Naflau , a fes voyages à Verfailles, à fon crédit im.
pofant, que la dame Kornmann a dû la fatale révocation de
l’ordre qui a permis qu’elle fût transférée de la maifon des
Dames D ou ay, dans celle du Médecin Page (i).
( i ) L e terrs ne me perm ettant pas de fa ;re im prim er à préfent les lettres du Sr. K . dan
toute leur in té g rité , je les publierai après l ’A rrêt qui va in terven ir , aVec'un é c rit, où je
rapprocherai de ces lettres enfin connues, l’horrible com m entaire qu’en a fait le fieur de B .
dans fon premier M ém oire. O n fe rappelle , qü’ à cetté époque,
11concluait
de ces Ifttres,
• qu’il cito it par la m b e a u x , & qu’il ticnquoit à fa fantaifie ; que le fieur K o rcm an n é to itle
plus vil de tous les h o rrm es, q u ’ i l avoit l i v r é Jui-m tm c fon époufe au fieur Daudet. O n
fera bien fu rp ris, quand on les lira telles c u ’clles fe n t, de n’y voir autre chofe que h
m orale d’ un homme de bien , que tous les fentimens u’un époux honnête pour nne fem m e
qu’ il voudrait rappeller à fes devoirs, que la peinture du chagrin qu’il éprouve, en fongeant qu’il n’a fait auprès d’elle que des efforts inutiles.
s
T o u t cela eft fi fra p p a n t, que quelques perfom es qui les ont déjà lu e s, fc demandent ii
ce font bien là les mêmes L e t t r e s , dont le fieur de Beaum archais s’ eft l'ervi pour diftamer
le fieur Kornm ann.
Alors on fe demandera , com m ent il a pu exiiler un Avocat afïc-i peu jaloux de ion hon
n e u r , T A v o cat dtl fieur Daudet, qui les a lues, comme tout le monde les lira dans peu, pour
continuer les diffamations fi abominables t alors on concevra pourquoi M . le LieutenantC rim in el & M . le Procureur du K o i, évidem m ent de conccit avec le i:eur de
pas Toulu nous perm ettre même
1 iulpcéüon
de ces Lettres ; alors 011 faitira ,
13. , n ont
je 1efpere
plus encore qu’ on ne IV* f a i t , la néccifiiti de dépouiller les premiers Juges d’une grande
■portion du pouvoir que la L o i leur accorde, puilqu’ils peuvent en faire un li détcftable
ulage. E t cette caule qui a d i,.i tant avancé les idées publiques, nous amènera peut-être
à remarquer ce qui fe paiÎe chez nos \oilins , & à faire enforce qu’ une fois notre régim e
politique é t a b li, le Jugement par Jurés, c’eil-à-dire , la feule maniéré de juger les
hommes qui fo it raisonn ab le, s’établi/fe parmi nous, & remplace la Jurilpri^ucncc
ju flj arbitraire que barbare, ¿laquelle nous avons jufqu’à préfent obéi.
�Ce rt’eil: pas tout. Jejettc les yeux fur l'information, 8c qu’eilce que j’y trouve ? Que le fieur Daudet, corrupteur très-connu,
très-public de la dame Kornmann, que le fieur Daudet , objet
principal denosaccufations, par une condefcendance bienfcan-daleufe, a eu la faculté de fe rendre tous les jours dans la maifon du Médecin Page ; c’eft-à-dire, dans la maifon de ce même
'-Médecin, chez lequel le Prince de Naifau 8c le fieur de Beau
marchais avoient fait transférer la dame Kornmann , 8c, qu’à
cet égard , aucune gêne ne lui étoit impofée.
Voilà ce que je trouve dans le Mémoire du fieur de Beau: marchais, 8c dans les dépôfitions des témoins.
O
le
r
,
vous voudrez bien
rem arq u er,M
Prince de Naflau n’a défavoué les faits
que jamais
contenus dans le Mé
essieu r s
,
moire du fieur de Beaumarchais, que même encore dans cette
audience , il en a , comme malgré lui , reconnu la vérité , en
s’efforçant de faire regarder comme une imprudence , ce que
je lui im pute, m o i, comme un crime.
Vous voudrez bien remarquer que le Prince de Naflau ne
peut pas plus n ier, que la Princefle de Naflau , 8c qu’il ne nie
pas en effet qu’il n’exiftât des relations très-habituelles , trèsintimes entre le fieur Daudet 8c lui.
Vous voudrez bien remarquer que le Prince de Naflau ne
peut pas nier davantage que lorfqu’il s eft occupe de rendre la
liberté à la dame Kornmann , il favoit parfaitement , comme
tout le m onde, que le fieur Daudet étoit l’unique caufe de la
détention, comme le principal auteur de fes défordres.
Enfin, M e s s i e u r s , vous Voudrez bien remarquer qu’à cette
même époque , le Prince de Nafleau recevoittous les jours le
fieur D audet, q ui , de fon côté, employoit avec une incroyable
�'4 7
activité, toutes les reifources de l’intrigue, pour fe rapprocher
de la Dame Kornmann.
Et de ces circonftances bien connues, 8c quand je vois enfuitç
le iîeur Daudet fe réunir à la dame Kornmann, à peine échappée'
de chez les dames D ouay, vous me permettrez fans doute ce
conclure q u e, dans tout ce qu’a fait le Prince de Naiïau en fa
veur de la dame Kornmann, il n’a eu certainement pour objet,’
ainii que la Princeffe de Naifau , que de fouftraire la dame
Kornmann à l’autorité de fon époux, pour la replacer fous la
main de fon féduftëur.
Mais alors , qu’eft-ce à mes yeux que le Prince de Naiîau ?
évidemment un des principaux auteurs dé l’infortune du fieur
Kornmann ; 8c lî je confidère ici les fuites funeftes qu’a eu pour
iieur Kornmann , pour la Dame Kornmann elle-même , le
fuccès des démarches du Princs de NafTau auprès des dépoiîtaires de l’autorité ; s’il n’eft que trop démontré, par l’enfemble
des faits de cette caufe , q u e, fans fon intervention funeflé, la
Dame Kornmann, égarééun inftant,' mais vôifine du repentir(i),
feroit revenue d’elle-même à fes devoirs, 8c jouiroit peut-être
encore aujourd’hui de la çoniidération publique, 8c sûrement
du moins n’auroit pas à fe reprocher l ’opprobre 8c la défolatioit
de fa malheurëufe famille ; l î , fans le Prince dé Naifau, tant de
malheurs nq fe.roient’pas arrivés, taut de forfaits n’auroient pas
été commis, exiila-t-il jamais un délit plus grave que celui
dont il me force , en cet inflant ,de l’accufer.
Et ii c’eil-la un délit grave, '
Qui ofera me nièr que , dès le principe de cette affaire, je
1-
. >Il• ■
>
•i
I
*
*................-
■
( 1 ) V ojrci m e » p rem ier M ém oire, .
.
.
■■
. 1 . ■,,
Tmm
T*
.J * ç .
1
;
�4
8
n’euife bien inconteflablement le droit de le pourfuivre dans les
tribunaux d’une manière fpéciale ? Qui ofera me nier que r
dès le principe de cette affaire , je ne fuife bien fondé à lui
faire fubir tous les rifques d’une procédure criminelle , ainii
qu’auiieur Daudet, ainii qu’au fieurde Beaumarchais, qu’il fecondoit ij bien dans leurs lâches complots ? Qui ofera me nier
q u e, dès le principe de cette affaire, m’armant contre lui dq
toute la févèrité des loix , il ne me devint facile de le faire
compter au nombre des principaux coupables dont j’avois manifefté les trames criminelles ? 8c publié íes yexations pu le$
attentats?r
Au-lieu de tout cela , qu’ai-je fait? Je publie un premier
M ém oire, 8c dans ce premier M é m o i r e , je garde un rigoureux
filence fur les démarches du Prince de NaiTau , quoiqu’elles me
fuifent bien connues : 8c quand m’arrive-t-il de parler de l ui ?
Quand je ne peux plus me difpenfer H’en parler; quand las dq
le voir citer à tout propos par mes Adverfaires ; quand fatiguq
d’entendre louer fans m efure, comme fans pudeur, fa bonté, fa
vertu chevalerefque, daps une circonftance où il n’a voit employé
fa bonté, la vertu çhevalerefque , que pour enlever une femme
k fon m ari, une mère à fes enfans, je fens que je ne peux plus
ipe taire fans compromettre la caufe de l’infortuné dont j’ai
entrepris la défenfe.
Et encore, MESSIEURS , comment m'arrive-t-il d’en parler?
Vous venez de voir tout ce que je pouvois d ire, vous venez
d’apprendre tout ce que je pouvois faire, 8c modéré néanmoins
3yec tant de raifousde ne 1 etre pas, je ne laiffe échapper contre
lui qu’une inculpation indirede. Le fieur de Beaumarchais me
provoque , en me parlant avec emphafe de la milfion qui
lui aveit été donnée chez le Prince.de Naffeau relatiyemertf À
�4 0
49
ia Damme Kornmann ; 8c m oi, je vous le répète, qui rugnorois
a cette époque aucune circonftance du rôle indécent que le
Prince de Naflau avoit joué dans l'affaire du fieur Kornmann.
je n attaque pas le Prince de Naflau, je me contente Amplement
de dire au fieur de Beaumarchais que je ne penfois pas que la
miffion qui lui avoit été donnée chez le Prince de Naflau par
quelques hommes corrompus 8c quelques femmes fans pudeur,
fut'fuffilante-pour excufer la conduite criminelle que je lui
reprochois.
C ’eft à cette feule phrafe que fe borne tout ce que j’ai dit
fur le Prince de Naflau.
Et c’eft fur cette phrafe fi fim ple, fur cette phrafe fi loin des
cruelles vérités que je pouvois révéler, que le Prince de Naflau
fe permet de crier à la calomnie !
E t vous , qui l’avez défendu , vous avez ofé dire que je Fai
calomnié ; mais , qui donc , je vous prie, fi ce ne font des
hommes corrompus 8c des femmes fans pudeur, qui donc a p u ,
chez le Prince de Naflau, donne* au fieur de Beaumarchais'la
miffion fcandaleufe dont il fe vante? Avez-vous oublié que
cette miflion avoit pour objet le fuccès d’un complot infâme ,
d’un complot qui offenfoit également la pudeur 8c la probité ?
E t fi ce complot ¿toit infâme, s’il offenfoit également la pu
deur 8c la probité, fi, pour le faire réuflir, il falloit employer ,
comme on n’en doute plus maintenant, toutes les reflources de
l’intrigue, tous les moyens de la calomnie , faités-nous donc
connoître ici les femmes honnêtes qui n’ont pas- craint de l’ap_
prouver, nommez-nous donc les hommes- délicats qui fe font
emprefles de l’accueillir.
•
Et vôus, qui l’avez défendu, vous avez ofé dire que je l’ai
calomnié. M ais, qu’elï-ce que calomnier, à votre avis? N’eft-ce.'
G
�V '.
pas imputer un délit à un homme qui n’en eft pas caupabfeî
Et pouviez-vous douter, d’après l’enfemble des faits que vous*
aviez fous les yeu x, 8c qui aurait dû vous amener aux mêmes
conféquence que m oi, pouviez-vous douter que le Prince de
Naiîau ne fût ici d’autant plus coupable, que, fans lui peut-être,,
nous n’aurions point eu de crimes à dénoncer, point d’accufés à
pourfuivre, point de malheurs fur-tout à réparer.
Et vous, qui l’avez; défendu, après avoir fait de vains efforts
pour me prouver que je l’ai calom nié, vous n’avez pas craint
d’ajouter quej’étois d’autant plus digne de toute îa févérité des;
Lois, que j’ai manqué à toutes les bienféances, en attaquant ,;
dans le Prince de Naffau , un homme recommandable par fai
naiffance, fon rang, fes dignités.
Sa naiffanee, fon rang, fes dignités TQuoi ! il offenfe dans lai
perfonne du iïeur Kornmann , le 3 premières lois de la morale 8c
de la nature! Q uoi! fans autre m otif que de favorifer le liber~
tinage effréné d’un homme fcaricaleux , il fépare l’époux de
l’époufe, la mère desenfans, il prépare à tous, autant qu’il eifc
en l u i , une affreufe deflinée, 8c on voudra que je refpe&e fa.
naiffance, Ion rang,'fes dignités, 8cces vaines prérogatives de
viendront un obllacle , qu’en des circonilances fi funeiîes, il ne
me fera pas permis de franchir? Et toutes les fois qu’à côté d’undélit je trouverai un nom illullre, ou un grand pouvoir, il fàudra>
que je m’enveloppe dans une circonfpeftion timide, 8c qu’ôtant
à la vérité fon énergie naturelle , je lui donne ce cara&ère
d’embarras 8c de foupleffe, qui, félon moi, ne devroit jamais
être que l’apanage du menfonge.
Sa naiffance, fon rang, fes dignités! Mais, vous qui me par
lez ainfi, ne viens-je pas de vous démontrer'que j’àvoisle droit
de m’exprimer fur le Prince de ^»affau x avec bien plus de £é-
�4^7
51
yérité que je ne l’ai fait ? Et alors, fi j’ai ici quelque reproche à
m efaire, il je Tuis coupable , n’eil-ce pas uniquement d’avoirété
tropmodéré dans une cccafionoùj’auroisdûm’abandonneràtous
les fentimens énergiques que m’infpiroit le fpeélacle d’un
homme puiiTant, combinant froidement , avec une troupe
d’hommes ians morale, la ruine d’un infortuné qu’il connoifloit
à peine, d’un infortuné qu’il auroit du connoître au moins avant
que de fe mettre à la tête du complot dont il eil encore aujour
d’hui la vi&ime.
Sa nailTance, fon ran g, fes dignités ! Mais , vous qui me
parles ainiî, vous m’auriez donc épargné tons les outrages dont
vous m’avez couvert, file prince deNaiTau n’avoit été qu’un
iimple particulier, qu’un homme fans nom, qu’un individu né
dans les dernières claiTes de la fociété ? Apprenez de moi qu’il
n’y a point de naiflance, point de rang, point de dignité devant
la L oi; que dans les pays libres la Loi affure l’égalité des hommes,
que dans les pays qui malheuteufement ne font pas libres, la
fondion de la Loi eil cependant encore de faire retrouver à
to u s, du mcins en fa préfence , cette égalité précieufe qu’ils
tiennent de la nature ; que dans les tribunaux où la Loi règne
fans partage, on n’efl ni grand, ni petit, ni puiflant, ni foible,
qu’on efl Amplement homme, que là il ne peut être queilion que
de vices ou de vertus, de bonnes aftions ou de crimes, 8c que le
vil langage des efclaves n’y eil pas plus tolere que;le langage
orgueilleux des tyrans.
Sa naiflance, fon rang , fes diguités ! Et vous avez o fe , en
nous parlaut de toutes ces chofes, comparer le P r i n c e de Naflau
au Grand-Homme qui nous écoute ( r) ; & me fupp°fant ei*
( j ) L e Prince H eari <lf PruiTç.
^
�52*
délire, vous n’avez pas craint d’avancer;que û c e t ïioihme ,objetr.
de notre admiration & de nos refpefts, s’étoit trouvé dans une
pofition femblableà celle du Prince de Naffau, je n’euffe pas
fans doute parlé de lui avec plus de circonfpettion & de me
sure. Que venez-vous nous dire ici ^& comment n’avez-vous pa&
fenti que vous me placiez dans une hypothèfe imaginaire 7 Coin*
ment n’avez-vous pas compris, qu’ayec un grand cara&ère , on
ne fait que de grandes-adions? qu’avec une ame généreufe, il
ell impoffible qu’on defcende à des démarches fans nobleiTe 8c
fans générofité? Un tel homme, d’ailleurs, foyez-en sûr, s’il
étoit né parmi nous, 8c ii quelqu’événement étrange l’obligeoit
de paroitre dans nos Tribunaux,ne fe prévaudrait pas, comme
le Prince de Naffau,. de fon rang, de fanaiffance, de fes dignités*
Il ne fe prévaudroit pas même de cette fuite d’aôions magna-*
nimesqui font de fa vie une des vies les plus illuilres 8c les plus
mémorables. Vous le verriez, M E S S I E U R S , pour rendre
hommage à la L o i, inclinant devant vous fes palmes iminor-<
telles, fe placer à côté du pauvre qui invoquerait la Loi comme
lu i, 8c, dans cet abaiffement augufte, vous offrir à-Ia-fois, ainft
que dans tant d’autres circonftances, le Héros de la guerre 8c de
l’humanité.
Je n’ai donc pas plus calomnié le Prince de Naffau que îa
Princeffe de Naffau ; je n’ai donc pas même dit tout ce que
je pçuvois dire; je ne me fuis donc pas même expliqué fur
leur compte avec cette liberté févère que la nature de leurs
démarches 81 les défordres qui en font rcfultés, me mettoit dansle cas d’employer.
>'
i
M a i S, après ce la , M e s s i e u r s , que faut-il penfer du
�/
5 3 .
.
décret d’ajonrnement perlonnel, dans les ‘liens duquel je fuia
retenu depuis deux ans? Que faut-il en penfer, fur-tout ii l’on
fonge aux motifs qui m’ont fait entreprendre cette affaire, à la
conduite que j’ai tenue depuis que je l’ai entreprife, au zèle il
défintéreifé, lî patient, fi pur, que je n’ai ceifé de manifefter
pour la conduire à fon dénouement mémorable*
Q uoi! je fuis décrété! quoi! depuis deux ans, je vis dans
une efpèce d’interdi&ion civile , & je n’ai fait autre chofe que
remplir envers l’amitié malheureufe les premiers devoirs de
l’honneur & de l’humanité ! & ceux qui m’ont fait décréter,
coupables du délit le plus grave, infra&eurs audacieux des plus
importantes règles de l’ordre focial, jouiifent encore de la plé
nitude de leur état û de leur liberté! & , comptant fur une im
punité funefte, ils ofenr, entre l’opinion qui les a déjà com-*
damnés, &. la Loi qui les attend pour les punir, demander
quune telle vexatiou continue, que ce décret, qui fait la honte
des Juges qui l’ont décerné, fubiîiîe dans toute fa rigueur, ce
n’eft pas to u t, qu’un Arrêt infamant contre m oi, imprimé'au
nombre de trois mille exemplaires, les venge de la perfévérance avec laquelle j’ai défendu' l’infortuné dont ils avoient
conjuré la ruine*
Un Arrêt infamant contre moi !
Et où feroient-ils afficher cet Arrêt? Si vouâ n’étiez pas mes
Juges, s’il leu ïéto it poffible de l’obtenir, dans quel lieupourroient-ils faire lire fans indignation la condamnation d’un Ci
toyen irréprochable , qui s’efl dévoué avec tant d’abandon pouf
le fuccès d’une Caufe , laquelle, par les circonflanceS fameufes
qui l’ont accompagné, n’eft pas moins aujourd’hui la Caufe
de la Patrie , que la Caufe des mœurs & de l’humanité#
Un Arrêt infamant contre moi !
�■■14
Et comment n’ont-ils pas-frémi, comment n’ont-ils pas fentî
toute leur confcience fe foulever, quand ils ont ofé former une
demande ii audacieufe? Quelle efl celle de mes allions, à côté
de laquelle ils auroient la témérité de placer la honte? & com
ment pourroient-ils fe flatter d’environner de quelqu ignominie
celui qui n’eft remarquable aujourd’hui que pour avoir rem pli,
à travers les plus grands dangers , les devoirs les plus nobles que
la Providence puiile impofer à un mortel.
Un Arrêt infamant contre moi!
Et ce feroit-là ma récompense * après trois ans de perfécutions
8c d’outrages! après avoir mené, pendant ces trois années qui
ne s’effaceront jamais de mon Souvenir, la vie la plus agitée 8c
la plus malheureufe! Et la patience dans les .calom nies, la fer
meté dans les revers , la réfignation dans l’infortune, le courage
.contre les tyrans, le dévouement pour mon pays; toutes ces
.cftofesme feroient comptées pour des crimes, dont il vous fej-oit ordonné de pourfuivrç la vengeance !
Je n’ofe me livrer, MESSIEURS, à tous les fentim.ens d’amer
tume que tant d’impudence , après tant d’attentats , excite
malgré moi dans mon cœur. Ces fentimens, je l’efpère, ou
plutôt, je n’en doute pa s , font en cet inftant partagés par
tous ceux qui m’écoutent, 8c du moins cette confolation me
tefte; du moins, j’ai cette confiance dans la pureté desprincipes
qi^i m’ont dirigé , & dans l ’intérêt fi fatisfaifant qu’on met à
m’entendre, que s’il fi trouvoit encore des hommes aiTez hardis
pour me contraindre à une apologie, il n’eft perfonne içi q u i ,
comme par un mouvement involontaire, ne-fe levât pour fe
déclarer mon vengeur, 8c ne s’honorât de prendre pn ijiain ma
défenfe.
• •
E n voilà bien aiTez, en voilà trop, peut-être, fujr les re
proches frivoles qui m’ont été faits.
�4ï !
5î
M a i n t e n a n t ', M e s s i e u r s
qne s'eft-on prbpafé, ea
me rendant l’objet d’une perfécution ii longue 8c fr cruelle?
Qu’a-t-o-n voulu, en- déclamant contre ma conduite jufqu’au
pied de votre Tribunal avec tant d'acharnement 8c de fureur?
Pourquoi toutes ces injures qui m’ont été dites? Pourquoi
toutes ces- infultes qui m’ont été faites? Pourquoi toutes ces
calomnies qu’on m’a prodigué avec Ci peu de pudeur 8c de
mefure ?
On s’étoit flatté, Je le fais, qua force d’outrages, on me
détacheroit du malheureux que j’ai défendu; on avoit efpéré
qu’à force de vexat i onson parviendrait à me faire renoncer à
la tâche fi noble que j’ai .entreprife; on avoit compté, fur-tout
dans ces derniers momens, qu’en me couvrant pour ainfi dire,
d’inve&ives groffières & d’impudens menfonges, on parvien
droit à m ’ éloigner de ce fanéluaire redoutable, où ma préfence¿toit importune, où n’ofoient fe montrer à côté de m oi, tous;
ces hommes pervers que j’ai accufés devant vous^
• Comme ils font loin de me connoître ! Comme ils fe doutent
peu de l’élévation, 8c en même-tems de la févérité des prin
cipes auxquels j’obéis.
Qu’ils apprennent que fi, par Un événement déformais im poffible,- ce Tribunal fe peuplant tout-à-coup de Magiflrats:
pour quilacaufe des mœurs feroit indifférente, 1 infortuné que
j’ai défendu, voyoit fcs demandes rejettees, fes accusations;
abolies, qu’ils apprennent que je m’unirois a .lui, d autant plus
qu’il lui reileroit moins de confolation fur la terre. L’amitie ne
fait point de facrifïces. Dans quelque lieu qu’il portât fes pas,,
je le fuivrois.La contrée qu’il auroit choifiepour y finir fes dé-*plorables jours, deviendroit ma patrie, 8c que quelque trifleque
put paroître mon fort à ceux qui ne favent pas de quelle pais;
�l\\%
43
fecrette les bonnes aôions font toujours accompagnées, je
m’efiimerois heureux, moi, d’acquitter auprès de lui, jufqua
fon dernier m oment, la dette de la Juilice 8c de l ’humanité.
Q u’ils apprennent que quelques puiiïent être encore leurs
complots, leurs intrigues, leurs perfidies; à quelques vexations
que je me trouve encore réfetvé, je ne ceflerai jamais de les
pourfuivre; que tant qu’ils feront impunis, je ne me tairai pas,
qu’il faut qu’on m’immole à leurs pieds, ou qu’ils tombent aux
miens.................... L’autel de la Jufiice efl dans ce moment pour
moi l’autel de la Vengeance; car, après tant de forfaits, la
juilice 8c la vengeance ne font qu’une même choie à mes yeux ;
6c fur cet autel, déformais funeile.................je jure que jamais
il n’y aura de paix entre nous ; que je ferai fans cefle au milieu
d’eu x , co m m e une Providence qui éclate parmi des pervers ;
que je ne les quitterai plus, que je ne me repoferai plus, que
je m’attacherai à eux, comme le remord à la confcience cou
pable; que jamais, non jamais, je n’abandonnerai ma tâche
commencée, jufqu’à l’inilant folemnel. où en prononçant fur
cette maffe d’attentats, les Magiflrats qui m’écoutent, auront
obtenu de nouveaux droits à la reconnoiflanct de la Nation
entière, attentive à la deilinée de cette Caufe mémorable.
Et vous, qui préfidez ce Tribunal augufte, vous l’ami des
mœurs 8c des Loix; vous, dans lequel nous admirons tous, à
côté des talens qui font le grand Magillrat, les vertus fimples
8c douces qui cara&érifent l’homme de bien & l’homme fenfible. , .
. recevez mes fermens (j).
r
Au refie, tous leurs efforts feront vains. Quoiqu’ils faffent,
M , le I’clJ.'tiçr âç Saint J jr g ç a u .
le
�57
Je triomphe des mœurs ne fauroit être encore long-tems différé.
O if commence à connoître, enfin, les rapports des mœurs avec
la liberte ; on commence à fentir pourquoi la corruption 8c la
tyrannie marchent toujours enfemble; pourquoi toujours il
faut dépraver les hommes quand on veut les accoutumer à la
fervitude ; pourquoi dans une fociété dont les mœurs fon diffoutes, il ne refte plus de place pour les fentimens généreux que
l ’amour de la liberté fait éclore ; dans peu la morale domeftique
il intimement unie avec la morale des peuples, ne fera plus
l ’objet d’une dériiîon fcandaleufe; dans peu, des habitudes plus
ierieufes, mais plus douces, fuccéderont à toutes ces habitudes
frivoles, qui ont été jufqu’à préfent notre partage; dans peu, 8c
quand nous ferons vraiment citoyens, nous comprendrons que
celui-là ne fauroit être long-tems bon citoyen, qui n’eft ni
Jbon père, ni bon fils, ni bon époux, qui porte avec lui
tlans les familles, le défordre 8c le trouble qui font dans fon
cœur. Dans peu nous ne douterons plus que ce ne foit du milieu
d e s vertus privées, 8c pour ainfi dire de leur fein , que s’élèvent
les vertus publiques, fi néceflaires au progrès de l’ordre focial
fi effentielles au maintien de la profpérité commune.
Ils vont donc difparoître fans retour, tous ces préjugés, que la
malheureufe dépravation de nos mœurs avoitfait éclore, toutes
ces-vaines opinions d’un monde corrompu, dans lefquelles nos
adverfaires avoient mis, je le fais, leur plus grande confiance',
les temsde notre diiTolution 8c de notre frivolité font paiTés, la
Vérité s’avance comme un Empira qui fe m eut, 8c quoiqu’on
faflepour s’oppoferàfapuiffanc'e, il n ’ y a plus d’erreur, quelque
impofante, quelque accréditée, quelque univerfclle même
qu’elle foit, qui ne doive tomber 8c s’anéantir devant elle.
Ainfi nous verrons le morale renaître à côté de la liberté.
H
�474
58
J e n’ai donc pas à craindre, qu’au commencement d'une
époque, qui fera fi fameufe un jour dans l’Hiftoire des Na
tions, les Magiftrats qui ont défendu avec tant de courage & de
zèle nos droits politiques, ne fe hâtent de concourir, autant
qu’il eft en leur puiffance, aù rétabliffement des mœurs, par un
exemple mémorable de juftice 8c de févérité.
Notre liberté étoit méconnue, 8c ils nous ont appris à la cont
noître; nos mœurs étoient détruites, 8c ils nous apprendront
combien il importe quelles renaiffent, 8c s’il n’y a pas de bon
heur durable fans les mœurs & la liberté, tout le bonheur dont
nous allons jouir au fein de l’heureufe conftitution, que nous
appelle à former avec lu i, un Monarque auquel l’Eu ro pe dé
cerne déjà, comme le plus beau titre de gloire, le nom de Roi
Légiflateur, tout ce bonheur, il l’auront donc préparé ; nous
pourons donc en grande partie le regarder encore comme leur
bienfait & leur ouvrage.
S ign é , B E R G A S S E .
B r u n e t i e r e ,
f t Ct/ïAAJT
ft*
!> -vVl
» i '
ÇtjlA-ir " i *
Cil v u ) ClMA l u
/ o u 2 cul 4AAMWr tAA ÎOOü
*'
Proc.
j U m )«> l u /f i
6 j> A 1
x
'
/¿w i»k*ÎC r
a** / -
De l’imprimerie de C a i l l e a u , rue Galande , N ° 64.
w
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
[Factum. Bergasse. 1789?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Bergasse
Subject
The topic of the resource
plaidoyer dans l'affaire Kornmann-Beaumarchais
Description
An account of the resource
Titre complet : Plaidoyer prononcé à la Tournelle-Criminelle, le jeudi 19 mars 1789, par le sieur Bergasse, dans la cause du sieur Kornmann.
Annotations manuscrites.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Cailleau (Paris)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1789
Circa 1789
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
58 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G0713
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Paris (75056)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Relation
A related resource
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53047/BCU_Factums_G0713.jpg
plaidoyer dans l'affaire Kornmann-Beaumarchais