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PRECIS
EN R É P O N S E
POUR
T h é o d o r e et J u l e s d e V E Y R A C , in ti m és;
CONTRE
M ar ie
G I N O U X , Veuve de J
ean
- J acques de
V E Y R A C , appelante.
E s t - c e
bien d’elle-m êm e que la veuve V e y ra c a
voulu parler, quand elle imprime qu’elle ne désire que
la paix et le repos., qu’elle a toujours voulu être juste,
et qu’usant de tous les ménagemens q u ’exigeait sa
qualité de seconde m ère, elle en a rempli les devoirs
avec bienséance?
Il faut donc que les enfans V eyrac oublient que
depuis neuf ans elle relient la fortune de leur p è re ,
z
�v.
(a )
«ans qu’ils aient pu toucher aulre chose que quelques
minces revenus, arrachés en partie parties saisies-arrêts,
qu’elle a su encore neutraliser.
•
!
Il faut donc qu’ils oublient quatorze jugemens ou
arrêts qu’il a fallu obtenir contre elle , dans lesquels
elle seule a été condamnée aux dépens, et trois fois
en son nom personnel.
Il faut donc qu’ils oublient l ’expoliation m éditée,
sous son n o m , par un certain Lam bert, que la coup
a.condamné à restitution.
'
Il faut donc qu’ils oublient les calomnies et les li
belles qu’elle a plps d’une fois répandus contre une
famille respectable, à l’égard de laquelle elle devait
effectivement user de ménagemens, parce qu'indépen
damment même de ses chicanes, elle avait beaucoup
de choses à faire pardonner.
son
v i s a g e , et étudiant un rôle nouveau, a cru se rendre
plus recommandable en la cour, les enfans V eyrac ne
M a i s si la v e u v e V e y r a c , c o m p o s a n t a u j o u r d ’ h u i
sont point dupes de cet astucieux travestissement. Sa
conduile soutenue, pendant huit a n s , leur a prouvé
qu’une belle-mère n’est , le plus souvent, qu’un être ,
incorrigible et malfaisant, dont il ne faut attendre ni
procédés ni contrilion.
Ainsi la veuve Veyrac peut cesser la contrainle qu’elle
s’est imposée, et reprendre son caractère. Ceux qu’elle
a si long-iems outragés lui pardonneraient tout, si les
larmes dont elle se dit a b reu vée, étaient celles de la
�( )
3
pénitence ; mais quand des larmes ne font qu’un moyen
de procès , elles ne séduisent p o in t, et ne sont que
ridicules.
L ’objet principal de la contestation était terminé
entre les parties, après toutes les chicanes qu’il était
judiciairement possible de susciter aux enfans Veyrac.
Il était jugé qu’ils auraient 10,000 francs de rente
perpétuelle sur la succession de leur a ïe u l, outre les
droits de leur mère, et la succession d’un oncle.
L e tribunal du P u y , la cour d’appel, la cour de
cassation avaient décidé que cela serait ainsi ; mais la
veuve V eyrac a médité un m oyen de paralyser une
décision aussi bien consolidée; et cette attaque indirecte
de la chose jugée , est aujourd’hui l’objet du procès
pendant en la cour.
C ’est dans le contrat de mariage de François-Camille
de V e y ra c , et dans la clause même jugée p a rla cour?
que la veuve V eyrac puise ses moyens d’attaque.
Par l ’article 2 de ce contrat, du 19 janvier 1 7 8 5 ,
Jean-Jacques de V e y ra c , donne et constitue à Fran
çois-Camille de Veyrac son lils (père des intimés), d ix
mULe Livres de rente annuelle et perpétuelle, avec son
hôtel au P u y , et la moitié de ses meubles.
lui assure
de plus la moitié des biens dépendans de la succession
de la dame de Maison-Seule, mère du futur, pour en
11
j°uir après son décès; et enfin il lui donne la faculté
prendre dans ses bois celui nécessaire a l’ usage de
sa maison.
2,
�3
«
«
«
«
«
«
'
.
.
(
4
}
L'article
est ainsi conçu : <rDans la donation et
constitution ci-dessus de 10,000 francs de rente est
comprise la substitution faite au profit du futur par
le sieur de V eyrac de Maison-Seule son aïeul, dans
son testament. Comme aussi le fu tu r ne pourra point
rechercher ledit, seigneur son père, relativement à
l’inventaire de M. son oncle le chevalier de Veyrac*.
A rticle 4. «rLes autres biens dudit sieur de V eyrac,
«■en quelques nalures qu’ils soient , terres , contrats
« et autres, lui demeureront réservés, ainsi que les
« fruits des autres biens propres du fu tu r , desquels
« ledit seigneur son père a droit de jouir en vertu de
« sa puissance paternelle ; lesquelles clauses ont été
« expressément requises par ledit de Veyrac père (1)».
.Après le décès de François-Camille de V e y r a c , en.
l’an 6 , la famille, présidée par l’aïe u l, lui-m êm e, crut
devoir déférer la tutelle au sieur de G laven as, le beaufrère et le meilleur ami du défunt.
( 1 ) Ce contrat de mariage a une clause dé réversion, stipulée
au cas où le futur ayant des enfans, ils décéderaient. L a veuve
V e y ra c a jugé à propos (p ag. 6 de son mém oire) d’y lire : dé
céderait ; ce qui ôlerait aux enfnns de Camille tout l’effet du
contrat de mariage de leur père : cependant elle n’y insiste pas.
Mais elle devait dire à la cour que celte découverte n’est pas
nouvelle de sa part ; q u ’elle proposa ce moyen en l’an 7 , et
rendit nécessaire un compulsoire de la minute du contrat de
mariage. Il fut reconnu qu’il y avait ils décéderaient , et alors
la clause est devenue sans effet, parce que les enfans vivent. L a
veuve s’est tue depuis cette époque. Comment donc revient-elle
sur ses pas, quand tout est ju g é ?
�( 5 >
.
.
- Ce n’est pas sans adresse et sans mauvaise foi que
la veuve V eyrac parle de manœuvres employées par
la famille pour contrarier le vieillard sur ce point ;
elle sait mieux que personne que tout se passa de son
a v e u , parce qu’il partageait sincèrement les craintes
de toute la famille sur l’avenir que préparait sa seconde
femme aux enfans de son fils. Elle sait encore que le
sieur de Glavenas n ’ a c c e p t a , pour ainsi dire que malgré
lu i, une tutelle onéreuse; et les mineurs V eyrac se
plaisent à déclarer que sans lui ils n’auraient pas eu les
moyens de vivre, malgré leurs 10,000 fr. de rente, puis
que, pendant les interminables procès, suscités par leur
marâtre, elle a trouvé le secret de retenir leur fortune.
Voilà l’explication de l’une des calomnies de la veuve
Ve37rac : revenons maintenant aux premières causes du
procès, avec la b riévelé que com porte une cause , dont
tous les détails ont été rappelés dans des imprimés précédens , et qui n’a besoin que d’être réduite au seul
point de vue sous lequel elle se présente en la cour.
Jean -Jacques V eyrac é ta it, avant sa m o rt, livré
exclusivement aux volontés de sa femme et de ses con
seils. Contrariée de ce qu’il n’avait pas voulu la tutelle,
elle l1engagea à ne rien payer de la pension des mineurs,
ou plutôt elle refusa pour lui : et le tuteur se vit obligé,
plus d’un an après son entrée en exe rcice, d’obtenir
Une sentence le 2y thermidor an 7, pour se procurer le
paiement de la rente de 10,000 f r ., et faire régler ce
�•
( 6 }
,
dont le sieur de V eyrac père ne s’était pas retenu
l ’ usufruit.
Mais il est faux de dire que les saisies-arrêts furent
accumulées sur le sieur de Veyrac pour le priver de
tous ses revenus , et qu’il passa ses dernières années
dans un dénuement absolu. Ces faits sont de la pure
invention de Marie Ginoux; aucune saisie-arrêt n’eut
lieu pendant la vie du sieur de V eyrac ; on l’a défie
d’en produire une seule.
A compter du décès du sieur de Veyrac ( i . er bru
maire an 8 ) , il a fallu se résoudre h plaider avec la
v e u v e , pour ainsi dire, jour par jour.
Verbalisations sans fin à tous les actes et inventaires;
refus de délaisser le mobilier même des mineurs ; oppo
sitions sur oppositions h toutes les procédures et à toutes
les saisies-arrêts5 offres de payer tantôt les arrérages de
la renie de 10,000 fr. , tantôt le capital, puis révoca
tion de ses offres et désaveu : opposition à des jngemens passés en chose jugée , et appel de ceux qui la
déclaraient non-recevable : voilà en bref comment
s’est passé l’an 8.
I/an 9 fut employé h des discussions plus sérieuses,
mais moins rapides. Les mineurs avaienl pris des con
clusions générales pour le règlement de leurs droits j
la v e u v e , à la vérité , contesta tout > forma des de
mandes incidentes, mais sans concevoir même l’idée
de répéter les sommes énormes qui font le sujet de
sa demande actuelle.
�.
( 7 }
.
Cependant c’était alors le m om ent; car les mineurs
avaient conclu au paiement de toutes leurs reprises dans
tous les estocs de la famille de Veyrac.
Condamnée par défaut le 21 nivôse an 9 , la veuve
V eyrac forma opposition, et fut déboutée par jugement
du 14 germinal suivant; elle en interjeta appel.
L ’an 9 fut encore consacré à l’épisode de L am b ert,
qui ne dut pas préparer la cour à être très-favorable
à la veuve Veyrac.
L e jugement du 14 germinal an 9 fut confirmé par
la cour, le 28 pluviôse an 10 ; et la veuve V eyrac fut
condamnée aux dépens de la cause d’a p p e l, en son
nom personnel, et sans répétition, comme elle l ’avait
été déjà au P u y , pour les dépens de l’opposition. Elle
s’est pourvue en cassation, où elle a encore succombé.
Les points principaux du procès étaient jugés, ce
pendant il restait sept articles non éclaircis ; mais la
veuve V eyrac n’entendait pas se contenter d ’un aussi
petit nombre de difficultés ; aussitôt après son appel,
elle présenta requête au P u y , pour plaider en même
tems sur plusieurs nouvelles prétentions de sa part.
A v e c cette découverte inopinée, la veuve V eyrac a
trouvé le secret de prolonger la contestation pendant
près de sept ans; c’était là tout son but.
Car elle a eu la satisfaction de dire qu’avec tant de
j ugeniens et d’arrêts, les mineurs V eyrac ne sont pas
plus avancés en 1808 qu’en l’an 8.
�( 8 )
^
Ceci paraîtra sûrement une fable ; cependant rien
n’est plus réel> et voici par quel secret la veuve Veyrac
est parvenue à paralyser les arrêts de la cour.
•
En faisant donation de 10,000 fr. de rente à son
fils, M. de V eyrac père dit que dans La donation,
est comprise La substitution faite au profit du futur
par son aïeul,
' C'est là où la veuve V eyrac a pris son texte; elle
a dit aux mineurs V eyrac : « A y e z votre rente, j’y
« consens, puisqu’on m’y force ; mais dans votre renie
«
«•
«
«
est une substitution. D a n s cette substitution, se trouvent des dettes; et non-seulement ces dettes se com
posent des dots et légitimes que vous d e m a n d e z,
mais vous me devez vous-m êm e une foule d’arti^
* d e s , notamment la dot de votre bisaïeule, etc.»
C ’est dans ce raisonnement que le procès actuel a
pris sa source. Il est inutile de rappeler tous les chefs
de demandes décidés p arle jugement du P u y ; il suffit
de dire que les mineurs V eyrac s’en sont tenus de leur
part aux articles restés indécis en l’an 9.
Elle a formé six nouveaux chefs de demande qui
sont de prétendues dettes dé la substitution , et qui
sont au reste énumérées dans son mémoire (page 17).
L e tribunal du P u y a statué sur le tout, le 26 prai
rial an 12; il a pensé que les mineurs devaient avoir
leur rente franche et quitte, et en outre les succes
sions dont leur père ne s’était pas départi par son con
trat de mariage.
�.
(
9
}
A vant de suivre la veuve V eyrac dans ses demandes
et moyens, il faut d’abord savoir ce qui a été demandé
et jugé entre les parties avant ce procès, pour éviter
la confusion, et mettre la cour à portée de vérifier
tout d’ un coup ce qui a été jugé ou préjugé.
En Tan 9, les mineurs Veyrac demandèrent, i.° acte
de leur option de s’en tenir aux 10,000 fr. de rente ;
2.0
j oo fr. pour la moitié de la dot et reprises de la
38 5
3 5
dame Morges leur mère ; .° ,ooo fr. pour moitié de sou
mobilier ; 4.0 la moitié du mobilier délaissé par Jac
ques-Antoine de V e y ra c , bisaïeul; .° 22,000 fr. pour la
5
légitime de Jean-Hugues de V eyrac; 6.° l’exéculorialité du jugement du 27 thermidor an 7 , pour ladite
rente de 10,000 fr., paiement des arrérages et conti
nuation du paiement à ven ir; 7.0 le partage de la suc
cession deM arie-Anne Belut de Trinlinliac leur aïeule;
8.° la moitié des sommes reçues par Jean-Jacques
V e y ra c , pour les biens aventifs de la dame de Morges,
aïeule des mineurs; 9.0 la distraction définitive du m o
bilier de leur père; io.° i o fr. montant d’un billet
fait au tuteur pour vente d’un cheval ; n . ° la faculté
de prendre du bois à perpétuité , conformément au
contrat de mariage.
5
Loin de proposer aucuns moyens de compensation
conlre ces demandes, voici les conclusions que prit la
y^uve V e yra c, telles qu’elles sont consignées dans le
jugenQent définitif du 14 germinal an
A- ce qu’il lu i
3
�( IO )
fu t donne acte de ce que sur les articles i , 4 et 10, elle
s’ en rapportait à La prudence du tribunal, ainsi que
sur le paiement de la rente de 10,000 fr. et de ce quelle
consentait leur délivrer des à présent les titres en bonne
form e d ’ une créance de 2 ,000 fr . en capital} due par
la maison V o g u ié; sur le surplus des demandes à ce
que les mineurs en fussent déboutés, attendu qu’elles
n étaient pas établies.
5
E n expliquant ces conclusions, elle fit plaider sur
l’art. 2 des demandes, que si les mineurs établissaient,
par des quittances, que le défunt eût reçu 70,000 fr.
de la dame de Morges, elle ne ferait aucune difficulté
sur ce ch ef de demande; elle dit la même chose sur
l ’article .
3
Sur l’art.
5, elle objecta qu’on
11e justifiait ni le tes
tam ent, ni la consistance des droits de Jean-Hugues ,
et que d’ailleurs François - Camille de Veyrac avait
répudié à ladite succession.
Sur l’art. 6 , qu’elle ne contestait pas le paiement
de la rente de 10,000 fr. mais que les arrérages anté
rieurs à l’an 7 étaient surpayés.
1
Sur art. 7 , elle pretendit que la succession Trin tinhac était bien assurée pour moitié au père des
mineurs , par son contrat de m ariage, mais que ce
mot n’opérait pas une donation, sur-tout en D au phiné. Cet article fut au reste discuté par elle; en
point de droit, avec une extrême longueur.
�(II )
Sur l’art.-8 , elle dit qu’il fallait prouver que Jean
Jacques V eyrac avait donné des quittances.
Sur l’art. 9 , elle soutint que le père des mineurs
s’était emparé de la maison du P u y 5 et en avait dis
sipé la majeure partie.,
Sur l’art, i i , elle prétendit que la faculté de pren
dre du bois était personnelle au père des m ineurs, et
qu’il était ridicule de vouloir qu’elle s’étendît à sa
postérité.
¥
Voilà tout ce qui fut soumis aux premiers juges, et
par suite à la cour d’appel.
.
1
Les mineurs obtinrent la rente de 10,000 francs , a
faculté de prendre du bois, le partage des immeubles
Trintinhac, et une partie du mobilier. U n e preuve
fut ordonnée à l ’égard d’une autre partie dudit m o
bilier , et sur tout le surplus, il fut ordonné plus
ample contestation.
Comment donc la dame V eyrac , après des con
clusions et une plaidoirie aussi précises, a-t-elle pu
se démentir elle-même, au point de prétendre ensuite
. que la remise de la substitution mettait, sur le compte
de François - Camille de V e y r a c , toutes les dettes de
son ^aïeul?
Si cela eût été ainsi, comment donc la veuve V eyrac
a~t-elle consenti à subordonner le paiement de plu
sieurs deües à un simple rapport de quittances; c’était
■
4
�(
12
)
îë cas au contraire de soutenir qu’ elle ne devail rie n ,
et d’opposer des compensations.
Les demandes pendantes en l’an 9 présentaient le
cadre général de toutes les prétentions respectives; les
mineurs, qui n’avaient rien, étaient demandeurs, et
avaient réuni tous leurs chefs de demande. La tutrice
était défenderesse contr’eux, et demanderesse en par
tage conlre l’interdit ; elle avait aussi présenté à la
fois toutes ses prétentions.
Ses demandes ultérieures formées après Leju g em en t'
d é fin itif, où elle emploie quarante rôles à faire valoir
ses m oyens, sont donc des prétentions de mauvaise
f o i , et non-recevables?
Elle ne les présentait, disait-elle alors, que parce que
te jugem ent était exécutoire nonobstant Cappet. Elle
n'avait donc d’autre but que de paralyser des créances
Certaines par des prétentions imaginaires : et ce qu’elle
ne mettait en a v a n t. que comme une chicane a vo u é e,
elle le soutient aujourd’hui avec obstination.
Mais qu’est-il besoin de lins de non-recevoir contre
des demandes aussi déplorables? Suivons les moj^ens
de la veuve V e y r a c , et quelques réflexions suffiront
pour montrer qu’elle ne peut pas être de bonne foi
elle-même dans sa découverte.
La principale question à traiter n’est pas de savoir
si le contrat de mariage de 1787 contient La remise de
la substitution de l’aïeul, par Jean-Jacques V e y r a c , à
�( 13 ) _
.
son f i l s , mais si au contraire il ne contient pas la
remise de cette substitution par le f ils t au-profit du
père (i).
L a clause du contrat en effet ne laisse pas d’équi
voque, comme le dit fort bien la veuve de V eyra c
(page 39 de son mémoire),' «le sieur de V eyrac ne
«• donne 10,000 fr. de rente à son fils que pour s’ ac« quitter envers lui. Nemo liberalis, n isi Liberatus ».
Il est difficile d’être plus d’accord sur les principes,
et de l’être plutôt. Car les mineurs V eyrac adoptent
parfaitement celte première et fondamentale pensée
de leur adversaire.
Que résulle-t-il en effet de la clause du contrat, qui
ne peut pas s’interpréter de deux manières? C ’est que
Jean-Jacques de V e y r a c , grevé ou débiteur d’ une subs
t i t u t i o n , s’ e n est acquitté p a r le moyen du contrat.
C ’est là le contrat do ut des ; et comment conce
voir que celui que la veuve V eyrac dit acquitté par
le moyen d’une rente, qui est le prix de sa libération,
11’ait pas retenu pour son compte la chose même qu’il
payait de son argent?
Il faut encore ajouter, avec la veuve V e y r a c , que
sans cet arrangem ent, et si François-Camille V eyrac
n’avait pas eu droit à la substitution, son père ne lu i
aurait pas fa it une constitution aussi forte.
s
(0
T_.es motifs du jugement dont est appel, sur cette ques-
tl0" , sont au mémoire de la veuve V e y r a c , page a 2 , dernier
alinéa; \Q dispositif est page 3 z.
�(
*4
)
‘
.
L e p è r e a donc bien entendu s’ acquitter tout à la
fois des droits de son fils à,1a substitution, et de sa dette
paternelle pour l’établissement de ce fils ; c’est-à-dire,
qu’il a entendu payer ces deux objets.
;
Et de quelque terme qu’on se soit servi pour expri
mer cette intention, n’est-il pas de principe qu’elle se
détermine par la nature de l’acte, plutôt que par les
expressions dont on s’est servi. Potiùs id quod actum ,
quàrn quod dictum est.
'
I c i , ce qui a été convenu n’est obscur pour personne.
L e père s’est acquitté de la substitution en la payant
par une rente. L e fils y a consenti • et par conséquent
le père n ’a plus été grevé de cette substitution.
S’il n’en a plus été g r e v é , le fils a cessé d’y avoir
des droits; et dès-lors la mutation s’est opérée par cet
échange entre une rente et les droits dont il .donnait
quittance au père.
Si donc il y a dans cette convention res, consen
sus et pretium, comment s’obstiner à vouloir que celui
qui est devenu le propriétaire libre des biens substitués,
en ait cependant laissé toutes les charges à un autre?
Il serait inutile, d’après ces observations, de suivre
la discussion à laquelle s’est livrée la veuve V eyrac
pour prouver, par des lois romaines, qu’on peut faire
une restitution anticipée de fidéicommis, et que dès
cet instant les dettes de l’hérédité ont passé sur la tête
du propriétaire des biens substitues.
Certainement tout cela est incontestable; mais ou
en est l’application?
'
�( i5 )
Toute cette discussion est fondée sur un seul mot,
restitution anticipée des biens substitués; et ce mot est
de la pure invention de la veuve V e y r a c , car il n’est
pas au contrat de mariage.
A u contraire, il en résulte que le père a retenu pour
lui les biens substitués; et la veuve V eyrac en jouit.
Il suffit donc de lui rétorquer ses propres citations,
et de dire avec elle que les dettes et charges de l’h é
rédité sont à la charge de celui qui est devenu proprié
taire des biens substitués.
Jean-Jacques V eyra c fut libéré de la condition de
rendre; dès-lors les biens substitués ne sont restés dans
ses mains que deducto œre alieno.
C ’est une idée bien étrange que celle de la veuve
V eyrac : lorsqu’elle ne peut plus résister à payer la
r e n te , elle veu t la couvrir par des dettes. Elle prétend
que le donateur de la rente a sous-entendu que le
donataire resterait son débiteur d’une somme inconnue,
et que la chose donnée en resterait grevée. Conception
véritablement sans exemple.
■
Et si les dettes des biens substitués se fussent portées
à 240,000 fr., il en résulterait que le s.r de V eyrac aurait
donné la somme de 240,000 fr., sur laquelle il aurait
retenu 240,000 fr. ; c’est-à-dire, qu’il aurait donné zéro.
Si la veuve V eyra c avait transcrit (pag. 39) la fin
de l ’article 2 du contrat de mariage, cette fin aurait
évité le sens forcé qu'elle y donne. Comme aussi le
fu tu r ne pourra rechercher Ledit seigneur son père pour
�C 16 )
C inventaire de son oncle : cela suppose nécessairement
que si quelque chose est sous-entendu, c’est la répétition
de la même convention pour ce qui précède ; c’està-dire, q u il ne pourra rechercher son pere pour les
biens de la substitution.
L a veuve V eyrac a bien copié cet article 2, en la
page 5 ; mais les mots comme aussi y ont été négligés ;
cependant ils expliquent toute r i n t e n t i o n , et ils ôtent
absolument l’équivoque qu’elle a voulu faire naître
d’une remise anticipée de la substitution.
Il y aurait encore bien des choses à dire pour for
tifier cette démonstration \ mais ce ne serait que ré
péter ce qu’ont dit les mineurs, dans leur mémoire
publié en première instance (pag. 18 et suivantes), et
ce qu’a dit le curateur de l’interdit, en son mémoire
3
(pag. i ); il suffit d’y renvoyer. L a cour y appercevra
un fait très-important, c’est que la succession du substi
tuant a été évaluée à 867,499 livres ; ce qui faisait
pour la substitution 433,749 liv. 10 sous, que le père
des mineurs a abandonnés pour une rente de 10,000 fr.
Il pouvait aussi demander les fruits faute de publica
tion ; de sorte que son père ne lui donna pas même le
produit net de ce qu’il lui devait.
La veuve Veyrac criait ¿1 la collusion contre le cura- 1
leur de l’interdit , parce qu’il ne voulait pas être de
moitié dans s e s paradoxes. Mais le curateur lui répondit
qu’avant de plaider comme elle au hasard, il avait
consulté trois anciens jurisconsultes de Toulouse (mes
sieurs
�( 17 )
/■
.
sieurs G a r y , Lespinasse et L aviguerie), qu ils avaient
décidé en faveur des mineurs , et que cela faisait loi
pour lui, parce qu e, en le nommant curateur, on lui
avait recommandé d'être circonspect , et de ne pas
élever de difficultés déplacées. (Cette recommandalion
avait été faite aussi à la veuve V e y ra c , en la condam
nant trois fois aux dépens en son nom 5 mais elle n’en
a pas été corrigée.)
Les premiers juges ont donc déclaré qu’il ne résul
tait de la donation de 10,000 fr. de rente, aucune
charge de payer les dettes de la substitution au dona
teur. En conséquence , ils ont mis hors de cour la
veuve V eyrac sur tous ses chefs de demande, qui ne
prenaient leur source que dans ladite prétention.
Ainsi les mineurs V eyrac ne s’occuperont plus de
ces chefs de d em a n d e , que la veuve Veyrac a ren
voyés à la fin de son mémoire (pag. y ) 7 et qu’elle
5
ne fonde sur aucun moyen.
\
La première conséquence que tire la veuve V eyrac
de la démonstration q u ’elle croit avoir faite de la
remise de substitution , est de dire (pag. 46) que toutes
les demandes relatives à la restitution de la dot de la
dame de Morges (première femme de Jean-Jacques
V e y ra c ), s’écroulent, d’elles-mêmes.
Ceci était en effet très-conséquent. Mais la veuve
Veyrac avait, oublié que, lors du jugement de Tan 9 ,
e^e avait soumis ces chefs au rapport des quittances.
-
5
�( i8 j
: Aujourd’hui'ces quittances sont rapportées ; donc les
mineurs ont droit de réclamer cette dot, parce que
leur père ne s’est pas départi de la succession de sa
mère.
Il importe peu que les quittances aient été données
par Jean -Jacques V eyrac ou par son p è re , puisque
c ’est là une succession dont aucune l o i , ni aucune
convention ne prive les mineurs. Mais si cela impor
tait, il faudrait rectifier la citation que fait la veuve *
V eyrac : Pater pertes quetn est adm inistrado prœsumitur totum récépissé. Dumoulin dit : V ir penès
quem , etc. A la vérité, il ajoute une comparaison re
lative au père qui s’oblige avec le fils, c’est-à-dire, le
fils sous La puissance paternelle, comme la femme sous
la puissance maritale; et ce qui le p ro u v e , c ’est que
Dumoulin ajoute qu’il parle des femmes dont les biens
sont dotaaoc, et q u’il en serait autrem ent si elles étaient
communes.
Après avoir contesté la dot de la dame de M orges,
la veuve V eyrac dispútele trousseau (pag. 47 ) , parce
q u e , d it - e ll e , le mari l ’a gagné par sa survie, à la
charge des funérailles, ce qui est, si on l’en croit, une
une règle de droit commun.
L a veuve Veyrac ne se serait-elle point accom
modée en cela de la coutume d’Auvergne? Mais cette
coutume est étrangère à la cause : c’est le droit ro
main qui régit les parties; et il ne donne pas le trous-
�19
(
)
v
seau au mari. L a novelle 1 1 7 exprime les cas ou un
mari a quelque chose à espérer sur la succession de
sa femme ; mais il n’y est question ni de trousseau, ni
d’enterrement.
L a veu ve V eyra c combat le gain de survie de 7,000 f.
stipulé au profit de ladite dame de Morges. Ici c’est
dans une loi romaine qu’elle puise le principe que les
donations entre époux, quoique faites entre-vifs, sont
révocables, et qu’il faut la survie de 1 époux.
Cela est très-vrai pour les donations faites pendant
le mariage, constante matrimonio j mais quand il s’agit
d’ un don fait par le contrat de mariage l u i - m ê m e ,
tout est perpétuel et irrévocable , sur-tout quand on
en est ainsi convenu.
O r , le contrat de m ariage porte que le sieur de
V e y ra c donne à la dame de Morges la somme de
7,000 f r ., qui Lui appartiendra, et dont elle pourra d is
poser à sa volonté,
qu ’e l l e
s u r v iv e
ou p r é d é c è d e
,
qu’ il y ait des enfans ou non.
'
L à le m otif de prohibition des lois contre les dona
tions"^ conjugales n’existe plus, rie mutuo amore sese
invicem spolientur. D ’ailleurs, ce qu’a voulu une loi
générale cède à une convention sous la foi de laquelle
un mariage a été contracté, legem contractus d ix it.
1
/
Nous ne suivrons pas la veuve V eyrac dans sa dis
cussion sur divers articles des biens aventifs de la dame
f
6
�( 20 )
.
'
de Morges (pag. 49 et o)- les premiers juges s’en sont
retenu la connaissance ( pag.
).
. Elle adopte le legs de 10,000 fr. fait à la dame de
5
35
Morges , et offre de payer sous déduction d’un neu
vième. C ’est précisément ce qu’ont décidé les premiers
juges (pag. 3 4 ).
.
Quant au ch ef relatif à la légitime du chevalier de Veyrac, l ’adversaire la contesté par deux moyens; i.° parce
que c’est une delte de la substitution ; 2.° parce qu’il est
à présumer qu’elle a été payée,, et qiCelle croit être
certaine que la quittance est dans les papiers de la suc
cession. ’
D éjà il a été prouvé que ce premier moyen était
un songe, et le second est de la même nature.
C a r ia veuve Veyrac n ’a pas encore, donné assez de
gages de sa véracité, pour qu’on doive la croire sur pa
role dans ses simples présomptions. N ’a - t - e l l e pas eu
assez de neuf ans pour chercher dans les papiers de la
succession ?
•
'
Il s’agit d’une légitime due et non prescrite : il n'y
avait donc de griefs à proposer qu’avec une quittance?
C'est bien assez que les premiers juges n’aient pas
adjugé les 6,000 fr. demandés de plus. Mais si la veuve
a osé nier l'écriture du défunt, l ’interlocutoire qu’elle
a rendu nécessaire ne lui aura valu, que le plaisir de
plaider un peu plus long-tems, sans lui épargner une
condamnation.
�( 21 )
Faut-il la remercier de ce qu’ elle ne dispute pas
53
la condamnation de 75 fr. (page
); il semble qu elle
se fait violence en ne contestant pas cet objet ; mais
il est constaté par un billet du défunt.
L a veuve Veyrac se plaint d’être condamnée aux
intérêts des intérêts (page
) ; et elle prétend que
c’est un anatocisme, à la vérité adopté par le Code civil ,
54
mais qui en cela établit un droit nouveau.
,
C’est au contraire un bien vieux principe en F ra n c e ,
l
t
que les intérêts qui courent, ex natura rei, peuvent en
produire eux-m êm es, du jour de la demande : et pré
cisément les dots et les légitimes sont de ce nombre.
En cela les intérêts qui courent sans demande, ne
sont , à proprement parler , que Les fru its dus à la
fem m e et au légitimaire, du jour de l’ouverture de leurs
droits; et il n’y a pas d’anatocisme à ce que des fruits
produisent des intérêts.
'
Ce n’est point assez à la veu ve V eyrac de gloser
contre le jugement dans ce qu’il d it, il faut encore
qu’elle le blâme dans ce qu’il ne dit pas. » Les prê
te miers juges, d it-e lle (page
), ont bien imaginé
« de condamner la veuve Ginoux solidairement et
«■hypothécairement. Entre cohéritiers, il n’y a pas
55
. ff d’action solidaire ; mais on a pris à tâche de l’accacc hier par les condamnations les plus injustes».
/ *»
v
lamentation aurait dû être réservée pour un
�(
22
)
cas plus réel. Car précisément les premiers juges n’ont
pas condamné la veuve V e yra c solidairement.
Ils l’ont condamnée pour m oitié, et hypothécairement pour le tout. Cela est ainsi répété trois fois dans
le ju g e m e n t, c’e s t - à - d i r e , à chaque condamnation
(pages
,
et 37).
34 36
Cette disposition n’est-elle pas conforme aux anciens
principes, et à l’art. 873 du Code civil? la veuve Veyrac
a moitié dans la succession; donc elle doit supporter
les dettes personnellement pour sa part et portion , et
hypothécairement pour le tout.
L a veuve V eyra c n’a point encore assez d’un adver
saire, et elle rompt encore une lance contre l ’interdit,
parce qu’il a obtenu une condamnation d’intérêts de
puis le 28 août 1792.
Mais la veuve V eyrac, qui le met en qualité dans son
m ém oire, com m e intim é, n ’a point interjeté appel
contre lui. Sans doute elle l’avait oublié, ou elle s’en
repent ; et pour se consoler, elle crie dans le désert.
Théodore
de
VEYRAC.
M. e D E L A P C H I E R , ancien A vocat.
M. e G A R R O N , L icen cié-a voué.
A R I O M , D E L ’IM P . D U P A L A I S , C H E Z J.-C. S A L L E S .
�
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Title
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Factums Marie
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Description
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Text
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Title
A name given to the resource
[Factum. Veyrac, Théodore de. An 12?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Delapchier
Garron
Subject
The topic of the resource
successions
rentes
contrats de mariage
substitution
droit romain
anatocisme
Description
An account of the resource
Précis en réponse, pour Théodore et Jules de Veyrac, intimés ; contre Marie Ginoux, veuve de Jean-Jacques de Veyrac, appelante.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie du Palais, chez J.-C Salles (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa An 12
Circa 1785-Circa An 12
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
22 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0401
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Le Puy-en-Velay (43157)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Relation
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anatocisme
contrats de mariage
droit Romain
rentes
substitution
Successions