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caa3dfd3916dcf0284824910363c1393
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CONSULTATION
POUR
MM. CHAPON
f r è r e s
,
meuniers à Cebazat.
IE C O N S E IL S O U S S IG N É , consulté par MM. C h a p o n , sur le mérite
d ’un jugement rendu contre eux par le tribunal de Clermont-Ferrand,
le 6 juillet 1824., au profit des sieurs M O R D E F R O I D , D E S A R R A N et
to u rn ad re de n o a il l a t ,
A près avoir lu ce jugem ent, la copie de l ’acte signé le a 5 juillet 1822
par les parties, chez le notaire Desarran, et l ’interrogatoire sur faits et
articles, subi par les sieurs M o rd e fro id , Desarran et T o u r n a d r e ,
E
s t d ’ a v i s de s r é s o l u t i o n s s u i v a n t e s .
V o ic i d’abord ce qui résulte en fait des pièces dont le Conseil sous
signé a pris lecture.
FA IT S.
Il est convenu et prouvé d’ailleurs par les pièces même du procès,
non-seulement q u ’il y a eu entre les parties une convention expresse de
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^ faire la vente dont il s ’agit, moyennant 8,000 fr. de principal, et 3oo fr.
d'épingles; mais encore que le jo ur ayant été pris p o u r a l l e r , et les
***
parties s’étant en effet rendues, le 25 ju ille t, chez le notaire, po u r lui
faire rédiger l ’a c t e , le vendeur a reçu à compte des S, 5oo fr. les 5oo fr.
d'épingles ; et q u ’elles convinrent de remettre le payement des 8,000 fr.,
restauL du prix prin cip al, au 6 août suivant.
2". Il est convenu et prouvé d’ailleurs par les pièces, que l ’acte ayant
été rédigé par le notaire, fu t signé par le ve n d e u r, ainsi que par l ’un
des trois acquéreurs; que si les deux autres n ’ont pas signé, c ’est q u ’ils
ont déclaré (c e dont l ’acte contient la m ention) ne pas le savoir; et que
la teneur de l ’acte p o r t e , de la part du vendeur, la quittance de la tota
lité du p r i x , comme s’il l ’avait réellement reçu.
3 °. Il est avéré que le jo u r indiqué po u r achever le pavem ent, c ’està-dire, le G a o û t, les acquéreurs se sont en effet présentés chez ce no
taire, dans le dessein de le. réaliser ; mais que si cette réalisation n ’a pas
eu lieu, ce n’est pas la fa u te des acquéreurs, puisqu’ils se rendirent à la
réunion commune, mais seulement par le fait du vendeur, qui resta toute
la j o u r n é e a b s e n t du village.
.
.
4 °. Il est avéré que le lendemain 7 , toutes les parties s’étant réunies
chez le notaire, les acquéreurs y avaient apporté tine traite de 8,200 f r . ,
q u ’ils soutiennent que le vendeur avait promis d ’accepter po u r argent
com ptant; mais que le vendeur ayant alors déclaré ne plus vouloir
consommer le traité, et déniant q u ’il fû t convenu d ’accepter la traite,
il s’était, dès le lendemain, entendu avec le n o u ve la e q n ére u r, lesquels,
ce jo ur m ê m e , passèrent et firent enregistrer la nouvelle vente.
5°. Ë n f ip , il est convenu que les acquéreurs, instruits de ces dernières
circonstances, a y a n t d’abord f a it , le 14 , des offres réelles des 8,000 fr.
restant dus sur le p rix, et le vendeur les ayant refusés, ils ont formé
leur dem an de, non-seulement à fin d ’exécution de la vente par eux con
sentie et de nullité de la seconde, mais stihsidiaircment à fin de con
damnation en leur faveur de 12,000 fr. de dommages et intérêts.
Voilà un premier point avéré ; c’est que tous ces premiers faits étaient
constans, lors du jugement de première instance; e t , d ’u n autre cô té,
il v en avait d’autres articulés par les acquéreurs, et dont ils deman
daient à faire preuve.
A in si, et à coté de la certitude incontestable de ces faits, il est vrai
�de dire aussi que les parties ïi’étaient pas d'accord sur la cause po u r la
quelle l ’acte ayant été seulement écrit et rédigé par le notaire, et signé
par e lle s, n ’avait pas néanmoins été insigne par ce fonctionnaire p u b lic et
par ces témoins, ni soumis à la formalité de Venregistrement ; comme elles
n ’étaient pas non plus d ’accord sur la convention articulée par les acquércurs de payer en la traite de 8,200 f r . , puisque le vend eur, en déniant
cette dernière c o n ve n tio n , soutenait d’ailleurs que si l ’acte était resté,
le G a o û t, imparfait quant a sa form e, c ’était par la seule raison q u ’il
était convenu que la vente n'aurait son effet q u ’autant que les acquéreurs
auraient pàÿé\ ce jou r même, tout leur p rix , tandis que ces acquéreurs sou
tenaient le contraire.
M a is, en même temps que les parties n ’étaient pas d ’accord sur ces
deux points, les acquéreurs articulaient des faits dont ils demandaient
à faire p re u v e , et qui tendaient à établir la fausseté des allégations d u
vendeur.
A i n s i , ils demandaient à pro uver non-seulement que la vente devait
être irrévocable et définitive, dès le 2S juillet, maïs encoi’e que le ven
deur en aurait fait l ’aveu devant diverses personnes;
Q u ’en conséquence, ils avaient porté les fo n d s , lo rsqu’ils se présen
tèrent chez le notaire , le o a o û t, jo ur auquel le vendeur ne s’y rendit
pas; ([lie, d ’un autre co té, si, le 7, ils portèrent le billet de 8,200 f r . ,
c ’était chose convenue avec, lui;
Q u e cependant celui-ci ayant refusé le b ille t, on remit au lendemain 8
ce payement, mais que ce fu t, au contraire, ce jou r même qu ils prirent
pour consommer la seconde v en te, au mépris d elà première. E t q u ’enfin,
le nouvel acquéreur lui-même, ainsi que le notaire, regardaient telle
ment celte première vente comme irré vo ca b le , q u ’ils le u r avaient fait
ou fait faire des ojjrès pécuniaires considérables, à condition qu’ ils s yen dé
partiraient.
T e l était l ’état des choses, lorsque le jugement de première instance,
n ’ayant aucun égard à l ’évidence irrésistible des faits, soit reconnus cons
truis , soit subsidiairement articulés, a rejeté tout à la fo is , et la de
mande à fin d’exécution de la première vente, et la demande en nullité
de la seconde , et la demande à fin de faire preuve des faits articulés,
et même la demande subsidiaire à fin de dommages- intérêts, sous le
pretexte q u e , dans la form e, l ’acte de vente ne pouvait valoir ni comme
acte authentique, ni même comme acte sous seing privé.
�O r , d’aprcs ces faits, et dans de telles circonstances, il est facile de
p rouver non-seulement que le jugement de première instance a mal
j u g é , mais encore q u ’il a formellement violé tous les principes et toutes
les lois de la matière; et cela par trois raisons qui nous paraissent éga
lement péremptoires.
La prem ière, c ’est q u e , d ’après ces circonstances et ces faits avérés,
il existait entre les parties une obligation parfaite qui devait avoir son exé
cution, et dont le jugement n ’a p u délier une des parties au détriment
de l'autre.
La s e c o n d e , c ’est q u ’en admettant que la vérité ne parût pas suffisam
ment prouvée par ces faits, le tribunal n ’aurait pas dû rejeter la preuve
réclamée par les acquéreurs.
E t la troisième, q u e , dans tous les cas, il y avait lieu d ’accorder à
ceux-ci des dommages et intérêts.
%
M OYENS.
E n effet, une première observation préliminaire bien importante,
c ’est que le jugement de première instance a décidé une toute autre
question que celle q u ’il avait à ju g e r , en refusant à la vente convenue
son exécution, sous le prétexte q u e , dans la fo rm e, l'état actuel où se
trouve l ’acte qui contient cette vente, n ’avait, ni comme acte authentique,
ni comme acte sous seing p rivé, aucune forme d ’exécution; l ’objet du
procès n ’était p as de s a v o i r si l ’acte, dans l ’état d’imperfection où il était
resté, pouvait avoir son exécution. Les acquéreurs ne demandaient pas
cela; bien au contraire, ils demandaient d’abord que le notaire fut obligé
d’ÿ mettre la perfection en le signant et le faisant signer par les témoins,
et c’est après cela seulement qu'ils concluaient à ce q u ’il fut déclare
authentique; que, par suite, son exécution fût ordonnée; q u ’enfin, le
second acte fût déclaré n u l, et q u e , par une dernière conséquence né
cessaire , le notaire et le vendeur fussent condamnés aux dommages et
intérêts résultant de l ’inexécution volontaire de la convention.
Par conséquent, il importait peu d ’examiner, ainsi que le premier juge
a pris la peine de le faire très-disertement, si, dans l ’état d’imperfec
tion où se trouvait l’acte, il devait ou non être e xécu té ; mais toute
la question, encore une fois, était de savoir si le notaire ne devait pas
�cire contraint de.lui donner, par sa signature et par celle des témoins, sa
foire exécutoire.
O r , en dernière analise, celte question dépendait uniquem ent de
celle de savoir :
i°. S i , nonobstant l ’imperfection actuelle et extrinsèque de l ’acte
dans sa forme , il n’y avait pas au fond une convention, une vente suf
fisamment obligatoire ;
2". S ’il n ’y avait pas lieu subsidiairement d ’ordonner la preuve des
faits articulés;
3 °. E n fin , s i, dans tous les cas, il ne devait pas être adjugé aux acqué
reurs des dommages et intérêts.
O r , nous estimons q u ’il y avait lieu de décider affirmativement ces
trois propositions, et q u e , par conséquent, le jugement a erré sous ces
trois rapports, et même contrevenu à tous les principes ainsi q u ’à
.toutes les lois de la matière.
•
*
§ I".
0
CONVENTION OBLIGATOIRE.
Nous disons d’abord que nonobstant l ’imperfection actuelle et extrin
sèque de l ’acie dans sa fo rm e, il y avait, au fond, une convention et
une vente suffisamment obligatoire, po u r q u ’on dût adjuger aux a c
quéreurs leur demande; et c ’est ce qui résulte des faits constansentre
les parties, rapprochés des dispositions formelles de nos lois.
En effet,
D ’après ces faits et circonstances, pas le moindre doute, en point de
droit, que la vente était parfaite et obligatoire.
Celte proposition nous paraît si évidente, q u ’on n ’a besoin, po u r la
résoudre, que de rappeler les principes les plus élémentaires.
D ’abord un écrit n ’est pas nécessaire pour rendre une vente valable et
parfaite entre les parties, parce que l ’écrit ne constitue pas nécessaire
ment la vente; il n ’en est que Yinstrument ; et pour que celte vente ait
sa validité, etd o ive être e xécu té e , il suflît q u ’elle soit d’ailleurs constante
et avouée par le vendeur et par l ’acquéreur, en sorte que l’un et l ’autre
soient d ’accord tant sur la chose vendue que sur le prix.
•
3
�E n eiFet,
L ’art. 1 583 porte « que la vente est parfaite entre les parties, et la
» propriété acquise de droit à Vacheteur à 1 égard du vendeur, dès qu ’on
3) est convenu de la chose et du p r ix , quoique la chose n ’ait pas encore
» été livrée, ni le p rix payé. « Et i’art. i 5Sq ajoute : « La seule promesse
de vente vaut vente lorsqu’il y a consentement réciproque des deux
3> parties sur la chose et leBprix. 3,
Or, non-seulement il n ’est pas dénié que cette convention ait eu lieu,
ni même q u ’elle ait été consignée par écrit, mais encore q u ’elle ait
reçu un commencement d’exécution, par le payement de la partie du
p rix payé à titre d ’épingles. L ’écrit rédigé par le notaire le constate, i n
dépendamment des autres pièces du procès qui le confirment.
E n vain le jugement de première instance a-t-il supposé que cette con
vention était conditionnelle, c ’est-à-dire, subordonnée à la condition
que si le payement n’avait pas lieu le 6 août, il n ’y aurait pas de vente.
C elle supposition, si facilement adopie'e par les premiers juges, est
un prétexte oisif de la part du ve n d e u r, et le prétexte, en fait comme
en d ro it, le plus frivole.
Il est frivole en fa it, po u r ne pas dire q u ’il est démenti par l ’évi
dence ; c a r, s’il était vrai que la vente eût été subordonnée à l a c o n d i
tion que le payement serait e f f e c t u é le 6 , alors le vendeur n ’aurait pas
manqué de se trouver ce jour-là chez le n o ta ire, p o u f y toucher son
argen t, e t , par conséquent, par cela seul qu il 11e s’y est pas rendu ,
il est démontré que la convention était pure et sim ple, ainsi que la c té
rédigé par le no taire, et signé par les parties, le constate, puisqu’il
ne contient aucune condition.
A u reste, autant ce prétexie paraît, dans le fa it, contraire à la vé
rité de la part du ve n d e u r, autant son allégation devait paraître, en
d r o it, indiirérente à la justice.
E n princip e , c ’est toujours à celui qui allègue un fait, à le prouver,
et non h son adversaire.
l'ji incumbit probatio (pu dicit, non ei qui negai.
D ’ailleurs, il est le seul (le vendeur) qui prétende que la convention
ait eu lieu : les autres p a rties, dans le u r in terrogatoire, n ’ont pas fait
la même déclaration ; et les obstacles qu’il a mis à l’admission de la
preuve des faits articulés, achèvent de démontrer que la vente a été
�pure cl simple , ainsi que l ’annonce assez par lui-même l ’acte rédigé par
le notaire.
0 r , par cela seul que le vendeur n ’apporte aucune preuve de cette
prétendue convention co n tra ire , de faire dépendre la pei’fection de la
vente du fait du payem ent, il ne reste, dans la cause , q u ’une chose
incontestable , c ’est que , jusqu’à la preuve contraire , la vente pure et
simple a eu lie u , et qu'elle a même , en partie, reçu son exécution.
Cela posé, quel évait le d r o k , le seul droit qui restât au vendeur à
exercer contre les acquéreurs ? était-ce de disposer, sans leur consen
tement, de la cliose ven d u e? Evidemment non : car la chose vendue ,
malgré l ’imperfection extrinsèque de l ’acte, ne lui appartenait p lu s,
mais elle appartenait à ses acquéreurs, par la seule force de l ’art. i 585 cidessus rapporté; et le vendeur n ’avait plus le droit d’en disposer en
faveur d’u n tiers, sans se rendre coupable d’un acte de mauvaise fo i, et
même d’une espèce de stellionat.
Sans contred it, ne pouvant pas•la re v e n d re , il avait contre sesJacqn e re u rs, dans le cas où réellement ils ne l ’auraient point payé au
jour convenu, il avait contre eux à choisir entre deux partis: ou bien
il pouvait les forcerai! payement, pour faire ensuite prononcer la iésolution de la vente.* ou bien il était le maître de demander tout de suite
contre eux cette résolution.
E n c o r e , et dans le cas même où il aurait cru devoir intenter contre
çux cette action , il ne le pouvait q u ’après les avoir mis en demeure de le
payer; parce q u ’aux termes de l ’art. n 84 du Code c iv il, la condition
résolutoire est b ie n , ii la vérité, sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l ’une des parties ne satisfait point àsesengagemens; mais que dans ce cas-là m ê m e , la résolution du contrat n’a
pas lieu de. plein droit, et que Ja partie qui se plaint d’une in exécution ,
n ’a que le choix des deux partis ci-dessus expliqués , c'est-à-dire, ou de
forcer l ’autre à ¡’exécution de la convention , lorsqu’elle est possible,
ou d’en demander la résolution ', avec dommages
© et intérêts.
Il y a p lu s , et l ’on peut aller beaucoup plus loin e ncore, c ’est-àdire , q u e , dans la supposition même où (comme le suppose le vendeur)
l ’accomplissement de la vente aurait été subordonné à l’accomplissement
de la condition résolutoire du payem ent, le v e n d e u r , dans ce cas-là
irçeme, n’a pu disposer, de piano, de la chose v e n d u e , q u ’après avoir
�mis les acquéreurs en demeure de payer le p rix convenu ; puisqu’aux
termes de l ’art. i 656 du Code c iv il , c e u x -c i, même après l'expiration
du délai, avaient encore le droit de faire leu r payem ent, tant qu’ils
n ’avaient pas été mis en dem eure: c ’est la disposition littérale de cet
article ainsi conçu : « S ’il a été stipulé, lors de la vente d ’immeubles,
» q u e , faute de payement du prix dans le terme c o n v e n u , la vente
» serait résolue de plein droit, l ’acquéreur peut néanmoins payer après
» l ’expiration du d é la i, tant q u ’il n ’a pas été mis en demeure par une
» sommation : mais, après cette somm ation, le juge ne peut pas lui
» accorder de délai. »
Si donc le sieur Mordefroid re g a rd a it, dans l ’espèce , le 6 août
comme un terme de r ig u e u r , il fallait, po u r en conserver le bénéfice,
q u ’il fit une sommation à ses acquéreurs d ’exécuter la convention de
payer leu r prix ; e t , par conséquent, le jugement attaqué n ’a pu le
dégager de ses obligations personnelles, au détriment de ses acquéreurs.
E n vain ce jugement allègue-t-il, comme po u r échapper à cette der
nière cons'équence, que la prétendue condition de payer le G a o û t,
et de considérer la vente comme nulle et résolue de plein d r o i t , dans
le cas où le payement n ’aurait pas lieu ; en vain allègue-t-il que cette
condition n ’élait pas une condition résolutoire, mais une condition sus
pensive, pour en induire que la vente a , de plein droit, cessé d ’exister
au moment même où la condition de payement n ’a pas été accomplie
le jour où il devait s’opérer. Cette distinction n ’a pas la moindre appa
rence de fo n d e m en t, et ne roule que sur une équivoque de mots, qui
est presque dérisoire.
Sans d o ute, il est éviden t, d ’une part, que l ’art. 1181 dispose « que
» l ’obligation contractée sous une condition suspensive, est celle qui
» dépend, ou d ’un événement futur et incertain, ou d’un événement
» actuellement arriv é, mais encore inconnu dtes parties ; ......... que ,
» dans le premier cas , l ’obligation ne peut être exécutée q u ’après l ’évé» nement -, et q u e , dans le second cas , l ’obligation a son effet, du jo u r
» où elle a été contractée. »
Comme il est également certain que l ’art. 1 17G, en parlant des obli
gations conditionnelles , stipule « que lorsqu’une obligation est con« tractée sous la condition q u ’un événement arrivera dans un temps
» fixe, cette condition est censée défaillie, lorsque le temps est expiré
» sans que l ’événement soit arrivé. »
�'( 9 )
Mais que suit-il de ces dispositions?
E n résulte-t-il que le terme de la condition étant arrivé sans que la
condition suspensive soit a cco m p lie, la convention soit nulle de plein droit,•
de manière que le vendeur soit le maître de disposer une seconde fo is de
la chose ven d u e, sans être obligé de mettre les acquéœurs en demeure de
lui payer le prix, ?
Évidemment non ; et il est impossible d’en tirer une telle conséquence,
sans contrevenir ouvertement à tous les principes et a toutes les règles
des obligations en g é n é r a l, ainsi que du contrat de vente en particulier.
Q u e disent en effet ces articles?
L ’un et l ’autre ne font rien autre cliose que de f ix e r le terme de la
v 1:*ion , o u , en d’autres termes, l ’époque où Vobligation doit être exé
cutée, soit après l ’événement, soit au jour même où elle a été passée,
mais sans statuer sur la question de savoir s i , dans le cas par eux prévu,
la mise en demeure est nécessaire pour que la vente soit résolue.
Il y a plus : non-seulement ces articles ne décident point q u e , dans
les hypothèses par eux stipulées , l ’obligation est résolue de plein droit,
et sans mise en demeure, mais aucune autre disposition du Code ne statue
de la sorte ; o u , en d’autres termes, aucune autre disposition du Code
ne fait exception au principe g é n éra l, que pour faire subir à q u e lq u ’un
la peine attachée au défaut d’accomplissement d une obligation1', il faut
d’abord l’avoir mis en demeure de la remplir ; et puisque ce principe
général est d’ailleurs particulièrement appliqué à la vente par l ’ar
ticle iG 56 ci-dessus in vo q u é , jamais le vendeur n ’a pu être dégagé, de *
plein droit , de son obligation.
D ’ailleurs, et indépendamment des raisons de droit qui rendaient
cette mise en demeure inévitable po u r opérer la résolution de la vente,
il y en avait une de fa it, qui rendait cette mise en demeure encore plus
nécessaire de la part du ven d eu r, c’est qiie si le payement n ’avait pas
eu lieu au jo ur indiqué, c ’était uniqï'itmcnt par sa fa u te , puisqu’en ne
se présentant pas, au jour ind iqué, pour recevoir ce p a y e m e n t , il avait
mis ses acquéreurs dans l ’impossibilité absolue de l'effectuer;
E h ! q u ’on ne dise pas ici (pie ces derniers auraient pu lui faire, dès
ce mom ent, des offres judiciaires. Il faut remarquer que rien ne les
obligeait à soupçonner la mauvaise foi de leur ven d eu r, ni à lui faire
accepter son payement malgré lui ; et. ils devaient c ro ire , au contraire,
�C 10 )
que lé sieur M ordefroid (le vendeur) ne se présentant pas pour recevoir
son a r g e n t , au jo u r indiqué , consentait par cela même à le recevoir
plus tard. A utrem ent ce serait dire que le vendeur aurait p u , à son gré,
anéantir la vente en ne se présentant p a s, ce qui serait absurde; car,
aux termes de l ’art. 1 1 7 5 , « T o u te condition doit être accomplie d e là
manière que les parties ont vraisemblablement voulu et entendu
« q u ’elle le fût. » O r, il est contre toute vraisemblance que le vendeur
ait stipulé le droit de détruire la vente, en empêchant l ’accomplisse
ment de la condition.
Sans doute il était permis aux acquéreurs de faire, le jour mêm e, des
offres réelles; mais si cela leur était perm is, cela n ’était pas pour eux
une obligation. La résolution de la vente pouvait bien être attachée au
défaut de payement qui serait causé par leur refus, mais non pas au
défaut de payem ent, causé par la volonté de leur vendeur; et pour que
celui-ci pût invoquer contre eux le défaut de p a y e m e n t, il faudrait
q u ’il prouvât q u ’ils ont refusé de payer, tandis q u ’il avoue ne le leur
avoir pas même demandé : au contraire, en laissant passer le terme lixé
p o u r le payem ent, c ’était renoncer à en invoquer le bénéfice ; c ’était
décharger volontairement les acquéreurs de l ’obligation où ils étaient
de payer ce jour-là ; c ’était faire un véritable abandon de son d ro it, et
placer volontairement ses acquéreurs dans la catégorie ordinaire de
ceux qui doivent sans terme fixe; et cette renonciation au bénéfice de
l ’échéance du terme rendait d’autant plus nécessaire la mise en demeure
exigée par l ’art. iGi)G. O r, q u ’a fait, à cet égard , le sieur Mordefroid !
il a poussé l ’abus jusqu’à v e n d re , à l ’inscu de ses acquéreurs, et sans
les p ré v e n ir, le même objet dont il leur avait déjà transmis la p ro
p r ié t é ; et en cela non-seulement il a excédé ses droits , mais, par cette
espèce de stellionat, il s’est rendu responsable envers eux de tout le
préjudice qui en a été la suite.
11 est donc évident que si la vente n ’a pas reçu son exécution toute
entière, c ’est à lui seul que le sieur Mordefroid doit s’en prendre; mais
la vente n ’en était pas moins valable et irrévocable a l ’égard des sieurs
C hapon; et le triblun al, en ne donnant à cette vente aucun eüêt, a
npn-S($iljÇment commis une injustice, mais il a violé tous les principes
et toutes ;les lois.
£)n vain encore ce jugement a-t-il fuit une autre objection qui pour-
�.
(
I l
)
rait paraître spécieuse, en disant que lorsque les parties étaient conve
nues de vendre par écrit, la vente n ’était parfaite q u ’après la perfection
de l ’écrit lui-même. Ce principe pourrait être contesté et subir des dis
tinctions, mais ce n ’est pas ici le cas de l ’examiner, en ce q u ’il n ’est n u l
lement applicable à l ’espèce.
E n effet, on ne peut en général appliquer ce principe que daris le
cas où aucun écrit n ’a été réellement fait, et où les parties sont l'estées
sur les propositions q u ’elles s’étaient faites verbalement; mais appliquer
ce principe au cas où c ’est l ’écrit lui-même qui fait la matière du procès,
c’est vouloir décider la question par la question. Dans l ’espèce actuelle,
l ’écrit a été fait, les intentions des parties ont été remplies; à la vérité
On en conteste l ’ellèt, mais on1ne peut eii contester l ’efiet qu’en soutenant
q u ’il y a eu hors de Vítete une condition apposée à la vente; et l ’on ne
peut soutenir qu'il y a une condition apposée à la vente , qu ’en contèsnant l’eifet de l ’acte qui porte une vente pure et simple ; c ’est prétendre
q u ’il n’y a pas d’acte parce q u ’il y a une condition, et q u ’il y a une
condition p a rc e :qü.'il n ’y a pas d’acte; c ’est faire un cercle vicieux dont
il est impossible de sortir.
P o u r ramener la question a son véritable point de v u e , il faut reve
nir à la convention en elle-même, telle q u ’elle est avouée par toutes les
parties; c ’est sur ce point q u ’est toute la difficulté; et nous avons dé
montré que cette convention, telle q u ’elle est avouée par toutes les par
ties, n ’avait pas cessé d’être obligatoire, et que le vendeur ne pouvait
s’en départir sans porter atteinte aux droits de ses acquéreurs, qui de
vaient être inébranlables.
g
h
.
ADMISSIBILITÉ DE L A PREUVE.
‘
1
Q uoique les faits ci-dessus exposés ne soient pas moins incontestables
que les conséquences qui nous paraissent, en droit, en résulter, néan
moins, et dans la supposition où les premiers juges n ’y auraient pas
trouvé la preuve suffisante de la irritable c o n v e n tio n des parties, il nous
paraît constant q u ’ils auraient dû ne pas rejeter la preuve des faits
s.ibsidiairement articulés par l e s acquéreurs, puisque ces faits tendaient
à la bien faire connaître; et nous estimons q u ’en rejetant celte preuve
�comme inadmissible, sous le prétexte q u ’elle ne changerait rien à Pétqt
de la cause, ils ont commis une erreur pour ainsi dire matérielle.
E n effet, parmi les faits articules, il y en avait qui étaient surtout si
c o n c lu a is et si décisifs, q u ’il n ’y avait pas lieu de résister à leur évi
dence ; et tels sont ces faits principaux :
, ' i°. Q u e , dès le 25 ju ille t, la vente était tellement définitive, tellement
irrévocable, que le notaire en aurait fait l ’aveu, en présence cle plusieurs
personnes;
2". Q u e , p o u r consommer de leu r part l ’exécution de cette vente,
les acquéreurs auraient réellement apporté leurs fonds chez le notaire,
le jo ur indiqué pour la consommation , c ’est-à-dire, le 6 août ;
3 ° .Q ue le vendeur qu i, de son a v e u , ne se trouva pas au rendez-vous
le G, leu r avait fait savoir que le 7 il accepterait en payement le billet
de 8,200 f r . , et que c’était seulement par la confiance que leur inspira
cette promesse, q u ’ils n ’avaient pas rapporté les fonds en espèces monnoyées, lorsqu’ils se trouvèrent chez le notaire le 7;
4 °. Q u e le ve n d e u r, après s’être re fu sé , ce j o u r - J à , à accepter le
b ille t, m a l g r é la promesse q u ’il en avait faite, leu r avait a nnoncé, ainsi
que le n o ta ire , que le lendemain 8 , ils seraient pré$ens à l ’étude, pour
recevoir le prix ; tandis q u e , de leur aveu, ils choisirent ce moment pour
passer la seconde vente ;
E t 5°. enfin, que le notaire et le nouvel acquéreur avaient tellement
la conviction de l ’irrévocabilité de la première, que l ’ un leu r avait fait
des offres pécuniaires considérables de la part de l ’autre, à la condition
q u ’ils voudraient bien s’en départir ; et que c e lu i- c i , dans la même
co nviction, et lors de la seconde vente à lui faite, s’éiait engagé à sou
tenir, en faveur de son vendeur, le procès que les premiers acquéreurs
pourraient lui intenter.
O r, il suilit d’exposer ces faits principaux , pour y voir, en les suppo
sant avérés, la preuve incontestable que la première vente était définitive,
et pure ç.t, simple, comme l ’acte rédigé par le notaire le suppose ;
Q ue la prétendue condition suspensive ou résolutoire (peu importe),
alléguée par le vendeur, et regardée comme vraie par le jugement d o rt
est a p p e l, n ’a jamais été convenue entre les parties ;
E t par conséquent, enfin, que la revente non-seulement est n u ll e ,
ïuîuS encore q u ’elle est l ’ouvrage de la mauvaise foi,
�( i5 )
D o n c , la preuve éiait admissible , puisqu’en l ’admeitant, elle devait
faire connaître et completter la vérité même.
A u reste, et pour corroborer encore les argumens sur ce point, nous
observerons que l ’admissibilité de la preuve ne peut pas être contestée
en elle-même. Il ne s’agit point ici d'une preuve contre et outre le contenu
aux actes , au moins de la part des acquéreurs ; au contraire, la preuve
par eux réclamée tend à confirmer Vacte écrit ; et si elle était, sous ce
r a p p o r t, inadmissible, ce ne serait q u ’à l ’égard du v e n d e u r, qui veut
faire une preuve contraire à ses dispositions.
E n f in , nous terminerons cette partie de la discussion par une dernière
r e m a r q u e , qui nous semble également décisive , c ’est q u ’aucun autre
obstacle de forme ne s’opposait à l ’admissibilité de la preuve. L ’acte
rédigé par le notaire était signé par l ’un des acquéreurs, avec la décla
ration que les autres ne savaient pas signer. Cet a c t e , ainsi revêtu de
la signature des parties, en le supposant n u l par le défaut de signature
du notaire et des tém oins, ne pouvait être n ul que par rapport à des
tiers : il ne l ’était point q u a n t aux parties contractantes entre elles; il
devait, à leur égard, valoir comme acte p rivé , aux termes de l ’art. i 3 i 8
du Code c iv il, et de l ’article 68 de la loi du 25 ventôse an n , sur le
notariat; et d ’ailleurs, la vente en elle-même étant avouée avec toutes
les circonstances nécessaires à sa validité, il n ’y avait, nous ne disons
pas, aucune bonne raison, mais même aucun prétexte plausible , pour
rejeter la preuve.
D o n c , il est évident que, sous ce deuxième point de v u e , le jugement
dont est a p p e la encore mal jugé.
.r
'
§ ni-
DOMMAGES
ET
INTÉRÊTS.
E n fin , et dans tous les cas, c’est-'a-dire, dans la supposition même
ou (ce qui n’est point, et ce q u e , d’ailleurs, nous n ’avons pas besoin
d’examiner) le système adopté par les premiers juges, sur l ’imperfec
tion de la c t é , quant à ses formes, serait fondé en droit, il n ’en est pas
moins incontestable que par cela seul que la convention de la vente est
pure et simple, et q u ’ainsi elle est définitivement o blig ato ire, le tri
bunal de première instance n ’a pu , sans violer encore toutes les lo is,
refuser aux acquéreurs leurs dommages et intérêts.
�E n effet, il n ’est personne, tant soit peu versé dans la connaissance de
nos lois, qui ne sache que toute inexécution volontaire d ’une conven
tion qu e lco n q u e, oblige le débiteur à réparer le dommage qui en est la
suiie envers le créancier.
O r, dans l’espèce, et même en admettant que l ’acte rédigé par le no
taire ne p û t valoir, ni comme acte authentique, ni même comme acte
p riv é , à cause de son imperfection extrinsèque, il est d’ailleurs avoué
et p rouvé par les pièces du p ro c è s , q u ’il y a eli vente , q u ’elle a même
eu une partie de son exécu tio n , que si elle n ’a pas été entièrement
consommée , c ’est par le seul fait du vendeur ; comme il paraît, égale
ment incontestable que la seconde vente est l'effet d’une intelligence
entre ce dernier et le deuxième acquéreur, et même le notaire.
Par conséquent, l ’inexécution de la convention doit nécessairement
entraîner des dommages et intérêts; et c’est d’ailleurs ce qui résulte des
autres dispositions générales du C o d e, sur les obligations , et qui veulent
que le débiteur d ’une obligation qui consiste à faire, soit tenu d ’indem
niser le créancier, de manière que cette obligation se résolve en dom
mages et intérêts, toutes les fois que son inexécution est de son fa it,
et peut lui être imputée : c ’est la disposition formelle de l ’art. n l \.2 du
Code civil.
O r, dans la supposition même où la deuxième vente étant reconnue
comme v a la b le , si elle était de bonne foi de la part du second acqué
re u r , les premiers acquéreurs ne pouvant pas être investis de leur
p ro p rié té , ils auraient du moins un recours en garantie contre leur
v e n d e u r; et dès lors le jugement a encore mal ju g é , en n ’accordant
pas à ces derniers l ’indemnité qui leu r appartient.
Nous estimons d o n c , en dernière analise , que les acquéreurs sont
fondés à se pourvoir par appel contre le jugement souverainement injuste,
q u i h rejeté leur demande , et nous pensons qu’ils ne peuvent manquer
de réussir devant la C o u r royale.
D élibéré , à Paris, ce 18 janvier 1826.
C H A U V E A U - L A G A R D E , président de l'ordre des avocats
aux Conseils du lio i et à la Cour de cassation.
J ’adopte :
B E R R Y E R père , avocat à la Cour royale de Paris.
�L ’avocat à la C o u r royale île Paris, soussigné, qui a pris com m uni
cation (le la consultation ci-dessus, partage entièrement l ’avi» de
M° Chauveau-Lagarde. L e jugement du tribunal civil de ClermontF e r r a n d , en date du 6 juillet 1824, est incontestablement susceptible
d’être infirmé par la C o u r royale saisie de l'appel des acquéreurs du
domaine en question. Toutes les conclusions prises, en première ins
tance, par ces acquéreurs, doivent leu r être adjugées, et sont fondées
en fait et en droit.
D élibéré, à Paris, le 25 janvier 1826.
L . CA ILLE .
A
C
lermont
,
de l'imprimerie de T o i b a u d - L a n d i i i o t , libraire, imprimeur du Moi
et de la Préfecture.
�
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Title
A name given to the resource
Factums fonds privés
Relation
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Description
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Text
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Title
A name given to the resource
[Factum. Chapon. 1826]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
L. Caille
Subject
The topic of the resource
ventes
dommages et intérêts
nullité
notaires
Description
An account of the resource
Consultation pour MM. Chapon frères meuniers à Cébazat
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Thibaud-Landriot (Clermont-Ferrand)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1826
1822-1826
1814-1830 : Restauration
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
15 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_DVV01
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Don Vendrand-Voyer
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Cébazat (63063)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Relation
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dommages et intérêts
notaires
nullité
ventes