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—
COUR R O Y A L E
MÉMOIRE
DE
RIOM.
POUR
PR EM IÈRE c h a m b r e .
G ilb e rt et Louis-Etienne GUESTON, Pro
priétaires; Françoise GUESTON, et JeanPourçain CAUSSE, son mari,
Proprié
taire et Docteur en médecine, Appelans de
jugement rendu par le Tribunal civil de
Moulins, le 28 avril 1 8 3 6 ;
CONTRE
L éonard CANU, Intimé.
D e u x jugemens du tribunal civil de Moulins sont en présence d ans
cette cause ; l'un du 19 août 1816, qui, après l’emploi des fo rm a lités
prescrites par l’art. 467 du Code civil, homologue une t ra n sa ctio n
faite par un tuteur; l'autre t de 1 8 3 6 qui annule cet acte , parce
que , d it-il, c était un partage et non une transaction.
A insi, deux jugemens du m ême tribunal ont différemment qua
lifié l'acte qui fait le fondement du procès : le premier y a reconnu
une transaction et l’a hom ologuée, à une époque où le tribunal était
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chargé par la loi d ’en examiner les caractères, de le qualifier com m e
il devait l’ê t r e , et de n’y mettre le sceau de son autorité que lors
qu’il aurait reconnu que le mineur avait avantage à transiger ; le se
cond , mettant à l’écart le jugement d ’homologation , et ne voyant
qu’u a simple acte de la juridiction volontaire, en a prononcé la
nullité , à une époque où il semble que , d’après les lois , il n ’avait
aucune autorilé pour examiner les caractères déjà fixés et reconnus
de cet acte, et ne pouvait l’annuler q u ’aulant q u ’il n’aurait pas été
accompagné des formalités prescrites par la loi pour l’espèce d ’acte
qu ’on avait voulu faire, et que le tribunal de
i 8 jG
avait autorisé.
Ce n’est pas la seule erreur de ce jugement.
Léonard Canu réclame une part de succession y comme enfant na
turel du sieur Gueston. O r , en reconnaissant que les droits de l’in
tim é , comme enfant naturel, étaient contestés; que son id e n tité ,
sa qualité, elle-m êm e, était en litige; q u ’en la supposant ré e lle , on
lui contestait, encore, le droit de critiquer des actes passés antérieu
rement et de bonne foi entre le père et ses enfans légitimes , le tri
bunal de Moulins n ’a pas voulu voir une transaction dans le traité
par lequel on-lui accordait une somme de 3 ,ooo fr. pour éviter un
procès sur ces questions graves, q u i , en compromettant les intérêts
desparties, tendaient à accuser, d ’une part, et à justifier, d<^l’a u tre ,
la mémoire du sieur Gueston.
Allant plus loin enco#re , il a décidé que toute transaction, fût-elle
sincère et de bonne fo i, ne pouvait être considérée que comme un
partage, si elle faisait cesser l’indivision; que la cession de droits
successifs, elle-même, perdait son caractère, d ’après l’article 888 du
Code civ il, touLes les fois que le vendeur demeurait garant d ’autre
chose que de sa qualité d ’héritier.
Enfin., et quoique , dans l’espèce , Léonard Canu , pour lequel 011
a a ccep té, avçc autorisation régulière, 3^000 fr. par forme de tran
saction, n\iût garanti, ni la qualité du droit, ni le droit' lui-même ,
ni,la qualité qui lili était contestée, et quoique tout cela résultât du
niêwe î)cto i le tribunal a décidé q u ’on devait y supposer ou y voir
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la vente des droits* certains déterminés 3 et le résultat d’un .partage
préexistant.
S ’arrogeant ainsi nne autorité supérieure à la sienne p r o p r e , et le
droit de contredire ce que lui, ou ses devanciers, avaient fait en 18 16,
il a déclaré nulle la transaction faite avec un mineur ;
Q uoiqu’il y eût matière à transaction , et transaction réelle sur des
points en litige , lesquels portaient sur les fondemens même du
droit prétendu pour le mineur ;
Quoique le besoin et les avantages de cette transaction eussent été
reconnus par un conseil de fam ille, et par trois jurisconsultes nom
més par le procureur du roi ;
Q u o iq u e , enfin , le tribunal co m p étent, le même tribunal, il faut
le dire , alors chargé par la loi d ’apprécier le mérite de cet acte , de
l’autoriser ou de l’empècher , l’eût homologué purement et simple
ment comme transaction, après l’observation de toutes les forma
lités prescrites.
De si graves erreurs devaient être signalées à la haute sagesse de
la C o u r, et nous lui en soumettons l’examen avec confiance. Les
faits et les actes nombreux qui constituent cette cause , les questions
assez piquantes qu’elle fait naître ou apercevoir, nous entraîneront
dans quelques détails. ¡Nous tâcherons de les abréger et de les pré
senter clairement. Elle a d ’ailleurs pour les intimés une importance
morale qui réclame spécialement l’attention.
FAITS.
I'rançois Gueston , père et beau-père des appelans, avait contracté
mariage avec Françoise lîarathon-Desgranges le 14 juin 1790. Ils se
soumirent au régime de la communauté, q u i , d ’ailleurs, à cette
époque , était la loi établie par la Coutume du Bourbonnais. La femme
avait des biens assez considérable^
Françoise Barathon décéda en 1 7 9 6 , l a i s s a n t e s trois enfans en
bas âge. Le m a ri, survivant, ne fit ni inventaire ni acte equipollent,
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et la communauté continua avec ses enfans , conformément à la
Coutume.
François Gueston resta ve u f, dans la force de l ’âge. Ses enfans
n ’ont pas à rechercher si les passions de la jeunesse l ’entraînèrent à
quelques écarts; ils mettraient bien plutôt du prix à couvrir de leur
respect des faiblesses qui ne sont que trop dans la nature, si la nais
sance d'un enfant naturel reconnu par lui à une époque plus recu
lée , et dont l ’origine est encore un mystère, n ’était la cause unique
de ce procès.
Marie Brunet était entrée chez lui assez jeune. Deux fois elle avait
été renvoyée et reprise. Sans nous jeter dans des conjectures, sans
adopter comme vrais des bruits publics plus ou moins vraisem
blables , et dont le souvenir existe encore dans le p a y s , nous nous
arrêterons à des faits matériels résultant des actes qui constituent le
procès , et nous ne remonterons pas plus haut que le fait qui lui a
donné naissance. Nous nous bornerons à dire q u ’après avoir ren
voyé Marie Brunet, une première fois, de son service, en 1808, Fran
çois Gueston la reprit en 1 8 1 0 , et la garda très-peu de temps.
Jusque l à , il n’avait pas manqué de tendresse envers ses enfans;
ils s’empressent de reconnaître qu ’il leur avait donné tous les soins
q u ’exigeait leur âge, et n’avait rien négligé pour leur éducation.
Mais leur retour des pensions dans la maison paternelle , leur âge
plus avancé, leur intelligence plus développ ée, qui pouvaient deve
nir un peu gênans pour lui ; enfin , l’approche de leur majorité , au
moins celle du fils aîné, qui faisait apercevoir la possibilité qu ’il eût,
bientôt, à rendre un compte de tutelle et de communauté, ame
nèrent chez lui quelques inquiétudes qui changèrent sa manière
d ’être envers ses enfans. Les moindres ch ose s, leur seule présence
lui faisait ombrage ; et en certains momens, où son esprit ne pouvait
pas être c a lm e , il allait jusqu’à menacer de faire disparaître sa for
tune , q u i, d isa it-il, lui apparjenait d ’autant plus exclusivement
qu ’elle était le fr& t de son industrie.
I ù n 8 i a , le fils aîné, devenu majeur, fut effrayé de cet état de choses.
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Il pensa à réclamer ses droits ; mais les menaces q u ’il avait enten
dues , l’empire qu ’on exerçait sur son père , la facilité qu ’on avait
d’influencer, surtout dans certains niomens, un homme qui autre
fois était un exemple de re te n u e , lui firent craindre que s il formait
une demande sans autre précaution, sa fortune mobilière ne disparût
d ’un coup de main. Copropriétaire par suite de la continuation de
communauté , il requit une apposition de scellés. Cette démarche
un peu bru sq u e , peut-être, à raison de sa qualité de fils, dut empi
rer la situation respective.
Au commencement de i 8 i 4 > Marie Brunet demeurait au Montetaux-Moines; elle y avait fait connaissance avec Gilbert Fratissier,
qu’elle épousa plus tard. Dans le cours de la même année , elle ren
tra chez le sieur Gueston. Â.lors elle était en ce in te , c ’est un fait po
sitif, soit que l’enfant dont elle accoucha plus tard fû t , en réalité,
Léonard C anu, dont la naissance fut constatée le 23 octobre 1 8 1 4 *
ou que son enfant fût né mort à une date différente , comme on le
croyait dans le pays. Quoi q u ’il en soit, les î g et 23 octobre, deux
actes indiquèrent légalement la naissance d’un enfant dont l ’origine
fut laissée dans les ténèbres.
Sur le registre matricule des enfans trouvés de l’hôpital-général
de Moulins, ou trouve cette insertion :
« IS'° 797. Léonard C a n u , apporté au berceau le 19 octobre 1 8 1 4 ,
» âgé d ’ un jo u r , confié le 19 dit h Françoise L o m e t, femme de Jean
» ll é n a u d , commune de Trévol. »
Et sur le registre double des naissances de la ville de. Moulins ,
pour 1 8 1 4 * on tro u ve , à la date du 23 o c to b r e , un acte qui constate
q u e , ce jour-là m ê m e, 23 octobre, Catherine ll i b i e r , préposée de
l’hôpital-général, a présenté un enfant nommé Léonard C a n u , dgé
d un jo u r , trouve exposé dans le berceau dudit hospice ; en sorte
que ce serait le infime enfant qui était âgé d ’un jour le 19 , et envoyé
le i g à l r e v o l , qui est présenté à la mairie de Moulins le 2 0 , comme
âgé d ’ un jour.
Nous oc relevons cette circonstance que comme étant le commen-
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cernent des singularités qui ont accompagné tous les actes dont ce
Léonard Canu a été l’objet. Au reste, on y remarque que cet en
fant n ’est reconnu par personne ; q u ’il a été exposé sans aucune
marque distinctive , comme le dit le procès verbal. S ’il était l’enfant
de Marie Bru net ; s i , ce qui était bien plus douteux encore , il était
celui de François G ueston, il faut convenir que ce prétendu père
n’avait pas eu la pensée de le réclamer un jour. L e procès v e r b a l,
en indiquant minutieusement tout ce qui avait été trouvé sur l ’enjfant : un drapeau, une bourrasse, une chemise 3 une brassière et deux
bonnets t sans autres marques distinctives qui puissent donner des renseignemens sur sa naissance, démontre que le nom Léonard Canu
ne lui avait été donné q u ’à l’hospice ; en sorte q u ’il ne restait aux
véritables parens de cet enfant aucun moyen de le reconnaître parmi
ceux qui pouvaient avoir été déposés à la même époque.
Peu de temps après, et au mois de janvier 1 8 1 5 , nous trouvons
des actes qu ’il faut nécessairement connaître, et surtout bien ap
précier. Que Léonard Canu fût l’enfant de Marie B run et, ou qu ’elle
l ’eût supposé ; qu’il fût le produit des œuvres du sieur Gueston , ou
de tout a u tre , il est certain, il est notoire dans le p a y s , que le sieur
Gueston était vivement persécuté par Marie B r u n e t, pour en obtenir
quelque chose; q u ’il y avait eu entre eux des scènes violentes ( on le
prouverait au b e so in ); q u ’enfin le sieur Gueston avait fini par aper
cevoir qu'on l ’irritait mal à propos, q u ’on l’entretenait dans de
fausses et déplorables démarches contre ses enfans, et q u ’en deve
nant injuste à leur égard, il s’éloignait pour lui-mcrne de tout ce
qui fait le bonheur de la v i e , en se laissant captiver par Marie Bru
net. 11 sentit le besoin de sc défendre et des violences et des sé
ductions qui l ’entouraient.
Au mois de septembre 1 8 1 4 • H avait acheté du sieur Renaud de
B o i s r e n a u d la propriété de Sciauve. Il n ’en avait pas payé le prix
(4 8 ,oo o fr. ) , et le devait en totalité; il ne p o u v a it pas le payer avec
ses ressources personnelles, surtout à la compagnie de Marie Bru
net. Le i 4 janvier i 8 i 5 , il en lit la vente à ses enfans, en même
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temps que (le ses autres biens. Les deux frères majeurs y assistèrent
Françoise Gueston, leur sœur, mineure émancipée, e t , se P5Uj¿atlt
torts pour elle, promirent sa ratification à sa majorité. La vemfe fut
laite moyennant certaines réserves de jouissance, pour la vie du
vendeur, et à la charge de p ay e r, 1*48,000 francs au sieur de
Boisrenaud et les intérêts depuis l’acquisition; 2° 10,000 fr. au sieur
Alibert; 3° 3,ooo fr. de pension viagère au vendeur, et sa provision
de bois à brûler. E n fin , le sieur Gueston y impose à ses enfans une
condition que nous devons transcrire littéralement.
« A la condition très-expresse que lesdits biens cédés seront par» tagés avec ceux de la mère des acquéreurs , et ce par égalité entre
» ses trois enfans; qu ’à cet effet, il en sera fait trois lots les plus
» justes et les plus égaux possibles , de manière que les deux lots qui
» comprendront, l’ un, le château et la réserve de Sciauve; et l ’autre,
» la terre des S a lles, seront attribués aux deux garçons, vo ulan t,
» ledit sieur Gueston p è r e , que si l’un des enfans contrevient à cette
» clause, et q u e , dans l’année de la majorité de sa demoiselle, ses
» enfans ne lui rapportent pas l’acte de partage portant attribution
» des deux lots ci-dessus, le présent demeurera nul et non avenu ;
» e t , dans ce cas, ledit sieur François Gueston dispose au préjudice
» du contrevenant à cette clause, et au profit des non contrevenans,
» de la portion disponible de ses b ien s, en meilleure forme que
» donation puisse valoir, la présente clause étant acceptée par ses
» enfans. *
On voit parfaitement ici le but et 1esprit de cet acte. L e sieur
Gueston voulait transmettre à ses enfans une propriété dont il devait
le prix et qu’il ne pouvait pas payer; il voulait qu ’ils acquittassent,
pour lui, une somme de 10,000 francs ù un, tiers; enfin, il voulait
faire entre eux une sorte de partage et attribution de lo ts, autant,
cependant, que pouvaient le permettre les conditions onéreuses q u ’il
leur im posait, et qui ôtaient h sa disposition le caractère de pure
libéralité. Il faisait, d ailleurs, cette disposition entre scs■
enfans, ses
deux garçons, sa fiUc» comme u a homme qui n’avait pas d ’autre
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enfant ayant droit à une réserv e, ni qui pût porter la moindre at
teints à la distribution q u ’il faisait de sa fortune. Il ne connaissait
pas
en effet , il ne pouvait pas connaître Léonard Canu , cet
enfant exposé au bac de l’hospice de Moulins, à une grande dis
tance de son dom icile, sans aucune marque distinctive, et sans que
rien pût lui indiquer qu ’il était le sien ni même celui de Marie Bru
net. S ’il fallait d ’ailleurs s’en référer aux bruits qui coururent alors,
Marie Brunet se serait accouchée sur les lieux et non pas à Moulins ;
l’accouchement aurait eu lieu à une époque postérieure au 18 oc
tobre ; enfin, elle aurait mis au monde un enfant m o r t- n é , ou né
m o rt, et non Léonard C a n u , vivant depuis le 18 ou le 23 o c to b r e ,
comme on voudra. Il ne faut donc pas s’étonner que le sieur Gueslon ne pût ni ne voulût le reconnaître. D ’ailleurs, l ’ acte du i 4 jan
vier est reçu par le sieur Boucaumont-Marzat, notaire de la famille,
au château de Sciauve, avec tous les caractères de l’authenticité.
Toutefois, placé dans cette position difficile d ’un homme qui a ,
d ’un côté , ses onfans légitimes pour lesquels il éprouve le sentiment
du père de fam ille, e t , de l ’autre, une personne du sexe vers la
quelle il a été entraîné par son isolem ent, et qui exerce encore sur
lui une sorte d’e m p ire, il ne p ut, en rendant justice à ses enfans , et
en se mettant lui-même dans l’heureuse impossibilité de les priver
de sa fortune, se défendre de subir et de leur imposer quelqnes co n
ditions. Ici se présente un fait que nous ne devons pas laisser ignorer.
Trois jours avant cet a cte, et le 11 du même mois de ja n v ier,
Marie Brunet s’était présentée à l’hospice de Moulins; elle y avait
réclamé Léonard Canu comme étant son enfant, et il lui avait été
remis par une sœur de l’hospice. Rien n ’était plus facile : l'adminis
tration publique comme celle de l’hospice y trouvaient tout h la fois
l ’intérêt de l’enfant et le le u r ; celui de l ’enfant, puisque, obligé q u ’on
était de le livrer àdes mains mercenaires, une femme qui se présentait
comme sa mère était préférable; l’intérêt de l’administration, puis
q u ’elle était déchargée des frais de nourriture , d ’entretien et d ’édu
cation. On sait, d ’ailleürs) combien l’administratiou prcnd de soins
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pour connaître les parens qui font déposer des enfans 'au berceau
des hospices, et pour les forcer à les reprendre. A plus forte raison
autorise-t-elle à les leur remettre , lorsqu’ils se présentent d’euxmêmes, et que ce no sont pas des gens sans aveu. La commission
administrative de l’hospice n’avait donc pas dû hésiter, sans avoir b e
soin de demander à Marie Brunet des preuves de son assertion.
Celle-ci avait pu , au surplus, choisir cet enfant comme tout autre
parmi ceux déposés satis aucune marque distinctive ; et si, en géné
ral , il y a beaucoup plus de ceux qui cherchent à se débarrasser de
ces fruits du libertinage que de ceux qui cherchent à se les appro
p rier, il n’est pas sans exemple q u ’ils deviennent un objet de spécu
lation. Cela put arriver dans l ’espèce; et nous verrons, par la suite
des faits, qu ’on en eut la p en sée, et qu ’on en éleva la question lors
de la transaction qui a donné lieu au procès.
Si Léonard Canu était l’enfant de Marie B r u n e t , il y avait quel
que chose d’extraordinaire à le lui voir retirer de l’hospice moins
de trois mois après l’y avoir déposé; aussi pensait-on généralement,
alors , qu ’elle avait pris un enfant à l’hospice pour s’en faire un
moyen à l’égard du sieur Gueston. 11 y avait quelque chose d’ingé
nieux à cette manœuvre pendant qu’on préparait les élémens de
l’acte ; et c ’était une adroite diversion, au moment même où il allait
être consommé, que de jeter au milieu de ces négociations un enfant
que Marie Brunet s’appropriait. 11 servait merveilleusement scs vues
en embarrassant le sieur Gueston de sa présence en même temps
que de ses réclamations. Quoi qu ’il en soit, le même jo ur, i 4 jan
vier, les enfans donnaient la déclaration suivante :
« Nous soussignés, Gilbert etLouis-Llienne G ueston, demeurant
» dans la commune de Meillet, et demoiselle Françoise G ueston,
® dememant en la commune de Saint-IIj'laire , reconnaissons devoir
» à M arie Brunett hlle majeure , demeurant en la commune de
» M urât, la somme de deux mille lrancs pour elle et son enfant na» tu re l, seulem ent, aux conditions ci-après, et ce par pur don et
• » par forme de récompense de ses services, pour laquelle somme
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» nous sommes convenus de lui servir et faire une pension viagère
» de trois cents francs, tant à sou profit q u ’au profit de Léonard Canu,
» son fils n a tu re l, né le 18 octobre 1 8 14 > lequel elle a retiré de
» l'hospice, le i l janvier présent mots, avec convention que si ledit
» enfant parvient à la g e de d ix - h u it a n s , ladite pension cessera
» d’avoir lieu sur la tète de Marie B r u n e t, et appartiendra en totalité
* raudit Léonard C anu, auquel cas nous nous obligeons de la payer ;
» mais s’il décède sans s’établir, après les dix-huit a n s, et que Marie
» Brunet, sa m è r e , vive, nous nous obligeons de continuer ladite rente
» sur la tête de M arie Brunet ju sq u ’ à son décès............ « Cette décla
ration est ensuite approuvée par les trois enfans, quoique écrite d ’ au
tre main.
11 n ’est pas difficile de découvrir la pensée qui a présidé à cet
acte. Ou on n’ose pas demander au sieur Gueston qu ’il reconnaisse
cet enfant dont l’origine est couverte de ténèbres, ou si on le de
mande, il le refuse. II estentouré de sa famille, de ses enfans, moins
exposé à la séduction, à la contrainte. T ou tefo is, à la suite de quel
ques familiarités avec Marie Brunet, et sans examiner si' 1enfant q u ’elle
présente comme le sien, est ou non celui du sieur G ueston, ni lui
ni ses enfans ne reculent devant un sacrifice purement pécuniaire.
Cette déclaration peut d ’autant moins avoir un autre b u t, que per
sonne n y intervient, pas mèinc Marie Brunet, pour y donner un état
à cet enfant. Elle-même n’accepte pas la disposition, qui demeure
avec le simple caractère d ’acte unilatéraf, sous seing prive, quoique
contenant un don purement gratuit’, qui renferme , par co n séqu en t,
une simple obligation morale plutôt qu'un contrat réel et légalement
consenti. Reconnaissons ici que si François .Gueston eut cru que
cet enfant était le sien, et q u ’il eût voulu le reconnaître , il n ’a u ra it
pas manqué d’ajouter q iw l entendait le réduire à cette pen sion,
conformément à l'article
t
du Code
civil. On ne peut pas
en douter; et l’acte témoigne assez nettement de cette volonté. 11
prouve plus, encore , puisqu’il est exclusif d ’une reconnaissance
que François. Gueston îuÎ refuse. D eux jours après, un no uvel'acte *
�— il —
se passe; nous devons encore en faire apercevoir les singularités.
. Nous avons dit qu ’au commencement de 1814 » Marie Brunet de
meurait au M ontet, et y avait connu Gilbert Fratissier. L e 16 jan
vier i 8 i 5 , elle passe avec lui son contrat de mariage; il constate
que son père était encore vivant, et qu elle n ’avait pas recueilli sa
succession.
« Elle se constitue les biens et droits qui lui sont échus par le décès
» de Marie M ica u d , sa mère ;
v E t , de son ch ef, une somme de deux mille cinq cent cinquante
* francs; savoir : 2 ,3 5 o fr. numéraire, par elle à Cinstant comptés
» et réalisés en espèces d ’or et d'argent ; et 200 francs de meubles
» consistant en un lit de plume et couverture avec traversin, une
» armoire en cerisier, quatorze draps de lit, deux nappes, neuf ser» vieltes et treize aunes de toile b la n c h e , au petit étroit. Dans l’ar» moire ci-dessus sont les rob es, habillemens, linges et bardes de
» la future é p o u se , non compris dans les sommes ci-dessus ¿et qu elle
* n ’ a voulu détailler ni faire estimer par les présentes. ■
>
Elle déclare que le tout provient de ses épargnes , gages et écono
mies. Elle déclare , en o u tr e , avoir une petite pièce de terre en jar
din , située à Mural, en valeur de 200 fr.
On voit q u ’indépendamment des 5 oo fr. de rente viagère promis à
Marie Brunet et à l’enfant, le sieur Gueston ne faisait pas trop mal
les honneurs du contrat de mariage, qui, toutefois, se passait hors sa
présence, devant M‘ P la ce , notaire au Montet. 2 , 35 o francs et des
meubles, d’une part, 3 oofr. de rente viagère de l’autre, une quantité
de linge qui demeure inconnue, parce que Marie Brunet n'a voulu
ni le detailler ni le faire estimer. Dans toute supposition, il n’avait
pas été déraisonnable.
Après cette constitution, le contrat renferme la clause suivante :
« La future epouse nous a requis de déclarer en ces présentes
» qu’elle est m è r e , depuis environ trois m ois, d ’un enfant mâle
» nommé Léonard C anu, suivant l’acte de naissance dudit enfant,
» constaté par M. le juge de paix du canton de Moulins, partie de
�— 12 —
i l’ouest, le 19 octobre 1814 5 extrait duquel acte lui a été délivré le
» 10 janvier, présent m o is, par M. Ripoud l’aîné, adjoint à la mairie
» de Moulins; voulant ladite future que ledit enfant soit, par cespré» sentes, et ainsi qu’ elle se propose de le réitérer par l ’acte civil de
» son m ariage, légalement et authentiquement reconnu comme son
» enfant légitime, et qu'il lui succède conjointement et par égales
» portions j avec les autres enfans quelle pourra avoir du mariage q u ’elle
a se propose de contracter ; voulant q u e , dans le cas où elle 11’en
» aurait pas d'autres, ledit Léonard Canu lui succède en totalité, et
» soit reconnu pour son iicritier universel de tous les biens dont elle
s mourra vêtue et saisie. »
Il faut en convenir : le futur époux qui consentait à une pareille
insertion dans son contrat de m ariage, si cet enfant ne provenait pas
de ses œuvres , n'était pas dominé par le respect humain. Tout
homme du p eu ple, si bas placé qu’il fût par la fortune , et s’il avait
conservé quelque chose de l'hom m e, 'n’aurait pas voulu constater
ainsi, par l’acte môme de son mariage , le déshonneur de celle à la
quelle il allait s’un ir, et sa propre immoralité ; car il y avait immo
ralité notable, si cet enfant n’était pas le sien, à consigner ce té
moignage dans cet acte solennel, pour que ses enfans et sa famille
l ’y retrouvassent à jamais. Cela n ’est pas dans la nature de l’hom m e
honnête. Dans cette supposition, quel jugement faudrait-il donc por
ter et de l’homme qui accepte une pareille condition, et de la femme
q u i, avec 0,000 fr. au m oins, des im meubles, du m obilier, un via
ger de 5 oo fr. et des droits successifs, ne trouve q u ’un pareil époux?
Où trouvera-t-elle le droit de dire à un tiers q u ’un enfant q u ’elle
vient de retirer d ’un hospice lui appartient, s i , d ’ailleurs, il n ’existe
pas de signes certains auxquels on puisse le reconnaître?
Mais cet acte fait plutôt croire que le futur époux était le père de l’en
fant, à supposer, toutefois, q u ’il pût s’en assurer. C ’est à cette pen sée’
plus morale que tendent toutes les expressions de la clause que nous
venons de transcrire. Comment, en elfet, si elle n’avait pas dominé les
esprits, y aurait-oa écrit que Marie Brunct reconnaissait Léonard
«I
�Canu comme son enfant légitim e? Comment y aurait-on stipulé qu’il
lui succéderait conjointement et par égale portion, avec les autres
enfans q u ’elle pourrait avoir du m ariage, et q u ’au cas où elle n’en
aurait pas d'autres, il lui succéderait pour le tout, et serait son hé
ritier universel? Com m ent, sans ce la , le futur époux aurait-il con
senti à le mettre sur la môme ligne de légitimité et de droits successifs
que ses propres enfans? Y a-t-il rien de plus expressif que ces ter
mes : Son enfant légitime............ .. qui succédera par égalité avec les
autres en fa n s.............. du mariage? Il n’y avait que la paternité de
Fratissier qui pût produire de semblables résultats ; et aussi s’em
presse-t-on de dire que la reconnaissance sera réitérée par l ’acte civil
du mariage ; pensée monstrueuse, si ce n ’était pas pour l’attribuer
au futur époux.
Celte réitération, il est v r a i , n ’a pas eu lieu dans l’acte civil de
célébration, et Fratissier n’a jamais reconnu l’enfant. Un instant de
réiléxion avait suffi à Marie Brunet pour en écarter la pensée. Elle
songea que quelque moment se présenterait o ù , trouvant le sieur
Ciucston livré à lu i-m ê m e , elle pourrait reprendre/ses moyens de
séduction, et l’amener à une reconnaissance , moins sans doute dans
l’intérêt moral de Léonard Canu, que pour en tirer quelque chose de
p lu s , soit pour l u i , soit pour elle-même ; car elle savait très-bien
stipuler les conditions à son profit. Poursuivons.
Le 16 février, elle se présente devant Boucanm ont, notaire. Elle
lui dépose l’acte sous seing privé du i4 janvier, et en fait acte d’ac
ceptation authentique ; acceptation complètement inutile sous deux
rapports différons ;
Inutile dans toute supposition, si elle ne comptait pas sur la fidé
lité des enfans Gueston à tenir leur promesse, puisque l'acte n’était
pas valable légalement ;
Inutile e n c o r e , si on pouvait obtenir plus tard la reconnaissance
du sieur G ueston; car, en ce cas, on était bien obligé de recon
naître qu ¡1 faudrait abandonner la pension, ou l’imputer sur la por
tion réservée par la loi à l’enfant naturel reconnu.
�-
H -
Cet acte n ’était donc q u ’une précaution pour s’assurer la pension',
au cas où on ne pourrait pas obtenir la reconnaissance. Cette pré
voyance est demeurée sans effet. L e 5 o mars
i
8 i 5 , moins de six se
maines après, Marie Brunet parvint à obtenir la reconnaissance du
sieur Gueston.La forme de cet acte est encore bonne à considérer. Le
sieur Gueston n ’y figure pas seul : Marie Brunet y comparaît avec lui
pour y répéter une reconnaissance désormais inutile, après l’avoir
faite dans le plus solennel et le plus authentique de tous les actes ;
mais sa présence était nécessaire pour que François Gueston accom
plît ce qu ’on voulait de lui. Aussi n ’est-ce plus le notaire de la fa
m ille, à Montmaraut, qui la reçoit, mais bien celui qui avait reçu
Je contrat de mariage des époux Fratissier ; e t, pour cela, le sieur
Gueston se transporte au Montet. I c i , on ne peut s’empêcher de re
marquer q u ’après une reconnaissance formelle et très - suffisante,
faite dans cet acte même par Gueston et Marie B run et, « qu’ ils ont
» donné l ’ un et l ’autre le jou r à Léonard Canu , suivant l’acte de nais» sance dudit enfant, du 19 octobre 1 8 1 4 >dont copie a été délivrée
» par Ripoud, adjoint, » on met dans la bouche de chacun d ’eux une
déclaration particulière ;
D ’abord, par Marie B ru n et, une réitération expresse de la recon
naissance portée dans son contrat de mariage ; chose fort inutile as
surément , si ce n'est pour amener celle qui la suit.
■ Et, enfin, une réquisition spéciale, par le sieur Gueston au notaire,
de recevoir sa déclaration publique et authentique, et de la rédiger
par acte en forme , chose pour le moins superflue , à côté de cette
déclaration en forme déjà écrite par le notaire, et qui serait absurde,
si immédiatement on n ’avait ajouté, o u , pour mieux dire , échappé
Je véritable motif de cette répétition surabondante :
»
A fin que ce môme enfant put recueillir dans sa succession l’ intégra <■
litédes droits que les lois accordent aux enfans naturels reconnust
s a n s rn É J U D icE d e s a u t r e s d i s p o s i t i o n s
e t ce
qui peuvent avoir été faites en
sa faveur. »
A insi, toujours le même but de la part de Marie B run et, prendre,
�recevoir et tirer à soi. A rg e n t, m obilier, r e n t e , tout cela ne suffira
pas ; il faudra d’autres promesses. Elle a voulu, par son propre contrat
de mariage, que l ’enfant qu ’elle a v a i t auparavant fût considéré comme
légitime; qu ’il partageât par égalité avec tes autres enfans q u e lle
pourrait avoir de son mariage; aujourd'hui, elle n’ose pas le quali
fier légitime à l’égard du sieur Gueston , ce qui serait absurde ; mais
elle veut, et elle lui fait dire qu ’il aura l ’ intégralité des droits de
l’ enfant naturel} en outre, et sans préjudice des autres dispositions
déjà faites en sa faveur ; tout comme si un enfant naturel reconnu
pouvait, par des dispositions directes ou indirectes, obtenir des préciputs au delà de la part que lui réserve la loi ! Q u o n dise mainte
nant que Marie Brunet a négligé les droits et les intérêts de son fils,
et q u e , quelques mois aprèst elle les a sacrifiés par un traité dé
savantageux !
Évidemment, celte déclaration était écrite dans l’acte pour porter
atteinte, autant que possible, aux dispositions que le sieur Gueston
avait faites de sa fortune au profit de ses trois enfans. Mais ceux-ci
pouvaient attaquer la reconnaissance ; ils pouvaient la critiquer comme
frauduleuse, s’ils croyaient y reconnaître ce caractère; Personne ne
savait mieux que Marie Brunet si la vérité des faits devait lui inspirer
des craintes à ce sujet. La suite va nous prouver q u ’elle en concevait
de très-sérieuses.
Certes , après une reconnaissance aussi authentique , deux ou trois
fois constatée dans le même acte, en termes géminés, elle n’avait b e
soin d’aucune autre précaution, à moins qu’un sentiment intérieur,
dicté par une vérité q u elle seule, peut-être-,, pouvait connaître tout
entierc, ne lui inspirât des doutes sur son efficacité. Dans la perplexité
ou la mettait la crainte que cette vérité ne fut connue, elle dicta au
sieur Gueston une démarche qui décèle scs inquiétudes et son em
barras.
Le 4 juillet 18 1 5 , François Gueston se présente encore au Montet
devant le notaire Place , 1homme de confiance des époux Fratissier.
11 lui dépose un paquet de papiers cacheté t concernant Léonard, son
�— 16 —
*
fils naturel. Il le requiert d ’en recevoir Je d é p ô t, se réservant de le
retirer à sa volonté, en donnant décharge ; ajoutant que « dans le cas
» où il ne retirerait pas lui-même l’objet de ce d ép ô t, il voulait et
* entendaitqu’il fûtrem is soit audit Le'onard, son fds naturel, lors de
» sa majorité, soit au tuteur qui pourrait lui être nommé ; mais à
» condition q u ’en ce dernier cas, il en sera (ait ouverture par le no» taire dépositaire, lequel constatera, de suite, en .présence du tu» teu r, l’existence des pièces contenues audit paquet, par un inven» taire détaillé. »
Lorsqu’on connaît les pièces qui étaient contenues dans ce paquet,
on se demande pourquoi tout ce mystère , si ce n ’est pour p arven ir,
par un moyen indirect, à faire répéter e n c o r e , et consolider par le
sieur Gueston , une reconnaissance dont on se défiait? C ’était tout
bonnem ent, i° l’acte de naissance de Léonard Canu ; 2®.une note
du reirait de l’hospice, par Marie Brunet ; 3° une expédition du con
trat de mariage des époux Fratissier, qu’assurément le sieur Gueston
n’avait pas retirée de son propre mouvement ; 4®l’acte d ’acceptation
de la rente viagère, en date du 16 février; 5®enfin, une expédition
de l’acte de reconnaissance du 3 o mars i 8 i 5 . Assurément, tout
cela n’exigeait pas ce dépôt mysLériéux, et il avait nécessairement
une autre cause, que tout le monde peut apercevoir, la confirmation
d ’une reconnaissance qui n’avait pas été assez spontanée pour inspirerune entière confiance. Aussi, après la mort de François Gueston,
lorsque ces enfans connurent ce d é p ô t , leur inspira-t-il la crainte
que ce paquet ne renfermât quelque chose d ’injurieux, et exigèrentils que l’ouverture du paquet fût faite en leur présence.
T outefois, Marie Brunet n’était pas encore pleinement rassurée.
Toujours pleine de sollicitude pour les intérêts matériels de Léonard
C a n u , et les siens propres, elle chercha à se tranquilliser par d ’au
tres moyens; et, n’importe que ce soit avant ou après la mort de
F ra n ç o is Gueston, arrivée le 1er mai i 8 i G , elle communiqua scs
craintes à des jurisconsultes, en leur demandant un avis. Dans un
' mémoire qui indiquerait que le sieur Gueston vivait e n co re, et on
�— 17 —
on parle beaucoup de son attachement sans bornes pour son quatrième
enfant, on dit qu’ il voudrait lui assurer une existence honnête, mais
q u ’il craint de ne pouvoir seconder l’intention de la nature , i° parce
q u ’il a vendu tous scs biens à ses trois premiers enfans, le i/( janvier
1 8 1 5 ; 2° parce qu’t'/ craint qu'on ne conteste l’identité de l ’ enfant,
qui a resté, en quelque sorte, inconnu depuis sa naissance jusqu’à la re
mise qui en fut faite à sa mère par une sœur de l’hospice de Moulins;
3° parce qu’il craint que la reconnaissance ne soit tardive ou q u ’elle
soit contestée.
Puis,
on fait observer que l’acte de pension viagère, qui
désigne Léonard Canu , fils de la B ru n et, devrait valoir comme ap
probation de la part des enfans, et faire remonter la reconnaissance
au jour de la naissance. Enfin, on demande d ’indiquer, s’il peut en
core en être temps, lotit ce qu’il est possible de faire dans l'intérêt
de Léonard Cami. Là-dessus, les jurisconsultes s’e x p liq u e n t, et
après quelques hésitations sur une question q u ’ils reconnaissent dif
ficile par rapport aux droits de l’en fan t, ils se prononcent sur tous
les points en sa faveur. Nous n ’entrerons dans aucun détail sur celte
consultation; cela n’est pas nécessaire à la cause.
Aussitôt après le décès du sieur G ueston, ses enfans firent procéder
régulièrement à l’inventaire de son mobilier*, soit à la Sciauve, où il
était décédé , soit à Moulins, où il avait une chambre à loyer. De son
cô té , Marie Brunet provoqua la réunion d’un conseil de famille, qui
lui confirma la tutelle de Léonard C a n u , lui donna pour cotuteur
Fratissicr, son mari ; pour subrogé tu te u r, G ilb e rt'C o u rre t, c l l ’aulorisa à faire ouvrir le paquet déposé chez M* Place. L e i o ju ille l,
il fut procédé à cette ouverture, qui ne produisit autre chose que les*
cinq pièces que nous venons de désigner e t, immédiatem ent, Marie
Brunet se mit en mesure de connaître et de faire effectuer les droits
qui îesultaient, au profit de Léonard Canu , de la reconnaissance et
des autres pièces renfermecs dans ce paquet. Au moins , cela servit ’
*le pretexte avant tout, elle chercha à se procurer des consulta
tions.
I c i , nous parlerons avec une délibération de famille du 5 août
3
�•=.*8
1 8 1 6 , quî est, en quelque so rte, l’ouvrage des intimés, et qui ne
saurait être suspecte à leur égard.
Sur quoi les avocats furent-ils consultés ? Quelles questions eu
rent-ils à résoudre? C ’est là ce q u ’il faut bien expliquer; car c’est le
point d e départ de toutes les opérations ultérieures; c ’est ce qui'
peut seul nous montrer parfaitement quels é taien t, i° la position
«les parties; 2° leurs prétentions respectives,. et nous apprendre si
elles ont voulu faire,, si elles ont effectué , et si la- justice a homo
logué le partage, non contesté, d ’une succession, ou une transaction
sur des difficultés réelles, plus ou moins graves, opposées à celte pré
tention.
Après avoir fait procéder à la reconnaissance des pièces déposées
chez M' P la c e , les époux Fralissier, désirant s ’éclairer sur leurs ef
fets ( c ’est la délibération du conseil de famille qui parle ) , s ’adres
sèrent à des jurisconsultes , q u i, après un mûr examen des pièces , dé
cidèrent :
« i° Que la reconnaissance du 3 o mars i 8 i 5 était valable en la.
forme et au fond......
« a® Que si, dans les termes de l’article 33 (), l ’intérêt suffit pour
» q u ’on soit admis à contester la reconnaissance d ’un enfant naturel,
» on ne voit, dans l ’e sp èce, aucune raison de craindre que les hé» riliers légitimes pussent faire accueillir une action qui tendrait à
» faire révoquer en doute l'identité de l ’ enfant reconnu,
b
Après avoir fixé, d ’après la loi., les droits de l ’enfant naturel re
connu , les jurisconsultes ajoutent :
•
« 6® Que s’il ne trouve s i réserve dans les biens de la succession,
* il peut demander la réduction des dispositions entre-vifs qui ont ex~
» cédé la quotité disponible ; »
7° Q uc > dans l’espèce , et d ’après l’artide 9 1 8 , qui exige l'impu
tation cl rapport de la valeur des dons faits, à charge de rente via
g è re , à des succcssiblcs en ligne d irecte, L éonard Canu était fondi
à demander le bénéfice de cet article ;
8* Q u ’il importait peu que la reconnaissance fût postérieure à 1&
�vente , parce que le droit résultait de la qualité do l’enfant n a tu r e l,
que le père pouvait toujours reconnaître.
Ils déterminent ensuite c e qui. doit lui revenir dans leur opi
nion.
¡'
Faisons ici une remarque essentielle. Nous n’avons pas à rechercher
si ces jurisconsultes étaient dans l’erreur pour le tout ou pour partie,
ou s’ils avaient complètement raison en décidant toutes ces ques
tions en faveur de Léonard Canu ; une seule chose nous occupe et
doit nous occuper : celle de savoir s’il s’élevait ou non des question:1
qui missent en litige le droit de Léonard Canu ; si les enfans Gueston
approuvaient toutes ces décisions, ou se mettaient en mesure de les contester. O r , deux choses demeurent constantes :
L ’une , qu ’il s’élevait des questions plus ou moins graves ;
L ’autre, que ces questions ne naissaient pas sur les détails d’un
partage dont le droit serait re co n n u , mais bien sur ce droit en luimême ; tellement que, les jurisconsultes examinent le droit au par
tage bien plus que les questions secondaires qui pouvaient naître de
l ’exercice de ce droit.
O r , à supposer même que ces questions eussent peu de gravité ,
cela demeurait sans importance; car il suffisait qu’elles existassent ,
qu’elles fussent ou qu’elles pussent être élevées, pour qu ’elles de
vinssent matière à transaction.
C ’est là, nous devons le dire, toute la question du procès.
S i , d’ailleurs , on considère ces difficultés soit isolém ent, soit dans
leur ensemble, on sera forcé de reconnaître q u ’elles étaient graves
et sérieuses.
Fasse qu ’une reconnaissance d’enfant naturel soit valable à quelq u ’époque qu’elle soit faite ; qu ’en général, il soit difficile à des enfans légitimes de contester utilement l’identité d ’un enfant naturel
que leur pere a reconnu librement ; passe encore que l’enfant ait
droit à une reserve et à la réduction de toutes d isp o sitio n s gratuites
antérieures; mais, quelle que fût là-dessus la force de l’opinion des
jurisconsultes, leur consultation ne témoigne pas moins que ces
�questions étaient élevées, et q u ’il fallait les franchir avant d ’arriver
au partage. E t , en outre, deux questions fort graves ne s’étaient pas
présentées aux conseils avec toutes leurs circon*tqjnces.
Et d ’abord, s’ils avaient examiné, dans les termes ordinaires, la pos
sibilité de contester l’identité, ils ne l’avaient pas fait par application
aux faits particuliers. Remarquons bien q u ’ils n’étaient consultés que
pat Léonard Canu ou ses tuteurs, q u i, en témoignant la crainte
qu ’on ne contestât l ’identité, ne leur avaient pas fait connaître les
motifs spéciaux de celte crainte, tous les actes, toutes les circons
tances que nous avons rappelées ci-dessus, et qui laissent apercevoir
non une volonté froide et peu croyable, de la part d ’un p è r e , de
supposer 1’cxisterhce d ’un enfant naturel, mais un système fallacieux
dont il était plutôt, lui-môme , la victime que l’artisan. A lors, il était
‘ n otoire, on étail en état de prouver, et on le serait encore anjour“d ’h u i, que l’enfant de Marie Bninet était m o rt; que la reconnais
sance du 3 o mars i 8 i 5 avait élé arrachée au sieur Gueslon par des
manœuvres honteuses; qu’il avait été dépouillé de toute liberté d ’es
prit, et subjugué par tous les moyens de séduction et de contrainte.
Les faits que nous venons d ’exposer ne le faisaient que trop pres
sentir. Les actes antérieurs h la reconnaissance prouvent que Marie
Brunet n'espérait pas faire accepter par le sieur Gueston l ’enfant
q u ’elle avait choisi à l'hospice. Il suiïit, pour cela, de lire et l'acte
constitutif de la pension du i/j janvier, et le contrat de mariage
de Marie B n in e t, du surlendemain 16. Ceux postérieurs démon
tren t, à n'en pas do uter, combien peu elle se fiait à cette reconnais
sance, qu’elle tachait de faire confirmer par des actes indirects q u ’elle
faisait faire successivement, et qui, sans cela, eussent été sans objet.
Tout cela même écarté, il fallait encore examiner une question grave
et important*:. L ’atl. ()iS, quiserait tout le litre de l'enfant naturel,
oblige seulement le successible qui a accepté une vente à fonds
perdu , à imputer ou rapporter la rnlriir de l'immeuble ainsi aliéné.
O r , ici deu* choses se rencontraient :
i* Les biens avaient été vendus non-seulement pour une rente
�viagère, mais encore pour un capital de 58 ,ooo fr., délégué aux ven
deurs de ces mêmes b ie n s, pour le prix des acquisitions, d’où on
pouvait conclure qii’il n’y avait rien à réclamer à ce sujet , spéciale
ment pour le bien d e là Sciauve, sur lequel il n’avait pas été payé une
obole par François Gueston ;
2° Et dans le cas même où il y aurait eu lieu à rapport pour le sur
plus, il était question de savoir si ce rapport pouvait s’appliquer aux
immeubles m ôm es, ou seulement à leur valeur ; o r , c ’était une ques
tion élevée.
Enfin, si on abandonnait la position présente, si on élevait en
justice de semblables prétentions contre les enfans légitimes, on
pouvait courir le grave danger de les voir retirer le pur don de 3oo f.
de rente viagère q u ’ils avaient promis par l’acte sous seing privé du
*4 février i 8 i 5 , puisque tout le monde reconnaissait qu’il était ra
dicalement* nul.
*
D où il était évident qu ’avant de former en justice une demande
c n partage, et d’en courir la responsabilité, les tuteurs de Léonard
Canu avaient de graves réflexions à faire. O r , c ’est ce qui les porta à
demander des conseils avant d ’ouvrir un litige, pour le moins incer
tain, sur les droits de l’enfant naturel à un partage de succession.
Jusque l à , il n ’y avait de débats avec personne
les tuteurs seuls
examinaient et faisaient examiner les droits de leur pupille liors la
presence des intéressés. Ils exposaient la question à leur guise; mais
quelle que fùl la décision ou l’opinion de leurs conseils, les enfans
légitimes restaient les maîtres de leurs droits et de leurs m oyens,
qu ils n ont abandonnes dans aucun temps. Pendant q u ’on se mettait en
garde contre leurs contestations, cn les prévoyant, avant môme q u ’ils
les eussent élevées, ils conservaient leur propre position. Voyons la
suite des laits, toujours dans la délibération du conseil de f a m i l l e ,
provoquée par les époux Fratissier.
Ceux-ci ajoutent « qu après avoir pris ces éclaircissemcns............ ..
* Us se proposaient de former en justice une demande en réduction de
» la donation faite cn forme de vente le i/f janvier i 8 i 5 , et en par-
�✓/
•t
*
— 22 —
» tage des cinq sixièmes d ’une locaterie qu i formait, avec la terre
» de la Sciauve j la totalité des immeubles de la succession.... , lorsque
» les enfans légitimes du sieur Gueston ont proposé de transiger sur
» lotis les droits dudit enfant naturel, moyennant une somme de
» trois mille fr a n c s, q u ’ils disaient supérieure à celle qui pouvait lui
» revenir, en admettant, ce qui t o l t a i t êtiie c o n t e s t é , selon e u x ,
» que les diverses questions précédemment agitées fussent résolues en sa
» faveur. »
Nous devons insister là-dessus, parce que ces détails fixent nette
ment la position des parties.
Au milieu de toutes les prévisions des tuteurs et de leurs conseils,
de tout ce q u ’ils disaient de favorable pour Léonard Canu , les enfans
du sieur Gueston, menacés d'un procès, se présentent. Ils leur di
sent : a Tous élevez des prétentions que nous pouvons combattre ; vos
conseils vous donnent raison sur toutes les questions agitées; nous
sommes fondés à le contester. Ils prétendent que votre identité ne
peut être révoquée en doute, que vous avez droit de critiquer la
vente de 1 8 1 5 , d ’exiger le rapport des biens ,*etc., etc. Nous pou
vons contester tout cela, repousser votre action, e t , qui plus e st,
vous refuser jusqu’aux 5 oo fr. de rente viagère promis par un acte
n u l, en 18 1 5 . Çi vous voulez ouvrir cette lu tte, nous nous défen
drons. T outefois, même e n .su cco m b a n t, vous nous aurez fait sou
tenir un procès fâcheux, peu honorable pour la mémoire de notre
auteur ; et nous préférons faire un sacrifice pour laisser ces questions
enfouies. Youlcz-vous renoncer à entrer sur ce terrain? nous renon
cerons h nous y défendre; et pour éviter toute discussion sur ces dé-'
tails fâcheu x, nous vous offrons 3 ,000 fr. Si vous examinez bien ,
vous verrez que nous vous offrons, en numéraire, plus qu’il ne vous
reviendrait en supposant tout, et que nous faisons un sacrifice réel
pour éviter un procès. Les acceptez-vous? Tout est fini. An cas con
traire, nous restons avec nosdroits, et nous les ferons valoir, assurés de
ne jamais vous devoir davantage, quand vous réussiriez , mais avec la
çhance de ne pas vous devoir une o b o le, pas inème la pension que
�nous avions promise, si vous succombez. a Voilà le véritable sujet dit
litige, le droit et la qualité môme de l’enfant naturel mis en ques
tion , et non pas seulement les détails d’un partage auquel on lui
contestait toute espèce de droit. Cette situation est dessinée autant
que possible dans cette délibération , puisqu’il n’y avait aucun procès
commencé , et que la question était de savoir si on devait s’exposer
a l introduire.
La délibération ajoute que, sur celte proposition* les tuteurs avaient
eu de nouveau recours à leurs conseils, et que ceux-ci, après avoir
pris connaissance de la valeur des biens, et en persistant à décider
en faveur de l’enfant naturel toutes les questions déjà résolues par
e» x , reconnaissent encore qu’il est avantageux à l ’ enfant naturel que
les tuteurs transigent moyennant te p rix propotc. Q u ’eussent-ils donc
d it, s’ils avaient entrevu des doutes sur les questions qu ’ils avaient
soulevées?
Pour s’en convaincre, les conseils avaient fait ou fait faire l’esti
mation des biens. Déduction faite dés dettes, ils n ’étaient en valeur
^ e de 4 6 , 196 fr. G5 cent. *, et comme , dans toutes les suppositions,
Ie mineur n ’amendait q u ’un seizième, il ne pouvait obtenir que
2*887 fr* En recevant 3 ,000 fr., il avait donc plus que ce à quoi
*1 pouvait prétendre.
D où il résultait que les enfans Gueston faisaient, en réalité, uir
sacrifice à la mémoire de leur p ère , et qu ’ils étaient à l’abri de tout
soupçon d ’injustice envers Garni, supposé môme son enfant naturel.
Voulant se conformer à l ’art. 4G7 du Code C iv il, les tuteurs de
mandent ensuite l’avis du conseil de famille. Le juge de paix com
pose ce conseil d ’amis et de voisins, attendu que l ’enfant naturel n ’ a
d autres parens que ses pire et m ère, et que , d ’ailleurs , les pareils du
pire naturel seraient trop souvent portes à sacrifier les intérêt» de l ’en
fant ne hors mariage. L e conseil de fam ille, ainsi com posé, co n si
dère que toutes les questions sont résolues en faveur du mineur. Il
deelare qtt il est à lu connaissance particulière de chacun de ses mem
bres que Us immeubles de la succession sont estimés au-dessus de tetir
�- 2 1 raleur; e t , e n fin , reconnaissant que l'arrangement proposé ne peut
qu’être avantageux au m ineur, il autorise à transiger comme il est
proposé.
L e 10 a o û t, les tuteurs présentent une requête au procureur du
roi; e t , poursuivant l’exécution de l’article 46 7, ils réclament la no
mination de trois jurisconsultes.
L e procureur du roi ne
sq
'
v
méprend pas ; il ne voit là que ce qui
y était, c ’est-à-dire un projet de transaction sur des prétentions op
posées, et non un projet de partage, qui aurait exigé d ’autres forma
lités et des mesures différentes, et il rend l’ordonnance suivante :
« Yu la présente r e q u ê te , et l ’article 467 du Code de procédure
» civile, nous commettons MM. Jutier o n cle , Ossavy et Boÿron
» fils, jurisconsultes , à l ’effet de donner leur avis su r'le projet de
b transaction dont il s’agit. Fait à Moulins , le
10 août 1816.
» Meilheurat. »
I c i , remarquons encore que les enfans Gueston , après leur pro
position faite, demeuraient étrangers à toutes ces investigations; que
les jurisconsultes rccommandables, commis par le procureur du roi,
n ’avaient, comme les conseils des tuteurs, d ’autres lumières, sur
les faits, que celles que les époux Fratissier jugeaient convenable
de leur donner. L eur consultation démontre toute l’attention
qu’ils mirent à cet examen. Faute d ’une discussion contradictoire,
ils pensent que les décisions prises par les conseils du mineur « sont
» en harmonie avec les lois nouvelles et la jurisprudence de la Cour
» de cassation ;
» Que s’il y avait des doutes............ le mineur ne pourrait s’en
* plaindre, puisque toutes les questions ont été résolues en sa fa* veür;
*
Q u ’il est reconnu, en fa it , par le conseil de famille, que les
» biens de la succession se trouvent portes à une estimation supérieure
* à leur valeur réelle. »
Q u ’e n fin , « il importe d ’éviter à l ’enfant naturel un procès qui no
» tendrait q u ’à faire naître pour lui des chances incertaines, et à rc-
�— 23 —
» m ettre en question ce qui est résolu en sa faveur, en 1 exposant a des
* frais considérables qui pourraient consommer sa ruine. »
Ainsi, les jurisconsultes ne s’occupent pas d un partage, mais bien
d ’une transaction, pour prévenir un procès qui présenterait <les chances
incertaines ; et aussi, après un mûr exam en, ils estiment qu il y a
Heu d ’ autoriser l ’enfant naturel A t r a n s i g e r pour tous les droits à lui
afférens dans la succession , moyennant la somme de 0,000 fr.
Après cette consultation, les tuteurs firent dresser la transaction
par M" G ueulettc, notaire à Moulins. Elle ne fu t, pour ainsi dire ,
qu une copie de la délibération du conseil de famille. Elle énonce ,
comme la délibération , les questions qui pouvaient s’élever sur
l’ identité de l ’ enfant, sur la validité de la vente du pere , sur la ré
duction de cet acte considérée comme donation , etc. ; e t , enfin ,
on déclare qu’on a résolu de transiger, par forme de transaction sur
procès, pour tous les droits que prétend Léonard Canu. Les enfans le
gitimes ne mettent aucune importance à ce qu on qualifie I'rançois
Cueston père naturel de Léonard Canu , puisque celui-ci ne pouvait
rien prétendre q u ’à ce titre ; cela entrait dans la transaction comme
le reste. Les enfans renonçaient à le contester, en môme temps que
les tuteurs de Canu renonçaient à demander quoi que ce soit au
delà de5 3 ,ooo fr. olferls par forme de transaction. Après cela, les tu
teurs soumettent le tout à l'homologation du tribunal. La-dessus ,
après les formalités voulues en matière de transaction , le tribun a l , sur le rapport de son p résident, et sur ics conclusions conformes
de
l\r., le procureur
du roi, prononce ainsi q u ’il suit»:
« Attendu que toutes les formalités prescrites pour la validité des
» transactions laites au nom des mineurs ont été scrupuleusement ol>» servées ;
» Attendu que le conseil de famille du mineur Canu , ainsi que
» les trois jurisconsultes désignés par M. le procureur du r o i , ont
» reconnu qu’ il était très-avantageux pour le mineur de traiter et tran-
* siger aux conditions fixées par l’acte du 12 août ;
* Le tribunal homologue la transaction passée entre les cotuteurs
4
�\ S V
.
— 20 —'
» du mineur Leonard Canu et les enfans légitimes de François Cues» to n , le 12 août présent m ois, pour ladite transaction Être exé» entée selon sa forme et teneur. »
Croira-t-on que le magistrat éclairé qui tenait le p arqu et, et le
tribunal lui-m êm e, se soient mépris sur ce q u ’ils faisaient et sur ce
qu ’il y avait à faire ? Q u ’ils aient cru apercevoir un procès avec des
chances incertaines, là
oh
il y aurait eu un droit certain et reconnu'
( car il aurait fallu qu’il fût reconnu ), et seulement un partage à ef
fectuer? Comment prêter une erreur si grossière aux magistrats de
cette époque, au jurisconsulte qui préside aujourd’hui le tribunal d e
Moulins, et q u i, avec ses' deux collègues, commis par le procureur
du roi, avait préparé et la transaction et la décision du tribunal?.
Toutefois, et en le supposant, en tenant pour certain ce qui n’ost
ni vrai m possible , la question serait encore de savoir'si on ne doit
pas prendre les choses telles q u elle s sont; si ce n’est pas une véri
table transaction qu’on a faite , une transaction que le tribunal a ho
mologuée , alors même qu’il aurait pu ou dû ne pas le fa ire , et si cen ’est pas seulement une transaction dont il faut examiner la validité.
Vingt ans se sont écoulés pendant lesquels cette transaction a été
exécutée par le payement annuel des intérêts. Nous ne disons pas
cela pour en tirer un moyen de fin de non-recevoir contre’ Canu ,
qui était mineur, niais pour montrer comment l’acte a été apprécié
par.les tuteurs, qui, mieux que personne, pouvaient en connaître la
p o r té e , par la nature des faits qui l’avaient amené. La majorité de
Léonard Garni ¿tant arrivée, les enfans Gueston lui ont offert le
payement du capital. Il l’a refusé, prétendant avoir de plus amples
droits. Le iG janvier i 8 3 6 , il lui a été fait, en personne, un acte
d ’offres; et sur son refus constaté, il a été .assigné devant le tribunalîle Moulins , pour en voir prononeçr la validité.
Le iG février, pour faire diversion, Léonard Canu a assigné les
enfans Gueston devant le tribunal de Montluçon ; il a demandé le
partage de la succession du sieur Gueston, ouverte dans l ’étendue d e
sa juridiction.
�— 27 —
L e 24 mars, il a signifié des défenses sur la demande en validité
, «l'offres, et a conclu , i° à ce que le tribunal de Moulins se déclarât
incompétent, et renvoyât les parties devant le tribunal de Montluçon ; 20 subsidiairement, à ce qi/il sursît jusqu’après le jugement de
la demande en partage. Il s’est fondé sur ce que l’acte de 1816 était
Un véritable partage sous la forme de transaction ; q u ’il était qualifié
tel par l’art. 888 du Code civil ; que les formalités du partage n ’ayant
pas été observées.à l’égard du mineur., il n ’était que provisionnel ;
<îue , dans tous les cas, il serait nul ou sujet à rescision. Il a ajouté
qu’en excipant de ce m o ye n , même devant le tribunal de M oulins,
il devenait; par exception, demandeur en partage; et que , dès lors,
le tribu n al de M o n tlu ç o n , q u ’il avait saisi par a ctio n principale , pou
vait seul prononcer §ur le litige ; que , dans tous les cas, l’action en
validité des offres était subordonnée à ce qui serait jugé sur l’action
en partage.
En venant plaider la cause , Léonard Canu a étendu ses conclu
sions : il a demandé principalement le sursis, et subsidiairement,
sans s’arrêter à l’acte du 12 août 1 8 1 6 , qui serait declatc nul
t l subsidiairement rescindable , les demandeurs fussent déclarés non
recevables, ou mal fondés dans leur demande.
Sur cette exception, le tribunal de Moulins a prononcé comme il
suit, par jugement du 8 avril i 836 :
« En fait, attendu que la qualité d’enfant naturel de Canu a été
reconnue par François Gueston et Marie lî r u n e t , suivant l’acte au
thentique du 3 o mars 181 G; que celle reconnaissance a été confirmée
dans l’acte du 12 août suivant, par l'admission, de la part des cnlans légitimes de Gueston , à l’exercice de ses droits, en cette qualité,
dans la succession île leur père ; d ’où il suit qu'aucun doute ne sau
rait s elevcr sur cette qualité de Canu comme enfant naturel de
Gueston;
*
» Attendu que la demande des héritiers Gueston contre Canu est
uniquement fondée sur 1 acte du 12 août 1 8 1 6 , d'où résulte la nécescilui d’apprécier la nature et les effets de cet acte au respect dudit
Canu ;
�» Attendu que cet a c t e , bien qu'il soit qualifié transaction, équi
vaut à un partage à l’égard de C a n u , puisqu’il en produit tous l e s .
effets pour lui ;
*
•
» Q u’il contient, en effet,«rémunération de tous les biens formant
la totalité de la succession de François Gueston, leur estimation, la
composition de la masse, la liquidation de la succession , enfin , la
détermination de la quotit^* revenant à Canu en sa qualité d ’enfant
naturel, laquelle y est fixée à un seizième par suite de la réduction
op érée, par l’exercice de ses droits, de la donation déguisée du
14 janvier l 8 j 5 ; q u ’il contient évaluation de cette quotité à une
somme un peu inférieure à 3 ,ooo f r . , et portée ensuite .à la somme
de 3 ,ooo fr. , pour désintéresser plus complètement Canu , et pour
(est-il dit à la fin dudit acte) tous les droits que peut prétendre Léo
nard Canu dans la succession de François Gueston; d ’où il suit que
cet acte renferme tous le’s élémens d ’nn p artag e, q u ’il en a , en
«jutre, le caractère essentiel et distinctif, celui dé faire cesser l’indi
vision ;
» Attendu que si l'acte du 12 août 1 8 1 6 n’est pas un partage pro
prement dit, en ce sens q u ’il n’est pas susceptible des conséquences
légales des partages ordinaires , énoncés notamment dans les art. 883
et 884 du Code c iv il, c ’est uniquement parce qu’il n’y a pas eu at
tribution , délivrance et mise en possession réelle de la portion en
nature de la succession revenant à Canu ; niais que cette partie de
l’acte de partage en est plutôt la conséquence et le résultat qu’elle
n’en est l’eQet principal et le caractère essentiel, lesquels résident
seuls dans ce double point de faire cesser l’indivision et de déter
miner la quotité ;
» Attendu que cet acte du 12 août 1 8 1 G ne peut être considéré
comme renfermant jtnc vente de droits successifs, lorsqu’on considère
également le caracterc propre et distinctif de ce genre d'aliénation ;
» En effet, le vendeur de droits successifs ne vend et ne garantit
que sa qualité d'héritier ou d’ayant-droit ; du reste, il n ’est pas ga
rant de la moindre ouîdc la plus grande étendue de ses droits; il ne
�vend que ce qui se trouve ou peut se trouver dans la succession ; o r ,
dans l ’acte du 12 août, Canu a vendu non-seulement des droits cer
tains , mais des droits liquidés, déterminés, une quote p art, enfin ,
attributive d ’une valeur fixée; en un m o t , le résultat d u n partage
Préexistant;
» D ’où il suit que l ’acte du 12 août 18 16 tient lieu de partage,
puisqu’il a fait cesser, à son respect, l’indivision de la succession à
laquelle il avait des droits et une quotité d ’ailleurs non conlestée ;
» Q u’enfin , s’il pouvait exister quelque doute sur ce point de doc
trine et de droit, il serait levé textuellement par l’art. 888 du Code
civil, disposition dans laquelle le législateur, par une sagesse remar
quable, évite avec un soin évident de se servir du mot partage, et
dit : « Tout acte ayant pour objet de faire cesser l'indivision, encore
* qu’il fût qualifié de v e n t e y d ’échange et de transaction, ou de toute
* autre manière. »
* En d ro it, attendu qu'en matière de partage intéressant des mi
neurs , la loi a établi des règles et déterminé des formes spéciales,
dont elle prescrit l’observation rigoureuse, sous peine de ne laisser
a ‘l’acte dans lequel elles n’auraient pas été scrupuleusement obser
vées, que le simple caractère et la seule force d ’un partage purement
provisionnel (articles 466 et 8/|0 du Gode civil) ;
* Attendu que l ’acte dont il s’agit, contenant transaction sur d ’au- •
très points litigieux, 'les héritiers Gueston pourraient alléguer, peutêtre , que l’admission de Canu à prendre part H a succession de leur
pure dans la proportion qui s’y trouve déterm inée, n ’a été que la
condition, par forme de transaction, de la renonciation de leur part
à dillérens droits, et notamment à celui de contester la qualité d ’enfant
naturel;
» Mais attendu que cotte considération, toutefois, noterait rien
au résiliât de lacté du 12 août 18 16 pour C a n u , et 11c s a u r a i t en
changer la nature et îles effots ;
* Attendu que si quelques inonnmens de jurisprudencecons.lcront
la validitu d\un partage par voie de ¡transaction cuire majeucs;cfjm -
�— 30 —
neurs, même avec attribution cle parts (arrêt do rejet de la Cour de
cassation, du 3 o août i 8 t 5 ) , ou doit y signaler que le partage était
alors attaqué par les majeurs, tandis que l ’inobservation des art, [\QQ
et 84 o du Code civil ne peut être invoquée que par les mineurs ;
» Deuxièmement, que les biens avaient été estimés en ju stice , et
que cette seconde garantie des intérêts protégés du mineur manque
dans l’espèce dont il s’agit ;
■
« D ’où il suit que cet acte du 12 août 1 8 1 6 , qui sert de base à la
demande, est nul en tant q u ’il détermine d ’une manière définitive la
part afférente à C a n u , comme enfant naturel, et q u ’il fait cesser
pour lui l’indivision dans la succession de François Gueston.
» En ce qui touche la surséance dem andée,
» Attendu q u ’il n ’y a lieu de surseoir à statuer sur la demande des
héritiers Gueston jusqu’après la décision de la demande en partage
formée par Canu au tribunal de Montluçon ;
» Q u’il y a nécessité, au contraire, de prononcer préalablement
sur celle dont il s’agit, parce q u ’avant de procéder sur un nouveau
partage, il est de raison, autant que de justice , de décider d ’abord
sur l’effet ou l ’invalidité d ’un partage antérieur, objet de l’acte du
1 2 août 1816 ;
» Statuant et faisant d r o i t ,
» Déclare les héritiers Gueston mal fondés en leur dem ande, les
déboute d ’ic e lle , en renvoie Léonard Canu ; fait réserve à toutes les
parties de leurs droits respectifs, à l'effet soit de procéder à un nou
veau partage , soit d ’exercer lesdits droits ainsi q u ’elles aviseront ; or*donne qu ’il sera fait masse des dépens, qui seront supportés par
quart ^ar chacune des parties. »
DISCUSSION.
En déférant aux lumières supérieures de la Cour l’examen de cfcttc
décision, les appelans n’ont pas à craindre l'influence d ’un préjugé.
S ’ils ont à critiquer au jugement de première instance , ils invoquent
�— 51 —
une autre décision du même tribunal, et en demandent la mainte
nue ; et il leur serait permis de dire q u e , pendant que la dernière
de ces décisions est sujette à l’a p p e l, la première en était affranchie
par ses caractères propres, et que le tribunal de Moulins était incom
pétent pour se réformer lui-mètne. Aussi le ministère public avait-il
Pris des conclusions diamétralement opposées.
Le tribunal était saisi d ’une demande en validité d ’offres , et il était
essentiellement compétent pour y statuer, puisque c ’était une de
mande personnelle, et que le défendeur était domicilié dans l’étendne de sa juridiction. Tout le monde, au reste, l’a reconnu ; mais
avait-i[ la capacité pour annuler, sur.une question incidente, la dé
cision judiciaire du 19 août 1816,? Nous n ’hésitons pas à dire que
n°n ; mais nous devons, tout à la fois, expliquer notre pensée et la
prouver.
Si la décision du tribunal de Moulins, du 19 août 1 8 1 6 , était un
v^ritable jugement rendu en matière conten lieuse, entre deux partlcs soutenant des propositions contraires et des intérêts opposés,
lo»t le inonde avancerait que le tribunal de Moulins, ayant epuise
*a juridiction , n ’avait plus aucune capacité pour réviser son propre
)ugeinent. L e tribunal n’a pas abordé cette question; il a cru n’avoir
P0"^ à s’occuper de la décision rendue le 19 août ib iG . l i a proC(!(lé comme si elle n ’existait pas ; il n’a vu qu’ un aclc passé devant
Gueulclic , notaire, le 12 août 1,816, et a déclaré cet acte nul.
^ ’«st donc un simple acte que le tribunal a voulu annuler; mais ,
s°us ce rapport, il est tombé dahs une erreur tout aussi grave.
■Pour que la réfutation soit plus claire, représentons-nous le sysletnc du jugement. 11 se résume en ce peu de mots :
l * Le sieur Cuestou avait reconnu Léonard Canu par IVcte du
12 août 1 8 1 6 ; cette reconnaissance a été confirmée par l’acte du
*9 août. Sa qualité était donc certaine.
Cet aclc du 19 août est le fondement de la. dem ande, et il faut
* apprécier.
Or» bien que qualifie transaction, il équivaut à un partage , et en
�— 52 —
produit toüsdcs effets; il en a d’ailleurs le caractère essentiel et dis
tinctif, celui de faire cesser l ’indivision.
Ce n’est pas, à la vérité , un partagé proprement d it, puisqu’il n’y
a point attribution de part à Léonard Canu ; mais ce n ’est pas non
pins une cession de.droits successifs : car le caractère de cette es
pèce d ’acte est que le vendeur ne demeure garant de rien. O r , ici,
Cànu à vendu non-seulement des droits certains, mais des droits liqui
dés, déterminés, une quote part attributive d ’ une valeur fix é e , en un
VlOt,
LE RÉSULTAT » ’ UN r A R Î A G E PRÉEXISTANT.
A cela vient se joindre l’art. 888 , qui veut qu ’un a c t e , qui fait
cesser l’indivision, ne puisse jamais être considéré que comme un
véritable* partage.
3° Les formalités prescrites pour les partages avec les m ineurs,
n’ayant pas été observées, l ’acte est demeuré purement provisionnel,
Nous omettons le dernier motif, qiii nous suffira plus lard pour
démontrct combien le tribunal s’est Vu embarrassé dans ce système ;
nous le prenons tel q u ’il e s t , et ne croyons pas difficile de le réfu
ter. Tout consiste, sous ce rapport, à apprécier les caractères de
l’acte du i g août 18 16.
Oublions pour un instant, quoique ce soit un moyen tranchant
dans la cause, que cet acte était passé pour un m ineur, et que la
justice y avait présidé avec sa gravité»et ses formes régulières ;
qu’elle l’avait couvert de son autorité, reconnu et déclaré valable,
en la forme qui lui était donnée ; qu ’enfin , elle en avait fixé défini
tivement les caractères, alors q u ’elld en avait le droit et le pouvoir;
supposons que Léonard Canu était majeur; que c ’est lui seul, en
personne, qui a’ Cônsenti l’acte tel qu’il est présenté, et q u ’aujour
d ’hui, il en demande pnrement et simplement la nullité, il no fau
drait qu’ouvrir la loi pour lui répondre :
« Les transactions ont, entre les parties, l’autorité do la chose jugée
» en dernier ressort. Elles ne peuvent être attaquées ni pour cause
» d ’erreur de droit, ni pour cause de lésion ( art. 2032 ). » Elles
ne peuvent l’ôtre que par suite d'crreür dans la personne ou sur l ’ objet
de la contestation , pour cause de dol et de violence ( art. 2o53 )•
�O r , lui dirait-on, vous étiez majeur, libre (le vos droits , vous les
avez réglés volontairement, et en connaissancedecauso; vous n’argu
mentez ni d ’erreur dans la personne ou sur l ’objet de la contestation ,
n<-de dol ou de violence. L ’acte demeure donc inattaquable.
Vous dites que ce n ’est pas une transaction ! Mais celui qui a
passe un acte, dans une qualification et avec des caractères qui lui
sont propres, n’est jamais recevable à le dénaturer, à lui supposer
Une autre volonté, une autre intention que celle q u ’il y a formelle
ment écrite; e t, d ’ailleurs, qu ’importerait? N’est-il pas vrai q u e ,
quels que soient ses caractères, pourvu qu’il n’y ait rien d ’illicite ,
les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les
°nt faites ? Q u ’elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement
Mutuel, ou pour des causes que la loi autorise? ( Art. 1 1 3 'j. ) L ’acte
6eriut donc valable sous une forme comme sous une autre, soit comme
transaction, soit comme vente ou cession ou autrement, puisqu’il
a °té volontairement consenti.
t ^ *a vérité, la loi ne tient pas compte de la qualification , lorsqu’il
San>t de tout acte qui a pour objet de faire cesser Vindivision e n t r e
^H éritiers ; et le tribunal a dit que le titre de l’enfant naturel étant
reconiui, il avait un droit incontestable au partage ; que l’acte ne
P°uvait pas même être considéré comme cession de droits succèsc|r,
bî mais c’est ici q u ’il est à peine besoin de signaler les erreurs de
C° sysletne, tant elles sont nombreuses et évidentes.
du
^ > d a b o r d , il n’v avait ici ni indivision ni cohéritiers. Dans l’acte
»
*
< r
*2 août 1 8 1 6 , comme dans la délibération du conseil deiam ille
(ÎU| lavait p récédé, il a été reconnu q u ’il y avait seulem ent, à cet
c‘nai d , prétention des tuteurs, appuyée par l’avis de leurs conseils,
j?a,s c°ntestée par les enfans Gueston , soit quant à la qualité de
anu, soit quant à sa prétention de contester la vente de 1 8 1 5 , d ’en
mander la réduction comme don à rente viager«;, d ’exiger le
Apport dos immeubles, etc. Avant d’arriver au partage, il fallait
^ r c d accord de tout cela , il fallait avoir franchi toutes ces difficultés,
a*t résoudre toutes ces questions; et c ’est sur tout cela qu’on a
�transigé, pour etouffer un procès dans sa naissance. Ni l’une ni
les autres parties ne sont donc admissibles à soulever aujourd’hui
toutes cesquestions. Inutilement on argumente de ce qu’il y avait eu
reconnaissance par le p è r e , le 3 o mars 1816. D ’une part, la recon
naissance d’un enfant n’empêchait pas de contester l’identité de celui
qui voulait se l’approprier. O r , une contestation grave s’élevait sur
ce point, et les circonstances que nous avons signalées y répandaient
des difficultés sérieuses; de l ’autre, les enfans légitimes
pouvaient
être admis à critiquer cette reconnaissance, comme frauduleuse ellem ê m e, autant q u ’on voudrait s’en servir pour porter atteinte aux
droits qui leur étaient acquis par des actes antérieurs.
„
Supposé même que les droits de l’enfant fussent reconnus,
et
qu ’il ne restât qu’à les régler, il y aurait eu encore, sur ce règlement,
matière à contestation sur laquelle on pouvait traiter. E11 ce ca s,
l ’acte de 1816 serait une véritable cession de ses droits aux héritiers
légitimes. O r , si l’article 888 veut q u ’on n’ait pas ég ard , dans le cas
q u ’il suppose., à la qualification de transaction, ce n’est pas pour
annuler l’acte ainsi qualifié, mais uniquement pour le soumettre à
à la rescision, comme acte qui a pour objet de faire cesser l ’ indivision
entre cohéritiers; -mais, e n co re, celte disposition n’est ni générale
ni absolue; la loi 11e veut pas soumettre à la rescision tous les actes
qui font cesser l’indivision entre cohéritiers ; elle reconnaît q u ’il est
de ces actes qui doivent en être affranchis par leur caractère propre ;
c l , aussi, elle s’empresse d ’a jo u te r, art. 88g :
« L ’action ( en rescision ) n ’cst*pas admise contre une vente de
» droits successifs faite sans fraude à l’un des héritiers par les autres
» cohéritiers ou par l’un d ’eux. »
E l , ainsi, lesdroiis de Canu supposés certains, sa qualité recon
nue, le traité sur ces droits, par 1111 majeur, moyennant une somme
fixe, serait une véritable cession de celle e s p e c ¿ , inattaquable de
sa nature, parce que c’est encore , sur la quotité et la valeur des
droits, une sorte de transaction où tous les hasards restent d ’un
�s
35 —
L e tribunal a abordé cette objection ; et si nous l’examinons* à
notre tour, quoique fort inutile à la c a u se , c ’est uniquement parce
qu’il nous a mis sur cette voie. Voyons donc comment il la re
pousse.
« Dans la vente de droits successif» ( dit-il ) , le vendeur ne ga* ranlit que sa qualité d ’héritier ou ayant-droit ; il n’est pas garant
* de la moindre ou de la plus grande étendue de ses droils; il ne
* vend que ce qui se trouve ou peut se trouver dans la succession.
* O r , dans la vente du 12 août, Canu a vendu non-seulement des
* droits certains, mais des droits liquides et détermines, une quote
* part attributive d ’une valeur fixée, en un m o t, le résultat d ’ un
* partage préexistant. »
On ne peut pas errer plus complètement et en droit et en fait.
En droit, et q u clq u’indifférent que cela soit à la question qui nous
°ccupe, il est certain qu’une cession de droils successifs peut avoir
des bases diverses sans perdre ses caractères, ni le bénéfice de l’ar
m e 889. •
Ou peut céder une quote part déterminée dans une succession ;
quoique le cédant demeure garant q u ’il y avait droit pour la qu oqu’il a v e n d u e , il sufiit que cette part soit cédée pour un prix
certain et à la charge par le cédataire de payer les dctles , pour quo
lacté soit une véritable cession de droits successifs qui résiste à l’arlicle 888.
On peut, encore, céder simplement son droit à la succession, lorsqu ¡1 y a 1itige sur la quotité, lîn ce cas, la quotité elle-même reste
aux périls du cessionnaire ; mais le cédant demeure garant q u ’il était
héritier; car la ce*ssion suppose qu ’il avait un litre; et cependant,
n)nlgré celte garantie, l’acte échappe encore à l'application de l’ar
ticle 888.
E nfin, on peut céder son droit alors même qu ’il y a litige sur sou
existence, cas auquel le cédant ne vend q u ’une chance, et 11e demeure
garant de rien. C ’est à celle dernière espèce seule que le tribunal
dont est appel a voulu réduire l’application de l’art. 889 ; erreur ma»
�— oG —
nifeste, que condamnent les principes, les lois positives et la juris
prudence de tous les temps. IN’est-il pas certain, en effet, et l’ex
périence
des affaires, comme la simple intelligence des actes,
n’apprend-elle pas à tout le monde que toutes ces espèces de con
ventions renferment ce que ^
lois qualifient jaclus relis, c ’est-à-
dire, que le cédant transforme en une somme fixe, ou une chose
certaine , des droits plus ou moins contestés, pour rejeter sur le cédataire toutes les incertitudes de son droit, de la quotité ou de
l’étendue de ce d ro it, en un m o t , tous les hasards de la succession?
Que , par cela s e u l, et n’y eut-il que la condition imposée de payer
la généralité des dettes connues ou inconnues, il n’y a jamais lieu à
rescision, parce que les parties ne pourraient reconnaître soit une
matière certaine et déterminée, soit un prix fixe et invariable , aux
quels elles pussent s’arrêter, et qu'alors il n’y a jamais possibilité de
prouver la lésion?
Au reste , remarquons bien l’antithèse qui existe entre les deux
articles 888 et 889. L e premier refuse toute conséquence à la quali
fication de transaction, lorsqu’elle est donnée à un véritable partage;
à tout acte qui fait cesser l’indivision entre cohéritiers, lorsqu’il pro
duit lotis les résultats du partage, garantie réciproque , etc. Il n’a
q u ’un b u t , celui de m a i n t e n i r l’action e n rescision qu’il introduit,
et à laquelle, sans celte disposition, 011 aurait.toujours pu échapper
par la forme et la qualification des actes. Mais la loi ne veut, et n’a
besoin de cette exception, que lorsqu’il s’agit d ’un véritable partage,
et que la qualification est donnée dans une intention frauduleuse. Il
11’esl p as, en cilet, défendu de transiger sur la matière des partages
Tpas plus que sur toute autre , lorsqu’il existe line malière quelconque
à transaction; l’art. 888 n ’a pas ce sens absolu. On peut indépen
damment de la raison , qui semblerait suffire
consulter tous les doc
teurs qui ont écrit sur cette m alière, notamment M. Chabot de l’Allie r , sur l’arlicle 888. llien de plus formel que leur doctrine. Au
surplus, tout cela n ’est autre chose que l’application spéciale de ce
grand principe de l’art. 1 l 5 G , que la nature des actes se détermine
�— 57 —
plus par l’intenlion que par le sens littéral des termes. Aussi le lé
gislateur s’empresse-t-il d ’ajouter que cette exception cessera, et q u ’il
11 y aura pas lieu à rescision contre la vente de droits successifs. Pour
quoi cela? parce q u ’une cession de celle nature (q uoiqu e premier
acte entre cohéritiers) , faite par celui qui prétend un droit à celui
qui le co n teste , soit dans sa réalité, soit dans son étendue , et alors
même qu’il ne contesterait que sur la valeur, est une véritable tran
saction entre deux parties qui ont des intérêts opposés; e t , alors,
n’importe que la transaction porte sur des difficultés fondamentales
ou sur des questions de quotité ou de détail, il y a toujours une vé
ritable transaction. En d r o it , le tribunal a donc évidemment erré.
En fait, nous ne concevons pas qu’il ait pu dire sérieusement q u e ,
« dans la vente du 12 a o û t , Canu a vendu non-seulement des droits
certains, mais encore des droits liquidés et déterminés. »
*
Quoi ! ses droits étaient certains , lorsqu’il s’était empressé de
constater lui-même qu ’il craignait contestation sur son identité? lors
que ses conseils ayant décidé que cette identité était'suiïisamment
établie , ses adversaires lui répondaient que cela pouvait être contesté,
et q u ’on l’insérait dans l ’acte même? lorsqu’enfin 011 soutenait que
la reconnaissance étant postérieure à l ’acte du 14 janvier i 8 i 5 , elle
ne pouvait y porter atteinte?
Q u o i! scs droits étaient liquides cl déterminés, lorsqu’on lui con
testait celui d ’exiger le rapport des biens attribués aux enfans, par
l ’acte du i4 janvier, et l’application 'de l’art. 9 1 8 , à raison du prix
considérable et des conditions onéreuses attachées à cet acte !
E t , enfin, où était donc ce partage préexistant, que le tribunal
voit partout, q u ’il ne peut cependant pas signaler, et q u ’on n’aper
çoit nulle part? Q u ’importe q u e , pour savoir si 011 avait intérêt *i
transiger et pour quel prix, la partie eut examiné, par l ’estimation
des b ien s, si elle aurait des chances plus ou moins avantageuses à
courir en cas de succès dans une lutte judiciaire, et voulu connaître
ce qui lui reviendrait, toutes suppositions fuites en sa faveur? Cela
cm pêchc-t-il q u ’elle ait réellement transigé sur des difficultés eiijr-
�lantes, et qui pouvaient être décidées contre elle, si elle soutenait le
procès? Q u’importe, enfin , qu’il y ait une valeur fixée, dés qu’il n’y
en a pas d ’aufre que celle de la transaction? Sans doute si, avant de
transiger, et en dehors de la transaction, on eût reconnu les droits
de Léonard Canu ; si on en eût fixé la nature, la quotité, l’étendue
et la valeur, et q u ’ensuite on lui eût attribué une somme moindre,
sous prétexte de transiger, l’argumentation du tribunal pourrait être
vraie. Mais ici, en estimant les biens et la part qui en serait revenue
à Canu en supposant son droit, on lui contestait ce droit, et on n’a
vait d ’autre but que de mettre cette valeur en regard de la somme
offerte , pour prouver q u ’on faisait une proposition avantageuse. Au
r e s te , sans raisonner nous-mêmes, nous n ’avons qu’à laisser argu
menter le tribunal dont est appel : il a senti le besoin d ’un partage
préexistant à la transaction, d ’une valeur fixée en dehors de cette
transaction ; et il nous suffit de nous reposer là-dessus, en démon
trant q u ’il ne se rencontre aucune de ces conditions que lui-même a
jugées nécessaires, et qui le seraient en effet.
A la v érité, on a dit dans la transaction que Léonard Canu était
le fils naturel de François Gueston ; mais qu’importe ? Cela résultait,
bien ou m a l, de l’acte de reconnaissance du père ; et en le répétant
dans la transaction , les enfans disaient qu'ils pouvaient contester cette
reconnaissance, postérieure à l’acte du i/j janvier
i
8 i5,
comme
faite ou surprise à leur père en fraude de leurs droits. L e tribunal
ajoute encore que cela résulte même de ce que les enfans Gueston
Vont admis à l’ exercice de ses droits en cette qualité. Mais on ne veut
pas voir que c ’est seulement par la transaction, c l en transigeant,
q u ’il a élé admis, non à exercer scs droits comme héritier, mais à
recevoir 3 ,o o o fr. par transaction. O r , dès que les enfans Gueston
sc résignaient à donner 3 ,ooo fr. , il était impossible de ne pas sup
poser à Canu un titre pour les recevoir; e t , dès lors , il fallait néces
sairement transiger sur le titre comme sur la somme ; e t , clans leur
ensemble, toutes ces conventions ne faisaient toujours q u ’une tran«action unique, où chacun renonçait à de plus grandes prétentions1,
�et "où l’admission de Canu à prendre 3 ,ooo fr. , comme enfant na
t u r e l, n ’était écrite qu’à côté de sa promesse de ne pas faire valoir
sa reconnaissance pour réclamer quoi que ce soit au delà de ces
3 ,ooo fr. , et pour accuser devant les tribunaux la mémoire du sieur
Gueston.
M ais, là-dessus, nous serons bien plus forts en laissant raisonner
le tribunal lui-même. 11 en dit plus q u ’il n’en faut, dans un motif
subséquent, pour détruire tout l’effet des p récéd en s, quand son ar
gumentation serait vraie, jutant q u ’elle manque de justesse.
« Attendu que l’acte dont il s’a g it , contenant transaction sur d ’au» très points litigieux, les héritiers Gueston pourraient alléguer, peut» être, que /’admission de Canu à prendre part à [a succession de leur
» père, dans la proportion qui s’y trouve déterm inée, n ’ a été que la
« condition, par forme de transaction, delà renonciation de leur part à
* différons droits, et notamment à celui de contester la qualité d ’enfant
» naturel.
» Mais, attendu que cette considération, toutefois, n ’ôterait rien
» au résultat de l’acte du 12 août, pour en changer la nature et les
» effets. »
Très-bien : le tribunal reconnaît rtettement que l ’acte du 12 août
contenait transaction sur des points litigieux. Ce n’était donc pas une
qualification fausse réclamant l’application de l’art. 888. Seulement,
le tribunal dit que celte transaction portait sur d ’autres points : il
aurait été fort embarrassé, sans doute , d ’en désigner d ’autres , c ’està-dire des points de litige étrangers à la question et aux droits de
Léonard Canu ; mais il s’empresse de nous rassurer à cet égard ; luimême il efface immédiatement celte qualification :
A
utres
, qu'il
vient d ’écrire, et il reconnaît qu’ un de ccs points litigieux était le
droit de contester à Canu la qualité d ’enfant naturel. D o n c , d ’après
le jugement lui-m êm e, il y avait contestation, et il y a eu transac
tion sur ce point important, fondamental , en même temps que sur
d ’autres; et l ’admission de Canu à prendre part à la succession a été
le résultat, l'effet et uue des conditions de cette transaction. Q u ’avions-
�-
4
0
-
nous donc besoin d ’examiner nous-mêmes les caractères de cet acte',
de rechercher s’il contenait ou non transaction ; et com m ent, à côté
de ce m otif, tous ceux qui précèdent peuvent-ils se soutenir ? N'estil pas désormais incontestable qu’ un de ces d roits, auxquels les héri
tiers Gueston ont renoncé, était celui de contester la qualité de Canu
comme enfant naturel de leur père , et q u ’ils l’ont fait en regard des
conditions qui ont accompagné cette renonciation? Q u ’enfin, la pro
messe de payer 3 ,ooo fr. n ’a été que la conséquence de cette re
nonciation, qui n’était faite elle-même que parce que Canu ou ses
tuteurs, pour l u i , renonçaient à toute prétention autre que celle de
ces 3 ,ooo fr. ? L e jugement le reconnaît.
Au r e s te , convenons que les enfans Gueston auraient joué une
partie de dupes, s’ils avaient consenti à reconnaître sans retour une
qualité q u ’ils contestaient, une identité q u ’ils contestaient e n co re,
des droits de réduction qu’ils ne voulaient pas souffrir, et tout cela
sans prendre aucune précaution pour lie r , à leur égard, Léonard
Canu. Evidemment, ils n’ont pas abandonné leurs m oyens; et au
jourd’h u i, si on pouvait annuler le traité, et aborder la demande en
partage, il y aurait toutes ces questions à juger. O r , ces questions,
avec un majeur surtout, seraient matière à transaction, llien n ’est
plus évident. Pourquoi donc ne l’auraient-elles pas été en 1 8 1 6 ?
Iist-ce qu’elles n’étaient pas les mêmes ?
II est donc bien évident que l ’acte de 1 8 1 6 , supposé fait entre
majeurs, ne serait pas susceptible d ’ôtre anéanti; qu ’aucun moyen
de nullité écrit dans les lois pourrait l’atteindre , et qu’en le consi
dérant même comme ayant, au fond, les caraclères d ’un acte qui fait
cesser l ’indivision, il serait inattaquable , parce q u ’il ne serait pas
moins une véritable transaction ; e t , d é jà , il demeurerait démontré
que ni le procureur du roi de 181 G, ni les jurisconsultes qu ’il avait
n o m m é s, ni le conseil de famille qui avait autorisé la transaction , ni
le tribunal qui l’a homologuée, n ’ont été si mal avisés q u ’on le sup
pose.
L a minorité de Léonard Canu, en 181G, forcerait-elle d ’adopter une
�décision, contraire ? Non-seulement nous repoussons cette proposi
tion , mais nous allons prouver que la position des enfans Gueston
devient plus favorable, et encore plus ¡également fixée par cette seule
circonstance ; et on va reconnaître q u ’alors même qu ’un majeur
pourrait encore, quoique sans avantage, agiter la question de res
cision , et un tribunal la. ju g e r , cas auquel il serait obligé de la re
je te r, comme nous venons de l’établir , tous les tribunaux sont
incompétens pour examiner le mérite et les caractères de la transac
tion judiciaire de 1 8 1 6 , et que le mineur, lui-m êm e, demeure dé
pourvu, e t , pour mieux dire, dépouillé par Ja loi même de toute
capacité pour la critiquer, parce qu ’elle a pris du jugement d ho
mologation un caractère irrévocable et une validité qui ne peut plus
être mise en question. Ici se présente une question grav e, qui tient
à l’honneur même de la justice.
Avant le Code civil, la législation n’offrait aucun moyen de faire
une transaction solide avec les mineurs; et comme on le voit dans
l’exposé des motifs de la l o i , par M. B e rlie r, sur l’article 4^7 » Ie
Code a voulu créer cette faculté dans un intérêt général.
<t Les principes admis jusqu’alors, dit M. Berlier , sans repousser
ces transactions, en rendaient l’usage impraticable; car elles ne pou
vaient valoir qu ’autant q u ’elles profitaient au pupille , et que celui-ci
s’en contentait ; si hoc pupillo expédiât ; et ce point de fait, toujours
subordonné à la volonté future du mineur, écartait nécessairement
un contrat aussi peu solide.
» De cette manière, toutes les difficultés dans lesquelles un mi
neur était engagé devenaient un dédale d ’où l’on ne pouvait sortir
q u ’à grands frais, parce que les issues conciliatoircs étaient fermées,
et que si le tuteur n’osait rien faire qui eût l’air d ’altérer un droit
équivoque, de son c ô t é , l ’adversaire du pupille ne voulait point
traiter avec un homme dont le caractère ne lui offrait aucune ga
rantie.
» De là, ruine de plus d’un m ineur; de là , aussi, de nombreuses
entraves pour beaucoup de majeurs.
v
6
�-
ni -
_ ti II convenait de mettre un terme à de si grands inconvénient,
et le projet y a pourvu en imprimant un caractère durable aux tran
sactions pour lesquelles le tuteur aura été autorisé par le conseil de
l'amille, de l'avis de trois jurisconsultes désignés par le commissaire
du gouvernement, et après que le tribunal civil aura homologué la
transaction sur les conclusions du môme commissaire.
i Tant de précautions écartent toute espèce de danger ; elles sub
viennent aussi aux besoins de la société, q u i , en accordant une juste
sollicitude aux mineurs, doit aussi considérer les majeurs ; elles don
nent enfin à l’administration du tuteur son vrai complément. Que serait-ce , en effet, q u ’un administrateur qui ne trouverait pas dans la
législation un moyen d ’éviter un mauvais procès, ni de faire un ar
rangement utile. ?»
Ces considérations, qui ont une haute portée , et qu'on trouve
reproduites dans les discours prononcés sur les art. 20S2 et 2o53
du Code civil, ont amené la disposition de l’art. 4 ^7 - Avec ce la , i)
est facile d en saisir les caractères et d ’en déterminer les effets. La loi,
toujours prévoyante, a voulu imprimer aux transactions qui seraient
faites en la forme q u e lle prescrit, le caractère de l’irrévocabilité , no
nobstant la minorité d'une 011 de plusieurs parties; et elle en a con
fié le pouvoir aux ministres de la justice. Sous leurs ailes , et avec
leur protection , les mineurs peuvent tfaire les actes qui les intéressent aussi valablement que les majeurs.
E t , aussi, dans cette nouvelle création , ne retrouve-t-on plus,
comme principô applicable à tous les cas, la hiérarchie des divers
degrés de juridiction. 11 ne s’agît plus, en effet, do ces discussions
qui naissent de la diversité des intérêts entre des parties opposées,
lesquelles peuvent élever des questions subtiles , faire naître des
doutes, embarrasser les esprits. L;\ les magistrats sont appelés à pro
noncer sur des questions souvent difficiles ; ils peuvent se méprendre
sur le sens des actes, sur la véritable volonté des parties, sur l’appli»
cation des lois; et il faut au législateur des garanties contre l’erreur
des juges oux-môincs. C ’est pour cela q u ’il établit divers degrés de
�— 43 —
juridiction comme une sauvegarde pour les intérêts privés qui sont
en présence.
- Mais lorsqu’il s’agit seulement de suppléer à l’incapacité des per
sonnes, et d ’environner les incapables d ’une autorité tutélaire qui
veille à la conservation de leurs droits, le législateur ne pense plus, il
ne peut plus admettre la nécessité des divers degrés de juridiction. L e
ministère du juge n’est plu^le même ; il n’est'plus q u ’un surveillant*
que la loi charge de protéger le mineur, et à qui elle donne toute
autorité pour mettre la sanction à ses actes, lorsqu’ils sont faits avec
les formes régulières , et qn’il y a reconnu.de l’avantage ; mais, aussi,
après qu’il les a homologués, la loi leur donne-t-elle .tout lu carac
tère d ’irrévocabilité q u ’ils auraient, si toiiLes les parties eussent été
majeures et libres de leurs droits; c ’est ce que le Code civil nous
enseigne
O dans une foule d ’arlicles.
~ i
m
Nous avons rapporté plus haut les articles 2o 5 a et 2o 5 3 * sur l’eEfet
des transactions entre personnes capables de contracter ; à cela il
faut ajouter diverses dispositions, soit générales, soit particulières,
sur les personnes incapables;
L ’art. 1123 : « Toute personne peut contracter si elle n’est pas
déclarée incapable par la loi. j
’
,
L ’art. 1 1 2 4 : « Les incapables de contracter sont les mineurs , —
» les interdits , — les femmes mariées, dans les cas exprimés. »
L ’art. 1 1 25 : « Le mineur , l’in terd it, la femme mariée, ne peu> vent attaquer leurs engagemens que dans les cas prévus parla loi. »
D ’où il résulte que leurs engagemens sont valables toutes les fois
que la loi ne les autorise pas expressément à les attaquer.
O r , tous ces articles sont coordonnés avec l’art. 467 , qui autorise
le tuteur * à transiger après autorisation du conseil de famille, et
» l’avis de trois jurisconsultes commis par le procureur du roi. »
Il ajoute que « la transaction ne sqra valable q u ’autant q u ’elle aura
» été homologuée par le tribunal de première instance. »
Quoique cette disposition ne soit exprimée q u ’en termes négatifs,
«lie ne renferme pas moins la règle que l’homologaliou du tribunal
�-
«
-
¿tiiTîra pour valider la transaction faite par le mineur} ou , pour l u i ,
par son tuteur, Elle est1-, d ’ailleurs, confirmée par l’art. 2o/f5.
Enfin , on peut y ajoutèr l’art. 1 3 1 4 :
t Lorsque les formalités requises à l’égard des mineurs, soit pour
» aliénation d ’immeubles, soit dans un partage de succession> ont
» été remplies , ils so n t, relativement à ces a ctes, considérés comme
4» s ’ ils les avaient faits en majorité. »
*
Cet article semble* ne parler que de deux cas spéciaux, la vente
des immeubles et le partage ; mais il est évident que sa disposition
est générale, o u , tout au m oins, qu’elle le devient par une inévi
table analogie.
D ’une p art, il est placé sous la rubrique générale de l ’action en
■nullité des conventions.
•i
O r , en ^ ra p p ro ch a n t des art. 1 1 23 , 1 124 et 1 1 2 5 , sur les nul
lités résultant de la minorité, et de l'art. 467 > qui autorise la tran
saction entre m ineurs, avec les formes prescrites, on demeure con
vaincu que l’ art. i 3 i 4 s’applique à toutes les conventions permises
au m ineur, lorsque les formalités requises ont ctè remplies, et que ne
lut-il pas écrit dans le Code, il faudrait l’y suppléer.
E t , aussi, dans le rapport de M. Jaubert au T ribu nal, trouve-ton ce passage décisif :
a Hors les cas spécialement exprim és, les mineurs ne peuvent être
admis à la restitution. La restitution est un bénéfice extraordinaire
et une exception. Toute exception doit &tre fondée sur une loi pré
cise.
» Cependant, il était convenable de rassurer pleinement ceux qui
traiteraient avec des mineurs, en suivant les formalités prescrites.
Cette précaution , si elle n’était pas nécessaire, est du moins u tile , à
cause de cette idée si invétérée, et qui s’est si souvent réalisée , q u ’il
n’y avait pas de sûreté à traiter avec les mineurs.
» Pour les partages, l ’opinion générale était q u ’ils ne pouvaient
être que provisdires ; quant aux ventes, toutes les formalités possi
bles n’empêchaient pas que l’acquéreur ne fût inquiété sous prétexte
de la moindre lésion.
•
�* » Il fallait souvent des demi-siècles pour savoiï si une affaire traité^
avec un minenr pouvait être regardée comme absolument con
sommée.
*
5 L ’intérêt des mineurs, celui des familles, le respect dû à là mo
rale publique, exigeaient que la personne et les biens des mineurs
Fussent environnés de toute la protection de la loi.
r » Mais enfin , an est souvent forcé de traiter avec les mineurs, et
des mineurs ont souvent besoin qu’on traite avec eux. Il faut donc
que l ’ intérêt des tiers soit garanti, lorsque les tiers ont suivi les for
mes prescrites par la loi. »
'• Evidemment celte doctrine, qui est le fondement de la lo i, s’ap' plique aux transactions comme à toute autre espèce d’acle qu’elle a
autorisés avec des formalités diverses. D ’ailleurs, cela est d ’autant
plus
évident
j que la transaction ne peut jamais avoir trait q u ’à des
meubles ou ii des immeubles. Dans le premier cas, elle est presque
toujours dans le domaine du tuteur 011 du mineur émancipé ; dans le
l’art. i 3 i/j y est expressément applicable; il l’est surtout
dans le cas particulier : car de quoi se plaint-on? de ce q u ’au lieu
d ’ouvrir un partage au mineur, et d ’o r d o n n e r une estimation judi
Second,
ciaire d'immeubles, le tribunal a autorisé le mineur à recevoir une
simple indemnité de 3 ,ooo fr. IVest-il pas évident que plus cela se
rait
Il
vrai,
plus l’art. 13 14- serait applicable?
est donc démontré qu ’une fois l’avis dit conseil de famille et des
troiâ jurisconsultes obtenu, et l’homologation du tribunal prononcée,
l’acte est irrévocable comme s’il avait été fait entre majeurs; nous
osons ajouter qu’il est cent fois plus respectable , parce q u ’il est cou
vert de la protection de la justice.
Un majeur, en effet, peut se tromper, agir avec légèreté, se lais
ser préoccuper par des apparences, par quelques entrainemens ; et
il tie faut pas moins sanctionner ce qu ’il a fait librement, alors môme
qu’il ne le voudrait plus. La justice, au contraire, ne se préoccupe
t>as; olle n'agit ptiS légèrement; elle ne dément jarrriis la gravité de
fion ministère ; et lorsqu'elle a observé les formes exigées pour tel ou
G.
�-
46 -
tel acte, toute garantie est acquise aux intérêts de l’incapable, parce
que son incapacité, suffisamment suppléée, a totalement disparu. . ,
Ici une réflexion se présente, que nous ne devons pas laisser ina
perçue.
Saisi du pouvoir d’accorder ou de refuser l’homologation , le tri
bunal de première instance est nécessairement investi du droit de
déterminer la nature de l’acte qu ’on lui p résente, et les formalités
qui lui conviennent. O r , il est et il doit être de l’essence de sa dé
cision d ’être aussi-bien irrévocable dans cette partie que sur le fond
même de l’intérêt du mineur.
î
Eh quoi ! il aurait le pouvoir d ’homologuer une transaction , et
l’obligation de l’examiner avec scrupule avant de statuer, et ¡1 n’au
rait pas le droit et le pouvoir de décider si l’acte q u ’on lui présente
est une véritable transaction !
. Qui d o n c, lorsqu’il l’a reconnu, serait compétent pour décider le
, .
«
contraire?
Serait-ce lui-m êm e, comme le juge'naturel des parties? Mais estce qu ’il pourrait proroger sa juridiction pour détruire ce q u ’il a fait?
- On comprend*bien que si l’acte a été fait sans les formalités pres
crites, il puisse en prononcer la nullité; mais pourquoi cela? C ’est
que , dans cette hypothèse, l’acte a été fait sans pouvoir, hors des
termes de la loi, et il reste sans valeur; e t, en ce ca s, le tribunal
ne fait qu’appliquer la loi dans les bornes de son autorité, en décla
rant nul un acte fait en contravention aux lo is, et qui ne se trouve
plus souscrit que par un mineur dont l’incapacité n ’a pas été légale
ment suppléée. Mais dans le cas, au contraire , où les formalités re
quises ont été observées, et l’homologation prononcée , le juge a agi
légalement; il a consommé un acte de son ministère. O r , il n’a pu
Je, faire ainsi sans fixer définitivement les caractères du contrat, et
déterminer le genre de formalités qui lui était propre. Si donc elles
o n t
été remplies, l’homologation de l’acte a épuisé sa juridiction : il
ne serait plus admissible ensuite h décider, et aucfiiî autre tribunal
ilu serait compétent pour dire qu ’il s’est trompé , q u ’il a mal apprécié
�-
47 -
'
l’acte qui lui était soumis. Il était juge , clans le cercle de ses fonc
tio n s, la première fois, comme il l’est la seconde, et il n’est pas au
torisé à se réformer.
Toute cette doctrine se résume en deux mots.
•
L é jugement qui intervient sur la demande de l’incapable, et qui
homologue l’acte qualifié transaction, n’est autre chose que la con
sommation du contrat, l’acte nécessaire pour q u ’il soit valable et
parfait, en donnant au mineur pleine et entière capacité pour le
consommer ; et si celui au nom duquel Pacte a été fait et le jugement
rendu veut se plaindre, i^faut qu ’il attaque l’acte lui-même par les
moyens ordinaires de nullité. O r , il ne lui su (Tira pas de dire que la
justice a prononcé légèrement, qu ’elle n’a pas assez examiné , il fau
dra qu’il prouve qu’èlle a été surprise , q u ’on a amené la consomma
tion de l’acte par des moyens frauduleux, exercés au préjudice de
lui mineur ou interdit, et que le tuteur qui a provoqué l’acte a par
ticipé à la fraude, ou a été lui-même trompé et surpris par le dol
d ’un tiers qui a profilé de l’acte. C ’est donc , dans cette supposition ,
une action en nullité qu’il faut exercer contre les autours de la
fraude, et q u i, en certains cas, peut amener la révocation de l’au
torisation judiciaire ; mais lorsque le mineur ne pourra citer aucun
fait de dol exercé par des tiers, et q u ’il se bornera à dire qu ’il a mal
à propos demandé l’autorisation de faire un a c t e , et q u ’on ne devait
pas riiomologuer, son action s’anéantira devant l’autorité des lois,
qui protègent les contrats régulièrement consommés, et les actes des
corps judiciaires qui les ont autorisés ou confirmés. Toute autre
doctrine serait dérisoire pour la justice. A in si, le tribunal de 18 1G a
pu decider que c ’était une transaction, il l’a fait valablement, ir
révocablement, et il n’y a plus à y revenir. Iîl comment, dans l’es
p è c e , hésiter à le reconnaître? On veut qu’en 18 1G le tribunal de
Moulins eut du employer les formalités du partage; mais c ’eût été
refuser au mineur la faculté de transigea, le forcer à p l a i d e r ' malgré
lui, l’obliger à soulever des questions, et à provoquer une décision
qui pouvait détruire jscs_espéranccs ; tourner enfin contre lui ce qui
�4 + 1
♦*
*
*
*
'* •
î
était établi en si» faveur. Mais quoi! on voudrait donc ^refuser au tri—
bùnal compétent eh 1 8 1 6 , le droit de juger ce qui était plus avan
tageux au mineur! On 11e fait pas attention qu’avant d'ordonnôr
l’emploi des formalités du partage, le tribunal de. Moulins Voyait des
questions à juger, et qu ’il a reconnu préférable au mineur qu ’elles
ne fussent pas agitées. C ’est donc avec une intention bien méditée
q u ’il a eu recours aux formes de la transaction. Est-ce q u ’il n’en avait
pas le pouvoir? E t , d ’ailleurs, quel est donc ce grief si fâcheux qui
doit soulever aujourd’hui le zèle de la justice? Il se borne à dire quô
l’estimation des biens n’a pas été faite par trois experts commis. Ou
nVa pas fait attention, e n co re , que le tribunal n’a ordonné d ’estima
tion d ’aucune espace ; q u ’il était le juge du besoin de cette estima*
t i o n , et q u ’évidemment elle n’était pas nécessaire!, puisqu’il ne fai
sait pas un partage.
Mais pourquoi tant raisonner sur des hypothèses, en droit, aloM
que le fait est positif, certain , et d’une telle évidence , quJil apparaît
de lui-mème à tous ies yeux? Est-ce q u ’il peut s’élever le moindre
doute sur la question de savoir si l’acte était une véritable transac
tion? Nous en avons assez dit ci-desSus, pages 18 et suivant., et 3 g ,
pour qu’il ne puisse pus subsister (le doutes, et iious il’y reviendrons
pas. L e tribunal dont est appel lui-mème s’est vu obligé de le recon
naître et de le consigner dans son jugement; eu sorte que ce n’est
plus seulement avec des autorités étrangères, mai .4 avec le jugement
dont est appel lu i-m è m e , que nous détruisons le système des pre
miers juges, et le fait sur lequel il est établi.
Mais ce n’est pas là seulement que nous pouvons mettre ce juge
ment en contradiction avec lui-mème ; ne dit-il pas encore que
l’acte de i 8 1 5 , portant cession de ses biens , par le sieur Gueston
père à ses enfans , était tine donation déguisée ?
Quoi ! c ’est le tribunal doi^t est appel qui juge celte question , et
qui décide en même tem fs
q u ’il
n’y avait en 1816 ni litige ni ma
tière à transaction ! Est-ce qu’il a vu quelque part que les enfans
Gueston eussent renoncé à se sfcrvir de cet acte authentique, et doftt
�— 49 —
l’exécution était depuis long-temps consommée? Est-ce q u ’il’ n’a pas
lu dans la délibération du conseil de famille , et dans la consultation
judiciaire , que les enfans Gueston entendaient en soutenir la vali
dité et se refuser à la réduction? Est-ce que cela n’y est pas exprimé
assez clairement lorsqu’on y lit ce motif des trois jurisconsultes :
« Considérant q u ’il importe d ’éviter à l ’enfant naturel un procès
» qui ne tendrait q u ’à faire naître pour lui des chances incertaines,
» et à remettre en question ce qui est résolu en sa faveur, en l’expo» sant à des frais considérables qui pourraient consommer sa ruine. »
E t , enfin, e s t - c e q u e , aujourd’hui m ô m e , cette question se
trouve jugée quelque part ?
Ce n’est pas tout encore ; lisons la disposition finale du jugement,
et nous verrons q u e , là comme dans ses motifs, le tribunal détruit,
de ses propres mains, tout le système q u ’il avait édifié.
C ’est après avoir reconnu q u ’il y avait transaction sur des points
liti gieu x, fondamentaux, q u ’il prononce sur la demande en validité
d ’offres. Considérant l’acte de 1816 comine n u l, parce q u ’il n’était
q u ’un partage, y appliquant l’art. 888 du Code civil, qui est évidem
ment étranger à cette question de nullité, il rejette la dem ande,
puis il ajoute :
« Fait réserve à toutes les parties de leurs droits respectifs, à l’effet
» soit de procéder à un nouveau partage, soit d ’ exercer lesdits droits ,
» ainsi q u ’elles aviseront. Ordonne qu ’il sera fait masse des d é p e n s,
» qui seront supportés par quart par chacune des parties.
L e tribunal savait très-bien que Léonard Canu, avait formé une
demande en partage devant le tribunal de Montluçon, dans le ressort
duquel la succession s’est ouverte , et que cette demande faisait re
vivre toutes les questions soulevées et éteintes en 1816. O r , n ’osant
pas les juger directement, il réserve aux parties tous leurs droits,
soit pour faire un nouveau partage, soit pour exercer lesdits droitsPuisque de ces deux hypothèses il fait une alternative, il a donc la
pensée, il reconnaît donc que l ’exercicc desdits droits p o u rrait écarter
la demande en partage; e t, en effet, c ’est une position inévitable,
�qui résulte de ce q u e , en annulant la transaction , il ne pouvait pas
s’empêcher de remettre chacune des parties dans la position où elle
était auparavant. Ainsi, il délaisse toutes les parties à se présenter
devant le tribunal de Montluçon , l’une pour suivre sa demande en
partage, les autres pour s’en défendre, y faire valoir leurs droits, et
faire rejeter, si elles peuvent, cette dem ande, par leurs moyens
préjudiciels. On en reviendra donc devant le tribunal de Montluçon,
pour agiter toutes les questions qui sVilevaient en 1 8 1 6 , sauf, toute
fois, la difficulté que trouveraient, peut-être, les enfans Gueston à
établir, après un intervalle de vingt années, certains points de fait
qui étaient notoires à cette époque. L à , nous aurions à examiner,
avant tout, la question d ’identité du dem andeur, celle de savoir si
la reconnaissance du 3o mars 1816 a été faite librement et avec con
naissance de cause ; ;si elle n ’était pas, au contraire, le produit du dol
exercé sur le sieur Gueston, comme on offrait de le prouver; si elle
pouvait, dans tous les cas, porter atteinte à la vente de i 8 i 5 , faite
par le père à scs trois enfans, etc., etc.
.
Sans d o u te , e n co re , le tribunal a eu la conviction que les enfans
Gueston avaient pu soutenir, sans injustice, que l’acte de 1816 était
une transaction ; c ’est le seul motif qui ait pu autoriser la compensa
tion des dépens'. O r , celte conviction a dû résulter nécessairement
de ce que le tribunal reconnaissait q u ’il y avait eu transaction sur
des points litigieux q u e , d ’abord, il qualifiait autres; qu ’ensuite, il
reconnaissait s’appliquer aux prétentions de Canu. Mais c ’est évi
demment avouer q u ’en 181.6, il y avait, comme aujourd’hui, matière
à transaction ; et comment le tribunal n’a-t-il pas aperçu q u ’en se
refusant, à lui-même (tribunal de *81G) , le. droit de reconnaître,
dans l’acte , une véritable transaction , et de l’homologuer comme
te lle , alors que la loi lui en donnait le pouvoir, il faisait lui-m êm e,
sans le d ire, en i 836 , et 6ans en avoir le droit, une véritable tran
saction, pleine, toutefois, d’inconséquences ?
Mous ne pousserons pas plus loin cette discussion. C ’est déjà trop,
sans doute. Si quelque chose est respectable au monde, ce sont les
�— 51 —
actes des corps judiciaires lorsqu’ils sont faits dans les limites de leur
autorité, et environnés de toutes les solennités prescrites par la loi.
I c i , en 1 8 1 6 , des prétentions opposées faisaient pressentir une
lutte vive, animée, chanceuse; un mineur y était intéressé. Pour en
prévenir les dangers, il a réclamé l’autorisation de transiger; un
conseil de famille y a reconnu d ’incontestables avantages; trois ju
risconsultes , régulièrement com m is, en ont démontré l’utilité pour
le m ineur, et ont signalé le danger q u ’il y aurait pour lui à ne pas
le faire. Légalement éclairé, le tribunal a couvert de sa protection
tutélaire les intérêts du mineur, et l’a relevé de son incapacité. Ainsi
couvert de son autorité souveraine, ce contrat a reçu toute sa perfection ; il demeure donc inébranlable; et c ’est honorer à la fois la
justice et son ministère, que de prononcer la maintenue d ’une con
vention fait loyalement, en connaissance de cause et avec pleine li
berté , sous la foi de la législation qui nous régit.
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»
Me DE VISSAC avocat.
Me V EYSSET, avoué-licencié.
RIOM, IMPRIMERIE DE E. T HIBAUD
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Dublin Core
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Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Gueston, Gilbert. 1836]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
De Vissac
Veysset
Subject
The topic of the resource
successions
partage
enfants naturels
coutume du Bourbonnais
exposition
abandon d'enfant
fausse identité
reconnaissance de paternité
transactions
partage
domestiques
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire pour Gilbert et Louis-Etienne Gueston, propriétaires ; Françoise Gueston, et Jean-Pourçain Causse, son mari, propriétaire et Docteur en médecine, appelans de jugement rendu par le tribunal civil de Moulins, le 28 avril 1836 ; contre Léonard Canu, Intimé.
Annotations manuscrites.
Table Godemel : Enfant naturel.
6. lorsqu’après la reconnaissance authentique d’un enfant naturel et le décès du reconnaissant, les héritiers légitimes de ce dernier ont confirmé la reconnaissance, dans un acte passé avec le tuteur autorisé par une délibération du conseil de famille, en admettant l’enfant naturel à l’exercice de ses droits, en cette qualité, dans la succession de leur père, et que, dans cet acte, qualifié transaction, après l’énumération de tous les biens de la succession, leur estimation, la composition de la masse, la liquidation et enfin, la détermination de la quotité revenant à l’enfant naturel avec évaluation d’une somme fixe, on lui abandonne une somme un peu plus forte pour le désintéresser plus complétement et pour tous les droits qu’il peut prétendre dans la succession du défunt ; cet acte bien qu’il ait été homologué en justice, à la diligence du tuteur, et sans contradiction doit-il être considéré comme vente de droits successifs et transaction, ou au contraire comme partage ?
l’enfant naturel après sa majorité, peut-il, en invoquant le véritable caractère de l’acte, s’il a réellement fait cesser l’indivision, et en excipant de ce que les formes prescrites par la loi, pour l’efficacité des partages avec des mineurs, n’ont pas été observées, en demander la nullité, ou la rescision pour cause de lésion, et conclure à un nouveau partage ?
peut-on lui opposer, comme fins de non-recevoir, l’autorité de la chose jugée, résultant, soit de la décision judiciaire qui avait homologué l’acte réglant à une somme fixe ses droits dans la succession de son père naturel ? soit du caractère et des effets de la transaction ayant eu pour objet de trancher, entre parties, des difficultés nombreuses sur la qualité du réclamant, sur le règlement de ses droits, sur les conséquences des libéralités et dispositions antérieures faites à son profit ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Imprimerie de E. Thibaud (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1836
1814-1836
1814-1830 : Restauration
1830-1848 : Monarchie de Juillet
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
51 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2805
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2806
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53561/BCU_Factums_G2805.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Le Montet (03183)
Moulins (03190)
Trévol (03290)
Sciauve (château de)
Salles (terre de)
Saint-Hilaire (03238)
Saint-Silvain-Bas-le-Roc (23240)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
abandon d'enfant
coutume du Bourbonnais
domestiques
enfants naturels
exposition
fausse identité
partage
reconnaissance de paternité
Successions
transactions
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53562/BCU_Factums_G2806.pdf
9ca31f846da26b4ceb581b1b44c98f1c
PDF Text
Text
■ '<[■
MEMOIRE
C O U R iA R O Y A L E
DE
R IOM.
EN RÉPONSE
1er C H A M B R E .
POUR
P R É C E P T E U R , INTIMÉ ;
CONTRE
et L o u i s - E t i e n n e G U E S T O N , Pro
priétaires; F r a n ç o i s e G U E S T O N et J e a n
C A U S S E , son mari, Docteur en médecine;
Appelants d’un jugement rendu par le Tri
bunal de Moulins, le 28 avril 1836.
G ilb ert
t ¡ t tfi
L
es héritiers légitimes du sieur Gueston , en s’adressant à la publi
cité, ont plutôt consulté leurs intérêts matériels, dont la conserva
tion les a toujours vivement préoccupés, que les devoirs de la piété
filiale , dont l'accomplissement était pour eux sans bénéfice. Dans le
but d ’expliquer en leur faveur les actes et les faits de la contestation
qu’ ils ont so u le vé e , ils n’ont pas craint d ’outrager la mémoire de
leur p è r e , en imprimant que la seule présence de ses enfants lui
�faisait ombrage, et q u ’il allait jusqu’à les menacer de faire disparaître
sa fortune, en le représentant comme un liomme faib le, livré à la
domination d ’une femme entièrement illétrée, et dupe des plus gros
sières mystifications. Son fds naturel accepte comme une portion
précieuse de son héritage le soin de venger sa mémoire. Il lui suffira
d ’exposer fidèlement la conduite que son père a tenue, pour le jus
tifier des reproches immérités qui lui ont été adressés, et faire res
sortir l’ingratitude de ceux q u i, après avoir partagé pendant sa vie
son riche patrim oine, ne craignent pas de Taccuser après sa mort.
Dans ces débats, qu ’il est obligé de soutenir seul contre des adver
saires opulents, sans autre appui que la bonté de sa cause, sans autre
ressource que le produit de son travail de tous les jours, il aura du
moins la consolation, en défendant ses d ro its, de remplir un pieux
devoir, et de seconder les bienveillantes intentions de son père.
Déjà le tribunal de Moulins, dont la Cour a souvent eu l’occasion
d ’apprécier les décisions empreintes de sagesse , lui a rendu justice.
Il a répudié la responsabilité q u ’on voulait lui faire encourir, en l’as
sociant à des actes dont il n’avait pu juger la portée sans débats con
tradictoires ; il n’a pas voulu q u ’arrachés à la faiblesse d ’une tutrice,
ces actes devinssent pour un mineur une'cause de dommage et de
ruine, et il l’a réintégré dans la plénitude de ses droits. Bientôt, il
l’espère , la Cour partagera les mêmes convictions , et ratifiera, après
un examen consciencieux , cette œuvre d e sagesse et de réparation.
FAITS.
Le sieur François Gucston a contracté mariage avec mademoiselle
' >
•
lîarathon-Desgranges le i juin 1790. Cette union fut de courte du
4
rée. : madame Gucston mourut en 1 7 9 7 , laissant trois enfants en
bas âge. Par son testament, en date du 21 mars 1797 , elle avait lé
gué à son mari l’usufruit de tous ses biens. Devenu veuf dans la force
de lago ,llíe sieur Gucston q u i , dans l’intérêt de scs enfants, n’avait
pas voulu contracter un second mariage, ne put cependant vivre
�dons l’isolement où l ’avait placé la perte prématurée de'sonl épouse.
H jeta les yeux suri une jeune fille de dix-neuf ans, qui était, à son
service, é t q u i ,. simple et naïve,-ne sut'résister. à lia «séduction d ’un
homme qui'avait sur-elle l’avantage de l’éducation et l’ajitorité d ’un
maître-, Marie Brun et, dans sa nouvelle position
se dévoua entière-
mentià la personne ;du sietlr Gueston ; l'attachement q u ’elle lui por
tait ;rejaillit‘sur. saijeune fam ille, dont elle soigna l’enfance avec une
tendrosse;touf;e maternelle;;D’un désintéressement à toute épreuve\
jamais, elleune, songea à tireraprofit de l'affection et de la confiance
que luv témoignait sopi maître. Pari son active surveillance’ , par soii
économie soutenue, elle contribua puissamment à l ’amélioration no
table que le sieur Gueston apporta à: sa fortune. Depuis la mort de
sa fe m m e , il avait *(! en ‘ éfiet'J »acqu is, des .propriétés considérable«;,
dont il avait ientièremerii payé1Le prixv> malgré les dépenses occa
sionnées par l ’éducation de sesjeiifantsyjeti les sacrifices qu.’iî était
obligé de faire pour les exempter.du service militaire. L e remplace
ment de' l’un d ’eux ,i notamment, s’était élevé à la somme de dix
mille franc?,! poiir laquelle il avait souscrit uneiobligatio.O:en faveur
de .lean Alibert.ùCett«: sage administration^ loin d'imposer à ses «fin
fants la recodnaissanccjqu’elle devait leur inspirer^ jne fit :qu’exciter
leur cupidités L e sieur ¡G ueston, domicilié en jB ourboun ais, avait
adopté le régime et les usages consacrés dans cette!province. A d é i
faut d’inventaire, la communauté avait continué de Subsister après
le décès dolson épouse ; ! et toutes les; acquisitions' qü’il avait faites,?
appartonaientipour moitié à ses enfants.) Impatient d !çn;profiterV.>le
sieur Gilbert Gueston , son fibtaîné, à peine parvenu,àisa majorité ,
lit brusquement apposer les scellés dans le domicile.de sOn.pèreJ et
un inventaire fut dressé’, les 28 et 29 avril
i
8i 3 ,
par le notaire Bou-
caumont. Cet inventaire constate que les seules valeurs mobilières
dépendant de la commnnaulé s'élèvent a lla som m e;de 60,000 fr.
Malgré le chagrin qu un procédé aussi violentjdùtucauser a)i sieur
Gueston, il ne contesta.pas lés droits rigoureux de son fils; i^fit
plus , il se montra à son égard généreux et bienveillant : un partage
�\.
-
X-
de tous les biens composant la communauté fut p assé , le
5
3o
avril
18 1 , entre le sieur Gueston p ère , son fils aîné m ajeur, et le cura
teur à l’émancipation du sieur Louis-Etienne Gueston.et de la demoi
selle Française Gueston, encore dans les Hens.de la minorité. On
procéda d ’abord au partage du mobilier, estimé 60,000 francs.'Il fut
convenu q u e , sur cette valeur, le sieur*Gueston père se retiendrait
dix mille francs pour solder le prix du remplacement: encore dû à
Jean Alibert. Les reprises du.'sieur Gueston p ère, soit pour les som
mes q u ’il avait recueillies dans plusieurs s u c c e s s io n s s o it pour les
dettes q u ’il avait payées dans l’intérêt de son épouse , furent réglées
à 55,891 fr. , qu ’il fut également autorisé à prélever sur les valeurs
mobilières. La portion revenant aux enfants’, soit pour les prélève
ments q u ’ils avaient à exercer, soit à titré de communistes, fut fixée
à 1
1,644 fr- 5°
cent. M. Gueston leur délivra immédiatement pour
2,265 fr. de mobilier, et paya comptant à son fils aîné la somme de
3 ,1 2 6 fr.
5o c c n t ., complétant son amendement, et s’engagea à payer
une pareille somme à chacun de ses deux autres enfants, lorsqu’ils
seraient arrivés à leur majorité. On procéda ensuite au partage des
immeubles acquis pendant la communauté. Deux lots égaux furent
form és, et attribués, par la voie du sort, l’un aux enfants, l’autre
au sieur Gueston père. Celui échu aux enfants se composait de la
5
propriété des Salles, garnie de son cheptel estimé 6,002 fr.T o c. ;
celui échu au sieur Gueston père comprenait : i* le domaine des
Veaux ; 2* celui de Loulaigue ;
mêm e-nom ;
46 ta locatcrie de
3®celui
de la Faye et la locatcrie du
Loulaigue;
5° les bestiaux
attachés ;»
l’exploitation de ces diverses propriétés.
Enfin, M. Gueston ren on ça , en faveur de ses enfants, à la jouis
sance des biens de son é p o u se , qui lui avait été assurée par le tes
tament de cette dernière.
>
:i;
■
Gct acte nous donne des renseignements précieux sur la cousislance do la fortune personnelle du sieur Gueston. Nous y trouvons
la preuve que les seules valeurs mobilières dépendant de la commu
nauté s’élevaient à 60,000 l r . , et qn’ù l'exception de 1 i,6/j4 francs
�5o cent,
—5—
reconnus appartenir à ses enfants, tout le surplus avait'été
retenu par le père comme étant sa propriété exclusive. Nous'y trou
vons aussi un indice qui peutrservir à apprécier la valeur corrélative
des immeublesisoùmis au partage ; et dont l’exploitation rd !un seul
domaine nécessitait pour plus de 6,060 fr. de bestiaux. Nous'terrons
plusitard l'estimation q u ’en ont faite les héritiers Güeston .’’ Idrsqn’ils
ont voulu liquider les droits de leur frère naturel.
1,1
Cette, conduite loyale et généreuse du sieur Gueston était de na
ture à satisfaire lesiexigences de ses enfants; e lle >ne fit que donner
plus d ’aclivité à leur ambition, ils exploitèrent habilement'une oc
casion favorable qui se.présenta dans la famille. Marie B ru n et, qui
s’était retirée à Tagnères pendant les opérations que: nécessitèrent
l’apposition des scellés et le partage de la communauté, fut bientôt
rappelée par le sieur G u e sto n , qui l’envoya chercher par la femme
Chavillat, sa locataire. Elle rentra au domicile de son m aître, dont
elle ne s’était pas séparée depuis 1808, au commencement de juin
8 3 , et non dans les
premiers mois de 1 S 1 4 , comme l’ont avancé
les héritiers Gueston dans une intention q u ’il est facile d e compren
dre. Par suite de ses relations avec le sieur Gueston; elle devint en
i
i
4
ceinte. Au mois de juillet 18 1 » celui-ci la fit conduire à M oulins,
chez les dames B o r d e t , accoucheuses, o ù , le 18 octobre 1814 , elle
donna le jour à un Gis qui fu t, le lendemain 1 9 , dépoSé à l’hospice
5
de Moulins. L e môme jour 19 octo bre, et non le a , l’enfant fut
présenté à l’officier de l’état civil, et reçut les noms d ’Éléonard Canu.
Il fut baptisé le 20 , dans l’église de Notre-Dame. Une nourrice du
lieu de T ré v o l, indiquée par la m ère, reçut de l'administration cet
enfant q u i , pendant son séjour chez sa nourrice , fut souvent visité
soit par Marie B ru n et, soit par le sieur Gueston lui-même , dont la
paternité n était un mystère pour personne. L e 11 janvier i
8i5 ,
Marie B ru n et, qui était sur le point de contracter mariage avec un
nomme Gilbert l'ratissier, récemment revenu du service, déclara à
1administration^qu elle
entendait rester chargée de son enfant. Un
acte constatant la r e m is e d ’Éléonard lui fut délivré par la sœur Bartit.
�L attachement.que lersieur Gueston portait à son enfant naturel, et
qui .cependant oe j e t a i t manifesté que par des caresses ou deilégers
présepjt£,faits à*-£a;:npumce> dor(na de,;ripquiétude.à ¡son fils aîné ,
dont prt(a déjà pu apprécier ln cpnduite.iütéressécdà l’égard.de son
pèrp.-II.ejsagéra sesci<aintçs:, et manifesta une défiance que.'lê sieur
Çiiestonlcrut devoir dissiper en faisant-encore de< nouveaux sacrifices
personnels. L e ]
4 ¡janvier 18 i 5
par afcle reçu Boncaiitpont
il icôn-
sgplijí, en*'iayeur-de ses'deux fils majeurs'et de îsatfilleiencôre xninpureij une donation , sous la forme de- vente',: de’ la majeure partie
de, ses biens.rneubleSiiet immeubles. Cette':ventc comprend : i® le
château et la,réserve[de :Sciàuve; 2,".Je domaineidei Sciauve et ses
3
dépendances ; ° le moulin des Y e a u x e t j e s dépendances » consistant
pu jardin, chenevjpres* prés et Ierres;
5° le domaine dçs.y.çaux ; 6° le domaine
4? la locatcrie
d e Bôuchon ;
de la Faye- e t la locaterie y
attenant ;'7°ile domaine d e i o u l a i g u e ; 8®-.tojJs les bestiaux garnissant
lesdils domaines ; ç)° tous, lep .meubles m eublants, à l'exception de
ceux,garnissant;]^chambre habitée par le sieur Gueston j et de quel
ques objets réservés, tçls q u ’ils:ont été.estimés datas l’inventaire des
83
28 et 2 9 ,avril j i ;i io° toutes les récoltes engrangée'siet tous les
grains écossés qui sont daris les .greniers. Vu'.'. ¡
uÀ
. Cettç vente fut consentie à la charge par les acquéreurs de payer :
1» n n f somme de 48,000 fr. au sienr de Boisrcnaud, sur le prix de
la vente qti’ile v a it consentie au sieur Gueston ; 2».collé de lo ,o o o f:
onçoni di\e ail Remplaçant A libert, e t ,’ en outre., ¡Via'charge de serjvir une rente, viagère de
5,-000 fr.
annuellement au sieur Gueston l
<•1 de quelques.prestations en nature;
¡;*ui «
1•
i-
1
8 5 , les (rois enfantsGueston souscri*-
■
Le même joui% il\ janvier i i
virpnt un acte soüs seing .’privé par lequel ils reconnurent devoir à
Marie Brunei une somme de 2 ,o o q frnnfcs pour^el)e;et>son eilfant
naturel , et 'ce par don et par forme de récompense «le ses services*.
Ils s’engagèrent solidairement à la paver au moyen d ’une rente an
5
nuelle et viagère de ôo francs, dorft Mario Brtinct profiterait jusqu’il
('A* rjUc Jiléonard \Cariu, 1son fils naturel", ne le 18 âclnbrc 1 8 1 4 > cl
�qu elle'avait retiréi le 1 1,janvier, auraitiatteinV l ’âge d eh S 'û n s], atrü
quel cas ils s’obligeaient à la payer en totalité audit Éléonard
jusqu’après son décès.- , ?o}os ai h
‘)iliir.ri( î:;jrnr>ri toinqr.i r>-f
En présence d ’un pareil a c t e y l e s héritiers Gueston peuvent-ils
encore balbutier quelques articulations, contre! l ’identité d’Éléônard ')
^Dansce moment où ils triomphaient de leur pfere ¿'où ils obtenaient
l’abandon gratuit de la presque totalité de saifortune, ils n'hésitaient
pas à reconnaître que l’enfant auquel ils promettaient une rente
3
viagère de, oOt iVàiics était l)ien réellement le fils de Marie Brunet ;
e t.c ’est parce q u ’ils.redoutaient lei concours de c e f enfant dans les-aflections et'dans le ¡partage des biens duipère co m m u n , qu ’ils con
voitaient et s’assuraient à l’avance son riche patrimoine.
Peuvent-ils également s’en prévaloir pour insinuer que Marie
Brunet exerçait un empire absolu sur l ’esprit du ^sieiir Gueston ?
Cette femme crédule et confiante allait bientôt qiiitter pour toujours
le domicile de son ancien m aître, et devenir l ’épouse^ d'un autre ;
elle n’avait même plus à cette époque les avantages de la jeunesse.
D ’ailleurs ; elle ne demandait et n’obtenait rien pour elle.1 La faible
pension constituée au profit de son fils, n ’était, de la part des en
fants G u eston , que l’acquittement d ’une dette légitime et sacrée ; et
cependant cetteprom esse si sainte, que l’h onueur, à défaut de lien ,
aurait;du laire respecter, n’a été de leur part q u ’une promesse trom
peuse, et décevante! Ils n’ont pas rougj de la.briser,' en prétendant
qu’elle était.une donation sans valeur, pour n ’avoir pas été passée
devant notaire avec.les solennités requises pour ces sortes de contrats.
Si quelqu’un exerçait une influence intéressée sur l’esprit du sieur
Gueston, que l’on prononce entre lesisieursGueston fils, q u i , après
avoir.obtenu la jouissance immédiate des biens de leur m è r e ,- Ici
partage des acquêts de la communauté, se font encore délaisser gra
tuitement pour trois cent mille francs d ’immeubles ou de valeurs
mobilières, et la femme objet de leur rivalité, q u i, après avoir sa
crifie son honneur c l vingt années de sa v ie , s’éloigne, en emportant
pour subvenir aux premiers besoins de son enfant, une promesse
�—8—
illusoire que le caprice ou’la mauvaise foi pouvaient à chaque instant
anéantir !
Ce rapprochemeut justifié par des a c te s , suffit pour faire justice
des allégations imaginées par les héritiers Gueston.
5
iij
Deux jours après, et le 16 janvier x8 1 , Marie B ru n et, contracta
mariage avec Gilbert Fratissier. Dans cet acte solennel elle reconnut
Éléonard Canu pour son fils, et l’institua son unique héritier, dans
le cas où il ne naîtrait pas d ’enfant de son mariage. Cette reconnais
sance isolée est restée complètement étrangère à Fratissier, absent à
l’époque de la conception et de l’accouchement. Les héritiers Gues
ton ont cru devoir signaler la constitution faite par Marie Brunet
comme un indice des bénéfices q u ’elle avait pu faire pendant sa lon
gue cohabitation avec le sieur Gueston. Cette observation de leur
pari ne prouve q u ’une ch o se , c ’est que le temps n’a pas amorti chez
eux cette ardeur d ’ambition intéressée qui caractérise toute leur
conduite. Eux seuls peuvent s’exclamer en effet devant un pécule de
a,
35o francs et de 200 francs de mobilier.
Après vingt années de ser
vices, certes Marie B run et, qui avait recueilli la succession de sa
mère , a bien pu réaliser ces faibles économies sans recevoir du sieur
Gueston autre chose que les gages annuels qui lui étaient légitime
ment dus. Bien loin de trouver dans cette constitution un prétexte
de blâme contre e l l e , on y puise la conviction de son désintéresse
ment et de sa loyauté. Il est. vrai que' dans son mobilier , elle n’y
comprend passes hardes et ses habillements personnels, q u ’elle n ’a
point voulu faire détailler ni estimer, et l’on s’empare de cette cir
constance pour y voir une réticence , une dissimulation coupable.
Nous y trouvons au contraire la preuve que ces objets exclusivement
destinés à son usage, ne valaient pas la peine d ’une estimation. ¡Ne
sait-on pas, du reste, que pour ne pas en transférer la propriété au
m a ri, il arrive souvent que l’on omet un détail estimatif pour se
ré-server la faculté de les conserver en nature? D ’ailleurs, ces robes et
bardes d ’une paysanne ne pouvaient pas appartenir à la famille Gues
ton. La précaution q u ’ils avaient prise depuis 1 8 1
3 de
faire tout in-
�veulorier ; cl la vente faite deux jours avant de tous les meubles
oompris dans l’inventaire, sont des actes qui doivent dissiper toutes
l<2urs inquiétudes.
Le sieur Gueston père , après s’être dépouillé d ’une fortune con
sidérable en faveur de ses enfants légitimes, se croyait quitte envers
eux. La locaterie de Loulaigue, la pension de
3 ,ooo francs,
le loge
ment et les prestations en nature q u ’il s’était réservés, les 3oofrancs
de rente créés en faveur de Marie Brunet et de son fils, lui parais
saient des éléments suffisants pour assurer l’avenir du jeune Éléonard ,
auquel il portait toute l’affection d ’un père. Accoutumé à des habi
tudes d ’ordre, de travail et d ’économ ie, il espérait, avec ces res
sources, lui créer un patrimoine convenable, et s'acquitter à cet
égard de la dette qu ’il avait contractée. Mais ce n’était pas la seule
obligation q u ’il eût à remplir. Il devait à son fils naturel un nom et
une position sociale que l ’on n’obtient pas avec de l’argent seulement.
Marie B run et, depuis son mariage, ne résidait plus avec lu i; il était
à l’abri de toute influence, si elle avait été capable d ’en exercer.
Mais le cri de l’honneur et de la conscience , plus fort que toutes les
sollicitations, s’était fait entendre, et devait trouver de l’écho auprès
du sieur Gueston. Il n ’y fut pas insensible. Le
3o mars i 8 i 5 , il
se
transporta devant M" Place , notaire , e t , en présence de tém oins,
il reconnut liléonard Canu , né à Moulins, suivant son acte de nais
sance en date du 19 octobre 1814 > pour être son fds naturel et celui
de Marie B r u n e t , et déclara que cédant à l ’ impulsion de la nature,
el voulant rendre sa reconnaissance publique et authentique, il requé
rait le notaire de la recevoir, afin que ce mime enfant pût recueillir,
dans sa succession, l'intégralité des droits que les lois accordent aux
enfants naturels reconnus t it ce sans préjudice des autres dispositions
qui peuvent avoir été faites en sa faveur.
Marie Brunet comparut également dans le même a c t e , et'renouvela la reconnaissance et la donation déjà insérées dans son contrat
de mariage.
L e sieur Gueston ne se borna pas à l’accomplissement de ce de
2
�—
10
—
voir; il prit aussi des précautions pour donner à-son fils naturel ¡es
4
85
moyens de faire respecter ses droits. Le
juillet t i !, il déposa.en
l’étude du notaire P la ce , qui en constata la rem ise, un paquet ca
cheté portant cette suscription, entièrement écrite de) sa main.et
signée par lui : « Sous cette enveloppe, sont les papiers rjai conccrncnt
Eléonard, mon fils naturel* » Sous cette enveloppe étaient : i° J’acte
1 4
de naissance d ’El^onard, du
octobre 8 i 'î 2° l’acte deJreinise
faite à sa mère le 1i janvier s8 l ; ° la promesse relative it la cons
5 3
3oo fr. ; 4° ie contrat de mariage d e
Marie Brunet ; 5 ° la reconnaissance du 5o mars 18 1.5. Pensant que
titution d ’une rente viagère de
ces actes pouvaient être utiles à son üls, craignant q u ’ils ne lui fus
sent pas fidèlement remis s’ils restaient parmiises papiers domesti
q u e s , connaissant le caractère faible et l ’inexpérience de sa mère
il avait chargé le.notaire de ne les remettre q u ’à Eléonard , lorsqu’il
serait m ajeur, ou au tuteur qui lui serait nommé.
L ’espoir que le sieur Gueston avait conçu de créer à son fils na
turel un patrimoine par son travail intelligent et scs économ ies, ne
put se réaliser. Encore jeu n e, le sieur Gueston succomba le 1er mai
1 8 1G. Sa mort tragique priva Eléonard du seul protecteur qui pût le
défendre des embûches qui furent tendues à la faiblesse imprévoyante
de sa mère.
Les scellés ne furent pas apposés après le décès du sieur Gueston.
Ses héritiers se bornèrent à faire procéder sans contradiction à la
prisée et ù l ’inventaire des objets mobiliers q u ’ils indiquèrent comme
appartenant à leur père. Ceux représentés à son domicile lurent es
65 cent. ; ceux
i’ureut évalués 58 y fr.
timés 4*209 fr.
trouvés dans sa résidence de Moulins
L e 12 juin ¡ 8 1 6 , un conseil de famille fut convoqué pour nom
mer un tuteur au mineur Eléonard. Les sieurs Gueston furent con
voqués» ils comparurent; et sans contester ni l’identité ni la recon
naissance d ’Eléonard, en l'acceptant au contraire implicitement-, ils
soutinrent que la loi n’accordait à l’enfant naturel que des droits
réels sur les biens du père qui l’avait reconnu ; mais qu’il n’existait
�—
11 —
entre lui et la famille de son père aucune parente légale. En consé
quence , ils s’abstinrent de prendre part à la délibération. L e conseil
nomma Marie Brunet tutrice, et Fratissier, son m ari, co-tnteur.
En sa qualité de tutrice, Marie Brunet retira le dépôt confié à
M® P la c e , et se disposait à faire valoir les droits de son fils, ou plu
tôt les héritiers Gueston, alarmés d ’une action judiciaire, cherchè
rent à la prévenir. A l’aide de l'influence q u ’ils avaient conservée sur
l’esprit de cette femme incapable de leur résister, et des moyens
qu ’ils employèrent auprès de Fratissier, ils les déterminèrent à sa
crifier tous les droits d ’Eléonard moyennant une somme de
3 ,ooo f.
Un partage en justice aurait révélé, par ses formes protectrices, le
préjudice qu ’uni pareil abandon causait au m ineur; une cession de
droits ex ig e a it, pour être valable , des précautions également dan
gereuses: pour ceux q u i, à vil p rix , voulaient dépouiller Eléonard ;
on eut recours à la voie détournée et plus facile d ’une transaction.
Le
5 août 1 8 1 6 , un
conseil de famille fut formé devant M. le juge
de paix du Montet-aux-Moines, arrondissement de Moulins; Il fut
composé d’étrangers, sous prétexte que l’enfant naturel n’avait aucun
parent. On leur exposanlongnement une savante dissertation , dans
laquelle les époux Fratissier d ém ontren t, comme des jurisconsultes,
que les droits d ’Eléonard sont incontestables, q u ’ils s’élèvent à un
seizième des biens composant la succession du sieur Gueston père ,
q u e , d ’après la liquidation q u ’ils ont fait faire des forces actives et
passives de la succession, la part héréditaire du mineur s’élève ¡à
3
2,887 fr- 29 «eut» q u i, étant inférieure à celle de ,ooo fr. , il est
avantageux de transiger pour le prix proposé. Comme on s’en doute
b ie n , le conseil répondit : Benè. Il déclara même qu’il était à sa con
naissance personnelle que les biens avaient été estimés au-dessus do #
leur valeur, quoique aucun des membres ne connût ni la consistance,
ni même la situation des propriétés du sieur Gueston , et qu ’aucun
nioyen de s’en assurer n ’ait été fourni. Munis de cette autorisation ,
les tuteurs présentèrent à M. le procureur du roi de Moulins une
requête à l’effet d’obtenir la nomination de trois jurisconsultes. L ’or-
�^
K 'l
— 1 2 ---donnanee portant nomination de MM. Jutier, Ossavv et Iîoyron , fut
rendue le 10 août, e t , le même jo u r , ces honorables jurisconsultesdonnèrent line consultation dans laquelle ils établirent que , sous
aucun rapport, l’on ne pouvait critiquer la qualité du mineur Klénuard; que son amendement dans la succession de son père devait ,
à raison de la quotité disponible absorbée par la donation du 14- jan
8 5 , être du tiers dans les trois quarts, ou d ’un seizième dans
vier i i
la totalité. Ils visèrent ensuite le projet de liquidation qui fait suite
au: règlement des droits de l’enfant naturel, duquel il résulte que la
succession de François Gueston tant en meubles q u ’immeubles , dé
duction faite des dettes, ne s’élève q u ’à 4^,196 fr.
65 cent. , dont
le
seizième , revenant à Eléonard C a n u , est de 2,887 fr, 29 cent. , et
pensèrent que la transaction projetée était avantageuse au mineur
puisqu’elle avait lieu moyennant un prix supérieur à son amen
dement.
;
Le 12 août 1 8 1 6 , ce projet de transaction fut réalisé : il importe
de faire connaître par une analise co m p lè te , les principales dispo
sitions de cet acte, dont le mérite fait l’objet du procès.
-, Dans un exposé préliminaire , on fait connaître l’état de la famille
du sieur Gueston p è r e , 011 rappelle l ’acte de vente du i!\ janvier
i8 i.‘j ; mais on garde le silence sur l’inventaire et le partage de
communauté du mois d ’avril i
8i3,
dont la communication aurait
servi à faire connaître la fortune du sieur Gueston. On unalisc en
suite la,promesse d’une rente viagère de
3oo francs,
la reconnaissance
4 juillet 1 8 1 5 r
faite par le sieur Gueston d ’KIéonard, le dépôt fait le
les pièces comprises sous l’enveloppe ca ch etée, et l’on d i t : Les
choses étaient dans cet é t a t , lorsque les sieur et, dame Fratissier,
^voulant s’éclairer sur les effets de la reconnaissance du 3o mars 181J»
et sur la nature «t l’étendue des droits q u ’Éléonard pouvait exercer
sur la succession de son- p è r e s ’adressèrent à des jurisconsultes qui
déclarèrent ;
i* Que b reconnaissance du 3o mars 1 8 1 S était valable en la.
forme et au fond.
.
.
�a» One l’on ne pouvail révoquer en doule l’identité de l'enfant ,
parce qu’en pareille matière, des'üllégalions ne peuvent tenir lieu de
preuve.
3°
*
Q u e , suivant l’article 757 . le droit de l’enfant naturel, lorsque
le père a laissé des descendants légitimes, est d’un tiers d e là por
tion q u ’il aurait eue s’il eût été légitime.
4° Que l’enfant naturel adroit à une réserve légale,
de môme que
l’enfant légitime, sauf la différence de quotité.
5°
Que pour fixer cette quotité , il faut l’admettre momentané
ment au nombre des enfants légitimes., et le faire concourir figura
tivement avec eux.
J
6° Q u e, par une conséquence de ces principes, l’enfant naturel
qui ne trouve pas sa réserve dans les biens de la succession , peut
demander la réduction des dispositions entre-vifs qui ont excédé la
quotité disponible.
7° Que la valeur en pleine propriété des objets aliénés par l'acte
5
du 14 janvier 1 8 1 , doit être imputée sur la quotité disponible , et
l’excédant rapporté ii la masse.
8° Q u ’il importe peu que la reconnaissance ait eu lieu après la
vente, par la raison que le droit de l’enfant est acquis par sa nais
sance et non par la reconnaissance qui ne fait que le déclarer.
9° Q u e , d ’après ces principes, le sieur Gueston ayant laissé trois
enlants légitimes et un enfant naturel, il ne pouvait disposer que du
quart de ses biens; en sorte que si Éléonard était légitime , sa pari
serait du quart des trois quarts ; que la loi lui attribuant le tiers de
cette portion héréditaire, il a droit de réclamer un seizième de la
succession.
io° Que la cté sous seing privé du 14 janvier 181 J> est nul.
On ajoute que les sieur et dame Fratissier se disposaient à former ,
au nom de leur pupille, une demande en justice contre les enfants
8 5,
Gueston, en réduction de la donation de i i
et en partage des
cinq sixièmes de la locaterie de Loulaigue , et de tout le mobilier
dépendant de la succession, pour en ôtre attribué un seizième du
�- 1-i tout à Eléonard, ’orsque les sieurs et demoiselle Gueston ont pro
posé de transiger sur tous les droits dudit enfant naturel moyennant
3 ,ooo
la somme de
francs, q u ’ils disaient supérieure à celle qui
pourrait lui revenir, en admettant ( c e qui selon eux pouvait être
contesté) que les diverses questions précédemment agitées fussent
résolues en sa faveur.
On expose que sur cette proposition, les sieur et dame Fratissier,
s’étant fait remettre les litres et papiers concernant la succession, les
ont communiqués à leurs conseils, qui ont procédé à la liquidation des
droits d ’Éléonard de la manière suivante :
i° La terre de Sciauve, telle qu ’elle a été vendue par l ’acte du 14
8 5 , a été portée pour une valeur estimative de cent mille
janvier i i
francs, c i *
• • • «
. *, 1« * > « •
20 Les cin q sixièmes de la locaterie de L o u Jaigue............................................................................
5° L e
x.00,000 fr. ®# c*
;l;
5
Z|, 5c)6
. a , o o *ij r» :
65
T o t a l ........................107,096 fr. 65 c.
mobilier constaté par les inventaires .
Arrêtons-nous un moment sur cette évaluation. La terre de
Sciauve, si vaguement désignée, ne comprend pas seulement les
objets vendus par M. de Boisrenaud , au moins 48,000 francs, puis
que cette somme était encore duc an vendeur lors de l’ouverlure
de la succession ; elle comprend encore tous les domaines attribués
au sieur Gueston par le partage du
3o avril
181
3 , dont nous avons
déjà fait connaître la consistance et la désigation.
Tous ces immeubles réunis donnaient et donnent encore un re
venu annuel de 10,700 francs, savoir : le clifiteau et la réserve de
Sciau ve, 2,000 francs; le domaine de Sciauve, a,5oo francs; le
domaine des Y c a u x , 2,3oo francs; celui de la P a ye , 1,800 francs;
celui de Loulaiguc , 1,600 francs ; le moulin des Veaux , üoo francs ;
et toutes ces propriétés sont estimées en bloc cent mille francs! Ce
n ’est pas tout, on y comprend encore tous les objets vendus le 14
janvier i
3
8i5,
c ’est-h-dire, les meubles énumérés dans l’inventaire
«le 18 1 , d ’une valeur de 60,000 fr ^ c s . Il est vrai cju*îl faut retran-
�—
lâ
cher de celle estimation la portion qu e les enfants Crueston iimendaicnt dans le partage.de La comnuinaulé, et la valè-ur des^objcts
réservés au père. La portion*des héritiérS (iiueslon datïs l'c'tfiobilier
dépendant de~la communauté, javait été réglée à 1 1 ,
6/(4 francs 5o
centimes, sur laquelle le père avait p a jé co m p ta it à son fils aîné
3,12(5 francs, ce qui fa réduisait h
8 , 5 i'8 francs r5ô 'centimes.
Les
meubles réservés, d’après"Testlination de l'inventaire* f'ait9laprès le
décès du sieur Gueston, s’élevaient à
3 , ' j e f î francs ¿5 centimes.
En
reLranchant'ces deux sdmmes de l'eValualiüti porlée dans l'inventaire
de i 8 i 3 , i l en résulte q u ’indépendamment1dés ¡¡niheuliles, les seuls’
8 5 , -et'par consé
objets mobiliers compris dans la donation de i i
quent dans l’article i cr de la liquidation, étaient d ’une valeur de
47,688 francs.
1
i,
!Tii■r
■
■r
t
Q u’on ajoute maintenant la valeur des bestiaux attachés à ex
ploitation de ces diverses propriétés , celle des récoltes engrangées,
celle du blé renfermé dans les greniers, et q u i, à cette é p o q u e ,
était d ’un prix très-élevé, et l’on aura une idée de l’exactitude de
cette estimation véritablement dérisoire.
•i
Les mêmes observations s’appliquent à la locatcrie de Loulaigue ,
d’un produit annuel de
3oo francs, et que l’on a estimée 2 , 5oo francs.
Dans le cas où les héritiers Gueston soutiendraient que les va
8 3,
leurs mobilières constatées par l’inventaire de ,i i
ne sont pas
comprises dans la vente faite à leur profit', il faudrait tirer de cette
allégation , fondée ou n o n , une conclusion encore plus directe contre
la sincérité des éléments qui ont servi à la composition de l’actif. En
e llet, ces valeurs qui formaient une partie essentielle du patrimoine
du sieur Gueston, et qui existaient à son décès, auraient été sciem
ment dissimulées par les héritiers légitimes ; et cette omission de
leur part suffirait pour caractériser la moralité de celle prétendue
transaction.
Après avoir composé l’actif de la succession , on établit son passif
ainsi q u ’il suit :
�— 16 —
i° Il était dû à SI. de Boisrenaud . ........................
2° Au nommé Alibert . j ........................................ .
3° Les frais de l’acte du
‘
:i
:l:
1
i/j janvier
T o t a l ’.
i
48 >ooo
.
fr.
jo ,o o o
8 i 5 i .................. 2,900
. . . . . .
Go.qoo
fr.
Les héritiers Gueston, qui dissimulent avec tant de soin les forces
actives de, la succession , sont plus ingénieux lorsqu’il s’agit de com
poser la masse des dettes. Les dix mille francs dus à Jean Alibert
avaient pour cause le remplacement de l’un d ’eux : cet engagement
contracté dans son intérêt personnel l’obligeait à le supporter entièrem ent,
et pouvait d ’autant moins grever la succession, que la
quotité disponible avait été épuisée. Les frais d e là donation du i
janvier 18 1
4
5 étaient une charge exclusive des donataires , avec d ’au
tant plus de raison q u ’ils conservaient les propriétés dont la mutation
Jes avait occasionnés.
Après avoir ainsi apprécié , au détriment dn m ineur, l ’actif et le
passif de la succession, on arrive à cette conclusion q u e , balance
faite, elle se compose de biens meubles et immeubles d ’une valeur
de 4 6 ,196 francs
65
centimes. On en retranche 11,5 4 9 francs 16
centimes pour le quart formant la quotité disponible , et l’excédant
montant à
partage.
Si
36,647
francs /j9 centimes devient
la
matière
du
Éléonard C a n u , est-il d it, avait été légitim e, il aurait eu le
quart de cette somme , qui est de 8,661 francs 87 centimes ; comme
enfant naturel, il ne doit avoir que le tiers, qui est de 2,887 francs
29 centimes.
'
On rappelle ensuite les diverses formalités remplies pour parvenir
à une transaction, et on termine en stipulant que pour satisfaire
au vœu de la famille, cl d ’après l ’avis des jurisconsultes commis à
cet effet, les parties ont résolu de transiger, comme de fait, elles
tra n sig en t
par forme de transaction sur procès pour tous les droits
que peut prétendre Élconard Canu dans la succession du sieur F ra n
çois Gueston , son père naturel, pour une somme de
3.,00c» fra n cs, que
�les sieurs et demoiselle GueUon s ’engagent' solidairement à payer à son\
émancipation ou à sà majorité. >»*:/.. ¡».‘nflrt'If îjH -N • n:.¡o. -...i
11
4
est surabondamment reconnu que la: prétendue- donation-faite
le ' i janvier i'SïS à Marie Brunetlet à son fils,'Jsera.nulle iet ré
putée comme 'non avenue. " :hoN
‘ïi-au ni) h i..:„u ¿i;ui
T el est en substance l ’acte idu 1 1 août 1 8 1 6 , dont il s’agit d ’ap
précier le caractère et les'effets.>On'y trotove réunis tous les «ÿémentSi
1
qui constituent un partage : il est intervenu entre'les divers ayants
droit à la succession du sieur Gueston ; il a pour objet de faire cesser
entre eux l’indivision, et de déterm iner, par voie d ’attribution ,i
l'amendement du mineur. On procède comme dans toutes les opéra
tions q u ’une liquidation exige : ’après avoir fixé , d ’aP ^ s ^avis ^es
1
jurisconsultes , les droits d ’Eléonard, on eompose la masse active des
biens meubles et immeubles ;>on en retranche-les dettes, qui sont
rappelées en détail ; on prélève sur cette masse, ainsi réduite , le
quart formant la quotité disponible ; e t , par ce travail préparatoire ,
on parvient à une liquidation rigoureuse, et en apparence exacte ,
de la portion héréditaire d ’Eléohard. Malgré le noni* donné à ce
Iruilé , il est bien constant qu ’étant entre les' parties le premier aètë
qui ait lait cesser l’indivision, il réunit tous les caractères d ’un par
tage véritable.
11 est bien
certain que les formes''employées n'ont eu
d ’autre but que d’éluder celles plus efficaces que le législateur a
tracées dans l’intérêt d u ’miri'our.
‘
I'
>r:
Cette transaction fut homologuée le 19 août. Les héritiers Guèston étaient tellement impatients d ’arriver au but qu'ils s’ôtaient pro
pose, que , dans moins de quinze jours, touteé'les formalités exîgéés
p a r la loi avaient été remplie^. A peine Eléonard était-il parvenu h
sa majorité, q u e , dand'rtspoir!U!obtienîr un,acqüiesccment'à ieéfc acte
luineux poiir l u i , ils ‘lui firerit offrir, par expldrt du 16 janvier 1636,
la somme de
3 ,000 fr. en capital, et
IcsMnlérÔt^ échus. Eléonard re-
fusa , e t, par le même acte,! il fût assigné en validité devant le1 tri
bunal dé Moulins. De son côté , il forma contre les héritiers GùeSton
une demande! en partage qtii fut portée devant le tribundl db Mont-
�— 18 —
luçon , dans l’arrondissement duquel la succession s’était ouverte.
La demande en validité d ’ofl'res avait pour, but de foire décider que
la transaction) du ,12 août était) irrévocable , letndevait,.interdire à
Kléonard toute actiontrelative àjl’exercifce de ses droits comme en
fant naturel du sieur Gueston. Pour la com battre, il a d ’abord ré
clame un sursis jusqu’à Ja décision à intervenir sur la demande en
partage pendante, devant lei tribunal de M onllüçon; e t , au fon d , il
a soutenu-que la transaction-n’étant autre chose q u ’un partage n u l,
ou du moins provisionnel^ et- dans tous les cas susceptible d ’ôtie
rescindai pour cause de lésion , ne pouvait avoir la force de paralyser
son action, et de.produire à son égard des effets déGnitifs. Sa défense
a été accueillie par un jugementrcontradictoife du 28 avril i
836 ,
textuellement rapporté dans le mémoirefde nos adversaires, et dont
nous reproduirons lesjprincipa,ux motifs en discutant son mérite.
’’T i ;
DISCUSSION. 5
.1
Avant d ’aborder la discussion du fo n d , il est nécessaire d ’écarter
immédiatement une objection présentée au nom des héritiers Gues
ton , qui aurait les effets d ’yne fin de non-recevoir, quoiqu’ils ne
1
l’aient,pas.ainsi formulée. P ’aprèseux , le jugement du i g aûut 1 8 1 >
qui a homologué la prétendue transaction du 12 aôut, est une déci
sion irrévocable qui a épuisé la juridiction du tribunal, et q u ’aucune
autre jnç peut Réformer. L e caractère de transaction q u ’il a reconnu
dans çet acte lui a été définitivement imprimé ; il n’est plus permis,
1
de , e contester. Etrange doctrine que celle qui attribuerait à un
jugement rendu sans débats j. sans conste^tation, des eil’e ts aussi
désastrçux^AinÊi l’erçeur,, d ’un tribunal ;trompé p a r le s apparences
dont op aurait revêtu un contrat ser£tl,f irréparable ; la justice res
terait,, impuissante, et désarmée pour, venir au sçcours d ’un mineur
dont,les,jintérêts ¡auraient été nûïçonnus. et sacrifiés! Sous le nom
de.transaction, un tuteur iqûdèlc|aurai^ aliéné ses biens, aurait pro
cédé à un partage /Çnns .rcjuplir aucune ,dcs formalités prescrites par
�— 19 —
la lo i, et cette œuvre de'spoliation serait à tout jamais consacrée
par le jugement d'homologation’ que le tuteur aurait’obtenu ! Ras-1
surons-nous , la loi n’a pas voulu Être complice*d’une injustice aussi
révoltante.
r'
.......’’
Pour qu’une'décision judiciaire produise' des effets irrévocables,
il faut qu’elle ait obtenu l’autorité de la chose ju^ée. Parmi les carac
tères de la chose jugée ,* définis par l’article 1
35 1 ,
lés principaux
sont que la demande soit, entre les mêmes 'parties, formée par
elles et contre elles en la même qualité. II faut donc que le jugement
ait prononcé sur des prétentions contradictoires, sur des intérêts
opposés et débattus devant la justice par diverses parties , xpour q u ’il
puisse attribuer à l’une d ’elles un bénéfice quelconque 'qui devient
définitif s’il n’ est pas attaque dans les formes et dans les délais fixés
par là loi. Un jugëm ent'd’homologation n’a aucun de ces caractères ;
rendu sur requête sur la demande isolée d ’une partie, il ne peut
conférer aucun droit à celui qui n’y figure pas ; fil manque d’un des
éléments essentiels qui constituent la chose jugée. C ’est' ce qui a
été positivement décidé par un arrêt de la Cour royale de Bordeaux,
( D a llo z , i
a , p. i
, deuxième p a rtie).
du 22 novembre i
832
83
58
T out jugement qui statue sur des intérêts d ’une nature déterminée
est susceptible d ’être réformé par l’autorité
supérieure, sur la
plainte de la partie lésée. Celui du 19 août, s’il avait les caractères
d ’un jugement contradictoire, serait encore susceptible d ’être frappé
d ’a p p e l, puisqu’il n’a jamais été signifié ni h la tutrice ni au subrogé
tuteur; et cependant com m ent, dans ce c a s , devrait procéder le
mineur Éléonard? Intimerait-il devant la Cour les héritiers Gueston?
Mais c e u x -c i répondraient : Nous n’avons pas été parties dans le
jugement de première instance ; vous ne p o u v e z, par ce m o y e n .
nous enlever le bénéfice du premier degré de juridiction. Inter
jetterait-il appel contre la tutrice? Mais e n c o r e , l’arrêt infirmatif
serait sans influence contre les héritiers Gueston. Etrangers à ces‘
nouveaux débats, par quels moyens donc obtenir la nullité de la
prétendue transaction homologuée? Par voie d ’action en nullité,
�ou par voie d ’e xception, comme l!a fait Eléonnrd, sans s’inquiéter
du jugement d ’homologation. Cette approbation donnée par la jus
tice à la tutrice qui le réclamait, est l’accomplissement d ’une for
malité exigée par la loi ; sans elle , l’acte du 12 aôut serait resté dans
le néant : soif intervention a eu poui^ effet de lui donner une valeur
comme transaction , e t d e relever la tutrice de son incapacité à con
sommer un acte dev cette nature. Mais si le mineur démontre que
cet acte n ’est pas \ine transaction , que la tutrice a excédé les,
limites de ses pouvoirs, q u e lle a stipulé une cession de droits suc
cessifs pu opéré, un véritable partage définitif,(il lui suffira d ’attaquer
le traité sîins faire réforme^séparément le jugement d ’homologation
qui-en est. J’acces^oire , et qui n’a pu ni éfpndre les pouvoirs de la
tutrice au delà des bornes fixées par la lo i, ni dépouiller le mineur
«les garanties qui le protègent,,, En faisantj.prononcer la nullité de
L’acte du 12 aôut 1 8 1 6 , ou en restreignant ^es effets à ceu xjd ’un
partage provisionnel, il fera tomber eu môme t e m p s ,o u il restrein
dra aux mêmes proportions le jugemqnt, d'homologation qui. lait
corps avec lui. De nombreuses décisions judiciaires rendues dans
des espèces analogues ♦ont ju gé que c ’était la seule marche à suivre.
Ainsi la.Gour,dc cassation , par un arrêt du i g floréal an x u ( Dencçcrsf an .x i iy p. 447 ) » a décidé en matière de v^nte de biens de
mineurs, qufil n ’était pas nécessaire d ’attaquer les jugements qui
l ’ayaient. ordonnée. En cas de vente de biens dotaux, la Cour de
Caeiv, p a r flrrÇ't (^u
4
G renoble, par arrêt du
Juillet 1826 ( D . 1827 , p. 47 ) •; la Cour de
4 aôut
1802 ( J). i
833 , p.
102 ) ont jugé
que la fonirae dç^ait ¡directement agir par voie de nullité contre les
acquéreurs,, njalg^ les jugements rendus sur requête qui avaient
autorisé v,c,s aliénations. La Cour.de Turin a consacré le même prin
cipe en nmtièrç de transaction passée par un tuteur en vertu d ’un
jugement
. p.y66.).
1
», ,’homologation.
[ T u r in , 29 ju illet
1 8 0 9 , lome 10,
pouvons donc sans crainte aborder la discussion du
et lech^rchqf dç quel c ô té s e trouve le bon droit.
,Le,traité dn ti 2 a ô u t ^ S i ô est-il une transaction ou uu partage,?
i
�Telle est la question dominante.
Les héritiers Gucston se sont
efforcés d ’établir que cet acte méritait la qualification qui lui avait été
d o n n ée, e t, q u ’à ce titre, il était irrévocable comme ayant reçu la
sanction spéciale que la loi exige pour les contrats de cette nature.
Nous allons, au contraire, cherchera d ém ontrer, i° que ce traité,
malgré sa dénomination vicieuse, est un véritable partage, dont la
nullité doit être prononcée pour n ’avoir pas été revêtu de toutes les
formalités prescrites par la l o i , ou dont les effets provisoires doivent
cesser sur la demande d ’un partage définitif; 2° que lors même q u ’il
participerait en même temps et de la transaction et du partage, il
faudrait e n co re, s’il était possible , distinguer ce qui tiendrait à l’un
ou à l’autre de ces deux contrats, et rejeter la partie du traité qui
serait relative aux stipulations d ’un partage définitif et aux opérations
qui en seraient le complément.
La dénomination que les parties donnent à un contrat est abso
lument insignifiante pour.en assigner le véritable caractère. Il se ré
vèle exclusivement par les conventions qu’il renferme , par l’objet
qui en fait la matière , par les effets q u ’il doit produire. A cet égard,
le fond l’emporte sur la form e, la chose est plus significative que le
n o m , la réalité est plus forte que l’apparence. Peu importe donc que
le traité de 1816 ait été qualifié transaction; cette appellation est
sans influence pour en juger la nature. 11 faut, pour l’apprécier, pé
nétrer plus intimçment dans les entrailles de cet acte. Les héritiers
Gueston en ont reconnu la nécessité ; aussi ont-ils cherché à faire
ressortir tout ce qui pouvait servir à lui conserver non-seulement la
form e, mais encore la réalité d ’une transaction pure et simple. Pour
y parvenir avec plus de facilité, ils ont supposé que cet acte
avait etc passé avec un majeur, et ils ont demandé si, dans cette
hypothèse, le traité intervenu ne serait pas à l'abri de toute critique,
et ne participerait pas de. l’irrévocabilité des transactions, dont il
présentait tous l»[s caractères. Nous accepterons volontiers le terrain
sur lequel la discussion a été portée ; mais il faudra bien alors con
venir qu’en admettant ce raisonnement, la conclusion sera toute con
�— 22 —
traire , si nous parvenons à démontrer que lorsque ce traité aurait
été passé avec un majeur, il ne serait pas réellement une transaction,
mais un véritable partage.
L e caractère spécial, distinctif de la transaction, est de ne pou
voir être attaqué pour cause de lésion. A r t.
2o 52.
L ’acte de partage, au contraire, destiné à consacrer l’égalité
entre chaque héritier, est toujours rescindable pour cause de lésion.
Prouver que l’acte du 12 août 1816 aurait pu être rescindé pour
cause de lésion, sur la demande d ’Eléonard Gueston , qui l’aurait
consenti en m ajorité, sera donc prouver que cet acte, aux yeux de
la lo i, était réellement un acte de partage.
O r , d ’après l’art. 888 du Code civil, est réputé partage tout acte
qui a pour objet de faire cesser l’indivision entre cohéritiers, encore
q u ’il soit qualifié de v e n te , d ’éch an ge, de transaction, ou de toute
autre manière.
Cette disposition du Code civil ne fait que confirmer les principes
anciens.
M o rn ac, sur le titre du digeste : Familiœ erciscundœ, s’exprime
ainsi : E o ju re utimur ut quocumque nomine denominetur contractus ,
scu transactio vocetur , seu non, tamen pro divisione hœrcditatis rcrumque communium accipi debeat.
Nous tenons pour maxime au palais, dit également L e p restre, que
le premier acte qui se fait entre les h éritiers, quoiqu’il soit déguisé
sous le nom de contrat d ’éch an ge, môme de transaction , est néan
moins tenu pour partage.
Bretonnier sur Ilenrys, t. 2 , p. 944» confirme cette doctrine gé
néralement admise. C ’est une maxime constante dans tous les tribu
naux, d it-il, que l’on peut revenir contre le partage quoique fait par
transaction, et quoique la transaction soit intervenue sur un procès
intenté pour parvenir au partage. Car l’acte qui finit cette discus
sion, quelque nom q u ’on lui d o n n e , est toujours un partage.
Tous nos auteurs m o dernes, sans exception, proclament les m ê
mes principes. Seulement M. Chabot, dans son Commentaire sur les
�Successions, t.
3 , p.
7 0 g , a pensé que si des contestations réelles
et sérieuses s’étaient éleyées relativement aux droits respectifs des
prétendants à la succession , sur la quotité de la portion qui doit ap
partenir à chacun, sur la validité des dons et legs, sur l’obligation
ou la dispense du rapp ort, l’acte par lequel on aurait traité sur tou
tes ces questions, et réglé les droits de tous par une attribution spé
ciale de biens déterminés, devrait être considéré comme une tran
saction , et produire tous les effets attachés à la nature de ce contrat.
Mais cette opinion contraire à la définition du partage, qui est
l ’acte qui fait cesser l’indivision, quel que soit le nom q u ’on lui
donne, et la forme adoptée pour y parvenir, est repoussée par B e leurie, t.
3 , p. 455. Tout premier acte entre
cohéritiers, dit-il, est
considéré comme un partage , et résoluble dans les mêmes cas , de
quelque nature et gravité q u ’aient été les difficultés qui s’élevaient
entre les coparlageants. M. Yazeille combat victorieusement l’opi
nion de Chabot. À ses y e u x , la transaction ne peut rester ferme que
lorsqu’elle est isolée et distincte du partage , soit en nature , soit par
attribution. S ’il y a confusion, la rescision du partage doit emporter
la nullité de la transaction. {Com . sur les Succrss. t p.
o.)
54
C ’est dans ce dernier sens que s’est prononcée la Cour de cassa
tion. Après plusieurs difficultés et môme plusieurs jugements sur le
partage de la communauté dissoute par la séparation de c o r p s , les
époux Ramonet firent, le 6 juin 1 8 2 5 , une transaction par laquelle
le mari s’engage, pour terminer toute contestation, à payer à sa
femme une somme de 80,000 francs. Au moyen du payement de
cette somme, ¡1 devait rester seul propriétaire de tout l’actif de la
communauté. Sur la demande en rescision de cet acte , formée par
la dame Ramonet, la Cour d ’Aix jugea q u ’à raison des questions
épineuses, des difficultés réelles qui s’étaient éleyées entre les par
ties, le traite du 6 juin 1825 avait tous les caractères d ’une vérir
*able transaction. Mais sur le pourvoi dirigé contre cet arrêt , la
Cour suprême en prononça la cassation par les motifs suivants :
• Considérant, en droit, que la loi déclare tout premier acte passé
�-
2i -
enlre cohéritiers on communistes, rescindable dans les cas p révus,
lorsque cet acte fait cesser l’indivision, quand même cet acle serait
qualifié transaction ;
''
’'
’
*
s Considérant que la loi ne distingue pas des autres cas ceux
où il existerait des difficultés graves et réelles, môme des procédures
et jugements antérieurs ;
» Considérant, en fait, que l’acte du 6 juin 1825 est un premier
acte entre les deux communistes; que cet acte a eu pour objet de
faire cesser l’indivision enlre eux, et qu’il avait en effet opéré le par
tage par attribution à forfait d ’une partie de l ’actif de la commu
nauté. » ( Cour de cassation, 12 août 18 2 9 ; D . 1829 , p.
332. )
On
peut encore citer, dans le môme Sens, un arrêt de la Cour de Pau ,
du 12 janvier 1826. (D . 1 8 2 6 , p. 114 .)
Toutefois, une sage distinction a été faite : il peut arriver q u ’avant
de déterminer la part afférente à un cohéritier ou à tout autre co
propriétaire, il soit nécessaire de régler des difficultés préalables ,
dont la gravité ou les chances incertaines sont de nature à engager
les parties à une transaction. Dans ce cas, l’acte peut alors réunir le
double caractère de transaction et de partage. Toutes les questions
qui se rattachent à la qualité des parties, à l ’étendue de leurs droits,
à l’appréciation des actes qu ’elles s’opposent mutuellement, sont ir
révocablement jugées par le traité qui intervient ; mais ensuite le rè
glement qui est fait en conséquence du droit reconnu de la quotité
déterminée, est un partage véritable, susceptible de rescision, si
l’un des copartageants n’a pas obtenu tout ce q u ’il devait avoir d ’a
près les bases adoptées.
Cette distinction est enseignée par M. Chabot lui-même comme
modification à l’opinion q u ’il vient d’ém ettre; il ajoute : « Mais il
s est bien important de remarquer que l’acte ne peut être considéré
; comme transaction, et non comme un simple partage, que dans
» le cas seulement où les contestations et les difficultés sur lesquel> les il'à été transigé étaient rée lle s, étaient sérieuses, et présen» taient des questions dont la solution pouvait être incertaine.........
�—
25
—
» 11 faut ajouter que même dans le cas d ’une transaction réelle.,.si,
» on avait fixé d ’abord la quotité de la portion que devait avoir cha» cun des héritiers, et q u e , d’après cette fixation, il eût été procédé
» au partage de la masse, celui des héritiers qui n’aurait pas eU|Ia
» totalité de la portion déterminée, et qui éprouverait à cet égard
» une lésion , serait encore fondé à se pourvoir en rescision. L ’acte
» vaudrait bien comme transaction quant à la fixation de la quotité
» des parts pour chacun des héritiers; sons ce rapport il ne pourrait
» être attaqué : chacun des héritiers ne pourrait réclamer que la
» quotité qui a été réglée ; mais s i , dans la distribution des parts ,
» un des héritiers avait eu moins des trois quarts de la quotité qui
» devait lui revenir d ’après les bases adoptées, il aurait le droit de
» se pourvoir contre l’opération du partage, sans toucher aux autres
» conventions ; l’acte, dans ce cas, ayant deux parties très-distinctes ,
» la transaction sur la fixation de la quotité, et le partage qui aurait
» déterminé chaque part séparément. » ( Chabot, Comment, sur les
Success. , p. 7 11 et suiv.)
Cette distinction est approuvée par MM. Duranton (Coursde droit
français, t. y , n°
o) ; et Yazeille ( Comm. sur les Succ. , p.
o).
£11 e est consacrée par un arrêt de la Cour de Nîmes, du o juin 1819
58
( D . 1 8 2 1 , p.
54
3
35 ) ; et par un arrêt de la Cour d ’Amiens,
du 10 mars*
1 8 2 1 { D . 18 23 , p. 1 1/| ).
Ces principes posés, faisons-en l'application à la cause. Comme
nous l’avons fait remarquer dans l ’exposé des faits, les prétendues
questions graves, rée lle s, que les héritiers Gueston mettent en avant
pour donner à l’acte du 12 août 1816 les apparences d ’une transac
tion , n’avaient ni gravité ni réalité.
Ils auraient pu contester l’identité d ’Eléonard comme le fils de
Marie Iîriinét! Pure allégation, ridicule et grossier m ensonge, qui
ne pouvaient faire illusion à personne. L ’acte de dépôt h l’h osp ice ,
1 acte de naissance, 1 acte de remise , la reconnaissance insérée dans
1<‘ contrat de
mariage de Marie B r u n e i, témoignage de son affection
maternelle, protestent contre une si étrange prétention. Qui aurait
4
�cru , sur le dire des héritiers Gueston , q u ’une mère affiche, son
déshonneur, s’impose des sacrifices de tous genres, pour se prêter
à une spéculation aussi immorale? La reconnaissance du sieur Gueslo n , les soins minutieux q u ’il prend pour assurer ît son>fils naturel
les actes et les moyens nécessaires de
conserver son é ta t , ne
viennent-ils pas donner encore un démenti énergique à dés alléga
tions dictées par la cupidité? Enfin, l’acte volontaire contracté par
4
les héritiers Gueston , le 1 janvier
i
8 i 5 , en faveur de Marie Brunct
et de son fils, n ’est-il pas de leur part une reconnaissance positive et
formelle?
Le droit de réserve, disent-ils e n c o r e , était contestable à l’égard
de l’enfant naturel. Sans d o u te , on peut tout contester, même l’é
vidence ; mais celte contestation ne pouvait créer une difficulté sé
rieuse et réelle. Que l’on consulte sur cette question MM. Merlin,
G ren ier, Touliier, Duranton, Loisoau, F avard, Malpel, Dalloz,
Yazeille , Delvineourt, Levasseur ; ils enseignent tous quo l’art. 761
du Code civil attribue à l’enfant naturel un droit de réserve sur les
biens du père ou de la mère qui l ’a reconnu. La jurisprudence des
Cours royales et de la Cour de cassation est également uniforme sur
la solution de cette question.
Mais, ajoutent-ils, ils auraient pu oontester le droit de réduction
pour composer cette réserve sur les biens compris dans la donation
déguisée du \l\ janvier
i
8 i 5 ; mais si l’enfant naturel a une réserve,
s’il doit com p ter, suivant les termes de l’arrêt de la Cour de cassa
tion du 26 juin ¡80 9, comme une fraction d ’enfant légitime, il doit
bien avoir les moyens de l’obtenir; et ces moyens ne doivent pas
être différents de ceux qui ont été organisés par la loi pour complé-.
1er la léserve des enfants légitimes.
Rem arquons, d’ailleurs, que cette question de réduction était
*ans inlluenco sur la détermination de la tutrice, et q u e , sous ce
rapp ort, elle n’a pu rien sacrifier pour éviter les chances d ’uno
discussion judiciaire qui aurait pu tourner contre son pupille. Eu
effet, la question do réduction des immeubles précédemment dun,-»
�nés, n’aurait pu s’agiter que dans le cas où les Liens libres provenant
de la succession du sieur Gueston n’auraient pu faire face aux droits
que la loi attribue à l’enfant naturel. Il est bien sensible que si les
héritiers Gueston avaient voulu y prendre part, ils auraient été
obligés de rapporter ceux q u ’ils avaient antérieurement reçus. Or ,
les biens libres et dont le sieur Gueston n’avait pas disposé, consis
taient: i° dans les cinq sixièmes de lalocaterie de Loulaigue, estimés
dans l’acte du 12 août i 8 i 6 à ........................................... 2,5oo fr.
2° Dans le mobilier du sieur G ueston, porté dans les
inventaires et le traité à........................................................ 4 ^ 9 6
T o t a l ...................................... 75096 fr.
Ces valeurs, malgré la dissimulation qui a été faite de celles énu
8 3 , étaient supérieures à la somme de
mérées dans l’inventaire de p i
3 ,ooo
francs attribuée à Éléonard. La question de réduction était
donc sans intérêt pour l u i , et ne pouvait porter la tutrice h accep
ter une pareille transaction.
M ais, d’ailleurs, est-ce qu ’on peut dire sérieusement que ces pré
tendues difficultés sont entrées pour quelque chose dans le règle
ment des droits d ’Éléonard? Les jurisconsultes consultés avaient ils
sur leur solution laissé à la famille, aux tuteurs, la plus légère incer
titude? IVavaient-ils pas, à l’unanimité, déclaré q u e , sous tous les
rapports, les droits du mineur Gueston étaient à l’abri d ’une contro
verse dangereuse ? Les héritiers Gueston eux-mêmes demandaientils un sacrifice-pour prix de leur renonciation à soulever ces contes
tations , dont ils connaissaient bien
le peu de fondement et de
consistance? Non. Dans l’acte du 12 août 1 8 1 6 , ils proposent3 à
lilrc de transaction, une somme de 3,000 francs supérieure à celle
qui pourrait revenir à l'enfant naturel, en admettant (ce q u i, selon
e u x , pouvait être contesté ) <juc. 1rs diverses questions agitées fussent
résolues en leur faveur, lo u te leur contestations se réduit h une
possibilité indiquée entre deux parenthèses. Loin de se prévaloir de
la ressource d ’un procès injuste pour obtenir une réduction sur
�l'étendue des droits du mineur G ueston, ils offrent, pour le désin
téresser, line somme supérieure à la valeur de son amendement. Ils
reconnaissent d o n c , par cette offre ainsi formulée, q u ’Eléonard est
bien fondé à obtenir au moins sa portion héréditaire dans la suc
cession de son père. Autrement celte supposition de leur part n’au
rait été q u ’un mensonge d ’autant plus coupable, qu’il aurait eu pour
but de tromper un frère mineur
en se donnant les avantages d ’une
apparente générosité.
A u ssi, sans s’inquiéter des prétendues questions graves et sérieuses
que l’on voudrait faire revivre, procède-t-on immédiatement à la
liquidation des droits d'Eléonard. Pour y parvenir, on compose la
succession du sieur Gueston. On récapitule les dettes qui la grèvent,
dans lesquelles on fait figurer 2,900 francs, montant des droits
85
d ’enregistrement de la vente du il\ janvier i o ; il en résulte que
l’actif est réduit à 4 6 ,1 9 6 francs. Sur celte somme , on détermine le
seizième revenant à l ’enfant naturel.
2,887
Ce
seizième est
porté à
fr” 29 c * C ’ est pour remplir Élconard de tous scs droits dans.
la succession du sieur François Gueston, son père naturel, que les
héritiers légitimes s’engagent à lui payer à>sa majorité la somme de
1
3 ,ooo francs.
f t ’est-j’ l pas évident que cet acte a eu pour effet de faire cesser
l ’indivision? ÎN’est-il pas évident que la somme de
3 ,000
francs était
l ’amendement d ’Éléonard dans la succession de son père naturel ? A
l’exceplioi) do la qualification donnée à cette prétendue transaction,
11e remontre-t-on pas dans cet acte tous les éléments, tous les caractères
qui sont propres au partage? Sa forme , son b u t, ses résultats permcttent-ilsde se méprendre sur la nature véritable de celte conven
tion? Si donc Éléonard Gueston avait passé cet acte en majorité,
il pourrait sans contredit en demander la rescision pour cause du
lésion. En démontrant que les 0,000 francs qu ’on lui offre ne sont
pas la sixième partie de ce qui lui revient dans la succession de son
p è r e , nul doute que ses adversaires seraient réduits à l’impuissanco
de combattre cette action. En vain parleraient-ils des difficultés
�i
—
29
—
sérieuses qui s’élevaient au moment où le traité'à élé passé; ii leur
répondrait victorieusement qu ’elles n’étaient pas s é r i e u s e s ‘qui;
d ’ailleurs elles ont été sans influence sur la fixation de son amende
ment.
11 leur
répondrait, avec la Cour de cassation, queT existency
de contestations réelles justifiées au besoin par des débats judiciaires,
est insignifiante pour déterminer le véritable caractère d ’une tran
saction ou d ’un partage ; q u ’il suffit que ce soit un premier acte
intervenu entre des communistes sur des biens indivis, pour qu’il
soit considéré par la justice comme un véritable partage, malgré la
dénomination que lui ont donnée les parties.
Il
leur dirait, au besoin , que si la renonciation des héritiers
Gueston à contester son droit, et la renonciation de la part de la
tutrice à se prévaloir de la promesse du 14 février, peuvent consti
tuer une transaction définitive, il n’en est pas de môme du règle
m ent, qui avait pour objet de lui attribuer auimoins le seizième de
la succession de son père. A l’aide de la distinction émise par MM.
Chabot, Duranton et Vazeillé, il leur répliquerait : Cet acte alors
renferme deux parties distinctes : d ’une part, la (reconnaissance de
mes droits, la fixation de mon amendement , l’abandon par ma
mère de ses prétentions à la somme de 2,000 francs que vous lui
aviez volontairement promise , forment, si vous le v o u le z , un traité
irrévocable; j’admets avec vous que l’on ne puisse pas faire revivre»
ces prétendues question^ préliminaires dont la solution est restée
complètement indépendante de mes droits; mais il:n’en est pas de
même de la seconde partie de cet acte , dans laquelle une somme de
3 ,ooo francs est promise pour tenir lieu de
tons mes droits dans la
succession de mon père naturel. Cette attribution, qui est calculée
sur mon amendement, est le lot que vous m’avez fait; elle n’a eu
d autre but que de faire cesser l’indivision. Dans l’intention com
mune des parties contractantes, il est bien certain q u e lle devait re
présenter le Seizième qui me revenait. Son règlement a été déter
miné d ’après les forces actives et passives de la succession et d ’après
1étendue
et la quolilé de mes droits comme enfant naturel. C e lle
�seconde partie de l’a c te , entièrement indépendante des autres dis
positions, est donc un partage soumis àitoutes les règles, à tontes
les conditions résolutoires des conventions de cetteinature. Eh bien !
je demande à prouver que',cette fixation à
3 ,ooo
francs que vous
disiez dépasser m o n 'a m e n d e m e n t, est une fixation mensongère et
décevante : je demande à prouver que je n’ai pas été lésé d ’un quart,
mais de plus des cinq sixièmes. La loi, l’é q u i t é , la nature des con
ventions se réunissent pour justifier ma réclamation.
Les conséquences légales qui dérivent des principes que nous ve
nons d ’établir sont faciles à tirer. L ’action en rescision que le sieur
Gueston serait fondé à introduire , dans le cas où il aurait passé en
majorité le traité du 12 août, ne pourrait être accueillie que parce
q u ’aux yeux de la justice cet iacte serait un véritable partage. C a r ,
aux termes de l’art. 2 o 5 2 , il serait, . comme transaction, à l’abri de
tout grief de lésion. L e caractère de cet acte une<fois légalement
fixé, ne peut pas changer; il'doit rester le même dans toutes les h y
pothèses; et la minorité d ’EIéonard, loin d ’être une raison de le dé
naturer, est au contraire une considération puissante, qui doit en
gager les magistrats à lui conserver sa véritable physionomie.
Comme partage, le traité du 12 août, malgré l’intervention de la
justice , et les formalités qui ont été remplies, est sans valeur, ou du
moins ne peut produire que des elTets.’ provisoires. Aux termes de
l’art. 466 duiCode c iv il, pour obtenir, à l’égard du mineur, tous les
effets q u ’il aurait entre majeurs, le partage doit être fait en justice ,
et précédé d ’une estimation faite par experts nommés par le tribunal
du lieu de l’ouverture de la succession. Les experts do iv en t, après
avoir prêté serment, pro cédera la division des héritages et à la for
mation des lots, qui sont tirés au sort. Tout autre partage est consi
déré seulement comme provisionnel. Les mêmes dispositions! sont
reproduites dans l’nrt. 8/|0. Dans sa sollicitude pour le mineur,'dont
les intérêts peuvent être si facilement compromis par des cohéritiers
cupides, des tuteurs inhabiles ou infidèles, le législateur a multiplié
les précautions qui doivent lui servir de garantie. l\on-seulemcnt la
�—
jl
—
justice est chargée de.veiller, mais encore elle doit êtreiéclairée par
des hommes dont les études spéciales lui font connaître d ’une ma
nière certaine la valeur et la consistance des immeubles.:¡Trois ex
perts choisis par le tribunal du lieu doTottvérture de lafsuccession ,'
après un serment quilenehaînHéuricdnsciencey sont tenus d ’estimer
les biens , et de faire connaître les bases de léiir estimation ; et y dans
la crainte encore que celte estimation soit vicieuse ou erro n é e , la
loi pousse plus loin sa sage prévoyance1: elle rejette toute combinai'
sou par voie d'attribution qui pourrait être iunq'occasion de dom
mage pour le m ineur; elle veut que devantttti’ mènibrc du tribunal:,f
ou devant un fonctionnaire public désigné iti'cét 'effetvles lois soient
tirés au s o r t , afin que l’incertitude d e 'ce litage sbit"utle"te'conimandation efficace auprès des experts et môme dos parties majeures, de
se conformer à la plus scrupuleuse égalité. :l
•
Toutes ces garanties ont manqué au mineur Gueston. Peuventelles être remplacées par l’avis d ’un conseil de famille composé d eirangers q u ’aucun lien d ’affection ne rattachait à un enfant de dixhuit mois, et qui déclarent que des biens situés dans un autre
arrondissement, et qu ’ils n’avaient même jamais vus, sont estimés
au-dessus de leur valeur, sur une indication sommaire et incomplète !
C ’est cependant le seul document qui’ ait été fourni à la justice. Les
honorables jurisconsultes qui ont été appelés à rédiger la consulta
tion , n’ont pas dû s’occuper de la valeur réelle des biens : leur mis*
sion se bornait à: examiner quelle était, en d roit, la quotité de
I amendement du m ineur, et si les actes qui servaient de fondement
à la demande en partage projetée par la tutrice, étaient réguliers. Sur
toutes ces questions, ils ont été unanimes pourldécider que les in
térêts du mineur étaient à l'abri de toute contestation. Mais, quant
a la valeur des, biens, qui leur élail entièrement inconnue, ils ont
déclaré s’en remettro a l’opinion exprimée- par le conseil de famille,
be tribunal lui-même, toul en homologuant la prétendue transaction,
II a pris aucune mesure préalable pour s’assurer légalement de la
consistance et de la valeur de la fortune immobilière du sieur G ués-
�ton.-L’omission de ces formalités importantes , et dont l’accomplis
sement est indispensable pour donner une valeur définitive au par
tage qui, in t é r e s s e r a m in e u r, né permet pas de regarder comme
irrévocable leiréglement arrOlé par le traité d u -¡12[août ¿816.1 Tout
au plus p e u t - a n lui faire produire les effets d ’un partage provisoire,
qui
mettrait ¡ le s h é r i t ie r s Gueston à l’abri d ’une restitution de!
jouissances perçues pendant plus dé vingt ans au détriment du mi-i
neur. Mais consacrer la spoliation dont se plaint Eléonard, décider,'
au t mépris des dispositions les-.plus formelles de la lo i, que ce
traité qui lui' est étranger, consommé par uneLtutrice ignorante,
illétrée ; par ùu co-tuteur soumis à l'influence des héritiers Gueston ,
a pu le lier pour toujours et lui interdire une nouvelle action en
partage, serait une monstruosité que la justice ne sanctionnera
jamais. E h ! comment pourrait-elle s y résigner, lorsqu’elle est spé
cialement chargée du soin de protéger les intérêts sacrés du mineur ;
lorsque toutes les dispositions de notre Code» témoignent de la
sollicitude éclairée du législateur, qui'; par toutes les voies possibles ;
a voulu lui fournir les moyens d ’obtenir la réparation des illégalités
ou des injustices dont il aurait été la victime? En e f fe t , pour le
inineur, il n ’y aipas de contrat qui puisse lui causer préjudice. La
simple lésion suffit pour q u ’il soit fondé à obtenir la rescision des
conventions qui auraient été passées en son nom , malgré toutes les
précautions et toutes les formalités dont on aurait pris soin de les
35
environner. L ’article i o
du Code civil porte : La simple lésion
donne lieu à la rescision en faveur du mineur non émancipé.contre}
toutes sortes de conventions. Cette disposition ne s’applique pas aux
contrats passés par le.mineur seul ; car ils seraient frappés de nullité
à raison de son incapacité personnelle; elle est spéciale aux conven
tions qui auraient obligé le mineur malgré son incapacité, c ’est-àdire , à celles passées par,le tuteur dans les limites de ses pouvoirs,
avec le concours du co n se il, lorsque son intervention est nécessaire ,
et l’autorisât ion de la justice, lorsqu’élle.'fst exigée p a rla loi. Quant
53
à c<ilie,v- ci » 'J’article 1 o
2
ne distingue p a s , i l s’applique i toutes
�sortes de conventions d ’une'manière générale, absolue. C’est dans ce
sens que cette disposition a été interprétée par M. Merlin : <? Il
» importe peu , dit-il, que les transactions avec un mineur aient été
» homologuées par la justice après toutes les formalités prescrites
» par l’article 467 , ce n ’est qu’à l’égard des aliénations d’immeubles,
» ou des partagés de successions, que l’article 1
314 ferme aux mi-
» neurs la voie de la rescision , lorsque les formalités requises à rai» son de la faiblesse de leur âge ont été remplies ; les transactions
35
» restent sous l’empire de la règle générale qu ’établit l’art. i o . »
( M erlin3 Rrp., v. Transaction, § Y , n°
8 . ) Cette opinion est égale
ment professée par M. Toullier.
Il
resterait donc à Eléonard la ressource de faire rescinder pour
simple lésion l'acte du 12 août, s’il était possible de le considérer
comme une transaction dans toutes ses parties; mais celte ressource
subsidiaire et incomplète serait loin de réparer le préjudice qu’il a
souffert: fort de son bon droit, convaincu que malgré lafausse qualifi
cation donnée au traité du i 2 a ô u t , la justice ne peut en mécon
naître le caractère, le but et la p o rté e , il persiste à réclamer
l'intégralité de ses droits, et à demander q u ’on lui attribue la part qui
lui revient dans l'héritage paternel.
Le tribunal de première instance, dont la décision est empreinte
d un caractère remarquable de sagesse et de circonspection, a consacré
ces principes par le jugement q u ’il a rendu. Il n ’est p e u t-ê tr e pas
inutile de remettre sous les yeux de la Cour les motifs principaux de
cette décision, sauf à examiner ensuite le mérite de deux considé
rants dont on a fait une critique particulière:
« Attendu que l’acte du 12 août i 8 i 6 ,b i e n q u ’il soitqualifié tran
saction , équivaut à un partage à l’égard de Canu , puisqu’il en pro
duit tous les effets pour lui ;
» Q11 il conlient, en effet, l’énumération des biens formant la tota
lité de la succession de l'rançois G ueston, leur
estimation,
la
composition de la niasse, la liquidation de la succession, enfin la
determination de la quotité revenant à Cauu , en sa qualité d ’enfant
�34
-
naturel, laquelle y est fixée à un seizièm e, par suite de la réduction
opérée par l’exercice de scs droits -, de la donation déguisée du 14
8 i 5 ; qu ’il contient évaluation de celte qu o tité àu n e somme
peu inférieure à 3 , 00a f r . , et portée ensuite à la somme de
janvier î
un
3,ooo fr. pour désintéresser complètement C a n u , et pour ( est-il dit
dans l’acte) tous les droits que peut prétendre Eléonard Canu dans
la succession de François Gueston ; d ’où il suit qüe cet acte ren
ferme tous les éléments d ’un partage , qu ’il en a , en outre , le carac
tère essentiel et distinctif , celui de faire cesser l’indivision ;
» Q u ’enfin, s’il pouvait exister quelque doute sur ce point de doc
trine et de d roit, il serait levé textuellement par l ’article 888 du
Code c i v i l, disposition dans laquelle le législateur, par une sagesse
remarquable, évite avec un soin évident de se servir du mot partage,
et dit : Tout acte ayant pour objet de faire cesser l’indivision , encore
q u ’il fût qualiûé de v e n te , d ’échange et de transaction, ou de toute
autre manière;
?
» Attendu qu ’en matière de partage intéressant dès m ineurs, la
loi a établi des règles et déterminé des formes spéciales dont elle
prescrit l’observation rigoureuse, sous peine de ne laisser à l’acte
dans lequel elles n’auraient pas été scrupuleusement observées, que
le simple caractère et la seule force d ’un partage purement provi
sionnel ;
» Attendu que si quelques monuments de jurisprudence
con
sacrent la validité d ’un partage par voie de transaction entre ma
jeurs et mineuis, môme avec attribution de part ( arrêt de rejet,
(Jour de cassation j du
3o
aôut 18 1
5 ),
on doit y signaler que le
partage élail alors attaqué par les majeurs, tandis que l’inobserva
tion des articles/jGo 840 du Code civil ne peut être invoquée que
pur les mineurs;
>
2” Que les biens avaient été estimés en justice , et que celte
seconde garantie des intérêts protégés du mineur manque dans les*
pècc dont il s’agit ;
�» D ’où il suit que cet acte du 12 août 1816 V' q u i ’ sert dé base à
la demande, est nul en tant qu ’il détermine d ’une manière définitive
la part afférente à» Canu comme enfant naturel’, et qu’il fait cesser
pour lu i, l’indivision dans la succession de François Gueston. » '
Des raisons aussi logiques n’ont pas besoin de justification.’ Les
héritiers Gueston n’ont pas cherché à les combattre autrement
q u ’en déplaçant la question, et en dénaturant le véritable caractère
du traité de 1816. Ont-ils été plus heureux dans les critiques de
détail qu’ils ont faites de deux considérants, dans lesquels ils ont cru
voir des erreurs de droit et des contradictions manifestes. Il nous
sera facile de montrer que dans le jugement du tribunal de Mou
lins , il n’y a ni erreur de droit, ni contradictions, et que toutes ses
dispositions s’enchaînent, se coordonnent, et répondent victorieu
sement aux objections des héritiers Gueston.
Nos adversaires, dans leur m ém oire, ont cherché à éluder l’ap-'
plication de l'article 888 du Code civil : ils ont voulu se placer sous
la protection de l’article 88g qui porte : * L ’action en rescision n’est
» pas admise contre une vente de droits successifs faite sans fraude
» à l’un des cohéritiers à ses risques et périls, par ses autres co » héritiers ou par l’un d ’eux. Ainsi, disent-ils, les droits de Canu
» supposés certains, sa qualité reconnue , le traité sur ces droits par
» un majeur, moyennant une somme G xe, serait^une véritable
» cession de cette espèce, inattaquable de sa nature, parce que
» c ’est encore sur la quotité et la valeur des droits une sorte d e '
» transaction. »
L emploi de ce moyen était dangereux dans la bouche des héri
tiers Gueston. D ’une p a r t, c ’était considérablement affaiblir le ca
ractère exclusif de transaction que l’on voulait conserver au traité
«le 181G. D un autre côté , présenter cet acte comme une cession de
droits successifs, c était reconnaître qu ’il rentrait'nécessairement
dans la catégorie des actes qui font cesser l’indivision , et dont s'oc
cupe l’art. 888, si l’on n’établissait pas q u ’il fût compris dans l’excep
tion prévue par l’article 88g. Aussi l’habile interprète des intérêts
�—
5G-—
des héritiers Gueston., tont en développant ce moyen avec étendue ,
prend-il la précaution d ’indiquer quç s ’ il aborde,,cette question fort<
inutile, à sa cause, c ’ est uniqiwment parce que Je tribunal l'a mis sur
cette voie. .
h, ,
tL ’objection avait été en effet présentée devant le tribunal de Mou
lins^,et le jugement y répond par les motifs suivants
« Attendu
» que l ’acte du 12 août i 8 i Ü 'n e peut être considéré comme reu» fermant une vente de., droits successifs, lorsque l’on considère
» également le caraclèfe propre ;et distinctif de ce genre d ’aliéna» tion.
*
ft.
v,, . ,
,t, 4.
En effet, le vendeur de droits,successifs ne vend et ne garantit
» que . sa [qualité d ’héritier ou d ’ayant droit ; du ¡reste , il n’eit pas
1» garant de la moindre pu de la plus grande étendue de ses droits ;
p il ne vend que ce qui se .trouve ou peut se trouver dans la suc3 cession : dans l ’acte du 12 août, Canu a vendu nonrseulement des
» droits certains, mais des droits liquidés, déterminés , une quolc
» part enGn, attributive d ’une valeur fixée; en un m o t, le résultat
» d ’un partage préexistant. »
Ces motifs répondent parfaitement à l’argumentation des héritiers
Gueston. Par une exception au principe proclamé par l ’article 888 ,
le législateur déclare qije la vente des droit successifs laite aux ris
ques et périls de l ’acheteur , était à l’abri de l’action, en rescision.
Pourquoi? parce que, dans ce cas, les forces de la succession n’étant
pas connues, les dettes qui la grèvent étant ignorées, il y a pour
les deux parties chances aléatoires dans le contrat qui intervient.«
C ’est, disent Lebrun et P o th ie r , parce que l ’ incertitude sur la quotité
de Ca ctif de la succession et sur la quotité ¡des dettes et des charges,
rend également incertaine la valeur des droits successifs. L e caractère
distinctif de cette convention est d'ailleurs, assigné par l’article 889 ,
qui exige que .la vente soit faite,«!/# risques et périls de l ’acheteur,
c ’e$t-à-dire, suivant l’opinion générale des auteurs, q u ’il reste seul
expressément chargé d ’acquitter toutes les dettes.
D a n i-le traité de 181Ü, trouve-t-pu les éléments d ’un contrat
�aléatoire'.résultant dé l ’incertitude^dans laquelle toutes les" parties!
auraient été sur la quotité des biens et sur la*quotit<*i des dettes et
descharges? Mon : l ’actif est rappelé toutes lesdettessonténumorées ;
nulle part il est indiqué qu ’elles resteront à la charge des.cessionnai*
res; loin dé là , on fait.paÿer au mineur sa part contributive , en re
tranchant ide l’actif de la succession les dettes, qui. la grevaient. C e
n ’est pas une part incertaine., ignorée des parties, et dont-: la con
sistance pCit dépendre d ’un passif inconnu:,» que se fonticéder les
héritiers Gueston , mais un seizième déterminée d ’après les droits
reconnus d’Éléonard, et les forces d e <la succession soigneusement
énumérées.
Le tribunal a donc eu parfaitement raison lorsqu’il a décidé que
le traité du 12 août ne pouvait, sous aucun rapport, être assimilé à
la cession aléatoire dont s’occupe l’article 88g , et que la vente con
sentie au nom d ’Éléonard portait sur des droits certains, liquidés,
déterminés, enfin sur le résultat d ’un partage auquel toutes les par
ties avaient réellement procédé.
Où conduisait d ’ailleurs l’objection? Quand il serait vrai que la
cession consentie au nom d ’Éléonard fût un contrat aléatoire q u i,
par sa nature m ê m e, ne peut jamais être ni autorisé ni consommé
lorsqu’un mineur y est intéressé, elle n’en resterait pas moins une
cession de droits successifs dont la nullité serait évidente. En ellet’,
I aliénation des immeubles appartenant à un .mineur ne peut avoir
lieu qu’après l’accomplissement de nombreuses formalités qui témoi
gnent de la vigilance du législateur. Ces formalités sont indiquées
par les articles
4 ^7 » 4 ^®» ^ 9
Gode civil , g
56 et
suivants du
Code de procédure. Il faut q u ’il y ait nécessité absolue , ou avantage
«•vident reconnu par le conseil de famille et par le tribunal. Il faut,
encore que le subrogé tuteur soit appelé à la vente, q u ’elle soit
précédée d ’aiTichcs , d une estimation préalable par experts , et con
sommée publiquement sur des enchères reçues par un magistrat ou
un notaire. Ces dispositions sont communes à une cession de droits*
successifs, qui comprend nécessairement aliénation d ’immeubles,
�lorsque la succession est principalement immobilière. Sous la forme
d ’une transaction, et en se conformant aux prescriptions de l’article
¿¡G"1 , il n ’est pas plus permis au tuteur de faire un partage.;qu’une
cession de droits successifs qui puisse lier son pupille; autrement
toutes les garanties dont la loi a voulu l’environner lui seraient ravies.
En matière de .transaction, elle a seulement exigé le concours de
trois jurisconsultes, parce que la nature du débat sur lequel une
convention de cette nature est provoquée, exige plutôt l’appréciation
d ’une question de droit que l’appréciation de la consistance et de
la valeur des biens immeubles ; mais toutes les fois que les droits
immobiliers d ’un mineur sont en litige, elle a pris des mesures spé
ciales et plus appropriées à la nature même des droits q u ’il s’agit de
protéger.
11
ne nous reste plus q u ’à justifier le jugement attaqué du reproche
de contradiction que lui adressent les héritiers Gueston. Après avoir
fortement démontré que l’acte de 1816 était un partage réel qui ne
devait produire que des effets provisoires, le tribunal ajoute : « At» tendu que l ’acte dont il s’a g it, contenant transaction sur d ’autres
» points litigieux, les héritiers Gueston pourraient alléguer, peut» être , que l’admission de Canu à prendre part à la succession de
» leur père dans la proportion qui s’y trouve déterminée . n’a été que
» la condition par forme de transaction , de la renonciation de leur
» part à différents droits, et notamment h celui de contester la qua>
» lité d ’enfant naturel. »
• Très-bien ! s’écrient les héritiers Gueston , le tribunal en dit plus
» q u ’il n’en faut pour détruire tout l’effet des précédents motifs; il
» reconnaît que l’acte du )2 août contient transaction sur des points
» litigieux...... ; il reconnaît qu ’un de ces points litigieux était le droit
» de contester à Canu sa qualité d ’onfimt naturel ; d o n c, d ’après le
» jugement lui-même . il y avait contestation , et il v a eu transaction
* sur ce point important, fondamental, en même temps que sur
» d ’autre.'. »
Le tribunal de Moulins avait été saisi par la demande en validité
�—
39
—
<les offres faites par les héritiers Gueston d ’une somme de
3 ,ooo l i . ,
qui devait, selon e u x , désintéresser complètement leur frère natu
rel. Pour déterminer si ces offres étaient suffisantes , il était néces
sairement amené à examiner le caractère définitif que l’on voulait
imprimer au traité de 1 8 1 6 ; mais il n’avait pas à s’occuper du par
tage, qui était pendant devant le tribunal de M ontluçon, dans le
ressort duquel la succession s’était ouverte. Il aurait pu cep en d a n t,
en appréciant toute la portée de l’acte du 12 août, décider que les
héritiers Gueston, en reconnaissant la qualité de leur frère naturel,
en ne conlestant ni'sesdroits à une réserve, ni l’action en réduction
qu’il pouvait form er, et dont le mérite avait été sanctionné par l’avis
des trois jurisconsultes, ne pourraient plus, dans l’avenir, présenter
de pareilles objections; qu e, sous ce rapport, il y avait eu de leur
part renonciation formelle ; que celte renonciation , accompagnée
de la paît de la tutrice de l’abandon des droits que lui conférait l’acte
5
sous seing privé du 14 janvier 18 1 , constituait une transaction qui
devait être respectée par toutes les parties. En le jugeant ainsi , le
tribunal n’aurait pas été en contradiction avec les précédents motifs
q u ’il avait donnés. Suivant la distinction établie par MM. C h a b o t,
Duranton et Y azeille, et d ’après la doctrine des Cours d ’Amiens et
de ¡Nîmes, il aurait pu reconnaître q u e , dans celte partie de l’acte ,
>1 y avait transaction, et dans l’autre partage q u i, à raison de la mi
norité et de l’inaccomplissement des formalités prescrites, devait se
borner à des effets provisoires; et cette décision aurait été logique ,
conséquente; et le tribunal n’aurait pas, en l’adoptant, donné 1111
démenti à 1 interprétation qu ’il avait dé,à faite du règlement de 181 (5.
Mais il 11 est pas allé jusque l à , il a été plus circonspect : après avoir
constate le fait, ¡1 s’est b o rn é , en rejetant la demande eu validité
d o llre s, à faire réserve à toutes les parties de leurs droits respec
tifs, à 1 ellet soit de procéder à un nouveau partage, soit d'exercer
lesdils droits ainsi qu elles aviseront. Les héritiers Gueston peuventils s en plaindre? S ils attachent quelque importance à ces misérables
contestations, libre à eux de les reproduire à leurs risques et périls|;
leur frère naturel 11c les redoute pas.
�-40
-
!
Q u ’on ne dise pas surtout que le tribunal a reconuu q u ’un des
points litigieux était la qualité d ’enfant naturel, et qu ’il y avait con
testation sur ce point important, fondamental. Pour motiver la ré
serve générale faite aux parties, réserve que nos adversaires récla
maient positivement dans leurs conclusions, il dit seulement que les
héritiers Gueston pourraient alléguer peut-être. Certes, traduireainsi
leur prétention, était suffisamment en apprécier la valeur. Jamais,
en e ffe t, les héritiers Gueston n’ont contesté la qualité d ’Eléonard.
Indépendamment des actes nombreux qui l’établissent, eux-mêmes
l’avaient reconnue, soit dans l’acte du 14 janvier i
8 i 5 , soit dans la
délibération du conseil de famille du 12 juin 1 8 1 6 , soit enfin dans
le traité de 1 8 1 6 , où toujours Eléonard est indiqué comme fils na
turel du sieur Gueston. Aussi le tribunal dit-il qu’aucun doute ne
saurait s’élever sur cette qualité d ’enfant naturel du sieur Gueston.
Sous tous ces rapports, les premiers juges ont fait une apprécia
tion exacte et judicieuse des questions qui étaient soumises à leur
examen. L ’erreur involontaire commise parleurs devanciers ne les a
point égarés; ils ont su la réparer au moins pour l’avenir, en lais
sant le passé sous la protection du traité de 1816 et du jugement
qui l’avait homologué. Malgré la fausse qualification donnée à cet
acte , ils lui ont restitué son véritable caractère, révélé par les prin
cipes les plus certains de notre législation , par la nature des conven
tions qu'il renferm e, et les résultats qu ’il était destiné à produire.
La C o u r, dans sa haute sagesse, n ’hésitera pas à donner une nou
velle consécration aux droits imprescriptibles d ’un enfant mineur,
que des cohéritiers malveillants et cupides ont voulu compromettre,
et qu ’une faible fem m e, dominée par leur ascendant, n’a pas su
défendre. Dans cette lutte décisive , elle prêtera son appui tutélaire
à celui que la loi a placé sous sa protection spéciale, et dont les in
térêts ont été l’objet de sa constante sollicitude. L ’arrêt que pom Miit Eléonard, et q u ’il attend avec confiance, doit fixer son avenir.
Jusq.i’à présent, malgré tous les obstacles suscités par le besoin et
la détresse , il est parvenu , secondé par un travail opiniâtre , soutenu
�4
1
par l'intérêt qu’il a su inspirer, à terminer ses études. l ' instruction
qu ’il a r e çu e , et qu ’il donne en échange pour acquitter sa d e tte, lui
permet de suivre une carrière h on o rab le, s' il parvient à recueillir
l’héritage paternel. Toutes ses espérances, tous ses eff orts viendrontils se briser dans le sanctuaire de la ju stice, où il a cherché un
refuge ?
Me L. R O U H E T , Avocat.
Me T A IL H A N D , Avoué-Licencié.
RIOM.— IMPRIMERIE DE E. THIBAUD.
�
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Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
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Description
An account of the resource
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Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Gueston, Eléonard. 1836?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Rouher
Tailhand
Subject
The topic of the resource
successions
partage
enfants naturels
coutume du Bourbonnais
exposition
abandon d'enfant
fausse identité
reconnaissance de paternité
transactions
partage
domestiques
conscription
jurisprudence
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire en réponse pour Eléonard Gueston, précepteur, intimé ; contre Gilbert et Louis-Etienne Gueston, propriétaires ; Françoise Gueston et Jean Causse, son mari, Docteur en médecine ; appelants d'un jugement rendu par le tribunal de Moulins, le 28 avril 1836.
Annotations manuscrites.
Table Godemel : Enfant naturel.
6. lorsqu’après la reconnaissance authentique d’un enfant naturel et le décès du reconnaissant, les héritiers légitimes de ce dernier ont confirmé la reconnaissance, dans un acte passé avec le tuteur autorisé par une délibération du conseil de famille, en admettant l’enfant naturel à l’exercice de ses droits, en cette qualité, dans la succession de leur père, et que, dans cet acte, qualifié transaction, après l’énumération de tous les biens de la succession, leur estimation, la composition de la masse, la liquidation et enfin, la détermination de la quotité revenant à l’enfant naturel avec évaluation d’une somme fixe, on lui abandonne une somme un peu plus forte pour le désintéresser plus complétement et pour tous les droits qu’il peut prétendre dans la succession du défunt ; cet acte bien qu’il ait été homologué en justice, à la diligence du tuteur, et sans contradiction doit-il être considéré comme vente de droits successifs et transaction, ou au contraire comme partage ?
l’enfant naturel après sa majorité, peut-il, en invoquant le véritable caractère de l’acte, s’il a réellement fait cesser l’indivision, et en excipant de ce que les formes prescrites par la loi, pour l’efficacité des partages avec des mineurs, n’ont pas été observées, en demander la nullité, ou la rescision pour cause de lésion, et conclure à un nouveau partage ?
peut-on lui opposer, comme fins de non-recevoir, l’autorité de la chose jugée, résultant, soit de la décision judiciaire qui avait homologué l’acte réglant à une somme fixe ses droits dans la succession de son père naturel ? soit du caractère et des effets de la transaction ayant eu pour objet de trancher, entre parties, des difficultés nombreuses sur la qualité du réclamant, sur le règlement de ses droits, sur les conséquences des libéralités et dispositions antérieures faites à son profit ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Imprimerie de E. Thibaud (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1836
1814-1836
1814-1830 : Restauration
1830-1848 : Monarchie de Juillet
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
41 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2806
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2805
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53562/BCU_Factums_G2806.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Le Montet (03183)
Moulins (03190)
Veaux (domaine des)
Loulaigue (domaine de)
La Faye (domaine de)
Châtillon (03069)
Tronget (03292)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
abandon d'enfant
conscription
coutume du Bourbonnais
domestiques
enfants naturels
exposition
fausse identité
jurisprudence
partage
reconnaissance de paternité
Successions
transactions