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Text
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M JH cccC r
¿Z X /O C & f^ .
¡nrL p j # P R É C I S
i d '/û ÿÿv l-
ù* ÛUAOM-J
—
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Le sieur P i e r r e R O U H E R , avoué licencié, appelant;
CONTRE
Les héritiers bénéficiaires de P r i e s t C H A P U S ,
intimés.
Q U E S T I O N S .
•
L ’ordre, pour la distribution du p rix d ’une vente ju d icia ire
d oit-il avoir lieu entre tous les créanciers ayant des privilèges,
ou des hypothèques inscrites ou légales existantes sur les biens
•vendus, ou seulement entre les créanciers personnels de l ’ex propriè ?
Ou celui qui ouvre un ordre n ’est-il tenu que d ’appeler les
créanciers de l ’exproprié , quoiqu’il connoisse les autres ; et
l ’adjudicataire ne peut-il, n i exiger leur a p p e l, n i le fa ir e ?
F A I T S .
L e 9 août 1809, vingt-deux articles de propriété ont été
yendus sur Amable Morand.
J’en ai été adjudicataire.
A
�♦
(
a
«
«
«
cc
cc
cc
cc
2
)
L ’art. 7 du cahier des charges est ainsi conçu :
cc Dans le cas de recherches hypothécaires de la part des
créanciers des anciens propriétaires, ou desdits.propriétaires
eux-ménies , contre l’acquéreur de tout ou partie des objets
ci-dessus détaillés , lesdits acquéreurs ne pourront a u ssi, sous
quelque prétexte et m otif que ce soit, exercer aucune action
en garantie contre les poursuivans , y u que chaque adjudicataire achète les immeubles grevés, non-seulement^ des inscriptions faites sur Amable M orand, mais encore de celles
des anciens propriétaires", si aüciiftëS'ÿ'“#; 3ïy
Les héritiers Chapus , qui avoient poursuivi la vente judiciaire
des biens de M orand, ont ouvert l’ordre pour la distribution
de s o n prix ; mais au procès verbal ils n ’ o n t annexé que l’extrait
des inscriptions prises sur Amablè M orand, et n’ont sommé de
produire que ses créanciers personnels.
Averti par l’extrait de la matrice du rôle , inséré dans le
jugem ent d’adjudication, que dix-neuf articles des biens vendus
provenoient d’acquisitions faites récemment par Morand , de
différens particuliers qui y sont dénommés; assuré par la véri
fication que j’avois faite au bureau des hypothèques, qu’il n’en
avoit fait transcrire aucunes, et qu’il existoit une infinité d’ins
criptions sur ses vendeurs, j’ai été plus qu’étonné de voir que
les poursuivans, qui connoissoient parfaitement tous les anciens
propriétaires, n’eussent pas sommé leurs créanciers de produire
à l’ordre.
J’ai alors reconnu leur b u t , en se mettant à l’abri de toute
action en garan tie, en cas de recherches hypothécaires ; j’ai
admiré leur prudence et leur tactique, et j’ ai cru que je n’étois
pas obligé d’en être la dupe.
Si les poursuivans ont eu la faculté d’interdire à l’adjudi
ca ta ire , en cas de recherches hypothécaires, toute action en
garantie contre eu x, ils n’ont pas celle de faire un ordre illégal.
Intéressé à me libérer valablem ent, promptement, et à n ’étre
exposé à aucunes recherches hypothécaires; assuré de parvenir
�(
3
)
à ce triple but, si l’ordre commencé é to it régulièrement achevé
entre toutes les parties intéressées, j’ai cru être en droit d’in
tervenir à l’ordre ( 1 ) et d’exiger que l’état de toutes les ins
criptions existantes sur les biens vendus ( 2 ) fût annexé au
procès verbal d’ordre , et que tous les créanciers ayant des
privilèges ou des inscriptions inscrites ou légales fussent sommés
de produire ( 3 ).
A cet effet j’ai présenté une requête, et consigné mes dires
au procès verbal d’ordre.
Vingt-deux créanciers de Morand avoient produit ; les hé
ritiers Chapus seuls ont contesté.
I l est bien certain , ont-ils dit , qit Am dble M orand ayant
acquis d ’une foule de particuliers les immeubles que l ’on a
fa it vendre sur l u i , si l ’on ¿toit obligé d ’appeler tous ceux de
qui il a a c h e té , et leurs créanciers , i l y aurait plus de trois
cents individus à appeler à l ’ordre; ce qui consommerait la
totalité de la somme ci distribuer.....
(1) Q u’on ne dise pas que l’adjudicataire est étranger à la procédure, qu’il
ne doit pas répondre d’une omission commise par le poursuivant ; ce raison-*
nement seroit subversif de tous les principes sur cette matière. Quiconque veut
acquérir n’est ni ne peut être étranger à aucun des actes nécessaires pour régu
lariser l’acquisition : cette excuse ne sauveroit pas l’adjudicataire de la juste
réclamation d’un créancier hypothécaire qui a un droit réel sur l’immeuble
vendu, et qui, au mépris de l’injonction positive de la lo i, n’a pas été mis en
mesure d’enchérir, et de faire colloqucr sa créance dans son rang. R épertoire
d e ju risp ru d en ce de. M e r lin , tome 1 1 , p. 662, au m ot S a is ie im m obilière.
(2) Art. 752 du Code de procédure. ( A rt. 3i de la deuxième loi du 11 bru
maire an 7 : « L ’ordre sera ouvert au g reffe......sur la remise d’ un état certifié
« par le conservateur, de toutes les inscriptions existantes sur les immeubles
« aliénés. » )
(3) Les créanciers hypothécaires et inscrits doivent seuls concourir à la for
mation de l’ordre..........O n doit mettre dans ce rang les créanciers ayant des
hypothèques inscrites sur l ’ i m m e u b l e adjugé, mais créées par des anciens pro
priétaires dont la possession étoit antérieure à celle du débiteur saisi. B.èper~
taire d e ju risp ru d en ce d e M e r lin , page 677, au mot S a is ie im m obilière«
A 2
�.
..
.
(4
)
L e poursuivant ne peut quappeler les créanciers inscrits d u ’
saisi ; il ne connoit n i ne peut connoître les autres q u i ont
hypolhique sur les biens vendus.........
L e créancier, pour suivre son hypothèque , a u x termes de
l ’article 2166 (lu Code Napoléon , doit surveiller les différentes
mutations de l ’immeuble hypothéqué, et inscrire sur le nouveau
propriétaire à fu r et mesure de chaque v en te......
On c o n ç o it bien que si les anciens propriétaires des im
meubles vendus sur M o ra n d , et leurs créanciers , venoient à
Vordre, q u ’ils prim eroient, à n en pas douter, les créanciers
de M orand; mais dès q u ’ils n ’ont pas eu la précaution d ’ins
crire sur ce d ern ier, c ’est eux qui doivent venir à l’ordre, et
l’on n ’est pas tenu de les y a p p e l e r , parce qu'ils ne se sont
pas f a i t connoître par une inscription sur M o r a n d . ........
I l n ’est pas douteux que s i, après l ’ordre f a i t , il se pré
sentait des créanciers des vendeurs de M o ra n d , ils 11e pour
raient en aucune manière rechercher, n i M e. R o u h er, n i les
créanciers qui auroient touché , parce q u ’ils seroient venus
trop tard; que par leur fa u te et leur négligence ils auroient
perdu leurs droits , n ’ayant pas inscrit sur M orand.......
D ’après ces motifs , ils ont demandé que je fusse déclaré
non recevable , etc.
J’ai répliqué; e t, en substance, voilà ce que j'ai d it:
Un immeuble hypothéqué est un gage donné pour l’acquit
tement d’une obligation ( art. 2114 du Code Napoléon ); il en
est affecté tant que l ’inscription subsiste ( art. 2164, 2180 );
elle subsiste tant qu’elle n’est pas radiée ou éteinte : s’il est
vendu , le prix en appartient à tous les créanciers (art. 2*77 ( i) ,
2184 ) qui y ont des privilèges ou des hypothèques inscrites ou
lég ales , pour être collo.juea et puyés suivant l’ordre de leurs
(1)
« Les créanciers personnels (d u tiers détenteur ) , après tous ceux qui ont
« inscrit sur les précédens propriétaires, exercent leur hypothèque à leur rang.,
« sur le bien délaissé ou adjugé, »
�( 5 )
créances ou inscriptions ( art. 2166 ). Dés que le prix appartient
à tous les créanciers , l’ordre pour sa distribution doit avoir
lieu entr’eux tous (1) ( art. 762, y 53 du Code de procédure;
art. 3 i de la seconde loi du 11 brumaire an y ) : un ordre
fait seulement entre les créanciers personnels de l ’exproprié,
s’il y en a d’au tres, est illégal et n u l , parce que le prix de
l’immeuble vendu ne doit pas servir à payer ses dettes person
nelles , mais toutes celles au payement desquelles il est affecté...
Pour conserver ses droits hypothécaires, un créancier ne peut
pas être obligé de surveiller chaque m utation, d’inscrire h fur
et mesure sur le nouveau propriétaire, parce que l’hypothèque
est un droit réel sur un immeuble ( art. 2114 )> et le suit en quel
ques mains qu’il passe (2) ; parce qu’on ne peut inscrire sur un
individu qu’en vertu d’un titre personnel contre lui ( art. 2124»
2x48 ) ; parce qu’autrement le régime hypothécaire seroit une
chim ère , puisqu’alors un débiteur pourroit à son gré priver
son créancier du gage qu’il lui auroit d on n é, en le faisant
passer, par des ventes clandestines, à un acquéreur inconnu ,
qui le revendroit à un autre entre les créanciers fictifs 011 réels
duquel on feroit faire un ordre ; et parce qu’un vendeur
(1) Dans les cas ordinaires, les privilèges et les hypothèques sont constitué*
par le même débiteur. Mais il peut arriver qu’ils aient été constitués successi
vement sur la tête de plusieurs propriétaires, sans que l’unité de l’ordre soit
divisée. Répare, d e ju risp ru d en ce d e M e r lin , tome 8 , p. 772 , au mot Ordre.
(2) L ’liypothèque donne au créancier hypothécaire le droit de suivre l'im
meuble hypothéqué dans toutesmains où il passe... Ce droit de suite n’est pas seule
ment actif, il est encore passif, et il n’a pas moins d’importance sous ce dernier
aspect. Ce droit que nous appelons passif, consiste en ce que dü moment où
une hypothèque sur un immeuble est établie et consolidée par l’inscription,
cette hypothèque no peut être purgée à la suite d’ une aliénation volontaire ou
fo rcée, sans que le créancier soit personnellement appeté, pour veiller à ce que
le prix soit porté à sa vraie valeur, et à ce que dans la distribution de ce même
prix il soit colloqué dans le rang que son titre lui assigne. Ibid. tom. 5 , p. goo»
jiu mot H ypothèque.
A 3
»
�(
6
)
( art. 0182 ) ne transmet la chose vendue que sous l’affecta
tion des mêmes privilèges et hypothèques dont il étoit chargé.
Comment les poursuivans ont-ils pu s’imaginer qu’ils étoient
dispensés d’appeler les créanciers inscrits des anciens proprié
taires, et ceu x-ci, parce qu’il y en a plus de trois cents? Ainsi
je dois donc être exposé à plus de trois cents demandes hypo
thécaires ! . . . .
C elte m ultitude extraordinaire démontre l’impérieuse néces
sité où je suis d’exiger que l’ordre soit régulièrement fait. La
publicité d’une saisie immobilière n’oblige pas les créanciers
à se présenter à l’ordre ; la loi veut qu’ils soient sommés de
produire (1) ( art. y 53 du Code de procédure ) ; tant qu’ils ne
l ’ont pas été , leurs droits sont intacts (2). Le juge-commissaire
n’en peut pas plus prononcer la d éch éan ce qu’ordonner la ra
diation de toutes les inscriptions non utilement colloquées ; et
cependant il doit terminer l’ordre par ces deux dispositions
(art. 759 du Code de procédure) : comment le fera-t-il, si tou®
les créanciers ne sont pas appelés (3)?
(i)
L e créancier hypothécaire a exclusivement le droit d’exiger, de la part
du poursuivant, une notification qui l’avertisse des poursuites en expropriation;
il a exclusivement le droit d’attendre une sommation de production de son titre.
lb i d . tome n , page 6 6 1, au mot S a is ie im m obilière.
(a) Si l ’omission de la notification provient de la faute du poursuivant.. . . r
«lie ne peut nuire au créancier omis. Le créancier est partie essentielle dans la
procédure ; il doit y être appelé nécessairement : tous les actes qui peuvent
«voir été faits sans qu ’il ait été appelé , sont nuls à son égard ; ils ne peuvent
porter aucune atteinte à son hypothèque, qui est sous la sauvegarde de la loi.
lb id . tome i x , page 66a, au mot S a isie im m obilière.
(3)
Lorsqu’on est parvenu à cette distribution (d u prix e n t r e tous les créan
ciers h y p o t h é c a i r e s , suivant leur o rd r e ), toutes les hypothèques ou privilèges
préexistans, dont l’immeuble étoit g rev é , sont anéantis; les hypothèques de»
créanciers utilement colloqués sont éteintes par le payem ent; celles des créan
ciers qui n’ont pu obtenir une collocation utile, soit à cause de leur négligence,
»oit à cause de l’insuffisance du produit de la vente, sont effacés par l’autorité
de la loi; et le fonds, parfaitement libre entre le* mains du nouyel acquéreur^
�( 7 ) ^
En cet ¿fat, la cause a été portée à l ’audience ; et sur rapport,
le tribunal a rendu le jugement qui suit :
« Attendu que le Code judiciaire ayant prescrit les formalités
« pour l’ordre et distribution des deniers du prix d’un immeuble
cc vendu par expropriation, les dispositions de cette loi doivent
fi seules servir de règles pour statuer sur la validité de la pro-;
« c é d u re ;
« Attendu que l’art. 762 du Gode de procédure ayant ordonné
« qu’un extrait de toutes les inscriptions e x i s t a n t e s , délivré par
cc le conservateur, seroit annexé à l’ordre, a suffisamment ex« pliqué que ces inscriptions seules doivent servir de règles
cc pour déterminer la collocation ; que n’exigeant pas la preuve
cc de l’existence d’autres hypothèques , on ne peut ajouter à
cc la l o i , mais qu’il faut se contenter du rapport des seules
ce inscriptions a p p a r e n t e s ;
cc Attendu que la disposition suivante confirme encore ce
cc principe, en disant que les créanciers seront sommés de procc duire par acte signifié aux domiciles élus par leurs inscriptions;
cc d’où il appert qu’il faut nécessairement des inscriptions exiscc tantes sur l’exproprié, pour nécessiter l’appel de ses créanciers
cc de la part des poursuivans à l ’ordre ;
cc Attendu que l’art.
du même Code ajoute encore un
cc nouveau poids à ces décisions, en prescrivant au juge-com cc missaire de dresser son état de collocation sur les pièces
cc produites, et en imposant au poursuivant l ’obligation de dé« noncer aux créanciers produisant, la confection de l’état de
cc collocation ; que du rapprochement de ces d is p o s i t io n s , i l
« résulte que dans tout son systèm e, la loi ne r e g a r d e comme
« devant être à l’ordre et ne pouvant y participer, que les
n ’aura plus d’autres hypothèques que celles qui pourront être imposées par
nouvel acquéreur lui-m êm e,
au mot Transcription.
ou par scs suççesseurs. Ibid, tome l 5, page
le
�(
8
)
« seuls créanciers q u i se sont f a i t connoître par leurs inscripcc tions sur l ’immeuble dont le p rix est en distribution ( 1) ;
« Attendu que la prétention par laquelle on veut assujétir
« les poursuivans à appeler à l’ordre , non - seulement les
« créanciers inscrits, mais encore tous autres créanciers quel« conques (2) qui peuvent avoir eu jadis quelques droits sur
« l ’immeuble dont Me. Rouher s’est rendu adjudicataire, est
« évidemment contraire à la l o i , répugne à la raison , en ce
« qu’elle obligeroit les poursuivans à des démarches d’une exé« cution im praticable, puisqu’il leur est impossible de connoitre
cc quelles peuvent être les différentes créances auxquelles cet
cc immeuble peut avoir été assujéti dans les mains des auteurs
cc de l ’ e x p r o p r i é , o u dans celles des vendeurs de ces auteurs;
« ce qui remonteroit même à l’infini, et p a r conséquent ne peut
cc être accueilli ;
cc Attendu qu’en outre , le refus fait par ¡’adjudicataire de
cc payer actuellem ent le prix de la vente (3), sous le vain pré« texte qu’il faut encore appeler à l’ordre tous les créanciers
ce hypothétiques (4) qui peuvent avoir eu des droits sur l’imcc m eu b le, est en opposition avec l’art. 7 du cahier des charges;
et q u e, d’après cet article (qui est ici transcrit en en tier), il est
cc manifeste que l’adjudicataire s’est soumis à payer le prix indécc pendam m ent de toutes les inscriptions quelles q u e lle s soient;
cc qu'ainsi il s’est fait la loi à lui-méme ; qu’il ne peut l’enfreindre ,
cc et par conséquent qu’aucun prétexte d’inscriptions possibles ,
(1) Dcmandois-je autre chose ?
(2) Ma requête d’intervention, répondue par M . le président, m e s conclu•ions signifiées, et le procès verbal d’o rd re, où tous les dires o n t été consigné»,
prouveront que je n ’ a i pas formé une demande a u s s i ubsurdc.
(3) A qui? qui le dem andoit? où ce refus est-il consigné? Le procès verbal
d ’ordre prouvera encore qu’il n’étoit question ni de demande ni de refus à cet
¿gard.
(4) Je n’ai jamais demandé que l’appel des créanciers ayant des hypothèque^
inscrites ou légales sur les immeubles vendus, à l’époque de la vente.
�« valables ou non, ne peutle dispenser de remplir son engagement
« form el, et de payer dès l’instant (1 ) le prix de la vente , et
« de satisfaire aux autres charges de l’adjudication ;
« Par ces motifs, le tribunal, sans s’arrêter à l’incident élevé
« par M°. Rouher, dans lequel il est déclaré non recevable, ou
« dont en tout cas il est débouté, ordonne qu’il sera passé outre,
cc dans l’état actuel des ch oses, à l’ordre , etc. »
Il résulteroit de ce jugement, non-seulement qu’un ordre ne
doit être fait qu’entre les créanciers personnels d’un exproprié,
mais que je dois payer le prix de mon adjudication et le montant
de toutes les inscriptions possibles, valables ou non , qui frapperoient sur les biens que j ’ai acquis : comme de telles dispo
sitions m’ont également paru contraires aux lo is , à l’équité et
à mon obligation, j’ai cru devoir en interjeter ap p el, et de
mander, comme j’avois fait en première instance, que tous
les créanciers, soit de l’exproprié, soit des précédens proprié
taires, ayant des privilèges, ou des hypothèques inscrites ou
légales, frappant le 9 août 1809, jour de l’adjudication, sur les
immeubles qui m’ont été vendus, soient sommés de produire
à l’ordre ; et qu’à cet e ffe t, l’état de toutes les inscriptions soit
annexé au procès verbal d’ordre, si mieux n’aiment>les intimés
que je sois subrogé à leur lieu et p la c e , comme poursuivant,
à la charge par m oi, ainsi que je m’y soumets, d’annexer dans
le mois cet état de toutes les inscriptions au procès verbal
d’ordre, et de sommer tous les créanciers qui y seront dénom
més , de produire.
Je me bornerai à observer que les premiers juges n’ëtoient
pas saisis de l’interprétation du cahier des charges; car les hé
ritiers Chapus et m o i, nous étions parfaitement d’accord sur le
sens de l’ai t. 7, et nous entendions que cet article ne signiiïoit
et ne pouvoit signifier autre chose, si ce n’est, qu’en cas de
recherches hypothécaires, je ne pourrois pas exercer d’action en
�C 10 )
garantie contr'eux comme poursuivant la vente : autrement, il
n’y auroit pas eu d’ordre à ouvrir ; Morand devoit venir me
demander le p r ix , et chaque créancier le montant de son ins
cription valable ou non.
Alors , pour l’acquisition de quelques immeubles épars, situés
dans la commune de Loubeyrat, pays de montagne, dont aucun
n’est en nature de pacages', dans lesquels il n’y a pas un seul
arbre , où on ne sème que n eu f setiers de seigle , où on ne
récolte que cinq petits chars de foin, et dont le revenu est porté
en la matrice du rôle, à 141 fr. 55 cent. ; indépendamment de
plus de 35oo fr. que j’ai payés pour les frais de v e n te , je serois
obligé de payer le prix qui est de 11200 fr. ; plus, 167170 fr.
43 c . , montant des inscriptions prises sur Morand ; et enfin 3 à
400000 f r . , en ne portant qu’à 1000 francs , l’un dans l’au tre,
le montant des inscriptions prises par chacun des trois cents
créanciers et plus des vendeurs de Morand !.....
ROUHER.
V A Z E I L L E , avoué licencié.
À R I O M de l’imp. de T H IB A U D , imprim. de la Cour impériale, et libraire,
rue des T au les, m a iso n L a n d r i o t . — Mai 1 8 1 0.
�
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The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
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A name given to the resource
Factums Marie
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A name given to the resource
[Factum. Rouher, Pierre. 1810]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Rouher
Vazeille
Subject
The topic of the resource
créances
hypothèques
créanciers hypothécaires
Description
An account of the resource
Précis pour le sieur Pierre Rouher, avoué licencié, appelant ; contre les héritiers bénéficiaires de Priest Chaput, intimés. Questions. L’ordre, pour la distribution du prix d’une vente judiciaire, doit-il avoir lieu entre tous les créanciers ayant des privilèges, ou des hypothèques inscrites ou légales existantes sur les biens vendus, ou seulement entre les créanciers personnels de l ’exproprié ? Ou celui qui ouvre un ordre n'est-il tenu que d’appeler les créanciers de l’exproprié, quoiqu’il connaisse les autres ; et l’adjudicataire ne peut-il, ni exiger leur appel, ni le faire ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
de l'imprimerie de Thibaud (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1810
1809-1810
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
10 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0635
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Comps (03092)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
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Créances
créanciers hypothécaires
hypothèques
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83e34a8932286775b518ac1012ffe2bd
PDF Text
Text
MÉMOIRE A CONSULTER,
P O U R
A n t o i n e , J e a n et L o u i s - X a v i e r - S i l v a i n
GOMICHON, appelans, et demandeurs en garantie;
C O N T R E
F r a n ç o is e
GOMICHON, veuvede P i e r r e D e p e y r e
intimée
ET ENCORE
et J
DEPEYRE, N..,.. DEPEYRE,
et Guillaume ARMET, son mari défendeurs
en garantie«
C O N T R E
J e a n
o s e p h
T A B L E A U GÉNÉALOGIQUE.
G régoire G om i chon,
mort en 1720
Catherine Augier.
S ii v a in ,
né en 1699,
m ort en 1748:
ne en 1697,
mort en 1727
A ntoine
néen1702
Françoise B ontem s,
morte en 1733
Jean,
F rançoise,
à
Intimée,
Marie Lafont.
née en 173 7,
m ariée en 1753,
Pierre Depeyre.
r
AutoiflC.
Jean.
L o uis-X avicr-S ilvain ,
Appelans
Catherine.
Jean.
Joseph,
N
<i
G uillaum e A rm et.
A
�C 2 )
F A I T S .
.
J e a n G o m i c h o n , prem ier du n o m , est décédé en 17 2 7 ;
laissant en minorité un fils appelé Jean , com m e son père.
Silvain G om iclion, son oncle paternel, fut nommé son tuteur.Jean G o m ich o n , deuxièm e du nom , étant parvenu à sa ma
jorité, forma demande contre ledit S ilvain , son o n c le , en red
dition de com pte.de tu telle, par exploit du 23 janvier 174$.
'
C e tte dem ande fut portée devant le châtelain de Montluçon.
L e 24 mars suivant, Jean G om ich on obtint une sentence par
d é f a u t , qui condamna Silvain G om ich on à rendre le c o m p te
d em a n d é; et à défaut de c e faire, le condamna à payer la somme
de 3ooo fra n c s , intérêts et dépens.
Silvain ou m iciion uecéda le 10 juin 1748 , laissant une fille
m in eure, appelée Françoise G om ichon.
L e 2 i du m êm e m ois, Jean Gom ichon fut nommé son tuteur.i
Il n’avoit que vingt-deux ans.
Il o b tin t, le 11 ju illet 1749 » des lettres ro y a u x , pour être
relevé de différens actes qu’il avoit faits en m in o rité, et entre
autres de l’acceptation de cette tutelle.
Il ne paroit pas que Jean Gom ichon ait donné suite à ces
lettres : il parolt m êm e, au contraire, que Françoise Gom ichon
ayant contracté mariage avec Pierre D<?peyre, le 21 novem bre
17 5 5 , Jean Gom ichon a paru au contrat par fondé de pouvoir,
en qualité de tuteur de l a d i t e F r a n ç o i s e G o m i c l i o n .
Q u o iq u ’il en soit, le 8 juin 1768, D ep eyre a donné assignation
à Jean Gom ichon devant le châtelain de T re ig n a t, pour rendre
com pte de la gestion qu’il avt>it eue dea biens de Françoise G o
m ichon , sa fem m e.
^ ^ e a n G o m ich o n , de son c tjté , à qui il étoit dû un semblable
T ^ fcp to par la succession de Silvain G o m ich o n , se pourvut de
nouveau par exploit des 24 et 3o ju ille t 1768, et conclut contre
Françoise G om ich on, et P ierre D e p e y re , son m a ri, ù ce que la
�( 3 )
«sentence du 24 mars 174$, qui ordonnoît la reddition de c e
com pte de tu te lle , et à défaut de c e , condam noit S i l v a i n Gom ichon au payem ent de la somme de 5ooo fra n c s, pour tenir
lieu de reliquat, avec intérêts et dépens, fût déclarée exécutoire
contre la fem m e D epeyre , com m e elle l’étoit contre Silvain
G ô m ich o n , son père ; qu’en conséquence elle fut condam née à
payer la somme de 5ooo fra n c s , avec intérêts et dépens.
En niëm e temps Jean G om iclion se m it en règle sur la de
mande en reddition de com pte de tutelle de Françoise Gom ichon
et de son mari.
C e com pte fut rendu juridiquem ent le x3 août 1759; et Jean
Gom ichon établit qu’au lieu d’étre débiteur de sa pupile, il étoit
son créancier : w il etoit difficîia que cela fût autrem ent, Silvain
G om iclion ayant fait de très-mauvaises affaires , au point qu’il
avoit été emprisonné pour d ettes, qu’il étoit mort peu de temps
après s’être évadé des prisons, et que Jean Gom ichon avoit été
obligé de liquider sa succession.
Françoise Gom ichon et son mari fournirent des d é b a t s sur c e
c o m p te , le
2.3 d u m êm e mois d’aoû t, et les choses sont restées
dans ce t état jusqu’au mois de juin
1763.
A cette époque , Jean D e p e y r e , qui liabitoit dans la haute
Auvergne , près de S t.-F lo u r, vint en Bourbonnais ; des amis
et parens communs cherchèren t à concilier les parties ; et par
le résultat de leur m éd iatio n , il fut passé une transaction sur
p ro cè s, le 22 juin J763.
f ; D epeyre y stipule ta n t en son nom qu’en qualité de mari et
maître des droits et biens dotaux de Marie-Françoise Gom ichon y
sa fe m m e , absente.
O n y rend com pte de la tutelle qu’avoit eue Silvain Gomichon
de lajpersonne de Jean G om ich on , son n eveu, et du jugem ent
de 1745, qui condam noit ledit Silvain à rendre com pte de ladite
tutelle ; à défaut de c e , le condamnoit à payer 3ooo f r . , a v e c
intérêts et dépens,.
A %
�( 4 )
O n y rend aussi com pte de la tutelle quravoit eue Jean Go*
m ic lio n , de Françoise G o m ich o n , fille à Silvain ;
D e la reddition juridique de ce dernier com pte , par lequel
Jean G om ichon s’étoit prétendu créancier au l i e u d ’ é t r e débiteur,
et des débats fournis sur ce compte.
« T o u tes lesquelles demandes et poursuites, e st-il a jo u té ,
« m ettoient les parties dans le cas d’avoir plusieurs sentences et
« arrêts de la Cour de parlem ent, qui auroient pu occasionner
« la perte totale de leurs b ie n s, pour à quoi obvier, et é viter
cc les inconvéniens fâcheux qui auroient pu en résulter, et main
te tenir la paix et l’ un io n , elles ont été conseillées de traiter1et
« transiger sur le to u t, ainsi et de la m anière qui suit. »
P ierre D e p e y re , stipulant comme il a été dit en téte de l’acte r
subroge Jean Gom ichon à tous les droits revenans à sa fem m e,
sans ra c« r t : . n , m oyennant la somme de 600 francs , stipulée
payable en quatre term es, sans intérêts pendant les termes.
Au m oyen de quoi les parties se tiennent m utuellem ent quittes,
et tous procès dem eurent éteints et assoupis ;
« E t les p a rtie s, à l'ex écu tio n e t entretènem ent de tout ce
« que dessu s. ont respectivem ent obligé , ajfecté et hypothéqué
xc tous leurs biens présens et à venir. »
<
J'>0
L e s choses sont restées dans cet état jusqu’au 16 avril 1787.
A cette é p o q u e , Jean Gom ichon étoit d é cé d é , laissant ses
enfans en m inorité sous la tutelle de Marie L a fo n t, leu r mère.
P ie rre D epcyre., e t M a nc-F rançoise G o m ich o n , sa fe m m e ,
firent signifier la transaction du 22 j u i n 17G3 à Marie L a fo n t,
«en cette qualité de tutrice de ses enfans m ineurs, e t ils l’assi
gnèrent en m êm e temps pour voir d é clare r-cette transaction
e xécu to ire contre e l l e , audit n o m , com m e elle l’étuit .contre
ledit défunt Jean G om ich on; en conséquence, se voir condam ner
h leu r payer la somme de 600 fr. portée par ledit a c t e , avec lea
•intérêts et fràis.
’
1
‘ 1
E t l’année su ivan te, le 19 avril 17 8 8 , Antoine Gom ichon *
�C5 )
l’un des appeTans , sé transporta à M urât ; il fit com pte avec
Françoise Gom ichon de tous les intérêts du capital de 600 f r . ,
dûs et échus jusqu’au jo u r, qui se 'trouvèrent monter à une
somme pareille de 600 f r . , et Françoise Gom ichon lui en donna
quittance tant en son nom propre et p riv é , que com m e fondée
de procuration de son mari.
. v:
< D eu x ans après cette quittance, et le 3 o juillet 1790, Pierro
D ep eyre est décédé à Bayonne.
En 1793, et le 9 m ars, Françoise G om ichon a , pour la pre
m ière f o is , conçu l’idée de rechercher sa fam ille du .Bour
bonnais.
i
Elle a pris pour prétexte une prétendue succession d un Antoine
G om icJi'in, oncle et gran d -o n cle co m m u n , qu’elle supposoit
décédé à Passy près Paris;
:'i< t
>
- Elle a fait citer en conciliation M arie LaTont, veuve de Jean
G o m ich o n , sur les différentes demandes qu’e lle ‘se propo'soit
de form er, soit en partage de cette succession,
r
Soit en nullité de la transaction du 22 juin 17G3,
Soit en reddition et règlem ent du com pte de tutelle qu’elle
préte'ndoit lui être dû par Jean Gom ichon , e t de c elu i q u 'elle
■
pouvoib devoir du c h e f de f e u Silvaiu Gom ichon ,
Soit en désistement des biens provenus dè ses père et m ère,
avec restitution de» jouissances, avec intérêts et dépens.
Cette citation a été suivie de procès verbal de n o n -c o n c i
liation , et d’ assignation au tribunal de Montluçon , 'en date
du 3 septembre suivant.'
-:
" ir/!
,!
v>
C ette action ne fut poursuivie1 par la veuve D ep ey re ’, que
jusqu’au mois m essidor an 2.
'
Silence absolu depuis cette époque jusqu’au mois de frim aire
an 9.
1 '
1
i:lElle fit alors une première tentative en r e p ris e ,'q u i’ fut annullée par jugem ent' du tribunal deL M onthiçon $°et elle fu t
Condam née;aux dépens.,
t>i;‘
: c. ' ; 1 .nu
�( 6 )
' Elle form a une nouvelle action en re p rise , au mois messidor
an 11.
?!
'
; Les parties s’occupèrent alors principalem ent de la« succession
d ’Antoine Gom ichon , oncle et grand-oncle com m u n , qu’elle
prétendoit être décédé à Passy près P aris, dont la veuve De^
peyre dem andoit le partage.
>
O n lui opposa que pour dem ander le partage d’une succession,
il falloit établir, i°. le décès de l’individu de c u ju s;
..j2 0. Q u ’il n’avoit pas laissé des héritiers plus p ro ch e s;
-,
5 °.
Q u ’il avoit laissé une fortune quelconque.
O n ajouta qu’il étoit de notoriété qu’Antoine Gom ichon avoit
jadis entrepris un co m m e rc e de bœufs , qu il y avoit fait de
¿nauvaises affaires, et que se voyant accablé de d ettes, il s étoit
expatrié pour se soustraire aux poursuites de ses créanciers.
L a Vcuvu D cj ,oyrc , convaincue par ces raisons , se rendit
justice : elle se départit de son action ; et un jugem ent contra
dictoire , du 5 ventôse an 12 , donna acte de c e départem ent,
et ordonna que les héritiers Gom ichon défendroient au fo n d ,
dépens réservés.
;
C ette réserve des dépens est un peu étonnante, d’après le dé
partem ent prononcé juridiquem ent de l’action principale q u i,
jusqu’a lo rs, avoit occupé les parties ; mais ce qui est encore
plus éto n n a n t, c ’est que les héritiers Gom ichon ont été con
damnés depuis à ces mômes dépens , com m e on le verra par
la suite.
'
<n
Q u o iq u ’il en soit, les parties ont ensuite procédé sur l’objet
de la contestation rela tif à la transaction du 22 juin 1763,, dpnt
la veu ve D ep ey re dem andoit la nullité.
>,.
?
Les héritiers G om ichon l’ont soutenue non recevable dans
cette demande en nullité , attendu qu’elle avoit ratifié cette
transaction , soit par la dem ande.qu’elle avoit fon n ée conjoin
tem ent avec sorç^nari.^le 1.6 avril 17 87 , jten da nte, à fu i>e déclarer
pette transaction exécutoire contre les enip.n$ G o m ic h o n c o m m e
�'e lle l’étoit contre le u r p è r e , soit par la quittance notariée du ig
avril 1788, de tous les intérêts du prix de la transaction, échus
jusqu’alors.
'Nonobstant ces moyens qui sembloient d écisifs, il est inter
venu un second jugem ent contradictoire, le i 3 fructidor an 12,
q u i, sur le m otif que la ratification de la veuve D epeyre n’étoit
pas form elle, « sans avoir égard à la fin de non-recevoir pro« posée par les héritiers G o m ich o n , déclare nul l’acte du 22 juin
« 1763 , qu’on date mal h propos du’- 22 juillet. »
C e m êm e jugement joint au fond une demande en provision
qui avoit été formée par la veuve D epeyre.
E t pour être lait droit sur les fins et conclusions de la de
manderesse , ordonne tjuc
parties en viendront à l audience,
tous dépens réservés.
Ce jugem ent a éîé signifié à avoué le 26 floréal an i 3 ; et les
choses sont restées dans cet état j u s q u ’a u 2 juillet 1 8 0 7 , que la
cause portée de nouveau, à l’audience, il est intervenu un troi^
sièmè jugem ent conçu en ces termes :
j : ’ « L e tribunal donne acte de la déclaration faite par M e. M eu« nier, qu’il n’ a plus charge d’occuper pour les défendeurs;
« donne défaut contre eux ; pour le profit, tient l’instance pour
l €( reprise ; les condam ne à rendre com pte de la gestion qu’il
« a eue dé la personne et biens de Françoise Gom ichon ; à le
« présenter et affirm er dans le m ois, p ar-d evan t le président
cc du tribunal ;
« Les condam ne à se désister des biens immeubles revenans
« à l a d i t e G o m i c h o n d a n s les s u c c e s s i o n s de ses père et m ère,
« avec restitution dus jouissances, telles qu’elles seront fixées
« par experts ;
cc Condam ne lesdits défendeurs a u x dépens liquidés à 435 f .
cc 5?. c. , au c o û t, levée et signification du présent jugem ent, nCe jugem ent a été signifié à avoué le 8 juillet dernier, e t i
dom icile le 21 du m êm e mois.
�'> L es héritiers G om ichon ont interjeté un premier appel au domi
c ile élu par la veuve D e p e y re , le 5 août dernier: ^ tant de c e
dernier jugem ent que du précéd ent, du i 3 fructidor an 12 , et
-ils ont réitéré ce t appel à son d o m icile, a ve c assignation èn là
C our d’appel à R io m , par exploit du 26 septem bre dernier. ..
Ils ont, par un autre exploit du m êm e jo u r, dénoncé à Jean
et Joseph D e p e y re , et à la femme Arm et et à son m ari, lesdits
D ep eyre enfans et héritiers de Pierre D e p e y re , les poursuites
exercées contre eux par Françoise G om ich on, leur m ère et bellem ère , avec sommation de les faire cesser, sinon, et à défaut de
c e f a ir e , ils ont protesté de les rendre garans et responsables
de tous les évènem ens et de toutes pertes, frais, dépens, domjn ages-intérêts.
D ans cet état de choses, les appelans dem andent au co n se il,
i°. Si leur appel du premier ju g em en t, du i 3 fructid or an 2,
Cst recevable et fondé?
20. Si leur appel du second ju g e m e n t, du 2 ju illet 1807, est
¿gaiem ent recevable et fondé?
-
3 °.
Et subsidiairem ent, dans le cas où le prem ier jugem ent
seroit confirm é, si le second pourroit l’ê tr e , soit dans la dispo6ition relative au com pte de tu telle,
Soit dans celle relative au désistement prononcé contre les
appelant ,
Soit dans ce lle relative à la restitution des jouissances,
Soit enfin dans celle relative aux dépens?
4 °* E n fin , si les héritiers Gom ichon sont en droit d’exercer
une action en garantie contre les héritiers D ep ey re, et jusqu’où
doit s’étendre cette garantie?
�( 9 )
L e SOUSSIGNÉ , qui a vu et examiné le mémoire i con
sulter ci-dessus et des autres p a rts, ensemble toutes les pièces
du procès, e s t d ’ a v i s , sur les différentes questions proposées,
des résolutions qui suivent.
' Sur la prem ière question, qui consiste à savoir si l’appel des
héritiers G om ichon, du jugem ent .du i 3 fructidor an 12 , est
recevable et fondé , le soussigné estime qu’il y a lieu de se dér
cider pour l ’affirmative.
D ’abord il ne peut pas y avoir de fin de n o n -recevo ir à
opposer aux héritiers G om ichon contre ce t appel.
L e jugem ent est a la vérité d u x3 fructidor an. 1 2 ; mais il
n’a été signifié qu’à avoué le ’20 floréal an i 3 , et il ne l’a été
dans aucun tem p s'à dom icile. O r , il n’ y a que la signification
à dom icile qui fasse courir le délai de tro is mois , accordé pour
interjeter appel d’un jugem ent contradictoire.
O’est ce q u i est textuellem ent décidé par l’ article 14 <je Ja
loi du 16 août. 1790 , dont là disposition a été expressém ent
renouvelée par l’ article 443 Jdu Code de procédure actu elle
m ent en vigueur.
C et appel est égalem ent fondé.
C e jugem ent, sans avoir égard aux différentes approbations
faites par la veuve D ep ey re, de la transaction du 22 juin 176 3 ,
a déclaré cet acte n u l, sur le fondement que ces approbations
n étoient pas une ratification assez form elle.
■ L e s p r e m i e r s j i i g e s ont p en sé, et avec raison, que le traité
du 22 juin 1763 étoit nul dans son principe , respectivem ent
à Françoise G om ichon, parce qu’il ¿toit fait par le mari seul, et
q u il comprenoit des droits immobiliers appartenans à la fem m e.
Si ces droits immobiliers eussent été situés en coutum e d 'A u
v e rg n e , ils auroient encore eu raison de regarder com m e sans con
séquence les différentes approbations que Françoise G om ichon
B
�(
IO )
auroit pu faire du traité de 176 3 , parce que ces droits immo
biliers étoient d o tau x, que la loi les auroit rendus inaliénables,
et que dans c e cas elle n’auroit pu approuver c e traité et le
ratifier valablein nt qu’après le décès de son mari”.
M ais les biens im m eubles dont il est question dans ce tra ité ,
étoient situés sous l’empire de la coutum e de Bombonnais >
et cette coutum e les rendoit aliénables , avec le consentem ent
de la fe m m e , d’après ces expressions de l’article 225 de cette
coutum e : « Mais il ne peut ( le mari ) vendre ni aliéner les
«.t héritagesd e sadite fem m e, sans son -vouloir et consentem ent.»
D ’où il résulte qu’il ne faut dans cette co u tu m e, de la part
de la fe m m e , p o u r . rendre l'aliénation valable, que la preuve
de son vou lo ir e t consentem ent.
E t cette disposition est la m êm e, soit que la fem m e soit
m a r i é e e n coutum e u ' A uvergne , ou qu’elle le soit en coutum e
de B ourbon nais, com m e l’attestent un acte de notoriété de la
sénéchaussée de Bourbonnais, du 6 juillet 170 6, rapporté par
A u r o u x , sur l’article 238 de cette co u tu m e , et le dernier co m
m entateur de la Coutum e d’A u v erg n e , sur l’article 3 du titre
14 , tome 2 , page 225.
Ces premiers principes une fois posés, il ne s’agit que de
savoir si le vouloir e t consentem ent de Françoise Gom ichon sont
suffisam ment établis par les actes que les appelans rapportent.
L e premier est la signification juridique, faite par le mari et
la fe m m e , de ce t r a it é du 2 2 juin 176 3, à Marie L afon t, en
qualité de tutrice de ses enfans, héritiers de Jean G om ich on,
leur p è r e , avec assignation devant le juge des lie u x , pour voir
déclarer ce traité exécutoire contre e u x , com m e il l’étoit contre
leur p è re ; en conséquence, se voir condam ner
leur pa_yer la
somme de Goo francs portée par ledit acte , avec intérêts et
dépens.
C et acte n’a pas besolndc com m entaire : Françoise Gom ichon
ne pouyoit pas m ieux exprim er son vouloir e t conscntemene
�(
II )
à tout le contenu au traité du 22 juin 176 3, qu’en en deman
dant elle-m êm e l’exécution en justice, conjointem ent avec son
m ari, contre la veuve et les héritiers de celu i qui l’avoit souscrit.
Mais cette prem ière preuve du vouloir e t consentem ent de
la fem m e D ep eyre a bientôt été suivie .d’une seconde preuve
encore plus énergique.
,
L e 19 avril 178 8, Françoise G om ich on , tant en son nom
propre et privé , que com m e fondée de procuration de son m ari,
a réglé compte avec Antoine G om ichon, l’un des appelans, de
tous les intérêts qui étoient échus jusqu’au jo u r , du capital
de 600 francs, porté par le traité du 22 juin 1763.
. Ces intérêts se trquvèrept m onter, les retenues .légales dé
duites, a la somme de 600 Tranca, qui fut com ptée à Françoise
G om ichon , qui en consentit quittance devant G a n ilh , notaire
a u , bourg de Çhajinargue, « sans préjudice à elle des 600 fr.
« jde capital ,^et des intérêts qui pourvoient en échoir à l’avenir,
ce jusqu’à parfait p a y e m e n t, et de son hypothèque. »
r ¡Q,n,a yu ,q u ’jl ne; falloit;.,Men.coutum e de Bourbonnais ..pour
Valider :l’aliénation faite par le mari des biens de sa fe m m e ,
que son 'vouloir e t consentem ent.
¿O r, ici. ce vouloir e tl consentem ent sont exprim és de la m a
nière la plus absolue, et dès-lors l’acte de 1763 doit être consi
déré com m e aussi ; parfaitem ent régulier que si Françoise
Gom ichon y avoit paru, puisque tout c e qu’elle auroit pu faire
auroit été d’y donner son vouloir e t consentem ent, com m e
elle l’a fait par la demande en déclaration de titre exécutoire
du 1G avril 1787, et par la quittance notariée du 19 avril 1788.
C e seroit vainem ent que la ve u ve D ep eyre croiro it, pour
justifier les premiers ju g e s, pouvoir tirer parti de la disposition
de l’article i 338 du C o d e , sur les ratifications, car c e t article
prononce encore form ellem ent sa condamnation.
I Après avoir d it, en e ffe t, dans quelle form e et dans quels
termes ¡doit être, conçue la ratification d’une obligation, pour
<kre v a la b le, la loi. ajoute ;..rn
■„¡j
B z
�( 12 )
« A défaut d’acte de confirm ation ou ratification, i l suffit
« que l'obligation soit exécutée volontairem ent, après l’époque
'« à laquelle l’obligation pouvoit être valablem ent confirm ée ou
’« ratifiée; »
Ici les parties étant régies par la coutum e de Bourbonnais,
l’acte du 22 juin 1763 pouvoit être valablem ent confirmé et
ratifié dans tous les tem ps, à la d ifférence de la coutum e d ’Àu.vergnè , qui n’auroit permis de le confirm er et de le ratifier
q u ’après le décès du mari.
1
'D è s -lo ts f, à défaut d ’acte de confirmation ou ratification, il
suffisoit que l’acte lu t ex écu té 'volontairement.
1
" O r, on ne peut pas nier que le traité'de 1763 n’ait été e x é
cu té volontairem ent par Françoise G o m ich o n , soit par la de
m andé du t6 avril 178 7, soit p a rla quittance du 19 avril 1788.’ E t co m m e aux term es de c e mente article « la confirm ation,
«¡■
‘ratification ou exécu tion v o lo n ta ire, ‘dans les form es et à
« l’époque déterm inée par la lo i; emporte la rénonfcihtîon' a u x
I . J.
,
.■ 1 ■
V
•>
« m oyens et'excep tio n s qu on pouvoit opposer c ô iitrë c fe tà c te ,
te sans préjudice néanmoins aux droits des tiers,
il en résulté
que Françoise Gom ichon est absolum ent non récevable à revenir
contre ce traité du 22 juin 1763, e t’ q u e 'le jugem ent1 qui l ’a
déclaré nul ne’ peut subsister.
: ,•
E t c ’est ùn grand’ borilieùr qüé: cela"soit ’ainsi. O n verra par
la suite.com bien ce traité étoit p ré cie u x pour1toutes les parties*,
et avec quelle vérité les- rédacteurs de cet acte ont dit dans le
préam bule, « q u e toutes leurs demandes et p o u r s u i t e s mettroibnt
«
«
«
«
les parties'dans le cas d avoir plusieurs sentences et arrêts de
l'a! Cour de p a rle m e n t, qui aiiroient pu occasionner la pt^rte
totale dé leurs biens : . ‘
. pour à q u o i'o b vier, elles
o nt'traité et transigé , etc. »
• • "
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1 ï •i lj. : ■
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0
Sur la seconde question, q u i a pour objet tle savo ir si l’appel
du jugem ent d ira ju illet i8Ô7Jest égalèiiïént rèdCviiblë ët fondé»
il y a aussi lieu de décider affirmatiVententi0^ i:^
1 '■ ’
�.
. .
( 13 )
D ’abord, il ne peut pas y avoir de fin de non-recevoîr à
opposer aux appelans ,
Soit parce que ce jugem ent, à la rigueur-, dévroit être ré
puté com m e non avenu, aux term és'cle Paiticle i 5 6 du Code
de procédure , "attendu qu’il est rendu par défaut / et qu’il V a
pas été mis à exécutidii ‘dans" le s 1 six mois’ de son obtention’,
n ’ayant été signifié qu’au 'm o is de juillet "i8oç);;
Soit parce que les appelans ont interjeté leur appel presque
immédiateriïënt a p r è s la signification qui1 leur en1 a été faite.
J A u fond ; l’appel est fondé.
^
11<J.'
‘
'[
r C ’es'f une Conséquence fok^ée dé c e 'q u i à été dit précédem
m ent sur l’iippcl du jugem ent du i 3* fructidor an 12.
12
Si en e fle t il est démontré q ù e c e prem ier jugem ent a mal
à propos annullé le traité du 2.2 juin 1763, et que c e t'a c te doit
conserver toute sa force et vërtu ,ntb u ïné^ti;térmihÔcBritro- les
partiesî "¿¿“ toutes le s 1 condàmtliiàtionâ‘ •prononcées rcbntre'''les
appelant par le" second j u g e m e n t 1/ t o m b e n t ;d’ëites-mémefe ;et
.
*
; r:'' '•■)!/
, ! ;\
. ...
disparoisaent.
.
.
. \
Mais coinmev e n ‘Cour souveraine i r faut1 d é fe n d re ^ toutes
fins, il nous reste à ex’a ttiiner subsidiairemenli quèï s e rb it'le
sort dés1^£imès:'dans‘ léfrcas ôîfi,1 ¿ïm'tr&Mtbût£{m èt/ië1? lé ju g e
ment d ü ;i S fructiidoi;>a ri',i2 ,:i^u:i d éciarë’ Ie''tfaîtë nUI:,:!Wroic
confirm é. ..
f t n o ^ n io O Ooicntîjvrl 1; i:o;U;.<0: >
f Les psarti'è4uréntr,é rôient RâIors *'dâns°l& d^düle'dês3discuksiôns
qu’elles ont'voulu éfeiridrè par cè traité."0
«
...
_ *
■
-I' .J--' 1. »t
r. .................
'.
. ,. -* • : : * . • - . J
titres et les procédures qui auroient ' pu Jdil moins 'répandre
quelques't’i 'âits'de lum ière ddnii
chàbs? ! n
01 t' i,v{
Q uoi qu'il 'en3soit,*si*lé^ partWô^sônt'jà^Uis;forcëesr d1én ré&
�C
1.4 0
venir à ces anciennes contestations, il faudra du moins com
m encer par infirm er toutes les dispositions de ce dernier jugem ent
jdu 2 juillet 1807.
■ ,r ...
/
L a prejnière est conçue en ce s,te rm e s:
. ( ce. Les condam ne à rendre com pte dp la gestion que leur père
« a eue de la personne et biens d e F ra n ço ise G om ichon ; à le
« présenter et affirm er dans le mois , par-deyant le président
a du tribunal. »
.
O n a vu dansées fV ts que si Jean Gom ichon avoit été tuteur
de Françoise G om ich on , sa co u sin e, Silvain G om ich on, père do
ladite F ran çoise, a vo i^ lu i-p iém e été tuteur de Jean Gom ichon,
son neveu ;
"r . '
«
!
• ;
Q ue Jean G o m ich o n avoit form é dem ande à Silvain G om ichon,
en reddition de ce com pte(de tu te lle , le 23 janvier 1745;
Q u e par. une s e n t e n c e du çbÛtelaill de ^Ontll^ÇOn , du 2.4 matS
de,la mjâmp année, Silyain G om ichon avoit été condam né à rendre
çp -compte , sipon ,à payer à son neveu .3ooo fr. ppur( re liq u a t,
avec intérêts et dépens ;
■
1
Q ue ee com ptô n’a jamais été rendu ; que dès-lors cette somme
de 3 ooo francs étoit censée acquise à Jean G om ich on , ^ v e c les
intérêts depuis 1 7 4 ^ jusqu’en 1763, que les pprtie^pi^t transigé
tant sur
compte- de ^tutelle que sur celuij <jue dçvpit Jean
G om ichon à Françoise G o m ich o n , sa cousine.
D ’après ces faits* ile s tc la ir que les juges de prem ière instance
n’ont pu a n n u l l e r ce traité de 176 5, sans l’annuller pour toutes
les parties 5rique çhacun a dû rentrer dans
droits ^ que. d^siors ils n’ont pu. ordonner que les héntipr^rendroient le çomptQ
de tutelle dem andé,pfir Françoise Ç om ichon , et qu’ils le préçenteroient et affirm erpient d 4Ils.(le mois,, par-devant le président
du tribunal, sans ordonner en m êm e'tem ps que Françoise G o*
I ' 1 •
'
. . • t>1 •I' :•1 .
r. , '., u ^ ‘
inlchon ren d rp lt, com m e héritière de Silvain Gom ichon . son
p è r e , le compte de tutell^ (I14 à Jean g o m ic h o n , dqnt il avoit
.1
. .
,
étfi fMt^ü^ftntérieiir.çment,
'
«
i
i
»
.
'
, /.
,
*
- *»1
,
7
d ^ a u t d^. ce ^ le jugem ent
�( i5 ï
1 ;.-'ïr» r-o r;oiii.
. o/'V) ?riri v..-;.
i
du 24 mars i y 4 5 , qui condamnoit ledit Silvain ÇJomîchon à
5ooo francs pour reliquat, avec intérêts et fra is, seroit exécuté
selon sa form e etrteneyr,
^ ;.... .
,(f .
Indépendamment que ce mode,de prononcer sur ce c h e f entre
les parties, étoit de d ro it, puisque les. parties se devoient res
pectivem ent un jotiÇfipîerdpjtute^le^ ç^îj.uç Je-traité annpllé avoit
également, ç.e compte -respectif pour objet, François,ç Gomichon.
y avoit elle-même doni?^ les m a in s , en ç e quç par sa cédule en,
conciliation / du 9 mars. ijq 5 \ elle avoit c o n d u jc au règle,meiit
« et reddition du com pte de tutelle que leu Jean G om ichon, son
« cousin , a eue de sa personne et b ien s, çt de. celui que ladite
cc r e q u é r a n te p *” * ■
‘ i*’ *'***''
t h i j île Jeu Silv&in l Gçtnic/10/i. »
Ce prem ier c h e f du jugem ent du 3 juillet, 1,807^ contient, ençpre
un autre m al-jugé m anifeste, en ce qu’ihest établi .par le,traité,
du 22 juin 176 3 , que Jean G om ichon qyoit fourn^spn com pte,
à Françoise Gom ichon le i 3 août 1769, et que celle-ci et son
mari y avoient fourni des débats le- 23 du m êm e mois
D ès qu’il existoit un compte de tutelle re n d ^ e t débattu, les*
premiers juges ne devoient pas condam ner les appelans à . rendre
ce même com pte r et à le présenter et affirm er dans, le mois ,
devant le président du tribunal; ils devoient seulem ent ordonner
que les parties procéderoient en la forme ordinaire à l’apurement
du com pte rendu et débattu en 1769.
C e premier c h e f du jugem ent du 2 juillet 1807, n e^ o u rro it
donc manquer d’être infirmé sous un double point de vue, quand,
par im possible, le premier jugement du i3 iïuctid or an 12 , q u i(
annulle le traité du 22 juin 176 3 , seroit confirmé.
:r.
"i
Il en seroit nécessairement de m êm e de la seconde disposition
de ce jugem ent, ainsi c o n ç u e :
« Les condam ne à se désister des biens im m eubles revenans
« à ladite G om ichon, dans les successions de ses père et m è re,
« avec restitution des jouissances telles q u e lle s seront fixées
<< par experts. »
�C 16 )
Il faut distinguer dans çettec’(iispo3Îtion ce qui est relatif ali
‘ cle’â1i'rhm'eüiîlèâ, V i'c e 'q u i ’ë st relatif1a la 'restitution ’
E t d’abord, en ce qui est du désistement de^ im m éübles,T a'
disposition de ce jugéfrlënt ne peut se soutenir [‘ par plusieurs
faisons égalem ent décisives. f'
; ‘
'
1
lia prem ière âë tire dê 'ce’ que ¿éttè'^dëmande 'éii désistem ent
¿ ‘'été' fórfnée’'Và(;uèmeAt Yn 'gïobo , J« dés biens’im m eubles pro
ci ventié d e s 's u c c e s s io n s 'd e ’- ¿ es’ pèrè ê t ' i i i è r e » ; 1 tandis que
r ô r‘d orinaiicéRde *'16677 ¿oils l’empire ^de laiqùelle Ta' dem ande a
¿té fo rm éel’ pbrtfÿit éxpressém ent'1, article 5 'du titr e 'g , que dans
toute dëm ànde en m atière réelle ou désistement d’ im meublës,
l’ exploit de dem andé devoit co n ten ir, à peine de n u llité , le
ïVcJttf,rTa3situdtiônyià1 Contenue, les teriâns et aboutissans, et la
lia ture aVi J m om en t/le l'exploit dé chaque héritage dont le f
dësïstëmêtit"'étbit demiittdé ;
'3
*■
Disposition qui'a été im périeusem ent renouvelée sous la même
peinéf‘1dë n u llité , par l’art. 64 du nouveau Code de procédure.
?/En sdcond liéü , leâbiëns d e là maison Gom ichon étoiènt restés
indiVik!;JSilVain Gomichori1^' péré de la veuvé D ep eyre , les a.jOiiisTqng-tëmps bn'tôtalité pendant sa tutelle de Jean Gom ichon,
i Ji. i ; •
ii,r
'i.
son neveu.
I l a m ô m e continué d’en jouir après l’ém ancipation de son
n e v e u , jusqu’à sa mort arrivée en 1748.
‘
11
■ J e a n , »de son c ô t é , devenu tuteur de là fille de S ilv a in , en
ar joui à son tour, t o u j o u r s p ar i n d i v i s ; e t le s c h o s e s étoient en
c e t état nu m om ent du traité du an juin 1763.
D ans cet état de choses , en supposant le traité de 17G3 anm illé , Françoise G om ichon ne pouvoit pas form er contre les
représentais de Jean G om ichon une demande en désistem ent,
mais une action en partage dés biens indivis, qui est la seule
je ç u e entre cohéritiers. 1
f
£,a-jurisprudence dò l i C òiir óst constante à cet ég ard ; elio
•
ttnnulle
�( *7 )
emnulle journellem ent de pareilles dem andes en désistem ent, e î
renvoie les parties à se pourvoir par l’action en partage.
C om m ent, d’ a illeu rs, les appelans pourroient-ils aujourd’hui
exécuter c e jugement? D e quels objets pourroient-ils se désister,
lorsque tous les biens de la fam ille n ’ont jamais cessé d’étre
divisés ?
Sur quelle base pourroit se faire ce désistement? Q u elle est
la portion que Françoise G om ichon prétend lui appartenir dan9
ce s biens? E st-ce le tiers , le quart, la m oitié?
A u ra -t-elle le choix de la maison, du jard in, de telle ou
zelle nature de biens?
O n sent que tout ce la seroit absurde, et qu’en pareille ma
tière il n 'y a de ju ste, de raisonnable, de possible dans l’exér
c u tio n , que l’action en partage.
C e c h e f du jugem ent relatif au désistem ent des im m eubles
ne peut donc encore m anquer d ’étre infirmé.
Il ne. peut pas m ieux se soutenir dans la partie de cette dis-,
p o s itio n qui est relative à la restitution des jouissances.
E n e f f e t , cette disposition est encore v a g u e , indéfinie ; on
ne voit pas quand cette restitution doit co m m en cer, et quand
elle doit finir.
Cependant cette explication n’est pas indifférente.
.O n ne peut disconvenir que le traité du 22 juin 176 3, quand
il seroit annullé pour Françoise G o m ich o n , ne doive avoir sa
pleine et entière exécution pour Pierre D ep ey re, qui a vo it,
com m e m ari, l’usufruit des biens de sa f e m m e , et qui a pu
valablement traiter de ce t usufruit.
Il n’y auroit donc, m êm e dans la supposition de l’annullation de c e traité , aucune restitution de jouissances à prétendre
d e la part de Françoise G o m ich o n , depuis 176 3, époque du
tra ité , jusqu’en 1790 qu’il est décédé ; ce qui dim inue.de vingtsept ans la restitution vague et générale prononcée par le juge*
ment dont il s’agit.
G
�- On pourroit ajouter que dans tous les cas il n ’y auroit encore
pas lieu à cette restitution de jouissances y depuis, le décès dé
P ierre D e p ey re, jusqu’au mois de septembre 1793, que Fran
çoise Gom ichon a formé sa demande én ar.nullation du traité
de 1763, avec d’autant plus de raison, que les biens dont* il
étoit question dans c e traité étoient situés en Bourbonnais , 'où
l ’aliénation en étoit p e rm ise , et que le traité de 1763 étoit par
faitem ent connu de Françoise G o m ich o n , puisqu’elle l’avoit app ro m é en 1787 et 1788.
:
f
Il ne reste qu’à dire un m ot sur l’article des dépéns.:Ili'
L es appelans y ont été condam nés indéfinim ent et une
grande partie de ces dépens avoit eu pour objet la demande en
p aitage de la succession d'Antoine G o m ich o n , dont elle avoit
été obligée de se d épartir, et dont le départem ent avoit été h o
m o l o g u é par un jugem ent contradictoire du 3 ventôse an 12.•
C est donc dans tous les points que ce jugem ent ne peut
m anquer d ’étre infirm é ; il faut m êm e convenir que la rédac
tion en seroit inexcusable, si on ne considéroit qu’il a été rendu
par défaut contre les appelans ; c e qui doit aussi faire disparoltre toute espèce de préjugé que pourroit faire naître ce tte
prem ière décision.
»
'‘
tf
S u r la dernière question du m ém oire, relative à l’action en
garantie contre les héritiers D e p e y r e , et sur l’étendue de ce tte
garantie , le soussigné estime que cette action est fo n d é e , et
que l’étendue de cette garantie n ’a d ’autres bornes que le quan
tum interest des héritiers Gonichon.
II
ne faut pas perdre de vue qu’on raisonne toujours dans
la supposition invraisem blable que le jugem ent du 1 3 fructidor
an 12 , qui annulle le traité du 12 septem bre 176 3 , soit
confirm é.
P ierre D epeyre a stipulé dans ce t a c t e , ta n t en son nom
qu’en q u alité de m ari et maître des droits et biens dotaux de
�(
*9
)
Marie - Françoise G om îch on, son ép ou se; e t à Vexécution et
e n t r e tellem ent
de tout le contenu en cet a c t e , i l a obligé
tous ses biens présens e t à venir.
,
;uEn contractant ce t en gagem en t, il s’est soumis à toutes les
conséquences qui en pourroient résulter; il a promis de faire
valoir cet acte dans tout son contenu ; dès - lors il est devenu
garant de tous les effets de son inexécution, j
O r , quels seroient les effets de cette inexécution , dans le
plan ■
de la veuve D ep eyre? D e nouveaux comptes de tu te lle ,
l’éviction des biens alién és, des restitutionssd e jouissances qui ;
suivant ses prétentions,, monteroient à ¡plus d’ un d em i-siècle,
et d’énormes dépens. :..Mj '
r-'
T ous ces effets devroient être supportés par les héritiers
D ep eyre.
.; J
< .
;
.
:î •
• j tÇ ’ e s t 'ainsi
que le t décident; Jes anciennes, et les nouvelles
lois. Evicta res e x empto actionem a d pretium d u n ta xa t recipiendum , sed a d id (¡uod in terest, cornp etit. L oi 70, au dig.
d e 'e v iè tiw '
m
i
Rousseau de la Com be, au m ot éviction, n°. 6, explique c e
ç u o d interest en ces termes :;;
„ /'.« En cas d’éviction , l’acquéreur peut dem ander au ven d eur,
« non-seulem ent la restitution du p rix , mais aussi ses domcc mages - in té rê ts..........................tout le profit que l ’acquéreur
cc eût reçu de la ch o se, si elle ne lu i avoit pas été évincée.
:E t le nouveau Code en^ donne une définition encore plus
e x a c te , article i 65o , qui est conçu en ces termes : x
r: cc Lorsque la-igarantie'à été prom ise, ou q u ’il n’a rien été
cc stipulé à c e s u j e t , si l’acquéreur est é v in c é , il a droit dû
« demander contre le v e n d e u r,
1
~
<c 1®. L a restitution du p rix;
;;•« 2°^ Celle des fru its, lorsqu’il est obligé de les rendre au
<1 propriétaire qui l ’évince ; .
1
cc .3 °«!:Lés frais faits sur l a ;demande en garantie de Tacher
çc te u r , et ceu x faits par le demandeur originaire ;
C 4
�C‘ 2 ° X
« 4°. Énfin les dommages «intérêts, ainsi qué les frais, e f
« loyaux coûts du contrat. »
V/\v
C e seroit vainem ent que les héritiers D ep eyre voudraient
exciper de c e que la cession faite par Pierre D ep eyre à Jean
Gom ichon-, de tous les droits m obiliers et im m obiliers de sa
fem m e , l’a été aux risques, périls et fortunes de ce dernier.,*
sans autre garantie de la part de Pierre D ep eyre que celle, d e
ses faits et promesses.
>
- >
>
i .
■
: >, >
- Il est évident que ce qui est aux risques , périls et fortunés
de Jean G o m ich o n , c ’est île plus ou,m oins de valeur des objets
cédés ; c e sont les dettes des père et m ère de Françoise G o
m ichon , qui dem eurent aux risques et périls de Jean G om ichon
sans répétition contre D ep eyre et sa fem m e, iM ais au m o y e n de la garantie de ses faits et prom esses, g a
rantie qui étoit d’ailleurs de d ro it, et au m oyen de Rengage
m ent <1« foire exécu ter e t entretenir ce t acte dans tout son
co n te n u , il s’est incontestablem ent soum is à le m ain ten ir, à
le faire valoir envers et contre tous, et par conséquent àto u té»
les suites que pourrait entraîner son inexécution.
C e seroit e n co re en vain que les héritiers D epeyre préten
draient qu?il n’y a lieu , dans l’espèce , pour toute garan tie, qu’à
la restitution des deniers , parce que Jean G om ichon connoisso itle v ice du traité, en ce qu’il traitoit des droits de la fem m e
D ep ey re avec son m ari, en l’absence de cette d ern ière, et qu’ic i
Le prix du traité de 1763 n’ayant pas en core été payé , cette
garantie devient illusoire.
'1
: ‘ Ce m oyen seroit p eu t-être proposable, s’il s’agissoit d’un bien
d o tal, situé sous l’empire de la 'coutum e, d’A u v e rg n e ,'à raison
de l’inaliénabilité rigoureuse des biens dotaux, fondée sur un
statut négatif prohibitif.
" *’ T •' »
. E ncore les opinions étoiont-elles d iv in e s su r'ce lte question;
et la plupart des jurisconsultes regardbient, dans c e c a s , le
m ari com m e passible des dom m ages-intérêts<de l’a ch e te u r,
'n;J
•>:!.'1 z j ; j : . , nr- »
v
�( ar )
parce qu’il- rï’étoîf* p a s'e x c u sa b le Jd’avoir‘contracté d e se n g a g e mens^qu’il'n ’ëfoit 'pas çn ^ tat'd éfin ir-,^ eti'q u è ces1eirigâgemens
ne pouvoient pas: étré ;lb jouet des verïts.°J an ni) f ni! 1, . iio:
M a is'ïci'lès-b ie n s1 qui drit-'dortrië !liç.u a u tra ité tdë iy 03 , sOM
situés sous l’em pire de la coutum e de Bourbonnais*1 Lès-bien»
dotaux, dans cette co u tu m e, sont soumis au droit co m m u n ;
ils sont aliénable^ com m e ides^bieiis "'de-toute a'ùtrë n a t u r e l
O r , dans le droit com m un , une vente q u e lc o n q u e , m êm e
«T-J \
<r
du bien d’au tftii{ld6nriOTt lieu à des dom m ages-intéréts, lorsque
l ’acquéreur se trouvoit évincé par le véritable propriétaire.
R em cilienam distraliere quem p o sse, nulla d ub italia est t
nam em ptio est, e t v en d itio ; sed res ernpton a u fen potest.
Loi 28, au dig. D e eontralunda cmplione.
f^endita re aliéna , disent les interprètes, tenct contractus
in prejudicium v en d ito ris, non dom ini.
en dit or de evictione tenetur.
« La chose d’autrui peut être v e n d u e , et la vente en est
« v a l a b l e , dit D espeisses, tom. i er.,p a g e 1 4 , n°. 7> à Ce que
« le vendeur soit tenu d ’cviction. »
Rousseau de la Com be nous dit a u s s i, dans son R ecueil de
jurisprudence, au mot Vente , section i re. , n°. 2 , que « q u o i« que la vente du bien d’autrui soit valable , à Veffet de la ga« rantie de Vacquéreur contre son v en d eu r, l’acquéreur peut
« être évincé par le propriétaire. »
C ’étoit donc un point constant et de droit com m un dans
notre ancienne ju risp ru den ce, que le ven d eu r, même du bien
d’a u tru i, ne pouvoit être à l’abri de l’action en éviction , et
des dom m ages-intéréts dûs à l’acquéreur.
Au surplus, les héritiers D ep eyre peuvent ici d’autant moins
échapper à cette a ctio n , que Pierre D ep eyre n’a rien fait que
du/vouloir et consentem ent de^sa fem m e , com me.lü: p ro u v e ^
]a .dem andec:dur,i;6 a v r i l s 787.,;e t lia «jujftançç
que s’il y avoit, com m e-oadeisuppose.^ ¿atia.'l'ecjügement du i3
�V
( 2 2 )
fructidor. an 12 , insuffisance ,dans c e s :deux, ratifications cette
insuffisance seront du; fait ¡de ;Pier r e D e peyre a t t e n d u qu’il ne
tenoit qu’à l u i , dans tous les tem ps, de l a rend re.plus fo rm e lle ,
plus parfaite , et telle que c e. traité, de 1763 f u t à l ’abri de
toute atteinte.
f.
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C le rm o n t:F e rra n d ,.le 2 octobre 1809,--,;
D É L IBERE
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A R iom de l'imprimerie T H I B À U D ,
imprimeur de la Cour d’appel,e t libraire^'
rue des T aules;m aiso n L A N D R IO T Janvier 1810.. '
;
�
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Factums Marie
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Description
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Title
A name given to the resource
[Factum. Gomichon, Antoine. 1810]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Boirot
Subject
The topic of the resource
successions
coutume d'Auvergne
coutume du Bourbonnais
Description
An account of the resource
Mémoire à consulter, pour Antoine, jean et Louis-Xavier-Silvain Gomichon, appelans, et demandeurs en garantie ; contre Françoise Gomichon, veuve de Pierre Depeyre, intimée ; et encore contre Jean et Joseph Depeyre, N….. Depeyre, et Guillaume Armet, son mari, défendeurs en garantie.
Arbre généalogique.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
de l'imprimerie de Thibaud (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1810
1745-1810
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
22 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0548
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Montluçon (03185)
Treignat (03288)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Relation
A related resource
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coutume d'Auvergne
coutume du Bourbonnais
Successions
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/5/53809/BCU_Factums_M0425.pdf
b087fe33b86257d08158a33637bd24be
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MÉMOIRE
POUR
L e sieur A U B R E T O N , receveur de l’en
registrement et des domaines en la ville
d’A h u n , défendeur en assistance de cause;
c o n t r e
Le sieur H e n r y - C l a u d e B E R M O N D ,
ancien administrateur des loteries , rentier
demeurant à P a ris, demandeur ;
ETC ON TR E
L o u i s J O R R A N D , notaire impérial, habitant
de la ville d’Ahun, défendeur au principal;
EN
De
PRÉSENCE
B E T - B O U Q U E T , habitant de
la ville d’Auzance, aussi défendeur
G aspard
.
V
i c t i m e depuis dix ans de la duplicité de ceux en
qui j’avois placé ma confiance, j’ai su me résigner à mon
sort, et j’ai vu avec le calme de la probité trompée passer
ma fortune en des mains étrangères. Mais ceux qui s’en
A
�(2 )
disputent les lambeaux se croient autorisés à expliquer ma
conduite , chacun suivant l’intérêt qui le dirige. Si ces
explications sont nécessaires à la justice, elles 11e doivent
émaner que de m oi : je,dois la vérité à des magistrats
q u i, j’ose l’espérer, n’auront pu que me plaindre, sans
me retirer leui^ estime. Je la dois encore à nies c ré a n cie rs ,
en retour de la confiance honorable qu’ils m ’o n t accordée,
en me chargeant moi-même de ma propre liquidation.
; U n concours d’événemens plus imprévus les uns que
les autres, m’a plongé dans un abîme où je veux rester
seul. Mes créanciers ne me reprocheront point d’avoir
rien dissimulé de ma position; je leur dévoilerai ce que
j’ai fait et ce que j’ai eu projet de faire. Si je me suis
ab u sé'p ar des espérances chim ériques, ils savent déjà
que les chances du commerce trompent l ’habiJeté comme
l ’inexpérience; et ils ne demanderont de moi que l’as
surance de ne leur céler ni mes ressources réelles, ni
celles de mes opérations qui tendoient à les augmenter.
Je vais donc leur en rendre un compte fidèle; il attes
tera ma bonne volonté, et la foi que j’aurai, autant que
possible, gardée à mes engagemens.
F A I T S .
Je fis l’entreprise, eu l’an 5 , de fournir cinquante
mille pieds cubes de bois pour la marine. L e m a rch é
en fut passé avec le ministre.
Son excellence me fit avancer une somme de 5o,ooo fc.
pour subvenir aux frais considérables de mes premières
avances; et cette somme devoit m’être retenue sur mes
livraisons; c’est-à-dire, par un tiers sur chacune, ju squ ’à
extinction des 5o,ooo francs.
�(
3 )
Je m’empressai aussitôt d’établir sur divers points les
relations qui m’étoient nécessaires. U n sieur L ia is, ar
mateur de Cherbourg, ayant encore une maison d’affaires
à Paris, me fut indiqué, et il accepta ma correspondance;
il faisoit pour moi les avances de fonds sur mes simples
traites, et recevoit pour mon compte les rescriptions du
gouvernement.
M a spéculation eut bientôt épuisé tous mes fonds
disponibles ; je ne recevois plus du gouvernement que
des valeurs qui perdoient jusqu’à 5o pour 100 : elle ne
me fut donc que très-onéreuse. L ’inobservation des or
donnances pendant la révolution , avoit laissé dévaster
les futaies, et les bois propres à la marine étoient singu
lièrement rares ; les propriétaires qui les vendoient de
gré à gré se prévaloient de ces circonstances.
Cependant il falloit fournir au gouvernement pour
couvrir ses avances. D ’ailleurs on espère toujours que
l ’avenir vaudra mieux que le présent; je continuois donc
de fourn ir, et peu à peu j’épuisois mes ressources.
L e «sieur L ia is , indépendamment de ses recettes, se
mit à découvert ►pour moi de 12,000 f r . , qu’il avança
sur mes simples traites ; mais lorsque j’eus besoin de
nouvelles avances, et qu’il me vit livré à l u i, Liais me
parla un autre langage, et voulut des précautions.
P o u r m’avancer 24,000 f r . , le sieur L i a i s , se confor
mant au formulaire des prêteurs de la capitale, voulut
i° . une obligation notariée, pour avoir une hypothèque
spéciale ; 20. des lettres de change pour la môme somme
et aux mômes échéances.
Il n’y avoit pas à hésiter, puisqu’il s’agissoit de remplir
A 2
�(4)
des engagemens; je fis l’obligation, je iis les lettres de
change; j’exigeai seulement qu’ il fût dit dans l’obligation
que par l’acquit des lettres de change l’obligation demeureroit solue et acquittée; d’où il résulte que je n’avois
pas à payer d’obligation, mais bien des lettres de.change.
La seule chose cependant qui me parut e x tr a o r d in a ir e ,
c’est que le sieur Liais voulut faire faire l’obligation
sous un nom étranger; il donna pour prétexte que ces
fonds n’appartenoient point à sa maison de Cherbourg,
et qu’ il ne vouloit pas s’assujétir à lui en montrer l’ori
gine. Les motifs du sieur Liais ne m’intéressoient pas,
il me suffisoit de n’avoir affaire qu’à lu i; et en effet,
il restoit porteur de l’obligation q u i, y compris les in
térêts pour dix-huit mois, fut consentie pour la somme
de 32,640 francs. J ’ai continué de traiter avec lui.dans
notre correspondance et nos comptes ultérieurs, pour
les intérêts après l’échéance.
.
'
L ’obligation avoit été faite sous le nom d’un* sieur
Caillas , musicien , ami du sieur Liais , et habitant la
même maison.
Les lettres de change furent tirées par le sieur L iais,
sous le nom dé veuve Liais et fils, au profit de Caillas
sur m o i, et j’en fis sur-le-champ acceptation pour payer
à échéance.
L e sieur Liais étoit nanti de ce double g ag e, et ce
pendant je n’a vois pas encore les 24,000 francs; je devois
seulement tirer sur lui successivement pour me remplir
de cette somme ; et ma confiance étoit telle envers cet
armateur , que je ne soupçonnois pas môme que mes
traites pouvoient encore lui faire un titre de plus.
�(5 )
Je tirai sur lui pour 12,000 francs d’effets;'il les laissa
protester, sous prétexte que l’obligation n’étoit pas encore
inscrite ; enfin , et après cette form alité, il les accepta.
Je restai en compte courant avec lui , et il est inutile
que j’en dise les détails : je n’avois encore de lui aucune
défiance, v
Je me trouvai à Paris quelque temps avant l’échéance
de robligation. Liais me fit beaucoup valoir les prétendus
services qu’il m’a voit rendus; il me demanda de lui sous
crire , par obligeance, pour 5o,ooo francs de billets à
ordre, en me promettant de les imputer sur l’obligation,
s’i l ‘ne les: retiroit pas«-.;Cette proposition m’effraya ; je ne cru sp a s devoir y
adhérer. Je me rendis à Rochefort.
; ; ,
L ia is , qui étoit instruit.rde ce v o y a g e , m’écrivit à
R ochefort, le 12 prairial an 1.1 , la lettre ci-après, sous
le couvert des Imbert, mes commissionnaires, avec les
quels il étoit aussi en correspondance.
« J ’ai, lieu d’être étonné, M onsieur, de la manière
«
«
«
«
«
«
dont vous en agissez avec m o i, après tous les procédés
que j’ai eus pour vous : vous ne pouviez vous refuser
à me souscrire les effets que je vous avois demandés.
Je vous le répète, si pari défaut de remise de vous
j’éprouvois quelques désagrémens, je ne manquerois
pas de les faire retomber sur vous; vous auriez perdu
«
«
«
..
ma confiance ; et dès ce moment j’enverrois un exprès
pour vous poursuivre, tant pour ce que; vo u s.m e
devez en co m p te cou ran t, que pour l’ inscription. »
L ’obligation étoit du 27 nivôse a m o , et devoit échoir,
�m
ainsi que les six lettres de change, le 30 messidor an 11.
J ’avois-tout lieu de redouter l’effet de la menace qui
m ’étoit faite : je cédai; j’envoyai les 5o,ooo francs de
traites , en réfléchissant qu’elles couvroient ma dette
hypothécaire de 32,640 francs.
L e 28 messidor, deux jours avant l’échéance de l’obli
gation et des six lettres de change, Liais m ’écrivit :
cc T o u t honneur sera fait à vos traites échéant en fruc« tidor.
« Je suis en pourparler avec quelqu’un pour lui subs« tituer votre obligation , qui seroit payable dans les
« termes que vous demandez ; m ais, avant t o u t , l’on
c< désire avoir un nouveau certificat des hypothèques :
« envoyez-moi ce certificat de suite. » Cette lettre, enre
gistrée le 18 nivôse an 13, étoit d’une adresse remar
quable; car, en m’annonçant que les traites de 5o,ooo fr.
seroient acquittées fidèlement, il est clair que je redevenois débiteur de l’obligation; elle me tranquillisoit sur
l'échéance, tout en me prévenant qu’il p o u rro ity avoir
u n transport ; ce q u i , e n core u n e fo is, m’étoit indifférent,
si les traites étoient acquittées ; et tout étoit combiné
pour m ’en donner pleine confiance.
M a sécurité 11e fut pas longue : on me présenta pour
plus de 20,000 francs de traites tirées par m oi, à valoir
sur les rentrées de la m arine, touchées par Liais pour
mon compte , et à cet effet acceptées par Liais ( indé
pendantes de 5o,ooo francs donnés par obligeance )*
Je n’étois point en mesure pour couvrir une aussi forte
somme, parce que rien n’avoit dû m’y préparer. Il étoit
�(7)
clair que le sieur Liais ar ri voit à une faillite ; mais les .
porteurs d’effets étoient fondés à s’en prendre à moi ;
je ne pou vois pas m’en défendre*
Dans cette conjoncture, partagé entre l ’espoir, qui ne
se perd jamais, de venir à bout de mes affaires, et la né
cessité peut-être urgente de déclarer une suspension à
mes créanciers, j’étois dans cette pénible situation d’un
liomme q u i, ne pouvant tirer aucun parti de la confusion
de ses idées, semble implorer les conseils de tout le monde, •
et cependant craint de les demander.
C ’est ici où commencent mes relations avec le sieur
Jorrand , qui parut prendre intérêt à moi avec une fran
chise si cordiale, que je remerciai la providence de m’en
voyer un sauveur dans l’homme de qui j’aurois peut-être
le moins espéré des consolations.
i J ’étois élevé avec l’opinion que la fortune du sieur
Jorrand devoit son accroissement à la mienne. J ’avois
perdu mon père à l’age de dix ans; celui du sieur Jorrand
fut mon curateur et l’administrateur de mes biens : sans
clientelle et sans fortune apparente , il s’occupoit des
affaires de mon p è r e , et travailloit dans son étude lors
qu’ il venoit dans la ville d’Ahun.
L e sieur Jorrand, devenu après son père notaire et
p ro cu re u r, sembloit devoir être mon protecteur par
reconnoissance. Je fus surnuméraire à l’enregistrement,
pour conserver une place occupée depuis un siècle par mes
ancêtres. La régie vouloit me la conserver, et cependant
le sieur Jorrand l’avoit sollicitée et obtenue. A la vérité
cette conquête ne s’étoit pas consolidée sur la tête de
l’ usurpateur ; la régie avoit eu la bonté de penser que
�(
8 )
les démarches de mon protecteur n’étoient qu’ une perfidie,
et ni’a voit rendu presqu’aussitôt la place de mon p è r e ,
en destituant le sieur Jorrand.
Son procédé, dont j’avois à cette époque exprimé l’in
dignation avec toute la vivacité de mon âge, ne m’avoit
pas, comme on peut le croire, disposé à regarder désor
mais le sieur Jorrand comme un ami bien chaud. Il est
vrai que le temps fait tout oublier. La révolution est
venue encore passer par-dessus ce petit événement. L e
sieur Jorrand a été député à la convention ; il a voulu
depuis être receveur général du département; et ayant
fait le voyage dé Paris pour ses sollicitations, il s’est établi
chez mon frère : en sorte qu’insensiblement, et d’occa
sions en occasions, les rapports s’étoient rétablis entre nous
à l’époque à laquelle je viens de m’arrêter. Ils s’étoient
même rétablis au point que depuis quelques années il
vivoit habituellement chez m o i, il y faisoit son étude,
et je n’avois rien de caché pour lui : il sembloit par ses
prévenances vouloir me faire oublier le passé. 'Dans la
p ro s p é rité momentanée de mes affaires, il m’avoit offert
6es soins, sa bourse et son crédit. Je m’absentois souvent
des mois entiers, il faisoit les affaires du dehors comme du
dedans; je n’avois donc pu avoir rien de caché pour lui.
A l’époque de ma suspension, il paya pour moi 10,000 fr.
a M . Fauchier, montant de deux traites que je ne devois
p a s , mais que j’avois négociées à M . Fauchier ( ce sont
les premières traites acceptées par L ia is, qui sont reve
nues sur moi ). Cette som m e, en y comprenant les intérêts
et quelques autres avances, s’est portée à 14,000 fr. lors
qu’il a rédigé l’état de mon passif.
Son
�■'( 9 ).
Son obligeance ne nie sembla donc pas assez étrange
pour que je dusse m’en défier, dans ma situation. L e sieur
Jorrand ayant singulièrement accru sa fortune par l ’ac
quisition des biens de ra b b a jje,d u ,M o u ler, passant pour
avoir un portefeuille considérable, et,m ’ayant d’ailleurs
l ’obligation de plusieurs services domestiques que je n’ai
nulle envie de lui reprocher , me sem bloit, à poiut
nom m é, l’homme le plus propre à me délivrer de l ’em
barras où m’avoient, jeté les circonstances.
Je donnai donc tète baissée dans; la-proposition qu’il
me fit de ses services ; je rne reprochai même d’avoir
nourri dans mon cœur, pendant ^ingt ans, l’injustice de
le croire un malhonnête hom m e, ne doutant p;js que
son empressement à m’o b lig e r, après m’iivoir n u i , ne
fut un acte honorable de contrition et de grandeur d’âme.
Je crus aussi à la compensation ,du bien et du mal dans
les destinées humaines; et je fus(1dès cet instant résigné
¿1 exécuter avec u n e ,.confiance aveugle^ tout ce que le
r¡sieur Jorrand voudroit me prescrire..
• ■vil se fit d’abord livrer.,tous mes papiers; fit un état
exact de toutes mes ressources; étiqueta de sa main jus
qu’aux'choses les plus minutieuses, même ma commis
sion de yeceveur; il dressa l’état de mes .dettes (q u e je
rapporte écrit ¡de»jsa m ain ) ; et quand-il eut tout v u ,
il concerta le plan de son opération. ;
Il faut, me dit-il, que j’aie un titre ostensible et for
mel pour régir toutes vos affaires, Vous allez donc me
? consentir un bail à ferme pour neuf ans de tous vos
biens. L e prix en sera dit payé, d’avance pour les six
premières années. Tous vos bestiaux me seront vendus;
B
�( ito))
cette vente aussi portera quittance.'Quaïît'a’Vos'marchés
avec le gouvernem ent, vous m’en passerez le transfert
aussitôt! que j’aurai pu comprendre auprès des bureaux
du ministre si je n’ai aucun ‘risque à courir en me
substituant à vous.
T o u t autre qtfe moi eût réfléchi peut - être sur le
danger incalculable 1d ’un dépouillement aussi absolu.
Mais que le lecteur se mette s’il le peut àJla !place d’un
homme qui ayant jusqu’alôrs tenu àjses engagemens avec
h o n n e u r, s e voit à la veille d’y m an q uer, et de ^sup
porter les soupçons injurieux de tous-ceux qui se Soiit
confiés en sa signature.
Si dans une telle situation on est encore blâmable de
n’avoir pas tout p r é v u , j’admirerai’ la force dpâftie(de
ceux qui auroient pu mieux faire; pour moi, je ne vis
que l’obligeance du sieur Jorrand, et je souscrivis à tout.
Un seul point cependant me causoit une légère répu
gnance , c’étoit de donner quittance par anticipation ;
non pas que j’eusse la pensée que le sieur Jorrand en
abuseroit ; elle eût été in co m p a tib le avec ma confiance
absolue en lui : mais il me sembloit que mes créanciers
pouvoient y voir le signe d’une fraude dirigée contre
e u x , et cette simple apparence me révoltoit. L e sieur
Jorrand eut bientôt à cet égard vaincu mes scrupules.
V o tre bail à ferm e, me d it-il, ne sera qu’un épou
vantail pour ces petits récalcitrans, qui dérangent tou
jours les opérations d’une masse de créanciers, en faisant
des saisies et des frais inutiles. Mais j’écrirai moi-même
à vos principaux créanciers que je suis à la tête de vos
affaires, pour les retirer d’un simple engorgement. Vous
�( 11 )
conserverez; la> possession yde. vos propriétés-, où je ne
ferai que puiser annuellement .ce qui sera nécessaire à
votre liquidation. A in sirne vous^ inquiétez'vpas) de; l’ap
parence , lorsque je; serai p r ê t. à déclarer comme v o u s ,
que je n’ai point payé les sommes dont l’acte portera
quittance; d’ailleurs, je ne veu xravoir votre actif que
pour payer tout le mondei
A
r
.
'
r
/
Je n’eus rien à répondre à cette explication , et je
fus rassuré par le fait, en demeurant en possession appa
rente de tous mes< biens, dont je; n’ai retiré cependant
que le peu de denrees necessairèsi ài ma; consommation.
Lorsque la faillite du sieur Liais eut rejeté su r'm o i
toutes mes traites, qui étoient plutôt'les siennes,, je me
rendis à Paris, où habitoient la majeure partie des-créan
ciers qui les avoient fait présenter : là je les convoquai,
pour leur exposer la cause de mes r e t a r d s le u r commu
niquer ma-situation! avec; le sieuxvLiaisi, etrson dernier
arrêté de compte avec moi. J ’eus la satisfaction* de voir
qu’aucun blâme ne me fut imputé
mes créanciers eurent
confiance.en m o i; et'en me donnant umdélai- de trois
ans) pour continuer mes fournitures<au gouvernem ent,
ils m?autoriserent à disposer de la totalité 'de mes fonds.
L e sieur Jorrand ayant assisté à cette convocation', se
fit nommer; syndic ; fonction qui-lui donnoiÉ toutedatitude
pour l’exécution,du p la n ta g e et généreux duquel j’at*.
î
tendois lestplus grands avantages.
: t) t ;
L ’affirmation des créances eut lieu à Guéreb léi 12 ger-i
m inai an 1 2 ; et le sieur Jorrand’ s’y fit’
réserve des
« sommes payées pour moi après le contrat d ’ u n io n .,
« pour déplacement et préparatipn: de bùisi de marine
« étant actuellement à Pontarion. »
�( I2‘ )
Pendant m'es'négocic\tions avec mes'créanciers * “je^visois
à une spéculation plus avantageuse que la -précédente’ ,‘
et je ne doutois jDasr'qu’en ! la faisant réussir je ne vinsse
à bout de mes engagemens sans une diminution notable
dans ma fortuné,
;
r. <>.
'
■ -j
'■•Lie ministrôf(>uvroit'UnrConCo:iirs pour dés fournitures., ■
à faire à la marine dans les ports de l’Ouest.
;*
Les prix s’annonçoient comme infiniment plus avan
tageux aux spéculateurs que dans mes marchés de l’an 5
et de l’an 10 , en ce que le transport des bois devoit être
p a y é p a r lieues; ce qui n’avoit>pas eu lieu dans les mar-r
cliés précédens.
: ’ *i;
Un autre encouragement consistoit à faciliter lesîachats
par la marque des bois propres à la m arine, desquels
alors la destination ne pouvoit plus être détournée.
Mais il m’étoit impossible de faire aucune soumission
en mon nom ,' en ayant déjà une première qui n’étoit
point remplie ; tout onéreuse qu’elle étoit, le ministre
n’auroit souscrit aucun marché nouveau avec m o i, tant
que le premier n’étoit pas pleinement exécuté.
Je ne pou vois donc agir qu’avec un nom emprunté;
et je me fis présenter sous celui du sieur Bet-Bouquet,
mont beau-frère.
Les sieurs Imbert , négocians à R och efort, chargés
de cette négociation, me marquèrent, le 12 messidor
an 1 1 , que ce marché étoit passé, et m ’en annoncèrent
les conditions.
' '
'
‘
Par une autre du 28, ils me demandèrent mon appro
bation pour ce m arché, parce qu’ils savoient bien qu’il
me concernait seul j je ’leur répondis pour donner cette
�( i3 )
approbation et les remercier-, ils m’en accusèrent récep
tion le 17 thermidor an 11.
Ceci se passoit, comme on le v o i t ? peu de jours avant
mon bail a ferme , consenti au sieur Jorrand , et si le
jour même de ce bail il ne se fit pas investir de ce marché,
c’est qu’il n’étoit encore qu’ un projet, jusqu’à ce que la
soumission du sieur Bet-Bouquet fût approuvée par le
ministre.
Cette approbation fut donnée et le transfert fut signé
par Bouquet, à la date du I er. brumaire au 12 , au profit
du sieur Jorrand : il-sait-lui-même qu’à cette époque on
m ’oifroit 30,000 francs de bénéfice sur ce seul marché.
Mais l ’espoir de me récupérer entièrement, m ’empêcha
d’accepter cette négociation : le sieur Jorrand d'ailleurs,
qui me faisoit entrevoir de plus grands bénéfices, m’ob
serva qu’il seroit possible que les traites que l’on m’offroit en payement des 30,000 francs, ne fussent peutêtre pas acquittées. Je gardai donc le marché pour mon
co m pte, sous le nom du sieur Jorrand.
J ’hésitois si peu à mettre sur sa tête ma fortune et mes
ressources, que je voulois encore qu’il prît le transfert
de mon ancien marché de l’an 5 , qui devenoit bien meil
leur par les circonstances, puisque les payemens s’eifectuoient exactement. Ce qui m’engageoit encore à lui faire
ce transfert, c’est que je craignois que le gouvernement,
informé de ma suspension, n’annullât ce marché, et ne^
mît des entraves dans ma liquidation.
T r o p prudent pour accepter ce transfert, sans être
éclairci de toutes les chances à courir, le sieur Jorrand
m ’envoya à Paris pour savoû* si le ministre voudroit
�( r4 )
l’accepter, parce que cette acceptation l’auroit mis hors de
danger pour les suites.
J ’écrivis au sieur Jorrand que cette substitution pouvoit souffrir quelques difficultés ; et mes lettres qu’il n’a
certainement pas perdues, aideront peut-être à éclaircir
mes intentions sur l’un et l’autre marché. Je lui faisois
part des difficultés qu’il y a v o it, et le sollicitois de venir
pour les lever lui-m êm e; il me répondit par une lettre
du 10 pluviôse an 1 2 , datée d’A lm n :
« D ès que tu trouves quelque difficulté aux change« mens proposés pour la fourniture , et que tu as l’espoir
« de la conserver, tout déplacement de ma part devien« droit inutile; presse donc la levée des obstacles, afin
« que Ton puisse mettre en mouvement les bois préparés;
c< fais surtout en sorte d’obtenir des fonds, sans quoi tout
« seroit entravé. T u sais que je suis déjà en avance de
« beaucoup. »
Cependant', et malgré sa lettre, le sieur Jorrand partit
à l’instant pour Paris en, toute, hâte. Le 14 pluviôse an
1 2 , il écrivoit à; ma fem m e, de Paris :
ce Aubretonia bien; traité avec >la grande majorité de(
cc ses créanciers, etc. : quant à lia fourniture, elle pouvoit»
ce se continuer sous 1son nom ; la seule'difficulté est* dej
ce faire lever quelques oppositions à la* trésorerie, afin'
« d’en recevoir les deux tiers-des livraisons faitesr,, au>
« moyen desquelles: on feroit.face aux dépenses des' li-<
c< vraisons à faire. Aubreton espère obtenir bientôt ces*
« mainlevées. Comme’ je ne puis prendre ici aucun
« engagement direct, je neparoîtrai pas, et ne ferai qu’ùH>
« très-court séjour. »
�( i 5 .)
¡Lorsque le sieur .-Jorrand vit qu’il ne pouvoit pas-réunir
les deux marchés sur sa tête, il dirigea tout vers le marché
Bonquet.iJeimis à sa disposition la totalité des Lois de
construction qui étoient déjà préparés pour moi avant
de .marche 'Bouquet ; ce que Jorrand n^ignoroit pas ,
puisqu’il m’en parloit lui-même dans sa lettre du 10
pluviôse.
Ces bois furent.envoyés à A n goulêm e, pour le compte
du."marché Bouquet; mais les.agens de la marine trou
vant de la précipitation à cet envoi, décidèrent queices
bois ne pouvoient être que ma propriété , parce que
Bouquet ne pouvoit pas avoir eu le tem ps d ’en faire
exploiter et mettre en route depuis sa soumission ; en
conséquence il y eut séquestre à Angoulêm e ; mais il
fut bientôt levé à cause des besoins de la m arine, et sur
les représentations que je iis, ainsi que >MM. Im bert,
à l’ingénieur, que M . Jorrand étoit mon mandataire
pour l’un et pour, l’autre marché : la correspondance
de M M . Imbert en fait mention, et les bois furent reçus
sous le nom de Bouquet.
Les envois se sont continués, depuis cette ép oqu e,
toujours pour le compte du marché Bouquet, mais avec
les bois qui m’appartenoient avant l’an 12 , et qui ont
dû produire des rentrées pour plus de 30,000 francs.
Il m’étoit dû des sommes assez considérables d’arriéré
par le gouvernement; j’avois encore pour 10,000 francs
de rescriptions : tout cela fut mis à la disposition du sieur
Jorrand.
Si on joint à ce produit celui de mes biens-fonds ,
valant au moins 2,000 francs par année ; tous mes bes
tiaux, valant à peu près 8,ooo fr.; une créance arriérée
�( 16 )
de 1,000 francs sur mon m étayer, etc., on voit que le
sieur Jorrand a eu toute facilité pour liquider mes dettes
réelles sans bourse d é lié e , et même en commençant à
se mettre à couvert pour la sienne.
J ’ai dit que le sieur Jorrand avoit été nommé syndic
de mes créanciers par le concordat de l’an 12; il demanda
une nouvelle convocation à Aubusson, et sollicita le sieur
Queyrat de s’y faire nommer syndic.
L e concordat me donne six années de délai pour payer,
en m en tio n n a n t toujours que c’étoit pour parachever ma
fourniture avec le gouvernement. L e sieur Jorrand, qui
a signé et dirigé ce concordat, y a bien laissé*entendre
que cette fourniture s’étoit continuée pendant les années
précédentes; et cependant il savoit mieux que moi que
toutes les livraisons avoient été mises sur le compte du
marché Bouquet.
Je ne crois pas que le sieur Jorrand eut alors le projet
bien formé de s’approprier le marché Bouquet; j’en-juge
par les lettres qu’il é c riv o it, et par l’emploi qu’il faisoit
de mes fonds à toutes mes affaires sans distinction.
Dans un projet de lettre qui 111’cst resté de sa main ,
il écrivoit a un de mes créanciers plus' obstiné que les
autres, pour l’engager à adhérer'au concordat; et dans
ses motifs de persuasion il lui disoit : « La situation
« d’Aubreton a pris son principe dans des circonstances
ce qui ne se renouvelleront pas.... Maintenant il a pris
« des arrangemens d’après lesquels son travail sera dirigé
cc par quelqiCun q u i inspire une pleine confiance, et il
« y a tout lieu de croire que le résultat en sera plus
« avantageux. »
Je reviens à Liais , que j’avois laissé en l’an 11 en
�. ( 17)
faillite o u verte, et qui cependant, faisant ressource de
tou t, avoit trouvé un moyen plus funeste que le pre
mier, pour compléter ma ruine.
J ’étois parvenu à obtenir de lui un arrêté de compte
daté de C h erb ourg, du 2 brumaire an 1 2 , qui régloit
toutes nos affaires, et comprenoit les traites postérieures
à mon obligation ; il se trouve soldé en ma faveur par
27,791 francs 88 centimes, en ce que j’acquitterai les
5 o,ooo francs de traites données par obligeance. L ia is ,
au surplus, reconnut par ce même arrêté de c o m p te ,
écrit en entier de sa m a in , que toutes les autres traites
se trouvoient acquittées. ( O n ne doit donc pas perdre
de vue que les 32,640 francs de traites souscrites lors de
l’obligation étant acquittés par m oi, l’obligation devenoit
nulle. )
O n vient de voir que je demeurai chargé d’acquitter
les 5o,ooo francs de traites données d’obligeance; et par
le même arrêté de compte il fut convenu que jusqu’au
parfait acquittement desdites traites, l ’obligation demeureroit en dépôt entre les mains d’un sieur Pothier, à qui
je payerois les intérêts annuels.
Je vis le sieur P oth ier; il me reçut parfaitement; et
après m’avoir laissé parler du sieur L ia is , il captiva ma
confiance, en me montrant une grande indignation contre
sa conduite envers moi : il me marqua beaucoup d’a
m itié, m’ouvrit sa bourse, et m’offrit même 3,000 francs
sans intérêts.
J ’acceptai cette somme : elle a été remboursée en partie
par le sieur Jorrand.
L a fatalité qui m’a poursuivi dans toutes mes affaires
C
�( i 8 ) .
a voulu que ce sieur P o th ier, si obligeant pour m o i, si
courroucé contre L ia is, fût au contraire un intime ami
de Liais et de Caillas, qui tous trois, comme je l’ai su
depuis , étoient associés pour l ’entreprise de la tourbe
carbonisée.
Comme il étoit écrit que chaque dépôt se convertiroit
en transfert, le sieur Potliier s’est trouvé muni d’un
transfert de mon obligation, passé à son profit par Caillas,
prête-nom de L iais, en fructidor an 13.
A in si, et malgré ma correspondance et mon arrêté de
compte avec Liais, qui prouvent sa propriété et ma libé
ration, le tout bien en règle, et enregistré avant le trans
fert d’une obligation éteinte, L i a i s , mon débiteur de
27,791 francs, sans attendre les délais du concordat,
fit mettre mes biens en expropriation , sous le nom de
P o th ier, par-devant le tribunal de Guère t.
L à , le sieur Jorrand se présenta avec mon acte du
28 thermidor an 1 1 , pour revendiquer mes bestiaux
comme sa propriété : mais cet acte fut attaqué de nullité,
comme fait après la cessation de mes payemens ; et le
tribunal de Guéret ordonna une preuve que le sieur
Jorrand n’a point laissé faire.
Il n’étoit point encore aguerri à se dire propriétaire
des dépôts que j’avois confiés à sa bonne fo i, ou peutêtre avoit-il des vues plus grandes.
Quoi qu’il en soit, ce jugement ayant p e u t-ê tre eu
reflet d’éloigner beaucoup d’enchérisseurs, le sieur Jor
rand crut le moment favorable pour acheter à vil prix
les biens de celui qu’il proclamoit son am i, et qui avoit
mis corps et biens sous sa tutelle.
�( !9 )
J ’avois , bien avant cette adjudication, formé contre
Polluer une demande pour faire annuller le transport
de l ’obligation de Liais. Cette procédure fut suivie devant
le tribunal d’A u bu sson , saisi d’une demande en homo-7
logation du concordat ; mais le sieur Pothier déclina
la compétence, et demanda son renvoi à Paris : il l’a
obtenu, sur l’appel, en la Cour de Limoges.
Déjà dupe du sieur Potliier, je ne devois pas laisser
à mes créanciers l’embarras de se dépétrer de ses chicanes.
L a malignité d’autrui m’a donné enfin de l’expérience,
et je l’a i , quoique un peu ta rd , mise en pratique. C ’est
au magistrat de sûreté que je dénonçai les manœuvres
des trois associés de la tourbe carbonisée ; mais le di
recteur du jury jugea à propos de renvoyer les parties
à fins civiles. Je ne perdis pas courage, et une nouvelle
plainte adressée à son excellence le grand -ju ge, avec
les pièces justificatives, eut plus d’efficacité : Caillas fut
arrêté, et dans plusieurs interrogatoires qu’il a subis,
ainsi que Pothier, ils révélèrent sans doute tout ce que
j’avois intérêt de faire connoître, puisque le magistrat de
sûreté ordonna que les papiers du sieur Caillas seroient
saisis. Mais un sieur P é r ie r, gendre du sieur Pothier,
en est instruit; il trouve le moyen de communiquer avec
Caillas, détenu chez le magistrat de sûreté, prend ses
clefs , et va enlever ses papiers, qu’il dépose chez un
agent de change : heureusement il est pris sur le fait,
rendant les clefs à Caillas ; le magistrat de sûreté lui
fait rendre les papiers , les fait déposer au gre ffe, et
décide qu’il y a lieu à instruction criminelle. Je rends
plainte contre le sieur P érier; mais le même directeur
C a
/
�( 20 )
du jury se trouve encore là, et prend sur lui de décider
que me trouvant seul plaignant, il n’y a pas lieu à suivre
le procès quant à présent.
Cette suspension bizarre et arbitraire décidera sans
doute mes créanciers à seconder, mes efforts pour dé
masquer une collusion aussi déhontée; il ne sera peutêtre pas impossible de prouver que des escrocs de Paris
ne sont pas plus invulnérables que d’autres.
C ’est pour parvenir à ces fins, que le sieur Berm ond,
habitant la ville de Paris, a été nommé syndic, et le
sieur Picolet, avocat en la Cour de cassation, conseil
de l’union ; ce dernier, qui a toutes les pièces, a tout
di rigé jusqu’à présen t, même la procédure contre le
sieur Jorrand : l’un et l’autre se sont fait connoître ,
et ont choisi leur avoué à G u é r e t , avec lequel ils sont
en correspondance.
.Pendant que je m’efforçois de lutter contre la dilapi
dation de ma fo rtu n e , le sieur Jorrand étoit en dis
cussion avec les sieurs I m b e rt, mes correspondans de
Kochefort , sur les p rod u its du m a rch é Bouquet. Ce
procès important a laissé des traces précieuses que les
plaideurs des deux parts voudroient bien avoir pu sup
prim er; car aujourd’hui ils colludent, et sans leurs débats
écrits j’en serois réduit à attester la vérité par ma seule
science, les sieurs Imbert m’ayant refusé toute commu
nication depuis leur accord avec le sieur Jorrand.
Je vois par un jugement du tribunal de commerce de
R och efort, du 13 janvier 18 1 0 , que le sieur Jorran d,
comme fondé de pouvoir de Bouquet, avoifc assigné les
sieurs Imbert en 1809, pour lui payer 37,946 fr. 40 cent.
�( 2t )
par eux reçus, du payeur de la marine, sur le marché
Bouquet, et comme commissionaires chargés par ledit
B o u q u et, pour fourniture de bois de construction.
Il offroit déduire 12,000 francs, et 144 fr. payés sur
ses mandats (sans doute pour les frais de séquestre de
l ’an 1 2 ) .
A ce la , les Imbert répondoient qu’ils avoient été les
com m issionnaires cï*Aubreton, am i de J o r r a n d , pour
une fourniture de l’an 10, et que dans le cours de cette
fourniture ils lui avoient endossé pour 8,000 fr. de lettres
de change venues à protêt ; en sorte que leur créance,
suivant e u x , est montée à 12,888 francs 67 centimes. '
Ils ajoutoient « que le sieur Aubreton , se trouvant hors
« d’état de remplir la fourniture de bois qu’il s’étoit
« soumis de faire, et se trouvant encore débiteur envers
« le gouvernemen de vingt et quelques mille francs, pour
« én éviter en apparence la retenue, demanda aux sieurs
« Imbert de faire une nouvelle soumission pour la four« niture de quatre cent quatorze stères, ou douze mille
«
«
«
«
«
et
«
«
«
«
«
pieds cubes de bois de construction, sous un nom em*
prunté, c’est-à-dire, sous le nom du sieur B o u q u et ;
laquelle soumission a eu lieu le 6 messidor an r i , souS
le cautionnement des sieurs Imbert. Cette soumission
ainsi faite et acceptée, le sieur J o rra n d , se mit à la
tête de cette nouvelle fourniture, et fit choix des sieurs
Im bert, pour ses commissionaires en cette v ille ; et
comme il avoit une parfaite connoissance de’ la créance
des sieurs Imbert sur ledit sieur A u b reto n , dont 011 lui
a fourni un double du compte balancé, ledit sieur
Jorran d, indépendamment de la commission d’usage,
�( 32 )
consentit à ce que lesdits sieurs Imbert fissent la retenue
du cinquième du produit net de la fourniture de bois
qui seroit faite sous le nom de B o u qu et, pour se rem
plir de leur créance sur ledit sieur A u breto n ;
« Que peu de temps après des bois furent mis en
et route, et même rendus à Angoulêm e, pour compléter
« la fourniture de Bouquet. L e ministre, jugeant avec
«c raison que les bois expédiés étoient la propriété du
« sieur Aubreton , puisque ledit Bouquet n’avoit pas eu
« le temps d’en faire exploiter et préparer, donna des
c< ordres pour qu’ils fussent séquestrés, pour être livrés
«
«
«
et
« sous le nom du sieur Aubreton ; et ce n’est qu’après
cc de vives sollicitations et les besoins pressans du p o rt,
« que le ministre s’est déterminé à consentir que les
« plançons et bordages fussent reçus sous le nom de
cc B o u q u e t, quoiqu’il fût bien constant que les bois
cc composant la première livraison de ce dernier, étoient
cc la propriété dudit sieur Aubreton. »
A cela le sieur Jorrand ne répondoit qu’en éludant,
et se re n fe rm o it dans son titre. C e p e n d a n t, par une
inconséquence assez inexplicable, il avouoit ( peut-être
à cause de sa correspondance) que sur le marché Bou
q u et, il étoit bien convenu de laisser déduire le cin
quième de la dette d’Au breton ; mais il s’en prenoit aux
Im b e r t, qui par leur retenue des fonds de la m arine,
avoient arrêté les nouvelles expéditions.
L e tribunal de commerce de Rochefort mit la cause
en délibéré, ès-mains de son président; et après a v o ir
entendu un rapport fait sur l’examen des pièces respec
tivement produites 9 il rendit un jugement qui fixe les
�( 23 )
points de faits reconnus constans , avec une précision
dont rien ne doit être omis.
« Considérant, 8°. que le sieur Aubreton vouloit con« tinuer la fourniture sous un autre nom que le sien,
« attendu qu’il avoit encore beaucoup d’autres bois d’achat,
« dont majeure partie étoient exploités et en route, écrivit
« au sieur Imbert de faire en sorte de passer un nouveau
« marché avec la marine, pour la fourniture de quatre
« cent quatorze stères, ou douze mille pieds cubes de
k
«
«
«
bois de construction, sous le nom du sieur B o u q u e t,
lequel marché eut lieu le 6 messidor an i i , au nom
dudit sieur B o u q u e t, et sous le cautionnement des
sieurs Imbert père et fils;
,
c< Considérant, 90. qu’à l’époque de ce m arché, le
« sieur J o r r a n d y fa m i intim e du sieur A u b r e to n , et
« comme chargé d’une procuration générale de Bouquet,
« se mit à la tête de cette fourn iture, et a continué les
« sieurs Imbert père et fils pour ses commissionnaires
c< en cette v ille ;
«
«
«
«
«
«
«
«
« Considérant, io°. que le sieur Jorrand étant parfaitement instruit de la créance des sieurs Imbert père
et fils sur A u b reto n , puisque leur compte balancé se
trouve jo in t ¿1 la production de B o u q u e t, tout en leur
accordant la commission d’usage , consent en outre
qu’ils prélèvent, sur le montant de la fourniture nette
de Bouquet, un cinquième d’ icelle, pour se remplir
du montant de leur créance sur ledit sieur Aubreton;
« Considérant, i i ° . que peu de temps après ce nouveau m arch é, ayant été mis des bois en route pouy
�( 24 )
opérer la fourniture dont il étoit question pour icelui,
le gouvernement les considérant comme étant la propriété du sieur A u b r e to n , avec d’autant plus de raison
que Bouquet n’avoit pas eu le temps d’en faire exploiter
et préparer jusqu’alors, ils furent, en vertu des ordres
du ministre, séquestrés, pour être livrés sous le nom
du sieur A u b reto n ; q u ’il paroît m êm e, d’après une
lettre du sieur Penevert, que le nombre étoit de deux
cent dix-huit pièces ;
« C o n s id é r a n t , 120. que par suite, et sur la repré« sentation qui fut faite des besoins pressans que le port
«
«
«
«
«
«
«
«
«
«
«
«
«
«
«
«
a voit des bois de l'espèce de ceux qui se trou voient
soit en route et rendus à A n go u lê m e, le ministre, par
sa dépêche du 21 messidor an 12 , a consenti que les
bois en plançons et bordages dont il s’agit, q u i f a is oient
partie des bois dûA u b r e to n , quoique passés en vente
sous le nom de ce dernier, fussent distraitsy et reçus
sous le nom de B o u q u et; ce qui fut fait;
c'c Considérant, 130. qu’indépendamment de ce concc s e n le m e n t , il pa ro ît q u e les bois q u i co m p osent la pre« mière fourniture faite par Bouquet étoient la propriété
cc du sieur A u b r e to n , puisque d’après les ordres donnés
« par le sieur Penevert au sieur T r ip o n , contre-maître
« charpentier, ce dernier a fait une recette provisoire,
« en plançons et bordages, de cent cinquante-huit pièces,
cc cubant ensemble deux mille cent quarante-huit pieds
cc cubes, suivant son procès verbal du 6 fructidor an 12,
cc sur le produit desquels les sieurs Imbert père et fils
« paroissoient avoir des droits pour se remplir d’autant
cc de
�( 25 )
« de leur créance sur ledit sieur A u breton , soit en totalité
« ou partie. » (i)
Par ces motifs, le tribunal de Rochefort a réglé la
recette des Imbert à 39,340 fr. 64 ce n t., et leur dépense
à 25,287 fr. 83 ce n t., y compris les 12,000 francs déjà
payés au sieur Jorrand , et le surplus pour droit de
commission et frais de voiture; ce qui constitue les sieurs
Imbert débiteurs de 11,567 francs.
Jorrand a interjeté appel à Poitiers, le 10 février
1810 , à cause des droits de commission accordés , et
pour un article de 960 francs pour voiture : tout quoi,
disoit-il, étoit accordé au mépris des écrits, conventions
et obligations souscrites par les sieurs Im bert.
Mais en même temps le sieur Jorrand ne voulant pas
perdre de temps, a fait un commandement aux sieurs
Imbert de payer les 11,567 fr. accordés par le jugement
qu’il approuvoit en cette partie.
Sur cet appel les parties ont transigé et passé un arrêt
d’expédient à Poitiers. Mais quel qu’il s o it, il ne doit
être que relatif aux griefs d’appel, et il ne peut rien
changer aux faits reconnus constans par le jugement de
Rochefort.
(1) Les sept premiers motifs se rapportent à mon marché per
sonnel antérieur; les quatorzième, quinzième et seizième motifs
sont la fixation des recettes et déduction.
Pour pouvoir se présenter sous le nom de Bouquet, Jorrand
a donné à Bouquet la qualité de marchand patenté première
classe. Cette patente est fausse; le maire a certifié q u e lle
n’existoit pas.
P
�( 2 6 }
J ’ai voulu réclamer auprès des sieurs Imbert les pièces
par elles produites au président de Roehefort. Je leur
ai demandé des explications sur les écrits, conventions
et obligations dont parloit le sieur Jorrand dans son
appel. Je n’ai rien pu obtenir des sieurs lmbert : dès
l’instant qu’ils ont été d’accord avec le sieur J o rra n d ,
ils ont été muets pour moi.
Ils pouvoient avoir cette l'éticence pour mes créan
ciers; car en se payant par leurs mains ils ont senti qu’ils
faisoient tort à la masse, et qu’ils s’exposoient à des re
cherches. Mais, à mon égard, je ne devine pas pourquoi
ils ont voulu me taire la vérité, à moi qui 11’ai donné
à Jorrand l’administration de mes biens et de mes res
sources , qui ne l ’ai chargé de l’exécution de mes mar
chés que pour les payer ainsi que les autres créanciers
( ma correspondance avec les Imbert en fait mention
expresse ). Ce ne peut donc etre que le sieur Jorrand
qui leur a prescrit le silence.
Si c’est pour m’ôter les preuves de propriété du mar
ché B o u q u e t, ils savent bien qu’elles résultent de leur
correspondance do l’an 12 et 1809 ; mais ils auront cru
tous mes papiers au pouvoir du sieur Jorran d , ce qui
étoit très-vraisemblable.
Déjà les créanciers convoqués le 22 juin 1809, pour
la nomination d’ un syndic à la place du sieur Queyrat,
nvoient eu l’œil ouvert sur les démarches du sieur J o r
rand , et avoient chargé le sieur Bermond , nouveau
syndic, de le poursuivre en reddition de ses comptes.
L e sieur Bermond ayant pris le temps d’aller aux
enquêtes, a voit commencé une procédure à Guéret par
�( *7 )
une requête du 14 avril 18 10 , pour demander que le
sieur Jorrand rendît com pte, comme mon associé, et
pour conclure, dans le cas où il ne le seroit p a s , à la
nullité de toutes ventes , baux à ferme , transport de
créances ; de tout quoi le produit seroit rapporté à la
masse des créanciers.
Le syndic ne parle pas, dans cette requête, du marché
.Bouquet, soit qu’il l’ignorât, soit qu’il ne crût pas pou
voir attaquer le sieur Jorrand sur cet article. C ’est le
sieur Bouquet qu’il a assigné le 18 juin 18 10 , pour le
faire condamner à rendre compte du bénéfice des bois
relatifs au marché fait sous son nom.
L e tribunal a ordonné jusqu’à présent trois articles
d’instruction sur cette affaire; i°. que le sieur Bouquet
produiroit le transfert par lui fait à Jorrand; 20. que
Jorrand seroit appelé en cause; 30. que je serois aussi
appelé pour répondre aux interpellations qui me seroient
faites.
Jorrand n’est venu à l’audience que pour se plaindre
de moi ; il a c r u , je n’en doute pas, que celui qui crie
le plus haut fait le plus d’impression ; il a supposé que
des injures lui donneroient une quittance.
Je crois en avoir assez dit pour prouver le contraire :
une reddition de compte, qui tournera au profit de mes
créanciers, ne doit pas m’être indifférente. Si ce compte
est dû il faut qu’il se rende. Les faits que j’ai rapportés
me semblent assez précis pour ne pas douter ; et je me
ibornerai à en tirer quelques conséquences.
D 2
�( *8)
Objections et réponses.
L e sieur Jorrand nie foi’mellement que le marché
Bouquet fasse partie de son mandat; il prétend qu’il en
est sérieusement propriétaire en son nom , par le transfert
du I er. brumaire an 12.
Cela est impossible. Tous ceux qui ont participé à ce
marché et à ses suites lui donnent un démenti formel.
Les sieurs Im b ert, de R och efort, ont constaté par
toute leur correspondance que c’est m oi qui leur ai donné
l ’ordre de faire ce ma relié sous le nom de Bouquet; que
c’est pour m oi qu’ils l’ont fait.
L e sieur Bouquet, dans les actes de procédure éma
nés de lu i, convient ne s’être jamais mêlé de ce marché;
il dit n’avoir été que mon p r ê t e - n o m , pour le f a i r e
tourner en ma fa v eu r ,* et qu’après avoir donné une
procuration à J o rra n d , le I er. brumaire an 12 , parce
que Jorra n d f a is a it alors toutes mes affaires , il en fit
un transfert, pour ne plus figurer nominativement.
Les agens de la marine sont venus compléter ces preuves
en faisant saisir les premiers bois fournis par le marché
B ouquet, en constatant que ces bois étoient les m iens.
Enfin le jugement de Rochefort achève la conviction,
en donnant des détails sur des faits personnels au sieur
Jorrand; et certes le résultat de ce jugement ne peut pas
être suspect pour la cause actuelle; car ni le syndic des
créanciers, ni aucune autre partie intéressée n’y étoit
appelée , et tout s’est révélé entre le sieur Jorrand et
les Imbert.
�( 29 )
Que si aujourd’hui les Imbert nioient des faits articulés
par eux-mêmes, et non contestés par le sieur Jorrand,
leurs lettres restent pour attester que moi seul étoit à
leurs yeux le négociateur et le propriétaire.
M a is, dit le sieur Jorrand, il ne s’agit pas de savoir
quel étoit le propriétaire avant le I er. brumaire an 12,
si je le suis devenu à cette époque.
\
Cette objection ne pourra être écoutée que lorsque le
sieur Jorrand rapportera, i°. sa correspondance avec les
commissionnaires depuis son transfert; 20. les pièces pro
duites par lui au tribunal de Rochefort, ainsi que l’atteste
le jugement; 30. les écrits, conventions et obligations
d’entre lu i et les sieurs Im b e r t, suivant ce qu’il a dit
dans son appel du 10 février 1810 : alors on saura si
véritablement le sieur Jorrand a eu la conscience de sa
propriété dans le marché Bouquet.
En attendant qu’il communique ces pièces essentielles,
011 peut trouver des indices dans quelques lettres des
sieurs Im b e rt, les seuls commissionnaires qui se soient
mêlés des fournitures de Rochefort.
Dans une lettre à mon adresse, du 16 ventôse an 12,
les Irnbert me rendent compte de ce qu’ils ont fait poul
ie marché Bouquet, et ils me disent : « D ’après la levée
« du séquestre apposé sur vos bois, votre ancienne four« niture doit reprendre son cours comme cette dernière
cc que rien ne doit plus arrêter. Nous pensons d’ailleurs
cc qu’il ne dépendra que de vous qu’il y ait une certaine
« quantité de bois destinée pour la remplir, lorsque telle
ce ou telle partie sera marquée ¡)our M . B ouquet. »
�( 3° )
L e 2 prairial an 12, c’est encore à moi qu’ils s'adressent
pour dire : « Nous attendons toujours ,avec impatience
et de vos nouvelles, ainsi que de M . Jo rra n d , pour Ici
«¿fourniture B ou q u et : il,nous tarde bien de recevoir
« des bois pour cette soumission. »
L e 21 du même m ois, ils m’écrivent encore pour se
plaindre de mon silence : « Depuis deux mois que vous
« êtes instruit que toutes les difficultés sont levées, que
c< vous pouvez donner cours à votre marché, ain si qu'à
« celui B o u q u e t, vous ne vous êtes nullement mis en
« mesure pour livrer en ce port. »
Ces lettres sont d’une date postérieure au transfert,
daté du I er. brumaire au 12,
Les sieurs Imbert n’ignoroient pas ce transfert appa
ren t; cependant ils ne parloient de Jorrand que comme
d’un fondé de p o u vo ir, d’un agent, et ils entendoient
toujours ne se mêler du marché Bouquet que pour m oi.
Ils l’ont cru jusqu’à la fin.
L eur lettre du 11 mai 1809 est encore plus expres
sive. J e leur demandois un compte du m a rch é Bouquet;
ils me répondent : « Nous sommes tout prêts à vous
«
«
«
«
«
«
cc
«
fournir un compte exact de toutes les livraisons que
nous avons exécutées sur le marché Bouquet, dès que
nous aurons la garantie formelle que sur leur produit
nous prélèverons tout ce que vous nous devez. Quand
nous serons tous d’accord sur ce point essentiellement
nécessaire à nos intérêts, qui ont bien souffert de cette
créance, nous réglerons avec vous , et rem ettrons
ensuite à qui de droit ce qui pourra rester en nos
�( 31 )
* mains ; jusque-là nous ne nous démunirons pas d’un
« sou. »
Et lorsque le sieur Jorrand s’est présenté à eux sous
le nom de Bouquet , en 1809, pour leur demander des
comptes, ils ont dit à Bouquet comme à Jorrand qu’ils
n’avoient suivi ce marché, depuis son origine, que comme
mes commissionnaires, et pour m oi.
S’ il y avoit du doute vis-à-vis Jorrand, en son nom ,
il n’y en a pas vis-à-vis Jorran d, syndic de mes créan*
ciers.
Celui - ci ne peut prétexter aucune erreur , aucune
croyance d’avoir géré pro suo.
Lorsqu’il a été nommé syndic depuis l’an 12 jusqu’à
1806, lorsqu’il a accepté ce syndicat, Jorrand a con
tracté l’obliga tion de ne rien détourner pour l u i , mais
de rapporter fidèlement à la masse tout ce qui seroit
provenu de ma fortune, de mes ressources, de mes bé
néfices.
O r , le marché Bouquet étoit dans mon actif; le sieur
Jorrand ne l’ignoroit pas : ses bénéfices étoient donc ma
propriété. Quand même il auroit eu seul une correspon
dance pour ce ma relié , et une gestion suivie, tout cela
'se rapportoit à sa qualité de syndic.
A cela il répond que la date du transfert le met à
l’abri de cette comptabilité. Je ne suis syndic, d i t - i l ,
que sous la date du 2 5 nivôse an 12; le transfert Bouquet
est du i«r. brumaire an 12 : donc j’étois propriétaire
avant d’être syndic.
L a loi et les faits repoussent cette objection.
�( 32 )
L e transfert du i er. brumaire an 12 est un acte sous
seing p r iv é , enregistré seulement en 1810.
O r , les actes sous seing privé n’ont de date contre les
tiers que du jour de l’enregistrement ( Code civil, art. 1328 ).
Rien n’autorise donc le sieur Jorrand à montrer cet
acte comme un titre antérieur à son syndicat.
Je ne puis sur cette date précise donner des notions
bien certaines , n’ayant pas la mémoire assez locale sur
un fait auquel je n’attachois alors aucune importance :
mon attestation pour ou contre seroit d’ailleurs inutile
à mes créanciers, qui ne verront que la date légale.
Ils demanderont de plus au sieur Jorrand ce que
veut dire sa réserve insérée dans l’acte d’affirmation de
sa créance, le 12 germinal an 1 2 , ce de ce qu'il a voit
« payé pour A u b r e to n , pour déplacement et préparation
' « des bois de marine qui sont maintenant à Pontarion. »
Ces , bois n’ont pas été livrés sur mon marché de
l’an 5 , sur lequel le sieur Jorrand n’a presque rien
fournis.
Cette livraison n’étoit donc faite que pour le marché
B o u q u e t, et alors le sieur Jorrand n’entendoit avoir
avancé les frais de transport que pour m o i.
Il paroît que ces bois de Pontarion y étoient encore
au 29 thermidor an 1 2 , époque où le sieur T r ip o n , par
une lettre ci Vadresse du sieur Jo rra n d ou du sieur
A u b r e to n , nous écrivoit à l’un ou à l’autre de venir
l’y joindre : preuve ajoutée à toutes les autres, que tous
mes correspondans ne faisoient aucune différence entre
les intérêts de Jorrand et les miens.
Supposons,
�C 33 )
Supposons, si le sieur Jorrand l’aiine m ie u x , que sou
transfert a véritablement la date du ier, brumaire an 12;
il n’en résultera rien de plus avantageux pour lui.
Car à cette d a te, le transfert sera toujours postérieur
à la cessation de mes payemens, qui est de l’an 11. ( L e
concordat de 1806 a rejeté, comme tardive, l ’inscription
du sieur Jorran d, qui est du 4 vendémiaire an 12. )
Suivant la déclaration de 1702, confirmée par le Code
de commerce, ce transfert seroit n u l, quand même il
seroit an térieur, s’il n’avoit précédé cette cessation de
plus de dix jours.
En vain le sieur Jorrand oppose-t-il que le nom Bouquet
lui suffit pour être à couvert. Les matières de fraude
sont remises à la prudence du juge; la loi s’en rapporte
entièrement à lu i, comme le prouvent l’art. 1363 du Code
civil, et l’art 444. du Code de commerce.
.. Ici la nullité seroit de plein droit; ca r, par une cir
constance que le sieur Jorrand n’expliquera jamais , le
transfert est gratuit.
Q u’il explique, s’il sc peut, comment après avoir pris
la peine de suivre une admission de m arch é, près des
commissaires de la m a r in e , et ensuite dans les bureaux
r du ministre, après avoir fait les dépenses nécessaires
pour cette négociation , il seroit concevable qu’on en
laissât gratis tout l’avantage à un nouveau ven u?
Personne n’y croira ; et précisément la résistance du
sieur Jorrand à s’approprier ce marché, aide à convaincre
q u ’ il étoit trop avantageux pour le donner pour rien.
D ’autres en offraient un bénéfice considérable, et cer
tainement je ne m’en serois pas privé pour faire un pur
E
�( 34 )
cadeau au sieur J o r r a n d , trop opulent pour le recevoir.
Quand j’aurois voulu le faire, je ne le pouvois pas;
la loi me défendoit de rien détourner de mes créanciers,
pour en préférer un seul.
Aussi n’en ai-je pas eu la pensée, et nul ne peut m’en
accuser : ma correspondance avec les sieurs Im bert, qui
étoient aussi mes créanciers, le prouve. J ’ai continué
après l’an 12 de me présenter à eux comme propriétaire
du marché B ouquet, et c’est ainsi qu’ils m’ont toujours
considéré jusqu’à 1809, comme l’atteste le jugement de
Rochefort.
Ce transfert, mon bail à ferm e, ma vente de bestiaux,
l ’état de mes dettes de la main du sieur J o rran d , ses
lettres à mes créanciers; cela fait un tout inséparable,
un corps de faits et d?opérations qui se lient mutuelle
m en t, et s’expliquent les uns par les autres.
O n ne croiroit à la mutation sérieuse du marché Bou
q u et, que si on pouvoit croire à celle de mes bestiaux
et de mes récoltes.
O r , le sieur Jorrand n’a pas même osé persister à vou
loir s’approprier mes bestiaux. Il a avoué n’avoir qu’un
titre co lo ré, et une propriété apparente.
D e même il l’a dit pour son bail à ferme; et la preuve
en est qu’il n’en a pas demandé la maintenue lors de
l’expropriation.
A in si il ne faut le juger que comme il s’est jugé lu imême ;
Puisqu’il ne veut pas garder la qualité honorable d’ami
officieux, chargé d’améliorer ma fortune, il faut qu’il
avoue n’avoir voulu que la dévorer.
�( 35 ) .
Mais malgré lui il n’est qu’ un mandataire comptable :
et une triple qualité l’oblige à rendre un compte depuis
la fin de l’an n .
i°. Comme fermier sans avoir rien p a y é , il doit un
compte des récoltes, des bestiaux et de leur cro ît, des
bois coupés et de l’arriéré des fermages.
Et qu’il n’objecte pas que déjà je suis convenu avoir
conservé la possession de mes biens ; cet aveu que je
pou vois dissimuler, puisqu’un bail authentiqua m’en dispensoit, est une preuve de ma véracité. Mais j’ai expliqué
que ma possession avoit consisté à être le maître appa
rent comme par le passé, et à recevoir le blé néces
saire à ma consommation; mais le surplus des denrées,
les bestiaux, les bois, etc., sont restés à la disposition du
sieur J o rra n d , comme je l’ai déjà dit.
Q u’il n’objecte pas non plus qu’étant mon créancier
de 14,000 francs, il a entendu se payer par ses mains,
en prenant quittance des fermages et des bestiaux par
anticipation.
Il ne peut pas le dire a in s i, puisqu’il a affirm é, en
nivôse an 12 , être mon créancier de ces 14,000 fr.
20. Comme mon mandataire général il est comptable,
i ° . de tous les bois préparés à mes frais, qu’il a employés
au marché Bouquet ; 20. des bénéfices de ce même mar
ché ; 30. de 10,000 francs qu’il a touchés pour moi de la
trésorerie, et de toutes autres sommes moins considé
rables que je pourrai justifier.
30. Comme syndic des créanciers, il est encore com p
table de tout ce qu’il a dû faire pour rechercher tout
mon actif ( notamment la créance de 27,791 francs, due
�( 36 )
par L ia is, et celle de 10,000 francs, montant de deux
traites acquittées au sieur F a u c h ie r), faire valoir mes
ressources, et n’en laisser péricliter aucune.
L e sieur Jorrand’veut singulièremet abréger sa respon
sabilité. Il dit qu’il n’a été syndic que pendant l’an 12 ,
l ’an 13 , et partie de l’an 14 ; et même qu’il n’a point
de-comptes à rendre pendant ce délai, parce que les
créanciers m’avoient laissé la gestion de mes affaires.
Il y auroit bien de la mauvaise foi dans cettte objection,
si elle étoit sérieuse; c a r ie sieur Jorrand n’auroit eu un
syndicat de deux ans que pour s’approprier tout ce que
mon actif présentoit d’avantageux, et il auroit accepté
une fonction purement oisive.
Cette prétention choque la loi, qui répute tout syndic
comptable. Elle choque aussi la vérité ; car plusieurs let
tres du sieur Jorrand prouvent qu’ il géroit mon actif,
régloit et recevoit. Ainsi je n’avois conservé la gestion de
mes affaires , que comme marque honorable de confiance
>
■
de mes créanciers; mais par le fait, c’est le sieur Jorrand
qui a tout dirigé , et je ne me suis mêlé que de ce qu’il
m ’abandonnoit, et sous sa tutelle.
Ouant
à la durée du syndicat
du sieur J o rran d ', ce n’est
V
“
pas là ce qui doit borner sa comptabilité; car un bail à
ferme de neuf ans, et le marché Bouquet, d’ une durée in
définie, n’ont rien de compatible avec les deux ans du
syndicat.
Il ne faut pas non plus que le sieur Jorrand prétende
être quitte, pour avoir fait les fournitures des seuls bois
préparés pour mon compte ; il suffit qu’ il ait voulu
prendre sur sa tête le marché Bouquet, pour qu’il doive
�C 37 )
rendre compte du bénéfice dont il étoit susceptible, sans
le régler à sa manière.
T o u t mandataire doit accomplir le mandat, tant qu’ il
en demeure chargé , et répond des dommoges-intérêts
qui pourroient résulter de son inexécution (C o d e civil,
- article 1991 ).
Si cette loi peut quelquefois paroître sévère pour
celui qui est resté chargé du mandat de gré à gré , et
par oubli de s’en départir, ce n’est au moins pas pour
celui qui a voulu le retenir en croyant se l’approprier.
L e sieur Jorrand a dit en plaidant, qu’il devoit ce
procès à l’acquisition qu’il avoit faite de ma maison.
J ’ai pu etre étonné (com m e tout le m o n d e) que
lui Jorrand, déjà propriétaire de trois maisons, dont deux
au Moutier et une à À h u n , en ait acheté une quatrième.
Mais je ne comprends pas trop comment le sieur J o r
rand a pu supposer que je ne lui demandrois compte de
rien, s’il n’a voit pas acheté ma maison. C’eût été faire tort
de 5o,ooo francs à mes créanciers , et le sieur Jorrand a
oublié son rôle en laisant croire que son intention étoit
de les frustrer, en ne rendant compte de rien
L e sieur Jorrand a longuement discuté sur le contrat
d’union du sieur B erm on d, qu’il prétend ne pas etre
dans les formes voulues par les ordonnances.
Il dit « que les sieurs Bermond et Serson ne sont pas
et créanciers , parce qu’ Àubreton avoit suspendu en
« thermidor an 11 , et que leur obligation est du i5
« vendémiaire an 12. » Il ajoute qu’aucun des créanciers
n’a aiïirtrié, et que le contrat n’est pas homologué.
Quoique le sieur Jorrand connoisse à fond cette ma-
�( 38 )
tiè re , tout ce qu’il a dit à ce sujet n’est que mensonge.
Tous les créanciers ont figuré au contrat d’union.
M M . Bermond et Serson sont créanciers, parce que
leur obligation n’est qu’un arrêté de compte, suite d’un
premier titre. Tous ont affirmé leurs créances, et le
sieur Jorrand comme les autres.
Il y a eu jugement d’homologation; les sieurs Bermond
et Serson y sont parties; le sieur Jorrand sa voit tout cela
mieux que m o i , et cependant il le démentoit.
Je n’ai plus qu’un mot à répondre au sieur Jorrand.
IÎ a dit que je l’ai trompé sur l’état de mes dettes, pour
l ’engager dans mes mauvaises affaires ; et sans autre
explication il a pris texte dans ses propres paroles pour
se courroucer contre moi.
Trom per Jorrand eût été un peu difficile ; et je ne
me pique pas de faire des miracles.
Gomment ose-t-il dire que l’état de mes dettes lui étoit
inconnu? c’est lu i qui l’a dressé, et je l’ai encore écrit
de sa main! je le mettrai sous ses yeux , pour qu’il le
reconnoisse, et ne mente plus, au moins sur cet article (i).
Je n’ai pu rien dissimuler à Jorrand, puisqu’il avoit
tout en son p o u vo ir, qu’il cherchoit mes créances où
elles étoieut, et gouvernoit ma fortune comme la sienne.
Lorsqu’on se dit trompé, il faudroit un peu consulter
l’opinion publique pour savoir son secret, et surtout
(1) Le contrat d’union diminue le passif de plus de 80,000 fr.
Plusieurs des créanciers ont été tirés de la liste, notamment le
sieur Q u e y ra t, qui n’a signé le concordat que co m m e -démis
sionnaire.
�( 39 )
il ne faudroit pas s’aveugler au point de dire ce qui
choque l’évidence. Ceux qui compareront l’opulence de
Jorrand et la m ienne, demanderont ce qu’est devenue
ma fortune : on le leur dira ; et alors il est vraisem
blable que je ne passerai plus pour avoir fait une dupe
du sieur Jorrand.
Je crois qu’il faut arrêter là le cours de mes réflexions,
elles me mèneroient peut-être au delà des bornes que je
me suis prescrites; et après avoir dit que j’avois supporté
sans amertume la perte de mes biens, je serois peut-être
inconséquent. D ’ailleurs ma tache a été remplie en ren
dant un compte fidèle de ma conduite depuis l’an n :
je désire que mes créanciers me rendent la justice de
penser que j’ai voulu faire pour le mieux. Si le sieur
Jorrand a l’ infidélité de leur disputer un dépôt qui eût
dû être sacré entre ses mains, il a été de mon devoir
de m’y opposer de tou les mes forces. Maintenant, si les
Liais, les Caillas, les Pothier et les Jorrand triomphent,
je me consolerai en pensant que je n’ai rien à me re
procher, ni dans mes intentions, ni dans mes efforts,
et j’aurai la fierté de dire seul : T o u t est p e rd u , fors
l’honneur.
Signé A U B R E T O N .
Me. D E L A P C H I E R , ancien avocat.
A R IO M , de l’imp. d cT H IB A U D , imprim. de la Cour impériale, et libraire»
rue des T aules, maison L a n d r i ot. — Décembre 1810.
�
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Title
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Factums Marie
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Description
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<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
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Title
A name given to the resource
[Factum. Aubreton. 1810]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Delapchier
Subject
The topic of the resource
créances
fraudes
commerce du bois
construction navale
Description
An account of the resource
Mémoire pour le sieur Aubreton, receveur de l'enregistrement et des domaines en la ville d'Ahun, défendeur en assistance de cause ; contre le sieur Henry-Claude Bermond, ancien administrateur des loteries, rentier demeurant à Paris, demandeur ; et contre Louis Jorrand, notaire impérial, habitant de la ville d'Ahun, défendeur au principal ; en présence de Gaspard Bet-Bouquet, habitant de la ville d'Auzance, aussi défendeur.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
de l'imprimerie de Thibaud (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1810
An 5-1810
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
39 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0425
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Ahun (23001)
Auzances (23013)
Paris (75056)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Relation
A related resource
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/5/53809/BCU_Factums_M0425.jpg
commerce du bois
construction navale
Créances
fraudes
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/5/53807/BCU_Factums_M0423.pdf
7887ef65a97d1c066524297e3798aa67
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41
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�COUR
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MEMOIRE
EN
IMPÉRIALE
RÉPONSE?
POUR
Sieur J oseph DE L A ROCH E-LAM BERT,
habitant à Issoire, intimé et appelant ;
C O N T R E
Dame F r a n c o i s e - A g l a é - G A b r i e l l e D E
L A L U Z E R N E et sieur P i e r r e D E L A
G R A N G E - G O U R D O N , son m ari; dame
A n g é liq u e - A r m a n d e - C a m ille D E LA
L U Z E R N E et sieur A n a t h o c l e - M a x i m ilien H U RAU LT D E
V I B R A Y E , son
mari, habitans de la ville de P a r is , héritiers
bénéficiaires de madame d e M o w t m o r i n , laquelle
étoit héritière bénéficiaire du sieur EmmanuëlFrédéric de T a n e , son frère, appelans ;
CONT RE
Sieur HENRI D U V E R G I E R , habitant a P a ris;
S i m o n T E R O U L D E yhabitant à Daudeville;
P i e r r e - L o u is L A I S N E , ancien sellier à
Paris habitant à Sens; A n t o i n e - L o u is
A
DE RIOM.
CH A M BR Ï.
�( a )
D U C H A S T E L , apothicaire à Paris ; etJEÀN
C H A R D O N y chapelier y habitant a P a ris,
syndics et créanciers unis dudit sieur d e T a n e ,,
aussi appelans,
C ON TR E
Sieur
A
D E TANE - SA N T E N A S,
habitant à Paris y intimé ;
m é d é e
ET
C O N T R E
Sieur L o u i s N A T T H E Y , habitant de Nyon en
Suisse y aussi intimé.
la révolution et les assignats, cette cause seroit
de la p lu s grande s im p lic ité dans les questions qu’elle
fait naître. L ’acquéreur d’une te r r e , chargé d’en payer
S a n s
le p rix à un notaire choisi par une direction de créan
c ie r s , lui en paye près de m oitié; ensuite il revend la
te rre, et laisse dans les mains du second acquéreur une
somme égale à ce q u 'il doit : des lettres de ratification
sont prises. Ce second acquéreur , p o u r s u iv i par les opposans, produit des quittances de consignation, assigne
les créanciers en m ainlevée de leurs oppositions, et fait
juger sa libération valable à leur égard.
Cependant ces c r é a n c ie i’s attaquent le prem ier acqué
r e u r, qui met en cause son garant : c e lu i-c i emploie
�C3 )
pour libération le jugement qui a validé sa consignation.
A lo rs l’acquéreur observe aux créanciers qui le pou r
suivent , que leurs oppositions à des lettres de ratification
^ ont lie leurs interets à ceux du second acquéreur qui les
a obtenues, et que s’ils ont laissé juger qu’ils étoient
payés , ils ne peuvent pas demander à être payés une
seconde fois.
V o ilà à quoi se réduit la question p rin cip ale, et il
est évident que jusqu’ici elle ne présente en point de
droit aucune difficulté sérieuse : mais le payement a été
fait en assignats, et les créanciers veulent en rejeter la
perte sur autrui. Les héritiers bénéficiaires du vendeur
origin aire, qui com prennent que si la perte des assignats
n’étoit pas pour les créanciers elle seroit pour euxmêmes , font cause commune avec e u x , pour que tout
retom be sur le prem ier acquéreur.
A lo rs tout s’exagère et se com plique. L ’émigration de
l ’acquéreur s’ajoute au procès, comme un point capital
qui domine tout : d'autres circonstances étrangères vien
nent se prêter à m ille équivoques. Quand la matière est
élaborée , on se croit déjà assez fort pour injurier et
celui qu’on veut faire payer ce qu’il ne doit pas, et le
tribunal même où il a trouvé justice. E n fin , après avoir
présenté un faisceau de lois étrangères à la question, et
d’arrêts assez bien choisis dans la m ultitude, mais plus
étrangers en core, on vient crier à l ’injustice et à l’indé
licatesse , en disant froidement : « Q ue m’im porte si vous
« devez recouvrer ou non
5ooooo francs que je vous
« demande pour une dette qui n’est pas la vôtre ! Que
A 2
�(4 )
«
«
«
«
m’im porte encore si vous êtes ruiné par ce payem ent,,
et si votre famille est respectable. Je veux de l’argent,
et je ne veux en demander qu’à vous que je suppose
moins en mesure de me résister; d’ailleurs votre émi-
« gration se prête à tous mes sophismes : il y a tant de
« lois, sur cette m atière,, qu’ il est im possible.de ne pas
« y voir que tout doit retomber sur vous. D ’ailleurs ,
« quand je me suis donné la licence d’im prim er qu’une
«• décision contraire à mon intérêt étoit un, jugement de
« f a v e u r , j’ai calculé l’effet de cette injure sur l’esprit
« des magistrats auxquels j’en demande la réform e. Si
« je ne puis les forcer à croire qu’il faut sacrifier un
ém igré par préférence, m on adroite censure sera tou«■jours d’un poids quelconque dans la balance ; elle
« achèvera probablem ent de-me conquérir le suffrage de
« ceux, dont l’opinion auroit été incertaine. »
A in si eût parlé M achiavel ; ainsi parlent les syndicsdes créanciers, de T an e , qui v e u le n t, p e r jh s et n e fa s ,
intéresser en se présentant comme des victimes.
Q u ’ils tâchent de prouver à la Cour, que m algré leursoppositions à des lettres, m algré un jugement qui pro
nonce contre eu x la validité du payement que le sieur
Natthey a été chargé-de leur faire, il leur reste encore une
action : voilà leur cause..
Mais que dans leur colère et dans leurs' calculs ils fassent
semblant de supposer de l’adresse, des insinuations et de
la faveur; que tournant tout du côté de Immigration, ils
cherchent à insinuer que cette ém igration deviendra aux
sieur et dame de la R oche-Lam bert un moyen de s’em
parer des plus clairs deniers des»créanciers de T a n e ,
�(5 )
et que ce sera s*être f a i t de ses propres J'a i! tes un m oyen
d?acquérir : voilà ce qui n’est ni la cause ni la. vérité r
mais une insigne et brutale calomnie;
Car personne ne sait m ieux que les adversaires qu’il
n?y a qu’à perdre dans tous les cas pour les sieur et dame
la R o ch e-L am b ert, puisqu’ils ont payé 178000 francs en>
écus sur une terre qu7ils n’ont pas : et on ose encore leu r
demander plus de ôooooo francs pour la même terre; et
on les signale comme des débiteurs de mauvaise fo i, parce:
qu’ils résistent à cette épouvantable injustice..
f a i t s
;
A p rès la m ort du sieur Em m anuël-Frédéric de Tane>,
sa succession fut acceptée sous bénéfice d’inventaire par
Françoise-G -abrièlle de T a n e , épouse de M . de M o n tm orin , ministre des affaires étrangères.
Madame de M ontm orin ne pou voit vendre en cette
qualité les biens de la succession sans y appeler- les
créanciers ; elle fit apposer des affiches pour vendre aux
enchères les terres de la Soucheyi’e , Chadieu, la ChauxM ongros et le m obilier de la succession. Il y a eu pour
777400 francs de ventes avant 1790.
L a terre de Ghadieu fut vendue par madame de
M ontm orin aux sieur et dame de la R oche-Lam bert, par
acte du 17 juin 178 8 , moyennant 376000 francs, et les
frais et faux f r a i s évalués à 5 deniers par liv re , produisant
7812 liv. 10 s. Il fut dit que les 376000 fr. seroient
payés solidairement par les sieur et dame de la R ocheLam bert eiitre les m ains de Trutat¿ notaire-séquestre,
�(6)
ou a u x créanciers q u i auront été délégués; savoir, un
quart au i 5 septem bre, et le surplus dans le courant
des deux années, en trois payemens. Il est ajouté que
les acquéreurs prendront à leurs frais des lettres de rati
fication , et q u e , s’il se trouve des oppositions du ch ef
de madame de M on tm orin , elle les fera lever dans les
six semaines ; mais hors ce c a s, elle ni les créanciers ne
seront tenus de garantir, et l’acquéreur n’aura son recours
que contre les créanciers qui auront touché le prix.
A la suite dudit acte on lit une intervention des sieurs
de T an e de Santenas, T ero u ld e, commissaire à terrier;
C hardon, chapelier; L ouis L a isn é , sellier, et T o u ta in ,
tailleur d’h ab its, tous syndics des créanciers de T a n e ,
lesq u els, après avoir pris lecture de la ven te, la con
firm ent et ratifient a u x conditions y exprim ées. Ils font
élection de dom icile chez M- P ern ot-D u plessis, procu^
reur au parlement.
L e jour même de la’ v en te, M . de la R oche-Lam bert
paya la somme particulière de 7812 liv. 10 s ., à T ru ta t,
n otaire; dans les années 1790 et 1791 il versa dans les
mains du même notaire 170644 francs.
E n 1 7 9 1 , les sieur et dame de la R o ch e -L a m b e rt,
voyageant en A lle m a g n e , envoyèrent au sieur de SaintPoney , leur b e a u -frè r e , deux procurations; celle du
sieur de la R oche-L am bert porte pou voir d'em prunter
les sommes nécessaires à ses a ffa ires, g érer, liq u id er,
vendre : elle est passée devant H eidz, notaire à Coblentz,
le 16 octobre 1791.
• L a procuration de la dame de la R oche-Lam bert porte
pou voir & em prunter 60000f t \ pour placer sur C ha d ieu ,
�(7 )
régler compte açec M . T r u t a t , notaire j recevoir ,
donner q u itta n ce, fa ire tous emprunts qiùil jugera bon
être, pour Varrangement des affaires de son m a ri. Cette
seconde procuration est passée devant L u tn e r, notaire à
W o r m s , le 20 octobre 1 7 9 1 ( 1 ) .
E n vertu de ces actes, le sieur de Saint-Poney se crut
autorisé à passer la vente ci-après :
L e 27 novem bre 1791 , par acte reçu C a b a l, notaire
à-Paris , le sieur de Saint-Poney, comme porteur de pro
curations des sieur et dame de la R o c h e -L a m b e rt, et
s’obligeant de faire ratifier dans le mois ( parce qu’il
n ’avoit pas de pou voir de la dame de la R oche-Lam bert ) ,
vendit la terre de Chadieu au sieur Sauzay, banquier à
P a ris, moyennant ôooooo f r . , dont il reçut i2Ôooo fiv
en assignats, et quant aux 376000 fr. r le sieur Sauzay
prom it les payer dans un an a u x sieur et dame de la
R oche-Lam be? t , o u y si bon lu i sem blait, a u x créanciers
desdits sieur et dame de la R o c h e - L a m b e r t , et spé
cialem ent a u x créanciers privilégiés sur ladite terre..
Il est dit ensuite que si au sceau des lettres de ratification
il survient des oppositions du chef des sieur et dame de
la R o ch e-L am b ert, le sieur de Saint-Poney les oblige et
( 1 ) Ces deux procurations répondent déjà aux im putations
injurieuses des créanciers de T a n e , qui ont dit que les sieur et
dam e de la Roche-Lam bert quittoient la F rance en s’occupant
plutôt de se faire des ressources que de payer leurs dettes.
Personne n’ a ignoré que leur prem ière pensée a été de s’o ccu p er
de leurs c ré a n c ie rs, et que tel a été l’ unique objet de la mis
sion donnée à M. de Saint-Poney.
�s’ oblige personnellement de les faire lever sous quinzaine.
E n fin , pour l ’exécution de ladite clause, le sieur de SaintP on ey fait une élection de dom icile à Paris.
L e 4 janvier 17 9 2 , il fut pris des lettres de ratification
sur la vente de 1788 ; elles furent scellées à la charge
des soixante-treize oppositions. Il est essentiel de remar
quer que plusieurs des créanciers de Tane sont opposans
individuellem ent ; mais qu’il n’y a pas d’opposition de la
part des syndics.
L e 22 avril 179 2 , le sieur Sauzay prit des lettres de
ratification sur son acquisition de 1791 ; elles furent frap
pées de huit oppositions, dont l’u n e , du 22 décembre
1 7 9 1 , étoit à la requête des syndics des créanciers de
•Tane.
Dans la même année 17 9 2 , le sieur de la R oche-L am bert fut porté sur la liste des émigrés.
L a dame de la R oche-Lam bert n’a jamais été portée
sur aucune liste.
Sous prétexte d’une loi du 30 octobre 1792, ordonnant
le séquestre des biens des absens du te rrito ire, sans les
désigner encore comme émigrés , le sieur Sauzay fit
déclarer par le curé d’A u tezat, à la m unicipalité du lieu ,
qu’en vertu de sa vente il devoit aux sieur et dame de
la R oche - Lam bert 376000 francs. Mais aussitôt il fit
mention qu’il a voit pris des lettres de ratification, et que
les créanciers opposans aux lettres absorberont le p r ix
et au delà : d’où il conclut qu’il a intérêt de conserver
les deniers ci-dessus, parce qu’ils sont sa sûreté, dès que
la terre -est h y po t h é q u é e . « E n sorte q u e , dit le sieur
a Sauzay, s 'il[fa itfa ir e ladite déclaration, c’est m oins
« à
�(9 )
«
«
«
«
«
«
«
à cause des sommes dont il peut paroître débiteur, et
dont la république ne pourra ja m a is profiter, puisq u elles doivent être absorbées pa r les dits créanciers
hypothécaires opposans a u x lettres de ra tifica tio n ,
que pour donner des preuves de son civ ism e, et empêcher qiüon ne lui fasse des reproches de négligence
ou intelligence. »
Par acte du 25 juillet 17 9 3 , le sieur Sauzay vendit au
sieur Feuillant un pré-verger sis aux M artres, les m ou
lins et fours banaux des M artres, dépendans de la terre
de Chadieu , moyennant la somme de 61100 francs,
payable après l’obtention des lettres de ratification.
L e 7 nivôse an 2, par acte reçu Gabal, notaire à P aris,
le sieur Sauzay vendit le surplus de ladite terre de Chadieu
au sieur W a llie r , Suisse, pour lui ou la personne que
W a llie r se réserva de déclarer dans les six m ois, m oyen
nant 530000 fr. dont W a llie r paya comptant 40000 f r . ,
s’obligea de payer 135000 fr. à Sauzay, après le sceau des
lettres, et enfin à l’égard des
355ooo fr. restans, W a llie r
fut délégué à les payer, so it a u x créanciers de T a n e ,
précédent propriétaire, q u i se sont trouvés o p p o s a n s
A U X L E T T R E S D E R A T I F I C A T I O N PR ISES P A R S A U Z A Y ,
soit afin d'en f a i r e le dépôt et la consignation partout
où besoin se ra , aussitôt après le sceau sans opposition
su r le sieur S a u za y des lettres de ratification à prendre
sur la présente vente.
L e sieur Na tthey dit avoir été subrogé par le sieur W a llie r
à ladite vente, par acte sous seing p rivé du même jour.
Il dit que le directeur de la régie du Puy-de-D ôm e
fit décerner, le 24 ventôse au 2 , une contrainte contre
B
�( ï° )
le sieur S a u za y > pour payer 5ooooo francs par lui dûs
au sieur de la Roche - Lambert eu vertu du contrat de
vente de 179 1, sous prétexta que le vendeur étoit ém igré.
E nsuite, et à la date du 26 floréal un 2 , le sieur
Natthey produit la pièce suivante :
3
cc Je soussigné, receveu r de l’enregistrem ent et des domaines
« au bureau 'de S ain t-A m a n t-T a llen d e, reconnois avoir reçu à
cc titre de dépôt, du G . E tienne-Jean-Louis N a t t h e y , de N y o n ,
cc au canton de Berne en Suisse ( propriétaire de Chadieu ,
,
te suivant la déclaration de com m and en sa faveur par le
■« C. W a llie r , du 7 nivôse d e r n ie r ) , la somme de trois cen t
ce cinquante - cinq m ille livres,, pour servir itant au .nom des
a cit. N atth ey et S a u z a y , qu’en ce lu i du C. Jean-JBaptiste
cc W a llie r , à la libération de Chadieu.
cc D e quoi m ’a été dem andée la présente déclaration , à l’e ffet
cc d’arrêter toutes poursuites et la mainmise nationale sur ledit
cc Chadieu.
ce Saint-A m ant, le 26 floréal an 2. Sig n é M a u g u è . »
Il
p a v o ît q u ’ un a r r ê té du d é p a r t e m e n t , e n l’an 3 ,
annülla la ^vente fa ite au sieur Sauzay, et mit la terre
de Chadieu en séquestre : mais ce séquestre fut levé par
un autre arrêté du 4 vendémiaire an 4 , et la restitution
de fruits fut ordonnée au profit du sieur Natthey.
Dans la même année, un procès eut lieu au tribunal
de la Seine, entre les sieur Natthey et W a llie r, se disant
tous les deux acquéreurs de Sauzay , et se disputant
Chadieu par la voie civile et par la voie criminelle.
Ce procès prouve que le sieur W a llie r avoit voulu 3e
libérer envers les créanciers opposans de Sauzay, et que
le sieur Natthey prenoit pour son compte cette libération :
�( 11 )
il fit des offres à W a llie r , et même une consignation en
mandats. Mais les lois sur la réduction du papier-monnoie
n’étant pas encore rendues, le tribunal de la Seine sus
pendit le p ro cè s, et on en ignore l’issue.
Les créanciers de T an e produisent à ce sujet la pièce sui
vante, tirée des mêmes registres du receveur de St.-Amant.
cc D u i 5 frim aire an
4j
reçu du C . J e a n -M a r ie T 'V a llier,
cc des deniers empruntés de J a q u e ro t, par acte d u ............. la
« somme de 355ooo francs , à valoir sur le prix .du domaine
« acquis par S a u za y , des sieur et dame de la R oche-Lam bert,
ce ém igrés , suivant le contrat du 27 novem bre 1791 ; ladite
« somme de 355ooo fr. payée en une rescription de la trésorerie
cc nationale sur le receveur du district de C lerm o n t, n°. 424, en
ce date du i 5 brum aire dernier ; dont quittance. S ig n é M a u g u e . «
/
Les créanciers ont retiré du même registre la pièce
suivante :
cc D u 26 frimaire an
a de 32851 francs
25
4 »reçu
de Jean-Louis N atbhey la somme
centim es pour les intérêts restans du prix
cc
principal du domaine de C h ad ieu , acquis de la R o ch e L a m -
cc
b e rt, sa fem m e et Saint-Poney, ém igrés, par le sieur Antoine
S au zay, lequel en a fait vente au C. W a llie r , par acte reçu
C a b a l, notaire à P a ris, le 7 nivôse an 2 , lequel W a llie r a
passé déclaration au profit dudit N a tth e y , par acte sous seing
p r iv é , du 7 nivôse an 2 , enregistré à Paris le 17 messidor
cc
cc
cc
ce
an 3 , par P in au lt; ledit payem ent fait en conséquence de la
cc liquidation des intérêts faite par le sieur A lia s , directeur de
cc correspondance à la régie de l’enregistrem ent à Paris , le
cc 12 frim aire présent m ois; et ledit payem ent effectu é en une
cc rescription de la trésorerie nationale sur les domaines d’ém i« g rés, n°. 493 ? e t sous la date dudit jour 12 du présent mois.
cc
« Certifié c o n fo rm e , le 8 vendém iaire an 11. Sig n é
M
B 2
augue
.
»
�( 12 )
L e iei\ nivôse an 4 , Natthey donna un exploit aux
créanciers de T a n e , aux domiciles par eux élus en leur
opposition ; il leur fait sommation en ladite qualité de
créanciers opposans a u x lettres de ratification prises
par Sauzay, de se trouver le i 5 pluviôse suivant .chez
le receveur de Saint-Am ant, pour y recevoir le p rix de
C hadieu. Il est constaté par cet exploit (resté au pouvoir
de Natthey, qui en a donné copie), que Natthey y procède
c o m m e obligé d?a c q u it t e r 376000 fra n cs en ca p ita ly et
3 2 8 5 2 / h en intérêts , tant pour se libérer lui-m êm e 9
que pour libérer le sieur S a u z a y , a in si que les sieur et
dame de la R o ch e -L a m b e rt? premiers acquéreurs j et
il fait la sommation au nom des uns et des autres.
Les créanciers ne se présentèrent p a s; et le sieur
Natthey fit dresser, le i5 pluviôse an 4 , par le receveur
de S ain t-A m an t, la pièce suivante produite par lui.
«
cc
«
cc
« Je soussigné, receveur de l’enregistrem ent et des domaines
au bureau de Saint-Am ant-Tallende, d éclare, d’après le débat
des com ptes qui a eu lieu cejourd’hui entre moi et le cit.
Parades, des Martres , fondé de p o u v o ir d u C. E tie n n e -J e a n L o u is N a tth e y , propriétaire de Chadieu , qu’il a été versé
cc dans ma caisse, tant par ledit Parades qu’en vertu de saisies
cc
tc
cc
cc
cc
te
«
cc
cc
nationales par moi faites avant la levée du séquestre de Chad ieu , la somme de s ix cent d ix - n e u f m ille s ix cent quatre c
là >res quinze sous en l ’acquit d u d it d o m a in e, 'dont quittance
et d éch arge, sauf audit Parades, qui en fait expresse réserve
pour ledit C. N atth ey , de plus ample e x a m e n et apuratiou
desdits com ptes , et de se pourvoir d e v a n t q u i il appartiendra ,
pour la restitution des sommes qu’il prétend avoir payées en
sus des sommes dues p ar led it C. N a tth ey pour la libération
dudit dom aine de Chadieu.
cc Saiut-Am ant-Tallende, le i 5 pluviôse an 4«Signé M a u g u e . »
�'
( I3 )
En marge est écrit :
« Sur 1 invitation du C. Parades , je déclare qu’ aucun des
« créanciers appelés par lui dans son exploit du i er. nivôse der« n ier, n a com paru cejourd ’hui en m on bureau.
« L e i 5 pluviôse an 4 * Sign é M a u g u e . »
Jusqu’ici les créanciers de Tane n’ont form é aucune
demande. Etoit-ce pour attendre la radiation du sieur de
la Roche-Lam bert? Ils veulent qu’on le croie ainsi. Mais
nous voici au sénatus-consulte, du 3 floréal an 10 , et
c’est le moment d’être attentif sur leur prem ière d é
m arche, pour apprendre d’eux lequel des acquéreurs ils
ont considéré comme leur débiteur.
Souvenons-nous qu’en décembre 179.1, les syndics ont
formé opposition aux lettres de ratification prises par
S a u z a y , sur sa vente du 27 novem bre 179 1.
P ar exploit du 11 brumaire an 11 , les syndics des
créanciers de Tane font assigner Sauza y au tribunal de
la Seine, pour leur payer 263980 francs qui leur restent
dûs sur la vente de 1788 ; en conséquence, ils concluent
contre ledit Sauzay, comme obligé à payer ladite somme
de 263980 francs , à ce que la vente ci lu i consentie
le 27 novembre 1791 , soit exécutée , et qu’il soit con
damné audit p a ye m e n t. (C ette pièce est produite par le
sieur Natthey. )
L e 22 pluviôse an 1 1 , Sauzay dénonce cette demande
h Natthey.
A lors Natthey assigne lesdits syndics au tribunal d e Clerm ont, pour voir dire qn’ il est valablement libère au moyen
des versemens par lui laits, et pour être condamnés ù lui
donner m ainlevée de leurs oppositions.
�C »4 )
le
«
«
«
«
«
«
«
L e 7 pluviôse an 1 2 , le tribunal de Clerm ont rend
jugement suivant :
« L e tribunal déclare le demandeur (N atthey) bien et
valablement libéré du p rix de la terre de Chadieu l
en conséquence , fait m ainlevée de l’opposition faite
par les défendeurs (les syndics) au bureau des h yp othèques de C lerm ont, le 2 décem bre; ordonne qu’elle
sera rayée des registres du conservateur, en vertu du
présent jugem ent; condamné les créanciers aux dom mages-intérêts de N atthey, à donner par déclaration. »
E li vertu de ce jugem ent, le sieur Natthey a fait rayer
toutes les oppositions prises par les créanciers de Tane
sur Chadieu. Les syndics n’y ont mis aucun obstacle,
et ont laissé passer quatre autres années sans hostilités.
T o u t d’un co u p , en 1808, ils ont pris une inscription
de 495369 francs aux bureaux d’Issoire , A m bert et C ler
m ont, sur tous les biens appartenans ou ayan t appar
tenu a u x sieur et dame de la R o ch e-L a m b ert, en vertu
de la vente de 1788.
Les sieur et dame de la R och e-L am b ert, instruits de
cette attaque, ont pris de leur côté une inscription sur
le sieur N atthey, pour supplément à la précédente, qu’ils
ont considérée comme frappant sur Chadieu.
Il eût été hors de p ro p o s, jusqu’à p résen t, de dire
que pour verser 170644 francs en 1791 , il avoit été
emprunté pour les sieur et dame de la R oche-Lam bert,
savoir, 44000 francs à la dame de B ourneville, m ère de
madame de la R o ch e-L am b ert, et 30000 francs au sieur
Gabriel de T a n e - S a n t e n a s , représenté par Am édée.
�( x5 )
On a vu que le sieur de S t.-P on cy, vendant à Sauzay,
ne lui laissa pas seulement les 263000 francs dûs aux
créanciers de T.ane, mais encore une somme suffisante
pour rembourser les prêteurs ci-dessus.
E t comme les syndics n’a voient inscrit que pour leur
in térêt, il falloit grever Chadieu du surplus de la somme
laissée entre les mains de Sauzay; c’est pourquoi il a été
pris à la requête des sieur et dame de la R och e-L am bert,
inscription supplémentaire de 112000 fr. sur Chadieu.
Cette inscription supplémentaire a été le prétexte du
procès actuel.
L e sieur N atthey, par exploit du 17 août 1808, a fait
assigner les sieur et dame de la R oche-Lam bert en main
levée de ladite inscription.
L e lendem ain, Am édée de Tane (très-d’accord, comme
on le voit déjà., avec Natthey) a fait un commandement aux
sieur et dame de la R oche-Lam bert de payer les arré
rages de l’em prunt ci-dessus de 30000 francs.
L e 23 du même m ois, il a été présenté requête au
tribunal de C lerm ont, sous le nom des sieur et dame de
la R o c h e - L a m b e r t ; ils ont conclu à la mise en cause des
créanciers de T a n e , et à ce que le sieur Natthey, se disant
lib é r é , fût tenu de fa ir e valoir envers eux ladite libé
ration , sinon .de garantir les sieur et dame de la RocheLam bert. Ils ont co n clu , en conséquence, à la résiliation
des ventes de 17 9* ^ suivantes, et au désistement de
Chadieu. Enfin ils ont conclu contre les créanciers de
Tane à :1a mainlevée de leur inscription, et contre le sieur
A m édée de Tane à la mainlevée du commandement de
�(
i6
)
payer par lu i fait, attendu que N atthey, chargé de payer
tout le m onde, a dit avoir fait juger sa libération valable.
Cette mise en cause a .eu lieu , les demandes ont été
jointes, et la cause a été jugée sur le fond le n juillet
1809.
Par ce ju g em en t, le tribunal de Clerm ont distingue
les intérêts des créanciers de T a n e , d’avec ceux d’A m édée
de Tane. A l’égard des prem iers, il déclare valablement
libérés tant le sieur Natthey que les sieur et dame de la
R och e-L am bert, par suite du jugement non attaqué, du
7 pluviôse an 12 ; en conséquence, il ordonne mainlevée
de leurs inscriptions.
Quant au sieur A m édée de T a n e , il considère la somme
de 30000 fr. prêtée pour déposer chez le notaire T ru ta t,
comme obligation directe et indépendante de l’acquisition
non purgée par les lettres, et il déboute les sieur et dame
de la Roche-Lam bert de leur opposition au commande
ment de p a y e r (1).
I l y a appel de ce ju g e m e n t , tant p a r les héritiers et
créanciers de Tane contre les sieur et dame de la RocheL am bert, que par les sieur et dame de la Roche-Lam bert
contre Natthey et contre le sieur A m édée de Tane. O n a
déjà indiqué en commençant quelles sont les prétentions
des créanciers : elles se réduisent à dire qu’ils ont deux
actions distinctes; l’une contre les acquéreurs de Chadieu,
l’autre contre les sieur et dame de la R o ch e-L a m b ert;
(1) C e jugem ent est transcrit en son en tie r, avec les m otifs,
à la fm du m ém oire des créanciers de T a n e , ce qui a rendu
inutile d’en parler ayec plus de détail.
d’où
�( *7 )
<l’où ils concluent que le jugement de l’an 1 2 , q u i, en
déclarant les acquéreurs libérés, les autorise à faire radier
leurs inscriptions, ne les empêche pas de se faire payer
par les sieur et dame de la Roche-Lam bert.
M O Y E N S .
P o u r suivre cet appel dans toutes ses faces, et pour être
clair, autant que possible, dans une discussion dénaturée
et obscurcie par de fausses applications de prin cipes, il
est nécessaire de séparer les moyens des créanciers de
T a n e d’avec ceux des héritiers de M on tm orin , quoiqu’ils
aient réuni leurs intérêts, sérieusement ou non. O n exa
m inera, en prem ier lieu , s’il est vrai que les créanciers de
T a n e aient, ainsi qu’ils le prétendent, une double action
contre les acquéreurs de Chadieu et contre les sieur et
dame de la R o ch e-L am b ert, et si la libération du sieur
Natthey, jugée valable par jugement du 7 pluviôse an 12 ,
a dû profiter au sieur de la R o ch e-L am b ert.
20. Sur l’appel des héritiers de M ontm orin il s’agira
de savoir s i , au cas où le versement du p rix de Chadieu
seroit jugé être l’effet de la confiscation n ationale, et
n’avoir pas acquitté les créanciers de T a n e , la perte de
ce versement doit être pour les héritiers de madame de
M on tm orin , comme condamnée à m o r t, ou pour le
sieur de la R oche-Lam bert, comme ém igré.
30. Quant à l’appel du sieur de la R o c h e -L a m b e rt
contre le sieur Am édée de T a n e , il y aura lieu d’exam iner
si le sieur Natthey, charge de faire face à. tout, a également
lib éré le sieur de la R oche-Lam bert de cette dette.
C
�( .18)
E n fin , l’appel contre le sieur Natthey donnera lieu à la
question de savoir s i, dans le cas où le sieur de la Roche*
Lam bert seroit condamné à payer des sommes quelconques
aux créanciers délégués ou opposans, le sieur Natthey lui
devra une garantie, et quelle doit en être l’étendue.
A
p p e l
d e s
c r é a n c i e r s
de
T
a n e
.
La prétendue ém igration du sieur de la Roche-Lam bert
est le prem ier texte de la proposition des créanciers d e
T a n e ; ils l’appuyent sur un arrêté du conseil d’état, du
3 floréal an 1 1 , portant que tout créancier d'émigré
non liq u id é, a le droit de retirer ses titres du dépôt na
tional pour poursuivre l’ém igré : ils en concluent qu^
les émigrés sont rentrés avec la charge de leurs obliga
tions personnelles, quoiqu’ils aient perdu les biens soumis
à leurs dettes.
R ien de plus incontestable que ce point de d roit; mais
aussi rien de moins applicable à la cause.
L ’arrêté de l’an n seroit applicable, si Ghadieu.ayant
été vendu nationalement,, le sieur de la R oche-Lam bert
vouloit renvoyer le vendeur ou ses créanciers au gran d
liv r e , pour rechercher le prix versé par l’acquéreur du
gouvernement..
Mais qu’y a-t-il de commun entre cette espèce et celle
où sont les parties? Il faudroit s’obstiner à ne pas réfléchir
pour ne pas y trouver une prodigieuse différence.
i° . La terre de C h ad ieu , qui est le gage de la dette,
et à raison de laquelle le sieur de la Roche-Lam bert a
été débiteur, com me détenteur y n’a point été vendue;
�( r9 )
la nation ne s’en est point emparée : un séquestre aussitôt.,
m is que l e v é , n’a pas em pêché les acquéreurs de rester
propriétaires incommutables depuis 1 7 9 1 , et ils le sont
encore.
Cette terre étoit vendue , li vrée , sortie des mains du
sieur de la R o ch e-L a m b ert, au 27 novem bre 1 7 9 1 , et
le sieur de la R o ch e-L a m b ert n’a été mis sur la liste
des ém igrés qu’en 1792. L a vente ayant une date au
thentique avant le 9 février 179 2, devoit avoir tout son
effet aux termes des lois : la nation n’a pas pu vendre
Chadieu ; et en effet elle ne l’a pas vendu.
20. Dans quelle loi croit-on trouver l’horrible injustice
de rendre les émigrés victimes des évén em en s, lors
q u ’à vant leur départ ils ont mis hors leurs mains l ’im
m euble par eux acquis, et ont transporté sur un nouvel
acquéreur toute la dette dont l’immeuble étoit le 'gage;
lorsque les créanciers ont accepté ce transfert par une
opposition expresse sur la deuxièm e vente ; lo rsq u e ,
suivant toutes les idées reçues, l’acquéreur intermédiaire
étoit dégagé de toute dette ; lorsqu’enfin les choses
n’étoient plus entières depuis 1791 , et n’a voient rien
de commun avec l’ém igration?
30. 11 ne s’agit pas de créanciers d’ém ig ré, q u i, après
avoir eu la nation pour seul o b lig é, parce qu’elle s’étoit
emparée de leur gage, reviennent à leur propre débiteur;
ce sont des créanciers opposansqui changeant leur action,
laissent de côté l’acquéreur qui a pris des lettres, et qui
possède, pour s’adresser à un acquéreur interm édiaire.
Les créanciers de Tan e ont bien senti qu’il falloit
C 2
�C 20 )
prouver , avant t o u t , comment ils avoient une action
directe contre les sieur et dame de la R oche-Lam bert ;
aussi ils débutent par dire rapidement qu’il y a envers
eux engagement personnel de la part des sieur et dame
de la Roche-Lam bert.
Ces créanciers-là ne veulent pas manquer de sûretés;
ils se donnent pour débiteurs solidaires, i° . les héritiers
de M ontm orin ou d e T a n e , comme obligés directement;
2°. le sieur Sauzay, à cause de ses lettres de ratification
ou C h a d ie u , à cause de l’hypothèque ; 30. le sieur de
la R oche-Lam bert, comme délégué envers eux par l’acte
de 1788..
P o u r amener à eux le sieur de la R o ch e-L am b ert,
#
il y a une seule chose à chercher : c’est une délégation.
Car il n’y a pas de délégation parfaite sans novation,
c’est-à-dire, sans l’extinction de la dette du prem ier obligé;
et de même il n’y a pas de novation sans l’intention
form elle de l’opérer. Ce sont là des principes élémentaires.
O r , qu’on lise et relise le contrat de vente de 1788,
on n’y verra pas même Papparence d’une novation ; au
\
contraire,, madame de M ontm orin reste débitrice des
créanciers de son frère. Ils se gardent bien de lui donner
quittance des 376000 fr. que payeront les acquéreurs de
C h ad ieu; ils conservent sans le moindre- doute-le droit
de s’adresser à. madame de M ontm orin ; et cela est si
bien p ro u v é , que nous voyons dans l’inscription du 11
janvier i8 o8 ‘, et en la C o u r, les dames de la L u zern e ,
héritières de M ontm orin , se r é u n ir aux créanciers de
Tane pour attaquer le sieur la R oche-Lam bert, à cause
de Tintérêt qu’i l a ù ne pas payer lui-mêm e.
�( 21 )
Si les dames de la- Luzerne n’étoient pas restées débi
trices envers les créanciers de T an e , elles ne seraient
pas là pour fa ir e valoir la vente ; elles n’auroient pas à
s’inquiéter s’ils seront payés des 376000 francs ; car l’acte
de 1788 leur vaudroit quittance de cette som m e, s’il y
avoit eu une réelle délégation qui rendît les sieur et
dame de la R oche-Lam bert débiteurs personnels, comme
délégués envers les créanciers*
M a is, d it-o n , les créanciers sont parties en Facte
1788. D on c il y a délégation et obligation directe
personnelle des sieur et dame de la R oche-Lam bert ;
l ’ont même exécutée en partie par leurs payemeus
de
et
ils
do
170644 francs.
Il est vrai que les syndics des créanciers de Tane sont
intervenus à la fin de Facte de 178 8 , pour ratifier et
c o n fir m e r la vente. Mais pourquoi se dissimuler les motifs
d e cette in terven tion , commandée par d’autres circons
tances.
Madame de M oütm orin étoit héritière1 bénéficiaire ;
elle habitoit Paris.
L a c o u tu m e de P a r is ne permet à l’héritier bénéfi
ciaire de vendre les meubles même de la succession,
sans les formalités judiciaires, auxquelles les créanciers
connus doivent être appelés. Cette coutume est muette
sur les immeubles; mais l’article 343 de celle d’Orléans,
plus n o u v e lle m e n t réfo rm ée, en est le supplém ent; et
s u iv a n t la ju ris p ru d e n c e constante à P a iis5 aucun héritier
bénéficiaire ne peut vendre les immeubles sans appeler
les créanciers.
�22)
A in s i, pour la solidité de l’acte de 178 8 , il falloit
leur concours. On eût bien pu faire valoir qu’ils avoient
coopéré aux affiches ; mais n’étoit-il pas plus sage de
leur faire approuver la vente, pour la sûreté de l’acqué
re u r, pour éviter des enchères et d’autres contestations',
q u i , bonnes ou m auvaises, ne sont que trop souvent
suggérées à des masses de créanciers ? Il étoit donc pru
dent ici d’avoir leur approbation; mais qu’avoit-elle de
commun à une délégation , lorsque ces créanciers, en
faisant une simple ratification in fo r m a com m uni d’un
acte qui ne contenoit qu’une indication de payem ent,
11e disoient pas dans leur intervention qu’ils acceptaient
l ’engagement des sieur et dame la R oche-Lam bert , et
qu’ils éteignoient celui de madame de M ontm orin ?
Ce n’étoit donc que pour lever une difficulté, et pour
la sûreté de la ven te, que les créanciers intervenoient";
mais point du tout pour une délégation qu’il ne faut
pas sous-entendre, et qu’on ne peut placer là sans cho
quer la loi elle-même. Q uœ dubitationis tollendœ causâ
in contractibus inseruntur, ju s com m une non lœdunt.
(
Quant aux payemens postérieurs faits par les sieur et
dame de la R oche-Lam bert aux créanciers, c’est encore
vouloir forcer le sens des choses les plus simples, que
d’y trouver une preuve de délégation parfaite et d’en
gagement personnel.
« P ou r qu’il y ait délégation (dit M . Pothier, n°. 564),
« il faut que la volonté du c r é a n c ie r de décharger le
« premier d éb iteur, et de se contenter de Vobligation
« de ce nouveau débiteur qui s’oblige envers lui à la
�< *3 )
« place du p rem ier, soit bien m arquée. C ’est pourquoi
« si P ierre, l’un des héritiers, pour se décharger d’une
« rente envers m o i, a , par un partage, chargé Jacques,
c< son cohéritier, de me la payer à sa décharge , il. riy aura
« pas de délégation, et Pierre ne sera pas déchargé envers
« m o i, si je ri*a i par q uel qu'acte déclaré fo rm ellem en t
« que je déchargeois P ierre : sans c e la , quoique j’aie
« reçu de Jacques seul les arrérages pendant un temps
« considérable, on rien pourra pas conclure que je Taie
« accepté pour mon seul débiteur à la place de P ie r r e 9
« et que j'a ie déchargé P ie r r e . L . 40, g. 2, ff. D e pact. »
Effaçons donc de cette cause que les sieur et dame
4 e la R oche-Lam bert ont contracté une obligation pertonnelle envers les créanciers de Tan e , sous prétexte
d’une délégation qui n’existe pas, et substituons-y qu’ils
ont contracté , com m e acquéreurs E T d é t e n t e u r s ,
l ’obligation de payer 375000 fr. pour le p rix de la terre
de Chadieu.
Q ue va -t-il en résulter ? R ien que de fort ordinaire ;
c’est que s’il y a eu ensuite des lettres de ratification, les
créanciers opposans auront une action sur le p r ix , et
n’en auront plus contre l’acquéreur personnellem ent.
Quand il y auroit eu délégation parfaite, elle seroit
anéantie par ces lettres de ratification qui ont opéré un
nouveau contrat entre l’acquéreur et les opposans, lequel*
contrat détruiroit absolument toute délégation anté
rieure \ c^r les conventions particulières de la vente-
�( 24 )
doivent cesser absolument pour faire place à celles que
la loi d ic te , et dont elle ordonne l’exécution.
L e résultat des lettres de ratification prises par le sieur
de la R o ch e-L a m b ert, sur la vente de 1788, devoit être
une procédure d’ ordre entre les soixante-treize créanciers
opposans.
Ce n’est pas ce qu’ont fait les créanciers de T a n e ; ils
ont commencé l’attaque par une inscription sur les biens
personnels du sieur de la Roche-Lam bert.
S’ils n’ont pas ouvert un ordre contre le sieur de la
R oche-Lam bert, e ’est qu’en effet ils ne le pouvoient pas;
car, i° . les syndics n’ont pas form é opposition aux lettres
de ratification prises par les sieur et dame de la R och eLam bert , sur la vente de 178 8 , mais seulement à la
vente faite au-sieur Sauzay le 27 novem bre 1791.
A in si ils ont transporté leur action en payement sur
le sieur S au zay, et ont laissé aux créanciers opposans
sur la vente de 1788, le droit exclusif d’attaquer les sieur
et dame de la R oche-Lam bert.
Ils së sont jugés eux-m êm es sur ce p o in t, par leur
exploit donné à Sauzay en l’an 4 , précisément parce qu’il
étoit obligé envers eux par ces lettres de ratification.
2°. Les lois invoquées par les créanciers , sur Immi
gration , prouvent qu’il 11’y avoit plus lieu à un ord re,
si un ém igré étoit débiteur, parce que le gouvernem ent,
dans ce c a s , forçoit la consignation en ses mains pour
distribuer les deniers lui-même.
3°. Les créanciers pouvoient encore moins ou vrir un
ordre contre le sieur do la R o c h e -L a m b e rt, après le
jugement
�(
25
)
jugement du 7 pluviôse an 1 2 , qui est rendu par suite
de leur provocation contre Sauzay. N atthey, son garant,
a répondu à leur demande ^n faisant juger qu’il avoit
payé valablement.
Les créanciers de Tarie se croient dispensés de tou t,
quand ils disent que cette chose jugée est un p iè g e , et
qu’ils ne veulent pas y tomber. Ils en sont les maîtres:
mais ce jugement est contr’eux; il n’est chose jugée pour
aucune autre personne.
'
L ’idée la plus bizarre des créanciers est de renvoyer
ce jugement à dém êler au sieur de la R och e-L am b ert,
qui n’y est pas partie, afin, disent-ils, de le faire réform er,
parce qu’on n’a pas pu valider une consignation faite sans
offres, sans permission de justice, sans appeler les créan
ciers, et faite surtout chez un receveur d’enregistrement.
Ils en concluent que ce versement est pour un ém igré,
et nullement pour libération envers eux.
Si les sieur et dame de la R oche-Lam bert avoient à
prouver sérieusement et nécessairement.que la somme
versée par le sieur Natthey a été pour le compte des
créanciers opposans, ils le prouveraient aisém ent, sans
rien contester des lois même qu’on leur oppose.
Il s’agit en ce point d’ une vérité de ré v o lu tio n , où il
ne seroit pas prudent de s’abandonner à ses propres
forces. P ou r être m ieux é co u té, en cherchant le sens
de quelques lois de circonstance que le législateur ne
nous a pas données comme ratio scr ip ta , il est plus
convenable d’emprunter le langage littéral d une autorité
prépondérante.
D
�c 76 )
L es créanciers de T a n e , en citant beaucoup d’arrêts/
ont prévu qu’on pourroit leur opposer celui rendu en
la C o u r de cassation entre les héritiers Lecom te et la
dame Bélanger; ils l’ont brièvem ent réfu té} en disant que
l ’espèce ne s’appliquoit pas à la cause.
Ils ont eu rigoureusement raison ; car quoique dans
cet arrêt il fût question d’une somme versée à la régie
par l ’acquéreur d’un bien de condam né, après des lettres
de ratification , les créanciers n’avoient de procès que
contre l’acquéreur qui avoit payé ; en sorte que minu
tieusement on peut bien dire que l’espèce n’est pas mot
pour m ot la même.
Mais ce n’est pas dans les motifs de l’arrêt que
nous puiserons des moyens j c’est dans le plaidoyer de
M . M e rlin , qui y a discuté avec sa profondeur ordi
naire le sens des lois qui ont obligé les débiteurs des
condamnés et des ém igrés à verser les sommes par eux
dues, à la régie de Venregistrement. Dans cette discus
sion , ce. magistrat n ’omet pas d’examiner aussi quel doit
être Veffet de ce versem ent, et pour q u i il est présumé
être fait. V o ici en peu de mots l’espèce de cet arrêt.
M . d’O rm esson , vendeur d’une ferme moyennant
425ooo fr. ? avoit reçu 340000 fr. ; il fut condamné à
m o rt, et la régie se fit payer 89904 fr. restans sur le
p rix de la vente.
A p rès la loi qui restitue les biens aux héritiers, la
dame B élan ger, acquéreur, prit des lettres de ratifica
tion. Les héritiers L ecom te, créanciers opposans, pour
suivirent le payement du prix, L a dame Bélanger se pré-
�( >7 )
iendit libérée m algré l’opp osition , et soutint que le
créancier n’avoit d’action que contre le trésor public ,
parce qu’ayant versé le prix de sa vente, comme y étant
obligée à cause.de la condamnation de son vendeur et la
confiscation de ses biens, son versement étoit pour le
compte des a yan t d r o it, et par conséquent des créan
ciers hypothécaires, en même temps que pour le compte
du vendeur.
C ’est pour examiner cette prétention que M . M erlin
discute; et nous allons voir qu’il l’adopte entièrement.
« Si au lieu de payer aux héritiers Lecom te (créanciers)
« le moatant de leur créance, la dame Bélanger l’eût
« payé à un tiers autorisé à recevoir p ou r eu x ( i ), leur
•« hypothèque se seroit éteinte ni plus ni moins que par
« un payement fait à eu x-m êm es... . . .
c< Q u e re ste -t-il à exam iner? Un seul point, celui de
-« s a v o ir si en effet les héritiers Lecom te o n t , par les
« m ains $ un tie r s , touché après la m ort du citoyen
cc d’Orm esson, ce qui leur étoit dû par la dame Bélanger.
cc (A rtic le 14 de la loi du 8 avril 1792. Les débicc teurs des ém igrés, à quelque titre que ce soit, ne
cc pourront se libérer valablement qu’en payant h 1$
,c< caisse du séquestre. )
« C ’est donc par forme de séquestre, que la nation
cc va recevoir les sommes dues aux émigrés. La nation
« ne les recevra donc pas précisément pour son compte
,« personnel,* elle les recevra pour le compte de ceux q u it
(i) Ces mots sont aussi en lettres italiques dans le plaidoyer
de M. M e rlin ; ils sont conform es à la r t. 1 ^ 9 du Code c iv il/
D 2
�'
( 28)
«
«
«
«
pourront y avoir droit ; elles les recevra par conséquent pour les remettre a u x créanciers que les émigrés
peuvent avoir laissés en F ran ce, sauf à en retenir le
restant à son p ro fit, s’il y a lieu..,. . . .
« (A rtic le 17. Les sommes déclarées en vertu des
c< articles précéd en s.. . . seront versées.. . , dans la caisse
« des receveurs de l’enregistrem ent, et ce nonobstant
« toutes oppositions de la part des créanciers de chaque
« é m ig ré , et sans y préjudiciel'. )
« V o ilà qui confirme , qui développe bien clairement
' « les conséquences que nous tirions tout à l ’heure de l ’ar« ticle 14 de la loi du 8 ‘.avril 1792. L e s oppositions des
« créanciers d’un émigré ne peuvent ni em pêcher ni
« dispenser son débiteur de verser à la caisse du rece« veur de l’enregistrement le montant de ce qu'il d o it,
« mais ces oppositions n’en souffriront point pour cela :
« elles tiendront sur la som m e que le receveur de Ven« registrement aura touchée. P reuve évidente et sans
„« réplique que le receveur de Venregistrement touche
« pour le compte des créanciers opposans ; p r e u v e évi
te dente et sans réplique que les créanciers opposajis
« sont censés recevoir par les m ains du receveur de
« Tenregistrement j preuve évidente et sans rép liq u e,
« enfin, que le débiteur, en se libérant entre les mains
« du receveur de l’enregistrement, est censé p a y e r , non
« pas seulement à la république, m ais encore a u x créan« ciers même opposans. » Questions de d ro it, tome 5 ,
y 0. Lettres de ratification.
Il faut rem arquer maintenant que c’est dans ce sens
que la question avoit été déjà jugée. Les créanciers d’O r-
�^
( 29 )
messon n’avoiënt été autorisés à attaquer l’acquéreur qu'en
cas d?insuffisance des deniers versés, et le recours n’étoit
ouvert contre la succession d!Ormesson qu’au même cas
d’insufiisance. L e pourvoi des créanciers fut rejeté.
Les conséquences de ce qu’on vient de lire sont toute
la défense du sieur de la Roche-Lam bert ; elles prouvent
que les créanciers de Tane ne se sont fait une cause qu’en
dénaturant jusqu’aux faits,' et en jouant sur les mots.
' Quand ils ont poursuivi Sauzaÿ pour les payer comme
leur d ébiteur, N atthey, son garan t, a fait juger contre
e u x qu’il étoit valablement libéré par deux quittances
de l’an 2 et de l’an 4. Ces expressions ont paru équivo
ques aux créanciers; ils ont dit qu’il ne s’ensuivoit pas
la preuve d’un p ayem ent, mais plutôt d’un versement
pour un ém igré.
Il falloit bien le dire ainsi pour s’emparer de l ’arrêté
du 3 floréal an 1 1 , qui ne se rapporte qu’aux créanciers
d’ém igré qui n’ont pas provoqué leur liquidation , et à
l’égard desquels il n’y a pas eu de payem ent. ?
Disons donc avec M . M erlin que si Natthey a payé
•le prix de C h ad ieu, soit en l’an 2 , soit en l’an 4 , ce n ’est
pas pour le sieur de la Roche-Lam bert qui n’avoit aucun
drçit à ce p r ix , mais pour les créanciers hypothécaires.
- A in si, quand les créanciers de Tane pourraient s’em
parer des lois d’émigration qui ne les regardent pas, il
est bien prouvé qu’ils n’y gagneroient rien', puisqu’aux
termes des lois on a versé pour eu x : par conséquent
ils sont payés; e t, ne craignons pas de ré p é te r, 1’arrçté
�( 3° )
du 3 floréal an n , . l a seule loi de leur système, ne-se
rapporte nullement à eux.
D e là est venu cet embrouillement de cause, de moyens
et de procédure. Il falloit se faire une qualité qu’on n’a
pas, épouvanter par une inscription de ôooooo francs,,
et bien se garder de'com m encer rune attaque d irecte,
pour mettre le prétendu débiteur dans un plus grand
embarras. ,
’
*
Mais qui a autorisé', on le ré p è te , les créanciers de
T an e à prendre cette inscription? car il faut avoir un
titre exprès et portant obligation directe de la part d’un
in dividu, pour ¡^rendre inscription sur ses biens. E t certes
ces créanciers qui n’en avoient pas en 1791 contre le
sieur de la R o c h e -L a m b e rt, en avoient encore moins
en 1808.
: t
A
ppel
des
h é r i t i e r s
de
M
o n t m o r i n
.
leur égard , il n’est pas.douteux qu’une obligation
personnelle de la part: des sieur et dame de lu R ocheLam bert a existé.
'
-
i
A
M ais existe-t-elle encore après des lettres de ratification
et un versement jugé valable? C ’est ce qu’il est difficile
d’adopter.
-'iL e s héritiers de M ontm orin n’auroient une action di
recte que dans trois cas qui doivent c o n c o u r ir .
L e p rem ier, en rapportant le consentement exprès
des créanciers opposans aux deux lettres de ratification.
L e sbçond,' en prouvant que les acquéreurs postérieurs,
�( 31 )
chargés de payer en l’acquit du sieur delà Roche-Lam bert,
n ’ont pas payé.
L e troisièm e, en prouvant encore que la perte des
versemeus faits p our la libération de Chadieu doit être
plutôt pour le sieur de la R oche-L am bert, à cause de son
ém igration, que pour les héritiers de madame de M ontr
m o rin , à cause de sa condamnation révolutionnaire.
V o ilà ce que devoient justifier, les héritiers de Mônt>
m orin, au lieu de se jeter dans les questions de savoir si
les versemens ont dû être faits avec ou sans des offres ^
avec ou sans permission de la justice, et si après les lettres
de ratification, et même après le 23 septembre 17 9 3 ,
c’étoit encore chez le notaire Xrutat que les deniers de
voient être versés, comme on ne s’est pas fait un scrupule
de le soutenir.
4
;
/
C e p e n d a n t les héritiers de M ontm orin ont fait une
inscription, non sur Chadieu dont ils ne veulent pas,
mais sur les biens particuliers du sieur de la R ocheLam bert. En avoient-ils le d ro it?
•
v
• D ’abord ils’ ne rapportent ni m ain levée, : ni consen
tement des créanciers opposans : ce seroit cependant chose
de prem ière n é c e s s ité , quand il n ÿ auroit pas .d’autre
o b sta cle .
::
:
:
En second lieu , comment prouvent-ils que les acqué*
reurs postérieurs n’ont pas p a y é ? ,
,
T o u t ce qu’on vient de dire prouve avec évidence une
libération.
Les sieur et dame de la R oche-Lam bert ont acheté
d’eux et se sont engagés à payer le p r ix , soit à T ru ta t,
�(
3*
)
soîï aux créanciers, à déléguer dans le cours de deux
années.
Ensuite Chadieu a été vendu à S au zay, à qui on a
laissé l’option de payer 375000 f r . , soit aux vendeurs,
soit aux créanciers, et spécialement a u x créanciers p ri
vilégiés sur la terre.
•
On ne peut pas tirer parti de cette option, car le sieur
de la R oclie-L am bert n’a rien touché de ces 376000 fr.
laissés dans les mains de son acquéreur pour faire face à
tout ; et le sieur Sauzay ayant mis son contrat au bureau
des h ypoth èques, a contracté Vobligation directe envers
les mêmes créa n ciers, de payer les 376000 francs.
• Ce contrat judiciaire résultant des le tt r e s e ffa c e l’al
ternative : c’est donc comme si la vente de 1791 contenoit
indication expresse de payer 376000 fr. a u x créanciers
privilégiés seulem ent.
A son to u r, le sieur Sauzay vend au sieur W a llie r ;
et il a si bien entendu que les oppositions formées à ses
lettres, par le syndic des créanciers d e T a n e , l’ont obligé
de ne payer qu’à eux , qu’il délègue W a llie r ou Natthey
à paj^er 355ooo fr. a u x créanciers de T a n e , opposans
a u x lettres de ratification.
Celui-ci appelle les créanciers en nivôse an 4 , pour
payer.en leur présence, se disant obligé de les payer.
Il les assigne comme opposans aux lettres de Sauzay, et
aux domiciles élus par leurs oppositions. Il procède tant
en son nom qiCau nom des prem iers acquéreurs : c’est
en cette qualité qu’ il verse le prix de sa vente.
; Ensuite il les assigne, et fait juger contre e u x y en qua
lité de créanciers de Tane> c£tv il est libéré.
Et
�( 33 )
E t on appelle ce jugement res inter alios acta. On
dit qu’il ne s’agissoit de faire juger le versement valable
que dans l’ intérêt d’un é m ig ré , parce qu’il est question
de lui dans les dires du sieur Nattliey. M ais, i° . il est
aussi question des héritiers de M ontm orin et de la 'con
fiscation de leurs biens ; car Nattliey’, qui clierchoit à
consolider sa lib ératio n , ne manquoit pas de justifier dé
son m ieux son versem en t, par le narré de toutes les
circonstances qui pouvoient la rendre meilleure.
2°. Ce qui prouve que ce jugement n’étoit pas contre
l’ém igré plutôt que contre un autre, c’est que cet ém igré
n’est ni p a rtie , ni appelé à ce jugement dont on veut
lui appliquer tout l’effet.
O r , vit-on jamais de plus inconcevable système, nonseulement en matière de chose ju g é e , mais encore en
matière d’hypothèque et de lettres de ratification ?
D ’un cô té, ce sont des créanciers opposans qui veulent
n’avoir plus rien de com m un, ni avec celui qui a obtenu
les lettres, ni avec son mandataire, chargé de le libérer
envers ces mêmes créanciers opposans, et qui ne veulent
s’adresser qu’au prem ier acquéreur, après avoir laissé
juger contre eu x la validité de la libération suivie de la
mainlevée de leurs oppositions; mainlevée qui lève toutes
les équivoques sur Veffet du payem ent.
D ’un autre côté, ce sont les héritiers du vendeur q u i,
après une libération jugée v a la b le, et une mainlevée
des oppositions, ont la bonté de se réunir spontanément
avec les créanciers d’une succession bénéficiaire , pour
demander qu’on annulle cette libération sans attaquer
la jugement.
E
�( 34, )
N ’est-ce pas un abus du raisonnement que de soutenir *
de tels paradoxes? Si mon acquéreur-chargé de vous
p n y e r a fait juger contre vous qu’ i l avoit valablement
p a yé y qui pourra d ire , sans choquer le bon sens, que
•je n’aiipas payé m oi-m êm e, et que je reste débiteur?
A II devient donc bien inutile de rechercher si le verse
ment a pu être fait comme il l’a été , quelle étoit la
caisse ou il falloit verser, et s’il y avoit suspension des
remboursemens ; car re - judicata pro veritate habetur,
un payement qui auroit été fait en assignats, après leur
suppression, seroit certainement réputé être en trèsbonne m onnoie, si un jugement l’avoit'dit : n u l n ’auroit
le droit de parler des vices d’une telle libéi’ation , tant
que ce jugement ne seroit pas attaqué.
S’il s’agissoit néanmoins d’examiner la jurisprudence
qu’on a p r é te n d u si constante sur la défense des lois de
c o n s ig n e r sans o ffres p ré a la b le s , et sans appeler les
créanciers, il se trouveroit à côté des c ita tio n s n o m
breuses faites par les adversaires, d’autres citations plus
applicables et plus précises sur la matière des consigna
tions fo rcé es, après des lettres de ratification.
Mais à quoi serviroit cette surabondance de doctrine
et de dissertation, si ce n’est à grossir un écrit de choses
inutiles , puisque les créanciers et les héritiers de Tane
ne veulent rien discuter de tout cela avec le mandataire
de Sauzay, chargé de faire face à, leurs oppositions,
qu’au contraire ils passent condamnation sur la validité
de son payement.
E t ; chose étoïlnante, ce que les adversaires ne pou-
�( 35 )
voient opposer que sur le procès de Pan 1 2 , et à Natthey,
ils l’ont réservé pour les sieur et dame de' la Roche-,
L am b ert, après avoir, laissé juger que le payement étoit
régulier.
S’il n’y avoit pas de collusion eçtre les, héritiers et les
créanciers, est-ce que les héritiers de M ontm orin ( qui
après les oppositions aux lettres ne sont plus que les
cautions du payement ) n’opposeroient pas aux créanciers
l ’exception cedendarum actionum , et ne leur diroient
pas que s’il leur a plu de laisser juger que leur gage
étoit perd u , et s’ils’ne sont pas en état de subroger à leurs
hypothèques, ils n’ont plus de recours à exercer.
S’il n’y avoit pas collusion encore entre les créanciers et
N atthey, qu’ils expliquent donc pou rquoi, se disant aussi
certains de la nullité de ses consignations, ils craignent
de s’adresser à lui ou à Sauzay, qui par'ses lettres de ra
tification a contracté l’obligation de payer aux créanciers
privilégiés 375000 fr. ; pourquoi iis paroissent regarder
ses versemens de Tan 2 et de l’an 4 comme un chiffon
inform e, sans le prouver, s’ils en savent si bien le secret?
Mais l’exception que ne veulent pas opposer les héri
tiers d e T a n e , le sieur de la R oche-Lam bert le fera , et
il en a le pouvoir. On ne peut le forcer de payer sans
qu’il ait le droit d’opposer aux créanciers de Tane que
s’ils ne font pas tomber le jugement de l’an 1 2 , et s’ils
ne remettent pas les parties au même état où elles étoient
avant ledit jugem ent, ils ont perdu tout- recours contre
lu i; car il est d’une épouvantable injustice qu’on puisse
E a
�C 36 ) •
lu i'd ire : « V ou s avez acheté Chadieu , et vous l ’avez
»■
‘ revendu à la charge de nous payer; nous avons accepté
« cette charge par une opposition. Maintenant nous ne
« pouvons vous subroger ni à nos droits sur Chadieu ,
« ni à nos droits sur le prix ; et cependant nous voulons
* être-payé par v o u s, qui ne le serez par personne, et
« qui n’aurez ni la chose ni le prix. »
Quelque atroce que soit ce système, on ne rougit pas
de le sou ten ir, 011 le trouve au contraire fort équitable;
on se passionne même au point de dire que M i de la
Roche-Lam bert manque à ses devoirs lorsqu’il n’est pas
du même avis. A la vérité ce -n’est ni dans Condillac ni
dans Puffendorff qu’on va puiser pour justifier l’équité
mathématique de ce raisonnem ent; c’est seulement dans
les lois sur les ém igrés, qu’on a prétendu trouver la preuve
que res périt domino signifie, en langage de révo lu tio n ,
que le prix d’un immeuble dû à'des créanciers opposans,
pour une vente antérieure à toute émigration , a péri
p ou r Témigré,
.
Pourquoi ajouter,à la dureté des lois jrévolutionaires,
quand elles ne sont pas coupables de cettei subversion de
tous les principes ?
Les lois de 1792 ordonnèrent le séquestre des biens
des ém igrés, et chargèrent la régie de l’enregistrement
de ce séquestre; elles ordonnèrent a u x débiteurs des
émigrés de verser dans la caisse de ce séquestre.
Mais - qu’y a-t-il de c o m m u n entre Chadieu vendu à
Sauzay par acte n otarié, en 1 7 9 1 , et un bien d'ém igré?
Qu’y a-t-il de commun entre un acquéreur non émigré^
'
�( 37 )
qui par des lettres de ratification a form é un contrat ju
diciaire avec des opposans non ém ig rés, et des débiteurs
d’émigrés ?
Mais admettons en toute hum ilité qu’ un républicole n’a
dû souffrir de rien,* et que tout le sacrifice doit tom ber
sur le proscrit, n’y a-t-il pas lieu de s’étonner que les
héritiers de M ontm orin soient ici à l’unisson avec les
créanciers de Tan e , pour dire que rémigré seul doit
perdre le versement ?
■Si la Cour, partageant l’opinion des adversaires, quoi
qu’à notre sens elle déplace toutes les idées, jugeoit que
N atthey,. quatrième débiteur, ayant payé la dette de
Sauzay, troisième débiteur, n’a pas libéré les sieur et
dame de la Roche - Lam bert , seconds débiteurs, il
faudra b ien , pour être conséquent, arriver jusqu’aux
héritiers de M on tm orin , premiers débiteurs, et dire que
le moins qui puisse résulter de ce cahos, c’est que cette
dette a subsisté concurremment sur ces deux derniers.
Mais si M . de la Roche-Lam bert a été sur la liste des
émigrés , madame de M ontm orin a été condamnée révolutionnairement : ainsi les lois sont les mêmes pour les
deux circonstances.
L ’article I er. de la loi du 26 frim aire an 2 , dit que les
biens des condamnés devoient être régis et liq u id és, et
vendus comme les biens des émigrés.
L a seule réponse qu’on ait pu faire à cette observa
tio n , a été de dire que madame de M ontm orin fut con
damnée le 20 floréal an 2 , et que la nouvelle n’a pu
�( 3 8 }
arriver en Suisse assez tôt pour que Natthey revînt en
A u verg n e consigner le 26.
Cette réponse est-elle bien sérieuse contre celui qui
prend la chose en l’état 011 il la tro u ve, lorsque surtout
on sait fort bien que ce n’est pas le N atth ey, de N y o n ;
qui a consigné à Sain t-A m an t?
Que l’on dispute tant qu’on voudra contre le sieur
N atth ey, sur la vraisemblance de ses versem ens, sur
leurs dates et leur réalité; tant qu’il y a quittance et juge
ment de libération, le sieur de la Roche-Lam bert profite
du payement fait par son mandataire, qui ne peut être
libéré sans que le mandant le soit.
Si malgré cette évidence de libération il falloit en venir
à imputer sur q u e lq u ’ u n la perte de ses versem ens, il
est évident que ce ne peut êtrer sur celui à q u i il aurait
p ro fité, c’e s t - à - d i r e , aux héritiers de Tane , comme
vendeurs de la terre, comme propriétaires du p r ix , puis
qu’ils étoient propriétaires de Chadieu juqu’au payement.
Il n’y a en effet aucune raison de p r é f é r e r pour la
perte, les sieur et dame de la R o c h e -L a m b e r t, et de
s’arrêter à eux plutôt qu’à Sauzay ou W a llie r ; il y auroit
à cela une inconséquence tout arbitraire ; car il faut
opter entre le vendeur oli l’acquéreur, dont les lettres
sont grevées d’oppositions : l’un est le débiteur'personnel,
et l’autre le débiteur hypothécaire.
Les acquéreurs intermédiaires n’ont contracté qu’une
obligation transitoire : à aucun titre le principe res périt
domino ne peut être pour eux.
Car la terre n’étant pas à e u x , la somme consignée
�( 39 )
n’etoit pas pour eux. Q u’elle ait été versée pour-les'hé
ritiers de M ontm orin ou pour les créanciers de Tane,.
c est toujours aux héritiers de M^ontmonn que lu somme
devoit profiter, puisqu’elle étoit destinée à payer leurs
dettes.
Comment donc a-t-on pu espérer de prouver qu’une
somme devoit périr pour les sieur et dame de la R ocheL a m b e r t, qui n’étoient propriétaires ' de cette somme
à aucun titre et en aucune q u alité, pas plus qu’ils ne
l ’étoient de Chadieu ?
Il faut conclure plutôt que si la libération de Natthey
n’a profité qu’à lui seul et n’a eu lieu qu’à cause du sé
questre national, c’est le vendeur séquestré qui se retrouve
passible de sa dette, et non l’acquéreur, qui ne s’est obligé
que comme détenteur, et qui a donné pouvoir à un tiers
de verser pour lui.
Cum jussu meo id quod m ih i debes sohns creditori
m e o , et tu à me et ego à creditore meo liberoi\ L . 6 4 ,
ff. D e solutionibus.
S o u v e n o n s -n o u s e n c o r e q u e M . M e r lin a p r o u v é q u ’ u n
v e r s e m e n t fa it à la caisse d u s é q u e s tr e , é to it ce n sé ê tre
fa it a u x créa n ciers , et q u e c ’est a b s o lu m e n t c o m m e si
ces c ré a n c ie rs a v o ie n t e u x -m ê m e s re ç u et d o n n é q u itta n c e .
T o u t ce qu’il a dit se rapporte parfaitement aux hé
ritiers de M ontm orin, qui viennent se présenter comme
ayant été créanciers de l’émigré pour lequel ils assurent
que la somme étoit versée.
U n autre moyen s’applique1 encore aux héritiers de-
�C 4®)
M ontm orin ; c’est que leur système de se dire créanciers
d’un ém igré , conduit à remarquer que c’est la nation
qui les a représentés l’un et l’autre depuis le 20 floréal
an 2 , jusqu’au 21 prairial an 3 , époque de la resti
tution des biens aux condamnés.
O r, la nation auroit été débitrice et créancière du prix
de Chadieu : donc il y a extinction de la dette par con
fusion. (C o d e c iv il, art. 1300. Sénatus-consulte, du 6
floréal an 1 0 , art 17. )
A in s i, et dans toutes les hypothèses, les héritiers de
M ontm orin sont payés par N a tth e y , ou n’ont de recours
que contre Natthey ou Sauzay. Ils ne s’appliqueront pas
l’arrêté du 3 floréal an 11 , pour revenir de la nation à
l’ém ig ré, puisque la nation les a traités de m êm e, et
leur a rendu leurs droits ut ex nunc. V o ilà , n’en dou
tons pas , ce qui est dém ontré jusqu’à l’évidence.
A
ppel
contre
le
sieur
A
m édée
de
T
an e
.
L e jugement de Clerm ont n’est pas conséquent dans
ses dispositions : il juge d’abord que le versement fait
par le sieur Natthey a éteint les délégations dont Sauzay
avoit chargé W a llie r ; et cependant il condamne les sieur
et dame de la Roclie-Lam bert à payer la créance du sieur
A m édée de T a n e , qui prétend représenter pour le tout
le sieur de Santenas, prêteur de 30000 francs.
S’il est jugé que Natthey a valablement payé le prix
entier de sa v e n te , il est constant que le sieur Santenas
n’a plus d’action ; car le sieur de la R oche-Lam bert a
laissé
�(4 0
laissé entre les mains de Sauzay une somme suffisante
pour payer tout le p rix par eux d û , c’e s t - à - d i r e ,
375000 fr. , quoiqu ils eussent payé déjà 170644 fr. :
à son tour, Sauzay a laissé à Natthey une somme suffisante
pour désintéresser les ayant droit de ses vendeurs.
A u reste, il suffit de renvoyer sur cet appel à ce qui
a été déjà d it, et de se réserver contre Natthey la ga
rantie que le tribunal de Clerm ont n’a pas voulu pro
n o n cer, par une,autre inconséquence.
A
ppel
contre
le
sie u r
N
a t t h e y
.
Cet appel n’a qu’un objet subsidiaire, puisque, si on
ne demande rien au sieur de la R oche-Lam bert, il n’aura
rien à demander au sieur Natthey , dans son propre
intérêt.
Mais si, par impossible, le sieur de la R oche-Lam bert,
qui n’a pas Chadieu, étoit condamné à payer le prix de
Chadieu , alors bien évidemment le sieur Natthey ne
peut éviter une garantie, puisqu’il s’est engagé expressé
ment à faire payer 355ooo francs a u x créanciers de
Tane , opposans a u x lettres de ratification prises par
S a u za y , ou à consigner après le sceau de ses lettres,
Dira-t-il qu’il a payé en vertu d’une contrainte ; que sa
libération est jugée valable açec les créanciers,* qu’ainsi
il a rempli son obligation mot pour mot ?
Mais tout cela ne le délie pas de son engagement
envers le vendeur ; car il ne suffit pas qu il d ise , j’ai
payé; il doit être prêt à faire valoir son payement vis-àvis le vendeur, toutes les fois que celui-ci sera recherché.
F
�( 4» )
.
Lorsqu'un acquéreur s’est soumis à payer le p rix de
sa vente à des tiers, ce n’est pas assez qu’il rapporte des
quittances* il n’est pas dégagé pour cela de faire juger
en -présence de son vendeur qu’elles sont suffisantes pour
lu i, de faire en sorte qu’il soit quitte envers les créanciers
qu’il a spécialement d élégués, et d’arrêter à toutes les
occasions les poursuites qui pourroient le troubler.
Cet engagement est tellement de stricte justice, que les
lois sur le papier-m onnoie n’ont point assimilé les ac
quéreurs chargés de payer des délégations, aux autres
acquéreurs de cette époque : elles ne leur ont permis
de réclamer aucune réd u ction , et ont rigoureusement
exigé qiüils rapportassent les quittances des créanciers
délégués par la v en te, même lorsqu’il n’y avoit qu’une
simple indication de payement.
Toutes les difficultés du payement fait par un acquéreur
ne peuvent être levées et discutées que par lui : sans cela,
par une collusion coupable, il pourroit obtenir des créan
ciers délégués qu’ ils s’obstinassent à ne poursuivre que le
vendeur, lequel n’ayant rien payé lui-m êm e, seroit privé
de tous moyens de défense.
E s t - il proposable, en effet, d’assujétir le sieur de la
R o ch e-L a m b e rt à faire valoir seul les quittances d’un
payement qu’il n’a pas fait, vis-à-vis des créanciers qui
suspectent ce payem ent, et q u i, m algré un jugem ent,
persistent à dire que la libération est irrégulière?
Comment le sieur de la R o c h e -L a m b e rt sera-t-il en
état d’éclairer les héritiers et créanciers de T an e sur
leurs doutes, et de leu r apprendre si le prem ier verse
m ent de 3 55 ooo fr . 7 que N atthey dit avo ir fait à Saint-
�( 43 )
A m ant le 26 floréal an 2 , sans appeler personne, doit
être préféré au second versement de 619604 f r . , qu’il
dit avoir fait chez le même receveur le i5 pluviôse an 4 ,
en appelant les créanciers opposans ?
A u cun autre que Natthey ne peut dire aux créanciers
si sa quittance du 1 5 pluviôse an 4 est un versement ou
un co m p te, si la quittance de 32861 fr. en fait partie,
et enfin si les 264604 fr. qu’il a demandés à la régie pour
indemnité d’un séquestre de huit m o is, lui ont été tenus
à compte ; car rien ne donne la clef de tous ces faits *, et
cependant il faut savoir ce que la république a retenu,
pour savoir ce que Natthey a payé réellement.
L e sieur Natthey paroît vouloir dire qu’il a payé en
vertu d’un ordre de la r é g ie , et qu’il n’a pas d’autre
compte à ren dre, puisque sa quittance est un acte ad
ministratif.
Mais où auroit-il pris cette étrange doctrine ? elle
eût été très-commode pour payer ses dettes sans gêne;
car à supposer que la régie eût refusé une contrainte à
celui qui désiroit lui com pter 355ooo francs , il faut au
moins convenir qu’une contrainte 11’est pas un ordre, et
n’a rien de commun avec un acte administratif.
Que Natthey objecte aux créanciers opposans tout ce
qui lui semblera bon pour faire valoir la consignation
que son contrat l’oblige à faire partout où besoin s e r a ,
après le sceau des lettres de ratification ,* mais plus il
sera en règle pour ce qu’il a fait comme m andataire,
plus il lui sera aisé de faire valoir son »payement; et il
ne s’en dispensera pas en rejetant la validité de ce qu’il
F 2
�( 44 )
a fait aux risques de son m andant, car il est obligé sans
exception , ou de faire va lo ir ses payemens contre les
créanciers et de faire cesser leur réclam ation, ou de
garantir le sieur de la Roche-Lam bert de l’effet de leurs
recherches.
' Que si le sieur Natthey p réten d o it, ainsi qu’il en a
menacé , s’isoler de cette procédure , en disant que la
validité de ses versemens n’est pas de la compétence judi
ciaire, on lui répondroit qu’il ne peut pas proposer de
déclinatoire, par plusieurs motifs.
i° . Parce que lu i-m êm e a soumis la validité de ses
versemens à l’autorité judiciaire, et a obtenu jugement
à cet égard le 7 pluviôse an 1 2 ; il a opposé ensuite ce
jugement comme un moyen pérem ptoire sur la cause
actuelle.
2°. Parce que la demande en garantie a été jo in te ,
et que loin d^attaquer le jugement de jonction, le sieur
Natthey a plaidé au fond.
3°. Parce que dans des lettres missives adressées au sieur
de la Roche*-Lambert, le sieur Natthey a offert sa garantie
pour le procès actuel; en sorte que ce nouvel engage
ment a produit une nouvelle action qui ne peut être
soumise qu’aux tribunaux civils.
40. Parce qu’ il résulte des arrêts déjà cités de part et
d’autre, que les tribunaux ont toujours statué sur la vali
dité des versemens faits dans les caisses publiques par les
acquéreurs même des biens provenus d’émigrés ou con
damnés.
Dans tous les cas, les lettres du sieur Natthey suffi-
�( 45 )
sent (i) ; l’offre expresse de sa garantie a été acceptée ex
pressément par le sieur de la R oche--Lam bert dans ses
21 juin 1808.
(1) « J’ai reçu votre le ttre , M onsieur, et je ne veux pas un
cc seul instant vous faire attendre ma réponse.
ce
cc
cc
cc
cc
cc
cc
cc
« J’ai d’abord été fort surpris des inscriptions que les créan
ciers de T a n e ont prises sur vos biens ; j ’ai dû ensuite me
souvenir qu’ils avoient précédem m ent regretté de n’avoir pas
pris cette voie d’abord , et de s’ètre engagés dans une autre
voie qui ne leur a pas plus réussi que c e lle -c i ne peut leur
prom ettre du succès. V ous croyez d’a v a n c e , je l’espère, que
toutes choses sont parfaitem ent en règle vis-à-vis d ’eux...........
ce V o u s avez quelqu’apparence d’inquiétude sur le vrai propriétaire de Ghadieu. D ’un mot je vous tirerai de toute inquiétude. I l n e t i e n d r a q u ’ a vous q u e N a t t i i e y o u m o i , a v o t r e
te C H O I X ,
OU T O U S D E U X R E U N I S , N E V O U S O F F R I O N S D E NO US SU RS-
cc
a
titu e r
vous
dans
cette
a ffa ir e
: je vous en passerai acte
cc public avec grand plaisir et sans inquiétude ; c a r , encore une
ce fo is , toutes Choses sont parfaitem ent en règle avec ces mescc sieurs et tous autres.
cc
cc V oilà u n prem ier problèm e réso lu , à votre satisfaction sans
doute. V ous v o y e z q u e N a t t i i e y n i m o i n e n o u s e f f a ç o n s ;
te Q U E M E M E NO US VOUS' O F F R O N S , SOUS N O T R E G A R A N T I E E T C E L L E
CC D E
C H A D I E U , D E N O U S SU B S TI T U E R
A VOUS. . .......................
cc V ous êtes encore dans l’e r r e u r , quand vous supposez que
cc les créanciers de T an e avoient fait opposition aux lettres de
cc ratification obtenues par M. votre, père sur MM. de T ane.
cc Fayon s’in scrivit, fit inscrire aux hypothèques d’autres créan
ce ciers non u n is, et ne fit point inscrire l’union...............I I n ’y
<c eut aucun acte conservatoire de la part de l’union;
�( 4 <S )
réponses : ainsi ce nouvel engagement passé entre M . de
Batz, représentant JNultliey , et M . de la R o ch e-L am b ert,
« Mais aux lettres de ratification prises par Sauzay sur M. votre'
« votre p è r e , l’union fit o p position , alors trop tardive si elle
cc étoit nécessaire. En l’an 4 > il y eut des lettres de ratification
cc prises sur S a u za y, et l’union eut le tort extrêm e de ne pas
cc prendre d’in scrip tio n , ni faire d’opposition.
cc Ils n’ont donc que celle du 2 2 décem bre 1 7 9 1 ; mais il y a
cc. condam nation contr’eux sur c e p o in t, à l’occasion de l’inscc
tance très-âpre et très-vive qu’ils avoient com m encée à Paris
cc
contre Sauzay. Repoussés dans cette voie par laquelle ils atta-
ct
quoient, dans S a u za y, W a llie r et N a tth e y , et se trouvant à
bout de voie , c ’est alors qu’ils regrettèrent de n’avoir pas
attaqué d’abord M. votre père ou votre fam ille, au lieu de se
faire condam ner sur leu r inscription de 1 7 9 1 . M a is , à dire
v r a i , je n’aurois pas im aginé qu’après plusieurs années de
silence et d’inaction, ils auroient im aginé de finir par où. ils
auroient voulu com m encer. Mais les actes su bséqu en s , leur
liquidation, l e u r payem en t, sont tels qu’ils ne peuvent cherc h e r qu’à effrayer et à a r r a c h e r q u e l q u ’a r g e n t , du moins de
Sauzay : c ’étoit contre Sauzay leur plus solide projet.
cc
cc
cc
ce
cc
cc
cc
cc
cc
cc S ’ils ont pris des inscriptions folles sur vos b ie n s , ils en
ce
ont égalem ent pris sur Chadieu.................... Instruisez-m oi de
ce tout ce qui s’est passé d eux à vous dans cette insurgence, et
ce vous aurez de ma part, ou par m oi, instructions parfaites. Je
ce vous répète que m ’identifiant à N a tth e y , je me mettrai avec
cc plaisir à votre lieu et place. N e perdez pas un moment à m e
ce faire savoir s’il y a de simples inscriptions prises, ou s’il y a
ce quelque demande form ée. V oilà de ma part, j ’esp ère, fran« ch ise, loyauté autant que vous pouvez d ésirer, et plus que
« vous ne pourriez exiger.
cc Recevez l’assurance de mon bien sincère et invariable
�.
(
47)
est aussi valable que s’il eût été souscrit par un acte en
form e; ca r, d’après les principes, on contracte valable
ment per epistolam a ut per n un tium .
ce attach em en t, et veuillez le faire agréer à M. votre père,
te S ig n é D e B atz.
« D ès que j ’aurai votre ré p o n se , je partirai ou vous écrirai
cc sur-le-cham p. Je ne suis nullem ent in q u ie t, parce que je
ce connois les faits, et qu’ils sont réguliers. »
Paris, g juillet 1S08.
,
v*
te
te
«
ce
« Je n'ai pas perdu de tem ps, M onsieur, à prendre tous les
re.nseignemens et toutes les instructions utiles contre les créan
ciers de Tane. J’aurai une consultation dés plus habiles gens,
L ’a f f a i r e paroit inattaquable par les créanciers de T an e. Il est
heureux pour vous et pour moi que j’aye pris, dans le temps
u t ile , surabondance de p récau tio n , pour acquitter à la fois
ce
vous et m o i, et pour m ettre dans tous les sens les créanciers
c< en dem eure. V ous ne pouvez vous défendre que par mes
cc pièces.....................M. votre père n’auroit pas dû prendre inscc cription sur C h a d ie u , surtout sans m ’en prévenir : il n’auroit
et pas dû en prendre au nom d’autrui ; il ne devoit voir que les
cc créanciers. Son intérêt est de faire cause com m une a v e c
cc Chadieu : quiconque lu i dira le contraire se tro m p era , rin
ce duira en erreur. A u reste , je lui dem ande, et j ’espère qu’il
ce ne m e le refusera pas , de vouloir bien faire rayer son inscc cription au bureau de Clerm ont. J’ai b e so in , pour ma seule
« délicatesse v is-à -v is de deux personnes à qui j’ai fait deux
« em prunts, d’avoir leur certificat d’inscription avant le vôtre,
« parce qu’agissant de bonne foi et d entière confiance en m o ir
et ils ont reçu dans leu r acte ma parole d’honneur qu’il n ’existoit
�( 4 8 }
M . de Batz, représentant N atthey, a toujours continué
d’agir en conséquence de ce nouvel engagement. Il a
envoyé au sieur de L aroch e-L am b ert la consultation
très-détaillée de M M . P oirier et Bellard (annoncée dans
Ici dernière le ttre ), pour le rassurer sur ses risques, et
lui attester que les versemens de Natthey éteignoient la
créance.
11 y a donc impossibilité de délier le sieur Natthey de
son nouvel engagem ent, qui lève tous les scrupules des
lois de rém ig ratio n , lesquelles n’ont rien de commun à
une garantie offerte et acceptée en 1808.
te
a
pas d’hypothèque sur Chadieu ; e t , certes , je croyois la
donner en toute vé rité, et il se trouve que la vôtre existoit
le jour m êm e où j’affirmois q u il n’en existoit p a s, ou du
moins que celle du m aire de V i e , qui est nulle de f a it , et
celle de deux pauvres petits créanciers que j’ai fait condam ner
à Riom , et que j’espère faire rayer à tous momens. M. votre
p è r e , a p r è s a v o ir fait r a y e r celle q u ’il a déjà faite , pourra
au m êm e instant , s’il le j u g e à p r o p o s , la fa ir e r é ta b lir . Je
n’y suis que pour ma délicatesse seu lem en t, et j ’espère qu’il
cc
ne me refusera pas cette satisfaction lé g ère, q u i, dans aucun
cc
cc
«
«
cc
«
c<
cc cas , ne peut lui être dom m ageable , et qui a été pour moi
ce le sujet d’une véritable contrariété , honneur et délicatesse
cc
parlant.
A u su rp lu s, je prends le parti d’aller porter cette lettre à
cc M. V a u trin , et je m’en rapporte à ce qu’il vous conseillera
cc
cc à ce t égard.
Je vous re n o u ve lle , M onsieur, l’assurance de mon dévoue« m ent à vos in térêts, et de mon bien sincère attachem ent.
cc
«
S ig n é D e B a tz . »
II
�( 49 )
_
?f II,n e reste plus gu-un mütr àcdire sur l’elTet 'de cette
garantie, s’il tfaflloit eii’ Veriir à elle'; il est réglé par le
Code civil ^ iquiis’exprim e ainsi : ;
,* A rticle i ? 42 ^ c< T ou te ¡obligation de falrejse résout en
« dommages-intérêts, en cag de ;non-exécution.de:larpàr£
« du débiteur. »
A rticle 1184.
L a condition résolutoire est toujours
« sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour
« le cas où l’une des deux parties ne satisfera point à »
« son engagement.
« Dans ce cas, le contrat n’est point résolu de plein
« droit. La partie envers laquelle l’engagement n’a point
« été e x é c u te ra le c h o ix , ou de forcer l ’autre à l’exé« cution de la convention lorsqu’elle est possible, o ird ’cn
« demander la résolution avec, dommage^ et intérêts.
« L a résolution doit être demandée en justice, et il
« peut être accordé au défendeur un délai selon les cir« constances. »
L e sieur de la Roche-Lam bert a conclu à la résolution
de la vente de 1791 , si la condition de le faire tenir
quitte de 355ooo fr. n’est pas exécutée : la loi ne lui
permet pas de douter que cette résolution ne soit pro
noncée, s’il étoit condamné à payer lui-même la somme
considérable qu’on lui dem ande, et qu’il ne doit pas.
Comment le sieur Natthey pourroit-il soutenir l’idée
qlie lç sieur de la R.oche ~Lam bei t dut etie oblige de
payer Chadieu sans l’avoir, tandis que lui, Natthey, auroit
Chadieu sans le payer?
Jusqu’à présent le sieur Natthey n’a. point /«levé une
prétention aussi im m orale; il est vraisemblable qu’il s’en
G
�( 5o )
tiendra à ce qui est raisonnable et légitim e : ainsi , à son
égard , il ^suffit de s’arrêter à l’idée qu’il fera valoir ses
payem ens, puisqu’il s’y est én gagé, ou -qu’il s’arrangera
avec les créanciers de telle manière que son vendéur soit
à. l ’abri de toutes recherches;1
M e. D E L A P C H I E R , ancien avocat.
M e. M A R I E , licencié avoué.
n
jY
À o'
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A-RIOM, de l’imp. de T H I B A U D , imprim. de la Cour impériale, et libraire,
rue des Taules, maison L a n d r i o t . — Juillet 1810,
�
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The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
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A name given to the resource
Factums Marie
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Description
An account of the resource
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A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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A name given to the resource
[Factum. Roche-Lambert, Joseph de. 1810]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Delapchier
Marie
Subject
The topic of the resource
assignats
émigrés
confiscation nationale
créances
Description
An account of the resource
Mémoire en réponse, pour sieur Joseph de la Roche-Lambert, habitant d'Issoire, intimé et appelant ; contre Dame Françoise-Aglaé-Gabrielle de la Luzerne et sieur Pierre de la Grange-Gourdon, son mari, dame Angélique-Armande-Camille de la Luzerne et sieur Anathocle-Maximilien Hurault de Vibraye, son mari, habitans de la ville de Paris, héritiers bénéficiaires de la dame de Montmorin, laquelle était héritière bénéficiaire du sieur Emmanuel Frédéric de Tane, son frère, appelans ; contre sieur Henri Duvergier, habitant à Paris ; Simon Teroulde, habitant à Daudeville ; Pierre-Louis Laisné, ancien sellier à Paris, habitant à Sens ; Antoine-Louis Duchastel, apothicaire à Paris ; et Jean Chardon, chapelier, habitant à Paris, syndics et créanciers unis dudit sieur de Tane, aussi appelans ; contre Sieur Amédée de Tane-Santenas, habitant à Paris, intimé ; et contre Sieur Louis Natthey, habitant de Nyon en Suisse, aussi intimé.
Annotations manuscrites.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
de l'imprimerie de Thibaud (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1810
1511-1810
avant 1661
1661-1715 : Règne de Louis XIV
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
50 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0423
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G1413
BCU_Factums_M0424
BCU_Factums_M0412
BCU_Factums_M0413
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/5/53807/BCU_Factums_M0423.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Authezat (63021)
Issoire (63178)
Paris (75056)
Daudeville
Sens (89387)
Nyon (Suisse)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
assignats
confiscation nationale
Créances
émigrés
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/5/53803/BCU_Factums_M0419.pdf
96ad767d43a4f4ec02b0e429940109ba
PDF Text
Text
\
/
MÉMOIRE
EN RÉPO N SE .
�COUR
I M PÉ R I AL E
MÉ MOI R E
D E RIOM.
EN R É P O N S E ,
POUR
-
...
I re. CHAMBRE.
Audience
.
2- juillet
D am e J e a n n e -M a rie D E C H A M P F L O U R ,
v e u v e d u sieur
de ontr o z i e r sieur J e a n - B â p t i s t e D E C H A M P F L O U R ; dam e M a r i è A n n e- F é l i c i t é D E
F R E D E F O N T , et sieur J e a n J a c q u e s D E
R O C H E T T E , son m a r i ; d e m o ise lle G a Br i e l l e D U R A N D D E P E R I G N A T , et dame
M a r ie D U R A N D , religieuse; tous habitans
P a u l-F ra nçois
M
de la ville de Glermont Ferrand, intimés
'
.
CONTRE
Dame A n n e - E m il ie . D E F E L I X veuve de
sieur C l a u d e - F r a n ç o i s - L é o n
propriétaire à Collongues, arrondissement d’Aix,
département des Bouches-du-Rhône, appelante ;
y
d e
en
PRE
S im ia n e
i
s e n c e
De dame MARGUERITE D E C H A R D O N , veuve
du sieur J a c q u e s - F r a n ç o is de M o n t a n i e r ;
C l a u d e - A n t o in e - J oseph D E C H A R
D O N ; demoiselle A nne D E C H A R D O N
18 io.
�(4)
dame P e k r e t t e D E C H A R D O N , veuve du
sieur V a l l e t t e d e R o c h e v e r t ; tous proprié~
taires7 habitans de la ville de Riom, intimés;
ET
EN
PRÉSENCE
De J ac ques - M a r ie L A V I G N E , et J e a n
P I R E L , habitans de la ville d’Ambert, aussi
intimés.
Q U E S T IO N S .
i°. L es religieux q u i, -par Veffet rétroactif de la loi
du
brumaire an 2 , ont obtenu un droit successif de
la nation représentant un émigré, ont-ils été soumis ci
rendre cette succession après le rapport de cet effet
rétroactif, lorsque les héritiers rétablis se sont trouvés
représentés par la république, comme émigrés ?
2.0. L a nation 7 dans ce cas particulier, ri1est-elle pas
censée avoir renoncé à toute recherche, et rCavoir point
voulu user du bénéfice des lois des 9fru ctid o r an 3 r et
3 vendémiaire an 4?
3°. L e sénatus-consulte du 6 flo r éa l an 10 r ia - t - il
rendu aux émigrés am nistiésy ou à leurs héritiers3 que
les biens qui se trouvoient dans les mains de la nation7
p a r la voie du séquestre y au moment de Pamnistie?
5
E s questions sont exactement les m em es q u e celles
1
p i’éseutécs p a r 'la dam e clc Sijuiauc» Il faut, y ajouter
�( 5 )
qu’elle se dit créancière du sieur Hector de SimiaiieJ
mort émigré , et que c’est en cette qualité qu’exerçant
les droits de la république, elle veut faire aujourd’hui
ce qu’elle prétend que la république auroit d û ju ire après
le 9 fructidor an 3 , c’est-à-dire, ôter aux héritiers d’une
religieuse ce qui lüi a été abandonné nationalement, dont
elle a joui dix ans et jusqu’à sa mort. Cette prétention
est si bizarre, qu’il faut être surpris de la voir élever
sérieusement, après tant de lois faites pour-rassurer les
possesseurs des biens transmis y à quelque titre que ce
soit, par la république.
-
• H' J >!) *111:
F A I T S .
:
,
ci
i.:
:
•
La dame Anne D elaire, épouse de M. de Clary , est
décédée le 27 octobre 1791.
Elle avoit institué pour .héritiers, par un testament de
17 8 7 , M . Hector de Simiane, son cousin paternel, et
M . de Chardon, son cousin maternél, à la charge,d’ac
quitter pour 240000 francs de legs.
Hector de Simiane, domicilié à A vign on , étoit sorti
de France à l’époque des troubles du Comtpt. Mais n’y
a y a n t
encore aucunes lois contre les ém igrés, il paroîfc
que M . de Simiane se présenta pour recueillir la suc
cession de Clary; mais en 1792 il fut inscrit sur la liste des
émigrés, et le séquestre fut mis sur ses biens.
Jusqu’au 28 mars 1793? ce séquestre n’étoit qu’une
occupation des biens. Mais la loi du^8 juillet 1793 bannit
à perpétuité les émigrés, et les déclara morts civilement,
Madame de Clary ayoit une sœur religieuse (Jeanne
�5
(-6 )
) : la loi du brumaire an 2 Tappela à succéder,'
puisque madame de Clary étoit morte après le 14 juillet
1789.^11 conséquence j Jeanne de Clary obtint à son profit
la mainlevée du séquestre, fut-déclarée héritière de sa'
sœur, et envoyée ëii possession de tous les biens, par un
arrêté du S nivôfce an 2.
= >* •
c
La loi du 9 fructidor an 3 abolit l’effet rétroactif de
la loi du 17 nivôse. E n vertu de ce changement de légis
lation, on dit que M . de Chardon reprit les biens maternels
de madame de Glary, qui~lui étoient légués par le tes
tament de 1787.
Si le sieur de Simiane eût été régnicole à cette époque,
il n’est pas douteux qu’il n’eût eu aussi le droit de re
prendre les biens paternels dans les mains de Jeanne
Delaire.
• Mais il étoit toujours suu la liste des émigrés *,
' Il étoit mort sans postérité avant la loi du 9 fructidor,
à A sti, et en état d’émigration;
■ Pur conséquent il ne luissoit à ses héritiers que les
biens dont il étoit propriétaire à l’époque de son ’décès.,
c’est-à-dire, le 12 prairial an 3.
C ’est ainsi que la famille elle-même l’entendît'‘à’ cette
époque-, et une circonstance assez singulière va le prouver.
* M . de Simiane mouroit sans enfans : il laissoit deux
héritiers ab intestat ,* l’un étoit le sieur Vidaud de la
T o u r , et l’autre étoit Jeanne D eîaire elle-même.
L e sieur Vidaud de la T o u r avoit seul qualité pour
disputer à la religieuse Delaire la propriété des biens
Glary, et pour prétendre qu ils etoient dans la mnssc de
la succession de Simiane.
Delaîre
�x i y
Bien loin dfen/agiu aipsi, M . Vidaud de la T o u rse
réunit à Jcanne Delaiye pour demander au directoire
executif la. radiation de M . de Simiane , et l’envoi en
possession de ses biens propres situés à: Avignon.
En effet;,/ils obtinrent; une radiation le 28 nivôse an 5.
. Alors, ils prirent la* qualité d’héritiers bénéficiaires de
M. de Simiane; et. en vertu d’un jugement du tribunal
de Vaucluse, du 24 thermidor an , ils firent commettre
•le» sieur Ghambaud, notaire à Avignon^, pour faire l’in
ventaire du mobilier de, la succession.
Il ne vint pas, même à' la pensée du sieur Vidéïud de
la T o u r (seul intéressé, on le rép ète,) de faire com
prendre dans ce mobilier de la succession Simiane
aucuue portion de la succession de madame de Glarjr,
L ’arrêté de radiation n’avoit été qu’une indulgence
éphémère due aux circonstances. Les lois de l’an 3 sur
les émigrés avoient fait des exceptions pour les émigrés
d’A vign o n , et la journée du 18 fructidor an
ramena
les mesures générales de 1793. En conséquence, une loi
du 22 nivôse, an 6 ordonna que les émigrés avignonnais
qui auroient obtenu des radiations par suite de la loi
du 9 fructidor an 3 , seroient réintégrés sur la liste.
L e séquestre fut donc remis sur les biens du sieur dq
Simiane, mais seulement à V aucluse, et il ne fut levé
qu’après l’amnistie générale, du 6 floréal* an 10.
A lors Jeanne Delaire se réunit encore au sieur Vidaud
de. la Tour;, son cohéritier.; ils obtinrent 1a. radiation du
défunt, le 26 frimaire an II*
Ils sollicitèrent l’envoi en possession des biens; et c’est
ici le cas de remarquer encore que M. Vidaud de la T our
5
5
�(8)
n’eut pas plus qu’en l’an n la pensée de se mettre en
possession des biens d’A u vergn e, qu’il ne fît de diligences
qu’à Vaucluse, et laissa la religieuse Delaire en pleine
possession des biens de sa sœur.
Il y a plus : car la religieuse Delaire vendit seule
tous les biens de sa sœur en l’àn 10 , après le sénatusconsulte , et le sieur Vidaud de la T o u r ne s’y opposa
'pas.
- Dans le même temps on cherchoit à empêcher la des
tination que M . le Préfet de Vaucluse vouloit faire d’un
domaine du sieur de Simiane pour une pépinière : le
sieur Vidaud de la T o u r réclamoit contre cette occupa
tion, conjointement avec Jeanne Delaire; et même après
la-mort de Jeanne Delaire il ne crut pas pouvoir vendre
ce domaine sans y appeler ses héritiers.
La dame Delaire, religieuse, est décédée le n messidor
an i i . Les familles de Chardon et Champflour se sont
partagé la succession comme héritières des deux lignes :
elles ont eu à défendre cette qualité dans deux procès ;
mais elles ont fait juger qu’elles étoient héritières, et
elles sont toujours restées en' possession.
La daine Félix de Simiane s’est elle-même adressée à
elles en cette qualité, le 8 février 1808, non pas pour
leur disputer les biens, ni former des demandes hypo
thécaires , mais seulement pour faire liquider à Avignon
ses reprises contre elles, comme héritières du sieur de
Simiane, par représentation de la religieuse Delaire.
Ce seroit peut-être une triche fort difficile pour la dame
Simiane de justifier ces reprises, ¡orsqu’ayant vécu à.
Asti- jusqu’à la mort de> son parent, elle s’est emparée de
tout
�(9)
tout son mobilier, de toutes les ressources qui les faisoient
exister l’un et l’autre hors de France. Et elle vient aujour
d’h u i, comme héritière de sa fille par les lois actuelles >
reclamer la succession de son fils et l’éffet d’un testament
qui a rendu ce dernier créancier, du chef de son père,
du sieur de Simiane, mort à Asti.
Quoi qu'il en soit de ce circuit de qualités, madame
de Simiane procédant comme héritière de sa fille, qui
l ’étoit de son frè re, s’est fait adjuger 296000 fr. pour des
terres vendues de l’estoc de la dame de Seveyrac, aïeule,
p o u r’ des pensions et des ferm ages, sans expliquer le
moins du monde comment tout cela lui est rigoureuse
ment dû.
Les héritiers Chatnpflour, par acte du 18 février 1809, >
répudièrent au greffe d’A vignon la succession du sieur
de Simiane.
Jusque-là on prévoit difficilement comment la dame
veuve de Simiane pourra enfin renverser tout cet ordre
de choses , et s’en prendre aux biens de la religieuse
Delaire. Il paroît qu’elle-même n’auroit pas commencé
cette attaque; mais elle y fut menée par circonstance, et
elle a cru peut-être de bon augure d’être appelée à un
procès par des débiteurs de 92000 fr., qui ne vouloient
se libérer qu’en sa présence. V oici comment la dame de
Simiane a été appelee à ce procès, et quelle est l’origine
de sa réclamation actuelle.
Il paroît qu’en prairial an 10, la dame de Sim iane,
h peine rayée elle-même de la liste des émigrés, s’occupa
B
�( 10 )
d ’a c t e s
conservatoires pour la sûreté de ses prétendues'
reprises : ses/agens'firent en son nom des inscriptions à
A vign on , à Glermont et à A m bert, et même une saisiearrêt entre lés mains des sieurs Lavigne et P ire l, qui.
avoient acheté des immeubles de la religieuse Delaire.
Ces mesures n’avoient rien que de n aturel, puisque,
Jeanne Delairë étoit héritière du sieur de Simiane , et
par conséquent débitrice personnelle de l’adversaire tant
qu’e l l e n e répudieroit pas: Ainsi il ne faut pas regarder,
ces actes de l’an i o comme une prétention semblable à
celle que manifeste aujourd’hui la dame de Sim iane,;
après une répudiation.
En 1809 , les héritiers Delaire assignèrent les sieurs
Lavigne et Pirel en payement de la;somme de 92160 fr .;
prix de la vente à eux consentie par Jeanne D elaire,
en l’an 10 , et des intérêts depuis cette vente.
Les sieurs Lavigne et Pirel ayant en mains une saisiearrêt, en exeipèrent, et demandèrent la mise en cause
de^la >damé de Simiane : elle fut ordonnée ; et la dame
de'Simiane fut'assignée en mainlevée de sa saisie et de
ses inscriptions.
Ses droits n’étoient pas encore liquidés, et elle se hâta
d’obtenir à A vignon un jugement par défaut , le 16
mars 1809.
A lors madame de Simiane se disant créancière se
présenta au tribunal de Glermont pour demander la con^'
iirmation de sa saisie-arrêt; et alors elle éleva , pour la
premièi’e fo is , la prétention que les biens de madame
de Clary appartenoient à Hector de Simiane pour moitié,
qu’ainsi ces biens étoient le gage de scs reprises.
�( II )
Le* tribunal de Clermont n’a point accueilli cette der
mande ; il a annullé la saisie-arrêt et les inscriptions de
la dame de Simiane : son jugement du 9 août 1809 est
fondé sur des motifs très-solides et très-lumineux.
Ils se réduisent à dire que M . de Simiane ayant perdu
les biens Clary par son émigration, et étant mort émi
gré , ses héritiers n’auroient pu les réclamer que si ces
biens s’étoient trouvés dans les mains de la nation lors
de l’amnistie ; mais que la nation ayant été désistée de
ces biens par la religieuse D elaire, et n’ayant pas eu le
droit de les lui redemander, les héritiers de l’amnistié
n’ont dû prendre ses biens dans les mains du gouverne
ment qu’en l’état où la révolution les avoit laissés (i)La dame de Simiane prétend n’avoir pas perdu l’es
pérance de faire réformer cette décision qu’elle trouve
cependant légale dans ses bases mais trop sévère i et
fausse dans ses conséquences.
Il semble cependant difficile que la Cour pût être
plus indulgente, sans blesser les droits des héritiers de
la dame D elaire, et sans porter atteinte aux lois qui les
ont investis de cette succession.
MOYENS.
Les lois qui vont etre citées rappelleront des souvenirs
pénibles, et ramèneront peut-être à des idées de pros
cription et d’injustice, Mais sans s’occuper d’une justifia
(1) Le jugement est transcrit littéralement dans le mémoire
de madame de Simiane,
‘ ■ 1.
B *
�( lï )
cation qui seroit aussi déplacée qu’une critique, il sera
bien permis du moins de demander à la dame de Simiaûè
si elle croit avoir eu un titre plus sacré que Jeanne Delaire, pour lui disputer la succession de sa sœur, et si
les lois de 1793 ont été véritablement une spoliation
dans cette circonstance.
v Madame de Clary n’avoit qu’une sœur; elle n’avoit
pas pu en mourant lui laisser sa fortune, puisque les
religieuses étoient incapables de succéder. Elle pensa alors
à des parens éloignés , et sa mort précéda l’époque de
l’abolition absolue de la vie monastique.
En août 1792 les religieuses furent expulsées de leurs
asiles , et les biens qu’elles possédoient en échange de
■ceux qu’elles avoient abandonnés en renonçant au siècle,
leur furent enlevés avant qu’il fût question de dépouiller
les émigrés de leurs fortunes.
Peu de temps après , les lois qui avoient rendu les
religieuses aü monde leur permirent d’être successibles ;
et alors, il ne faut pas en douter, si madame de Clary
eût vécu , ses intentions eussent été d’accord avec la na
ture et la lo i; sa sœur eût été son héritière.
E h bien ! ce que madame de Clary au tombeau ne pouvoit pas réparer, l’a été par le hasard d’une révolution;
le bannissement de M . de Simiane lui a ôté ce que les
jnânes de sa bienfaitrice lui regrettaient indubitablement ;
et cette sœùr jadis bannie elle-même et morte au m onde,
a retrouvé une fortune à laquelle d’autres événemens
l ’avoient rendue étrangère.
Qui donc osera dire qtie Jeanne Delaire usurpoit,
lorsqu’ une loi lui a donné la fortune de ça sœur ? Madame
�j
.
de Simiane le d it, sinon à elle, au moins à ses héritiers.
Elle va plus loin dans son injustice, car c’est contre eux
qu’elle veut rejeter tout l’effet de l’émigration , tandis
qu’elle veut, elle-même émigrée, avoir été invulnérable.
Elle vient dire aux héritiers de Clary : « Je vous sais
« bon gré de la peine que vous avez prise d’obtenir des
« radiations ; mais sic vos non vobis, je m’en adjugerai
« tout le profit, si vous le trouvez bon. Jeanne Delaire
« a empêché la nation de vendre les biens Clary, vous
« avez empêché l'a vente des biens Simiane; tout cela
« sera mon bénéfice. Je reviens de l’émigration non
ce seulement avec la dépouille du défunt, mais encore
« avec des titres qui absorbent tout le reste, et je pourc< suis des’reprises que la nation française a eu la bonté
« de me réserver intactes. T out ce qui a été vendu est
« perdu pour les héritiers républicoles ; et tout ce qui
« reste est conservé pour moi. »
1 13
Mais ce n’est pas par des réflexions morales qu’il faut
repousser l’attaque de la dame de Simiane ; ce sont les
lois elles-mêmes qui sauront y répondre victorieusement.
La loi du 28 mars 1793 a déclaré morts civilement
tous ceux qui , alors inscrits sur des listes d’émigrés 7
n’étoient point rentrés en France dans les délais accordés
par les lois précédentes.
Il ne s’agit pas de vérifier quelle étoit l’époque de l’ins
cription du sieur de Simiane, et si les émigrés d’A vignon
devoient être exceptés : car le Comtat fut réuni à la France
en 1 7 9 1 3 et par conséquent les lois de 1792 et 1793 les
atteignirent comme les autres Français.
�*4
C;
)
Tout ce qu’il faut savoir, c’est que M . de Simiane
n’étoit pas rentré en France avant le 28 mars 1793. A in si,
aux yeux de.la lo i, M. de Simiane est mort depuis cette
époque.
'
N ’est-ce pas- assez de sa mort civile ? eh bien ! s’il
faut^ y ajouter l’époque de sa mort naturelle, M . de
Simiane est ynort à Asti le 12 prairial an 3.
A lors il étoit encore sur la; liste des émigrés : ainsi
ses biens n’ont pas pu être transmis par lui à ses héri
tiers ■•■naturels>• puisque la loi les avoit déclarés acquis
irrévocablement 'à la nation.
Peut-être bien que si rien n’eût dérangé cet ordre, et
-si la nation eût conservé jusqu’à l’an 11 les immeubles
du sieur de Simiane, ses héritiers en auroient obtenu la
, N
remise lorsqu'ils sont parvenus à le faire rayer de la liste
des émigrés après sa mort : cette mesure étoit une consé
quence de l’amnistie. Le gouvernement n’a voulu retenir
que les bois7 et les perceptions déjà faites : mais aussi ne
voulant être généreux ou juste que dans son intérêt, il
a marqué fortement l’intention que nul possesseur tenant
son titre de l’autorité publique, ne fût inquiété pour
aucune cause.
Voilà ce que la dame de Simiane paroît ne pas vouloir
com prendre; les articles de la loi lui. semblent équi
voques; elle n’y a vu que l’ordre donné aux émigrés de
-maintenir les partages faits avec la république ; et se
mettant ainsi à l’aise , elle a cru s u f f i s a n t de dire que la
religieuse Delaire n’avoit fait a u c u n partage avec la répu
blique ; d’où, elle a conclu que les héritiers de Simiane
ont tuès-bien eu le droit de disputer à cette religieuse
�5
( f )
les biens qu?elle avoit obtenus par un arrêté authentique
du 8 nivôse an 2.
C’est là la "seule ¡prétention sur laquelle la dame de
Simiane insiste ; car elle reconnoît que Mv Hector de
Simiane étant mort en état d’émigration et de mort
civile, n’étoit pas alors propriétaire des biens qu’elle ré
clame : mais elle soutient que si ses héritiers n’étoient
pas successibles à l'heurè de sa m ort, ils le sont devenus
huit ans après, c’est-à-dire, lors du certificat d’amnistie
délivré en l’an 11.
^
'
i
rv
•
,
■
î‘■
. '
. I
; Ce point capital de la contestation reçoit deux réponses,
l’une, générale et relative aux effets de l’amnistie d’émi-*
gration ; l’autre, particulière, résultante de la qualité
de religieuse qu’avoit Jeanne de Clary.
Pour être plus clair dans la première réponse, il faut
la faire précéder de la loi elle-mêmé, dont il’ sera facile
ensuite de tirer des conséquences.
L e sénatus-consulte, du 6 floréal an 10 , porte, ar
ticle 16 : « Les individus amnistiés ne pourront, sous
« aucun prétexte, attaquer les partages de présuccession,
cc succession, ou autres actes et arrangem ensfaits entre
c< la république et les particuliers, avant la présente
cc am nistie. »
A rt. 17. « Ceux de leurs biens qui sont encore dans
« les mains de la nation (autres que les bois et forêts,..,.
« les créances qui pouvoient leur appartenir sur le trésor
« public, et dont l’extinction s’est opérée par confusion
« au moment ou la république a été saisie de leurs
�( i<> )
« biens, droits et dettes actives ) ,' leur seront rendus
« sans restitution de fruits. »
rX ?arrêté des consuls, du'9 thermidor an 10, dit c< qu’il
« est conforme à l’esprit du sénatus- consulte d’étendre
« la grâce aux héritiers, quand la mort a mis le prévenu
« lui-m êm e h o rs ,d’état d’en profiter. S’il eût vécu , il
« seroit rentré dans les biens dont l’art. 17 du sénatus« consulte fait remise aux amnistiés; comment refuser
cc là memejgmce à ses enfans républicoles, et nés ayant
« l’émigration ? »
Si ce que la loi accorde aux enfans de l’émigré doit
s’étendre aussi aux collatéraux, croira-t-on, d’après ce
qu’on vient;de lire, que les héritiers de M . de Simiane
eussent pu demander ses biens à tout autre possesseur
qu’au gouvernement?
Les héritiers Simiane ne l’ont pas cru possible ; ils ont
vu vendre par la religieuse Delaire tous les biens qu’elle
tenoit de la république , et il n’est venu à la pensée de
personne qu’ils fussent fondés à attaquer son titre, en lui
objectant qu’après le 9 fructidor an 3 elle auroit dû rendre
à la république ce que la république lui avoit donné.
A supposer qu’on tienne pour réponse suffisante à ce
fa it, le droit qu’ils auroient eu de s’y opposer ( ce qui
nous ramène à la question), il faudra bien qu’on indique
comment et par quelle voie on auroit pu soi-m êm e
attaquer un actef a i t entre la république et la religieuse
D elaire.
Sera-ce soiis prétexte du rapport de l’effet rétroactif
de*la loi du 17 nivôse ? mais la loi dit que l’amnistié
pourra attaquer l’acte sous aucun prétexte.
]Madame
�( 17 )
Madame deSimiane aura encore quelques efforts de plus
à faire pour prouver que les héritiers de l’amnistié pouvoient rechercher des biens q u i riétoient plus dans les
mains de la natioîi depuis l’an 2. Ce n’est pas qu’elle
n’ait bien prévu cette difficulté, dont elle fait une question
principale en tête de son mémoire ; mais elle l’a éludée,
et l’a laissée à peu près sans réponse.
Répétera-t-elle que la religieuse Delaire a dû rendre
à la nation les biens Clary aussitôt après la loi du 9 fruc
tidor an 3 ? Mais comment une aussi bonne pensée n’estelle venue qu’à madame de Simiane? et comment le fisc,
toujours si en éveil, ne s’en est-il point avisé? Quantum
mutatus ab illo l faudroit-il s’écrier; ou plutôt il faudroit
se croire fort convaincu par cette seule réflexion, que
le fisc n’étoit point autorisé à ôter à Jeanne Delaire les
biens dont elle étoit en possession, puisqu’il ne les de
manda pas.
Ce que la nation n’a pas fait en l’an 3 , la dame de
Simiane voudroit que les héritiers de son mari l’eussent
fait en vertu de l’amnistie, q u i, suivant elle, auroit un
effet rétroactif au temps de la mort et même de l’émi*gration.
Mais aucun effet rétroactif n’est donné à l’amnistie; et
c’est pour cela que le sénatus-consulte veut que l’émigré
vienne prendre dans les mains de la nation seulement,
ce qui y reste.
On a vu à Besançon un sieur Masson, ém igré, dont
les biens avoient été vendus à sa femme pendant même
qu’ il étoit en réclamation, venir après l’amnistie de^
ttiander à sa femme, non pas l’éviction du bien national,
G
�( iS )
mais l l’administration de la communauté. La Cour de
Besançon avoit jugé que l’amnistie avoit rétabli la puis
sance maritale, et par conséquent la communauté comme
si elle n’eût jamais été interrompue rmais cet arrêt a été
cassé le/io juin 1806, par lé motif principal que le sieur
Masson avoit été en état de mort civile jusqu’à sa, radia
tion , et que Vamnistie ri avoit pas eu d'effet rétroactifs
1 -Sans doute'il y a quelque répugnance à penser que
malgré la règle le mort saisit le v if , M. de Simiane',
mort en l’an 3 , n’a eu d’héritiers qu’en-Tan m i . Mais
on conçoit que pendant cette lacune c’est la république
q u ia été héritière intermédiaire; et remarquons qu’elle
n’a pas voulu l’être à titre d’usufruit ou de iidéicommis;
elle n’a pas même voulu qu’on lui succédât par repré
sentation ^ de peur qu’on usât de ses droits ou de ses
omissions pour faire des procès ; elle a déclaré avoir
rempli le degré comme propriétaire, et avec le droit
utendi et abutendi, elle n’a rappelé l’émigré que pour
reprendre rebus integris ce qui restoit dans ses mains ;
et sans lui donner le droit de porter ses regards en arrière
pour rechercher quel étoit le titre de possession de ceux
qui occupoient ses biens, la loi a placé pour lui un mu y
d’airain entre le passé et l’avenir.
' .■V o ilà , ce semble, l’idée la plus juste qu’on puisse se
former de cette législation, et c’en seroit assez peut-être
pour prouver qu’en thèse générale les héritiers Simiane
:in’ont- pas dû contester à Jeanne Delaire le droit de dis
poser des biens de sa soeur. Voyons cependant ce que la
circonstance que’Jeanne Delaire etoit religieuse, ajoutera
àe force à la précédente démonstration.
�*9
(
)
Lorsque l’assemblée constituante, voulant favoriser la
sortie des cloîtres, eut rendu la loi-du 19 février 1*790,
qui permettoit aux religieux des deux sexes de rentrer
dans le monde, il fut nécessaire d’expliquer s’ils deviendroient capables de successions .: alors fut rendue une
seconde l o i, du 26 mars 1790, ainsi conçue":
i A rt. i er. « Les religieux qui sortiront de leurs maisons
« demeureront incapables de successions, et ne pourront
« recevoir par donations entrevifs et testamens. que ’des
« pensions ou rentes viagères.’ »
\ :
* \ ,j[
A rt. 2. « Néanmoins lorsqu’ils ne se trouveront en
« concours qu’avec le fisc, ils hériteront dans cp cas pré*
« J'érablement à lui. »
.o . /j
L a loi du
brumaire an 2 , :art. 4 , dit que rc< les re« ligieux et religieuses sont appelés à Recueillir les s u o
te cessions qui leur sont échues à compter du 14 juillet
« 1789. »
C;.
L ’art. 7 dit qu’audit cas de successions ils rapporteront
les dots constituées par leur profession monastique, et
que leurs rentes et pensions seront éteintes^
.
C ’est en vertu de cette loi que Jeanne Delaire a ré-»
clamé la succession de madame de Clary, sa sœur, dont
elle étoit seule héritière al? intestat. E l l e ew a obtenu
la propriété par arrêté du 8 nivôse ail 2.
•. *
i Lorsque la loi du brumaire an 2 fut rapportée dans
Bon effet rétroactif, le 9 fructidor an 3 , Jeanne Delaire
auroit pu être obligée par M. de Simiane de rendre la
moitié des biens de sa sœ ur, si M . de Simiane eût élé
vivant-, mais il étoit frappé de mort civile : et de morne
5
5
G
3
�( 2° )
que les émigrés ne peuvent pas recueillir les successions
ouvertes pendant leur mort civile, de même ils n’ont pas
d’action pour réclamer le bénéfice d’une lo i; car, suivant
la loi du 12 ventôse an 8, les émigrés ne peuvent mçç-*
quer le droit civil des fra n ça is.
Jeanne Delaire n’avoit donc pas M . de Simiane pour
concurrent , mais seulement le fisc en sa place pour la
moitié paternelle, et M . de Chardon pour les Liens
maternels.
Celui-ci a pris sa portion, parce qu’il étoit républicole; mais le fisc n’a pas pris la sienne, car il en étoit
empêché par l’art, 2 de la loi du 26 mars 1790, ci-dessus
citée.
Il est bien incontestable en effet que si M . de Simiane
ou le fisc étoient mis de côté, Jeanne Delaire se trouvoit héritière de sa sœur : ainsi elle étoit parfaitement
dans l’application de la loi qui l’appeloit à succéder.
A in s i, sans aller plus loin , voilà déjà la religieuse
Delaire avec un titre légal. Elle 11’est pas seulement habile
à succéder, elle n’est pas détenteur provisoire et précaire ;
elle est héritière ; elle occupe les biens pro suo. Car .il
n’y a pas encore d’amnistie , il n’y en aura que dans
huit ans; et le fisc lui a cédé sa place, non pas pour jouir,
mais pour succéder directement et personnellement.
La loi du 9 fructidor an 3 n’a donc rien dérangé au
titre de propriété donné par la nation à Jeanne Delaire.
Cette loi a été expliquée par celle du 3 vendémiaire an 4;
et en même temps que le législateur rend à tous les héri
tiers déchus le droit d’ôter aux personnes rappelées ce
�(
21
)
qu’elles tenoient de l’effet rétroactif, il déclare formel
lement que le fisc n’aura pas le même droit contre les
religieuses.
En effet, l’art.
s’exprime ainsi : « Les partages faits
« entre la république et les personnes déchues , qui
« étoient ci-devant religieux ou religieuses ......... sont
« maintenus, sauf l’exécution de l’art. 7 de la loi du 17
« nivôse (relatif à la confusion des pensions). »
Rien n’étoit plus clair que cette intention de la loi (1).
Cependant madame de Simiane ne veut pas y voir ce
qui est évident : elle se contente de dire que la reli
gieuse Delà ire n’a pas fait de partage avec la république,
d’où il suit que l’article ne la regarde pas.^
Il
suffiroit de répondre que la loi ne peut pas tout
dire, et exprimer tous les cas, et que scire leges non est
earum verba tenere, sed vint ac potestatem. Mais ce
n’est pas même le cas de chercher un sens , car il est
parfaitement rendu.
La loi qui doit être b riè v e , et qui doit prendre pour
exemple ce qui arrive le plus souvent, n’a pas pu sup
poser de prime abord qu’une religieuse se trouveroit
unique héritière. Il n’étoit que trop d’usage que ce
5
(1) Comme cet article prouve qu’en laissant les successions
aux religieuses, et en retenant leurs pensions, la république a
aussi songé à son intérêt, madame de Simiane se récrie, en
disant qu’on ne donne pas une grosse succession pour 5oo fr,
de rente. Elle oublie que dans les loteries on donne 10000 fr.'
pour un écu ; ce qui ne prouve pas pour cela une fausse spécu-.
lation, parce qu’un gros lot n’est pas pour tout le inonde.
�4
22
■
)
fussent les familles nombreuses qui peuplassent les monastères, pour le plus grand avantage d’un héritier prin
cipal. Le plus souvent aussi c’est cet héritier que la
nation a représenté par confiscation , et alors elle a eu
un partage à faire avec les religieux rappelés par l’effet
rétroactif de la loi du 5 brumaire.
Si dans le cas de ce partage la nation s’est interdit
le droit d’ôter au religieux la portion qu’il n’avoit eue
que temporairement, qu’en résulte-t-il autre chose, si
ce n’est que tous /es droits de la nation ont été aban
donnés aux religieux, comme l’avoit déjà dit la loi du
26 mars 1790?
Et comment peut - on demander à son imagination
qu’elle invente une différence entre le cas d’un abandon
par la voie d’un partage, ou d’un abandon par la voie
du délaissement total? N ’est-ce pas toujours la république
qui cède son droit tel quel? et qu’importe de recher
cher s’il étoit universel ou de quotité, lorsqu’il ne s’agit
ici que de savoir si on peut exciper du droit de la ré
publique ?
En un m ot, si M . de Simiane eût v é c u , il est indu
bitable qu’il ne pouvoit troubler Jeanne D elaire, parce
qu’elle étoit héritière avant son amnistie, parce que le
sénatus-consulte ne lui donnoit droit de rechercher des
immeubles que dans les mains de la n a tion , parce que
la remise des biens Clary, faite à Jeanne Delaire en l’an 2,
étoit consolidée par l’art.
de la loi du 3 vendémiaire
au 4 , et enfin parce que les émigrés n’ont pas le droit
de rechercher si la république a eu tort de donner à
quelqu’un ia propriété de ce qui étoit à eux,
5
�( 3 )
Ce que ne pouvoit pas faire M . de Simiane, ses héri
tiers Font pu encore moins quand cette propriété a été
consolidée par une longue possession. Mais madame de
Simiane, qu’est-elle pour vouloir bouleverser tout ce qui
a été iait, et respecté même par le fisc? Elle est un simple
créancier réduit à exercer les droits de son débiteur.
Mais qu’elle explique comment elle veut exercer les droits
d’un émigré mort avant sa radiation, et par conséquent
exercer, du chef de cet ém igré, les droits de la répu
blique qui ne le lui permet pas.
E n fin , et pour comble d’incohérences, madame de
Simiane a débuté par une saisie-arrêt du prix des ventes
faites par Jeanne Delaire après l'amnistie , ce qui est
une reconnoissance évidente du droit de propriété de la
venderesse, et par conséquent une preuve de plus que
toutes les parties intéressées croyoient également à cette
propriété, comme à la chose du monde la moins suscep
tible de contestation.
Me. D E L A P C H I E R , ancien avocat,
M e. D E V E Z E ,
licencié avoué.
A R IO M , de l’imp. de T H tB A U D , imprim. de la Cour impériale, et libraire
rue des Taules, maison L a n d r i o t , — Juin 1 8 1 0 ,
�
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The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Marie
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An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
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A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Champflour, Jeanne-Marie. 1810]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Delapchier
Devèze
Subject
The topic of the resource
créances
émigrés
séquestre
successions
rétroactivité de la loi
Description
An account of the resource
Mémoire en réponse pour Dame Jeanne-Marie de Champflour, veuve du sieur Paul-François de Montrozier ; sieur Jean-Baptiste de Champflour ; dame Marie-Anne-Félicité de Fredefont, et sieur Jean-Jacques de Rochette, son mari ; demoiselle Gabrielle Durant de Pérignat, et dame Marie Durand, religieuse ; tous habitans de la ville de Clermont-Ferrand, intimé ; contre Dame Anne-Emilie de Félix, veuve de Claude-François-Léon de Simiane, propriétaire à Collongues, arrondissement d'Aix, département des Bouches-du-Rhône, appelante ; en présente de dame Marguerite de Chardon, veuve du sieur Jacques-François de Montanier ; Claude-Antoine-Joseph de Chardon ; demoiselle Anne de Chardon, dame Perette de Chardon, veuve du sieur Vallette de Rochevert ; tous propriétaires, habitans de la ville de Riom, intimés ; et en présence de Jacques-Marie Lavigne, et Jean Pirel, habitans de la ville d'Ambert, aussi intimés. Questions . 1°. Les religieux qui, par effet rétroactif de la loi du 5 brumaire an 2, ont obtenu un droit successif de la nation représentant un émigré, ont-ils été soumis à rendre cette succession après le rapport de cet effet rétroactif, lorsque les héritiers rétablis se sont trouvés représentés par la république, comme émigrés ? 2°. La nation, dans ce cas particulier, n'est-elle pas censée avoir renoncé à toute recherche, et n'avoir point voulu user du bénéfice des lois des 9 fructidor an 3, et 3 vendémiaire an 4 ? 3°. Le sénatus-consulte du 6 floréal an 10 n'a-t-il rendu aux émigrés amnistiés, ou à leurs héritiers, que les biens qui se trouvaient dans les mains de la nation par la voie du séquestre au moment de l'amnistie ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
de l'imprimerie de Thibaud (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1810
1787-1810
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
23 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0419
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Ambert (63003)
Clermont-Ferrand (63113)
Collongues (06045)
Riom (63300)
Comtat vénaissin
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Relation
A related resource
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Créances
émigrés
rétroactivité de la loi
séquestre
Successions
-
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28dce18cff8747d778589fa16f98bb5a
PDF Text
Text
Mhuii iiiwrarmwmr'aminHii
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et a p p e l a n t ;
CONTRE
Dame F r a n ç o i s e - A g l a é - G a b r i e l l e D E
L A L U Z E R N E et sieur P i e r r e D E L A
G R A N G E - G'OU R D O N i, son mari ; dame
A n g é l iq u e - A r m a n d e - C a m il l e D E L A
L U Z E R N E , et sieur A n a t h o c l e - M a x i ^ M IL IE N H U R A U L T D E nVI B R A Y E , son
mb éa nr i é, ,fhabitans
de la'ville de -Paris y héritiers
fic ia ir e s d e m a d a m e
M o n t m o r in la q u e lle
é toit héritiaire bénéficiaire du sieur EmmanuelFrédér ic -De Tane,s on f r èr e appel ans • ‘
C
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t
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e
SieurHenriDuvergierhabitantàParis SimonTerouldeabitantàDauville
clà
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P a r is -h a b it a n t à S en s
'An t o î n e - L o u i s
A
�(2 )
D U C H A S T E L , apothicaire à Paris ; et J e AN
C H A R D O N y chapelier y habitant à P a risr
syndics et créanciers unis dudit sieur d e T a n e ,
aussi appelanSy
CONTRE
Sieur
D E TANE - SAN TEN AS y
habitant à P a ris , intimé ;
A m édée
\
1
E T
C
O
N
T
R
E
Sieur L o u is N A T T H E Y , habitant de, Nyort en
Suisse y austsi intimé ,
la révolution et les assignats, cette cause seroit
de la plus gran d e simplicité dans les questions qu’elle
fait naître. L ’acquéreur d’uné terré, chargé d’en payer
lie prix à un notaire choisi par une direction de créan
ciers, lui en paye près de moitié;, ensuite il revend la
terre, et laisse-dans les‘¡mains du second acquéreur une
somme égale à ce qu'il doit : des lettres de ratification
sont prises. Ce second aciqUéreur/poursuivi par les opposans, produit.des quittances de consignation, assigne
les créanciers en mainlevée de leurs oppositions, et fait
juger sa libération valable à leur égard.
Cependant ces, créanciers attaquent le premier acqué
reur, qui met en causç son. ga$an& : celui -ci. emploie
UANS
�C3 )
pôur libération le jugement qui a validé sa consignation.
Alors l’acquéreur observe aux créanciers qui le pour
suivent, qjieileurs oppositions à des lettres de ratification
ont lié leurs intérêts à ceux dit second acquéreur qui les
a obtenues, et que s’ils ont laissé juger qu’ils étoient
payés, ils ne peuvent pas demander à être payés une
seconde fois.
Voilà à quoi âe'réduit la question principale, et il
est évident que jusqu’ici elle në présente en point de
droit aucune difficulté sérieuse s 'mais le payement a été
fait en assignats, et les créanciers veulent en rejeter la
perte sur autrui. Les héritiers bénéficiaires du v e n d e u r
originaire , qui comprennent que si la perte des assignats
n’étoit pas pour les créanciers-elle seroit pour euxmêmes, font cause commune avec eux, pour que tout
retombe sur le premier acquéreur.
Alors tout s’exagère et se complique. L ’émigration de
l’acquéreur s’ajoute au procès, comme un point capital
qui domine tout;: d’autres circonstances étrangères vien
nent se prêter à mille équivoques. Quand la matière est
élaborée , on se croit déjà assez fort pour injurier et
celui qu’on veut faire payer ce qu’il ne doit pas , et le
.tribunal même où il a trouvé justice. Enfin, après avoir
présenté un faisceau de lois étrangères à la question, et
d’arrêts assez bien choisis dans la multitude, mais plus
étrangers encore, on~vient crier à l’injustice et à l’indé
licatesse, en disant froidement : « Que'm’importe si vous
« devez recouvrer ou non 5ooooo francs: que je vous
« demande pour une dette qui n’est pas-la vôtre ! Que
A 2
�(4.)
«. m’importe en.côjrè ,si vo u â tes ruiné par ce payement
« et si votre famille est respectable*..Je veux.de>Pargent,
«• et je ne veux en demander qu’à vous que je suppose;
« moins en mesMve.;de me-résister’ ; d?aille.iirs voüreiémi« gration.se ¡prête à tous mes sophismes :*'jl y^ajjt.ant de;
« lois sur cette matière, qu’il est impossible dfej ne-'pasr
« y voir que tout doit retomber sur vous..pinailleurs.,;
« quand je me suis donné la licence d’imprimer qu’une
« décision contraire à}mon intérêt étoit unjjjugcmfint de
« fa v e u r , j’ai-calculé; Peffet 'dé ,cettje»in jurp sue, liesprit,
« des magistrats auxquels j’eri idemaïnde ' la réforme.::Si
« je ne puis le s ’forcer, à- croire gqu’il feu ti sacrifier uni
« émigré par préférence, mon .adroite censure sera*tou« jours d’un poids quelcqnque' dans, la i balance;;Vielle
a achèvera probablement de me conquérir le suffrage de^
« ceux, dont l’opinion auroit; été incertaine. ! »[ , *< < .
Ainsi eût parlé Machiavel?;, ainsi panlerit vies '.syndicsdes créanciers de T an e, qui veulent, pe?;\fas et nefas ,
intéresser en se présentant comme des victimes..
Qu’ils .tâchent de-prouver à la Gour que malgré leurs
oppositions à/des lettresy; malgré un jugement qui pro
nonce contre eux la validité du payement que le-sieur.
Natthey a été chargé'de-leur faire, il leur reste encore une,
action : voilà leur cause.
t ;
Mais que dans,leur colère et dans leurs calculs- ils fassent
semblant de supposer, de l’adresse, des insinuations et-de
la faveur; quo tournant tout du côté de Immigration, ils
cherchent ¿\ insinuer que cette émigration deviendra aux
sieur et dame de la'Roche-Lambert, un moyen de s’em
parer des plus clairs deniers des créanciers de T a n e ,
�(5 )
et que ce sera s'être,fait de ses propresJautes un moyen
d’acquérir voilà ce qui n’est ni la cause ni la vérité 3
mais une insigne et brutale calomnie.
•Car personne ne sait mieux que les adversaires qu'il
n’y a qu’à perdre dans tous les cas pour les sieur et dame
la Roche-Lambert, puisqu’ils ont payé 178000 francs en
écus sur une terre qu’ils n’ont pas : et on ose encore leur
demander plus de 5ooooo francs pour la même terre; et
on les signale comme des débiteurs de mauvaise fo i, parce
qu’ils résistent à cette épouvantable injustice..
*
... ■i
■:
:
F
A
I
T
S
.
*
- Apres la mort dû'sieur Emmanuël-Frédéric de Tane*
sa succession1 fut acceptée sou& bénéfice d’inventaire par
Françoise- Gabriëlle) de Tane, épouse de M. de Montmorin, ministre des affaires étrangères.
Madame-de Montmorin ne-pou voit vendre en cette
qualité les .biens, de la succession sans y appeler les
créanciers ; elle fit apposer’des affiches pour vendre aux
enchères les terres de la Soucheyre, Chadieu, la GhauxMongros et le* mobilier de la succession. Il y a eu pour
7 7 7 4 0 o francs de ventes avant 1790:
La terre de Chadieu fut vendue' par madame de
Montmorin aux sieur et dame de la Roche-Lambert, par
acte du 17 juin 1788, moyennant 376000 francs, et les
frais et faux f r a is évalués à 5 deniers par livre, produisant
7812 liv. 10 s. Il fut dit que les 376000' fr. seroient:
payés solidairement par les sieur et dame de la RocheLambert entre ¡es mains de Trutaty notaire-séquestre ?
•
�( 6 )
ou aux créanciers qui auront été délégués• savoir, un
quart au i 5 septembre , et le surplus dans le courant
des deux années , en trois payemens. Il est ajouté que
les acquéreurs prendront à leurs frais des lettres de rati
fication , et que, s’il se trouve des oppositions du chef
de madame de Montmorin, elle les fera lever dans les
six semaines; mais hors, ce cas , elle ni les créanciers ne
seront tenus de garantir, et l’acquéreur n’aura son recours
que contre les créanciers qui auront touché le prix.
A la suite dudit acte on lit une intervention des sieurs
de Tane de Santenas, Teroulde, commissaire à terrier;
Chardon, chapelier; Louis Laisné, sellier, et Toutain,
tailleur d’habits, tous syndics des créan ciers de Tane,
lesquels , après avoir pris lecture de la vente , la con
firment et ratifient aux conditions y exprimées. Ils font
élection de domicile chez M. Pernot-Duplessis/procu
reur au parlement.
Le jour même de la vente, M. de la Roche-Lambert
paya la somme particulière de 7812 lîv. 10 s., à Tvutaty
notaire; dans les années 1790 et 1791 il versa dans les
mains du même notaire 170644 francs.
• En 1791 , les sieur et dame de'la Roclie-Lambert,
voyageant en Allemagne, envoyèrent au sieur de SaintPoney , leur beau-frère, deux procurations; celle du
sieur de la Roche-Lambert porte pouvoir $ emprunter
les sommes nécessaires à ses affaires , gérer , liquider ,
vendre : elle est passée devant Heidz, notaire à Coblentz,
le 16 octobre 179 1.
La procuration de la dame de la Roche-Lambert porte
pouvoir d'emprunter 60000 fr , pour placer sur Chadieu ,
�(7)
régler compte avec M\ T ru tat , notaire ; recevoir ,
donner quittance , faire tous emprunts qu'il jugera bon
être 9pour Parrangement des affaires de son mari. Cette
seconde procuration est passée devant Lutner, notaire à
Worms , le 25 octobre 1791 (1).
En vertu de ces actes,.le sieur de Saint-Poney se crut
autorisé à passer la vente ci-après :
Le 27 novembre 1791 , par acte reçu Cabal, notaire
à Paris, le sieur de Saint-Poney, comme porteur de pro
curations des sieur et dame de la Roche - Lam bert, et
s’obligeant de faire ratifier dans le mois ( parce qu’il
n’avoit pas de pouvoir de la dame delà Roche-Lambert ),
vendit la terre de Chadieu au sieur Sauzay, banquier à
Pa ris , moyennant ôooooo fr ., dont il reçut 126000 fr.
en assignats, et quant aux 376000 fr. , le sieur Sauzay
promit les payer dans un an aux sieur' et dame de la
Roche-Lambert you , si bon lui semblait, aux créanciers
desdits sieur et dame de la R och e-Lam bert , et spé
cialement aux créanciers privilégiés sur ladite terre.
Il est dit ensuite que si au sceau des lettres de ratification
il survient des oppositions du chef des sieur et dame de
la Roche-Lambert, le sieur de Saint-Poney les oblige et
( 1 ) Ces deux procurations répondent déjà aux imputations
injurieuses des créanciers de T a n e , qui ont dit que les sieur et
dame de la Roche-Lambert quittaient la Fiance en s’occupant
plutôt de se faire des ressources que de payer leurs dettes.
Personne n’ a ignoré que leur première pensée a été de s’occuper
de leurs créanciers, et que tel a été' l’ unique objet de la mis
sion donnée à M. de Saint-Poney.
�( 8 .)
s’oblige personnellement de les faire lever sous quinzaine.
Enfin, pour l’exécution de ladite clause, le sieur de SaintPoney fait une élection de domicile à Paris.
'
Le 4 janvier 179 2, il fut pris des lettres de ratification
sur la vente de 1788 ; elles furent scellées à la charge
des soixante-treize oppositions. Il est essentiel de remar
quer que plusieurs des créanciers de Tane sont opposans
individuellement; mais qu’il n’y a pas d’opposition de la
part des syndics. .
/ •' ' '
1
L e 22 avril 1792., le sieur Sauzay prit des lettres de
ratification sur son acquisition de 1791 ; elles furent frap
pées de huit oppositions, dont l’une, du 22 décembre
1 7 9 1 , étoit à la requête des syndics des créanciers de
Tane.
Jn . -j
jrj *i> r .*ii oooooct ü; .«irr. /< m r ^-n,ci
Dans la même année 1793 > ^ sieur clejla Roclie-Lam
ber t fut porté sur la 'liste des émigrés, v/rv f\ ? A
La dame de la Roche-Lambfert n’a jamais été -portée
sur aucune liste. \ , ’ 1,
Sous prétexte d’une loijdu 30 octobre 1792, ordonnant
le séquestre des biens desrabsens du territoire:,jsans ]e$
désigner encore comme émigrés,--le sieuib Séjuzayi^fit
déclarer par le curé d’Autezat, à la municipalité*jdu lieu,,1
qu’en vertu de sa vente il devoit aux sieur et dame de
la Roche-Lam bert 376000 francs. Mais aussitôt il fit
mention qu’il avoit pris des lettres dti^at ificéition^èt que
les créanciers opposâns* aux: rèttres1
prix'
et au delà : d’où il conclut qû’ii a iii(-eret^e 'conserver
les deniers ci-dessus, parce qu’ils sont sa sûreté, dès que
la terre pst hypothéquée. « E n sorte que , dit.,1e sieur
« Sauzuy, s'il fa it fa ir e ladite déclaration , c'est moins.
« à
_
�a cause des sommes dont il peut paroître débiteur ,.et
dont la république nèipourra jamais p ro f ter ^ puisqii elles doivent être absorbées par lesdits créanciers
hypothécaires opposans aux lettres de ratification ,
que pour donner des preuves de son civisme y et empêcher qu!on ne lui fasse des reproches de négligence
ou intelligence» »jJ . j *
i ->
Par acte du 25 juillet 1793 , le sîeur Sauzay vendit au
sieur Feuillant un pré-verger sis aux Martres, les mou
lins et fours banaux des. Martres, dépendans de la terre
de Ghadieu yumoyennanti la somme de 6 1100 francs ,
payable après l’obtention des lettres de ratification.
" Le 7' nivôse an 2, par acte reçu Cabal, notaire à Paris,
le sieur Sauzay vendit le surplus de ladite terre de Cliadieu
^au ¡sieur .W allier, Suisse, pour lui ou la ‘personne que
W allier se réserva de déclarer dans les six mois, moyen
nant 5.30009 frrj dont^Wallie^paya comptant 40000 f r .,
s’obligea de payer 136000 fr. à Sauzay, après le sceau des
lettres, et enfin à l’égard des 355ooo fr. restans, W allier
-fut délégué à les_payer,-: soit aux 'créanciers de T ajie ,
précédent propriétaire \ qui se sont trouvés OPPOSANS
«
«
«
'«
«
«
«
A U X L E T T R E S DE R A T I F I C A T I O N PRISES PAR S A U Z A Y ,
soit afin d’en fa ir e le dépôt et la consignation partout
où besoin sera , aussitôt après, le sceau sans opposition
sur le sieur Sauzay des lettres de ratification à prendre
sur la présente .vente. ■ • !
,
‘LesieurNattheyditavoir été subrogé par le sieur W allier
à ladite vente, par acte sous seing privé du même jour.
Il dit que le directeur de la régie du Puy-de-Dôine
fit décerner , le- 24 ventôse an 2 , une contrainte contre
B
�( 10. )
le sieur Sauzay , pour payer 5ooooo francs par lui dûs
au sieur de la Roche-Lambert-en vertu du contrat de
vente de 17 9 1, sous prétexte que le vendeur étoit émigré.
Ensuite, et à la. date du 26 floréal an 2 , le sieur
Natthey produit la pièce suivante :
'
■
cc Je soussigné, receveur de l'enregistrement e t des domaines
ce au bureau de Saint-Am ant-Tallende, reconnois avoir reçu à
cc titre de dépôt, du G. Etienne-Jean-Louis Natthey, de N yon,
cc au canton de Berne en Suisse ( propriétaire de Chadieu ,
ce suivant la déclaration de command en sa faveur-par le
« C. W allie r, du 7 nivôse d e rn ie r), la somme de trois cent
cc cinquante-cinq mille livres , pour servir tant au nom des
cc cit. Natthey et Sauzay , qu’en celui du C. Jean-Baptiste
cc W a llie r, à la libération dp Chadieu.
c< D e quoi m’a été demandée la présente déclaration
cc
cc
, à l ’effet
d’arrêter toutes poursuites et la mainmise nationale' sur ledit
1
Chadieu.
U Saint-Amant, le 26 ilotéal àn 2. Signé Mavgue. h >
.
* -
1
w.
^
.
..
’ . :,
. •
.11 pavoît qu’ un arrêté du département , en l’an 3 ,
ànnulla la vente faite au sieur Sauzay , et mit ta terre
de Chadieu en séquestre : mais ce séquestre fut levé par
un autre arrêté du 4 vendémiaire an 4 , et la restitution
de fruits fut ordonnée au profit du sieur Natthey.
Dans la même année, un procès eut lieu au tribunal
de la Seine, entre les sieur Natthey et ‘Wallier, se disant
tous les deux acquéreurs de Sauzay, et se disputant
Chadieu par la voie civile et par la voie criminelle.
Ce procès prouve que lo-sieur W allier avoit voulu se
libérer envers les créanciers opposans de Sauzay, et que
le sieur Natthey prenoit pour son compte cette libération :
�Ci1 )
il fit des! offres à Wallier:, et même u n e - consignation, en
mandats. Mais les* loisjsurlla réduction ,.du papier-môunoie
n’étant pas encore rendues, le tribunal de'la„Seine sus
pendit le procès, et on en ignore l’issue.
Les créanciers de Tane produisent à ce sujet la pièce sui
vante, tirée des mêmes registres du receveur de St.-Amant.
cc D u i 5 frimaire an
4 ? reçu du C . Jean-M arie W allier ^
cc des deniers empruntés de Ja q u e ro t, par acte d u ............ la
«c somme de 355ooo francs , à valoir sur le prix du domaine
cc acquis par Sa u z a y, des sieur et dame de la Roche-Lam bert,
« ém igrés, suivant le contrat du 27 novembre 17 9 1 ; ladite
«c somme de 355 ooo fr. payée en une rescription de la trésorerie
« nationale sur le receveur du district de Clermont, n°. 42,4, eu
ce date du i 5 brumaire dernier; dont quittance. Signé Maugue. »
L e s créan ciers o n t retiré du m êm e registre la pièce
suivante :
cc D u 26 frimaire an 4 , reçu de
cc de 3 2 8 5 1 francs
Jean-Louis Natthey la somme
25 centimes pour les intérêts restans du prix
ce‘principal dii domaine vde Chadieu, acquis de la Roche-Lam-
i< b ért, ’sa femme’ et Saint-P;oncÿ, émigrés; par le sieur Antoine
« Sa’uzay,"lequel en a fait vente au C. W allie r, par acte reçu
« C ab al, notaire à Paris, le 7 nivôse an 2 , lequel W allier a
ce passé déclaration au profit dudij: Natthey, par acte sous seing
cc privé , du 7 nivôse an 2 , enregistré il Paris le 17 messidor
cc an 3 , par Pinault ; ledit payement 'fait en conséquence de la
cc liquidation des intérêts faite par le sieur A lias, directeur de
cc correspondance à la régie de l’enregistrement à Paris , le
cc 12 frimaire présent mois; et ledit payement effectué en une
cc rescription de -la trésorerie nationale sur les domaines d’émi-
« 'g r é s , n ° / 4 g 3 , çt souô la date dudit jour 12 du présent mois.
« Certifié conform e, le 8 vendémiaire an 1 1 . Signé Maugue. »
’ '
B 2
�( 12 )
L e i ev. nivôse an 4 , Natthey donna un exploit aux
créanciers de Tane, aux domiciles par eux élus en leur
opposition ; il leur fait sommation en ladite, qualité de
créanciers opposans aux lettres de ratification prisesr
par Sauzny; de se trouver le i 5 pluviôse suivant chez
le receveur de Saint-Amant, pour y: recevoir leprioo, de>
Ch adieu. Il est constaté par cet exploit (resté au. pouvoir
de Natthey, qui en a donné copie), que l^atthey y procède
comme obligé d’acquitter 37 5ooo frauc^e^ cjap.ital^et^
32852 fr . en intérêts , tant pour se libérer lui^niéme y
que pour libérer'le sieur Sàuzay , ainsi que les,sieur'et
daine de la Roche-Lam bert , premiers acquéreurs et
il fait la sommation au nom des uns et des autres.
Les créanciers 11e se présentèrent pas ; et le sieur
Natthey fit dresser, le i 5 pluviôse an 4 , par le receveur
de Saint-Amant, la pièce suivante produite par lui.
« Je soussigné, receveur de l’enregistrement et des domaines
« au bureau de Saint Amant-Tallende, déclare, d’après le débat
<c des co m p tes qui a eu. lieu ce jo u rd ’hui entre m oi et le .ç it»
ce Parades , des Martres , fondé de pouvoir du C. Etienne-Jean cc Louis Natthey , propriétaire de Chadieu , qu’il a été versé
cc dans ma caisse, tant par ledit Parades qu’en vertu de saisies
cc nationales par moi faites avant la levée du séquestre de Cha?
six cent dix-neu f mille six cent quatre
cc livres quinze sous en l’acquit dudit domaine., dont quittance
cc dieu, la somme de
cc et décharge, sauf audit Parades, qui en Tait expresse réserve
cc pour ledit C. Natthey , de plus ample examen et apuration
r< desdits com ptes , et de se pourvoir d ev an t qui il appartiendra ,
« pour la restitution des sommes qu’il prétend avoir payées en
« sus des sommes dues,par ledit, C. Natthey pour la libération
« dudit domaine de Chadieu.
« Saint-Amant-Tallende, le i 5 pluviôse an 4. Signé M a u g u e . »
�En marge est écrit :
( i3 )
« Sur l’invitation du C. Parades , je déclare qu’ aucun des
« créanciers appelés par lui dans son exploit du i er. niyôse der« nier, n’a comparu cejourd’hui en mon bureau.
« Le i 5 pluviôse an 4. Signé M a u g u e . »
Jusqu’ici les créanciers- de Tane n’ont formé aucune
demande. Etoit-ce pour attendre la radiation du sieur de
la- Roche-Lambert? Ils veulent qu’on le croie ainsi. Mais
nous voici au sénatus-consulter, du .3 floréal an 10 , et
^c’est le moment d’être attentif sur leur première dé
marche y pour apprendre d’eux lequel des acquéreurs ils
ont considéré comme leur débiteur.
Souvenons-nous qu’en décembre 17 9 1, les syndics ont
formé opposition aux lettres de ratification prises par
Sauzay , sur sa vente du 27 novembre 1791Par exploit du 1 1 brumaire an 1 1 , les syndics des
créanciers de Tane font assigner Sauzay au tribunal de
la Seine, pour leur payer 263980 francs qui leur restent
dûs sur la* vente de 1788; en conséquence, ils concluent
contre ledit Sauzay, comme obligé à(payer ladite somme
de 263980 francs , à ce que la vente à lui consentie
le 27 novembre 1791 , soit exécutée , et qu’il soit con
damné audit payement. (Cette pièce est produite par le
sieur Natthey.)
Le 22 pluviôse an 1 1 , Sauzay dénonce cette demande
à Natthey..
Alors Natthey assigne lesdits syndics au tribunal'de Clermontj.pour voir dire qu’il est valablement libéré au moyen
des versemens par lui laits, et pour être condamnés h lui
donner mainlevée de leurs oppositions.
�( ¿
4 )
Le 7 pluviôse an 1 2 , le tribunal de Clermont rend
le jugement suivant :
« Le tribunal déclare le demandeur (Natthey) bien et
« valablement libéré du prix de la terre de Chadieu ,*
« en conséquence, fait mainlevée de l’opposition faite
« par les défendeurs (les syndics) au bureau des hypo« thèques de Clermont, le 2 décembre ; ordonne qu’elle
« sera rayée des registres du conservateur, en vertu du
« présent jugement; condamne les créanciers aux dom« mages-intérêts de Natthey, à donner par déclaration. »
En vertu de ce jugement, le sieur Natthey a fait rayer
toutes les oppositions prises par les créanciers de Tane
sur Chadieu . Les syndics n’y ont mis aucun obstacle,
et ont laissé passer quatre autres années sans hostilités.
Tout d’un coup, en 1808, ils ont pris une inscription
de 495369 francs aux bureaux d’Issoire, Ambert et Cler
mont, sur tous les biens appartenans ou ayant appar
tenu aux sieur et dame de la Roche-Lambert, en vertu
de la vente de 1788.
Les sieur et dame de la Roche-Lambert, instruits de
cette attaque, ont pris de leur côté une inscription sur
le sieur Natthey, pour supplément à la précédente, qu’ils
ont considérée comme frappant sur Chadieu.
Il eût été hors de propos, jusqu’à présent, de dire
que pour verser 170644 francs en 17 9 1 ? ^ 3voit été
emprunté pour les sieur et dame de la Roche-Lambert,
savoir, 44000 francs à la dame de Bourneville, mère de
madame de la Roche-Lambert, et 30000 francs au sieur
Gabriel de Tane-Santenas, représenté par Amédée.
�(
)
On a vu que le sieur de St.-Poncy, vendant à Sauzay,
ne lui laissa pas seulement les 263000 francs dûs aux
créanciers de T an e, mais encore une somme suffisante
pour rembourser les prêteurs ci-dessus.
Et comme les syndics n ’ a voient inscrit que pour leur
intérêt, il falloit grever Chadieu du surplus de la somme
laissée entre »les mains de Sauzay; c’est pourquoi il a été
pris à la requête des sieur et dame de la Roche-Lambert,
inscription supplémentaire de 112000 fr. sur Chadieu.
Cette inscription supplémentaire a été le prétexte du
procès actuel.
. .,
Le sieur Natthey, par exploit du 17 août 1808, a fait
.assigner les sieur et dame de la Roche-Lambert en main
levée'd e ladite inscription.
Le lendemain, Amédée de Tane (très-d’accord, comme
. on le voit déjà, avec Natthey) a fait un commandement aux
sieur et dame de la Roche-Lambert de payer les arré
rages de l’emprunt ci-dessus de 30000 francs.
Le 23 du même mois, il a été présenté requête au
tribunal de Clermont, sous le nom des sieur et dame de
la Roche-Lambert; ils ont conclu à la mise en cause des
créanciers de Tane, et à ce que le sieur Natthey, se disant
libéré,' fût tenu de faire valoir envers eux ladite libé#
ration, sinon de garantir les sieur et dame de la RocheLambert. Ils'ont conclu , en conséquence, à la résiliation
des ventes de 17 91 et suivantes, et au désistement de
Chadieu. Euiin ils ont conclu contre les créanciers de
Tane à:1a mainlevée de leur inscription, et contre le sieur
Amédée de Tane à la mainlevée du. coin mandement, de
�( i6 )
payer par lui fait, attendu que Natthey, chargé de payer
tout le monde, a dit avoir fait juger sa libération valable.
Cette mise en cause a eu lieu, les demandes ont été
jointes, et la cause a été jugée sur le fond le n juillet
1809.
Par ce jugement, le tribunal de Clermont distingue
les intérêts des créanciers de Tane, d’avec ceux d’Amédée
de Tane. A l’égard des premiers, il déclare valablement
libérés tant le sieur Natthey que les sieur et dame de la
Roche-Lambert, par suite du jugement non attaqué, du
7 pluviôse an 12 ; en conséquence, il ordonne mainlevée
de leurs inscriptions.
Quant au sieur Amédée de T-ane, il considère la somme
de 30000 fr. prêtée pour déposer chez le notaire Trutat,
comme obligation directe et indépendante de l'acquisition
non purgée par les lettres, et il déboute les sieur et dame
de' la Roche-Lambert de leur opposition au commande
ment de payer (1).
11 y a appel de ce jugement, tant par les héritiers et ,
créanciers de Tane contre les sieur et dame de la RocheLambert, que par les sieur et dame de la Rodhe-Lambert
contre Natthey et contre le sieur Amédée de Tane. On a
déjà indiqué en commençant quelles sont les prétentions
"des créanciers : elles se réduisent à dire qu’ils ont deux
actions distinctes; l’une contre les acquéreurs de Chadieu,
l’autre contre les sieur et dame de la Roche-Lam bert;
(1) Ce jugement est transcrit en son entier, avec les motifs,
à la fin du mémoire des créanciers de T a n e , ce qui a rendu
inutile d’en parler ayec plus de détail.
d’où
�( i7 )
d’où ils concluent que le jugement de l’an 1 2 , qui, en
déclarant les acquéreurs libérés, les autorise à faire radier
leurs inscriptions, ne les empêche pas de se faire payer
par les sieur et dame de la Roche-Lambert.
M O Y E N S .
Pour suivre cet appel dans toutes ses faces, et pour etre
clair, autant que possible, dans une discussion denaturee
et obscurcie par de fausses applications de principes, il
est nécessaire de séparer les moyens des créanciers de
Tane d’avec ceux des héritiers de Montmorin, quoiqu’ils
^ient réuni leurs intérêts, sérieusement ou noni On exa
minera, en premier lieu, s’il est vrai que les créanciers de
Tane aient, ainsi qu’ils le prétendent, une double action
contre les acquéreurs de Chadieu et contre les sieur et
dame de la Roche-Lambert, et si la libération du sieur
Natthey, jugée valable par jugement du 7 pluviôse an 12 ,
a dû profiter au sieur de la Roche-Lambert.
2°. Sur l’appel des héritiers de Montmorin il s’agira
de savoir s i, au cas où le versement du prix de Chadieu
seroit jugé être l’effet de la confiscation nationale, et
n’avoir pas acquitté les créanciers de Tane, la perte de
ce versement doit être pour les héritiers de madame de
Montmorin, comme condamnée à m o rt, ou pour le
sieur de la Roche-Lambert, comme émigré.
30. Quant à l’appel du sieur de la Roche-Lam bert
contre le sieur Amédée de Tane ', il y aura lieu d’examiner
si le sieur Natthey, chargé de faire face à tout, a également
libéré le sieur de la Roche-Lambert de cette dette.
C
�( ï8)
Enfin, l’appel contre le sieur Natthey donnera lieu à la
question de savoir si, dans le cas où le sieur de la RocheLambert seroit condamné à payer des sommes quelconquesaux créanciers délégués ou opposans, le sieur Natthey lui
devra une garantie, et quelle doit en être l’étendue.
A ppel
d es
c r é a n c i e r s
de
T a ne*
La prétendue émigration du sieur de la Roche-Lambert
est le premier texte de la proposition des créanciers de
Tane ; ils l’appuyent sur un arrêté^ du conseil d’état, du
3 floréal an i l , portant que tout créancier à'émigré
non liquidé, a le droit de retirer ses titres du dépôt na
tional pour poursuivre rémigré : ils en concluent que
les émigrés sont rentrés avec la charge de leurs obliga
tions personnelles, quoiqu’ils aient perdu les biens soumis
à leurs dettes.
Rien de plus incontestable que ce point de droit; mais
aussi rien de moins applicable à la couse.
L ’arrêté de l’an 1 1 seroit applicable, si Chadieu ayant
été vendu nationalement, le sieur de la Roche-Lambert
vouloit renvoyer le vendeur ou ses créanciers au grand
livre, pour rechercher le prix versé par l’acquéreur du
gouvernement.
Mais qu’y a-t-il de commun entre cette espèce et celle
où sont les parties? Il faudroit s’obstiner à ne pas réfléchir
pour ne pas y trouver une prodigieuse différence;
i°. La terre de Chadieu, qui est le gage de la dette,
et à raison de laquelle le sieur de la Roche-Lambert a
été débiteur, comme détenteur y n’a point été vendue m
0
�C 19 )
la nation né s’en est point emparée : un séquestre aussitôtmis que le vé , n’a pas empêché les acquéreurs de rester
propriétaires incommutables depuis 1 7 9 1 , et ils le sont
encore.
Cette terre étoit vendue , li vrée, sortie des mains du
sieur de la Roche-Lambert, au 27 novembre 1 7 9 1 , et
le sieur de la Roche-Lambert n’a été mis sur la liste
des émigrés qu’en 1792. La vente ayant une date au
thentique açant le 9 février 17 9 2 , devoit avoir tout son
effet aux termes des lois : la nation n’a pas pu vendre
Ghadieu ; et en effet elle ne l’a pas vendu.
20. Dans quelle loi croit-on trouver l’horrible injustice
de rendre les émigrés victimes des événemens , lorsqu’avant leur départ ils ont mis hors leurs mains l’im
meuble par eux acquis, et ont transporté sur un nouvel
acquéreur toute la dette dont l’immeuble étoit le gage;
lorsque les créanciers ont accepté ce transfert par une
opposition expresse sur la deuxième vente ; lorsque,
suivant toutes les idées reçues, l’acquéreur intermédiaire
étoit dégagé de toute dette ; lorsqu’enfin les choses
n’étoient plus entières depuis 17 9 1 , et n’avoient rien
de commun avec l’émigration ?'
3°. 11 ne s’agit pas de créanciers à'émigré, qui, après
avoir eu la nation pour seul obligé, ’parce qu’elle s'étoit
emparée de leur gage, reviennent à leur propre débiteur;
ce sont des créanciers opposans qui changeant leur action,
laissent de côté l’acquéreur qui a pris des lettres, et qui
possède, pour s’adresser à un acquéreur intermédiaire.
♦
t e s créanciers de Tane ont 'bien senti qu’il falloit
C 2
�(
20
)
p ro u v e r, avant tou t, comment ils avoient une action
directe contre les sieur et dame de la Roche-Lambert ;
aussi ils débutent par dire rapidement qu’il y a envers
eux engagement -personnel de la part des sieur et dame
de la Roche-Lambert.
- Ces créanciers-là ne veulent pas manquer de sûretés;
ils se donnent pour débiteurs solidaires, r°. les héritiers
de Montmorin ou de Tane,. comme« obligés directement;
2°. le sieur Sauzay, à cause de ses lettres de ratification,
ou Ghadieu, à cause' de l’hypothèque ; 30. le sieur de
la Roche-Lambert, comme délégué envers eux par Pacte
de 1788^
Pour amener à eux le sieur de Ta Roche-Lambert,
il y a une-seule chose à chercher : c’est une délégation.
Car il n’y a pas de délégation parfaite'sans novation,
c’est-à-dire,.sans l’extinction de la dette du<premier obligé;
et de même il- n’y xa pas de novation sans, l’intention
formelle de l’opérer. Ce sont là des principes élémentaires.
O r, qu’on lise et relise le contrat de vente de 1788*
on n’y verra pas même l’apparence d’une novation ; au*
contraire-,, madame de- Montmorin reste- débitrice des
créanciers, de son frère. Ils se gardent bien de lui donner
quittance des 3760,00 fr. que payeront les acquéreurs deChadieu ; ils conservent sans le moindre-doute le droit
de s’adresser à madame de Montmorin et cela est si
bien prouvé, que nous.voyons dans l’inscription du 1-1
janvier 1,808, et en la Cour* les dames de la Luzerne,
héritières de Montmorin , se réunii’ aux créanciers de
Tnne pour attaquer le sieur la Roche-Lambert, à cause
de l’intérêt qu’il a à, ne pas payer lui-même..
�( 21 )
Si les daines de la Luzerne n’étoient pas restées débitrices envers les créanciers de Tane , elles ne seroient
pas là pour fa ire valoir la vente ; elles n’auroient pas à
s’inquiéter s’ils seront payés des 376000 francs*, car l’acte
de 1788 leur vaudroit quittance de cette somme, s’il y
avoit eu une réelle délégation qui rendît les sieur et
dame de la Roche-Lambert débiteurs personnels, comme
délégués envers les créanciers#
'
M ais, dit-on, les créanciers sont parties en Facte de
1788. Donc il y a délégation et obligation directe et
personnelle des sieur et dame de la Roche-Lambert ; ils
l?ont même exécutée en partie par leurs payemens de
170644 francs.
Il est vrai que les syndics des créanciers de Tane sont
intervenus à la fin de l’acte de 1788 , pour ratifier et
confirmer la vente. Mais pourquoi se dissimuler les motifs
de cette intervention, commandée, par d’autres circons
tances.
Madame de Montmorin étoit héritière bénéficiaire ;
elle habitoit Paris.
1
La coutume de Paris ne permet à1 l’héritier bénéfi
ciaire de vendre les meubles même de la succession,
sans les formalités judiciaires, auxquelles les créanciers
connus doivent être appelés. Cette coutume est muette
sur les immeubles*, mais l’article 343 de celle d’Orléans,
plus nouvellement réformée, en est le supplément; et
suivant la jurisprudence constante à Paris, aucun héritier
bénéficiaire ne-peut vendre les immeubles sans appeler,
les créanciers.
�t A in si, pour la solidité de l’acte de 178 8 , il falloit
leur concours. On eût bien pu faire valoir qu’ils avoient
coopéré aux affiches ; mais n’étoit-il pas plus sage de
leur faire approuver la vente, pour la sûreté de l’acqué
reur , pour éviter des enchères et d’autres contestations,
q u i, bonnes ou mauvaises, ne sont que trop souvent
suggérées à des masses de créanciers ? Il éloit donc pru
dent ici d’avoir leur approbation; mais qu’avoit-elle de
commun à une délégation, lorsque ces créanciers, en
faisant une simple ratification in form â communi d’un
acte qui ne contenoit 'qu’une indication de payement,
ne disoient pas dans leur intervention qu’ils acceptaient
l’engagement des sieur et dame la Roche-Lambert i et
qu’ils éteignoient celui de madame de Montmorin ?
Ce n’étoit donc que pour lever une difficulté, et pour
la sûreté de la vente, que les créanciers intervenoient;
mais point du tout pour une délégation qu’il ne faut
pas sous-entendre, et qu'on ne peut placer là sans cho
quer la loi elle-même. Quce dubitationis tollendœ causa
in contractibus inseruntur, jus cdmmune non lœdunt.
Quant aux payemens postérieurs faits par les sieur et
dame de la Roche-Lambert aux créanciers, c’est encore
vouloir forcer le sens des choses les plus simples, que
d’y trouver une preuve de délégation parfaite et d’en
gagement personnel.
c< Pour qu’il y ait délégation (dit M. Pothier, n°. 564),
« il faut que la volonté du créancier de décharger le
« premier débiteur, et de se contenter de Vobligation
de ce nouveau débiteur qui s’oblige envers lui à la
�( *3 )
« place du premier, soit bien marquée. C’est pourquoi
« si Pierre, l’un des héritiers, pour se décharger d’une
« rente envers moi, a, par un partage, chargé Jacques,
« son cohéritier, de me la payer à sa décharge, il rfy aura
<< pas de délégation, et Pierre ne sera pas déchargé envers
« m oi, si je n'ai par quelqii’acte déclaré formellement
« que je déchargeois Pierre : sans cela, quoique j’aie
« reçu de Jacques seul les arrérages pendant un temps
« considérable, on rten pourra pas conclure que je Taie
« accepté pour mon seul débiteur à la place de P ierre9
« et que j raie déchargé pierre.. L . 40, §. 2, ff. D e pact. »
Effaçons donc de cette cause que les sieur et dame
de la Roche-Lambert ont contracté une obligation per
sonnelle envers les créanciers de Ta ne-, sous prétexte
d’une délégation qui n’existe pas 3 et substituons-y qu’ils
ont contracté , comme acquéreurs E T D É T E N T E U R S ,
l’obligation de payer 376000 fr. pour le prix de la terre
de Chadieu.
Que va-t-il en résulter? Rien que de fort ordinaire;
c’est que s’il y a eu ensuite des lettres de ratification, les>
créanciers opposans auront une action sur le p r ix , et
n’en auront plus contre l’acquéreur personnellement.*
Quand il y auroit eu délégation parfaite, elle seroit
anéantie par ces lettres de ratification qui ont opéré un
nouveau contrat entre l’acquéreur et les opposans, lequel
contrat détruiroit absolument toute délégation anté
rieure ; car les conventions particulières de la vente
�( 24 )
doivent cesser absolument pour faire place à celles que
la loi dicte, et dont elle ordonne l’exécution. '
Le résultat des lettres de ratification prises par le sieur
de la Roche-Lambert, sur la vente de 1788, devoit être
une procédure d’ordre entre lés soixante-treize créanciers
opposans.
Ce n’est pas ce qu’ont fait les créanciers de Tane; ils
ont commencé l’attaque par une inscription sur les biens
■personnels du sieur de la Roche-Lambert.
^ 'S’ils n’ont pas ouvert un ordre contre le sieur de la
Roche-Lambert,'.c’est qu’en effèt ils ne le pouvoient pas^
car, 10. les syndics n’ont pas formé opposition aux lettres
de ratification prises par les sieur et dame de la RocheLambert , sur la vente de 178 8 , mais seulement à la
vente faite au sieur Sauzay le 27 novembre 17 9 1. ' ’
Ainsi ils ont transporté leur action en payement sur
le sieur Sauzay, et ont laissé aux créanciers opposans
sur la vente de 1788, le droit exclusif d’attaqùer les sieur
et dame de la Roclie-Lambert.
Ils se sont jugés eux-mêmes sur ce point , par leur
exploit donné à Sauzay en l ’an 4 , précisément parce qu’il
étoit obligé envers eux par ces lettres de ratification.
• 2°. Les lois invoquées par les créanciers , sur l’émigration , prouvent qu’il n’y avoit plus lieu à un ordre,
si un émigré étoit.débiteur, parce que le gouvernement,
dans ce cas, forçoit la consignation en ses mains pour
distribuer les deniers lui-même.
30. Les créanciers pouvoient encore moins ouvrir un
ordre contre le sieur do la Roche-Lam bert, après le
jugement
�( *5 )
jugement du 7 pluviôse an 1 2 , qui est rendu par suite
de leur provocation contre Sauzay. Natthey, son garant,
a répondu à leur demande en faisant juger qu’il avoit
payé valablement.
Les créanciers de Tane se croient dispensés de tout,
quand ils disent que cette chose jugée est un piège , et
qu’ils ne veulent pas y tomber. Ils ' en’ sont les maîtres :
mais ce jugement est contr’eux; il n’est chose jugée pour
aucune autre personne.
- * ■
'r
L ’idée la plus bizarre des créanciers est de renvoyer
ce jugement à démêler au sieür de laf Roche-Lambert J
qui n’y est pas partie, afin, disent-ils, de le faire réformer,
parce qu’on n’a pas pu valider une consignation faite sans
offres, sans permission de justice, sans appeler lès créan
ciers, et faite surtout chez un receveur d’enregistrement.
Ils en concluent que ce versement est ¡pour un émigré,
* et nullement pour libération envers eux. 1 "
r
,\
\
Si les sieur et dame de la Roche-Lamliert avoient à
prouver sérieusement et nécessairement que la somme
versée par le sieur Natthey a été pour le compte des
créanciers opposans, ils le prouveroient aisément, sans
rien contester des lois même qu’on leur oppose. .
11 s’agit eu ce point d’une vérité de révolution, où il
ne seroit pas prudent de s’abandonner à ses propres
forces. Pour être mieux écouté, en cherchant le sèns
de quelques lois de circonstance que le* législateur ne
nous a pas données comme ratio scripta , il est plus
convenable d’emprunter le langage littéral d\me autorité
prépondérante.
D
�( »6 )
Les créanciers de Tane, en citant beaucoup d’arrêts,
ont prévu qu’on pourvoit leur opposer celui rendu en
la Cour de cassation entre les héritiers Lecomte et la
dame Bélanger; ils l’ont brièvement réfuté, en disant que
l’espèce ne s’appliquoit pas à la cause.
Ils ont eu rigoureusement raison; car quoique dans
cet arrêt il fut question d’une somme versée à la régie
par l’acquéreur d’un bien de condamné, après des lettres
de ratification , les créanciers n’avoient de procès que
contre l’acquéreur qui avoit payé; en sorte que minu
tieusement on peut bien dire que l’espèce n’est pas mot
pour mot la même.
Mais ce n’est pas dans les motifs de l’arrêt que
nous puiserons des moyens ; c’est dans le plaidoyer de
M. M erlin, qui y a discuté avec sa profondeur ordi
naire le sens des lois qui ont obligé les débiteurs des
condamnés et des émigrés à verser les sommes par eux;
dues, ¿1 la régie de Venregistrement. Dans cette discus
sion, ce magistrat n’omet pas d’examiner aussi quel doit
être Feffet de ce versement, et pour qui il est présumé
être fait. Yoici en peu de mots l’espèce de cet arrêt.
M. d’Ormesson, vendeur d’une ferme moyennant
425ooo f r . , avoit reçu 340000 fr. ; il fut condamné à
m ort, et la régie se fit payer 89904 fr. restans sur le
prix de la vente.
Après la loi qui restitue les biens aux héritiers, la
dame Bélanger, acquéreur, prit des lettres de ratifica
tion. Les héritiers Lecomte, créanciers opposans, pour
suivirent le payement du prix. La dame Bélanger se prér
�( 27 )
{dudit libérée malgré l’opposition, ' et soutint que le
créancier n’avoit d’action que contre le trésor public ,
parce qu’ayant versé le prix de sa vente; comme y étantobligée à cause.de la condamnation de son vendeur et la
confiscation de ses biens, son versement étoit polir le
compte des ayant droit , et par conséquent des créant
ciers hypothécaires, en même temps que pour le compte
du vendeur.
'
v
C’est pour examiner cette prétention que M. Merlin
discute’; et nous ,allons, voir qu’il l’adopté entièrement.
- « Si au lieu de payer aux héritiersLecomte (créanciers)
« le montant de leur créance, la dame Bélanger l’eût
« payé à un tiers autorisé à recevoir pour eux ( i ), leur
« hypothèque se seroit éteinte ni plus ni moins que par
« un payement fait à eux-mêmes..
cc Que reste-t-il à examiner? Un seul point, celui de
« savoir si en effet les héritiers Lecomte on t, par les
c< mains d'un tiers , touché après la mort du citoyen
« d’Ormesson, ce qui leur étoit dû par la dame Bélanger.
• « (Article 14 de la loi du 8 avril 1792. Les débi
te tcurs des émigrés, à quelque titre que ce soit, ne
c< pourront se libérer valablement qu’en payant h la
cc caisse du séquestre.)
c< C’est donc par forme de séquestre , que la nation
ce va recevoir les sommes dues aux émigrés. La nution
« ne les recevra donc pas précisément pour son compte
« personjiel ’ elle les recevra pour le compte de ceux qui
(1) Ces mots sont aussi en lettres italiques dans le plaidoyer
de M. Merlin ; ils sont conformes à l’art. 12 39 du Code civil,
D 2
�c
2
8
}
pourront y aÿoir droit ; elles les recevra par consé~
quent pour les remettre aux créanciers que les émigrés
peuvent avoir laissés en France, sauf à en retenir le
restant à son profit, s’il y a lieu..........
>
« (Article 17. Les sommes déclarées en vertu des
« articles précédens.. . . seront versées.. . . dans la caisse
« des receveurs de l’enregistrement, et ce nonobstant
« toutes oppositions de la part des créanciers de chaque
« émigré, et sans y préjudicier. )
• « Voilà qui confirme, qui développe bien clairement
« les conséquences que nous tirions tout à l’heure de l’ar« ticle 14 de la loi du 8 avril 1792. Les oppositions des
« créanciers d'un émigré ne peuvent ni empêcher ni
« dispenser son débiteur de verser à la caisse du rece« veur de l’enregistrement le montant de ce qu'il doit;
« mais ces oppositions n’en souffriront point pour cela :
« elles tiendront sur la somme que le receveur de Ven« registrement aura touchée. Preuve évidente et sans
•c réplique que le receveur de Venregistrement touche
« pour le compte des créanciers opposans ; preuve évi« dente et sans réplique que les créanciers opposans
« sont censés recevoir par les mains du receveur de
« Tenregistrement ,* preuve évidente et sans réplique,
« enfin, que le débiteur, en se libérant entre les mains
« du receveur de l’enregistrement, est censé payer , non
« pas seulement à la république, mais encore aux créan~
« ciers même opposans. » Questions de droit, tome 5 ,
v°. Lettres de ratification .
Il faut remarquer maintenant que c’est dans ce sens
que la question avoit été déjà jugée. Les créanciers d’Or«
«
«
«
�( 29 )
messon n’avoient été autorisés à attaquer l’acquéreur qu'en
cas d'insuffisance des deniers versés , et le recours n’étoit
ouvert contre la succession d?Ormesson qu’au même cas
d’insuffisance. Le pourvoi des créanciers fut rejeté.
>
Les conséquences de ce qu’on vient de lire sont toute
la défense du sieur de la Roche-Lambert; elles prouvent
que les créanciers de Tane ne se sont fait une cause qu’en
dénaturant jusqu’aux faits, et en jouant sur les mots.
Quand ils ont poursuivi Sauzay pour les payer comme
leur débiteur, Natthey, son garant, a fait juger contre
eux qu’il étoit valablement libéré par deux quittances
de l’an 2 et de l’an 4. Ces expressions ont paru, équivo
ques aux créanciers; ils ont dit qu’il ne s’ensuivoit pas
la preuve d’un payement , mais plutôt d’un versement
pour un émigré.
Il falloit bien le dire ainsi pour s’emparer de l’arrêté
du 3 floréal an 1 1 , qui ne se rapporte qu’aux créanciers
d’émigré qui n’ont pas provoqué leur liquidation, et à
l’égard desquels il n’y a pas eu de payement.
Disons donc avec M. Merlin que si Natthey a payé
le prix de Chadieu, soit en l’an 2 , soit en l’an 4 , ce n’est
pas pour le sieur de la Roche-Lambert qui n’avoit aucun
droit à ce p r ix , mais pour les créanciers hypothécaires.
Ainsi, quand les créanciers de Tane pourroient s’em
parer des lois d’émigration qui ne les regardent pas, il
est bien prouvé qu’ils n’y gagneroient rien, puisqu’aux
termes des lois on a versé pour eux : par conséquent
ils sont payés; et, ne craignons pas de répéter, l’arrêté
�( 3° )
du 3 floréal an n , la seule loi de leur système, ne se
rapporte nullement à eux.
De là est venu cet embrouillement de cause, de moyens
et de procédure. Il falloit se faire une qualité qu’on n’a
pas, épouvanter par une inscription de ôooooo francs,
et bien se garder de commencer une attaque directe,
pour mettre le prétendu débiteur dans un plus grand
embarras.
Mais qui a autorisé, on le répète, les créanciers de
Tane à prendre cette inscription? car il faut avoir un
titre exprès et portant obligation directe de la part d’un
individu, pour prendre inscription sur ses biens. Et certes
ces créanciers qui n’en avoient pas en 179 1 contre le
sieur de la Hoche - Lam bert, en avoient encore moins
en 1808.
A ppel des h é r it ier s
de
M ontmorin.
A leur égard, il n’est pas douteux qu’une obligation
personnelle de la part des sieur et dame de la RocheLambert a existé.
Mais existe-t-elle encore après des lettres de ratification
et un versement jugé valable? C’est ce qu’il est difficile
d’adopter.
Les héritiers de Montinorin n’auroient une action di
recte que dans trois cas qui doivent concourir.
Le premier , en rapportant le consentement exprès
des créanciers opposans aux deux lettres de ratification.
Le second, en prouvant que les acquéreurs postérieurs ,
�( 31 )
chargés de payer en l’acquit du sieur de la Roche-Lambeït,
n’ont pas payé.
Le troisième, en prouvant encore que la perte des
versemens faits pour la libération de Chadieu doit être
plutôt pour le sieur de la Roche-Lambert, à cause de son
émigration , que pour les héritiers de madame de Montmorin'; à cause, de sa. condamnation révolutionnaire.
Voilà ce que dévoient justifier les héritiers de Montr
morin, au lieu de se jeter dans les questions de savoir si
les versemens ont dû être faits avec ou sans des offres,
avec ou sans permission de la justice, et si après les lettres
de ratification, et même après le 23 septembre 17 9 3 ,
c’étoit encore chez le notaire Trutat que les deniers devoient être versés, comme on ne s’est pas fait un scrupule
de le soutenir. .
Cependant les héritiers de Montmorin ont fait une
inscription, non sur Chadieu dont ils ne veulent pas,
mais sur les biens particuliers du sieur de la RocheLambert. En avoient-ils le droit?
D ’abord ils ne rapportent ni mainlevée , ni conseil*
tement des créanciers opposans : ce seroit cependant chose
,de première nécessité, quand il n’y auroit pas d’autre
obstacle.
Eu second lieu , comment prouvent-ils que les acqué
reurs postérieurs n’ont pas payé ?
Tout ce qu’on vient de dire prouve avec évidence une
libération.
Les sieur et dame de la Roche-Lambert ont acheté
d’eux et se sont engagés à payer le prix ; soit h Trutat,
�( 32 )
soit aux créanciers, à déléguer dans le cours de deux
années.
Ensuite Chadieu a été vendu à Sauzay, à qui on a
laissé l’option de payer 375000 f r . , soit aux vendeurs,
soit aux créanciers, et spécialement aux créanciers pri
vilégiés sur la terre.
On ne peut pas tirer parti de cette option, car le sieur
de la Roclie-Lambert n’a rien touché de ces 375000 fr.
laissés dans les mains de son acquéreur pour faire face à
tout; et le sieur Sauzay ayant mis son contrat au bureau
des hypothèques, a contracté Vobligation directe envers
les mêmes créanciers , de payer les 375000 francs.
Ce contrat judiciaire résultant des lettres, efface l’al
ternative : c’est donc comme si la vente de 1791 contenoit
indication expresse de payer 376000 fr. aux créanciers
privilégiés seulement.
A son tour, le sieur Sauzay vend au sieur W allier ;
et il a si bien entendu que les oppositions formées à ses
lettres, par le syndic des créanciers de Tane, l’ont obligé
de ue payer qu’à eux, qu’il délègue W'allier ou Natthey
à payer %55ooo fr. aux créanciers de Tane , opposans
aux lettres de ratification.
Celui-ci appelle les créanciers en nivôse an 4 , pour
payer en leur présence, se disant obligé de les payer.
Il les assigne comme opposajis aux lettres de Sauzay, et
aux domiciles élus par leurs oppositions. Il procède tant
en son nom qu'au nom des premiers acquéreurs : c’est
en cette qualité qu’il verse le prix de sa vente.
Ensuite il les assigne, et lait juger contre eux, en qua
lité de créanciers de Tane} qu’il est libéré.
Et
�( 33 )
Et on appelle ce jugement res inter alios acta . On
dit qu’il ne s’agissoit de faire juger le versement valable
que dans l’intérêt d’un émigré, parce qu’il est question
de lui dans les dires du sieur Natthey. Mais, i°. il est
aussi question des héritiers de Montmorin et de la con
fiscation de leurs biens; car Natthey, qui cherchoit à
consolider sa libération, ne manquoit pas de justifier de
son mieux son versement, par le narré de toutes les
circonstances qui pouvoient la rendre meilleure.
2°. Ce qui prouve que ce jugement n’étoit pas contre
l’émigré plutôt que contre un autre, c’est que cet émigré
n’est ni partie, ni appelé à ce jugement dont on veut
..lui appliquer tout l’effet.
O r, vit-on jamais de plus inconcevable système, nonseulement en matière de chose jugée , mais encore en
matière d’hypothèque et de lettres de ratification ?
D ’un côté, ce sont des créanciers opposans qui veulent
n’avoir plus rien de commun, ni avec celui qui a obtenu
les lettres, ni avec son mandataire, chargé de le libérer
envers ces mêmes créanciers opposans, et qui ne veulent
s’adresser qu’au premier acquéreur, après avoir laissé
juger contre eux la validité de la libération suivie de la
mainlevée de leurs oppositions; mainlevée qui lève toutes
les équivoques sur Veffet du payement.
D ’un autre côté, ce sont les héritiers du vendeur qui,
après u n e Nlibération jugée valable, et une mainlevée
des oppositions, ont la bonté de se réunir spontanément
avec les créanciers d’une succession bénéficiaire, pour
demander qu’on annulle cette libération sans attaquer
h jugement
E
�(34 r
N’est-ce pas un abus du raisonnement" que de soutenir
de tels paradoxes? Si mon acquéreur chnrgé de vous
payer a fait juger contre von* qu’il avoit valablement
pavé, qui pourra dire, sans choquer le bon sens, que
je n’ai pas payé moi-même, et que je reste débiteur?
Il devient donc bien inutile de rechercher si le verse
ment a pu être fait comme il l’a été , quelle étoit la
caisse où il falloit verser, et s’il y avoit suspension des
remboursemens ; car re* judicata pro veritate habetur ,
un payement qui auroit été fait en assignats, après leur
suppression , serait certainement réputé être en trèsbonne monnoie, si un jugement l’avoit dit :■ nul n’auroit
le droit de parler des vices d’une telle libération , tant
que ce jugement ne seroit pas attaqué..
' J
S’il s’agissoit néanmoins d’examiner la jurisprudence
qu’on a prétendu si constante sur la défense des lois de
consigner sans offres préalables , et sans appeler les
créanciers, il se trouveroit à côté des citations nom
breuses faites par les adversaires, d’autres citations plus
applicables et plus précises sur la matière des consigna
tions forcées, après des lettres de ratification.
Mais à quoi serviroit cette surabondance de doctrine
et de dissertation, si ce n’est à grossir un écrit de choses
inutiles, puisque les créanciers et les héritiers de Tanene veulent rien discuter de tout cela avec le mandataire
de Sauzay, chargé de faire face à leurs oppositions,
qu’au contraire ils passent condamnation sur la validitéde son payement.
E t , chose étonnante, ce que les adversaires ne pou-
�( 35 )
voient opposer que sur le procès de l’an 1 2 , et à Natthey,
ils l’ont réservé pour les sieur et dame de la RocheLambert, après avoir laissé juger que le payement étoit
régulier.
S’il n’y avoit pas de collusion entre les héritiers et les
créanciers, est-ce que les héritiers de Montmorin ( qui
après les oppositions aux lettres ne sont plus que les
cautions du payement ) n’opposeroient pas aux créanciers
l’exception cedendarum actionurn , et ne leur diroieut
pas que s’il leur a plu de laisser juger que leur gage
étoit perdu, et s’ils ne sont pas en état de subroger à leurs
hypothèques, ils n’ont plus de recours à exercer.
S’il n’y avoit pas collusion encore entre les créanciers et
Natthey, qu’ils expliquent donc pourquoi, se disant aussi
certains de la nullité de ses consignations, ils craignent
de s’adresser à lui ou à Sauzay, qui par ses lettres de ra
tification a contracté l’obligation de payer aux créanciers
privilégiés 375000 fr. ; pourquoi ils paroissent regarder
ses versemens de l’an 2 et de l’an 4 comme un chiffon
informe, sans le prouver, s’ils en savent si bien le secret?
Mais l’exception que ne veulent pas opposer les héri
tiers de Tane, le sieur de la Roche-Lambert le fera , et
il en a le pouvoir. On ne peut le forcer de payer sans
qu’il ait le droit d’opposer aux créanciers de Tane que
s’ils ne font pas tomber le jugement de l’an 1 2 , et s’ils
ne remettent pas les parties au même état où elles étoient
avant ledit jugement, ils ont perdu tout recours contre
lui *, car il est d’une épouvantable injustice qu’on puisse
E 2
�( 36 )
lui dire : « Vous avez acheté Chadieu , et vous l’avez
« revendu à la charge de nous payer; nous avons accepté
« cette charge par une opposition. Maintenant nous ne
« pouvons vous subroger ni à nos droits sur Chadieu,
« ni à nos droits sur le prix ; et cependant nous voulons
« être payé par vous , qui ne le serez par personne, et
« qui n’aurez ni la chose ni le prix. »
Quelque atroce que soit ce système, on ne rougit pas
de le soutenir, on le trouve au contraire fort équitable ;
on se passionne même au point de dire que M. de la
Roche-Lambert manque à ses devoirs lorsqu’il n’est pas
du même avis. A la vérité ce n’est ni dans Condillac ni
dans Puffendorff qu’on va puiser pour justifier l’équité
mathématique de ce raisonnement; c’est seulement dans
les lois sur les émigrés, quron a prétendu trouver la preuve
q u e res périt domino signifié, en langage de révolution,
que le~prix d’un immeuble dû à des créanciers opposans,
pour une vente antérieure à toute é m ig ra tio n a péri
pour t émigré.
Pourquoi ajouter à la dureté des lois révolutionaires,
quand elles ne sont pas coupables de cette subversion de
tous les principes ?
Les lois de 1792 ordonnèrent le séquestre des biens
des émigrés , et chargèrent la régie de l’enregistrement
de ce séquestre; elles ordonnèrent aux débiteurs des
émigrés de verser dans la caisse de ce séquestre.
Mais qu’y a-t-il de commun entre Chadieu vendu à
Sauzay par acte notarié, en 179 1? et un bien d'émigré?
Qu’y a-t-il de commun entre un acquéreur non émigré,
�C 37 )
qui par des lettres de ratification a formé un contrat ju
diciaire avec des opposans non émigrés , et des débiteurs
d’émigrés?
Mais admettons en toute humilité qu’un républicole n’a
dû souffrir de rien, et que tout le sacrifice doit tomber
sur le proscrit, n’ÿ a-t-il pas lieu de s’étonner que les
héritiers de Montmorin' soient ici à l’unisson avec les
créanciers de. Tane 5 pour dire que Vémigre seul doit
perdre le versement ?
Si la Cour, partageant l’opinion des adversaires, quoi
qu’à notre sens elle déplace toutes les idées, jugeoit que
Natthey,, quatrième débiteur, ayant payé la dette de
Sauzay, troisième débiteur, n’a pas libéré les sieur et
dame de la Roche —Lambcrt , seconds débiteurs, il
faudra bien, pour être conséquentarriver jusqu’aux
héritiers de Montmorin, premiers débiteurs, et dire que
le moins qui puisse résulter de ce cahos, c’est que cette
dette a subsisté concurremment sur ces deux derniers.
Mais si M. de la Roche-Lambert a été sur la liste des
émigrés, madame de Montmorin a été condamnée révolutionnairemept : ainsi les lois sont les mêmes pour les
deux circonstances.
L ’article i eiv de la loi du 26 frimaire an 2 , dit que lès
biens des condamnés devoient être régis et liquidés, et
vendus comme'les biens des émigrésLa seule réponse qu’on ait pu* faire à cette observa
tion, a été de dire que madame de Montmorin fut con
damnée le 20 floréal an 2 , et que la nouvelle n’a pu;
�( 38 )
arriver en Suisse assez tôt pour que Natthey revînt en
Auvergne consigner le 26.
Cette réponse est-elle bien sérieuse contre celui qui
prend la chose en l’état où il la trouve, lorsque surtout
on sait fort bien que ce n’est pas le Natthey, de Nyon,
qui a consigné à Saint-Amant?
Que l’on dispute tant qu’on voudra contre le sieur
Natthey, sur la vraisemblance de ses versemens, sur
leurs dates et leur réalité; tant qu’il y a quittance et juge
ment de libération, le sieur de la Roche-Lambert profite
du payement fait par son mandataire, qui ne peut être
libéré sans que le mandant le soit.
Si malgré cette évidence de libération il falloit en venir
à imputer sur quelqu’un la perte de ses versemens, il
est évident que ce ne peut être sur celui à qui il auroit
profité ^ c’e s t-à -d ir e , aux héritiers de Tané, comme
vendeurs de la terre, comme propriétaires du prix, puis
qu’ils étoient propriétaires de Chadieu juqu’au payement.
Il n’y a en effet aucune raison de préférer pour la
perte les sieur et dame de la Roche - Lambert , et de
s’arrêter à eux plutôt qu’à Sauzay ou W allier; il y auroit
à cela une inconséquence tout arbitraire ; car il faut
opter entre le vendeur ou l’acquéreur, dont les lettres
sont grevées d’oppositions : l’un est le débiteur personnel,
et l’autre le débiteur hypothécaire.
Les acquéreurs intermédiaires n’ont contracté qu’une
obligation transitoire : à aucun titre le principe res périt
dowino ne peut être pour eux.
Car la terre n’étant pas à eu x, la somme consignée
�( 39 )
n’étoit pas pour eux. Qu’elle ait été versée pour les hé
ritiers de'Montmorin ou pour les créanciers de Tane,
c’est toujours aux hér'tiers de Montmorin que la somme
"devoit profiter, puisqu’elle étoit destinée à payer leurs
dettes.
• :
Gomment'donc a-t-on pu. espérer de prouver, qu’une
somme devoit périr pour les sieur et dame de la Roche1Lam bert, qui n’étoient propriétaires de cette somme
à aucun titre et en aucune qualité , pas plus qu’ils ne
l’étoient de Chadieu ?
Il faut conclure plutôt que si ta libération de Natthey
n’a profité qu’à lui seul et n’a eu lieu qu’à cause du sé
questre national,‘ c’est le vendeur séquestré1qui se retrouve
-passible de sa dette, et non l’acquéreur, qui ne s’est obligé
que comme détenteur - et qui a donné pouvoir.à un tiers
de verser pour lui.
*
Y- .
Cum jussu meo id quod mihi debes sohns creditori
meo , et tu à me et ego à creditore meo liberor. L , 64,,
ff. De sohitionibus..
• .. r . ?
Souvenons-nous encore que M. Merlin a prouvé qu’un
versement fait à la caisse du séquestre, étoit censé être
fait aux créanciers , et que c’est absolument comme si
ces créanciers avoient eux-mêmes reçu et donné quittance.
Tout ce qu’il a dit se* rapporte parfaitement aux hé
ritiers de-Montmorin, qui viennent se présenter comme
ayant été créanciers de l’émigré pour lequel ils-assurent
que la somme étoit versee..
Un autre moyen s’applique' encore aux héritiers de'
�( 4° )
/
Montmorin ; c’est que leur système de se dire créanciers
d’un émigré , conduit à remarquer que c’est la nation
qui les a représentés l’un et l’autre depuis le 20 floréal
an 2 , jusqu’au 21 prairial an 3 , époque de la resti
tution des biens aux condamnés.
Or, la nation auroit été débitrice et créancière du prix
de Chadieu : donc il-y a extinction de la dette par con
fusion. (Code civil, art. 1300. Sénatus-consulte, du 6
floréal an 10 , art 17. )
Ainsi, et dans toutes les hypothèses, les héritiers de
Montmorin sont payés par Natthey , ou n’ont de recours
que contre Natthey ou Sauzay. Iis ne s’appliqueront pas
l’arrêté du 3 floréal an 1 1 , pour revenir de la nation à
l’émigré, puisque la nation les a traités de même, et
leur a rendu leurs droits ut ex nunc. V oilà, n’en dou
tons pas , ce qui est démontré jusqu’à l’évidence.
A
p p e l
c o n t r e
l e
sie u r
.
A iyiéd ée d e T a n e .
Le jugement de Clermont n?est pas conséquent dans
ses dispositions : il juge d’abord que le versement fait
par le sieur Natthey a éteint les délégations dont Sauzay
avoit chargé W allier; et cependant il condamne les sieur
et dame de la Roche-Lambert à payer la créance du sieur
Amédée de Tane, qui prétend représenter pour le tout
le sieur de Santenas, prêteur de 30000 francs.
S’il est jugé que Natthey a valablement payé le prix
entier de sa vente, il est constant que le sieur Santenas
•w’a plus d’action ; car le sieur de la Roche-Lajmbert a
laissé
�( 4T )
laissé entre les mains dç Sauzay une somme suffisante
■pour payer tout le prix par eux d û , c’e s t - à - d ir e ,
3y5ooo fr. , quoiqu’ils eussent payé déjà 170644 fr. :
à son tour, Sauzay a laissé à Natthey une somme suffisante
pour désintéresser les ayant droit de ses vendeurs.
Au reste, il suffit dé renvoyer sur cet appel à ce qui
a été déjà dit , et de se réserver contre Natthey la ga
rantie que le tribunal de Clermont n’a pas voulu pro
noncer , par une autre inconséquence.
A ppel contre le s ie u r N a t t h e y ,
Cet appel n’a qu’un objet subsidiaire, puisque, si on
ne demande rien au sieur de la Roche-Lambert, il n’aura
rien à demander au sieur Natthey , dans son propre
intérêt.
Mais si, par impossible, le sieur de la Roclie-Lambert,
qui n’a pas Chadieu, étoit condamné à payer le prix de
Chadieu , alors bien évidemment le sieur Natthey ne
peut éviter une garantie, puisqu’il s’est engagé expressé
ment à faire payer 355ooq francs aux créanciers de
Tane , opposans aux lettres de ratification prises par
Sauzay , ou à consigner après le sceau de ses lettres.
Dira-t-il qu’il a payé en vertu d’une contrainte ; que sa
libération est jugée valable avec les créanciers ; qu’ainsi
il a rempli son obligation mot pour mot ?
Mais tout cela ne le délie pas de son engagement
envers le vendeur ; car il ne suffit pas qu’il dise, j’ai
payé; il doit être prêt à faire valoir son payement vis-àvis le vendeur, toutes les fois que celui-ci sera recherché.
F
�(4 0
Lorsqu'un acquéreur s’est soumis à payer le prix de
sa vente à des tiers, ce n’est pas assez qu’il rapporte des
quittances 3 il n’est pas dégagé pour cela de faire juger
en présence de son vendeur qu’elles sont suffisantes pour
lui , de faire en sorte qu’il soit quitte envers les créanciers
qu’il a spécialement délégués, et d’arrêter à toutes les
occasions les poursuites qui pourroient le troubler.
Cet engagement est tellement de stricte justice, que les
lois sur le papier-monnoie n’ont point assimilé les ac
quéreurs chargés de.payer des délégations, aux autres
acquéreurs de cette époque : elles ne leur ont permis
de réclamer aucune réduction, et ont rigoureusement
exigé qu’ils rapportassent les quittances des créanciers
délégués p a rla vente , même lorsqu’il n’y avoit qu’une
simple indication de payement.
Toutes les difficultés du payement fait par un acquéreur
ne peuvent être levées et discutées que par lui : sans cela,
par une collusion coupable, il pourroit obtenir des créan
ciers délégués qu’ils s’obstinassent à ne poursuivre que le
vendeur, lequel noyant rien payé lui-même, seroit privé
de tons moyens de défense.
E st-il proposable, en effet, d’assujétir le sieur de la
Roche-Lambert à faire valoir seul les quittances d’un
payement qu’il n’a pas fait, vis-à-vis des créanciers qui
suspectent ce payement, et qui, malgré un jugement,
persistent à dire que la libération est irrégulière?
Comment le sieur de la R o ch e-L am bert sera-t-il en
état d’éclairer les héritiers et créanciers de Tane sur
leurs doutes, et de leur apprendre si le premier verse
ment de 355ooo fr., que Natthey dit avoir fait à Saint-
�C 43 )•
Amant le 26 floréal an. 2 , sans appeler personne, doit
être préféré au second versement de 619604 f r . , qu’il
dit avoir fait chez le même receveur le i 5 pluviôse an 4?
en appelant les créanciers opposans ?
Aucun autre que Natthey ne peut dire aux créanciers
si sa quittance du i5 pluviôse an 4 est un versement ou
un compte, si la quittance de 32861 fr. en fait partie,
et enfin si les 264604 fr. qu’il a demandés à la régie pour
indemnité d’un séquestre de huit mois , lui ont été tenus
à compte ; car rien ne donne la clef de tous ces faits ; et
cependant il faut savoir ce que la république a retenu,
pour sav.oir ce que Natthey a payé réellement.
Le sieur Natthey paroît vouloir dire qu’il a payé en
vertu d’un ordre de la régie , et qu’il n’a pas d’autre
compte à rendre, puisque sa quittance est un acte ad
ministratif.
Mais où auroit-il pris cette étrange doctrine ? elle
eût été très-commode pour payer ses dettes sans gêne;
car à supposer que la régie eût refusé une contrainte à
celui qui désiroit lui compter 366000 francs, il faut au
moins convenir qu’ une contrainte n’est pas un ordre, et
n’a rien de commun avec un acte administratif.
Que Natthey objecte aux créanciers opposans tout ce
qui lui semblera bon pour faire valoir la consignation
que son contrat l’oblige à faire partout où besoin sera ,
après le sceau des lettres de ratification ; mais plus il
sera en règle pour ce qu’il a fait comme mandataire,
plus il lui sera aisé de faire valoir son payement; et il
ne s’cn dispensera pas en rejetant la validité de ce qu’il
F 2
�( 44 )
a fait aux risques de son mandant, car il est obligé sans
exception, ou de faire valoir ses payemens contre les
créanciers et de faire cesser leur réclamation, ou de
garantir le sieur de la Roche-Lambert de l’effet de leurs
recherches.
Que si le sieur Natthey prétendoit, ainsi qu’il en a
menacé, s’isoler de cette procédure , en disant que la
validité de ses versemens n’est pas de la compétence judi
ciaire, on lui répondroit qu’il ne peut pas proposer de
déclinatoire, par plusieurs motifs.
i°. Parce que lui-môme a soumis la validité de ses
versemens à l’autorité judiciaire, et a obtenu jugement
à cet égard le 7 pluviôse an 1 2 ; il a opposé ensuite ce
jugement comme un moyen péremptoire sur la cause
actuelle.
20. Parce que lia demande en garantie a été jointe,
et que-loin d’attaquer le jugement de jonction, le sieur
Natthey a plaidé au fond.
3°. P a rc e que dans des lettres missives adressées au sieur
de la Roche-Lambert, le sieur Natthey a offert sa garantie
pour le procès actuel ; en sorte que ce nouvel engage
ment a produit une nouvelle action qui ne peut être
soumise qu’aux tribunaux civils.
40. Parce qu’il résulte des arrêts déjà cités de part et
d’autre, que les tribunaux ont t o u j o u r s statué sur la vali
dité des versemens faits dans les caisses publiques par les
acquéreurs même des biens provenus d’émigrés ou con
damnés.
Dans tous les cas, les lettres du sieur Natthey suffi-
�( 45 )
sent (r); l’offre expresse de sa garantie a été acceptée ex
pressément par le sieur de la Boche-Lam bert dans ses
2 1 ju in 1 8 0 8 .
(r) « J ’ai reçu votre lettre, Monsieur, et je ne veux pas un
« seul instant vous faire attendre ma réponse.
cc J ’ai d abords été fort surpris des inscriptions que les créan
ce ciers de Tane ont prises sur vos biens ; j’ai dû ensuite me
« souvenir qu’ils avoient précédemment regretté de n’avoir pas
cc pris cette voie d’ abord, et de s’être engagés dans une autre
cc voie qui ne leur a pas plus réussi que celle-ci ne peut leur
« promettre du succès. Vous croyez d’avance, je l’espère, que
cc toutes choses sont parfaitement en règle vis-à-vis d’e u x ..........
cc Vous avez quelqu’apparence d’inquiétude sur le vrai pro« priétaire de Chadieu. D ’un mot je vous tirerai dô toute inquié<c tude. I l n e t i e n d r a , q u ’ a vous q u e N a t t h e y o u m o i , a v o t h e
<C CH OIX , OU TOUS DEUX R É U N IS , N E VOUS OFFRIONS DE NOUS SUI3S-
cc
cc
t i t u e r a vous d a n s c e t t e a f f a i r e : je vous en passerai acte
public avec grand plaisir et sans inquiétude ; c a r , encore une
ce fo is, toutes choses sont parfaitement en règle avec ces mescc sieurs et tous autres.
cc Voilà un premier problème résolu, à votre satisfaction sanste doute. Vous v o y e z q u e N a t t h e y n i m o i n e n o u s e f f a ç o n s ;
cc QUE M EM E NOUS VOUS O FFR O N S, SOUS N OTRE GARA N TIE ET CELLE
CC DE CH AD IEU , DE NOUS SUBSTITUER A VOUS..................................
? ce
Vous êtes encore dans l’erreu r, quand vous supposez que
« les créanciers de Tane avoient fait opposition aux lettres de
te ratification obtenues par M. votre père sur MM. de Tane.
cc
ce
Fayon s’inscrivit, fit inscrire aux hypothèques d’autres créan
ciers non unis , et ne fit point inscrire l’union............. \\ n’y
« eut aucun acte conservatoire de la part de l’ union.
�(
4
6
}
réponses : ainsi ce nouvel engagement passé entre M. de
Batz, représentant Natthey , et M. de la Roche-Lambert,
« Mais aux lettres de ratification prises par Sauzay sur M. votre
<c votre p è r e , l’ union fit opposition , alors trop tardive si elle
cc étoit nécessaire. En l’an 4, il y eut des lettres de ratification
cc prises sur Sauzay, et l’union eut le tort extrême de ne pas
cc prendre d’inscription, ni faire d opposition.
<c Us n’ont donc que celle du 2 2 décembre 17 9 1 ; mais il y a
cc
condamnation contr’eux sur ce point,
cc
tance très-âpre et trés-vive qu’ils avoient commencée
cc
cc
contre Sauzay. Repoussés dans cette voie par laquelle ils attaquoient, dans Sauzay, W allier et N atth ey, et se trouvant à
bout de voie , c ’est alors qu’ils regrettèrent de 11’avoir pas
attaqué d’abord M. votre père ou votre famille, au lieu de se
cc
faire condamner sur leur inscription de
ce
v r a i, je n’aurois pas imaginé qu’après plusieurs années de
silence et d’inaction, ils auroient imaginé de finir par où ils
cc
cc
cc
à
l’occasion de l’ins-
17 9 1.
M ais,
Paris
à
à
dire
auroient voulu commencer. Mais les actes subséquens, leur
<c liquidation, leur payem ent, sont tels qu’ils ne peuvent chercc cher qu’à e f f r a y e r e t à a r r a c h e r q u e l q u ’ a r g e n t , du moins de
cc Sauzay : c ’étoit contre Sauzay leur plus solide projet.
cc
cc
S ’ils ont pris des inscriptions folles sur vos biens, ils en
cc ont également pris sur Chadieu...................Instruisez-moi de
cc
tout ce qui s’est passé d’eux à vous dans cette insurgence, et
cc
vous aurez de ma part, ou par moi, instructions parfaites. Je
cc
vous répète que m’identifiant à N atth ey, je me mettrai avec
cc
ce
plaisir à votre lieu et place. N e perdez pas un moment a me
faire savoir s’il y a de simples inscriptions prises, ou s il y a
ce
quelque demande formée. Voilà de ma part, j espère, fran-
« chise, loyauté autant que vous pouvez désirer, et plus que
** vous ne pourriez exiger.
“ Keccvez l’assurance de mon bien sincère et invariable
�( 47 )
est aussi valable que s’il eût été souscrit par un acte en
forme; car, d’après les principes, 011 contracte valable
ment par epLstolam a ut per nuntium.
«attach em en t, et veuillez le faire agréer àJM . votre père.
« <Signc De Batz.
« Dès que j’aurai votre réponse, je partirai ou vous écrirai
« sur-le-champ. Je ne suis nullement in qu iet, parce que je
« connois les faits, et qu’ils sont réguliers. :»
Paris, 9 juillet 1808.
« Je n’ai pas perdu de tem ps, Monsieur, à prendre tous les
cc rëriseîgnernens et toutes les instructions utiles contre les créan-
« f.ciers de'Tane. J ’aurai une consultation des plus habiles gens.
« L/affàireparolt inattaquable par les créanciers de Tane. II est
et heureux pour vous et pour moi que j’aye pris, dans le temps
« u tile , surabondance de précaution, pour acquitter à la fois
cc vous et moi, et pour mettre dans tous les sens les créanciers
cc en demeure. Vous ne pouvez vous défendre que par mes
cc pièces. . . . . . . . .
ec
c<
cc
cc
«
M. votre père n’ auroit pas dû prendre ins
cription sur Chadieu, surtout sans m’en prévenir : il n’auroit
pas dû en prendre au nom d’autrui ; il ne devoit voir que les
créanciers. Son intérêt est de faire cause commune avec
Chadieu : quiconque lui dira le contraire se trompera , l’induira en erreur. Au reste, je lui demande, et j’espère qu’il
« ne me le refusera p as, de vouloir bien faire rayer 9on ins
ec cription au bureau de Clermont. J ’ai besoin, pour ma seule
« délicatesse vis-à-vis de deux personnes à qui j’ai fait deux
emprunts, d’avoir leur certificat d’inseription avant le vôtre,
parce qu’agissant de bonne foi et d^entu-rre confiance en m oi,
ce ils ont reçu dans leur acte ma parole d’honneur qu’il n’existoit
�-
,
(
4
8
}
M. de Batz, représentant Naüliey, a toujours continué
<T;igir en conséquence de ce nouvel engagement. Il a
envoyé au sieur de Laroche-Lambert la consultation
très-détaillée de MM. Poirier et Bellard (annoncée dans
la dernière lettre), pour le rassurer sur ses risques, et
lui attester que les versemens de Natthey éteignoient la
créance.
Il y a donc im p o s s ib ilit é de délier le sieur INÎatthey de
son nouvel engagement, qui lève tous les scrupules des
lois de rémigration, lesquelles n’ont rien de commun à
une garantie offerte et acceptée en 1808.
cc j)as d’hypothèque sur Chadieu ; e t , certes , je croyois la
cc donner en toute vérité , et il se trouve que la vôtre existoit
« le jour même où j’affinnois qu’il n’en existoit pas , ou du
cc moins que celle du m aire de V i e , qui est nulle de fa it , et
cc celle de deux pauvres petits créanciers que j ’ai fait condamner
ce à Riom , et que j ’esp ère faire ra y e r à tous momens. M. votre
cc p ère , après avo ir fait ra y e r ce lle q u ’il a déjà faite , pourra
cc au m ê m e in s ta n t , s’il le juge à p ro p o s, la faire rétablir. Je
ce n’y suis que pour ma délicatesse seulement, et j ’espère qu’il
ce 11e me refusera pas cette satisfaction légère, qui, dans aucun
cc cas , ne peut lui être dommageable, et qui a été pour moi
w le sujet d’une véritable contrariété , honneur et délicatesse
cc parlant.
ce Au surplus, je prends le parti d’aller porter cette lettre à
cc M . Vautrin, et je m’en rapporte à. c e qu’il vous conseillera
cc à cet égard.
cc Je vous renouvelle , Monsieur,
1 assurance de mon dévoue-
cc ment à vos intérêts, et de mon bien sincère attachement.
u S i g n e D e B a tz . »
II
�( 49 )
Il'n e reste plus qu’un mot à dire sur l’effet de "cette
garantie, s’il falloit en venir à elle ; il est réglé ,par le
Code civil, qui s’exprime ainsfÎ
: Article 114 2 . c< Toute obligation de faire se résout en
« dommages-intérêts, en cas'de non-exécution delà part
« du débiteur. »
Article 1184. « La condition résolutoire est toujours
« sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour
« le cas où l’une des deux parties ne satisfera point à
« son engagement.
« Dans ce cas, le contrat n’est point résolu de plein
« droit. La partie envers laquelle l’engagement n’a point
« été exécuté, a le choix, ou de forcer l’autre à l’exé« eution de la convention lorsqu’elle est possible, ou d’en
« demander la résolution avec dommages et intérêts.
« La résolution doit être demandée en justice, et il
« peut être accordé au défendeur un délai selon les cir« constances. »
Le sieur de la Roche-Lambert a conclu à la résolution
de la vente de 179 1 , si la condition de le faire tenir
quitte de 355ooo fr. n’est pas exécutée : la loi' ne lui
permet pas de douter que cette résolution ne soit pro
noncée, s’il étoit condamné à payer lui-même la somme
considérable qu’on lui demande, et qu’il ne doit pas.
Comment le sieur Natthey pourroit-il soutenir l’idée
que le sieur de la Roche-Lambert dut être obligé de
payer Chadieu sans l’avoir, tandis que lui, Natthey, auroit
Chadieu sans le payer?
Jusqu’à présent le sieur Natthey n’a point élevé une
prétention aussi immorale; il est vraisemblable qu’il s’en
�( 5o )
tiendra à ce qui est raisonnable et légitime : ainsi , à son
égard, il suffit de s’arrêter à l’idée qu’il fera valoir ses
payemens, puisqu’il s’y est engagé, ou qu’il s’arrangera
avec les créanciers de telle manière que son vendeur soit
à l’abri de toutes recherches.
Me. D E L A P C H I E R , ancien avocat,
M e. M A R I E , licencié avoué.
A R I O M , de l’ imp. de T H I B A U D , imprim. de la C o u r impériale, et libraire,
rue dej T a u le s , maison
L a n d r i o t. —
Juillet 1 8 1 0 ,
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Marie
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Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Roche-Lambert, Joseph de. 1810]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Delapchier
Marie
Subject
The topic of the resource
assignats
émigrés
confiscation nationale
créances
receveurs de l'enregistrement
Description
An account of the resource
Mémoire en réponse, pour sieur Joseph de la Roche-Lambert, habitant d'Issoire, intimé et appelant ; contre Dame Françoise-Aglaé-Gabrielle de la Luzerne et sieur Pierre de la Grange-Gourdon, son mari, dame Angélique-Armande-Camille de la Luzerne et sieur Anathocle-Maximilien Hurault de Vibraye, son mari, habitans de la ville de Paris, héritiers bénéficiaires de la dame de Montmorin, laquelle était héritière bénéficiaire du sieur Emmanuel Frédéric de Tane, son frère, appelans ; contre sieur Henri Duvergier, habitant à Paris ; Simon Teroulde, habitant à Daudeville ; Pierre-Louis Laisné, ancien sellier à Paris, habitant à Sens ; Antoine-Louis Duchastel, apothicaire à Paris ; et Jean Chardon, chapelier, habitant à Paris, syndics et créanciers unis dudit sieur de Tane, aussi appelans ; contre Sieur Amédée de Tane-Santenas, habitant à Paris, intimé ; et contre Sieur Louis Natthey, habitant de Nyon en Suisse, aussi intimé.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
de l'imprimerie de Thibaud (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1810
1511-1810
avant 1661
1661-1715 : Règne de Louis XIV
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
50 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0413
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G1413
BCU_Factums_M0423
BCU_Factums_M0424
BCU_Factums_M0412
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/5/53797/BCU_Factums_M0413.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Authezat (63021)
Issoire (63178)
Paris (75056)
Daudeville
Sens (89387)
Nyon (Suisse)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
assignats
confiscation nationale
Créances
émigrés
receveurs de l'enregistrement
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/5/53754/BCU_Factums_M0306.pdf
29524a768f458a507a7e113018108eb8
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Text
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POUR
D am e M a r i e - A n n e B I R O N ,
veuve d e ^
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M. Jean-James B e a u f i l s , habitante de la f i — f a
Ville de S a in t-F lo u r, intim ée
'Jrfudui
CO N TRE
Le sieur
R aym ond
v 'Îifa U '
drUAsàiH/ /JüMérfS A it r /il
D E M O L E N -D U M A S
a p p e la n t
________
¿A*to to U t'f*
mmmmm
^ ity G s f ¿ U ffK J
•»-
tU^ ' 'i
f i* JjtJ*
• L E grand-père de la dame Beaufils a acheté un domaine
et l'a revendu. Harcelé presque continuellem ent par des
demandes hypothécaires, il ne s’est toujours préservé de
l' éviction qu’en payant. L e sieur D em olen , qui prétend
représenter les vendeurs dudit dom aine, s’est fait l’illu sion de croire qu’il auroit une garantie contre celle dont;
($^Ê>Ù u*{<aa/
/ 'j '
.
diujàJ+ fiutkvJ
•
il est le garant lui-m êm e. P o u r y p a rven ir, il dénature
A
-
.
�et dément cq qui s’est fait il y a quatre-vingt-douze ans :
à l’en c r o ire , il faudroit remettre les parties au même
état qu’elles l’étoient à cette ép oqu e, et lui rendre un
domaine qu’il réclame sans savoir à quel titre.
Q uelque bizarre que soit ce système, il est enveloppé
de tant de faits, qu’il est devenu nécessaire de les simplifier
vpour les éclaircir. Quatre.-ving]t-dix ans.de procès doivent
¿'perm ettre à la fam ille Beauiijs de demander du repos;
et.si^le sieur Dem olen ne pense pas que ce soit avoir
fourîli^une assez longue carrière devant les tribunaux, il
faut espérer que la C o u r, plus compatissante, l'empêchera
" :'de p rép a rer'd e nouveaux; m atériaux de procès pour la
^yla. quatrième, génération.
^ w P a r acte du 10 décembre 1 7 1 8 , le sieur Jean B o y e r,
de Massiac ( représenté par la dame Beaufils ) , donna
*en «j^hange à C lau de, G abriel et G abriëlle Dussaulnier^
itères et sœur ( le sieur Dem olen prétend représenter
^ Mîaftï’iël et. G abriëlle X, un domaine appelé de Bijssac ^
Î1& lui donnèrent en contre-écliange un domaine appelé
Cham bon.
^ L o rsq u e le sieur B oyer voulut se mettre en possession
■- de^ce domaine, il'en fut empêché par un sieur Roucher,
* p r ê t r e , qui prétendit avoir droit d’en jo u ir , comme
; créancier d’une rente de 200 fran cs, constituée en 1 7 1 5
..xpar
C la u d e
D ussaulnier, avec assignat spécial sur ledit
domaine.
Il fallut donc soutenir un prem ier procès en 1720 j
s et ce procès fut assez vif. Enfin une sentence de la séné* chaussée’ d?A u v e r g n e , du 3 juillet 1 7 2 2 , condamna le
prêtre R oucher à- se! désister du domaine.
�■C 3 )
Les héritiers D ussaulnier, appelés en garantie par le
sieur B o y er, furent .condamnés par la même sentence à
faire cesser le trouble.
L e sieur R oucher interjeta appel au p arlem en t, et la
sentence de R io m fut confirmée par arrêt du ï8 août
1723.
E n fin , le sieur B oyer se m it en possession ; et par
traité du 2.6 juillet 1728 , il força le sieur R ou ch er à
lui payer 800 francs pour restitution de jouissances.
A p rès la m ort de Jean B o y er, arrivée e n . . . A n to in e,
son fils, fut assigné hypothécairem ent par un autre créan
cier du sieur Dussaulnier (le^sieur M atthieu R o d d e, de
Chalagnat ) , en 1736.
Il dénonça cette demande aux sieurs D ussaulnier, et
les fit condamner à la faire cesser, par^sentence du 4 mai
173 6.
C e u x -c i ne s’en m irent point en peine ; et le sieur
iBoyer fut encore obligé de payer la créance du sieur
R.odde, le 5 juin 1737. I l continua bien de poursuivre les
héritiers Dussaulnier en rem boursement de ses avances;
mais on ne vo it pas ce qui résulte de ces poursuites.
L e 28 novem bre 1739 , A n toin e B oyer et Claudine
B o y e r , sa sœ u r, croyant se délivrer de l’embarras que
leur donnoit ce domaine du C h am b on , le vendirent au
m ême sieur M atthieu R od d e, de Chalagnat, moyennant
6800 francs.
C est ici le Heu "de d ir e , pour l ’intelligence des faits
qui vont suivre, quel étoit l’état de la famille Dussaulnier
à cette époque.
A 2
�Jacques Dussaulnier.
Claude D ussaulnier du P o u z a t,
G abriel D ussaulnier, G abriëlle D ussaulnier,
m arié à
• cu ré de M o lèd e,
m orte sans postérité
Paule C lialvet de R o ch e m o n teix ;
m ort en 1758.
en 17 6 4 ;
m ort en 1746.
a tout donné
'|
au sieur D em olen.
M arie-A m ab le D ussaulnier,
m ariée à
A n to in e de T rem eu g e de la B arre J
décédée sans postérité en 174 2 ,
avant G abriel.
Jacques Dussaulnier étoit propriétaire de la terre du
P o u za t, d’ un domaine appelé le C ham bon, et d’une di
recte appelée de Serre. O n ignore si l’un de ses trois
en fans a eu quelque avantage. CJne procuration donnée
par G abriel D ussaulnier, le 7 novem bre 1 7 1 8 , pour le
faire entrer dans l’échange du domaine du Chambon ,
appartenant à Claude Dussaulnier , prouve qu’il étoit
seul propriétaire de ce d om ain e, et qu’il lui étoit échu
par un partage antérieur. D é jà , en effet, Claude D us
saulnier avoit seul constitué, en 1 7 1 5 , une l’ente sur ledit
domaine.
L a directe de Serre fut vendue p ar Claude Dussaulnier
à M . Farradesche de G rom ont, par acte du 8 juillet 1729,
moyennant 4610 fr. délégués à des créanciers de Jacques
D ussaulnier, son père.
La terre du P o u za t resta dans la famille Dussaulnier.
Claude et M a r ie , sa fille, l’ont habitée jusquVi leur décès:
G a b rië lle Dussaulnier qu i l’a habitée aussi, l ’a transmise
au sieur D e m o le n , son donataire.
�C'5 •)
Claude Dussaulnier se maria en i j i ô . La demoiselle
de Rochem onteix lui porta en dot 9000 francs payables
en différens termes.
M arie-A m able D nssaulnier, sa fille, se maria avec le
sieur de Trem euge le 6 février 1741. Son père ne lui
donna rien ; mais G abriel et G abrielle D ussaulnier, scs
oncle et tante, lui firent donation de tous les di*oits
successifs qu’ ils avoieut à recouvrer dans la maison , sous
la seule retenue d ’une pension viagère de 200 francs, et
de leur logem ent au Pouzat.
E lle ne survécut pas long-tem ps à ce m ariage, car
elle décéda en 1742 , sans postérité.
Comme ses on d e et tante n’avoient stipulé aucune
réversion des biens par eux donnés, Claude Dussaulnier ,
son p è re , héritier des acquêts eu coutume d’A u v e rg n e ,
réunissoit sur sa tête toute la terre du P ou zat, et tout
ce qui seroit provenu de G abriel et G a b riëlle, même le
domaine du C h am b on , s’il leur eût appartenu avant la
donation de 1741.
Claude Dussaulnier m ourut en 1746, ne laissant d’autres
héritiers que G abriel et G abriëlle D ussaulnier, ses frère
et sœur.
Ils pouvoient retrouver dans sa succession les biens
dont ils s’étoient dépouillés par la donation de 17 4 1 i
mais ces biens étoient devenus soumis aux dettes du
d é fu n t, et pour ne pas les payer ils répudièrent sa suc
cession , et un curateur y fut nommé. .
L a dame de R ochem onteix, veuve de C laude, obligée
par ce décès de quitter la m aison, fit donation a M arieFrançoise C halvet de N astra, sa n ièce, de toutes ses re
�( -6 )
prises, par acte du 9 septembre 17 4 6 ; et celle-ci obtînt
sentence contre le curateur à la succession vacan te, le
9 mai 17 4 8 , portant condamnation., i° . de 3000 francs
-touchés par Claude Dussaulnier ; 20. du gain -de survie
stipulé au contrat de m ariage de 1715 .
Aussitôt qu’elle eut cette sentence , la demoiselle de
Nastra fit assigner hypothécairem ent le sieur R o d d e, de
C h alagn at, com m e détenteur du domaine du Cham bon,
par exploit du 11 ju in ¡1748.
L e sieur Rodde dénonça cette demande le 9 mai 1749,
à A n toin e et Claudine B o yer, enfans de Jean B o y er, son
vendeur.
C eu x-ci d én on cèren t, le 9 mai 1 7 4 9 , à G abriel et
G abrielle Dussaulnier, non pas comme héritiers de Claude,
mais comme vendeurs eux-mêmes du domaine du Chamb o n , par l’acte du 10 décembre 1718.
L es Boyer dénoncèrent à leur tour à M .
com m e acquéreur postérieur de la directe
C ependant A n toin e et Claudine B oyer
sur la demande origin aire, firent valoir à
de G rom o n t,
de Serre.
se défendant
la demoiselle
de Nastra les créances payées par leur père, qui prim oient
l’hypothèque de la demoiselle de Nastra.
A cette é p o q u e , le sieur ¡Boyer étoit menacé d’un
autre procès de la part d’un sieur P o n s, de M o n servier-,
créancier de Jacques Dussaulnier d’environ 1000 francs.
Sa créance avo it été réglée le 2 décembre 1 7 4 1 , avec
le sieur de T r e m e u g e , qui s’étoit obligé de le p ayer;
mais comme il n’avoit stipulé qu’en qualité de m a r i,
il n’eut rien à payer après la m ort de sa fem m e, et le
sieur Pons n’avoit ù s’en prendre qu’aux biens venus du
�( 7 )
sieur Dussaulnier. Il fallut donc que le sieur B oyer payât
sa créance ; et en effet il lui en fut donné quittance avec
subrogation, le n juin 1749*
G abriel et G abriëlle Dussaulnier voyoient bien qu’ils
ne pouvoient éviter la garantie de tant de dettes de leurs
père et m è re , de la dette de leur frère envers ladite
demoiselle de Nastra ; ils le pouvoient d’autant moins
qu’ils jouissoient de la terre du P ou zat, m algré leur ré
pudiation : mais peu de personnes connoissoient leur
donation de 1741 , et ils passoient pour avoir un droit
indivis de deux tiers dans cette propriété.
A fin d’éloigner toutes les recherches sur ce p o in t, et
pour faire d iversio n , ils crurent embarrasser les enfans
Boyer par la plus étrange des prétentions ; et c’est ici
que commence la prétendue difficulté de la cause.
Jean Boyer , en recevant le domaine du Cham bon ,
avoit donné au sieur Dussaulnier le domaine de Bussac :
l ’acte de 1718 en prouve la tradition effective; et toutes
les sentences postérieures prouvent que le sieur Dussaul
nier n’articuloit rien de contraire.
\
Cependant le domaine de Bussac étoit rentré dans les
mains de Jean Boyer avant son décès. L ’avoit-il acquis
par acte sous seing privé ou notarié ? on l ’ignore; mais
les titres qu’il avoit remis en 1718 lui avoient été rendus :
t
aucune autre trace de cette nouvelle con%?ention ne se
retrouve; et les enfans Boyer ayant recueilli ce domaine
dans la succession de leur p è re , avoient continué d’eu
jouir paisiblement.
L eu r ignorance du passé parut une belle occasion à
Gabriel et G abriëlle D ussaulnier; ils dirent aux héritiers
�,
( 8 )
Boyer : Comm ent possédez-vous le domaine de Bussac,
et quel est votre titre ? Si vous n’en trouvez aucun , il
faudra croire que vous n’en jouissez que pïgnoraiiçem ent :
ainsi vous devez nous le rendre.
En effet, ils assignèrent, le 7 décembre 1748, les enfans
Boyer à se désister des deux tiers du domaine de Bussac,
avec restitution de jouissances.
M ais cette demande n’étant qu’ un épouvantail pour
repousser celle de la demoiselle de Nastra, du 11 juin
174 8 , les sieur et demoiselle Dussaulnier abandonnèrent
absolument cette demande; et la péremption en fut pro
noncée par sentence du 24 janvier 1764.
Lorsque la demande en garantie form ée contre eux fut
poursuivie activement contre eu x , ils voulurent réitérer
leurs prétentions par une requête incidente, du 8 mars
1 7 5 4 ; et comme le plus difficile auroit été de prouver
l ’im pignoration, ils voulurent donner une autre tournure
à leur demande en désistement ; ils dirent que l’acte de
1718 n’a vo it pas été exécuté , puisque le domaine de
Bussac étoit resté en la possession du sieur Boyer ; ils
soutinrent que leur action n’étoit pas prescrite, tant que
les héritiers B oyer étoient détenteurs du domaine de
Bussac, et que la demande en garantie pi'orogeoit celle
en désistement.
Les héritiers B oyer répondirent que leur jouissance
de Bussac ne venoit ni de l’échange de 1 7 1 8 , ni d’ une
jouissance pign orative; que l’action en désistement étoit
prescrite contre eux , et que d’ailleurs les sieur et de
moiselle Dussaulnier n’avoieut pas qualités pour exercer
cette actipn.
Gabriel
�( 9 )
G abriel Dussaulnier m ourut en 17 6 8 , n’ayant d’autre
héritier que G a b rië lle, sa sœur.
Celle-ci fit donation au sieur D e m o le n , le 16 janvier
1764 , du domaine du Pouzat ; et il fut ajouté dans l’acte
que ses droits contre le sieur B oyer faisoient partie de
la donation.
Aussitôt après cet acte, la demande im poursuivie depuis
1754 fut reprise par le sieur D em o len , par exploit du
19 mai 1764 , contre la demoiselle B o y e r, veu ve B iro n ,
héritière d’Antoine et Claudine Boyer.
L a veuve Biron m ourut quelques années après : MarieA n n e Boyer et Jean-James Beaufils, son m ari, reprirent
la demande contre ses héritiers.
Il est inutile de rendre compte d’une foule de procé
dures et de conclusions en recours, contre-recours, paye
ment de créances et actions hypoth écaires, qui eurent
lieu pendant les vingt-cinq années suivantes.
Enfin , il intervint sentence sur le tout en la séné
chaussée d’A u v e rg n e , le 22 août 1 7 8 9 , par laquelle la
demande hypothécaire form ée par la demoiselle de Nastra
fut adjugée contre le sieur R o d d e , pour le tiers seule
ment du domaine du Cham bon, qui appartenoit à Claude
Dussaulnier en 17 15 ; en conséquence, le partage dudit
domaine fut ordonné pour fixer la portion hypothé
quée; les Beaufils, héritiers B o y e r, furent condamnés à
garantir le sieur R o d d e; il fut ordonné plus ample con
testation , 10. sur j a demande en recours des Beaufils
contre M . Dem olen ; 20. sur leur demande en recours
contre M . de G rom ont; 30. sur ia discussion des créances
payées par Jean Boyer ; 4 0. sur la demande en recours
B
�( ro )
de M . de G rom ônt contre le sieur Dem olen ; 5 °. sur la
demande en désistement des deux tiers de Bussac.
'• Q uoique le siei.11* Dem olen ne fût tenu à rien par cette
'sentence , il'se jugea lu i-m êm e, et paya, à la demoiselle
’de'Nastra la créance qui avoit donné occasion à tant de
procès. Il articule avoir fait ce payement le 17 mai 1790.
Seize ans après, le sieur D em olen a voulu rentrer en
lic e ; il a repris-, le 5 août 1806, la demande en désis
tement des deux tiers de Bussac; et ajoutant à ses con
clusions, il a demandé le désistement du troisième tiers,
•comme exerçant les droits de la demoiselle de Nastra ,
qu’il a payée, si m ieux n’aim ent, a-t-il d it, les Beaufils
lui rem bourser ladite créance.
D e leur c ô t é , les sieurs B ’aufils ont repris leur de
mande en payement des créances de Jacques et Claude
«•Dussaulnier, payées par Jean Boyer.
C ’est sur ces nouvelles demandes qu’est intervenu au
tribunal de S ain t-F lo u r, le 16 mars 1 8 0 9 ,.le jugement
don t est appel : il juge que le sieur Dem olen n’a pas de
qualité du chef de ses donateurs, de demander le désis
tem ent; que d’ailleurs cette action est prescrite : il juge
’que ceux-ci étant garans du domaine du Chnmbon , le
sieur D em o len , en payant la créance N a s tr a , n’avoit
•acquitté que sa propre dette. En conséquence, le sieur
D em olen a été débouté de ses demandes; et faisant droit
sur celles des sieurs Beaufils, il a été ordonné une plus
am ple contestation , attendu que les titres des créances
par eux réclamés n’avoient pas été communiqués.
Sur l’appel que le sieur Demolen a interjeté de ce ju
gem ent, il s’agira de savoir, io,
a eu qualité pour
�( II )
demander le désistement des deux tiers de Bussac.; 2°. s i,
en lui supposant qu alité, l’action n’est pas prescrite; 30. s’il
a action pour demander le remboursement de la créance
]$astra qu’il a acquittée.
.
1
i
M O Y E N
S.
i° . IjC sieur D em olen n’a pas de qualité pour conclure
Contre la dame B eaufils, au désistement de tout ou partie
du domaine de Bussac.
: • ■
; j é ' , Il représente G abriel et G abrielle D.ussaulnier par une
donation de 1764.
*
! ./ ,7
.I:M ais ceux-ci n’étoient alors propriétaires1d’aucun im
meuble ni droit proveuant de Jacques D u s s a u lu ie r n i
de l’éclinrigé de 1718*
• n
Car ils avoient tout donné à M arie-A m ab le Dussauln ier, leur n iè c e , en 1741.
r
A la v é r ité , M arie-A m able Dussaulnier. étoit m orte
sans en fan s, en 1742 : mais C laude'I)ussaulnier > son
p è re , héritier des acquêts , avoit succédé aux biens ¡à
elle donnés.
r\ •
Î) - !■
■
■
'; ,
G abriel et G abrielle Dussaulnier ont répudié à la suc
cession de Claude : un curateur occupe ou a occupé la
succession-, ainsi lui .seul auroit qualité pour demander
Un désistement.
:
' nr.i’;
L e sieur Dem olen n’a jamais attaqué cette répudia
tion ; au con traire, il en excipe encore : et en effet il
ne p e u t, sur ce p o in t, changer ce qui a été fait par
ses donateurs.
. .
.
C e u x -c i ont toujours persisté dans leur répudiation;
B 2
�( i* )
et leur demande en désistement des deux tiers du doinaine de Bussac', suffit pour le prouver : car s’ils eussent
entendu se dire héritiers de C lau d e, ils auroient eu le
troisième tiers de son chef.
Ce n’étoit donc que ta donation de 1741 qu’ils dissim nloien t; mais point du tout la répudiation de 1746.
Cette lim itation à deux tiers du ch ef personnel de
G abriel et G a b rië lle , a duré depuis 175 4 , et dure en
core ; car en 1806 le sieur Dem olen n’a pas demandé
autre chose de leur chef : il a bien réclamé le troisième
tiers, mais ce n’est qu’en exerçant les droits d’un créancier,
et par la voie hypothécaire ; d’où résulte une double
preuve que le sieur D em olen ne prétend à rien comme
h éritier de Claude Dussaulnier.
•
Si donc il est prouvé que G abriel et G abriëlle n’ont
rien conservé, et que tout a passé à C laude, il en résultera
la conséquence nécessaire que le donataire de G abriël et
G abriëlle n’a rien à demander de leu r chef.
L e sieur D em olen a senti toute la force de ce m oyen,
et il y répond que la donation de 1741 n’a rien ôté à
G abriël et G abriëlle D ussaulnier, parce qu’elle est nulle
faute d’insintiation.
M ais on lui a déjà répondu que le donateur ne peut
pas opposer le défaut d’insinuation. T elle est en effet la
disposition de l’article 27 de l’ordonnance de 1 7 3 1 ,
réitérée par l’article 941 du Code civil. .
Si le sieur Dem olen croyoit p o u vo ir insister, en disant
qu’ il est h éritier du donateur, on lui répondroit encore
qu’ il n’a pu prendre les choses qu’en l’état où elles
étoient lorsque les biens présens de G abrëlle Dussaulnier
�(* 3 )
lui ont été donnés en 1 7 6 4 , et que celle-ci ayant déjà
form é une demande sans q u alité , en 1764 , n’a pas pu
lui transmettre plus de droits qu’elle n’en avoit ellemême.
L e sieur Dem olen objecte que le défaut de qualité
est couvert par plusieurs sentences, et ne lui a pas été
opposé dans l’origine.
D ’abord il verra dans une écriture du 29 mars 176 4 ,
que les héritiers B oyer ont fait valoir ce moyen d’entrée
de cause. Quant aux sentences, comment ont-elles pu
juger les exceptions du défen deu r, lorsqu’elles se sont
bornées à ordonner une plus ample contestation ? L a ’
sentence de 1789 , qui seule a jugé au fo n d , ne prononce
rien que dans l’intérêt de la demoiselle de’ Nastra ; et
dès-loi's il n’en résulte rien pour ni contre les héritiers
B oyer, ni le sieur D em o len , dans leur intérêt réciproque.
E n ajournant la demande en désistement, cette sentence a
aussi ajourné tous les moyens y relatifs; car l’exception est
inséparable de l’action, et dure autant qu’elle. Qucù annalîctr
sunt ad agendum yerpetua sunt adexcipiendum .
■Il faut rem arquer encore que si le sieur Dem olen avoit
pu avoir une q u alité, au moins ce ne pourroit pas être
pour une demande en désistement des deux tiers d’un
domaine.
,
Car ne prétendant rien à la propriété du tiers appar
tenant à la succession de Claude D ussaulnier, il n’avoit
à exercer qu’ une demande en partage contre le cu rateu r,
tant pour ce domaine que pour les autres biens indivis,
auquel partage il auroit appelé le détenteur du domaine.
C ’est en effet un p rin cip e, qu’il n’y a entre cohéritiers
�( i4 )
ou copropriétaires que l’action en partage : on n’est pas
recevable à assigner de -piano un tiers détenteur en désis
tement.
Cette action étoit si bien la seule admissible, que le
sieur Dem olen jouit à lui seul du domaine du P ou zat,
et que s’il suffit pour form er son lot (s’il en avoit u n ) ,
il n’a plus rien à demander à personne.
2°. Quand le sieur D em olen auroit une qualité pour
demander le désistement des deux tiers de Bussac, il
est évident que son action est prescrite.
Il n’indique pas l’époque de la mise en possession de
Jean B o y e r, mais il suppose que c’est en 1 7 1 8 , et que
Jean Boyer n’a jamais été dépossédé.
Si cela est ainsi, il s’est écoulé trente-six ans jusqu’à
la demande form ée par G abriel et G abriëlle Dussaulnier,
en 1754.
L e sieur D em olen d ir a - t - il que déjà il y avoit eu
une prem ière demande form ée le 7 décembre 1748.
M ais d’abord elle a été déclarée périm ée par sentence
du 24 janvier 17 5 4 ; et on sait qu’un ajournement
périm é ne sert pas à relever la prescription, suivant le
texte de l’ordonnance de 17 4 3 , et l’article 2247 du Code
civil.
Il fa u t, dit le sieur D em olen , avoir joui de bonne
foi pour prescrire, anim o dom ini et opinionc dom inii.
O ù a-t-il pris ce principe, pour l ’appliquer à une pres
cription trentenaire? Il le transpose de la prescription
décimale. M ais sans combattre avec plus d’étenduo une
aussi fausse doctrine, il suffit de lui rép on dre, avec l’ar
ticle 2268 du C o d e , que la bonne foi est toujours p ré-
�(
15)
sumée au possesseur, et que c’est à celui qui articule
'la mauvaise foi à la prouver.
< L a daine Beau fils , après une si longue période de
tem ps, 11’a besoin que de d ire, passïdeo quia possideo.
E lle succède aux faits d’au tru i, et n’a rien à prouver pour
rester propriétaire. Ñeque titulus, neque bona Jidcs
requirnntur sed soJa possessio per tnennium.
T ou te la doctrine ancienne, sur cette m atière, est ren
fermée dans l’article 2262 du Gode civil,
« Toutes les actions, tant réelles que personnelles,
« sont prescrites par trente ans, sans que celui qui allègue
« cette prescription soit obligé d’en rapporter un titre ,
« ou qu’on puisse lui opposer l’exceptiou déduite de la
« mauvaise foi. »»
A insi le sieur Dem olen n’a pas d’action pour de
mander un désistem ent, sous prétexte qu’il a un titre
d’acquisition de 1718 ; car ce titre est prescrit. Sans dif
ficulté il résultoit bien de ce titre une action eu déli
vrance pour les sieur et demoiselle Dussaulnier contre
le sieur Boyei”, mais cette action, e x empto > est ellemême prescrite, et ne peut plus s’exercer.
Ici le sieur Dem olen veut faire une différence entre
l’acte de vente et l’acte d’échange. Il prétend que le sieur
Boyer ayant dénoncé une demande hypothécaire aux
Dussaulnier, ¿\ cause de la garantie promise en I 7 ! 8 ,
il a rendu à ce titre toute sa vigu eu r, parce que, d’après
l ’opinion de Salvain g, nul ne peut demander l’exécu
tion d un titre sans l’exécuter soi-m êm e.
O n ne peut pas entasser plus de fausses applications
�( 1 6 }
de p rin cip es, vrais cependant en eux-mêmes. Sans doute
si le sieur Boyer n’étant pas en possession du domaine
du C h am bon , avoit voulu en demander la délivran ce,
il n’auroit pas pu l’obten ir, sans être forcé lu i-m êm e
d’exécuter l’échange par la tradition du domaine de
Bussac. Si des m inorités eussent p ro lo n gé, pour lui
seu l, jusqu’à soixante an s, son action en délivran ce,
il est encore incontestable que l ’obligation de livrer
Bussac eût duré pendant le même d é la i, parce que
l ’action des Dussaulnier n’eût été alors qu’ une véritable
exception.
Mais qu’est-ce que tout cela a de com m un avec l’espèce
actuelle? L e domaine du Cham bon a été livré. L e do
u t des n’est plus la question actuelle : la demande en
désistement de Bussac n’est donc plus une simple excep
tio n , c’est une action bien ré e lle , bien isolée, et dèslors sujette à toutes les règles de la prescription.
Il y a plus , car cette objection du sieur Dem olen
conduit m êm e à fortifier la réponse par des remarques
de faits.
Bussac fut liv ré à l’instant même de l’éch an ge, et la
remise du terrier, constatée par l’acte, en fait mention :
au contraire , Cham bon n’étoit livrable que dans deux
ans.
L orsque le sieur Boyer appela les Dussaulnier pour
être présens à sa possession ; lorsqu’il les assigna pour
faire cesser le trouble de R ou ch er, en 1720, et celui du
sieur R o d d e , en 1737» lorsqu’il obtint contre eux des
condamnations en garantie, entre-t-il dans la pensée que
le
�( i -7 )
le désistement de B ussacn ’eût pas été demandé par e u x ,
si cette action-eût été ouverte■
;& cette'époque ?
Si elle ne l’étoit pas alors, commerit'est-elle née depuis?
L e sieur D em olen ¡n’a qu’une m anière de Fexpliquer ;
c’est de bouleverser son propre syàtème, et de dire que
le sieur -Boyer s’étoit bienialors désisté'de Buseac, mais
qu’il l’a repris depuis.
E n q u e lle q u a lité , et par quel titre? P ig n o ra tif, dit le
■sieur Dem olen ; >ét aussitôt coule de sa plum e l’adagé
s é v è r e , m elius est non habere tituhm i quàm ‘habere
vitiosum .
O ù a-t-il pris encore cette im pignoratiön ? car e^est
l u i , dem andeur, qui doit fournir la preuve de tout ce
quMl articule; ¡mais il ne fuit .que le soupçonner. Il a v u
que le sieur Boyer a voit payé des créances,'et il en conclut
que <c’est peut-être pour le ¡gage de 'ces créances qu’il a
dû reprendre Bussac.
~
'Ces soupçons ne peuvent pas créer un titre vicieux et
précaire. L ’actede 1718 p ro u ve q u e le domaine de Bussaè
fut livré ; à l’instant même le terrier en fut rem is, et
quittancé par l’acte.
A ujourd'hui >ce terrier est revenu au pou voir des h é
ritiers Boyer ; ce iqui prouve qu’il y a eu une nouvelle
convention. V o ilà ce qu’on n e retrouve pas, mais ce dont
on est dispensépffr la prescription,<qui vaut titre; car la
prescription est un mode d’acquérir aussi solide qu’un
contrat de vente. L ’article 712 du Code civil rappelle
sur ce point les principes du droit romain ißt ceux de la
coutume d’A uvergne. Ce qui confirme pleinement lapresC
�( 18 )
crip tio n , c’est la'circonstance essentielle, et que rien ne
peut affaiblir, que dans les procès R oucher et dans ceux
qui ont su ivi, Claude Dussaulnier, poursuivi en gai’antie
sans ménagement , s’est toujours défendu comme un
garant véritable, au lieu de récrim iner comme il l’auroit
f a i t , et de soutenir que l’acte de 1718 étoit resté sans
exécution.
*
A in si , le sieur Dem olen ne peut pas s’attendre de
bonne foi à voir réussir une prétention q u i , sous pré
texte de forcer un possesseur paisible de chercher les titres
de sa possession, bouleverseroit toutes les règles méditées
par le législateur pour assurer le repos des familles.
30. L e sieur Dem olen n’a pas d’action pour demander
le remboursement de la créance qu’il a payée à la de
moiselle de Nastra.
Car il n’a payé que sa propre dette : il a fait volon
tairement ce qu’il eût élé forcé de faire.
L a demoiselle de Nastra étoit créancière de Claude
Dussaulnier, propriétaire pour un tiers du domaine du
Pouzat.
C ’est le sieur Dem olen qui le possède en entier; ainsi
il a dû payer une dette hypothéquée sur un immeuble
qui ne lui a été donné qu’avec ses charges.
En second lieu , le sieur Dem olen , comme représentant
G abriëlle Dussaulnier, est garant des évictions et troubles
quant au domaine du C ham bon, en vertu de l’acte de
1718.
O r , la demoiselle de Nastra, en poursuivant son hypo
thèque contre le domaine du Chambon? donnoit lieu à
�( T9 )j
une' action récursoire' qui devoit rem onter jusqu’au^
sieur D em o len , donataire du prem ier garant.
?
Il
est donc évident q u e , sous tous les points de. vue
possibles, le sieur D em olen n’a fait qu’acquitter sa;propre
dette, en faisant cesser la demande de la demoiselle de
Nastra.
Lorsque le sieur Dem olen a demandé le désistement
d’un tiers de Bussac, si on ne lui remboursoit pas cette
créance, il n’a véritablem ent réclamé qu’une chose plus
ridicule encore que le désistement des deux tiers : aussi
n’en fait-on pas un article particulier de discussion.
C ’est par la voie hypothécaire que le sieur Dem olen
veu t être remboursé de la créance Nastra par la dame
Beaufils, détenteur de Bussac; et en effet, il lui donne
l ’option de payer ou de délaisser l’immeuble.
IVIais s’il forme cette demande comme subrogé par la
demoiselle de N astra, il ne peut s’aider que de la sen
tence de 178 9 , qui ne prononce rien en faveur de la
demoiselle de Nastra contre la dame Beaufils. Quand il
seroit encore subrogé par le sieur R odde, on lui répondroit que la dame Beaufils ayant exercé contre lui une
demande en garantie, fondée sur l’acte de 1 7 1 8, il n’a
payé que pour éviter ce recours, et qu’il est gai’ant de sa
propre demande.
Il n’est pas moins curieux de rem arquer combien le
sieur Dem olen a mis d’incertitude et d ’exagération dans
ses demandes. Il reprend le procès des Dussaulnier, qui
demandoient le désistement des deux tiers d’un domaine;
et-le sieur Dem olen veut enchérir sur e u x , et réclame
/
*
�(2 0 )
l’autre tiers par hypothèque. M a is ces deux prétentions
Sont é ga le m en t mauvaises; et la dame Beaufils doit être'
r assurée su r une p ro p r ié té qu'u ne aussi longue possession
a co n so lid ée dans sa fam ille.
•
,J
M e. D E L A P C H I E R , ancien avocat.
M e, F A Y E ,
——■
— —
^
1
avoué licencié.
— —— —
m
A R I O M , de l ’im p. d e T H I B A U D , im prim . de la C our im périale, et libraire
ru e des T aules ? maison L a n d r iot . — A v ril 1810..
I
�
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Title
A name given to the resource
Factums Marie
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Description
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A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Biron, Marie-Anne. 1810]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Delapchier
Faye
Subject
The topic of the resource
successions
créances
terriers
coutume d'Auvergne
prescription
renonciation
possessions précaires
Description
An account of the resource
Précis pour Dame Marie-Anne Biron, veuve de M. Jean-James Beaufils, habitante de la ville de Saint-Flour, intimée ; contre le sieur Raymond Demolen-Dumas, appelant.
Annotations manuscrites
arbre généalogique.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Thibaud (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1810
1718-1810
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
20 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0306
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Pouzat (terre de)
Chambon (domaine de)
Bussac (domaine de)
Saint-Flour (15187)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Relation
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coutume d'Auvergne
Créances
possessions précaires
prescription
renonciation
Successions
terriers
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53395/BCU_Factums_G2025.pdf
5854313706a8a4f6e83e1f5f0accbe92
PDF Text
Text
OBSERVATIONS
y'
'
r1
'
' P O U R
D am e B O N V O U S T
.
la
DE
:
•
PRU SLAY,
R o c h e l a m b e r t , autorisée
épouse
en ju s t ic e ,
intim ée et appelante ;
‘ C O N T R E
Les Héritiers bénéficiaires et Créanciers unis
d'E m m anuël-Frédéric de T a n e , appelans ;
T A N E , intimé ; E t i e n n e - J e a n N A T T H E Y , aussi intimé.
A m éd ée de
L ouis
Q u e l q u e s moyens qui n’appartiennent qu’à la dame
de P ruslay, une qualité qui lui. est propre et qui ne se
rencontre pas chez le sieur la R ochelambert, des intérêt?
qui ne p ouvoient pas sc confondre sans être, m éconnus
A
�ont etc des motifs suffisans pour elle de ne pas faire
cause commune avec son époux.
Quelques faits qui ne sont pas encore assez exactement
connus, et qui la concernent plus particulièrement, ont
besoin d’être mis sous les yeux de la Cour.
E t enfin , il ne sauroit être inutile de rapprocher
certains faits principaux qui sont communs aux deux
é p o u x , et qu’une discussion plus étendue n’a pas permis
de rendre aussi saillans. - '
C ’est là tout le but de la danie la Rochelambert. L e
m émoire du sieur N atthey, et celui nouvellement dis
tribué par les créanciers, la forcent de publier ces obser
vations.
-:V-
P a r son contrat de mariage avec le sieur la R o ch cla m b e r t, la dame de Pruslay se constitua tous les biens
dont elle jouissoit à cette époque. L a dame B o u rn e v ille , sa m è r e , lui donna en avan
ce m en t d’hoirie une somme de 120000 francs, et un
trousseau.
Il fut stipulé qu’en jouissant des revenus d o ta u x , le
mari lui payeroit une pension annuelle de 2000 francs.
lin lin , cjuo tous les autres biens qui échoiroient ù la
f u t u r e , par succession , donation , ou autrem ent, lui
appartiendroient en paraphernal.
E n 1788, fut acquise en commun la terre de Cliadieu:
fut-elle revendue de môme ?
Non. L e sicur de Saint-Poney la vendit à Sauzay en
1791 ; il s e ,prétendit fondé de procuration de la dame
la llo c hclambcrt ? et il u’en nvoit que pour emprunter
�ftot.
C 3 )
60000 fr. ; et cependant Sauzay acheta sur cette procu
ration bien connue de l u i , et annexée h son contrat :
il revendit de même.
• Si donc la dame la Rochelambert avoit voulu porter
le trouble dans cette cause, elle avoit un moyen assuré ;
on n’auroit pu lui opposer fructueusement , ni la loi
Q uintus M u c iu s , puisqu’elle a des paraphernaux , ni
une opposition de 1792', ni une inscription de 1808,
ni aucuns autres actes prétendus approbatifs qu’elle n’a jamais faits ni donné pouvoir de faire.
Mais confiante dans la force de ses m oyen s, elle ne
fera en ce moment aucun usage de ce droit incontestable.
11 faut observer ici qu’après la vente de 1788 les
sieur et dame la Rochelambert avoient versé en quatre
payem ens, dans la caisse de T r u t a t , une somme de
178000 fr. ; que 111000 fr. avoient été em pruntés, et
que les prêteurs avoient été subrogés aux privilèges des
créanciers primitifs ; qu’enfin , parmi ces prêteurs se '
trouvoient le sieur de Tane-Santenas, pour 30000 fr., et
la dame Bourneville, pour 44000 f r . , qui appartiennent
aujourd’hui en paraphernal à la dame la Rochelambert,
sa fille.
Q uoi qu’il en s o it, il faut dire un m ot de la vente
de 1791.
E lle est faite moyennant 5 ooooo f r . , dont i 25 ooo fr.
sont payés aux vendeurs.
Ils reçoivent en outre 30000 fr. pour le m obilier consi
dérable dont ils avoient garni le chûtcau et les bâtimens.
Enfin les 376000 fr. doivent être payés aux vendeurs,
ou y. si bon sem ble, à leurs créanciers, et spécialement
A 2
�..................................( 4 . )■
aux créanciers privilégiés sur la terre cîc C liadieu, dans
le courant d'une a n n ée, et non de deu x, comme le pré
tend Natl'hey.
Quels étoient ces créanciers privilégiés su r C lia d ieu ,
dont on entendoit parler ? L a suite nous l’apprendra
peut-être un peu mieux que ne le fait le sieur Nattliey.
L a vente de 1788 fut frappée de soixante-treize oppo
sitions individuelles.
Celle de 1 7 9 1, de huit seulement; mais il faut y remar
quer celle des créanciers u n is , et celles des préteurs de
111000 francs, subrogés aux privilèges des créanciers
qui avoient été payés de leurs deniers.
Ces oppositions , ot les lettres de ratification prises par
Sauzay, avoient formé un lien judiciaire entre ces créan
ciers opposans et Sauzay; dès-lors, celui-ci ne fut plus
libre de payer à d’autres qu’à eux : mais quand après
cela il auroit encore pu faire l’option qui lui étoit laissée
par le contrat, il ne l’auroit pas conservée long-temps. E t
c’est ici qu’il faut parler de sa déclaration ù la munici
palité d’A u teza t, d u ......... I 7 9 2Les mémoires ont appris que Sauzay ne fit celle dé
claration, comme il le dit lui-m em e, que pour donner
des preuves de son civism e, mais avec la résolution de
conserver les deniers entre ses mains , parce q u 'il a ,
d i t - i l , pris des lettres de ratification..........et que ces
som m es seront absorbées et au delà par les créanciers
opposans, qu’ainsi la république ne pourra ja m a is en
profiter.
Il éloit impossible assurément de mieux faire l'option
donnée par le con tra t, de payer aux créanciers oppo
�( 5
)
sons, à supposer qu’elle eût pu encore être nécessaire.
Cette option faite dans l’intérêt de Sauzay, l ’étoit aussi
dans l’intérêt de ses vendeurs; car elle avoit pour objet
de les libérer envers des créanciers, sinon personnels,
au moins hypothécaires.
Dès ce moment le contint devint parfait; Sauzay n’eut
plus le droit de payer à. ses vendeurs, en fraude des
créanciers; les sieur et dame la Rochelambert n’eurent
plus le droit de rien exiger de l u i , au préjudice des opp o
sitions et de l ’engagement qu’il avoit contracté envers
les opposans : tout dut se passer entre Sauzay et les opposans; mais les vendeurs de Sauzay eurent toujours droit
et intérêt de surveiller le payement.
C'est dans cet esprit qu’il faut lire la vente du 7 nivôse
an 2.
Il 11’est cependant pas inutile de remarquer en passant,
que par cela seul Sauzay ne considéra pas seulement
comme créanciers privilégiés les prêteurs des 111000 fr.,
mais bien les créanciers de T a n c , opposans ; et en effet
les prêteurs des 111000 fr. n’avoient de privilèges que
ceux auxquels ils avoient été subrogés par des créanciers
hypothécaires, payés de leurs deniers.
Quoi qu’il en soit de ce fait, d’ailleurs assez indifférent,
Sauzay 11e crut pouvoir se dégager de son obligation
envers les créanciers opposans que par une délégation
forme lie.
Il avoit déjà vendu un moulin et un pre a Feuillant,
moyennant 61000 fr. qui étoient restés entre les mains
de l’acquéreur, et qui y sont encore.
Il vendit le reste a W « llier le 7 nivOsc an 2 .
�( 6 )
II seroit superflu de copier textuellement ici la clause
de cet a c te , qui a rapport à la contestation ; la Cour
sait q u e , par une précaution que lui commandoit sa p o
sition vis-à-vis des créanciers opposans, Sauzay leur fit
délégation expresse de 3Ô5ooo francs.
P ar reflet de cette d élégation, W a llie r se trouva direc
tement obligé à payer aux créanciers; et cette obligation
ne fut pas seulement relative à Sauzay, niais bien aussi
aux sieur et dame la R ochelam bert, premiers vendeurs,
et qui avoient été débiteurs de cette somme.
Mais Sauzay leur devoit 376000 francs, et des intérêts
montant à 39062 fr. ; il s’en falloit donc de 59062 fr.
que la délégation fnt entière. U n e dernière clause de
l’acte, qui n’est pas encore connue, va expliquer ce qui
peut encore être douteux à cet égard.
« Sauzay déclare que cette somme de 366000 francs,
« ensemble les 61000 fr. de prix principal et intérêts,
« sont plus que suifisans pour désintéresser les ayans
« droit de ses vendeurs ; au moyen de quoi les parties
« conviennent que l’excédant de ce que devra ledit
« S a u .n y , lui sera payé par l’acquéreur qui s’y soumet
« expressément. »
Il résulte de là que Sauzay destinoit au payement des
69062 francs, les 61000 francs dûs par Feuillant.
E t Nalthey en tire la conséquence que ces 6 ioûo fr.
lui furent délaissés en p r o p rié té , la charge par lui de
payer la totalité de 376000 francs et intérêts; et comme
il a versé cette somme en assignats de l'an 4, que les
61000 francs sont encore en num éraire entre les mains
de Feuillant, il doit, suivant lui, avoir encore eli bénéfice
�<& oS
( 7 )
cette somme de 61000 francs; ce q u i, au reste, ne con
cerne pas la dame la Rochelambert.
Il paroît que le 24 pluviôse an 2 , la régie considérant
les sieur et dame la.Rochelambert comme ém igrés, fit
à S a u za y une sommation de payer le p rix de Cliadieu
en deniers ou quittances.
Sauzay n’en prit pas ombrage; il ne fit pas le moindre
mouvement ni vis-à-vis la régie, ni même envers W a llie r ;
il ne lui dénonça pas la sommation.
Cependant.on rapporte aujourd’hui une quittance du
' 26 floréal an 2 , bien étrangère à Sauzay; elle est donnée
à Natthey par le receveur de Saint-Amant, pour 355 ooo 1.,
dites déposées entre ses mains.
1 Si cette pièce p a u v o it ùtvc de la m oindre utilité dans la
cause, on demanderoit u celui qui voudroit en argumen
te r, quel caractère d’authenticité peut avoir la signature
du sieur M augue de Saint-Am ant, lorsque les registres
publics du receveur, seuls capables de faire fo i, ne con'tiennent pas la moindre mention de ce prétendu ver, sement.
A uroit-elle même cette valeu r, la seule qu’on veuille
lui donner, sans d ou te, de faire présumer que peutêtre la terre de Chadieu a:coûté quelque chose ù Natthey?
Il est difficile de le penser.
Mais dans l’intérêt réel de la cause, tout cela est inu
tile à rechercher, car il a été fait des versemeris postérieurs. Il faut donc se borner A cxflnunci si ces vcise
mons ont libéré soit Natthey, soit les sieur et dame de
la Rochelambert ; et certes c’est ce qui n’est pas difficile
\
\
»
“<*A
�,( 8 A
à vérifier, quant aux créanciers unis, car tout consiste,
clans un fait mathématiquement prouvé.
L e sieur la Rochelambert avoit été porté sur la liste
des émigrés.
N a tth ey, bien formellement délégué par Sauzay qui
étoit lui-même directement obligé envers les créanciers,
savoit mieux que personne que s’il versoit entre les mains
des sieur et dame la Rochelam bert, il ne payeroit pas
valablement.
Il savoit aussi q u e , par la même raison , il ne pouvoit
pas se libérer eu versant dans les caisses de la république
pour leur compte seulement.
Il voulut donc effectuer ses vcrscmcus contre les c r é a n
ciers c a s - m ê m e s . Lisons la sommation du I er. nivôse
an 4 , que la Cour ne connoit pas assez.
Il y expose que les syndics et directeurs des créanciers
de T a n e , envers lesquels il est tenu de libérer son ven
deur , o n t, par leur opposition, élu domicile---Que le receveur de •l’enregistrement est, par reflet de
la nouvelle lo i, leur unique séquestre.
Q u i l ne connoît d’autres délégations que celles con
tenues audit acte du 7 nivose an 2 ,*
Enfin , il somme les créanciers, tant au nom de Natthey
qiCciu nom des sieur et dame la R o ch ela m b ert, de se
trouver chez le receveur, etc.
A u jour indiqué, il obtient sa quittance pour la libé
ration de Chadieu.
Remarquons encore ici que les créanciers unis n’a voient
k réclamer que 263980 francs; et Natthey veut payer et
paye
�«&6>
( 9 )
■paye en effet 375000 francs, et les intérêts : en sorte
qu’il avoit intention d’y comprendre, comme il prétend
en effet y avoir compris les 111000 fr. dûs aux prêteurs
subrogés.
E t il le falloit bien ainsi ; car l ’obligation contractée
par Sauzay en prenant des lettres de ratification, et celle
de Natthey résultante du contrat de l’an 2 , avoient pour
objet la totalité des 376000 francs.
O n aura spécialement à examiner ici si .cette obliga
tion a été entièrement exécutée.
E t dès à présent observons que les créanciers unis
furent seuls sommés de se trouver à la consignation.
L e 11 brumaire an 1 1 , après sept ans d’inaclion, les
syndics font à Sauzay nno som mation do p ay e r 2 6 3 9 8 0 fi*.
q u i sont dûs par ledit S a u za y a u x créanciers de Tane..,.
au m oyen de Vopposition eï la charge, de laquelle ont
été scellées les lettres de ratification.
P a r cela seul ils-acceptaient la délégation portée par
cet acte à leur profit.
!
• Que fit Sauzay? garda-t-il envers ces'-créanciers, qui
ctoient les siens, le même silence qu’il avoit tenu en l’an
2 contre la république? Non ; il dénonça sa sommation
à Natthey le 22 pluviôse suivant.
N atthey, pour se débarrasser de cette poursuite q u ’il
rcconnoissoit légitim e, fit assigner à Clermont les créan
ciers un is, mais eux seuls, et il obtint le jugement de
l ’an 12.
Fixons-nous sur cc jugement. Il déclare Natthey bien
et valablement libéré ;
B
-.V.
�-SÔÎ.
r <•
( 10 )
E t , en co n séq u en ce, ordonne la mainlevée des oppo
sitions.
P ourquoi cette mainlevée ordonnée comme consé
quence de la lib éra tio n , si ce n’est parce qu’il fut jugé
que la libération de Nattliey avoit profité a u x créan
ciers , et éteint leur créance ?
E t comment leur créance auroit-elle pu s’éteindre par
leur fait contre le détenteur qui avoit pris des lettres de
ratification, et subsister contre tout autre?
A u reste, le jugement est fo n d é, i°. sur ce que les
receveurs d’arrondissem ent fu r e n t substitués a u x notaires-séqtiestres. . . . ;
2°. Sur ce tjuo îinttlicy n clii verser le prix do Cliacîieu.
dans les caisses nationales, soit à titre de dépôt, soit à
titre de payement.
Il est donc jugé q u e , quant à ce , Nattliey a versé le
p rix de la vente, et que ce prix a été reçu par les créan
ciers ou pour eux; que Nattliey est lib é ré , et que les
créanciers sont payés.
E t pour achever sur ce poin t, il faut rappeler ici que
le jugement dont est a p p el, en recherchant si les créanciers
de T an e ont encore quelques droits, déclare que c’est
chose jugée pur le jugement de l’an 12, et les condamne,
sur ce m o tif, contre toutes les parties.
Ils interjettent appel tant contre Nntthcy que contre
les sieur et dame la Rochel.unbeit. Cet appel leur donnoit
encore la faculté de se pourvoir contre le jugement de
l’an 1 2 , s’ils eussent cru que leur cause en fût devenue
meilleure.
�Mais bientôt ils abandonnent leur appel contre Natthey,
par un acte signifié. L e département est accepté ; le juge
ment de l’an 1 2 devient inattaquable; et désormais Natthey,
leur débiteur direct, leur seul et véritable débiteur, se
trouve irrévocablement affranchi de leur action. E t ils
prétendroient encore en conserver une vis-à-vis l’acqué
reur originaire qui a revendu à la charge de les payer,
lorsqu’ils ont accepté cette charge par leurs oppositions!
Ainsi disparoissent toutes les difficultés qu’on a fait
naître sur cette branche de la contestation. L a seule chose
qui ait le droit d’éton n e r, c’est que les créanciers unis
croyent encore avoir une cause contre la dame la Roclielambert.
Mais ils ne sont pas les seuls qui réclament contre
e lle : Oïl n ’a p a s e n c o r e p a r lé d e s d cm n n clcs r e la t iv e s a u x
1 1 1000 francs empruntés, et de la garantie réclamée à cet
égard contre Natthey.
T o u t ce qu’on vient de dire en fait se rapporte direc
tement à cette partie de la cause; car respectivement aux
créanciers unis, il suflisoit de leur opposer le jugement
de l’an 1 2 , et le département d’appel.
Mais les prêteurs des n 1000 francs, quoiqu’opposans
aux lettres de ratification de Sauzay, ne sont pas parties
dans ce jugement : il n’y a donc rien de décidé vis-à-vis
eux. Il faut donc examiner la force de l’engagement réci
proque des parties; et sans même s’inquiéter, quant à
ces créanciers , de ln question de savoir s’ils sont ou
non payés, rechercher si ce ne scroit pas encore aujour
d’hui l’obligation de Natthey, à supposer qu’elle ne fut
pas remplie.
�( 12 )
A cette occasion il n’est pas inutile de remarquer com
ment s’est engagée la procédure.
O n a vu que S a u zay, libre de faire une o p tio n , avoit
déclaré vouloir payer aux créanciers, et qu’il s’y étoit
obligé par ses lettres de ratification ;
Q ue revendant lu i-m êm e, il avoit imposé à son acqué
r e u r, "parf o r m e de délégation, l’obligation formelle et
sans co n d itio n , de leur payer 355ooo francs.
Lorsque les sieur et dame la Roclielambert ont été
assignés en mainlevée de leur inscription et en payement
de la rente d’A m éd ée de T a n e , il a été présenté au
tribunal de Glermont une requête par laquelle on demande
acte de ce qu’ils dénonçoierit à N a ttb e y , soit le comman
d em en t d ’ A i n c d é e , s o it les
in sc r ip tio n s
p rises
sur
le u i’S
biens par les créanciers.
Considérant ensuite avec raison Sauzay comme obligé
envers e u x , et Nattliey comme obligé envers Sauzay,
on met de côté la vente de 1791 ; et exerçant le droit
de Sauzay, on arrive ¿1 la vente du 7 nivôse an 2. O n
conclut contre Nattliey qu’ il soit tenu de l’exécuter inté
gralement ; à ce qu'en conséquence il soit tenu de justifier
qu’il a rem pli tous les engagemens qui en résultent,
qu’ il s’est valablement l ib é r é , et à ce qu’il soit tenu de
faire cesser to u te s poursuites, et lever les inscriptions
prises sur les sieur et daine la Kochelambert.
Ainsi donc l’ intance s’est engagée uniquement sur l’exé
cution de l’acte du 7 nivôse nu 2 , dont le vendeur ori
ginaire avoit bien le droit de s emparer.
E t ccltc instance s’est engagée contradictoirement avec
\
�( ?3 )
toutes les parties,' par la dénonciation de céttè requête,
qui fut faite aux créanciers, au sieur de T a n e , et aux
héritiers M ontmorin.
Il s’agit donc d’examiner ic i, d’après tout ce qu’on
vient de d ir e ,
j .
i° . Si le sieur Natthey doit la garantie des poursuites
d’A m éd é e de T a n e ;
2°. S’il doit supporter l ’inscription supplémentaire de
la dame la Rochelambert, relativement à la créance du
sieur Saint-Prix et à celle de la dame Bourneville. ^
Ces deux questions se réunissent dans leurs moÿensr.
Dans un cas comme dans l’a u tr e , en effet, Natthey ne
peut échapper à l’obligation de justifier qu’il a rempli
ses engagemens. Cette partie de la cause n’est autre que
celle des créanciers u n i s , i p art la sommation de l ’au
4 , et le jugement de l’an i z , qui ne s’y a ppliqu en t pas}
Et ici comme v i s - à - v i s les créanciers un is, il faut
reconnoître que la consignation du dernier acquéreur
est tellement inséparable du droit des créanciers opposans,
que l’un ne peut pas être valable sans que l’autre soit
éteint.
Cela se prouve par le fait et les principes.
Par le fait, i° . en ce que la vente de 1791 , dont il
ne s’agit môme pas aujourd’h u i , contenoit une obliga
tion de payer aux vendeurs ou a u x ci'éanciers.
E t ici il faut observer avec le sieur Natthey (page 4
de son m é m o ir e ), qu’à supposer celle indication étran
gère aux créanciers un is, elle s’appliquoit directement
aux prêteurs des 111000 francs : d’où il résulte, d’après
�c i>
C I4 )
JNatthey lu i- m e m e , que ces créanciers furent sinon
délégués, au moins indiqués spécialement à Sauzay par
le contrat de 1791.
2°. E u ce que cette o b ligatio n , d’alternative qu’elle
<5toit, est devenue pure et simple par l’efTet de l’option
q u’en lit S a u za y , dans sa déclaration à la municipalité
d’A u tezat, et plus encore par l’opposition que firent ces
créanciers sur la vente de 1791? et les lettres de ratifi
cation que prit Sauzay à la charge de ces oppositions.
3°. .En ce que respectivement à Natthey , et par sa
vente du 7 nivôse an 2 , la seule dont il s’agisse, cette
obligation a pris un nouveau degré de force, puisqu’elle
a été imposée sans alternative, et comme seul moyen
de libération.
E t comme il est de principe que les lettres de ratifi
cation chargées d’une opposition, forment entre l’acqué
reur et l’opposant un contrat judiciaire qui a la force
d’ une délégation acceptée, la conséquence nécessaire qui
en d é riv e , est que l’opposant a été mis judiciairement
à la place du ven d e u r, et que le payem ent, pour être
valable, a du être fait à l’opposant lui-meine.
Il est certain que cet engagement contracté par l’acquéi'cur a profité irrévocablement au vendeur comme
aux créanciers , et que c e u x -c i ne pouvoieut pas s’en
départir en fraude de ses droits.
11 est certain que ces acquéreurs ainsi engagés envers
le ve n d e u r, parce qu’ ils l’étoicnt irrévocablement envers
les créanciers de T a n c , qui ne les ont ni délié ni pu délier
de cet engagement au préjudice du v e n d e u r, ont dû
�<t>\ 2»
C ¡s j
nécessairement verser de manière à ce qu’ il y fut pleine
ment satisfait; qu’ainsi ils ont dû consigner dans les inté
rêts communs des créanciers de Tarie et des'sieur et dame
la R o ch elam b ert, qu’il ne leur a pas été permis un seul
instant de dissimuler les droits acquis à ces créancièrs, ni
de rien faire qui pût les compromettre.
1
i •'*
D onc il est certain que cette consignation a dû être
telle qu’elle valût payement 'aux. créanciers et libération
à la dame la Rochelam bert; car elle pouvoit être telle,
en effet, comme le dit'-la loi;,'q u i vouloit que le verse
ment fût fait sans prêjudicier a u x op positions, et comme
le démontre M . M erlin : donc elle a dû nécessairement
l’être sous leur responsabilité personnelle.
Donc il n’a pas dépendit d’eux que par leur francïe
ou leur 'dissimulation, et pour leur intérêt personnel,
les deniers qu’ils ont consignés tournassent au profit de
la nation , qui ne les a jamais déliés de leur contrat
judiciaire avec les créanciers, et qui n’a jamais pu ni
voulu profiter à leur préjudice de deniers qu’elle a dé
claré, par ses lois, leur appartenir exclusivement à elle.
Tou te la question est de savoir si la consignation faite
par les acquéreurs libère la dame la Rochelambert envers
les créanciers : car si elle ne la libère pas, c’est par leur
fa it, et uniquement par leur fait; et dons cc cas leur
engagement judiciaire envers les créanciers subsiste tou
jours, soit nu profit de ces créanciers, soit au profit de
la dame la Rochelam bert, qui malgré eux a le droit de
le faire valoir.
'Voilà des vérités q u i, partant d’un principe incon-
�( i 6 )
testable, sont à elle-mêraes autant de conséquences entraî
nantes.
V o u dra-t-o n persister h dire que le contrat judiciaire
n’a pas empêché l’acquéreur de payer au vendeur lui—
même ; que le vendeur étant émigré ou réputé t e l , on
a payé valablement à la nation qui le représente? Ce
seroit un cercle vicieux et une fausse supposition. T o u t
ce qu’on vient de dire y répondrait d’a v a n ce , mais on
peut ajouter quelque développement.
. 11 n’est pas vrai que le contrat judiciaire opéré entre
l ’acquéreur et les créanciers opposans, laissa aux sieur
et dame la Rochelainbert le droit de recevoir person
nellem ent le prix.
11 est constant qu’au préjudice et sans l’aveu des créan
ciers, ils n’auroient pas pu , après l’obtention des lettres
de ratification , consentir avec les acquéreurs à la rési
liation de la vente : tout ce qu’ils eussent pu faire sans
appeler les créanciers opposans, eût été radicalement nul.
D e là , et par une raison de réciprocité incontestable,
est née, de la part des créanciers, l’obligation de suivre,
avec la dame la R o ch ela in b ert, l’efTet de leurs opposi
tions, et de faire d ire, comme ils le prétendent, que les
acquéreurs ne les ont pas payés, et qu’ ils sont encore dans
les liens du contrat judiciaire qui les a chargés de payer.
E t de la part des acquéreurs, celle de prouver qu’ ils
ont fait tout ce qu’ils dévoient pour acquitter, et la dame
la Rochelainbert, et eux-mêmes, envers les opposans, et
de le faire juger contr’eux, ou bien demeurer responsables
des suites du défaut de libération.
En
�( 17 )
~ E n effet, si les acquéreurs avoient payé les créanciers,
ils n’auroient rien eu à payer à la n a tio n , qui reconnoissoit que la préférence leur étoit due, et ne réclamoit
pas à leur préjudice.
Si donc il leur a plu de payer à la nation par pré
férence aux créanciers, ou de consigner sans les appeler,
ils ne peuvent s’en prendre qu’à eux-mêmes; et on ne peut
s’en prendre qu’à eux s’ils ont fait un mauvais payement.
E n un m o t, depuis l’obtention des lettres, Natthey ne
devoit rien à la n atio n , parce qu’il ne devoit rien aux
sieur et dame la Rochelam bert, n’ayant entre les mains
que la somme due aux créanciers.
Il devoit à Sauzay q u i , respectivement à l u i , étoit
son créancier im m éd iat, comme vendeur,
t II devoit aux créanciers opposons, à qui les 375000 fr.
appartenoient exclusivem ent, soit par la force de leurs
oppositions, soit par le fait de la délégation expresse et
spéciale de sa vente.
E t remarquons bien ici que lors de cette délégation
du 7 nivôse an 2 , les lois sur l’émigration existoient ;
que Sauzay les connoissoit parfaitement, ce que témoigne
assez sa déclaration à A u te za t, en 1792 ; que cependant
il n ’en délégua pas moins les créanciers opposans , et
que Natthey 11’en accepta pas moins la délégation.
Remarquons aussi que par cela seul, les stipulations
de la vente de 1791 furent effacées ; qu’elles ne concernoient pas Natthey, qui ne devoit voir que son acte et
sa délégation , et ne reconnoîtrc d’autres créanciers que
Sauzay et les opposans. O r , ni Sauzay, ni les créanciers
opposans n’étoieul émigrés.
.
G
�( 1 8 )
O n n’a donc pas pu payer à la nation comme repré
sentant les sieur et dame la R ocheïam bert ; aussi tout
témoigne-t-il que jamais ce n’a été l’intention de Nattliey,
témoin sa sommation de l’an 4 , où sentant bien la force
de ses obligations, il assigna les créanciers pour voir, par
sa consignation, libérer non pas le sieur Nattliey envers
les sieur et dame la Rocheïam bert, mais bien lui Nalthey,
Sauzay, son intermédiaire, etles sieur et dame la R o c lie lam bert envers les créanciers.
L a dame la Rocheïambert le répète ; elle n’a pas à
e xa m in er, la justice n’a pas à décider si les versemens
sont valables et légalement faits : qu’ ils soient bons ou
mauvais , il faut que le contrat judiciaire s’exécute ; il
faut que la dame la Rocheïambert soit libérée.
Il faut que Nattliey fasse dire que Santeuas est payé,
ou qu’il le paye lui-même.
Il faut qu’il justifie la libération pour ceux des créan
ciers des 111000 fr. qui n’ont pas encore réclam é, ou
qu’il souffre l’inscription du vendeur.
Il faut enfin qu’ il fasse valoir le payement entier des
375000 fr. que la daine la R och eïam b ert, de son chef,
ne veut ni 11e doit examiner.
Voilii des vérités démontrées.
L a dame la Rochelambcrt croit ccs réflexions suffi
santes : cependant, le mémoire du sieur Nattliey contient
quelques passages qui ne doivent pas rester sans réponse,
et qui la forcent d’allonger 1111 peu.
Il met en doute d’abord (pnge 7 ) , que la vente du 7
nivôse an 2 , contienne une délégation spéciale; comme
si elle n ’étoit pas spéciale et exclusive, en ,taut qu’elle
�fciy
( 19 )
est faite à des syndics d’union, donc h tous les créanciers
unis ;
Comme si les créanciers n’étoient pas spécialement
indiqués par leur qualité de créanciers opposans.
Il dit ensuite ( page 8 ) que cette délégation n’étoit
faite que par Sauzay ; que même la Roclielam bert, au
lieu d’être déléguant étoit délégué; qu’enfin la délégation
n’étoit pas absolue en faveur des créanciers.
M a i s , de bonne f o i , est-ce que Sauzay pouvoit faire
cette délégation pour lui sans la faire pour ses vendeurs?
leur étoit-il donc devenu étranger ? devoit-il autre chose
que le prix pour lequel ils lui avoient vendu ? en le
payant aux créanciers, ne l’a-t-il pas payé à la décharge
de la dame la R o clielam b ert ?
Sans doute les sieur et dame la Roclielambert étoient
délégués concurremment avec les créanciers de T a n e ,
mais seulement par une expression distributive ; ils ne
l ’étoient que pour ce qui pourroit leur appartenir après
les créanciers payés : et c’est ce qui démontre que la
délégation étoit absolue.
Immédiatement a p r è s , Natthey ajoute que la som^
mation du 24 pluviôse an 2 fit évanouir les réserves de
M . et Madame la Roclielambert pour recevoir le restant
du prix de Chadieu.
Il est donc v r a i, d’après lu i-m ô m e , que la déléga
tion étoit absolue-, que la Roclielambert n’étoit délégué
que pour le restant du prix après les créanciers payés.
Il oublie ce qu’il vient de dire : quelle légèreté !
Il soutient ( page 9 ) q u ’ il fut impossible de payer, soit
aux la R ochelainbert, soit aux créanciers, parce q u e .
G ,
�( 20 )
d’une p a r t , la loi ordonnent de verser dans la caisse
nationale, nonobstant toutes oppositions, com m e sans
y préjudicier ; que de l’a u tr e , les créanciers n’étoient
délégués qu’à cause de leurs oppositions.
Il est donc vrai que l’acquéreur avoit dû consigner
sans f a ir e préjudice a u x oppositio7?s ,• donc sans préju
diciel* au contrat judiciaire résultant des lettres ; donc
sans préjudiciel’ aux intérêts de la Rochelarnbert.
L a délégation des créanciers avoit évidemment deux
causes indélébiles; leur opposition d’ab ord, et la délé
gation elle-même après.
Eufin , bien loin de rendre le payement im possible,
soit aux un s, soit aux autres, tout cela ne faisoit que
rendre indispensable de j)ayer aux d e u x , i°. aux créan
ciers, puisqu’il n’étoit pas permis de leur faire préjudice;
2°. aux la Rochelarnbert, en la personne de la nation,
si toutefois il y avoit quelque chose de reste.
Inutilement ensuite , pour faire perdre la cause de
v u e , Natthey emploie-t-il quatre pages à s’appitoyer sur
lui-même. T o u t cela se réduit à dire que la vente de
Siuzay fut jugée valable, conséquemment que les créan
ciers opposans restèrent dons leurs droits , et les acqué
reurs dans leur devoir de les p a y e r , soit en vertu de
leurs lettres, soit en vertu de la lo i, qui ne vouloit pas
qu’ il f û t f a i t préjudice aux oppositions.
Co qu’ il dit aux pages i 5 et 16 , n’est qu’une adroite
préparation pour présenter la question qu’il semble se
faire , de savoir comment il est entré dans l’esprit du
premier conseil de M . et Madame la Rochelambcrl de
l’uppeler en garantie.
�C ’étoit, sans doute , la meilleure transition possible
pour arriver au moyen résultant de ses deux lettres.
Sieur Natthey! on va vous répondre avec autant de
force que vous questionnez av,eç légèreté.
Dites-nous d’abord comment vous avez été déchargé
p
i
envers les créanciers de T a n e, et conséquemment envers
la dame la Rochelambert, de l’effet des oppositions, et de
la charge des lettres ? ou si vous l’avez été réellement,
faites donc dire que la dame la Rochelambert l’a été
comme vous.
<
Vous ne devez pas de garantie!
O n l’a déjà dit ; votre obligation est tellement insé
parable du droit des créanciers, que vous n’avez pu
l’accomplir sans faire cesser leur action.
Si donc leur action dure e n c o r e , v o tre obliga tion
subsiste.
E t ne dites pas que vos versemens Font éteinte, sans
que vous ayez à vous inquiéter de ce qu’est devenuç
l’action des créanciers; car la nation ne vous a pas délié
envers eux.; elle a reçu,.m ais en vous déclarant qu’elle
ne vouloit pas pour son compte ce qui étoit dû au;t
créanciers, qu’elle ne vous permettait pas d écon sign er
à leur préjudice. E lle ne vous a donc .pas promis de
garantie envers eu x , si v,ous faisiez quelque chose à.leur
préjudice.
Dès-lors, que n’imitiez-vous Sauzay? que ne declariezvous que le prix n ’a p p a r t e u o i t pas à la dame la Roche
lambert, mais aux c r é a n c ie r s o p p o s o n s ? que n’appelliezvous ces créanciers? que ne faisiez-vous juger avec eux
votre libération et celle d e 'la dame la Rochelambert ?
�V ou s l’avez fait pour les syndics, et encore, à cet égard,
votre obligation n’est-elle pas accomplie tant qu’ils de
manderont quelque chose; que ne le faisiez-vous vis-àvis A m éd ée de T a n e , le sieur S a in t-P rix et la dame
' Bourneville ? et si vous ne l ’avez pas f a i t , remplissez
donc aujourd’hui cette obligation indélébile; car votre
dissimulation n’a pas pu leur nuire.
N e dites pas, comme vous paroissez vouloir l’insinuer,
que ces créanciers de m o o o fr. n’étoient pas créanciers
de Tane.
Ils ne l’étoient p a s, il est v r a i , quant à la dame la
Roclielam bert, dont l’engagement personnel envers eux
étoit indépendant de la délégation.
M ais ils l’étoient quant à Sauzay, et à vous Natthey;
car leurs deniers avoient remboursé partie des 375000 fr.
qui sont l’objet de la délégation ;
Car ils avoient été subrogés aux hypothèques et pri
vilèges des créanciers délégués ;
Car les m o o o francs qui leur sont dûs font partie
des 375000 francs que vous avez dû payer aux créan
ciers délégués;
Car en fin , au moyen de cette subrogation, vous étiez
doublement lié envers eux par l’opposition de ces créan
ciers privilégiés dont ils profitoient, et par leur oppo
sition personnelle et la délégation absolue de votre
contrat.
V o u s 11e devez pas de garantie! et cependant vous l’avez
sans cesse reconnue et prom ise;
V o u s l’avez contractée, d’abord en vous substituant à
Sauzay, qui lu i-m ô m e y étoit obligé par ses Je ttrès de
�( 23 )
ratification, et qui l’avoit reconnu par sa déclaration du
22 décembre 1792;
V ou s l’avez contractée sous le nom de W a llie r , en
acceptant, par le contrat du 7 nivose an 2 , une délé
gation expresse et absolue ;
V ous l’avez reconnue par votre sommation de l’an 4 ,
dans laquelle, après toutes les lois sur l’ém igration, après
tous vos versemens, vrais ou prétendus, vous avouez et
vous faites un moyen de ce que vous êtes tenu de libérer
vos vendeurs envers les syndics et directeurs des créan
ciers d’ E m m a n u el-F réd éric de T a n e ;
En déclarant par le même acte, que respectivement
aux créanciers, vous etes la Rochelam bert, et que vous
agissez en son nom et p o u r le libérer ;
E n disant e n c o r e , qu e v o us ne reconnoissez d ’autres
délégations que celles contenues au contrat du 7 nivôse
an 2, qui vous lie irrévocablement envers les créanciers
pour la somme entière de 376000 fr. ;
V ou s l’avez reconnue form ellem ent, lorsque sur la
dénonciation que vous fit Sauzay, en l’an 1 1 , des pour
suites des créanciers unis, vous avez brusquement, et
en votre n o m , appelé ces créanciers au tribunal de Clerm o n t, et fait prononcer contr’eux seuls, parce qu’eux
seuls poursuivoient, et votre libéra tion , et la mainlevée
d’ une opposition qui frappoit su r C ha d îeu , et atteignoit
vos vendeurs;
Eniin vous l’avez reconn ue, et vous avez en même
temps avoué que vous n ’a v e z pas satisfait à cette obli
gation, vous q u i , eu siguant de
n’cn &tes pas moins
Natthey, par vos deux lcLtres missives de 1808, où pour
�( .* 4 ) .
vous préserver d’aucune poursuite de la pnrt des sieur
et dame la Rochelam bert, vous commencez par les assurer
que toutes choses sont parfaitem ent en règle avec les
créanciers de Tane ET t o u s a u t r e s ; et pour les en as
surer davantage, vous y reconnoissant bien o b lig é , vous
leur offrez, comme de Batz ou comme Nattliey, de vous
substituer à e u x dans cette affa ire,• où enün vous faites
cette offre qui n’emporte pas seulement une obligation
nouvelle, mais encore la confirmation d’un ancien enga
g e m e n t que vous reconnoissez subsistant, et que vous
renouvelez sous votre garantie et celle de Chadieu.
E t vous ne devez pas de garantie !
V o s lettres, d it e s -v o u s , étoient confidentielles! Des
lettres écrites de vous à votre partie ! des réponses à l’avis
qu’on vous donnoit des poursuites des créanciers, comme
vous concernant seul! V o u s voulez rire.
E t fallut-il s’en rapporter à votre m é m o ire , n’y con
v e n e z - v o u s pas que vous deviez et promettiez cette
garantie, si on ne faisoit pas d’inscription sur vous? n’y
témoignez - vous pas ouvertement l’ inquiétude où vous
étiez qu’on ne vous renvoyât la balle? n’en dites-vous
pas assez en convenant qu’avoir pris une inscription sur
vous, et demandé une garantie, c’est avoir m is le J e u ,
je té le trouble dans vos affaires ?
T o u t cela écarte d’avance l’effet des demi-pensées dont
vos conclusions sont parsemées : mais il en est une qu’on
ne sauroil passer sous silence.
« A tte n d u , dites-vous, que mettre les versemens en
« litige, seroit attaquer un acte administratif; que clcs« lors la C our ccsscroit d’être compétente, *
V ou s
�W 5
C *5
).
V ou s avez p e u r, Natthey t car voila un iaux-iuyanl :•
mais bien vain. V o u s n’avez pas dit cela aux créanciers.
Q u’a à faire ici la nation ? on ne lui demande rien , on
ne critique ni la réalité ni l’effet de ses quittances; il ne
s’agit que de savoir si vous êtes personnellement oblige,
îY faire valoir vos vèrserneris envers les créanciers; si vous
devez les désintéresser, en cas que vous ne l ayez pas
fait, comme vous deviez le faire; si enfin vous devez
préserver la dame la Rochelambert dé leur action : car
la nation n’a pas promis de vous garantir de ce devoir
envers les créanciers, ni envers la dame la Rpchelambert.
V o ilà , certes, une contestation privée à laquelle la nation
n’a aucun intérêt, et l’administration rien à v o i r ; car
l ’autorité administrative n’a rien à juger entre Natthey,
la dame la R o ch e la m b e rt et les créanciers de T a n e , p o u r
l’exécution des engagemens qui les concernent.
Encore une fois , que les versemens soient réels ou
simulés, valables oui nuls , la question est toujours la
même : ces circonstances sont étrangères à la dame la
R ochelam bert, elle ne' les examine pas; mais elle demande
h Natthey l’exécution des engagemens qu’il a contractés
envers les créanciers, et envers elle parce qu’il devoit la
préserver de leur action, et que ces créanciers la pour
suivent.
.;
C ’en est assez : la dame la Rochelambert finira par
témoigner un juste étonnement sur les plans de défense
respectivement adoptés par ses adversaires.
I^es créanciers, qui n’avoient cJ’nction directe que contre
Natthey, se laissent condamner par le jugement de l’an 12.
Ils a voient la ressource d’attaquer ce jugem ent, et ils
D
�( s6 )
l’abandonnent. Bien m ieux, ils l’approuvent dans toutes
ses parties, en déclarant qu’ils veulent l’exécuter contre
Natthey qui l’a obtenu.
E n fin , allant toujours tête baissée, ils approuvent visà-vis Natthey le jugement dont est a p p e l , et donnent
par leur fait, au jugement de l’an 12, la force de la chose
jugée.
Ils ne veulent v o ir , ils ne veulent poursuivre que les
sieur et dame la Rochelarnbert qui ne leur doivent rien;
et ils abandonnent N a tth e y , qui non-seulem ent étoit
leur d éb ite u rd irect, mais qui étoit chargé de les acquitter
envers les sieur et dame la Rochelarnbert.
Et Natthey qui a obtenu le jugement de l’an 12 , qui
s’ est fait déclarer lib éré au
m oyen
d ’ un versement q u ’ il
avoit-fait au nom des sieu r et dame la R ochelarnbert,
Natfliey refuse de s’en servir, et évite avec soin d’en dire
un mot.
Il
fait plus; et en soutenant que ses versemens l’ont
libéré envers les créanciers, il insinue que jamais il n’y
a eu de délégation, ni de lien judiciaire entre les créan
ciers et Sauzny.
D ’où il semble désirer qu’en le déclarant bien et va
lablement libéré envers tout le m onde, 011 déclare entre
les créanciers et la dame la Rochelarnbert une obligation
toujours subsistante.
En sorte que ces deux parties qui doivent tout démêler
entre elles, et ne laisser à la dame la Rochelarnbert que
le rôle de spectateur intéressé, évitent mutuellement de
s'aborder, et d irigen t, chacun à sa fa ço n , leurs efforts
fontvc elle.
�( 27 )
L a dame la R ochelam bert se garde de tout soupçon;
et s’il s’en élevoit dans son ame sur la loyauté de ses
adversaires, elle le repousseroit séverement.
Mais si elle supposoit pour un instant, contre sa propre
conviction, que les créanciers et Natthey fussent d’intel
ligence pour la mettre à contribution, elle leur demanderoit à eux-m êm es quelle autre conduite ils auroient
tenue.
Mais c’est une idée qu’elle rejette comme indigne d’elle
et de ceux à qui on pourroit la supposer ; elle ne re
cherche d’ailleurs aucun appui dans une cause qui se
soutient d’elle-m êm e, dans une cause tout à la fois évi
dente et essentiellement juste ; elle n’aura certainement
besoin ni de faveur ni de pitié pour faire entendre à la
justice qu’elle ne d o it pas être condam née à payer une
terre sans l’avoir, parce que son acquéreur chargé d’en
payer le prix aux créanciers, seroit dispensé de la libérer
ou de lui justifier q u’en se libérant il l’a libérée elle-même,
et qu’il a rempli l’obligation perso nnelle qu’il avoit con
tractée, et dont aucune puissance ne l'a affranchi.
M e. V I S S A C , avocat.
M e. H U G U E T , avoué licencié.
A R l O M , d e l’ im p . d e T H I B A U D , irn p rim . d e la C o u r im p é r ia le , e t l i b r a i r e ,
r u e d e s T a u l e s , m a iso n L
a n d r io t.
J u ille t 1 8 1 0 .
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
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Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Bouvoust de Pruslay. 1810]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Vissac
Huguet
Subject
The topic of the resource
créances
émigrés
union de créanciers
assignats
émigrés
confiscation nationale
prête-nom
fraudes
ventes des biens d'émigrés
séquestre
fisc
receveurs de l'enregistrement
Description
An account of the resource
Titre complet : Observations pour dame Bonvoust de Pruslay, épouse la Rochelambert, autorisée en justice, intimée et appelante ; contre les héritiers bénéficiaires et créanciers unis d'Emmanuël-Frédéric de Tane, appelans ; Amédée de Tane, intimé ; Etienne-Jean-Louis Natthey, aussi intimé.
Table Godemel : Union (contrat d') : 2. les mariés de Laroche-Lambert sont-ils débiteurs des héritiers et créanciers d’Emanuel-Frédéric de Tane, pour raison de l’acquisition de la terre de Chadieu par eux faite le 17 juin 1788 ? sont-ils débiteurs de la rente de 1500 livres créée par l’acte du 31 janvier 1791, en faveur de Gabriel de Tane de Santenac ? Amédée de Tane peut-il demander, dans l’état actuel des choses, le paiement de l’intégralité de cette rente ? Nathey est-il garant, envers les mariés de Laroche-lambert, du paiement, soit de la créance d’Amédée de Tane, soit des emprunts personnels par eux faits pour la libération de Chadieu ? y a-t-il lieu de statuer, quant à présent, sur les réclamations des mariés de Laroche-Lambert et de Nathey, relativement au prix de la vente consentie par Sauzay à Feuillant, le 25 juillet 1793 ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
de l'imprimerie de Thibaud (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1810
1783-1811
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
27 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2025
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2024
BCU_Factums_M0423
BCU_Factums_M0422
BCU_Factums_M0412
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53395/BCU_Factums_G2025.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Authezat (63021)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
assignats
confiscation nationale
Créances
émigrés
fisc
fraudes
prête-nom
receveurs de l'enregistrement
séquestre
union de créanciers
ventes des biens d'émigrés
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53393/BCU_Factums_G2023.pdf
ed0f9a02400b65de987abd3dd7158125
PDF Text
Text
MÉMOIRE
E
N
R
É
P
O
N
S
E
,
POUR
Sieur J o s e p h D E LA R O C H E -L A M B E R T ,
habitant à Issoire, intimé et appelant;
c o n t r e
Dame F r a n ç o i s e - A g l a é - G a b r i e l l e D E
L A L U Z E R N E , et sieur P i e r r e D E L A
G R A N G E - G O U R D O N , son m a r i; dame
A n g é liq u e - A r m a n d e - C am ille
D E LA
L U Z E R N E , et sieur A n a t h o c l e - M a x i m i l i e n H U R A U L T D E V I B R A Y E , son
mari, habitans de la ville de P a r i s , héritiers
bénéficiaires de madame de M ontm orin, laquelle
étoit héritière bénéficiaire du sieur EmmanuelFrédéric de T a n e , son fr è r e , appelans ;
c o n t r e
Sieur H
D U V E R G I E R , habitant à P a ris;
S i m o n T E R O U L D E , habitant à Daudeville;
P i e r r e - L o u i s L A I S N E , ancien sellier à
Paris, habitant à Sens; A n t o i n e - L o u i s
e n r i
,
�( 2 }
D U C H A S T E L , apothicaire à Paris ; et J e A N
C H A R D O N , chapelier , habitant a P a r is ,
syndics et créanciers unis dudit sieur d e T a n e ,
aussi appelans ;
C O N T R E
Sieur
Am
D E TANE - SANTENAS ,
habitant a P a r i s , intimé;
édée
E T
S ie u r
L o u is
C O N T R E
N A T T H E Y , habita nt de N y o n en
Suisse
aussi intimé.
S a n s la révolution et les assignats, cette cause seroit
de la plus grande simplicité dans les questions qu’elle
fait naître. L ’acquéreur d’ une t e r r e , chargé d’en payer
le p r ix à un notaire choisi par une direction de créan
ciers , lui en paye près de m oitié; ensuite il revend la
terre, et laisse dans les mains du second acquéreur une
gomme égale à ce q u’ il doit : des lettres de ratification
sont prises. Ce second acquéreur, poursuivi par les opposans, produit des quittances de consignation, assigne
les créanciers en mainlevée de leurs oppositions, et fait
juger sa libération valable à leur égard.
Cependant ces créanciers attaquent le premier acqué
re u r, qui met en cause son garant : c e lu i-c i emploie
�C 3 )
pour libération le jugement qui a validé sa consignation.
Alors l’acquéreur observe aux créanciers qui le pour
suivent , que leurs oppositions à des lettres de ratification
ont lié leurs intérêts à ceux du second acquéreur qui les
a obtenues, et que s’ils ont laissé juger qu’ils étoient
payés, ils ne peuventipas demander à etre payés une
seconde fois.
quoi se réduit la question principale, et il
est évident que jusqu’ici elle ne présente en point de
droit aucune difficulté sérieuse : mais le payement a été
fait en assignats, et les créanciers veulent en rejeter la
perte sur autrui. Les héritiers bénéficiaires du vendeur
originaire, qui comprennent que si la perte des assignats
n’étoit pas p o u r les c r é a n c i e r s e lle s e r o it p o u r euxmêmes, font cause commune avec e u x, pour que tout
r e t o m b e sur le premier acquéreur.
Alors tout s’exagère et se complique. L ’émigration de
l’acquéreur s’ajoute au procès, comme un point capital
qui domine tout : d’autres circonstances étrangères vien
nent se prêter à mille'équivoques. Quand la matière est
élaborée, on se croit déjà assez fort pour injurier et
celui qu’on veut faire payer ce qu’il ne doit pas, et le
tribunal même où il a trouvé justice. E n fin , après avoir
présenté un faisceau de lois étrangères à la q u e s t i o n , et
d’arrôts assez bien choisis dans la m u l t i t u d e , niais plus
étrangers encore, on vient crier à l’injustice et à l’indé
licatesse, en disant f r o i d e m e n t : « Q u e m’importe si vous
« devez recouvrer 011 non 5ooooo francs que je vous
« demande pour une dette qui n’est pas la votre ! Que
A 2
V o ilà à
�; •c 4 )
« m’importe encore si vous êtes ruiné par ce payement,.
« et si votre famille est respectable. Je veux de l’argent,
« et je ne veux en demander qu’à vous que je suppose
« moins en mesure de me résister; d’ailleurs votre émi« gration se prête à tous mes sophismes : il y a tant de
a lois sur cette matière, qu’il est impossible de ne pas
« y voir que tout doit retomber sur vous. D ’ailleurs,
« quand je me suis donné la licence d’imprimer qu’une
« décision contraire à mon intérêt étoit un jugement de
« f a v e u r , j’ai calculé l’effet de cette injure sur l’esprit
« des magistrats auxquels j’en demande la réforme. Si
« je ne puis les forcer à croire qu’il faut sacrifier un
et émigré p a r p r é f é r e n c e , m o n a d r o i t e c e n s u r e sera t o u « jours d’un poids quelconque dans la balance ; elle
a achèvera probablement de me conquérir le suffrage de
« ceux dont l’opinion auroit été incertaine. »
Ainsi eût parlé Machiavel ; ainsi parlent les syndics,
des créanciers de T a n e , qui veulent, per J a s et nefas >
intéresser en se présentant comme des victimes.
Qu’ils tachent de prouver à la Cour que malgré leurs
oppositions à des lettres, malgré un jugement qui pro
nonce contre eu x la validité du payement que le sieur
Natthey a été chargé de leur faire, il leur reste encore une
action : voilà leur cause.
Mais que dans leur colère et dans leurs calculs ils fassent
semblant de supposer de l’adresse, des insinuations cl de
la faveur; que tournant tout du côté de l’émigration, ils
cherchent à insinuer que cette émigration deviendra aux
sieur et dame de la Roche-Lambert un moyen de s’em
parer des plus clairs deniers des créanciers do T a n e ,
�. ( 5 )
et que ce sera s'être,fait de ses propresjfautes un moyen
à?acquérir : voilà ce qui n’est ni la cause ni la vérité ,
mais une insigne et brutale calomnie.
Car personne ne sait mieux que les adversaires qu’il
n’y a qu’à perdre dans tous les cas pour les sieur et dame
la Roche-Lambert, puisqu’ils ont payé 178000 francs en
écus sur une terre qu’ils n’ont pas : et on ose encore leur
demander plus de 5ooooo francs pour la même terre; et
on les signale comme des débiteurs de mauvaise fo i, parce
qu’ils résistent à cette épouvantable injustice..
'
F A I T S .
Après la mort du sieur Emmanuël-Frédéric de Tane,
sa succession fut acceptée so u s b é n é f i c e d ’ i n v e n t a i r e par
Françoise -Gabriëlle de T a n e , épouse de M. de M ontmorin, ministre des affaires étrangères^.
Madame de Montmorin ne pouvoit vendre en cette
qualité les biens de la succession sans y appeler les
créanciers ; elle fit apposer des affiches pour vendre aux
enchères les terres de la Soucheyre, Chadieu, la ChauxMongros et le mobilier de la succession. Il y a eu pour
777400 francs de ventes avant 179.0.
L a terre de Chadieu fut vendue par madame de
M ontm orin aux sieur et dame de la R o c h e - L a m b e r t , par
acte du 17 juin 178 8 , moyennant 376000 francs, et les
frais et faux irais évalués à 5 deniers pa r livre, pioduisant
7812 liv. 10 S. Il fut dit que les 375000 fr. seroient
payés solidairement par les sieur et dame de la RocheLam bert entre ¿es mains de T ru ta t , notaire-séquestre ,
�( 6 }
ou au x créanciers q u i auront été délégués ’ savoir, un
quart au i 5 septembre, et le surplus dans le courant
des deux années, en trois payemens. Il est ajouté que
les acquéreurs prendront à leurs frais des lettres de rati
fication , et q u e , s’il se trouve des oppositions du chef
de madame de Montmorin,. elle les fera lever dans les
six semaines ; mais hors ce cas, elle ni les créanciers ne
seront tenus de garantir, et l’acquéreur n’aura son recours
que contre les créanciers qui auront touché le prix.’
A la suite dudit acte on lit une intervention des sieurs
de Tane de Santenas, Teroulde, commissaire à terrier;
C h a r d o n , c h a p e l i e r ; Louis Laisné, sellier, et Toutain,
t a i l l e u r d ’h a b i t s , to u s sy n d ic s d es c r é a n c i e r s d e T a n e ,
lesquels, après avoir pris lecture de la vente, la con
firment et ratifient a u x conditions y exprimées. Ils font
élection de .domicile chez M. Pernot-Duplessis, procu
reur au parlement.
L e jour même de la vente, M . de la Roclie-Lambert
paya la somme particulière de 7812 liv. 10 s., à Trutnt,
notaire; dans les années 1790 et 1791 il versa dans les
mains du môme notaire 170644 francs.
E n 1791 , les sieur et dame de lu Roclie-Lam bert,
voyageant en A l l e m a g n e , envoyèrent au sieur de SaintPoncy , leur beau-frère, deux procurations; celle du
sieur de la Roclie-Lambert porte pouvoir d’emprunter
les sommes nécessaires ¿1 ses affaires, gerer, liquid er,
vendre ; elle est passee devant Heidz, notaire à Coblentz,
le 16 octobre 1791.
La procuration de la dame de la Roche-Lambert porte
pouvoir (Remprunter 60000 fr . pour placer sur Chadieu,
�• ( 7 )
régler compte avec M . T r u ta t, notaire ; recevoir ,
donner quittance, faire tous emprunts q u 'il jugera bon
être, pour !’arrangement des affaires de son mari. Cette
seconde procuration est passée devant Lutner, notaire à
W o r m s , le 25 octobre 1791 (0*
En vertu de ces actes, le sieur de Saint-Poney se crut
autorisé à passer la vente ci-après :
L e 27 novembre 1791 , par acte reçu C a b al, notaire
à Paris, le sieur de Saint-Poney, comme porteur de prorcurations des sieur et dame de la R o ch e -L a m b e rt, et
s’obligeant de faire ratifier dans le mois ( parce qu’il
p’avoit pas de pouvoir de la dame de la Roche-Lambert ),
vendit la terre de Chadieu au sieur Sauzay, banquier à
Pa ris, moyennant ôooooo f r . , dont il reçut 120000 fr.
en assignats , et quant aux 375000 fr. , le sieur Sauzay
prom it les payer dans im an au x sieur et dame de la
B-oche-Lambert, ou, si bon lui semblait, aux créanciers
desdits sieur et dame de la R o c h e -L a m b e r t , et spé
cialement aux créanciers privilégiés sur ladite terre..
Il est dit ensuite que si au sceau des lettres de ratification
il survient des oppositions du chef des sieur et dame de
la Roche-Lambert, le sieur de Saint-Poney les oblige et
( 1 ) Ces deux procurations Répondent déj:\ aux imputations
injurieuses des créanciers de T a n e , qui ont dit que les sieur et
dame de la Roche-Lambert quittoient la Fiance en s occup ant
plutôt de se fnire des ressources que de pnyer leurs dettes»
Personne n’a ignoré que leur première pensée a été de s o c cu p er
de leurs créanciers, et (pie tel a été l’vinique objet de la
sion donnée & M. de Saint- Poney.
mis
�( 8 ) .
s’oblige personnellement de les faire lever sous quinzaine.
Enfin, pour l’exécution de ladite clause, le sieur de SaintPoney fait une élection de domicile à Paris.
L e 4 janvier 1792, il fut pris des lettres de ratification
sur la vente de 1788 ; elles furent scellées à la charge
des soixante-treize oppositions. Il est essentiel de remar
quer que plusieurs des créanciers de Tane sont opposans
individuellement; mais qu’il n’y a pas d’opposition de la
part des syndics.
L e 22 avril 1792, le sieur Sauzay prit des lettres de
l’atifïcation sur son acquisition de 1791 ; elles furent frap
pées de h u i t o p p o s i t i o n s , dont l’un e, du 22 décembre
1 7 9 1 , étoit à la r e q u ê t e d es s y n d ic s d es c r é a n c i e r s de
Tane.
Dans la même année 1792, le sieur de la Roche-Lambert fut porté sur la liste des émigrés.
La dame de la Roche-Lambert n’a jamais été portée
sur aucune liste.
Sous prétexte d’une loi du 30 octobre 1792, ordonnant
le séquestre des biens des absens du territoire, sans les
désigner encore comme émigrés', le sieur Sauzay fit
déclarer par le curé d’Autezat, à la municipalité du lieu,
qu’en vertu de sa vente il devoit aux sieur et dame de
la R o ch e-L am b ert 376000 francs. Mais aussitôt il fit
mention qu’il avoit pris des lettres de ratification, et que
les créanciers opposans aux lettres absorberont le p rix
et au del;\ : d’où il conclut qu’il a intérêt de conserver
les deniers ci-dessus, parce qu’ils sont sa sûreté, des que
la terre est hypothéquée. « E n sorte q u e , dit le sieur
« Sauzay, s'il f a i t f a ir e ladite déclaration, c'est moins
�'l'bS.
(9 )
ti cause des sommes dont il peut paroître débiteur, et
dont la république ne pourra jam ais profiter, puisqii elles doivent être absorbées par lesdits créanciers
hypothécaires opposans aux lettres de ratification,
que pour donner des preuves de son civism e, et enipécher qu'on ne lui fasse des reproches de négligence
ou intelligence. »
Par acte du 25 juillet 1793? le sieur Sauzay vendit au
sieur Feuillant un pré-verger sis aux Martres, les mou
lins et fours banaux des Martres, dépendans de la terre
de Chadieu , moyennant la somme de 61100 francs,
payable après l’obtention des lettres de ratification.
L e 7 nivôse an 2, par acte reçu Cabal, notaire à Paris,
le sieur Sauzay vendit le surplus de ladite terre de Chadieu
ou sieur W a llier, S u is se , p o u r lu i ou la p e r so n n e que
W allier se réserva de déclarer dans les six mois, moyen
nant 530000 fr. dont W allier paya comptant 40000 f r . ,
s’obligea de payer 136000 fr. à Sauzay, après le sceau des
lettres, et enfin à l’égard des 3Ô5ooo fr. restans, W allier
fut délégué à les payer, soit au x créanciers de T a n e,
précédent propriétaire, qui se sont trouvés o p p o s a n s
k
«
«
«
«
«
«
A U X L E T T R E S DE R A T I F I C A T I O N PRISES PA R S A U Z A Y ,
soit afin d’en f a ir e le dépôt et la consignation partout
où besoin sera , aussitôt après le sceau sans opposition
sur le sieur Sauzay des lettres de ratification à prendre
sur la présente vente.
XjesieurNatthey dit avoir été subrogé parle sieurWallier
à ladite vente, par acte sous s e in g privé du me me jour.
Il dit que le directeur de la régie du Puy-de-Dôrno
fit décerner, le 24 ventôse an 2, une contrainte contre
B
�Tbl».
v
( 10 )
le sieur S a u za y , pour payer 5ooooo francs par lui dûs
au sieur de la Roche-Lam bert en vertu du contrat de
' vente de 1791, sous prétexta que le vendeur étoit émigré.
Ensuite, e t à la date du 26 floréal an 2 , le sieur
Nattliey produit la pièce suivante :
*
« Je soussigné, receveu r de l’enregistrement et des domaines
« au bureau de Sain t-A m an t-T allen d e, reconnois avoir reçu à
cc titre de dépôt, du C. Eticnne-Jean-Louis Nalthey, de N y o n ,
« au canton de Berne en Suisse ( propriétaire de Chadieu ,
« suivant la déclaration de com m and en sa faveur par le
'« C. W a lli e r , du 7 nivôse dernier ) , la somme de trois cen t
« cin q u a n te-cin q m ille liv r e s, pour servir tant au nom des ,
et cit.
Nattliey et S a u za y, qu’en celui du C. Jean-Baptiste
« W a l l i e r , à la libération de C h ad ieu.
te D e quoi m ’a été demandée la présente déclaration , à l’effet
cc d ’arrêter toutes poursuites et la mainmise nationale sur ledit
cc Chadieu.
1
te Saint-Amant, le 26 floréal an 2. Signé Mauoue. »
Il paKoît qu’ un arrêté du département, en l’an 3 ,
annulla la vente faite au sieur Sauzay, et mit la terre
de Chadieu en séquestre : mais ce séquestre fut levé par
un autre urrêté du 4 vendémiaire an 4 , et la restitution
de fruits fut ordonnée au profit du sieur Nattliey.
Dans la môme année, un procès eut lieu nu tribunal
de la Seine, entre les sieur Nattliey et W allier, se disant
tous les deux acquéreurs do Sauzay, et se disputant
Chadieu par la voie civile et par la voie criminelle.
Ce procès prouve que le sieur W allier avoit voulu se
libérer envers les créanciers opposans de Sauzay, et que
le sieur Nattliey prenoit pour son compte cette libération :
/
\
�( nO'
il fit des offres à W a llie r, et même une consignation en
mandats. Mais les lois sur la réduction du papier-monnoie
n’étant pas encore rendues, le tribunal de la Seine sus
pendit le procès, et on en ignore l’issue.
Les créanciers de Tane produisent à ce sujet la pièce sui
vante, tirée des mêmes re gistre s du receveur de St.-Amant.
« D u 15 frimaire an 4 , reçu du C. J e a n -M a r ie W a l l i e r ,
et des deniers empruntés de J a q u e ro t, par acte d u ............. la
« somme de 355<ioo f r a n c s , à valoir sur le prix du domaine
« acquis par S a u z a y , des sieur et dame de la Roche-Lam bert,
é m ig r é s , suivant le contrat du 27 novem bre 1791 ; ladite
« somme de 355ooo fr. payée en une rescription de la trésorerie
ce
cc nationale sur le receveur du district de C lerm o n t, n°. 424 > en
« date du i 5 brumaire dernier ; dont quittance. S ig n é M augue. >*
I ,e s c r é a n c i e r s o n t r e t ir e d u m ê m e l'e g istre la p i è c e
suivante :
« D u 26 frimaire an 4» reçu de Jean -L ouis N a tth e y la somme
te de 3285i francs 25 centimes pour les intérêts restans du prix
principal du domaine de C h adieu, acquis de la Roche-Lamit b e rt, sa fem m e et Saint-Poney, émigrés, par le sieur Antoine
ce
« Sa u za y, lequel en a fait vente au C. W a lli e r , par acte reçu
« C a b a l, notaire à P a r is , le 7 nivôse an 2 , lequel W a llie r a
« passé déclaration au profit dudit N a t t h e y , par acte sous seing
« p riv é , du 7 nivôse an 2 , enregistré à Paris le 17 messidor
«
«
«
«
cc
cc
an 3 , par Pinault; ledit payem ent fait en conséquence de la
liquidation des intérêts faite par le sieur A lia s , directeur de
correspondance à la régie de l’enregistrement h Paria , le
12 frimaire présent mois; et ledit payement effectué en une
rescription de la tré s o re r ie n a tio n a l« s u r les domaines d érmgrés, n°. 4g 3 , et sous la date dudit jour 12 du présent mois.
cc Certifié conform e, le 8 v e n d é m ia ir e a n 11. Sig n é Màdgof.. >1
v
“B 2
�( 12 )
L e I e r . nivôse an 4 , Natthey donna un exploit aux
créanciers de T a u e , aux domiciles par eux élus en leur
opposition ; il leur fait sommation en ladite qualité de
créanciers opposans aux 'lettres de ratification prises
par Sauzay, de se trouver le i 5 pluviôse suivant chez
le receveur de Saint-Amant, pour y recevoir le p rix de
CJiadieu. Il est constaté par cet exploit (resté au pouvoir
de Natthey, qui en a donné copie), que Natthey y procède
comme obligé d’acquitter yjSooo fr a n c s en capital, et
3285 2. f r . en intérêts , tant pour se libérer lui-m êm e ,
que pour libérer le sieur S a u za y , ainsi que les sieur et
dame de la R o ch e-L a m bert , premiers acquéreurs j et
il fait la s o m m a t i o n au nom des uns et des autres.
Les créanciers ne se présentèrent pas ; et le sieur
Natthey fit dresser, le i 5 pluviôse an 4 , par le receveur
de Saint-Amant, la pièce suivante produite par lui.
« Je soussigné, receveur de l’enregistrement et des domaine«
« au bureau de Saint-Amant-Tallende, déclare, d’après le débat
« des comptes qui a eu lieu cejourd ’hui entre moi et le cit.
« Parades, des M artres, fondé de pouvoir du C. Etienne-Jeanct L o u is N a tth e y , propriétaire de Cbadieu , qu’il a été versé
«
«
«
cc
cc
«
dans ma caisse, tant par ledit Parades qu’en vertu de saisies
nationales par moi faites avant la levée du séquestre de Chad ie u , la somme de s ix cen t d i x - n e u f m ille s ix cent quatre
livres quinze sous en Vacquit d u d it d o m a in e, dont quittance
et décharge , sauf audit P a rad e s, qui en l’ait expresse réserve
pour ledit C. N atthey , de plus ample examen et apuratioa
« desdits c o m p te s , et de se pourvoir devant (|ui il appartiendra,
« pour la restitution des sommes q u i l prétend avoir payées en
« sus des sommes d u c s p a r le d it C. N a tth ey pour la libération
te d u d it dom aine de Chadieu.
« Saint-Amant-Tallende, le i 5 pluviôse an 4. S ig n é Mauque. »
�*er
( *3 )
_
En marge est écrit :
« Sur l'invitation du C. P a ra d e s, je déclare qu’ aucun des
« créanciers appelés par lui dans son exploit du i er. nivôse der« nier, n’a comparu cejourd’ hui en mon bureau.
« L e i 5 pluviôse an 4 * Signé Maugue. »
Jusqu’ici les créanciers de Tane n’ont formé aucune
demande. Etoit-ce pour attendre la radiation du sieur de
la Roche-Lambert? Ils veulent qu’on le croie ainsi. Mais
nous voici au sénatus-consulte, du 3 floréal an 10 , et
c’est le moment d’être attentif sur leur première dé
marche, pour apprendre d’eux lequel des acquéreurs ils
ont considéré comme leur débiteur.
Souvenons-nous qu’en décembre 17 9 1 , les syndics ont
formé opposition aux lettres de ratification prises -par
S a u z a y , s u r sa v e n t e d u .27 n o v e m b r e 1 7 5 1 .
Par exploit du 11 brumaire an n , 1es s y n d ic s
des
créanciers de Tane font assigner Sauzay au tribunal de
la Seine, pour leur payer 263980 francs qui leur restent
dûs sur la vente de 1788; en conséquence, ils concluent
contre ledit Sauzay, comme obligé à payer ladite somme
de 263980 francs , à ce que la vente à lu i consentie
le 27 novembre 1791 , soit exécutée, et qu’il soit con
damné audit payement. (Cette pièce est produite par le
sieur Natthey.)
lie 22 pluviôse an 1 1 , Sauzay dénonce cette demande
à Natthey.
Alors Natthey assigne lesdits syndics au tribunal de Clermont, pour voir dire qu’il est v a l a b l e m e n t libéré au moyen
des vprsemens par lui faits, et pour être condamnés à lui
donner mainlevée de leurs oppositions.
1
�C î4 )
L e 7 pluviôse an 1 2 , le tribunal de Clermont rend
le jugement suivant :
« L e tribunal déclare Je demandeur (Nattliey) bien et
« valablement libéré du p rix de la terre de Chadieu •
« en conséquence, fait mainlevée de l’opposition faite
« par les défendeurs (les syndics) au bureau des hypo« thèques de Clermont, le 2 décembre; ordonne qu’elle
« sera rayée des registres du conservateur, en vertu du
« présent jugement; condamne les créanciers aux dom« mages-intérôts de Natthey, à donner par déclaration. »
Eu vertu de ce jugement, le sieur Nattliey a fait rayer
toutes les oppositions prises par les créanciers de Tane
s u r C h a d ie u . L e s s y n d ic s n ’y o n t m is a u c u n o b s t a c l e ,
et ont laissé passer quatre autres années sans hostilités.
T out d’un coup, en 1808 , ils ont pris une inscription
de 495369 francs aux bureaux d’Issoire, Ambert et Cler
mont, sur tous les biens appartenans ou ayant appar
tenu au x sieur et dame de la R oche-L am bert, en vertu
de la vente de 1788.
Les sieur et dame de la Roche-Lambert, instruits de
cette attaque, ont pris de leur côté une inscription sur
le sieur Nattliey, pour supplément à la précédente, qu’ils
ont considérée comme frappant sur Chadieu.
Il eût été hors de propos, jusqu’à présent, de dire
que pour verser 170644 francs en 1791 , il avoit été
emprunté pour les sieur et dame de la Roche-Lambert,
savoir, 44000 francs à la dame de Bourneville, mère de
madame de la Roche-Lam bert, et 30000 francs au sieur
Gabriel de Tanc-Santenas, représenté par Ainédée.
�( i5 )
On a vu que le sieur de St.-Poney, vendant à Sauzay,
ne lui laissa pas seulement les 263000 francs dûs aux
créanciers de T a n e , m a is , encore.une somme suffisante
pour rembourser les prêteurs ci-dessus.
Et comme les syndics n’avoient inscrit que pour leur
intérêt, il falloit grever Chadieu.du surplus de la somme
laissée entre les mains de Sauzay; c’est pourquoi il a été
pris à la requête des sieur et dame de la Roche-Lambert,
inscription supplémentaire de 112000 fr. sur Chadieu.
Cette inscription supplémentaire a été le prétexte du
procès actuel.
'
L e sieur Natthey, par exploit du 17 août 1808, a fait
assigner les sieur et dame de la Roche-Lambert en main
levée de ladite inscription.
1
L e lendemain, Amédée deTane(très-d’accord, comme
on le voit déjà, avec Natthey) a fait un commandement aux
sieur et dame de la Roche-Lambert de payer les arré
rages de l’emprunt ci-dessus de 30000 francs.
L e 23 du même mois, il a été présenté requête au
tribunal de Clermont, sous le nom des sieur et dame de
la Roche-Lambert ; ils ont conclu à la mise en cause des
créanciers de T a n e , et à ce que le sieur Natthey, se disant
lib é ré , fût tenu de faire valoir envers eux ladite libé
ration , sinon de garantir les sieur et dame de ln RocheLambert. Us ont conclu, en conséquence, à la x-ésiliation
des ventes de 1791 et suivantes, et au désistement de
Chadieu. Enfin ils ont conclu contre les créanciers de
Tane à la mainlevée de leur inscription, et contre le sieur
Amédée de Tane à la mainlevée du commandement de
�(
)
payer par lui fait, attendu que Nattliey, chargé de payer
tout le m onde, a dit avoir fait juger sa libération valable.
Cette mise en cause a eu lieu, les demandes ont été
jointes, et la cause a été jugée sur le fond le u juillet
1809.
Par ce jugement, le tribunal de Clermont distingue
les intérêts des créanciers de Tane, d’avec ceux d’Amédée
de Tane. A l’égard des premiers, il déclare valablement
libérés tant le sieur Natthey que les sieur et dame de la
Roche-Lambert, par suite du jugement non attaqué, du
7 pluviôse an 12 ; en conséquence, il ordonne mainlevée
de leui’s inscriptions.
Quant a u s ie u r A m é d é e d e T a n e , il c o n s i d è r e la s o m m e
de 30000 fr. prêtée pour déposer chez le notaire Trutat,
comme obligation directe et indépendante de l’acquisition
non purgée par les lettres, et il déboute les sieur et dame
de la Roche-Lambert de leur opposition au commande
ment de payer (1).
Il y a appel de ce jugement, tant par les héritiers et
créanciers de Tane contre les sieur et dame de la RocheLambert, que par les sieur et dame de la Roche-Lambert
contre Natthey et contre le sieur Amédée de Tane. On a
déjà indiqué en commençant quelles sont les prétentions
des créanciers : elles se réduisent à dire qu’ ils ont deux
actions distinctes-, l’une contre les acquéreurs de Chadieu,
l’autre contre les sieur et dame de la R oche-L am bert;
(1) C e jugement est transcrit en son çp tier, avec les m otifs,
à la fin du mémoire des créanciers de T a n o , c e qui a rendu
inutile d’en parler ayee plus de détail.
d’où
�( ¿7\ ) ‘
d’où ils concluent que le jugement de l ’an i 2 , t q u i , en
déclarant les acquéreurs libérés,‘‘les autorise à faire râdier
leurs inscriptions, ne les empêche'pas de se faire payer
par les sieur-'et dame de la Roche-Lambert.■
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.u
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Pour suivre cet appel dans toutes ses faces, et pour être
clair, autant que'possibkr, dàris une discussion dénaturée
et obscurcie :p a r’de'fausses applications dé principes, il
est nécessaire de ’sepàrer les ïiibÿens dès. créanciers de
Tane d’avec ceux dès héritiers de Montmorin, quoiqu’ils
aient réuni leurs intérêts, sérieusement ou'nôn. On exa
minera, eh premier lie u ’ s’il est vrai que les'créanciers de
Tane aient, ainsi qu'ils" le p r é t e n d e n t , une double a c tio n
contre les acquéreurs de Chadieü' et contre les sieur et
damé de la Roche-Lambert, et si la libération du sieut
Natthey, jugée valable par jugement du 7 pluviôse an* 12,
a dû profiter -au'sieur de la Roche-Lam bert. :i ^
J : 20. Sur l’appel des héritiers de Montmorin il s’agira
"de savoir si7 ¿u cas ou le1versement du prix dé Chadieu
seroit jugé être lTeffet de'l'a1 confiscation nationale , et
n’avoir pas acquitté les créanciers de T an e, la perle de
ce versement doit être pour les héritiers de madame^ de
M o n tm o rin , comme condamnée à m o r t1, ou pour le
>
. ./
1
sieur de la Roche-Lambert, comme émigre«
3°« Quant à l’appel du sieur de la Roche-Lam bert
contre le sieur Amédée de Tane, il y aura lieu d’examiner
si le sieur Natthey, chargé défaire faceà'tout, a également
libéré le sieur de la Roche-Lambert de cetlèJdette.
C
�( 18 )
Enfin, l’appel contre le sieur Natthey donnera lieu à la
question de savoir si> dans le cas où le sieur de la RocheLambert seroit condamné à payer des sommes quelconques
au\ créanciers délégués ou opposans, le sieur Natthey lui
devra une garantie, et quelle doit en être l’étendue.
A p p e l
d e s
c r é a n c i e r s
d e
T a n e .
La prétendue émigration du sieur de la Roche-Lambert
est le premier texte de la proposition des créanciers de
T a n e ; ils l’appuyent sur un arrêté du conseil d’état, du
3 floréal an 11 , portant que tout créancier d'émigré
non liquidé, a le d r o i t d e r e t i r e r ses titres du d é p ô t na
tional pour poursuivre l’émigré : ils en concluent que
les émigrés sont rentrés avec la charge de leurs obliga
tions personnelles, quoiqu’ils aient perdu les biens soumis
à leurs dettes.
,
Rien de plus incontestable que ce point de droit; mais,
aussi rien de moins applicable à la cause.
L ’arrêté de l’an 11 seroit applicable, si Chadieu ayant
été vendu nationalement r le sieur de'la Roche-Lambert
vouLoit renvoyer le vendeur ou ses créanciers au grand
l iv r e , pour rechercher le prix versé par l’acquéreur du
gouvernement.
Mais qu’y a-t-il de cpmmun entre cette espèce et celle
où sont les parties? Il faudrait s’obstinerà ne pas réfléchir
pour ne pas y trouver une prodigieuse différence.
i°. La terre de Chndieu , qui est le gage de la dette ,
et à raison de laquelle le sieur de la Roche-Lambert a
été débiteur, comrrfc détenteur, n’a point été vendue ;
�t (I9 ) ^
la nation ne s’en est point emparée : un séquestre aussitôt
mis que le v é , n’a pas empêché les acquéreurs de rester
propriétaires incommutables depuis 1 7 9 1 , et ils le sont
encore.
Cette terre étoit vendue, livrée, sortie des mains du
sieur de la Roche-Lam bert, au 27 novembre 1791 , et
le sieur de la Roche-Lam bert n’a été mis sur la liste
des émigrés qu’en 1792. La vente ayant une date au
thentique avant le 9 février 1792, devoit avoir tout son
effet aux termes des lois : la nation n’ a pas pu vendre
Chadieu ; et en etfet elle ne l’a pas vendu,
20. Dans quelle loi croit-on trouver l’horrible injustice
de rendre les émigrés victimes des événemens , lors-qu’avant leur départ iis ont m is hors leurs m a in s l’im
meuble par eux acquis , et ont transporté 6ur un nouvel
acquéreur toute la dette dont l’immeuble étoit le gage;
lorsque les créanciers ont accepté ce transfert par une
opposition expresse sur la deuxième vente ; lorsque,
suivant toutes les idées reçues, l’acquéreur intermédiaire
étoit dégagé de toute dette ; lorsqu’enfin les choses
n’étoient plus entières depuis 1791 , et n’avoient rien
de commun avec Pémigration?
30. Il ne s’agit pas de créanciers d'émigré, qui, après
avoir eu la nation pour seul obligé, parce qu’elle s'étoit
emparée de leur gage, reviennent à leur propre débiteur;
ce sont des créanciers opposans qui c h a n g e a n t leur action,
laissent de côte l’acquéreur qui a pris des letties, et qm
possède, pour s’adresser h un a c q u é r e u r intermédiaire.
Les créanciers de T anc ont bien senti qu’il fallait
C 2
�/kV'
( 20 )
prouver, avant to u t, comment ils avoicnt une action
directe contre les sieur et dame de la Roche-Lambert ;
aussi ils débutent par dire rapidement qu’il y a envers
eux engagement personnel de la part des sieur et dame
de la Roche-Lambert.
Ces créanciers-là ne veulent pas manquer de sûretés;
ils se donnent pour débiteurs solidaires, i°. les héritiers
de Montmorin ou d e T a n e , comme obligés directement;
2°. le sieur Sauzay, à cause de ses lettres de ratification,
ou Chadieu , à cause de l’hypothèque ; 30. le sieur de
la Roche-Lambert, comme délégué envers eux par l’acte
de 1788.
P o u r a m e n e r à e u x l e s ie u r d e la R o c h e - X / a m b e r t ,
il y a une seule chose à chercher : c’est une délégation.
Car il n’y a pas de délégation parfaite sans novation,
c?esl-à-dire, sans l’extinction de la dette du premier obligé;
et de môme il n’y a pas de novation sans l’intention
formelle de l’opérer. Ce sont là des principes élémentaires.
O r , qu’on lise et relise le contrat de vente de 1788,
on n’y verra pas môme l’apparence d’une novation ; au
contraire y madame de Montmorin reste débitrice des
c r é a n c i e r s de son frère. Ils se gardent bien de lui donner
quittance des 375000 fr. que payeront les acquéreurs de
C h a d i e u ; ils conservent sans le moindre doute le droit
d e s’adresser à madame de M o n t m o r i n ; et cela est si
b i e n p rouvé, que n o u s voyons dans l’inscription du j i
janvier 1808, et en la Cour, les dames de la Luzerne,
héritières, de M o n t m o r i n , se réunir aux créanciers de
Tant* pour attaquer le sieur la Roche-Lambert, à cause
de l’intérêt qu’il a à, ne pas payer lui-mème.
�74 K
v,t
( 21 •)
Si les dames de la Liizerne n’étoient pas restées débi
trices envers les 'créanciers de Tane , elles ne seroient
pas là pour fa ire valoir la vente; elles n’auroient pas à
s’inquiéter s’ils seront payés des 376000 francs; car l’acte
de 1788 leur vaudroit quittance de cette somme, s’il y
avoit eu une réelle délégation qui rendît les sieur et
dame de la Roche-Lambert débiteurs personnels} comme
délégués envers les créanciers.
Mais, dit-on, les créanciers sont parties en l’acte
1788. Donc il y a délégation et obligation directe
personnelle des sieur et dame de la Roche-Lambert ;
Font même exécutée en partie par leurs payemens
170644 francs.
de
et
ils
de
II est v r a i q u e les sy n d ic s des c r é a n c ie r s d e T a n e sop.f
intèrvenus à la fin de l’acte de 1788 , p o u r r a t ifie r v
confirmer la vente. Mais pourquoi se dissimuler les moi s
de cette intervention, commandée par d’autres circons
tances»
Madame de Montmorin étoit héritière bénéficiaire ;
elle habitoit Paris.
La coutume de Paris ne permet à l’héritier bénéfi
ciaire de vendre les meubles même de la succession ,
sans les formalités judiciaires, auxquelles les créanciers
connus doivent être appelés. Cette coutume est muette
sur les immeubles; mais l’article 343 de celle d’Orléans,
plus nouvellement réformée, en est le supplément; et
suivant la jurisprudence constante A Paris, aucun héritier
bénéficiaire ne peut v e n d r e les immeubles sans appeler
les créanciers.
r
�C 22 )
A in s i, pour la solidité de l’acte de 1788, il falloit
leur concours. On eût bien pu faire valoir qu’ils a voient
coopéré aux affiches ; mais n’étoit-il pas plus sage de
leur faire approuver la vente, pour la sûreté de l’acqué
reur, pour éviter des enchères et d’autres contestations,
qui , bonnes ou mauvaises, ne sont que trop souvent
suggérées à des masses de créanciers ? Il étoit donc pru
dent ici d’avoir leur approbation ; mais qu’avoit-elle de
commun à une délégation, lorsque ces créanciers, en
faisant une simple ratification in form a communi d’un
acte qui ne contenoit qu’une indication de payement,
ne disoîent pas dans leur intervention qu’ils acceptaient
l ’e n g a g e m e n t des sieur e t d a m e la R o c h e - L a m b e r t , et
qu’ils éteignoient celui de madame de Montmorin ?
Ce n’étoit donc que pour lever une difficulté, et pour
la sûreté de la vente, que les créanciers intervenoient;
mais point du tout pour une délégation qu’il ne faut
pas sous-entendre, et qu’on ne peut placer là sans cho
quer la loi elle-même. Quœ dubitationis tollendœ causa
in contractibus inseruntur, ju s commune non lœdunt.
Quant aux paycmens postérieurs faits par les sieur et
dame de la Roche-Lambert aux créanciers, c’est encore
vouloir forcer le sens des choses les plus •simples, que
d’y trouver une preuve de délégation parfaite et d’eii.gngemcnt personnel.
o Pour qu’il y ait délégation'(dit M . Pothier, n°. 564),
# il faut que la volonté du créancier de décharger le
a premier débiteur, et de se contenter de, Vobligation
« de ce nouveau débiteur qui s’oblige envers lui à la
N
�«
«
«
«
«
«
«
«
«
«
«
( *3 )
place du premier, soit bien marquée. C’est pourquoi
si Pierre, l’un des héritiers, pour se décharger d’une
rente envers moi, a, par un partage, chargé Jacques,
son cohéritier, de me la payer à sa décharge, il n’y aura
pas de délégation, et Pierre ne sera pas déchargé envers
m o i, si je n’ai par q u e l q r C acte déclaré form ellem ent
que je déchargeois Pierre : sans cela, quoique j’aie
reçu de Jacques seul les arrérages pendant un temps
considérable, on n'en pourra pas conclure que je Vaie
accepté pour mon seul débiteur à la place de P ierre,
et que j ’aie déchargé P ierre*. L. 40, §. 2, if. D e pact. »
Effaçons donc de cette cause que les sieur et dame
de la Roche-Lambert ont contracté une obligation per
so n n elle envers les c r é a n c ie r s d e T a n e , sous p r é t e x t e
d’une délégation qui n’existe pas, et substituons-y qu’ils
ont contracté comme acquéreurs e t d é t e n t e u r s ,
Tobligation de payer 376000 fr* pour le prix de la terre
de Chadieu.
Que va-t-il en résulter? Rien que de fort ordinaire;
c’est que s’il y a eu ensuite des lettres de ratification, les
créanciers opposans auront une action sur le p r i x , et
n’en auront plus contre l’acquéreur personnellement.
Quand il y auroit eu délégation parfaite, elle seroit
anéantie par ces lettres de ratification qui ont opéré un
nouveau contrat entre l’acquéreur et les opposans, lequel'
contrat détruiroit a b s o lu m e n t tonte délégation anté
rieure ; car les conventions particulières de la vente
�( 24 )
doivent cesser absolument pour faire place à celles que
la loi dicte, et dont elle ordonne l’exécution.
L e résultat des lettres de ratification prises par le sieur
de la Roche-Lam bert, sur la vente de 1788, devoit être
une procédure d’ordre entre les soixante-treize créanciers
opposans.
Ce n’est pas ce qu’ont fait les créanciers de Tan e; ils
ont commencé l’attaque par une inscription sur les biens
personnels du sieur de la Roche-Lambert.
S ’ils n’ont pas ouvert un ordre contre le sieur de la
Roche-Lambert, c’est qu’en effet ils ne le pouvoient pas;
car, i°. les syndics n’ont pas formé opposition aux lettres
de ratification prises par les sieur et daine de la RocheL am b ert, sur la vente de 1788, mais seulement ù la
vente faite au sieur Sauzay le 27 novembre 1791.
Ainsi ils ont transporté leur action en payement sur
le sieur Sauzay, et ont laissé aux créanciers opposans
sur la vente de 1788, le droit exclusif d’attaquer les sieur
et dame de la Roche-Lambert.
Ils se sont jugés eux-mômes sur ce p o in t, par leur
exploit donné à Sauzay en l’an 4 y précisément parce qu’il
étoit obligé envers eux par ces lettres de ratification.
2°. Les lois invoquées par les créanciers , sur rém i
gration , prouvent qu’il n’y avoit plus lieu ¡1 un ordre,
si un émigré étoit débiteur, parce que le gouvernement,
dans ce cas, forçoit la consignation en ses mains pour
distribuer les deniers lui-mome.
3°. Les créanciers pouvoient encore moins ouvrir un
ordre contre le sieur de la R o ch e-L a m b ert, après le
jugement
�ys\
( *5 )
jugement du 7 pluviôse an 12, qui est rendu par suite
de leur provocation contre Sauzay. Natthey, son garant,
a répondu à leur demande en faisant juger qu’il avoit
payé valablement.
Les créanciers de Tane se croient dispensés de tout,
quand ils disent que cette chose jugée est un p iè g e , et
qu’ils ne veulent pas y tomber. Ils en sont les maîtres:
mais ce jugement est contr’eux; il n’est chose jugée pour
aucune autre personne.
L ’idée la plus bizarre des créanciers est de renvoyer
ce jugement à démêler au sieur de la Roche-Lam bert,
qui n’y est pas partie, afin, disent-ils, de le faire réformer,
parce qu’on n’a pas pu valider une consignation faite sans
offres, sans permission de justice, sans appeler les créan
ciers, et fa ite s u r t o u t c h e z u n r e c e v e u r d ’e n r e g i s t r e m e n t .
Ils en concluent que ce versement est pour un émigré,
et nullement pour libération envers eux.
Si les sieur et dame de la Roche-Lambert avoient à
prouver sérieusement et nécessairement que la somme
versée par le sieur Natthey a été pour le compte des
créanciers opposans, ils le prouveroient aisément, sans
rien contester des lois même qu’on leur oppose.
Il s’agit en ce point d’une vérité de révolution, où il
ne seroit pas prudent de s’abandonner à scs propres
forces. Pour être mieux écouté, en c h e r c h a n t le sens
de quelques lois de circonstance que le législateur ne
nous a pas données c o m m e r a tio s c r ip ta , il est plus
convenable d’emprunter le langage littéral d une autorité
prépondérante.
D
�(26)
Les créanciers de T a n e, en citant beaucoup d’arrêts,
ont prévu qu’on pourvoit leur opposer celui rendu en
la Cour de cassation entre les héritiers Lecomte et la
dame Bélanger; ils l’ont brièvement réfuté, en disant que
l’espèce ne s’appliquoit pas à la cause.
Us ont eu rigoureusement raison ; car quoique dans
cet arrêt il fut question d’une somme versée à la régie
par l’acquéreur d’un bien de condamné, après des lettres
de ratification , les créanciers n’avoient de procès que
contre l’acquéreur qui avoit payé ; en sorte que minu
tieusement on peut bien dire que l’espèce n’est pas mot
pour mot la même.
Mais ce n ’est pas dans les m o t i fs d e l ’a r r ê t que
nous puiserons des moyens ; c’est dans le plaidoyer de
M. M erlin , qui y a discuté avec sa profondeur ordi
naire le sens des lois qui ont obligé les débiteurs des
condamnés et des émigrés à verser les sommes par eux
dues, à la régie de Venregistrement. Dans cette discus
sion , ce magistrat n’omet pas d’examiner aussi quel doit
être Teffet de ce versement, et pour q u i il est présumé
être fait. V oici en peu de mots l’espèce de cet arrêt.
M . d’Ormesson, vendeur d’une ferme moyennant
426000 f r . , avoit reçu 340000 fr. ; il fut condamné à
m o r t, et la régie se lit payer 89904 fr. restons sur le
prix de la vente.
Après la loi qui restitue les biens aux héritiers, la
dame Bélanger, acquéreur, prit des lettres de ratifica
tion. Les héritiers Lecomte, créanciers opposons, pour
suivirent le payement du prix. La dame Bélanger se pré-
�C 27 )
tendit libérée malgré l’opposition, et soutint que le
créancier n’avoit d’action que contre le trésor p u b lic ,
parce qu’ayant versé le prix de sa vente, comme y étant
obligée à cause de la condamnation de son vendeur et la
confiscation de ses biens, son versement étoit pour le
compte des ayant d roit, et par conséquent des créan
ciers hypothécaires, en même temps que pour le compte
du vendeur.
j
C’est pour examiner cette prétention que M . Merlin
discute; et nous allons voir qu’il l’adopte entièrement.
'« Si au lieu de payer aux héritiers Lecomte (créanciers)
« le montant de leur créance, la dame Bélanger l’eût
« payé à un tiers autorisé à recevoir pour eux ( 1 ), leur
« hypothèque se seroit éteinte ni plus ni moins que par
cc u n p a y e m e n t fa it à e u x - m ê m e s .............
«
k
«
«
«
«
«
«
«
« Que reste-t-il ù examiner? Un seul point, celui de
savoir si en effet les héritiers Lecomte o n t , par les
mains d'un tier s, touché après la mort du citoyen
d’Ormesson, ce qui leur étoit dû par la dame Bélanger.
« (A rticle 14 de la loi du 8 avril 1792. Les débiteurs des émigrés, à quelque titre que ce soit, ne
pourront se libérer valablement qu’en payant à la
caisse du séquestre. )
« C’est donc par forme de séquestre, que la nation
va recevoir les sommes dues aux émigrés. La nation
ne les recevra donc pas précisément pour son compte
personnel ; elle les recevra pour h compte de ceux qui
(1) Ces mots sont aussi en lettres italiques dans le plaidoyer
de M. Merlin ; ils sont conformes à l’art. 1259 du Code civil.
D a
�C 28 )
k pourront y avoir droit ; elles les recevra par consék quent pour les remettre a u x créanciers que les émigrés
« peuvent avoir laissés en France, sauf à en retenir le
« restant à son profit, s’il y a lieu...........
« ( Article 17. Les sommes déclarées en vertu des
« articles précédens.. . . seront versées.... dans la caisse
« des receveurs de l’enregistrement, et ce nonobstant
« toutes oppositions de la part des créanciers de chaque
« ém igré, et sans y préjudicier. )
« Voilà qui confirme, qui développe bien clairement
« les conséquences que nous tirions tout à l’heure de l’ar« ticle 14 de la loi du 8 avril 1792. L es oppositions des
c< créanciers d u n émigré 11c p e u v e n t ni e m p ê c h e r ni
« dispenser son débiteur de verser à la caisse du rece« veur de l’enregistrement le montant de ce qu’il doit;
« mais ces oppositions n’en souffriront point pour cela :
« elles tiendront sur la somme que le receveur de Ven
ts. registrement aura touchée. Preuve évidente et sans
« réplique que le receveur de Venregistrement touche
« pour le compte des créanciers opposans; preuve évi
te dente et sans réplique que les créanciers opposans
« sont censés recevoir par les mains du receveur de
« Venregistrement ; preuve évidente et sans réplique,
« enfin, que le d é b i t e u r , en se libérant outre les mains
« du receveur de l'enregistrement, est c e n sé payer, non
« pas seulement à la république, mais encore aux créan
ts. ciers même opposans. » Questions de d roit , tome 5 ,
v°. Lettres de ratification.
I l faut remarquer maintenant que c’est dans ce sens
que la question ayoit été déjà jugée. Les créanciers d’ü r -
�C 29 )
inesson n’avoient été autorisés à attaquer l’acquéreur qiCcn
cas d?insuffisance des deniers versés, et le recours n’étoit
ouvert contre la succession iVOrmesson qu’au même cas
d’insuffisance. L e pourvoi des créanciers fut rejeté.
Les conséquences de ce qu’on vient de lire sont toute
la défense du sieur de la Roclie-LamLert ; elles prouvent
que les créanciers de Tane ne se sont fait une cause qu’en
dénaturant jusqu’aux faits, et en jouant sur les mots.
Quand ils ont poursuivi Sauzay pour les payer comme
leur débiteur, Natthey, son garant, a fait juger contre
eux qu’il étoit valablement libéré par deux quittances
de l’an 2 et de l’an 4. Ces expressions ont paru équivo
ques au£ créanciers; ils ont dit qu’il ne s’ensuivoit pas
la p r e u v e d ’u n p a y e m e n t , mais p l u t ô t d ’un v e r se r n e jït
pour un émigré.
Il falloit bien le dire ainsi pour s’emparer de l’arrêté
du 3 floréal an 1 1 , qui ne se rapporte qu’aux créanciers
d’émigré qui n’ont pas provoqué leur liquidation, et à
l’égard desquels il n’y a pas eu de payement.
Disons donc avec M . Merlin que si Natthey a payé
le prix de Chadieu, soit en l’an 2, soit en l’an 4 , ce n’est
pas pour le sieur de la Roche-Lambert qui n’avoit aucun
droit à ce p r i x , mais pour les créanciers hypothécaires.
Ainsi, quand les créanciers de Tane p o u r r o i e n t s’em
parer des lo is d’émigration qui ne les r e g a r d e n t pas, il
est b ie n prouvé qu’ils n’y g a g n e r o i e n t rien, puisqu aux
termes des lois on a v e r s é p o u r e u x : par conséquent
ils sont payés; e t , ne c r a ig n o n s pas de répéter, l’arrêté
�( 3° )
du 3 floréal an n , la seule loi de leur système, ne se
rapporte nullement à eux.
D e là est venu cet embrouillement de cause, de moyens
et de procédure. Il falloit se faire une qualité qu’on n’a
pas, épouvanter par une inscription de ôooooo francs,
et bien se garder de commencer une attaque directe,
pour mettre le prétendu débiteur dans un plus grand
embarras.
Mais qui a autorisé, on le répète, les créanciers de
Tane à prendre cette inscription? car il faut avoir un
titre exprès et portant obligation directe de la part d’un
individu, pour prendre inscription sur ses biens. Et certes
ces c r é a n c i e r s q u i n ’e n a v o i e n t p a s e n 1791 c o n t r e le
sieur de la Hoclie - Lam bert, en avoient encore moins
en 1808.
A ppel
d e s
h é r i t i e r s
d e
M o n t m o r in .
A leur égard, il n’est pas douteux qu’une obligation
personnelle de la part des sieur et dame de la RocheLambert a existé.
Mais existe-t-elle encore après des lettres de ratification
et un versement jugé valable? C’est ce qu’il est difficile
d’adopter.
Les Héritiers de Montmorin n’auroient une action di
recte que dans trois cas qui doivent concourir.
L e premier , en rapportant le consentement exprès
des créanciers opposons aux deux lettres de ratification.
L e second, en prouvant que les acquéreurs postérieurs,
�767
( 31 )
chargés de payer en l’acquit du sieur de la Roche-Lainbert,
n’ont pas payé.
L e troisième, en prouvant encore que la perte des
versemens faits pour la libération de Ghadieu doit être
plutôt pour le sieur de la Roclie-Lambert, à cause de son
émigration, que pour les héritiers de madame de Montm o rin , à cause de sa condamnation révolutionnaire.
Voilà ce que devoient justifier les héritiers de M ontmorin, au lieu de se jeter dans les questions de savoir si
les versemens ont dû etre faits avec ou sans des offres,
avec ou sans permission de la justice, et si après les lettres
de ratification, et même après le 23 septembre 1793,
c’étoit encore chez le notaire. Trutat que les deniers de
voient être versés, comme on 11e s’est pas fait un scrupule
d e le s o u te n ir .
Cependant les héritiers de Montmorin ont fait une
inscription, non sur Chadieu dont ils ne veulent pas,
mais sur les biens particuliers du sieur de la RocheLambert. En avoient-ils le droit?
. D ’abord ils ne rapportent ni mainlevée , ni consen
tement des créanciers opposans : ce seroit cependant chose
de première nécessité, quand il n’y auroit pas d’autre
obstacle.
En second lieu , comment prouvent-ils que les acqué
reurs postérieurs 11’ont pas pnyé ?
Tout ce qu’on vient de dite prouve avec évidence une
libération.
j
Les sie u r et d a in e d e la R o c h c - L a m b e r t o n t a c h e tq
d ’e u x et se s o n t e n g a g é s à paycr le p r i x , so it à Trutat,
)
.
*'•'
�( 32 )
soit aux créanciers', à déléguer dans le cours de deux
années.
Ensuite Cliadieu a été vendu à Sauzay, à qui on a
laissé l’option de payer 376000 f r . , soit aux vendeurs,
soit aux créanciers, et spécialement aux créanciers pri
vilégiés sur la terre.
On ne peut pas tirer parti de cette option, car le sieur
de la Roche-Lambert n’a rien touché de ces 376000 fr.
laissés dans les mains de son acquéreur pour faire face à
tout; et le sieur Sauzay ayant mis son contrat au bureau
des hypothèques, a contracté Vobligation directe envers
les mêmes créanciers , de payer les 376000 francs.
C e c o n t r a t ju d i c ia i r e r é s u lt a n t des le ttre s , efï’a ce l ’al
ternative : c’est donc comme si la vente de 1791 contenoit
indication expresse de payer 376000 fr. au x créanciers
privilégiés seulement.
t A son tour, le sieur Sauzay vend au sieur W a llie r;
et il a si bien entendu que les oppositions formées ¿1 ses
lettres, par le syndic des créanciers de Tane, l’ont obligé
de ne payer qu’à e u x, qu’il délègue W allier ou Natthey
î\ payer 366000 fr. a u x créanciers de T a n e , opposans
au x lettres de ratification.
Celui-ci appelle les créanciers en nivôse an 4 , pour
payer en leur présence, se disant obligé de les payer.
Il les assigne comme opposans aux lettres de Sauzay, et
aux domiciles élus par leurs oppositions. Il procède tant
en son nom qu'au nom des premiers acquéreurs : c’est
en cetto qualité qu’il verse le prix de sa vente.
Ensuite il les assigne, et fait juger contre eux, en qua
lité de créanciers de Tane ; qu’il est libéré.
Et
�* 38 )
?}nßt, 'Wo ftppßttei iQÇt jwgen^fl trfçs iiftie\; f< 7 / ; c w ; p n
difcquM iie;g,a ^ isw h d ß ,ftir? ()HgeiiUer 9giv$iziß<9jt yßlf'Wß
«gueidbtisMviatôrêt <IÏUf|) émigré.,\\ptrce;^ u ’iliest questjo#
rdßj ljai d an s Ifcs,jdires jdtf jsUiUr : JN-aUheyr/Majs
il est
i^ isi^question des jhijtiiiiQijß ^ iMoittmpfyti ,et ^le ljii^onfÆbcatjod de.-'létu-s îljie^s i; cMri j atth'ey ^, ,qüi jçh erçh 0tt à
dorisolider sa libérûtitfi? ,'neim ftoquöit1pas! tioijustifierjde
¿son ;mieux.,son -verseméiati*) par-levnari*é de^ toutes lies
,circonstances.\qui pou voient là rendre m eilleure, odrnoi
>Ce- qui prpu-ve;que de'jügemeot n’etQibpas/CQrtfre
-Immigré plutofjqupjGoatre.ttn'rautre, c^est-quejcet ém igré
rii’est ‘a i Ipartie',r)moQpjbelé> à-ce ¡jugement dont-oji veut
jlui) appliquer tout Fefiet.'') . . / «r jof-rr.q bb iioib ‘A
O r , vit-on jamais d é p lu s meon.ce>Vflblft
oqus e u le m e n t e n m a t i è r e d e c h o s e ju g é e , m a is e n c o r e en
'matière ¿ ’hypothèque: et'de leCtrßSrdeii^tftßciiiion
.r D ’un c ô té , cfe,sout des créanciers ôppbsaos qui veulentR a v o ir plus rien de connuuu',mi avée celui qui atpblenu
-les lettres y n i ¡avec saû niniinjdotaire,, changé de-Je! libéner
envers ces.mémescréancièrsiopposans^et qui\ne?vse<jlerit
^’«dresser ¿qu’au;¡premier; jocquérèur , apros avoir, ila^sé
juger contre aux la validité ,dè ;la libération ^suivie de la
m ainlevée de leurs oppositions; m ainlevééfqui lève toutes
le s 1éq u iv o q u es,« ^ ' VaffetvÀu payçincirLn\ iv>. '¡h oh
JD’un autre cuté^cejsoiïtitesliéritiiirs du vefideiiV quî ,
après une libération ijugécütoalaHeyiCkiWie' ,mhinlevée
des oppositions yön t la libnté de sè réuni* spontaném ent
av.ee les 'créanciérs id’uiJOf su cce ssio n bénéficiaire ,> pour
demander qu’on annulle cette libération sans attaquer
>(fo .
le jugement, -n
, rJi wi< ^ f vfnnnnotà
fi
�( 34 )
‘ ‘ N ?è&-ee pa’s un alius; du râisônnem>ent qup;deí¡soutenir
de^ tels paradoxes?' Si mott'1acquéreur ch-argó dé îvoùs
payer a fait j u g e r contre vous qu’il* a vo it valablement
\>ar¿ f qui pourra d ire , sans choquer le- bon sens, que
-jd'n?a-il páfc payé nïôi-meme, et; que ije' reste débiteur?
-Il d e v i e n t d o n c b ie n in u t ile d e ' r e c h e r c h e r si l e V erse’n i e n t a p u rê t r e r f a i t - c o m m e
il - l ?a été , 'quelle!^ v,toit la
caisse o ù il f a l l o i t v e r s e r , et s’ il y a v o i t su s p e n sio n des
; c a r rea judicata pro veritate\ hahetur,
u fr ip a y e m e h t q u i a u r o it été fa it en a s s ig n a ts ^ 'a p r è s l e u r
rem bo U rfcem ens
fitv p p re s frtô n ^ s è ro it ( C e r t a in e m e n t r é p u t é ê t r e e n ; tr è s bounG m b n n o i e , si un- j u g e m e u t l ’u v o i t d it r’ n ill n ’a u r ô it
le droit de parler des vices d’une telle libération ^ tant
qtté> ç e j u g e m e n t ’ lïïe -s e F o it pa& ¡attaqué;;
no f)70D:i‘> ¿¡¡ni: r
h 'b -jh
■ ! v t *' - '
n-> jn-»m
S ’f l r&ragissort n é a n m o i n s d^ertrainineri la .ju r i s p r u d e n c e
• ’q u ’ o n a p r é t e n d u si c o n s ta n te s u r la d é fe n s e des lo is d e
'C o n s ig n e r
sans
o ffre s p r é a l a b l e s ,
et sans a p p e l e r
les
■créaiiciVi’s,' il s e t r o u v e i vo it à c ô t é des c ita tio n s n o m ib r & is o s faites> p a r les a d v e r s a i r e s , d ’a u tre s c ita tio n s p lu s
ù ip p lic n b le s et> plus- précises- sur: la m a t i è r e des c o n s i g n a
t i o n s f o r c é e s , a p r è s des le ttre s d e 1 l’atification.
'M.iis ?» quoi-serviroit cette surabondance de doctrine
et de dissertation j si ce n’est ¿Vgrossir un. ¿crit de chosés
. inptilt?»piiiscjne lés» créanoieus et les héritiers de Tane
ne veillent'ri«“»
de tout'ccla avec le mandataire
de Sauzny, chargé de fairfc: face à leurs oppositions ,
qu’au contraire ils passent condamnation sur la validité
de son payement. '
-i
11
>'
K t , c h o s e é t o n n a n t e , c e q u e les a d v e r s a ir e s ' n e p o u -
�C 3 Ê>
voient oppçsen quejSMVifcàpVPfi&i^sJlaPfJ&^t^ N^tl)ey,]r
ils Font ¿réservé ¡pour les ..sieur et.d.amç ,dq la.Roche-,
Lambert, après avoir, laissé juger, que le, payement étoit
régulier. *; fd
son £ m t ^-ruina et;t.. au- vuoq »
zrioiüov c j' ! înr.buüij o J*j ; /nq ol ‘¡ih
goi. ¿ in \• S’il n’y avoit pas. de jCpillu.siQn pn tre les, hé rjtiers,et les
créanciers, est-ce que les héritiers de Montmorin ( qui
après les oppositions aux lettres ne sont plus que les
cautions du payement ) n’opposeroient pas aux créan cier
l’exception cedendarunt actionum^ et ne leur^diroien^
pas que s’il-leur a plu, de jlarsser juger ■
qut3(ileiir;.gagç
étoit perdu, et s’ils ne sont pas en état de subroger à leurs
hypothèques, ils n’ont jplus .de recours à exercer.
..j,
-n S ’il n’y avoit pas'collusion encore entre les créanciers et
Natthey, qu’ils expliquent donc pourquoi, se disant aussi
certains de la nullité de ses consignations, ils craignent
de s’adresser à lui ou à Sauzay, qui par ses lettres de ra
tification a contracté l’obligation de payer aux créanciers
privilégiés 375000 fr. ; pourquoi ils paroissent regarder
ses versemens de-l’an 2 6t de l’an 4 comme un chiffon
informe, sans le prouver^ s’ils en savent si bien le secret?
Mais l’exception que ne veulent pas opposer les héri
tiers d e T a n e , le sieur de la Roche-Lam bert le fera , et
il en a le pouvoir. O n ne peut le forcer de payer sans
qu’ il ait le droit d’opposer aux c r é a n c ie r s do J a n e que
s’ils ne font pas tomber le jugement de Fan.1 2 , et s’ils
ne remettent pas les parties au même état où elles etoient
avant ledit jugement, ils «ni p e r d u tout recours contre
lui ; car il est d’une épouvantable injustice qu’011 puisse
�7ÜV
.(• ‘*
C 36 }
lcd0dite^î %j'^diis:'£ivfei?rincheté'] Chadieu et>;VQUS l’ave?
cff¥ti¥feSdlti üèih Change dé'nôus payer ; noua avons accëpté
« cette' eIièrge,pfllr"üneJhppositiôn. Maintenant nous ne
« pouvons vous subroger ni à nos droits sur Chadieu ,
« ni à nos droits sur le prix ; et cependant nous voulons
PêèVjpoÿé* jikr‘4 oïrs ■
}qui' n'éi lé'sëfez :par perso'nrie ç et
¿/Jquî n’at/rez ni' là chose ni [ie"jirix'«
•» , «’x9iDnSy™
8ÜQuelque Atroce que soit? ce système, on ipç<rougit pas
'
•
*
\
dè lè sotlttenir/ o n 1lé trotrveiqu Contraire
équitable5
ôn së^a&fbnhè1 mairie ïittj point'die> dire que« M l1jde^Td
Roché^L'àmhéït 'Ttiaiiqüe à:;îe£devqirs lorsqu’il n’ejt pa*
dirmème avîsi?A là vérité'çte’n’est ni ¡dans CondiUàc>ni
dans PtifFendorff qu’on va puîsOr pour justifier Vdqqifcé
fHifth’éïriati&iie c^cé^ràisôriïiemeBtl •<c’est; seulement! dims
r
•
..
*
lès'lôis su rléÿém fgi’ésj q.u^w»jirétendai troiavep la/prouve
tfôéyïe$vf>erit domino sign:i'fie'y,'e n ilangage delrévokvtian ^
que le prix d’un immeuble d& k des créancière opposons,
pour line vente antérieure^ à. toute émigration r a péri
portf ■f&rriigréi0'ti--ï r*
rip’n . :j ; .‘il coofi^£ r. . •>’ .
i‘°jÉ>ribVqiiloi iajbiiter:^ la idittcié des loiisrévolutionaires,
qutfrid éïlés'Tie isoht !pas ôOitpiables de cette subversion dè
Tous les'principes ?
Y* •' ■
Les lois de Ï79Î ordonnèrent'le »séquestre des 'biens
deà ém ïgtés, et chargèrent la régie de l'enregistrement
de ce séquestre* elles ’ofdonnèi’ent aux débiteurs des
'émigrés <ie verser dans la caisse de ce séquestre.
Mais qu’y a-t-il; de commun entre Chadieu vendu à
Sauzay par acte notarié, en 1 7 9 1 , et un bien d’ânigré?
Q u ’y a-t-il de commtin entre un acquéreur non ém igré5,
�( 37 )
qui »par des lettres de ratification a formé un contrat ju
diciaire avec des opposans non émigrés , et des délpi.tevirs
d)éniigrés?v
\ .lOŸÏUH.
.iK>i
A f -;. Iwi! -.1 Ü
>-•''>
.r: t‘Vr »; .
‘ ’ i i r -> ’ ■■ i 0 : ’ ■
Mais admettons en toute humilité qu’un répubjiqole n’a
dû souffrir de rien , et que tout le sacrifice doit tombe?
sur le proscrit, n’y a-t-il pas lieu de-s’étonner que les
héritiers de- Montmorin soient ici à l’unissonç avec, les
créanciers,, de <Tqne pourrir«? que /’émigré seul doit
p w k e le versement?
,
! “ bla-jrn
aviSi la Cour, partageant!l’opinion des adversaires, quQiqu’à notre sens elle déplace toutes les idées, jugeoit que
Natthey, quatrième débiteur,>.ayaqt payé la dette,de
Sauzgy, trpisième débiteur., n’a pas libéré les sieur; et
d<une> de la Ruche -I,ainbert , secours débiteurs ,• il
fpudra b ien , pour être conséquent, arriver jusqu’aux
héritiers do M ontm O rinprem iers débiteurs, çt dire que
Je moins qui puisse résulter de çp cahos, c’est que cette
dette a subsisté concurremment sur çes dçux derniers.
jM ais si M . dp la Roche>-Lambprt fi été sur la liste des
émigrés , madame de Montmorin a été condamnée r^volutionnairement : ainsi les lois sopt les mêmes pour les
deux circonstances,
,
.
L ’article I er. de>la’loi du 26 friniaii’e an 2 , dit que les
biens des condamnés devaient être régis et liquidés, et
vendus comme les biens d£$ émigrés.
La seule réponse quVu ait pu- foire à cette observa
tion , a été de dire que madame 4 o Montmorin fut con
damnée le 20 iloréfil an 2 , et que la nouvelle ^.’a pU
�n(*(
s
8
)
.
arriver en Suisse assez tôt poui' que Natthey revînt en
Auvergne consigner le 26.
Cette réponse est-elle bien sérieuse contre celui qui
prend la chose en l’état où il la trouve, lorsque surtout
on sait fort bien que ce n’est pas le Natthey, de N yon,
qui a consigné à Saint-Amant?
Que l’on dispute tant qu’on voudra contre le sieur
Natthey, sur la vraisemblance de ses versemens, sur
leurs dates et leur réalité; tant qu’il y a quittance et juge
ment de libération, le sieur de la Roche-Lambert profite
du payement fait par son mandataire, qui ne peut être
libéré sans que le mandant le soit.
S i m a l g r é c e tte é v i d e n c e d e li b é r a t i o n il fu llo it en v e n i r
à imputer sur quelqu’un la perte de ses versemens, il
est évident que ce ne peut être sur celui à qui il auroit
p rofité, c’est - ù - d i r e , aux héritiers de T a n e , comme
vendeurs de la terre, comme propriétaires du prix, puis
qu’ils étoient propriétaires de Chadieu juqu’au payement.
11 11’y a eu effet aucune raison de préférer pour la
perte les sieur et dame de la R o ch e-L a m b e rt, et de
s’arrêter à eux plutôt qu’à Sauzay ou W a llier; il y auroit
à cela une inconséquence tout arbitraire ; car il faut
opter entre le vendeur ou l’acquéreur, dont les lettres
sont grevées d’oppositions : l’un est le débiteur personnel,
et l’autre le débiteur hypothécaire.
Les acquéreurs intermédiaires n’ont contracté qu’une
obligation transitoire : à aucun titre le principe res périt
domino ne peut être pour eux.
Car la terre n’étant pas à eux , la somme consignée
�7 6 s.
( 39 )
pas pbnrHeiVx.:.Qu’elle ait été>,versée pour les hé■ritiers de JMontmprin ou pourries créanciers^tle‘T!an'e:,
c’est toujours a u x héritiers de Monlmorin que la^somme
dèvoit 'profiter, puisqu’elle étoit destinée à payer leurs
dettes.
• ' 'ti.ii
>'j
tfi'i ‘ r.
df ' : j
i i i(Domrtientfdonc a-t-on-pu espérer, ade prouver qu’une
sômme^evoit périr 'pourîles sieur et dame de la Roche-L a m b e rt, qui n’étoient propriétaires de cette somme
à aucun titre et e n aucune qualité, pas plus.qu’ilsI(ne
l’étoient de Chadieu ?
9! Il faut^conc-lure1plutôt'que si la libératijoiî dejNdtthey
'B’îi profitaiqii’à lui,seul'et n’a eu lieu quîà causeidursé
questre national, c’est le vendeur séquestré qui se retrouve
p a ss ib le d e s a 'd e tte , et n o n l’a c q u é r e u r * ,q u i n e s’est o b l i g é
i q u e c o m m e d é te n te u r., e b t ju L a d on né-.pou v o i i\à->u n îtieip
-d e'Iv erser fpo ur/lui..\> .J\
Vi
l i o i b < i u *•[ i
;i .Iir;j
Cum> jussu)m co' ià\qùod\ rnihi debes,\Soh>is creditori
met), et tu à me et ego à creditore mco lib ero r.lj. 64,,,
ff. D e sôlutionibifs.. * ilu =1?. ;?.ï ;* fiT ;'o n
1
* Souvenons-nous encore que M .iM erlin’n prouvé qu’uni
■¡versement fait'à la caisse du séquestre, étoit censé être
fait au x créanciers, et qud'c’est absolument-comme si’
ces créanciers avoient’eux-memes reçu jet donné quittance.
T o u t'ce quHl-à‘dit ■se1’Apporte parfaitement auxjhé'ri tiers de iVlontmorin;- qui viennent)ae présenter comme
ayant atù ctéoncier 3"ùo l’émigré pour lequel ils assurent',
que là somme étoit versée.
•! r : ! ‘
. ! •» i : ')' [■
.| •|
^’U n autre moyen s’applique cncorcraüx héritiers d e ‘
‘ :i;
�'I >4? )
Monimotin ; c’est que leur'sysfèrrie. de>seidirer créanciers
d ’uti émigré , c o n d u ite remarquer.que c’est la nation
qui les a représentés l’un et l’outre depuis le 2o floréid
un 2 , jusqu’au 21 prairial an 3 j époque de ;la resti
tution des biens aux condamnés.
Or, la nation auroit été d é b itr ic e s créancière du prix
-de Chadieu : donc il y ;a:extinction de la dette par con
fusion. ( Code civil , art. 1300. Sénatus-consulte, du 6
floréal tm 10., art 17. )
' ' - ‘Ainsi, fet dans -toutes les liypofthèsesi, les héritiers de
'Moütiiionn sont pstyèsipar'fflùtthey:, :onti fl’ont'dô recours
tjuc c o n t r e N a t t h e y o u Saur,ay. I l s n e s’a p p l i q u e r o n t pas
l’arrêté du 3 floTéal an 1 1 , pour rev.enir.de la nation à
Fémigré , puisque la nation les a traités de .niôiney pt
leur a rendu leurs droits ut ex nunci 'Voiiàj, n’en jdoûtobs paâ , ce qui «st démontré jusqu’à l’évidence.
1
.
.Ap p e l
• i >'
c o n t r e
■'
le
.
s i e u r
A médée
jjb
T an e.
Iàî jugement ¡Üe Clermont ntest pas conséquent dans
ses dispositions : ,il juge d’ubord que le versement-fait
par le sium* Nntthey a éteint :lcs délégations dont Sauzay
a v o i t chargé W allier; et cependant il >condumue les «iour
-et dame de lu Roche-Lambcrt h payer la créance du iieur
ATrtédéë'de Tan e, qui prétend représenter pour le .tout
le sieur ¿le Soutenus, prftteui de 30000 francs.
S’il est jugé que Natthey a valablement payé le -prix
entier de sa ven te, il est constant que le sieur Santenas
tfn plus d’action ; car -le sieur de la Roche-Iwmberl a
�( 4T )
laisse entre les mains de Sauzay une'somme suffisante
pour payer tout le prix par-eux d û , c’e s t - à - d i r e ,
376000 f r . , quoiqu’ils eussent payé déjà 170644 fr. :
à son tour, Sauzay a laissé à Nattliey une somme suffisante
■pour désintéresser les ayant droit de ses vendeurs.
A u reste, il suffit de renvoyer sur cet appel à ce qui
a été déjà d it, et de se réserver contre Nattliey la ga
rantie que le tribunal de Clermont n’a pas voulu pro
noncer, par une autre inconséquence.
A ppel
c o n t r e
l e
, sieu r
N a t t h e y .
Cet appel n’a qu’ un objet subsidiaire, puisque, si on
ne demande rien au sieur de la Roclie-Lambert, il n’aura
r ie n à d e m a n d e r a u s ie u r N a t t l i e y , d an s son propre
intérêt.
Mais si, par impossible, le sieur de la Roclie-Lambert,
qui n’a pas Cliadieu, étoit condamné à payer le prix de
Chadieu , alors bien évidemment le sieur Nattliey ne
peut éviter une garantie, puisqu’il s’est engagé expressé
ment à faire payer 3 55 ooo francs aux créanciers de
T a n e , opposans au x lettres de ratification prises par
Sauzay, ou à consigner après le sceau de ses lettres.
Dira-t-il qu’il a payé en vertu d’une contrainte; que sa
libération est jugée valable avec les créanciers ; q u ’ainsi
il a rempli son obligation mot pour mot ?
Mais tout cela ne le délie pas de son engagement
envers le vendeur; car il ne s u ffit ’pas qu’il dise, j’ai
payé; il doit être prêt à faire v a lo ir son payement vis-àvis le vendeur, toutes les fois que celui-ci sera recherché
/
*
F
�( 42 )
Lorsqu’un acquéreur s’est soumis à payer le prix de
sa vente à des tiers, ce n’est pas assez qu’il rapporte des
quittances, il n’est pas dégagé pour cela de faire juger
en présence de son vendeur qu’elles sont suffisantes pour
lu i, de faire en sorte qu’il soit quitte envers les créanciers
qu’il a spécialement délégués, et d’arrêter à toutes les
occasions les poursuites qui pourroient le troubler.
Cet engagement est tellement de stricte justice, que les
lois sur le papier-monnoie n’ont point assimilé les ac
quéreurs chargés de payer des délégations, aux autres
acquéreurs de cette époque : elles ne leur ont permis
de réclamer aucune réduction, et ont rigoureusement
exigé q u 'i ls r a p p o r ta s s e n t le s q u i t t a n c e s d e s c r é a n c ie r s
d é lé g u é s p a r la v e n t e , même lorsqu’il n’y avoit qu’une
simple indication de payement.
Toutes les difficultés du payement fait par un acquéreur
ne peuvent être levées et discutées que par lui : sans cela,
par une collusion coupable, il pourroit obtenir des créan
ciers délégués qu’ ils s’obstinassent à ne poursuivre que le
vendeur, lequel n’ayant rien payé lui-même, seroit privé
de tous moyens de défense.
E s t- il proposable, en effet, d’assujétir le sieur de la
R oche-L am bert à faire valoir seul les quittances d’un
payement qu’il n’a pas fait, vis-à-vis des créanciers qui
suspectent ce payement, et qui, malgré un jugement,
persisten t à dire que la libération est irrégulière?
Comment le sieur de la Rochc-Lambert sera-t-il en
état d’éclaircr les héritiers et créanciers de Tane sur
leurs doutes, et de leur apprendre si le premier verse
ment de 355 ooo fr., que Natthey dit avoir fait^à Saint-
�( 43 )
Amant le 26 floréal an 2 , sans appeler personne, doit
être préféré au second versement de. 619604 f r . , qu’il
dit avoir fait chez le même x*eceveur le i 5 pluviôse an 4 ,
en appelant les créanciers opposans?
Aucun autre que Natthey ne peut dire aux créanciers
si sa quittance du 1 5 pluviôse-an 4 est un versement ou
un compte , si la quittance de 32861 fr. en fait partie,
et enfin si les 264604 fr. qu’il a demandés à la régie pour
indemnité d’un séquestre de huit m o is, lui ont été tenus
à compte ; car rien ne donne la clef de tous ces faits ; et
cependant il faut savoir ce que la république a retenu,
pour savoir ce que Natthey a payé réellement.
Le sieur Natthey paroît vouloir dire qu’il a payé en
vertu d’un o r d r e d e la r é g i e , et qu’il n’a pas d’autre
compte à rendre, puisque sa quittance est un acte ad
ministratif.
Mais où auroit-il pris cette étrange doctrine ? elle
eût été très-commode pour payer ses dettes sans gêne;
car à supposer que la régie eût refusé une contrainte à
celui qui désiroit lui compter 3 Ô5ooo francs, il faut au
moins convenir qu’une contrainte n’est pas un ordre, et
n’a rien de commun avec un acte administratif.
Que Natthey objecte aux créanciers opposans tout ce
qui lui semblera bon pour faire valoir la cotisignation
que son contrat l’oblige à faire partout où besoin se ra ,
après le sceau des lettres de ratification ; mais plus il
sera en règle pour ce qu’il a fait comme mandataire^
plus il lui sera aisé de faire valoir son payement j et il
ne s’cn dispensera pas en rejetant la validité de ce qu’il
F2
�( 44 )
a fait aux risques de son mandant, car il est obligé sans
exception, ou de faire valoir ses payemens contre les
créanciers et de faire cesser leur réclamation , ou de
garantir le sieur d elà Roclie-Lambert de l’eifet de leurs
recherches.
Que si le sieur Natthey prétendoit, ainsi qu’il en a
menacé, s’isoler de cette procédure , en disant que la
validité de ses versemens n’est pas de la compétence judi
ciaire, on lui répondroit qu’il ne peut pas proposer de
déclinatoire? par plusieurs motifs.
i ° . P a r c e q u e l u i - m ê m e a s o u m is la v a l i d i t é d e ses
v e r s e m e n s à l ’a u t o r it é j u d i c i a i r e , et a o b t e n u j u g e m e n t
à c e t é g a r d le 7 p l u v i ô s e an 1 2 ; il a o p p o s é e n su ite ce
jugement comme un moyen péremptoire sur la cause
actuelle.
20. Parce que la demande en garantie a été jointe,
et que loin d’attaquer le jugement de jonction, le sieur
Nattliey a plaidé au fond.
30. Parce que dans des lettres missives adressées au sieur
de la Roclie-Lambert, le sieur Natthey a offert sa garantie
pour le procès actuel; en sorte que ce nouvel engage
ment a produit une nouvelle action qui ne peut être
soumise qu’aux tribunaux civils.
40. Parce qu’il résulte des arrêts déjà cités de part et
d’autre, que les tribunaux ont toujours statué sur la vali
dité des versemens faits dans les caisses publiques par les
acquéreurs même des biens provenus-d’émigrés ou con
damnés.
Daus tous les ens, les lettres du sieur Natthey suiïi-
�7 7( .
(
4
5
}
sent (1) ; l’offre expresse de sa garantie a été acceptée ex
pressément par le sieur de la Roclie-Lam bert dans ses»
21 juin 1808.
(1) « J’ai reçu votre lettre, M onsieur, et je 11e veux pas un
« seul instant vous faire attendre ma réponse.
« J’ai d’abord été fort surpris des inscriptions que les créan« ciers de T ane ont prises sur vos biens; j’ai dû ensuite m e
« souvenir qu’ils avoient précédemment regretté de n’avoir pas
« pris cette voie d’abord, et de s’étre engagés dans une autre
« voie qui ne leur a pas plus réussi que celle-ci ne peut leur
« promettre du succès. V o u s croyez d’a v a n c e , je l’espère, que
« toutes choses sont parfaitement en règle vis-à-vis d ’eux............
cc Vous avez quelqu’apparence d ’ i n q u i é t u d e s u r Je vrai pro-
« priétaire de Chadieu. D ’un mot je vous tirerai de toute inquiè
te tude. I l n e t i e n d r a q u ’ a vous q u e N a t t h e y ou m o i , a v o t r e
te
«
C H O I X , OU TOUS D E U X « ¿ U N I S , N E VOUS OFFRIO NS DE NOUS SUBSt it u e r
a
vous
dans
cette
: je vous en passerai acte
a ffa iu e
ce public avec grand plaisir et sans inquiétude; c a r, encore une
« f o i s , toutes choses sont parfaitement en règle avec ces mes« sieurs et tous autres.
«
« Voilà un premier problème ré so lu , à votre satisfaction sans
doute. V ous v o y e z q u e N a t t i i e t n i m o i n e n o u s e f f a ç o n s ;
ce QUE M Ê M E NOUS VOUS OFFRONS , SOUS N O T R E G A R A N T I E ET C E L L E
C
de
cc
u
cc
te
ce
« Vous êtes encore dans l’e r r e u r , quand vous supposez que
les créanciers de T a n e avoient fait opposition aux lettres de
ratification obtenues par M. votre père sur MM. de Tane.
Fayon s’inscrivit, fit inscrire aux hypothèques d’autres créan
ciers non u n is, et ne fit point inscrire l’union...............H n ’y
eut aucun acte conservatoire de la part de l’ union.
h ad ieu
,
vous.....................
«
de
nous
su b stitu er
a
�u
o
réponses : ainsi ce nouvel engagement passé entre M . de
Batz, représentant Nattliey, et M . de la Roche-Lambert,
« Mais aux lettres de ratification prises par Sauzay sur M. votre
« votre p è r e , l’union fit opposition, alors trop tardive si elle
« étoit nécessaire. En l ’an 4 > il Y eut des lettres de ratification
« prises sur S a u z a y , et l’union eut le tort extrêm e de ne pas
« prendre d’inscription, ni faire d’opposition.
« Ils n’ont donc que celle du 22 décem bre 1791 ; mais il y a
« condamnation contr’e u x sur c e p o in t, à l’occasion de l’ins« tance très-âpre et très-vive qu’ils avoient c o m m en cée à Paris
«
«
«
«
contre Sauzay. Repoussés dans cette voie par laquelle ils attaquoient, dans S a u z a y , W a llie r et N a tth e y , et se trouvant à
bout de voie , c ’est alors qu’ils regrettèrent de n’avoir pas
attaqué d’abord M. votre père ou votre famille, au lieu d e se
« faire condamner sur leur inscription de 1791. M a is, à dire
« v r a i , je n’aurois pas imaginé qu’après plusieurs années d e
a silence et d’inaction, ils auroient imaginé de finir par où ils
cc auroient voulu com m encer. Mais les actes subséquens, leur
et liquidation, leur p a ye m e n t, sont tels qu’ils ne peuvent chercc c h e r qu’à effrayer et à arracher quelqu’a r g e n t , du moins d e
« Sauzay : c ’étoit contre Sauzay leur plus solide projet.
cc S ’ils ont pris des inscriptions folles sur vos b ie n s , ils en
ce ont également pris sur Cliadieu.................... Instruisez-moi de
cc tout ce qui s’est passé d ’e u x à vous dans cette insurgence, et
cc vous aurez de ma part, ou par m o i, instructions parfaites. J e
cc vous répète que m ’identifiant à N a t t h e y , je me mettrai a v e c
cc plaisir à votre lieu et place. N e perdez pas un moment à me
cc faire savoir s’il y a de simples inscriptions prises, ou s’il y a
cc quelque demande formée. Voila de nia part, j ’e sp ère, francc ch ise, loyauté autant que vous pouvez désirer, et plus que
cc vous ne pourriez exiger.
ce Recevez l’assurance de mon bien sincère et 'invariable
�( 47 )
est aussi vnlable que s’il eût été souscrit par un acte en
forme-, car, d’après les principes, on contracte valable
ment per epistolarn aut per nuntium.
« a tta ch e m en t, et veuillez le faire agréer à M. votre père.
« Signé D e Batz.
« D ès que j ’aurai votre ré p o n se, je partirai ou vous écrirai
u sur-le-champ. Je ne suis nullement i n q u ie t , parce que je
« connois les faits, et qu ’ils sont réguliers. 33
Paris, 9 juillet 1808.
cc
ce
«
«
tt
te
«
« Je n’ai pas perdu de tem p s, M o n s ie u r, à prendre tous les
renseignemens et toutes les instructions utiles contre les créan
ciers de Tane. J’aurai une consultation des plus habiles gens.
L'affaire parolt inattaquable par les créanciers de Tane. Il est
heureux pour vous et pour moi que j’aye pris, dans le temps
u tile , surabondance de précaution, pour acquitter à la fois
vous et m oi, et pour mettre dans tous les sens les créanciers
en demeure. Vous ne pouvez vous défendre que par mes
« pièces..................... M. votre père n’ auroit pas dû prendre ins-
« cription sur C h a d ie u , surtout sans m’en prévenir : il n’auroit
u pas dû en prendre au nom d’autrui ; il ne devoit voir que les
« créanciers. S on intérêt est de faire cause commune avec
« Chadieu : quiconque lui dira le contraire se trompera , l’in« duira en erreur. A u reste, je lui demande, et j ’e s p è re qu’il
« ne me le refusera pas , de vouloir bien faire r a y e r son ins« cription a u b u r e a u de Clermont. J’ai besoin, pour ma seule
« délicatesse vis-à-vis de deux personnes à qui i a* f*1*1 deux
«t emprunts, d’avoir leur c e rtif ic a t d'inscription avant le vôtre,
« parce qu’agissant de b o n n e foi et d’entière confiance en m oi,,
« ils ont reçu dans leur acte ma parole d honneur qu il n existoit
�( 4 8 )
M . de Balz, représentant Natthey, a toujours continué
d’agir en conséquence de ce nouvel engagement. IL a
envoyé au sieur de Laroche-Lambert la consultation
très-détaillée de M M . P o i r i e r et Bellard ( annoncée dans
la dernière lettre), pour le rassurer sur ses risques, et
lui attester que les versemens de Natthey éteignoient la
créance.
11 y a donc impossibilité de délier le sieur Natthey de
son nouvel engagement, qui lève tous les scrupules des
lois de l’émigration, lesquelles n’ont rien de commun à
une garantie offerte et acceptée en 1808.
cc pas d’liypotlièque sur Cliatlieu ; et , 'certes , je croyois la
« donner en toute vérité, et il se trouve que la vôtre
existoit
« le jour m êm e où j ’affirmois qu ’il n ’en existoit pas , ou du
« moins que celle du maire de V ie , qui est nulle de f a i t , et
cc celle de deux pauvres petits créanciers que j ’ai fait condamner
« à Riom , et que j ’espére faire rayer à tous inomens. M. votre
cc p è r e , après avoir fait rayer celle qu’il a déjà fa ite , pourra
cc au m êm e instant, s’il le juge à propos, la faire rétablir. Je
«
«
«
«
cc
n’y suis que pour nia délicatesse seulem ent, et j ’espère q u ’il
ne me refusera pas cette satisfaction légère, q u i, dans aucun
cas , ne peut lui être dommageable , et qui a été pour moi
le sujet d’une véritable contrariété , honneur et délicatesse
parlant.
cc Au surplus , je prends le parti d’aller porter cette lettre à
« 1\J. Vautrin, et je m’en rapporte à ce qu’il vous conseillera
cc à cet égard.
cc Je vous re n o u v e lle , Monsieur,
1assurance
de mon dévoue-
cc ment à vos in té rê ts, et de mon bien sincère attachement.
"
'V tg n é D u
IU tz.
»
x
II
�( 49 ) '
Il ne reste plus qu’un mot à dire sur l’elTet de cette
garantie, s’il falloit en venir à elle ; il est réglé par l e .
Gode civil, qui s’exprime ainsi:
Article 1142. « Toute obligation de faire se résout en
« dommages-intérets, en cas de non-exécution de la part
« du débiteur. »
Article 1184. “ La condition résolutoire est toujours
« sous-entendue dans les contrats sy nalla gma tiques, pour
« le cas où l’une des deux parties ne satisfera point à
« son engagement.
« Dans ce cas, le contrat n’est point résolu de plein
« droit. La partie envers laquelle l’engagement n’a point
« été exécuté, a le ch o ix , ou de forcer l’autre à l’exé« cution d elà convention lorsqu’elle est possible, ou d’en
« d em an d er la réso lu tio n avec d o m m a g es et in térêts.
« La résolution doit etre demandée en justice, et il
« peut etre accordé au défendeur un délai selon les cir« constances. »
L e sieur de la Roclie-Lambert a conclu ¿\ la résolution
de la vente de 1791 , si la condition de le faire tenir
quitte de 355ooo fr. n’est pas exécutée : la loi ne lui
permet pas de douter que cette résolution ne soit pro
noncée, s’il étoit condamné à payer lui-môme la somme
considérable qu’on lui demande, et qu’il ne doit pas.
Comment le sieur Natthey pourroit-il soutenir l’idée
que le sieur de la Roclie-Lam bert dût être obligé de
payer Chadieu sans l’avoir, tandis que lui, Natthey, auroit
Chadieu sans le payer?
Jusqu’à présent le sieur Natthey n’a point élevé une
prétention aussi immorale \ il est vraisemblable qu’il s’eu
G
�tiendra à ce qui est raisonnable et légitime ainsi, à son
égard , il suffit de s’arrêter à l’idée qu’il fera valoir ses
payemens, puisqu’il s’y est engagé, ou qu’il s’arrangera
avec les créanciers de telle manière que son vendeur soit
à l’abri de toutes recherches.
M e. D E L A P C H I E R , ancien avocat.
M e. M A R I E , licencié avoué.
A R IO M , de l’imp. de T H IB A U D , imprim. de la Cour im périale, et libraire,
rue des T aules, maison L a n d r iot. — Juillet 18 10
�
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
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/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Roche-Lambert, Joseph de. 1810]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Delapchier
Marie
Subject
The topic of the resource
créances
émigrés
union de créanciers
assignats
émigrés
confiscation nationale
prête-nom
fraudes
ventes des biens d'émigrés
séquestre
fisc
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire en réponse, pour sieur Joseph de la Roche-Lambert, habitant d'Issoire, intimé et appelant ; contre Dame Françoise-Aglaé-Gabrielle de la Luzerne et sieur Pierre de la Grange-Gourdon, son mari, dame Angélique-Armande-Camille de la Luzerne et sieur Anathocle-Maximilien Hurault de Vibraye, son mari, habitans de la ville de Paris, héritiers bénéficiaires de la dame de Montmorin, laquelle était héritière bénéficiaire du sieur Emmanuel Frédéric de Tane, son frère, appelans ; contre sieur Henri Duvergier, habitant à Paris ; Simon Teroulde, habitant à Daudeville ; Pierre-Louis Laisné, ancien sellier à Paris, habitant à Sens ; Antoine-Louis Duchastel, apothicaire à Paris ; et Jean Chardon, chapelier, habitant à Paris, syndics et créanciers unis dudit sieur de Tane, aussi appelans ; contre Sieur Amédée de Tane-Santenas, habitant à Paris, intimé ; et contre Sieur Louis Natthey, habitant de Nyon en Suisse, aussi intimé.
Table Godemel : Union (contrat d') : 2. les mariés de Laroche-Lambert sont-ils débiteurs des héritiers et créanciers d’Emanuel-Frédéric de Tane, pour raison de l’acquisition de la terre de Chadieu par eux faite le 17 juin 1788 ? sont-ils débiteurs de la rente de 1500 livres créée par l’acte du 31 janvier 1791, en faveur de Gabriel de Tane de Santenac ? Amédée de Tane peut-il demander, dans l’état actuel des choses, le paiement de l’intégralité de cette rente ? Nathey est-il garant, envers les mariés de Laroche-lambert, du paiement, soit de la créance d’Amédée de Tane, soit des emprunts personnels par eux faits pour la libération de Chadieu ? y a-t-il lieu de statuer, quant à présent, sur les réclamations des mariés de Laroche-Lambert et de Nathey, relativement au prix de la vente consentie par Sauzay à Feuillant, le 25 juillet 1793 ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
de l'imprimerie de Thibaud (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1810
1783-1811
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
50 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2023
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G1413
BCU_Factums_M0423
BCU_Factums_M0424
BCU_Factums_M0412
BCU_Factums_G2024
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53393/BCU_Factums_G2023.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Authezat (63021)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
assignats
confiscation nationale
Créances
émigrés
fisc
fraudes
prête-nom
séquestre
union de créanciers
ventes des biens d'émigrés
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53389/BCU_Factums_G2019.pdf
5d2a2e52634a1a685c1173f629959c9f
PDF Text
Text
U
7
MÉMOIRE A CONSULTER,
V<wuC" *
POUR
A n t o i n e ,
J e a n
¿».■a»«.»«
et L o u i s - X a v i e r - S i l v a in
GOM ICHON, appelans, et demandeurs en garantie;
C O N T R E
F r a n ç o is e
G O M IC H O N , veuve, de Pierre
intimée
ET
Jea n
et
Joseph
et G u i l l a u
en garantie.
ENCORE
Depeyre,
CONTRE
D E P E Y R E , N ..... D E P E Y R E ,
m e
A R M E T , son mari, défendeurs
TABLEAU
G ÉN ÉA LO G IQ U E.
G r é g o ire G o m ich o n ,
m o rt en 172 0
à
Catherine A u g ier.
Jean,
n é en 16 9 7,
m ort en 172 7 ;
à
F ra n ço ise B o n te m ,
m o rte en 1733,
S ilv a in ,
A n to in e
n é en 1702.
n é en 1699,
m o rt e n 174 8 :
i
P é tro n ille C u ssat,
Jean,
)Françoi»o,
M a rie L a fo n t,
In tim ée,
n é e en 1737»
m a rié e en 175 3 ,
à
,i
>■Pierre Depeyre
I
.• Antoine.
J ean.
l.o u is-Xavier-Silvain.
Appelans
Catherine, Jean. J o
s
e
p
h
_
Guillaume Armet,
.:
�(¡n-
C2 )
F A I T S .
J e a n G o m i c t i o n , premier du n o m , est décédé en 1 7 9 7 ,
laissant en minorité un fils appelé Jean , com m e son pére.
Silvain G om iclion, son oncle paternel, fut nommé son tuteur.
Jean G o m ic lio n , deuxième du nom , étant parvenu à sa ma
jorité, forma demande contre ledit Silvain, son o n c le , en red
dition de compte de tutelle, par exploit du 23 janvier 1745.
1 Cette demande fut portée devant le châtelain de Montluçon.
I.e 24 mars suivant, Jean Gomiclion obtint une semence par
d é f a u t , qui condamna Silvain Gomichon à rendre le com pte
demandé ; et à défaut de c e la ire , le condamna a payer la soinmô
de 3ooo francs , intérêts et dépens*
Silyain Gomiclion décéda le xo juin 1748 , laissant une fille
m ineure, appelée Françoise Gomichon.
L e 21 du mëine mois, Jean Gomichon fut nommé son tuteur.;
Il n’avoit que vingt-deux ans.
Il obtint, îe 11 juillet 17491 des lettres r o y a u x , pour étro.
relevé de différens actes qu’il avoit faits en minorité, et entre
autres de l’acceptation de cette tutelle.
Il ne paroit pas que Jran Gomiclion ait donné suite h ces
lettres : il paroit m ê m e , au contraire, que Françoise Gomichon
ayant contracté mariage avec Pierre D e p e y r e , le 21 novembre
17 5 5 , Jean Gomichon a paru au contrat par fondé de pouvoir,
en qualité de t u t e u r de ladite Françoise Gomichon.
Q u o iq u ’il en soit, le 8 juin 17^8, D ep eyre a donné assignation
h Jean Gomiclion devant lt; châtelain de T re jg n a t, pour rendre
compte de. la gestion qu’ il avoit eue des biens de Françoise Gomiclion , sa femme.
^
Jean G o m i c h o n , de son c u t é , à qui il étoit du un semblable
compte par la succession de Silvain G o m ich o n , se pourvut de
nouveau par exploit des #4 et 3o juillet 1768, et conclut contre
Françoise Gomichon ? Cl Pierre D e p e y re , son m a ri, à ce que la
�Q*6
( 3 )
sentence du 2% mars 174^, qui ordonuoit la reddition de c e
compte de tutelle, et à défaut de c e , condamnoit Silvain Gom ichon au payement de la somme de ¿>000 fr a n c s , pour tenir
lieu de reliquat, avec intérêts et dépens, fut déclarée exécutoire
contre la femme D e p e y r e , comme elle 1 étoit contre Silvain
G o m ic h o n , son père ; qu’en conséquence elle fut condamnée à
payer la somme de 3ooo fr a n c s , avec intérêts et dépens.
En m êm e temps Jean Gomichon se mit en règle sur la de
mande en reddition de compte de tutelle de Françoise Gomichon
et de son mari.
C e compte fut rendu juridiquement le i 3 août 1769; et Jean
Gomichon établit qu’au lieu d’étre débiteur de sa pupile, il étoit
son créancier : et il étoit difficile que cela fût autrement, Silvain
G om ichon ayant fait de très-mauvaises affaires , au point qu’il
avoit été emprisonné pour dettes, qu’il étoit mort peu de temps
après s’étre évadé des prisons, et que Jean Gomichon ayoit été
obligé de liquider sa succession.
Françoise Gomichon et son mari fournirent des débats sur co
co m p te, le 25 du m ême mois d’août, et les choses sont restées
dans cet état jusqu’au mois de juin 1763.
A cette époque , Jean D e p e y r e , qui habitoit dans la haute
Auvergne , près de S t.-F lo ur, vint en Bourbonnais ; des amis
et parens communs cherchèrent à concilier les parties ; et par
le résultat de leur m édiation, il fut passe une transaction sur
p ro cè s, le 22 juin 1763.
D ep eyre y stipule ta n t en son nom qu’en qualité de mari et
maître des droits et biens dotaux de Marie-Françoise Gomichon,
fia f e m m e , absente.
O n y rend compte de la tutelle qu’avoit eue Silvain G om ichon ,1
de laipersonne de Jean G o m ich o n , son neveu, et du jugement
de 1745, qui condamnoit ledit Silvain à rendre compte de ladite
tutelle; i\ défaut de c e , le condamnoit à p«yer
3° 00
fr* > ayeo
intérêts et dépens.
A a
�r 4 )
On y rend aussi compte de la tutelle! rpravoît eue Jean Goxniclion , de Françoise G om ich on, fille à Si)vain ;
"»
D e fa reddition juridique de ce dernier c o m p te , par lequelr
Jean Gomichon s’étoit pi étendu créancier au lieu<d’ëtre débiteur,,
et
'
«
<c
des débats fournis sur ce compte.
« Toutes lesquelles demandes et poursuites, est-il ajouté ,■
metroient les parties dans le cas d'avoir p l u s i e u r s ' sentences et
arrêts de la Cour de parlement, qui auroient pu occasionner
a la perte totale de leurs b ie n s, pour à quoi obvier, et é viter
« les inconvéniens iaclieux qui auroient pu en résulter, et rnain« tenir la paix et l'u n io n , elles ont été conseillées de traiter et
* transiger sur le tout, ainsi et de la manière qui suit. »
Pierre D f p e y r e , stipulant com m e il a été dit en tète de P a c te ,
S u b roge Jean Gomiclion à to u s les d roits revenons h sa fem m e,
sans e x c e p tio n , moyennant la somme de 600 francs , stipulée
payable en quatre termes, sans intérêts pendant les termes.
A u moyen de quoi les parties se tiennent mutuellement quittes,
et tous procès demeurent éteints et assoupis ;
« E t les p a rtie s, à V exécution eh entretènem ent de to u t co
<c que d essu s, ont respectivem ent obligé , ajfectè eL hypothéqua
« tous leurs lie n s présens e t à v en ir. »
L es choses sont restées dans cet état jusqu’au iG avril 1787.
A cette époque , Jean Gom ichon étoit d é c é d é , laissant ses
enf'ans en minorité sous la tutelle de Marie La font, leur mère.
I ,i erre D cpc.yre, e t M arie-Françoisc G o m ic h o n , sa fe m m e ,
firent signifier la transaction dn 22 juin 17G5 à Marie L n fo n t,
en celte qualité de tutrice de ses enfans m ineurs, et ils l’assi
gnèrent en m ême temps pour voir déclarer cette transaction
exécutoire contre e l l e , audit, n o m , comme elle 1 étoit contre
ledit défunt Jean Gom ichon ; en conséquence, se voir condamner
ii leur payer la somme de Goo fr. portée par ledit a c t e , ave c lea
Intérêts et frais.
JLt l’année suivante, le jf) avril 1788, Antoine Gomichon,
�&Z q
( 5 J
l ’un des appelai« , se transporta à Murât ; il Et compte avec
Françoise Gomiclion de tous les intérêts du capital de Goo f r . ,
dûs e t échus jusqu'au jour, qui se trouvèrent monter à une
somme pareille de 600 fr; , et Françoise Gomichon lui en donna
quittance tant en son nom propre et privé , que comme fondéo
de procuration de son mari.
D e u x ans après cette quittance, et le 3o juillet 1790, Pierre
D ep eyre est décédé à Bayonne.
E n 1793, et le 9 m ars, Françoise Gomichon a , pour la pre
mière f o i s , conçu l’idée de rechercher sa famille du Bour
bonnais.
Elle a pris pour prétexte une prétendue succession d ’un Antoine
G o m ich o n , oncle et gran d -o n cle c o m m u n , q u e lle supposoit
décédé à Passy près Paris ;
Elle a fait citer en conciliation Marie L afon t, veuve de Jean
Gomichon t sur les différentes demandes rju’elle se proposoit
de form er, soit en partage de cette succession,
Soit en nullité de la transaction du 22 juin 1760,
Soit en reddition et règlement du compte de tutelle qu’elle
prétendoit lui être dû par Jean Gomichon , e t de c e lu i q u ’elle
poiH’o it devoir du c h e f de f e u Silvam G om ichon ,
Soit en désistement des biens provenus de ses père et m ère,
avec restitution des jouissances, avec intérêts et dépens.
Cette citation a été suivie de procès verbal de n o n - c o n c i
liation , et d’assignation au tribunal de Montluçon , en date
du 5 septembre suivant.
Cette action ne fut poursuivie par la veuve D e p e y re , que
jusqu’au mois messidor an 2.
Silence absolu depuis cette époque jusqu’au mois de frimaire
an 9.
Elle fit alors une première tentative en reprise, qui fut annullée par jugement du tribunal de Montluçon ; et elle fu i
condamnée aux dépens.
�( 6 )
Elle forma une nouvelle action en reprise , au mois messidor
an 11.
Les parties s’occupèrent alors principalement de la succession
d’Antoine Gomichon , oncle et grand-oncle c o m m u n , qu’elle
prétendoit être décédé à Tassy près P a r is , dont la veuve D epeyre demandoit le partage.
O n lui opposa que pour demander le partage d ’une succession,
il falloit établir, i°. le décès de l’individu de c u ju s ;
2°. Q u ’il n’avoit pas laissé des héritiers plus proches ;
3°. Q u ’il avoit laissé une fortune quelconque.
O n ajouta qu’il étoit de notoriété qu’Antoine Gomichon avoit
jadis entrepris un com m erce de bœufs , qu’il y avoit fait de
mauvaises affaires, et que se voyant accablé de dettes, il s’étoit
expatrié pour se soustraire aux poursuites de ses créanciers.
L a veuve D epeyre , convaincue par ces raisons , se rendit
justice : elle se départit de son action ; et un jugem ent contra
dictoire , du 5 ventôse an 12, donna acte de ce département,
et ordonna que les héritiers Gomichon défendroient au fo n d ,
dépens réservés.
Cette réserve des dépens est un peu étonnante, d’après le d é
partement prononcé juridiquement de l’action principale q u i,
jusqu’a lo r s , avoit occup é les parties ; mais ce qui est encore
plus étonnant, c ’ est que les héritiers Gomichon ont été con
damnés depuis à ces mêmes dépens , com m e op. le verra par
la suite.
Q uoi qu’ il en soit, les parties ont ensuite procédé sur l’objet
cle la contestation relatif h la transaction du a2 juin i j Gj , dont
la veu ve D e p e y re demandoit la nullité.
Les héritiers Gom ichon l’ont soutenue non recevable dan9
cette demande en nullité , attendu qu elle avoit ratifié cette
transaction , soit par la demande qu elle avoit formée conjoin
tement avec son mari, le iG avril 1787, tendante à faire déclarer
r;ctto transaction exécutoire contre les enfans Gom ichon, conunç
�(7 )
elle l ’étoit contre leur père, soit par la quittance notariée du 19
«avril 1788, de tous les intérêts du prix de la transaction, échus
jusqu’alors.
Nonobstant ces moyens qui sembloient décisifs, il est inter
venu un sécond jugement contradictoire, le i 3 iructidor an 12,
q u i, sur le m otif que la ratification de la veuve D epeyre 11 étoit
pas form elle, cc sans avoir égard à la fin de non-recevoir procc posée par les héritiers G o m ich o n , déclare nul l’acte du 22 juin
« i y 63 , qu’on date mal à propos du 22 juillet. »
C e m êm e jugement joint au fond une demande en provision,
qui avoit été formée par la veuve Depeyre.
Et pour être fait droit sur les fins et conclusions de la de
manderesse , ordonne que les parties en viendront à l’audience,
tous dépens réservés.
'
♦
C e jugement a été signifié à avoué le 20 floréal an i 3 ; et les
choses sont restées dans cet état jusqu’au 2 juillet 1807, que la
cause portée de nouveau à l’audience, 11 est intervenu un troi
sième jugement conçu en ces termes :
v « Le tribunal donne acte de la déclaration faite par M e. M eu
te nier, qu’il n’ a plus charge d ’occuper pour les défendeurs;
« donne défaut contre e u x ; pour le p ro fit, tient l’instance pour
« reprise ; les condamne à rendre compte de la gestion qu’il
« a eue de la personne et biens de Françoise Gomichon ; à le
« présenter et affirmer dans le mois, par-d evan t le président
« du tribunal ;
« Les condamne à se désister dés biens immeubles revenant
« à ladite Gomichon dans les successions de ses p è r e et m é r e ,
« avec restitution des jouissances, telles qu’elles se ro n t fixées
« par experts ;
« Condam ne lesd ù s défendeurs a u x dépens liquides à 4 J J f« 5a c. , au c o û t, levée et signification du présent jugement. »
jugement a été signifié à avoué le 8 juillet dernier, et ¿v
domicile le 21 du même mois.
�( 8Ï
L e s héritiers Gomichon ont interjeté un premier appel au domi
cile élu par la veuve D e p e y re , le 5 août dernier , tant de ca
dernier jugement que du précédent, du i 3 fructidor an 12, et
. ils ont réitéré cet rappel à son dom icile, avec assignation en la
Cour d’appel h R io m , par exploit du 26 septembre dernier.
Ils ont, ,par un autre e x p lo it du m ême jo u r, dénoncé à Jean
et Joseph D e p e y r e , et à la femme Armet et à son mari, lesdits
iDepeyre enfans et héritiers de Pierre D e p e y r e , les poursuites
exercées contre eux par Françoise Gom ichon, leur mère et belle-,
m ère , avec sommation de les faire cesser, sinon, et'à défaut de
c e f a i r e , ils ont protesté de les rendre garans et responsables
de tous les évènemens et de toutes pertes, frais, dépens, dom, mages - intérêts.
D ans cet état de choses, les appelans demandent au conseil,
x°. Si leur appel du premier ju g e m e n t, du i 3 fructidor an 2,
est recevable et fondé?
,
,
20. Si leur appel du s e c o n d .ju g e m e n t, du 2 juillet 1807, est
également recevable et fondé?
3°. ’Et su bsidiairem ent, dans le cas où le premier .jugement
jse ro lt confirmé, si le second pourroit l’étre, soitidans la dispo
sition relative au com pte de tutelle,
'
Soitidans celte relative au désistement prononcé contre les
nppelans, ’
•
Soit dans celle,relative à la.restitution des,jouissances,
}
Soit enfin dans celle relative aux dépens?
.
‘
4°. Eulin, si,les héritiers r.Gom
• ichon sont en droit vd’oxercer
.>
. liiie action en garantie.contre les héritiers D e p e y re , et jus^u’ou
iloit s’étendre 1cette garantie?
1 .
�1 9 Ï
L e S O U S S I G N É , quî a vu et examiné le mémoire à cori*
sulter ci-dessus et des autres parts, ensemble toutes les pièces
du procès, e s t d ’a v i s , sur les différentes questions proposées,
des résolutions qui suivent.
Sur la première question, qui consiste à savoir si l’appel des
héritiers G o m ich o n, du jugement du i 3 fructidor an 12, est
recevable et fondé , le soussigné estime qu’il y a lieu de se dé-,
cider pour l'affirmative.
D ’abord il ne peut pas y avoir de fin de n o n -recevo ir à
opposer aux héritiers Gom ichon contre c e t appel.
L e jugement est à la vérité du i 3 fructidor an 1 2 ; mais il
n’a été signifié qu’ à avoué le 20 floréal an i 3 , et il ne l’a été
dans aucun temps û domicile. O r , il n’y a que la signification
à domicile qui fasse courir le délai de trois m o is , accordé pour
interjeter appel d ’un jugement contradictoire.
C ’est ce qui est textuellement décidé par l’article 14 de la
loi du 16 août 1790 r dont la disposition a été expressément!
renouvelée par l’article 443 du Code de procédure actuelle
m ent en vigueur.
C et appel est également fondé.
Ce jugem ent, sans avoir égard aux différentes approbations
faites par la veuve D ep ey re, de la transaction du 22 juin 17 6 3 ,
a déclaré cet acte n u l , sur le fondement que ces approbations
n’étoient pas une ratification assez formelle.
Les premiers juges ont pensé, et avec raison, que le traité
du 2a juin 1763 étoit nul dans son p rin c ip e , respectivement
a Françoise G om ichon, parce qu’il étoit fait par le mari seul, et
*]u il comprenoit dos droits immobiliers a p p a r t e n a i t a la femme.
Si ces droits immobiliers eussent été situés en coutume d Auvergnoyil$ auroient encore eu raison do regarder comme sans co n
séquence les différentes approbations que Françoise Gomichon
B
�(' 10 ■)
auroit pu faire du traité de 1760, parce que ces droits i m m o
biliers étoinrit d o tau x, que la loi les auroit rendus inaliénables,
et que dans ce cas elle n’auroit pu approuver ce traité et le
ratifier valablement qu’après le décès de son mari.
1
IVlais les biens immeubles dont il est question dans ce traité,’
étoient situés sous l’empire de la coutume de Bourbonnais >
et cette coutume les rendoit aliénables , avec le consentement
de la fe m m e , d’après ces expressions de l’article 225 de cette
coutum e : et Mais il ne peut ( l e mari ) vendre ni aliéner les
« héritages de sadite fem m e, sans son 'vouloir et consentem ent.»
D ’où il résulte qu’il 11e faut dans cette co u tu m e, de la part
d e la fe m m e , pour rendre l’aliénation valable, que la preuve
de son vouloir et consentement.
Et
cette disposition est la m ê m e , soit que la f emme soit
mariée en coutume d’Auvergne , ou qu’elle le soit en coutume
de Bourbonnais, comme l’attestent un acte de notoriété de la
sénéchaussée de Bourbonnais, du C juillet 1706, rapporté par
A u r o u x ,s u r l’article 238 de cette co u tu m e, et le dernier co m
mentateur de la Coutum e d’A u v e rg n e , sur l’article 3 du titre
j/f , tome 2 , page 226.
Ces premiers principes une fois posés, il ne s’agit que de
savoir si le vouloir e t consentem ent de Françoise Gomichon sont
Suffisamment établis par les actes que les appelans rapportent.
Le premier est la signification juridique, faite par le mari et
la fe m m e , de c e traité du 22 juin 1763, à Marie La (ont, en
qualité de tutrice de ses etifaus, héritiers de Jean Gom ichon,
leur p è r e , avec assignation devant le juge des lieux, pour voir
déclarer ce traité exécutoire contre e u x , com m e il l’étoit contre
leur p è re ; en conséquence, se voir condamner h leur payer la
somme de 600 francs portée par ledit acte , avec intérêts et
dépens.
Cet acte n’a pas besoinde commentaire : Françoise Gomichon
no pouyoit pas mioux exprimer son vouloir et consentement
�u
C 11 )
à tout le contenu au traité du 22 juin 1763, qu’en en deman
dant elle-m êm e l’exécution en justice, conjointement avec son
mari, contre la veuve et les héritiers de celui qui l’avoit souscrit.
Mais cette première preuve du v ou lo ir e t consentem ent de
la fem m e D ep ey re a bientôt été suivie d une seconde p re u ve
encore plus énergique.
L e 19 avril 1788, Françoise G o m ich o n , tant en son nom
propre et privé , que com m e fondée de procuration de son m ari,
a réglé compte a v e c Antoine Gom ichon, 1 un des appelans, de
tous les intérêts qui étoient échus jusqu au j o u r , du capital
de 600 francs, porté par le traité du 22 juin 1763.
1
Ces intérêts se trouvèrent monter, les retenues légales dé
duites, à la somme de 600 francs, qui fut comptée à Françoise
Gom ichon , qui en consentit quittance devant G a n ilh , notaire
au bourg de. Chalinargue, « sans préjudice à elle des 600 fr.
« de capital, et des intérêts qui pourroient en échoir à l’avenir,
cc jusqu’à parfait p a y e m e n t, et de son hypothèque. »
< O n a vu qu’il ne failoit , en cout ume de Bourbonnais , pour
valider l’aliénation faite par le mari des biens de sa fem m e,
que son vouloir e t consentem ent.
r O r , ici ce vou lo ir et consentem ent sont exprimés de la m a
nière la plus absolue, et dès-lors l’acte de 1763 doit être consi
déré comme aussi parfaitement régulier que si Françoise
Gomichon y avoit paru, puisque tout ce qu’elle auroit pu faire
auroit été d’y donner son vouloir e t con sen tem en t, com m e
elle l’a fait par la demande en déclaration de titre exécutoire
du 16 avril 1787, et par la quittance notariée du 19 avril 17^8.
C e seroit vainement que la veu ve D ep ey re c r o i r o i t , pour
justifier les premiers juges, pouvoir tirer parti de la disposition
de l’article i 358 du C o d e , sur les ratifications, car cet article
prononce encore formellement sa c o n d a m n a tio n .
A piès avoir d it, en e ffet; dans quelle forme et dans quels
ternies doit être conçue la ratification d ’une obligation, pour
être valable, la loi «joute;
J .
13 3
.
�( 12 )
te A ctéfhut d’acte de confirmation ou ratification, i l ^suffit
que l ’obligation soit ex écu tée volo/Uatre?/icnt,apvàs l’époque
« à laquelle l’obligation pouvoit être valablement confirmée ou
k
te ratifiée. »
Ici les parties étant régies par la coutume de Bourbonnais,
l’acte du 22 juin 1760 pouvoit être valablement confirmé et;
ratifié dans tous les temps, à la différence de la coutume d\Auyergne , qui n’auroit permis de le confirmer et de le ratifier
qu’après le décès du mari.
D è s - lo r s , à défaut d ’acte de confirmation ou ratification, il
suffi soit que l’acte fût ex écu té volontairem ent.
O r , on ne peut pas nier que le traité de 1763 n’ait été e xé
cuté volontairement par Françoise G o m ic h o n , soit par la de
mande du 16 av ril 1787, soit par la quittance du 19 avril 1788»
E t com m e aux termes de c e m ême article « la confirmation,
« ratification ou exécu tion v o lo n ta ire , dans les formes et à,
« l’époque d< terminée par la lo i, emporte la renonciation a u x
<1 moyens et exceptions qu’on pouvoit opposer contre cet a c t e ,
« 6ans préjudice néanmoins aux droits des tiers, » il en résulte
que Françoise Gomichon est absolument non recevable à revenir
contre ce traité du 22 juin 17G5, et que le jugement qui l’a
déclaré nul ne peut subsister.
JEt c ’eat un grand bonheur que cela soit ainsi. On verra par
la suite combien ce traité étoit précieux pour toutes les parties,
et avec quelle vérité les rédacteurs de cet acte ont dit d a p sle
préambule, « q u e toutes leurs demandes et poursuites mettroient
« les parties clans le ca6 d’avoir plusieurs sentences et arrêts d e
« la Cour de p a rle m e n t, qui auroient pu occasionner la perte
« totale de leurs b i e n s .......................pour ù quoi obvier, elle»
v ont traité et tra n sig é , etc. »
Sur la seconde question, q u i a pour objet de savoir si l’appel
Ou jugement du a jnillet 1807 est également recevable et fo n d é ,
il y a aussi lieu de décider affirmativement,
�( 13 0
D ’abord,-il 'Xie .peut pas y avoir de. fin d e non-recevoir à
opposer ajix.jappelans,
, j ..
.
;
Soit parce que c e jugem ent, à la rigueur , deyroit ¿ire rér
puté com m e non avenu , aux termes de 1article i 5 6 du Code
d e procédure, attendu qu’il est rendu par d é la u t, et qu’il n’a
pas été mis à exécution, dans les ¡six mois de son obtention,
n ’ayant été; signifié,.qu’au mois dç juillet 1809;
Soit parce que les appelans ont interjeté leur appel presque
immédiatement ,après la signification quiileur en a été faite.
A u fo n d , l’appel est'fondé.^t),; j |t,
-,
t C ’est une conséquence forcée de ce qui a été dit précédem
m ent sur l’appel du jugement du i 3 fructidor an 12.
t Si en effet il 'est démontré que ce premier jugement a mal
à propos annullé le traité du 5,2■ju in 1763, et que cet acte doit
conserver toute sa force et v e r t u , tout est terminé entre les
parties, et toutes les condamnations prononcées contre les
appelans par le second ju g e m e n t, tombent d ’elles-m êm es et
disparoissent.
Mais com m e en Cour souveraine il faut défendre à toute»
fins, il nous reste à examiner subsidiairement quel seroit le
sort des parties dans le cas o ù , contre toute attente, le juge
ment du i3 fructidor an 12, qui déclare le traité n u l, seroit
confirmé.
Les parties rentreroient alors dans le dédale des discussionsqu'elles ont voulu éteindre par ce traité.
Ces discussions éloient effrayantes alors; elles m e n a ço ie n t,
par leur n o m b re, par leurs détails, par leur obscurité, d’en-r
gloutir la fortune des parties; que s e r a - c e , lorsqu’un demisiècle qui s'est écoulé depuis ce traité a rendu cette obscurité
impénétrable, a fait perdre la trace des faits, a fait égarer lea
titres et [es procédures qui auroient pu du moins répandre
quelques traits de lumière dans ce chaos?
. û u° i su 'il en s o it, si Ica parties sont jamais forcées d e u xo»
�( 14 )
venir à ces ancîèrines contestations, il faudra du moins com
mencer par infirmer toutes les dispositions de ce dernier jugement
du 2 juillet 1807.
La première est conçue en ces termes :
« Les condamne à rendre compte de la gestion que leur père
« a eue de la personne et biens de Françoise Gomichon ; à le
« présenter et affirmer dans le mois , par-devant le président
cc du tribunal. »
■
1 ‘
1
.
• O n a vu dans les faits que si Jean Gomichon avoit été tuteur
de Françoise
G o m ich o n, sa cousine, Silvain G om ichon, père de
»
ladite Françoise, avoit lui-m ém e été tuteur de Jean Gomichon,
son neveu ;
Q ue Jean Gomichon avoit formé demande à Silvain Gomichon,
en reddition de ce compte de tu telle, le
janvier iy /t5 ;
Q ue par une sentence du châtelain de Montluçon, du 34 mars
de la même année, Silvain Gomichon avoit été condamné à rendre
c e compte , sinon à payer à son neveu 3ooo fr. pour re liq u a t,
a r e c intérêts et dépens ;
Q ue ce compte n’a jamais été rendu ; que dès-lors cette somme
de 5ooo francs étoit censée acquise à Jean G om ichon, avec les
intérêts depuis 1745 jusqu’en 1763, que les parties ont transigé
tant sur c e compte de tutelle que sur celui (¡ue devoit Jean
Gom ichon à Françoise G o m ic h o n , sa cousine.
D ’après ces faits, il est clair que les juges de première instance
n o m pu annuller ce traité de 1765, sans l’annuller pour toutes
les parties; que chacun a dû rentrer dans ses droits; que dèslors ils 11’ont pu ordonner que les héritiers rendroient le compte
de tutelle demandé par Françoise Gomichon , et qu’ils le préscnteroient et affirmeroient duns le mois, par-devant le président
du tribun al, sans ordonner en m ême temps que Françoise Gomichon re n d ro it, comme héritière de Silvain Gomichon , son
p è r e , le compte île tutelle du à Jean G o m ic h o n , dont il avoit
£t<S tuteur antérieurement, ou q u i . défaut de c ë , le jugement
�<¿¿0
'
X i5
,
)
du 24 mars 174^ , qui condamnoit ledit Silvain Gomichon ù
5o o o ‘francs pour reliquat* avec intérêts et frais, seroit exécuté
selon sa forme et teneur.
Indépendamment que c e mode dé prononcer1sur ce c h e f entre
les parties, étoit de d r o it , puisque les parties se devoient res~
pectivem ent un compte de tutelle, et que le traité nnnulle avoit
également c e compte respectif pour objet, ï îançoise G om ichon
y avoit elle-même donné les mains, en ce que par sa cedule en
"conciliation, du y mars 1793, elle avoit conclu « au règlement
« et reddition du compte de tutelle que leu Jean Gôm ichon, son
« cousin , a eue de sa personne et biens , et de celui 'que la dite
« requérante p e u t devoir du c h e f de f e u Silvain Gom ichon. »
C e premier c h e f du jugement du 2 juillet 1807, contient encore
un autre m al-jugé m an ifeste, en ce q u ’il est établi par le traité
du 22 juin 176 3 , que Jean Gomiçhon avoit'fourrli soîi .compte
à Françoise Gomichon le i 3 août ‘175 g , et que celle-ci'ét son
mari y avoient fourni des débats le 23 du m ê m e mois d’aoùt.
• D ès qu’il existoit un compte de tutelle rendu et débattu, les
premiers juges ne devoient pas condamner les appelans à rendre
c e même co m p te , et à le présenter et affirmer dans'le m o is,
devant le président du tribunal; ils dévoient seulement ordonner
que les parties procéderaient en la forme oïdinaire à l’apurement
du compte rendu et débattu en 1759.-'
r!*i
Ce premier c h e f du jugement du 2 juillet 1807, ne pourrait
donc manquer d’être infirmé sous un double point de v u e , quand,
par impossible, le premier jugement du i 3 fructidor an 12, qui
annulle le traité du 22 juin 1763, seroit confirmé.
Il en seroit nécessairement de même de la seconde disposition
de ce jugem ent, ainsi conçue :
« Les condamne il se désister des biens immeubles revenans
« à ladite G om ichon, dans les successions de s*‘s père et m è re,
« avec restitution des jouissances telles qu’elles seront fixées
a par experts. »
!
t
�( i6 )
Il faut distinguer dans cette disposition c e qui est relatif aq
désistement des immeubles, et ce qui est relatif à la restitution
des jouissances.
Et d’abord, en c e qui est du désistement des im m eubles, la
disposition de ce jugement ne peut se soutenir, par plusieurs
raisons également décisives.
La première se tire de ce que cette demande en désistement
a été formée vaguement, ïn globo , te des biens immeubles pro« venus des. successions de ses père et m ère » , tandis que
l ’ordonnance de 1667, sous l’empire de laquelle la demande a
été form ée, portoit expressément,,article 3 du titre 9 , que dan?
toute demande eu matière réelle ou désistement d ’immeubles,
1 exploit de demande devoit c o n te n ir, à peine de nullité , le
n o m , la situation, la contenue, les tenans et aboutissans, et la
n a t u r e , au moment de l ’exploit de chaque héritage dont le
désistement ^toit demandé ;
Disposition qui a été impérieusement renouvelée sous la même
peine de n u llité , par l’art. 64 du nouveau Code de procédure.
En second lieu, les biens de la maison Gomichon étoient restés
jndivis ; Silvain Gomichon , père de la veuve D ep ey re , les a
jouis long-teinps en totalité pendant sa tutelle de Jean Gomichon,
son neveu.
Il a m êm e continué d’en jouir après l'émancipation de son
n e v e u , jusqu’à s*i mort arrivée en 1748.
Jean , de son c ô t é , devenu tuteur de la fille de S ilv a in , en
a joui à son tour, toujours par indivis ; et les choses étoient en
c e t état au moment du traité, du
juin 17GJ.
D ans cet état de choses , en su p p o s a n t le traité de 17GJ annullé , F ran ço ise Gomichon ne pouvoit pas former contre les
représientans de Jean Gomichon une demande en désistement,
mais une action en partage des biens indivis, qui est; la seulo
jreçue entre cohéritiers.
J.a jurisprudence de la Cour est constante i cet égard ; elle
annullo
�( 17 ') «
annulle journellement de pareilles demandes en désistement, et
renvoie les parties à se p o u rvo ir par l’action en partage.
C o m m e n t, d ’a ille u rs, les appelans pourroient-ils aujourd’hui
exécuter c e jugement? D e quels objets pourroient-ils se désister,
lorsque tous les biens de la famille n ’ont jamais cessé d ’être
divisés ?
Sur quelle base pourroit se faire c e désistement? Q u e lle est
la portion que Françoise Gomichon prétend lui appartenir dans
ces biens? E st-c e le tiers , le quart, la moitié?
A u ra -t-elle le choix de la maison, du jardin, de telle ou
telle nature de biens ?
O n sent que tout cela seroit absurde, et qu’en pareille ma
tière il n ’y a de juste, de raisonnable, de possible dans l’exé
cution , que l’action en partage.
C e c h e f du jugem ent relatif au désistement des immeubles
no peut donc encore manquer d ’être infirmé.
. Il ne peut pas m ieux ae soutenir dans la partie d e cette dis
position qui est relative à la restitution des jouissances.
En e f f e t , cette disposition est encore v a g u e , indéfinie ; on
ne voit pas quand cette restitution doit co m m e n cer, et quand
elle doit finir.
Cependant cette explication n’est pas indifférente.
O n ne peut disconvenir que le traité du 22 juin 1763, quand
il seroit annuité pour Françoise G o m ic h o n , ne doive avoir sa
pleine et entière exécution pour Pierre D e p e y r e , qui avo it,
com m e m ari, l’usufruit des biens de sa fe m m e , et qui a pu
"valablement traiter de cet usufruit.
Il n ’y auroit donc, m êm e dans la supposition de l’annullation de c e traité, aucune restitution de jo u is s a n c e s à prétendre
d e la part de Françoise G o m ich o n , depuis 1763, époque du
traité , jusqu’en 1790 q u ’il est décédé ; ce qui diminue de vingtsept ans la restitution vague et générale prononcée par le juge
m ent dont il s’agit.
l
�'( 18 )
On pourroit ajouter que clans tous les cas il n’y nuroit encore
pas lieu à cette restitution de jouissances , depuis le décès de
Pierre» D e p e y re , jusqu'au mois de septembre 179^, que Fran
çoise
Gomichon a formé sa demande en annulation du traité
»
de 17G3, avec d ’autant plus de raison, que les biens dont il
étoit question dans ce traité étoient situés en Bourbonnais , où
l’aliénation en étoit perm ise, et que le traité de i ^63 étoit par
faitement connu de Françoise G om ichon, puisqu’elle 1 avo itap
prouvé en 1787 et 1788.
Il ne reste qu’à dire un mot sur l’article des dépens.
L es appelans y ont été condamnés indéfiniment ; et une
grande partie de ces dépens avoit eu pour objet la demande en
partage de la succession d’Antoine G o m ich o n, dont elle avoit
été obligée de se départir, et dont le département avoit été ho
mologué par un jugement contradictoire du 3 ventôse an 12.
C ’est donc dans tous les points que ce jugement ne peut
manquer d etre infirmé ; il faut m ême convenir que la rédac
tion en seroit inexcusable, si on ne considéroit qu’il a été rendu
par défaut contre les appelans ; ce qui doit aussi faire disparoltre toute espèce de préjugé que pourroit faire naître cette
première décision.
>
Sur la dernière question du m ém oire, relative 11 l’action en
garantie contre les héritiers D ep eyre , et sur l’étendue de cette
garantie -, le soussigné estime que cette action est fondée , et
que l’étendue de celte garantie n’a d’autres bornes que le quan
tum interest des héritiers Gonichon.
I l ne fa u t pas p erd re de v u e q u ’on r a is o n n e toujours dans
la su p p o sitio n invraisemblable q u e le jugement du i 3 fructidor
«tu
12 , qui
a n n u ll e
le
tiaité du 12 septembre 17G3, soit
confirmé.
Pierre Depeyre a stipulé clans cet a c t e , tant en son nom
qu’en qualité de mari et maître des droits et biens dotaux de
�( 19 )
M arie-Françoise Gom iclion, son épouse ; e t à Vexécution e t
entre tellem ent de to u t le contenu .en cet a c t e , i l a obligé
tous ses biens présens e t à 'venir.
~
En contractant cet engagem ent, il s est.soumis a toutes les
conséquences qui en pourroient résulter; il a promis de faire
valoir cet acte dans tout son contenu ; d ès-lo rs il est devenu
garant de tous les effets de son inexécution.
O r , quels seroient les effets de cette inexécution , dans le
plan de la veuve D ep eyre? D e nouveaux comptes de tutelle,
l’éviction des biens aliénés , des restitutions de jouissances q u i ,
suivant ses prétentions, monteroient a plus d un d em i-siècle,
et d ’énormes dépens.
T ous ces effets devroient être supportés par les héritiers
Depeyre.
C ’est ainsi que le décident les anciennes et les nouvelles
lois. Rvicta res e x em plo actlonem a d pretium d u n ta x a t recipiendum , sed a d id quod in terest, com petit. Loi 70, au dig.
d e evict.
Rousseau de la Com be, au mot év ictio n , n°. 6, explique co
quod interest en ces termes :
« Én cas d’éviction , l’acquéreur peut demander au vendeur,
« non-seulem ent la restitution du p rix, mais aussi ses domcc mages-intérêts .......................... tout le profit que l’acquéreur
cc eût reçu de la ch o se, si elle ne lui avoit pas été é vin cée .»
Et le nouveau Code en donne une définition encore plus
e x a c t e , article i 63o , qui est conçu en ces term es:
cc Lorsque la garantie a été pro m ise, ou qu’il n’a rien été
« stipulé à c e su je t, si l’acquéreur est é v in c é , il a droit de
« demander contre le v e n d e u r,
« x°. L a restitution du prix;
, « 2°. Celle des fruits, lorsqu'il est obligé de les rendre au
« propriétaire qui l’évince;
« 3°. Les frais faits sur la demande en garantie de lachc-j
ce te u r, et c e u x faits par le demandeur originaire;
C 15
�(
« 4°.
20 )
Ênfin les dommages-intérêts, ainsi que les Trais e*
« loyaux coûts du contrat. »
C e seroit vainement que les héritiers D ep ryre voudroient
exciper de c e que la cession faite par Pierre Dopeyre à Jean
Gomichon , de tous les droits mobiliers et immobiliers de sa
fe m m e , l’a été aux risques, périls et fortunes de ce d ern ier,
sans autre garantie de la part de Pierre D ep ey re que celle de
ses faits et promesses.
Il
est évident que ce qui est aux risq u e s, périls et fortunes
de Jean G o m ic h o n , c ’est le plus ou moins de valeur des objets
cédés ; c e sont les dettes des père et mère de Françoise G om ic h o n , qui demeurent aux risques et périls de Jean G o m ich o n ,
sans répétition contre D ep eyre e t sa femme.
Mais au moyen de la garantie de ses faits et prom esses, g a
rantie qui êtoit d’ailleurs de droit, et au moyen de l’engage
m ent de faire exécuter et entretenir cet acte dans tout son
co n te n u , il s’est incontestablement soumis à le m aintenir, à
]e faire valoir envers et contre to u s , et par conséquent à toutes
les suites que pourroit ^entraîner son inexécution.
C e seroit encore en vain que l e s héritiers D ep eyre prétendroient qu’ il n’y a lie u , dans l'e s p è c e , pour toute garantie, qu’à
la restitution des deniers , parce que Jean Gomichon connoissoitle v ice du traité, en c e qu’il traitoit des droits de la fem m e
D ep ey re avec son mari, en l'absence de cette d e rn iè re , et qu’ici
le prix du traité de 1760 n ’ayant pas encore été payé , cette
garantie devient illusoire.
C e moyen seroit peut-être proposable, s’il s’agissoit d’un bien
dotal, situé sous l’empire de la coutum e d’A uvergne, à raison
de l’inaliénabilité rigoureuse des biens dotaux, fondée sur un
statut négatif prohibitif.
Encore le3 opinions étoient-elles divisées sur cette question;
et la plupart des jurisconsultes regardoient, dans ce c a s , le
mari com m e passiWc des dommages-intérêts de l’a c h e te u r,
�'
( 21 )
pnrce q u ’il n’^toît pas «xcusable d’avoir contracté des engagemens qu’il n’étoit pas en état de tenir'j'et que ces engagemena
ne pouvoient pas être le jouet des vents. 1 L£ir*‘; t
Mais ici les biens qui ont donné lieu au traité *de 1763, sont
situés sous l’empire de la coutume d»î Bourbonnais. Les biens
dotaux, dans cette c o u tu m e , sont soumis au droit co m m u n ;
ils sont aliénables c o m m e ides biens de toute autre nature.
O r , dans le droit c o m m u n , une vente q u e lco n q u e, mémo
du bien d’autrui, donnoit lieu à des dommages-intérèts, lorsque
l ’acquéreur se trouvoit évincé par le véritable propriétaire.
R em aliénant distrahcre quem p o ss e , n u lla d u b ita lia e s t,
nam em ptio est, e t ven d itio ; sed res em ptori ai/Jeri potest.
Loi 28, au dig. D e contralm ida n n p lion e.
V e n d ita re aliéna , disent les interprètes, tenet conlractus
in prejudicium v e n d ito r ïs, non dom ini.
V e n d ito r de evictione tenctur.
« La chose d’autrui peut être v e n d u e , et la vente en est
u valable, dit D esp e isse s, toin. i er. , page 1 4 , n°. 7 , à ce que
te le vendeur so it tenu d'éviction. »
Rousseau de la Combe nous dit a u s s i, dans son Recueil de
jurisprudence, au mot Vente , section i re. , n°. 2 , que « quoicc que la vente du bien d’autrui soit valable, à l'effet de la g a « rantie de l ’acquéreur contre son 'vendeur, 1 acquéreur peut
« être évincé par le propriétaire. »
C ’étoit donc un point constant et de droit commun dans
notre ancienne jurisprudence, que le ven d eu r, même du bien
d 'a u tru i, ne pouvoit être à l’abri de l’action en éviction , et
des dommages-intéréts dus
l'acquéreur.
Au surplus, les héritiers D ep ey re peuvent ici d ’au tan t moins
échapper à cette actio n , que Pierre D ep eyre n’n rien iait que
du "vouloir e t consentem ent île sa J e m n ie , comme le prouvent
la demande du 16 avril 1787, et la quittance du 19 avril 1788;
que s il y ayoit, com m e oa le suppose ^ daus le jugement d u
'
�I
( 22 )
fructidor an 12 , insuffisance dans ces deux ratifications, cette
insuffisance seroit du fait de Pierre D e p e y re , attendu qu’il ne
tenoit qu’à l u i , dans tous les temps, de la rendre plus form elle,
plus parfaite , et telle que ce traité de 1763 fut à l’abri de
toute atteinte.
D
élibéré
à C lerm ont-F erran d, le 2 octobre 1809.
B O I R O T .
A Riom, de l’imp. de THIBAUD, imprimeur de la Cour d’appel, et libraire,,
rue des Taules maison L andriot, — Janvier 1810«,
�
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Title
A name given to the resource
[Factum. Gomichon, Antoine. 1810]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Boirot
Subject
The topic of the resource
successions
coutume d'Auvergne
coutume du Bourbonnais
créances
prison
autorité maritale
procuration
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire à consulter, pour Antoine, jean et Louis-Xavier-Silvain Gomichon, appelans, et demandeurs en garantie ; contre Françoise Gomichon, veuve de Pierre Depeyre, intimée ; et encore contre Jean et Joseph Depeyre, N….. Depeyre, et Guillaume Armet, son mari, défendeurs en garantie.
arbre généalogique.
Table Godemel : Transaction : 6. le mari peut-il transiger seul sur des biens dotaux situés en coutume de Bourbonnais ? peut-on considérer comme ratification la demande en paiement du prix de la transaction formée par le mari et la femme, et la quittance que la femme, non autorisée à cet effet, aurait donnée, tant en son nom que comme fondée de pouvoir de son mari ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
de l'imprimerie de Thibaud (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1810
1753-1810
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
22 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2019
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0548
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53389/BCU_Factums_G2019.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Treignat (03288)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
autorité maritale
coutume d'Auvergne
coutume du Bourbonnais
Créances
prison
procuration
Successions
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53386/BCU_Factums_G2016.pdf
16814b381089fdc3e24602b9592653ce
PDF Text
Text
MÉMOIRE
EN R É P O N S E .
�COUR
MÉMOIRE
EN
IM PÉ R IA LE
D E RIOM .
Ire. CHAMnnE.
RÉPONSE,
A u d ien ce
P O U R
du
2 ju illet 1810..
Dame J e a n n e - M a r i e D E C H A M P F L O U R ,
veuve du sieur P a u l - François d e M o n t r o z i e r sieur J e a n - B a p t i s t e D E C H A M PF L O U R ; dame M a r i e - A n n e - F é l i c i t é D E
F R E D E F O N T , et sieur J e a n - J a c q u e s D E
R O C H E T T E , son mari ; demoiselle G a b r i e l l e D U R A N D D E P E R IG N A T , et dame
M a r ie D U R A N D , relig ie u se ; tous habitans.
de la ville de Clermont-Ferrand, intimés;
C O N T R E
r
\
Dame A n n e - E m i l i e D E F E L I X , veuve de
sieur Claude-François-Léon d e S i m i a n e 5
propriétaire à Collongues, arrondissement d'Aix,
département des Bouches-du-Rhône, appelante;
en
p r é s e n ce
D e dame M a r g u e r i t e D E C H A R D O N , veuve
du sieur J a c q u e s -F r a n ç o is de M o n ta n ie r
C l a u d e - A ntoine - J oseph D E
DON
demoiselle A n n e D E
CHAR~
CHARDON/
A <&
�C4 )
dame B e r r e t t e D E C H A R D O N , veuve du
sieur V a l l e t t e d e R o c h e v e r t ; tous proprié
taires, habitans de la ville de Riom, intimés;
ET
EN
PRÉSENCE
D e J a c q u e s - M a r i e L A V I G N E s et J e a n
P I R E L , habitans de la ville d’Ambert, aussi
intimés.
QUESTIONS.
i°. Les religieux q u i, -par Veffet rétroactif de la loi
du 5 brumaire an 2 , ont obtenu un droit successif de
la nation représentant un émigré, ont-ils été soumis à
rendre cette succession après le rapport de cet effet
rétroactif, lorsque les héritiers rétablis se sont trouvés
représentés par la république, comme émigrés?
2°. L a nation, dans ce cas particulier, n'est-elle pas
censée avoir renoncé à toute recherche, et n'avoir point
voulu user du bénéfice des lois des gfructidor an 3 , et
3 vendémiaire an 4 ?
3°. L e sénatus-consulte du 6 floréal an 10 n’a - t - ï i
Teiuiu aux émigrés amnistiés, ou à leurs héritiers, que
les biens qui se trouvoient dans les mains de la nation,
p a rla voie du séquestre, au moment de Vamnistie?
C e s questions sont exactement les mêmes que celles
présentées par la dame de Simiane. Il fauf y ajouter
�(5 )
qu’elle se dit créancière du sieur Hector de Sim iane,
mort émigré , et que c’est en cette qualité qu’exerçant
les droits de la république, elle veut la ire aujourd’hui
ce qu’elle prétend que la république auroit dû fa ire après
le g fructidor an 3 , c’est-à-dire, ôter aux héritiers d’une
religieuse ce qui lui a été abandonné nationalement, dont
elle a joui dix ans et jusqu’à sa mort. Cette prétention
est si bizarre, qu’il faut être surpris de la voir élever
sérieusement, après tant de lois faites pour rassurer les
possesseurs des biens transmis, à quelque titre que ce
soit, par la république.
F A I T S .
L a dame A n n e D elà i r e , épouse de JVT. de C la r y , est
décédée le 27 octobre 1 7 9 1.
Elle avoit institué pour héritiers, par un testament de
17 8 7 , M . Hector de Simlane, son cousin paternel, et
M . de Chardon, son cousin m aternel, à la charge d’ac
quitter pour 240000 francs de legs.
Hector de Siiniane, domicilié à A vign o n , étoit sorti
de France à l’époque des troubles du Comtat. Mais n’y
ayant encore aucunes lois contre les ém igrés, il paroît
que M . de Simiane se présenta pour recueillir la suc
cession de Clary ; mais en 1792 il fut inscrit sur la liste tles
émigrés, et le séquestre fut mis sur ses biens.
Jusqu’au 28 mars 179 3 , ce séquestre n’étoit qu une
occupation des biens. Mais la loi du 28 juillet ^793 Jjannit
à perpétuité les ém igrés, et les déclai’a morts civilement.
Madame de Clary avoit une sœur religieuse (Jeanne
�(6 )
D elaire) : la loi du 5 brumaire an 2 l’appela h succéder,
puisque madame de Clary étoit morte après le 14 juillet
1789. Eu conséquence, Jeanne de Clary obtint à son profit
la mainlevée du séquestre, fut déclarée héritière de sa
soeur, et envoyée en possession de tous les biens, par un
arrêté du 8 nivôse aii 2.
L a loi du 9 fructidor an 3 abolit l’effet rétroactif de
la loi du 17 nivôse. En vertu de ce changement de légis
lation, on dit que M . de Chardon reprit les biens maternels
de madame de C la ry , qui lui étoient légués par le tes
tament de 1787.
Si le sieur de Sim iane eût été régnicole ù cette é p o q u e ,
il n’est pas d o uteux q u ’il n’eût eu aussi le droit de re
prendre les biens paternels dans les mains de Jeanne
Delaire.
Mais il étoit toujours sur la liste des émigrés -,
Il étoit mort sans -postérité avant la loi du 9 fructidor,
à A sti, et en état d’émigration;
Par conséquent il ne laissoit à ses héritiers que les
biens dont il étoit propriétaire à l’époque de son décès,
c’est-à-dire, le 1 % prairial an 3.
C’est ainsi que la famille elle-même l’entendit à cetle
époque ; et une circonstance assez singulière va le prouver.
M . de Simiane mouroit sans enfans : il laissoit deux
héritiers ab intestat ; l’un étoit le sieur Vidaud de la
T o u r , et l’autre étoit Jeanne D ela ire elle-même.
L e sieur Vidaud de la T o u r avoit seul qualité pour
disputer à la religieuse Delaire la propriété des biens
C lary, et pour prétendre qu’ils étoient dans la masse de
la succession de Simiane.
�C/ 7 )
Bien loin d’en agir ainsi, M . Vidaud de la T o u r se
réunit à Jeanne Delaire pour demander au direçtoire
exécutif la radiation de M . de Simiane , et l’envoi en
possession de ses biens propres situés a A vignon.
En effet, ils obtinrent une radiation le 28 nivôse an 5.
A lors ils prirent la qualité d’héritiers bénéficiaires de
M . de Simiane; et en vertu d’un jugement du tribunal
de Vaucluse, du 24 thermidor an 5 , ils firent commettre
le sieur Chambaud, notaire à A vign on , pour faire l’in
ventaire du mobilier de la succession.
Il ne vint pas môme à la pensée du sieur Vidaud de
la T o u r (seul intéressé, on le rép ète,) de faire com
prendre dans ce mobilier de la succession Simiane
aucune portion de la succession de madame de Clary.
L ’arrete de radiation n’avoit été qu’une indulgence
éphémère due aux circonstances. T.es lois de l ’an 3 sur
les émigrés avoient fait des exceptions pour les émigrés
d’A v ig n o n , et la journée du 18 fructidor an 5 ramena
les mesures générales de 1793* Eli conséquence, une loi
du 22 nivôse an 6 ordonna que les émigrés avignonnais
qui auroient obtenu des radiations par suite de la loi
du 9 fructidor an 3 , seroient réintégrés sur la liste.
L e séquestre fut dono remis sur les biens du sieur de
Simiane, mais seulement h Vaucluse, et il ne fut levé
qu’après l’amnistie générale, du 6 floréal an 10.
A lors Jeanne Delaire se réunit encore au sieur Vidaud
de la T our, son cohéritier; ils obtinrent la radiation du
défunt, le 26 frimaire an 11.
Ils sollicitèrent l’envoi en possession tics biens; et c’est
ici le cas de remarquer encore que M* Vidaud de la T o u t
�(8 )
•n’eut pas plus qu’en l’an n la pensée de se mettre en
possession des biens d’A u vergn e, qu’il ne fit de diligences
qu’à V aucluse, et laissa la religieuse Delaire en pleine
possession des biens de sa sœur.
. Il y a plus : car la religieuse Delaire vendit seule
'tous les biens de sa sœur en l’an 10 , après le sénatusconsulte, et le sieur Vidaud de la T o u r ne s’y opposa
pas.
Dans le même temps on clierchoit à empêcher la des
tination que M . le Préfet de Vaucluse vouloit faire d’un
domaine du sieur de Simiane pour une pépinière : le
sieur Vidaud de la T o u r réclam oit contre cette occupa
tion, conjointem ent avec Jeanne Delaire; et même après
la mort de Jeanne Delaire il ne crut pas pouvoir vendre
ce domaine sans y appeler ses héritiers.
La dame Delaire, religieuse, est décédée l e n messidor
an n . Les familles de Chardon et Champilour se sont
partagé la succession comme héritières des deux lignes :
elles ont eu à défendre celte qualité dans deux procès;
mais elles ont fait juger qu’elles étoient héritières, et
elles sont toujours restées en possession.
La dame F élix de Simiane s’est elle-même adressée à
elles en cette qualité, le 8 février 1808, non pas pour
leur disputer les biens, ni former des demandes hypo
thécaires, mais seulement pour faire liquider à Avignon
ses reprises contre elles, comme héritières du sieur de
Sim iane, par représentation de la religieuse Delaire.
Ce seroit peut-être une tâche fort difficile pour la dame
de Simiane de justifier ces reprises, lorsqu’ayant vécu à
A sti jusqu’à la mort de son parent, elle s’est emparée de
tout
�( 9 )
tout son m obilier, de toutes les ressources qui les faisoient
exister l’un et l’autre hors de France. Et elle vient aujour
d’hui , comme héritière de sa fille par les lois actuelles,
réclamer la succession de son fils et l’effet d’un testament
qui a rendu ce dernier créancier, du chef de son père,
du sieur de Simiane, mort à Asti.
Quoi qu'il en soit de ce circuit de qualités, madame
de Simiane procédant comme héritière de sa fille, qui
l ’étoit de son frè re , s’est fait adjuger 296000 fr. pour des
terres vendues de l’estoc de la dame de Seveyrac, aïeule,
pour des pensions et des fermages , sans expliquer le
moins du monde comment tout cela lui est rigoureuse
ment dû.
Les héritiers Champflour, par acte du 18 février 1809,
répudièrent au greffe d’A vignon la succession du sieur
de Simiane.
Jusque-là on prévoit difficilement comment la dame
veuve de Simiane pourra enfin renverser tout cet ordre
de choses , et s’en prendre aux biens de la religieuse
Delà ire. Il paroît qu’elle-même n’auroit pas commencé
cette attaque; mais elle y fut menée par circonstance, et
elle a cru peut-être de bon augure d’être appelée à un
procès par des débiteurs de 92000 fr ., qui ne vouloieni
se libérer qu’en sa présence. V oici comment la dame de
Simiane a été appelée à ce procès, et quelle est l ’origine
de sa réclamation actuelle.
Il paroît qu’en prairial an 10, la dame de Sim iane,
il peine rayée elle-même de la liste des émigres, s’occupa
B
�C 10 )
d’actes conservatoires pour la sûreté de ses prétendues
reprises : scs agens firent en son nom des inscriptions à
A vign on , à Clermont et à A m bert, et même une saisiearrêt entre les mains des sieurs Lavigne et P ire l, qui
avoient acheté des immeubles de la religieuse Delaire.
Ces mesures n’avoient rien que de naturel, puisque
Jeanne Delaire étoit héritière du sieur de Simiane , et
par conséquent débitrice personnelle de l’adversaire tant
qu’elle ne répudieroit pas. Ainsi il ne faut pas regarder
ces actes de l’an 10 comme une prétention semblable à
celle que manifeste aujourd’hui la dame de Sim iane,
après une répudiation.
E n 1809 , les héritiers D elaire assignèrent les sieurs
L a v ig n e et P ir e l en payement de la somme de 92160 f r .,
prix de la vente à eux consentie par Jeanne D elaire,
en l’an 10 , et des intérêts depuis cette vente.
Les sieurs Lavigne et Pirel ayant en mains une saisie-*
arrêt, en excipèrent, et demandèrent la mise en cause
de la dame de Simiane : elle fut ordonnée; et la dame
de Simiane fut assignée en mainlevée de sa saisie et de
ses inscriptions.
Scs droits n’étoient pas encore liquidés, et elle se hâta
drobtenir à A vign on un jugement par défaut , le 16
mars 1809.
A lo rs m adame de Simiane se disant créancière , se
présenta au tribunal de Clermont pour demander la con
firmation de sa saisie-arrêt ; et alors elle éleva, pour la
première fo is , la prétention que les biens de madame
de Clary appartenoient à Hector de Simiane pour moitié,
et qu’ainsi ces biens étoient le gage de ses reprises.
�( 11 )
L e tribunal de Clermont n’a point accueilli cette de
mande ; il a annullé la saisie-arrêt et les inscriptions de
la dame de Simiane : son jugement du 9 août 1809 est
fondé sur des motifs très-solides et très-lumineux.
Ils se réduisent à dire que M. de Simiane ayant perdu
les biens Clary par son émigration, et étant mort émi
g r é , ses héritiers n’auroient pu les réclamer que si ces
biens s’étoient trouvés dans les mains de la nation lors
de l’amnistie •, mais que la nation ayant été désistée de
ces biens par la religieuse D elaire, et n’ayant pas eu le
droit de les lui redemander, les héritiers de l’amnistié
n’ont dû prendre ses biens dans les mains du gouverne
ment qu’en l’état où la révolution les avoit laissés (1).
L a dame de Simiane prétend n’avoir pas perdu l’es
pérance de faire réformer cette décision qu’elle trouve
cependant légale dans ses bases , m a is t r o p sévère, et
fausse dans ses conséquences.
Il semble cependant diiïicile que la Cour pût être
plus indulgente, sans blesser les droits des héritiers de
la dame D elaire, et sans porter atteinte aux lois qui Jes
ont investis de cette succession.
M O Y E N S .
Les lois qui vont être citées rappelleront des souvenirs
pénibles, et ramèneront peut-être à des idées àe pros
cription et d’injustice. Mais sans s’occuper d’une justifljugement est transcrit
de madame de Simiane.
(1) L e
litté ra le m e n t
dans le mémoire
B 2
�( Ï2 )
cation qui seroit aussi déplacée qu’une critique, il sera
bien permis du moins de demander ù la dame de Simiane
si elle croit avoir eu un titre plus sacré que Jeanne D elaire, pour lui disputer la succession de sa sœ ur, et si
les lois de 1793 ont été véritablement une spoliation
dans cette circonstance.
Madame de Clary n’avoit qu’une sœur; elle n’avoit
pas pu en mourant lui laisser sa fortune , puisque les
religieuses étoient incapables de succéder. Elle pensa alors
à des parens éloignés , et sa mort précéda l’époque de
l ’abolition absolue de la vie monastique.
E q août 1792 les religieuses furent expulsées de leurs
asiles , et les biens q u ’elles possédoient en échange de
c eu x qu’elles avoient abandonnés en renonçant au siècle,
leur furent enlevés avant qu’il fût question de dépouiller
les émigrés de leurs fortunes.
Peu de temps ap rès, les lois qui avoient rendu les
religieuses au monde leur permirent d’être successibles ;
et alors, il ne faut pas en douter, si madame de Clary
eût vécu , ses intentions eussent été d’accord avec la na
ture et la loi ; sa sœur eût été son héritière.
Eh bien! ce que madame de Clary au tombeau ne pouvoit pas r é p a r e r , l’a été par le hasard d’une révolution;
le bannissement de M . de Simiane lui a ôté ce que les
jnânes de sa bienfaitrice lui regrettoient indubitablement *
et cette sœur jadis bannie clle-môme et morte au monde,
a retrouvé tme fortune à laquelle d’autres événemens
l ’avoient rendue étrangère.
Qui donc osera dire que Jeanne Delaire m urpoit ,
lorsqu’une loi lui a donné la fortune de sa sœur ? Madame
�( 13 )
de Simiane le d it, sinon à elle, au moins à ses héritiers.
Elle va plus loin dans son injustice, car c’est contre eux
qu’elle veut rejeter tout l’effet de l’émigration , tandis
qu’elle veut, elle-même émigrée, avoir été invulnérable.
Elle vient dire aux héritiers de Clary : « Je vous sais
« bon gré de la peine que vous avez pi'ise d’obtenir des
« radiations ; mais sic vos non vobis, je m’en adjugerai
« tout le profit, si vous le trouvez bon. Jeanne Delaire
« a em pêché la nation de vendre les biens C lary, vous
cc avez empêché la vente des biens Simiane *, tout cela
« sera mon bénéfice. Je reviens de l’émigration noti
ce seulement avec la dépouille du défunt, mais encore
« avec des titres qui absorbent tout le reste, et je pour« suis des reprises que la nation française a eu la bonté
« de me réserver intactes. T out ce qui a été vendu est
« perdu pour les héritiers ré p u b lic o lc s , et tout ce qui
« reste est conservé pour moi. »
Mais ce n’est pas par des réflexions morales qu’il faut
repousser l’attaque de la dame de Simiane ; ce sont les
lois elles-mêmes qui sauront y répondre victorieusement.
La loi du 28 mars 1793 a déclaré morts civilement
tous ceux q u i , alors inscrits sur des listes d’ém igrés,
n’étoient point rentrés en France dans les délais accordés
par les lois précédentes.
Il ne s’agit pas de vérifier quelle étoit l ’ é p o q u e de l’ins
cription du sieur de Simiane, et si les émigrés d’A vignon
devoient être exceptés : car le Comtat fut r é u n i à la France
en 17 9 1, et par conséquent les lois de 1792 et 1793 ^es
atteignirent comme les autres Français.
�( m )
T out ce qu’il faut savoir, c’est que M . de Simiane
u’étoit pas rentré en France avant le 28 mars 1793 . A in s i,
aux yeux de la l o i , M . de Simiane est mort depuis cette
époque.
N ’est-ce pas assez de sa mort civile ? eh bien ! s’il
faut y ajouter l’époque de sa mort naturelle , M . de
Simiane est mort à Asti le 12 prairial an 3.
A lors il étoit encore sur la liste des émigrés : ainsi
ses biens n’ont pas pu être transmis par lui à ses héri
tiers naturels, puisque la loi les avoit déclarés acquis
irrévocablement à la nation.
Peut-être bien que si rien n’eut dérangé cet ordre, et
si la nation eût conservé jusqu’à l’an 11 les immeubles
du sieur de Simiane, ses héritiers en auroient obtenu la
remise lorsqu’ils sont parvenus à le faire rayer de la liste .
des émigrés après sa mort : cette mesure étoit une consé
quence d e l’amnistie. L e gouvernement n’a voulu retenir
que les bois, et les perceptions déjà faites : mais aussi 11c
voulant être généreux ou juste que dans son intérêt, il
a marqué fortement l’intention que nul possesseur tenant
sou titre de l’autorité publique, ne fût inquiété pour
aucune cause.
V oilà ce que la dame de Simiane paroît ne pas vouloir
comprendre ; les articles de la loi lui semblent équi
voques*, elle n’y a v u que l’ordre donné aux émigrés de
maintenir les partages faits avec la république ; et se
mettant ainsi à l’aise, elle a cru suffisant de dire que la
religieuse Delaire n’avoit fait aucun partage avec la répu
blique*, d’où elle a conclu que les héritiers de Simiane
ont très-bien eu le droit de disputer à cette religieuse
�( i 5 )
les biens qu’elle avoit obtenus par un arrêté authentique
du 8 nivôse an 2.
C’est là la seule prétention sur laquelle la dame de
Simiane insiste ; car elle reconnoit que M. Hector de
Simiane étant mort en état d’émigration et de mort
c iv ile , n’étoit pas alors propriétaire des biens qu’elle ré
clame : mais elle soutient que si ses héritiers n’étoient
pas successibles à l’heure de sa m ort, ils le sont devenus
huit ans après, c’est-à-dire, lors du certificat d’amnistie
délivré en l’an 11.
Ce point capital de la contestation reçoit deux réponses;
l’une, générale et relative aux effets de l’amnistie d’émi
gration ; l’autre, particulière, résultante de la qualité
de religieuse qu’a voit Jeanne de Clary.
r_
Pour être plus clair dans la première réponse, il faut
la faire précéder de la loi elle-même, dont il sera facile
ensuite de tirer des conséquences.
L e sénatus-consulte, du 6 floréal an 10 , porte, ar
ticle 16 : « Les individus amnistiés ne pourront, sous
« aucun prétexte, attaquer les partages de présuccession,
« succession, ou autres actes et arrangemens fa its entre
« la république et les p articuliers, avant la présente
« amnistie. »
A rt. 17. « Ceux de leurs biens qui sont e n c o r e devis
« les mains de la nation (autres que les bois et forets,....
« les créances qui pouvoient leur appartenir sur le trésor
« public, et dont l’extinction s’est opérée par confusion
« au moment où la république a été saisie de leurs
�( i6 )
« biens, droits et dettes a ctiv e s), leur seront rendus
« sans restitution de fruits. »
L ’arrêté des consuls, du 9 thermidor an 10, dit « qu’il
« est conforme à l’esprit du sénatus-consulte d’étendre
« la grâce aux héritiers, quand la mort a mis le prévenu
« lui-m êm e hors d’état d’en profiter. S’il eût vécu , il
« seroit rentré dans les biens dont l’art. 17 du sénatus« consulte fait remise aux amnistiés ; comment refuser
« la même grâce à ses enfans républicoles, et nés avant
« l’émigration ? »
?
Si ce que la loi accorde aux enfans de l’émigré doit
s’étendre aussi aux collatéraux, croira-t-on, d’après ce
qu’on vient de lire, que les héritiers de M . de Simiane
eussent pu demander ses biens à tout autre possesseur
qu’au gouvernement?
Les héritiers Simiane ne l’ont pas cru possible; ils ont
vu vendre par la religieuse Deiaire tous les biens qu’elle
tenoit de la république, et il n’est venu à la pensée de
personne qu’ils fussent fondés à attaquer son titre, en lui
objectant qu’après le 9 fructidor an 3 elle auroit dû rendre
à la république ce que la république lui avoit donné.
A supposer qu’on tienne pour réponse suffisante à ce
fa it, le droit qu’ils auroient eu de s’y opposer ( ce qui
lious ramène à la question), il faudra bien qu’on indique
com m ent et par quelle voie on auroit pu soi-m êm e
attaquer un actef a i t entre la république et la religieuse
JDelaire.
Sera-ce sous "prétexté du rapport de l’effet rétroactif
de la loi du 17 nivôse ? mais la loi dit que l’amnistié
ne pourra attaquer l’acte squs aucun prétexte.
Madame
�( 17 )
Madame deSimiane aura encore quelques efforts de plus
à faire pour prouver que les héritiers de l’amnistié pouvoient rechercher des biens qui rfétoient plus dajis les
mci'ns de la nation depuis l’an 2. Ce n’est pas qu’elle
n’ait bien prévu cette difficulté, dont elle fait une question
principale en tête de son mémoire ; mais elle l’a éludée,
et l’a laissée à peu près sans réponse.
Répétera-t-elle que la religieuse Delaire a dû rendre
à la nation les biens Clary aussitôt après la loi du 9 fruc
tidor an 3 ? Mais comment une aussi bonne pensée n’estelle venue qu’à madame de Simiane? et comment le fisc,
toujours si en éveil, ne s’en est-il point avisé? Quantum
mntatus ab illol faudroit-il s’écrier-, ou plutôt il faudroit
se croire fort convaincu par cette seule réflexion , que
le fisc n’etoit point autorisé à ôter à Jeanne Delaire les
biens dont elle étoit en possession, p uisqu ’il ne les de
manda pas.
Ce que la nation n’a pas fait en l’an 3 , la dame de
Simiane voudroit que les héritiers de son mari l’eussent
fait en vertu de l’amnistie, q u i, suivant elle, auroit un
effet rétroactif au temps de la mort et même de l’émigration.
Mais aucun effet rétroactif n’est donné à l’amnistie; et
c’est pour cela que le sénatus-consulte veut que l’émigré
vienne prendre dans les mains de la nation s e u l e m e n t
ce qui y reste.
On a vu à Besançon un sieur Masson, émigré* dont
les biens avoient été vendus à sa femme p e n d a n t même
qu il étoit en réclamation , venir après l’amnistie de
mander à sa femme, non pas l’évictioo du bien national,
,
e
�(
18
)
mais l’administration de la communauté. La Cour de
Besançon avoit jugé que l’amnistie avoit rétabli la puis
sance maritale, et'par conséquent la communauté comme
si elle n’eût jamais été interrompue : mais cet arrêt a été
cassé le 10 juin 1806, par le motif principal que le sieur
Masson avoit été en état de mort civile jusqu’à sa radia
tio n , et que Vamnistie riavoit pas eu d'effet rétroactif.
Sans doute il y a quelque répugnance à penser que
malgré la règle le mort saisit le v if , M . de Sim iane,
mort en l’an 3 , n’a eu d’héritiers qu’en l’an 11. Mais
on conçoit que pendant cette lacune c’est la république
q u i a été h éritière interm édiaire -, et rem arquons qu’elle
n’a pas voulu l’être à titre d’usufruit ou de fidéicommis;
elle n’a pas même voulu qu’on lui succédât par repré
sentation , de peur qu’on usât de ses droits ou de ses
omissions pour faire des procès ; elle a déclaré avoir
rempli le degré comme propriétaire, et avec le droit
utendi et àbutendi, elle n’a rappelé l’émigré que pour
reprendre rebus integris ce qui rcstoit dans ses mains ;
et sans lui donner le droit de porter ses regards en arrière
pour rechercher quel étoit le titre de possession de ceux
qui occupoient ses biens, la loi a placé pour lui un mur
d’airaiu entre le passé et l ’avenir.
V oilà., ce semble, l’idée la plus juste qu’on puisse se
former de cette législation, et c’en seroit assez peut-être
pour prouver qu’en thèse générale les héritiers Simiane
n’ont pas dû contester à Jeanne Delaire le droit de dis
poser des biens de sa sœur. Voyons cependant ce que la
circonstance que Jeanne Delaire étoit religieuse, ajoutera
de force à la précédente démonstration.
�C 19 )
Lorsque rassemblée constituante, voulant favoriser la
sortie des cloîtres, eut rendu la loi du 19 février 1790,
.qui permetto.it aux religieux des deux sexes de rentrer
dans le monde, il fut nécessaire d’expliquer s’ils deviendroient capables de successions : alors fut rendue une
seconde lo i, du 26 mars 179°? ainsi conçue :
; A rt. i er. « Les religieux qui sortiront de leurs maisons
« demeureront incapables de successions, et ne pourront
« recevoir par donations entrevifs et testameos que des
•« pensions ou rentes viagères. »
A rt. 2. « Néanmoins lorsqu’ils ne se trouveront en
« concours qu’avec le fisc, ils hériteront dans ce cas pré« Jerablem ent à lui. »
L a loi du 5 bru m aire an 2 , art. 4 , dit que « les re-« lig ie u x et religieuses sont appelés à. recu eillir les suc« cessions qui leur sont échues à com p ter du 14 juillet
a 1789. »
L ’art. 7 dit qu’audit cas de successions ils rapporteront
les dots constituées par leur profession monastique, et
que leurs rentes et pensions seront éteintes.
C ’est en vertu de cette loi que Jeanne Delaire a ré
clamé la succession de madame de C lary, sa sœur, dont
elle étoit seule héritière ab intestat. E lle en a obtenu
la propriété par arrêté du 8 nivôse an 2.
Lorsque la loi du 5 brum aire an 2 fut rapportée dans
•son effet ré tro a c tif, le 9 fructidor an 3 , J e a n n e D elaire
a u ro it pu être obligée par M. de Simiane de rendre la
m oitié des biens de sa s œ u r, si M. de Simiane eut été
viv a n t ; mais il étoit frapp é de m ort
c iv ile
: et de m em e
G s
�j/j*
( 20 )
que les émigrés ne peuvent pas recueillir les successions
ouvertes pendant leur mort civile, de même ils n’ont pas
d’action pour réclamer le bénéfice d’une lo i; cai’, suivant
la loi du 12 ventôse an 8, les émigrés ne peuvent invo~
quer le droit civil des Fronçais.
Jeanne Delaire n’avoit donc pas M . de Simiane. pour
concurrent, mais seulement le fisc en sa place pour la
moitié paternelle, et M . de Chardon pour les biens
maternels.
Celui-ci a pris sa portion, parce qu’il étoit républicole ; mais le fisc n’a pas pris la sienne, car il en étoit
empêché par l’art, a de la loi du 26 mars 1790, ci-dessus
citée.
Il est bien incontestable en effet que si M . de Simiane
ou le fisc étoient mis de côté, Jeanne Delaire se trouvoit héritière de sa sœur : ainsi elle étoit parfaitement
dans l’application de la loi qui Pappeloit à succéder.
A in s i, sans aller plus lo in , voilà déjà, la religieuse
Delaire avec un titre légal. Elle n’est pas seulement habile
à succéder, elle n’est pas détenteur provisoire et précaire ;
elle est héritière ; elle occupe les biens pro suo. Car il
n’y a pas encore d’amnistie , il n’y en aura que dans
huit ans; et le fisc lui a cédé sa place, non pas pour jouir,
Nmais pour succéder directement et personnellement.
L a loi du 9 fructidor an 3 n’a donc rien dérangé au
titre de propriété donné par la nation à Jeanne Delairo.
Cette loi a été expliquée par celle du 3 vendémiaire an 4;
et en même temps que le législateur rend à tous les héri
tiers déchus le droit d’ôter aux personnes rappelées ce
�( 2ï )
qu’elles ienoient de l’effet rétroactif, il déclare formel
lement que le fisc n’aura pas le même droit contre les
religieuses.
En effet, l’art. 5 s’exprime ainsi : « Les partages faits _
« entre la république et les personnes déchues , qui
« étoient ci-devant religieux ou religieuses ......... sont
« maintenus, sauf l’exécution de l’art. 7 de la loi du 17
« nivôse ( relatif à la confusion des pensions ). »
Rien n’étoit plus clair que cette intention de la loi (1).
Cependant madame de Simiane ne veut pas y voir ce
qui est évident : elle se contente de dire que la reli
gieuse Delaire n’a pas fait de partage avec la république,
d’où il suit que l’article ne la regarde pas.
Il suffiroit de répondre que la loi ne peut pas tout
dire, et exp rim e r tous les cas, et que scire leges non est
earum verba tencre, sed vim ac polesialem. Mais ce
n’est pas même le cas de chercher un sens , car il est
parfaitement rendu.
La loi qui doit être b riè v e , et qui doit prendre pour
exemple ce qui arrive le plus souvent, n’a pas pu sup
poser de prime abord qu’une religieuse se trouveroit
unique héritière. Il n’étoit que trop d’usage que ce
(0 Comme cet article prouve qu’en laissant les
su cce ssio n s
aux religieuses, et en retenant leurs pensions, la r é p u b l i q u e %
aussi songé à son intérêt, madame de Simiane se récrie, en
disant qu’on ne donne pas une grosse s u c c e s s i o n pour 5oo fr.
de rente. Elle oublie que dans les loteries on donne 10000 fr.
pour un écu ; ce qui 11e prouve pas pour cela une fausse spécur
lation, parce qu’ un gros lot n’est pas pour tout le monde.
�( 22 )
fussent les familles nombreuses qui peuplassent les mo
nastères, pour le plus grand avantage d’un héritier prin
cipal. Le plus souvent aussi c’est cet héritier que la
nation a représenté par confiscation , et alors elle a eu
un partage à faire avec les religieux rappelés par l’effet
rétroactif de la. loi du 5 brumaire.
Si dans le cas de ce partage la nation s’est interdit
le droit d’ôter au religieux la portion qu’il n’avoit eue
que temporairement, qu’en résulte-t-il autre chose, si
ce n’est que tous les droits de la nation ont été aban
donnés aux religieux, comme l’avoit déjà dit la loi du
2.6 mars 1790?
E t com m ent p e u t - o n demander à son imagination
qu’elle invente une différence entre le cas d’un abandon
par la voie d’un partage, ou d’un abandon par la voie
du délaissement total? N ’est-ce pas toujours la république
qui cède son droit tel quel? et qu’importe de recher
cher s’il étoit universel ou de quotité, lorsqu’il ne s’agit
ici que de savoir si on peut exciper du droit de la ré
publique ?
En un m ot, si M . de Simiane eût v écu , il est indu
bitable qu’il ne pouvoit troubler Jeanne D elaire, parce
qu’elle étoit héritière avant son amnistie , parce que le
sénatus-consulte ne lui donnoit droit de rechercher des
immeubles que dans les mains de la n a tion , parce que
la remise des biens Clary, faite à Jeanne Delaire en l’an 2,
étoit c o n s o l i d é e par l’art. 5 de la loi du 3 vendémiaire
an 4 , et enfin parce que les émigrés n’ont pas le droit
de rechercher si la république a eu tort de donner à
quelqu’un la propriété île ce qu.i etoit a eux.
�Ce que ne pouvoit pas faire M . de Sim iane, ses héri
tiers l’ont pu encore moins quand cette propriété a été
consolidée par une longue possession. Mais madame de
Simiane, qu’est-elle pour vouloir bouleverser tout ce qui
a été fait, et respecté même par le fisc? Elle est un simple
créancier réduit à exercer les droits de son débiteur.
Mais qu’elle explique comment elle veut exercer les droits
d’un émigré mort avant sa radiation, et par conséquent
exercer, du chef de cet ém igré, les droits de la répu
blique qui ne le lui permet pas.
Enfin , et pour comble d’incohérences, madame de
Simiane a débuté par une saisie-arrêt du prix des ventes
faites par Jeanne Delaire après l'amnistie ; ce qui est
une reconnoissance évidente du droit de propriété de la
venderesse, et par conséquent une p reu ve de plus que
toutes les parties intéressées croyoient également à cette
propriété, comme à la chose du monde la moins suscep
tible de contestation.
Me. D E L A P C H I E R , ancien avocat.
M e. D E V È Z E ,
A
licencié avoué.
RIOM, de l’imp. de THIBAUD, imprim. de la Cour impériale, et libraire,
rue des Taules, maison LANDRIOT —•Juin 1810
�
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Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
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/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Champflour, Jeanne-Marie. 1810]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Delapchier
Devèze
Subject
The topic of the resource
créances
émigrés
séquestre
Comtat Venaissin
successions
amnistie
rétroactivité de la loi
estoc
vie monastique
rétroactivité des successions
mort civile
legs
hôpitaux
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire en réponse pour Dame Jeanne-Marie de Champflour, veuve du sieur Paul-François de Montrozier ; sieur Jean-Baptiste de Champflour ; dame Marie-Anne-Félicité de Fredefont, et sieur Jean-Jacques de Rochette, son mari ; demoiselle Gabrielle Durant de Pérignat, et dame Marie Durand, religieuse ; tous habitans de la ville de Clermont-Ferrand, intimé ; contre Dame Anne-Emilie de Félix, veuve de Claude-François-Léon de Simiane, propriétaire à Collongues, arrondissement d'Aix, département des Bouches-du-Rhône, appelante ; en présente de dame Marguerite de Chardon, veuve du sieur Jacques-François de Montanier ; Claude-Antoine-Joseph de Chardon ; demoiselle Anne de Chardon, dame Perette de Chardon, veuve du sieur Vallette de Rochevert ; tous propriétaires, habitans de la ville de Riom, intimés ; et en présence de Jacques-Marie Lavigne, et Jean Pirel, habitans de la ville d'Ambert, aussi intimés. Questions . 1°. Les religieux qui, par effet rétroactif de la loi du 5 brumaire an 2, ont obtenu un droit successif de la nation représentant un émigré, ont-ils été soumis à rendre cette succession après le rapport de cet effet rétroactif, lorsque les héritiers rétablis se sont trouvés représentés par la république, comme émigrés ? 2°. La nation, dans ce cas particulier, n'est-elle pas censée avoir renoncé à toute recherche, et n'avoir point voulu user du bénéfice des lois des 9 fructidor an 3, et 3 vendémiaire an 4 ? 3°. Le sénatus-consulte du 6 floréal an 10 n'a-t-il rendu aux émigrés amnistiés, ou à leurs héritiers, que les biens qui se trouvaient dans les mains de la nation par la voie du séquestre au moment de l'amnistie ?
Table Godemel : Succession : 1. les religieux qui, par effet rétroactif de la loi du cinq brumaire an 2, se mirent en possession des successions de leurs parents que des héritiers plus éloignés avaient appréhendées, ont-ils été soumis à la restitution après le rapport de cet effet rétroactif, quoique les héritiers rétablis se soient trouvés représentés par la nation, comme émigrés ? la nation, dans ce cas particulier, n’est-elle pas censée avoir renoncé à toute recherche et n’avoir point voulu user du bénéfice des lois des 9 fructidor an 3 et 3 vendémiaire an 4, pour se rédimer des pensions qu’elle s’était obligée de payer aux religieux ? Amnistie : le sénatus-consulte du 6 floréal an dix a-t-il rendu aux émigrés amnistiés, ou à leurs héritiers, non seulement les biens qui se trouvaient dans les mains de la nation, par voie de séquestre, au moment de l’amnistie, mais encore tous les biens et droits qui leur appartenaient ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
de l'imprimerie de Thibaud (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1810
1787-1811
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
23 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2016
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2015
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53386/BCU_Factums_G2016.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Riom (63300)
Clermont-Ferrand (63113)
Ambert (63003)
Aix-en-Provence (13001)
Asti (Italie)
Avignon (84007)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
amnistie
comtat vénaissin
Créances
émigrés
estoc
hôpitaux
legs
mort civile
rétroactivité de la loi
rétroactivité des successions
séquestre
Successions
vie monastique
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53385/BCU_Factums_G2015.pdf
8aef37c30d916dc063ce723739530f8f
PDF Text
Text
M
É
M
O
I
R
E
POUR
D ame A nne-É milie D E F É L IX , veuve de Claude-FrançoisLéon d e Simiane, demanderesse en maintenue de saisiearrêt ; appelante;
CONTRE
D
M a r g u e r i t e D E C H A R D O N , et autres, dem an
deurs en p arta ge et en nullité de saisie-a rrêt, in tim és;
ame
Et contre Sieur J e a N-BAPTISTE D E C H A M P F L O U R ,
et autres, défendeurs au partage intimés ;
,
Et encore contre J a CQUES-MARIE L A V I G N E et JEAN
,
P I R E L , habitans de la ville d’Am bert défendeurs et
intimés.
i
�C O U R D ’A P P E L
M
É
M
O
I
R
E
de
R I O M.
POUR
AN
D ame A nne - É m il ie D E F É L I X , veuve de Sieur Claude-François
L é on de S im ia n e,
l8 lO .
propriétaire à Collongues, arrondissement
d ’A ix , département des B o u c h e s -d u -R h ô n e , demanderesse en
maintenue de saisie a r r ê t , et appelante
y.
CONTRE
D
am e
M
a r g u e r it e
'
D E CH A R D 0 N , veuve d u S ie u r Jacques-F rançois
de M on ta g n ier , ancien m a g istra t ; C l a u d e - A
D O N ; D em oiselle A
nne
DE
n t o in e - J o s e p h
C H A R D O N , D am e P
D E CHAR
e r r ette
DE
CH A R D O N , veuve d u S ieur V a llette de R o c h e v e rt, tous propriétaires ,
h a b ita n s de la ville de R iom. , se q u a lifia n t héritiers sous bénéfice d ’inventaire
de d êfu n t e D a m e M a rie—Jea nne D e l a i r e . , ancienne relitgieuse , p o u r la ligne
m aternelle , dem andeurs en p a rta g e et en n u llité de saisie-arrêt , in tim és ;
E t contre Dame J e a n n e M a r i e D E CH A M P F L O U R , veuve du Sieur P aulFrançois de Montrozier ; Sieur J e a n - B a p t is t e D E CH A M P F L 0 U R ;
Dame M a r i e -A n n e -Fé l ic it e D E F R Ê D E F O N T , et Sieur Jean-Jacques
de Rochelle, son m ari; Demoiselle G a b r î e l l e D U R A N D - D E - P É R I G N A T , fille majeure; et Dame M a r i e D U R A N D , ancienne religieuse, tous
propriétaires , habitans de la ville de Clermont-Ferrand se qualifiant héritiers
bénéficiaires de ladite Dame religieuse D ELAIRE , pour la ligne paternelle ,
défendeurs au partage , et aussi demandeurs en nullité de saisie arrêt, intimés;
E t encore contre Sieur J acq u es -M a r i e L A V I G N E , notaire impérial, et
Sieur J e a n P I R E L , m archand, habitans de la ville d A m ber t , tiers
sa isis, appelés en cause défendeurs et intimés.
,
,
QUESTIONS.
L
e s
lois du
R eligieu x cl R elig ieuses qui par l'effet
5
é tr o a c tif d e s
r
brumaire et du 17 n ivôse un 2 , ont repris les succes-
v
�sions de leurs parcns , qui avaient déjà été appréhendées p a r
des héritiers p lu s éloig n és, ont-ils été soutnis à la restitution ,
après Vabolition de cet effet rétroactif , lorsque les héritiers réta
blis se sont trouvés représentés p a r la n a tio n , comme inscrits
sur la liste des émigrés ?
II. L a nation , dans ce cas p a rticu lier , n ’ est-elle, p a s censée
avoir renoncé à toute recherche , n’avoir point voulu user dubéné fic c des lois du y fru ctid or an 5 et du 5 vendémiaire an 4
enfin avoir consenti tacitement à une compensation dont le
résultat était de laisser aux religieux et religieuses les succes
sions dont on vient de p a r le r , en échange et pour se rédimer
des pensions que la nation s’ élait obligée de leur p a y er ?
III. L e sénatus-consulte du G flo r é a l un 10 , n 'a - t -il rendu
aux émigrés am nistiés ou ci leurs h éritiers , que les biens qui
se trouvaient dans les mains de la nation par la voie du séquestre >
au moment de V a m nistie , et non les biens q u ’ elle n'aurait p as
séquestrés , à cause de la compensation ci-dessus présumée ?
Ces questions se sont élevées à l’occasion d’une saisie-arrêt faite à
la requête de la Dame veuve de S im ia n e , crcaucièle considérable
d ’IIector de Simiane
son cousin , dons les mains des Sieurs Pirel et
L a v ig n e , acquéreurs de maisons et domaines situés à Ambert cl aux
environ s, lesquels Hector de Simiane , depuis mort en élat d’émi
gration, avait valablement recueillis dans la succession de Daine A n ne
Delaire , épouse du Sieur de Clary , décédée lo a8 octobre i y y i }
comme son héritier paternel.
L e Tribunal civil de Clermont-Ï’errand, par jugement c o n t r a d i c
toire du 9 août 180g , a décidé la négative do la première question
et l’atlirmative des deux a u t r e s , et n déclaré nulle lu s a is ie - a r r ê t
de la Dame veuve de S im iane, (pii, convaincue de» erieurs pal
pables que renferme ce ju g e m e n t, et dont ello est v ic t im e , n’a
point hesite û soumettre ces questions a 1 autorité de lu (Tour por
la voie d ’un appel régulier.
�( 5 )
F A I T S .
F ran çois*L ouis-IIector de Simiane , né à Clerm ont-Ferrand le
i . ' r décembre 1 7 1 7 , a quitté son domicile d’origine le 524 août 1787
pour aller demeurer à Avignon , d’où il est sorti le 1 2 janviei 1 7g 1 , à
l ’âge de plus de 75 ans > effrayé des mouvemens impétueux qui
ont agité le ci-devant Comtat avant sa réunion a la p ra n c e , pro
noncée le i 4 septembre de la même année.
C e vie illa rd , après avoir vainement cherché le repos d ’abord à
M enton , dans la ci-devant principauté de M o n aco, fut terminer sa
carrière le 12 prairial an 3 à A s t i , dans la ci-devant principauté
de Montferrat.
Dans l’intervale qui s’est écoulé depuis sa sortie d ’Avignon jus
qu’ à son d é cè s , il importe de remarquer ce qui s’est passé à son
sujet.
L e 28 o c to b re 1 7 9 1 , D a in e A n ne D e la ir e , épouse du Sieur
Charles de Clary , p résid en t en la cour des aides do C le r in o n t ,
décédée sans postérité, avait une s œ u r religieuse qui ne pouvait
dès-lors lui succéder , en sorte que ses héritiers naturels et légi
times étaient le Sieur H ector de Simiane, son co u sin , de l’estoc
paternel , et le Sieur de Chardon , son cousin , de l’estoc maternel,
qu’elle avait de plus institués ses héritiers universels , chacun dans
leur lig n e , par un testament olographe du 20 juin 1 7 8 7 , et un
codicile de la veille de sa m o r t , à la charge d’acquitter 24 o,ooo liv.
de legs, savoir; g 5 ,ooo
H y.
aux hôpitaux d e C le r m o n t e t d’Am bert,
20,000 liv. aux Sieurs de Féligonde et liellègue-Eujens, ses exé
cuteurs testamentaires., et le surplus à divers pareils , ù plusieurs
ecclésiastiques , à ses amis et à diverses c o m m u n a u t é s religieuses.
I.c Sieur Hector de Simiane ayant oppris le décès de la Dame
de C l a r y , appréhenda, lu portion paternelle de sa succession, et en
acquitter les droits , les 18 et ü5 aviil 17»)a , “ ux bureaux do
Clerniont et d’A m b e r t , lieux do la situation des Liens.
A la fin d(. cette même année, le S ieur H e c t o r de Simiane fut
inscrit sur la liste des émigrés duns le département de Vaucluse t
et le iéquebtre national fut apposé sur ses biens d ’Avignofi et sur
�( 6
)
ceux qu’il avait recueillis de la Dame de C lary et qui sont situés
dans le district d ’A m b e r t, département du P uy-de-D ôm e.
L e s choses étaient en cet é t a t , lorsque parut la loi du 5 brumaire
an 2 , dont l’art. 4 appelle les ci-devant religieux et religieuses à
recueillir les successions qui leur sont échues à compter du i 4
juillet 1789. De ce moment et par l’efFet rétroactif de cette l o i ,
la Dame religieuse Delaire se trouva investie de l ’universalité de
la succession de la Dame de Clary sa s œ u r , comme si elle lui eût
succédé immédiatement au 28 octobre 1791 , époque de son décès,
comme plus proche héritière excluant nécessairement ses cousins
de Simiane et de Chardon.
Il n ’y avait plus qu’à faire le ve r le séquestre apposé surles biens
paternels situés dans Je district d’A m b e r t , puisque la loi les avait
fait changer de maître, et c’est aussi ce qui eut lieu, sur la simple
pétition de la religieuse D e la ir e , et sans la moindre difficulté.
V oici l’arrêté de main-levée pure et simple de ce séquestre :
V u le mémoire et les pièces y annexées , le procureur-syndic
entendu, les administrateurs du district d’ Ambert réunis en surveil
lance permanente et tenant séance p ublique, « considérant que le
» séquestre n ’avait été mis sur les biens délaissés par le décès
v d ’Anne Delaire , femme
» S im ia n e , son c o u s in ,
C la r y , que parce que
qui s'en
disait h é r i t ie r ,
le
nommé
est suspecté
» d ’émigration ;
» Considérant que celte An ne Delaire n ’est morte que le 27
>* octobre
1791 , et que par l ’art.
4 du décret du 5 brumairo
» d e r n ie r , les ci-devan t religieux et religieuses sont appelés à
)) recueillir les sucocsMons qui leur sont échues à compter du i 4
» juillet 1789;
)j C o n sid é ran t qu’aux termes de celte l o i , Jeanne D elaire, ci-
)> devant ursuline do Montferrand , est habile à hériter d’Anno
» Delaire , sa
soeur ,
préférablement à Simiane , parent plus
}> éloigné ;
)> Considérant q u e , par les difFercns actes joints au m ém oire, il
» est
établi
que
Jeanne Delaire est
«(rur
germaine
d’Anno
» D elaire, femme C l a r y , et qu’elle a accepté sa succession, »
Accordent à Joanno Delaire la innin-levéc du séquestre mi# suc
�(7)
les biens délaissés par la m ort d’Anne D e laire , sa sœur , dont elle
est héritière , à la charge par elle de payer tous les frais auxquels
le séquestre a donné lie u , suivant le règlement qui en sera lait par
l ’administration. Fait le 8 nivôse , l’an 2 de la république une et
indivisible. Signé P e r r e t , Cisterne , D u rif, Rigodon , Crosmarie.
L a loi du 17 nivôse an 2 vint encoretco n firm er, par ses articles
1 et 5 , les dispositions de la loi du 5 brumaire précédent.
Il paraît q u e , p e n d a n t l’investiture donnee par ces lois à la reli
gieuse Delaire des biens de la Dame de C la r y , sa s œ u r , elle n’a
aliéné qu’une maison sise place du T errail a Clermont. Cette mai
son qui appartenait à l’eitoc paternel, fut vendue par elle-même le
a 5 pluviôse an 5 .
A celte é p o q u e , le Sieur de Shniane était occupé à adresser ses
réclam ations , tant au gouvernement qu’aux autorités locales , sur
l ’injustice qu’on lui avait faite en portant son nom sur la liste des
é m ig ré s, étant sorti d’Avignon avant sa réunion à la F r a n ce , et se
trouvant dans les cas d'exception énoncés aux articles 5 et 8 du litre
prem ier de la loi du a 5 brumaire an 5 , portant révision des lois
précédentes sur les émigrés. Il obtint en effet le 8 ventôse an 5 un
arrêté du comité de législation de la Convention
qui lui accordait
un sursis de six décades pour se pourvoir en radiation de son nom de
la liste des émigrés
Cependant
et se procurer les pièces nécessaires.
le séquestre
existait toujours sur ses
propriétés
d’Avignon , et il n’avait été levé sur ses propriétés d ’A m b e r t , comme
on l ’a vu , qu’à cause du changement de mains que ces propriétés
avaient éprouve par le rappel de la religieuse Delaire à la succes
sion de la Danio de C l a r y , sa s œ u r , rappel qui n ’était dû qu’à
l'effet rétroactif des lois de brumaire et nivôse. C et effet r é t r o a c t i f
avait excité des plaintes universelles, qui furent e n f i n e n t e n d u e s par
la Convention nationale.
Le 5 floréal an 3 , parut la loi qui suspendit toute action intentée
°u procédure commencée à l’occasion de reflet rétroactif de la loi de
nivose; cette loi fit préjuger facilement que cet effet rétroactif 110
tarderait pas à disparaître.
Néanmoins , tel fut le sort d’ H e c to r d e Simianc , qu’il mourut le
l u prairial an S a u r uno terre étrangère , comme il a été déjà d i t ,
�( 8 )
sans avoir pu connaître le résultat de ses réclamations touchant l ’ins
cription de son nom sur la liste des é m ig ré s , ni voir l’abolition
formelle de 1’eflet rétroactif des lois de brumaire et nivôse.
Ses héritiers naturels et légitimes étaient la religieuse D e laire , du
côté m a te rn el, et la famille de la Tour-\ idaud de G r e n o b 'e , du côté
paternel.
A près avoir fait remarquer ce qui s’est passé à l’égard d’IIector de
S im ia n e, depuis s a s o r t i e d’Avignon jusqu’à son d écès, il n’est pas
moins essentiel de remarquer tout ce qui s’est passé depuis sa mort ,
parce que tous ces faits ont un rapport direct à la décision do cette
cause.
Le
fructidor an 5 , la Convention décréta que les lois des 5 bru
maire et 17 nivôse an 2 , concernant les divers mode&de transmission
des biens dans les familles, n ’auraien t d ’eflet q u ’à c o m p te r des
époques de leur p rom u lgatio n .
Cette loi ne fit-elle pas évanouir à l ’instant mêm e le titre que la
loi du 5 brumaire an 2 , par son effet rétroactif
avait conféré à la
religieuse Delaire d ’héritière de la D a m ed e C lary } sa sœ u r, morte
le 28 octobre 17(1! ?
L e s héritiers légitimes delà Dame de Clary , au tems de sa m o r t ,
ne reprirent-ils pas à l’instant mémo leurs titres et leurs droits dont
ils avaient été déchus ? c ’est ce quo nous mirons bientôt à oxaminer.
Duus ce mémo mois de fru ctid o r, les administrations du district
d’Avignon et du département de Y a u clu so ,
reconnaissant que le
Sieur de Simiane était dans les cas d’oxeeptiou portes aux articles
3 et & du titre premier de la loi du a/> bçiimniro an 5 sur les ¿-migré«.,
ordonnèrent que son nom serait rayé' do la lis-ta des uniigrés. Ces
arrêtés de radiation des îa et *j5 fructidor furent sou mis. à la sanction
du gouvernement. Dans l’intervalo , parut la loi du .>veiuluminiro an
4
contenant le m o d e d’exécution de la loi du 9 fruclidor an 3 ,
ubolilive de lcffet rétroactif des lyis de brumaire et nivôse.
l/article premier maintient les ventes et los hypothèques acquises
de bonne foi sur les biens compris dan» Je* dispositions rapportées
par la loi du q fruclidor nn 5 , pourvu qu’elles aient uno date ceiïtuiiic poslénuurt» à lu promulgation.des lois, de beunmiro <?t< nivôso
un i , mujfc uiitérieurc ù lu publication'do la loi. dit 5 lloiiéaliaii .1 , sauf
�( 9 )
le recours des héritiers rétablis vers les personnes déchues ; mais
toutes aliénations , hypothèques et dispositions desdils biens à titre
onéreux ou g r a tu it, postérieures à la promulgation de ladite loi du
5 floréal dernier , sont nulles.
L ’article 2 ne permet pas aux héritiers rétablis de réclamer les
fruits et intérêts perçus avant In publication de la loi du 5 floréal.
L ’article 5 veut que les héritiers rétablis reçoivent les biens en
l ’état où ils se tro u ve n t, s a u f l’action pour abatis de bois futaie.
L ’article 4 ordonne à ceux qui sont obligés de re stitu er, de tenir
com pte du p rix qu’ils auront retiré de leurs aliénations ou de leur
va le u r, au teins où ils les ont recueillis , s’ils sont autrement sortis
de leurs m a in s, et autorise les personnes rétablies à exercer toutes
actions nécessaires qui appartenaient à ceux qui ont aliéné à titie
onéreux ou gratuit.
L ’article 5 maintient les partages entre la République et les per
sonnes déchues qui étaient ci-devant religieux ou religieuses.
A pres la publication de celte loi , la religieuse Delaire pouvait^
elle se dispenser de restituer tous les biens composant la succession
de la Dame de Clary , sa s œ u r , aux héritiers rétablis ?
A l ’égard du Sieur de Chardon , héritier m a t e r n e l, elle n’a fait
aucune difficulté de lui rendre tous les biens maternels; m ais, à
l ’égard des biens paternels , comme lallation garda le silence , elle
continua sa jouissance.
Cependant , comme le nom du Sieur H ector de Simiane était
toujours sur la liste des é m ig rés, et que le gouvernement n ’avait pas
encore statué sur les arrêtés des 12 e t a 5 fructidor an 5 des adminis
trations de Vnuclusc , qui ordonnaient sa radiation , 011 demunde m ,
d ’après cette loi du 5 vendémiaire an '» , la religieuse Delaire aurait
pu se re fu se ra la restitution d e s biens paternels , si la n o t i o n les eut
réclamés , et eût voulu y apposer le séquestre , com m e représentant
H ector de S im ia n e , encore réputé émigré
, e t q u i était évidemment
1 h é r i t i e r paternel rétabli «le la Dame do Clary.
C ’est oticoro ce qu’il faudra’ examiner.
L e qH nivôse an 5 , lu Directoire e x e cu tif) sur la réclamation du
Sieur I <nlour-Yidatid et de la religieuse Delaire , cohéritiers d’IIector
de S im ia n e, statuant sur les arrêtés du district d’Avignou et du
À
�( 10
)
département de Vniicluse des 12 et i 5 fructidor an 3 , relatifs â
a
radiation du nom d ’IIector de Simiane de la liste des émigrés ,
prit l'arrêté suivant :
« Considérant que Fran çois-L ou is-H eclor de Sim iane, ci-devant
domicilié à A v ig n o n , est parti de cette commune le 12 janvier
» 1791 , époque antérieure à la réunion du ci-devant Comtat à la
» F ran ce , pour aller voyager en pays étranger; que rien 11e cons» taie qu’il ait formé , a v a n t cette é p o q u e , un établissement en
» pays étranger , et qu’il est par conséquent dans l’ exception
v portée par les art. 5 et 8 du titre 1 . " de la loi du 25 brumaire
)> an 3 , après avoir entendu le rapport du ministre de la police
)) générale,
A r r ê t e : i.° que le nom de F ran ço is-L o u is-IIe c to r de Simiane
sera défin itivem en t r a y é de toutes listes des ém igrés où il aurait
p u être inscrit} 2.0 qu ’il sera sursis à toutes ventes de ses biens qui
resteraient sous la main de la nation ; que le séquestre établi sur
ses biens meubles et im m eubles, sera maintenu jusqu’à la paix ,
conformément aux art. 5 et 8 de la loi du 25 brumaire
an 3 ;
5 .® qu’il lui est défendu de rentrer en Franco tdnt que durera
la guerre , ù peine d’être détenu par mesure de sûreté générale
jusqu’à la p a i x , conformément à l’art. 5 de la loi du s 5 brumaire
an 3 .
C et arrêté n ’a - t - i l pas fait cesser la mort
civile d’IIcctor do
Simiane ?
L e séquestre de confiscation qui subsistait encore sur scs biens
d ’Avignon , n ’u-t-il pns été changé en fchnpio séquestre de sûreté
et de conservation ?
Si H ector do Simiano eût encore vécu à celle époque , la reli
gieuse Delaire qui détenait toujours les biens paternels do la Dame
de C la r y , sa s œ u r , dont il était l’héritier r é ta b li, aurait-elle pu
raisonnablement lui en refuser la restitution, sauf à la nation à y
poser le séqueslto do surete et de conservation?
La mort civile d ’Ilecto r do Simiane étant effacée par l’arrêté
du Directoiro o x é cu tif, et sa mort naturelle étant connue et cer
taine» « la date du iu prairial an 3 , ses héritiers personnels, ail
tenu do ta m ort, n ’étaient*!!» pfli censé» avoir recueilli scs bierrs
�(
I I )
d’Avignon et d ’A m b e r t , suivant le mode de succession de la loi
de n ivô se , c ’e s t - à - d i r e , moitié pour la religieuse Delaire , h éri
tière pour la ligne m atern elle, et moitié pour la maison Latour\ i d a u d , héritière pour la ligne paternelle ?
T o u t e s ces questions seront exam inées dans la discussion.
Reprenons le cours des faits.
E n e x é c u tio n de l ’arrêté du D ire c to ir e e x é c u t i f , et le
m id o r an
rent
24 t h e r
5 , la religieuse D elaire et le S ieu r L a l o u r - V i d a u d se f i -
7
O
admettre héritiers
bénéficiaires d’IIector de Simiane
jugement du tribunal civil de Vaucluse
par
séant à Carpentras , à la
charge par eux et suivant leurs offres de faire procéder à l’ inven
taire général des biens meubles et im m e u b le s, titres et papiers ,
et documens dépendans de la succession d’IIector de Simiane de
vant SI.* Chainbaud , notaire à A vign on, commis à cet effet; comme
aussi de faire procéder de suite à la vente des meubles et effets
mobiliers devant le même notaire pour être délivrés aux plus of
frants et derniers enchérisseurs , et le p rix en provenant être retiré
par lesdils h éritiers p o u r Faire fonds dans la masse.
A peine la religieuse Delaire et le Sieur L a to u r-V id a u d avaientils eu le tems de rechercher toutes les pièces relatives à la suc
cession d’Iïe cto r de Simiane , qu’ils furent arrêtés par la publica
tion d ’une loi rendue en haine des émigrés d’Avignon et parti
culière à ce pays.
Cette loi du 22 nivôse an G , porte , nrt. 5 , que les liabitans des
ci-devant comté Venaissin et comtat d ’A v ig n o n , dont la radiation
provisoire ou définitive a eu lieu par l’application de la loi du q
iructidor an 5 ( concernant les émigrés d’Avignon ) , ou des articles
<>.» 7 et 8 de la loi du 25 brumaire an 5 , seront réintégrés sur la
lÎ6te générale des émigrés.
l'iii vertu de cette loi , lo d ir e c te u r des dom aines nationaux do
\ üucluse continua le
séquestre
sur les
p ropriétés d ’ M cctor
de
Simiano à Avignon. A lo rs la religieuse D elaire et l e Sieur L a t o u r -
Viduud p rése n tè re n t à l'adm inistration c e n t r a l e une pétition ten
ant
à
ob tenir la levée do ce nouveau séquestre. Ils d o n n èren t
p o u r motifs q u ’ IIe c to r do Sim iane , étant sorti
Comtat avant leu r réunion à la l'r u n c c ,
d Avignon et du
11e p o u v ait
plus ¿tro
�( 12 )
considéré comme véritable émigré, et que d’ailleurs étant décédé même
avant sa radiation défin itive, la loi du 22 nivôse an 6 ne pouvait
lui être applicable.
Cette pétition resta sans réponse.
A cette même é p o q u e , les légataires d e là D am e de C l a r y , q u i ,
depuis le 28 octobre 1791 , avaient pris p atien ce , se déterminè
rent à demander la délivrance de leurs legs , et s’adressèrent à la
Dam e religieuse Delaire et au Sieur de Chardon , détenteurs des
biens de la Dame de Clary.
L e u r citation est du 29 ventôse an 6 , et elle a été suivie d’ un
procès-verbal de n o n - conciliation , où l’on voit que le Sieur de
C hardon et la religieuse Delaire répondent que , d’après l ’article
4 i du chapitre 12 de la coutume d’A u v e r g n e , la Dame de Clary
n ’avait p u disposer par testam en t que du q u a rt de ses biens de
coutume ; q u ’ e n co n sé q u e n ce ils offraient le quart desdits b ie n s ,
plus la totalité de ceux de droit é c r i t , sous la réserve de la quarte
falcidie. On convint d ’experts pour estimer tous les biens com po
sant la succession de la Dam e de Clary.
L e 1 . " germinal an 7 , les experts affirmèrent leur rapport. L e s
biens paternels de la Dame de C lary y sont estimés 280,000 liv. ,
et les biens maternels 108,700 liv.
L e 6 floréal an 1 0 , vint enfin le sénatus-consulte qui amnistie
les émigrés. L ’article 16 porte que les amnistiés ne p o u rro n t, en
aucun cas , et
sous aucun prétexte , attaquer les
portages de
présucccssions , successions , ou autres arrungemens et actes entre
la République et les particuliers , avant lu présente amnistie.
L ’a rticle 17 rend a u x ém igres leurs biens non vendus.
C e sénntus-consullo n’u point empêché la religieuse Delaire do
v e n d re , le 17 ‘lu même mois, une maison sise à A m b e r t , trois
domaines et un pré de réserve dans les environs do celte v ille ,
aux Sieurs l ’irel et Lavigne , moyennant 93,1(10 liv. , quoique ces
immeubles «lissent
été estimé» par les experts ivq, 100 liv. Sur
quoi il c»L « propos d ’observer que les conseils de la religieuse
Delaire , incertains sur scs droits , et ge
méfiant de l ’a v e n ir ,
�( i 3 )
eurent la prévoyance de reculer de dix ans l’époque du paiement.
L e Sieur L atour-Vidaud et la Dame religieuse Delaire , cohéritiers
bénéficiaires de feu H ector de Sim iane, v o ja n t qu’on n’avait fait
aucune réponse à leur pétition touchant la fausse application que
le directeur des domaines nationaux avait faite de la loi du 522
nivôse an 6 , s’empressèrent de présenter à M. le préfet de V au cluse une autre p é titio n , pour être admis aux déclarations p re s
crites par le sénatus-consulte , et par l’arrelé que ce mêm e préfet
avait pris le i 4 du même mois de floréal ; et ils ne doutaient pas
q u ’on ne l e u r rendît su r-le -ch a m p le petit domaine d e l a ^ r i a d e j
puisqu’il n ’avait pas été vendu.
Mais quel fut leur étonnement , lorsqu’ils apprirent que M . le
préfet se proposait de déclarer cet immeuble définitivement natio
nal , pour l ’afTecter à l’établissement
d ’une pépinière nationale ,
et que ce projet était porté à la décision du conseil général du
département !
Aussitôt le Sieur L alour-V idaud et la religieuse Delaire don
nèrent leurs pouvoirs à M*. l'e rra n d , avoué à G r e n o b l e , pour
réclamer auprès du conseil général ; et le 10 prairial an 1 0 , celuici distribua à chaque membre du conseil une nouvelle pétition
imprimée , tendant à faire rejeter le pio jet qui lui était soumis.
Il e x p o s a , au nom des cohéritiers bénéficiaires de feu H ector de
Simiane , qu’il avait été vendu pour plus de onze cent mille francs
de ses biens ; que c’était par une interprétation erronnée de la loi du
22 nivôse an 6 , que le séquestre avait été maintenu sur son domaine
de la T ria d e ; q u e , considérant même feu I lector de Simiane comme
a m n istié, le sénatus-consulte restituait aux amnistiés leurs biens
non vendus et non ufleclés au service p u b lic , qu’ainsi 011 ne pouvait
les priver de ce polit domaine»
Pendant qu’on attendait le résultat de cette n o u v e lle pétition, la
Dame de F é l i x , veuve du Sieur L éon «le Simiane , qui avait été aussi
inscrite su r in liste des é m ig ré s , m a i s q u i en avait rté éliminée pur
arretù «lu ministre «le la police générale du s messidor an y , prit le
25 prairial an 1 0 , tant au bureau des hypothèques d’A m b c rt qu ’au
�i f H -
'( H )
burenu de C le r m o n t , une inscription pour ¡220,000 liv. sur les biens
de feu H ector de Simiane , son cousin; et le 29 messidor su iva n t,
elle fit une saisie-arrêt entre les mains des Sieurs Lavigne et Pirel ,
débiteurs du p rix de leur acquisition.
L e 9 thermidor s u iv a n t , le conseil d'état donna un avis portant
que les prévenus d ’émigration , non rayés définitivement, dont le
décès avait précédé la publication de l’amnistie , pouvaient être
amnistiés; et qu e, comme l’amnistie avait été accordée principa
lement en faveur des familles des é m ig ré s,
il était conforme
a.
l'e sp rit du sénatus-consulte d ’étendre la grâce aux h é r itie r s, quand
la mort a mis le prévenu hors d ’état d ’en profiter. Cet avis fut
approuvé par le prem ier consul.
De ce m o m e n t r, la religieuse
Delaire et le Sieur L atour-V idaud
D
s ’o c c u p è r e n t d ’ob te n ir un b r e v e t d ’am nistie p o u r feu H e c t o r de
S im ian e , et ils l ’ob tin re n t en effet le 2G frim aire an 11 du G r a n d Juge , m in istre de la justice.
L e 4 germinal suivant, le conseiller d ’état ayant le département
des domaines nationaux , écrivit au Préfet de Vaucluse pour l’inviter
à donner les ordres nécessaires pour que les héritiers d ’IIector de
Simiane rentrent dans la jouissance de ses biens.
L e 29 germinal an 1 1 , M. le Préfet de Vaucluse prit un arrêté
en faveur desdits héritiers bénéficiaires, portant m a i n - le v é e du
séquestre.
L e 11 messidor s u iv a n t , la Dame religieuse Delaire est dccedee ,
laissant pour héritiers paternels la fumille de Champflour , et p our
héritiers maternels la famille de Chardon.
L lle avait alors fait disparaître tons les biens dont. H ector do
Simiane avait hérité d e là Dame d e C l a r y , so ilen vendant les uns ,
soit en cédant les autres aux hospices et aux autres légataires de sa
soeur.
L e 3 floréal nn 12 , le Sieur L a t o u r - V i d a u d , en sa qualité
d'héritier paternel sous bénéfice d ’inventaire d ’IIector de Simiane,
l it procéder à la vente du petit domaine de la Triade prés A v i
gnon , au plus offrant et dernier enchérisseur , d ’autorité de jus
tice et devant
lo
notaire c o m m i s
par le jugement du tribunal
civil do Vaucluse du 3* thermidor an 5 , «prés y avoir uppelô
�( i5 )
les créanciers, ainsi que la Dame religieuse Delaire ou ses repré
sentons / e t ce petit
domaine fut adjugé à la D am e veuve
de
S im iane, moyennant 40,000 liv. , quoiqu'il 11 eut été estimé par la
régie de l’enregistrement l’année précédente que 06,000 livL e 8 février 1808 , Jn Dame veuve de Simiane fit assigner devant
le
tribunal civil
d ’Avignon tous
les héritiers de la religieuse
Delaire , cohéritière bénéficiaire dTIector de Simiane , pour voir
liquider ses créances , et êtfe condamnés à les lui payer.
L e 27 décembre de la même annee , la famille de C h a r d o n ,
héritière maternelle de la religieuse Delaire fit assigner devant le
tribunal civil de Clermont la famille de C lia m p flo u r, héritière
p a te rn e lle , pour venir partager sa succession.
L e 18 janvier
1809 , la famille
de Chardon
fit assigner les
Sieurs Lavigne et Pirel d ’A m bert , devant le tribunal civil de
C le r m o n t , en rapport au partage de la succession de la religieuse
Delaire des sommes par eux dues en capital et intérêts du p rix
de la vente qu’elle leur nvait consentie le 17 floréal an 10.]
L e 8 février suivant, le tribunal de C le r m o n t , sur la déclara
tion des Sieurs Lavigne et Pirel qu’ils étaient prêts à se libérer,
en le faisant dire , avec la Dame veuve
de Simiane , ordonna
qu’elle serait mise en cause à la requête de la partie la plus diligente.
L e 18 du même mois , tous les héritiers de la religieuse Delaire ,
à l’exception du Sieur Gérard de Cliampflour o n c le , passèrent au
greffe d’ Avignon leur répudiation à la succession du Sieur de Sim iane, dont cette religieuse était héritière maternelle bénéficiaire,
mais ils se réservèrent la succession de celte religieuse.
L e 8 mars su iv a n t, le jugement de Clermont qui appelait en causo
la D am e veuve de Simiane , lui fut signifié , à la r e q u ê t e des h éri
tiers maternels de la religieuse Uelairo, avec a s s i g n a t i o n pour voir
«nnuller sa saisie-arrêt.
L e iQ du m ém o m o i s , la D a m e veuve do Simiane
tribunal civil d ’A v ig n o n un ju g em en t
obtint
au
contre le S ie u r ( jç r a r d du
ChumpHour oncle , la dame de S t.-D id ie r , mitre cohéi itie re , qui les
condam na à lui p a y e r
7 francs
55 c e n t i m e s , m on ta n t du ses
créances liquidées , au r a p p o r t de M . Don } j u g c - c o n u n i s s a i r e , c l
�-AW( i6 )
sur les conclusions du ministère public , et qui ordonna plus ample
justification des autres créances réclamées par la Dam e veuve do
Simiane.
Enfin , c ’est d ’après l’apperçu de tous ces faits et la jonction do
toutes les demandes , que le tribunal de C le rm o n t, par jugement du
9 août 1 8 0 9 , a statué sur le mérite de la saisie-arrêt de la Dame
veuve de Sim iane, qui était incidente au partage entre les h éri
tiers de la Dame religieuse Delaire.
V oici le texte du jugement dont est appel :
P o in t de droit. — L es biens situés à A m b e r t , dépendant de la
succession de la Dame de C l a r y , vendus aux Sieurs Lavigne et Pirel
p ar Marie-Jeanne Delaire, ont-ils fait partie, de
ceux remis aux
héritiers du Sieur de Simiane , en conséquence de l’arrêté d’amnistie
du 26 frimaire an 1 1 , ou b ie n avaient-ils appartenu définitivement
à ladite M a rie -J e a n n e D e laire ?
L a Dam e de Simiane peut-elle se prévaloir des lois des g fruc
tidor an 5 et 5 vendémiaire an 4 , relatives au rapport de l’efTet
rétroactif des lois des 5 brumaire et 17 nivôse an 2 , pour pré
tendre que lesdits biens étaient de droit restitués par la nation
à la succession dudit de S im ia n e, ou ré su lte -t-il de l’art. 5 de la
loi du 5 vendémiaire et du principe posé en l'art. 2 de celle du
20 mars 1 79 0 , que Jeaune-AÎarie Delaire n’avait jamais perdu la
propriété desdits biens qui lui avaient été délaissés par l ’arrêté
administratif du 8 nivôse an 2 ?
Résulte-t-il des exceptions portées par lesdits deux articles, et
de l’ensemble d’autres lois législatives , quo les ci-devant religieux
et religieuses étaient préférés au fisc ?
Ouïs
les avocats des parties et le procureur impériul en ses
conclusions;
a A t t e n d u , i*n qu H ector de S im ia n e, par son émigration en
y» 1792 et J7<j<ï> avait perdu la propriété des biens qu’il avait
)) recueillis de la succession do la Dame Delaire de Clary , décédée
» en octubro 1791 ;
» Attendu , 2.* qu'en conséquence, lorsque 1’efïct rétroactif delà
» loi du 5 brumaire an a , appela la religieuse Delaire à recueillir
» ces b ien s, qui lui furent remis par arrêté administratif du 8 nivôso
�( 17 ) . .
w an 2 , ce ne fut pas le Sieur de Simiane qui en fut dépouillé,
» puisqu’il l’était d é jà , mais seulement la république qui avait pris
» sa place ;
» A t t e n d u , 5 .“ que le Sieur de Simiane était mort en émigra» tion le 12 prairial an 5 , avant le rapport de 1 effet rétroactif
)) des lois des 5 brumaire et 17 nivose an 2 ; que sa succession
)> était encore celle d’ un émigre , lors de 1 effet rétroactif de ces
» lois par celle du 9 fructidor an 3 et celle du 3 vendémiaire an
)) 4 ; d’où il suit que tous les droits qui en dépendaient, app a rte» naient à la république par droit de confiscation ; que la nation
» ne voulut p a s user de l ’ eJJ'et rétroactif des lois de bruinait c
« et nivôse an 2 à son p r o fit , lorsqu’ il s’ agissait de dépouiller
)) les religieux et religieuses envers lesquels elle s*était redunee
» de la pension q u elle leur f a i s a it , p a r la compensation des
» pensions avec l e s revenus des successions p a r eux recueillies ;
» en conséquence, la nation renonça a la recherche p a r l art.
j
» de la lai du 5 vendémiaire an 4 ;
)) A tte n d u , 4 .° que l’e x -re lig ie u s e D éfaire a conservé en c o n s é )) quence pendant toute sa vie , la libre jouissance, administration
)) et disposition des biens dont il s’agit, et q u ’elle l ’avait spécialement
)) de f a it et de droit , soit lors du sénatus-consulte d ’amnistie du
)> G floréal an 10 , soit lorsque l ’amnistie fut appliquée audit Sieur
» de Sim ia n e en l’an 11 , huit ans après sa m o r t , au profit de ses
» héritiers ;
)> Attendu , 5.° et e n f i n , que dans cet état de c h o s e s , l ’article
» 17 du sénatus-consulte n’ayant rendu aux émigrés amnistiés que
« ceux de leurs biens qui étaient encore dans les mains de la nation ,
)) il est conséquent que les biens dont il s’agit 11e fussent pointrendu*
)> aux héritiers dudit Sieur Simiane , et qu’il résulte que la saisiel> arrêt, faite par ladite Dam e de Simiane entre
l e s
mains des acqué
» reurs des biens provenus «le la succession de fa Dame de C la r y ,
>’ »itués n A m bert , comme des bipns Sim iane, son débiteur , le 25
» messidor an 10 , est nulle et de nul effet, et q» ainsi les inscriptions
» par clic prises portent à faux ; »
I-c T r i b u n a l déclare l a s a i s i e - a r r e t , faite entre les mains dcsSieurs
P ire l et Lavigno le u5
m e ssid o r
an 10 , ù la requête de la veuve du
&
�( i8 )
S im ia n e , exerçant les droits de la succession d’H ector de Simiane ,
nulle et de nul effet , en fait pleine et entière main-levée aux h éri
tiers bénéficiaires de la religieuse Delaire ; ordonne q u e , sans s’y
a r r ê t e r , P irel et Lavigne videront leurs mains en
celles desdits
h é r itie r s , des sommes dont ils sont débiteurs en capitaux et intérêts j
à quoi f a i r e , ils seront contraints par les voies de contraintes, par
lesquelles ils sont obligés; ce faisant, ils en seront bien et vala
blem ent déchargés ; fait pareillement main-levée auxdits héritiers
des inscriptions prises par la veuve de Sim iane, soit en son n o m ,
soit en exerçant les droits de la succession du Sieur de Simiane au
bureau de la conservation d ’Am bert sur les biens provenus de la
succession de la Daine de C l a r y , qui ont été aliénés par l’ex-religieuse
D e l a i r e , ou qui pourraient exister encore , ordonne qu'elles seront
rayées de tous registres ; fait défenses à la veuve de Simiane d ’eu
requérir de pareilles s et la condamne aux dépens envers toutes le3
parties.
L a Dam e veuve de Simiane a interjete appel de ce jugement en la
C o u r , où elle espère en obtenir l ’entière réforraation.
M O Y E N S .
L ’œ uvre de la justice ne consiste qu’en deux ch oses, la rech er
che de la v é r ité , et la manifestation de la vérité.
L a Dame veuve de Simiane n ’a rien négligé pour faire connaître
à ses juges la vérité. Elle a rassemblé elle-même les faits et le»
pieces qui devaient les écluircr. Loin de se montrer avide du bien
d ’autrui , cllo a eu la générosité do ftiire voir aux magistrats
q u ’elle ne demandait pas , à beaucoup près , tout ce qu’elle avait
droit do demander ; q u ’elle voulait respecter tout ce qui avait
été donné par la religieuse Delaire aux hospices de Clermont et
d ’A m b e r t ,
quoique ces
d o n s - 1« fussent faits à
ses d é p e n s ;
qu’elle ne voulait pas même troubler les acquéreurs , quoique les
aliénations de la religieuse aient été fuites dans un tems où elle
n ’en uvait pas le droit , et quo le prix apparent des ventes soit
t rè s-m é d io c r e , qu’elle voulait bien tenir pour libérés les acqué
reur* qui avaient payé ; qu’enfin elle 110 réclamait , comme cr'¿an-
�( T9 )
cier considérable (PHector de Simiane , son cousin , que le p rix
encore dû des biens qui lui ont appartenu
p rix dont on ne
pouvait la priver , sans une double in ju stic e , puisque non-seule
ment c’est le gage de ses créances , mais encore qu’il faudrait
en déclarer propriétaires , et par suite en enrichir des familles
fort r i c h e s , qui n ’y ont aucun droit.
E n se présentant aussi favorablement, la D am e veuve de Simiane
devait-elle s’attendre que ses juges , au lieu de manifester par
leur jugement
la vérité qui se montrait à eux d ’une
manière
éclatante , chercheraient à l’obscurcir par des raisonnemens
n ’ont pas même le mérite d’être spécieux
qui
et par des systèmes
que les lois réprouvent évidemment ? n o n , sans doute. E t si sa
surprise a été grande , en
se vo yant condamnée en
première
instance , sa conGance en la justice de 6a cause l’accompagnera
toujours devant ses juges su p é rie u rs, car l ’erreur n ’a qu’un te m s ,
tandis que la vérité est immuable.
E x a m in o n s d ’ab ord scru p u le u sem en t les m otifs qui on t d é te r
m in é les p re m ie rs ju g e s à c o n d a m n e r les p réten tion s de la D a m e
ve u v e de Sim iane , et distinguons-y soign eusem en t ce qui y est vrai
d ’avec ce qu ’il y a d 'e r r e u r .
T ouch an t le prem ier m o tif , nous sommes d ’accord de cette
v é r ité , qu’IIector de Sim iane, après avoir recueilli en octobre 1791
les biens paternels de la succession de la Dam e de C l a r y , en perdit
la propriété , par la force de l’art. 1 . " de la loi du 38 mars 1795
qui frappe de mort civile les émigrés et déclare leurs biens con
fisqués ; o r , pour être réputé é m ig ré , il suffisait d ’être inscrit sur
la liste des ém igrés, comme l’a été en eiTet H ector de Simiane.
C e p e n d a n t, dans la ré a lité , quiconque était inscrit sur la liste des
émigrés n’était qu’un prévenu d ’émigration , puisque » il réclamait
en teins utile et parvenait à se fairo rayer , ses propiiélés n avaient
été perdues pour lui que tem p o rairem en t, puisqu il le» recouvrait
alors avec tous nee droit» civils.
T ouchant le second m o tif , nous sommes également d ’accord de
c ette v é r i t é , que lorsque la religieuse D elaire fut appelée û la succes
sion de lu Dame de C l a r y , sa soeur , morte lo 38 octobre 1 7 9 1 , p a r
�( 20 )
reflet rétroactif de la loi du
5 brumaire an a , et lo r s q u e , le 8
nivôse suivant , l’administration (lu district d ’Am bert accorda à
celte religieuse la levée du séquestre qui avait été mis sur les pro
priétés d ’A m b e r t , à cause d’Hector de Simiane qui les possédait
au moment de son inscription sur la liste des émigrés , ce ne fut
pas H ector de Simiane qui en fut dépouillé , mais bien la répu
blique qui avait pris sa place. Cependant on ne peut pas se dis
simuler q u e, tout en dépossédant la ré p u b liq u e , comme'représen*
tant alors H ector de S im ia n e , c ’était bien lui-m ême qui se serait
trouvé dépossédé par le rappel d’ une héritière q u i , quoique plus
proche successible de la défunte que l u i , n ’avait pourtant pas le
droit de succéder en 1 7 9 1.
Jusqu’i c i, nous ne sommes point en opposition d’ opinions ; mais
il n ’en est pas de m ê m e to u ch a n t le troisième m o tif du jugement
dont est a p p e l , qui renferme des principes qui nous paraissent
insoutenables.
O n y dit d ’abord q u ’H ector de Simiane étant mort le 12 prairial
an 5 , avant les lois du 9 fructidor an 3 et 5 vendémiaire an 4 , qui
détruisent l ’eflet rétroactif des lois des 5 brumaire et 17 nivôse
an 2 , sa succession était encore celle d ’un émigré , qu’ainsi tous
les droits qui en dépendaient , appartenaient à la république par
droit de confiscation.
Ce n ’est pas là-dessus que nous nous récrierons , car il est encore
vrai que , quoique le comité de législation de la Convention natio
nale eût accordé à Hector de S im ia n e , par son arrêté du 8 ven
tôse an 5 , un sursis de six décades pour se pourvoir en radiation
de son nom de la liste des
émigrés , et se procurer les pièces
nccessair39, il n ’en mourut pas moins le 12 prairial an 3 , sans
avoir pu encore faire accueillir ses réclamations , et q u ’ainsi la
république Ie représentait encore et pouvait exercer tous ses droits.
.Mais lorsque Ie9 premiers juges ajoutent que la nation ne voulut
p a s user <le l ’f j f ' t rétroactij des lois de brumaire eL nivô.ie an 3 a
son projit , l orsi/u 'il .l'ofjissait
dépouiller les religieux et r e li-
fiicuies envers h-si/uel* elle s'éta it redimée île la pétition <¡11’elle
leur Jais ait , par la compensation des pensions avec les rede
vance* j l c s successions p a r eux recueil lies , et q u ’en conséquence
�( 21 )
la nation renonça « la recherche p a r l ’ article 5 de la loi du o
vendémiaire an 4 ; voilà une doctrine que
nous
tenons pour
fausse.
E n e ffe t , où pourra-t-on trouver dans lés lois un seul mot qui
indique cette prétendue volonté de la Republique de ne point user
de l’effet ré tro actif des lois de brumaire et nivôse an 2 à son profit ,
lorsqu’il s’agissait de reprendre des mains des religieux et religieuses,
les biens qu’ils n ’ avaient recueillis qu’à la faveur de
cet effet
rétroactif?
Dans quelle loi encore trouvera-t-on que la nation ait pensé à faire
des compensations et à se rédimer des pensions qu'elle faisait aux
religieux et religieuses, en leur laissant les successions qu’ils auraient
recueillies par l ’effet rétroactif des lois de brumaire et nivôse ?
E n f i n , par quelle disposition législative la nation a-t-elle renoncé
à toute recherche ?
L ’article 2 de la loi du 20 m ars 1 7 9 0 , in voq u é p a r les p rem iers
. j u g e s , dit que « lorsque les re lig ie u x ne se tro u v ero n t en concours
» qu avec le fisc , ils h é r ile r o n t dans ce cas p ré fc rab le in e n t à lui. u
Quel rapport cet article a -t il avec notre cause ? J 1 ne s’agit pas
ici d’ une succession ouverte depuis le 20 mars 1790 en faveur de la
religieuse Delaire en concours avec le fisc, puisqu’au 28 octobre
1791 , jour du décès de la Dame de C l a r y , sa sœur , H ector de
Simiane et le Sieur de Chardon étaient tout-à-la-fois ses héritiers
naturels et testamentaires.
Il n’y a donc aucune induction ù tirer de celte loi pour appuyer
le système que nous combattons ; c a r , à l ’époque où l ’effet rétroactif
des lois de brumaire et nivôse a été abrogé par les lois des 9 fructidor
an 5 et 3 vendémiaire an 4 , la religieuse Delaire n’aurait pu se
refuser à restituer ù la nation les biens advenus à Hector de Simiane
cn 17 9 1 > sous le prétexte de la loi du 20 mars 1 790 , et *c regardant
alors en concours avec le fisc; car 011 lui aurait répondu avec avantage
‘ l»’il no n’ngi.iftuit pas d ’une succession ouverte à son profit au mo
ment do l'abolition de l'effet rétroactif et «ù 1®
aurait éle 6cul
en concours avec e l l e , mais qu’il s’agissait au contraire do resti
tuer au fu c un bien confisqué sur Ilc c to r de Sim iane qui l ’avait
recueilli sans difficulté lo 28 octobre 1 7 9 1 , à titre d ’héritier paternel
tout-à-la-fois légitime et testamentaire de la D am e de C l a r y , qu\iin»i
�( 22 )
la Dame religieuse Delaire ne s’étant point trouvée en concours
avec le fisc, l o r s de l’ouverture do la succession de sa s œ u r , ne
pouvait argumenter en aucune manière de l’art. 2 de la loi du 20
mars 179 0 , dont nos prem iers juges ont très - mal à-propos tiré
l ’induction que la religieuse Delaire était devenue propriétaire dos
biens paternels de la Dam e de C lary , sa sœur.
L ’art. 5 de la loi du 5 vendémiaire an 4 , ne contient aucune
renonciation de la part de la nation à la recherche des biens passés
dans les mains des religieux et religieuses à la faveur de l’eflbt
rétroactif des lois de brumaire et nivôse j et c ’est encore très-mal
à-propos que les premiers juges l ’ont ainsi prétendu : cet article
porte que « les partages entre la république
)) déchues qui étaient ci - devant
religieux
et les personnes
ou religieuses, sont
» maintenus. »
L ’esprit de cet article est le même que celui que l’ on retrouve
dans toutes les dispositions de cette loi du 3 vendémiaire an 4 , qu i,
en ordonnant les restitutions au profit des héritiers rétablis, veut
faire respecter tout ce qui a été fait de bonne foi pendant le cours
de l’efTet rétroactif des lois do brumaire et nivôse. Aussi nous ne
ferons point de difficulté de reconnaître et d ’avouer que si la répu
blique avait été en position de faire un partage aveo la religieuse
D e l a i r e , et que ce partage eût été consommé, il serait inattaquable.
Mais est-il vrai qu’il y ait eu partage entre la religieuse Delaire et
la république ? ......... no n ; car la république ni la religieuse Delaire
n ’ont jamais été dans la position de faire un partage.
Si l ’administration eut demandé à la religieuse Delaire la resti
tution des biens passés dans ses mains à la fuvour do l’effet rétroactif
des lois de brumaire et n iv ô s e , cette religieuse aurait été obligée
de los rendre tou s, à 1 exception de ceux aliénés par date certaine
et antérieure à la loi du 5 lloréal an 5 , comme le porte l’art. 1 do
la loi du 5 vendémiaire an 4 , desquels biens aliénés la religieuse
aurait encore c o m p t é le p r i x , aux tonnes de l’art. 4 do cette loi.
Il no pouvait donc y avoir lieu à aucun partage entre la r é p u
blique qui pouvait tout r e p r e n d r e , ot la religieuse Delaire qui no
pouvait rien retenir ; ot de f a it , il n y en a jamais eu aucun
ce qui
démontre quu l’article 5 de la loi du 3 vendémiaire an 4 est sans
application dans la cause.
�( 23 )
Q ue s’il faut dire le véritable m o tif qui a em pêché l ’adminis
tration de faire restituer à la religieuse Delaire les biens donl il
s’agit , en vertu des lois des 9 fructidor an 5 et 5 vendémiaire
an 4 ; c’est qu’ alors on craignait que ces biens , une fois rentrés
dans les mains de la nation, ne fussent ven d u s, au gr/md préju
dice des hospices de Clermont et d ’A m b e r t , auxquels la Daine
de C lary avait fait des legs considérables. L ’intérêt des pauvres fit
garder le silence aux administrations , qui laissèrent la religieuse
Delaire jouir paisiblement , malgré la révocation absolue de son
titre -d’héritière de sa s œ u r , opéree par l’abolition de l ’efTet rétro
a ctif des lois de brumaire et nivôse. M a i s , si le silence des admi
nistrations n ’a rien ôté à cette r e lig ie u se , il n e lui a non plus
rien donné , en sorte que sa jouissance , devenue précaire , ne
pouvait exister que jusqu’à ce qu’on retire de ses mains les biens
dont elle n ’était plus que dépositaire.
Quant aux compensations et rachat des pensions que les p re
miers juges supposent avoir élé consentis entre la nation et les
religieux y c est encore la une idcc cliiinericjuc. Jsnisis la nation
n ’a pensé à se rédimer des pensions qu’elle faisait aux religieux
en leur abandonnant , à titre de compensations , des propriétés
quelconques.
L a nation avait si peu pensé à ce singulier systèm e de com pen
sations , que par l’art. 4 de la loi du 17 nivôse an 2 , elle voulut
que les pensions attribuées aux religieux et religieuses, diminuent
en proportion des revenus qui leur
écherraient par succession ;
et l’art. 5 exige même qu’ils in scrive n t, dans leurs quittances de
pensions, la valeur des successions qu’ils auront recueillies.
Ces dispositions législatives nous font voir que n o n - s e u l e m e n t
la nation 11’a jamais entendu donner aux religieux et religieuses
des propriétés en compensation de leurs p e n s i o n s , m a i s qu elle
voulu même qu’à
proportion
qno les r e l i g i e u x e t religieuses
auraient des revenus par les successions qui leur écherraient posté
rieurement u u x lois des 5 b r u m a i r e e t >7 1,' vo9°
2 , leurs
pensions fussent diminuées d ’autant. Ainsi , jamais on ne nous
lera croire que la nation ait voulu donner cent mille écus de proprié
tés à la religieuse Delaire, en compensation d ’une pension de 700 lir.
�( H )
payable en l ’an 4 avec des assignais ou mandats presque sans valeur.
Il
est donc évident que le troisième m o tif du jugement dont est
a p p e l, repose sur des opinions insoutenables.
A l’égard du quatrième m o tif, comme il n'est que la conséquence
du p ré c é d e n t, il n ’est pas surprenant qu’un faux principe ait donné
lieu à un faux résultat. A u s s i , lorsque les premiers juges ont dit que
l'ex-religieuse D elaire avait conservé toute sa vie la libre dispo
sition des biens dont il s’agit, et qu'elle Vavait spécialement de
f a i t et de d ro it , soit lors du sénatus-consulte d'amnistie du 6 Horéal
an 10 , soit lorsque l’amnistie fut appliquée au Sieur de Simiane après
sa m o r t , au profit de ses h éritie rs, ils ont eux-mêmes déclaré que
c ’était la conséquence du principe posé auparavant, que la nation
n ’avait pas voulu user de l’effet rétroactif des lois de brumaire et
nivôse an 2 à son profit ; or nous croyons avoir d ém on tré suffisam
m ent combien cette idée était chim érique; et dès-lors s'est trouvée
démontrée d ’ avance l’illusion de la conséquence tirée en faveur de la
religieuse Delaire.
C elte conséquence est tellement f a u s s e , qu’en y substituant le
véritable principe puisé
naturellement dans la législation, et sui
vant à chaque pas ses effets, on sera forcé de reconnaître que la
religieuse Delaire n ’a conservé la libre disposition des biens d e là
Dam e de C l a r y , sa soeu r, que depuis son rappel à sa succession
en vertu de l’effet rétroactif des lois de brumaire et nivôsejusqu’à
la loi du 5 ilorédl an 5 , puisque l’art. i . ' r de la loi du 4 vendé
miaire an 4 , ne maintient que les ventes fuites avec date certaine
antérieurement ù cette loi du 5 tloréal an .1 , et encore sauf le
recours des héritiers rétablis vers les personnes déchues.
A i n s i , il faut convenir que dès le 5 floréal on 5 , la religieuse
Delaire fut privée du droit de disposer des biens de su sœur ; q u e lle
ne conserva plus que -défait et précairement la jouissance et l'ad
ministration des biens de la Dame de Clary , sa sœ u r; que le droit
do reprendre et do disposer de ces mêmes b ie n s , pour la portion
du Sieur de Sim iane, repasse dans les mains de la nation par l’effet
de la loi du <) fructidor an»), portant abolition de reflet rétroactif
des lois de brumaire et nivôse an a , tout de nicme que la portion
du Sieur de Chardon retourna en «ou pouvoir ; quo lors de l’urrêté
�( * 5 )
du Directoire e x é cu tif du 28 nivôse an 5 , qui ordonnait la radiation
du Sieur de Simiane de la liste des émigrés , faisait cesser sa mort
civile et se bornait à un séquestre de conservation, le cours ordi
naire et naturel des successions se trouva r é ta b li, de manière à
reconnaître les héritiers légitimes d ’IIector de Simiane , au tems
de sa m o r t , lesquels héritiers étaient la religieuse Delaire , pour
la ligne maternelle, et le Sieur L ato u r-V id a u d , pour la ligne pater
n e lle , qui se firent adm ettre au bénéfice d ’inventaire par ju ge
m ent du 25 therm idor an 5 j que la loi du 22 nivôse an 6 ayant
réintégré H ector de Simiane sur la liste des é m ig ré s, la nation a
encore repris les mêmes droits qu’elle avait avant l’arrêté du D irec
to ire , et que ces droits ont subsisté jusqu’à l’application du séna
tus-consulte d’amnistie en faveur d’IIector de Simiane ou de ses
h é r it ie r s , par arrêté du Grand-Juge du 26 frimaire an 1 1 , qui a
enfin rendu à la religieuse Delaire et au Sieur L a to u r -V id a u d les
droits attachés à leurs qualités d ’héritiers bénéficiaires.
V o ilà vé ritab lem en t les effets q u ’ont p r o d u its to u ch a n t les biens
q u ’I I e c t o r de S im iane avait recueillis de la D a m e de C la r y , soit
les lois con cern a n t
les successions , soit Jes lois
c o n c e r n a n t les
é m igrés , et nous tenons p o u r fa u x tout s y s tè m e co n tra ire.
Quant au 5 .* m otif du jugement dont est a p p e l, où l’on prétend
que l’art. 17 du sénatus-consulte n’ayant rendu aux émigrés am
nistiés que ceux de leurs biens qui étaient encore dans les mains
do la nation, il est conséquent que ceux dont s’agit ne furent point
rendus à ses h éritiers, et q u ’il en résulte que la saisie-arrêt de la
Daine veuve de Simiane est n u lle , et que ses inscriptions portent à
f a u x , il n'est encore que le résultat du faux principe posé dans le
n io t ii, où les premiers juges ont supposé gratuitement une com
pensation qu’aurait faite la république avec les religieux et reli
gieuses pour se rédim er do leurs pensions , en leur laissant les biens
qu ils auraient recueillis à la faveur do l'effet rétroactif des lois de
brumaire et nivôse an 2 : o r , c o m m o ce principe est insoutenable ,
la consé(ji|t»|,co actuelle tombe avec lui. Il faut ait co,itruire tenir
pour certain que jamais la république n ’a pensé ù faire do pareils
marché*» j qu’elle n ’a jamais renoncé à la recherche des biens que
les religieux et religieuses devaient restituer en vertu do la loi du
3 vendémiaire un <i j que l’art. 5 do ccttu loi qui maintient le*
�4 $ o.
( 2G )
partages entre la république et les religieux et religieuses d é ch u s,
est tout entier dans
l’intérêt de la n a tio n , et ne reçoit aucune
application dans l’espcce , puisqu’ il n ’y a jamais eu matière à partage
entre la république et la religieuse Delaire ; que la levée du séquestre
p ar arrêté de l’administration du district d’ Ambert en date du S nivôse
an 2 , a été nécessitée par le rap p e l de la religieuse Delaire à la succes
sion de la Dame de C la r y , s a sœur j par l’ellet rétroactif de la loi de
brum aire; que le silence des administrations après l’abolition de cet
effet rétroactif, ne peut en aucune manière être assimilé à une donation
oïl autre arrangem ent présumé fait entre la nation et cette reli
gieuse, qui a bien pu par ce moyen continuer sa jouissance de fa it,
mais non de d ro it , puisque son titre d ’héritière était révoqué ,
que les véritables héritiers étaient rétablis par la loi du 9 fruc
tidor an 3 , q u ' i l e c t o r de S im ia n e était re p ré s e n té par la nation
qui était saisie de tous ses droits , et qu’il en résulte que la Dame
veuve de Simiane a pu prendre inscription sur ses biens d’A m b e rt,
saisir valablement
les deniers provenans des aliénations de ces
b ien s, comme la prem ière et la plus considérable de ses créan
ciers , et que ce n’est que par un système contraire ù la vérité
qu’on lui a fait l ’injustice dont elle se plaint en la Cour.
Cette injustice est d ’autant plus pénible pour l ’appelante , qu’elle
s ’est présentée devant les premiers juges avec des sentimens hono
rables , et qu’ ils n ’ont pas daigné faire attention à plusieurs circons
tances et considérations qui militaient également en sa laveur.
Ne devait-on pas remarquer l’époque de la vente consentie par la
religion* e Delaire aux Sieurs Lavigneet l ’ i r e l , l’éloigncment iiu lermo
du paiement et le long silence des héritiers de cette religieuse ,
qui n ’ont pas même osé toucher les intérêts des acquéreurs ?
C ’est le 17 floréal an l o q u e c.-tte religieuse a fait cette v e n t e ,
c’e s t - à - d ir e , dix jours opiès la date du séiiutus-consulte d’umnistio
des émigrés.
lilla avait évidemment attendu jusqu’à ce m o m e n t, dans la crainte
q u ’en lo faisant plutôt , cela ne donnât l’éveil aux agens de la répu
bliques , et qu’ ils no rétablissent le séquestre et n ’exercent contre
elle les recherches qu’ils avaient le droit do faire depuis la loi du 9
fructidor an 3 , qui avait aboli l’cfTct rétroactif des lois de biun iaiie
et nivôse.
�( 27 )
L e sénatus-consulfe d ’amnistie lui parut d ’un présage favorable.
E lle se hasarda à vendre ; mais n ’étant pas encore bien fixée sur les
effets que ce sénatus-consulte pourrait produire à l’égard des émigrés
décédés , les acquéreurs pensèrent q u e , pour leur sûreté , il fallait
reculer de dix ans le p a ie m e n t, d’autant qu’ils savaient bien que si
l ’amnistie profitait aux héritiers des émigrés décédés , les créanciers
de ceux-ci pouvaient
dem ander
à ces héritiers le paiement de leurs
créances , et attaquer les a c q u é r e u r s qui auraient payé imprudem
m e n t , surtout
d a n s
la circonstance où la religieuse Delaire étant co
héritière bénéficiaire d’Ilecto r de Simiane avec le Sieur L a to u r—
,Vidaud , elle exposait sa vente à être querellée par son cohéritier
p our l’avoir seule consentie.
Cette précaution de la religieuse Delaire et de ses acquéreurs,
annonce qu’ils ont prévu non seulement ce qui arrive aujourd’hui ,
mais encore ce qui pouvait arriver de pluS fort.
Pourquoi d ’ailleurs les héritiers de la religieuse Delaire ont-ils
gardé un si long silence sur la saisie-arrct de la Dame veuve de
Simiane ?
Devait-on regarder indifféremment la circonstance singulière qui
se rencontre i c i , de voir aujourd’hui le Sieur de Chardon soutenir
que les biens d’H ector de Simiane situés à A m b e r t , ont formé le
patrimoine particulier de la religieuse Delaire depuis qu’elle a été
rappelée à la succession de la Dame de C l a r y , sa sœur , par l’effet
rétroactif de la loi de brumaire ; qu’elle en a toujours conservé do
f a i t et de d r o i t } la libre disposition ; qu’enfin , ils font partie do
sa propre succession et non de celle d ’IIector de Simiane , lui Sieur de
Chardon q u i , dans trois occasions solennelles, a prouvé qu ’il pensait
tout le contraire ?
D ’abord après l ’abolition de l’effet rétroactif des lois de brumairo
et nivôse, le Sieur de Chardon s’est fuit restituer par la religieuse
Delaire les biens de l’cstoc maternel de la Daine de Clary , sa s œ u r ,
dont il était héritier en 1791. O r pourquoi 11c veut-il pas reconnaître
que cette religieuse etuit de même soumise ù 1° restitution des biens
de l’estoc paternel, recueillis uussi en «7‘J 1 l>ar H ector de S im iane,
héritier de cette ligne ? c’est parce qu'il voudrait recueillir , c o m m e
héritier de cette religieuse , la portion paternelle des biens do la
jja m e de Clary ; mais comme les moyens qu’il a fait udopter p u ile *
�(
28
)
premiers juges sont illu soires, ses espérances à cet égard se dissi
p ero nt en la Cour.
Com ment encore v i e n t - i l actuellement soutenir que les biens
d ’ Am bert no font pas partie de la succession d H ector do Simiane ,
lorsqu’il a reconnu dans le Sieur L a to u r-V id u u d , héritier benéfi-»
ciairo dudit de Simiane , qualité pour défendre t conjointement avec
lu i, la totalité des biens délaissés par lu Daino de C lu r y , contre les
prétentions d ’une femme romanesque , qui a voulu tout-ù-la-fois
usurper le nom et la fortune du président do Clury et de son epouso ?
11 est ù propos de diro ici un mot do cette affaire , qui est aussi peu»
dante eu lu Cour.
L n l’nn 3 , la femme do Louis M a r l o t , coutelier ù C l c r m o n t ,
attaqua la religieuse Doluiro , alors rappuléo ù la succession de la
Duiuo do Clary , sa tic u r , pour lui dplivrer lo liers do cottc succès**
sion , en conformité do furticle >3 do lu loi du 12 brumaire au 2 , so
prétendant fille adultérine do la Dame de Clary.
Un jugement arbitral du 4 messidor suivant lui permit de prouver
sa possession d ’é t a t , conform ém ent à l’article 8 de la loi précitée.
J)es enquêtes respectives eurent lieu.
L a loi du a 5 nivôse an 3 renroya devant les tribunaux toutes les
questions d ’état.
L a femme Marlct garda lo silence pendant dix ans.
L es 6 et a i messidor an 1 2 , elle assigna en reprise d ’instance lo
Sieur do Chnrdon et le Sieur I«atour* Vidaud.
C c u x - ii n'eurent pas do peine à repousser sa demande.
Lll 18o(> , un jugement contradictoire «lu tribunal civil «le C lerjnont déclara vteiole ctabulic toute la procédure d e là femme M arlet,
com m e faite en exécution de r*-lTet rétroactif de U loi du ia
brumaire an a , touchant une aucc^Mon ouverte en 1 7 9 1 , et cela
d ’après l a i t i c l c
|3 d® 1* loi du .*> vendémiaire an », et la r li c l t
1 . " do U loi du i S l h c r m i d o r su iv a n t, n la condamna aux dt jKçn*.
l ’eu de teint apuft , b femme MarSet fit •**»gu?r U .Sieur de
Clary de Mural , frere de feu le p r o i'l c n t de î. î*»ty , Irt Sieurs
dr ( furdou et I-stour-V i d ¿ u d , lu-ritier* de U I'jimc de C l a r y ,
|*««u *uir «lira «(u'cilo n$îí rcv.mnu» filíe Irgiurac tic* hitar
et
lJ-tuiQ
Irui »
-c
C U r y , c l sn ;«u>ctjuëiuc ïb v o v cc eu
t»
�T
- ,
29 ^
i .e qo août 1808 j mitre jugement contradictoire, q u i , attendu
que la
femme
M arlet
n ’a
ni
titre
ni
possession d ’état
do
lille légitime des Sieur et Dam e de G a r y , décédés ; qu ’elle n ’a
non plus ni commencement de preuvo pnr é c r i t , ni présom ptions,
ni même d ’indices propres à déterminer lu preuve pur témoins
de sa prétenduo filiation, l ’a déclarée non rccevablo duns ses de
mandes , lui fait défense d ’usurper les noms des Sieur et Damo
do C lu r y , et l’u condumnéo aux dépens.
A p p el et assignation donnée en la Cour , n la requêto des mariés
Marlet , tunt au Sieur de Chardon qu’au Sieur L atour-Vidaud.
C e lu i-c i a depuis renoncé à la succession d’ Ilcctor do S im ia n o ;
et comme les héritiers de la religieuse Delnirc , sa
cohéritière
bénéficiaire , ont aussi renoncé', le tribunal civil d’Avignon a nommé
un curateur à cette succession vacante; et le Sieur Latour-Yidnud
lui a dénoncé sa copie d ’acto d ’appel , pour défendre à sa place ;
et n i effet , co curateur l’n substitué.
C e n est pas pour toucher le fouit do 1« cause «le la femme M a rlet,
que nous venons rappeler ce» faits , cnr cette uilàire n’est pas do
nature à donner de l’inqu iétude, et ne mérite pas qu’on s’en occupo
avant l’audience ; mais c ’est ufin de rappeler au Sieur de Chardon
qu'il a reconnu d a m tout le cours des procédures que le Sieur
L utour-V idaud avait été justement appelé par la femme M a r le t ,
pour défendre les bien» de l’estoc paternel de la Dame de C l a r y ,
comme lui Sieur de Chardon avait été aussi appelé pour défendra
les biens de l’estoc maternel.
Que
si le Sieur de C hardon eut p en sé d a m ce toms*lù, com m e
»1 • l ’air d e le faire aujourd'hui , il n ’eùt pas m anqué de repré
senter à la justice que le Sieur Latour* Yidaud n'étant qu héritier
bénéficiaire
d ’H rctor
de S im ia n e ,
n'avait aucune quahté pour
dcTendre le» bien» de la Dam e de Clary »iluc« •« An»b*rt ; qur ces
bien» étant devenu» propriétés de la relifieu *' Dc--*lirtl cr* vertu
•!*
loi du 5 brumaire an 3 , et du «¡Urne* ' l t ' administration»
• p r ç * l'a bolition
i ! c l ’e f f e t r é t r o a ' ù f d e
! c * • 1 * l a i t « u x »eul«
h c n l i f f i ¡II» c r i te r e l i g i c u t e à r e p o w * * * * I** ^ t t j - j u r * d i n ^ r r » c o n t r e
es» tr.ct?* p r o v e n a n t d e >4
■îi- C h a n l u n
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q u e «1 l r S » c u r
rt
»
I^itour-
�( 3o )
V idaud se réunisse à lui p our
fe m m e
combattre les prétentions de la
Mariet , qui voulait usurper tout-à la-fois le nom et la
fortune de la Dam e de C l a r y , n ’a -t-il pas bien reconnu lui-même
que cet héritier d ’H ector de Simiane avait qualité et intérêt de
conserver les biens qu’H ector de Simiane avait recueillis à A m b e r t ,
dans la succession de la Dam e de Clary ?
Com ment donc après une reconnaissance si solennelle faite devant
la justice en 1806 et 18 0 8 , le Sieur de Chardon a -t-il pu tenir un
langage si opposé en 1 8 0 9 ? .............. c’est que pour repousser la
femme M a r l e t , le Sieur Latour-Vidaud aide le Sieur de Chardon
à conserver la portion qui lui est advenue dans les biens de la
D am e de C l a r y , tandis que quand il s’agit de laisser au repré
sentant de son c o h é ritie r l’a u tr e p ortio n , il ch an ge vite de sys
tème pour tâcher de l’écarter et la prendre à sa place dans la
succession d e là religieuse Delaire dont il est encore héritier , en
sorte que , par cette subtilité , le Sieur de Chardon arrive à son but,
qui est d’avoir toute la succession de la Dame de Clary.
Cependant il est si vrai que les biens d 'A m b e rt ont toujours
été
considérés publiquement et notoirement
d’IIector de Simiane depuis les lois
comme propriétés
des 9 fructidor an S , et 5
vendémiaire an 4 , que la femme M arlet n’a pas hésité à faire
assigner le
S ieur
L atou r-V idaud et non les héritiers de la religieuse
Delaire , pour les lui contester.
Certainement , la femme M arlet ne demandait rien des biens
p r o p r e s d’JIector de Simiane. E lle ne s’adressait au Sieur L ato u rV id a u d
b i e n s
, héritier du Sieur de Simiane , que pour lui
enlever les
s i t u é s à A m b e r t , qu’IIector de Simiane avait recueillis comme
héritier paternel de la Dame de C la r y , comme elle s’adressait au
S ’ eur de Chardon pour lui abandonner les biens qu’il avait aussi
recueillis c o m m e son héritier maternel. Quoi de plus évident pour
convaincre la C our que le Sieur de Chardon change de principes
et de manière de voir au gré de son intérêt ?
L ’appelante
est
bien
éloignée de ne parler et de n■’agir que sui
vant son intérêt personnel.
E lle consulte avec scrupule les lois ,
pour ne demander à la justice que ce que les lois lui accordent ;
encore est-il fucile de démontrer combien ses demandes sont audessous de ses droits.
�<C
J*'
3i )
P rem ièrem ent , la Dam e veuve de Simianc exerçant les droits
d ’IIector de S im ia n e, son
débiteur, et voulant rigoureusement
ramasser les débri3 de la fortune de celu i-ci, pour se faire p a y e r
ensuite des 4oo,ooo liv. environ qu’il lui doit , pouvait dem a n d e r
aux Sieurs de Féligonde et Bellègue-Bujeas , exécuteurs testamen
taires de la Dame de G a r y , un compte de leur administration depuis
le 28 octobre 1791 jusqu’au mois de décembre 1795 que le séquestre
a été mis sur les biens d’Amberf.
Inutilement le testament de la Dame de C la ry les dispensait de
rendre compte. L a Coutume d’Auvergne ne lui laissait le droit do
disposer que du quart des biens de coutume : donc ils étaient au
moins comptables des trois quarts des biens de l’estoc paternel ; or
les trois quarts de 5280,000 liv. font 225,000 liv. , dont le produit
n ’est point à d é d a ig n e r, puisque dans le courant de plus de deux
ans de jouissance , ils ont dû recevoir environ 20,000 liv. ; cepen
dant la Dame veuve de Simiane n ’a point demandé ce compte.
2.
L a Dam e de Clary ayant légué 24 o,ooo liv. , il y avait lieu à
la réduction de ses legs qui ne pouvaient enlever que les maisons de
C le r m o n t , pays de droil é c r i t , et le quart des biens de coutume ,
ce qui n ’aurait point excédé i 5 o,ooo l i v . , c’e s t - à - d ir e , que la
réduction aurait produit 90,000 liv. en viron , dont 60,000 profite
raient à H ector de Simiane et par conséquent à sa créancière. Cepen
dant la Dame veuve de Simiane n’a point demandé cette réduction ,
et 11’entend jamais retirer des mains des pauvres et des infortunés les
largesses qu’il a plu à la Dame de C lary de leur fa ir e , et à la religieuse
Delaire d’acquitter. Heureuse de s’associer par ses sacrifices à ces
actes de bienfaisance , elle s'en félicite, au lieu de les regretter.
5 .° T ou te la portion des biens de l'estoc paternel de la D am e de
C la r y , advenus au Sieur H ector de Simiane , excédait de 40,000 liv.
tous ses legs. Com m ent la Daine religieuse Delaire les »-t-elle tous
distribués , moins les 9 2,160 liv. encore dues par les Sieurs l i i e l et
Lavigne d’Am bert ? Com ment le Sieur de Chardon qui devait sup
p orter le tiers «le ces legs , puisque sa portion «le 1 estoc maternel est
du tiers <Ie la succession, n ’a-t-il pas c o n t r i b u é en proportion ? Si
les biens d’Iie cto r de Simiane ont tout payé , la Dauie veuve de
Simiane peut donc réclamer de lui cette portion contributive ; cepen
dant elle ne l ’a pas fait. L u i conviçnt'il de vouloir encore souslrtiiro
*
�à la Dam e veuve de Simiane une somme aussi inférieure à ses créances,
que l’est celle due p a r les Sieurs L av ig n e et Pirel d’A m b e r t , pour se
l ’approprier à la faveur d’ un systèm e qui n ’a de fondement que dans
son imagination.
4 .° L a Dame religieuse Delaire ayant vendu le 2 5 pluviôse an 3 ,
une maison sise place du T e rra il à C le r mo n t , laquelle faisait partie
des biens paternels d e la Dame de Clary , sa s œ u r , échus à H e c t o r
de S im ia n e, cette religieuse en devait restituer le p rix , aux termes
de l ’art. 4 de la loi du 3 vendémiaire an 4 : cependant la Dam e de
S i m i a n e n ’a point inquiété les héritiers de cette religieuse à ce s u je t,
quoiqu’ils n ’aient point fait d’inventaire depuis son d é cè s, et qu’on
p û t les convaincre d’avoir fait des actes d ’héritiers purs et simples.
5 .° L a religieuse Delaire n ’ayant eu q u ’une jouissance précaire
des biens d ’H e c t o r de Sim iane depuis la loi du 5 floréal an 3 , elle
était comptable des jouissances, et ses aliénations postérieures étaient
nulles, suivant l’art. 1.er de la loi du 3 vendémiaire an 4. C e p e n
dant non seulement la D a me de Simiane n ’a point inquiété ses
h é r it ie r s , mais n ’a pas mêm e voulu évincer les acquéreurs ni les
donataires , quoiqu’il soit évident que les Sieurs Lavigne et P irel
aient acheté le 17 floréal an 1 0 , m oyenn an t 92,160 liv. des p ro
priétés estimées 129,100 liv.
C e r te s , lorsque la Dam e veuve de Simiane s’est montrée avec
des procédés si généreux et si d élicats, elle devait compter sur
une justice bienveillante, au moins sur une justice exacte. M a is,
puisque le sort en a décidé autrement en prem ière instance, elle
se flatte qu’en la Cour la vérité qu’elle a cherchée de bonne foi sera
manifestée avec assez d’éclat pour la consoler de l ’injustice passagère
qu’elle a éprouvée.
Signé à l ’original sur papier timbré ,
M .e C. L . R O U S S E A U , ancien avocat.
M .e G A R O N , avoué.
A
C L E R M O N T -F E R R A N D
,
Chez J. VEYSSET , Imprimeur-Libraire d u l y c é e , rue de la Treille.
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Félix, Anne-Emilie de. 1810]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Rousseau
Garron
Subject
The topic of the resource
créances
émigrés
séquestre
Comtat Venaissin
successions
amnistie
rétroactivité de la loi
estoc
vie monastique
rétroactivité des successions
mort civile
legs
hôpitaux
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire pour dame Anne-Emilie de Félix, veuve de sieur Claude-François-Léon de Simiane, propriétaire à Collonges, arrondissement d'Aix, département des Bouches-du-Rhône, demanderesse en maintenue de saisie arrêt, et appelante ; contre Dame Marguerite de Chardon, veuve du sieur Jacques-François de Montagnier, ancien magistrat ; Claude-Antoine-Jospeh de Chardon ; demoiselle Anne de Chardon, dame Perrette de Chardon, veuve du sieur vallette de Rochevert, tous propriétaires, habitans de la ville de Riom, se qualifiant héritiers sous bénéfice d'inventaire de défunte dame Marie-Jeanne Delaire, ancienne religieuse, pour la ligne maternelle, demandeurs en partage et en nuliité de saisie-arrêt, intimés ; et contre dame Jeanne-Marie de Champflour, veuve du sieur Paul-François de Montrozier ; sieur Jean-baptiste de Champflour ; dame Marie-Anne-Félicité de Frédefont, et sieur Jean-Jacques de Rochette, son mari ; demoiselle Gabrielle Durand-de-Pérignat, fille majeure ; et dame Marie Durand, ancienne religieuse, tous propriétaires, habitans de la ville de Clermont-Ferrand, se qualifiant héritiers bénéficiaires de ladite dame religieuse Delaire, pour la ligne paternelle, défendeurs au partage, et aussi demandeurs en nullité de saisie arrêt, intimés ; et encore contre sieur Jacques-Marie Lavigne, notaire impérial, et sieur Jean Pirel, marchand, habitans de la ville d'Ambert, tiers saisis, appelés en cause, défendeurs et intimés.
note manuscrite : « Voir l'arrêt au journal des audiences, 1810, p. 300. »
Table Godemel : Succession : 1. les religieux qui, par effet rétroactif de la loi du cinq brumaire an 2, se mirent en possession des successions de leurs parents que des héritiers plus éloignés avaient appréhendées, ont-ils été soumis à la restitution après le rapport de cet effet rétroactif, quoique les héritiers rétablis se soient trouvés représentés par la nation, comme émigrés ? la nation, dans ce cas particulier, n’est-elle pas censée avoir renoncé à toute recherche et n’avoir point voulu user du bénéfice des lois des 9 fructidor an 3 et 3 vendémiaire an 4, pour se rédimer des pensions qu’elle s’était obligée de payer aux religieux ? Amnistie : le sénatus-consulte du 6 floréal an dix a-t-il rendu aux émigrés amnistiés, ou à leurs héritiers, non seulement les biens qui se trouvaient dans les mains de la nation, par voie de séquestre, au moment de l’amnistie, mais encore tous les biens et droits qui leur appartenaient ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Chez J. Veysset (Clermont-Ferrand)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1810
1787-1811
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
32 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2015
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2016
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53385/BCU_Factums_G2015.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Riom (63300)
Clermont-Ferrand (63113)
Ambert (63003)
Aix-en-Provence (13001)
Asti (Italie)
Avignon (84007)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
amnistie
comtat vénaissin
Créances
émigrés
estoc
hôpitaux
legs
mort civile
rétroactivité de la loi
rétroactivité des successions
séquestre
Successions
vie monastique
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53380/BCU_Factums_G2010.pdf
6b32cdaa7fa2fe735d9128571ea31baf
PDF Text
Text
P R É C I S
EN
RÉPONSE,
P O U R
t
E X P E R T O N , avoué licencié
au tribunal civil du P u y , intimé;
J e a n - B aptiste
C O N T R E
G ilb e r t
Q
G IB O N ,
a v o ca t,
a p p e la n t.
UAND on a soif de la fo r t u n e , q u a n d , p o u r cou rir
à cet unique b u t, on n églige ses proches jusqu’à la veille
de leur d écès, q u ’alors on ne se souvient d’eux que p ou r
ten ter, par obssession, de leur arracher des dispositions
gratuites, on o u b lie , l’instant d’a p rès, ceux de qui on a
obtenu quoique chose, et on ne se souvient de ceux dont
on a essuyé les refus que p o u r les m audire et insulter à
leur m ém oire.
Aussi G ilb ert G ib o n ne se r e t r a c e - t - i l aujourd’hui
M a rg u erite G i b o n , sœ u r de son p è r e , que com m e un
être disgracié de la n a tu r e , o n é re u x à sa f a m ille , et
a u q u e l, tout au p lu s , on devait q u e lq u e p itié.
A
�C M
C ’est assez naïvem ent exp rim e r les sentimens q u ’il avoit
p o u r elle , et le genre de ses affections. Il avoit q u elq u e
p itié p o u r sa ta n te , et beaucoup d’aiFection p o u r son
p atrim oine : d’où il est évident que s’il daigne encore
se souvenir q u ’il eut une tante appelée M a r g u e r ite , ou
suivant lui M a rg o u to n , ce n’est pas q u ’il ait la m oindre
envie de la regretter; c’est uniquem ent parce q u ’il a con
v o ité inutilem ent sa fortune.
Beau titr e , en effet, p o u r prétendre à la tendresse de
sa tante, exclusivem ent à tous autres, exclusivem ent sur
tout à E x p e rto n qui l’avoit recueillie dans sa maison depuis
plusieurs an n ées, qui lui p ro d igu o it les soins de l’affec
tion , et avec q u i elle a v é cu dans l’intim ité jusqu’au
dern ier instant de sa v ie !
E xcellen t mo)7en de persuader à la justice que le p r é
tendu testament resté im parfait fut un acte spontané de
M a rg u erite G ib o n ; qu e par reconnoissance p o u r la p itié
que G ib o n lui p ortoit de l o i n , il lui v in t en id é e , sur
son lit de m o r t , et dans la maison m êm e d ’E x p e r t o n ,
d’appeler un notaire^ p o u r lu i ôter le m oindre espoir
dans son h éréd ité , et la transmettre toute entière à
G ib o n !
M ais la v é rité se fait jo u r quelquefois i\ travers le
b o u rd on n em en t des passions ; et m algré sa résolution
bien prise de trom p er la justice sur le f a i t , le sieur
G ib o n n’a pu retenir cette expression de son âme dans
laquelle il s’est peint tout entier.
Il n’eut pas m anqué non p l u s , s’ il n ’eût cru p o u v o ir
prétendre à l’h érédité de M a r ie -M a r g u e r ite , de dire à
la justice q u ’elle étoit asth m atiqu e, et accablée d ’iuiir-
�( s ) ,
mités ; que bien loin de p o u v o ir administrer au-dedans
et a u -d e h o rs, elle étoit six mois de l’a n n é e , au m o in s ,
incapable de se servir e lle -m ê m e , et que le plus souvent
sa sœur la soign oit, q u oiq u e boiteuse, q u oiq u e son aînée.
E lle n’eût encore été à ses y e u x q u ’un être inutile et
insupportable : elle ne lui a paru tout d ’ un cou p robuste
et a c tiv e , que parce q u ’il a cru que cette idée p o u v o it
rendre vraisem blable la singulière préférence q u ’il sup
pose à J e a n - L o u i s G i b o n , dans la distribution de sa
fortune.
A ussi le sieur G ib o n a-t-il principalem ent em ployé
ses efforts à jeter sur E x p e rto n une défaveur q u ’ il redoutoit p o u r l u i - m ê m e , et q u i à ses y e u x produisoit
ce double effet, et d ’élo ig n er ce q u ’il vedoutoit le p lu s ,
et de déverser sur lui toute la bienveillance de la justice.
P o u r cela il a fallu arranger artistement des faits controuvés et étrangers à la cause, faire un tableau infidèle
de la vie d ’E x p e rto n ', l ’accuser hautem ent d ’a v o ir en levé
l ’argent com ptant de sa tante, crier le p rem ier au v o le u r ,
tout cela p o u r détruire,d’avance PeiTet de cette accusation
contre lu i-m êm e ,.ç t ne laisser à son adversaire que l’ap
parence de la récrim ination.
M ais la justice ne se laisse pas entraîner par des illu
sions; la C o u r q u oiq u e moins à portée que les juges du
P u y de connoître spécialement les parties et les circons
tances de la cause, sera bien tô t convaincue que le tri
bunal près duquel l’intimé exerce ses fonctions, et q u ’on
dit lui a vo ir accordé tant de f a v e u r , n e s’est mépris
ni sur la ca u se , ni sur les personnes, ni sur l’application
, des principes du droit.
A
2
�2>%Q
(4)
F A I T S .
J e a n -L o u is, M a rgu erite et M a rie -M a rg u erite G ib o n ,
tous les trois célibataires, avoieut constamment cohabité
et vécu ensemble dans la plus grande intim ité à L a n d o s ,
leur pays n a ta l, lorsqu'ils vin ren t en la ville du P u y ,
se réu n ir à M a rie G i b o n , fçm m e E x p e r t o n , leur sœ ur,
et au sieur E x p e r t o n , leu r neveu : ils ne se sont plus
quittés ; la m o rt seule les a séparés..
O n n ’a pas à rechercher ici ni l’o r ig in e , ni l’ état de
la fortune du sieur E x p e r t o n dans les prem ières années
d e sa v i e ; on snit assez que les parties sont enfans du
frère et de la s œ u r, que leurs parens étoient de la m êm e
condition ; et si G ib o n a osé parler d’E x p e rto n com m e
d*un être m isé ra b le , n é dans l’in d ig e n ce , et destiné à
y traîner sa v i e , ce n’est là q u ’ un ton de m épris trèsm éprisable assurém ent, surtout en tre proches.
S’ il faut en croire G ib o n , ce fut encore p a r p itié que
son père reçut E xp e rto n chez lu i; c a r , à l’entendre, ce
sentiment p ou r ses proches seroit chez lui une vertu
héréditaire. M ais p o u rq u o i ces détails m in u tie u x ; p o u r
quoi surtout ces récits inexacts, étrangers à cette cause,
si ce n ’est p o u r p ro u v e r à tout le m onde q u ’il a besoin
de s’entourer d ’ une foule de petits moyens p ou r donner
une c o u leu r de vraisemblance h des faits q u ’ il suppose
capables de disposer favorablem ent les esprits? Il faut
donc parler des faits.
G i b o n , faisant scs études au P u y , habitoit et v iv o it
chez E x p e rto n p è r e , son oncle. Ses études fin ies, son
�( 5)
p ère l’envoya à T o u l o u s e , et à la m êm e é p o q u e , E x perton fut en v o yé chez le sieur G i b o n , son o n c le , pra
ticien à P radelles, où il p rit quelque teinture de pratique.
L o rs q u e G ib o n fils revint de T o u lo u se , érigé en avocat,
son p è r e , alors juge des lie u x , lui laissa son étu de; mais
com m e il lui étoit interdit de p ostu ler, il profita d ’E x perton , sous le nom duquel il commença sa fortune
p e rso n n e lle , sans q u e jamais E x p e rto n ait reçu ni de
m andé , m algré sa m is è r e , la m oin dre gratification. Son
p ère l’entretenoit ; et lorsqu’ il avoit besoin de quelque
chose de p lu s , il le demandoit à ses tantes de Landos.
A p r è s un certain tem p s, E x p e rto n revin t au P u y ; il
entra clerc chez J o u v e , p ro c u re u r, où il a resté plusieurs
années. L a rév o lu tio n su rvin t;,le s sieurs G ib o n père et
fils furent persécutés : et puisque l’appelant a cru néces
saire ou utile à sa cause de rappeler quelques traits bien
défigurés de la v ie d ’E x p e rto n , p e u t-ê tre sa m ém oire
auroit pu lu i fo u rn ir et son cœur surtout lui rappeler
la conduite que tint E x p e rto n envers sa famille et lu im ê m e , dans ces temps d’orage et de persécution.
M ais ce n’est pas ce dont il s’agit. 11 faut arriver au
fait de la cause.
E x p e rto n fixé au P u y , y fut d ’abord défenseur offi
c ie u x , puis reçu a v o u é ; la dame sa m ère quitta la c o m
pagnie de son fr è r e et de ses sœurs p o u r ve n ir habiter
avec lui. Ils vivo ien t paisiblement ensem ble, lorsque son
oncle et ses d e u x tantes vin ren t partager avec eu x la
tranquillité de leur mén.ige.
L a dame E x p e rto n m ourut la p r e m i è r e ; son frerc et
�. ( 6 )
ses d e u x sœurs ne continuèrent pas m oins de cohabiter
et de v iv re avec E x p e t t o n , leur n e v e u ; ce q u i d é m o n treroit assez, san s'qu ’ il ait besoin de le 7rem arquer luî—
m êm e , q u ’ il ne leur donnoit que des p r e u v e è d e respect
et d’attachement.
E x p e rto n avoit acquis une maison au P u y. Il est faux
q u e jamais celle de la v e u v e B enoît ait été vendue à Jean-Louis G ib o n : ce n’est l à ' q u ’u n fait a r tic u lé , com m e
tant d ’autres, p o u r le besoin de la cause.
L e sieur G ib o n , dit-on , ne cessa de s’en plaindre ! Cela
est bientôt dit, m aiscela p erd to u tesa vraisem blance quand
on avoue que L o u is G ib o n et ses sœ u rs, bien loin de
retou rner h L an do s où ils a vo ient encore leur habitation
m e u b lé e , su iviren t E x p e rto n dans là maison de la ve u ve
E sbrayat, q u ’il venoit d ’acq u é rir; quand on saura surtout
q u e J e a n - L o u i s G ib o n ne tomba pas malade peu de
tem ps a p r è s , et qu ’il vécut vingt-six mois sans se p lain d re,
toujours à la com pagnie d ’E xperto n ;
C e seroit une lég ère présom ption , :pcu t-ô tre, du m é
contentement de L o u is G i b o n , s’ il «voit testé im m édia
tement après la ve n te ; mais il sùifit’de rapprocher les dates
p o u r se convaincre du co nt ra ir e : la vente est de vendcmiaii-e an 1 0 , le testament du 25 frim aire an 1 2 , et le
décès d u 'm ê m e jour.
C e n’est pas le m om ent de s’appesantir sur les circons
tances du testament de J e a n - L o u i s
G ib o n . L e sieur
E x p e rto n sait, et le sieur G ib o n sait com m e lu i, que le
frère et les deux sœurs avoient eu constamment la réso
lution de se laisser m utuellem ent leur fortune : tous trois
�( 7)
célibataires et d’un âge a v a n c é , leurs besoins et leurs
habitudes étoient les m ê m e s, leurs affections récip ro
ques égalem ent distribuées.
L e sieur G ib o n sait aussi que pleins de gratitudes p o u r
les attentions et les égards d ’E x p e rto n , leur intention
étoit aussi de lui laisser sinon to u t, au moins la majeure
partie de cette fo rtu n e; sans cela1 p o u rq u o i tant de p r é
cautions et d ’efforts p o u r les en d é to u rn er?
Q u o i q u ’il en s o it, ce testament est fait au profit de
M a rg u erite ; en quoi certainement il ne faut ni tro uver
ni ch ercher aucun m o tif d’exclusion p o u r E x p e r t o n , mais
l ’idée bien naturelle de laisser q u elq u ’aisance à sa sœur dans
un âge a v a n c é , ou p o u r m ie u x d ire, à ses: sœurs, puis
q u ’ une lon gue habitude de v iv r e ensemble les avoient
rendues nécessaires l ’ une à l’a u tre , et q u ’ il n’a voit pas de
raison de croire q u ’elles dussent jamais se séparer.
Ici le sieur G ib o n disserte beaucoup sur les intentions
d e son oncle ; car il établit toute sa cause sur la vertu
de certaines présom ptions q u ’il croit a vo ir rendues v ra i
semblables.
E t d ’abord il avance que son oncle s’en étoit ouvert
au curé de L a n d o s , en
quoi le sieur E xp erto n est
fondé à croire q u ’ il eût été plus réservé si le curé de
L an dos ne fut pas décédé dans l’ intervalle ; car p réci
sément le sieur G ib o n lui avoit dit plus d ’ une fois q u ’il
v o u lo it laisser ses biens :\ M a r g u e r it e , sa sœur aînée.
G ib o n ajoute q u ’ Experton lui-m êm e s’est vanté d’a vo ir
dirigé le testament au profit de M a rg u e rite ; ce qui
d ’abord est in e x a c t , et en second lieu ue seroit <l’au
cune conséquence.
�( 8 ) .
E n p rem ière instance, il étoit allé plus l o in ; il avoit
avancé q u ’E x p e rto n étoit présent au testam ent, et q u ’ il
l’avoit inilnencé directem en t; E x p e r t o n , sur le c h a m p ,
offrit de s’en rapporter à la déclai-ation du notaire, tout
d é v o u é q u ’ il étoit aux intérêts de G ib o n : on se tut.
G ib o n détaille ensuite une foule d’actes qui suivirent
le décès de son o n c le ; il.p réten d en tirer la conséquence
que M a rg u erite se considéra et fut reconnue com m e
seule héritière. M ais que prou veroit le fait en lui-m êm e?
tous les actes sont consentis par. M a rg u erite ; d’ailleurs,
on le r é p è t e , les deu x sœurs viva n t ensem ble, adm inistroient également ; quand l'une étdi.t m a l a d e , l ’autre
s’en occupoit p l u s spé c ia le m en t ; et tous les actes se
faisoient au nom de M a rg u erite , c’est-à -d ire, de celle
au profit de qui é to it.d irig é le-testament.
N ous arrivons a u x événem ens qu i se rapprochent le
plus de la m ort des deux sœurs. Ici le sieur G ib o n a
coulé fort rapidem ent : les actes de la cause vo n t ap
prendre q u ’il a été au moins im prudent en accusant
E xp e rto n de sp oliatio n , sans p re u v e s, sans indices, sans
le m oindre adm inicule qu i pût justifier cette gra ve in
culpation.
D ep uis près d ’ un an E x p e rto n , dont on exagère tant
la p r é v o y a n c e , avoit reçu dans sa maison 1 1 dame G ib o n ,
sœur de l’appelant : scs deu x taules étant l’une et l’autre
fort cassées, la dame G ib o n les soignoit; elle étoit à la
tête du m énage com m un. L e sieur G ib o n ne manqua
pas de mettre à profit cette circonstance.
M a r i é - M a r g u e r i t e G ib o n fut fr ap p ée d ’a p o p l e x i e , le
7 v e n d é m ia i r e an 14 > dit -on ; E x p e r t o n étoit a b s e n t, il
ne
�(9)
ne revin t que d ix jours après cet accident, sur l’avis que
lui en donna la dame G ib o n , en lui m andant qu ’elle
avoit tous les soins possibles de sa tante. Il trouva sa tante
assez m a lad e, entourée de diverses personnes : la dame
.Gibon ne la quittoit pas un instant.
- C ’est au m ilieu de tous ces surveillans, intéressés p o u r
la p lu p a r t, et m êm e pendant son absence, q u ’on l ’accuse
d’a vo ir enlevé l’argent de sa tante.
E x p e rto n ignore si sa tante avoit une somme d ’argent;
mais à le supposer ainsi, ce qui peut ê t r e , au moins estil bien certain q u ’on n’a pas à lui en dem ander com pte.
J u s q u e - là on avoit gardé des mesures p o u r amener
les deux tantes à disposer au profit de G ib o n ; cet é v é
nement donna plus de hardiesse; peut-être trouva-t-on
dans l’enlèvem en t de l’a rg e n t, et un bénéfice n e t, et le
m oyen de noircir E x p e rto n dans l ’esprit de sa tante.
Q u o i q u ’il en soit, un testam entfutdressé le 12 brum aire
an 1 4 , sous le nom de M a rguerite. F u t - i l consenti par
l ’aînée ou la plus jeune des deux sœurs? l’acte lui-m êm e
ne décide pas cette question ; mais il ne faut pas en omettre
les circonstances.
L a testatrice fut conduite chez E y r a u d , n o ta ire, le soir
très-tard; le testament fut dressé; et ce q u ’ il y a de plus
sûr au m o n d e , c’est q u ’elle ne le dicta pas, que m êm e
elle ne déclara pas spontanément les intentions q u ’on lui
p rê te ; cependant l’acte en fait foi.
C e q u ’ il y a de certain aussi, et le sieur E xp erto n en
prod uiroit la p reu ve s’ il ne vo u lo it pas garder certains
inénagemens , c’est q u ’il fut dressé avant la venue de
�OJ&x £r*b( 10 )
quelques tém oins; qu e l ’ un d’e u x , au m oins, fut appelé
tr è s -ta r d p o u r signer un te sta m e n t; q u ’il prom it d ’y
a lle r ; q u ’ il y alla en e ffe t; qu’ il ne co n n o isso it pa s la
te sta trice ,• que néanm oins on le fit signer com m e tém oin
du testament ; q u ’ il y répugn a d’abord ; que cependant il
le fit parce q u 'il Va voit p rom is. L e sieur E x p e rto n ne
sait pas s’ il eu fut de m êm e des autres, mais il a droit de
le soupçonner.
Cette tante q u i , suivant G ibo n , s’exhaloit en rep ro
ches et plaintes amères contre E x p e r t o n , sur l’eulèvem en t
de son a rg e n t, cette tan te, à qui on arrache une insti
tution au profit de G i b o n , ne lègu e pas moins io o o fr.
à E x p e r t o n , h u i t ’ou d ix jours après ce prétendu v o l :
quelle invraisem blance!
M arie-M argu erite G ib o n vécut jusqu’au n mars 1809;
et c’est ici q u ’il faut encore se fixer sur la conduite de
G ibo n .
Ce n’étoiè pas assez p o u r lui de p o u v o ir se dire héritier
de la plus jeune des sœurs; et q u o iq u e , suivant l u i , la
fortune de l’oncle lui appartînt déjà en e n tie r, il ne jeta
pas moins ses regards sur le m od iq u e patrim oine de
l ’aînée.
Q u e l fut son b u t ? c r a i g n i t - i l que la fortune de son
oncle ne lui fût pas bien assurée par le prem ier testa
m e n t ? v o u lu t-il, par un acte p u b lic , faire prendre une
fois eu la vie à M a rgu erite le nom de M a r g o u to n ? Ce
fut peut-être l’ un et l’autre ; mais c’est ce qu ’il im porte
peu de rechercher.
G ib o n étoit venu au P u y p ou r com m ander le testa-
�( ii )
ment du 12 b ru m a ire ; il y revint encore après le décès
de M a r ie - M argu erite : et p o u r ne pas faire un voyage
in fr u c tu e u x , il m it p o u r la seconde fois tous ses aflidés
en m ouvem ent.
L e 17 m a rs, de grand matin , M a rg u erite G i b o n , dans
la maison m êm e d ’E x p e r t o n , est tout d ’un coup assiégée
p a r un n o t a ir e , des t é m o in s , et toutes les personnes qui
l ’entouroient. O n com m ence un testament q u ’elle ne
v o u lo it ni dicter ni faire; déjà le p réam bule étoit r é d ig é ,
et bien entendu M a rgu erite appelée M a rg o u ton : le
notaire en étoit à l’institution d ’h éritie r, lorsque E x p e rto n
a rrive inopiném ent.
E to n n é de cette assemblée, il in terro ge; on lui ré p o n d ;
il somme alors le notaire d’ interpeler sa tante en sa p ré
sen ce, et devant les té m o in s, afin de savoir qui elle entendoit instituer ; elle répond : m on neveu d ’i c i ,* on veut
plus d ’explication , on lui demande si c’est G ib o n ou
E x p e r to u ; elle répon d : E x p e rto n . A lo r s le notaire
déclare qu ’ayant été en v o yé par G ib o n p o u r recevoir
un testament en sa fa v e u r , et croyant q u ’en effet ce seroit
l ’ intention de la testatrice, il seroit inconvenant q u ’il
rapportât au sieur G ib o n un testament fait au profit d’ un
autre. E x p e rto n lui perm it de se retirer.
V o i l à le fait dans toute son exactitude; et en ce sens
il est vrai q u ’ il empecha la confection du testament, si
toutefois on peut croire que le notaire l’eut achevé dans
le sens du sieur G ib o n . Mais poursuivons.
Il est prcsqu’ inutile de rappeler en passant q u e , le
19 mars au matin , M argu erite G ib o n fil son testament
et disposa de ses biens au profit d’E xperton. Il 11’y eut
B 2
�certainement d’affectation ni dans le nom qu ’elle y prit
puisque c’étoit bien le s ie n , ni m êm e dans le c h o ix du
no taire; car il e s t, à juste titre , dépositaire de la con
fiance publique.
D ep u is la maladie de M arie - M a rg u erite , Ta dame
G ib o n avoit introduit dans la maison A n n e M ia l h e , sa
p a re n te , qui lui aidoit à servir ses tantes, et qui étoit
tout aussi d é vo u ée q u ’elle aux intérêts du sieur G ibon .
E lles avoient tout à leur disp ositio n , m êm e les clefs des
armoires : E xp erto n n’en concevoit pas la m oindre d é
fiance; il semble q u ’il se plaisoit à s’aveu gler volontai
rement.
L e sieur G ib o n désespéroit d’arracher désormais .au
cunes dispositions de M argu erite ; par cela seul il doutoit
beaucoup de v o ir accom plir ses vues sur la succession
de ro n d e : il jugea prudent de s’em parer de ce qui étoit
sous la main.
L e 20 mars au m atin , E x p e r t o n , à peine l e v é , entre
dans la cham bre de sa tante; il y trouve G i b o n , A g u l h o n ,
son beau-frère, et A n n e M ialhe. Ils étoient entourés de
paquets de linge et d ’autres eiTets q u ’ils avoient retirés
des armoires : A n n e M ia lh e aclievoit de coudre le der
nier. Sous le prétexte d ’em porter les bardes personnelles
à M a r ie -M a r g u e r ite , déjà d é c é d é e , le linge des deux
tantes avoit été mis dans ces paquets, dans la chambre
m êm e où M a rg u erite étoit fort mal : E x p e rto n s’opposa
à l’e n lè v e m e n t .
M ais déjà les p apiers, les obligations et mitres pièces
importantes étoient entre les mains de G i b o n , com m e
on s’en convaincra facilem ent; ce m êm e jour il requit
�;
( 13 )
l’apposition des scellés : le procès verbal va p ro u v e r ce
q u ’on vient de dire.
Il faut rem arquer d’abord que G ib o n , nanti des titres
et o b lig a tio n s, G ib o n qui avoit voulu sans aucune p ré
caution préalable enlever le m obilier, G ibon qui prétend
a vo ir toujours cru q u ’il étoit seul héritier de son oncle,
annonce par ce procès verbal q u ’ il n’entend se porter
héritier de sa tante qu e sou s bénéfice d?inventaire.
L e juge de paix se p résen te; E x p e rto n lui déclare
q u ’ il consent à l’ap p o sition , mais q u ’il se réserve tous
ses dro its, notamment con tre les d isp osition s testam en
ta ires d ont e x cip e G ib on .
Il ajoute que le matin môme il a tro u v é dans la cham bre
A n n e M ia lh e ......... laquelle s’est permis d’o u v rir les ar
m o ires, d’en extraire le l in g e , d’en faire des tas; et il
invite le juge de paix à le constater.
M o n t é dans la c h a m b re , il trouve A n n e M ia lh e fort
p rép arée à sa réponse : Il faut faire connoître ici cette
partie du procès verbal.
« A v o n s tro u v é une fille qui nous a dit s’appeler
« A n n e M ia l h e , donnant des soins à d e m o iselle'M a rgouton , ne la co n n a issa n t sou s autre n o m ........qui
« nous a dit que ce matin elle a trou vé dans la p och e
« de ladite M argouton des clefs ,• qu'elle en a ouvert les
« a rm oires , et en a extrait le linge et autres effets q u ’elle
« savoit appartenir ¿\ la d éfu n te, p o u r les rem ettre à q u i
« de d ro it; qu'au m om ent où elle faisoit l’o u ve rt u re des
« a rm o ire s, et fermoit les p a q u e ts , M M . E x p e r t o n ,
« G i b o n et A g u l h o n sont a r r i v é s ; » mais elle é c h a p p e
ly ^ E x p cr to n n éto it arrivé que le dernier.
'
�C m )
Ln justice -sera-t-elle donc o bligée de s’en rapporter
à cet h é ritie r bén éficia ire ? est-il donc si in g é n u , si fa
v o ra b le , q u ’ il fa ille , sur ses assertions, croire à la m al
honnêteté de son adversaire, et lui faire perdre en m êm e
temps sa cause et sa rép u ta tio n? M ais poursuivons.
M a rg u erite G ib o n décéda le 27 m a rs; G ib o n ne ré-r
clam oit pas la levée des scellés; E x p e rto n fut obligé de
pren dre l’ initiative. Ils furent levés le 17 a v r i l , et le
m ê m e jour D u r a s t e l, notaire commis par le président
de p rem ière instance, procéda à l’inventaire. Il est encore
essentiel de rappeler ici quelques parties de ce procès
v e r b a l; il p rou vera co m b ien , dès le p rin c ip e , E xp erto n
s’est m o n tré avec franchise , et com bien au contraire
Gil>on a refusé de s’exp liquer.
E x p e rto n a vo it appelé ses tantes par leur n o m ; G ib o n
le tro uve mauvais : il dit q u ’il n’a p p ro u v e pas les dési
gnations données aux deux tantes, parce q u e lle s so n t
con tra ires au p rocès v erb a l d 'a p p osition de scellés ; et
en effet il avoit eu grand s o i n , lors de ce procès v e rb a l,
de don ner aux deux tantes les noms qui lui convenoient,
espérant s’en faire un titre d o n t ,a u reste, il recounoissoit
le besoin.
E x p e rto n lui rép liq u e avec raison que ce procès verbal
ne peut ré g le r ni les n o m s , ni les qualités de ses tantes.
A p r è s l’in v en ta ire , G ib o n répète avec une affectation
rid ic u le , et qui dém ontre son peu de fran ch ise, q u 'il
ne c o n n o is s o itp o in t M a r ie -M a r g u e r ite , mais bien M a r
guerite G ib o n , sa ta n te , p rem ière décédée ; il ajoute
que sa tanle lui a rép été plusieurs fois q u ’E xp crto n lui
avoit en levé son o r , son argent et ses papiers.
�( iS )
I l ne sauroit être fastidieux i c i , de rem arquer les
reproches que lui lit E xp erto n à la suite de l’in ven taire,
et la m anière dont il y répondit.
« E xp erto n n’est pas étonné que G ih on méconnoisse
« sa tante qu ’ il n’a g u ère f r é q u e n té e , si ce n’est lors
« de ses dernières maladies , p o u r lui surprendre une
« disposition nocturne.
« Il soutient que l’imputation de soustraction est fausse
« et calom nieuse; que c’est par cette invention et autres
« suggestions perfides que G ib o n , la dam e G ib o n , sa
« s œ u r , A n n e M ia lh e et autres personnes commises par
« G i b o n , que ce dernier a cherch é à détou rn er les dispo
se sitions amicales et favorables de ses tantes p o u r lui.
«
«
a
«
« Q u ’à cette ép o que M a r i e - R o s e G ib o n habitoit la
m aison, et «voit seule le soin de toutes les aifiiires du
m énage de ses tantes; que G ib o u lu i - m ê m e l’a vue
lib rem en t, a m angé et lo g é dans la maison tant que
cela lui a fait plaisir.
« R é p é ta n t que le jour du procès v e r b a l, à six heures
« du m a tin , il trouva dans la cham bre A n n e M ia lh e ,
« les sieu rs G ib o n t t A g u lh o n q u i avaient ouvert les
« a r m o ir e s , et les a voient f o u illé e s , c ro y a n t E x p e r to n
« encore au lit. »
V o ilà une accusation bien g r a v e , consignée dans un
acte p u b lic , faite à la luce de celui qui en étoit le mi
nistre; une accusation enfin q u ’ un h om m e d é lic a t, in
justement offensé ne supporte pas un seul instant. Q ue
répond G ibon ?
R ien sur le fait. Il trouve que ce sero it s'a m u ser qu e
tfjr r é p liq u e r ,* il se réserve d’agir ainsi q u ’il aviseru. E t
�( ,i 6 )
cri effet ce fait résultoit déjà du procès verbal d ’a p p o
sition de scellés; il étoit vrai en lu i-m ê m e ; il falloit des
réflexions p ou r y répondre.
Suivons l’ordre des faits, et ne faisons pas com m e le
sieur G ib o n , qui p o u r tirer une fin de non-recevoir ch i
m ériq u e d’ un jugement au possessoire, a jugé à propos de
les transposer, tellement q u ’après a vo ir traversé l’année
1809 on se tro u ve tout d ’un coup au 19 juin 1806.
D ès le 21 avril 1806, E x p e rto n fit notifier à certains
débiteurs de J e a n - L o u i s G ib o n un acte par lequel il
leu r déclare q u ’ il a été instruit de leurs dettes; q u ’ il a
été averti aussi que les titres ou billets qui constatent
la cfréance sont entre les mains de G ib o n : il leur fait
défenses de le payer.
L es procédures se continuent sans in te rru p tio n , jus
q u ’au m om ent o ù , forcé de. prendre un p a r t i, G ibo n
prend le fait et cause des d é b ite u rs , et intervient p our
faire cesser les poursuites; et en 1806 la cause.s’engage.
Il est inutile de détailler ici aucun des actes de possession
respectivem ent faits, p uis qu ’ ils ne peuvent être d ’aucune
con séqu en ce; il suffit de sa vo ir que sur une citation en
co n ciliatio n , donnée par E xp e rto n à divers détenteurs des
biens de L o u is G ibo n , les uns opposèrent des contrats de
vente , d’autres des baux à ferm e ; que dès-lors E x p e rto n
abandonna sa demande en désistement, et leur fit c o m
m a n d e m e n t de payer le p r ix des bau x de ferme. Ils y
f o r m è r e n t opposition ; G ib o n intervint p o u r prendre leur
fuit et cause; et c’est ainsi que la cause a été liée devant
le tribunal du Puy»
Pu isqu ’on a parlé de conclusions, il faut en parler aussi
pour
�C *7 )
p o u r redresser le fait. E xp e rto n , en présentant une requête
contre le sieur G ibo n , y conclut à être m a in ten u et ren
voyé dans la prop riété et jo u is s a n c e ........à ce q u ’ il soit
fait défenses’ à G ib o n de l’y troubler de n o u v ea u . Il n’y
-a donc pas de sa part une simple demande d 'en voi en
p ossession : mais le sieur G ib o n ne s’attache pas à une
g ran de exactitude dans les faits.
C ’est pendant l’instance, et en 180 8, que s’est élevée
la querelle possessoire dont on a parlé : c ’est en 180 9,
c’est-à-dire, au m om ent où la qualité des parties alloit
être jugée sur contestation r é c ip r o q u e , qu ’est rendu le
jugem ent possessoire dans lequel on donne fort adroi
tement au sieur G ib o n la qualité d ’héritier de M a rg u erite
G i b o n , qui l’étoit de J ean -L ouis.
E t aussitôt, fertile en petits m oyens dont il sent gran
dement le besoin , G i b o n s’écrie : E x p e rto n a reconnu
mes droits et la v é rité du f u i t , en ne form ant pas o p p o
sition aux qualités, dans une instance où il ne s’en ngissoit
p a s , q u o iq u ’ il me contestât form ellem ent cette qualité
dans le m êm e tem ps, et que ce fût l’ unique objet d’ un
procès au pétitoire. Q u elle p itié !
Q u o i q u ’ il en s o it, le tribunal du P u y a pron o n cé
sur le fo n d ; son jugem ent n’a d’autre base que les titres
et actes respectivement produits : il déclare q u ’une fille
qui est baptisée'sous le nom de M a r g u e r it e , qui dans
tous les actes a sans cesse été appelée M a rg u e rite , s’appelle
encore M a rg u erite ; et q u ’ un testament au profit do M a r
g u e rite , de la part d ’ un frère q u i v iv o it avec elle dans
l ’ in tim ité , ne peut profiter q u ’à M a r g u e r it e . C ’est là tout
�( i8 )
le secret des premiers juges'; il s’agit de savoir si en la
C o u r on trouvera m oyen de p ro u v e r le contraire.
L ’essayer avec des m oyens de droit isolém ent, la ten
tative seroit un peu hardie ; aussi on cherche principa
lem en t, non pas à. attirer directement la faveur sur soim ê m e , car on n’a aucun titre p ou r y p ré te n d re , mais à.
l ’obtenir indirectem ent, en s’efforçant de couvrir>son ad
versaire de d é fa v e u r, par une masse de faits tous inexacts,,
et p o u r la plupart étrangère- à la cause.
E xam in on s d o n c , i° . si, en d ro it, le testament dont
il s’agit peut appartenir à tout autre qu’à M a rg u erite
G ib o n qui y est d é n o m m é e ;
2°. E t à toutes fins, quelles conséquences p ou rraien t
résulter des faits articulés p a r l’apptilanf.
11 est de principe que les actes font foi de leur co n
tenu; et q u o iq u ’en g én é ra l dans les clauses douteuses ou
obscures, il faille moins s’attacher à la lettre q u ’à l’inten
tio n , potiùs vohintatem qu iim verba s p e c ta r i, cette e x
ception s’a p p liq u e seulement au cas où l’intention résulte
de 'l ’acte m ô m e , et où le sens^ ‘littéral des termes la con
trarie. La loi veut alors q u ’on ne s’arrête pas trop rigou
reusement à ^ expression, parce que bien loin d ’exécuter
l ’acte, ce seroit s’écarter de la vo lo n té des parties dont
il est le dépositaire.
M a is , par la m êm e raison, lorsque les actes ne sont
pas obscurs, elle ne perm et pas d ’en altérer la substance,
ni d ’en e x p liq u e r les dispositions par des circonstances
prises hors de l’acte lui-m êm e : C on tra scrip tu m 'testi
m on iu m non scriptu m testim o n iu m non J e r tiir .
�( 19 )
C ’est ce que nous dit spécialement D o m a t pour le cas
du testament. « Si la disposition du testament se trouve
« ex p liq u ée bien nettement et précisém ent, il faut s’en
« tenir au sens qui paroît p a r l’expression* »
Cette m axim e est de toute antiquité; elle tient à l’ordre
p u b l i c , qui ne veut pas q u ’on se permette de porter
atteinte à la foi qui est due aux actes, surtout aux actes
publics. Aussi le législateur s’est-il exp rim é dans les termes
les plus fo rts, et a - t - i l sem bla v o u lo ir ôter tout moyen
d ’élu d er la rigueur du principe par des interprétations
arbitraires, eu disant : « Il n’ est reçu aucune p reu ve par
« tém oins con tre et outre le contenu aux actes, n i su r
« ce q u i se ra it allégué a v o ir é té d it a v a n t , lors ou
« depuis les actes. » Q u o i de plus form el ?
C ’est encore un principe certain qu e le ministre d ’ un
acte public est toujours présum é de droit l’avo ir fait
con fo rm ém en t aux lo is; et que dans le cas m êm e d ’ une
lég è re infraction qu i ne touche pas à la validité de l’acte,
cette infraction doit être p ro u v é e par l’acte m ê m e , sans
q u o i il faut dire q u ’elle n’existe pas; car on ne présume
pas davantage l’erreur que 1q d o l, surtout lorsqu’elle scuoit
accom pagnée de désobéissance envers la loi.
C ’est donc le testament lu i-m ê m e , et le testament seul,
q u ’ il faut con sulter; c’est lui qui est aux yp u x de la loi
l’ unique dépositaire do la v o lo n té du testateur; c'est sur
lui que doit uniquem ent reposer la décision de la justice.
Q u ’y v o it-o n ? le testateur, sqns la m oindre ainbiguiiij,
institue p o u r son h éritière M a rg u erite G ib o n , sa sœ u r y
h a b ita n te de ta ville du P u y , fin sa com p agnie.
C 2
�(
20
)
Ilien de moins obscur , de moins éq u iv o q u e ; c’est
M argu erite G ib o n qui est instituée.
C ’est donc celle dont le nom est M arguerite ; celle, par
con séqu en t, à qui on l’a donné lors de son b ap têm e;
car c’est aux actes de baptêm e ou de naissance q u ’on
reconnoît les in d iv id u s; ce sont eux qui tém oignent de
leu r nom , de leur état, de leu r famille.
Il semble donc q u ’en prenant d ’ une main le testament,
et de l ’autre les actes de naissance, il seca facile de dém êler
la légataire ; car toutes les sœurs habitant avec le testa
t e u r , dont le nom ne sera pas M a rg u e rite , seront exclues
de sa succession, et celle-là feule à qu i ce nom appar
tiendra pourra se dire héritière.
Ce n’est pas cependant que le nom de l ’institué ou<
du légataire soit d’ une telle nécessité q u ’on ne puissepas y suppléer. S i , par e x e m p le , le testateur, voulan t
instituer uu de ses enfans, et n ’en disant p a s.le n o m , le
désigne de-telle m anière-qu’il soit impossible de le m éc o n n o îtr e , le testament ne lui profitera pas moins.
Si m ê m e , appelant celui q u ’ il institue d’ un nom qui
n’est pas le s ie n , il le désigne p ar des circonstances ou
des expressions qui tém oignent précisém ent celui q u ’il'
a vo u lu instituer, la connoissance certaine de sa volonté
suffit, q u o iq u ’ il y ait erreur de nom..
Ces exem ples sont ceux de la l o i; ce sont ceux m êm e
que citü le sieur G ib o n p ou r les ap pliquer très-im prop rem en t à sa cause : Si quidem in nominc...... légatarii
testator crravcrit, c u m
minùs valet'legatum.
de persona c o n s t a t
29,
Inst,.de Lcg.
, 7ii/iiIor
�( 21 )
C ’est encore le langage de la loi 4 , Cod. de Testatn .
S i in fw m in e........testator e r r a v e n t ,
nec
t a m e n
de
error h u ju sm o d i n iliil
o ffîcit v e r ita ti ; et sur cette loi la glose ajoute : C u m
QUO
SENSERIT
in cer tu m
SIT,
certu m sut de qu o sensit.
O n le v o it : ces exemples ne sont que la conséquence
des p rin c ip e s'q u ’on vient de d é d u ir e , de ces principes
élémentaires, que dans les doutes ou les obscurités d’un
acte il faut suivre l’ intention, lorsque d ’ailleurs elle est
évidente par l’acte m êm e, q u o iq u ’elle paroisse contrarier
le sens littéral des termes.
M ais q u ’on se garde bien de penser que-la lo f, pr.r ces
expressions, perm et de recherch er la v érité et l’intention
réelle du testateur hors du testament; ce seroit s 'é leve rouvertem ent contre les principes les plus certains du
droit. Si on lit quelques lignes de plus de la loi rom aine,,
on en sera encore m ieux convaincu.
A p r è s a vo ir parlé de l ’erreur de nom du lég a ta ire, et
décidé q u ’une désignation précise peut y su p p lée r, cu m
de persona c o n s ta t, l’em pereur Justinien p révo it le cas
où le nom sera bien celui de l’institué, mais la démons
tration fausse; et il dit au §. 30 des Institutes, de L ég a t. :
H u ic p r o x im a est ilia ju r is régula. F a lsâ detnonstration e legatum non p e ritn i • v clu ti s i quis ità legaverit :
S ty ch u m m eam ver nam d o , lego. L ic e t zmrn non v crn a , ■
sed ernptus s i t , u tile est legatum . Il ajoute immédiate
ment : E t con ven ien tcr s i itîi dem on straverit : S ty ch u m
m eum queni à S cïo e/ni , sitq u e ab a lio c/n ptus, u tile
est legatum Si D E SEI I VO C O N S T A T .
Cette r è g l e , com m e on le v o i t , est tirée du m êm e
�( 22 )
p rin cip e que la p réc éd en te; elle est fondée sur ce q u e ,
dans les deu x cas, l’esclave est suffisamment désigné par
sou nom de S ty ch u s, et parce q u ’ il est évident q u ’ il y a
erreur dans la démonstration. C ’est ensuite pur surabon
dance de p ré c a u tio n , que dans ce dernier cas la lo i ajoute:
S i de servo con stat.
L ’argum ent à tirer de cet exem ple de la loi s’aperçoit
avec facilité. L o rs q u ’en parlant de la fausse démonstra
tion elle dit qu ’ il ne faut.pas y a v o ir é g a r d , c’est parce
q u e le nom de l’esclav^e est disertement écrit dans le tes
ta m e n t, et q u ’alors la dém onstration n’est pas considé
r a b le ; encore a j o u t e - t - e l l e S i de serv o c o n s ta t, parce
q u ’ il est possible que le nom seul ne le désigne pas assez
disertem en t, com m e s i , p ar e x e m p le , il y a voit deux
esclaves du m êm e n o m ; 'e t ; c ’est ce q u i dém ontre encore
,m ieu x q u ’il ue faut pas cherch er hors du testamçnt les
preuves de la vo lon té du testateur.
C ’est le langage des auteurs. D o in a t , qui le disoit assez
d an s.le passage cité par r a p p e la n t , s’e xp rim e bien plus
form ellem ent dans le § . i 5 : « h n c o r e q u 'il so it v r a i
« q u e f in ten tion
«
c’e s t
«
MENT
doive cire préférée à P e x p r e s s io n ,
seu lem en t
FAIT
lorsque
CONNOITRE
la
CBTTE
suite
du
t e s t a
INTENTION,
-
m a is
« n on dans le ca s où rien ne f a i t d outer du sens de
« l'exp ressio n ; c a r alors la seule présom ption q u i peut
« être reçue est q u e le testa teu r a d it ce q u 'il voula it
a d ir e , et n 'a p a s vo u lu dire ce q u 'il n 'a pas dit. »
Sans nous épuiser ici en citations, remarquons seu
lement que l’art. 5 o de l’ordonnance de 1 7 3 5 , et le passape cité de R i c a r d , qui se rapporte au mêm e cas, n ’ont
�c*s)
pas le m oindre rapport à l ’espèce a c tu e lle , et décident
seulement qu ’en pays de droit é c r it, où la p ré te n tio n
étoit ad m ise, il n’étoit pas nécessaire d’appeler chacun
des enfans par son nom , et q u ’on pou vo it les désigner
m êm e p ar cette expression générale : C h a cu n de m e»
en fa n s.
Ces principes et ces exemples posés , quelle application
peut-on en faire à la cause? R ien de plus facile à décider.
Si en instituant M a r g u e r ite , le sieur G ib o n avoit
a jo u t é , m a sœ u r la plus je u n e , ou qu elqu ’autrc dési
gnation tellement spéciale q u ’il fût facile de la reco n D o itre , a lo r s , il faut en convenir., il y-auroit difficulté
d’a p p liq u e r le testament à M a rg u e rite ; et c’est ici le cas
de rép o n d re à l ’argum ent tiré de l’article 2148 , et à
l’exem ple de l’inscription hypothécaire.
O u i sans d o u te , tout est do rigu eu r dans une inscrip
t io n , et cependant une désignation spéciale et individuelle
suffit, mais à condition que la désignation spéciale soit
dans l’in scrip tio n ; car si elle n’y est p a s , l’ inscription
est nulle : y e û t - i l m ille et une circonstances hors du
b o rd e re a u , elles ne seroient d ’aucune utilité. Ici le p rin
cipe est le m êm e ; et si le sieur G ib o n veut souffrir l’ap
plication de l’exem ple q u ’ il a lui-même p o sé , on y adhère
sans p ein e , et la cause sera bientôt jugée.
M a is Jean-L ouis G ib o n ovoit deux sœurs également
célibataires, toutes deux Agées, toutes deux habitant avec
lu i; l’une s’a p p e lle ’M a rg u e rite , l’autre M a rie-M arguerite.
Il donne à M a r g u e r ite , sans autre indication plus spéciale :
qui osera se p e rm c tlre , sans d é c o u v rir dans le testament
ui d o u te , ni a m b ig u ité , ni o bscurité, de décider que le'
�C *4 )
testateur, en désignant M a r g u e r i t e a eu en vue M a rieM arg u erite ?
O n sera donc le maître désormais de m épriser les
volontés des m ourans, sous le prétexte de les interpréter!
O n dit m ép rise r; car ce seroit dire réellem ent q u ’il n’a
pas été perm is au testateur d ’ instituer sa sœur Margue-,
r it e , sous la simple dénom ination qui lui étoit p r o p r e ;
que p o u r instituer M a rgu erite il a dû ajouter quoiqu’autre
désignation plus spéciale ; et que par cela seul q u ’ il ne
l’aura pas f a it , le testament doit profiter à M a r ie - M a r guerite q u ’il ne désigne m ê m e pas. Singulier p riv ilè g e !
A ussi se cro it-o n obligé d’avancer q u ’ il préféroit l’ une à
l ’a u tre , 6ans que rien l’a n n o n c e ; de faire de l’une un
personnage actif et robuste, et de l’autre un etre m aladif,
insupportable aux autres et à s o i-m ê m e , et précisément
en tirer la conséquence que de ces deux sœurs avec
lesquelles il a toujours v é c u , il a donné dos secours à
celle qui en avôit le moins besoin , et ôté toute espèce
de ressources à celle qui étoit incapable de se prêter à
elle-m êm e aucun secours. S in gu lier m o tif de préférence!
E n un m o t, sans disserter plus lo n g-tem p s, toute la
prévo yan ce des lois citées par le sieur G ib o n 6e réduit
à cette explication diserte et expressive d'un savant
auteur : L o c o n o m in is est certa dém onstratif).
A in si , le testament contient-il le nom du légataire
ou h éritier ? adjugez-lui le legs ou l’ hérédité.
A défaut de n o m , c o n tien t-il, com m e l’inscrip tion, une
d ésignation sp écia le s u ffis a n te , telle qiCon puisse reconnoitre dans tous les ca s F individu appelé; y a-t-il certa
d ém on stra tio n ordonnez encore l’exécution du testament.
Eu lin
�Enfin y a-t-il quelque a m b ig u ïté , quelque contrariété
entre la dénom ination et la désignation ? suivez l’ inten
tion du testateur : S i apparet de quo cogt tatum j'itit.
V o i l à la substance des principes sur cette matière.
O r , dans quel cas se trouvent les parties? évidem m ent
dans aucun des deux derniers : il ne faut donc pas appli
q u er les règles qu i leur sont p rop res; ce n’est donc le
cas ni de parler de désignation spéciale, ni de rechercher
l ’intention du testateur. L ’héritière est n o m m é e , sans
aucune autre désignation; il ne s’agit donc que d’exa
m iner à qui s’applique le nom ; et c’est ici le cas d ’exa
m iner la bizarre difficulté q u ’on élè ve sur M argu erite
ou M a rg o u to n .
N ous avons dit en c o m m e n ç a n t, et c’est en effet un
p r in c ip e , que le ministre d ’ un acte p ublic est de droit
présum é l ’avo ir fait con form ém ent aux lois.
U n e loi du 6 fructidor an 2. porte : « 11 est expressécc m ent défendu à tous fonctionnaix-es publics de désigner
cc les citoyens, dans les actes, autrement que par le nom
« de famille et prénom s portés en la c té de îia issa n ce. »
L e sieur G ib o n va se fâcher, car c’est une loi de l ’an 2.
Il ne faut donc pas se borner à cette citation ; voyons
la loi du 11 germ inal an 11.
A r t . i cr. v A com pter de la présente l o i , les noms en
« usage dans les divers calendriers, et ceux des person« nages connus de l’histoire a n c ie n n e , pou rro n t seuls
« être reçus com m e prénom s sur les registres de l’état
« civil destinés à constater la naissance; et i l est in terd it
« a u x ojjflciers p u b lics d'en adm ettre a u cu n autre dans
« leurs actes. »
D
�C
26 )
I ,’officier public ne doit donc em p loyer que le prénom
donné à l’ individu par les registres de l ’état c iv il; il est
donc présum é de droit l’avo ir fait a in s i, jusqu’à p reu ve
contraire écrite.
Ce n’est pas q u ’on prétende en tirer la conséquence
#que s’ il eût reçu le testament sous le nom de M a r g o u to n ,
celle désignation n’eût pu être suffisante, mais seulement
q u ’ il s’est servi du p rén o m lu i-m êm e , plutôt que d’em
p lo y er une corruption patoise qui n’étoit pas le nom de
b a p tê m e ;’la conséquence enfin qu'ayant désigné M ars,uer it e , et le testateur ayant une sœur appelée M a r g u e r ite ,
c’est à son profit q u ’est dirigée la disposition.
Q u ’on veuille p o u r un instant se défaire de l ’idée que
lfc testament concerne la plus jeune des de^ix sœurs.;, q u ’on
suppose, s’ il faut em p lo y er ce tei-me, que le testateur a
vo u lu désigner l'aînée, com m ent a-t-il dû s’e x p r im e r ?
Q u ’on se mette à sa place. Il savoit que sa sœur s’appeloit M a rg u e rite ; n’a - t - i l pas ren d u entièrement son
i d é e , en disant : J ’institue M a r g u e r ite , ma sœ u r? Sa
disposition u’est-elle pas parfaite, son intention rem p lie ?
Q ui osern le n i e r ? ’
M ais si cela est ainsi, qui osera declarer que son inten
tion étoit a u tre ? qui osera toucher au sens littéral de sa
disposition , sans craindre d’y porter une main sacrilège,
et de m é p ris e r, contre le vœu do la l o i , la volonté la
m ieux e x p r im é e ?
A llo n s plus lo in ; supposons que le testateur ait dit ou
dû dire au notaire : J ’institue M a rg o u to n , le notaire aura
su ou lui aura dem andé si M argouton est une corruption
de M a rg u e rite , et p o u r se conform er à la loi il aura écrit
�(* 7 )
M arguerite : la personne en sera-t-elle moins certaine?
l’intention du testateur ne sera-t-elle pas encore rem plie?
E t on oseroit dire et décider qu ’il a entendu instituer
tout autre !
L e sieur G ib o n savoit, disons-nous, que sa sœur s’ap .peloit M argu erite : témoin le certificat de civism e contre
lequel on se récrie si singulièrement. C e r t e s , si on eût
cru q u ’elle dût être désignée autrement dans un acte
p u b l i c , il faut penser que le 26 floréal an 2 , le sieur
G ib o n n’eût pas mis d ’affectation à fouiller dans le calen
d rier g ré g o rien p ou r y ch ercher un nom patronimique!
E n vain d i t - o n que c’est un acte iso lé; on défie d’en
citer un seul où elle ait pris le nom de M argouton .
M ais p o u r dém o n trer que c’est ainsi q u ’elle a toujours
été dén om m ée dans les actes, et p o u r convaincre le sieur
G ib o n q u ’il s’écarte un peu de In v é rité sur le fa it, il suffît
de le re n v o y e r au testament du 12. brum aire an 1 4 ; il
est fait par M a r ie -M a r g u e r ite , qui y p r e n d , o u , p ou r
m ieu x d i r e , à q u i on donne seulement le nom de M a r
guerite.
E lle fait un legs à sa sœur de l’ usufruit de ses biens,
en ces termes :
« J e donne et lègu e à M a rg u erite G i b o n , ma sœ u r,
« célibataire, native de L a n d o s , habitant eu celle ville
a du P u y , la jouissance, etc. »
E h q u o i! M a rie -M a rg u e rite G ib o n lègue à sa sœur
sous le seul nom de M a rg u e rite , et elle auroit pu p rétendreà l’ instant m ê m e q u e l’institution faite parson frère,
sous le m ôm e n o m , ue peut p roduire aucun ellet en sa
D 2
�(
28 )
fa v e u r! C ’est par trop abuser de la permission de jouer
sur les mois.
Rappelons encore ici l ’argument de l’inscription h y p o
thécaire.
Si les deux sœurs étant également créancières de leur
f r è r e , une inscription avoit été prise à la requête de
M a rg u e rite , à qui profiterai t-elle ?
L a question, sans d o u t e , serait bientôt d é cid é e; pas
un tribunal au m onde ne s’aviserait de juger contre le
texte form el de la l o i , q u ’entre deux sœurs q u ’aucune
autre indication ne d é s ig n e , on doit reconnoitre celle
dont le nom n’est pas identiquement le même.
Ce seroit une question d e s a v o ir , dans le cas où il
n’en existerait pus sous le nom de M a r g u e r it e , 'si l’ins
cription p ou rrait appartenir à M a rie -M a rg u erite.
M ais ce n’en est pas u n e , dès que M a rg u erite existe;
et certes personne au m onde ne décidera jamais que l’ins
cription, p ou r être valable et profiter à M a rg u erite , aurait
dû être prise sous le nom de M a rgo u to u .
L ’esprit h u m a in , ce sem ble, ne peut con cevo ir q u ’ un
seul cas d ’e x c e p tio n , c’est celui où les deux sœurs s’ap
pelleraient également M a rg u e rite ; et ce cas sans doute
serait le plus favorable dans lequel p ou rrait se placer
le sieur G ib o n . Q u ’en r é s u lte ra it-il? 11 suilit, p ou r le
d é c id e r, de se référer aux principes, aux dispositions des
lois q u ’on a déjà citées.
P artout nous avons vu que la disposition n’est valable
q u ’autant que la personne du légataire est certaine: C u m
de person a co n sta t....... cu m certu m s it de q u o sens i t ;
�( 29 )
Q u e la certitude doit se t r o u v e r dans le testament
m ê m e , com m e nous le dit M . D o m a t , et com m e le déci
dent ces lois elles-mêmes.
Si donc la personne est incertaine; si le testateur ayant
deux sœurs portant le m êm e n o m , le testament ne d é
signe pas l’ une plus spécialement que l’a u t r e , la disp o
sition est nulle. V o ilà tout ce que pourroit espérer le
sieur G ib o n dans la disposition qu ’on vient de faire : o r ,
nous ne sommes pas dans ce cas.
N ’en déplaise donc à la loi B a r b a r iu s P h ilip p u s ,
il im porte fort peu que l’aînée des deux sœurs ait pu
être usuellement appelée M a rgo u to n ; que la plus jeune
ait q u elqu efo is, m êm e habituellem ent p orté le nom de
M a rg u erite : aucune d ’elle n’a perdu ni son véritable
n o m , ni l’habitude de la distinguer par ce nom. M a r
gouton signifie M a rg u e rite ; et si le frère et la sœur se
sont servis de cette dénom ination patoise dans le com
m erce de la v i e , il est constant au moins q u ’ ils ne l’ont
pas fait toutes les fois q u ’ ils ont parlé d’elle dans des actes
p u b lics;
C ar le sieur G ib o n , dans le certificat de civisme de l ’an 2 ,
l’a appelée M a r g u e r ite , qu oique m êm e a lo rs, com m e
ensuite, elle fût M a rg o u to n dans l’ usage;
C a r M a r ie - M a r g u e r i t e , par son testament de l’an 1 4 ,
l’a appelée fri argue ri te.
D ’où il résulte q u ’ il est impossible à un hom m e rai
sonnable de d é c id e r, m êm e de présumer que M argouton
n été l'unique expression prop re à désigner certainement
l ’aînée des deux sœ urs, et que toute disposition laite
�( 3° )
sous le nom de M a rg u erite ne peut la concerner ; car
les actes de la cause tém oignent tout le contraire.
A in si donc le fait et le droit concourent p o u r justifier
le jugem ent dont est appel.
Il ne reste plus q u ’à exam iner la ressource que peut
tro u ve r le sieur G ib o n dans la p reu ve testimoniale q u ’il
oiFre.
A cet égard tous les principes se réunissent. Si la p reu ve
n ’est pas faite par le testament, rien ne peut y suppléer:
c’est ce qui résulte des lois déjà c it é e s , et de la doctrine
enseignée par M . D om a t dans le passage q u ’on a transcrit;
c’est d ’ailleurs ce qui d érive du principe q u ’ un acte fait
foi de tout son c o n te n u , et q u ’aucune p reu ve étrangère
ne peut eu altérer la substance.
C ’est enfin ce qui est disertement é c r i t , soit dans les
anciennes ordonnances, soit dans l ’art. 1341 du Code.
« Il n’est reçu aucune p reu ve p ar tém oins contre et
« outre le contenu a u x actes , n i s u r ce q u i sera it
« allégué a v o ir été d it a v a n t, lors ou depuis les actes. »
Si m êm e on vo u lo it articuler que le juge peut toujours
s’entourer des lumières que lui ollreut les présom ptions,
l ’argum ent s’ écarteroit encore avec la r t . 1363 du m êm e
C o d e , qui ne permet de les considérer que lorsqu’elles
sont g r a v e s , p r é c is e s , con cord a n tes , et dans les cas
seulem en t où la preuve testim o n ia le est adm issible.
A ussi l’appelant sentant bien la force de ces m oyen s,
cherch e à se placer dans un cas d’exception. II ne s’agit
p a s , d i t - i l , de p ro u v e r une convention q u i excèd e le
ta u x des ord on n a n ces ou de
rart. 134! du C o d e ; mais
�(3 0
il s’agit de suspicion, de supposition de personnes; et il
cite D a n t y , ch. 7 , et la loi 2 1 , ff. de T e slib u s.
Il ne s’agit p a s , il est v r a i , de p ro u v e r une conven
tion qui excède i5 o fr. ; mais il s’a g it , par une p reu ve
testim oniale, d’ajouter ou de retrancher à un a c te , de
rechercher dans des dépositions la volon té du testateur,
de p ro u v e r p o u r cela ce qui peut avo ir été dit avant et
d ep u is; et la loi p ro h ib e également l’ un et l’autre.
C om m en t le sieur G ib o n fera-t-il entendre q u ’ il s’agit
de supposition de personne ? Su r qu i se dirigera cette
accusation ? sera-ce sur E v p e r t o n ? mais- alord c’tfst une
proposition in in telligible; car le testament n’est pas son
o u v r a g e ; et quand bien m êm e il l ’auroit in flu e n c é , il
seroit difficile de con ce vo ir une supposition de personne.
Sera-ce le testateur? mais on ne le com p rend roit guère
m i e u x , et peut-être encore moins.
•
Il y a supposition de personne, lorsque p o u r p rofiter,
par e x e m p le , d’une h éréd ité, et l ’héritier étant m ort ou
ab sen t, un tiers se présente com m e cet h é r it ie r , suppose
q u ’ il est la personne instituée.
A in si , p o u r ap pliquer l’exem ple à la cause, Jean L o u is institue M a r g u e r ite , sa sœ u r; M argu erite décède
avant lu i; une autre sœ u r, qui ne s’appelle pas M a rg u e
r ite , s’empare de son extrait de naissance, et se l’a p p ro
p ria n t, réclam e l’h é r é d it é , prétendant q u ’elle est M ar
guerite. 11 y a supposition de p erso n n e, pince q u ’on a
caché qui on é t o it , parce q u ’on s’est présenté p o u r un
a u tre , parce qu ’en prenant le nom de son voisin on a
cherch é à s’a p pro p rier ce qui lui étoit lègue certa in e
m ent, Mais ici quoi de s e m b l a b l e ? M a r g u e r i t e n’a pas
�ÏA«C 32 )
supposé q u ’elle fût une autre q u ’e lle -m ê m e ; elle ne s’est
pas ap prop rié l’extrait baptistaire de sa sœ ur, en cachant
le sien p ro p re ; elle s’est présentée à la justice ( ou
quoique ce soit le sieur E xp erto n ) , son extrait de nais
sance à la main ; elle a dit : J e m ’appelle M a rg u erite
par m on acte de b a p têm e; M a rg uerite dans le certificat
de la n 2 ; M a rg u erite dans le testament de ma sœur ;
ainsi q u oiq u e j’aie pu être usuellement désignée par
M a r g o u t o n , dans le langage fa m ilie r, je soutiens que ce
sont ces actes seuls q u ’il faut consulter p o u r connoître
la véritable héritière. A in s i elle n’a rien supposé, ni
p erso n n e, ni choses, pas m êm e une syllabe. E t en v é
rité il n’est q u ’ un besoin extrêm e qu i puisse inspirer de
semblables moyens.
Si 011 o u v re D a n t y , on trouve dans le chap. 7 , cité
par l’a p p e la n t, q u ’après a v o ir parlé de la sévérité des
ordonnances sur la foi due aux a c te s, il ajoute q u ’elle
n’a pas lieu dans les con tra ts s im u lé s , et autres actes
q u i son t fa it s en fr a u d e de la lo i ou p o u r trom per un
autre. E u cela il ne faut pas s’é to n n er; car on sait que
les cas de dol et de fraude sont toujours exceptés.
11 y a dol et fraude, s’écrie l’appelant; car 011 voud roit
s’em parer de ce qui n’appartient pas à M argouton G ibon.
11 y a dol et fraude com m e il y a supposition de per
sonne. Il y a dol et fraude com m e dans tous les cas
où on form e une demande que le défendeur conteste;
car c’est toujours un d o l, si on peut s’ex p rim er a in si,
que de réclam er ce qui ne vous appartient pas. S i , par
exem ple , je demandois le payement d ’ une obligation
q u ’on m ’auroit payée la veille , ce seroit certainement
un
�( 33 )
un dol , cependant on n’admettroit pas la p reu ve du
payement. E n un m o t , les faits de dol et de fraude ne
sont recevables à côté d’ un acte que “si l ’acte lui-m êm e
en est infecté : ainsi je puis être admis à p ro u v e r que
le consentement a été exto rq u é ou surpris-, q u ’ il a été
le fruit du dol et de la violence ; que m êm e il n ’a eu
d ’autre cause q u ’une erreur sur la substance m êm e de
la chose. M ais ici personne ne conteste que le testament
du sieur G ib o n ne soit v a l a b l e , car chacun veut se
l ’a p p r o p r ie r ; personne m êm e ne prétend qu ’ il soit le
fruit de l’e r r e u r , car on soutient q u ’ il a indiqué suffi
samment la p ersonne, et chacun veut être ou représenter
cette personne.
D o n c on ne peut pas admettre de p reu ve testimoniale
contre cet a cte; rien p ar conséquent qui tende à établir
qu elqu e chose contre ni outre cet acte.
D o n c on ne peut rien p ro u v e r de ce qu i s’est dit
l o r s , avant ou depuis.
D o n c , et d’après les principes déjà rappelés, si le testa
m ent est c la ir, il faut l ’exécuter te l q u 'il e s t; s’ il ne l’est
pas suffisamment p ar lu i-m ê m e , il faut le rejeter.
D o n c enfin la p reu ve testimoniale est inadmissible.
Si on exam ine ensuite la loi O b ca rm en J a m o s u m ,
on se demande de quelle utilité peut être cette citation.
E lle ne s’occupe pas eu effet des cas où la p reu ve testi
m oniale est admissible; mais seulement des témoins qui
doiven t être p r é f é r é s , de la foi q u ’on doit ajouter à
leurs dépositions. E lle dit que celui qui aura é p ro u v é
une condamnation infam ante, ne peut être té m o in , /«tc s ta b ilis J it‘ elle dit que le gladiateur ne sera pas c r u ,
E
�( 34 )
sin e tarm entis ; elle ajoute enfin que si tous les témoins
sont honnêtes et p rob es, et q u ’ils aient connoissance par
ticulière du fait en question , le juge doit y a v o ir la
plus grande confiance.
M ais nulle part il n’est question dans ce passage , ni
de testateur, ni de testament : la loi parle d’ une enquête
f a i t e , et non d ’une enquête à faire; elle dit au juge q u elle
doit être sa base p o u r la confiance q u ’il doit aux tém oins;
mais elle ne dit pas q u ’on recevra des preuves hors les
cas de d r o i t , puisque supposant une p reu ve déjà fa ite ,
elle doit supposer aussi q u ’elle a été admise con fo rm ém en t
aux lois.
Ecartons donc de la cause toutes ces autorités, et le#
in d ices résu ltan s de fa it s d è s -lo r s c o n s ta n s , puisque
tout cela n’y reçoit aucune application.
Com bien de présomptions-et d ’ind ices, s’écrie encore
le sieur G ib o n ! n ’est-il pas constant et a v o u é ..........
N on , il n’est ni constant ni a vo u é que M argu erite ,
la p lu s je u n e y s’est mise en possession de tous les biens;
qu ’elle y fait une mainmise absolue et ex clu siv e • q u ’elle
ait ex clu siv em en t g é r é , ad m in istre, vendu et afferm é;
car l’ intimé le nie fo rm el le m en t.
E t quand tout cela seroit v r a i , ce ne seroit q u ’un seul
fait répété trois fois avec a r t , en des termes difTérens;
et ce fait ne p ro u v e ro it rien.
E t quand bien m êm e encore il seroit vrai qu e M a riéM argu erite auroit joui seule et sans la participation de
sa s œ u r, q u o iq u ’elles vécussent en se m b le; quand bien
même M argu erite , ne con n a issa n t pa s le te s ta m e n t,
auroit pu en croire aux dires de sa sœur et du sieur
�(
3
5
}
G ib o n , et ne pas réclam er l’h é r é d i t é , s e r o it - c e une
p reu ve q u ’elle ne fût pas héritière ?
Si m êm e enfin on vo uloit descendre jusqu’à l’examen
de la p reu ve o ffe rte , il seroit aisé d ’en d é m o n trer la
futilité. Q u e v e u t - o n p r o u v e r ?
i° . Q u e la plus jeune des deux sœurs a toujours été con
nue et a toujours contracté sous le nom de M a r g u e r it e ,
et l’aînée sous celui de M argouton .
Il n’a jamais été contesté que dans l’ intérieur de la
fam ille elles aient l ’une et l’autre été désignées par ces
d énom inations; il n’y a donc pas besoin de p r e u v e , et
on vient de v o ir l’inutilité de cette circonstance. Mais
que jamais elles aient été ainsi dénom m ées dans des actes
p u b lic s, c’est ce q u ’on défie d ’établir : ce 11e seroit pas
d ’ailleurs le cas d’ une p reu ve testimoniale, mais bien de
rap p o rter les actes. C ’est du reste s’a v e n t u r e r beaucoup
que de présenter com m e un acte où l’aînée auroit contrac
t é , le prétendu testament resté imparfait : il ne fut jamais
ni son o u v ra g e , ni l’expression de sa vo lon té ; 011 ne s’est
jamais p o u rv u ni en nullité de son véritable testament,
ni p a r aucune autre action qui tendît à établir q u ’elle
avo it été em p êch ée de tester. G ib o n a pensé avec raison
q u ’ il lui seroit plus avantageux de se plaindre à son aise,
que de mettre au jour la vérité.
20. Q u e c’est cette sœur qu e le sie u r G ib o n a eue en
vue en instituant M arguerite.
A v e c des allégations aussi peu caractérisées et aussi
va g u es, on se donneroit la perm isiou de tenter la preuve
la plus indéfinie et la plus contraire aux lois! Est-ce donc
là un fait susceptible de p reu ve testimoniale? laissera-tE 2
�on de côté tout ce qui résulte de l ’ac te , p o u r é ta b lir,
par des dépositions orales, V in te n tio n , le fo n d de la
pensée du testateur?
3°. Q u e la plus jeune a joui exclu sivem en t.
O n a déjà répon du à ce fa it, et dém ontré q u ’il ne
seroit d’aucune conséquence.
4°. Q u e le sieur E x p e r to n , et M argu erite l’aînée, ont
déclaré que le testament concernoit la plus jeune.
C e fait n’est q u ’ une répétition des précédons. O n a
déjà rép ondu p ou r M argu erite ; q u ’im porte ce q u ?ellè
pou rro it a vo ir cru , sa?is a u cu n e co n n o issa n ce du tes
tam ent. P o u v o it-e lle l’a p p ro u v er sans le c o n n o ître ? E t
quant à E xp e rto n , qui d ’ailleurs désavoue form ellement
ce q u ’on lui im p u te , de quelle conséquence seroit ce fait,
à le supposer vrai ? en résulteroit-il que le testament est
autre q u ’il n ’est en effet? cela changeroit - il rien aux
preuves qui en résultent?
E n fin , n’est-ce pas asseoir ses preuves uniquem ent sur
ce qui a été dit depuis le testam ent ?
E t d’ailleurs quelle v r a i s e m b l a n c e ? E xp e rto n habitant
avec son oncle et scs tantes, vivan t avec eu x dans l’ io tim ité , auroit dirigé les libéralités de son oncle sur ses
sœ urs, plutôt que sur lui-m ôm e! ce seroit au moins de
sa part une grande p reu ve de désintéressemeut. M a i s ,
dit-on , il n 'a v o it p lu s iVin fluence. Ce f a i t iCa rien de
vraisem blable : et on offre de le p ro u v e r!
E t on appelle cet unique fait divisé en h u i t , des faits
précis et concluons!
M ais tout cela s’écarte par le fait constant q u e , soit
l’o u c le , soit la ta u le , les plus jeunes ont toujours appelé
�( 37 )
l ’aînée M arg u erite , dans tous les actes où il a été question
d ’e lle , et que jamais elle n’a été dén om m ée autrement
dans aucun acte.
N ’en doutons pas; le sieur G ib o n n’a offert cette p reu ve
avec tant d ’emphase et un ton d’assurance, sachant bien
q u ’on ne l’admettroit pas, que dans l’espoir q u ’il parvien droit à faire une impression défavorable à son ad ver
saire : aussi seroit-il fort aise que la C o u r pensât qu ’il
n ’en est pas besoin, et q u ’elle se contentât des présom p
tion s exista n tes.
L e sieur G ib o n e s t - il donc tellement éd ifian t, que
la justice d o i v e , les y e u x fe rm é s, lui donner pleine et
entière confiance ? E x p e rto n sera-t-il tellement circon
venu par des allégations qu i ne sont ni. v ra ie s, ni p résumables , que la C o u r d o ive le condam ner ou m al
présum er de l u i , parce que son adversaire c rie h a r o ?
Ce seroit un étrange m o y e n , si la justice ou ses ministres
p ou vo ien t se laisser étourdir par d’aussi vaines clameurs.
N ’a llèg u e-t-on pas encore qu ’E x p c r to n s’est fait con
sentir ù la fois une donation et un testam ent? C ’est un
autre fait semblable aux premiers. M argu erite G ib o n
vo u lo it donn er à son neveu ; la donation étoit com
mencée lorsqu’on s’aperçut q u ’elle exig ero it le détail du
m o b ilie r ; alors ou l’aban do n n a, et il ne fut fait q u ’ un
testament. lia do n a tio n , quoique com m encée, n’a jamais
été parfaite; ¡1 n’en existe pas d ’acte en forme.
Enfin , si la C o u r veut bien se p énétrer des faits et
des circonstances, elle sera convaincue de l'inexactitude
de G ib o n , et du peu de confiance (ju’elle lui doit.
E li quoi ! l’oncle et les tantes des parties sont venus
�3/4 .
( 38 }
habiter avec E x p e rto n . E t ils n’avoient p o u r lui que des
rebuts!
Il a vendu une maison achetée par son o n c le , et s’est
em paré du p rix p o u r en acheter une autre en son nom.
E t cet oncle qui en avoit une à lu i , qui d’ailleurs étoit
dans l’aisance , l’a suivi dans sa nouvelle habitation , et
a continué d’y v iv r e avec lui dans l’ in tim ité, jusqu’au
dernier instant de sa v ie !
Il a v o lé à sa tnnte une som m e d ’argen t; sa tante s’est
exh alée en r e p r o c h e s , en plaintes amères. E t dans le
m êm e temps elle lu i fait un legs de 1000 fr. par son
testament !
Il avoit accaparé son o n clc et ses tantes; il avoit une
funeste influence. E t bien loin de s’en servir p o u r lu im ê m e , il a d irigé les libéralités de son oncle au profit
d ’ un autrel
Il a reçu
i dans sa maison et à sa table ,' Rose sG ib o n ,
sœur de l’ in tim é; il y a admis A n n e M ia lh e , parente et
alTidée de G ib o n ; il y a affectueusement invité G ib o n
lui-m êm e. E t il étoit plein de précautions et de ruses
p o u r leur soufTlcr des dispositions!
E t c’est avec une semblable c o n d u ite , q u ’ E x p c rto n ,
avo u é au tribunal dont est a p p e l, et bien connu de ses
ju g e s, est parvenu à leur en im poser; q u ’il y a été tel
lement favorisé, que ses con frères, les avocats qui exe r
cent près de ce tribun al, et les juges eux-inêm es ont été
p réven u s p o u r l u i , et que G ib o n a été repoussé par tout
le m onde !
E n v é rité de semblables assertions offensent la justice,
et se réfutent elles-mêmes.
�( 39 )
E t G ib o n q u i , après la m ort d’ une des deux sœurs,
et dans les derniers instans de l’autre , a p én étré dans
sa cham bre p o u r fouiller dans ses poches, y prendre ses
c lefs, o u v rir ses a r m o ir e s , en sortir et s’a p pro p rier tout
le linge et les effets qui les garnissoient ; G ib o n , con vain cu
d ’une coupable soustraction, aura le droit d ’en imposer
à la justice, et d’accuser hautement son adversaire!
D isons au contraire que toutes ces circonstances con
courent p o u r repousser, et sa p ré te n tio n , et la faveur
dont il veut s’entourer.
Disons que si le tribunal du P u y s’est arrêté au tes
ta m e n t, c’est p o u r l’a v o ir sainement ju g é ;
Q u e s’ il a rejeté la p reu ve offerte , c’est parce que ,
d’ une p a r t , elle étoit contraire au x p rin cip es; que de
l ’a u tre , étant sur les lieux et connoissant tout à la fois
les faits et les personnes, il en a sagement a p p r é c ié l’inu
tilité.
D isons enfin que s’ il est vrai qu ’E x p e rto n ait joui
auprès des juges dont est appel d ’une certaine f a v e u r ,
ce n’est pas au moins sa cause; et que c’est le m eilleur
tém oignage q u ’il puisse donner à la C o u r de ce q u ’on
pense de lui dans le lieu de son d o m ic i le , et de ce qu ’en
pensent eux-mêmes les juges près desquels il exerce jo u r
nellement des fonctions publiques et honorables.
Signé E X P E R T O N .
M° . V I S S A C , avocat.
M° .
G A R R O N , avoue licencie.
A RIOM, de l’Imp. de THIBAUD, Imprim. de la Cour imperiale, et libraire,
rue des Taules, maison Landrio t . — Août 1810.
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
[Factum. Experton, Jean-Baptiste. 1810]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Experton
Vissac
Garron
Subject
The topic of the resource
captation d'héritage
testament nuncupatif
dentelle
textile
infirmes
certificats de civisme
confusion d'héritier
patois
surnoms
diminutifs
nom d'usage
inventaires
dol
nullité du testament
testaments
Description
An account of the resource
Titre complet : Précis en réponse, pour Jean-Baptiste Experton, avoué licencié au tribunal civil du Puy, intimé ; contre Gilbert Gibon, avocat, appelant.
Table Godemel : Testament : 11. dans le doute que peut présenter la volonté d’un testateur, faut-il rechercher et faire exécuter sa volonté ? pour reconnaître le véritable héritier institué entre deux personnes qu’on prétend l’être, l’une exclusivement à l’autre, faut-il considérer l’exécution que le testament a reçue, et le jugement qui a été porté dans la famille, dans le public et par celui qui contracte ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
de l'imprimerie de Thibaud (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1810
1803-1810
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
39 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2010
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2009
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53380/BCU_Factums_G2010.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Cros-de-Géorand (07075)
Le Puy-en-Velay (43157)
Landos (43111)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
captation d'héritage
certificats de civisme
confusion d'héritier
dentelle
diminutifs
dol
infirmes
inventaires
nom d'usage
nullité du testament
patois
surnoms
Testament nuncupatif
testaments
textile
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53378/BCU_Factums_G2008.pdf
29ffe46dd46841681e378fd6e8fc1658
PDF Text
Text
C R É A N C E S
D U
NOM
DATE
d es
de
CRÉANCIERS
ORIGINAIRES.
P È R E .
SOMMES.
l'D ÏP O T H È Q U E .
Chateau Debort
15 mars 1719.
Dubois - Dumont , dit
Lavinhac....................
Gaspard Dubois - Du Hugues Rochefort, . . .
Pcsquet ou Tlieroulde,
comme aux droitsde la
veuve Puliabilier. . .
1020 fr.
1731.
9560
1731.
5571
1753.
97 2
1751.
571
1741.
260
1746.
7349
1765.
2545
�C R É A N C E S
N
0
D E
M È R E .
DATE
M
de
des
CRÉANCIERS
L A
1’
ORIGINAIRES.
A n n e Gorce et Gaspard
Sinionet..........................
S 0 M M E S.
II Y P O ” H â Q U E,
6 septembre 1712.
5 o 4 4 fr.
réduit en 1727
à 525 1 f r.
24 décembre 1726..
5257
P e r ro n .................................
24 avril 1731.
5240
L aville.................................
27 avril 173G.
1200
28 juillet 175g.
649
Pesrjuet ou T b e ro u ld e ,
com m e aux droits de
Beraud............................
1722.
6337
Joseph et Pierre Simon.
1728.
8679
»
-------------------------------- ,
�MÉMOIRE
P ou r M e. A n t o i n e G A Z A R D , avocat, maire
de la ville de Murât, intimé, et incidemment
appelant ;
dame S u z a n n e D E C H A L U S , veuve
en premières noces de François D u b o i s d e
St.- J u l i e n , et en secondes noces de Pierre
T o u r n e m i r e , appelante d'unjugement rendu
au tribunal civil de Murât, le 14 prairial an 9.
C o n tre
QUESTIONS.
L e pouvoir d’ aliéner les biens d o ta u x, énoncé au
contrat de mariage de la dame de C halus, est-il général
et illim ité?
La. condition imposée au m ari d’employer le p rix pro
venant des ventes au payement de ses dettes et créances
hypothécaires, en commençant par les plus anciennes,
et qu’ il sera tenu de déléguer, a-t-elle pu obliger l'acqué
reur de rechercher la date de ces créances ?
Pouvoit-il en avoir les moyens lors de l'édit de 1771 ?
L' indication faite par le m ari vendeur n'a-t-elle pas
libéré valablement l’acquéreur?
L ’appelante seroit-elle aujourd’hui recevable dans sa
demande en nullité de la vente ou en restitution du prix?
F A I T S .
S
uzanne
DE
CH ALU S,
a u j o u r d ’h u i v e u v e T o u r -
n e m i r e , e t M a r i e - A n n e d e C h a l u s , sa s œ u r , o n t s u c c é d é
A
�44 *
( 2 }
par égale portion au sieur Danty, leur oncle maternel.
Elles jouissoient indivisément de sa fortune, lorsque, le
I er. juin 1773, Suzanne Chalus, majeure et non mariée,
et le sieur de Chalus, son beau-frère, époux de MarieAnne , vendirent solidairement, et avec promesse de
garantie, quelques parcelles d’héritages provenans de la
succession Danty, au sieur Denis Gazard, père de l’inti
m é, moyennant la somme de 2100 francs, dont le con
trat porte quittance.
L e 4 août 17 7 4 , la dame Suzanne Chalus contracta
mariage avec le sieur François Dubois de Saint-Julien.
On a vu qu’elle étoit majeure, et maîtresse de ses
droits. E lle se constitue en tous ses droits, parts et por
tions héréditaires qui lui sont échus par le décès de ses
père et m ère, et par celui de Jean-Baptiste Danty, son
oncle maternel; « lesquels droits, est-il dit, de quelque
« nature qu’ils puissent être, en quoi qu’ils puissent et
« doivent consister, et où qu’ils soient sis et situés. Elle
k donne par ces présentes plein pouvoir et autorité au
« sieur Dubois de Saint-Julien, son futur m a r i, de les
« rechercher, partager, vendre, céder, aliéner, et au« trement en traiter et transiger à tels p r ix , clauses,
« charges et conditions qu il avisera bon être,■recevoir
u et fournir quittance du prix des aliénations ou traités
« qu’il passera ; pour tous les actes auxquels le futur
« époux aura consenti à raison des droits et biens de la
« demoiselle future, valoir et sortir même effet que si
« elle les a voit elle-même passés avant ces présentes. »
Il est ajouté : « A la charge toutefois que sous la
« réserve et retenue de la somme de 10000 francs que
�«
«
«
«
«
«
«
C 3 ).
le futur époux pourra recevoir sur les premiers deniers
ci toucher des biens de la demoiselle future, pour en
disposer et faire tel emploi que bon lui semblera, et
de laquelle somme de ioooo francs il déclare faire dès^
ce jour assiette et assignat sur tous ses biens présens
et à venir, pour la demoiselle future y avoir recours
le cas arrivant.
« Tout le surplus du prix desdites aliénations, et
« autres droits mobiliers déjà acquis à la demoiselle
« future, seront employés à la libération des dettes et
« créances hypothécaires, à commencer par les plus
« anciennes et privilégiées du futur époux; à l’effet
« duquel emploi le futur faisant les aliénations , sera
« tenu de déléguer le prix d’icelles en l’acquit des
« créances, auxquelles la future demeurera subrogée de
« plein d ro it, pour plus ample sûreté de la restitution
« de sa dot. »
On lit encore dans ce contrat la clause suivante :
« Nonobstant ce qui est ci-dessus d it, que tous effets
o mobiliers déjà acquis à la demoiselle future seront
« employés en l’acquittement dés dettes du futur époux,
« cependant il demeure dès tout à l’heure autorisé à
« recevoir, sans aucune indication d’em ploi, ceux dé« pendans de la succession et faisant partie des biens du
« sieur Danty, son oncle, non excédant la somme de
« ioo francs pour chaque échéance, etc. »
L e 13 octobre 1775, Jean-François Chalusdu Chûtelet,
tant en son propre et privé nom, qu’au nom et comme
mari de dame M arie-Anne de Chalus, et ayant droit,
suivant leur contrat de mariage, de vendre les immeubles
A 2
�( 4 )
appartenans à sa femme, et François Dubois de SaintJulien , aussi tant en son propre et privé nom , que
comme mari de dame Suzanne de Chalus, tous deux
solidairem ent, sans division ni discussion, vendirent
avec pleine garantie, au sieur Denis Gazard , père de
l’intimé, un domaine appelé de Lan del, une montagne
en dépendante, euseinMe les bestiaux qui garnissoient les
montagne et domaine, et qui sont désignés au contrat.
L e prix de la vente est fixé ù 36000 f r . , et 968 fr.
pour épingl s; savoir, 4000 francs pour le mobilier,
et le surplus pour les immeubles. L ’acquéreur paye
comptant la somme de 9368 francs, dont le contrat porte
quittance. 11 est dit que sur cette somme le sieur de
Chalus a pris celle de 6484, francs, et le sieur Dubois
de Saint-Julien celle de 2884 francs : quant à la somme
de 27600 francs restante pour parfaire l’entier p rix , le
sieur Gazard, acquéreur, s’oblige de la payer, savoir,
celle de 3600 francs à la Noël lors prochaine, aux créant
ciers du sieur de Saint-Julien qu i lui seront indiqués
par lu i, en conform ité et suivant les clauses énoncées
en son contrat de mariage avec la dame Suzanne de
Chalus.
Les 24000 fr. sont stipulés payables en quatre termes
égaux; moitié sera payée au sieur de Chalus, et l’autre
m oitié aux créanciers du sieur de Saint - .Julien , sur
Tin d ic a tio n qui en sera faite par ce dernier : le to u t
a u s s i ch c o n fo r m ité e t s u iv a n t les cla u s e s cn o n cée s a.u
c o n tr a t de m a r ia g e du s ie u r de S a in t - J u lie n .
Jusque-là il est impossible d apercevoir aucun abus ou
excès de pouvoir de la part du sieur de Saint-Julien,
�C 5 )
l’un des vendeurs : toutes les clauses de la vente sont
conformes à celles du contrat de mariage, et le sieur de
Suint-Julien n’a fait que ce qu’il avoit le droit de faire.
Cette observation trouvera sa place dan§ la suite.
Il paroît que le sieur Dubois de Saint-Julien étoit
pressé de faire cette indication. L e contrat de mariage
n’énonçoit aucune date des créances qui pesoient sur le
sieur Dubois; il n’en particularisoit aucune, et il étoit
impossible au sieur Gazard, acquéreur, de les counoître :
il dut donc suivre la foi de son vendeur, qui étoit luimême intéressé à ce qu'on remboursât les dettes les plus
anciennes comme les plus onéreuses.
D ’un autre côté, l’acquéreur devoit être pleinement
rassuré sur la plus grande partie de la somme qu’il devoit
pour la portion du sieur de Saint-Julien; son contrat de
mariage apprenoit que sur le prix des venfes immobi
lières qu’il avoit le droit de faire, il pouvoit toucher
jusqu’à concurrence d’une somme de ioooo francs, dout
il avoit la faculté d’user comme il lui plairoit, sans être
tenu à aucun emploi ni désignation de payement. Il ne
revenoit sur le prix de la vente , au sieur Dubois de
Saint - Julien , qu’ une somme de 18484 francs : il n’y
avoit donc, par conséquent, que celle de 8484 francs
qui devoit être employée au payement de ses dettes.
Quoi qu’ il en soit, les 17 et 18 du même mois d’oc
tobre 1775, le sieur Dubois de Saint-Julien fait ses indi
cations ; il désigne les sieurs Lamouroux , Roux cadet,
et Blattin , tous trois négocians à Clermont, et leur donne
des mandemens pour être payés sur le prix de cette
vente.
�( <5 )
L e sieur Gazard paye au sieur Lamouroux une somme
de 1600 francs; celle de 1000 francs au sieur Roux cadet;
celle de 13000 francs au sieur Blattin. Il rapporte toutes
les quittances, ainsi que les titres authentiques, dont le
plus ancien remonte à
E t quels étoient ces titres ? C ’étoit des lettres de change
dont les créanciers avoient obtenu la condamnation par
corps. Certes il étoit urgent pour le sieur Dubois de
Saint-Julien de se débarrasser de pareils créanciers, et
il ne pouvoit faire un meilleur emploi du prix de ses
ventes.
Mais ce qu’il y a d’important à ajouter, c’est que par
le contrat de vente, du 13 octobre 1775, les immeubles
avoient été vendus francs et quittes de toutes charges,
dettes et hypothèques, même des arrérages des cens dont
les biens étoient grevés envers les seigneurs.
Cependant le sieur Gazard fut bientôt assailli par une
foule de créanciers du sieur D an ty, qui l’assignèrent
hypothécairement; et malgré les dénonciations faites à
ses vendeurs, qui se laissoient toujours condamner par
défaut, il s’est vu obligé de payer, i°. une somme de
467 francs pour arrérages de cens ou impositions restés
dûs, et dont il rapporte les quittances; 20. une somme
de 160 francs pour frais, sur les demandes hypothécaires
formées par les sieurs D um as, Gandillon et Danjou ,
créanciers à titre de rente viagère, du sieur Danty;
30. celle de 82 livres 18 sous au sieur Gandillon, pour
arrérages d’une rente due par la succession Danty, et
dont le sieur Gazard a retiré quittance le 12 octobre 1777;
40. la somme de 1756 francs 20 centimes au sieur Sau-
�( 7 ) ..
brier de L au b ret, exécuteur testamentaire de la dame
veuve de Boisset, créancière de cette somme de la suc
cession Danty, et dont le sieur Gazard rapporte aussi la
quittance.
Ainsi le sieur Gazard q u i, aux termes de son contrat,
ne devoit au sieur de S a i n t -Julien que la somme de
18484 francs, a payé,
i°. L e jour du contrat, deux mille huit
cent quatre-vingt-quatre francs, c i ...........
2884 £• »Ci
20. Au sieur Lamouroux , seize cents
francs, c i .........................................................
1600
»
3°. A u sieur Blattin, treize mille francs,
c i ...................................................................... 13000 • »
4°. A u même sieur Blattin, une somme
de dix-huit cent soixante-onze francs, ci. 1871
»
dont ce dernier étoit encore créancier, et
en a fourni quittance au sieur Gazard le
zo février 1789.
5°. Pour arrérages de cens ou impositions, quatre cent soixante-sept francs, ci.
467
»
6°. Pour frais des demandes hypothé
caires dont on a déjà parlé, deux cent
soixante francs, c i ........................................
260
»
7°. A Gandillon, quatre-vingt-deux liv.
huit sous, c i ..................................................
82 40
8°. A Saubrier de Laubret, dix-sept cent
1756 20
cinquante-six livres quatre sous, c i .........
T o t a l
................................. 21920f. 60c.
Ce n’est pas tout encore •, le sieur Chalus du Châtelet,
�(
8 )
covendeur du sieur Dubois de Saint-Julien, s’étoit permis
d’avancer que son contrat de mariage, dont il ne justiiioit pas, lui donnoit la faculté d e vendre : ce n’étoit
de sa part qu’une assertion mensongère. A peine est-il
décédé, que Marie-Anne Chalus, sa veuve, fait assigner
le sieur Gazard, par exploit du 25 octobre 1785, au
bailliage de V ie , pour voir déclarer, en ce qui la concernoit, les deux ventes de 1773 et de 1776 nulles et de
nul eifet, et que le sieur Gazard fût tenu de se désister
des immeubles par lui acquis, avec restitution de jouis
sances.
Il fallut composer avec la dame veuve Chalus, dès que
son mari n’avoit pas craint de commettre un stellionat,
mais sauf la garantie du sieur Gazard contre le sieur de
Saint-Julien, qui avoit vendu solidairement. En con
séquence, par acte du 7 mai 1787, Marie-Anne Chalus
ratifia, soit la vente consentie en 1773 , conjointement
avec sa sœur, soit la vente de 17 75 , moyennant une
somme de 5630 francs et une pièce de toile. De sorte
que le sieur Gazard a été rançonné de toutes les manières,
pour une acquisition faite de bonne foi, et qui sembloit
lui présenter toute sûreté.
L ’exemple de la dame de Chalus 11’a fait qu’encourager
la dame de Saint-Julien, sa sœur : cependant la récla
mation de celte dernière a été plus tardive, et sa conduite
précédente n’annonçoit pas qu’elle eût l’intention d’in
quiéter le sieur Gazard.
On voit que la dame Saint-Julien forma contre son
mari, le 10 s e p t e m b r e 1788, une demande en séparation
de biens; le 26 du même mois de septembre, elle fit
rendre
�rendre ¿'une sentenceT1 intërtô'cutoire , qui ' ordonna la
preuve des faits de dissipation du mari* elle obtient, le
13 janvier 1789, une sentence qui prononce cette sépa
ration , et n’oublie rien dans les condamnations qu’elle
fait prononcer. . ■t . :
‘-•-Elle fait notamment condamner son mari à lui payer
et rembourser une somme de 18484 francs, revenant,
est-il d it, à la demanderesse, en sa qualité d’héritière
du sieur Danty, son oncle maternel, pour sa m oitié'du
p rix de la vérité du domaine dé ‘L a n d e l, provenant de
cette succession ; laquelle v e n t é é t é consentie par' le
sieur Dubois* de S ain t-Ju lien , et par le sieur François
de Chalus du Châtelet, son b e a u -frè re , au profit du
sieur D en is G a z a r d , négociant, de la ville de M urât,
par contrat1du 13 octobre 1775.
La dame veuve Saint-Julien ne contestoit pas alors la
validité de la vente ni des. indications faites par son mari,
puisqu’elle l’a fait expressément condamner au rembour
sement dû prix de cette môme vente. ’ ,!l
Son premier, acte d’hostilité suppose encore les mêmes
intentions; car le 28 avril 1789 elle fait faire entre lfes
mains du sieur Denis Gazard une saisie-arrêt de tout ce
qu’il pourroit devoir à François Dubois, son m ari, et
par exprèsidu prix de la vente du dôrilainè de Landel.
Elle annonce que cettè saisie-arr!ê t )e'st faite eu vertu
de sa séparation du 3 janvier pbécédetlt,' qui 'lh déclare
créancière de son é p o u x d ’une somme'cle 60004 francs.
Elle assigne en même temps le sieur Gazard pour faire
son allirmation sur la saisie.
Elle ajoute, à la vérité, qu’elle n’entend point npprouB
�MO-
( IO )
ver la ven te, et qu’elle se réserve, au contraire, d’en
demander la nullité. Mais la protestation ne sauroit être
aussi forte que l’action; et lorsqu’on voit que la dame de
Saint-Julien fait condamner son mari à lui rembourser
le prix de la vente, sans aucune réserve; lorsqu’en même
temps elle fait saisir et arrêter entre les mains de l’acqué
reur le prix de cette même vente, il est diflicile de penser
qu’après ces actes approbatifs et géminés, elle puisse se
pourvoir avec succès contre un acquéreur légitime.
La dame Dubois de Saint-Julien ne s’en tint pas là.
L e 6 août suivant, et dans une requête ou elle se qua~
lifie veuve de Saint-Julien , elle demande que le sieur
Gazard soit condamné à lui remettre les titres et quit
tances contenant subrogation à son profit de la part des
créanciers hypothécaires et les plus anciens de son mari,
jusqu’à concurrence de la somme de 18484 francs, faute
de quoi elle conclut à la nullité du contrat de vente de
17 7 5 , avec restitution de jouissances depuis le décès de
son mari, si mieux n’aime le sieur Gazard lui payer la
gomme de 18484 francs, avec l’intérêt depuis la même
époque.,
,
;
L e sieur G azard, en défenses, justifie des quittances
des créanciers qui lui avoient été indiqués par son ven
deur ; et par requête du 19 février 1790, il forme de
mande incidente contre elle du prix de la ratification
consentie par la dame de Chalus, sa sœur, des intérêts
et des frais par lui faits sur les demandes hypothécaires.
E t , au surplus, soutint la validité de la vente et de sa
libération.
La discussion fut quelque tejnp9 suspendue par le si-
�( II
)
lence de la dame de Saint-Julien et le changement des
tribunaux. Mais l’instance ayant été reprise au tribunal
civil de M urât, le sieur Gazard, par ;une nouvelle re
quête du 14 prairial an 9 , en soutenant 'la dame de
•Saint’-Julien non recevable dans sa demande, conclut à
la restitution de toutes les sommes qu’il a voit payées
au delà du prix de son acquisition , et dont on a fait
plus hautüe détail",!avec les intérêts ainsi que dè droit.
- C ’est lë même jour q u e ,‘ la cause portée à l’audience,
le tribunal de Mui’at rendit Un .jugement contradictoire
par lequel il donne acte au sieur Gazard de ses offres
de remettre, dans tel dépôt public qui seroit choisi, les
titres de créances qu’il a remboursées sur le prix de sa
vente, les quittances par lui retirées, ainsi que les délé
gations qui ont été faites par le sieur Dubois de SaintJulien; ordonne que le sieur G azard déposera au greffe
du tribunal ses titres, pièces et quittances, pour y rester
e n ’ dépôt pendant l’espace d’un mois à compter de la
Signification du jugement, pour que la1dame de Chalus
puisse en prendre communication, ou en retirer telles
copies colla tionnées qu’elle jugera à propos.
La dame de Chalus est déboutée de sa demande en
nullité de la vente.
I
'
Faisant droit sur la demande incidente du sieur Ga
zard, Suzanne de Chalus est condamnée à luî rembourser,
i°. La somme de 634 liv. 2 sous 6 deniers, faisant avec
celle de 1045 liv. 17 sous 6 deniers, celle de 1680 liv.
payée par le sieur Gazard , à défuttt Saubrier-Laubret,
sur celle de 7490 liv. formant le principal d’une rente
constituée par feu Jean Danty, le 20 aôût 1760.
B 2
�¿5X( I2 )
2°. Celle cîe 89 livres 2 sous 2 deniers, payée par le
sieur Gazard, pour arrérages de cens dûs sur le domaine
de L an d el, pour les années 1773, 1774 et 1775, ainsi
qu’il résulte des quittances relatées au jugement.
30. La somme de i 55 livres 12 sous pour les impo
sitions de l’année 17 75 , suivant la quittance représentée
par le sieur Gazard.
4°. Celle de 53 liv. 8 sous pour le montant des arré
rages d’une rente due au sieur Gandillon.sur la succes
sion D anty, et payée par le sieur Gazard, suivant sa
quittance.
r
5°. La somme de 120 liv. 19 sous 6 deniers pour le
montant d’un exécutoire de dépens décerné au profit de
Gazard, contre les héritiers Danty, le 26 janvier. 1782,
et le coût de deux procès verbaux de refus,et rébellion,
qui ont suivi cet exécutoire.
6°. Celle de y 5 livres 1 sou pour frais faits par le sieuv
Gazard dans l’instance relative à la demande hypothé
caire formée par Gandillon sur le domaine de Landel;
la dénonciation de cette demande et celle en recours
contre les héritiers Danty , qui avoit été adjugée par
sentence d elà sénéchaussée d’Auvergne, le 24 mai 1777,
si mieux n’aime la dame Chnlus, suivant la taxe qui en
sera faite en la manière ordinaire.
7 0. La somme de 64 livres 5 sous pour frais faits par
le sieur Gnzard, sur la demande en déclaration d’hypo
thèques, formée par le sieur D anjou, dénonciation d’icelle, et poursuite en recours.
Suzanne Chalus est également condamnée au pavement
des intérêts de toutes ces sommes, à compter de la
demande.
�( 13 )
L e sieur Gazard est renvoyé à se pourvoir ainsi qu’il
avisera pour le payement de la somme de i 5j francs,
faisant le prix de la pièce de toile fournie par le sieur
Gazard p è r e , à Suzanne de Chalus.
Cette dernièi’e est encore condamnée à rembourser au
sieur Gazard les sommes qu’il lui en a coûté pour ob
tenir la ratification de Marie-Anne de Chalus, du contrat
deivente du i er. juin 1773? suivant la ventilation qui
en seroit faite sur la somme de 5630 francs, montant du
prix de cette ratification, pour la vente de 1773 et celle
de 17 75 , avec les intérêts de cette somme.
Sur la demande en remboursement formée par le sieur
Gazard, du prix de la ratification du contrat de 1775 ,
le sieur Gazard est mis hors de cour, ainsi que sur les
autres chefs de demande, fins et conclusions des parties:
la dame de Chalui est condamnée en tous les d é p e n s,
tant ceux faits en la sénéchaussée qu’au tribunal de
Murât.
Les premiers juges se sont déterminés par plusieurs
motifs qu’011 se contentera- d’analiser.
Ils avoient posé en question, i°. celle de savoir si
le sieur Gazard étoit tenu de rapporter les quittances
établissant sa libération du prix de la vente; 20. si faute
de rapport de ces quittances, le contrat de vente de
1775 devoit être déclaré nul; 30. si le sieur Gazard étoit
valablement libéré du prix de son contrat; 40. si Suzanne
de Chalus devoit être tenue de rem bourser au sieur
Gazard la somme de 5630 francs par lui payée à MarieA n n e Chalus, pour obtenir la ratification des ventes de
1773 et de 1775; 5». si on pouvoit statuer sur les de-
�( 14 )
mandes inçidentes formées par le sieur Gazai’d , contre
la dame de Chalus, en remboursement des sommes par
lui payées aux créanciers de la succession Danty, ainsi
que du montant des frais par lui faits sur les demandes
hypothécaires; de ces mêmes créanciers, et sur les de
mandes en recours.
« Les premiers juges pensent sur la première question,
que le sieur Gazard n’est pas tenu de se dessaisir des titres
qui établissent sa libération, qui lui sont nécessaires visà-vis les héritiers Dubois; que les offres qu’il fait de les
déposer au greffe, pour que la dame de Chalus puisse
en prendre communication ou en retirer des expéditions
collationnées, sont raisonnables, et doivent suffire à la
dame veuve Saint-Julien.
« Les premiers juges disent ensuite que Suzanne de
Chalus a donné à son mari, par son contrat de mariage,
le pouvoir de vendre ses biens dotaux ; qu’elle l’a au
torisé à toucher sans em ploi, ou pour en faire tel usage
qu’il jugeroit à propos, une somme de ioooo francs.
« Il leur paroît évident, d’après les termes du contrat
de m a r ia g e , que cette somme devoit être prise sur le
prix des aliénations des immeubles, et qu e, dans tous
les cas, quand on supposerait quelqu’ambiguité, l’obscu
rité ou l’équivoque s’interpréteroit contre la dame de
Chalus.
« L e contrat de mariage ne porte pas que la somme
de 7384 francs, prétendue touchée par le sieur Dubois
de Saint-Julien, sera imputée sur les 10000 francs dont
il avoit la libre disposition.
« Daus la supposition que cette somme de 10000 fr.
�( i5 )
dût être pi'ise sur le mobilier, le sieur Dubois n’a réel
lement touché, lors de son contrat de mariage, qu’une
somme de 5oo francs.
« La somme de 1940 francs, à laquelle la valeur des
meubles a été fix é e , ne forme pas une créance pour
Suzanne de Chalus ; ce n’est qu’une vente du trousseau
faite au mari, d’après la maxime, D o s œ stim ata, dus
vendita : et pour le surplus, le mari a seulement reçu
les titres établissant'ses créances; remise de titres néces
saire, puisque Suzanne de Chalus se constituoit én^dot
ces différentes sommes, et que le mari seul avoit le droit
de les percevoir.
« Les indications faites par le sieur Dubois au sieur
Gazard, des créanciers qui devoient recevoir le prix du
contrat de 1 7 7 5 , ont été^faites par actes des 1 7 . et 18
octobre 177^; elles sont donc antérieures à la quittance
de 14000 francs, donnée par Dubois au sieur d’Anglard:
d’où il suit qu’en supposant que la somme de 10000 fr.
que Dubois devoit toucher sans em ploi, dût être prise
tant sur les meubles que sur lés' immeubles, François
Dubois a pu toucher la somme de 10000 francs , sans
em ploi, du sieur G azard, ou la déléguer à tels de ses
créanciers qu’il lui plaisoit d’indiquer.
« D ’un autre c ô té , Suzanne de Chalus a jugé ellemême que cette somme de 10000 fr. devoit être prise
sur la vente des immeubles, autrement elle eût eu ù
exercer une action contre le sieur d’Anglard , en rem
boursement d’une somme de 4000 fr. qui auroit excédé
celle de 10000 francs dont le innri pou voit user. Elle
n’a pas formé cette action.
•
�.(i6)
« SiiMune de Clialus, en donnant à son mari le pouvoir
de vendre ses biens dotaux pour en employer le prix
au payement des créanciers personnels du mari, à com
mencer par les plus anciens en hypothèques, et les plus
privilégiés , a formellement chargé son mari de faire
l’indication des créanciers. Il en résulte que le sieur Gazard a dû payer les créanciers qui lui étoient indiqués
par Dubois, il lui étoit d’ailleurs impossible de connoître
les créanciers les plus anciens : il n’avoit aucun moyen
dans les lois du temps pour acquérir ceite connoissance.
« Si François Dubois n’a pas indiqué ses créanciers
les plus anciens eu hypothèques , Gazurd , acquéreur,
ne doit pas en être responsable : Suzanne de Chalus a
à se reprocher d’avoir choisi un mandataire infidèle, et
doit seule supporter les effets de cette infidélité, quelque
funeste qu’elle puisse être pour elle. La loi 21 il'., §. 3 ,
Jiegot. gest., en a une disposition précise.
« Le sieur Gazard a pu valablement payer la somme
<le 10000 francs, fcoit ù François Dubois, sans emploi,
soit à ses créanciers chirograpliaires.
« Dans la créance de 13000 francs payée à Blattin,
il se trouve une créance hypothécaire pour la somme
de 1838 francs, dont l’hypothèque frappoit tant sur
François Dubois que sur J e a n , son père.
a La presque totalité des créances dont Suzanne Cluilus
justifie par le rapport des inscriptions, vient du chef de
la mère de François Dubois et de son aïeul; celui-ci n’a
pu devenir débiteur de ces différentes créances qu’après
le décès de sa mère, et elles 11 ont été déclarées exécutoires
contre lui que depuis 1777 jusqu’en 178Î).
a Les
�( *7 )
« Les premiers juges remarquent ensuite deux choses;
l’une, que ces créances appartiennent aujourd’hui à Pierre
Tourneinire, second mari de Suzanne de Chalus, qui
eu est devenu cessionaire; la seconde, que dans ses ins
criptions elle ne dit point en vertu de quel titre il étoit
devenu propriétaire de ces créances : d’ou il suit que
dans cette famille on a formé le dessein, ou de s’emparer
des biens à vil p rix, ou de rançonner les acquéreurs;
ce qui n’est ni juste ni honnête. Enfin il est douteux
que les inscriptions de Tourneinire aient conservé l'hy
pothèque de ces mêmes créances.
« Le tribunal remarque encore que toutes les créances
payées par Gnzard à Blattin , Lamouroux et Roux ,
étoient des créances emportant la contrainte par corps;
cette contrainte avoit même été prononcée par les sen
tences que Blattin avoit obtenues : elles formoient donc
des créances privilégiées, surtout pour un gentilhomme
qui avoit compromis sa liberté, et pour qui l’emprison
nement eût été l’a liront le plus sanglant. Les femmes,
dont les biens dotaux étoient inaliénables, avoient néan
moins la faculté de les vendre pour les créances de cette
nature, lorsque le mari n’avoit point de ressources.
« Indépendamment de toutes les sommes payées aux
créanciers indiqués, le sieur Gazard a payé encore celle
de 1680 francs à feu Saubrier-Laubret, pour partie du
sort principal d’une rente due à la veuve de Boisset par
la succession Danty , et qui étoit hypothéquée sur le
domaine de Landel. Ainsi 10000 francs jwyés .sans
em ploi, et qui pouvoient l’être aux tenues du contrat
de mariage, 7838 fr. faisant partie de lu créance Blattin,
c
�( i8 )
et portant hypothèque depuis 17 6 7, 1680 francs payés
à Saubrier-Laubret, excèdent la portion l'evenante à
Dubois d’une somme de 634 francs.
« Il résulte de deux certificats d’inscription formée au
bureau des hypothèques par les créanciers de François
Dubois, délivrés par le conservateur de Clermont, le 5
fructidor an 8 , et les bordereaux d’inscription rapportés
par Suzanne de Chalus constatent qu’elle n’a fait aucune
inscription sur les biens de François D ubois, son mari ;
elle auroit perdu toute espèce d’hypothèque sur ces mêmes
biens, quand bien même le sieur Gazard auroit employé
le prix à payer les créanciers les plus anciens.
<f L e sieur Gazard a été aussi obligé de payer plusieurs
sommes pour arrérages de cens, rentes foncières, impo
sitions dues sur le domaine de Landel. Il a payé des
dépens sur les demandes en déclaration d’hypothèques
formées contre lui ; il a été obligé de faire des frais
pour se défendre : la demande en remboursement qu’il
a formée de ces objets n’est qu’une demande incidente
pour laquelle il étoit inutile de passer au bureau de paix;
et ces sommes doivent lui être allouées.
« Le sieur Gazard a été obligé de payer à Marie-Anne
de Chalus une somme de 5630 francs, pour obtenir sa
ratification du contrat de vente du i cr. juin 1773 , et de
celui du domaine de Landel. Suzanne de Chalus ayant
vendu par le contrat du icr. ju,n 1773 , solidairement
avec sa sœur, est tenue de faire valoir ce contrat, et par
conséquent de rembourser à Gazard ce qu’il lui en a
coûté pour obtenir la ratificationde cet objet. iVlaisqueîque
pouvoir général et illimité que Suzanne de Chalus ait
�( T9 )
donné à son mari de vendre ses biens dotaux, elle ne
lui a pas donné pouvoir de vendre la portion de bien
appartenante à sa sœur, et indivise avec la sienne. »
Tels sont en substance les motifs qui ont déterminé
les premiers juges ; ils sont de la plus grande force rela
tivement à la demande formée par Suzanne de Chalus;
mais les intérêts du sieur Gazard sont blessés en deux,
points : i° . les premiers juges ne pouvoient amalgamer
la créance payée à Saubrier avec le prix de la, vente.
L e sieur Gazard avoit payé au delà de ce qu’il devoit,
indépendamment de cette créance qui est personnelle à
la dame de Chalus : ce seroit la faire perdre au sieur
Gazard, que de vouloir l’employer à compléter le prix
de la vente de 1776 ; et il n’en étoit nullement besoin.
D ’un autre côté, le sieur D ubois, par son contrat de
mariage, avoit droit de vendre les biens de sa femme
à telles conditions que bon lu i sernbleroit. Les propriétés
de la dame Dubois étoient indivises avec celles de sa sœur:
il étoit difiieile de trouver des acquéreurs sans une vente
solidaire, et cette condition de solidarité n’excédoit pas
les pouvoirs du mari.
Le sieur Gazard devoit donc obtenir la condamnation
de la somme totale qu’il a payée pour obtenir la rati
fication de la dame de Chalus.
La dame veuve Tourncmirc ayant eu le courage d’in
terjeter appel d’un jugement qui a si justement repoussé
ses prétentions, le sieur Gazard s’est, de son côté, rendu
incidemment appelant quant aux deux chefs qu’on vient
d’expliquer; et c’est sur ces appels respectifs qu’il s’agit
de prononcer.
C 2
�*.
\(iO-
( 20 )
A van t d’examiner le mérite des prétentions de la dame
Teuve Tournemire, il convient de vérifier si la dame de
Chalus est aujourd’hui recevable à former cette demande.
On se rappelle que la dame de Chalus a fait prononcer
sa séparation de biens avec le sieur Dubois, son premier
m a ri, par sentence de la sénéchaussée d’A u v e r g n e , du
13 janvier 1789 ; cette sentence liquide en même temps
ses droits , et on voit que Suzanne de Chalus n’a rien
oublié : elle conclut entr’autres choses à ce que son mari
soit condamné à lui payer la somme de 18484 f r . , qui
lui revient en sa qualité d’héritière du sieur Danty, son
oncle maternel, pour sa moitié du prix de la vente du
domaine de Landel, provenant de cette succession, et
consentie par le sieur Dubois de Saint-Julien conjoin
tement avec le sieur François de Chalus du Châtelet,
son beau-frère, au profit du sieur Denis Gazard, négo
ciant, de la ville de M urât, par contrat du 13 octobre
l y 7 5'
Telles sont littéralement les conclusions par elle prises,
comme on le voit, en grande connoissance de cause, et
avec le contrat à la main. La sentence de séparation
prononce la condamnation de cette somme au profit de
Suzanne de Chalus : au moyen de cette sentence, et de
son hypothèque, qui remoutoit à son contrat de mariage,
elle avoit dans les mains tous les moyens de se faire rem
bourser.
Elle a clle-mêine reconnu et confirmé la vente faite
par son mari. Elle obtient tout ce qu’elle pouvoit exiger,
le remboursement du prix de la vente. Comment donc
aujourd’hui pourroit-elle réclamer la nullité de cette
�M r.'
( 21 )
même vente ? Ne seroit-ce pas avoir et la chose et le
prix ?
La dame de Chalus dira-t-elle que loi's de cette con
damnation elle étoit toujoui’s en puissance de mari; que
ses biens dotaux n’en étoient pas moins inaliénables?
Mais , i°. il ne s’agissoit pas d’aliénation , puisque
l ’objet étoit vendu en vertu du pouvoir qu’elle avoit
donné en majorité par son contrat de mariage ; 2°. il
est de principe que celui qui peut agir peut aussi ap
prouver. O r , on ne contestera pas, sans doute, que la
dame Dubois, séparée de biens, avoit la faculté d’ac
tionner les acquéreurs en désistement, de demander la
nullité des ventes, comme d’exiger le payement du prix,
si les acquéreurs ne s’étoient pas valablement libérés.
La dame Dubois ne px-end pas ce parti; ce n’est point
la nullité des ventes qu’elle demande, elle reconnoît que
son mari à valablement vendu ; elle ne réclame pas contre
les tiers acquéreurs le remboursement du p r i x , elle re
connoît aussi qu’ils se sont valablement libérés : mais
elle demande la condamnation de toutes ces sommes
contre son mari qui les avoit touchées; elle obtient cette
condamnation qui remplit son objet, et lui fait reprendre
tout ce que son époux a touché ou reçu pour elle.
Cette sentence de séparation a passé en force de chose
jugée; la condamnation contre le mari subsiste : il y a
donc une contradiction bien frappante entre cette sen
tence et la demande formée contre le sieur Gazai’d. Elle
réclame contre ce dernier ce qui ne lui est pas d û , ce
qu’elle a droit de reprendre sur les biens de son m ari,
�( 22)
ce qu’elle ne peut obtenir deux fois. Il y a donc contre
sa demande une fin de non-recevoir insurmontable.
La dame veuve Tournemire n’osera pas dire que les
biens de son mari fussent insufïisans pour obtenir le
remboursement de ses créances; elle a produit au procès
plusieurs pièces qui prouveraient sa turpitude. Elle fait
usage d’une expropriation forcée poursuivie sur partie
des biens du sieur Dubois, à la requête d’un sieur Théroulde et d’un sieur Lebarois-d’Orgevalle, tous les deux
prête-noms du sieur Tournemire, ou dont il a acquis les
droits à vil prix. L e sieur Tournemire s’est rendu adju
dicataire des biens expropriés, moyennant une somme de
60000 f r . , c’est-à-dire, pour la moitié de leur valeur; il
s’est ouvert un ordre pour la distribution du prix de
cette vente, et là le sieur Tournemire, figurant comme
cédatàire des prétendus créanciers du sieur Dubois de
Saint-Julien , s’est fait colloquer par jugement d’ordre
pour la totalité du prix ; de manière qu’ il a trouvé le
moyen d’avoir une grande partie des biens sans bourse
délier.
Ce li’cst pas tout encore ; il s’est rendu aussi adjudi
cataire des biens qui appartenoicnt ou sieur D ubois,
d.ins le département de la Corrèze. L à , il iiguroit sous
le nom du sieur Lachapelle, son cousin, qui a fait en
sa faveur une déclaration de mieux. Il a obtenu pour
45000 fr. des biens qui valoient plus de 100000 fr. ; et
c’est lorsque Tournemire est nanti de toute la fortune
de Dubois de Saint-Julien , de tout ce qui formoit le
gage des créanciers dont il a obtenu les cessions par
�( 23)
lassitude; c’est avec cette fortune si considérable, dont
il est en possession , ou dont il a revendu une partie
avec des bénéfices immenses, que la dame veuve Tournemire vient porter l’inquiétude et jeter l’alarme parmi
les créanciers de son m ari, qu’elle a spoliés avec autant
d ’audace que d’indignité.
Les circonstances qui accompagnent cette demande
sont tellement défavorables, qu’elle ne peut se promettre
aucun succès, indépendamment de la fin de non-recevoir
qu’on vient de développer.
Mais ces moyens pourroient-ils avoir quelqu’apparence
de fondement en point de droit? Ce n’est pas sans raison
que les premiers juges, dans leurs motifs, ont tiré parti
de toutes ces circonstances, de ces présomptions graves
et concordantes, qui établissent que la dame Dubois de
Saint-Julien , en ne justifiant d’aucun de ses titres de
cession, a conçu le dessein de tout dissimuler à la justice,
de s’emparer, pour des sommes modiques, de tous les
biens de son mari , et de rançonner les acquéx*eurs; ce
qui est contre toutes les convenances et contre toutes
les règles d’honnêteté et de délicatesse.
En prenant les choses dans l’état où elles se présentent,
la dame Dubois de Saint>Julien ne peut espérer de rendre
le sieur Gazard garant ou responsable de l’inexécution
prétendue des clauses de son contrat de mariage : elle
étoit majeure et maîtresse de scs droits lorsqu’elle s’est
mariée; elle a donné ù son mari le pouvoir le plus absolu
et le plus illimité, de vendre ses immeubles à telle con«
dition qu’il jugeroit à propos. Il est inutile de s’appe
santir sur le point de savoir si elle a pu donner ce droit
�1 24 )
à son mari. Il est constant, eu principe, que la femme
majeure peut donner à son futur le droit de faire ce
qu’elle pouvoit faire elle-même.
Elle lui a donné plein pouvoir et autorité de vendre,
céder et aliéner tous ses biens immeubles, sous la seule
condition et x’éserve de la somme de 10000 fr. que son
futur pourra recevoir sur les premiers deniers à toucher
de ses b ien s, pour en disposer et faire tel emploi que
bon lui semblera.
Il est remarquable que cette permission 'de toucher
10000 francs suit immédiatement la faculté de vendre les
immeubles. Ce n’est qu’après cette clause indivisible, que
la demoiselle Dubois parle de son mobilier, dont elle fait
l’énumération dans son contrat, et pour lequel elle se
contente de l’hypothèque sur les biens de son mari.
L e mari est le maître de toute la dot mobilière ; c’est
son domaine c iv i l , comme le dit Duperrier : il a le
droit de la toucher, de la percevoir; et sa quittance li
bère valablement les débiteurs.
Si pour le prix de ses immeubles elle charge son
mari de l’employer au payement de ses dettes anciennes,
elle le charge aussi d’en déléguer le prix; et les acquéreurs
devoient nécessairement suivre la foi de son indication.
La fin de non-recevoir résultante de la séparation
du 13 janvier 1789, de la saisie-arrêt faite entre les
mains du sieur Gazard iils, sur le prix de celte vente
de 1775, suiliroit pour écarter les prétentions de la dame
de Saint-Julien. Ce sont autant d’actes géminés et npprobatils de la vente, dans 1111 temps ou elle avoit la
liberté d’agir et la faculté de vouloir.
Au
�( *5 )
A u fond, et indépendamment de ces premiers moyens,
il est aisé de prouver que la dame veuve Tournernire
n’a aucune sorte d’action à exercer contre le sieur Gazard.
Il faut considérer d’abord par quel acte le sieur
Dubois a reçu les pouvoirs en vertu desquels il a vendu;
2°. quelle étoit l’étendue de ses pouvoirs, s’il les a ex
cédés ; 30. si l’acquéreur avec lequel il a traité, n’a pas
été forcé, par la nature môme de ces pouvoirs, à suivre
la foi de son vendeur.
Quand on aura discuté ces différentes propositions,
on examinera le mérite des objections de la dame de
Saint-Julien ; il sera besoin surtout de faire remarquer
son inexactitude, et de relever les erreurs dans lesquelles
elle est volontairement tombée.
P r e m i è r e
p r o p o s i t i o n
.
C’est par son contrat de mariage que la dame veuve
Tournemire a donné à son mari le pouvoir le plus ab
solu et le plus illimité, de vendre et aliéner ses biens
immeubles. Les contrats de mariage sont susceptibles de
toutes les conventions : c’est un pacte entre deux familles
qu’ il faut respecter , parce que sans ces conventions le
mariage n’auroit pas eu lieu.
La dame Dubois, née en 1744 , étoit âgée de trente
ans lors de son contrat de mariage; elle avoit déjà ellemême vendu , étant fille, une portion de ses immeubles;
elle avoit une connoissancc exacte de ses liions; ce qui
est assez prouvé par le détail auquel elle se livre dans
son contrat.
D
�( 2 6 }
Quel étoit son objet lorsqu’elle a permis à son mari
d’aliéner ses biens? c’étoit de venir au secours de son
époux, d’affranchir ses propriétés des dettes qui les grevoient; et elle ne faisoit pas un grand sacrifice, puis
qu’elle n’a voit que des propriétés médiocres et indivises,
qui eussent perdu de leur valeur en les divisant. Elle
convient elle-même qu’elle a donné à son mari un pou
voir valable; elle reconnoît qu’il a pu vendre, mais elle
prétend que c’est sous des conditions inséparables de la
permission qu’elle a donnée; et c’est sur cette prétendue
indivisibilité de la condition que roule tout son système.
En quoi consiste donc cette condition ? Est-elle res
trictive? L ’inexécution pourroit-elle entraîner la nullité
de la vente? Ce n’est là qu’une chimère qui ramène à
l’étendue des pouvoirs qu’elle a donnés à son mari, et
à vérifier si ce dernier a excédé ses pouvoirs. C’est l’objet
de la seconde proposition.
S
e c o n d e
p r o p o s i t i o n
.
S’il y a jamais eu d’exemple d’un pouvoir général et
illimité, c’est dans le contrat de mariage qu’on le trouve.
L e mari est le maître absolu : tous les actes qu’il va
passer sont aussi valables que si la femme les avoit
passés elle-même. Sur les premiers deniers à toucher
des bien s, le mari peut disposer à son gré d’une somme
de 10000 francs, et sans aucune désignation. Il est clair
qu’on ne peut entendre par biens que les immeubles :
jusque-là il n’a point encore été question du mobilier;
ou n’a parlé que des aliénations ou des ventes qui sont
�7
C' 27 )
permises au mari; et déjà, avant qu’il soit question du
mobilier, le mari a assigné et hypothéqué cette somme"
de ioooo francs sur ses propres biens. La clause sui
vante établit encore plus clairement que les ioooo fr.
ne s’appliquent qu’aux immeubles. Tout le surplus, estil dit, du prix desdites aliénations ainsi que des autres
droits mobiliers seront employés, etc. Donc la somme
de ioooo francs doit être prise préalablement sur le
prix de la vente des immeubles. C’est une chose avant
l’autre : la future ne s’occupe que postérieurement.de son
mobilier dont elle veut aussi l’emploi à la libération de
son mari.
Et comment cela pourroit-il être autrement? le mari
ne touche point de mobilier lors du contrat de mariage,
la femme ne se constitue que des billets ou effets qu’elle
livre à son mari, si on n’cn excepte une somme de 5oo fr. :
il est dans l’intention respective des parties que la vente
des immeubles soit faite avant l’échéance des effets. C’est
donc nécessairement et préalablement sur le prix des
immeubles que \ù mari pouvort et devoit toucher cette
somme de ioooo francs.
11 faut d’ailleurs faire une bien grande différence entre
les immeubles et le mobilier. I/acquéreur qui achète du
mari un bien dotal de sa femme doit connoître le contrat
de mariage, et a le droit d’en exiger la représentation;
le débiteur du' mobilier, au contraire, n’a pas cette fa
culté. L e mari est le maître du mobilier de sa iemme ;
il peut seul exercer toutes les actions m obilières et en
.faire le recouvrement : le débiteur est tenu de verser
entre les mains1 du m ari, et so libère valablement sans
D
2
�( 2S )
autre examen ; et quoique le mari soit tenu par son
contrat de mariage de faire emploi de ce mobilier, la
femme seule, qui a exigé cette condition, doit veiller à
cet emploi : elle n’a d’action que sur les biens de son
mari ; elle n’en a point contre les débiteurs qui justifient
de leurs quittances.
Point de doute donc que la somme de ioooo francs
a dû être prise sur les immeubles, et que le sieur Gazard a dû payer sans crainte jusqu’à concurrence de cette
somme.
Maintenant Suzanne Chalus a voulu que le surplus
fût employé au payement des créanciers du mari, les
plus anciens et les plus privilégiés , qu’il seroit tenu
de déléguer. Voilà sans doute une indication bien Vague :
il est impossible de savoir et de connoître quels sont ces
créanciers; on n’en désigne aucuns. La dame de Chalus
s’en rapporte pleinement et entièrement à la foi de son
mari; elle l’investit d’une confiance générale : et les tiers
ne doivent pas être plus scrupuleux dans leur examen,
que la femme elle-même. L ’acquéreur qui se présente
prend connoissance du contrat ; il y trouve un pouvoir
illimité donné au mari de vendre les immeubles de la
femme; il y voit bien qu’après ioooo francs le reste du
prix doit être employé au payement des créanciers les
plus anciens. Mais comme c’est d’après la délégation du
mari, et qu’on ne s’est pas mis en même de faire rénu
mération ou la désignation de ces créances, pourvu qu’il
paye à des créanciers indiqués par le mari, il a rempli
toutes les conditions du contrat; il se voit nécessaire
ment obligé de suivre la foi du vendeur. Il n’y a point
�( 29 )
d’excès de pouvoirs : il peut y avoir abus de la part
du mandataire; mais cet abus ne concerne pas l’acquércur : et c’est ce qu’on va démontrer dans la troisième
proposition.
T
r o i s i è m e
p r o p o s i t i o n
.
Par le contrat de vente, du 13 octobre 1775, le domaine
de Landel a été vendu au sieur Gazard par les maris
des deux sœurs. Le sieur Dubois de Saint-Julien donne
quittance de 2884 francs sur la portion qui lui revient;
le surplus du prix, stipulé payable à termes, doit l’être aux
créanciers du sieur de Saint-Julien , qui seront indiqués
par l u i , en conformité et suivant les clauses énoncées
en son contrat de mariage avec Suzanne de Chalus. Cette
condition est répétée deux fois, à raison de la différence
des termes despayemens, et toujours sur l’indication qui
sera par lui faite des créanciers, conformément à son
contrat de mariage.
Une première réflexion qui se présente, c’est qu’il est
impossible au moins d’attaquer la vente de nullité ; car le
mari n’a vendu que suivant les conditions énoncées en
son contrat de mariage : elles sont littéralement rap
portées dans la vente. 11 apprend qu’il ne peut vendre
qu’en faisant payer le prix aux créanciers qu’il indiquera,
conformément au contrat de mariage. Jusque-là pas
d’excès de pouvoirs, sûreté pour l’acquéreur, puisqu’il
doit payer aux créanciers qui lui seront indiqués par le
vendeur, qui doit aussi déléguer d'après son contrat de
mariage.
�( 30 )
La demande en nullité de la vente est donc une véri
table absurdité. Que la dame Dubois se fût bornée à
demander la restitution du prix qui n’auroit pas été payé
aux créanciers plus anciens, il devient alors nécessaire
d’entrer dans quelques explications. Mais qu’elle conclût
à la nullité de la vente et au désistement du domaine,
lorsqu’elle est obligée de convenir qu’elle a pu donner
permission de vendre, lorsque cette vente a été faite con
formément aux clauses du contrat, c’est ce qu’on ne peut
concevoir ni expliquer. Aussi voit-on qu’elle est en con
tradiction avec elle-même dans sa défense ; car dans ses
griefs elle ne conclut qu’à la restitution du p rix, et dans
son mémoire elle demande la nullité : ce n’est donc que
sous le rapport de la demande en restitution du prix que
l’on doit discuter. La demande en nullité est tellement
choquante, qu’elle ne mérite pas un plus grand déve
loppement.
On a déjà prouvé que la somme de ioooo francs a
été valablement acquittée, sans qu’il fût besoin d’emploi :
reste celle de 8484 francs.
Le surlendemain de la ven te, le sieur Dubois de St.Julien indique les créanciers Blattin, Roux et Lamouroux:
le sieur Gazard paye sur cette indication. Blattin étoit
créancier hypothécaire jusqu’à concurrence de la somme
de 7838 francs, et son hypothèque remontoit à 1767; il
étoit indiqué par le sieur Dubois, et le sieur Gazard a
dû croire qu’une hypothèque qui remontoit si haut devoit
être une des plus anciennes; il ne devoit voir autre chose
que l’indication. Lamouroux et Roux , dit-on, n’étoient
que créanciers chirographaircs. Cela peut être; innis ces
�( 3i )
créances étoient des lettres de change; mais ces créances
entraînoient la contrainte par corps; mais ces créanciers
étoient'indiqués par le sieur Dubois; mais enfin le sieur
Gazard pouvoit payer jusqu’à concurrence de ioooo fr.
sans emploi. O r, en payant Blattin, Lamouroux et R o u x,
le sieur Gazard ne pouvoit courir aucuns risques.
Si le sieur de Saint-Julien étoit tenu de déléguer le
prix de la vente aux créanciers plus anciens en hypo
thèques, ou privilégiés, il a abusé de son p ou voir;
mais ce n?est point la faute de l’acquéreur, qui ne pou
voit apercevoir ni éviter cet abus; et on sait que l’abus
de pouvoirs est un fait personnel au mandataire, qui
seul en est responsable : c’est ce qui est enseigné par
D ôm at, dans ses Lois civiltis, liv. I er. , tit. i 5 , sect. i re.,
n°. i r . Celui qui donne un pouvoir à un tiers est obligé
de répondre de ce qui uura été mal géré par celui qu’il
commet , sauf son recours contre le mandataire : telle
est la disposition de la loi 21 , §. d ern ., ff. de neg. gest.
Voici comment s’explique cette loi : M andatu tuo negot¿a mea L ucius T itiu s gessit, quod is non rectè gessit,
tu mihi actione negotiorum gestorum teneris ?ion in hoc
tantum ut actioncs tuas prœstes, sed etiam quod itnprudenter eum elegeris, ut quidquid detrimenti negligentùî cju sjecit tu rnihi prœstes.
L ’art. 1991 du Code Napoléon dit que le mandataire
est tenu d’accomplir le mandat tant qu’il en demeure
chargé, et répond des dommages-intérêts résultans de
son inexécution. Par l’article suivant, il est tenu nonseulement du d o l , mais encore des fuutcd qu’il commet
dans sa gestion.
�( 3* )
En appliquant ces principes à l’espèce, qu’étoit ici le
sieur Dubois de Saint-Julien? Il étoit le mandataire de
sa femme. S’il n’a pas bien rempli son mandat, si elle
l’a imprudemment choisi, s’il n’a pas fait des indications
conformes à son mandat, il en est responsable; il est
tenu des dommages-intérêts : mais la dame Dubois n’a
d’action que contre lui; elle a à se reprocher de ne pas
avoir limité davantage son pouvoir, de ne pas avoir fait
une délégation plus précise, de s’en être rapportée à son
indication. Cette délégation est absolument extrinsèque,
ne tient pas à la substance de l’acte, et ne peut vicier
ni la vente ni les payemens.
Dès que la dame Chalus s’<*toit elle-même livrée à son
époux par la généralité de ses pouvoirs , l’acquéreur
devoit donc, suivre la foi de son vendeur. En effet, de
deux choses l’une; ou la dame Chalus connoissoit les
dettes anciennes et privilégiées de sou mari, ou elle ne
les connoissoit pas.
Dans le premier cas, il étoit tout simple de prévenir
toutes discussions, en indiquant elle-même les créanciers,
et les dettes à acquitter.
Dans la seconde hypothèse, si elle ne les connoissoit
pas, si elle ne s’est pas fait représenter l’état de ces
créances, il est évident qu’elle s’est entièrement confiée
à son mari, et s’en est rapportée à lui sur les payemens.
Comment voudroit-elle aujourd'hui rendre les acquéreurs
garans de l’abus que son mari a fait de sa confiance illi
mitée ? Il a vendu et délégué en vertu d’un pouvoir
spécial; il n’apparlenoit pas à l’acquéreur de s’immiscer
dans aucune recherche à cet égard : il étoit même im
possible
�( 33 )
possible à cet acquéreur d’obtenir, relativement aux dettes
personnelles du sieur de Saint-Julien, d’autres connoissances que celles que ce vendeur vouloit donner. Les
immeubles vendus appartenoient à la dame de SaintJulien , le prix en provenant devoit être employé à l’ac
quittement des dettes du mari; que pouvoit faire l’acqué
reur dans cette circonstance? Il achetoit sous l’empire de
l’édit de 17 71, devoit-il obtenir des lettres de ratification?
mais ces lettres de ratification ne lui auroient fait connoître que les créanciers de la femme, et ce n’étoit'point ,
à eux qu’il devoit payer le prix. Devoit-il rechercher les
oppositions qui pou voient subsister sur le sieur Dubois?
mais ces oppositions, s’il en existoit, ne lui am’oient appris
ni la date ni la nature des créances. La législation hypo
thécaire qui existoit à l’époque de la vente ne donnoit
aucune publicité aux hypothèques ; le créancier chirographaire a v o it, comme le créancier hypothécaire, le
droit de former opposition au bureau des hypothèques :
cette recherche eût donc été absolument vaine; et il ne
restoit d’autre moyen au sieur Gazard, pour se libérer,
que de suivre l’indication de son vendeur.
Il faut toujours se reporter au temps où les actes ont
été faits. Aujourd’hui, et depuis la loi du 11 brumaire
an 7 , il est facile de connoître les créanciers hypothé
caires; il suflit de retirer un extrait des inscriptions du
bureau des hypothèques : ces inscriptions a p p r e n n e n t la
date des titres, par conséquent l’antériorité d e s . créances.
L ’éditde 1771 n'oiï'roit pas cette ressource; on ne pouvoit
connoître les titres hypothécaires que lors de l’ordre ou
distribution des deniers sur le prix d’une vente ; et le
E
�( 34 ) ^
sieur Gazard ne pouvoit pas même user de ce moyen,
puisque les immeubles vendus appartenoient à la femme,
et qu’il devoit payer aux créanciers du mari.
Ce n’est donc qu’en confondant les temps et les lieux
que l’appelante a pu donner quelque couleur à un sys
tème extravagant. Et lorsqu’on considère que l’appelante
a obtenu contre son mari la condamnation du prix de
cette vente; lorsqu’on la voit elle ou ses enfans en pos
session de tous les biens de ce même mari; quand on se
pénètre des clauses du contrat de mariage, qu’on y trouve
un pouvoir absolu et illimité de vendre tous les im
meubles , que le prix doit en être payé aux créanciers
du m ari, et sur l’indication du mari, on demeure con
vaincu que le sieur Gazard n’ayant acquis que confor
mément aux clauses du contrat, n’ayant payé que sur
l’indication du mari, est nécessairement à l’abri de toutes
recherches à cet égard.
On ne peut s’empêcher d’observer encore que par une
fatalité singulière, et une préférence dont le sieur Gazard
se seroit bien passé, la dame Suzanne dp Chalus ne s’est
adressée qu’à lui ; et cependant elle nous apprend ellemême dans son mémoire, que postérieurement à la vente
de 1775 le sieur Dubois de Saint-Julien a vendu le do
maine de la Verrière au sieur Teilhard, domaine qui est
d’une égale valeur A celui de Landel. Le sieur Teilhard,
comme le premier acquéreur, a payé un à-compte lors
de la vente, et s’en est rapporté pour le surplus à l’in
dication de son vendeur, qui n’a pas été plus exact que
lors du premier contrat. Cependant la dame de Chalus
a gardé le sileuce sur cette vente. Il étoit dans l’ordre
�( 35 3
des choses, si elle croyoit avoir des droits, de s’adresser
d’abord au dernier acquéreur ; c’étoit le moyen d’éviter
un circuit d’actions. Elle pouvoit recevoir tout .ce qui
lui étoit dû de ce second acquéreur, pourquoi a-t-elle
donc dirigé exclusivement ses poursuites contre le sieur
Gazard ? On ne peut imputer cette démarche qu’à des
intentions perverses et de mauvaise foi.
Mais cette vente postérieure est un obstacle à la de
mande de la dame de Chalus. Il est dans les principes
qu’on doit d’abord épuiser les derniers acquéreurs avant
de remonter aux premiers. Il est bien évident que la
dame de Chalus, même dans son système, n’est qu’une
simple créancière, que les ventes sont inattaquables, que
le premier acquéreur auroit un recours contre les der
niers : la dame de Chalus devoit donc, avant tout, épuiser
les derniers acquéreurs; et en supposant qu’elle eût des
droits, elle seroit non recevuble à les exercer contre le
sieur Gazard.
Il ne s’agit plus que de parcourir rapidement les objec
tions proposées par la dame de Chalus, qu’elle a divisées
en cinq questions.
Dans la première, elle prétend que Gazard n’a pas
payé valablement jusqu’à concurrence de ioooo francs.
C ’est attaquer l’acte dans sa substance même ; et c’est
alors qu’elle se promène de suppositions en suppositions.
Elle n’est pas exacte, lorsqu’elle dit que cette somme
étoit à prendre sur les premiers deniers; il falloit au moins
achever la phrase : à toucher des biens de la demoiselle
fu tu r e ; il falloit dire que cette phrase se lie avec la permissiou de vendre les immeubles, qu’elle en forme l’emE 2
�>V Xl(t-
( 36 )
,
semble ; que ce n’est que le surplus du prix des aliénations,
ainsi que les droits mobiliers, que le mari est obligé d’em
ployer.
Elle n’est pas exacte, loi’squ’elle dit que le mari a
touché, lors du contrat, la somme de 7384 f r . , puisqu'il est constant qu’il n’a reçu que la somme de 5oo fr. ;
que le surplus consistoit en billets ou effets payables à
termes, et qui ne répondoient pas à l’urgence des besoins
du mari.
Elle n’est pas exacte encore, lorsqu’elle parle de la
somme de 14500 francs reçue du sieur d’Anglard, puis
qu’elle est obligée de reconnoître elle-même que la quit
tance donnée au sieur d’Anglard est postérieure et à la
ven te, et à l’ indication des payemens.
L e surplus de la discussion n’est qu’un jeu de mots et une
ridiculité. Elle voudroit élever des doutes sur la sincérité
de la date de ces mandemens, comme si la date n’obligeoit
pas celui qui a souscrit le mandement, lorsque la dame
de Chalus reconnoît elle-même, par sa sentence de sépa
ration, que le mari avoit touché cette somme, et qu’elle
n’a formé sa demande qu’après le décès du mari.
La dame Suzanne de Chalus n’est pas plus lumineuse
sur la seconde question. Elle prétend que le sieur Gazard
n’a pas valablement payé sur l’indication de son mari;
elle veut combattre les principes qu’il a invoqués; elle
soutient que la loi de negnt. gest. , citée par le sieur
Gazard, ne s’applique qu’à un mandat général et in
défini, et elle prétend que dans l’espèce le mandat étoit
limité : mais elle n’a pas même cherché à prouver cette
assertion ; elle met en fait ce qui est en question , et
�( 37 )
combat la difficulté par la difficulté. Comme on croit
avoir démontré que le mandat étoit général et absolu,
que Suzanne Chalus s’étoit elle-même livrée par la géné
ralité de ses pouvoirs , et s’en étoit entièrement remise
à l’indication de son mari , ce seroit tomber dans des
l'épétitions que de s’occuper plus long-temps d’une asser
tion aussi hasardée.
La dame Suzanne de Chalus n’est pas plus conséquente
sur la troisième question ; elle prétend que Gazard a
pu et dû connoître s’il existoit des créances antérieures.
Il n’a voit qu’à se transporter, dit-elle assez légèrement,
au bureau des hypothèques, et vérifier s’il existoit des
oppositions. Mais on a déjà fait voir à la dame de Chalus
que l’existence des oppositions n’auroit rien appris au
sieur Gazard : ces oppositions n’énonçoient ni la date,
ni la nature des créances ; le créancier chirograpliaire
formoit son opposition comme l'hypothécaire-, il n’y avoit
donc aucun moyen possible de vérifier la priorité des
créances.
La dame de Chalus prétend établir sur la quatrième
question, qu’il existoit des créances antérieures à celles
acquittées par le sieur Gazard ; elle a pris la peine de
faire deux tableaux pour la plus grande intelligence de
cette partie de la cause, et elle n’a pas atteint son but,
car elle n’a fait que l’obscurcir. Qu’importe au sieur
Gazard, et à tout autre, de connoître ce qui s’est passé
dans cette famille; les institutions, les substitutions, les
élections, les Gorsse, ou les Dubois ? D ’abord la dame
Gorsse vivoit encore à l’époque de 17 7^ , et c’étoit à
elle à se mêler de ses affaires.
�zï*
( 38 }
La seule chose qui n’est pas fort importante, mais qui
auroit au moins quelque chose de plausible, eût été de
savoir s’il existoit des oppositions. La dame de Chalus,
malgré toutes ses recherches, n’en a présenté que quatre:
mais sur ces quatre oppositions, l’une faite à la requête
du sieur Troupinon-Dum as, ne frappe que sur la suc
cession Danty, et par conséquent étrangère à la question;
l ’autre, du 3 décembre 17 7 6 , également postérieure à
la vente, frappe sur Marguerite Gorsse, qui vivoit alors:
elle est faite à la requête d’un sieur Barre, procureur,
demeurant à Clermont; et ce Barre, qui ne réclame rien,
n’a jamais figuré parmi les créanciers Dubois. Une troi
sième, du 30 avril 1774, faite à la requête des sieurs
Simond , frappe encore sur Marguerite Gorsse. Enfin,
u n e - quatrième, du 18 octobre 1773, faite à la requête
du sieur Jean Beraud, porte seule sur François Dubois,
sans énoncer aucuns titres. D e sorte que le sieur Gazard
ne pouvoit acquérir aucune lumière sur la priorité ou
l’ancienneté des créances, et n’a voit d’autre boussole que
l’indication de son vendeur.
Il ne paroît même pas que ces créanciers aient pris
aucune précaution conservatoire. Si Théroulde est aux
droits de Beraud, Tournemirc est lui-même aux droits
de Théroulde, et a dans ses mains le gage des créanciers.
Ma is la dame Suzanne de C halus, qui ne veut jamais
paroîlre embarrassée , prétend que quand bien même
les créanciers anciens auroient laissé prescrire leurs titres,
elle seroit toujours fondée à dire que le sieur Gazard
n’a pas rempli le mandat qui lui étoit imposé ; c’est
tourner autour d’un cercle vicieux : car bien certaine-
�C 39 )
m e n t, si les anciennes créances étoient prescrites , le
payement fait à Blattin, Lamouroux et R o u x, rempliroit
alors l’objet de la vente, et la dame Chalus n’auroit aucun
motif pour se plaindre.
La dame de Chalus a-t-elle mieux raisonne lorsqu’elle
a prétendu qu’elle n’agissoit pas comme créancière, mais
comme propriétaire ? Pour le dire ainsi, il faudroit
prouver la nullité de la vente, et c’est ce qui a le moins
occupé la dame Suzanne de Chalus.
lia cinquième question retombe dans les premières, et
n’offre que du vague ou de l’incertitude. La dame de
Chalus voudroit prouver que la permission de vendre
ne peut pas être séparée de la condition ; elle invoque à
cet égard l’autorité du dernier commentateur sur l'art. 3
du titre 14 , qu’elle voudroit expliquer à sa manière. L e
dernier commentateur suppose une condition limitée,
comme une charge d’emploi en d’autres fonds , ou en
payement de dettes, ce qui suppose les dettes de la femme,
ou en acquisition d’une charge, etc. : c’est alors qu’il dit
avec fondement que la condition est inséparable de la
permission, parce qu’il y a un objet certain et déterminé
qui forme la matière de l’engagement, qui est nécessaire
pour la validité de la convention. Mais lorsqu’il s’agit
d’une condition vague et indéterminée, d’une chose dont
le mandataire est le maître, puisqu’on se livre à sa foi,
alors il n’existe plus de condition essentielle et insépa
rable. On ne peut mieux comparer cette clause générale
et si étendue, qu’à celle par laquelle le mai’* se seroit
engagé à employer sur le plus clair et le plus liquide de
ses biens. O r , le dernier co m m en ta te u r, 6°. quest., ne
�%%<?( 4 0 )
pense pas qu’une clause aussi vague puisse équivaloir à
une condition d’emploi. Ce seroit entraver les transactions
commerciales; il n’y auroit plus de mutations certaines;
et l’intérêt public exige qu’on puisse donner toute sûreté
comme toute facilité dans les mutations.
La dame de Chalus en revient toujours à prétendre
que le mandat étoit borné et limité ; elle invoque cet
adage de droit : Fines maïuiati custodiendi sunt. Mais
qu’elle se rappelle donc qu’on lui a nié la majeure, qu’on
lui a prouvé que son mandat étoit général et absolu,
qu’elle n’a d’action que contre son m ari, s’il est vrai
q u ’ il ait abusé de son pouvoir, et q u ’elle l’a ainsi reconnu
en faisant elle-même prononcer la condamnation contre
lui de toutes les sommes qu’il a reçues sur le prix des
ventes.
Restent les demandes incidentes du sieur Gazard : la
dame de Chalus les combat bien foiblement; elle auroit
d’ailleurs bien mauvaise grâce de contester au sieur Ga
zard les sommes qu’il a payées à sa décharge, et notam
ment la créance Saubrier. Mais la dame de Chalus pré
tend que le sieur Gazard n’a pas voulu faire attention
que les premiers juges avoient employé cette somme à
compléter le prix de la vente de 1776; et c’est préci
sément de quoi se plaint le sieur Gazard. 11 avoit payé
bien au delà de sa dette , indépendamment de cette
créance ; et il entend avec raison la répéter contre la
dame Chalus, en la faisant débouter de sa demande. Il
se plaint de ce que les premiers juges ont ajouté cette
somme pour compléter le prix de la vente, parce que
c’est un moyen de la lui faire perdre, si d’ailleurs il est
libéré
�( 4 i )_
libéré du prix de son acquisition. O r il a payé bien
au delà : 2884 francs quittancés par le contrat, 13000 fr.
au sieur Blattin , 1600 fr. au sieur Lamouroux, 1000 fr.
à R o u x , 1871 fr. qu’il a payés de plus au sieur Blattin,
les intérêts de ces sommes : tout cela s’élève au delà de
la somme de 18484 francs dont il étoit débiteur.
Les premiers juges ne devoient point retrancher de ce
payement les créances qu’ils regardent comme cliirographaires, puisque le sieur Gazard n’avoit payé que sur
l’indication du sieur Dubois; les premiers juges l’avoient
ainsi décidé par leurs motifs précédens, et se trouvent
en contradiction en faisant porter la créance Saubrier
sur le prix de la vente. Ce grief est donc bien fondé,
puisque la dame de Chalus ne peut pas même contester
la légitimité de la créance; et quand elle vient dire que
le sieur Gazard, en réclamant cette somme, reconnoît la
nullité de la vente, elle ne fait que déceler son embarras
et la pénurie de ses moyens.
L e second grief du sieur Gazard a déjà été expliqué
dans le cours du mémoire. On n’a pas oublié que le
sieur Dubois de Saint-Julien pouvoit vendre à telles
charges et conditions qu’il lui plairoit. La solidarité sti
pulée avec le sieur de Chalus, son beau-frère, étoit une
condition essentielle et indispensable de la vente : elle
résulloit de l’indivision du domaine, qui 11e pouvoit se
vendre que cumulativement et solidairement. La dame
de Chalus a dit que tous les actes faits par son mari
auroient la même force et validité que si elle les fai soit
elle-même. C’est donc elle-même qui a contracté un en
gagement solidaire; et si les premiers juges l’ont conF
�( 4^ )
damnée justement k rembourser au sieur Gazard les
sommes qu’il avoit payées pour obtenir la ratification
de la vente de 1773 , il falloit aussi porter la même
décision pour la ratification de la vente de 177^ : ubi
cadem ra tio , ibidem jus.
A l’égard des autres sommes payées pour frais des
demandes hypothécaires ou pour y défendre, de celles
payées pour arrérages de cens, impositions, ou rentes
antérieures à la vente, Suzanne de Chalus n’a pas entrepris
de les contester. '
On terminera cette discussion par une observation
essentielle. Dans le prix de la vente du domaine de Landel,
il y est entré la somme de 4000 francs pour mobilier >
dont 2000 francs pour la portion du sieur Dubois de
Saint-Julien. Cet objet n’étoit point assujéti à un emploi;
c’étoit une somme que le sieur de Saint-Julien avoit
droit, comme mari, de recevoir : elle seroit donc aussi
à diminuer sur celles qui devoient être payées aux créan
ciers. Enfin le bien avoit été vendu franc et quitte de
toutes dettes et hypothèques, et on a vu que le sieur
Gazard, à peine devenu a c q u é r e u r , avoit été assailli de
demandes hypothécaires.
Cette acquisition, loin de lui être avantageuse, n’a cessé
de lui donner des inquiétudes; et après plus de trente
ans de possession, on le voit encore obligé de parcourir
tous les degrés de juridiction pour se défendre contre
une demande inconvenante et hasardée. C’est une femme
qui a dans ses mains toute la fortune de son mari; qui
n’a d’autre but, d’autre objet, que de rançonner un ac
quéreur de bonne foi; qui lui donne la préférence sur
�( 43 )
des acquéreurs postérieurs, comme sur les détenteurs des
biens de son mari, qui lui off roient une ressource certaine.
Les circonstances, les principes, les motifs de considéra
tion se réunissent en faveur du sieur Gazard, et il a tout
à espérer de la justice de la Cour.
M . C A T H O L , rapporteur.
Me . P A G E S ( d e R i o m ) , ancien avocat.
M e. M A N D E T , avoué licencié.
/-v
m o, <a - ( f - ,
'
A RIOM , de l’imp. de TH IBAU D , Imprim. de la Cour impériale, et libraire
rue deS Taules, maison Landriot. — Mai 1810,
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
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/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Gazard, Antoine. 1810]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Cathol
Pagès
Mandet
Subject
The topic of the resource
biens dotaux
contrats de mariage
créances
hypothèques
biens paraphernaux
successions
ventes
domaines agricoles
ferme
créanciers chirographaires
autorité maritale
stellionat
fraudes
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire pour maître Antoine Gazard, avocat, maire de la ville de Murat, intimé, et incidemment appelant ; contre dame Suzanne de Chalus, veuve en premières noces de François Dubois de Saint-Julien, et en secondes noces de Pierre Tournemire, appelante d'un jugement rendu au tribunal civil de Murat, le 14 prairial an 9. Questions. Le pouvoir d'aliéner les biens dotaux, énoncé au contrat de mariage de la dame de Chalus, est-il général et illimité ?
tableau des créances du père et de la mère
note manuscrite : « 13 août 1810, 1ére chambre, bien jugé sur les deux appels. »
Table Godemel : Conditions : 3. le pouvoir donné au mari d’aliéner les biens dotaux, énoncé dans un contrat de mariage, peut-il être séparé de la condition pour laquelle il a été donné ? la condition donnée au mari d’employer le prix provenant des ventes en payement de ses dettes et créances hypothécaires, en commençant par les plus anciennes, et qu’il sera tenu de déléguer, a-t-elle pu obliger l’acquéreur de rechercher la date de ses créances, même sous l’empire de l’édit de 1771 ? L’indication faite par le mari a-t-elle valablement libéré l’acquéreur ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
de l'imprimerie de Thibaud (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1810
1773-1804
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
43 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2008
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2007
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53378/BCU_Factums_G2008.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Murat (15138)
Saint-Etienne-aux-Clos (19199)
Landet (domaine de)
Veirière (domaine de)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
autorité maritale
biens dotaux
biens paraphernaux
contrats de mariage
Créances
créanciers chirographaires
domaines agricoles
ferme
fraudes
hypothèques
stellionat
Successions
ventes
-
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cdf916cc939c336ea6e9751ff64f6974
PDF Text
Text
POUR
L e sieur P i e r r e R O U H E R , avoué licencié, appelant;
C O NT R E
Les héritiers bénéficiaires de P r i e s t
CH APUS
,
intimés.
-
_________________________________
_____
Q U E S T I O N S .
L ’ordre, pour la distribution du p rix d ’une vente ju d ic ia ir e ,
d oit-il avoir lieu entre tous les créanciers ayant des privilèges,
ou des hypothèques inscrites ou légales existantes sur les biens
v en d u s, ou seulement entre les créanciers personnels de l 'ex-,
proprié ?
Ou celui qui ouvre un ordre n' est-il tenu que d ’appeler, les
Créanciers de l ’exproprié , quoiqu’il connoisse les autres ; et
l ’adjudicataire ne peut-il, n i exiger leur appel, n i le fa ir e ?
■ '
F A I T S .
L e 9 août 1809, vingt-deux articles de propriété ont été
vendus sur Amable Morand.
J' en ai été adjudicataire.
î .•
.’-1
;
�L ’art. 7 du cahier des charges est ainsi conçu :
« Dans le cas de recherches hypothécaires de la part des
« créanciers des anciens propriétaires, ou desdits propriétaires
« eux-mémes , contre l’acquéreur de tout ou partie des objets
« ci-dessus détaillés , lesdits acquéreurs ne pourront a u ssi, sous
« quelque prétexte et m otif que ce soit, exercer aucune action
«„jen gqfantje contre les poursuivans, vu que chaque adjudi*»’ eataite*achéte les immeubles grevés, non-seulement des inscc criptions faites sur Amable M orand , mais encore de celles
ce des anciens propriétaires, si aucunes y a. »
Les héritiers Chapus , qui avoient poursuivi la vente judiciaire
des biens de M orand, ont ouvert l’ordre pour la distribution
de son prix ; mais au procès verbal ils n’ont annexé que l’extrait
des inscriptions prises sur Amable M orand, et n’ont sommé de
produire que ses créanciers personnels.
Averti par l’extrait de la matrice du rôle , inséré dans lè
jugem ent d’adjudication, que dix-neuf articles des biens vendus
provenoient d’acquisitions faites récemment par Morand , de
différens particuliers qui y sônt dénommés ; assuré par la véri
fication que j’avois faite au bureau des hypothèques, qu’il n’en
avoit fait transcrire aucunes , et qu’il existoit une infinité d'ins
criptions sur ses vendeurs, j’ai été plus qu’étonné de voir què
les poursuivans , q u i connoissoient parfaitement tous les anciens
propriétaires, n’eussent pas sommé leurs créanciers de produire
à l’ordre.
J’ai alors reconnu leur b u t, en se mettant à l’abri de toute
action en garantie, en cas de recherches -hypotlifScnîrp« ; j’ai
admiré leur prudence et leur tactique, et j’ai cru que je n’étois
■pas obligé d’en être la dupe.
Si les poursuivans ont eu la faculté d’interdire à l’adjudi
ca ta ire , en cas de recherches hypothécaires, toute action en
garantie contre eux, ils n on t pas celle de-faire un ordre illégal.
Intéressé h. me libérer valablem ent, promptement, et à n’étrp
exposé ¿au cu n es recherches hypothécaires; assuré de parvenir
�à ce triple but, si l’ordre commencé ¿toit régulièrement achevé
entre toutes les parties intéressées, j'ai cru être en droit d’in
tervenir à l'ordre ( 1 ) et d’exiger que l’état de toutes les ins
criptions existantes sur les biens vendus ( 2 ) fût annexé au
procès verbal d’ordre , et que tous les créanciers ayant des
privilèges ou des inscriptions inscrites ou légales fussent sommés
de produire (3).
A cet effet j’ai présenté une requ ête, et consigné mes dires
au procès verbal d’ordre.
V ingt-deux créanciers de Morand avoient produit ; les hé
ritiers Chapus seuls ont contesté.
I l est bien certa in , ont-ils d it , q u ’A m able M orand ayant
acquis d ’une foule de particuliers les immeubles que l ’on a
fa i t vendre sur l u i , si l ’on étoit obligé d ’appeler tous ceux de
q u i il a acheté , et leurs créanciers, il y auroit plus de trois
cents individus à appeler à l ’ordre ; ce q u i consommerait la
totalité de la somme à distribuer.....
(1) Q u ’on ne dise pas que l’adjudicataire est étranger à la procédure, qu’il
ne doit pas répondre d’une omission commise par le poursuivant. ; ce r a is o n
nement seroit subversif de tous les principes sur cette matière. Quiconque veut
acquérir n’ est ni ne peut être étranger à aucun des actes nécessaires pour régu
lariser l’acquisition : cette excuse ne sauveroit pas l’adjudicataire de la juste
réclamation d’un créancier hypothécaire qui a un droit réel sur l’immeuble
vendu, et q u i, au mépris de l’injonction positive de la lo i, n’a pas été mis en
mesure d’enchérir, et de faire colloquer sa créance dans son rang. R épertoire
d e ju r isp ru d e n ce d e M e r lin , tome u , p. 66 2 , au m ot S a is ie im m obilière,
(2) Art. 752 du Cqdc de procédure. ( A rt. 3 i de la deuxième loi du 11 bru
maire an 7 : « L ’ordre sera ouvert au g re ffe ,.... sur la remise d’ un état certifié
« par le conservateur, de toutes les inscriptions existantes sur les immeubles
“ aliénés. » )
(3) Les créanciers hypothécaires et inscrits doivent seuls c o n c o u r i r à la for
mation de l’ordre.......... On doit mettre dans ce rang les créanciers ayant des
hypothèques inscrites sur l’immeuble adjugé, mais créées par des anciens pro
priétaires dont la possession étoit antérieure à celle du débiteur saisi. R ép er
toire de ju risp ru d en ce de M e r lin , page 6 77, au m ot S a is ie im m o b ilière.
A 2
�(4 )
L e poursuivant ne petit qu appeler les créanciers inscrits du '
saisi ; il ne connoît n i ne peut connoître les autres q u i ont
hypothèque sur les biens 'vendus.........
L e créancier, pour suivre son hypothèque , a u x termes de
l ’article 2166 du Code Napoléon , doit surveiller les différentes
mutations de l ’immeuble hypothéqué, et inscrire sur le nouveau
propriétaire à f u r et mesure de chaque 'vente.......
On conçoit bien que s i les anciens propriétaires des im
meubles vendus sur M o ra n d , et leurs créanciers , venoient à
l ’ordre, qu ’ils prim eroient, à rien pas douter, les créanciers
de M orand; mais dès q u ’ils n ’ont pas eu la précaution d ’ins
crire sur ce dernier, c ’est eux qui doivent venir à l’ordre, et
l’on n’est pas tenu de les y appeler, parce qu ils ne se sont
pas f a i t connoître par une inscription sur M ora n d.......
I l n ’est pas douteux que s i, après l ’ordre f a i t , il se pré
sentait des créanciers des 'vendeurs de M o ra n d , ils ne pour
raient en aucune manière rechercher, n i M e. R ou her, n i les
créanciers q u i auroient touché , parce q u ’ils ser oient venus
trop ta rd ; que par leur fa u te et leur négligence ils auroient
perdu leurs droits , n ’ayant pas inscrit sur M orand.......
D ’après ces motifs , ils ont demandé que je fusse déclaré
non recevab le, etc.
J’ai répliqué } e t, en substance, voilà ce que j ai dit :
U n I m m e u b le hypothéqué est un gage donné pour l’acquit
tement d’une obligation ( art, 2114 du Code Napoléon ); il en
est affecté tant que l’inscription subsiste ( art. 2154, 2180 );
elle subsiste tant q u elle n’est pas radiée ou éteinte : s’il est
vendu , le prix en appartient A tous les créanciers (art. 2177 ( i ) f
2184 ) qui y ont des privilèges ou des hypothèques inscrites ou
lég ales, pour être colloqués et payés suivant l’ordre de leurs
(1)
« Les créanciers personnels ( du tiers détenteur ), après tous ceux qui ont
« inscrit sur les précédons propriétaires; exercent leur hypothèque À Jeur ran g,
« sur le bien délaissé ou adjugé, »
�.
( 5 )
créances ou inscriptions ( art. 2166 ). D és que le prix appartient
à tous les créanciers , l’ordre pour sa distribution doit avoir
lieu entr’eux tous (1) ( art. 762, y 53 du Code de procédure;
art. 5 i de la seconde loi du 11 brumaire an 7 ) : un ordre
fait seulement entre les créanciers personnels de l’exproprié,
s’il y en a d’autres , est illégal et nul , parce que le prix de
l ’immeuble vendu ne doit pas servir à payer ses dettes person
nelles , mais toutes celles au payement desquelles il est affecté...
Pour conserver ses droits hypothécaires, un créancier ne peut
pas être obligé de surveiller chaque m utation, d’inscrire à fur
et mesure sur le nouveau propriétaire, parce que l’hypothèque
est un droit réel sur un immeuble ( art. 2 114 )1 et le suit en quel
ques mains qu’il passe (2) ; parce qu’on ne peut inscrire sur un
individu qu’en vertu d’un titre personnel contre lui ( art. 21 24 ,
2148 ) ; parce qu’autrement le régime hypothécaire seroit une
chim ère , puisqu’alors un débiteur pourroit à son gré priver
son créancier du gage qu’il lui auroit donné , en le faisant
passer , par des ventes clandestines , à un acquéreur inconnu ,
qui le revendroit à un autre entre les créanciers fictifs ou réels
duquel on feroit faire un ordre ; et parce qu’un vendeur
(1) Dans les cas ordinaires, les privilèges et les hypothèques sont constituée
•par le même débiteur. Mais il peut arriver qu’ils aient été constitués successi
vement sur la tète de plusieurs propriétaires, sans que l’unité de l’ordre soit
divisée. liep ert. de ju risp ru d en ce d e M e r lin , tome 8 , p. 772 , au mot Ordre.
(2) L ’hypothèque donne au créancier hypothécaire le droit de suivre l ’im meuble hypothéquédans toutcsm ainsoùil passe... C cd ro itd csu iten ’cst pas seule
ment a c tif, il esL encore passif, et il n’a pas moins d’importance sous ce dernier
aspect. Ce droit que nous appelons passif, consiste en ce que du moment où
une hypothèque sur un immeuble est établie et consolidée par l’inscrijrtion ,
cette hypothèque ne peut être purgée à la suite d’ une aliénation volontaire o u
fo rcé e , sans que le créancier soit personnellement appelé, pour veiller a ce que
le prix soit porté à sa vraie valeur, et à ce que dans la distribution de ce même
prix, il soit colloqué dans le rang que son titre lui assigne. I b id . tom,
au mot H ypothèque.
A
3
5,
p. 300,
^
.
/*7
�( 6 )
( art. 2182 ) ne transmet la chose vendue que sous l’affecta
tion des mêmes privilèges et hypothèques dont il étoit chargé.
Comment les poursuivans ont-ils pu s’imaginer qu’ils étoient
dispensés d’appeler les créanciers inscrits des anciens proprié
taires, et ceu x-ci, parce qu’il y en a plus de trois cents? Ainsi
je dois donc être exposé à plus de trois cents demandes hypo
thécaires ! . . . .
Cette multitude extraordinaire démontre l’impérieuse néces
sité où je suis d’exiger que l’ordre soit régulièrement fait. La
publicité d’une saisie immobilière n’oblige pas les créanciers
à se présenter à l ’ordre ; la loi veut qu’ils soient sommés de
produire (1) ( art. y 53 du Code de procédure ) ; tant qu’ils ne
l ’ont pas été , leurs droits sont intacts (2). Le juge-commissaire
n’en peut pas plus prononcer la déchéance q u ’ord o nn er la ra
diation de toutes les inscriptions non utilement colloquées ; et
cependant il doit terminer l’ordre par ces deux dispositions
(art. 759 du Code de procédure) : comment le fera-t-il, si tous
les créanciers ne sont pas appelés (3)?
(i)
Le créancier hypothécaire a exclusivement le droit d’exiger, de la part
du poursuivant, une notification qui l'avertisse des poursuites en expropriation;
il a exclusivement le droit d’attendre une sommation de production de son titre.
lb i d . tome 1 1 , page 6 6 1, au nlot S a is ie im m obilière.
(a) Si l’omission de la notification provient de la faute du poursuivant,
clic ne peut nuire au créancier omis. Le créancier est partie essentielle dans la
procédure ; il doit y être appelé nécessairement : tous les actes qui peuvent
avoir été faits sans qu’ il ait été appelé, sont nuls à son égard ; ils ne peuvent
porter aucune atteinte à son hypothèque, qui est sous la sauvegarde de la loi.
lb id . tome 11 , page 66a, au mot Saisie, im m obilière.
(3) Lorsqu’on est parvenu à cette distribution (du prix entre tous les créan
ciers hypothécaires, suivant leur ordre ), toutes les hypothèques ou privilèges
préexistans, dont l’immeuble étoit g rev é , sont anéantis; les hypothèques des
créanciers utilement colloqués sont éteintes par le payement; celles des créan
ciers qui n’ont pu obtenir une collocation utile, soit à cause de leur négligence,
toit à cause de l’insuffisance du produit de la vente, sont effacés par l’autorité
de la loi; et le fonds, parfaitement libre entre les mains du nouvel acquéreur,
�( 7 ) ;
Én cet état, la cause a été portée à l’audience ; et sur rapport,
le tribunal a rendu le jugement qui suit :
« Attendu que le Code judiciaire ayant prescrit les formalités
« pour l’ordre et distribution des deniers du prix d’un immeuble
« vendu par expropriation, les dispositions de cette loi doivent
seules servir de règles pour statuer sur la validité de la pro« c é d u re ;
ce Attendu que l’art. 762 du Code de procédure ayant ordonné
« qu’un extrait de toutes les inscriptions existantes, délivré par
« le conservateur, seroit annexé à l’ordre, a suffisamment ex« pliqué que ces inscriptions seules doivent servir de règles
« pour déterminer la collocation; que n’exigeant pas la preuve
« de l’existence d’autres hypothèques , Qn ne peut ajouter à
« la l o i , mais qu’il faut se contenter du rapport des seules
« inscriptions apparentes ;
« Attendu que la disposition suivante confirme encore ce
« principe, en disant que les créanciers seront sommés de pro« duire par acte signifié aux domiciles élus par leurs inscriptions ;
« d où il appert qu’il faut nécessairement des inscriptions exis
te tantes sur l’exproprié, pour nécessiter l’appel de ses créanciers
« de la part des poursuivans à l ’ordre ;
«
«
«
«
«
«
«
« Attendu que l’art. y 55 du même Code ajoute encore un
nouveau poids à ces décisions, en prescrivant au juge-com missaire de dresser son état de collocation sur les pièces
produites, et en imposant au poursuivant l’obligation de dénoncer aux créanciers produisant, la confection de l’état de
collocation ; que du rapprochement de ces dispositions , il
résulte que dans tout son systèm e, la loi ne regarde comme
devant être à l’ordre et ne pouvant y participer, que les
n nurn plus d’nutrcs liypotlii-ques que celles qui pourront £trc imposées par le
nouvel acquéreur lui-m êm e, ou par scs successeurs. Ib id " tome
au mot Transcription.
page
�( fi )
cc seuls créanciers q u i se sont f a i t connaître par leurs inscripcc tions sur l ’immeuble dont le p rix est en distribution (1);
« Attendu que la prétention par laquelle on veut assujétir
h les poursuivans à appeler à l’ordre , non - seulement les
« créanciers inscrits, niais encore tous autres créanciers quelcc conques (2) qui peuvent avoir eu jadis quelques droits sur
« l’immeuble dont Me. Rouher s’est rendu adjudicataire, est
« évidemment contraire à la l o i , répugne à la raison , en ce
« qu’elle obligeroit les poursuivans à des démarches d’une exécc cution im praticable, puisqu’il leur est impossible de connoître
c< quelles peuvent être les différentes créances auxquelles ce t
cc immeuble peut avoir été assujéti dans les mains des auteurs
« de l’exproprié , ou dans celles des vendeurs de ces auteurs ;
« ce qui remonteroit même à l’infini, et par conséquent ne peut
« être accueilli ;
« Attendu qu’en outre , le refus fait par l’adjudicataire de
« payer actuellem ent le prix de la vente (5), sous le vain prê
te texte qu’il faut encore appeler à l’ordre tous les créanciers
« hypothétiques (4) qui peuvent avoir eu des droits sur l’im« m euble, est en opposition avec l’art. 7 du cahier des charges;
a que, d’après cet article (qui est ici transcrit en entier) , il est
<c manifeste que l’adjudicataire s’est soumis à payer le prix indéct pendamment de toutes les inscriptions quelles qu elles soient/
« qu’ainsi il s’est fait la loi à lui-même ; qu’il ne peut l'enfreindre,
ec et par conséquent qu’aucun prétexte d’inscriptions possibles
,
(1) Demandois-je outre chose ?
(2) Ma requête d’intervention, répondue par M . le président, mes conclu
sions sig n ifie s , et le procès verbal d ’ordre, où tous les dires ont ¿té consignés,
prouveront que je n ni pas formé une demande aussi absurde.
Ç>) A qui ? qui le demandoit? où cc refus cst-il consigné? Le proc ès verbal
d ’ordre prouvera encore qu’il n’étoit question ni de demande ni de refus à cet
¿gard.
(i) Je n’ai jamais demandé que l’appel des créanciers ayant des hypothèque*
inscrites ou légales sur les immeubles vendus, a l’époque de la vente,
�( 9)
<i xùl'cibles ou non, ne peutle dispenser de remplir son engagement
« fo rm el, et de'payer dès l’instant ( 1 ) le prix de la vente , et
« de satisfaire aux autres charges de l’adjudication;
« Par ces m otifs, le tribunal, sans s’arrêter à l’incident élevé
« par Mc. R ouher, dans lequel il est déclaré non recevable, ou
« dont en tout cas il est débouté, ordonne qu’il sera passé outre,
« dans l’état actuel des ch oses, à l’ordre , etc. «
Il résulteroit de ce jugem ent, non-seulement q u u n ordre ne
doit être fait qu’entre les créanciers personnels d un exproprié,
mais que je dois payer le prix de mon adjudication et le montant
de toutes les inscriptions possibles, valables ou n o n , qui frapperoient sur les biens que j’ai acquis : comme de telles dispo
sitions m’ont également paru contraires aux lo is , à l’équité et
à mon obligation, j’ai cru devoir en interjeter ap p el, et de
m ander, comme j’avois fait en première in stan ce, que tous
les créanciers, soit de l’exproprié ,• soit des précédons proprié
taires, ayant des privilèges , ou des hypothèques inscrites ou
légales, frappant le 9 août 1809, jour de l’adjudication, sur les
immeubles q u i m’ont été vendus , soient sommés de produire
à l’ordre ; et qu’à cet e ffe t, l’état de toutes les inscriptions soit
annexé au procès verbal d’ord re, si m ieux n’aiment les intimés
que je sois subrogé à leur lieu et place , comme poursuivant,
à la charge par m oi, ainsi que je m’y soumets, d’annexer dans
le mois cet état de toutes les inscriptions au procès verbal
d’ordre, et de sommer tous les créanciers qui y seront dénom
més , de produire.
Je me bornerai à observer que les premiers juges n’étoient
pas saisis de l’interprétation du cahier des charges ; car les hé
ritiers Chapus et m o i, nous étions parfaitement d’accord sur le
sens de l’art. 7, et 1011s entendions que cet article ne signi/ioit
et ne pouvoit signifier autre ch ose, si ce 11’e st, q u ’en cas de
recherches hypothécaires, je ne pourrois pas e x e r c e r d action en
(1) A q u i? ., , , q Uj Je Jeinnniloit ?
�(
1
0
)
garantie contr’eux comme poursuivant la vente : autrement, il
n’y a u r o it pas eu d’ordre à ouvrir ; Morand devoit venir me
demander le p r ix , et chaque créancier le montant de son ins
cription valable ou non.
A lo rs, pour l’acquisition de quelques immeubles épars, situés>
dans la commune de Loubeyrat, pays de montagne, dont aucun
n’est en nature de pacages , dans lesquels il n’y a pas un seul
arbre , où on ne sème que n eu f setiers de seigle , où on ne
récolte que cinq petits chars de foin , et dont le revenu est porté
en la matrice du rôle, à 141 fr. 55 cent. ; indépendamment de
plus de 35oo fr. que j’ai payés pour les frais de ven te, je serois
obligé de payer le prix qui est de 11200 fr. ; plus, 167170 fr.
43 c . , montant des inscriptions prises sur Morand ; et enfin 3 à
400000 f r . , en ne portant qu’à 1000 francs , l’un dans l’au tre,
le montant des inscriptions prises par chacun des trois cents
créanciers et plus des vendeurs de Morand !......
ROUHER.
V
A
Z
E
ILE
,a
voue licencié.
A RIO M , de l’imp. de T H IB A U D , imprim. de la Cour impériale, et libraire,
rue
des
Taules, maison LANDRIOT.
— Mai
1 8 1 0,
�
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The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
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/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
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Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Rouher, Pierre. 1810]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Rouher
Vazeille
Subject
The topic of the resource
créances
hypothèques
créanciers hypothécaires
Description
An account of the resource
Titre complet : Précis pour le sieur Pierre Rouher, avoué licencié, appelant ; contre les héritiers bénéficiaires de Priest Chaput, intimés. Questions. L’ordre, pour la distribution du prix d’une vente judiciaire, doit-il avoir lieu entre tous les créanciers ayant des privilèges, ou des hypothèques inscrites ou légales existantes sur les biens vendus, ou seulement entre les créanciers personnels de l ’exproprié ? Ou celui qui ouvre un ordre n'est-il tenu que d’appeler les créanciers de l’exproprié, quoiqu’il connaisse les autres ; et l’adjudicataire ne peut-il, ni exiger leur appel, ni le faire ?
Note manuscrite : « Voir arrêt au journal de Riom, 1810, p. 280. »
Table Godemel : Ordre : 3. doit-on appeler à l’ordre ouvert pour la distribution du prix d’immeubles vendus par expropriation, tous les créanciers ayant, à l’époque de l’adjudication, des privilèges ou des hypothèques inscrites ou légales frappant, soit sur le débiteur exproprié, soit sur les anciens propriétaires des immeubles vendus ? qui doit appeler ces créanciers ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
de l'imprimerie de Thibaud (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1810
1809-1810
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
10 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2006
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Loubeyrat (63198)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Relation
A related resource
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53376/BCU_Factums_G2006.jpg
Créances
créanciers hypothécaires
hypothèques
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53375/BCU_Factums_G2005.pdf
c8504c038b85060a1dd37fa3fb56c959
PDF Text
Text
ÉLOGE
DE
M. F E R E Y ,
Prononcé, le lundi 5 février 18 10 , dans la Bibliothèque du
Lycée Charlemagne , après le service que M M . les Avocats
ont fa it célébrer en l'Eglise de Saint-Paul, en présence de
S . A. S. Monseigneur le Prince A rchi-Chancelier de l ’E m p ir e , etc.
P ar M . B E L L A R T , A vocat.
MONSEIGNEUR,
quelquefois est une oeuvre difficile. Il le devient sur-tout si
l’on veut louer les hommes qui prennent place dans l’histoire. Comme
ils sont exposés à tous les regards, chacun s’attribue le droit de les
juger, et leur demande compte de leurs actions les plus indifférentes.
L ’envie que tout fatigue, jusqu’à la vertu, essaie de se venger de leur
célébrité quand ils ont cessé de vivre. L es passions, qu’ils n’ont pas voulu
protéger, les punissent de leurs refus; les haines s’agitent, la calomnie
circule: et pour se soumettre tant d'ennemis conjurés contre, e lle , la
vérité elle-même éprouve le besoin d’appeler le talent à son secours.
Q u’ils paro issent alors, il le faut, ces puissans orateurs, étincelans de
verve et de mouvement , habiles à manier les esprits, et q u i , sachant
émouvoir et convaincre tour-à-tour, rem portent, pour leur héros, un
triomphe que la malignité se préparoit à lui disputer.
M ais, adresse inutile, talent superflu dans la circonstance qui nous
rassemble !
Pour M. F érey, mes chers Confrères, et ce fut un premier hommage
rendu par vous à sa mémoire, vous avez senti que le sujet se suffisoit à
lui-même ; que, sans art, le simple récit d’une vie, qui fut vide d’événemens, mais pleine de vertus, et dans laquelle la prévention rechercher oit en vain quelque sujet de blâme, sauroit bien intéresser et aller
1
L ’é l o g e
�i6 x .
( a )
'
. .
jusqu’au cœur. En me confiant le soin de ce récit, vos intentions ne
furent donc pas douteuses. J» les remplirai ; et ne sera-ce pas honorer
aussi M. Férey comme il auroit voulu être honoré ! Souvent j’eus l’avan
tage d’assister à ses leçons. Je l’entends me dire, que les morts n’ont plus
besoin d’éloges; que ce puéril orgueil, qui fait attacher, pendant la v ie ,
tant de prix à l’aveugle opinion des hommes, n’existe plus dans les tom
beaux ; que ceux qui cultivèrent la vertu , comblés alors d’autres ré
compenses que celles dont dispose le m o n d e , s’ils laissent tomber encore
leurs regards sur la terre , voient avec une sainte dérision ces honneurs
d’un jour décernés à une-corruptible poussière.
Ombre vénérable ! non : les leçons de ta sagesse ne seront point per
dues. Les morts n’ont plus besoin d’éloges :1mais les vivans ont besoin
d’exemples. Malgré la modestie qui ne t’abandonna jamais, souffre donc
ton éloge. T a vie doit être racontée pour être la règle de la nôtre. Que
cette jeunesse aimable et brillante, qui se presse à l’entrée de la carrière
où tu marchas avec tant d’honneur, trouve en toi son guide le plus
sur. Elle est ivre de gloire : viens lui montrer la gloire véritable. L ’es
time publique est son idole : tu lui diras ce qui te la conserva si pleine et
si constante. Ainsi tu nous auras rendus tous meilleurs. Fidèle à ta destinée
qui fut de faire le bien, tu le feras encore même du sein de la tombe. Et
nous, tes amis ou tes disciples, nous t’aurons offert un hommage selon
ton c œ u r, en rendant ta mort utile à la postérité, comme toute ta vie
le fut à tes contemporains.
M. François-Placide-Nicolas F é r e y , avocat et membre de la Légion
d’H o n n e u r, naquil au N eubourg, près d’Evreux , le a octobre 1735.
Il importe peu de savoir que son père possédoit une assez grande
fortune ; mais ce qui est digue de remarque, c’est que, long-temps
avant l'institution des juges-de-paix 4 M. l’ érey père é lo it, du gré de
ses voisins, l’arbitre de lous leurs procès. A u milieu des débats d’intérêt
les plus animés , ce cri : « Allons nous faire juger par M. Féréy , »
étoit comme une seconde clameur de H aro ( 1), à laquelle personne ne
résisloit, et que la conciliation suivoit toujours. L e ciel devoit une récom
pense à cet homme vertueûx: il la lui donna dans son fils.
L a frêle santé de cet enfant iit, d ’a b o rd , trembler, pour sa vie. On
craignit du moins qu’elle ne fût un obstacle au succès de son éducation.
Mais la nature scmbloit avoir mis en r é s e r v e p o u r son esprit, tout ce
qu’elle avoit. refusé de vigueur à son corps. Une volonté forte sur
monta la foi blesse physique. Parmi ses condisciples il lut presque tou
jours le premier.
■
( 1 ) L a cla m eur de H a r o («// R a ou l ! du n ain de cet ancien duc de N o r m a n d ie qui
in e iita d e t r e in v o q u é , après sa m o r t , par ses sujets, c o m m e le-plus juste des princes )
etoit un droit particulier aux N o r m a n d s do f o r c e r , en jetant c e c r i , toute personne
do c om paroîtro ù l ’instant m ê m e devant te juge.
�/ 6o
(5)
Des succès de collège, disent ceux qui ne les ont pas obtenus, rte
prouvent rien pour le reste de la vie. A c c o rd o n s, si l’on veut,, que la
langueur des prerhières études ne soit pas, sans exception, d’un fâcheux
présage; mais convenons que, presque toujours, un écolier qui sort de
la foule tient la promesse, qu’il fait, de n’être pas un homme vulgaire.
L e cours de Droit que M . Férey suivit dans l’Univcrsité de Caen, lui
fit autant d’honneur que ses exercices de collège. Ce cours étoit alors
une formalité plutôt qu’une étude; et il étoit trop commun de regarder
comme perdu le temps que les jeunes gens employoient à preudre ^purs
degrés. M. Férey ne perdit pas le sien. Les écoles de Caen se souvien
nent encore que le savoir et le jugement dont il fit preuve dans ses
thèses, arrachèrent à ses professeurs surpris l’aveu que leur élève pour
voit devenir leur maître.
Ces premiers avantages encouragèrent M. Férey sans l’énorgueillir. Son
ardeur pour le travail s’en accrut : et lorsqu’à vingt ans , libre de tous
ses cours, il revint à la maison paternelle, il se plongea dans une étude
approfondie du Droit. Cette étude lit toute son occupation : elle fit aussi
tous les plaisirs de sa jeunesse. D ’autres passions, so u v en t, sont l’écueil de
cet âge : M. Férey ne les connut pas. L a malignité, toutefois, ne put
expliquer, par la foiblesse de sa constitution, une pureté qui prenoit sa
source dans une imagination chaste. Celui qui veilloit pour l’étude auroit
pu veiller pour le plaisir. Q u’on impose à ces hommes si robustes, qui
ne connoissent qu’une définition pour les bonnes mœurs, seize heures de
travail par jo u r, comme se les imposa, dès sa jeunesse, et pendant toute
sa v ie , M. F ére y ; alors ils cesseront de prendre en pitié les hommes
assez courageux pour rem plir, de toutes les destinations, la plus véri
tablement virile , celle de se dévouer sans distraction à l’utilité publique.
M. Férey ne voulut pas être fort pour le vice : il le fut pour la vertu. lit
tel étoit le culle que lui rendoit cette ame virgin ale, que , dans le cours
d ’une longue vie, ses amis même ne l’entendirent jamais exprimer una
idée dont pût s’alarmer la pudeur la plus délicate.
Ce n’est pas que M .'F é re y fût sévère ni chagrin. Il avoit de la gra
vité saris tristesse. Son austérité n’étoit que pour lui : pour les autres ,
il étoit tout indulgence. Jamais il ne se permit de censurer avec âpreté
ni les choses ni les personnes : bien différent de ces moralistes de parade,
q u i , prodigues de m axim es, avares de bonnes œ u v re s , croient s’ac
quitter envers la vertu en belles paroles et en blâme d’autrui. A le
voir ag ir, on eût dit qu’il ignoroit jusqu’au nom des foiblesses humaines :■
à l’entendre excuser les a u tres, 011 eût cru qu’il avoit des fautes à sc
faire pardonner.
Ces dispositions natives avoient é té, de bonne heure, cultivées dans
son ca>ur. M. Dulong, son o n c le , jurisconsulte estimé , se complut à le
former dans la double science de la morale et des lois. Sous ce digne
m aître, l’élève Ht des progrès si rapides, que les cliens de M. D ulong,
malgré la routine de la confiance, s’adressoient indifféremment au neveu,presque honteux de cette innocente usurpation, ou bien à l’oncle, ravi
des succès d’un rival si cher.
;
-
�iÛA(
4
)
Deux années se passèrent ainsi, durant lesquelles M. Férey voulut
ajouter, à la connoissance du Droit , la pratique de la Procédure : étude
dont sa droite raison lui révéloit l’imporlance, et dont son courage lui
fit dévorer les dégoûts; persuade que ce n’est pas assez, pour devenir un
bon pilote, de bien connoître le b u tta i vo yag e, qu’il faut encore appren
dre le chemin, sans quoi l’on risqueroit de mal diriger le vaisseau. L e
droit est le but : mais le droit se développe par les actions, et les actions
par la procédure ; la procédure est le chetnin. Llle né peut donc être
ignorée de ceux qui prétendent à l’honneur de guider leurs concitoyens
à travers les périls des procès.
Cetle science étoit dans le chaos. Alors n’existoit pas encore cet excellent
O uvrage, simple de style comme il convient aux livres classiques , mais si
plein de méthode et de clarté , qu’il mérita depuis à son auteur (i) l’hon
neur insigne d’en voir adopter l’ordre lumineux par le Code de Procédure .
lui-même.
Un tel secours, pour M. F é r e y , n’éloit pas indispensable. Seul, et sans
guide, il sut parcourir le labyrinthe , en reconnoître les issues , tendre , enfin,
d ’une main sû re , le fil conducteur qui le mit en état de diriger le bon
droit , quand le bon droit s’y trou voit engagé.
Le temps étoit arrivé où M. Férey devoit paroître au Barreau. M. Dulong désira qu’il se fixât.a Beaumont-le-Roger, près du Bailliage qui siégeoit
dans celte ville.
, Dès les premières causes qu’il plaida , son rang lui fut assigné parmi les
Jurisconsultes distingués: triomphe d’autant plus flatteur, que M . Férey
n ’avoil pas même essayé d’en rien usurper par le prestige d’une action bril
lante , ni par les séductions de l’art oratoire.
Un bel ouvrage a paru dans .ces derniers temps, pour prouver la thèse
consolante des compensations dans les destinées humaines. C ’est aux talens
aussi, cl au talent du Barreau comme aux autres, que s’applique ce système.
T o u t , en ce genre , n’a été donné h personne. G r â c e , force ; richesse de
l'imagination , sûreté du jugement j sensibilité douce , mâle raison ; déli
catesse' de g o û t, véhémence entraînante, variété des tons , puissance de
logique ; charme du slyle , charme de Faction : toutes ces qualités , dont
chacune est précieuse, ne se sont peut-être pas trouvées une seule fois réu
nies. l^a bonne N ature, en mère équitable , les a réparties entre tous ses
enfans. Chacun a eu son lot. N ’en croyons donc pas cet orgueil exclusif, qui
fait qu’on se compare sans cesse aux autres par ce que l’on a. C ’est par ce
que l’on n’a pas qu’il faut aussi se comparer, si l’on veut être juste; et le plus fier
, ( i ) M . P i g e a u , professeur clans la F a c u l t é de D ro it de P a r i s , auteur du Traita do
la Procédure civile ; savant utile non m oins que modeste , qu’on vil préluder à l 'e n
seignem ent public par des cours p r i v é s , dans lesquels ses élèves n ’ont jam a is su
qu’a d m irer ([avantage de l'extrêm e lucidité de ses leçons ou de sou inépuisable c o m p la isa n r e . H o m m e vertueux 1 que je voudrais pouvoir louer c o m m e il le m é r i t e ; '
m a is . ipi’ ime aorie de pudeur m 'e m p ê c h e de louer à mon g r é , de peur (|u’on 'n’attribue
à m a vanité de lui appartenir pur tes liens du sang et par les soins paternels dont il h o
nora m a jeunesse , un h o m m a g e qui u’est pourtant que l ’éch o de l ’estime public.
�(
5
K
alors deviendra humble , peut-être , en découvrant dans ses rivaux tel genre
de supériorité qu’il ne dédaigne que parce qu’il lui est impossible d’y
atteindre. Sans mépriser aucune espèce de facultés , ce que doit faire un bon
e sprit, c’est d’apprendre à bien employer les siennes.
Ainsi se montra M. Férey;
Il avoit reçu de la nature tout ce qui subjugue les sages. M a i s , pour rendre
plus purs les succès qu’elle lui destinoit, elle lui avoit refusé ces dons trom
peurs et quelquefois funestes , qui flattent les sens et peuvent égarer la raison
elle -même.
Un maintien embarrassé , peu d’o rg an e, une médiocre facilité de p arole,
c’éloient autant de signes par lesquels M. Férey avoit été averti d’abandon
ner tout ce qui n ’avoil que de l’é c la t , pour cultiver le solide mérite dont il
étoit si abondamment pourvu. Lent à s’exprim er, mais fécoud en aperçus,
auxquels il ne donnoit jamais d’inuliles développemens ; doué d’une mémoire
dont les trésors ne s’épanchoient qu’à propos ; convaincant, parce qu’il étoit
persuadé ; simple sans trivialité ; toujours fort de la force de la raison ; ver
sant sur les matières qu’il traitoit le double intérêt d’une saine dialectique
et d’ une érudition bien digérée ; ennoblissant toute discussion , non par le
choix des mois , mais par la dignité des idées , mais par une doctrine pure
comme son cœur , mais par cette élégance dans les senlimens qui donne
une sorte de parure naturelle à: toutes les paroles , à toutes les actions de
l ’homme de bien : voilà comment il sut plaire aux juges devant lesquels il
plaidoit, et leur ôter jusqu’au regret des dons qu’il n’avoit pas ; voilà com
ment ,* pendant cinquante années , il se concilia le cœur et l’esprit de ses
confrères. ■■
:i; ■ ■
-' - • . .n
. i
- -M. F ére y , vous le voyez , Messieurs , s’éloit préservé de la tentation de
quitterla réalité pour la chimère..C’est., en effet, une erreur trop commune
des hommes de talent, de négliger les parties dans lesquelles ils peuvent
exceller, pour courir après celles qui leur manqueront toujours. T e l est un
dialecticien habile, qui veut forcer nature pour devenir orateur : tel autre
ambitionne la profondeur, qui n’eut en partage que de la facilité. A in si,
l’on consume, en efforts malheureux,'pour acquérir tin .talent faux et man
qué, cent fois plus de forces et de temps qu’il n’en eût fallu pour donner la
perfection aux qualités éminentes dont on avoit le bonheur d’être doué.
M. Férey sentit qu’il étoit né pour le,raisonnement et la science : il s’en
tint à la science et au raisonnement. Ses succès justifièrent son choix.
. T o ut le monde, bientôt, donna sa confiance au jeune Jurisconsulte de
Beaumonl. Insensiblement il devint l’oracle de la province entière, et l’un
des .meilleurs interprètes de la coutume de.Normandie , dont il avoit fait
l’élude la plus sérieuse : on pourroit même.dire la plus passionnée , puisque
dans ses promenades, et dans ses trajets à cheval de Jienuinonl aux autres
bailliages uù le conduisoient ses affaires , on le rencontroit souvent lisant et
méditant la Coutume.
:
.
Si son instruction appeloit à lui les cliens , son esprit doux et conciliant
les lui attachent pour toujours. Ou vouloit l’avoir.pour conseil ; 011 vouloil,
du moins, l’obtenir pour médiateur ; cl , digue d’estime-sous l’un comme
*ous l’autre de ces rapports, on le vit appliqué constamment à.prévenir les
�f\66
*
®
•
(6)
procès : plus heürcux mille fois , d’être obscurément béni par deux familles
qu’il avoit rapprochées, que de remporter une de ces victoires éclatantes
qui coûtent toujours des larmes aux vaincus !
M. Férey resta quatre ans à Beaumont. C’est alors qu’à propos d’un pro- *
ces dont il fut chargé , com m ença, entre le père du dernier duc de Bouillon
et M. F érey , cet échange de services et de gratitude qui dura quarante ans.
M. de Bouillon sentit bientôt tout le prix du nouveau conseil qu’il venoit
d’acquérir. Il le pressa de venir se fixer à Evreux. Après une longue résis
tance , M. Férey y consentit. Cet homme modeste croyoit que c’en étoil assez
pour lui du petit théâtre de Beaumont : il avoit la touchante simplicité de
craindre qu’Evreux ne lui opposât des coiicurrens trop redoutables.
Ses craintes durent se dissiper, en voyant son cabinet constamment rem
pli des plus grands propriétaires de la province, et de ses propres confrères,
tous empressés de lui demander des lumières. Bientôt m êm e, sa santé ne
suffisant plus au double travail de la Consultation et de la Plaidoirie, il cessa
de paroître à l’audience.
Son ambition étoit de vivre et de mourir à Evreux. Déjà ily avoit passé six
ans ; et peut-être n ’en fût-il jamais so rti, sans l’amour extrême qu’il portôit
à sa profession.
M. Férey , depuis long-temps, désiroit d’admirer de plus près les savans
hommes que renfermoit le barreau de Paris. Dans un voyage q u’il fit en
celte ville , il chercha et trouva les occasions de se lier avec les plus fameux.
A cetle même époque, s’agitoit, au conseil diuducdc Bouillon, la réclamation
du duché deChâleau-Thierry ; mais cette question étoit tellement compliquée
d’actes et de procédure, que l ’on étoit sur le point de l’abandonner, M .F é rey
le sut*Sans rien dire à personne de son dessein, il se fait apporter les im
p e n s e s monceaux de titres qu’il s’agissoit de* débrouiller. Il disparoîl. Un
mois après, tombe, inopinément, dans le conseil de M: de Bouillon, une ana
lyse si claire , si concluante , des titres mis clans le plus bel ordre , q u e , tout
d’une v o i x , l’affaire fut jugée bonne. L ’auteur de cet important ouvrage ne
put rester inconnu. INI. F é r e y fut sollicité d’achever ce qu’il avoit commencé.
Il le fil 5 et la famille de Bouillon se vit assurer l’une de ses plus importantes
propriétés. M. de Bouillon voulut célébrer cet événement par une fête, dans
laquelle, venant, au milieu de scs amis, complimenter son courageux patron
au bas du perron du château de Navarre, il le salua du nom de Duc de Château-Thierry : nom que, par une gaîté de reconnoissance,il lui conserva dans
son intimité , en perpétuel souvenir du service signalé rendu à sa maison.
Ces succès auroient pu enfler le cœur de tout autre , et lui donner le désir
de rester en des lieux pleins de l’estime qu’on lui portoit. M. Férey en
étoit d’ailleurs vivement pressé par ces confrères célèbres auxquels il s’éton- ,
noit d’inspirer l’admiration dont il étoit venu leur apporter l’hommage. Il 1
reçut leurs éloges comme des encouragemens, et persista dans la résolution
de retourner à Kvreux.
Il seroil en effet p a rti, si la violence, qu’on lui faisoit pour le retenir,
n’avoit été secondée par l’ingénieuse amitié d’un de ses cliens.
Ce client , M. de Champigny , prétexta de donner a M. Férey un dîner
d’adieu, dans un appartement qu’il venoit delouer récemment. IY1. Féh'y s’y
�(
7
)
rendit sans défiance. Tout naturellement on visita le nouvel appartement
de l’iiôle ; et M. Férey de se récrier sur la bonne distribution des pièces , sur
la belle vue que leur dorinoit la rivière qui couloit sous les fenêtres, sur
la tranquillité dont y jouiroit M . Champigny , sur la commodité des
meubles sim ples, mais d écens, que l’on y avoit placés ! « Ce loge» meut vous plaît d o n c , mon a m i , lui dit M. de Champigny ? Eli
» bien , il est le vôtre. Tout ce qui s’y trouve vous appartient. Je l’ai loué
» pour vous ; vous n’êtes plus libre d’en sortir. La reconnoissance et l’amitié
» vous enferment dans cette prison , pour vous forcer a devenir utile à un
» plus grand nombre de familles. Vous nous contraignez tous d’être ingrats :
» ne le soyez pas à votre tour , en rejetant des plans qui n’ont pour but que
» votre gloire et le bien de la société. » Ln achevant ces mots , 3VI. de Champigny se'jctte en pleurant dans les bras de son ami ; il le presse , le p r ie , le
conjure de ne pas se refusera sa destinée. Tous les assislans joignent leurs
prières aux siennes. M. Férey veut articuler encore quelques mois d’impos
sibilité : on ne lui permet pas de parler. Son émotion le trahit. 11 sent qu’il
faut sacrifier sa modestie même a cette touchante unanimité des vœux de ses
amis. Il voudroit faire ses conditions pourtant : il ne souffrira pas qu’une
amitié trop généreuse...... Celte généreuse amitié s’indigne , de son c ô té ,
qu’on veuille mêler de froids calculs à des sentimens si tendres. La victoire
de M . de Champigny est completle ; son ami nous reste : et le barreau de
Paris compte enfin une lumière éclatante de plus.
M. Férey avoit à peine eu le temps de se reconnoîtrc, que le Parlement
fut exilé.
On sait la part que, selon nos anciens usages, les Parlemens prenoient
à la puissance législative. Rendons grâces à la sagesse, qui, restituant
les magistrats à leurs vraies fonctions, ne leur laisse d’autre d e vo ir,
que le devoir si doux de maintenir la paix dans la société, en y faisant
régner les lois. •
Pendant cette crise momentanée, M . Férey rentra dans la retraite. L e
temps qu’il ne pouvoit plus consacrer aux affaires, il le donna encore à
l ’étude. Dix-sept volumes in-folio d ’extraits ( i ) , entièrement écrits de sa
m ain , attestent que cet hom m e, déjà- si avancé dans la science, croyoit
cependant avoir besoin d’apprendre encore.
A u s s i , lorsque le Parlement reprit scs fonctions, M. Férey ne tarda pas
à recueillir le fruit de ses longs travaux. Dès ce moment, la confiance
universelle alla le chercher pour ne le quitter jamais. Les plus grands
ijoms s’inscrivirent, à l’e n v i , sur la liste de ses cliens. Plus d’une fois il
lut consulté par ce qu’il y avoit en France de plus a u g u s t e : et toujours
on sortoit d’auprès de lu i, malgré la différence des r a n g s , pénétré d'admi
r a t i o n pour scs lumières et de respect pour ses vertus.
Mais ce que nous devons encore une fois rem arquer, mes chers Con
frères, puisque nous nous sommes promis de tirer du cet Lloge quelque
( i ) D e s diverses parties du D r o it R o m a i n , et des m eilleurs F ac tu ra s des Jurisconsultes
célèbres.
�( 8 ) ,
profit pour nous-mêmes, c'est le peu d’éclat des moyens qui conduisirent
M . Férey à une si liaute considération.
En e f f e t , l’inclination naturelle des jeunes "gens qui se destinent an
Barreau, est de se passionner pour ce qu i, dans leur profession , a le
plus d’eclat. C ’est au nom de Démosthènes et de Cicéron que s’enflamme
le génie de celte ardente jeunesse. Son cteur palpite pour la gloire. La
gloire lui paroît le seul but digne de ses efforts. L a simple et modeste
utilité est à peine aperçue, ou du moins elle vient bien loin après la
gloire. Noble enthousiasme ! mais méprise souvent funeste ! Les temps ,
les lieux ne sont pas les mêmes : et le Barreau, quoique appelé, dans
tous les«temps et dans tous les lie u x , à une sorte de destinée publique,
cloitsonger que celte destinée se modifie suivant les siècles et les pays.
Démosthènes et Cicéron attaquoient ou défendoient les rois. Us prolégeoient la liberté* publique et sauvoient la patrie. Pour de si grands
combats, ce n’étoit pas assez des forces humaines : il falloit être un Dieu ,
et tenir toujours la foudre h la main. A nous, des intérêts moindres
demandent des efforts moins audacieux. Nous devons souvent nous
contenter d’imiter dignement les jurisconsultes Sempronius et Scévola,
Pour une de ccs occasions si ra re s, où peuvent devenir nécessaires
toutes ces ressources de l’antique éloquence, que d’occasions où de tels
efforts seroient hors de proportion avec le sujet! La paix des familles
les droits des citoyens entr’e u x , le maintien de la propriété , voilà l’ali
ment ordinaire de nos discussions : et c’est à faire triompher la justice
bien plus que notre amour-propre, que nous devons tendre. Malheur à
celui qui s’embarrasseroit plus de phrases sonores, toutes puissantes sur
l ’aveugle multitude, que de la solide démonstration qui doit co n c ilie ra
sa cause les suffrages de ses juges !
Jeunes athlètes, qui voulez suivre l’exemple de M . F é re y , n’oubliez
pas qu’on peut être avocat sans être orateur, mais qu’au Barreau l’on n’est
jamais un véritable orateur sans être avocat.
L o i n , loin de moi pourtant le sa'crilége projet d’étouffer dans vos ames
le goût généreux de l’éloquence! A h , sans doute, si, porté par le sujet
votre génie vous entraîne vers ccs beaux mouvemens qui ne vont au
c œ u r qu’en plaisant à la raison, obéissez à votre génie.
Une verve impérieuse vous domine-t-elle ? Etes-vous doués de ce carac
tère grave .et comme consacré, qui donne du poids à vos maximes et de
l’autorité à vos paroles? Eloquens et didactiques à-la-fois, savez-vous, fran
chissant les limites d’une contestation obscure, convertir cette discussion
isolée en une sorte de cours d enseignement, où la doctrine se pare des
charmes d’une élocution animée?
Ou bien , moins graves , mais non moins énergiques, et tout brillans de
«races qui ne nuisent pas à la force , possédez-vous l’art heureux d’unir
la logique à la fine plaisanterie ; de cacher sous une apparente négligence,
qui n’est là que pour ménager des surprises , mie profondeur vraie ; de
frapper adroitement, des traits de l’ironie, un argument difficile à repousser?
C é d e z, cédez à ce puissant instinct. Orateurs véhémeus, orateur** pleins
�de g râ ce s, p a rle z , séduisez nos esprits, subjuguez nos âmes. Devant vo u s,
dans nos rangs , vous trouverez vos maîtres et vos exemples.
Mais gardez-vous de vous tromper sur vous-mêmes. Il se peut que la
nature, en vous comblant de ses dons, vous ait pourtant refusé, comme
à M. F é re y , quelques-uns de ceux qui n ’ont que de l’éclat. Peut-être un
accent rebelle détruit-il, pour les oreilles difficiles, l’harmonie de votre
diction; ou bien un extérieur peu favorisé, comme celui de M. F é re y ,
semble-t-il vous interdire ces effets par lesquels l’ame n’est remuée que
quand les yeu x ont d’abord été satisfaits. Ingrats, n’accusez pas la nature !
lit de quoi vous plaindriez-vous? Oubliez tout ce qui vous manque: les
autres l’oublieront bientôt, si vous savez employer ce qui vous appartient.
Vous! négligeant toutes ces molles séductions d’une éloquence drama
tique, visez droit au jugement. Soumettez-le par une logique entraînante,
par une heureuse précision, par une simplicité également éloignée de la
pompe et de la bassesse, et qui recèle en soi je ne sais quel charme secret,
dont le cœur peut d’autant moins s’empêcher d’être touché, que le plaisir
qu’il y trouve ne coûte nul regret h la raison.
V o u s ! sans vous embarrasser des formes ni des mois, pressez l ’argu
ment avec vigueur, déployez toutes les ressources d’une adroite dialectique ,
poursuivez ardemment votre adversaire; frappez, frappez c o u p sur coup;
ne le laissez point respirer. Orateurs purs et concis, orateurs convaincans
et n e rve u x, commandez à la raison, je vous promets des victoires. En doutezvous? Regardez dans nos rangs, l’estime publique vous montrera vos garans
et mes preuves.
A in si, dans noire profession, il est des places honorables marquées à
tous.les talens. Ils peuvent différer de formes et de moyens, pourvu qu’ils
tendent tous h l’ utilité. L ’utilité réunie à l’éclat, c’est la perfection de l’art.
Mais la première se suffit à elle-même : et tel est le sort des talens vraiment
utiles, que, s’ils se produisent d’abord avec moins de fracas, ils Unissent,
à la longue, par arriver au plus haut degré de l’estime qui leur est due.
Cette réflexion nous amène à la plus glorieuse époque de la vie
de M. Férey.
Renfermé dans le cercle de scs travaux, bien exempt de toute espèce
d’ambition, n’ayant pas même songé, une seule fois dans sa v ie , s’il éloiL
d’autre dignité que celle d’homme de b ie n , M. Férey étoit loin d’imaginer
que les distinctions viendroient chercher celui qui ne les cherchoit pas.
M ais, parmi les dépositaires de la confiance du Souverain, il en est un,
que l’on reconnoîtra sans que j’aie osé le nom m er, lorsque j’aurai dit
qu’il est honoré, moins encore à cause de sa haute fonction, que pour le
noble emploi qu’il sait faire de son crédit, pour la protection qu’il accorde
a tous les talens, pour sa rare fidélité à ses promesses , et pour cette
urbanité de manières que ne peut même fatiguer l’iniporlunilé des citoyens
de tonie classe empressés d’aller lui porter des hommages. C ’esl lui qui,
charge d’un ministère de bonté, pour lequel semble avoir été si bien
devinée son inclination naturelle, échange au pied du trône les béné
dictions des sujets contre les bienfaits du Prince. C ’est lui qui, par les
ordres du Monarque , lui révèle tous les genres de mérite, et sur-tout le
2
�>ï70-
( xo )
mérite modeste. 11 signala M. Férey. Et, successivement, M. Férey* fut
nommé au conseil des écoles de d r o it , et membre de celte Légion dont
le nom rappelle le devoir et le premier sentiment de ceux qu’elle reçoit
dans son sein: glorieuse et politique institution, par laquelle un grand Sou
verain, si bon juge en celle matière, voulut rendre une espèce d’hommage
au génie de sa nation, qu’il sait avant tout idolâtrer l’honneur.
Ainsi vint mettre le sceau à la réputation de ce savant jurisconsulte le
plus auguste des suffrages, qui, lout seul, est une grâce sans prix , parce
que, pour les belles ames, le dernier terme de l’ambition humaine, c’est
le suffrage d’un héros.
Jusqu’ici, Messieurs, nous avons considéré M. Férey dans ce que l’on
peut appeler sa vie publique : mais ce seroit faire tort à sa mémoire, si
nous ne jetions pas les yeux sur sa vie privée.
A m i sûr et fidèle, bon fils, bon fr è r e , et toujours le meilleur des paren9,
il porla le détachement de ses intérêts jusqu’à ne demander jamais de par
tage dans les successions qui lui échurent. Ses cohéritiers les adminislroient
à leur gré. A près la mort de son unique frère, le patrimoine commun
resta sous la direction de la veuve, qui en rendoit compte à son beaufrère quand elle le vouloit et comme elle le vouloit. Ce cjue d’une main
M. Férey recevoit de sa belle-sœur, de l’autre il le remettoit à ses neveux.
N e sonl-ils pas mes enfans, disoit-il?
O u i, dignes neveux, vous fûtes ses enfans; vous êtes son image; vous
avez son aine; et votre oreille, aussi bien que la sienne, ne fut jamais
fermée aux prières du malheur !
T elle éloit l ’habituelle inquiétude de bienfaisance de M. F é r e y , qu’elle
le lenoit comme aux aguets de tous les besoins. Il éloit le trésorier de sa
famille. Quelque embarras dans un com m erce, un enfant dont 011 ne pouvoit culliver les dispositions, faute de m oyens, une jeune fille sans d o t,
courant le risque d’être condamnée au cél ibat : M. F é r e y étoit instruit de
tout. La detle en retard étoit acquittée; l’enfant placé dans un collège; et
la jeune fille, conduite à l’aulel par l’homme de son c h o ix, bénissoit tout
bas le bienfaiteur délicat qui lui avoit permis d’accorder son amour avec
sa vertu.
Ce n’étoit pas seulement envers sa famille que M. Férey se monlroit
ainsi libéral : quiconque 6’oiTroit à sa bienfaisance , la trouvoit prêle. A lo rs,
ce j u r i s c o n s u l t e si occupé n’avoit plus d’affaires. On étoil écoulé et toujours
exaucé si l’on méritoit de l’être. Souvent même il accordoit plus qu’on
ü’osoit prétendre (le lui.
Ainsi l'éprouva un de nos confrères, qui nous a pressé de ne pas
laisser ignorer ce trail.
Maltraité par les circonstances, il seloit vainement adresse à quelques
amis pour emprunter une somme qui lui étoit nécessaire. Il songe, enfin,
à M. Férey. Il va le voir. Il lui veut expliquer qu’il ne vienl à lui qu’après
avoir échoué auprès de scs amis. « Vous avez eu to rt, mon cher confrère,
» lui dit un peu brusquement M. Férey, vous deviez commencer par moi; »
el il lui remet le double de la somme demandée. Depuis, il lui a légué
«Jctle somme par son testament.
�(
1 1
)
Si M. Férey suvpassoit quelquefois l’altentc de ceux qui s’adressoient
a lu i, ne croyons p a s , cependant, qu’il suivit en aveugle un instinct
irréfléchi de bonté. Cet homme d’un cœur si compatissant et d’une raison
si pure, s’allachoit, sur-tout, à faire le bien avec mesure et discernement.
II savoitque la vraie bienfaisance n’est pas prodigue. A voir certains riches,
dont il faut d’ailleurs louer les intentions, s’épuiser en bienfaits répandus
par torrens sur quelques individus, de manière a n’en pouvoir plus secourir
d’autres, on seroit tenté de croire qu’ils se laissent aller presque autant
à une certaine paresse de cœ ur, qu’aux inspirations de la vertu, et qu’ils
veulent, une bonne fois, se libérer de la bienfaisance, comme on se débarrasse
d ’un fardeau.
*
Faire du bien n ’éloit pour M . Férey ni un fard eau, ni un embarras.
11 y plaçoit son devoir ; il en faisoit aussi sa -jouissance. Il ne craighoit
donc pas d’être souvent occupé du détail des misères humaines. Ce qu’il
redoutait, c’éloit de s’ôter la puissance de soulager un plus grand nombre
de malheureux. 11 songeoit que tout ce qu’il donnoit de trop au premier
in d igen t, étoit un vol fait au second. A vare par générosité, il comptoit
exactement avec chaque besoin. Lors donc qu’il accordoit plus qu’on ne
lui demandoit, c’est qu'il avoit démêlé que le courdge de bien calculer
manquoit à celui qui l’imploroit.
M. Férey expliquoit volontiers son m otif de ne pas faire des dons e x
cessifs. « T o u t homme, disoit-il, doit son travail à la société, et nul ¿l’est
» heureux s’il ne travaille. » Même pour ses parens il n’eût rien fait qui
leur donnât la tentation de négliger ce devoir : il vouloit faire des heu
reu x, non des oisifs. C ’est ainsi qu’on l’a v u , jusques dans son testament,
ne laisser à ses meilleurs amis que des libéralités, qui ne leur permissent
pas de devenir inutiles aux autres, ou bien à .eux-mêmes.
Une preuve que tels étoient ses motifs pour ménager une fortune qui
n’éloit réellement pas la sienne, c'est qu’il négli^eoit les occasions de
l ’augmenter, et qu’il mettoit lui-même des bornes a la reconnoissance de
ses cliens. Plus d’une fois il renvoya tout ce qui excédoit la modération
de ses calculs. Ces traits sont en trop grand nombre pour être rappelés:
il en est un pourtant que je ne puis passer sous silence.
M . de Flexenville, gêné, comme tant d’autres, dans les mouvemens de
sa gratitude, voulut, en mourant, se venger de celte contrainte. Il fit don
à M. Férey du domaine de Primart : c’étoit un legs de cinquante mille
écus. Les hommes les plus probes se font rarement scrupule d’accepter
un legs : M. Férey refusa le sien. Toutes les fermes restèrent à la succession.
Par égard pour les intentions de son am i, il retint s e u l e m e n t la jouissanco
de la maison d’habitation : et ce fut là , peut-être, un raffinement de déli
catesse. Non content d’entretenir cette habitation dans le meilleur état ,
il y fit beaucoup d’embellissemens, dont il n ’ a i tendit pas, au resle, que
sa mort mît en possession l’héritier de M. de l'iexenville. Pour l’en faire
jouir plutôt, il prétexta que son âge ne lui permettoit plus guère d’aller
passer ses vacances à Prim art; cl il remit la maison à cet héritier, en
acceptant à peine une rente viagère de douze cents franco, qui u’étoit
pas l’indemnité de ses dépenses.
�Celte aclion donne de l’eslime pour M. Férey : en voici une qui le
fait a im e r , en prouvant q u e , sous des formes peu expansives, il cachoit
une sensibilité vraie.
M. Férey, comme tous les hommes occupés, redouloit beaucoup les
visites oiseuses. Dans ce cas, il avoit besoin de boni son courage pour
dissimuler la contrariété qu’il en éprouvoit : encore, malgré ses efforls,
perçoit-elle quelquefois dans ses traits. L ’un d’entre nous, qui lui connoissoit cette disposition d’esprit, conféroit un jour, avec l u i , d’affaires
très-sérieuses, lorsque survint un homme fort mal vêtu, bien qu’assez distingué
dans ses manières. Loin de se montrer mécontent de celte visite, M. Férey
accueillit le survenant avec des»égards ti*ès-marqués , s'instruisit avec un
v i f intérêt de sa famille, se plaignit de ce qu’il ne venoit pas le voir plus
souvent ; bref, le combla de tant d’amitiés et de prévenances, que le témoin
ne laissa pns d’en être un peu surpris. L ’étranger partit : quelques momens
de silence suivirent. M. Férey se remettoit , le mieux qu’il nouvoit, de
l ’attendrissement qui l’avoit saisi, sans qu’il pûl le dissimuler. « Voiià quelqu’un
» que vous aimez beaucoup, lui dit notre confrere. » « Pauvre homme!
» répartit M. Férey , finissant la pensée qui pesoit visiblement sur son cœur,
» il est bien malheureux! il avoit cinquante mille livres de renie : il a
» tout perdu ; et il craint de me venir v o i r , parce que je lui ai prêté
» quarante-deux mille francs, qu’il est dans l’impossibilité de me jamais
» rendre. » D’autres peuvent perdre quaranle-deux mille francs sans déses
poir ; mais il n’appartient qu’aux ames délicates de les perdre de celte
manière. Un pareil mouvement, presqu’inapperçu , vaut bien toutes les dé
monstrations d’éclat dont sont prodigues cerlaines sensibilités.
Pour achever le portrait de M. F érey, je dois parler encore de celle
bonhomie et de ce détachement de l’argent, qui, toute sa v i e , le. ren
dirent comme étranger au soin de ses a (fa ires personnelles.
M. Férey est mort sans savoir peut-être que l l e éloit la situation de sa
fortune. Cela ne le regardoit pas, clisoil-il naïvement. Mais qui donc
cela regardoil-il ? M. Férey étoit célibataire. Cet état d’isolement Pauroit
réduit à n’avoir personne sur qui se reposer de ces détails d’inlérêt, tou
jours pénibles pour les hommes qu’entraîne un goût exclusif, si le hàzard
ne l’eût, à cetégard , presqu’aussi bien servi que le mariage l’auroit pu faire
M. F é re y , tous les ans, alloit passer íes vacances dans sa province
L ’espérance de le voir faisoit la joie de sa famille. A force de l’y entendre
b é n ir, ses jeunes pareils, accoutumés à le considérer comme l’objel de
leur respect el de leur émulation, ne manquoient pas, au ternie de leurs
éludes, d’aller le consulter sur la carrière qu’ils dévoient choisir.
Une année, M. Férey distingua , dans ce concours, un jeune homme qui
montroit encore plus de plaisir à le voir que tous les antres. Il l’avoil exa
miné déjà sur scs éludes ; il en éloit satisfait. Ce jeune liomnie lui (Jjf réso
lument qu’il ne lui demandoit pas d’avis, que son parti éloit arrêté, qu’il
vouloit le suivre à Paris, et s’altacber à lui pour jamais. « Kli bien ! mon
m cher ami , viens donc; nous ferons de loi un jurisconsulte. » Ainsi le
pensoit et le vouloit M. F é r e y , q u i , dans les causeries ingénieuses de l’écolier
avoit démêlé da sens, de la réflexion et beaucoup de iluesse.
�(
1 3
)
Mais, celle fois, le discernement de M .'F é re y fui en défaut.
Vainement init-il enlrc les mains du jeune homme la coutume de N o r
m a n d ie , en lui vantant forl les beautés de celle étude : vainement lui
proposoit-il de se récréer avec la lecture des vieilles ordonnances, lecture ,
disoü-il, qui l’amnseroit beaucoup. L ’é lè v e , malgré sa bonne v o lo n té ,
badloit au milieu de toutes ces délices : il finit par prendre en haine les
ordonnances vieilles ou nouvelles; et M . I érey, qui le surpreuoit - sans
cesse, avec scandale, sur son Horace ou sur des calculs, s’aperçut qu’il ne
falloit pas espérer, de voir M. Toutin devenir son successeur.
••
A p rè s quelques années d’épreuve, il en fit du moins son secrétaire, son
ami et son -intendant. 11 lui remit une procuration générale pour tout
administrer selon sa volonté.
A dater de cet instant, M. Férey ne se mêla presque plus de scs affaires.
Il n’avoit à ce sujet d’entretien avec *son parent, que pour lui bien recom
mander de ne pas s’écarter des règles de la justice. Vouloit-il faire une
dépense , il ne manquoitpas de demander s’il y avoit de l'argent. La réponse
de M. Toutin éloit un arrêt sans appel, à moins qu’il ne s’agît de quelque
don à faire. Dans ce cas, M. Férey se montroit un peu plus curieux; et
rarement il avoit besoin de le devenir, parce que l’intendant,sur ce point,
étoil d’accord avec*le propriétaire, et que le plaisir de faire du bien éloit
l ’instinct commun des deux parens.
En d'autres mains un tel pouvoir n’auroit pas élé sans danger. Il
p o rta, dans celles-ci, une fortuue d’abord médiocre, au plus haut point
de prospérité» Certes, nous ne ferons pas, à un parent de M. Férey , l’in
jure do le louer d’avoir été probe et fidèle. Mais uous remercierons pu
bliquement.ce bon économe d’avoir délivré M. Férey des soins importuns
qui l’auroienl enlevé à ses uliles travaux , et d’avoir ainsi rendu sa vie plus
douce et plus heureuse.
En m ’appesantissant sur ces détails, j’ai voulu donner en quelque sorte
le change à notre d o u le u r, et prolonger encore , par le souvenir, une exis
tence qui nous fut si précieuse.
M a is , pourquoi'ces ruses de ma foiblesse ?
, Pourquoi ce vol que depuis trop longtem ps je fais à la gloire de M. Férey,
par un sentiment efféminé qu’il désavoueroit ?
Que tardé-je à vous parler de la fin qui couroiîna sa belle vie, et q u i,
pour sa vertu , fut un triomphe de plus?
Déjà, depuis plusieurs m o is, la mort avoit marqué celte victime. Une
liydropisie de poitrine se formoil insensiblement. Chaque jour la maladie
faisoit des progrès lents, mais trop sûrs. Les amis de M. Férey les observoient avec e*fi roi : il les appercevoit aussi, mais sans en etre troublé.
- Lh! pourquoi se seroit-il révolté contre les lois de cette Providence dont
il avoil si bien accompli les ordres sur la terre? Que lui faisoit la perte
de la vie? Sa vie ne. fut pas à lui. Etranger, pendant soixante et onze
animes, a toutes les jouissances qu’y recherche le commun des hommes, il
l ’avoil considérée seul crue ni comme un moyen que la céleste bonté luidonnoit
de se rendre utile à ses semblables. Ce fut encore d’eux seuls (ju’il s’occupa,
dans ces ruomcnsoùles plusmagnanimes oublient tout, excepte eux-mêmes.
�C '4 )
M . Férey «ne mourut pas ; il acheva de vivre. Debout tant qu’il le put ,
cet homme si fo ib le , maîtrisant la douleur par son courage, continua de
se livrer au travail. 11 recevoit, comme à l’ordinaire, tous ceux qui recouroieut à ses lumières.
En vain scs parens, ses amis lui remontroient qu’il se fatiguoit par ces
soins hors de saison. « Il est toujours temps, répondoit-il, de faire encore
« quelque bien »: e t , tout en se montrant louché de leurs tendres inquié
tudes , il les ramenoit à la discussion interrompue.
Blême lorsqu’il fut forcé de s’aliter, il ne voulut rien changera ses oc
cupations : et scs amis, convaincus , à la fin, que le sentiment de son inutilité
nigriroit le mal plus qu’un travail modéré , l'entretinrent d’affaires jusqu'au
dernier moment. La veille même de sa mort ( i ) , il signa plusieurs consul
tations qu’il avoit délibérées les jours précédons. Peu d’instans après, il lit
approcher ses parens de son lit de mort, les bénit, et les congédia en leur
adressant quelques paroles de consolation.
Lui-même, alor6, il finit de s’occuper des affaires temporelles, pour faire
à la religion l’hommage de ses dernières pensées. S’il n’en invoqua pas
les secours à son heure suprême, c’est qu^il n’avoit pas attendu si tard pour
remplir des devoirs sacrés. De plus, il avoit déposé, dans son testament
la profession solennelle d’une croyance, où l’auroient confirmé la droiture
de son jugement et la simplicité de son c œ u r, s’il n’y eût été fixé p a r le
besoin même que lui en donnoient sgs vertus.
Parler du testament de M . F é r e y , mes chers Confrères, c ’est réveiller
en nous la gratitude dont nous pénètre la disposition qu’il contient. Gardonsnous pourtant de supposer que notre respectable Confrère, en léguant à
l ’Ordre des Avocats non-seulement sa bibliothèque , mais la somme con
sacrée à son entretien annuel (2), ait exclusivement écouté la bienveillance
qu’il nous portoit. M. F é re y , sans doute, a i mo i l les compagnons de ses
travaux ; mais , telles éloient les affections de ce cœur p u r , qu’il n ’en resaentoit aucune où 11e se mêlât l’amour du bien public.
Jadis , sous le titre de Bibliothèque des Avocats, exislQÎt un établissement
dcdi.é au double culte de la science et de l’honneur.
C ’étoit là que, dans des réunions hebdomadaires , de jeunes émules
venoient apprendre à régler leur bouillante ardeur à la voix de ces vieux
chefs, qui expliquoient comment il falloit tempérer le zèle par la modé
ration , et ployer sa fierté au joug d’une discipline salutaire.
C ’étoil là que la gloire et la probité, les qualités brillantes et les mo
destes v e r t u s , confondues dans la fraternité la plus touchante, apporloient
l ’hommage de leurs succès divers , dont chacun étoit orgueilleux, dont
personne n’étoit jaloux, parce que c’éloit comme le bien de tous.
C ’ctoit là que le talent lui-même n’eût pas tenté de se faire absoudre
¿ ’avoir violé la loi du devoir : là, que la licence ou la cupidité redoutoient
de se laisser deviner par ces hommes vieillis dans les voies de la justice, et
( 1 ) L e !> juillet 1807.
(a ) S ix c en ts francs par an.
�que nous tfontraclions de bonne heure cette honte de mal a g i r , qui devenoil la règle du reste de la vie.
Dans ces réunions s’offroit le spectacle attendrissant de ces rivaux amis
suspendaut leurs querelles pour se prodiguer une mutuelle estime $ de ces
, champions illustrés par tant de victoires , traitant d’égal à égal avec la
médiocrité même, qu’ils élevbient jusqu’à eux par une familiarité consolante.
On y voyoit, spectacle plus doux encore aux bons cœurs! ces orateurs
charges des plus grands intérêts, ces jurisconsultes livrés aux travaux les
plus savans , oublier et leur grande clienlelle et leurs graves é tu d e s , pour
écouter avec sim plicité, pour débrouiller avec patience les récits diffus,
et souvent inintelligibles, de villageois , de femmes du peuple , de p a u v re s,
tous sortant d’auprès d’eux éclairés sur leurs droits , mieux disposés à la
p a i x , souvent même assistés dans leurs besoins.
Celte institution n’étoit pas particulière aux Avocats de Paris ; elle se
relrouvoit dans toutes les villes considérables. Elle avoit même été dé
corée de prérogatives par une loi du bon Stanislas, en faveur de ce bar
reau de Nancy , célèbre à toutes les époques par les talens qu’il a produits ;
plus heureux encore, en ces derniers te m p s, d’avoir élevé dans son sein
ce Ministre c h é r i , le chef et l’ornement de la magistrature , si savant dans
l’art peu connu d’êlre à-la-fois digne et sim p le , de commander par la
grâce autant que par l'autorité, et d’obtenir pour les lo is , dont il est le
premier organe , non-seulement le resp ect, mais cette obéissance de cœur,
qui naît toujours de l’ai lâchement qu’on porte à leurs interprètes.
M. Férey rcgrcttoit cet établissement délruil par la révolution. Sa passion
étoit de le relever. Par son testament il nous le rend autant que cela fut
en lui. Il a fait davantage: et soumettant, comme il le devoit, à l’appro
bation du Souverain, le legs dont il gratifient « l ’O r d r e des Avocats , sous
quelque nom , dit-il, dans son testament, qu’il plaise à Sa Majesté l ’Em » pereur et Roi de le rétablir », il a déposé ainsi aux pieds du Monarque
qui l’honora de ses bontés, le vœu d’en obten ir, à ses derniers momens
une de plus, dans le rétablissement de l’Ordre dont il conserva si soigneu
sement les maximes.
Dernières paroles d’un mourant, vous ne serez pas oubliées! Celui qui,
veillant avec sollicitude sur toutes les parties de l’harmonie sociale, a déjà
rétabli la discipline dans un si grand nombre de professions diverses, jettera,
quand le h:mps en sera ve n u , un coup-d’œil sur la nôtre. Elle n ’est pas
indigne des regards du l l é r o s , puisqu’elle aime la gloire ; ni des regards
du Législateur, puisqu’elle est consacrée au culte des lois. L e vœu de
M. F é r e y , auquel n’ous osons joindre le noire, sera exaucé. Permettez,,
Prince illustre, que votre présence même à celte solennité en soit l’heureux
présage, et que nous plaçions un peu de notre espoir aussi, dans cette bien
veillance pour laquelle nous vous dûm es, dans lo'us les temps, une reconnoissance dont je suis encore plus heureux que fier de devenir l’organe.
Cet honneur, sans doute , appartenoit à de plus dignes : et s’il me fut dé
cerne par des Confrères que mon devoir le plus doux fut toujours de chérir
et de respecter , je ne m’abuse pas -, c’est que leurs c œ u rs, daignant répondre
aux mouvernens du m ien, ont voulu me consoler du chagrin, p e u t-ê tre
�/rô.
( 16 )
immodérément senti, de ne pouvoir plus, comme autrefois, vivre habi
tuellement sous leurs yeux. Consolation pleine de charm e, en effet, et bien
propre à tromper mes regrets ! Eh ! pourquoi donc voudrois-je marcher
encore dans cette carrière, où j’aimois tant à recueillir leurs leçons! Assez,
assez de gloire et de bonheur l’aura fermée pour moi, puisque ma foiblesse
n’a pas t out- à-fait trahi mon zèle dans la tâche qu’ils m’avoient imposée; et
puisque les derniers accens d’une v o ix , dès long-temps presque éteinte, ont
encore p u , sous de si grands auspices, en cette journée mémorable, exprimer
nos sentimens d’amour et de vénération pour nos Magistrats, mon éternelle
r e connoissance pour les bontés de mes Confrères, mon respect et le leur
pour la mémoire d’un homme de bien , et les engagemens q ue nous prenons
tous sur sa to m be, de r e m p lir, à son exemple , les devoirs de notre pro
fession.
.
�
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Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
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Description
An account of the resource
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Text
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Title
A name given to the resource
[Eloge de M. Férey. 1810]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Bellart
Subject
The topic of the resource
diffusion du factum
Description
An account of the resource
Titre complet : Eloge de M. Férey, prononcé le lundi 5 février 1810, dans la Bibliothèque du Lycée Charlemagne, après le service de MM les avocats ont fait célébrer en l’Église de Saint-Paul, en présence de S.A.S. Monseigneur le Prince Archi-Chancelier de l'Empire, etc. Par M. Bellart, Avocat.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
s.n.
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1810
1810
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
16 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2005
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Evreux (27229)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Relation
A related resource
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diffusion du factum