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P R É C I S
POUR
Sieur J e a n G E R L E , avocat, et juge de paix
du canton de Sauxillanges, intimé ;
CONTRE
F r a n ç o is
r in e
et
GERLE} p rêtre, P i e r r e
M a r i e G E R L E , frè re s
,
i
C a th e
et s œ u r s ,
a p p e la n s .
U n e acquisition d’immeuble particulier, faite par un
père, en qualité de légitime administrateur d’ un de ses
enfans en bas âge, le prix payé des deniers du père ,
auquel des deux d o it-elle profiter? La translation de
propriété qui s’est opérée par l’effet de l’acte de vente,
n’a-t-elle pas résidé, ab initio, sur la tête de l’enfant,
au nom duquel l’acquisition a été faite? où l’objet ainsi
A
�acquis fa it-il partie des biens et de la succession du
père ?
L ’enfant doit-il être tenu de rapporter l’objet en na
ture, à -la succession de son père ? ou n’est-il tenu qu’au
rapport des deniers employés par le père au payement
du prix de cette acquisition, des frais et loyaux coûts,
et aux améliorations du fait de ce dernier?
Telle est la principale contestation sur neuf chefs de
demande, qui seront développés lors de la plaidoirie.
F A I T S.
En 17 5 9 , Pierre G erle, père commun des parties,
en qualité de légitime administrateur du sieur Gerle, in
timé, donna sa procui’ation pour acheter six journaux
d’un pré appelé la Périchonne, situé à Sauxillanges.
L ’acquisition fut faite par le fondé de pouvoir du sieur
Gerle père, en cette qualité, pour et au nom du sieur
Gerle fils.
, .
En 17 8 6 , le sieur Gerle fils contracta mariage. Son
père l’institua son héritier, et lé chargea de payer, à
chacun de ses autres enfans, une légitime déterminée.
A l’époque du contrat de mariage du sieur Gerle fils
(sa mère étoit décédée ab intestat'), Pierre Gerle, son
père, jouissoit alors des biens de ses enfans, provenans
du chef de leur m ère, en vertu de l’usufruit légal, effet
de la puissance paternelle alors en vigueur. Les parties
yivoient sous l’empire des lois des pays du droit écrit.
Après le mariagç du sieur G erle, intimé, son père a
également continué de jouir de ses biens, par suite du
�( 3 ) A
même usufruit, jusqu’au 19 août 18 0 4 , époque de son
décès.
A l’ouverture de la succession du sieur Gei’le p è re ,
le sieur Gerle aîné, son héritier contractuel, a réclamé
les six journaux de pré comme à lui appartenons, ayant
été acquis pour lui et en son nom par son père ; il a
offert de rapporter à la succession paternelle les deniers
fournis et avancés par son père, et employés au payement
du prix de cette acquisition , les frais et loyaux coûts
d’icelle, et le montant des améliorations du fait de ce
dernier, s’il en existe, qui aient rendu l’objet acquis de
plus grande valeur.
M O Y E N S .
C’est un principe généralement reconnu et avoué dans
le droit, qu’un père peut acquérir pour un de ses enfans;
et que l’objet acquis par le père, comme administrateur
légitime d’un d’eux, appartient irrévocablement à l’enfant
sous le nom duquel l’acquisition est faite, exclusivement
au père. G est cc qui nous est enseigné par tous les ju
risconsultes qui ont écrit sur cette matière.
Ils ont assimilé le cas de l’acquisition faite par le pèrft,
agissant en qualité d’administrateur ou de curateur d’un
de ses enfans, au cas d’un retrait lignager exercé par
l’ascendant, agissant en la même qualité, sous le nom
d’ un d’eux. Ils enseignent que les effets' et lfeà consé
quences sont les mômes dans l’un comme dans l’autré5
cas, et décident que de même' que le pèrëyou un deg
ascendans , ne peut disposer de l-héritage ainsi retrait^
A 2
�iJrt
\
( 4 ) _
de même il ne peut aliéner l’héritage par lui acquis sous
le nom d’un de ses enfans.
Gri maudet, en ses œuvres, liv. 2 , ch. 12 , agite d’abord
la question de savoir si un père peut valablement retraire'
sous le nom d’un de ses enfans , n’ayant aucun bien ,,
l’objet par lui vendu : après avoir décidé pour l’affir
mative, il ajoute que lors du partage des biens du père,,
l ’objet acquis appartient et reste à l’enfant comme propre;,
qu’ il en est l’incommutable propriétaire; et que, quoique
le père ait payé le prix de ses deniers, il ne sauroit pré
tendre à la propriété de la chose ainsi acquise. Voici
comment s’exprime Grimaudet :
« La conséquence suit de ce que l’enfant de fa mi lie y
« ou son père, comme curateur, peut retirer ce qui a
« été vendu par son père; lequel.acquêt demeure propre
v à l’enfant, et le père, après, ne le pourra retenir, par la
« raison commune que ce qui est acquis de mes deniers
« n’est pas fait mien, mais à celui qui a fait l’acquisition.>3
. Cet auteur fonde son opinion sur la loi S i ex câ
pecujiiâ, au cod. de re venditâ,* et les raisons qu’il en
.donne sont, ainsi qu’il les rapporte, fondées sur l’autorité
de Godefroy. Quia empium pecuniâ alicu ju s, ejus
non f i t , sed ejus cujus nomine emplio facta est ,• et
quando pater d o n a tjilio , velut pecu niam in retractur
ilia donatio non reddit ad cornmodum p a tris.
L e même auteur ajoute ensuite :
« Entre les enfans ès lieux où les père et mère ne
« peuvent pas avantager les uns plus que les autres, celui
« sous le nom duquel l’acquêt est fait, doit rapporter
a les deniers de V acquêt avec l e s f r a i s , si mieux il n’aime:
�( 5 )
ef-la chose retirée, demeurer en l’hérédité, pour les de« niers en être partagés; et pour Cacquêt être fa it p a r
« le p è re , comme curateur de son e n fa n t, il ne fa u t
« dire qu'il fasse sa condition meilleure que Vun de
« ses autres ci {fans : car il ne lui donne rien de son
« b ien , et tout ce qui part du père ( qui sont les dé
fi 7iiej's') , il fa u t que Yenfant les rapporte; le nom du
cc curateur ne doit f a ir e que la chose appartienne au
« père et aux autres enfans,
« Ce que nous disons que le père ne peut avantager
« l’un de ses enfans plus que l’autre, se doit entendre,
« comme nous disons en droit, que l’homme et femme
« ne se peuvent faire don l’un à l’autre, dont l’un soit
« plus pauvre, et l’autre enrichi : o r, au cas présent,
« par Yacquêt le père ri est appauvri ; car il ne perd
« rien du sien, et débourse seulement des deniers pour
« lesquels il se peut pourvoir; et quant à la cq u êt, le
« fils ne lef a i t de son père, mais de Yétranger", partant
« les autres enfans ne peuvent prétendre part audit
« acquêt, ou dire que p a r icelui le père ait avantagé
a leur fr è r e . »
.
Brodeau, sur l’article 139 de la coutume de Paris, qui
étoit une coutume qui astreignoit à une parfaite égalité,
a consacré les mêmes principes que Grimaudet ; il en
seigne que « les autres enfans, après le décès du père,
a ne peuvent rien prétendre à l’héritage retiré ou acquis
« par le père, sous le nom de l’un d’e u x; que le fils
« n’est tenu qu’au remboursement des deniers avancés
« par le père; que dès-lors nihü abest à fa r m liâ r et
«■ qu’on ne peut pas dire que la gratification et le choix
M
�.
( 6 }
« que le père a J'a it de la personne d’un de ses eiifans
« soit un avantage indirect et réprouvé. »
Lebrun, en son Traité des successions, liv. 3 , chap. 6,
sect. 3 , traite la question de l’acquisition faite par un
père au nom d’un de ses enfans, et celle du retrait exercé
par le père sous le nom de l’un d’e u x; et dans l’un
comme dans l’autre cas, il enseigne et décide que le fils ne
doit rapporter que le prix de l’acquisition ou du retrait,
et non l’héritage acquis ou retrait.
A u nombre i 5 , il dit :
« S i le.père a acheté au nom de son J l l s , l e p r i x
« DE L’ ACQUISITION EST SUJET A RAPPORT. »
A u nombre 16 , il ajoute:
« • Il en est de même quand un père a exercé et exé« cuté un retrait lignager au nom de son fils; car le
« fils rapporte le prix du retrait à la succession de son
a. p ère, e t n o n l ’ h é r i t a g e m ê m e , q u i n ’ a j a m a i s
a APPARTENU AU p è r e , et qui ne l’auroit pu prétendre
« en la succession de son fils, ni comme acquêt, ni à
« titre de réversion; en sorte que, quoique le retrait
« lignager soit très-avantageux, c’est un cas où le père
a peut avantager son fils d’un projit qu i nest point
a sujetià rapport. » I l J'a u t dire de même dans le cas
du nombre précédent, et « si l e p è r e a f a i t p o u r
SON F I L S U N A C H A T A V A N T A G E U X . »
Bourjon, en:sonTraité du droit commun de la France,;
chap. 7 , sect. iFe; , intitulée : Du rapport de ce que le
père achète pour son fils, pag. 729, s’ëxprime ainsi.
A u nombre 1er., il d it:
cvTout avantage d’ascendans à descendans fonde le rap-
�( 7 )
'
' ' &
« port. Si les pore et mère ont exercé un retrait lignager
« sous le nom de leur fils, il doit les deniers employés
« pour l’exécution d’un tel retrait , mais Vhéritage
« retiré lui appartient. »
A u nombre 2 , il ajoute:
« D e m êm e, s ils ont acheté et payé pour lu i an
« immeuble, ce q u i résulte évidemment de la proposi« tion précédente. »
A u nombre 3, le même auteur ajoute encore:
« D ans Tun et Vautre cas, c’est-à-dire, du retrait ¡et
« de rachat d'un immeuble de la part d’un père pour
« son fils y ce dernier ne doit pas le rapport de la
« CHOSE, qui ne vient pas de la substance du père j
« mais LE r a p p o r t DES DENIERS PAYÉS p a r Vascen« dant à ce sujet. Mais il ne doit plus les deniers en aban*
« donnant la chose , s’il se trouvoit lésé par le retrait
« ou l’acquisition, et qu’il eût été restitué contre l’eifet
« d’iceux. »
Enfin, au nombre 4 , Bourjon s’exprime-ainsi :
« Soit dans le cas du retrait exercé paï le père pour
« son fils, soit dans le cas de Vacquisition fa it e p a r le
« père sous le nom du m êm ejils, c e s s o r t e s d ’ a c t e s
« SONT DES ACTES DE COMMERCE ET NON DE LIBÉ« R ALITÉ. »
'
Ferrière, sur l’article 3 0 4 'de la coutume de Paris,
glose 2 ,n °. 1e1'., torn. 3 , enseigne une semblable doctrine.
« Ce qui est acqu is, dit-il, par le père, de ses denier&}
« au nom de son fils, est sujet à rapport, suivant le
« sentiment de Gharondas, ce qui est sans doute*, et en
« . ce cas, C’ EST LA SOMME QUI ESTçSUJETTE A^APPOUÏ*,
**
�ET NON L'HERITAGE ACQUIS , D’ AUTANT Q ü’ iL N’ A
« JAMAIS ÉTÉ DANS LES BIENS DU I>Èl\E. »
Boucheul, ou son Traiié des conventions de succéder,
chap. 6 , n°. 2 i et suivant, pag. 66 et suivantes, Irai le,
ex professa, lu même question, que la cour a à juger.
Après avoir fait rémunération des coutumes, telles que
celles de Normandie, Bretagne et Touraine, dont les
dispositions sont contraires aux principes généraux,
Boucheul ajoute.aussitôt;
« Mais l’on renterme ces coutumes dans leur détroit;
« et où la coutume n’en parle pas, la jurisprudence y
« est certaine que l’héritage ainsi retiré et acquis parle
« p è re , sous le nom d’un de ses enfans , q u o i q u e
« M INEUR, EN BAS A G E , ET MEME SANS AUCUN BIEN,
« A P PA RTIEN T,
NON AU
PERE
QUI A FOURNI LES
, mais à Venfant sous le nom duquel
r l ’ a c q u ê t o u le retrait sont faits. »
Cet auteur a fondé son opinion sur les dispositions
de la loi 8 , au çod. S i quis alteri vel sib i emerit.
A u nombre 26 , Boucheul ajoute :
. « Quand le père ou la mère a c q u i è r e n t un héri« tage sous le nom de l’un de leurs enfans, ce rtest pas
« DENIERS
« UN
AVANTAGE QUE CETTE
PRÉDILECTION Q u’iLS
« ONT POUR L U I , et en remboursant le p r ix , l ’ i i é r i « t a g e e s t a u E iL S, san s qu?il soit besoin à?en fa ire
« rapport à ses cohéritiers, parce que c’est un bien
« qui ne vient pas jde s u b s t a n t i a p a t r i s »
Denizart, au mot Rapport, n°. 4 ^ d.it :
« S i le père achète , au nom de son J i l s , ou exerce
* un retrait lignager, LE p r i x d e l ’ a c q u i s i t i o n o u du
« retrait
.
�« retrait est sujet à rapport ;
m a is
non
pas
l ’h é -
en
« sorte qu e, supposé que Vachat ou Je retrait soit
« avantageux au J ï l s , LE PROFIT QUE FA IT l e f i l s
« R IT A G E , QUI N’ A JAMAIS APPARTENU AU PE R E ’,
« N’ EST PAS SUJET A RAPPORT. »
Pothier, en son Traité des successions, cliap. 4 , §.
page 18 0 , édit. in-40. , enseigne la même doctrine.
« Lorsqu'un père ( dit - il) a acheté, au nom et
« pour le compte de s o iijils , un héritage, et en a payé
« le p rix de ses deniers , c e n ’ e s t p a s l ’ h é r i t a g e
« QUI EST SUJET A R A P P O R T ; I L N’ A J A M A I S
« P A S S É D U P È R E A U F I L S , P U IS Q U ’IL N’A
« JA M A IS A P P A R T E N U AU P È R E , A Y A N T
« É T É A C H E T É A U NO M DU F I L S ; L E F I L S
« sera donc seulement tenu, en ce ca s, AU RAPPORT
« DU p r i x que le père a fo u r n i pour Vacquisition. »
On trouve la même décision dans le répertoire de
jurisprudence, par Guyot. Les articles que nous allons
rapporter sont d’un célèbre magistrat, vivant au temps
actuel, collaborateur de ce répertoire ( 1 ).
A u mot légitim e, tom. 10 , pag. 386 , on lit :
« L e PRIX d ’ u n e ACQUISITION que le père fait au
« nom de son fils, et qu’il paye de ses propres deniers,
« est, sans contredit, sujet k l’imputation : 011 a déjà
« vu que le parlement de Flandres l’a ainsi jugé, par
« arrêt du 14 février 1775. »
Mais il est essentiel de remarquer ici que c’cst du
p r ix , et non de l’héritage acquis , dont il est fait men(1) M. Merl... procureur général à la cour de cassation,
B
�tion , lorsqu’il s’agit de l’imputation de légitime. On va
voix* qu’il n’est également question que du p rix , et non
de l’héritage, lorsqu’il s’agit du rapport»
ün lit encore, dans le même répertoire de jurispru
dence de G uyot, page 4 1 3 , au mot rapport, nomb. 7 :
« Nous avons établi, à l’article légitime, qu’on doit
« imputer, dans la portion légitimaire, l e p r i x d e l ’ a c « QUISITION QUE LE PERE A FAITE DE SES PROPRES.
d e n ie r s
cc
veut que LE PRIX SOIT SUJET A RAPPORT. »
E n fin , à la même page il est ajouté :
« Nous ne parlons ici que d u r a p p o r t d u p r i x , .
parce qu’en effet il n\y a que LE pB.ix q u i y p a -
«
, AU NOM DE SON
; la même raison
«
k ROISSE SUJET ,
« FAITE
f il s
DANS LE CAS D’ UNE ACQUISITION
PAR LE PERE ,
AU NOM D’ UN DE SES EN—
« FANS , L’ HÉRITAGE MEME SEMBLE NE DEVOIR PAS« Y
ÊTRE
« PÈRE
SOUMIS : JAMAIS IL N’ A APPARTENU AU
IL N’ A POINT PASSÉ DU PÈRE AU FILS
« CONSÉQUEMMENT
« LE METTRE
LE FILS N’ EST
POINT
, et
TENU DE
DANS LA MASSE DES BIENS DU PÈRE
tf APRÈS SA MORT. »
Telle est la doctrine universellement enseignée par les
jurisconsultes qui ont écrit sur la question élevée au
jourd’hui dans la famille Gerle t tous ont decide que le
fils, au nom duquel lTacquisition ou un retrait sont faits
par lep èi'e, ou autre ascendant, est propriétaire seul et
incommutable de l’immeuble- acquis ou retrait ; que le
fils est seulement tenu au rapport des deniers déboursés
par le père, et non au rapport de l’héritage acquis,
sur lequel le père n’a jamais eu aucun droit de propriété-
�De ces principes, il résulte que les six journaux de
p r é , que le sieur Gerle père a acquis au nom de son
fils aîné, en 1769, ont appartenu à ce dernier , dès l’ins
tant même que la translation s’en est opérée par l’effet
de l’acte de vente qui a eu lieu ; il résulte enfin , et il
est démontré, que cette propriété a résidé sans cesse sur
la tête du sieur Gerle, intimé, à l’exclusion de son père,
et q u e , soit le sieur Gerle p ère, soit sa succession ou
ses héritiers, n’ont à réclamer que le p r ix , les frais et
loyaux coûts, et les améliorations du fait du p è re , s’il
en existe du fait du père.
Quoique le père ait fourni les deniers pour le paye
ment de cette acquisition , cette circonstance ne sauroit
donner aux enfans légitimaires du sieur G erle, aucun
droit de propriété sur le pré dont il s’agit. C’est ce qui
nous est enseigné par Godefroy, en ses notes sur la loi i re.
au cod. S i quis alteri vcl s ib i, sub alterius 11 aminé vel
alienâ pecunià em erit, tit. 5 o , liv. 4. Il décide que la
chose acquise n’appartient pas à celui qui en a payé le
prix de ses deniers, mais & celui au nom duquel la chose
est achetée.
R e s , dit-il, ejus esse imm videtur, non euju s pecunia,
sed cujus nomine empta est.
Et sur la loi 8 , du même tit., le même annotateur
.ajoute ; A lien â pecuniâ , quod com paralur , J i t comparantis , non ejus cujus fu it pecunia.
La circonstance de l’existence de l’institution contrac
tuelle faite en 1786 , en faveur de l ’intim é, de la part
de son père, ne sauroit changer son état, ni porter at
teinte à son droit exclusif de propriété sur le pré de ]La
B %
�Périchonne ; droit dont il a été irrévocablement investi
dès le 7 avril i'jôc), c’est-à-dire, dès le moment même
de la perfection de l’acte d’acquisition faite pour lui et en
son nom par son père.
En devenant l’unique propriétaire de ce pré, au même
instant il est devenu débiteur envers son père des deniers
par lui avancés et fournis pour parvenir à cette acqui
sition. O r, par cet état de chose, il est démontré que
jamais le père n’a pu être considéré comme propriétaire
du pré en question, et que cette propriété a nécessai
rement résidé dans la personne du fils.
L e père, en instituant son fils aîné héritier universel,
ne l’a institué que dans l’action qu’il avoit pour répéter
les deniers par lui déboursés, et non dans la propriété
du pré acquis pour son fils. Car, encore une fois, le père
n’en a jamais été ni pu devenir propriétaire, tant que
le fils n’a pas manifesté l’intention de renoncer à la
propriété de cet objet.
Ce seroit renouveller une absurdité qu’on a mise au
jou r, en cause principale, si les appelans prétendoient
que l’acquisition faite au nom du fils, par le père, est
un avantage indirect; que jointe à l’institution contrac
tuelle, le père auroit alors excédé la quotité disponible;
que leur légitime de rigueur seroit blessée; le pré dont
il s’agit ayant, depuis 17 5 9 , considérablement accru de
valeur.
Toutes ces idées systématiques se trouvent détruites
d’avance par les autorités ci-dessus rapportées. Grimaudet,
Brodeau, Lebrun et Bouclieul enseignent que la prédi
lection que donne un père à un de ses enfans, en achetant
�( 13 )
sous son nom un immeuble, n’est point un avantage
indirect fait à cet enfant. Bourjon, au n°. 4 déjà rap
porté, dit que ces sortes d’acquisitions sont des actes de
commerce et non de libéralité.
Il est impossible de concevoir que de telles acquisitions
présentent l’ombre la plus légère d’ un avantage indirect,
lorsque le fils rapporte les deniers fournis par le père;
par ce rapport, le fils réintègre dans la fortune du père
tout ce qui en est sorti : et tous les auteurs ci-dessus
cités enseignent que le fils n’est tenu qu’au jrapport de
ces mêmes deniers, qui ont constitué la substance sortie
de la fortune du père, et qu’il n’est point tenu au rapport
de l’immeuble acquis, lequel, ab in itio , a appartenu au
iils exclusivement au père : c’est ce rapport du prix
qui a fait dire à ces jurisconsultes que la prédilection ,
ou le choix d’un des eirfans, fa it p a r le p è r e , ji’étoit
point un avantage indirect.
L e p è re , en achetant pour son fils , n’a sorti de la
substance de ses biens et de sa fortune, que des deniers;
le iils ne doit remettre à la succession du père que les
memes objets qui en ont été distraits ; .c’est-à-dire , qu’il
ne doit remettre que des deniers. Cette vérité nous est
encore enseignée par Potliier, en son Traité des succes
sions, tome 6 , chap. 4 , § . 2 , page 17 7 , édition zrc-40,
Voici comme il s’exprime :
K Tous les actes d’un père ou d’une m ère, dont
« quelqu’ un de leurs enfans ressent quelqii avantage ,
« 72e sont pas des avantages indirects sujets à rapport,*
K il n’y a que ceux par lesquels les père et inère font
K passer quelque chose de leurs biens à quelqu’un de
�( 14 )
« leurs enfans, par une voie couverte et indirecte; c’est
« ce qui résulte de l’idée que renferme le terme rapport;
« car rapporter signifie remettre à la masse des biens du
« donateur, quelque chose q u i en est sorti. On ne peut
« pas y remettre , y rapporter ce qui n’en est pas sorti:
« donc il ne peut y avoir lieu au rapport,! que lorsqu’un
« père ou une mère ont fait sortir quelque chose de
« leurs biens, qu’ils ont fait passer à quelqu’un de leurs
« enfans. »
En faisant l’application de ce principe lumineux en
seigné par Potliier, il est donc clairement démontré que
les légitimaires Gerle ne sont fondés à réclamer que le
rapport des deniers employés par le père commun, à
payer l’acquisition faite pour son fils aîné , parce qu’il
n’est sorti du patrimoine du père que des deniers. Leur
système de rapport de l’objet acquis est une eri’eur : cet
objet n’a jamais fait partie des biens du p ère, puisque
tous le^wrc jurisconsultes décident qu’il appartient au fils
€t non au père. L e pré de la Périchonne n’a donc pas
pu sortir de la fortune du p ère, n’y étant jamais entré,
iC’est vouloir se révolter contre les principes du droit,
que de soutenir le rapport, en nature, du pré dont il
s’agit.:
1 .-La propriété du pré de la Périchonne ayant résidé
ab initio , c’e s t-à -d ire , dès le moment même de la
.confection ; de l’acte de vente par l’effet duquel la trans*
,lation de propriété a passé de la personne des vendeurs
.en celle du'siéur Gerle fils, acquéreur, il est ridicule de
prétendre que . les appelans aient jamais pu concevoir
l ’espoir d’un droit de légitime sur ce pré. On ne cessera
�( i5 )
»
l
.
.
de le répéter, ce pré n’a jampis fait partie du patrimoine
du sieur Gerle père ; il n’a eu sur cet objet qu’un droit
d’hypotlièque pour sûreté des deniers par lui avancés
pour son fils. L e sieur Gerle fils aîné, débiteur envers
la succession de son père de ces deniers , ne profitera
d’aucun de ceux que le père a sortis de son patrimoine,
en rapportant le prix »de l’acquisition dont il s’agit j les
frhis et 4oyat*x
d’icelle M et la valeur des amélio
rations du' fait de son p ère, s’il en existe. C’est sur ces
deniers , que n’a cessé d’offrir l’intimé dès 'le moment de
l’ouverture de la succession de son père, que doit frapper
en partie la légitime des appelons, et non sur le pré de
la Périchonne qui n’est jamais entré dans le patrimoine
du père, et n’en a jamais fait partie.
Par le rapport offert par l’intimé, la succession du
père ne reçoit aucune atteinte, et l’intimé lui-même ne
reçoit aucun avantage. Cette succession recouvre tout ce
qui a été distrait par le père, de la substance de sa for
tune et de ses biens.
** *
Lesappelans nesauroient être fondés à réclamer aucune
espèce de droit de légitime sur l’accroissement de valeur
qu’a pu acquérir le pré de la Périclionue, depuis iyô p ,
étant démontré qu’il n’a jamais fait partie des biens du
père commun. Cet accroissement de valeur n’a rien coûté
au père ; sa fortune n’en a souffert aucune espèce de
distraction; c’est une augmentation inopinée, qui est un
accessoire du p ré, produite par la chance des temps, et
indépendante du fait de l’homme. O r, dès qu’il est dé
montré que le père commun n’a jamais .eu tvn
*11! 'iD r,i • '
�( 1 6 )
tant aucun droit de propriété sur cet héritage, c’est une
absurdité de prétendre que les appelans ont des droits
à ses accessoires.
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À R I OM; de l'imprimerie de T h ib a u d - L a n d r i o t , imprimeur
de la Cour d’appel. — Mai 1808.
�
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[Factum. Gerle, Jean. 1808]
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Gerle
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successions
acquisitions
fils avantagé
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Titre complet : Précis pour sieur Jean Gerle, avocat et juge de paix du canton de Sauxillanges, intimé ; contre François Gerle, prêtre, Pierre, Catherine et Marie Gerle, frères et sœurs, appelans.
Particularités : notation manuscrite : » 28 mai 1808, 1ére section. Arrêt confirmatif du jugement qui avait attribué la propriété à l'usufruitier. »
Table Godemel : Mineur : 18. une acquisition d’immeuble particulier, faite par un père, en qualité de légitime administrateur d’un de ses enfants en bas âge, le prix payé des deniers du père, aux quels des deux doit-elle profiter ? la translation de propriété qui s’est opérée par l’effet de l’acte de vente, n’a-t-elle pas résidé ab initio sur la tête de l’enfant au nom duquel l’acquisition a été faite ? ou, l’objet ainsi acquis, fait-il partie des biens et de la succession du père ? l’enfant n’est-il tenu qu’au rapport du prix et des frais et loyaux coûts ?
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De l'imprimerie de Thibaud-Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1808
1759-1808
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
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16 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G1706
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Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
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fre
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BCU_Factums_M0549OCR
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Sauxillanges (63415)
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acquisitions
fils avantagé
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-
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977df0f4095e52151eeadb6e7f880902
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Text
CONCLUSIONS
POUR
La dame DE V È N Y - V ILLE M O N T
d e M a r i o l , appelante;
veuve
CO NT RE ,
Le sieur BRECHET, intimé
ET CONTRE
*
L a v e u v e e t h é r itie r s d u s ie u r d e V é n y
de
T h e i x , intimés.
A Q U ’ IL P L A I S E A L A C O U R dire qu’il a été mal
CE
jugé par le Jugement rendu au tribunal de Clermont, le 13 août
1807, bien appelé; émendant, et faisant ce que les premiers juges
auroient dû. faire; statuant au principal sur la demande du, sieur
Bréchet formée par exploit; d u 16 pluviôse a n 1 2
�Attendu que le sieur Brechet n’a pas pu arrêter l’effet
d’une enchère légale et rég u lière, sous prétexte d’offres
labiales qu’il a trouvé le secret d’éluder jusqu’à présent;
Attendu qu’avant de faire à la dame de M ariol l’offre
de payer la totalité de ses créa n ces, le sieur Brechet a
dû réfléchir aux conséquences d’ un engagement aussi
exprès , s’inform er de la nature de ces créances déjà
énoncées dans les inscriptions, et chercher les renseignemens qu’il a pu prendre depuis;
A ttendu que des offres judiciaires ne peuvent pas être
un vain m ot, et que le sieur Brechet ayant ôté à la dame
de M a rio l, par le moyen desdites offres, le droit d’en
chérir et se faire adjuger un immeuble de sa fa m ille ,
ne peut pas aujourd’hui la priver d’un payement qu’il
lui a offert en indemnité de son action ;
Attendu que tout créancier inscrit a le droit d’enchérir,
sans que son titre puisse être mis en litige jusqu’à l’ordre
ouvert avec les créanciers ;
A ttendu que d ès-lors le sieur Brechet ne pou v o it ,
comme il l’a jugé lui-m êm e, se substituer aux légitimes
contradicteurs, qu’en offrant un payement qui évitât un
litige auquel il auroit été étranger;
Subsidiairement, statuant sur le règlement des créances de
la dame de Mariol ;
En ce qui touche, i°- la créance de 3oooo francs ;
Attendu que par le contrat de mariage de la dame de
M a rio l, du 9 février 1 7 7 1 , la dame de V ille m o n t, sa
m ère, lui a constitué une somme de 30000 francs, sans
forclusion, ni renonciatipn à sa suçcession fu tu re , avec
�(3)
la clause expresse et explicative ainsi concue : E ïi sorte
que venant à m ourir sans avoir f a i t d’autres disposé
tio n s, la fu tu re épouse viendra ¿1 partage,. sans même
être obligée de rapporter ladite somme de 30000 francs;
Attendu que si la dame de V illem ont s’est réservé en
suite, par le même contrat, de faire des dispositions p ar
lesquelles elle réduiroit la future à la dot de 30000 f r .,
ou l’institueroit héritière à la charge du l'apport de ladite
d o t, il ne peut s’ensuivre de ladite clause aucun chan
gement à la précédente;
Attendu que la dame de V illem ont est décédée sans
avoir fait de dispositions contraires ; qu’ainsi la clause
de préciput reste pure et sim ple;
A tte n d u que la condition résolutoire n’ayant pas eu
d’eflet, est réputée n’avoir jamais existé, et que la con
dition de la première clause se trouvant seule accom plie,
a un effet rétroactif au temps de l’acte, suivant l’art. 1179
du Code civil;.
Attendu qu’on ne peut assimiler cette clause de pré
ciput à une réserve de 30000 francs, puisque la dame
de V illem o n t, dans le cas m êm e des dispositions q u ’elle
se réservo it, stipuloit expressément qu’elle ne pourroit
ôter à sa fille ladite somme de 30000 francs;
Attendu que d’après la même clause il n’y auroit donc
eu de réserve que pour l’institution ; et qu’il seroit ridi
cule de dire qu’une institution est tombée dans la suc
cession ab intestat, pour être attribuée aux légitimaires
à l'exclusion de l’institué, d’après l’article 2 de la loi du
18 pluviôse, opposé par le sieur;B rechet;
-
Attendu q u e , dans les deux sens deila clause, le p r é -
�ciput de 30000 francs ¿toit irrévocable de sa nature, et
q u ’il a été maintenu par l’article I er. de la même lo i;
Attendu que la loi du 17 nivôse an a , sons l ’cmpii'e
de laquelle s’est ouverte la succession de la dame de V illem ont, n’oi'donnoit le rapport des dons en préciput faits
antérieurem ent, que par suite de son effet rétroactif, et
que cet effet rétroactif a été rapporté par les lois des 9
fructidor an 3 , et 3 vendém iaire an 4 ;
A tte n d u que l’objection du sieur Brechet , tirée
du partage du 18 p luviôse an 7 , est non recevab le,
1°. parce qu’ün étranger ne peut empêcher un cohéritier
d ’exercer toutes les actions supplémentaires ou rescisoires
qu’il auroit à form er contre ses cohéritiers, ni lui con
tester lës actes conservatoires qu’il a jugé à propos de
faire ; 2°. parce que la dame de M ariol a réclamé et
inscrit sa créance de 30000 francs avant l’acquisition
du siehr Brechet, lequel dès-lors a dû savoir en achetant
qu’il se soumettoit aux inscriptions ou à une enchère;'
A ttendu que la même objection porte sur une suppo
sition inexacte, parce que le partage du 18 pluviôse an y
ne comprend que la terre de T h e ix , et non la totalité
des biens de la dame de V illem ont ; r
A ttendu que ce fait est p ro u vé par la vente d’une
portion du ^domaine de Saint-G enest-Cham panel, con
sentie par la dame du S au vage , à la dame de M a rio l,
le 4 floréal an 9 , où il est dit que ledit domaine étoit
à ladite époque encore indivis entre lesdites dames et
les autres cohéritiers de leur mère;
Attendu que ce fait est prouvé encore par la vente
m ême du sieur Brechet ? ou il s’est faijt donner en h y -
�( 5 )
V 7
potlièque spéciale de garantie le quart dudit domaine,
de Saint-Genest, indivis entre la .danic ihi Sauvage et
ses cohéritiers ;
Attendu que le môme fait est prouvé par la demande
formée par le sieur Balthazard V e n y de T lie ix , contre
la dame de M ariol et la dame du Sauvage, en supplé
ment de partage de la succession de la dame de V ille m o n t, et en compte resp ectif de créances.
En ce qui touche la créance de 10000 francs,
Attendu que ce n’est point la loi du décès qui doit
régler l’efTet d’un acte entre-vifs , comme l’ont encore
pensé les premiers juges ;
Attendu que la loi du 17 nivôse an 2 ne s’appliqueroit
à une obligation du 23 février 179 3 , que par suite de
son effet rétroactif;
A ttendu qu’avant le 7 mars 1793 , aucune loi ne
défendoit à la dame de V illem on t de s’obliger envers
sa fille, puisqu’elle auroit pu disposer directement à son
profit de la moitié de ses biens en préciput ;
Attendu d’ailleurs que l’ obligation de 10000 fr. a une
cause lég itim e, en ce qu’elle proven oit, pour 8000 f r .,
d’une créance beaucoup plus ancienne, cédée par la dame
de M ariol à sa m è re , e t , pour 2000 f r . , d’une donation
de la dame de M on trodès, son aïeule;
Attendu que la dame de M ariol ne pouvoit pas ré
clamer le montant de ladite obligation , lors de l’acte du
20 mars 17 9 3 , puisqu’il ne s’agissoit que de régler ce
qu’elle avoit à payer à des tiersj par suite d’un acte de
fam ille, du 23 février 1778 ;
�(6 )
A tten d u que la dame de M ariol a pu encore moins
réclam er cette obligation , soit en l’an 7 ,. soit même par
sa notification du 14 nivôse an 1 2 , parce qu’elle avoit
cédé ladite obligation au sieur L ab et, par acte du s 5 flo
réal an 2 , et que ce titre n’est rentré en ses mains q u e
par le-payement qu’elle a été obligée de faire audit sieur
L a b et, suivant sa quittance du 24 prairial an 12 ;
Attendu que ledit sieur L abel , comme créancier d e
la dame de V ille m o n t, au moyen de ladite obligation^
de 1793? avo it fcdt inscription sur ses biens; que la dame'
de M ariol en ayant vendu une partie au sieur L evet et
au sieur Dalmas , ledit sieur Labet est venu à l’ordre du:
p rix desdites ventes, et s’y est fait colloquer;
A ttendu que par l’effet de ladite collocation la damede M ariol a été forcée de payer le montant de l’obli
gation qu’elle avoit cédée, et par conséquent d’acquitter
sur son lot particulier-la portion de ladite obligation due
par la venderesse du sieur: B rech et, et par ses autres,
cohéritiers.
En ce qui touche la créance de 6000 francs
Attendu qu’ il est notoire que la dame de M ariol a fait
pour la dame du Sauvage, sa sœur, des avances infini
ment supérieures à ladite somm e ;
v.
A ttendu que suivant lîart. 26 de la première loi du
i l brum aire an 7 , un acquéreur ne peut point opposer
sa ven te, tant qu’elle n’est pas transcrite, à un créancier
porteur d’obligation, lorsqu’il a inscrit sonrtitre avant la
transcription;
Attendu que les formalités exigées pour, la spécialité do
�l’hypothèque, par l’article 2129 du Code c iv il, n’étoient
point spécifiées dans la loi du 11 brum aire an y , et
q u e , suivant l’article 4 de ladite l o i , il suffisent d’indi
quer la nature et la situation des immeubles hypothé
qués , sans les désigner chacun expressément ;
A ttendu que la dame du S au vage, en indiquant des
bâtim ens, p r é s , terres, et vignes, situés dans les nrrondissemens des villes de R iorn et de Clerrnont, a suffisam
ment indiqué la nature et situation des immeubles hypo
théqués; qu’ainsi elle s’est conform ée à la loi qui existoit
lors de son titre;
A ttendu que l’indication de payement faite par laditeobligation n’a point eu son effet, et que la dame du
Sauvage a touché elle-m ême ce qui lui étoit dû ;
Attendu que le défaut d’autorisation de la dame du
Sauvage n’est point un moyen de n u llité , parce qu’elle
étoit femme d’ém ig ré, et obligeoit d’ailleurs ses paraphernaux ;
A ttendu que si le sieur du Sauvage a été rayé de
la liste d’émigration en l’an 1 1 , cette radiation n’a point
ete connue dans le départem ent du P u y -d e -D ô m e , q u i
n’étoit pas celui de son dom icile, et n’a pu empêcher
de traiter de bonne foi avec la dame du Sauvage, qui
n’a point quitté son domicile à Glerm ont, après ladite
élimination ;
>
Attendu d’ailleurs que la nullité fondée sur le défaut
d’autorisation ne peut être opposée par des tie rs, au
terme de l’article 225 du Code civil ;
Attendu que s i, comme le prétend le sieur B recliet,
il est injuste de lu i faire payeu une somme non recon
�nue à l’époque de de sa vente, il seroit bien plus injuste
encore que la dame de Mar iol, perdît des avances lé
gitim es, en laissant au sieur Brechet le gage desdites
créances pour le tiers de sa valeur.
Ayant égard aux offres faites par le sieur B rechet, en son
exploit du 14 nivôse an 12 , acceptées par exploit du même
jour, condamner ledit sieur Brechet, de son consentement, à
payer à la dame de Mariol, 1°. la somme de 225o0 francs,
faisant les trois quarts de celle de 3 oooo francs portée par son
contrat de mar i ag e du 9 février 1 7 7 1 , avec l’intérêt de ladite
somme depuis l’époque du décès de la dame de Villemont;
2°. la somme de 7500 francs, faisant les trois quarts de celle
de 10000 francs portée par l’obligation du 23 février 1793 ,
avec l’intérét de ladite somme depuis la date de ladite obliga
tion ; 5°. la somme de 6000 francs portée par l’obligation du 7
prairial an 1 1 , avec l’intérét à compter du 9 brumaire an 12 ,
époque de la demande, formée contre la dame du Sauvage:
Ordonner que l’amende sera rendue ; condamner le sieur
Brechet envers toutes les parties aux dépens tant des causes
principales que d’appel.
M e. G A R R O N jeune
■
<■■■>
i ~ mi
1
, avoué licencié.
1
X i , m ................ . ¿ L
.
A R I O M de l'imprimerie de T hidaud-LANDRIOT, imprimeur
de la Cour d’appel Mai 1808
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
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A name given to the resource
Factums Godemel
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An account of the resource
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A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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A name given to the resource
[Factum. Véni-Villemont. 1808]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Garron
Subject
The topic of the resource
successions
surenchère
émigrés
dot
Description
An account of the resource
Titre complet : Conclusions pour la dame de Vény-Villemont, veuve de Mariol, appelante ; contre le sieur Brechet, intimé ; et contre la veuve et héritiers du sieur de Vény de Theix, intimés.
Table Godemel : Contrat judiciaire : y a-t-il contrat judiciaire entre l’acquéreur et le créancier surenchérisseur, lorsque le premier, pour arrêter l’effet de la surenchère et conserver l’immeuble par lui acquis pour le prix porté au contrat, a fait offre au surenchérisseur de le mettre hors de tout intérêt, et de lui payer la totalité de ses créances tant en principal, intérêts que ? , que ces offres ont été formellement acceptées ? l’acquéreur peut-il prétendre ensuite qu’il ne doit payer qu’après discussion préalable des créances avec les débiteurs, lorsqu’il n’a stipulé ni condition, ni délai ? Obligation : 2. une femme a-t-elle pu s’obliger valablement, par acte publié du 7 prairial an 11, sans autorisation, pendant l’émigration de son mari ? son acquéreur a-t-il qualité pour opposer la nullité ? Préciput : 1. par le contrat de mariage de la dame de Mariol, du 9 février 1771, la dame de Villemont, sa mère, lui constitua une dot de 30 000 francs à titre de préciput, stipulée payable seulement après son décès, sans intérêts jusqu’alors ; laquelle constitution n’emportera ni forclusion ni renonciation à l’égard de la future qui ne sera pas obligée de rapporter la dot, s’il n’y a pas de disposition contraire par testament de la constituante. la condition résolutoire ne s’étant pas effectuée, le préciput doit-il avoir effet, lorsque la mère est décédée sous l’empire de la loi du 17 nivôse an 2 ? Surenchère : 1. y a-t-il contrat judiciaire entre l’acquéreur et le créancier surenchérisseur, lorsque le premier, pour arrêter l’effet de la surenchère et conserver l’immeuble par lui acquis pour le prix porté au contrat, a fait offre au surenchérisseur de le mettre hors de tout intérêt, et de lui payer la totalité de ses créances, tant en principal, intérêts, que de frais, et que ces offres ont été formellement acceptées ? l’acquéreur peut-il prétendre ensuite qu’il ne doit payer qu’après discussion préalable des créances avec ses débiteurs, lorsqu’il n’a stipulé ni condition ni délai ? Transcription : 5. le majeur qui a traité avec des mineurs sur des intérêts respectifs et sur un partage, est-il recevable à demander la nullité de l’acte, pour vice de forme résultant de leur propre incapacité ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Thibaud-Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1808
1771-1808
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
8 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G1707
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0504
BCU_Factums_G1708
BCU_Factums_G1709
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53310/BCU_Factums_G1707.jpg
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The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Saint-Genès-Champanelle (63345)
Theix (village de)
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Domaine public
dot
émigrés
Successions
surenchère
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53311/BCU_Factums_G1708.pdf
9ea57f52ebc620e9f0d4414172130d6e
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Text
MEMOIRE
EN RÉPONSE,
sieur A n t o i n e B R E C H E T , ancien chef
d’escadron, habitant de la ville de Clermont,
intimé ;
P our
dame J e a n n e - F r a n ç o i s e D E
V E N Y , veuve du sieur S ic a u d d e M a r i o l ,
habitante de la même ville, appelante d’un jugement rendu au tribunal d'arrondissement de
C lermont, le 1 5 août 1 8 0 7 ;
C o ntre
f
de dame M a r i e A V E L I N ,
veuve du sieur V ény D e T h eix , tutrice légale
de demoiselle Anne-Françoise-Jeanne d e V ény,
sa fille;
E n p r é s e n c e
i
‘
E t de dame F r a n ç o i s e V É T H I Z O N - V É N Y ,
fille adoptive du sieur V én y d e T h e i x , et du
sieur J e a N - B a p t i s t e D E V E Z E , son mari:
tous intimés.
L A dame veuve de Mariol a présente comme trèsurgente une cause fort compliquée. Pour prouver cette
A
�urgence, elle a fait publier sur l’appel un mémoire im
prim é, de quarante-sept pages petit caractère, dans le
quel 011 est obligé de chercher péniblement les questions
qu’elle fait naître.
On a cru d’abord qu’elle avoit voulu donner une
édition nouvelle du Mémorial de la cour de cassation ;
et sans doute le soin qu’elle a eu de faire réimprimer
cette collection d’arrêts, avoit pour objet de donner des
leçons à ses juges.
Elle ajoute, d it-o n , qu’elle a des protections puis
santes : c’est vraisemblablement pour intimider le sieur
Brechet. Insensée! la dame de Mariol ne peut pas ignorer
qu’en la cour les protections et les manœuvres sont plus
dangereuses qu’utiles ; que les magistrats savent tenir
d’une main ferme la balance de Thém is, et que les per
sonnes n’y sont d’aucune considération.
L a dame veuve de Mariol pourroit-elle etre protégée
lorsqu’elle ose attaquer des règlemens de famille qu’elle
doit respecter , réclamer contre sa propre conscience
l’exécution des titres dont la fraude et la simulation sont
évidentes, et qu’elle n’a pas osé mettre au jour quand
elle étoit en présence de ses cohéritiers; lorsqu’elle vient
s’en prendre à un ancien militaire, créancier originaire
de sa famille, et qui n’a cessé de donner des preuves de
sa'franchise et de sa loyauté?
Il est rare, au surplus, de voir figurer la dame Mariol
comme créancière ; il n’en sera que plus facile de prouvér
qu’elle est tout à la fois défavorable et mal fondée dans
ses prétentions.
�lï)
( 3 )
i. .
F A I T
S.
L e 3 brumaire an 7 , le sieur Brechet, ancien chef
d’escadron, couvert de blessures, ayant obtenu une re
traite honorable, a épousé la demoiselle Anne Giron.
Les père et mère de son épouse lui constituèrent en
avancement d’hoirie une somme de 12000 fr., à prendre
sur celle de 15466 liv. 13 s. 4 d. qui leur étoit due par
les héritiers de défunte Marguerite Dauphin , veuve
Vény de Villemont.
Comme il étoit notoire que les créances sur cette maison
n’étoient pas de l’argent comptant, on a soin d’annoncer
que cette créance étoit due par acte sous seing p rivé, du
25 mars 1788; que cet acte est reconnu, vérifié, et déposé
chez Chastelut, notaire; qu’il est suivi de sentence obtenue
contre la dame Dauphin; plus, d’un jugement arbitral;
plus, d’un jugement du tribunal civil du Puy-de-Dôme,
du 23 floréal an 5 , qui déclare le tout exécutoire contre
les héritiers de la veuve Villemont.
Ces jugemens, ces titres ne rendoient pas les payemens
plus faciles ; il auroit fallu user de voies rigoureuses,
d’expropriation, par exemple. Une occasion se présente,
et le sieur Brechet la saisit, quelques sacrifices qu’on exige.
Le 30 germinal an 9 , il achète de la dame V én y,
épouse séparée , quant aux biens, de Jean - Charles
Dunoyer du Sauvage, ou plutôt d’un sieur Guinez, son
fondé de pouvoir, la portion qui étoit avenue à la dame
du Sauvage dans le domaine de T h e ix , par le partage
de famille, du 18 pluviôse an 7*
A 2
�( 4 }
Cette vente est faite, i ° . sous la réserve des arbres qui
avoient été précédemment vendus , et dont l’acquéreur
est tenu de souffrir l’exploitation, dégradation immense,
très-ordinaire dans cette fam ille, qui a toujours com
mencé par là avant d’aliéner le fonds.
2.0. L ’acquéreur ne peut entrer en jouissance qu’après
la levée de la récolte de l’année, qui est expressément
réservée dans son entier.
3 °. L e prix est fixé à la somme de 29300 francs,
en déduction de laquelle le sieur Brecliet paye celle
de 2100 francs.
Quant à la somme de 27200 fr. parfaisant le p rix ,
l’acquéreur est tenu de la payer en l’acquit de la dame
du Sauvage, aux créanciers de feue Marguerite DauphinMontrodès, sa mère. Il est dit que ces créanciers sont
dénommés en l’acte passé entre la dame D auphin, le
sieur Vény de T lie ix , et la dame M ariol, devant Coste,
notaire à Beaumont, le 20 mars 17 9 3 , notamment à
J , B . Giron , ou à Pacquéreur , en qualité de mari
de dame Anne G iro n , à Julien Peyrend, etc.
A l’égard du surplus , l’acquéreur sera tenu de le
payer aux autres créanciers de la dame Dauphin, jusqu’à
concurrence de la portion pour laquelle la dame du
Sauvage doit contribuer dans le payement des dettes de
la. dame sa mère.
Il n’est pas inutile d’observer que la dame du Sauvage
affecte et hypothèque spécialement à la garantie de cette
vente, le quart à elle appartenant du' domaine de St.Genest-Champanelle, dont la totalité a été depuis vendue
au sieur D alm as, et qui étoit alors indivis. !r'
�Le sieur Brechet étoit bien éloigné de penser alors
à cette acquisition ; il en eut l’obligation ù la dame
M ariol, qui le sollicita et le détermina p;ir ces manières
engageantes, ces formes aimables qu’on lui connoît ; et
bientôt la dame Mariol a affecté de publier que le
sieur Brecliet avoit fait une grande affaire, quand il a
acquis cette portion du bien de Tlieix : cependant une
portion égale a été vendue au sieur L e v e t, moyennant
une somme de 26000 francs ; la portion du sieur de
Theix , plus considérable, et en fort bon état, n’a été
vendue que 36000 francs : cependant la portion acquise
n’otoit affermée que 800 francs, par bail du 2 5 vendé
miaire an 9 , pour neuf ans, sur quoi 200 francs d’im
position. Les arbres vendus valoient plus de 2000 fr. :
la réserve de la récolte de l’année étoit encore une di
minution ; et le sieur Brechet a été obligé de faire
pour 7854 fr. de réparations. E n fin , pour sauver des
débris les arbres qui restoient à couper, il lui en a coûté
1800 francs. V oilà le grand marché qu’a fait le sieur
Brechet.
Il devoit , sans difficulté , se mettre en règle, faire
transcrire et notifier son contrat; il cède aux sollicitations
de la dame M ariol, qui le conjure de ne pas faire des
frais inutiles : il paye les créanciers délégués ; il en
rapporte les quittances; il se contente ensuite de prendre
une inscription sur les biens hypothéqués à la sûreté de
la vente, une à R io m , l’autre à Clermont. Elles sont
sous la date des y et 8 floréal an 9.
L e sieur Brechet reste trois ans dans la plus entière
sécurité : bientôt on lui fait parvenir des propos ou des
�menaces de la dame Mariol ; il se détermine à faire
transcrire son contrat. Cette transcription est du 27 ven
démiaire an 12.
L e 13 brumaire suivant, la dame veuve Mariol lui
fait notifier une mise aux enchères. Il est à propos d’analiser cet acte fort important au procès.
L a dame veuve Mariol fait cette enchère comme
créancière de la dame Vény du Sauvage , tant en
ver'tu de son contrat de m ariage , en date du 9 février
1 7 7 1 , que à?obligation clu 7 prairial an 1 1 ; elle ne
dit mot sur une certaine obligation de 10000 fr. qu’elle
a fait éclore depuis, et dont elle n’a pas sans doute osé
parler dans son acte d’enchère.
Elle s’exprime au surplus assez disertement sur la
portion des biens vendue au sieur Brecliet. Elle y dé
clare que ces immeubles appartenoient à la dame sa
sœur, et lui étoient avenus par le partage qii’elle a
passé avec ses cohéritiers , devant Coste , notaire,
le 18 pluviôse an 7 : elle n’avoit pas imaginé alors que
ce partage n’étoit que provisionnel, comme elle menace
de le dire aujourd’h u i, quoiqu’elle n’en ait pas même
parlé dans son mémoire.
Elle n’enchérit d’ailleurs que d’un vingtième ; il est
vrai que sa réquisition est antérieure à la promulgation
du Code Napoléon en cette partie, qui exige que l’en
chère soit d’un dixième. Elle ne l’auroit peut-être pas
fait trois mois plus tard, même trois mois plutôt : mais
elle savoit que ce bien avoit passé en d’autres mains ;
que le sieur Brechet l’avoit échangé avec un individu
qu’autrefois la dame de Mariol n’auroit pas voulu
�blesser : elle a cru pouvoir mettre le sieur Brechet ou
son acquéreur à contribution; et si elle en a été quitte
à meilleur marché pour son enchère , elle n’eu sera
pas plus heureuse.
L e sieur Brechet ne fut pas fort effrayé de cette dé
marche , qui tendoit tout au plus à la ruine de la dame
du Sauvage ; ce qui n’étoit pas infiniment délicat de la
part de sa sœur, évidemment alors sa débitrice.
Le 6 frimaire an 1 2 , le sieur Brechet commença par
faire une saisie-arrêt entre les mains de la dame Mariol
et du sieur Vény de T h e ix , de tout ce qu’ils devoient
à la dame du Sauvage , notamment la restitution des
jouissances de la succession du sieur V ény d’A r b o u z e ,
frère commun, et la somme de 10000 francs provenante
de la vente de Saint-Genest-Champanelle ; cette somme
faisant le quart revenant ;\ la dame du Sauvage dans
cette vente.
Cette saisie-arrêt est faite pour la garantie du prix
porté au contrat de vente du 30 germinal an 9.
L e même jour , cette saisie-arrêt, ainsi que la mise
aux enchères de la dame M ariol, sont dénoncées ù la
dame du Sauvage.
L e 14 nivôse an 1 2 , le sieur Brechet prend le parti
de faire signifier à la dame Mariol un acte extraju
diciaire , par lequel il lui déclare que pour la mettre
hors d’intérêt, il lui offre de lui p a yer la totalité de
ses créances contre la dame V é n y , femme séparée,
quant aux biens, du sieur du Sauvage, tant en prin
cipal , intérêts que f r a i s : il lui fait en conséquence
sommation de déclarer ■>dans vingt-quatre heures y le
�(8 )
montant de ses créances , afin que le payement en puisse
être fait de suite. Il offre de plus de lui éviter et la ga
rantir de toutes poursuites de la part des autres créan
ciers , relativement à cette enchère ; à la charge aussi,
par la dame M ariol, de le subroger à son lieu et place,
avec toute garantie, protestant de nullité et de tous
dépens, dommages-intérêts, etc.
L a dame Mariol s’empresse de répondre ; et le même
jour elle fait notifier au sieur Brochet qu’elle accepte
ses offres, pou r quelles ne puissent plus être révoquées
à Vaçenirj en conséquence, et donnant pour le moment
le détail, autant que possible, de ses créances, elle dé
clare qu’il lui est dû la som me de 30000 fr a n c s pour
la dot en préciput et avantage à elle faits par la dame
Dauphin, sa m ère, suivant son contrat de mariage du 9
févrie r 17 7 1 *, les intérêts de cette somme, depuis le
décès de la dame D aupliin ; p lu s, la somme de 6000 fr.
montant d’ une obligation consentie par la dame Y én y
du Sauvage , à son profit, le. 7 prairial an 1 1 ; plus,
les frais de mise à exécution, dans lesquels doivent né
cessairement entrer l’acte de mise aux enchères , les
poursuites ultérieures; et là-dessus une longue histoire
sur les affiches qu’elle avoit déjà fait imprimer, dont
quelques-unes sont tim brées, d’autres ne le sont pas, etc.
Pas encore un mot de cette obligation de 10000 fr.
de la dame Dauphin, faite-en 179 3, moment sans doute
fort opportun. Il est cependant extraordinaire que la
dame M ariol, si fertile en détails, qui n’oublie pas même
la façon et l’impression de ses affiches, garde le silence
sur un objet aussi important, et qu’elle ne devoit pas
ignorer.
La
�. ( 9 )
La dame M ario l, bien contente d’elle-m êm e après
cette notification , appelle cela un contrat judiciaire ;
et voilà que les contrats judiciaires sont des actes irré
vocables; et voilà que la cour de cassation l’a jugé ainsi
par une foule d’arrêts. Sirey et Denevers , qui se dis
putent sur tant de choses, sont d’accord sur ce point;
chacun cite les siens, etc.
Un contrat judiciaire ! lorsqu’on n’a aucune connoissance de ce qui est demandé, lorsque la dame Mariol
elle - même , en notifiant son enchère, ne donne copie
d’aucun titre, n’énonce aucune somme; mais si au lieu
de demander 36000 francs en principal, et le payement
de l’imprimeur des affiches, elle eût demandé cent mille
écus, un million, par exemple, il auroit donc fallu que
le sieur Brechet payât tout sans réflexion, sans examen,
par la force du contrat judiciaire ?
L e sieur Brechet n’a pas été de cet avis ; il a raison
nablement pensé qu’avant de payer, il falloit savoir
ce qui étoit légitimement dû; en conséquence, il a cru
devoir consulter les cohéritiers de la dame Mariol, pou r
savoir leur opinion sur ce point. L e 1 8 nivôse an 1 3
il a fait citer devant le bureau de paix , la dame du
Sauvage et son m ari; les sieurs Ribeyre, le sieur Vény
de T h e ix , et la dame veuve Mariol.
Il a exposé qu’il avoit fait transcrire son contrat de
vente d’une partie du domaine de Theix ; qu’il l’a fait
notifier; que la dame Mariol a fait une enchère; que
pour la faire cesser, il a offert de lui payer le montant
de scs créances ; que la dame Mariol a bien vite ac
cepté : mais le sieur Brechet croit qu’avant de payer
B
,
�il faut que les créances de la dame Mariol soient liquidées
tant en présence de la dame du Sauvage, qu’en celle des
autres cohéritiers, afin de fixer la portion que chacun
doit p ayer, parce qu’entre cohéritiers , la dame de
Mariol ne peut prétendre à une action solidaire, mais
seulement à une action personnelle pour la portion de
chacun ; que la dame veuve Mariol doit môme faire '
confusion de ses créances , dans la proportion de son
amendement : en conséquence, le sieur Brechet demande
que tous les cohéritiers s’accordent entr’eux pour fixer,
liquider ou compenser les créances prétendues par la
dame d.e Mariol.
Les gens éclairés que le sieur Brechet a instruits de
ses démarches, ont pensé qu’il agissoit sagement, qu’il
ne.proposoit que des choses justes, et que la dame M ariol
ne pouvoit exiger que des créances légitimement établies,
dans, la proportion et d’après les bases expliquées par le
sieur Brechet.
M ais il, est si difficile d’accorder tout le monde ! Les
parties se présentent au bureau de paix ; le sieur du
Sauvage se fâche de ce qu’on a dit qu’il étoit habitant de
Clermont; il veut être habitant du Monasticr, et ne veut
plus parler.
L a dame du Sauvage, maîtresse de ses biens aventifs,
approuve les réclamations de sa sœur, mais jusqu’à con
currence de 75oo fr. seulement, pour sa portion conr-,
tributive dans le préciput de 30000 francs.
Elle reconnoît devoir la,somme de 6000 fr. portée parson, obligation du, 16 prairial- an l i ; ebloiu d’être>créann
cière de sa sœur pour restitution de jouissanccs.de la suç-
�C 11 )
cession d’Arbouze, elle est au contraire débitrice de dif
férentes sommes payées par la dame de Mariol à la dame
Dauphin, mère commune. En dernier résultat, elle n’en
tend prendre aucune part aux contestations qui s’élèvent.
L e sieur Baltliazard de Theix n’est pas si complaisant;
il déclare avec assez de rudesse qu’il entend contester
les prétentions de la dame Mariol ; il observe qu’elle a
laissé écouler huit ans sans réclamer ses prétendus droits;
qu'elle a laissé consormner les partages , a signé les
com prom is , nom ination lïe x p e rts , et a accepté son lot
sans se rien réserver’ qu’elle a laissé vendre la totalité
des biejis de la successiœi de la mère com m u n e, et a
souffert les partages du m obilier sans encore aucune
réclam ation.
On craindroit d’affoiblir les observatioüs du sieur de
Theix si on ne les transcrivoit littéruléttiènt.
Il ajoute que « la demande que fait la dame’dë Mariol
« à ses cohéritiers , par l’incident qu’ëllë fait aü sieur
« Brechet, est plutôt une vexation qu’une justice; que
« cette demande est inconsidérée, d’après les actes qui
« se sont passés dans la famille, et-dont'elle a parfaite
« connoissance ; que sa demandé est absorbée par lés lois
« anciennes ; que c’est un avantage prohibé par- les lois
« existantes lors du décès de;la mère. »
11 observe en outre « que la! dame DàupKin fit, dans'
« l’intervalle du 28 brumaire à son décès, dëux; testa-“
« mens, codiciles, lidéicommis, etc. Il requiert lâ(màiü« levée de toutes inscriptioüs faites par la dame M ariol,
« et finit par toutes protestations et réserves.-»
Survient la) dame Mariol > qui ne saitTpas ce queVest
B 2
�-*fl
( Ï2 )
que confusion, compensation, fins de non-recevoir, etc.;
cçs mots barbares n’ont jamais retenti à son oreille; elle
suppose que c’est pour faire diversion à sa demande : elle
veut de l’argent, rien que de l’argent-, le sieur.Brecliet
a promis, s’est engagé; elle veut qu’il paye, et le somme
de se concilier sur sa demande, dont elle n’entend point
rabattre une obole.
A l’égard de son frère , il ne sait ce qu’ il dit ; elle
n’a renoncé à r i e n : quand il fera apparoir de ses pré
tentions, on saura bien lui répondre; et s’ il veut exèiper
des testamens de sa mère, c’est à lui à les produire, etc.
L e 10 pluviôse an 1 2 , requête du sieur Brecliet. 11
demande permission de faire assigner la dame de M ariol,
pour lui voir donner acte de la réitéi’ation des offres
qu’il fait de lui payer ce qui lui sera d û , après qu’elle
aura fait liquider ses créances ; il demande qu’elle soit
tenue de justifier de ses titi-es , tant en présence de la
dame du Sauvage que de ses autres cohéritiers.
C’est alors que la dame M a rio l, par une requête du
13 thermidor an 1 2 , fait éclore une obligation de la
somme de 10000 f r ., en date du 25 février 17 9 3, sous
crite à son profit par la dame sa m ère, et payable daris
dix ans. Elle n’avoit point assez demandé au sieur Brecliet,
par légèreté ou par oubli : elle form e la demande inci
dente de cette somme ; et comme le sieur Brecliet avoit
offert de tout payer, il payera bien encore cette somme
de 10000 francs.
¡Bientôt après elle donne copie de cette obligation, de
celle qui lui a été consentie par la dame du Sauvage,
Je 7 prairial an 1 1 , et pour la sûreté de laquelle elle est
�C !3 )
déléguée par sa sœur, à prendre sur une rente et les
arrérages échus; le tout dû par la dame Dalngmu et la
dame Cormeret, sa sœur. E t ce que la dame M ono! ne
dit pas , c’est qu’elle a été remboursée par les dames
Dalagnat et Cormeret. On la croit trop délicate et trop
honnête pour ne pas convenir de ce remboursement :
dans tous les cas, on lui en administi’croit la preuve.
U n e grande discussion s’élève entre les parties, sur la
légitimité des créances réclamées.
L a dame Mariol entend répéter à ses oreilles qu’elle
n’a ni disposition ni préciput ; qu’elle n’étoit pas saisie
irrévocablement des 30000 fr. portés en son contrat de
mariage ; qu’elle n’a pas ignoré qu’en ligne directe il
falloit rapporter ce qu’on avoit reçu , lorsqu’on venoit
à partage. Aussi s’étoit-elle rendu justice; elle a partagé
avec ses cohéritiers le seul immeuble ( la terre de Theix )
qui provenoit de la succession de sa mère ; elle n’a de
mandé ni préciput ni obligation : tout s’est bien passé.
A l’égard de l’obligation de la dame du S a u v a g e , on
lui a représenté qu’elle avoit oublié la précaution la plus
essentielle; qu’elle n’avoit pas demandé l’autorisation du
m ari, si évidemment nécessaire. On ajoute aujourd’hui
qu’elle en est même payée.
On a fini par lui dire qu’elle n’avoit pas d’hypothèque
pour cette prétendue obligation : à la vérité elle avoit
bien fait hypothéquer, par une clause générale, tous
les biens que sa sœur pouvoit avoir dans l’arrondissement
du bureau de Clermont, et dans celui de Riom ; mais on
a supposé qu’une hypothèque de ce genre étoit trop vague
pour qu’elle fCit valable, d’après la loi du 1 1 brumaire
�( M )
an 7 , et le Code Napoléon, qui exigent une désignation
plus précise.
On a remontré qu’il étoit assez difficile de penser que
la dame du Sauvage, pour la sûreté d’une obligation en
date du 7 prairial an 1 1 , eût eu l’intention d’hvpothéquer des biens vendus depuis le 30 germinal an 9, plus
de deux ans auparavant : on a dû croire que la vente
avoit opéré une tradition en faveur de son acquéreur,
et que la dame du Sauvage n’avoit pas voulu commettre
un délit grave ( un stellionat ) •, que sa sœur même ne
l’auroit pas exigé.
Les premiers juges ont été de cet avis; ils ont pensé,
« i°. que la dame de Yillemont étant morte en l’an 4,
« sous l’empire de la loi du 17 nivôse an 2 , cette loi
« ne lui permettoit de faire aucun avantage en faveur
« de ses successibles;
« 2°. Que la loi du 18 pluviôse an 5 n’avoit confirmé
a que les avantages faits irrévocablement avant la publi« cation de la première;
« 3 0. Que la dot de 30000 fr., stipulée par le contrat
« de mariage de la dame M ariol, étoit plutôt une expec« tative qu’ un avantage irrévocable, puisque la dame
« Villemont s’éloit réservée la faculté d’appeler sa lille
« à sa succession, en rapportant les 3000 0 fr. ; ce qui
« fait disparoîire toute idée d’irrévocabilité. »
Les premiers juges ont d it, en quatrième lieu, que
v d’après l’allégation des parties, la dame de Yillemont
« a fait un testament explicatif de ses volontés ( 1) ; que
(1) Ce testament est du a5 brumaire an 4 - La dame de Vil-
�« la dame de Mariol est venue au partage de la succes« sion de sa mère avec ses autres frères et sœurs, eu l’an 7
« et n'a point réclamé en préciput la dut de 30000J'r .
5 °. Quant à l’obligation de 10000 fr. souscrite par la
mère, les premiers juges ont encore décidé que, « d’après
« les présomptions, cet acte étoit un avantage indirect;
« que ces présomptions se cliangeoient en certitude,
« quand on voit la dame Mariol ven ir, en l’an y , au
« partage de la succession de sa m ère, avec ses frères et
« sœurs, sans réclamer le prélèvement du montant de
« celte obligation. » N ’auroient-ils pas pu ajouter que
la dame Mariol avoit au moins manqué de mémoire,
lorsque demandant au sieur Breehet tout ce qui lui étoit
dû, même les frais d’impression de ses affiches, elle ne
parloit pas de son obligation de 10000 f r ., et qu’elle l’a
passée sous silence au bureau de p a ix , etc. ?
Quoi qu’il en soit, le tribunal dont est appel est assez
malavisé pour décider que ni la somme de 30000 fr.,
ni l’obligation de 10000 f r ., ne peuvent être regardées
comme dettes de la succession de la dame de Villemont;
qu’ainsi le sieur ÜBrechet, acquéreur d’ une portion. du
bien de T h e ix, ne peut être chargé de les acquitter.
Quant à l’obligation de la dame du Sauvage, elle n’est
lemont, par cet acte qui n’a pas été enregistré , mais que la
dame Mariol ne désavouera pas, institue sa fille son héritière,
conjointement avec le sieur de Theix , son frère, et la dame
du Sauvage, sa sœur. La testatrice explique que les droits de
son fils aîné sont fixés sur la terre de Montrodès , et qu’elle
entend qu’ils ne s’étendent pas au delà.
�point autorisée ni par son mari, ni par la justice; et cette
obligation est consentie sous l’empire du Code Napoléon :
elle est donc nulle, d’après l’article 217 de ce Code.
E t si cette nullité peut être opposée par la femme ,
d’après l’article 22Ô du même Code, il est assez raison
nable d’en conclure qu’elle peut l’être aussi par ceux
que la femme, en pareil cas, seroit tenue de garantir :
c’est être assez conséquent.
L e tribunal ajoute que cette obligation est postérieure
de deux ans à la vente consentie par la dame du Sau
vage au sieur Brechet. Les biens vendus au sieur Brecliet
étoient entre ses mains lors de cette obligation. La sti
pulation d’hypothèque n’a pu comprendre que les biens
nppartenans à la dame du Sauvage lors de l’obligation.
La dame de Mariol n’ignoroit pas la vente con
sentie par sa sœur; il n’a pu être dans son intention de
lui faire commettre un stellionat ; de même qu’il n’a
pu être dans l’intention de la dame du Sauvage de s’en
rendre coupable.
On s’étonne pour la dame de Mariol, et, par égard,
on 11e fera aucune autre réflexion, qu’elle ait osé cri
tiquer de pareils motifs.
Il est dit encore que cette obligation ne contient aucune
affectation spéciale de la portion de la terre de T heix,
acquise par le sieur Brechet; qu’il n’y a qu’une aiïcctation
générale des biens à elle appartenais dans les arrondissemens de Rioin et de Clermont : de semblables ex
pressions ne peuvent se rapporter en aucun cas aux biens
qui ne lui appartenoient plus à cette époque.
On remarque aussi qu’aux termes du même article 4
de
�< )
'? ?
de la loi du n brumaire on 7 , il uuroit fallu , pour
une hypothèque spéciale, indiquer la nature, la situation
des immeubles, et préciser la commune où ils sont situés,
(i,a cour d’appel l’a jugé in term in is , par arrêt du 17
mars 1808.)
O11 observe également que le sieur Vény de Theix
oppose à la dame Mariol une fin de non-recevoir résul
tante de ce qu’au partage de la succession de la mère
commune, en l’an 7 , la dame Mariol s’est fait justice
à elle-meme, en ne demandant pas à prélever sa dot
de 30000 francs, et a préféré de venir au partage aver
ses frères et sœurs.
Quant aux autres créances réclamées par la dame M a
riol , on ne peut y statuer qu’après un compte préalable.
Il en résulte que la dame Mariol est déclarée non
recevable dans sa demande en payement, tant de la somme
de 30000 f r . , que de celle de 10000 fr. ; elle n’est pas
plus heureuse pour le montant de l’obligation de sa
sœur , sauf h elle à se pourvoir contre la dame du
Sauvage.
Il est ordonné que les sieurs de V é n y et la daine de
M ariol, sa sœur, viendront ù compte devant Chassaigne,
notaire commis, sur le payement des dettes qu’ils pré
tendent avoir respectivement fait à la décharge de la
succession de la mère commune.
Il est fait, dès à présent, main-levée au sieur de Vény,
de l’inscription de la dame Mariol ayant pour objet
les 30000 francs, ainsi que l’obligation des 10 0 00 fr.
Le sieur Brechet obtient également la main-levée des
inscriptions de la dame de Mariol*
G
�'Le
(1
8
.
tribunal maintient les inscriptions de la dame
M ariol, sur le sieur Y én y de T lie ix , ayant tout autre
objet que les deux premiers ; il est ordonné que les
parties contestei'ont plus amplement sur le mérite de ces
inscriptions conservées. La dame de Mariol est con
damnée aux dépens envers le sieur Brechet ; les autres
sont réservés.
C’est de ce jugement que la dame Mariol a eu le
courage d’interjeter appel; et, si on veut l’en croire,
il est très-ui'gent de la faire payer de toutes ces sommes,
car elle a grand besoin d’argent.
C’est elle qui fait expédier et signifier le jugement,
à la vérité sous toutes réservés : sa signification est
du 29 janvier 1808 , près de six mois après sa date.
Elle a eu le temps de mettre au jour un long mémoire
qui a accompagné sa requête d’urgence et son appel, en
date des i i et 17 février dernier; et comme elle est
préparée dans sa défense, elle entend que tout le monde
le soit; elle demande à être jugée sans délai.
L e sieur Brechet se prête volontiers à ce caprice ; il
vient soutenir,
i° . Qu’il n’y a point de conti’at judiciaire entre les
parties ;
2°. Que la dame Mariol n’a aucun préciput sur la
succession maternelle;
30. Que les créances prétendues de la dame Mariol
sont frauduleuses et simulées;
>
40. Que l’obligation de la darne du Sauvage est nulle;
5°. Qu’en la supposant valable , elle n’a ; aucune hy
pothèque sur le sieur Brcchet pour le montant de cette
obligation.
�On va essayer de prouver ces cinq propositions : 011
présentera ensuite quelques moyens de considération en
faveur du sieur Brechet; il promet d’avance de ne pas
abuser de ses avantages, par ménagement pour la-daine
de Mariol.
§.
1er.
I l n’y a point de contrat judiciaire entre les parties.
Qu’est-ce qu’un contrat judiciaire? Suivant la définition
que nous en donnent les auteurs élémentaires, c’est celui
par lequel le demandeur, après avoir formé une de
mande , s’en départ en justice ; c’est celui par lequel le
défendeur, après avoir contesté la prétention, y acquiesce
et l’approuve en jugement.
Ces contrats ont une grande fo rce, parce qu’ils ont
une grande solennité ; ils sont au-dessus des contrats
ordinaires : c’est en face même de la justice, que cette
espèce de contrat reçoit sa perfection ; de ses juges on
en fait ses témoins. D e sorte que ces engagemens qui ont
ete ordinairement préparés par de mûres réflexions, par
l’avis de ses conseils, sont bien supérieurs aux transac
tions qui se font hors la présence de la justice.
De tels contrats ne sont pas susceptibles d’examen; les
jugemens qui interviennent ne peuvent être attaqués par
aucune voie : tout est irrévocablement consommé.
O r, pourroit-on reconnoître à cette définition les actes
qui ont eu lieu entre les parties; et où a-t-on trouvé
qu’il y avoit entr’elles un contrat judiciaire? la justice
a-t-elle sanctionné des actes extrajudiciaires et fugitifs?
C 2
�La dame do Mariol fait une enchère ; elle en a le
droit dès qu’elle se suppose créancière : mais cette dé
marche entraîne des conséquences bien graves; elle tend
à la ruine du vendeur, qui doit une gai’antie pleine et
entière à l’acquéreur.
Une expropriation auroit encore des suites plus fu
nestes. Que fait le sieur Brechet? il offre de désintéresser
la dame M ariol; de lui payer le montant de ses créances
lorsqu’elle les aura fait connoître : mais le sieur Brechet
ne doit pas les payer à l’aveugle ; il ne peut contracter
hors la présence de son vendeur, à qui il a déjà dénoncé
cette enchère un mois auparavant.
Il faut que'la dame de Mariol justifie de ses titres; il
le demande; il l’exige : il faut qu’elle établisse la légi
timité de scs créances; rien de plus juste.
Qu’importe, si l’on veut, que la dame Mariol ait pi’is
une inscription ; qu’elle ait énoncé dans cet acte purement
conservatoire, des créances réelles ou imaginaires! elle
a été maîtresse de sa cause, de lâ fixation : il n’y a rien
de contradictoire avec les parties intéressées; et ce seroit
se compromettre bien gauchement, que d’aller payer
sans aucune discussion, tout ce qu’il plairoit à la dame
de Mariol de demander.
r
Il esL extraordinaire d’entendre dire à la dame de
M a rio l, que le sieur Brechet avoit connoissance du re
levé des inscriptions de la dame de M ariol, contre la
dame du Sauvage , et que ce relevé se portoit à une
somme de 160407 francs, r
Ou 11e voit pas trop où elle veut en venir, lorsqu’elle
énonce cette proposition; voudroit-elle prétendre que le
�sieur Brochet, d’après cette connoissance, a dû compter
bien vite cette somme de 160407 francs? Cependant elle
ne lui demande que 30000 fr. d’une part, et 6000 fr.
de l’autre; plus, les frais d’impression de ses affiches.
Ce 11’est que long-temps après, que par une demande
incidente , et par un agréable souvenir, elle réclame
encore une somme de 10 0 00 fr., montant de l’obligation
souscrite par sa mère.
C om m en t, avec de semblables variantes, pour roi t-elle
supposer qu’il y a un contrat''judiciaire? Il faut lui rendre
justice : quoique la dame Mari'ol ait fait un paragraphe
particulier sur ce contrat, elle n’insiste que foiblement;
il lui paroît-seulement qüe le contrat judiciaire étoit
fo rm é; et un arrêt de la cour suprême, du 23 avril
18 0 7, l’a'^ suivant elle, formèllèméiit décidé. Cependant
quand on examine bien cet arrêt, on voit qu’il a jugé
tout autre chose : d’abord, c’est un arrêt de rejet', qui
dès-lors ne juge rien ; mais il confirme un arrêtfde la
cour de Toulouse , qui a décidé que'la dame Gayral,
creanciere inscrite, pouvoit aller en avant sur son en
chère, malgré les olires postérieures de d’ Aiihernad, de
payer les créances inscrites., s a u f discussion.
O r, ce n’est pas là du tout'la question qui nous oc
cupe. En effet, si la dame Mar.iol, nor\obstant . les-piTres
du sieur Brechet, avoit refusé de se dé,partir de son
enchère, qu’elle eût demandé la continuation de ses
poursuites , et qu’ il fût procédé à l’expropriation1, elle
nüroifr'eu ‘ mi‘>prétext(3! ÿdur soütènir*1 qüXv«utf:refti1tifcè
notification cotnmè crétocièvèy'ellefavoif lë idtJ6ït cl’en^
chérir, et ne vouloitjp 'M 'üüu’e-’auS;'' 'aùfrès'&ré&iîléiétà *
�qu’on examineroit à l’ordre si ses créances étoient légi
t i m e s , etC.
.
-
;
.
Voilà peut-être ce qu’elle auroit pu d ire; c’est alors
qu’elle .auroit argumenté de l’arrêt du 23 avril 18 0 7 ,
non pour prouver que la cour de Toulouse avoit bien
jugé, mais pour établir qu’elle n’avoit violé aucunes lois.
Mais à présent que la dame Mario! s’est départie dç
son enchère; qu’ il ne s’agit plus .que de discuter sur le
mérite de ses créances., ;out,sur leur légitimité, l’airêt
de Toulouse, comme l’arrêt' de cassation;;! deviennent
absolument étrangers à l’espèce.
. En un m ot, le sieur Brechet, qui a une garantie h
exercer'contre sa yenderesse, n’a pu ni dû payer sans
examen , .sans le faire dire contradictoirement avec les
parties intéressées; s’il l’avoit fait sans aucune précaution,
on lui répondroit avec raison qu’il a pris sur son compte
de, payer ce qui n’étoit pas d û , et qu’il n’a dès-lors
aucun recours.
Cette proposition est d’une telle évidence, qu’il semble
que toute la question se réduit à examiner le mérite des
créances réclamées par la dame Mariol.
*
§.
X I.
L a dame de M arioI ne peut prétendre à aucun préciput
sur la succession maternelle.
✓
Par son contrat du. 9 février 1 7 7 1 , la dame de V illemont, sa m èrp„lui constitue une somme de 30000 fr.
Cette somme n’est payable qu’après le décès de la cons
tituante, et.sans intérêts jusqu’à ce,
�C 23 )
Cette constitution n’emporte ni forclusion, ni renon
ciation. Si la mère vient à mourir sans avoir fait d’autres
dispositions, la dame Mariol viendra à partage de ‘sa
succession, sans même être obligée de rapporter la somme
de 30000 francs •, mais il sera libre à la dame de V illemont de faire telles dispositions que bon lui semblera,
môme par testament, et de réduire la demoiselle future
à la dot de 30000 francs ci-dessus constituée , ou de
l’instituer héritière , à la charge du rapport de cette
dot.
La succession de la dame de Villemont est ouverte
en l’an 4 , sous l’empire de la loi du 17 nivôse an 2.
L ’article 8 de cette.loi veut que les enfans, descendans
et collatéraux, ne puissent.preudre part aux successions
de leurs :pères et mères, ascenda’ns ou autres parens, sans
rapporter les donations qui leur ont été faites antérieu
rement,, sans préjudice de l’exécution des coutumes qui
nssujétissent les donations à rapport', même dans le cas
où les donataires renoncent à<la succession du donateur ;
et la loi ajoute que cet article sera observé, nonobstant
toute dispense de rapport.
L a disposition de cette loi n’a pas été méconnue de
la dame de Mariol. Elle sait aussi qu’en principe gé
néral toutes donations en ligne directe sont ¡'sujettes à
rapport, à moins qu’elles .n’aient été 'faites en préciput. *
Mais la dame de Mariol prétend que la disposition
rigoureuse de cette loi a été modifiée ou rétractée par
l’article viev.
.]_a;
du 18 pluviôse an' 5 ; et que
d’ailleurs, sa donatiotirde 30000 ifr. est faite en précipùt.
J-Que porte* cet article i « rJ de lu ld i’ d il‘ i 8 ; p lù yiô se
�an 5? il maintient tous prélèvemens, préciputs, et autres
dispositions irrévocables de leur nature , stipulées en ligne
diîecte avant la publication de la loi du 7 mars 1793.
O r, coûtaient la dame Mariol prouvera-t-elle qu’il
existe dans son contrat un prélèvement de 30000 francs
irrévocable de sa nature ? Il 11’y a pas une expression
qui ne prouve ciu contraire la révocabilité. La dame de
Villemont uêl. manifeste aucune volonté 'certaine ; tout
dépend.de sa fantaisie, de son caprice ou de son ait’ecf ion:
elle peut laisser sa lille avec cette somme, sans qu’elle
puisse prétendre autre cliose ; elle se réserve le droit de
lui-donner cette .somme'en préciput, si bon lui semble,
de l’instituer héi’itière, s’il lui plaît, avec ou sans rapport
de sa dot: C’est Jbien là , sans contredit , ¡ ’finalise exacte
de cette stipulation, aussi mobile que le papillon diurne.
L a dame Mariol espère, et 11e >tient rien; on peut tout
lui ôter,; comme on peut tout lui laisser ; eti elle vient
dire»qu'elle est irrévocablement saisie, lorsque son sort
dépend-d’un.seul m o t; lorsque sa mère se réserve une
pleine et;enlïère liberté de faire tout le- contraire de ce
qu’elle laisse espérer.
:N’est-il pas au contraire évident que jamais clause ne
fut «plus incertaine; que tout dépendoit, non pas d’un évé
nement,- non pas jd ’ùne simple condition, mais du'plus
léger changement de volonté.r .
'• 1 i. , ;.
Elle prétend qu’il s’est élevé une très-grande contro
verse sur ce point : mais c’est une bien grande erreur.
L a .squle question qui ait divisé les jurisconsultes ^étoit
celle de savoir si, lorsqu’une disposition universelle étoit
faite,à la charge d’associer un tie r s la portion revenante
à
�20 7
( 25)
à ce tiers devoit faire partie de la succession ab intestat;
on soutenoit d’un côté qu’elle tomboit dans la succession.
ab intestat, parce que la charge d’associer étoit révocable
à volonté; d’autres, avec plus de raison, pensoient que
la révocabilité de l’association ne pouvoit avoir lieu
qu’au profit du donataire déjà saisi du bien universel;
que cette charge d’associer étoit une simple condition, et
non une disposition; que dès-lors l’associé étoit saisi; et
ce dernier système a prévalu. L a cour d’appel l’a ainsi
décidé par ses arrêts.
Mais autrement, toutes les fois que le disposant ne
s’est pas dépouillé toutes les fois qu’il a pu donner à
un autre ce qu’il promettoit au premier conditionnel
lement , on a décidé avec raison qu’il n’y avoit aucune
disposition irrévocable.
L a dame Mariol n’est pas heureuse dans l’application
de ses arrêts de la cour de cassation ; les trois arrêts
qu’elle rappelle n’ont pas empêché que la cour n’ait
jugé tout le contraire dans la cause du sieur Gardet de
V ayre.
Mais l’appelante ne veut pas faire attention , ou se
dissimule à elle-même, que dans l’espèce de ces trois
arrêts, il s’agissoit seulement d’un droit d’élection confié
à un tiers ; et que, dans ces trois cas, la succession du
disposant étoit ouverte antérieurement à la loi du 17
nivôse, et même à la loi du 7 mars 17 9 3 , qui défendoit
toute disposition en ligne directe.
Alors on a dû dire que la loi du 17 nivôse ne pouvoit
avoir d’effet qu’à compter de sa publication ; que tout
ce qui étoit antérieur étoit hors de son domaine; qu’elle
D
�( 26)
ne pouvoit régler les successions ouvertes avant qu’elle
fût promulguée; et voilà le principe consacré par la loi
clu 18 pluviôse an 5 .
Aussi on po u rrait écouter la dame Mariol, si la dame
sa mère étoit morte avant le 7 mars 1793 ; il seroit
raisonnable alors de soutenir que la' dame Villemont
étant décédée sans faire d’autres dispositions, la dame sa
fille peut user de la disposition contenue en son contrat
dé m ariage. ■
Mais vouloir lé soutenir ainsi pour une succession
ouverte en l’an 4 , sous l’empire d’une loi prohibitive
et rigoureuse, il faut absolument effacer l’article 8 de la
loi du 17 nivôse an 2 ; il faut vouloir contester l’évi
dence, et aller jusqu’à prétendre que cette loi n’a aucun
effet, pas même à compter de sa publication.
Il faudroit encore effacer la loi du 9 fructidor an 3 ,
celle du 3 vendémiaire an 4, et même celle du 18 plu
viôse an 5 , art. 9 , 10 et 1 1 , qui veulent impérativement
que la loi du 8 avril 17 9 1, celles des 4 janvier et 7 mars
17 9 3 , celles des 5 brumaire et 17 nivôse an 2 , soient
exécutées h compter de leur publication.
E t ne peut-on pas observer encore à la dame Mariol
qu’elle passe bien légèrement sur l’article 2 de la loi du 18
pluviôse? Il est singulier qu’elle n’ait parlé que de l’article
i^r, • le 2e. est cependant assez essentiel : il veut que les
réserves dont il n’a pas été irrévocablement disposé,
fassent partie de la succession ab intestat , et appar
tiennent aux héritiers, autres que les donataires ou hé
ritiers institués.
•
•
O r, on ne contestera pas sans doute qu’il n’y ait dans
�( 27 )
^
le contrat de 17 7 1 une'réserve de la dame de Villemont,
de disposer de tout le surplus de sa succession ; et dans
ce cas, la dame Mai’iol est bien au moins donataire de
la somme de 30000 francs. Qu’elle nous explique main
tenant , comment, avec cette qualité de donataire, elle
pourroit prendre part à la réserve, sans rapporter sa
donation !
Ce n’est pas avec plus d’adresse que la dame de Mariol
veut argumenter de l’arrêt rendu en faveur des enfans
de sa sœur : elle feint d’ignorer la différence qui se trouve
entre sa sœur et elle. La dame Ribeyre n’étoit pas hé
ritière; elle ne venoit pas à la succession de sa mère;
elle réclamoit un supplément de dot éventuel, et il falloit
bien le lui donner : mais si elle fût venue à la succession
de la dame de Villemont, point de doute qu’elle auroit
rapporté 25ooo francs, et qu’elle n’auroit pas eu les
10000 francs de supplément; il n’y a donc aucune parité
entre les deux causes.
Si on considère enfin que la dame Mariol s’est jugée
elle-m êm e; qu’elle a resté huit ans sans réclamer ce
prelendu prélèvement; qu’elle est venue à partage de la
succession de sa mère, sans rien demander et sans se faire
aucune réserve, il demeurera pour constant qu’elle est
absolument non recevable.
O sera-t-elle dire que ce partage n’est pas définitif?
elle ne le montre pas; elle n’en a qu’un extrait dans ses
pièces. Mais peut-on concevoir un partage provisionnel
entre majeurs ? Il peut y avoir quelques objets omis ; ce
qui ne donneroit pas lieu à un nouveau partage : mais
quand il ne seroit que provisionnel ; la dame Mariol
D a
�SA*
.if?
( *8 )
peut-elle se flatter de faire croire que lorsqu’elle partage
l’objet le plus important, le seul immeuble de la suc
cession , elle auroit négligé de faire connoître ses pré
tentions ou ses droits à un prélèvement considérable ?
N o n ; on doit même penser que la dame de Mariol a
trop de délicatesse pour insister davantage sur une de
mande exagérée : elle se lassera de courir après une ombre
qu’elle ne pourroit jamais saisir.
O n terminera par rappeler à la dame de Mariol qu’il
existe un testament et un eodicile de la dame de V illem ont, reçu Coste, notaire ù Benumont; que dans ces
actes la dame Villemont a manifesté ses volontés; qu’elle
a ordonné que ses enfans fussent héritiers par égalité ; et
si ces actes, qui contiennent d’autres legs, ne sont pas1
légalement obligatoires, ils le sont au moins dans le for
intérieur : la dame de Mariol ne devroit-elle pas surtout
respecter les dernières volontés de sa mère ?
§. I I I .
Les créances réclamées par la dame M ariol sontfrau
duleuse# et nulles.
lies titres de la dame M ariol consistent,
i° . En une obligation de la somme de ioooo francs,
souscrite par la dame sa mère le 23 février 17 9 3;
2°. Eu une obligation de 6000 fr., en date du 7 prai
rial an 1 1 , souscrite par la dame Vény, femme séparée,quant aux biens, du sieur du-Sauvage.
On va discuter le mérite de chacune dans son ordre.
�( *9 )
' Pour i’obligation de la mère, on suspecte aisément des
titres de ce genre, et de simples présomptions suffisent
pour les anéantir. Il en coûte si peu d’arracher à la facilité
ou à la foiblesse une obligation payable dans d ix ans :
le terme est un peu lon g, et le bon Lafontaine l’avoit
remarqué dans une ingénieuse allégorie. Mais la justice
doit empêcher les fraudes et les donations déguisées; parce
que, comme le dit judicieusement Lebrun, il faut défendre
le plus ce qui arriveroit le plus souvent.
O r, quand on considère que cette obligation est causée
pour prêts f a i ts en divers temps par la dame de M ariol,
sans autre explication, sans préciser en aucune manière
ni le3 époques, ni les sommes, il est difficile de se per
suader qu’on ait fait un compte bien exact, et que la
dame de Mariol ait prêté jusqu’à concurrence de 8000 fr.
sans billets, sans notes et sans précaution.
On doit s’étonner davantage que par traité du 20 mars
1 793 > dame Mariol et son frère se reconnoissent dé
biteurs d’une somme de 62000 francs envers la dame de
Villemont ; qu’en payement de cette somme le frère et
la sœur se chargent de 56ooo francs de dettes envers les
créanciers de la mère, s’obligent de lui payer le surplus;
et que la dame de Mariol n’ait proposé aucune déduction
du montant de l’obligation, qui étoit cependant de fraîche
date.
Ce n’est pas tout encore ; la dame de Mariol traite avec
ses cohéritiers, fait avec eux le partage des biens : c’étoit
encore le moment de parler de cette obligation; elle n’en
dit rien ; elle ne parle pas même de la somme de 2000 fr.
promise par la dame de Montrodès.
�2»V^
<,/.
( 3° )
I-ors qu’elle veut former un contrat judiciaire avec le
sieur Brechet, qu’elle lui donne le montant de ses créances
avec tant de détails, elle garde encore ce titre pour une
meilleure occasion.
Elle croit trouver le moment opportun ; elle forme
une demande incidente pour cet objet, dont elle n’avoit
rien dit au bureau de paix en présence de son frère, de
sa sœur, de ses neveux.
L a dame de Mariol peut-elle espérer quelque succès
dans cette démarche ta rd iv e ? O n a relevé toutes ces cir
constances sans vouloir la blesser : mais le sieur Brochet
n’a pas besoin de s’appesantir davantage sur ce point. Les
héritiers du sieur V ény de T h e ix , neveux de la dame
M ario l, sont en cause ; ils viennent demander justice :
ils diront à leur tante que sans doute elle n’auroit pas
la cruauté d’arracher à des orphelins le dernier morceau
de pain qui leu r re ste ; qu’ils lui appartiennent d’assez
près pour qu’elle dût avoir quelques ménagemens ; et
/la discussion de cette partie de la cause leur est exclu
sivement attribuée, Ce qui reste à dire au sieur Brechet,
c’est que la dame du Sauvage, donl il est acquéreur, ne
devroit elle-mêm e qu’ une très-petite partie de cette
som m e , en supposant l’obligation sincère ; elle n’en seroit tenue que dans la proportion de son amendement,
et entre cohéritiers ils ne sont tenus que personnelle
ment, pour leur part : l’action hypothécaire n’appartient
qu’aux ci’éanciers, non aux cohéritiers,
On en vient à l’obligation de 6000 francs, consentie
par la dame de V ény, femme séparée, quant aux biens,
de Jean-Charles Dunoyer du Sauvage, et sans autori
sation de son mari,
�( 3T )
Pleuvcnt tout à coup les arrêts de la cour de cassation.
i° . Les obligations consenties parles femmes d’émigrés,
sans autorisation, sont valables. Il n’y a ici qu’une diffi
culté qu’il sera impossible de vaincre, c’est que l’obli-.
gation est de l’an 1 1 ; que le sieur du Sauvage, rentré
depuis l’an 8 , a été réintégré dans tous ses droits par
le sénatus-consulte de l’an 10 ; que dès-lors il n’y a plus
d’émigrés.
L ’article 217 du Code prononce la nullité des obliga
tions souscrites par les femmes sans autorisation de leurs
maris.
L ’article 226 dit que cette nullité peut otre'relevée
par la femme ; mais il n’y a que la femme seule, et ex
clusivement , qui ait le droit de relever cette nullité ,
dit la dame de Mariol. Les créanciers de la femme, qui
ont une garantie à exercer contr’elle, qui par conséquent
peuvent exercer tous les droits de leur débitrice n’ont
pas le droit d’exciper de cette nullité : donc la femme
sans autorisation, peut avec impunité, et en fraude de
ses créanciers, consentir des obligations de toutes parts,
conférer des hypothèques au préjudice de ceux qui auroient des droits antérieurs, ruiner des pères de famille,
se jouer de leurs engagemens, etc. Voilà les conséquences
qui résultent de ce système; et ce n’est pas sérieusement
sans doute que la dame de Mariol l’a proposé. Les lois
Quœ in fraudent creditorum , dont les dispositions sont
répétées dans le Code Napoléon, seroient donc vaines
et illusoires.
<•
.•j
r '■ >
Mais lors de cette obligation , la lo i, ou-la partie du
Code relative aux hypothèques, n’étoit pus promulguée5
�( 32 )
o r , d’après la loi du n brumaire an 7 , on ne connoisgoit point de vente sans transcription; la transmission
de la propriété ne s’opéroit que par la transcription ;
elle étoit le complément de la vente qui jusque-là ne
pouvoit être opposée à des tiers : plusieurs arrêts de
la cour d-e cassation Font ainsi jugé.
On çn convient; on ne trou voit peut-être pas dans la
loi, que la transmission de la propriété ne s’opéroit que
par la transcription ; il étoit peut-être raisonnable de
penser que la transcription n’avoit d’autre objet que de
purger les hypothèques; la loi n’entendoit vraisembla
blement par les tie r s , que les créanciers qui venoient
par ordre d’hypothèque. L e Gode Napoléon l’a dit bientôt
$près : cependant on jugeoit tout autrement. Et qu’ im
porte le défaut de transcription , si l’obligation est nulle.
ILa dame M ariol, en proposant cette objection , auroit
peut-êtr-e bien quelques petits reproches à se faire ; car
si le sieur Brechet a acquis, c’est elle qui l’a sollicité ;
s’il n’a pas transcrit, c’est encore pour l’obliger, et éviter
des frais de notification qui auroient réveillé bien du
monde : mais enfin, qu’a de commun le défaut de trans
cription avec la nullité de l’obligation ? c’est ce qu’on
cherche à deviner.
On demandera encore à la dame de Mariol pourquoi,
dans son mémoire, elle glisse si légèrement sur la dé
légation contenue en cette obligation, et ne dénomme
pas les débiteurs délégués; ils sont cependant bien connus:
c’étoit la dame Dalagnat, et la dame de Cormeret, sa
sœur. O r, le sieur Breohet a la certitude que ces dames
ont fait acquitter toutes les dettes de la dame de Freydefon,
leur
�C 33 )
leur mère : la dame de Mariol a donc été payée de s i
créance; et que signifièrent alors le défaut de transcription?
E t quand le sieur Brochet n’auroit pas transcrit la
dame Mariol persuadera-t-elle à qui que ce soit, qu’une
obligation de l’an 1 1 lui donne des droits sur une vente
faite en l’an 9; que sa sœur a voulu hypothéquer un bien
qui ne lui appartenoit plus, et dont elle avoit reçu le
prix ? La dame du Sauvage n’a pas fait mention de cette
propriété; elle ne l’a point affectée à la sûreté du payement
de l’obligation; si elle l’eût fait, elle eût commis un stellioncit : la dame Mariol, sa sœur, qui connoissoit la vente,
ne l’auroit pas exigé. Et quelle est donc aujourd’hui son
inconséquence ( l’expression est modeste ) , d’oser venir
demander au sieur Bréchet , acquéreur de l’an 9 , le
payement d’une obligation souscrite par sa venderesse en
l’an 1 1 , parce que le sieur Brechet n’a pas fait transcrire
son contrat?
L a dame Mariol n’a pas senti l’inconvenance de sa
demande; un seul instant de réflexion l’en fera départir;
et ses amis doivent lui en donner le conseil.
§.
I v.
L a dame M ariol , dans tous les cas, n'a point d"1hypo
thèque sur le bien vendu en Pan 9 au sieur Brechet.
Pour démontrer cette proposition , il est essentiel de
rappeler la clause qui termine l’obligation de la darne
du Sauvage.
« Au payem ent du p rêt ci-dessus, la dam e du Sau vage
E
�i 'K
C 34 )
a obligé et affecté la portion qui peut lui revenir des
biens des successions de la dame de Montrodès, et du
sieur Vény de Villem ont, son m ari, situés tant dans
l’arrondissement du bureau des hypothèques de cette
ville (Clerm ont), que dans celui de Riom , consistans
en bâtimens , p ré s, terres et vignes. »
A rt. 4 de la loi du n brumaire an 7. « Toute sti—
« pulation volontaire d’hypothèque doit indiquer la
« nature et la situation des immeubles hypothéqués ;
« elle ne peut com prendre que des biens appartenans
« au débiteur loj's de la stipulation. »
A rt. 2129 du Gode Napoléon. « Il n’y a d’hypothèque
« conventionnelle valable que celle qui, soit dans le titre
« authentique constitutif de la créance, soit dans un acte
« authentique postérieur, déclare spécialement la nature
« et la situation de chacun des immeubles actuellement
« appartenons au débiteur, sur lesquels il consent l’hyv potlièque de la créance. »
Avec deux lois aussi précises, on ne trouvera point
dans l’obligation d’hypothèque valable : une désignation
vague et générale ne remplit pas le but de la loi. Comment
le créancier pourroit-il connoître les immeubles qui lui
sont affectés, lorsqu’on se contente de lui donner des
biens situés dans les arrondisseitiens de Clermont et de
Riom ? n’est-ce pas un inconnu qu’il faut chercher dans
un espace indéfini?
L a loi ne reconnoît pins d’hypothèque générale ,
qu’autant qu’elle résulte d’un jugement; et lorsqu’il s’agit
d’une hypothèque conventionnelle, il faut qu’elle soitspéciale, c’est-à-dire, circonscrite, déterminée, avec la
«
«
«
«
«
«
�désignation de chaque objet, de sa nature "tet de sa si
tuation.
Il faut que l’objet hypothéqué appartienne actuellement
au débiteur : or, la dame du Sauvage étoit dépouillée
depuis deux ans de l’immeuble vendu par elle au sieur
Brechet.
La transcription n’étoit pas nécessaire relativement à
la venderesse; il y avoit de sa part tradition réelle; elle
ne pouvoit donc plus l’hypothéquer sans se rendre cou
pable d’un délit grave, sans s’exposer à la contrainte par
corps.
E t croira-t-on jamais qu’une loi ait voulu, on ne
dit pas tolérer, mais organiser, créer, autoriser un stellionat? Comment voudroit-on abuser d’une affectation
générale, lorsque la loi exige une désignation plus ex
presse ?
La cour, par un arrêt récent, du 17 mars 18 0 8 , a
jugé en thèse qu’il n’y avoit d’hypothèque spéciale qu’au
tant qu’on avoit désigné d’une manière précise les im
meubles , leur n a tu re , et le lieu de leur situation. Cet
arrêt, rendu en très-gran de connoissance de cau se, est
d’autant plus remarquable que, dans l’espèce de la cause,
on avoit affecté les immeubles appartenans au débiteur
dans une commune dénommée ; ce qui faisoit incliner à
penser que l’hypothèque étoit spéciale, parce que le dé
biteur pouvoit avoir des propriétés dans toute autre com
mune.
Mais la loi est tellement expresse, tellement limitative,
que les magistrats ne crurent pas devoir s’en écarter,
�malgré les circonstances qui se présento ient en faveur
du créancier.
Ici rien de favorable à la dame de Mariol : elle connoissoit la vente faite au sieur Brechet; elle savoit que
sa sœur s’étoit dépouillée de cette propriété ; elle n’a
donc pas entendu la comprendre dans la stipulation d’hy
pothèque insérée en son obligation.
E h ! on ne doit pas le dissimuler, la dame de Mariol
est aveuglée dans sa propre cause ; ce ne peut pas être
une ressource pour elle : ses démarches sont inconsi
dérées , ses prétentions téméraires ; son insistance ne
feroit point honneur à sa délicatesse; et l’opinion publique
qui dans son pays proscrivoit, condamnoit sa prétention,
a dû influer sur ses juges naturels, et la suivra jusqu’en
la cour.
M e. P A G E S (de R iom ), ancien avocat.
M c. T A R D I F , avoué licencié.
A R I O M , de l’imprimerie de T h ibaud - L a n d rio t , imprimeur
de la Cour d’appel. — Avril 1808.
�
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Factums Godemel
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[Factum. Bréchet, Antoine. 1808]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Pagès
Tardif
Subject
The topic of the resource
successions
avancement d'hoirie
créances
émigrés
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire en réponse, pour sieur Antoine Bréchet ancien chef d'escadron, habitant de la ville de Clermont, intimé ; Contre dame Jeanne-Françoise de Vény, veuve du sieur Sicaud de Mariol, habitante de la même ville, appelante d'un jugement rendu au tribunal d'arrondissement de Clermont, le 15 août 1807 ; en présence de dame Marie Avelin, veuve du sieur Vény de Theix, tutrice légale de demoiselle Anne-Françoise-Jeanne de Vény, sa fille ; et de dame Françoise Véthizon-Vény, fille adoptive du sieur Veny de Theix, et du sieur Jean-Baptiste Devèze, son mari : tous intimés.
Table Godemel : Contrat judiciaire : y a-t-il contrat judiciaire entre l’acquéreur et le créancier surenchérisseur, lorsque le premier, pour arrêter l’effet de la surenchère et conserver l’immeuble par lui acquis pour le prix porté au contrat, a fait offre au surenchérisseur de le mettre hors de tout intérêt, et de lui payer la totalité de ses créances tant en principal, intérêts que ? , que ces offres ont été formellement acceptées ? l’acquéreur peut-il prétendre ensuite qu’il ne doit payer qu’après discussion préalable des créances avec les débiteurs, lorsqu’il n’a stipulé ni condition, ni délai ? Obligation : 2. une femme a-t-elle pu s’obliger valablement, par acte publié du 7 prairial an 11, sans autorisation, pendant l’émigration de son mari ? son acquéreur a-t-il qualité pour opposer la nullité ? Préciput : 1. par le contrat de mariage de la dame de Mariol, du 9 février 1771, la dame de Villemont, sa mère, lui constitua une dot de 30 000 francs à titre de préciput, stipulée payable seulement après son décès, sans intérêts jusqu’alors ; laquelle constitution n’emportera ni forclusion ni renonciation à l’égard de la future qui ne sera pas obligée de rapporter la dot, s’il n’y a pas de disposition contraire par testament de la constituante. la condition résolutoire ne s’étant pas effectuée, le préciput doit-il avoir effet, lorsque la mère est décédée sous l’empire de la loi du 17 nivôse an 2 ? Surenchère : 1. y a-t-il contrat judiciaire entre l’acquéreur et le créancier surenchérisseur, lorsque le premier, pour arrêter l’effet de la surenchère et conserver l’immeuble par lui acquis pour le prix porté au contrat, a fait offre au surenchérisseur de le mettre hors de tout intérêt, et de lui payer la totalité de ses créances, tant en principal, intérêts, que de frais, et que ces offres ont été formellement acceptées ? l’acquéreur peut-il prétendre ensuite qu’il ne doit payer qu’après discussion préalable des créances avec ses débiteurs, lorsqu’il n’a stipulé ni condition ni délai ? Transcription : 5. le majeur qui a traité avec des mineurs sur des intérêts respectifs et sur un partage, est-il recevable à demander la nullité de l’acte, pour vice de forme résultant de leur propre incapacité ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Thibaud-Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1808
1771-1808
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
36 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G1708
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0504
BCU_Factums_G1707
BCU_Factums_G1709
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Saint-Genès-Champanelle (63345)
Theix (village de)
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avancement d'hoirie
Créances
émigrés
Successions
-
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5adf8976e8986e7a9905fc817dec44ff
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MÉMOIRE
P O U R
Dame Jeanne-Françoise D E VEYNY , veuve du Sieur
SICAUD D E MARIOL , propriétaire , habitant à
Clerm ont, demanderesse et appelante ;
C O N T R E
Sieur A n t o i n e BR EC H ET, ancien ch e f d’ escadron, demeu
rant en la même ville, et autres, défendeurs et intimes.
�MÉMOIRE
COUR
d ’a p p
e
DE r i o m .
P O U R
A n 1808.
Dame J eanne - F r a n ç o is e D E VEY NY , veuve du Sieur »
S1CAUD D E MARIOL , p r o p r ié ta ir e , habitant à
C le r m o n t , demanderesse et appelante ;
C O N T R E
Sieur
A
BRECH ET, ancien ch e f d’escadron, demeu
rant en la même v ille , d é fe n d e u r et in tim é ;
n t o in e
E t contre Dame Marie A V E L IN , veuve du Sieur VEYNY
D E T H E IX , en qualité de tutrice légale de Dem oi
selle Anne-Françoise-Jeanne D E VEYNY , sa fille ,
héritière de son défunt père , habitant au lieu de
V illem o n t, commune de Vensat ;
E t contre Dame F r a n ç o i s e V É T H I S O N , fille adoptive
dudit Sieur de V eyny de T hei x , et son héritière béné
ficiaire , et le Sieur J e a n -B a p tis te D E V È Z E , son mari,
propriétaire , demeurant en la même commune, défen
deurs et intimés.
j
L
e
contrat judiciaire a toujours été considèré comme le lien
le plus puissant et le plus capable de forcer les parties contrac«
tantes à l’exécution de leurs engagemens ; néanmoins le Sieur
Brech et a trouvé le moyen de rendre illusoire un contrat de cette
nature et de faire perdre à la Dame de Mariol des créances consi
l
T
�dérables , qu’il s’était formellement soumis à lui payer sans aucun
retard ; et quoiqu’il n ’eût mis ni condition ni réserve à ses offres,
il est parvenu , sous le prétexte de discuter le mérite des créances de
la Dame de M a r io l, à élever quantité de questions importantes, dont
la solution a eu lieu au préjudice de cette D a m e ;
ensorte que le
Sieur Brechet conserve dans ses mains le bénéfice d ’une s u r e n c h è r e
faite par la Dam e de Mariol , qui se présente aujourd’hui avec
confiance devant la Cour pour obtenir la réformation d’ un jugement
qui viole ouveitement plusieurs lois bien positives , e t les principes
les plus constans d.e la jurisprudence.
F A I T S .
L e 3o germinal an g , Charles G u i n e z , fondé d e là procuration
de D am e Anne-Françoise V e y n y , épouse de l ’émigré du N oyer
du S auvage,
vendit au Sieur
B ro c h e t, par acte p u b lic , toutes
les propriétés qu’avait ladite Dame dans la terre d e T h e i x , moyen
nant 2g,5oo fr. , dont 2,100 lr. furent payés com p tant; et il fut
stipulé que les 27,200 fr. restans seraient payés, en l’acquit de la
Daine du Sauvage , aux créanciers de la Dam e D auphin-M ontrodés , sa défunte mère ; lesquels créanciers sont dénommés dans un
acte reçu Costes , notaire à B e a u m o n t, le 20 mars 1795, et notam
m ent au Sieur Brechet, acquéreur, en qualilé de mari de Dame Anne
G i r o n , et à Julien P e y r e n d , notaire à Maringues , v e u f d’Anno
Am ou roux , le montant de leurs créances en p rin cip a l, intérêts
et frais , et que le surplus serait payé aux autres créanciers de la
D a m e Montrodès , jusqu’en concurrence de la portion contributive
de la Dam e du Sauvage dans le paiement des deltes de la succes
sion de sadite
mère. A la garantie de cette vente , le quart du
domaine de S.- G enest-Cham panelle, appartenant à la D am e du
Sauvage et encore in d ivis, fut spécialement h yp o th é q u é , ensemble
ses paraphernaux situés à Villemonl et au M é c h in , commune do
V e n s a t , provenant de la su c c e s s io n du Sieur V c y n y d’Arbouze , son
f r è r e , décédé en 1790, aussi indivis avec ses cohéritiers.
Ce contrat 11’u été transcrit que le G complémentaire an 11.
A cette époque s e u l e m e n t l e Sieur B ie ch et voulut se mettre
�22 &
5 )
à l’abri des poursuites que les créanciers privilégiés et h y p o th é
caires de la Dame du Sauvage pouvaient diriger contre lui. A cet
effet, il se conforma à l’art. 5 o de la loi du 11 brumaire an 7 ,
en notifiant aux créanciers inscrits son contrat , et no tan. ment à
la Dame de Mariol.
L e relevé des inscriptions lui avait fait connaître celles prises par
la Daine de Mariol sur la Dame du Sauvage , sa sœur. Ces ins
criptions étaient au nombre de six ; la première du 2G prairial
an 7 , contre ses frères et soeurs, pour sûreté d’une créance de
io4,8oo fr. , résultant d’ un tiaité passé devant E a r tlie le m i, notaire ,
le 17 juin 17755 la 2.' du même j o u r , contre la succession de
la
Dame
de
Yillemont , sa mère , pour sûreté
d’uno créance
de 2,587 fr. 80 c . , résultant d’ une sentence du 21 janvier 17QO ;
la o.° du même jour , contre la succession de sadite m è r e , pour
sûreté d'une créance de 9,612 fr. , résultant d’une obligation du
20 février
1 79 0 ; la 4 .° du 2 vendémiaire an g , contre la Dam e
sa mère , pour sûreté d’une créance de
42,800 fr.
résultant de
son contrat de mariage du 19 février 1771 , et d'une obligalion
du 23 février 1795 ; la 5 ." du 24 prairial an 7 , contre le commis
saire du Directoire exécutif près l ’administration centrale du P u y de-Dôme , comme représentant Paul-Augustin V e y n y , aîn é, et
contre les Sieurs V e y n y de T lie ix , feu V e y n y - d ’A ib o u z e , et la
Dame du S a u v a g e , p o u r sûreté d’une créance de 4 , 100 f r . , résul
tant de sentences des 22 mai et lo j u i l l e l 1780 ; la G." du 5 com plé
mentaire an 1 1 , contre la Dam e du Sauvage , pour sûreté d’une
créance de 6,120 fr. , résultant d’ un acte du 7 prairial an 1 1.
L e Sieur B r e c h e t , connaissant donc toutes
ces inscriptions ,
fit signifier le 27 vendémiaire an 12 à la Dam e de Mariol son
contrat, a v ec déclaration d 'a cq u itter ju s q u 'à concurrence .seule
ment du p r ix de son a cq u isitio n , a in si et de la m anière q u 'il
est stip u lé en son acte. L e 9 brumaire
suivant , la Dam e
do
Mariol fit commandement aux Sieur et Dame du Sauvage de lui
payer l.° la somme de G,000 f r , , montant d’une obligation que ladite
Dame lui avait consentie le 7 prairial an 11 ; 2.° la somme de 7,600
fr pour le quart de celle de 5 o,ooo fr. de dot non sujette à ra p p o rt,
que la Dam e sa mère
lui ayait
constituée par son
contrat do
M ï
�mariage du 9 février 1771 ; 3 .° les intérêts de ces deux sommes
■depuis leur encouru , ensemble les frais d'inscription et de mise
à exécution , sans préjudice à ses droits contre la Dame du Sau-*
vage , pour le paiement de la totalité de ladite constitution par
la force de la solidarité hypothécaire.
L e i 5 du même mois , la Dame de Mariol fit notifier aux Sieur
et. Dame du Sauvage et au Sieur Brechet , q u ’ en vertu de l’art.
5 l de la loi du 11 brumaire an 7 , et comme créancière inscrite
de la Dame du Sauvage en vertu de son contrat de mariage et de
son obligation , elle requérait la mise aux enchères et la vente et
adjudication publique par la voie de l’expropriation de toutes les
propriétés vendues audit Sieur Brechet par la Dame du Sauvage,
suivant l ’acte du 00 germinal an 9 ; se soumettant d ’en p o r te r ie
p rix à un vingtième au moins en sus de ceux fixés audit a c t e ,
de rem plir au surplus toutes les autres obligations que l’acquéreur
y a stipulées , et de se conformer aux dispositions de l ’art. 54
de la loi du 11 brumaire an
L e 4 frimaire su iv a n t , la
Sieur et Dam e du Sauvage
forcée des objets compris en
7.
Dame de Mariol fit signifier aux
le commandement d ’ expropriation
la vente faite au Sieur Brechet par
la Dame du S au va ge, dans les formes
voulues par l ’article I.":
de la loi du 11 brumaire an 7 , sur les expropriations.
L e Sieur B r e c h e t , voyant que la Dame do Mariol était décidée
à suivre son enchère , et à remettre en adjudication publique les
biens qu’il avait achetés de la Dame du Sauvage ; considérant que
cette voie allait lui faire perdre le bénéfice considérable que son
acquisition lui avait procuré , puisqu’il était notoire qu’ils valaient
près du double du p rix pour lequel il les avait achetés , se décida
à étouffer de suite une poursuite aussi dangereuse pour ses inté
rêts ; et dans cette intention , il fit notifier à la Dame de Mariol
le 1 4 nivôse an 1 2 , un acte signé de ! u i , et conçu dans ces p ro
pres termes :
J’ai déclaré que le roquera nt , p ° ur éviter leu suites de l'enchèrc fai le par
la
Dam e
veuve
M a rio l,
par actc
mettre hors de t o u t intérêt, il lui
rera eu
tout teins , c l
à réquisition
de lu i payer Ut totalité de
*3
frim aire d e r n i e r ,
c.1 pour la
ciTro par les présentas offres , qu’ il réité
de
la part
ses créances contre
de
la D am e
Mariol ,
la D am e V c y n y , fcmtno
�22 j
( 7 )
séparée «le biens du C. n «1u ^ f A < i du Saunage , tnnf rri principal , i n t é
rêts
que
Irai*;
l’ai sommée en leiuséqui ncc
h tm es le m niant üe&dites c r iâ m e s ,
de t 'é c la u r flans vingt-quatre
afin tjUe le
/ a im a n t en puisse être
fia it de suite , et offre do plus de lui év iter et la garantir de toutes poursr.'tes de la part des autres
cl arge
aussi par
créanciers relatives
la D am e de M a iio l de
à ladile
subroger
rnchtie ,
le requérant
en
à la
son
lieu et place , avec toute garantie ; protestant de nullité et de tous deper/s ,
dum m agi's-m térèts, au cas q u ’ i l fiû tjc iit quelques poursuites au prejudice du
présent acte.
L a Dame «le M a i i o l fit notifier au Sieur B r e c h e l la réponse
suivante des le même jour :
J’ai déclaré que la requérante accepte les ofifres fa ite s p ar ledit Brechet
p a r acte de ccjourd’liui , signées de l u i et
de G u e r rie r , h u issie r, p ou r
q u ’ elles ne puissent être révoquées à l ’ avenir , de payer les ciéances dues à
la D am e v e u v e Mariol , par Anne-Françoise V e y n y ,
épouse du N o y e r du
Sauvage , tant personnellement que comme héritière de le D am e D a u p h in V illc m o n t -, e n conséquence et donnant pour le moment le détail , autant
que possible , desdites créances , la D am e v e u v e Mariol déclare qu’il
est dû la somme de
3o,ooo
liv .
pour la dot eu
de
lu i
principal et avantage à
elle fait par la D am e
D au p h in
Montrodès , v e u v e V e y n y , par son
contrat de mariage du
9 fév rie r 1771 , et les intérêts de
cette
somme
depuis le décès de ladite D am e Montrodès ; p lu s , larsomnie de 6,000 l i v . ,
m ontant d’une obligation consentie par ladite V e y n y du Sauvage au
profit de la r e q u é r a n te , le 7 prairial an 1 1 , reçu T a c h é , n o t a i r e ,
ensemble les f r a i s de m i s e à exécution , c la n s lesquels seront nécessairement
compris c e u x de la déclaration d’eiiclitic faite sur la vente consentie au
C . ca lircch ct , c eu x du commandement tendant à expropriation forcée des
mêmes biens , et ceu x des extraits d ’inscriptions retirés du
conservateur
des h y p o th èq u es, la dresse du placard et procès-verbaux d’affiches qui sont
i m p r i m é s , et qui annonçaient
la
vente
pour le
24
pluviôse prochain •
placard et affiches qui ne seront point posés par l ’effet de l ’acte signifié
par
le C .cn Brochet ; et pour par le C .cn B rechet s’assurer de la dresse
et impression du placard dont il s’agit , il est sommé de se transporter
sur-le-cham p dans l ’im prim erie des C ct,s T'roin et G r a n i e r , imprimeurs
liabitans de Clerm ont , n i e de Balainvilliers , chez lesquels sont encore
lesdits placards , dont
la majeure partie sont
timbrés , déclarant au sur
plus que ladite requérante a , du moment de la notification du C .CQ Brechet
fa it cesser toute opération relative
à l’expiopriation , lesquels sont dès ce
moment a u x risques , périls et fortune du C.*“ Brechet ; lequel la D am e
v e u v e Mariol
offre de subroger à tous ses d roits, privilèges et hypothè
ques, lors du paiement qui lui sera f a i t , c l de répéter conlrc lui tous lw>
�V
a
■
:xv
(8)
dommages-intérêts qui pourraient l u i rev e n ir clans le cas Je l ’inexécution
de scs offres;
ajoutant , au su rplu s, que Brecliet doit p ayer tous les i r a i s ,
mêm e c eu x de dresse , impression
et papier du
placard d’expropriation ,
suivant le règlement qui en sera amiablement fait , ou par les voies q u ’ in
dique la loi , se faisant au surplus toutes réserves.
C elte réponse contenant une acceptation formelle des offres <1u
S i e u r Brecliet , il est bien sensible que la Dame de Mariol devait
s’attendre à recevoir de suite le p a iem en t de la totalité de ses
créances sur Ici D a m e du S a u v a g e , sa soeut y mais on va voir
comment il s’y est pris pour éluder l’acceptation de ses offres ,
et comment il a. réussi à les rendre illusoires.
L e 18 du même mois , le Sieur Brecliet fit signifier à la Dame
de Mariol une cédule du juge de p a i x , o ù , rendant compte de
tous les actes ci-dessus r a p p e lé s , il déclare :
Q u ’ il accepte les consentement et département de la D am e M a rio l ; mais
que pour p a y e r ce q u ’il a offert , i l faut que les créances de ladite D am e
oontre sa sœur soient liquidées , tant en présence de la D am e du Sauvage
qu’en celle des autres h éritiers,
afin de fixer la portion que
cliacuu doit
p a y er , parce qu’enlre c o h é r itie r s, il n’y a point d’action solidaire , mais
seulement contre chacun une action en contribution pour la part dont il
est
héritier , et q u ’ elle doit faire confusion sur elle-même de la portion
dont elle est personnellement tenue ; comme a u s s i , il faut que la D am e de
M ario l compte de ce qu’elle peut d evoir , afin d’operer de justes compen
sations , et é v ite r par la suite d ’autres contestations. -----circonstances
( est-il
dit ) que
C ’est dans ces
l’exposant voulant form er
sa demande
en liquidations et compensations , doit auparavant cpuiseï les voies conci—
liatoires ; il demande donc cédule pour citer la D am e do M a r io l,
d u Sauvage et son mari , les frère3
H ibeyrc et le Sieur V c y n y de T h e i x .
L e 27 dudit m ois, toutes les parties
juge de p a i x , qui
la D am e
comparurent devant le
dressa le procès-verbal de non conciliation,
dont voici l ’analyse :
L a Dame du S au va ge , se qualifiant de maîtresse de ses biens
adventifset parapliernaux , dit par l ’organe de son fondé de pouvoir ,
qu’elle approuvait les r é c l a m a t i o n s de la Dame de M a r io l, sa sœ u r,
pour son préciput et son obligation ; que loin d’être créancière de
la Dam e de Mariol pour la jouissance qu’elle peut avoir faite des
biens
de
Villemont ,
et dont
parle le C .en Brecliet
dans sa
céd u le, elle craint au contraire d'être sa d é b itr ice , à cause des
�(9 )
différentes sommes que la Dame de Mariol a payées n la Dame sa
mère ou aux créanciers V c y n y , de manière que
la
D a m e du
Sauvage n ’ entend prendre aucune p a r t dans les prétentions
que semble vouloir é lev er le Sieur B rech e t.
L e Sieur V e y n y
de 'J'heix dit que la Dame de Mariol avait
consommé les partages , el laissé vendre la totalité dçs biens de
la succession de la mère com m u ne, sans aucune réclamation ; que
sa demande était inconsidérée, d'après les aclcs passes dans la
fam ille; que la mère commune avait fait deux teslamens ; q u ’il
réservait tous ses droits, et requérait la Dame de Mmiol de lui
donner main-levée de toutes inscriptions hypothécables et con
servatoires sur ses Liens à raison de son contrat de mariage , protes
tant de tous dommages-intérêts et frais qu’il pourrait supporter
par reflet desdites inscriptions.
L a Dam e de M a r i o l dit que la demande du Sieur I3rechet ten
dant à des compensations
de prétendue*
jouissances
créances à elles dues par la Dame du Sauvage , a été
avec
les
imaginée
pour faire diversion à ses droits; que les créances qu’elle i éclamait
étaient établies par des actes authentiques , el à l’abii de
toutes contestations ; qu’il ne pouvait y avoir lieu à des compen
sations imaginaires, ou tout au moins litigieuses , avec ses créan
ces qui étaient claires el liquides ; q u e lle requérait le Sieur
Tirechet de se c o n c i l i e r avec elle , sur ce q n 'elle entendait le Jorcar
au paiem ent des sommes portées en l'a cte du a4 nivôse der
nier ,
el q u / l avait ojfert p a r acte du
même jo u r ; — Que
touchanl les objections du Sieur de T h c i x , elle sou tenait que son
préciput de 5 o,ooo fr. était fondé sur une disposition contrac
tuelle que sa mère p o u v ait, à la vérité , anéantir
mais qu’elle a
conservée par le plus grand silence à cet égard ; que si le Sieur
de'J'heix prétend qu’il y a eu dérogation à scs dispositions,
cV if
à lu i à rapporter les ieslam cus ou c o d ic ille s , si aucun existequ’on ne trouvera ni dans les acles de fam ille, ni dans aucun fait
de la Dame de Mariol , aucune renonciation à son préciput ; que
les partages n ’opèrent aucune libération des héritiers , et q u ’au
cune loi n’a pu détruire une disposition faite en 1771.
Les Irères ll ib e y i e ont déclaré ne comparaître que pour obéir
à justice.
2
�( 10 )
Le
10 pluviôse suivant , le Sieur Brechet présenta requête nu
tribm nl , et demanda permission de faire assigner à la preinièro
audience provisoire la Dame veuve Mariol , pour voir donner acte
au Si.'?tir B rech et de la réitération des offres q u 'il f a i t de lu i
p a y e r ce qu i lu i sera du après liquidation faite de ses créances ;
voir dire qu'elle sera tenue de justifier de ses titres en présence
de tous ses cohéritiers , afin de fixer la portion que chacun doit
p a y e r , et qu’elle fera confusion dè la portion dont elle est per
sonnellement tenue; q u e l l e fera compte de c e q u ’elle peut devoir,
afin »l'opérer la compensation ; comme aussi de faire assigner les
Sieur et Dame du Sauvage, pour le garantir et indemniser de ton
tes les pertes qu’il pourrait éprouver relativement à l'enchère de
la Dame de Mariol ; en conséquence être condamnés à lui resti
tuer les sommes qu’il sera tenu de payer
en son contrat ,
en sus du prix porté
et tous ses dommages-intérets ; comme aussi
de faire assigner le Sieur V e y n y de T h e ix , et les frères R ib e y re ,
pour débattre les titres de créances de la Dame Mariol et les li
quider , enfin , pour être tous condamnés en scs dépens.
Cette requête ayant été répondue d’une ordonnance de M. le
Président , portant permission d’assigner à la première audience
p ro v iso ire , le Sieur Brechet fit donner assignation le 16 du même
mois à la Dam e de Mariol.
L e Sieur Brechet ne s’empressait pas de faire juger ses demandes ,
et déjà il s’était écoulé
six mois depuis son assignation , lorsque la
Dam e de Mariol crut devoir activer la décision de cette affaire.
L e 1 5 thermidor an 1 2 , e l l e présenta donc requête et demanda
permission d’assigner à jour fixe le Sieur Brechet , pour lui voir
donner acte de la demande incidente qu’elle formait contre lui
en paiement i.° de 22,5oo f r . , formant les trois quarts de son préciput constitué dans sou contrat de mariage, et dont la D am e du
Sauvage était tenue , soit personnellement, soit hypothécairement ;
2.0 do 7 ,5 o o f r . , formant les trois quarts du principal porté en une
obligation à „elle consentie par la Dame sa mère le 25 février 1793 ;
5.” les intérêts de ces d e u x sommes , savoir , pour la p rem ière, à
compter du décès de la Dame Dauphin , et p our la seconde , d e là
date do l'obligation $ 4 ,“ do 6,000 fr. pour le montant de l’obligation
�( i l )
il elle consentie par la Dame du Sauvage le 7 prairial a n ' n ;
5.° Iss frais tant de mise à execution (]ue ceux faits pour parve
nir à l’expropriation forcée, suivant le règlement amiable , sinon
selon la taxe ; 6.° les intérêts du tout et les dépens , avec exécu
tion provisoire, comme fondée en titres. E u vertu d’ordonnance,
elle fit notifier le tout au Sieur Brechet.
L e 28 frimaire an i 4 , le Sieur V c y n y de T l i e i x , après avoir
épuisé les voies de conciliation , fit assigner la Dame de Mariol ,
les Sieur et Dame du Sauvage, et les frcres R i b e y r e , s e s cohérit
i e r s , pour voir «lire j.° qu’ils seraient tenus de venir à division
et partage de différens objets omis lors du partage
déjà fait de
la succession de la Dame D a u p h in -M o n fro d è s, mère commune
consistant dans le trousseau de la Dame de Mariol évalué 4,ooo fr.
dans les pensions d’elle , ses enfans et ses gens , nourris et en
tretenus par la mère commune depuis le mariage de ladile Dame
de Mariol jusqu’au décès de sadite mère , le trousseau de la Dame
Ribeyre , les diverses sommes qu’elle avait reçues et qui étaient
sujettes à ra p p o r t, divers objets mobiliers détaillés, b e r lin e , voi
t u r e , cariole , charriot, chaise-à-porteur , service de porcelaine ,
ta b le a u x , a rgen terie, b i j o u x , etc. ; 2.“ Q u ’ils seraient tenus aussi
de rapporter les titres des créances appartenantes à la succession de
lu mère com m une, baux à ferme de T l i e i x , Montrodès , Saint(jenès-Glianipanelle , pour en faire payer les reliquats avec inté
rêts , etc.5 5 .° Q u ’ils seraient tenus, dans la huitaine, de procéder
définitivement à un règlement de compte , et de rembourser au
Sieur de T lieix tout ce qu’il aura avancé pour chacun de ses co
héritiers , avec intérêts 3 ou bien la somme de 10,000 fr. à laquelle
il se restreignait.
D é j à , le 16 du même m ois, le Sieur V e y n y de T lie ix
avait fait
assigner la Dame M a r io l, pour voir dire que toutes les inscrip
tions qu’elle avait prises sur l u i , soit en son nom , soit en qualité
d■
’héritier des père et mère communs , seraient déclarees nulles
et rayées , avec dominages-interets et dépens.
E n f in , le i 3 août 1807 , après plusieurs audiences, le tribu
nal a rendu son ju g em e n t, dont voici le dispositif:
L e tribunal déclare la partie de Rousseau ( la Dame de Mariol ) ,
�( 12 )
non-recevable clans sa demande en p a ie m e n t, tant delà somme do
5 0.000 fr. qu’en celle de 10,000 fr. ; à l’égard du Sieur V ey n y
de 'J lieix , son frère , la déclare également non-iecevable dans sa
demande; à l ’égard du Sieur Brechet , pour les mêmes créances,
même pour celle de G,000 fr. , sauf à elle à se pourvoir , ainsi qu’elle
avisi.ia , contre la Dame du Sauvage , ordonne que le Sieur de T h e ix
et la pnilic de Rousseau viendront a co m p te devant M. Chassaigne,
notaire , que le tribunal commet à cet effet , sur le paiement des
dettes qu’ils prétendent avoir respectivement fait à la décharge do
la succession de la n iè r e com m une, pour ledit compte fait et rap
porté être discuté plus amplement sur ce que lesdites parties pour
ront se devoir , el y être statué ce que de d r o i t , et néanmoins le tri
bunal fait main-levée des-à-présent , savoir, au Sieur V e y n y de
T h e i x , de i’inscriplion de la partie de Rousseau ayant pour objet les
5 0.000 f r . , ainsi que l’obligation de 10,000 fr. , et au Sieur Brechet
des inscriptions faites sur lui par la partie de Rousseau, ordonne
qu’elles seront rayées. L e tribunal maintient les inscriptions faites
sur le Sieur V e y n y de T h e ix par la partie de Rousseau , ayant tout
autre objet que ceux des 5 o,ooo fr. d’une p art, et des 10,000 fr.
de l'autre,ci-devant exprim ées; sur le mérite desquelles inscriptions
il sera discuté plus amplement ; condamne la partie de Rousseau aux
dépens à l’égard du Sieur B r e c h e t , le surplus des dépens demeu
rant réservé.
L a Dame de.AIarioI a interjeté appel de ce jugement., et c’est dans
cet état que la cause se présente.
M O
Y E N S.
L e jugement dont la Dame de Mariol s’est rendue appelante lui
fait perdre évidemment 56,000 fr. , et les intérêts de cette somme :
cependant elle est tellement convaincue de l’injustice d’une telle dé
cision , qu’elle va démontrer à la Cour non-seulement l ’erreur que
conliennent les motifs des premiers juges , niais encore le peu do
fonde tuent des-autres argumens par lesquels le Sieur Brechet el lo
Sieui
V e y n y da T h e ix ont cherché à faire prévaloir leur cause,
d’autant qu’il est présumable qu’ils les reproduiront pour sou tenir leurs
�( i3 )
prétentions. Mais , comme la Dame de Mariol sJest attachée à mettre
dans la narration des faits toute la précision et l ’exactitude p ossible,
elle emploiera la discussion la plus méthodique peur p o ite r dans
tous les esprits la conviction de la bonté et de la force des m oj t u £ qUj
doivent enfin la faire triomp lier , et lui procurer le paiement des
sommes qu’elle se croit très-recevable et bien fondée à réclamer.
A cet effet, chaque
demande aura son paragraphe p articulier,
avec le sommaire de ses propositions.
§. I.er
D o t de 5 o,ooo liç , en p r c c ip u t, constituée en 1 7 7 1 , est irrévocable
de sa nature , quoique subordonnée à une condition résolu
toire , du moment que la condition ne s ’ est p a s ejjcctuée.
U n cohéritier q u i, lors du p a rta g e , cniet de réclan er ses
p r élè v e m en s, est recevable à les réclam er postérieurem ent.
Sous la loi du
17 nivôse an 2 , le cum ul a v a it lieu qu a n d le
p récip u t était stipulé dans la donation.
L e légitim aire seu l a le
droit d ’exam iner si les
dispositions
n ’excèdent p a s la p ortion disponible.
L ’ acquéreur p e u t être p o u rsu iv i p o u r la totalité d ’une créance
h ypothécaire.
Dans le contrat de mariage de la Dame de M ariol, sous la
•* . »
*
date du 9 février 1771 , se trouve la clause suivante:
)) La Dame veuve
de V ille m o n t, en faveur
)) constitue à la Demoiselle sa fille la somme
dudit in a iia g e ,
de
5o,oco liv. ;
)> laquelle ne sera néanmoins payable qu’après le décès de ladite
}) D am e de V ille m o n t, sans intérêts jusqu^à c e ; laquelle cons» titntion de dot n ’emportera ni forclusion ni renonciation à la
)) future succession de ladite Dame de "Ville-ni o n t , en sorte que
» venant à mourir sans avoir fait d’autres dispositions , la Dem oi» selle future épouse viendra à partage de sa succession , sans
)) même être obligée de rapporter ladite somme de 5 o,ooo liv. •
» m ais il sera libre à la
D am e de
V illem o n t de fa ir e telles
)> dispositions que bon lu i s e m b le r a , même p a r testa m en t, ci
�( 4
)
« do réduira la Tito Demoiselle future épouse à la dot de 5 o,ooo
)) liv. à elle ci-dessus constituée , ou de 1 instituer lieritière
à la
u charge du rapport de ladite dot ».
T e lle est la clause en vertu de laquelle la Dame de Mariol se
prétend créancière de
la
succession de la Dame sa mère pour
une somme de 5 o,ooo liv. } avec
arrivé en l’an 4 .
O r , voici les motifs pour
les intérêts depuis son' décès
lesquels le tribunal civil de
Cler-
jnont a déclaré la Dame de Mariol non-recevable dans la demande
des trois quarts de cette somme de 5 o,ooo liv. avec les intérêts.
« A ttendu que la D am e do V ille m o n t est morte en l’an 4 , sous l ’euw
« pire de la loi du 17 nivôse
« aucun avantage cil
laveur
| «
loi
Attendit
que
la
du
<c rétroa ctif de la loi du
17
rr faits avant la loi du i j
an 2 ,
qui 11e
permettait
pas de laisser
de ses successibles ;
18 pluviôse an 5 ,
qui
nivôse an 2 , a statué
nivôse
a rapporté
que les
an 2 , auraient leur
effet
l'effet
avantages
il 3
quand
« seraient p a r leur nature irrévocables;
« Atten d u que la dot de 3 o,ooo l iv . portée au contrat de mariage de
« la partie de Rousseau , était plutôt une expectative qu’ un avantage irrc_
<c vocable par sa nature , puisque la mère de la partie de Rousseau s’était
« réservé , dans son contrat de mariage en date du y février 1771 } Ja
d’appeler sa fille à sa succession , en rapportant les 3 o,ooo l i v .
« faculté
« ce qui fait disparaître toute idée d’irrévocabilité ;
« A tten d u que , d’après l ’allégation des parties, la D am e de V illem o nt
« a fait
un
« Rousseau
e x p lic a tif de ses v o lo n t é s ,
et
que
est venue au partage de la succession
testament
de
sa mère
« autres frères et sœurs en l’an 7 ,
« la
dot de
3o,ooo
partie de
avec ses
qu’elle n’a point réclamé en préciput
liv. ;
que la dot de 3 o,ooo liv . n’étant point
« A tten d u
la
« sion de la Dam e de V illem o n t , le
dette de la succcs-
Sieur lîrechet , comme acquéreur
« d’ une portion du bien de T l i e i x , ne peut être chargé do les a c q u itte r ;
« A tten d u que le Sieur V e y n y Je T lie ix
« seau une fin
« cession
de la mère
« fait justice
« 3 o,odo
oppose à la partie de Rous-
de n on-recevoir , résultant de eu qu’au partage de la succommune
en
l ’an 7 ,
]a partie de Rousseau
s’est
à elle-m êm e , eu ne demandant pas A prélever sa dot de
liv . ,
et
a
préféré
de ve n ir en
partage avec
scs frères
et
« soeurs «.
Ces motifs sont-ils
solides ? . . . Nous soutenons la négative»
�____
( i5 )
et nous allons démontrer qu’ils sont
contraires aux vrais p rin
cipes.
Rappelons-nous d’abord que la loi du 7 mars 1700 a t,boli la
faculté de disposer en ligne direcle ; que les lois des 5 bium aire
et 17 nivôse an
2 ont établi les parlages d ’égalité, non-obstant
toutes dispositions; que la loi du 9 fructidor 011 5 a borné l'ellct
des deux lois précitées en faisant p a it ir le u r execulion seulement
du jour même de leur promulgation ; que ia loi du o vendémiaire
an 4 a maintenu ce principe do non-ictroactivite ( et 3 p ie s c jit
le mode de restitution à faire aux personnes rappelées et réta
blies dans leurs droits par la présente loi ; qu’enfin la loi du 18
pluviôse an 5 a été rendue dans le but de lever les
difficultés
que les changem ens survenus dans les précédentes lois rela tives
a ux successiojis avaient f a i t n a îtr e y qu'en conséquence, c’est à
cette dernière loi particulièrement qu’il faut faire attention pour
décider les questions qui ont pu s’élever en matière de successions
jusqu'à la publication du code Napoléon.
L ’article I.cr de cette loi porte que » les avantages , prélève)> m en s, préciputs ^ donations e n t r e - v i f s , institutions c c n li a c » tuelles , et autres dispositions
irrévocables de
leur nature ,
)) légitim em ent stipulées en ligne direcle avant la pitblicalioiL
»
))
»
»
de la loi du 7 mars 1 7 9 5 , et en ligne collatérale, ou autres
individus non parens , antérieurement à ia publication de la loi
du 5 brumaire an 2 , a u r o n t le u r p l e i n et e n t ie r e f f e t , c o n form ém ent a u x anciennes lois , tant sur les successions ouver-
» les ju s q u ’ à
ce jo u r
que
sur
celles
qui
s ’ ouvriraient à
» V aven ir )>.
Sur cet article „ il s’est élevé une grande controverse entre les
jurisconsultes ; les uns soutenant qu’une disposition irrévocable de
6a nature perdait son caractère d’irrévocabilité ^ si
le donateur
ou l’instituant y avait joint une clause conditionnelle et résolu
toire ; les autres soutenant que la disposition conservait son carac
tère d ’irrévocabilité, non obstant la clau se, pourvu que la condi
tion ou la résolution n 'eu t pas été elïectuee ; et telle elait la divi
sion d’opinions sur ce point de droit , que chaque système était
appuyé d’un grand nombre de partisans } en çprte qu’ on attendait
�( i6 )
avec Impatience quo la Cour suprême eût l’occasion de fixer tou
tes les opinions.
Cette occasion se présenta le 23 fructidor an 8 ( 1 ^, dans la
cause d’Antoine Pouch , dont le pourvoi contre un jugement du
tribunal civil du L o t fut r e je lé , sur les conclusions de M. .lourde,
substitut du procureur général , et au rapport de M. P o rriq u e t, par
la section des requêtes, qui jugea qu’une institution subordonnée
au simple choix d’un tiers , qui
publication
confirma les
de
la loi du
n ’a pas fait ce choix avant la
17 nivô se , était annullée.
partisans du prem ier
Cet
arrêt
système dans leur opinion ;
mais les autres furent loin d’y a d h é r e r , et attendirent une nou
velle occasion de soutenir le principe de l’irrévocabilité.
L e 17 pluviôse an i 3 , la même section des requêtes , sur les con
clusions de M. le Coutour , substitut du procureur-gém-ral, et au rap
port de M. D outrepont, rejeta le pourvoi des enfans Grailhe, contre
un arrêt de la Cour d ’appel de Montpellier du j8 messidor an 12 , et
décida qu’une institution nominative .l’héritier,faite parle père de l’ins
titué , et subordonnée au cas où la mère n’ instituerait pas elle-même
d ’autre h éritie r, était devenue irrévocable par l’eifet de l’abolition
de la faculté de disposer de ses biens eu ligne directe , abolition
formellement prononcée par la loi du 7 mars 3795 ( 2 ) .
Il était évident que cet arrêt était contraire au précédent; néan
moins l ’arrêtiste avait cherché à les concilier , en distinguant Félectio:i réservée à une mère d’avec celle conférée à un tiers ; comme si
l ’institution était moins subordonnée dans un cas que dans l’a u tre ,
circonstance q u i , seule , donnait lieu d ’agiter la question d ’irrévoca
bilité.
Enfin,tout doute a cessé par un autre arrêt de la section des requêtes
du i 5 thermidor an i 3 , rendu sur les conclusions de M. M e r lin ,
pro cureur-général, au rapport de M. Chasles, qui a rejeté le pourvoi
des enfans G rim a i, contre un arrêt de la Cour d’appel d’Agen du 25
germinal an 1 2 , et qui a jugé qu’une institution nominative d ’h éri(1) D c u c v c r s, an i 3 , p.<= g 5 , s . ------ S ire y , arrêts antérieurs à l ’an 1 0 ,
1>c n i.
a) ü o n e v e r s , au i 3 ,
p .c s'il« ------ S i r c y , au i 3 ; p.c 173.
�( 17 )
tiers , subordonnée à un droit d'élection conféré à une mère , et
non-exercé avant la’ publication cle la loi du 17 nivôse an 2 était
devenue irrévocable , soit par le décès du testateur arrivé en 1 7 9 2 ,
soit par la force de la loi du 7 mars 17Ç)3 , qui a enlevé à la mère sur
vivante la faculté d'élire un héritier (1).
lin rapportant cet. arrêt , M. Donevers observa que le con
traire avait été jugé par 1■
’arrêt du 20 fructidor an 8 , mais q u ’ après
un n ou v el exam en préparé p a r un p la id o y e r , lu m in eu x de M .
le procureur-général M e rlin , la Cour a va it adopté la ju r is p r u
dence du présent arrêt.
D ’après de pareilles autorités , il n'est donc pas permis de douter
qu’une constitution dolale en p ré c ip u t, faite par une mère à sa fille
en 1771 , 11e doive avoir son plein et entier effet, non-obstant les
cbangemens que 1 lu m è re ' s’était réservé de faire à celle consti
tu tio n ,-si de fait elle n 'a point usé de
la faculté qu’elle s’était
ré se rv é e , 011 qu’elle en ait été empêchée par la force de la loi
du 7 mars 1793.
Appliquons maintenant ces principes et ces autorités à notre
espèce , eL il sera facile de reconnaître l ’erreur des motifs de
nos premiers juges,
■On a déjà vu que la mère de la Dame de ^Mariol lui avait constitué
une dot de 00,000 fr. non sujette à r a p p o r t , niais paj'able seu
lement après son décès. U n e pareille constitution était sans con
tredit irrévocable de sa nature ; cependant le tribunal dont est appel
a décidé qu’elle était plutôt une expectative qu’un avantage irrévo
cable, et pourquoi ?... C ’ est (/ue la mère s ’ était réservé la fa c u lt é
d ’ appeler sa f i lle A sa succession , en rapportant tes 5 o,ooo f r . , ce
cjui f a i t disparaître toute idée d'irrévocabilité. Nous disons , au
contraire, avec plus de fondem ent, que celle faculté réservée par la
nière n 'a porté nulle atteinte à l’irrévocabililé de cette constitu
tion dotale, parce qu'il est de l'essence des donations entre-vifs
ou avantages contractuels d’être irrévocables, et qu ils ne perdent
ce caractère substantiel que dans le cas où le donateur use valable
ment de la faculté qu’il s'est réservée d’y apporter des cliangeiuens
(1) Dcnevcr« , an i 4 , p.c 80. ------ S ir cy , au 1806, p.e n 4 .
�( 18)
qui en n n l i i ï n t , " altèrent
ou détruisent la nature
primitive.
TjI question se réduit donc à savoir si la Dame de Villemont a
usé 'le la faculté q u ’elle s’était réservée de réduire
la Dame de
M irio l , sa fille, à sa dot de 00,000 fr. , ou de l’instituer son
h éritiè re , à la charge du rapport de cette dot.
A cet égard , on ne rapporte aucun acte qui prouve que la Dame de
V illem aui ait changé de volonté , et encore quand on pourrait en
r a p p o r t e r , i! faudrait deux ch oses, i.° que cet acte fut valable;
2.0 que la Dame de Villemont eût formellement soumis la Dame de
Mariol aa rapport de sa d o t, en venant à sa succession.
A la vérité , le jugement, dont est appel dit dans
un da ses
molifs , que, d ’après l’allégation des parties , la D am e de Villemont a
fait un Lestament explicatif de ses volontés , et qu'au partage de sa
succession en l’an 7 , la Daine de Mariol n’a point réclamé cette dot.
Nous expliquerons bientôt le silence de la Dame de Mariol lou
chant sa dot en préciput lors du partage ; mais dans ce m om ent-ci,
il ne s’agit que de ce prétendu testament allégué par les parties
comme explicatif des volontés de la Dame sa mère. Or quant à ce
tes ta m e n t, il n’a été allégué par les parties, lors des plaidoiries,autre
chose,sinon qu ele S ie u r V eyn y d e T h e i x prétendait que , peu de tems
avant sa m o r t, la Dame de Villemont avait fait un acte de der
nière vo lo n té, où elle appelait pour ses héritiers lui Sieur de T h e ix ,
et la D u n î
de M irio l. A. quoi
celle-ci répondait q u ’il eût d ’a
bord à pro luire ce testam ent, ce qu’il n ’a pas fait 5 en sorte1" que
ne pouvant voir ce
testament , la Dame de Mariol ajoutait que
s’ il était postérieur au 7 mars 17<)o , il ne pouvait contenir aucune
disposition valable , puisqueJa loi dudit jour avait aboli la faculté de
dispisiir d un
la lig^u d ir e c te : voila tout ce qui a été dit à ce
s u j e t , en sorte que rieu ne s’opposait à ce que la clause du con
trat de mariage de la Dame
de
Mariol lut jugée en thèse , et
qu’elle fût déclarée irrévocable de sa nature , et devant produire
son plein et entier effet , conformément aux anciennes lois, puis
que la D.ime sa mère n’avait point usé, avant la loi du 7 mars 17J)3,
«le li f.iculté qu’elle s’était réservée d'altérer l’irrévocabilité de sa
do viiiou , et que èette loi lui en avait enlevé la faculté pour l’avenir.
Assuréuuiit , quand ou compare la clause dont s’agit avec les
�—
----------
i
institutions faites par des p e r e s , et subordonnées n i choix des
mères ou des tiers , il est impossible de la regarder comme
moins irrévocable que ces dernières, maintenues par
précités.
les arrêts
Et ne disait-on pas aussi dans les espèces (le ces arrêts, que
le fils nominativement institué par son p è r e , mais avec condition
que la mère pourrait choisir lin aulre de ses en fans, avait en sa.
faveur plutôt une expectative qu’une disposition
irrévocable do
sa nature ? Cependant de pareilles dispositions ont été declarées
irrévocables , parce que la mère n’avait point usé de la faculté
que son mari lui avait d o n n ée, ou qu’elle en avait été empêchée
par la loi du 7 mars 1790.
Mais que penser de la décision des premiers juges
question, lorsque le même tribunal l ’a jugée
sur cette
en sens contraire
dans une espèce toute semblable en faveur du Sieur R i b e y r e ,
aîn é, neveu de la D am e de M a rio l, exerçant les droits de la
Dam e sa mère , sœur de ladite Dam e de Mariol ?
P a r son contrat de mariage
du 22 février 1767,, Dame M ar
guerite d e ' V e j n y de V illem o n t, épouse du Sieur R i b e y r e , fut
constituée par ses père et mère en une somme de 5 o,ooo l i v . ,
moitié du ch ef p ate rn e l, moitié du ch e f maternel. Il est à rem ar
quer que la Dame Dauphin-Montrodês , sa mère , s’était réservé
dans ce contrat l’entiere disposition de ses biens p ara p h e rn a u x,
consistant en lu terre de T h e ix et dépendances, avec déclaration
néanmoins q u 'a u cas q u ’ei sa mort elle n ’ en eût p a s disposé
a u trem en t, i l en reviendrait 10,000 liv . à la fu tu r e sa f i lle .
Question de savoir si la mère n ’ayant pas disposé , cet avantage
de 10,000 liv. était irrévocable.
Par jugement du
12 ventôse an 12 , le tribunal (le Clermont
le déclara irrévocable , et en ordonna le prélèvement.
V o ici le m o tif:
« A ttendu que la D am e D au p h in n’ayant, pas autrem ent dispose du bien
« de T h e i x .,
l ’a ugment de dot de 10,000 liv . qu’elle avait fait en ce cas
« à Marguerite V e y n y , sa fille , doit avoir son cITet, non du jo u r de
« l ’avènement de la c o n d itio n , mais du jo u r même de l'acte q u i contenait
%£}*?
�« la disposition , parc*
« bhm ?nt a c q u is , si la
(jue ce (boit lu i était
> <Wt ce
m om ent
,
irreroca—
D am e D a u p h in ne disposait p a s autrement
«.
A p p e l , et par suilc, arrêt de la Cour de R iom rendu en la
prem iéie seclion le a i nivôse an i 5 , qui confirme le jugement
de Clerniont par les mêmes motifs , et y
« A ttendu que
les 10,000 l iv . ont etc promises
« que le droit à lacliIc somme
« soumis
ajouie :
une condition
à l ’instant
n’a clé éventuel que
parce
m ê m e , et
qu’ il
a
été
résolutoire ;
« A ttendu que la condition lésolutoire n’ayant pas eu lieu , la somme
« de io,ooo l i v . est restée promise dès l ’origine par le contrat de mariage
« même ;
« Attendu que
cette somme
« tionnées en la loi
ne ressemble
du 18 pluviôse an
5,
point a u x reserves
etc.
înen-
«.
Comparons maintenant les deux affaires, et nous reconnaîtrons
qu’elles ne pouvaient recevoir que la même décision!
i.°
Le contrat de mariage de la Dame de R ib e y re est de 1767 ,
et celui de la Dame de M a r io l, sa sœur , est de J771 , tems où
les lois autorisaient les avantages stipulés par ces contrats ; 2.0 c est
la m ir e commune qui a constitué les deux dots, en les sou
mettant toutes deux à une condition résolutoire ; 5 .° cette condi
tion résolutoire n ’a eu lieu ni à l’égard de la Dame de Mariol ,
ni a* l’égard de la Dame de Ribeyre ; en sorte que les deux dots
sont restées promises dès leur origine , et que celle de la Daine
de Mariol , stipulée en p ré c ip u t , a conservé sa nature et son
irrévocabilité,
tout comme celle de
la D am e de R ib e y re ;
et
qu’a in s i, d’après l’article I.cr de la loi du 18 pluviôse an 5 , elles
ont dû avoir également leur plein et entier effet , conformément
aux anciennes lois. C ’était donc le cas de la m a x im e , idem j u s ,
ecidem ratio.
Cependant on voit qnc le tribunal de Clermont a maintenu la
constitution dotale de la
Darne de R ib e y r e , et n ’a point voulu
maintenir celle de la Dame de
Mariol , quoique
conditionnée
de la même manière. C o m m e n t comprendre un résultat si diffé
rent sur la môme question ? ï ' t ce qui est encore plus incom
préhensible , c ’est que la question lut décidée en faveur de l ’avan-
�tngp fail à la D am e de Uibeyre
en l ’an 12 , tems où la contro
verse était grande sur cette question , et où la jurisprudence ne
présentait encore que l'arrêt de cassation du 520 fructidor an 8 , trèsdéfavorable à la Dame de I’ ib e y t e , lundis que rette même ques
tion est d é cid é e , en 1806, contre la dame de M a r io l, dans lin
tems où la jurisprudence est assise en sa iavcur et dans un accoicl
p a r fa it , puisque
les mêmes piincipes se retrouvent
co n sa crés,
et par le. jugeme.nl de d e r il io n i du 12 ventose an 1 2 , et par
l ’arrêt de llio m du 21
nivôse an i 5 , et par les arrêts de cas
sation des 17 pluviôse et l 5 theim idor an io.
Assurément , la C o u r d’appel ne peut qu’improuver une déci
sion
aussi choquante; et pour conserver l'harmonie de la ju ris
prudence , elle rétablira
sans doute la Dame de
un droit qu’elle 11e devait
même tribunal qui avait si
pas s’attendre à voir
M ariol
dans
violer par le
bien su faire respecter celui de la
Dame de R ibeyre , sa soeur.
Après avoir démontré jusqu’à l’évidence l ’erreur du premier
m otif du jugement dont est appel , en ce qui touche la nature
de la dot
en préciput constituée à la Dame de Mariol , nous
allons réfuter le second m otif qui a déterminé la fin de 11011recevoir prononcée contre elle.
Ce m otif est pris du silence de la Dame de Mariol lors du partage
de la succession de la mère commune ; d’ où l’on tire contre elle
deux conséquences ; la première qu’elle a fait un abandon tacite
de ses prolêvemens ; la deuxième quj elle a entendu respecter à cet
égard les dernières volontés de la Dame sa m è r e , en sorte que par
cette présupposition , on est parvenu à écarter non-seulement sa
demande en paiement de ses 5o,ooo fr. de dot en p r é c i p u t , mais
encore celle en paiement de l’obligation de io ,o o o fr . à elle consentie
par la Dame sa mère le 23 février 179^ j avec les intérêts ; ce qui
lui fait perdre toul-à-coup une somme de plus de 45 ,o o o fr.
Voyons donc si ce m o tif a quelque fondement.
E n examinant les principes établis en matière de fins de n o n recevoir , on doit reconnaître pour vérités certaines , qu’il n ’y a que
deux espèces de fins de non-recevoir , celles qui sont prescrites
par la loi m ê m e , et celles qui découlent naturellement d ’un acte
�5
antérieur à la demanda , incom patible a vec e lle , et qui lu i f a i t un
obstacle fo r m e l ; car les fins de non-recevoir , comme les nullités,
ne sont jamais «arbitraires. Celles de la première espèce se rencontrent
dans les cas où , comme pour les appels , oppositions , prescriptions ,
la loi a fixé un délai après lequel on est non-recevable, ou encore
dans les cas où une partie n ’a pas la qualité requise pour soutenir son
action. Celles de la seconde espèce se rencontrent
dans les cas
d ’actes contenant des renonciations , ratifications , ou des acquies”
ceinsns formels : car il est à remarquer que jamais les renonciations
tacites n’opèrent de fins de non-recevoir à l'égard de droits certains.
Cette doctrine est établie sur quantité d’arrêts de cassation , dont
nous citerons celui qui a le plus de rapport à notre question.
Par «acte notarié du 24 mars 1758 , Anne Bonniol , autorisée de
son m a r i , céda à son frère tous les biens et droits qui lui étaient
échus au d é c è s de leurs père , m ère, soeurs et tan te, moyennant
2,5oo fr. , dont 1,500 fr. com ptant, et une rente de 5 o fr. pour le
surplus.
A près la mort de son m a ri, An ne Bonniol attaque de nullité
sa cession comme
prohibée par l ’art. III
du chapitre
i 4 de la
coutume d’Auvergne.
L e i . cr septembre 1777 , sentence de la sénéchaussée d 'A u v e rg n e ,
qui déclare nulle cette cession.
'
A p p e la i! parlement de Paris , et ensuite, après sa suppression,
au tribunal du district d ’Isso ire , qui par jugement du i5 prairial
an 5 , a infirmé la sentence, et ordonné l’exécution de l’acte du
2 4 mars 1 7 6 8 , sur le fondement qu’Anne Bonniol en avait couvert
la nullité par la perception q u ’elle avait fa ite , pendant plusieurs
années de viduité , des arrérages de la rente de 5 o lr. qui restait due
sur le prix principal de sa cession.
Pourvoi en cassation , et le a 5 messidor an 4 , au rapport de
M. S chw en d , arrêt qui casse le jugement
« A tten d u
que
l ’cxccution , pendant
« 1758 ne peut va lid e r un
d'Issoirc :
plusieurs années ,
du traité
de
acte n u l dans son principe , et qui 11’a point
« été valablem ent confirmé depuis la viduité d’Anno Bonniol «.
Cet arrêt a donc jugé très-positivement ( comme son titre le
�24 \
( a 3 )'
porte ) , que la nullilé de la vente du Lien dotal ne p e u t être ratifiée
tacitem ent et sans un acte f o n n e l ( i ).
Ceci posé , on ne- peut se dissimuler que s i , dans les partages , un
cohéritier oublie d’eyercer un p rélèv em en t, aucune loi ne lui p ro h ibe
d ’en réclamer la restitution on revendication , si c’est un c c ip s
c e r ta in , ou Lien le p aiem en t, si ce sont des deniers, et dès-lers
il est impossible de puiser dans la loi aucune fin de n o n -re ce vo ir
contre sa demande. K estedonc à tirer la fin de non-recevo ir d’un
acte assez puissant pour résister à sa propre demande. O r qu’op
pose-t-on à la Dame de Mariol ? .. . son silence lors du partage de
la succession de la Dame sa mère... Mais son silence n ’esl point
un acte.
A li ! si la Dam e de Mariol eût renoncé ou abdiqué ses prélèvemens par l ’acte de p artag e, on pourrait lui opposer une volonté
incompatible avec sa volonté actuelle; et alors il se serait élevé la
question de savoir si pendant son ma liage elJe avait pu abdiquer des
droits certains et dotaux , sans même le concours de sen mari :
car il est à observer qu’il ne l’a point assistée dans ce partage. Mais
rien de sembluLle ne peut lui être opposé; et il est évident que tout
ce qui résulte de son silence, c ’est une omission dont on veut
tirer contre elle deux conséquences fausses, pour parvenir à une
iin de non-recevoir purement arbitraire.
Nous disons d eux conséquences fa u ss e s • car sur quoi a -t-o n
supposé qu’elle a voulu respecter les dernières volontés de la
Dame sa mère ? I-e IriLimal dent est appel n’a jamais vu le testament
de la Dame de Villemont ; il n ’a point été produit par les adver
saires qui en alléguaient l’existence. Donc ne sachant pas même si
la Dame de V illemont avait voulu ou désiré que sa fille, la Dam e de
Mariol, abandonnât ses prélèvemens, il n 'y avait pas la moindre pré
somption que ce fût la cause de son silence lors du partage. E l quant
à l’abdication tacite et volontaire de ces prélèvemens , c ’est encore
une conséquence très-équivoque tiree de ton silence ; car il n ’esl pas
probable qu’ une mère de quatre enfans lasse volontiers cadeau à
ses cohéritiers de somme aussi considérable que celle-ci.
U ne donation de cette importance méritait Lien la peine d ’être
(i) S i r c y , aiicts antérieurs à l ’an Io ; p.e go.
�( 24 )
e x p r im é e , et d’ailleurs n Jétait point "au pouvoir de la Damo de
M a r i o l , ’ dont tous les Liens étaient dotaux.
Cependant on veut donner à son silence le même effet qu’à
une renonciation formelle équivalente à une donation. O11 ne peut
rien voir de plus violent. C ’est le 18 pluviôse an 7 que le partage a
eu lieu : or à cette é p o q u e , la Dame de
Mario] trouve à propos
de ne pas exercer ses prélèvem ens, parce que la clause de son
contrat de mariage ayant été
consultée,
tant par elle que
par
son frère , le Sieur V e y n y de T h e ix , ils eurent tous deux des
consultations si opposées, qu’ils convinrent d’ajourner l’article des
prélèvemens.
On ne peut lui reprocher cette prudence , quand on voit que,'
même en l ’an 8 , la jurisprudence n ’était point favorable à l’ irréyocabilité de sa dot en préciput , et que ce n ’esl qu’en 1 an 12
et en l’an i 5 qu’on a su à quoi s'en tenir sur celte question ,
décidée alors par trois
O n a objecté qu’ elle
qu’elle n’eu a pas fait ,
d r o its, pas plus qu’ un
arrêts en sa faveur.
'aurait dû faire ses réserves ; mais parce
il ne s’ensuit pas qu’elle ait perdu ses
créancier de diverses sommes ne perd ses
créances fondées en titres , lorsqu'il donne
quittance au même
débiteur de quelques-unes, sans faire réserve des autres. On a encore
objecté que
la Dame de Mariol ayant acheté en l’an
9 de la
Dame du Sauvage , sa sœur , sa portion du domaine de S t.- G e n e s t ,
sans parler de prélèvemens , elle avait bien assez manifesté par
la sa renonciation aux sommes qu’elle réclame aujourd hui. C ’est
encore une induction très-équivoque ; car la Dame de Mariol a
acheté de sa sœur sa portion de ce domaine , dans un tems ou
elle voyait encore à sa sœur des moyens suffisans pour lui faire
acquitter un jour sa portion de ses prélèvemens; et la p re u v e ,
c’est que dans le moment a ctu el, elle doit trouver dans le résul
tat de sa sur-enchère au-delà de c e t t e portion.
En dernière a n a ly s e , le silence de la Dame de Mariol lors du
partag« de l’an 7 , ne peut f o u r n i r contre elle une fin de n o n r ecevoir capable de lui faire perdre ses droits, du moment que la
légitimité en ost reconnue.
Il iie pouvait résulter de son silence
d’autre3 conséquences fâcheuses pour elle , que de s’exposer à
�perdre ses créances, nu cas où elle eût laissé ses cohéritiers vendre
tous leurs biens sans prendre ses sûretés ; or elle a pris à cet égard
les précautions convenables, en couvrant la succession d e là mèro
commune
d ’une inscription de 9>fiî2 fr. ,
le 2G prairial an 7 ,
et d’une antre inscription de 42,800 fr. , à la date du 17 vendé
miaire an 9 , tant pour son préciput que pour son obligation,
ce qui fait assez voir qu’elle n'avait point entendu abandonner
ses prélèyemens.
Il est donc évident que la fin de non-recevoir prononcée contre
la Dame de Mariol , repose sur deux motifs également erionnos , et
qu’en disant que la dot de 5 o,ooo liv. n ’est pas dette de la suc
cession de la Dame de V illem ont. et que le Sieur Brecliet , comme
acquéreur d’une portion du bien de T h e i x , ne peut être chargé de
les acquitter, le tribunal dont est appel a fait une fausse conclusion
dont l’appelante a tout lieu de se plaindre.
Ce n ’est point assez pour la Dame de Mariol de discuter le mérite
des motifs adoptés pour lui faire perdre ses créances ; elle répondra
avec le même avantage aux autres objections qui lui furent faites
et que les adversaires pourront reproduire.
L e s Sieurs V e y n y de T h e ix et Brecliet ont prétendu que la suc
cession de la Dame de Villemont ayant été ouverte en Tan 4 , sous
l’empire de la loi du 17 nivôse , devait être réglée d’après les
principes de cette loi , et sans égard à la loi du 18 pluviôse an
5 , qui n ’est venue que postérieurement ; que dès-lors cette succes
sion a dû être partagée entre tous les suceessibles avec égalité e fc
sans aucun avantage , tout cu m u l étant prohibé.
Cette prétention renferme deux erreurs; la p re m iè r e , c?est que
le partage de la Dam e de Villemont n ’ayant été commencé que
le 18 pluviôse an 7 , les cohéritiers ne pouvaient se soustraire à l’au
torité de la loi du 18 pluviôse an 5 , dont l’art. 1 . " dit qu’il s'applique
aux successions ouvertes avant cette loi comme après ; la 2.', c ’est que
quand le partage se serait fait en l’an 4 , la Dame de Mariol aurait
pu cumuler les deux qualités de donataire en préciput et d’héri
tière. L a raison est qu'’il faut distinguer entre le cumul qui dérivait
des lois sur les successions, et le cumul autorise p a r la volonté des
instiluans ét des donateurs , qui est une véritable émanation de
la donation. Au premier cas , le cumul ne pouvait avoir lieu , parce
�%ÿm
'
^ )
que l’article 8 (le la loi du 17 nivôse ayant exigé le rapport des
dom tious eu
cessions
venant a la succession , les lois relatives aux suc
se trouvaient changées , en sorte que
le donataire ne
pouvait plus invoquer les lois des successions existantes au moment
de la donation ; lois qui
seules
autorisaient le cumul.
A u s s i,
dans cette hypothèse , la Cour suprême a rendu trois arrêts remar
quables.
Le
messidor an () ( 1 ) , la section civile, au rapport de RI.
Maleville, rejela le pourvoi de G arcem ant, et décida qu’un dona
taire était sujet à r a p p o r t , s’il se portait héritier , bien qu’à l’époque
de la donation, il eût pu se dispenser du rapport , suiva n t les
lois d ’ alors , p a rce que la fa c u lté du cu m u l n ’ était p a s une
ém anation de la, donation , m ais q u ’ elle dérivait des lois su r les
successions..
L e $ messidor an 11 ( 2 ) , la section des requêtes, au rapport
de M. Lombard-Quincieux , rejeta le pourvoi des frères Marotte >
et décida qu’une iille religieuse pouvait contraindre ses frères à
rapporter et partager les biens dont le père leur avait fait sa démis
sion sous Vempire des lois qu i les eussent dispensés du rapport
envers une religieuse.
Enfin , le 16 brumaire an i j ( 5 ) , la, section des requêtes, au
^apport de M. V a llé e , et par le même p rin c ip e , rejela le pourvoi
de la Dame Pigenat contre un jugement du tribunal d ’appel de
Dijon du 20 messidor an 1 0 , et décida que l a ’loi du 18 pluviôse aa
5 n’avait point dérogé à l ’obligation du rapport prescrit: par l ’art.
8
d e l à loi du t7 nivôse an 2 , même des donations à charge.
]\I. Arnaud , procureur-général-sub stitut, avait conclu au rejet, et
disait : « qu’à la vérité le p rècip u t est un don hors part-, qu’il peut
« être cum ulé avec la portion héréditaire ; qu’il 11’est pas sujet à
» rapport. M a is , pour qu’il y ait prècip ut établi par la donation
w înêtne, ¡1 faut que le donateur ait déclaré positivement ces deux
)) choses : tpi il
(1) S i r c y ,
au
Jail 11,1 d o n , et cjiio ce don sera hors p art ^
J2 , p.e 1GG.
(a) Idem.
3 ) Sircy, an i 3 , p. 84. — Dcncvcrs, au i 3 , p.
�( 27 )
» comme dans l'art. 919 du code civil : en ce
cas, la donation
» renferme à la fois i:n don p a rticu lie r et une institution pour
» une portion de successible.
)> Il ne suffît pas que la donation soit faite a une époque où la
» loi du moment porte qu’on peul être liériLier sans rapporter.
)) Cette disposition statutaire, vaiiable de sa nature, ne donne
)> qu’ une e x p e c ta tiv e , laquelle peut être ravie par des lois ulté)) rieures. »
L a Dame de Mariol n’est point dans cette llypollicse , mais bien
dans celle d’une stipulation foi nielle , émanée de la pleine volonté
de la Dame sa m ère, qui lui a constitué 5 o,ooofr. de dot non sujette d
rapport. O r , dans sa position , la même Cour a rendu un airêt qui
justifie son droit vie cumul , même sous la loi du 17 nivô se , et
dans l ’absence de la loi du j 8 pluviôse.
L e 1 8 pluviôse an 5 , jour même où a été rendue la loi inter
prétative des piécédentes lois fur les successions , le In b u ra l civil
de l ’Isère décida que le donataire par préciput était dispensé ,
comme héritier , du rapp oit
ordonné
par
la loi du 17 nivôse
an 2.
Pourvoi en cassation des frères R iv o ir e , et le 22 messidor an
5 , au 1 apport de M. Aressi , arrêt qui rejette ( 1 ):
» A tten d u
que le préciput de T.ouîs Hivoire ayant été stipulé dans son
» contrat de mariage du 8 a v r il 1 7 9 2 , antérieurement à la loi du 7 mars
» 1793 , était irrévocable de sa nature ;
» Attendu que les art. 8 et 9 de la loi du 17 nivôse an 2 , en o b lig e a n t
» les enfans à rappoiter les donations qui leu r avaient été laites a v t c dis» pense de
rapport ,
dans le cas
ou
ils v o u d ra ie n t
pren dre ] art à la
» succession de l’ascendant dont ils tenaient ces libéralités , contiennent ch
» ce point des
d i s p o s i t i o n s
rétroactives
,
puisqu’elles privent le donataiie d’un
» droit qui l u i était acquis irrévocablement avant
» qui est la
prennfcre qui ait établi de nouvelles
la loi du 7 m ais I79JÎ ,
règles en m a tiè ic
de
» succession ;
» Considérant que ces dispositions rétroactives ont etc nom mément abrogées
» par l'art. 2 de la loi du l 5 pluviôse au
5.
«
(1) S ire y , airêls antérieurs à l ’an 1 0 , p. 110.
�( 28 )
II est donc clair que la Dame de Mariol pouvait en l ’an 4 ,
époque de l’ouverlure de la succession , tout comme en l’an 7 ,
époque du partage , réclamer son préciput , parce que la faculté
du cumul élait pour elle une émanation de la donation , et ne
dérivait pas des lois sur les successions.
L e s Sieurs V e y n y de T lie ix et Brecliet ont encore objecté que
la D am e de Mariol pouvait d’autant mois réclamer son préciput,
que la Dam e sa mère avait épuisé la portion disponible , en donnant
à son fils aîné la lerre de Mon (rodés , en sorte qu’ils voulaient
évidemment embarrasser la cause d'une nouvelle difficulté, en e x i
geant l’estimation préalable des b ie n s, pour connaître la portion
disponible : mais la Dame de Mariol a dans les mains l’état estimatif
de tous les biens de la Dame sa m è re , qui ne permet pas de
douter que la terre de Montrodès et les 5 o,ooo fr. en préciput
11’épuisent pas à beaucoup près la portion disponible.
En effet, le i 5 messidor an 5 , la Dame Dauphin de V ille m o n t ,
obligée de faire ses partages avec la République , à cause de l’ém i
grât ion de son fils aîné , présenta au département du P uy-deDô ine l ’état de 6on actif et de son passif ; d’où il résultait qu’elle
avait 409,947 fr. de biens. C et état est signé d’elle ; chaque meuble
et immeuble est estimé particulièrement en valeur fixe ; 011 y voit
la terre de M ontrodès, donnée au Sieur de V e y n y , son fils a în é,
évaluée 1 ¿>0,000 liv. O r , c o m m e , suivant les anciennes lo is , la
Dam e de Villemont pouvait se donner un héritier ou
un dona
taire universel parmi ses enfans , et que cet héritier ou donataire
aurait eu la moitié de tous les b ie n s , et un cinquième de l'a u tre ,
attendu qu’il y avait cinq enfans ; il est évident que la por
tion disponible
élait d’environ 2c>5,ooo liv. , somme supérieure
u celles dont elle a disposé ; car si 1 on retranche de 4oq.ooo liv.
la terre de Montrodès évaluée i5o,ooo liv. et
et les 00,000
donnée à l’aîné,
Iiv. de dot constituée en préciput
à la Dame de
M a r io l, cela ne fait que 180,000 liv. de dispositions, dans les
quelles encore est comprise la portion successible du fils aîné ,
qui s’en est tenu ¿1 sa donation.
L a D iiub >!o Villemont est décédée peu après ; ainsi sa fortune
11 avait pas oh:i ig6 £\ s* mort , ut 11’avait pas été exagérée dans
son état fourni ù lu nation.
�( 29 )
Celte objection d’ailleurs n ’était pas prcposable dons la l e u d i e
du Sieur de V e y n y de T lie ix , qui
a fail acte
d'héritier de sa
m è r e , cl encore moins dans celle cki Sieur E i e c h e t ,
acquéicur
de la Dame du S auvage, autre h é r it iè r e , qui par cciuéqucnt ont
préféré.la succession à lu légitime. Or il est de principe que le
légitimaire seul peut examiner
si la portion
disponible
a été
épuisée et au-delà , parce qu’il a seul droit au retranchement des
libéralités.
L e Sieur Brecliet soutenait encore
pouvait jamais et dans aucun c a s ,
clans son i n t c i ê t , qu^il lie
être passible du j ai( ment des
trois quaits des 5 o,ooo liv. réclan.ées par la Dam e de Mariol , en
la supposant fondée dans sa demande , parce qu’entre cohéritiers
il n ’y a point de solidarité pour les dettes, chacun devant payer
6a portion personnelle.
lia Dame de Mariol répondait qu’en eiTet l ’aclion personnelle
n ’allait pas plus loin que la portion contributive; q u e , sous ce
r a p p o r t, n ’y ayant que quatre h éritiers,
elle 11e lui demandait
que 7,ñoo liv. pour la portion de la Dame du Sauvage , mais qu’elle
avait le droit de lui demander les 22,600 liv. dues par le Sieur
de V e y n y de T lie ix , la Dame du Sauvage et les frères de R i b e y r e ,
par la force de l’action hypothécaire , comme acquéreur d’un bien
de la succession grevé de l ’hypothèque résultant de son conliat
de mariage de 1771 , inscrit avant même son acquisition ; et à
cet égard , on ne peut raisonnablement lui contester le principe
et l ’application à l’espèce, sans vouloir attaquer les notions élé
mentaires en cette m a tière; car ¡'’hypothèque est indivisible, et
la m a x im e , aut s o lv a t , aut cecial , est incontestable. C e lle dis
cussion doit convaincre la Cour de la légitimité de la
demando
de la Dame de Mariol touchant sa dot de 3 o.,ooo liv. en préciput.
§.
H -
Obligation de io_,ooo liv . ne p e u t être réputée avantage in d ir e c t,
qu a nd son origine est ancienne , sincère et connue.
I-e tribunal dont est appel a rejeté la demande formée par la
Dame de Mariol pour le paiement de l’obligation de i o ;ooo liv.
�(
3°
)
t
que la Dame de V illem ont, sa m è re , lui a consentie (levant Costcs,
notaire le 23 février 1793.
Voici la teneur de celte obligation :
L a Daine D auphin-M ontrodès , veuve de V e y n y -V illc m o n t , a
reconnu devoir à la Dirna fie Mariol la somme de 10,000 liv. , pro
venant , savoir , 8,000 liv. de prêts qu’elle lui a faits en divers lt*ms ,
et 2,000 liv. que la Daine Vinzelles-Monlrodés, mère et grandmère des p a r tie s , avait chargé la
Dam e Daupliin-M onii o d è s ,
sa fille , de payer à la Dame de Alariol , sa petite-fille ; laquelle
somme totale de 10,000 l i v . , la Dame Dauphin-M onlrodès s’oblige
de payer dans d ix ans , à compter de ce j o u r , délai que la Daiuc
de Mariol lui accorde en considération de la réduction que la Dame
sa mère éprouve en ce moment dans ses biens et revenus; et
cependant l ’intérêt
de ladite somme de j 0,000
liv.
compter de ce jo u r , pour être p aye chaque année au
courra , à
lems que
la Dame D aup bin-M ontrodès pourra le fa ir e , sans pouvoir y être
contrainte pendant ledit intervalle ; et au cas de non p aiem en t,
lesdits intérêts s'accu m uleront, pour être payés en même lems que
le principal ; et au moyen de la présente convention , il 11e pourra
y avoir lieu à la prescription de cinq ans , la Dame D auphinMontrodès renonçant pour ce regard au bénéfice îles lois actuelles
et de celles qui pourraient survenir. Au in ojen de la présente
obligation, tout b i l l e t , m andat ou autres effets que la Dame de
V illem ont peut avoir souscrits pour raison de ladite somme , ainsi
que toute obligation et
stipulation testam entaire
de la Dame
V in zslles-M on trod ès, demeureront comme non avenus.
Voyons maintenant par quels motifs le tribunal dont est appel
a cru pouvoir faire perdre a la Dame de Mariol cette créance
aussi légitime qu’autlientique.
« A tten d u que
la D am e V illem o n t est morte en l ’an
4
, sous l’enipire
« île la loi du 17 nivêsc ail 2 , qui 11c permettait pas de laisser aucun
« avantage
en fa veu r de scs succcssibles ;
11 A ttendu que le lems auquel cette obligation a été passée par la m ère
« au profit de sa iillc , fait présumer que cette obligation est un avantage
” in d irec t; mais que cette
présomption su change en certitude, quand on
« voit ta partie de Housscau v e n ir eu l ’a» 7 au partage de la succession
« de sa mfcic avec
scs frères et sœurs , sans réclamer le prélèvem ent du
« montant «le cette obligation }
�« Attendu
« srau
une
( 31
que le Sieur V e y n y
lin de
) .
de T l :c i x oppose à la partie de
îion-rcccvoir
résultant
de
ce
B o u s-
qu’au partage de la
« succession de la mère communc eu l ’ail 7 , la partie de Rousseau s’est
« fait juslicc à ellc-nu'ine , en 110 demandant pas à prélever sa dot , non
« pins que l ’oLligation de 10,000 liv . de la D am e sa m è r e , et a préféré de
« v e n ir au
partage avec scs frères et sœurs
Pour décider
indirect
que l ’obligation dont il
«.
s'agit est un avantage
fait à la Dame de Mariol par sa m è r e , il faudrait une
réunion de circonstances
et de présomptions d’une
telle force ,
qu’il n’y eut pas moyen d’en douter; car pour changer une dette
bien reconnue en un don su p p o sé, il est indispensable de trouver
des raisons palpables qui excluent tous les doutes , sans quoi
décision est purement arbitraire.
la
I c i , si l’on eût voulu examiner toutes les circonstances , loin
clc présumer un pur don , il était manifeste que cette obligation
11’avait rien de suspect. Néanmoins le tribunal s’est arrêté à deux
circonstances , savoir , le tems où l ’obligation a été faite , et le
silence de la Dame de Mariol lors du partage de Pan 7 : d’où il a
pensé que cette obligation n ’était autre chose qu’un avantage indi
rect. Cependant la circonstance de l’époque de l’obligation , loin
de faire présumer la simulation de l'acte , était plulôt une p ré
somption de sa sincérité.
C ’est le 20 février 1790 , que la Dame de Villemont a fait à sa
fille cette reconnaissance; et à ce sujet , on a dit qu’avertie par
l e s journaux d’une loi qui allait paraître bientôt, et qui ne p er
mettrait plus de disposer dans la ligne directe , la Dame de V illem o n t s’était empressée de faire à sa fille un avantage de 10,000 liv.
A ssurém ent, si l’on suppose à la mère l’intention d ’avantager sa
f il le , il faut convenir aussi que rien ne l ’en e m p ê c h a i t p u i s q u e
la loi prohibitive n ’a été rendue que le 7 mars suivant ; que si
la Dame de Villemont a pu donner et qu’elle ne l ’ait pas fait , la
conséquence naturelle est q u ’ elle n ’a pas voulu donner. Mais , a-t on
d i t , c’est bien aussi un véritable don qu’elle a fait à sa fille, si
ce n ’est qu’elle a simulé son
don sous le titre d ’une dette, au
lieu de faire une donation authentique, et cela vraisemblablement
p ar égard pour ses autres enfans. Nous répondrons toujours qu’avec
îles présomptions
aussi hasardées , il n ’y a rien qu’on ne puisse
J
�détruire ; que s’il est dans l ’esprit des lois d’anéantir les actes fraudu
leux , on ne doit point s’exposer par des soupçons équivoques à
renverser injustement la fortune des particuliers, en détruisant
leurs titres de créances à volonté , et
ne pouvant
Dame
fille
justifier q u e, par égard
que rien
ne justifiant ni
pour ses autres enfans, la
de V illem ont eût voulu faire un avantage indirect à sa
il n’y a aucune raison déterminante pour se prononcer contre
la valeur de cette obligation.
À la v é r i t é , les motifs fie cette décision nous font voir que le
tribunal n’avait à cet égard qu’une simple suspicion , mais quelle
s’est changée en c e rtitu d e , en considérant q u e , lors du partage
de l’an 7 , la Dame de Alariol n ’a iéclauié
ni sa dot ,
ni sa
créance.
Nous avons déjà réfuté les motifs pris de son silence louchant
la dot de 3o,ooo l i v . , et comme nous avons alors démontré qu’on
ne pouvait lui opposer ce silence comme une fin de non-recev o i r , ce serait nous répéter que de ramener cette discussion qui
n ’aura point échappé à l’attention de la Cour.
Allons maintenant plus avant , et disons avec confiance que tou
tes les fois qu’il y a preuve évidente et matérielle de la réalité
d’une créance , il n’est pas tolérable de soutenir qu’elle n ’est qu’un
don simulé. O r la Dame de Mariol a produit des pièces justifi. catives de la réalité et de la sincérité de sa créance.
P a r acte reçu L e v e t , n o ta ir e , le 21 novembre 1 7 8 2 , la Dame
Cisterne de V in zelles, veuve Dauphin de Montrodès , sagrand’ mère,
reconnut lui devoir 8,000 liv. pour cause de p r ê l , et lui délégua
à prendre celte somme sur 31. Leroi de Pioullet, conseiller au
parlement de Paris , sur les arrérages d’une rente qu’il deyait à
ladite Dame de Vinzelles.
L e 25 août 1780, M. L ero i de Roullet étant dans sa terre do
Semier , invita la Dam e de ¡Mariol , ainsi que la Dame de Villemont , sa mère
à s y r e n d r e , cl là il acquitta l’obligation de 8,000 1.
que la D itn e de V i n z e l l e s avait faite à sa petite-fille, la Dame de
M a r io l,
qui lui en passa quittance;
mais comme la D am e
de
V ille m o n t , sa m è r e , avait besoin de cette so m m e , la D a m e de
Alariol la lui prêta à l ’ instant munie , en sorte que ce fut bien
�réellement
la. Dame
de Villeniont qui
prît cette
somme des
mains de M. de Houllet ; aussi la Dame de Villemont a fait à sa fi[le le
l o septembre 1 7 8 5 ,
conçue :
sa reconnaissance de cette s o m m e , ainsi
Je reconnais devoir à Madame de M a r io l, ma fille , la somme de
8.000 liv. pour pareille somme qu’elle m ’a prêtée, p roven a n t d'un e
obligation de 8,000 liv. que M ada m e JlJontrodès, ma mère , lu i
a v a it consentie devant
M . L e v c t , notaire , le
21
novem bre
1 7 8 2 , et qui m ’ a été p a y e s p a r 31. L e r o i de Jiou llet ; laquelle
somme je promets lui payer à sa volonté. Fait à 'F lieix , ce
septembre 1780. Signé Dauphin
mille livres.
de Villemont. Bon
io
pour huit
Voilà la cause de l ’obligation que la Dame de Villemont a faite
à sa fille le 25 février 1795 ; et comme cette obligation est de
10.000 f r . , au lieu de 8,000 fr. , la Dame de Villemont a encore
expliqué la cause des deux mille livres d ’excédant , en déclarant
que c’était une charge qui lui avait été imposée par la D am e de
Vinzelles , sa mère. Aussi remarque-t-on , à la lin de l’oblioalion
ces 10,000 li v . , tous billets ou
dont il s’a g it , qu ’au moyen de
effets ( c e qui se rapporte au billet de 1780 )
Villemont peut avoir souscrits pour raison
que la Dame de
d ’icelle , ainsi que
toute obligation et stipulation testam entaire de la Dam e Vinzelles
( ce qui se rapporte à i’obljgation de t 7 82 et au codicille de
Madame de \in ze lle s ) , demeureront comme non avenus.
Des pièces de cette e s p è c e , qui portent avec elles les caraclères
de la sincérité de la créance actuellement réclamée par la Dame
de Mariol , 11e devaient-elles pas détruire toutes les présomptions
que l'obligation
du 20 février
ï
79-* ^
un avantage indirect ?
N e voyait-on pas que le paiement à long terme de celte obligation
avait pour objet son acquittement en n um éraire, comme la Dame
de Villemont l ’avait reçue ? Etait-il possible de dire que la p ré
somption se changeait en certitude,
en considérant
le
silence
que la Dame de Mariol avait gardé lors du partage du 17 pluviôse
an 7 , lorsque , outre toutes les raisons que nous avons données à ce
s u je t, touchant la dot de 00,000 liv., il est encore a noter que
la Dame de Mariol a pris son
inscription sur la succession de
�( 34 >
la
D am e
sa
mère
pour cette o b lig a tio n , le 2G prairial an j
quatre mois après ce partage , preuve bien manifeste qu’elle n’en
tendait pas abandonner ses prélèvemens , comme l ’a pensé le tri
bunal dont est
a p p e l , en supposant gratuitement qu’elle s’était
fait justice à elle-m êm e, en n& les réclamant pas..
Il est donc encore vrai de dire que le Sieur Brecliet est pas
sible du paiement des trois quarts de cette somme et des inté
rêts , tout de m .m e que de la dot , et par les mêmes motifs que
nous avons déjà déduits eu traitant celte partie de la cause.
§.
I I I .
O bligation de 6,000 f r . de la D a m e du S au vage , femme, d'ém igré',
est v a la b le , quoique fa it e sans autorisation ; sim óm e le m ari
avait, été réintégré dans ses droits civ ils avant l ’ obligation ,
la D a m e du S au va ge , ou son m a r i, p ourraien t seu ls arguer
de n u llité Vobligation p a r d éfa u t d ’autorisation.
Sous V E m p ire de la lo i du 11 brum aire an 7 , le vendeur était'
tunjours réputé propriétaire d e l ’ u b jel v e n d u , à l ’ égard des.
tiers , j u s q u ’ à la transcription.
P a r acte du 7 prairial an 1 1 , reçu T a c h é , n o ta ir e , la DameAn ne Françoise V e y n y , se qualifiant épouse séparée, quant aux
b i e n s , de Jean-CJiarles du N o y e r du Sauvage , a reconnu devoir
a la Dame de JMariol , sa s œ u r ,
la somme de G,000 IV. pour
cause de prêt fuit avant la présente obligation en différentes fo is ,
et payable à sa volonté, l’ our sûreté du paiement , elle Im a délé
gué à prendre celle somme sur divers particuliers dénommes, et
notamment elle a uXeoté la portion qui peut lui 1 evenir des biens
de-* s icces^io is des Sieur et D u n e V ille m o n t, ses père et m è r e ,
sil'iés tant duis l'arrondissement, du bureau des hypothèques de
C le rm o n t, que dans celui de lliom , consistant en bâliinens
teric < et vignes.
I<:\ denunde dirigée par. la
Dame de Mariol contre
, p rés,
le Sieur
•Brech 't , en paiement de cotte so m m e , a été iejeleo_, comme lesprece;l(;.it(;.s , par les motifs suivans :
»■Atiunju <juq lu ,Dju(c du Sauviiÿo ,
quoique ililo ftmnic si'j>aicc-,;
�<
5> quant a u x
35
)
biens , d 'a vec son mnri , et par conséquent sous sa
« saucc , n ’a pas t*t(î autorisée pour passer c cllc
» m ari,
puis-
obligation , ni par son
ni par ju stic e , et que ce délaut d’autorisation, d'après l ’art. 217
i) du code c iv il , entraine la nullité de l ’obligation';
» A tten d u que ccllc n u llité , qui peut être relevée par la femme , en ve rtn
)> de l’article
225 ,
peut aussi par une conséquence nécessaire V itre par c eu x
}> que la femme en pareil cas serait tenue de garantir de l ’effet de son obli» galion ;
» A ttendu q ueladite obligation, souscrite deu x ans après la vente faite au S r
« B r o c h e t , n’a pu affecter les biens compris en ladite vente , lorsqu'ils n’appar3) tenaient plus à la Dame, du Sauvage , puisqu’a u x termes de l’art. !l de la loi
» du 11 brumaire an 7 , tonte stipulation volontaire d’hypollièque 11c peut
» comprendre que des biens apparten ais au débiteur lors de la stipulation ;
» que la v ente laite au S ieu r lîrecliet était parfaitement connue de la D am e de
j> M a r i o l , et qu’il n’a pu être dans son intention de faire stipuler un slellior.at
» par sa srrur , de même qu’il 11’a pu c l i c dans l ’intention de la D am e du
« Sauvage de le commettre ;
« A ttendu qu’on 11e trouve dans ccllc obligation aucune affectation spéciale
t> de la portion do la
terre de
T b e i x possédée alors par le S ieu r Hrccliet
» en v e rt u de l’acquisition qu’ il eu avait faite ; que la D am e du Sauvage y a.
» seulement exp rim é l ’affectation générale des biens à elle appartenans dans les
•» arrondissemens de llioin et de C lerm o n l ; que de pareils termes ne peuvent
» se, rapporter en aucuns cas a u x biens qui ne lu i appartenaient plus à c cllc
» époque ;
» A tte n d u , d’ailleurs, q u ’a u x t o m e s du même article 4 de la loi du 11 b run maire an 7 , il aurait fallu, pour stipuler une hypothèque spéciale , indiquer
» la situation des immeubles hypothéqués , en précisant la commune où ils
» sont situés, »
Ces motifs paraissent spécieux ; mais, quand on est pénétré des
principes du régime hypothécaire établi par la joi du 11 b i i m a i i e
im 7 , ou en reconnaît bien vîle toute 1 erreur ; et quant au dé
faut d’autorisation de la D am e du Sauvage pour souscrire l’obli
gation dont s ’a g i t , il suffit d’un peu d attention pour être convaincu
qu’elle n ’en avait nulle besoin.
En effet, lorsqu’elle a vendu ses biens au Sieur Brechet le 00
germinal an 9 , elle n ’a pas dissimulé, et s ’est qualifiée épouse
séparée , quant aux biens , de l’émigré du Sauvage. C e lle qualité
de femme d\Unigré était la seule cliose à examiner pour vérifier
sa cap acité, et c ’est bien aussi à cause de cetlc qualité que le
Sieur JJrcchet a acheté d’elle , sans nulle auloiisalion j au tim s
�( 56 )
d e l ’obligatiorij comme au 1ems d e là venfe, le Sieur du Sauvage était
encore en état de mort civile ; et la Dame de Mariol le croit
d ’autant plus que , malgré toutes ses provocations , les adversaires
n ’ont jamais pu justifier du contraire.
Si donc le Sieur Brechet n’a pas craint d’acheter les biens d’une
femme d ’émigré , sans nulle autorisation, il n ’est pas étonnant que
la Dame de Mariol n’ait pas craint non plus de lui prêter 6,000 f r . ,
et de s^en faire souscrire une obligation avec h y p o th è q u e , sans plus
de précautions.
A u surplus , la Dame du Sauvage pouvait valablement vendre
et hypothéquer en vertu du seul état d ’indépendance dont elle
jouissait pendant la mort civile de son mari.
Ce principe est consacré par la C our suprême.
L e s * floréal an i ? ( i ) , cette C our a décidé, au rapport do
M . Liger V erdigny, et sur les conclusions de M. le procureur-général
M e r l i n , qu’une femme d ’émigré a pu contracter , sans autorisa
tion , dès le moment, que son mari fut inscrit sur la liste des éni’grés ;
en conséquence le pourvoi du Sieur Joubert contre un arrêt do
la Cour d’appol de Caen du îtt nivôse an 1 2 , a été r e je t é , et
il a été tenu de payer à la Dame Sail’rey le prix de la terre de
T ourville , qu’elle avait vendue sans autorisation, ni de son m a ri,
ni de la justice , après l'inscription du Sieur Saflrey sur la liste
des émigrés.
» Attendu que la loi du 38 mars 17<)3 a prononcé la mort c iv ile contre
» le» émigrés , et que reflet de la mort c iv ile du S ieur SulIYry a été de dis*
» soiulre la puissance maritale , et de rendre lu D a m e
SaJJïey
a sa liberté
p n a tu relle, etc. »
Inutile donc do consulter le code civil pour savoir si la Dame
du Sauvage a pu valablement vendre et h ypothéquer sans auto
risation , puisque sa capacité d é r i v a i t de l émigration do so n mari.
AI iis ,
quind
ou aurait
pu
in v o q u er
le code
pour
établir la
nullité de l’obliiptioii , il aurait fallu du moins s’y c o n fo r m e r,
et ne pas étendre à 11:1 a c q u é r e u r la faculté de demander la nullité
fondée sur le
défau t
l ’article 225 , qu 'à
d’autorisation, faculté qui n ’est accordée par
la fem m e , au m ari ou à leurs h éritiers.
(0 Sircy , an i 3 , p.c 3 io.
�Z ii
Car M. le Sénateur M a le v ille , clans son Analyse du C o d e , a eu
l ’attention de remarquer sur ce a r tic le , que les p a r tie s avec le s
quelles la femme a contracté sans autorisation, ni des tiers } ne
peuvent faire valoir cette nullité ;
que si la femme et le mari
veulent exécuter l’acte , les autres ne peuvent s’en dispen ser, sous
prétexte que cet acte est nul. Il ajoute que cette question était
autrefois très-controversée , mais que cet article p embrassé 1 opinion
la plus favorable à la femme. M. P ig e a u , dans son E xp ose M étho
dique du même code , dit q u 1aucun autre que la femme , le mari }
leurs héritiers et successeurs , ne peuvent invoquer la nullité du
défaut d’autorisation, parce que c'est une nullité relative à e u x seuls.
Joignez à tout cela
la déclaration précise de la Dame du Sau
vage , consignée au procès-verbal du bureau N
de paix du 27 nivôse
an 1 2 , qu’elle approuvait les réclamations de la Dame de M ariol,
sa sœur , pour son préciput et son obligation , et qu’ elle n’en
tendait prendre aucune part dans les prétentions que voulait élever
le Sieur Brecliet , et alors s’évanouiraient les deux motifs relatifs
à la nullité de l ’obligation par défaut d’autorisalion , lors-m êm e
que le code Napoléon serait applicable à l ’espèce.
Reste à examiner les autres prétendus vices reprochés à cette
obligation, à supposer que le Sieur Urechet ait le d io il de la
critiq u e r, quand la Dam e du Sauvage l’a approuvée.
Suivant le jugement d o n t es t nppel , l ’o b li g a ti o n s o u s c r it e deux
ans après la vente faite au Sieur B r e c l ie t , n ’a pu affecter le6 biens
compris en sa vente , parce qu’ils n ’appartenaient plus à la Dame
du Sauvage , et qu’aux ternies de l ’art. 4 de la loi du 11 brumaire
an 7 , toute stipulation volontaire d’h yp othèqu e ne peut com piendre
que des biens appartenans au débiteur lors de la stipulation j
que la vente f a i t e au S ie u r V rech et i1lait p arfaitem en t connue de
la I)a m e de M a r io l ; qu’il n’a pu être dans son intention de faiie
stipuler un stellionat par sa soeur, ni dans l’intention de celle-ci
de
le commettre.
D ’abord , c o m m e n t le tribunal
a-t-il su que
la Dam e de Mariol avait une pleine connaissance de cette vente?
il 11e l’a cru (pie parce que le Sieur Biccliet a tiouve de son in lc iê t
de le prétendre.
Celte allégation n ’est d'aucune conséquence, parce que le Sieur
w
�Brecliot n ’avait pas
.
( 3 8 )
transcrit- son contrat avant l’obligation faite
à la D.uno do Mariol par sa soeur. O r le défaut de transcription
renverse tout ce raisonnem ent, p a r l a raison q u e , suivant l’art.
25 do la loi du i l brumaire an 7 , jusqu’à la transcription des
actes translatifs de biens , ces actes ne peuvent être opposés aux
tiers qui auraient contracté avec le vendeur , et qui se seraient
conformés aux dispositions de ladile loi.
L ’sxécution de cet article a toujours été scrupuleusement main
te n u e , et il en est résulté que les tribunaux se sont vus obligés
do donner effet à une seconde vente transcrite sur une première
non transcrite , lors même que le second acquéreur avait acheté
en conniissancs parfaite de la première vente.
On n ’en peut
pas trouver un exemple plus frappant que ce
lu i-ci :
Par acte du 8 floréal an g j Pierre
Girard vend des biens à
Michel G i r a r d , son frère.
L e lendemain , Pierre G irard vend les mêmes biens à Guillaume
G ir a r d , et à François et P i e r r e Mosnier.
Celte seconde vente est transcrite le jour même ; la première
vente n’est transcrite que plusieurs mois après.
Q îestion s’élève sur la préférence des deux ventes devant
lo
tribunal d ’Issoire.
Michel G ira rd , prem ier acquéreur
fait valoir la priorité de
son acte, enregistré le 9 floréal ; subsidiaireinent il offre de prouver
qua les seconds acquéreurs avaient connaissance de son contrat
lorsqu’ils avaient eux-mêmes acheté.
lie
1 t prairial an to , jugement qui
l ’autorise
à faire celte
preuve. •— Fiiiquête qui prouve qu’ un des seconds acquéreurs avait
eu cette connaissance
eu achetant. —
Jugement définitif du
11
therm idor an 10 , qui sur cette preuve , déclare frauduleux et
nul le second contrat do vente.
A p p el , et 1e 5 prairial an n , arrot de la Cour de R io m , qui
dit m il jugé , et valide la s e c o n d e ve n te a u préjudice de la première.
« A tlcm lu ((no 1rs seconds a cq u éreu rsavaient les premiers fait transcrire leur
» couii -ti . (jluî |a 1(); <1n 1 1 brumaire au 7 attache l ¡/'révocabilité de la propriété
» uin-a-via i/; : tiers, ù lu J'omitllUé dil lu transcription ; que dans les Icriiics
�2i f
( 3g )
te absolus de celte loi , il est indiffèrent que les nouveaux, acquéreurs aient
« su ou non, lors de leur vente , qu’ il en ex ista it une pi éccdcn.nient, et que c’ est
« assez q u ’ils aient su que cette première vente n ’a vait pas été soumise à la
« formalité do la transcription «.
Pourvoi en cassation de M ichel Girard , prem ier acquéreur. '
A rrê t du 5 thermidor an i 5 ( i ) , au rapport de M. E rillal-Sa
varin , sur les conclusions de M. L e c o u lo u r , substitut du pi ccnrcurg é n é r a l, qui rejette le pourvoi.
« A tten d u qu'on
ne peu t p a s accuser de
fr a u d e
«■immeuble qu’ i l avait p u savoir déjà vendu à
celui q u i
un outre , tant
achète un
que
cette
« première vente n ’est pas transcrite , et conséqucmmcnt qu’il n ’y a pas
« eu translation
de propriété ; car
<c avantage’ offert par la loi ,
« puter
à lui - même
il
u’y a
pas fraude à profiter d’un
et que c ’est au prem ier acquéreur
s’ il n ’ a pas
usé d ’ une égale
diligence
à s'im -
pour faire
'< transcrire son acte ; q u ’ainsi le jugement attaqué n ’ a pas vio lé Ja l o i , ’
« en donnant la préférence à la vente
« la seconde dans
l’ordre du
transcrite la
p u m ic re ,
quoique
teins
D é j à , le 25 thermidor an 10 ( 2 ) , la même C o u r , au ra p p o it
de M. V e r m e il, et sur les conclusions de M. M a l i n , alois com
missaire, avait rejeté le pourvoi de Signol c c n t i e u n jugement du.
tribunal d ’appel de Ilouen , sur le m o tif qu’il 11’y a que la trans
cription qui transm et à V acquéreur
les droits
que le v e n d e u r
a v a it sur la propriété de Vim m euble y qu’ainsi , l ’acte de vente
faite à Charpentier ayant clé le prem ier t r a n s c iit , la propriété
de la chose vendue lui a par conséquent clé assurée.
D u moment qu ’il est reconnu que la transcription feule Iransniet la piopriété vis-à-vis des tiers , il en icsnlie que jiiKju’à la
transcription , le propriétaire qui a vendu un bien c11 t u .jc u is
réputé propriétaire de ce b i e n , au point que s’il le u v c r .d à un
a n t re , e l (pie celui-ci transcrive avant le prem ier acqu éieur, co
sera le dernier acquéreur
qui deviendra
le
véritable proprié-
t a i i e , e t 11011 le premier : d’où découle une seconde le m é q iu n cc .
forcée , c'est que celui qui peut v e n d re , peut à f o i liât i h y p o
théquer.
(1) D enevers , an i 3 ,
p. 5 Gi. ------
S ir c y , an i 4 , p. Co.
(3) S ir c y , an 11 , p. 3 i .
I
**
�Appliquons la règle à notre e s p è c e , et supposons qu’au lieu de
faire uno obligition à sa sœur , la D atne du Sauvage lui eût vendu la
inêmo propriété que le Sieur Brecliet avait ach etée, n ’est-il pas cer
tain que la Dame de M a r io l, transcrivant la première , serait devenue
la seule et véritable propriétaire ? . . . . Il est donc constant que
si, d ’après la l o i , elle aurait pu revendre valablement, elle a bien
pu au moins h ypothéqu er l’objet vendu ; car qui peut le plus peut le
m o in s, et en toutes choses , il faut être conséquent.
Vainem ent dit-on que l ’article 4 de la loi du 11 brumaire an 7 ,
ne perm et de stipuler l’hypothèque que des biens appartenans au
débiteur lors de la stipulation : car dans l’esprit de cette l o i , c’est le
vendeur qui est toujours propriétaire vis-à-vis les tiers , jusqu’à la
transcription , et lorsqu’ il hypothèque le bien vendu , il n ’h yp othèque réellement q u ’un bien à lui appartenant dans le sens de
cette loi , puisque c ’est de ce même principe qu’une seconde vente
transcrite l’emporte sur la première qui
n ’avait pas encore été
soumise à celte formalité.
Quelques-uns avaient pensé , il est v r a i , que l ’acquéreur qui
transcrivait tardivement n’était passible que des hypothèques créées
avant son acquisition ; mais l ’inconséquence de ce système a été
bientôt relevée , et nous trouvons même dans le recueil de M. S ire y ,
an i 3 , page 161 du s u p p l., une dissertation assez étendue sur ce
sujet.
O u a reproché à l’obligation dont s’a g i t , de ne pas contenir une
hypothèque spéciale, telle que le veut l ’article 4 de la loi du 11 bru
maire an 7 , parce que la Dam e du Sauvage n ’a point indiqué la
commune où sont situés les immeubles h yp o th é q u é s; de 11 avoir
pas même nommé la portion de la terre de T h c ix possédée alors
par le Sieur B r e c h e t , mais de s’être contentée d ’une affectation
générale d e biens à aile a p p a rten a n s dans les arrondissemens de
Riotn et C le r in o n t , termes qui ne peuvent se rapporter en aucun
cas aux biens qui ne lui a p p a r t e n a i e n t plus à cette époque.
Nous avons déjà fait voir que , dans le sens de la loi du 1 1 bru
maire an 7 , tout vendeur est réputé propriétaire du bien vendu,
jusqu’à la transcription de son a cqu éreur, qu’ ainsi l ’hypothêquo
consentie par la Dame du Sauvage en faveur de sa soeur , la Dame do
�( 41 )
M a r io l, sur les Liens à elle appaitenans dans les arrondissemens de
Riom et C le r m o n t, frappait sur les biens vendus au Sieur B ie ch et
qui n ’avait point transcrit.
Cette 'hypothèque était suffisamment exprimée: car, suivant l’art 4
d e là loi du u brumaire an 7 , il faut indiquer la nature et la situation
des immeubles h ypothéqués; mais il n ’est pas dit qu’011 précisera
les communes où les biens so n t situés, encore moins qu’il y aura
nullité , à défaut de les nommer. L a Dame du Sauvage a indiqué
la nature des biens qu’elle hypothéquait ; ce sont des b d lirn en s,
p r é s , terres et vig/ies. Elle s’est contentée de déclarer qu’ils étaient
situés dans les arrondissemens deR iom et C le r m o n t, parce que- tout
ce qu’elle h yp o th é q u ait, provenant de la succession de ses père et
r o e r e , la Dam e de M ariol,
sa sœ u r, en connaissait la situation
aussi bien qu’e lle , puisque chacune d ’elles y avait sa poition.
U n e hypothèque générale s’entend des expressions indéfinies em
p loyées dans les actes faits sous l ’édit de 1 7 7 1 , où l’on déclarait
h yp othéqu er ses biens présens et a v e n ir. M a is, ici , la nature des
biens hypothéqués étant indiquée, et la circonscription des lieux
de la situation des biens étant faite suffisamment à l’égard d ’une
sœur cohéritière , 011 ne peut appeler cela une hyp othèqu e géné
rale ; et comme il n’y en a que de deux espèces, elle ne peut être
considérée que comme spéciale.
A près avoir réfuté tous les motifs adoptés par le trilninal dont
est a p p e l, il nous reste à examiner tiois objections qui furent
proposées par le Sieur B r e c lie t , et qu'il pourra reproduire.
L a première consistait a soutenir que la Dame de Mariol ayant
acheté de sa sœur la portion du domaine de S.t-Genesl-Champan e lle , que la Dame du Sauvage avait hypothéquée à lui Brechet dans
sa vente , la D am e de Mariol était par cela même garante de son
acquisition.
Nous détruisîmes cette objection, en lui rappelant que la Dame
de Mariol , après avoir acheté la portion
de la Dame du Sau
vage dans le domaine de S a in t-G en est-C h a m p an elle, avait revendu
et cette portion et la sienne propre au Sieur Dalmas ; sur lequel
un
ordre s ’étant
ouvert de la part des ciéanciers de la Dniiie
de V ille m o n t, le p rix des deux portions ne put suffire à l’acquit-
�temonf des anciennes créances, et que par jugement du tribunal
civil de C le r m o n t, la radiation de l’inscription du Sieur^ Brechet
fut ordonnée , sans qu’il ait pu s’en p lain dre, parce q u ’elle deve
nait sans eifet sur ce domaine.
La seconde consistait à soutenir q u e , par un traité, reçuCostes ,
n o ta ir e , le 20 mars 1 7 j)5 , le Sieur V ey n y de T h e i x et la Dame
tle jVIariol s'étaient obligés de p ay e r , en l ’acquit de la Dame de
V ille jn o n f , leur m è r e , plusieurs d ettes, du nombre
desquelles
était une rente de 77.5 liv. 6 s. g den. , au principal de 1 5,466
liv. i 5 s. 8 d e n ., due au Sieur Giron , beau-père du Sieur Bre
chet ; que la D a m e du Sauvage
devant supporter son quart de
toutes ces d e tte s, n ’avait fait que remplir le vœu de
ce t ra ité ,
en vendant au Sieur B r e c h e t , pour acquitter sa portion des dettes
de la Dame sa mère ; ce qui devait mettre son acquisition hors
d ’a lle in te , parce que la Dam e du Sauvage ayant surpayé sa p o r
tion , pouvait répéter contre la Dame de Mariol des sommes assez
considéra b lé s, pour éteindre par voie de compensation ses créances
personnelles.
C elte objection est détruite par le traité même dont le Sieur
Brechet argumente , où l’on voit que par un traité antérieur du
20 février 1778 , les reprises de la Dame de Villemout sur la
succession de son défunt mari , avaient été fixées à 160,000 liv. ;
que su r c e tle s o m m e , la Dame de Mariol avait payé seule 78,650
liv .; quVlle s’était encore chargée d ’acquitter 28,060 liv. de capi
taux en contrats de r e n t e , sauf son recours contre ses cohéri
tiers ; qu’a in s i, au lieu de io ,o o o liv. qui formaient sa portion
contributive dans les delles de la succession de son père envejs la
Dam e sa mère , elle avait a v m c é en o u tre , pour le compte de ses
cohéritiers , 68,7*20 liv. q u i , jointes aux 25,000 liv. qu’a produit
la vente de la moitié du domaine de Saint-Genesl Champnnelle,
forment un capilal do 9.3,720 liv ., (1"' ne permet pas de douter
de l'illusion dvs prétendues compensations de la
Dame du Sau
vage , qui , au surplus , a déclaré au bureau de paix ne pouvoir
se dissimuler <[ue la Damer de M i r i o l , sa s œ u r , était sa créancière.
I-.ii troisième objection du Sieur Brechet était de prétendre q u e 3
dans tous les cas, il ne pourrait etie tenu que des deux créances
�de 3 o,oor> liv. et 6,000 liv. , en vertu desquelles la Dam e de Mariol
avait enchéri.
■
Il a été répondu à celle objection, que le créancier Je diverses
créances hypothécaires , qui fait une sur-enchère en vertu de quel
ques unes , n ’est pas p r iv é , quand on vient à l ’ordre, de se faire
colloquer pour toutes ses créances dans le rang de leur h yp o th è
que ; q u ’ainsi, lorsque , comme le Sieur B re ch e t, 011 lui offre ,
p o u r le d ésin téresser, la totalité de ses créances,
on doit. les
acquitter toutes , sans quoi il ne serait pas hors d 'in té r ê t, et il
ne tirerait pas du bénéfice
de la sur-enchère
tout ce q u il en
peut et doit attendre.
Ici
finissent toutes les discussions touchant les motifs adoptés
p ar le jugement dont est a p p e l , et touchant les diverses objections
du Sieur Brechet.
5. I V .
Compte à f a i r e avec le S ieu r F 'ey n y de T h e ix .
L e tribunal a ordonné la radiation des inscriptions prises par
la Dame de Mariol pour sûreté des trois créances que nous venons
de discuter, et il a maintenu toutes les autres inscriptions d e l à
Dame de Mariol sur le Sieur V e y n y
de T h e ix ; sur le
mérite
desquelles inscriptions il serait discuté plus amplement après un
compte qui serait fait entre la Dame do Mariol et le Sieur
V e y n y de T h e i x , devant M.c Cliassaigne , notaire : la Dame de
Mariol a été condamnée aux dépens à l ’égard du Sieur B re ch e t,
le surplus des dépens demeurant réservé.
Cette partie du jugement est relative aux demandes particulières
du Sieur V e y n y de T h e i x en règlement de compte et en main
levée des inscriptions que la Dame de Mariol a prises sur lui
pour diverses autres créances. L a nécessité d Jun compte préalable
n ’était pas équivoque,
puisque le Sieur V e y n y
de T h e ix p ré
tendait avoir payé autant et plus de dettes de la succession que
la Dame do Mariol
contraire j
qui n’aura
pas de peine à lui prouver lç
mais comme elle a été condamnée aux depens envers
le Sieur B r e ch e t, elle
croit avoir assez prouvé qu’au contraire
�c’eçt in Sîe’ir Brechef q\n doit être condamné aurr dépens envers
e lle ; néanmoins, la D am e de Mariol va p ré se n te ra la Cour do
nouvelles réflexions qui
méritent toute son attention.
§. V.
M OYEN
GÉNÉRAL CONTRE
Xîîî çon h cit j¿¿ciici cii/ e étant fo r m e
LE
SIE U R
BRECHET.
sans réservas 711 conciliions
doit être exécuté avec fid é lité .
Pou r
conserver
à la discussion des
toule la clarté possible, et
précédentes propositions
encore pour éviter les jép étitio n s,
nous avons réservé , pour former un paragraphe particulier, un
moyen général, en ce qu’il se reproduit à chaque partie de la
cause. Co moyen est tiré des offres réitérées faites par le Sieur
Brech et à la Dam e de Mariol , de lui payer la totalité de ses
créances dans les vingt-quatre heures , pour éviter les suites do
sou enchère ; offres toujours acceptées par la Dame de M a r io l,
mais sans aucun effet.
Cependant on ne peut disconvenir que quand des offres'ont
élé notifiées et acceptées par un consentement foimel aussi signifié,
le contrat judiciaire 11e soit formé ; et de même que la Dame de
Mariol , après son acceptation , ne pouvait plus suivre son e n c h è r e ,
de
même le
Sieur Brochet ne pouvait se dispenser de payer.
Remarquez la substance des offres du Siem- Brechet du i 4 nivôse
an
1 2 ; elles ont pour but d 'év iter
la Dame de M ariol,
et de la
les suites de l'enchère de
mettre hors de tout intérêt.
Elles ont pour objet de lui payer la totalité de ses créances
contre la D am e du
fr a is .
Sauvage , tant
en p r in c ip a l, intérêts que
Il lui deman le dans les vingt-quatre heures de déclarer le mon
tant de ses créances , afm de la payer de suite.
Il se soumet à la garantir des poursuites des autres ciénnciers
relatives n son en cliè ro , à la charge de la subroger en son lieu
et place.
Il proteste de nullité et de dépens , dommages-iiUéiéts , si eUo
fait aucuuuo poursuites ultérieures. L e Sieur Lhcchel fuit ces olfies
�( 45 )
en grande connaissance de cause. Il avait dans les mains nn reTevé
d ’inscriptiolis , portant à 160,407 liv.
les
cita n te s c:e la J rme
de Mariol contre la Darne du Sauvage e t scs autres eobéi itiers.
Il notifie ses offres sans 'réserves , sans conditions et spontanément.
E u réponse et le même jour , la Dame de Mariol lui fait noti
fier qu’elle accepte scs offres, pour qu’elles no puissent être r é v o
quées à l’avenir. — E lle lui indique pour le moment sa dot de
3 o,ooo liv. et son obligation de la Dam e du Sauvage de G,coo
liv- , avec les intérêts des deux sommes et les frais de l ’ex p ro
priation commencée. — Elle lui annonce qu elle lait cesser l ’e x
propriation.
—
E lle
offre
de le subroger à ses
droits
en la
payant. — Elle proteste de répéter contre lui tous dommagesin té rè ts, eu cas d’inexécution de ses offres.
11
nous paraît q u e ,
dès ce m o m e n t, le contrat judiciaire était
f o r m é , et que le Sieur Brechet ne pouvait se dispenser de payer
la Dame de Mariol , et qu’il était non-recevable à discuter, ni
faire discuter des créances établies par actes a u t h e n t i f i e s , en
appelant à son secours le Sieur V e y n y de T lie ix , par la raison
toute simple que cette condition n ’existait point dans scs offits.
Vainem ent
disait - il
qu’il
n ’avait
entendu payer
que
des
créances légitimes , et que la vérification de celles de la Dame
de Mariol était un préliminaire indispensable.
En principe , l'enchère d ’un créancier ne peut être suspendue
par des oifies conditionnelles, telles que «le discuter préalablement
ses créances , pour ensuite le payer.
C-’est ce qui a été décidé par la Cour suprême lout récemment.
L e 20 avril 1807 ( 1 ) , cette C o u r, au rapport de M. Lasandade,
a rejeté le pourvoi du
Situr D abcm ad contre
un a n et de la
Cour d ’appel de Toulouse du 2.» avril 1806:
» Attendu qu’aux termes de l’article 2 i 85 du code c iv il, lors» que l’acquéreur a fait notifier son c o n t r a t , avec offre d ’acquit» ter sur-le champ les dettes et charges hypothécaires jusqu’à con» currence du prix porté au co n tra t, tout créancier dont le titre
)) est inscrit peut requérir la mise de 1 immeuble aux enchères }
)> eu donnant caution ;
(1) D cn ev crs , S i r c y , au 1807 , p.c
�,< 4 6 ).
» Attendu q u e , dans l ’e s p è c e , le titre de la Dam e G ayral était
» encore inscrit , et que ce titre apparent , quel qu’il fut , lui
» donnait droit do sur-enchérir , d ’autant plus que Dabernad lui
» avait fait signifier son contrat comme créancière.,
avec décla-
ration qu’il n’entendait rien payer au-delà du prix convenu;
» Attendu que les offres postérieures dudit Dabernad de paver la
)) totalité des créances inscrites , sauf la discussion préalable de la
» validité ou invalidité desdites créances, n'offrait aux créanciers
» que la perspective d ’autant de procès , pendant lesquels ledit
)) Dabernad aurait joui de l’immeuble , sans en payer le prix. »
L a Dam e de Mariol est dans une position encore plus avan
tageuse que celle de la- Dame Gayral. Celle-ci avait donné main
levée de son inscription sur l’immeuble vendu dans le contrat même
de v e n t e ,
mais comme
son inscription n ’était pas r a y é e , l’ac
quéreur lui avait notifié son contrat, sur lequel elle fit une enchère.
On voit que cette enchère profitant à tous les autres créanciers,
ce fut en vain que Dabernad offrit de
payer toutes les créances
inscrites , dès qu’il entendait les discuter préalablement.
Appliquons cet arrêt à notre espèce.
L a Dame de Mariol était inscrite pour toutes ses créances , lors
de la transcription du Sieur Brecliet, il lui a notifié son contrat.—
E lle avait le droit d’e n ch é rir, et elle l’a fait.— Il a offert de
la p a y e r , elle y a consenti , et il ne l’a pas fait.— Il a voulu
discuter ses créances et les faire discuter par les cohéritiers de
la D îm e de M ariol, et il n’en avait pas le droit. — Au lieu d’ex é
cuter le contrat judiciaire , il s’en est jo u é , et n ’a réellement pro*
curé à la Dame de Mariol qu’ un procès considérable , pendant
lequel il a joui de l’immeuble , sans en payer le prix , sauf 6,000 fr.
q u ’il dit avoir payés à un créancier indiqué dans son contrat. Il a fait
plus , il a acheté les biens de la Dame du Sauvage 29,000 f r . , et il
les a échangés avec le Sieur L evet, avec un bénéfice d'environ 24,000
fr. , et la D u n e de Mariol entendait les porter à fio,ooo fr.
L a C ou r ne peut donc hésiter à forcer le Sieur Brecliet d ’exé
cuter ses offres, en payant à la Dame de Mariol le montant de toutes
ses
créances en c a p ita u x , intérêts et fr a is , puisqu il a su faire
tourner à son profit le b e n e fi^ de la sur-enchere.
�( 47 )
'
z é s
**■
Que la Cour veuille bien examiner attentivement la p osition res
pective des parties , elle reconnaîtra que la D a m e de M ariol ne
plaide que pour retirer le montant de ses créances sur sa soeur,
la D a me du Sauvage,et ses autres cohéritiers,par la v oie h y pothécaire,
et q u ’en dernière analyse , le Sienr B rechet n e p e u t r i e n p e r d r e ,
mais peut-être manquer de g a g n e r, tandis que !e Sieur B re chet
plaide pour conserver impunément un bénéfice considérable., au pré
judice de la Dame de Mariol qui avait droit à la ch ose avant lui.
Que la C ou r veuille encore bien remarquer qu ' il n ’est pas une de
mande , pas une proposition de la Dam e de Mariol qui ne repose
sur la doctrine de ses propres arrêts, ou de ceux de la Cour suprêm e,
tandis que les prétentions des adversaires n ’ont pour appui que leurs
opinions personnelles , à ce point que dans une cause aussi étendue,
ils n ’ont pu citer la moindre autorité qui puisse donner quelque
poids à leurs moyens. Alors la C our sentira combien la Dame de
Mariol a éprouvé d'amertumes en perdant un procès où sa défense
était puisée toute entière dans les règles du droit les plus certaines :
mais ce qui la console ,
c ’est qu’ell e parle le langage des p rin
cipes à une C our qui doit particulièrement la grande considération
dont elle j o u i t , à sa fidélité et à sa constance
pour
maintenir
la pureté des principes.
V E Y N Y ,
M. e C.
L.
icaud-
RO U SSEAU,
M. e
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V.e S
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avoué.
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C hez J.VEYSSE T , Imprimeur de la Mairie et du Lycée , rue de la T reille,
A n 1808.
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The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. De Veyny, Françoise. 1808]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Rousseau
Garon
Subject
The topic of the resource
successions
avancement d'hoirie
créances
hypothéques
émigrés
préciput
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire pour dame Jeanne-Françoise de Veyny, veuve du sieur Sicaud de Mariol, propriétaire, habitant à Clermont, demanderesse et appelante ; Contre sieur Antoine Brechet, ancien chef d'escadron, demeurant en la même ville, et autres, défendeurs et intimés.
Particularités : notation manuscrite : texte complet de l'arrêt de la 1ére section du 25 juillet 1808. Infirme et décide qu'il y a eu contrat judiciaire. Voir sur la 2éme question (préciput), un arrêt 1ére chambre, 10 août 1810, journal des audiences p. 398.
Table Godemel : Contrat judiciaire : y a-t-il contrat judiciaire entre l’acquéreur et le créancier surenchérisseur, lorsque le premier, pour arrêter l’effet de la surenchère et conserver l’immeuble par lui acquis pour le prix porté au contrat, a fait offre au surenchérisseur de le mettre hors de tout intérêt, et de lui payer la totalité de ses créances tant en principal, intérêts que ? , que ces offres ont été formellement acceptées ? l’acquéreur peut-il prétendre ensuite qu’il ne doit payer qu’après discussion préalable des créances avec les débiteurs, lorsqu’il n’a stipulé ni condition, ni délai ? Obligation : 2. une femme a-t-elle pu s’obliger valablement, par acte publié du 7 prairial an 11, sans autorisation, pendant l’émigration de son mari ? son acquéreur a-t-il qualité pour opposer la nullité ? Préciput : 1. par le contrat de mariage de la dame de Mariol, du 9 février 1771, la dame de Villemont, sa mère, lui constitua une dot de 30 000 francs à titre de préciput, stipulée payable seulement après son décès, sans intérêts jusqu’alors ; laquelle constitution n’emportera ni forclusion ni renonciation à l’égard de la future qui ne sera pas obligée de rapporter la dot, s’il n’y a pas de disposition contraire par testament de la constituante. la condition résolutoire ne s’étant pas effectuée, le préciput doit-il avoir effet, lorsque la mère est décédée sous l’empire de la loi du 17 nivôse an 2 ? Surenchère : 1. y a-t-il contrat judiciaire entre l’acquéreur et le créancier surenchérisseur, lorsque le premier, pour arrêter l’effet de la surenchère et conserver l’immeuble par lui acquis pour le prix porté au contrat, a fait offre au surenchérisseur de le mettre hors de tout intérêt, et de lui payer la totalité de ses créances, tant en principal, intérêts, que de frais, et que ces offres ont été formellement acceptées ? l’acquéreur peut-il prétendre ensuite qu’il ne doit payer qu’après discussion préalable des créances avec ses débiteurs, lorsqu’il n’a stipulé ni condition ni délai ? Transcription : 5. le majeur qui a traité avec des mineurs sur des intérêts respectifs et sur un partage, est-il recevable à demander la nullité de l’acte, pour vice de forme résultant de leur propre incapacité ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Chez J. Veysset (Clermont-Ferrand)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1808
1771-1808
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
47 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G1709
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0504
BCU_Factums_G1707
BCU_Factums_G1708
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53312/BCU_Factums_G1709.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Saint-Genès-Champanelle (63345)
Theix (village de)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
avancement d'hoirie
Créances
émigrés
hypothèques
préciput
Successions
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53326/BCU_Factums_G1723.pdf
53cbdbebcacd0362499facc3df8df587
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MÉMOIRE
Pour
R ené
E SM E L IN
G ilb e r t
A I G U E S , C la u d e- A m able
d e l e in e
E S M E L IN
E S M E L IN
L A P E L I N , et M a r i e - M a g -
, son épouse ,
G A R D E -D E L A V IL E N N E
son épouse ; M a r i e - A
-D E U X -
d é l a ïd e
J e a n - F r a n ç o is L A -
, et T h é r è s e
E S M E L IN ,
E S M E L IN
, veuve D e -
b ard , intimés
Contre G
e n e v iè v e
E S M E L I N , veuve r/Amable D
e c iia m p s ,
ex-religieuse, appelante $
E n présence de
P rocule
E S M E X il N , ejc-religieuse y
E l encore en présence de J a c q u e s - M
a r ie - P ie r r e
L O ISE L -
G U I L L O I S , tuteur de ses enf ans , héritiers d 'Agnès
E s m e l i n , leur aïeule m aternelle, aussi intimés.
L
A. dame Dechamps dénonce aux tribunaux un traité de fa
mille , rédigé sous ses yeux par d ’anciens jurisconsultes de son
c hoix ( * ) , qu ’elle a signé, exécuté, qu’elle approuve et exécute
journellement.
(*) MM. Bergier et Boirot.
A
�5«v
v ,> .
( O
C e traité de famille a été dicté par la nécessité.
Il a été dicté par la sagesse.
E n ce qui la concerne, il a été dicté,par la générosité.
Il lui assure un patrimoine d ’environ
Elle se dit lésée.
5oooo f r . , dettes payées.
.
E t il ne lui revenoit pas une obole.
Etienne Esmelin a contracté mariage avec M a rie -A n n e -B a rth é lem y G ib o n , le 29 février iy ô ô .
Ils se sont unis sous le régime de la co m m u n a u té, avec clause
expresse que « pour y acquérir d r o i t , chacune des parties y con» fondroit 600 f r .; et le surplus de leurs biens, avec ce qui leur
h
éclierroit par succession, donation , sortiroit nature de propre-
» fonds. »
Ils n ’avoient q u ’une fortune m édiocre; elle s'est grossie par de
nombreuses successions qui se sont accumulées sur leurs tê t e s ,
spécialement du c h e f de la dam e Esmelin.
L a première qui est échue de cet estoc , a été celle du sieur
Jean-Baptiste île Lachaussée, son o n cle , décédé à Moulins en 17 6 4 .
L a seconde, celle de G ilbert de L a c h a u ss é e , aussi son o n cle ,
négociant à M o u lin s , décédé en 1 7 66.
L a troisième, celle de Jacques de L achaussée, frère des précé
dons, administrateur de l’ H ôtel-D ieu de P a ris, décédé en 1787.
Il avoit fait un testament suivi de codicille , par lequel il avoit
no m m é pour ses légataires universels, M arie F a r jo n n e l, sa m è r e ;
An toin ette de Lachaussée , veuve Lafeuillant ; Elisabeth de
L a c h a u s s é e , fem m e Laplanche ; Catherine de L a c h a u ss é e , fille
majeure ;
E t les en fans et desccndans de M a rie de Lachaussée, décédée
fem m e Gibon.
L ’inventaire de cette succession enportoit l’a ctif à deux millions
soixante mille livres.
Il fut fait un premier partage provisionnel d ’une som m e de
�(
3 )
1179500 fr. d ’effels r o y a u x , devant L a ro clio , notaire au châtelet
de. P a ris , le 29 avril 17 8 8 , qui constate que le sieur Esmelin
toucha pour sa fem m e un premier à-compte sur cette succession ,
de i 685oo fr.
M a rie F a rjo n n e l, aïeule de la dame Esmelin , qui avoit touché
un pareil à-compte de i 685oo fr. par ce partage pro visionn el,
m ourut peu de temps après.
L a dame Esmelin mourut ensuite au mois de novembre 1789.
L e sieur G ibon , son frère , directeur des aides à ChâteauT h i e r r y , mourut au mois de juillet 1790.
11 laissa encore une succession très-opulente, qui étoit divisible
en trois portions égales, entre les en fans E sm e lin , le sieur G i b o n ,
de M o ulin s, leur o n c le , et le sieur G ib on -M ontgon , leur cousin
germain.
L e sieur G ilbert G ib o n , père de la dame E sm elin , mourut en 1792.
Enfin Elisabeth E sm e lin -D u c lu so r, l ’une des filles des sieur et
dam e Esmelin , m ourut aussi sans postérité dans le courant de la
m êm e année.
Etienne Esmelin père resta en possession de toutes ces successions.
Il avoit marié q u e lq u e s-u n s de ses enfans avant la mort de
M arie-A nne-Barthélem y Gibon , son épouse.
Il en a marié d'autres d epuis, et il avoit fait aux uns et aux
autres des avancemens d ’hoirie.
D e u x de scs filles , Procule et Geneviève E sm e lin , avoient pris
le parti du cloitre, et avoient fait profession avant la mort de leur
mère.
M ais les lois des
5 brumaire et 17 nivôse an 2 ayant aboli leurs
v œ u x , elles furent rappelées à toutes ces successions.
Bientôt le refus de Procule Esmelin de prêter s e r m e n t, attira
sur elle des persécutions que chaque jour pouvoit rendre plus graves.
L e sieur Esmelin crut devoir prendre la précaution de se faire
céder ses droits, dans toutes ces successions , pour se m e t t r e , à
toutes fins , ainsi que ses enfans, à l’abri des recherches nationales. ;
Geneviève Esmelin avoit pris un parti tout opposé ; non-sculeA 2
�ment elle avoit prêté se r m e n t, mais elle ne dissitnuloit pas l ’in
tention où elle étoit de se m arier; et le sieur Esmelin crut encore
prudent de se faire céder ses droits m atern els, pour garantir sa
fam ille des recherches futures de ce gendre inconnu dont il étoit
menacé.
L e rapport de l ’effet rétroactif des lois des
5 brumaire et 17
nivôse ne tarda pas à rendre ces précautions inutiles.
M ais , dans le même t e m p s , le sieur Esmelin père étoit forcé
d ’en prendre de semblables avec d ’autres de ses en fans.
L e sieur D ebard étoit inscrit sur la liste des ém igrés, et A d é
laïde E s m e lin , son épouse, étoit en réclusion ; elle étoit menacée
du séquestre sur tous ses biens. Il fallut encore avoir recours à la
cession de ses droits maternels. Elle consentit cette cession à son
p è r e , le 1 " germinal an 2. Mais com m e elle n ’étoit que simulée,
il lui en donna une contre-lettre.
L ’inscription du sieur E s m e lin -D e u x -A ig u ë s,su r la liste fatale,
força encore le sieur Esmelin père de faire avec lui des actes simulés,
pour se soustraire, com m e ascendant d ’é m ig ré , aux persécutions
des agens du fisc.
T o u s ces actes ont disparu avec les causes qui les avoient fait
naître; et la darne D echam ps, qui en abuse aujourd’h ui, sait m ieux
que personne q u ’ils n ’ont jamais eu de réalité.
Les orages révolutionnaires s’étant c a lm é s , plusieurs des enfans
E.smelin, la dame Lapelin , le sieur E sm e lin -D e u x -A ig u e s, et les
mineurs L o is e l, ont cru devoir rechercher leurs droits maternels.
L e sieur Esmelin a terminé avec la dame Lap elin, en lui donnant
un à-compte sur
11 succession de R e n é Gibon ;
Avec le sieur Esm elin-Deux-Aigues , en s’en référant à l'arbi
trage de M. L u c a s , président du tribunal de G a n n a t, leur parent,
q u ia dicté la transaction passée cntr\nix au moisdeger111in.il an i5 .
Q uan t aux mineurs L o ise l, la contestation est restée indécise.
Ces actions éloient justes en elles-mêmes; et le sieur Esmelin se
soroit sans doute empressé de les prévenir , s’il n ’avoil pas été
arrêté p,ir les difficultés insurmontables q u ’il IrouYoit u distinguer
aa fortune personnelle de celle de ses enfans.
�( 5 3
M ais la dame D ech a m p s, subjuguée par un conseil pervers, qui
avoit voué au sieur Esmelin une haine implacable en échange des
services signalés qu ’il en avoit reçus, a dirigé contre lui des actions
d ’un autre genre, qui tendoient à compromettre sa délicatesse et
qui l’ont abreuvé d ’amertume.
Bientôt la perspective effrayante du mauvais état de ses affaires
est venue m ettre le comble aux chagrins dont il étoit dévoré.
Il avoit fait imprudemment une affaire de finance avec la dame
L e b lo n d , A m é r ica in e , qui , privée de ses revenus des île s, dont
la rentrée étoit suspendue par la guerre maritime avec l’A n g le
terre, avoit obtenu de sa facilité des avances én o rm e s, au point
qu ’il se trouvoit son créancier de plus de 160000 fr. sans la plus
légère sûreté, et à peu près sans espoir de les recouvrer.
L e sieur Esmelin n ’avoit pu faire d ’aussi grosses avances qu ’en
puisant dans les caisses des banquiers de Moulins et de C lerm ont.
Chaque jour ses dettes alloient en cro issa n t, par le taux élevé
des intérêts qui s’accumuloient.
D éjà son crédit étoit épuisé chez les banquiers de C le rm o n t, qui
ne consentoient à renouveler ses effets qu ’avec l’endossement du
sieur R ené Esm elin, son fils aîné (*), et il ne pouvoit se dissimuler
qu'il couroit à grands pas à sa r u in e .
L ’âme flétrie par les outrages de la dame Dccliamps , et ne pou
vant supporter l’idée du renversement de sa fo rtu n e , il est tombé
malade dans les premiers jours de décembre i 8o 5 , et il e*st mort
le 19 du même mois.
L es scellés ont été apposés de suite par le juge de paix des lieux.
Quelque temps après, il a été procédé à un inventaire en form e,
en présence de tous lçs intéressés, et spécialement de la dame
D ech am p s, qui a assisté à toutes les séances.
Indépendamment de l’a ctif bon qui fut porté dans cet inven-
(*) Le sieur Esmelin aîné avoit <léj?i cautionné pour 60000 fr. d’eiïets do son
père à son décès; il est porteur de ses lettres , par lesquelles il le prioit do lui
donner sa signature.
�i <•/
. ( G )
tairo, il fut fait un état particulier des créances mauvaises ou dou
teuses , montant à 267600 f r . , qui fut signé par tous les héritiers,
et spécialement par la clame Dechamps.
L a dam e Decham ps dit dans son mém oire , page
4 , que pen
dant cet inventaire ses frères furent p o lis, caressons. Ces expres
sions sont trop foibles ; elle auroit dû dire qu ’ils la comblèrent de
témoignages de tendresse, q u ’ils ne négligèrent rien pour gagner
sa confiance, et pour la soustraire à la maligne influence du per
fide conseil qui l ’éloignoit de sa fa m ille , et la conduisoit à sa perte;
Que leur ayant paru avoir des besoins, ils lui remirent la somme
de 1000 fr. qui étoit provenue des premières ventes des denrées
de la succession ;
Q u ’elle prit différens effets mobiliers qui étoient à sa conve
n a n c e, sur la prisée de l’inventaire ;
Que dans le partage qui fut fait en nature d ’une partie du m o
b i li e r , ils l ’admirent pour un h u itiè m e , quoiqu’il ne lui en tevînt
q u ’un seizième ;
Qu'enfin ils ne cessèrent de lui prodiguer les égarTls et les bons
procédés.
Instruite par elle-même de l ’état des affaires de son père ; de
plus de iSo oo o fr. de dettes de banque sur lettres de change qui
venoient chaque jour à échéance, dont plusieurs étoient déjà pro
testées, et dont les porteurs pouvoient consom m er en frais tous les
biens de la succession ;
D é p l u s de Go,000 liv. d ’autres dettes par b ille ts, ob ligations,
rentes viagères 011 constituées ;
T é m o in de l ’état de dégradation et de désordre absolu, dans
lequel se trouvoient tous les biens co m m u n s, au point que sur 24
ou a 5 do m aines, il n ’y en avoit pas un seul dont les bûtimens ne
fussent en ru in e , les granges écroulées , et hors d ’état de contenir
la. récolte prochaine.
Plus pressée d ’ailleurs de jouir de son lot q u ’aucun de s?s co
h éritiers, ù raison de sa position, clic a été la première à désirer
le partage.
�*
i i
3
( '7 )
O n est convenu de faire estimer préalablement tous les Liens
qui devoient en être l’objet.
O n a nom m é pour experts les sieurs Pienaudet et F e rrier, connus
trop avantageusement dans l ’opinion publique pour ne pas réunir
les suffrages de tous les cohéritiers; et ils ont été si agréables à la
dame D echam ps , qu'ils ont vécu et logé chez elle pendant tout le
temps q u ’ils ont travaillé à l ’estimation de la terre du B ouis, qui
joint son habitation.
Cette opération term in ée, tous les copartageans sont unanim e
ment convenus de s’en référer, sur le règlement de leurs droits res
pectifs, à la décision de deux anciens jurisconsultes de C le r m o n t ,
dont l ’un éloit grand oncle maternel à la mode de Bretagne des
mineurs Loisel.
Ils se sont tous rendus à Clerm ont avec les deux e xperts, R e naudet et F e r rie r , dans les derniers jours de mars 1806, et tous
y ont séjourné sans interruption jusqu’au 21 avril suivant.
Chaque jour ils se sont réunis chez les arbitres.
L à , chacun des intéressés a fait valoir ses droits ou ses préten
tions.
T o u t a été v u , exam iné, discuté en leur présence par les arbii
très.
M ais com m e de tous les frères et sœurs Esrnclin, six seulement
avoient des droits dans les biens maternels , à raison de la m ort
civile de Procule et de G eneviève; que tous au contraire éloient
copartageans dans les biens paternels; le premier pas & faire élo it,
de distinguer les biens paternels et maternels, pour en form er deux
masses séparées.
L es arbitres ont tenté ce travail; mais ils n ’ont pu y réussir.
11 étoit impossible de retrouver les élémens de la plupart des
successions échues aux sieur et daine Esinelin, à défaut d ’inven
taires et de partages.
Il existoit à la vérité des inventaires des deux principales, celles
de Jacques de Lachaussée et de R e n é -B a rth é lém y G ib o n ; m a i s
les héritiers Esmelin ne les avoient pas en leur possession ;
n ’ùtoicnt pas en état de les représenter.
et ils
�( 8 )
Ils n’ avoient pas des notions exactes de la nature et de la consis
tance des effets dont ces successions étoient composées.
Us ignoroient ce qui en avoit été touché par leur père , en nu
méraire ou en papier-monnoie , et les différentes époques aux
quelles ces sommes avoient été versées dans ses mains.
L e s arbitres avoient d ’ailleurs sous les yeu x une expédition fa u
tive du contrat de mariage des sieur et dam e Esmelin , qui contenoit la stipulation pure et simple de la com m unauté , sans la
clause subséquente qui portoit que «pour y acquérir droit, chacune
» des parties y confondroit 600 fr. ; et le surplus de leurs b ie n s ,
» avec ce qui leur écherroit par succession , do nation, sortiroit
» nature de propre-fonds (*). »
D e sorte que les sieur et dame Esmelin paroissoient n’avoir con
tracté q u ’une com m unauté légale et conform e à l’article 276 de
la coutum e de B ourbonnais; d ’où il sembloit résulter que tout
ce qui étoit de nature mobilière dans les successions échues aux
deux époux , avoit été confondu dans la co m m u n a u té, et appartenoit par moitié à chacun d ’eux ; ce qui frappoit spécialement sur la
succession de Jacques de Lachaussée, presque toute composée d ’ac
tions de la compagnie des Indes, ou autres effets royaux payables
au porteur.
L e s arbitres, au milieu de cette o b scu rité, crurent apercevoir
une lueur de justice dans le plan simple de diviser la masse entière
des biens et des dettes en deux portions égales, dont l’une seroit
censée m a tern elle, et l’autre censée paternelle; ce qui donnoit aux
deux religieuses un seizième chacune de la masse réelle des biens,
et les chargeoit d ’un seizième des dettes (**).
(*) Cette expédition inexacte a été représentée par Proculc Esmelin , qui
l ’avoit trouvéo dans les papiers de la succession.
Elle paroissoit mériter d’autunt plus do confiance, quelle étoit écrite en entier
do la main de Barthélém y, notairo, dépositaire de la minute.
(**) La masse totalo do l’actif bon étoit de 5f)85<)5 fr.
Les créances actives mauvaises ou douteuses, do 2G7Ü30 fr.
Les dettes passives connues lors du partage, étoient du so 5y 5G fr.
Celles découvertes depuis s’élèvent à environ 20000 fr.
Les
�(o)
L es arbitres ne se dissimulèrent p as, et ne dissimulèrent pas à
tous les cohéritiers que ce plan éloit trop favorable à Procule et
Geneviève Esmelin , même sous le point de vue de la com m unauté
légale des père et mère communs , com m e elle paroissoit l’tHre
d ’après l’expédition fautive de leur contrat de mariage.
- M a i s , d ’une p a r t , il étoit urgent de prendre un parti pour satis
faire les créanciers , dont les poursuites pouvoient à chaque ins
tant porter partout l’incendie et la dévastation.
D ’autre p a r t , il falloit par-dessus tout éviter , pour l’intérêt de
tou s, d ’en venir à des discussions juridiques, qui présenloient un
abîme sans fond et sans rives, prêt a engloutir toute la fortune
des copartageans.
On ne considérait d ’ailleurs la portion que devoit recueillir P ro
cule E sm elin , que comme un dépôt confié à la vertu, qui devoit un
jour revenir à la famille.
E t à l’égard de la dame Decham ps , tous ses cohéritiers regardoient l’avantage q u ’elle pou voit retirer de ce mode de partage,
comme un sacrifice fait à sa position et à sa qualité de mère de
famille.
Q uant aux mineurs L o i s e l , indépendamment que l’acquiesce
m ent de leur père à cette mesure étoit suffisamment justifié par
l ’exemple de tous ses copartageans majeurs , grands oncles et
grand’ tantes de ses mineurs , qui avoient le même intérêt qu'eux ,
on eut soin de les dédommager amplement de la perte que ce plan
pouvoit leur occasionner, comme on le verra dans la suite.
C e mode de partage une fois adopté par tous les cohéritiers, on
vit bientôt disparoitre la majeure partie des difficultés qui divisoient
la famille Esmelin.
11 en restoit cependant encore, qui donnèrent lieu à quelques
débats entre les cohéritiers.
L a principale étoit relative au sieur Esm elin-Deux-Aigues.
A p rès sa radiation de la liste des émigrés , il avoit traduit son
père en justice, pour obtenir de lui le règlement de ses droits ma
ternels.
�<<<
( 10 )
L e sieur E sm clin , qui connoissoit m ieux que personne les inconvéniens et les dangers de soumettre celte discussion aux tribunaux,
consentit de s’en référer à l’arbitrage de M . L u c a s , président du
tribunal de G a n n a t , leur parent.
M . L u c a s , après avoir entendu les sieurs E s m c lin , père et fils,
pendant plusieurs séa n ces, et avoir examiné leurs mémoires res
pectifs, crut devoir fixer le débet du père envers son fils, pour tous
ses droits'maternels directs et collatéraux, à
5 y j 5 o f r a n c s , dont
42760 francs pour les cap itaux, et i 5 ooo francs pour les intérêts
ou jouissances; et ce fut d ’après cet aperçu que les parties traitè
r e n t , sous sa dictée, devant H u e , notaire à G a n n a t, le 17 ger
m inal an i 5 (*).
T o u s les cohéritiers du sieur Esm elin-Deux-Aigues connoissoient
parfaitement la sincérité de ce traité; et la médiation de M . L u c a s ,
prouvée par sa sig n a tu re , ne permettoit pas d ’élever le plus léger
doute à cet égard. M ais co m m e il sembloit en résulter quelque
avantage en sa fa v e u r , ils prétendoient q u ’il devoit s’en départir
pour se mettre à leur niveau.
L e sieur Esm elin-D eux-A igues insistoit sur l’exécution de cet
a c te , com m e étant un traité à f o r f a it , convenu de bonne f o i, sur
des droits successifs dont la quotité étoit absolum ent incertaine.
11 ajoutoit que l’avantage q u ’on prétendoit résulter de ce tra ité ,
n ’étoit rien moins que réel; q u ’il étoit plus que co m p en sé, par la
circonstance q u e , dans le plan du partage proposé, il n ’avoit à pré
tendre q u ’un seizième dans les créances actives paternelles, dont il
lui seroit revenu un huitièm e, si on n ’en avoit pas confondu la
moitié dans la masse maternelle, dont il étoit exclu au moyen de
l ’exécution de ce traité.
Il ajoutoit encore q u ’en supposant que ce traité produisit quelqn’avantage en sa faveur, cet avantage ne pouvoit être c r itiq u é ,
parce q u ’il étoit bien loin d ’absorber les réserves disponibles que
(*) I.a transaction fait mention expresso qu’ollo a clé pasjéo en prdscnco et
par la médiation de INI. L u ca s, <jui l’a signéo.
�/ / /
( "
)
s’étoit faites le père com m un par les différens contrats de ma
riage de ses en fans (*).
D ’après ces considérations , il fut arrêté que le sieur E sm clinD eux-A igu ës prélèveroit, avant tout partage, le montant de ce traité.
M ais le mode de ce prélèvement n ’étoit pas sans difficultés.
D ’une p a r t , le capital des droits successifs du sieur Esm elin.
Deux-tVigues devoit être prélevé sur la masse maternelle.
D ’autre p a r t, les jouissances, et le prétendu avantage qui pouvoit résulter de ce traité en sa f a v e u r , devoient être prélevés sur la
masse paternelle.
O n prit le parti d ’en faire le prélèvement sur la masse entière,
et ce parti étoit d ’autant plus raisonnable , que la masse paternelle
étant avantagée par le plan du partage, en faisant frapper ce pré
lèvement par égalité sur les deux masses , on se rapprochoit de
plus en plus du point de justice auquel les arbitres et les parties
se proposoient de parvenir.
C e t obstacle a p p la n i, il en restoit encore quelques autres, mais
qui éprouvèrent moins de difficultés.
L e sieur R e n é Esmelin aîné avoit des prétentions de plus d ’un
genre
La
de la
avant
contre la succession de son père.
principale résultoit de la donation que lui avoit faite son père
terre de B o u is, par acte du 2 mars 1 7 9 3 , immédiatement
les lois de l’égalité ; donation qui prenoit sa source dans la
réserve que s’éloit faite le sieur Esmelin , par les différens contrats
de mariage de ses enfans, de disposer de celte terre au profit de tel
d ’entr’eux qu’ il jugeroil à propos.
C ette circonstance formoit exception aux dispositions prohibi
tives de la Cou tu m e de Bourbonnais, qui interdisoit les avantages
entre enfans, autrement que par contrat de mariage.
(*) Les parties raisonnoient d’après l’expédition inexacte du contrat de ma
riage de 17 5 6 , qui rendoit communes aux doux époux toutes les successions
mobilières.
E11 raisonnant d’après la clause insérée dans ce contraído mariage, qui les ren
doit propres à chaque estoc, le sieur Esmelin-Deux-Aigues étoit évidemment lésé.
lia
�V I
( i*
)
L e sieur Esmelin père n ’étant d ’ailleurs décédé que sous l ’empire
du nouveau C o d e , tous les avantages antérieurs pouvoient être
considérés com m e légitimes , jusqu’à concurrence de la portion
disponible.
M ais le sieur René Esmelin n ’altendit pas q u ’on lui en dem andât
le sacrifice; il fut le premier à l’offrir à ses frères et sœurs; il n ’y
mit q u ’une seule condition, celle de l’union et de la c o n c o r d e , et
que tout se terminât à l ’amiable.
L a dame D e b a r d , de son c ô t é , élevoit des réclamations d'un
intérêt m a je u r , qui prenoient leur source dans une donation entre
vifs qui lui avoit été faite par les dames Delagoutte et G u d e ve rt,
le
5 mai 1 7 7 6 , de certains biens dont le sieur Esmelin étoit m ort
en possession , q u ’elle prétendoit avoir droit de prélever en nature
sur sa succession, indépendamment d ’un grand nombre d ’années
de jouissances de ces mêm es b i e n s , q u ’elle réclamoit à litre de
créancière.
L a dame D eb ard en fit généreusement le sacrifice, sans autre
indemnité q u ’une somme de 1200 francs à prendre sur les créances
douteuses , et sans y mettre d ’autres conditions que celles q u ’y
avoit mises son frè re , l ’union et la concorde, et que tout se ter
minât à l’amiable.
Enfin, le sieur D elav ilen n e , stipulant pour sa f e m m e , dont il
étoit fondé de p o u v o ir , fit aussi le sacrifice d ’une somme de 1000 fr.
qui formoit l’objet d ’une donation q u ’il prétendoit avoir été mal à
propos confondue dans la dot qui lui avoit été constituée par sou
conlr.it de mariage.
T o u s ces obstacles applanis ,
il fut question de procéder au
partage.
On fit un premier traité pour en fixer les bases.
C ’est dans ce premier traité que se trouvent tout le moral de l’opéra lio ti , les motifs qui l ’ont déterminée, les circonstances impérieuses
qui la rendoient nécessaire, les sacrifices généreux faits par plu
sieurs des cohéritiers pour assurer la paix et l’union dans la famille.
On en lit un second pour y traiter quelques objets particuliers,
�que tous les cohéritiers croyoient devoir être renfermés dans le sein
de la famille.
E t enfin un troisième, qui contenoit le partage.
Il étoit impossible d ’employer dans ce partage la voie du sort.
L e s rapports étoient tous in é g a u x , et varioient depuis
jusqu’à
5oo fr.
35ooo fr.
L e tirage au sort n ’eût pu sc faire sans être répété jusqu’à sept
à huit fois.
Les morcellemens qui en seroient résulté eussent été tels, que
chaque dom ain e, chaque arpent de terre eût été divisé en plus de
cent poriions , contre le texte de la loi et le Yceu de la raison.
On prit donc le seul parti proposable, celui de faire des lots do
convenance.
Mais les frères et sœurs de la dame Decham ps, toujours fidèles
à leur plan de la combler d ’égards et de bons procédés, eurent l’at
tention de lui laisser le choix de celui qui lui seroit le plus agréable.
Elle choisit des biens de la terre du B o u i s , qui étoient situés
dans la même commune que ceux de scs m ineurs, qui les joignoicnt
de toutes parts, et dont l’estimation lui étoit d ’autant moins sus
pecte, qu’elle avoit été faite-sous ses y e u x , et par des experts logés
et nourris chez elle pendant loul le temps de leur opération.
On usa avec elle des mêmes procédés pour le seizième des dettes
dont son lot d e v o it ‘être ch a rg é; on lui laissa le choix de celles
dont les intérêts étoient le moins o n é r e u x , et des créanciers sur la
complaisance desquels 011 pouvoit le plus compter.
Ces différentes opérations term inées, tous les héritiers Esmelin
retournèrent dans leurs fo y e r s , en bénissant leurs arbitres, et en
se félicitant de l’union et de la concorde qu'ils regardoient com m e
rétablies e n tre u x d ’une manière inaltérable.
M ais le bonheur de la famille Esmelin 11c fut pas de longue durée.
L a dame D e c h a m p s , rentrée dans ses foyers , y retrouva le
démon de la discorde, le misérable qui avoit conduit son père au
tom beau, et qui m é d i l o i t la ruine de sa famille.
D ès ce premier m o m e n t , il fut arrêté entr’eux de tenter, par
�t 'U .
( 4
)
toutes sortes de vo ies, l’anéantissement de tous les arrangemens
faits à C lerm o n t.
A v a n t de rien entreprendre, elle eut soin de s'installer dans
son l o t , de l’ai ferm er pour plusieurs a n n é e s, de se faire payer
d ’avance du prix du b a il, et surtout de laisser à ses frères et sœurs
toutes les charges de la succession dont jusqu’ici elle n ’a pas payé
une o b o le , et qu ’ils acquittent journellement pour elle.
A près avoir ainsi pris ses p récau tion s, et le 18 juin 1 8 0 6 , la
dam e Decham ps a fait citer tous ses cohéritiers en conciliation ,
pour venir à division et partage de tous les biens meubles et im
meubles délaissés par le père c o m m u n , sans avoir égard à tous
projets de partage , qui seroient regardés com m e non avenus.
C e tte citation a été suivie d ’un procès verbal de non concilia
tion , en date du g juillet.
Le
25 du m êm e m o is , la dame Decham ps a présenté requête au
tribunal d ’arrondissement de G a n n a t, tendante au fond à ce q u ’il
lui fu t permis d ’assigner ses cohéritiers , sur la dem ande en par
ta g e , dans les délais ordinaires , et à la première au d ien ce, sur sa
demande provisoire, tendante à ce qu ’ il fût sursis à la coupe et
exploitation des difierens bois de haute f u t a i e , et tous autres dépendans de la succession du père com m un.
E lle d e m a n d o it en m êm e temps q u ’il lui fu t permis de faire pro
céder à la visite et état de tous ces bois par e x p e r t s , à l’e ffe t de
constater tous ceux qui avoient été coupés et tous ceux qui étoient
sur pied, et d ’en fixer le nom bre et la v a le u r , p o u r , après ce rap
p o r t, être pris par elle telles conclusions qu'elle aviseroit.
C e lte demande provisoire cachoit une insigne perfidie. L a dam e
D echam ps savoil q u ’il existoit, au décès du père com m u n , plus de
i 5oooo fr. de lettres de ch a n g e, toutes éch u es, proteslées 011 re
nouvelées par ses frères et sœ u rs, non compris plus de 60000 fr.
de dettes ordinaires, dont les créanciers n ’éloient pas moins im
patiens.
Elle savoit que chacun de ses cohéritiers n ’avoit d ’autres res
sources, pour luire honneur aux cngagenicns les plus u rg en s, que
�3 ( j\
dans le prix de ces b o i s , qu’ils se hàtoient de vendre et d ’exploiter.
Son projet étoit de rendre leur libération impossible, de voir leur
liberté compromise, et tous les biens livrés à l’expropriation forcée.
C e p ro je t, d ir a -t-o n , étoit insensé; elle ne pouvoit elle-même
manquer d ’en devenir victime : cela est vrai ; mais fa u t-il nier
l’évidence, parce qu’elle passe les bornes ordinaires de la vraisem
blance et de la perversité humaine ? A - t- o n oublié le vœu de
Cornélie dans les Horaces i
Quoi q u ’il en so it, le tribunal de G annat a repoussé, avec indi
gnation, cette action provisoire, par son jugement du i 5 décembre
1806, rendu d'après les conclusions motivées de M . le commissaire
impérial.
Pendant que la dame Decham ps vexoit ainsi ses frères et soeurs,
et tentoit d ’arrêter par toutes sortes de moyens l’exécution des
arrangemens faits entr’eux, ses cohéritiers cherchoient à les conso
lider et à les régulariser à l’égard des mineurs Loisel.
L e sieur Loisel avoit été assigné depuis le
5 juin , en sa qualité
de père, tuteur et légitime administrateur de ses enfans, pour en
voir ordonner l’exécution ; mais il avoit cru devoir suspendre toutes
espèces de démarches jusqu’à la décision de l ’incident élevé par
la dame Dechamps.
C e t incident term iné, le sieur Loisel a convoqué un conseil de
famille le 24 décembre 1806.
C e conseil, composé du grand-père maternel des m in eurs, de
plusieurs de leurs oncles et de leurs plus proches p a re n s, après
avoir pris communication de la transaction du i 5 a v r i l, l’a ap
prouvée dans tout son contenu , et a autorisé le sieur Loisel à se
retirer auprès de M . le commissaire impérial, qui seroit invité à
désigner trois jurisconsultes pour examiner ce traité, et en dire
leur a v is, conformément à l’article 4G7 du C od e civil.
Le
5 i décem bre, sur la requête qui lui a été présentée par le
su u r L o is e l, M . le commissaire impérial a désigné trois anciens
jurisconsultes près la cour d ’appel, également recommandables par
leur expérience et leurs lumières, M M . A n d r a u d , B o ry e et PagesVerny.
:çà (
�K *.
( iG )
. Sur l’avis de ces trois jurisconsultes, les héritiers Esmelin , à l ’e:oception de la dam e D e c h a m p s , ont demandé l ’homologation de la
transaction du i 5 avril.
L a dame D e c h a m p s,fid è le à son plan de c o n t r a d ic t io n ,n ’a pas
m anqué de s ’y opposer.
M ais sans avoir égard à son opposition , dont elle a été déboutée
avec dépens, la transaction a été hom ologuée, sur les conclusions
de M . le commissaire im périal, par jugement du 21 février 1806.
L e 21 mars, nouvelle assemblée du conseil de fam ille des mineurs
Loisel ;
Approbation du partage fait sur les bases de la transaction ho
mologuée ;
Requête du sieur Loisel à M . le commissaire im p érial, pour l ’in
viter à désigner trois jurisconsultes auxquels seroit soumis l’examen
du partage ;
Désignation de M M . A n d r a u d , B o ry e et P a g è s - V e r n y ;
A v is de ces trois jurisconsultes pour l’approbation et la pleine
et entière exécution du partage.
L a dame D echam ps en a au contraire dem andé la n u llité, fo n
dée sur le ^défaut d ’observation des formes voulues par la l o i , et
subsidiairetnent la réformation pour cause de lésion;
E t par jugem ent contradictoire du 2 mai d ern ier, rendu sur les
conclusions de M . le commissaire im p érial, elle a été déboutée de
toutes ses d e m a n d e s, et le tribunal a ordonné que le partage seroit
exécuté selon sa ¿orm e et teneur.
Appel de la dame D echam ps des trois jugemons des i 3 décembre
18 0 6 , a i février et 2 mai 1807.
Scs moyens en cause d ’appel sont les mêmes qu'en cause prin
cip a le; nullité tic la transaction et du partage, lésion résultante do
l’une et de l ’autre.
L a réponse des intimés sc divise en trois paragraphes.
Ils établiront, dans le p rem ier, que la dame D echam ps n ’est ni
rccovable, ni fondée à opposer les prétendues nullités dont clic
cx.cipc.
D an s
�D an s le second, que loin d’être lésée par les bases adoptées dans
la transaction du i 5 avril, et par le partage fait d ’après ces bases,
elle y est avantagée du tout au tout.
D ans le troisièm e, que si les intérêts des mineurs Loisel paroissent avoir été lésés par le traité du i 5 avril , en ce qu’on y a gra
tifié la dame Dechamps et Procule Esmelin au préjudice de la suc
cession m atern elle, ils en ont été amplement dédommagés.
SI".
L a dame Dechamps n’ est ni recevable , ni fondée h opposer les
prétendues nullités dont elle excipe.
T o u te s les nullités qu’invoque la dame Decliamps , contre le
traité et le partage des i 5 et 20 a vril, ont leur source dans de pré
tendus vices de formes.
O r la loi ne connoit point de vices de forme pour les majeurs ,
ils peuvent traiter de leurs intérêts à leur g r é , et leur signature
suffit pour rendre leurs engagemens irréfragables.
Ici, la dame Dechamps a signé les actes des i 5 et 20 avril.
A la vérité elle dit les avoir signés aveuglément, page 4 de son
m ém oire, sans en avoir entendu la lecture , page 14.
Mais elle a signé si peu aveuglém en t, et elle en a si bien entendu
la lecture, qu’elle nous dit elle-m êm e, page i 5 , que de retour dans
ses foyers elle a voulu se mettre en possession des articles attri
bués à son lot.
E t de f a i t , elle s’en est de suite mise en possession, en les affer
m ant par un bail qui est enregistré.
Elle n'a cessé d ’en jouir depuis , sans avoir été troublée par per
sonne ; et dans ce moment elle vient de quitter son ancienne habi
tation , qui appartenoit à ses m ineurs, pour venir habiter dans sa
propre m a ison , qui fait partie de son lot.
A i n s i , non seulement la dame Dechamps a approuvé ce partage
dans les premiers instans; mais elle n ’a cessé de l’approuver de
puis, et de l’exécuter pendant le procès.
C
�E t le fait d ’approbation le plus caractérisé, c’est ce changement
d ’h ab itation , cette translation clans sa propre m a iso n , dans le
m om ent où elle remplit l ’air de ses cris contre ce partage , q u ’elle
dit avoir signé aveuglément, et sans en prendre lecture.
L a circonstance qu ’il y a des mineurs intéressés dans ce par
t a g e , ne change rien à celte première fin de non*recevoir.
L a loi a prescrit des formes pour garantir les mineurs de la
f r a u d e , d e l à facilité ou de l ’insouciance de leurs tuteurs, et de
leur propre inexpérience lorsqu’ils sont émancipés.
M ais ils ont seuls le droi* de se plaindre de la violation de tes
fo r m e s, et il n ’est pas permis aux majeurs d ’en exciper.
C ’est ainsi que le décide l ’article i i 25 du C od e c iv il, qui porte
que u les personnes capables de s’engager , ne peuvent opposer
Vincapacité du mineur , de l’interdit ou de la fem m e m ariée, avec
lesquelles elles ont contracté.
Cette loi doit s ’appliquer avec d ’autant plus de rigueur à l’espèce,
que les parties ont prévu le cas , et en ont fait une clause expresse
de leurs conventions, en stipulant críele partage sera irrévocable
en ce qui concerne chacun des majeurs.
L a loi seroit m uette, que la convention seroit une loi écrite dont
il ne seroit pas permis de s’écarter.
C ’est en .vain que la dame Decham ps prétend excepter de cette
règle générale les partages faits avec des mineurs.
Q uand il seroit dans le texte ou dans l’esprit de la loi d ’excepter
du principe général les partages faits avec des m ineurs, la conven
tion particulière, que le partage dont il s’agit seroit irrévocable,
rn ce'qu i concerne chacun des majeurs, feroit cesser cette excep
tion , parce que la disposition de l ’hom m e fait cesser celle de la
lo i, et que celte convention n ’a rien d ’illicite et de contraire a u x '
bonnes mœurs.
M a is, d ’une par’, ce texte est clair, précis, d ’un n égatif absolu, ne
peuvent, ce qui écarte toute espèce d ’interprétation et d ’exception.
D ’aulre p art, celte loi n ’a fait que consacrer les anciens princi
pes, qui nous sont attestés par L e b r u u , dans son T r a i t é des Suc-
�( '9 )
cessions, liv. 4 , chap. i " , n°2 4 , où, parlan t du partage p rovisionnel,
il dit que le m in e u r a le droit d e s ’y tenir s ’il lui est a v a n t a g e u x ,
ou d ’y reno ncer s ’il n ’y trouve pas son co m p te ; et q ue pour rendre
cette fa c u lté r é c ip r o q u e , il fa u t qualifier le partage de sim ple pro
v i s i o n n e l , et stipuler, p ar u n e clause précise , q u ’il sera p e r m is , tant
a u x m ajeurs q u ’aux m in e u r s , de d e m a n d e r un partage d éfin itif •
« a u tr e m e n t, le m in e u r pourra se tenir au partage , si le bien q ui
» lui a été don né est plus c o m m o d e , et la faculté ne sera pas re-
» ciproque pour les majeurs.
L e m ê m e principe est rappelé par R ousseau de L a c o m b e , au
m o t P a r t a g e , sect.
3 , n* g.
Q u ’auroient donc dit ces auteurs, s i,c o m m e dans l’espèce, ilavoit
été question d ’un partage, non pas simplement provisionnel, mais
définitif; et si , au lieu du silence sur la réciprocité de la faculté
de revenir contre ce partage, il y eût été form ellem ent expliqué
q u ’il seroit irrévocable en ce qui concerne chacun des majeurs ?
M a is dans tout ce q u ’on vien t de d i r e , on a sup p osé, avec la
d a m e D e c h a m p s , que les actes q u ’elle attaqu e sont infectés de tous
les vices q u ’elle le u r sup p ose, résultans d e la violation d e to u le s
les fo rm e s voulues par la l o i , p o u r les transactions et les partages
da n s lesquels des m in e u rs s o n t intéressés ; et 011 a vu que dans c< tte
h yp oth èse elle n ’a pas le droit de les c e n s u r e r , soit parce q u e la loi
lui en interdit la f a c u l t é , soit parce q u ’elle se l ’est interdite ellem ê m e , par une convention fo rm e lle fa ite e n t r ’elle et tous ses c o
héritiers m ajeurs.
M a is cette hyp oth èse est p u r e m e n t gratuite , et toutes les f o r
m es prescrites par les lois pour la garantie des m in e u r s , o n t été
s cru p u leu se m en t observées dans l ’espèce.
O11 ne peut nier que l ’acte d u i 5 avril ne f û t une transaction
telle que la définit l’article 2044 du C o d e civil , « un co n tra t par
» lequel les parties te rm in e n t u n e co n te sta tio n n é e , ou prévien»
nent une contestation à naître. «
11 s’ agissoit déré g le r les d roitsles plus c o m p liq u e s, entre une m u l
titu de d ’héritiers , su r quatorze successions , qui présentoient de&
C
2
�♦x'i<
( 20 )
questions sans n o m b re , qui pouvoient donner lieu à des discussions
interminables.
Q u ’cxigeoit la loi pour rendre valable un pareil acte ? L 'au tori
sation du conseil de fam ille, l ’avis de trois jurisconsultes désignés
par le commissaire du G ou v e rn e m e n t, et l’homologalion du tri
b u n a l, après avoir entendu le commissaire impérial.
O r , on a vu dans le récit des faits, que toutes ces formalités ont
été exactement observées.
A la vérité, la transaction étoit rédigée avant l ’autorisation du
conseil de fa m ille , et la dam e D ecbam ps croit pouvoir y trouver
un prétexte de chicane.
Mais- ce traité, qui pour les majeurs éteit irrévocable en ce
qui conCernoit chacun d ’e u x , n'étoit qu ’un projet pour les m i
neurs , jusqu'à ce qu ’il eût été autorisé par le conseil de fa m ille ,
et par l ’avis des trois jurisconsultes, désignés par le commissaire
du G ou v e rn e m e n t; ce qui étoit prévu par l’acte m ê m e , dans le
quel on lit q u ’il ne sera passe en form e authentique, que lorsque
le sieur Loisel aura rempli pour ses mineurs les formalités pres
crites par la loi , pour en assurer la validité.
N ’est-il pas évident, d ’ailleurs, que le meilleur m o yen d ’éclairer
le conseil de famille et les jurisconsultes qui devoient donner leur
avis, étoit de leur présenter le traité tel qu'il avoit été co n ve n u ,
et q u ’il devoit être exécuté entre toutes les parties, s’il leur paroissoit dans l ’intérêt des mineurs ?
V ainem en t le tuteur auroit rendu compte à la famille assemblée
des projets d ’arrangeinens qui étoient proposés entre tous les cohé
ritiers Esm elin; vainement on auroit fait part d e ce s mêmes projets
aux trois jurisconsultes désignés par le commissaire du G ouverne
m ent pour donner leur avis; rien n ’étoit plus propre à diriger
leur opinion que le traité m ê m e , qui n ’étoil pas encore obligatoire
pour 1rs m in e u r s, et (pii ne pouvoit le devenir que par l'assentiment
de la famille assemblée , et l’avis des jurisconsultes désignés.
C ette circonstance de la préexistence du traité du i 5 a v r il, à
l’assemblée du conseil de famille c l ù l ’avis des jurisconsultes.
�n ’est donc qu’ un m oyen de plus en faveur de ce traité, parce
q u ’il en résulte que, soit l’approbation de la fam ille, soit celle des
jurisconsultes, ont été données en bien plus grande connoissance
de cause que si elles avoient précédé la rédaction de ce traité.
C ’est encore une pointillerie bien m isérable, que la critique que
fait la dame Dechamps des qualités de ce traité, dans lesquelles on
suppose les formalités remplies par le tuteur avec les dates en blanc.
O n l’a déjà d i t , pour les mineurs ce traité n ’étoit qu ’un pro
je t, qui ne devoit être passé en forme authentique et avoir d ’exé
cution qu'autant que le tuteur auroit rempli les formalités néces
saires pour le rendre valable.
Il étoit donc tout simple que les dates des actes qui devoient
constater l’observation des formes prescrites par la loi fussent en
b la n c ; les qualités étoient telles qu’elles devoient être dans l ’acte
authentique; et en passant cet acte authentique, on devoit remplir
les dates du conseil de famille et de l’avis des jurisconsultes.
Q uant au traité secondaire du m êm e jour i 5 avril, il étoit en
tièrement dans l ’intérêt des mineurs L oisel, puisque c ’est ce traité
qui leur assure la succession de René G ib o n , dont ils étoient exclus
par la loi.
Il ne peut donc y avoir ni m o tifs, ni prétexte de le censurer.
. L e partage du 20 avril, qui n’étoit que la conséquence et l’exécu
tion de la transaction, n ’étoit encore qu ’un projet pour les m ineurs,
jusqu’à ce qu’ il devînt obligatoire à leur égard, comme à l'égard
des majeurs, par l’observation des formes.
Elles ont été observées com m e pour la transaction: le conseil de
fam ille, assemblé pour la seconde f o is , l’a autorisé ; les trois ju
risconsultes désignés par le commissaire impérial , consultés de
rechef, l’ont approuvé; le tribunal l’a homologué.
A in s i, indépendamment que la dame Dechamps n ’est pas recevable à critiquer sous le point de vue de l’inobservation des for
m e s, soit ce partage, soit le traité qui l’a précédé, on voit que
sa critique seroit sans fondement, et que le sieur Loisel n’a m an
qué pour ses mineurs à aucune des précautions qu’exigeoit la loi
�«'t • *
C 22 )
pour les garantir de toute surprise , et s’assurer que leurs intérêt«
étoient ménagés jusqu’au scrupule.
§ II.
L a dame D echam ps, loin d ’étre lésée par les bases adoptées
dans la transaction du 1 5 avril, et par le partage fa it d’ après
ces bases, y est avantagée du tout au tout.
Cette proposition pouvoit paroître incertaine à l’époque du traité
du i 5 avril; aujourd’h u i, elle est démontrée mathématiquement.
O n étoit alors dans la confiance que toutes les successions échues
de l ’estoc maternel avant le décès de la dame Esmelin étoient con
fondues dans la communauté.
C e tte confiance étoit fondée sur l’expédition du contrat de m a
riage de 1 7 ^ 6 , dans laquelle on avoit omis d ’ insérer la clause que
chacun des futurs confondroit la somme de 600 liv. pour avoir
droit dans la com m unauté , et que le surplus des biens des fu tu rs,
ainsi que ceux qui leur écherroient par succession ou d o n a tio n ,
leur sortiroienl nature de propre.
C e tte erreur se trouvant rectifiée par une expédition plus exacte,
il est évident que toutes ces successions doivent être prélevées au
profit des héritiers maternels.
Il faut cependant distinguer dans ces successions celles qui sont
échues avant le décès de la darne Esmelin , de celles qui sont échues
depuis.
T o u t ce qui a été touché sur les premières de ces successions par
le sieur Esmelin , doit être prélevé sur la co m m u n auté, qu ’ il faut
considérer com m e interrompue au décès de la dame E sm elin , ar
rivé au mois do novem bre 1 7 8 9 , d'après la faculté q u ’en ont les
intimés et les mineurs Loisel par l’article 370 de la C ou tu m e de
Bourbonnais.
L e s successions échues depuis le décès de la dame E s m e lin , et
tout cc qui a été touché pur le sieur Esmelin sur les .successions
�(
S fo
23 )
antérieures depuis la même époque, doivent être prélevés sur sa
succession et sur ses biens personnels.
A in s i, on doit prélever sur la co m m u n a u té, i° ce que le sieur
Esmelin a louché sur la succession de Jean-Baptistc de
décédé à M oulins en 1764;
Lachaussée,
20 C e qu’il a touché de la succession de Gilbert de L ach aussée,
aussi décédé à Moulins en 1766;
5° L a somme de i 68 , 5o o liv. qu ’il a touchée à compte sur la suc
cession de Jacques de Lachaussée, par le partage provisionnel passé
devant L aro ch e, notaire à P aris, le 29 avril 1788 ;
4° C e qu ’il a dû toucher de la succession de M arie Ç a r jo n n e l,
jjisaïeule des enfans Esmelin , décédée en 1 7 8 8 , l’une des léga
taires universelles de Jacques de Lachaussée, qui avoit aussi touché
1 6 8 ,5oo liv. par le partage provisionnel de 1788.
E t 011 doit prélever sur la masse de sa succession, composée
soit de sa portion de la co m m u n a u té , déduction faite des prélcvemens, soit de ses biens personnels,
i° L a somme de i 88 , 55o liv. 16 s. qu ’il a reçue de la succes
sion du sieur René-B arthélem y Gibon , soit en 1790, soit pendant
les premières années des assignats, ce qui est établi par un état
écrit de sa main , que les intimés rapportent.
2°. C e q u ’il a dû toucher, pour le compte do scs enfans, de la
somme d ’environ 900,000 livres, restée indivise, de la succession
de Jacques de Lachaussée, après ce partage provisionnel ;
5°. C e qu ’il a dû loucher de cette même s o m m e , soit com m e
représentant Elizabeth de Lachaussée , fem m e Laplanche , soit
c o m m e représentant Catherine de Lachaussée, dont il avoit acquis
somme
les droils, qui étoient d ’un cinquième chacune de cette
de 900,000 liv. ; ce q u ’il n ’avoit pu faire que pour le compte de
ses enfans , à raison de l’indivision de ces droits avec eux ;
4“. C e qu ’il a dû toucher de la succession de G ilberl-B arlhélem y
G ibon , aïeul de ses enfans, soit directement, soit par l ’effet dea
cessions de droils de leurs cohéritiers dans cette succession.
On trouvera déjà une masse énorme qui suffiroit pour
la succession du sieur Esmelin.
absorber
�Mais que sera-ce, si on y joint les jouissances ou les intérêts
des capitaux, à com pter du m om ent du décès de la dam e E sm elin,
attendu q u ’aux termes de l’article 174 de la C o u tu m e de Bour
b o n n a is , l’usufruit des pères cesse de plein d ro it, à 14 ans pour
les filles, et à 18 ans pour les m i le s ?
. Si on y joint pour
5o
mille francs de ventes de bois de la com
m u n a u té , faites par le sieur Esm elin, après le décès de sa fe m m e ,
toutes établies par preuves écrites?
Pou r pareille som m e, au m o in s, de dégradations commises dans
les biens d e là co m m u n auté, depuis la mêm e épo que?
Q ue sera-ce e n fin , si on y joint plus de 225,000 l i v . d e d e tte s ,
connues lors du p artage, ou découvertes depuis, que les intimés
ont payées , ou payent journellement pour leur compte et pour
celui de la dam e D e ch a m p s?
N on compris les prétentions de la dame de B a r d , qui ont été
éteintes par le traité du i 5 avril.
N on compris encore les réclamations qui s’élèvent de toutes
parts contre cette succession, qui sont connues de la dam e D e cliamps , et qu ’on se dispensera de relever, dans la crainte de les
accréditer.
Il résulte évidemm ent de ce tableau, q u e , la succession du sieur
Esmelin fût-elle d'un million ( et elle est à peine du tie rs) , elle
seroit insuffisante pour faire face au passif dont elle est grevée.
E t il ne faut pas perdre de vue, d ’une p a rt, que la presque uni
versalité des acquisitions est antérieure au décès de la dame
Esmelin ; ce qui donne aux héritiers maternels droit
h
la moitié
de tous ces biens acquis, sans autres charges que celle de la m oitié
des reprises qui existoient alors.
D ’autre p a r t , q u e sur les 225,000 livres de dettes passives, il
y
en a pour environ 200,000 livres , qui sont du fait seul du sieur
E sm elin , et n ’ont été contractées que depuis le décès de la daine
Esm elin; ce qui les f.iit uniquement frapper sur sa succession.
D ’autre part enfin, que les 267,550 livres de dettes actives dou
teuses, qui forment un des principaux objets de cettle succession,
no
�(
( ^
r
i
&
)
Ü -
ne doivent être comptées que pour le cinq uièm e, au plus, de leur
valeur numérique ; les intimés en offrant l ’abandon à 80 pour
100 de perte.
C ’est vainement que la dame Decham ps croit pouvoir affoiblir ce tableau, en cherchant à tirer avantage du testament de la
darne Esmelin , qui contient, d it-e lle , legs du quart de tous ses
biens, au profit de son mari.
C e testament n ’est pas rapporté, et il y a lieu de croire q u ’il ne
le sera jamais ;
Il est olograph e, et il n ’est pas écrit en entier de la main de la
dame Esmelin ;
C e n ’est pas sans de bonnes raisons qu ’on n’en a parlé que vague
m ent dans le traité du i 5 avril;
C e testament n’est pas d ’ailleurs tel que le suppose la dame
Decham ps ;
Il porte legs de l'u s u f r u i t , ou du quart en propriété, au choix
du sieur Esmelin;
E t le sieur Esmelin seroit censé, par le f a i t , avoir opté l’usu
fruit , puisqu’il n’ a cessé de jouir des biens de ses en fans, jusqu'à
sa m ort. Encore faudroit-il distraire de cette jouissance la succes
sion de René G i b o n , qui n ’est échue à ses enfans qu'après le décès
de leur m ère, et à la qu elle, par co nséqu en t, ce testament ne peut
avoir d ’application.
Il est évident, d ’après ce qu ’on vient de dire, que si par l’effet
de l’anéantissement de la transaction du i 5 a v r i l , que la dame
Dechamps a l’imprudence de solliciter, chacun des cohéritiers
rentre dans son premier état , l’a ctif de la succession du sieur
Esmelin étant plus q u ’absorbé par le p assif, la daine Dechamps
ne p eut, en sa qualité d ’héritière, espérer d ’en retirer une o b o le ?
Il importe peu, d ’après cela, d ’examiner s’il y a , ou non , lésion
dans l ’estimation proportionnelle des biens dont le partage est
composé, comme le prétend la dame Dechamps.
T o u t e f o i s , pour ne rien laisser à désirer sur cette prétendue
lésion secondaire, les intimés rappelleront à la daine D echam ps,
D
�( aG )
que les b ie n s -fo n d s qui composent son lot ont été choisis par
elle ;
Q u ’ils sont pour la plupart mêlés avec ceux de ses m in e u rs, et
par conséquent parfaitement h sa convenance;
Q u ’ils ont été estimés par des experts nommés par e lle , logés
et nourris chez elle pendant tout le temps de leur opération.
Ils lui diront enfin q u e, malgré la baisse des biens-fonds, sur
venue depuis le partage, ils offrent de prendre pour leur compte
tous ceux qui se trouvent dans son lot, pour le sixième en sus de
l'estimation et du prix pour lequel ils sont entrés dans ce partage.
C ’en est assez, ou plutôt c ’en est trop, sur cette prétendue lésion;
car les intimés n ’ont que trop bien prouvé q u e , loin que la dam e
Decham ps soit lésée et dans les bases et dans les résultats du par
tage du 20 a v r i l , elle a été traitée par ses cohéritiers avec une gé
nérosité sans exemple ; que tout ce q u ’elle t i e n t , tout ce q u ’elle
possède de la succession de son p è r e , elle ne le tient que de leur
libéralité, elle ne le possède que p arle u rs bienfaits.
O n dit que ce fait est trop bien p ro u vé , parce que cette géné
rosité excessive semble nuire aux intérêts des mineurs Loisel.
Cependant on verra bientôt q u ’on leur a rendu toute la justice
q u ’ils pouvoient désirer.
§ III,
R ela tif aux mineurs L oisel.
O n ne peut se dissimuler que plus on a gratifié la dam e D echam ps
et Procule E s m c lin , plus les héritiers maternels ont dû faire de
sacrifices.
Ces sacrifices seroient faciles à justifier pour les mineurs Loisel.
O n pourroil dire que des mineurs ne sont jamais lésés quand ils
marchent sur les traces de leurs cohéritiers m a je u rs, qui ont le
m êm e intérêt q u ’e u x , surtout quand de six cohéritiers cinq sont
m ajeurs, et reconnus pour être parfaitement capables de stipuler
leurs droits et de veiller ù leurs intérêts.
O n pourroil dire enco re, com m e l ’ont fait les trois anciens ju ris
�( »7 )
consultes désignés par M . le commissaire im périal, pour donner
leur avis, que « tous les héritiers avoient le plus grand intérêt
» à ce que le partage n ’éprouvàt pas de retard. T o u s les bâtimens
>> des domaines étoient en ruine. 11 étoit dû des sommes considé» rables , qui exposoient les cohéritiers à des poursuites ruineuses,
» et qui pouvoient absorber une grande partie des biens.
« La minorité des enfans Loisel rendoit ces poursuites pres» qu'inévitables, et chacun des cohéritiers pouvoit se voir expro» prier de ses biens propres, par la circonstance q u ’il se trouvoit
» des mineurs parmi les cohéritiers.
» Il s’élevoit des contestations sur la composition des masses, et
m
la division entre les lignes paternelle et m aternelle........................
» sur les réclamations de plusieurs des héritiers , et il'cto it impos» sible de prévoir la fin de ces discussions, et les suites funestes
» qu ’elles pourroient avoir.
» L a transaction qui termine toutes ces contestations sans fr a is ,
» et dans l’espace de quelques jours qui avoient été employés à la
» préparer, o ffr o it à toutes les parties des avantages qu’on ne sau» roit trop apprécier. »
Mais ce qui tranche toute difficulté , c ’est l ’indemnité que tous
les cohéritiers majeurs ont assurée aux mineurs L o ise l, pour les
désintéresser et consolider leur ouvrage.
Il existoit dans la famille une succession dont les religieuses
étoient exclues par leurs v œ u x , et la mère des mineurs L o is e l,
parce q u ’elle étoit hors des termes de représentation.
C ’éloit celle de René G ib o n , décédé au mois de juillet 1790.
Il a été convenu par les art. 8 et 9 du traité particulier , du i 5
avril 1806, que les mineurs Loisel seroient associés pour un sixième
dans cette succession, et qu’ils commenceroiejit par prélever 5280 fr.
Us ont à partager, entr’autres objets, près de 3ooo francs de rentes
inscrites sur le grand livre, connues sous le nom de tiers consolidé ,
dont la liquidation est terminée depuis le mois de décembre der
nier, et dont la valeur, au cours, approche dans ce m om ent du ni
veau de leur capital.
D 2
�fc..\ <
(
*3 )
Ils onl, par suite de cette association, une portion dans le domaine
de L a r o c h e , provenu de cette m êm e succession.
11 a été en outre arrêté que le sieur Loisel préleveroit sur les pre
miers recouvremens 2000 f r . , pour les frais de l’instance intentée
au nom de ses mineurs au sieur Esmelin ; frais qui eussent été
compensés et perdus pour ses m in e u rs, sans cette convention par
ticulière.
D e sorte que l ’indemnité accordée aux mineurs Loisel, par leurs
cohéritiers m a je u r s , pour les dédommager des sacrifices q u ’ils pou
rvoient faire au bien de la p a ix , par leur acquiescement au traité
du
i 5 a v r il, peut être évaluée à environ
14 à i 5o o o f r . ; tandis
q u e , dans le calcul le plus rigoureux, et en regardant com m e un
bienfait absolu de la part des héritiers maternels les deux lots de
Procule et de G eneviève Esmelin , ce sacrifice ne pouvoit jamais
excéder 10000 f r . , form ant le sixième de Goooo fr.
Q u an t à la prétendue lésion résultante du défaut de proportion
dans l’estimation des biens qui composent leur l o t , comparée aux
lots de leurs cohéritiers, c ’est une inculpation gratuite faite aux
experts , dénuée de vérité com m e de vraisemblance , et qui ne
prouve a u tr e chose , si ce n ’est l’habitude où est la dam e Dechamps
de tout hasarder.
C e seroit une tâche trop pénible et trop dégoûtante, que celle de
relever tous les faits faux et calom nieux dont le mém oire île la dam e
D echam ps est rem p li; il faudroit écrire des volum es, et surcharger
une contestation qui l’est déjà trop par elle-même.
Il suffira de rappeler quelques-uns de ceux qui ont une liaison
immédiate avec les objets en litig e , pour se faire une idée de sa
vé ra cité , de sa bonne J’oi sur tous.
P a r e x em p le, 011 l i t, page i 5, que lorsqu’elle a voulu se mettre
011 possession des objets attribués à son lo t, « ù peine le foin du pré
>♦.lu domaine de Cliirat a-t-il été c o u p é , que René Esmelin l’aîné
* <l D e u x -A igu es sont venus avec une troupe de bouviers s’en einj> parer à force o u verte, en l ’accablant d ’injures et de menaces. »
�( 29 )
Oublions cette prétendue force ouverte employée contre une
femme , ces injures, ces menaces dont elle orne sa narration, pour
en venir au fait.
L e pré dont il s’agit faisoit partie de la réserve de B o u is , qui est
entrée dans le lot du sieur René Esmelin.
C e pré est nom m ém ent compris dans ce lo t, q u i , com m e tous
les autres, a été formé par les experts.
C ’est un fait prouvé par leur rapport, qui sera mis sous les y e u x
de la cour , et qui est de la parfaite connoissance de la dame
Dechamps :
A b uno disce omnes.
« Ses cohéritiers se sont emparés du bois C h a b r o l, q u ’ils font
M exploiter journellement par le sieur Gillot. »
C e bois Chabrol fait partie du lot de la dame Dechamps ; il y
est porté pour i 320 fr.
Mais c’est uniquement le fonds qui lui appartient.
L e s arbres en étoient vendus au sieur G illot, par le sieur E sm elin ,
depuis plus de trois ans avant sa m o r t , à raison de 7 fr. le pied;
ce qui portoit la vente de ce bois Chabrol à 16000 fr.
Pourra-t-on se persuader que ce soit sérieusement que la dame
D e ch a m p s, à qui 011 a donné le bois Chabrol pour i 520 fr. , en
réclame tout à la lois le fonds , qui vaut au moins 2 4 °°
et Ie
bra n lan t, qui avoit été vendu 1G000 i r . , et dont la majeure partie
étoit déjà exploitée lors du partage.
A b uno disce omnes.
« Ils ont poussé l’injustice jusqu’à usurper un autre bois contigu,
» qui appartient particulièrement à ses m ineurs, du chef de M . De» champs , leur père, et que le sieur Gillot exploite aussi. » M êm e
page i 3.
Mais la dame D echam ps nous apprend e l l e - m ê m e q u ’il y a
procès pour les limites de ce bois : il n ’y a donc , jusqu’à la dé
cision , ni injustice , ni usurpation. Sub jitdice lis est.
« (j. Il y a lésion , en ce que Renc E sm e lin , fils a în é , n ’a point
,
�t
(3 ° )
)> rapporté à la masse les terres du B e y r a t , de la Presle, la Sou-
» b r a u t, L a ro c h e , le L o g is , etc. valant plus de 200000 fra n cs, et
» qui ont été achetés et payés sous le nom de ce fils, indûm ent
» avantagé par le sieur Esmelin père. » Page 62.
L e sieur Esmelin a acheté par acte authentique, le 12 février
1792 , étant encore avec son père, un domaine appelé la Soub rau t,
une maison , des vignes, pour la s o m m e , réduite à l’éch elle, de
i 25oo fr.
L a vérité est qup celte som m e a été payée par le sieur Esm elin
père. L e sieur R ené Esmelin en a fait le rapport à la masse lors
tlu partage.
'• .
Si le père avo'it-voulu avantager son fils, d ’une manière indirecte,
de.cette acquisition, rien n ’eût été plus fa c ile ; il suffisoit de lui
donner quittance de ces i 25oo fr. qu ’il avoit payés pour^ui.
Ces fraudes ne sont pas r a r e s , et les tribunaux peuvent diffici
lement les atteindre.
L e sieur René Esmelin s ’est m a r ié , et a quitté la maison pater
nelle le 8 frim aire an
3.
Sa fem m e lui a porté le revenu d ’une dot de
a conservé l'usufruit après son décès.
45 ooo f r . , donl il
II a acquis en l’an g le bien de la P r e s le , par acte au th e n tiq u e ,
au prix de 2 {000 fr. dont 10000 fr. exigibles, et 14000 fr. en rente
viagère, à raison de 1400 fr. par a n ;
il 11’a déboursé pour cet
objet que 10000 f r . , c i .............................................................
10000 fr.
11 a a cq u is, le 2 germ inal an 1 1 , toujours par acte
authentique, le bien du Beyrat, 60000 f r . , dont Soooofr,
en délégations de co n tra ts, et
5oooo fr . en délégations
e x ig ib les, c i ..................................................................................
Soooo
L e 28 prairial an 1 2 , il a acquis e n c o r e , par acte
authentique , la locaterie du L u t ou des Chaises Gooo fr.
e i ........................................................................................................
T o t a l ......................................................
Gooo
/,G o o o fr.
�(
3i
f t ^
)
11 a revendu , par acle authentique, une portion de la locaterie
du L u t au sieur Louis Lurzat 2900 f r . , c i ........................
2900 fr.
Par acte du 21 messidor an i 3 , il a vendu au sieur
Claude Esmelin la maison et le logis situés à B ellen ave,
10000 f r . , c i ................... .......................................................... 10000
11 a revendu en détail le bien de la Presle, par différens actes authentiques, 24000 f r . , c i ............................... 24000
Il a vendu au sieur Gillot le bois delà Soubraut 3o o o f r .,
c i .....................................................................................................
Il a reçu de son père, à compte sur la succession du
3ooo
sieur René G i b o n , 2600 f r . , dont il lui a fourni quit
tance, c i ........................................................................................
T o t a l « . .................................................
A in si la différence est de
2600
42000 fr.
35oo fr.
C e n ’est pas qu’il ne reste au sieur Rend Esmelin quelque for
tune personnelle ; m ais, outre que cette fortune est grevée de
rentes viagères ou constituées, il la doit à l’heureuse circonstance
d ’avoir acheté bon m a r c h é , et d ’avoir revendu cher ;
A l’extinction de quelques viagers;
A une bonne administration ; à de grandes améliorations; à son
industrie.
L oin q u ’il ait puisé pour ces acquisitions dans la bourse de son
p ère, qui é to it, comme on l’a v u , dans un tel état de gêne que
sa liberté étoit compromise à chaque instant par l'échéance des
lettres de changes, le sieur Esmelin p ère , dans un pressant be
soin , avoit to u c h é , peu de temps avant sa m o r t,
6553 liv. prix
d ’une vente de bois qui appartenoit à son fils.
C o m m e ce fait étoit notoire dans la fam ille, il n ’est venu en
idée à aucun de ses cohéritiers de lui contester celle somme de
6553 liv. qui fait partie des dettes passives de la succession.
Il n ’y a pas un fait avancé par la dame D ech am ps, auquel il ne
fû t facile de faire une réponse aussi satisfaisante, si le temps et
la patience pcrmettoicnt de les relever tous.
�II rosie à dire un mot de deux objets dont se plaint la dame
D ech anips, et sur lesquels les intimés sont prêts à lui rendre justice.
L 'u n est rela tif à ses créances contre la succession du père co m
m un , qui dérivent de sa dot moniale et d ’arrérages de pension
q u ’elle prétend ne pas avoir été liquidées exactement.
L es intimés rapportent cette liquidation faite par M . Bergier,
et écrite de sa m a in ; ils sont convaincus que cette liquidation est
exacte. A u surplus , ils offrent de revenir à com pte avec elle sur
cet o b je t, ou devant tel commissaire q u ’il plaira à la C o u r de nom
m e r, ou devant les premiers juges.
L e second est relatif à la somme de
d d i s son lot.
4 i i 5 Iiv. de mobilier porté
E lle prétend que son lot est trop chargé de cette nature de
b ie n s , et en ce la , ses plaintes sont évidemm ent indiscrètes; car il
y a , y compris les rapports, au moins i 5 o,ooo liv. de mobilier
dans la succession , et sa quotité proportionnelle seroit d ’environ
ioo oo liv.
Elle se plaint aussi de n ’avoir pas reçu cette som m e ;
Elle n ’e u 'a reçu en effet q u ’une partie.
U n e autre partie a été payée en son acquit pour dépenses com
munes.
U n e autre partie est encore en n a tu re, n o ta m m e n t les bois de
sciage.
E nfin, il y a un déficit dans le m obilier, à raison des distrac
tions qui en ont été faites en nature ou en deniers, auquel il
doit être pourvu de la manière convenue par le traité particulier
du i 5 avril.
T o u t cela exigeoit des rapprocliemens entre la dam e Decliam ps
et le sieur Uené Esmelin a în é, que les contestations pendantes
entr’rux ont rendus impraticables.
Mais le sieur René Esmelin est toujours prêt à lui rendre justice
sur ce point , qui dépend d'un compte q u ’il offre encore de iaire
(levant tel commissaire qu'il plaira à la cour de n o m m e r , ou de
vant les premiers juges.
E n c o ïc
�S n
i
( 33 )
Encore un m ot :
L e sort de la dame Dechamps est dans l es mains des intimés.
S ’ils acquiescent à ses dem andes, elle est perdue.
S ’ils lui résistent, c ’est par pitié pour e lle , c ’est pour l’arrêter,
la malheureuse, au bord du précipice qu ’elle creuse sous ses pas.
Quant aux mineurs L o i s e l , leurs intérêts sont à couvert.
Ils sont amplement dédommagés dans la succession de René
G ib o n , des sacrifices qu’ ils font au bien de la paix.
D ’ailleurs, les traités et le partage des 1 5 et 20 avril ont eu
l ’assentiment de leur p ère, de leur aïeul m aternel, leur subrogé
tuteu r, de leur famille deux fois assemblée pour en prendre connoissance, des anciens jurisconsultes deux fois désignés par le com
missaire im périal, du commissaire impérial lui-m êm e, enfin des
juges du tribunal d e G a n n a t, q u i , parfaitement instruits des f a it s ,
des circonstances et des localités , se sont empressés de les h om o
loguer et d ’en ordonner l ’exécution.
T a n t d ’autorités réunies n e permettent pas de douter de l'uti
lité, de la sagesse, de la nécessité de ces traités pour les mineurs
com m e pour les m a jeu rs, et les intimés espèrent que la C o u r voudra
bien , en les consacrant par son a r r ê t , m ettre la dam e Decham ps
dans l’impuissance de se nuire à e lle-m ê m e , et de nuire désormais
à sa famille.
Signé
René Esmelin,
G ilbert
Esmelin - D e u x - A i g u es ,
C l a u d e - A m a b l e L a p e l i n , M a r i e - M a g d e l e i n e E s
m e l i n - L a pe l i n , J e a n - F r a n ç o i s L a g a r d e - D e l a v i Qn
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len n e , T h e r è s e Esmelin-Lavilenne , M a r ie-Ade-
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veuve D ebar,
B O I R O T , ancien jurisconsulte.
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E sm elin,
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H U G U E T , avoué.
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A C L E R M O N T , de l’imprimerie de L andriot, imprimeur de la Préfecture.
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N . . . Delachaussée.
I
Gabriel Delachaussée. *j*
Marie Farjonel,
morte en 1788.
Ont eu n eu f cnüms.
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il
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I
JNT.
IS
M
N...
J. Bapt. Delachaussée,
drapier à M oulins,
mort en 1768.
N . ..
"t
Jacques Delachaussée,
administrateur de
l ’Hôtel-Dieu de Paris,
m ort en 1787.
Gilbert Delachaussée,
négociant à Moulins/
m ort en 1760.
«J*
Louis Esmelin. + +
Thérèse L u cat, *J*
morte après 1756.
Ont eu trois enfans.
Gilbert G ibon, -p
mort en 1792
M arie-Catherine Delachaussée.
§SiH
Réné G ib o n ,
directeur des aides
à ChAteau-Tlnerry,
mort en 1790.
f
a s
j® r
ISS'jï
Marie-Magdeleine Esmelin.
Gilbert Gibon.
M arie-Anne G ib o n ,
morte en 1789.
Etienne Esmelin, *J»
mort en i 8o 5.
Ont eu n e u f enfans.
.VF3
K_►
'X'Xî'«4‘. H
Françoise Esm elin ,
morte en 1
Còme G ibon, vivant.
\
Agnès Esmelin.
N . . . Barathon.
1
Elizabeth Esmelin-Ducluzort,*J*
m orte en 1792.
___________ /V____________
Réné Esmelin.
Gilbert Esmelin-Deux-Aigues.
Thérèse Esmelin.
J. F. Lagarde-Lavilenne,
Marie-Adelaïde Esmelin.
Hugues Debar.
v
—
—
Marie-Magdeleine Esmelin.
Claude-Antoine Lapelin.
>-------
Intimés réunis.
Agnès-Gilberte Barathon.
Jacques-Marie-Pierre LoiseL
j
Procule Esmelin,
religieuse.
Geneviève Esmelin.
Amable Dechamps.
Intimée.
Appelante.
P
'
'
g ra sg b
K o l a . i ° . L e s ig n e -f-{- in d iq u e le s s u c c e s s io n s o u v e rte s a v a n t le m a ria g e d ’E tie n n e E s m e l i n , p è re d e s p a r t ie s , e n 17 6 6 .
w
S ° . L e s ig n e •}• in d iq u e le s s u c c e s s io n s o u v e r t e s ap rè s c e m a ria g e .
w i] Etienne-Eugène,
Agnès-Gilberte,
------- —
------ ------------------------ h
mineurs représentés par leur père.
S
3 ° . P r o c u le e t G e n e v i è v e E s m e l i n , m o r te s c i v i l e m e n t , e t ra p p e lé e s p a r l a lo i d u
5
b r u m a ir e a n 2 , n ’o n t p art q u ’à l a s u cc e ssio n d ’E t ie n n e E s m e l i n , le u r p è r e ; m a is e lle s o n t p a r t , d e so n c h e f ,
s u r s u c c e s s io n s o u v e r t e s à so n p r o fit.
K
&
^
ÉffiRËI
Intimés.
r ra rp x x cræ rŒ a
i
W Ê m I
A R I O M,
\ D e l'im p r im e r ie d e T i i i b
i
a u d
-L
a n d r i o t
,
im p r im e u r d e la C o u r d ’a p p e l.
rn o cm o m ao y
ru su j j s
�
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Factums Godemel
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A name given to the resource
[Factum. Esmelin, René. 1808]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Boirot
Huguet
Subject
The topic of the resource
successions
traités de familles
coutume du Bourbonnais
vie monastique
religieuses
rétroactivité de la loi
émigrés
minorité
négoce avec les Amériques
banques
experts
arbitrages
donations
généalogie
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire pour René Esmelin, Gilbert Esmelin-Deux-Aigues, Claude-Amable Lapelin, et Marie-Magdeleine Esmelin, son épouse ; Jean-François Lagarde-Delavilenne, et Thérèse Esmelin, son épouse ; Marie-Adelaïde Esmelin, veuve Debard, intimé ; contre Geneviève Esmelin, veuve d'Amable Dechamps, ex-religieuse, appelante ; en présence de Procule Esmelin, ex-religieuse ; et encore en présence de Jacques-Marie-Pierre Loisel-Guillois, tuteur de ses enfants, héritiers d'Agnès Esmelin, leur aïeule maternelle aussi intimés.
Particularités : notation manuscrite : « 28 mars 1808, 1ére section, adopte les motifs du jugement du 13 octobre 1806, 21 février et 2 mai 1807, confirmé. »
Table Godemel : Transaction : 5. le majeur qui a traité avec des mineurs sur des intérêts respectifs et sur un partage, est-il recevable à demander la nullité de l’acte, pour vice de forme résultant de leur propre incapacité ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'Imprimerie de Landriot (Clermont)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1808
1764-1808
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
33 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G1723
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Moulins (03190)
Clermont-Ferrand (63113)
Chirat-l'Eglise (3077)
Bouis (terre du)
Chirat (domaine de)
Bellenaves (03022)
Beyrat (terre du)
La Presel (terre de)
La Soubraut (terre de)
Laroche (terre de)
Le Logis (terre de)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Relation
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arbitrages
banques
coutume du Bourbonnais
donations
émigrés
experts
généalogie
minorité
négoce avec les Amériques
religieuses
rétroactivité de la loi
Successions
traités de familles
vie monastique
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de7d1531659c918e7438d1ead83cd2ec
PDF Text
Text
PRÉCIS
EN R É P O N S E ,
POUR
Les sieur et dame RABUSSON DE V A U RE,
intimés ;
CONTRE
Les sieur et dame H IL L IA R D , cotuteurs de
demoiselle D
umont
, appelans.
Le s sieur et dame Rab usson de V au re sont divisés
d’intérêts avec la demoiselle D um ont, leur nièce. Ils ont
proposé leurs moyens avec modération , mais ils se
plaignent à juste titre du ton d’aigreur qui règne dans
la défense de leurs adversaires.
Les expressions outrageantes sont répandues avec pro•. !
A*
• ' -i .
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�( 2)
fusion. On lit à chaque-page, artifice, ruses, détours,
cupidité en délire, tours deforce de l’esprit hum ain, etc.
L e cœur de la clame Ililliai’d se brise, les m œ ursfré
missent , Vétonnement balance îindignation, parce que
les cohéritiers de la demoiselle Dumont réclament leur
portion héréditaire dans les biens maternels.
C'est fouler aux -pieds, de la manière la plus scan
daleuse, le pacte defa m ille le plus sacré, que de disputer
à. la demoiselle Dumont un préciput qu’on devroit s’em
presser de lui accorder, quoique les lois le lui refusent,
pour la dédommager des pertes immenses qu’elle a faites.
On ose rappeler la mort tragique d’un père infortuné,
lorsque la dame Hiliiard, son épouse, s’est remariée dans
la première année de son deuil; et c’cst dans les bras
d’un second ¿-poux qu’elle vient faire parade d’une ten
dresse exclusive pour sa fille du premier lit.
On accuse un ancien magistrat, qui jouit à juste titre
de l’estime publique, dé s’étre enrichi des dépouilles de
son beau-père, d’avoir acquis sans bourse délier, en
puisant dans celle du sieur Dumont. Et si on en croit
la dame H iliiard, la dame de Vaure a été avantagée de
plus de i ooooo francs, par des dons annuels ou par des
donations déguisées
Cependant le sieur de Vaure n’a point augmenté sa
fortune; il est, comme;dans les premières années de son
mariage, au-dessus des besoins, jamais obéré parce qu’il
n’emprunta jamais; et la note qui le concerne personnel
lement est d’autant plus indécent«5* que
dame Hiliiard
ne peut ignorer l’emploi qu’a fait M . Dumont de ses
revenus; elle sait qu’il a payé plus de 130000 francs de
�( 3 ),
dettes, comme, par exemple,"33140 fi\ aux créanciers
de son fils, premier mari de la dame ïliliiard; 3200b.fr.*
aux héritiers Dumont-Lacliassagne ; 6000 fr. au sieur
Chabot, de Moulins ; ôooo fr. à la dame Beaufort, de
Montluçon ; 4000 fr. au sieur Chaudillon, 4000 fr. à la
dame Lagrange, de Chantelle; 2Ôooo fr. restés dûs sur
le prix des domaines de Saulzet*, 20000 fr. au sieur de
D ouzon, à qui il payoit encore 3000 fr. de rentes via
gères, etc., etc.
- Les sieur et dame de Vaure répondent par des faits à
des assertions injui’ieuses, et fort inutiles pour la cause.
Ils finiront par observer que la dame Hilliard avoit toutes
sortes de motifs pour être plus modeste ; qu’elle donne
un mauvais exemple ci sa fille, qu il fuuOruit entretenir
dans de plus douces pensées ; elle devroit surtout lui
rappeler qu’elle a reçu souvent de son aïeul des témoi
gnages de tendresse, et que la dame de V au re, sa tante,
lui a donné des preuves multipliées de son affection,
pendant un an qu’elle a été confiée à ses soins. •Les déclamations de la dame Hilliard ne font point
ornement dans une cause dégagée de toutes circonstances,
et qui ne présente que des questions purement de droit.
La terre de Mont est l’objet du litige; c’est un conquôt
de communauté des sieur et dame D u m o n t, auteurs
communs des parties.
Ils étoient domiciliés, et la terre de M ont est siluée en
coutume de Bourbonnais.
- Cette coutume admet l’égalité la plus parfaite entre les
enfans; elle ne permet aux pères et mères de disposition*'
A a
�(4)
libérales qu’autant qu’elles sont faites par contrat de ma
riage au profit des contractans.
L e mari est le chef de la communauté ; il dispose seul,
à titre onéreux ou gratuit, de tous les acquêts, pendant
la durée du mariage.
Mais du moment de la dissolution il cesse d’être le
chef; il n’est qu’un simple associé, et ne peut plus par
conséquent disposer que de sa portion.
Maintenant la dame Dumont a - t- e lle pu faire une
donation en préciput à son fils, d’un conquêt de com
munauté, du vivant de son m ari, et par le contrat de
mariage de ses filles?
A - t - e l l e pu transmettre à son mari le droit d’élire*
c’est-à-dire, le droit de faire ce qu’elle.
pouvait faire
elle-même? L e mari a - t - i l p u , après la dissolution du mariage r
donner à son fils la portion qu’amendoit sa femme dans
un conquêt de communauté ?
Telles sont les questions principales; et il ne faut pas
recourir à des tours de Jbrce de Yesprit humain pour
les résoudre. A la vérité la dame Hilliard ne les a pas
présentées ainsi y mais elle trouvera bon que chacun les
pose à sa manière.
Si on daigne ensuite descendre jusqu’aux questions,
secondaires,
Des filles peuvent-elles être tout à la fois apanées et
retenues ?
L ’institution faite en faveur de lat dame de Vaure estelle grevée de la condition irritante d’abandonner à son
frère la terre de M ont en préciput ?
�( 5)
Peut-on éluder la disposition prohibitive de la lo i,
par des conditions illicites ?
Les premiers juges se sont avisés de décider négati-r
veinent ; et suivant la dame H illiard , c'est h délire de
la présomption.
Ne seroit-ce pas porter trop loin l ’abus du sophisme.
que de tenter de justifier cette décision ?
Au moins la dame Hilliard ne se plaindra pas que
les intimés aient voulu fatiguer son attention, ou lasser
sa patience leur tâche ne sera ni longue ni pénible.
Déjà les sieur et dame de la Roque qui ont le même
intérêt, ont publié leur défense; les règlemens de famille
sont connus ; les motifs et le dispositif du jugement sont
rapportés - il faut surtout éviter ic» ^¿p4titions»
L a première question se divise en deux parties : la
dame Dumont a-t-eîle p u , pendant le mariage, disposer
d’un conquêt de communauté au profit de son fils ?
p o u v o i t-elle le faire, dans tous les cas, par le contrat
de mariage de ses filles ?
Prem ière partie. L e mari est le chef et le maître de
la communauté j il a le droit exclusif de donner, vendre
et aliéner h sa volonté les meubles et les acquêts faits
pendant le mariage ; mais il ne peut le faire que par
contrats entre-vifs, et non par contrats ayant trait à la
mort : telle est la disposition de l’article 236 de la cou
tume de Bourbonnais, qui est en ce point conformé à
toutes les coutumes de communauté.
La femme qui est en la puissance de son m ari, n’a
aucune participation aux objets communs, si la coutume
restreint le droit du mari aux Contrats entre - vif3 ?
�( 6)
M. Auroux nous en donne la raison sur l’article cité,
n°. 7. Il dit que « si le mari pouvoit disposer par contrats
« à cause de m ort, la disposition tomberoit dans un
« temps auquel le droit du mari cesse, et que la femme
« commence à y avoir un droit effectif.
'« Pendant le mariage, le droit de la femme sur les
« acquêts, n’est^ qu’un droit ha bitu el• mais il devient
« actuel après la dissolution de la communauté; ce qui
« fait qu’on dit que le mari vit comme maître absolu, mais
« qu’il meurt comme associé. » Ce n’est donc que pen
dant le mariage qu’il peut disposer en maître de tous
les acquêts ; sa volonté fait la l o i , et la femme est obligée
de la respecter; elle ne prend ni ne peut prendre aucune
part aux dispositions des Liens de cette nature.
La femme ne peut môme disposer de ses propres
qu’avec le consentement de son mari, et sous son autorité;
comment auroit-elle donc eu le droit de donner à son
fils moitié de la terre de M o n t , q u i , de l’aveu de tout
le inonde, est un conquêt de communauté ?
Comment surtout auroit-elle pu donner à son fils cette
moitié, par le contrat de mariage de sa fille, lorsque
• l’article 217 de la coutume de Bourbonnais porte en
termes précis que « les père et m ère, ou F un d’e u x ,
« ne peuvent donner entre-vifs à leurs enfans , hors
« contrat de m ariage, soient leidits enfans émancipés
« ou non ? »
« La disposition de cet article, dit A u r o u x , n°. 2 ,
« a pour principe l’égalité que la nature désire entre
« les enfans, étant juste que ceux qui sont égaux en
u naissant, et qui doivent l’être dans l’uffectiou de leurs
�( 7)
« père et'mère, le soient aussi clans le partage de leurs
« biens. »
Auroux ajoute, n°. 3 , que « cette prohibition de la
« coutume s’entend directement et indirectement, et par
« quelque manière que ce soit. » Suivant cet auteur,
n°. 8 , la donation faite hors contrat ne profiteroit pas
au donataire, quand il voudroit renoncer à la succession
pour s’en tenir à son don ; et Decullant, bien pénétré
de la prohibition absolue de la coutume, s’exprime ainsi :
eritm cum paragraphus noster intendat œqualitatem
ínter liberos, ut notât MoHnœus, et non excipiat nisi
donationern fa cta m façore m atrim onii, censeo extra
hune casum prohiberi donationern cuidonatarius etiarn
cibstinendo ab hcereditate non possve *tar-e.
Passant à l’article 219 de la même coutume, les do
nations, conventions, institutions d’héritiers, faites en
contrat de mariage, sont bonnes et valables au profit
et utilité des mariés et de Vun d'eux, ou des descendons
du mariage ; ce qui veut dire que ceux qui contractent
mariage, ou les descendans, peuvent seuls profiter des
avantages stipulés. Favor hujus paragraphi, nubentes
tantum , et ex eodem matrimonio descendentes, ajficit
in tantum , ut si institutio fa c ta fu e r it in gratiam
contrahentium et aliorum non contrahentium , pro
portionibus contrahentium valeat, et pro non nubentium partibus corruat.
Voilà sans doute une décision précise et absolue, et
on ne peut en tirer d’autre conséquence, sinon que la
dame Dumont n’a pas eu le droit, pendant le mariage,
de s’occuper, encore moins de disposer de tout ou de
�( 8 ) ■
partie d’un conquêt de communauté; 2 °. qu’en lui sup
posant un droit quelconque, elle n’auroit pu le donner
à son fils que par son contrat de mariage.
E t certes, si elle ne pouvoit pas disposer, à plus forte
raison n’a-t-elle pu conférer à son époux le droit d’élire
son fils ou tout autre, pour recevoir ce bienfait; car le
droit d’élire suppose un droit préexistant plus étendu.
A vant de transmettre le pouvoir de ch oisir, il faut
pouvoir donner; ainsi, par exem ple, une femme mi
neure ne pourroit donner à son mari la faculté d aliener
ses biens, puisqu’elle ne peut elle-m êm e les vendre;
ainsi, la femme qui se trouve dans la prohibition de
disposer, ne peut transmettre à un tiers la faculté de
choisir un de ses enfans pour recevoir une libéralité de
sa part, lorsqu’elle ne peut par elle-même exercer cette
libéralité.
D ’ailleurs le droit d’élire que donneroit un époux à
l’autre, ne se ro it-il pas en contravention formelle à
l’article 226 de la coutum e, qui prohibe les avantages
entre m ari, femme et enfans, par dispositions entre-vifs
pendant le mariage? Cette prohibition, dit encore Auroux,
s’entend tant directement qu’indirectement. Cet auteur
regarde unjidéicom m is notamment comme une manière
indirecte d’éluder la défense de la lo i, et veut que celui
à qui on donne ne puisse faire la donation à la personne
prohibée, ni la retenir pour lu i, mais il doit y renoncer
«n faveur de l’héritier.
Un fidéicommis a beaucoup de similitude avec le droit
d é lire ; et cette option a été regardée comme une manière
indirecte d’éluder la prohibition de la l o i, par un arrêt
du
�( 9 )
du 18 mai 1736, rapporté p a r 'l’Epine de Grainville.
L ’arrêt ari nu lia une institution faite par un père au profit
de l’un de ses enfans qui seroit choisi par sa seconde
femme, par cela seul que l’option de l’enfant institué
avoit été donnée à la seconde fem m e, qui ne pouvoit
recevoir qu’une portion d’enfant moins prenant.
Ce droit d’élire doit donc être regardé comme non
avenu.
La dame Dumont a prédécédé son mari ; son fils ne
s’est marié qu’après la mort de sa mère; tous les enfans
ont été saisis des biens maternels, et notamment de la
portion des acquêts qui l’evenoient à leur mère : le sieur
D um ont pere n’n pin»
cjn’iin simple associé. Comment
auroit-il pu dès-lors donner à son fils la portion d’acquêt
dont les héritiers de sa femme étaient saisis? Ce seroit
évidemment disposer de la chose d’autrui, puisquè les
héritiers maternels avoient un droit actuel à la moitié
de tout ce qui compose la communauté. Cette proposi
tion est trop claire pour avoir besoin d’un plus grand
développement. Pourquoi d’ailleurs se livrer à des dis
sertations oiseuses, lorsque déjà les sieur et dame de la
Roque ont présenté leurs moyens avec la plus grande
étendue? La dame Hilliard diroit peut-être que les sieur
et dame de Vaure ont voulu fa ire briller leur esprit,
ou séduire par le prestige d'une fa u sse éloquence.
On va passer aux questions secondaires ; on discutera
ensuite rapidement les fins de non-recevoir qu’oppose la'
d me Hilliard.
La dame de Vaure, par son contrat de mariage, est
instituée héritière par égalité avec les autres enfans? sous
B
�( IO )
la réserve expresse de la terre de Mont, pour en disposer,
de la part des père et mère, au profit de tels de leurs
autres enfans qu’ils jugeront à propos, même de la future.
On a prétendu faire résulter de cette clause que la dame
de Vaure étoit bien retenue dans la maison pour tous les
biens de la succession, mais qu’elle étoit apanée et exclue
l’elativement à la terre de Mont, d’après l’article 305 de
la coutume de Bourbonnais, qui est une coutume d’ex
clusion.
On se fonde sur une consultation donnée par trois
jurisconsultes de Clermont, à la dame de Vaure ellemême, et dont on dit avoir une copie collationnce.
Etoit-il bien permis à la dame Hilliard d’argumenter
d’LUie Consultation confidentielle, donnée à la partie ad
verse, quand bien même la dame de Vaure auroit eu
la franchise de la communiquer? Ce n’étoit point ainsi
qu’on en usoit autrefois au barreau ; mais la dame Hilliard
nous apprend qu’on voit tous les jours des choses nou
velles.
Il est rare cependant qu’on soit obligé de discuter, et
qu’on oppose à une partie la consultation qu’elle a de
mandée dans son intérêt : mais en mettant le procédé à
l’écart, on prouvera que ce système est erroné dans le
fait et dans le droit.
Dans le fait, parce que la dame de Vaure est retenue
dans la maison même pour cet objet; les père et mère
lui laissent l’espoir successif comme «ux autres enfans,
en se réservant la liberté d’en disposer à son profit.
Dans le droit, parce qu’ une fille ne peut être en même
temps apanée et retenue, forclose dans une portion des
�C 11 )
biens, et héritière dans l’autre. Cette singularité impli
quèrent contradiction. L ’apanage est une exclusion absolue;
tellement que la fille apanée devient étrangère à la suc
cession, et qu’un cohéritier pourroit exercer contr’elle
la subrogation d’action, si elle achetoit un droit indivis
d’un autre cohéritier.
La forclusion est une dénégation de la qualité d’hé
ritier ; l’une ne peut subsister avec l’autre. Comment
seroit-il possible que, d’une part, la fille n’eut pas le
droit de porter un œil curieux dans les affaires et les.
papiers de famille, de connoître la consistance d’une suc
cession , et qu’en même temps elle eut tous les droits de
l ’ h é r i t i e r , d e t o u t v o i r , d e tout examiner, de provoquer
le partage?
La dame Hilliard a prévu l’objection-, elle convient
même du principe que les deux qualités sont inconci
liables; mais elle voudroit le restreindre à un cas où il
ne peut jamais avoir lie u , à une forclusion légale pro
noncée par le seul effet de la loi municipale.
C’est ce qu’il est difficile de comprendre. On ne con
cevra jamais ^comment il pourra arriver, lorsque la for
clusion est légale, qu’elle sera partielle ; car ici tout ou
çien.
Ma ¡menant qu’est-ce qu’une forclusion convention
nelle? Toujours la même chose qu’une forclusion légale,
surtout dans une coutume d’exclusion, où la renonciation
de la fille est comptée pour rien , ou du moins est con
sidérée comme surérogatoire, d’après la loi du 18 plu
viôse an 5 .
Et qu’on ne dise pas que le père a le droit de faire
B *
�C 12 )
eette bigarrure, d’apaner sa fille dans une partie, de la
retenir dans l’autre : du moment qu’il honore sa fille de
la qualité d’héritière, cette qualité est indivisible; elle
efface toute idée de forclusion et d’exclusion. Il en est
ici comme des testamens chez les Romains, où le testateur
ne pouvoit mourir partim testatus, partim intestatus.
Ces idées sont simples, n’ont rien d’exagéré, et répondent
suffisamment à la proposition des sieur et dame Hilliard.
D e u x i è m e q u e s t i o n . L ’institution faite au profit
de la dame de Vaure ne contient point la condition
irritante d’abandonner à son frère la terre de Mont en
préciput. L e rédacteur du contrat n’a stipulé que des
clauses inutiles relativement à cet immeuble.
En effet, les père et mère se sont réservé deux choses
qui n’étoient pas à leur pouvoir. La première, est celle
où il est dit que les père et mère se réservent le droit
de disposer de la terre de M o n t, au profit de celui de
leurs enfans qu’ils jugeroient à propos, même de laju tu r e .
Ils trompoient la dame de Vaure lorsqu’ils lui ont donné
cet espoir. La coutume ne leur auroit permis une dis
position au profit de la dame de V aure, qu’autant qu’elle
auroit été faite par contrat de mariage : dès qu’ils la
marioient sans disposer de cet objet à son profit, ils ne
pouvoient plus le faii’e dorénavant, pas même par tes
tament ; car dans cette coutume on ne pouvoit cumuler
la qualité d’hériter et de légataire : voilà donc une clause
inutile et trompeuse.
Par la seconde, il est dit qu’en cas de non disposition ,
la terre appartiendra à leur fils qui ne contracte pas ;
cette clause n’étoit pas plus utile que la première. André
�'■ '
( 13 )
Dumont, étranger à ce contrat , n’étoit pas saisi -, il ne
pouvoit l’être valablement que par son conti’at de ma
riage.
Gela posé, la terre de Mont a toujours demeuré dans
la succession ah intestat • et chacun des enfans successi
vement institué par égalité, a dû espérer que tant qu’il
n’y auroit pas de disposition expresse de cet immeuble
par le contrat de mariage de l’un d’e u x , il auroit un droit
égal dans la terre de Mont : cet espoir est devenu une
certitude pour la portion maternelle, dès que la mère
est morte avant le mariage de son fils, et sans en avoir
disposé par le contrat de mariage de la dame de Beauv e g a r d , sa s e c o n d e fil lu.
Qu’importe maintenant que la mère, qui ne pouvoit
pas donner un conquêt de communauté, qui n’auroit pu
disposer d’un propre que par le contrat de mariage de
l’un de ses enfans , ait ajouté que « l’institution de la
« dame de Vaure n’est faite que sous la condition de
« cette disposition, à la charge par elle de laisser jouir
« le survivant des instituans, de la portion qui lui seroit
« revenue dans les biens du prédéccdé, sans lesquelles
« charges et conditions l’institution n’auroit été faite, et
« la futui*e auroit été apanée moyennant la dot qui va
« lui être constituée. »
Ce n’est là qu’une tournure indirecte pour éluder une
loi prohibitive ; et on ne peut le faire, d’après Auroux,
par quelque manière que ce suit ; s’il en étoit autre
ment, la prohibition de la loi seroit inutile, et les hommes
ne manqueroient pas de moyens pour l’éluder. Dans une
coutume d’égalité, il faut surtout bien se g a r d e r d’établir
�( i4 )
un intermédiaire dont on pourroitse servir pour gratifier
tel enfant au préjudice de tel autre : cette vérité avoit
été bien sentie lors de la publication delà loi du 17 nivôse
an 2. On sait que le système restrictif de cette loi n’étoit
pas pour les libéralités entre époux; elle leur donnoit
au contraire la plus grande latitude lorsqu’il n’y avoit
pas d’enfans; et bientôt les époux voulurent se servir de
cette faculté , pour transmettre tout ou partie de leurs
biens à des parens incapables, en imposant cette con
dition aux donations qu’ils se faisoient de l’un à l’autre.
Ils se servoient de l’argument favori de la dame Hilliard :
« Il dépend de celui qui donne, d’imposer à ses libéra« lités les conditions qu’il lui plaît. » Mais la loi inter
prétative du 22 ventôse an 2 , questions 11 et 13, vint
annuller toutes ces conditions comme 11’étant que des
fidéicommis , ou des intermédiaires pour contrarier le
système de la loi.
N ’y a - t - i l pas ici même raison? Les sieur et dame
Hilliard pouvoient-ils faire disparoître leur incapacité,
ou contrarier le principe de la loi municipale, par des
conditions illicites , ou par un intermédiaire qui détwuiroit le système d’égalité proclamé avec autant d’éDergie, en termes irritans et prohibitifs, ne peuvent
les père et mère donner, etc. ?
Mais, dit la dame Hilliard, malgré la p r o h i b i t i o n de
l’article 2 1 7 , malgré la disposition de l’article 219, qui
dit que les dispositions ne saisissent que les contractons,
il est cependant un moyen de faire l’équipollent d’une
institution au profit d’autres personnes que des mariés.
Ce moyen, Auroux l’indique sur l’article 219, n°. 28;
�( i5 )
il consiste à instituer la personne mariée , à la charge
d’associer ses frères et sœurs à l’institution : par cette
voie, les associés, quoique non contractans, sont saisis
de leur portion , par cela seul que l’association est une
charge de l’institution.
O r , la condition du préciput n’est autre chose qu’une
condition de l’institution ; donc André Dumont a été
valablement saisi du préciput, quoique non contractant.
Voilà bien l’objection dans toute sa force.
Il est aisé d’y répondre. On convient que la charge
d’associer a été admise en jurisprudence ; on s’est fondé
sur l’avis du jurisconsulte en la loi Cum ex filio , ff. D e
vulg. et pupill.
Maïs quelle différence énorme
entre l’association, et la condition qu’on voudroit lui assi
miler!
Dans le cas de l’association , l’institué est saisi du titre
universel : c’est lui qui a tout ; l’associé ne tient rien de
l’instituant-, il ne le prend que de l’institué. C elui-ci a
des chances favorables à courir, comme, par exemplè,
le prédécès de l’associé, même avec enfans, car les enfans
ne seroient pas associés : hœres socii m eiy non est socius
m eus; la révocation de la charge ou de la condition, car
l’instituant peut révoquer toutes les clauses onéreuses, et
ne le peut qu’en faveur de l’institué.
I c i , au contraire , la dame de Vaure n’avoit rien à
gagner, et tout a perdre; elle n’étoit point saisie du titre
universel; le père ne pouvoit plus révoquer la condition
à soi] profit, et sa disposition n’avoit d’autre objet que
d’éluder la prohibition de la loi : ce n’étoit pas un titre
honorable qu’il vouloit donner h sa fille; il cherclioit un
�( i6 )
moyen d’avantager son fils, dans le cas où il ne pourroit
pas le marier ; de faire en un mot ce que la loi lui défendoit.
Gomment une semblable condition seroit-elle licite? ne
faudroit-il pas rayer absolument l’art. 217 delà coutume?
La dame ïïillia rd , poussée jusqu’au dernier retran
chement, n’a plus d’autre refuge que son arrêt de 1716;
elle se plaint de ce qu’ Auroux en a parlé trop légè
rement : mais cet arrêt unique est bien plus développé
dans un manuscrit qu’elle a le bonheur de posséder. E t
il a jugé en thèse, qu’une institution pouvoit être grevée
d’un p récipu t, au profit d’un non contractant, lorsqu’il
a été la condition de l’institution faite au profit d’une
fille q u i , sans cela, eût été apanée.
Ce manuscrit, quel qu’il soit, p o u r r o i t - il balancer
l’autorité de la loi et en modifier la rigueur? Auroux
en avoit bien assez dit sur l’arrêt invoqué par la dame
Hilliard.
Ce commentateur éclairé commence à poser en prin
cipe , sur l’article 308 de la coutume , n°. 4 , que le
préciput n’est valable qu’autant qu’il est fait en contrat
de mariage, et en fa v e u r d’icelui ,* il rappelle les termes
de l’article 217 , et l’observation de Decullant.
« A la vérité, ajoute-t-il, nombre suivant, par arrêt
« du 22 mai 1716 , le préciput de 30000 francs fait à
« Sébastien M aquin, par le contrat de mariage des dames
« ses sœurs , fut confirmé ; mais il étoit dit par leur
« contrat de mariage que dans le cas où lesdites dames
« voudraient contester ledit préciput, elles demeureroie fit
« apanées pour 24000Jfrancs chacune. »
Et c’est à raison de l’apanage si disertement exprimé,
quç
�( 17 )
que l’arrêt jugea la validité du préciput ; aussi MenudeL
dit-il que c< pour ôter tout doute, il est à propos de
« dire par le contrat, que les père et ruère ont doté la
« fille de la somme de.......... ., à la charge de venir à
« la succession en rapportant; et qu’où elle fourniroit
« débat’ contre ledit préciput, déclarent qu’ils apanent
« ladite fille de la somme d e ........., parce qu’en mettant
« simplement la clause qui/s instituent ladite fiile sous
« ledit préciput, elle peut dire qu’elle n’a pas été apanée,
« à défaut de l’exécution de ladite clause , qui sonne
« toutefois en une institution conditionnelle, et que les
« mots qui seroient dans le contrat, sans lequel préciput
cî les pere et incit* 1 iiuioicnt
te
«
«
«
^ ne sct*oient pcïS UD.
apanage formel, mais plutôt une simple énonciation du
dessein d’apaner, lequel n’étant pas disertement expliqué, ne l’empêclieroit pas de venir aux successions
des père et mère, en rapportant. »
Dans le contrat de mariage de la dame de V au re , il
n’y a point comme dans celui des dames M aq u in , que
si elle conteste le préciput, elle sera apanée à la somme
d e . i l y est seulement dit, que sans les charges et
conditions, l’institution n’auroit été faite, et la future
auroit été apanée moyennant la dot qui va lui être
constituée. 11 n’y a dans ce contrat qu’une simple énon
ciation du dessein d’apaner, et non un apanage précis;
dès-lors on ne pourroit même appliquer l’arrêt de 1716.
On ne doit pas dissimuler que M enuàel ne trouve
pas l’objection considérable, parce que, suivant ce com
mentateur, le mot dot emporte avec lui l’apanage; mais
ce n’est pas là l’opinion d’/luroux , qui tranche la
G
�( 18 )
question, et ne considère pas l’arrêt de 1716 comme
devant faire la règle : il en rend compte comme d’une
exception particulière , unique ; et il est remarquable
que sur une question aussi importante, et dans un temps
où tout étoit en faveur des mâles, il n’y ait qu’un seul
préjugé rendu dans des circonstances particulières qui
ne se rencontrent pas dans l’espèce.
Que sera-ce donc aujourd’hui que les lois nouvelles
se rapprochent davantage de l’égalité entre les enfans;
et que le Code Napoléon est plutôt restrictif que libéral,
lorsqu’il s’agit de dispositions en ligne directe !
Eh ! pourquoi s’occuper si long-temps du contrat de
mariage de la dame de Vaure ? Ce n’est point en vertu
de ce titre qu’elle vient à la succession de la mère ; les
choses ne sont plus au même état : le père a fait des
dispositions particulières dans le contrat de son fils, qui
font disparaître les clauses des contrats précédens. L a
dame de Vaure se présente pour recueillir la succession
maternelle, ouverte ab intestat, ou ce qui est la même
chose, sans aucun règlement valable.
La dame Hilliard qui redoute cette manière toute
naturelle de se présenter, la prétend non recevable à
abdiquer un titre onéreux.
Elle a exécuté, dit la dame Hilliard, les clauses et
les conditions de son institution; elle a reçu, par exemple,
son avancement d’hoirie : mais c’est encore chose nou
velle , que de faire résulter une iin de non-recevoir
d’une action si simple. Où a-t-on trouvé que l’héritier
qui reçoit un avancement d’hoirie, c’est-à-dire, une chose
qui lui donne la qualité d’héritier, qui est promise avant
�( j9 y
l’ouverture de la succession, qui est sujette à rapport
lors du partage, et qui n’est donnée qu’en attendant le
partage, soit non recevablè à venir à la succession comme
héritier ab intestat ?
Ce n’est pas sérieusement, sans doute, que la dame
Hilliai-d propose cette objection; elle ne peut pas ignorer
que tant que l’héritier ne s’est pas immiscé, il a toujours
>le droit d’abdiquer un titre onéreux, pour s’en tenir à
la qualité d’héritier ab intestat.
Mais la dame de Vaure a laissé jouir son père des
biens de son épouse, et ce ne peut être qu’en vertu des
clauses de son contrat qui lui en imposoit l’obligation :
donc elle a exécuté les conditions de son institution.
Singulière conséquence. Quoi! la dame de Yaure, patrespect pour son père, n’a pas voulu provoquer un par
tage ; elle a désiré dans son intérêt qu’il n’y eût pas
d’inventaire dissolutif, et que la communauté se con
tinuât -, elle a craint, si on v e u t , que ses recherches
donnassent de l’inquiétude ou du chagrin à son père,
qui avoit une longue habitude d’administration; et elle
seroit non recevable !
La crainte révérencielle , dit la dame H illiard, ne
peut suffire, ni pour fonder une action, ni pour justifier
une exception; l’article 1114 du Code Napoléon con
sacre ce principe.
Ce n’est pas là ce que dit le Code : il dit bien que la
seule crainte révérencielle ne suffit point pour annuller
un contrat, lorsqu’il n’y a pas eu de violence exercée ;
mais il faut entendre sainement cette disposition, c’està-dire, que si la dame de Yaure avoit passé un acte, 1111
�(2 0 )
traité avec son p è re , et qu’elle attaquât cet acte par le
seul motif de la crainte révérencielle; si elle n’étoit pas
dans la dépendance de son p ère; si son consentement
avoit été libre, et qu’elle n’eût point, d’autre motif à
opposer ce ne seroit pas suffisant pour faire annuller
l’acte.
Mais ici il n’y a point d’acte, point de consentement:
on n’oppose à la dame de Vaure que son silence ou son
inertie; on ne lui fait d’autre reproche que d’avoir resté
dans l’inaction pendant la vie de son père; ce seroit lui
donner tout au plus l’avis de demander la restitution
des jouissances perçues par le père, si d’ailleurs elle ne
préféroit la continuation de la communauté.
L es sieur et dame d e Vaure ne pousseront pas plus
loin leurs observations : ils se proposent de développer
leurs moyens avec plus d’étendue, lors de la plaidoirie
de la cause ; ils se sont expliqués sans prétention ; et
quoiqu’ils eussent dû s’attendre à quelques égards de la
part de leur nièce ils ne cesseront d e lu i donner des
exemples de modération et de décence.
Signé R A B U S S O N D E V A U R E .
DUM ONT DE VAURE.
*
M e. P A G È S (de R iom ), ancien avocat,
«
M e. V E R N I È R E , avoué.
I
A
R IO M ,
11
de l’imprimerie de T h ib a u d - L a n d r i o t , imprimeur
de la Cour d’appel. — Juillet 1808.
�
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
Factums Godemel
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/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Rabusson de Vaure. 1808]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Jutier
Huguet
Bernardi
Decombrousse
Chabroud
Mailhe
Poirier
Subject
The topic of the resource
secondes noces
coutume du Bourbonnais
contrats de mariage
communautés
dot
forclusion
fils avantagé
successions
avantages prohibés
préciput
Description
An account of the resource
Titre complet : Précis en réponse, pour les sieur et dame Rabusson de Vaure, intimés ; contre les sieur et dame Hilliard, cotuteurs de la demoiselle Dumont, appelans.
Particularités : notation manuscrite : texte complet de l'arrêt 1ére section 5 août 1808.
Table Godemel : Préciput : 2. une disposition de préciput, en coutume de Bourbonnais, faite en faveur d’un fils par ses père et mère, dans les contrats de mariage de ses deux sœurs, comme condition de non apanage et d’une institution contractuelle à leur profit, est-elle valable, lors surtout que par le contrat de mariage du fils, le père survivant a surabondamment confirmé cette disposition, en vertu de la faculté que s’en étaient réservée les instituants, comme condition de cette même institution ? les sœurs instituées peuvent-elles soutenir que la réserve et dispositions faites en faveur de leur frère, étranger à leurs contrats de mariage, ne pouvaient leur enlever leur portion dans l’objet réservé, cette disposition n’ayant pas été faite dans son propre contrat de mariage, aux termes de l’article 219 de la coutume ? peuvent-elles à leur institution pour se dégager des charges et conditions qui en font partie, et demander le partage par égalité ? Ou, au contraire, en cas de renonciation, devraient-elles être réduites à l’apanage fixé par leur constitution dotale ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Thibaud-Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1808
1775-1808
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
20 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G1801
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G1802
BCU_Factums_G1803
BCU_Factums_G1804
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Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Saulzet (domaine de)
Deux-Chaises (03099)
Mont (terre de)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
avantages prohibés
communautés
contrats de mariage
coutume du Bourbonnais
dot
fils avantagé
forclusion
préciput
secondes noces
Successions
-
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PDF Text
Text
REPONSE
Des Sr. et Dme. DE LA ROQUE DE MONS,
intimés,
AU M É M O I R E
D e s sieur et dame H I L L I A R D , cotuteurs de la
demoiselle D u m o n t , appelans.
sieur et dame de la Roque exercent des droits
consacrés par la nature et les lois ; et si leur réclamation
contrarioit les sieur et dame H illiard, ils ne devoient la
discuter qu’avec calme et décence : ils eussent peut-être
persuadé alors qu’ils croyoient avoir une bonne cause,
et qu’elle pouvoit se passer de personnalités et de décla
mations. Mais ce n’est point là le plan qu’ont voulu suivre
L
ES
A
�( o
les sieur et dame Plilliard. Les personnalités leur ont paru
devoir tenir le premier rang dans leur défense *, les
moindres circonstances leur ont paru de grands moyens;
et s’il falloit les suivre pas à pas, il faudroit écrire pour
les voisins et les voisines, qui seroient peut-être fort en
état de juger une partie des faits articulés, et de les dé
m entir, plutôt que pour la cour qui n’a qu’une simple
question de droit ù juger.
A insi, pour être entendu de la cour, il suffit de mettre
sous les yeux les expressions même des.'actes qui cons
tituent le litige.
F A I T S .
L e sieur Jean D u m o n t, et la dame Procule P itat,
eurent de leur mariage trois enfanS , M arie, épouse du
sieur de V aure, M arguerite, mère de la dame delà Roque,
et A n d ré , père de l’appelante. .Les filles furent mariées
à- l ’âge de dix-sept ans.
'
L e contrat de la dame de V a u r e , en date du 19 no
vembre 17 7 5 , contient ce qui suit :
« En faveur du m ariage, les sieur et dame Dumont
« ont institué la demoiselle future, leur fille, leur hé« xùtière par égale portion* avec les autres enfans qu’ils
« auront au jour de leur décès, de tous les biens dont
« ils mourront vêtus et saisis, sous la réserve expresse
« qu’ils se font de la terre de M ont, consistante e n . . . . .
« avec les bestiaux qui pourroient la garnir , jusqu’à
« concurrence de 5ooo livres, ensemble tous les vaisseaux
«- vinaircs} ainsi que les meubles meublans . . . . . , ar-
�( 3 )
geiHerie, en l’état que le tout se trouvera au décès du
dernier mourant ; en outre la somme de 6000 livides
que lesdits sieur et dame Dumont se proposent d’em
ployer en acquisition de fonds, cens et devoirs, pour
être annexés à ladite terre, et en faire partie, pour,
par lesdits sieur et dame D u m o n t, ou le survivant
d’eux, disposer de ladite terre au profit de tels de leurs
enfans .qu’ils jugeront à propos, même de la future,
par quelqu’acte que ce s o it, d’entre-vifs ou à cause de
m ort, sous signatures privées ou par-devant notaire;
dans laquelle réserve les sieur et dame D um ont, père
et mère de la future, entendent être comprises toutes
constructions nouvelles : et dans le cas de non dispo
sition de leur p a rt, ladite terre de M o n t , avec les
bestiaux qui se trouveront la garnir, jusqu’à concur
rence de ladite somme de 5ooo francs, les vaisseaux
vinaires, meubles meublans, lin ge, batterie de cuisine
et argenterie, en l’état que le tout se trouvera, ap
partiendront à André D um ont, leur fils, lequel en
demeurera précipué, ainsi que des annexes qui auront
été faites à ladite terre , jusqu’à concurrence des
6000 livres; ladite institution faite sous ladite réserve,
et à condition de ladite disposition, et encore à la
charge , par la fu tu re, de laisser jouir le survivant
des père et m ère, de la portion qui lui seroit revenue
dans les biens du prédécédé : sans toutes lesquelles
charges, clauses et conditions, ladite institution n’auroit
été faite , et la future auroit été apanée moyennant
« la dot qui va lui être constituée. »
En avancement de leur future succession , lesdits
A a
�(4)
sieur et dame Dumont ont constitué en dot à la future
la somme de 30000 livres, et 10000 livres de bien paraphernal. L a disposition est terminée ainsi : « Sera
. «. néanmoins tenue ladite demoiselle future, de rapporter
« tant ladite somme de 10000 livres à elle donnée pour
« lui tenir lieu de bien paraphernal, que celle de 300001.
« à elle aussi donnée en avancement d’hoirie, pourvu
« que le payement en ait été fait lors de l’ouverture
« des successions des sieur et dame ses père et m ère,
« ou de moins prendre dans lesdites successions. »
Chaque fois que les sieur et dame Hilliard ont rap
porté les stipulations de ce contrat de m ariage, ils se
sont arrêtés après ces mots : en avancement de leur
fu tu r e succession, lesdits sieur et dame D um ont ont
constitué en dot j cl la, demoiselle ¿future , la somme
de 30000 livres. Ils ont affecté d’omettre la dernière
clause, qui caractérise de la manière la plus précise la
constitution faite à la future, et explique que les 100001.
sont un bien paraphernal; que les 30000 ne sont pas
une constitution dotale, mais un* avancement d’hoirie ;
que la future est tenue de rapporter le to u t, lors de
l’ouverture des successions de ses père et mère.
La mère de la dame de la Roque se maria le 10 fé
vrier 1777? avec le sieur Grellet de Beauregard. On lit
dans leur contrat que : « Dans l’esprit du contrat de
« mariage de demoiselle Marie Dumont, lcur= fille aînée,
« avec M. Joseph Rabusson de Vaure , passé devant
« R o llat, notaire, le 19 novembre 1 7 7 5 , les sieur et
« dame Dumont ont institué la demoiselle future leur
« héritière par égale portion avec les autres enfans<
�«
«
«
«
«
«
«
«
«
«
.
[
5
3
qu’ils auront au jour de leur décès, de tous les biens
dont ils mourront vêtus et saisis, sous la réserve expresse qu’ils se font de la terre de M o n t, telle qu’elle
est expliquée au contrat sus-daté, ensemble des autres
objets qui y sont détaillés, et de la somme de 6000 1.
dont il est parlé , p o u r, par lesdits sieur et dame
D um ont, ou le survivant d’e u x , dans les termes du
même contrat, disposer de ladite réserve au profit
de tels de leurs enfans, même de la future, par les
moyens et de la manière expliquée audit conti’at.
« Cette institution faite, en outre, aux mêmes charges
« que celles expliquées audit contrat; et en avancement
« de leur future succession, lesdits sieur et dame D u « mont ont constitué, etc., etc. » L a future est obligée
au rapport de tout ce qu’elle aura reçu. Il est bien exprimé
dans ce contrat que les sieur et dame Dumont se sont
réservé la terre de M ont avec les accessoires, pour en
disposer en faveur de tels de leurs enfans qu’ils jugeront
à propos ; mais ils ne disent pas qu’à défaut de dispo
sition, elle appartiendra par préciput à André D um ont,
et que sans cette disposition, ils auroient apané la
future : ce qui donne lieu de penser que leur volonté
n’étoit plus la m êm e, ou qu’ils craignoient que le ma
riage n’eût pas lieu si l’on pouvoit supposer que l’ins
titution de la future ne fût que conditionnelle.
En vain les adversaires prétendent - ils que ces mots ,
dans les term es, renferment les dispositions irritantes
par l e s q u e l l e s ils voudroient repousser les filles des sieur
et dame Dumont. 11 est de principe que les prohibitions,
de même que les peines, ne s’étendent pas au-delà des
�( 6 )
cas exprimes ce qui n’a été interdit qu’à une personne,
ne peut, par induction, être regardé comme interdit
à une autre. La disposition de la terre de Mont
étoit un objet assez important, pour qu’il fallût en faire
mention expresse dans le contrat de mariage de la dame
de Beau regard, si les père et mère vouloient qu’elle ap
partînt à André D um ont, en vertu de ce contrat. L ’institutiou de la mère de la dame de la Roque ne peut
être conditionnelle, lorsqu’il n’a été stipulé aucune con
dition dans son contrat ; le mot charges ne se rapporte
qu’à l’usufruit des biens du prédécédé, réservé en faveur
du survivant des père et mère : les contrats de bienfai
sance sont de droit étroit, tout y est de rigueur. Les
actes des 19 novembre 17 7 5 , et 10 février 17 7 7 , sont
des traités passés entre des familles différentes : les obli
gations de l’une sont étrangères à. l’autre.
ga
Marguerite D u m on t mourut le 8 avril 1783, huit jours
après avoir donné naissance à la dame de la Roque. La
dame Dumont ne survécut à sa fille qu’environ six mois:
• elle étoit commune en biens avec son mari ; il en con
serva la possession comme chef de la communauté, qui
se continua avec ses enfans.
André Dumont se maria en 1789. Il est dit dans son
« contrat: En faveur du présent mariage, le sieur Dumont
« père a institué et institue son fils, par égales portions avec
« ses deux sœurs, épouses de M M . Rabusson de Vaure
« et Grellet de Beauregard , de tous les biens meubles
« et immeubles dont il mourra vêtu et saisi ; et comme
« par le contrat de mariage de dame Marie Dumont ,
« épouse dudit Rabusson de V a u re, ledit sieur Dumont
�(7)
père, et ladite défunte Procule P itat, son épouse,
s’étoient conjointement réservé, même au survivant
d’eu x , la faculté de disposer au profit de tels de leurs
enfans qu’ils jugeroient à propos, et par tel acte que
bon leur semblerait, de la terredeM ont, consistante, ..
et en cas de non disposition desdits objets du vivant
desdits. sieur et dame Dumont , ils appartiendront
en toute propriété, et à titre de préciput, audit sieur
futur ép o u x, ainsi que les annexes qui auroient été
faites à ladite terre, jusqu’à concurrence de la somme
de 6000 francs.
« Et
mme ladite dame Pitat est décédée sans avoir
manifesté scs intentions à l’<5garcL de la réserve ci-dessus
désignée, ledit sieur Dumont père, usant de la faculté
de pouvoir disposer de là totalité desdites réserves,
déclare qu’il dispose, à titre de préciput, au prolit
dudit sieur futur époux, tant de ladite terre de M on t,
circonstances et dépendances d’icelle, que de tous les
autres objets ci-dessus spécifiés, et tel que le tout est
désigné et spécifié en ladite réserve portée au contrat
de mariage ci-dessus d até, des sieur et dame Rabusson
de Vaure ; p ou r, par ledit sieur futur, faire le prélè
vement et entrer en jouissance de ladite terre de M ont,
et de tous les autres objets compris en la présente dis
position , immédiatement après le décès dudit sieur
Dum ont; sous la réserve que se fait ledit sieur Dumont
p è re , de la somme de 30000 francs, à -prendre sur
ladite terre de M ont / pour en disposer en faveur de
' tels de ses enfans ou petits-enfans qu’il jugera à propos,
même en faveur dudit sieur futur, par tel acte d’entre-
�«f
«
«
ce
«
«
«
«
«
(
8
)
.
vifs, à cause de m ort, ou sous signatures privées, que bon
lui semblera ; et de suite ledit sieur Dum ont, en faveur
dudit mariage , a disposé et dispose en faveur dudit
sieur futur é p o u x , sur la susdite somme de 30000 fr.
réservée, de celle de 10000 francs ; de laquelle ledit
sieur son père se charge de lui servir l’intérêt au taux
de l’ordonnance, sans aucune retenue , jusqu’au remboursement, qu’il lui sera loisible de faire quand il
le jugera à propos.
« D e la même somme de 30000 livres, réservée par
« ledit sieur Dumont père, il a présentement disposé et
« dispose, en faveur de demoiselle Procule Grellet de
« Beauregard, sa petite-fille, fille de Jean-Baptiste Grellet
« de Beauregard, et de feue dame Marguerite D um ont,
« de la somme de 5ooo liv ., à prendre sur ladite réserve,
« payable après le décès dudit sieur Dumont père, seuec lem ent, par ledit sieur futur ép ou x, sans intérêts jus« qu’audit décès, après lequel ils auront cours au taux
« de l’ordonnance, jusqu’au remboursement, que ledit
« sieur futur sera tenu de faire dans deux ans du décès
« de son dit père; et dans le cas où ladite demoiselle
« Grellet, ou ses père et mère, contreviendraient direc
te tement ou indirectement à la disposition fa ite par ces
« présentes, de ladite terre de'M ont, en faveur du sieur
«f fu t u r ép o u x, la disposition de 5ooo livres, fa it e en
« fa v e u r de ladite demoiselle G rellet, sera et demeurera
k nulle et de nul e jfe t, et comme non fa ite ' pareille« ment, dans le cas où ledit sieur Dumont père ne dis—
« poseroit pas de son vivant des ï 5 ooo livres restantes
ft de la susdite somme réservée, elle demeurera réunie
« à
�( 9 )
« à ladite terre de M o n t, et appartiendra audit sieur
« futur époux, sous la réserve que ledit sieur Dumont
« père se fait de la jouissance, pendant sa v ie , de la
« susdite terre de M o n t, pour, après son décès, appar« tenir en toute propriété audit sieur futur époux et
« en avancement d’hoirie et de ladite institution, ledit
« sieur Dumont père a constitué en dot audit sieur futur
« la somme de.........etc., etc. »
Suivant la disposition de l’article 217 de la coutume
de Bourbonnais, sous l’empire de laquelle vivoient les
parties, la disposition de 5ooo francs, faite en faveur de
Procule G rellet, étoit nulle; la condition onéreuse dont
elle étoit grevée l’auroit aussi empêchée de l’accepter :
mais nu mois de brumaire an n , ie sieur D um ont,
présent au contrat de mariage de ladite Procule G rellet,
sa p e tite -fille, augmenta de 10000 francs l’avancement
d’hoirie promis à sa mère ; il stipula que 5ooo fr. seroient
rapportés au partage, et que les autres 5ooo non sujets
à rapport seroient payés sur la réserve qu’il s’étoit faite
en disposant de la tei’re de Mont.
A u mois de novembre i 8o 5 , le sieur Jean Dumont
décéda : c’étoit l’époque où ses enfans devoient faire
valoir leurs droits héréditaires. Les dames de Vaure et de
la R oque, après avoir fait examiner les contrats ci-dessus
cités, se sont empressées de déclarer qu’elles 11’entendoient pas contester à la demoiselle Anne Dum ont, fille
et unique héritiere d’André , la moitié de la terre de
M o n t, qui avoit appartenu au feu sieur Jean D u m o n t;
mais qu’elles se croyoient fondées à recueillir leur portion
dans l’autre m o itié, qui étoit la propriété de la dame
B
�( 1° )
Pitat, décédée avant le mariage d’André Dumont. Mères
de fam ille, et appelées par la nature et la loi au partage
égal de la succession de ladite dame Pitat, devoient-elles,
au préjudice de leurs propres enfans, abandonner à leur
cohéritière, qui recueillera les quatre sixièmes de cette
terre, la petite part que leur, attribue la coutume à
laquelle les parties étoient soumises ?
Les qualifications odieuses que les sieur et dame Hilliax-d
'ont données à la conduite des dames de Vaure et de la
R o q u e, et les inventives prodiguées dans le mémoire
!des adversaires, rejailliront sur leurs auteurs. Les sieur
et dame de la R oque, par attachement pour leur cousine
rgermaine, aimënt à se persuader qu’elle n’a aucune part
à cette indécente'diatribe.
;Lës tuteurs d e: mademoiselle ODumont troublent mal
% propos la cendre de son respectable aïeul, lorsqu’ils
disent qu’il l’a laissée dans l’abandon. On >trouverait les
preuves d’envois d’argent qu’il1lui a faits. Il est notoire*
daiis le pàj^s que quelques années avant sa mort, il la
fit venir d’une ville éloignée, où elle habitoit avec ses
tuteurs, auxquels il fit?passer pour les frais de voyage
et retour une somme plus!forte que celle qui étoit né'cessaire. Lorsque sa petite-fille partit, son trousseau étoit
bien différent de celui qu’elle avoit porté :,les autres
enfans du sieur Dumont auroient vu avec plaisir qu’il
eût fait davantage pour elle; mais-le désir de payer ses
dettes enchaînoit sa générosité.
Il n’est pas moins facile d’écarter le reproche que les
appelons font aux; dames de V a u re et de la R o qu e, sur
la conduite par elles tenue depuis le commencement du
�( II )
procès. A peine, disent-ils, la demande fut-elle formée,
qu’on vit les dames de Vaure et de la Roque poursuivre
l’audience avec une activité sans exemple, ü n croiroit
sur cette allégation que .lorsque, l’affaire'fut jugée, l’ac
tion étoit intentée depuis peu de jours : il s’étoit «coulé
une année entière ; on ne peut supposer qu’il ait été
employé des sollicitations pour obtenir, après un si long
temps, le jugement d’une affaire provisoire, en ce qu’elle
suspend le partage des successions des sieur et dame
•Dumont.
Les sieur et dame Hilliard se plaignent de ce qu’à
l’audience du 8 août, leur avocat ayant plaidé pendant
trois heures , les dames de Vaui-e-et de la Roque lais
sèrent obtenir un défaut; ils attribuent à des combinai
sons astucieuses, et à des manœuvres ténébreuses, une
chose fort simple. Il avoit été signifié, le 14 juillet pré
cédent, un écrit signé de M . Chabroud, intitulé : Notes
pour mademoiselle Dumont. Cet écrit fut envoyé aux
sieur et dame de la. R o q u e q u i' habitent le département
de la Creuse; ils l’avoient.fait.passer à leur conseil pour
y répondi-e;et leur avoué ayant reçu cette réponse peu
de jours avant le 8 août, n’avoit. pu se préparer à plai<der. L e sieur de V au re, qui avoit quelque répugnance
à plaider devant le tribunal dont il étoit membre, voyant
, que l’avoué des sieur et dame de la Roque 11’étoit pas
p r ê t , laissa prendre défaut.
Si le défenseur des sieur et damp Hilliard eût eu avec
ceux de- ses parties adverses d e s. communications ami
cales, ils l’eussent prévenu qu’il$. n e plaideraient pas à
cette audience. L ’avoué,des sieur et dame de la Roque
3 z
�( *4 )
clairem ent, dans le contrat de mariage d’André , son
fils; il y énonce les différens objets qui composoient la
réserve, et ne fait nulle mention des 6000 francs. Lorsqu’il
dit à la fin de sa disposition, que tous les objets énu
mérés appartiendront à André D um ont, il ajoute, ainsi
que les annexes qui auroient étéfaites à la terre de Mont,
ja sq u à concw'rence de 6000 francs. Lés titres d’acqui
sition et rachat de cens existoient alors; ces acquisitions
avoient été réunies à la terre de Mont : le sieur Dumont
vouloit qu’elles continuassent à en faire partie. Mais on
voit très-distinctement qu’il n’est pas entré dans la pensée
des instituans, qu’outre ladite terre et ses dépendances,
on pourroit encore exiger la somme de 6000 livres.
Par le contrat de mariage de son fils, le sieur Dumont
se dépouilla entièrement, quant à la propriété, de ce
qu’il vouloit lui donner. Les mots, avec les annexes qui
auroient été f a it e s , ne peuvent s’entendre que du passé,
et non d’acquisitions à faire dans la suite, pour joindre
à un objet, dans ce que le sieur Dumont avoit cédé
sa propriété. Il avoit si peu l’intention d’ajouter à la
valeur des choses par lui données, qu’il la diminua par
une réserve.
' Quant aux dépens, la demoiselle Dumont ayant suc
combé sur l’objet principal de la contestation, devoit
supporter une partie des frais. Les sieur et dame de
la R oque, en signifiant le jugement, se sont reservé de
poursuivre la réparation de ces deux griefs, pour lesquels
ilsseproposentd’interjeter incidemment appel. Les tuteurs
de mademoiselle Dumont sont appelans des dispositions
qui ont déclare huile la donation en préciputdè’ ld' terre
�(
)
de M ont, pour la moitié provenante du chef de la
dame Pitat. C’est sur cet appel qu’il faut en ce moment
se fixer.
MOYENS.
Il ne sera échappé à aucune des personnes qui ont lu
le mémoire de mademoiselle D um ont, que ce n’est pas
sur les dispositions de la coutume, qui fait loi entre les
parties, qu’elle fonde ses prétentions; elle n’en invoque
textuellement aucun article. E h ! comment eût-elle pu
s’en prévaloir, lorsqu’il n’en est aucun qui lui soit favo
urable ? C’est en citant des autorités et des préjugés pres
que tous puisés dans des ouvi'ages étrangers à la coutume
jie Bourbonnais , ou clans des îtianusevils inconnus aux
sieur et dame de l a vRoque, qu’elle prétend établir une
jurisprudence qui anéantiroit les dispositions de la loi
sous l’empire de laquelle vivoient les parties.
On pourrait soutenir que cette loi étant claire et pré
cise , les cours actuellement existantes doivent la faire
exécuter, sans égard pour une jurisprudence qui s’en
sçroit écartée. Mais ou verra dans la suite qu’à raison des
circonstances particulières de cette affaire, les appelans
ne peuvent tirer aucun avantage de la prétendue juris
prudence qu’ils voudraient faire admettre.
Désirant rapprocher les réponses des objections, afin
de rendre plus lumineuse la réfutation du mémoire de
leurs adversaires, les sieur et dame de la Roque auraient
voulu suivre l’ordre que les sieur et dame Hilliard ont
adopté : mais il y a dans leur mémoire tant de diffusion1
et d’incoJiérauce ! il faudroit revenir sans cesse sur ses
�c 16 )
pas. Il a donc paru plus simple d’établir quelques pro
positions qui détruisent de fond en comble le système
des appelans : on réfutera en même temps les objections
qui s’y rapportent.
PREMIÈRE
PROPOSITION.
L a coutume qui régit les parties est une coutume
d'égalité ; elle ne permettoit ni d'avantager
A n dré D u m o n t, dans les contrats de mariage
de ses sœurs, ni de les exclure des successions,
par dot ou apanage ¡ à moins que ce qui aurait
été donné à ce titre ne leur eût été irrévoca
blement acquis a Vépoque desdits contrats, et
sans être retenues dans la famille par une ins
titution; stipulation qui ne se trouve pas dans
ceux des dames de Vaure et de Beauregard.
Pour établir cette proposition et les suivantes , les
sieur et dame de la Roque n’ont pas cru devoir secouer
la poussière des anciens manuscrits des avocats de la
ci-devant province de Bourbonnais ; il leur a paru que
ceux qui ont des procès seroient trop malheureux, si
pour apprécier leurs droits il falloit fermer le livre de
la l o i , et y suppléer par les décisions de quelques
hommes plus ou moins éclairés. Cette manière de juger
seroit sujette aux plus graves inconvéniens. Un avocat
qui a fait prévaloir son avis, l’a consigné dans des notes
où
�( 17 )
oïl sans doute il n’a pas rappelé toutes les circonstances
qui auroient pu faire juger le contraire; dans le même
temps, son voisin rendoit peut-être une décision opposée.
Seroit - il juste de s’en rapporter à l’un plutôt qu’à
l’autre? N’cst-il pas plus raisonnable de laisser à l’écart
tous ces écrits p rivés, et de ne consulter que la loi à
laquelle les parties doivent obéir ?
Les contrats de mariage de tous les enfans des sieur
et dame Dumont ont été passés sous l’empire de la cou
tume de Bourbonnais. Cette coutume veut que les enfans
partagent également les biens des auteurs de leurs jours.
Les articles 217 et 219 prohibent toutes donations et
avantages en faveur des enfans, si ce n’est en contrat de
mariage. L ’article 321 ne leur permet pas de prendre part
à une succession comme héritiers et comme légataires.
M . A uroux des Pommiers, que nous citerons souvent,
parce que son commentaire a presque obtenu l’autorité
de la lo i, observe, sur l’article 317 de ladite coutume,
que « sa disposition a pour principe Végalité que la nature
« désire, étant juste que ceux qui sont égaux en nais« sance, et qui doivent l’être dans l’affection de leurs
« père et m ère, le soient aussi dans le partage de leurs
« biens. La donation entre-vifs a été exceptée, parce qu’il
« eut été difficile aux pères et mères de marier leurs
« enfans, s ils n’avoient pas eu la liberté de leur faire
« des donations entre-vifs en les mariant. »
Ce n’est donc que pour l’intérêt des mariés, et dans
leur contrat de mariage, qu’il est libre aux pères e t mères
de faire des donations entre-vifs à leurs enfans. Dumoulin,
sur le môme article de la coutume de Bourbonnais, dit
C
�C 18 )
que cela a été étendu aux ascendans , toujours en vue
de l’égalité -, façore œqualitatis.
On trouve à l’article 219 , nombre 13 et suivans, de
nouveaux développemens. M. A uroux s’y exprime en
ces termes : « Une condition pour la validité des insti« tutions contractuelles, est qu’elles soient faites en
« faveur des mariés ¿ ou de l’un d’eux, ou des descen
te dans du mariage. » C’est la disposition de notre cou
tume et de plusieurs autres ; tel est aussi le sentiment de
nos commentateurs. F a çor hujus paragraphi, dit M. de
Culant, nubentes tantum et ex eodem matrimonio des
cendentes affîcit, in tantum ut si institutio fa c ta ,fu e r it,
in gratia contrahentium, et aliorum no?i contrahentiu n i, pro portionihus contrahentium valent 3 et prç
non jiubentiuni parhbus corruat•
« Ainsi si un père fait une institution contractuelle
« en faveur de deux de ses enfans, dans le contrat de
« mariage de l’aîné des d eu x , il n’y aura que le seul
« aîné qui sera institué d’une institution contractuelle,
c< le puîné ne l’étant que par un acte' non valable à
et son égard -, la raison est que la faveur du contrat
« de mariage ne concerne que les mariés et leurs des-« cendans du mariage. » C’est le raisonnement de
M . Lebrun , Traité des successions, liv. 3 , cliap. 2, n°. 1 a.
D ’où cet auteur conclut que quoique la donation faite
aux futurs conjoints n’ait pas besoin d’être acceptée par
eux, néanmoins si elle conceraoitdes personnes étrangères,
elle devroit être acceptée par eux. M. le président B uret
pousse la chose si lo in , qu’il prétend qu’une donation,
faite en faveur de mariage à l’un des conjoints, dont il
�( z9 )
feroit sur le champ cession à une personne étrangère,
seroit n u lle, par la raison que cette donation ne seroit
pas censée faite au profit et utilité des m ariés, comme
le requiert notre article.
Par suite du même principe d’égalité, M . Auroux
décide, à l’article 321, qu’en ligne directe, le legs fait,
même au fils de l’h éritier, seroit déduit et précompté
sur la portion héréditaire du père.
Ce seroit une grande erreur de croire que l’article 305
a dérogé à cette égalité voulue par la coutume de Bour
bonnais ; il porte : c< Fille mariée et apanée, ne peut
« demander légitime ni supplément d’icelle. »
Les rédacteurs de la coutume , en déclarant forcloses
les filles mariées et apanées, n’ont pas eu intention de
les traiter moins favorablement que les garçons : ils ont
pensé qu’elles se marieroient plus avantageusement, si
au lieu de leur part dans une hérédité incertaine j on
leur constituoit une somme fix e , dont elles ne pussent
être privées par les événemens auxquels seroit exposée
la fortune de leurs père et mère.
« L ’apanage des filles, dit M . A u ro u x , sur cet article,
« ou leur exclusion de la succession de leurs père, mère,
« aïeul ou aïeule , même des successions collatérales,
« dans les termes de représentation établie par notre
« coutume en faveur des mâles , pour la conservation
« des familles, n’a rien d’injuste, parce qu’une succession
« pouvant diminuer, comme elle peut augmenter, cette
« incertitude fait que l’on suppose toujours de la justice
« et de l’égalité dans les exclusions tacites qui sont faites
C a
�( 20 )
cf moyennant un certain prix et une certaine récom« pense. »
L e texte et le commentaire de cet article de la cou
tume du Bourbonnais , font connoître qu’elle diffère
essentiellement de la coutume d’Auvergne. Dans cette
dernière, la fille mariée, dotée ou non, ne peut, suivant
l’article 20 du chapitre 1 2 , venir aux successions au
lieu que la coutume du Bourbonnais n’exclut que les
filles dotées et apanées.
Il sembleroit que la loi n’étant pas censée contenir des:
termes inutiles , il faut pour forclore la fille dans les
pays régis par la coutume de Bourbonnais , que son
contrat contienne dot et apanage. Mais les sieur et dame
de la Roque ne dissimulent pas que, par un usage peu
favorabLe au sexe le plus facile à opprim er, on considère
comme dotée et apanée toute fille à laquelle il a été
fait une constitution de dot irrévocable , sans aucune
réserve de participation à l’hérédité. On suppose que
les auteurs de ses jours ont entendu l’apaner, quoiqu’ils
n’aient pas dit que la dot qu’ils lui donnoient étoit à
titre d’apanage.
Appliquons ces principes à la cause, et prouvons que
les filles des sieur et dame Dumont n’ont été ni apanées
ni dotées.
Quoique les termes du contrat de mariage de la dame
de la R oque la mettent dans une position plus avan
tageuse , nous allons raisonner comme si toutes les sti
pulations du contrat de la dame de V au re se trouvoient
dans celui de la dame de Beauregard.
�C 21 )
Nous soutenons qu’il n’y a dans lesdits contrats ni
dot ni apanage.
Il n’y a pas d’apanage, parce qu’il y a institution : ces
deux dispositions sont incompatibles *, et'les auteurs
communs ont déclaré qu’ils n’apanoieni pas leurs filles.
Il n’y a pas de d o t, parce qu’il n’a été rien donné
irrévocablement : tout ce qui a été constitué aux filles
ne l’a été qu’en avancement d’hoirie, et à la charge du
rapport.
Les sieur et dame Hilliard seroient donc réduits, pour
combattre cette évidence de principes, à prétendre en
point de droit, qu’une fille peut être en même temps
lievititîre et apanée; m ais ce seroit une erreur choquante '
car par l’institution elle est retenue dans la maison
paternelle ; par l’apanage elle en est excluse : et on ne
peut tout à la fois être retenu dans la maison et exclu
de la maison.
O r, il a été fait une institution d’héritières en faveur
des dames de Vaure et de Beauregard , avec réserve
d’un objet dont la disposition pouvoit avoir lieu en leur
faveur ; elles n’ont donc pas été apanées.
Lorsque M . Auroux d it , dans son commentaii’e sur
l’article 305 de la coutume de Bourbonnais, « qu’une
« fille mariée par pèi'e et mère , à qui on a donné
« quelque chose de certain, est réputée apanée, et par
« conséquent excluse des successions, quoiqu’elle n’y ait
« pas expressément renoncé , et qu’on ne se soit pas
« servi du mot apané, attendu qu’il n’est pas nécessaire
« pour la validité de cette exclusion tacite et coutumière
�« qu’on se soit servi du mot apanê, pourvu qu’il y ait
« dotation faite à ladite fille. »
Il est évident que cet auteur s’exprime ainsirpour les
cas où les père et m ère, dotant leur fille, n’auroient pas
expressément énoncé s’ils entendoient qu’elle vînt ou
non à partage de leur succession; alors, d it-il, il y a
renonciation tacite et coutumière : mais cette renonciation
ne peut être supposée, lorsqu’elles ont été formellement
instituées héritières.
Après avoir fait l’institution avec réserve , et même
conditionnelle si l’on v e u t, les père et mère ont ajouté
que s’ils n’avoient pas fait cette institution, ils auroient
apané ; ce qui explique clairement qu’ils ont mieux aimé
faire l’institution que Fapanoge; car lorsqu’on annonce
que si on n’eût pas fait telle chose, on en eût fait une
autre, on dit positivement que c’est la première et non
la seconde qui a été faite.
Il est indifférent que les auteurs communs eussent pu
apaner, dès qu’ils n’ont pas usé de ce droit; s’ils eussent
fait un apanage de la manière voulue par la coutum e,
il eût été valable ; mais la disposition qu’ils ont préférée
étant prohibée par la l o i , doit être annullée.
Après l’institution , les père et mère ont dit qu’en
avancement de leur future succession, ils constituoient
en dot à la future la somme de. . . . qu’ils l’ont, par une
disposition subséquente, obligée de rapporter lors de
l’ouverture de leurs successions, ou de moins prendre dans
lcsdites successions. Les appelans voudroient adroitement
assimiler cette constitution de d o t, qualifiée d’avance-
�( *3 )
ment d’hoirie, et sujette à rapport, avec la dot dont
parle M. A u ro u x ; mais elles n’ont aucune analogie. Celle
qui est spécifiée par cet auteur, a lieu lorsqu’il n’a pas
été dit si la fille auroit ou non part aux successions; et
dans les contrats des dames de Y aure et de Beauregard,
elles ont été expressément instituéesliéritières. M . Auroux
dit positivement qu’il faut, pour la validité de la cons
titution de d o t, que la fille ait reçu un prix certain ,
une récompense qui soit hors des atteintes de tous les
événeinens : mais les sommes promises ou données aux
dames de Vaure et de Beauregard étant sujettes à rapport,
leur frère, héritier comme elles , devoit y prendre p a rt,
Js’il ii’en eût pas reçu d’égales.
Cette partie du commentaire de M . A uroux s’accorde
avec ce qu’il avoit précédemment énoncé, que l’apanage
des filles ou leur exclusion n’a rien d’injuste, parce que
les successions pouvant diminuer comme elles peuvent
augmenter, cette incertitude fait que l’on suppose toujours
de la justice et de l’égalité dans les exclusions tacites,
faites moyennant xin prix certain.
Les constitutions faites aux dames de Vaure et de
Beauregard, ne leur ont pas été irrévocablement acquises,
puisqu’on les a obligées d’en faire le rapport; ce n’est
pas un prix certain que celui qu’on n’est pas maître de
garder.
Afin de rendre cette vérité plus sensible , on a dit aux
adversaires : Supposons que postérieurement aux contrats
de mariage des dames de Vaure et de Beauregard, la
fortune des père et mère se fût évanouie ; et certes de
■pareils exemples ne sont pas rares. D ’après la loi qui
�Ch )
leur étoit faite dans leurs contrats, lesdites dames n’auroient pu s’empêcher de partager , avec l’héritière de
leur frère, tout ce qu’elles auroient reçu en avancement
d’hoirie.
Dans leur m ém oire, les adversaires cherchent à faire
entendre que ces dames, en renonçant à l’institution,
auroient conservé ce qu’elles avoient reçu , pourvu que
le fils eût trouvé sa légitim e, à défaut de laquelle la
fille même dotée est tenue de l’apporter.
Cela pourroit être vrai s’il n’y avoit dans les contrats
de mariage qu’une dot pure et simple.
Mais précisément les sieur et dame Dumont ont voulu
empêcher que les futures ne profitassent de la faculté de
retenir leur d o t , et ils ont fait ce qui étoit en eux pour
les
empêcher.
i ° . Ils n’ont donné cette dot qu’à titre d’avancement
d’hoirie.
20. Craignant qu’à ce titre encore les futures ne re
tinssent cet avancement, ils ont stipulé que la fu tu r e
seroit néanmoins tenue de rapporter la somme à elle
donnée en avancement.
Si les auteurs communs s’étant ruinés, les filles avoient
voulu garder ce qu’elles auroient reçu, avec quelle véhé
mence les adversaires ne se seroient-ils pas élevéscontre
cette prétention! Ils auroient dit avec raison qu’il n’y
avoit pas dans le contrat des dames de Vaure et de
Beauregard de constitution dotale; qu’il ne leur avoit
été rien donné ou promis qu’à titre d’avancement d’hoirie;
que tout ce qui a été reçu de cette manière est par sa
nature sujet à rapport, lors de l’ouverture des successions;
qua
e n
�( 25)
que par une stipulation bien expresse, à laquelle nulle
loi ne 9’opposoit, on les a obligées à ce rapport; qu’ainsi
leur frère doit en avoir le tie rs, étant institué comme
elles héritier pour cette quotité.
Ainsi les dames de Vaure et de la Roque , qui auroient été contraintes de partager avec l’héritière de leur
frère ce qu’elles avoient reçu, doivent, par réciprocité,
profiter des avantages que leur procurera le partage égal
des autres biens des successions communes.
f Les appelons ont dit que pour décider s’il y a eu un
apanage , il faut examiner si les père et mère ont eu
l’intention d’apaner , plutôt que les termes dont ils se
sont servis , voltmtatern potius quant vcrbci spectavi
placuitj mais il importe peu de rechercher l’intention ,
lorsqu’elle ne pouvoit suffire sans un prix certain qui
n’existe pas. Loin que cette intention ait été telle que
les sieur et dame Hilliard la supposent, elle étoit abso
lument contraire ; on en trouve la preuve dans le propre
contrat de mariage d’André Dumont. Si lors du contrat
de mariage de la dame de V a u re , dans lequel les père
et mère disent que sans l’institution ils l’auroient apanée,
leur intention eût été que cette clause produisît l’eifet
d’un apanage, personne ne devoit mieux le savoir que
le législateur de la fam ille, le sieur Dumont père; il
a prévu dans le contrat de mariage de son fils , le cas
ou la dame de la Roque se refuseroit à la délivrance
du préciput dont il disposoit en faveur d’André Dumont.
S’il avoit entendu, lors du mariage de ses filles, qu’elles
dussent etre regardées comme apanées, dans le cas oii
elles refuseroient d’exécuter les conditions attachées h
V
�( a6 )
l’institution, le sieur Dumont n’eût pas manqué de dire
que la dame de la R o q u e, si elle contestoit le don en
préciput, devoit être restreinte aux 40000 francs cons
titués à. sa m ère, en avancement d’h oirie, et que son
fils recueilleroit toute son hérédité.
A u lieu de cela, le feu sieur Dumont ne suppose
pas même que la dame de la Roque puisse jamais être
privée de sa part héréditaire, persuadé que le contrat
de mariage de la dame de Beauregard ne contenant
aucune disposition de préciput en faveur d’AndréD um ont,
la dame de la Roque pourroit le contester-, il lui fait
un don de 5ooo francs, si elle respecte la disposition
dudit préciput ; et en cas qu’elle ne veuille le souffrir,
il la prive de ce don. C’est, suivant le meilleur interprète
des c l a u s e s contenues dans les contrats de mariage des
filles, la seule peine qu’elle peut encourir. M algré la
grande envie qu’il avoit d’avantager son fils, le sieur
D u m o n t ne se croit pas autorisé à donner atteinte à l’ins
titution de ses filles : son fils n’est institué comme elles,
et conjointement avec,elles, que pour la même quotité.
Relevant avec l’apparence du triom phe, des objec
tions moins importantes, les sieur et dame Hilliard ont
passé celle-ci sous silence, quoiqu’elle leur eût été faite
dans tous les écrits signifiés en première instance ; ils
ont senti l’impuissance d’y répondre rien de plausible.
L e don de 5ooo francs fait à la demoiselle de Beauregard, dans le contrat de mariage de son oncle, étoit
radicalement nul, suivant les articles de la coutume déjà
cités, qui ne permettent de gratifier les enfans que dans
leur propre contrat de mariage. La condition apposée à
�( *7 )
cc don étoit d’ailleurs trop préjudiciable à la dame de la
Roque, pour qu’elle l’acceptât. Aussi n’a-t-elle jamais ré
clamé cette somme en vertu du contrat de mariage du 31
mai 1789. Mais le sieur Dumont père, présent au mariage
contracté par ladite demoiselle de Beau regard , le 30 bru
maire an 11 , augmenta de 10000 francs la constitution
faite à sa mère en avancement d’hoirie, et stipula que
de ces 10000 francs, 5 seroient sujets à rapport, s’ils
avoieiit été payés , et que les 5 autres seroient pris sur
sa réserve de la terre de Mont.
C ’est eh vertu de cette disposition affranchie de toute
condition, et faite dans le propre contrat de la dame
de la R o qu e, qu’elle a exigé ces 5 ooo francs, dont la
demoiselle Dumont lui sert l ’intérêt -, en attendant qu’elle
puisse les acquitter. Quant aux i 5 qui formoientle restant
de ladite réserve, le feu sieur Dumont en a fait donation
à la dame Narjot, fille de la dame de Yaure. Les tuteurs
de la demoiselle Dumont ayant formé demande en nullité
de cette donation, par la même requête qui a précédé
la demande en partage et délivrance de préciput, dirigée
contre la dame de Y a u re , les sieur et dame de la R oque,
ces derniers, pour ne pas surcharger d’un objet étranger
la contestation relative au partage et au préciput, à
laquelle les sieur et dame Narjot ne sont pas intéressés,
après avoir observé qu’il devoit être traité séparément,
sont restés spectateurs du débat qui existoit entre la
demoiselle D u m o n t, les sieur et dame Narjot.
Néanmoins la loi du 18 pluviôse an 5 , attribuant aux
héritiers non avantagés les réserves dont les instituans
D 2
�(
2 8
)
n’auroient pas valablement disposé, les sieur et dame des
la Roque ont pris devant les premiers juges des con
clusions tendantes à ce que la demoiselle Dumont fût
condamnée, si la nullité de la donation faite à la dame
Narjot étoit prononcée, à leur payer j 5oo francs faisant
moitié de la somme donnée, avec intérêts et frais. En
première instance, la demoiselle Dumont a été déboutée
de sa demande en n u llité, et condamnée à payer à la
dame Narjot les i 5ooo francs. On voit dans les motifs
des juges de Gannat, qu’ils ont été principalement dé
terminés par la considération que la demoiselle D u
mont étoit sans qualité pour contester ladite donation,
attendu que ce droit n’appartenoit qu’aux héritiers lé
gitimés;
O
" c’est-à-dire,* il la dame de V a u rc et à la dame
d e la R o q u e .
L e mémoire que les appelans ont fait imprimer ne
dit rien de ce qui s’est passé depuis ledit jugem ent,
entre la demoiselle Dumont et les sieur et dame Narjot.
Les sieur et dame de la R o q u e , qui n’en ont pas connoissance, doivent faire remarquer que si les sieur et
dame Hilliard ont interjeté appel vis-ù-vis des sieur et
dame N arjot, dans le cas où la cour prononceroit la
nullité de cette donation de iôooo francs, il y auroit
lieu d’adjuger la moitié de cette somme , aux sieur et
dame de la R oque, conformément aux conclusions par
eux prises en première instance, et à la loi du 18 plu
viôse an 5. Si au contraire les sieur et dame Hilliard
sont repoussés par la fin de non-rccevoir qui les a fait
succomber en première instance, les sieur et dame de
�( 29 )
'
la Roque entendent se réserver tous leurs droits à la
moitié de ladite somme de iôooo francs, pour les exer
cer quand et ainsi qu’ils aviseront.
SECONDE
PROPOSITION.
Tout don de préciput est formellement prohibé par
la même coutume, hors du contrat de Venfant
qui se marie. S i la jurisprudence Va admis, d’une
manière indirecte, dans les contrats de mariage
des filles instituées héritières, ce n est quautant
q u e lle s auroient été en même temps' dotées moyen
nant un p r ix certain et une récompense irrévo
cable.
i
Forcés de reconnoître dans leur mémoire qu’André
Dumont n’auroit pu être avantagé d’un préciput par le
contrat de mariage de ses sœurs, si cet avantage lui eût
été fait directement, les appelans se bornent à soutenir
qu’il a pu le recueillir par voie indirecte, à cause de la
condition mise à l’institution de ses sœurs.
Si on écoute la voix de la raison, il semble que toute
violation de la loi doit être également réprim ée, et que
le but du législateur est manqué s’il souffre qu’on ob
tienne par artifice ce qu’il a expressément défendu.
L ’article 308 de la coutume du Bourbonnais est ainsi
conçu :
. « Donations faites par père, mère ou autres ascendaos
« à leurs descendans, en préciput, en contrat de ma-
�( 30 )
« nage et faveur d’icelu i, ne sont sujettes à collation
« entre les donataires et leurs cohéritiers. »
Cet article est si formel qu’il n’a pas besoin de com
mentaire : ouvrons néanmoins celui de M. Auroux.
A p rè s avoir dit qu’il faut que le préciput soit donné
expressément à ce titre, il ajoute : « Une seconde condi« tion requise pour la validité du préciput, est qu’il
« soit fait en contrat de mariage et faveur d’icelui, ainsi
« qu’il est dit dans notre article; et la raison est qu’aux
« termes de l’article 217 suprà, les pères et mères ne
« peuvent donner entre-vifs à leurs enfans, hors contrat
« de mariage, » C’est l’observation de M. de Culant sur
notre article : « In gratiam contrahentïs matrimonium ,
« d it - il, alias m o r i b u s n o s tr is n o n v a l e t , hoc quia
« extra contraction matrimonii et ejus favorem non
« valet d o n atio facta liberis à parentibus. A rt. 217. »
M . A u ro u x ne compose pas avec la loi ; comme elle
il dit que le préciput n’est valable qu’autant qu’il est
fait en faveur de ceux qui se marient. L ’opinion de
M . de Culant, qu’il rapporte, n’est pas moins tranchante:
in gratiam contrahentis matrimonium et ejusjavorem ,
alias non valet.
« A la vérité, continue M . A u ro u x, par arrêt rendu
« au rapport de M . l’abbé Pucelle , le 22 mai 1 7 1 6 ,
« entre les dames Maquin et leur frère , le préciput
« de 30000 fr. fait au frère dans le contrat de mariage
« de ses sœurs, par les père et m è r e , fut confirmé :
« mais c’est parce que ce préciput étoit une clause et
« condition du rappel et institution desdites dames,
« sans laquelle réserve du préciput il étoit dit que
�yt
( 31 )
lesdits père et mère lesauroient apanées, et sous conVention que, où lesàites dames voudraient contester
ledit préciput, elles demeureraient apanées pour la
somme de 24000 fr a n c s chacune ; ce qui se pratique
ainsi dans cette province. »
Les appelans se sont persuadés que cet arrêt étoit
à leur avantage , tandis qu’il leur est absolument con
traire. M . A u r o u x , en rapportant les motifs qui ont
déterminé cet a rrê t, fait connoître qu’il n’est pas en
opposition avec ce qu’il a dit précédemment. Les mots
soulignés ci-dessus le sont aussi dans le commentaire
de M . A uroux ; ils contiennent la stipulation expresse
d’un apanage qui doit demeurer aux filles , et tenir
lieu de leur portion héréditaire r si elles ne veulent
souffrir le préciput. En disant qu’on a jugé ain si, par
cette raison, M . A uroux exprime d’une manière évi
dente que sans cette stipulation ont eût jugé différem
ment •, d’ou il résulte que les dames de Vaure et de
Beauregard, qui n’ont pas été apanées, et auxquelles
il n’a été rien constitué qu’en avancement d’hoirie, et
à la charge du rap p o rt, sont fondées à soutenir que
l ’arrêt de 1716 a préjugé p o u r, et non contr’elles.
Enfm M . A uroux qui avoit cité M . Menudel l’apporte
son avis, dans lequel cet auteur après avoir dit qu’on
reçoit le préciput dans le contrat de mariage des filles
instituées lieritieres à cette condition, conseille de mettre
dans le contrat que les père et mère ont doté la fille
de la somme de.... h la charge de venir à la succession
en la rapportant, et qu’où elle fourniroit débat contre
ledit préciput, ils déclarent qu’ils apanent ladite fille h
«
«
«
«
«
\
�( 3 0
la somme d e ....... parce qu’en mettant simplement la
clause qu’ils instituent ladite fille sous ledit préciput,
elle peut dire qu’elle n’a pas été apanée, à défaut d’exé
cution de ladite clause , qui sonne toutes fois en une
institution conditionnelle, et que les mots qui seroient
dans le contrat, sans lequel préciput les père et mère
l ’auroient apanée, ne seroient pas un apanage form el,
mais plutôt une simple én'oncintion du dessein d’apaner,
lequel n’étant pas diserlement expliqué , ne l’empê
che roi t pas de venir à une succession ab intestat des
père et m ère, en rapportant. Laquelle objection n’est
pourtant pas considérable , parce que le mot de dot
emporte quant à soi l’apanage, lequel est valable ah'qito
dato 2>cl promisso de pressenti.
Quoique l’avis de M . Menudel ne soit pas rédigé avec
toute la clarté qu’on pourroit désirer, on y voit que
.la solidité des stipulations par lesquelles on voudroit
assurer au fils un préciput dans le contrat de mariage
de ses sœurs , est subordonnée à la constitution d’une
dot de prœsenti. Les mots laquelle objection n'est pour
tant pas considérable, se rapportent aux difficultés que
la fille élèveroit, en alléguant qu’elle n’a pas été expres
sément apanée; ce q u i, suivant M . Menudel et même
suivant M . A u ro u x , peut être suppléé par une consti
tution à titre de dot.
L ’arrêt du 22 mai 17 16 , comme l’avis de M . Menudel,
ne peuvent être opposés, parce que les contrats de ma
riage des dames de Yaure et de Beauregard ne con
tiennent pas les deux clauses d’institution conditionnelle,
et stipulation de dot, tenant lieu de la portion hérédi
taire.
�( 33 )
faire. Les auteurs communs n’ont ni apané , ni eu
l’intention d’apaner leurs filles.
A u décès de la dame D um ont, ses filles ont été saisies
du tiers qui revenoit à chacune d’elles dans sa succession,
par la règle le mort saisit le vif. L e sieur Dumont père
n’a pu, postérieurement à ce décès , transmettre à André
Dumont la moitié de la terre de M on t, qui avoit appar
tenu à sa mère. La donation faite audit André Dumont
ne peut être validée par la faculté d’élire que les père
et mère s’étoient déférée mutuellement. Nul ne peut
faire par autrui ce qu’il ne lui est pas permis de faire
lui-même. Dès que la loi municipale défendoit impé
rieusement à la dame Dumont d’avantager son fils dans
un autre contrat de mariage que le sie n , le pouvoir
donné au mari est vicieux dans sa source : tout ce qui
a été fait en vertu de ce pouvoir est nul.
Dans nos mœurs , le droit d’élire a toujours été
regardé comme abusif ; il doit surtout être rejeté lors
qu’on ne l’a déféré que pour se procurer le moyen d’avan
tager une personne prohibée. Celui à qui ladite faculté
d’élire a été donnée ne pouvoit la recevoir , parce que
les articles 226 et 227 de la coutume de Bourbonnais,
défendent, durant le mariage, toute association, dona
tion ou autre contrat entre la femme et le mari, même
les donations mutuelles, s’ils ont des enfans.
Vainement les sieur et dame Ililliard disent-ils que
la faculté d’elire seroit n u lle, si elle étoit confé rée par
disposition directe, mais qu’elle peut valoir comme con
dition de l’institution des filles; qu’elle ne conféroit
E
�( 34 )
aucun avantage à l’époux survivant ; qu’ainsi elle n’étoit
pas contraire aux lois prohibitives d’avantages entre
époux.
3N’est-ce pas un avantage bien ré e l, et d’une grande
im portance, que celui qui met à la disposition d’un des
époux environ la moitié des biens de l’autre? D ’ailleurs
la loi n’a pas fait de distinction -, elle a prohibé toute
association, donation ou autre contrat entre époux,
même les dons mutuels : sa disposition doit être exécutée
par tous ceux qui étoient soumis à son empire.
Ce qui sera dit ci-après sur la question de savoir si
les stipulations prohibées peuvent valoir comme condi
tion d’une institution, s’appliquera à cette faculté d’élire
que les appelans vouloient en première instance faire
valoir comme mandat ou procuration; moyen qu’ils
ont abandonné, parce qu’on leur a observé que tout
.mandat expire à la mort du mandant, et que les morts ne
sauroient contracter, ni en personne, ni par procureur.
’ Il y avoit un autre vice dans la disposition de la
terre de M on t, et la faculté d’élire qui s’y rapportoit.
: Cette terre étoit un acquêt de communauté dont le
mari est seul maître, suivant l’article 136 de la même
coutume : les dispositions que faisoit la femme relative
ment à un bien sur lequel elle n’avoit pas de droit
acquis, étoient une usurpation du pouvoir que la loi
donne au mari seul sur les biens de la co m m u n a u té . O n
peut, disent les appelans, disposer d’un droit éventuel;
cela est vrai : mais la dame Duinont n’a pas disposé
'hypothétiquem ent; elle a donné, comme a elle appar-
�>/
. (
3
5
)
tenant, un bien qui étoit entre les mains de son mari.
-Aux textes les moins équivoques de la coutume, aux
suffrages de ses plus habiles interprètes, les sieur et
dame Hilliard opposent les notes manuscrites d’un ancien
avocat de M oulins; ils disent que ces notes ont été com
muniquées aux sieur et dame de la R oque, qui ne les
ont p oin t/ vues, et seroient hors d’état d’en vérifier
l’écriture. Nous avons fait connoître à quels dangers on
s’exposeroit si on vouloit asseoir des jugemens sur de
pareilles bases.
Les sieur et dame Hilliard ont encore cherché à tirer
avantage d’une consultation obtenue, d is e n t-ils , par
M . de Vaure l u i - m ô m e , de M M . B o iro t, Bergier et
D artis, sous la date du 12 décembre i 8 o 5 . Les appelans
assurent qu’ils ont copie de cette consultation, que cepen
dant ils ne tiennent pas du sieur de Vaure.
Ces jurisconsultes ont été d’avis, et c’est une erreur
échappée à des hommes très - éclairés, que le préciput
devoit être relâché à la demoiselle D um ont, en vertu
de l’institution de ses tantes ; ils ont aussi décidé qu’on
ne pouvoit regarder comme valable la faculté que les
père et mère s’étoient donnée, et au survivant d’eux,
par le contrat de la dame de V a u re, de disposer de la
totalité de la terre de M ont, au préjudice de l’institu
tion faite au profit de ladite dame, par égalité avec ses
frère et sœurs, soit parce que la coutume contenoit
des prohibitions particulières pour les dispositions des
pères et mères à leurs enfans, et pour les dispositions
entre ép ou x, soit parce que la terre de M ont étant un
E a
�, ( 36}
acquêt de communauté, la dame Pîtat donnoit ce qui
étoit sous la puissance du mari seul; qu’ainsi la repré
sentante d’André Dumont ne peut avoir la moitié de la
terre de M on t, qui a appartenu à la succession de la
dame Pitat, en vertu de la disposition faite en faveur
d’A ndré D u m o n t, par son contrat de mariage.
Enfin ils ont décidé que la somme de 6000 livres,
réservée pour acquisition de cens, et dont les premiers
juges ont mal à propos attribué la moitié à la demoiselle
D u m on t, ne pouvoit lui appartenu'.
Les sieur et dame Hilliard s’emparent de ce qui est
à leur avantage, dans cette consultation, et rejettent
tout ce qui est contraire à leurs intérêts.
En coutume d’A u v e r g n e , l’exclusion de la fille mariée
est de droit -, elle ne peut venir aux successions que par
un rappel formel dé ses père et mère : mais il n’en est
pas de même ën Boui’bonnais, où la fille a des droits
égaux à 'ceux de ses frères, dans la succession de ses
père et mère ; que pour être privée de ses droits, il
faut qu’on lui en ait assuré le prix de manière qu’elle
puisse gagner comme perdre à cet arrangement, suivant
les événemens auxquels sera exposée ensuite la fortune
de ceux dont elle auroit été instituée héritière : d’où
résulte la nécessité de faire, avec l’institution condition
n elle, une constitution de dot irrévocable, afin que si
la fille n’accfcpte pas la première, elle soit forclose par
la seconde.
�(
TRO ISIÈM E
37
),
PROPOSITION.
S i les conditions apposées à une institution sont
contraires aux lo is , Vinstitué peut profiter de
l ’institution sans exécuter la condition ; il peut
aussi renoncer a Vinstitution ; et la fille qui n a
pas été apanée, ou à laquelle il n a pas été f a it
une constitution dotale} telle quelle doit être pour
tenir lieu d’apanage, vient à la succession comme
héritière naturelle et légitime.
Pour tacher de persuader qu’André Dumont a pu
être avantagé par préciput, dans le contrat de mariage
de ses sœurs, de la moitié de la terre de M o n t, qui
appartenoit à sa m ère, parce que la destination de ce
bien , et le pouvoir d’élire donné au survivant des
époux , étoient des conditions de l’institution , les appelans exposent dans leur mémoire (page 10 et suivantes),
que la raison dit à qui veut l’entendre, qu’il est loisible
à celui qui exerce une libéralité, d’y apposer telles con
ditions qu’il juge convenables, pourvu qu’elles ne soient
contraires ni aux lois, ni aux mœurs; que c’est à celui
qui est l’objet de la libéralité, à l’accepter ou à y re
noncer; mais s’il l’accepte, il doit remplir les charges
et conditions qui y sont imposées ;
Qu’A uroux et Lebrun décident qu’on peut faire
l’équipollent d’une institution contractuelle , au profit
d’autres personnes que les mariés, en instituant la per_
�t 33 )
sonne mariée à la charge d’associer ses frères et sœurs
pour certaine quotité de l’institution ; ce qui vaut à leur
profit comme une condition de l’institution, parce que
l’association étant une charge de l’institution dont elle
fait partie, l’ institué est dans la nécessité, ou de renoncer
à l’institution, ou de consentir à l’association;
Que deux frères s’étant institués réciproquement dans
le contrat de mariage de l’un d’eux, celle faite en faveur
de celui qui ne se marioit pas , valoit comme condi
tion; que l’article 1121 du Code Napoléon a consacré
ces principes ; que cette disposition au profit d’un tiers
peut être révoquée par l ’instituant, qui n’est pas lié ,
mais le donataire ou l’institué ne peut se dégager qu’en
renonçant au bienfait ;
Que des conditions pouvant être apposées à une ins
titution , on ne voit pas ce qui pourroit faire obstacle à
ce qu’un institué fût tenu de souffrir le prélèvement d’un
précipu t, comme condition de son institution ; qu’un
instituant pouvant faire passer à des tiers une quotité de
succession, comme condition de l’institution faite au profit
de celui qui se m arie, on doit à plus forte raison décider
qu’une disposition au profit d’un tiers, qui n’a pour but
qu’une chose déterminée, peut valoir comme condition
d’une institution, suivant la maxime qui peut le plus
peut le moins ; qu’il y a plusieurs décisions d’avocats de
M ou lin s, sur un manuscrit de l’un d’e u x , et un arrêt
du 22 mai 17 16 , cité par A u ro u x, et dont les circons
tances sont développées dans ledit manuscrit ;
Que les contrats de mariage des filles des sieur et dame
Dumont contiennent une institution restreinte par la sti-
�( 39 )
pulation d’une réserve modifiée par plusieurs conditions
qu’il a plu aux instituans d’y apposer, tellement liées
avec l’institution , qu’on ne peut en supprimer une sans
anéantir, dans le vœu des instituans, l’institution ellemême •,
Que l’objection tirée par les dames de Vaure et de la
R oque, des articles 217 et 226 de la coutume, dont l’un
s’opposoit à la disposition faite au profit d’André Dum ont,
dans le contrat de mariage de ses sœurs, et l’autre à la
faculté d’élire, se détruit, en ne confondant pas les dis
positions principales et directes avec les dispositions rela
tives et conditionnelles; que l’institution faite par un père
en faveur de deux enfans , par le contrat de mariage de
l’un d’eu x , étoit nulle à l’égard de celui qui ne se marioit
p as , tandis que si l’institution n’étoit faite qu’en faveur
de celui qui se m arioit, à la charge d’associer son frère,
la disposition étoit valable au profit de ce dernier, comme
condition de l’institution faite à son frère; de m êm e, en
coutume de Bourbonnais, la disposition faite par des
époux pendant le m ariage, au profit du survivant, de
l’usufruit des biens du prédécédé, étoit n u lle , comme
contenant un avantage prohibé, tandis qu’elle a toujours
été considérée comme valide, lorsqu’elle se rattaclioit à
une institution de leurs enfans , et qu’elle en étoit la
condition ; ce qui est attesté par A u r o u x , sur les arti
cles 226 et 227 ; que c’est sur ces principes que repose
la consultation de M M . B oirot, Bergier et D artis, dont
les sieur et dame Hilliard argumentent longuement.
Nous n’avons omis aucunes des raisons par lesquelles
�( 4° )
les appelans veulent établir que la fille d’André Dumont
doit avoir, par préciput, la moitié de la terre de M ont,
qui avoit appartenu à la dame P itat, comme étant une
condition de l’institution de ses tantes.
En analisant ces raisons, on voit d’abord qu’à l’art. 308
de la loi municipale , qui défend toutes donations en
préciput, si ce n’est dans le contrat et en faveur de
l’enfant qui se m arie, les sieur et dame Hilliard n’en
opposent aucun autre duquel on puisse tirer des induc
tions contraires; mais ils disent que suivant M . A u ro u x,
dont l’avis est conforme à celui de Lebrun, on peut faire
indirectement, et par condition apposée à une institution,
des dispositions en faveur d’autres que les mariés ; qu’on
peut instituer celui qui se m arie, à la charge d’associer
telle ou telle personne, et donner l’usufruit au survivant
des é p o u x , en stipulant cette condition dans une insti
tution.
La première réflexion qui se présente est que M . A uroux
q u i, dans son commentaire sur les articles 219 et 224,
indique le moyen de faire l’équipollent d’une institution
contractuelle au profit d’un autre que les mariés, en ins
tituant la personne mariée à la charge d’associer l’autre,
ayant établi de la manière la plus positive, lorsqu’il traite
du préciput, qu’on ne peut le donner qu’à celui qui con
tracte mariage, on doit en conclure qu’il n’en est pas de
l’association, dont la coutume ne parle pas, comme du
préciput sur lequel elle a une disposition prohibitive trèsexpresse.
Dans les pays où l’association est en usage, elle a lieu
autant pour l’avantage de l’institué que pour celui de
l’associé.
�(4 0
l’associé. Ce dernier est retenu dans la maison; il aide à
cultiver les biens, à faire valoir les entreprises de com
merce. Les sieur et dame Hilliard ont cité un arrêt rap
porté par M. A u ro u x , qui confirma une institution réci
proque , faite par deux frères dans le contrat de mariage
de l’un d’eux ; mais ils se sont bien gardés d’ajouter que
M . Auroux donne pour motif que c’étoit une convention
par l’effet de laquelle les deux frères couroient même
chance, et dont le bénéfice dépendoit uniquement de la
survie.
Ces stipulations, qui peuvent tourner au profit de
l’institué, ne sauroient être comparées avec un don en
p r é c ip u t, qui a essentiellement pour objet de détruire
l’égalité voulue par la coutume à laquelle les parties
étoient soumises.
Quant à l’usufruit, les appelans ont cité le n°. 30 du
commentaire de M . A uroux , sur l’article 327 de la cou
tum e, où il dit que les conjoints père et mère, mariant
leurs enfans, peuvent convenir, en leur faisant des do
nations ou les instituant leurs héritiers, que lesdits enfans
laisseront jouir le survivant de leurs père et m è re , ainsi
qu’il est dit dans l’article 281 de la coutume de Paris,
qui s’observe en Bourbonnais, suivant M M . de Culant,
D uret et Semin : E o casu , dit M . de Culant, Jilius
recipt'oce censeiur usum Jructum douasse superstiti.
Il résulte de ce passage, que le conjoint survivant n’est
pas censé tenir l’usufruit de l’autre conjoint, auquel la
loi interdisoit cette libéralité - qu’ ü la reçoit p a r l ’e ffe t
du consentement de l’héritier institué, sans doute m a je u r ;
car M . A uroux ajoute, dans le nombre suivant, qu’il
F
�faut , pour la validité de cette convention, qu’elle soit
faite avec tous les enfans héritiers, à mesure qu’ils se
marient. Quoi qu’il en soit, lorsqu’il s’agit de déroger
à une loi précise, il ne faut pas raisonner d’un cas à un
au tre, n’y ayant jamais mêmes circonstances et mêmes
motifs.
L ’arrêt de 1 7 1 6 , cité dans les prétendues notes de
M . Beraud, et rapporté par M . A uroux loin d’être
contraire aux sieur et dame de la R o qu e, confirme les
principes- sur lesquels ils se fondent, attendu , comme
nous l’avons déjà d it , qu’il n’adjugea le- préciput qu’à,
raison de ce qu’y ayant dans les contrats des dames
M aquin , institution conditionnelle et apanage form el,
il falloit qu’elles prissent l’institution, ou qu’elles fussent
forcloses.
. M al à propos les appelans o n t-ils invoqué la dispo
sition de l’article 1121 du Code N apoléon, qui permet
de stipuler au profit d’un tiers, lorsque telle est la con
dition d’une donation que l’on fait à un autre ; cet article
suppose que la stipulation a pour objet une chose qui
n’est défendue par aucune l o i , sans quoi il seroit en
contradiction avec l’article 900, qui répute non écrite
toute condition contraire aux lois, et avec l’article 1108 ,
qui v eu t, pour la validité d’une obligation, qu’elle ait
une cause licite. La même raison écarte l’allégation que
les contrats de mariage sont susceptibles de toutes con
ventions; celles qui tendent à violer la l o i , ne sont pas
plus permises dans les contrats de mariage que dans les
autres actes.
Les appelans auroient beaucoup mieux fait de garder
�( 43 )
le silence sur la consultation de M M . Boirot, Bergier et
Da rtis , dont ils se prévalent, quant au point qui leur
est favorable , et qu’ils rejettent dans tous les autres. S’il
faut croire, sur l’allégation des adversaires, que ces juris
consultes, décidant quatre questions, ont erré dans les
trois où ils ont contrarié les prétentions de la demoiselle
Dumont , elle ne peut exiger qu’on prenne leur avis
pour guide en jugeant l’autre question, qu’ils ont décidée
contre les sieur et dame de Vaure.
En Bourbonnais, le mot dotée n’étoit synonyme d’a\panée que lorsque les père et m ère, mariant leur fille,
lui av o ie n t , avec intention de l’exclure de leur succes
sion, constitué un objet déterminé dont elle ne pou voit
être privée par les événemens auxquels leur fortune
seroit exposée, et qui formoit ainsi lejprix de la renon
ciation tacite que la fille étoit présumée avoir faite aux
Buccessions des auteurs de ses jours. Les sieur et dame
Dumont n’ont fait ni voulu faire une constitution de
ce genre.
■Le contrat de ‘mariage de la dame de 'Vaure contient
la preuve que dans l’intention des instituans le mot
dot n’étoit pas synonyme à'apanage ; car ils ont cons
titué une dot, et ont dit qu’ëlle n’étoit pas un apanage;
qu’ils en auroient constitué une à ce titre, s’ils n’avoient
mieux aimé instituer la'future comme ils l’ont ifait.
Ce ne sont pas les mots, comme les appelans l’ont dit
eux-m êm es, qu’il faut considérer en pareil cas, mais
la chose qui a été réellement faite par les père et mère.
O n t-ils privé la fille de la qualité d’héritière, si elle
n’acceptoit'pas l’institution'? L ’o n t-ils alors qfïranchie
F 2
�C44)
des charges et des inquiétudes de l’hérédité? L u i ontils donné le prix de sa renonciation tacite, en lui assurant
une somme qu’elle conserverait indépendamment de tous
les événemens ? Ne lui on t-ils réservé aucun espoir
successif? On pourrait dire, quand ils n’auroient em
ployé ni le mot d o t, ni celui d'apanage, qu’il y a for
clusion. Si au contraire la fille a été retenue dans la
fam ille, et instituée héritière; si ce qui lui a été donné
ou promis n’étoit qu’un avancement d’hoirie qu’on l’a
obligée de l’apporter, et q u i, par conséquent , n’étoit
pas une récompense certaine, eussent-ils dit expressé
ment qu’ils ont doté et apané leur fille, elle ne serait
pas forclose.
Les. auteurs communs attachoient si peu au mot dot
l’idée présentée par celui d'apanage, qu’ils se sont servi
des mêmes expressions dans le contrat de mariage d’André
Dumont ; il y est dit : « En avancement d’h oirie, le
« sieur Dumont père « constitué et constitue en d o t,
« au sieur futur époux , la somme de 40000 livres, qui,
« avec celle de 10000 livres provenante de la réserve,
« font 5oooo livres; laquelle constitution dotale sera
« imputée, etc. » Les mots constitué en dot et consti
tution dotale, employés et même plus répétés dans le
contrat de mariage du frère, que dans celui des soeurs,
ne permettent pas de douter qu’on 11’y attachoit pas.,
dans la famille, le sens que les appelans voudraient lui
donner pour le rendre identique avec celui d'apanage..
Ce qui a été dit précédemment , répond aussi à l’ob
jection que les père et mère pouvant livrer leur fille
�à une forclusion absolue, ont p u , à plus forte raison,
ne la forclore qu’en partie , et l’obliger à respecter la
destination d’un objet particulier : 011 ne conçoit pas
trop comment, dans la même succession, une fille peut
être héritière en partie, et forclose pour une autre partie.
Mais les instituans n’auroient p u , suivant la loi qui les
régissoit, forclore la fille par leur simple volonté ; elle
étoit appelée, par cette lo i, à partager leur succession;
on ne pouvoit la priver des droits qu’elle y avoit, que
par l’espèce de composition à forfait, qui se trouve dans
la constitution d’une dot certaine et irrévocable, tenant
lieu de cc qu’elle auroit recueilli dans des successions
qui pou voient diminuer comme augmenter.
L ’adage qui peut le plus peut le m o in s, est ici inap
p licable, puisque les père et mère 11’ayant pas constitué
à leur fille une dot telle qu’il la falloit pour opérer la
forclusion, ils ne pouvoient la priver ni de la totalité,
ni de partie de leurs successions. Eussent-ils pu la livrer
à une forclusion absolue en l’apanant, cette circons
tance est indifférente, dès qu’ils ne l’ont pas apanée. Il
en est comme si un particulier, voulant gratifier son
am i, lui faisoit vente d’un bien sans stipulation de p rix;
l’acquéreur n’acquerroit aucun droit par un pareil contrat,
quoiqu’il fût certain que le vendeur auroit pu valablement (
lui faire une donation cent fois plus considérable. Tant
pis pour l’avantagé, quand celui qui vouloit le gratifier
a fait ce qu’il ne pouvoit pas faire, au lieu de faire ce
qui eût été valable.
Il est certain que la terre de M ont n’a été mise hors
de l’institution faite en faveur de la dame de Vaure ,,
�( 4 0
qu’èn ce sens, qu’elle pouvoit ne pas la trouver dans
l’hérédité : c’est le seul effet qu’étoit susceptible de pro
duire la longue stipulation insérée dans son contrat de
mariage. La réserve de cette terre rendoit les instituons
maîtres d’en disposer par acte valable ; et si la dame
D u mont eût été présente au contrat de mariage de son
'fils , et lui eût donné en préciput sa moitié de cette
te rre , la fille d’A ndré D u m ont, à laquelle on ne con
teste pas l’autre moitié donnée par le père, auroit aùssi
recueilli celle-oi.
Non-seulement le contrat de mariage de la dame de
V a ure ne l’a point privée de l’espérance d’avoir part à
cet immeuble ; elle pouvoit ’môme l’avoir en totalité, si
ses père et mère en disposoîent en sa faveu r, comme
ils s’en étoient réservé le droit. A défaut de disposition
valable, cette terre rentroit dans la masse de l’hérédité,
et toiis ceux qui y venoient avec un titre universel devoient la partager.
A l’allégation, quon peut fa ir e indirectement ce qui
est prohibé ouvertement, les sieur et dame de la Roque
ont opposé la maxime bien plus digne d’être consacrée
par la justice, que la condition contraire aux lois ou aux
bonnes mœurs, est réputée non écrite; qu’ainsi, celui
qui en a été grevé n’est pas tenu de l’exécuter. 'Ils ont
v. soutenu que la loi ordonnerait vainement, s’il étoit permis
de se soustraire à son empire par des voies tortueuses et
indirectes ; rque cette vérité étoit écrite dans les anciens
livres, comme elle l’est dans les articles 900 et 1174 du
Code Napoléon; enfin, qu’elle avoit été proclamée par
plusieurs arrêts solennels.
�( 47 )
Denizart, dans sa collection de jurisprudence, au mot
Dispositions conditionnelles, n°. 2 1 , en cite un rendu
en la grand’chambre du parlement de Paris, le 13 mai
1762. Il s’agissoit d’une institution d’héritier faite par le
sieur de V auban , en faveur de son n eveu , à la charge
de laisser à la veuve la jouissance de plusieurs terres
situées dans des coutumes qui prohiboient les avantages
entre époux. L ’institution fut maintenue , et l’héritier
déchargé de la condition. Cet arrêt rendu sur les con
clusions de M. Joly de Fleury, est aussi rapporté dans la
collection des décisions nouvelles, vulgairement appelée
Nouveau D enizart, au mot Avantage prohibé. On y voit
que la veuve faisoit valoir que la disposition devoit être
exécutée en tout son contenu; que l’héritier n’étant ins
titué que sous cette condition, ne pouvoit se dispenser
de l’accomplir ; qu’à la difficulté qui naissoit de la con
dition sous laquelle l’héritier éloit institué, on observoit
qu’elle devoit être regardée comme non écrite, puisqu’elle
étoit contraire à la prohibition expresse de la coutume:
et il fut ainsi jugé.
Par un autre arrêt du 2 avril 176 2 , rapporté dans
la môme collection, le parlement de P aris, dans le ressort
duquel avoient été. passés tous les contrats de mariage des
enfans des sieur et dame D u m ont, consacra les mêmes
principes, et jugea de plus que la prohibition d’avan
tager, dans les coutumes qui la contenoient, étoit absolue,
et pouvoit etre opposée par tous ceux qui y avoient
intérêt, sans examiner si elle avoit été introduite en leur
faveur ou non.
Il seroit trop long de rapporter l’espèce de cet arrêt ;
�54>
( 48 )
il suffit de remarquer qu’on opposoit aussi à. l’héritier
qu’il n’étoit pas recevable à attaquer la principale dispo
sition de l’acte dont il tiroit lui-même son droit à l’hé
rédité ; que cet acte étoit un tout dont on ne pouvoit
diviser les dispositions; il répondoit que les lois 14 , au
digeste D e cond. et déni. , et la loi 9 , §. 10, D e hœred.
inslituend. , décident qu’une condition nulle peut être
attaquée par le légataire, sans qu’il soit exposé à perdre
son legs. M . l’avocat général écarta les fins de non-rece
vo ir, et se fonda sur ce que l’article de la coutume étant
impératif, la prohibition étoit d’ordre public, et absolue;
qu’elle avoit été introduite par les lo is, de peur que les
conjoints ne se dépouillassent trop facilement par un
amour m utuel, et plus encore pour enlever une source
de division dans les mariages, empêcher le plus adroit,
le plus intéressé de tromper l’autre, le plus violent, le
plus emporté , de forcer l’autre à donner : et toutes les
fo is, disoit ce magistrat, que quelqu’un pourra établir
un droit, une qualité, une action, la justice doit saisir avec
empressement l’occasion de faire prévaloir sur la dispo
sition prohibée de l’homme, la disposition prohibitive
de la loi.
Hors d’état de citer aucune disposition de la coutume,
ni aucun préjugé favorable au système qu’ils voudroieut
faire adopter, les appelans s’emparent de quelques phrases
d’un discours de ce très-savant jurisconsulte, qui remplit
avec tant de distinction l’une des places les plus éminentes
de l’ordre judiciaire. Mais dans la cause où M. Merlin
portoit la parole, il s’agissoit d’une condition d’épouser
telle personne ; condition qui, à l’époque où elle avoit
été
�(49 )
é,té imposée n’étoit pas illicLle ; et ici la condition a pour
objet un don en p récip u t, que le texte le plus formel
de la loi municipale défendoit de donner à l’enfant qui
ne contractoit pas mariage. M . M erlin disoit que si la
condition dont il s’occupoit devoit être considérée comme
illicite, elle conduiroit à dire qu’il falloit regarder comme
nulle l’institution faite sous cette condition.
Un pareil résultat ne procureroit aucun avantage à
la demoiselle Dumont : les dames de Vaure et de la
Roque se trouveroient placées dans la même position
que si elles s’étoient mariées sans contrat de m ariage,
ou si leurs père et mère n’avoient pas été présens à
leur contrat ; alors elles i-ecueilleroient toujours le tiers
de tous les biens de la dame P itat, leur m ère, décédée
intestat. L ’arrêt du 22 nivôse an 9 , dont les adver
saires isolent un considérant, se rapporte aussi à une
condition qui n’étoit point illicite ; et s’il y est dit que
dans les actes entre-vifs, il faut respecter la volonté de
tous, ce ne peut être que relativement aux actes synallagmatiques, consentis par des personnes capables de conI tracter, et non pour ceux où une mineure a été, en fraude
de la l o i , grevée d’une condition à laquelle il lui étoit
impossible de donner un consentement valable.
Par une bizarrerie bien extraordinaire, tout ce qui
est dit dans cette partie du mémoire des appelons est
en contradiction avec ce qu’on lit à la page i 5 , où parlant
de l’arrêt de 1716 , rapporté par A u ro u x , qui valida une
disposition en p récip u t, apposée comme condition à
une institution d’héritier, dans un contrat où on avoit
en même temps apané une fille majeure, les appelans,
G
�C5o )
disent que si cette clause de préciput eût été contraire
il la lo i, ainsi que le porte un des considérans du ju
gement de Gannat, elle auroit été réputée non écrite,
nonobstant la menace de forclusion ; qu’il a toujoui-s été
de principe qu’une clause pénale ne pouvoit valider
une clause contraire à la l o i , parce qu’autrement on
pourroit se réserver les moyens de violer la loi.
Les appelans conviennent ic i, d’une manière bien
expresse, que si les conditions mises à l’institution de
la dame de Vaure étoient contraires à la lo i, elles sont
censées non écrites. Il ne sagit donc que d’examiner le
fait; et pour cela il suffit de lire le contrat du 19 no
vembre 1775. La dame D um ont, en avantageant son
fils de sa portion de l,à terre de M on t, en cas qu’elle
n ’ e n d i s p o s â t ,pas autrement, et donnant à son mari le
droit de. la lui transférer, violait ouvertement les articles
3 1 7 , 219 et 321 de la coutume sous l’empire de laquelle?
elle v iv o it, qui défendent aux pères et mères d’avantager
leurs enfans, si ce n’est par leur.propre contrat de mariage,
ou p<jr legs tenant lieu de portion héréditaire; l’art. 227,
qui ne permet point aux époux ayant enfans de se-faire,
aucun avantage, mêmepardonmutuel', durant le mariage;
l’article 136, qui l’endant le mari seul maître de la com
munauté , prive la femme du droit de disposer des biens
qui la composent.
L a condition.de respecter le préciput eût-elle été
obligatoire'pour les dames de Vaure et de la R o q u e ,elles peuvent s’en dégager en s’en tenant à la qualité
d’hériticres naturelles et légitimes. Lq coutume du Bour
bonnais, aïticle.223, dit que rhéritier institué. est libre
�( 5i )
de renoncer. M . A u ro u x, sur cet article, observé què
celui qui a été institué héritier par son contrat de mariage,
peut renoncer, si bon lui semble } à la successiori de
l’instituant, quand elle est échue, par hl raison qüe
l’institution contractuelle n’a été introduite qu’eii faveur
des mariés et de leurs descendans, et qu’il est librë à tui
chacun de renoncer à une-cliose introduite en sa faveur^
joint que l’héritier contractuel n’étbit pas en état d’ac
cepter la succession lors de l’institution, puisqu’elle ri’étôit
pas encore ouverte, et qu’il n’a contracté que sur Ici
faculté d’être héritier s’il le véüt.
T o u s les auteurs que les sieur et damé ïlilliard ont
cités comme disant que des associations et ddns d’üsufrilit
peuvent être maintenus, s’ils sont une condition de l’ins
titution , se fondent sur ce que ¡’institué ne pèiit s’àin
franchir dé la condition qti’en renonçant à l’iilstitutioü ;
d’où il suit qu’au moyéii de èetté réiidficiatiüiri, l’insti
tution et les conditions qui ÿ tint été fiiisës sënt éorfime
non avenues.
O r , si l’institution n’existoit Jjaà,- l^îs dattieè dé Vâuf-ë
et delà Roqué, contre lesquelles il a ’ÿ à aucune forclusion
légale ni conventionnelle, cdirïttié ôn' î’à:prouvé ci-devant,
recueilleroient le tiers dé touté là succession dé là dame
1 itat, leur mère et aïeule, èri qualité de ses héritières
naturelles ét légitimes : on rie saüroit donc les en priver.
A la page 33 de leur m ém oire, les appelait ont cru
faire une forte- objection, en disant qu’ori petit opposer
aux- dames de Vaure e t de la Roque Qu’elles se p r é s e n te n t
pour succéder'en vertu dé leur institution, ou q u ’e lle s
renoncent à c& titré -q u e d&És lé prerûier cas, leur titré
G 2
�( 52 )
étant indivisible, elles doivent l’exécuter intégralement;
que, dans le second cas, n’étant plus instituées, elles ne
sont que dotées, et dès-lors forcloses de d ro it, parce
qu’aux termes de l’art. 3o 5 , et suivant la jurisprudence la
plus constante, toute fille simplement dotée est par cela
même apanée ; d’où il résulte qu’elles ne peuvent venir
comme héritières ab intestat.
On peut répondre aux appelans : Ce dilemme, qui
renferme la quintessence de tous vos moyens, n’est qu’un
tissu d’erreurs.
i°. En nous présentant comme héritières instituées ,
nous ne serions pas obligées d’exécuter intégralement
le titre qui contient l’institution; nous en séparerions
la condition de souffrir le préciput, le don fait à André
Dumont dans le contrat de mariage de ses sœurs, étant
prohibe par la loi qui nous régissoit. Nous profiterions
de l’institution comme s’il n’existoit pas de condition,
celles de ce genre étant réputées non écrites. Si ce qui
est prohibé ne pou voit pas être séparé de ce qui est permis,
on violerait les lois quand on voudrait.
Lorsqu’il est question d’une stipulation faite dans un
acte passé entre majeurs et usans de leurs droits, cha
cune des parties étant aussi coupable que, l’autre de la
contravention à la lo i, on annulle purement et simple
ment la convention. Mais ce qui a été stipulé dans le
contrat de mariage des dames de Vaure et de Beauregard,
n’est pas leur ouvrage : âgées alors d’environ dix-sept
ans, soumises à la volonté des auteurs de leurs jours,
qui dictoient la disposition, elles n’ont pu ni consentir
ni la combattre. Ce sont leurs père et mère qui ont
�( 53 )
cherché à se soustraire à la prohibition ; et malgré la
faveur que les appelans veulent qu’on accorde a ce qui
est fait indirectement, la prohibition doit produire son
effet.
2°. D e ce que les dames de Vaure et de Beauregard
ne seroient plus héritières instituées , en renonçant a
cette qualité , il ne s’ensuivroit pas qu’elles ne fussent
plus héritières : leur position seroit la même que si lors
de leur établissement il n’avoit pas été passé de contrat,
ou si elles s’étoient mariées avec les droits qu’elles
pourroient avoir. Alors la fille vient aux successions
comme héritière naturelle et légitime , et y prend sa
portion de tout ce dont les auteurs de' ses jours n’ont
pas valablement disposé ; filins aut Jilia ergo hcercs.
3 °. Ni l’article de la coutume que les sieur et dame
Hilliard ont cité,, ni la jurisprudence, ne disent point
que la fille simplement dotée est par cela même apanée;
ils ne regardent comme apanage que la dot qui a été
constituée avec intention qu’elle fût le prix de la portion
héréditaire ; prix qui doit être certain, et hors des at
teintes de tous les événemens auxquels est restée exposée
la fortune des père et mère. On a vu que celle des dames
de Vaure et de Beauregard n’étoit pas de ce genre.
Dans tous les raisonnemens qui se rattachent à leur
dilem m e, les adversaires ont oublié que les dames de
Vaure et de Beauregard étoient héritières naturelles et
légitimes des sieur et dame Dumont ; elles doivent, à
ce titre recueillir les mêmes avantages qu’avec celui
d’héritières instituées. Espérant arriver plutôt à leur but,
elles out réclam é, comme héritières naturelles et légi-
�Ç54 )
times, le tiers de tous les biens généralement quelconques,
appartenons à la dame Pitat, leur m ère, qui n’en a fait
aucune disposition valable : et dans le cas où il y auroit
quelque difficulté ( ce qui n’est pas vraisemblable ) à
leur adjuger ledit tiers de tous les biens de la dame
P itat, en leur qualité d’héritières naturelles, elles de
mandent qu’il leur soit adjugé en vertu de l’institution
contractuelle faite à leur profit par ladite dame Pitat.
On a démontré jusqu’à l’évidence que la constitution
qui leur a été faite en avancement d’h o irie, n’est point
uue dot tenant lieu d’apanage ; que leurs père et mère
n’ont pas eu l’intention de les apaner, et qu’ils n’auroient
pu le faire de cette manière : ainsi rien ne s’oppose à
ce qu’elles recueillent, comme héritières naturelles et lé
gitimes , le tiers de tous les biens de leur m ère, décédée
intestat. S’il ne leur étoit possible d’obtenir le tiers
desdits biens, qu’en qualité d’héritières contractuelles,
alors, mais seulement alors, il faudroit se fixer sur reflet
que doivent produire les stipulations contenues dans leurs
contrats de m ariage, et examiner si nonobstant la prohi
bition expresse de la coutume, la fille d’André Dumont
doit obtenir en préciput la moitié de la terre de M ont,
appartenante à la dame Pitat, qui n’en avoit pas disposé
valablement.
Que les sieur et dame Hilliard cessent de se persuader
qu’en répétant sans cesse qu’il faut que les dames de
Vaure et de la Roque soient, ou instituées, ou apanées,
on finira par les en croire sur leur parole. Elles ont
un double titre d’héritières, et peuvent préférer celui
qui leur est le plus avantageux, suivant la maxime
�( 55)
Quoties dupîici jure defertur hcereditas sublato novt
super est vêtus. La nature et la loi appellent tous le;
enfans à recueillir également les successions des auteurs
de leurs jours, lorsque les actes par lesquels on a voulu
donner atteinte à ce droit ne sont pas valables ; ou lorsque
l’enfant peut venir auxdites successions, sans se prévaloir
de ces actes, il est dégagé de toutes les charges et con
ditions qu’on a voulu lui imposer.
QUATRIÈME
PROPOSITION.
L e s dames de Vaure et de la Roque n o n t f a i t
aucun acte qui leur ait im prim é la qua lité (th é -
ritières instituées , ou dont on puisse induire
quelles se sont considérées comme apanées.
Ne pouvant se dissimuler que si les dames de Vaure
et de la Roque appréhendent la succession de la dame
P ita t, comme héritières naturelles et légitim es, il faut
regarder comme non avenues l’institution, et la condi
tion de souffrir le préciput, les appelans prétendent que.
les dames de Vaure et de la Roque ont exécuté san
reserve les contrats de mariage dont il s’agit; que pai
là; elles se sont rendues non recevables à les attaquer:
ils font: résulter cette exécution de ce qu’elles ont reçu
le tout , ou partie de leurs dots, du vivant de leurs
père et m ère, de ce que l’une:d’elles a reçu annuelle
ment depuis le décès de sa mère les intérêts de ce qui
lui était d û , et enfin de ce que Tune: et l’autre ont
t
> r.
�yÇ'-'
;
.
(-5 6 )
laissé jouir le survivant des père et mère des biens (lu
prédécédé.
Gene peut être, disent-ils, en qualité d’héritières na
turelles qu’elles ont reçu leurs constitutions de d ot; car
le droit de l’héritier naturel ne peut s’ouvrir qu’au
décès de la personne à qui l’on succède. Ce ne peut
être en qualité de filles mariées et dotées, car elles
auroient été forcloses et réduites à un apanage. Ayant
reçu en qualité d’héritières instituées, et l’institution
étant indivisible, elles n’ont pu la recueillir sans se
soumettre à relâcher à l’héritière de leur frère le préciput qui en est une charge.
.E lles ont aussi laissé jouir leur p ère, pendant plus
de vingt ans, de la succession de leur m ère, en vertu
de la condition qui avoit été apposée à leur institu
tion. La crainte révérencielle qu’elles allèguent est un
m otif chimérique; elles ne persuaderont à personne que
par le seul eifet de cette crainte elles aient ainsi laissé
jouir leur père d’une succession opulente, qu’elles pouvoient appréhender depuis plus de vingt ans, lorsqu’on
considérera surtout que depuis 1789, le sieur Dumont père
ne pouvoit plus disposer que d’une somme de iô o o o f.;
qu’il est d’ailleurs plus naturel d’admettre qu’elles ont
laissé jouir le père de lu succession de la dame P itat,
pour remplir l’obligation qui leur étoit imposée, comme
condition de l’institution, que de supposer qu’elles ont
agi^ainsi par le puéril motif d’une crainte révérencielle:
eussent-elles agi par cette crainte, elles ne pourroient
espérer d’être relevée de l’exécution de leurs contrats
de mariage, parce que l’article 1114 du Code Napo
léon
�Iéon consacre l’ancien principe, que la seule crainte révérencielle ne peut suffire pour fonder une action ; qu’il
y a parité çle raisons pour décider qu’elle ne peut jus
tifier une exception; que les lois romaines rejetoientla
crainte prétendue révérencielle , e t n’admettoient l’excep
tion de la crainte que lorsqu’elle étoit l’effet d’une vio
lence illicite, et contraire aux bonnes mœurs.
Nous avons rapporté très-fidèlement tout ce qui a
été dit par les adversaires pour fonder leur prétendue
fin de non - recevoir ; il sera facile d’anéantir ce fruit
d’une imagination féconde.
Il a été prouvé précédemment que lorsqu’un acte
contient des stipulations contraires aux lo is, on doit les
considérer comme non écrites, et exécuter l’acte comme
si elles n’existoient pas, n’y ayant à cet égard aucune
indivisibilité ; que si cette assertion pouvoit être con
tredite relativement aux actes passés entre majeurs, qui
étant tous deux coupables de la contravention à la lo i,
sont tenus de l’exécuter tel qu’il est, ou de consentira
son anéantissement total, il ne sauroit en être de même
d’une condition dont l’objet étoit prohibé , qui a ét<?
imposée à une mineure par ceux sous la puissance des
quels la nature et la loi l’avoient placée : ainsi les dames
de Vaure et de la Roque devant être dégagées de la
condition illicite qui leur a été imposée dans l ’institu
tion , leur droit n’en seroit pas moins certain quand
elles auroient exécuté sans réserve les contrats de ma
riage qu’on leur oppose.
Mais .nous allons démontrer que toutes choses sont
entières à leur égard.
H
�Il est bien constant qu’elles n’ont fait aucun acte dans
lequel elles aient pris la qualité d’héritières instituées.
Toutes les fois qu’on veut induire de quelques faits la
renonciation à un droit certain, tel que celui de renoncer,
il faut que lesdits faits soient tels qu’ils n’auroient pas eu
lie u , si ceux qui en sont les auteurs n’avoient été décidés
à prendre la qualité dont ils voudroient ensuite se dé
pouiller.
Ces principes sont v rais, même dans le cas où l’hé
ritier se seroit immiscé dans les biens de l’hérédité.
M . Lebrun, en son Traité des successions, liv. 3, chap. 8,
section 2 , rapporte ce que dit M. l’Epine de Grainville
à l’occasion d’un arrêt de 1724, qui jugea qu’ une dame
L eclerc, qu’on vouloit faire réputer héritière à cause
de diiFérens actes qu’elle paroissoit avoir faits en cette
qualité, avoit pu renoncer. Ce magistrat observe que
ledit arrêt sert à faire connoître qu’on ne doit se porter
qu’avec scrupule à déclarer héritier celui qui n’a pas
intérêt de l ’être ; que les actes qu’on peut lui opposer
ont souvent des motifs bien diiiérens, et que les seuls
qui doivent lui faire donner celte qualité sont ceux qui
établissent qu’il a voulu la prendre et s’en attribuer le
profit -, à quoi M . Lebrun ajoute qu’il suffit que l’on
puisse faire une chose en quelqu’autre qualité que celle
d’béritier, pour n’être pas réputé l’avoir faite en ladite
qualité d’héritier.
Les mêmes principes peuvent être invoqués par l’hé
ritier naturel et légitim e, exem pt, en cette qualité, de
toutes charges, lorsqu’on veut le faire déclarer héritier
contractuel pour l’obliger d’exécuter des conditions qui
lui ont été imposées en fraude de la loi.
�Il
ne résulte de la réception des sommes qui ont été
touchées par les dames de Vaure et de Beauregard, au
cune approbation de l’institution : ces sommes étoient la
représentation des alimens que les pères et mères doivent
à leurs enfans , comme ceux-ci en doivent à leurs pères
et mères lorsqu’ils sont dénués de biens. Ce qui avoit été
promis en avancement d’h oirie, n’avoit rien de commun
avec l’institution ; car on pouvoit instituer sans avance
ment d’hoirie, ou donner un avancement d’hoirie sans
institution. Ainsi ce qui a pu être reçu par les filles des
sieur et dame Duraont, en attendant l’ouverture de leurs
successions , ne les a point privées du droit d’examiner
dans la suite à quel titre elles dévoient appréhender lesdites successions.
L e second fa it, duquel on veut faire résulter l’appro
bation de l’institution, est la jouissance laissée au p è re ,
des biens de son épouse décédée.
A cet égard, les appelans ont trouvé commode de dis
simuler la réponse tranchante et décisive qui leur avoit
été faite en première instance. On leur avoit dit : Nos
père et mère étoient en communauté ; l’intérêt des dames
de Vaure et de la Roque étoit que cette communauté
ne fût pas rompue : or, la continuation n’auroit pu avoir
lie u , si les enfans avoient retiré des mains du sieur
Dumont les biens de leur m ère, dont les fruits appartenoient à la communauté. Ainsi la jouissance desdits
biens n’est pas restée au p è re , à cause de la condition
mise à l’institution , mais par un m otif bien différent,
et pour l’intérêt des héritiers de la dame Pitat.
N ’y eût-il pas eu de communauté, les d a m e s de Vaure
H ^
�( 60 )
et de la Roque n’auroient pas préjudicié à leurs droits,
en laissant jouir leur père de l’hérédité m aternelle,
pendant un temps moindre que celui qui est nécessaire
pour la prescription. Cette négligence à réclamer les
biens maternels est un fait négatif, qui ne sauroit être
considéré comme une approbation de l’institution.
Tous les jours on voit des pères privés de l’usufruit
par des secondes noces, sans que leurs enfans profitent
du bénéfice de la loi ; et jamais cependant on ne s’est
avisé de soutenir qu’ils dérogeassent à rien par ce silence,
ni même qu’ils fussent non recevables à former leur
demande en privation, après une longue jouissance du
père. L e silence des dames de Vaure et de la Roque
n’est donc ici qu’un effet de la révérence paternelle, et
de la crainte que la privation de cette jouissance n’en
gageât le sieur Dumont à frustrer ses filles de partie des
biens qu’elles espéroient trouver dans sa succession.
Les sieur et dame Hilliard ont opposé que depuis
1789 , le sieur Dumont n’avoit plus à sa disposition
que i 5ooofrancs ; que suivant le Code c iv il, la crainte
révérencielle ne pouvoit fonder une action; qu’il y avoit
même motif pour une exception ; que les lois romaines
n’acceptoient pas l’exception de la crainte révérencielle,
mais seulement celle qui étoit l’effet de la violence.
Relativement au ne jtejus J h cer et, il y a inexactitude
à dire que depuis 1789, le sieur D u m o n t ne pouvoit
disposer que de i 5ooo francs ; il pouvoit disposer de
» v in g t, la dame de la R oque n’étant pas saisie de la
somme à elle donnée dans un contrat qui n’étoit pas le
sien : mais ce n’est pas sur ces 20000 francs qu’il faut
�( 61 )
apprécier l’effet du mécontentement que ledit sieur D umont auroit pu concevoir. Il avoit la liberté de vendre ;
il pouvoit faire des dons, soit de la main à la main ,
soit par obligations simulées. Irrité contre sa fam ille,
son affection se seroit portée sur des étrangers.
L ’article 1114 du Code Napoléon, qui dit que la seule
crainte révérencielle ne peut pas fonder une action ,
fignifîe que celui qui voudroit revenir contre un acte,
sous prétexte qu’il ne l’a signé que par révérence pa
ternelle , ne seroit pas écouté, s’il n’alléguoit aucun
autre motif ; ce qui ne paroît pas comprendre le ne pejus
J 'a c e r e t , c’est-à-dire, une autre crainte bien plus forte,
celle d’être privé de la plus grande partie de l’h érédité,
sur laquelle on avoit droit de compter.
Si la crainte révérencielle ne peut suffire, suivant le
Code c iv il, pour fonder une action, il n’y a pas parité
de raisons pour l’exception ; c’est-à-dire, pour celui qui
étant maître d’exercer ou ne pas exercer un droit, sus
pend , par révérence paternelle, l’exercice de ce droit
durant le temps où il ne périclite pas. L ’enfant qui n’a
pas agi en pareil cas, a cédé à l’un des plus doux sentimens de la nature : il eût dû malgré la crainte révé
rencielle résister à son père, s’il avoit exigé un acte de
renonciation au droit qui lui étoit acquis; mais dès que
le droit ne se perdoit pas, on ne peut que louer l’enfant
d’avoir garde le silence. Elle seroit bien dure, la loi qui
placeroit une fille tendre et soumise dans l’alternative,
ou de priver ses enfans d’une partie de leur fortune,
ou de remplir d’amertume les derniers jours de celui à
qui elle doit la vie.
�( 62 )
La fin de n on -recevoir est le plus pitoyable des
moyens opposés par les appelans ; il seroit inapplicable
à la dame de la R o q u e, qui n’avoit que huit jours lors
qu’elle a perdu ;sa mère décédée avant l’accomplisse
ment de sa majorité. Les 6000 livres payées à compte,
sur ce qui lui a voit été constitué en avancement d’hoirie,
l’ont été au tuteur naturel de ladite dame de la Roque.
Par l’effet des nouvelles lois elle a atteint sa majorité
d ix -h u it mois avant la mort du sieur Dumont , son
aïeul ; mais dans cet intervalle il n’a été fait aucun acte
approbatif de l’institution; et aussitôt après la mort
dudit sieur Dumont elle a manifesté qu’elle entendoit
réclamer sa portion dans la moitié de la terre de M ont,
qui avoit appartenu à la dame Pitat; et par conséquent
ne pas approuver les actes qui.auraient dérogé à ce
droit.
CINQUIÈME
PROPOSITION.
Quand les termes des contrats de mariage des
dames de Vaure et de Beauregard , contien
draient constitution d’une dot, telle quelle doit
être pour former apanage ; quand il seroit dit
expressément que si elles contestoient le pre'ciput,
elles seroient réduites à cette d ot, il riy auroit
pas lieu de les déclarer déchues du bénéfice de
V institution, mais seulement dyordonner la dé
livrance dudit pre'ciput.
Les sieur et dame Ililliard ont souvent manifesté
�dans la cause un grand désir de dépouiller les dames
de Vaure et de la Roque de leurs droits héréditaires.
Espérant leur faire abandonner par la crainte une partie
de leur patrimoine, on a plusieurs fois fait circuler le
bruit qu’elles couroient risque d’être réduites à la somme
qui leur avoit été constituée en avancement d’hoirie ;
mais il faut rendre aux appelans la justice de dire qu’ils
ont eu la pudeur de ne pas prendre de conclusions à cet
égard devant les premiers juges. C’est une contradiction
dans leur conduite , de discuter en la cour d’appel un
objet qu’ils n’ont pas demandé en première instance.
Ils auroient fait vainement cette demande, même dans
le cas où les contrats de mariage dés daines de Vaure
et de Beauregard auroient contenu la stipulation la plus
expresse que si elles contestoient le préciput, la somme
constituée en avancement d’hoirie tiendroit lieu d’apa
nage. L e droit sacré qu’ont les enfans à la succession des
auteurs de leurs jou rs, eût fait regarder la peine comme
comminatoire : on eût ordonné la délivrance du pré
ciput, sans égard à la demande en déchéance de la por
tion héréditaire.
Les appelans nous ont eux-m êm es fourni la preuve
de cette assertion, à la page 14 de leur m ém oire, où
ils l'apportent, d’après M . Beraud, les circonstances de
l’arrêt de 17 16 , cité par M . A uroux. Les filles qui, lors
de cet arrêt, avoient contesté le préciput, étoient ma
jeures à l’époque de leur contrat de mariage; elles étoient
instituées héritières sous réserve de 30000 liv. données
en préciput à leur frère, et avec convention expresse
qu’où lesdites filles voudroient contester ledit préciput %
�'
( 64 )
elles demeureroient apanées à la somme de 24000 liv.
Cet apanage form el, et moyennant un prix certain, les
obligeoit à souffrir le p réciput, ou à se contenter de
l’apanage. L e premier tribunal ordonna que le fils prélèveroit ledit préciput.
Sur l’appel, l’intimé forma incidemment demande ten
dante à ce qu’en conséquence de la contestation du pré
cip u t, ses sœurs demeux-assent apanées, conformément à
la clause expresse stipulée dans leurs contrats de mariage;
mais l’arrêt qui intervint, en confirmant le préciput, mit
hors de cour sur la demande en déchance de la portion
héréditaire.
Les contrats de mariage des dames de Vaure et de
Beauregard les placent dans une position bien plus avan
tageuse que celle où se trouvoient celles qui donnèrent
lieu à l’arrêt de 1716. Les dames de Vaure et de Beauregard n’avoient que dix-sept ans lox’s de leurs contrats
de mariage, les autres étoient majeures; circonstance bien
importante. Il n’y a pas d’apanage, pas même de cons
titution de dot certaine, en faveur des dames de Vaure
et de Beauregard; les autres étoient expressément apanées
à une somme déterminée. Il étoit stipulé dans les contrats
de mariage de celles-ci que si elles contestoient le pré
ciput , elles demeureroient apanées à la somme qui leur
étoit constituée; tandis qu’au contraire les père et mère
des dames de Vaure et de Beauregard ont dit dans le
contx*at de la dame de Vaure qu’ils 11e l’avoient point
apanée ; et le sieur Dumont père a prévu , dans celui
d’ André D um ont, le cas où la dame de la Roque contesteroit le préciput. Loin de déclarer qu’en ce cas elle
ne
�( 65 )
ne pourroit exercer ses droits héréditaires, il s’est borné
à dire qu’elle devroit être privée de 5ooo, francs dont
il lui faisoit don sur sq réserve; et il n’a institué son fils
héritier que pour un tiers, conjointement avec ses sœurs :
de sorte que la demoiselle Dumont ne pouyroit réclame^
qu-delà du tiers des successions à partager, sans contre
venir de la manière la plus formelle au liti’e qui, lüi
assure en préciput la moitié de la terre de M ont, apparf
tenante au feu sieur Dum ont, son aïeul. Elle peut d’autant
moins contester les droits de ses cohéritières, qu’il n’çst
pus douteux que le feu sieur Dumont n’eût fait aucun
avantage audit André Dum ont, $’¡1 eût pensé que lui ou
ses représentai» essayeraient de dépouiller 1rs dames de
Voure et de Beeuregard d’une partie des droits coqsacrés
par leurs contrats de m ata ge, et jnême par celui dudit
André Dumont.
S I X I È M E
PROPOSITION.
L a disposition du jugement dont les sieur et danie
H illia rd sont appelans, doit être maintenue tant
en faveur des sieur et dame de Vaure, que des
sieur et dame de la Roque ; mais s 1il y avait
difficulté v is -à -v is des prem iers, il 11 en existe
aucune relativement aux sieur et dçime de la,
Roque.
$ ie n convaincus que les droits de la dame de V a u r e ,
leur t a n te , sont incontestables ? les sieur et dame de la
�(
66)
Roque ont toujours raisonné comme si le contrat de la
dame de Beauregard contenoit les mêmes stipulations.
Mais les clauses irritantes de celui de la darne de Vaure
n’ont pas été mises dans celui de la dame de Beauregard;
il n’y est fait nulle mention qu’en cas de non disposition
de la terre de M ont, elle appartiendra à André D um ont,
ni que l’institution des filles soit grevée de cette condition ;
il n’est pas exprim é, comme dans le premier, que sans
ces conditions l’institution n’auroit pas été faite, et qu’elle
eût été apanée : des clauses de cette nature ne peuvent
se suppléer. On dit bien que l’institution de la dame de
Beauregard est faite aux mêmes charges que celles expli
quées dans le contrat de la dame de V a u re, mais cela
ne peut s’entendre que de l’usufruit réservé en faveur du
survivant*, il n’est nullement parlé de conditions.
M al à propos les appelans prétendent-ils que le mot
charges comprend la réserve d’usufruit, et la destination
de la terre de Mont. Dans le contrat de la dame de V aure,
les instituans ont bien distingué ces deux choses. Lors
qu’ils stipulent la réserve d’usufruit, ils disent à la charge
de laisser jo u ir ; lorsqu’ils rappellent la destination de la
terre de M ont, ils se servent de ces mots, et à condition
de ladite disposition.
L e meilleur interprète des actes dont il s’agit étant sans
contredit le sieur Dumont père qui en est l’auteur, on
ne sauroit trop faire remarquer comment il les a entendus.
Toute sa pensée est dévoilée dans le contrat de mariage
d’André Dunoont : s’il lui donne le préciput, c’est, dit-il,
parce que la faculté d’en disposer lui a été attribuée par
la dame Pitat, son épouse, dans le contrat de mariage
�( 67 )
de la dame de Vaure. Il n’eût pas manqué d’exprimer
que cette faculté lui appartenoit eu vertu des contrats de
mariage de ses deux filles, s’ils eussent contenu les memes
stipulations.
Faisaut ensuite donation à la dame de la Roque d’une
somme de 5ooo f r ., il lui impose l’obligation de con
sentir audit préciput, et vent qu’elle soit privée de cette
somme de 5ooo francs , si elle ou ses père et mère con
treviennent à la disposition qu’il fait en faveur d’André
Dumout.
Eût-il pris tous ces moyens, s’il eût cru la dame de
la Roque obligée par le contrat de mariage de sa mère
à soutlrir ledit p r é c i p u t ? N ’auroit-il pas plutôt l’appelé
que c’étoit une condition de l’institution de la dame de
Beauregard, si vraiment son institution eût été condi
tionnelle ?
Ces réflexions sont simples •, elles portent la convic
tion dans tous les cœurs, malgré la subtilité avec laquelle
les appelans cherchent à les écarter : ils font des mots
dans ¿’esprit, un talisman qui suffit à tout. Mais qui
est-ce qui ignore qu’une condition à laquelle on voudroit
donner l’efTet de priver l’héritière instituée de sa portion
dans l’un des objets les plus considérables de la. sucession
qui lui étoit promise, devoit être exprimée avec d’autant
plus d’energie, qu’il est de principe que les peines ne
peuvent etre appliquées qu’à celui qui y a été positi
vement soumis?
La famille paternelle de la dame de la Roque a dû
penser que le contrat de-mariage de la dame de Be.'U regard seroit son unique loi ; elle étoit loin d’iniagiuer
la
;
*
�( 68 °
que dans ui^ coutume d’égalité , qui met les plus grands
obstacles aux dispositions en précipu t, André Dumont
en réclameroit un très - considérable , en vertu d’un
contrat de mariage qui n’étoit pas le sien, et dans lequel
il n’est pas même nommé.
S i , contre toute vraisemblance , la dame de Vaure
venoit à succomber, les sieur et dame de la Roque ont
lieu de croire que la disposition du jugement dont est
appel , qui a déclaré nulle la donation en préciput de
la terre de M o n t, pour la moitié provenante de la dame
Pitat , seroit toujours maintenue à leur égard. Ils ont
démontré précédemment que les mauvais raisonnement
sur lesquels les appèlans fondent une fin de non-recevoir
inadmissible, ne peuvent ‘s’appliquer ni à la dame de la
Roque , ni à la dame sa mère , à raison de minorité.
O n feroit des répétitions inutiles, si l’on suivoit les
sieur et dame Hilliard dans leur critique des motifs qui
ont déterminé les premiers juges, lorsqu’ils ont décidé,
sur les conclusions conformes du procureur im périal,
que la moitié de la terre de M on t, qui avoit appartenu
à la dame P itat, seroit partagée entre tous ses enfans ;
ils ont fait une juste application de la loi sous l’empire
de laquelle ils sont nés et ont toujours vécu. On iie sauroi't
douter qu’ils n’en aient saisi le véritable sens.
R É S U M É .
Il
résulte des propositions établies dans le present mé
m oire,
iu, Q u’André Dumont ne pouvoit recevoir aucun avan-
�( 69 )
tage de ses père et mère dans les contrats de mariage
des dames de Vaure et de Beauregard; que la dame Pitat
étant décédée avant le mariage dudit André D um on t,
il n’a pu recueillir dans tous les biens qui lui avoient
appartenu, qu’une portion égale à celle de ses sœurs.
2°. Que la disposition en préciput qui a été faite en
faveur du môme André D um ont, dans lé contrat de
mariage de la dame de V aure, étant prohibée formelle
ment par la coutume de Bourbonnais, à laquelle les
parties étoient soumises , doit être déclarée nulle et
comme non avenue.
3°. Qu’il en est de même de la faculté d’élire donnée
par ladite daine Dumoüt à son m ari, soit parce que ladite
coutume ne permettoit aucunes donations ni autres contrats
entre époux, soit parce que cette faculté d’élire ne pourroit être considérée que comme une procuration ou un
mandat; et il est de principe que tout pouvoir finit à la
mort de celui qui l’a donné.
4°. Que la disposition de la terre de M ont, ainsi que
la faculté d’élire, ne sauroiënt être maintenues, comme
étant une condition de l’institution faite dans le contrat
de mariage de la dame de V au re, attendu que les con
ditions' contraires aux lois ou aux mœurs sont réputées
non ecrites , et n’empêchent pas l’exécution de l’acte
dans lequel elles ont été mal A propos insérées ; qu’il
doit plus particulièrement en être ainsi, lorsque l’enfant
auquel la condition a été imposée, iie pouvoit, à cause
de sa minorité , donner aucun consentement qui lui fût
préjudiciable.
5°. Qu’il seroit également contraire aux lois et à la
�.
( 7° )
m orale, qu’on pût faire par voie indirecte ce qui est
expressément prohibé. Si quelques auteurs ont dit qu’en
contrat de mariage on pouvoit instituer avec l'obligation
d’associer une tierce personne à l’institution, et stipuler
un don d’usufruit en faveur de celui des instituans qui
su rvivrait, c’est parce que l’association peut procurer
des avantages à l’un comme à l’autre des associés; et ce
n’est pas comme donation, mais comme acte de reconnoissance de la part de l’institué, que la clause d’usufruit
obtient son effet. A u surplus, n’y ayant pas égalité de
raisons, on ne sauroit en induire qu’il est permis, malgré
la disposition de la loi m unicipale, et le sentiment de
ses plus célèbres commentateurs, de donner un préciput
à l’enfant qui ne contracte pas mariage.
6°. Que la coutume de Bourbonnais étant une coutume
d’égalité, les pères et mères ne pouvoient forclore leurs
filles de leurs successions, par le seul empire de leur
volonté : il falloit, pour lesapaner, qu’ils leur donnassent
un prix certain par la constitution d’une dot qui leur
fût irrévocablement acquise. Si quelques auteurs, et un
arrêt de 1716 , ont déclaré valable un préciput (donné au
fils, dans le contrat de mariage de ses sœurs, c'est parce
que leurs contrats contenoient deux stipulations bien dis
tinctes , institution sous la condition du préciput, et
apanage formel ; au lieu que les sieur et dame Dumont
n’ont rien constitué à leurs filles qu’en avancement d’hoirie,
et à la charge du rapport : ils ont expressément déclaré
dans leur contrat de mariage , et dans celui d’ André
D um ont, qu’ils n’avoient p a s entendu les apaner, ni les
priver, dans aucuu cas, du partage égal avec leur frère;
�( 71 )
et ce dernier n’ayant été lui-même institué que pour un
tiers , conjointement avec les dames de Vaure et de
Beauregard , n’a transmis à son héritière aucun titre
#en vertu duquel elle puisse prétendre au-delà de cette
quotité.
7°, Que les appelans peuvent d’autant moins tirer
avantage, relativement à la succession de la dame Pitat,
de la prétendue condition relative au préciput, que les
dames de Vaure et de la Roqu e ayant le droit de re
cueillir sa succession en qualité d’héritières naturelles et
légitimes, si cette condition étoit valide, elles s’en trouveroient dégagées en n’acceptant pas la qualité d’héritières
instituées, et s’en tenant à celle d’héritières naturelles
et légitimes.
8°. Que les dames de Vaure et de la R o q u e, qui
n’ont p ris , dans aucune circonstance , la qualité d’hé
ritières instituées, ne sauroient être privées du droit de
venir à la succession de la dame Pitat, comme ses héri
tières naturelles et légitim es, qu’autant qu’elles auroient
fait des actes incompatibles avec cette dernière qualité :
au lieu que les deux faits dont les appelans essayent de
tirer avantage, sont absolument insignifians ; la réception
du tout ou de partie de ce qui avoit été constitué en
avancement d’hoirie, n’ayant rien de commun avec l’ins
titution , et la jouissance laissée au père des biens de
son épouse étant une suite de la communauté conjugale,
dont la continuation ne pouvoit avoir lieu au profit des
etafans , qu’en par eux laissant cette jouissance à leur
père.
< 9°* Que nul des moyens opposés par les sieur et dame
�(7 0
Billiard, ne sont applicables à lu-daine de 1<>R oque, le
contrat do mariage de sa mère ne contenant aucune dis-'
position en faveur d’André D u m o n t, et à raison de
l e u r minorité , ni la dame de Beauregard, ni la dame de
la Roque n’ayant pu faire aucuns actes préjudiciables ;
do sorte que la disposition du jugement dont la demoiselle
Dumont est appelante, d o it, dans tous les ças, ■
être
confirmée vis-à-^vis des sieur et dame d elà Roque.
" P . 5 . Quoique dans.cette affaire il n’ait déjà été que
trop parlé de consultations, on ne peut se dispenser de
dire un mot sur celles que les appelans ont fait imprimer
à la suite de leur mémoire ; elles sont données par cinq
jurisconsultes , dont quatre avoient, avant le, commence
ment du procès, signé en faveur de mademoiselle Dumont
une autre, consultation, qui a été communiquée, et est
en quelque sorte une pièce du procès, puisque les tuteurs
l’ont présentée au conseil de fam ille, pour obtenir son
autorisation. Si la cour veut se la faire représenter, elle
remarquera qu’il existe une différence notable entre les
moyens sur lesquels la prétention de mademoiselle D u
mont étoit fondée dans la première consultation , et ceux
qui 6ont présentés dans le mémoire.
On soutenoit principalement dans la première consul?
tation , que la disposition faite par la dame P ilât, lors
du contrat de mariage de la dame de V n u re, devoit
valoir comme legs, ou disposition testamentaire en faveur
d’André Dumont ; mais les sieur et dame de la Roque
ayant démontré dans les écrits par eux signifiés en
première instance, que si la demoiselle Dumout obtenoit,
à
�(73 J
à titre de disposition testamentaire, la moitié de la terre
de M o n t, qui avoit appartenu à la dame P itat, elle ne
pourrait, suivant l’article 321 de la coutume à laquelle
les parties étoient soumises , prendre autre chose dans la
succession de ladite dame P ita t, parce que dans cette
coutume d’égalité, l’un des enfans ne peut être héritier
et légataire. Les appelans ont changé de langage, et mis
à la page 27 de leur m ém oire, qu’André Dumont ne
recueille point le préciput à titre de legs; qu'on ne lui
a donné ni légué la terre de M ont directement; qu’il ne
la recueille que par l’effet de la condition imposée à l’ins
titution des iilles. Ainsi la première consultation, et celle.'
qui ont a p p r o u v é le m é m o i r e , n ’ éta nt pas appuyées SUl’
les mêmes hases , il est probable que les avocats qui les
ont signées n’avoient pas suffisamment examiné.
D ’ailleurs, les unes et ¡les autres .paraissent données
sur un extrait du contrat Ide mariage de la dame de
V au re; extrait dans lequel a< été-«omise la clause qui
Pobligeoit au rapport de tout ce qui lui étoit promis
par ses père et mère. Cette clause formant la preuve
la moins équivoque que la dame de Vaure n’avoit pas
été d otée, dans le sens qui rend ce mot synonyme
d ’apanée, celte omission a pu induire en erreur les juris
consultes qui ont signé toutes lesdites consultations.
Les sieur et daine de la Roque auraient *pu en faire
imprimer un très-grand nombre.;■
-mais ;ils n’ont-pas cru
devoir faire usage de pareilles armes: ils citeront néan
moins des suffrages dont on doit faire d’autant plus do
cas que ce ne sont pas eux qui les ont provoqués.
E u l’i i n - 6 , lo feu sieur D u m o n t voula nt savoir quel
• IC
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'J '
�( 74 )
effet produiroient les lois nouvelles sur les dispositions
par lui faites, et etre instruit de celles qui lui étoient
encore,permises, lit faire un mémoire à consulter, qui fut
envoyé avec les copies des’contrats de mai'iage de ses trois
enfans, à un jurisconsulte très-distingué, alors membre du
conseil des anciens, et aujourd’hui du sénat. Ce juriscon
sulte s’environna des lumières de plusieurs membres des
conseils, qui s’étoient spécialement occupés des lois rela
tives aux successions. Parmi les questions proposées par
le feu sieur D um ont, étoit celle qui est l’objet du procès.
Dans la réponse qu’il reçut, il est dit que l’héritière
d’André Dumont ne peut à aucun titre recueillir la
moitié de la terre de M o n t, qui avoit appartenu à sa
mère; que les filles des sieur et dame Dumont, qui,
étant héritières naturelles et légitim es, n’ont pas même
besoin
de se prévaloir de l’institution faite en leur
faveur dans leurs contrats de mariage, doivent partager
cette moitié de ladite terre.
Après le décès du sieur D um on t, cette consultation
a été trouvée sous les scellés, et fait partie des papiers
de sa succession. Les sieur et dame de la Roque l’ont
citée dans les écritures par eux signifiées en première
instance. Si leur assertion eût été contredite, il eût été
facile au tribunal de se la faire représenter.
Les sieur et dame de la Roque éprouvent la plus
douce satisfaction h rappeler un autre fait cité dans la
même écriture, et dont ils ont la preuve. L ’ inventaire
du mobilier de M ont ayant donné aux héritiers l’occa
sion de manifester leurs prétentions respectives sur la
terre de M o n t, les appelans se firent autoriser par le
�(
)
conseil de famille à soutenir celles de mademoiselle Dumont, après .avoir obtenu la consultation dont nous avons
p a ilé, qu Jls communiquèrent aux dames de Vaure et
e la Roque. Elles s’étoient également consultées, et
voient une si grande confiance dans leurs moyens ,
q u e es n’hesiterent pas à proposer aux tuteurs de la
demoiselle Dumont de faire délibérer les jurisconsultes
qui avoient donné leur avis en sa fa ve u r, avec ceux
qui en avoient^ émis un contraire, et de se conformèr ‘â
«> ecision qui serait rendue par ce tribunal arbitral.
1 ous les risques d’un pareü parti S o ie n t poui les dames
f " Vaure c, de la R oql,e ; ^clles p W ô ic n t
r e v e n ir '
eontie ce. qL„ a u r o n s
mademoiselle
DiJniont « .r o * si «l]e m
voftlu. ^ ' C c a question',
apiès sa majorité ,‘ ce.qùe. les arbitres auraient'décidé.
Mais voulant 4 tout prix éviter un procès, et persuadées '
que ma emoiselle-Dumont ne reviendrait pas ccmtfç .ce
qui aurait clé jugff en- grand», .oonnoissdycc de icfu »
les dames 9 e V rnre « . de la Rbc/ue d é v o ie n t ardem
m en tq u e leiiï proposition -fût'accepté« : elle ne.'le fut
q u i! falloit plaider.
d* Ia ^
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n’1n !!irn f°û'lu' i dCS întimées P^ouve que les Appëlansn . uioient ga, du les acctfseï' d'avidité', et d’avoii* voulu,
s le P'occs a ju g e r, firire*brillér leuV esprit aux dépans de la justice et de la l,„nne foi. Les efforts faits par
les dames de Vaure et a é 'V f c o q u c , pour éviter M
p io ccs, ont excédé les bornes de la prudence; et elles
evoitnt se croire exposees à aucuns reproches, en
�réclamant la foible portion qui leur revient d ans un
immeuble dont il n’a été fait, à leur préjudice, aucune
disposition valable. *
.
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Signé. L A R O Q U E
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TARDIF
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DE MONS
avoué licencié.
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Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
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A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. De La Roque. 1808]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Tardif
Subject
The topic of the resource
secondes noces
coutume du Bourbonnais
contrats de mariage
communautés
dot
forclusion
fils avantagé
successions
avantages prohibés
préciput
Description
An account of the resource
Titre complet : Réponse des sieur et dame de la Roque de Mons, intimés, au mémoire des sieur et dame Hilliard, cotuteurs de la demoiselle Dumont, appelans.
Table Godemel : Préciput : 2. une disposition de préciput, en coutume de Bourbonnais, faite en faveur d’un fils par ses père et mère, dans les contrats de mariage de ses deux sœurs, comme condition de non apanage et d’une institution contractuelle à leur profit, est-elle valable, lors surtout que par le contrat de mariage du fils, le père survivant a surabondamment confirmé cette disposition, en vertu de la faculté que s’en étaient réservée les instituants, comme condition de cette même institution ? les sœurs instituées peuvent-elles soutenir que la réserve et dispositions faites en faveur de leur frère, étranger à leurs contrats de mariage, ne pouvaient leur enlever leur portion dans l’objet réservé, cette disposition n’ayant pas été faite dans son propre contrat de mariage, aux termes de l’article 219 de la coutume ? peuvent-elles à leur institution pour se dégager des charges et conditions qui en font partie, et demander le partage par égalité ? Ou, au contraire, en cas de renonciation, devraient-elles être réduites à l’apanage fixé par leur constitution dotale ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Thibaud-Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1808
1775-1808
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
76 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G1802
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G1801
BCU_Factums_G1803
BCU_Factums_G1804
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53329/BCU_Factums_G1802.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Saulzet (domaine de)
Deux-Chaises (03099)
Mont (terre de)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
avantages prohibés
communautés
contrats de mariage
coutume du Bourbonnais
dot
fils avantagé
forclusion
préciput
secondes noces
Successions
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53330/BCU_Factums_G1803.pdf
a2e84655464e1d58a0469488a8e93e36
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Text
MÉMOIRE
POUR
Les sieur et dame H I L L I A R D , cotuteurs de la demoiselle
D u m o n t , appelans;
C O N T R E
Les sieurs et dames R A B U S S O N - D E V A U R E
D E L A R O Q U E , intimés .
et
U
n e disposition de p r è c i p u t , faite e n f a v e u r d ’un fils p a r ses père et m è r e , dans les
contrats de m ariage de ses deux soeurs , c o m m e c o n d i t i o n de n on-a pa na ge et d ’une ins
titutio n c o ntractu elle à leur p r o f i t , est-elle v a l a b l e , lors surtout que par le contrat d e
mariage du f i l s , le père su rvivan t a su rab on d am m en t confirm é cette disposition , en
v ertu de la facu lté q u e s’en étoient réservée les insti t u a n s , c o m m e con d itio n de cette
m êm e institution ?
T e l l e e s t , dans l ’expression la plu s e x a c t e , la question soumise à la décision de la C o u r .
I l y auroit lieu de s’étonner , sans d o u t e , q u ’elle ait pu faire d ev an t les premiers juges
u n sujet sérieux de c o n t r o v e r s e , si l ’expérience n’a voit appris q u ’i l n ’est r i e n , en juris
p r u d e n c e , que l ’a v e u g le m e n t de l ’intérêt personnel ou le d élire de la présom ption n ’ait
ch erch é à r en d r e problém atique.
C ette cause sem ble destinée à offr ir à la m éd ita tio n un de ces exem ples frappans d u
plus grand excès où l ’on ait pu porter l ’abus du sophisme : on seroit tenté de croire que
les dames D e v a u r e et de la R o q u e n ’ont eu po u r b u t , dans cette en treprise, q u e de faire
briller leur esprit aux dépens de la raison et de la bonn e foi.
O n ne leur enviera pas ce fr iv o le avantage.
Forts de la justice de leur cause , les sieur et d a m e H illia r d n ’e m p lo iro n t que des armes
q u e' lle puisse a v o u e r ; ils se contenteront d ’opposer la vérité à l ’e r r e u r , la droiture à
l ’artifice et aux détours. L e reste sera l’ouvrage de la Cour.
Ils savent que les prestiges d ’une fausse é l o q u e n c e , et tous les tours de force de l ’esprit
hum ain , ne pe uve n t en im poser q u ’à des esprits superficiels.
I l s savent q u e , devant des magistrats intègres et éclairés , quels que soient les efforts
d' une cu pid ité en d é l i r e , le talent et la ruse ne peuvent su p pléer au bon d r o i t , et q u e
toutes les ressources de l'esprit sont v a in e s, q uan d elles heurtent de front la justice et la
Vérité.
F A I T S.
D u m a r i a g e de Jean D u m o n t a v e c P r o c u l e P i t a t , sont issus trois enfnns , savoir M
arie
M arguerite et A n d ré D um ont.
�( 4 )
L e 19 n ovem bre 1775 , M a rie D u ra o n t c o n tra c ta mariage a v e c M . Claude-Josepli
llab u sson -D eva u re.
L ’acte de leurs c on v en tion s m atrim oniales contient la clause suivante :
« E n faveur du mariage , les sieur et d a m e D u m on t ont institu é la demoiselle fu t u r e ,
leur fille , leur h éritière par égale portion avec les autres enfans q u ’ils auront au jou r de
leu r décès , de tous les biens dont ils m ou rro n t vêtus et saisis, sous la réserve expresse
qu'ils se font d e la terre d e M o n t , consistante en un c h â te a u , p r é s , terres, vignes, dîm es ,
c e n s , rentes , quatre domaines , un m ou lin et deux locateries , avec toutes les c irc o n s
tances et d épendances de lad ite te rr e , en q u oi que le tout puisse consister , a vec les bes
tiaux qui garnissent ladite terre ou p o u rr o ie n t la garnir à leur décès , jusqu a c o n c u r re n c e
de
5 ,ooo
liv r e s, en sem ble tous les vaisseaux vin a ir es, c u v e s , foudres et autres qu i se tr o u
vero nt dans ladite terre, ainsi que tous les meubles meublant les appartemens d u d it château
de M o n t , lin g e s , batteries de c u i s i n e , a rg e n te r ie , en l ’état que le tout se trouvera au décès
du dernier m ouran t desdits pére et m ère ; en o u t r e , la som m e de 6 ,0 0 0 liv. que lesdits
sieur et d a m e D u m o n t se proposent d ' e m p l o y e r en acquisition de fonds , cens et devoirs
po ur être annexés à ladite terre et en faire partie ; p o u r , par lesdits sieur et d am e D u m o n t ,
ou le survivant d ‘e u x , disposer de ladite terre au profit de tels de leurs enfans q u ’ils juge
ront à p r o p o s , m êm e de la future , par q u e lq u ’acte que ce soit d ’entre-vifs ou à cause de
i n o r t , sous signature p rivé e ou par- devant n otaire ; dans laquelle réserve les sieur et dame
D u m o n t , père et m ère de la fu ture , en tendent être com prises toutes constructions n o u
v e lle s, am éliorations et réparations utiles et d ’agréinent q u ’ils pourront a voir faites, et le
survivant d ’eux , dans les biens com posant ladite réserve ; et d ans le ca s d e non d isp o si .
d o n d e leu r p a r t , ladite terre de M o n t , avec les bestiaux q u i se trouvero nt la g a r n i r ,
j u sq u ’à c o ncurrence de ladite som m e de
5 ,000
fr a n cs , les vaisseaux v in a ir e s , meubles
m e u b la n s , l i n g e , batterie de cuisine et a r g e n te r ie , en l ’état que le tout se t r o u v e r a , a p
p a r tie n d r o n t , en tou te p r o p r ié té , à A n d r é D u m o n t, leu r f i l s , lequel en demeurera,
précipité , ainsi q u e des annexes q ui auront été faites à ladite te r r e , jusqu’à c o n c u r re n c e
de ladite som m e de 6,000 l i v . ; ladite institution faite sous la d ite réserve , et à condition,
d e la d ite d isp o sitio n , et encore à la c h a r g e , par la f u t u r e , de laisser jou ir le survivant
de ses père et inére de la portion qu i lui seroit revenue dans les biens du p r é d é c é d é ; sans
toutes le sq u e lle s c h a r g e s , cla u ses e t c o n d itio n s , la d ite in stitu tio n n ’a u r o i t é t b
f a i t e , et la future auroit été apanée m o y en n a n t la d ot qui va lui être constituée.
.« E n a va n c em e n t de leur future s u c ce ssio n , lesdits sieur et d ame D u m o n t ont constitué
en dot à la dem oiselle f u t u r e , leur f i l l e , la somme de
3o,o oo
l i v . , e t c . , etc. »
L a dot de M a r ie D u m o n t , épouse de M . D e y a u r e , lui a été payée pendant la vie de ses
pè re et mère.
E n 1 7 7 7 > Marguerite D u m o n t c o n tra c ta mariage a vec M . G r e l l e t de Beauregard.
U n e clause de leur contrat de m ariage est ainsi conçue :
« L e s sieur et d am e Dui.nont, dans l’esprit d u contrat de m ariige de m adem oiselle
M a r iç D u m o n t , leur fille a î n é e , avec M . J os e ph llabusson-Devaure , passé devant Ilolla t,
n o ta ire , le 19 n o ve m b re 1 7 7 5 , ont institué la demoiselle f ut ur e leur h é r i t i èr e par égale
p o rtio n avec les autres enfans qu ils auront au jour «le leur d é r è s , de tous Us biens d o n t
ils mourront vêtus et s.iisis, sous la réserve exp resse q u ’ils se font du la terre d e M o n t ,
telle: q u 'e lle est exp liq u ée au contrat sn sd atè , ensem ble des autres objets qui y sont
d é ta illé s , et de la som m e de G,000 iiy . dont il est p a r l é , p o u r,p u r lesdits sieur et dama
�(5)
'
(ül
D u i n o n t , ou le survivant d ’ e u x , dans le s term es d u m im e c o n t r a t , disposer de lad ite
réserve au profit de tels de leurs e n f a n s , m êm e de la f u t u r e , p a r ¿es m o y e n s e t d e la
m a n ière expliqués audit contrat.
« Cette institution faite en outre a u x m êm es ch a rg es que celles expliquées a u d it
contrat. Et en a v a n c e m e n t de leur future succession , lesdits sieur et dame D û m e n t o n t
c onstitu é en d o t à la demoiselle future , la somm e de
3 o,o oo
livres , e tc. »
L a d am e G r e lle t de Beauregard a r e ç u , pe n d a n t la vie de ses père et mère , à co m p te
de sa constitution d o ta le, une som m e de 6,000 f r a n c s , et elle a tou ché annuellem ent
les intérêts du surplus de sa dot.
E n 1 7 8 3 , P ro c u le P i t a t , m ère et aïeule des p a r tie s , d é c é d a ; Jean D u m o n t , son
d a r i , lui survécut.
C e ne fut q u ’en 1789 q u ’i l maria A n d ré D u m o n t , son f i l s , à demoiselle M a rie Sopliie-B arth e le m i G i b o n t , a ctu ellem en t épouse du sieur H illiard .
L e contrat de m ariage contient les dispositions suivantes :
« E n fa veur du présent m ariage, est-il d i t , le sieur D u m o n t père a institué et institue
i o n fils, son héritier par égale p o rtio n avec ses deux soeurs , épouses de M M . Rabus*onD e v a u r e et G r e lle t d e Beauregard , d e t ous les biens m e u b l e s et im m eub les d o n t il m ourra
Vêtu et saisi ; et c o m m e par le c on tra t de m ariage de d a m e M a r ie D u m o n t , épouse d u d i t
R a b u sso n -D e v a u re , ledit sieur D u m o n t p è r e , et ladite d éfu n te P r o c u le P i t a t , son épouse,
s'étoient co n jo in tem e n t réservé^ m êm e a u survivant d ' e u x , la fa c u lté de disposer au
profit de tels de leurs enfans q u ’ils jugeroient à p r o p o s , et par tel acte que b o n leur
s e m b l e r o i t , de la terre de M o n t , consistante en u n château , p r é s , te rr e s, d î m e s ,
YÎgnes , c e n s , r e n te s, quatre d o m a i n e s ,
un m ou lin et deux lo c aterie s, avec les c i r
constances et d ép en dan ces de ladite terre , en q uoi que le tout p u t consister, a vec les
bestiaux qui garnissoient lad ite te r r e , ou po urroien t la garnir à leur décès , ju s q u ’à c o n
c u rr e n c e de la somm e d e 5,000 l i v r e s , ensemble tous les p r e ss o irs, vaisseaux v i n a i r e s ,
c u v e s , fou d res, et autres qui se trouveroient dans ladite terre , ainsi que tous les meubles
m eublan t les appartemens d u d it château de M o n t , linge , batterie de cu isine , a r g e n te r ie ,
en l ’état que le tout se tr o u v ero it au décès du d ern ie r m ou ran t desdits sieur et d a m e
D u m o n t , père et mère ; et en cas de n on disposition desdits objets du v iv a n t desdits sieur
et d am e D u m o n t , père et m è r e , ils a p p a rtien d ro n t en toute p r o p r i é t é , et à titre de préc i p u t , audit sieur futur ép o u x , ainsi que les annexes qui auroient été faites à ladite t e r r e ,
jusqu à c o n c u r re n c e de la som m e de G,000 francs.
« E t com m e ladite d a m e P it a t , épouse d u dit sieur D u m o n t père, est décédée sans avoir
manifesté ses intentions à l ’égard de la réserve ci-dessus d é s i g n é e , ledit sieur D u m o n t père
usant de la faculté de po u voir disposer de la totalité desdites r é se r v e s, d éclare qu'il dispose
à titr e d e p r è c i p u t , au profit d u d it sieur futur é p o u x , t a n t d e la d i t e terre d e M o n t ,
circonstances et dépendances d ’i c e l l e , que d o tou s le s a u tr e s o b j e t s c i - d e s s u s s p é c ifié s ,
et tel que le tout est d é sig n é e t s p é c ifié en la d i t e réserve p o r tée a u co n tra t d e m a r ia g e
c i- d e s s u s d a té d e s s ie u r e t d a m e R a b u sso n -D e v a u r e . N e font pas partie de la présente
disposition , les grains, vins et autres denrées qu i se trouveront dans les d épendances d u d it
château de M o n t , à l ’ép oq ue du décès d u d it sieur D u m o n t pere , p o u r , par ledit sieur
fu tu r , faire le p rélèvem ent et en trer en jouissance de ladi te terre de M o n t , et d e to u s le s
a u tr e s o b je ts c o m p r is en la p ré sen te d i s p o s i t i o n , im m éd iatem en t après le décès d u d i t
sieur D u m o n t , sous la réserve q ue se fait ledit sieur D u m o n t père de la som me de 3o,o oo 1.
2
�à p ren d re sur lad ite terre de M o n t , p o u r en disposer en faveur de tels de ses enfan* ou
petits-enfans q u ’il jugera à propos , m êm e en fa veur dud it sieur futur époux, par tel acte
d ’entre-vifs , à cause de m o r t , ou sous signatures privées , que b o n lui semblera. Et de suite
le d it sieur D u m o n t , en faveur d u d it m a ria ge, a dispose et dispose en fa veur dud it sieur
fu tu r époux , sur la susdite som m e de
3 o,ooo
livres réserve e, de celle de 10,000 livres ; d e
laq u elle som m e de 10,000 livres présentement disposée en fa veur dudit sieur futur é p o u x ,
led it sieur son père se charge de lui servir 1 interet au taux de l ’o r d o n n a n c e , sans aucune
reten u e des im positions créées et à cré er, jusqu’au rem boursem ent, q u ’il lui sera loisible
de faire q u an d il le jugera à propos.
» D e la m ême som m e de 5 o,o oo livres réservée par ledit sieur D u i n o n t p é r e , il en a
présentem ent disposé et dispose en faveur de demoiselle P ro c u le G r e l le t de Beauregard ,
sa petite f i l le , fille de J e a n - B a p t i s s e G r e lle t de Beauregard et de feue d am e Marguerite
D u r a o n t , ses pére et i n è r e , de la som m e de 5 ,000 liv. à prendre sur lad ite réserve, payab le
après le décès d u d it sieür D u m o n t père se u le m e n t, par ledit sieur fu tu r é p o u x , sans
intérêt j u sq u ’audit d é c è s , après lequel ils auront cours au taux de l'o r d o n n a n c e , jusqu’au
r e m b o u r s e m e n t , que ledit sieur futur sera tenu de faire dans d eu x ans du décès de sondit
père. Et dans le cas où ladite dem oiselle P roc u le G r e l l e t , ou ses père et mère , con tre viendroienl. d ire ctem en t ou in d ir ec tem e n t à la disposition faite par ces présentes de ladite
terre de M o n t , en faveur du sieur fu tu r époux , la di s p os i t i o n des 5 , 000 livres faite en
fa v e u r de ladite d e m o i s e l l e G r e l l e t , sera et dem eurera nulle et de nul e f f e t , et c o m m e
n o n faite. P a r e i l l e m e n t , d a n s le cas où ledit sieur D u m o n t père nedisposeroit de son v i v a n t
des z5 ooo livres restantes de la susdite som me r éservé e, elle demeurera réunie à ladite
terre de M o n t , et a ppartien dra a ud it sieur futur é p o u x , sous la réserve que led it sieur
D u m o n t pére se fait de la jouissance , pe n d a n t sa vie , de la susdite terre de M o n t , pour,
après son décès , appartenir en toute prop riété a ud it sieur futur époux ; et en avancem ent
d ’iioirie , et de lad ite institution , led it sieur D u m o n t père a constitué en dot audit futur
la som m e d e ....... , etc. , etc. »
C ’est de ce mariage d ’A n d r é D u m o n t a v s c M à r ie - S o p lu e - B a r th e le m i G i b o n t , q u ’est
issue A n n e D u m o n t , appelante du jugem ent rend u par le tribunal de G a n n a t , le 26 dé»
c ein b re 1S07.
S o n p è r e , m ort v ic tim e des temps désastreux de la r é v o l u t i o n , la laissa dans les
lien s de la m inorité , où elle est en core.
P riv é e de cet a p p u i , la m ineu re D u i n o n t espéroit trouver dans la tendresse de son
a ï e u l , un supplém ent naturel à la tendresse d 'u n père : son espoir fu t déçu .
L a perte irréparable de l ’auteur de ses jours , devint po u r elle u n e source intarissabla
de pertes nouvelles : elle fit refluer, e x c lu s iv e m e n t, sur les dames D ev au re et de la
R o q u e , toute l ’affection de son aïeul.
Il n ’est personne dans la ville de G a n n a t qui ne sache que la daine D evaure , d e-.
Ve n u e l ’objet d e la p r é d ile c tio n du sieur D u m o n t père , depuis la m o r t de son fils, f u t
con stam m e n t
aussi
l ’objet de ses largesses ut d e ses libéralités.
T a n d is que cet a ï e u i , q u i jouissoit de plus de 20,000 liv. d e rente , et ne dépensoit
pas 2,000 francs par an , faîsoit passer le surplus de ses revenus a ses deux filles , la
d em oiselle D u m o n t , en tièrem ent aband o nn ée aux soins de sa inere, n a jamais reçu de
«on grand -père le plus léger secours.
C e p e n d a n t , ce sont ces d a in e s; c ’est la daine D eyaure , e l l e - m ê m e , avantagée da
�\o
3
( 7 )
plus de 100,000 fr. par des dons manuels ou par des donations d é g u isé e s, soit sous la
form e de contrats onéreux , soit sous le n om de personnes interposees ( * ) , qu i sans res
p e c t pour la m ém oire de leurs père et m è r e , et foulant aux pieds , de la inaniere la
plus sc an d ale u se, le p a c te de famille le plu s s a c r e , dispu tent a la dem oiselle D u m o n t
u n p réc ip u t q u i , lors m êm e q u ’i l n ’auroit pas été aussi lé g itim e m e n t acquises son p e r e ,
n ’auroit dû leur paroitre q u ’ un foible d éd om m a ge m en t des pertes immenses q ue lu i a
causées une révo lu tio n qui a dév oré tou te sa f o r t u n e , avec son m alheureux pere.
L e c œ u r se brise à cette i d é e , les moeurs f r é m i s s e n t , et l ’étonnem ent b a la n c e l i n dign ation ! ...................
Le
3o
brumaire an n , le sieur D u m o n t père in t e r v in t au contrat de mariage de la
dame de la R o q u e , et il réitéra à son profit la d isposition de
le contrat de mariage d ’A n d r é D u m o n t.
5 ,ooo
francs déjà faite par
Il in t ervin t pareille m ent au contrat de mariage de la demoiselle Devau re , avec le
sieur N a r j o t , passé d evant M e. Hue. , notaire à G a n n a t , le 4 ju in 1804 , et lu i fit d o
nation de la somme de i 5 ,ooo fr. par lui
c ette donatio n que sc dirigeoit un des
la d e mo i s e l l e D u m o n t au t r i b u n a l d e
d u contrat , a concouru au j u g e me n t !
réservée sur le p r é c ip u t de son fils. C ’est contre
cl-iefs de c o n clu sion de la d em and e portée par
G a n n a t ; et cepend ant le n ota ire , réd acte u r
......................
E n l’année i 8o 5 , Jean D u m o n t est d éc éd é , laissant p o u r h é r i ti e r , i°. la dame Rab usson -D evaure ; a0, la daine de la R o q u e , sa p e tite-fille, p a r représentation de M arguerite
D u m o n t ', sa m è r e ;
3°.
A n n e D u m o n t , représentant A n d ré D u m o n t , p récipué.
A u décès de Jean D u m o n t , les scellés fu rent apposés ; i l fu t p r o c é d é .à leur rec o n noissance en p résence de toutes les parties intéressées ; et l ’on se disposoit à effectuer le
partage des b ie n s , lo rsq u e les dames D e v a u r e et de la R o q u e d é c larèren t ha u tem e n t l'in
tention où elles ètoient de refuser à la d em oiselle A n n e D u m o n t le relâc h em e n t de la
m o itié du p r é c ip u t du c h e f de leur m ère.
Les sieur et dame M illiard , cotuteurs de la dem oiselle D u m o n t , r é s o l u r e n t , dèslors , de r éc la m er en ju stic e l ’exécution pleine et entière des contrats de m a ria ge
corrélatifs des i y n ovem bre i j j 5 , 9 février 1 7 7 7 , et
testée a vec une insigne mauvaise foi.
3i
mai 1 7 S 9 , qui leur étoit c o n
A p rè s avoir tenté en vain les prélim inaires de la c o n c ilia tio n , ils traduisirent les
dames D evaure et de la R o q u e , d evan t le tribun al de p r e m iè r e instan ce de l ’arrond ijsem ent de G ann at , et y prirent des conclusions t e n d a n t e s ,
« i°. A ce qu il plut au tr ib u n a l, en c e q u i lo u c h e le p r é c i p u t , ord onn er q u e les
c ontrats de m ariage susdatés , de M a rie D u m o n t a v e c le sieur C laud e Rabusson-D evaure ,
de M arguerite D u m o n t avec le sieur G rellet de Beauregard', et de feu A n d r é D u m o n t
a vec M a r ie - S o p h ie - B a r tlifle m i G ib o n t , seroient exécutés selon leur form e et te n e u r , et
n ota m m en t dans leurs dispositions relatives a u p r é c ip u t attribué à A n d ré D u m o n t ; en
( * ) Il est do n o t o r i é t é p u b l i q u e q u e dans un t e m p s où Io s i e u r D e v a u r e c t o i t o b é r é , il e s t d e v e n u
a c q u é r e u r , sans b o u r s e d é l i e r , de d e u x d o ma i n o s a p p a r t e n a n s a ux mi n e u r « D s y a t , q u * > * ' ant^ a v e n t e ,
e t o i e n t d é b i t e u r s d e s o m me s c o i u i d é r a b l o s e n v e r s le s i eur D u m o n t p è r e . —-
der ni er a également
t r a n s mi s un d o m a i n e , par v o i e d e f i d é i c o mmi s , au s i e u r D o v a u r o ; et H y a , à c e t é g a r d , p r o c è s
p e n d a n t e n t r e le« pa r t i e s au t r i b u n a l do G a n n a t . — E n f i n , on «ait qu' i l » a c h e t é , au n o m d u s i e u r
Devaure
un e m d u o n s i t u é e à M o u l i n s , m e do la C o r r o y e t i e ; e t l ’o n sait e n m ê m e t e mp s q u * l e i
f a cul t é s d u ¿i our D e v a u r e u e l u i o n t j amai s p e r m i s do fiiirc d e s a cqui s i t i ons *
�( 8
)
c o n s é q u e n c e , que les sieur et d am e H i l l i a r d , ès qualités qu'ils p r o c è d e n t , seroient au
torisés à p r é l e v e r , avant partage des successions de feu Jean D u u io n t et P rocule P i t a t ,
po u r et au nom de A n n e D u m o n t , leur mineure , représentant feu A n d r é D u m o n t , son
père , la to ta lité d e la terre d e M o n t , circon sta n ces et d ép en dan ces , et autres o b jets
désignés et spécifiés en la reserve portée aux susdits contrats de m a ria g e , q u ’ils én u m é
rèrent en l ’e x p l oi t de d em ande ; de tous lesquels o b je ts , lesdites dames R a b u sso n -D e va u re
et de la R o que , seroient tenues de Faire le r e lâ c h e m e n t, et de souffrir la distraction et
le p r é lè v e m e n t avant p a r ta g e , com m e co n d itio n de leur in s titu t io n , en ex écu tio n de
leurs contrats de mariage, si mieux elles n ’aim o ient s’en tenir à leurs c on stitu tion s dotales,
form ant apanages; les c o n d a m n e r , en outre , aux dépens sur ce c h e f ;
« 2U. Et en ce q u i tou che le surplus d es biens composant lesdites su c ce ssio n s, o rd on n er
q u ’il seroit p r o c é d é au partage , c o n fo rm é m e n t à la loi ; q u ’en cas de contestation sur la
p a r t a g e , les contestans seroient condam nés aux d é p e n s , le s q u e ls , au cas c o n t r a ir e ,
seroient p rélev és sur la chose. »
A peine la d em a n d e fu t-elle f o r m é e , q u ’on vit les dames D ev a u r e et de la R o q u e p o u r
su ivre l ’a u d ie n c e avec une a ctiv ité sans exem ple. O n céda à leurs vives s o llic it a tio n s , et la
cause fut appelée le 8 août 1807 ; l ’avoca t de la dem oiselle D u m o n t fut en tendu pend ant
trois heures c o n s é c u ti v e s , en présence de l ’avocat et des avoués de ses parties adverses ;
mais , en même temps , par l’effet d ’ une c o n tra d ictio n bizarre , et par suite de pratique!
se c r è te s , de com bin aisons nstucieuses, de m an œ u vres ténébreusement o u r d i e s , qu’il eût
été d ifficile de p r é v o ir , et dont il ne seroit peut être pas impossible d ’expliquer les motifs ,
les dames D ev a u r e et de la R o q u e se laissèrent cond am ner p a r d éfau t.
C e tt e c o n d u ite ne parut pas à tout le inonde exempte de blâine et de reproches : elle
fou rnit un a lim ent à la censure pub lique ; elle servit de texte aux entretiens des gens d u
i n o n d e ; elle d o n n a lieu à une foule de réflexions satyriques et d ’interprétations m alignes.
Les uns parurent surpris q u e les dames D e v a u r e et de la R o q u e n ’eussent fait paroitre à
l ’a u d ie n c e un a vo c a t et des avoués, que po u r a ssister à la p la id o ie r ie de leur adversaire,
et laisser p re n d re un ju ge m en t par d éfa u t. Étrangers à la tactiqu e du palais , et ne c o n noissant po in t les d étours obscurs de la c h i c a n e , ils im aginèrent que la parole avoit ex p iré
sur les lèvres des défenseurs ; et de ce q u ’ils n ’avoient rien répond u , ils en c o n c lu o ien t
assez judicieusem en t en apparence , q u ’ils n ’a voie n t rien eu de bon à répondre.
D ’a u tre s, plus sévères dans leurs d é c i s i o n s , plus délicats sur les b ie n séan c es, et no
p o u va n t supposer q u ’on en m é c o n n û t à c e point les règles au barreau , c r u r e n t vo ir , dans
cette c o n d u ite étrange , un oubli de toutes les c o n v e n a n c e s , un p r o c é d é n o u v e a u , tout
à la fois injurieux p o u r l ’avoca t de la dem oiselle D u in o n t , et irrévéren t po ur le tribunal
q u i en étoit le témoin.
L e sieur D ev a u r e , po ur c a lm e r l ’o p in io n p u b liq u e , qu'une pareille jonglerie a voit sou
lev ée c o n tre lui , ch erch a à pallier sa c o n d u i t e , en la c oloran t par des m otifs qui respiroient la plus p u r e délicatesse.
I l p ré te n d it q u ’il n ’auroit été n ullem e n t
convenable
à ses intérêts de laisser ren d re
u n juge m en t c o n t r a d i c t o i r e ; q u ’en supposant q u ’il eût gagné son procès , on n ’au roit
pas m anqué de dire q u ’il l ’a voit gagné p a r un ju g em en t d e faveu r ; »-t que dans la
supposition r o n t r a i r c , la d écision de ses collègues eut été contre lui un préjugé grave aux
y>ux de la C o u r d'appel. Il d on na sa parole d honneur ^ l avocat de la demoiselle D u m o n t ,
q u ’il ne foruaeroit p o i n t o p positio n au jugem ent par défaut.
�O n ignore ce q u ’est devenue c e t te p a r o le d 'h o n n e u r ; niais l ’opposition ne tarda
pas à paroître.
S u r cette o p p o s i t io n , la cause portée à l ’a ud ie n ce du n
d éc em b re 1S 0 7, fut de
nouveau d isc u tée ; et après plusieurs p la id o iries , il i n t e r v i n t , après un d é lib é r é , un
ju ge m en t c o n tra d icto ire , le 26 décem b re su iv a n t , dont la demoiselle D u m o n t est a p p e
lante , et dont il im p o rte d ’analiser les dispositions et les motifs.
C e jugem ent d éclare nul et de n ul effet la donation en p r é c i p u t d e la terre d ç M o n t ,
faite par le sieur D u m o n t père , en fa veur d ’A n d r é D u m o n t , son fils, p o u r la m o itié
de ladite terre, provenante du c h e f de la d am e P ro c u le P ita t , son épouse; et o rd on n e
en c o nséquence q u ’elle fera partie de sa succession a b in ts e ta t.
I l déclare b on n e et valable la d onation faite à A n d r é D u m o n t , de la somme de
6,000 f r a n c s , faisant partie de la réserve exprim ée aux contrats de m a r i a g e d e s dames
D ev a u r e et de Beauregard , mais seu lem ent p o u r la m o itié de cette somme , d u c h e f d u
pere , sa u f l’im putation , jusqu’à due c o n c u r r e n c e , dans le cas où les sieur et d am e D u inont père et m ère, au roient e m p lo y é cette som m e en acquisition de fo n d s ; e t , dans
le cas contraire , i l autorise la dem oiselle D u m o n t à faire , sur la masse de la. succession ,
le prélèvem ent (le la som m e de 3 ,000 francs.
L e s m o t i f s de c e j u g e m e n t s ont ,
« i°. Q u ’une réserve faite a v e c stipulation que la disposition en sera faite en faveur
de celui des enfans q u ’il plaira à l ’instituant c h o i s i r , n ’ôte p o in t à l ’institué le droit de
r ec u eillir sa po rtio n dans l ’objet réservé , lorsque l’instituant d écèd e sans disposition ;
« 20. Q u ’A n d ré D u m o n t n ’a pu être saisi de ladite terre de M o n t , par la clause de
destination apposée dans les contrats de m ariage des dames D ev au re et de B e a u re g a rd ,
i°. parce q u ’il étoit étranger à ces deux contrats , et q u ’il est de p r in c ip e que les contrats
ne peuvent va lo ir q u ’entre les contractan s ; a0, p a rce que , d ’apré* les dispositions de
l ’article 219 de la coutu m e de B o u r b o n n a i s , la d o n atio n de préciput ne p o u voit v a lo ir à
son profit, q u ’autant q u ’elle auroit été faite par son contrat de m aria ge;
«
5°.
Q u e P rocu le P i t a t , mère des p a r tie s, étant d écéd ée avant le mariage de son fils ,
et n’ayant pas été à portée de faire , en sa faveur , la disposition de p r é c ip u t q u ’elle lui
destinoit , dans la form e q u ’ ind iq ue l ’art. 21g de la c o u t u m e , ses trois enfans o n t été
saisis de sa succession entière au m o m e n t de son décès ;
« 4 • Q u e 1rs cla u se s, charges et conditions apposées aux institutions des dames D e
vaure et de Beauregard , étant contraires à la l o i , d o iv e n t être réputées non écrites ;
«
5
. Q u A n d ré D u m on t n ayant pu être saisi de la m oitié de la terre de M o n t , du c h e f
de sa m è r e , par la clause de destination , n ’a pu l ’être non plus par la disposition de la
totalité la terre , faite à son profit par son père , en vertu de la fa culté qui en avoit été
donnée au survivant d e u x , par la raison q u e , dans la coutum e du B ou rb on n a is, les
époux ne p o u vo ie n t se transm ettre d ’autre don que la jouissance m u tuelle des meubles
et acquêts , et dans le cas seu lem ent où il n ’exi stoi t pas d V n fa n t de leur union ;
« 6°. Q u e cette disposition de la coutum e , p r o h ib itiv e de tous avantages entre époux ,
e x c lu t tout d ro it d ’é l e c t i o n , q u i , sous l ’em p ire du d ro it r o m a in , c o » ,I|,t: S0,1S ' e mpire
des coutum es , a toujours été Considéré c o m m e a b u s i f , et pre.sqn* toujours déclaré n u l ;
“ 7°- Q u e l'inexécution des c o n d itio n s apposée» aux i nst i t ut i ons des 'lames D e v a r r e e t
de li^aurpgard , ne constitue contre elles au cu n apanage , parce que si l e j s u u r et dame
D u m o n t eussent vo u lu que leurs filles fussent réduites ù un apanage , ils se soroient se 1 vis
�C 10 )
d'expressions qui ne Iaisseroient a u c u n d o u te sur leur volonté ; d ’où il résulte qne la
m oitié de la terre de M o n t , faisoit partie a b in t e s t a t de la succession de P ro ru le P i t a t ,
et qu’elle doit être partagée c o m m e le surplus des biens com posant la succession. »
T e l s sont les dispositions et les m otifs du jugement dont la demoiselle D u m o n t est
appeIante‘
M O Y E N S .
P o u r éta b lir q u ’il a été mal jugé au jugem ent dont est appel , et que les premiers
juges ont m éc o n n u les vrais principes de la matière , la dem oiselle D u m o n t a une d ouble
tâche à rem plir.
E l l e divisera la discussion de cette cause en d eu x p a rties.
L a prem ière aura p o u r but de justifier la demande , par elle f o r m é e , en p rélèv em e n t
d e la t o t a lité du p r é c ip u t a ttribué à A n d r é D u m o n t , son père , par les trois contrats
de m ariage corrélatifs de 1 77 5 , 1777 et I 7^9 ‘
L a d euxièm e aura po u r objet la refu tation des m otifs erronés qui ont servi de base
à la décision des premiers juges.
P R E M I È R E
P A R T I E .
La demande de la demoiselle Dumont, en prélèvement de la totalité du
préciput y doit être accueillie.
P o u r d é m o n t r e r ce t t e assert i on , o n é t a bl i r a t r o i s p r o p o s i t i o n s .
£ « p r e m i è r e : Q u e les dames D ev au re et de la R o q u e sont aujourd’hui n on recev a b les à renoncer aux institutions faites à leur p r o f i t , po u r se dégager des charges
et c o n d itio n s qui en fon t partie.
L a d e u x iè m e : Q u e , si elles accep ten t l ’in s titu tio n , elles ne peuvent l ’a c c e p te r p o u r
p a r t i e , et se dispenser d ’en a c c o m p lir les c o n d i ti o n s , au nom bre desquelles se trouve
la destination de précipu t en faveur d'Andre^ D u m o n t.
L a t r o i s i è m e : Q u e , si elles renoncent au bénéfice de leur in stitu tion , en supposant
q u ’ell es y fussent encore rec e v a b le s, elles doivent être réduites à un apa na ge, fixé par
leur constitution dotale.
p r e m i è r e
p r o p o s i t i o n
.
F in d e non-recevoir.
C ’est u n p r in c ip e de tous les temps , que l ’exécution volontaire des actes em porte la
r en o n c iatio n à tous les moyens et excep tions q u ’on auroit pu opposer contre eux.
O r , les dames D ev au re et d elà R o q u e o n t e x é c u té , sans réserve, les contrats de m ariage
d o n t est question , pendant une lon gu e suite d ’années.
C ’est un fait c o n s ta n t, q u ’ elles on t reçu tout ou partie des capitaux de leurs dots ,
d u vivant de leurs père et m è r e ; que l ’ une d ’elles a reçu a n n u e lle m e n t, depuis le
décès de sa m ère , les intérêts de ce qui ¡lui restoit d û ; et qu’elles o n t , l ’une et l’autre ,
exécuté la c o n d itio n im posée à leur institu tion , de laisser jouir le survivan t des père
et mère , des biens du p red e cé d é .
Q u e les dames D ev au re et de la R o q u e veu ille n t d o n c nous dire en quelle qualité
elles ont ainsi reçu leurs constitutions de dots.
D ’a b o r d , c e n e p e u t ê t r e e n q u a l i t é d 'héritières
naturelles
: c a r l e d r o i t d ’h é r i t i e r
�( I I )
. . .
.
.
n a t u r e l n e p e ut s ’o u V r i r q u ’ au dè c ès de la p e r s o n n e à q u i l ' o n s u c c è d e , viventis nullus
h xres.
C e ne peut être non plus en qualité de filles m a r ié e s et (lo tê e s : c a r , s il en étoit
ainsi , en
r e c e v a n t leur d ota tion
elles
auroient été forcloses de la succession de
leurs père et mère , et réduites à un apanage ; tou t le inond e sait q u e , dans la c o u tu m e
du Bourbonnais , toute fille dotée à q u i l ’on a voit donné en m ariage q u elq u e chose
de certain , étoit répu tée apanée et excluse des successions , q uoiqu'elle n y eut pas
expr»ssément r e n o n c é , et q u ’on ne se fût pas servi d u m o t apanage.
C e n ’est d o n c évid em m en t q u ’e n q ualité d ’ h è r iliè r e s in s titu é e s qu'elles ont reçu
leurs constitutions dotales : — mais , en ce c a s , on sera forcé de co n v en ir que l ’institution
est in d iv is ib le ; que les dames D ev a u r e et de la R o q u e n ’ont pu la r e c u e illir sans se so u
m ettre à l'a ccom p lissem en t des conditions qui y sont a pposées; et que rien ne peut les
dispenser de r e l â c h e r , à la représentante de leur f r è r e , -le p r é c ip u t qui lui a été attribu é
c o m m e charge de leur institu tion .
Les daines D e v a u r e et de la R o que pe u ve n t d ’autant m oin s éch a p p er à cette c on sé
q u e n c e , q u ’elles ont déjà exécuté , en partie , les charges de l ’in stitu tion , pe n d a n t plus
de vin g t ans , en laissant jouir le sieur D u m o n t père de tous les biens de la succession
de leur m è r e , en vertu île la con d itio n qu i avoit été apposée à leur institution.
E n vain allègu en t - elles q u ’elles n ’ont laissé jo u ir leur père de s biens dép en dan s de la
succession d e leur m è r e , que par l ’effet d 'u ne c r a in te rèv è r en cielle ■ne p e ju s fa c a r e t.
C ’est se jouer de notre c ré d u lité , que de p r étend re substituer ainsi une vaine allégation ,
un m o tif chim ériq u e et supposé , une exception gratuite et r i d i c u l e , à un m o t i f certain ,
c on n u , d é te r m i n é , q u i d érive d ’ une obligation qui leur est imposée par leurs contrats de
m ariage.
L es dames D ev a u r e et de la R o q u e ne persuaderon t à personne q u ’elles aient ainsi laissé
jouir leur père, par le seul effet d 'u n e c r a in te r è v è r e n c ie lle , d ’une succession o p u le n te
qu’elles pou vo ient appréhend er il y a plus de v in g t a n s , lo rsq u ’on considérera surtout que,
depuis 1 7 8 9 , le sieur D u m o n t père ne p o u v o it plus disposer que d ’ une somme de i 5 ,ooo fr.
. Ajoutons que , q u an d la justice doit c h e r ch e r des règles de décision dans la conduite des
parties , c ’ est m oin s dans des allégations supposées que dans des motifs apparens q u ’elle
doit les puiser ; et il est plus naturel d ’adm ettre que si les dames D ev a u r e et de la R o que
ont laisse jou ir leur père de la succession de P roc u le P i t a t , elles n ’ont fait en cela que
rem p lir une obligation qui leur étoit imposée c o m m e con d itio n de leur in s titu tio n , que
de supposer qu elles on t ainsi agi par le p u é ril effet d ’une prétendue crainte r èvè re n c ielle.
M a i s , lors meme qu on supposeroit q u ’elles n ’ont agi que par crainte r è v è r e n c i e l l e ,
pourroient-elles esperer d è t r e relevées de l ’exécution de leurs contrats de mariage? N o n ,
sans doute.
C ’est un ancien p r in c ip e consacré par l'a r t. 1 1 1 4 du C o d e N a p o lé o n , que la seule c rainte
r èvèrencielle envers les père et m è r e , ne peut suffire pour fonder une action : il y a parité
de raison pour d é c id e r qu’elle ne peut non plus justifier une exception. T e l étoit le v œ u
des lois ro m ain es, qui n ’admettoient l ’e x c e p tio n de c r a i n t e , q u e l orsqu elle étoit l’ effet
d une violence illicite et c on tra ire aux bonnes moeurs , s e d v im a c c ip im u s a tr o c e m e t
earn <jnœ a d versn s b on os m ores f i a t ( L o i 3 , f f . f/itod tn elu s c a u s a . ); niais q u i rej.etoient
toute crainte prétendue r èv è re n c ielle. ( L o i
d e r itu n u p tia r itm , — L o i 3.6, f f . de.
pignorilr. e t h y p o th . — L o i 2 , c o d . q u i e t a d v e n u s q u o s. )
�C o n c lu o n s J o n c que les daines D e v a u r e et d e l à R o q u e seroient aujourd’hui non recevables à renoncer au b énéfice de l ’institution , pour se dispenser de rem p lir les dispositions
q u i en font partie.
DEUXIÈME
PROPOSITION.
S i le s d a m e s Devait?/* e t d e la R o q u e a c c e p te n t l'i n s t it u t i o n , e lle s d o iv en t a c c o m p lir
la c o n d it io n d e p r è c ip u t q u i y e s t a p p o s é e en fa v e u r d ’ A n d r é D u m o n t.
C e tte p r o p o s i t i o n est c om p lex e ; elle nécessite l ’examen des trois questions suivantes :
i ° . D e s c o n d i t i o n s p e u v e n t - e l l e s êtr e a p p o s é e s à une i n s t i t u t i o n ?
, ■•
2°. U n p r é c ip u t peut-il être une c o n d itio n d ’institution?
5 °.
L e précipu t don t i l s’a g i t , a-t-il été attribué à A n d r é D u m o n t , c o m m e c o n d itio n
de l ’institution de scs soeurs ?
§. Ier. D e s c o n d itio n s p e u v e n t-e lle s être a p p o sé e s à une in s titu tio n ?
P o u r Vaffirm ative s ur c e t t e q u e s t i on , il suffiroit d ' i n v o q u e r l ’a u t o r i t é d e la raison ;
e l l e d i t à q u i c o n q u e v e u t l ’e n t e n d r e , q u ’i l est l o i s i b l e à c e l u i q u i e x e r c e un e l i b é r a l i t é ^
d ' y a pp o s e r telles c o n d i t i o n s q u ’il j u g e c o n v e n a b l e s , p o u r v u q u e l l e s ne s o i ent c o n t r ai r e s
n i a u x lois , n i a u x b o n n e s m œ u r s ; u nicuiqite lic e t m odum quem v o lu erit lib e r a lita ti
suce apponere : c ’est à c e l u i qui est l ’obj et d e l a l i b é r a l i t é , à l ’a c c e p t e r o u a y r e n o n c e r ;
m a i s s’il l ’a c c e p t e , il est d e ra i s o n qu' i l ne pui sse la s y n c o p e r , e t q u il soi t t enu d e 1 a c c e p t e ^
in tég r a lem e n t , a v e c les c h a r g e s et c o n d i t i o n s q u i y s ont i mposées .
M ais i n d é p e n d a m m e n t de l'autorité de la r a i s o n , on peut en core se pr év a lo ir de l’op inion
des j u r i s c o n s ul t e s anciens q u i o nt traité la matière des institutions conditionnelles.
A u r o u x , sur la c o u tu m e d u b o u r b o n n a is , et L e b r u n , en s on T r a ité d e s s u c c e s s io n s ,
apr ès a v o i r d é m o n t r é q u e l ' i n s t i t ut i o n c o n t r a c t u e l l e ne peut être v a l a b l e m e n t faite , d ’ una
m a n ière d i r e c t e , q u ’au prof i t et ut i l i t é des ma r i é s et des d e s c e n d a n s d u m a r i a g e , et q u e t
f ai t e au prof i t d ’a ut r e s , e l l e est a b s o l um e n t nul l e et c a d u q u e , di s e n t q u ’ on p e u t f ai re i n
d ir e c te m e n t u n e i n s t i t u t i o n v a l a b l e au prof i t d un t i e r s , en 1 a p p o s a n t c o m m e c o n d itio n
à l ' i n s t i t ut i o n f ai t e au profi t des c o n t r a c t a n s ma r i ag e .
« Il y a , dit le premier de ces auteurs , un m oyen de faire
1 equipollent
d une institution
c o n t r a c t u e l l e , au profit d ’autres personnes q u e des mariés , en instituant la personne
mariée à la charge d ' a s s o c i e r ses frères et soeurs , par ex em p le, pour une certaine q u otité
de l'in stitu tio n ; ce qui v a u t, au profit des frères et sueurs, com m e u n e c o n d i t i o n de
l'institution. [ A r t . 2 1 9 , «°. 28 .)
a C a r , ajoute le même com m entateur , l'association étant une cliarg« de
.
1 institution
d o n t e l l e f a i t p u n i t * , l’ institué est dans la nécessité ou d e r e n o n c e r à l ’ i n s t i t u t i o n , ou
d e c o n s e n t i r a l ’a s s o c i a t i o n . { A r t . 2/,4 , n ° . 8 . )
« Il y a plus , ajoute-il , r est qu'à l'égard de deux institutions r é c ip ro q u e s , faites par
deux fières dans le contrat de m triage de l'un , il a été d é c id e que celle faite en faveur
du frère qui ne c o n t ra c ta it pas mariage , par celui qui c o n t r a c t o i t , ¿ to it v a la b le , et cç
à cause de la ré c ip ro c ité d-s institutions. M o nsieur le Rapporteur s'explique , et dit que
les institutions des deux frères fia n t réciproques , 1 institution que l’un avoit faite au
profit de l'autre , étoit u n e c o n d itio n de celle don t il se trouyuit en même temps bien
gratifié ; d ’où il restoit à c o n c lu r e que r e l l 1* faite en f av e u r d u frere q u i n e c o / ttr u c io it
p a s m a r ia g e , deyoit valoir 10/n/ne c o n d itio n . . . • ,
�( *3 )
« C ’est ce q ui fu t jugé au rap port d e M .
de
V
ienne
r e n d u en la g r a n d ’c h a m b r e , le î a mars 1756. ( I b i d .
, par arrêt du parlem ent de P a r i j ,
9 , à l ’a d d it io n . ) >»
On peut d o n c , suivan t cet a u te u r , apposer d e s c o n d itio n s a une in s titu tio n ; il y a
p l u s , une institution qu i ne va u d roit pas , dans certains cas , com m e disposition d i r e c t e ,
peut va loir c o m m e c o n d it io n d ’une autre institution régulièrem ent faite ; et il nous
atteste que telle étoit la ju risp ru d e n c e sous l'e m pire de la coutum e du Bourbonnais.
L e b r u n , en so n T r a ité d e s s itc c . , liv .
cette doctrin e.
3,
c h a p . a , rc°s. i 3 e t 45 , professe égalem ent
'
Ce po in t de d ro it n ’est pas n ou ve au ; il a toujours été perm is de stipuler a u p ro fit d 'u n
t i e r s , lorsque telle étoit la c o n d itio n d ’ une d on atio n q u ’on faisoit à un autre.
On peut consulter le litre 1er. J u i ; V- 4 5 du D ig e s te , qui en fournit plusieurs exemples,
n otam m ent la lo i
58 e t
suiv. ; ainsi que la l o i 10 ^ ff. d e p a c t i s d o ta lib u s .
L e C o d e N a p o l é o n , art. 11 a i , n ’a fait que m ain tenir et consacrer les anciens p rincipes
à cçt égard ; il est ainsi c o n ç u :
« O n p e u t p a r e i l l e m e n t s t i pu l e r au prof i t d 'u n tie r s , l or s q u e tel l e est la c o n d itio n
d un e s t i p u l a t i o n q u ' o n fait p o u r s o i - m ê m e , ou d ’ une d o n a tio n q u e l'o n f a i t à un a u tr e ;
c e l ui q u i a fuit c e t t e s t i p u l a t i o n ne p eut pl us la r é v o q u e r , si le tiers a d é c l a r é v o u l o i r en
profiter. »
D an s ce cas , la disposition au profit du tiers va ut c o m m e co n d itio n de la donation ;
et elle d ev roit être exécutée à l’égard de ce tiers , d it M . G r e n i e r , q u o i q u ’il ne l ’eût
pas acceptée , pa rce que la d on atio n subsisteroit a vec toutes ses cond itio ns , en vertu de
l ’a ccep tation que le donataire en auroit faite , en supposant q u e lle s n’eussent pas été r é
voquées par le donateur. {Traité d es donat. , tom. \ ,p a g . a 3 j.( «°. 7 4 . )
A la v é rité , cette disposition au profit d'u n tiers , q u i vaut c o m m e c o n d itio n d ’une
institution , ne jouit pas de toutes les prérogatives de l'institution elle-mêm e ; le tiers désigné pour r e c u e illir l ’objet de la disposition, n ’en est p>s saisi irrévocablem ent : elle peut
être révoquée au gré des c ap rices de l ’in s titu a n t, à la différence de l'institution , q ui n’es-t
pas révocable.
C ’est en c e sen s, et uniquem ent p a r c e q u e le d o n a te u r ou l ’ in s titu a n t
n 'e s t p a s lié , q u ’on p e u t dire que la disposition cond itio nn elle n ’est pas confirmée par
la faveur du c o n tra t , c o m m e l’institution.
Mais cette faculté de révo ca tion ne com péte q u ’à l ’instituant ou don ateur ; de ce qu’il
n est pas lie envers le tiers désigné , il ne s’ensuit pas que le donataire ou l’institué ne le
soit p a s : une charge a-t-el le été imposée à ce d e r n i e r , il ne d épend pas de lui de s’y
soustraire. Il peut être contraint à s’y c o n fo rm e r , soit par le donateur ou l in s t i t u a n t ,
soit s u b o r d o n n p m e n t, par le tiers d é s i g n é , si l’instituant est d écédé sans l’avoir revoquee*
•C est une loi qui lui a été imposée c o m m e c o n d itio n du b ie n fa it ; il ne peut s en dégager
q u V n renonçant au bienfait lui-mêm e.
L a l égi s l at i on n o u v e l l e a m o d i f i é , â quelques égards , l es p r i n c i p e s anci ens s ur ce t t e
m a t i è r e , en c e q u ' e l l e ne p e r m e t pl us à cel ui q u i a fait la s t i pul a t i o n de la r é v o q u e r ,
l o r s q u e le tiers a d é c l a r é v o u l o i r en prof i t er.
M a i s c e c h a n g e m e n t de l égi sl at i on n i nfl ue
en 111*11 sur la s o l ut i on d* la d i f f i c u l t é q u ’o n é l è v e à la d e mo i se l l e D u u i o n t .
D e s c o n d i t i o n s p e u v e n t d o n c être a ppos ée s à une i n st i t ut i on.
§. I I .
U n p r é c ip u t p e u t - il ¿tre une c o n d i t i o n d in s titu tio n ?
S i , cotnmc on c ro it l ’avoir dém on tré , des conditions pe uve n t être apposées à une i n s
�( i4 )
ti t ut i on
on n e v o i t pas ce q u i p o u r r o i t f ai re o b s t a c l e à ce q u ’ un i nst i t ué f ût t e n u d e s o uf f r i r
l e p r é l è v e m e n t d ’u n p r é c i p u t , c o m m e c o n d itio n d e son i nst i t ut i on.
O n v i e n t de v o i r q u e s u i v a n t
le s e n t i m e n t
d ’A u R O u x , d e L e b r u n , et de t ous les
a ut eur s q u i o n t traité la ma t i è r e des i n s t i t u t i o n s , o n p eut f ai re passer à des tiers une
q u o tité d e s ucce s si o n , c o m m e c o n d i t i o n d e l ' i n s t i t ut i o n f ai t e au profi t de c e l u i q u i se
m a r i e : à c o m b i e n p l us f orte ra i s o n do i t - o n d é c i d e r q u ’une d i s p o s i t i on au p r of i t d ’ un
t i e r s , q u i n ’a p o u r b u t q u ' u n e c h o s e p a r t ic u liè r e , q u ’ un co rp s c e r ta in e t d é te r m in é ,
p e u t v a l oi r c o n n u e c o n d i t i o n d ’ un e i ns t i t u t i on : c est l e cas d ’a p p l i q u e r la m a x i m e q u e ,
q u i p e u t le p lu s p e u t le m o in s , m in u s l i c e t c u i et p lu s ; et la r c g l e in eo q u o d p lu s
s i t sem p er i n e s t e s m in u s. ( L o i 11 o , Jf. d e reg u lis j u r i s .)
C e q u e la ra i s o n p a r o i t l é g i t i m e r , l ’aut o r i t é des a n c i e n s a vo c a t s d e la s énéchaussée du
B o u r b o n n a i s l e c o n f i r m e d e la m a n i è r e la mo i n s e q u i v o q u e .
O n p e u t p r o d u i r e , à l ’a p p u i de c e t t e a s s e r t i o n , p l u s i e u r s d é c i s i o n s d e M M . H e u i l : l a r d , T o u r î t , D u r y , C h a r r i e r et B e r a u d , é c r i t e s de la i nai n de ce de r n i er , â
l a m a r g e d ’u n a n c i e n c o m m e n t a i r e de la c o u t u m e de B o u r b o n n a i s ,
par P a v o n , l equel
a a p p a r t e n u à M . B e r a u d , l ’u n des p l us c é l éb r é s j ur i s co ns ul t es q u ’ait p r o d u i t cette
province.
« L e 7 j u i l l e t 1 7 6 1 , d i t - i l , M M . H e u i l l a r d , D u r y , T o u r e t et mo i a v o n s d é c i d é
q u e d e h u i t enf ans q u a v o i en t les sieur et d a m e Bo n n c l a t , en a y a n t i n s t i t ue q u a tre lie*
ri t i ers p a r égal e p o r t i o n a ve c les a u t r e s , sous lu réserve d'une, somm e de s i x m ille
liv r e s, p o u r en d i s p os e r p a r quel s actes q ue r e f ut d ’e n t r e - v i f s , o u à cause d e m o r t ,
a v o i e n t d i s p os é i n f r u c t u e u s e m e n t de la m o i t i é de ce t t e rés er ve au p r of i t de G i l b e r t ,
l eu r fils p u î n é , p ar le c o n t r a t de m a r i a g e de P a u l , l ’a î n é , p o u r la d i s p o s i t i on n ’a v o i r
p a s été a c e r p t é e p a r G i l b e r t , ce t t e d i s p o s i t i o n n ’a y a n t a u c u n c a r a c t è r e d ’actes e n t r e
v i f s , ou à cause de m o r t , p a r l esquel s les p è r e et mè r e a v o i e n t rest rei nt la f o r me de l eu r
d i s p os i t i o n ; q u e c e t te d is p o s itio n ne v a lo i t q u e p o u r la p o r tio n d e P a u l , co m m e
c o n d itio n d e son i n s t it u t io n , et a t t r i b u t i o n de l ’a ut re m o i t i é de la ré s er ve q u i lui a v o i t
été faite p a r son c o n t r a t de ma r i ag e . ».
Ce s j ur i s c o n s u l t e s , en d é c i d a n t q u e la d i s p os i t i o n f ai t e p a r l e c o n t r a t de ma r i ag e d e
P a u l , au prof i t de G i l b e r t , v a l o i t , p o u r la p o r t i o n de P a u l ,
c o m m e c o n d i t i o n de
so n i ns t i t u t i on , ont f o r m e l l e m e n t d é c i d é q u e le p r é l è v e m e n t d ’ une s o m m e , o u d ’un
c o r p s c e r t ai n , p o u v o i t être app o s é c o m m e c o n d i t i o n a une i n s t i t u t i on .
A u t r e d é c i s i o n , d u i 5 j ui l l et 1 7 7 a : « P a r l e c o n t r at de ma r i a g e d u s i eur G o s s e a v e c
E l i s a b e t h L a p l a n c h e , G i l b e r t L a p l a n c h e a i ns t i t u é l a di t e É l i s a b e t h s o n h é r i t i èr e p a r
ég a le p o r tio n a v e c ses autres enf ans , so u s u n e réserve d e f o n d s d e v a le u r d e q u in z e
m ille f r a n c s ; p a r le m ê m e a c t e , G i l b e r t L a p l a n c h e a di sposé de tro is m ille livres sur
c e t t e réserve , au prof i t <1’A n t o i n k L a i - l a n c h e , s on f i l s , P o u r *a p r e n d r e et p r é l e v e r
a v a n t tout p a r t ag e de la s uc c e s s i o n .
G i l b e r t L a p l a n c h e étant m o r t le 17 s e p t e mb r e 1 7 7 1 ,
il s’est agi ent re les e n f an s G o s s e , A n t o i n e et M. tri e L a p l a n c h e , n o n ma r i é s , c o m m e n t
d e v a it s e p re n d r e le p r é c ip u t.
MM. D u r y ,
Les p ar t i e s a y a n t c o m p r i s et
n o m m é p o u r arbi tres
C h a r r i e " e t m o i B i r a u j > , nous a v o n s a m p l e m e n t agité la q u e s t i o n ,
si le p r é c i pu t d e v o it être p r it en en tier sur la p o r t i o n d e la réserve a f f é re nt e aux e nf an s
G o s s e , ou s ’ils n e d e v o i e n t y c o n t r i b u e r
que
p o u r l e u r p o r t i o n v i r i l e . No u s é t i ons
d ’a c c o r d q ue Ma r i e L a p l a n c h e , non mariée, , n e d e v o i t pas y c o n t r i b u e r . P a r s e n t e n c e
a rbi t ral e du i 5 jui l l et 1 7 7 2 , n o u s a vo n s j u g é , c o n t r e I’ayi s d e M . D u r y > q u e le p r é -
�Ul
'W *
( ï5 )
c i p u t d e v a n t se p r e nd r e p a r p r é l e g s avant -partage , l es m i n e u r s G o s s e n ' y c o n t r i b u o i e n t
que pour un tiers ; q u ' A n t o i n e L a p l a n c l i e , p r é c i p u é , e n c o n f o n d o i t u n ti ers en sa p e r
s o nn e , et q u ’il p e r d o i t l e tiers au r e s p e c t de M a r i e L a p l a n c l i e , non m ariée. »
Il résul te é v i d e m m e n t de c e t t e s e n t e n c e a r b i t ra l e , q u e les trois j u r i s c o n s u l t e s q u i 1 o nt
r e n d u e ét oi ent d 'a v is unanim e q u e l e p r é c i p u t v a l o i t c o m m e c o n d i t i o n de 1 i n s t i t u t i o n
d ' E l i z a b e t h L a p l a n c l i e , et q u e M a r i e L a p l a n c l i e , n o n m a r i é e , ni p a r c o n s é q u e n t i n s
t i t u é e , ne d e v o i t pas y c o n t r i b u e r ; en sorte q u ’i l s n e d i f f é r o i e n t d o p i n i o n q u e s ur la
q u e s t i o n de s a v o i r si le p r é c i p u t s eroi t pri s e n e n t i e r sur la p o r t i o n d e la r es er ve a f f e r e n t e
aux mi n e ur s G o s s e , e nf ans d ’E l i z a b e t h L a p l a n c l i e , i n s t i t u é e , o u s'ils n e d e v o i en t y c o n
t ri b u e r q u e p o u r l e u r p o r t i o n v i r i l e .
,
Ce s aut ori t és i m p o s a n t e s , é ma n é e s des pl us fidèles i n t e r p r è t es d u d r o i t c o u t u m i e r q u i
r égi s s oi t la p r o v i n c e d u B o u r b o n n a i s , d o i v e n t être d u p l us g r a n d p o i d s dans la d é c i s i o n
d e c e t t e cause.
M a i s elles se t r o u v e n t e n c o r e étayées p a r une j n ri spru den ce q u e s on a n c i e n n e t é n e
r e n d q u e p l u s r e s pe ct ab l e .
C ’est ce q u e nous assure A u h o u x - D e s p o m m i e r s , en son Com m entaire sur l ’ art. 3 o 8 ,
n°. 5 , où il r a p p o r t e un arrêt du 22 mai 1 7 1 6 , q u i a j ugé v a l a b l e un p r é c i p u t a t t r i b u é à
u n m â l e p a r las c o nt r at s de ma r i ag e de ses soeurs, c o m m e c o n d i t i o n d e l e u r i n s t i t u t i o n .
C e t arrêt q u ’ A u n o u x ne fait q u ’i n d i q u e r , se t r o u v e a m p l e m e n t d é v e l o p p é , a v e c les
c i r c o n s t a n c e s q u i l ’a c c o m p a g n è r e n t , dans les not es m a nu s c r i t e s de M . B t R A u n , d o n t
c o m m u n i c a t i o n a été d o n n é e aux d a me s D e v a u r e et d e la R o q u e : l ' i m p o r t a n c e d e c e t t e
cause nous Tait un d e v o i r d ’e n t r a ns c r i r e l i t t é r a l e m e n t l ’e x t r a i t , tel q u ' i l existe dans la
s ource q u e nous i n d i q u o n s .
« A u r e s pe c t d u c o n t r a t d e m a r i a g e , y est-il d i t , n a î t un e que s t i on , s a v o i r , si la c o u
t u m e a p r é t e n d u q u e , p o u r la v a l i d i t é du p r é c i p u t , i l f u t néce s sa i r e q u ’il f ût fait p a r le
c o n t r a t du p r é c i p u é , ou si le mâl e n ’ é t a n t p o i n t en âge ou s i t uat i on de se m a r i e r , ses pèr e et
i n er e p e u v e n t , pur le c o n t r a t d e ma r i a g e d ’ une de ses soeurs, faire a u d i t mâ l e p r é c i p u t va l a bl e?
« C e t t e q u e s t i on f ut agi tée e n l ' a nn é e 1 7 1 6 , s u r u n a p p e l d ’ u n e s en t e n c e d e m o n s i e u r
l e s é n é c ha l , r e n d u e par d é f a u t , au prof i t de M . S é b a s t i en M a q u i s , a v o c a t , l e 29 août
1 7 1 4 , co n t r e d a m e A n n e M a q u i n , é po us e du si eur P a l i e r n e d e l ’ E c l u s e , et d a m e
M a r i e - E l u a b e t h M a q u i n , épous e d u s i eur D e s b o u c h a i n s , soeurs d u d i t S é b a s t i en
M a q u i n , l esquel l es lui c o n t e s t o i e nt u n p r é c i p u t de trente m ille liv res , q u i a v o i t été
r é s e r v é p a r le c o n t r a t du l adi te A n n e M a q u i n , p o u r en di s pos er au p r of i t des m â l e s , tel»
et ainsi q u e b o n s e m b l e r o i t au s i eur Sé bas t i en M a q u i n et E l i s a b e t h P i e d e m e s , p è r e et
m è r e des part ies ; de l a quel l e s o m m e ils a v o i e n t di s pos é au p r o f i t de S é b a s t i e n , l eu r fils,
p a r le c o n t r a t d e l adi te M a r i e E l i z a b e t h M a q u i k . L a c l a u s e d u d e r n i e r c o n t r a t é t o i t
t out -à-f ai t re l at i v e au p r e m i e r , et ell e étoi t
1 o n ç u e en ces t e r me s t
« C o n s o m m a n t le c h o i x rt la di s pos i t i on q u e se s ont réser vés d e l adi te s o m m e de trente
mille, livres , à c e t é g a r d , ils o n t d é c l a r é q u ’ils e n t en d e n t q u e ce t t e s o m m e soit pri se et
Pr é l e v é e après l eu r dé c è s , par f o r m e de p r é c ip u t , p a r S é b a s t i e n M a q u i s , l eu r fils ,
»ans q u e l edi t p r é c i p u t p r é j u d i r i c au p a y e m e n t de la s o m m e de vingt-quatre u n
q u i l ui sera fait p o u r l ’ég.ilcr a v e c les de mo i s e l l e s ses s œ u r s l o r s de son élu
e l i vr es
i ssei nent o u
a u t r e m e n t , ainsi q u ’ils a v i s e r o nt ; sans l a q u e l l e rés er ve de p r é c i p u t l esdi ts p è r e et mèrede l a f ut ure l’auroi ent a p a n é e , c o m m e il leur est p e r mi s p ar la c o u t u m e de c e t t e p r o v i n c e , ,
et sous c o n v e n t i o n q u ’o ù la f u t u r e v o u d r o i t c o n t e s t e r l edi t p r é c i p u t , e l l e demeurera; ero
•
�( 16 )
e f f e t a pa né e p o u r l a d i t e s o m m e d e v i n g t - q u a t r e m i l l e l i v r e s . L a s e n t e n c e r e n d u e f aut e d e
c o m p a r o i r , ' p o r t o i t q u ' a v a n t d e p r o c é d e r au p a r t a g e , l edi t S é b a s t i e n M a q u i n p rélèvera it
la s o m m e d e t re nt e m i l l e l i v r e s p o u r le p r é c ip u t à l ui a c c o r d é , e n s e m b l e le s in t é r ê t s ,
p o u r mo i t i é , d u j o u r d u dé c è s de sa m è r e , et de l ’aut re m o i t i é à c o m p t e r s eu l eme n t d u
j o u r du d é c è s du s i eu r M a q u i n pèr e.
« L e s d a m e s a p p e l a n t e s , p o u r f ai re i n f i r m e r la s ent ence , se f o n d o i e n t s u r l ’art. 3 o 8 ,
et p r é t e n d o i e n t q u e le p r e c ip u t ne p o u v o it être la is s é q u e p a r le c o n tr a t d e m a ria g e
d u p r é cip ité ; q u ’a i n s i , il f a l l o i t e n t e n d r e c e s t e r m e s , en fa v e u r d 'i c e l u i m a ria g e. E l l e s
a j o u t o i e n t q u e l ' i n t i mé ne p o u v o i t qua l i f i e r l edi t act e d e d o n a tio n e n tr e - v ifs , p a r c e
q u ' i l n ’a v o i t pas a c c e p t é ; q u e s’il di s o i t q u e c e f ût un e d o n a t i o n à c a us e d e m o r t , i l ne
p o u v o it être h é r itie r e t lé g a ta ir e ; q u e bi e n étoi t v r a i q u ’en c o n s é q u e n c e d e la ré s er ve
f a i t e , le si eur M a q u i n p è r e p o u v o i t d i s p os e r , ma i s q u Jil ne l ’a v o i t pas f i i t v a l a b l e m e n t
p a r un a c te étran g er à l'i n t im é ; e n f i n , q u e la s i eur M a q u i n pèr e ri avait p u , p a r une
s t ip u la tio n p é n a le , fai re Val oi r u n e c l a u s e n u l l e et c o n t r a i r e à la loi .
« L ’i n t i m é , e n r é p o n s e , se s er vi t d e qua t r e p r i n c i p a u x m o y e n s ;
« i ° . Q u e la loi n ’é t o i t p o i n t c o n ç u e en t e r me s p r o h i b i t i f s , et p a r c o n s é q u e n t p o u v o i t
p e r m e t t r e une s t i p u l a t i o n c o n t r a i r e ; q u e sa p r é t e n t i o n n e t o i t p o i n t c o n t r a i r e à la l o i ;
q u e le p r é c i p u t é t o i t f ai t à d e s c e n d a n t , e n c o n t r a t de mari . i ge et en f a v e u r d ' i c e l u i ,
p u i s q u 'i l é t a it le p r i x d u r a p p e l d e s f i l l e s , q u i a u r o ie n t été a p a n ées sans l edit p r é c i p u t ;
« 2°. Q u e cette prétention éto it suivant l ’esprit de la c o u t u m e , qui tendoit , par le s
a r t. S oi ,. 3o 5 , Z07 , 3 i o et S i 1 , à la faveur des mâles, au préjudice des filles ; que la c o u
tu m e n’a réprouvé les avantages faits par donations en tre-vifs, testamens et autres actes
p a r tic u lie r s , que parce que lesdits actes étoient p a r t ic u li e r s , et que 1rs avantag-s auroient
pù être faits à l ’ in sçu e t s a n s le c o n s e n te m e n t d e s a u tres e n f a n t , c.e que l'on ne p o u v o it
présum er en un c o n tr a t d e m a r ia g e , qui est un acte pu b lic et c o m m u n à toute la famille ;
« 3 ®. Q u e le* a pp e l a n t e s a v o i en t c o n s e n t i a u d i t p r é c i p u t , et q u ’il n ’y avoi t p o i n t de
s t i pu l a t i on p é n a l e , ma i s q u e c ’étoi t u n e c o n v e n t i o n faite a v e c fille m. i jeure;
«
4°.
Par l ’u sa g e de la p r o v i n c e , é ta b li par l ’extrait de tr e n te - n e u f c o n tr a ts d e m a
r ia g e , c o n te n a n t p a r e ille c la u s e , le rn n iij d e la s e n te n c e , une a tte s ta tio n d e s a v o ca ts
du barreau d e la sénéchaussée, d e s p r o c u r e u r s , et un c e r tific a t d e s notaires-,
« E t sur l ’a p p e l , l ' i n t i m é a y a n t f o r m é i n c i d e m m e n t d e m a n d e à ce q u ’en c o n s é q u e n c e
d e la c o n t e s t a t i o n q u i é<oit f ai t e et f o r m é e du p r é c i p u t , les a pp el a nt e s d e me u r a s s e n t
a p a n é e s , c o n f o r m é m e n t a \i cl a us e de s c o n t r a t s d e mari age.
« L e 22 mai 1 7 7 6 . au r a p po r t d e M . l ' a b b é P ucf . l l f , i nt e r v i nt arrêt :
« L a • o u r m i l l 'appt-l Uiion
n é,int t o r d o n n a q u e c e d o n t a voi t été a p p e l é s o r t i r o i t
ef f et ; et s ur la d e m a n d e d * .Sébastien M a q u i n , à fin d e d é c h é a n c e d u r a p p e l , m i t les
p a r t i e s l\ors d e c o u r ; c o n d a m n a le» «pr i a nt e s à l’a m e n d e , et tant el l es q u e leurs ma r i s
a u x troi s qua r t s de> d é p r n i , l ' a ut r e q u a r t c o m p e n s é . »
L ' e s p è c e d e c e t arrêt a ht p l i M g m n d e . m. dngi r avec, c e l l e q ui f.i■
t la ma t i è r e d e la c o n t e s
t at i on p e n d a n t e e n t r e la d e mo i s e l l e Du mo nt n tes part ¡es ad verses : on pou 1 roi t m ê m e s o u
t e n i r q u e ces d e u x e spè ces sont i d e nt i q u e s ; la s eul e d i f f é r e n c e q u ' ou y d é c o u v r e est q u e ,
di t q u e si la f ut ur e cont es t e le p r e c i p u t , ella dem eurera
apanée à la soin me de v i n g t m i l l e li vres ; t andi s q u e , dans n o t r e espéc./j, il est dit q ue , sans
da n s l ' es pèce de M a Q U I N , il
les c h a r g e s et c o n d i t i o n s de l ’i n j t i t u t i u n , la f ut u r e aurait été apanée à la s o m m e q u i l ui
est c o n s t i t ué e en d o t . .
�M3
(
17
)
L a demoiselle D u m ô n t fait Cette rem arq u e , parce q u ’il convient en tout de rendre
hom m age à la vérité, et q u ’elle veut prouv er à ses adversaires q u ’elle ne ch erch e à a ffoiblir
aucune de leurs objections : mais on leur prouvera bientôt que cetle variante ne doit être
d ’aucu n e considération dans la c a u s e , et q u e , dans l'u n et dans l ’autre c as, i l y a apanage,
s’il n ’ y a pas institution.
Q u a n t à présent , la seule conséquence à tirer de l ’arrêt de 171(1, est q u 'il a jugé in
te r m in is , q u ’une disposition de p r é c ip u t est valable lorsqu'elle est a p p o sé e , com m e con*
d ition j à une institution.
Q u ’on ne dise pas que l ’a rrêt a ainsi jugé , à raison de la m enace de forclu sio n , d o n t les
effets se fussent réalisés si l’on n'eut po in t a cc o r d é le précip u t.
*
O n répondra que la clause de l ’apanage est étrangère à la question de valid ité de préCiput ; que si cette clause de p r é c ip u t avoit été contraire à la l o i , ainsi que le porte un déj
considerans du jugement de G a n n a t , e lle a u r o it été réputée non é c r i t e , n o n o b sta n t la
m e n a c e d e fo r c lu s io n . Il a toujours été de p rincipe q u ’ une c la u s e p é n a le ne p o u v o il
v a li d e r une c la u s e c o n tr a ir e à la l o i , parce qu’autrem ent on pourroit se réserver le s
m o y en s d e v io le r lu lo i à son gré.
Il faut d o n c tenir po u r constant que si cet arrêt à d éc laré la disposition du p r é c ip u t
valable , c ’est parce q u ’une pareille disposition , q uoique faite hors le contrat de mariage
du précipué , n ’a rien de contraire à la l o i , lorsqu ’elle est une con d itio n d ’institution.
L a r a i s o n , l ’autorité des jurisconsultes de la sénéchaussée du B o u rb o n n a is, et la juris
p r u d e n c e , con cou ren t à établir q u 'u n p r é c ip u t p e u t être une c o n d itio n d 'in s t it u t io n .
§. III. L e p r é c ip u t d e la terre d e M o n t d o i t être a ttr ib u é à A n d r é D u m o n t , co m m e
la c o n d itio n d e l'in s t it u tio n d e s e s sœ urs.
P o u r se c o nvain cre de cette v é r i t é , il suffit d ’analiser la clause des contrats de mariage
des soeurs d ’A n d t é D u m on t.
Cette clause contient une institution restreinte par la stip u la tion d'une réserve , et
modifiée par plusieurs conditions q u ’il a plu aux instituans d 'y apposer ; condition» te l
lem en t liées et fondues dans un m êm e c o n t e x t e , a vec la clause d ’in stitu tion , q u ’il est i m
possible d en supprim er une par la pensée, sans a n é a n tir,d a n s le voeu des instituans, l’in i titutio n elle-inêiue.
Par cette clause , les père et m ère in stituen t leurs f i l l e s , sous une réserve déterminée ,
dont ils auront la faculté de disposer.
Ils instituent sous la c o n d itio n que si l ’un d ’eux d éc c d e Sans avoir dispôso de la
portion de la réserve , le survivant aura le droit de disposer de la totalité.
Ils'instituen t sous la c o n d itio n que s’ils d écèd en t l ’ un et l ’autre sans a vo ir disposé de Ia
réserve, elle a p p a r tien d r a , en toute propriété , à A n d ré D u m o n t , leur fils, à titre de p ré
c ip u t. « l a d i t e in s tit u tio n f a i t e , est-il d i t , so u s l a d i t e réserve, e t à c o n d td o n d e lad is p o s itio n . »
Enfin , ils instituent sous la c o n d itio n que la future laissera jouir le
survivant
des pere
et m ère, de la portion qui lui seroit revenue dans les biens du p r é d é c é d é .
S a n s to u te s le s q u e lle s c h a r g e s , c la u s e s et c o n d i t i o n s , e s t i l ajouté , la d i t e i n s t it u
tio n n ‘ a u ra it été f a i t e , et la future auroit été «panée moyennant sa constitution dotale.
Cette clause contient év id em m en t tro is c o n d i t i o n s , auxquelles les pere et in tre des d e
moiselles D u m o n t on t entendu sub ordo nn er l ’institution faife à leur profit.
.
5
* i{
�O r , deux de ces conditions se sont accom p lie s dans l ’intérêt d ’A n d ré D u m o n t .
E n effet, une prem ière con d itio n a ttachée à la cause d'institution , est q u ’en cas de
non disposition, la terre de M o n t appartiendra íi A n d r e D u m o n t . O r, P rocu le Pitat est d é
cédée sans a v o ir disposé de sa m oitié de la réserve ; l ’év én em en t de la c o n d itio n a d o n c
assuré à A n d r é D u iu o n t la m oitié de cette terre p a r v o ie d e d e s tin a tio n .
U n e d euxièm e con d itio n apposée à l'institution , est q u ’en cas de non disposition de la
part du p r é d é c é d é , le survivant aura le d roit de disposer de la totalité de la réserve. O r ,
cette seconde c o n d itio n s’est a c c o m p lie , au profit d 'A n d r é D u m o n t , par son contrat de
m ariage , en 178g ; la moitié de cette terre , d u c h e f de la mère , lui a donc encore été assurée
par v o ie d 'é le c tio n .
Il y a donc double m o tif de d é c id e r que le p réc ip u t appartient à la représentante d ’ A n
d ré D u m o n t , par la raison q u ’il lui a été a c q u i s , ou p a r v o ie d e d e s tin a tio n , ou pur v o ie
d ’ éle c tio n -, à moins q u ’o n ne d écid e q u 'il lui a été acquis p a r l'u n e e t l ’a u tre v o ie s
réu n ies.
O n persistera sans doute à soutenir que ces deux cond itio ns doive n t être réputées non
écrites , c o m m e contraires à la loi ;
Q u e la c la u s e d e d e s tin a tio n de la terre de M o n t au profit d ’A n d r é D u m o n t , hors son
contrat de mariage , est une c ontraventio n à l ’ art. 217 de la coutum e du Bourbonnais ;
E t que la f a c u l t é d ’ élir e donnée au survivant des père et mère , est contraire aux dispo
sitions de l ’ a rt. 226 de la mêm e cou tu m e.
I l c o n v ien t d ’a p p réc ier cette objection , et de la réduire à sa juste valeur.
E n ce qui con cern e la c la u s e d e d e s tin a tio n de la réserve , au profit d ’ A n d ré D u m o n t ,
à titre de p r é c i p u t , com m e cond itio n de l'institution de ses soeurs, on a déjà vu q u e , suivant
l'o p in io n des jurisconsultes les plus éclairés de la ci-devant sénéchaussée du Bourbonnais,
u n e telle disposition étoit valable ; et que cette opinion n étoit point une inn ov atio n en
ju risp ru d e n c e , puisq u 'elle se trouve consacrée par un a r r ê t , q ui rem onte à 1716.
. P o u r c o n c ilie r cette jurisprudence avec l ’a rt. 214 de la coutume , tout consiste à ne pas
confo nd re les dispositions p r in c ip a le s et d ir e c t e s , avec les dispositions r ela tiv es et c o n
d itio n n e lle s .
Ain si , par exemple , une donation p r in c ip a le ¡ q u ’ un pere auroit faite à son Fils , d ’ u n e
m a n iè r e d i r e c t e , et com m e disposition p r in c ip a le , par le contrat de mariage d ’un de
ses frères , seroit n u lle , parce q u ’une telle donation est prohibée par l ’ a rt. 217.
M ais il n ’en est pas de même d ’une d i s p o s i t i o n r e l a t i v e et i n d i r e c t e , qui se rattache c o n
d itio n n e lle m e n t à une d i s p o s i t i o n p r in c ip a le >teHe q u ’une i n s t i t u t i o n , et qui doit suivre
le sort de cette i n s t i t u t i o n , dont elle est une d é p e n d a n c e ; en sorte que c ’est moins la
d i s p o s i t i o n rela tiv e qu il faut c o n s i d é r e r en elle-m êm e , et i s o lé m e n t , pour juger de sa
V a l i d i t é , que la d i s p o s i t i o n p r in c ip a le à laquelle elle se r a tta c h e , et dont elle fuit essen
tiellem ent partie.
C e n ’est pas seulem ent en matière de p réc ip u t que la loi v a l i d o i t , com m e c o n d itio n
n e lle s , des dispositions qu’elle prohiboit lorsqu’elles étoient p r in c ip a le s et d ir e c te s .
C ’est ainsi q u e , c o m m e on l ’a déjà d i t , l ’institution faite par un p è r e , en faveur
de deux en fa n s, par le contrat de mariage de l’un d ’e u x , étoit n u lle à l ’égard de c elu i
qui ne sem.irioit pas ; tandis que
51 l'institution
n ’étoit faite q u ’en faveur de celui qui se
i n a r io i t , à la charge d a s s o c ie r son frère , la disposition étoit v a la b le au profit de ce der
nier , coim ne c o n d itio n de l'institution fait« à l ’autre.
�iJ i
( \9 )
C ’est ainsi q u ’en coutum e du B o u r b o n n a i s , la disposition faite par des époux pendant
le mariage , au profit du s u r v i v a n t , de l ’usufruit des biens du p réd é cé d é , étoit n u lle ,
c o m m e contenant un avantage p rohib é , tandis q u ’elle a toujours ete consid érée c o m m e
v a la b le lorsqu’elle se raltach oit à une in stitu tion de leurs enfans , et qu elle en étoit la
con d itio n ; ce q ui nous est attesté par tous les com m entateurs , et n otam m ent par
A uroux
, su r le s are. 226 , n°. 10 , et 227, «°.
3 o.
Il ne faut d o n c pas s’étonner si les adversaires on t c r u raisonner juste dans leur
système , en parlant d e l'a r t. 217 de la c o u tu m e ; leur erreur pr o v ien t de ce q u ’ils o n t
fait une confu sion p e rp étu elle des clauses constituant une donation p r in c ip a le , avec les
dispositions relatives et c o n d itio n n e lle s , q u i se régissent par des régies de droit b ien
différentes.
C est sur les principes que nous venons de d évelopp er , que repose essentiellement une
consultation signée de trois jurisconsultes recom inandablcs de C l e r m o n t , M M . B o i r o t ,
B
ergier
et D
artis
, sous la date du 12 d é ce m b r e i 8o 5 .
D a n s c e t t e c o u s u l t a t i o n , d e m a n d é e et o b te n u e p a r M . D
evaure
lu i- m ê m e , d o n t
les a p p e l a n s o n t sous les y e u x une c o p i e f i dè l e me n t c o l l a t i o n n é e s ur c e l l e q u i est d a n s
le* ma i n s des i n t i m é s , ces j u r i s c o n s u l t e s o n t f o r m e l l e m e n t d é c i d é q u e le p r é c i p u t
d e v o i t être r e l â c h é à la d e mo i se l l e D u i n o n t , e n v e r t u d e la c o n d i t i o n app o s ée à l ’i n s
titu tio n de ses tantes.
« L a coutum e du B o u r b o n n a is , d isen t-ils, étoit une co u tu m e de forclu sio n légale:
on lit dans l ’a rt.
5o 5 ,
que toute fille mariée et d o té e , ou , ce qui est s y n o n y m e , a p a n è s
par ses père et mère , est forclose de toutes successions directes et collatérales.
« La dame D ev a u r e , mariée et dotée par ses père et m è r e , étoit d o n c forclose de
droit par leur seul silence , et par le seul effet de la loi m unicipale.
« A u lieu de cette forclusion r ig o u reu se , les pcre et mère l ’appellent à leur succession ,
mais ils l'a ppellent a vec d e s m o d ific a tio n s ; ils veulent bien q u ’elle soit leur héritière
par égalité avec sa sœ u r et son fr c r e , mais non pas dans l'universalité de leurs biens;
ils en exceptent la terre de M ont.
« Peut-on dire que cette exception ne leur fu t pas permise ? pouvant livrer leur fille
a une forclusion absolue , ne pou voient-ils pas laisser du m oins subsister cette f o r
clusion pour une partie quelconque de leur f o r tu n e , ou pour tel et tel objet p a rticulier ?
« C o m m e on le dit v u l g a i r e m e n t , qui peut le plus peut le moins : les sieur et d ame
D u m o n t pouvant priver leur fi!le de leur succession , pouvoient à plus forte raison ne
1 en priver qu en partie ; et s ils ont voulu que la forclusion subsistât pour celte p a rtie ,
leur volonté doit être accom plie.
<( O r , cette volonté a été e i p r i m e e de la manière la p lu s ex p r esse dans le contrat de
mariage de la dame D evau re , en ce q u ’il y est dit form ellem en t que la dame D evau re
n est 'usfituée leur héritière q u ’à cond itio n q ue la terre de M o n t demeurera exceptée do
cette in s titu tio n ; que sans cette c o n d itio n l'in stitution n ’ a u r o it p a s été f a i t e , et la
ju tu r e a u r o it é t é a p a n é e m o y en n a n t la d o t q u i v a lu i être c o n s t i t u é e .
Apanage qui auroit produit lo u t son effet pour la succession d 0 1° dame D u m o n t ,
Puisqu’elle est décédée en l 7 86.
« La conséquence de tout ce q u ’on vient de dire , c ’est que si la représentante d ’A n d ré
D u m o n t conserve la terre de M o n t en p r é c i p u t , et sp écialement la moitié qui en a a p
partenu à la dame D u m o n t , ce 11’est pas en vertu de la disposition q ui en a été faite en
�( 20
)
faveu r d ’A n d r é D u m o n t , par son contrat de mariage du S i niai 1 7 8 9 , disposition q ui
étoit nulle p o u r la portion de la daine D u m o n t d é c é d é e ; mais parce que c ’étoit u n e
CONDITION EE l ' î NSTITUTION F AI T E AU PROFIT DE LA DAME D E V A U R E , Une ex cep tion
à l'in stitu tion de cet objet p a r t i c u l i e r , pour lequel les sieur et dam e D u m o n t ont voulu
laisser subsister la forclusion pron on cée par la c o u t u m e , forclu sio n à laquelle ils n’ont
Voulu déroger que pour le surplus de leurs biens.
« C ’est à ces idées simples que doit se réduire la question proposée; envisagée sous ce
po in t de vue , la décision 11’en peut être fa vorable à la dame D evaure. »
A in si s’e x p r i m e n t , dans l ’avis donné à la dam e D ev a u re , ces ju ris c o n s u lte s , don t
l ’aut6riié imposante ne sauroit être suspecte.
O n objectera peut-être , contre cet a v i s , que la forclusion légale ne peut être p artielle;
que l ’apanage est une sorte de fo r fa it qui tient lieu de la succession ; q u ’on ne peut être
apanée p o u r partie et héritière po ur p a r tie; que ces deux qualités sont in c on ciliables.
O n con v ien d ra d e la vérité de ces p r i n c i p e s , en matière de forclusion lé g a le, lors
q u ’elle a lieu dans le silence des parties , et p a r le se u l e ffe t d e la lo i m u n icipale.
ft^ais il n ’en est pas de m êm e lorsque les père et m è r e , dérogeant à cette forclusion
l é g a l e , appellent leur fille à leur succession par une institution contractuelle. Ils peuvent
alors faire l ’équ iva len t d 'u n e forclusion p a r tie lle , en imposant des charges et des c o n d i
tions à l ’institution , parce que les charges et conditions sont le prix de la n on-forclusion
légale , et de son rappel à la succession conven tion nelle ; aussi ces jurisconsultes ont-ils
form ellem en t d é c id é que la demoiselle D ü m o n t d ev oit conserver le p r é c i p u t , parce que
c'éto it u n e c o n d i t i o n d e l ’ i n s t i t u t i o n faite aux dames ses tantes.
Il reste à examiner quels pe uve n t être les effets de l ’espèce de f a c u l t é d ’é l i r e donnée
au s u r v i v a n t , par la clause q ui l ’autorise à disposer d e la to ta lité de la réserve.
I l est à peu prés indifférent à la d em oiselle D u m o n t q u ’on valide ou non les effets
de l ’é l e c t i o n faite dans le c o n tra t de mariage de son pére , puisqu’il est démontré
q u ’elle a un titre Incontestable au p r é c ip u t dans la d estin a tion prim itive de la terre
d e M o n t , au profit d e son p è r e , con n u e charge e t co n d itio n d e l'in stitu tio n de»
dames D evaure et d e Beauregard.
Mais il i m p o r t e , p o u r l ' h o n n e u r de s p r i n c i p e s , d e d i s c u t e r e n c o r e , s ous c e p o i n t
d e v u e , la q ue s t i o n d e la v a l i d i t é d u p r é c i p u t .
1
Les j ur i s c o n s ul t es d o n t i l v i e n t d ’être p a r l é , o n t é mi s l ’o p i n i o n q u e c e t t e f a c u l t é
to’ ÉLi RE é t o i t n u l l e , et q u e la d e mo i se l l e D um on t n e p o u v o i t r é c l a m e r l e p r é c i p u t ,
d u c h e f de P r o c u l e P i t a t , q u ’en v e r t u d e la cla u se co n d itio n n e lle d e destination .
E n rendant hom m age aux vastes ronnoissances de ce» j u r i s c o n s u l t e s , 1« demoiselle
D u m o n t se perm ettra de penser q u ’ils o n t erré sur ce p o i n t , et que leur erreur provient
d e ce q u ’ils ont considéré cette fa c u lté d ’électio n . en elle-m êm e , d ’une manière a b
solu e , et Art l iso la n t de l institution dont e lle éto it une d es co n d itio n s ; tandis q u ’il
falloit ra iso n n er, dans l ’e sp èc e, sur cette fa c u lté d ’é lir e , c o m m e ils ont raisonné sur la
disposition de préciput par la v o ie de la d estin a tion con dition n elle.
O n distinguoit autrefois deux sortes de dispositions subordonnées à la fa c u lté d ’elire :
— l u n e de ces espèces con ten oit un don fait à qu elqu ’ un avec charge d e rendre à un
tiers q u ’ il pourroit élire ; il y avoit là év id em m en t substitution fidéicommissaire.
L 'a u tre espèce avoit lieu lorsque la disposition étoit faite, indéfiniment ou parmi plu«ieurs personnes in d iq u é e s, à celui qui seroit élu par le tiers désigné ; elle ne c o n teu o it
�Ü?
( 2t )
aucun avantage au profit de Celui q u i devoit ¿lire ; et c ’est dans cette espèce que rentre
]a fa culté donnée au s u r v iv a n t, dans les contrats de mariage des dames D ev au re et de
Beauregard.
O n p o u r r o i t d o n c s o ut e n i r q u e ce t t e di s p o s i t i o n , p a r cel a seul q u ’elle n e c o n f è r e a u
cun é m o lu m e n t au s u r v i v a n t , ne c o n t r e v i e n t p o i n t aux l oi s p r o h i b i t i v e s d a v a n t a g e s e n t re
é p o u x ; et c e p e n d a n t ces j ur i s c o n s ul t e s ne f o n d e n t la n u l l i té de la di s pos i t i on f a c u l t a t i v e
d o n n é e au s u r v i v a n t , q ue sur ce q u ’ell e est c o n t r a i r e d l'a r t. 227 de la c o u t u m e , q u i n e
p e r m e t a u c u n a va nt a ge e nt r e ma r i et f e m m e , q u e c e l u i d u d o n m u t u e l des me u b l e s et
a c q u ê t s en u s u f r u i t , et dans le cas s e u l eme n t o ù ils n' ont p o i n t d ’e nf a n t d e l e u r u n i o n .
M a i s suppos ons q u ’il y e û t dans c e t te f a c u lt é d 'é l ir e un a va n t a g e q u e l c o n q u e au prof i t
du s u r v i v a n t , la n u l l i té d« la d i s p os i t i o n d e v r o i t - e l l e s’e n s ui v r e ?
C ’est i c i q u ’il c o n v i e n t d e r a p p e l e r la d i s t i n c t i o n des di s p o s i t i o n s p r in c ip a le s e t d i
r e c te s d ’a v e c les d i s p o s i t i o n s rela tiv es e t c o n d itio n n e lle s .
Sa ns d o u t e d e u x c o n j o i n t s , q u i p a r le c o n t r a t de m a r i a g e de l ’un d e l eurs e n f a n s , o u .
p a r t o u t a ut r e a c t e , d o n n e r o i e n t au s u r v i v a n t d ’e u x , d a n s le u r in térêt r e s p e c t if , et
p a r une cl a us e d ir e c t e e.t p r in c ip a le , la f a c u l t é de t r a ns me t t r e t out o u p a r t i e d e la suc*
c e s s i on d u p r é d é c é d é à un h é r i t i e r à é l i r e , f er oi ent u n e s t i pu l a t i o n n u lle , c o m m e co n t r ai r «
aux lois p r o h i b i t i v e s d ’a va n t a g e s e nt re é p o ux .
M ais il en est bien autrement lorsque cette faculté est donnée au survivant des c o n
jo in ts, par les contrats de mariage de leurs enfans , c o m m e ch a rg e e t c o n d itio n e x p r e s s e
d e leu rs in s titu tio n s .
L a raison e st, c o m m e on l ’a déjà d i t , q o e ce qui ne vaut pas dans un ca s com m e d i s
position p r in c ip a le , peut v a lo ir com m e disposition c o n d itio n n e lle .
C ’est a i n s i , on le r é p è t e , que le don fait par c o n jo in ts pendant le mariage , au profit
du s u r v i v a n t , de l ’usufruit des biens du p réd é cé d é , est nulle c o n n u e contenant un a va n
tage prohibé , tandis q u ’elle est v a la b le lorsqu'elle se r a tta c h e à u n e in s tit u tio n et
q u 'e lle en e s t la c o n d itio n .
C ette distinction est fon d ée sur ce que les c on v en tion s m atrim on iales sont susceptible#
de toutes sortes de clauses et c o n d itio n s qui n ’ont rien de contraire a u x bonnes m œ u rs,
et sur ce q u ’on ne pe u t pas séparer la r e n d itio n de la libéralité à laquelle elle est atta
chée , q u i s e n tit c o m m o d u m s e n tir e d e b e t e t onu s.
O r , c ’est com m e c o n d itio n de l ’in stitu tion des dames D e v a u r e et de Beauregard q u e
les sieur et dame D u m o n t o n t respectivem ent d o n n é , au su rviv an t d ’eux , la faculté de
disposer de toute la réserve ; c e q u i résulte de ces mots : « sa n s to u te s le s q u e lle s c la u s e s ,
c h a rg es e t c o n d itio n s , la d it e in s titu tio n n a u r o it été f a i t e . »
D ’où il y a lieu de c o n c lu re que la d isposition faite par Jean D u m o n t p è r e , de U
m oitié de la réserve , du c h e f d e P ro c u le P it a t , par le c o n tra t de mariage de 178 9 , en
faveur d ’A n d ré D u m o n t , est valable ; ce qui d o n n e surab on d am m en t à la r e p r é s e n t a n t *
d A n d ré D u m o n t un double titre à cette réserve.
t r o i s i è m e
r « o r o s i t [ o k.
S i les d a m e s D eva u re e t d e la R o q u e r e n o n c e n t an b én éfice d e le u r in s titu tio n ( en
su p p o sa n t q u 'e lle s y s o ie n t en co r e r e .c e v a b lc s, e lle 1 d o iv en t ê tte r é d u ite s à un
a p a n a g e , f i x é p a r le u r c o n s titu tio n d o ta le .
C e tt e prop osition ne p e u t f<*ire la matière du plus léger d oute : elle se trouve parfai-
6
�fv
( 22 )
teraent établ i e , et p a r l a
b o n n a i s , et p a r l e
pacte
l o i m u n i c i p a l e qui régissoit l ' a n c i e n n e p r o v i n c e d u B o u r
d e f a m i l l e q u i f ai t la l o i de toutes les par t i e s .
E lle est établie par la loi m u n icipale.
T o u t l e i n o n d e sait q u e , p o u r q u ’u n a p a n a g e f û t v a l ab l e c o m m e f o r c l u s i o n l é g a l e ,
c i n q c o n d i t i o n s é t a i e n t req-uises ;
i ° . Q u e la personne apanée fût une fille , et i l n ’im portoit qu’elle fut noble ou r o t u
r iè r e , majeure ou m i n e u r e , po u rv u q u'e lle eut l ’âge compétent p o u r le mariage ; a0, q u ’elle
fût mariée ;
ascendant ;
5 J.
5 °-
dotée ; 40. que la constitution dotale fût faite par père et mère ou autres
qu elle fut payée , en tout ou en partie , du v iv a n t des père et m ère.
E t il n ’étoit pas nécessaire , pour que l’apanage eût lieu , q u ’o n se fût servi du m ot
a p a n a g e : c ’étoit un point r o u tn m ie r incontestable , que la sim ple dotation d ’une fille
einportoit apanage et exclusion des successions de ses père et mère.
C 'est ce que nous attestent A
uroux,
D
fcullant
, D
urit
, G
enin
, V
incent
et
J a c q u e s P o t i f . r , a ncien s com m en tateu rs de l a coutu m e du Bourbonnais.
« U n e fille qu i a été m a riée , dit A
uroux
, par père ou par m ère , aïeul ou aïeule, et
à qui on a d onné en mariage quelque chose de certain , est réputée a p a n é e, et excluse
par conséquent des successions exprimées dans n otre a r tic le , q u o iq u ’elle n 'y eût pas expressement r e n o n c é , et q u ’on ne se soit pas servi, du m ot a p n n è ou a p a n a g e ; car il n ’est
pas nécessaire, po u r la valid ité de cette exclusion t a c it e et c o u tu m iè r e , q u ’on se soit
servi du mot a p a n é e , po u rv u qu’il y ait dotation f.iite a la fille , etc. »
O r , les d a me s D e v a u r e et de Beaur»-gard o n t é t é m a r iée s et d o té e s p a r l e u r s pèr e et mè r e ;
elles o nt r e ç u , du v i v a n t desdi ts p è r e et mè r e , tout o u p ar t i e de l eurs dot s ; il est d o n c
d a n s le voeu de la loi q u ’elles soi ent a p a n é e s , si elles ne s ont i nst i t ué es .
Ain.'i , lors même que lessieur et d.une D u m o n t ne se seroient point expliqués s u r l e u r
intention que leurs filles fussent apanées dans le cas ou elles n’accepteroient point l'ins
titu tio n avec ses charges , il faudroit nécessairement con clu re de leur reno nciatio n à l'ins
t i tu t io n , qu'elles demeurent apanées par la seule force des dispositions coutumiéres.
M ais cet apanage résulte e n outre
du p a c t e de f a m i l l e
qui fait la loi des parties.
L ' i n t e n t i o n des s i eu r et d.itno D u m o n t , q u e les d a m e s D e v a u r e et de Beauregard s oi en t
a p a n é e s si elles n ’a c c e p t e n t l eur i n s t i t ut i o n a v e c ses charges et conditions , est écrite eu
Oros
'
c a r
ac i è r e s dans leurs, c o n t r a t s d e ma r i a g e .
« De s i n s t i t u t i o n s l eur f u r e n t a c c o r d é e s , d i t M . C
iiabroud
dans nne c o n s u l t a t i o n d u
2 3 j ui n 1^07 , d o n t les i n t i m é s o n t une- c o p i e , à la c h a r g e d e la r é s ç r v e d e la terre d e
M o n t , à la c h a r g e d e la d i s p os i t i o n q u i s er o i t fai te de cett e t er re p a r les i n s t i t u a nt o u
l e s u r v i v a n t d ’e u x , à la c h a r g e d e ta d e s t i n a t i o n à A n d r é D u m o n t à d é f a u t de d i s p o ï i t i o n ; et les d o n s d e 40,000 l i y . en a v a n c e m e n t d e s uc c e s s i o n , e n t r è r e n t d a n s la i nèoi a
co mbin aison d ; volonté.
« C e q u ' i l f au t c h e r c h e r dans les d e u x c o n t r a t s , c ’rst l ’i n t e n t i o n des i n s t i t u a n s ;
v o lu n ta tr m p o t in s q u a n t v erh a s p e c iu r i p la ç a i t . ( L . 2 1 9 . f j . da v e r ho ru ni s ig n if. )
« O r , après a vo ir énum éré fes <h.irges qu'ils imposent aux instituées , ils fout é> rire que
ta n s to n te s c e s c h a r g e s , c la tts e s et c o n d itio n s , la d i t e in s titu tio n n ’ a 11ro it été f u i t e ,
et la d i t e f u t u r * a u r o it été tl p a n ce m o y en n a n t la d o t q u i a lla it lu i c tr - c o n s titu é e .
a Q u e signifie c e l t e ex p l i c a l i o n , qui n e s t pas là sans d e s s e i n , si c e n est q u e la l oi
*st L i t e à l’i nst i t ué e d ’.ic< o m p l i r les c h a r g e s et c o n d i t i o n s , ou d e r e n o n c e r à l 'i ns t i
t u t i o n , e t , d a n s c e c a s , de n ’être p l u s qu^un c fillo apai i ee et e x c l uo ? »
�( 23 \
*9
T o u t est i c i c o n d itio nn el : l'apanage ou l ’in s titu tio n , voilà l ’alternative qui est offerte
aux dames D evaure et de la R o q u e .
Il y a in s titu tio n , si les instituées se soum ettent aux obligations q u ’on leur i m p o s e ;
auquel c a s , les constitu tion s de 40,000 liv . sont u n avancem ent de l ’avantage q u i en
résultera.
S i , au c o n t r a i r e , les instituées se refusent à leurs obligations , les institutions disparoissent , et les constitutions ne sont plus q ue des fixations d ’a p a n a g e , d ’où résulte
l ’exclusion.
T e l l e fut év id e m m e n t la vo lo nté des in s titu a n s, et elle est la règle des deux institutions ;
p rim u m lo ciim o b t i n e t , rég it q u e c o n d itio n e s . ( L o i 19 , f f . d e e o n d it. e t d e m o n st. )
Osera-t*on dire , avec les intim és , que la clause ne contient point un apanage formel ;
q u ’elle ne manifeste que l ’intention où étoient les pere et mère d ’apaner leurs filles , dans
le cas ou elles n ’eussent p o in t été instituées sous des charges ?
U n e par ei l l e o b j e c t i o n s er oi t d ’a u t an t pl us i n o p p o r t u n e , q u e , c o m m e o n l ’a dé j à d i t ,
l o r s m ê m e q u e les s i eur et d a m e D u m o n t n ’a u r o i e n t pas e x p r i m é l eu r v o l o n t é , ell es
n e n s er oi ent pas m o i n s a p a n é e s , en r e n o n ç a n t à l ’i n s t i t u t i o n , p a r l e seul ef f et de l ’e x
c l u s i o n t ac i t e et c o u t u i n i è r e q u i r é s u l t e d e l e u r d o t at i o n .
M a i s c o m m e n t oser s o u t e n i r de b o n n e f oi q u e les s i eu r et d a m e D u m o n t n o n t pas
- suf f i samment m a ni f e s t é l e u r v o e u , l or s q u' i l s d é c l a r e n t s u b o r d o n n e r à des c o n d i t i o n s le
n o n - a p a n a g e d e l eur fille , et l eur r a p p e l à la s uc c e s s i on .
On le r é p è t e , ce pacte de fam ille auroit dû être sacré p o u r les dames D e v a u r e et de la
R o q u e ; rien ne d ev oit les dispenser d ’en exécuter religieusem ent le contenu.
.
Il devoit être d ’autant plus respectable à leurs y e u x , qu'il ém anoit d'un père et d ’une
m ere qui avoient été les artisans de leu r fo r tu n e , et q u i ont laissé une succession opulente
à des filles in g ra te s , qui insu ltent à leur m é m o ir e en foulant aux pieds leurs dernières
dispositions , lorsqu’elles d evoien t être p o u r elles des lois saintes et in v io lab les.
M ais il y a plus : tout ho m m e sensé ne verra dans une telle ob jec tio n q u 'u n e m isé
rable subtilité , q u ’un jeu de mots p u é r i l , qui fait d égén érer la cause en pure l o g o m a c h ie ,
in d ig n e de la majesté de la justice et de la sagesse de ses ministres.
E ll e avoit été pressentie par un drs c om m en ta teu rs de la co u tu m e du B o u rb o n n a is.
« N ous r e c e v o n s , d it M e n ü d e l , le précipu t au profit des uiâles au contrat de mariage
de la fille mariée et instituée héritière avec les frères, à la charge d u dit précipu t au profit
des f r e r e s , parce que les ascendans qui instituent p o m o ie n t apaner la fille , auquel cas la
r enonciation eût profité auxdits mâles. »
« Mais po u r «ter tout doute , a jo u t e - t - i l , il est à p ro p o s de d ire que les père et mère
®nt doie la fille de la som m e d e .......... à l.i charge de ve n ir à la succession en r ap p o rta n t,
que ou elle fuurniroit débat con tre ledit précipu t , déclarent qu'ils apanent ladite filla
6 la somme d e ..............p a r ce qu en mettant sim plem ent la clause q u ’ils instituent ladite
le sous ledit p r è r .ip u t, «lie peut dire q u ’elle n’a pas été apanée à défaut de l’exécu tion
e ladite clause , q u i so n n e to u te fo is e n i n s t i t u t i o n c o n d i t i o n n e l l e , et que les mots q u i
*®roient dans le contrat , sans lequel p réc ip u t les père et mère J'auroient n p a n e e , ne son t
P « un apanage f o r m e l , mais plutôt une sim ple énonciation d» dessein d ’apaner , le q u e l
n tant pas disertemeut exp liq u é , ne d*-vroit pas l'em pêcher de venir aux successions 11&
intestat des pere et m ère , en rapportant : laquelle o b je c t io n 11 est pourtant pas c o n s id é **
�( 24 )
ible , parce que le mot de b o t emporte quant à soi l ’ a p a n a g e
ral
p re ssen ti. »
On
v o i t que le c o m m e n t a t e u r M
enudel
,aliquo dalo de
a v o i t p r é v u ce t t e p u é r i l e o b j e c t i o n , e t
q ue l cas il en fait !
Il dit
par form e de c o n s e i l , et p o u r ôter tout prétexte aux subtilités de la c h i c a n e ,
q u 'il vaut mieux rédiger la clause de telle m a n i è r e , p lu tô t que de telle a u tre ; mai*
elle n ’en s o r t i r o i t pas moins effet , suivant l ui , parce que le m ot de d o t em porte tou
jo u r s quant à so i l apanage.
A in si , la question se trouve résolue , in te r m in is , par lin des hom m es les plu*
habiles et les plus expérimentés dans l'in telligen ce et l'interprétation de sa cou tu m e , par
un de ceux même qui l’ont com m en tée .
E t les dames D evaure et de la R o q u e auroient pu se flatter de réussir dans leur
tém éraire entreprise !
Osons le dire : s’il en étoit ainsi , il n ’y auroit plus rien de sacré parm i les h o m m e s ;
n u l a cte ne seroit A l’abri des atteintes de la cu pid ité et de la mauvaise foi. L ’effronterie pou rroit se jouer im p u n é m e n t de la foi des traites, et 1 ho m m e de bien deyroit
d outer de la justice u m n e .
D E U X I È M E
P A R T I E .
,
L e ju g em en t dont est a p p e l repose sur des m otifs insignifians ou erronés.
Si
m ité
la
dem oiselle
D u m o n t a , ainsi q u ’o n le p e n s e , c o m p lètem en t justifié la l é g it i
de ses prétentions , on d evra nécessairement en c o n c lu re q ue les premiers juge*
ont erré dans leur d éc isio n .
Mais pour ne rien laisser À désirer dans cette cause , elle va soumettre au creuset
de la discussion le s p r é te n d u s p r in c ip e s qui ont servi de base à leur jugement.
P b e m i e ' b m o t i f . « Une réserve faite avec stipulation que la disposition en sera f,iita
en faveur de^celui des enfans qu'il plaira à l ’in stitu a n t de c h o i s i r , n o t e point à l'in s
titu é le d ro it de r e c u e illir sa po rtio n dans 1 objet r e s e r v e , lorsque 1 instituant d ecede
sans d i s p o s i t i o n . »
RÉr ONSE. C ette prop osition est incontestable : elle étoit vraie sous lV m p ire de l ’or
d o n n a n c e de i 7 5 i , com m e elle l'est e n c o re a u jo u r d 'h u i , depuis que l'a rticle a de la
lo i du 18 p lu v iô se an
5
¡1 été abrogé.
M a is reçoit-elle applicatio n à l’e s p è c e ?
P o u r soutenir avec succès l'a ffirm ative , il faudroit que les sieur et d am e D u m o n t
e u s s e n t fait une réserve sous la seu le stipulation qu'ils p o u r r o i e n t en disposer en f.ivour
de c elu i de leurs enfans q u ’il leur p la iro it choisir.
Il f a u d r o i t faire disparoitre de l ’institution la clause , q u 'en cas de non disposition da
leur part , la réserve appa rtien droit à A n d ré D u m o n t à titre de p r é d p u t .
Il faudroit faire disparoitre de l ’institution la clause , qu en cas de non disposition d«
l ’ un d ’eux , le survivant pourra disposer de la totalité de la réserve.
Il faudroit f.iire disparoitre d u contrat de m ariage d ’A n d ré D u m o n t , la disposition d«
cette réserve effectuée ji.tr le sieur D u m o n t pare.
Il f a u d r o it, eu un m o t , c h a n g e r l ’état de la question.
C e p rem ier u i o t i f est d o n c en tièrem ent insignifiant.
�( *5 )
D e u x i è m e m o t i f . « A n d ré D u m o n t n ’a pu être saisi dé la terre de M o n t , par la clause
de destination , i°. parce qu'il étoit étranger aux contrats de mariage de ses soeurs , et q u ’il
est de principe que les contrats ne pe uve n t valoir q u ’entre les contractans ; z a. parce que
d après lesdispositions de T a rt. 219 de la coutum e du B ourbonnais, la donation ne p o u voit
Valoir à son p r o f i t , q u ’autant q u ’ elle auroit été faite par son contrat de mariage. »
ïlÉroN SE. Les-contrats ne pe uve n t valoir q u ’entre les contractans ; mais aussi doivent«
ils va loir entre les contractans ta n q u à m so n a n t ; o r , les sieur et dame D u m on t , c o n
tractans , n o n t in s titu é les dames Devaure et de Beauregarcl , q u ’à la charge de souffrir
la distraction de la terre de M o n t , destinée à celui des enfans qui seroit c h o i s i , et à A n d ré
D u m o n t , à d é fa u t da c h o ix . La cou tu m e du Bourbonnais qui permettoit cette institution,
ne s opposoit point à ce qu elle fut modifiée et grevé« de cette charge ; et la lo i ayant été
ainsi faite p a r les in s titu a n s, et n ’étant point c ontraire à la c o u t u m e , il n ’ y a pas da
m oyen légitim e de ne pas l ’e x é c u te r , à moins q u ’on ne renonce à l ’institution ; auquel
c a s , il ne reste plus qu une simple d o t a t i o u , e m p ortan t e x c lu s io n c o titu m iè r e , et par
conséquent a p a n a g e.
l i n v a i n d i r o i t - o n q u A n d r é D u m o n t n ’a y a n t pas f i guré au c o n t r a t , n« p e u t en r e q u é r i r
1 e xé c u t i o n : un e a c t i o n u t i l e a t o u j o u r s é t é a c c o r d é e d a n s le d r o i t , au tiers dé s i g n é , p o u r
f ai r e v a l o i r l u i - mê me , à son p r o f i t , la v o l o n t é d u d o n a t e u r , j n x t à d o n a to r is v o lu n ta le m .
N ou s avons d ém ontré que l ’ancien d roit accord oit cette action ; et l’art. 1121 du C o d e
N a p o l é o n , qui n ’est q u ’un résumé des principes à cet é g a r d , les consacre de nouveau.
C est ainsi que celui qui étoit institué sous la c o n d itio n d ’associer son frère, n’auroit
pu se dégager de la c o n d itio n , sous le prétexte que son fic re n’étoit pns partie co n tra c
tante au contrat.
L a demoiselle D u m o n t sera toujours fondée à dire aux dames DeVaure et de la R o q u e :
Ou vous vous présentez pour succéder en vertu de votre titre d ’in s titu tio n , ou bien vous
renoncez à ce titre ; dans le premier c a s , votre titre est in d iv is ib le , et vous devez l ’exécuter
in tégralem en t; dans le second c a s , n ’étant plus institu ées, vous n ’êtes que d o t é e s , et
dès-lors vous êtes f o r c lo s e s d e d r o i t , parce q u ’aux termes de l ’article 3o5 , et suivant la
ju risp rud ence la plus constante , toute fille sim plem ent d o té e est par cela m ême a p a n é» ;
d où il résulte que vous ne pouvez venir c o m m e héritières a b in te s ta t.
« M a i s , dit-on , suivant l ’art. 219 de la coutum e , la donation ne pouvoit valoir «u profit
d A n d r é D u i n o n t , qu autant q u ’elle auroit été faite par son contrat de mariage. »
O n ne répétera po in t i c i tout ce q ui a été dit p r é c é d e m m e n t , sur la différence essen
tielle qui existe entre une donation d ir e c t e et p r in c ip a le , et une disposition rela tive et
c o n d itio n n e lle attachée à une donation principale , d on t elle est une dépendance , et dont
®lle doit suivre le sort.
Kn d év elop p an t les vrais principes sur cette matière , on croit avoir réfuté d ’avance , et
Ur>e manière victorieuse , l ’ob jec tio n proposée.
M ais on léc a r te ra plus vic torieu se m en t e n c o r e , par l ’ exemple déjà rapporté.
ne institution faite au profit de deux fr è r e s , est nulle à l’égard de celui qui ne se mae l,i<s , tandis que si l ’on n'institue que celui qui se marie sous la condition que son frère
issoi ie à I i n s t i t u t i o n , e l l e v a u d i a au prof i t d e c e d e r n i e r , c o m m e c o n d i t i o n de l 'i ns
t i t u t i o n fa |le |vllltri,
C e d e u x i è m e m o tif est d o n c erroné, et c o n t r n i r e ¡1 une jurisprudence de plusieurs siècles.
T-Ro x s i e m e
motif.
« P r o c u l u P i i a t , ui ère des p ar t i e s , é t a n t d é c é d é e a v a n t le ma r i a ge
�( 36 )
d e son fils , et n ’a y a n t pas été à p o r t é s ,1e f ai re , en s* f a v e u r , la di s pos i t i on d e p r ê c i p u t
q u ' e l l e lui d e s t i n o i t , da ns la f o r m e q u ’i n d i q u e l ’ a rt, z i g de la c o u t u m e , ses trois enfans
ont é t é saisis d e sa s uc c e s s i o n au m o m e n t de son d é c è s . »
HÉroNSF.. C e m o t i f rentr e dans le p r é c é d e n t ; i l s up po s e q u e la t er r e de M o n t n ’ a pu être
a t t r i b u é e à A n d r é O ü i n o n t , p a r la d o u b le c o n d itio n app o s ée à l ’i ns t i t ut i o n de ses soeurs :
le c o n t r a i r e
ayant
Q uatrièm e
é té p r o u v é , on se di s p e n s e r a de r é p é t e r c e q u i a déj à été di t .
m o t i f
. « Les cl auses , c h a r g e s et c o n d i t i o n s a pp o s ée s a ux i n s t i t u t i on s des
d a me s D e v a u r e et de B e a u r e g a r d , é tant c o n t r ai r e s à la loi , d o i v e n t être r é p ut é e s n o n
é cr i t es . »
R é i ’O n s f . A u c u n e loi ne d é f e n d d ’i mp o s e r à u n i nst i t ué la c o n d i t i o n de s o u f f r i r le p r é
l è v e m e n t d ’un p r ê c i p u t ; et , au c o n t r a i r e , o n a t o u j o u r s t enu p o u r p r i n c i p e q u e les c o n
v e n t i o n s m a t r i m o n i a l * * é t o i e n t s us c e pt i b l es de toutes sortes d e cl a us es et c o n d i t i o n s q u i
n ’o nt r i en de c o n t r ai r e aux b o n n e s m œ u r s . '
L a r ai s on d i t
q u e des c o n d i t i o n s p o u v a n t êtr e apposées à un e l i bé r a l i t é , r i e n n e s’o p
p o s e à c e q u e le p r é l è v e m e n t d ’un p r ê c i p u t soit u n e de ces c o n d i t i o n s .
L e sentiment des auteurs, l ’autorité des anciens jurisconsultes de la sénéchaussée du
B o u r b o n n a i s , une jurisprudence d ’un siècle , tout atteste q u ’une telle c ond itio n n’a rien
d 'illicite et de con tra ire à la loi.
. C e m o t i f est d o n c e n c o r e e rroné.
M a i s ce n'est pas tout ; il est e r r o n é sous u n a ut r e r a p p o r t q ui a é c h a p p é aux p r e mi e r s
Ils avoient sans doute p e rd u de vue la différence que les lois romaines ont tracée entre
les cond itio ns illicites apposées d a n s le s te s t a m e n s , et les conditions illicites apposées
d a n s le s c o n tr a ts .
L e s p r e mi è r e s y aux t er mes d e la lo i 1 0 4 , §. i , f f . d e Irg a tis x ° . , et de la loi
3,
f f . do
c o n d itio n ib u s et d e m o n s tr a tio n ib n s , s ont r é put ée s n o n é c r i t e s , v itia n tu r e tn o n v itia n t.
L e s s e c o n d e s , au c o n r a i r e , v i c i e n t r a d i c a l e m e n t les cl a us es a u x q u e l l e s elles s ont a p
p o s é e ; , e t e m p ê c h e n t q u ’il en naisse a u c u n e o b l i g a t i o n : c ’est c e q u e d é c i d e n t e xp r e s s é me nt
l a loi 3 i , ff. d e o b lig u tio n ib n s e t a c t io n ib u s , et la lo i 7 , f f . d e v erb o ru m o b lig a tio -
n ib u s ; et c ’est ce q ui a été j ugé p ar d e u x arrêts de l a c o u r de c a s s a t i o n, des a z n i vô s e an q ,
et 6 floréal an n , r a p po r t é s p a r M . M f . r l i n , e n ses Q u e s t . île d r oi t . , v e r b . c o n d i t i o n .
I l s’agissoit , dans la d e u x i è m e e s p è c e , d ' u n e i nst i t ut i on c o n t r a c t u e l l e ;i l a quel l e on a v o i t
i m p o s é la c o n d i t i o n que l ' i nsti t ué ép o u ser a it te lle p erso n n e ; c o n d i t i o n q u e le d e m a n d e u r
en ca s s a t i o n s o u t e n o i t i l l i c i t e , et c o m m e t el l e r èp u to it non é c r ite .
« Q u a n d nous s u p po s e r i o n s , di sai t M . M b b l i n , q u e la c o n d i t i o n i i n p o s é e à M a g d e l c i n e
f î i r o i r , d ’é po us e r Pit-rre R o b y , d û t être c o n s i d é r é e , d ’apr ès le» I o n r o m a i n e s , c o m m e
i l l i c i t e , d é s h o n n ê t e et i m m o r a l e , à q u e l l e c o n s é q u e n c e c e t t e s u p p o s i t i o n nous c o n d u i r o i t eUe ?
« El le n ous c o n d u i r o i t
di r e , , n o n pas q u e la
condition
d é po us e r d o i t , d ' a p t è s les
lois
r o m a i n e s , être r e g a r d e s c o m m e non é c r i t e , mais, q " « l'in s t it u tio n c o n tr a c tu r llu f.iite
sous cett e c o n d i t i o n , d o it Ptre regarda 9.c o m m e n u lle d a n s son p r in c ip e ; »
et
il f o n d e
cette dé c i s i o n sur les lois r o m a i n e s citées,.
JLa lo i
, f f île oblig. fit n c tio m b u s , et les co n s u l er an s de 1 arrêt de la C o u r de c a s
sati on , d u 22 n i v ô s e an q , d o n n a n t p o u r m o t i f de cette d i f f é r e n c e e n t re IVffrt dt*$ c o n d i ù o n s i l l i ci t es apposées r.ux t o s l a m e n s , et ce l l e s appos ées aux n c t i s e n t r e - v i f s , q ue ces
�(2 2
( %1 '
de r n i e r s actes s ont l’o u v r a g e de pl us i eur s p e r s o n n e s q ui s t i p u l e n t s e l o n l e u r s vues et leurs
i n t é r ê t s ; e n sort e q u e ces c o n d i t i o n s e l l e s - mê me s o n t dû e s s e n t i e l l e me n t e n t r e r dans le*
c o m b i n a i s o n s de leurs v o l o n t é s , et q u' i l faut r e s p e c t e r la v o l o n t é d e t o u s , om nium volu n ta tes speclantur.
A la vé r i t é , l'a r t. 900 du C o d e N a p o l é o n a d é r o g é au d r o i t r o ma i n , en c e q u e d a n s les
d o n a t i on s e n t r e - v i f s , il r é p u t e n o n écri t es , c o m m e da ns les testatnens , les c o n d i t i o n s i m
p ossi bl es , et ce l l e s q u i s er oi ent c o n t r ai r e s aux moeurs et à la l oi ( Répert. du ju r is p . , p a r
M .
M
e r l in
, verb.
co n d itio n
) ; mai s le c h a n g e m e n t de l égi s l at i on n e p eut a vo i r a u c u n e
i n f l u e n c e s ur le sort d ' u n e co nt e s t a t i o n q ui d o i t se j ug e r d ’a pr ès les l oi s a n c i en n e s .
A i n s i s’il étoi t possi bl e de s u p p o s e r q u e h c o n d i t i o n d o n t il s’agi t f ut c o n t r a i r e a ux l o i s ,
les daines D e v a u r e et d e la R o q u e n e s er oi ent pas da n s u n e p o s i t i o n p l u s f a v o r a b l e ; c a r la
n u l l i t é d e la c o n d i t i o n e n t r a î n a n t cel l e de l ’i ns t i t u t i o n , ces d a m e s se t r o uv e r o i e n t r é dui t e s
a u n e s i mp l e d o t a t i o n , q u i o p é r e r o i t u n e f o r c l u s i o n l égal e.
Sous tous les r a p p o r t s , c e q u a t r i èm e m o t i f d u j u g e m e n t est d o n c u n e c o n t r a v e n t i o n à
tous les p r i n c i pe s .
C i n q u i è m e e t s i x i è m e m o t i f s . « A n d ré D u in o n t n'a pu être saisi de la m oitié de la
terre de M o n t , d u c h e f de P rocule P i t n t , par la disposition qu'en a faite son père à son
profit , en vertu de cette faculté réservée au survivan t , parce que ce droit d ’élection est
contraire à la coutum e du B ou rb on nais, suivant laquelle les époux ne p e u ve n t se d on n e r
que la jouissance m utuelle des meubles et acquêts , et dans le cas seulement où il n ’existe
pas d ’enfant de leur n nion. »
R
é po n se
.
L a d e mo i s e l l e D u m o n t a c o m p l è t e m e n t ré f ut é ce m o t i f da n s c e q u ’elle a d i t
sur les effets de la fa cu lté d 'é lire : p o u r ne pas se l i v r e r à des r é p ét i t i on s f as t i di eus es , e l l e
se c o n t e n t e r a de r a p p e l e r q u e , dans l ’ e s p c c e , l a f ac u l t é d o n n é e au s u r v i v a n t n ’e m p o r t e
p o i n t de s ubs t i t ut i on f î d è i c o i n mi s s a i r e , q u ’ell e ne l ui c o n f è r e a u c u n é m o l e i n e n t ; q u e s o u s
c e p o i n t de v u e , elle n ’est p o i n t c o n t r a i r e aux lois p r o h i b i t i v e s d ’a vant age s e nt re é po ux .
Q u e dans t o us les cas, si une telle f a c u l t é n e p o u v o i t v a l o i r c o m m e d i s p o s i t i o n p r i n c i pa l «
et d i r e c t e en f av e u r d u s u r v i v a n t , ell e do i t s ort i r effet c o m m e c o n d i t i o n d ’i nst i t ut i on ;
p a r la m ê m e rai son que le d o n d ’usufrui t des bi ens d u p r é d é c é d é en f av e u r d u s u r v i v a n t ,
q u i e m p o r t e p r o f i t , et qui ne peut a v o i r effet c o m m e d i s p o s i t i o n p r i n c i p a l e , est n é a n m o i n s
Val abl e q u a n d il est u n e d é p e n d a n c e d ’i n s t i t ut i o n c o n d i t i o n n e l l e .
S t p T i E M n e t dei\ n i e r MOTi r. « L ’i n e x é c u t i o n des c o n d i t i o n s ne c o n s t i t ue , c o n t r e les
dai nes D e v a u r e et de la R o q u e , a u c u n apa na ge , p a r c e q u e si les s i eur et d a m e D u m o n t
eussent vo ul u q u e leurs fille» f ussent ré dui t e s à un a p a n a g e , ils se s er o i en t s ervi s d ' e x p r e s
sions q u i ruî l aissrroi ent a u c u n d o u t e sur l eur v o l o n t é . »
RiïrONSF.
L o r s m e ne q u e les s i eur et d une D u m o n t n ’ a u r o i e n t p i s ma ni f e s t e 1 i n
tent i on o ù ils e t o i e nt q ue l eurs filles f ussent a panées si ell es n ’e x é c u t o i e n t pas les charges
*t c o n d i t i o n s de l eu r i ns t i t ut i o n , il est é v i d e n t q u e p a r le seul
fait
de l eu r
renonciation
a 1 i ns t i t ut i o n , elles se t r o u v e r o i e n t f orcl os es d e p l e i n dr oi t , en v e r t u des d i sp os i t i o ns
de la c o u t u m e . L a d e mo i se l l e D u m o n t se c r o i t di s p e n s é e d e r a p p e l e r i ci les p r e u v e s i rr é•istibles q u ’e l l e en a d o n n é e s .
Mais qui pourroit douter de l'intention des père et mère , lorsqu ils disent fo r m elle
m en t que sans toutes les cla u se s, cjiargfs et c o n d i t i o n s attachées à l institution leurs
filles n auroient point été instituées , mais apanées 11 leurs constitutions dotales ? .N'est-ce
pus le cas de répéter sans cesse , p o tiù t voluntatem quàm verba sp ccta ri p la ça it..
J J t
�A p rè s avoir réfuté lts m otifs du jugem ent dont est appel , il reste à la dem oiselle
D u m o n t à repousser quelques objections qui lui on t été faites en première instance , et
qu'on ne m anquera pas , sans d o u t e , de reproduire devant la cour.
Prem ière
oBJfcCTioN.
C e t t e o b j ec t i o n est p a r t i c u l i è r e à la d a m e de la R o q u e ; ell e
d i t : « P a r le c o n t r a t de m a r i a g e
d e la d a m e G r e l l e t d e B e a u r e g a r d , m a mè r e , les
si eur et d a m e D u m o n t , en se ré s er va nt la t er re de M o n t , n ’o nt pas-di t q u 'à d éfa u t de
d isp o sitio n , e lle appartiendrait à A n d r é D um ont. »
R
éponse.
L a clause du contrat de m ariage de la dame de Beauregard fournit la r é
ponse à cette objection.
E l l e p o r t e q u e le c o n t r a t est f ai t d a n s l'e s p r it d e c e l ui de m a d a m e D e v a u r e .
I l y est d i t q ue la rés er ve est f aite te lle q u 'e lle est exp liq u es a u d i t c o n t r a t .
11
y est ajouté que l'institution est faite sous les mêm es charges.
Q u o i de plus p o s itif! Si le contrat est fait dans le même e sp r it, si la réserve est la-
m êm e , si l ’institution est faite sous le s mêm es charges , il faut vouloir fermer les yeux
à la lu m iè r e , et m anq u er de bonne f o i , pour ne pas conven ir q u ’il existe entre ces deux
contrats une parfaite conform ité.
E n e f f e t , si l ’o n n e s o u s - e n t e n d da ns le s e c o n d c o n t r at t o ut e s les cl auses d u p r e m i e r ,
i l ne sera pas passé da n s le m êm e e s p r it.
S i l ’o n r e t r a n c h e la d e s t i n a t i o n au profi t d ’A n d r é
D m n o n t , e n cas d e n o n d i s p o s i
t i o n , la ré s er ve ne sera p l us t e l l e q u e l l e e s t e x p l i q u é e da ns le p re mi er co nt r at , et l’o n
n e p o u r r a pl us d i r e q u e l a s e c o n d e i n s t i t u t i on est sujette a ux m ê m e s c h a r g e s q u e la p r e
mière.
D isons
d o n c q u e la d e s t i n a t i o n au profi t d ’ A n d r é D u m o n t existe p a r m i les c o n d i t i o n s
i m p o s é e s à la d a m e d e B e a u r e g a r d , c o m m e e l l e existe p a r m i ce l l e s i mp o s é e s à la d a m e
Devaure.
M a is ind é pen d am m e n t de cette clause de d estin a tio n , on trouve dans le c on tra t de
m adam e de Beauregard une des conditions de {"imùUiûon form ellem en t exp rim ée, c ’est
c e lle q ui d on ne au s u rviv an t la faculté de disposer de toute la réserve ; et l'on sait que
cette condition a eu son a cc o m p lisse m en t dans le c o n tra t de 17^9 • au profit d A n d re
D um on t.
D
e u x iè m e
oisjectiom
.
« L a terre de M ont étoit un conquét de c o m m u n a u té , d on t la
d a m e D u m o n t a été incapable d e disposer pe n d a n t tout le cours de sa vie ; d o n c elle est
to m b ée dans l'hérédité. »
R éponse.
Q u ’on suppose une fem m e mariée qui a d i s p o s é d e tous Us biens q u V lla
laissera à ion d é c è s , par institution c o ntractu elle ou par te sta m ent, et q u'on rétorque
l'a r g u m en t.
Il l ’en suivra que la part de cette fem m e , dans l e s c o n q u i t s de com m unauté , ne devra
pas être com prise dans la disposition , parce q u e l l e aura été incap able d 'en d isp oser
pendant sa vie. Q uelle conséquence nbsurde ! qu elle l o g i q u e !
Sans doute la d a m e D u m o n t n ’auroit pu di s p o s e r , d'u ne manière a c t u e lle , de sa moitié
do la terre de M o n t , du viv an t de son m a r i , sans son concours ; mais ri< n ne s’opposoit
à ce q u e lle en disposât év en tu ellem en t , dans le cas où elle ne seroit pas aliénée à
1ep oque
de son dérès.
le sort de l'institution elle-même ; o r , Témolument
d e l’i n s t i t ut i o n est p u r e m e n t éventuel', o n n ’e n est saisi q u ’au d é c è s d e l ' i n s t i t u a n t ; et
L a c o n d i t i o n de p r è r i p u t suit i c i
�( 29 )............
jusque-lá ¡1 n ’y a rien de certain que le titre d ’h é r i t i e r , puisque l'in stitua n t peut faite
tou te sorte de contrats à titre onéreux.
A u s s i a-t-on t ouj ours d i s t i n g u é , dans l ’i ns t i t ut i o n , le titr e d ’h é r i t i e r , q u ’elle c o n f è r e
ir r é v o c a b le m e n t , d ’a v e c l'é m o lu m e n t , q u i n e se d é t e r m i n e q u ’au d é c è s , p a r c e q u e
j us que-l à l ’i nst i t ué n ’est saisi d e ri e n.
T
koisiéme o b ject io n .
« Dans la coutum e du B o u rb o n n a is, on ne p o u v o it être héritier
et légataire ; or, si la représentante d ’A n d ré D u m o n t r ec u eille p r é c i p u t , elle sera tout à
la fois héritière et légataire, elle réunira deux qualités incom p atib les ; elle ne peut d o n c
p rélev er le préciput et ve n ir à l'h érédité. »
R
éponse.
Confusion d ’idées , fausse application de principes : — A n d r é D u m o n t na
recueille point le p r é c ip u t à titr e d e legs-, on ne lui a légué ni donné la terre de M o n t
directem ent , et par une disposition p r in c ip a le e t is o lé e ; il tie la r ec u eille que parce
que c e s t une con d itio n im posée
à l ’institution des fille s, qui sans cela eussent été
apanées ; auquel cas A n d r é D u m o n t a u ro it recu eilli l’hérédité entière , ce qui lui eut
été bien plus avantageux.
Q u o n se r a p p e l l e c e q u i a déj à été d i t t o u c h a n t la d i s t i n c t i o n des d i sp os i t i o ns p r in
c ip a le s et c o n d itio n n e lle s , le s e n t i me n t des j u r i s c o n s u l t e s d e la s é n é c ha u s s é e du B o u r
b o nn a i s , et c e q u i a été j u g e p a r 1 a r r ê t de 1 7 1 6 ; et l ' o n sera c o n v a i n c u
q u e ce t t e
o b j e c t i o n n' est q u e l e f r u i t d e l ’i g n o r a n c e 011 d e la ma u v a i s e foi.
Q
u a t r iè m e
O
b je c t io n
.
« A la inort de m adame D u m o n t , disent les a d versa ires, la
m oitié de la terre de M o n t a dû résider sur la tête d 'A n d r é D u m o n t s e u l , ou sur la têts
de ses héritiers a b i n t e s t a t ; o r , ajoute-t-on , si elle a résidé sur l.i tète d ’A ndré D u m o n t
s e u l, vous devez renoncer à l ’argum ent tiré de ce que le su rviv an t a eu le d ro it de lui
d o n n e r cette m o i t i é , par son contrat de mariage de 17S3. »
R
éponse.
C e t t e o b j e c t i o n n ’est q u ’ un p a r a l o g i s m e q u i se r é f u t e e n de ux mot s,
O u l ’on soutient que la disposition faite en vertu de la fa cu lté d ’élire est nulle» ou ort
r ec o n n o it q u ’elle est valable.
D an s le p rem ier cas, il faut réputer c o m m e non aven ue la disposition faite en vertu
d u droit d élection ; et alors il sera vrai de dire q u ’à l’instant du décès de P rocule P i t a t ,
la propriété d e la moitié de la terre de M o n t a résidé in c o m in u ta b lem rn t sur la tête
d A n d r é D u m o n t , par la destination con d itio n n elle a c c o m p lie à son profit.
Dans le s e c o n d c a s , c o m m e i l y a v o i t d e u x c o n d i t i o n s a pp o s ée s à l ’i n s t i t ut i o n , il f a u
d r a di r e q u a u dé c è s d e P roc u le P i t a t , la saisine par v o i e d e d e s t i n a t i o n n etoi t qu eV e n t u e l l e , q u e l l e etoit e l l e - i n e me c o n d itio n n e lle et s u b o r d o n n é e à l ’é l e c t i o n à f ai re p ar
le pére s u r v i v a n t .
E n sorte que s’ il n’eût po in t fait d e l e c t i o n a vant son d é c è s , la saisine, par voie de
destination, seroit devenue d é fin itiv e et a b s o lu e ; et q u ’ayant fait une élection en faveur
du sieur D u m o n t, cette élection n ’a fait que confirm er la destination originairement faite.
L ’objection ne conduit d o n c à rien de favorable au système des a d v e r s a i r e s . o b j e c t i o n . « E n renonçan t à l 'i n s t i t u t i o n , les dames D«y.iurn et de
B e a u r ig r1, j , l e resi ent point apanées; il im p liq u e c o n t r a d i c t i o n de ronsn ltrer c o m m e
C inquièm e
apanage une dot constituée en avancem ent d 'h oirie , et qui p** s " j * ,te *'1 rapport. »
R ù t o n s f . . O r , jc lle j e l'obscurité dans la m a tiè r e , par une p e rp étu elle confusion des
lu oti el d ts choses.
8
�Sans cloute, on ne peut être apanée et héritière tou t à la f o i s , mais i l faut être
n é c e s s a i r e me n t l ’une o u l ’a ut r e .
E n v o u s i n s t i t u a n t h é r i t i èr e s sous des c o n d i t i o n s , il Falloit b i e n v o u s d o t e r e n a v a n
c e m e n t d ' h o i ri e ; ma i s c e t a v a n c e m e n t d ’h o i r i e se r é f è r e à l ’i ns t i t u t i on d o n t e l l e f ai t
p u r t i e , et s up p o s e s o n a c c e p t a t i o n . S i l ’i n s t i t ut i o n est a c c e p t é e , e l l e ne p e u t l ' êt re q u ’a v e c ses c h a r g e s et c o n d i t i o n s . S i
elle n ’est p o i n t a c c e p t é e , t oute la cl ause d i s p a r o i t , et il n e reste p l us q u ’ un e d o t a t i o n ,
q u i n ’est et n e do i t êtr e , dans l e v œ u d e l a c o u t u m e et de s p è r e et m è r e , q u ’un
apanage.
Q ue
les dai nes D e v a u r e et de B e a u r e g a r d s o i e n t d o n c c o n s é q u e n t e s et d ’a c c o r d a v e c
e l l e s - mê m e s ! Si elles r e n o n c e n t à l ’i n s t i t u t i o n , i l n e l eu r est pl us p e r m i s d ’en i n v o q u e r
l es d i s p os i t i o ns p o u r se s o us t r a i r e à l ’a p a n a g e .
S i x i è m e o i ï j e c t i o k . « P o u r q u ’une d o t soi t r é p u t é e a p a n a g e , il f aut q u ’e l l e soit c e r
t ai ne , et non s u je t te à ra p p o rt; o r ,
si les aut eurs c o m m u n s s’é t o i e nt r u i n é s , A n d r é
D u i n o n t a u r o i t p u f o r c e r ses soeurs au r a p p o r t : o n n e p e u t d o n c pas c o n s i dé r e r l e u r d o t
c o m m e un apanage. »
R é p o n s f . Il n ’est pas v r a i q u e les d a me s D e v a u r e et de B e a u r e g i r d eussent été forcée«
d e r a p p o r t e r l eurs d o t s , si les a ut e ur s c o m m u n s s et oi e nt r u i né s , p o u r v u t o u t e f o i s q u e
l e fils e ut t r o u v é sa l é g i t i m e dans la s u c c e s s i o n ; elles a u r o i e n t é i é b i e n f on d é e s
à
l ui d i r e :
N o u s r e n ô n r o n s à l ’i n s t i t u t i o n p o u r n o u s en t eni r à not r e d o t q u i c o n s t i t u e n o t r e a p a n a g e .
Il
n ’est pas vr ai n o n p l us q u ’ une Fille a p a n é e s o it d is p e n s é e d u rapport d a n s to u s
le s c a s ; ell e est au c o n t r ai r e t e n ue d e r a p p o r t e r , q u a n d les aut res enf ans ne t r o u v e n t
( L e b r u n , d e s S u c c e s s . , liv. 3 , c h a p . 8 ,
A u n o u x , su r l ’ a rt. 2 1 9 , n°. 7 9 , a u x a d d it io n s . )
pa s l e u r l é g i t i m e .
Il
sect. i ,
7 3 ; et
y a c e t t e d i f f é r e n c e , q u e la fille a p a né e est e xcl us e d e l a s u c c e s s i o n , sans p o u v o i r
d e m a n d e r un s u p p l é m e n t de l é g i t i m e ( A r t . 2 1 9 , n°. 6 7 . ) ;
T a n d i s q u ’e l l e est o b l i g é e d e r a p p o r t e r p o u r la l é g i t i m e d e ses f rères et soeurs.
L e r a i s o n n e m e n t des a d v e r s a i r e s , sur c e p o i n t c o m m e s u r t o us les a u t r e s , r e p o s e d o n c
4Ur d e faux p r i n c i p e s .
R É S U M É .
i
°.
L e s dai nes D e v a u r e et
i n s t i t u t i o n s faites
à
de
la
Roque
s ont a u j o u r d ’h u i non
reccvables
à
r e n o n c e r a ux
l eur p r o f i t , p o u r se d é g a g e r des c ha r g es et c o n d i t i o n s q u i en f o n t p a r t i e
i n t é g r a n t e , p a r c e q u ’elles o nt a c c e p t é ces i n s t i t u t i o n s , e n e x é c u t a n t , d e p u i s le dé c è s de
l e u r m è r e , et p e n d a n t u n e l ong ue s ui t e d ’a n n é e s , les c l a us es d e leurs c o n t r a t s de mari age.
C e t t e e x é c u t i o n rés ul t e d e ce q u ’ elles o nt r e ç u t out o u p a r t i e des c a p i t a u x de l eurs d o t i
d u v i v a n t d e l eurs pèr e et mè r e ; d e c e q u e l ’ un e d ’elle» a reçu a nn u e l l e m e nt , d e p u i s le
d é c è s d e sa m è r e , les i ntérêt s de ce qui l ui res t oi t d û , et d e c e q u e l l e s o n t l ’une et l ’aut re
a c c o m p l i la c o n d i t i o n i m p o s é e à l eur i n s t i t u t i o n , d e l aisser j o u i r l e s u r v i v a n t des p è r e et
m è r e des bi ens d u p r é d e c é d e .
O r , elles n ’o n t p u t o u c h e r l eurs d o t s q u e c o m m e filles m a r ié e s e t d o t é e s , ou c o m m e
h é r itiè r e s in s titu é e s .
A i » p r e m i e r c a s , elles sont a p a n é e s , et f o r c l o s e s d e s s u c c e s s i o n s d e leurs p è r e e t m è r e .
�A u secon d c a j , elles on t a ccepté l ’institution , et se tr o u v e n t soumises à l'e xécution
des charges qui en font partie.
2". A u F o a » , le p r é c ip u t attribué à A n d ré D u m o n t doit sortir son effet p a r suite
de la d o u b le c o n d itio n a ttachée à l ’institution des filles.
C ette double c o n d itio n réside dans la d estination de la t e r r e , au profit d A n d r é
Dutnont , en cas de non disposition ; et dans la fa cu lté d ’élire attribuée cousine c o n
dition de l'in s titu tio n , au su r v iv a n t des père et m è r e ; lesquelles conditions ont reçu
leur accomplissement.
5 °. Si les dames D evaure et da la R o q u e reno ncen t à l ’institution , elles dem eurent
apanées à leurs constitutions d o ta le s , p a r ce que tel est le voeu form el de la cou tum e du
Bourbonnais , et le voeu du pacte de fam ille qui fait la loi de toutes les parties.
Si toutes ces résolutions po u voie n t faire la matière du plus léger d o u t e , il faudroit dire
qu il n’y a rien de certain en jurisprudence ; que le flambeau de la loi n’est q u ’une fausse
lu eu r qui égare ; que les p r in c ip e s d u d ro it ne sont que des erreurs a ccréditées , et
que 1 evid ence m êm e peut être réd u ite en p r o b lè m e .
S ig n é H I L L I A R D et B a r t h e l e m i G I B O N T , c o tu te u r s.
M ' . J U T I E R , a voca t.
M e. H U G U E T , avoué l ic e n c i é .
v
Les anciens Jurisconsultes soussign és, sp écia lem en t attachés au ministère de la justice,
qui ont lu avec attention le M é m oire fait pour la dem oiselle A n n e D u m o n t ,
E stim en t que les propositions qui y sont discutées sont résolues d ’après les plus saines
maximes du d r o i t , en matière d ’institution c o n t r a c tu e lle , et p a rticu lièrem e n t d ’après
la jurisprudence qui a fixé sur ce po in t la juste a p p lic a t io n des dispositions de la
coutum e du Bourbonnais ;
Q u e l ’institution faite en fa veur des sœurs d ’A n d ré D u m o n t , dans leurs contrats de
m a r ia g e , est in d iv is ib le; q u ’on ne peut en détruire les ch a r g e s, sans la détruire elle-m êm e;
que 1 acceptation de l’institution entraîne nécessairement l ’a ccom p lissem en t des conditions
qui y sont apposées , lesquelles ne sont contraires ni aux lois , ni aux bonnes moeurs ; que
le p réc ip u t a ttribué à A n d r é D u m o n t , doit par con séqu e n t faire partie des droits de sa
fille qui le represente , c o m m e c o n d itio n form elle de l ’institution de ses soeurs ; que c ’est
là un pacte de fam ille consacré par plusieurs actes , auquel on peut d ’autant m oins porter
atteinte q u ’il a été exécuté ;
'
Qu ainsi la dem oiselle D u m o n t doit obtenir la réform ation d u ju gem ent rendu par 1«'
tribunal c i v i l de G a n n a t , le 26 décem b re 1807.
d é l i b è r e à P a r i s , le i /j. m ai x8o8.
B E R N A R D I.
B.
M.
D E C O MB RO U S S E.
#
V u le M é m o ire des tuteur» de la dem oiselle D u m o n t , contre les sieurs e t
�( 32 )
dames R a b u s s o n - D e v a u r e et de l a R o q u e , signé des t u t e u r s , e t de J u tie r ,
a v o c a t , et H u g u e t , a vou é ;
. ,
. ,
.
L e C onseil pense que le précipu t d e la terre de M o n t doit être adjugé en entier
à la m i n e u r e ; et que le jugem ent du tribunal de G ann at , dont les motifs sont
très-clairem en t réfutés dans le M é m o i r e , doit être infirmé.
A P a r i s , le 1 5 juin 1808.
C H A B R O U D .
* M A I L H E.
POIRIER.
�
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Title
A name given to the resource
Factums Godemel
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Description
An account of the resource
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Text
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Title
A name given to the resource
[Factum. Hilliard. 1808]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Jutier
Huguet
Bernardi
Decombrousse
Chabroud
Mailhe
Poirier
Subject
The topic of the resource
secondes noces
coutume du Bourbonnais
contrats de mariage
communautés de biens entre époux
dot
forclusion
fils avantagé
successions
avantages prohibés
préciput
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire pour les sieur et dame Hilliard, cotuteurs de la demoiselle Dumont, appelans ; contre les sieurs et dames Rabusson, de Vaure et de la Roque, intimés.
Table Godemel : Préciput : 2. une disposition de préciput, en coutume de Bourbonnais, faite en faveur d’un fils par ses père et mère, dans les contrats de mariage de ses deux sœurs, comme condition de non apanage et d’une institution contractuelle à leur profit, est-elle valable, lors surtout que par le contrat de mariage du fils, le père survivant a surabondamment confirmé cette disposition, en vertu de la faculté que s’en étaient réservée les instituants, comme condition de cette même institution ? les sœurs instituées peuvent-elles soutenir que la réserve et dispositions faites en faveur de leur frère, étranger à leurs contrats de mariage, ne pouvaient leur enlever leur portion dans l’objet réservé, cette disposition n’ayant pas été faite dans son propre contrat de mariage, aux termes de l’article 219 de la coutume ? peuvent-elles à leur institution pour se dégager des charges et conditions qui en font partie, et demander le partage par égalité ? Ou, au contraire, en cas de renonciation, devraient-elles être réduites à l’apanage fixé par leur constitution dotale ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
s.n.
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1808
1775-1808
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
32 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G1803
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G1802
BCU_Factums_G1801
BCU_Factums_G1804
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53330/BCU_Factums_G1803.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Saulzet (domaine de)
Deux-Chaises (03099)
Mont (terre de)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
avantages prohibés
communautés de biens entre époux
contrats de mariage
coutume du Bourbonnais
dot
fils avantagé
forclusion
préciput
secondes noces
Successions
-
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3165fdc4966a60d05146bd2a44a09d30
PDF Text
Text
HILLIARD , cotuteurs
D u m o n t , appelans;
P o u r les sieur et dame
de la demoiselle
RABUSSON
D E VAURE et D E L A R O Q U E intimés.
C o n t r e les sieurs et dames
,
L E S O U S S I G N E , qui a lu le mémoire imprimé
pour les sieur et dame H illiard, cotuteurs de la demoi
selle D u m o n t, appelans, contre les sieur et dame R a
busson de V a u re, et contre le sieur de la Roque, intimés-,
qui d’ailleurs connoissoit déjà la contestation, sur les
pièces originales qui lui avoient été communiquées à
P a ris, afin de connoître son opinion,
E s t d ’ a v i s que la prétention des sieur et dame
Rabusson de V a u r e , et du sieur la R o q u e , est absolu
ment destituée de fondement, et que le jugement rendu
par le tribunal civil de Gannat doit être infirmé.
O u n’a pu soutenir cette prétention qu’en se créant
Une fausse logique, à l’aide de laquelle on n’a pas craint
d’attaquer tous les principes.
Quand il y auroit quelque subtilité dans les raisonnemens des sieur et dame Rabusson de V au re, et du sieur
de la R o q u e , cette subtilité n’échapperoit certainement
pas aux lumières de la cour d’appel ; mais il est constant
A
�•> I
(
2 )
que ces raisonnemens n’ont pas même le triste mérited’etre subtils.
L e droit de la mineure Dum ont prend son fonde
ment, et dans les clauses des conti'ats de mariage de Marie
et Marguerite D u m o n t, filles de Jean Dumont et de
Procule P it a t , et dans les dispositions de l’article 3 o 5 >
de la coutume du Bourbonnais.
On sera dans la v é r i t é , en conciliant les unes avec
les autres , en considérant les conventions établies dans
les contrats de mariage comme des modifications à la loi
municipale ; modifications uniquement avantageuses aux
filles qui se marioient, et contre lesquelles elles s’élèvent
avec une injustice qui tient du ridicule. En partant de
là , on sera conduit à cette, conséquence certaine, que
M a r i e et Ma rg u er it e D um ont n’ont dû avoir que la partie
des biens de leurs père et mère qui leur a été assurée
par leurs contrats de mariage , et que tout le surplus
est devenu le patrimoine d’A n d ré Dumont.
R e m e t t o n s -nous encore sous les yeux les clauses du
contrat de mariage de Marie D u m o n t, fille aînée, en
observant qu’elles feront connoitre aussi les clauses du
contrat de mariage de Marguerite D u m ont, fille puînée,
parce que, malgré quelques réflexions qu’on a faites pour
établir une différence entre ces clauses, il sera aisément
reconnu , lors de la discussion générale des mo yens , qu’il
n’y en a aucune, et que les clauses du second contrat se
réfèrent entièrement à celles du premier.
Les filles furent instituées héritières par égales portions
avec les antres enfans; mais ce fut en même temps sous
la r é s e r v e expresse que Jean Dumont et Procule Pitat.
�(3 )
se firent de la terre de M on t et autres objets. Il fut dit
que les sieur et dame D u m o n t, ou le survivant (P eu x,
pourroient disposer des objets réservés, nu profit de tels
de leurs enfans qu’ ils jugeroient à propos , môme de la
future, par quelqu’acte que ce fût. Il fut ajouté que dans
le cas de non disposition de la part des père et m è r e ,
la terre de M o n t , et les autres objets réservés, appartiendroient en toute propriété à André D u m o n t, leur
fils, lequel en demeureroit précipité.
A la suite de ces dispositions 011 inséra encore la clause
suivante : « L a d ite institution f a i t e sous ladite réserve,
« et ¿1 condition de ladite disposition , et encore i\ la
« charge par la future de laisser jouir le survivant de
« ses père et mère de la portion qui lui seroit revenue
« dans les biens du prédécédé ; sans toutes lesquelles
« charges , clauses et conditions ladite institution
« n ’ a u r o i t é t é f a i t e , et la future auroit été apanée
.« moyennant la dot qui va lui être constituée. »
V ien t ensuite la constitution de dot, faite en avance\ ment des futures successions, de 30000 livres.
Procule Pitat décéda en 1783, sans avoir fait d’autres
dispositions que celles contenues dans les contrats de
mariage de ses filles.
A n dré D u m o n t, son fils , se maria en 1789.
Par son contrat de mariage, Jean D u m o n t, son père,
rappelant le défaut de dispositions ultérieures de la part
de Procule P ita t, son épouse, et la faculté de disposer
accordée au survivant d’eux par les contrats de m a r i a g e ,
disposa à son prolit de la totalité des réserves portées
par ces mêmes contrats.
A 2
�( 4 )
'
r
.
Contester cette disposition, en ce qui concerne Procule
P it a t , c’est attaquer l’évidence. Cette disposition doit
autant avoir son effet que celle faite personnellement par
Jean Dumont.
P o u r s’en convaincre encore plus, il faut rapprocher
des conventions et des faits qu’on vient de rap p o rter,
les dispositions de l’article 305 de la coutume de Bour
bonnais : « Fille mariée et apanée par père ou par
« m è r e , aïeul ou aïeule paternels ou maternels , après
« le décès de ses père ou m ère, aïeul ou aïeule paternels
c< ou maternels, ne peut demander légitime ni supplé« ment d’icelle, ni aussi venir à succession collatérale,
« dedans les termes de représentation, tant q u 'il y a
'« mâle ou d e s c e n d o n s d e m â le , soit mâle ou femelle,
« héritant ès-dites successions , combien qu’elle n’y ait
« expressément ren on cé, etc. »
A quoi se réduisent les conventions établies par les
contrats de m ariage, combinées aVec les dispositions de
la coutume.
Il n’est pas exact de d ir e , ainsi que le répètent sans
cesse les intim és, et comme on le voit dans le jugement
dont est appel, que Jean D um ont et Procule Pitat n’ont
pas apané Marie et Marguerite Dumont; que s’ils eussent
voulu que leurs filles fussent réduites à un apanage, ils
se sei’oient servis d’expressions qui ne laisseroient aucun
doute sur leur volonté.
Q u’ont fait Jean D um ont et Procule Pitat? Ils avoient
le pouvoir de forclore ou apancr leurs filles, et de les
réduire à une dot; mais par attachement pour elles, pour
les marier pins avantageusement, et dans les vues d’un
�(
5 )
arrangement salutaire à leur fa m ille , ils ont voulu ne
pas exercer en son entier la faculté que leur donnoit la
loi. Ils ont jugé à propos de limiter le droit de forclore;
mais la limitation d’un droit n’en est-elle pas l'exercice
même ? et celles contre lesquelles l’exercice de ce droit
pouvoit être dirigé dans toute sa fo rce , peuvent-elles
se, plaindre d’une limitation qui est entièrement à leur
avantage ?
Sans doute M arie et Marguerite D um ont ont reçu,
par leurs, contrats de m ariage, le droit de participer,
comme héritières conventionnelles, aux successions de
Jean D um on t et de Procule P ita t; mais ont-elles été
investies de ce droitt d’une manière indéfinie ? Ce droit
art^il été la base fondamentale des conventions de leurs '
contrats de m ariage? a - t - i l été accordé comme étant
l’effet d’une volonté absolue de Jean Dum ont et de
Procule Pitat? art-il été créé dans toute l’étendue possible,
sans conditions, abstraction faite des dispositions de la
loi municipale, et de la faculté de forclore qu’elle attribuoit à J e a n .D um ont et à Procule P ita t?
Il faudroit aller jusque-là pour soutenir la prétention
dep intimés ; aussi n’onti-ils pas manqué de se placer
dai^SiCette position»
Mais p o u r. peu qu’on réfléchisse suv. les dispositions
faite? , paTf.les contrats, d e , mariagi?. , on est convaincu
quelles n’ont,jamais-étç détachées de l'influence que la
loi municipqlç exçrçoitsur lç sort de M arie et Margperiter
Durp.qotj au mpment de leu 3ç;rnqpiage, lorsque la volonté
desppère; etf mère, concouroit ,qvoç le yœ,u de. la loi..
Lovsqu’jlos’agit/ d’intçrprétqp dps clauses do, contrats
A 3
�de m ariage, de démêler les vues qui ont présidé à des
arrangemens de fam ille, on ne doit pas toujours être
asservi à un ordre d’écriture. O r , en se pénétrant de
l ’ensemble des dispositions des contrats de mariage de
M arie et Marguerite D u m o n t , il devient évident pour
tout homme qui recherche la vérité de bonne fo i, que
l ’apanage ou la forclusion moyennant une d o t , ont été
la première idée qui se soit présentée à l’esprit des contractans, et que la seconde idée a été la limitation de
ce droit que les père et mère n’ont point voulu exercer
dans toute la rigueur.
L ’attribution que Jean D um ont et Procule Pitat ont
accordée à leurs filles, du droit de leur succéder, mais
non par égalité avec leur fils, et sous des réserves posi--'
tives et déterminées, stipulées en faveur de ce fils auquel
la l o i , de son propre ministère, les déféroit; cette attri
bution, disons-nous, n’a pu être autre chose qu’une
exception h la forclusion , ou une limitation du droit
de forclore. L e droit de succéder qu’ont eu Marie et
M arguerite D u m o n t, n’est point émané de la loi ; il a
été l’effet de la volonté des père et mère : ceux-ci avoient
le droit de les en p r iv e r , ils le leur ont accordé, mais
ils ne l’ont pas fait pleinement ; ils ont mis des bornes
à ce d ro it; ils ont voulu qu’il ne portât que sur une
partie des biens ; et en voulant cette restriction, ils ont
entendu que le restant des biens demeurât sous l’empire .
de la loi qui les attribuoit au fils, s’il n’en étoit pas
privé dans la suite par la volonté des père et mère.
T o u t ce qu’on vient de dire résulte de ces termes qui
s’élèveront toujours avec la plus grande force contre la
�C7 )
prétention des intimés : « Ladite intitutîon fa it e sons
« ladite réserve, et à condition de ladite disposition..,. « sans toutes lesquelles charges , clauses et conditions
« ladite institution n ’ AUROIT é t é F A I T E , ET LA
« f u t u r e a u r o i t é t é a p a n é e moyennant la dot qui
« va lui être constituée. »
Si Jean Dum ont et Procule Pitat eussent apané
M arie et Marguerite Dum ont moyennant une dot ,
elles n’auroient rien à prétendre dans les successions de
leurs père et mère ; Jean D um ont auroit eu seul le droit
de recueillir ces successions, en payant les dots. C ’est
un point qu’on ne r év o q u e pas en doute.
E t parce que Jean D u m o n t et P r o c ul e Pitat ont
voulu adoucir le sort de leurs filles ; parce qu’ils ont
voulu modifier en leur faveur le pouvoir qu’ils tenoient
de la lo i; parce qu’ils ont accordé qu’elles eussent, môme
à titre d’héritières conventionnelles, une partie de leurs
biens, outre la dot qui leur étoit constituée, mais en
réservant le restant et en confirmant la destination que
la loi en faisoit à leur fils, on prétendroit qu’il est résulté
de là que les filles sont devenues tout à coup habiles à
succéder, comme si leurs père et mère n’avoient jamais
eu le droit de les priver de leurs successions, comme s’il
n’y avoit point eu d’enfant m â le , et de la même manière
que si le droit de forclore les filles, y ayant un enfant
m âle , n’eût jamais existé !
Quelles sont les personnes qui pourront jamais être
convaincues de la vérité d’une pareille proposition ? C ’est
un principe élém entaire, indiqué par la seule raison ,
que celui qui peut le plus, peut à plus forte raison le
�moins. Jean Dum ont et Procule Pitat pouvant priver,
leurs filles du droit de leur succéder, moyennant les
dots qu’ils leur assuroient, pouvant le faire sans qu’ il y
eût de leur part aucune disposition en faveur de leur
fils ? celui-ci tenant les
* biens de la seule volonté de la Loi,
on sent qu’à plus forte raison ils ont pu relever leurs-,
filles de la forclusion coutum ière, sous des conditions,
et que ces conditions forment une loi domestique qu’il
n’est pas permis aux filles d’enfreindre.
Il y a eu un avantage pour les filles à être relevées^
de la forclusion ; cet avantage, on l’a teim de la conven
tion ; il y a été apposé des conditions. O r , on ne peut
profiter de l’avantage sans se soumettre aux conditions
sous lesquelles il^ a été fait : voilù les premières, notions
de droit contre lesquelles il est impossible qu’on s’élève
avec succès.
!
Il n’y a pas eu de convention simple et absolue/, i l i;
n’y a eu qu’une convention modifïcative de la lpi. La^.
convention a déféré aux filles une partie des biens, outre,
la d o t, et la loi a exercé tout son empire sur le surplus r
des biens;'elle les a réservés au fils, d’accord avec le vœu.,
des père et mère. Ceux-ci ont .voulu, ou qu’on s’en tînt
à la convention telle qu’elle étoit ré g lé e, et avec toutes,,
ses conditions , ou qu’on fût renvoyé à la loi. O r , la loi
perinettoit la forclusion, et les père et mère ont déclaré,)
qu’ils vouloient cette forclusion, si les filles ne se teupient
pas a la convention : « 'Sans toutes lesquelles charges,
« '.clauses et conditions ladite., institution rtauroit été
« f a i t e , et la future auroit été apanée m oyennant la
« dot (lui va lu i être constituée, y
�( 9 )
.
..
On 11e conçoit donc pas qu’on puisse dire qu’il n’y a
pas eu d’apanage dans les contrats de -mariage de Marie
et Marguerite Dumont. Celui qui auroit pu être entiè
rement libéré en donnant un écu, ne le seroit donc pas
parce qu’il en auroit voulu donner cinq ?
D u raisonnement des intimés il résulteroit encore que,
dans les principes de la coutume de Bourbonnais, un pèi’e
qui auroit eu un fils et deux filles, se seroit trouvé dans
celte nécessité absolue, ou de forclore ses filles de sa suc
cession , moyennant une d o t , ou d’assurer une égalité
pai'faite entre le frère et les sœurs : système dont l’ab
surdité se sent sans aucun effort de raison. T^a loi qui
to lé r o it, à l’égard des filles, une rigueur admise dans
des vues de bien public, permettoit sans doute un adou
cissement, bien loin de vouloir en punir des pères et
mères et ceux des enfans qui étoient l’objet de celte
rigueur.
L e second moyen sur lequel les intimés se fo n d e n t,
consite à dire qu’ André Dumont n’a pu prétendre dans
la succession de Procule Pitat une portion de biens plus
considérable que ses sœurs, parce qu’il n’y a point eu
en sa faveur une disposition directe de la part de P ro
cule Pilât.
En raisonnant ainsi on élude la question qui est
juger, pour en présenter une qui n’existe pas.
On ne sera jamais dans la question , tant qu’on di
visera les conventions portées par les contrats de mariage1
de Mario et de Marguerite D u m o n t, tant qu’on iso l cm
l’ensemble de ces conventions des dispositions de l’art. 306’
delà coutume de Bourbonnais, qui en sont le régulateur..
Il est probable
qu’on
uc désavouera
P:ts *c
principe 1
�.que les contrats de mariage ont toujours été susceptibles
de conventions et de conditions qui ne blessent ni les
mœurs ni l’ordre public. Si cela est certain, il l’est éga
lement que Marie et Marguerite Dumont n’ont dû suc
céder à leurs père et mère que sous les conditions et
réserves stipulées dans leurs contrats de mariage.
An dré Dumont a puisé pour lui ou sa descendance.,
le droit de succéder à Procule Pitat comme à Jean D u
m o n t , dans la disposition de la lo i, tant que Procule
Pitat et Jean Dum ont ne se départii'oient pns de la fa
culté qu’ils avoient de forclore ou apaner leurs filles
moyennant une dot. Ils n’ont pas voulu cette forclusion
pleine et entière ; ils y ont dérogé dans l’intérêt de
leurs filles : mais le droit de succéder de celles - ci n’a
,dû être que partiel; ce droit a dû être mesuré par la
dérogation même apposée par les père et m ère, surtout
dès qu’ils ont déclaré qu’on ne pourroit diviser les con
ventions sous lesquelles les filles étoient mariées, et que
sans l’espoir que ces conventions tiendroient telles qu’elles
étoient réglées, les filles auroient été apanées moyennant
la dot qu’ ils constituoient de suite.
Les parties, lors des contrats de mariage, et d’après
ce qui y a été convenu, ont donc été dans une position
telle, que tout ce que les filles ont dû avoir dnns les
successions de leurs père et m ère, elles n’ont pu y pré
tendre que parce que leurs père et mère n’ont pas voulu
les en priver en les livrant à toute la rigueur de la loi;
et que tout ce dont il n’étoit pas disposé en faveur des
filles, demeuroit sous l’empire de la loi, et revenoit par
cela seul à A ndré D u m o n t, à moins que ses père et
mère n'eussent voulu , d’après la réserve particulière
�(
11 )
qu’ils s’en étoient faite, o n tr a r ie r le vœu de la loi par
leur volonté.
Il n’a donc point fa llu , en faveur d’A n d ré D u m o n t,
de disposition directe de tout ce qui n’étoit pas donné
précisément à ses sœurs ; la simple réserve du surplus
des biens devenoit, par la force des clioses, par la com
binaison de la loi municipale avec les conventions des
contrats de mariage des sœ urs, une saisine en faveur
d’A n d ré D um ont : cette saisine auroit pu être anéantie
par les père et m è r e , par l’effet de l’exercice du droit
qu’ils s’étoient réservé, de disposer îY leur gré des biens
qui n’étoient pas assurés aux filles. Ma i s ce droit n’ayant
pas été e x e r cé , et au contraire Jean D u m o n t ayant dis
posé des biens réservés en faveur d’A n d ré D u m o n t ,
tant pour lui qu’en vertu du pouvoir que lui avoit
conféré Pi'ocule Pitat, en ce qui la concernoit, tous les
biens, excepté la portion qui en avoit été donnée à Marie
et Marguerite D u m o n t, ont été irrévocablement assurés
à A n d ré Dumont. t a loi et la volonté de ses père et
mère ont concouru pour en fixer la propriété sur sa tete.
A i n s i , tout se réduit à ce moyen inattaquable , que
Ma rie et Marguerite Dum ont ne peuvent succéder que
comme leurs père et mère ont voulu qu’elles succédassent;
qu’elles ne peuvent venir à leurs successions qu’en rem
plissant les conditions qui leur ont été im posées, parce
que c’est un des premiers principes du droit et de l’équité
que personne ne peut diviser son titre. Les-premiers juges
seront sans doute les seuls qui penseront que « les clauses j
« charges et conditions apposées aux i n s t i t u t i o n s des daines
« de Vaure et de Beauregard , étant contraires-à la lo i,,
�( 12 )
S ’il y a quelque ch ose de contraire à la
craint pas de dire que c’est cette opinion
choque la raison ; elle attaque la doctrine
auteurs ; elle est combattue par la pratique
l o i , on ne
m êm e; elle
de tous les
de tous les
temps.
Telles sont les réflexions, auxquelles le soussigné croit
devoir se borner , parce qu’il les regarde comme seules
décisives. Il lui suffit de renvoyer, relativement à tous les
autres moyens qui ont été opposés par les intimés , et
au défaut de fondement des autres motifs du jugement
qui est attaqué, au mémoire imprimé et distribué pour
la mineure Dumont. Elle peut se reposer sur la discussion
lumineuse et savante qu’il ren ferm e, et qui décèle un
vrai talent. La justice oblige même d’avouer qu’on trouve
dans ce mé moi re les réflexions que le soussigné vient de
faire, parce qu’il ne laisse rien à désirer.
Si le soussigné a présenté ces réllexions , s’ il ne s’est
pas contenté de donner un simple assentiment aux motifs
développés dans, le mémoire , c’est parce qu’il a cru
devoir prouver de plus en plus qu’ il a sur la question
une opinion fortement prononcée. Il a en effet la con
viction q u e les moyens des intimés sont, à proprement
parler, des chicanes créées par l'imagination, dans la vue
de priver la mineure Dumont d’un patrimoine acquis à
son malheureux père , aussi solidement et aussi légale
ment qu’ il ait été possible.
Délibéré à R iom, par l’ancien jurisconsulte soussigné,
ce 26 juillet 1808.
G R E N IE R
( du Puy-de-Dôme ).
A R I O M de 1’im p rim e tie do T h i b a u d - L a n d r i o t , im p rim e u r de la C o u r d ’appel.
�
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Title
A name given to the resource
Factums Godemel
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/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Hilliard. 1808]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Grenier
Subject
The topic of the resource
secondes noces
coutume du Bourbonnais
contrats de mariage
communautés
dot
forclusion
fils avantagé
successions
avantages prohibés
préciput
Description
An account of the resource
Titre complet : Consultation pour les sieur et dame Hilliard, cotuteurs de la demoiselle Dumont, appelans ; contre les sieurs et dames Rabusson de Vaure et de la Roque, intimés.
Table Godemel : Préciput : 2. une disposition de préciput, en coutume de Bourbonnais, faite en faveur d’un fils par ses père et mère, dans les contrats de mariage de ses deux sœurs, comme condition de non apanage et d’une institution contractuelle à leur profit, est-elle valable, lors surtout que par le contrat de mariage du fils, le père survivant a surabondamment confirmé cette disposition, en vertu de la faculté que s’en étaient réservée les instituants, comme condition de cette même institution ? les sœurs instituées peuvent-elles soutenir que la réserve et dispositions faites en faveur de leur frère, étranger à leurs contrats de mariage, ne pouvaient leur enlever leur portion dans l’objet réservé, cette disposition n’ayant pas été faite dans son propre contrat de mariage, aux termes de l’article 219 de la coutume ? peuvent-elles à leur institution pour se dégager des charges et conditions qui en font partie, et demander le partage par égalité ? Ou, au contraire, en cas de renonciation, devraient-elles être réduites à l’apanage fixé par leur constitution dotale ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Thibaud-Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1808
1775-1808
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
12 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G1804
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G1802
BCU_Factums_G1803
BCU_Factums_G1801
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The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Saulzet (domaine de)
Deux-Chaises (03099)
Mont (terre de)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
avantages prohibés
communautés
contrats de mariage
coutume du Bourbonnais
dot
fils avantagé
forclusion
préciput
secondes noces
Successions
-
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e2d5f8793a5e4308539a9d5b7b31a03d
PDF Text
Text
M
É
E N
M
O
I
R
E
R É P O N S E ,
POUR
Sieurs J e a n - B a p t i s t e D ’E S T A IN G , ancien
commandant d’armes à Cham béry, J a c q u e s T h é o d o r e , P i e r r e - G a b r i e l , C a t h e r i n e et
E lizab eth
D ’E S T A I N G , frères et sœurs,
intimés et appelans ;
CONTRE
A n n e , s o i-d is a n t N A Z O , s o i- d is a n t Grecque
d'origine , se d isa n t veuve du général d ’E s t a i n g ,
se disant pareillement tutrice de M a r i e , safille ,
appelante d'un jugement rendu au tribunal de
M a u ria c , le 1 3 août 1 8 0 7 , et intimée.
Q U E S T I O N D’É T A T
C E T T E cause est de la plus haute importance, et
doit exciter vivement la curiosité publique.
Une Égyptienne, musulmane de religion, échappée à
A
�n
( 2 K
la servitude d’un harem, a goûté quelques instans les
charmes de la liberté à la compagnie d’un général fran
çais i commandant une division de l’armée d’Orient.
Ce général, après la capitulation d’Alexandrie , a
repassé en France. Un événement tragique l’a enlevé
à la gloii’e, à sa fam ille, à ses amis.
L ’Africaine réfugiée a cru trouver les circonstances
favorables pour s’introduire dans la famille du général,
prendre le titre honorable de sa veuve, et donner son
nom à une fille dont elle est accouchée pendant sa traversée
d’Egypte.
Elle a abusé momentanément de la foiblesse d’uni
, vieillard respectable et crédule, q u i, dans sa douleur,
trouvoit q u e l q u e co n s o la tio n à accueillir ceux qui avoîent
eu des relations avec son fils chéri.
Cet acte de bienfaisance lui a été reproché : on veut
en induire une reconnoissance de l’état de la prétendue
Grecque, qui réclamé foute là succession du général , et
bientôt sa portion de. celle du p ère, décédé pendant
l’instance.
Heureusement pour les freres d’Estaing il est des règles
certaines pour constater l’état des personnes; règles dont
il n’est pas permis de s’écarter, dont l’infraction entraîneroit les suites les plus funestes, en introduisant dans
les familles des- êtres obscurs et dépravés.
F A I T S .
général d e d i v i s i o n , eut
l’honneur d’etre nommé de l’expédition d’E gypte, sous
J a c q u e s -Z a c h a r ie d ’E s t a i n g ,
�lsj )
( 3)
les ordres du héros invincible qui règne aujourd’hui
si glorieusement sur les Français.
Après quelque séjour, le général d’Estaing fut nommé
commandant de la place du Caire ; il s’y fit distinguer
par sa bravoure et ses manièi’es généreuses. Les Grecs
qui habitoient le Caire voulurent, suivant l’usage, offrir
une somme d’argent au commandant. Il la refusa avec
noblesse.
L e nommé Joanny N a zo , qui tva figurer dans cette
cause, étoit marchand détaillant d’eau-de-vie au Caire,
profession peu honorée en E g y p t e . L e s musulmans ont
en g é n é r a l un certain m é p r is pour ceux qui vendent
des liqueurs enivrantes; ils s’en abstiennent avec moins de
rigueur qu’autrefois, mais ils n’en estiment pas davan
tage ceux qui en font le trafic.
Les Coplites et les Grecs qui se trou voient au Caire,
étoient tous dans le parti des Français. L e commandant
fut chargé d’organiser des bataillons parmi eux. Joanny
ISazo étoit un de ceux qui montroient le plus de cha
leur et de zèle; il obtint le commandement d’un de ces
bataillons.
Les Grecs reconnoissans envers le général qui refusoit
leurs présens et leurs offres, s’informent, avec l’adresse
qui les distingue, de ce qui pourroit faire plaisir à leur
commandant; ils en parlent aux aides de camp, aux
jeunes militaires qui approchent le général : on devine
aisément la réponse de cette jeunesse galante et passionnée.
L e présent le plus agréable au général fr a n ç a is , scroit
une femme blanche. On ne voit a u to u r des cam ps que
des négresses dégoûtantes. Cette o u v e r tu r e est saisie avec
A
2
m
�(
4 )
'
ëmpressement : N a zo envoie au gén éral, A n n e , qui
n’étoit pas sa fille. N a zo avoit épousé la veuve d’un
m u s u l m a n ; A n n e étoit provenue de ce premier mariage,
et a v o i t été élevée dans la religion de son père; elle en
est elle-même convenue, et l’a ainsi déclaré en présence
de plusieurs personnes.
Comment pourroit-elle le désavouer? S i, comme elle
le d it , elle étoit Grecque d’origine et de religion , elle
parleroit le grec vulgaire ,* c’est la langue de tous les
grecs : elle ne connoît que l'arabe, langue féconde et har
monieuse, que parlent en général les Turcs qui habitent
cette contrée de l’A frique, et dont les prêtres grecs n’en
tendent pas un mot.
~ Un a r r a n g e m e n t de ce genre, scandaleux parmi nous,
n ’ a i*ien de choquant en Orient : ce n’est plus cette an
cienne E g yp te, jadis un pays ¿ ’admiration , si fameux
par ses monumens qui ont résisté pendant tant de siècles
à l’action destructive des élém ens, et que la barbarie
fait disparoître tous les jours.
“ Ces indigènes, célèbres par l’antiquité de leur origine,
la sagesse de leurs règlemens, l’étendue de leurs connoissances , n’existent plus : ils sont remplacés par un
assemblage de peuples divers; les Cophtes,les M aures,
les A rabes, les Grecs, et les Turcs qui en sont les sou, ■■ ‘
.1
verains.
C e mélange de tant de nations, la d ive r sité des cultes,
des usages, a fait que la barbarie et l’ignorance ont suc
cédé aux sciences et aux arts; la dépravation des mœurs
en a été la suite; et si on en croit nos voyageurs mo
dernes, les vices les plus honteux y régnent avec iinpuuité*
�lé\
( 5 }
y-inné, soi-disant N a zo , fut donc livrée au général
d’Estaing, qui la traita avec cette urbanité qui distingue
les Français.
Il fait part lui-meme à son père d’un événement qu’il
regarde comme une bonne fortune. Dans une lettre qui
se ressent de la liberté des camps , et qui est datée du
Caire, le 20 pluviôse an 9 , il ne craint pas d’avouer à
son père « qu'il essaye de faire un garçon à une jeune
« Grecque , q u i, d’après un arrangement oriental} fait
« les honneurs de chez l u i , depuis près (Vun mois. »
C e r t e s , si le g é n é r a l d ’ E s t a in g a v o it eu des vu es h o
¿Lune , il n ’a u r o it pas voulu l’avilir aux
yeux de son père; il n’en auroit pas parlé avec autant de
légèreté , surtout dans une lettre où il fait mention du
mariage de son parent, le général D elzons, et du fils
que ce général avoit eu d’une union légitime.
Une remarque essentielle à faire sur cette lettre, est
que l’arrangement oriental dont il parle, n’a commencé
que depuis près d’un mois : ce n’étoit donc que dans les
commencemens de pluviôse an 9 , ou tout au plus à la
fin de nivôse de la même année, qu’’A n ne étoit venue
habiter chez le général d’Estaing.
O r, depuis plus de deux ans, le général en chef avoit
établi dans chaque chef-lieu de province de l’Égypte, un
bureau d’enregistrement, où tous les titres de propriété,
et les actes susceptibles d ’être p r o d u its en justice, dévoient
recevoir date authentique. Cet établissement date du 30
fructidor an 6, ainsi qu’il est établi par un ordre du gé
néral en ch ef, qui sera mis sous les y e u x de la cour.
Ce chef illustre, dout la sage prévoyance embrassoit
n o r a b le s sur
�( 6 .}
tous les cas, avoit aussi établi des officiers pub1¡es pour
recevoir les actes civils, de naissance, mariage et décès:
les commissaires des guerres étoient chargés de ce soin
important. Ce n’étoit point encore assez ; il falloit donner
aux actes civils la plus grande authenticité.
Par un ordre publié le 21 vendémiaire an 7 , « l’armée
« fut prévenue que tous les actes civils qui seroient passés
« par les commissaires des guerres, ceux qui seroient
a passés sous seing privé entre les citoyens, et ceux qui
« pourroient l ’être entre les Français et les nationaux,
« par-devant les notaires du pays, étoient nuls en France
« comme en E gy pte, s’ils n’étoidnt. enregistrés confor« mérnent à l’ordre du général en ch ef, en date du 30
« fructidor an 6. 55
Tous les Français alors en Egypte se sont conformés
à l ’ordx-e du clief. Lorsque le général Delzons, parent
du général d’Estaing, a contracté mariage avec demoi
selle A n n e V a rsy , née à Alexandrie, il a été dressé un
acte civil.
Cet acte que rapportent les frères d’Estaing, est du 16
brumaire an 8 : il est reçu par Joseph A g a r d , com
missaire des guerres, faisant fonctions d’officier c iv i l,
avec mention « que Vacte ne sera valable qu’autant
« qu’il aura été en registré conformément aux ordres du
« général en c h e f ; » et cette formalité de l’enregistrement
a été remplie à R ozette, le 22 b r u m a i r e , six jours après
Ja célébration.
Les frères d’Estaing sont encore porteurs de l’acte civil
du mariage de Georges-Auguste L o n tin , capitaine, natif
de D itet, département de la M oselle, avec Catherine-
�i 6 q>
( 7 )
Sophie V a r sy , fille d’un négociant de Rozette : l’acte
également reçu par Joseph A g a r d , le 29 vendémiaire
an 8 , et enregistré le lendemain.
L e général Delzons , marié avec toutes les formes
prescrites, est devenu père d’un fils; l’acte de naissance
de l’enfant a été reçu par le sieur P in e t, commissaire
des guerres, chargé du service de la place du Caire : cet
acte est du 10 pluviôse an 9.
En un m ot, tous ceux qui se sont mariés en Egypte
ont pris la même précaution; et ils y étoient tenus d’après
les ordres du gén éral, à peine de nullité.
C es observation s p ré lim in a ir e s t r o u v e r o n t le u r p la ce
dans la suite. L e général d’Estaing ne cohabita pas long
temps avec A nne. Les Anglais débarquent à A houkir:
le général d’Estaing reçoit ordre de se rendre à Alexandrie
en ventôse an 9. A n n e reste au C aire, et n’a point revu
depuis celui qu’elle appelle son époux.
Ainsi Varrangement oriental n’a pas eu deux mois
de durée.
Après la capitulation d’A lexandrie, le général d’Es
taing, suivi d’un grand nombre d’ofliciers, repasse en
France. Par un des articles de la capitulation les Anglais
s’obligèrent de faciliter ce passage.
Quelques Egyptiens obtiennent la meme faveur. Joanny
N azo, A n n e} sont du nombre des réfugiés. D ’après le
récit d 'A n n e , « elle fut embarquée à A b o u kir, sur un
« petit navire grec; elle étoit avancée dans sa grossesse;
« elle est saisie des douleurs de l’enfantement dans le
« navire: le patron prend terre, et jette l’ancre sur la
« côte de Céphalonie.
�( 8 )
« A n n e accouche dans le navii’e; M a rie, sa fille, fut
« baptisée par un prêtre que sa famille envoya chercher
« dans une chapelle située sur les bords de la mer. »
Il faut l’en croire sur parole, car il n’existe aucune
trace de tout ce récit : quoique l’enfant ait été baptisé par
un prêtre, qu’il ait eu pour parrain un militaire français,
il n’existe aucun acte de naissance;A n n e est obligée
d’en convenir.
Cependant « le consul français l’honora de sa visite. »
E h . qu o i! le consul français fait visite à une femme
qui se dit l’épouse d’un général, qui n’est pas remise
des douleurs de l’enfantement! et ce consul ne se fait
pas représenter l’enfant! il ne dresse point d’acte'de
naissance, tandis q u e son d e v o i r l’y o b l ig e o i t ! I l est sans
c o n t r e d it difficile de faire croire à une pareille omission;
le prêtre au moins a u r o it dû constater par écrit le bap
t ê m e d e l ’enfant.
Enfin voilà A nne remise de ses douleurs, et débarquée
à Tarcnte, dans le royaume de Naples. L à, comme par
tout, se trouve un Auvergnat, de la ville mêmed’Aurillac,
nppelé L a ta p ie, qui, comme curieux, voit ces nouveaux
débarqués. Latapie écrit de Tarente à sa m ère, qu’une
Grecque et sa famille viennent de débarquer, d’après
la capitulation, et que cette Grecque se disoit épouse du
général d ’Estaing ; qu’elle se proposoit même de partir
pour aller rejoindre son mari.
Cette lettre se répand dans la ville d’Aurillac; le sieur
d’Estaing père en est inform é, et en écrit bien vite à
son fils. Celui-ci répond, le 13 ventôse an 10 : « Quant
« à mon mariage, vous ne devez pas plutôt croire la
« lettre
�\ás
(. 9 }
lettre de Lata pic .que larrjienne -, il rfy a aucim lien
légal ; je ne l’flijrois pasiçprçtrgçté $îu*s vpus en tpréT
venir : m#js il y a d’ijutrps }ien,s qui ppurroient jieutêtre bien amener c.elui-là. A u reste j’ai écrit à cette
famille -,de se r.endre à M a n i ll e , et d’y atteüdvp de
mes nouvelles. »
.
>
>
Une lettre aussi positiye syr^la patère .des liaisons du
général d’IÇstaing av,ec A n n e , ne lui donne certainerçient
pas une possession d’état. Il sembleassez naturel qu’une
femme ne prisse prétendre ?u.titre honorable d’épouse, sanp
J’aVjçu ou la reconnaissance (lç.çeliJi.qu’eHe dit être sq/i mari.
L e général li’JEstaing, ;prj-iy,é. à Paris, y a trouyé Jçt
.mort, le i 5 floréal an j o . ■,0a. a dit açse? *naj £ propop
.qu’il a voit l’intention d’y fijcer sQn séjour; la;lettre du 13
;yentpse an 10, dont on v ie n tre dppoçrjFeutrait., prouve
'au coptrai^ qu’il yoploit continuer,4e ^ujkYreJ^ççir^ière
militaire , que .tQujpHFS.ga j,çtivÀté d§ ¡serviqç , j\ ^ttçiir4 oit çlu gouven^eipent itfie ,<il>e§tinatÍQn julté.riçwe.
L e sort en ^ décidé aytrcmeipt; ^1 a jV.éçu. ^l, J ^ zp n s,
législateur, oncle ,du général d’Estaing, étoit à -Paris lorp
de cette catastrophe; il fait p^enjlrp tpgtes les .pyécvmtip.ns
que la loi çomrçi^nde ; les ^cpU^s §pnt ,appp|iép sjL\r tous
les meubles et .effets du d éfiât.
]V1. Delzons.savoitqu’^^/¿<jid)eyQÍt se i;end,re à ]\^a,r^eille,
•ville assignée au¡x Égyptiens ¡ré fu g iâ t mais /ju’elle .s’çtpit
arrêtée à Lyon po.ur raison 4 e
,,;e¡t.y avoit pris np
^logement .com inodeet ,cpûl;ett¥*, ;b n h q
M . Pel^oas'¿critilflu^sieur. JJp^djn,, mo^Ohaucl cha
pelier, originaire d’Ajuvillae ,,£t :ayeç lequel il ;étoit eu
relation. :M. DclKPOSiçli^rge Bpurdin d’wuooxicer à A n n e
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�( 10 )
la mort du général d’Estaing, et de lui procurer un loge
ment plus économique que celui qu’elle occupoit. Bourdiii
excéda ses instructions ; il crut qu’il valoit mieux encore
faire partir cette femme pour Aurillac; et sans consulter
la famille du général, sans même lui en donner avis, em
barque pour A urillac, A n n e , sa fille, et une nourrice.
: M . d’Estaing père n’a aucune connoissànce de cette
démarche; il n’èn est informé que par Bourdin lui-même*,
qui fait, dans le même temps, un voyage dans sa patrie;,
et précède de deux jours la prétendue Greèque.
M .'d ’Estaing manifeste la plus grande répugnance à
recevoir dans sa maison une- femmé qu’il ne connoissoit
qué sôus deg rapports pdii avantageux, d’après la corl ’èspondance - de; son fils: lia charité ou la compassion
l’ôbligeoiénf peut-être dé donner des soins à une étrangère
infortunée';'-mais' lu décence; neHuv permettoit pas de
-recevoir-une concubine dans èa: maison. - ¡> - .............
On chercha, par'les ordres du sieur d’Estaing, un ap<pftrtenient'énrv ille , pour donner un asile à Anne. La
résistance du* p è re , pour recevoir cette femme-dans-sa
maison, est connue de toute la ville; ; 1
; Mâis une foule d’oilicieux , d’oisifs ou d’indifférens
pensent qu’une réception plus'honorable ne peut avoir
aucune conséquence r c^çst une étrangère, une infortunée
élevée dans. des principes différent des nôtres', qu’on ne
péut1ranger dans là^classe de ces femmes sans- pudeur,
qui bravent les principes <)iT;Ies<préjugési;et soit Curiosité,
piiié »ô ü W f c s s © « s i c ü V J
iiig1^‘tlcins-'co‘ moment
/de cîoulciur^iitteb'é par lu nouvelle-fatüfc de 'lu mort de
son filé, accablé-sous le poids décatis' sellaïsæo-subjugucx»;
il admet1cette feinuic dans sa maison.
�lé r
C 11 )
Son arrivée à Aurillac date du I er. prairial an 10,
quinze jours après la mort du général.
Il y a dès-lors impossibilité que le sieur d’Estaing ait
prévenu, comme on l’a dit, par une lettre officieuse, celle
qu’on veut lui donner pour belle-fille ; il fut en mêmetemps informé, et de la mort de son fils, et de l’arrivée
de l’étrangère.
L e sieur d’Estaing père se proposoit d’avoir des ex
plications sur le genre d’engagement, que pou voit avoir
contracté son fils avec l’inconnue qui lui étoit présentée.
A p r è s u n e q u in z a in e a c co r d é e à y in n e, p o u r la reposer
des fatigues d e son voyage , il l a i fait p a rt de la lettre
du généra], son fils, et lui communique ses do u tes :
A n n e soutient qu’elle est l’épouse’légitime du général;
qu’elle a été mariée au Caire \ au commencement de
Tan 8 ; que sa fam ille, qui est à Marseille ,i à .fous rles
actes qui établissent son mariage et-lai "naissance d e rsa
fille.
!..
t '
r L e sieur d’Estaing père estcséduit ; .il se rassure sur'
la promesse à?Anne,'He faire venir tous ’cds 'actes : elle
fait écrire pour les obtenir; elle, ne pouvoit en-imposer
sur la lettre, car elle avoit besoin d’un secours étranger,
dès qu’elle ne sa voit! ni lire , ni écrire cri français.
Dans l’in te r v a lle .M . -Délions.arrive dè Paris; il est
informé de ces détails. Il connoissoif trétab-ldes affaires
du général; il observe à,son^beau-fi’èré qu’il est urgent
de, faire procéder à la remotion des scellés y à>l’inventaire
et à la vente du mobilier : mais com m ent,faire?/L ’état
de la prétendue ;veuve est incertain : .elle sc dit .Agée.
de dix-sept ans seulement ;i elle n’a aucun titre pour de-
�mander cette rémotion ; elle ne peut être tutrice de sa
fille, dès qu’elle est mineure : le sieur d’Estaing père ne
court aucun risque à accepter la tutelle de M a rie, qu’on
lui présente comme sa petite-fille.
Ce vieillard r e s p e c t a b l e , entraîné par les événemens
et les circonstances, attendant toujours les actes servant
à constater l’état de l’étrangère, croit pouvoir sans danger
prendre un parti qui accélère la liquidation de la suc
cession de son fils. Ses autres enfans ne sont pas de cet
avis ; ils représentent à leur père l’inconséquence de cette
démarche : ils ne sont pas écoutés ; on les évite, on les
fuit; ils ne sont plus instruits de cé qui se passe..
. L e 5 messidor an 10, le sieur d’Estaing père se pré-sd n te devant le juge de paix d’ Aurillac oft. lui fait exp'osôr t< queJacques-Zacharied’Eslaing, son- fils, générât
«' des d iv is io n e s t décédé à Paris le lô iloréal an. 10,
«s laissant une fillfe unique, alors-âgée de cinq m ois,
« nommée M arie, provenue de son mariage avec A n n e
u. J S a z o , Grectjue ■
>d’origine ; que la loi. défère A lui ,
« aïeul , la tutelle de sa' petite-fille, attendu surtout la
« minorité d’A n n e N a zo , sa rfrere ; et désirant ê(ro
confirmé en cette qualité pOuïvpouvdir agir légalement,
« il a amené plusieurs des plus proches parons du défunt,
et pour délibérer, tant sur la 'cîoufirmalioir dü la tutelle,
«• que sur la' fixation de la pônsitfti dd la p upille, sur
d les habitsl do d eu il, et pensiew virtuelle de la dame1
s veuvo d’Estaing-, comme aussi pour donner leur avis*
iur l'allocàtion des-frais de-voyage1 de lh ltiittouré, db>
la- ni àray; dëfiuis Lytm jusqu’ù Àuvillfie, ainsi queUlok
«•'«frais dns pbür salaires'ù «no üôuïrice^rovieohie, depuis
�( 13 )
T arente, ville du royaume de Naples, y compris uir
mois de séjour a Lyon , jusqu’en la ville d’Aurillac ;
lesquels frais il a avancés, et se montent à la somme
de 604 fr. ; et enfin , pour être autorisé à régler tous
comptes et mémoires de fournitui’es, et autres objets
qui pourroient être à la charge de la succession , et ce,
tant par lui-même que par ses fondés de pouvoirs. »
Il présente ensuite pour composer le conseil de famille,
des parais éloignés, si on en excepte les sieurs Delzons
père et fils. Chose remarquable ! le sieur d’Estaing père
avoit a v e c lui ses six autres e n f a n s , frères d u d é f u n t ,
dont q u atre m ajeu rs ; il é to it t o u t n a t u r e l , et la loi le
commandoit impérieusement, de convoquer à cette as
semblée les frères du défunt : ils étoient essentiellement
membres du conseil de famille ; on les écarte avec le plus
grand soin.
Ces parens, comme on peut le penser, sont d’avis de
confirmer le sieur d’Estaing, aïeul de la mineure, dans
la qualité de son tuteur, à la charge par lui de faire bon
et fidèle inventaire de tous les effets dépendant 'dû' la suc
cession du défunt général d’Estaing, faire procéder à la
vente du mobilier, et de faire l’emploi utile 'du prix en
provenant, conformément à la lo i, après avoir prélevé
tous frais, dettes et charges de la succession.'
2°. Ces parens estiment que la pension de la mineure,,
jusqu’à ce qu’elle aum atteint Page de dix ans, tant pour
sa nourriture que-'pbnr son entretien et éducation, doit
être fixée à la Somme,de 600 fr. annuellement, que le
tuteur retiendra par ses mains,sur la recette des revenus^
3**- ils portent lçs llabits de deuil de la dame veu^o
«
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�( x4 )
d’Estaing, y compris ceux qui lui ont été fournis à L yon ,
et qui uc sont point ^encore acquittés, à une somme cle
1000 francs : le tuteur est autorisé à fournir ces liabits,
en i*etirant quittance des marchands et fournisseurs.
4°. Quant à la pension viduelle de la ve u v e, et de la
négresse qu’elle a à son service, comme le sieur d’Estaing,
tuteur , leur fournit en nature , nourriture , logem ent,
feu et blanchissage, les parens fixent cette pension à la
somme de 1000 francs pour l’année de viduité, à compter
du I er. prairial an io , époque de son arrivée à Auriüac.
Ils allouent au tuteur la somme de 604 francs, avancée
par lui pour frais de voyage.de la veuve, et salaire de
la nourrice depuis Tarente jusqu’à Aurillac.
5 °. Ils au torisen t le tu te u r à traiter, tant par lui-même
que par ses mandataires, avec tous marchands, fournis
s e u r s , a u b e r g is t e s , et autres personnes qui pourroient
avoir fait des fournitures tant en m archandises q u e den
rées, régler leurs mémoires, en payer le montant, soit
que ces fournitures aient été faites àfcParis, à Marseille,
au défunt général, ou à sa veuve à L y o n , pendant le
séjour qu’elle y a fait.
Ce procès'verbal, si indiscrètement rédigé, fait avec
tant de précipitation, est le grand titre de l’Egyptienne.
Il en résulte, suivant elle, une reconnoissance formelle
de sa qualité de veuve d 'E s t a in g une possession pu bliq u e
de son état. Le sieur d’Estaing p è re , étranger à la suc
cession de son fils, puisque le général est mort sous l’em
pire de la loi du 17 nivôse an 2, a pu livrer cette suc
cession à une inconnue; il a eu le droit d’en priver ses
fils,/ frères du défunt, et seuls habiles à lui succéder. Tout
,
�ni
C ï5)
ce qu’a fait le père est irrévocable; les frères d’Estaing
sont obligés de le respecter. Peu importe que le général
ait désavoué son mariage, qu’il ait attesté qu’il rHy avoit
aucun lien légal entre lui et la prétendue Grecque ; le
père a plus de pouvoir que le mari ; il peut se passer
de contrat, d’acte civil, de preuves, et conférer & A n n e
la qualité de veuve de son fils.
V oilà l’étrange raisonnement 6CAnne et de ses conseils.
Mais il ne faut pas anticiper sur la discussion : on doit
cependant féliciter A n n e du grand parti qu’elle a déjà'
tiré d e ce p ro c è s ve r b a l.
G o m m e E g y p t i e n n e r é f u g i é e , e lle avoit o b te n u du gou
vernement une pension de 5zo francs. Cette faveur lui
étoit commune avec tous les Egyptiens qui avoient passé
-en France après la capitulation d’Alexandrie; seulement
la pension d’’A n ne étoit la moindre de celles que le gou
vernement avoit accordées*
Mais A m ie , munie de cette délibéi’ation de fam ille,
qui la traite comme veuve d’un général français, trouve
les moyens de parvenir jusqu’au chef de l’ctat ; e t , en
cette qualité de veuve, elle obtient de notre magnanime
Empereur que sa pension sera portée à la somme de
2000 francs.
Dans le principe elle n’avoit fait solliciter la démarche
du sieur d’Estaing père que pour parvenir à ce b u t;
maintenant elle veut encore profiter de la bienfaisance
du souverain, pour en induire une reconnoissanee solen
nelle de son état par l’Empereur lui-même; ce q u i doit
imposer silence à des collatéraux importuns.'
Il faut convenir qu’il n’y a pas .-de G r e c q u e plus riiseo1
�( i <5 )
ni plus adroite. O n examinera bientôt ce que peut avoir
de c o m m u n un brevet de pension, avec les prétentions
d'A n n e contre les frères d’Estaing, et si ce brevet est
e n c o r e une possession d’ état.
D eux jours après l’acte de tutelle, et le 7 messidor,
le sieur d’Estaing père donne une procuration au sieur
D elzons, résidant à Paris, pour faire procéder à la réinotion des scellés apposés sur les meubles et effets de
son fils.
■Il a été procédé à la rémotion des scellés, et à Tin<ventaire du m obilier, le 24 messidor et jours suivans. Il
est dit dans le procès verbal que c ’est à la requête de
'Pierre d’Estaing., au nom et .comme tuteur de Marie
d?Estaiug , sa petite-fille , ¡enfant mineur de JacqueaZacharie'd’Estaing, général de division, et d’Anne Na?o,,
-sa v e u v e y. G r e c q u e d ’ o r ig in e . :
On y observe que la mineure d’Estaing est habile à se
dire et porter seule héritière de JacquesrZacharie d’Es
taing, son père.
On remarque que le général d’Estaing ayant été marié
au Caire, len E gypte, il n’a point été fait-entre lui et s;i
veuve d’acte qui réglât les conditions civiles de leur
mariage ; qu’en conséquence leurs droits doivent être
régis suivant la coutume du lieu du domicile du général
d’Estaing; que ce domicile étoit à A urilluc, pays soumis
à la coutume d’A uvergn e, qui n ’a d m e t pas de commu
nauté entre mari et femmeisans stipulation contractuelle.
£ e sieur Delzons, fondé de pouvoir, devoit au moins
savoir qu’Aurillac est en droit écrit.
les papiers du défunt ¿on, ne trouve aucun acte,
P
a r m
i
aucunes
�( *7 )
aucunes pièces relatives à son prétendu mariage ; il n:y
a pas le plus léger renseignement, si ce n ’est deux lettres
récentes, écrites de Tarante au défunt, et dont on-ne
donne pas même la date : Tune e s t, dit-on , écrite par
le père de la dame d’E sta in g , qui apprend au défunt
V accouchement de son épouse, et Vautre (îun sieur Latapie, qui annonce au général d\Estaing l’arrivée de sa
Jennne à Ta rente. *> ’ ■ '■
> ■ „ ! . • 1.
'
r
Bientôt après on a fait procéder à la vente judiciaire
du mobilier; on a acquitté, dit-on, les dettes de la suc
cession ; mais les frères et sœurs du g é n é r a l on t i g n o r é
ces d é m a r c h e s , et n ’on t été a p p elés à aucune opération.
- En attendant, et pendant que tout ceci se passoit à
Paris, A n n e ne recevoit rien de Marseille y point d’acte
pour établir l’état qu’elle réclamoit.
Ce retard fait naître des soupçons; sa conduite dans la
famille les augmente : on avoit appris qu’elle n’étoit pas
même fille de Joanny Nazo; elle n’avoit pas reçu l’acte
de naissance de M a rie, qu’elle disoit sa fille. Si elle n’a
voit pas fait constater sa naissance par les officiers du
n avire, le consul, ou le prêtre, il étoit naturel de le faire
au moins à Tarente, où, comme dans tous les pays occupés
par nos armées, il y avoit des ¡officiers civils pour cons
tater l’état des Français. ‘
'' La famille du général murmure : Anne s’én aperçoit,
et prend le parti de se retirer ; elle écrit à Joanny TSazo
de venir la prendre. Celui-ci qui avoit gardé le silence
sur la demande à’A n n e , relative aux actes qui dévoient
constater son état, se rend bien vite à l’invitation ; il
C
�( i8 )
arrive à A u rillac, et emmène à Marseille celle qui se
disoit sa fille.
A n n e dissimula en partant; ce n’étoit qu’un voyage
de peu de d u rée, elle devoit bientôt revenir : elle part
pour Mai’seille. A peine arrivée à cette destination, elle
cherche à acquérir des preuves de son prétendu mariage.
Elle im agine, le 5 fructidor an n , de se présenter
devant le juge de paix du second arrondissement de
M arseille, intrà niuros. Elle lui expose « qu’il lui im« poi’te de faire connoître son origine, qu’elle ne peut
« le faire par pièces probantes, attendu que dans sa patrie
« il’ n’est point tenu de registre constatant l’état civil des
k citoyens ; elle requiert le juge paix de recevoir les dé« clarations qui vont être fa ite s par des compatriotes
« qu’elle a invités à.se rendre, relatives à son origine,
«'et qu i pourront suppléer au défaut des titres qu’il lui
« est impossible de produire. »
‘ A l’instant se présentent N icolas Pappas Onglou, se
disant chef de brigade, commandant les chasseurs d’Orient,
âgé de 45 ans , né à Schemet, en Asie G abriel Sandroux,
auàsi chef de brigade du môme corps, âgé de 36 ans,
né au Grand^Caire ; Abdalla Manour,, chef de bataillon,,
âgé de 34 ans, né au. Grand-Caire ; Joseph Tutungi,
réfugié égyptien, né à A le p , âgé de 5o ans; A lla Odab a c h i,-n é à A ie p , réfugié d’Egypte; Jo sep h D u ja in ,
né à' Gonstantinople, réfugié d’Egypte ; et Constanti
Kirialco , né à Schemèt, en Asie.
,11 est dit que toute cette c o m p a g n i e agit avec la p ré
sence et sous l’autorisatiou de L o u is d 'A c o m ia s , inter-*
�ir j
C >9 )
prête juré des langues orientales. Ils déclarent, par l’organe de l’inlei’p rète, « qu’ils ont résidé habituellement
« en Egypte avant la révolution ; qu’ils y ont parfaite« ment connu Jean ISazo et Sophie M isc h e, son épouse,
« père et mère à?Arm e; qu’ils sont bien mémoratifs de la
« naissance d’A n n e ISazo il l’époque de l’année 1780, et
« que la dame fut unie en mariage avec le général d’Es« taing. »
Joseph Tutu7igf, ConstantiKiriaJco et Joseph Ditfain^
déclarent de plus « qu’étant passés en France avec A n n e ,
te veuve d’Estaing , a ya n t r e lâ ch é à C é p h a l o n i e dans le
<c mois de n iv ô s e an 1 0 , ladite dame y accoucha d’une
« fille, qui fut tenue sur les fonts baptismaux par le sieur
« Nàssif, officier de chasseurs , et par la ' dame Marie
« M ische, son aïeule. »
-.
'
A n n e se faisoit ainsi reconnoître par ces réfugiés sans
avertir personne , et ne donna plus de ses nouvelles que
pour réclamer M a r ie , sa fille, qü’elle ôvoit laissée à
A urillac; encore eut-elle recours au ministre de la justice
pour faire cette demande. Elle a fait imprimer quelle avoit
eu besoin d’obtenir des ordres supérieurs pour avoir son
enfant; elle en impose sur ce point comme sur beaucoup
d’autres. Sur sa réclamation, le ministre écrivit pour
avoir des renseignemens ; et le sieur d’Éstaing père, fort
étonné d’apprendre qu’on se fût adressé au ministre, répond
sur le champ qu’il est,prêt à remettre un enfant qu’on lui
avoit laissé, et qu’il n’avoit gardé que par humanité.
Les frères et sœurs du général d’Estaing, à qui on a v o it
soigneusement caché tout ce qui s’ éto it passé, prirent
de leur côté des informations; l’un d’eux, commandant
G a
;
j
�( KU «
( 20 )
d’armes à. Cliambéry, avoit vu le général, son frère, lors
de s o n passage, et celui-ci ne lui avoit rien dit sur son
prétendu mariage; il étoit plus à portée qu’un autre de
savoir ce qui s’étoit passé au Caire. Il est convaincu que
son frère est mort célibataire; il se concerte avec les
autres pour la conservation de leurs droits.
Tous s e déterminent à faire faire entre les mains de
leur père, par acte du 20 thermidor an 1 1 , une saisiea r r ê t , avec défenses de se dessaisir ni rien livrer de tout
ce qui est provenu de la succession du général.
L e 7 ventôse an 12 , cédule devant le juge de p a ix , au
sieur d’Estaing père, pour se concilier sur la demande
tendante à ce qu’il soit tenu de leur rendre et remettre
là-totalité de la succession de leur frère, sauf au sieur
d’Estaing père à se retenir la portion revenante à Pascal.
.d’Estaing , leur frère, encore mineur.
L e 11 ventôse même mois, procès verbal du bureau de
.paix:'le.sieur d’Estaing père y déclare « qu’il existe un
« enfânt naturel de feu d’Estaing, provenu de ses liaisons
« avec Catherine Pontalier, originaire de Paris; que cet
« enfant, légalement reconnu par son père, étoit en ce mo« ment-entre les mains de Pierre M arceron, jardinier
« de la ville de Fongeau, et son père nourricier.
« Le sieur d’Estaing père observe que la loi donne des
« droits à cet enfant sur les biens de son père; que, d’un
« autre côté, il s’est présenté à l’ouverture de la succession
« du général, une femme grecque, qui se disoit sa veuve,
« et mère d’une petite iillç provenue de ce prétendu
« IJiariage. .
,, t v) i.u.î • I • ;:•>
-r:
,
« L e sieur d’Estaing ajoute qu’il voulut bien accepte;’ la
�¡77
( 21 )
« tutelle de cet enfant, attendu que sa reconnoissance ne
« pou voit pas nuire aux parties intéressées; qu’il lui donna,
« sur la succession, des secours qui lui étoient nécessaires,
« ainsi qu’à la mère ; mais que celle-ci prétend aujour« d’hui s’emparer de tous les biens du feu général d’Es« taing, soit comme se disant créancière, soit comme
« commune, soit comme tutrice de sa fille; qu’au reste,
« il est prêt et offre de remettre ce qui est en ses mains
« de cette succession, en le faisant oidonner, soit avec le
« tuteur qui sera nommé à l’enfant naturel , soit avec
« A n n e , se p o r ta n t a u jo u r d ’ h u i tutrice d e sa fille.»
les frères d’Estaing
(majeurs) présentèrent requête au tribunal d’A urillac,
pour demander permission de faire assigner leur p è re , à
bref délai, attendu qu’il s’agissoit de partage, pour voir
dire et ordonner qu’il y sera procédé , et qu’il leur sera
délaissé à chacun un sixième de la succession, suivant
l’inventaire qui sera représenté; faute de ce faire, pour
être condamné à payer à chacun des frères d’Estaing,’ la
somme de 12000 fr. à laquelle ils évaluent et-restreignent
leur amendement.
Même jour, assignation aux fins de cette requête ; et
le 18 ventôse, intervient au tribunal d’Aurillac un juge
ment contradictoire qui ordonne qii’A/me N azo, Emile
d’Estaing, enfant naturel du défunt, Jean-Baptiste et
Antoine Pascal d’Estaing, ou leurs tuteurs, ou subrogés
tuteurs , seront mis en cause.
Pendant que tout ceci se pussoit à A u rillac, Anne ne
perdoit pas son temps: elle s’étoit i m a g i n é e que le tri
bunal de la Seine devoit seul connoîtx’e do toutes les con—
L e l e n d e m a i n , 12 ven tô se an 1 2 ,
�( 22 )
ieslations qui pouvoient s’élever entre elle et le sieur
d’Estaing père.
Quoique résidente à M arseille, elle fait citer le sieur
d’Estaing père à Paris, par cédule et requête des 2 et 21
ventôse an 12 : elle ne sa voit pas trop encore ce qu’elle
devoit demander; mais par une requête du i 5 messidor
an 12 , elle règle définitivement ses conclusions.
E lle apprend, par cette requête, que le tribunal de la
Seine s’est déclaré compétent par jugement du 4 du même
mois de messidor : elle expose « qu’après la mort du gé~
« néral d’Estaing, décédé à Paris le i 5 floréal an 10, le
« sieur d’Estaing père a profité de l’absence de la dame
« d’Estaing, qui venoit de l’Egypte et de l’Italie pouf
« rejoindre son m a ri, pour se fa ir e nommer tuteur de
« ïen fan t mineur du général, et se mettre en possession
« de tous les biens. »
: 1
E lle dit « que le sieur d’Estaing père n’est plus chargé
« de la tutelle ; qu’il ne doit plus retenir l’administration
«des biens, dont moitié lui appartient’ à elle comme
o commune.
« Qu’elle est dénuée de tout ; qu’elle n’a d’autre res« source qu’une pension sur l’éta t, de Ô2o fr ., qui a été
« portée à 2000 fr. , mais dont elle ne doit pas toucher
a le premier terme de quelque temps.
« Elle a vendu ses effets, contracté des dettes; elle doit
« plusieurs termes de son loyer : l’article 384 du Code
« N apoléon, lui attribue la jouissance.des biens de son
g enfant.
« 11 s’est t r o u v é , d a n s l’actif d u d é f u n t g é n é r a l , t r o i s i n a * c r i p t i o D S du tiers-consolidé sur l ’ é t a t , f a i s a n t e n s e m b l e
�m
C 23 )
a 2000 fr. de rente : elle les a fait saisir à la trésorerie ;
« elle ne voit aucun inconvénient à en toucher les arré« rages. Mais ce n’est pas suffisant; elle demande cependant
« à être autorisée à les percevoir, à faire faire toutes mu« tâtions à son profit, et qu’il lui soit fait en outre une
« provision de ioooo fr. »
A u p r in c ip a le lle conclut à ce que M. d’Etaing père
soit tenu de lui rendre compte de sa gestion, lui com
muniquer l’inventaire fait après le décès de son fils, ainsi
que toutes pièces justificatives, sauf ses débtas, et qu’il
soit c o n d a m n é à lu i p a y e r le r e liq u a t d u c o m p t e .
Un ju g e m e n t p a r d é fa u t d u t r ib u n a l de la Seine, en
date du 18 messidor an 1 2 , lui adjuge ses conclusions
provisoires et principales ; seulement la provision est
restreinte aux arrérages des rentes du tiers-consolidé.
M . Destaing père, averti de toutes ces poursuites, trouveextraordinaire que la prétendue veuve l’ait fait assigner
à Paris, lorsqu’ évidemmentla succession de son fils étoit
ouverte à A u rillac.il n’a voit en effet d’autre domicile que
celui de son origine.
M . d’Estaing décline la juridiction, et se pourvoit
devant la cour de cassation, en règlement de juges.
Un arrêt du 11 vendémiaire an 13 , décide que la suc
cession du général est ouverte à A urillac; et sans s’arrêter
aux jugemens du tribunal de la Seine, des 4 et 18 mes
sidor an 12 , qui sont déclarés nuls et comme non
avenus , ainsi que tout ce qui 0 précédé et s u iv i, ren
voie la cause et les parties à procéder devant le tribunal
d’arrondissement d ’A urillac, pour leur c t r e fait droit sur.leurs demandes respectives. ■
�( 24 )
Arm e, à son tour, suspecte le tribunal d’Aurillac ;
M . d’Estaing père en étoit le président: elle présente
requête en la cour, pour être renvoyée devant tout autre
tribunal.
M . d’Estaing se prête à ce caprice; il s’en rapporte
à cet égard à la cour de cassation. A rrêt du .26 thermidor
an 13 , qui renvoie la cause et les parties devant le
tribunal séant à Mauriac.
Il n’y avoit d’autres parties en instance au tribunal
de la Seine, qu A rm e, soi-disant N a zô , et le sieur d’Esfning pure: la demande en partage, formée par les frères
d’Estaing, étoit pendante A Aurillac. Ce tribunal, investi
de la cause, avoit déjà ordonné que tous les prétendans
droits la succession du général d’Kstaing seroient assignes
devant lui. Ce jugement avoit été signifié.
Anne no tient nucun compte de cette procédure : le
10 lévrier 1806, elle prend une cédule du juge de p;iix
de M auriac, contre le sieur d’ iistaing père, exclusive
m ent; elle reprend contre lui les mômes conclusions
qu’elle avoit déjà prises par sa requête présentée au
tribunal de la Seine; seulement elle ne se prétend plus
commune avec le général, et n’agit qu’en qualité de
tutrice.
L e 4 mars 1806, procès verbal du bureau de paix.
L e sieur d’Estaing père , par son fondé de pouvoir ,
déclare « qu’Anne le fait citer sans fondement et sans
« raison ; qu’il n’a aucun droit à exercer sur la succesa sion de son fils* que ln dcinnnderes>»e nuroit dû plutôt
et SC pourvoir coutre 1rs véritables héritiers de son fils,
« qui seuls ont qualité pour accéder ou critiquer set
• prétentions >
h
�m
»5 )
« prétentions; qu’il n’est ici qu’un régisseur, et ne peut
« se concilier sur la demande en reddition de compte
« qu’avec tous les ayans droit. »
M . d’Estaing indique ensuite les héritiers du général;
et d’abord c’est Éinilo d’Estaing, soji fils naturel, et encore
m ineur, puis les lrères et sœurs du général; il expose
qu’ Anne n’ignore pas la saisie-arrêt qu’il a dans les mains,
à la requête de ses enftliiSj ce qui est un motif de plus
pour qu’elle s’adresse k e u x , afin de faire valoir ses
prétendus droits.
M ais le sieur d'Rstiimg pèixi«joute que 1« demanderesse
no pouL so prévalo ir de ce q u ’il l’a re^ue dans sa m aiso n ,
de ce qu'il a accepté la tutelle de M ûrie, et u fait pro cé
d e r, en cette qualité ,.ù l'inventaire Ct à la veute<les ellcts.
Ce ne fut qu’ù titre d’hospitalité et de bienfaisance qu'il
lui donna un asile; il y fut induit « par fraud e, suppo« sition do personne, et par des insinuations perfides. »
A n n e seule l’cxcitn h. toutes ces démarches, çu t'l
rétracte t4 désavoue form ellem ent, ne voul;u*t pas
qu’une étrangère s’introduise dans sa iiuiulle.
Il déclare qu’il ne la reconnaît point pour fille de.
Joanrrjr JVazo, ni sous la qualité d'épouse de son fils;
qu’il ne reconnaît point sa fille, sous le nom de M arie,
comme provenue de son prétendu, mariage avec le général
d’ Estaing*, qu’il exige auparavant «qu'elle établisse par
actes authentiques, son origine, son prétendu mariage,
ct l’état de M a rie , sa Îillc : iupque-U il la soutient non
recevable dons toutes scs demandes.
A n n e pour le coup est effrayée tle h\ rt*j»ouse énergiquo du sieur ü’& taio g père; d lc reconnoît 1<* néces(
�( 26 )
site de rapporter des actes authentiques qui établissent
son origine et son mariage: elle n’en avoit d’aucune
espèce ; qu’imagine-t-elle pour y suppléer ?
L e 29 mars 1806, elle se présente devant le juge de
paix du dixième arrondissement de Paris ; elle lui expose
que « pendant le cours de Tan 8 , elle a été unie en
«'légitim e mariage avec Jacques - Zacharie d’Estaing,
« général divisionnaire, décédé à Paris en Tan io \'q u e
« son mariage a été célébré religieusement, et d'après
« les rites du pays, devant le patriarche à?A lexandrie,
« habitant au Grand-Caire ; mais que n’étant point en
« usage en Egypte de tenir des registres des actes de
a l’état civil, elle se trouve d'ans l’impossibilité de>repré« senter au besoin l’acte de célébration de son mariage;
« et que désirant y suppléer par un acte de notoriété,
« signé de différentes personnes qui ont été témoins de
« son nlarïage , elle requéroit le juge de paix de recevoir
« la déclaration des personnes qu’elle présenloiL »
'C e s personnes sont au nombre de sept. Un sieur
Larrey de Beaudeau, ex-chirurgien en chef de l’armée
d’Égypte; dom Raphaël de M onachis, membre de l’ins
titut d’Egypte ; un sieur Antoine-Léger Sartelon, ex-or
donnateur en c h e f d&l’armée d’Egypte; un sieur Hector
D a u r e , ex-inspecteur général aux revues de la même
armée ; un sieur Luc Duranteau, général de brigade;
un sieur Jean-Joseph M arcel, directeur de l’imprimerie
im périale; un sieur Martin-Roch-Xavici- Estuve, ex-di
recteur général des revenus publies de l’Egypte.
Tous ces témoins réunis, et par une déclaration col
lective, attestent, « pour n o to r ié té p u b liq u e connoîlre
�1*3
C 27 )
« parfaitement A n n e N a zo , veuve du général d’Estaing,
« fille de Joanny Nazo, négociant au Grand-Caire, clief
« de bataillon des chasseurs.
1
« Ils certifient que , pendant le cours de ta n 8 , la
« dame Nazo a été unie religieusement, et d’après les
« rites du pays, en légitime mariage avec. Jacques-Zact cliarie d’Estaing, par le patriarche d’A lexandrie, lia« bitant du Grand-Caire; que l’acte de célébration n’en
« a pas été rédigé , n’étant point d’usage en Egypte de
« tenir un registre de l’état civil ; mais que le mariage
« n’en est pas moins constant, ayant été célébré en pré«• sence d’un grand nombre de militaires français, et de
« la plupart des déclarans ; que depuis la célébration
« de son mariage avec le général d’E slain g , et pendant
« son séjour en Egypte, la dame N a zo , veuve d'Estaing,
« n’a pas cessé d'habiter avec son m a ri, qui Va tou« jours traitée comme son épouse légitime, »
A n n e , munie de cet acte, qu’elle appelle un acte de
notoriété, présente requête au tribunal de la Seine, pour
demander Vhomologation de ce certificat : jugement du i 5
avril 1806, qui l’homologue sans difficulté.
On ne conçoit pas trop cette manière de procéder. Il
est difficile de penser que le juge de paix eût qualité
pour recevoir de semblables déclarations, et que le tri
bunal de la Seine fût compétent' pour homologuer une
enquête à fu tu r, faite sans ordonnance de justice , sans
jugement préalable, et hors la présence des parties in
téressées.
Il est surtout curieux d’entendre ces témoins officieux)
dire que le mariage a été célébré en l’a*1 8 , s?ns
D a
�C 28 )
signer aucune époque précise, lorsque la lettre du gé
néral, du 2.5 pluviôse an 9 , annonce une liaison récente,
et qui ne remontoit pas à un.m ois; de les voir déclarer
que le mariage a été célébré parle patriarche d’Alexandrie,
qui n’est ministre de la religion d’aucun des deux prétendus
époux ; de les entendre enfin attester qu'A n n e n’a cessé
d’habiter avec son mari pendant tout son séjour en Egypte,
lorsqu’il est constant que la cohabitation n’a pas eu deux
mois de durée, que le général est parti du Caire pour
se rendre à Alexandrie, lors du débarquement des Anglais
à Aboukii*.
1
A n n e , se confiant dans cet acte de complaisance ou
de^légèreté* fait assigner M. d’Estaing père au tribunal
de M auriac,tpar exploit du 30 mai 1807. M . d’Estaing
père fournit ses défenses, qui ne sont qu’une répétition
de ce qu’il avoit d é jà d it d e v a n t le bureau de paix; mais
il d e m a n d e acte au tribunal de la réitération qu’il fait
devant lui de ses protestations contre tous aveux, toutes
démarches; que ce n’est que par erreur et par fraude
qu’il a accepté la tutelle de M arie; et qu’il rétracte tous
actes dont Anne pourroit inférer une reconpoissance de
son-état; il conclut enfin à ce qu 'A n n e , comme étran
gère, soit tenue, aux termes du Code, de donner caution
jüdicatum solvi.
. .
La cause portée à t-a'udience au provisoire, intervint*
un jugement contradictoire, le 12 août 1806, par lequel
le tribunal de M auriac, sans préjudice de tous moyens
respectifs des parties, et sans entendre rien préjuger, ordonne, avant faire d ro it, que les parties feront dili
gences pour mettre en cause les prétendons droit à la
£ '*
�1^5
( 29 )
succession du général d’Estaing, en se conformant u la
loi ; et néanmoins, condamne le sieur d’Estaing père ù
payer à Anne Nazo la pension de 600 francs, fixée à sa
fille mineure par le procès verbal du 5 messidor an io ,
depuis que la mineure est sortie de la maison du sieur
d’Estaing p è re , et à la continuer à l’ayenir jusqu’au ju
gement définitif : les dépens sont réservés, sauf le coût du
jugem ent, auquel le sieur d’Estaing père est condamné.
On ne doit rien négliger dans une cause de cette im
portance ; les plus petits détails peuvent être précieux :
il faut donc rendre un compte sommaire des motifs qui
ont déterminé ce jugement, a u q u e l les héritiers d’Estaing
se sont rendus tiers opposans, et qui est également soumis
à l’examen de la cour.
Suivant les premiers juges, l’article 16 du Codeç Na
poléon n’assujétit que les étrangers à donner caution du
judicatum s o b i. A n n e se disant épouse d’un généyal
français, il est incertain si elle sera regardée comme
étrangère, ou si elle se trouvera dqns l’exceptiop ç}e
l’article 12 du même Code; rien n’est encore jHgé syj.*
la validité ou l’existpnce de son mariage > on ne peut
donc lui appliquer une peine qu’elle a ?a pas ençoiii'pe.
Ce n’est pas trop sagement l’aisonner ; Qar s’il fqvjt at-r
tendre la fin d’un procès pour exiger une caution, Ja
disposition du Code ne serait pas fort utile : il est biçij
tard pour demander une caution, lorsque tous les frais
sont faits; et il sernble que dès qvfAnne ne r3pp@r{;oit
aucuns titre« pour constater son éta t, elle devoir H w
»ssujétie h cette formalité.
'
!
Leg premiers juges ajoutent qyCAmte > eoii ¡eoftiEïjg
+%
�( 30 )
commune, soit comme tutrice, réclame la totalité de la
succession du général ; dès-lors les poursuites que les
frères d’Estaing ont pu faire contre leur père, lui sont
é tr a n g è r e s , et ne peuvent mériter aucune litispendance
g u i la concerne.
Cela n’est pas trop clair : « mais comme elle réclame
« toute la succession contre le sieur d’Estaing p ère, qui
« s’en est reconnu dépositaire; que la cour de cassation a
« renvoyé cette demande au tribunal, entre la dame N azo
« et le sieur d’Estaing père seulement, quoique la cour
« de cassation ait eu sous les yeux la procédure tenue à
« A urillac, entre les frères d’Estaing et leur père, puis
« qu’elle est visée dans son arrêt, et qu’il n’est pas permis
« au tribunal d’interpréter le silence de la cour de cassa
te don. »
les premiers juges aur o ie n t o r d o n n é la m ise en cause devant eux des prétendans droit à cette succession? Ils s’ingénient à prouver
qu’ils n’en ont pas le droit ; et c’est la première chose
qu’ils ordonnent.
Enfin le sieur d’Estaing père a provoqué la tutelle ;
il s’est soumis à payer une pension de 600 fr. à M arie:
la rétractation qu’il oppose contre cette obligation , ne
peut empêcher l’exécution provisoire ; la saisie-arrêt ne
peut avoir d’effet sur une pension alimentaire ; sauf le
recours du sieur d’Estaing père, ainsi q u ’il appartiendra.
Tels sont les motifs de ce premier jugement; ils pouvoient être plus conséquens, et ce n’est pas sans raison
que les premiers juges hésitoient sur la mise en cause
des frères d’Estaing; ils n’étoient, dans l’espèce partiQ u i c r o ir o it q u ’a v e c ce m o t i f
�( 3 0
culière, que des juges d’exception; ils n’avoient reçu
d’attribution qu’entre A n n e et le sieur d’Estaing père.
Ils ne pouvoient pas dépouiller le tribunal d’Au ri lia c ,
juge naturel des frères d’Estaing, d’une demande pen
dante devant lui.
Mais pourquoi se jeter dans des arguties de procédure,
pour une cause de cette importance ; les frères d’Estaing
prennent le p arti, sur la signification qui leur est faite
du jugement d’Aurillac , d’intervenir en l’instance , et de
former tierce opposition au jugement précédent : leur re
quête d’intervention est du 24 janvier 1807. Ils deman
dent qu’’ sinne soit d é c la r é e non r e c e v a b le dans toutes
ses demandes, et concluent, contre leur p è re , tant en son
nom , qu’en qualité de tuteur de deux de ses enfans, au
délaissement et au partage de la succession du général
d’Estaing, leur frère , ainsi qu’ils l’avoient demandé à
A u rilla c»
En cet état, la cause portée à l’audience du tribunal
d’A urillac, Te 13 août 1807, il y a été rendu un jugement
contradictoire, dont suivent les motifs et le dispositif.
« Attendu que la clame Nazo a mis en fait qu’elle avoit
« été mariée avec le général d’Estaing, au Caire, en
« Egypte, par le patriarche d’A lexandrie, en présence
« des principaux, officiers de l’armée française en Egypte,
« en l’an 8, sans désigner le mois ni le jo u r de cette année ;
« que toutes les formalités exigées dans ce lieu pour le
« mariage avoient été observées; et que d’après ces usages,
« il ne se faisoit jamais d’acte écrit du mariage ;
« Attendu qu’elle rapporte même des certificats qui*
« attestent le mariage et l’usage du pays ;
�# ( 32 )
« Attendu que les tiers opposons ont produit nu con« traire des certificats et des actes de mariage d’autres
« officiers français, célébrés dans le même temps devant
« des commissaires de l’armée ;
« Attendu que la dame Nazo prétend p ro u ver, par
« ïesdits certificats, qu’elle a vécu avec le général d’Estaing
« au Caire et à Alexandrie, et y étoit reconnue comme
« son épouse ;
« Attendu que la dame Nazo prétend que la reconnois« sance de son mariage, et même la rcconnoissànee de la
« légitimité de sa fille, de la part du général d’Estaing,
« résultent de la lettre qu’il a écrite à la dame Nazo le
« iô prairial an 9 , date qui correspond assez à la naissance
« de cette fille à Céphalonie ; dans laquelle lettre le gé« néràl d’Estaing lui fait de tendres reproches de ce qu’elle
« ne l ’a phs ave rti de sa gro ssesé, q u ’ il avqit apprise d’ail« leurs, et de ce q u ’ u n particulier, qu’il dénomme, ti’ a « voit pas procuré à la dame Nazo des occasions de lui
c< écrire ; laquelle lettre , très-afïectueüse, est écrite en
« entier de la main du général d’Estaing, de l’aveu de
« toutes les parties, est adressée, aussi de sa main , à la
« citoyenne d’E sta in g , à la citadelle du C aire, et datée
« d’Alexandrie ;
« Attendu que par la lettre du général d’Estaing à
« son père , du 13 ventôse an 10 , il commence par se
« plaindre de ce que son père ajoutoit plus de foi à une
a lettre d’un sieur Latapie, qui lui avoit mandé que le
«général d’Estaing étoit marié en E gyp te, qu'à hii« même ; il continue par dire à son père qu’il rfy a
« aucun lien légal entre la dame Nazo et lui ; qu’il ne
« l’eût
�( 33 )
« l’eût pas contracté sans le prévenir ; et il finit cepen« danl par dire que ce lien pourvoit bien amener celui-là ;
« qu’au surplus, il a écrit à cette famille de se rendre à
« Marseille , et d’y attendre de ses nouvelles ;
« Attendu qu’après le décès du général d’Estaing,
« arrivé le i 5 floréal an 10 , le sieur d’Estaing père a
« reçu chez lui la mère et la fille, et lésa traitées comme
« veuve et fille du gén éral, et présentées dans toute la
« ville en cette qualité pendant huit mois ; ol
« Attendu q u e le sieur d’Estaing père a requis, çîans
« un p r o c è s v e r b a l
tenu d e v a n t le
ju g e d e p a ix d ’A u -
« l'illac , et c o m p o s é d e ce q u ’il a d e p lu s éclairé et d e
« plus r e c o m m a n d a b le dans sa famille, le 5 m essidor an
« 10, et a obtenu la qualité de tuteur de Marié d’Estaing,
« sa petite-fille, provenue, y est-il d it, du mariage du
« général d’Estaing avec la dame Nazo; dans lequel procès
« verbal il a fait fixer les frais par lui avancés pour leur
« voyage de Lyon à A u rillac, les habits de deuil de la
« dame N azo, et une pension pour elle et sa fille;
« Attendu qu’en vertu de ce procès verb a l, le sieur
« d’Estaing père a fait procéder à la rémotion des scellés
« apposés à Paris sur les effets du général d’Estaing, son
« fils, à laquelle le père de la dame N azo, et le sieur
« Delzons-, législateur, ont assisté, et le sieur d’Estaing
« a fait ensuite procéder à l’inventaire de son mobilier
« par le sieur Delzons fils , sonifondé de p ou voir, le 24
« messidor an 10 ;
« Attendu que lorsque la dame Nazo , après un
« séjour de huit mois chez le sieur d’Estaing p ère, l’a
« quitté, ce dernier a gardé Marie d’Estaing, sa fille,
E
�( 34 )
« et ne l’a.remise à sa mère qu’en vertu d’ordres supé« rieurs;
« Attendu que de tous ces faits non désavoués, la dame
« Nazo en a conclu que son état d’épouse du général
« d’Estaing, et l’état de Marie d’Estaing, leur fille, avoient
u été reconnus solennellement par le sieur d’Estaing père,.
« et qu’il ne lui étoit plus permis de varier;
« Attendu que le sieur d’Estaing père n’a rétracté cette
cc reconnoissance formelle que par sa réponse au bureau
« de paix du canton de Mauriac;
« Attendu ce qui résulte du procès verbal de tutelle,.
« et des autres pièces produites par la dame Nazo;
cc Attendu que lorsqu’il n’a pas été tenu de registres,
ce l’article 7 du .titre 20. de l’ordonnance de 1667, dont
et, a été pris l’article 46 du Code, permet de prouver par
«^témoins la célébration du mariage, et la naissance des
« enfans q u i en sont provenus; et q u e, dans l’espèce,
ce cette preuve testimoniale est d’autant plus admissible,
ce que le procès verbal de la tutelle déférée au sieur
cc d’Estaing-père peut être.considéré comme un commen
ce cernent de preuve par écrit de la possession d’état de la
ce dame Nazo et de sa fille ;
\ .
,
r ce L e tribunal, sans, préjudice, etc., et sans rien prê
te juger ji,ordonne, avant fairç(dï:oit, que la dame Nazo
«.j-fera preuve par-dcvantnle président du tribunal, dans
« les six: mois;à com pter de la (signification du présent
« jugement à personne ou dom icile, et ce tant par titres
<c que par témoins, i°..qu’il n’étoit pas d’usage au Caire,
« en l’an 8,- soit pour les militaires français, ou tous
« autres,de tenir-des registres de l’état civil, ni de rédige»
�( 3 5 )
par écrit les actes de mariage ; qu’il n’étoit pas non
« plus d’usage ù Céphalouie de rédiger par écrit des actes
« de naissance; 2°. que la dame Nazo a été mariée en
« l’an 8, au Caire, avec le défunt général d’Estaing, par
« le patriarche d’Alexandrie, avec les cérémonies usitées
« dans ce lieu ; 30. qu’elle a depuis cohabité avec le sieur
« général d’Estaing, jusqu’au retour de celui-ci en France,
« et que dans tout ce temps elle a été publiquement
« reconnue pour être l’épouse du général d’Estaing ;
40. qu’elle est accouchée à Céphalonie , d’une fille
c< provenue de ce mariage , dans le mois de nivôse an 10,
« la q u e lle fille a é té n o m m é e M a rie d ’E s t a i n g ; sa u f au
« sieur d’Estaing père, et a u x tiers opposans, la preuve
« contraire pour les enquêtes, etc. : dépens réservés. »
La dame A n n e a fait signifier les qualités de ce juge
ment , sans aucune protestation ni réserve, le 22 août
1807,
L e 5 décembre suivant, A nne interjette appel de ce
jugement interlocutoire : elle a renouvelé cet appel par
autre acte du 23 janvier 1808; et, pour la première fois,
dans cet acte elle se rappelle de la date de son prétendu
m ariage, qui a été célébré au Caire le jour des rois de
1800 ; fête qui arrive douze jours plus tard que parmi
nous, parce qu’on suit en Egypte le calendrier grec; ce
qui répond, suivant elle, au 17 janvier 1800, ou 27 ni
vôse an 8. Elle se plaint de ce qu’on l’assujétit à une
preuve; elle n’en avoit pas besoin.
Les frères d’Estaing, à leur to u r, tant en leur nom
personnel que comme héritiers de leur père , d é c é d é
pendant l’instance, se rendent incidemment appelais du
E %
k
�C( 36 )
même jugem ent, notamment en ce que ce jugement a
fait une fausse application de Particle 14 du titre 20 de
l’ordonnance de 1667, de l’article 46 du Code, et qu’il
est contraire aux dispositions des articles 170 , 1 7 1 , 194
et 195 du même Code.
JDepuis ces appels respectifs, A n ne a fait publier en la
eour une consultation en forme de mém oire, à la suite
de laquelle elle a produit des pièces nouvelles. Il s’agit
de répondre aux obj'ections qu’elle propose, de relever
les contradictions dans lesquelles elle est tom bée, et d’ap
précier le mérite des actes de notoriété ou des certificats
dont elle justifie.
Une étrangère, une infortunée, vient réclamer Pétat
d’épouse et de m ère, noms chers et sacrés, d’où naissent
les plus doux charmes de la vie : quel intérêt n e doit-elle
pas inspirer! La complaisance ou la pitié ont déjà dicté
des certificats r q u i tous a n n o n c e n t le sentiment qui les
a p r o d u its ;
- Point de précision sur les faits, contradiction sur les
dates , exagération dans les circonstances, erreur sur les
uages ou les mœurs du paysComment pourroit-on accorder quelque confiance à
des actes extrajudiciaires, sollicités, mendiésy obtenus
contre tous les principes et toutes les formes?
L a faveur disparoîtr l’illusion cesse, le prestige s’éva
nouit ; il
reste plus que la crainte, une sorte de terreur,
d’admettre, au détriment d’une famille, une usurpatrice,
une concubine, qui mettant peu de prix à ses charmes,
a cédé facilement aux appas de la volupté.
A n n e pourroit-elle se faire un titre d’un procès verbal
�( 37 )
de tutelle qu’elle a arraché de la foiblesse ou de l’erreur
d’un vieillard, dans les premiers momens de douleur de
la perte de son fils ; qu’elle n’a obtenu que par un men
songe , et parce qu’elle faisoit entendre que Joanny Nazo
avoit dans les mains tous les actes qui constatoient son
état d’épouse légitim e?
E lle est obligée de convenir aujourd’hui qu’il n’existe
aucun acte qui établisse son mariage; elle se renferme
dans une assertion mensongère, et soutient qu’il n’est pas
d’usage, parmi les G recs, de tenir des registres, ou de
dresser des contrats de mariage.
E l l e en im p o s e é v i d e m m e n t et sciem m en t. Q u ’on o u v r e
l ’histoire d e
tou s
les p e u p le s
p o lic é s , des T u r c s , p a r
exem ple, qui régnent dans le pays qui l’a vu naître.
On sait que les Turcs admettent la pluralité des femmes ,
et n’ont souvent que des esclaves : cependant il se con
tracte des mariages parmi eux ; et celles qu’ils ont légi
timement épousées jouissent de tous les droits d’épouses;
il leur est dû un douaire et une pension.
T oui’nefort, si bien instruit des usages de ce peuple,
d it , lettre 14 , que « les Turcs ne considèrent le mariage
« que comme un contrat civil; cependant qu’ils le regar« dent comme un engagement indispensable, ordonné
« par le créateur à tous les hommes, pour la multiplia cation de leur espèce. Quand on veut épouser une fille,
a on s’adresse aux parens pour obtenir leur consente« ment ; et lorsque la recherche est agréée, il en est dressé
« un contrat en présence du cadi et de deux témoins*
« L e cadi délivre au x parties la copie d e l e u r c o n tr a i
a de mariage. La femme n’apporte point de dot, mai»
�( 38 )
« seulement un trousseau, etc. » II parle ensuite de la
pompe et des cérémonies qui accompnguent cet acte
solennel, et qui sont plus ou moins fastueuses, suivant
la qualité des parties.
On peut encore consulter l’histoire moderne de l’abbé
de M arcy, tom. 6, édition in-12, page 112 et suivantes.
L e môme auteur parle du mariage des Grecs, dont le
patriarche reçoit les conventions, dont il est à la fois
le ministre et le juge. «Les Grecs, dit-il même tome,
« page 297, x-egardent le mariage comme un sacrement;
« mais ils ne croient pas que ses nœuds soient indissolu« Lies. Un mari mécontent de sa femme obtient, sur une
« simple requête , une sentence de séparation, que le
« patriarche lui fait payer dix écus: alors les deux parties
« peuvent former un autre engagement, sans que per
te sonne s’en formalise. »
T o u r n e f o r t , lettre 3 , dit en core la même chose.
L ’ a u te u r le plus moderne qui ait écrit sur les mœurs
des Égyptiens , et dont l’ouvrage a pour titre : Conquête
des Français en Egypte, pag. 128, art. 6 , en parlant
de divorce, répudiation, atteste que lorsque le mari
veut se séparer, il le déclare devant le juge, et rend la
dot portée par le contrat de mariage. Il y a donc des
contrats ?
«
«
«
«
cc
« Les mariages ont cela de particulier, dit l’abbé de
M arcy, qu’on choisit de part et d’autre un parrain et
une marraine, et quelquefois trois ou quatre. L e papas
reçoit à la porte de l’église les mariés, et commence
par s’assurer de leur consentement. Ensuite, les conduisant à l’autel, il leur met sur la tête une couronne
�( 39 )
«
«
«
«
«
«
'9j
de feuilles de vigne, garnie de rubans et de dentelles;
il passe un anneau d’or dans le doigt du garçon, et
un anneau d’argent dans celui de la fille; puis il change
plus de trente fois ces anneaux, mettant au doigt de
l’épouse l’anneau du m ari, et au doigt du mari l’anneau
de l’épouse.
« Les parrains et les marraines s’approchent ensuite,
« et font le même changement d’anneaux. Cette céréa monie finie, les parrains ôtent aux mariés leur cou« ronne........... L e papas coupe ensuite des mouillettes
« de p ain , et les mêle dans une écuelle avec du vin ;
« il e n m a n g e u n e , en p r é se n te u n e au tre à la m a r i é e ,
« puis au m ari, et enfin à tous les assistans. Les parens
« et les amis envoient ce jour-là aux mariés de grandes
« provisions; on se réjouit ainsi à frais communs, pendant
« deux mois. »
L e même auteur dit que la dot de la future est portée
avec ostentation chez l’ép ou x, et précède le cortège de
l’épouse ; que cette dot est stipulée et constatée par un
acte dressé devant notaires.
Il est encore d’usage constant, pour donner au ma
riage la plus grande publicité, de promener les époux
pendant trois jou rs, sous un dais.
L e prétendu mariage d'A n n e a-t-il eu ce genre de pu
blicité? Elle n’a jamais osé le dire. T out est invraisem
blable dans son récit.
- Elle fait entendre qu’elle a été mariée par le patriarche
d’A lexandrie, demeurant au Caire. Cela est impossible.
L ’auteur déjà cité sur les mœurs et les usages des
Egyptiens, apprend qu’il y a en Egypte des ministres
�4 0 .)
de toutes les sectes chrétiennes. L e ministre désigné par
A n n e n’est pas celui des G recs, il est le prêtre des
Cuphtes. « Ceux-ci, dit cet auteur, sont chrétiens, de la
« secte des Jacobites ou Eutychéens. Leurs opinions
« religieuses les rendent irréconciliables avec les autres
« Grecs ; ils se persécutent avec acharnement. L es
« Cophtes ont un patriarche qui réside au Caire, et
« qui prend le titre de patriarche d'Alexandrie. »
Par quelle singularité -^/2/20,qui se dit G recq u e d’ori
gine et de religion, auroit-elle choisi un prêtre persé
cuteur de sa secte? Comment le patriarche des Cophtes
auroit-il consenti à bénir un prétendu mariage entre
deux époux d’une religion différente,dont aucun d’eux
ne professe celle du ministre devant qui ils se présentent
pour recevoir la bénédiction nuptiale.
L e mariage d’un général français étoit un événement
remarquable ; on dqvoit y mettre la plus grande pompe,
y donner là plus grande publicité. Q uoiqu’en dise A n n e r
c’eût été pour elle un honneur insigne, une fortune ines
pérée. N a z o , q u i, si on l’en croit, s'est f a i t valoir
pour donfier son consentement, n’auroit pas manqué de
prendre toutes les précautions pour assurer l’état de celle
qu’il appelle sa fille. Il faisoit partie de l’armée ; il connoissoit les ordres du général en ch ef, traduits dans
toutes les langues usitées : la première chose à laquelle
il auroit pensé eût été de faire dresser un acte civiL
devant le commissaire des guerres, officier public dé
signé à cet effet.
A n n e convient cependant qu’il n’y a eu aucun acte
dressé !
_
Les
(
�( 4 0
Les témoins qu’elle a produits dans ses enquêtes à futur,
se contentent d’énoncer des assertions générales. On ne
désigne ni l’heure, ni le jour, ni le lieu de la cérémonie:
aucun témoin ne déclare précisément avoir assisté à la
bénédiction nuptiale.
A n n e elle-même a toujours laissé dans la plus grande
incertitude sur la date ou l’époque de son prétendu mariage.
Elle plaide depuis l’an n ; et jusqu’au jugement dont est
appel, du 13 août 1807, elle s’est contentée de dire qu’elle
avoit été mariée dans le cours de Pan 8 ce n’est qu’après
le jugement, et dans la consultation, qu’on a pensé qu’il
falloit p ré ciser le j o u r , et on a i m a g i n é le jour des r o i s ,
q u i, d’après le calendrier grec, se trouve le 17 janvier.
Cependant il résulte de la lettre du général d’Estaing,
en date du 25 pluviôse an 9, que son arrangement
oriental n’avoit commencé que depuis à peu près un mois,
et le général d’Estaing écrivoit la vérité ; en voici la
preuve :
A nne veut être mariée en l’an 8 , le 17 janvier, qui
représente le 27 nivôse an 10.
A cette époque, le général d’Estaing n’étoit pas au
Caire; il commandoit l’avant-garde de l’armée en station
à C athié, fort situé dans les déserts, qui sépare l’Egypte
de la Syrie, près de Suez, à plusieurs journées du Caire.
L e service ou le commandement du général, au fort
de C athié, a commencé le 17 brumaire an 8, et n’a fini
que le 16 pluviôse an 8 , époque de l’évacuation de ce
fort.
L a preuve de cette continuité de service, résulte de
son registre de correspondance officielle j registre écrit
F
�( 42 )
en grande partie de la main du général , qui p ro u ve,
jour par jou r, qu’il n’a pas quitté son poste.
Plusieurs lettres officielles écrites par lui le 27 nivôse
an 10, du même lieu de Cathié , démontrent l’impos
sibilité de sa présence au Caire le jour indiqué pour
son prétendu mariage.
Les lettres concernant le service lui sont adressées â
Cathié, par les généraux et officiers, et particulièrement
par le général de division sous les ordres duquel il servoit.
Cathié ne fut évacué que le 16 pluviôse an 8. L e gé
néral d’Estaing se rendit de là à Rozette, où il a resté
jusqu’en vendémiaire an 9.
Ce fut alors qu’il fut nommé au commandement du
C aire, où il a résidé jusqu’en ^entôse an 9 , c’est-à-dire,
jusqu’au moment où les Anglais débarquèrent à Aboukir.
Tous ces faits s o n t prouvés par les registres et les feuilles
dd service du général.
Les parties d’ailleurs sont d’àccord sur celte dernière
circonstance. A n n e nous l’apprend elle-m êm e dans sa
consultation, page 6.
Comment concilier toutes ces contradictions? l’assertion
d’ une inconnue doit-elle l’emporter sur les écrits du
défun t, qui font foi par eux-mêmes ?
Non , il est évident qu'A nn e veut en imposer à la
justice, au public*, que son histoire lamentable n’est qu’un
roman mal-conçu, qui manque tout à la fois de vraisem
blance et de vérité.
Mais A n ne a, dit-on, une possession d’état in variable.
Qu’est-ce qu’une possession d’état ? Lès questions de
ce, genre sont toutes de droit public.
�( 43)
L ’état des liommcs se forme sous l’autorité des lois ;
il s’établit de deux manières, ou par des titres, ou, à
défaut de titres , par la possession : le titre en est la
preuve la plus authentique et la plus invariable; la pos
session en est peut-être la preuve la plus sensible et la
plus naturelle. C’est ainsi que s’exprimoit M . l’avocat
général Séguier, dans la cause du sieur Rougemont. « La
« possession , disoit ce grand .magistrat, lie , unit par
« une chaîne non interrompue de faits, d’actions et de
« démarches, totis les instans de notre vie à celui qui
« nous a vu naître ; elle nous fait r e m o n te r ju s q u ’à la
cc source de n o tr e sang-, elle n o u s fait descendre depuis
« cet instant prim itif, jusqu’au moment actuel de notre
« existence ; elle nous apprend à nous-mêmes, elle ap
te prend aux autres qui nous sommes, soit par le per« sonnage qu’elle nous im pose, soit par Vhabitude de
« nous connoître, soit par Vhabitude d’être reconnus :
c< mais il faut, continue M . Séguier, que cette possession
« soit constante, perpétuelle, invariable. » E t M. Séguier
invoque la doctrine du magistrat immortel qui l’avoit
précédé dans cette glorieuse carrière, et qui professe les
mêmes principes.
A n n e peut-elle dire qu’elle a la possession constante,
perpétuelle, invariable, de l’état d’épouse du général
d’Estaing? Une liaison criminelle dans nos mœurs a com
mencé au mois de nivôse an 9 , et n’a pas eu deux mois
de durée. Celui qu’elle appelle son époux, la traite en
concubine ; c’est ainsi qu’il la désigne à son père même,
lorsqu’il lui parle de la nature de ses engagemens : le
F 2
�aoo
( 44; )
t
bruit se répand qu’il est m arié; le général le désavoue,
et soutient qu’il n’y a aucun lien légal.
k
A n n e ne tient donc pas la possession de son é ta t,
de celui qui y avoit le plus grand in térêt, de celui seul
qui avoit le droit de l’élever au titre honorable d’épouse;
comment auroit-elle la possession d'un état que son prétendu mari désavoue, et ne veut pas lui accorder ?
Une possession d’état ! Mais y a-t-il jamais eu entre
A n ne et les membres de la famille d’Estaing, ces rappoi’ts
continuels qui se confirment de jour en jour entre les
parens, par la notoriété ? avoit-elle avec ses prétendus
beaux-frères, cette habitude journalière de se traiter ré
ciproquement comme frères et sœurs ? c’est cependant
ce que désire Gochin, à l’endroit cité dans la consultation;
et il est remarquable qu’on ait choisi une autorité de ce
genre, dans une cause où le célèbre Cochin soutenoit que
le dame de B ruix, baptisée comme fille de Jean Lassale,
avoit eu pendant trente-quatre ans la jouissance , la
possession dûétat de fille de Jean Lassale, et que cette
possession^ d’état devoit être un obstacle insurmontable
à la prétention que la dame de Bruix osoit élever, de se
dire fille du sieur marquis de Boudeville de la Ferlé.
Gochin appuie principalement sur cette possession ,
comme longue, constante et invariable;
E l d’après Cochin lu i-m êm e, une possession d’état
pourroit-elle être l’effet de l’erreur d’un moment, d’un
acte isolé et fugitif, obtenu dans un moment d’urgence;
et sous la foi de l’existence des actes qui assuroieat à
A n n e un 4‘tre ^gitim e ;
�2ÔK
( 4$ )
D ’un acte bientôt rétracté, lorsqu’on a su que le pré
tendu mariage n’étoit constaté en aucune manière;
D ’un procès verbal de tutelle, qui émane du sieur
d’Estaing p ère, étranger à la succession de son fils; qui
n’a pu nuire aux parties intéressées; dont on a exclu tous
les parens les plus proches, pour y admettre des alliés
à des degrés éloignés..
Il est extraordinaire que lors de ce procès verbal on
ait fait un semblable choix : de tous ceux qui y sont
dénommés, le sieur d’Estaing père, et le sieur Delzons,
étoient les seuls qui eussent le droit d’y assister.
L e s frères d u g é n é r a l d ’E s t a in g é to ie n t présens sur les
lieux ; quatre étoient majeurs : aucun d’eux n’y a été
appelé.
Les sieurs Ternat, petits-fils de la dame d’Estaing,
veuve T ern at, en ont été écartés.
Les sieurs Angelergues, parens au même degré que
lès précédons, n’ont pas été convoqués.
. Les sieurs d’E sta in g , cousins germains du p è re , ne
font pas partie de cette assemblée.
On convoque dans la ligne paternelle, des sieurs Labroy
parens au sixième degré du défunt ; un sieur F o r te t,
allié encore plus éloigné que les sieurs Labro,
Dans la ligne maternelle, on néglige les sieurs TA pp ara, oncles bretons du défunt : on affecte d’appeler les
sieurs M ailhes, père et fils, alliés très-éloignés. Et voilà,
les individus qu'Anna traite ou veut faire regarder comme
les plus proches parens de son pré tondu mari : il ne faut
pas s’eu étonner; elle n’à pas eu le .temps de f y i r c <?on~
noissance avec la famille de SQü prétendu marû
u
�C 46 )
Elle a été reconnue dans la Jarnille , doits la v ille,
dans les sociétés! Elle n’a été présentée nulle part-, ne
pouvoit l’être, à moins de l’avilir, puisqu’elle n’avoit
d’antre communication que les signes, ignoroit absolument
la langue française, étoit étrangère à nos usages, et ne
connoissoit aucun des agrémens d’une vie policée.
Elevée dans la classe du peuple , sans aucunes connoissances, illitérée, obscure, sans fortune, sans moyens;
voilà celle qui veut être l’épouse du général d’Estaing,
la femme de son ch oix, et que ce général doit se glo
rifier d’avoir obtenue.
Peut-on pousser plus loin le délire!
L ’erreur du sieur d’Estaing père n’a pas eu plus de
huit mois de durée , de l’aveu même d'A ju ie - et huit
mois n’ont jamais donné une possession d'état constante
et invariable.
jLnne ne l’a pas même pensé ; elle a senti la nécessité
de rapporter des preuves de son mariage; et à défaut
de titres, elle a voulu y suppléer par des certificats.
A rrivée à M arseille, elle conduit des Égyptiens suivis
d’un interprète, et leur dicte les déclarations qu’elle croit
convenir.
Ce procès verbal qu’on colore du nom d’acte de no
toriété ne fait aucune sensation. Elle accourt à Paris,
et va sôlliciter des personnes plus marquantes, qui se
rendent à son invitation.
Elle les conduit devant le juge de p aix, qui les admet
sans autre forme; elle fait homologuer sans contradiction
le procès verbal. La famille d’Estaing y qui n’en-a voit
aucune connoissance, s’inquiétoit peu de ses démarches,
�Zo3
( 47 )
et n’avoit garde de s’y opposer, puisqu’elle les ignoroifQue signifient ces enquêtes à fu t u r , qui ne peuvent
donner lieu qu’à d’énormes abus? Qu’on lise le procès
verbal qui a précédé l’ordonnance de 1667 ; on y fait
sentir les inconvéniens de ces sortes d’enquêtes, dont
M . le premier président demande la suppression. L e
rédacteur nous apprend que les motifs de ce magistrat
éclairé furent universellement goûtés, et déterminèrent
l’article unique du titre 13, qui les abrogea, et défendit
à tous juges de les ordonner ou d’y avoir égard, 11 peine
de nullité.
Ces actes p r é te n d u s d e n o to r ié té sont d o n c inutiles,
et même dangereux dans la cause; ils ne scroient d’au
cune importance, quand ils pourroient être de, quelque
considération»
A n n e les a réunis à la suite de sa consultation : on va
les analiser rapidement. Tous les A lla ou Abdalla qu’elle
a recueillis à Marseille déclarent « qu’ils ont parfaitement
« connu Jean N a zo et Sophie M ische, son épouse, père
« et mère d’A n n e , et qu’A n n e fut unie en mariage avec
« te général d’Estaing. »
C’est bientôt dit : mais où est la preuve de la filiation,
du mariage? Une simple assertion généralisée, sans au
cunes circonstances, sans désignation des époques, des
dates, peut-elle faire quelqu’impression ? A n ne 'a-t-elle
pu penser qu’avec une déclaration aussi vague, les tri
bunaux pourroient. lui assurer l’état d’épouse et veuve
du général d’Estaing, et l’admettre dans cette famille? Et
si quatre ‘ d’entre eux ont déclaré qyCAnne accoucha ai
C é p h a lo n i e , ils disent le contraire de ce que raconte»
mfy
�( 48 )
- A n n e , q u i, pour intéresser davantage, n’a pu prendre
terre, et a accouché dans le navire. Il lui en coûtoit si
peu de s’accorder avec les déclarans, qu’elle auroit dû
au moins dire la même chose.
Son acte de notoriété fait à Paris est encore plus
insignifiant.
Sept témoins attestent simultanément, et parlant tous
à la fo is, que « dans le cours de fa n 8 , A n ne a été
« unie religieusement, et d’après les rites du pays, en
« légitime m ariage, avec le général d’Estaing, par le
« patriarche d’A lexandrie, habitant du Grand-Caire.
« L ’acte de célébration n’en a pas été rédigé, n’étant
« point d’usage en Egypte de tenir un registre de l’état
«c c iv il; mais ce mariage n’en est pas moins constant,
k ayant été célébré en présence d’un grand nombre de
a m ilitaires fra n ç a is , et de la plupart des déclarans# »
P o u r q u o i ces déclarans présens ne se sont-ils pas
nommés ? quels sont ceux qui sont compris dans ce la
plupart? Dès que ces témoins poussoient si loin la complai
sance pour la jeune Egyptienne, ils auroient pucirconstancier davantage leur déclaration; mais ils eussent été bien
embarrassés sans doute : cependant ils ne craignent pas
d’ajouter que «pendant son séjour en Egypte, IadameNazo,
« veuve d’Estaing, n’a pas cessé d’habiter avec son mari,
« qui l’a toujours traitée comme son épouse légitime. »
Ce séjour a-t-il été plus ou moins long ? pas un mot
sur sa durée. On a vu ou pu v o ir , chez le général
d’Estaing , une jeune femme q u ’ il traitoit avec bonté
ou avec tendresse, et on veut en conclure qu’elle étoit
épouse y dans un pays aussi corrom pu, où presque tous
�2 (ùj
( 49)
les militaii'es avoidnt trouvé la facilité de prendre cô
qu’ils appeloient des arrangemens orientaux, des engcigemens à temps. Mais il en coûte si peu à des indiïïérens
de porter le trouble dans une famille, d’y introduire une
étrangère! On doit gémir de voir'autant d’inconséquences
et de légèreté.
A n n e fait parade du brevet de pension qu’elle a ob
tenu du gouvernement : elle doit s’estimer heureuse, sans
d o u te, que le chef magnanime de Pétât l’ait mise, par
sa bienfaisance, au-dessus des besoins de la vie. Mais
la f a v e u r d u g o u v e r n e m e n t n e p e u t n u ir e a u x droits des
familles. Il est bon d’observer d’ailleurs q u e ccttô pension
n’avoit été portée, en premier lieu , qu’à une sommé
de 5 2 0 francs; l’Empereur remplit de sa triain la somme,
sur le travail qui lui fut présenté : cependant, sur ce
premier travail, on la traitoit de veuve d’Estaing ; les
journaux d’alors Pont ainsi publié. L ’Empereur ne vouloit
donc la traiter que comme Egyptienne réfugiée, malgré
le titre qu’on lui donnoit ; et Paugmentâtion survenue
dans la suite, a été l’effet du procès verbal de tutelle,
dont on voit qu’’ A n ne a su faire un bon usage.
L e certificat du général M ènou vient énèuite ; il an
nonce, 'de la part de ce brave général, ù n grand respect
pour les mœurs : mais ou n’entend pas trop ce qu’a voulu
certifier le général M enou, lorsqu’il parle des rapports
civils et religieux. Pour les rapports civils, il auroit fallu
un acte authentique qui constatât le mariage; il auroil
été nécessaire que la célébration se fit C o n fo r m é m e n t au x
l o i s , règlemens et usages de l’armée. t,e g é n é r a l Menou
devoit p r in c ip a le m e n t les faire exécuter; et' il est constant
G
�( 5° )
que ces ordres «voient été publiés, et rendus communs
et obligatoires dans toute la colonie.
C e p e n d a n t il n’a été dressé aucun acte de ce pré
tendu mariage.
Sous les rapports religieux ! mais il n’en existoit aucun
entre A n n e et le général d’Estaing; il eût fallu que le
général d’Estaing eût abjuré la religion de ses pères.
Lorsque le général Menou a épousé une musulmane,,
il a embrassé le mahométisme. On est autorisé à le dire
ainsi, d’après des instructions précises. Son mariage a
été célébré par le M ouphti, ministre de la religion
turque, et alors celle des deux époux. Ici il y avoit des
rapports religieux. L e général a donné à son union un
caractère lég a l, et n’a pas manqué d’en faire dresser un
acte c iv il, conformément aux ordres qu’il avoit lu imême fait publier de n o u v e a u . V oilà le rapport civil.
O n ne trouve n i l’un ni l’autre pour le général d’Es
taing. Il n’y a donc pas eu de mariage.
D ’un autre c ô té , le général Menou rapporte la date
de' ce prétendu mariage à Van 8 ; il se dit même général
en chef au moment où le général d’Estaing lui en fit part.
E t A n n e , à son tour, a été mariée le jou r des rois de
la même année, qui répond au i janvier 1800.
P our le coup veritateni quœrendam.
L e général Menou ne commandoit pas l’armée en nivôse
an 8; c’étoit le général Kléber. C e lu i-ci a commandé
jusqu’au z 5 prairial an 8 , jour funeste pour ce général :
il fut assassiné dans son jardin.
L e général Menou ne prit le commandement qu’en
messidor an 8.
�lo i
( 5ï )
La correspondance du général Kléber avec le général
d-’Estaing va jusqu’au n prairial an 8.
Plusieurs lettres écrites à feu d’Estaing par le général
M enou, en germinal et floréal an 8, prouvent qu’il étoit
alors seulement général de division ; il ne prend pas
d’autre qualité. Ces lettres sont datées de Rozette : le
général Menou n’étoit donc pas au Caire en nivôse
an 8.
L e général D upas ne parle de ce mariage prétendu
que par ouï-dire’ on lui a déclaré qu’il s’est célébré
publiquement, et avec toute l’authenticité qu’un pareil
cas exige.
Il est étonnant que le général D upas 7 qui étoit alors
au Caire, lieutenant du général d’Estaing dans le com
mandement, qui avoit tous les jours des rapports de
service avec l u i , ne puisse parler que par ouï-dire de
ce prétendu mariage; qu’il n’y ait pas assisté surtout,
lui que ses relations continuelles avec le général d’Es^
taing devoit y appeler de préférence. Sans doute ce
général a voulu être fayorable à une jeune solliciteuse;
mais il a trop de loyauté pour certifier ce qu’il n’a point
vu : il ne parle que sur les relations d’autrui.
Il paroît même que s’il falloit attendre des témoins
qui attestassent positivement avoir assisté à ce mariage,
on attendroit long-temps. A n n e a épuisé à cet égard
tous les certificateurs ou témoins.
Qu’importe que le général d’Estaing ait donné des
repas après la noce. L e général d’Estaing devoit avoir
la représentation convenable au c o m m a n d a n t du Caire;
il étoit honorable dans ses goûts; il tenoxt au Caire table
.«&
*
�( 5 z }
ouverte y donnoit souvent de?, bals, des fêtes; et si on
veut que des bals des dîners, soient des cérémonies
nuptiales., le. général se seroit marié souvent.
Ceux qui ont. prétendu que les femmes se visitoient en
E gypte, qvCAnne faisoit société avec les dames M en ou ,
IDelzonSy L a n tin , connoissent bien peu les usages orien
taux. Là les. femmes ne sortent jamais que dans des cas
très - extraordinaires, et alors sont toujours voilées, et
accompagnées de manière à n’avoir aucune communi
cation.
Ce n’est pas en Orient où on peut jouir des agrémens
de la société, et surtout de la compagnie des dames; 011
sait même que madame Menou a conservé en France
l’usage oriental ; qu’elle est constamment voilée , et 11e sort
point de chez elle ; qu’elle n’est jamais venue au Caire
dans la maison du général d’Estaing : et A n n e elle-m em e,.
pendant le c o u r t séjour qu’elle a fait à Aurillac, n’a pas
quitté son voile , et n’a été vue de personne, f
La dernière pièce imprimée en la consultation, est
une lettre du général d’Estaing à A nne. On observe
que l’adresse est de la main du général, et porte pour,
suscription : A la citoyenne d’Estaing, à la citadelle du
Carre. Il est surprenant qu'A n n e, dans son mémoire, ait
tant parlé de la correspondance de son époux , fam ilière
avec décence, tendre sans exagération, etc. ; et. que
toute cette correspondance se borne à une lettre unique.
Dans cette lettre, pas un mot dont on puisse induire
un engagement honorable. C’est le ton d’un homme poli
et fam ilier, à qui on n’a rien refusé, qui ne parle pas
même des ascendans d’A n n e avec le ton de considéra-
�(
5
3
3
tion et de respect qu’on doit à des alliés de ce genre; respect
plus marquant encore chez les Orientaux.
Quand il parle de celui qu'’ A n n e appelle son p ère,
il se contente de dire Joanny ; lorsqu’il donne un sou
venir à la grand’m ère, il d it, la bonne vieille. Est-ce
là le ton du respect et de la déféi’ence? A p p re n d -il la
nouvelle de la grossesse avec ce charme, ces délices qu’on
éprouve à la naissance d’un enfant légitime ? Il Vaime
toujours ,* et il faut bien le dire ainsi à toutes les femmes
avec lesquelles on a des liaisons passagères. 11 lui donne
son nom sur l'enveloppe de la lettre : mais n ’est-ce pas
l’usage? n e v o i t - o n p a s , môme p a r m i nous, toutes les
courtisannes prendre les noms de ceux qui ont la foiblesse de les entretenir et d’autoriser cette licence ?
Ce n’est malheureusement pas la première à qui le
général a donné ce nom. Lorsqu’il étoit à l’armée des
Pyrénées orientales, il étoit notoire qu’il vivoit avec
une femme que tous les officiers appel oient madame
d’Eslaing; le général, en écrivant, lui donnoit ce nom;
et cette femme, après le départ du général, n’a jamais
tiré avantage d’une suscription semblable, pour se qua
lifier d’épouse légitime.
On trouve dans les pièces communiquées trois chiffons
que l’on dit être des lettres arabes, écrites par ordi’e
du général d’Estaing; la suscription est aussi à m a d a m e
d’J E stain g , mais non de la main du général.
Ces trois prétendues lettres sont traduites par le sieur
Sylvestre de Sacy, professeur des langues orientales: il
faut bien l’en cro ire, puisqu’on ne connoît pas l’a r a b e ;
mais au moins la traduction no donne pas une grande¡.
�( &4 )
idée de l’écrivain. Cette langue arabe, que l’on dit har
monieuse , poétique , tout en figures, n’a servi qu’à
écrire des platitudes et les choses les plus communes. Ce
sont les lettres d’un cuisinier, ou d’un homme bien peu
exercé; le général y reçoit beaucoup de consolation dans
sa blessure , d’une lettre que lui a écrite A n n e : mais
comment n’a-t-on pas trouvé dans les papiers du gé
néral, la plus légère trace d’une correspondance avec
A n n e ? Tout est extraordinaire et inexplicable dans cette
cause.
Il faut, au surplus , qu’elle ait fait peu de cas de ces
lettres , puisqu’on les a négligées dans la consultation.
On voit encore , dans le dossier, une lettre du général
S o u lt, à un sieur Giane , chef de bataillon de la légion
grecque, à bord du bâtiment le J e a n , en rade à T á
rente : cette lettre est en réponse , et annonce que Giane
tr o u v o it la quarantaine longue et incommode pour lui
et les femmes qui étoient à bord : il nomme madame
d’Estaing. L e général Soult témoigne ses regrets de ne
pouvoir abréger la quarantaine ; c’est au comité sani
taire qu’il appartient de prononcer ; mais il fait préparer
un local plus commode pour les passagers, et offre ses
services, ainsi que ceux de madame S o u lt, h madame
d’Estaing. Il n’y a rien d’étonnant dans ces offres génér
reuses ; on doit des égards et des services à une femme.
A n n e se disoit madame d’Estaing; on doit quelque chose
de plus empressé à la femme d’un camarade ; et le gé
néral Soult ne devoit pas autrement s’informer si Anne
avoit son contrat de mariage ou non. Mais vouloir
induire de cette attention obligeante d’un général mai>
�55 }
quant, aujourd’hui maréchal de l’empire, une reconoissance et une possession d'état en faveur d’’A n n e; relever
cette circonstance comme un honneur décerné à la femme
d’un gén éral, c’est pousser les choses un peu trop loin.
On a parlé dans la consultation, sans cependant le faire
imprimer , du certificat d’un sieur Sartelon, ex-ordon
nateur en chef de l’armée d’Egypte : cet acte est aussi
dans les pièces d'A nne. L e sieur Sartelon certifie, en
la qualité qu’il prend, « que quoiqu’il n’existât à l’armée
« aucun ordre du général en chef pour régler la forme
(
« avec laquelle les actes de l ’état c i v i l d é v o i e n t y être
« reçus , Yusage paroissoit s’ être éta b li de l u i - m ê m e pour
« les ofliciers, ou individus attachés à l’armée, ne faisant
« point partie des corp s, de faire des déclarations de« vant des commissaires des guerres, qui les recevoient
« par procès verbaux , ou de la manière qui leur parois« soit convenable, de leurs mariages, même quelquefois
« de leurs divorces ; ce qui n’a jamais été g én éral,
« surtout pour des mariages contractés açec lesfem m es
« du pays ( il n’y en avoit pas d’autres ) , qui se sont
« faits souvent entre catholiques dans les églises du lieu ,
« et suivant les formes usitées entre les chrétiens de
« toutes les sectes ; mais ces procès verbaux étoient pu« rement facultatifs; et recherche faite dans ses papiers,
« et dans ceux du bureau central, il ne s’est trouvé au« cun procès verbal relatif à l’état civil; il ne s’en est pas
« même trouvé, notamment du commissaire des guerres
« A gard, qui est mort dans la traversée. En foi de quoi,
« sur la demande de la dame veuve d’Estaing, il a dé« livi’é , etc. »
�( 56 )
On ne voit pas trop quelles inductions FEgyptienne
peut ou veut tirer de ce certificat; il est assez inutile de
dire qu’on pourroit récuser le témoignage du sieur Sartelon , qui a souvent montré de l’animosité contre le
général d’Estaing ; il suffit d’observer que son certificat
est démenti par le fa it , puisqu’on rapporte les ordres
du général en chef, et les actes civils des sieurs D elzons
et L a n tin , reçus par le commissaire Agard.
Ici s’arrêtent les recherches et les découvertes d’Anne.
Y a-t-il un seul acle d’où on puisse faire résulter quelle
est l ’épouse du général d’Estaing; et ne ]5e u t-o n pas
dire avec vérité qu’elle n’a n i titres n i possession ?
Comment a-t-elle eu le courage de se plaindre d’un
jugement qui lui accordoit une faveur insigne, la faculté
de faire p re u v e , par tém oins, qu’elle a été mariée en
Fan 8 ; qu’il n ’ é to it pas d’usage au Caire de tenir des
registres, ou de dresser des actes civils de mariage; qu’il
n’étoit pas d’usage à Céphalonie de dresser des actes de
naissance, etc. ?
Ce jugement, au contraire, n’a-t-il pas violé tous les
principes de la m atière? Sera-ce avec des déclarations
mensongères ou mendiées, qu’on pourra élever une w connue au rang honorable d’épouse; qu’on osera donner
à un enfant de ténèbres, le titre d’enfant légitim e?
« Des objets si intéressans, dit le célèbre Cochin,
oc doivent élever tous les esprits à ces vues supérieures
« du bien pub lic, qui forment toujours le premier objet
a de la justice : il s’agit ici du sort des toutes les familles ,
« compromis dans une seule cause. »
Les frères d’Estaing se plaignent à leur tour d’un juge
ment
�2(3
( h )
ment qui peut entraîner les suites les plus funestes; il
leur reste à établir que ce jugement ne peut subsister, et
qu’Anne doit être déclarée non recevable dans toutes ses
demandes.
On trouve dans les recueils, tant anciens que nouveaux,
une multitude d'arrêts sur les questions d’état. M . le
chancelier d’Aguesseau a épuisé cette matière par ses re
cherches savantes: le 2e. , le 6e., le 12e. le 17e. plai
doyer de cé grand magistrat, contiennent des dissertations
p r o f o n d e s , u n e sage d o c t r i n e ; m ais il s e m b le sentir to u te
la p esanteu r d e son m i n is t è r e , lo r s q u ’il v e u t p r e n d r e u ne
décision. Ce n’est qu’en tremblant qu’il se détermine; et
si quelquefois il pense que la justice doit admettre une
preuve testimoniale, ce n’est qu’autant qu’il trouve des
présomptions graves, des indices violens, des conjectures
puissantes; il exige la réunion d’une multitude de faits
qui forment un corps de présomptions capables de dé
cider l’esprit le plus difficile à convaincre ; en un m o t,
il lui faut encore un commencement de preuve par écrit.
Il est inutile de grossir le volume de ce mémoire par
des citations d’arrêts ; il seroit difficile peut-être de tirer
de ces nombreux exemples, une conséquence claire qui
pût servir de motif de décision en d’autres cas, su rto u t
dans l’espèce où il s’agit d’une étrangère qui vient ré
clamer le titre de veuve d’un Français.
Il
suffit de poser un principe certain, et qui ne séra
pas contesté, c’est que pour un mariage fait en France,
la preuve testimoniale ne peut être admise q u ’à défaut
de registres , lorsqu’il n’en a pas été t e n u , ou qu’ils sont
�( 58 )
perdus ; et dans ce cas même il faut un commencement
de preuve par écrit.
L ’article 14 du titre 2.0 de l’ordonnance de 16 67,
n’a entendu parler que des mariages entre Français; et
M - Jousse ne manque pas d’observer que la preuve tes
timoniale ne peut, être admise qu’autant qu’il y a com
mencement de preuve par écrit.
Cet article de l’ordonnance a été répété dans l’article
46 du Code Napoléon ; et la preuve que le législateur a seu
lement entendu comprendre les mariages entre Français,
résulte des articles 47 et 48 du même Code.
La loi dit que tout acte de l’état civil des Français
et des étrangers, fait en pays étranger, fera fo i, s’il a
été rédigé dans les formes usitées dans ledit pays : que
tout acte de l’état civil des Français en pays étranger sera
v a l a b l e , s’ il a été reçu conformément aux lois françaises
parlesagens diplomatiques, ou par les commissaires des
relations commerciales du gouvernement.
On peut donc représenter à A n n e , d’après les dispo
sitions de ces lois, que si elle étoit Française, elle ne
pourroit être admise à la preuve testimoniale, qu’autant
qu’elle auroit la possession d’état, et des commencemens
de preuve par écrit : elle n’a ni l’un ni l’autre. Point
de possession cüétat\ on croit l’avoir prouvé, puisque
le général lui a toujours refusé le titre qu’elle ambitionne.
Poinld v commencement de preuve par écrit, puisqu’il n’y
a aucune trace d’écrits du défunt qui parlent de ce prétendu
m a r i a g e , et que les seuls qui existent le désavouent.
Mais qu’elle est étrangère, et que dès-lors il n’y a point
�2\i
( Sç> )
de possibilité d’admettre unepreuve par témoins ; il faut
représenter l’acte civil. On a dû remarquer la différence qui se trouve entre les articles 46 et 47. Dans le premier,
si le mariage est fait entre un Français et une étrangère, il
suffit de rapporter un acte dans les formes usitées au pays.
Dans le second, si le mariage est fait en pays étranger,
entre deux Français , il faut un acte civil conforme aux
lois françaises.
A n n e n’en a d’aucune espèce ; le jugement dont est
appela donc fait une fausse application, et de l’article 14
du titre 20 de l’ordonnance, et de l’article 46 du C o d e
N ap oléon .
Mais ce jugement est évidemment en opposition avec
les articles 170, 171, 194 et 195 du même Code.
En effet, par l’article 170, « le mariage contracté en pays
« étranger entre Français, et entre Français et étranger,
« est valable, s’il a été célébré dans les formes usitées
« dans le pays, pourvu qu’il ait été précédé des publi« cations prescrites par l’article 63 , et que le Français
« n’ait point contrevenu aux dispositions contenues au
« chapitre précédent. »
L ’article 63 exige deux publications à huit jours d’in
tervalle; et la loi attache à cette formalité la plus grande
importance. On n’a jamais imaginé de dire que le mariage
du général d’Estaing ait été publié : cette formalité étoit
cependant ordonnée par les lois précédentes.
Parmi les dispositions contenues au chapitre qui pré
cède l’article 170 , 011 y trouve principalement'la p r o h i
b itio n faite au fils de famille, même majeur, de contracter
mariage sans le consentement de ses père et mère.
H 2
�( 6o )
Bien vite A n ne s’empare de cette circonstance, pour
dire que le général s’est marié avant le Gode, et a pu
braver les oi'dres de son père ou se passer de son con
sentement.
A n n e argumente avec un empressement peu louable
de cette loi révolutionnaire, qui fut promulgée dans un
instant de d élire, qui dégage les enfans de tous leurs
devoirs envers leurs ascendans.
L o i immorale et funeste, qui a fait tant de malheureux
qu’on entend tous les jours gémir de leurs égaremens,
et qui passent leur vie dans la douleur et le désespoir.
Mais le général d’Estaing n’avoit pas perdu toute idée
des principes de moralité et de convenances. Ne mar
que-t-il pas à son père qu’il n’auroit pas contracté d’engagemens sans le prévenir, avant d’avoir demandé ses
conseils ou ses ordres; et A n n e en seroit-elle réduite à
ce point, q u ’ elle fût obligée, pour colorer ses prétentions,
de s’appuÿer d’exemples qui seront à jamais la honte et
le scandale de la société ?
N ’a-t-elle pas senti que le gouvernement, dans ses
premiers pas, a rétabli et commandé le respect pour
celte puissance paternelle, le premier anneau, la prin
cipale base de l’ordre social, sur laquelle repose la morale
publique ?
L ’article 171 exige davantage; il veut que dans les
trois mois après le retour du Français sur le territoire
de la république, l’acte de célébi’ation du mariage con
tracté en pays étranger, soit transcrit sur le registre
public des mariages du lieu de son domicile.
Pour cette fois, A n n e ne peut se tirer de cette dis-
�HI7
(. 6 i )
position par des subtilités. Get article a été connu d’elle ;
elle pouvoit l’exécuter si elle avoit eu son acte de ma
riage ; elle a su qu’elle ne pouvoit y suppléer, dès qu’elle
n’avoit aucun titre.
Et lorsqu’elle a eu connoissance des articles 194 et
195, qui veulent que nul ne puisse réclamer le titre
d’époux, et les effets civils du m ariage, s’il ne repré
sente un acte de célébration inscrit sur le registre de
l’état civil ; que la possession d’état ne pourra dispenser
les prétendus époux qui l’invoqueront, de représenter
l’acte de célébration du mariage devant l’officier de l’état
c i v i l , e lle a d û d é sesp ére r d e sa cause.
Mais les premiers juges ont-il pu ignorer la disposi
tion de la loi ? n’ont-ils pas dû savoir que l’étrangère
ne pouvoit établir son titre d’épouse légitime, qu’èn jus
tifiant de l’acte qui le lui avoit conféré? Diront-ils que
le Gode Napoléon n’a été promulgué que postérieure
ment ? Mais alors ils n’avoient d’autre boussole que la
loi du 20 septembre 1792; et d’après l’article 7 de la
section 4 de cette l o i, A n n e ne pouvoit constater son
mariage qu’en représentant l’acte de l’officier public. Cette
loi n’indique pas d’autres moyens de suppléer au défaut
de ces actes.
Auroient-ils voulu se déterminer par les anciens prin
cipes? A n ne n’avoit pas la possession de son état, n’avoit
aucun écrit du défunt qui fût un commencement de
preuve par écrit.
Ils ne pouvoient donc en aucune manière admettre
la preuve testimoniale. ■
>:
.
U n mot sur l’enfant n aturelcon n u souslo n o m d'E m ile
�( 62 )
d’Estaing. A n n e reproche aux frères d’Estaing d’avoir
fait paroître sur la scène un enfant dont on ne parle plus.
Les frères d’Estaing ne lui doivent à cet égard aucune
explication •, ils ne savent sur cet enfant que ce qu’a
déclaré le sieur d’Estaing père, au bureau de paix.
Un enfant a été présenté à l’officier c iv il, sous le
nom d’E m ile , comme fils de leur frère. La reconnoissance n’émane pas du père lui-même. Il existe; il est
dans ce moment placé au lycée de Toulouse. S’il a des
droits à faire valoir, il saura les réclamer.
Les frères d’Estaing observeront, en terminant, qu’A nne
n’est pas réduite à un sort funeste; qu’elle est à l’abri
de tous les besoins ; qu'elle est encore dans un âge où
elle peut augmenter ses ressources par sa sagesse, et un
travail honorable ; mais que si elle veut se faire un
prétexte d’un événement commun dans son pays , pour
s'élever au-dessus de son état, ce trait d’ambition déplacée
ne servira qu’à la couvrir d’opprobre.
i
M e. P A G E S ( de Riom ) , ancien avocat,
M e, G A R R O N jeune, avoué licencié,
A RIOM , de l’imprimerie de T h ib a u d - L a n d r i o t , imprimeur,
de la Cour d’appel, — Mai 1808.,
�
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Factums Godemel
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Description
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Title
A name given to the resource
[Factum. Estaing, Jean-Baptiste d'. 1808]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Pagès
Subject
The topic of the resource
mariage
contestations de légitimité de mariages étrangers
expédition d'Egypte
opinion publique
xénophobie
Delzons
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire en réponse, pour Sieurs Jean-Baptiste d'Estaing, ancien commandant d'armes à Chambéry, Jacques-Théodore, Pierre-Gabriel, Catherine et Elizabeth d'Estaing, frères et sœurs, intimés et appelans ; contre Anne, soi-disant Nazo, soi-disant Grecque d'origine, se disant veuve du général d'Estaing, se disant pareillement tutrice de Marie, sa fille, appelante d'un jugement rendu au tribunal de Mauriac, le 13 août 1807, et intimée.
Table Godemel : Mariage : 2. un mariage contracté par un militaire, en pays étranger, peut-il être prouvé par témoins, s’il est établi qu’on n’y était pas en usage de tenir des registres publics ? La possession de l’état de la femme suffit-elle pour contraindre les héritiers du mari à lui payer une provision ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Thibaud-Landriot
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1808
An 6-An 8
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
62 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G1806
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0410
BCU_Factums_M0536
BCU_Factums_M0535
BCU_Factums_M0530
BCU_Factums_M0603
BCU_Factums_M0604
BCU_Factums_M0605
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The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Aurillac (15014)
Le Caire (Egypte)
Rights
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Domaine public
contestations de légitimité de mariages étrangers
Delzons
expédition d'Egypte
mariage
opinion publique
xénophobie
-
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PDF Text
Text
t
CONSULTATION
P o u r Made N A Z O , V e du général
D e s t a i n g , tutrice de sa Fille
mineure ;
C o n tre
les Héritiers DESTAING
)
�CONSULTATION
P our Mad 0 N A Z O , V e du général / / D ES T AI NG; tutrice de sa Fille
mineure ;
C o n tre
les Héritiers D ESTAIN G .
—
■■ l'wm w N W '
" V u l’acte de notoriété fait devant le tribunal de paix du
second arrondissement, inbrà muros, dit du Sud, d e l a ville
de M arseille, le fructidor an 11 ; l’acte de notoriété reçu
par le juge de paix du dixième arrondissement de Paris, le
29 mars 1806 ; le jugement rendu par le tribunal de première
instance, à P aris, q u i, sur le rapport fait à l’audience , le
ministère public entendu, homologue cet acte de notoriété;
le procès-verbal de nomination du sieur Pierre Destaing à
la tutelle de demoiselle Marie Destaing sa p e tite -fille , por
tant reconnaissance expresse du mariage dû feu général Des
taing son fils, avec la dame Anne Nazo ; duquel mariage est
née la demoiselle Marie Destaing; ce qui a été également
reconnu par l’aïeul et toute la famille Destaing, jusquau
tems où la dame veuve D estaing, investie par la loi de la
5
�tutelle de la mineure, a réclamé, à ce titre, l'administration
du patrimoine de sa fille. V u , de plus, le mémoire à con
sulter de la dame Destaing ; les autres pièces qui y sont
jointes; et notamment le jugement interlocutoire rendu le
• i août 1807, par le tribunal de Mauriac, département du
Cantal,-qui ordonne la preuve testimoniale de tous les faits
qui étaient déjà constans dans la cause.
L E CON SEIL soussigné estime que la dame veuve Des
taing a eu raison d’appeler de ce jugement, et qu’elle doit en
obtenir la réformation par la Cour de R iom , à qui elle l’a
déféré.
Les juges de première instance, contre l ’avis du ministère
public, ont cru avoir besoin de rècoler, pour ainsi d ire,
eux-mêmes les témoins respectables q u i, d’office, ont léga
lement constaté devant les tribunaux les faits dont ils avaient
une parfaite connaissance ; et que la possession d’état de la
dame Destaing et de la demoiselle sa fille, au milieu d e là
famille Destaing, n’ont fait que confirmer et reconnaître
d’une manière authentique.
Ils ont erré en assimilant des actes de notoriété vérifiés
dans les formes de droit, à de simples certificats extrajudiciai
res. En reconnaissant, comme ils l’ont fa it, que la dame et la
demoiselle Destaing se trouvaient dans des circonstances
telles, qu’on ne pouvait les obliger à représenter ni l'acte
de célébration de mariage du général D estaing, ni l’acte de
naissance de sa fille ; ils devaient reconnaître, en même tems ,
que ces pieces étaient suffisamment suppléées par des actes de
notoriété , la possession d état, et surtout la reconnaissance de
la famille D estaing, qui aurait suffi pour élever, contre les
collatéraux, une fin de non recevoir insurmontable.
3
�v?r
(3 )
Un mariage a été contracté d’après toutes les convenances
sociales ; il a été célébré avec solemnité à la face de deux
nations, dont il resserrait les liens d’amitié; il a été bén i,
aux pieds des autels, par un pontife de la religion chré
tienne, professée par les deux époux. L ’épouse, devenue en
ceinte , a été envoyée en France dans la famille de son m ari,
retenu loin d’elle par des devoirs militaires. Elle a erré, pen
dant six m ois, sur un frêle navire, o ù , loin de tout secours ,
elle a mis au monde le fruit de leur union. Pendant ce tems,
le mari est revenu dans sa patrie, où il croyait trouver une
epouse et un enfant. A peine a-t-il été informé de leur sort,
qu’il les a appelés auprès de lui. Ils s’y rendaient, lorsque la
mort le leur a enlevé ; mais la famille du mari les a réclamés,
comme leur bien. Un beau-père, un aïeul, des parens ont
accueilli ces infortunés avec empressement. Ils leur ont d’abord
prodigué les consolations dont ils avaient tant besoin. Mais
tout à coup la scène change; de nouveaux malheurs accablent
la veuve et l’orphelin. On veut les dépouiller de leur patri
moine. Leur état leur est contesté ; on veut les en déposséder ;
e t , depuis cinq ans, on les traîne de tribunaux en tribu
naux ; on les expose à mourir de faim en attendant justice :
ce qui serait infailliblement arrivé, sans la bienfaisance de
Empereur.
Telle est la position de la dame Destaing : c’est ce qui résulte
de toutes les pièces qui ont été mises sous nos yeux.
On y voit qu elle est née au Grand G aire, en Egypte, en
1780, du sieur Joanny Nazo et de la dame Sophie Mische
son épouse, chretiens l’un et l’autre du rit grec.
On y apprend que le sieur Nazo était originaire de Tines,
ile de l'Archipel ; que, jeune encore, il entra au service de la
�( 4)
Russie, comme militaire et officier; et, qu’à l’âge de vingt-cinq
ans, étant venu au Caire pour ses affaires, il y contracta mariage
avec la demoiselle Sophie M ische, fille du fermier général
des droits imposés sur les liqueurs spiritueuses ; il s’y établit,
et succéda à son beau-père dans cet em ploi, qui était extrê
mement lucratif.
I l ’exerçait lors de la conquête d’Egypte. Sa fortune et ses
connaissances le firent bientôt distinguer, autant que son
attachement pour les Français et pour le héros qui les com
mandait.
Un bataillon grec fut formé ; le sieur Nazo en fut nommé
1
chef.
Ce service lui donna de nouveaux rapports avec l’arm ée,
dont la levée des Grecs faisait partie, et avec les généraux
qui y étaient employés.
Ces rapports s’augmentèrent lorsque, pour le bonheur de
la France, le général Bonaparte vint mettre fin à nos dis
cordes civiles.
Plusieurs officiers généraux trouvèrent alors convenable
de se marier dans le pays.
Le sieur Nazo, commandant des Grecs, passait pour riche;
il était considéré : pére de plusieurs enfans, on savait qu’il
avait une fille de dix-huit à dix-neuf ans, très-bien élevée, du
moins autant que les ressources du pays pouvaient le per
mettre ; et avec une réputation de sagesse et de beauté
également avantageuses.
Le général de brigade Destaing la rechercha. Soit pres
sentiment des malheurs qui devaient survenir , soit que le
sieur Nazo eût d’autres vues, il se refusa longtems à la de
mande du général Destaing.
�( * n u y c '1 ’,.
,
.
- Déjà le général Delzons , cousin-germain de ce dernier , et
le sieur Lantin, autre officier supérieur , avaient épousé deux
égyptiennes : les demoiselles Varsy , filles d’un marseillais ,
négociant français, résidant à Rosette, et marié à une anglaise
établie dans le pays. Le général M enou, commandant en chef,
avait épousé la fille d’un négociant turc. Bien d’autres officiers
s’étaient aussi unis par mariage avec des demoiselles nées dans
le pays, et appartenant aux familles les plus honnêtes et les
plus considérées.
Ces exemples , les instances du général D estaing, et plus
encore les sollicitations empressées des généraux Lagrange
et Béliard , ses amis particuliers, déterminèrent le sieur Nazo
à l ’accepter pour gendre.
Le mariage fut célébré en l’an 8, le surlendemain de la fête
des R ois, qui arrive douze jours plus tard suivant le calendrier
grec (cette date se rapporte au 17 janvier 1800 , 27 nivose
an 8 ). La dame Destaing ignore quel acte il en fut dressé;
mais il fut béni par le patriarche d’Alexandrie, en pré
sence d’un grand nombre d’officiers supérieurs de l’armée ,
de plusieurs personnes notables du pays , toutes professant la
religion chrétienne , et notamment du général Delzons ,
cousin-germain de l’époux.
Dans l’ivresse de son bonheur, le général Destaing donna
des fetes splendides à ses frères d’armes ( ces fêtes étaient
aussi une des solemnites du m ariage, suivant les mœurs et
usages du pays ). Le général Menou , commandant en chef, y
assista ; toutes les personnes considérables de l ’armée y prirent
part; les officiers qui étaient mariés y conduisirent leurs
épouses ; la réunion fut complète. La ville entière du Caire
fut ainsi témoin du mariage du général Destaing avec la fille
*\
�(8 )
du chef du bataillon grec , le sieur Nazo, à qui nul officier de
l’armée, quelque fût son grade , ne se serait permis de faire
injure. Madame Menou , les dames Delzons et Lantin , et
d’autres égyptiennes devenues françaises par leur mariage ,
formèrent bientôt la société de madame Destaing ; elle les
reçut chez le général, son m ari, dont elle habitait la maison
comme épouse considérée. C’est à ce titre seul qu’elle en faisait
et qu’elle pouvait en faire les honneurs.
Cela se passait au Caire, où la cohabitation maritale a duré
plus d’un ail.
Mais , dans le mois de ventôse an 9 , une escadre anglaise
parut devant Alexandrie avec le projet de débarquement
qu’elle effectua peu de jours après. On reçut au Caire , le i
ventôse au soir (février 1801 ) , la nouvelle de l’apparition
d e là flotte anglaise. Le général Destaing était alors à dîner
chez le général Menou ; il y reçut l’ordre de se tenir prêt à
partir pour le lendemain : il vint en faire part à son épouse*
C’est ainsi qu’il fut séparé d’elle pour toujours.
Il partit, en effet, avec une partie de l’armée française
commandée par le général en chef ; le bataillon des Grecs
partit aussi : le général Béliard et le général Dupas, lors
simples commandans de la p lace, restèrent au Caire. Le sieur
Nazo était atteint de la peste ; il ne put partir.
Madame Destaing était enceinte ; il s’établit entr’elle
et le général son m ari, une correspondance dont il reste
quelques fragmens.
Toutes les lettres sont à l’adresse de Madame D estaing,
et cette adresse est toujours en français, de la main de son
mari. Comme la dame Destaing n’entendait que arabe , c’est
dans cette langue que plusieurs des lettres du général Des-
5
1
l
�w
(7)
taing sont écrites par un Egyptien qui lui servait de secré
taire ; mais , quelquefois aussi, il écrivait en français à son
épouse, et elle rapporte, entr’autres, une lettre du
prai
rial an g , où il lui parle de sa grossesse, des embarras de
leur correspondance, et des moyens de la rendre plus fré
quente,..- •
correspondance est telle qu’elle a dû exister entre
d’honnêtes époux. Familière avec décence , tendre sans
exagération, elle exprime les sentimens d’une amitié pure
et tranquille , et non le délire des passions tumultueuses.
S’il n’y avait pas d’autres preuves de l’état de la dame Destaing, si les nombreux témoins de l'union des deux époux
avaient tous été enlevés par la peste et la guerre , qui en
ont moissonné plusieurs ; si les dépôts publics qui conservent
les preuves de cette union légitime avaient tous été détruits;
si on pouvait, en outre, anéantir les reconnaissances multi
pliées de la famille Destaing, et la possession d’état per
manente de la veuve et de la fille du général : nous dirions
encore que les lettres de ce dernier suffisent pour montrer
qu’il fut époux et père de celles à q u i, tardivement, on
veut enlever ces qualités par de simples motifs de cu
pidité.
La dame Delzons se trouvait dans la même position que
la dame Destaing ; les deux cousins étaient séparés de leurs
épousés par la guerre. Les deux jeunes femmes se réunirent
chez la dame Delzons , à cause que la contagion avait
pénétré dans la maison qu’habitait au Caire la dame
^ Destaing.
Mais bientôt la correspondance de ces dames avec leurs
maris fut interrompue. Les Anglais avaient pris Aboukir
5
�C8 )
et Rosette ; ils cernaient Alexandrie , et leur armée était aux
portes du Caire.
Le général Béliard, qui y commandait, invita alors les
dames M en o u , Destaing , Delzons et Lantin, leurs parens
et leur suite, à se retirer dans la citadelle, où elles furent
reçues et logées par le commandant Dupas, à qui la garde
de ce poste était confiée.
Ce> dernier refuge leur fut bientôt enlevé. A la fin de
messidor, le général Béliard capitula; le Caire fut évacué le
29. de ce mois.
.11 fut convenu que les troupes sous les ordres du général
Béliard, seraient embarquées pour la France ; mais il fut
dit que les dames Menou , Destaing , Delzons et L an tin ,
seraient rendues à leurst maris , qui défendaient encore
Alexandrie. Elles devaient être conduites, sous escorte, jus
qu'aux portes de cette ville , a v e c M. E9téve, payeur général
de l’armée , qui eut la-permission de se rendre auprès du
général en chef.'
Mais celui-ci refusa de reconnaître la capitulation faite
par le général Béliard , et de recevoir , dans Alexandrie, *
qui que ce fût venant du Caire ; e t pour qu’on doutât moins
de sa résolution , sa propre épouse ne fut pas même ex
ceptée.
Ces dames reçurent chacune, de leurs maris, une lettre
portant invitation de se rendre en France, sur les bâtimens
destinés-aux troupes du général Béliard.
. Les>di»mes Delzons et Lantin se retirèrent d’abord chez leur
mère , à Rosette, avec madame Menou ; depuis elles s’em
barquèrent pour la France., et arrivèrent heureusement à
Marseille. Madame Destaing, son père , sa mère , ses frères,
�(9 )
ses sœurs et le ^ aïeule, que le malheur avait>rçndus insé
parables , furent embarqués à Aboukir, avec une centaine
de militaires français, sur un petit navire grec, qui devait
les transporter en Europe.
Le navire , en mauvais état et mal équipé , fut ¡balotté
pendant six mois dans la Méditerranée , et obligé tde re
lâcher à diverses îles.
Cependant le terme de l’accouchement de madame
taing approchait; ses souffrances, que les to ur mentesjrendai«nt
plus terribles , firent solliciter le patron du navire ,à prendre
terre où il pourrait : il jeta l’ancre sur la côte de, Ççpjialonie.
Madame Destaing était en travail depuis huit jours. ,H ne
fut pas possible de la transporter : elle accoucha ¡darçs le
navire.
Marie Destaing, qu’elle mit au monde, fut baptisée par
un prèlre que sa famille envoya chercher, dans upe chapelle
située sur les bords de la mer. Elle eut , pour parain, un
officier français , et , pour maraine, la dame Mische , soi*
aïeule.
âge , qui n’avait pas fait quarantaine , ne pouvait
avoir des communications avec les habitans de l’île ; le consul
français visita cependant madame Destaing.
On ignore si l’acte de baptême , constatant la naissance
de Marie Destaing , fut rédigé par écrit ; si le consul français
y assista , s’il le déposa à la Chancellerie, ou dans les mains
du pasteur catholique qui administra . le sacrem ent : . les
difficultés des communications pendant la guerre , le peu
de tems que le navire est resté sur la côte de Céphalonie,
et tout ce qui s’est passé depuis cette -époque , ont privé
madame Destaing des moyens de fournir , , sur ce point ,
�>
( *0 )
des éclaircissemens que les circonstances dans lesquelles
elle se trouve rendent superflus.
Le vaisseau chargé de ces infortunés aborda enfin à Tarente,
dans le royaume de Naples.
On croira aisément que la dame Destaing et sa famille
n’eurent rien de plus pressé que de quitter, dès qu’ils le
purent, un navire où , depuis six mois , ils avaient si cruelle
ment souffert. Heureusement une main protectrice vint à leur
secours ; le général Soult, aujourd’hui maréchal de l’Empire,
les accueillit, leur donna sa maison de campagne, pour y
faire quarantaine , et les reçut ensuite chez lu i, à Tarente , où
ils passèrent près d’un m ois, tandis que le vaisseau grec, qui
les avait débarqués sur la côte de Naples , continua sa route
pour Marseille.
Cependant, durant la longue traverées de la dame Destaing
et de sa famille , d’Egypte en Europe, la ville d’Alexandrie,
resserrée de plus en plus par les ennemis, et manquant de
vivres, avait été obligée de capituler.
La garnison fut embarquée pour la France, les généraux
M enou, D estaing, le capitaine Lantin et plusieurs autres
officiers montèrent sur le même vaisseau et arrivèrent à Mar
seille après trois mois de navigation , de manière que le
général Destaing , parti d’Egypte deux ou trois mois après
son épouse, arriva cependant en Europe, et en France, plus
de deux mois avant elle. 11 se rendit à Paris et fit des dispo
sitions pour fixer son domicile dans cette ville ; il y reçut du
général Soult la nouvelle de l’arrivée de sa femme et de sa fille
à Tarente.
se hâta de remercier le général Soult de ses soins bienfaisans , et le pria de faciliter à madame Destaing et à
11
�^
45"
( ” )
sa famille le moyen d’arriver à Paris, et de les y faire accom
pagner par quelqu’un de confiance.
■
7- Monsieur le maréchal Soult fit escorter par terre cette fa
mille jusqu’à Barleite, et chargea M. Desbrosse , officier fran
çais , né à Paris, de l’accompagner.
Madame Destaing et sa famille s’embarquèrent à Barlette,
reprirent terre à Ancône, d’où ils se rendirent en poste à
Lyon , avec M. Desbrosse.
Cette nouvelle fatigue avait encore altéré la santé de madame
Destaing et celle de sa fille. On crut nécessaire de leur faire
prendre quelques jours de repos. M. Nazo son père et M. Desbrosse les précédèrent et se rendirent de suite à Paris, auprès
du général Destaing.
A peine arrivé à Paris, M. Nazo perdit son gendre par un
événement tragique, dont le public fut informé dans le
tems. M. Nazo n’avait vu le général Destaing que quelques
instans, et n’avait encore pris aucun arrangement avec l u i ,
pour l’établissement de sa famille.
Madame Destaing ignorait à Lyon la perte qu’elle venait
de faire ; elle y attendait des nouvelles du général Destaing ,
lorsqu’e lle reçut la visite du sieur Bordin, chapelier, dont
l ’épouse était d’A u rillac, lieu de la naissance du général Des
taing.’
Le sieur Bordin se présenta avec une lettre du sieur Des
taing, père du général, pour engager la dame Destaing sa
b e l l e - f i l l e , à se rendre à Aurillac avec son enfant, où on lui
dit qu’elle trouverait le général son mari.
Mais la feinte ne pût être longue : madame Destaing ap
prit bientôt qu’elle était veuve, et que sa fille avait perdu son
père, avant d’en avoir pu recevoir la moindre caresse.
,
«
/
�U * )
Elle se sépara du reste de sa fam ille, qui se rendit à Mar
seille, où le Gouvernement réunissâit les réfugiés égyptiens,
et elle prit la route d’Aurillâc avec sa fille, une nourrice
qu’elle avait prise à Tarente, et une négresse qui les servait.
Le sieur Destaing père fournit aux frais de ce voyage, et
aux premiers besoins de sa petite-fille et de la veuve de son
fils. Illes'accueillit comme ses enfans, les fit considérer comme
tels par toute la famille Destaing, au milieu de laquelle la
Veuve trouva madame Delzons, née, comme elle, en Egypte,
témoin des courts instans de son bonheur et de ses premières
infortunes.
Madame Destaing passa ainsi à Aurillac huit mois, présen*
tée dans toutes les sociétés comme veuve du général Destaing,
sans que personne eût osé élever le moindre doute sur son état
ét celui de sa fille.
Le siéur Destaing père assembla un conseil de famille pour
la nomination d’un tuteur à sa petite-fille.
On trouve parmi les parens M. Alexis-Joseph Delzons,
général de brigade , commandant le département du Cantal,
cousin-germain du feu général D estaing, et le même qui avait
été témoin du mariage qui avait réuni la dame Nazo à la
famille Destaing ; M. Delzons son père, membre du Corps
Législatif, oncle paternel de M. D estaing, bien instruit par
son fils des circonstances de ce mariage, et le même qui se
trouva à Paris, à la levée des scellés mis sur les effets du gé
néral Destaing son neveu; enfin, tous les parens du défunt
qui déférèrent la tutèle au sieur Destaing père, en sa qualité
d’aïeul de la mineure, et attendu la minorité présumée d e là
mère, autorisèrent les dépenses par lui faites, réglèrent le
�(
,3
)
montant des habits de deuil de la veuve,et fixèrent provisoi^ reinent la quotité de la pension de la pupille.
Si les intérêts de la dame Destaing furent sacrifiés dan^s cet
acte, du moins son état et celui de sa fille furent respectés et
reconnus par la famille de son mari; et ils auraient continué
à l’être, si elle n’avait pas été instruite de ses droits.
Mais elle trouva , à Aurillac même , des personnes offi
cieuses qui lui apprirent que la loi plaçait dans ses mains la
personne et la conservation des biens de sa fille , que c’était
pour elle un devoir de la réclamer, et que son beau-père et
la famille Destaing abusaient de son ignorance.
Aussitôt qu’elle parut instruite, les procédés de son
beau-père changèrent à son égard. Il craignit qu’elle ne vou
lût se soustraire à son empire, e t , pour la retenir, il la
sépara de sa fille, qu’il envoya à la campagne sous un vain
#prétexte^.
Cet acte de barbarie dut révolter la dame Destaing; privée
de sa fille , ne pouvant découvrir le lieu où on la tenait cachée,
elle écrivit à son père pour lui faire connaître sa position.
Le sieur Nazo se rendit à A u rilla c, et n’obtint rien du sieur
Destaing ; il emmena sa fille à Marseille.
On remarquera que le sieur Destaing retint alors sa
petite-fille, malgré la mère et l’aïeul maternel ; ce qui est
une nouvelle reconnaissance de l’état de la demoiselle Des
taing , dans le tems même que son aïeul refusait à la mère
de la laisser jouir du plein exercice de ses droits.
La dame Destaing fut conduite à Marseille par son p ère,
et elle sentit alors le besoin de constater son âge, qui était
le seul prétexte sous lequel le sieur Destaing père réfusait
de lui rendre la tutelle de sa fille. Il y fut procédé par un
�( *4 )
acte de notoriété en forme authentique, auquel concou
rurent un grand nombre de réfugiés Egyptiens , réunis à
Marseille. Parmi eux se trouvaient deux des militaires qui
avaient traversé la Méditerranée avec la dame Destaing;
ils rapportèrent l’époque de l’accouchement de la dame Des
taing , et du baptême de sa fille.
Si l’acte de notoriété ne donne pas de plus grands détails,
c’est que personne ne pouvait prévoir alors que l’état de la
dame Destaing et de sa fille serait un jour contesté ; il
ne s’agissait que de déterminer leur âge par la notoriété, à
défaut de registres. Leur état était assez établi par leur pos
session non interrompue : et si la dame Destaing avait pris
alors de plus amples précautions ; si elle avait fait constater
son état par les nombreux réfugiés Egyptiens qui se trou
vaient alors à Marseille, ce qui lui eût été facile, on suppo
serait peut-être aujourd’hui qu’elle en avait besoin. Tandis
que, comme nous le verrons bientôt, la possession detat*
et la reconnaissance de la famille étaient, pour elle et pour
sa fille , des titres suffisans.
Madame Destaing doutait si peu de leur puissance, qu’a
près un court séjour à Marseille , elle se rendit à Paris pour
demander justice.
Le Gouvernement lui accorda sans difficulté la pension à
laquelle elle avait droit comme veuve du général Destaing ;
et les plaintes qu’elle porta, sur ce qu’on lui retenait, malgré
e lle , sa fille à A u rillac, furent renvoyées par le premier
Consul aux ministres de la justice et de la police pour y faire
droit par voie d’administration.
Le sieur Destaing , président du trib u n al civil de son ar
rondissement, ne put méconnaître la légitimité des première
demandes de la dame sa belle-fille -, il répondit à S. Exc. le
�5
( i )
grand-juge que puisque le Code civil déférait la tutelle à la
m ère, elle pouvait envoyer chercher sa fille quand elle le
jugerait à propos. Le grand-juge , en informant madame Destaing de la réponse de son beau-père , lui apprit que toute
discussion sur les biens devait être portée devant les tribunaux.
( , Le général Destaing était mort à Paris , où il paraissait
I avoir voulu fixer son domicile ; on pensa que c’était à Paria
y que la succession était ouverte , et où l’inventaire des biens
avait commencé. La dame Destaing se pourvut donc devant
le tribunal civil de la capitale pour réclamer les droits que
lui donnait la double qualité de veuve du général Destaing
et de tutrice de leur fille , et fit assigner le sieur Destaing en
reddition de compte de la tutelle.
Le sieur Destaing, aïeul de cet enfant et président du tri
bunal civil d’Aurillac , prétendit que c’était à Aurillac que
cette demande devait être portée , attendu que le feu général
Destaing était censé n’avoir jamais eu d’autre domicile que
la maison paternelle.
Le tribunal de Paris se déclara compétent ; mais le sieur
Destaing s’étant pourvu à la Cour de cassation en règlement
cle juges, les parties ont été renvoyées au tribunal de première
instance de Mauriac , département du Cantal.
C’est là que, pour la première fois, le président Destaing ,
pour garder en ses mains les biens de la succession de son
fils, a renié sa petite-fille dont, d’abord, il avait voulu être le
tuteur , et qu’il avait retenu chez lui malgré la mère. Il a osé
déclarer devant ce tribunal, à quelques lieues de distance
/ d’Aurillac et dans le même département, habité par les té
moins de la constante possession d’état de la veuve et de sa
fille, ainsi que des actes authentiques et multipliés de la recon-
�( i6 )
naissance de la famille , « que ce n’a été que par d o l, fraude,
» suppositions et insinuations perfides que la demanderesse
» l'engagea à se porter tuteur de Marie sa fille , et à faire
» tous actes nécessaires en cette qualité pour la rémotion des
» scellés, inventaire et vente des effet mobiliers délaissés
» par son défunt fils ; lesquels consentement, actes et fausses
» démarches il rétracte formellement ; et de ce q u e , mal à
/ « propos , elle voudrait tirer avantage de ce qu’il l’a retirée
» dans sa famille , ne Vayant fa it qu à titre dhospitalité,
» comme compatissant à ses malheurs, et sous réserves de ses
o autres droits. »
Les tribunaux du département du Cantal avaient donc à
examiner le mérite de cette déclaration ; elle est la cause
du litige , le point de la difficulté élevée par l’aïeul. Elle
contient une accusation grave en suppression d’état, ou un
délit bien plus grave encore en suppression d’état, de la part
de celui qui était alors le chef de la fam ille, le protecteur
n a tu rel de tous les membres qui la composaient ; et spé
cialement de sa petite-fille et de la veuve de son fils.
Il accuse celle-ci de l’avoir engagé, par dol et fraude, A
les reconnaître , elle et sa fille , pour avoir appartenu, à titre
légitime , au général Destaing ; mais on sait qu’elles étaient
.à L y o n , lorsque madame Destaing a perdu son mari. Elle
arrivait en France , et elle ne connaissait personne , ni le
pays dont elle n’entendait même pas la langue ; quel dol
a-t-elle pu pratiquer? quelles insinuations a-t-elle pu em
p l o y e r ? Rien au monde ne peut faire admettre, un instant, la
supposition du président Destaing. Quelle serait donc la
puissance qui aurait obligé ce dernier à envoyer chercher à
Lyon madame Destaing et sa fille , qui ne le connaissaient
�M
( «7 )
pas ? à les recevoir et les traiter comme belle-fille et petitefille, pendant huit mois consécutifs? à prendre devant la
Justice la qualité d’aïeul légitime de cet enfant, et en de
mander la tutelle , attendu la minorité de la mère? à s’en
gager , par serment, à en remplir les devoirs , ceux de tuteur
et d’aïeul ? à exercer, pendant huit m ois, les honorables
fonctions que ces titres lui donnaient ? 11 n’y avait nulle
puissance, nuls moyens suffisais pour l’y engager , si ce
n’est la force de la vérité et le pouvoir de la justice na
turelle.
r£>r\.C)t^
n e P e u t se rétracter: on ne rétracte pas des faits;
/ or , les actes émanés du sieur Destaing përe , sont autant de
faits qui existent et existeront malgré ses regrets. Qu’il les
- explique comme il pourra , il ne peut les détruire par une
vaine rétractation.
Il suppose hardiment n’avoir retiré, dans sa famille, sa
petite-fille et la dame sa mère, qiià titre cl hospitalité, ce
compatissant à leurs malheurs.
Mais le litre auquel la dame Destaing et sa fille ont été
retirées, ou plutôt réclamées par le sieur D estaing, est écrit
dans le procès-verbal de nomination de tuteur. Ce titre légal
ne peut pas plus être effacé que ceux de la nature invoqués
par le sieur Destaing père pour l’obtenir ; ce titre est l’ou
vrage du sieur Destaing , lui-même; toute la famille y a
concouru. C’est par une délibération éclairée, authentique
et homologuée par l ’autorité civ ile, que le sieur Destaing a
demande à prendre dans les biens qu’il n’administrait qu’au
nom de sa p etite-fille, et comme son tuteur, le rem<boursement des frais qu’il avait; faits pour leur séjour à
• L y o n ,.e t voyage à A urillac, et pour les alimens qu’il leur
3
3<;.
�' Ji
( *8 )
fournissait dans cette ville. Ce n’est donc pas comme com
patissant aux malheurs d’une étrangère , qu’il a agi. La
dame Destaing ne pouvait pas être étrangère pour lui ;
aussi a-t-il demandé lui-même , pour sa belle-fille , des habits
de d e u il, et la fixation d'une pension viduelle. Ce ne sont
pas là des actes de compassion , mais de justice. La fille et la
veuve du général Destaing ayant reçu , dans cette qualité,
sur la succession de leur père et mari , les secours dont
elles avaient besoin, dans la maison que le sieur Destaing
a fait juger être le domicile de son fils ; il ne peut pas dire
qu’elles y aient été reçues à titre d'hospitalité. Dans la maison
de leur aïeul et beau-père , elles étaient chez elles, elles y
continuaient leur possession d’état : on ne peut la leur ravir,
parce qu’elle repose sur des faits constans et indestructibles.
Par ces faits, tout doit être jugé entre madame Destaing
et la famille de son mari. D u moins on ne peut plus mettre
en question l’état de la veuve et de l’orpheline, authenti
quement reconnu par ceux memes qui 1 attaquent aujourd hui.
Nos livres de jurisprudence sont pleins de monumens qui
fixent d’une manière invariable les principes qui doivent
servir de règle pour résoudre les questions élevées sur l’état
des citoyens dans des circonstances quelquefois bisarres et
souvent embarassantes.
'
Souvent on a argumenté sur la foi qui est due aux registres
publics , sur la nécessité d’établir par eux l’état contesté , sur
l’adiniision ou le rejet de la preuve testimoniale, soit pour
faire réformer ces registres , soit pour les suppléer en cas de
perte ; mais toujours on a admis les conséquences qui ré
sultaient d’une possession d’élat invariable. La loi romaine,
d’Aguesseau , Cochin , si souvent cités dans les questions
�2s 5
*9
(
)
de cette nature, regardent la possession comme le signe le
plus certain de 1 état des citoyens , celui qu’il serait le plus
dangereux de méconnaître, et qu’il importe le plus de res
pecter pour assurer le repos des familles.
j 1
Cochin a retracé ces principes dans la cause célèbre de la
X (\y dame de Bruix ; et on peut remarquer qu’il plaidait pour la
familleLaferté, qui repoussait cette femme et tous les moyens
qu’elle employait pour se faire reconnaître comme appar
tenant à cette famille. De manière qu’on ne peut pas le sus
pecter d’ayoir admis ou supposé des principes trop favorables
à ceux dont l’état est contesté. Il les établit comme doctrine
qui doit servir de guide dans les questions d’état, pour qu’on
ne s’égare pas dans cette matière, en donnant dans des excès
également contraires à la vérité.
Voici comment il s’exprime :
« Si les législateurs , d it-il, n’avaient pris aucune précau» tion pour fixer l’état des hommes , les citoyens ne pour» raient se reconnaître entr’eux que par la possession. Telle
» était la règle qui les distinguait seule, avant que les Etats
» policés eussent établi des lois sur une matière si importante;
» les familles se formaient par des mariages publics ; les en» fans étaient élevés dans la maison des pères et des mères,
» comme les fruits précieux de l ’union conjugale ; les rapports
» des différens membres d’une famille se confirmaient de jour
•» en jour par la notoriété y ils se connaissaient, ils étaient
» connus des autres comme frères et soeurs, comme oncles g
» neveux, comme cousins, par cette habitude journalière
» de se traiter réciproquement dans ces différentes qua» lités.
,
» C’était donc la possession seule qui fixait l’état des hom m es;
^v;
�» c’était l ’unique espèce de preuve qui fut connue; et qui
» aurait voulu la troubler, en supposant un état et une filia» tion contraire à celle qui était annoncée par cette longue
» suite de reconnaissances, aurait troublé l’harmonie du genre
»» humain.
» Les législateurs ont cru devoir porter plus loin les mesures
» que leur sagesse leur a inspirées. On a cru que s i , au mo» ment de la naissance de chaque citoyen, son état était con» signé dans des registres publics, ce genre de preuve ajou» terait un nouveau degré de force à l’état qui devait être
» établi dans la suite par la possession, ou que, si la posses» sion , par quelques circonstances impossibles à prévoir,
» pouvait devenir équivoque, le -titre -primordial pourrait
» en parer les vices et venir au secours du citoyen privé des
» avantages d’une reconnaissance solemnelle. C’est donc ce
» qui a introduit l’usage des registres publics prescrits par nos
» ordonnances.
y>C’est sur ces deux genres de preuve que porte l’état des
»hom m es; celle de la possession publique est la plus an» cienne et la moins sujette à Terreur ; celle des registres
» publics est la plus nouvelle et la plus authentique. Quand
» elles se prêtent un mutuel secours, tous les doutes dispa» raissent ; quand elles ne sont pas unies , les questions
» peuvent dépendre de la variété des espèces et des circons» tances.
» Ou l’on est attaqué dans un état dont on est en possession,
« ou l’on réclame un état dont on n’a jamais joui. Dans le
n premier c a s , l à p o s s e s s i o n s u f f i t a c e l u i q u i e s t a t » t a Qui ; il r£a pat besoin de recourir aux monument pu-
�us
( al )
» blics , ni à aucun autre genre de preuve ; il possédé, et à
» ce seul titre, on ne peut pas hésiter à le maintenir.
» Dans le second cas, celui qui réclame un état dont il n’a
» jamais jo u i, trouvant le même obstacle de la possession,
v ne peut réussir dans son entreprise , s’il n’a en sa faveur des
» titres solemnels qui prouvent que la passion et l’injustice
» l’ont dépouillé.
» Ainsi la possession publique, qui décidait seule avant
» l’établissement des registres publics, conserve aujourdhui
» son premier empire ; c’est elle qui forme toujours la preuve
» la plus éclatante et la plus décisive , et si elle peut être
» combattue par des preuves contraires , ce n’est qu’autant que
• ces preuves posent d’abord sur un fondement solide, adopté
» par la lo i, c’est-à-dire, sur les titres les plus authentique»
» et les plus respectables. »
Ces principes rappelés par C ochin , et qu’il appelle « des
» vérités que la raison dicte seule, et qu’elle grave, pour
r> ainsi dire, dans le cœur de tousles hommes ;» ces principes,
qu’il prouve être « appuyés sur la décision de» lo is , le suf» frage des plus grands hommes et la saine jurisprudence » ;
sont ceux de tous les jurisconsultes et de tous les tribunaux.
Ils s’appliquent naturellement à la cause de la dame Destaing
et de sa fille.
Elles sont en possession de leur état de veuve et de fille du
général Destaing. Cette possession a été publique, on pourrait
même dire solemnelle; elle leur suffit pour repousser l’attaque.
dirigée contr’elles. Elles n ’ont pas besoin de recourir aux
monumens publics , n i a a u c u n a u t r e g e n r e d e p r e u v e .
Elles possèdent ; et, à ce seul titre t on ne peut pas hésiter
à les maintenir.
�( 32 )
On le doit avec d’autant plus de raison, que l’attaque a
commencé par celui q u i, ayant le plus grand intérêt à con
tester l’état de ces infortunées, s’il avait été équivoque, l’a
cependant le plus authentiquement et le plus solennellement
reconnu , soit en justice, soit dans le conseil de famille con1 voqué par l a i , soit en les présentant à chacun de ses parens
et amis, comme étant ses enfans; les établissant, à ce titre,
spontanément, sans en être sollicité par personne, dans sa
propre maison, et les reconnaissant en leur qualité, et pour
ainsi dire , à la face du ciel et de la terre.
Quelle est donc la cause du changement? qu’est-il donc
arrivé pour opérer une métamorphose ? Rien. Quelle décou
verte a fait le sieur Destaing pour passer ainsi de l’áífection
paternelle à l’indifférence, et même à l ’animosité? Aucune.
Q u’a-t-il appris de nouveau? Rien. Il était président du tri
bunal, et par conséquent jurisconsulte; il devait savoir que
la puissance paternelle ne s’étendait plus sur les petits-fils, à
l ’exclu sion de leur mère ; que, par le Gode civil, la yeuve
avait la tutelle de ses enfans. Ce n’est point la dame Destaing
qui avait provoqué cette loi, cause première de ses derniers mal
heurs; et si, informée qu’elle était de son devoir de les exercer,
elle a indiscrètement manifesté, dans la maison de son beaupère , l’intention de les réclamer, ce îAetait pas une raison
pour vouloir l’en déposséder, en la dépouillant de son état;
ni de la rejeter d’une famille dans laquelle elle n’est entrée
et sa fille n’est née que pour y éprouver des malheurs.
Depuis la déclaration rétrograde du sieur D estaing père,
sa conduite a été assortie à ce début.
Il commença par faire faire saisie-arrêt entre ses mains, à la
requêtç de ses autres enfans se disant héritiers naturels du
�a/r
( 23)
général Destaing leur frère. Il demanda ensuite que la dame
D estaing, comme étrangère, fût tenue de donner caution
judicatum solvi ; et il se défendit devant le tribunal de
Mauriac par cette exception préliminaire, en demandant que
ses enfans, dont il avait dirigé les démarches, fussent ap
pelés dans l’instance, ainsi qu’un prétendu bâtard du général
Destaing, dont, jusqu’alors, personne n’avait entendu parler,
et dont, depuis, personne aussi n’a eu des nouvelles.
Le tribunal de Mauriac, par jugement du
août 1806,
débouta le sieur Destaing de sa demande en cautionnement,
ordonna que les prétendans droits à la succession du général
Destaing, et les saisissans, seraient mis en cause, et néan
moins condamna le sieur Destaing au paiement d’une pro
vision de 600 fr ., à compter du jour où la demoiselle Des
taing avait été retirée d’Aurillac, et à la continuer jusqu’au
jugement définitif. M. Destaing fut condamné à payer l e .
coût du jugement
Mais ce jugement provisoire, quelque modéré qu'il fû t,
n’a pu être exécuté.
Le* beaux-frères et belles-sœurs de la dazne Destaing s’y
sont rendus tiers opposans.
La réclamation principale de la dame Destaing étant alors
instruite , elle a demandé à être maintenue dans son état de
veuve du général Destaing, contre tous les prétendans droits
à la succession, et tant en son nom personnel que comme
tutrice de sa fille; elle a demandé que le sieur Destaing père
fût tenu de rendre compte de l’administration dans laquelle
il s’était immiscé, comme tuteur.
Le sieur Destaing père s’est borné à laisser contester l’état
de sa petit« fille par ses autres enfans, déclarant qu’il était
�24
(
)
prêt à rendre compte de la succession, à qui et pardevant qui
il serait ordonné en justice. Il a prétendu devoir être congédié
de la demande, et cependant il a conclu à ce que,dans le cas
où la dame Destaing ne justifierait pas de son état et de celui
de sa fille, elle fût condamnée à lui rembourser, avec inté
rêts,
fr., montant des dépenses faites pour elle, tant à
Lyon qu’à Aurillac.
C’est sur ces conclusions qu’est intervenu le jugement du
i août 1807, dont la dame Destaing a appelé.
Par ce jugement, le tribunal de Mauriac, en reconnaissant
la possession d’état des dame et demoiselle Destaing, ordonne
néanmoins que le fait du mariage du général Destaing et
celui de la naissance de sa fille seront prouvés par témoins,
à la diligence de madame Destaing, et qu’il n’a pas existé de
registres où ces actes de mariage et de naissance aient dû être
transcrits.
Les juges statuent par interlocutoire sur le fond de la
contestation qui leur est soumise, et cependant ils ne pro
n o n ce n t rien sur la tierce opposition à leur premier jugement,
qui condamnait le sieur Destaing père au paiement d’une
provision bien nécessaire aux dame et demoiselle Destaing,
bien légitimement due à l’état dont elles étaient en possession ,
et à leur qualité aussi incontestable que leur position mal
heureuse.
Le tribunal de Mauriac, en mettant en question Tétat de
la dame Destaing et celui de sa fille, a fait abstraction de la
possession dans laquelle elles étaient. Il aurait dû apercevoir
qu’elles étaient attaquées dans cette possession d’état par ceux
mêmes qui avaient concouru à la leur assurer, et q u e, dès
lors, madame Destaing n’avait rien à prouver; c’était sur ceux
3656
3
�(aS)
qui venaient l’attaquer, prétextant qu’ils avaient été e n g a g é s "
par d o l, f raude, suppositions et insinuations perfides , que
tombait la charge de prouver leurs allégations. Jusqu’alors
leur engagement subsistant, on devait les regarder comme
liés. La reconnaissance publique et authentique de l’état d’un
citoyen dans une famille, et par tous les individus qui la
composent, n’est pas un lien frivole ; le méconnaître, ce
serait, comme dit Cochin , troubler l’harmonie du genre hu
main. Combien de milliers d’individus n’ont d’autre assurance
de leur état, d’autre titre que leur possession publique au
milieu de leur famille et dans la société ? Combien en est-il
qui ignorent où ils pourraient trouver l’acte de célébration
du mariage de leurs auteurs, et même leur acte de naissance?
Faudrait-il pour cela les faire sortir de la famille dans la
quelle ils possèdent un état reconnu légitime? sera-t-il per
mis à celle-ci de les repousser de son sein, en leur imposant
â eux l’obligation de prouver quelle a eu raison de les con
sidérer comme fils, petit-fils, neveux, cousins, etc. ?
N on, certainement, ils n’ont rien à prouver. La possession
suffit à celui qui est attaqué; il n a pas besoin de recourir
aux monumens publics, ni à aucun autre genre de preuves : il
possède ; et, à ce seul titre, on ne peut hésiter à le main
tenir.
Vainement voudrait-on supposer que la dame Destaing
étant demanderesse dans la cause, doit prouver et justifier
la qualité qu’elle prend : cette supposition est inadmis
sible.
La demoiselle Destaing était non seulement en possession
de son état de fille naturelle et légitime du général Des
taing son père,m ais encore de la succession de ce dernier,
4
�"t
;
( a6 )
acceptée pour elle par le sieur Destaing son aïeu l, en sa
qualité de tuteur, qui lui avait été déférée par la famille
entière, qui avait reconnu l’état et les droits de la pupille.
La veuve du général Destaing était pareillement en posses
sion de son état de veuve, reconnu aussi par la famille, qui
ayait réglé le paiement de ses habits de deuil et de sa pen
sion viduelle.
Devenue tutrice de sa fille par la disposition du Code
c iv il, elle a trouvé celle-ci dans la possession de son état,
saisie et investie de la succession qu’elle avait recueilli du
général Destaing son père.
Ce nest point cette succession quelle a demandée ; l’aïeul
tuteur l ’avait recueillie pour sa petite-fille, et avait fait pour
elle tous les actes d’héritiers nécessaires. La fille du général
Destaing avait été reconnue son héritière ; elle possédait sa
succession de droit et de fait : c’est donc elle qui est atta
quée dans la possession.
La mère tutrice exerçant ses droits, a demandé compte au
premier tuteur; celui-ci ne pouvait ni le refuser, ni changer
lui-même le titre de cette possession ; car ce n’est pas pour
lui-même qu’il possédait, mais pour sa petite - fille , et à un
titre qui avait cessé d’être légitime.
L ’opposition des tiers ne pouvait ni dénaturer ses obliga
tions , ni les diminuer. Les collatéraux trouvant la succession
de leur frère .recueillie par son enfant, ne pouvaient dépos
séder celui-ci, sans préalablement attaquer l’état de l’héritière
inyestie, état que cependant ils avaient reconnu eux-mêmes,
et dpnt elle était en possession ; ils veulent détruire ce qui
existe bpn gré ou malgré eux. C’est donc eux qui attaquent ;
�27
(
)
c’est donc eux qui sont les demandeurs. Peu importe que ce
soit par voie d’exception ; on connaît la règle Reus excipiendi fit actor. A cto ris est probare.
Nous disons que la veuve du général Destaing, tutrice
légale de sa fille , demande au précédent tuteur le compte de
son administration. Celui ci nie-t-il avoir été le tuteur de la
demoiselle Destaing sa petite-fille? non. Nie-t-il avoir recueilli
en cette qualité de tuteur la succession du général Destaing?
non. Il dit que les autres enfans collatéraux du général Des
taing prétendent à cette succession, et qu’ils s’opposent à ce
qu’il rende compte à la nouvelle tutrice. Le tribunal ordonne
d’abord qu’ils seront mis en cause. Us se présentent comme
tiersopposansà un premier jugementquiordonnait lepaiement
d’une provision. Sont - ils défendeurs dans leur opposition?
non. Le sont-ils lorsqu’ensuite ils demandent, par voie d’ex
ception , que leur nièce soit dépossédée de son état et de la
succession du général Destaing son père? pas davantage.
Ils soutiennent alors que la demoiselle Destaing leur est
étrangère ; mais c’est à eux à le prouver, s’ils le peuvent. Ils
ne nient point la possession d’état qui pose sur des faits in
destructibles ; ils supposent qu’elle a été usurpée par dol et
fraude : c’est encore à eux à prouver cette supposition inique;
c’est donc à eux q u e, sous tous les rapports, devait être
imposée l ’obligation de rapporter la preuve de ce qu’ils avan
çaient. Jusqu’alors le sieur Destaing père ne pouvait mécon
naître le titre en vertu duquel il avait agi, et toutes les con
séquences qui en résultaient, dont la moindre était que, pro
visoirement, ce titre et la possession d’état devaient être res*
pertes; provisoirement, la mineure devait être alimentée et
secourue sur la succession dont elle était saisie de droit et
�‘
J M -
( 28)
de fait par les mains de son aïeul, par le consentement de
toute la fam ille, et le concours de l’autorité civile.
Nous disons que les collatéraux étaient demandeurs en
délivrance d’une succession recueillie par la mineure ; que
c’étaient eux qui venaient troubler l’état dont la mineure
Destaing était en possession, et prétendaient la dépouiller
de la succession qu’elle avait recueillie en une qualité q u i,
jusqu’alors, ne lui avait pas été contestée. Sans donte qu’avec
ces prétentions, et comme demandeurs, ils pouvaient se pré
senter dans la lice; mais avec quelles armes? C’est encore
Gochin qui répond à cette question, et il faut rappeler ici
ce que nous avons déjà rapporté :
*
La possession publique conserve aujourd’hui son premier
» empire; c’est elle qui forme toujours la preuve la plus écla» tante et la plus décisive , et si elle peut être combattue par
» des preuves contraires, ce n'est qu autant que ces preuves
» posent cTabord sur un fondement solide -, adopte par la loi,
» c'est-à-dire , p a r l e s t i t r e s l e s p l u s a u t h e n t i q u e s e t l e s
*
PL U S R E S P E C T A B L E S . »
Nous avons vu que le sieur Destaing a cru que toutes ses
preuves étaient faites par la simple déclaration qu’il sç rétrac
tait. Ses enfans ont cru aussi qu’il leur suffisait delever du doute
sur l ’état de leurs belle-sœur et nièce , et ils l’établissent sur
quelques pièces qu’ils ont produites , et que nous allons exa
miner. Ces pièces consistent en deux lettres missives, qu'on
dit avoir été écrites par le général Destaing à son père, l’une
le 15 pluviôse an g , et l’autre le i ventôse an 10.
Par la première , il dit : « Delzons se porte bien ; il a un
n petit garçon bien éveillé, et j’essaie d’en faire un à une
» jeune grèque q u i, d’après un arrangement oriental, fait les
3
�29
(
)
» honneurs de chez moi depuis près d’un mois. » On sup
pose qu’il écrit dans l’autre : « Quant à mon mariage, vous
» ne devez pas plus croire la lettre de Latapie que la
» mienne> i! n’y a aucun lien légal; je ne l’auraîs pas con» tracté sans vous en prévenir : mais il y a d’autres liens qui
» pourraient bien, peut être , amener celui-là. A u reste , fai
» écrit à cette famille de se rendre à Marseille , et d’y attendre
» de mes nouvelles. »
La première de ces lettres, qui se rapporte à une époque
peu éloignée du mariage du général Destaing, peut bien prou
ver que l’union a été formée .sans le consentement du père
du général , et que celui-ci a dissimulé alors à son pére la
nature de ses engagemens , mais elle ne peut pas prouver qu’ils
n’existent pas, et qu’ils ne soient pas indissolubles.
Dans la second# , le général Destaing écrit, dit-on , à son
pére : vous ne devez pas plus croire ma lettre que celle de Latapie. Il désavoue donc implicitement ce qu’il a écrit ; s’il ne
s’accuse pas ouvertement de mensonge ou de dissimulation , il
prépare son père à une explication plus franche. Il ne la lui
donne cependant pas dans le moment ; il continue à l’envelopper
dans des généralités ; il suppose, il est vrai, qu'il n y a pointde
lien légal, parce que , dit-il, je ne l'aurais pas contracté sans
vous en prévenir ; et il ajoute : mais il y a d’autres liens
( c ’est-à-dire, les liens naturels et religieux), qui pourraient
bien amener celui-là. Que signifie tout cet entortillage?
Le mariage du général Destaing avait été fait sans le consen
tement du pere : cette correspondance semble l ’indiquer. II
croyait sans doule que ce consentement était un préliminaire
indispensable, ou du moins convenable; voilà pourquoi, en par
lant de son union , il en dissimule d’abord la légitimité ; et
�5
( ° )
s’exprime d'une manière cavalière. M ais, arrivé en France,
ilvoil approcher le moment de découvrir la vérité , il commence
par effacer les impressions défavorables qu’aurait pu donner sa
première lettre: ne la croyez pa s , dit-il; c'est-à-dire, ne sup
posez pas que j’aie vécu dans un honteux concubinage avec la
jeune personne à laquelle je me suis uni aux pieds des au
tels , du consentement de sa famille , en présence de mes chefs
et de mes frères d’armes. Ne la croyez pas : il manque peutêtre quelque chose à noire union pour sa légalité, puisque j'aurais
dû vous en prévenir, vous demander votre assentiment : mais il
y a d’autres liens qui pourront bien amener votre appro
bation. S’il ne la demande pas encore explicitement, cette ap
probation , on voit qu’il la sollicite déjà d’une manière indirecte,
en déclarant qu’il est l ié , et qu’on pourra suppléer à ce qui
manque à son union.
Le général Destaing ne disait pas toute la vérité dans cette
lettre, s’il l’a effectivement écrite ; c a r, dans la réalité, il ne
manquait rien à la légitimité de son union. Il était majeur,
lorsqu’il l’a contractée ; et la lo i, sous l’empire de laquelle elle
a été formée, n’exigeait point que le consentement des pères et
des mères fut requis pour le mariage des majeurs. La précipi
tation du général Destaing était un manque d’égards et même
de respect ; c’était une faute qu il sentait avoir commise : mais
elle ne compromettait pas l ’état de sa femme et celui de ses
enfans qui ne l’avaient point partagée. La loi civile ne punis
sait point alors une telle omission, la seule que le général Des
taing eût à réparer.
C ’est ce qu’il fit, sans d o u te, bientôt après , en s’expliquant
avec son père d’une m anière plus franche et plus lo yale. On.
peut l ’a ffirm er, lorsqu’on voit le sieur D estaing père recher-
�zÿ >
(
3» )
cher lui-même sa belle-fille et sa petite-fille, les établir dans
sa maison en leur honorable qualité , les reconnaître en face
de la justice, au milieu de sa famille et de ses amis, et les
maintenir dans cette possession, que nous avons vu être la
preuve la plus éclatante et la plus certaine de l’état des ci
toyens.
A lo rs, bien loin que ces lettres puissent faire élever le
moindre doute sur L’état reconnu de la dame Destaing et de sa
fille, elles donnent une nouvelle force à leur possession de cet
état.
Le sieur Destaing père avait été infoi’mé du mariage de son
fils par quelqu’un de ceux qui en avaient connaissance, par
Latapie, qui ne l’aurait point écrit s’il n’en avait pas eu la
certitude : le sieur Destaing père avait pu être instruit de ce
mariage par le général Delxons , surtout, qui en avait été
témoin. La manière légère dont son fils en avait parlé dans sa
première lettre avait pu lui donner de fausses idées et élever *
des doutes''qu’il lui importait d’éclaircir. Son fils lui écrit
ensuite : « Ne croyez pas plus ma première lettre que celle de
» Latapie. Je suis lié sans vous en avoir prévenu, mais tout
» n’est pas fait ». On voit bien qu’il ne dit pas tout alors, puis
qu’il n’explique rien ; mais il commence ses déclarations. La
possession d’état de la daine Destaing les .complète, et prouve
qu’elles ont eu lieu intermédiairement entre le père et le fils.
Qu’est-il besoin, en effet, que nous recherchions comment le
sieur Destaing père a été éclairé ? Il l’a été, puisqu’il a solemnellement reconnu sa petite-fille et la veuve de son fils, puisqu’il
les a envoyé chercher à Lyon ; puisque ce n’est qu’en qualité
de tuteur de sa petite-fille qu’il s’est présenté pour recueillir la
succession du général Destaing.
�3
( a )
Si les lettres de ce dernier n’avaient pas élevé des doutes
dans l ’esprit de son père , on pourrait soupçonner qu’il a
été surpris p^r quelques apparences trompeuses; mais le doute
une fois admis , il ne peut être levé que par des preuves , et
dès que ce doute a cessé d’exister à la mort du général Destaing , les lettres antérieures ne peuvent le faire renaître. Elles
donnent mcme, comme nous l’avons dit, une nouvelle force
aux reconnaissances multipliées de celui à qui elles avaient
été écrites; bien loin qu’on puisse les considérer comme des
preuves contraires, lesquelles, nous ne saurions trop le ré
péter avec Gochin , devraient poser sur un fondement solid e,
adopté par la loi ; c est-A-dire , sur les titres les plus au
thentiques et les plus respectables.
On a voulu abuser envers la dame D estaing, de ce que
les circonstances dans lesquelles elle se trouve, ne lui per
mettent pas de représenter l’acte de célébration de son ma
riage et celui de la naissance de sa fille ; mais’ si elle n’en a
pas eu besoin pour se faire reconnaître par toute sa fam ille,
on peut bien moins les lui demander aujourd’h u i, pour dé
truire une possession d’état qui est pour elle et pour sa fille,
des titres suffisans.
On suppose qn’elle devrait avoir son acte de m ariage,
parce que le général Delzons et le capitaine Lantin , q u i,
comme nous avons vu , avaient épousé, â Rosette, les deux
demoiselles Varsy , filles d’un négociant de Marseille , ont
contracté, d it-o n , leur mariage devant le commissaire des
guerres Agard , qui en a dressé l’acte qu’il leur a remis , et
qu’après leur retour en Europe, ils ont déposé , savoir, l’un
( le général D elzoas) au secrétariat de la mairie d’A urillac,
Je 11 nivose an i x , plus d’un an après son arrivée en France,
�33
(
)
et postérieurement au décès du général Destaing , son cousin,
à la nomination de tutelle, à l’acceptation de l’hérédité par
l ’aïeul tuteur, au nom de sa petite-fille, et dans le tems même
de leur paisible possession d’état ; et l’autre ( celui du capi
taine L an tin }, bien longtems après ( le 18 prairial an i ) ,
époque du divorce qui a eu lieu entre le capitaine et son
épouse.
Jusqu’alors les maris des demoiselles "Varsy avaient gardé,
dans leur porte-feuille , les actes de célébration de leurs ma
riages , faits à Rosette devant un simple commissaire des
guerres ; on ignore si le général Destaing avait aussi un
acte semblable ou équivalent , constatant l’union que de
son côté il avait formé au C aire, devant témoins et le pa
triarche d’Alexandrie; et rien ne prouve qu’un pareil acte,
ou tout autre semblable , n’existe pas dans les papiers du
général Destaing.
Mais supposons cette non existence , elle ne prouverait
rien pour la cause.
Les demoiselles Varsy étaient françaises , comme les of
ficiers qu’elles ont épousé ; elles habitaient Rosette , lieu
plus paisible que le Caire ; leur père , négociant français,
instruit des lois de sa patrie , a pu penser qu’il suffisait à la
solemnité du mariage, que le consentement des parties, qui
en fait l’essence , fût donné devant un officier public. La
demoiselle Nazo, et son père, grecs de nation et de religion,
se trouvaient dans un cas dissemblable , et devaient natu
rellement avoir eu d’autres opinions ; ils ne connaissaient
que les lois sous lesquelles ils avaient vécu, et qui n’étaient
pas celles du général Destaing. On sait que, pour les ma
riages , les Grecs de l’empire Ottoman n’ont d’autre rit que
3
5
�< 34 )
'
les livres du christianisme; leur patriarche est leur principal
magistrat ; le sacrement est non seulement le lien le plus
respecté , mais le seul qui , suivant eux , constitue le ma
riage. Pourrait-on en être étonné en France , où. l ’on trouve
encore beaucoup de catholiques plus pieux qu’éclairés , qui
ne regardent comme véritable mariage , que celui qui est
béni dans les formes canoniques ? Mais il en est de cet en
gagement comme de tout autre; les formes dans lesquelles il
est contracté ne sont que des indices destinés à le i'ai.e re
connaître. Ce sont des signes établis dans chaque pays par
les lois , ou les usages qui en tiennent lieu.
Ce contrat , comme tous les autres , n’est rigoureusement
soumis qu’aux formes usitées dans le lieu où il a été fait ;
ces formes ne constituent pas le contrat, elles servent uni
quement à le faire connaître ; c’est un principe du droit des
gens, que l’on retrouve dans deux articles du Code Napoléon ;
dans l’un ( le 47e) il est dit : « Tout acte de l’éut civil des
»
F r a n ç a i s et des Étrangers, fait en pays étranger, fera loi
» s’il a été rédigé dans les formes usitées dans ledit pays. »
Et l’article 48 dit : « Tout acte de ietat civil des Français
en pays étranger, sera valable s’il a été reçu conformément
» aux lois françaises, parles agens diplomatiques, ou par les
» consuls. »
D ’après cette disposition , on peut bien dire que les actes
de mariage des demoiselles Varsy, françaises , avec le général
Delzons et le capitaine Lanlin , reçus par le commissaire des
guerres Agard , qui n’était pourtant ni consul , ni agent
diplomatique , ni officier municipal, sont valables ; mais ce
n’est pas une raison pour soutenir que le mariage d’une
Grecque avec un Français, solemneileinenl unis
le pa-
�( 35 )
triarche.d’Alexandrie , dans les formes usitées dans son dio
cèse , doit être regardé comme nul et invalide.
- • '-v-'ï
On ne manquera pas de dire que l’Egypte ayant été con
quise par les Français', étant devenue co lo n ie française, le
texte ejes lois fait pour les étrangers ne peut être invoqué
pour les actes faits pendant la conquête. Quelles étaient
donc les lois qu’il fallait suivre ? Quelles formes devait-on
observer? On ne peut répondre à ces questions qu’en sachant <
ce qui se pratiquait en Egypte , dans le moment où diffé
rentes nations se trouvaient mêlées et confondues. Les conquçrans, les peuples délivrés ou conquis, des in d igèn es, des
étrangers, des hommes libres, des esclaves , des chrétiens et
des musulmans de différons rits et de différentes sectes , ne
pouvaient être soumis aux mêmes formes de procéder dans
leurs engagemens que par une disposition particulière ; et il
n’y en a jamais eu.
C’est ce que nous apprend le commissaire des guerres, «xordonnàteur en chef de l’armée d’Egypte.
« Il atteste, e n c e t t e q u a l i t é , » c’est-à-dire , officiellement,
« que quoiqu’il n’existât à cette armée aucun ordre du général
» en chef remplaçant le Gouvernement français, depuis que
» les communications avec la France avaient été interrompues,
» pour régler la form e avec laquelle les actes de l’état civil
» devaient y être reçus, l’usage paraissait s’être établi de
» lui-même pour les officiers ou individus attachés à l’armée ,
« ne faisant point partie des corps , de faire des déclarations
» devant des commissaires des guerres qui les recevaient par
» procès-verbaux, ou de la manière qui leur paraissait conve» nable, de leurs mariages, même quelquefois de leurs di» vorces ; ce qui néanmoins lia jamais étc général, surtout
�(
36
)
» P O U R D E S M A R IA G E S C O N T R A C T E S A V E C D ES F E M M E S D U P A Y S ,
»
qui
SE S O N T F A IT S SO U V E N T E N T R E C A T H O L IQ U E S D A N S
LES
» É G L IS E S DU L IE U E T S U IV A N T L E S F O R M A L IT E S U S IT E E S E N T R E
» l e s c h r é t i e n s de toutes les sectes dont le culte était public
» en Egypte. Ces procès-verbaux étant hors des limites de
» Vadministration militaire , et purement f a c u l t a t i f s , de la
» part de ceux qui les recevaient ou les requéraient, aucun
» règlement rien a fix é la form e ni ordonné le dépôt ; e t ,
» recherches faites dans les papiers de l ’ordonnateur en c h e f ,
» soussigné, qui en remplissait les fonctions lors de l’arrivée
» de l ’armée en France, et dans ceux du bureau central, qui
» lui ont été également adressés par le commissaire des guerres
» Piquet, qui était chargé de les conduire en France, il ne
» s'est trouvé aucuns procès-verbaux relatifs à Tétat c iv il,
» observant expressément qu il ne s'en est point trouvé, no» tamment du commissaire Agard qui est mort dans la tra» versée. Signé S a r t e l o n . » Cette déclaration est visée, cer
tifiée et légalisée en formes probantes.
On voit par là ce qui se pratiquait en Egypte , quant aux
actes de l’état c iv il, pendant le séjour de l’armée française.
Aucun ordre du général en chef, remplaçant le Gouverne
ment, à cause’de l ’interruption des communications, ne réglait
la forme de ces actes.
Quelques officiers ou individus attachés à l’armée , et ne
faisant point partie des corps, faisaient des déclarations de
vant un commissaire des guerres, il n’en était point tenu
registre; il n’en a été fait aucun dépôt; on n’en trouve aucun
dans les archives de l ’arm ée, et notamment dans les papiers
du commissaire Agard ; l’usage de ces déclarations purement
facultatives n’était point général, surtout pour des mariages
�lu
37
. (
)
1
contractés avec des femmes du pays, et entre catholiques,
qui se célébraient dans les églises du lieu , et suivant les for
malités usitées entre les chrétiens dont le culte était public
en Egypte.
Cela explique i’embarras dans lequel a pu se trouver ma
dame Destaing de produire l’acte de célébration de son ma
riage. Elle n’est point obligée de savoir si son mari a fait ou
non "quelques déclarations particulières devant un commis
saire des guerres, s’il a été dressé procès-verbal de cette décla
ration, et si le général Destaing l’avait conservé dans ses pa
piers. Elle ne put interroger aucun dépôt public sur l ’exis
tence ou non existence d’une pareille pièce; les archives de
l’armée d’Egypte n’en ont aucune de cette espèce : mais aussi
on ne peut tirer contre madame Destaing aucune induction
ni de son ignorance ni de son impuissance ; bien moins encore
pourrait-on détruire la possession d état, en observant qu’elle
n’est point basée sur un acte authentique produit par e lle ,
tandis que d’autres mariages faits dans le même pays sont
constatés par des déclarations ou des actes reçus par un com
missaire des guerres.
Quand la possession d’état est constante, elle suppose le
titre, et dispense de le rechercher.
Il est vrai que dans les causes de cette nature , dans les cas
d’absence , ou perte des registres publics, les tribunaux ont
toujours admis la preuve testimoniale de la possession d’état
contestée ; mais il est évident qu’on ne peut recourir à la
preuve testimoniale de cette possession d’état, que lorsque lo
fait même de la possession est contesté, et ne peut être prouvé
que par témoins.
Si la possession était constante et reconnue, lorsqu’on est
�venu la troubler; si des actes authentiques émanés de ceux
même qui attaquent l’état de leur parent, concouraient à
établir cette possession , il serait absurde de demander la
preuve testimoniale. On ne prouve pas ce qui est convenu ;
on ne tait pas entendre des témoins sur une possession d’é
tat, lorsqu’elle résulte suffisamment des actes qui ne sont point
attaqués.
La dame Destaing et sa fille étaient-elles ou non dans la
paisible et publique possession de leur état , lorsqu’elles ont
été troublées dans cette possession , par la déclaration du
sieur Destaing père , et par la tierce opposition des collaté
raux ? Le père et les tiers opposans avaient-ils concouru à
maintenir la mineure Destaing , et sa mère , dans cette pos
session ? Les avaient-ils reconnus? Les avaient-ils fait recon
naître en leur qualité ? L ’affirmative résulte des actes qui ne
sont point attaqués et ne peuvent pas letre. Cela une fois
admis, l’on ne peut plus la contester; la preuve de la pos
session d’état est voûte faite , et nous avons vu qu’elle est
supplétive aux titres, et même que les principes dictés par la
saine raison lui donnent une autorité supérieure.
‘ V o yo n s comment s’exprime le Gode Napoléon , sur les
preuves de la filiation des enfans légitimes, liv. Ier, chap. II :
5
Art. 19. « La filiation des enfans légitimes se prouve par
» les actes de naissance , inscrits sur le registre de l’état
» civil. »
320. « -A défaut de titre , la possession constante de Fétat
» de Cenfanc légitime suffit. »
33 1. « La
possession d’état s’établit par une réunion suf» lisante de faics, qui indiquent le rapport de filiation et de
�173
5
( g )
>' parenté entre un individu et la famille à laquelle il prétend
*5' appartenir.
» Les principaux de ces faits sont :
» Que l’individu a toujours porté le nom du père auquel
• » il prétend appartenir ;
» Que le père l’a traité comme son enfant, et a pourvu,
»' en cette qualité, à son éducation, à son entretien et à son.
» établissement ;
» Qu’il a été reconnu, notamment, pour tel dans la so» ciété;
«
Ç iu il a été reconnu p o u r te l p a r la fa m ille . »
v o it, dans l’exposé des motifs de cette loi ; Qu'elle
ri exige pas que tous ces fa its concourent ; il riimporte que
la preuve résulte des faits plus ou moins nombreux , il suffit
quelle soit certaine.
■Celle de la reconnaissance de la famille Destaing ne l’estelle pas ? Que pourrait ajouter à la délibération de la fa
mille et au procès-verbal de la nomination de tuteur , la
déclaration de témoins étrangers ? Quel témoignage plus
imposant que celui de la famille même, et donné par elle
en présence du magistrat et d e v a n t la justice?
Pourquoi faudrait-il prouver , par témoins , d’autres faits
de la possession d’état, lorsque les plus essentiels sont justifiés
par écrit , et qu’aucun n’est ni ne peut être nié par les ad
versaires de madame Destaing?
Ceux-ci ne peuvent pas faire abstraction de la possession
d’état, lorsqu’ils lui demandent l’acte de naissance de sa iille.
« C’est pour l’enfant un malheur d’être privé d’un titre aussi
» commode«, comme il est dit dans les motifs de la loi.
» Mais son état ne dépend point de ce genre de preuveOn
0
�4
( <>)
» L’usag# des registres publics pour l’état civil n’est pas
» très-ancien ; et c’est dans des teins plus modernes encore
» qu’ils ont commencé à être tenus plus régulièrement; ils
» ont été établis en faveur des enfans, et pour les dispenser
» d’une preuve moins facile.
' ^
» Le genre de preuve le plus ancien, celui que toutes les
» nations ont admis, celui qui embrasse tous les faits propres
» à faire éclater la vérité , celui sans lequel il n’y aurait plus
» rien de certain ni de sacré parmi les hommes; c’est la preuve
» de la possession constante de l ’état d’enfant légitime.
» Différente des conventions qui, la plupart, ne laissent
» d’autres traces que l ’acte même qui les constate, la posses» sion d’état se prouve par une longue suite de faits extérieurs
» et notoires, dont l’ensemble ne pourrait jamais exister s’il
» n’était pas conforme à la vérité. »
A in si, lorsque ces faits sont convenus, lorsqu’il en a été
dressé des actes authentiques , il n’est pas nécessaire que leur
notoriété soit attestée par d’autres témoignages.
Ce n’est que lorsqu’il y a en même tems défaut de titre et
de possession constante, qu’on a recours à la preuve testimo
niale.
C’est ce qu’indique encore le Code Napoléon. ^
A rt.
. « A défaut de titre et de possession constante,
»» ou si l’enfant a été inscrit sous de faux noms, soit comme
» né de père et mère inconnus, la preuve de filiation peut se
» faire par témoins. »
^
Ce n’est donc qu’à défaut de possession constante, c’est-àdire , lorsque la possession paraît incertaine ou équivoque,
ou lorsqu’elle est contrariée par l’inscription q u ia eu lieu dans
le registre public, que la loi admet le recours à la preuve
325
�% rj
4
( 1 )
testimoniale pour faire disparaître l ’incertitude et la contrariéié, et éclairer la religion des juges. Et c’est de cette preuve
que larticle ajoute : « Néanmoins, elle ne peut cire admise que
» lorsqu’il y a commencement de preuve par écrit, ou lorsque
» les présomptions ou indices résultans de faits dès lors cons» tans, sont assez grands pour déterminer l’admission. »
Il
parait que c’est cette disposition du Code que les juges de
Mauriac ont voulu appliquer à la cause. Ils n’ont regardé la
délibération de la famille Destaing, le procès-verbal de la no
mination de tuteur, la correspondance du général Destaing
avec son épouse, l’addition d’hérédité faite par l’aïeul tuteur
au nom de sa petite-füle , la manière dont il l ’a recherchée,
accueillie, traitée et gardée même malgré sa mère, que comme
un commencement de preuve par écrit, et des présomptions
ou indices graves, résultant de faits constans ; et c’est là où
est l’erreur.
Sans doute, les faits sont constans; mais sont-ils ou non suffisans pour prouver la possession d’état? C’est ce que le tribunal
devait examiner.
La délibération de la famille Destaing devant le juge de
paix d’A u rillac, la nomination de l ’aïeul pour tuteur de la
petite-fille, son acceptation; sa demande en fixation d’une pen
sion pour la mineure, du remboursement sur la succession de
son pere , des avances faites pour le voyage, la nourrice et les
domestiques ; la délivrance des habils de deuil à la v e u v e , le
règlement de la pension accordée à sa viduité , ne sont pas seu
lement un commencement de preuve par écrit de la possession
d’état, mais une preuve complet te et indestructible.
Co ne sont pas de simples indices de celle possession d’état,
que les soins constamment donnés à la veuve et à la fille du.
6
�u o
général Deslaing, en leur qualité , par toute la famille; ce sont
aulant d’actes de sa possession d’état. Ces actes étaient constans.,
puisqu’ils ne sont pas contestés; leur ensemble forme donc une
preuve suffisante de la possession d’état.
L ’erreur des juges de Mauriac est venue de ce qu’ils ont dé
placé, pour ainsi dire, la question.
Ils ont supposé que madame Deslaing , et sa fille , deman
daient à être reconnues par la famille Destaing, malgré
elle.
Mais telle n’était pas la position des parties. Madame Des
taing et sa fille avaient été reconnues ( et on sait que sur un
point aussi important, il n’est pas permis au père de varier, de
rétrogader et de se rétracter): elles étaient en possession de
leur état. La fille avail été saisie, de droit et de fait, de la suc
cession de son père ; c’est pour e lle , et en la seule qualité
de tuteur, que l’aïeul avait fait des actes d’héritiers. Ces acte9
étaient constans ; la possession d’état était constante, la dame
Destaing n’avait rien à demander à cet égard, lorsquelle a été
troublée par les tiers opposans, qui se sont présentés pour
dépouiller la fille du général de la succession paternelle, et
lui enlever son état, dans lequel elle avait été reconnue
jusqu’alors.
Ils n’ont pas nié cette possession d’état : ils ne le pouvaient
pas; ils avaient même tous concouru à l’assurer. Ils ont pré
t e n d u ' qu’elle était le fruit du dol et de la fraude. C’était
donc à eux à prouver cette allégation; et jusqu’alors leur
prétention devait être repoussée.
Ils ont , il est vrai, essayé de faire cette preuve, c’est hdire, de justifier leur prétention ; mais, comment? Par des
actes inconcluans, étrangers à la dame Destaing et à sa fille.
�V /ï
(
43
)
Ils ont supposé qu’il n’y avait pas absence de registres et de
dépôt public. Celte supposition est contraire à la vérité ; mais
fût-elle admissible, ce serait à eux à fouiller dans ces re
gistres et dépôt public , dont ils supposent l'existence , pour
y chercher des titres à l ’appui de leur prétention; car il ne
suffirait pas qu’ils ne pussent y trouver la déclaration de l’acte
de mariage contracté par la dame Nazo et le général
D estaing, il faudrait qu’ils y trouvassent des actes con
traires.
Le silence des registres ne peut pas faire perdre l’état d’un
citoyen.
« Il est possible », disait le conseiller d’État exposant au
Corps Législatif les motifs de la loi du 2 germinel an n ,
« que le registre sur lequel l’acte a été inscrit fût perdu,
» qu’il ait été brû lé, que les feuilles en aient été déchirées
* ou rayées; il est même encore possible , et surtout dans
• des tems de trouble et de guerre civile , que les registres
» n’aient pas été tenus, ou qu'il n'y ait pas eu dacte dressé;
» l ’état ne dépend pas de ce genre de preuve. >»
Lorsqu’il y a possession publique et constante, il faut que
les preuves que l’on produit pour en détruire l’effet, aient
pour base un titre contraire, et que ce titre soit authentique;
c’est la doctrine de C ochin, c’est celle de tous les juriscon
sultes, ce sont les principes reconnus et adoptés par le Code
Napoléon.
Ils suffisent à la dame Destaing , pour lui faire obtenir
|a réformation du jugement rendu à M auriac, qui ordonne
qu’elle fera une preuve qu’elle n’est point tenue de rapporter ,
e t qui était toute faite par les actes produits, et par ses ad
versaires enx-mêmeSj
�44
C
)
La possession d’état était pour elle, comme on ne saurait
trop le répéter, un titre suffisant; elle n’avait rien à prouver
à ceux dont l’attaque même prouvait cette possession.
C’est à tort que les juges ont désiré d’autres preuves ; c’est
à tort qu’ils ont voulu obliger madame Destaing à les rap
porter.
Leur erreur est d’autant plus inconcevable, que ces preuves
qu’ils paraissaient desirer, ils les avaient sous les yeu x, et
madame Destaing les leur avait présentées.
Nos lois ont prévu que , par l’absence des registres de l’état
c iv il, la représentation de l’acte qui en contient la preuve
pourrait être impossible. I l a paru juste d y suppléer. Le
Code Napoléon y pourvoit, pour le cas où l’acte de nais
sance ne pourrait, avant la célébration du mariage, être re
présenté à l’officier de l’état civil, qui a le droit de l’exiger.
« L’officier de l’état civil se fera remettre l’acte de nais» sance de chacun des futurs époux (dit l’article 70). Celui
» des époux qui serait dans l’impossibilité de se le procurer,
» pourra le suppléer en rapportant un acte de notoriété,
» délivré par le juge de paix du lieu de sa naissance, ou
« par celui de son domicile. »
A kt . 71- « L ’acte de notoriété contiendra la déclaration
>1 faite par sept témoins de l’un ou de l’autre sexe, parens
» ou non parens, des prénoms, nom, profession et domicile
» du futur époux, et de ceux de ses père et mére, s’ils sont
» connus ; le lieu e t , autant que possible, l’époque de sa
» naissance, et les causes qui empêchent d’en rapporter l’acre.
» Les témoins signeront l’acte de notoriété avec le juge de
» paix ; et s’il en est qui ne puissent ou ne sachent siyner ^
» il en sera fait mention. »
�(45)
A ut . 72. « L’acte de notoriété sera présenté au tribunal
» de première instance.................................Le tribunal, après
» avoir entendu le procureur im périal, donnera ou refusera
» son homologation, selon qu’il trouvera suffisantes ou in» suffisantes les déclarations des tém oins, et les causes qui
»..empêchent de rapporter l’acte de naissance. »
Cette disposition n’est faite, il est v r a i, que pour le cas
où l’officier de l’état civil est obligé d’exiger la représentation
d’un acte de naissance; mais il n’en résulte pas moins que,
lorsqu’il existe des causes qui empêchent que l’acte de l’état
civil puisse être représenté, il peut y être suppléé par un acte
de notoriété.
j
La loi prescrit la forme de cet acte supiplétaire, et auto
rise de provoquer un jugement lé^al qui/le fasse admettre.
Madame' D estain g,il est vrai, n’était point dans ce cas.
Personne n’avait le droit d’exiger d’elle qu’elle suppléât, par
un acte de notoriété, à l’absence des registres renfermant la
preuve de son état; mais elle trouvait à Paris de nombreux
témoins de son union ; elle y trouvait la notoriété de cet état,
que plus de mille personnes pouvaient attester ; elle s’est
bornée à appeler sept d’entr’elles devant la justice, et elle
les a choisies telles , que leur rang dans la société , l’estime et
la confiance dont elles jouissent, et les fonctions qu’elles
avaient remplies en E gypte, ajoutassent un nouveau poids
à leur déclaration authentique.
A cet acte de notoriété ont concouru M. Larrey, ex-chi
rurgien en chef de l’armée d’Egypte , aujourd’hui premier
chirurgien de la garde impériale , inspecteur général du ser
vice de santé des armees, olficier de la Légion d’Honneur eic. ;
D ou Raphaël deM onachis, membre de l’institut d’Egypte
�( 46 )
et professeur des langues orientales à la Bibliothèque ;
M. Sartelon, ex-ordonnateur en chef de l’armée d’Egypte,
commissaire-ordonnateur et secrétaire général du ministère
de l’administration de la guerre, membre de la Légion
d’Honneur ;
M. D aure, ex - inspecteur général aux revues de l ’armée
d’Egypte , commissaire-ordonnateur des guerres ;
Le général de brigade Duranteau, membre du Corps Lé
gislatif , commandant de la Légion d’Honneur, et qui avait
commandé au Caire ;
M. M arcel, ex - directeur de l’imprimerie nationale en
Egypte, membre de la commission des sciences et arts, direc
teur général de l’imprimerie impériale ,et membre de la Légion
d’Honneur ;
Et M. Estéve, ex-directeur général et comptable des revenus
publics de l’Egypte, aujourd’hui trésorier général de la cou
ronne, officier de la Légion d’Honneur, trésorier de la première
cohorte :
La plupart témoins du mariage Desraing, tous ayant une
parfaite connaissance d’un fait qui était de notoriété publique.
Cette notoriété a donc été légalement constatée : l ’acte qui
la prouve a été homologué par jugement rendu sur rapport
à l’audience , le procureur impérial entendu. Ce jugement qui
n’a point été attaqué, et qui le serait inutilement, reconnaît
ces déclarations suffisantes ; il équivaut à une représentation
d’acte de célébration du mariage ; du moins il fournit le
moyen d’y suppléer au besoin.
Le tribunal de Mauriac a assimilé cet acte de notoriété et
celui fait à Marseille pour prouver l ’âge de madame Destaing,
à (lesimples certificats ; mais il aurait du s’apercevoir qu’autre
chose est un certificat extra-judiciaire, autre chose est un acte
�( 47 )
de notoriété légal, donné devant le magistrat qui examine les
déclarans et leurs déclarations; lesqueUes, cependant, ne
deviennent authentiques que lorsqu’elles sont homologuées
par un jugement qui porte le sceau de l’autorité publique.
Madame Destaing avait aussi produit des certificats. Ceux
du général Menou, général en chef de l’armée d’Egypte à
l’époque du mariage du général Destaing, et maintenant com
missaire général des départemens au delà des A lpes, et du
général de division Dupas, sous-gouverneur du château im
périal deStupinis, commandant de la Légion d ’H onneur, che
valier de l’ordre du L io n , le même q u i, étant chef de brigade,
commandait la citadelle du Caire, en E gypte, sous les ordres
du général Destaing.
Ces certificats surabondans peuvent être considérés comme
de simples témoignages respectables, sans doute, quoique non
encore reconnus en justice; mais ceux qu’elle a admis dans la
forme indiquée par le Code Napoléon pour suppléer à l’ab
sence des registres de l’état civil, ont un caractère qu’il n’est
pas permis de méconnaître.
Ils ne forment point le commencement de la possession
d’état de madame Destaing , ils n’en sont poiru la base ; mais
ils la corroborent et la confirment en indiquant le titre et
en assurant la notoriété.
Il
faut bien qu’elle soit reconnue, puisque, sur deux rap
ports consécutifs , par deux arrêtés, l’un du 29 floréal an 10,
et l’autre du i pluviôse an 12, le Gouvernement a accordé et
augmenté la pension de madame Destaing en sa qualité de
veuve du général son mari.
Croira-t-on que le premier Consul eût accordé cette double
faveur à madame Destaing , sans être assuré qu’elle n’usur=
5
�( 48)
pait point cette qualité ? croira-t-on qu’il y eût au monde quel
qu’un d’assez habile pour en imposer par des mensonges
au chef suprême de l’Etat ? Et quelle audace ne faudrait-il
pas supposer à madame Destaing, qui invoque hardiment le
témoignage de tant de généraux, de tant de fonctionnaires
publics et de l’armée entière, d’où s’élèveraient mille voix
pour la démentir, si ses récits n’étaient pas tous conformes à
la plus exacte vérité ?
Si elle avait eu besoin de témoignages pour assurer son état,
elle n’eût été embarassée que du choix ; mais la possession
dans laquelle sa fille et elle se trouvent leur suffit. La recon
naissance non équivoque de la famille Destaing est d’un poids
au moins égal à tous les témoignages que le tribunal de Mau
riac a demandé , et dont il n’avait pas besoin.
Délibéré à Paris le
23 janvier 1808.
J a u b e rt , C h a bo t de l’A llier, T Ar r ib l e ,
G r e n ie r du Puy-de-Dôme.
�
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A name given to the resource
Factums Godemel
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Description
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Title
A name given to the resource
[Factum. Nazo, Anne. 1808]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Jaubert
Subject
The topic of the resource
mariage
contestations de légitimité de mariages étrangers
expédition d'Egypte
opinion publique
xénophobie
Delzons
Description
An account of the resource
Titre complet : Consultation pour Madame Nazo, Veuve du général Destaing, tutrice de sa fille mineure ; contre les héritiers Destaing.
Particularités : pièces justificatives
notations manuscrites : « Voir les mémoires et l'arrêt rendus après les enquêtes au 20e volume de la collection, page 1ére. » Arrêt du 11 juin 1808 qui ordonne que la dame Nazon fera preuve de son mriage selon le rite grec [ ] tant pour titre que par témoins [ ] à juger sur commission. Voir jurisprudence [ ] folio 11, p. 419 ».
Table Godemel : Mariage : 2. un mariage contracté par un militaire, en pays étranger, peut-il être prouvé par témoins, s’il est établi qu’on n’y était pas en usage de tenir des registres publics ? La possession de l’état de la femme suffit-elle pour contraindre les héritiers du mari à lui payer une provision ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Hacquart (Paris)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1808
An 6-An 8
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
48 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G1808
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0410
BCU_Factums_M0536
BCU_Factums_M0535
BCU_Factums_M0537
BCU_Factums_M0606
BCU_Factums_M0604
BCU_Factums_M0605
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53335/BCU_Factums_G1808.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Aurillac (15014)
Le Caire (Egypte)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
contestations de légitimité de mariages étrangers
Delzons
expédition d'Egypte
mariage
opinion publique
xénophobie
-
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02c03c143b31fce6f3f7d6db899d4afd
PDF Text
Text
•¡UBmznxsœs&Km
PIECES JUSTIFICATIVES
POUR
Madame N A Z O , veuve du général D e s t a i n g ,
tutrice de sa fille mineure;
CONTRE
Les héritiers D E S T A I N G.
N°. Ier.
Délibération du conseil de famille à Aurillac,
du
messidor an 10.
5
E x t r a i t des minutes du greffe du juge de pa ix de la
ville et canton d’A u r illa c , section du N ord,
C e j o u r d 'h u i cinq messidor an dix républicain, devant nous,
Jean-Baptiste G e n e s t e , juge de paix du canton d’A u r illa c , section
d u N ord , a comparu le cito y en Pierre D estain g , juge-président
du tribunal de première instance de l’arrondissement d ’A u rilla c ,
y d e m e u ra n t, lequel nous a dit que le citoyen Jacques-Zacharie
D e s ta in g , son f ils , général de division , est décédé à P a r is , le
quinze f lo réal dernier , laissant une f i lle unique , âgée alors
d e cinq mo is , nommèe M a rie , provenue de son mariage avec
A
�A n n e N azo , Grecque d ’origine ; que la loi déférant à lui corrtparapt la tutelle (le sa p etite-fille, attendu surtout la minorité
cl'A nne N azo sa m ire , et désirant être confirmé dans ladite
qualité , pour pouvoir agir légalem ent, il a amené devant nous
plusieurs des plus proches parens du d éfu n t, à l’effet de déli
bérer tant sur ladite confirmation de tutelle, que sur la fixation
de la pension de la pupille , sur les habits de deuil et pension
viduelle d e là dame veuve Destaing; comme aussi pour donner
leur avis sur l’allocation des frais de voyage de la mineure et
de sa mère , depuis Lyon jusqu’à Aurillac, ainsi que des frais
dûs pour salaire à une nourrice provisoire depuis Tarente, ville
du royaume de Naples , y compris un mois de séjour à Lyon,
jusqu’en cette ville, lesquels frais le comparant a avancés et se
montent à la somme de six cent quatre-vingt-quatre francs; et
enfin pour être autorisé à régler tous comptes et mémoires de
fournitures et autres objets qui pourroient être à la charge de
la succession, et ce tant par lui-même que par ses fondés de
pouvoirs.
Et de suite par-devant nous, juge susdit, sont comparus les
citoyens Louis-Gérand-Gabriël Fortet, conseiller de préfecture de
oe département ; François-Joseph Labro, avoué, et autre FrançoisJqseph Labro, son frère', greffier en la justice de paix d’Aurillac,
c o u s i n s paternels du défunt; Antoine D elzons,'membre d u corps
législatif, oncle m aternel; A le x is -Joseph Delzons, fils dudit
Antoine, général de b r i g a d e , commandant le département du
Cantal; Pierre et A n t o i n e Mailhy, père et fils, négocions, cousins
du côté m aternel, tous habitans de cette ville,, et les plus proches
parens du défunt, auxquels nous avons fait part de ladite con
vention , pour qu’ils aient à en délibérer et donner leur avis ,
en leur âme et conscience. Sur quoi lesdits parens ayant conféré
entr’eux , et revenus devers nous , le citoyen Delzons pôre ,
portant la parole , nous ont dit qu’ils sont tous unanimement
d’avis , i°. de confirmer le citoyen Destaing , aïeul de la mi
dans
à
charge par
faire
neure,
la qualité de son tuteur, la
lui de
�( 3 )
bon et fidèle inventaire de tous les effets dépendans de la suc
cession du défunt général Destaing ; faire procéder à la vcnie
dudit mobilier, et de faire emploi utile du prix en provenant,
conformément à la l o i , après avoir prélevé tous frais , dettes
et charges de la succession; 20. qu’ils estiment que la pension
de la mineure , jusqu’à ce qu’elle aura atteint l’âge de dix ans,
tant pour nourriture , entretien et éducation , doit être fixée à
la somme de six cents francs, que le tuteur retiendra par ses
mains sur la recette de ses revenus ; °. qu’ils sont d’avis que
les habits de deuil de la dame veuve D estaing, y compris ceux
qui lui ont été fournis à L y o n , et qui ne sont point encore
acquittés, doivent être portés à une somme de mille fran cs,
l a q u e l l e ils a u t o r i s e n t p o u r r a i s o n de ce , e n par lui r e t i r a n t
q u i t t a n c e des marchands et fournisseurs , laquelle somme lui
sera allouée en compte ; 40. quant à la pension viduelle de la
veuve et de la négresse qu’elle a à son service, attendu que le
citoyen D estain g, tuteur, leur fo u rn it en n ature, nourriture,
logem ent, f e u , lumière et blanchissage, ils sont d ’avis de la
fix e r à la somme de mille fran cs pour Vannée de viduité , à
compter du premier p r a iria l, dernière époque de son arrivée
en cette ville; °. que lasomme de six cent quatre francs avancée
par le tuteur pour frais de voyage de la veuve et salaire de
ladite n ou rrice, depuis la yille de Tarente jusqu’en cette ville
d’Aurillac , lui doit être allouée et passée en compte ; 6°. et
enfin que le tuteur doit être autorisé à traiter tant par lui-méme
que par ses mandataires, avec tous m archands, fournisseurs ,
aubergistes et autres personnes qui pourroient avoir fait des
fournitures tant en marchandises que denrées, régler leurs mé
moires , en payer le m ontant, soit que ces fournitures aient été
faites à Paris , à Marseille , au défunt général D estaing, o u , à
Lyon , à sa v e u v e , pendant le séjour qu’e lle y a fait ; le montant
de tout quoi lui sera alloué sur les quittances qu’il en retirera.
jEt ledit citoyen D estaing père ayant accepté la tutelle
5
5
4
A
�)
(4
lu i déférée, il a f a i t le serment en nos mains , de bien et
fidèlem en t en remplir les fonctions.
D e tout quoi nous avons rédigé le présent procès verbal, pour
servir et valoir à- toutes fins que de rai.son , lesdits jour et an
que dessus, et ont les comparans signé avec nous'; à la minute
sont lesdites signatures. P o u r expédition conform e à la minute
étant entre nos mains , signé L a b h o , greffier.
.
.
N<\
IL
'7
"
Acte de notoriété devant le juge de paix de
Marseille, du 5 fructidor an 11.
des minutes du greffe du tribunal de p a ix ,
second arrondissement intrà mures, dit dû Sud, de la
ville de M arseille.
E x t r a it
C e j o u h d ’iiui cin qu ièm e fructidor an onze de la république ,,
par-devant nous François M a ille t, ju ge de paix, du second ar
rondissement intrà m uros, dit du Sud, de la ville de M arseille,
assisté du citoyen Charles-Joseph M i c h e l ,
greffier prés notre
tribunal, dans la salle ordinaire de nos séances , en notre maison
dame A n n e Nazo , née au Caire en
E g y p te , veuve du général Jacques-Zacharie D estaing, laquelle
nous a dit et exposé qu’il lui importe de faire connoître son origine,
d’habitation, est com parue
ee q u ’elle ne peut faire par pièces proban tes, attendu que dans
sa patrie il n’est point tenu de registres constatant l’état civil
des citoyens.
En conséquence , elle nous prie de recevoir les
déclarations qui vont être faites par des compatriotes qu’elle a
invités à se rendre c é a n s , relatives à son o r i g i n e , et qui pour
ront suppléer au défaut des titres
qu’il lui est impossible de pro
duire» et de lui en concéder a c t e , pour lui servir et valoir ce
que de
raison..
�f 5)
A l'instant se sont présentés les citoyens Nicolas Papas Ouglou,
c h e f de brigade, commandant les chasseurs d Orient, âgé de
quarante-cinq ans, né à Chesmet en A sie; Gabriel Sandrouoc,
aussi ch ef de brigade du même corps, Agé de trente-six ans, né
au Grand-Caire en Egypte ; A bd a lla M ansour, c h e f de bataillon
du même corps, âgé de trente-quatre ans , né au Grand-Caire
en E gypte; Joseph T u tu n g i, âgé de cinquante ans, réfugié
égyptien, né à Alep ; Hanna yîdabachi, âgé de cinquante a n s,
aussi né à A le p , réfugié d’Egypte ; Joseph D u fen , né à Cons
tantinople , âgé de trente-six ans, réfugié d’Egypte; et Consta n tiK iria k o , né à Chesmet en Asie, âgé de quarantc-liuit ans,
capitaine réformé du régiment des chasseurs d’Orient, lesquels
agissant avec la présence et s o u s l ’ a u t o r i s a t i o n d u c i t o y e n L o u i s
Deconias , interprète juré des langues orientales , moyennant
serment par eux à l’instant prété , ont individuellement d it et
d éclaré, en faveur de la v érité, q u ’ayant résida habituellem ent
en Egypte , avant la révolution , ils y ont parfaitement connu
le citoyen Jean N a z o , et dame Sophie M isch e , son épouse, père
e t mère de ladite sln n e N a z o , née ¿1 l'époque de tannée 1780,
et que ladite dame f u t unie en mariage avec le général Destaing.
Les citoyens Joseph T u tu n gi, Constanti K iriako, et Joseph
Dnfen , ont de plus déclaré individuellement qu’étant passés
en France avec ladite veuve D esta in g , ayant relâché à Céphalonic. , dans le mois de nivôse de l ’an d i x , ladite dame y ac
coucha d ’une f i l e qui f u t tenue dans les fo n ts baptismaux par
le citoyen N a ssif, officier des chasseurs, et par la dame M arie
M ische, son aïeule.
Desquelles déclarations avons concédé acte à ladite dame
veuve Destaing. Lecture faite du présent, il a été signé par lés
citoyens Nicolas Papas Ouglou , Gabriel Sandroux , Abdalla
Mansour et Joseph Dufen , nous dit juge de p aix, le citoyen
Deconias , interprète, et le citoyen M ichel, greffier; la dame
veuve Destaing et autres déclarans requis de signer, ont dit
île savoir.
�(
6
)
Signé Abdalla , le ch ef de brigade Gabriel-Joseph Dufen ,
Louis D econ ias, François M aillet, juge de p a ix , et M ich el,
greffier, à la minute. Enregistré à M arseille, etc. Pour expédi
tion conforme à l’original, M i c h e l , greffier.
N o u s, François - Balthazard de Jullien de M adou, juge de
paix du second arrondissement intrà m uros, dit du S u d , de la
ville de Marseille , certifions et attestons à tous qu’il appar
tiendra, que M. Charles-Joseph M ichel, qui a signé ci-dessus,
est greffier près notre tribunal, et qu’en cette qualité foi doit
être ajoutée ù son seing, tant en jugement que hors. Marseille,
le vingt messidor an treize, J u l l i e n de Madou.
N ous, Ventre Latouloubre, président du tribunal de première
instance séant à M arseille, certifions véritable la signature cidessus de M. Jullien de Madou. A Marseille, le vingt-un messidor
an treize. Signé V e n t r e L a t o u l o u b u e , G u y o t.
-
N°. I I I .
A cle de notoriété homologué par jugement cîu
tribunal civil de la Seine, du i avril 1806.
5
N A P O L É O N , par la grâce de Dieu et les constitutions de
la république, Empereur des Français, et Roi d’Italie, à tous
présens et à venir, salut; faisons savoir que le tribunal de pre
m ière instance du département de la Seine , en la première
section , a rendu le jugement dont la teneur suit:
Sur le rapport fait à l’audience publique du tribunal , par
M. J e a n - L o u i s Isnard, juge en icelui, de la requête présentée
par Anne N a zo , née au Grand-Caire en Egypte, veuve du gé
néral Jacques-Zacharie D estaing, demeurant à Paris, rue do
S e in e , faubourg Saint-Germain , expositive qu’elle a été unie
en légitime mariage avec le général D estaing, d’après les riteg
et usages du pays, devant le patriarche de la ville d’Alexandrie;
�(
7
}
mais que n’étant point en usage en Egypte de tenir registre des
actes de l’état c iv il, elle se trouve par là dans l’impossibilité de
faire, au besoin, la preuve de son mariage; qu’ainsi, voulant
y suppléer, elle a fait dresser un acte de notoriété par-devant
le juge de paix de son arrondissement, signé de sept personnes
qui ont été témoins de son mariage, pour l’homologation duquel
elle a été renvoyée par-devant le tribunal ; pour quoi elle requéroit qu’il plût au tribunal homologuer ledit acte de notoriété
du 29 mars 1806, dûment enregistré, pour être exécuté suivant
sa forme et teneur, ladite requête signée Ju ge, avoué.
V u par le tribunal lesdites requête et demande, ci-devant
énoncées, l’ordonnance de M. le président du tribunal, du huit
présent mois , portant qu’il en sera communiqué à M. le procureur
im périal, et les conclusions par écrit de M. le procureur im
périal, du dix. dudit m ois, portant que yu l’avis , il n’empéche
l’homologation demandée ;
V u aussi l’expédition dudit acte de notoriété dont la teneur
suit :
L ’an m il huit cent s ix , le vingt-neuf m ars, en notre h ô te l,
et par-devant nous, Jean Godard, ancien avocat, juge de paix
du dixième arrondissement de Paris, assisté d’Alexandre Choquet,
notre greffier,
Est comparue dame A n n e N a z o , née au Grand-Caire en
Egypte , veuve du général Jacques - Zacharie D estaing , demeurant à Paris , rue de Seine-Saint-Germain ;
Laquelle nous a dit que, pendant le cours de l’an huit, elle
a été unie en légitime mariage ayec Jacques-Zacharie Destaing,
général divisionnaire, décédé à Paris dans le cours de l’an dix;
que son mariage a été célébré religieusement et suivant les rites
du pays, devant le patriarche d’Alexandrie, habitant le GrandCaire en Egypte ; mais que n’étant point en usage en Egypte de
tenir des registres des actes de l’état c iv il, elle se trouve dans
l’impossibilité de représenter, au besoin, l ’acte de célébration
�( 8)
de son m ariage; et q u e, désirant y suppléer par un acte de
notoriété signé de différentes personnes qui ont été témoins de
son m ariage, elle nous requéroit de recevoir la déclaration des
personnes qu’elle nous présente, et a déclaré ne savoir écrire
ni signer, de ce interpellée.
Sont à l’instant comparus :
Premièrement, M. Dominique-Jean Larrey de B o d ca u , ex
chirurgien en ch ef de l’armée d’Egypte , premier chirurgien,
de la garde im périale, inspecteur général du service de santé
des arm ées, officier de la légion d’honneur, demeurant à P aris,
4
cul-de-sac Conty, n°. î
Secondement , D on Raphaël de M onachis , membre de
l’institut d’Egypte , et professeur des langues orientales à la
bibliothèque, demeurant à Paris, rue P avée, auJMarais, n°. ;
Troisièm em ent, M. Antoine-Leger Sartelon, ex-ordonnateur
en ch e f de l’armée d’Egypte, commissaire-ordonnateur et se
crétaire général du ministère de l’administration de la guerre,
membre de la légion d’honneur, demeurant à Paris, rue Caumartin , n°. o ;
Q uatrièm em ent, M. Hector Daure , ex-inspecteur général
3
3
aux revués de l’armée d’Egypte , commissaire-ordonnateur des
guerres , demeurant à Paris , rue du faubourg Poissonnière ,
5
n°. o ;
Cinquièm em ent, M. L u c Durantau , général de brigade ,
membre du corps législatif, commandant de la légion d’honneur,
demeurànt à P aris, rue St.-Honoré , n°.
;
Sixièm em ent, M. Jean-Joseph M a r c e l, directeur de l’impriftierie nationale en Egypte, et membre de la commission des
sciences et arts, aujourd’hui directeur général de l’imprimerie
impériale, et membre de la légion d’honneur, rue de la Vrillière;
Septièmement, M. Martin-Roch-Xai>ier Esteve, ex-directeur
général etôomptable destevenua publics de l’Egypte, aujourd’hui
trèsonér général île la cOüronne, officier de la légion tt'honnéur,
trésorier
338
�(9)
trésorier de la première cohorte, demeurant au palais des T u i
leries ;
L esq u els, après avoir prêle en nos mains le serment indi
viduel de dire vérité, nous ont dit et déclaré, et attesté, pour
notoriété pu bliqu e, et à tous q u 'il appartiendra , coimoitre
parfaitement la dame sln n e N azo, veuve du général JacquesZ a ch a iie D estaing , f ille de Joanny N azo , négociant au
Grand- Caire en Egypte , c h e f de bataillon des chasseurs
c,VO rien t, et nous ont attesté q u e, pendant le cours de Van
h u it , ladite dame Nazo a été unie religieusem ent, et d ’après
les rites du pays , en légitime mariage avec ledit JacquesZacharie D estaing , par le patriarche eVsîlexandrie, habitant
du Grand - Caire ; que l ’acte de célébration n ’en a pas clé
rédigé, tl’étant point d ’usage en Egypte de tenir un registre
de l ’état civil; mais que ce mariage n ’en est pas moins cons
ta n t , ayant été célébré en présence d'un grand nombre de
militaires fran ça is et de la plupart des déclarans ; que depuis
la célébration de son mariage avec le général D estaing , et.
pendant son séjour en Egypte , ladite dame N azo , veuve
D e s ta in g , n ’a pas cessé d ’habiter avec son m a r i, qui l ’a
toujours traitée comme son épouse légitime.
Desquelles comparutions, dires, réquisitions et attestations,
nous avons donné acte aux comparans et à la dame veuve Des
taing ; e t , pour l’homologation des présentes les avons ren
voyés par-devant les juges du tribunal civil de première instance
du département de la S ein e; et o n t, tous les su s-n om m és,
signé avec nous et le greffier, après lecture. Ainsi signé , D.
J. L a rre y , don Raphaël, Sartelon, D au re, D urantau, M arcel,
E ste v e , Godard et Choquet.
Enregistré à Paris, au bureau du dixième arrondissement, le
quatre avril mil huit cent six, reçu un franc un décim e, sub
vention comprise. Signé Cai\on.
..
'
Pour expédition conforme délivrée par nous greffier de la jus
tice de paix du dixième arrondissement de Paris. Signé C hoquet.
�(
10
)
O uï TM. Isnard, ju g e , en son rapport, et M. le procureur
impérial en ses conclusions, tout considéré;
Après qu’il en a été délibéré conformément à la loi ;
Attendu les déclarations portées en l’acte de notoriété cidevant énoncé et daté ;
L E T R I B U N A L , jugeant en premier ressort, homologue
ledit acte de notoriété, pour être exécuté suivant sa forme et
teneur , et avoir son effet en faveur de la requérante , aux.
termes de la loi.
Fait et jugé à l'audience publique dudit tribunal civil de
première instance du département de la S ein e, séant au palais
de ju stice , à P a ris, où tenoient le siège M. Berthereau, pré
sident dudit tribunal, l ’un des officiers de la Légion d’honneur;
MM. Isnard, Perrot,. Legras et D eberulle, juges en la première
section , le mardi quinzième jour du mois d’avril de l’an mil
huit cent s i x , et deuxième année du règne de Napoléon Ier. ,
Empereur des Français et Roi d’Italie ;
Mandons et ordonnons, etc. En foi de quoi le présent jugement
a été signé par le président et par le rapporteur. Pour expédition ,
signé M a r g u e r é . Enregistré, etc.
Nous président, juge de la seconde section du tribunal de
première instance du département de la Seine , certifions que
la signature apposée au bas du jugement de l’autre part, est
celle du sieur Margueré , greffier dudit tribunal, et que foi doit
y, être Ajoutée. En foi de quoi, nous avons fait apposer le sceau
dudit tribunal. Fait à Paris, au palais de justice, le deux mai
mil huit cent six. Signé B e x o n .
�N°. IV.
Brevet de pension, du i 3 pluviôse an
MINISTÈRE
DU
TRÉSOR
12.
PUBLIC.
E x t r a i t des registres des délibérations du Gouver
nement de la république.
3
Paris, le i pluviôse an 12 de la république une et indivisible.
L e gouvernem ent de lia république y sur le rapport d u m i
nistre , arrête :
La pension de cinq cent vingt francs accordée, par
arrêté du 29 floréal an 10, à Anne Nazo, née en Egypte, veuve
du sieur Jacques-Zacharie Destaing, général de division, mort
le i floréal an 10, est portée à deux mille francs.
A r t . I er.
5
A r t . II. Les ministres de la guerre et du trésor public sont
chargés, chacun en ce qui le co n cern e, de l’exécution du
présent arrêté.
Le premier C o n su l, signé B O N A P A R T E . Par le premier
C onsul, le secrétaire d’é t a t , signé H ugues-B . M a r e t .
Pour copie conforme à l’expédition officielle, déposée au secré
tariat du trésor p u blic, le secrétaire général, L e f e v r e .
V u pour légalisation de la signature du sieur L efevre, secrér:
taire général, le ministre du trésor p u b lic, M olliens.
�C 12 )
N°. V .
Certificat du général M enou, du 18 juillet 180&
L e Commandant général des départemens au delà des
Alpes, faisant fonctions de Gouverneur général, grand
oilicier de la Légion d’honneur.
Je déclare, au nom de la vérité et de l’honneur, que, lorsque
je commandois l’armée française , dite d’O rien t, en Egypte ,
M. le général D estain g, qui étoit alors employé à cette armée ,
et q u i, depuis, est mort en France , s’est marié en l’an 8 , avec
mademoiselle N azo { A n n e ) , fille de M. Joanny N azo, com
mandant alors en Egypte le bataillon des Grecs ; que j ai su posi
tivement que le mariage s’est célébré dans le pays ( au Caire )
avec toutes les formes usitées dans le rit grec : que M. le général
Destaing étoit venu m’en faire part d’avance ; que m êm e , à
cette époque, comme dans toutes les autres de ma v i e , sou
tenant avec énergie la cause des mœurs publiques , je demandai
p o s i t i v e m e n t , et sur l’honneur
au général Destaing , si sonmariage étoit entièrement légitim e, ou si c’étoit , ce qu’on
appelle dans les mœurs corrompues de l’Orient, un engagement
à temps ; que le général Destaing me répondit, au nom de.
l ’honneur, que c ’étoit le mariage le plus légitime , et tel qu’il
l’auroit contracté en France ; que , d’après cette déclaration
solennelle, je m’engageai à y assister, ainsi qu’au repas qui eut
lieu après le mariage. Je remplis ma promesse ; tout s’y pa3sa
avec la plus grande régularité , et tel qu’il devoit être, sous les
rapports civils et religieux.
En foi de q u o i, j’ai délivré le présent certificat pour servir
et valoir ce que de raison. A Turin, le 18 juillet 1806. Le général
Menou.
P a rle commandant général, pour le second secrétaire général
du gouvernement, absent par congé et par ordre, signé G^ant.
�( 13 )
/if v
A T u rin , le 18 juillet 1806.
L e Commandant général des départemens au delà des
Alpes, faisant fonctions de Gouverneur général, grand
officier de la Légion d’honneur,
A madame veuve D e s t a i n g , née Anne Nazo.
re çu , M adam e, la lettre que vous m ’avez fait l’honneur
de m’é crire , pour me demander mon certificat sur la réalité de
votre mariage avec M. le général Destaing. Je m’empresse de
déclarer ce que je sais à cet égard : je rendrai toujours hommage
à la vérité.
J ’ai
J’ai l’honneur d’étre, Madame,
Votre très-humble et très-obéissant
serviteur.
Le général M enott.
Je vous prie de m’accuser réception.
J
Enregistré à P a ris, etc.
N°. V I .
Certificat du général Dupas, du
3 o juillet 1806.
Moi soussigné , général de division , sous - gouverneur du
château impérial de Stupinis, commandant de la Légion d’hon
neur , chevalier de l’ordre du L io n , certifie qu’étant ch ef de
brigade commandant la citadelle du Caire en E gyp te, sous les
ordres du général D estaing, j’ai eu parfaite et sûre connoissance
de son légitime mariage avec mademoiselle Anne N azo, fille de
M. Joanny N azo, commandant un bataillon g rec; j’atteste de
plus avoir eu des liaisons particulières avec beaucoup de per-
�T4
(
)
‘ sonnes très-distinguées dans l ’armée , tant dans le civil que dans
le m ilitaire, qui m’ont déclaré avoir été présentes à ce mariage,
qui s’est célébré publiquement, et avec toute l’authenticité qu’un
pareil cas exige. En foi de quoi j’ai délivré le présent, pour servir
à ce que de droit. A Paris, le o juillet 1806, P. L. D opas.
3
N°. Y I I
Lettre du général Destaing à son épouse, du
i prairial an 9.
5
C L ’adresse est de la main du général Destaing. J
Alexandrie, le r
5 prairial an 9.
Il y a long - tem ps, ma chère a m ie , que je n’ai pas de tes
nouvelles; je désire que tu te portes aussi bien que moi. Joanny,
qui est chez le général Béliard, devroit savoir q u a n d il part des
détachemens pour A lexan d rie, et en profiter pour m’envoyer
des lettres. Cependant, il ne l’a pas fait la dernière fois : il faut
le gronder de ma p a rt, pour qu’il soit plus exact à l’avenir. On
m’a Clique tu ètois grosse; je suis étonné que tu ne m’en aies rien
écrit; éclaircis mon doute à cet égard. Sois assurée que je t’aime
toujours, qu’il me tarde beaucoup de te revoir. En attendant,
je t’embrasse, ainsi que ta mère et ta sœ ur, sans oublier la
bonne vieille. Le général D estaing.
Enregistrée, etc, A la citoyenne Destaing, à la citadelle du
Caire.,
�( i5 )
N°. Y I I I .
Certificat de M. Sartelon, ex- ordomialeur en
chef de l’armée d’Egypte, cïu i mai 1807.
5
,
Au quaitkr général, à Paris le x
5 mai
1807.
ordonnateur de la première division militaire,
ex-ordonnateur en ch ef de l’armée d’Egypte ,
L e Commissaire
Certifie , en ladite qualité , que quoiqu’il n’existât à cette
armée aucun ordre du général en ch ef , remplaçant le gouver
nement français, depuis que les communications avec la France
avoient été interrompues , pour régler la forme avec laquelle
les actes de l’état civil devoient y être reçu s, l’usage paroissoit
s’étre établi de lui-mème pour les officiers ou individus attachés
à l’arm ée, ne faisant point partie des corps , de faire des dé
clarations devant des commissaires des guerres, qui les recevoient
par procès-verbaux , ou de la manière qui leur paroissoit con
venable , de leur m ariage, môme quelquefois de leur divorce ;
ce qui néanmoins n’a jamais été général, surtout pour des ma
riages contractés avec des femmes du pays, qui se sont faits
souvent entre catholiques , dans les églises du lie u , et suivant
les formalités usilées entre les chrétiens de toutes les sectes,
dont le culte étoit public en Egypte ; ces procès verbaux étant
hors des limites de 1 administration militaire , et purement fa
cultatifs de la part de ceux qui les recevoient ou les requéroient ,
aucun règlement 11’en a fixé la form e, ni ordonné le dépôt; et
recherches laites dans les papiers de l’Ordonnateur en c h e f,
soussigné, qui en roiriplissoit les fonctions lors de l’arrivée do
1 armée en r r a n c e , et dans ceux du bureau central qui lui ont
été également adressés par le commissaire des guerres P iq u et,
qui étoit chargé de les conduire eu France , il ne s’est trouvé
�'/ .
C16 )
aucuns procès verbaux relatifs à l’état c iv il, observant expres
sément qu’il ne s’en est point trouvé notamment du commissaire
des guerres A g a rd , qui est mort dans la traversée.
En foi de q u o i, et sur la demande de madame veuve Destaing,
j’ai délivré le présent ce rtifica t, les mois et an que dessus.
Signé S a r t e l o n .
N°. 49g. V u par moi expert juré vérificateur des écritures
et signatures. Signé Saintom er.
V u par le ch ef de division. Signé Beccoy.
Par ordre du ministre de la guerre , le secrétaire général
certifie à tous qu’il appartiendra , que la signature Sartelon ,
apposée en qualité de commissaire ordonnateur de la première
division m ilitaire, ex-ordonnateur en ch ef de l'armée d’Egypte,
au bas du certificat ci-contre et de l’autre part, est celle du
commissaire ordonnateur qu’elle indique. A Paris, le vingt-deux
mai de l’an mil huit cent sept. Signé D e n n ié e .
N°. IX. •
Traduction de le! 1res arabes,
A m a d a m e A n n e , fe m m e D estain g.
A i' rès vous avoir témoigné le désir que j’ai de vous voir, je
vous donne avis qu’au moment même où j’attendois de vos nou
velles , j’ai reçu votre lettre qui m’a été fort agréable, en date
du 22 du courant; j’en ai reçu beaucoup de plaisir et de con
solation dans ma blessure, et j’ai été tranquillisé à votre égard.
Si vous désirez savoir de mes nouvelles, je suis, grâce à D ieu ,
en meilleur état que par le passé : cependant la plaie n’est pas
encore ferm ée, mais, s’il plaît à D ieu , dans peu elle ira bien,
et j’irai vous trouver. J’ai envoyé Maury au C aire, pour qu’il
m’apporte ce dont j ’ai besoin : maintenant il est de retour chez
�7
( i )
moi. Soyez parfaitement tranquille à mon sujet. Saluez de ma
part monsieur Joanny, votre p ère, et recommandez-lui d’avoir
bien soin des chevaux qui sont chez moi. Que Dieu vous garde,
et me procure le plaisir de vous voir bientôt en bonne santé.
Joseph qui a écrit cette lettre vous salue.
E crit de ïordre du général D estaing, le 28 doul kadéh 121 -
5
Autre lettre , N°. 2.
A madame A n n e ,fem m e D estaing, très-chère et trèshonorée dame, que Dieu la conserve. Am en.
A p rès vous avoir offert mille salutations , et vous avoir témoi
gné le plus grand désir d e vous voir, je vous d o n n e avis q u e ,
grâce à D ieu , je me trouve bien à présent, et beaucoup m i e u x
que je n’étois précédemment : dans p eu , s’il plait à D ieu , je me
rendrai auprès de vo u s, et je vous verrai en bonne santé. L ’objet
pour lequel je vous écris est pour que vous soyez dans une par
faite tranquillité , et que vous n’écoutiez pas les propos que
pourroient vous tenir à mon sujet des menteurs qui voudroient
vous donner des alarmes. Soyez tranquille sur mon état ; dans
p e u , s’il plaît à D ie u , tout se terminera heureusement. Que
D ieu vous conserve : adieu.
E crit de l ’ordre du général D estaing, le doul hidjeh ( 28 ger
minal a n û ).
5
Autre lettre, N°., 3.
»
A la tres-chere et très-honoréc dam e, madame A n n e ,
fem m e D estaing, que Dieu la conserve.
.
ArnÈs vous avoir fait beaucoup de salutation, et vous avoir
témoigné le désir de vous v o ir, je vous donne avis q u e , grâce
¡V Dieu , je me trouve très-bien à présent : la plaie cependant
n’est point encore ferm ée, mais elle approche beaucoup de la
guérison. ^Dans peu jè pourrai savoir si je reste à Alexandrie
G
�ÎÛ ®
.-'.'v»
( 18 )
pour quelques jours, ou si je me rendrai auprès de vous : lorsque
je le saurai, je vous écrirai pour vous en avertir. Si j’ai besoin
de quelque chose de chez m oi, après la date de la présente , je
vous ferai savoir ce dont j’aurai besoin. Mon objet, en vous
écrivant, est que vous vous conformiez à ce que je vous marque.
Présentez niés salutations à M. Joanny, votre père, et recom
mandez lui mes chevaux et tout ce qui m ’appartient. Nous ne
cessons pas de nous informer de vos nouvelles , et nous avons
appris que, grâce à D ieu , vous êtes en très-bonne santé, ce qui
nous a beaucoup satisfait, et nous a tranquillisé à votre sujet.
Joseph qui a écrit cette lettre vous présente ses salutations.
E crit de l ’ordre du général D estaing, à A le x a n d r ie , le 10 de
doul hidjeh 1 1
15 ( 4 iloréal a n â ).
P . S . J’espère que vous 'sérez parfaitement tranquille à mon
sujet; je me porte oh ne peut pas mieux : dans p eu , s’il plaît
à D ieu , je me rendrai près de vous, et je vous verrai en bonne
santé. Que Dieu vous conserve : adieu.
Je soussigné , membre de l’institut et de la Légion d'honheur,
professeur des langues arabe et persane , et secrétaire interprète
du ministère des relations extérieures, certifie avoir traduit lés
trois lettres ci-dessus et des autres parts, sur les originaux arabes
h moi représentés, et qui ont été de moi signés et paraphés ne
varietur, et que foi doit être ajoutée auxdites traductions comme
aux originaux ; lequel certificat j’ai délivré à madahie veuveDestaing, pour servir et valoir ce que de raison.
A Paris , ce i cr. septembre 1806. Signé S i l v e s t r e de Sa cy.
Nous juge, pour l’em pêchem ent du président de la première
section du tribunal de première instance du département de la
Seine , certifions que la signature étant au bas de l’acte ci-contre
est celle de M. Silvestre de S a cy, interprète du ministère des
relations extérieures ; en foi de quoi nous avons fait apposer le
sceau. A Paris, ce 12 décembre 1807. Signé G i l b e r t de Vau v e r Enregistré à
Paris, etc.
�:
3 o[
( i 9 )
if
‘
N°. X .
Lettre du lieutenant général Soult, du 22 fri
maire an 10.
RÉPUBLIQUE
L iberté.
FRANÇAISE.
É g alité.
J''*■
.
i
A u quartier général de T a r e n tc , le 23 frjm aire an xo (le
la répu bliqu e française, une et indivisible.
$
Ije Lieutenant général Soult, commandant les troupes
françaises dans le royaume de Naples ,
A u citoyen G ian e, chef de bataillon dans la légion
grecque, à bord du bâtiment le S t.- J e a n , en rade
de Tarente.
C
D ’après-les justes réclamations que vous m’avez présentées,
cito yen , j’ai donné des ordres pour que le comité de santé de
cette ville procédât de suite à une nouvelle visite du bâtiment
sur lequel vous êtes, afin que si aucun signe de maladie ne s’y
est manifesté depuis votre départ de Cotrone, la liberté de dé
barquer vous soit donnée.
Mais si le comité juge qu’il est nécessaire que votre bâtiment
reste encore pendant quelques jours en contum ace, alors ma
dame D estaing, vous, et les principaux officiers ou adminis
trateurs qui sont à bord du St.-Jean, auront la faculté de mettre
à terre de suite, et de terminer leur quarantaine dans un local
*iue j’ai ordonné qu’on fît prépare*, à.icet effet. u .
. n
Je regretté beaucoup de ne. pouvoir faire $lu$.>sous ce rapport
o.
,
'
�pour vous obliger ; je vous eusse déjà abrégé les tourmens de
votre’pénible et longue quarantaine, si dans ce pays la direction
du comité sanitaire nous eût concerné.
V e u ille z , je vous p r ie , renouveler à madame Destaing les
offres que mon épouse et moi lui faisons de tous les secours
qui pourroient lui être nécessaires : elle nous obligera infiniment
d’en disposer.
Je vous fais la même offre pour ce qui vous concerne , et
vous prie même d 'y faire participer les citoyens Piquet, Royanne
et C h oset, auxquels je vous serai obligé de communiquer ma
le ttre , qui répond à celle qu’ils m’ont écrite.
J’ai l’honneur de vous saluer.
Enregistré à Paris, etc.
Signé
Soult.
A RIOM , de l’imprimerie de THIBAUD LANDRIOT , imprimeur
de la Cour d’appel. — Mai 18o8.
�
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Factums Godemel
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/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
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Title
A name given to the resource
[Factum. Nazo, Anne. 1808]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Subject
The topic of the resource
mariage
contestations de légitimité de mariages étrangers
expédition d'Egypte
opinion publique
xénophobie
Delzons
Description
An account of the resource
Titre complet : Pièces justificatives pour Madame Nazo, veuve du général Destaing, tutrice de sa fille mineure ; contre les héritiers Destaing.
Table Godemel : Mariage : 2. un mariage contracté par un militaire, en pays étranger, peut-il être prouvé par témoins, s’il est établi qu’on n’y était pas en usage de tenir des registres publics ? La possession de l’état de la femme suffit-elle pour contraindre les héritiers du mari à lui payer une provision ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Thibaud-Landriot
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1808
An 6-An 8
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
20 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G1809
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0410
BCU_Factums_M0536
BCU_Factums_M0535
BCU_Factums_M0537
BCU_Factums_M0606
BCU_Factums_M0603
BCU_Factums_M0605
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53336/BCU_Factums_G1809.jpg
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Aurillac (15014)
Le Caire (Egypte)
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mariage
opinion publique
xénophobie
-
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8f014a08aa50bf0df6a798931ae79ffa
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POUR
L e sieur C H O P I N ,
C O N T R E
L
e
s ie u r L A B R U E
S
t
.- B E A U Z I L L E .
�Î2
ZlZ'.2æ?r'*-rm
CO N TRAT DE VENTE.
P
a r - d e v a n t les notaires publics à la résidence de
Saint-Pourçain, arrondissement de Gannat, département
de l’A l l i e r , soussignés, fut présent Antoin e Chopin ,
propriétaire, demeurant en la commune de Paray-sousBriaille, lequel, de gré et bonne vo lo n té, et en exé
cution du contrat d'union et abandon passé entre l u i ,
ou quoi q u 'i l en s o it, le citoyen M a r n ie r , son-fondé
de pouvoir y et ses créanciers y dénom m és , par-devant
D e la co d r e , l'un des notaires soussign és, le 9 brum aire
dernier; et encore de la délibération desdits créanciers,
prise par-devant le même n o ta ir e , le 9 pluviôse aussi
dernier : lesdits actes dûment enregistrés au bureau de
ladite commune de S a in t-P o u rç a in , a v en d u , c é d é ,
quitté, remis, délaissé et transporté; e t , par ces p r é
sentes, ven d , cède, quitte, rem et, délaisse et transporte
dès maintenant et à toujours , par pure vente irrévo
cable, avec promesse de garan tir, fournir et faire va
loir de tous troubles, dettes, hypothèques , actions et
autres évictions généralement quelconques, tant en juge
ment que dehors, à peine de tous dépens, dommages et
intérêts, même de restitution de deniers, le cas échéant,
au citoyen Jacques Labrue de Saint-Beauzille , habitant
de la commune du même nom de Saint-Beauzille, dé
partement de la Corrèze , ci-présent et a c c e p t a n t pour
7
�( 4 )
lu i, les siens, ses héritiers et ayans cause, savoir est la
terre de Cham pfollet , située en ladite com m une de
P a r a y et en celle du L o n z a t , consistante EN MAISON
DE M A I T R E , composée de deux corps de logis entourés
de fossés, cours, granges, écuries en mauvais état, jar
din et petit pré-verger aussi entourés de fossés; et la
réserve composée de p r é , deux étangs ; dont un à ré
tablir , bois de f u t a i e en ch ê n e , pacages, sauldois'et
gravier ; t r o i s
DOMAINES , savoir le grand d ó m a m e
de C h a m p follet, vulgairement connu sous le nom du
R o u d e t, actuellement cultivé p a r J a cq u es F a u re ; celui
des Q u a isso n s, cultivé par les nom m és B é g u in ; celui
des M ic h a r d s , cultivé par Claude Thevenet ; et SEPT
l o c a t e r i e s , savoir celle F l i e , située commune du
L on zat, cultivée par Claude R e tiv a t; celle de la C ro ixllo u g e , cultivée p a r Claude M a r tin , dont la jo u is s a n c e
est r c s e n ’ce à J c a ' i ï M a g o t cl A n to in e tte M a u r y , sa
fe m m e , ou dernier vivant de VCm d 'e u x , ainsi que
tous les batimens y attenant, et les terres, et jardin q u i
consistent en .un m orceau de terre en face du jardin,
planté en arbres fruitiers, et semé en foin artificiel,
lim ité, en bise, par partie du fossé de la M o u ze ; en
orient, par la b o ir e , sans aucun droit de pèche ; du
m id i, par partie du pré artificiel : la limite a cjuatrevingl-six toises du fossé de la M ouze en suivant le long
de la boire pour ledit toisage; et en nuit, par le chemin
de Champfollet aux Quaissons, sur q u a tre-vin g t-d eu x
toises diï piquet de borne au susdit fossé de la M ou ze,
le long dudit chemin. L ’autre terre attenante à l’écurie
�( S )
et au jardin , d’environ neuf boisselées , entourée du
chemin qui conduit aux pacages ; et en raidi, elle est
limitée par le morceau de pré artificiel déjà cité. Une
autre pièce de terre en face de ladite maison dudit
M a g o t, au n o rd , d’environ trois septerées, limitée, en
bise par le Sablon ; en orient, par la boire; en m id i,
par le cliemin des pacages; et autres aspects, par le sur
p lu s'd u champ. U ne autre pièce d’environ deux septerees et dem ie, au territoire des Rolines, limitée par
les ruaux du taillis; au m idi, par le ruisseau de la boire
de Champfollet ; et aux autres aspects, par le surplus
du cliamp. L e tout pour en jouir à la charge des ré
parations ; mais ledit M agot et sa femme , pendant
leur jouissance, auront la liberté de faire pacager deux
vaches et leurs suivans, une jument et son suivant, dans
les pacages où les bestiaux de même espèce vont pa
cager; quant aux brebis et cochons, ils iront pacager avec
ceux de la t e r r e , sans que le nombre puisse aller audessus de quatre-vingts brebis et quatre cochons. L a troi
sièm e loca terie, appelée B e la ir , dite le V ign oble , com
posée de terres labourables, d’un grand clos de vigne
attenant au jardin de ladite locaterie, ledit clos entouré
de haies vives; ensemble toui les ustensiles consistans
en deux cuves, une autre cuve à charrois, et autres objets,
si aucuns il y a, appartenansaudit Chopin. L a quatrièm e
appelée Chain net o n , cultivée par P ie r r e Lebre. L a cin
quièm e cultivée par J ea n B r u n , appelée locaterie Neuvetlu - P u y , laquelle est î\ deux feux. L a sixièm e appelée
la locaterie de Cliam pfoU et, cultivée par M arie C a rré ,
de laquelle dépend une grange. Et la septièm e cultivée
3
�( 6 )
par Claude J o u a r d , appelée la locaterie du P o r t , a i n s i
QUE LE TOUT SE LIMITE ET COMPORTE , QU’EN JOU IS
SENT LES C I -D E S S U S DÉNOMMÉS, et SANS EN RIEN E XCEPTER , RÉS ER VER NI R E T EN IR , MÊME LES GROS ET
MENUS b e s t i a u x qu i garnissent lesdites te rre , réserve ,
domaines et locateries , à l’exception de la portion des
c olo n s, d’après les cheptels, et encore en entier de ceu x
qui sont dans la loçaterie de la C r o i x - R o u g e ; ENSEM
BLE TOUS LES DR OI TS , DE QUELQUE NATURE QUE CE
SOIT, DÉPENDANS DE L A D IT E T ER RED E C h A M P F O L L E T ,
e t qui p o u rro ie n t Ê tre
R E T A B L IS ; prom ettant en
con séq u en ce, ledit v e n d e u r , de rem ettre-de bonne foi
audit acquéreur tous les titres de p ro p riété q u ’il peut
a v o ir ou qui p ou rro n t par la suite ve n ir en sa possession,
SOUS L A RÉSERVE QUE SE F A I T LEDIT ACQUÉREUR DE
L A m a i s o n DES C h a t e l a n s , co u rs, ja r d in s , granges
et autres bâtim ens y a tten a n s, a in si que le clos adjoi~
gn cin i , entouré de haies vives et sèch es, et j fossés autou r,*
lim ité s , s a v o ir , en o rien t, par le chem in de P a r a j au
L o n z a t ; de m id i, p a r le chem in ou rue de M untprofit,
au susdit chem in du L o n z a t à P a r a y • de n u it, p a r la
terre du dom aine des Q uaissons ; et de b ise , par partie
de ladite terre des Q u a isso n s, et du chem in du P o r t à
B rica d et ,* le tout ainsi et de môme q u 'il est exp liq u é
p a r le contrat d'union ci-dessus d a té , tant pour la pro
priété que pour la contenue,• secondem ent, du petit clos de
vigne situ é au-dessus du pré de la C h a ise , ladite vigne
en partie nationale ; etfin a lem en t le taillis des Bou?'ets,
com m une de Loriges. L adite vente ainsi faite, consentie,
et acceptée aux ch«rges; clauses, conventions et réserves
�pi
c!-dessus stipulées, et encore pour et m oyennant le p rix
et som m e de cent quarante mille f r a n c s , en atténuation
de laquelle ledit acquéreur payera q u a t r e - v i n g t - d i x
mille francs aux créanciers dudit vendeur, dont les créan
ces sont exigibles, et q u i, comme telles, ont été délé
guées par le susdit contrat d’union; pour ladite somme
de quatre-vingt-dix m ille f r a n c s être payée de la m a
nière et a u x époques déterminées par la délibération
dudit jo u r 4 pluviôse, de laquelle ledit acquéreur a dé
cla ré avoir pris co n n o issa n ce, a in si que du contrat
à?union ; à l'effet de quoi l’intérêt de ladite somme de
quatre-vingt-dix mille francs sera payée , sans aucune
retenue, par ledit vendeur, à partir dudit jour 9 bru
maire dernier, jusqu’au trois -nivôse, époque à laquelle
les parties étoient convenues de ladite vente ; et depuis
cette dernière ép o q u e, par ledit acquéreur, qui s’y est
soumis et o b lig é , en tant que de besoin *, et à l’égard
des cinquante mille francs parfaisant le p rix de la pré
sente vente, ils resteront entre les mains dudit acquéreur,
qui se charge en conséquence des créances non exigibles,
•comme rentes perpétuelles et viagères, ou créances déri
vant de vente de fonds ; lesquelles créances il 'promet et
‘s’oblige de p a y e r , de manière que ladite somme de cin
quante mille francs y soit totalement employée , confor
mément au susdit contrat d’union ; et dans le cas où'ladite
somme de cinquante mille francs seroit insuffisante pour
faire face à cette espèce de créance, ledit vendeur promet
et s’oblige d’en payer ce qui en défaudra, et de faire
en sorte que ledit acquéreur n’en soit nullement i n q u i è t e
ni xeclierelié \ ce q u i a été accepté et agréé par Joseph
4
�( » )
M a rtin , p ropriétaire, dem eurant en la com m une de
C réch y , P ierre R a y n a u d , propriétaire en la com m une
de C /iareil, et G ilbert-A n to in e Coupery, notaire public
en celle de B illy , lesq u els, en leur qualité de créa n ciers,
syndics et directeurs des autres créanciers un is, proinetlent de faire, avant les époques desdits payemens à
faire, homologuer en justice, ou ratifier volontairement
les susdits contrats d’ union et délibération, par ceux des
dits créancier;? qui n’y sont point entrés, et aux frais
de qui il appartiendra, soit dudit vendeur, soit des
créanciers ; e n c o n s é q u e n c e d e t o u t c e q u e d e s
s u s , ledit vendeur s’est d év êtu , d é m u n i, et dessaisi
de la propriété, possession et jo u issa n ce, f r u i t s , profits
etém olum ens DE L A SUSDITE TERRE DE ÇlIAMPFOLEET,
CIRCONSTANCES ET DÉPENDANCES D’ iCELLE , et en a
vêtu et saisi ledit acquéreur, pour par lui désormais en
faire, dire et disposer comme de sa propre chose, vrai
et loyal acquêt ; et à l’exécution des présentes, dont
ledit acquéreur fournira expédition tant audit vendeur
qu’aux syndics et directeurs , en bonne et duc forme
exécutoire , lesdites parties contractantes ont obligé ,
affecté et hypothéqué tous leurs biens présens et 11 ven ir,
et spécialem ent ce u x q u i peuvent leur appartenir actuel
lem ent dans les com m unes de P a ra y et S a in t-B e a u zille;
même ledit acquéreur, par privilège et préférence, la
susdite terre de G ham plollel, domaines et locateries en
dépendans. Fait et passé en ladite commune de P aray,
maison des Ghàtelans, cejourd’hui six ventôse, l’an neuf
de la république française, après midi.
�n>u.l
T
E xtrait
clu ^ ço ^ trà tjclu n io n ._
-
ha h ' t x ° x e . i r i . ; J “ r
n
W ü E dans le cas où la vente dont il est ci-dessus
parlé ne s’efïectueroit pas avant le 4 nivôse prochain,
le citoyen M a rn ie r, audit n o m , autorise dès l’instant
•
•
•
f
lesdits créanciers à vendre aimablement, et aux clauses,
charges et conventions les plus avantageuses, t a n t
LADITE
BIENS
TERRE DE C h AMPFOLLET QUE SES AU T RE S
pat r im o n iau x
, suivant qu’ils sont énoncés dans
l’état de l’actif annexé au présent traité; mais toujours
sous la réserve tant de la maison qu’occupoit le père
dudit C h o p in , que de tous ses biens nationaux.
Dans l’état il est dit :
-presque tous en chanbon« nage , cultivant ordinairem ent avec douze paires
« de bœufs.
*
« 8°. T
rois
d o m ain es,
« 9°. Sept loca tenes avec le labour de deux vaches
« chacune. »
�CONCLUSIONS MOTIVÉES.
T
jïï.
sieur Chopin conclut à ce qu’ il plaise à la c o u r ,
L e recevoir opposant à l’arrêt par défaut, du 30 mai
18 0 7, lequel sera sans effet.
A u p r in c ip a l,
1
j
A tte n d u que de la correspondance d ’entre les p arties,
avant la v e n t e , il ne résulte rien de syn a lla g m a tiq u e,
ïiiàis Séulement Jdes p ou rp arlers, des propositions non
term ïn éës;
‘ A tten du les Variations éntre la vente sous seing privé
¡et celle devant notairè ;
Attendu l’aveu du sieur L à b ru c , en son mémoire im
prim é , page 2. , d’être v e n u visiter les lieu x sur la fin de
l ’an 8 ; ët'què la vente devafit notaire n’ayant eu lieu que
le 26 ventôse an 9 , i l y a eu entre la visite et la vente
s ix m ois à?intervalle ( d’où il suit qu’ il a eu tout le temps
de voir et faire voir chacun des objets qu’on lui vendoit) ;
Attendu que le sieur Chopin* offre de p r ô u v e r p a r
témoins-, en cas de déni-, que soit avant 'le sous-seing
■privé, soit avant Pacte a u th en tiq u e , LE SIEUR I/ABRUE
A PASSÉ PLUSIEURS^MOIS SUR LES LIEUX POUR VISITER
ET FAIRE VISITER LES OBJETS COMPOSANT LA VENTE
QU’ON LUI FAISOIT, A TOUT EXAMINE, ARTICLE PAR
A RTICLE, et a interrogé'les -voisins su r les q u a lités,
produits et contenues des terrains ;
�( 11 )
A ttendu,que.lors du jugement par défaut, du 28 floréal
an 1 2 , obtenu p a r le sie u r L a b r u e , où ilp a r lo it s e u l ,
il est con ven u , que les locateries M o r e t , G uillau m ie et
P a ra y , en q u estio n , ne faisoient point partie de la v e n t e ,
puisqu’ il y dit q u ’e l l e s
ONT ÉTÉ OMISES DANS LE
c o n t r a t ( d ’où il suit que de son aveu elles n’y sont pas
co m p rises);
,
■
t A t t e n d u , en d ro it, qu ’ un contrat de vente est lo i entre
le vendeur et l’a ç q u é re p r, pujsqu’au titre de coiU rahenfla
em ptiQ fie, on tro uve les term es, çujÆ IN LE GE VENDITIONIS , ITA SJT-SCRIPTUM ,jetç. ;
Q u e la loi du contrat est la seule à consulter, lorsqu’elle
est clairement exp liquée ;
Q ue l’on ne doit avo ir recours au x lois du digeste, etc.
que lorsque celle du contrat est a m b ig u ë, parce que ces
lois sont alors le com plém ent de celle du c o n tra t, mais
toujours uniquem ent dans,le cas de silence ou d’obscurité
dans les termes du contrat;
A tte n d u q u ’ il n’y a aucune am biguïté dans la vente
dont il s’agit ;
A tte n d u q u e, suivant les expressions du con trat, le
sieur C h o p in n’a vendu la terre de Cham pfollet ,que
com m e consistante en qu in ze articles (y, com pris les droits
féod aux en cas de leur rétablissem ent, çt ce par p ure
complaisance p o u r le sieur L a b r u e ) ;
Attendu que les immeubles vendus, formant dans.ledit
contrat la composition de la terre de C ham pfollet, y
sont désignes chacun par leur nom p r o p r e , e t-p a rle s
noms do leurs divers cultivateurs;
Q u e les trois locateries eu question n ’y sont point
�( 12 )
nom m ées, et qu’elles étoient exploitées par des colons
autres que ceux des locateries désignées dans la vente ;
Attendu que les immeubles nommés dans la' vente sont
au nombre de q u a t o r z e , ( i i o n compris les droits féo
d a u x );
•
Que si après leur appel nominal'il est dit : « A in si que
« le tout se limite et com porte, e t q u ’ e n JOUISSENT
« ' l e s CI-DESSUS d é n o m m é s , et sans en rien excepter,
«' réserver, ni retenir, » en grammaire et en droit, cela
signifie seulement que le sieur Chopin a vendu la totalité
des quatorze articles, mais rien de plus ( cette clause
ne se référant bien évidemment qu’aux objets' antécédemment expliquées , et dont la terre de’ Champfollet a’
été composée p a r ’ W contrat ); i:r ■
i: 1;
: ‘
’
Attendu que si après le rappel des articles composant
la v en te , le sieu r'C h o p in s’est réservé la maison des
C h â t e l a n s et autres objets n o m m é s , c’est p a r c e que lors
de la vente lesdits objets dépendaient des Q uaissons et
des M ic h a r d s , nommés dans la vente (fa it que le sieur
Chopin se soumet à prouver en cas de d é n i ) , et q u e ,
sans réserve form elle, ils auraient été englobés dans ladite
vente;
Attendu que si le contrat de vente terminé par la
clause : « En- c o n s é q u e n c e d e t o u t c e q u e d e s s u s ,
« ledit vendeur s’est dévêtu , démuni et dessaisi de la pro« p riété, possession et jouissance, fruits, profits et émo« lumens DE L A SUSDITE TERRE DE C l l A M P F O L L E T ,
« c i r c o n s t a n c e s ET d é p e n d a n c e s d ’ i c e l l e , etc.,
Les mots e n c o n s é q u e n c e d e t o u t c e q u e d e s s u s
veulent dire seulement > en dialectique et en d r o it, que
�1&7
.
( 13 ) .
les parties concluent leurs conventions en conséquenceùcs
détails et des explications qu’elles ont donnés plus liaut ;
Les mots d e l a s u s d i t e t e r r e veulent dire seule
ment , en dialectique et en droit, que la terre n’a été
vendue que comme elle a été composée antécédemment,
'que comme elle a été sus d i t e , ces mots signifient très'évidemment que des objets détaillés le sieur Chopin ne
réserve absolument rien , et qu’il transmet toutes les
circonstances et dépendances de ces objets ;
Que si l’on a conservé aux objets vendus le nom de
'terre der C h am pfollet, et si l’on -s’est servi des termes
circonstances et dépendances, c’a été i°. parce que les
objets non vendus étoient très-peu de chose compara
tivement à ceux nommés dans la vente ; 20. parce cjue
le sieur Labrue avoit tenu fortement aux droits féodaux
( le sieur Chopin n’y mettoit pas de p r i x , mais la chose
plaisoit au sieur L a b r u e ) , et qu’en cas de rétablissement
ils se rattachoient de suite à la terre de Champfollet ;
3°. parce qu’on s’étoit contenté de nommer les trois
domaines, etc., sans en désigner les héritages, et que
pour exprimer que l’on ne se réservoit rien des objets
vendus, l’on jugea utile de les embrasser dans leur tout
par les mots circonstances et dépendances ;
Attendu que rémunération des quinze articles désignés
en la vente, ne sauroit être considérée comme surabon
dante, pour en induire que la dénomination de terre
de Cham pfollet embrasse tout ce qui en dépendoit avant
la vente,
10- Parce q u e , en point de droit, il'fie doit j.-rmais
y avoir de clauses inutiles dans les contrais, et que celles-
�( i4 )
y exprimées ont toutes un sens et un effet ( h moins
qu’on ne veuille violer la loi du contrat, ce q u i, dans
plusieurs circonstances, a donné lieu. cassation);
2°. Parce que l’énumération faite au contrat de vente
dont il s’agit, est décidément lim itative, pour exprimer
que le sieur Chopin n’a entendu vendre et n’a réelle
ment vendu que quinze articles dont il~a formé la terre
de Champfollet, et que le contrat d’union annonce luimême que la terre de Champfollet n’embrassoit pas tous
les biens patrimoniaux du sieur C hopin, puisqu’il y est
tdit qu’en cas de non vente par le sieur C h o p in , avant le
4 nivôse, ses créanciers pourroient vendre eux-mêmes,
.non-seulement ladite terre de C ham pfollet, mais encore
ses autres biens p a trim o n ia u x,•
Attendu que le sieur Labruc a lui-même si bien en
tendu que les trois locateries en question n’ont jamais
fait pai'tie de son acquisition, q u e ,
Premièrement, les 1 6 pluviôse et 18 ventôse an i o ,
il a demandé, i°. contre le sieur Chopin seul, la remise
des bestiaux de la réserve; 2°. contre le sieur Chopin
et les créanciers de ce dernier, le rapport de ce qu’ils
avoient touché sur les 90000 francs, et q u i l n'a élevé
aucune prétention , n i m êm efa it aucune réserva quant
à ces trois locateries.
D e u x i è m e m e n t , sans mot d i r e , il a perçu les récoltes
de Van 9 et de Van 10 dans les objets nommés dans la
vente; et ce n'est q u en Tan n q u 'il a réclam é ces loca
teries.
T ro isiè m e m e n t, le sieur L a b ru c avoit proposé d'é
changer la locateric Neuve ( nommée dans la vente )
�contre la locaterie G uillaum ie ( l’ une de celles dont il
s’agit aujourd?hui ) ; (l’oit il suit. qiC.il recom ioissoit ne
l'a voir pas a ch etée, puisqu il' la prenait en échange :
Varrangement étoit f a it ; m ais il n'eut pas lie u , parce
qiûd ne plut pas à la dame L a bru e : f a i t que le sieur
Chopin se soum et à prouver en cas de déni :
D e tout quoi il suit que pendant deux ans le sieur
Labrue a exécuté purement et simplement la vente;
Attendu, en droit, que l’interprétation la plus sûre des
conventions est l’exécution que les parties y ont donnée;
D ire qu’il a été mal jugé par le jugement d o n t est
appel ; bien appelé : émandant, et faisant ce que les pre
miers juges auroient dû faire, déclarer le sieur Labrue
purement et simplement non recevable en scs demandes,
ou en tout cas l’en débouter, et le condamner aux dépens
des causes principale et d’appel, sauf au sieur Labrue à
retirer, si bon lui semble, l’amende par lui consignée lors
de l’expédition par lui retirée de l’arret par défaut, du 30
mai 1807 ;
E n cas de difficulté, audit cas, surabondamment et subsldiairernent seulement, ordonner avant faire droit, que,
dans le délai de la lo i, le sieur Chopin fera preuve, tant
par titres que par témoins,
i ° . Que soit avant la vente sous seing p r iv é , soit avant
celle par-devant notaire, le sieur Labrue a passé plusieurs
mois sur les lie u x , qu’il a examiné et fait exam iner,
article par article, tous les objets que lui vendoit le sieur
C h o p in , et a interrogé les voisins sur les qualités, produits
et contenues des terrains ;
2°. Q ii’uv'-»ot la vente la maison des Chatelans, et autres
�( 5 1)
objets réservés nominativement par le sieur C h o p in , dépendoient des domaines des Quaissons et des Michards ;
' 3°. Q u ’un échange avoit été fait entre les parties, de
la locaterie Neuve contre celle Guillaumie, et n’a pas
eu l i e u , parce qu’il ne fut pas agréable à la dame Labrue
Sauf a u sieur Labrue la preuve du contraire, si bon
lui semble, dans les mêmes délais;
Réserver tous moyens et dépens en définitif, le tout
sans préjudice à autres actions et conclusions du sieur
Chopin.
,
GOURBEYRE, avoué,
A R I O M , de l’i mp ri me r ie de T h ibaud- L a n d r i o t , i mp ri me ur
d e la C o u r d ’a p p e l, -
M ars 1808.
�
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Chopin. 1808]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Gourbeyre
Subject
The topic of the resource
créances
locaterie
ventes
domaines agricoles
Description
An account of the resource
Titre complet : Pour le sieur Chopin, contre le sieur Labrue Saint-Beauzille. Contrat de vente [suivi de] Consultations motivées.
Table Godemel : Vente : 11. après un contrat entre ses créanciers contenant un état de son actif immobilier, le sieur Chopin ayant vendu, le 6 ventôse an 9, la terre de Champfollet consistant en une maison de maître, réserve, trois domaines et sept locatairies, en un seul tenant, sous la seule réserve d’une maison et de quelques objets soigneusement désignés et confinés, et tel que le tout avait été énoncé en l’état produit aux créanciers ; a-t-il pu ensuite soutenir que ladite terre de Champfollet contenant dix locatairies au lieu de sept, cette vente ne comprenait pas les trois locatairies de la Guillermie, de Moret et de Paray ? s’il y a, dans le contrat de vente, des clauses obscures et ambiguës, contre qui, du vendeur ou de l’acquéreur, doivent-elles être interprétées ? 12. si le contrat de vente a stipulé, en faveur d’un tiers, réserve de la jouissance de l’une des locatairies, l’acquéreur peut-il, contre la disposition précise et absolue de son titre, prétendre que, d’après un acte antérieur, la jouissance du tiers ne devait commencer qu’après le décès du vendeur ? Clause : - obscure. - s’il y a, dans le contrat de vente, des clauses obscures et ambiguës, contre qui, du vendeur ou de l’acquéreur, doivent-elles être interprétées ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Thibaud-Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1808
An 9-An 10
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
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Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
16 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G1817
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G1816
BCU_Factums_G1820
BCU_Factums_G1819
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The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Paray-sous-Briailles (03204)
Jaligny-sur-Besbre (03132)
Le Lonzat
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Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Créances
domaines agricoles
locaterie
ventes
-
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6b04b57043e97389d13ff881883433b9
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OBSERVATIONS
POUR
L e sie u r L A B R U E D E S A I N T - B E A U Z I L L E
in t im é ;
C O N T R E
Le sieur C H 0 P I N , appelant.
L E sieur Chopin veut équivoquer sur l’étendue d’un
contrat de vente ; il veut en effacer les clauses principales,
celles qui commencent et terminent l’acte, et qui en sont
tout l’objet. Il ne veut past qu’on y voie une vente de,
la terre de Champfollet, quoiqu’il l’ait expressément
vendue en ces termes; quoiqu’il se soit dessaisi de cette
terre de Champfollet circonstances et dépendances il
ne veut pas qu’on y lise une réserve qu’il y a formellement écrite, dont il a soigneusement désigné tout es,-
�les parties, et que sans doute il ne peut ni outrepasser ni
étendre.
E t cet acte est le sien ! ces clauses sont son ouvrage !
L u i seul a p a rlé *, lui seul les a dictées; et cependant
il en conteste l ’efficacité : il veut avoir eu le droit de
les in sé rer dans son acte , de les y répéter plusieurs
f o is , sans autre objet que d’abuser un acquéreur venu
de trente lieues; avoir pu y intercaler un perfide détail
pour le tr o m p e r, tandis que rassuré par les termes géné
raux de sa v e n t e , par une réserve minutieusement dé
taillée , par les protestations du sieur C h o p in , par les
assertions de tout le monde^ l’acquéreur étoit persuadé^
tout à la fois de la g'énéralité de sa vente, et dé là bonne
>
*. •
foi de son vendeur.
C ’est la prétention du sieur Chopin depuis q u il a
vendu.
”
^
Alais examinons son langage lors qi?il voulait vendre;
11 sera bien,plus, propre quelle dernier à jeter des lumieres
sur l’étendue de la vente. Ce langage est écrit; car il n’y
avoit pas d’autre manière de s’entendre, à un éloigne
ment de trente lieues.
*■
r
O r , le sieur C h o p in , en discutant les conditions de la
ven te, la restreignoit-il à. certaines parties de sa terré?désignoit-il à son acquéreur sept locnteries seulement,
quand il en a v o i t d ix ? P o i n t du t o u t ; il ne le lui faisoit
pas même pressentir.
11 vouloit vendre; son rôle étoit alors d'exagérer \ c’est
lùi-mcme qui nous l’apprend ( png. 23 ), de présenter aux
clialans une superbe terre , toute d'une p ièce , de n’en
rien excepter que sa maison, d’en enfler considérable-
�----------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
(3)
442
ment le produit et l’étendue, tout cela pour offrir h son
acquéreur un bel ensemble qui pût le tenter, pour en
tirer un prix excédant la valeur réelle. Jouer ce rôle
étoit, suivant le docteur C h opin , une cliose^/bi*/ ordi
naire; ce qui prouve au moins qu’elle seroit fort ordi
naire pour lui.
Seroit-ce donc aussi une chose J b rt ordinaire , après
avoir mis en pratique une si belle m orale, après avoir
trompé sur la valeur et en avoir profité, de se ménager
encore les moyens de contester après la vente une partie
de la chose vendue, d’en attaquer la substance? Mais l’espiéglerie seroit un peu trop forte, et la morale même du
docteur ne sauroit le conduire jusque-là.
L e sieur Chopin ne se plaindra pas; il veut qu’on tienne
pour certain qu’il n’a vendu et entendu vendre que cer
tains objets. E h bien! on s’en rapporte à lui. O u i , à lui
C h o p in , non au Chopin q u i a vendu , mais au Chopin
qui vouloit vendre , q u i, s’il faut l’en croire, s’expliquoit
sans fa r d , sans déguisement, disoit ingénument la vérité.
C ’est d o n c la vérité que n ou s a llon s trouver dans les
lettres du sieur Chopin ; et ce n’est pas une vérité stér i l e , car ces lettres contiennent la base , les élémens de
la vente qui les a suivies. Rien ne sauroit donc en expliquer
mieux les incertitudes ; et de même que pour juger des
objets qu’embrassent une transaction sur procès, ou un
hors de c o u r, il faut recourir aux pièces du procès, de
môme on ne peut mieux découvrir les bornes d’une vente
que dans les discussions qui l’ont préparée;
J’out l’objet de ces observations est donc de r e n d r a
publiques les négociations écrites, c’est-t\-dii*e, les lettres
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du sie u r C h o p in , de les m ettre plus p a rticu liè re m e n t sous
les y e u x .d e la juàtic'e. D e u x sont écrites au sieu r D e c o m b e s , q u i en étxiit l’ in te rm é d ia ire ; d e u x autres au sieur
de S a in t-B e a u z ille lu i-m êm e .
A v a n t de tran scrire ces lettres, il n’est pas inutile de
ra p p e le r que ce fut en revenant de Paris que le sieur
de: S a in t-B e a u z ille fut porté à cette acquisition par le
sieur Decombes ; et que voulant cqnnoître-la position
de G ham pfolletils y allèrent ensemble. - .
La visite ne fut qu’une apparition, d’autant plus que le
sieur Chopin prétexta des affaires, et il étoit le seul com
pagnon du sieur St.-Beauzille ; le sieur Decombes. •même
n’y avoit pas assisté. Aussi après avoir examiné seulement
l’état et la situation de cette propriété, le sieur St.-Eéauzille
demanda un état circonstancié des produits. Etranger
au pays, au genre de culture, par conséquent..hors d’état
de ju g e r ù l ’œ il de la v a le u r , de l’étenduq et du p ro d u it
des te rra in s, il ne p o u v o it asseoir sur aucune autre base
que sur le produit, la valeur de la terre et le prix qu’il
devoit y mettre. Il laissa entrevoir cependant qu’il pourroit
le porter à 1 20000 francs.
A lo rs s’établit une correspondance dans laquelle 011
disputa sur le p r i x , sur la valeur de la terre, sur les
réserves que se faisoit le sieur Chopin : c’est là ce q u ’ il
importe aujourd’hui de bien connoître , p u isq u ’on y
trouve les élémens de la vente.
lia première de ces lettres est écrite au sieu r Decombes ;
elle est du 7 thermidor an 8 , fort peu de temps après
la première entrevue; la voici :
�. v J e vous dirai bien 'd ès-choses: aü> sujet du prétêridu grand
« avantage que vous me présentez. J ’a i trouvé de la personne
« qui est à la téte de mes affaires j 5oo fran cs de ferm e de
« mes- biens ^patrimoniaux., et i 5ooo francs d ’avarice ; ce qui
«•f a i t 8 a 5o fr . de ferm e j ' e t .une, réserve, de plus de i 5oo fr« Ajoutez ce que doit gagner un fermier : ¡c’est un objet d ’une
'« 'douzaine de m ille francs -, pourfiooo fran çs qu i 1-en couteroft
de Sairit-Beauzille (1) ; car .Ias 5 q o o o francs q u i,lu i
-« restéroient entre mains ne ¡lui côûteroient pas plus de 10.25. fr.
,« de rente je vous île prouverai à laiprem ière yu$, Je. \jous
cc répète, comme je vous l’ai déjà marqué,\que d’ipi;^ uïj n)oi6
« tout sera terminé; il est bitin certainique .jQ;yendraiÿjqüelque
:« choseiqüi.arrive : rri^is i l se<présente ¡ùeàu&up. d ’4 pqfiéreurs,
« et quand ils sauront que. je vends ,'Céla> ira erifcôre mieux.» I l
« a eu tort de ne pas traiter dej suite , etc,*,;,etc. (2), » ■
. >>
L a seconde lettre est du 7 fructidor an 8 -, encore écrite
au sieur Decombes.
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(1) On voit q u e jusque-là C ette l e t t r e n’a trait qu’aux 120000 francs offerts
par M . de Saint - Beauzille ; m;»is elle n’ en est pas moins précieuse., car clie
prouve que les biens dont le sieur «le Saint-Beaiuille donaoit 6000 francs,( en
revenu ), et que le sieur Chopin .ne vçulpit pas lui^dynner pour ce prix, parce
tjii'il, clisoit en trouver 1 200O francs >ëtoient sefr^iftuSjjMïiri/noniaux, ^nns
exception. Il étoit donç question entre les'patties ,\\<i$s In premier instanf-,
de vendre et d’acheter les biens p a trfm on iaijxdfiC /ipp in .' Or , les, jfrois
locateries contestées faisoient alors partie d eia terre; elles sont patrim oniales ;
elles £âsoient donc partie de la vente proposée .: voilà une vérité incpntestuble.
(2) T o u t le reste de cette lettre est ¿ u r jp ;mûmv. ton ^on voit q u e.c’çst. un
verbiage inutile à la contestation, i n ij ti lq’pa rj £0 tysi'(JWc 11^ réjlî'tcr içi ;[stulcnicnt elle confirm e, ce qui .est vrai, que. le jicur de »Saint-Beau7.ille n’avoit pas
voulu traiter tle suite , parce <]u’il n’avQit pu W goiç $<;$ idées que sur un ¿tat
q u i! avoit en effet demandé.
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« J e n ’ a i p o i n t changé d’intention; l’acquéreur que vous m’avez
« fait l’amitié de me présenter me convient parfaitement,
« parce qu'il a l’air d’un honnête homme ; mais je n’ai pas
« cessé d’étre en com pagnie, et n’ai pu faire l ’éta t en quescc
«
«
«
tion (3). M a is on voit a u jo u rd h u i , en plongeons , près de
quarante milliers de gerbes , moitié seigle et motié froment.I l fa u t em défalquer à peu près 7000 ( gerbes) pour le domaine
de la nation : vous verrez ce que cela f a i t , c ’est en èvidente (4);i pour deux mille livres environ de produits de
«
« vente de vieux et jeunes bœufs , de gros et petits cochons,
« 'et de vieux moutons ;
; i fciiov * ■ r >
■
u.c<j Pour 400 francs' de laine, et àutarit de vin; 1
Pour deux pulle francà de pessel, inayère ou plants de saules;
« Cent milliers'*de'foin de réserve au moins, et des terres
« closes en haie# vives , propres, à en’ faire deux cents milliers
« de plus ;
( 5) Il étoit donc q u estion d ’ un état'. L e sieur de Saint-Beauzillc l’avoit de
mandé; le sieur Chopin l’avoit promis : il devoit servir d’instruction à l’ache
te u r; et cette instruction pouvoit seule le conduire à fixer le prix. Eh bien!
par cette même lettre Chopift va en donner le croquis, parce qU’on l'attend,
parce qu’on, ne veut rien faiW snns celft.
(4) Ici les réflexions se -piSicatéM cri1foulé.« " ‘<1--'
m ;
Q uel <étnt de produits donne le sieur Cliopin? cst-Cc celui de troi* domaine*
•et sept loCatèries? On voit qu’il fl’ën est pas question. C'est l'étal d e tou t ce
q tt'il p o ssèd e'j de tout' cef qui est én é v id e n c e , sans en excepter ntèttio la
ricolte du dortiaîne de la Aâtiün. Il défalque ensuite le produit do cc qu’ il ne
veut pas vendre : CetW'défalcation nfc porte pfls sur les trois locuterie*, dont U
ri'a pas môme l’id6e. 11 distrait sept mille gerbé*pou r le d o m a i n e d e la nation :
tou t le reste il le présehtef i l‘«Cquireur; il lc lui1 livre : vous verrat ce que
c e la f a i t , lui'dit-il s'e'es t'en évidence. YoiW lVtat qu’il lui o ffr e ;1état de de
qu ’il voüloit lui Veridrc, de ee que le sieur dû Snlnt-Benuï.ille vôulôit aolietei',
cc qu o n lui a ven d u , qu il a nàlicté b ien tô t apr^s. r *
c o n sé q u c in m c n t de
�( 7 ). ,
.
4
' **
« D eux étangs et les fossés, qui s’ernpoissonnent de douze
« cents; ce qui fait un produit de çinquante éçus par an. I l y
« a une 'vingtaine d ’arpens de beau bois de fu ta ie ; il y a bien
« pour 3oo francs par an de bois blanc à exploiter ; il n’en coû
te teroit pas plus de 5o francs par an p o u r entretenir cette coupe.
« Les métayers et locataires payent l’imposition , et quelque
« chose au-dessus, que l’on peut com p ter, puisque cela va à
ce 600 francs. Il y* a au moins deux mille boisseaux de blé de
te mars par an pour ma part; un bon pays de chanvre, qui produit
ce au moins 600 francs par an : en forçant les cultivateurs , on
ce pourroit les obliger à en semer le double. Il est une infinité
ce d’autres produits, tels que pommes de terre , vessars, fàves ,
« p o is r o n d s , h a r i c o t s , e t c . ( 5 ) E n
1 7 8 1 , c e lt e te r r e ¿ t o i t a f-
cc f e r m é e 8000 f r a n c s , e t d e s réserves p o u r 2.000f r a n c s a u m o in s .
« D e p u is c e te m p s , f y
te
a i a n n e x é u n d o m a in e q u i è t o i t trop
m ê l é , e t e n b on s f o n d s . V o u s hioyez q u e c e la f a i t u n e su -
tc v e rb e te r r e (6 ).
■ , ~
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« Sous peu de jours j e vous f e r a i,passer un état plus circonsce tancié ; mais c ’est l’œil de l’acquéreur qyi vaut mieux que
ce tout. Comme )1 y- a environ S o m ilte fra n cs non exigibles, et
çc .13 des 5.0 qui ne p a yen t l’intérêt qu'au denier 5o ,.je ne ppis
(5)
Dans cc long détail le sieur .C lio p ia Jjse-.çt abuse Amplement do la permis
sion d ’exagérer qu ’il trouve si légitime. Mais à quoi Jbon prendre tant de peine,
lui qui étQit ¿i fort pressé, si l’étjit demandé ne devoit pas être la seulc^règle de
l ’acquéreur? N ’a vo it-il donc d ’autre but que celui de le tenter par ce détail
fastueux et outré? Il y est parvenu; et il pourroit aujourd’hui prendre'un
langage tout opposé, pour diminuer la chose vendne!
(G) Rien de plus positif. Le sieu rÇ h o p in donne poyr excjnj>lo on bail de
1781 : cette terrq ( qu’il vend ? qu’on iparcj^inde, qu’ion a çnsuUc achetée ) tjtoit
alors, d it-il, affermée ioooo francs.
C ’est cette superbe terre qu’ il s\ngit d’acquérir; plus, un domaine nouvelle
ment annexé. ( C’est celui des Quaissons. )
O r , lcibail de 1 7 8 1 copipi'énoit les trois loc^toijet cpntcktéesi L d aieur Gllrçjrt0 >
<iui a le b.til!, n d’abord tenté dti le nier j il-l'a ensuite reconnu en pLiidant : ^
conséquence est toute «impie. ' i
. îo ‘
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T iJ rf :»■'(>
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( 8 )
« donner cette p r o p r ié té p a t r im o n ia le à moins de cent quatre« vingt mille livres. Si votre acquéreur prévoit pouvoir payer
« cette somme , j e l u i f e r a i p a s s e r d e p lu s g r a n d s r e n s e ig n e
nt. m e n s. Je suis bien r e c o r i n O i s S f l n t de la part que vous prenez
« à! c e ‘qui me regarde ; ma reconnoissance égale l’estimé avec
« laquelle j’ai le plaisir de me dire le plus dévoué de vos voisins.
« C II O P IN . «
11; y
' h LI i
’r/un
L a troisième lettre est (<jlu4.vendérhiaire an 9 , quoique'
datée du même, jour .de .Pan 8, époque à laquelle il n’étoit encore question de rien ; elle est écrite au sieur de
.
■
. . .
. 9
■
Saint-Beauzille par le sieur Boislaurent, sous la dictée
du^sieür Chopin. " ■ ■’
«Wt '
A?
-i\v\ \W> • ’ n :v> ; « Lamothç, ,1e 4 vendémiaire an.8 (<))•
« Monsieur Chopin est ici dans le moment rriômé que jô
« vous écris; il est venu dans l’intention de savoir si décidé« ment vous vouliez toujours acheter C h a m p fo lle t. Il a pris
ce. d e s arrançerriens q.xec $es c r é a n c i e r s V q u i l u i 'o n t d o n n é , dans
cc le cas oii v o u s a c h è t e r i e z , ju s q u ’ à Noël pour payer '/fiooà fr. J
« 45 autres mille seroient payables dans l’année. Vous seriez
« chargé de 5oooo fr. de contrats, et vous lui consentirez à lu i,
« M. Chopin , une obligation de xoooo f r . , qui ne seroit payable
« qu’autant que y o u s seriez tranquille possesseur. // d e m a n d e
u en outre 200 louis d’épingles qu’il dit que vous lui avez protc mis , la réserve d e la m a is o n q u e v o u s c o n n o is s e z , a in s i q u e
n d es te rr es q u i e n d é p e n d e n t , e t e n fin u ïie p e t i t e p ê c h e r ie e t
« tr o is s c p tc r è e s d e m a u v a is e s te rr es q u i n e
vous
c o n v ie n n e n t
« p a s (7). Il vous engage à lui faire une réponse prom pte,
(j) C’ est ici le'Sieur Chopin qui parle; car il est d it, quelques ligues plus bas,
q u e'le ticur Boislaurent écrit jous\sa d ictée . O r, que proposc-t-il,au sieur de
Saint-Bcauzillc? d’acheter Cham pfollet ; et ce n’ est pas ici d m in p fo llet, cort-,
cc
les
�« les retards pouvant préjudiciel' h ses affaires, étant en marché
cc avec une autre personne; il vous préféreroit, pourvu que voua
CC n’ayez pas changé d’idée.
« Je suis fort a ise , M onsieur, d’étre chargé d’ une pareille
« commission, puisqu’elle tend à vous rapprocher de nous. Je
« vous préviens que j'écris sous la dictée de M . Chopin.
« V eu illez, je vous p r i e , .....................
« Votre.................
« BOISLAURENT. »
L a quatrième lettre est du sieur C h o p in , et adressée
au sieur de Saint-Beauzille lui-meme.
« Saint-Beauzille , ce i 3 novembre ( 22 brumaire an 9).
cc D ’après vos deux lettres, une à M. D ecom bes, et l’autre
cc à m o i, j’avois résolu de vous répondre par une négative, ayant
cc imaginé que vous cherchiez une défaite honnête pour retirer
cc votre parole (8). D ’abord vous exagérez ou vous êtes trompé,
sis tant en trois domaines et sept locaterics, c ’ est C ha m p follet, sans autre dé
signation, sans aucune exception.
Aussi voulant en distraire quelques objets dont il n'nvoit pas parlé d’abord ,
il se c r o i L obligé de les dem ander ; bien mieux, obligé encore de persuader à
l’acquéreur, pour l’engager à y consentir, que ce sont de mauvaises terres
qui ne lu i conviennent pas. Et il se trouveroit avoir réservé trois locaterics
sans en parler ! Sont-ce donc encore des objets dont il nuroit pu dire à l’acqué
reur qu'ils ne lu i convenaient p a s, surtout celle de la Guillaumie , qui joint
immédiatement la réserve du cliAteau , qui est à sa p o rte , qui est une des
meilleures de la terre? Mais en core, quand cela scroit, auroil-il fallu le d ire,
et les réserver.
(tt) On voit ici que le sieur de Saint-Beauzille avoit répondu au sieur Chopin,
paru dégoûté de l’acquisition , à cause de la réserve qu’ il ne vouloit pas
souffrir. M algré son envie de répondre par une négative , malgré ses grandes
affaire j j n,a|gr,i ia foule d’acheteurs qui se présentoient, suivant lu i, le doc
teur fait soixante lieues pour forcer clans sou domicile un acquéreur dont ld
�«
«
«
v.
«
«
«
«
«
«
te
enajoutantquelquesode trop, comme l’a pensé M. Decombes
car vous évaluez la petite maison de mon père 2.0000 francs
cet o b je t, situé dans le plus mauvais terrain , n’a qu’un petit
pré qui n’a pas pu être fauché cette année, et qui, en bonn<
année, donne un millier de foin ; un autre qui peut en donnes
trois quintaux, et un petit réservoir à tenir un quarteron di
poissons ; un jardin «t cour d’environ 3 à 4 boisselées ( il en
faut 10 pour le setier ); une mauvaise maison bâtie en terre,
sans cave ni écurie. Il faut que je fasse tout cela. J’ai trouvé
du tout 5 o francs de ferm e, et vous le portez à 1000 francs,
A ce prix Cham pfollet (9) vaudroit plus d’un million (10). .
bonhomie Ini convenait si fo rt, et sur lequel il avoit lancé le harpon. Il ne
le trouve pas; il lui écrit : son premier mot est de lui dire q u ’i l cherche une
défaite pour retirer sa parole .
Le sieur de Saint-Beauzille avoit donc donné une parole ; et en effet il avoit
déjà offert i5oooo fran cs, et 0000 francs d ’épingles : c’étoit le prix auquel sc
réduisoit C h opin, d ’après la lettre précédente; c’ est le même prix, qui a été
convenu et payé. Cette remarque est essentielle.
,
(9) T o u jo u r s C h a m p fo lle t , lo rs q u ’o n d iscu te u n e r é s e r v e , e t C h a m p f o l l e t
sans a u tre n d jcctlo n , a p rès u n e p a r o l e d o n n é e , le p r ix a c c o r d é , et lo rs q u ’ il
n e re ste de d ébats (jue su r c e lte s e u le ré se rv e .
(10) On voit ici qu’en effet c’est la réserve des Cliâtclans qui avoit dégoûté
le sieur de Saint-Beauzille. Cette réserve est sur le point de tout rom pre; c ’est
pour cela que le docteur abandonne ses a ffa ir e s , sa com pagnie , scs malades,
et vole au fond du Limousin : là , pour endormir l’acquéreur, il lui fait en
tendre que l’objet réservé est de peu d’im portance, dans le plus mauvais
terrain , de nul produit ; lui persuade que cette réserve ne peut ni déprécier
la terre, ni en diminuer la valeur. T o u t étoit ¿o n , e x c e lle n t , superbe, dans
l’état de sa terre; tout est mauvais et mesquin dans ce qu’il se réserve. E t ce
pendant ces vilenies üiisoient discussion; le sieur de Saint-Beauzille les vouloit,
m enaçoit, pour si p eu , de retirer sa parole. E t cet homme s» convoiteux
seroit devenu tout d’ un coup si traitable, qu’il auroit c o n s e n t i , pour le même
p r i x , et sans que jusque-là il en eût été question, n la réserve de trois locateries, dont une touche sa porte, et coupe en deux la superbe terre touto
d'une pièce !
E t le sieur Chopin n’auroit pas cru devoir en faire la réserve bien expresse,
�4m
C C .................................«
................................................................................................................................
« . . . (11) C ’est d'après toutes ces réflexions que M. Decombes
« a désiré que je vous visses, n’ayant plus à retarder, attendu
« que j’attends un acquéreur de P a ris, quiconnott encore m ieux
cc que vous Champfollet (12), qui est mon voisin, et à qui,
« une fois co n ven u , je serois obligé de le céder, attendu que
« je 11e pourrois point lui dire que j’ai promis la préférence ;
« cela me forceroit de manquer à ma parole. A in s i v o y ez,
te M o n sieu r, si vous tenez à la petite réserve de la maison de
« mon p è r e , ne songez plus à Champfollet ( i 3). A u cas con
te traire, rendez -vous demain à midi à Argentac ; j’y serai
cc jusqu’à une heure et dem ie, que je partirai pour me rendre
« à P lo t, où j’ai une voiture et mon homme de confiance, et
« d’où je partirai le lendemain du matin : peut-être nous arran-,
ccgerons-nous. Je n’ai pas un jour à perdre, si je manquois deux
« occasions favorables qui se présentent. Je n’ai que jusqu’au
« 20 décembre pour vendre, après lequel temps mes créan
te ciers seroient maîtres de ma propre chose : c’est une principale
« clause du contrat qu’ils n’ont passé qu’à cette condition. Quant
« aux payem ens, ils n’ont pas changé ; ils m’ont abandonné
« tout ce que je vous dem ande, excepté deux septerées de terre ;
*c ils ne m’en ont abandonné qu’une pour réunir à mon enclos :
ci quant a u x deux que je -bous demande de p lu s , je vous les
»
lui qui a cru devoir désigner bien soigneusement les mauvais terrains qui ont
fait tant de discussion !
T 'H ' 0 « oïnctTct ÛÏÏTpige entière de la lettre, qui n’a trait qu ’aux pépinière*
et aux récoltes dont il n est pas question en la cour.
(12) Chopin convenoit bien alors que le sieur de Saint-Reaiuillc ne connoissoit pas bien Chainpfollct; qu’il n’ enconnoissoit pas bien les détails; et cepen
dant il y avoit alors parole donnée , prix accordé : tout ¿toit convenu, hors
l’article de la réserve.
(<") Toujours cette seule réserve sur Cham pfollet. Le sieur Chopin insiste :
il faut renoncera C ham pfollet , si on ne la souffre pas. O r, on y c o n s e n t en
suite; on achète donc C ham pfollet, moins cette réserve.
13
2
�■
( 12 )
« payerai à dire d ’experts ; c e s t à une demi-lieue du château,
« ainsi que la petite maison (14)- Je vous abandonnerai de
te suite le ch âteau , puisque j’ai déjà commencé à déménager*
« Je suis en attendant le plaisir do vous voir , si vous ôtes
« toujours dans la même intention,
« Votre très-humble serviteur.
«CHOPIN.
« P . S. Mais j ai 1 honneur de vous prévenir de ne pas compter
« que je retarderai d’une,dem i-journée mon départ de P lo t,
« qui sera samedi m atin, et d’Argentac demain vendredi, à
« une heure et demie. Je vous attends, et suis avec estime.
« CHOPIN.
' 1 -■ %^
cc N e craignez pas mon voisinage ; j e serai assez loin de
« vous. Je ne vais chez mes meilleurs amis que quand ils sont
« m alades, ou quand ils me l’ont fait dire dix fois : je ne me
cc mêle jamais des affaires de mes voisins, à moins qu’ils ne m’en
(i/Î) Le sieur Chopin avoit compris dans son «*tat le r e v e n u de cous s es biens
patrim oniaux ; il avoit ensuite pari«1! Ue sc réserver les Châtclans; et sauf cette
réserve, le prix ¿toit convenu pour toute la terre.
Il veut agrandir cette réserve; mais il sc croit tellement lié par cc qui a
précédé, qu’il n’ose demander gratuitement deux mauvaises septerées de terre :
il offre de les payer à dire d'experts.
Bien plus, il sc croit obligé, pour les obtenir, de représenter au sieur de
Saint-Bcnuzillc qu'elle* sont hors de sa portée, à une d-.tmi-lieue du château .
Le sieur de Saint-Beauzille consent à tout,
passe la vente pour le p rix offert et accepté depuis
long-temps; et bientôt C hopin, qui devoit être à une demi-lieue du clwltcau;
Chopin, tellement circonspect qu’il n’osoit pas sc réserver ouvertement ces
deux septerées; C h opin, lorsqu’ il a vendu , élève la piétention d’avoir con
servé trois locatcrics dont il n’nvoit jamais parlé. Il n’est plus, à une dem ilieue du ch â tea u , il est à 1,, pou c ; la locaterie la P!,iS rapprochée , la plus
précieuse,-est a lu i, sans qu il l'ait demandée ni réservée, lorsqu’il ¿toit ques
tion de Vendre toute la (erre, ni lorsqu’il l’a vendue.
�(
«
«
«
cc
13
)
4
^
prient; d’ailleurs je suis, D ieu m erci, aimé et estimé de tout
le monde ; on a bien dû vous le dire dans le pays. S i j ’osois,
je présenterois mes respects à votre aimable famille, que je
désire bien connoître (i5). »
V oilà cetle correspondance. S’ il n’en sort pns la con
viction la plus intime, la démonstration la plus com
plète que les parties ont toujours etc en marché de la
terre de Chain p follct , telle qu’elle étoit, il faut renon
cer à rien prouver.
L e docteur lu i-m ê m c n’oseroit le n ier; il n’a pas
porté jusque-là sa logique : mais il a un bien meilleur
moyen pour en repousser les inductions. Ces lettres ne
sont point le contrat, d it-il; ce n’est pas par ces mis
sives que j’ai ven d u ; je ne dois v o i r , et la justice ne
doit consulter que mon acte.
( i 5) Chopin craint tellement d’avoir éloigné son acquéreur, qu’après être
allé le chercher chez lu i, et ne l’avoir pas tro u vé, il lui promet de l'attendre
à Argentac ; il compte tellement sur sa p a ro le , il est tellement plein d’atten
tions, de prévenances, qu’il a com m encé, d it-il, à déménage r de Ch.impXbllct. Il sera le meilleur voisin du m onde; d'ailleurs voisin qu’on ne doit pas
craindre, puisqu’il sera assez loin du château. Il est si timide , qu’à peine il ose
respectueusement offrir scs hommages à l ’aim able fa m ille .
A in s i, après avoir présenté à son acquéreur la terre de C ham pfollet , lui
avoir exalté les avantages de cette superbe terre toute d'une p iè c e , en insis
tant sur une seule réserve, le sieur C h o p in , par cette lettre, essaye d’.ibord
de piquer son am our-propre en lui rappelant qu’il a offert un prix qu’on a
accepté, et qu alors il consentait à celte réserve, en paraissant croire qn’i l
cherche un prétexte honnête pour retirer sa parole. li prend ensuite le ton
doucereux, cherche à s’ insinuer, à séduire : il y parvient à force de souplesse;
ct c’ est ce patelinage qu’il appelle aujourd’hui de la bonn i foi ; c’cst ce langage
qu d ne veut plus a v o u er, parçc qu’aprèj en avoir si bien profité il ne veut
p<ii qu on Jo lui oppose.
�( i 4 )
B ravo, D octeur! il faut compter pour rien ce que
vous avez dit, ce que vous avez écrit, les états que vous
avez donnés à votre acquéreur, les promesses que vous
lui avez faites, etc., etc. B ra vo ! cette morale-ci vaut bien
l ’autre ; mais il n’est pas difficile de répondre.
L a vente est consentie cinq semaines après ces lettres;
elle en est la suite immédiate; elle en est le résultat,
comme ces lettres en sont les élém ens, et en contien
nent les bases. Ces bases ont bien servi au sieur Chopin
pour amener son acquéreur à augmenter le prix! et après
.
en avoir profité, sous ce rapport, il pourrait les renier
aujourd’h u i, parce qu’elles expliquent sa v en te?
E n second l i e u , la vente est consentie pour le prix
promis et accepté par les lettres ; ce qui prouve que les
conventions n’ont pas changé depuis.
E lle est consentie des mêmes objets ; car elle est faite
de la terre de Cham pjbllet , sous la seule ré se rv e de
la m aison des C lu itelan s, etc. j ca r on sc d é p a rt de la terre
de Cham pjbllet , circonstances et dépendances.
L a vente est donc parfaitement concordante avec les
lettres;
vendue
sement
C ’est
elle est aussi générale, aussi absolue : la terre est
en masse; les objets réservés y sont bien soigneu
désignés : tout le reste est donc vendu.
là un principe de droit bien ce rtain , car on ne
sauroit admettre à la fois une réserve expresse et une tacite.
L e s restrictions, les réserves m entales , dit un auteur,
rûont point cours dans ce genre de commerce.
Q u ’ importe le détail artificieux qui sc trouve intercalé
dans l’acte ! Quel cas a dû eu faire le sieur de SaintBeauzille, la tête pleine des idées que la correspondance
�à tt
y avoit imprimées; l’esprit rassuré par les protestations
de Chopin , par les termes généraux de l’acte, par cette
réserve dont le sieur Chopin ne se tirera jamais ! car les
objets réservés, on le sait, ne faisoient partie ni de la
réserve du château, ni des trois domaines^ ni des sept
locateries.
A la bonne heure, dit C h o p in ; mais c’étoit une pré
caution de plus.
Q u ’ il dise, un piège de plus! Mais adoptons même
qu’il eût cru pouvoir prendre cette précaution ; qu’il nous
apprenne au moins com m ent, s’il n’eût vendu que des
objets dont cette réserve étoit indépendante, elle eût pu
être l’objet d’une discussion si sérieuse, qu’elle a été à la
veille d’occasionner une rupture! Q u ’avoit à y voir l’ac
quéreur? quel droit auroit-il eu de s’opposer à cette ré
serve, si la vente n’eût pas été de la masse, de la tota
lité de la terre, des biens p atrim oniaux ?
L e sieur Chopin sent tout cela ; aussi a-t-il cru devoir
se retrancher dans un moyen tout autre. Il prétend que
le sieur de Saint-Beauzille « exécuté la vente ; il invoque
l’art. 1325 du Code Napoléon ; il va presque jusqu’à
créer une fin de non-recevoir.
( i5 )
E t ce moyen , le seul dont il ait fait du b ruit, a trouvé
quelques sectateurs!
L ’air de bonne foi du docteur a trouvé des partisans!
Personne , au re s te , moins que le sieur de SaintBeauzille , n’a le droit de s’en étonner ; il s’est laissé
prendre lui-même à cet air mielleux.
Mais voyons cette exécution dont on n’a fait tant dû
fr a c a s que dans l’espoir de jeter de la poudre aux yeux,
�Q u ’est-ce que l’exécution d’un acte ? Il y en a de deux
sortes.
L ’une consiste dans un f a i t , une action qui, émane
d’une volonté bien prononcée : il n’y a même que ce
premier cas qui constitue une exécution.
- <
S i , par e x e m p le , le sieur Chopin , après sa vente ,
avoit mis son acquéreur en possession des trois locateries
contestées, que ce fait fût légalement constaté, et qu’il
n’eût pensé à les réclamer que long-temps après, ce seroit
une véritable exécution. Il auroit beau réclamer ; il
auroit beau dire : J ’ai vendu limitativement sept locateries ; rien n’est plus clair et moins susceptible d’ambi
guïté ; on lui imposeroit silence en une phrase ; on lui
diroit : Si votre acte ne portoit réellement d’autre ex
pression que celle de sept iocateries, les trois que l’ac
quéreur auroit prises de plus n’en seroient pas moins à
vous, parce qu’évidemment elles ne seroient pas vendues.
IVlais ici , outre la d é s i g n a t i o n n u m é r i q u e , il y a une
expression générale : vous avez livré tout ce que cette
expression pou voit com prendre; de là, quelque force
que vous puissiez attribuer à la num ération, s’élève
contre vous une présomption assez forte pour servir de
règle à votre acte et à votre intention.
Et dans ce cas là même où la présomption naîtroit
d’un fait positif, d’une action, elle n’exclueroit pas tout
autre moyen légal d’expliquer la vente.
Il en est bien autrement de î exécution qu’une partie
veut induire d’ un lait purement passii ; par exemple ,
du silence de l’aulre.
Si lu partie qui scprétcndlésée ou trompée ne se plaint
pas
�( 17 )
pas aussitôt, qu’elle garde long-temps le silence, il s’élève
alors une présomption qu’elle ne s’est pas crue autorisée
à réclamer plus qu’elle n’a : cette présomption n’est rien ,
si l ’acte est clair; elle peut tendre à l ’expliquer, s’il est
ambigu.
•
- * .
Mais pour cela il faut que plusieurs circonstances con
courent ; que le silence soit absolu -, qu’il soit assez pro
longé pour qu’on puisse y vo ir une interprétation réfléchie
de l’acte ; enfin que la présomption qui eu naît ne soit
effacée par aucun au tre m o y e n de fait ou de droit. Car
si le silence a été co u rt, s’il n’a pas. été absolu, et que dans
les premiers instans la partie ait témoigné qu’elle croyoit
avoir acquis ce qu’elle a demandé ensuite , ses délais
ne sont plus rien*, ils peuvent n’être dictés que par la
prudence.
* '
,
:
Observons d’ailleurs que le silence même absolu ne forme
qu’ une de ces présomptions ordinaires qui sont laissées
à la prudence du juge, qui par conséquent ne sont plus
rien si l’acte s’explique sans elles, et surtout par des écrits;
une de ces p ré so m p tio n s q u e la lo i n e p erm e t au ju g e
de compter pour quelque ch ose, que lorsqu’elles sont
graves, précises , concordantes; qu’il ne lui permet
d’admettre que dans les cas où la preuve testimoniale
est admissible. ( A rt. 1353 du Code civil. )
Ainsi d o n c , quand le sieur de Saint-Beauzille auroît
gardé un silence absolu depuis le 6 ventôse an 9 jus
qu’au 16 vendémiaire an n ? date de sa première de
mande, ce ne seroit qu’ une présomption ; mais une pré
somption trop légère pour pouvoir interpréter l’a clf, et
justifier le vendeur ; présomption qu’il ne seroit pas même
C
�laissé à la prudence du juge d’admettre comme telle,
parce qu’elle ne seroit ni grave, ni précise , ni formée
par une foule de circonstances concordantes ; présomp
tion enfih qui ne seroit d’aucune utilité pour l’inter
prétation de l’acte, puisque le sens en seroit fixé par
des moyens plus sûrs, plus positifs, par les écrits du
vendeur lui-meme.
M ais le sieutf de Samf-Bea(r¿ille à-t-il donc attendu
dix-neuf mois à exprimer que ces ttois locateries dévoient
lui appartehir ? n’a-t-on jJa's, sur cet article * un1peu passé
à côté de la vérité sur le fait comme sur le droit?
Il achète le 6 ventôse. an 9 ; il repart, et 11e vient
s’établir à CHampfollet qu’à l’époque de la moisson.
On lüi refuse la portion du maître datl5 trois locuiteries;
aussitôt il soumet son contrat de vente à des jurisconsultes
consommés.
Une consultation lui est donnée le 6 thermidor an 9 :
le 22, il notifie son ocle de vente aux locataires, notam
ment à ceux qui jouissent les trois locateries contestées,
et leur signifie de déguerpir.
C ’est ainsi qu'il a pris possession.
Il prend deux autres consultations à P aris, une autre
à Riom , dans le cours de l’an 10.
Il se pourvoit en justice le 26 vendémiaire an i r .
E t l’on ose se faire un moyen de ce qu’il n’a joui
que sept locateries ! Les trois autres n’étoient pas en
son pouvoir -, il ne pouvoit que les réclam er comme
il l’a fait : la loi 11e lui permeltoil pns de s’y installer
de vive force ; elle ne lui ordo 11n'oit pas , sous peine
de déchéance, de les réclamer le lendemain; elle ne lui
défendoit pas lu reilcxion.
�^
( I9 )
Il n’y a donc pas un silence absolu; le sieur de SaintBeauzille n’a donc pas pensé pendant deux ans que son
acte ne lui transmettoit que sept locateries.
Il ne s’élève donc pas la moindre présomption contre
lui.
^
L e sieur Chopin a senti aussi-bien qu’ un autre toute
la foiblesse de l’objection ; il a essayé de la fortifier p a r
d’autres circonstances.
I l dit ( pag. 1 3 et 1 4 de son(m ém oire ) que le 1 6 plu
viôse an 10 le sieur de Saint-Beauzille demanda la res
t i t u t i o n , des bestiaux de la réserve, et rien de plus ;
Q ue les créanciers lui ayant fait commandement de
p a y e r, . il y ¿forma opposition j qu’il fut condamné à
payer, par un jugement et un arrêt confirm atif;
Que >
ju sq u e-là il n éto it point encore question des
trois locateries.
V o y o n s .s i , pour soutenir un faux système, le sieur
Chopin ne s’avise pas de tromper encore la justice sur
■
ces points de. fait.
\Lors de l ’acte 1relatif aux bestiaux , qui n’est qu’ une
-citation en-conciliation, le sieur de Saint-Beauzille s’est
. réservé tous>autres droits et demandes à ¡fo rm er, et
autres prétentions , conformément à Vexécution de, son
contrat d’acquisition, \ oilu. pour le premier ob jet, sur
, lequel il n’y
encore , de la part de Chopin , qu’une
èscobarderie : voyons le second.
'
E n se faisant un moyen du silence du sieur,,de SaintBeauzille sur les trois locateries, lors de l ’ i n s t a n c e avec
les créanciers, Chopin-avoit sans doute la procédure sous
'^les yeux.
�(
20
.)
Eli bien! qu’on ouvre le premier acte intervenu sur
le commandement de payer, la requête d’opposition, on
y lira ( ce qu’il y sa voit bien ) , parmi les moyens d’op
position que le sieur de Saint-Beauzillc présentait :
« D ’ailleurs l’exposant ne jouit qu’en partie des objets
« qui lui ont été vendus par l’acte du g ventôse an 9 ,
' c< et' notamment il est privé de la jouissance de trois
« locateries dont il se -propose de fo rm er demande. Les
«. bestiaux de la réserve, qui lui ont été vendus, ne lui
« ont point été liv r é s ......... La jouissance actuelle d ’ une
«
«
«
«
«
«
it
quatrième locaterie lui est encore refusée......... A in s i,
d’après tout ce qu’on vient de dire, l’exposant est bien
fondé à former opposition au commandement qui lui
a été f a i t , soit pour en obtenir la m ain -levée, soit
pous faire ordonner que ledit commandement restera
sans effet jusqu'il ce que toutes les difficultés sub
sistantes , et dont on vient de parler , seront appla-
« 7¿¿es. »
Cette requête que Chopin avoit sous les yeux lors du
m ém oire, puisqu’il parle de Tordonnance de surséance
qui est à la suite; cette requête, dit-on, était bien an
térieure au jugement de Gannat et à l’arrêt de la cour.
Cependant, suivant C hopin, il n’étoit point question
alors des trois locateries .
V o ilà un mensonge bien grossier, bien v o lo n t a ir e ,
bien réfléchi : il a échappé à Chopin. Mais ce Chopin
est si v r a i, si ingénu, que la justice ne d evra pas croire
q u ’ il ait m en ti pour le besoin d'une mauvaise ca u se ,
quoique la preuve en soit b ien acquise. Il ne ment pas,
car il offre de prouver tout ce qu’il dit, sachayt bien que
�'la preuve est inadmissible, qu’on la contestera , qu’il
n’insistera que pour la forme , et qu’il aura pu séduire
quelqu’un.
Et cependant ce mensonge, une autre inexactitude de
fait, et un sophisme sont toute la base de son moyen
d’exécution.
Et c’cst le seul moyen sur lequel il ait insisté; le seul
qui ait pu éblouir quelques esprits.
Si on l’écarle, que reste-t-il aux deux adversaires du
sieur de Saint-Beauzille ?
Il reste à Chopin la ressource de torturer son acte et
de renier ses propres écrits;
A M agot le mérite de rapporter deux titres, et de
plaider contre tous les deux.;
A l’un et à l’autre la stérile jouissance d’accabler leur
adversaire d’injures, d’épitliètes outrageantes, au grand
scandale de la justice et des auditeurs ;
E t pour parvenir à cet odieux trio m p h e, soutenir au
jourd’hui un système, demain un autre; avancer un fait,
et bientôt le rétracter ; se contredire sans cesse , avant
comme depuis le procès; mettre de côté tout ce qui est
franchise, et arborer la plus étonnante duplicité.
E t le sieur de Sain t-B eauzille seroit la dupe de ce
honteux concert de fraude et de mauvaise foi !
E h quoi ! la bonne loi n’est-elle donc plus lVime des
contrats? l’ordre et l’harmonie de la société auroient-ils
cessé de reposer sur cetle base immortelle? les tribu
naux auroient-ils de plus bel apanage, que d’en protéger
les exemples et d’en punir les infractions? t r o u v è r e n t ils jamais une occasion où ils fussent plus sûrs d’être les
�( «
)
organes'de la justice, qu’ils le seroient en confirmant un
jugement fondé.sur ce principe?
Que peut-on désirer pour l’éclaircissement.des faits?
Q u’y a-t-il de plus certain dans ¡le droit?
L ’homme q u i vent vendre , a dit quelque p a r t un
a n cien , se f a i t ordinairement un plan pour l’exécu
tion de son dessein. I l arrange, il ajuste ce plan ; il
met ¿1 part certain nombre de paroles étudiées qu’ il y
f a i t entrer, après les avoir librement concertées , tantôt
avec ses désirs , et tantôt avec ses intérêts. D e lit ré
sulte ime résolution bien fa rin ée de porter la vente
aussi haut q u i i p o u rra , et d’abuser sans scrupule
de Vimprudence et delà sim plicité des acheteurs. Maitre
et possesseur de ce q u i i v e n d ,'il n’ a seulement à se
garder que de tendre trop de pièges ; enfin il dicte les
conditions’ de la vente .............. Q u ì i s e x p li q u e donc
n e t t e m e n t , et 'q u ’ i l d a ig n e *a w m o in s'p r e n d r e la p e in e
d e 'b i e n d é c la r e r se s v o lo n tés. I l ¡ l u i est p lu s f a lc ile
de dire Ce qu’ il pense , qu’ à d’autres de le deviner ou
de le comprendre.............. D ir a -t-il q u i i n’a i p a s. su
7/lieux démêler ses intentions ? il justifie Vacheteur q u i
les a m al entendues ; avoue-t-il qu’ i l m ’a pas voulu
pârler plus ' clairement ? i l se condamne : 'mais on
voit bien qu’ i l ne tenait q u ìi lu i de dissiper les ténèbres
q u i i 'ci volontairement épaissies. Illu m in é tout à coupi
il éclaircit ses idées , ses expressions ; 'il parle devant
rles’ tribunaux une autre langue que dans les contrats :
il Cst donc juste que' l'équivoque farmée> de la fr a u d e
oiiïde Vinadvertance du vendeur s'explique uniquem ent
contre‘ lui. L e moyen 'de disculper un homme en q u i
�.( 23 )
/ ¡é 5
Vamour de la vérité n a pu débrouiller les pensées
que Vamour du gain développe ! ......... Tout conspij'et-il donc contre V.acheteur? toi{t est-il permis pour le
tromper ?
L e sieur Chopin ne veut pas qu’on le reconnois.se dans
ce vieux portrait \ mais qui, manquera de l’y voir tout
entier? d’y lire la conduite qu’il a tenue? Et pourquoi
l’a-t-il fait ? parce qu’il savoit bien que pas un, acqué
reur au monde n’eût voulu de sa terre, s’il eût çéservç
la locaterie de Guillaumie.
E t si cette réserve tacite étoit admise, ces objets, on
le sai t , appartiendroient aux créanciers, q u i, dans la
procédure tenue avec le sieur Sauret, s’en sont expres
sément réservé le droit, en déclarant qu’ils n’eussent pas
consenti à des sacrifices considérables, qu’ils n'auroient
pas souscrits sans la condition que Chopin leur délais—
seroit la généralité de ses biens patrim oniaux , et qu’ils
seroient tous compris dans la vente consentie au sieur
de Saint-Beauzille.
E t l’on soutient la corrélation 1
O ù est d on c le d ro it du sieu r Chopin à ces trois locateries ? Et si les créanciers qui les ont abandonnées
entendoient qu’elles fussent vendues au sieur de SaintBeauzille, de quel droit veut-il les contester?
Il cherche h inspirer de la pitié ! Il n’est devenu pauvre
que parce qu’ il n’a pas voulu payer ses dettes en assi
gnats *, il est sensible et b o n , et on le persécute, etc.
Il nvoit son état : son père lui a laissé une belle for
tune et 60000 francs de dettes *, toutes les autres sont de
sa création.
�( 24)
>
, .
Et ce n’est pas pour avoir fait de mauvaises affaires !
si au lieu de faire un roman cynique, en remuant les
cendres de son p è re , il avoit parlé de lui-même, on en
auroit mieux connu la cause. .
Ce n’est pas pour n'avoir pas voulu les payer en as
signats : loin de le p o u v o ir , il en a contracté à cette
époque.
E h quoi ! il a dissipe plus qu’ il n’avoit; il a obtenu de
ses créanciers une perte de 33 pour 10 0 , sa n s être négo
ciant n i banquier ; il conserve par ce moyen p lus de
60000 francs de fo rtu n e, et il veut inspirer la pitié !
Il veut contester ce qu’il a vendu !
C ’en est trop; toutes réflexions seroient inutiles : certain
de la bonté de sa cause , le sieur de Saint-Beauzille attend
avec sécurité l’arrêt de la cour; et dût-il éprouver autant
de sévérité de la décision, qu’il a essuyé d’outrages de
la défense, il n’en portera pas moins dans l’intérieur de
sa f a m i l l e , et dans l e s e i n d e l a s o c i é t é , l e témoignage
d’ une bonne conscience et d’une loyauté que ne sauroient
lui arracher ni l’injustice des hommes, ni les revers de
la fortune.
M c. V I S S A C , avocat.
M e. T A R D I F , avoué licencié.
A R I O M , de l’imprimerie de T h i b a u d - L a n d r io t , imprimeur
de la Cour d’appel. — Mars 1808.
�
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The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
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Description
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Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Labrue, Jacques. 1808]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Vissac
Tardif
Subject
The topic of the resource
créances
locaterie
ventes
domaines agricoles
assignats
Description
An account of the resource
Titre complet : Observations pour le sieur Labrue de Saint-Beauzille, intimé ; contre le sieur Chopin, appelant.
Table Godemel : Vente : 11. après un contrat entre ses créanciers contenant un état de son actif immobilier, le sieur Chopin ayant vendu, le 6 ventôse an 9, la terre de Champfollet consistant en une maison de maître, réserve, trois domaines et sept locatairies, en un seul tenant, sous la seule réserve d’une maison et de quelques objets soigneusement désignés et confinés, et tel que le tout avait été énoncé en l’état produit aux créanciers ; a-t-il pu ensuite soutenir que ladite terre de Champfollet contenant dix locatairies au lieu de sept, cette vente ne comprenait pas les trois locatairies de la Guillermie, de Moret et de Paray ? s’il y a, dans le contrat de vente, des clauses obscures et ambiguës, contre qui, du vendeur ou de l’acquéreur, doivent-elles être interprétées ? 12. si le contrat de vente a stipulé, en faveur d’un tiers, réserve de la jouissance de l’une des locatairies, l’acquéreur peut-il, contre la disposition précise et absolue de son titre, prétendre que, d’après un acte antérieur, la jouissance du tiers ne devait commencer qu’après le décès du vendeur ? Clause : - obscure. - s’il y a, dans le contrat de vente, des clauses obscures et ambiguës, contre qui, du vendeur ou de l’acquéreur, doivent-elles être interprétées ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Thibaud-Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1808
An 9-An 10
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
24 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G1818
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
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Paray-sous-Briailles (03204)
Jaligny-sur-Besbre (03132)
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Domaine public
assignats
Créances
domaines agricoles
locaterie
ventes
-
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/¿«À
MÉMOIRE
EN
RÉPONSE,
POUR
Sieur A n t o i n e CHOPIN, docteur en médecine,
appelant d’un jugement rendu au tribunal de
Gannat, le 23 août 1806;
C O N T R E
Sieur J a c q u e s L A B R U E D E S A I N T -B E A U Z I L L E , intimé.
L E sieur Labrue de Saint-Beauzille a acquis du sieur
Chopin la terre de C hampfollet. Les objets qui la compo' sent sont désignés d’une m anière claire et précise. La dé
nomination de chaque dom aine, de chaque locaterie, des
colons qui les cultivent, est rappelée avec soin. Les do
maines sont au nombre de trois ; les locateries au nombre
A
�( 2 )
de sept. L e sieur Saint-Beauzille a tout v u , tout connu.
Des visites m ultipliées, des recherches soigneuses lui ont
appris la consistance de chacun des objets qui composent
son acquisition. Il a profité de l’état de détresse de son ven
d eu r; il a acquis à grand m arché, et trouveroit un béné
fice énorme dans une revente: mais plus le gain est consi
dérable, plus les prétentions augmentent. L e sieur de SaintBeauzille voudroit dépouiller le sieur Chopin des foibles
débris de sa fortune. A u lieu de sept locateries qui lui ont
été vendues, il en réclame d ix ; il crie à la fraude, à la
mauvaise fo i, à l’astuce; il a des regrets d’avoir fait la
connoissance du sieur C h op in ; il a perdu sa tranquillité
depuis qu’il a traité avec un homm e qui sait rédiger arti
ficieusem ent les clauses d’un acte, qui com bine profon
dément les moyens de trom per son acquéreur.
L e sieur de Saint-Beauzille, en s’exprim ant ainsi, ne
s’aperçoit pas qu’il n’est que ridicule; et tous ceux qui
connoissent les de u x parties nous appi-endroient quelle est
celle qui est astucieuse ; ils diroient surtout que le sieur
Chopin , plus occupé de l’art de guérir que de calculs, n’a
jamais connu les valeurs de la place; que toute sa vie il
a été dupe de ceux qui l’ont approché ; qu’il fut souvent
trom p é, mais jamais trom peur; que toujours généreux
et lib é ra l, il a excédé ses facultés, et a fini par dissiper
sa fortu n e, lorsqu’il pouvoit l’augmenter par ses talens
et scs succès.
Les personnalités et les reproches qui sont adressés an
sieur Chopin n’ont aucun trait h la cause; c’est dans les
actes qu’on en trouve la solution. M ais qu’on ne dise pas
que le sieur Chopin a la manie ou la passion des procès ^
�il étoit parvenu à cinquante ans avant de faire donner
aucune assignation. L'e sieur Saint-Beauzille, au contraire,
depuis qu’il est acquéreur de C ham pfollet, a plaidé avec
les créanciers du sieur Chopin pour le payement du p rix ;
il a plaidé avec deux locataires à qui il refusoit le bénéfice
des cheptels ; il a quatre 'procès avec le docteur Chopin ; il
en trois avec le sieur D e la ire , un de ses voisins : en voilà
bien dix de bon compte. Il a succombé dans trois ; les
autres sont encore indécis.
F A I T S .
.
. _
¡
y '
> Il est malheureusement trop vrai que le docteur Chopin
n’a pas fait de bonnes affaires ; il avoit des dettes patrim o
niales. Souvent obligé de recourir à des em prunts, des
intérêts énormes ont accru la dette, et il s’est vu dans la
nécessité de réunir ses créanciers. L e contrat d’union est
du 9 brum aire an 9 r cet acte contient le tableau de l’actif
et du passif. Il propose l’abandon de tous ses biens propres
et p a trim o n ia u x ; il se reserve ceux q u ’il a acquis de la
n ation, la maison qu’habitoit son p è re , l’enclos qui la
jo in t; mais il met pour conditions à cet abandon, que ses
créanciers lui accorderont un délai de six mois pour vendre
ces memes biens le plus avantageusement q u ’ il pourra.
A p rès ce d é la i, s’il n’a pas trouvé d’acquéreurs, il consent
que ses créanciers vendent eux-mem es amiablement, et à
moins de frais possible; ou b ie n , est-il dit dans l’acte, si
les créanciers désirent être désintéressés de suite, le fondé
de pouvoir du sieur Chopin leur offre, en forme de délé
gation , sur le prix qui proviendra de la vente projetée de
A 2
�«I
( 4 )
sa terre d eC ham pfollet, et antres, ses biéns patrim oniaux,
une somme de 90000 fr., pour icelle être ¡payée,' m oitié
le i er. pluviôse prochain, et l’autre m oitié un an ap rès,
à tous les créanciers dont les créances sont exigibles.
L e fondé de p o u vo ir se charge de faire obliger l’acqué
reur au payement des créances p rivilégiées, comme celles
qui dérivent de ventes, de fonds, soultes de partages,
rentes constituées et viagères. .
'x
Les créanciers réunis se décident pour ce dernier parti ;
c’est-à-dire, qu’ils acceptent la délégation proposée de la
somme de 90000 fr. E n conséquence, le fondé de pou voir
oblige le sieur Chopin à faire compter à tous les créan
ciers, par form e d e ’d élégation , sur le p rix de la vente
qu’ il est dans l’intention de faire de sa terre de Cham pfd llet, et autres, ses biens patrim oniaux, la somme de
90000 fr. ; savoir, 45000 fr. le I er. pluviôse lors prochain ,
et le surplus un an après.
P a r l’art. 2 , le sieur C h o p in p ro m et de charger son ac
quéreur de toutes les créances non exigibles, tant en rentes
constituées que viagères, soultes de partages, ou autres
créances p rivilégiées, et de désintéresser ses créanciers
de telle manière que la somme de 90000 fr. soit em ployée
en l’acquit des créances exigibles, soit par obligations ou
jugem ens, soit par billets ou mémoires arrêtés.
Il est dit dans l’article 3 que dans le cas où la vente ne
s’efi’c ctueroit pas avant Je 4 nivôse lors p roch ain , les
créanciers sont autorisés, dès l’instant m êm e, à vendre
aim ablement, et aux clauses, charges et conditions les
plus avantageuses, tant la terre de Cham pfollet que les
autres biens p a trim o n ia u x, suivant qu’ils sont ‘énoncés
�( 5 )
■
dans l’état de l’actif annexé au traité d’union, et sous les
réserves exprim ées'en ce traité.
-i
A u moyen de ces conventions, il est fait remise au
sieur Chopin de tout l’excédant qu’il pourrait d evoir;
on lui donne m ain-levée de toutes saisies; on consent que
les biens réservés, et ceux que le sieur C hopin pourra
acquérir par la suite,¡dem eurent en ses mains quittes et
déchargés de tous d roits, créances et hypothèques,*-*;
Les créanciers se nomment entr’eux des syndics pour
assister aux ventes d u sieur C h o p i n , accepter les déléga
tions, en recevoir le m ontant, régir les biens, si les ventes
ne s’effectuent, jusqu’au moment où ils vendront euxmêmes volontairement. L e sieur Chopin ne pourra révo
quer la procuration qu’il donne à cet effet, et jju i est
annexée au contrat d?union.
‘
^ n
Enfin il est interdit au sieur C h o p in , ¿\ compter du
jour du tra ité , de vendre aucuns bois ni bestiaux, et
de dénaturer ses propriétés. Les commissaires sont au
torisés à en constater . l’état ; il est seulement permis
au sieur C h o p in de disposer des c h e v a u x qui sont à
son usage.
V ien t ensuite l’état des biens du sieur Chopin. Ils con
sistent principalement en la: terre de C ham pfollet, qui se
compose i° . de la maison de maître de C ham pfollet, am
plem ent d ésign ée, avec les fossés et canaux qui l’environ
nent, ainsi que des bâtimens d’exploitation, jardin, etc.
2°. D eux étangs, dont l’un s’empoissonne de quatre
cents, et l’autre de quatre cent cinquante carpes.
3°* T ro is prés de réserve, dont le prem ier fait de
vingt-cinq à trente chars de foin > le second de soixante
�à soixante-dix; le troisième nouvellem ent planté de cinq
cents pieds d’arbres pommiers ou p oiriers, à faire vingt
cliars de foin.
4°. U ne terre jointe à la réserve, de la contenue de
cinquante boisselées, bien close, et en bonne terre.
5°. U n bois futaie , beaux arbres , à la porte de
l’habitation, d’en viro n jvin g t arpenS:
i
" ii
6°. U ne autre petite maison de m aître, com posée, etc.;
c’est (l’objet réservé.
7°. Des pacages trè s-é te n d u s, bons et tr è s -b e a u x ,
pouvant nourrir cent vingt betes à cornes, douze cheT
v a u x , cinquante cochons : tous ces pacages bien plantés
en saules, peupliers, orm eau x, et autres bois.
8°. ;Trois domaines presque tous en cliambonnage j
cultivés ordinairement avec douze pâires de bœufs.
9°. Sept locateries , avec le labour de deux vaches
chacune.
I l est d it , par
f o r m e
¿ ’observation , que l’ une de-ces
locateries a été donnée en- viager au âieur Denis M agot
et sa sem m e, par leur contrat de mariage. Viennent
après les détails sur l’utilité et l’agrément de cette terre,
qu’il est inutile de rappeler. Mais on a cru im portant
d’analiser cc contrat d’union , pour prouver la corré
lation quil y a entre cet acte et la vente dont il sera
bientôt parlé. Il ne faut pas perdre de vue surtout que
l’état de la terre de Cham pfollet, présenté aux créanciers,
n’énonce que sept locateries. Il eut été diilicile de dé
signer les trbis autres, qui ne font point partie de la
terre de Ghnnipfollet : l’une d’elles est nationale, les deux
autres avoient été acquises par des actes particuliers; elles
�(7 )
n’étoient pas même alors à la disposition du sieur C h o p in ,
par des raisons qu’il doit taire, 'niais qu’il ne laissa pas
ignorer aux créanciers dans le temps: Les motifs de son
silence ne lui sont pas personnels-, et le ¡sieur SaintBeauzille en a eu lu i-m ê m e connoissance.
L e sieur C h o p in , comme on le v o i t , étoit pressé de
vendre. L e sieur L a b ru e - Saint -B eau zille se présenta
pour acq u érir; il vin t lui-m êm e-plusieurs fois survies
lie u x ; il parcourut et exam inaotoutes les possessions
avec une attention minutieuse ; il prit des informations
de tous les propriétaires vo isin s, notamment du sieur
Decombes. E n fin , après de fréquentes conférenées ,-dès
explications m ultipliées, une correspondance suivie', et
en ! très-grande connoissance de cause; on ^s’accorda sur
les conditions. U n prem ier acte sous seing p riv é -fu t
souscrit par les parties, le 3 nivôse an 9. Il est im por
tant d’en rappeler les clauses.
. 1 1 ? ;
L e sieur Chopin vend au siçur Labvue-Saint-Beauzille
sa terre de C h am p fo llet, située communes de Paray et
L o n z a t , consistante en la maison de m a îtr e , etc., bois
de futaie en ch ên e, sans en exprim er la contenue; trois
dom aines, savoir, le grand domaine de C ham pfollet, dit
du'Rondet ■
cultivé par Jacques F a u re; celui des Quaissons,
cu ltiv é'p a r les B éguins; celu i!d es'M iô liard /cu ltiv’é pat
Claude T h ev en et; sept lo ca teries, stivoir , celle E l i e ,
située commune du L o n zat, cultivée"par Claude N étira;
celle de la C rô ix -R ô u g e , cultivée par .Claltde Matftin,
dont la joui$sa?tcë èst réservée à IDenis Mrtgot e t 's A
fem m e, au dernier v iv a n t; ainsi que tous les bAtimens
y attenans, jardin et tètfrea, qui consistent, etc. Suivent
�( 8)
les confins très-exacts de cette locaterie. Il est ajouté :
L e tout pour en jouir à la charge des réparations; ledit
M agot et sa femme, auront la liberté / pendant leur jouis
sance', de faire pacager deux vaches et leurs suivans , une
jum ent et son su ivan t, dans les lieux où les bestiaux
de même espèce von t pacager. Quant aux brebis et
cochons, ils iront pacager avec ceux de la terre, sans
que le nombre puisse aller au-dessus de quatre-vingts
brebis et quatre cochons.
L a troisième locaterie, appelée Belair, dite le V ign o b le,
composée de terres labourables, d’un grand clos de vigne
attenant un jardin de -la locaterie, le clos entouré de
haies v iv e s , ensemble tous les ustensiles, consistans en
deux cuves,' une cuve à ch a rro ir, et autres objets s’il y
en a', appartenans au vendeur.
L a quatrièm e locaterie, appelée C haum eton, cultivée
par Pierre Lébre.
.
Jja c in q u iè m e , c u ltivée par Jean B r u n , appelée N e u v e
du P u y , à deux feux.
La
/
sixièm e, appelée la locaterie de C h am pfollet,
cultivée par M arien Caré : il y a une grange de plus
qu’aux autres.
L a septièm e, cultivée par Claude J o a rt, « ainsi que
«
«
«
«
«
«
le tout se limite et com porte, et tout de m ême qu’en
jouissent et les cultivent les ci-dessus dénom m és; avec
tous les droits qui peuvent ou pouvoient en dépendre,
sans en excepter aucuns, tant ceux qui oiïnroient
quelque bénéfice par la suite, que c eux qui existent
actuellement. »
L e sieur Chopin s’oblige à. cet effet de remettre de
bonne
�( 9 )
bonne foi h l ’acquéreur, h sa prem ière'réquisition, tous
les titres concernant la propriété et droits d e 1 ladite
te rre , « sous la réserve que se’ fait le “V en deu r de sa
« maison des Cliâtelans, cou r, jardin , g ra n g e,' et autres
« bâtimens y attenans, ainsi que le clos y joignant! »
Suivent les désignations et confins des objets réservés.
Il est ajouté : « L e tout a in si et* de même 'q u ’ il est
« expliqué par le contrat; d*union tant pour la pro« p n é té que p o u r 'la contenue ; plus , le petit clos de
«r vigne en partie n atio nale, ainsi que le taillis des Bou« rets, commune de L orige. »
t ' :
Cçtte »vente est faite moyennant le p rix-‘et somrrib de
i^ oooo f r . , dont l’acquéreur payera 90000 fr.’/aux>Créànciers d u 1vendeur dont les créances k>nt exigibïdV,* et q u i
sont délégués par le contrat â'abàndoû ét cCunion que
le Vendeur a passé avec les créa n ciers, le 9 brum aire
dernier, et\aux époques fix é e s patrieco'nt'rât. A-'l’égard
des 5oooo fr. parfaisant le p rii^ ils doivent, rester entre ids
mains de l’acquéreur, qui se charge en;cOn$équence“dè
toutes'les créances non exigibles , -rentes pôrptît iielles et
viagères créances p rivilé g iées, bailleurs de fonds \ et de
lüs'désintéresser de telle maniéré qu6 la' somme de 9O000 f;
soit em ployée1totalefnent eti l’âcqü'it rdëg créanciers* des
dettes 'exigibles -, conform ém ent a U vcontrdt d’abaiïdotï
et ¿¿’«/»ow/Et'dans le cas où la somme dô ôddoo fn.né suffiroit pas pour désintéresser les créâhders' (les dettes! non
exigibles, rentes perpétuelles, viagères} créanciers-privi
légiés '^bailleurs, de ïVvnrlc.', [Q vçndout-s’Oljligé dé>paye'r
ce qu’il s’en défaudra ]'^ td e faire eit is<Md!tjue i’iidtiuéB
�( <1° )
reur ne soit aucunement recherché par aucuns des créanciers'des dettes rpon exigibles.;
; J-, -, j (
Toutes ces charges et conditions sont acceptées par
l’acquéreur.
r.'
‘
r • o ,
Il est aisé de s’apercevoir que ce >contrat de vente
est fait conform ém ent et en; exécution du contrat d’union
qui l’avoit précédé/ Dans ce dernier acte lg terre de
Cham pfollet se.co m p o soif é g a le m e n tc o m m e dans la
vente ¡j) de trois dontaines et sept lôcateries. , \iV ‘ v »
L é 6 ventôse suivant', la {vente a- été passée pardevant n o taire; et il y . est dit fque* le sieur Chopin
vend en exéçutiQîi d\i\çontrat iVunioU çt abandon ,passé
avec i ses créanciers, le> 9 brum aire -dernier .et encore
de la délibération des p r in c ie r s , du 9 pluylqse a^issi
dernier. L a vente com prend la terre de Cham pfoUet,
située en la commune de Paray,. e^en celle dp L a n z a t,
consistante en,m aison;4e m aître, la .réserve ,¿etc,, trois
domaines désignés com m e dans l’acte; prép^dent }cS£pt
lôcateries avecjpareille désignation ^ etilen om d& chaque
colon' qui les cu ltivç.f Ma(is on ajoute, .ensuite y, ce,j q<ui
n’é to it?pas dans la> vente sous seing, p rivé ^ q u ç je is ie û r
Chopin v e n d ¡¿nérne. les, gros et \mertiis beütixiUàA qui
garnissent lesditcs.¡terre', réservqv^ cUxmftiAfisf(e tr 1akate rie s, à" Texception de. la portion „des ¿c&loris.-jdVprès
le cheptel > et<enfiore en entier,;iceu?c qtii'^o.nt/daus la
locaterie de la C roix-R ouge ( c’cst Celle donjt ;la| jouis
sance étoit,réservée à 'Mijgot et .sa fem m e). O »
vendre
enpore tous, [les:,fhoü..<tnqUi pourvoient être t.étàblisC L è
sieur Chopin ^ i a i t l«,imemc] réserve de sa maisbn des
�^ 2Ï1 )
Châtelans, etc.1, le tout ainôï et-dd in è ïù ë q ii'il est expliqué
Jp a r le contrat d',u n io n yci-d e ssü si‘ datô ,'Jtant pour la
'p ro p riété que pour la'CQrttenü&hiS-^T/; ie ; Jii'j
’
s* L a contenue du bois:fütàié Westrp^indO :p lu s'eip rim ée
•dans'lat Vente atithentiqùe.;,fr
üiiriod 110 ^ îîoîoo'mIj »
L ’acquéieur doit payer lïi ¿oiiime dé 90000 francs ainsi
qu’elle a été déléguée par le contrat d?i]nioü^ de lalmanière
et aux époques déterminées p a r jà d'élibération dés créan.ciers, du 4 p lu viô se ,-d e la q u e lle 'l’acquéreiitfVi déclaré
avo ir pris connoissancb, ainsi que du contrat-«l’union :
les intérêts de cette som m e de 90000f r a n c s doivent
être payés p a r le vendeur"depuis le g brum aire ju s q u a u 3' n iv ô se, et sont à l a . cïiarge ! dé l’acquéreur à
com pter de ce jour 3 nivôse. I - ' ^ •*'
.
‘ ¡..»I
Mômes conditions pour la*-somme'1 de 'Ôoooo francs
restante, que celles exprim ées en l’acte soùs‘ seing p r iv é ,
avec cette seule différence que la somme de ôoooo francs
doit être totalement em ployée à ¿’acquittement des dettes
non exigibles.
T o u te s les clauses sont acceptées et agréées par les
créanciers, syndics et directeurs présens à l’acte, qui p ro
mettent de faire hom ologuer en justice ou ratifier volon
tairement le contrat d’union et la délibération, par ceux
des créanciers qui n’y sont point Entrés, et avant l’époque
•des payemens.
.
L e contrat se termine ainsi : « En* conséquence de tout
« ce que dessus, le vendeur s’est d évêtu , démuni etdes« saisi de la p ro p riété, possession et jouissance, fruits,
« profits et émolumens de la susdite terre de ChampKf o l l e t , circonstances et dépendances"^icelle, et en a
B 2
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«
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«
; t(
vêtu etsa isiled it acquéreur, pour par lui en faire, dire
e t. disposer^ cpm m e.de sa propre ch o se,, vrai et loyal
acquit ; et à l’exécution des,présentes, dont l’acquéreur
fournira expéditiQnjtant.au vendeur qu’aux syndics et
« directeurs, en bonne et due forme exécutoire, les par' « ties contractantes ont o b lig é , affecté et hypothéqué
« tous, leurs, biens présçns et A v e n ir, et spécialem ent ceu x
cc qui>pei{Ç$ni\'lei\T\^qppariteinri actuellem ent dans. les
« .'comnjtunes de P a r a y q tS a in t-B e a u zille , même ledit
; « acquéreur, parpripilçgç etpréférence 3 la susdite terre
« de C liam pjolletydom aines etlocateriesen dépendons. »
L ’intimé a rappelé avec affectation, page 9 de son
m ém oire, q u e j pour la garantie ;de-cette vente, Chopin
hypothèque vaguement le? bieùs qu’il possède- dans les
communes de Paray et du L on zat; ce ü’est pas tout-à-fait
exact, car les biens du Lonzat ne sont point hypothéqués.
L ’intimé avoit annoncé que cette remarque auroit son
application dans la s u i t e ; m a i s il a oublié d y revenir.
A u surplus, il n’est pas inutile d’observer que la dernière
clause où l’on fait départir le sieur Chopin de sa terre
de Cham pfollet, circonstances et dépendances d’icelle, a
été ajoutée dans le contrat notarié ; qu’il n’en est nulle
ment question dans l’acte sous seing p r iv é ,' où il n’est
parlé que des sept locateries, ainsi que le tout se lim ite
et com porte, et tout de même qu'en jou issen t et les cul
tivent les ci-d e ssu s dénommés. O n ne dira pas, sans
doute, que cette différence ou cette addition est une suite
de Vastuce et de, Vartifice du sieur Chopin.
L e sieur Labrue-Saint-Bcauzille se met en possession
de cette terre de Cham pfollet et des sept locateries qui
�( i3 )
^
lui sont vendues; il perçoit la récolte de l’an 9 , sans
, aucune réclamation contre qui que ce soit.
A i'rive l’époque du prem ier payem ent, en pluviôse
an 10. L e sieur Saint-Beauzille n’avoit pas du tout l’in
tention de se lib érer; il ne payoit que l’intérêt légal à
cinq centimes par franc : ses fonds étoient beaucoup m ieux
placés ; mais il falloit trouver des prétextes pour retarder
le versement qu’il d e v o ir faire.
L e 16 pluviôse an 10 , il cite le sieur Chopin en conci
liation sur la demande q u ’il v eu t form er contre l u i , en
restitution des bestiaux de la réserve de C h am pfollet,
faisant, suivant lu i, partie de son acquisition, et q u ’il dit
avoir été enlevés par son vendeur. L e sieur de SaintBeauzille ne demande rien de plus ; il avoit cependant eu
le temps de s’apercevoir qu’il n’avoit que sept locateries
au lieu de dix.
Cette citation n’eût pas été un grand m oyen pour
arrêter sa libération ; il l’abandonne : mais il provoque
le sieur Sauret, créancier h ypoth écaire, et qui n’avoit*
point adhéré au contrat ■d’union. Il se fait assigner en
déclaration d’hypothèques, dénonce cette demande, le
18 ventôse an 1 0 , au sieur Chopin et aux créanciers
unis. Il soutient que les créanciers unis doivent le garantir
des poursuites du sieur Sauret. Les créanciers, qui p ré
voient son intention, ne veulent pas en -être dupes; ils
lui déclarent qu’ils consentent à ce qu’il se retienne le
montant de la créance Sauret. L e sieur Chopin offre
de remplacer cette somme dans la caisse des créanciers;
ceux-ci acceptent cette offre, et font le commandement
à Saiut-Bcauzille de payer les termes échus.
�Opposition au commandement. Ordonnance de sur
séance, on -ne sait pourquoi. On en vient à l’audience ;
Saint-Beauzille est condamné à payer. Il interjette appel
en la cour t arrêt confirmatif. Saint-Beauzille prend son
p a r ti, paye'les d ép en s, et évite l’expédition de l ’arrêt.
Jusqu’ici il n’est point encore question des trois locateries. A in si le sieur Saint-Beauzille a joui deux ans entiers
sans se plaindre ; il a exécuté pleinement le contrat -, et
on verra dans la suite si cette exécution pendant deux
années n’explique pas assez clairement tout ce qu’il pourroit y avoir d’équivoque , s’il est vrai qu’il y ait quelque
am biguïté dans les expressions du dernier contrat.
Ce n’est qu’en l ’an 1 1 , et le 26 ven dém iaire, que le sieur
Saint-Beauzille a fait éclore un nouveau procès, et contre
le sieur C h o p in , et contre les créanciers unis. Il dem ande,
i ° . la résiliation de la ve n te , avec restitution des sommes
qu’il a payées à com pte, le remboursement des l o y a u x
C O Û l S ,e t des d o m m a g e s - i u t é r ô t s .
Subsidiairement, il conclut i°. à ce que le sieur Chopin
le fasse jouir de trois locateries appelées G ailler m ie, des
M oret et P a r a y , comme dépendantes de son acquisition,
et retenues par le sieur Chopin.
V o ilà déjà le sieur Saint-Beauzille qui reconnoît que
chacune de ces trois locateries a une dénomination qui
lui est propre. Q uelle apparence que le sieur C h o p in , qui
lui en a vendu sept, en les désignant chacune par le nom
sous lequel elles sont connues, lui ait aussi vendu les trois
autres qui diffèrent si essentiellement cntr’elles !
Ce n’est pas to u t; le sieur Saint-Beauzille veut encore
que le sieur Chopin lui fasse la contenue du bois futaie;
�( i5 )
Q u’il remplisse la contenue de tous les autres objets
de la ven te, d’après l’état annexé au contrat d’union ;
Que le sieur Chopin lui fasse raison de la plus-value de
la majeure partie de ces mêmes objets, attendu qu’ils ont
été désignés comme situés en cliam bonnage, tandis qu’en
viron moitié est en varenne; à défaut de ce, il conclut à
ce1: que le sieur Chopin soit condamné à lui payer la
somme de 40000f r a n c s , pour fausse désignation, et fausse
énonciation de contenue.
L e sieur de Saint-Beauzille demande encore que le sieur
Chopin le fasse jouir de la locaterie de la C r o ix - R o u g e ,
retenue par D e n is M agot et sa fem fne, dès le moment
même de la v e n t e , quoiqu’ils n’en aient la jouissance via
gère qu’après la morUdu sieur Chopin : à défaut de cette
jouissance,le sieur Labrue-Saint-Beauzille demande 800/r.
par a n , jusqu’au décès du sieur Chopin.
' Si
chaque locaterie vaut 800 francs par a n , la vente en
comprend sept qui1 donneraient'annuellem ent 56oo fr. ;
il en demande trois autresj q u i,'a u même p r ix , produiroient 2400 francs
ce qui feroit un revenu de 8000 fr.
Si 011 y ajoute le produit delà réserve et des trois domaines,
ce> qui est encore au-dessus des locateries, il en résulteroit
que le sieur Saint-Beauzille auroit 16 0 0 0 francs de rente,
un&i belle! m aison, pour un capital de 140000 francs : ce
serüit stins douté une grande et heureuse spéculation.
^- A r riv e le tour des créanciers unis. L e sieur SaintBeauzille demande qu’ils soient tenus de le faire jouir
intégralement des objets vendus, ou qu’il soit autorisé
^ “r etenir sur ce qu’il doit la valeur des objets manquans.
Dans le cas bù les sommes dont il reste débiteur seroient
�insuffisantes pour le dédom m ager, il conclut à ce que les
créanciers soient tenus de lui rapporter ce qu’il en man
quera.
L e i 5 nivôse an i i , assignation aux fins de la cédule,
après procès verbal de non-conciliation.
M ais bien tôt, et par acte du 23 brum aire an 1 2 , le
sieur Saint-Beauzille se départ de son assignation du i 5
nivôse précédent.
L e même jour il cite de nouveau le sieur Chopin
les créanciers un is, et Denis M agot et sa femme.
Contre le sieur C h o p in , il demande la délivrance des
trois locateries M o r e t, Guittcrm ie et P a r a y , comme
n’étant pas comprises dans aucunes des réserves portées
au contrat de vente; il conclut à la restitution des jouis
sances depuis le 3 nivôse an 9 , date de la vente sous[
seing privé.
20. Subsidiairem ent, dans le cas où la jvente.iseroit
isolée, du contrat d’ union , 'l’mtiin<5>e x ige la délivrailCOj
de, tous les biens nationaux acquis par le sieur Chopin
non réservés par la ven té, et attachés, lors d’içelle', au^r
réserve, domaines et locateries désignés dans les contrats
de nivôse et ventôse an 9 , avec restitution des jouissances
depuis le 3 nivôse.
. ;i ; ,r;n
> i
;«{• -r
,
30. L e sieur Labrue-Saint-Beauzille prétend’ ¡à (une
indemnité résultante du déficit dans les contenues,.qualités
et produits énoncés par le sieur Chopin dans l’état an
nexé au contrat d’union , et énoncé dans sa correspon
dance avec le sieur de Sain t-B eau zillc, notamment jdans
le défaut de contenue au bois futaie que le sieur CJiopini
avoit donné pour vingt arpeus, taudis qu’il n’en n.que
quatre.
�( ï7 )
4°. L e sieur Labrue de Saint-Beanzille demande les
bestiaux garnissant la réserve lors du sous-seing p rivé
du 3 nivôse an 9 , spécialement vendus par l’acte passé
devant notaires, et enlevés par le sieur Chopin entre
le sous-seing p rivé et l’acte public.
5o. L e sieur L abrue conclut à une indem nité pour
des arbres prétendus enlevés par le sieur C h o p in , entre le
contrat d’union et la vente de nivôse, au préjudice de
la clause prohibitive écrite dans le contrat d ’union.
6°. Il demande la remise des titres de propriété de
,1a terre de C liam pfollet, sinon à être autorisé à en faire la
recherche aux frais du sieur Chopin , avec dommagesintérêts pou r les titres qui se trouveroient manquer.
7 0. Il conclut à ce que le sieur C hopin soit tenu de
le faire jo u ir, et de le mettre en possession de la locaterie de la C roix-R ouge.
Contre D enis M agot et sa fem m e, il demande qu’ ils
soient tenus d’adhérer aux chefs de conclusions concer
nant la locaterie de la C roix-R ouge.
E t en fin , contre les créanciers unis , à ce qu’il soit
sursis au payement du prix de la vente jusqu’à ce qu’il
ait obtenu pleine et entière satisfaction sur tous ses
chefs de demandes.
Bientôt le sieur L ab ru e-S ain t-B eau zille est forcé de
reconnoitrc qu’il n’a pas raison avec les créanciers; il
se départ de sa demande en ce qui les con cern e, par
actes des 3 et 4 floréal an 1 2 , et ne veut désormais avoir
«flaire qu’avec le sieur Chopin , Denis M agot et sa
femme.
Il obtient même contre e u x , le 28 du même mois
C
�( i8 )
de flo réa l, un jugement par défaut; et il n’est pas inutile
d’observer qu’il expose dans ce jugement q u 'il se st
j?iis en possession de la terre de C ham pfollet, c l ï e x
ception des trois loca tenes des M o r e t , de la G uillerm ie et de P a r a y , om ises p a r A n to in e Chopin dans
Tacte de vente par lu i consentie à L a b r u e , etc.
Sur l’opposition à ce jugement de la part du sieur
Chopin et de Denis M agot et sa fem m e, l’affaire a été
portée à l’audience du tribunal de G annat, le 23 août
1806, où est intervenu un jugement contradictoire dont
la teneur suit :
« Y a-t-il corrélation parfaite entre l’acte du 9 brum aire
« an 9 , et l’acte de vente du 6 ventôse suivant?
« L e sieur Chopin p o u vo it-il, nonobstant le contrat
« d’u n io n , vendre l’universalité de ses biens ?
« L ’acte de vente du 6 ventôse , de la terre de Cham p
ee fo lle t, transmet-il au sieur Saint-Beauzille l’universa« l i t ó de c e t t e t e r r e , o u s e u l e m e n t le s o l j j e t s désignes
k audit acte ?
« L e demandeur est-il fondé à réclam er toutes les
« dépendances de la terre de C h am p fo llet, même les
cc restitutions de jouissances à com pter de son contrat
« d’acquisition ?
a
«
«
«
« Est-il également fondé à réclam er le p rix des bestinux vendus par le sieur C h o p in , dans l’intervalle du
contrat d’union à l’acte de vente du 6 ventôse, et des
bois que cc dernier auroit fait abattre dans le même
intervalle de temps?
« Est-ce le cas de donner acte au sieur Chopin de ses
« offres de remettre au sieur Saint-BeauziUe les titres
�/ fo l
( r9 )
concernant les propriétés de la terre de Cham pfollet?
« La jouissance d’ une locaterie, réservée à Denis M agot
et sa fem m e, d o it-elle avoir son effet à co m p te rd e
l’acte du 6 ventôse , ou seulement ¿\ compter du décès
du sieur Chopin ?
«
«
«
«
«
«
«
«
«
«
«
« Considérant que l’acte fait entre le sieur Chopin et
ses créanciers, le 9 brum aire an 9 , quoique rappelé
dans le contrat de vente du 6 ventôse suivant, est
absolument étranger au sieur Saint-Beauzille; que par
conséquent il n’existe aucune corrélation entre ces
deux actes ;
« Considérant que cet acte n’ôtoit pas au sieur C hopin
la faculté de vendre la partie de ses biens patrim oniaux qu’il n’avoit pas compris dans l’actif par lui fourni
« à ses créanciers ; que dès-lors il a voit la faculté de
« les vendre en totalité ;
« Considérant que l’acte de vente du 6 ventôse com cc prend la terre de C h am p fo llet, avec toutes ses cir« constances et dépendances, moins quelques objets ré« serves;
« Considérant que la réserve expresse consignée audit
« acte ne permet pas d’en supposer une tacite, surtout
k loisqu a la suite de la designaion le vendeur transmet,
« délaisse au profit de l’acquéreur toutes les circonstances
« et dépendances de sa terre, et que ces mots génériques
« ne sont pas restreints aux objets désignés;
« Considérant que , d’après le sentim ent'de D om at
« et de P o tliic r, le vendeur est obligé d’expliquer clnic< renient et nettement quelle est la chose vendue; que,
« suivant l’art. 1162 du Code N apoléon, les conventions,
G a
'"* /
�rk
(' 20 )
« lorsqu’elles sont de nature u produire du doute, s’in« terpretent eu faveur de celui qui a contracté;
« Considérant qu’il est avoué et reconnu entre les
« parties que trois locateries dites M o re t, la G uillerm ie
« et P a ra y, faisoient partie des dépendances de la terre
« de C h am p follct, avant le 6 ventôse de l ’an 9 , et que,
« nonobstant ce contrat de vente, elles ont été jouies par
k le sieur Chopin ;
« Considérant que les créanciers seuls du sieur C liopin
« auroient pu se plaindre des infractions qu’il se seroit
« permis de faire aux objets compris dans l’actif qu’il
« leur avoit fo u rn i, mais non le sieur Saint-Beauzille,
« étranger au contrat d’union, et qui n’a pas acquis leurs
« droits;
« Considérant que le sieur Saiut-Bcauzille n’établit pas
« que le sieur C h o p in , son vendeur, retienne par-devers
« .lu i d’autres.papiers concernant la terre de Cham pfollet,
«. que ceux qu’il a offert de- lui r e m e t t r e t a n t au tribunal
k - de, conciliation qu’en ce tribunal ;
« Considérant qu’à l ’égard des bestiaux et bois pré« tendus enlevés par C h opin , et que ce dernier désavoue,
« pour raison desquels le sieur Saint-Beauzille réclame
« une indemnité à dire d’experts, sa demande n’est pas
« établie ;
« Considérant que par l ’acte de vente du 6 ventôse
«
«
«
«
«
an 9 , le sieur Chopin n’a pas réservé à D enis M agot
et sa femme d autre jouissance que celle portée dans
le contrat de mariage ; que les termes employés dans
cet acte sont tels que l’on ne peut y vo ir d’autres.
dispositions;
�a l e tribun al, jugeant en premier ressort, condamne
« le sieur Chopin ¿\ livrer au sieur Saint-Beauzille toutes
« et chacuues des parties composant la terre de Cham p« fo lle t, qu’il lui a vendue le 6 ventôse an 9 , notam «
«
«
«
ment les trois locateries dites de M o re t, la G uillerm ie
et P a r a y , avec restitution depuis la vente , à dire
d’experts convenus et nommés d’o ffice, même d’ un
tiers, le cas échéant ;
«
«
«
«
a
« D éclaré le sieur Saint-Beauzille non recevable dans
le ch ef d e ses conclusions qui tendent à obtenir le p rix
des bestiaux et des bois qu’il prétend q u e le sieur
C h o p in s’est permis d’enlever dans les deux mois q u i
ont précédé l’acte du 6 ventôse de l ’an 9 ; donne acte au
sieur Chopin de ses offres de remettre au sieur de Saint-
« Beauzille.les papiers et titres qu’il a en son p o u v o ir ,
« iceux relatifs à la terre de Cham pfollet j condamne
« le sieur Saint-Beauzille à les re ce v o ir, sa u f, dans le
« cas où il découvriroit que le sieur C hopin en retient
« d’autres par-devers lu i, à se p ou rvo ir ainsi qu’il se
« l ’avisera p o u r se les faire restituer ;
« Condamne le sieur C hopin aux trois quarts desk dépens faits par le sieur Saint-Beauzille, non compris
« le coût et levée du jugem en t, et Saint-Beauzille en
v l’autre quart.
« E n ce qui touche la demande form ée contre M agot
« et sa fem m e, condamne ces derniers à vider la locaterie
« de la C ro ix -B o u g e ,
en rapporter les jouissances à.
« dire d’exp erts, depuis le 6 ventôse an 9 ; et en con« séquence déclare bon et valable le congé du z 2 tlicr-
�« miel or même année ; condamne M agot et sa femme
« aux dépens que la demande a occasionnés. »
A p p e l de ce jugement de la part du sieur C h o p in ,
par acte du 13 novem bre 1806, dans toutes les dispo
sitions qui lui portent prejudice.
M agot et sa femme se sont aussi rendus appelans ; mais
leurs moyens de défense ne concernent pas le sieur
Chopin , qui ne s’occupera que des questions qui lui sont
personnelles. Il se croit en môme temps quitte de toute
reconnoissance envers le sieur de Saint-B eauzille, de ce
qu’il a bien voulu respecter la décision des premiers juges,
ainsi qu’i l l’annonce, page 19 de son mémoire.
Il ne restera donc alors à exam iner que la seule ques
tion de savoir si le sieur Chopin , en vendant nomina
tivem ent sept locateries, a pu en vendre dix.
Ce nest pas dans les actes de vente que le sieur de
Sain t-B eauzille trouve des moyens pour appuyer la sin
g ulière prétention
la q u e lle ; il v e u t Jjien sc réduire. E n
e ffe t, le contrat d’union n’énonce que sept locateries : il
en est de même de l’acte sous seing p riv é , et de la vente
authentique. Aussi le sieur Saint-Beauzille veut principa
lement argumenter de la correspondance du sieur Chopin ;
il cite quelques fragmens de lettres dont il se dit porteur,
et qui nous apprennent que le sieur Chopin 11e lui a pas
donné l’état de la consistance et des produits.
D ès que le sieur Chopin 11e lui a pas donné l’état do
la consistance de la terre, il est impossible que le sieur
Saint-Beauzille ait entendu acheter dix locateries au lieu
de sept.
�C
23 )
^
4^7
Que le sieur Chopin a it, si l’on v e u t, exagéré le pro
duit dans sa correspondance avec le sieur D ecom bes, ce
ne seroit là qu’ une chose très-ordinaire. En gén éral, celui
qui veut vendre exagère plutôt qu’il n’affoiblit : c’est à
celui qui achète h prendre ses précautions, pour examiner
et connoître l’objet qui lui est proposé.
M ais il n ’y auroit pas même d’exagération, si l’on s’en
rapporte au sieur S a in t-B ea u zille; car il demande une
somme de 800 francs par an n ée, pour le produit de la
locaterie de la C r o i x - R o u g e ; et en calculant d’après cette
préten tion , la correspondance du sieur C h op in , même la
lettre du 7 th erm id o r, établiroit qu’il ne connoissoit pas
lui-m ôm e la valeur et le produit de sa terre.
• Il faut au surplus etre bien dépourvu de moyens, pour
s’appesantir sur des circonstances aussi minutieuses.
On se contentera-de répondre, pour ne plus y re v e n ir,
que le sieur Saint-Beauzille en impose, lorsqu’il dit qu’ il
ne conuoissoit ni la valeur ni la situation de cette pro
priété. I l a tout v u , tout examiné en personne ; il a d e
meuré un mois dans le canton , a visité les propriétaires
v o i s i n s , a pris des informations de ceux qui nvoient des
connoissances locales, notamment d’un sieur M a r t in ,
homme probe, et riche propriétaire, qui a toujours vécu
et habité près la terre de Champfollet.
E n fin , le sieur Saint-Beauzille convient qu’il est venu
visiter cette terre sur la lin de l’an 8. Il a donc eu plus de
cinq mois avant de passer la vente, pour prendre tous les
renseignemens nécessaires.
L e sieur Saint-Beauzille n’est pas plus exact lorsqu’il fait
le reproche au sieur C hopin de lui avoix' vendu un bois
�‘
C M ) .
de futaie pour une contenue de vingt septerées, tandis que
ce bois n’en contient que quatre.
D ’abord, la contenue du bois n’est exprim ée ni dans
l ’acte sous seing p r iv é , ni dans la vente authentique;
et pour ne trouver que quatre arpens dans le bois dont
il s’agit, sans doute que le sieur Labrue compte pour
rien le bois futaie du Sablon, semé depuis trente ans
dans les meilleurs chambonnages du pays, très-abondant
en chênes et orm eau x, qui déjà ont plus de trente pieds
de hauteur.
Ces petites recherches ont déjà occupé trop long-temps;
il faut aborder la question principale.
L e sieur C h opin , en vendant la terre de Cham pfollet qui
se compose d’une maison de m aître, d’une réserve, de
trois domaines et de sept locateries, a-t-il entendu et pu
vendre autre chose que les objets désignés?
Les expressions qui terminent la vente sous seing p riv é ,
o u la vente authentique, p e u v e n t - e l l e s a u t o r i s e r le sieur
Saint-Beauzille à dem ander trois locateries qui ont une
dénom ination différente de celles comprises dans la vente,
q u i, lors de la ven te, étoient entre les mains de colons
autres que ceux des sept locateries vendues ?
Il semble qu’il suffit d’énoncer les questions, pour les
résoudre en faveur du sieur Chopin.
E n gén éral, pour juger des cas où les objets accessoires
doivent faire partie de la vente ou n’y entrent point, il
faut surtout exam iner l’intention des contractons, pour
reconnoître ce qu’on a voulu com prendre ou nepns com
prendre dans la vente. C ’est ainsi ques’exprim e M . D om at,
L ois civiles, du contrat de ven te, Lit. 2, sec t. 4 ; il appuyé
son
�( *5 )
son opinion sur deux lois du ff. D e reg. jur. Sem per in
stipidationibus et in cœteris con tractibus, id sequim ur
quod actum e s t, quod fa c tio n est cum in obscuro sit
e x offectione eu ju sq u e capit interpretationem . L . 3 4 ,
L . 168.
A u titre des conventions, le morne auteur, livre i er. ,
titre I er. , section 2 , n°. 13 , dit que les obscurités et les in
certitudes des clauses qui obligent, s’interprètent en faveur
de celui qui est obligé , et il faut restreindre l ’obligation au
sens qui la dim inue; car celui qui s’oblige ne veut que le
m o in s, et l’autre a dû faire expliquer clairement ce qu’il
prétendoit. A ria?ius a it m ultùm intéressé quœ ras utràni
a liq u is' oblige t , a n aliqu is liberetur, ubi de obligando
q u er itu r, propensiores esse debere n o s , s i habeam us
occasionem ad negandum ubi de liberando e x diversot
u t ja c ilio r sis ad liberationem . L . 4 7, au if. de obi. et act.
A l’article suivant, le même auteur dit que si l’obscu
r ité , l’am biguïté, ou tout autre vice d’une expression
est un effet de la mauvaise fo i, ou de la faute de celui
qui doit expliqu er son in ten tio n , l ’interprétation s’en
fait contre lu i, parce qu’il a dû faire entendre nettement
ce qu’il vouloit : ainsi lorsqu’ un vendeur se sert d’une
expression équivoque sur les qualités de la chose vendue,
l’explication s’en fait contre lui.
Cette rè g le , que l’interprétation se fait contre le ven
d e u r, n’est donc pas; générale; elle se restreint au cas où
il est impossible de connoîtro l’intention des parties. G’est
ce que dit expressément la loi 3 3 , au ff. D e c o n tr . em pt.,
citee par Doniat. P r u n iim speclari apport et quid a c li
D
�( 26 )
s i t , s i non id apparent, tune id accipitur qu'od vendi.iori n o c c t; ambigua enim oratio est:
Cette règle du droit, d’yilleurs, d’après les loisj ne s’ap
plique ordinairement qi^aux servitudes non déclarées, ou
aux énonciations vagues et indéfinies, parce qu’alors le
vendeur a pu s’expliquer plus clairement. P o tu it leaem
*apertiiiç
’
. c o n s c n b*7e r e .
# t
v *
• ;ij
A in s i, par exem p le, si le sieur Chopin avoit’ vendu
au sieur S ain t-B eau zille sa terre de Cliam pfollet, telle
qu’elle se limite et com porte , circonstances et dépen
dances , sans en rien réserver ni re te n ir, et sans autre
désignation, il seroit obligé de livrer à l’acquéreur tout ce
qui a pu faire partie de cette terre; il auroit à se repro
cher de n’avoir pas désigné plus particulièrem ent les objets
qu’il vouloit ven d re, et ceux qu’il vouloit conserver ; et
on pourroit dire avec la loi : T u n e enim ambigua
o r a ti o est. Il seroit en effet impossible de connoître et
d ’e xpliqu er l ’intention des parties.
>.'
• M ais lorsque le sieur Chopin vend sa terre de Cham pfollet j composée d’une m aison, d’une réserve, de trois
domaines et de sept locateries; lorsqu’il désigne chacun
de ces dom aines, chacune de ces locateries par la déno
mination qui leur appartient, par le nom des colons qui
les c u ltiv e n t, alors il n’a vendu que les objets désignés : il
a restreint et lim ité la terre de Cliam pfollet a ces mêmes
objets; il n’y a ni ambiguïté ni incertitude; il a expliqué
clairement ses intentions. L ’un n’a entendu ven d re, et
l ’autre n’a entendu acheter q ue trois domaines et sept lo cuteries. C ’est le sieur Chopin qui s’ob lige; dès-lors il
�4 e) 1
{ 27 )
faut restreindre l’obligation au sens qui la diminue. Son
intention se découvre par l’expression, par la limitation
qu’il a voulu donner à sa vente.
Q u’im porte qu’ensuite le sieur Chopin ait ajouté, a in si
que le tout se lim ite et com porte; qu’il ait m is, si l'on
v e u t , circonstances et dépendances cCicelle ; ces expres
sions se rapportent nécessairement et naturellement aux
objets désignés. L e sieur Chopin n’excepte rien de ce qui
les com pose; mais il ne vend p a s le s (rois locateries qui
font l’objet de la convoitise et de la cupidité du sieur de
Saint - B e au zille , puisque ces trois locateries, qui ont
chacune un nom particulier, et d’autres colons, n’ont
été ni désignées, ni comprises dans la vente.
Ces trois locateries si fort convoitées ne faisoient pas
même anciennement partie de la terre de Cham pfollet.
Cette propriété est patrim oniale’; elle ne se composoit
que des objets désignés et vendus. Les trois locateries* ont
été acquises postérieurement : quand elles auroient été
annexées à'la terre, elles ne seroient pas p o u r cela co m
prises dans la vente , parce que le sieur Chopin auroit été
le maître de les distraire lorsqu’il a vendu.
P o u r juger d’ailleurs si la vente d’un corps de bien
comprend tout ce qui pouvoit en faire partie .ancien
nement , on examine d’abord si la vônte est générale. :
• encoi'e les auteurs qui ont traité cette question, ne la
discutent-ils que sous les rapports des testa mens ou des legs
qui ont été faits d’une te r r e , d’un domaine ou d’une
métairie; O n connoît la fameuse* loi Prœ d. 91 , de leg.
3?
Papinien parle des foncls séjans et gabinions. Il
dit que si io testateur a légué les"fonds séjans comme il
D 2
�(
2
8
}
les a a cq u is, sans parler des fonds gabiniens qu’il avoit
acquis par le même contrat et pour un même p r ix , l’argu
ment de cette acquisition faite pour un même p rix ne
seroit pas suffisant pour comprendre le tout dans le
legs; il faudroit considérer les papiers du père de fam ille,
pour savoir s’il avoit coutume de comprendre les fonds
gabiniens avec les séjans, et d’en confondre les revenus.
S cé vo la , dans la loi P a tro n . §. i cr. , de Jeg. 3, propose
l’espèce d’un legs d ’une terre composée d’héritages dont
les uns étoient situés dans la Galatie et les autres dans
la Gappadoce. L e legs ne parloit que des héritages situés
dans la G alatie; néanmoins le jurisconsulte décide que
le legs de la terre doit com prendre les héritages situés
dans la C appadoce, parce qu’ils étoient tous réu n is, et
exploités par le même fermier.
D u m oulin cependant, T raité des fiefs, §. I er. , gl.
5,
n ° . 16 , d it qu e cc n’est pas assez que le t o u t a i t été.
ex p lo ité par un m ê m e fermier , parce que cela peut avoir
été fait]pour la com m odité de la culture. Il veut encore
quelque acte qui fasse [connoître que l’intention du
seigneur a été de les unir ensemble d’une union per
pétuelle.
1’
H en rys, tom. 4 , cons. 5 , lit. des Iegs^est d’avis que le
legs d’une m étairie, fait'par Je père à soj^fils-, com prend
les héritages dépendans de ladite métairie^ quoique situés
dans une autre province. Il en donne pour motifs que
le père avoit fait valoir ces héritages conjointem ent, et
les avoit donnés ait même grangier ; mais il s’appuye
principalem ent sur la qualité des parties, et la nature de
la disposition. Il soutient qu’ un semblable legs doit être
�C
29 1
interprété largem en t, avec d’autant plus de raison que le
père a voit fait une institution universelle au profit de celui
qui contestoit le legs. L orsqu’il s’agît en effet d’une dis
position à titre gratuit, 011 doit l’étendre plutôt que la
restreindre; tandis qu’en matière de contrats à titre oné
reux , les conventions sont de droit é tro it, et doivent être
plutôt restreintes qu’étendues.
. E n fin , ces auteurs ne s’occupent que des testamens ou
legs, et ne se d écident p o u r la réunion qu’autant que la
disposition est gén érale, faite d’un corps de biens, sans
désignation ni limitation.
Ici il sagit d’une vente qui com prend à la vérité une
terre, mais laquelle terre ne se compose que des bâtim ens,
enclos, réserve, trois domaines et sept locateries.
Com m ent, lorsqu’il n’en a été vendu que sept, voudroiton en avoir d ix ? Comment trouveroit-on du doute ou de
l’incertitude, lorsqu’il y a évidem ment l’intention de ne
vendre que ces objets, lorsqu’il y a une limitation si
précise ?
Ô n objecte que le sieur C h o p in , dans sa v e n te , ne
s’est réservé que sa maison des Châtelans et les acces
soires déterminés dans l’acte de vente.
O r , dit-on, cette réserve ne peut exclure que les objets
qui y sont énoncés ; donc tout le reste est vendu.
Cet argument n’est pas m ême spécieux. L e sieur
Chopin n’a exprim é celle réserve qu’à raison de ce que
la maison des Chatelans et les accessoires étoient englobés
ct compris dans les domaines et locateries faisant partie'
de 1« vente : la distraction en est donc devenue néces-Sdiic. Mais il cloit inutile de résci’ver les locateries des
�( 3° )
M o r e t, G uillerm ie], et P a r a y , puisque le sieur Chopin
ne vendoit que sept locateries, qui toutes avoient un nom
particulier et un colon différent.
O n reproche encore au sieur Chopin de n’avoir donné
aucuns confins aux sept locateries vendues : mais celte
objection est contradictoire avec le système du sieur
Saint-Beauzille. Il ne reclame les trois locateries que parce
qu’on lui a vendu généralement et indistinctement la
terre de C h am pfollet, circonstances et dépendances. II
soutient qu’un corps de b ie n , un dom aine, une m étairie,
n ’ont pas besoin d’être confinés dans une vente ; et il
a raison en ce point.
O r , qu’est-ce qu’une locaterie, si ce n’est un corps
de b ien , c’est-à-dire, plusieurs héritages réunis sous la
main du même propriétaire ou du même colon. L e sieur
C hopin a donc dû se dispenser de confiner chaque lo
caterie ; c’eût été
augmenter le v o l u m e d’ un a c t e sans
aucune nécessité. C ependant le sieur C h o p in a pris cette
précaution, lorsqu’elle a été utile : par exem ple, comme
il avoit concédé la jouissance de la locaterie de la C roixIlou ge à Denis M agot et sa fem m e, il n’a pas oublié
de lim iter et confiner cette locaterie, pour éviter toutes
discussions avec l’acquéreur, Il a. donc, fait tout ce.qu’il
devoit et pouvoit faire pour manifester clairem ent son
intention, pour apprendre à son acqéreur qu’il ne vendoit
que des objets dé terni in és, et que celui-ci ne devoit com pter
que sur les sept locateries énoncées en la vente.
E h quoi! trois actes successifs énoncent sept locateries
seulement; le contrat d’ un ion , qui contient l’élat de l’actif
du sieur C h o p in , compose la terre de Cham pfollet de
�( 31 )
trois domaines et sept locateries -, l’acte de vente sous seing
p rivé, la vente authentique',; sfc réfèrent au contrat d’union,
et n’énoncent encore que sept locateries : comment le
sieur Saint-Beauzille peut-il donc prétendre qu’il lui en
a été vendu d ix ? où donc est le doute? où donc est
l ’ambiguïté ?
'•
A la vérité il prétend que le contrat d’union n’a aucune
corrélation avec la vente qui lui a été consentie : mais
n’est-ce pas une absurdité ? I>a vente est faite en execution
de ce contrat d ’ u n i o n , et conform ém ent à icelui. SaintBeauzille accepte toutes les conditions exprim ées en ce
contrat d’union ; il déclare en avoir pxùs connoissance ;
il s’oblige de payer les sommes déléguées, aux termes
stipulés par ce prem ier a c te , et par la délibération qui
l ’a suivi. C ’est lui qui devient le débiteur des créanciers
Chopin. Il y a novation pleine et entière : la vente lui
est consentie en présence et du consentement des syndics
et directeurs de ces mômes créanciers; il se met au lieu
et place du sieur Chopin : il n’a donc acquis que ce qui
avo it été abandonné au x créanciers ! il ne peut donc,
réclam er que sept locateries, puisqu’on n’en avoit pas
abandonné davantage aux créanciers!
C ’est ainsi que cela a été exprim é dans l’acte sous sein«t
T
.
°
prive. L e s cu'constances et dépendances dont le sieur
Saint-Beauzille fait tant de fracas , sur lesquelles il revient
si souvent, sont une addition à l’acte authentique; addi
tion qui n’est que redondance, style ou protocole de no
taire , qui ne iixc pas même l ’attention des parties, qui
ne se rapporte qu’aux objets nominativement vendus, et
ne valoit paS ia peine d’etre relevée.
�( 32 ) ^
Plus on examine les conventions stipulées entre les
parties, plus on s’étonne de l’acharnement et de l’insistcnce du sieur Saint-Beauzille. Jamais il n’y eut de contrat
plus clairement e x p liq u é; mais s i , par im possible, on y
trouvoit quelques clauses obscures, la règle la plus sûre
p ou r interpréter les actes, c’est l’exécution qu’ils ont eue.
Q u ’on ouvre tous les auteurs qui se sont occupés des con
ventions et de leur exécution, comme Despeisses, D o m at,
P o th ie r, même les auteurs élém entaires; tous enseignent
que l’obscurité ou l’am biguïté des actes s’interprète principalem entpar l’exécution que leur ont donnée les parties.
C ’est une règle tellement triv ia le , qu’on ne croit pas devoir
lu i donner un plus grand développem ent. L e Code
N apoléon répète ce principe en plusieurs en d ro its, et
m et tellement d’im portance à l’exécution des actes, qu’en
l ’article 1325, où il déclare nuls les actes sous seings privés
contenant des conventions synallagm atiques, lorsqu’ils
n’ont pas ét6 faits d o u b le s , il ajoute ces termes remar-»
quables, dans la troisième partie de l’article : « Néanmoins
« le défaut de mention que les originaux ont été faits
« doubles, triples, etc., ne peut être opposé par celui
« q u i a exécuté de sa part la convention portée dans
c l’acte. »
Cette disposition du Code est une innovation. O n
pensoit autrefois que quelleque fût l’exécution qu’on avoit
jdonnée à l’acte sous seing p r iv é , on n’en étoit pas moins
rccevable à l’attaquer de n ullité, lorsqu’il n’a v o il pas été
fait d ouble; et cela par la raison qu’on n’avoit aucun
m oyen coercitif pour forcer un tiers à l’exécuter. M ais
le législateur a pensé que celui qui avoit connoissance
sullisante
�( 33)
.
*2?
suffisante des conventions, qui les avoit déjà rem plies, ne
pouvoit plus de bonne foi revenir contre ses engagemens.
E n appliquant ces principes à l’espèce particulière,
quelle idée pourra-t-on concevoir de la témérité du siéur
Saint - Beauzille ? Il acliète le 3 nivôse an 9 , et se met
en possession dès le moment même : c’est à cette date qu’il
rapporte la consommation de la vente ; c’est de cette
époque qu’il réclam e la restitution des jouissances des trois
locateries qu’il veut faire comprendre dans sa vente..
L orsqu’il prend possession, il ne demande et ne jouit
que de sept locateries]; il perçoit toute la récolte de l’an 9;
il voit les colons de ces trois locateries recueillir les fruits ;
et ne demande i*ien contre qui que ce soit.
L e 16 pluviôse an 1 0 , il assigne le sieur Chopin en
restitution des bestiaux de la réserve de Ghampfollet :
pas un mot des trois locateries contentieuses.
Il perçoit encore les fruits de l’an 1 0 , se contente des
sept locateries ; et ne demande rien à personne.
Ce n’est que deux ans a p rès, lorsqu’il a perçu deux
récoltes, lorsqu'il a exécuté les clauses de la v e n t e , lors
qu’il est entré en payement avec les créanciers , qu’il s’avise
de vouloir agrandir sa propriété de ces trois lo cat cries.
Il ne peut pas équivoquer sur sa non-jouissance et sur
cette exécution; car lors du jugement par défaut, du 28
floréal an 12, qu’il a obtenu contre le sieur C h o p in , il dit
qu’il s’est mis en possession de la terre de Chainpfollet,
à Vexception des trois locateries dont il s'a g it, omises
pat' A n to in e Chopin dans l’acte de vente qu’il lui a con
sentie. Il conclut à la restitution des jouissances depuis
le 3 nivôse an 9 , date de la vente sous seing privé.
E
�Souvenir tardif! prétention absurde,dont rien ne peut
excuser la témérité ! L e sieur Saint-rBeauzille a interprété
lui-m êm e les conventions il a .çxcçutç le contrat dans
toute sa plénitude : il est donc absolument non recevable.
O n a voulu trouver quelque ressemblance entre cette
cause et celle du sieur Çanillac contre M e. C roze; et sans
doute on ne manquera pas d’invoquer l’arrêt de la cour
en faveur du système du sieur Saint-Beauzille : mais
quelle énorme différence entre les deux questions!
Dans la cause du sieur Ç a n illa c, celui-ci avoit vendu
au sieur M om et son domaine de Chassaigne, avec ses
circonstances et dépendances, sans en rien excepter ni
reten ir, et tel qu’il lui avoit été transmis par un partage
de fam ille, de 1784.
Dans ce partage se trouvoit comprise une annexe de la
terre de Chassaigne, appelée la V é d rin e , et le vendeur
n’avoit d’autre titre, ni de possession de la V é d rin e , qu’en
vertu de ce partage : tout étoit réuni sous une seule et
même exploitation. Dans les confins don nés, les bois de
la V éd rin e se trouvoient englobés par le contrat de vente.
L ’acquéreur M om et avoit joui du moment de son contrat,
et sans réclamation de la part du ven deur, soit de Chas
saigne, soit de la V éd rin e : après lu i, M e. C roze, second
acquéreur, avoit également joui des deux objets pendant
plusieurs années. Enfin il étoit dém ontré par les termes
de l’acte, par l’exécution qu’il avoit eu e, et par une foule
de circonstances inutiles à rappeler, que l’intention du
sieur Çanillac avoit été de vendre le to u t, qui ne faisoit
qu’ un seul et même corps de bien.
Ic i, au coutraire, le sieur Chopin a restreint la consi«-
�tance de>sa terre de Cham pfollet à trois domaines et sept
locateries :• cette restriction concorde avec le contrat d’u
nion et l ’acte de vente. L ’acquéreur n’a pas entendu acheter
autre chose ; il a pleinement exécuté le contrat ; il a eu
des discussions avec son vendeur un an après sa mise en
possession ; il a cherché à faire naître des difficultés de
tout g e n re , et n’a pas réclamé les trois locateries qui
font l’objet de sa demande actuelle. Il a joui une seconde
année même silence sur les trois locateries : ce n’est
q u’en l ’an 11 q u ’il manifeste des m ouvem ens d’in qu iétu d e , de versatilité, qui annonceroient plutôt un état
va p o re u x qu’un esprit bien sain.
Il tergiverse, il balance, il form e des demandes contre
son vendeur , contre ses créanciers; il se dép art, recom
m ence, et se départ encore; il termine enfin par faire
éclore neuf chefs de conclusions, tous plus extraordi
naires les uns que les autres : il ne sait ce qu’il veu t, ce qu’il
désire; il n’est pas même de bonne foi. Il n’a pu ignorer,
lors de la vente, que le sieur Chopin conservoit ses trois
locateries; elles sont toutes trois situées dans la commune
de Paray. Il exige que le sieur Chopin hypothèque à la
sûreté de la vente toutes les propriétés q i i i l a actuel
lement dans la commune de Paray. Cette hypothèque
spéciale, si elle etoit rég u lière, ne pourroit frapper que
sur les trois locateries dont il s’agit: la réserve des Châtelans n’est qu’ un mince accessoire qui n’offroit aucune
sûreté. L e sieur Saint-Beauzille a pris une inscription con
servatoire de 26000 francs.
Il n’y a donc pas de loyauté de la part du sieur SaintBcnuziiie, de persécuter un homme sensible et bon, de
�vouloir accabler un débiteur m alheureux, dont les dettes
ne se sont accumulées que parce qu’il a eu la délicatesse
de ne pas rembourser en assignats des créances légiti
mes, et qui doit au moins conserver les foibles débris d’une
fortune considérable qu’i l tenoit de ses pères.
f.
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M e. P A G E S (de R iom ) , ancien avocat.
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A
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A R I O M , de l'imprimerie de T hibaud L a n d r iot , imprimeur
de la Cour d ’appel. — Février 1808.
�
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The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
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A name given to the resource
Factums Godemel
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/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
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Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Chopin, Antoine. 1808]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Pagès
Subject
The topic of the resource
créances
locaterie
ventes
fraudes
domaines agricoles
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire en réponse, pour Sieur Antoine Chopin, docteur en médecine, appelant d'un jugement rendu au tribunal de Gannat, le 23 août 1806 ; contre sieur Jacques Labrue de Saint-Beauzille, intimé.
Table Godemel : Vente : 11. après un contrat entre ses créanciers contenant un état de son actif immobilier, le sieur Chopin ayant vendu, le 6 ventôse an 9, la terre de Champfollet consistant en une maison de maître, réserve, trois domaines et sept locatairies, en un seul tenant, sous la seule réserve d’une maison et de quelques objets soigneusement désignés et confinés, et tel que le tout avait été énoncé en l’état produit aux créanciers ; a-t-il pu ensuite soutenir que ladite terre de Champfollet contenant dix locatairies au lieu de sept, cette vente ne comprenait pas les trois locatairies de la Guillermie, de Moret et de Paray ? s’il y a, dans le contrat de vente, des clauses obscures et ambiguës, contre qui, du vendeur ou de l’acquéreur, doivent-elles être interprétées ? 12. si le contrat de vente a stipulé, en faveur d’un tiers, réserve de la jouissance de l’une des locatairies, l’acquéreur peut-il, contre la disposition précise et absolue de son titre, prétendre que, d’après un acte antérieur, la jouissance du tiers ne devait commencer qu’après le décès du vendeur ? Clause : - obscure. - s’il y a, dans le contrat de vente, des clauses obscures et ambiguës, contre qui, du vendeur ou de l’acquéreur, doivent-elles être interprétées ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Thibaud-Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1808
An 9-An 10
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
36 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G1819
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0521
BCU_Factums_G1816
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53346/BCU_Factums_G1819.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Paray-sous-Briailles (03204)
Jaligny-sur-Besbre (03132)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Créances
domaines agricoles
fraudes
locaterie
ventes
-
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786a8d47095c558459749719172463f0
PDF Text
Text
f
M
É
M
O
I
R
E
POUR
Dame M a r i e - U r s u l e S A L V A I N G D E
B O I S S I E U , et sieur J e a n - P i e r r e
S A U Z E T DE S A I N T - C L E M E N T ,
son m ari, appelans d’un jugement rendu au
tribunal du P u y, le 9 mai 1807;
C O N T R E
M e. J e a n - A n d r é - G u i l l a u m e S O U T E Y R A N , ancien avocat, intimé ;
E T
Le
E N C O R E
C O N T R E
c u r a t e u r à la succession vacante du sieur
P ie r r e -A n to in e B
runel
de
Sa in t -M ar cel,
aussi intimé.
L
A dam e de S a in t-C lé m e n t d e v o it a v o ir une fo rtu n e
c o n s id é r a b le ; elle s’en v o i t tout à c o u p d é p o u illé e p ar
trente-trois ventes q u ’on a arra ch ées à la foiblesse d ’un
v ie illa rd n on agén aire. T o u t e s ces aliénations ont eu lieu
A
�( 2 )
sans nécessité et sans cause légitime-, un moment de ca
price ou de contrariété les a déterminées : il y avoit
même une certaine combinaison dans le choix des acqué
reurs. Il est pénible pour la dame de Saint-Clément de
se voir obligée de dire que son aïeul, sans autre m otif,
se félicitoit d’avoir trouvé des moyens plus sûrs de dé
pouiller sa petite-fille, parce qu’il avoit vendu à des
liommes de loi qui sauroient bien se défendre. E t ces
hommes de loi devroient être bien humiliés de se voir
signaler comme des gens redoutables ; ils devroient se
reprocher d’avoir accepté une vente faite dans un moment
d’humeur et de co lère, par un vieillard dont ils étoient
les conseils, qu’ils dirigeoient dans toutes ses démarches,
et dont les manœuvres étoient tellement connues, que
déjà ils avoient dans leurs mains une opposition qui les
avertissoit de l’incapacité ou de l’impuissance du vendeur.
I>es sieurs Souteyran , père et fils , ont n é gl i gé ces
avertissemens •, ils ont méprisé les avis
d’une mère alarm ée; ils ont voulu courir les risques de ce qu’ils appeloient une bonne affaire, et ne rougissent pas d’avoir
dans les mains un bien aussi mal acquis.
Les premiers juges leur ont été favorables : mais ce
succès ne sera qu’éphémère ; et la cour proscrira avec
indignation un contrat frauduleux et nul.
%
f a i t s
.
Thonias-François Arcis, et M a rie -T h é rèse Bossolade,
ont eu de leur mariage M a rie -C la irc A r c is , qui épousa
le sieur Antoine Brunei de Saint-Marcel.
�( 3 )
^
Son contrat ^le m a ria g e, du 13 juin 1 7 3 5 , contient les
conventions suivantes :
M arie Bossolade, veuve A r c i s , donne à sa iille la
maison et jardin qui lui appartiennent en la ville du Puy,
au-dessous de la porte de Vienne.
Elle se départ en faveur de sa fille, et du sieur SaintM a rcel, son ép o u x , de l’habitation à elle léguée par le
sieur A r c i s , son m ari, dans la maison située rue de la
Courrerie.
Elle se démet en faveur de sa fille, et du sieur SaintM a r c e l, son é p o u x , de l’hérédité du sieur A r c is , dont
elle étoit chargée par son testament, sans se rien ré
server ni retenir.
L e sieur Saint-Mai’cel décharge sa belle-mère de la
somme de 18000 francs portée en l’inventaire du sieur
A r c is , au moyen de la remise et délivrance que lui fait
la dame A r c i s , des meubles, a rg e n t, argenterie, pro
messes , obligations, contrats de vente qui provenoient
du défunt.
L e sieur Saint-M arcel, pour augînent de dot et gain
de su rv ie , donne à son épouse une somme de 4000 f r .,
payable en cas de prédécès.
D u mariage du sieur Brunei de Saint-Marcel, et de
la dame A r c is , sont provenues deux filles; l’une ClaireT h é r è se , qui a épousé le sieur Surel de Saint-Julien;
la seconde, M arie-Francoise-Louise, qui s’est mai'iée
avec le sieur Salvaing de Boissieu. C ’est de ce dernier
mariage qu’est née Marie-Ursule, épouse du sieur Sauzet
de Saint-Clément.
P a r le contrat de mariage de C la ire-T h é iè se, femme
A a
�( 4 ) . .
r
Saint-Julien, en date du 17 février 1 7 I 9 , ses père et
mère la légitimèrent à une somme de 40000 francs pour
scs droits paternels et maternels. L e contrat de mariage
porte quittance d’ une somme de i 5ooo irancs j et le
surplus de sa c o n s t i t u t i o n dotale, qui est de sôooo fr.,
est stipulé payable , savoir : 10000 francs dans Vannée
du décès du -premier m ourant des père et mère , et
1 5ooo fr. dans Tan révolu après le décès du survivant ,
sans in térêt, qu’à compter de l’échéance des termes.
Par le contrat de mariage de la dame de Boissieu ,
du 8 juin 176 2 , ses père et mère lui font donation
entre-vifs , irrévocable, contractuelle et dotale, de tons
et chacun leurs biens meubles et immeubles présens
•1
r
et à venir, sous la réserve expresse que se font les do
nateurs de la jouissance des biens donnés pendant leur
vie; laquelle jouissance sera réversible de l’un à l’autre.
Ils se réservent un capital de 12000 fr. p our p o uv o ir
s'en servir clans leurs besoins , et en disposer tant à la
vie qu’à la m ort, en faveur de qui ils jugeront à propos.
Il est dit que cette somme de 12000 francs, également
réversible de l’un à l’autre , sera prise sur les biens ¿1
ven ir, s’ il leur en échoit, et subsidiaircment, sur leurs
biens actuels.
Les sieur et dame Saint-Marcel se réservent aussi tout
ce qui peut leur être dû provenant d’arrérages de fermes,
censives, obligations, comptes de leurs journ au x, et gé
néralement toutes les dettes actives.
lin attendant que l’usufruit soit consolidé à la pro
priété des biens donnés , ils donnent et constituent en
d o t, à leur fille, eu avancement d’hoirie, et pour sup-
�( S )
porter les charges du m ariage, la somme de 20000 fr. ;
p lu s, d ix - n e u f marcs et deux onces d’argenterie : ils
payent 11000 fr. à compte, et s’obligent d’acquitter dans
un an la somme de 9000 fr. pour parfaire l’avancement.
« Mais comme ils n’ont deniers en mains pour le
« payement de la somme de 9000 francs, non plus que
« pour acquitter la constitution de la dame Saint-Julien,
« dont il reste dû 12600 francs, nonobstant la quittance
« insérée dans son contrat de m ariage, du 17 février
« 1759 , ainsi que les termes qui écherront à l ’a v en ir,
« et pour acquitter leurs autres dettes passives, il a été
« convenu et accordé qu’il sera libre aux sieur et dame
« Saint-M arcel, de vendre et aliéner les domaines de
« R ocharnaud, Mons et ü r z illa c , champs et vignes de
« Couchât, au terroir de Chadrac; les fonds dépendans
« du domaine de Pouzarol , situés ès-mandemens de
« cette v ille , consistans en m aison, p r é s , vergers, et
« champs; les prés situés au terroir de Ceissac ; et fm a« lement le domaine de Chaspuzac, à leur ju ste valeur,
« et su r le pied de Vestim ation, pour servir au payement
« desdites
créances , c o n c u r r e m m e n t aux susdites
« constitutions , et autres dettes connues des parties
« intéressées ; ensem ble, pour remplir la réserve du
« capital de 12000 francs, s i les donateurs sont dans
« le cas de s'en servir ; le tout suivant le payem ent,
« et délégation q u i en sera f a it e . »
O n s’oblige de fournir au sieur de Boissieu , futur
époux, un double de la quittance du produit des ventes.
I/excédant du produit des ventes a u-d elà des créances
et réserve, doit être placé, du consentement du sieur de
�Boissieu et de sa fem me, chez des personnes solvables.
L e revenu en sera payé aux donateurs pendant leur vie,
sans que les acquéreurs puissent être recherchés , en
rapportant néanm oins un légitime emploi de coiiform ité
à Vétat connu des parties.
Si l’intérêt des futurs époux peut exiger l’aliénation
des biens qui resteront a la fu tu re , il est convenu que
le sieur de Boissieu pourra les vendre à leur juste valeur,
après le décès des donateurs, sans que les acquéreurs
puissent être recherchés par la demoiselle de St.-Marcel,
ou les siens, qui ne pourront répéter dans les biens du
vendeur que le juste prix des fonds par lui aliénés.
O n excepte des ventes permises à l’é p o u x , le moulin
appelé de Saint-M arcel, et la maison du Puy. Ces objets
ne pourront être vendus que dans le cas où on en
trouveroit un prix avantageux.
E n ce qui concerne l e mobilier ou meubles m e ub l a n s ,
il est convenu, sans en faire un inventaire plus détaillé,
qu’ils seront remis à la dame de Boissieu dans l ’état où
ils se trouveront au décès du dernier mourant de ses
père et m è re ; ils sont cependant évalués, dans l ’état
actuel, à la somme de 6000 francs.
I.e même jour 8 juin 1762, il fut fait un état double
entre les sieur et dame de S a in t-M a rcel, et le sieur
Salvaing de Boissieu, leur gendre, des dettes qu’a voient
alors les père et mère : cet état se porte à la somme
de 49600 francs, sans y comprendre les 9000 fi\ faisant
partie de l’avancement d’hoirie de la dame de Boissieu,
et qui devoient être payés dans l’année du contrat de
mariage. Mais on porte dans cet état une somme qui
�( 7 )
n’étoit pas exigible ; on veut parler de celle de 2 5 ooo f.
due sur la dot de la dame de Saint-Julien, dont 10000 f.
étoient payables après l’an révolu du décès du premier
mourant des père et m è re , et i 5ooo francs n’étoient
exigibles qu’après l’an révolu du décès du survivant.
O n ne parle pas dans cet état de la somme de 12000 f . ,
montant de la réserve, parce qu’on se rappelle que cette
réserve ne devoit être prise que sur les biens à venir.
Les sieur et dame de Saint-Marcel se dépouilloient
donc irrévocablement de leurs propriétés, au profit de
leur fille, par ce contrat de mariage. S’ils se i’éservoient
la faculté de vendre une portion des biens donnés, ils
ne pouvoient le faire qu’en acquittement de leurs dettes.
■Les biens dévoient être vendus à leur ju ste v a le u r, et
sur le pied de Vestimation. Ils étoient obligés, d’en dé
léguer le prix aux créanciers; ils étoient tenus de fournir
à leur gendre un double du produit des ventes •, enfin,
ils devoient rapporter la preuve d'un légitime emploi
des deniers de ces mêmes ventes.
Les père et m è r e , au m o y en de ces conventions,
n’étoient plus que de simples mandataires, qui devoient
à leur fille un compte rigoureux de leur mandat; encore
cette faculté de v e n d re , réservée par le contrat, étoitelle exorbitante et contraire au droit commun. G’étoit
donner et retenir : o r , en g é n é r a l, donner et retenir
ne vaut. Si on excepte les contrats de mariage de cette
prohibition , c’est qu’ils sont susceptibles de toutes les
conventions qui ne blessent pas les bonnes mœurs. Mais
toujours on doit restreindre ce qui est exorbitant ; et
lorsqu’une faculté de ce genre est subordonnée à de cer
�( 8 )
taines conditions , on doit les remplir avec exactitude.
lia dame A rcis , femme Saint-Marcel, est moi’te le 16
juin 1784. L e sieur Saint-Marcel a parcouru une trèslongue carrière; il a survécu vingt-un ans à sa femme;
il est décédé le 24 octobre i 8 o 5 , âgé de quatre-vingtdix-sept ans.
Il semble qu’aussitôt après le mariage de la dame de
Boissieu, les père et mère ont ailecté de se jouer de leurs
engageinens. Les ventes se sont multipliées : depuis le 27
juin 1762, jusqu’au 18 novembre 1782, les sieur et dame
Saint7 Marcel ont vendu successivement des immeubles
donnés, pour la somme de 47009 francs.
L e sieur de Boissieu voj'oit avec regret toutes ces
aliénations ; il se permettoit à cet égard quelques obser
vations respectueuses : elles étoient mal accueillies.
Plusieurs lettres du sieur Saint-Marcel annoncent de
sa part un changement d’ailection , des regrets amers et
peu flatteurs pour sa fille, d ’avoir légitimé la dame SaintJulien , et institué la dame de Boissieu.
Ce fut bien pis encore après la mort de la dame son
épouse. Il se mit dans la téte de payer par anticipation,
à la dame Saint-Julien, la somme qui n’étoit exigible
qu’ un ail après sa mort. Il écrivoit à la .dame de Bois
sieu qu’elle, seroit encore la mieux partagée; qu’il auroit
dû laisser ses ,deux filles égales. Cependant la foi des
contrats de mariage doit être gardée : sans la donation
faite à la dame de Boissieu, son mariage n’eût pas eu
lieu ; ses enlans n’auroient pas vu le jour.;
Ce fut.avec des peines infinies que le sieur de Bois
sieu obtint de son beau-père la préférence pour un jardin
appelé
�C 9)
appelé de V ie n n e , que son beau-père lui délaissa avec
h um eur, pour une somme de 3500 francs, à condition
que son gendre sei'oit tenu de précompter 5oo francs
sur celle de 12000 francs, montant de sa réserve. L ’af
fection qu’avoient montrée le sieur de Boissieu et la dame
son épouse pour ce jardin déplut au sieur de SaintMarcel : il 11e destinoit point cet objet à son gendre; il
se crut humilié en accédant à ses désirs.
L e contrat de mariage de la dame de Boissieu contient
l ’énumération -des biens qui pourroient être aliénés pour
cause légitime. A la suite de tous les immeubles désignés,
on lit ces mots : E t fin a lem en t le domaine de Chaspuzac.
Il n’y a rien d’inutile dans un contrat. Ces expressions
limitatives mettoient le domaine de Chaspuzac au der
nier rang; il ne pouvoit être vendu qu’après que tous
les autres objets désignés auroient été épuisés : il y avoit
même de grands motifs pour conserver cette propriété;
elle étoit à la bienséance du sieur de Boissieu, près de
ses autres possessions , et en augmentait la valeur. L e
domaine d ’ Orzi llac étoit «11 des premiers destinés ù la
vente; il restait dans les mains du sieur de Saint-Marcel :
par contrariété, le sieur Saint-M arcel veut vendre le
domaine de Chaspuzac. Déjà le nombre des ventes par
lui consenties se portait u trente-deux, toutes sans esti
m ation j plusieurs avec cession de -plus-value ; toutes sans
épingles; la plupart sans cause, sans nécessité, ¿1 crédit,
au comptant, sans jamais justifier de l’emploi; toutes sans
alliches, sans formalités quelconques, et à vil prix.
Les sieur et dame de Boissieu apprirent avec effroi que
le domaine de Chaspuzac allait encore leur échapper; ils
B
�furent instruits que les sieurs Soutcyran, père et fils, l’un
procureur, l’autre avocat, se présentoient pour acquérir.
L e 31 mars 1 7 9 1, les sieur et dame de Boissieu prirent
le parti de faire notifier vin acte extrajudiciaire aux sieurs
Souteyran, par lequel ils declarent « qu’etant venu à
« leur connoissance que les sieurs Souteyran étoient sur
« le point d’acheter le domaine de Cliaspuzac, ils leur
« dénoncent que la propriété leur appartient; qu’il ne
« dépend pas du sieur Saint-Marcel de les en dépouiller;
« que par les ventes qu’il a déjà faites, il a plus qu’ab« sorbé les réserves contenues dans leur contrat de ma« riage ; que par ce moyen , et autres à d é d u ire , ils
« entendent se conserver ce domaine ; qu’ils n’auront
« aucun égard à toutes les sûretés que les ckmes Sou« teyran pourroient prendre, et terminent par leur laisser
« copie du contrat de mariage de la dame Boissieu.»
Cette déclaration d’une mère de famille qui voit dis
siper sans nécessité le bien de ses enfans , auroit dû
arrêter des personnes délicates, surtout des hommes
d’affaires. Mais les sieurs Souteyran bravèrent l ’opposition
des sieur et dame de Boissieu, et ils n’en furent que plus
empressés de terminer. U o cca sio n (fun bon m a r c h é ,
et la facilité que donnoient alors les assignais pour les
payemens, les déterminèrent.
L e 2Ô octobre 1791? le sieur Brunei de Saint-Marcel,
excipant des clauses du contrat de mariage de
fille,
qui lui permettent de vendre le domaine de Cliaspuzac,
dépendant de son patrimoine, et autres immeubles y
désignés, pour payer scs dettes, acquitter 12000 francs
qui restent dûs de la dot faite à son autre fille Saint-
�J u lie n , el se retenir et disposer de 12000 francs par lui
réserves, vend au sieur Souteyran , ci-d eva n t procu
reur , et à la dame O b r ie r , son épouse, l’entière pro
priété de son domaine de Chaspuzae, deux petites rentes
en dépendantes. Cette vente est faite par le sieur SaiutM arcel, comme seigneur haut-justicier, avec les charges,
pour l’aven ir, de la taille et des dîmes (supprim ées
par la loi du 14 avril 1790 ).
Cette vente est faite moyennant zo ô o o f r . , et 600 fr.
pour épingles ; sur lequel prix la dame Saint-Julien
reçoit la somme de 12000 francs sans aucune garantie,
et les 9100 francs restans, le vendeur déclare les avoir
reçus à compte de sa ré s e rv e , ou autres hypothèques
par lui acquises sur les biens des sieur et dame de Boissieu, suivant l’état par lui tenu, subrogeant les acquéreurs
î\ tous ses droits.
L e sieur Saint-Marcel se félicite d’avoir si bien choisi
ses acquéreurs; ce sont, écrit-il à sa fille, des hommes
de loi, qui sauront bien se défendre, q u i vous mèneront
dur. Il mêle l’ironie à scs menaces; il t rouve plaisant que
son gendre, qui est attaqué de cécité, et ne peut avoir
aucune jouissance, soit encore assez téméraire pour se
plaindre des ventes que fait son beau-père.
Ces hommes de l o i , si fort vantés par le sieur SaintM arcel, ne voulurent pas lui donner le démenti. L e sur
lendemain de la vente, c’est-à-dire, le 27 octobre 1 7 9 1 ,
ils firent citer le sieur de Saint-M arcel, pour qu’il fût
tenu de faire valoir la vente qu’il leur avoit consentie,
et de (aire donner main-levée de l’opposition formée par
les sieur et dame de Boissieu.
B 2
�( 12 )
Les sieurs Souteyran étoient assez maladroits dans cette
démarche précipitée. C ’étoit reconnoître qu’ils avoient
acquis des droits litigieux , ce qui est rigoureusement
prohibé aux gens de loi. Mais tout se faisoit concurrem
ment avec le sieur Saint - Marcel. L e gendre du sieur
Souteyran devient l’avoué du vendeur ; on assigne les
sieur et dame de Boissieu en main-levée de leur oppo
sition; on fait joindre les deux demandes; et le jugement
de jonction est notifié aux sieur et dame de Boissieu le
30 janvier 1792.
L e 3 février suivant, on leur fait notifier i° . l’état des
ventes consenties tant par la dame Saint-Marcel que par
son m ari, conjointement ou séparément, depuis le con
trat de mariage des sieur et dame de Boissieu , du 8
juin 1762.
20. L ’état général des payemens faits par le sieur d e
S a in t-M a rce l, depuis le mariage du sieur de Boissieu,
pour f o r m e r Pemploi des sommes pro venantes des ventes*
faites depuis la même époque.
L e 5 mai 179 2, les sieur et dame de Boissieu signifient
aux sieurs Souteyran le contrat de mariage de la demoi
selle de Boissieu, leur fille, avec le sieur Sauzet de SaintClément, en date du 8 janvier 1792; et comme ce contrat
de mariage contient une donation universelle au profit
de la dame de Saint-Clément, les sieur et dame de Bois
sieu déclarent qu’ils n’ont plus d’intérét dans la cause,
qu’ils doivent être mis hors d’instance, et que les sieurs
Souteyi’an peuvent, s’ils le jugent à propos, diriger leurs
poursuites contre les sieur et dame de Saint-Clément.
O n profite bien vite de cet avis. L e 9 du m êm e mois,
�( 13 )
de mai, les sieur et dame de Saint-Clément sont appelés
en cause. On obtient contre e u x , par défaut, un juge
ment de jonction, le 30; il leur est notifié sous le nom
de leur aïeul, le 9 juin suivant, avec un mémoire expli
catif vraiment injurieux, et qu’on pourroit qualifier de
libelle, si on ne s’étoit servi du nom du grand-père.
En tôle de cette signification se trouvent deux pièces
bien essentielles au procès.
La première est un acte n o t a r i é , du 20 avril 1792,
par lequel les acquéreurs et le vendeur reconnoissent ne
s ’être pas conform és a u x clauses du contrat de mariage
des sieur et dame de Boissieu, lors de la vente du domaine
de Chaspuzac. Ils dérogent au prix exprimé dans cette
vente; ils conviennent mutuellement que la vente du
domaine de Chaspuzac sortira son plein et entier effet,
pour son prix et v a le u r , suivant l’estimation qui en
sera faite par le sieur R eco u les, exp ert, habitant de la ville du P u y , qu’ils ont amiablement nommé pour leur
expert commun. Ils le dispensent de toute formalité ,
de toute prestation de serment; ils s’obligent d ’acquiescer
à l’estimation qui sera faite à frais communs. Si elle
excède la somme de 21100 francs, portée p a r le contrat,
les acquéreurs rembourseront sans délai l’excédant au
sieur Saint - M a r c e l, qui promet à son tour de rendre
le m o in s , s’il y a lieu.
L a deuxième pièce est le procès verbal d’estimation du
sieur Recoules , du 14 mai 1792. O n voit par ce procès
verbal que le domaine de Chaspuzac se compose de
q u a tre-vin gt-sep t pièces d’immeubles : sou estimation
est portée à. la somme de 21427 fr. ; de sorte qu’il y a
�( H )
un accroissement de prix de 327 fr. Mais on remarqué
que l’expert a négligé d’estimer les bois pins, les arbres
enradiqués autour des héritages, les meubles, la maison
de la ferm e, etc. On voit au bas de ce rapport que les
acquéreurs et les vendeurs l’approuvent et le confirment
dans tout son contenu, et veulent qu’ il sorte son plein
et entier effet; et cette approbation, en date du 16 mai
1 79 2 , n’a pas même étéJ a lte double.
O n élague les incidens de procédure qui eurent lieu
depuis cette signification ; on se contentera d’observer
que le 18 mai 1793, intervint jugement qui appointe les
parties en droit : le procès fut distribué le 17. L à se ra
lentit l’ardeur des sieurs Souteyran. L e sieur de Boissieu
mourut le 6 ventôse an 5 : bientôt les sieur et dame de
S ain t-C lém en t apprennent que leur aïeul étoit circon
venu , et qu’on vouloit encore arracher à sa foiblesse les
derniers immeubles qui lui restoient. Ils prirent le parti
de le faire citer de nouv eau , ainsi que les sieurs Sou
teyran , devant le tribunal civil du P u y , le 28 messidor
an 6 , pour voir prononcer sur les conclusions déjà prises
ou à prendre , avec déclaration expresse faite au sieur
S a i n t - M a r c e l , que les sieur et dame Saint-Clément s’op
posent formellement à ce qu’aucune nouvelle vente soit
par lai consentie, et avec protestation de se pourvoir
par les voies dé droit contre toutes les ventes qui avoient
été faites par le passé, ou qui pourroient l’être à l’avenir.
L e sieur Souteyran père est décédé le 10 nivôse an 13 ;
le sieur de S ain t-M arcel , figé do quatre-vingt-dix-sept
fxns, est mort le 2 brumaire an 14.
L e lendem ain de son d é c è s, les scellés furent apposés
�sur ses meubles; il fut procédé à la rémotiou, et à l’in
ventaire du mobilier , le 6 du même m o is , et jours
suivans.
Cet inventaire prouve que le mobilier est réduit à un
état pitoyable ; que tout étoit à l’abandon , et dans un
état de dégradation absolue.
L a dame de Saint-Clément , sous l ’autorité de son
m ari, en sa qualité de donataire contractuelle de tous les
biens présens et à venir de la dame Françoise - Louise
Brunel-Saint-M arcel, sa m ère, mit un acte au greffe du
tribunal civil du Puy , par lequel elle déclare q u ’elle
s’en tenoit à la donation de biens présens faite à sa mère
par feu S a in t-M a rcel, son a ïe u l, dans son contrat de
mariage du 8 juin 1762 ; qu'elle renonce à tous biens
à v e n ir , et répudie la succession du sieur Saint-Marcel,
son aïeul.
Cette répudiation a été réitérée le 20 février 1806 ;
et le 2Ô mars suivant la dame de Saint-Clément et son
mari ont fait citer le sieur Souteyran, avocat, au bureau
do p a ix , pour se concilier sur la demande tendante à
la reprise et continuation de l’instance pendante entre
les parties, et à ce q u e , ayant égard à ce qui résulte des
actes y énoncés, et à la répudiation par elle faite des
biens à venir de son aieu l, pour s’en tenir à la donation
dotale faite à sa mère le 8 juin 1 7 6 2 , la vente du do
maine de Chaspuzac, cousentie par feu sieur Saint-Marcel
au sieur Souteyran , le 20 octobre 1 7 9 1 , soit déclarée
n u lle , comme faite a non d o m in o , pro non deb>to ,
par contravention formelle au contrat de mariage de la
dame de Boissieu, sa in è r e , et au mépris de l’acte d’op-
�( 16 )
position du 31 mars 1791 ; qu’en conséquence le sieur
Souteyran soit condamné à se désister du domaine de
Chaspuzae, à en restituer les jouissances ainsi que de
d ro it, etc. L e sieur Souteyran comparoît au bureau de
paix ; il s’étonne que la dame Saint-CLement veuille at
taquer la vente du domaine dont il s’agit ; il argue la
procédure de nullité ; il prétend que la dame SaintClément n’avoit rien à faire dans toutes ces demandes ;
qu’en vertu de l’art. i 54 g du Code Napoléon, le mari
seul avoit le droit de poursuivre les détenteurs des biens
dotaux de sa femme ; que celle-ci ne pouvoit figurer
au procès. Ce moyen étoit assez mal imaginé pour un
a vo cat, parce que le Code s’applique principalement à
l’administration, et que la présence de la femme ne
vicioit pas la p ro céd u re, dès que le mari étoit en qua
lité. Cependant le sieur de Saint-Clément, effrayé de cette
demande en nullité, peut-être parce qu’il plaidoit contre
un a v o c a t , a cru d e vo ir renouv el er la citation , inter
venir dans l’instance; ce qui a donné lieu à un nouveau
procès verbal du bureau de paix, où le sieur Souteyran
a répété ce qu’il avoit déjà dit. Il y a eu ensuite assi
gnation aux fins de la cédule; jugement qui donne acte
de l’intervention, et ordonne la reprise ; et enfin autre
jugement du 13 août 1806, qui a nommé pour cura
teur à la succession vacante du sieur Saint-M arcel, la
personne du sieur Belledent, avoué. Bientôt il s’est ouvert
une longue discussion sur les prétentions respectives des
parties.
Les sieur et dame Saint-Clément ont soutenu que la
vente du domaine de Chaspuzae, consentie au sieur
Souteyran,
�( 17 )
Souteyran, étoit nulle ; que l’aliénation avoit été faite
au préjudice des véritables propriétaires •, qu’elle avoit
eu lieu sans cause comme sans nécessité, en contraven
tion formelle aux clauses du contrat de m ariage, du 8
juin 1762; qu’elle avoit été l’effet du repentir, d’une
humeur injuste, de la haine, de l’intrigue et de la col
lusion.
L e sieur de Saint-Marcel avoit fait une donation uni
verselle en faveur de sa fille, sous la réserve de l’usu
fruit : s i , en attendant que cet usufruit f û t consolidé
à la propriété, les donateurs s’étoient reservé la faculté
de vendre certaine partie de leurs biens, ce ne pou voit
être que pour acquitter des dettes exigibles, après une
estimation préalable, et à la charge d’un emploi dont
il seroit justifié.
Il falloit suivre dans les ventes l’ordre établi par le
contrat.
L e domaine de Chaspuzac étoit le dernier objet qui
devoit être atteint : tout le reste d evoit être épuisé avant
à l’aliénation de cette propriété.
Cependant la vente est faite pour payer ¿\ la dame SaintJulien une somme qui ne concernoit pas le sieur de
q u ’on pût songer
Saint-Marcel : c’etoit la dame de Boissieu qui en étoit
tenue ; sa sœur ne pouvoit l’exiger qu’un an après le
décès du sieur Sain t-M arcel ; cette somme ne devoit
produire d’intérêt qu’à défaut de payement à l’époque
de l’exigibilité.
D ’un autre cô té, le surplus du prix de cette vente est
employé à payer une réserve qui, aux termes du contrat
de mariage, ne devoit être prise que sur les biens à venir.
C
�x<6 &
( «« )
Les ventes ne contenoient aucune délégation au profit
des créanciers ; la délégation étoit une des conditions
essentielles de la vente.
L es a c q u é r e u r s 'avoient donc interverti l’ordre prescrit
par le contrat de 1762. Us avoient acquis sans estima
tion , et à vil prix -, ils avoient reconnu le vice de leur
c o n tr at , puisque, par un acte postérieur, ils avoient
dérogé à toutes les clauses de la vente, et s’en étoient rap
portés à l ’estimation d’un tiers. Cette estimation , faite
sans form alité, erronée et partiale, auroit dû au moins
être contradictoire avec les donataires , et n’a été ap
prouvée entre les acquéreurs et le vendeur que par un
acte sous seing privé non fait double.
Les acquéreurs ont eu sous les yeux le contrat de ma
riage de 176 2; ils ont connu la nécessité et le mode de
l’emploi ; ils s’en sont écartés en connoissance de cause.
L e s acquéreurs ont su que le sieur de S a i n t - M a r c e l
avoit plus qu’absorbe, par ses aliénations, le montant
des dettes connues et énoncées dans l’ état joint au contrat
de 1762.
E n effet, suivant cet état, il étoit d û , i ° . au sieur de
Sain t-Julien , p ou r reste de la dot promise par son con
trat, la somme de douze m ille six cents fi\, nonobstant
la quittance insérée au mêm e a c te , ci. . . .
12600
2°. A Messieurs du chapitre de la cathé
drale du P u y , pnr billet du 28 décem bre
2000'
1 7 4 6 , deux m ille francs, c i ..........................
30. A u x dames religieuses de V a is , par
14600 fr.
�S Z q )
— '
14600 fr.
( i9 )
C i-co n tre....................
contrat du 1 0 .avril 1737., pareille somme
de deux mille francs , c i ................................
4 0. A u sieur Farense, prêtre, de Cliarantus, par contrat du 14 octobre 1733, deux
mille francs, c i ....................... ..........................
2000
2000
5 °. A u même sieur Saint-Julien, la somme ;[
de vingt-cinq, mille fr. énoncée payable a u x !
termes portés par son contrat de m ar ia g e,, ci.
6°. A u sieur de St.-M arcel, prêtre, frère
du donateur, . par billet sous, seing .p riv é ,
du 24 janvier. 1 7 3 8 , pour ses droits successifs paternels et maternels, la somme de
six mille francs, c i ...........................................
T
otal
..................................
.
25 ooo
•;
.
6000
49600 fr.
T e l est l’état annexé au contrat. A u bas sont ajoutés
ces mots :
« Nous soussignés , certifions que l’état ci-dessus est
« celui dont il a été fait mention dans le contrat de
« mariage de cejourd’l n i i , auquel nous offrons respec
te tivement de nous conformer.. Fait d o u b le , ce 8 juin
« 1762. » Suivent les signatures.
11 est dém ontré, d’après cet acte fait double, que les
donateurs ne pouvoient vendre aux conditions exprimées
au contrat, que jusqu’à concurrence i° . de la somme de
n e u f mille francs, payable au. sieur Boissieu dans un an,
9000 fr.
ci.................................................................................
a0. A u sieur Saint-Julien,, douze m ille_____ _
9000 fr.
G 3
�( 20 )
D e Vautre p a r t . . . .
9000 fi'.
six cents francs, c i ..................................................12600
3 0. Que le sieur S a i n t - J u l i e n n’a pu
exiger qu’une somme de dix mille francs
sur les 26000 francs promis l’annee d’après
la mort de la dame Saint-Marcel ; c’est-àdii’e, le 16 juin 178 5, attendu que la dame
Saint-Marcel est décédée le 16 juin 178 4 ,
ci.............................................................................
4 0. A u x chapitre et religieuses, quatre
10000
m ille fra n cs, c i ....................................................... "
4 000
5 °. A u sieur Farense, ou au sieur SaintM a rcel, prêtres, huit mille francs, ci. : ... ■ 8000
6°. Enfin, si l’on veu t, pour remplir la
réserve de 12000 francs que s’étoit faite les
donateurs, la somme de neuf mille francs,
ci.............................................................................
9000
On ne trouvera que la somme de cinquante-deux mille six cents francs, c i . . . .
52600 fr.
Jusqu’à concurrence de laquelle les donateurs avoient
la faculté de vendre, à la charge de l’estimation et de
l’emploi.
On a restreint ci - dessus la réserve de la somme de
12000 francs, à celle de 9000 francs; et il faut expliquer
la cause de cette réduction.
On n’a pas oublié que cette réserve de 12000 francs
ne devoit être prise que sur les biens à v e n ir , et subsidiairement seulement, sur les biens actuels, en cas de
besoin. O r , le 17 septembre 1 7 7 3 , lu dame Arcis a re-
�/£ /
( ÎI )
cueilli un legs de 3000 francs, de la part de la dame
P e y r e t, veuve C alm ard, par son testament mystique ,
du 5 février 1 7 7 3 , ce qui réduit bien évidemment la
réserve à 9000 francs ; de sorte que les donateurs ne
pouvoient donc rigoureusement aliéner que jusqu’à con
currence de 62600 francs.
Q u’on compare maintenant l’état des ventes qui ont
été faites depuis 176 2 , par les sieur et dame de SaintM arcel, conjointement ou séparément, et antérieurement
à la vente du domaine de Chaspuzac, on voit par l’état
des ventes, signifié le %fé v r ie r 179 2 , état infidèle dont
on a relevé les omissions avec exactitude,
i° . Une vente par la dame Saint-Marcel,
d’ un champ compris dans la donation , au
prix de sept cents francs, en faveur de Jean
Arnaud, le 27 juin, 176 2 , ci........................
700 fr.
20. A u tre vente de la même au m ême,
le 29 août 1762, au prix de cinq cent qua
rante francs, c i ...................................................
30. A u tre vente sous seing privé, par la
dite dame, en faveur de M . Raymont, prêtre,
le 16 octobre 1762, au prix de huit mille
francs, c i ..............................................................
N ota. Plus , une somme de deux cent
cinquante fr. pour épingles, ainsi qu’il est
prouvé au procès, ci........................................
540
8000
25 o
4». Antre vente de deux prés, par la dame
Saint-Marcel, en faveur de Marie Enjolras,
9490 fr.
�( 22 )
D e Vautre p a r t . . . . ...........
veuve Gallien, le 7 décembre 1762, au prix
de deux mille francs ( P i c h o t , notaire ) ,
................................................................................
5°. A u tre vente par la meme, à Claude
Bernard , le 25 avril 1763 , au prix de
six cents francs, c i ...........................................
6°. Vente par M . Saint-Marcel, au sieur
949 ° &’•
2000
600
B ru n ei, le 5 septembre 1 7 6 3 , au prix de
six cents francs, c i ...........................................
7°. A u tre vente par le sieur Saint-Marcel,
à un sieur V in cent, le 4 novembre 1763 ,
au prix de trois mille deux cents francs, ci.
8°. A u tre vente par M . Saint-Marcel, à
Jean V ianis, de plusieurs fonds à Farreiv o le s , le 11 décembre 1762 (V a le tte , no
taire ) ,
600
3200
au p r i x de q u a t r e - v i n g t - d i x - n e u f
francs, c i ..............................................................
90; A u tr e ,’ parde même au m êm e, d’un
cliezal, le i 5 mars 1763 (m êm e notaire ) ,
au prix de neuf francs, ci.............................
io °. A u tre , par le même au même, d’une
maison et grange à Farreivoles (même no— •
ta i r e ) , au prix de cent francs, c i ................
i l 0. A u tre vente par M . de Saint-Marcel,
à V idal Masson j ' i e 6 avril 1 7 6 4 , pour
seize cents fr a n c s , c i . ..........................................
12°. A u t r e ve n te par le m êm e, à J.-P îerro
99
9
• 100
i
6 oq-
17698 fr.
�( *3 ) r
C i-con tre.....................
B u r r e l, le 28 août 1 7 6 4 , avec cession de
toute plus-value, au prix de trois cents fr., •
ci.............................................................................
13 0. ^A u tre vente à Jean-Pierre Sicard,
le 11 mars 1765, pour trois cents francs, ci.
140. A u tre vente parle même, à Matthieu
R o u x , le 30 janvier 1 7 7 0 , pour six cent
cinquante francs, c i.........................................
1 5°. A u tre vente par les sieur et dame
SaintrMarcel, au sieur B ru n ei, le 21 avril
1765, pour sept cent cinquante francs, ci. .
160. A u tr e , par le sieur Saint-M arcel, A
Pierre R o c h e , le 10 décembre 1766, pour
trois cent quatre-vingt-quatorze francs, ci.
1 7 0. A u tr e , par le m ême, à Hyacinthe et
17698 fr
300
300
65 o
750
394
Marie R o u d il, le 7 mars 1 7 6 7 , pour quatre
cent quatre-vingts francs, c i ......... ................
180. A u t r e , par le sieur Saint-Marcel,. au
sieur B r u n e i , le 18 mars 176 7, au p r ix de
sept cents francs, c i ............................................
190. A u tre vente p rivée, par le m êm e,
480
700
le 23 mars 1768, a Jean-Pierre Pages, pour
quatorze cents francs, ci.................................
1400
20°. A u tre , à A n dré R o u x , du 13 novem
bre 1769, avec cession de plus-value, pour
cinq cent cinquante francs, ci............. .........
55o
2.1°. A u tr e , en faveur de la dame veuve
23222 fr
�u n s <
( 24 )
D e Vautre p a r t . . . ..............
B o u lh io l, le 23 décembre 1 7 7 °? au prix
de trois mille huit cents francs, c i ................
22°. A u t r e , à Matthieu A l y r o l , le 21
janvier 1 7 7 2 , pour quatre cent cinquante
francs, avec cession de plus-value, ci.........
230. Autre, au sieur Flori, du 30 septembre
1771 , au prix de trois mille francs, ci. . .
240. A u t r e , au profit du sieur SaintM arcel, curé d e l’Hôtel-Dieu, le 4 décembre
177 2 , pour sept mille huit cents francs, ci.
25 °. A u tr e , au sieur Chaumel, le 21 mars
1 7 7 3 , pour neuf cent cinquante francs, ci.
26°. A u t r e , à Louis B le u , le i er. dé
cembre 1 7 7 6 , pour quatre-vingt-seize f r . ,
ci.............................................................................
27°. A u t r e - v e n t e privée, au sieur F l o r i ,
23222 fr.
3800
..
4^0
3000
7800
950
96
le i or. décembre 1 7 8 1 , po ur quatoi’ze cents
francs, c i ..............................................................
28°. A utre, du 8 novembre 1782, au prix
de cinq mille six cents francs, c i ..................
29°. A u tre , du 19 avril 1786, pour quatre
cents francs , c i ..................................................
30°. Expédition du jardin de Vienne, par
le sieur Saint-Marcel, au sieur de Boissieu,
son gendre, le 28 mai 17 8 8 , pour trois
mille cinq cents francs, c i ..............................
31°. Délaissement de fonds par le sieur
1400
56 oo 400
3^00
5o2 i8 fr.
�( 25)
C i-co n tre.......................
5 o a i 8 fr.
St.-Marcel, en faveur du syndic de l’hôpital
du P u y , le 6 novembre 1782, au prix de
trois cents fr., avec promesse que les pauvres
assisteront à son d écès, ainsi qu’est d’ usnge
d’y assister lors du décès d’un bienfaiteur,
C1.............................................................................
3 2°- A u tre délaissement de fonds, par le
môme , en faveur du directeur de l’HôtelD ie u , le 9 février 1783, au prix de quatorze
cents francs, c i ..................................................
T
otal
...............................
300
1400
5 1 9 1 8 fr.
Qu’on ajoute les 3000 f r . , montant du legs fait à la
dame Saint-M arcel, le 5 février 1 7 7 3 , et recueilli le 1 7 3 ^
décembre suivant, l ’on verra qu’il y avoit entre les mains
u u d z.
~
du sieur de Saint-Marcel, -£^918 fr. pour faire face aux 'ir o h x i— £ ^ ,
dettes exigibles de son vivant^
OÜ%Par quel inconcevable caprice le sieur Saint-Marcel
a-t-il donc vendu le domaine de Chaspuzac ? L e sieur
Souteyran, sous le nom du sieur Saint-M arcel, voulut
justifier cette vente, en donnant un état des prétendus
payemens faits par le sieur S a in t-M a rce l, et qu’il fait
porter à la somme de 76619 fr. ; de sorte que même en
ajoutant le prix de la vente de Chaspuzac, le sieur SaintMarcel se trouveroit encore en avance.
Mais de quel droit le sieur Saint-Marcel se seroit-il
permis de payer des prétendues dettes non comprises en
l’état fait double entre son gendre et lui ? d’un autre côté,
com m ent ces payemens sont-ils justifiés? la plupart par
D
�*
(» 6 )
des quittance? SQUS seing p r i v é , qui n’annoncent que des
dettes fictives ou des dettes postérieures au contrat ; par
des remboursemens de capitaux aliénés ù titre de rentes
constituées avec toutes l'etenues ; dettes qui ne pouvoient
exiger l’aliénation des immeubles. Ce seroit de la part
du sieur de Saint-Marcel la plus mauvaise administra
tion, s’il eût été propriétaire : c’est un mandataire infi
dèle , qui a excédé ou abusé de son mandat, dès qu’il
n’avoit qu’ un titre précaire.
D e v o it- il encore aliéner des immeubles pour rem
bourser à la dame Saint-Julien , sa fille , un capital qui
ne produisoit aucun in té rê t, qui n’étoit exigible qu’un
an après son décès, qui par conséquent n’étoit pas sa
dette personnelle? C ’est à sa fille de Boissieu qu’il devoit
laisser ce soin ; c’est elle seule qui étoit chargée de ce
remboursement.
L e sieur de Saint-Marcel étoit d’autant moins excusable,
qu’indépendiunment des sommes provenues des ventes
multipliées qu’il a faites, il avoit encore tous les effets,
meubles et bijoux de la dame A r c i s , son épouse, qui
avoit joui de ses biens a ven tifs considérables, puisqu’elle
avoit recueilli la succession de la dame Bossolade, sa
m è re , et de deux oncles. L e sieur de S a in t-M a rc e l ne
s’étoit-il pas réservé encore ses contrats, les arrérages
des renies, des baux de ferme, toutes ses dettes actives?
N ’étoit-il pas plus naturel d’utiliser ces objets , de les
vendre, et en employer le prix à l’acquittement des dettes?
Toutes ces circonstances établissoient que la vente du
domaine de Clinspuzac avoil été faite sans nécessité comme
sans caïue; qu’elle ctoit Je fruit de l ’intrigue, de la pré-
�( 27 )
vention et de l’artifice ; qu’elle avoit été consentie pav
une personne incapable ; que dès-lors elle devoit êtrê
déclarée nulle.
Les sieur et dame Saint-Clément donnoient une nou
velle force à ces moyens, en argumentant de la vilité du
prix de cette vente. Cette vilité est démontrée par les
baux de ferme. O n voit en effet que ce domaine étoit
affermé sous la réserve«du bâtiment du m aître, de tous
les bois p in s , de toutes les plantations qui sont autour
des propriétés, et du verger qui environne lés bâtimens,
mo37ennant 5oo francs argent, vingt-deux setiers seigle,
de seize cartons le setier; quatre setiers o rg e , même
mesure; huit cartons de pois blancs, cinquante livres
beurre, et cinquante livres de fromage, quatre paires de
chapons, dix-huit livres chanvre, deux charges de raves,
d’une charge pommes de terre, le tout portable au P u y ;
dix journés de b œ u fs, la moitié de la tonte des a rb re s,
tous les plançons à planter par le ferm ier, le chauffage
ù la v ill e et î\ la campagne.
Si on ajoute qu’à l’époque de la vente la dîine étoit
su pprim ée, on verra qu’un domaine qui rapporte plus
de 2000 francs de revenus n’a été vendu, le 21 octobre
1 7 9 1 , que 21100 fr. assignats, n’a été estimé, le 14 mai
1 7 9 2 , qu’ une somme de 21427 fr. assignats, q u i, d’après
l’ échelle du temps, donne la somme de 14784 liv. 12 sous
en numéraire.
D ’après ces détails, ilsembloit que la’ nullité de là vente
ne pouvoit faire la matière d’ un doute : cependant la
cause portée à l’audience du tribunal du P i i y , le 12
mai 1807 ? Ie3 sieur et dame S a i n t - C l é m e n t ont sucD 2
�( *8 )
combe. Il est indispensable de connoître les motifs et
le dispositif de ce jugement. Les premiers juges posent
trois questions.
i° . L e sieur de Saint-Marcel a-t-il été autorisé, en exé
cution des clauses insérées au contrat de mariage des sieur
et dame de Boissieu, à vendre le domaine de Chaspuzac?
2,0. L ’opposition faite de la part des mariés de Boissieu
et Saint-Marcel peut-elle être considérée comme un moyen
suffisant pour opérer l’annullation de la vente?
3°. Cette vente peut-elle être considérée comme faite
à vil p r i x , en ce qu’elle n’a pas été précédée d’ une
estimation contradictoire avec les parties intéressées; et,
sous ce l’app ort, doit-elle être déclarée n u lle ?
« Attendu qu’il résulte des clauses insérées au contrat
« de mariage du sieur Salvaing de Boissieu , et de dame'
a Marie-Françoise-Louise de Saint-Marcel, qu’il fut con« venu entre les parties contractantes , que le sieur do
« S ai n t - M ar c e l et son é p o u s é , donateurs , aïeuls des de« mandeurs , auroient la faculté de vendre les domaines,
« champs et vignes spécifiés au contrat de m ariage,
« parmi lesquels se trouve compris le domaine de Clias« puzac , vendu au sieur Souteyran ,
o i°. P o u r le piyeinent de la somme de 9000 francs,
« restée due au s:eur de Boissieu, pour la constitution
« de dot de son épouse; 20. pour la somme de 12600 fr.
« du premier payement de la dot de la dame Saint« J u lie n , outre ceux qui écherront à l’avenir; 30. pour
« les autres dettes passives des donateurs; 40. pour lu
« réserve de 12000 francs faite par les donateurs, à
a la chnrge que les ventes seroient faites ù leur juste
�( 29 )
cc valeur et sur le pied de l’estimation ; à la charge encore
« d’en rapporter un légitime emploi., de conformité à
«l’état connu des parties;
« Attendu qu’il est indifférent que le domaine de
« Chaspuzac ait été rappelé le dernier des objets à
c< vendre, puisqu’on n’a voit pas obligé les donateurs à ne
« l’aliéner qu’après avoir épuisé les autres héritages rap« pelés en ordre antérieurement ; qu’il étoit par consé« quent libre h ces derniers de vendre le domaine conten
te tieux avant les autres objets dont l’aliénation étoit
« autorisée ;
« Attendu qu’il résulte de la combinaison des clauses
« insérées au contrat de mariage, avec l’état connu des
« parties dont il y est fait m en tion, que les donateurs
« pouvoient aliéner des biens dépendans de leur patri« m o in e, jusqu’à concurrence, i°. d’une somme de
« 49600 fr. ; 20. de celle de 9000 francs, pour reste de la
» « dot de la dame de Boissieu; 30. de celle de 1200 fr.
« p o u r la réserve stipulée par les donateui*s; 4 0. enfin
« p o u r la somme de 4000 francs additionnée à PefFet
« connu des parties, a in si que les demandeurs en
« conviennent ,*
.« Que ces diverses sommes s’élèvent à celle de 74600 fr.
« Attendu que d’après les états produits des ventes,
« le prix total d’icelles ne s’élevoit pas, lors de la vente
v. de Chaspuzac, à beaucoup près, à la susdite somme
« de 74600 francs; que dès-lors , on exécution du contrat
«
«
«
«
de m ariage, les donateurs ou l’un deux étoient autorisés ;\ vendre le domaine contentieux , pour parvenir
an payement des dettes dont étoient grevés les biens par
eux donnés ; qu’en supposant qu’après les dettes payées,
�«
a
«
Ô° )
il se fût trouvé de l’excédant, la vente du domaine
n’en seroit pas moins valable, puisque les vendeurs
n’auroient été obligés que d’en faire un e m p lo i, ou
de placer cet excédant en mains sûres, du consentement des donataires ;
« Attendu qu’on ne peut pas soutenir raisonnablement
que les sieur et dame Sain t-M arcel ne fussent autorisés à anticiper les termes de la dot de la dame de
Saint-Julien , puisqu’il résulte tant du contrat de mariage que de l ’état y m en tio n n é, qu’il étoit libre aux
donateurs de vendre jusqu’à concurrence de 25 ooo fr.
qu’ils restoient devoir pour cet o b jet, et qu’on ne
les avoit restreints par aucune clause prohibitive dans
ce même contrat, à attendre l’échéance de tous les
termes de la constitution de dot ;
« Attendu q u’il seroit également injuste de prétendre
qu’il devoit se faire une compensation du pr oduit des
ventes des biens de la dame de Saint-M arcel, faites
par son mari antérieurement au contrat de mariage
a
cc
«
«
des sieur et dame de Boissieu, avec la réserve stipulée au contrat d’une somme de 12000 francs puisqu’il
résulte de l’esprit et de la lettre de ce dernier contrat
que les donateurs avoient entendu n’etre pas recherchés
cf
«
«
oc
«
«
«
«
«
«
«
«
«
«
a à raison desdites ventes par les donataires.
« En ce qui touche l’opposition faite par les mariés
« de Boissieu et Saint-Marcel, envers lu vente du domaine
« de Chnspuzac ;
« Attendu q u ’étant établi q u e le sieur de S a in t-M a rc e l
a étoit suffisam m ent autorisé à v e n d r e le d o m a in e c o n -
« t e n t i e u x , et q u ’à l ’é p o q u e de la v e n te les dettes d é « cla ré es tant dans le co n tra t d e m a ria g e q u e dans l ’état
�«
«
«
«
«
«
«
«
«
«
«
«
«
«
( 31 )
y énoncé, n’étant pas entièrement payées, on doit nécessairement convenir que l’opposition dont il s’agit
ne devoit pas arrêter la vente du dom aine, et qu’ainsi
cette opposition ne sauroit être un motif suffisant pour
constituer l’acquéreur en mauvaise f o i , et opérer la
nullité de la vente.
« E n ce qui touche le moyen de nullité proposé sur
la vilité du prix de la ven te, et du défaut de l’estimation préalable faite contradictoirement de l’objet
dont il s’agit;
« Attendu qu’en supposant qu’il y eût de l’irrégularite quant au défaut d’estimation, et que la vente eût
été faite à vil p rix, ces deux circonstances ne sauroient
en faire prononcer la nullité; que les demandeurs ne
pourroient tout au plus qu’être reçus à faire procéder
à une nouvelle estimation , eu égard à la valeur de
« l’objet vendu à l’époque du contrat de v e n t e , pour
« en réclamer l’excédant, si toutefois il étoit établi qu’il
« n’a pas été vend u h sa juste valeur.
« D ’après ces motifs , le t r i b u n a l , faisant droit nux
« conclusions prises par M e. Souteyran, sans avoir égard
« à celles prises par les demandeurs, non plus qu’à l’op« position faite par les sieur et dame de Boissieu, à la
« vente du domaine de Chaspuzac, les a démis de leur
« demande en nullité de la vente par fin de uon-valoir;
« ce faisant, a maintenu M<-\ Souteyran dans la propriété
« et jouissance du susdit domaine; demeurant néanmoins
« réservé aux sieur et dame de Saint-Clément de faire
« procéder, si bon leur semble, à leurs frais avancés,
« à l’estimation du susdit domaine, eu égard î\ sa valeur
�( 32 )
« à l’époq ue du contrat de v e n t e , et ce par experts c o n « venus ou pris d’office : les condamne en tous les dépens
« tant envers le sieur Souteyran q u ’envers le curateur à
« l ’hoirie vacante. »
Cette rédaction n’est pas un effort de g é n i e ; elle est
un tissu d ’erreurs et d’absurdités. L e s sieur et dame de
S a i n t - C l é m e n t n’ont pas hésité à en interjeter appel. Ils
v o n t démont rer que ce j ugement a tout à la fois consacré
l’injustice, et violé les principes les plus connus.
C ’est dans le contrat du 8 juin 1762 qu’ il faut chercher
la solution des questions à juger. Les premiers juges disent
qu’ils en ont combiné les clauses , qu’ils ont apprécié
Tespi'it et la lettre de ce contrat, et que le résultat est
tout en faveur du sieur Souteyran. Il s’agit donc d’analiser
cet acte, qui ne laisse point de louche dans son interpré
tation.
Il contient d’abord une donation entre-vifs, irrévocable
et dotale , au profit de la dame de Boissieu , de tous les
biens meubles et immeubles, présens et à v en ir, des sieur
et dame $aint-M arcel, donateurs.
Cette donation emporte dessaisissement actuel de tous
les biens présen s, puisqu’elle est accompagnée de la tra
dition la plus ordinaire, la réserve de Vusufruit au profit
des donateurs.
A la vérité , elle est tout à la fois de biens présens
et à v e n ir, ce qui nécessite la survie du donataire pour
en calculer les effets, mais n’emporte pas moins la tra
dition de tous les biens présens ; puisque le donataire,
comme on le sait, a le droit d’abdiquer à la mort du
donateur les biens à v e n ir , pour s’en tenir aux biens
présens,
Au
�( 33 )
A u moyen de cette abdication, le donataire a le droit
de conserver la propriété de tous les biens qui existaient
lors de la donation, sans autre charge que de payer les
dettes antérieures à cette même donation.
Tels sont les principes certains en cette matière, con
sacrés par l’ordonnance de 1731.
Les sieur et dame de Saint-Clém ent, par représen
tation de la dame de Boissieu , leur m ère, ont déclaré ,
au moment de l’ouverture de la succession du sieur SaintM a rc e l, qu’ils abdiquoient les biens à v e n ir , pour s’en
tenir aux biens présens : les voilà donc irrévocablement
propriétaires de tous les biens qui existoient le 8 juin 1762.
Il est vrai que lors de ce contrat de mariage les dona
teurs se sont réservé, nonobstant la donation, la faculté
de vendre certains biens qui en faisoient partie.
Mais cette faculté exorbitante est subordonnée à des
conditions et à des causes disertement exp rim ées, et dont
il étoit impossible de s’écarter : dicta lex est contraclui.
Dans un contrat de mariage , tout est à l’avantage des
é p o u x ; tout doit être largement et libéralement inter
prété pour eux : le père lui-même est présumé s’être
conduit avec des intentions libérales pour l’avantage de
ses enfans ; et tout ce qu’il a fait ou voulu faire est
toujours censé en leur faveur.
Les conditions apposées à la vente 11e sont pas des
conditions potestatiçes, elles sont irritantes. On ne peut
séparer la faculté de la condition; l’une ne peut subsister
sans l’autre. Tels sont encore les principes généraux.
O r , peut-on dire que la faculté de vendre, réservée
dans le contrat de mariage de la dame de Boissieu, soit
E
�( 34 )
une faculté absolue et illimitée ? N ’est-il pas évident,
au contraire , qu’elle est restreinte à un objet prévu ,
passé ou présent, c’e s t - à - d i r e , le payement des dettes
contractées antérieurement à la donation, et qui existoient
alors ? Dans ce cas, l’événement ou la cause étant déter
miné , la condition en est inséparable ; elle anéantit ou
fait subsister la faculté , sans qu’elle puisse être étendue
d’un cas à un autre. Conditio in prœteritum non tantum
in prœsens tempus rela ta , statim aut peremit obligatio n em , aut om nino non diJJ'ert. L . 100, ff. IDe verb.
obligat.
Eu effet, les sieur et dame de Saint-Marcel ne se ré
servent la faculté de vendre que pour certains objets :
i° . pour le payement de la somme de 9000 francs , qui
faisoit le complément de l’avancement d’hoirie de la
dame de Boissieu ; 20. pour la somme de 12600 fr. due
à la dame de Saint-Julien, et pour acquitter les autres
dettes passives des donateurs.
Si le montant de ces dettes passives n’est pas exprimé
au contrat, c’est parce qu’il est dit et répété que cet état
est connu des parties. On voit en effet que le même
jour cet état a été donné au sieur de Boissieu, et que
les père et mère ont certifié qu’ il étoit le même que celui
dont il a été fait mention dans le contrat de mariage,
et auquel on s'oblige de se conform er.
Si les père et mère, en se réservant la faculté de vendre
p o u r acquitter le premier terme de la dot de la dame
Saint-Julien , ont ajouté ces mots
: Outre ret/x qui écher
ront (i fa ^ e n tr , ils n’ont pu nécessairement entendre
que le prem ier terme qui devoit é choir un an après la
�( 35 )
mort du premier d’eutr’e u x , c’cst-à-dire, 10000 francs :
il est impossible qu’ils aient eu en vue celui qui ne devoit
être payé qu’après le décès du survivant. Cependant on
v o it, dans l’état annexé a u ’contrat, qu’ils y ont compris
ces deux termes; e t, malgré cette cumulation, l’état des
dettes ne se porte qu’à 49600 francs.
Ce seroit donc donner une grande latitude à la faculté
reservée, que d’autoriser les ventes jusqu’à concurrence
de 49600 francs, en les employant à l’acquittement de
ces dettes connues.
Mais encore à quelle condition devoient être faites ces
ventes ? Suivant le co n trat, on ne pouvoit les faire
qu’avec délégation aux créanciers; et la plupart des ventes
ne contiennent aucune délégation.
Les sieur et dame de Saint-Marcel ne pouvoient vendre
les immeubles qu’à leur juste valeur, et sur le pied de
l’estimation : partout il y a vilité de p r ix , et jamais on
11’a pris la précaution de faire estimer.
L e s donateurs devoient rajîporler un légitime e m p l o i ,
de conformité ¿1 l’état connu des parties, et aucun acqué
reur n’a veillé à cet emploi,
La première somme qui devoit être acquittée étoit
celle de 9000 francs, servant à compléter l’avancement
d’hoirie de 20000 francs, constitué à la dame de Boissieu ; et le sieur de Boissieu n’a jamais reçu cette somme;
il n’a touché sur celle de 20000 francs r constituée en
avancement d’h o ir ie , qu’ une somme de 12000 francs ,
en payemens morcelés, o u , comme il le d it, et comme
le père en convient dans ses lettres, à parties brisées.
Dans le contrat ou désigne par ordre les immeubles
E 2
�qui doivent être vendus. L e domaine de Chaspuzac est
le dernier qui peut l’être : il faut épuiser tous les autres
avant d’en venir à celui-ci ; et cependant il a été vendu,
tandis que les autres, notamment Orzillac, , un des pre
miers désignés, est encore existant dans la succession.
Les premiers juges, à la vérité, sont peu touchés de
cette circonstance. Peu im porte, disent-ils , que C hasp uza c soit le premier ou le dernier-, il auroit fallu une
prohibition expresse d’aliéner celui-là avant les autres;
et comme il n’existe pas de clause de ce g e n re , le sieur
de Saint-Marcel a pu faire comme il lui a plu.
C ’est étrangement raisonner. H n’y a rien d’inutile dans
un contrat de mariage. N ’est-il pas raisonnable de penser
que lorsque les donateurs se sont réservé la faculté de
v e n d r e , ils ont dû d’abord penser aux objets les moins
importans et les moins précieux? E t ils ont bien claire
ment stipulé que le domaine de C h a s p u z a c ne pourroit
être v en d u que le dernier , par ces expressions limita
tives, et finalem ent : ce qui veut dire, en bon français,
qu’une chose doit être faite avant l’autre; c’e s t-à -d ir e ,
que les pi’emicrs immeubles désignés doivent être épuisés
avant d’en venir au dernier.
E n un m o t, les père et mère donateurs n’avoient plus
sur les biens donnés qu’un titre précaire : s’ils en conservoient l’administration par leur réserve d’usufruit, ils
ne pou voient plus en disposer à titre gratuit.
S’ ils sc sont réservé la faculté de vendre une portion
de ces biens don n és, ils se sont imposé des conditions
dont ils n’ont pu s’écarter. Ils ne pouvoient aggraver la
condition des donataires, sans manquer à la foi promise.
�,
,
J $ T
( 37 )
U
Ils sont devenus de simples mandataires, les procureurs
constitués de leur iille, et ont dû se renfermer dans leur
mandat. Personne n’ignore que le mandataire qui a ex
cédé ses pouvoirs, ne peut engager le mandant : la loi 10,
au cod. D e p ro cu r, en a une disposition expresse.
Quelle étoit la charge des mandataires ? Ils devoient
vendre pour cause légitime ; ils devoient déléguer le prix
des ventes aux créanciers connus ; ils devoient faire un
emploi des deniers ; ils devoient vendre les immeubles
à leur juste valeur, et sur le prix de l’estimation. Toutes
les ventes sont faites sans délégation, sans em ploi, sans
estimation ; donc toutes les ventes sont nulles.
Celle consentie au sieur Souteyran a des circonstances
particulières auxquelles l’acquéreur ne peut échapper.
Il a connu le vice de sou acquisition ; il a été averti de
l ’incapacité du vendeur; il a acheté sciemment u n p ro cès;
comment p o u r r o it-il donc résister à l j demande en
nullité ?
11 faut se rappeler que les sieur et dame de Boissieu avoient été prévenus des manœuvres pratiquées auprès
du sieur de Saint-Marcel par le sieur Souteyran p è re ,
pour se faire vendre le domaine de Chaspuzac.
Les sieur et dame de Boissieu, pour l’é v ite r , firent
notifier une opposition au sieur Souteyran, le 31 mars
1 7 9 1 , et lui donnèrent copie du contrat de mariage, du
8 juin 1762 , qui étoit le pacte (le famille.
Par cette notification, les sieur et dame de Boissieu
apprenoient au sieur Souteyran que le sieur Saint-Marcel
étoit dans l’incapacité d’aliéner ; qu’il avoit épuisé la
�quotité permise ou réservée, et que désormais toute vente
par lui consentie seroit absolument nulle.
La première idée que devoit faire naître cette décla
ration, surtout à un homme d’aflaires, étoit d’abandonner
tout projet d’acquisition.
En effet, c’étoit acquérir un procès; c’étoit entrer en
litige sur le fo n d du d ro it, puisqu’on contestoit la capa
cité du vendeur.
A u m oins, si on ne vouloit pas acheter de procès,
devoit-on, avant tout, faire statuer sur l’opposition qui
avoit été formée par le sieur de Boissieu : les tribunaux
en auroient apprécié le mérite. C ’étoit un procès de fa
m ille, une discussion qui nécessitoit l’examen des droits
du sieur de S ain t-M arcel, de l’état des ventes par lui
faites, des dettes par lui payées; en un m o t, des affaires
les plus secrètes de l’intérieur de cette famille, dans les
quelles le sieur Souteyran ne devoit pas pénétrei*.
Mais c e l u i - c i croit p o uv o ir tout braver. U n procu
reur qui a de l’empire sur son clie n t, le détermine à lui
vendre, pour avoir le droit de plaider le surlendemain,
et d’ entamer un procès qui dure depuis cette vente. Aussi
voit-on le plaisir qu’avoit le sieur Saint-Marcel d’avoir
si bien choisi son acquéreur. Par une première lettre
du 27 octobre 1791 j lu père écrit à sa fille qu’ il a dé
pouillée deux jours auparavant , q u 'il lu i se ra J b rt aisé
de f a i r e valoir cette vente.
Plusieurs lettres ensuite, des 5 , 9 , 19 , et jours suivans
du mois de novem bre, portent « qu’il a fait cette vente
« pour se libérer envers sa fille d’ une somme de 12000 f . ,
�«
«
«
«
«
«
«
«
«
«
«
( 39 )
quoique non payable qu après l u i , qu’il a bien voulu
gratuitem ent lui payer, parce q i i i l lu i a plu a in si ;
que sa fille et son gendre se souviennent qu’ils auront
affaire à un hom m e de loi entendu, q u i saura bien
donner au contrat de vente toute l’authenticité et
valeur qu’il mérite.
Dans une autre il écrit que « les sieur et dame de
Boissieu auront affaire à un homme de loi q u i les
mènera dur • que de son côté il a tant de moyens
de faire repentir M. de Boissieu de tout ce qu’il a osé
e n t r e p r e n d r e , qu’il en sera toujours la dupe., et en
payera la façon. »
L e sieur Souteyran donne bientôt cette satisfaction à
son vendeur, puisque le surlendemain il assigne le sieur
de Saint-Marcel pour faire valoir la v e n te , donne son
gendre pour avoué au sieur de Saint-Marcel, et fait mettre
en cause les sieur et dame Boissieu.
Mais cet homme de l o i , qui devoit si bien savoir son
m é t i e r , qui d e vo it donner à cette vente une s i grajide
a u th e n tic ité et v a le u r , qui avoit sous les y e u x le contrat
de mariage de 1 7 6 2 , s’aperçoit cependant qu’il ne s’est
pas conformé aux clauses du contrat, et que la vente est
nulle.
Il croit réparer sa faute en dérogeant à cettc vente
par un acte postérieur, et en faisant estimer pour la forme
le domaine qu’il venoit d’acquérir. Mais s’il savoit si
bien son m étier, comment ri’a-t-il pas vu que cette esti
mation devoit être contradictoire avec les sieur et dume
B o i s s i e u ; qu’elle ne pouvoit être faite amiablemeut, sans
form alité, et par un seul expert. O u ne voit là que ma-
�( 40 }
ladresse , embarras d’un homme incertain , comme on
l ’est toujours quand on achète un procès ; et le sieur
Souteyran a évidemment trompé le sieur de Saint-Marcel
dans son attente.
Cet homme de loi si instruit croit justifier d’un emploi,
en payant à la dame de Saint-Julien une somme qui ne
lui étoit pas due ; en faisant porter le surplus du p rix
sur une réserve qui ne devoit être prise que sur les
biens à venir ,* et il étoit échu des biens depuis la do
nation, notamment le legs de 3000 fr. de la dame veuve
Calmar/
Cet homme de lo i ne s’est pas dissimulé le vice de
son acquisition, puisqu’il a essayé de le réparer : il
s’est jugé luï-même; comment donc pourroit-il échapper
à la nullité ?
Il étoit homme de loi ; le sieur de Saint-Marcol étoit
son client ; il a acquis un procès : il y avoit contestation
sur le f o n d du droit, puisqu’ on altaquoit la capacité
du vendeur. La chose étoit donc litigieuse, d’après l’art.
1700 du Code N ap oléon , qui ne fait, en ce p o in t,
que rappeler les anciens principes. L e sieur Souleyran
n’a donc pu acquérir ; sa vente est réprouvée par les
lois anciennes et nouvelles. Les lois V e r diversas mettent
au dernier rang de la société ceux qui achètent des procès;
l ’article '54 de l’ordonnance de i 56 o défend à tous juges,
avocats, procureurs, d’en acquérir. Cette prohibition est
renouvelée par l’article 1697 du Code Napoléon. Et
ce n’est point ici le cas d’une subrogation ; c’est un vice
radical, qui entraîne la nullité de la vente : il y a incapa
cité absolue de la part de l’acquéreur.
fl,
Le
�41
L e sieur Soutcyran ne justifiera jamais cette acquisition.
Quels sont en effet les moyens qu’if a proposés pour
sa défense ? On les trouve répétés dans fes motifs du
jugem ent, qui fes a adoptés dans feur entier.
Il prétend, i ° . que les père et m ère, lors du contrat
de mariage de 1762 , stipufèrent la faculté de vendre et
aliéner les immeubles y désignés, parmi lesquels on trouve
le domaine de C haspuzac ,* il en tire la conséquence
que la propriété de cet immeuble ne quitta jamais le
donateur; et si le sieur de S a in t-M a rce l avoit ju s in
re , pourquoi le sieur Souteyran père n’auroit-il pas
acquis?
L e sieur Souteyran , en proposant ce moyen , 11e s’aper
çoit pas qu’il commet une erreur évidente. La donation
portée au contrat de mariage de 1762 est universelle; les
donateurs ne se réservent que l’usufruit, ce qui est une
tradition feinte qui emporte le dessaisissement de la pro
priété : et si les donateurs conservent la faculté d’aliéner
certains immeubles, ce n’est que comme mandataires de
leur fille , et en remplissant toutes les conditions q u ’ils
se sont imposées.
L e sieur Souteyran rit de l’opposition qui a précédé
la vente ; il trouve plaisant que les appelans aient la
prétention de penser qu’avant d’acquérir le domaine de
Chaspuzac il auroit fallu faire statuer sur l’opposition :
le sieur Souteyran ne trouve aucune loi qui l’y ait obligé.
Il semble cependant que la loi se trou voit dans le contrat
même qu’il avoit sous les yeu x; qu’ un donataire universel
a le droit de s’opposer ¿\ ce qu’on vende les objets qui
fout partie de la donation. L e contrat fait la loi dos parties :
F
�(
4 0
.
dicta lex est contractui. S’il restoit des dettes à acquitter,
le sieur de Boissieu n’avoit-il pas le droit d’arrêter les
ventes, en offrant de payer les dettes ? Son opposition
avoit pour objet de prouver qu’il n’existoit pas de dettes,
et que la faculté de vendre, réservée par le contrat, étoit
absorbée.
L e sieur Souteyran répond à cet argument, en disant
que M . de Boissieu s’appeloit Monsieur court d'argent;
qu’il avoit été obligé de stipuler dans son contrat la
permission honteuse d’aliéner des immeubles de son
épouse ; que lui Souteyran avoit prêté 3000 francs au
sieur de Boissieu, en 178 5 , et avoit été obligé de lui
envoyer les huissiers.
Ce n’est là qu’ une grossièreté qui ne répond ni au
point de fa it, ni au point de droit. Tous les jours on
voit dans les contrats de semblables permissions d’aliéner,
sans qu’on ait jamais regardé des clauses de ce genre
c omme honteuses. Elles sont plutôt des clauses de con
venance , pour faciliter des rCviremens de fortune , et
annoncent au contraire une grande confiance dans la
solvabilité du m ari.
L e sieur Souteyran veut prouver la légitimité de cette
vente, par l’état des ventes précédentes, et des payemens
qui ont été faits par le sieur de Saint-Marcel. Mais 011
a vu au contraire, par ces états, que le sieur de SaintMarcel avoit abusé de la permission , et excédé son
mandat, p u i s q u ’ il avoit vendu au-delà des sommes portées
en l'état donné au sieur de Boissieu, le jour du mariage;
état qui se réfère au contrat , et ne fait qu’un seul et
même acte.
�( 43 )
L e sieur Souteyran approuve le sieur de Saint-Marcel
cl’avoir anticipé le payement de la dame de Saint-Julien,
comme d’avoir pris les 12000 francs de s& réserve. L e
contrat lui en donnoit le droit; et s’il avoit pris un terme
avec la dame de Saint-Julien , c’étoit un avantage qui
lui étoit personnel ; il étoit le maître d’en user sans que
la dame de Boissieu pût s’en plaindre. Mais comment
accorder cette proposition avec ce qui est exprimé dans
l’état, que la somme de z 5ooo francs due à la dame de
Saint-Julien , est payable a u x termes portés p ar son
contrat de mariage. Telle est la loi de9 parties. Il ne
pouvait y avoir qu’uiï seul terme exigible, c’étoit celui
payable un an après le décès du premier mourant. Ce
terme étoit écliu depuis le 16 juin 1786; il étoit payé
depuis le mois de novembre 1784, ainsi que la quittancé
en fait foi : le payement du surplus, fait à la dame de
Saint-Julien , n’a donc pas été une cause légitime de
vente , ni un légitime em ploi?
I>a réserve ne de voit être prise que sur les biens à
venir, et il en étoit écliu de cette nature : 011 ne pouvoit
donc vendre pour cet o b jet, sans avoir épuisé les pr e
miers. D ’un autre côté, le sieur de Saint-Marcel avoit
déjà employé sur cette réserve, partie du prix du jardin
de V ie n n e , qu’il avoit délaissé à son gendre : il l’avoit
ainsi exigé. Comment donc a-t-il pu vendre ainsi pour cet
objet ? En vain le sieur Souteyran diroit-il que le sieur
Saint-Marcel s’étoit réservé là faculté de disposer de cette
somme, tant à la vie qu’à la mort : en vain accuseroit-il
les appelans d’avoir tronqué cette clause du contrat,
quoiqu’ils aient fait imprimer le contrat eu entier. Une
�■?'
C 44 3
disposition gratuite ne s’entend ordinairement que pour
avoir effet après la mort. Auroit-elle dû avoir effet pendant
la v i e ,; q u e le sieur de Saint-Marcel devoit, dans tous
les cas, épuiser les biens à venir échus avant la dona
tion ; et c’est ce qu’il n’a pas fait.
L e sieur Souteyran prétend que les appelans usent dô
la chicane la plus ra jin ée, en soutenant que le domaine
de Chaspuzac ne pouvoit être vendu que le dernier. L ’or
dre énoncé au contrat lui paroît la chose la plus indif
férente. L e sieur de Saint-Marcel a bien fait de garder
O rzilla c, qui est plus avantageusement situé que Chas
p u za c : d’ailleurs C haspuzac a été vendu à son p r i x , et
le sieur Souteyran consentiroit même à une nouvelle esti
mation. Il se fait ensuite des complimens sur sa proposi
tion honnête et lo y a le , et termine par se répandre en
injures contre les sieur et dame de Boissieu, qui ont fait
m ourir leur père insolvable. Comme il faut être consé
q u e n t , il vante ensuite la fortune q u ’il leur n laissée, en
faisant avec emphase rénumération des immeubles qui
leur restent. ; .
Cette diatribe ne vaut pas la peine d’une réponse. O n
croit d’ailleurs avoir p r o u v é , par ce qui précède, qu’en
effet le domaine de C haspuzac étoit le dernier en ordre,
et ne pouvoit être vendu qu’après que les auti’es auroient
été épuisés.’
Q u ’ importe que ce domaine de C haspuzac fût un patri
moine du sieur Saint-Marcel, dès qu’il l’avoit déjà d on n é,
ou qu’il ne pouvoit vendre qu’à des conditions qu’il n’a
pas remplies? Si la dame Saint-Clément a déjà échoué
dans une demande eu nullité de vente d’uu bien dotal do
�( 45 )
la dame Saint-Marcel, le sieur Souteyran ne peut in vo
quer ce préjugé, puisqu’il y a appel en la cour de ce juge
ment qui choque ouvertement les principes, et qu’il y sera
nécessairement réformé.
O n ne doit pas passer sous silence l’énonciation qui se
trouve dans un des motifs du jugement. Il y est dit qu’il
avoit été additionné à l’état connu des parties une somme
de 4000 francs, et que les demandeurs en conviennent.
C ’est une fausse énonciation, qui ne peut être que le
fruit de l’erreur ou de la surprise. V o i là l’inconvénient
de laisser rédiger les jugemens par les parties intéressées.
Il n’y a aucune trace de cet aveu dans toute la procé
dure. Ce seroit d’ailleurs contre toute vérité, parce qu’il
n’y eut jamais d’addition à l’état annexé au contrat, et
remis au sieur de Boissieu. C ’est une allégation controuvée
du sieur Souteyran, et qui doit être effacée du jugement.
En résumant : les circonstances, les motifs de considé
ration , ainsi que les moyens de d r o it, tout se réunit en
faveur des sieur et dame de Saint-Clément. Ils réclament
le patrimoine de leur mère : ils n’en ont été privés que
par caprice ; et la cupidité des acquéreurs ne doit pas leur
profiter.
Signé S A U Z E T D E S A I N T - C L É M E N T .
*
M e. P A G E S ( de R iom ) , ancien avocat,
M e. G A R R O N je u n e , avoué.
A R I O M , de l’imprimerie de T
h Iibau d - L a n d r i o t
de la Cour d'appel. — Avril 1808.
, imprimeur
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Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
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/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Salvaing de Boissieu, Marie-Ursule. 1808]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Pagès
Garron
Subject
The topic of the resource
abus de faiblesse
successions
ventes
donations
assignats
créances
inventaires
dot
contrats de mariage
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire pour Dame Marie-Ursule Salvaing de Boissieu, et sieur Jean-Pierre Sauzet de Saint-Clément, son mari, appelans d'un jugement rendu au tribunal du Puy, le 9 mai 1807 ; contre Jean-André-Guillaume Souteyran, ancien avocat, intimé ; et encore contre le curateur à la succession vacante du sieur Pierre-Antoine Brunel de Saint-Marcel, aussi intimé.
Particularités : Notation manuscrite : 14 juillet 1808, 2éme section. Bien jugé
Table Godemel : Donation : 11. le père qui, par contrat de mariage de sa fille, 8 juin 1762, lui a fait donation de tous ses biens présents et à venir, sous la réserve expresse de vendre et aliéner les domaines par lui spécialement désignés, à leur juste valeur, et sur le prix de l’estimation, pour servir au paiement de ses dettes, des constitutions dotales de ses deux filles, et de la réserve qu’il s’était faite d’une somme de 12 000 francs pour en disposer à son plaisir et volonté, a-t-il pu user de la faculté de vendre les objets désignés, tant que ses obligations n’ont point été amorties ? sa fille peut-elle critiquer les dernières aliénations, en se prétendant donataire de tous les biens présents, et en soutenant que la faculté insérée dans son contrat de mariage est exorbitante et doit être interprétée en sa faveur ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Thibaud-Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1808
1759-1808
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
45 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G1822
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G1821
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53349/BCU_Factums_G1822.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Chaspuzac (43062)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
abus de faiblesse
assignats
contrats de mariage
Créances
donations
dot
inventaires
Successions
ventes
-
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da3cf590f9213fb2af3c6fedc6eaabb9
PDF Text
Text
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G E N E ST E et consorts, intim és;
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M a r i e D 'A Y M A R D , v e u v e L a c r o i x , e t M ar i a n n e C O U D E R T f e m m e d e Durand
R ie u x , a p p ela n tes.
_
• t
,
* •
LES appelantes sont créancières de la succession, de
M a r i e D u v e l d e M u raillac; mais peuvent-e lles contraindre
les intimés au payem ent de leur créance? T e lle est la question sur laquelle la cour a à prononcer..
F
A
I
T
S
M a rie D u v e l de M uraillac s’est .mariée avec G aspard
Segond. P ar le contrat de m a ria g e, qui remonte a u 5
A
�octobre 1 7 2 0 , elle se constitue tous ses biens. Gaspard
Scgfîûd lui d o nne^ pou r bagues et joyaux une somm e
de 5ôo francs q u i lu i dem eure p ro p re , est—il d i t , dès à
présent.,,-*
D e ce m ariage sont issus deux enfans, M a rie - Jeanne
S e g o n d , et J e a n -J o s e p h .
Gaspard Segond est. décédé en 1 7 3 1 , apx-ès avo ir fait
son testament le 1 1 abût de la m ênie année.
P a r ce testament, il lègu e à ses deu x en fa n s, M a rieJeanne et J ea n -J o sep h , p o u r toute part et portion h é r é
d itaire, s a v o ir, à M a r ie -J e a n n e , i 5oo francs, et à JeanJ o s e p h j iô o ô fraçnçs, .payables à m ariage ou m a jo rité , et
jusque - là la d e m e u r e , nourriture et entretien dans la
maison. Il est ajouté :’ i< E t'b ù led it J ea n -Jo sep h vo u d ro it
p a rv e n ir aux ordres de p rê tris e , le testateur entend qu ’il
soit fourni au x frais d’étude et a u tre s, et q u ’il lui soit
fait un titre clérical suivant les statuts; et au surplus de
ses biens , il nom m e et institue ladite D u v e l de M u ra illa c ,
son é p o u s e , à la charge de rendre l’hérédité à M a rieJeann e S e g o n d , et à son défau t, à Jea n -J o sep h S e g o n d ,
la dispensant de toute confection d’in v e n ta ire , reddition
de c o m p te , voulant que son héritière restituée se contente
de ce qui lui sera remis par l’héritière instituée, sans par
celle-ci, h cette c o n d itio n , p o u v o ir retenir aucune quarte. »
A p r è s son d é c è s , il a été p r o c é d é , nonobstant lu
dispense de confection d’in v e n ta ire , à l’apposition des
scellés et à l’inventairfc.
M a rie -J e a n n e Segond s’est m ariée avec Em eric-Ignace
Geiiestc». Jeiin-Joseph Segond s’est destiné à l ’état ecclé
siastique.
•
) c o
■
'
�(3 )
P a r le contrat de m ariage de M arie-Jd?n ne Second ,
du 5 n o vem bre 1 7 3 7 , M arie D ïiv ç l de M yrp illac lui a
remis d’hérédité de Gaspard Segond ,.^on. p è r e , et l’a
instituée héritière de son ch ef en tous ses . t i e n s , à la
charge dé la légitim e de droit de Jean-Joseph , son frère.
L e s futu rs, par le m êm e con trat, recojîooissent que laditç
M u r a illa c ie u r ai.rem is'tous ^les) oieubles portés en l’in
ventaire fait après le décès' du ;père4 mais par une contrelettré dii même jour i l fut dît jqu’ellfl continueroit de d e
m eu rer en possession dés meubles-, ebjoüiroit de la maison,
grange et jardin:, dépendans de la.jsudiesjion , jusqu’à,
son décès. - 'i. v
¿ri/. ..ùm ¿-¡ü.
/, ayjîüb k‘:>nv 1. -s.>
M a rie -J e a rin e S e g o n d est décédée ïiv.ivrit la in è r e , lais
sant de son m ariage trois enfans dans/le' plus-bas â g e >
M a r g u e r it e , .M arianne, et P ierre *J e à n Genéste. '
E lle a fait aussi un testament. P a r ce testam ent, du
9 février 1 7 4 4 , elle fixe une lég itim e à chacun de ses
enfans, et institue sa m£re son h é r itiè re , à la charge de
rendre l ’hérodité it un de scs enfans, voulant q u ’cllë ne
puisse être recherchée p o u r ra ison dc'Ja gestion e t a d m i
n istra tio n q u 'e lle J è r o it de ses biens. E lle la décharge
également de toute reddition de com pte p o u r raison de
la g e stib n e t a d m in istra tion qu’elle avoitdiiïtç de ses biens
depuis la m o r t ’de Gaspard Segond jusqu’à son m a ria ge,
ratifiant, eu tant que de besoin, >Ia-quittance q u i lu i en
a vo it été faite dans son contrat de m a ria ge, ensemble de
la jouissance q u ’elle avoit faite de la maison j gran ge et
ja rd in , et autres .héritages; a p p ro u v a n t,)e n talit que de
b esoin, le billet par leq u el son m a ri i ù i ç n i a voit laissé la
jouissance.
j
)jj
A 2
�C ' 4 ; )) _
• M a r ie D u v e l de M u ra illa c avoit ach eté, p ar acte dû 7
juillet 1741^ du sieur iM ontesquiou ; de ?Saint - P r o j e t ,•
différentes'rentesr et censives, m oyennant la sommé de
6 12 4 -francs.
‘ E
li
'-I r o
' 0 ‘r: ■'i
1 7 5 6 , elle rev e n d it ces m êm es’ fentes à Joseph
d’A y m a rd et Jean C o t id e r t , auteurs des parties adverses,
m oyennant la>somme‘de 6674 francs, surlaquèlle'som m e
te s ie u r d’A y m a r d so retin t 1celle de 3 2 7 4 l i w e s i ô s o u s ,
d ’une part, et célle;ddIï"iooifraùcs,lü’autrepart,- à lui due
p a r la dame M u ra illa c ; et quant à là somme de 1 7 4 4 livres
18 s. restante, elle fu t!d é lé g u é e presqueræntière à payer
de menues dettes à. divers créanciers; s a v o ir ,
- A - u n B orelle’,* 554^fràncs pmontantodfa.nè. pi’orfiësse
suivie de sentence consulaire ; «r **.’ '‘-««¡'rniiî f •;:> f:
?.
A un sieur Lajunie-, 200 francs^ poui* promesse éga
lement* suivie de sentence;
■!
'
A ' J e a n L a f o n , dom estique, i o a f r a n s ; A Jean L e s c u r e , domestique , i 5o francs ;
1
-t
A ? J o sep h 1 R o u c h i , c o u v r e u r , \ i 5ô fraricsV 1 ''**! ‘
A un n o m m é L a m o u r o u x 200 francs ;
A u n o m m é G r i f u e lh e , 1 5o francs ;
A
;
-j\ '
un m archand de P le a u x , 5o francs;
E n 1 7 6 8 , elle ven dit au sieur C haniegril de la V ig e r ie ,
une maison et jardjm situés à A r g e n t a i , lesquels lui provenoient de la succession de Françoise M u ra illa c , sa tante,
icelle héritière d’autre, Jeanne M uraillac. Cette vente fut
faite m oyennant .la; somme d e ’2800 francs, q u ’elle reçut
c o m p ta n t, ct.qu?elle p ro m it em ployer t\ payer ses dettes
les plus privilégiées;; pi-omessc q u ’efïc n’effectua’point.
O n peut juger par là de sa position, et si elle avo it, com m e
�(5 )
les appelantes le supposent, un portefeuille considérable.
D ’A y m a r d et Coudert ont joui des rentes à eu x vendues,
jusqu’en 1760 (1). O n voit cependant, dans la liquidation
de leur créance à raison de l’ éviction qu ’ils ont ép ro u vée
depuis , q u ’ils ont p orté l ’intérêt du p r ix de la vente
à com pter du jo u r m êm e de la vente.
E n 1 7 6 0 , les biens du sieur M ontesquiou furent saisis
réellem ent au parlem ent de T o u lo u s e ; les rentes furent
comprises dans la saisie réelle.
L e s acquéreurs ainsi évincés exercèrent leurs recours
contre la dame de M u ra illa c , au parlement de T o u lo u s e ,
où la saisie réelle étoit pendante.
. Celle-ci demanda la distraction, mais elle fut d ébou tée
de sa demande.
E lle est décédée le 22 juin 1761 : Jean-Joseph S e g o n d ,
p rêtre , son fils, et les trois enfansde M arie-Jeann e Segond,
lui ont survécu.
D e ces trois enfan s, M a rgu erite Geneste l ’aînée, s’est
mariée avec le sieur F e n o u lh o u x .
M a r ia n n e , avec le sieur Naudet.
Pierre-Jean G eneste, avec Françoise D elzort.
A p rè s le décès de la dame D u v e l de M u ra illa c , E m ericIgnace G e n e ste , tuteur naturel de Pierre-Jean Geneste,
son fils, encore m in e u r , fit ce que sa qualité lui imposoit
de faire.
I l présenta requête au juge des l i e u x , par laquelle il
demanda acte de la,déclaration q u ’ il faisoit p ou r son fils ,
(1) Aveu des parties adverses, consigné dans leur écriture au
parlement de Toulouse, du 25 juillet *786.
•J- Un nctc notarié, du 2 5 juin 1789» tout récemment d écouvert, l ’établit
tncôrc d’ une manière bien plu* positive : il résulte de cet nctc qu’ en l’année
1762, Marie Duvel déposa ès-inains de la communauté des religieuses d’A r
gentai , m eubles, linge et bijoux , pour sûreté d’une somme de aoo liv.
que ladite communauté lui prêta à cette même époque
;
lequel m ob ilier,
hormis les b ijo u x , fu t vendu judiciairement en 1 7 8 a , et le prix en pro
venant partagé entre les créanciers saisissans, au nombre desquels figurent
�'.'v;
( 6 )
q u ’il n’entendoit accepter la succession que sous bénéfice
d ’inven taire; requit le transport du juge et du procu reu r
d ’office, p o u r apposer les scellés et procéder de suite ¿\
l ’inventaire des meubles en é v id e n c e , et demanda , lors
de l ’inventaire qui fut fait, distraction des meubles com pris
en celui fait après le décès de Gaspard S e g o n d , dont la
v e u v e étoit dem eurée en possession, et ne dépendant point
de la succession.
>
L e s scellés ayant été apposés, Emeric.-Ignace Geneste
en p rovoq u a la ré m o tio n , à laquelle il eut soin d’appeler
les prétendant d ro it, Jean-Joseph S e g o n d , fils légitim aire
de la dame D u v e l de M u r a illa c , par exp lo it p articulier,
e t les prétendant droit inconnus, par affiches publiques.
A u c u n des prétendant droit n’ayant c o m p a ru , il fut
d o n n é défaut contre eux. Il fut p rocédé à la rém otion des
scellés et à l’in v e n ta ire ; et de suite à la vérification et
confrontation du p rem ier inventaire.
"Vérification faite, il fu t reconnu que les m archandises
portées en V inventaire f a i t après le d écès de G a sp a rd
Segond m a n q u o ien t, de m êm e qu e les h a b its et nippes du
d é fu n t, les vach es, ju m e n s, p o u lin , et la s e lle , a in s i q u e
les f o i n s et pailles.
O u il se trou vait dans le se co n d in ven ta ire q u a ra n tetro is livres d?étain ,* ta n d is q u e dans le p rem ier i l n ÿ
en a voit qu e q u in z e ,* d eu x s c e a u x de c u iv r e , un c h a u
d r o n , une m arm ite , une b a s s in o ir e , q u a tre draps de
l i t , et q u elq u e linge de table de p lu s ; ce q u i ne p ou vo it
évidem m en t compenser le déficit.
Q u a n t a u x a u tres m eubles e x t a n s , q u ils étoùrnt les
m êm es q u e c e u x portés a u p r em ie r in ven ta ire.
�(7 )
D ’A y m a r d et C oudert no perdirent point de v u e le u r
demande en g a r a n tie .,.
Ils firent assigner en reprise d’instance au parlem ent de
T o u lo u s e , en 1 7 6 4 , tant E ineric - Ignace Geneste p è r e ,
que P ierre -J ea n Geneste son fils, ensemble Jean -Josep h
Segond ; ce dernier com m e héritier également en partie
de la dame D u v e l de M u raillac. Ils firent en mêm e temps
assigner au p arlem ent, en vertu de commission obtenue à
cet effet, les divers particuliers entre les mains desquels ils
avoient fait des saisies arrêts, notamment le sieur C hanteg ril de la V i g e r i e , les dames ursulines d ’A r g e n t a i , la
dame D au zers, abbesse de B r a g e a c , p o u r se v o ir condam
ner à payer et vid e r leurs mains de ce q u ’ils p ou vo ien t
d e v o ir à la succession : par exprès l ’abbesse de Brageac
p o u r remettre le dépôt q u i lui avoit été confié par la dame
D u v e l de M uraillac.
E n m êm e tem ps, le sieur Geneste est p ou rsu ivi à A u rilIac, à P le a u x , p a r le s autres créanciers d e l à succession.
A A uriliac., ù P l e a u x , il oppose la qualité d’héritier
bénéficiaii’e.
U n e sentence d ’A u r i l l a c , du 3 fé v rie r 17 7 0 , ordonne
q u ’ il rendra le, com pte de bénéfice d’ inventaire.
L e com pte est rendu et affirmé.
A u t r e instance à A rgen ta i. L a dame Fonm artin et autres
créanciers hypothécaires font saisir entre les mains du sieur
Chantegril de la V i g e r i e , le p r ix de la maison q u ’il
avoit acquise de la dame de M u ra illa c , com m e n ’ayant
p u payer au préjudice de leu r hypothèque.
E m e r ic - I g n a c e G e n e s te , créancier de la succession,,
tant en son nom q u e com m e tuteur de P ierre -J ea n G e-
�( 8 ) ....................................................
n e ste , son fils, qui par sa qualité d’héritier bénéficiaire
n ’avoit point confondu ses d ro its,-fit aussi saisir.
D ’A y m a r d et Coudert tro u ven t mauvais q u ’il 11’ait
p oint négligé ses droits et ceu x de son pupille.
Il est colloqu é utilement dans la distribution des deniers
p o u r .la som m e de 1 7 4 2 francs.
J e a n -J o se p h S e g o n d , est décédé en 1 7 7 7 .
E n 1 7 7 9 , d ’A y m a rd et C oudert reprennent l ’instance
pendante au parlem ent de T o ulo use.
• R equête de Geneste, du i 5 avril 1780, par laquelle il
déclare q u i l n entend être h é ritie r de so n aïeule.
- E n 1780, nouvelle procédure. Les demoiselles d ’A y m a r d
et C oud ert devenues héritières de leu r p è r e , oubliant
l ’assignation qui avoit été donnée au parlem ent de T o u
lo u s e , à l’pbbesse de B ra g ea c, en remise des pâpîers et
effets qu i lui avoient été confiés p ar la dame D u v e l
de M u r a illa c , la fon t assigner au bailliage d’A u r i lla c
a u x mêmes fins. E lles c o n c lu en t, à défaut de rem ise, à
une somm e de 10000 francs.
L a dame abbesse de Brageac se présente sur cette assigna
t io n ; elle fa it, ou p o u r m ie u x d ir e , on lui fait faire sa
déclaration , par requête du 21 juin 1783. ( E l l e étoit d é
cédée le 1 6 .) O n lu i fait déclarer que la dam e D u v e l de
M u r a illa c lu i f i t rem ettre un -petit sa c cou su de tro is
la c e t s , contenaTit des p a p ie rs, sa n s a u cu n éta t n i m é
m o ir e , et une corbeille de j o n c s , dans laquelle i l y a voit
en viron trente livres cCétain tra v a illé, p o u r les rem ettre
après son décès à J e a n -J o s e p h Segond, so?i fils , q u i étoit
a lo rs à P a r is j qu e la dam e IJ u v el de M u r a illa c , et J e a n J o se p h Sego7îd} so?i J i l s , éta n t décédés, in struite p a r le
b ru it
�'( 9-)
b ru it p u b lic q u 'o n n"’a voit au cu n es nouvelles de cCA y jjia rd et C ou d ert depuis leur, départ j elle a rem is le
dépôt ci E /n eric-lg n a ce G eneste en 177 2 ;• q u ’au surplusla dem ande que d 'A y m a r d et C ou d ert avaient fo r m é e
con tre elle^étoit périm ée. .
' : ¡;r 1
-Ü »
T e lle est sa déclaration.
E n 178 6 , les héritières d ’A ym ard,et Coudert reprennent
leurs poursuites au parlem ent de T o u lo u s e , f y j :;. ? '/l "
Elles demandent exp re ssém e n t, par .requête , à être
admises à p r o u v e r , tant par actes que p ar.téçnoin s, 'que
postérieurement à 1770 P i e r r e - J e a n Geneste ia v o it fait
acte d ’héritier de la damé D u v e l de M u ra illa c , soit
en' possédant des biens de l ’h é r é d it é , soit 'en faisant
des, q u ittances, soit en! vendant-j-partie de ces mêmes
b ien s, soit en faisant des ¡quittances p o u r obligations
concernant ladite hérédité.
’ ..
L e sieur Geneste décède , laissant de son mariage avec
Françoise D e l z o r t , plusieurs enfans> mineurs. Françoise
D e lz o r t est n o m m ée tutrice; R o b e r t Xiablanche et P a r lange sont nom m és successivement subrogés tuteurs.
L es héritières d’A y m a r d et C o u d ert, obstinées à suivre
leur demande , reprennent leurs poursuites tant contre
les enfans de P ierre -Jea n G e n e s t e , en la personne de
leu r tutrice et de leurs subrogés tuteurs , que conti'e
M a rg u erite G e n e s te , fem me F en elh o u x , et son m a ri,
tant com m e héritiers de la dame D u v e l de M u ra illa c ,
que com m e héritiers de l’abbé S e g o n d , icelui héritier
aussi en partie de la dame M uraillac.
Elles con clu en t, par requête du 24 juillet. 1 7 8 6 , « à
« ce q u e , sans s’arrêter à la sentence du bailliage d’A u B
�v*V
( IC> )
« v illn c , du 3 septembre 1770 ( qui avoit déclaré P ie rre « Jean Geneste héritier p urem ent bénéficiaire ) , ni à
« de qui avoit Süiyi j sans s’arrêter également à la requête
« de Pierre-Jean Geneste ( d u i 5 avril 1 7 8 0 ) , les enfans
« G en este, ensemble la dame G eneste, fem m e F e n e lh o u x ,
« et son m a r i, fussent condam nés, com m e héritiers de
« la dame D u v e l et de- J ea n -J o sep h S e g o n d , cohéritier
« de ladite D u v e l , à jpaÿei* leur* entière créance.
E t où la tu trice et'su brog és tu te u ts desdits 1en fan s
« G e n e s te , è t ‘ lesdits F e n e lh o u x ?n a rié s'se r o ien t rece« vables à répu d ier les s u c c e s s io n s , ta n t de ladite D u v e l
« de M u r a illa c , q u e de J e a n - J o s e p h S e g o n d , leu r
a oncle^ J i à
et ^cohéritier de la d ite D u v e t , e t q u ’ils
« les répudient effectiv em en t, ils fussent tenus,* chacun
« en ce q u i les c o n c e r n e ,'ju s q u ’à concurrence de leu r
« c réa n ce, de rendre com pte des meubles et effets de
« la succession, et des sommes q u e ladite D u v e l de
« M u r a illa c
avo it payées en
l’acquit de la succession
« de Gaspard Segond. »
I-
Elles concluent aussi contre la dame de Brageac et
« contre les autres tiers saisis, « à ce q u ’ils soient con
te damnés ;\ remettre tous les objets saisis en leurs mains. »
L a tutrice et subrogé tuteur des enfans Geneste con
clu en t, de leu r c ô t é , à ce q u e , « demeurant les répu« d ia tio n s et déclarations faites par Eineric-Ignace G e « neste, tant devant les juges ordinaires de P l e a u x , au
« présidial d’A u r i l l a c , q u ’en la c o u r, q u ’il 11’avoit accepté
« en qualité de tuteur de son fils, la succession de ladite
« D u v e l de M u raillac que sous bénéfice d ’inventaire, ils
« fusscut
relaxés des fins et conclusions
conlr’cu x prises. »
�( ifï
( II )
E n cet é t a t , arrêt est in te rv e n u , le 3 mars 1 7 8 9 ,
q u ’il est im portant de ra p p o rte r, q u o iq u ’il >le soit dans
le m ém oire des parties adverses.
(;
. ;;
« N otre dite c o u r ..........démet.les Geneste desrdemanr
« des à ce que l’instance soit périm ée. Condam ne ladite
cc D e lz o r t , tutrice, e tP a rla n g e , subrogé tuteur, F en elh o u x
« et M argu erite Geneste m a rié s , eu leur qualité d’h é « ritiers t de J osep h S e g o n d , fils dç laxlîtç D u v e l de
« M û raillac , et oncle maternel dudit P ierre Geneste >
« à payer auxdits d ’A y m a r d et C o u d e rt, à con curren ce
k de la légitim e d u d it J o se p h Segond^ la valeu r des
« rentes vendues à leurs pyres par ladite D u y e l de M il*
« r a illa c , p ar l’acte du 10 janvier. 1 7 5 6 , suivant l ’egti« mation qui sera faitç desdites rentes, de l’autorité de
ce notre c o u r , relativem ent à l’ép oque de l ’év ictio n , par
« e x p e r t s , avec les intérêts légitim es de ladite v a l e u r ,
« q u i seront fixés par les ex p e rts , san s p réju d ice a u x d its
«
cc
«
«
h éritiers de leu r excep tio n de f a i t èt, de d r o it; et
d em eu ra n t la d éclaration f a i t e p a r led it f e u P ie r r e J e a n G eneste , devant les ju g es ord in a ires de P le a u x
q u i l n'a accepté en q u a lité de t u t e u r , la su ccession
« de ladite D u v e l, son aïeule , qu e sou s bénéfice d ’inveii« ta ire ; et recevant la répudiation de ladite s u c c e s sio n ,
« a ordonné et ordonne q u ’à concurrence des sommes
« dues auxdits d’A y m a r d et C o u d e r t , tant en .p rin c ip a l,
.« intérêts que dépens, ladite D e lz o r t ,e t P a rla p g e , seront
.« te n u s, chacun com m e les con cp rp p , de rendre çpnipte
.« auxdits d’ À yin a rd et C oud ert de toug et mj chacun
« les meubles et eilets m obiliers q u ’ils put -reçus ^ pro« venans de la
succession
de ¡ laditç ( P u ^ e l de M u 13 2
�\ «\\V •
( Ï2 )
m
« raillac7,' enseriible des "fruits , intérêts et jouissances
jusqu’à cejotird’h u i t a r i t desdits meubles et effets,
que des autres biens* p a ï - é u x possédés, et dépendant
d e1ladité’sûcce^sion , suîvfint l’état qiië lesdits d’A y m a r d
et C o u d ett en d o n n e r o n t , sauf les impugnations' et
excèptiona!d e 'd ro it';(comriie aussi ordonne qiie lesdits
Pur langé et D élzô rt seront’t e i i ü s e n leurs ditc 3 qualités,
Jdé rünÜrë cofnpte ;de WufésTei: chàcuries les sommes
qtië lesdits d*Aÿm ard ¡61’Coûdertf justifieront1a v o ir'é té
payées par ladite D iiv e l de M u r a illa c , à la décharge
de la succession de Gaspard- S e g o n d , et de les rem boürsei*', -le ca's récliédnt 5-Jét.r déclarant les défauts pris
Contre lesdits GhâritegriT dé la :V i g è r i é , les religieuses
de Saintei-Ursule d’A r g ë n t â l, l’abbesse d u .co u ve n t de
B ra g ea c, et Jean T i l l e t , tous bannitaires', bien' p o u r
suivis et en tretenus, ordonne qu ’ils rem ettront, chacun
en droit soi, nitxdits' d ’ A y m a r d et C o u d e r t , les sommes
eu leurs mains bannies
la requôtc de ces derniers ,
et ce à concurrence des sommes capitales, et que p o u r
le surplus desdits bannissemens ,>lesdits bannitaires en
dem eureront dépositaires jusqu’à l’apurement du com pte
à ren d re ; com m e aussi, dans le cas-que les sommes
qui seront délivrées aüxdits. d ’A y m a r d et C oüd ert ne
seroient pas suffisantes p o u r rem p lir le m ontant des
condamnations pronon'cées'en leur faveur par le présent
a r r ê t , leur perm et de faire saisir, d ’autorité de notre
c o u r , les immeubles et autres -objétÿ q u ’elles d écou
vriro n t Cire dépèiidflris de la succession de lk lite Dtivel.
Su r toutes autres démandes, fins t't conclusions desdites
« parties, lés a irtiÿéÿ'et m et hors de cou r et d e 'p ro c è s.
�( %
( 13 )
« Condam ne lesdils D elzo rt et P a rla n g e , com m e ils p r o « cèd en t, aux dépens de l’instance envers lesdits d’A y m a rd
« et C o u d e r t, taxés à 231 livres 19 sous. »
L ’arrêt condamnoit les héritiers Geneste à rendre
com pte des objets de la succession. Ils satisfont m celte
disposition.
L es parlemens ayant été su pp rim és, ils »présentent
requête au tribunal du district de S a lers, l é ’ 19 janvier
'179 1 , par laquelle: ils demandent; permission de faire
assigner les héritiers d’A y m a r d et C o u d e r t, p o u r v o ir
donner acte de la réitération de leurs offres de rendre le
c o m p te , et cependant q u ’il fût sursis à toutes poursuites
jusqu’après l’apurement.
.
. O rdonnan ce q u i sursoit, i uL m:
. "r
L es héritiers Geneste ont ensuite présenté le compte.
C e com pte est divisé en trois chapitres de l’ecette et
un de dépense.
. Jfi
L e prem ier des trois chapitres de recette est composé
lu i-m ê m e de trois articles.
L e seco n d , com prenant les im m eubles de la succession,
est porté p o u r m ém oire.
L e tro isièm e, p o u r les jouissances des immeubles de
la succession de ladite D u v e l de M u ra illa c , depuis. 1761
jusqu’en 1790 , est com posé d’tin 'feeu'l article'.
L e chapitre u nique de dépense e6t ■'Composé de v in g t
articles.
^
L a recette m onte ù ..............................
i 58 o 1. » s. » d.
L a dépense à ............................ .'-577111. » . 6
Ce qui présente un excédant de lan
'dépense sur la recette d e .
H;. . . .
~~
4 I 9* 1- 57' 9* 6 d.
�( i4 )
L es parties adverses débattent le com pte ; elles fout
sig n ifie r, le 5 n o vem b re 179 1 , une lon gue req u ête ,
contenant les débats du com p te, et tout le plan de leur
défense actuelle.
T
E lles prétendent que' l’article prem ier du chapitre de
recette, p o u r le m o bilier de la dame D u v e l de M u raillac,
d o it être p o r té à 8000 francs au lieu de 100 frâncs ;
Q u e l?article second, p o u r bagues et jo y a u x , doit être
p o rté à 1857 fra n cs, au lieu de 5 oo francs^ à raison de
l ’intérêt ;
Q u e Uarticle trois, p o u r arrérages de ferm e à elle dû s,
* perçus après sa m o r t , doit être p orté à 3000 fra n cs, au
lieu de 400 fra n cs;
.
.!
Q u e l ’article unique du troisième chapitre de recette,
p o u r les jouissances des im m eubles de la succession de
ladite D u v e l depuis 1761 jusqu’en 1 7 9 0 , .doit être p orté
à 9000 fra n c s, au lieu de 530 francs.
* :».
M ais que de plus lu recette doit être augm entée de cinq
articles.
’
.
10. P o u r la somm e touchée p ar le sieur C hantegril de
la V i g e r i e , en vertu de la sentence de p référence d ’A r g e n t a l , 1782 francs.
2 °. P o u r les trois ans de nourriture dûs par l ’abbaye
d*A r g e n t a i , et dont le sieur Geneste avoit donné q u it
tance , 1200 francs.
3°. P o u r la va leu r du dépô t retiré de l’abbessc de Brag e a e , 10000 francs........................
4 0. P o u r d ix-sep t années dç jouissances que ladite
M u raillac avoit eu droit de toucher des biens de sojo m a r i ,
en vertu du testament de M a rie-J ea n n e S e g o u d , de 1 7 4 4 ,
�( 15 \
'
et dont le sieur Geneste s’ étoit e m p a ré , 34000 francs.
5 °. P o u r la quarte trébellianique q u ’elle avoit eu droit
de retenir sur ladite succession, d ’après ledit testament,
50000 francs.
E lles critiquent presque tous les articles de la dépense.
R ap p elant les dispositions de l ’arrêt qui condamne les
sieurs Geneste à payer le m ontant de la créa n ce, ju s q u 'à
con cu rren ce de la légitim e de F a bbé S eg o n d , elles de
mandent que les sieurs Geneste soient tenus de faire
Compte de la légitim e paternelle de l ’abbé Segond ; elles
fixent cette légitim e, p o u r le sixièm e qui lui revenoit dans
les biens tant meubles q u ’im meubles du p ère; à 1333 3K V .
6 sous 8 deniers; à qu oi elles disent qu ’il faut ajouter les
intérêts, à com pter au m oins dépuis le m ariage du sieur
r -
Geneste, du 5 n o vem bre 1 7 3 7 , m ontant à 30000 francs.
T o t a l , 43333 liv . 6 sous 8 deniers.
1 Si m ie u x on n’a im e , à dire d’experts.
‘
E t com m e cette légitim e excède de beaucoup leur
créance , elles dem andent qu e sans entrer dans les débats
du c o m p t e , les sieurs Geneste soient condam nés person
nellem ent et indéfiniment à p ayer leur créance.
E lles soutiennent q u ’ils doivent encore être condamnés
personnellem ent et indéfinim ent, com m e E m eric-Ignace
G eneste, leu r a ie u l, des faits duquel ils sont tenus, ayant
r e t i r é , sans com pte ni m esu re, le dépôt fait entre les
mains de l’abbesse de B rageac, quoique plus haut elles ne
p orten t la va leu r du dépôt q u ’à 10000 francs.
T e l est le système q u ’elles ont élevé par cette re q u ê te ,
et qu ’elles soutiennent aujourd’hui.
R eq u ête des sieurs G en este, en réponse, du 16 mars
1792.
�(i 6 )
A u t r e requête de M a rie d ’A y ra a rd et M a ria n n e C o u d e rt,
par laquelle elles demandent q u ’attendu que les héritiers
Geneste n ’ont pas contesté la fixation de la légitim e pa
ternelle de l ’abbé S e g o n d , par elle faites, ladite .fixation
demeure défin itive; et attendu que la légitim e ainsi fixée
excède de beaucoup leur créance, attendu d’ailleurs l’aveu
fait par les héritiers G eneste, dans leu r requpte du 1 6 mars
1 792, dont elles demandent acte, qu’Emeric-Ignace Geneste
a r e tiré , sans com pte ni m esure, le dépôt fait entre les
inains de l ’abbesse'de B ra g e a c , ils.fussent condamnés à
payer indéfiniment leur entière créan ce; subsidiairement
q u ’il fût p rocédé par experts à la fixation de la lég itim e,
et fait droit sur les)déjjats,du compte.
■
.
-
,x ,
Su rvient la suppression des tribunaux de district.; L ’ins
tance est portée au tribunal ci^il de S a in t -F lo u r , ù la d il^
gence des demoiselles d’A y m a r d et Coudert.
Les Geneste étoientloin de v o u lo ir retarder le jugem ent
do la contestation; ils obtiennent e u x -m ê m e s , le 14 p lu -
viôse an 5 , un jugem ent par défaut.,
1
L e s demoiselles d ’A y m a r d et C o ud ert y form ent o pp o
sition.
E n fin , le 13 therm idor de la m êm e an née, intervient
jugem ent sur délibéré , qui reçoit lesdites d’A y m a r d et
C oud ert opposantes à l ’exécution du jugem ent par défaut.
« Faisant droit sur l ’opposition, déclare ledit jugem ent
« n u l et de n u l effet ; au p r in c ip a l, déclare lesdites d’A y « m ard et C oudert non recevables dans leur demande
« h ce que les D elzo rt et P a rla n g e, tuteurs des mineurs
« G eneste, N audct et sa fem m e , fussent condamnés per« soimelleinent au payement de leu r créance, sauf aux
« d ’A y m a rd
�¿¿£3
( 17 )
« d’A y m a rd et Coudert à prendre com m unication de l’état
« des pièces et actes déposés par M a rie D u v e l ès-mains
« de l’abbesse de B rageac, et prendre à cet égard telles
« conclusions qu’ils aviseront. O rdonne que la condam« nation p rononcée par l ’arrêt du ci-devan t parlement
« de T o u lo u s e , du 9 mars 1 7 8 9 , contre lesdits D e lz o rt
« et ParJange, auxdits noms de tuteurs, en payement de
«
«
«
«
«
la légitim e de Jean-Josepli S e g o n d , n’a dû ni pu porter
que sur la légitim e m aternelle, et nullem ent sur la
légitim e patern elle; en co n séq u en ce, ordonne que
toutes les sommes payées par lesdits D elzort et Parlange,
auxdits d ’A y m a r d et C o u d e r t , à la suite des com m an-
« demens et procès v e r b a u x , en ve rtu des jugemens de
« p r o v is io n , seront portées par lesdits tuteurs au cha« pitre de dépense ou com pte du bénéfice d ’inventaire
« de la succession de ladite M a rie D u v e l.
« O rd o n n e que la somme donnée par Gaspard Segond
« à ladite D u v e l , en leu r contrat de m ariage, sera et
« demeurera réduite à la somm e de 166 livres 13 sous
« 4 deniers, p o u r le tiers faisant la portion virile, avec
« intérêts à com pter du décès de ladite M a rie D u v e l.
« D ébo u té lesdits d ’A y m a r d et Coudert de leur de« mande en payem ent des jouissances des biens de lu suc« cession de Jean nc-M arie Seg on d , et distraction de la
.« quarte trébellianique.
•
« D é b o u te pareillem ent lesdits, d’ A ym ard. et Coudert
« de leur demande ù fia de payem ent de la pension sti« p u lé c par:1M a ric tü u v e l , des religieuses d’A rg en ta l.
« D é b o u te lesdits d’A y m a r d et Coudert .de la dea .î^arçdc en rapport de la somme de 1700 IV., montant
C
�de la collocation faite à E m eric-Ignace G en este, par
la sentence d’ordre de la justice d’A r g e n t a l, du 26 fé
vrier 1765.
« D éclare lesdits D e lz o r t , P a rla n g e, èsdits nom s,
Naudet et sa fe m m e , non recevables ét mal fondés à
p orter en dépense une somme de 1000 francs p o u r
dédom m agem ent des aliénations faites par M a r ie D u v e l
de certains héritages de la succesion, vente de C a b a u x ,
marchandises énoncées en l’inventaire fait après le
décès de Gaspard S e g o n d , ainsi que de la créance de
F a u r e , et du legs fait à Jeanne-M arie Segond; en consé
quence , ordonne que les articles 1 , 2 , 3 , 4 , 5 , 9
du chapitre de dépense, seront et dem eureront rejetés.
« O rd o n n e que le chapitre de recette sera augm enté
de la somme de 778 livres 1 4 sous 4 d en iers, p o u r les
causes du traité du 18 octobre 1 7 4 7 , p roduit par lesdits
tu te u rs, p o u r icelle être c o m p e n s é e , au désir dudit
tra ité , avec celle de 1200 fra n c s, payée par ISrncric-
Ignace Geneste au ferm ier judiciaire de la terre de
Saint-Projet.
- T i‘
« O rd o n n e pareillement que lesdits D e lz o r t , Parlange,
N audet et sa fe m m e , seront tenus de représenter les
m eubles reco n n u s, par l’ inventaire fait'ap rès le décès
de ladite M a rie D u v e l , être 'en sus de ceux portés en
l ’ inventaire fait après le décès de Gaspard S e g o n d , p ou r
iceux être ve n d u s, s’ ils sont en n atu re, ou’ en payer la
v a leu r, suivant l'estimation qui en sera faite par experts.
D é c h a rg e les tuteurs de lu d élivran ce du surplus des
meubles.
! ‘
”
1
(
« A v a n t faire droit définitivement sur l e 1surplus des
�( *9 )
« articles du com pte , ainsi que sur la demande desdites
« d ’A ym a rd et Coudert en m ain-levée du sursis (accordé
« par l’ordonnance du président du tribunal de district
« de Salers , mise au bas de la requête présentée par lés
cc héritiers G en este, le 19 janvier 179*3 à fin de p ercc mission d ’a s s ig n e r ), ordonne que par experts dont les
cc parties c o n v ie n d ro n t,
ou q u i seront pris et nommés
d ’office , il sera p rocéd é à l ’estimation des fruits, et
« jouissances des im m eubles de la succession de ladite
cc M a rie D u v e l de M u ra i l l a c , depuis le décès d ’icelle
cc jusqu’à ce jo u r , déduction faite des charges annuelles,
cc labours et semences, ensemble des meubles reconnus
« être en sus de ceu x portés en l ’inventaire fait après
ce le décès de Gaspard Segond ; p o u r , lesdites opérations
cc faites et r a p p o rté e s , être
pris par les parties telles
cc conclusions q u ’il appartiendi-a : dépens réservé s, sur
« lesquels il sera fait droit en définitif. »
lies demoiselles d’À y m a rd et C o u d ert ont interjeté
appel de cc jugem ent en toutes les dispositions qu i ne
leur sont pas favorables.
ü n va suivre ces différons chefs d ’appel dans le mém o
ordre.
D ep ot de l abbesse de Brageac.
Les appelantes insistent à ce q u e les intimés soient con
damnés personnellem ent et in d éfin im en t, com m e É m ericIgnace G e n e ste , leur a ie u l, s’étant em paré , sans com pte
ni m esure, du dépôt fait entre les maius de l’abbesse de
Brageac.
,
A v a n t-d e savoir s’ ils d o iv en t être condamnés personC a
�C 2° )
nellement et in d éfin im en t, s’ils do iven t m êm e être con
damnés à restituer s e u le m e n t la v a le u r , il est une p r e
m iè re question.
L e dépôt appartenoit-il à la succession de la ve u v e
M u ra illa c ?
A entendre les appelantes, ce dépôt contenoit des obli
gations q u ’elle a vo it payées en l ’ acquit de la succession
de son m a r i , et q u ’elle a vo it retirées en les acquittant;
contenoit des titres dë^créances sur d’autres particuliers.
O n peut déjà ap précier 'Cette dernière assertion.
E m eric-Ig n a ce Geneste a con ven u que l’abbessede B rageac lui avoit remis quelques papiers qu i lui avoient été
confiés par la dame D u v e l de M u ra illa c ; que ces papiers
concernoient la succession de Gaspard Se g o n d ; que ces
papiers sont ceux^qu’il représente, cottés par prem ier
et dernier ; q u ’il a toujours o ffe r t , et q u ’il offre encore
de les com m uniquer.
P e u t - o n diviser sa déclaration ?
L es appelantes n ’ont offert aucune p reu ve en prem ière
instance.
C ’est m êm e un des motifs du jugement.
« A tte n d u que lesdites d’A y m a r d et Coudert n’ont arti« culé précisém ent aucune soustraction de p iè c e s , or
« ou arg en t, provenons du dépôt to u c h é , soit par P ierre
« G eneste, ou les tuteurs de ses enfans m in eu rs, ni offert
v aucune p re u v e de faits positifs. »
Sur l’appel elles ont été moins réservées.
D an s la x'cquête contenant les causes et moyens d ’ap pel,
elles offrent la p reu ve que de ce dépôt fa ¡soient p a rtie ,
i ° . une obligation de 1200 fra n cs, consentie par Gaspard
�cIx r
( 21 )
S e g o in l, en faveur d ’un n om m é M e l o n , de T u lle s ;
2°. autre obligation de pareille som m e, consentie par le
m êm e à la M e r l i , d’A rg e n ta i ; 3 0. les quittances d’une
légitim e due p ar le m êm e à la J u n ie , de Granousse/
D ans le m ém oire im p rim é j^'page 2 4 , elles n ’offrent
plus que la p reu ve de l ’obligation du sieur M e lo n ; et
cette obligation n’est plus seulement de 1200 francs-, elle
é t o i t , s’il faut les en c r o i r e , 'de 3400 francs. C ’est ainsi
qu e dans l a dem an d e'form ée à ’A u r i l l a c , en 1 78 0 /co n trë
l ’abbesse d e B r a g e a c , dans la requête d u
5 n o v e iîib r e ijg i','
portent la valeur du dépôt à 10000 francs, et dans
les causes et m o y en s’d’a p p e l, à iô o o o francs, j
e lle s
L a epur adm ettra-t-elle une p reu ve si t a r d iv e , et sur
laquelle- les appelantes sont si contradictoires avec ellesm êm es?
:
• ' r'(r'' '<
i ■
>' - q
Il ne suffiroit pas de p r o u v e r qu ’il y avoit une obliga
tion , il faudroit encore p ro u v e r qu ’elle étoit quittancée
au bas ou au dos par le c ré a n c ie r, com m e des detiiet's'de la
veuve JMuraiünc ; autrement on diroit q u ’elle l’a tro u vée
dans les papiers de la succession de Gaspard S e g o n d , à elle
fidéicommise par le testament dudit Gaspard.
A v a n t m êm e de chercher à établir la consistance du
d é p ô t, il faudroit en p ro u v e r la rem ise. L es appellantes
n’ont pas m êm e la p reu ve légale que le dépôt ait été rem is.
O n dit une p reu ve légale : la déclaration de l ’nbbèsse
de Brageac a bien pu lier l’abbesse de B rageac, donner lieu
î\
une action contre elle ; mais ne peut judiciairement êtve
un t it r e , form er une p reu ve contre le sieur G en este, de la.
remise du dépôt. - 'i
; r- .. /'
l
Il en est d e 'm ê m e de l ’acte extrajudicraire d u '1 4 's e p -
�( 22 )
tembre 1 7 9 0 , où il est fait mention d’une missive pnr la
quelle le sipur,jjrencste accuse la réception du d é p ô t , e t
pro^nef. d/en gar^qt^r l ’abbesse de Brageac. Il faut d ’abord
c\pliqnev-..qii?l'.Qÿt cet ¡acte.' ¿, .H ■
[ -J -j,;,. ...j ;
lia dx-ime l^anzers étoitj décédée ]c 16 juin 17^83 avant sa
déclaration ;--et, long-temps avant, les d’ /\ymard et C oud crt
se pcrsuqdè?-gnt qu ’ellesjpouxroient ram eper i ’arrùt'^ e.xpCMtipajcpoti'e la nouvelle abbesse et Jes^çligicuses, com m e
s’ i j s ’iél/jiè^i d’une dettçd e'co p im u p au fé.i^ lles leu y firent
ijlVjeonipipndement à ce q u ’elles euçsent}à représenter le
d é p ô t , 011 à payer le montant de leur.jçréance. L a no uvelle
abbesse et lçSjEeligieuses; formèrent^opposition àf ce com
m andem ent ) par Cfctap/^ du -11 Bep^Cftibrc i 7 9 0 5 o ù elles
fonJt m ention çlejçettp pii6$ive q u i rça:paroît p oint..."
_
_
»
,
P o u rq u o i ne paroît-elle p o i n t ? D ira -t-o n q u ’elle, s’est
perdue avec les autres pqpierp.des religieuses ?
L es appelantes auroient à (ç’im puter leur négligence.
Pouvquo-i 11’en out-elles pas .aussit/if; requis c o p i e , p o u r
s’en faire u ne'arm e cop ive le'sieur G e n e ste ? ou plutôt ne
doit-on pas craire;.qu’eU<?s
cette c o p ie , et leu r raison,
aussi p ou r np pas la p ro d u ir a , parce quo le sieur Geneste
y aura déclaré en m ôm e temps que ces papiers ne concernoient point la succession de M arie D u v e l ? E t alors de quel
avantage sero it-elle-?
Cette missive ne paroît point ; et ne paroissant point e’est
com m e si elle 11’existoit pas • la ¡mention, qui e u est faite
dans cet acte de 1790* acte étranger au si«ur G e n e s te , ne
p eu t en suppléer la représentation.
Il n’y a donc que la déclaration du sieur Geneste ;
et s’il n ’y a que sa d é claratio n , p eu l-o n la diviser ?
�( z3 )
Q uand le dépôt auroit appartenu à la succession de
dame D u v e l , les appelantes pquiToient-elles.^revenir
sur l’autorité de la cliosc jugée ? pourroient-elles,rem ettre
en question ce qui a été jugé irrévocablem ent avec elles.,
après la plus am ple contradiction?
O n a v u les efforts q u ’elles ont faits au parlem ent
d e T o u lo u s e , p o u r faire déclarer les intimés héritiers purs
et simples, p o u r les faire condam ner in d éfin im en t, soit
com m e héritiers de M arie D u v e l , soit com m e héritiers de
l ’abbé S e g o n d , coh éritier lui-m êm e de ladite D u v e l.
O n a v u q u ’elles ont c o n clu , par requête précise du
i i mars 1 7 8 5 , à être admises à p r o u v e r , tant p ar actes
-que par tém o in s, que le sieur G e n e s te , depuis 1 7 7 0 ,
avoit fait plusieurs actes d’h é r itie r , soit en se mettant
en' possession des objçts de la succession, soit en les
ven dan t, soit en donnant des quittances. L e pai’lem ent
ne s’est point arrêté à cette preuve.
Q u ’elles ne disent pas que c’est ici u n fait n o u v e a u ,
un fait q u ’elles ig n o ro ie n t, et sur lequel l ’arrêt ne p ou vo it
porter. L a déclaration de l'abbessc de B rageac, faite judi
ciairement à A ü r illa c à leur p o u rsu ite, est de 178 3 . O u i
ne sait d’ailleurs que l’on ne peut revenir sur l ’autorité
de la chose jugée , m êm e sous prétexte de p ièces n ou
vellement» re c o u v ré e s, à moins q u ’elles n’aient été rete
nues par le fait de celui qui a obtenu l ’a r r ê t , et q u ’il
n’y ait p reu ve de la découverte ? Q u i ne sait que p ar
un dernier article l’ordonnance a abrogé toute proposi
tion d ’e rre u r?
,•
L ’arrêt ne p o u v o it , d it - o n , p orter sur ce fait, puisque
les d’A y m a r d et C oud ert p ou rsu ivaient en m êm e temps
�( 24 )
au parlem ent de T o u lo u s e l ’abbesse de Brageac! Cette cir
constance ne signifie rien. Elles pou vo ien t v o u lo ir rendre
l ’abbesse garante du d é p ô t , et ne pas moins chercher
à obtenir contre les héritiers une condamnation person
nelle.
L a qualité d’héritier bénéficiaire, objecte-t-on en co re,
n ’est pas indélébile ; il n ’en est pas com m e de la qualité
d ’héritier p u r et simple! on peut faire déchoir l ’héritier
du bénéfice d ’inventaire! Sans doute on peut le faire
d é ch o ir de la qualité d’héritier b é n éficia ire, tant q u ’il
n ’y a pas eu de ju g em en t; mais quand il est in tervenu
un jugem ent sur la qualité m ê m e , et un jugem ent en
dernier ressort, le jugem ent est indélébile ; il n ’y a que
l a requête civile ou la cassation.
L ’arrêt n’a pas eu seulement égard à la déclaration
faite par Pierre-Jean G en este , ou son tu te u r, q u ’il n’entendoit accepter la succession que sous bénéfice d ’inven
ta ire ; i l l ’ a a d m i s à r é p u d i e r , c o n s é q u e m m c n t à la j u r i s
prudence du parlem ent de T o u lo u s e , conform e en cela
à la jurisprudence ancienne du parlem ent de Paris. O r ,
est-il possible de déclarer héritier celui qui , par un
arrêt inattaquable, et n on a tta q u é , a été déclaré ne l ’être
p as?
Il falloit bien faire un portrait odieux du sieur Geneste :
on le représente com m e ayant ch erché à frustrer les
créanciers.
*'
O n lui fait un crime de n’a vo ir pas com pris ce dépôt
dans l’inveutairc fait après le décès de la ve u v e M u ra illa c ,
en 1 7 6 1.
«4‘ .
i
O u lui fait un crim e de ne l’a vo ir pas au m oins ajouté
. h
�¿S/
• (
2
5
)
à'l'in ven taire en 1772-, après l’a vo ir retiré-des mains de
l’alibesse- dé^Birageacî • •"/'.•b.; t
vu i j ^
; « O s t livi-qùi' si persuadé' à; l ’abbe<ise<de i B n g e a c 'q u ’ il
étoit autorisé de la justice pour-ïetirer <?e dtëpôt>t;ujdis q u e
la ¡lettre "de l’dbbéSse de Bragedo, 'dti. 26 niai 1776:, ne parle
et ne 'pé-ut s’entendre que de l ’autorisation'générale que
sa ;'x p iiilit ^ l ü i î ' d ô n j i o i t ' ! ^
t jio v
i.O
*i ¿ v j î'.'ii-
■j C ’est ltli£qilî 3 peVsüadé que l ’abbo Segond étort m o r t,
q u o iq u ’il n^yoit-rti'flrt^qu’en 1 7 7 7 ; qui a persuadé ;que
les d’ Àyrtiàr{l ét^Go^idert-S’étoient absentés et n’avoient
donné aucune de leurs nouvelles'! ir>
' yc
TC ’est,lui qüi a- donné ¡l’idée de la pérem ption de la
saisie a rrêt! üil fùii;/;': t;o
v:-jiq î'jl
Rem arquons que toutes ces imputations gratuites portent
sur Emeric^Ignace G;enestè‘'à rq u i'l e d é p ô t s été rem is,
et non sur Pierre-Jéan Geneste; Quand tous ces faits seroient
v ra is, entraîneroieiit-ils contre P ierre-J ean Geneste ( c a r
E m eric-Ignaee est étranger à la succession ) la déchéance
d u bénéfice 'd ’inventaire ? •■ ■ '■
r
D ira-t-on que Pierre-Jean Geneste est héritier d’E m ericXgnace? Mais com m e h é r itie r, il ne peut être tenu q u ’à
la même condamnation q u ’Em eric-Ignace. O r , E m ericIgnace ne p ou rroit etre tenu que de la restitution de la
valeu r des objets par lui retirés.
L a demande des appelantes en condamnation in d é
finie , est donc dériso ire, quand m êm e on feroit abs
traction de l’autorité de la chose jugée.
D ans leur ^évaluation e x a g é r é e , elles ont porté la
valeur du d é p ô t , en premièitè instance, à 10000 francs,
et sur l’a p p e l, p o u r ne pas se préjudiciel*, à iô o o o francs;
D
�( *6 )
et elles veulerlt rétendre la condamnation a u - p a y epient
de leu r entière c r é a n c e , s’ élevant aujourd’hui si on y
ajoute les intérêts depuis n79<> Ss ^ P^U6 de 26000 francs;
ce q u i p ro u v e leuir, justice.- :x ;»'v : ij
• ••:*';(>•
,:
S uivan t elles, le <dép^ .contenait les reprises de- ladite
D u v e l sur la succession d e son mari. Q uelles p o u vp ie n t
être ces rep rises? O n v o i t , et le^ appelante? liront pas
m a n q u é de relever: ôeitÇe icineongtaRçeÿiquTelie ^îvpit. été
lo n g - t e m p s uen instance-favee Enperiq-Ig«aee ( S i e s t e ,
sur répétitions ¡respectives
que
les piirtipp ;prétendaient
a vo ir droit de form er l ’u n e contre l ’autre. Cette instance
a été terminée par Un traité du 19 -octobre 1 7 4 7 , qui
est dans les pièces.
D ans
ce t r a it é ,
E m ç r ic - Igüaee
G en este
débiteur envers sa b e lle - m è r e de
i sé ¡neeonnoît
11
diverses sommes , notainment de plusieurs,som m és par
elle payées en l'acquit ,de la succession d e son m a r i, des
quelles il est fait compensation à due concurrence av-ec
celles dont la belle-m ère se reponuoît de son côté d éb i
trice. L a ¡présomption est bien .que lors de ce traité elle
a fait valo ir toutes ses reprises : et depuis, on ne pensera
pas qu ’elle ait pris plaisir d e payer d ’autres dettes p o u r
en réclam er le rem boursem ent contre -celui de qui elle
avoit déjà é p ro u v é tant de difficultés, que les appelantes
représentent com m e extrêm em ent processif.
A jo u to n s le silence q u ’elle a g a rd é jusqu’à son décès.
A jo u to n s l’impossibilité où elle étoit de p;iyer p ou r
a u t r u i, puisqu’elle a été obligée de vendre une maison
à A r g e n t a i, de vendre les rentes de S a in t-P ro je t, p our
payer scs dettes, personnelles.
C ’est ainsi que les appelantes ajoutent que le d ép ô t
�( *1 )
contenait des obligations considérables consenties en sa
faveur par plusieiirs particuliers* L e s exagérations ne
coulent rien.
i '
9UP
^
P o u r appuyer .leur d em an d e, les appelantes font un
dernier raisonnement. L ’arrêt a condamné l’abbesse de
Brnigeac à représenter les objets:déposéSjjfà//te- de ce-, ¿t
■paye?' là to ta lité de la créaiice : 'par
m i s s i v e l e sieur
Genestè's’est obligé; à garantir l ’abbesse dé Brageac ; les
a p p e l a n t , com m e exerçant l ’actiofl en garantie de l ’ab
besse, peu vent sans doute exercer contre les intimés les
mêmes poursuites que l’abbesse, et les contraindre, com m e
c e lle - c i* le p o u r r o it , au payem ent de l ’intégralité de la
som m e.(: '
îîo:j-.
na-jü# ••
n
• D e u x réponses. O n demandera d’abord où est cette
obligation de garantie, cette m issive?
<
O ù est la p reu ve m êm e de la remise du d é p ô t ? E lle
n’est que dans l ’aveu du sieur Geneste ; - aveu q u ’on ne
peut diviser.
- ‘
'
;
Ensuite ce raisonnement porte sur une erreur. I , ’arrêt
condamne bien l’abbesse de Brageac à représenter les objets
d é p o sé s , mais ne condamne p a s , à défaut de représen
tatio n , à payer toute la s o m m e ; et une pareille con
damnation ne se supplée pas. T o u t ce qui pou voit résulter
contre la dame D a u z e r s , de la disposition de l’arrêt qui
la' condamnoit à représenter les objets saisis, étoit d’en
payer la v a le u r telle q u ’elle auroit été fixée.
.
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■.. r - !
•• V ; ;;
Légitim e de l ’àbbé Se gond*
''
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;
L ’arrêt a condam né les in tim és, com m e héritiers de
D 2
�C * 1
l ’abbé S e g o n d , à: p.aÿer -à concurrence dé'la légitiinei.duidife:
Segond : ce sont leslterm ès dc il’ui'i'ct. D e ces .termes ,il[
résulte que l’arrêt n’a pas entendu condamner indéfini
m e n t , mais seulement à tea n cu tren cé. •»«)•/•
:c-;
D ’ Aym alkl et C oud ert avoient.attaqué les intimés,, non seulement comme.Xn5i.»^tifer§;çle;la d afrieD u vel deiMuraillac,1'
mais- encore .comniej héritiers jde, l’abbé Segond^ icelui
cohéritier., dè ladite'D,ùvfcl-i;,c’est ¿a('qualité qu’ils lui ¡ont
donnée, dans leurs; requjêtêsjfvisées-.en^rprrc.t.^Il étoit
effectivement ’coh éritier,, non cohéritier par-,égale, p o r tio,n,.;>parce qufifiMarie] J )u y e l aycv^t fait Une institution
contractuelle en'fayeu.r; de(.M arie-Jeanne S e g g p d ,. nifiis
coh éritier p our sa portion lé g itiin a ire , n’y ayant -point
de la p a rt' de rla datne D ü v e l de destination particulière.
O n se rappelle q u ’en instituant M a rie-J ea n n e S e g o n d ,
elle l ’a instituée à-la-jcliarge de la légitim e de d roit de
Jean -Josep h . Segond. ' • -j
; ■• .
;>
L ’arrêt a jugé que l’abljo S e g o n d , com m e çohéritici'jde
la dame D u v e l' de M n ra illa c , étoit ten u , p ou r}la part
p o u r laquelle il étoit h é r it ie r , de contribuer aux dettes
d e là succession; mais il a jugé eu m êm e temps q u ’ il ne
p o u vo it en être tenu ultrà v ir e s ; q u ’il ne p o ftv ç itje n
être tenu qu ’à concurrence d es (forces (le la suqçession^-f,
■¡Ou ne peut concevoir autrement l’arrêt,
f
j; i
.
,
l i e parlement a considéré l’abbé Segoud com m e cobé-j
ritier de la dame. D u vel. Sans cela.ou n’auroit pu l’assujétir en aucune manière aux dettes.
O n ne l’a point considéré'Coininc liéritier p u r e t simple;
car alors on l’a u r o it ’ Condamné indistinctement sur tous
ses biens, nou-seuleoieut sur ceux q u ’il auroit recueillis
�Û
3. J
( *9 )
dans Ui succession-du-père et.de la m è re , mais encore sur
c e y x q u ’ il eût ;pu avqir.jacquis^,d’ailleurs; et alors l’arrêt
n ’auroit pas,dit à concurrença. .
.
. ASi on ne l’a pas considéré comme h éritier p u r et sim ple,
on ne peut entendre ces m o t s ,« con curren ce de la légi
tim e , de la légitim e paternelle ; car le prem ier p riv ilè g e
du bénéfice-d’inventaire est de séparer le patrimoine de
l ’héritier de celui du défunt : le prem ier eiïet de ce bén é
fice est que .^’héritier ne puisse être tenu sur ses propres
biens, q u ’il ne fasse point confusion de ses droits, q u ’il
ne puisse être tenu des dettes de la succession que sur
les biens de la succession, à concurrence de ce q u ’il trouve
d an s'la, succession. •
;
•
,,Chacune de ces trois propositions est évidente. V o y o n s
- •
> « .
•
'
*
.
,
¿
1
• : »
#
» .
.
J
ce qu ’opposent les appelantes.
Si ces m ots, ci con curren ce de la lég itim e, ne d o iv e n t,
disen t-elles, s’entendre que de la légitim e m a te rn e lle ,
l ’arrêt n’auroit cond am n é,à r ie n ; car la succession étoit
•
'
i
)
•
¿■puisée p a r le s dette§ , et il n’y a de lé gitim e que dédu c
tion faite des dettes.
...
'
'
Réponse. L o rsq u e le parlem ent a ajouté ces m ots, a
de
ce
,’est
exp liqué ainsi p o u r juger la quèstion qui .¿\toita ju g e r ,
et ne laisser aucun doute.
Q u ’on .^e rappelle,, .lps^j conclusions des d’ A ym a rd et
Coudert jjC^lesidemandoieç^-^ue les Géiieste fussent qçnd a n m éa .’jtaut .comme héritiers de la dame P u v e l de M u r
,
’
’
•’
11
'
l•
i.i.
*
raillac, que com m e héritiers de l ’abbé S e g o n d , co h é-
i
�\ '
( 30 )
ritier lui-m êm e de la dame D u v e l , à p a yer la valeur
des rentes vendues, en capital et in té rêts, c’e s t - à - d i r é ,
l ’entière créance ; et c’est ce que l ’arrêt n’a pas v o u l u ,
ce q u ’il a e x p liq u é , en bornant la condamnation ü Con
currence de la légitime.
Mais de là m êm e q u ’il a b o rn é la condamnation , il
est évident que l ’arrêt n’a pas entendu parler' de la 'l'é g P
time paternelle.
’ '
Si l’arrêt avoit considéré l ’abbé Segond com m e h é r i
tier p u r et s i m p l e , il n’y avoit pas à distinguer la légi
tim e paternelle et la légitim e m aternelle, des autres biens;
tous les biens de l ’héx'itier, ses biens personnéls, com m e
ceux de la succesion, auroient rép o n du d e là dette: l ’arrêt
auroit condam né indistinctem ent, personnellem ent p o u r
sa p a r t , et hypothécairem ent p o u r le tout.
’
L e s termes dans un arrêt, com m e dans un c o n t r a t ,
d o iv en t avo ir leu r effet. Si le parlem ent avoit c o n s i d é r é
l ’abbé Se go n d c o m m e héritier p u r et sim p le, ces m o ts,
à con cu rren ce de la lé g itim e , auroient été ajoutés vai
nement , et m êm e ridiculem ent.
E t s’ il ne l’a condam né que com m e héritier bénéfi
c ia i r e , la conséquence est év id e n te; en cette qualité il
n’a pu être condam né que sur les biens- de la succession ;
et lorsque l ’arrêt a d i t , à con cu rren ce d é la 'lé g itim e ,
ce ne peut être que de la légitim e maternelle.
L ’a r r ê t , en disant à con cu rren ce de la lé g itim e , n ’a
pas entendu adjuger une légitim e à l’abbé ‘S e g o n d ,'s i ,
dettes p a y é e s , il 11e rcstoit rien. L ’arrêt a jugé que Î’abbé
Segond ne p o u v o it prétendre de légitim é
qne
dettes
p a yée s, et en m êm e temps q u ’il ne p o u v o it être sujet
�c Ç sr
( 3 T. )
aux dettes q u ’à concurrence de cette lég itim e, et non sur
ses autres biens.,
: >. , i
:
L e s qualités, d’héritiers, disent .encore les appelantes,
sont personnelles : la qualité d’héritier bénéficiaire n’est
qu ’une exception ; elle n ’atteint que celui qu i la réclame :
l ’abbé Segond n’a jamais déclaré qu’il ait vo u lu être
héritier bénéficiaire.
Il ne s’agit pas de savoir ce q u ’il a déclaré ou n’a
pas déclaré il s’agit de savoir ce qui a été jugé.
< L ’abbé Segond n’a pas déclaré qu ’il v o u lû t être h é
ritier b én éficia ire, mais il n’a pas déclaré qu’ il v o u lû t
être héritier p u r et simple ; il n’a fait aucun acte d’h é x i t i e r , et tant qu’ il ne s’est point im m is cé , n’étoit-il pas à
temps de s’exp liquer su r la qualité qu’il entendoit p ren
dre ? Ses héritiers n’ont-ils pas eu la m êm e faculté ?
n’ont-ils pas pu déclarer q u ’ils n’acceptoient également la
succession de son c h e f que sons bénéfice d’inventaire.
L es appelantes se font un m oyen des quittances de 1790
et 1791 , du bail de copie du 7 juillet 1791 ; elles en in
fèrent que les intimés ont tellement reconnu que l’arrêt
les condamnoit à faire raison de la légitim e paternelle,
que les quittances de 1790 et 179 1 portent sur cette m êm e
légitim e paternelle.
I l faut encore rép on dre à ce qu ’elles disent à cet égard.
L a quittance de 1790 ( d e ' 5oo francs ) porte effective
m ent, à com pte de la légitim e de Cabbé S eg o n d , et c o n fo r
m ém ent 11 ia r r ê t. Cette quittance est donnée par M arianne
C o u d ert à la ve u v e Genoste, Frauçoise U e lz o r t , com m e
tutrice, laquelle ¡t'a pu p réju d icifir à ses enfans.
,
Dans l’acte de bail de cop ie, du 7 juillet 1791? à la requête
�( 32 )
tant de Françoise D e lz o rt que de M arianne G eneste, on
donne copie de cette q u itta n c e , et d’ une auti’e quittance
de l’abbé S e g o n d , d e‘ 1752 , de 700 francs.'-Au m oyen de
ces deux quittances on soutient ne rien devoir de là desti
nation de légitim e faite à l’abbé Segond par le testament
de Gaspard S e g o n d , et même avoir surpayé de 200 francs
dont on requiert le remboursement. Les appelantes vfculeht-elles argum enter de cet acte de bail de copie ? q u e lle s
le prennent donc en en tier, tel q u ’il est! Les intimés ont
reco n n u , si l ’on v e u t, que l’arrêt les rendoit comptables de
la légitim e paternelle de l’abbé S egon d ; mais ils font en
m êm e temps l ’application des quittances,¡et soutiennent
a vo ir surpayé de 200 francs ; et alors il n’y a pas de discus
sion : les appelantes se trouveroient m êm e débitrices.
j
L e s quittances de 1 7 9 1 , l ’ une par la femme Coudert',
l ’autre par la femme d’A y m a r d , portent expressément sur
la provision accordée par jugement du tribunal du district
de Salers.
L e s appelantes fon t un singulier raisonnement.
*
O u ces quittances de 1 7 9 1 , d isen t-e lles, sont données
sur la légitim e de la m ère , ou sur celle du père. Dans le
prem ier cas, l’inventaire est fa u x , et les intimés doivent
être réputés héritiers purs et simples ; dans le deuxièm e
cas, la question est jugée par eux-mêmes.
N i l’ un ni l’autre. L a provision accordée par le jugem ent
de Salers a été accordée s u r le c o m p te } et en attendant que
le com pte fût apuré.
Ces quittances, quelles qu ’elles so ien t, o n t-e lle s pu
donner une extension à l’a rrê t, changer l’arrêt ?
L es parties n ’ont pas entendu y déroger ; elles n’ont pas
entendu
�c 33 y
^
entendu changer l’arrêt p elles ont entendd l’éxécu ter, en
con fo rm ité,,est-il d it ; des dispositions,de l ’arret: II*faut
donc se ¡reporter à l ’arrêt, Ce n’est point aux\parties,»c’est
gux magistrats.qui l ’ont p rq n on cé^ o u à ceux qu i les rem^
p la c e n t,ii rin terp réter : si les parties s’en sont écartées^ il
faut les vamener à sa pleine et!entière exécution* noyo?> »
. / C ’est qç qud Icà Ijuges r.de r:Sâint>*Flour ¡ohfsënicnt xiam
leurs motifs q u ’ori((va niettrecsoüs Ies;yeux:idè. làbcm m
_j;a,vAtleud:n.(i sur-la demande.en. rapport de)lad'égitime
k' paternelle )iqu'e dans le contrat d e m a ria g e dé M arier
« Jeanne Segorid, M a rie rD u v el;l?in stitu a so n - hénitikie
« universelle, sauf la légitim e d e - d r o it dè Jeab-Hl^idph
« S egon dr, son autre ¡fils; jqu’iiu d é c c i 'd e .M a r i e à D u v c l "
« sa [succession d é vo lu e aiix!]ehfons:-de)'Jeanne*M>àtie
« S e g o r td .fu t acceptée sbus bénéfice 'd’inverttaifd -p a r
cc E m eric-Ign acé G eneste, leu r ipero e t tuteur!; d’oif il
« suit que J e a n -J o s e p h . Seg.ond : étoit Idès-lotsiifédait à
« u n e 'lé g itim e dé droit/¡'et que toutes les actions'actiyds
« et passives héréditaires résidoient en là personne <ïeS
« enfans de J c a n n e -M a r ie S e g o n d , hcritièro universelle
« A tte n d u que J e a n - J o s e p h . Segohd'fétüit) ¡absent ù
‘ a l ’époque -du décèsi de iM arie) B u v d l ; r rs a n in è v d iq n ’ il
?ii n’a voit jamais form é demande'en puyem ea tcîc la légitim e
« m atern elle; qu ’il étoit m êm e décédé-avant la'rdd°clafra« tion faite par P ierre Geneste, insérée dans sa' requête
« du i i mars 17 8 6 ; que dès-lors Jean-Joscph'-Segond
« ne p ou vo it en aucun cas être considéré coiiimé h éritier
«niiuiversel, mais seulement' com m e U to p ie ' légitirnhire,
« et pur conséquent t e n u ' dès' dettes d e ü a d ito !D u v e l ,
u sa m ere,' seulem ent et jusqu’il concurrence du sixièm e
E
�( 34 -)
«• qu ’il ravoit' droit 'de demander sur ¡ces biens, p o u r sa
« légitim e dè droit /¡ suivant l’axiom e de droit / N o n
w M i'çitû rib q n u m ÿ n ifi deducto æ re alieno \ et jamais sür
« ses biens ,patern’e ls3ou‘ acquêts y fni par conséquent les
te mineurs Genestë.,
qni
représentoient J e a n - J o s e p h
« Segondtj lôur grand-ônclè; qiieldonner à l ’arrêt du 9
«rimars 01789-u n e cextension 'su r la 'lég itim e paternelle
«¡.duditi Jean-Joseph S e g o n d J 'c e seroit prêter aux juges
« qui T a n t >rendu;cuner; ignorance d e 'p rin c ip e s in v ra ia sexhblable, et une contradiction manifeste 'des disposi
ez tidnsique cet arrêt ren ferm e , puisque si ce Jean-Josepli
i^qSegônditaVoib été .assujétiy sur le 9 b ie n s ' p a tern els, à
«F I9 créôhjcdi'de^ d’A ÿim ard e t ' C o u d e r t , ( iU n ’àtiroit pu
«iTôtro que Tcomm eiihéritier p u r et'"simple de ladite
« D u v e l ; • et::'dès-lors les mineurs
G en este, héritiers
t< riiédiataide ce grandroncle,1auroient dû être, condamnés
fi indéfiniment» ïet personnellement; au payem ent de éfctte
« ci’éonce tandis q u e -le u r abdication à lu succession de
« la d ite D u v e l est »acceptée^ et q ù ’ifé ne sont-condamnés
« 'qu ’ù rendre 'compte du bénéfice d ’inventaire; et cette
« disposition’de l’arrêt ne p aroît a vo ir été mise que p o u r
« que les mineursiGoriaste'ne pussent demander la di$trâc« t io n d u s ix iè m e d u c h e fd e Jean-Josepli'Isùr'ln succession
« de ladite D u v e l / d ’où il suit que cette cohdnmrialion
« ne peut porter que sur la légitim e maternelle et non
a [paternelle.
‘
‘
<
- 1
« A t te n d u que les pnyemens faits p ar les tuteurs des
u mineurs G eneste, sur la légitim e'p atern elle de Jean« Joseph S e g o n d , out été faitsipnr erreur et'con trairlte,
« ou eu vertu de jugemens provisoires du ci-dcyan t tribu-
�< (? A I
( 35)
« nal de Salers ; que tout peut et doit être rép aré en déii« n itif; que m êm e , en aucun cas , J ean-Josep h Segond
« ayant a p p ro u v é le legs et destination à<lui'fait'e par son« p è r e , en fournissant quittance des sommes.par lui toü« c h ée s, acceptant le titre et se faisant payer les revenus
« en m a jo r it é , n’ayant jamais.de son v iv a n t form é de de« mande en supplém ent , les d’ A y m a r d et Coutlert^après-.
« plus de trente ans de m a j o r i t é , n ’àuroient jamais été
« recevables à exercer des droits prescrits, » ' i
;
Elles ne les ont pas exercés. Jamais au parlem ent de
T o u lo u s e il n’a été question de la succession de Gaspard
S e g o n d ; jamais-elles n’ont d e m an d é,'com m e exerçant les
droits de l’abbé Segond', que les intimés fussent-tenus de
leur faire raison d e là légitim e q u ’il amendoit dans les biens
du père : nouvelle raison p o u r n’entendre l’arrêt que de la
légitim e m aternelle; autrement l’arrêt auroit jugé ultra
petita .
-jî- '
'
M ais quand la cour penseroit que la lé g itim e paternelle,
doit être rapp o rtée, les intimés seroient-ils astreints à la
rapporter en coi'ps héréditaire ? Y auroit-il lieu à adjuger
encore aux appelantes leurs conclusions à cet égard ?
’ L es appelantes ne peuvent pas a vo ir plus (le droit que
l ’abbé-Segond. O r , l’abbé Segond ayant a p p ro u v é la desti
n a tio n , seroit-il i-ecevable à élever cette prétention ? i1"
O n 'co n vien t que p ou r être exclu de la demande en par
tage \ il n e 1suffit pas que le légitiinaire ait reçu partie de ladestiddtion, ou m êm e 'l’entière destination^'il fimt'encore
qu ’ il, ait,eu connoissiince du testament'*’
irispectisqua
tabulis. . ,
<- > •vyi’ti s’iuov) i.iMK1'. -t'i- • ■
>»;> ’•
E 2
L
�L ’a b b é Segond a - t - i l eu celte connoissauce ? a - t - i l
accepté la destination, et l ’a-t-il acceptée avec la connoissance, de cause que désire la lo i ?
Il ne peut y a v o ir à; cet égai'd de douté. O n rapporte la
p ro cé d u re q u ’il a tenue lui-même; à l'effet de faire condam
ner l’héritière instituée ù fou rn ir aux frais nécessaires
p o u r p arven ir à l’état de pietrise.
V o i c i .gom m ent;il‘ s’exp lique dans une requête du 1 6
'se p te m b re 174 9 :
Q u e demande le sieur S e g o n d ? u n e
a pension alimentaire et suffisante p o u r continuer ses
« études. E n vertu de q u el titre la d e m a n d e - t - i l ? en
« vertu du testamentfde défunt son p è r e , qui chargea son
« h éritière de fou rn ir à la dépense nécessaire p o u r sa
« n o urriture et Son éducation y s’il veut p a rven ir à l ’état
« de prêtrise. »
D ans u n e autre é c r it u r e y du 6 octobre su iv a n t, il ne
s’exp liq u e pas d ’ une m anière moins précise; il ne sei>oi-no
pas à rappeler le testam ent, il en donne c o p ie , ainsi que
du contrat de m ariage de M a rie -J ea n n e S e g o n d , conte
nant rem ise, en sa fav eu r, de l’hérédité du père. V o i c i
ses expressions : « Il suffit au dem andeur que ledit Jean« Gaspard S e g o n d , son p è r e , par son testament, dont i l
« a été d on n é copie avec ces p résen tes, ait expressém ent
« chargé son héritière de fou rn ir à la dépense nécessaire
« au d e m a n d e u r, .dyus le cas où il prît l’état ecclésias« tique ; etj q u e la;daine D ùvel r sa m è re , héritière fid a
ci ciuire,.ait t'emis 3011 hérédité en entier à défunte M tirie«, J e a n n e S e g o u d , cjuns le contrat de m a ria ge, d o n t i l a
cc été a u ssi d on n é copie a\>ec ces présentes, »
'
.*
�< j4 ï
( 37 )
L e testament est également r a p p e lé , visé et daté, avec
le nom du notaire , la date du con trôle, dans l’acte cons
titutif du titre c lé ric a l, du 29 septembre
i j
5o .
Il étoit alors m in e u r! on en co n v ie n t; mais que résul
te-t-il de là ? Q u ’il auroit pu obtenir des lettres de res
cision, et se faire restituer; mais il ne l ’a point fait. N o n seulement il ne s’est pas p o u rv u dans les d ix a n s, mais
•1 OÛ"
,
L
1
,
il a a p p ro u v e de n o u v e a u , en m a jorité, le jugem ent du
p è re , par le payem ent des arrérages de ce m êm e titre
clérical q u ’il a reç u s, p a r le s quittances q u ’il a données
de diverses som m es, d’abord sur les intérêts, et ensuite
su r.le cap ital, par ses lettres.
L es appelantes seroient-elles fondées du moins à p r é
tendre un supplém ent ? M ais cette a ctio a en supplém ent
est prescrite.
f
D ira -t-o n que l ’abbé Segond n’a été m ajeur qu’en 1 7 5 4 ;
que jusqu’à son d é c è s , a rrivé en 177 7 , il ne s’est écoulé
que vingt-trois ans utiles p o u r la p r e s c rip tio n , et que
depuis son décès, la, prescription a été suspendue p ar la
réunion sur la tête des intim és, scs h éritie rs,.d e la doub le
qualité de créanciers et de débiteurs. M ais ce seroit une
erreur. Si les appelantes vo u lo ie n t exercer ses droits, elles
devo'ient les faire valo ir en temps utile. Si „ par une fic
tion d e .la lo i, elles étoient au lieu et place dé l’abbé
S e g o n d . par une suite de là m ê m e fiction., rien ne s’op posoit à ce q u e lle s agissent; et faute d’avoir, a g i, la presiM '
lOJi
’1
u
*,
• j:
,
'il
c n p tio n a continué de courir.
*
I-<’arrêt m êm e de 1789 ,* quT les auroit autorisées à se
ve n g er sur la légitim e de l’abbé S e g o n d , 11’auroit pas
conservé l’actiou eu supplém ent. L ’actiou cil supplém ent
�( 3 8 ) ............................................
est une action extraordinaire, qui doit être form ée parliculièrcraant. Ind iget p etitione p a rticu la ri.
M ais tout ceci n’est que subsidiaire.
Gains nuptiaux.
\
P a r l ’article deux du chapitre premier de recette, les in
timés s’étoient chargés en recette de la somme de 5oo fr.
p o u r les gains nuptiaux prom is à M arie D u v e l , par son
contrat de mariage avec Gaspard Segond. L e jugement
dont est appel les a admis a rétracter cet a rtic le , et à
ne se charger en recette que du tiers de cette so m m e,
conform ém ent à la N o v e lle 1 2 7 , cliap. 3 , qu i ne laisse
au conjoint su rv iv a n t, non r e m a r ié , q u ’une v irile en
p r o p r i é t é , et l ’ usufruit seulement du surplus.
O n convient de la disposition de la N o v e lle ; on convient
aussi qu’elle a été adoptée en France p o u r les pays de droit
écrit: mais les appelantes se x-etranclici.it d’abord, dans la
clause du contrat de m a r ia g e , rp o u r dem eurer propre à
la f u t u r e , dès à p résen ù M ais cette clause ne signifie autre
chose, si ce n’est que la somme demeure acquise à la futu re,
soit qu ’elle survive ou non ; q u ’elle demeure acquise dès
l ’instant, indépendam m ent de l’événem ent de survie. O n
ne peut pas lui donner un autre sens raisonnable.
Elles se retranchent ensuite ^ur les offres des intim és, et
sur le "prétendu contrat judiciaire, résu lta it cïii jugement
;'M îv.à '
: : r-i*
••>•. >*>L
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-V o k o c »
par d éfa u t, du 14 pluviôse an 5 , qui a h o m o lo g u e pux
,
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- w i i , ' /• )
renient et simplement le. compte.
L e s offres n’avoient pas 'été acceptées; et.tant q u ’elles
n’étoient point acceptées ; les intimés ont pu les rétracter,
■
Il AJ.
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‘ : ..'llM.jl ;; tl'J
|
�( 39 )
L e jugem ent par défaut a été attaqué par la voie de
l ’opposition. O n sait quel
est l ’efïetj d e ; l ’opposition ;
c’est d’anéantir le jugement ; c’est de remettre les parties
au-m êm e état que s’il n’existoit p a s, à la différence de
l ’appel qui ne fait q u ’en suspendre l ’exécution. L e juge
m ent étant an éa n ti, les juges ont p rononcé et dû p r o
noncer de nouveau.
'i
Jouissances et quarte trébellianique.
•
* Il ne s’agit pas des jouissances que M a rie D u v e l p o u v o it
a vo ir droit de p ercevoir en vertu du testament de G aspard
S e g o n d ; elle a remis l ’h érédité à J ea n n e-M a rie Segond/
dans son contrat de mariage ,• sans aucune réserve. T o u t
r •
• |*
t•
est consom m é à cet égard.
• !i n |i
'j '
•
E n 1 7 4 4 , J ean n e-M arie Segond l ’a de nouveau ins
tituée h é r it iè r e , à la -c h a rg e de reqdre à ses en fan s.'Il
s’ agit des jouissances que cette seconde institution p o u v o it
lu i donner droit d d ‘ percevoir.
"
!*
Cette institution doit-elle être considérée com m e une
simple f id u c ie , ou com m e une substitution ikléicom m issaire?
(
int. îuhj
>; 1,
' jS i elle doit être considérée ’c'otamè une simple fiducie ,
la prétention dés-appelantes àeroit sans fo n d e m e n t , soit
que M a rie D u v e l ait j o u i , soit q u ’e ll é 'n ’àit point joui.
Si elle a j o u i , on ne peut évidem m ent rendre les intimés
comptables de jouissances qu ’ ils n’ont pas p erçu es; on
ne peut en faire profiter M a rie D u v e l d é u x fois1.' :Si‘
elle n’a point j o u i , la fiducie lu i donnoit bien d ro it
de p ercevoir les f r u i t s , mais 11e lui doun croit p a s , e t
�\ v
'
( 4° )
encore moins à ses créan ciers, le droit de rechercher
les h é r it ie r s . p o u r raison de ceux q u ’ede auroit laissé
percevoir.
. •
: ^ 'j
, L a fiducie est un d ép ô t de l ’hérédité. L ’héritier', fiduçiaii-e fait les fruits siens, à la différence'des autres d é p o sjtaires; mais le testateur ne lui laisse les fruits q u e parce
q u ’il espère que sa succession sera indemnisée^ par les
soins q u ’il donnera à la gestion et administration des
Liens.
__ •
‘
,.
~
L ’héritier fiduciaire a droit de p ercev o ir les fruits ;
mais c’est un droit p e rs o n n e l, un droit qu i est une suite
de la confiance qu e le testateur a m arquée en sa g e s t io n ,
qu i n e'passe p oint à ses h éritie rs, et encore m oins à
des tie r s , à des ¡créanciers.
"j.r-'
o
L ’h éritier fiduciaire a les fruits p o u r l ’indem niser des
soins et peines de la gestion e t adm inistration, et autant
seulement q u ’il g ère e t administre. ■
»■
’ r_
' ■
?<.'
Il faut que les appelantes s’exp liqu ent ; il faut q u ’elles
d is e n t , ou que M a r ie D u v e l. a-joui, Jusq u ’à son décès.,'
ou q u ’elle a jo u ifu n t e m p s ,.o u q u ’elle n ’a jamais' joui.
Si elle a joui jusqu’à son-décès, on n’a rien ù réclam er.
Si elle a joui pendant un t e m p s , 011 ne p eu t rien
r é c la m e r , d ’abord p o u r le temps q u ’elle a j o u i , ni môme
p o u r le temps o ù elle a .cessé de jo u i r ; car alors le$
intimés n ’a u ro ie n t'jo u i que par reflet d ’ une restitution
vo lon taire de sa p a rt, et alors il n y auroit lieu ni à
red d ilio n jd e com pte des jouissances, ni a distraction de
quarte. L a restitution ayant été snns ré s û rv e , elle seroit
cen sée a v o ir v o u lu exécuter plus pleinem ent la vo lo n té
de la défunte.
' •'
Si
t
�( 4* )
Si elle n’a jamais j o u i , c’est une p reu ve qu ’elle n’a .
pas v o u lu accepter la gestion et administration qui lui
ctoit déférée.
'
■
'
^) '
E lle n’ignoroit pas le testament'; i l Jest rappelé dans
un traité d e’ 1 7 4 7 , passé entre elle et Ê m ëric-Ignace
Geneste.
v V_-_
*
' ■ •■
’ ‘
,
•*
•
D a n s 'c e t r a it é , sur les divers objets dé répétitions
et de compensation qu e les-parties avoient respective
m ent à s’o p p o ser, et p o u r raison desquels elles étoient
en instance, il est d i t , relativem ent à une somme de
5oo francs que la dame D u v e l réclam oit com m e à elle
lég u ée par le testament de Gaspard Segond ( en q u oi
il paroît q u ’il y a erreur dans d é n o n c ia tio n , le testa
m ent de Gaspard Segond ne contenant p oin t de legs de
cette sommé ) j q u ’ i l est su rsis à cet a rticle ju s q u ’ après
la décision de la v a lid ité ou in v a lid ité du testam ent.
Il se peut que le sieur Geneste entendît opposer la nu llité
du testament ; mais ni avant ni après ce t r a i t é , M a rie
D u v e l n ’en a réclamé l’exécution. 11 paroît q u e , depuis
le tra ité , la belle-m ère et le gendre ont v é cu d’accord ;
que M a rie D u v e l s’est contentée de la jouissance de la
, m aison, grange et jardin, et a laissé jouir le sieur Geneste
du su rp lu s, com m e tuteur de scs enfans.
E lle 11’ignoroit pas, encore une fo is, le testament. Si
elle avoit entendu accepter l’in stitu tio n , n ’en auroit-ellc
pas réclam é l’eifet? A u refus du sieur Geneste d ’exécuter
volontairem ent le testament, n’auroit-elle pas agi judi
ciairem ent? O n vo it au contraire q u ’elle a gardé le silence
jusqu’il sou décès.
F
s-
�(
43
)
L es appelantes prétendent que ce n’est point'une 'fiducie,
parce .que la charge de rendre n ’esjt pçis à jo u r certain ;
que M arie D u v e l n’a été chargée de rendre qu?à spn
décès : elles invjçqiijenf Pérégrio-ijis. çt Hexnys.
O n ne peut s’éto n n er ,a$sep q u elles ci tept P é r é g r ip u s ,
qui précisém ent regarde cette circonstance coram eindjjïé^
r jiite , q u i veut
s’arrête, d ’une part; à Ja p rp x im ité
de la p ersonne ¿i^ tijjjé e, ep, d ’a,i,ilT« p a r t, va u bas ¿igq
de ceux à q u H a 5.u,epes^ipnIdoit ^tre réalise. M st a y tem
J id u c ia r iu s hcpt'fis qyp n o n q u i co n te m p la tio n ç, • spcl
a lle riu s g ratùî in p iiU d u s , eid çm rg stifu a re lncpreditatçm^
p ost die ni eprtarn v ç l in certain r p g a fy j praponitm \
H e m y s traite celte qupstipn en plusieurs pndrpjts, ami
liv r e 3 , chapitre 3 , questiop 2 2 , et liv re 5 , jçfoapitre
3 , question 14. 11 est cependant o b lig é de con ven ir
que l ’arrêt ne s’arrêta pps au défaut de cette circonstance ,
et jugea que l ’institutipn laite par le pêne ù la m è ro ,
à la charge çle remettre l’hoirie à cçlui de leurs enfans
communs q u ’elle ch o isiro it, q u o iq u ’il n ’y put point de
terme certain apposé à la rerpise, n ’ptpit q u ’ une institu
tion fiduciaire. Il est vrai que la m ère s’ ptoit rem ariée:
ce q u i fait douter Jlenrys du véritable rnatif de l’arrêt.
O11 dira peut-être que si M arie-Jeann e Segond n ’avpit
vo u lu que pourvoii* à l’administration de ses e n fa n s ,
elle n’avoit pas besoin d’ instituer l’aïpule h é r it iè r e , lç
p ère survivant étaut le tuteur lé g a l, et toujours p résu m é
prendre le m eilleur parti p o u r ses enfans; et c’est peut»
être par cette raispn que la m ère préféran t que les enfans
fussent sous la tutelle de l’aieule, a déguisé lji tutelle squs
�¿¡4 0 )
( 43 )
la form e d’ une institution; et c’est précisém ent l’espèce du
paragraphe P o llid iu s , loi 3 , au digôste D e u su r is , qui en
donne cette raison élégante : Q itod lu b rico tutelœ j i d e i c o m m issi're m e d iu m m a ter p rœ tu lera t, craignant sans
^
^ ^
doute que le p ère se remariât*, et ne portât son affection V
sur les enfans d’ uri" autre lit. i r
.
,
Si ori l'égarde maintenant l ’institution com m e une
substitution iîdéicom m issaire, il n ’ÿ a u ro it pas plus de
lu,1
raison.
i ° . Parce que M a rie D u v e l seroit censée a vo ir fait
i-emise et abandon tacite du fidéicommis; remise et abandon
. î‘ ' ’ * •
X
que les d’ A y m a r d et Coudërt*, qu i n’ont traité avec elle
q u ’en 1 7 5 6 , ne pourroient" quereller et p rétend re a vo ir
été faits en fraude.
2 °. Parce q u ’elle ne s’est pas conform ée ù ^ordonnance
ren o u velée par plusieurs déclarations', et notam m ent par
celle du 18 janvier 1 7 1 2 . O n ne parle pas de l ’ordonnance
des substitutions, de 1747/, parce q u ’elle est postérieure.
L ’article 57.de l ’ordonnance de M o u lin s porte que « toutes
« d isp osition s en tre-v ifs ou de d ern ière volonté , conte*
« n a n t su b s titu tio n s , seront publiées et enregistrées dans
« les six mois u com pter du jour de l’acte, p o u r lfcs actes
« e n t ie - v if s , et quant au x substitutions testam entaires,
« dû jour du décès : au trem en t seron t n ulles et ji' a u ro n t
cc effet. »
'
O h ne peut rien ajouter à cet égard aux motifs du ju
gement.
« A t te n d u , portent ces m o tifs, que soit a v a n t, soit
« après l’ordonnance de 1 7 4 7 , Tonregistrem ent et publiF 2
->
^ —
i
�V «'y
(, 44 )
« cation du fidéicommis étoit req uise, d’après l ’ordon « nance de H en ri I I , donnée à S a in t-G e rm a in -e n -L a ye,
« du mois de mai i 5 5 3 ; celle de M o u lin s , en i 56 6 ,
« art. 5 7 ; la déclaration du 18 janvier 1712 .
« A tte n d u q u ’il résulte du traité de 1 7 4 7 , que M arie
« D u v e l n’a vo it fait à cette époque aucune diligence p o u r
« faire enregistrer et p ublier le testament de Jean n e« M a rie S e g o n d ; que la validité de ce testament étoit
ce m êm e contestée; q u ’il ne paroît pas que M a rie D u v e l
« ait de son v iv a n t dem andé l ’exécution de ce testament
« par vo ie judiciaire; d ’où il suit q u ’elle avoit p référé la
« jouissance des objets à elle délaissés par E m eric-Ign ace
« G e n e ste , son g e n d r e , au x embarras d ’ une succession
« sur laquelle les enfaus auraient p u dem ander la dis« traction d’une partie p o u r leur lé g i t i m e , et q u ’elle
« avoit a b an d o n n é, du moins tacitem ent, cette h é r é d it é ,
« et que pai* suite les d’A y m a r d et C o ud crt 11e sont pas
« recevables à demander com pte desdites jouissances.
« A tten d u que M a r ie D u v e l avoit tacitement abdiqué
« la succession de J ea n n e-M a rie Segond ; qu ’elle n’avoit
« fait p rocéd er à aucun in v en ta ire ; q u ’elle auroit été
« o bligée d’ im puter sur la quarte trébellianique les fruits
« des trois quarts de l ’h é r é d i t é , e u t-e lle été en r è g l e ;
« que ces trois quarts auroient im m anquablem ent absorbé
« la q u a rte , au cas qu ’elle jouît des fruits des héritages
« et legs à elle assurés par le testament de ladite .Tean u c« M a rie Segond ; d ’où il suit que ni M arie D u v e l n’auroit
« pu demander une pareille distraction, n i , après e lle ,
k
lesdites d’A y m a r d et Coudcrt. »
�iÇ s /
i
( 45) .
.
D ans tous les c a s , il faudroit distraire du com pte des
jouissances le tiers p o u r la légitim e des^enfans , et les
jouissances de la m aison, grange ci-jardin dont elle a joui
.
t
r
"
_____ $
jusqu’au décès.
I l faudroit également im puter sur la quarte les jouis-
|
fj'
sances des autres trois quarts : on en convient.
,jjj
i
P e n s i o n d u e a u c o u v e n t d ’A r g e n t a i.
j!'i
;j.;
«
•i
E n achetant en 174 1 un héritage de M a rie de M u r a illa c , les religieuses d’A r g e n t a i f ir e n t , par form e de
-
c o n tr e -le ttr e , et en augm entation de p r i x , un écrit p a r
le q u e l elles s’obligèrent de recevo ir une demoiselle p ré -
:T
¡j
"•
sentée par elle pendant trois ans : ce billet est du 19 a v ril
1 7 4 1 , m êm e jo u r de la vente.
ii
I;
'i
A u bas , le sieur Geneste a é c r i t , le 13 mai 1770 :
i:
« J e déclare que le contenu ci-dessus a été acquitté p a r
« les religieuses, » sans dire à quelle époque.
;■
L e s (l’A y n ia r d et Couclert se fon t un m o yen de cette
déclaration , p o u r forcer les intimés à rapporter le m o n -
tant de cette pension ; et cette p en sion , p o u r les trois a n s,
elles la portent à 1200 francs.
O n va juger encore de l’esprit de justice qui les anime.
A u dos de ce billet on tro uve écrit : « B ille t des reli« gieuses de Sainte-U rsule d’A r g e n t a l , en faveu r de de« moiselle Se'gond, de P le a u x , p o u r pension. E lle étoit
« alors à 100 francs par année. D em oiselle M a rg u e rite
« Geneste fut adm ise, audit temps de la v e n t e , p o u r
« p en sio n n a ire, et puis sa sœur. »
r
\
■
�( 46)
Ce qui p ro u v e que cet objet a été acquitté du vivan t
de M a rie D u v e l , décédée en 17 6 1.
« A t t e n d u , porte lë m o tif du jugem ent sur cet article,
« que soit que M a rie D u v e l ait consom m é la somme
« destinée p o u r la pension, ou qu’elle- l ’ait touchée clle« m ôm e , lesdites d’A y m a rd ' et Coudert n’établissant pas
« q u ’ E m eric ou P ie rre G eneste, o u ï e s tuteurs , aient
« touché cette so m m e , elles ne peu vent la^ répéter sur
0 les mineurs
Geneste , M a rie D u v e l ayant été m aî-
« tresse, de son v iv a n t, d ’en disposer à' ses plaisirs. »
Articles de dépense.
L e trib u n a l'd e S a in t-F lo u r a- rayé les articles 1 , 2 , 3 ,
4 , 5 , 6 , 9 , 10 et 11 de la-dépen se; preuve* dé l’infidé
lité de l ’h éritier bénéficiaire !
I l y a infidélité de la part* de l ’Iléritier bénéficiaire,
qu and il y a des o m issions, quand il omet de porter en
c o m ic e ce qu i doit y être co m p ris; mais non q u a n d 'il
portera en d é p e n s e ce que la jùstice'ne croira pas d e v o ir
allouer.
M obilier de M a rie D uvel.
11
n ’est besoin que de supplier la co u r de. se mettre
sous les y e u x le m o tif des premiers juges.
Dépens.
O n peut j u g e r , d ’après ce q u ’o n vien t d e rép ondre
�é ïo
( 47 )
aux divers griefs des appelantes, laquelle des parties doit
supporter la peine de la tém éraire contestation.
M e. P A G È S - M E I M A C ,
avocat.
M e. M A N D E T je u n e , avoué licencié.
tjU b r t X .* ,
**/-*■■
.
,
« j r -------- €~ \ f f
A R I O M , de l’imprimerie de T i i i b a u d - L a n d r i o t , imprimeur
de la Cour d’appel. — Janvier 1808.
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
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/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Gineste, Emeric. 1808]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Pagès-Meimac
Mandet
Subject
The topic of the resource
successions
créances
inventaires
Ursulines
vie monastique
bagues et joyaux
experts
gains nuptiaux
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire pour Émeric Geneste et consorts, intimés ; contre Marie d'Aymard, veuve Lacroix, et Marianne Coudert, femme de Durand Rieux, appelantes.
Particularités : Notation manuscrite : 8 juillet 1808, 2éme section. Déterminée par les motifs exprimés au jugement du 13 thermidor an 8, confirme.
Table Godemel : Inventaire : 2. Quels caractères doivent avoir les omissions faites dans un inventaire, par l’héritier bénéficiaire, pour entraîner contre lui la déchéance de cette qualité et le faire considérer comme héritier pur et simple ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Thibaud-Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1808
1720-1808
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
47 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G1823
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G1824
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53350/BCU_Factums_G1823.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Pleaux (15153)
Aurillac (15014)
Brageac (15024)
Bourg-Argental (42023)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
bagues et joyaux
Créances
experts
gains nuptiaux
inventaires
Successions
Ursulines
vie monastique
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53354/BCU_Factums_G1902.pdf
24a3d65c21e515b4da93fdc577d3f899
PDF Text
Text
MÉMOIRE A CONSULTER,
ET CONSULTATIO N,
Pour les L
universels de Madame
DE CHAZERAT.
égataires
�MÉMOIRE A CONSULTER,
ET CO NSULTATIO N,
POUR
Les
universels de Madame DE
CH AZERAT,
L ég ataires
CONTRE
\
Le Sieur M IR L A V A U D .
MADAME R ollet, épouse de M . de Chazerat, ci-devant
intendant d’Auvergne, est décédée sans postérité au mois
de septembre 1806.
L e système restrictif de la loi du 17 nivôse an 2 ayant
été modifié par celle du 4 germinal an 8 , qui permettoit
A
�( 3 )
à ceux qui n’avoient ni ascendans ni descendans, ni frères
ni sœurs, ni descenclans de frères ou de sœurs, de dis
poser des trois quarts de leurs biens, elle crut devoir
profiter de la latitude que lui donnoit cette loi.
Elle fit im ’-testament olographe le 26 messidor an g.
Après un grand nombre de legs particuliers, dont le dé
tail est superflu, elle lègue l’usufruit de ses biens à son m ari,
E t elle dispose de la propriété en ces termes :
« Quant à la propriété de mes biens, mon intention
» étant, autant q u il dépend de m oi, de les faire retour» ner à ceux de mes parens qui descendent des estocs
» dont ils me sont parvenus, je donne et lègue tout ce
» dont il m’est permis de disposer suivant la loi du 4
» germinal an 8, à tous ceux de mes parens de la branche
» de mes aïeul et aïeule paternels, et de celle de mon
» aïeule maternelle, qui seroient en ordre de me suc» céder suivant les règles de la représentation à l’infini,
.
» telle q u e lle a voit lieu dans
v
»
»
»
ï>
»
»
»
»
»
v
»
la ci-devan t Coutum e
(TAuvergne, pour être partagé entre les trois branches, au marc la livre de ce qui m’est parvenu de
chacune desdites branches, et etre ensuite subdivisé
dans chacune d’elles, suivant les incmes règles de la
représentation à l’infini; et néanmoins, je veux et entends qu’avant la division et subdivision, il soit pris
et prélevé sur la masse totale des biens compris au
présent legs, cVabord le montant de mes legs particuliers, et ensuite le sixième du surplus, que je donne
el lègue au citoyen Farradèche de Gromont fils aîné,
et au citoyen SablQii - Ducorail aîn é , chacun pour
m oitié, etc. »
�Z 'b
(
3
)
.
M me de Chazerat a fait depuis différens codicilles.
Par les deux premiers, des 17 floréal an 10 et i/j. messi
dor an 1 1 , après quelques legs particuliers, ou quel
ques changemensà ceux déjà faits, elle persiste au sur
plus dans toutes les dispositions contenues dans son tes
tament.
Et dans le troisième, du \l\ messidor an 1 1 , postérieur
à la promulgation de la loi du i 3 floréal an 1 1 , sur
les donations et testamens , elle s’exprime en ces termes :
« La nouvelle loi m’ayant accordé la faculté de dis» poser de la totalité de mes biens, je veux et entends
» que le legs universel que j’avois fait par le susdit tes» tainent, en faveur de mes parens de l’estoc de mes
» aïqul et aïeule paternels, et de ceux de l’estoc de mon
» aïeule maternelle, de tout ce dont il m’ étoit permis
» de disposer par la loi du 4 germinal an 8 , ait son effet
» pour la totalité de mes biens, sauf les divisions et sub» divisions à faire entre mesdits héritiers, de la manière
» expliquée audit testament, sauf aussi mes legs parti» culiers, et les dispositions par moi faites en faveur
» de mon mari 5 à tout quoi il n’est rien dérogé par
» le présent codicille. »
Après le décès de M me. de Chazerat, M . de Chazerat
s'est mis en possession de ses biens, pour en jouir en
qualité d’usufruitier.
Ses dispositions testamentaires ont paru pendant long
temps i\ l’abri de critique.
Ce n’a été qu’au mois de janvier 1808, qu’un cessionnaire de droits litigieux, agissant au nom d’un sieur M irluvaud, l’ un des dcscendans du second mariage de PliiliA 2
�(4 )
bert M arcelin, aïeul maternel de M me de Chazerat, a
cru pouvoir demander la nullité du legs universel de
la propriété de ses biens, et cela sur le fondement que
ce legs universel étoit fait en liaine et au mépris des
nouvelles lois.
Et cette prétendue nullité a été accueillie par le tri
bunal d’arrondissement de R iom , qui, par son jugement
du 22 juin dernier, sans s’arrêter au testament de M me de
Chazerat, du 26 messidor an 9, et à son codicille dti i/j.
messidor an 1 1 , qui ont été déclarés nuls, quant au legs
universel, a ordonné le partage de ses biens, confor
mément au Code civil.
Les légataires universels, dépouillés par ce jugement,
se proposent d’en interjeter appel.
Ils demandent au conseil s’ils y sont fondés.
— tac— — m— ■ —■-
L E C O N S E IL S O U S S I G N É , qui a vu et examiné
le testament, les codicilles, le jugement et le mémoire
à consulter,
E st d ’ a v i s que le succès de l’appel que se proposent
d ’interjeter les légataires universels de M me de Chazerat
ne peut faire la matière d’un doute raisonnable.
Si on avoit besoin de justifier M mo de Chazerat du re
proche d’avoir fait son testament en lutine des nouvelles
lois , on diroit qu’elle a déclaré formellement qu’elle entendoit sc conformer à la loi du 4 germinal an 8, qui lui
permettoit de disposer des trois quarts de ses biens, tandis
que la Coutume qui les régissoit, ne lui auroit permis do
disposer que du quart p a r testament ;
�(S )
Que par respect pour cette l o i , et pour les autres lois
nouvelles, elle déclare qu’elle n’entend disposer de ses
biens qu autant q u il dépend d’elle ;
Que par déférence pour les nouvelles lois qui ont aboli
la forclusion, elle rappelle à sa succession tous les descendans de ses aïeul et aïeule paternels et de son aïeule ma*
tex-nelle , sans distinction des sexes , des filles forcloses et
de celles qui n e l’étoient pas;
Qu^elle n’emploie dans son testament et dans tous ses
codicilles d’autre date que celle du calendrier républicain ^
Qu’elle emploie les expressions du régime républicain,
en qualifiant de citoyens M M . larradèclie de Groinont
et Sablon-Ducorail, les seuls de ses légataires universels
qui soient désignés par leur nom.
On ajouteroit que si quelqu’une des dispositions du
testament de M mo de Clxazerat pouvoit etre considérée
comme faite en haine des nouvelles lois, ce seroit sans
doute celle par laquelle il est dit qu’elle entend qu’il soit
distribué chaque année après son décès 3 o setiers froment
et io setiers seigle aux prêtres et aux religieuses qui sont
demeurés fid èles à l’ancien culte de la religion catho
lique , apostolique, et qui p a r cette raison ont été privés
de leur traitement ;
Que cependant cette disposition a été formellement ap
prouvée par un décret émané de Sa Majesté l’Empercur.
Mais n quoi bon rechercher les motifs des dispositions
de M me de Clxazerat-, il suffit d’examiner ce qu’elle a fait
et ce qix’elle a pu faire ?
L ’art. 91G du Code porte: « A défaut d’asceudant et
�(6j
» de descendant, les libéralités par actes entre-vifs ou tes» tamentaires pourront épuiser la totalité des biens. »
Il y a deux modes de successibilité en collatérale, ce
lui de la loi, et celui de la volonté de l’homme.
Lorsqu’un individu, qui n’aniascendansnidescendans,
meurt ab intestat, la loi règle l’ordre dans lequel ses biens
sont dévolus à ses héritiers.
S’il a manifesté sa volonté par un testament, la loi se tait 5
la volonté du testateur la remplace: dicat testator, et eiit
lex.
C’est dans ces deux mots que consiste toute la théorie
de la législation en matière de successions collatérales.
Cependant le jugement que nous examinons fait taire
la volonté de M mede Cliazerat, et préfère aux héritiers
de son choix ceux que la loi ne lui donnoit qu’à dé
faut de dispositions de sa part.
Et on croit justifiez- cette interversion de l’ordre de
transmission des biens, établi par le Code lui-mème, en
invoquant l’article G de ce même Code, ainsi conçu :
« On ne peut déroger par des conventions particulières
» aux lois qui intéressent Vordre public et les bonnes
» mœurs. »
Ce principe est commenté, délayé dans de nombreux
considérans , et répété jusqu’à la satiété.
Mais jamais 011 n’en fit une plus fausse application.
Un individu agit contre l’ordre public quand ce qu’il
fait est contraire aux maximes fondamentales du gouver^
nement, et tend à ébranler l’édifice social.
�(7)
Il agit contre les bonnes mœurs ; quand il offense l’iionnêteté publique.
Or, qu’importe à l’ordre public et aux bonnes mœurs,
que M me de Cliazerat ait disposé de ses biens en faveur
de tels ou tels de ses parens, plutôt qu’en faveur de tels ou
tels autres ?
Qu’on dise, si l’on veut, qu’elle en a disposé contre le
vœu et contre le texte de la lo i, et qu’on mette à l’écart
les grands mots d’ordre public et de bonnes mœurs, alors
on commencera à s’entendre , et la discussion prendra le
caractère de simplicité qu’elle doit avoir.
M me de Cliazerat a cité dans son testament la ci-devant
Coutume d’Auvergne, et cette citationannulle,dit-on,ses
dispositions.
Car on lit dans l’article i 3go du Code, que « les époux
» ne peuvent plus stipuler d’une manière générale que leur
» association sera réglée par l’une des coutumes, lois ou
» statuts locaux qui régissoient ci-devant les diverses par» tics de l’empire français, et qui sont abrogés par le pré» sent Code. »
On ne se seroit pas attendu à trouver dans ce texte la
nullité des dispositions faites par M ine de Cliazerat en
faveur des consultans.
i ent, parce que cette loi, qui est au titre de la communauléj n’a rien de commun avec les testamens, et surtout
avec un testament en ligne collatéralle, pour lequel la
loi donne au testateur une latitude sans bornes ;
Que celte latitude est telle, qu’aux termes de l’ar
ticle q67 du Code, on peut disposer, soit sous le titre d’ius-
�( 8 )'
•
•
,
.
F
titution, soit sous le titre de legs, soit sous toute autre
dénomination propre ci manifester sa volonté.
2ent, parce qu’il est de principe que les lois prohi
bitives doivent être restreintes au cas qui y est prévu, et
qu’on ne doit pas les étendre d’un cas à un autre, sur
tout d’une matière ordinaire à celle des testamens, où la
Volonté est tout. « Voluntas in testamentis dominatur.
» Tout ce qui diminue la plénitude de la liberté est
» odieux et détesté par la loi. » M . d’Aguesseau, plai
doyer 58 .
3ent, parce que la loi de la communauté est du 20 plu
viôse an 12 , et que le testament de M me de Chazerat est
du mois de messidor an 9, par conséquent antérieur de
plusieurs années;
Qu’en supposant qu’elle fût applicable aux testamens,
et aux testamens en ligne collatérale, on ne peut raisonna
blement exiger que M me de Cliazerat ait dû s’y conformer
avant qu’ elle existât.
Car c’est une erreur manifeste de dire, comme on le
fait dans les considérans du jugement, que tout ce qui in
téresse la confection du testament, doit se juger d’après
les lois existantes au décès du testateur; tandis qu’il est au
contraire de principe incontestable que la loi qui est en
vigueur au décès du testateur , règle uniquement la
quotité disponible, et que tout ce qui intéresse la confec
tion du testament, ses formes, scs expressions, et le mode
de disposer, se règle par les lois en vigueur au moment 011
il a été fait.
Mais indépendamment de ces premiers m oyens, il
est facile d’écarter l’application de celte loi au testament
de
�(9)
de M me de Chazerat, par dey moyens encore plus di
rects.
Si on analyse le testament et le codicille delYI^de Chazerat, on y voit qu’elle commence par manifester son in
tention de faire retourner la propriété de ses Liens aux
estocs d’où ils lui sont pi’ovenus.
Par suite de cette intention qu’elle vient d’exprimer,
elle donne et lègue tout ce dont il lui est pei'mis de dis
poser par la loi du 4 germinal an 8.
A qui fait-elle ce don et legs ?
A tous ses parens de la branche de ses aïeul et aïeule
paternels, et de son aïeule maternelle.
Elle ne les nomme pas chacun par leur nom, et il est
facile d’en sentir la raison1, les morts, les naissances jour
nalières parm i de nom breux h éritiers, auroient pu faire
naître des difficultés, et entraver l’exécution de ses vo
lontés; elle préfère de les appeler à recueillir scs biens par
la dénomination générale de parens de la branche de ses
aïeul et aïeule paternels, et de son aïeule maternelle.
Jusque-là il n’y a rien, sans doute, dans ce testament,
non-seulement qui porte atteinte à l’ordre public et aux
lionnes mœurs, mais qui ne soit en parfaite harmonie
avec les lois existantes alors ou intervenues depuis.
Ce qui suit n’est ni plus illégal ni plus repréhensible.
Après avoir dit qu’elle appelle à recueillir sa succession
ses parens de ces trois branches, M me de Chazerat ajoute,
pour éviter toute équivoque sur la désignation des parens
appelés, que ce sont ceux qui seroient en ordre de lui
succéder, suivant les règles (le la représentation à l'infini.
Jusqu’ici, on ne trouve encore rien qui offense l’ordre
B
�( 10 )
public et les bonnes mœurs, rien qui soit contraire aux
lois.
M me de Ghazerat, pouvant choisir parmi tous les êtres
vivans ses légataires universels, pouvoit à plus forte raison
les choisir dans sa famille, et préférer telles ou telles
branches.
Son choix fixé, elle avoit incontestablement le droit
d’appeler î\ sa succession tous les individus de chaque
branche qui seroient existans au moment de son décès j et
le seul moyen pour cela étoit de les appeler suivant les
règles de la représentation à l’ infini.
Quand le testament de M TO0 de Ghazerat auroit été pos
térieur au Code, elle auroit été autorisée à disposer ainsi
par le texte formel de l’art. 967, qui lui laissoit le choix de
toutes les dénominations propres à manifester sa volonté'.
Mais elle ajoute, en parlant de la représentation à l’in
fini, telle qil elle avoit lieu dans la ci-devant coutume
d ‘ Auvergne.
Si on en croit les considérans du jugement, il semble
que la terre a dû s’entr’ouvrir au moment où M me de Chazerat a transcrit ces lignes fatales; c’est de sa part un
attentat sans exem ple, contre l’ordre public et les bonnes
mœurs; c’est un blasphème contre la nouvelle législation,
qui appelle la vengeance des tribunaux, et frappe son
testament d’anatlième.
On croit voir la montagne en travail.
A u l'ait. On a déj<\ vu que c’étoit en l’an 9 que M me de
Chazcrat traçoit ces lignes, long-temps avant la loi sur la
communauté, insérée dans le Gode.
lit on voit dans la discussion qui a eu lieu au conseil
�2>\
( .11 )
d'État sur cet article, et par les observations de M. Berlier, que dans les temps les plus orageux de la révolution,
il n’a pas été défendu de stipuler selon telle ou telle cou
tume malgré la défaveur alors attachée à toutes les an
ciennes institutions.
M . Berlier ajoute que « c’est parce que jusqu’à présent
» il n’y a point eu sur cette matière de nouvelles lois, et
» que, pour défendre de stipuler d’après les anciennes,
» par référé et en termes généraux, il falloit bien établir
» un droit nouveau, etc. »
^ D ’où il résulte qu'en supposant que cette loi nou
velle , uniquement créée pour la communauté , fût
applicable au testament, même à un testament qui a
pour objet une succession collatérale pour laquelle la
loi donne au testateur une latitude sans bornes , le
rappel d’une ancienne loi dans ce testament seroit sans
conséquence, et il n’en conserveroit pas moins toute sa
validité.
Il en seroit de même du codicille fait depuis le Code
civil, parce qu’il ne fait que confirmer et étendre à la
fortune entière de M mo de Chazerat, le legs des trois
quarts fait en vertu de là loi du 4 germinal an 8 , et
cela sans qu’on y aperçoive la moindre trace du rappel des
anciennes lois.
En second lieu, cet article 1390 dit seulement que
les époux ne peuvent plus stipuler d ’une manière gé
nérale , que leur association sera réglée par l’une des
coutumes, lois ou statuts locaux qui régissoient ci-devaut
les diverses parties du territoire français.
B a
�•
«
( 12 )
O r, on voit dans la discussion qui eut lieu au conseil
d’état sur cet article, que « chacun conserve la faculté
« de faire passer dans son contrat de mariage les dispo« sitions de la coutume qu’il prend pour règle, pourvu
« q u il les énonce. »
Ainsi, dans le cas même prévu par la loi du règle
ment de la communauté entr’époux, le vice delà con
vention ne consiste pas à rappeler telle ou telle coutume,
mais à la rappeler d ’une manière générale, et sans énon
cer la disposition particulière pour laquelle on l’in
voque.
O r, en raisonnant toujours dans la fausse supposition
que cette loi soit applicable à l’espèce, on voit que si
J\ime de Chazerat rappelle dans son testament la coutume
d’A uvergne, ce n’est pas d ’une manière générale, et
comme règle unique de sa succession, mais d’une ma
nière particulière ^ et seulem ent pour désigner avec
clarté et précision le mode dans lequel elle veut que
scs biens, une fois dévolus aux branches qu’elle appelle
pour les recueillir, soient divisés entre tous les individus
qui les composent, pour qu’il n’y en ait aucun d’exclu.
Elle prend si p eu , en effet, la coutume pour règle
généx*ale et unique de sa succession, que loin de sc con
former à cette coutume, elle s’en éloigne en tous
points.
La coutume d’Auvergne interdisoit ¿VMmc de Chazerat
plus légère libéralité en faveur de son m ari, et elle
profite avec autant d’empressement que de reconnoissance de la iuculté que la nouvelle loi lui accorde pour
disposer en sa laveur de l’usufruit universel de ses biens.
�( i3 )
La coutume d’Auvergne ne permettent de disposer par
testament que du quart de ses biens, et elle dispose des
trois quarts.
Elle fait plus, elle déclare formellement qu’elle fait
cette disposition des trois quarts conformément ci la loi
du 4 genninal an 8.
Elle prend donc cette loi pour règle de ses disposi
tions, et nullement la coutume d’Auvergne.
M me de Chazerat avoit différentes natures de biens.
Des propres anciens, qui lui étoient parvenus de ses;
aïeul et aïeule paternels et de son aïeule maternelle }
Des acquêts, des contrats sur l’état et sur particuliers*
et un immense mobilier.
Tous ces acquêts, ces contrats, ce mobilier étoient
dévolus par la coutume d’Auvergne aux parens paternels,
exclusivement à tous autres.
O r ,M me de Chazerat, au mépris de cette loi, dispose
de tous ses biens au profit de ses parens des trois branches
de ses aïeul et aïeule paternels, et de son aïeule mater
nelle", elle veut que ces biens soient divisés entre ces
trois branches, au marc la livre de ce qui lui est parvenu
de chacune desdites branches ; ce qui en assuroit la
majeure partie à la branche de l’aïeule maternelle, qui en !
étoit formellement exclue par la coutume.
Ainsi tout est dans ce testament en sens contraire du
texte et de l’esprit de'la coutume-, et loin de la prendre
pour règle de successibilité entre ses héritiers, elle la
fronde ouvertement dans tous les points.
M me de Chazerat n ’a pris d’autre règle pour la quotité
de disposer que la loi du 4 germinal an 8»
�- E t pour le choix de ses héritiers, elle n’a cherché d’autre
loi que sa volonté ; et cette volonté est absolument en
contradiction avec la coutume d ’Auvergne.
La coutume d’Auvergne n’a donc pas été son guide,
sa loi sacrée, l’objet d’une servile adoration, comme le
suppose le jugement.
Mais le sort de sa succession une fois fixé entre ses
parens des trois branches qu’elle a appelées à la recueillir,
elle a cru devoir expliquer que les divisions et subdivisions
s’en feroient suivant les règles de la représentation à Vinjini.
C’en étoit assez; elle évitoit par là le détail de tous
les individus qui composoient les trois branches de ses
légataires universels; elle pi'évenoit d’ailleurs les inconvéniens qui auroient pu résulter des changemens qui
pouvoient arriver dans chaque branche entre son testa
ment et son décès.
Mais elle a cru devoir donner un plus grand déve
loppement à ces expressions, suivant les règles de la re
présentation à Vinfini, et éviter toute équivoque sur ce
mode de représentation, en indiquant celui qui étoit usité
dans la ci-devant Coutume d’Auvergne.
Cette Coutume n’étoit donc rappelée, d’une part, qu’a
vec Vénonciation de l’objet particulier pour lequel on
l’invoquoit, ce qui eût été très-permis, même en contrat
de mariage, et en réglant la communauté entre époux.
D ’autre part, elle n’éloit rappelée que comme une
indication surabondante, superflue si l’on veu l, mais q u i,
telle qu’elle fut, n’a jamais pu nuire à l’objet principal du
testament, à la disposition delà propriété de tous les biens
aux trois branches appelées à les recueillir.
�( i5 )
O r , si la disposition principale est valable enelle-meme,
et indépendamment de l’énonciation surabondante qui
a pu la suivre, les descendans de Philibert M arcelin,
aïeul maternel de M m0 de Cliazerat, se trouvent sans
qualité et sans intérêt à contester la prétendue validité
ou invalidité de cette énonciation secondaire, puisqu’elle
n’a pour objet que le mode du partage entre les individus
des trois branches, auquel les descendans de Philibert
Marcelin ne peuvent avoir aucune part.
Ajoutons que la critique de cette énonciation de la
coutume d’Auvergne, qu’a faite M medeChazerat dans son
testament, est d’autant plus déplacée, qu’elle écrivoit ce
testament sous l’empire de la loi du 1 7 nivôse, qui admettoit la représentation ¿1 l’infini , article 82.
Qu’en admettant le mode de partage de la représen
tation à l’infini dans- les divisions çt subdivisions entre
les individus des trois branches appelées à recueillir les
biens de M me de Cliazerat, on ne peut trouver aucune
différence assignable entre les divisions et subdivisions
à faire conformément à la représentation à l’infini, telle
qu elle avoit lieu dons la ci-devant coutume d’Auvergne,
et la représentation à l’in fin i, telle q u e lle avoit lieu
d'après Varticle 82 de la loi du 17 nivôse.
De sorte que ces expressions, de la ci-devant coutume
d ’Auvergne, ou de la loi du 17 nivôse, étoient absolu
ment synonymes.
Ce qui justificroit de plus en plus M mo de Cliazerat,
s’il eu étoit besoin, du prétendu délit qu’on lui impute,
puisque sou testament étant fait en l’ail 9 , sous l’empire
�■
( j6 5
delà loi du 17 nivôse, et la confection des testamens, quoi
qu’on en puisse dire , ne pouvant se référer qu’aux lois
existantes à cette époque, on ne pourroit porter l’humeur
et l’injustice jusqu’à lui faire un crime d’avoir rappelé
une disposition des anciennes lo is, qui étoit absolument
conforme à celles de la loi nouvelle, qui étoit alors en
pleine vigueur.
Les autres considérans du jugement dont se plaignent
les consultans , ne sont fondés que sur des considérations
vagues, telles que les inconvéniens qui peuvent naître
de l’exécution du testament de M me de Chazerat, à raison
des procès auxquels il peut donner lieu.
- On parcourt avec affectation la longue nomenclature
de toutes les questions qu’a créées, en matière de succes
sions, la subtilité des praticiens et la funeste abondance
des commentateurs, depuis la rédaction de la coulume
d’Auvergne, et 011 les trouve toutes dans le testament de
M me de.Chazerat,
Cependant rien 11’est plus simple, d’une exécution plus
facile, et moins susceptible de contestation que l’opéra
tion qu’elle prescrit.
Elle possède des biénspropres, provenus de trois estocs:
de son grand-père et de sa grand’mère paternels, et de su
*grand’mère maternelle.
Ces biens sont constatés par des partages de famille.
Ces actes sont consignés dans l’inventaire fait après le
décès de M nus de Chazerat. Ils sont d’ailleurs dans les
mains des desccndans des trois brandies, dont les aulciu\s
pn ont fait le partage avec ceux de M rae de Chazerat.
Ainsi,
�( *7 )
A in si, rien n’est si facile que de trouver ces biens, con
sistant tous en fonds de terre, qui sont sous les y e u x , et
pour ainsi dire, sous la main des légataires appelés à les
recueillir.
Il n’y a pas plus de difficulté sur la manière de distri
buer ses autres biens, quels qu’ils soient, entre les trois
branches de ses héritiers.
Elle veut que la distribution s’en fasse au marc la livre
des propres, c’est-à-dire, par exemple, que si M me de
Chazerat a laissé pour 600,000 f. de propres, dont 3 oo,000 f.
de l’estoc de l’aïeule maternelle, 200,000 fr. de l’estoc de
l’aïeul paternel, et 100,000 fr. de l’aïeule paternelle, les
parens de l’estoc de l’aïeule maternelle prendront la moitié de ses autres biens ; les parens de l’estoe de l’aïeul pa
ternel un tiers, et les parens de l’aïeule maternelle un
sixième.
Quant à la division secondaire à faire dans chaque
branche, suivant les règles de la représentation à l’infini,
il est impossible d’y trouver le germe du plus léger procès,
puisqu’elle dépend d’un simple tableau généalogique,
basé sur des actes de naissance et de décès, qui sont des
faits matériels sur lesquels il est difficile à la chicane la
plus raffinée de trouver, prise.
On ne voit pas d’ailleurs où on a pris qu’il faille annuller un testament, parce qu’un praticien avide ou un
acquéreur de droits litigieux peut y trouver des prétextes
de faire des procès et de troubler le repos des héritiers
légitimes appelés par la testatrice à recueillir sa succession.
C’est sans doute une sollicitude très-louable que celle de
prévenir et d’éviter des procès dans les familles. Mai*
C
�( 18 )
faut-il priver les légataires universels de M me de Cliazerat
de 1,200,000 fr. de propriétés, parce qu’il est dans l’ordre
des possibles qu’il survienne un jour quelque contestation
entre les intéressés pour en faire le partage?
C ’est donc en tous points que ce jugement paroît sortir
de la sphère ordinaire des erreurs qui sont le partage de
l’humaniité
t
Cependant cette erreur semble accréditée par l’opi
nion d’un auteur, dont l’ouvrage a paru à la veille de
l’audience, et n’a pas eu sans doute une médiocre influence
sur la détermination du tribunal (i).
On lit dans cet ouvrage ce qui suit, tom. 3 , pag- i 35 :
«« Il est bien permis de disposer ù son gré de ses b ens,
» d’après la faculté qu’en donne la loi; mais il ne l’est pas
» de créer un ordre de succéder autre que celui qu’elle
>» établit. »
S’il est permis cle disposer à son gré de ses biens, ce ne
peut être que pour changer l’ordre de succéder établi par
la loi.
Si la loi donne cette faculté de disposer à son gré, ce ne
peut être que pour faire cesser son empire.
Si on ne peut, en effet, créer en collatérale un ordre
de succéder autre que celui que la loi établit, il faut retran
cher du Code le titre entier des Donations et desTestamens, puisque les donations et les testamens n’ont d'autre
but que d’intervertir l’ ordre établi par la loi pour la trans(i) Traité dos Donations ot Tostamens, par J. Grenier, (du Puy-do-Dûmo),
ancien jurisconsulto, mombro du Tribunat et do la Légion d'honnci^r.
�*9
( *9 )
mission des biens, et y substituer la volonté de l’homme.
jiliquando bonus domiitat Ilom em s.
L ’auteur cite ensuite l’art. 6 du C od e,.qui interdit
toutes conventions contraires à l’ordre public et aux
bonnes mœurs.
Abus étrange des mots et des choses, auquel on a ré
pondu précédemment, et sur lequel il est inutile de
revenir.
L a citation que fait cet auteur de l’art. 1389 n’est pas
plus heureuse.
.<
On y lit que « Les époux ne peuvent faire aucune
» convention ou renonciation dont l’objet seroit de cliari» ger l’ordre légal des successions, soit par rapport à eux» mêmes dans la succession de leurs enfans ou descen» dans, soit par rapport à leurs enfans entr’e u x , sans pré» judice des donations entre-vifs ou testamentaires, qui
» pourront avoir lieu selon les formes et dans les cas dé» terminés par le présent Code. »
Outre que cet article n’a trait qu’à la transmission des
biens en ligne directe, et à l’interdiction qu’il fait aux
époux de donner dans leur contrat de mariage des lois
particulières h leur postérité;
Qu’un pareil texte ne peut avoir rien de commun avec
l’espèce qui sc présente, où il s’agit d’une succession
collatérale dont la transmission dépend uniquement de
la volonté du testateur, qui a pu choisir ses héritiers nonseulement dans sa famille, mais hors de sa famille, et
parmi tous les êtres vivans;
Cet article porte sa réponse à l’objection dans les
expressions qui le tex-mment : « Sans préjudice des dona-
�( 20 )
» tions et testamens qui pourront avoir lieu selon les
» form es } et dans les cas déterminés p a r le présent
» Code. »
Enfin, on oppose encore aux consultans l’article der
nier du Code, qui porte que, « à compter du jour où ces
» lois sont exécutoires, les lois romaines , les ordon» nances, les coutumes générales ou locales, les statuts,
» les règlemens cessent d’avoir force de loi générale ou
» particulière dans les matières qui sont l’effet desdites
« lois composant le présent Code. »
Mais en prononçant que les lois romaines, les ordon
nances et les coutumes cessent d’avoir force de loi, on a
si peu entendu proscrire la citation de ces anciennes lois,
et frapper d’anathème tous les actes dans lesquels on a pu
les rappeler, ou même, si l’on veut, les prendre pour
règle de ses dispositions ou de ses conventions dans ce qui
n’est pas form ellem ent proh ib é par le Code, que le droit
romain est encore l’objet principal des cours de législa
tion } que le Gouvernement a établi pour l’enseigner des
écoles publiques dans toutes les parties de l’E m p ire, et
que nul ne peut avoir entrée au barreau, ou être admis à
une place de magistrature, qu'autant qu’il est muni de
diplômes authentiques, qui constatent qu’il en a fait une
longue étude, et qu’il y a acquis de vastes connoissances.
On terminera cette discussion, qui n’a quelcju’importance que parce qu’elle est d’un grand intérêt, par ob
server que si M ra9 de Chazerat a traité les dcscendans
*lu second mariage de Philibert M arcelin, son aïeul ma-
�ternel, moins avantageusement que les descendans de
son aïeul et aïeule paternels et de son aïeule maternelle,
c’est sans doute parce qu’il ne lui étoit parvenu aucuns
biens de cet estoc, et que dans ses principes elle ne leur
devoit rien , au lieu qu’elle se regardoit comme redevable
de sa fortune aux parens des estocs dont lui étoient par
venus ses propres, parce que c’étoit avec ces propres que
s’étoit soutenue et enrichie sa maison.
A u surplus, elle a pu avoir d’autres motifs dont elle
ne devoit compte à personne, pas même à la loi, qui lui
laissoit un empire absolu sur sa fortune, et lui permettoit
de la transmettre à son gré. D icat testator, et erit lex.
D élibéré
à Clermont-F errand, le 29 juillet 1808.
B O I R O T , B E R G IE R , D A R T IS -M A R C IL L A T ,
F A Y A R D , M A U G U E , JE U D I-D U M O N T E IX ,
P A G E S , (de R io m ), A L L E M A N T .
A CLERM O N T, de l'imprimerie de Landriot , Imprimeur de la Préfecture
et Libraire , rue Saint-Genès, maison ci-devant Potière.
�
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A name given to the resource
Factums Godemel
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/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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A name given to the resource
[Factum. Farradèche de Gromont et Sablon-Ducorail. 1808]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Boirot
Bergier
Dartis-Marcillat
Favard
Maugue
Jeudy-Dumonteix
Pagès
Allemand
Subject
The topic of the resource
successions
testaments
legs universels
ordre de successions
coutume d'Auvergne
code napoléonien
conflit de lois
Chazerat (Madame de)
domestiques
émigrés
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire à consulter, et consultation pour les légataires universels de Madame de Chazerat, contre le Sieur Mirlavaud.
note manuscrite : « voir arrêt, au Journal des audiences, 1809 , p. 448. »
Table Godemel : Testament : 9. un testateur a-t-il suffisamment exprimé son choix en désignant ses légataires, collectivement, par l’indication certaine de leur origine ? - l’article 1390 du code civil s’applique-t-il aux testaments ? doit-on considérer comme valables des dispositions qui seraient faites sans la désignation particulière de chaque légataire, et par une expression collective en faveur de ceux qui auraient été appelés à succéder suivant les règles de la représentation à l’infini établie par uns coutume abrogée ? ces dispositions sont-elles valables, surtout lorsque l’on ne s’en est pas référé d’une manière générale à la coutume abrogée, et lorsque les termes du testament suffisent, soit pour reconnaître les légataires, soit pour déterminer le mode du partage et l’amendement de chacun ? peut-on, sur des présomptions, étendre un legs au-delà des expressions de la clause qui le constitue ? 19 – 19.
10. un testament est-il valable s’il a été fait conformément aux lois existantes lors de sa confection ? Sous l’ordonnance de 1735, était-il nécessaire, pour la validité du testament, qu’il fut fait mention qu’il avait été écrit par le notaire ? un testament peut-il être rédigé à la troisième personne ? est-il nécessaire que le testament contienne mention de la signature du notaire, si d’ailleurs il l’a signé ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'Imprimerie de Landriot (Clermont)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1808
1806-1808
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
21 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G1902
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0512
BCU_Factums_M0514
BCU_Factums_M0515
BCU_Factums_M0516
BCU_Factums_M0517
BCU_Factums_M0518
BCU_Factums_M0520
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53354/BCU_Factums_G1902.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Saint-Agoulin (63311)
Ménétrol (63224)
Joze (63180)
Entraigues (63149)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Chazerat (Madame de)
Code napoléonien
conflit de lois
coutume d'Auvergne
domestiques
émigrés
legs universels
ordre de successions
Successions
testaments
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53356/BCU_Factums_G1904.pdf
de387e3987695c1ac2949927c9dec1d1
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M
N a p o l é o n , par la grâce de Dieu et les constitutions de l ' é t a t , empereur des
Français , roi d ’Italie et protecteur de la c o n f édération du R h in ; à tous présens et à
v e n i r , SALUT :
_
.
A l’audience du tribunal civil de première instance de l’arrondissement de Riom ,
séant audit Riom , département du Puy - de - D ôme , du v i n g t - d e u x juin mil huit
cent h u i t , tenue par M M. Parades, pr és i de nt , Maigne-Sauzinet , juge, et G r a n e t ,
a v o c a t , appelé en remplacement de M. D a n i e l , juge, légitimement empêché , a été
r end u le jugement suivant :
Entre A mable Farradesche de G r o m o n d , fils a în é, et Pierre Sablon - Ducorail ,
l’un et l’autre propriétaires , habitans de cette ville de Riom , demandeurs en d é li
vrance de legs, aux fins de l’exploit d u quinze janvier mil huit cent sept , comparans
par Me. Jean-Baptiste-François Mayet , leur avoué , d une part ;
E t Jacques - Amable Soubrany de Bénistant , Hélène Soubrany , ve uve d u
M . Etienne Ar c hon-Despérouze ; Anne - Joséphine S o u b r a n y , veuve d u sieur de
Lauzanne ; A m a bl e , Ma ri e -Anne , P errette , G u i l l a u m e , Pierre et Hélene Farradesche de G r o m ond , Jacques Beynaguet-Saint-Pardoux , Beynaguet , veuve Malleret ;
.......Beynaguet , veuve Voisin ; Marie R ochette , veuve de sieur Anroine Sablon D u
corail ; C harles-François-Marie Dupéroux de S a l m a g n e , héritiers institués c ha cu n
pour une moitié de défunt Amable Rochette , vivant prêtre , et ayant en cette qualité
repris l'instance en son lieu et place , par acte du dix-neuf décembr e mil huit cent
sept; Bonne - Claudine R o c h et t e , veuve du sieur Lenormand-Labiesse ; JeanneFrançoise Rochette , ex-religieuse ; Anne-Marie R o c h e t t e , veuve du sieur Dupeyroux ; Marie Rochette , veuve d ’Antoine Sablon-Ducorail ; Marie Rochet te, épouse
divorcée d ’Antoine-Xavier Arragonès-d'Orcet; Mari e-Gil bert e Hyaci nthe Rochett eMalauzat , épouse séparée , quant aux biens , du sieur Annet-François L o y e r , et le
sieur Loyer en sa qualité de mari , à l’effet d ’autoriser la dame son épouse , t o u s
habitans , savoir, ledit sieur Beynaguet du lieu de Penautier , prés Carcassonne,
les dames veuves Malleret et Voisin , de la ville de Carcassonne , et la d a m e Rochette,
veuve Lenor mand , habitante de la ville de S ai nt -Ge rma in - en -La ye , la d a m e R o
chette , veuve D u p e y ro u x , habitante du lieu de Salmagne , c ommu ne de Pont a u m u r - L a n d o g n e , la dame Ro chett e- d’Or cet , habitante du lieu de M a l a u z a t , les ■
sieurs et dame L o y e r , de la ville de C le r m o n t , et tous les autres de cette ville
de Riom p défendeurs en délivrance de legs , et demandeurs en intervention et en
part age, suivant les requête et o r donnance du onze juin mil huit cent sept', c o m
parons par Me. Pierre M i o c h e , leur avoué , d ’autre p a rt ;
François Corderi er, n é go c i a nt , demeurant à L y o n , rue du Bât-d’Argent , n u mé ro
trent e- deux; Françoise-Victoire Corderier et sieur Pierre Pailloux, son mari de
lui autorisée, propriétaires , habitans de ladite ville L y on , quai de Saône - C laudine-Emilie C o r de r ie r , fille maj eure, p ropr iétai r e, demeurant en la m ême ville,
rue du Bat d A r g e n t , n umér o tr ente-deux; André G a y -C or d er i er , n é g o c i a n t , de
m e ur a nt en la même ville , grande rue Longue ; Mari e-Anne Cor de ri e r, fille majeure,
propriétaire , d emeur ant en la même ville de Lyon , rue du Bàt-d'Argent , n u m é r o
trente-deux ; Jean Co rd e r ie r , aussi propriétaire, de même domicile à Lyon; AnneMagdeleine Corderier et le sieur François Bonnafoux , son m a r i , de lui autorisée ,
négociant, demeurant à T u r i n , défendeurs aux demandes en délivrance de legs
Et en partage , suivant les copies d'exploit du quinze janvier mil huit c ent sept , et
de requête et ord o n na nc e du onze juin d e la même a n n é e, comparans par M e. Philippe-Nicolas Gosset , leur a voué , d ’autre p ar t ;
Jean Gros , propriétaire , habitant du lieu du Poux,, c ommu n e d 'Entraigues ; ......
Pi co t- La combe et dame G r o s , son épouse , de lui autorisée, p ro pr ié ta ir e, hab i t a n s de lal ville de Cl ermont ; Jean-Baptiste d e la Ga r de tte , avocat , et dame M a r
guerite ,Gros ,s o n épouse , de lui autorisée , habitans de la ville de Billom ; Jean
Gilbert Gros - Champradel , p r o p r i é t a i r e , habitant de l a c o m m un e d ' Ennezat ,
icelui tant en son nom , q u ’en qualité de mari de d a m e Claudine-Sop h i e Corderier,
A
�¡.on épouse, de Toi séparée, quant aux bi ens, et ladite dame Sophie Corderier a u
torisée d u di t Gilbert Gros ; sieur Antoine Blatin , négociant , et dame Mariecienriette Gros , son épouse, de lui autorisée , h a b i t a n s d e la ville de Cler inont ;
Jdiuc Jeanne Maigeride , épouse divorcée du sieur Emmanuel Aubier , défendeur»
i lrt dmuande en délivrance de legs , et à celle en partage , suivant les copies
d ’e x p l o i t du quinze janvier mil huit cent s ept, et la requête et ordonnance du
onze j u i n de la même a nné e, coiuparans par üvle. Jean-Baptiste - Joseph Dcfaye ,
, ;ur a voué, d ’autre par i;
Sieur Amable Cadier de V a u c e , propri étai re, h ab it a nt de la ville de Bourges;
• ieur Jean-Réné Cadier, pi opi i ét air e, habitant de la ville de Moulins ; sieur François^ouis Leblanc de Château-Yillars , et daine Bénigne - Charlotte Cadier de V a u c e ,
son épouse, de lui autorisée, habitans de la ville de Paris ; sieur A ugust in-Réné
Jhaillon de Joinville, propiiétaire , et daine Marie-GuiHt-rmiiie Cadier de Vauce ,
-on épuuse , de lui autorisée, h a b i t a ns d e la ville de Paris; sieur Marie - Amable
Cadier de Vîiuoe, mineur émancipé par le mariage , et ledit sieur Louis Leblanc
•le Cliâteau-V illars, son curateur, l’autorisant , défendeurs aux demandes en déli
vrance de legs çt en partage , comparans par M e. Jean Gilbert Mandet , leur avoué ,
l'autre part ;
Sieur Claude-Amable Millanges a î n é , directeur des droits r é u n i s , habitant de
la ville de Laon , dé pa r te me nt de L o i r e ; sieur Jacques - Amable Mi l la ng es, re
ceveur des droits réunis p ou r l’arrondissement de C liàteau -1 liierry , y habitant ;
sieur Jacques Millanges , prêtre et curé de la co mmu ne de Mozac , habitant de
ladite c o m m u n e ; dame Joséphine D uc rohe t , veuve Veyron , propriétaire, habi
tante de la ville de Brioude ; dame Jeanne-Gilbeile-Françoise Ducrohet et sieur
François - Antoine Chainerlat des Guérins , son m a r i , l’autorisant, p r op r i é t ai r e ,
habitans de cette ville de R i o m ; s i e u r Joseph-Antoine Andr au d , a î n é, ancien ma
gistrat, habitant de cette ville de Riotn ; sieur Jean Joseph A n d r au d -M u r a t , avocat,
habi t a nt de cette ville de Riom ; demoiselles Jeanne et Marie Andraud , filles
majeures, vivant de leurs revenus , habitantes de celte dite ville de Riom ; sieur
Pierre A n d r a u d , notaire i m p é r i a l , habitant de la ville de Snujiillangfs ; darne
S u z a n n e A n d r a u d , v e u v e H a y n a u J , p r o p r i é t a i r e , h a b i t a n t e de la même ville do
S a u x i l l a n g e s ; daine Antoinette-Rénée T a p h a n e l , et sieur Jean Sriaux , son mari ,
l ’aut or isant , propri étai res, habitans de la ville de C l e r in o n t; daine Suzanne T a plianel et sieur Jacques-Bénigne A y m e t , son m a r i , notaire p u bl ic, habitans de la
ville d ’Ardes , l’a utor is ant , défendeurs à la dema nd e en délivrance de legs, et à
celle en partage., comparans par M e. Jean-Baptiste-Amable S i u i o n n e t , leur avoué ,
d ’autre part ;
M e. Maurice Fressanges , ancien avocat , habi tant de cette ville de Ri om ,
défendeur à la demande en délivrance de legs, et à celle en partage, compar ant
p a r M®. Gabriel Bayle j e un e, son a v o u é , d ’autre part ;
Sieur Gilbert Fressanges , négociant , habit ant de la ville de Clerinont , dé
fendeur aux demandes en d él ivr ance de legs et en partage , c ompa r ant par
M e. Martin-Gilbert Gomot , son a v o u é , d'autre p a r t ;
E t encore entre Jean Mirlavaud , p ro pr ié ta ir e , demeurant en la c om m u ne de
Saint-Gerinain-des-Fossès , de ma nd e ur en intervention , nullité de testament et
partage , suivant les requête et o r do n n a nc e du vingt-huit j.mvier mil huit cent
huit , signifiées le v i n g t - n e u f du même m o i s , comparant par M*. George»
Lougnon , son a v o u é , d ’une p a r t ;
, ,
Et sieur Amable Farradesche de G r o m o n d , fils «une, Pierre Sablon • D uc o r a i l ,
Jacquet - Amablo Soubrnny de Bénistant , Hélène Soubrany , veuve de PierreEtienne- Archon-Despérouze ; Anne-Joséphine Soubr any, veuve du sieur de Lauï a n n e ; Amable, M arie-Anne , Perrette , Gu ill e rmi ne , Pierre et H é ü n e Farradesche de Gr omond , J aCque* Beynoguet-Saint-Pardoux ............. Beynaguet , veuve
M a l le re t j . . . , , B e y n a g u cl f y CUy C Y o » i u j M a r i e I l o c l i c t t e ,
yeuve tiu b lo n -D u -
�3
corail ; Charl es-Fr anç oi s-Mari e Dupeyroux J e Sal magne , en qualité d ’héritiers
de défunt Ainable R o c h e l l e ; Bo nne- Cl au d i ne R o c h e t t e , veuve L e no r m a n d - L a biesse , J eanne-Françoise Rochette , Anne- Mari e Rochel le , veuve Duppyroux ;
Marin R o c he t t e , veuve Du r o r ai l ; Marie Roc het t e, épouse divorcée d'An'oir.-X avi ^r Arragonès-d’Orcet , Marie-Gi lberte-Hyacinthe I\orli* tte-Ylelauzat , épouse
«éparée , quant aux biens , d Annet- Françoi s L o y e r , de lui a ut o r i s ée; F ranço i s
C o r d e r i e r , Françoise - Victoire C o r d e r i e r , et sieur Pierre Pailloux , son tu.iri ,
l ’a u t o r i s a n t ; Cl audi ne - Emilie C o r d e r i e r , A r d ' é Ga y-Cordcri er . Marie - Anne
Cord eri er , J e an Gorderier , Anne-M<*gdeleine Cot d eri er , et !e sieur {'’renvois
Bonnafoux , son ui ar i, l’autorisant; Jean G r o s , .......... Pi r ot - L a co mb e , e t ............
G r o s , son é pous e, de lui autorisée; Jean-Bnptiste de la Gardelte et dame M a r
guerite G r o s , son é p o u se , de lui autorisée; J e a n - G i l b e r t Gros - Champradel ,
tant en son nom q u ’en qualité de mari de daine Claudine-Sophie Corderi er, son
é pouse, de lui a ut or i sé e; Antoine Blatin et daine Marie-Henriatte G r o s , son
épouse . de lui autorisée; Jeanne Margeride , épouse divorcée d ’E m m a n u ë l Aubier ;
Amable Cadier de V a u c e , Jean-Réné Cadier, François-Louis Leblanc de Cliàteau"Villars , et Bénigne-Gliarlotte Cadier de V a u c e , son épouse , de lui autorisée;
Augustin lié né Cliaillon de Joinville , et Marie - Guilleruiine Cadier de V a u c e ,
son é p 1use , de lui autorisée; Marie - Amable Cadier de V a u r e , m i n e u r é m a n
cipé , et Louis Leblanc de Ch â te au -V i ll ar s , son c u r at e u r , l’a ut or is ant ; Claude*
Amable Millangrs , Jacques - Amable Millanges , Jacques M i l l a n g e s , Joséphine
D u c r o h e t , veuve V a y ro n ; Jeanne-Gilberte-Françoise D u c r o h e t , et sieur FrancoisAntoine Chamerlat des G u é r i n s , son m a r i , l’autorisant; Joseph-Antoine A n d r au d ,
Ïean-Joseph-Antoine A n d r au d - Mu r at , Jeanne et Marie A n d r a u d , Pierre Andr aud ,
Suzanne And ra ud , veuve R a y n a u d ; Antoinette-Rénée T a p ha n e l , et J e a n S c i a u x ,
son mari , l’autorisant ; Suzanne Taphanel , et Jacques-Bénigne-Aymet , son ma r i,
1 autorisant ; Maurice et Gil bert Fressanges , tous défendeurs à la demande en
int ervent ion , nullité de t e s t ame nt , et p a r t ag e , formée p a r ledit Mirlavaud
suivant la copie de requête et o rd on n a n c e du vi ngt -neuf janvier mil huit cent
h u i t , cotnparans c omme de ss us, par M e. Jean-Baptiste-François Mayet , Pierre
M i o c h e , Philippe-Nicolas Gosset , Jean - Bapt ist e- Joseph Defaye , J ea n- Gi lbe rt
M a n d e t , Jean-Baptiste-Ainable S i t n o n n e t , Gabriël Bayle jeune , Ma rt in - Gi lb e r t
G om o t , leurs a voués, d ’autre part.
Ouï M el Lougnon , avoué , qui a c onc lu p ou r le sieur Mirlavaud à ce q u ’il
plaise au tribunal le recevoir intervenant en la cause; et faisant droit sur ladite
i nt er ve nt ion, déclarer les testament et codicilles faits par la daine Marie-Gilberte
Ro ll et , épouse de Char les - Ant oi ne - Claude de C h a i e r a t , nuls et de nul effet*
déclarer toutes demandes formées en vertu desdits testament et codicilles non
recevables , ou en tous cas en débouter les d e m a n d e u r s , et les c on d am n e r aux
dépens : or donner , en conséquence , que les héritiers légitimes de ladite défunte
dame de C h a i e r a t v i endr ont avec ledit sieur Mir la va ud à division et partage
des biens meubles et immeubles pa r elle délaissés , suivant les dispositions du
Code Napoléon , pour en être expédié moitié audit Mirlavaud , et l’autre aux
héritiers Rollet , appelés par ledit Code à la succession de ladite dame de Chalerat : en cas de c o n t e st a ti o n, c ondamner les contestaris aux dépens, ou en tous
cas ord on ne r que ledit Mirlavaud emploiera en frais de partage ceux par lui
faits.
M ' . Bayle , a v o c a t , a ensuite développé les moyens et les motifs ve na nt à
1 appui de ces conclusions.
Me. Def.tye , avoué , qui , pour le sieur Gros et autres , n conclu à ce q u ’il
plaise an tribunal l iur d o n ne r acte de ce q u ’ils r onsent eni ^qu’il soit délivré aux
sieurs Sablon-Ducorrtil et de Gr o iu on d fils , le legs tel qu il leur a été fait par
le testament de la dame de Chai erat , c ’est-à-dire , le sixième de ce qui restera
des trois quarts de la succession , distraction préalablement faite d u mont ant des
legs particuliers.
�<iX
Donne r acte aussi auxdits Gros et a u t r e s , de ce q u ’ils d onnent les mains au
partage de ladite succession à faire , c on fo r mé me nt aux bases déterminées par le
testament et les codicilles qui l’o n t s u i v i ; en c onsé que nc e, ordonner que par
trois experts convenus ou pris et nommés d'office, il sera procédé aux opérations
de ce partage ; q u ’il sera formé par ces experts la masse générale de la succession
à diviser , a laquelle masse chacune des parties fera tous rapports et prélèvemens
de d r o i t ; que les mêmes experts seront chargés de dét er miner la nature et la
Valeur de tous les biens meubles et immeubles qu avoit reçus la dame de Chdzerat
des b r a nd ie s de son aïeul et aïeule p a t e r ne l s, et de son aïeule maternelle, soit
que ces biens existent encore en nat ure dans la succession , soit q u ’ils 11e s’y
t rouvent p l us ; q u ’ensuite il sera fait par le> e x p er t s , distraction de la masse
générale de la succession , comme ayant été attribués aux héritiers des trois branche*
exclusivement, par le troisième codi cil le; que sur les trois quarts de ladite masse
il sera fait distraction de tous les legs p a r t ic u li e r s , soit en n a tur e, soit en valeur;
que sur le surplus desdits trois q ua rt s , il sera attribué un sixième de ce surplus
aux sieurs Farradesche de G r o m o nd et TDucorail , et que le legs de ce sixième
et les autres legs particuliers s er ont , autant que possible , payes en acquêts de la
succession; qu e de reste des trois quarts sera remis au quar t de la masse ge n e ra le ,
p récédemment d i s t r a i t , pour le tout former une masse particulière qui sera d i
visée et subdivisée entre les héritiers des trois b r anc he s, conformément aux bases
fixées dans le testament ; ord o n ne r en conséquence q u ’il sera attribué aux h é
ritiers de chaque b r a n c h e , les immeubles provenus de cette b r a n c h e , et qui se
trouvoient en nature dans la succession ; que pour rempl acer les immeubles qui
n e se trouvoient plus en nature , ou qui auroient été employés au payement des
legs particuliers , il sera attribué aux héritiers de la b r anche de laquelle ces i m
meubles p r o v i e n n e n t , des immeubles d ’une valeur égale , pris parmi les acquêts
de la succession ; q u ’à l'égard des meubles q u ’avoit reçus Ja défunte de chacune
des mêmes b r a n ch e s, il en sera payé la valeur aux héritiers de chaque b r a n c h e ,
soit aux dépens des meubles de la succession , soit aux dépens des acquêts i m
meubles ; q u ’ensuite les m e u b l e s et les acfjuèts restans seront divises entre les trois
branches d'héritiers , au marc le franc de la valeur des biens propres , t a nt
meubles qu'immeubles ; q u ’après la division générale entre les trois branches
d ’hér it ier s, il sera f ai t , d ’après les mêmes bases, de la même ma ni è r e, une sub
division particulière entre les héritiers de chaque branche ; or donner que toutes
les opérations dudit partage seront faites d ’ailleurs conformément aux dispositions
d u Code Napoléon et du Code de pr oc édur e ; nommer a cet effet un jug"-r.omUiissatre et un notaire ; compenser tous les dépens pour être employés en frais da
p a r t a g e , et être prélevés par les parties qui les auroient avancés; au surplus ,
déclarer le sieur Mirl.ivaud non recevable dans sa dema nd e en nullité . subsidiairement l'en d é b o u t e r , et le c o nd a mn e r aux d épens; leur donner acte de ce q u ’ils
n ’acquiescent au partage dont il s’a gi t , q u ’en ce sens qu'il doit avoir lieu de la
n ue propriété seulement «les biens délaissés par la dame de Chazerat , et ce, d'après
les termes des testament et codicilles de ladite d a m e , en vertu desquels il a été
demandé.
. . . .
M e. A lleinan»! , a v o c a t , a ensuite été e nt endu dans sa p la id o i r i e, tendante à
f a i r e adme tt ie ces conclusions.
M ' . (iosset , a v o u é , qui pour les sieurs Corderier et autres, a pris 1rs mêmes
conclurions que M e. D> faye po ur les sieurs G r o s , et a ensuite présenté ses ob
servation*
|,.ur ¿ippui.
)
M ' . M.iy.-t ^ a v o u é , q u i , pour les sieurs de G r o m o n d et D i x o r a i l , a ronclti
a ce qu il
iU| , rjbitnal ordonner que les parties viendront A division et partage
d e la prupriet« ,1.. t(1(M |(,$
demeurés du décès de défunte duiiie Oilberte
J|«n et , épouse >1« (
.,t > j)0lir d ’iceux en être expédié aux de ma nde urs une
u u e m e portion ; noiniu.c ± cet effet tels experts q u ’il plaira au tribunal choisir,
lesquels
%
�5
lesqi
audit ]
dur«,
.
empl oyés en frais de partage , et c om me
.
prélevés sur la masse de la succession,
M c. Pagès-Verny , avocat , a ensuite été e n t e n d u dans le développement des
moyens à l’appui de ces conclusions.
M c. Miocli- , a vo ué , q u i , pour les sieurs et dames S ou b r a n y , et a ntr es , a
conclu à ce qu'il plaise au tribunal ordonner que les testament et codicilles de
la dame Rollet , épouse de Chazerat, seront exécutés selon leur forme et teneur:
ce faisant , or donner que par expeits convenus ou nommes doffice , il sera p r o
cédé au partage de la propriété des biens demeures du deces de ladite daine Rollet,
épouse de Cluzerat , pour d ’iceux e n être expédié à chacune des p a r t i e s , leur
portion afférente , conformément auxdits testament et codicilles ; qu à cet effet ,
lesdits experts seront tenus de distinguer les biens provenans des estocs de Michel
Rollet , Françoise Yigot et Gilberte G r o s , aïeux de ladite defunte dame Rollet,
p o u r iceux être expédiés à c hacune des parties , c omme représentant lesdits estocs ;
o r do nn er pareillement que le surplus des biens sera partage conformément auxdits
testament et codicilles , au inarc le franc , entre lesdites trois branches Rollet ,
Vigot et Gros ;
^
_ ■
O r d o n ne r q u ’après cette première o pé r a t i o n , les biens qui formeront le lot de
l a famille Rollet , seront divisés en deux portions , l'une p o u r les représentai«
Ainable R o l l e t , et l’autre pour les représentans Jeanne R o l l e t , femme Ro c he tt e;
O rd o n ne r que la portion qui sera expédiée pour les représentans Amable Rollet ,
sera divisée en deux , d on t une pour les sieur et daine Cadier de Vauce et autres ,
et l’autre pour les sieurs Beynaguet - Saint - Pa rdoux , Sou b r an y de Bénistant et
autres ;
Ordonner que l'autre moitié des biens q ui sera expédiée po ur les représentans
J e a n n e l l o l l e t , f e m m e R o c l i e t t e , s e r a d i v i s é e en trois p o r t i o n s , dont u n e p o u r le«
S ie u r s Fressanges , l’a u t r e p o u r le* d a i n e s D u c o r a i l , L o y e r e t d ’O r c e t , et l’autre
enfin pour le sieur Dupeyroux , la dame R o c h e t t e , ex-religieuse, et aut res, sauf
la subdivision e nt r ’eux ainsi que de d r o i t ; ordonner au s u r p l u s , que pour toute*
lesdites opérations , les parties et les experts se conformeront aux dispositions du
Code Napoléon et du Code de procédure ; compenser les d é p e n s , pour être e m
ployés en frais de partage , et comme tels prélevé» par celles des parties qui les
auront avancés.
M e. Del apcli ier , a v o c a t , a ensuite développé les moyens à l’appui de ces c o n
clusions.
M e. M a n d e t , avoué , qui , pour les sieurs Cadier de Vauce et autres , a conclu
â ce q u ’il plaise au tribunal, sans s’arrêter ni avoir égard aux interventions et
demandes du sieur Mi rl ava ud , dans lesquelles il sera déclaré non recevable ou
dont il sera débouté;
Sans s’arrêter aussi ni avoir égard à la demande des sieurs de G r o m o nd et D u
c or ail , en délivrance du sixième de la totalité des biens de la succession de ladite
dame de Chazerat, de laquelle ils seront déboutés ;
Do nn e r acte aux sieurs Cadier de Vauce et autres , d u consentement q u ’ils donnent
à ce qu'il soit délivré aux sieurs de Gr omond et Ducorail , conf or mément au legs
q ui leur en a été fait par le lestement de ladite dame de Chazerat , le sixième de
ce qui restera des trois quarts des biens de ladite succession après l'arquitrement de
jous les legs particuliers faits par ladite d a m e , tant par. ledit t e s t a m e n t , que par
les codicilles postérieurs; leur donner aussi acte dp ce q u ’ils consentent au partage
de tous les biens de ladite succession entre tous les ayans d r o i t , c onformément
audit testament et au troisième codicille ;
E„n conséquence o r d on ne r ,q u’il sera procédé audit partage t lors duquel il ne sera
attribué aux sieurs de G ro mo n d et D u c o r a i l , que le eixième de ce qui restera def
B
�6
trois quarts des biens après l ’acquittement de tous les legs particuliers de ladite
diiiue de Chazerat ; il sera attribué à chacune des autres parties sa portion afférente ;
C o nd amn e r le sieur Mirlàvaud abx dépens f.iits sur les interventions et demandes;
compenser les dépens faits entre toutes les parties, lesquelles po ur ro nt les employer
en frais de partage.
M e. C h a m p f l o u r , avocat , a ensuite été entendu dans le développement des
moyens a l'appui de ces conclusions.
P O I N T
D E
F A I T .
Dame Marie-Gilbertc Rollet, épouse de Chazerat , est décédée le trois vendémiaire
an quatorze , après avoir disposé de la totalité de ses biens par testament olographe ,
suivi de quatre codicilles.
Par le te st a me nt , qui est du vingt-six messidor an n e n f , la dame de Chazerat
-fait plusieurs legs particuliers ; elle règle le sort de ses domestiques , don n e à plusieurs
d'entr'eux différentes sommes ; a u x autres des pensions plus ou moins considérables;
la dame B as ti d e, ex-religieuse , les pauvres de la ville de Riom et de cejle de Maïingue's Sont ensifite appelés par aut ant de legs particuliers à 'participer á ses
bienfaits.
Elle crée une rente en fâveur de's'frrétfes et religieuses qui ont demeuré fidèles
•à l’ancien culte de la religion catholique et apdstolique , et qui par cette raison
ont été privés de leur traitement.
Elle lègue à MM . Furradesche de G romond , ci-devant conseiller du présidial
'de R i o m , Arçlion-Despérouze , aussi ci-devant conseiller du présidial de Riotn , ati
sieur Toutfée f i ls /e t aux trois demoiselles Tout tées, et à chacun d ’eux, desdiamanS
en valeur de sommes plus ou moins considérables.
Qu an t au surplus de Ses biens , elle en lègue l ’usufruit au sïeur de ' Ch a z e r a t , son
époux , p o ur en jouir sa vie dur ant , sans être tenu á autre chose que de faire dresser
inventaire du mobilier, et de payer, pendant la durée de cet u s u f r ui t , les rentes et
pensions viagères léguées pa r la dame téstatrice, et le revenu annuel de ses autres legs.
A l'égard des créances et liypotlintjues cjue la ddme de Chazerat a contre son mari t
elle entend que ses héritiers ne puissent s’en faire payer que sur ceux des biens de
i o n époüx , dans lesquels il pourroit rentrer , et qui avoient été acquis par son père
ou par lui depuis leur mariage , et non sur ceux qui appartenoient à la famille et d
son mari avant leur mariage , et dans lesquels il pourroit également rentrer.
Venant ensuite á la disposition de la propriété de ses b i e n s , elle s’exprime ainsi :
« • Qu an t à la propriété de mes biens , mon intention é t a n t , autant q u ’il d é pe n d
» de moi , de les faire retourner à ceux de mes parens qui descendent des estocs
i> desquels ils me sont parvenus , je donne et lègue tout ce dont il m ’est permis de
» disposer suivant la loi du quatre germinal an h u i t , à tous ceux de mes parens
» de la branche de mes aïeul et aïeule paternels , et de celle de mon aïeule inn'■» ternelle , qui seroient en ordre de me succéder suivant les règles de la représen» tation à l’infini, telle q u ’elle avoit lieu dans la ci-devant coutume d ’A u v r r gn e ,
» pour être partagé entre les trois branchés au marc la livre de Ce qui m’est par*
■> venu de chacune desdites L r an ch es, et être ensuite subdivisé dans chacune d ’elles
» suivant les mêmes règles de la représentatioh à l’infini ; et néanmoins je veux
» et entends q u ’avant'la 'división et subdivison , il soit pris et prélevé sur la masse
>> totale d e ' m e s biens Cómpris au présent legs, d ’abonl le mont ant de mes legs
>> Particuliers , et ensuite le sixième du surplus que je donne et lègue au sieut
Farratlejche' de G r o mo r id , 'f i lï a î n é , et au sieur S a b l ô n - Du c or a il , chacun par
» moitié,â
charge par edx de sbuffriir, sur Ce qui leur restera dudi t si xi ème ,
”
c*'de«iui légué à mon m a r i , etc.. » ’
Jtnnn , la dame d* Cliàzera't noüliiiç M . Tout tée l i t r e p o u r son e l éc ü te u r
testamentiuie.,
“
■
*">*■.
tl
�6S Par son premier codicille, qui est du dix-sept floréal an dix , la dame de Cluzerat
dispense son mari de l’inventaire auquel il éloit assujéti par le testament pour raison
de son usufruit ; lui don ne la maison de Rioin , tout son mobilier quel q u ’il s o i t ,
les acquisitions qu'elle a pu faire, ses effets acti fs, son argent c o m p t a n t , et tous
les arrérages qui pourroient lui être dûs à l’époque de son décès, à la charge par
ledit sieur de Cliazerat ou ses héritiers , après la cessation de son usufruit , de rendre
compte à ceux de son épouse de lout ce que ledit sieur de Chazerat avoit reçu
d ’elle , soit par leur contrat de mariage , soit du prix de la vente de ses biens
en remboursement de ses rentes , soit enfin des successions de ses père et mère ,
suivant les inventaires qui en furent faits à leur décès.
Elle fait ensuite un legs en f a v e u r du sieur Ra y mo n d , c h i r ur g i e n, dispose de
sa garde-robe, ordonne q u ’il soit fait aux religieuses Ursulines de Glermo.nt , alors
existantes, remise de quelques effets, et termine par indi quer quelle destination
doit avoir la rente créée en faveur des prêtres et religieuses , duns le cas où ils
v it ndr oi ent à être payés en valeur rétlle de leurs traitemeus.
Le vingt-un pluviôse an onze , la dame de Chazerat a fait un second codicille ,
p a r lequel, dans le cas où son mari viendroit à déoe.der avant el le, .ou dans celui
où , après avoir recuilli le legs fait à son profit , le sieur de Chazerat viendroit
à décéder avant la dame D a l a g n a t , elLe donne à ladite dame Dalagnat l’usufruit
pendant sa vie de la maison de Mirabelle et autres biens.
Et dans le cas où quelques-uns de ses cousins germains ou cousines germaine«
ou enfans des cousins germains de l’estoc de son aïeul ma te rn e l, ne trouveroient pas
dans leur po rt i on héréditaire, jointe avec ce q u ’eux ou leurs enfans aur ont d ’ailleurs
de quoi former u n revenu de cent f rancs, tant pour eux que pour c h ac u n de leurs
enians qui existeroient au jour de son déccs, elle veut qu'il soit distrait annuelle'
nient de son legs universel la somme pour complett er ledit revenu de cent francs à
c ha c un de ses cousins et cousines et chacun de leurs enfans , compr is ce q u ’eux ou
leurs enfans pourroient avoir d'ailleurs , et ce p endant la vie de chacun de sesdiLa
cousins et cousines et de leurs enfans : la même disposition doit avoir lieu en faveur
des enfans de cousins germains de ladite dame de C h a z e r a t , qui pourroient être
appelés de leur chef à la succession.
Par le troisième codicille , qui est du quatorze messidor an onze , la daine
de Chazerat profitant de la faculté que lui donnoit le Code Na polé on, de disposer
de la totalité de ses b i e n s , déclare q u ’elle entend que le legs universel qu ’elle
avoit fait par son testament , en faveur de ses parens de l'estoc de ses aïeul et
aïeule paternels , et de ceux de l’estoc de son aïeule maternelle , ait son effet
p ou r la totalité de ses biens , sauf les divisions et subdivisions à faire entre le*
héritiers , de la manière expliquée au di t testament, sauf aussi les legs particuliers
et les dispositions faites en faveur de son mari.
La testatrice rappelle ensuite les dispositions faites en faveur de ses cousins ou ccusines
germaines, ou enfans de cousins germains, de l’estoc de son aïeul maternel ; elh; donne
quelques explications sur le legs q u’elle avoit fait à la dame Bastide , et ordonne que
les bijoux ou diamans qui se trouveroient existans au jour de son décès seront
Vendus, et que le prix en soit employé au payement de ses legs - enfi n, elLs
termine par persister dans les dispositions contenues auxdits testament et codicilles.
Le quatrième codicille , qui est du trois ventôse an treize , ne contient rien
de remarquable : la t<*sutrice y confirme quelques legs en faveur de domestiques
q u> ont quit té son service , et en fait quelques autres pour ceux qu’elle n ’avoit
P*s c°mpri» dans »on testament.
Le vingt-cinq vendémiaire an quatorze, les testament et codicilles ont été pr é
sentes par monsieur T o u t i é e , exécuteur testamentaire, à monsieur le président
d u tribunal civil , sé.mt à lliom , qui , en vertu des dispositions du Code N a
pol éon , en a dressé proi es verbdl ; et par «on o r do n n a nc e tuise au bas d u d it
procès v e r b a l , a or donné que lesdits testament et codicilles seroient déposés è»>-
hH
�mains de M e. Bonville , notaire à Riotn. L ’acte de dépôt est du v ingt - neuf du
uiême mois.
Le quinze janvier mil huit cent sept , les sieur Farradesche de G r o mo n d et
S a b l o n - Ducorail ont fait signifier aux héritiers testamentaires de la dame d«
C l i a z e r a t , les testament et codicilles, e t demandé c on t r’eux , en ce t r i b u n a l , la
délivrance de la sixième portion des biens demeurés du décès «le ladite défunte
d ame R o l l e t , épouse Cliazerat, conformément aux dispositions desdits testament
et codicilles, et il est aussi conclu au partage.
Le onze juin mil huit cent s e p t , les sieurs So u b r a ny , Archon-Despérouze et
autres parties de M c. M i o c h e , ont donné requête par laquelle ils on t demandé
à être reçus parties intervenantes en I instance introduite en ce t r i b u n a l , par
les sieurs Farradesrhe de G r omo nd et Sablon-Ducorail ; ils ont conclu contre les
autres parties en l'instance, à l’exécution desdits testament et codicilles, au partage
de la succession de ladite dame de Cliazerat , conformément auxdits testament
et codicilles, et ont pris différentes autres conclusions énoncées en ladite requête.
Cette intervention a été admise par jugement du quinze juillet mil huit cent sept.
Le sieur Amable Rochette , une des parties intervenantes par le ministère de
M \ Mi oc he , étant venu à décéder, l’instance a été reprise le dix-neuf décembre mil
h u i t cent s e p t , par la dame R o c h e t t e , veuve Sab lo n- Du c or ai l, et le sieur Du*
peyroux de Salinagne , ses héritiers.
L'affaire étoit en cet é t a t , lorsque le vingt-huit janvier mil huit cent h u i t , le
sieur Jean-Marie Mirlavaud , l’un des héritiers de la ligne mater nel le, et cousin
germain de ladite défunte dame Rollet , femme Cliazerat , qui , aux termes du
Code Napoléon , a droit à la moitié de sa succession , a présenté requête à l’effet
d ’obtenir d ’être reçu partie intervenante en 1 instance pendante entre les héritiers
testamentaires de ladite daine de Clnzerat , p ou r d e m a n d e r , i°. la nullité des
testament et codicilles de ladite dame de Cliazerat ; 2°. que ses héritiers testa
mentaires soient déboutés des demandes formées en vertu de ces testament et co
dicilles ; 3 °. le partage avec tous les héritiers paternels appelés par le Code N a
poléon. Cette re q u ê te , répondue d ’o r d o n n a nc e du même j o u r , a été signifiée le
vingt - neuf janvier mil h u i t cent hui t.
, ,
.
La cause portée à l’a udie nc e, les conclusions ayant été prises, les sieurs Rlillanges , et autres parties de M e. Simonnet , Maurice Fressanges , partie de
M e. Rayle , Gilbert Fressanges , partie de M*. Gomot , ayant fait d é f a u t ;
O uï monsieur Cliossier , procur eur impérial , dans ses conclusions m ot i v é es ,
l a cause a présenté les questions suivantes a juger:
P O I N T
D E
D R O I T .
F.n la forme , le sieur Mi rl avaud a-t-il pu intervenir par simple requête en
la cause des prétendant droits à la succession de la dame de Cliazerat, et demander
la nullité de ses testament et codicilles ?
A-t-il capacité et qualité suffisantes p o u r exciper de la nullité dont il prétend
que les testament et codicilles de ladite dame de Cliazerat sont infectés ?
La demande en nullité formée par le sieur Mirlavaud , doit-elle être étendue
à toutes les dispositions testamentaires de l a d a u i e de Cliazerat, ou restreinte à
l.i partie du testament qui contient legs universel de la propriété des biens de
celte d une ?
. 1 -" d.nne de Cliazerat a - t - e l l e pu ordonner , p a r disposition générale , que ses
bien» f. icurneroient aux estocs dont ils étoient provenus ; qu'ils teroient par
tagés e i n . P t,.s troif branches de sa famille ( q u e l l e dé no mme ), suivant les règles
de la iepré»,„,iltjon ^ l’infini, telle q u ’elle avoit lieu dans la c i - d e v a n t c o u
tume d ’Ativergun , et m s u i t e subdivise» dans chacune d ’elles, suivant le» juëiues
règles de la reprè»enution à l ’infini ?
En
�E n exprimant ainsi sa v o l o nt é , la dame de Chazerat a-t-elle remis en vi gueur,
en termes généraux , une coutume abolie ? A-t-elle s ubordonné sa disposition
aux régies de cette coutume ? Et enfin sa volonté ainsi exprimée doit-elle être
réputée non é c r i t e , comme contraire aux lois d ordre public.''
Le legs du sixième, fait en faveur d e s sieurs Ducorail et de G ro mo n d , quoique
contenu dans la clause d ’institution d ’heritier, en fait-il p a r ti e ? En es t - i l telle
me nt dépendant qu'il doive suivre le uiétne sort que cette i n s t it u ti o n? Peut-il
au contraire être considéré comme une disposition particulière et isolée de L’ins
titution , et conséquemineut assujéti à d autres réglés? ^
Les sieurs de G ro mo nt et Ducorail peuvent-ils i nduire un consentement à ce
C[ue le
du sixième soit prcl^Vfi sur tous le® biens de là dâinti de Cliâzerfitf
de l’approbation donnée aux dispositions de cette daine par ses héritiers testa
mentaires , dans la circonstance où cette approbation a été émise au bureau de.
paix , pa r ces héritiers appelés à la requête du sieur de C ha z er z t, son mari ?
Le legs du sixième doit-il être pris sur la totalité , ou seulement sur les trois
quarts des biens délaissés par la dame de Chazerat ?
La validité du legs universel en usufruit , fait au sieur de Chazerat , et des legs
à titre particulier, peut-elle être examinée hors la presence des parties interessees ?
Sur quelles bases et suivant quelles règles le partage de la succession de la
daine de Chazerat doit-il être fait ?
Les qualités ont été signifiées de la p ar t de la partie de M e. Lougnon. Il y
a été formé opposition. M e. Lougnon étant venu en, référé devant M. le prési
dent, sur ladite opposi ti on, il a été rendu l’ordonnance suivante :
Attendu que Mes. Mayet, M i o c h e , Sii no nn et , Gosset et Defaye ne se présent ent
pas pour leurs p a rt ie s, pour contester lesdites q u a l i t é s , suivant la notification qui
leur en a été faite, et que l’heure est passée, avons donné défaut contre e ux,
et pour^ le profit , ordonnons que lesdites qualités de meureront fixes et arrêtées
a leur rgard , cominr- ci-dessus.
R i o t n , ce treize j u il l e t m i l h u i t c e n t h u i t . E t signé P a r a d e s ,
président.
Suivent les motifs et dispositif du jugement.Sur quoi ,
E n ce qui touche l'intervention du sieur Mi r la va ud ;
Attendu qu’on ne conteste pas au sieur Mi r la va ud sa qualité d ’héritier d u sang;
que sa demande a été formée légalement ; que le sieur Mi rl ava ud t rouvant en
cause les prétendans droits à la succession de la dame de Chazerat, a été suf
fisamment fondé à inter venir par simple requête; que le Code de p ro cé du r e
n ’exige pas d'autre formalité de la part de l’i n te r ve n an t; q u ’ainsi sa d e ma nd e est
régulière dans la forme ;
Attendu qu’au fond le sieur Mi rlavaud se présente , non c o m m e ayant droit
à une réserve, ou pour at taquer le testament d ’inofficiosité , mais q u’il lui re
proche un vice d ’irrégularité i n t r i ns è qu e , une nul lit é qui tient à l’o r dr e p u bl ic ;
que les nullités de cette nat ure ne sont pas relatives s e u l e m e n t , mais bien ab
solues , et que ll e s appartiennent à tous ceux qui peuvent avoir i n t é r ê t aux
actes qui en sont i nf ectés; que par ces mo ti f s, le sieur M i r l a v a u d , héritier du
s a ng , et prét endant droit à U succession, à défaut du t e s t a m e n t , a été , soit au
f on d, soit en la f or me , autorisé à i n t e r v e n i r , et que la fin de non-recevoir q u’o n
lui oppose ne peut être accueillie.
En ce qui touche la dema nd e du sieur Mirlavaud , tendante à la nullité d u
testament dans son intégralité , ainsi que celle de tous les codicilles qui l’o n t
suivi ;
'Attendu que celte demande pn n u l l i t é , q uo i qu ’é t e n d u e , e n . termes vagues et
généraux , à toutes les dispositions de ,dernière volonté de ladite dame de C h a
zerat, se restreint d'elle-même par les motifs sur l e s q u e l s elle est fondée ; que le
sieur Mirlavaud appuie sa réclamation sur l’article treize ,cent qualrervingt-dix du
�Code Napoléon ; qu'il soutient que la daine de C h a z e r a t , en soumet tant aux règles
de la coutume d'Auvergne ses dispositions.de dernière volonté , les a toutes frappées
d ’une nullité radicale ;
Attendu néanmoins qu’en point de f a i t , et dans la r éal it é, ce reproche ne
peut tomber que sur le testament et sur une des clauses du troisième codicille ;
qu'il ne peut s’appliquer ni aux autres c od i c i l l e s , ni même à toutes les p ar t i es ,
soit du testament, soit de ce. trbisième c o d i c i l l e , mais uniquement à une d is p o
sition du testament et du codicille ; q u ’en point de droit les diverses d isposi
tions du testa ment, sans relation entr’e l l e s , sont étrangères les unes aux a ut r e s ;
qu ainsi le vice q u ’on peut reprocher á l u n e d é l i e s , à moins qu’il ne p roc èd e de
d o l , de violence ou d'incapacité personnell e, ne peut s’étendre à une autre clause
qui n’en est point attaquée , et se c om mu ni qu e encor<; moins à un acte séparé
et différent , tel q u ’un codi c i ll e , parce que dans un test.iment et des codicilles
toutes les clauses sont soumises à autant de règles qu'il y a de dispositions ;
qu'ainsi elles sont absol ument i n dé p en d i n t e s les unes des autres;
Attendu que de ce p ri nci pe il résulte que la nullité sur laquelle Mirlavatid
fonde sa réclamation étant contenue dans le testament seul , et même étant bornée
à une clause unique du testament, c ’est-à-dire, au 'legs universel , il suit que d'nprés
Alirlavaud l u i - m ê m e cette clause seule est dans le cas d ’être frappée de nullité,
et que le surplus d u testament , ainsi que les codicilles, en ce qui ne tient pas au
legs universel , est à l’abri de tonte atteinte.
E n . c e qui touche le mérite de ce legs universel;
Att endu la maxime constante , base de toute législation , et consacrée par
l'article six du Code Napoléon , que nul ne peut , par des conventions part icul ières,
déroger aux lois' qui intéressent l’ordre public et les bonnes m œ u r s , puisque ce qui
a été établi pour le bien de t ous, ne doit pas'ètre interverti par la volonté c ha n
geante des individus ; q u ’il faut reconnoitre incontestablement pour lois d ’ordre
pu bli c cellçs qui ont un rapport direct et spécial à la société en c o r p s , dont les c o n
séquences réfléchissent é mi ne mm e nt sur l ’ensemble des citoyens ; que si à quel
ques égards on peut regarder toutes les lois comme ayant pour objet une certaine
utilité publique , dans les unes c epe nda nt cette utilité se borne à ne régler que
des intérêts privés ^ p l n r i b i l s n t s i n g u l i s ; t\an s' les autres a u c o n t r a i r e , cette utilité
embrasse ta société eütière , elle se lie à tous les intérêts , p lu rib u s u t universis ;
q u ’ainsi lorsqtltí 16 tistateur fait la distribution de ses bi ens , il use d'une faculté
qui est toute relative à lui seul et dans son intérêt p r i v é , mais le mode dont
il fee1sert , l ’ordre qu'il doit observer dans cette répartition , est du domaine public ,
qui est p o u r lui-métne une barrière insurmontable ;
. A j t e nd u que parmi ces lois inviolables l’article treize cent quatre - vingt - dix a
ilafc^ la prohibition faite aux époux de stipuler e nt r ’eux d ’une manière générale que
eur association sera réglée par l’une des coutumes qui régissoient^ ci - devant le»
diverse* parties de la F r a n c e , qui sont abolies ; q u ’en effet l ’abrogation de tous ces
itatuls locaux , jugés nuisibles tant par leur multitude que par la bizarretie de grand
n o mb r e de leurs dispositions, que l’avantage d ’une loi uniforme, l o n g - t e m p s
désirée et profondément sentie , entrent évi demment dans 1 intérêt commu n de la
société; fjue c ’est s’élever contre cet intérêt de t o u s , établir un code pour soi ,
que de faire renaître ces lois anéanties-; et les tirer de l'oubli auquel le corps social
les a condamnées en grande connoissanre de Couse ;
Attendu que les testàinens, ainsi que tous autres actes 011 contrats , sont indis
tinctement jodmis A Ves principes sacrés; que la faction du testament t comme
d i s e n t i d , ]0js romaines, est incontestablement d ordre p ubl ic ; que le premier
devoir iK,
est d*» le reronnoitiru «t de le respecter; que de plus les
grands motir,
ont j ¡ r té cet article trei/.e cent quatre-vingt-dix, relativement
au boni rat de m.itiage, s’iippliquem nat urellement au testament; que l ’avantage
du public , ninsi <|i,q la tranquillité des familles , ne sont pas moins c ompromi s en
rappelant en termes génér aux, dans une disposition testamentaire, une coutume
f
»
�1X
abolie, q u’en la reconnoissa. t dans u n contrai de m a r ia g e; que dans 1 un comme
dans l’autre c a s , l'intérêt public est vi o l é, puisque la dame de Cliazerat s est
constituée au-dessus de la volonté générale , soit p a r s o n mépris étudie de la p r é
cieuse uniformité de nos lois, soit en reproduisant cette multitude infime de
coutumes , et avec elles les contestations interminables que la sagesse du législateur
a voulu écarter ;
t
A tt e nd u que la loi , en laissant au testateur la plus grande latitude dans la dis
position de ses bie ns , en l ’établissant l’arbitre et le souverain de ses dernières
volontés , lui a c ep en d a n t don né pour bornes toutes les règles qui concernent
l ’or dr e public, les bonnes moeurs,
le* formalités des actes; que c’est sous ces
conditions q u’il a reçu de la loi un pouvoir si é t e n d u ; q u ’il p e rd ce p o u v o i r ,
ou du moins que ce pouvoir est rendu sans e f f e t , des qu il oublie les conditions
sous lesquelles il l’a reçu ;
At tendu que la dame de Cliazerat a méconnu ou méprisé ces princi pes , lorsque dans son testament et dans son troisième codicille , au mépri s de la volonté
et des intérêts de la s ociét é, elle a remis en v i g ue u r, en termes g én ér a ux , une
coutume abolie , en o r d o n n a n t q u e ses b ien s reto u rn era ien t a u x e sto c s d e s
q u e ls ils è to ie n t provenus j q u ’ils se ro ie n t "partagés en tre le s tro is b ra n c h es
d e s a fa m ille q u e l l e d é n o m m e , su iv a n t le s règles d e la re p ré se n ta tio n à
l 'i n f i n i , te lle q u e l l e a v o it lie u d a n s la c i-d e v a n t c o u tu m e d " A u v e r g n e , e t
ensuite, su b d iv isé s d a n s c h a c u n e d ’e lle s , su iv a n t les m ê m e s règles d e la repré
s e n ta tio n à l'in fin i ;
At te nd u que ce rappel , en termes généraux , à la cout ume d ’Auvergne , r e n
ferme une résistance réfléchie à la volonté et á l’utilité publi que , sous deux r a p
ports frappans , l’un en obligeant ses héritiers de faire la recherche de la nature
et de l’origine des biens dans chaque e s t o c , suivant la c ou t ume d ’Auve rgne ,
cont re la prohi bit ion précise du Co d e , et l’autre en astreignant ses héritiers á
faire entr’e u x l e s divisions et soudivisions , suivant la représentation à l'infini,
dans les principes de la même coutume d ’Auvergne. O r , la cout ume d ’Auvergne
a v o i t , sous ces deux rapports des maximes spéciales et particulières à elle seule,
et qui s’éloignoient de toutes les autres coutumes qui avoient admis la fameuse règle ,
p a te r n a p a te r n is , m a te rn a m a te r n is ; et que ces principes de la cout ume ont
été reproduits par la dame de Cliazerat dans sa famille et dans sa succession , c omme
un br an do n de discorde et de contestations ;
A t t e n du qu’on objecte vainement que la cout ume d ’Auvergne n ’est rappelée
dans le testament que c omme une démonstration, un point c o mpar at if , et n o n
c o mme loi impérieuse : raisonner ainsi , c ’est jouer sur les mots , et abuser des
termes ; car c omme nt la coutume d ’Auvergne ne seroit-elle dans le testament que
c o mm e mode d ’indication , lorsque la dame de Cliazerat veut dispr tr ment et en
termes g éminés, que cette coutume soit la règle du partage de ses biens; lorsque
presque tous les appelés par elle ont d o n n é à leurs conclusions la forme d ’une
d ema nd e en partage , d ’après les maximes de la cout ume d ’Auvergne; lorsque dans
le fait et dans la réalité il seroit impossible a ces héritiers de faire ce partage
tel q u ’il est prescrit, sans être guidés par la coutume d ’Auvergne ; ainsi c ’e s t | n c o u
tume d ’Auvergne à la main , q u ’ils seroient obliges de rechercher quels sont h s birns
qui sont provenus de chacune des lignes favorisées ; q u ’ils seroient obligés de faire
une recherche semblable pour attribuer à chaque b r a n c h e , p a r la subdivision, les
biens qui y ont aussi été rapportés ; qu'il faudroit distinguer les dors nu,biliaires ou
pécuniaires qui auront fait souche par double confusion ; q u ’il faudroit également ,
dans le cas de la représentation , statuer si l’oncle et le neveu , étant «-n ligne égale ,
doivent concourir ensemble; si , au préjudice d ’une renonciation , on peut Venir par
represent ition de son auteur qui a n n o n c é ; si , par lYffet de la représentation , le
partage doit se faire par souche , ou bien par tètes , et une multitude d ’autres diffi
cultés semblables : ainsi s'ouyriroient pour ces héritier* une aiuple carrière de débats,
�îa
aux juges une mult i tude de questions é pi neuses, pour la décision desquelles la
coutume d'Auvergne seroit la seule régulatrice ;
At tendu q u ’on ne peut pas dire que la c outume sera prise ici comme autorité
s e u l e m e n t , et non comme loi nécessaire, puisque cette coutume , ses usages , sa
j urisprudence seroient la seule règle sur laquelle on devroit se diriger pour suivre
la volonté et les vues rétrogrades de la testatrice ; que la coutume 11e seroit pas
simple renseignement , puisque sans elle, sans s’y r enf er me r, on ne pourroit opérer
la distinction des biens , éclaircir leur o rigine, les appliquer à diverses lignes, aux
différentes branches, découvrir les individus appelés p,ir la représentation , et p a r
venir enfin à débrouiller les obscurités de ce paitage laborieux;
La coutume ne seroit pas un simple inode , une condition, puisqu'on général les
modes et les conditions peuvent se concevoir et s'isoler des dispositions auxquelles
ils sont apposé.« ; mais ici le mode , la condi ti on , prescrits par la dame de Ch a z e r a t ,
sont inséparables ; car enfin si la testatrice a institué légataires universels les trois
lignes q u’elle a affectionnées , c ’est spécialement pour prendre les biens provenans
de chacune d ’elles, suivant la coutume d ’Auvergne ; c’est pour les subdiviser ensuite
d ’aprés les mêmes principes , d ’après la même origine et nature des biens : ses vrais
héritiers seront ceux qui lui seront donnés par la représentation de la coutume d ’Au
vergne ; ainsi et f o r c é m e n t , la cout ume d ’Auvergne se lie et s'incorpore à tout ce
partage , et c o mm an de ra à ses opérations ;
Attendu q u ’on oppose encore sans fondement que la dame de Chazerat n ’a pas
généralisé son rappel de la c ou tu me d ’Auvergne , puisqu’elle l’a restreint à une seule
de ses dispositions ; c’est une erreur : car la soumission à une coutume prend évi
d e mme n t la forme de disposition générale, lorsqu’elle porte sur un objet de dispo
sition générale ; o r , c’est pour la nomination de ses légataires universels que la dame
de Chazerat invoque la coutume d ’Auvergne; c ’est cette cou t ume en général qui
règleroit leurs qualités et leurs avantages; cette disposition prend nécessairement un
c aractère de généralité dans ce partage ;
Sans doute la dame de Chazerat eût p u aisément spécialiser sa disposition ; elle
eût pu légitimement faire ent r e ses héritiers l’application de tels ou de tels de ses
b i e n s, suivant sa volonté ; elle eût pu pa r cette voie spéciale faire r ent rer dans chaque
l igne, dans chaque branche , l.i p o r t i o n de fortune q u ’elle en avoit reçue ; rien ne 1»
gênait dans celte m inière de disposer ; par là elle eût r empli ses intentions , respecté
l ’ordre public, et étouffé le germe de mille contestations dans sa famille: mais au lieu
de faire ce qui lui étoit p er mis , elle a préféré de faire ce qui lui étoit défendu ; de
telles dispositions ne peuvent être protégées par la loi q u’elles offensent ;
Attendu q u ’en vain on prétend excuser la dame de Chazerat, en alléguant q u ’on ne
peut lui faire un reproche d ’avoir établi le partage de ses biens sur la représentation
à 1 i n f i n i , puisque cette représentation étoit admise par la loi du dix-sept nivôse an
deux ; cette justification ne peut être admise , i°. parce q u ’au décès de la d.ime de
Chazerat ce n ’étoit plus la loi du dix-sept nivôse qui devoit régler soit la forme soit
le mérite de ses dernières dispositions, c ’étoit le Code civil, sous l ’empire duquel
elle est «lécédée, et que son testament olographe a reçu une date ; 2°. la testatrice est
loin d ’avoir puisé dans la loi du dix-sept nivôse la représentation quel le o r d o n n e ;
cette l o i , dans toutes l ig n es , toutes les b r an c he s , sous tous les points de vue , établit U
représentation sous le rapport de la proiiinite du sang; au contraire l.i cou t ume
d ’Auvergne a ttachoit la représentation à l’origine et a la nature des biens ; il falloit
avoir pour auteur celui duquel les biens provenoi ent : la loi du dixs»‘pt nivôse
avoit à r.et é g i r d puisé sa représentation dans l’affection naturelle, l'avnit liée aux
personne»; | (1 coutume d ’Auvergne l’avoit fait dépendre des usages féodaux, l’avoit
attaché;* ,> | ;l g|éL,s plutôt q u ’aux liens du sang : ou ne peut donc trouver aucune
analogie entre ces deux représentations , d o n t la source c omme les effets étoient si
différens;
A ttendu q u’on o pp«,, encore «ans raison, q u' on ne peut demander la nullité de
�la clause dont il s'agit , p ui s q u’elle n ’est pas p rononcée par la loi : c ’est encore une
illusion. Il y a nullité absolue dans toute disposition de loi né gat ive , prohibitive.
En prononçant , on ne peut , la loi use de route sa puissance ; elle impose un
devoir indispensable; elle écarte tout prétexte : E x c lu d it p o te n tia rn ju r is e t f a c t i .
O r , l’article six du Code dispose q u 'o n ne p e u t déroger p a r d e s conventions p a r
tic u liè r e s a u x lo is q u i in té r e s s e n t l ’ordre p u b lic . L article treize c e n t quatrevingt-dix statue de même : Que les ép o u x ne p e u v e n t s tip u le r d 'u tie m a n ière
g é n é ra is ; que leu rs co n ven tio n s sero n t réglées p a r l ’une d e s c o u tu m e s a b o lie s ; et
ces termes i mp ér ie ux , on ne p e u t et ne p e u ve n t , renferment sans doute une
prohibition énergique , une impossibilité de faire de semblables dispositions ; ils
prononcent i mpli ci t e me nt une nullité insurmontable ;
Attendu que cette nullité ne peut être écartée par la disposition de l ’article neuf
cent soixante-sept, sur lequel on veut encore s’a p p u y e r : cet article permet à la
Vérité au testateur de manifester sa volonté sous toute espèce de titres et de d é
nominations ; de sorte q u e , soit que le testateur dispose à titre de legs , de donation ,
d ’institution d ' hé r it ie r , ou s o u s toute a utre qualification, peu importe , sa volonté
c o n n u e , si elle est conforme à la l oi, qucc lé g itim a e s t , reçoit toujours son
exécution ; mais disposer sous toute dénomination , n'est pas faire toutes espèces
de dispositions : en permettant au testateur de se servir de toutes expressions pour
di ct er ses int ent ions, la loi ne l’a pas autorisé à disposer sous u n mode et dans une
l a t i t u d e indéfinie ; les moeurs , l’utilité p u b l i q u e , les formalités des actes, et t out
ce qui intéresse l’ordr e social , sont toujours pour lui une barrière invi ncible ; c’est
d ’après ce princi pe tutélaire, que l ’article neuf cents a voulu que dans toutes dispo
sitions entre-vifs ou testamentaires , les conditions contraires aux lois ou aux moeurs
soient réputées non écrites; c’est ce que la dame de Chazerat a méconnu ou méprisé,
en faisant l’institution d ’héritier universel dont il s’agit; elle a violé l’or dr e p ubli c
en subordonnant ta disposition aux règles d'une cout ume anéant ie; elle l ’a violé en
rejetant avec affectation le bienfait de la loi nouvel le; elle l’a violé en prescrivant
une forme de partage qui seroit u n e source féconde de contestations : la justice ,
c o mme la loi , ne peuvent accueillir une telle disposition ; il faut donc la regarder
c o mme non écrite dans le testament de la dame de Chazerat.
E n ce q ui concerne le legs fait par la dame de Chazerat au sieur de G r o m o n d , fils
a î n é , et au sieur Ducorai l ainé ;
E t d ’a b o rd , en ce qui touche la validité de ce l«gs en l u i - m ê m e , attaqué par 1«
sieur Mirlavaud ;
Attendu que ce legs, quoique contenu dans la rlause relative à l ’i nsti tuti on d ’hé
ritier , n ’y est pas absolument attaché ; il n’en forme pas une dépenda nc e i m m é
di a t e; que la dame de Chazerat dispose q u ’avant la division et subdivisi on de ses
b i e n s , il sera prélevé le sixi ème q u ’elle donne aux sieurs Ducorail et Gr o i no nd *
q u ’il résulte de ces termes , que le legs du sixième n’est pas une c ondi tion expresse ,
soumise à la Validité de l ’institution ; q u ’il forme à lui seul une disposition p ar
ticulière et isolée de l’institution , puisque la testatrice le désigne c o m m e un p r é
lèvement avant tout partage entre ses hér i ti e r s ; d ’où il suit que ce legs ne peut
suivre le même sort que l'institution d' héri tier, et subir lu même p r os c r i pt i on ,
p u i s q u ’il n ’est pas entaché des mêmes vices.
E n ce qui concerne la quotité de ce legs ;
Et d ’abord en ce qui touche la fin de non - recevoir alléguée par 1rs sieur de
Gromond et Ducorail , tirée de l'approbation qu'ils souviennent avoir été donnée à ce
que le legs fût du sixième sur tous les biens ;
Attendu qu'il est avoué par les sieurs de Gro mo n d et D u c o r a i l , q u’nurnne appr o;
ba tmn à cet égard n ’a été donnée par les sieurs et demoiselles Andraud , ou par
M . Fressangps ^ et qu’üînjJ cette prétendue fin de n>>n-iecevoir ne les concerne pas ;
Attendu cjii ¿i l'ég.ird des autres parens qui peuvent avoir dioil à la succession de
la dame de Chazurut , ¡1 est Aussi avoué quo c ’est au bureau de paix ou tous les
D
�héritiers étoient appelés par le sieur de C h a z e r a t , q u' a été émise l’approbat ion p r é
tendue dont il s’agit; que toute appr obat ion , pour produi re ef f et , doit avoir été
adressée à la personne qui en veut profi ter, et concerner la chose en litige ; qua
que dans la circonsiance les parens étoient cités par le sieur de Chazerat , et n o n
p a r les sieurs de G romond et Ducorail ; qu'ils l’étoient à raison de l’usufruit du
sieur de Chazerat , et non du legs du sixième ; q u ’ainsi il n ’y a pas eu d ’approbat ion
dirigée à la personne ni sur la chose à laquelle on veut l’appli quer : or , les acte*
n e peuvent nuire ou profiter q u’à l’égard des choses et des personnes que ces acte#
c on ce r ne n t ;
At tendu q u ’une approbat ion relative au contenu dans un acte suppose la réalité
et l’existence de ce c ontenu dans l’acte ; q u ’il est désavoué par les prétendans dr oi t
que les testament et codicilles aient jamais attribué aux sieurs de G r o m o n d et
Ducorail plus du sixième s u r les trois q u a r t s , et q u ’on ne peut leur présumer un
consentement qui t endroi t à ajouter au cont enu du testament ; q u ’expliquant en l’a u
dience leur int ent i on , ils o nt déclaré avoir a pprouvé les dispositions de la dame
de Chazerat dans le sens et po ur l’étendue portes auxdits testament et codicilles , et
q u ’on ne peut leur supposer d ’autres approbations ; d ou il faut conclure que celle
qui leur est attribuée par les sieurs de G r o m o nd et Ducorail est sans mérite r é e l ,
et q u ’on ne peut en tirer de fin de non-recevoir.
E n ce qui touche la question de savoir si le legs d u sixième doit être pris sur la
totalité , ou seulement sur les trois quarts des biens ;
Att endu que par le testament de la dame de Chazerat le legs des sieurs de Gro*
i n o n d et Ducorail a été fixé au sixième des trois quarts des biens , et qu'il n'a été
augmenté d ’une manière expresse pa r a u c u n acte p os té ri eu r; q u ’à la v é r i t é , après
l ’émission du Code , la dame de Chazerat , profitant de la faculté que la loi lui
l a i s s o i t , donna , par son troisième c odicille de l'an onze, une plus grande extension
au legs universel q u ’elle avoit fait au profit de ses héritiers des trois lignes d é n o m
mées , et le porta à la totalité de ses biens ; mais elle ne fit pas la iuéiue faveur
aux sieurs de G r o m o n d et Ducorail ; que ce codicille , mu et à leur égard , se c o n
tente d ’ajouter quelques autres legs particuliers , de confirmer ceux q u ’elle avoit
faits p r éc éd e mmen t , ainsi que toutes les autres dispositions contenue* dans ses tes»
tainent et codicilles ;
At tendu q u ’il résulta de ces circonstances , que la testatrice a bien persévéré dans
Ja même volonté à l’égard des sieurs de G r o m o n d et Ducorail ; mais elle s’est bornée
à cela ; et vouloir at tri buer , c o mme f ont les sieurs de G r o m o n d et D u c o r a i l , la
inéme é tendue proportionnelle à leur legs d u sixi ème, que la testatrice a donnée
au legs universel ; pr ét endr e que ce legs du sixième doit être pris sur tous les b i e n s ,
Î iarce que l ’institution a été portée à la totalité , c ’est se faire illusion : en effet ,
es clauses d ’un t est ament, c omme de tout autre a ct e, n ’ont de valeur que po u r c#
ce qui est écrit , tantum valent quantum sonant ; lorsque le sens en est précis ,
que les expressions sont claires , la volonté d u testateur n ’est plus douteuse , et I»
mé ri te de la disposition est déterminé ; telle est la clause qui c oncer ne les sieurs
de G r o m o n d et Ducorail : présumer que la daine de Chazerat a voulu étendre leur
legs d u sixième sur tous les biens , de même q u ’elle a porté sur tous les biens l’ins
t it uti on universelle , ce n ’est plus interpréter son intention , c’est la créer et la
s u p p o s e r , c ’est donner à son silence un langage et des effets q u ’on ne peut admettre ;
A t t e n d u que cette décision se confirme lorsqu on fait attention que p a r son troi
sième codicille , la dame de Chazerat rappele le legs fait à i on mari , tes legs par
ticuliers , et t er mi ne cet acte en persistant dans^ toutes les autres dispositions c on
tenues dans j o n testament et ses codicilles; ainsi elle a représenté à son esprit
le tableau d® toutes ses disposions déjà faites ; elle s’en est manifestement occupée ,
cependant elle ne fait plus d ’eux une mention eipéciale ; preuve évidente q ue ll e n ’a
pa» voulu les favoriser davantage , et q u ’ils d oivent se contenter de p r e n dr e dan»
le» trois quart»
l j 4léajc d o n t ollo Ici a gratifié*.
�13
En ce qui touche le legs universel en usufruit du siuur de Chazerat ;
Attendu que ce legs n ’a été contesté que p ar le sieur Mi rl ava ud ; mais qu il ne
peut l'être valablement par lui , que lorsqu’il sera en presence av ec le sieur d «
Chazerat , lequel n'est pas partie dans la contestation
^
f
Attendu que les autres prétendans droit à la succession ont déclaré expressenaent
ne vouloir pas contester ce legs d u sieur de C h a z e r a t , q u o i q u ’il ne soit pas en qualité
avec eux dans la cause ; q u’en conséquence ils ont restreint leur d ema nd e au p a r
tage de la seule propriété des biens.
E n ce qui touche les legs particuliers ;
_
At tendu que nul des intéressés à la succession ne les a critiqués , à l'exception du
sieur M i r l a v a u d , q ui les a compris indistinctement dans sa d e ma n de en nullité des
tet ament et codicilles ; mais que les motifs qui servent de base à sa r é cl ama ti on ,
ne permettent pas de les appliquer aux legs p ar t ic ul ie rs , ainsi qu'il est établi cidessus ;
*
Att endu que ces legs particuliers , jusqu’à ce qu ils soient valablement contestes ,
doivent , d ’après les articles mille n e u f , mille treize et mille vingt-quatre ,_ etre
acquittés par les légataires universels et par les légataires de quotte , chacun suivant
l e ur nature et dans leur étendue proportionnelle , c omme é t a n t , lesdits legs , une
charge spéciale de la succession.
E n ce qui touche le partage ;
Attendu que la succession de la dame de Chazerat s’est ooverte sous l ’empire d u
Code ; q u ’a i n s i , c'est pa r les principes de cette loi que le partage d oi t en être d é
t e r mi n é ;
Pa r ces m o t i f s ,
Le t r ib u n a l , pa r jugement en p remier r essort ,. faisant droit sur tous lei objets de
l a contestation , reçoit le sieur Mirlavaud partie intervenante dans la contestation
pend an te entr e le* sieurs Farradesche de G r o m o n d , fils aîné , et le sieur SablonDu cor a il, d une part , et les héritiers et prétendans d r o i t à la succession de la dame
de Chazerat , d autre p a r t ; et faisant droit sur ladite i n t e rv e nt i o n, ainsi que sur la
demande en nullité d u legs universel en propriété fait par la da me de Chazerat \
sans s’arrêter ni avoir égard audit legs universel fait au profit des trois branches
d ’héritiers y d é n o m m é s , et compris au testament olographe de la daine de Chae e r a t , d u vingt-six messidor an n e u f , et codicille d u quatorze messidor a n on z e ,
légalement déposés, enregistrés les vingt-cinq et vingt-neuf vendémiaire an q u a t o r z e ,
lequel legs universel est déclaré n ul et de n ul e f f e t , et c omme non écrit dans ledit
t estament ;
Sans s’arrêter à la demande en nullité formée p ar le sieur Mi r lavaud , tant d u legs
d u sixième fait aux sieurs de G r o m o n d et Ducorail aîné , que des autres legs de quotte
et particuliers , et contenus auxdiis testament et codicilles de la dame de C h a z e r a t ,
de laquelle d e ma n de ledit sieur Mirlavaud est débout é ;
Sans avoir égard également à la dema nd e des sieurs de G ro mo n d et D u c o r a i l , ten
dant e à prendre ledit legs du sixième sur la totalité des biens , au lieu de le prendre
seulement sur les trois quarts desdits b ie ns , con fo rmé me nt au testament d u d i t jour
vingt-six messidor an neuf ;
O r do nn e que dans la huit aine de la signification du présent j u g e m e n t , il *®ril
procédé au partage de la propriété seulement de tous les biens meubles et immeubles
provenus de la dame Marie-Gilberte U o l l ^ t , femme de Chazerat , pour en être délaissé
moitié aux parens de la ligne paternelle , et l’autre moitié aux parens de la ligne
ma ter nel l e, con f or mé me nt à l’article sept cent trente - trois du Code N a p ol é on ,
sauf les soudi visions entr’elles, s'il y a lieu , conf or mément à l ' a r t i c l e sept cent trenteî"?!,™ ‘l" même Code ; auquel partage tous les intéressés feront tous rapports et
p
einens
de droit , lors duquel partage délaissement sera fait aux sieurs de
Gr o mo n d fil» niné , et Ducorail ainé , du s i x i è m e dans les trois quarts seulement
desdili biens, à la charge par les héritier* des deux lignes ci-dessus, et par lesditi
>5
�i6
l é g ataires du sixième , d e souffrir sur la totalité desdits biens meubles et i m m e u b l e s ,
l'usufruit, .universel au profit d u sieur de Chazerat , époux de ladite dame MarieGilberte Rollet , comme aussi à la charge par t ous les susdits dénommés , héritiers
et légataires de quotte , de p aye r et acquitter dans les ter m es spécifiés les legs parti
culiers ,d a n s la forme et d e la manière prescrite par ladite dame de Chazer at ,
par ses testament et trois codicilles qui l’ont suivi , comme étant ledit legs universel
en u s u f r u i t et les legs particuliers une charge expresse desdits testament et codicilles ;
et pour p r o céder aux opérations dudit partage , nomme les sieurs Creuzet , Ma zin et
At ti re t- Ma nn ev i l , expert-géomètres , h abitans de la ville de Riom , lesquels d em e u
r er ont définitivement no mmé ; faute par les parties de s 'être accordées sur le choix
d ' u n ou de trois experts , dans: les t rois jours de la signification du p résent jugement
à personne ou d omi ci l e ; n o mm e monsieur le président du tribunal à l’effet de rece
voir le ser m ent d e s d i t s experts , c omme aussi à l'effet d ’entendre les discussions qui
pourront s'élever entre lesdites parties , à l’occasion d u dit partage ; condamne tous les
prétendans dr oi t, ainsi que les sieurs de G r o m o n d et Ducorail , aux dépens envers le
sieur Mirlavaud , dans lesquels seront comprises toutes, les plaidoiries.
Compense les dépens entre toutes les autres parties; compense aussi l’expédition et
signification du présent j u g e m e n t , pour être employés en frais de partage, et pr él e
vés par celle des parties qui les aura avancés.
Donne défaut contre le sieur Claude-Am able Millanges, le sieur Jacques-Amable
Millanges , le sieur Jacques M illanges , dame Joséphine D u croche t , veuve Vayron ;
dame Jeanne-Gilberte-Françoise Ducrohet , le sieur François - Antoine C hamerlat
des Guérins , son m a r i ; le sieur Joseph-Antoine A n dr a ud , le sieur Jean-Joseph
A n d r a u d - M u r a t , demoiselles Jeanne et Marie A n d r a u d , le sieur Pierre A n d r a u d
d ame Suzanne A ndr aud , veuve Re yn a u d ; dame Antoinette-Rénée T a p ha ne l , le sieur
Jean Sciaux , son mari ; dame Suzanne T a p hanel , le sieur Jacques-Bénigne A y m e t ,
son mari ; le sieur Maurice F r essanges, et le sieur Gilbert Fressanges , faute de
plaider ni avoué pour e u x , et p ou r le profit déclare le présent jugement c o mm un
a v ec eux.
Fa it et pr ononcé publiquement lesd its jour et an que dessus.
Mandons et ordonnons à tous huissiers sur ce requis , de mettre ledit jugement à
exécution ; à nos procureurs généraux , et à nos procureurs près les tribunaux de pr e
mière instance , d'y tenir la m a i n ; à tous commandans et officiers de la force publique,
de prêter main-forte lorsqu’ils en seront légalement requis. En foi de quoi le présent
j ugement a été signé par ,1e président du tribunal, et par le sieur Gaubert , greffier.
E t à la minute est écrit : Enregistré à Riom le18 juillet 1808 , par P o u g h o n , qui
a perçu vingt-huit francs soixante centimes.
Collationné. S igné G a u b e r t .
Enregistré sous le n°. 137, à Riom , le 18 juillet 1808 ; reçu pour expédition ,
soixante douze francs cinquante centimes ; p l u s , pour d ixième, sept francs vingtc i n q centimes. Signé P o u g h on.
�
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Factums Godemel
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Description
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Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Jugement. Mirlavaud. 1808]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Gaubert
Subject
The topic of the resource
successions
testaments
legs universels
ordre de successions
coutume d'Auvergne
code napoléonien
conflit de lois
Chazerat (Madame de)
domestiques
émigrés
Description
An account of the resource
Titre complet : Napoléon, par la grâce de Dieu et les constitutions de l’État, empereur des français, roi d'Italie et protecteur de la confédération du Rhin ; à tous présens et à venir, salut :…
Table Godemel : Testament : 9. un testateur a-t-il suffisamment exprimé son choix en désignant ses légataires, collectivement, par l’indication certaine de leur origine ? - l’article 1390 du code civil s’applique-t-il aux testaments ? doit-on considérer comme valables des dispositions qui seraient faites sans la désignation particulière de chaque légataire, et par une expression collective en faveur de ceux qui auraient été appelés à succéder suivant les règles de la représentation à l’infini établie par uns coutume abrogée ? ces dispositions sont-elles valables, surtout lorsque l’on ne s’en est pas référé d’une manière générale à la coutume abrogée, et lorsque les termes du testament suffisent, soit pour reconnaître les légataires, soit pour déterminer le mode du partage et l’amendement de chacun ? peut-on, sur des présomptions, étendre un legs au-delà des expressions de la clause qui le constitue ? 19 – 19.
10. un testament est-il valable s’il a été fait conformément aux lois existantes lors de sa confection ? Sous l’ordonnance de 1735, était-il nécessaire, pour la validité du testament, qu’il fut fait mention qu’il avait été écrit par le notaire ? un testament peut-il être rédigé à la troisième personne ? est-il nécessaire que le testament contienne mention de la signature du notaire, si d’ailleurs il l’a signé ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
s.n.
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1808
1806-1808
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
16 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G1904
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G1903
BCU_Factums_M0513
BCU_Factums_M0515
BCU_Factums_M0516
BCU_Factums_M0517
BCU_Factums_M0518
BCU_Factums_M0520
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53356/BCU_Factums_G1904.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Riom (63300)
Clermont-Ferrand (63113)
Joze (63180)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Chazerat (Madame de)
Code napoléonien
conflit de lois
coutume d'Auvergne
domestiques
émigrés
legs universels
ordre de successions
Successions
testaments
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53357/BCU_Factums_G1905.pdf
2ace847a468579a5450287738d7b40e7
PDF Text
Text
yj
R É F U T A T IO N
Des motifs du jugement rendu au tribunal de pre
mière instance séant à Biorn, 2 2 juin 1 8 0 8 ,
qui a déclare les principales dispositions tes
tamentaires de M adam e D E C HA Z E R A T ,
subversives de l’ordre public et de l’ordre
social, nulles et comme non écrites., p ar
cela seul que la testatrice, en rendant à trois
branches de ses parens collatéraux les biens
qu elle en avoit reçus, prescrit le partage
entre eux par souche, dans l ordre de la re
présentation à l'infini, telle qu’ elle avoit
lieu dans la ci-devant Coutum e d’Auvergne.
M
de Chazerat, privée d’enfans, n'ayant que
des parens collatéraux éloignés, possédant de grands biens
dotaux, autrefois régis par la Coutume d’Auvergne,
qui lui interdisoit toute libéralité envers son époux, et
adame
'
�ne lui permettait de disposer envers d’autres que du
q u a r t , par testament, dut voir avec une vive satisfaction
publier la loi du 4 germinal an 8, qui, en lui con
servant la liberté que lui avoit déjà conférée celle du
17 nivôse au 2 , de. tout donner à son m ari, y ajoutait
la consolante faculté d’acquitter les dettes de la reconnoissance et de la justice, en lui permettant de dispo
ser à son gré des trois quarts de sa fortune. Aussi bénitelle cette loi libérale, e t , sans perdre de tem ps, elle
se livra aux mouvemens de son cœur, de ses affections
les plus naturelles, les plus douces, les plus morales et
les plus justes.
Son vénérable époux lient la première place dans son
cœur ; elle lui donne l’usufruit de tous ses biens, et di
vers objets encore en propriété.
D ’un autre côté, sa libéralité se répand en œuvres de
cliarité : elle récompense la fidélité des s e r v i c e s d o m e s
tiques *, e lle fait clcs o ffr a n d e s à la i*econnoissance et à
l ’ a m i t i é ; elle donne des témoignages d’affection spéciale
à ceux de ses parens avec lesquels elle a des rapports
plus habituels, et termine la longue et honorable série
de ses bienfaits, par cette disposition à titre universel:
« Quant à la propriété de mes biens , mon intention
» étant, autant q u il dépend de m o i, de les faire retour» ner à ceux de mes parens qui descendent des estocs
» desquels ils me sont parvenus , je donne et lègue tout
» ce dont il m’est permis de disposer suivant la loi du
» l\ germinal an 8 , à tous ceux de mes parens de
» la b ran ch e de mes aïeul et aïeule paternels, et de
» celle Ue mon aïeule maternelle, qui seroient en ordre
�rr
(3 )
»
»
»
»
»
»
»
de me succéder, suivant les règles de la représentation à l’infini, telle qu’elle avoit lieu dans la ci-devant
Coutume d’Auvergne, pour être partagé entre les trois
branches, au marc la livre de ce qui m’est parvenu
de chacune desdites branches, et être ensuite subdivisé
dans chacune d’elles, suivant les mêmes règles de la
représentation à Vinfini. »
Trois ans plus tard-est venu le Gode Napoléon, qui
ne laissant plus subsister de bornes à la faculté de dis
poser, pour ceux qui meurent sans descendans ni ascendans (« ), permit à madame de Chazerat de donner
encore un plus grand essor à ses dispositions bienfai
santes. Elle en profite aussitôt par un codicille, où elle
s’exprime ainsi :
« L a nouvelle lo i m*ayant accordé la fa cu lté de dis» poser de la totalité d-î mes biens , je veuoc et entends
» que le legs universel que fa v o is fa it p a r le susdit
» testament, en faveur de mes parens de Vestoc de mes
» aïeul et aïeule paternels, et de ceux de Vestoc de
» mon aïeule m aternelle, de tout ce dont il niétoit
» permis de disposer par la loi du 4 germinal an 8 , ait
» son effet pour la totalité de mes biens , sauf les di» visions et subdivisions ù faire entre inesdits héritiers,
» de la manière expliquée audit testament-, sauf aussi
» mes legs particuliers, et les dispositions par moi i’ai» tes en faveur de mon mari ; h tout quoi il n’est rien
» dérogé par mon présent codicille. »
L e croira-t-on ! Des dispositions si naturelles , si sim(fl) Arliclo y iG du Codu Nupok'on.
�(4 )
pies, si équitables, par lesquelles la testatrice n’a usé
iiu pouvoir illimité que îa loi venoit de lui conférer
i^r »es biens, que pour rendre aux différentes branches
ue sa famille ce qu’elle en avoit reçu -, des dispositions
qu elle a déclaré si formellement ne faire qu'en vertu
fin pouvoir (¡ne lui en conféroient les nouvelles lois , ont
été dénoncées à la justice comme un attentat à l’ordre
publicj à l’ordre social et aux mœurs, par le dépit de
pirens collatéraux à qui la testatrice a cru ne rien devoir,
parce qu’elle n’avoit rien reçu de leur branche.
L e croira-t-on encore ! Cette ridicule dénonciation a
tellement fait illusion aux premiers juges, qu’ils ont cru
l’ordre bocial ébranlé jusques dans scs fondemens, si la
volonté de madame de Cba/.erat, de distribuer ses biens
dans l ’ordre de la représentation à Vinfini, telle (pi elle
étoit reçue dans la ci-devant Coutume d ’Auvergne ,
n’étoit pas promptement frappée d’anatliemc.
Ce n'est pas le testament entier qu’ils ont annullé pour
des vices de forme, il est reconnu invulnérable sous ce
rapport.
Ce 11’est pas non plus le don universel d’usufruit fait
à M. de Chazerat, ni les nombreux legs particuliers de
la testatrice qu’ils ont condamnés : tous ces legs leur ont
paru à l’abri de la plus sévère critique.
Enfin , ce n’est ni l’excès de la disposition univer
selle laite en faveur des trois branches de parens pré
férées par la testatrice, ni Vincapacité des parens de ces
branches, pour recevoir le bienfait de la libéralité, qui
ont motivé la réprobation. Qu’est-ce donc que les pre
miers juges ont frappé d’analheme ? C’est uniquement
�celte locution : J e lègue tout ce dont il m’est permis de
disposer a tous ceux" de mes parens (de trois bran
ches spécialement désignées ) qui seroient en ordre de
me succéder, suivant les règles de la représentation
à Vinfini, telle q u elle avoit lieu dans la ci-devant Cou
tume d* Auvergne.
O scandale! ô désolation! La dame de Chazerat, comme
la Pythonisse d’Endor {a), a évoqué l’ombre des morts!
elle a ressuscite la Coutume d’ Auvergne, s’écrioient les
Aristarques dans le public, et les juges se sont laissé
alarmer par ce bourdonnement.
O déplorable erreur du zèle pour l’inviolabilité des
lois! répondrons-nous : par quel enchantement n’avezvous fait rencontrer que l’illusion à un tribunal qui cherclioit de si bonne foi la vérité! A p p r o c h o n s la lumière
des prestiges qu i Vont séd u it, n o u s v e r r o n s disjiaroître
ces fantômes comme des ombres, et ne laisser aux ver
tueux magistrats qu'ils ont égarés, que le regret d’avoir
embrassé des chimères.
Motifs textuels du jugem ent, en ce qui concerne la legs
universel en propriété, q u il annuité.
L e legs universel en propriété, porté au testament de madame
de Cliazerat, est n u l, dit on , « attendu la maxime constante,
»
»
»
»
»
base de toute législation , et consacrée par l ’article 6 du C o d e
Napoléon, que nul ne peut, par des conventions particulières,
déroger aux lois qui intéressent l'ordre public et les bonnes
mœurs, puisque ce qui a été établi pour le bien de tous, ne
peut pas être interverti par la volonté changeante des individus. »
(a) l’romicr Iivru des rois, chap. 28.
�(G )
Refutation.
Et nous aussi, prosternés devant cette maxime sacrée,
conservatrice de l’ordre social, nous lui rendons un hom
mage solennel : mais, qu’a-t-elle de commun avec le tes
tament de madame de Chazerat ? Eu quoi la testatrice
a-t-elle dérogé , par sa volonté privée, au x lois qui in
téressent Vordre public et les bonnes mœurs? Quel tort
fait à la société la désignation collective des légataires
universels d’un testateur, par leur qualité de parens
d’une ligne, et leur vocation dans Tordre de la repré
sentation à l’infini, au lieu d’écrire plusieurs pages poul
ies dénommer tous individuellement , et désigner par
ticulièrement la portion destinée à chacun ? En quoi
les mœurs sont-elles blessées par celte brièveté d’expres
sion aussi commode qu’exacte ?
i ,c Su ite des motifs.
Il faut reconnoitre incontestablement pour lois d ’ordre public,
celles qui ont un rapport direct et spécial à la société en co rp s,
dont les conséquences réfléchissent éminemment sur l’ensemble
des citoyens. S i , à quelques é g a rd s, on peut regarder les lois
comme ayant pour objet une certaine utilité publique, dans les
unes cependant celte utilité se borne à régler des intérêts privés ,
pluribus et singulis : dans les autres, au contraire, cette utilité
embrasse la société entière, elle se lie ù tous les intérêts, plu
ribus ut universis. A insi, lorsqu'un testateur fait la distribution
de ses biens, il use d ’une faculté qui est toute relative à lui s e u l'
et dans son intérêt privé; mais le mode dont il se se rt, l’ordre
qu’il doit observer dans cette répartition, est du domaine public,
qui est pour lui une barrière insurmontable.
�f.
( 1)
Réfutation.
Il n’importe nullement à la validité du testament de
madame de Chazerat, que ces distinctions aient de la
justesse ou qu’elles en manquent, et que les lois qui
régissent ce testament appartiennent, les unes au droit
p r iv é , les autres au droit p u b li c , lorsque ses disposi
tions n’offensent ni les lois qui règlent le pouvoir de
disposer , ni celles qui reglen t le m ode et Vordre de dis
position à observer. S’il blessoit les unes ou les autres,
il seroit également réprouvé. Mais que le sieur Mirlavaud nous montre celles qui le condamnent} jusquelà, nous nous contenterons de lui dire , vous poursuivez
des fantômes.
2 e Suite des m otifs .
Vous voulez des citations? en voici :
« Parmi les lois inviolables, (qu i sont pour un testateur une
»
»
»
»
barrière insurmontable), l’art. 1390 du Code-Napoléon a placé
la prohibition faite aux époux de stipuler entre e u x, d ’une
manière générale, que leur association sera réglée par nne des
coutumes, lois, ou statuts locaux qui régissoient ci-devant les
» diverses parties du territoire fr a n ç a is, et qui sont abrogées par
» le Code. »
Réfutation.
Pardonnez -, mais nous ne voyons pas dans cet article
une loi prohibitive pour les testateurs, car il ne parle
que des conventions stipulées entre époux par leur contrat de mariage. Or, les contrats de mariage et les testamens u’ont rien de commun.
�( 8 )
3e Suite des motifs.
L ’article i 3go du Code s'applique aux teslamens, comme aux
contrais de mariage, et voici pourquoi : « L ’ abrogation de tous les
» statuts locaux, jugés nuisibles tant parleur multitude que p arla
» bizarrerie d ’un grand nombre de leurs dispositions, et l’avantage
» d ’une loi uniforme , long-temps désirée , et profondément sentie,
» entrent évidemment dans l’intérêt commun de la société; et
» c'est s'élever contre cet intérêt de tous, c'est -établir un code
» pour soi, que de faire renaître des lois anéanties, de les tirer
» de l’oubli auquel le corps social les a condamnées en grande con» noissance de cause.
» L e s testamens, ainsi que tous autres actes ou contrats, sont
» indistinctement soumis à ces principes sacrés. L a faction du
n testament, comme le disent les lois romaines, est inconlesta» blement d'ordre public. L e premier devoir du testateur est de le
» reconnoitre et de le respecter : de p lu s , les grands motifs qui
»
»
»
»
ont dicté
pliquent
ainsi q u e
m is, en
l’art. 1 3 9 0 , relativement au c o n tra t de mariage, s’apnaturellement au testament : l ’ av a n tag e du public ,
la tra n q u illité des f a m ille s , ne sont pas moins comprorappelant en termes généraux, dans une disposition
» testamentaire, une coutume abolie, qu ’en la reconnoissanl dans
» un contrat de m ariage; dans l'un comme dans l'autre c a s,
» l’intérêt public est violé, et la dame de Chazerat s'est‘ constituée
» au-dessus de la volonté générale,
» Soit par son mépris eludid do la précieuse uniformité de
» nos lo is ,
» Soit en reproduisant cette multitude infinie de coutumes,
» et avec elles les contestations interminables que la sagesse du
» législateur a voulu écarter.
Réfutation.
rHsouion.scle s a i i ^ i V o i d , *-'1 p r o n o n ç o n s s a n s n o u s la isse r
d o m i n e r p ar l 'e n t h o u s i a s m e q u i o u t r e l o u t r n e v o y o n s
quo
�( 9 )
que ce qui est, en un mot : il n’en faudra pas davan
tage pour entendre les premiers juges eux-mêmes abju
rer , avec la bonne foi qui les caractérise , l’erreur qui
les a séduits.
Les lois qui restreignent la liberté naturelle, qui
défendent ce qui de soi n est pas illicite , ou qui déro
gent autrement au droit commun , ne s’étendent pas
hors du cas spécial pour lequel elles ont été portées.
Les lois qui prohibent certaines conventions spéciales ,
ne s’étendent pas non plus a d autres contrats dont elles
ne parlent point (i).
Encore moins peut - on les appliquer a u x disposi
tions gratuites, qui se régissent par des principes tout
diflerens de ceux qui règlent les conventions (2) *, voilà
des principes universellement reconnus.
O r, l’article 1890 se trouve dans les deux cas. L a con
vention qu’il prohibe pour lJavenir, étoit très-usitée sous
l’ancien régime , et n’a rien d’illicite en soi *, il suffit de
lire cet article avec attention pour en rester convaincu.
Que porte-t-il en effet ? « Les époux ne peuvent plus
« stipuler, d’une manière générale, que leur association
« sera réglée par l’une des coutumes, lo is, e tc., qui
_« sont abrogées par le présent Code. »
( i) Voir Domat, livro i e r , titro I e' , section seconde, nombre i 5 et 16 ,
et les lois romaines qu’il cite.
(a) Cela est si v ra i, quo les conditions ou les inodifications illicites qui annullent los conventions intéressées auxquelles elles sont apposées par contrat
entre-vifs , d’après les articles i i 3 i et 1 1 3 3 du code, n ’n n n u l l o n t point les dis
positions testamentaires auxquelles ollcs sont ajoutées, et sont seulement ré
putées non év ites dans les testaraens, d’apris l’srticle goo.
B
�%
( 10 )
Ne peuvent plus ! pesons bien ces expressions. Si
les époux ne peuvent p lu s , ils pouvoient donc, avant la
loi prohibitive, ce qu’elle dit qu’ils ne pourront plus :
la stipulation qu’elle leur interdit, pour l’avenir seule
ment , sans l’annuller pour le passé , étoit donc per
mise avant d’être prohibée : donc elle n’étoit pas illicite
en soi et de sa nature ; donc elle ne l’est aujourd’hui
qu’accidentellement, et parce qu’elle est formellement
prohibée : donc l’article 1390 du Code qui la prohibe,
restreint la liberté naturelle des conventions, défend
ce qui de soi 11 est pas illicite.
Disons plus 5 il déroge à la liberté indéfinie des con
ventions matrimoniales elles-m êm es, établie en règle
générale par l’art. 138 9 , qui le précède, et qui porte:
« La loi ne régit l’association conjugale, quant aux
« biens, qu’à défaut de convention spéciale, que les
« époux peuvent fa ire comme ils le jugent à propos. »
C o n c l u o n s q u e l ’art. 1390 é ta n t u n e lo i q u i déroge aux
règles générales , au droit commun, une loi d’exception ,
en un mot ] il appartient, sous tous les rapports, à la
classe des lois dont l’application doit être renfermée dans
le cas spécial pour lequel elles ont été portées.
D ’un autre côté, quand l’article 1390 seroit suscep
tible d’être appliqué à des cas semblables, ad sim ilia,
l ’extension de cette loi prohibitive, d ’une convention
matrimoniale qu’elle réprouve, à une disposition testa
mentaire dont elle n’a point parlé , seroit encore inadmis
sible; car, quelle ressemblance et quelle analogie peut-il
y avoir entre des conventions matrimoniales , qui sont
des contrats intéressés, des contrats synallagmatiques,
�( ” 1
des contrats entre-vifs, formés par le concours du con
sentement mutuel des époux , dans la vue de régler
leur société conjugale pendant leur vie , et les dispo
sitions testamentaires, qui sont des actes à cause de
mort émanés de la seule volonté libérale du testateur,
et dont l’exécution est renvoyée après son décès ? («)
(a) Nous l’avons déjà dit (page 9) : dans les contrats intéressés, les condi
tions ou les modifications illicites annullent la convention principale qui en est
grevée. Au contraire, dans les actes de libéralité , les conditions et les modifica
tions illicitesne donnent point atteinte à la disposition principale kiaqxieWo elles
sont ajoutées. Ces conditions ou modifications illicites y étant réputées non
écrites, aux termes de l’article 900 du Code, elles doivent être retranchées du
testament. Par ce retranchement, la disposition devient pure et simple, et
n’en est pas moins valable. C’est ce qu’avoientdit avant le Code Napoléon les
lois romainos, et particulièrement la loi 14 e, au digeste, de Condit. .insiit. ,
ainsi conçue : « Conditiones contra edicta iniperatorum , aut contra leg e s , aut
t/iice contra bonos mores, v e l derisoriœ sunt, aut hujus modi (¡uas prwtores
împrobavenmt, pro non scriptis habentur, et perinde ac si hereditati sive
Ir.gato adjectœ non essent, hereditas legatumve capitur. » C’est aussi ce
qu’observent Ricard, dans son T raite des dispositions conventionnelles, tit. 2 ,
cliap. 5 , sect. 2 ; Domat, dans ses Lois civiles, seconde partio , liv. 3 , tit. Ier,
sect. 8 , n°. 1 8 ; Furgolc, T raité des testamens, tom. 2 , chap. 7, sect. 2 ,
n°. i a 5 , etc. etc.
Appliquant ce principe , nous en concluerons, avec raison, que si madamo
do Chazerat, après avoir légué à trois branches de ses parens l’universalité do
ses biens, pour les recueillir suivant les règles de la représentation à l'infini,
avoit fait à sa disposition une modification réprouvée par la l o i , en ajoutant,
telle qu'elle avoit lieu dans la ci-devant Coutume d'Auvergne, il faudroit tout
simplement regarder co dernier membro do la phrase comme non é c r i t ; le
retrancher, et réduire par conséquent la disposition au premier membre, qui
porto : « Je donne et lègue tout co dont il m’est permis de disposer, à tous ceux
» do mes parens (d o tello et toile brancho) qui seroient en ordre de me
» succédor, suivant les règles de la représentation il l'infini ». O r , ce retran
chement no feroit pas le plus léger changement à l’effet do la disposition ; car
J on verra plus bas que la représehtation ¿1 l'infini n’étoit pas différento on cou
tume d’Auvergno, de ce qu’ollo ¿toit partout.
B ?.
�i
« **>(>.
<
‘( 12 )
Ecartons donc pour toujours l’argument de parité, qui
a servi de hase à la décision des premiers ju ges, puisqu’au lieu de parités il n’y a que des disparates impos
sibles à dissimuler entre les conventions matrimoniales
■et les dispositions testamentaires.
T a-t-il plus de justesse dans ce qu’ajoute le sieur
Mirlavaud , lorsqu’il semble dire : Qu’importe que l’ar
ticle 1390 du Code Napoléon n’ait pas été violé par le
testament de madame de Chazerat, avec lequel il n’a
aucun rapport, si l'ordre public lui-même est violé par
ce testament ? Il n’en sera pas moins nul \ car on ne
peut pas plus déroger à l’ordre public, par des dispo
sitions testamentaires, que par des conventions matri
m oniales : l’art. 900 du Code Napoléon le proclame.
D ’accord du principe ; mais venons au fait. Comment
madame de Chazerat a-t-elle violé Vordre public dans
ses d is p o s it io n s t e s t a m e n t a i r e s ?
Elle l’a violé d’abord, nous dit-on , en se constituant
au-dessus de la volonté générale , p a r son mépris étudié
de la précieuse uniformité de nos lois.
Nous en demandons bien pardon au tribunal; mais
notre vue est trop bornée pour apercevoir par quelle
disposition madame de Chazerat a mérité ce reproche.
E lle s'est mise au-dessus de la volonté générale, par
son mépris étudié de la précieuse uniformité de nos
lo is , elle dont la libéralité étoit enchaînée par le statut
local qui régissoit ses biens avant la révolution, et qui
bien loin de repousser avec un mépris étudié le bienfuit de la législation nouvelle , dont la précieuse unifor
mité est venue briser ses ch aîn es, l’a saisi au contraire
�sy
( i3 )
avec transport! Elle qui a étendu ses krgesses à mesure
que la faculté de disposer s’est étendue uniformément
dans tout Vempire, par les lois des 4 germinal an ¡8 , et 16
floréal an n !
Il n’v a pas moins d’irréflexion dans le reproche adressé
à la testatrice, de reproduire la multitude infinie de
coutumes que le Code proscrit, et avec elles les con
testations interminables que la sagesse du législateur
a 'voulu écarter. Une seule des quatre cents et tant de
coutumes de France est rappelée dans son testament,
et sur le seul point de la représentation à l’infini en
ligne collatérale. L ’unité ne constitua jamais une mul
titude. D ’ailleurs, cette coutume unique, la dame de
Ghazerat ne l’a même pas reproduite d’une manière
générale. Elle ne l’a pas rendue la seule ordonnatrice
de ses libéralités. A u contraire , la coutume abolie , à
laquelle elle s’est référée sur un seul p o in t, condamnoit
presque toutes les dispositions qu’elle a faites, et notamment,
L e legs universel de l’usufruit de ses biens à son mari,
au profit duquel tout avantage direct ou indirect lui
étoit interdit par cette loi prétendue ravivée ;
L ’épuisement total de ses biens en libéralités testa
mentaires, que la même coutume auroit réduites au quart ;
E n fin , la confusion de ses propres anciens et naissans, de ses acquêts } de son m obilier, en une seule
masse qu’elle a léguée en propriété à trois branches de
ses parens , pour être partagée entre les trois b ra n ch es ,
au marc la livre de ce qui lui étoit provenu de chacune
d ’elles, tandis que la coutume auroit attribué les meubles
et acquêts aux parens paternels exclusivement j qu’elle
�n’auroit fait remonter aux estocs d’où ils étoient provenus,
que les immeubles existans dans la succession seulement;
et qu’elle n’accordoit aux parens du côté de ses aïeules
paternelle et maternelle, ni la reprise , ni le remploi des
dots mobilières qu’elles avoient portées dans sa famille.
A u lieu de disposer suivant l’ordre établi par la cidevant coutume, elle n’a donc fait aucune disposition
à titre universel, qui ne soit tout à la fois une violation
ouverte de ce statut lo c a l, et l’exercice le plus indé
pendant de la faculté illimitée de disposer à son g r é ,
qu’elle tenoit du bienfait des lois nouvelles.
Gomment expliquer après cela le reproche fait ù sa
mémoire, de s’être constituée au-dessus de la volonté
générale, par un mépris étudié de la nouvelle législation,
et d’avoir reproduit, d'une manière géném lc, la cou
tume abrogée?
,
4° Suite des motifs.
Elle a mérité ce reproche, continue-t-on, « attendu que la loi,
» en laissant au testateur la plus grande latitude dans la disposi» tion de scs biens, en l’établissant l’arbitre souverain de scs der» nières volontés, lui a cependant donné pour bornes toutes les
» règles qui concernent l’ordre public, les bonnes mœurs, et
» les formalités des actes ; que c’ est sous ces conditions qu’ il a
» reçu de la loi un pouvoir si étendu; qu’il perd son pouvoir, ou
» du moins que ce pouvoir esL rendu sans effet, des qu’il oublie
» les conditions sous lesquelles il l’a reçu.
» Que la dame de Chazerat a méconnu ou méprise' ces prin» cipes, lorsque dans son testament et dans son troisième codi» cille, au mépris de la volonté et des intérêts de la société, elle
»> a remis en vigueur, en termes généraux, une coutume abolie,
"
ordonnant que ses biens retourneraient aux estocs desquels
�M ils éloient provenus ; qu’ils seraient partagés entre les trots
n branches de sa fam ille qu’elle dénommé, suivant les règles de
)> la représentation à Vinfini, telle qu’elle avoit lieu dans la ci» devant Coutume (FAuvergne , et ensuite subdivisés dans cha» cune d’elles, suivant les mêmes règles de la représentation
» à l’infini. »
Réfutation.
Ce ne sont là que des redites déjà réfutées ; de pures
illusions dans le droit et dans le fait déjà dissipées. ,
Elles ont pour base, en point de d ro it, la supposition
que toute disposition testamentaire , par laquelle le
testateur ordonne , en tenues généraux , la distribution
de ses biens d’après l’ordre autrefois suivi dans une
coutume abolie par la nouvelle législation, est illicite
et nulle en s o i, parce qu’elle 'viole Vordre public nou
vellement établi’, et en point de fa it , la supposition
que madame de Chazerat a ordonné la distribution de
ses biens dans l’ordre ci-devant établi par la coutume
d’Auvergne.
O r , nous croyons avoir déjà suffisamment prouvé que
ces deux suppositions sont deux erreurs, l’une de droit,
l’autre de fait. Nous allons cependant y revenir encore,
afin de ne laisser aucun nuage sur ces vérités, et emprun
tant , pour mieux convaincre, les raisonnemens irré
sistibles d’ un orateur du tribunat, lors de la discussion
de la loi du 4 germinal an 8 , nous dirons :
« L a faculté de disposer de sa propriété est une éma« nation directe de la propriété elle-même : le droit
» de donner est le môme que celui de jouir.
« L e droit de propriété, considéré dans son essence
�( >6 )
« naturelle, le droit de posséder ce qu’on possède,
« existe avant toute société. Mais c’est la société qui le
« garantit ; et il est simple q u e, pour prix de cette
« garantie , la loi civile puisse imposer à Vexercice du
« droit de propriété les contraintes et les formes qui
« paroissent convenir au maintien, et même au plus
« grand avantage de la société qu’elle gouverne. »
« D e là naît la puissance du droit c iv il, non pas sur
« le droit de propriété qu’il ne peut détruire, mais sur
« toutes ses conséquences q u il dirige, et p a r conséquent
« q u il peut étendre ou resserrer à son gré.
« La principale conséquence de ce droit est la trans
it mission de la propriété elle-même , soit qu’elle s’opère
« par la volonté du donateur, soit qu’à défaut de cette
« volonté la loi civile la règle, et la détermine par la voie
« de la succession. »
II suit, de ces grandes maximes d’ordre social, que
la faculté illimitée qu’a chaque propriétaire de disposer
de ses biens , comme il lui p la ît, dans les formes et par
les voies que bon lui semble , est la règle générale , le
droit commun : Par conséquent , que toutes les lois
civiles , qui donnent des bornes, des gênes ou des
formes à cette faculté illimitée , sont des lois limitatives
de la liberté naturelle \ et par une dernière conséquence,
que tout ce qu’elles ne défendent pas expressément
reste permis au testateur. En deux mots, que Vordre
p u b lic , relativement à la faculté de transmettre ses
biens à titre gratuit, se compose uniquement dos lois
réglementaires et prohibitives que le législateur a publiées
sur la disponibilité des bien s, et sur le mode de dis
poser;
�y
( *7 )
poser y de sorte qu’il est rigoureusement vrai de dire ,
avec le n°. 55 du décret du 22 ventôse an 2 , qu'en cette
matière la loi valide ce (¡11 elle n annulle pas.
O r , n’est-il pas de fait constant qu’aucune loi directe
et positive n annulle la disposition d’un testateur qui ,
pour exprimer sa pensée avec plus de précision et en
moins de mots, lègue ses biens, comme madame de
Cliazerat, à certaines branches de ses parens collatéraux,
qu’il dénomme, et qui prescrit le-partage entre tous ses
légataires , dans le même ordre suivant lequel ils lui
auroient succédé sous le régime spécial d’une coutume
abolie auquel il se réfère ? Donc la loi valide cette for
mule de disposition , par cela seul qu’elle ne l’interdit
pas -, c a r, encore une fois , il n’y a de formules de dis
positions , comme de formules de conventions, nulles ,
que celles qui sont spécialement prohibées.
5 e Suite des motifs.
« L e rappel qu'a fait madame de Chazerat, en termes ge'né» raux , de la coutume d ’Auvergne ( pour rcgler la distribution
» de ses biens entre ses légataires ) , renferme une résistance réilé» chie a la volonté et à Vutilité publique , sous deux rapports
» frappons ; l'un en obligeant scs héritiers de faire la recherche
»
»
»
»
»
»
»
»
de la nature et de l’origine des biens dans chaque estoc , suivant
la coutume d ’ Auvergne, contre la disposition précise du C od e;
et l’autre, en astreignant ses héritiers à faire entr’eux les divisions et sous-divisions , suivant la représentation à l’m fini,
dans les principes de la même coutume d ’ A u v e r g n e ; or la
coutume d ’ Auvergneavoit, sous ces deux r appor t s, des maximes
spéciales et particulières ù elle seule, qui s éloignoient de toutes
les autres coutumes qui avoient admis la fameuse règle, patenta
c
�( ,8 )
» palernis, materna maternis ; et que ces principes de'Ia coutume
ont été reproduits par la dame de Chazerat danS sa famille
et dans sa succession , comme un brandon de discorde et de
contestations. »
« On objecteroit vainement que la Coutume d’Auvergne n'est
rappelée dans le testament que comme une démonstration, un
point comparatif, et non comme loi impérieuse. Raisonner ainsi,
c’est jouer sur les m ots, et abuser des termes; car, comment la
Coutum ed’Auvergne ne seroit-elle dans le testament que comme
mode d ’indication, lorsque la dame de Chazerat veut disertem ent, et en termes géminés, que cette Coutume soit la règle
du partage de ses biens ? lorsque presque tous les appelés par elle
ont donné à leurs conclusions la forme d ’une demande en par
tage , d ’après les maximes de la Coutume d ’A uvergn e? lorsque
dans le f a i t , et dans la réalité, il seroit impossible à ces héritiers
de faire ce partage, tel qu’il est prescrit, sans être guidés par
la Coutume d ’Auvergne. A in s i, c’est la C o u tu m e d ’Auvergne
à la main , qu’ils seroient obligés de rechercher quels sont
les b ien s q u i sont provenus de ch a c u n e des lig n e s iiivorisées;
qu’ ils seroient obligés d e fa ire uue recherche semblable, pour
attribuer à ch a q u e branche, par la subdivision , les biens q u i y
ont aussi été rapportés; qu’il faudroit distinguer les dots [no
biliaire ou pécuniaires, qui auront fait souche par double con
fusion ; qu’il faudroit également, dans le cas de la représenta
tion , statuer si l’oncle et le neveu, étant en ligne égale, doivent
concourir ensemble; si au préjudice d ’une renonciation on peut
venir par représentation; si le partage doit se faire par souche,
ou bien par têtes, ot une multitude d ’autres difficultés semblablés. Ainsi s’ouvriroient pour ces héritiers une ample carrière
de débats, aux juges une multitude de questions épineuses,
pour la décision desquelles la Coutume d’Auvergne scroit la
seule régulatrice.
» Qu’ôn ne peut pas dire que la coutume sera prise ici comme
autorité seulement , et non comme loi nécessaire , puisque
�( l9 )
t» cette coutum e, ses usages, sa jurisprudence seroienfr la seule
» règle sur laquelle on devroit se diriger pour suivre la volonté
» et les vues rétrogrades de la testatrice; que la coutume ne seroit
» pas simple renseignement, puisque sans elle , sans s’y renfermer,
» on ne pourroit opérer la distinction des biens , éclaircir leur
» origine, les a p p l i q u e r aux diverses lignes , aux différentes bran« ches, découvrir les individus appelés par la représentation, et
» parvenir enfin à débrouiller les obscurités de ce travail laborieux.
» L a coutume ne se ro it pas un simple m o d e , une condition,
» puisqu’en ‘général les modes et les conditions peuvent se con» cevoir et s’ isoler des dispositions auxquelles ils sont apposés ;
» mais ici le mode, la condition prescrite par la dame de Clia» zerat sont inséparables; c a r , enfin, si la testatrice a institué lé»
»
»
»
»
gataires universelles les trois lignes qu’elle a affectionnées, c’est
spécialement pour prendre les biens provenant de chacune d ’elles,
suivant la Coutume d ’A uvergne; c’est pour les subdiviser ensu ite, d ’après les mêmes principes, d ’après la même origine et
nature des biens. Ses vrais héritiers seront ceux qui lui seront
w donnés par la représentation de la Coulume d’ Auvergne ; cette
» coutume se lie et s'incorpore donc à tout ce partage, et com» maadera à ses opérations. »
Réfutation.
Quoi! le testament de la dame de Cliazerat aura rappelé
la coutume abolie, en termes généraux ; il aura soumis à
l’empire de cette loi morte, toutes les opérations du partagede sa succession, la recherche del’origiue de ses biens,
leur application à telle ou telle autre branche de parens ,
leur distribution dans chaque branche ^il aura imposé à scs
nombreux légataires l’obligation de s’y s o u m e t t r e , sans
restriction et sans réserve, lorsque dans le fa it la dame
Chazerat ne s’est référée qu’à une seule des dispositions
C 2
�( 20 )
delà ci-devant coutume, et qu’elle l’a contrariée sur toutes
les autres, notamment sur la distribution de ses biens,
qu’elle prescrit au marc la livre ?
Quoi ! elle aura montré une résistance réfléchie à la
volonté et à Vutilité publiques, proclamées par la nou
velle législation , lorsqu’elle n’a pas fait un seul legs qui
ne soit un hommage à cette législation nouvelle, et
l’exercice le plus étendu des pouvoirs que les nouvelles
lois lui ont conférés, et que la coutume lui refusoit ?
E n fin , elle aura eu la folie de singer le législateur, de
prétendre remettre en vigueur la Coutume d’A uvergn e,
de lui redonner l’autorité d’une loi obligatoire , parce
qu’elle a emprunté quelques-unes de scs expressions pour
indiquer Tordre dans lequel elle cutendoit distribuer sa
succession ? ï lé ! depuis quand une loi n’est-elle donc plus
une règle générale commune à toutes les personnes qui se
trouveront dans le cas q u 'e l l e a prévu-, Com m une præccpturn ? Depuis quand le règlement domestique et privé,
que fait un testateur pour le partage de sa seule succes
sion, est-il donc une loi?
Ce n’est pas encore assez de ces inconcevables méprises.
Les premiers juges, égarés par un zèle louable pour l’in
violabilité de la loi} mais poussé trop loin , ont accusé les
intentions de la testatrice, pour faire le procès h ses der
nières volontés. A les entendre , son testament jeté dans
sa famille, comme un brandon de discorde, ne fut pas
l’eiïusion d’un cœur aimant q u i vouloit laire des heureux,
mais le délire de la haine du nouvel ordre établi, qui,
pour s’en jouer, voulut livrer son patrimoine à l'embra
sement des procès.
�(.21 )
«_ A ces mots,-il nous' semble voir l’ombre de madame! de
Chazerat soulever, la ■¡tête, et répondre aux magistrats:
« Messieurs, je respecte votre saint emportement : le
» motif en est sublime ; mais daignez entendre mon
» excuse.
t
« Vous ne voyez qu’une boutade extravagante de l’iiu» meur contre la législation nouvelle, dans ce passage
» calme et mesuré de m o n testament :Mon intention étant
>* de fa ir e retourner la propriété de mes biens, autant
» q u il dépend de m oi, à ceux de mes parens qui.descen» doient des estocs dont iis me sont provenus, je donne
» et lègue ce dont il in est, permis de disposer, à mes pa» rens de la branche de mes aïeul,et aïeule'paternels, et
» de celle de mon aïeule maternelle, pour être partagés
» entre les trois branches , au m arc la livre de ce qui
» m'est provenu de chacune, suivant les règles de la re» présentation à l’ in fin i, telle q u elle avoit lieu dans la
» ci-devant Coutume d’Auvergne.
j r „
» Pardonnez mon erreur. Messieurs: en m’exprimant
» ainsi, j’ai cru parler le langage simple et naïf de la rai» son et de la justice. Il étoit loin de ma pensée et de mon
» cœur, de vouloir outrager la loi nouvelle, ?néconnoître
» ou mépriser son autorité, et lui opposer une résistance
» réfléchie, en prescrivant la distribution des biens que
» je léguois, dans l ’ordre de la représentation à Vinfini,
» entre mes légataires, puisque ma volonté n’a agi dans
» mes dispositions dernières, qu’en vertu des pouvoirs illi» mités que la loi nouvelle in’accordoit, et que la cou» tume abolie me refusoit.
<
»> L ’eussé-je offensée, cette loi nouvelle, qui, donnant
» un libre essor à mes affections, étoit clière ù mon cœur,
�( 22 )
» l’eussé-je offensée par mes paroles, par la naïveté de
» mes expressions , lorsque j’en saisissois le bienfait avec
» transport, lorsque le fond de chacune des dispositions
» démon testament étoit un hommage à son autorité, et
» que je la bénissois de cœur et d’intention, l’offense se« roit innocente: faudroit-il donc la punir?
» Ministres de la loi sur la terre, vous savez mieux que
» moi, q u elle ne frappe jam ais sans avertir. Lorsque je
» testai, elle n’avoit pas proscrit, et elle n’a point proscrit
» encore, la formule de disposition quem ’inspiroit le seul
» amour de la justice, et non un fol entêtement pour
» exhumer la Coutume d’Auvergne, ( qu’il n’étoit, ni
» dans ma puissance, ni dans mon intérêt, d é f a i r e revivre,
« encore moins dans ma volonté, puisque je l’ai contrariée
» à chaque ligne de mon testament ). J e l’adoptai, cette
» manière d’exprimer ma pensée, uniquement parce
» qu’une longue tradition m’en avoit a p p r i s Le sens,
« l’étendue, la p o r t é e , et q u e je n’en connoissois pas d’au« tre qui remplît plus parfaitement mes intentions de
« remettre à toute la postérité de mes premiers ancêtres,
« sans restriction, les biens, ou le remploi des biens , que
» j’avois reçus de chaque branche.
» Si j’ en avois connu une plus propre à rendre la plé» nitude de mes intentions , je l’aurois employée: mais
» j’ose défier les gens de loi les plus exercés, avec toute
» l’expérience des affaires qu’ils ont, et quime manquoit
» à moi, j’ose les défier, dis-je, d’exprimer aussi cornplè» tement ma volonté en d’autres termes, et en aussi peu
» de mots. Cependant il falloit l’exprimer toute entière,
» ma volonté, puisque la loi du 4 germinal an 8 , et l’ar» ticle 91G du Code Napoléon, la déclarent l’arbitre su-
�y '
(?3 )
» pleine, de moiiiestament : et parce que j’aurai exprimé
» ma volonté ,jfde la seule manière qui étoit propre à
» éviter toute lacune, toute méprise, et à me faire en» tendre sans é q u i v o q u e , j’aurai violé la nouvelle loi!
» u n e l o i q u i * sans m e p r e s c r i r e a u c u n e f o r m u l e sacx-ar
» m e n t e l l e p o u r r e n d r e m a p e n s é e , sans i n ’ e n i n t e r d i r e
» a u c u n e , s’ é to it b o r n é e à m e d ir e : O r d o n n e z , et v o u s
v s e r e z o b é i e ? L a loi permet ce qu elle ne défend pas ;
» elle valide ce q u elle nannulle p a s, encore une fois ]
» c’est ainsi que l’on raisonne dans le séjour des morts, où
» nous sommes à l’abri des illusions dont les vivans sont
» si souvent le jouet. L ’on n’y étouffe pas la loi par excès
» de précaution et de zèle pour son inviolabilité \ et nous
» plaindrions sincèrement les vivans, si les tribunaux
» avoient sur la terre le terrible pouvoir de bouleverser
» la société par des proscriptions arbitraires , en s’armant
» du prétexte , injurieux au législateur, de faire mieux ,
» et d’être plus sages et plus prévoyans que lui.
» J e ne réponds rien à votre ingénieuse dissertation,
» sur les distinctions à faire entre les modes et les condi» tions qui peuvent se concevoir cl s’ isoler des dispos i» tions, d’avec les modes et les conditions qui en sont
» inséparables , parce que tout cela a trop d’esprit pour.
» moi, qui ne fus qu’une femme sur la terre, et que je
» n’ai pas le bonheur de vous comprendre. Mais ce que
» je crois bien comprendre , c’est que la loi ne condnm « noit pas la formule que j’ai choisie pour e x p rim e r ma
» pensée : et vous, Messieurs ! plus sévères que le légis» lateur, de quel di'oit avez-vous refuse de l'absoudre ?
» Je n’ai pasi\me justifier du reproche qui m’est adressé,
�<y>
(*4 )
» d’avoir imprudemment je té un brandon de discorde
» dans ma fam ille , par le prétendu cahos dans lequel
» mon testament l’a plongée} car ce cahos imaginaire n’est
» qu’un prestige. Non, non, l’esprit de vertige ne s’em» parera pas de mes légataires universel?. Ils ne feront
» pas de mon riche héritage la proie du palais1, en rani»,mant des questions usées, sur lesquelles les opinions
» sont depuis long-temps fixées. Quant aux recherches
» qu’ils auront à faire pour établir le degré de leur pa~
» renté, et justifier leur successibilité, elles ne diffèrent
»'pas de celles que sont tenus de faire tous les héritiers
» ab intestat en général, dans les successions échues à
» desparens collatéraux, appelés ù succéder par représen»» tation , dans les cas des articles 74.2 et 7/^ du Code ; or,
» puisqu’elles n’empechent pas de succéder ab intestat,
» pourquoi empeclieroient-elles de succéder par la volonté
» d’un testateur? »
Gc Suite des motifs.
« On oppose en yain que madame de Cliazerat n’a pas généra
it lise son rappel de la Coutume d ’ Auvergne, puisqu’elle l’a res» treint à une seule de scs dispositions. C ’est une e rr e u r , car la
» soumission 5 une coutume prend évidemment la forme de dispo» sition générale, lorsqu’elle porte sur un objet de disposition
« générale. Or , c’est pour la nomination de ses légataires univer» sels, que la daine de Cliazerat invoque la Coutume d ’ Auvergne;
)> c’est cette coutune en général qui règleroit leurs qualités cl leurs
» avantages. Cette disposition prend donc nécessairement un ca» raclure de généralité dans ce partage.
» L a dame de Cliazerat eut pu aisément spécialiser sa disposi)> tion ; elle eût pu légitimement faire entre ses héritiers l'appli
cation
�33
C’S )
» calion de tels ou tels de ses biens , suivant sa volonté ; elle
» eût pu , par cette voie spéciale , faire rentrer dans chaque
» ligne, dans chaque branche, la portion de fortune qu’elle en
» avoit reçue j rien ne la gênoit dans cette manière de disposer ;
» par là elle eût rempli ses intentions, respecté l’ordre public,
»> étouffé le germe de mille contestations dans sa fam ille ; mais au
» lieu de faire ce qui lui étoit permis , elle a préféré de faire ce qui
» lui étoit défendu. D e telles dispositions ne peuvent être protégées
» par la loi qu’elles offensent. »
. ■,
Refutation.
Puisque les motifs du jugement se répètent sans cesse,
nous sommes forcés de nous répéter aussi, et nous dirou? :
C’est à pure perte qu’on s’épuise en raisonnemens subtils,
pour t r o u v e r dans le testament de madame de Chazerat
un rappel de la coutume d ’¿Auvergne en termes généraux.
Quand cela seroit, on eii concluroit encore mal à
propos que le legs universel, porté par ce testament et
par le codicille qui le suivit, est nul) car aucune loi ne
défend à un testateur de se référer d’une manière géné
rale à une coutume abolie , pour la désignation des
héritiers qu'il choisit par sa propre volon té, et la dis
tribution de. ses biens. L ’adoption de telle ou de telle
coutume , d ’une manière générale, n’est interdite qu’aux
époux , pour le régime de leur association conjugale.
O r , nous avons démontré que de pareilles lois prohi
bitives de ce qui seroit licite en soi ( cessant la prohi
bition ) , ne s’étendent pas d’un cas à l’autre, et surtout
des contrais de mariage aux testamens.
- Ce n ’est pas tout : les premiers juges n’ont pas seuD
�( ^6 )
Jcment erré dans le droit, ils se trompent encore évi
d e m m e n t sur le fait, lorsqu’ils veulent que la dame
de Chazerat se soit référée d’une manière générale h la
coutume d’Auvergne , pour la désignation de ses héri
tiers et la distribution de ses bien s, tandis qu’elle n’a
presque pas fait une seule disposition qui ne soit en
contradiction avec l’ordre successif de la coutume }
qu’elle ne s’y est référée que pour indiquer, par une
dénomination collective, ceux de ses parens qu’elle
entendoit préférer, et pour suppléer à une nomen
clature individuelle qu’il lui eût été impossible de faire
avec certitude dans le sens qu’elle l’entendoit, sa volonté
étant de r e n d r e participans à ses libéralités, ceux même
qui naîtroient dans l’intervalle de la faction de son tes
tament à son décès.
7"
Suite des motifs.
a En vain on prétend excuser la dame de Chazerat, en allé—
» guant qu’on ne peut lui faire un reproche d’avoir établi le par>> tage de ses biens sur la représentation à Vinfini, puisque cette
)> représentation étoit admise par la loi du 17 nivôse an a : cette
« justification ne peut être admise,
» i°. Parce qu’au décès de madame de Chazerat, ce n’étoit plus
» la loi du 17 nivôse qui devoit régler soit la fo rm e , soit le mérite
» de ses dernières dispositions; c ’étoil le Code civil, sous l ’empire
» duquel elle est décédée, et que son testament olographe a reçu
» une date.
» 2*. L a testatrice est loin d ’ a v o i r puisé dans la loi du 17 nivôse
>' la représentation qu ’elle ordonna : cette loi, dans toutes les
•> lig n e s , toutes les branches, sous tous les points de vue, établit la
» représentation sous le rapport de la proximité du sang. Au con-
�loi
( 27 )
»
»
«
»
»
»
»
»
'
traire, la coutume d ’Auvergne attachoit la représentation à
l'origine et à la nature des biens. 11 falloit avoir pour auteur
celui duquel les biens provenoient. L a loi du 17 nivôse avoit
à cet égard puisé sa représentation dans l ’affection naturelle,
l’avoit liée aux personnes. L a coutume d’Auvergne l’avoit fait
dépendre des usages féodaux, l’ avoit attachée à la glèbe, plutôt
qu'aux liens du sang. On ne peut donc trouver aucune analogie
entre ces deux représentations, dont la source comme les effets
» étoient différens. »
Réfutation.
Qu’a-t-on voulu dire avec la représentation prétendue
attachée par la coutume d’Auvergne à Vorigine et à la
nature des biens , plutôt qu’ au x personnes ; à la glèbe,
plutôt qu’aux liens du sang ? Prétend-on q u ’ e n couurae d’Auvergne il y avoit des générations île champs
comme des générations d ’hommes ? Que ce n’étoient pas
les personnes qui y succédoient par représentation aux
personnes décédées, propriétaires, mais les champs qui
succédoient aux champs ? L e champ neveu, qui partageoit avec le champ frère la succession du champ oncle?
Jamais les pages de la coutume d’Auvergne n’ont été
souillées par ce galimaihias inintelligible, et ce n’est
pas non plus ce qu’a dit le jugement de première ins
tance, ni ce qu’il a voulu dire.
Cependant il n’en est pas moins erroné, lorsqu’il
regarde la représentation à l’infini, qu’admettoit la cou
tume d’ Auvergne, comme différente dans sa nature et
ses effets de celle qu’admettoit la loi du 17 nivôse. Klle
ne dillère môme pas de celle qu’admet encore le Code
D 2
�( *8 )
civil. Pour nous en convaincre, mettons-nous le texte
de la coutume sous les yeux.
« L e mort saisit le v i f son plus prochain lignager
« habile à lui succéder, » porte l’art. i er, titre 1 2. L ’art. 4
explique ces mots habile à succéder, en disant : « Il
« y a deux manières d’hériter , Pune du côté paternel,
« et l’autre du côté m aternel, et retournent les biens
« à Vestoc dont ils sont provenus , tellement que les
« prochains lignagers du côté paternel succèdent ab
« intestat ès biens provenus dudit estoc , et non les
» pai-ens du côté m aternel, et è contra. »
Mais ce n’est pas le lignager le plus prochain de f a it ,
à l’instant du décès, qui succède exclusivement dans
chaque ligne ou dans chaque branche ( appelée estoc par
la coutume ). L ’art. 9 admet les parens lignagers à suc
céder par représentation de leurs auteurs , en ces termes:
« Représentation a lieu ta n t en ligne droite que
« collatérale, usque ad injinitum ( à l’infini ) audit pays
« coutumier. »
Et en quoi consistoit cette représentation ? L e com
mentateur Chabrol va répondre.
« On entend assez ( nous dit-il ) , ce que c'est que
« la représentation. Elle forme une espèce de fiction ,
« par laquelle on est mis au lieu et eu la place de
<, celui dont on descend. C’est un moyen par lequel
« le parent qui se trouve plus éloigné de celui auquel
« il s’agit de succéder, s’en rapproche et se trouve
'• appelé à la succession, en remontant à l’ascendant
« duquel il descend, et qui étoit en degré égal avec
*> les autres héritiers ou leurs auteurs. Comme les ex cm-
�lo s
( 29 )
V pies sont toujours plus instructifs que les définitions,
« continue-t-il, il n’y a qu’à supposer trois frères, P ierre,
« P a u l et Jacques. .Pierre vient à mourir sans enfans,
« Paul lu i s u rv it- , m a is J a c q u e s é to it m o r t a v a n t lu i,
« laissant des enfans. Si la représentation n’avoit pas lieu ,
« la succession de Pierre appartiendrait à Paul seul (comme
« lignager plus prochain que ses neveux ). Mais par
« le moyen de la représentation , les enfans de Jacques
« succèdent conjointement avec lu i, et de la même
« manière que si leur père avoit survécu à Pierre. Il
« en est de même dans tous les autres degrés, et à
« V infini, dans cette coutume. »
Ouvrons maintenant la loi du 17 nivôse an 2 , nous
trouverons à l’art. 77 et à, Vi\rt. 83 presque les mêmes
expressions, et absolument la même explication de la
nature et des effets de la représentation.
L a représentation a lieu jusqu'à Vinfini en ligne col
latérale, est-il dit dans l’article 77 , et l’article 83 ajoute;
« Par l’effet de la représentation, les représentans en» trent dans la place, dans le degré, et dans tous les
» droits du représenté. La succession se divise en au» tant de parties qu’il y a de branches appelées à la
y recueillir, et la subdivision se fait de la même ma» nière entre ceux qui en font partie.
Enfin, l’article 88 achèveainsile développement: « Ces
v règles de représentation seront suivies dans la subi> division de chaque branche. On partagera d’abord la
» portion qui est attribuée à chacune, eu autant de
u parties égales, que le chef de cette -branche aura laissé
» d’enfuns , pour attribuer chacune de CCS parties à tous
.u,,
�( 3o )
»
»
»
»
les héritiers qui descendent de l’un de ces enfans , sauf'
à la soudiviser encore entre eux dans les degrés ultérieurs, proportionnellement aux droits de ceux qu’ils
représentent. »
Que l’on compare maintenant de bonne foi et sans pré
vention la manière de succéder par représentation à Vinfini de la Coutume d’Auvergne, avec la manière de suc
céder aussi p a r représentation à l 1infini de la loi du 17
nivôse an 2, et qu’on nous dise où est la différence ?
Les esprits les plus subtils n’y en apercevront as
surément aucune.
Allons plus loin, et lisons le Code Napoléon. Il parle
aussi de l’e p r é s e n t a t i o n , et il la définit à l ’a r t ic le 7 3 9 ,
précisément comme Chabrol, et comme la loi du 17 ni
vôse, en ces termes : « La représentation est une fiction
» de la loi, dont l’effet est de faire entrer les représen» tans dans la place, dans le degré et dans les d r o its du
» représenté.
L ’article 740 l’admet à Vinfini, [comme la Coutume
d’A uvergn e, en ligne directe.
L ’article 742 l’admet également d’une manière illi
mitée, en ligne collatérale, au profit des enfans et des
cendons des frères ou sœurs du défunt, conséquermnent
à Vinfini, pour cette classe de parens -, et l’article 743
déterminant ses effets, veut que dans tous les cas oh
elle est adm ise, le partage s'opère par souche. Enfin,
» que si une même souche a produit plusieurs brandies,
» la subdivision se fasse aussi p ar souche dans chaque
» brandie, et que' les membres de la même brancha
» partagent entre 'eux par tête. »
�( 30
. Que voit-on encore dans ce développement? La re
présentation, telle que la Coutume d’Auvergne l’admettoit, quant à ses effets, avec la seule différence,, que
la coutume d’Auvergne l’adinettoit en faveur de tous
les parens collatéraux en général, et par conséquent
aussi-bien en faveur des descendans d’oncles, ou de
grands-oncles du défunt qui auroient été appelés à lui
succéder à défaut de lignagers plus prochains, s’ils lui
avoient survécu, comme en faveur des descendans de
ses frères ou sœurs; au lieu que le Code Napoléon n’ac
corde le droit de succéder par représentation qu’aux
seuls descendans des frèi’cs et sœurs du défunt. De sorte
qu’il est vrai de dire que la représentation du Code et
celle de la coutume ne diffèrent, ni par leurs effets, ni
p a r l e u r durée, qui est également à Vinftni dans les
classes de p a r e n s où e lle a lie u , ni p a r leur nature ,
puisqu’elles sont attachées l’une et l’autre à la filiation
des personnes, et nullement à la filiation des biens*, mais
que le Code ne l’applique pas à un si grand nombre de cas.
Donc, c’est à tort qu’on reproche à la dame de Chazerat d’avoir fait revivre un genre particulier de repré
sentation, qui n’a aucune analogie avec la nouvelle lé
gislation, puisque la loi du 17 nivôse et le Code Napo
léon lui-même en ont admis une absolument identique.
Encore plus mal à propos, on reproche à madame
de Chazerat d’avoir voulu faire revivre une représenta
tion que la Coutume d’Auvergne avoit attachée à la glèbe,
et fa it dépendre des usages féodaux. L ’avons-nous bien
entendu ?........ L a coutume avoit fait dépendre des usa
ges féodaux la représentation des personnes, qu’elle ac-
�(*» )
cordoit aux roturiers comme aux nobles, et pour re
cueillir les biens roturiers comme pour recueillir les biens
nobles !
Devons-nous qualifier cette étrange imputation ? non...
Laissons ce soin au lecteur.
E n fin , on semble nous dire encore que si un bon
citoyen peut entendre les mots représentation à Vinfini,
sans frissonner, dès que le Code Napoléon les emploie,
au moins ne peut-il pas entendre un testateur prescrire
le retour de ses biens aux estocs desquels ils sont pro
venus. H é! messieurs, soyez d’accord avec vous-mêmes :
madame de Chazerat, suivant vous, pouvoit fa ire rentrer
dans chaque lign e, dans chaque branche ou estoc de ses
parens, la portion de fortune q u elle en a reçue, et vous
frappez son testament d’anathême, parce qu’elle a voulu
ce que vous reconnoissez qu’elle pouvoit! Pardonnez ma
franchise, messieurs, il me semble que ce n’est pas être
conséquens.
8r Suite des motifs.
« On oppose sans raison qu’on ne peut demander la nullité de
»
»
»
»
»
»
»
»
»
la clause du testament dont il s'agit, puisqu'elle n'est pas prononcée par la loi : c’est encore une illusion. Il y a nullité absolue
dans la violation de toute loi négative prohibitive ; en prononçant on ne peut, la loi use de toute sa puissance. Elle impose
un devoir indispensable, elle ccarte tout prétexte; excludit potentiarn juris et facti. Or l ’art. 6 du Code dispose qu’on ne
peut déroger par des conventions particulières aux lois qui interessent l ’ordre public ; l’article i 3go statue tic m ê m e, que
l< s époux ne peuvent pas stipuler d ’une manière générale , que
» leu r association sera réglée par l’une des coutumes abolies ; et
ces
�\oy
( 33 )
» ces termes im périeux, on ne peut et ne peuvent, renferment
» sans doute une prohibition énergique , une impossibilité de faire
» de semblable disposition ; ils prononcent implicitement une nul» lité insurmontable.
Réfutation.
Puisqu’on ne se lasse point de répéter toujours la munie
chose, ne nous lassons point de repeter la même ré
ponse , et de redire : L ’application des lois p ro h ib itiv e s ,
que l’on invoque ici pour la troisième ou quatrième fois,
est faite hors du cas pour lequel elles sont portées \ elles
n’ont rien de commun avec le testament de madame
de Chazerat : qu’on cesse donc enfin d’en abuser^ car
les lois prohibitives ne s’étendent pas.
9° Suite et fin des motifs.
« L a nullité du legs universel qui se réfère à la coutume ne
» peut être écartée par l’article 9 6 7 , sur lequel on veut encore
» s’appuyer. Cet article perm et, à la vérité, au testateur de m a»
»
»
»
»
nifester sa volonté sous toute espèce de litres et de dénominations; de sorte que soit que le testateur dispose à titre de
legs, de donation, d’institution d ’héritiers, et sous toute autre qualification, peu importe; sa volonté connue, si elle est
conforme à la loi, quœ légitima est , reçoit toujours son exécu-
» tion : mais disposer sous toute dénomination , n ’est pas faire
»
»
«
»
»
»
»
toute espèce de dispositions. En permettant au testateur de se
servir de toutes expressions pour dicter ses intentions , la loi
ne l’a pas autorisé à disposer sous un mode et dans une latitude
indéfinie. L e s mœurs, l'utilité publique, les formalités des actes, et tout ce qui intéresse l’ordre social, sont toujours pour
lui une barrière invincible. C'est d ’après ce principe tutélaire
que l’article 900 a voulu que dans toutes les dispositions entre-
�( 34 )
» vifs, ou testamentaires, les conditions contraires aux lois ou
» aux mœurs soient réputées non écrites.
» C ’est ce que la dame de Chazerat a méconnu ou méprisé,
» en faisant, l'institution d ’héritier universel dont il s’agit .• elle a
» violé l’ordre public , en subordonnant sa disposition aux règles
» d’une coutume abolie; elle l’a violé en rejetant avec affecta» lion le bienfait (le la loi nouvelle ; elle l’a violé en proscrivant
» une forme de partage, qui seroit une source féconde de con» testations. L a justice comme la loi ne peuvent accueillir une telle
» disposition ; il faut donc la regarder comme non écrite dans le
» testament de la dame de Chazerat.
Réfutation.
Ci;s motifs ne sont pas nouveaux. On n’y voit q u e
le résumé de ceux que nous avons déjà réfutés. Faut-il
cependant y répondre encore, au risque de répéter sans
cesse les mêmes choses en d’autres ternies ? nous dirons :
On avoue qu’il est permis à un testateur de se se rvir
de toutes ex p ressio n s p o u r d icter scs in ten tio n s , et
que sa volonté reçoit toujours son exécution , en quel
ques termes qu’il l’ait manifestée, pourvu qu’elle ne
blesse ni les mœurs, ni l’ordre public, ni les lois p ro
hibitives , ni les formalités des actes.
Soyons conséquens, et nous concilierons de là , non
comme les premiers juges, que les dispositions testa
mentaires de madame de Chazerat doivent être frappées
de proscription ; mais au contraire qu’elles doivent être
maintenues et recevoir leur entière exécution , nonobs
tant que la testatrice ait emprunté de la coutume d’A u
vergne les expressions dont elle s’est servie, soit pour
abréger la nomenclature des légataires universels qu’elle
�( ‘35 )
•vouloit choisir, qu’elle avoit clairement désignés, et
dont elle vouloit qu’aucun n’échappât à ses bienfaits-,
soit pour régler l’ordre et la proportion du partage de
<ses biens qu’elle entendoit leur presci'ire; et pourquoi?
i°. Parce que son testament ne contient aucune dis
position qui ne soit conforme à la nouvelle lo i, soit
pour le fond, soit par l’application qui en est faite,
puisque la loi lui permettoit de disposer de tout ce dont
elle a disposé , et en faveur des personnes au profit des
quelles elle en a disposé.
. 2°. Parce qu’elle n’a pas plus violé la loi par la forme
de sa disposition que par le fond *, car nous persistons
à n ie r, avec l’assurance de la conviction, que madame
de Chazerat ait blessé, dans son testament, ni les mœurs,
ni l’ordre public , ni aucune loi prohibitive , en em
ployant quelques expressions de la coutume d’Auvergne
pour manifester sa volonté.
Elle ne les a point violés en subordonnant sa dispo
sition à titre universel, aux règles d’une coutume anéan
tie , comme le supposent les premiers ju ges, soit parce
que cette prétendue subordination de la distribution de
scs biens aux règles de la coutume d’Auvergne , est
purement imaginaire, soit parce qu’en la supposant réelle
elle ne violcroit aucune loi, ni d’ordre public,, ni d’ordre
p rivé, dès qu’aucune loi quelconque ne l’a interdite.
Elle ne les a pas violés en rejetant avec affectation le
bienfait de la loi nouvelle, comme on le lui r e p r o c h e
encore,puisque son testament n’est d’un bout ù l’autre
que l’exercice de ce bienfait.
Elle ne les a point violés enfin , en prescrivant un
�(36 )
ordre d e partage qui soit plus qu’un autre une source
de procès -, car depuis long-temps l’ordre de partage,
par représentation à l ' in fîn i , étoit usité , connu , fixé ,
et pratiqué sans qu’il eu r é s u l t a t ni trouble ni désordre
dans les familles.
• i
Concluons que les premiers juges ont constamment
abandonné la réalité pour courir après des fictions dans
l’interminable série des motifs qui ont inspiré leur déci
sion. La cour d’appel pourroit-elle donc hésiter à rétablir
la vérité et les principes dans tous leurs droits, en fai
sant rentrer dans le néant un jugement qui les renverse ?
A Clermont-F errand, le 8 octobre 1808.
P a r le jurisconsulte ancien ,
B E R G I ER.
A C L E R M O N T , de l'Imprimerie d e L a n d r io t , Imprimeur de la Préfecture,
et Libraire, rue Saint-Genès, maison ci-devant Potière,
�
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Factums Godemel
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A name given to the resource
[Factum. Chazerat. 1808]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Bergier
Subject
The topic of the resource
successions
testaments
legs universels
ordre de successions
coutume d'Auvergne
code napoléonien
conflit de lois
paterna paternis
materna maternis
doctrine
représentation à l'infini
Description
An account of the resource
Titre complet : Réfutation des motifs du jugement rendu au tribunal de première instance séant à Riom, le 22 juin 1808, qui a déclaré les principales dispositions testamentaires de Madame De Chazerat, subversives de l’ordre public et de l’ordre social, nulles et comme non écrites, par cela seul que la testatrice, en rendant à trois branches de ses parens collatéraux les biens q u 'elle en avait reçus, prescrit le partage entre eux par souche, dans l ’ordre de la représentation à l’infini, telle qu’elle avait lieu dans la ci-devant Coutume d’Auvergne.
Table Godemel : Testament : 9. un testateur a-t-il suffisamment exprimé son choix en désignant ses légataires, collectivement, par l’indication certaine de leur origine ? - l’article 1390 du code civil s’applique-t-il aux testaments ? doit-on considérer comme valables des dispositions qui seraient faites sans la désignation particulière de chaque légataire, et par une expression collective en faveur de ceux qui auraient été appelés à succéder suivant les règles de la représentation à l’infini établie par uns coutume abrogée ? ces dispositions sont-elles valables, surtout lorsque l’on ne s’en est pas référé d’une manière générale à la coutume abrogée, et lorsque les termes du testament suffisent, soit pour reconnaître les légataires, soit pour déterminer le mode du partage et l’amendement de chacun ? peut-on, sur des présomptions, étendre un legs au-delà des expressions de la clause qui le constitue ? 19 – 19.
10. un testament est-il valable s’il a été fait conformément aux lois existantes lors de sa confection ? Sous l’ordonnance de 1735, était-il nécessaire, pour la validité du testament, qu’il fut fait mention qu’il avait été écrit par le notaire ? un testament peut-il être rédigé à la troisième personne ? est-il nécessaire que le testament contienne mention de la signature du notaire, si d’ailleurs il l’a signé ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'Imprimerie de Landriot (Clermont)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1808
1806-1808
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
36 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G1905
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
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BCU_Factums_M0512
BCU_Factums_M0513
BCU_Factums_M0514
BCU_Factums_M0515
BCU_Factums_M0516
BCU_Factums_M0517
BCU_Factums_M0632
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Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Riom (63300)
Clermont-Ferrand (63113)
Joze (63180)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Code napoléonien
conflit de lois
coutume d'Auvergne
doctrine
legs universels
materna maternis
ordre de successions
paterna paternis
représentation à l'infini
Successions
testaments
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53358/BCU_Factums_G1906.pdf
428e3a66f1c0683c14e0db1612bda1cd
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Text
CONSULTATION.
LE C O N SE IL SO U SSIG N É , qui a lu le testament:
et le codicille de m adam e de C h a z e r a t , la consultation
délibérée à Clermont -Ferrand , le 29 juillet 1808 , et
le jugement rendu par le tribunal de R io m , le 22 juin
précédent,
P artage l’opinion établie dans la consultation du 2 9
juillet 1808, dont les raisons lui paraissent suffire pour
démontrer l’erreur dans laquelle les premiers juges sont
tombés. On se seroit donc dispensé d’une nouvelle dis
cussion , si les parties intéressées n’eussent témoigné le
désir que le conseil soussigné motivât néanmoins particu
lièrement son adhésion à cette opinion.
Alors , pour donner à ce nouvel examen un objet
et une utilité qui lui soient propres, on suivra le juge
m ent du tribunal de première instance dans ses motifs,
et on s'attachera à en faire apercevoir l'illusion.
A
�( 2 )
L e tribunal de Riom s’est déterminé à déclarer nuls
les testament et codicille de madame de Chazerat, parce
qu’il a estimé qu’en léguant tous ses biens à ses parens
de l’estoc de ses aïeul et aïeule paternels, et de l’estoc
de son aïeule maternelle , pour être partagés e n tr e u x ,
selon les règles de la representation ¿ï Vinfini, telle qu elle
étoit établie par la ci-devant coutume (VAuvergne , ma
dame de Chazerat a remis en vigueur une coutume
abolie, a subordonné sa disposition aux règles de cette
coutume, et en cela est contrevenue ù des lois d’ordre
public qui le lui interdisoient.
On rcconnoîtra sans aucun doute le principe posé
par le premier attendu que présente le jugement du
tribunal de Riom , que nul ne p e u t, par des conventions
particulières, déroger a u x lois qui intéressent l’ordre
public et les bonnes mœurs. La question est de savoir,
dans le la it, si les dispositions de madame de Chazerat
dérogent à ces lois. On accordera encore q u e, dans les
dispositions testamentaires, la l'orme n’est pas laissée à
l’arbitraire de celui qui dispose ; mais 011 nie formelle
ment que Vordre qu’il doit observer dans la répartition
de ses biens, soit du domaine pu b lic, qui doive être pour
lui-même , comme dit le tribunal de liiom >une barrière
insurmontable : cette idée est non-seulement inadmis
sible , mais encore inexplicable ; car comment s’y prendroit-on pour établir que l'homme qui use de la fa
culté quo la loi lui donne de disposer en laveur de qui
il lui plaît, ait à observer un ordre déterminé qui soit
du domaine public? Quel ordre doit-il donc observer?
S’il est soumis à un o r d r e s ’il y a pour lui une bar-
�M2-
.
.«
(3.)
rière>'insurmontable, il n’a plus l’entière liberté de sa
disposition. Lorsque le disposant excède la faculté que
la loi lui donne , c’est alors qu’il francliit la barrière \
mais il ne s’agit point de cela. Madame de Cliazerat
n’ayant ni descendans ni ascendans, avoit l’entière dis- .
position de sa fortune : il n’y avoit point de barrière
pour elle. Qu’on dise alors quel ordre et quelle barrière
on veut qu’elle ait dû ren co n trer dans la répartition
qu’il lui plaisoit d’en faire ? Assurément la loi ne lui
en a imposé d’aucune espèce. Cette répartition étoit,
comme la disposition, en sa puissance la plus absolue;
et l’on ne conçoit pas comment on a pu placer le droit
de cette répartition dans le domaine public , car rien
n’est plus manifestement du domaine privé.
O n a du re le v e r d’abord cette b izarre p roposition ,
parce qu’elle est le germe de la fausse opinion que le tri
bunal de Riom s’est formée des dispositions qu’il a cru
devoir annuller.
Parmi les lois inviolables dont le tribunal de Riom a
entendu parler, il invoque l’art. i 3go du Code Napo
léon , qui ne permet pas aux futurs époux de stipuler
d'une manière générale que leur association sera réglée
par Vune des coutumes qui régissoient ci-devant les
diverses parties du territoire , et qui sont abrogées.
Sans doute c’est là une prohibition formelle , et elle
est d’ordre public ; mais il s’agissoit d’établir que cette
prohibition s’appliquoit à l’ espèce j et certes , ce n’etoit^
pas facile.
Pour y arriver , on a répété que la faction du testa
ment étoit d’ordre public. Que veut-on dire par la fa cA
a
�( 4 )
tion ? Ce mot vague , qui ne doit s'entendre que du
matériel de l’acte , est mal employé ic i, où il s’agit du
fond de la disposition. La nécessité où l’on s’est trouvé
de se servir d’expressions équivoques, annonce assez
que les idées qu’on a voulu rendre n’étoient ni vraies
ni claires.
On dit que la disposition de l’art. 1390 est fondée
sur Vavantage d ’une loi uniforme pour la société, et
que c e s t s’élever contre cet intérêt , que de se faire un
code à s o i, et de fa ire renaître des lois anéanties ;
que ces motifs se doivent appliquer a u x testamens
comme auoc pactes de m ariage, la tranquillité des
fam illes n étant pas moins compromise , en T'appelant,
en tenues généraux , dans un testam ent, une coutume
abolie , et avec elle toutes les difficultés quelle peut
faire naître.
Cette doctrine pêche dans tous ses fondeincns} et d’a
bord le Code Napoléon à sans doute été donné pour
faire cesser la multiplicité des lois et des coutumes qui se
partageoient la France, et pour avoir un droit uniforme.
Cependant, dans les diverses matières de ce droit, une
seule admet deux régimes, au choix des contractans, et
c’est positivement le contrat de mariage, dans lequel il
est permis d'opter entre le régime dotal et celui de la
communauté. Ce contrat n’est donc pas uniforme dans
l ’E m p ire, et lorsqu’on veut se fonder sur l’uniformité,
il faut convenir que l’exemple est mal choisi. L ’article
i 3qo n’offre dès-lors qu’une limite posée à la permission
générale de l’art. 13 8 7 , et à la faculté particulière de
l’art, x^qt. C’est, comme le dit l’art. 138 7, une modiji-
�W5
( 5 }
cation de'là faculté générale de faire lès conventions de
mariage comme les époux le jugeront à propos, et de
celle d’opter entre le régime dotal ou la communauté.
Comment veut-on après cela rattacher cet article aux
dispositions testamentaires, pour la répartition de la part
disponible, et montrer que ce soit s’élever contre l’uni
formité de la loi, et se faire un code à soi, que de prendre
pour règle de la répartition d’un legs universel un mode
suivi dans une ancienne coutume. Existe-t-il un article
du Code qui règle la manière dont un testateur, qui
donne ce que la loi lui permet de donner à qui bon
lui semble, le répartira entre ses légataires , parens ou
étrangers5 qui détermine, par exemple, comment il di
visera son bien dans les différentes lignes de sa parenté,
s’il* veut don n er i\ des paren s de diverses lig n es ? Non
assurément. Comment le vœu d’une loi uniiorme seroit-il
donc violé, là où il n’y a de loi que la volonté du tes
tateur ? Comment l’intérêt public seroit-il compromis,
par la manière quelconque, d’appliquer une libéralité
permise, qui ne touche que celui qui la fait et celui
qui la reçoit? N ’est-il pas évident qu’en cette matière
le testateur, en se faisant un code à lu i, ne fait qu’user
de la plénitude de sa volonté que la loi lui laisse , et à
laquelle le public n’a plus aucun intérêt.
Quand la volonté du testateur est constante en la forme
exigée par la loi, pour rendre cette volonté certaine,
l’application de cette volonté ne présente plus qu’un in
térêt privé; l’invocation de l’ordre public et des bonnes
mœurs, sur le mode .de répartition d’un legs universel
du bien disponible, e$t donc aussi déplacée qu’il soit
�(G)
possible : c’est néanmoins tout le fondement du système
que le tribunal de Riom a créé.
L ’assimilation du testament, sur ce point, avec le con
trat de mariage, est donc enfin on ne peut pas plus fausse j
puisque, premièrement, la loi dispose expressément sur
le contrat social des époux, et détermine limitativement
les pactes qu’elle leur permet} et secondement, les pactes
matrimoniaux intéressant les familles dans leurs dispo
sitions, ces dispositions sont d’intérêt public.
Ce qui achève de caractériser la fausse application qu’a
faite le tribunal de R io m , c’est l’expression de l’art. 1 3f)0
lu i-m êm e, q u i n e p ro h ib e que la stipulation faite d’ une
manière générale, de se régler dans les conventions ma
trimoniales par une des coutumes abolies, mais non point
de stipuler nominativement telle ou telle disposition por
tée par ces coutumes.
P a r e x e m p le , y au ro it-il contravention à l’art. 1890,
s’il étoit dit que le mari venant à prédécéder, la femme
auroit un douaire de la moitié des biens de son mari en
usufruit, tel qu’il étoit réglé par la Coutume de Paris?
On ne peut pas le penser} car ce ne seroit point là
régler leur association, et.encore moins la régler d’une
manière générale. Ce que la loi a entendu par cette
manière générale, c’est la stipulation autrefois en usage,
que les époux soumettoient leurs conventions matrimo
niales 011 leur communauté aux dispositions de telle cou
tume par laquelle leurs droits scroicnt régis et gouvernés.
Mais il n’est point nécessaire de s’appesantir ici sur
les stipulations matrimoniales, et sur l’application de l’ar
ticle i 3«)o, ¿ telle ou telle de ces stipulations, car il est
�( 7 )
évident que cet article n’en peut recevoir aucune à la
disposition que fait un 'testateur de la portion disponible
de ses biens, et que ce sont deux choses qui ne peuvent
nullement être assimilées.
C ’est sans fondement, et arbitrairement, que le tri
bunal de Rioin a établi sur cet article la nullité qu’il a
prononcée du legs universel de madame de Cliazerat,
parce qu’elle a ordonné que ses biens seroient partagés
entre les trois branches de sa fa m ille , q u elle dénomme ,
suivant les règles de la représentation à l’in fin i, telle
quelle avoit lieu dans la ci-devant Coutume d ’Auvergne.
Ce principal fondement de l’opinion du tribunal de
R iom , pris dans l’article i 3go du Code Napoléon, et
dans la prétendue similitude de droit entre la répartition
d’un legs universel, et l’association des époux, étant dé
montré faux , que reste-t-il ?
Prouvera-t-on jamais qu’en soi, cerappeld’un mode de
répartition admis dans une ancienne coutume, et son
application par un testateur au partage qu’il veut faire de
son bien disponible h ceux de ses parens qu’il institue,
attente à l’ordre public, blesse la société, et doive rendre
sa disposition nulle?
Eli ! qu’importe à la société, que le legs de madame de
Cliazerat soit réparti entre scs légataires de telle ou telle
manière, selon les règles de la représentation de la Cou
tume d’A uvergne, ou selon toute autre j que madame de
Cliazerat ait renvoyé aux règles de cette coutume qu’elle
pouvoit écrire tout au long dans son testam ent ? Com
ment cette indication de la coutume peut-elle vicier et
anmiller son legs ?
�'
( 8 )
Quand on pourroit penser que madame de Chazerat
ait fait en cela une chose inconvenante et mal sonnante,
où est la loi qui défend de jamais parler d’aucune loi an
cienne , de la prendre pour modèle dans une disposition
quelconque, à peine de nullité ? On a fait voir qu’il
n’étoit pas permis de tirer cette conséquence de l’ar
ticle i 3qo du Code Napoléon.
Les nullités ne s’inventent pas; il faut une disposition
expresse de loi pour en établir. Que faudroit-il davan
tage pour faire proscrire l’opinion du tribunal de Riom !
En vain le tribunal de Riom dit-il qu’il y a nullité
résultant de toute disposition de loi négative et prohi
bitive ; où est cette loi n ég a tive et prohibitive pour le
mode de répartition d’un legs universel ?
Ce tribunal a dit qu’en disposant comme elle l’a fait,
madame de Chazerat avoit remis en vigueur une cou
tume abolie : assurément cela n ’élo it pas en sa puissan ce,
et il y aui’oit en cela contravention à la disposition gé
nérale qui prononce l’abolition.
Mais c’est encore là où le tribunal de Riom s’est ma^
nifesteinent égaré.
Comment concevoir qu’un citoyen puisse remettre en
vigueur une coutume abolie ? cela lui est impossible dans
le fait comme dans le droit. Si l’acte q u ’il veut faire lui
est interdit par le Code, cette interdiction sera le prin
cipe essentiel et suffisant de la nullité de son acte, et
le rappel qu’il aura fait d’une loi ancienne n’y ajoutera
lien*, s’il lui est permis, l'acte tirera son autorité du
Code, et non du rappel de la loi ancienne : cela est évi
dent : l’acte ne peut donc recevoir de ce rappel ni vice
ni
�I tcj
( 9 )
ni vertu. Ce n’est pas de cette loi ancienne que l’acte
tire son droit, mais de la volonté du disposant, autori
sée par la loi. A insi, dans l’espèce; madame de Chazerat
a voit reçu du Code la faculté de disposer de tous ses
Liens en faveur de qui elle voudroit; et par conséquent,
de les répartir comme il lui plairoit entre plusieurs dona
taires ou légataires. Lors donc qu’elle a pris pour mo
dèle et pour règle de cette répartition la représentation
telle qu’elle étoit établie par la Ccfutume d’Auvergne,
cette coutume ne reprend pour cela aucune force de
loi 5 la disposition reçoit toute son autorité de la volonté
de madame de Chazerat, et du Code qui laissoit cette
volonté entièrement libre.
La Coutume d’Auvergne n'est manifestement appelée
que pour indication, pour démonstration plus ample
de la volonté de la testatrice, qui auroit pu écrire dans
son testament tout ce que la Coutume disposoit sur ce
point, et qui s’en est dispensée en déclarant qu’elle vouloitfaire comme faisoit autrefois la Coutume d’Auvergne,
O '
ce qui est la même chose que si elle en eut couché les
dispositions dans ce testament.
Comment le tribunal de Riom combat-il des idées aussi
simples et aussi claires? par une suite d’argumentations
très-peu claires et nullement concluantes, et qui repo
sant sur les fondemens vicieux qu’on vient de détruire ,
disparoissent avec eux.
Il prétend que c’est jouer sur les mots, et abuser des
termes, que de ne voir dans le rappel de la Coutume
d’^Auvergne , qu’une démonstration, une indication de
la volonté de la testatrice, lo rsq u e la (lame (le Chazerat
B
�( 10 )
veut disertement que cette Coutume soit la règle du par
tage de ses biens.
Mais comme le tribunal est entraîné lui-même à le
dire , c’çst madame de Chazerat qui le veut ; c’est donc
la volonté de madame de Chazerat qui opère. La cou
tume n’agit point \ elle n’est donc là qu 'exem pli ca u sa ,
elle n’est que pour démonstration. Ce n’est point la
coutume en so i, et comme lo i, qui règle le partage 5
c’est la testatrice, qui a indiqué l’ancienne disposition
de cette coutume, comme étant celle qu’elle entendoit
donner pour règle à ses légataires. Et en cela , il ne
p eu t y a vo ir ni vice ni conséquence , p u isq u e encore
une fois la loi ne mettoit au cu n e limite à la volonté
de la testatrice , et que la société n’avoit aucun intérêt
ù la manière dont madame de Chazerat répartirait son legs.
L a justesse de ce raisonnement se démontre par la
comparaison du cas sur lequel dispose l’art. 1390 , dont
le tribunal de Riom s’est appuyé.
Pourquoi y auroit-il contravention et nullité, si des
époux soumettoient leur société conjugale aux disposi
tions d’une coutume abolie ? Ce 11’est pas parce qu’ils
remettraient en vigueur une coutume abolie, ce qui
est absurde, mais parce que la loi actuelle in terd it tout
autre mode de société c o n ju g a le , que le régime dotal
eu la communauté gouvernée par les règles que le Code
établit : il n’est donc plus en la puissance des contractons
d’en vouloir un autre.
Au contraire , dans l'espèce actuelle, la loi permettait
à la testatrice de donner et de répartir tous ses biens
comme elle voudrait. L e mode de cette répartition,
�( ” )
quelque part qu’il fût p ris, étoit donc à sa disposition ,
et prenôit son autorité dans sa volonté seule ?
Pour trouver une prohibition en ce cas, il faudroit
aller jusqu’à dire que la seule indication d’une ancienne
loi , son nom seul prononcé dans une disposition, est
une atteinte à l’ordre public et aux bonnes mœurs ; et
qu’ayant la faculté la plus absolue de disposer comme
cette lo i, on peut bien le faire, mais non pas le dire.
On ne pense pas qu’aucun homme raisonnable voulût
soutenir cette proposition.
D ans le fa it et dans la réalité, dit le tribunal de Riom ,
il est impossible de faire ce partage , sans être guidé par
la coutume d’Auvergne > sans rechercher l’origine des
biens dans les lignes , et la règle fie leur subdivision
selon la coutume ; et s u r ce , le tribunal énumère toutes
les questions qui ont pu s’élever dans cette coutume.
Si cela est impossible, c’est qu’il est impossible aux
légataires de ne pas se conformer à la volonté de madame
de Chazei'at, et d’avoir autre chose que ce qu’elle a
voulu leur donner. Si elle eût écrit ces règles dans son
testament, sans parler de la coutume, n’auroit-il pas
fallu s’y conformer? Qu’a-t-elle fait de plus en indiquant
ces règles écrites dans la coutume , comme étant sa
volonté ?
L a coutume , continue le tribunal de Riom , n ’est pas
ici un simple mode , une simple condition de la dis
position ; elle en est inséparable, elle se lie et s’incorpoiv au partage : c'est elle qui désignera les vrais
héritiers de madame de C hazerat, et leur part dans
les biens.
R 2
�( 12 )
C’est toujours la même illusion. La coutume ne les
indiquera que par la volonté de madame de Cliazerat :
c’est donc cette volonté qui a g it, et qui institue réelle
ment les individus.
Cette application de la volonté personnelle à des
dispositions de coutume , et de cette action de la volonté
de l’homme dans l’usage de ces dispositions, trouve son
exemple dans le d roit, dans les statuts matrimoniaux.
Lorsque des époux se marioicnt sans contrat , la loi
du domicile leur en tenoit lie u , non pas par sa propre
force et vertu , non v i consuetudinis et in se , dit D u
moulin , mais p a r la volnnlé présumée des p a rtie s, qvii
étoient censées l’avoir tacitement adoptée.
Le tribunal de Riom examine s’il est vrai que madame
de Cliazerat ait rappelé la coutume d’Auvergne d’une
manière particulière, et pour une disposition spéciale.
I l soutient q u ’elle l’a fait d’ une m an ière générale , parce
qu’elle lui soumet généralement le partage de tous ses
biens.
Cette question n’est pas ici de grande importance}
elle ne doit pas exercer une influence directe sur la
décision de la cause. L e point fondamental est dans la
capacité de madame de Cliazerat de disposer , et dans
le principe q u i donne l’etre à sa disposition , et qui
n’est autre que sa volonté.
Si madame de Cliazerat a pu disposer de tous scs biens
et les répartir entre ses légataires à sa volonté, il im
porte peu de savoir jusqu’à quel point elle a pris la cou
tume d’Auvergne pour exemple de sa disposition.
-I outelois il est bon d’observer que le tribunal de
�( 13 )
Riom a confondu , dans ses argumentations, la disposi
tion de madame de Chazerat avec celle par laquelle elle
auroit purement et simplement subordonné sa succession
îi la coutume d’A uvergn e, et elle auroit laissé aux dis
positions de cette coutume à lui donner des héritiers.
Par exem ple, si madame de Chazerat eût dit qu’elle
entendoit que sa succession fût gouvernée par cette
coutume, alors elle n’eût par là désigné aucun héritier
ni légataire ; elle n’eût fait par elle-même aucune dis
position de ses biens ; elle auroit attribué à cette cou
tume , non-seulement la répartition , mais la disposition ;
elle auroit établi, pour sa succession ah in testa t , un
autre ordre que celui déterminé par la loi. C’est en ce
cas, tout au p lu s, qu’on pourroit dire qu’elle auroit
violé la loi des successions , en prétendant introduire
un autre ordre de succéder que celui établi par elle.
Mais madame de Chazerat a testé*, elle a disposé de ses
biens par un legs universel j elle a désigné ses légataires, qui
sont ses parens de la ligne de ses aïeul et aïeule paternels,
et ceux de la ligne de son aïeule maternelle; elle a déclaré
que son intention étoit que pour la répartition entr’eux
on suivît le mode de la représentation à l’infini tel que
l’admettoit la Coutume d’Auvergne : il ne s’agit là que du
partage d’un legs, et du quantum que chaque légataire y
prendra -, il ne s’agit que du mode de la representation.
La disposition de madame de Chazerat est complète
sur les lignes qu’elle appelle et celles qu’elle ex c lu t; sur
la nnjiiy.e des biens qu’élle leur lègue; ce sont tous ses
biens, meubles et iniineubles , acquêts et propres, au
marc la livre de ce qui lui est venu de chacune de ses
�UK
( 4 )
branches ; sur l’appel des branches dans l’ordre de la
représentation à l’infini. E n fin , le mode de cette repré
sentation sera celui qui avoit lieu dans la coutume d’A u
vergne : voilà sur quoi seulement elle indique la coutume.
Il est donc vrai qu’elle ne rappelle cette coutume que
d’une manière particulière, sur une disposition qu’elle
énonce, et non d’une manière générale et indéterminée.
Mais il y a plus, et l’on a très-bien démontré dans la
consultation du 29 juillet dernier, que loin de soumettre
ses dispositions d’une manière générale à la coutume
d’A uvergne, madame de Chazerat s’en étoit écartée sur
bien des p o in ts; i° . en disposant en fa v e u r de son mari;
2°. en disposant de l ’universalité ilo ses biens ; 3 \ en
léguant nominativement en vertu de la faculté que lui
donnoient les lois nouvelles; 4°* en donnant ses meubles
et ses acquêts à ses parens de la ligne maternelle, comme
à c e u x de la lig n e p atern elle.
C’est donc à tort que le tribunal de Riom prétend qu’il
faut voir dans la disposition de madame de Chazerat une
soumission générale à la coutume dJA u v erg n e , et que
c’est cette coutume qui lui donne des héritiers, et qui
leur partage scs biens : il est au contraire bien démontré
qu’en tout c’est la volonté de madame de Chazerat qui agit.
On ne relèvera pas plus particulièrement ce qu’a dit
le tribunal de Riom des diilicultés sans nombre qui naîtroient de l’exécution de ce mode; on l’a fait suffisamment
dans la consultation du 39 juillet, où l’on a fait voir que
ces prétendues diilicultés n’ étoient qu’un épouvantail ;
et quelles que fussent ces difficultés, on n’y pourroit
jamais trouver un motif d’annuller le legs.
�( i5 )
On ne suivra pas non plus le tribunal de Riom dans
scs réponses à quelques motifs mis en avant par les léga
taires devant ce tribunal, et qu’on ne reproduira pas ici.
Mais il est un moyen opposé au sieur M irlavaud, dans
la consultation du 29 juillet, et qui dispenseroit d’entrer
avec lui dans tant de discussions.
L e sieur Mirlavaud est le représentant de la branche
de l’aïeul maternel, non appelée au legs universel, et on
soutient contre lui qu’il est sans qualité et sans intérêt
pour critiquer l’emploi qu’a fait la testatrice, de la Cou
tume d’Auvergne , attendu qu’il ne s’applique qu’à la
répartition dans les branches appelées, et que la sienne
ne l’étant pas, cette répartition ne l’intéresse pas.
En effet, l’appel des branches est une première disposi
tion distincte et divise ; quiconque n’est pas de ces bran
ches, n’est pas légataire 5 dès-lors il est sans intérêt comme
sans qualité pour critiquer le mode de la répartition dans
ces branches. Ces branches sont appelées avec représenta
tion à l’infini : la dame de Chazerat étoit maîtresse de
lé vouloir ainsi, sans que la disposition eût besoin de la
coutume d’Auvergne. Qu’importait à la branche du sieur
Mirlavaud, qui n’est point appelée ? et que lui importe
après cela , que cette représentation ait lieu selon la
coutume d’Auvergne ?
Concluons que le mode de répartition du legs universel
de madame de Chazerat appartenoit en tièrem en t h la
pleine et entière disposition qu’elle avoit de tous ses
biens, et que l’ordre public et’ la société n’y ont aucun
intérêt ; que la coutume d’A u v e r g n e n’étoit employée
�( iG )
que comme démonstration de la volonté de la' testatrice ;
que la disposition tiroit toute son autorité de cette volonté
et du code qui n’y mettoit aucune borne ; que cette
volonté agit seule, et que l’appel de la coutume ne peut
influer sur le sort de la disposition en bien ni.en m al;
qu’il n’y a aucun argument à tirer de l’article I 3QO dans
l’espèce tout à fait différente; car il n’y a aucune simili
tude entre la stipulation de l’association conjugale et le
partage d’un legs universel; que madame de Chazerat n’a
point appelé la coutume d’Auvergne à gouverner sa suc
cession, mais l’a seulement indiquée comme exemple et
comme mode à suivre, selon sa volonté, dans la réparti
tion de ses legs dans les branches qu’elle instituent j que
loin de soumettre même ses legs à l’ordro de succéder
et aux principes de cette coutume, elle s’en est écartée
totalement sur plusieurs points irnportans ; enfin, que le
sieur jVIirlavaud, défendeur, d’une brandie non instituée,
est sans qualité et sans intérêt pour critiquer le mode de
répartition, qui n’intéresse que les branches appelées.
11 a donc été mal jugé par le tribunal de Riom , et son
jugement ne peut manquer d’être infirmé sur l’appel.
Délibéré à Paris par nous anciens Avocats soussignés,
ce 8 novembre 1808.
DELAM ALLE.
PORCHER.
PO IR IER.
JA U BER T.
D E LA C R O IX -FR A IN V ILLE.
C H A B O T , de FAllier.
CHABROUD.
�(
x7 )
Mercredi.
Lettre de M.
J aubert
à M.
B o ir o t .
C k n ’est que hier au soir, Monsieur et clier Collègue, q u ’on a
porté chez moi les papiers et les consultations que vous m'aviez
annoncés ce m atin. J ’ai examiné le tou t, et le jugement de Riom
m ’a p a ru , ainsi q u ’à vous et à M. Dclam alle, une méprise étrange.
E n appliquant à une disposition testamentaire 1 article i3go du
Code Napoléon, relatif aux conventions m atrim oniales, le tribunal
de Riom n ’a pas senti quel avoit été le véritable m o tif de la dis
position contenue en cet article ; il a supposé qu'on avôit voulu
faire oublier les anciennes lois et c o u tu m e s , de m anière q u ’il ne
p u t plus en être fait mention dans aucun acte.
C e n ’est pas là le m o tif de la loi; il eût été révolutionnaire ou
puéril.
L e Code Napoléon a voulu que les conventions matrimoniales
fussent rédigées de manière que toute tierce personne ayant à
contracter avec l’un ou l’autre époux, pû t connoître d ’une manière
positive et claire les pactes de la société conjugale, soit relativement
au pouvoir et à la capacité qu'auroit l’époux de faire tel ou tel
c o n tra t, soit relativement à l’asservissement ou à l’affranchisse
m ent de ses biens par les suites du contrat de mariage.
S’il avoit été permis aux époux de stipuler d 'u n e m anière g én é
r a le , que leur association seroit réglée p a r telle ou telle coutum e ,
lois ou sta tu ts lo c a u x , il auroit fallu que les tierces personnes
avec lesquelles les époux, ou l’un d ’eux, auroient par la suite con
tra c té , connussent la coutum e, les lois ou statuts locaux désignés
dans l’association des deux époux, ou que retenus par la crainte
q u ’il y eût dans les lois anciennes quelque pro hibition, quelque
obstacle, quoiqu’incapacité relative, ils s’abstinssent de contracter
avec ceux don t ils ne pouvoient pas bien connoître les lois aux
quelles il leur auroit plu de s’assujétir. C e qui eût été dangereux pour
les épouXj ou pour les tiers, et toujours pour la chose publique.
c
�En don n an t aux époux la faculté de stipuler d ’une manière géné
ra le , que leur association seroit réglée par telle c o u tu m e , loi ou
usage, e tc ., on ébranloit le régime hypothécaire, dont l’objet
principal est de fournir aux acquéreurs l’assurance de n ’étre plus
troublés dans leur possession, et le moyen de connoitre préala
blement si les biens q u ’ils vouloient acquérir leur étoient transmissibles.
Ces motifs de l’article 1390 du Code ne peuvent pas s'appliquer
à des dispositions testamentaires : aussi cette loi n ’a-t-elle pas été
portée d ’une m anière absolue et pour tous les actes, mais seulement
pour les contrats de mariage.
L ’article précédent du Code Napoléon n ’a pour objet que la
prohibition des substitutions, et n ’est relatif qu’à l’ordre des suc
cessions a b in te s ta t.
Ces réflexions que je vous so u m e ts, m on cher Collègue, sont
sans doute surabondantes; mais après les deux consultations que
je viens de lire, on ne peut ajouter que des choses superflues. Je
vous prie d ’agréer les respectueuses salutations de votre Collègue,
JA U B E R T .
A CLER M O N T , de l'imprimerie de L an drio t , Imprimeur de la Préfecture,
et Libraire , rue Saint-Genès, maison ci-devant Potière.
�T A B L E A U explicatif du legs universel, institué par M m0, de
AÏEUL PATERNEL,
Jean Rollct.
AÏEULE P A T E R N E L LE ,
—
Dame Vigot.
.................................
PÈRE,
Jean Rollet.
1
_ .*
«
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
0•
«
•
•
•
•
«
•
•
•
•
•
•
•
•
•*
:
F ille,
Dame de Chazerat,
Testatrice. ,
Mère,
Jeanne Marcelin.
1
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
'.
•
e•
••
•
•
•
«
«
Descendons Gros
MM. . .
:
M M...
:
MM...
MM...
mm
MM. . .
•
ESTO C .
41culc paternelle
,
VIGOT.
Domaines de Mirabelle,
^ °n>(itulion<lotalo i5,oooliv.
•le. etc.
etc. etc.
Fornio lo 4* estoc non-mentionné au
testament, n'ayant possddë aucuns biens. Apres la mort do
«a première femmo, la dame Gilberte Gros, aïeule mater*
nollo de U testatrice ,co sieur Joan-PInlibrrt Marcelin épousa
en secondes noces demoisello N***. C’ost de cc mariago <juc
descend lo sieur M irlavnud,
^ sieur Afazuel se sert du
nom pour critiquer les ustanicn* ®t codicilles do la damo do
Chazerat.
1
'■ÎJi
Mens tk la Testatrice, à elle propres, par elle ou son père.
s?
•
MM...
:
;
ROLLET.
l
:
...
MM. . .
,
I
I
«
.*
...
mm
Ateul paternel
AÏEULE M A T E R IE LL E ,
Descendant Vigot.
Descendons Rollet.
E S T O C .'
en son testament du 26 messidor an
Jean-Philib. Marcelin. — Dame Gilbert« Gros.
I
•
•
•
•
C hazerat
Domaine de Saint-Agoulin.
.
- J e M c n itro l, etc. etc.
Meubles et immeuble», créance«.
:
•
ESTOC.
Aïeule maternelle,
GROS.
Domaines d*Entraigues, Jozc ,
etc. etc.
�\<iio
)r an 9.
T A B L E A U explicatif du legs ui
AÏEUI. P A T E R N
Jean Rollet.
Descendons Rollet.
E
MM...
MM...
MM..
MM...
MM. .
MM. .
ESTOC.
Aieul paternel,
ROLLET.
Domaines de Mirabelle,
etc. etc.
Const
�
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The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
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/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Mirlavaud. 1808]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Delamalle
Porcher
Poirier
Jaubert
Delacroix-Frainville
Chabot
Chabroud
Subject
The topic of the resource
successions
testaments
legs universels
ordre de successions
coutume d'Auvergne
code napoléonien
conflit de lois
paterna paternis
materna maternis
doctrine
représentation à l'infini
Description
An account of the resource
Titre complet : Consultation.
Particularités : tableau explicatif du legs universel
Table Godemel : Testament : 9. un testateur a-t-il suffisamment exprimé son choix en désignant ses légataires, collectivement, par l’indication certaine de leur origine ? - l’article 1390 du code civil s’applique-t-il aux testaments ? doit-on considérer comme valables des dispositions qui seraient faites sans la désignation particulière de chaque légataire, et par une expression collective en faveur de ceux qui auraient été appelés à succéder suivant les règles de la représentation à l’infini établie par uns coutume abrogée ? ces dispositions sont-elles valables, surtout lorsque l’on ne s’en est pas référé d’une manière générale à la coutume abrogée, et lorsque les termes du testament suffisent, soit pour reconnaître les légataires, soit pour déterminer le mode du partage et l’amendement de chacun ? peut-on, sur des présomptions, étendre un legs au-delà des expressions de la clause qui le constitue ? 19 – 19.
10. un testament est-il valable s’il a été fait conformément aux lois existantes lors de sa confection ? Sous l’ordonnance de 1735, était-il nécessaire, pour la validité du testament, qu’il fut fait mention qu’il avait été écrit par le notaire ? un testament peut-il être rédigé à la troisième personne ? est-il nécessaire que le testament contienne mention de la signature du notaire, si d’ailleurs il l’a signé ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'Imprimerie de Landriot (Clermont)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1808
1806-1808
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
18 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G1906
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0512
BCU_Factums_M0513
BCU_Factums_M0514
BCU_Factums_M0515
BCU_Factums_M0517
BCU_Factums_M0518
BCU_Factums_M0520
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53358/BCU_Factums_G1906.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Riom (63300)
Clermont-Ferrand (63113)
Joze (63180)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Code napoléonien
conflit de lois
coutume d'Auvergne
doctrine
legs universels
materna maternis
ordre de successions
paterna paternis
représentation à l'infini
Successions
testaments
-
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659fb64667025af029e6f76dd21ff6ba
PDF Text
Text
CONSULTATION.
■ IB I m
VU
le testament olographe de la dame de Chazerat, en
date du 26 messidor an 9, par lequel, entr’autres disposi
tions, on lit la suivante, qui fait l’objet de cette consulta
tion : « Quant à la propriété de mes b iens, mon intention
» étant, autant q u 'i l dépend de m oi, de les faire re» tourner à ceux de mes parens qui descendent des estocs
» dont ils me sont parvenus, je donne et lègue tout ce
» dont il m’est permis de disposer suivant la loi du 4
» germinal an 8 , à tous ceux de mes parens de la bran» che de mes aïeul et aïeule paternels, et de celle de
» mon aïeule maternelle ,
m e
qui seroient en ordre de
succéder, suivant les règles de la représentation
» A l’in fin i, telle qu’elle avoit lieu dans la ci-devant
» Coutume d'Auvergne , pour être partagé entre les
A
�» trois brandies au marc la livre de ce qui m’est p ar-,
» venu de chacune desdites branches , et etre ensuite
» subdivisé dans chacune d’elles suivant les mêmes
» règlps de la représentation à l'in fin i, et néanmoins
» je veux et entends qu’avant la division et subdivi» sion, il soit pris et prélevé sur la masse totale des biens
» compris au présent legs, d’abord le montant de mes
» legs particuliers, et ensuite le sixième du sui’plus, que
» je donne et lègue au sieur larradèche-de-G rom ont,
» iils lîné, et au citoyen Sablon-Dueorail, aîné, clia» cun par moitié. »
V u les deux codicilles, postérieurement faits par ladite
dame, l’un en date du 7 floréal an 10, et l’autre du 14
messidor an 11 , postérieur celui-ci à la loi du 1 3 floréal môme année, sur les donations et tcstamens.
Dans ce dernier, qui est relatif à cette consultation,
on lit les expressions suivantes : « La nouvelle loi
« in’ayant accordé la faculté de disposer de la totalité
« do mes bien s, je veux et entends que le legs uni« vcrscl que j’avois fait par le susdit testament, en
t< faveur de mes parons de l’estoc de
mes aieul et
« aïeule paternels, et de ceux de l’estoc de mon aïeule
a malernellp’V de tout ce* dont il m’étoit permis de
« d isp o se r 'par'la--loi-du t\ germinal an 8 , ait son effet
« pom- la tolalité de'iiltfs biens; .sauf leà divisions et
�.(,3 )
. « subdivisions a faire 'entre mesdits héritiers, de la
« manière expliquée audit ;testament ; sauf aussi mes
« legs particuliers, et les dispositions par moi faites
« en faveur de mon mari *, à tout quoi il n’est rien
« dérogé par le présent codicille. »
,,
V u l’arbre généalogique où. sont rapportés les trois
estocs dont les descendans sont institués liéi-itiers, et
même le quatrième estoc de l’aïeul maternel, qui dans
cet arbre est marqué comme une tige dont il n’est
parvenu aucun bien à la testatrice.
V u le jugement du tribunal civil de R io m , dépar
tement du Puy-de-Dôm e, du 22 juin passé, p ar lequel
il a été d it, « que sans s’arrêter ni avoir égard audit
« legs universel, fait au profit des trois branches d’hé« ritiers y nommés, et compris au testament olographe
« de la dame de Chazerat, du 24 messidor an 9 , et
« codicille du 14 messidor an 1 1 . . . . lequel legs uni« versel est déclaré nul et de nul effet, et comme
« non écrit dans ledit testament. »
I nterrogés s’il r
Nous
répondons
a lieu a la réparation de ce jugement,
que la singularité de ce jugem ent, qui
ne peut que surprendre et étonner tout ju risco n su lte,
nous oblige à développer dans cette consultation les prin
cipes fondam entaux sur les in stilu lio n s, legs universels,
et autres dispositions testamentaires j principes que nous
A 2
�( 4 ) .
aurions dû omettre , s’il ne falloit y recourir pour démon
‘
*
trer la futilité et l’erreur des raisonnemens, soit considérans de ce tribunal.
Nous observons d o n c, en premier lie u , qu’il est de
principe certain et in con testab le, qu’il faut dans tout
testament ou disposition testamentaire, considérer, i°.
la capacité de pouvoir disposer 5 20. la form e, soit les
formalités extrinsèques \ 3 °. le fond du testament, soit
la nature de la disposition \ 4°- la chose dont on dispose 5
5°. les causes, conditions, modes et dém onstrations appo
sées auxdites dispositions.
Tous ces points ne sont pas réglés par les mêmes
principes. Il n’est pas ici question , ni de l’incapacité
du testateur, ni de la forme extrinsèque de la dispo
sition , ni de la nature de la disposition , c’est-à-dire de
legs ou substitution proh ibée, ni de la qualité de la
chose dont oil a -disposé, c’est-à-d ire, si prohibée ou
non*, mais il ne s’agit que d’examiner le dernier point,
soit la nature des causes, modes, et, si l’on v e u t , même
des conditions apposées au legs dont il s’agit.
Dans celte discussion, -ce que l’on doit singulièrement
observer, c’est qu’une condition impossible, ou meine
prohibée par les lois, 11e rend point, ni d’après le droit
I,. i4 d ec o a4 i a i t i t . , 1.
3 et 3ode c o u d ., et dera.,
romain , ni d«iprès le Code Napoléon , la disposition
art. 900 du Cod, Nap.
nulle, i-t qu’au contraire., detmhitur co n d itio , cl pro
�( 5 )
non scripta habetur. « Dans toute disposition entre-vifs
,
*
.
« et testamentaires , est-il dit
à
l’article 900, les condi- 600du Code Napoléon.
« tions impossibles , celles qui seront contraires aux
« lois ou aux mœurs, seront réputées non écrites. »
Ce q u i, d’après le droit romaiu et le Code N apoléon,
à l’article 1 172, n’a pas lieu dans les contrats et obligations.
Si ce principe a lieu dans les conditions qui paraissent
contenir la cause finale de la volonté du testateur, il
doit avoir plus lieu encore lorsqu’il s’agit de simple
inode ou démonstration, que les lois môme ne consi
dèrent pas comme la condition aussi rattachée à la volonté
du testateur; et c’est là la maxime que nous voyons éta
blie dans les lois 3 y, 74, §. 1 et 2, au litre du dig. de
cond. et dem. et dans la Novelle 1 de Justinien ; « Quoties
« secundum voluntatem testcitoris facere com pellitur,
« f/uoties contra legem nihil sit juturum . . . .
et tamen
« à legato eum non esse repellendum. »
A ces principes sur les dispositions testamentaires, il
faut en ajouter un autre également certain et incon
testable , c’et-à-dire, que toute fois qu’un testateur, pour
mieux désigner sa volonté, exprime une cause, ou fait
une démonstration q u i, ou n’existe pas, ou ne peut
exister, il faut, comme dit E.oer* avec tous les interprètes,
oter la haïsse cause et explication, et voir s’il résulte en* F it, de cond. et dem . , n.
4 , et in Jine.
l. i4.decond.în«tit.,i.
3o. de cond. et dom. art,
�Vbw
( <3 )
core de la volonté du testateur, et de la cliose disposée •,
parce qu’alors la fausse cause ou explication non nocet
legatario ,• mais, si detrahendo causam , v el demonslrationem, il ne conste plus de la chose léguée, la disposition
est nulle j et ce, parce que, comme dit l’auteur d’après
leg"' \'i6 s ^ deadirn" ^cs jurisconsultes romains, Quidr/uid demonstrandi grae t t r a n s f . i c g . , i . i 7 ,C od. tici (idditur rei jam satis demonstratajruslra est, et pro
de testam.
non scripto habendum ; et c’est d'après ce principe
même que, quoiqu’une institution ne puisse se faire contumcliæ signo, c’est-à-dire, en ne désignant l’h é ritie r que
par une action scélérate qu’il auroit faite , cependant
cette institution est efficace, si en ôtant cette désignation
L. 9 , S de her.
ignominieuse, il conste encore de la personne que le
mttit. testateur a vo u lu fa vo riser, p u r e cnirn instilutus videtur
cum maledicto,
l.
48.
S°-d- P!t- do
D e ce principe concluons donc que toute fois qu'une
hsr. inslit.
cause, une démonstration, soit majeure explication ou
expression même défendue, se trouvent dans une dis
position testamentaire , et que, eam detrahendo, c’està-dire, en la supprimant, il résulte de la personne et
de la chose léguée ces expressions, déclarations, démonstratrations et explications , quoiqu’erronnées et
même prohibées, pro non scriptis hahentur, et 11c vi
cient ni le legs ni l’institution.
Rons devons encore à ces maximes joindre celle que
�\$7
( 7 )
nous avons sur l'interprétation des contrats, et à plus
forte raison sur l’interprétation des dernières volontés,
qui selon les lois benigniore interpretationc sunt donando,
12àe «s- idr5$-
c’est-à-dire q u e , utile per inutile non vitiatur, que les
expressions doivent toüjours être entendues dans le sens
qu e, vitio eurent, d’où ne suit aucune absurde, et ut
actus potius valent quam pereat.
Posés ces principes incontestables, venons à l’espèce.
Nous avons déjà dit qu’il ne s’agit, ni de question de
forme, ni de l’incapacité du testateur, ni de la nature de
la disposition ou de la cliose léguée , mais seulement
d’expliquer les causes, modes, ou, si l’on veu t, condi
tions apposées à la disposition.
O r , d’après les principes ci-dessus, à supposer même
ces causes, modes ou conditions contraires aux lois, on'
doit les avoir pour non-écriles, mais elles ne vicient
point le legs : donc, à supposer que le mode avec lequel
la testatrice a voulu que se partageât le legs, fût même
une condition ou mode contraire aux lo is, cela ne peut
le rendre nul.
Ce principe certain suffit déjà pour détruire tous les
considérans du tribunal, tirés de ’ce que la testatrice
a voulu rappeler une Coutume, c’est-à-dire, celle d’A u
vergn e, et que sa'disposition se réglât sur cette cou
tume
rappel, qui selon le tribunal seroil p ro h ib é,
et contiendrait un m ode, ou si l’on veut encore , une
L, ,7dcicg.
�(
8 .)
condition ou démonstration contraire aux lois. En sup
primant après les paroles, suivant les règles de la re
présentation à V injini, celles qui suivent, c’est-à-dire,
telle q u elle avoit lieu dans la ci-devant Coutume d’A u
vergne , il est certain qu’il conste de la volonté du tes
tateur et de la chose léguée ; ces expressions donc, si on
les croit contraires à la lo i, ne peuven t, en les suppri
mant , vicier le legs.
L e tribunal veut argumenter de l’article 1390 du Code
Napoléon ; mais , à supposer en core, ce qui n’est pas ,
que l’acte fût n u l , si dans un contrat de mariage on
se fût rapporté à une coutume de la même manière
que la testatrice s’e st, dans l’espèce , rapportée à la Cou
tume d’A u v e rg n e , il nous suffira pour ré p o n d re au
trib u n al c iv il, d ire que l’on ne peut des contrats ar
gumenter aux dispositions de dernière volonté, puis
que
dans celles-ci les modes et conditions contraires
aux lois ne les vicient p oin t, et qu’elles vicient les
actes entre-vifs.
« Ce n'est pas que je prétende, ( dit Furgole en son
» Traité des Testam ens, tom. 2 , chap. 7 } nombre 9 ,
» p. G ), qu’un testateur qui blesse la loi en quelques
» parties perde entièrement le droit de disposer, et
» que tout ce qu’il a fait soit nul; il ne doit ctre privé
» de son pouvoir que dans celte partie par rap p o rt k
laquelle
�'( 9 )
» laquelle il a contrevenu''à la loi ; car tout le reste
» qui y est conforme où qu’elle ne réprouve pas,.doit
» demeurer dans sa force.
. j' '
Non confundamus, quœso, contractus, stipulationes,
et alia quæ inter vivo s geruntur, cum iis quæ testamentis ac aliis ultimis voluhtatïbus expediuntur, ne
inde absurda, et legibus contraria, multa sequantur, ne
juris ordo evertatur, ne forma ejus et solemnia tollantur: ne falsitatibus et dolis aditus aperiatur. Prœclarè
Ulpianus : verba contraxerunt, gesserunt, non pertinent
ad ju s testandi. Verba ff. de verb. sig. — F a ch in ., t. i,
liy. 6 , cliap. 71.
•
M ais le fait est q u ’on ne p eu t même dire dans l’es
pèce que la testatrice ait apposé, ni eût l’intention
d’apposer à ce legs une explication, une relation, une
démonstration, un mode contraire aux lois.
En effet, il est certain qu’elle commence par ne vou
loir disposer , quautant q u il dépend d'elle ; elle est
donc semblable à ces testateurs, qui disent qu’ils lais
sent ce que la loi leur permet de laisser. O r, dans l’un
et l’autre cas, il est clair qu'on ne veut agir ni en haine
ni en fraude des lois.
Cette volonté si clairement manifestée dans le com
mencement de cette disposition , continue , lorsqu’elle
dit : >1 tout ce dont il m ’est permis de disposer sunont
B
�( IO )
là loi (la 4 germinal an 8. C ’est donc les nouvelles
l o i s e t non les abrogées , qui font la base de sa dis
position.
Elle veut favoriser ceux qui descendent des trois estocs
par elle désignés. O r , n’ayant ni aseendans ni descendans, rien ne l’empêchoit de le faire, et lorsque même
la loi du 4 germinal nn 8 ne lui permettoit pas de disr
poser de la totalité de ses biens, elle n ’a disposé que
de ce dont elle pouvoit disposer, et elle n’a parlé de
la totalité de son hérédité , qu’après que le Code Na
poléon lui en donnoit le p o u vo ir, selon les lois des
douze tables, uti pater fam ilias legassit, ita ju s esto.
Toute sa marche est donc conforme aux nouvelles lois.
En léguant les biens y désignés aux descendans des
trois estocs nom m és p a r e lle , elle n ’u fait cette dispo
sition qu’au profit tic ceux qui étoient déjà nés à son
décès, et la loi n’exige point que les légataires soient
d. ieg. s s , de hed. désignés par leurs noms, mais il suffit qu’ils existent, et
que indubitabili sigiio demonstrentur.
Elle les appelle suivant les règles de la représenta
tion i l’infini. O r , les règles de la représentation A l ’iniini
sont connues , et cette volonté peut avoir sou effet,
sans blesser ni les lois ni Tordre p u b lic, puisqu’il lui
lütoit permis d’appeler qui -elle vouloit à ce legs. ,
Sa dwj>ositioü se voitv, se conuo^l * t>’ivq>Uqnçv et ¡pw#
�H\
( 11 )
avoir son effet'par les seules expressions' de la repré
sentation à l’infini ; les autres donc qui su iven t, telle
q u elle a voit lieu dans la ci-devant Coutume d’Auvergne,
ne peuvent en rien influer sur son effet, puisqu’on disant
suivant les règles de la représentation à l’in fin i, eût*
a dit tout ce qui est nécessaire à cet égard, et les ex
pressions suivantes, selon, etc., ne contiennent qu’un
pléonasme , soit une déclaration inutile.
Dans la série et lecture de ses dispositions, on voit
qu’elle n’a consulté que les nouvelles lois, qu’elle s’y
est toujours rapportée \ on voit en' outre qu’elle n’a
pas dit telle q u e lle a lieu , mais telle q u elle avoit lieu }
expression qui prouve q u ’elle a reconnu cette coutume
anéantie par les nouvelles lois, et qu’elle ne l’a indi
quée que majoris demonstrationis causé.
Comment donc le tribunal a-t-il pu un seul instant
soupçonner que sa disposition fût contraire à l’ordre
pu b lic, et y appliquer l’article G du Code NapoléonP
puisque la loi qui est basée sur l'ordre public a tou
jours été le guide de sa volonté et de ses dispositions,
puisque cette même loi permet aux testateurs , qui n’ont
ni ascendans ni descendans, de disposer au profit de
qui mieux leur plaît \ puisqu’enfin le mode de divi
sion ne regarde, ni la faculté de tester, ni la nature
de la disposition , ni la qualité de J» chose lé g u é e ,
B a
-<J‘
�-il
( 12 )
unique cas oïi si le testateur vouloit lieurter la l o i ,
sa disposition seroit frappée de nullité 5
Rien donc n’a paru plus étonnant au soussigné, que
la singulière opinion du tribunal à cet égard ; opinion
qui, contraire à tout principe de droit, a donné lieu
à un jugement qui ne peut qu’être et qui doit être
émendé.
Le
tribunal pose même en matière de contrat dotal
une maxime erronnée, et contraire à l’article 1390;
car, outre ce que j’ai dit ci-dessus, qu’on ne peut dans
semblables cas de mode, ou condition contraire aux lois,
rien inférer pour celles apposées dans les dernières vo
lontés , il est encore à remarquer qu’il est erronné de
dire que si des époux stipuloient expressément telle
ou telle ch o s e , en ajoutant ensuite tel que cela e'toit
porté par la coutume, leur stipulation fût nulle , parce
qu’il est évident qu’ils n’ont pas stipulé d’une manière
générale selon la coutume , ainsi que dit l’article sus
cité, ce qui arrivcroit s’ils disoient généralement et sim
plement, et sans autre spécification, nous stipulons selon
la Coutume de Turin, P a r is , etc. Mais s’ils avoient
stipulé une somme déterm inée, ou fait une convention
expresse, par exem ple, à T urin, que l’nugmcnt de la
dot seroit un tiers, que le mari gagneroit la moitié
de la d o t , si l’épouse vient à mourir sans enfans, on
�( 13 )
ne petit soutenir que cette stipulation soit nulle : dans
le cas de cette stipulation expresse, de telle ou telle
ch ose, l’addition qu’ils auroient faite, ainsi q u ile s t porté
par la coutume, ne nuiroit pas à la stipulation, puis
que l’article ne- défend pas de nom m er, dcmonstrationis c a u s é , les coutumes ; mais il défend seulement de
stipuler, d'une manière générale\ que leur association seroit réglée par les coutumes, stipulation bien différente
de celle qui est faite expressément de telle chose, quoi
qu’ensuite la coutume soit énoncée dans l’acte ; car ce
n’est point alors la coutume qui règle la stipulation,
mais les objets qui y sont expressément déterminés.
En un m o t , lorsque les époux se rapportent en
général, et sans autre, à une coutum e, comme cette
coutume est abrogée, elle ne peut plus rien opérer,
devant la considérer comme si elle n’a v o if jamais existé.
Il
ne résulte point de ce que les contractans ont voulu
faire, attendu qu’on ne peut alléguer la coutume pour le
démontrer.
Mais s’ils stipulent expressément telle ou telle chose ,
en ajoutant même , ainsi q u i l étoit porté par la cou
tume , alors la preuve de leur volonté et de la chose
stipulée existe indépendamment de la mention faite de
la coutume.
C est donc contre tout principe de d r o i t , et contre
la disposition m êm e de l ’article i 3 qo du G o d e , q u ’il
�( i4 )
a plu au tribunal de lui donner cette étrange interpré
tation.
Il ne reste plus qu’à répondre à l’autre interprétation
encore plus étrange de la loi du 3 o ventôse an 12 ,
qui a abrogé toutes les coutumes; car ici il n’est point
question de donner force à une coutume abrogée; mais
il s’agit simplement de la mention d’une coutume, faite
en addition, ou, pour mieux expliquer la volonté du
testateur, déjà assez expliquée et assez claire par les
expressions antécédentes de la division de son hérédité,
selon les règles de la représentation à l’infini, qui s’enten
dent très-bien, sans la mention ou énonciation de la Cou
tume d’Auvergne.
D ’ailleurs comment supposer que la testatrice ait voulu
au m épris des lois faire revivre une coutume qui ne lui
permettoit pas de tester ainsi qu’elle l’a fait, et qui vouloit
une succession ab intestat, tandis qu’elle en ordonnoit
une testamentaire.
D ’après tous ces motifs, je suis d’avis, et même plus
qu’intimément persuadé, que le jugement du tribunal
doit être réparé, et qu’en son émendation il sera déclaré
que le legs dont il s’agit doit avoir son entière exécution,
Turin , 3 o novembre 1808.
Signe
C
laude
B E R T H IK B ., jurisconsulte,
ancien sénateur et avocat général.
�( 15 )
Je soussigné, procureur général impérial près la cour
d’appel séante à Turin , certifie la sincérité des qualités
prises par M . G. B erth ier, rédacteur de l’écrit ci-dessus.
T u rin , 9 décembre 1808.
Signé T I X I E R .
V u , les soussignés sont du même avis.
Signé C harles B A L , avocat.
V ictor B R U N , professeur en droit, ins
pecteur de l ’académie de législation.
C A Y E T A N - A M B E L , jurisconsulte.
Louis F E R R E R O , jurisconsulte.
B E R T O L O T T E , avocat ju ris
consulte.
H enri
J oseph R O L L A N , avocat, censeur de
l'académie de jurisprudence.
G I A C O M E T T E , jurisconsulte.
A C L E R M O N T , de l'imprimerie de L a n d r i o t ,Imprimeur de la Préfecture f
et Libraire , rue Saint-Genès, maison ci-devant Potière.
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
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/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Chazerat. 1808]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Berthier
Bal
Brun
Cayetan-Ambel
Ferrero
Bertolotte
Rollan
Giacomette
Subject
The topic of the resource
successions
testaments
legs universels
ordre de successions
coutume d'Auvergne
code napoléonien
conflit de lois
paterna paternis
materna maternis
doctrine
représentation à l'infini
Description
An account of the resource
Titre complet : Consultation.
Table Godemel : Testament : 9. un testateur a-t-il suffisamment exprimé son choix en désignant ses légataires, collectivement, par l’indication certaine de leur origine ? - l’article 1390 du code civil s’applique-t-il aux testaments ? doit-on considérer comme valables des dispositions qui seraient faites sans la désignation particulière de chaque légataire, et par une expression collective en faveur de ceux qui auraient été appelés à succéder suivant les règles de la représentation à l’infini établie par uns coutume abrogée ? ces dispositions sont-elles valables, surtout lorsque l’on ne s’en est pas référé d’une manière générale à la coutume abrogée, et lorsque les termes du testament suffisent, soit pour reconnaître les légataires, soit pour déterminer le mode du partage et l’amendement de chacun ? peut-on, sur des présomptions, étendre un legs au-delà des expressions de la clause qui le constitue ? 19 – 19.
10. un testament est-il valable s’il a été fait conformément aux lois existantes lors de sa confection ? Sous l’ordonnance de 1735, était-il nécessaire, pour la validité du testament, qu’il fut fait mention qu’il avait été écrit par le notaire ? un testament peut-il être rédigé à la troisième personne ? est-il nécessaire que le testament contienne mention de la signature du notaire, si d’ailleurs il l’a signé ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'Imprimerie de Landriot (Clermont)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1808
1806-1808
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
15 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G1907
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0512
BCU_Factums_M0513
BCU_Factums_M0514
BCU_Factums_M0516
BCU_Factums_M0517
BCU_Factums_M0518
BCU_Factums_M0520
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The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Riom (63300)
Clermont-Ferrand (63113)
Joze (63180)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Code napoléonien
conflit de lois
coutume d'Auvergne
doctrine
legs universels
materna maternis
ordre de successions
paterna paternis
représentation à l'infini
Successions
testaments
-
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2c0715838d409fcbb2d0b96773720143
PDF Text
Text
R É P O N S E
POUR
L A
D A M E
D’ O R CET
Au M é m o i r e des Sieurs D E L S O L .
I■i;
:<
A
u
A U R I L L A C ,
D e l’imprimerie de V i a l l a n e s ,
1808
Père et Fils..
li.
�3o/
RÉPONSE
POUR
Dame J e a n n e - M a r i e D E L S O L ,
M. G a b r i e l - B a r t h é l e m y
d e
veuve de
VIGIER-
D O R C E T , Demanderesse;
CONTRE
Sieur J e a n - F r a n ç o i s
DELSOL
G a b r ie l-B a r t h é le m y
aîné et
DELSOL-
V O L P I L H A C , Défendeurs;
E n présence du S.r D E S P R A T S , aussi Défendeur,
L
’H o m m e ne s’est mis en société, il ne s’agite tant
sur
la t e r r e , que pour avoir des propriétés et en jouir. Enfant,
esclave m ê m e , il veut avoir un pécule. Il tient sur-tout à
la faculté de disposer ; c’est par elle q u e , durant sa vie ,
il s’attache tout ce qui l’entoure ; c ’est à elle qu’au déclin
de ses jo u r s , il doit l’espoir de revivre dans ses dernières
volontés et dans le souvenir de ceux dont il fut le bienfaiteur.
C e droit si p r é c i e u x , la dame D o rc e t le réclame auA
�TjûS.
( O
.
jourd’hui » en repoussant Xinterdiction que les sieurs D elsol
font résulter d’une clause de retour insérée dans son contrat
.
de mariage. ( i )
U ne demande aussi juste a sa source dans le désir que
nous avons tous, d’ordonner de nos biens à notre gré ;
E lle
a sa sou rce,
dans l’obligation impérieuse pour la
dame D o r c e t , de payer toutes les dettes de son m a ri, et
celles q u elle a contracté pour faire honneur à sa m ém oire;
E lle a sa source dans l’h ab itu d e, devenue un besoin pour
e l l e , de répandre autour de ses h abitation s, les secours
que l’aisance doit au m a lh e u r:
E t n o n , comme on le d it, page 2. du m ém o ire, dans
F éloignement où ton a toujours tenu la dune D o rcet , de sa
fam ille , et dans l'impatience où sont les personnes qui l'en
tourent de s'assurer par des voies indirectes , avant son décès,
un patrimoine que les lois du sang , l'ordre établi par les lots
et le vœu de la nature lui prescrivaient de conserver intact
à ses proches.
N on ! la dame D orcet ne s’est pas tenue éloignée de sa
fa m ille ;
et les sieurs D e ls o l , qu’ont-ils donc fait pour se
rapprocher d’elle ?
Élevés loin de leur soeur, ont-ils jamais appris à la con( 1 ) C ’ est, dit-on , page 2. du mémoire , une demande prématurée ,
'dont les annales de la jurisprudence n offrent pas £ exemple. . . . Si l’on
lit D en isart, au mot substitution, n.° 1 1 9 , i z o e t 1 1 8 , on y trouvera
trois arrêts des 3 août 1 7 3 5 ,
4. septembre 1 7 5 5 et 1 3 avril
qui ont prononcé sur des substitutions non ouvertes.
1767,
Veut-on donc ,
q u e , dé};\ paralisée dans son droit de pro priété, par le refus du sieur
Desprats, par les inscriptions hypothéquaires et les prétentions liautem nt
proclamées des sieurs D elsol, la dame Dorcet attende, pour s’en plaindre,
que la saisie de ses revenus la réduise ¿\ solliciter leur pitié !
�3o 3
3
(
;) .
naître et à l ’a im e r? A leur m ajorité, ils n’ont vu que sa
fortune et lui ont demandé compte de leur part :
aujour
d’hui ! . . . . ils veulent la sienne.
N on ! rien ne les autorise à suspecter ses intentions, à l’ac
cuser de voies indirectes. Ils savent bien qu’avec une ame
b o n n e , fra n c h e , généreuse, elle a une force de caractère
qui ne la laisse à la discrétion de personne.
N o n ! rien ne l’oblige à conserver son patrimoine intact.
Q u e lui servirait donc d’être riche et
lib re? C e que
la
nature aurait pu lui commander pour des enfans, la nature
se borne à le lui conseiller pour des collatéraux *, et la loi
lui
permet de gratifier ceux qui auront le mieux mérité
d’e l l e , proches ou étrangers. ( 2 )
Mais la réserve que le C o d e N apoléon ne fait pas en
collatérale, les sieurs D elsol veulent la suppléer en exhu
mant du contrat
de
1 7 6 0 , une clause qu’ils appelent de
réversion ; clause qui eût empêché l’acte qui la co n tie n t, si
elle eût eu
le sens
qu’ ils lui attribuent ;
clause éteinte
par le prédécès de leur père qui ne la stipula que pour
lui } clause dont l’effet se serait confondu dans l’ins
titution u n iverselle,
faite à
leur
sœur ;
clause
enfin à
laquelle ils ne croyent pas eux-m êm es, puisque, tout ré-
(2 ) Combien plus commode était la loi de l’an 2 q u i , créant des héritiers
nécessaires, dans toutes les lignes , à l’in fin i, les dispensait de tous
procédés, de toutes convenances , et ne leur laissait d’autre soin que
celui de consulter les tables
agréable d’ctre habile
de probabilité ! c’est alors
q u ’il était
succéder ! tout était profit ; si les collatéraux
étaient ric h e s , on a v a i t , malgré e u x , les cinq sixièmes de leurs b iens;
s’ils étaient pauvres , on n’était pas obligé de leur fournir des alimens.
Législation absurde, q u i , pour
serrer les liens de la parenté, avait
rompu tous les liens de la famille.
�( 4 >
.
cfcmment, l’un -deux a acquis et payé partie de ces mêmes
biens qu ils soutiennent inaliénables .
Système insidieux qui, soutenu par des inscriptions ima
ginaires, par des chicanes adroitement prolongées, par des
insinuations répandues et accréditées avec art , n’a d’autre
but réel que d’intimider ceux qui seraient tentés d’acheter
des biens de la darne D o r c e t , de la tenir dans des alarmes
perpétuelles, d’arrêter ses dispositions, par
la crainte de
ne léguer que des p r o c è s , et de s’assurer ainsi , par une
interdiction de fa it , une hérédité que la loi ne leur réserve
p a s , qui ne leur est point dévolue par la convention et
qu’ils dédaignent d’obtenir par des.voies plus libérales.
C ’est par une suite de ce système q u e , dans leur m é
moire ( 3 ) , les sieurs D elsol ont oublié les principales cir
constances de l ’afFaire. L a dame D orcet n’agira pas ainsi j
elle dira to u t, répondra à tout: et le public , pour lequel
un sens droit et l’équité sont toujours des guides su rs,
pourra facilement reconnaître, s’il est juste et raisonnable,
que la dame D o r c e t , héritière universelle de tous les biens
de sa fa m ille , soit réduite à un usufruit p ré ca ire , et n’ait
rien en propriété : oui rien , pas même une légitime pater
n e lle , pas même son patrimoine maternel.
F A I T S .
E n l’année
baillage
1 7 4 0 , le sieur Basile D e ls o l, procureur au
d ’A u r il l a c , épousa la demoiselle
T h o m a s , fille *
uniqu e, très-riche.
Il résulte
de
leur contrat
R û u ssy , n o ta ire ,
le
de mariage ,
passé
devant
20 n o v e m b re ,
- ( 3 ) Q u e l 1on dit néanmoins , pnge 2 , destiné à faire percer la vérité
jusque* au public qui a souvent des opinions qui l'entraînent, des préju gés qui le subjuguent.
�3o/
f 5 } .
i . ° Q u e le sieur D elsol se constitua une somme de 300 1.
qui fut reçue par la dame L a g a rd e , sa belle-mère. ( 4 ) j
Q u e celle-ci fit donation à sa fille de tous ses biens
m e u b le s , im m eubles, n o m s , droits et actions présents et
à venir > tant de son c h e f que de celui du sieur T hom as
son m a r i , et encor de celui d’autre Jean T hom as son beaupère, sous réserve de l’usufruit pour en v iv re avec le fu
tur époux ; e t , en cas d’incompatibilité, la D am e Lagarde
se réserva la moitié de la maison par elle acquise du sieur
Faucher ( 5 ) , l’ameublement nécessaire, le profit de son
com m erce et 1 0 0 0 liv. pour disposer, tout quoi reviendrait
à sa fille lors de son décès -,
- 3 . 0 Q u e les dames T h o m a s , mère et fille , donnèrent
pouvoir audit sieur D elsol d’exiger paiement des sommes
qui leur étaient d u e s d e vendre leurs biens meubles et im
meubles , aux conditions qu’il a v is e ra it, sans être garant de
l ’insolvabilité des débiteurs ni d’aucune réduction desdites
Créances > comme aussi de faire à leurs immeubles les répa
rations qu’il croirait utiles , lesquelles lui seraient reconnues
'sur la simple quittance des o u vriers}
4 . 0 Q u ’attendu que les dames T h o m as faisaient un c o m
merce particulier, elles pourraient le continuer en sociétéj
le sieur D elsol autorisant, à cet effet, sa future épouse ;
5.0 Q u e Françoise P ru n e t, veuve de Pierre Lagarde mar
chand , intervint pour donner à la demoiselle Thom as tous
ses biens présens et à venir.
( 4 ) Les sieurs D elsol disent néanmoins q u ’à cette époque le sieur
Delsol avait touché, pour ses droits héréditaires, une somme consi
dérable ; mais ils ne font que le dire , ils ne le prouvent pas,
( 5 ) Cette maison fut vendue par le sieur Delsol,
r
�(é)
' Cet acte qui rendait le sieur Delsol fnaître absolu des
biens des dames T h o m a s , dévoile l’origine de ceux qu’il
acquit depuis.
L a dame Lagarde , n’ayant d ’autre enfant que la dame
D elsol , regarda comme siennes les affaires de son gendre ;
elle lui communiqua
toutes ses
ressources, le cautionna
dans ses baux-à-ferme et ses différentes spéculations. D e tels
m o y e n s , dans les mains d’un homme aussi industrieux que
le sieur D e ls o l,
devaient nécessairement avoir de grands
résultats.
E n même temps la dame Lagarde continua son commerce,
de société a v e c sa f i l l e , et si héureusement qu’il serait at
testé, par tous ceux qui l ’ont c o n n u e ,
qu’à sa mort elle
avait une très-grande fortune. ( 6 )
L a dame Dorcet est le seul fruit de ce premier mariage
du sieur D elsol. A la mort de la dame T h o m as sa mère,
la dame L a g a r d e , son ayeule , v o y a n t que le sieur D elsol,
déjà v ie u x , était décidé à ne pas se rem arier, ne prit aucune
précaution pour faire constater les biens que laissait sa fille,
ni pour em p êch e r, à son d é c è s, la confusion des siens avec
ceux du sieur D elsol.
F ille unique et appelée à recueillir de grands b ie n s , la
demoiselle Delsol fut
recherchée par les meilleurs partis.
M . de V ig ie r - D o r c e t , ancien officier de c a v a le r ie , et re
ceveur particulier des finances des élections de St.-Flour et
de M au riac, héritier d ’une maison opulente, ancienne et
bien alliée, obtint l’agrément du sieur D elsol.
(6)
Les sieurs Delsol n’ont point parlé , dans leur m é m o ire, du
premier contrat de mariage de leur père, ni des biens des dames T h o m a s:
on aura occasion de remarquer d’autres oublis encore plus essentiels»
�3o/'
(
Les deux
7
)
familles s’étant communiqué
leurs intentions
respectives , le contrat de mariage fut passé le % juin 17 6 0 .
E n voici les principales clauses :
« L e sieur D e l s o l ..............donne par donation entre vifs
« pure et sim ple, à la demoiselle D elsol sa fille ci-présente
» et acceptante, et autorisée en tant que de besoin par ledit
»> sieur de V ig ie r son futur é p o u x , par avancement d’hoirie,
» le dom ain e, terre et seigneurie du C l a u x , parroisse de
'» Naucelles ; en quoi que ladite terre et domaine du C la u x
» puissent être et consister, aux mêmes clauses, charges et
» conditions que le
délaissement lui
sera fait et adjugé,
» conformément à la demande qu’il en a formé aux requêtes
» du palais . . . . et , au cas ladite demande en délaisse» ment desdits biens ne lui serait pas a d ju g é e , ledit sieur
» D e ls o l, pour dédommager sa fille dudit domaine et terre
» du Claux , lui donne et délaisse toutes les créances qui lui
» sont dues sur lesdits b ie n s , en capital et accessoires. . . ( 7 )
» Ledit sieur D elsol a aussi do n n é, par même donation
» entre vifs, à ladite demoiselle D elsol sa fille, ce acceptante,
»> autorisée comme dessus, la somme de 1 0 ,0 0 0 liv. qu’il a
» présentement délivrée et comptée . . . .
>♦ E t , à l’égard du surplus de ses autres biens qui se trou» veront rester audit sieur D elsol , lors de son d éc ès, icelui
»
»
»
»
a promis de n’instituer d’autre héritière que ladite demoiselle Delsol sa fille , sous la réserve de l’usufruit de tous
les biens institués, et de pouvoir vendre et engager lesdits
biens, ainsi qu’il trouvera à propos, tant en la vie qu a la mort,
(7)
Ces créances montaient à environ 60,000 liv . ; au to tal, les dona
tions du sieur Delsol n’étaient q u ’un à compte sur les biens de sa bellemère et 'de sa f e m m e , qu’il avait confondus avec les siens.
**'c
�. ( 8 )
» et encore de pouvoir disposer d’une somme de 10 ,0 0 0 liv .,’
» et n’en disposant p a s , la réserve tournera au profit de
» sadite fille; et enfin, à la charge de payer à la demoiselle
» Lagarde sa b elle -m è re , au cas elle survive audit si.eur
» D e ls o l, une pension annuelle et viagère de 600 liv.
» £ / , au cas ladite demoiselle future épouse viendrait à dé-
» céder sans enfans ou ses enfans sans descendans ou sans
» disposer valablement , ledit sieur D elsol se réserve expressemènt
» le droit de réversion et retour , tant des biens donnés que
» réservés , sans q u il puisse être dérogé, par sadite fille future
» épouse, audit droit de réversion , par aucune disposition
» ni autres actes à ce contraires ».
V o ic i maintenant les clauses relatives au sieur de VigierD o rcet : « Et ledit sieur de Vigier o n cle , pour et au nom de
» ladite dame de M o ssie r, usant du pouvoir donné à ladite
» dame p a r ledit feu de V ig ier son m a r i, dans son c ontr at
» de mariage du 1 1 février 1 7 2 7 , nomme ledit sieur de
» V igier aîné futur époux , pour recueillir l’effet de la
» donation de la moitié de tous ses biens, conjointement par
» eux faite au profit de celui de leurs enfans à naître
qui
» serait choisi par eux ou par l’un d’e u x .............
» Et en vertu du pouvoir spécial porté en ladite procuration,
» il a donné et donne , à titre de donation entre vifs , audit
» sieur de V igier futur é p o u x ,
tout le surplus des biens
» meubles et im m eubles, présens et à venir de ladite d a m e ..
» S e réserve de plus ladite d a m e , la liberté de disposer
» par acte entre vifs ou à cause de m o r t , d’une somme
»> de 1 0 ,0 0 0 liv. à prendre sur les biens par elle donnés. . . .
>► Se réserve pareillement ladite dame de V i g i e r , et pour
» elle , ledit sieur procureur constitué, le retour et reversion
» a elle et aux siens t des biens par elle donnés audit sieur
futur
�» futur époux , dans le cas où il viendrait à décéder sans
» enfans ou ses enfans sans d escendans, ou sans avoir va» lablement
disposé ».
( 8)
L e sieur de V ig ier-d ’O rcet mourut en 17 8 5 , après avoir
fait un testament par lequel il instituait la dame d’Orcet
son héritière universelle. Sa famille prétendit qu’il n’avait
pu disposer au préjudice du droit de re to u r, et que les mots
sans avoir valablement dispose , ne se referaient qu a ses
enfans et descendans; m a is , par arrêt du 18 novem bre,
1 7 8 5 , le testament fut maintenu. L e sieur d’Orcet laissait
des dettes immenses. L a dame d'Orcet qui ne s’était rendue
héritière bénéficiaire que pour honorer sa m ém o ire, en a
p a y é pour 90 0,0 00 l i v . , et il en reste encore pour une
somme considérable.
C e ne fut que plus de
11
ans après le mariage de sa
fille q u e , le 20 octobre 1 7 7 1 , le sieur Delsol en contracta
un second avec la
demoiselle Dubois. ( 9 )
T ro is enfans
en provinrent. Suivant le cours trop ordinaire des choses,
le sieur D elsol tourna toutes ses affections vers les fruits de ce
dernier h ym en. L a dame d’Orcet, sa fille, vivait à Mauriac ; il
était in firm e;
on parvint facilement à lui persuader qu’il
n ’était pas lié par le contrat du 2 juin 17 6 0 .
(8 )
C ’est envain que l’on chercherait cette clause dans le mémoire
des sieurs Delsol. Ils n’ont pas dit un seul mot qui put seulement en
faire soupçonner l’existence.
( 9) C ’est encore envain que l’on chercherait dans le mémoire du
sieur D e ls o l, la date de ce second contrat. D es deux mariages du sieur
D e ls o l, disent-ils, page 3 , étaient issus plusieurs enfans. Et comme ils
y pai lent de suite de celui de la dame d’O rce t, ceux qui ne connaîtraient
pas leur fam ille , seraient tentés de croire qu’ils assistèrent au mariage
(de leur sœur.
B
�.
C 1 0 •)
C ’est dans cette idée q u e , par celui du 20 octobre 1 7 7 1 ,
il avait donné la moitié de ses biens à l’un des enfans
naître de son second mariage.
C ’est aussi dans cette idée qu’il fit, le 1 1 juillet
à
17 8 0 ,
un testament par lequel , après avo ir légué 100 0 liv. à la
dame d’Orcet, et 6,0000 1. à chacun de ses trois autres enfans,
il institua pour son héritier universel, son fils aîné du second
li t , et à son défaut , ses autres enfans, par ordre de primo
geniture; voulant expressément q u e, dans le cas où la dame
d’Orcet viendrait à mourir sans e n fa n s, ou ses enfans sans
descendans, son héritier profitât du droit de retour par lui
stipulé dans le contrat de mariage de sa fille. ( 1 0 )
C es deux actes ne sont que des monumens de l’infirmité
du sieur D e l s o l , et de l’influence qu’on exerçait sur lui ;
car on lui faisait faire des dispositions gratuites, on lui fai
sait dire que le droit de retour passerait à son héritier
institué, tandis que depuis 1 7 6 0 existait l'institution contrac
tuelle qui conférait à la dame d’O rcet tous les biens, droits
et actions qu’il laisserait à son décès.
Q uoi qu’il en so it, à cette dernière époque il fut fait in
v e n ta ire , e t , en exécution de deux sentences du baillage
d ’A u rillac, des 19 août
1 7 8 1 et 1 2
décembre 17 8 3 , un
partage , par lequel il fut délaissé aux enfans du second l i t ,
trois douzièmes des biens héréditaires pour leur légitime de
droit. Les neuf autres douzièmes restèrent à la dame d’O rcet
en vertu de l’institution contractuelle.
Devenus m a je u rs, les sieurs D e ls o l, tant en leur nom que
comme cohéritiers de Sophie leur sœur , morte al> intestat ,
(10)
Il sera inutile de s’occuper de ce testament, qui a été déclaré
nul par sentence du 1 9 août
178 2,
�( 11 )
ont passé, avec la dame d 'O r c e t , les
ïo
ventôse et 23 germi
nal an 9 , deux actes séparés, dont voici
les principales
clauses ( 1 1 ) :
i . ° Les sieurs D elsol approuvent le partage des immeubles
de leur
p ère, fait par Lasmoles et D eveze , experts , en
vertu des sentences sus*énoncées }
2 .0 Ils cèdent a la dame d’O rcet le huitième revenant à
- chacun d’eux ( 1 2 ) dans l’argent c o m p ta n t, le prix du
m o b ilie r, les créances perçues, et leur part dans la somme
de 10,00 0 liv. portée par le contrat de mariage du z juin i j 6 o ,
en quoi que le tout puisse être et consister, sans autres réserves
que celles ci-après ;
3 . 0 L a dame d’O rcet leur cède une somme de 30,000 liv.
due à la succession par la dame Di:bois leur mère ; elle
consent qu’ils répètent contr’elle une somme de 14 ,2 5 5 liv.
• qu’elle lui a payé pour pensions j elle leur délaisse en pro
priété le domaine de Coussergues ( 1 3 ) ;
4 .0 E lle cède à l’aîné le quart des créances à recouvrer ,
et au cadet la liquidation de la charge de receveur
consignations ;
.
-
-
rg-
■
des
-------
( 1 1 ) Les sieurs Delsol n’ont point p a r lé , dans leur m ém o ire, des
sentences de 1 7 8 2 et 1 7 83 , ni du partage fait
des traités de l’an 9 , par lesquels ils
en conséquence , ni
ont reconnu leur
soeur pour
héritière universelle, sans aucune réserve : traités qui sont le résultat
de plusieurs mois de conférences entre trois Jurisconsultes que les parties
avaient pris pour arbitres.
(12)
Par le double lien , ils avaient succédé à Sophie leur sœur
germaine , à l ’exclusion de la dame d’Orcct. D c j - lo r s , les 3 douzièmes
se partageant entr’eux , cela faisait un huitième pour chacun.
( 1 3 ) Ce domaine provient de la succession de la dame Thomas.
�( 11 ) .
j . ° Les sieurs D elsol tiennent quitte ia dame d ’O r c e t , de
toutes restitutions de jouissances et intérêts ;
6.° La dame d’Orcet demeure chargée des dettes de la
succession.
A u moyen de ce , les parties se tiennent respectivement quittes
du passé jusques h u i , et promettent ne plus se rien demander
tune à l'autre
sans dépens de part ni d'autre
Parmi les biens restés à la dame d’O rc e t , était une partie
de la montagne appelée du Broussete; elle l’a vendue au sieur
D elsol aîné, par acte du 28 fructidor an 10 , m oyennant
12,0 0 0 liv. Il a p ayé 8,000 , et la dame d’ Orcet l’a tenu
quitte des 4,000 liv. restant, au m oyen de ce qu’il a re
noncé au quart des créances à recouvrer. L e sieur D elsol
n’a vu aucun danger dans cette acquisition.
Mais bientôt ç’a été tout autre chose. La dame d’O rcet
venait de vendre au sieun Desprats le pré de C a n c o u r ,
lequel fait partie des biens institués. Les sieurs Delsol ont
vu avec peine cette aliénation qui diminuait une succession
sur la q u e lle , en leur qualité de frères et héritiers présomptifs
de la dame d ’O r c e t , ils croyaient pouvoir fonder quelque
espérance.
Peu après a paru l’arrêt de la C o u r de cassation du 1 1
fiimaire an 1 4 , qui a validé un droit de retour c on ven
tionnel et coû tu mie r } auquel on voulait
suppressive des substitutions. Alors
appliquer la
loi
les sieurs Delsol ont
conçu l’idée de faire revivre la clause du contrat de 1 7 6 0 ;
et ils ont publiquement annoncé les droits qu’ils disaient
avoir sur les biens de leur sœur. ( 1 4 )
( 1 4 ) Aussitôt les créanciers de la dame d’Orcct ont pris l’é v e i l; ses
biens ont été couverts d’inscriptions, et elle a eu la douleur de v o ir
�3/s
( «} )
Instruit de cette clause et des prétentions des sieurs D elsol,
le sieur Desprats a craint qu’ils ne vinssent un jour l’évincer
de son acquisition, et il a refusé d ’en payer le prix. £ur
le commandement qui lui a été fait le n
juillet 1 8 0 6 , il a
répondu que le droit de retour étant une stipulation con
ditionnelle qui passe aux héritiers , il avait juste sujet d ’ap
préhender d’être troublé dans la propriété du pré de C a n co u r,
et de demander par conséquent à résoudre la vente , ou à
retenir le prix , ou à p ayer
sous caution.
Q ue pouvait faire la dame d’O rcet dans cette occurrence?
F ra p p ée, par le f a i t , d’une incapacité absolue de disposer
de ses biens, elle n’a pas eu à choisir parmi les m oyens
de la faire cesser ; il ne s’en présentait qu’un et elle l’a
saisi ; elle a demandé contre le sieur Desprats la conti
nuation de ses poursuites, et contre les sieurs D e ls o l, la nullité
de la clause de retour.
Ici ont commencé les chicanes des sieurs D elsol. Cités au
bureau de p a i x , l’aîné a répondu q u il ne connaissait pas le
contrat de mariage de sa saur ( 1 5 ) ; qu il ignorait si son père
y avait stipule un droit de retour ; quen le supposant a in si , il
n aurait qu une espérance, &c. . . . O n a prétendu pour le cader,
qu’il avait changé son domicile à P a r i s , e t , sous ce prétexte,
on a éludé la clôture du procès-verbal jusques au 1 1 août.
Assignés au trib u n a l, chacun d’eux a constitué son avoué ,
et, après avoir tergiversé pendant plus de huit m o is, ils ont
dans cette circonstance , que la crainte étouffait toutes les considérations
et jusqu’à la v o i x de l’amitié.
(15)
Il ne le connaissait pas ! et depuis plusieurs mois, il le poitait
dans sa poche, le lisant à tout le monde et ne parlant d’autre chose !
�( H )
dem andé, par des exceptions séparées, à être mis hors de cause,
s’agissant, disaient-ils, d’un droit non ouvert.
5 juin 18 0 7 . Jugem ent par défaut, qui leur a ordonné de
défendre au fond.
Ils ont fait signifier des défenses le 2 ju ille t, en protestant
de se pourvoir contre le jugement du 5 ju in ; c ’est-à-dire,
q u ’après avoir défendu, ils se réservaient de faire juger s’ils
devaient défendre.
C es neuf mois qui se sont écoulés entre l’assignation et le
jugement du 5 juin , les sieurs D elsol les
ont em ployés à
résoudre un problème qui les tourmentait fort. Il ne s’agissait
de rien moins que de faire, sur les biens de la dame d’O r c e t ,
des actes conservatoires de ce même droit de re to u r, qu’ils
soutenaient n’être pour eux qu’une espérance incertaine. D e là
sont venues deux inscriptions montant à ic o ,o o o l i v . , que les
sieurs D elsol ont pris sur tous les biens présens et à venir 'de
leur sœ u r, et le croirait-on? Pour sûreté de la créance résul
tante en leur fa veu r, de cette sentence du 29 août 1 7 8 2 , qui
avait ordonné le p a rta g e , et sur laquelle les parties avaient
irrévocablement traité , sans aucune réserve , par les actes de
l ’an 9 ; ces inscriptions, basées sur un titre étein t, ne pou
vaient se soutenir; mais elles avaient provisoirement l’effet
de frapper les biens de la dame d’O rcer.
L a nullité de ces inscriptions a été prononcée par jugement
contradictoire du 30 juillet 1 8 0 7 , auquel
ont
acquiescé en payant les dépens;
les sieurs D elsol
mais avant
qu’elles
fussent r a y é e s , ils les ont renouvelées par un autre de la même
somme de 1 0 0 ,0 0 0 liv. qu’ils ont prise en vertu du contrat
de 17 6 0 , sur les biens que la dame d’O rcet possède à Mauriac,
le 2 juillet d ern ier, c’est-à-dire le même jour qu’à A u rilla c ,
�( M )
en défendant au fond , ils se réservaient de faire juger qu’il
ne s’agissait que d’un droit non ouvert.
Q uoiqu’ils eussent donné leurs m oyens par é c r it , les sieurs
Delsol n’ont pas voulu les plaider à l’audience. L e 6 août ,
un second jugement par défaut a déclaré nulle la clause du
droit de retour , et ordonné la continuation des poursuites
contre le sieur Desprats.
Les sieurs D elsol ont formé opposition à ce jugement ; et
ce n’est qu’au mois de février 18 0 8 , qu’ils se sont enfin pré
sentés à l’audience o ù , sur plaidoiries respectives, il a été.
ordonné une instruction par écrit au rapport de M . le Président.
Pendant les plaidoiries, un mémoire a p a r u , dans lequel
les sieurs Delsol ont essayé d’établir quatre propositions :
i . ° Q u ’en p rin cip e, le droit de retour est transmissible
aux héritiers du donateur ;
2 . 0 Q ue ce droit n’est pas atteint par les lois abolitives des
substitutions ;
3 .0 Q u e l’institution faite en faveur de la dame d’O rcet ,
ne comprend pas l ’efFet d ’une clause stipulée contr’elle }
4 .0 Q u ’en aucun c a s , elle n ’a pas le droit de disposer des
biens soumis au droit de retour.
T e l est l’état actuel de l'affaire.
OBSERVATIONS
GÉNÉRALES.
Suivant l’ancien d ro it, le père était seul tenu de constituer
à sa fille une dot qui s’appelait profectice, et la fille mourant
pendant le mariage , la dot restait au mari. ( 1 6 )
(16 )
La mère n’ayant pas la puissance paternelle, ce qu’elle donnait
à ses enfans était adventif. Si elle les instituait par testament, ils étaient
réputés héritiers étrangers, heredes extranei. Instit. liy, 2 , tit. 1 9 ,
�( l 6 ) .
D e l à il arrivait que le père avait la douleur de perdre à
la fois et sa fille et la d o t, et l’on craignit avec raison que
Retour ¿¿gai.
cela ne refroidît la générosité des pères. C ’est ce qui fit
introduire le retour légal en vertu duquel le père reprenait
la d o t , si la fille mourait sans postérité.
Ju re succursum est p a tri , ut filiâ amissâ solatii loco cederet,
si redderetur ei dos ab ipso profecta , ne et filics amis sce etpecunia
damnum sentiret. Leg. 6. ff. de jure dotium.
Prospiciendum est enim ne hâc injecta fo rm id in e , parentum
circà liberos munificentia retardetur. Leg. z. cod. de bon. quce. iib.
L e retour légal avait lieu dans la jurisprudence française}
mais les parlemens y avaient mis différentes modifications.
D a n s la coutume de Paris les ascendans l’exerçaient à titre de
succession particulière.
Il a été maintenu 'par l ’art. 5 du décret du 23 ventôse
an i pour les donations antérieures au 5 brumaire.
L ’art. 7 4 7 du code N apoléon le rétablit comme droit
successif.
Retour
L e retour conventionnel est évidemment fondé sur les mêmes
conyentionnel, motifs que le retour légal. Le donateur est inspiré par la même
crainte qui a fait introduire c e l u i - c i ; et s’il stipule un droit
que la loi réserve tacitement pour l u i , c’est parce que la
stipulation a cet effet, que le donataire ne peut l’éluder en
disposant ; car c’est la seule différence qui existe entre le retour
légal et le retour conventionnel.
Il a été maintenu par l’art. 7 4 de la loi du 1 7 nivôse an 2.
L ’art. 95 r du code N apoléon permet au donateur de le
stipuler ; mais pour lui seulement.
extra m is. D e 1A vint une grande différence que l ’on aura occasion de
rem arq uer, entre le retour stipulé par le p è re , et le retour stipulé par
la mère.
Outre
�S i*
( *7 )
Outre ces deux m oyens de faire rentrer les biens donnes
dans le domaine du donateur, il en existait d’autres par lesquels
il pouvait obliger le donataire à les conserver et à les rendre
à d’autres personnes gratifiées en second o rd re , et alors ces
clauses étaient des substitutions.
Elles furent abolies par le décret du 1 4 novem bre 179 2 .Elles sont prohibées par Tart. 896 du code N apoléon.
C ela p o s é , la dame d’Orcet va considérer la clause dont
il s’agit, sous les deux rapports q u ’elle présente, ce qui divisera
la discussion en deux parties.
D ans la prem ière, elle prouvera que la clausç de réversion
des biens réservés est nulle et com m e non é c rite , ou que c ’est
une substitution abolie par la loi de 17 9 2 .
C et ordre paraît plus c la ir , en ce que la solution de cette
première difficulté, servant à en résoudre d’autres qui se pré
senteront dans la deuxième partie, cela épargne des répétitions.
D an s la se c o n d e , elle établira:
i . ° Q u ’en fait, le retour dont s’agit était purement personnel
au sieur D elsol ;
z .° Q u ’en d ro it, ce retour ne peut profiter aux sieurs
D elsol ;
3 . 0 Q u e , dans tous les cas, il tomberait dans l’institution, et
se serait confondu dans la personne de la dame d ’O r c e t ,
héritière universelle ;
4 . 0 Q u e , nonobstant la clause, elle pourrait dispose'r.
Les propositions des sieurs D elsol seront examinées et
débattues dans le cours de la discussion, selon qu’elles auront
trait à l’une de c e lle s - c i.
Substitutions,
�M
O
(
i8
)
Y
E
N
P R E M IÈ R E
S
.
P A R T IE .
BIENS R É S E R V É S
.
«<VW « W V ^ i
P R O P O S IT IO N .
La clause de réversion des biens réservés est nulle
et comme non écrite, ou cest un substitution abolie
- par la loi du 14. novembre 179 2A v a n t de discuter cette proposition, il faut se fixer sur
l ’effet de la clause par laquelle le sieur Delsol a promis de
n instituer d'autre héritière que la demoiselle D elsol sa fille.
A l’au d ien ce, les sieurs Delsol ont prétendu que ce n était
là qu’une promesse d’égalité, et q u e , par générosité pu re,
traitant avec leur sœur , ils l’avaient reconnue pour héritière
universelle.
L a dame d’O rcet a trop
sultes ( 1 7 )
bonne idée des trois Juriscon
qui préparèrent ces traités,
pour croire qu’ils
aient, hésité un instant sur sa qualité d’h éritiè re ; et il lui
est aujourd’hui permis de croire que les sieurs Delsol n’au(17)
M. Coffinhal, membre du Corps législatif, et MM. Vigier et
yerniols, avocats,
»
�5/cj
( *9 )
raient pas manqué alors l ’occasion de prendre une grande
partie des biens qui sont l’objet de leur sollicitude.
Q u i ne sait , au re s te , que la promesse d’instituer vaut
institution ? O n peut vo ir là-dessus, Lacom be , n .° premier;
Lebrun, liv. 3 , chap. 2 , n .° 4 4 i Catelan ,.tom. i . er, liv. 2,
chap. 4 4 ; Heftrys, liv. 5, chap. 4 , question 5 9 ; F u r g o l e ,
des donations, tom. 5 , page 1 0 4 , 0 1 1 il cite un grand nombre
d ’autres auteurs.
L a clause a donc le même sens qu’elle aurait, si elle était
ainsi conçue : « Le sieur D elsol ria institué d'autre héritière,
que sa fille ». E t lorsqu’en même temps il se réserve
de
pouvoir disposer d’une somme de 10 ,0 0 0 l i v . , laq uelle, faute
de disposition, tournera au profit de sa f i l l e , lorsqu’il la
charge de p a y e r , sur cette institution, une pension de 600 liv.
à la dame Lagarde son ayeule,- il faut fermer les y e u x à
la lum ière, ou convenir que c’est là une'véritable institution.
C 'est a in s i, au surplus, que l’ont reconnu les semences
de 1 7 8 2 et et 1 7 8 3 qui avaient acquis l’autorité de la chose
jugée par le partage fait avec la tutrice des sieurs D elsol j
d o n c , lorsqu’en l’an 9 , ils ont traité avec la dame d’O rc e t,
comme héritière u n iv e rse lle , ils n’ont pas été généreux , ils
ont été forcément justes.
M aintenant, lorsque le sieur D e lso l a stipulé la réversion
des biens réserves, de quels biens a-t-il entendu parler ? U ne
seconde lecture des clauses ne résoudra pas cette question;
et il n en restera que la conviction intime q u e ,p e u versé dans
le droit, quoiqu’il eût vu beaucoup d’affaires , le sieur D elso l
entassa sans ordre et sans ch o ix , dans ce contrat de ma
r ia g e , toutes les clauses
dont il avait des réminiscences,
et qu’il croyait analogues à ce qu’il voulait stipuler.
P o u rq u o i,
par
e x em p le, cette réserve de l’usufruit des
�( 10 )
biens institués, dès qu’il est de l ’essence de toute institution
de n’avoir d’exécution qu’à la mort de celui qui la fait ?
Pourquoi cette réserve de pouvoir vendre
et engager,
dès qu’il n’ assurait à sa fille que le surplus des autres biens
qui se trouveraient lui rester , lors de son décès ?
Pourquoi
cette réserve de pouvoir vendre et en g a ge r,
même à la mort ; com m e si on pouvait engager et vendre
par testament ?
Après, c e la , faut-il s’étonner q u e , de suite, il stipule la
ré versio n , tant des biens donnés que réservés * c’est-à-dire ,
des biens qu’il donne et des biens qu’il ne donne pas ?
M ais ces biens réservés, quels sont-ils ? C e ne sont pas
les biens institués; car lorsqu’il en a p a rlé , il les a appelés
biens institués. C e sont donc les
1 0 ,0 0 0 liv. dont il s’est
réservé la disposition.
Cependant les sieurs D elsol veulent que ce mot réservés
se référé aux biens institués.
Mais une institution contractuelle peut-elle être frappée
d’un droit de retour.
Q u ’e s t - c e d’abord qu’une institution contractuelle ?
« C ’e st, dit L e b ru n , liv. 3 , cliap. 2 , n .° 7 , une donation
» entre vifs du titre et de la qualité d ’héritier, lorsque la
» succession de l’instituant sera ouverte.
» C e n’est, dit F e rriè re , au mot institution , ni une donation
» entre v i f s , ni une donation à cause de m o r t , c’est un don
» irrévocable de succession.
» C ’est, dit Lacom be, n.° 1 .er, une donation du titre d’héritier.
» C ’est, dit C h a b r o l, chap. 1 4 , art. 1 6 , un don irrévocable
» des biens que l’instituant laissera à son décès ; il dispose de
» sa succession, il met l’héritier institué à la place de l’heritier
ab intestat.
�» C ’est, dît D enîsart, n .9 i et 1 4 , une disposition qui fait
»> un héritier indépendamment de la loi. L ’héritier contractuel
»> ne peut disposer des biens qui composent l ’hérédité avant
» l’ouverture de la succession; il ne peut ni les transmettre
» à ses h éritiers, ni les hypothéquer à ses créanciers, s’il ne
» les a lui-m êm e recueillis j et son droit devient caduc j s’il
» prédécéde ceux qui l ’avaient institué, parce que l ’institution
»> ne donne aucun droit à l’institué sur les biens présens. »
E n un m o t , c’est une disposition amphibie , un testament
irré v o c a b le , mais q u i, à l’instar de tous les testamens, ne
transmet les biens qu’au décès de l’instituant.
Q u ’e s t - c e maintenant que le droit de retour?
>► C ’est, dit Denisart, n .°
i . er, un droit par le m oyen
» duquel le donateur recouvre, par le décès du donataire, les
» choses qu’il lui avait données.
» C ’est, dit C h a b ro l, chap. 1 4 , art. 2 4 , un droit par leq u el,
» en donnant ses biens entre v i f s , on peut se réserver la réver» sion , dans le cas o ù le donataire viendrait à mourir avant
» le donateur.
» C ’est, dit F e rriè re , un droit en vertu duquel les immeubles
» donnés par les ascendans à leurs descendans retournent aux
» donateurs, lorsque les enfans donataires décédent sans hoirs.
» C ’e s t , dit D o m a t , lois c iv ile s , liv 2 , titre 2 , section 3 , le
» droit que peut avoir un d o nateu r, survivant à son donataire
» de reprendre les choses données. Ut quod dédit , iterùm a i
» eum reveriatur. Leg. fin . cod. commun, utriusq. judic.
, C ’est, en un m o t, un droit en vertu duquel les biens dont
le donateur s’est d essaisi, reviennent dans ses m ains, parce
que le donataire meurt avant lui sans postérité.
T out droit de retour doit donc être essentiellement de nature
à pouvoir profiter au donateur personnellem ent: les sieurs
�( “
)
D elsot reconnaissent e u x -m ê m e s
ce principe, car ils ne
cessent*de repéter dans leur m ém oire, et notamment page 9 ,
qu ils ont continué en leur personne la saisine dont le sieur D elso l
était revêtu.
'
Des-lors, il est impossible que le droit de retour soit apposé
dans un testament, ni dans une donation à cause de m ort,
ni dans une institution contractuelle, puisque les choses qui
en font l’o b je t , ne sont acquises à l ’héritier ou au donataire
que par le décès du testateur, du donateur ou de l’instituant;
les biens ne peuvent lui retourner, puisqu’il n’en a pas été
dessaisi, et de même que l’on ne peut re v e n ir, si l’on n’est
point parti, de même l ’on ne peut se réserver de reprendre
ce qu’on n’a pas donné.
Cela p o sé , de deux choses l’u n e; ou il faut rayer dans la
clause de réversion ces m o ts, tant que réservés, ou il faut dire
q u e , par rapport à ces biens, le droit de retour n’était qu’une
véritable substitution Fidéicommissaire abolie par la loi du 14
novem bre 1 7 9 2 .
E n effet, il est évident que le sieur Delsol ne pouvait se
réserver à lu i-m êm e la réversion de ces b ie n s, puisqu’il ne
les avait pas abdiqués et qu’il devait mourir
avant que la
Üame d’O rcet pût les a v o ir ; o r , il est aisé de comprendre que
le sieur Delsol n’a pas voulu dire :
Quand je serai mort, un j o u r , qu alors , en vertu de l'institution
contractuelle énoncée
dans le présent contrat, ma fille aura
recueilli ma succession, et que, postérieurement elle viendra à mourir
sans enfans , ou ses enfans sans descendans, ou sans valablement
disposer ; dans ce ca s , moi D elso l , me réserve la réversion des
biens qui auront composé mon hérédité.
C e serait supposer au sieur D elsol l ’idée la plus absurde
qui puisse entrer dans la tête d’un h o m m e , puisqu’elle repose
�3^ a
C *r)
toute entière sur une chose physiquement impossible et contre
nature.
U n e telle clause est nulle et reprouvée par les lois.
Quæ rerum naiurà prohibentur, millâ lege confirmant sunU
Impossibilium nulla obligatio. Leg. i8<j de regulis ju ris.
S i impossibilis condiùo ofrligationibus adjiciatur , n ih il valet
stipulaùo. Impossibilis autem condiùo habetur 3 cui natura
impedimenio est , quo minus existât , veluii si quis itci d ix e rii:
si digito ccelutn attigero , dare spondes ? Instit . i l de inutilib,
stipulât.
« Toute condition impossible........... est nulle et rend nulle
» la convention qui en dépend. Art. 1 1 7 2 du code N apoléon .
» Dans toutes dispositions, entre vifs ou testamentaires, les
conditions im possibles.. . . sont reputées non écrites. Art. 900.»
Et certes, il n’y avait pas plus d’impossibilité pour le sieur
D elso l à toucher le ciel avec le d o ig t, qu’à ressusciter, pour
succéder à sa fille.
L a réversion des biens réservés est donc une condition
impossible et contre nature } par conséquent, elle est nulle
et comme non écrite.
Cependant, les sieurs Delsol prétendent, page 21 , que ce
n’est là qu’une objection spécieuse, et q u e , d ’après tous les
auteurs et particulièrement d'après R ic a r d , Furgole et P oth ier ,
S o n peut apposer un droit de retour à toute espèce de libéralités , et
par exprès quon peut Capposer à une institution contractuelle. ( *# )
( 18 ) Quand les sieurs D elsol copient des consultations et des
m émoires, que des jurisconsultes vivans ont fait pour leur cause, ils
peuvent se dispenser de citer les auteurs; m ais, quand ils invoquent
R i c a r d , Furgole et P o th je r, pour appuyer une absurdité de nature à
Être a p e r ç u e par un enfant, ils doivent citer le livre et la page où
I
�(«4 )
Ces auteurs étaient trop instruits pour professer une telle
opinion. Leurs ouvrages sont pleins de maximes contraires.
R ic a r d , dans son traité des donations, 3«e partie, chap. 7 ,
section 2 , n .° 7 7 1 , d it : qu’il faut prendre garde que le
» droit de retour est absolument contraire à la nature des
» donations entre v i f s , dont l’effet est de transférer irrévoca» blement au donataire la propriété et la possession de la chose
» donnée
sans aucune apparence de retour au profit du
» donateur. C ’est la définition et l’essence de la donation
» entre vifs. D on ad o propriè appellatur, cùm dat aliquis ea
» mente, ut statirn velit accipieniis f i e r i , nec ullo casû ad se
» revertí. Leg. 1 , D ig . de donat.
C o m m e n t a u r a it - il
pu dire ensuite que l’institution qui
ne transfère ni propriété n i possession , était susceptible de
retour à l’instituant qui reste saisi de tout?
A u s s i, après avoir établi que les institutions et les legs
peuvent être conditionnels , il décide , d’après une foule de
lo is , dans son traité des dispositions conditionnelles, chap. 5 ,
section 2 , n .° 2 3 4 , que les conditions impossibles sont nulles
et/ie produisent aucun effet; de sorte quelles sont considérées
com m e non écrites. Impossibilis conditio in institutionibus et
legatis nec non in Jid e i commissis et ' libertatibus , pro non
scriptâ, habetur.
F u rg o le , des donations, tom 5 , page 1 7 1 , dit que les
donations, en contrat de m ariag e, sont susceptibles de toutes
sont leurs opinions, pour ne pas exposer le lecteur à croire, sur parole,
( et c’est peut-être ce qu’ils désirent ) ou à se fatiguer en vaines recherches ,
l et c’cst ce que le lecteur n’aime pas ). La dame d’Orcet doit ajouter
que nulle part, ces trois auteurs n’ont dit que le retour puisse être
ppposé h une institution contractuelle.
sortes
�C
)
sortes de conditions honnêtes et possibles; et, quoique les
institutions contractuelles fussent considérées, dans son parle
m ent, comme des donations entre v ifs , il atteste, page 1 1 3 ,
« qu’on juge que l’institution ou la promesse d ’instituer, qui
» sont la même c h o se ,
sont caduques par le prédécès de
» l’institué lorsqu’il ne laisse pas des enfans ; quoique le droit
» de réversion n ’ait pas lieu , suivant F ern a u d , n .° 9 , et M . de
» C atelan , liv. 4 1 chap. 1 2 ».
C e t auteur est donc bien éloigné de décider que la réversion
soit une condition possible dans une institution.
E n fin , Pothier q u i, dans son traité des donations entre v ifs,
se borne à indiquer l’origine du droit de retour , d it, dans son
traité des obligations, part. 2 , chap. 3 , art. i . er, § 2 , que la
condition d’une chose impossible rend l’acte nul, si elle es tin.
faciendo ; qu’elle n’a aucun effet, si elle est in non faciendo ;
et qu’elle est n u lle, sans vicier le l e g s , si elle est portée
dans un testament.
T o u t ce
que ces auteurs ont pu d ir e , comme tous les
autres, de relatif à cette m atière, se réduit à ce que toutes
les conventions et dispositions, soit entre v i f s , soit à cause de
m o r t , sont susceptibles de toute espèce de c on d ition s, pourvu
qu’elles ne soient ni im possibles, ni illicites.
A u s s i, ne pouvant citer ïeurs o p in io n s,
les sieurs D elso l
en émettent une de leur c r u , page 2 1 du mémoire.
L'institution contractuelle, disent-ils , est comme la donation
entre v if s , un contrat, une obligation que contracte t'instituant
envers l'institué , de lui laisser ses biens ; elle ne diffère de la
donation entre vifs } qu'en ce qu'elle est faite ious la condition
particulière de la survie du donataire.
Cela n’est pas exact. L ’institution n’a de commun avec la
donation entre vifs que l’irrévocabilité. L e donateur ne pro-
D
�t f )
ittet pas de laisser ses b ie n s , il les d o n n e, il s’en dépouille
actu : au lieu que l’instituant n’en peut être désaisi que par sa
m o r t , et l’institution est caduque s’il survit à l’institué.
M ais cette condition particulière de survie n empêche pas que
(
ï instituant contractuel ne puisse fa ire résilier ou révoquer sa
libéralité , si telle ou telle condition a rrive , n importe en quel
temps , et que cependant elle puisse avoir jusques-la tout son effet i
Il est impossible que l ’instituant révoque l’ institution et que
celle-ci ait jusques-là son e ffe t, puisqu’elle ne peut 1 avoir
q u ’après la mort de l’instituant. L a condition qu’on suppose,
ne p o u r ra , par conséquent, être un droit de re to u r, qui ne
peut avoir lieu que pour un objet précédemment transmis.
E n ce cas , les biens qui en sont Cobjet , comme étant retournés
à la masse de l'hérédité et réunis au patrimoine du donateur ,
appartiennent à ceux qu i, lors de l'arrivée de la condition réso
lutoire , se trouvent représenter le donateur ou l'instituant.
T o u t-à -l’heure on faisait opérer la résolution au profit de
l’instituant, à présent c’est en faveur de ses héritiers ; mais
il ne s’agit donc pas d’un droit de reto u r, parce que l’instituant
n’a pu leur transmettre un droit qui ne pouvait s’ouvrir en sa
personne.
C’est le donateur lui-même, toujours existant dans leur personne,
qui reprend sa chose , comme ayant cessé d'appartenir à l'institué,
au moyen de la résolution de Cinstitution qui a eu lieu par
l'événement.
M a is , encore une f o i s , les r e p r é s e n t a i de l’instituant ne
peuvent pas re p re n d re, par retour, des biens qui n’ont passé
que par sa mort à son héritier ; et s’ils ont droit de les reprendre
après que l’institué les a recueillis, ce ne peut être que com m e
gratifiés en second o r d r e , et alors il y a fideicommis.
Comme L donateur , ou ses représentans reprennent la chose
�'
3i r
( 17 3
'donnée , lorsqu 'il y
a survenance d'enfant , même posthume ,
quoique le posthume ne soit né que depuis son décès.
L a révocation s’opère alors en vertu de la loi qui attache
3 la donation la condition si sine liberis ; la donation est résolue
au profit du donateur qui s'est ex p ro p rié , (x amiquâ causa
et inherente contractui. Mais il est impossible que le retour
apposé à une institution ait jamais ce résultat, puisqu’il ne
peut résoudre, au profit de l’instituant, une disposition qui
ne prend effet que par sa mort. L e reto u r, en ce cas , n’est
qu’une stipulation de caducité; o r , il est clair com m e le jour,
que l’institution ne devenant c a d u q u e , que par le prédécès
de l’instituant, la caducité ne peut jamais s’ouvrir en faveur
de ses héritiers, puisque dès le moment de sa m ort, l’institué
se trouve saisi et ne peut être dépossédé , à moins qu’il n’y
ait fidéicommis.
Il faut donc répéter que la réversion des biens réserves est
nulle et com m e non-écrite.
E t que gagneraient les sieurs D e lso l à ne pas le rayer
de la clause? lisseraient alors dans la deuxième h yp oth èse,
et forcés de convenir que le retour des biens réservés n ’est
q u ’ une véritable substitution abolie par la loi du
14
no
vem bre 1 7 9 2 .
Q u ’est ce qu’une substitution fidéicommissaire ?
« 1 1 y a fidéicom m is, dit M . M e r lin , questions de droit,
# tom. 8 , page 4 8 8 , toutes les fois q u ii existe une disposition
» par la q u e lle , en gratifiant quelqu’un , on le charge
» de rendre l ’objet de la libéralité à un tiers que l’on en
» gratifie en second
ordre.
A in si,
dans une
disposition
» fidéicommissaire, il entre nécessairement tiois personnes
» celle qui d o n n e , celle qui est gratifiée à la charge de
» rendre et celle à qui l ’on doit ie nd re »,
�« L es substitutions sont p ro h ib ées, dit l’art. 896 du Code
» N a p o l é o n , et afin qu’on n’équivoque pas sur le m o t , il
» ajoute : toute disposition par laquelle le donataire, l’héritier
» institué ou le légataire sera chargé de conserver et de rendre
» à un tiers j sera nulle, même à l’égard du donataire, de
» l’héritier institué ou du légataire ».
E t , dès le 1 4 novembre 17 9 2 , une loi avait aboli toutes
les substitutions non ouvertes et en avait attribué les biens à
ceux qui en étaient saisis.
L a charge de conserver et de rendre à un tie r s , voilà le
caractère distinctif de la substitution, quelle que soit d’ailleurs
la disposition qui la contient.
C ’est, conformément à cette règle , que l’art. 898 du C o d e
porte : « que la disposition par laquelle un tiers serait appelé
» à recueillir le don , l ’hérédité ou le legs , dans le cas où
» le donataire , l’héritier institué ou le légataire ne le recueil» lerait pas , ne sera pas regardé comme une substitution et
» sera valable ». L a raison en e s t , qu’en ce c a s , il n’y a pas
charge de conserver et de rendre, puisque le premier gratifié
n ’a pas recueilli , et que le second appelé prend la libéralité,
sans intermédiaire , et de la main même du donateur.
11 sera maintenant facile de discerner si la réversion des
biens réservés forme une substitution.
L e sieur Delsol pouvait stipuler pour lui , et même pour
les siens, le retour des biens qu'il donnait} c’est-à-dire du
domaine du C la u x et des 1 0 ,0 0 0 liv.
Mais il est démontré qu’il ne pouvait se réserver de repren
dre les biens qu’il ne donnait pas; c’est-à-dire les biens compris
dans l’institution contractuelle.
Cependant le contrat de mariage ne parle que du sieur
�( *9 )
D elsol. ' C ’est lui qui se réserve le droit de réversion } il nô
parle pas même de ses parens.
Il faut donc se prêter aux besoins des sieurs D e l s o l , et
supposer, avec e u x , que les héritiers du sieur D elsol sont
implicitement compris dans la mcme ré s e rv e , suivant les lois
relatives à la transmission dont ils ont fait un si pompeux
étalage. Cette supposition ne suffira pas pour lever la difficulté;
c a r, si la stipulation est censée avoir étç faite implicitement
en fa ve ur des h éritiers, il n’en est pas moins vrai q u ’elle
com prend, en termes fo rm els, le sieur D elsol ; et on a établi
l ’impossibilité que les biens compris dans l’institution retour
nassent jamais à lui.
11 faut donc pousser la complaisance jusqu’au b o u t , et
supposer que le sieur D elsol a voulu se. conserver à lui-même
le droit de retour des biens donnés , et qu'il n’a pas voulu
se conserver à lu i, (puisque cela ne pouvait pas être) , mais
à ses héritiers, le droit de retour des biens
réservés.
Si les sieurs D elsol trouvent une hypothèse plus favorable,
ils n ’ont qu’à l’indiquer.
Alors la clause sera censée rédigée en ces termes :
« A l’égard du surplus de ses autres biens qui resteront
» audit sieur Delsol , lors de son d é c è s, icelui promet de
» n’instituer d’autre héritière que la demoiselle D elsol sa fille,
» sous la réserve de l’usufruit, etc. ; et, au cas où ladite demoi» selle Delsol future épouse, viendrait à décéder sans enfans,
» ou ses enfans sans descendans, ou sans disposer valablement,
»
»
»
»
il réserve expressément à ses héritiers le droit de réversion
et retour des biens réservés , sans qu’il puisse être dérogé
par sadite fille future ép ou se, audit droit de réversio n , par
aucune disposition ni autre acte à ce contraire ».
D ’a b o rd , la clause ainsi conçue profite toute entière à la
�C 3° ) ,
dame d’O r c e f; car n’y ayant de vocation que pour les héritiers
du sieur D e ls o l , le retour suit sa succession , de laquelle il
li e pouvait être séparé que par la vocation d’autres personnes
que les héritiers ; o r , la dame d’Orcet étant grevée du droit
de retour > et en même temps héritière u n iverselle, il y a
confusion , ainsi que cela sera plus amplement démontré.
Mais ce n’est pas tout : que l’on suppose encore que toute
autre personne que la dame d’ Orcet ait succédé aux droits
du sieur Delsol ; celui dont il s’agit i c i , ne sera jamais qu’une
substitution fidéicommissaire, puisque la dame d’Orcet aura
été chargée de conserver et de rendre ; et qu’alors il y aura ,
dans la disposition, les trois personnes dont le concours forme
la substitution.
}
Q uand un donateur stipulait à son profit la réversion
des biens qu’il d on n ait, c’était un vrai droit de retour ; quand
il le stipulait aussi pour ses héritiers, c ’est qu’il prévoyait
le cas où le retour ne s’ouvrirait pas de son vivant. Ces
réserves n ’avaient rien de commun avec la substitution fideicom m issaire, abolie par la loi du 1 4 novembre 17 9 2 . E t
c’est ainsi.qu’il faut entendre l’arrêt d e là C o u r de cassation
rendu le 1 1
frimaire an 1 4 ,
entre les héritiers de la de
moiselle R osalie Lalanne et la dame de N availle.
Les sieur et dame Bidon de S t - M a r t i n , en mariant en
1 6 9 4 , la demoiselle Ursule de St.-Martin leur fille au sieur
L a la n n e ,
lui constituèrent, par son contrat de m ariage,
une dot de 18,000 l iv . , il fut stipulé par une clause expresse,
qu’en cas de
dissolution du mariage sans enfans ou leur
postérité légitime défaillant, la dor retournerait soit aux père
et mère qui la constituaient, soit à leur fils et à ses héritiers.
V o ilà une donation entre vifs avec stipulation d’un véritable
droit de retour en’ faveur, des donateurs, de leur fils et de
�33/
( s1 )
ses héritiers. Cette stipulation était d’ailleurs conforme
au
statut coutumier de N avarre qui régissait les parties et leur
contrat.
L a postérité de la d a m e ' Ursule de St.-M artin , épouse du
sieur L a la n n e , s’est éteinte par la décès de R o salie Lalanne
morte sans enfans en 1 7 9 3 . Le sieur L a rre g o ye n était son
h éritier; la dame de N availle descendant des sieur et
dame de St.rMartin , réclamait la dot de
18 ,0 0 0 l i v . , en
vertu du droit de retour que ceux-ci s’étaient ré serv é, non
seulement pour eux mais encore pour leur fils et ses héritiers.
Fallait-il rejetter cette demande, sous prétexte que le con
trat de mariage de 16 9 4 renfermait une substitution fideicommissaire? L a C our de cassation s’est prononcée pour
la n é g a tiv e , et les motifs de son arrêt sont faciles à saisir.
Il s’agissait d’abord d’une donation entre v ifs; et en second
lieu , les donateurs s’étaient réservé à e u x , à leur f i s et à ses
héritiers , un droit qu’il était impossible de qualifier autre
ment que d ’un droit de re to u r; puisque, en vertu de cette
clause, l’objet donné pouvait retourner aux donateurs d’où
il était provenu.
Il était perm is, à cette époque, de stipuler le retour au
profit du donateur et de ses héritiers; o u , ce qui revient au
m ê m e , de d écla re r, que dans le cas où le donateur ne vivrait
pas à l’époque de l’ouverture du droit réservé, le droit serait
transmissible à ses héritiers, et cette convention avait
été
formellement stipulée dans la donation.
A la vérité, le contrat de mariage de 1694 présentait une
substitution fidéicommissaire en faveur des descendans de
la dame Ursule de St.-M artin, fille alors dotée, et cette
substitution était en même temps fondée sur les coutumes de
N avarre et de Béarn
par ce m o y e n , les père et m è re , en
�( 3 0
dotant leur fille , l’avaient chargée de conserver et de rendre
à ses enfans, et ceux-ci aux leurs, à l’in fin i, la chose donnée j
et cette stipulation, conforme à la coutume lo cale, emportait,
il n’y
a pas de doute, un véritable fidéicom mis, dans la
ligne de la dame Ursule de St.-M artin; mais ce n’était pas
en vertu de cette substitution , dont l’abolition était avouée,
que la dame N availle réclamait la dot ; elle n’était pas même
de la ligne qui seule était appelée au fidéicommis ; elle n’in
voq uait, à l’appui de sa dem ande, que le
droit de retour
stipulé par les donateurs , à leur profit , à celui de leur fils
et de ses descendans ; et ce droit a paru trop clairement
conservé par la loi du 1 7 nivôse an 2 , pour que les tri
bunaux ayent pu le déclarer aboli.
Tel
est le résumé de l’espèce de
cet
arrêt, d’après le
compte qu’on en voit dans le journal des audiences. L ’on
se rend néanmoins avec peine à l’idée qu’une clause qui dort
ainsi plus d’un siè cle, et s’éveille tout-à-coup pour transporter
des biens qui ont fait so u c h e , d’une famille dans une autre,
ne renferme rien qu’un simple droit de retour, sans qu’il
y ait charge de conserver et de rendre. Il faut avouer q u e ,
si ce n’est pas une substitution, cela en a b ie n , au premier
coup-d’œ i l , la ressemblance et les effets.
M a is , qu’y a-t-il l à , au surplus ,„ d’applicable à l ’espèce
actuelle ? Il est d’abord constant q u e , lorsqu’il s’ agit de qualifier
une convention ou le droit qui en résulte, c’est plutôt la
nature des choses
que les expressions
parties, qui doivent servir
em ployées
par les
de régie.
ln contractibus, rei veritas potiiis quàm scriptura perspici
débit. Leg. I. Cod. P lu s val. quod agit.
N on quod scriptum , sed quod gestum est , inspicitur. P lu s
actum quam scriptum valet* Leg. 3 et 4 . Cod. eodem.
Q u ’importe
�333
C h
)
Q u ’importe, par conséquent, que le sieur Delsol ait qualifié
de réversion ou de retour 3 la stipulation dont s ’a g i t , si
la chose n’y est pas ; s i , à l’égard
des biens réservés s le
contrat renferme une véritable substitution fidéicommissaire ;
s’il est même impossible qu’il
contienne une autre dispo
sition ? T out est dit alors ; on naura pas à s’arrêter aux
m o t s : o r , il serait difficile de trouver une vérité plus in
contestable que celle-ci.
En effet, il est p ro u vé, jusqu’à l’é v id en c e,q u e celui qui dis
pose par testament, par tout autre acte à cause de mort
ou par une institution contractuelle, ne peut se réserver le
retour de sa libéralité, puisqu’elle ne peut être recueillie
qu’après sa mort.
Il est prouvé de m êm e, que tout droit de retour doit
nécessairement pouvoir s’ouvrir au profit du donateur.
D o n c , toutes les fois que le disposant stipule la réversion
pour d’autres que pour lui , toutes les foi* qu’il appose la
condition de retour au profit de quelqu’u n , des biens qu’il
ne transmet à son héritier qu’à son d écès, il charge cet
héritier de conserver sa libéralité et de Ja rendre au tiers
appelé au retour. Il y a alors trois personnes dans la dis
position , celui qui fait la libéralité, celui qui doit d’abord
la recueillir et celui auquel
elle doit être rendue. Il y a
donc fidéicommis.
O r , ces trois personnes seraient dans la clause de réversion
des biens réservés ; le sieur D elsol instituant, la dame d’Orcet
qui devait recueillir à sa m o r t, et les parens du sieur D elsol
auxquels les biens devaient être ren d us, le cas arrivant.
Veut-on plus de dévéloppement ?
Q u e dans une disposition contractuelle, un père nomme
un de ses enfans son héritier u n iv e rse l, et qu’employant
E
�( 34)
les mêmes termes que le sieur D e ls o l, il déclare q ue, dans
le cas où cet enfant vienne à mourir sans enfans, e t c ., les
biens institués retourneront à ses plus proches parens, sans
qu’il puisse être dérogé, e t c . , ne sera-ce pas une substitution
fïdéicommissaire ?
L ’enfant ainsi institué, sera chargé de conserver et de rendre,
il sera charge de conserver , parce que le disposant lui a
défendu de d éro g e r, par un acte quelconque, à la reversion.
11 sera chargé de rendre , non pas au disposant qui sera
mort quand sa disposition s’ouvrira , mais à un tiers ; et
voilà ce qui constitue le fidéicommis prohibé par la loi
de 17 9 2 et par le C o d e N apoléon.
Il n’en est pas de même du droit de retour ; il ne sup
pose essentiellement que deux personnes, le donateur qui se
dessaisit entre vifs de la propriété , et le donataire qui accepte.
C ’est uniquement pour son profit personnel que le donateur
se réserve le retour. C ’est une clause résolutive, dont l’événe
ment doit faire rentrer l’objet donné dans le domaine de
celui d’où il p r o v ie n t , comme s’il n’en était jamais sorti;
enfin, une clause qui réserve au donateur mêm e, la faculté
de rentrer dans sa propriété ex antiquâ causa.
Si les anciennes lois permettaient au donateur de stipuler
en même temps la réversion au profit de ses héritiers, il
fallait cependant qu’il commençât toujours par en faire la
réserve à son profit, et que cette réserve pût avoir
en sa
personne:
effet
les héritiers ne venaient alors que par
représentation et pour recueillir l’effet d’un droit qui faisait
partie de sa succession , d’un droit enfin q u i , originairement
acquis au do n ateu r, leur avait été transmis par son décès,car s’ils l’avaient pris dans la succession du d onataire, il
y aurait eu fidéicommis.
�2>3J
( 35 )
O r , dans une
institution contractuelle qui ne doit être
exécutée que lorsque le disposant ne sera p lu s,
comment
pourrait-il profiter lui-même du droit de réversion ? Toute
clause qui renferme une pareille absurdité doit être réputée
non é c rite ; et si on
veut la faire passer à d’autres qu’à
l ’instituant, l’héritier est alors charge de conservera t de rendre,
et il y a fidéiccmmis aboli par la loi du 14 novembre
1 7 9 2 . C e n’est plus une réversion que l’instituant a voulu,
mot y qui dans sa signification emporte l’idée du retour de la
chose donnée dans la main d’où elle est partie; c ’est une vraie
restitution dont l’héritier a été grevé en faveur d’un tiers ;
et il est bien évident que de pareilles dispositions sont ann u llé e s, n’importe qu’elles se trouvent dans un testament ou
dans une institution contractuelle.
Il est inutile de pousser plus loin cette discussion ; elle
est venue à des démonstrations si sim ples, si claires que ce
serait servir les sieurs Delsol que de les réfuter plus long-temps.
Ils n’insistent sur une prétention si extraordinaire, que pour
opérer une diversion. Ils n’affectent, sans espérance et sans
raison , des droits sur les biens qu’ils appèlent réservés , que
pour amener les esprits qui craignent les embarras et
difficultés
d ’un long
d é b a t , à se
les
relâcher sur les biens
donnés pour les dédommager de c e u x - c i; à p ro p o se r, en
un m o t , ce q u ’on appèle une compensation.
Cette vieille
r u s e , praticable quand il s’agit de faits embrouillés ou de
torts réciproques , ne réussira pas ici. On ne compense pas
les clauses d’un contrat de mariage ni les questions de droit.
E t , sur cette première partie d e l à discussion , il n’y a pas
de milieu : I9 .clause de
réversion des biens réservés est
nulle et comme non écrite, ou c’est une substitution abolie
par la loi du 1 4 novembre 17 9 2 .
�DEUXIÈM E
B I E N S
PARTIE.
D O N N É S .
I . re P R O P O S I T I O N .
En fait, la clame de réversion est purement personnelle
au sieur Delsol.
\
T o u s ceux qui pensent que la stipulation du retour pro
fite aux héritiers du donateur, lorsqu’il vient à mourir avant
de l ’avoir recueillie, avouent néanmoins que cette transmission
ne doit pas
avoir lieu lorsqu’il
a limité la réserve à sa
personne, et qu’il ne s’est point occupé de ses héritiers. Les
sieurs D elsol en conviennent ( 1 9 ) ; c’est d’ailleurs décide
par l’art. 1 1 2 2 du code N a p o lé o n , qui est en cela simple
ment déclaratif des anciens principes.
« O n est censé avoir stipulé pour soi et pour ses héritiers
» et ay an s-cau se, à moins que le contraire ne soit exprimé
» ou ne résulte de la nature de la convention ».
Ainsi , avant d’examiner si le retour dont il s’agit est en
droit transmissible aux héritiers du sieur D e l s o l , il convient
de vo ir s i, en fa it, il n’a pas été restreint à sa personne.
D ’a b o rd , le contrat fut fait en 1 7 6 0 , dans un temps où
l ’on était bien loin de reconnaître que le retour passât aux
héritiers. Les auteurs étaient partagés ; ils s’opposaient réci
proquement des textes de lois et des arrêts: mais ceux qui
( 1 9 ) Pages 1.2 , 16 et 1 7 du mémoire.
�33/
(
37
)
avaient écrit le plus récem m ent, étaient contre la transmis
sion ( 2 0 ) . L ’arrêt de 1 7 6 7 q u i, selon les sieurs Delsol (p a g e
14
du m é m o i r e ) , a fix é irrévocablement la jurisprudence,
ne fut rendu que 7 ans après le contrat de 17 6 0 .
L e sieur D e ls o l, homme d’affaires,
savait donc que la
Stipulation du retour ne profitait pas aux héritiers. T o u t au
m oins, on accordera qu il 11 ignorait point que la question
ne fût très-controversée; dès-lors, s’il avait intention que sa
réserve allât plus loin qu’à sa personne, la prudence lui faisait
un devoir de s’en expliquer d’une manière positive.
O n accordera sans doute aussi
que deux familles
qui
allaient s’allier ensemble par un contrat solenn el, setaient,
suivant l’usage, communiqué les dispositions, quelles enten
daient mutuellement y insérer; on ne peut supposer qu’un
acte de cette im portance, que le mariage le plus considérable
qui se fût vu de long-temps, ait été fait ex abrupto et sans
qu’on ait observé les procédés et les convenances usitées
en pareil cas dans toutes les familles.
L e sieur Delsol savait donc que la dame de V ig ier ferait, à
son f i l s , donation de ses b ie n s , et s’en réserverait le retour à
elle et aux siens ; e t , ce fut par suite
de cet arrangement
préliminaire , que la dame de Vigier donna à son beau-frère
la procuration en vertu de laquelle il stipula dans le contrat
les conventions précédemment arrêtées.
Et, réciproquement, la famille de V igier savait que le sieur
D elso l donnerait à sa fille le domaine du Claux et 10 ,0 0 0 1.,
qu’ il 1 instituerait héritière et qu’il se réserverait pour
seulement le droit de retour.
lui
E t , pourquoi cette différence dans les deux clauses ? E lle
( 1 0 ) Boucheul écrivait en 1727, et Arnaud de la Rouvière, en 1737.
�( 5» )
était dictée par la nature et par la différence des positions
o ù se trouvaient les donateurs.
L a dame de V igier ayant plusieurs enfans , il paraissait
convenable que la réserve fut faite pour eux comme pour elle.
Le sieur D e ls o l, au contraire, n’avait que sa fille ; il était
v e u f depuis long-tem ps, et son âge et son goût n’annon
çaient pas qu’il eût l’idée de passer à des secondes n oces;
il n’avait aucun proche parent qui pût partager son affection,
qu’il portait toute entière sur sa fille unique : quel eût donc
été le but d’une réserve de retour pour les siens ? Est-ce
pour des collatéraux éloignés et avec lesquels il ne vivait
p a s , que le sieur Delsol aurait stipulé cette réserve et la
défense d’aliéner ? Peut-on croire qu’il fut assez injuste que
de préférer de tels parens à sa fille unique, et qu’il aimât
mieux leur laisser, plutôt qu a elle , la disposition de sa
fortune ? S’il eût annoncé cette intention , la famille de
V igier y aurait-elle consenti ? Aurait-elle souffert que la
demoiselle D elsol ne pût disposer de rien envers son mari,
tandis que celui-ci conservait la liberté de lui faire passer
tous ses biens? O n le demande ; de bonne f o i , le sieur
D elsol aurait-il osé le proposer ? V o ilà pourquoi il ne stipula
que pour lui.
Encore moins eût-il osé annoncer qu’il entendait réserver
le droit de retour pour des enfans d’un second lit ? Pou r
quoi dissimuler ce que personne n’ignore ?
L a famille du sieur d’O rcet, s’ unissant à celle du sieur Delsol,
payait-elle un tribut au préjugé qui faisait rechercher l’alliance
de familles privilégiées?
Suivait-elle les spéculations de ceux qui se relâchent sur les
dots des fille s, dans l’espérance d’avoir part au crédit et à la
protection des pères qui ont des postes éminens ?
�( 39 )
L e sieur D o rcet enfin, était-il entraîné par une de ces in
clinations décidées qui, franchissant les distances et rapprochant
les extrêmes, amènent souvent des unions mal assorties et
rarement heureuses ?
R ie n de tout cela. Il faisait ce qu’on appèle un mariage
de fortune ; il épousait une fille unique et très-riche héri
tière ( 2 , 1 ) ; le sieur D e ls o l , à son to u r, trouvait dans son
gendre une fortune plus considérable que la sienne, une place
singulièrement recherchée , une alliance très-honorable.
C e rte s , personne ne doute que la demoiselle Delsol ne fût
jamais devenue dame d’O r c e t , si elle eût été réduite à dis
puter contre son père ou ses héritiers, les lambeaux du
patrimoine maternel qu’il avait confondu dans le sien ; s’il
eût dit qu’il se remarierait, que des enfans d’un autre lit
viendraient d’abord prendre une légitime sur ses b ie n s, et
puis prétendre
au reste en vertu du retour ; qu’a in si, la
dame d’Orcet n’apporterait à son mari que l’espérance d ’avoir,
pendant q u elle v iv r a it , l’usufruit de ses biens3 en échange"
de la faculté qu’il avait de lui laisser tous les siens en pro
priété. U ne telle inégalité dans des conditions de cette im
portance , eût à coup sûr révolté le sieur d’Orcet et ses
parens; il est clair que le mariage n’ aurait pas eu lieu. Mais
n o n , le sieur D elsol ne pensait pas plus à sa progéniture
du second lit qu’à ses collatéraux ; il ne pensait q ua lui
et à sa fille ; et voilà encore une f o i s , pourquoi il ne sti
pula le retour que pour lui.
(ii)
La dame d’Orcet peut dire avec v é r ité , qu’elle-même ne de
sirait pas cette union, et qu’elle ne fit qu’obéir à son père: elle doit
ajouter qu’elle n’a jamais eu à s’en repentir ; le sieur d ’Orcet n’a cessé
de lui donner des preuves de sa tendresse, et son testament renferme
la plus signalée de toutes,
�,
( 40 )
E t , peut-on s’y méprendre en lisant la clause, en la com
parant à celle de la dame d e V i g i e r ? Celle-ci , dans
sa
procuration, et son procureur fo n d é , dans le contrat, réser
à elle et aux siens. Assurément, les parties
contractantes ont attaché une idée , un sens à ces derniers
vent le retour
mots : Les contrats entre vifs , dit G u e re t, journal du palais,
tom. 2 , pag. 36 2 , sont toujours des actes étudiés, faits dans
la liberté toute entière de l'esprit ; concertés , arrêtés entre plu
sieurs parties qui s éclaircissent tune
l'autre , et dont toute
tapplication est de ne rien oublier de ce qui peut servir à fa ire
connaître leurs intentions. Ce ne sont pas les clauses mentales
qui font les contrats, ce sont les clauses écrites , cest le con
sentement mutuel et respectif des contractans ; o r , une partie
ne consent pas à ce quune autre pense, elle ne consent quà
ce quelle exprime, et tout ce qui nest pas exprimé est hors du
contrat et nen fait point partie . Il a donc été convenu, d’après
la signification naturelle de cette condition , que le sieur
ef Orcet venant à mourir sans enjans , ou ses enfans sans descendans, ou sans avoir valablement disposé 3 les biens donnés
retourneraient à la dame sa m ère, et au cas qu’elle fût morte,
aux siens } c ’est-à-dire, à ses autres enfans. T e lle a é t é 'la
condition apposée par la dame de V ig ier à sa libéralité.
E t maintenant, lorsque le sieur D elsol a dit : qu'au cas la.
demoiselle sa fille viendrait à mourir sans enfans , ou ses enfans
sans descendans, ou sans avoir valablement disposé , i l se réserve
expressément le droit de réversion des biens donnés , sans q u 'il
puisse être dérogé, etc. Les parties ont certainement attaché
une idée , un sens différent à cette expression si peu semblable
à l’autre. Il a donc été c o n v e n u , d’après la signification na
turelle de cette c o n d itio n , que "la dame d’O r c e t , mourant
dans le cas prévu , les biens retourneraient au sieur Delsol j
�3^7
( 4 0
mais que s ’il était mort avant sa fille , ils ne retourneraient
pas aux siens qui n'étaient, lors de la convention, que des
collatéraux si étrangers au sieur D e ls o l, qu’il ne les avait pas
même appelés au contrat. T e lle a encore été la condition
imposée par le sieur Delsol à sa donation.
D on c i l est exprimé et i l résulte de la nature de la convention,
que la réserve est limitée au sieur Delsol.
C e qui le prouve de plus en plus, c’est la défense de déroger
au
droit
de retour ,
qui ne peut être que relative à sa
personne. Il avait permis à sa fille, comme à ses petitsenfans, de disposer ( 22 ) ; car le retour ne devait avoir lieu 3
qu’autant qu’il n’y aurait ni en fa n s, ni disposition j et à la fin
de la clause , il lui defend d’y déroger par aucun acte. Cette
contradiction apparente s’évanouit dès que cette défense n’a
d’autre durée que sa vie. Il était naturel que , survivant à sa
fille, il rentrât dans ses b ie n s , et que , la prédécédant, elle eût
pour disposer, la latitude que devait avoir sa descendance ;
sans quoi,il aurait eu plus de prédilection pour ses futurs petitsenfans que pour sa fille j ce qui est contre toute vraisemblance.
Par ce m o y e n , les deux parties de la clau se, qui se contra
rient et s’exclu en t, obtiennent un sens raisonnable et conforme
à la commune intention des parties j ce qui est le m ode d’in
terprétation indiqué par les lois.
(12)
Il a été jugé par l’arrêt du 18 janvier 1 7 8 8 , que les m ots, ou sans
avoir valablement disposé, qui sont dans la clause de retour stipulée
p a r l a dame de V igier, pour elle et les siens, s’appliquaient au sieur
d’Oicet comme à ses enfans, puisque le testament qu’il avait fait en
faveur de sa fe m m e , au préjudice de ses frères, a cté confirmé. Par
conséquent, les mêmes mots répétés dans la clause stipulée par le sieur
D e ls o l, pour lui et non pour lui et pour Us siens, s’applique également
à la dame d’Orcet.
F
�.................................... (
4 0
Quoti'es in siipulatìonibus ambigua oratio est, commodissimum
est id accepi quo res de quà agitur in tuto sit. Leg. 86. f f. de
verbo, oblig.
Qiiotiès idem, sermo duas sententias exprim it , ea potissimùs
accipietur , quce rei gerendce aptior est. Leg. 6y. de Reg. ju ris ,
« Toutes les clauses des conventions s’interprètent les unes
» par les autres , en donnant à chacune le sens qui résulte
» de l’acte entier. Art. 1 1 6 1 du code Napoléon ».
U n e autre preuve se tire de l’institution universelle, q u e ,
dans la clause précédente, le sieur D elsol venait de faire en
faveur de sa fille.
Q uoi 1 elle était déjà nommée héritière de tous les biens,
de tous les droits qu’il laisserait à sa m o rt; elle était préférée,
com m e elle devait l’être , à des collatéraux qui n’ont jamais
de place dans le cœur d’un p è r e ; et l’on v e u t, qu’un instant
après, il soit subitement pris de tendresse pour e u x , au point
d’interdire sa fille unique et de les appeler à recueillir, libre
ment et sans condition , ces mêmes biens qu’il rend indispo
nibles dans ses mains !
Supposera-t-on en co re, et qu’est-ce q u ’une invraisemblance
de plus ? que le sieur Delsol pensait alors
aux enfans qu’il
a u ra it, douze ans après, d’un second mariage contracté à
l’âge de plus de soixante
ans ? Mais s’il
aimait
tant
ces
collatéraux , s’il avait l’ espérance d’être encore père, pourquoi,
à l ’exem ple de la dame de Y i g i e r , ne réservait-il pas le retour
pour les siens ? Pourquoi faisait-il, en faveur de sa fille, une
institution
universelle qu’il a depuis inutilement essayé de
révoquer , lorsqu’en effet on lui a suggéré l’idée qu’il n’avait
pas en 17 6 0 ?
Les sieurs Delsol répèteront-ils ce qu’ils ont d it , pages 5 et
20 du mémoire, que le testament de leur père est une preuve
�^3
(
43
)
manifeste de l’intention qu’il avait de leur transmettre ses biens
par le m oyen du retour?
O u i , ce testament prouve le dessein qu’avait le sieur Delsol
en 1 7 8 0 , lorsque, subjugué par sa seconde épo u se, il s’imagi
nait pouvoir disposer, à titre gratuit, des biens qu’en 1 7 6 0 il
avait assurés à la dame d’Orcet ; m ais, n est-il pas aussi une
preuve nouvelle , qu’en stipulant la réversion , il n’avait point
pensé à des enfans d’un autre lit ? S’il y eût pensé, n’aurait-il
pas stipulé pour lui et pour les siens , en copiant la clause
que la dame de V igier écrivait sous ses y e u x ? E t , s’il avait
cru que la sienne, telle quelle est, pouvait profiter à ses
en fan s, quel besoin avait-il de tester pour renouveller une
disposition faite dans le contrat de 1 7 6 0 ? Il est clair , au
contraire, que ce testament n’a été suggéré que pour détruire
ce contrat, et que l’extension du retour aux enfans du second
lit j n’y a été insérée , que pour donner à la clause un sens
auquel personne n’avait pensé en 17 6 0 .
Il ne faut pas supposer au sieur D elsol des intentions qu’il
n’a jamais eu. Il est évident, pour tout esprit raiso n n a b le ,
que, dans les circonstances où il se trou vait, il a voulu assurer
tousses biens à sa fille ; et, sans d o u te , q u a l’exemple de
tous les pères, il regrettait de ne pouvoir lui en donner davan
tage. Il a craint qu elle ne mourût avant l u i , sans postérité \
e t , pour ne pas perdre et sa fille et ses b ie n s , il a aussi voulu
que ceux-ci lui revinssent, mais il n’a pas porté plus loin sa
pensée.
Les sieurs Delsol disent so u ve n t, et par exprès, page 2 0 ,
que le redoublement de la clause fait présumer que le sieur
D elsol a pensé à ses héritiers. Mais peut-on invoquer des
présomptions, lorsque le contrat d e / 17 6 0 fournit une preuve
positive dans la différence des deux clauses de retour? N ’est-il
�(44)
pas visible q u ’ en se réservant expressément, c’est-à-dire, e/î
réservant à soi la réversion , tandis que la dame de V igier
la stipulait pour elle et pour les siens , le sieur D elsol n’a agi
que pour l u i , alors que la dame de V ig îer agissait pour elle
et pour ses enfans S Peut-on , après c e l a , proposer une inter- ,
prétation aussi contraire à la lettre de la clause ? Et ne voit-on
p a s , en mêm e-tem ps, que le sieur Delsol avait intérêt à la
stipuler pour l u i , afin d’empêcher sa fille de disposer à son
préjudice ; effet que ne pouvait produire le retour légal ? En
un m ot, quiconque lira ces clauses sans prévention , sera con
vaincu de cette vérité : le sieur D elsol s’ est préféré à sa fille ,
mais il a préféré sa fille à tout ce qui n’était pas lui.
C e sens contente à-la-fois le cœur et l ’esprit. Il découle
naturellement des différentes clauses de l ’ acte. Elles n’ont
rien d’incohérent, rien de contradictoire, rien qui pût effa
roucher quelqu’une des parties contractantes ; rien qui répugne
aux convenances qu’elles devaient o b s erve r, ni aux conven
tions qu’elles devaient réciproquement agréer dans un contrat
qui était le résultat de leur volonté commune.
Q u e l’on adopte le système des sieurs D e ls o l , et cet accord,
que la vérité seule peut produire , disparaît aussitôt,
ou n’a
plus que des stipulations disparates et révoltantes, des clauses
barroques et contradictoires, un sens absurde et inextricable.
A lors , il faut avoir une fôi assez robuste , pour croire que
la réserve de la dame de V i g i e r , pour elle et les siens , n’a
pas plus d’effet que la réserve du sieur D e lso l, pour soi expres
sément.
Q u e le sieur D e l s o l , faisant sa fille héritière, lui préféré
cependant des collatéraux pour lesquels il ne stipule rien.
Q ue la famille de V ig ie r , faisant une alliance avec la fo r
tune , a néanmoins la sottise de consentir des clauses qui
�'b ’f S
( 45 )
permettent au sieur d’Orcet
femme a sans que celle-ci
moindre chose.
de donner tous ses biens à sa
puisse jamais le gratifier de la
»
Q u e le sieur D elsol se réserve sérieusement de revenir de
l ’autre monde pour succéder à sa fille 3 après que celle-ci lui
aura succédé.
E t , qu’après sa m ort, le droit de retour , dont il aura été
saisi de son vivant , ne sera pourtant pas dans son hérédité
avec toutes ses autres a ctio n s, & c . & c .
M ais, qu’importe aux sieurs Delsol , d’insulter ainsi aux
facultés intellectuelles de leur père ? Q u e leur importe de
mépriser l’amitié de leur sœ ur, pourvu q u e , par a r r ê t , ils
parviennent a obtenir ses biens ? Les aveugles ! ils ne vo'ient
pas que la simple raison détruit tout leur système, et qu’à moins
de la renier volontairem ent, on ne peut sacrifier, comme eux
à l’injustice , la vérité à l’invraisemblance et le bon.
sens à l’absurdité.
Il
est donc v r a i, qu’ en fa it, le retour était personnel au
sieur Delsol, et que par conséquent, son décès l’a rendu caduc.
L e sieur D elsol n’ayant pas examiné cette proposition, la
dame d’Orcet n’a pas d’autres objections à réfuter.
E lle croit laisser dans les cœurs cette satisfaction qu’on
éprouve à l’apparition d’une vérité que l’on désire; et, dans
les esprits, cette v iv e conviction qui n’est jamais que le ré
sultat de la juste combinaison des actes et des principes.
Les autres propositions ne seront donc que subsidiaires#
r
�II.e P R O P O S I T I O N .
En droit,
' I
ls
le retour ne peut profiter aux sieurs
Delsol.
se sont trompés, les sieurs D e ls o l , s’ils ont cru que
la dame d’Orcet contesterait le principe de la transmission
q u ’ils ont invoqué dans leur mémoire.
Certes , quand les
lois anciennes et nouvelles ne le consacreraient p a s, la raison
seule dirait que celui qui acquiert, de quelque manière que ce
so it, définitivement ou sous cond ition , acquiert pour lui et
pour ses héritiers; tout comme celui qui s’o b lig e , oblige
également ses héritiers et ayans-cause.
M a i s , la raison dit pareillement, qu’il n’y a pas de principe
san^ exception ; que, par exemple, la transmission n’a pas lieu,
quand il s’agit d’un droit qui n’en est pas susceptible par luimême ou par les circonstances de la stipulation ; et v o i l à pour
quoi l’art. 1 1 1 2 du code N apoléon, résumant les anciennes lois,
a dit : « on est censé avoir stipulé pour soi et pour ses héri« tiers et ayans-cause, à moins que le contraire ne son exprimé,
» ou ne résulte de la nature de la convention ».
L a dame d’O rcet a prouvé dans la proposition précédente,
que le contraire était exprimé dans la donation de 17 6 0 . Il
faut voir maintenant si le contraire ne résulte pas de la nature
de cette donation.
D ’a b o rd , l’on ne peut nier qu’il y a beaucoup de stipula
tions qui ne passent pas aux
héritiers ; et ce sont toutes
celles q u i , par leur n a tu re , leur m otif ou leur o b jet, sont
bornées aux personnes des contractans.
Dans cette c la sse ,
>1 faut nécessairement ranger tous les contrats d’usufruit , de
rente viagère et tous autres de ce g e n re , q u i, quoique obli-
�'
t 47 )
gatoires pour les débiteurs et leurs héritiers,
cependant transmissibles à
ceux des
ne sont pas
créa n ciers, par
la
ra iso n , qu’à l’égard de ceux-ci , ils ne contiennent que des
conventions purement personnelles.
Dans cette classe, il faut ranger encor toutes les obligations
qui ne peuvent être exécutées que par les personnes mêmes
qui les ont consenties, parce qu elles ont pour objet des faits
personnels aux débiteurs qui ne peuvent être parfournis par
leurs héritiers ( 23 ).
Dans cette classe, il faut ranger toutes les conventions qui
prennent uniquement leur source dans des intérêts, dans des
motifs personnels au stipulateur. T e lle e s t , par exem ple , la
réserve faite par la fe m m e , de pouvoir reprendre, en cas de
renonciation à la communauté, tout ou partie de ce q u ’elle
y aura mis. Cette faculté se restreint aux objets désignés dans
le contrat ; elle ne s’étend pas aux enfans, si elle n’est accordée
qu a la femme ; les héritiers ascendans ou collatéraux, n’en peu
vent profiter, si elle n’est stipulée que pour la femme et les
enfans. H e n r y s , tom. 2 , l i v . 6 , quest. 3 , art. 1 5 1 4 du code.
D ans cette classe, enfin, il faut ranger le droit de retour,
lorsque le donateur ne l’a pas réservé pour d’autres que pour lui.
I c i , les sieurs Delsol vont s e c r ie r , que c’est déroger aux
lois qu’ils ont cité et notamment à la loi gènèraliter sancimus.
M ais, pourquoi y déroge-t-on pour les conventions d’usufruit,
de rente viagère? Parce qu’il est de la nature de ces contrats,
que l’ usufruit et la tente soient bornés à la personne du créan
c ie r , même sans stipulation particulière.
Pourquoi y déroge-t-on pour toutes les obligations qui ne
( * 3 ) Voyez Pothier, traité des obligations, part. 3. chap. 7. art 3.
§ 3 et suivans,
�( 4» )
peuvent être parfourhies que par ceu xq u i les ont contractées?
Parce que l ’objet de ces obligations est un se rv ic e , un travail,
une chose enfin q u i, dépendant de l’industrie ou du talent du
débiteur, ne peut être exécutée par ses héritiers.
Pourquoi y déroge-t-on pour toutes les conventions basées
sur des motifs personnels au stipulateur, comme dans le cas
prévu par l’art. 1 5 1 4 du c o d e ? Parce que la réserve faite
dans cette espèce, par la fem m e, étant une exception au droit
com m un, doit, comme toutes les exceptions, être restreinte au
cas exprim é; et parce que , cette réserve étant inspirée à la
femme par des motifs dont elle seule est juge, il ne convient
pas que ses héritiers puissent user d’une faculté remise à sa
seule prudence.
O r , le droit de retour n’est qu’une exception au droit
c om m u n , puisqu’il est absolument contraire à la nature des
donations entre v ifs , dont l'effet est de transférer incommur
tablement au donataire la propriété et la possession de la
chose donnée, sans aucune espérance de retour au profit du
7
donateur. R i c a r d , 3 , c partie, chap. 7, section 2 , Leg.
de donat. ( 24 )
Il est d ’ailleurs fondé sur des motifs personnels au donateur,
car celui-ci ne le stipule que pour ne pas s’exposer à perdre
à la fois ses biens et la personne qu’il gratifie; et toutes les
considérations qui l’y portent, sont prises dans son intérêt,
puisqu’ il n’y parle que de lui. L e retour conventionnel est la
copie du retour légal. C ’est un emprunt que l ’homme fait de
la loi.
M a is, disent les sieurs D e ls o l , page 1 2 et 13 , « le donateur
» qui réserve le retour n’a pas besoin de parler de ses héritiers*.
(
m
) V o yez çi-dessus, page 2.4.
c’est
�( 49 )
» c’est la loi seule , la force de la saisine et non pas l’intention
» positive de transmettre qui opère la transmission.il est vrai
» que la saisine elle - même
dépend en quelque sorte de
» l’intention du stipulant; mais c ’est seulement en ce sens
» qu’elle ne s’applique qu’aux droits que les parties ont eu
» en vue et pour les cas qu’elles ont exprimé ».
Les sieurs Delsol affectent de confondre entièrement les
deux principes de la transmission en général, et de la saisine
en matière de contrat conditionnel, au point q u e , selon ce
systèm e, toute saisine opérerait une transmission nécessaire 3
ce qui n ’est ni ne peut être si universel.
En effet, la transmission dans les contrats qui en sont
susceptibles, dérive de la r è g le , pîerumquè tam kœredibus
quam nobismetipsis cavernas.
• E t , dans les stipulations conditionnelles, la saisine résulte
de l’acte entre vifs. L a condition arrivant à effet rétroactif au
jour du contrat en faveur du stipulant, et l’espérance de la
recueillir passe à l’héritier, si la convention n ’ a rien qui s’y
oppose.
M ais il est si peu vrai que la transmission soit la suite de
cette saisine, qu’au contraire, celle-ci se continue dans la per
sonne de l’héritier, par la seule raison
qu’elle est censée
stipulée pour l u i , comme elle l’était pour celui qu’il représente.
L ’acte entre vifs
ne saisit et ne peut saisir que selon
l’intention des parties et dans les termes de leur convention.
Lorsque la stipulation est personnelle, comme dans les con
trats dont on vient de parler, la saisine n’a lieu quen faveur
du contractant, et l’effet rétroactif de la condition ne s’opère
que pour lui.
C ’est ce que Fontanella explique disertemcnt en ces termes:
D isposiùo dictiparagraphe ex conditionali siipulatione , inter
G
�C 5° )
alias limitztiones cjtias recipit , una est , ut non habeat locum
quando condiùo apponitur in persona stipulatoris ; tunc enim cùm
conditio dejiciat per mortem ipsius, contingentem ante mortem
alterius, non restai aliquod in conditionale , quod ad heredem
transmittatur , et sic non liabet locum dtspositio predict a qutc
transmissionem concedit ; Loquitur enim in aliis conduiombus
extrinsecis , non residemibus in persona stipulatoris , qvce non
dejiciunt per illius mortem , sed adhiic pendent, veluti si navis
ex asiâ venerit , vel alias , non verô in his quce, resident in
ejus personam et per ejus mortem deficiunt. L ’auteur cite Faber s
B a rth o le , Alexandre et d’autres D o c te u rs, et la lo i, si decem
ciim periero.
D o n c , la transmission ne dérive pas de la saisine, mais
de. la règle plerumque.
D o n c , pour décider si la stipulation conditionnelle passe
à l’héritier, il faut préalablement voir si elle est réelle ou
personnelle.
D o n c , si la loi dit en général que ex stipulatione conditio-
nali spes a d heredem transmittitur
ce n’est qu’en conséquence
de la règle générale plerumque.
D o n c , la transmission n’a pas lieu et la saisine est bornée
au stipulant, toutes les fois que la condition ne regarde que
sa personne.
Dans le plus grand nombre des contrats intéressés, la trans
mission s’opère, parce que chaque stipulant non tàm personam
quàm rem familiarem respicit.
Dans les dispositions testamentaires, il en est autrement ;
si le legs est con d ition n el, le légataire ne transmet pas son
droit à son héritier , s’ il décédé avant l’événement de la
condition , parce que le testateur est présumé n’avoir pensé
qu à la personne du légataire et non à celle de son héritier
�3
s,
( 51 )
qu’ il ne connaissait pas. N on idem est 'm conditionalibus legatls ,
dit V innius, sur le § ex condidonali , quià stipulationes etiam
conditionales ex prcesenti vires accipiunt, quamvis obligatio in
suspenso sit , legata autem derniim ciim deberi incipiunt.
.Et dans les donations, la transmission n ’a lieu qu’autant
que la condition est réelle.
R i c a r d , ( des dispositions conditionnelles, chap. 5, sect. i , )
a dit avec raison , que la condition n’empeche pas la saisine
qui résulte de la donation, et q u e, par suite , la condition a
un effet rétroactif.
Mais il n’a dit nulle part que la transmission ait lieu en
matière de donation conditionnelle, par le seul effet de la
saisine et sans qu’il soit besoin de consulter l’intention, des
parties sur l’étendue et la nature de la condition. Il n’a dit nulle
p a rt, que le retour stipulé par le donateur , doive s’étendre à
l ’héritier, et il a encore moins dit que cette extension fût une
conséquence de la seule saisine résultant de la donation. Il
ne pouvait ainsi confondre l’effet rétroactif de la condition
avec la transmission du droit conditionnel.
D o n c , la question actuelle gît à savoir si la stipulation
est réelle ou personnelle, ou pour mieux d ire , s’il y a lieu à
l ’application de la règle plerumqu'e.
Il faut observer ici que cette règle est un principe particulier
aux contrats onéreux et intéressés ; mais il n’en doit pas être
ainsi des contrats gratuits. L ’esprit d’intérêt dicte les premiers,
ad rem jam iliarem respic'nur. L ’esprit de bienfaisance préside
aux derniers, ut liberalitatem' et munijicentiam exerceat. Et la
loi gcneraliter sancimus , ne parle pas des dispositions ; elle ne
concerne que les stipulations , omnem stipulationem .
C ’est une pure équivoque de dire que la clause de retour
est une véritable convention : c ’en est une en ce sens, que
�(50
le donataire qui accepte la d o n atio n , s’oblige à exécuter les
c ha rg es sous lesquelles elle est faite ; mais cette convention
n’est que l’accessoire de la d on ation , c’est une condition
que le donateur impose à sa l i b é r a l i t é c ’est une loi qu’il
dicte à son donataire; et de là vient que si celui-ci la trouve
trop d u re, il peut répudier la donation ; ce qu’il ne pourrait
faire, si c’était une véritable convention qui ne se résout
que comme elle se fo rm e, par le consentement mutuel des
parties. C ’est donc par les principes des donations, qu’il faut
en interpréter les conditions.
O r , on l’a déjà dit, il est de l’essence de la donation,
d’emporter en faveur du donataire, la propriété absolue de
l ’objet donné. D at aliquis eâ mente, ut statim velit accipientis
f i e r i , nec ullo casû ad se reverti , et propter nullam aliam
causant ja c it quam ut liber alitatem et munificentiam exerceat^
et hœc propriè donatio appellatur. Leg. I , f f de donat.
Sans doute le donateur peut mettre des bornes à sa
l i b é r a li t é , m a is il d o it le s .e x p liq u e r . T oute ch a rg e, toute
condition qui tend à restreindre la libéralité, est de droit
étroit, comme contraire à l’essence de l’acte. Elle s’interprète
par l’esprit général de c e lu i-c i, qui est la libéralité et l’expro
priation.
Le donateur est présumé avoir voulu donner tout
ce qu’il n’a pas expressément retranché; il a dû clairement
designer les bornes dans lesquelles il voulait renfermer sa
donation. Ces maximes vraies pour toutes les donations,
le sont encore plus pour celles faites en contrat de mariage,
où la faveur du donataire est plus grande, où la libéralité
est présumée plus entière, où tout est de rigueur, parce que
tout y est réfléchi.
Q u e . les sieurs
Delsol
disent
maintenant, pourquoi la
transmission s’opérerait, lorsqu’il résulte de la clause, que la
�( 53 )
-condition est toute personnelle au stipulateur ; lorsque la
transmission est contraire à la nature de l’a c te ; lorsqu’enfin
elle est reprouvée par une loi formelle ? O r , ces trois raisons
se remontrent ici :
1 . ° S’il est vrai que la saisine ne peut se continuer
dans les héritiers, quand le contrat est fondé sur un d ro it,
un o b je t , un intérêt renfermé dans la personne du stipulateur,
pourquoi aurait-elle lieu dans le retour que le donateur n’a
stipulé que pour lui? N ’est-ce pas letendre à un cas non
exprimé par les parties? N ’est-ce pas aggraver une condition
qu’elles ont clairement expliqué,, et qu’il leur eût été facile
d etendre , si elles l’avaient voulu ? Q ue dans les conditions
qui peuvent indifféremment s’accomplir de leur vivant ou
après leur m o rt, il y ait transmission; que dans une vente
sous faculté de rém éré, par e x em p le, l’efFet de cette con
dition résolutoire concerne réciproquement les héritiers du
vendeur et de l’acheteur, cela se conçoit ; mais il en doit être
autrement, lorsque
la condition
tombe sur
la personne
même de l’une des parties; lorsqu’ il est évident, comme
dans l’espèce actuelle, que la condition a pour borne la vie
de celui qui l’a imposée pour son seul intérêt. N on habet
loctim quandb conditio apponitur in personâ stipulaioris.
2.° Il a été démontré que le retour est une exception au
droit com m un, absolument contraire à l’essence de la dona
tion entre vifs. O r , il est de r è g le , que les exceptions ne
s’étendent pas ; et certes , il serait bien plus contraire à la
nature de la donation, que la saisine du retour stipulé pour
le seul donateur, passât encore à ses héritiers.
3 .0
U ne loi s’y oppose, et les sieurs Delsol l’auraient déjà
remarqué, s’ils avaient lu la fin de la loi A v ia , dont ils
n’ont rapporté que le commencement: nec enim , ajoute-t-elle,
�C
5-4
)
eadem causa est patrls et mairis paciscentium ; qiùppe malris
pacium actionem prescriptis verbis constituit ; patris , doits actionem profectitice nomine competentem, conventions simplici
minime creditur innovare.
« C a r , il y . a de la différence entre le pacte du père et
» celui de la mère , au sujet de la dot ; en effet, il résulte
» du pacte de la mère l’action prescriptis verbis ; mais celui
du père ne
peut c h a n g e r,
par une simple convention,
» l’action de la dot profectice ».
Cette différence vient de ce que , dans le-droit R om ain ,
l’action de la dot profectice qui n’était autre chose que le
retour l é g a l , n’avait lieu que pour le p è r e , seul tenu, par
suite de la puissance paternelle, à doter sa fille. « C ’est là,
» disaient feu M M . Léo n et Babille , dans une consultation,
» le principe
général
qui veut , qu’en matière de retour
» conven tionnel, on distingue celui qui est stipulé par la
» m ère, de celui qui l’est par la p è re , et que celui-ci n’ait
» précisément d’autre effet que le retour lé g a l, si le père
» ne s’en est formellement e x p liq u é ,
de
manière à
» donner plus d ’étendue qu’il n’en a régulièrement,
lui
en vertu
» du droit commun ».
O r , de droit c o m m u n , le retour légal a-t-il jamais pro
fité aux héritiers du donateur ?
D o n c , en p rin cip e , le retour conventionnel du père est
restreint à
sa p erso n n e, toutes les fois qu’il
ne l’a
pas
étendu à ses héritiers.
D eux fameuses lois , disent néanmoins les sieurs D e ls o l ,
page 1 3 , décident formellement la question en faveur d es'
héritiers du stipulant :
L'u n e est la loi Ga'ius , 45 f f , soluto mairimonio .
L ’autre cst la loi A v i a , (5 c o d , de jure dotium,
'
�( 55 )
V o ici' l’espèce de la première de ces lo is :
« Gaius-Seius, ayeul maternel de Seia qui était sous la
»> puissance paternelle, a donné en d o t , pour sa petite-fille,
» à Lucius-Titius son m a r i, une certaine somme d’argent.
»> Dans le contrat qui contient les conventions d o tales, on
» a inséré cette clause qui a ete confirmée par une stipu» lation : si le divorce s'esi fa it entre les conjoints , sans faute
» de la part de la fem m e , toute la dot sera rendue à la femme
» ou à son ayeul maternel. On demande si l’ayeul maternel
» ve na nt à mourir aussi-tôt après cette convention , et
» qu’ensuite le divorce soit arrivé sans la faute de la fem m e,
» mais du vivant du père , sous la puissance de qui elle
» était, la stipulation produit encore une action et à qui
» cette action est acquise , si c’est à l’héritier de l’ayeui
» maternel ou à sa petite-fille.
L e jurisconsulte répond ; « il est vrai que cette stipula» tio n ,
faite par l’ayeul
m atern el, ne peut avoir a u cu n _
» effet dans la personne de la petite-fille, parce que cet
» ayeul a stipulé au profit de c e lle -ci, et qu’il est de règle,
» qu’on ne peut pas stipuler pour autrui; ainsi, l’action que
» produit cette stipulation , paraît appartenir à l’héritier de
» l’ayeul , hœredi stipulatoris actio competere videtur ►>,
D e ce fragment de texte , les sieurs Delsol infèrent que
le retour se transmet aux héritiers,- mais il n’était pas du
tout question de cela dans cette espèce.
L a dot n’avait pas été donnée à S e ia , et ne p o u v a it même
pas lui etre utilement constituée, parce que Seia était sous
la puissance paternelle; l’ay eu l maternel, contractant avec le
m a r i , avait stipulé un cas de
restitution de la d o t , et il
n’était question que de l’exécution de cette clause ; de p l u s ,
le divorce s’étant fait sans la faute de la fe m m e , le mari
�t
56
).
ne pouvait retenir la d o t , il devait donc la ren d re, non
à la femme , pour qui on n’avait pu stipuler , mais à l’ayeul
ou à ses héritiers ; le jurisconsulte devait donc répondre
comme il l’a fa it ; et cela ne ressemble en rien à la trans
mission du re to u r ; mais cela y ressemblé encore m oins, si
l’on achève de lire cette loi dont
aussi omis la fin.
« C e p e n d a n t, continue
les
sieurs
Delsol ont
le jurisconsulte, il faut d i r e ,
» dicendum est , que la dot peut être valablement payée à
» S e ia, quoiqu’elle n’ait pas d’action pour l’exiger, comme
» si l’ayeul avait stipulé qu’on donnerait une chose à lui
» ou à un tiers ; il sera même accordé à la petite-fille une
» action utile, en conséquence de cette convention de l’ayeul,
» afin qu’elle ne soit pas privée de l’avantage qu’il a voulu
» lui faire ; car la faveur due aux mariages et l'affection
» naturelle de l’ayeul pour sa petite-fille, doivent faire
» adopter ce parti ».
En core un c o u p , cela est étranger à la question dont il
s’agit ic i; et s’il en résulte quelque induction, c ’est que la
faveur due au mariage et à l’enfant donataire, doit
faire
écarter les héritiers du donateur.
V o ic i l’espèce de la loi A v ia .
« V otre ayeule a pu vous transmettre, si vous ave^ été son
» héritier, l’action qui résulte de la convention pour les choses
» qu’elle a données en dot pour votre fille , quoique l ’obli» gation des paroles ne soit pas intervenue ; car il y a de la
» différence, etc ».
O n ne voit pas quel parti les sieurs Delsol peuvent tirer
d une décision pareille. D ’une part, l’Empereur répond à
Sulpitius, que l’action n’a pu lui être transmise qu’autant qu’il
a ete héritier, si heures extitisti, ce qui prouve que cette
action
�'b J t
( 57 )
action aurait suivi la succession testamentaire; car, Sulpitius
n’étant que petit-fils, était exclu de la succession ab intestat
par les enfans de l’ayeule. D'autre p a rt, cette même loi fait
la distinction dont on a déjà parlé entre la convention stipulée
par la mère et celle stipulée par le père, et décidé formellement
que celle-ci n’a pas d’autre effet que le retour lé g a l, lorsqu’il
n’y a pas de stipulation plus étendue; ce q u i , loin défavoriser
le système du sieur Delsol, le renverse entièrement.
Ces deux lois sont donc loin de décider la question en
faveur des héritiers du donateur. E lle est de
plus jugée
çontr’eux par la lo i, quod de pariter 1 7 , f f ’, de rebus dubiis.
« La question qui a été agitée au sujet de plusieurs personnes
» qui meurent ensem ble, a été aussi traitée, par rapport à
» d’autres espèces; par e x e m p le , une mère constituant une
» dot à sa fille , a- obligé le m a ri, par une stipulation, à lui
» rendre cette d o t, dans le cas 011 la fille viendrait à mourir
» pendant le m a ria g e ; la mère est morte en même-temps,
» avec sa fille: les héritiers de la mère auront-ils, contre le
» m a r i, l’action provenant de la stipulation qu’elle a fait avec
>► lui ? L ’Empereur Antonin a' répondu, que cette stipulation
» ne donnerait point d’action contre le m a ri, par la raison
» que la mère n’a point survécu à sa fille ; quià mater filiez
» non supervixit.
L a stipulation du r e to u r n e passait donc pas aux héritiers
du donateur , à moins d’une convention expresse ; car, la fille
étant morte pendant le m ariage, le cas de la restitution était
o u v e r t , et il ne s’agissait pas de savoir qui de la mère
ou de la fille avait su rv é c u , mais bien si le mari devait
rendre la dot aux héritiers de la m ère, an ad heredem matris
actio ex stipulatu competeret. Peu importait que la fille fût
décédée avant ou après la m è r e 5 c a r , si elle était morte
H
�.
O8)
.
avant la m ère, celle-ci avait eu l’action et l’avait transmise
à ses héritiers ; et si elle était morte après la m è re , la saisine,
r é s u lta n t de la stipulation en faveur de la m ère, s’était con
tinuée, depuis sa m o r t , dans ses héritiers. Si d o n c , l’Empereur
a dit que la stipulation ne leur profitait p a s , attendu que la
mère n’a point survécu à sa fille , c’est parce qu’il a reconnu
qu'elle était personnelle à la mère et non réelle , et q u ’il
ne pouvait y avoir de transmission.
L a jurisprudence est-elle plus claire et plus uniforme que
les lois ? Les sieurs D elsol citent trois arrêts.
L e premier est celui dont parle P a p o n , au titre des d o
nations, art. 38. Mais
cet auteur n’indique ni la d a t e , ni
l ’espèce de ce ju gem en t, ni le tribunal qui l’a rendu.
L e sec o n d , qui est de 1 5 7 4 , est rapporté par M aynard,
liv . 8 , chap. 3 3 . Mais cet arrêt est du parlement de T o u
louse , qui s’est tellement écarté du d ro it, que , contre ses
dispositions formelles , il accordait le retour légal aux col
latéraux , même aux étrangers.
L e troisième est celui que le parlement de Paris rendit le
1 7 février 1 7 6 7 , entre les sieurs Lheritier et le marquis de
Mesmes. M a i s , il faut convenir que si jamais il a été permis
de faire fléchir les p rin cip e s, c ’était bien dans cette occasion.
L e sieur Lheritier ayant des enfans légitimes, avait donné '
à une belle-n ièce, c’est-à-dire à une étrangère, une somme
de 30*000 liv. qui lui retournerait , au cas du décès de la
donataire sans enfans ou de ceux-ci avant leur majorité. L a
faveur des enfans injustement dépouillés pour enrichir uti>
étranger, un grand seigneur , dût beaucoup influer sur cette
décision.
Mais ccs arrêts sont contredits par d’autres.
M o rn ac , sur la loi 5 t de ju re dotium7 en rapporte un du
�3 icj
t 59 )
19 mai ¡ 6 1 6 , qui a rejette la transmission. Les sieurs D elsol
diront en v^ in , qu’il s’ agissait d’un cas différent. Mornac qui
avait vu rendre cet a rrêt, pose ainsi la-question. Quœsitum
est in edictali auditorio , an stipulations reversionis conceptâ in
personam donantis in dotem , si donatarius sine hberis decesserit,
ju s iüu d revers ionis , ad heredes donatoris transeat ; dicimus
v u lg o , si le droit de reprise et de réversion passera aux
héritiers du donant ? Et l’arrêt a jugé la question contre
les héritiers , ut qui in stipulationem deducti non essent, parce
qu’ils n’étaient pas dans la stipulation.
L ’arrêt de 1 6 8 2 , rapporté par Gueret, au journal du palais,
est encore cité contre la transmission, par tous les auteurs
qui la rejettent. N o n , qu’il ait jugé la question en th è se ,
mais en ce qu’il a formellement reconnu le prin cipe, que le
retour doit être renfermé dans les termes de la stipulation.
L e donateur lui-même fut écarté du retour qu’il s’était réservé,
au cas qu’il n’y
eût pas d’enfans; parce que le donataire
avait laissé un enfant
qui cependant était
mort avant le
donateur. Gueret a fait là-dessus une discussion lumineuse
qui développe les vrais principes, et dont Bretonier fait l’éloge.
O n est encore moins satisfait, si l’on interroge les auteurs.
Les sieurs Delsol citent Lebrun.
Ils citent Laco m be ,• m ais, mal à p ro p o s, car il leur est
contraire. A u n .° 2 , Laco m be dit ce que les sieurs D elsol
ra p p o rte n t, page 1 7 du mémoire : on voit que dans ce para
graphe il ne fait que rappeler l’avis de Lebrun aux n.os 3 5 et 3 6 ?
duquel il renvoie. Et au dernier § de ce même n .° 2 , Lacom be
émet son opinion en ces termes : « Bretonier sur H e n ry s
» eodem , est d ’avis contraire avec raison, parce que la réversion
» conventionnelle dépend entièrement de la stipulation des
�( 6 0 ). . ,
» parties ». E t B r e t o n ie r ,à l’endroit cité par L a c o m b e , réfute
le système de la transmission.
Ils citent H enrys. Cet auteur avait d’abord adopté la v is
opposé à la transmission ; mais il en c h a n g e a , d’après M aynard,
et son principal m otif est q u e , le père stipulant le retour de
la d o t , si sa fille meurt sans en fan s, ou ses enfans sans descendans , ne s’est pas persuadé que cela pût arriver de son
v iv a n t , et n’a eu une visée si longue , que parce qu il a pensé
à ses héritiers; mais ne peut-on pas répondre, avec G u e re t,
que dan£ un contrat entre v ifs , où plusieurs parties arrangent
ensemble leurs con v en tio n s, il n’y a rien de m ental; qu’une
partie ne contracte pas selon les pensées de l’autre, mais selon
ce qui est écrit ; qu’il est inutile de recourir à des présomptions,
quand les parties ont clairement manifesté leur idée et qu’il
leur était facile de l’étendre par d ’autres stipulations ; qu’enfin,
on ne peut croire que le donateur a pensé à ses héritiers,
parce q u ’il a parlé de ses p e t it s - e n fa n s , p u i s q u e , dans moins
d’un a n , la condition prévue pouvait s’accomplir. Dans l ’es
pèce actuelle, par exem ple, la dame d’O rcet pouvait m ou rir,
laissant un enfant, et celui-ci mourir peu après, sans descen
d a is. Il ne fallait pas même un a n , pour que le sieur Delsol
vît arriver le cas dont il redoutait les suites ; et c’est cette
crainte et non la pensée de ses héritiers, qui lui a suggéré la
clause du retour.
Enfin , à l’audience ,
les sieurs D elsol ont cité C h a b r o l ,
qui se fonde sur H en rys et sur l’arrêt de 17 6 7 .
A ces auteurs , la dame d’O rc e t en oppose un plus grand
de jure dotium, Bretonier ,
sur H e n r y s , tom. 2 , liv. 6 , quest. 3. G u e r e t , journal du
palais. D o m a t, lois civile s, liv. 2 , tic. 2 , sect. 3. B o u ch eu l,
nombre. M ornac , sur la loi 5.
�( 6 i )
conventions de su c c é d e r, chap. 1 2 , n .° 7 1 . Arnaud d e là
R o u v iè re , traité du droit de retour.
Les sieurs D e lso l récusent M o r n a c ; mais on a déjà vu que
c ’est sans raison.
Ils récusent B reto n ier, parce qu’il s ’ est trompé ou qu’il a
seulement voulu d ire , qu’il ne faut pas trop etendre le retour.
Po u r toute réponse, il suffit de lire l’auteur. Après avoir parlé
d ’H e n ry s, de M aynard , de P a p o n , de L e b r u n ,
il d it :
« n o n o b s ta n t toutes ces autorités, j ’ai bien de la peine à me
» ranger à cette opinion ; ma raison est, que dans cette occa-
» sion il s’agit d’une réversion conventionnelle qui dépend
» entièrement de la stipulation des parties; o r , les stipulations
» sont de droit étroit et ne s’étendent, pas d u n cas à un
» autre , & c ».
Us récusent B o u c h e u l, parce q u ’il cite l’arrêt de M o r n a c ;
m ais, outre que cet arrêt est dans l’esp èce, Boucheul se fonde
encore sur d’autres arrêts de 1 5 8 4 et 1609 .
Enfin ils récusent Arnaud-Larouvière , comme ne connais
sant pas les premiers principes de la matière; tandis qu’il a
fait., sur fe droit de re to u r, un traité complet qui est géné
ralement cité.
Mais la vérité sortira-t-elle de ces lois qui se contredisent,
de ces arrêts qui se con trarien t, de ces auteurs dont les opi
nions se balancent ?
N on. Les lo is! elles sont tirées du code des R o m a in s, qui
avaient, sur la d o t, des pratiques inconnues dans notre légis
lation ; les usages de ce p eu ple, qui donnaient au mari la
dot de la femme décédée en m a ria g e , ( ce qui nécessitait la
stipulation dotem reid i
contre le mari )
rendent
peut-être
étrangères à la question actuelle, des décisions qui pourraient
bien être uniquement relatives au cas où la stipulation de
�(
■)
•restitution de dot devenait une convention entre le donateur
et le m a r i , et où il ne s’agissait pas de la considérer comme
une -charge imposée à la d onation, au profit du do n ateu r,
contre le donataire.
Les arrêts ! Celui de 1 574 est du parlement de Toulouse ;
ceux de 1 6 1 6 et de 16 8 2 sont au contraire de celui de Paris ;
et l’arrêt de 1 7 6 7 , qui est le seul rendu depuis les deux autres >
j i ’a certainement pu fixer la jurisprudence. Est-ce là cette série
non interrompue de décisions u n ifo rm es, qui transmettant
d ’âge en âge un point de doctrine , commande l’assentiment
universel et supplée au silence de la loi ?
D ’ailleurs, on ne peut se dissimuler que le retour con ven
tionnel étendu aux héritiers, a les effets de la substitution ,
puisque le donataire et ses enfans ne pouvant disposer, sont,
par le fait, chargés de conserver et de rendre ; ce qui fait
dire à R ic a r d , n.° 7 9 8 , que le droit de retour est une véri
table espèce de fidéicommis 3 sujet à l ’ h y p o t h è q u e de la dot
com m e les biens substitués, ainsi que l’a jugé le parlement
de T o u lo u se , par arrêt de 1 5 9 0 . Cetfe analogie a dû néces
sairement influer sur les arrêrs rendus en matiète de retour.
O r , ceux qu’opposent les sieurs D e lso l, datent d’un temps
où les substitutions conjecturales étaient admises. Celui de
1 7 6 7 a lui-même statué sur une stipulation faite en 1 7 1 2 . E t
i c i , il s’agit d’une clause insérée dans un contrat de 1 7 6 0 ,
postérieur à l’ordonnance de
1 7 4 7 > qui a défendu d’établir
aucune substitution sur des conjectures. ( Art. 1 9 ) .
Les auteurs ! L e plus grand nombre et sur-tout les plus récens,
ont écrit contre la transmission. Mais des opinions qui ne réunis
sent pas l’approbation générale , peuvent-elles servir de règle?
O ù donc sera le terme de cette incertitude ? O ù se prendra
Je motif de décision ?
�3^3
Dans le code des Français.
E t , que les sieurs D elsol ne crient pas à l ’efFet rétroactif.
11 ne s’agit pas de prononcer sur une clause expresse d’un
acte antérieur au c o d e , car il n’y a pas de stipulation en faveur
des héritiers du sieur Delsol ; et la question actuelle ne serait
pas agitée, s’il avait réservé le retour pour les siens.
Il ne s’agit pas de juger contre une législation préexistante
ou contre une jurisprudence reconnue.
11 ne s’agit pas d o te r aux sieurs D elsol un droit a cq u is;
car ils ne prétendent qu’à une expectative con d ition nelle, et
la difficulté consiste à décider s’ils peuvent l’avoir.
Il s’agit seulement de résoudre une question qui n’est clai
rement tranchée ni par les lois , ni par les arrêts, ni par les
auteurs; et, nul doute a lo rs, que l’autorité du code ne doive
prévaloir.
« Est-il v r a i , messieurs, d isait, au tribunal de la Seine,
» M . Jo u b e rt, Procureur im périal, dans une
question qui
» présentait la même difficulté ( 2 4 ) . Est-il vrai que le code
» civil ne doive avoir aucune influence sur vos décisions,
v dans les contestations sur des droits qui lui sont antérieurs ?
» Cela est v r a i , sans doute , quand il existe, pour décider
» les q uestions, des lois claires et précises , ou< ce qui n’est
» guère moins respectable,
une jurisprudence
constante et
» invariable .
(24 )
Il fallait juger s’il y avait péril d’cviction pour une vente passee
en l ’an 3 , et interpréter la lo i 1 8 , § i . er, ff. dt ptriculo et commodo rei
venditœ. C e magistrat a fait décider la question par l ’art.. 16 53. du c o d e ,
dont le moindre bienfait n’est pas d’av o ir mis fin sur cet objet com m e
sur beaucoup d’autres, à toutes les subtilités du droit
dt la cour dt cassation , an 1 3 .
Romain. Jurisprudence
�*¿4
C ¿4 )
» M a is , lorsqu’on ne vous présente, pour motifs de décision
» que des lois obscures où chaque partie trouve ce qu’elle
» v e u t , que des arrêts qui s’anéantissent, que des auteurs qui
» ne sont pas d’accord ;
» S ’il se présente alors un code destiné à f ix e r à jamais nos
» relations civiles et sociales , q u i , repoussant cet esprit no» vateur, auquel nous devons tant de funestes essais, n’a fait
» que réunir les lois que l ’expérience des siècles a rendu éter>♦ nelles comme celles de la nature ; un code rédigé par les
» hommes les plus recommandables par leurs vastes lumières ;
>> sur la rédaction duquel tous les S a v a n s , tous les Magistrats
» de l’Empire ont été appelés à donner leur avis ; ce code ne
» devra-t-il pas être le guide le plus s û r , l ’autorité la plus
» respectable que nous puissions vous offrir ? Et lui préférer
»
v
»
»
une jurisprudence versatile ou des auteurs qui se contredisent, n e serait-ce pas imiter la folie de ces n a v ig a t e u r s
q ui, après l’invention de la b o u s s o l e , s’o b s t in a ie n t à suivre
les é to ile s q u i le s a v a ie n t si s o u v e n t é g a ré s » ?
A la v o ix de cet éloquent M agistrat, le code s’ouvre de
lui-même.
A
rt.
»
m z . « O n est censé avoir stipulé pour soi et pour
» ses héritiers ou ayans-cause , à moins que le contraire 11e
» soit exprimé ou ne résulte de la nature de la convention.
A r t . nyç). « L a condition accomplie a un effet rétroactif
» au jour auquel l’engagement a été contracté. Si le créancier
» est mort avant l’accomplissement de la condition, ses droits
» passent à son héritier.
A
rt.
g b i. « Le donateur pourra stipuler le droit de retour
» des objets d o n n és, soit pour le cas du prédécès du donataire
» seul, soit pour le cas du prédécès du donataire et de ses
» doscendans.
Ce
�( «s )
» C e droit ne pourra être stipulé qu’au profit du donateur seul ».
A in s i, le code admet le principe de la transmission, pour
toutes les conventions qui en sont susceptibles. A r t . n z z .
Il consacre la saisine résultante du contrat et l'effet rétroactif
de la condition. A r t . 117 9 »
Mais, il reconnaît que le retour conventionnel,étant emprunté
du retour l é g a l , et d ic te, comme c e lu i-c i, par des motifs per
sonnels au donateur, n’est pas susceptible de transmission ; que
la sa isin e n e peut en passer aux héritiers, et il en restreint
la stipulation au donateur. A r t . g b i .
E t , ce qui prouve évidemment que cette disposition a été
universellement considérée comme un corollaire des anciens
principes, c ’est q u e , ni dans les observations des T rib u n s,
ni dans la discussion du Conseil d e ta t, ni dans les discours
prononcés au C orps législatif, elle n’a éprouvé aucune opposi
tion i et il n’a été rien dit qui puisse amener à croire que l’on
faisait une loi nouvelle. C ’eût été cependant un point assez
essentiel pour fixer l’attention de quelqu’u n , parmi les nom
breux collaborateurs du code. ( 2 5 )
__________________ ♦ ________________________________________________
(25)
Les sieurs D elsol se debarrassent de l’art. 9 5 1 , d’une manière
tout-à-fait aisée. Ils disent, dans leurs défenses, signifiées le 1 juillet 18 0 7 ,
q u e , « l’on peut assurer d’avance, qu’à la première révision du code c iv il,
v une disposition subversive de tous les principes reçus, et qui forme
» antinomie com plète avec l’art. 1 1 7 9 qui a paru postérieurement, sera
» nécessairement reform ée;et que la transmissibilité sera, comme aupara»> vant, consacrée par les lois et exécutée par une jurisprudence uniforme ; »
C ’est-à-d ire, en d’autres term es; que les auteurs du code se sont trompés.
Les sieurs D elsol ne leur feraient pas ce reproche, s’ils voulaient ne
pas confondre ce que le code a distingué. L’art, n z z retrace la règle
pltrumquï. L ’art. 1 1 7 9 rappèle l’eflet rétroactif de la cor.dition;et l’art. 9 5 1 ,
appliquant les deux autres, décide que le retour
est
au
nombre
I
des
�J&
( 66 )
L e s sieurs D e ls o l, diront-ils que l’art. 9 5 1 prohibe seulement
la stipulation du retour pour les héritiers du donateur, mais
qu’ il ne décide pas que les héritiers ne succèdent point à la
réserve qu’il en a faite pour lu i; qu’ ainsi, on n’en peut inférer
qu’il a terminé l’ancienne controverse ?
Il est facile de v o ir , qu’en disant, par l’art, u z i , que l’on
stipule pour ses héritiers, à moins que le contraire ne soit
exprim é) ou ne résulte de la nature de l’a c t e , le code n’a
fait que retracer la règle plerumquè.
E t , en d is a n t, par l ’art. 9 5 1 , que le retour ne peut être
stipulé que pour le donateur s e u l , le code a seulement fait
l’application de cette règle.
Mais, il en résulte nécessairement qu’il reconnaît et rejette
la transmission du retour, comme contraire à la nature des
donations ; e t , en cela, il ne détruit ni législation, ni juris•
/
,
prudence antérieure. Raisonner autrement, ce serait soutenir,
qu’aujourd’hui m êm e, la réserve du retour pour le donateur ,
passerait aux héritiers , m a lg r é l’article 9 5 1 , et a u r a it indi
rectement l'effet qu’il refuse à la stipulation expresse, en faveur
des héritiers.
*
Et ce qui rend cette application du code juste et raisonna
b le , c’est qu’elle coïncide parfaitem ent, soit avec les princi
pes , soit avec la stipulation.
A v e c les principes: parce que le droit de retour est conconditions et conventions non transmissibles aux héritiers. Les sieurs
D elso l veu len t, ail contraire, d’après le § ex conditionali stipulationc,
que toute condition soit nécessairement transm issible, sans distinction
de celles q u i , par la nature de l’acte ou l’intention des p a rtie s, sont
personnelles au stipulant. T oute leur défense repose sur cette erreur; et
quoiqu’cue so; t ¿yidente et heurte également les anciens et les nouveau x
principes, ils sont condamnés h la soutenir jusqu’à la fin.
�3 (T>
C
traire à l’essence de la
* 7
)
donation entre vifs ; qu’il est une
exception et doit être, par conséquent, restreint dans les bornes
que le donateur a posé; qu’il contrarie la faveur des mariages,
la liberté des dispositions, la circulation des propriétés ; qu’il
prend enfin sa source dans des motifs personnels au donateur,
comme le retour légal dont il est 1 image.
A v ec la stipulation : parce q u e lle ne parle que du donateur;
quelle a été faite en 1 7 6 0 , temps où les maximes consacrées
par les arrêts de 1 6 1 6 et 1 6 8 2 , et professées par B re to n ie r,
par Boucheul, par Arnaud de la R o u v i è r e , q u i, les derniers
avaient traité cette matière, donnaient la prépondérance aux
adversaires de la transmission , et que les parties s o n t , indé
pendamment du fa it , censées avoir contracté suivant l’opinion
dominante ; de sorte que la clause trouve sa décision dans
les mêmes principes qui présidèrent à son origine.
Il est donc vrai de dire qu’en droit ,
profiter aux
le retour ne peut
sieurs D elsol.
III.e
P R O P O S I T I O N .
Dans tous les cas, taction du retour tomberait dans
l'institution et se serait confondue dans la personne
de la dame d’O rc e t, héritière universelle.
L
a
dame d’O rcet aurait pu,sans danger, se borner à prouver,
ainsi qu’elle l’a fait dans sa première proposition , que la
clause du retour était purement personnelle à son père ; ce
n’est que pour suivre les sieurs D elsol dans toutes les parties
de leur système et en faire v o ir le peu de fo n d e m e n t, sous
tous ses rapports, qu’elle s ’est prêtée à examiner trois propo
sitions subsidiaires.
�( 68 )
Dans l’une, elle vient d’établir, qu’en d r o it , le retour ne
peut profiter aux sieurs Delsol.
Dans c e lle -c i, elle va démontrer que l’action qui aurait
pu en résulter, se serait confondue dans l’institution universelle.
Il a été prouvé dans la première partie des m o y e n s , que
réservés ne pouvait concerner que les
10 ,0 0 0 liv. dont le sieur Delsol s’était réservé la disposition,
parce qu’il-avait autrement désigné les biens institues, et que
le retour des biens
ceux-ci n’avaient pu être frappés de re to u r, parce qu ils ne
pouvaient retourner au sieur D e lso l, après sa m o rt, ni passer^
à ses enfans du second l i t , sans fidéicommis.
L ’institution doit donc être considérée comme pure et simple.
O r , cette institution est universelle; elle comprend tous
les biens, tous les droits, toutes les actions et généralement
tout ce qui pourrait appartenir au sieur D e ls o l , au temps de
sa m o rt; et il n’en avait été distrait que 10,0 0 0 liv. q u i, faute
de disposition , devaient y rentrer.
C ’est donc la dame d’O r c e t , héritière instituée, qui seule
représente le sieur Delsol.
Hœres in omne ju s m oriui, non tantum, singularum rerum
dominium sutcedii. L eg 3 3 , j f d e acquir . , vel omit, hered.
Hccreditas nihil aliud est quam successio in universum ju s
quod dejunctus habuerit. Leg. G z , j f de. reg. ju r.
Bona ità accipienda sunt , universitatis cujusque successionem,
quâ succeditur in ju s demortui : suscipiturque ejus rei commodutn. N am , sive solvendo sunt bona , sive non sunt : sive
damnum habent , sivelu crum : sive in corporibus sunt , sive in
actionibus , in hoc loco , propriè bona appellantur. Leg. 3 ,
J f de bonor. posess.
M aintenant, si l’on suppose que le droit de réversion des
biens donnés, peut être transmis aux sieurs D e ls o l, ce ne
�( ¿9 )
sera pas comme étant directement appelés en leur qualité
d ’enfans du second lit de leur p ère, car il n y a pas de v o
cation pour eux dans la clause, et il ne pourrait y en avoir,
puisqu’il ne pensait pas alors au mariage qu’il n’a contracté
que 1 1 ans après ; ce ne sera donc que comme héritiers du
sieur D e ls o l; et sans doute, q u a cet ég ard , ils ne récuseront
pas leur propre autorité,
« L e droit de retour, stipulé par le donateur, disent-ils,’
» page 9 , même pour lui s e u l, se transmet aux héritiers : les
» héritiers n ’ont pas besoin de la vocation de l’homme pour
» profiter du droit dont leur auteur est mort saisi ; ils n’ont
» besoin que de celle de la loi qui les saisit de tous les droits
» du défunt, qui les subroge à la saisine, en la continuant
» en leur personne.
Et page z 6 , « les héritiers différent même si peu du défunt,
» en matière de stipulation, et s o n t , au contraire , tellement
» identifiés avec l u i , qu’ils en tren t, par la force de la loi ,
» dans les stipulations , pour ainsi d i r e , malgré lui ; qu’ ils
» y entrent sans qu’il les no^nme, sans qu’il s’occupe de leur
» intérêt, sans qu’il le prévoie ; et qu’il suffit qu’il ait stipulé
» pour lui et qu’il n’ait pas formellement déclaré qu’il n’enten« dait stipuler que pour lui-même , pour qu’il a it , dans le
» même temps et par cela s e u l, stipulé pour eux ».
Les sieurs D elsol n’ont pas sans doute fait attention, qu’en
raisonnant a in si, ils plaidaient pour la dame d’Orcet ; leur
père a fait une institution universelle, et ce n’est pas en leur
fa v e u r; c a r , en 1 7 6 0 , ils étaient dans le néant et personne
ne pensait à eux ; c’est au profit de la dame d’Orcet. Il faut
donc qu’ils reviennent sur leurs pas , et qu’à la place de
ce
mot héritiers, qui leur a si souvent échappé , ils substituent
c e lu i- c i, enfans qu parens.
�( /
Mais il ne suffira pas de faire cette correction ; il faudra
aussi démentir les deux lois et Domat , qu’ils citent à la fin
de la page 25. Il fa u d ra , de plus, désavouer la loi A via ,
qu’ils in v o q u e n t, pages 13 et 14 .
Dans cette loi , l’Empereur ne dit à Sulpitius, que
son
ayeule a pu lui transmettre l’action qu’elle avait pour les
choses données à la fille de Sulpitius, qu’autant qu’il a été
son héritier, si heures extitisti. Il était en effet évident que Sul
pitius étant exclu de la succession légitime de l’a y e u l e , par
les enfans de c e lle -c i, elle n’avait pu lui transmettre cette
action , que par testament, si hczres extitisti.
L a même décision se trouve dans le § pâte r de la loi 4 0 ,
ff de pactis.
Dans cette esp èce, un père mariant sa fille unique, lui
promet une dot dont il paie la rente, et stipule que si la fille
meurt sans enfans pendant le mariage (auquel cas la d o t,
selon le droit du digeste , appartenait en entier au mari )
son frère , son héritier pourra retenir la moitié de cettedot ;
depuis, lui étant survenu des enfans qu’il a institués héritiers
par testament, on demande si cette stipulai ion profite aux
enfans ou au frère du donateur; Papinien répond : E a con-
vendo libens posteà suszeptis et hœredibus testammto reliais
proderit , cùm inter contrahentes id actum sit ut hœredibus cou
su la tur , et illo tempore quo pater altos filio s non habuit in
fratrem suum judicium supremum contulisse videatur.
E t , C u ja s , sur cette, l o i , ajoute : Actum fra tri ut hæredi
consistit in personâ cujucumque hccredis, non in personâ jratris
qui non extitit hczres : ergo et in personâ hccredis extranei, nedàm
in personâ f i l i i hccredis instituù .
D o n c , en pareil c a s , les enfans ne succèdent pas à l’action,
comme enfans du stipulateur, mais comme ses héritiers institués,
�( 70
et en vertu de la disposition qui leur transmet tous ses biens i
au point que, si un étranger était institué h é ritie r, c’est à lui
que l’action appartiendrait,
au préjudice des enfans.
D o n c , les sieurs D elsol, n ’étant pas héritiers de leur père,
ne p e u v e n t , de leur propre a v e u , revendiquer une action
qui n’est pas attachée à leur qualité d enfans du sieur D e ls o l,
et qui suit, comme tout ce qui lui appartenait, le sort de
son hérédité.
*
'
Les sieurs D elsol n’étant pas directement appelés comme
enfans ni d’aucune autre m anière, ne peuvent avoir plus de
droit que n’en auraient les autres parens de leur père. Sup
posé , en effet, qu’il ne se fût pas remarié et q u ’ il n’eût laissé
que la dame d’Orcet et ses autres parens qui ne sont connus
de personne, pas même des sieurs D e ls o l: on le demande,
serait-il entré dans l’idée de quelqu’un , que la dame d’O rcet
n’était pas propriétaire absolue des biens de son père ? Si un
collatéral eût consulté sur les prétentions que font valoir les
sieurs D e l s o l , on lui aurait certainement répondu que, n’étant
ni hériiier institué , ni appelé par la c la u se , il était sans qualité.
E t , parce que les sieurs D elso l sont venus au monde, 1 2 ans
après la clause , ils p o u rro n t, ce que n’aurait pu ce collatéral,
tandis qu’ils ne sont , comme l u i , ni appelés spécialement,
ni institués héritiers par aucune disposition! N o n . Eadem
causa , idem jus.
Pour se convaincre de plus en plus de toute la fausseté
de leur sy stèm e, il suffit d’en examiner les conséquences:
elles ne vont à rien
les principes.
moins q u ’à choquer la raison et tous
Ils prétendent, page 33 , que le contrat de mariage donne
tout à la dame d’O r c e t , excepté le droit de retour j qu’en
�( 71 )
fnême-temps, ce droit est transmissible, et qu’ils sont appelés
à le recueillir, comme héritiers de leur père.
M a i s , n’est-il pas constant que la dame d’O rcet est son
héritière universelle , et que l’institution qui lui a fait passer
tous ses biens, n’est, ni n’a pu être grevée de retour ?
Com m ent pourrait-il donc se faire que la dame d’O rc e t,
ayant en sa faveur une institution un iverselle, il existât
n éan m o in s, dans la succession de son p è re , un d ro it, une
action quelconque, qui fût retranchée de cette institution,
lorsque rien n’en a été distrait par la clause qui la contient ?
C om m ent pourrait-il être que la dame d’Orcet, prenant tous
les b ie n s, comme héritière contractuelle, il restât quelque
chose de l ib r e , pour les héritiers naturels ?
,
Il y aurait donc deux successions ; l’une conventionnelle,
qui comprendrait tout, hors le retour; et l’autre
intestat ,
qui ne comprendrait que le retour seul.
M ais cela est-il possible ? L ’institution contractuelle de tout
ce que l’instituant laissera à son d écès, n’est-elle pas un titre
u n iversel, comme le testament ; et l ’héritier ne prend-il p a s,
dans les deux c a s , tout ce que le défunt possédait ?
Il n’est pas de principe plus constant que celui de l’indivi
sibilité de la succession : l’héritier ne peut en accepter une
partie et rejetter l’autre; sa qualité est universelle; et ne fût-il
institué qu’en une partie, il serait héritier pour le tout. D e là
est venue cette règle du droit R o m ain : Ju s nostrum non patitur
cundcm in paganis ( 2 6 ) , et testato et intestato decessisse, eaî unique
rerurn nattiraliter inter se pugna est , testants et intes-
m u s, Leg. y , f f de reg. ju r.
(16 )
Id est in rebus p a g a n i, re i non militis.
Ñeque
�( 75")
Nequè etiim idem ex parte testatus, et ex parte intestatus
decedere potest. Instit. b de hered. instit,
Domat, lois civ. , l i v . , tit. i , sec. i , et liv. 3, tit. 1 , sec. 9 .
C ’est ce qui fait dire à M. M e r lin , dans son répertoire
universel de jurisprudence, au mot condition , q u e , « Si une
» seule personne est instituée héritière en une partie de la
» succession, et sous condition pour 1 a u tre , elle recueillera
» la succession; parce que la moitié qui lui est donnée, sous
» con d ition , n’appartenant à p erso n n e, se réunira à l’autre,
» par droit d’accroissement.
» Q ue la raison de cette décision sort de ce prin cipe,
» qu’un testateur ne peut pas laisser sa succession tout-à-la-fois
» par testament et sans testament, partim testatus, partïm in » testatus. C ’est pour éviter ce partage choquant d’une chose
» indivisible , que le droit d’accroissement a été introduit dans
» les successions. A in si, ajoute-t-il, l’institution conditionnelle
» d’une partie de la succession 3 ne peut avoir aucun effet
» lorsqu’elle regarde la même personne que l’institution pure
» et simple ».
Ces règles de l’indivisibilité de l’institution , s’appliquent à
celle de la dame d’Orcet ; quoique portée dans un contrat
de m ariage, elle n’était pas moins re n v o y é e , pour l’exécution,
au décès du sieur Delsol ; elle a tous les effets d’un testament.
L a dame d ’Orcet a donc réuni sur sa tête toutes les actions
que pouvait exercer son père ; et si l’on s’obstine à vouloir
que le droit de retour lui ait su rvécu , il a nécessairement fgic
partie de sa succession y il était in bonis , et dès le moment
du décès du sieur D e l s o l , il s’est éteint par la confusion qui
s est faite dans la personne de la dame d O r c e t , des deux
qualités de créancière et de débitrice du même objet. A rt .
13 0 0 du code Napoléon .
K
\
�( 74 )
I l en est autrement, lorsque c’est un étranger ou un colla
téral qui donne et se réserve le retour pour lui et pour ses
héritiers , en cas de décès du donataire sans enfans ou que,
laissant des en fans, ceux-ci viennent à mourir sans postérité.
L ’héritier du donateur et celui du donataire sont différens. L a
qualité de donataire et celle d’héritier du donateur ne se
rencontrent p a s; et par conséquent, il n’y a pas ljeu à l’ex
tinction du droit de retour qui marche avec la succession
du donateur, de même que la chose donnée marche avec
l’hérédité du donataire. C e sont des lignes ou des descendan
ces qui communément ne se confondent pas. E t en effet, il
n’ y avait pas eu de confusion dans l’espèce de l’arrêt du 1 7
février 1 7 6 7 , car il n’y aurait pas eu de p ro cès, si la de
moiselle R acin e eût été instituée héritière du sieur Lhéritier.
Q u e l’on compulse tous les auteurs, tous les recueils d’arrêts,
on ne trouvera aucune espèce pareille à c e lle -c i, où la do
nataire est en même-temps héritière un iverselle, grevée de
r e to u r d an s u n e
q u a l i t é , et a p p e lé e d a n s l’a u tre à r e c u e illir
toutes les actions du donateur.
Les sieurs Delsol n’ont aucun titre pour empêcher cette
confusion. Ils n’avaient qu’un droit à la succession de leur
p ère, et ils l ’ont consommé. Il leur revenait une légitime; ils
• l ’ont prise en biens héréditaires dont ils disposent à leur gré; ils
- l’ont prise sur les biens donnés dont la valeur a été rapportée
à la succession ; ils ont reconnu leur sœur pour héritière uni
ve rselle; ils l’ont chargée d ’acquitter les dettes de l’hérédité;
ils n’ont fait aucune réserve ; quelle pourrait donc être leur
qualité? Héritiers naturels: ils sont exclus par l’héritière
générale contractuelle. La disposition de leur père ne contient,
en leur f a v e u r , aucune vocation
particulière au droit de
retour. 11 a donc suivi le cours de la succession.
�T>yj
\
y
^
( 75 )
O n ne contestera pas, sans d ou te, que l’héritier contrac
tuel ait tous les d ro its, toutes les prérogatives de l'héritier
légitime et testamentaire.
Dans les institutions contractuelles, dit Dénisart, au mot
institution , n.° 7 , 9 , 1 0 , 1 1 et i a , même dans celles qui
changent le cours ordinaire des successions, l ’institué est un
héritier trè s.-p a rfa it et très-véritable ; il représente aussi par
faitement la personne du défunt que l ’héritier légitime,* il est,
comme l u i , saisi de la succession ; la règle le mort saisit le
v i f 1 a lieu en faveur de l’une et de l’autre espèce d’héritier:
et en c e l a , cet auteur n ’est que l’écho de tous ceux qui ont
parlé des institutions contractuelles.
Les sieurs Delsol objecteront-ils, comme ils l’ont fait dans
leurs défenses et à l’audience, que leur père a v o u lu , que
si la dame d’O rcet mourait sans enfans, les biens donnés
revinssent
à lui ;
q u e , ce cas a rrivan t, ils
ne
peuvent
revenir à e lle ; car autrement ce serait un cercle v ic ie u x ,
et la clause eût été inutile, puisque la dame d’Orcet aurait
eu les biens sans la clause et malgré la clause.
Mais les sieurs Delsol.sont seuls dans le cercle v ic ie u x , en
faisant cette objection; car ils partent du point en contesta
t io n , comme s’il était décidé en leur fa v e u r: et leur raison
nement n’est fondé que sur cette double e rre u r, que le retour
n’est pas personnel au sieur D e l s o l , et qu’il leur
nommément à eux.
11 est évident que, sans la c la u se, il n’y aurait pas
entre les parties ; la dame d’O rcet aurait les biens
tablement, en vertu des dispositions universelles de
a profité
de procès
incontes
son père.
E t malgré la clause , elle doit aussi les a v o ir , parce qu’il
est établi que le sieur D elsol ne l’a stipulée que pour lui ;
q u elle est devenue caduque par sa m o r t , et
qu’alors
même
A'.r-i
�(70......................
qu’on voudrait faire passer aux héritiers la réversion des biens
d onnés, la dame d’Orcet étant seule héritière , les sieurs Delsol
n’étant appelés ni comme enfans, ni d’aucune autre manière,
l ’action que produit le retour, se confond dans l ’institution,
tout comme s’y seraient confondus tous les droits, toutes les
actions que le sieur D elsol aurait pu avoir personnellement
à exercer contre sa fille. A rt. 1300 du code Nvpoléon.
L a c la u se , entendue dans son vrai sens et selon les prin
cipes , n’était dirigée contre la dame d’O rcet qu’en faveur de
son père seul; voilà pourquoi il 11e l’étendit pas aux siens,
et q u ’au contraire } il les priva non seulement de ce droit,
mais encore de tout ce qu’il laisserait en mourant.
L a dame d’Orcet prend
donc les biens, conformément
à la clause. S i , par un sens fo rc é , les sieurs D elsol lui don
nent une plus grande extension , c’est peine perdue pour eux ,
car ils ne sont pas en position pour en profiter ; et a lo r s
m ê m e , la d a m e d ’ O r c e t p r e n d e n c o r e les b ie n s , m a lg r é la
clause qui se perd dans l’institution universelle.
L ’objectioii des sieurs Delsol se rétorqu e, en définitif,
contre eux ; car ils veulent avoir les biens sans la clause qui
ne les appèle p a s, et malgré la clause qui ne parle que de
leur père, et ne peut leur profiter.
IVlais, disent enfin les sieurs Delsol, pag. 3 1 et 3 2 du mémoire,
« pour que la dame d’Orcet pût s’accorder avec elle-même,
» il faudrait 'd’abôrd commencer par effacer du contrat de
'» mariage de 1 7 6 0 , la claüse'du retour quese réserva le sieur
*» D e lso l, donateur. Il faudrait ensuite que le sieur Delsol fût
» mort
¿ans représentai« au dégré successible, autres que
» la dame d’Orcet. Il faudrait enfin supposer que la stipu» lation de retour ci t, de sa nature, personnelle e t , par
�2>yy
( 77 )
» conséquent, incommunicable aux héritiers
du donateur,
!» nonobstant son prédécès.
» O r , le retour est stipule dans le contrat de 1 7 6 0 ; et il
» existe encore , puisqu’il ne doit s’ouvrir qu’à la mort de
» la dame d’Orcet. D ès qu’il ex iste , elle n’a pu le recueillir
» avant l’événement de la condition, et sa qualité d h é ritiè re,
» à la charge du reto u r, ne lui confère pas un droit dirige
» contre e l l e , autrement il faudrait dire que la dame d’O rcet
» s’est succédée à elle-m êm e, de son vivant etc. ».
V o i l à , sans d o u te , ce que les sieurs .D elso l ont cru
pouvoir dire de plus fort. Mais se so n t-ils bien entendus
e u x -m ê m e s ?
D ’a b o r d , ils doivent bien se garder de commencer par effacer
du contrat de mariage de 1360 , la clause du retour que se réserva
le sieur D elsol ; car s’ils l’eiFacent, ils effacent aussi leur pré
tention ; tout est fin i, et même leur raisonnement.
E n second lieu , qu’importe que le sieur D élsol ait laissé
des enfans d’un second lit ou des collatéraux à un dégré quel
conque ? Il est clair que ne les ayant pas appelés au retour,
en leur qualité d ’enfans ou de collatéraux , ils ne peuvent
y venir que comme héritiers.
En troisième lieu, pour que la clause soit communicable
aux héritiers, il faut auparavant décider q u ’ elle.n’est point
personnelle: or , la dame d’Orcet croit avo ir clairement établi
que la clause ne concernait que le donateur : et maintenant,
quand le retour pourrait passer aux héritiers, il faut voir s’il
ne tombe pas dans l’institution.
O r , ici les sieurs Delsol se trompent ( page 3 1 )., s ’ils
pensent trouver de l'absurdité et une conjusion d'idées dans
la proposition de la dame d'Orcet.
E n effet, ils partent de cette id é e , que le retour existe
�( 78 ,)
encore jusqu’à son décès, et quêtant héritière, à charge de
retour, elle ne peut recueillir un droit qui ne s’ouvrira qu’à
sa mort.
Mais d ’une part, le retour n’a pu atteindre l’institution
contractuelle. L ’absurdité de l’opinion contraire est d’une telle
évid ence, qu’elle a frappé jusques aux sieurs Delsol ; car, s’ils
trouvent absurde que la dame d’O rcet puisse recueillir, de
son vivant y un droit qui ne devrait s’ouvrir qu’à son décès,
ils conviennent bien qu’il ne l ’est pas moins que le sieur
D e lso l ait pu se réserver celui de reprendre les biens réservés
qu’il ne donnait pas et qu’il ne devait transmettre que par
sa mort.
S ’il est une fois constant que le retour n’est, ni n’a pu être
apposé à l’institution contractuelle, a lo rs , la dame d’Orcet
n’est pas héritière grevée de retour; il n’est plus question
que de celui des biens donnés, et il est tout simple que la
dame d’O rc e t , héritière u n iverselle, succède à une action
que l’on suppose avoir pu se trouver in bonis de son père.
Il est au contraire absurde
de soutenir, qu’il a pu laisser
quelque droit qui ne soit pas recueilli par celle qui le repré
sente in universum ju s.
S i , par h a z a rd , aujourd’hui l’on découvrait un contrat
conditionnel, au profit du sieur D e ls o l, et que la condition
vint à s’accom plir: si , par ex em p le, la donation de 17 6 0
avait été faite à un étranger, avec réserve de retour pour le
sieur D elsol et les siens, au cas que le donataire mourût sans
enfans, et que ce droit vint à s’o u v r ir: si e n fin , la dame
d’O rcet avait elle-même contracté, en faveur de son p è re ,
une obligation p a y a b le , au cas qu’elle fût héritière de son
mari 9 lequel cas est arrivé : serait-ce au profit des sieurs Delsol
ou de
la dame
d’O r c e t ,
que toutes ces actions s e r a ie n t
�( 79 )
ouvertes? T o u t le m o n d e , sans doute répondra, que ce 6erait
pour elle.
D ’autre part, où est donc ce droit qui existe encore jusqu'au
décès de la dame d ’ Orcet ? Il faut bien qu’il réside dans quelqu’un.
Les sieurs Delsol ne cessent de dire que la saisine se continue
dans la personne des héritiers : les héritiers sont donc saisis.
M ais où sont les héritiers du sieur Delsol ? Il n’y en a d’autre
que la dame d’Orcet. L ’institution n’est faite qu’en sa faveur.
Les sieurs Delsol ne sont venus que comme enfans ,
prendre une légitime dans les biens institués ; ils l’ont prise
aussi dans les biens d on n és, qui , encore une f o i s , ont été
rapportés au partage; en sorte que Io n peut dire, en toute vérité,
que la donation n’existe p lu s , et que tous les biens du sieur
D elsol sont confondus dans la succession que les sieurs
Delsol ont reconnu, par les traités de l’an 9 , appartenir à leur
sœur , à la charge d’en p ayer les dettes.
E t , c ’ est ce que décidaient, dans leur consultation , M M .
Léon et B a b ille , à la lecture de cette clause de retour des
biens donnés et réservés. « Il est impossible d’admettre ,
v disaient-ils, que le sieur Delsol ait stipulé ce retour pour
» d’autres que pour lui seul ; parce q u e , si on le suppose
» prédécédé, il n’a et ne peut avoir d’autre héritier que sa
» fille q u i , ayant une fois recueilli à ce titre , ne peut dé» sormais être évincée de son hérédité par qui que ce s o it ,
» dès qu’elle n’est pas grevée de substitution. C ’est là une vérité
» qui se montre avec tant d’év id en c e, qu’elle est encore plus
» facile à sentir qu’à exprimer ».
Après de telles autorités, l’on peut répéter sans crainte ,
q u e , dans tous les c a s , l ’action du retour tomberait dans l’ins
titution , et se serait confondue dans la personne de la dame
d’Orcet , héritière universelle.
�’( 8 ° )
IV .'
P R O P O S I T I O N .
Nonobstant la clause, la dame d’Orcet pourrait disposer,
«
C
e l l e -ci
e s t , sans contredit, la plus subsidiaire de toutes ;
mais elle sert à faire vo ir combien est inutile et déraisonnable
le système des sieurs Delsol.
Ils veulent que leur père , se réservant le retour des biens
donnés 3 ait en même-temps stipulé pour ses héritiers.
Q uel est donc l’effet du retour ainsi transmissible ?
Il en a d eux.
D ’a b o r d , celui de perpétuer les biens donnés dans la ligne
de la dame d’O r c e t , afin que le dernier de ses descendans,
venant à mourir , sans avoir valablement disposé , les biens
passent aux héritiers du donateur. L ’on supposera m êm e, si
l’on v e u t , q u e le s ie u r D e l s o l a v o u lu c e t effet, en défendant
à sa fille tout acte contraire.
Il y aura donc substitution dans la ligne de la dame d’O rc e t,
puisqu’elle et ses descendans, à l’infini, seront chargés de con
server et de se rendre successivement les biens donnés.
Mais cette substitution a été, sans c o n t r e d i t , abolie. M .
Daniels l’a formellement reconnu, lors de l’arrêt du 1 1 frimaire
an 1 4 .
« Il y a d’a b o rd , a dit ce Magistrat , dans là stipulation
» du contrat de mariage de 1 6 9 4 , un droit de retour, consis» tant en ce que la dot était réversible à la ligne masculine;
» il y a ensuite dans le même contrat une substitution, en ce
w que la donataire a été chargée de conserver et de rendre
» aux enfans et ceux-ci aux leurs, à l’infini, la chose donnée...
» Les
�3?»
C8 0
» Les substitutions testamentaires ont été abolies ; celles ren» fermées dans les contrats de m a ria g e , l’ont été aussi. . . .
» La substitution établie par le contrat de mariage de 1 694
# a donc été abolie ».
L e second effet du retour transmissible devrait être, de faire
passer les biens à une autre ligne, ou si 1 on v e u t, aux héritiers,
par la défaillance de la ligne de la dame d’Orcet.
L e sieur D elsol n’a pas voulu cet effet-là. Il ne l’a pas
rendu nécessaire, puisqu’il a permis aux enfans et descendans
de la dame d’O r c e t , de disposer des biens donnés : ou ses
enfans sans descendans , ou sans avoir valablement disposé. ,
est-il dit dans la clause.
A i n s i , les enfans et les descendans de la dame d’O rcet
auraient eu la faculté de d isposer; et ce n’est qu’autant qu’ils
n e n auraient pas fait usage , que le retour aurait eu lieu.
D o n c , la défense faite à la dame d’O r c e t , de déroger au
retour , n est pas prise dans l’intérêt de la ligne appelée à le
re cu e illir; c a r , si elle eût été inspirée par ce m o t if, elle
eût été étendue aux enfans.
D o n c , la dame d’Orcet * n’ayant pas d ’enfans à qui elle
doive transmettre les b ien s, le m otif de la défense de déroger
s’évanouit ; et la substitution, dérivant de cette défense et de
l’obligation de conserver et de rendre aux enfans,
étant
d’ailleurs abolie par la loi de 1 7 9 2 , il est clair qu’elle a le
'droit de disposer.
C ’est ainsi que l’a entendu M . Daniels , dans la suite de
son plaidoyer. « Dans les parlemens de Dijon et de P a r is ,
» a - 1 - il d it, la seule faculté de disposer de la dot, au préjudice
» des collatéraux , n excluait pas le droit de retour; il fallait
» encore exercer cette faculté. O r , encore une fo is , R o sa lie
» Laianne ne l’a jamais e x e r c é e } le droit de retour a donc dû
L
�( 8 0
»> avoir tout son effet. Dans la coutume de N a v a r r e , la subsj> titution n’avait lieu qu’en faveur des descendans de la fille
» dotée ; elle était le m o yen d’assurer à la ligne masculine
» l’exercice du droit de
retour que la coutume lui avait
» accordé. C e m oyen n’existait plus depuis l’abolition des
» substitutions; mais dans l’espèce, R osalie Lalanne n’a pas
» disposé de la dot constituée en 1 6 7 4 , à Ursule St.-Martin.
» La dame de Navailles a donc pu réclamer cette dot à titre
» de réversion , comme dans les ressorts des parlemens de
» Paris et de D i j o n , elle aurait pu la ré cla m e r, nonobstant
» la faculté qu’avait la fille d o té e , d’en anéantir l’effet par
» une disposition contraire ».
M a i s , cela n’a - t - i l pas été ju g é , même
avant la loi
abolitive des substitutions, et à l’occasion du contrat de 17 6 0 ?
L a réserve du retour stipulé par la dame de V i g i e r , pour
elle et les s ie n s , était aussi subordonnée au cas où le sieur
d ’Orcet mourrait sans enfans, ou ses enfans sans descendans,
ou sans avoir valablement disposé. Ses héritiers naturels ont
en vain soutenu que la faculté de disposer n’était accordée
qu’aux enfans j l’arrêt du 18 janvier 178 8 , a décidé quelle
s’étendait aussi au sieur d’Orcet.
L a clause concernant la dame d’O r c e t , est littéralement la
même.
L a défense de déroger au retour, n’était prise que dans
l ’intérêt de sa descendance ou dans celui du sieur D elsol.
C e m o tif n’existe plus.
Cette défense produisait d’ailleurs une substitution qui est
abolie.
D o n c , la dame d’O rcet peut disposer.
Les sieurs Delsol invoquent vainement les principes pour
en conclure que le donataire grevé de retour ne peut aliéner.
�383
Ils vont même ju s q u ’à citer l’art. 9 52 du co d e , qui n ’ est que
la conséquence de cet article 9 5 1 , qu’ils ont condamné à la
réformation.
Certainement, le retour conventionnel a l’effet d’empêcher
et de résoudre les aliénations faites par le donataire; mais
il ne peut ici avoir ce résultat, parce que la clause porte ces
mots : ou sans avoir valablement disposé. L e sieur D elsol a
donc voulu que la stipulation ne privât pas la ligne de la
dame d’O r c e t , de la faculté de disposer j ce qui réduisait cette
stipulation aux effets du retour légal.
Ils invoquent aussi la fin de la clause qui défend à la dame
d’Orcet de déroger au droit de retour ; mais l’objection a été
levée d’avance. Cette p ro h ib itio n , dont on a précédemment
expliqué les m o tifs, n’a plus d’application , dès que le sieur
D elsol est mort , dès que la dame d’Orcet n’a pas d’en fan t;
e t , dans aucun cas elle ne pourrait avoir effet, dès que dans
la ligne de la dame d’O r c e t , elle aurait produit une véritable
substitution.
R É S U M É .
I
R eb elle dans tous les sens, au système des sieurs D e l s o l ,
la clause du contrat de 17 6 0 se refuse à toutes les interpréta
tions qu’ils veulent lui donner.
S ’a g it-il des biens réservés /
Cette énonciation s’applique , malgré eux , à la somme de
10 ,0 0 0 liv. dont le sieur D elsol s’ est réservé la faculté de
d isposer; lorsqu’il a parlé des biens compris dans l’institution,
il les a qualifiés biens insinués ; et quand il s’agit d’une charge
rigoureuse , inusitée , indiget speciali designatione , et l’inter
prétation est toute contre celui q u i, dictant la lo i, a p\i? a dû
mieux s’expliquer.
�.
(§4)
,
'
Persistent-ils à étendre ce mot réservés^ aux biens institués ?
Ils tombent dans une alternative dont le résultat leur est
toujours contraire.
O u la clause est nulle et comme non écrite , parce q u elle
est subordonnée à une condition impossible et contre nature,
le sieur Delsol ne pouvant revenir de l’autre monde pour
recueillir le droit de retour de ces b ie n s, qui n’ont passé
que par sa m o r t , à son héritière universelle.
O u là clause renferme une substitution fidéicommissaire ;
parce que le
retour ne pouvant jamais s opérer au profit du
stipulateur, ne peut passer à d’a u tres, qu’autant qu’ils sont
gratifiés en second ordre ; l’héritière ayant
priété ,
recueilli la p ro
ne peut être chargée de conserver et de rendre à
d’autres que lui , sans qu’il y
ait trois personnes comprises
dans la stipulation , et par conséquent, sans qu’il y ait fidéicommis aboli par la loi du 1 4 novembre 17 9 2 .
S ’a g it-il des biens donnés ?
i . ° L a réservé du retour est évidemment personnelle
au
sieur D elsol.
C ’est l’expression littérale de la clause.
C ’est l’intention commune des parties, déterminée p a rle s
circonstances où elles se trouvaient.
Il
réserva le retour à soi expressément,
lui s e u l, parce q u ’il n’avait qu’un
c’est-à-dire , pour
enfant; parce
que le
mariage n’aurait pas eu lie u , s’il eût parlé d’autres héritiers ;
parce qu’il ne pouvait penser à des collatéraux qu’ il n’avait
p a s , ni à des enfans d’ un second mariage qu’il ne contracta
que plus de onze ans après.
L a dame de V igicr réserva le retour à elle et aux siens ÿ
parce qu’elle avait d’autres enfans.
E lle lê p o u v ait; elle le v o u lu t; elle le fit. L e sieur Delsol
�3 Hi
C 85 )
le
pouvait de même ; il ne le fit point : d o n c , il ne le
voulut pas.
Subsidiairement :
2 .0 La transmission du retour aux héritiers du donateur,
n’était formellement consacrée par aucune loi. La jurispru
dence n’était ni constante , ni reconnue. Les auteurs se con
tredisaient. L ’opinion'dom inante repoussait cette o p in io n ,
lorsque le contrat a été passé. C ’est donc le nouveau code
q u i , destiné à fixer toutes les incertitudes, à terminer toutes
les controverses, doit décider la difficulté ; et il y a d’autant
moins d’effet rétroactif, que le principe qu’il p o se, est con
forme aux règles
du droit j à la lettre de la clause et à
l’intention évidente des parties.
3 . 0 L e système de la transmission est infructueux pour les
sieurs Delsol.
Ils ne sont appelés ni comme en fan s, ni d’aucune autre
manière. Ils ne peuvent venir comme héritiers ; c a r , il n’y
en a d’autre que la dame d’O r c e t , q u i , instituée par son
contrat de m ariage, et ne pouvant l’être à charge de re to u r,
représente exclusivement le sieur D elso l , réunit sur sa tête
tous les d roits, toutes les actions qu’il a laissé, et éteint, par
la confusion, celles qu’il aurait pu avoir contr’elle.
4 .0 E n fin , toutes ces hypothèses n’empêcheraient pas la
dame d’O rcet de disposer. L a défense de déroger au retour,
était prise dans l’intérêt de sa ligne j elle cesse avec le motif
qui l ’inspira , et ne serait d’ailleurs , qu’une charge de con
server et de rendre, qui ne peut aujourd’hui recevoir d’exé
cution. L a dame d’Orcet a donc le droit qu’auraient eu ses
descendans, qui pouvaient disposer des biens donnés
le
retour étant réduit par la clause m êm e, aux simples effets du
retour légal.
I
�T>V*
¿y »;
S
(.8 6 )
D o n c , sous tous les rapports, le refus que fait le sieur
Desprats de payer le prix du pré de C a n c o u r, est mal
fondé. La prétention des sieurs D e ls o l, qui lui sert de m o
tif, ne peut se soutenir; et le jugement par défaut, qui ,
sans avoir égard à la clause de ré versio n , a ordonné la
continuation des poursuites , doit être maintenu.
M agistrats! prononcez. L a dame d'O rcet attend votre
décision avec la confiance et la sécurité que doivent inspirer
sa cause et ses juges.
Jusques ic i, elle n’a tenu que le langage de la raison.
S ’il fallait parler à vos cœurs , elle dirait :
3’ai passé ma vie à liquider les biens de mon père ( 2 6 ) ;
j ’en ai ve n d u , à la vérité, pour payer les dettes de mon
(26)
Pages 6 et 7 de leur m ém oire, les sieurs D elsol portent à un
m illio n , vaieur de ce temps, les biens de leur père. S ’il faut les en c ro ire ,
la majeure partie de cette fortune a été engloutie tn peu d ’anncesi La dame
d 'O rc et, aprts avoir ¿puisé les créances mobilières , a vendu tous les immeu
bles q u elle a trouve à vendre. Ils terminent en lui imputant îe dessein
avoué publiquement de Us dépouiller, pour enrichir des étrangers. C ’est ainsi
que , pour se rendre intéressans, ils calomnient jusqu’il ses intentions.
Lors du partage fait en 1 7 8 5 , les immeubles du sieur D e ls o l, y
compris le domaine du C l a u x , furent estimés 15 0 ,8 7 2 l i v . ; les sieurs
D elsol en ont pris le q u art, qui fut d élivre en nature
leur tutrice.
Les effets appréciés dans l’inventaire fait en 17 8 0 , se
montaient
h 2 1 7 , 3 9 2 liv . ; mais, comme il y avait en outre des objets non déter
m in és, le vérificateur du contrôle é v a lu a , d’o ffic e , tout le m obilier h
23 0 .0 0 0 liv . et perçut le droit sur cette somme.
Pourquoi donc les sieurs D elsol (page 6 )
le portent-ils A plus de
70 0 .0 0 0 liv . ? Quel peut être le but de cette erreur de 500,000 liv»
d’autant plus inexcusable, q u ’ils ont en leur pouvoir
une expédition
de l’in ven taire, et que la discussion, dont les traités de l’an 9 ont été la
suite , leur a fait connaître le véritable état de la succession ? C ’est que
�.3-S7
( ÿ7 )
é p o u x , mais j*ai réparé, amélioré et conservé la plus grande
partie de ces biens, malgré la tourmente révolutionnaire.
E t , nouveau T an ta le, il me serait défendu d’y toucher!
Frappée
d’interdiction, i\ ne me serait
pas permis de
repousse r la calomnie par des bienfaits !
J e ne pourrais secourir l^s malheureux , recompenser de
vieux domestiques, léguer un souvenir a 1amitié!
sans cela , ils n’auraient pu dire que, dans peu d’années, la dame d’Oi'cet
en a dissipé la majeure partie. C ’est qu’il était écrit que les sieurs D elsol
ne seraient exacts sur rien.
M algré tous les soins que s’est donné la dame d ’O r c e t, m algré toutes
les poursuites qu’ elle a fait fa ire , elle n’ a pu recouvrer que 1 86,000 liv .
y compris les sommes dues par la dame D u b o is, veuve du sieur D elsol ;
sur quoi l ’on a déduit les reprises que la dame d’Orcet a pu justifier par
é c rit; 6 o ,o o o liv . qu’ il a fallu payer pour sommes dues par la caisse
des consignations; enfin, les dettes de la succession, sans m im e y
comprendre les legs portés au testament du sieur D e lso l, que la dame
d ’Orcet a p a y é s , quoiqu’ il ait été déclaré nul. Le reste de l’ac tif a
été réduit à presque rien par les insolvabilités ; par le défaut de titres ; par
l’abolition des arrérages de rente ; par les remises ordonnées par le sieur
D e ls o l, dans un état confié à son directeur; enfin, par les pertes résul
tantes des paiemens reçus en assignats.
B r e f, il est résulté du compte présenté en l’an 9 , qu’il ne
revenait
aux
sieurs D elsol que 20,00 0 liv . pour leur quart de l’ac tif réel ; et cependant
la dame d’Orcet a cédé au sieur D elsol aîné, i . ° 15 ,0 0 0 liv . dues par
sa m è re; z .° 4 ,0 0 0 ljv . à prendre sur e lle , pour excédent de pensions
par elle reçues; 3 .0 la m o itié 'd u domaine de Coussergues ; 4 .0 le quart
des créances à recou vrer, qu’il a depuis abandonné pour 4 ,0 00 liv . ,
dans la vente de la montagne du 28 thermidor an 10. Le sieur D elso lVolpilhac a traité sur les m êm es'bases; excepté qu’au lieu du quart des
créances à re c o u v re r, la dame d’Orcet lui a cédé la liquidation de
l’ofiice de receveur des consignations, tombé dans le tiers
objet sur lequel elle a éprouvé une perte de
30,000 liv,
consolidé
•
�Ç S« )
,
D e l’opulence où j'ai v é c u , de l’abondance oii je vis en
core , un mot pourrait me précipiter dans la misère ! Expropriée
du peu de biens que j’aurais de libres, saisie peut-être dans
tous mes re v e n u s, je serais condamnée à connaître le besoin,
à traîner, dans le désespoir, des jours trop lens à fin ir , dont
le dernier accomplirait la condition tant désirée !
E t , sous mes y e u x , les sieurs Delsol disposeraient, à leur
p laisir, des biens qu’ils ont pris dans cette même succession
o ù se confondirent celles de m on ayeule et de ma m ère!
Sous mes y e u x , ils vendraient mon héritage m aternel,
que je leur ai donné en paiement de leur légitime ( 2 7 ) 1
¿conduits par tous les tribunaux , qu’auront-ils perdu ? rien*
V o ilà comme la dame d’Orcet les dépouille pour enrichir des étrangers!
T elle est cette fortune tant exagérée! T el est ce m obilier p ro d igieu x,
pour lequel cependant, les sieurs D elsol n’ ont pris sur la dame d’Orcet
qu’ une inscription de 10 0 ,0 0 0 liv . !
En même temps qu’elle liquidait la succession de son p è re , la dame
d’Orcet s’occupait aussi de celle de son mari qui laissait plus de dettes
que de biens. Malgré qu’elle ait vendu beaucoup de ces b ien s, et qu’elle
ait aussi aliéné une partie des siens pour p ayer ces dettes qui s’élevaient
à plus de 900,000 liv . ; elle doit encore; une partie considérable de cette
som m e;, mais ceux des biens de son mari qu’elle a con servés, valent plus
que ceux qu’elle a vendus de la succession paternelle. T elle est cette femme
qui dissipe tout !
Sans doute que »pour plaire aux sieurs D e lso l, il faut que la dame
d’Orcet conserve scrupuleusement ses capitaux ; qu’elle les accroisse
en économisant sur ses reven u s, et qu’elle ne dispose de rie n , pour
tout laisser à des frères qui ne se souviennent d ’e lle , que lorsqu’il
s’agit de sa fortune.
(17 )
Partie du domaine de C ou ssergues, que le sieur D elsol cadet
possédait en en tier, par les arrangemens qu’il a faits avec son frè re ,
a etc vendue^ L a yente du surplus est actuellement affichée-
�(
89)
Ils pourront encore obtenir de la nature, ce que la justice
ne leur doit pas. Ils auront la ressource d ’un dernier appel
au cœur d ’une sœur généreuse: ils savent bien, que pour celle
qui n’a pas le bonheur detre m ère, des frè re s, pour peu
qu’ils le veuillent, sont toujours sûrs de tenir lieu d’enfans (28).
(2 8 ) Ainsi se réalisera le voeu du code Napoléon.
Ne rien réserver pour les collatérau x, c’est leur dire de tout mériter :
conception morale et profon de, q u i, prenant les hommes tels qu’ils sont,
se sert de leurs défauts m êm e, pour les obliger à devenir ce qu’ils
doivent ê tr e
Signé D e l s o l - V i g i e r .
v
M . D E L Z O N S , Présid ent, Rapporteur.
L A B R O , Avoué.
I
�.•l i l j i - j j j i u
T
F
A I T S ,
A
B
L
E
vmm
.
.....................................................................
O B SERVAT I 0 N S
page 4
G É N É R A L E S ................................... 1 5
M o y e n s . — I .re P a r t . — B
i e n s
r é s e r v é s
.
L a clause de reversion des biens réservés est nulle et
comme non écrite
18
Ou c 'est une substitution abolie par la loi du 14
Novembre 1792 .......................................................................... 27
II.e
Part.
—
B
i e n s
d o n n é s .
E n f a i t , la clause de réversion
est purement personnelle au sieur D e ls o l , . . .
I .re
Proposition. —
36
II.e Proposition. — E n droit, le retour dont s'agit , ne
' peut profiter aux sieurs Delsol .
I I I . e Proposition.
. . . . . . .
46
— Dans tous les cas l 'a c t i o n du
retour tomberait dans l'institution et se serait confondue
dans la personne de la dame d'O rcet , héritière universelle.
67
\
I V . c Proposition.
— Nonobstant la clause , la dame
d Orcet pourrait d is p o s e r . ................................
R
80
é s u m é ........................................................................................ 85
N o te sur la valeur réelle de la succession du sieur Delsol.
86
�
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The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
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A name given to the resource
Factums Godemel
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Description
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Title
A name given to the resource
[Factum. Delsol, Jeanne-Marie. 1808]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Delzons
Labro
Subject
The topic of the resource
successions
avancement d'hoirie
contrats de mariage
substitution
droit de retour
annulation du testament
fideicommis
jurisprudence
dot
stipulation
Description
An account of the resource
Titre complet : Réponse pour Dame Jeanne-Marie Delsol, veuve de monsieur Gabriel-Barthélemy de Vigier-Dorcet, demanderesse ; Contre sieur Jean-François Delsol aîné et Gabriel-Barthélemy Delsol-Volpilhac, défendeurs ; En présence du Sr Desprats, aussi défendeur.
table des matières.
Table Godemel : Retour : 3. peut-on stipuler, dans un contrat de mariage, un droit de retour tant pour une donation que pour une institution ? un droit de retour est-il transmissible aux héritiers du donateur, sans stipulation ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Viallanes (Aurillac)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1808
1760-1809
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
89 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G1911
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G1910
BCU_Factums_M0531
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53363/BCU_Factums_G1911.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Aurillac (15014)
Marmanhac (15118)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
annulation du testament
avancement d'hoirie
contrats de mariage
dot
droit de retour
fideicommis
jurisprudence
stipulation
substitution
Successions
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53365/BCU_Factums_G1913.pdf
14650ba885a31684c1471882f08a0e44
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M
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M
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P O U R
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^2>*
Sieur J e a n - B a p t i s t e - A m a n t M O N TM O R IN
D E SA IN T-H E R E N , et dame A n n e - J e a n n e L o u i s e D E L A Q U E U IL L E , son épouse ,
habitans du lieu de la Barge, commune de
Courpierre, appelans ;
c o n t r e
Sieur Tau r i n J U S S E R A U D , propriétaire,
habitant de la ville de Riom , intimé.
L ES sieur et d ame de Saint-Héren réclament contre
une vente que la dame de Saint-Héren a consentie au sieur
Jusseraud, d’ une coupe de bois taillis, situés en coutume
de Bourbonnais, sans être autorisée de son m ari. Une
A
1
'
�telle vente doit-elle être maintenue? Telle est la question
sur laquelle la cour a à prononcer.
F A I T
S.
L é sieur de Saint-Héren a contracté mariage, le 27
octobre 1 7 7 7 , avec demoiselle de Laqueuille. A cette
é p o q u e , le père de la future étoit décédé sans avoir
fait de dispositions. L e contrat de mariage , passé au
lieu de Saint-Jal, en L im ousin, contient les stipulations
‘‘^suivantes :
« A r t. i er. L e s f u t u r s époux se -prennent avec tous
« leurs droits respectifs ; savoir, la demoiselle de L a
ie queuillc avec 70000 fr. que la dame de Léiqueuille, sa
«
«
«
«
«
m ère, lui constitue pour tous droits de légitime, tant
paternelle que maternelle, à im puter, i°. sur la succession paternelle, et le surplus, su reeq u i peutlui revenir
de la su ccessio n m a lei'n elle-, la q u e lle so m m e d e 70000 fr.
sera payable, savoir, 40000 fr. lorsqu’il se présentera
« 1111 emploi convenable, avec l’intérêt à cinq pour cent,
« à compter du jour de la célébration du mariage; et
« les 30000 fr. restans, après le décès de la dame de
« L aqueuille, sans intérêt jusqu’alors.
« A rt. 2. L a demoiselle de L a q u e u i lle , future épouse,
« se constitue en la somme de 10200 francs, provenante
« des successions du sieur de Saint-Jal, son grand oncle,
« et de la dame de Vauban , sa tante paternelle.
« A rt. 3. La demoiselle de Laqueuille, future épouse,
« ne renonce à rien de ses droits,part et portion qui pour* roient lui revenir dans la suite dans les successions col-*
�(
3
)
« latérales, ni aux donations que ses frères et sœurs pourc< roient lui faire, dont la réserve lui demeure expres« sèment faite. »
Les articles 4 , 5 , 6 et 7 ont trait aux douaire et gains
de survie.
« A rt. 8. Les futurs époux seront communs en tous
« biens a c q u ê ts et conquêts, et la future épouse, le pré« décès du futur époux arrivant, prélèvera tous les avan
ce tages matrimoniaux expliqués ci-dessus liors la comc< munauté; et quant au surplus des biens présens et à
« v e n ir, les futurs époux acceptent la coutume du droit
« écrit, à laquelle ils se restreignent entièrement. »
L a somme de 40000 francs, payable en premier lieu ,
a été payée par le sieur de Laqueuille a în é , en posses
sion de tous les biens de lu fam ille, peu de temps avant
la révolution.
L e sieur de Laqueuille ayant été compris sur la liste des
ém igrés, la dame de Saint-IIéren a réclamé près de l'ad
ministration ses droits successifs, en corps héréditaires.
On ne pou voit lui opposer le règlement fuit dans son
contrat de mariage : ce règlement f a it , e/fitso sei /nonc y
pour un seul prix , tant pour droits paternels échus, que
pour droits dans la succession de la mère encore vivante,
étoit évidemment nul.
Par arrêté de l’administration, il fut ordonné que la
portion qu’elle amandoit dans les biens du père, tant de
son ch ef que du chef de deux de ses frères qui s’éloient
engagés dans l’ordre de M nlthc, lui seroit expédiée en
corps héréditaires. Les 40000 francs à elle constitués
furent imputés sur les jouissances.
A a
�( A)
Les biens expédiés par suite de cet arrêté consistent,
en majeure partie, en bois taillis, situés en coutume de
Bourbonnais.
En l’an 7 , il a été passé entre la dame de Saint-Héren
et le sieur Jusseraud, un acte sous seing p r iv é , rédigé en
acte public le 9 vendémiaire an 10.
Par cet acte, où on lui fait prendre la qualité de maî
tresse de ses biens parapliernaux, elle fait vente au sieur
Jusseraud de la coupe d e ?cent soixante-quinze arpens de
bois taillis,moyennant la somme de 2Ôooo fr. ; de laquelle
somme, porte l’acte authentique, le sieur Jusseraud a payé
comptant celle'de 17300 francs, ainsi que la dame venderesse l’a reconnu , dont d’autant quittance; et quant à
la somme de 7700 francs restante, elle est stipulée payable
en l’an 14, sans intérêts qu’à défaut de payement.
Il est expressément convenu que l’acquéreur aura pour
l ’exploitation et vidange d e s d ils h o i s , jusques et c o m p r is
l’a 11 1 8 . 'D a n s là c o u tu m e de B o u r b o n n a is j les bois taillis
sont en âge d’ètre coupés tous les dix ans. En se réservant
o n z e ans pour l’exploitation, le sieur Jusseraud profitoit,
pendant ces onze ans, de l’accroissement du bois; et la
dame de Saint-Héren, croyant ne vendre qu’une coupe,
en vendoit deux.
Par une dernière clause, la venderesse s’oblige de jus
tifier dans huitaine, à l’acquéreur, de l’arrêté définitif du
département du Puy-de-Dôm e, et de lui en fournir copie
colla donnée , ainsi que d’un extrait de son contrat do
mariage, pour établir la paraphernalité des objets cidessus vendus.
11 a fallu profiter de toute l’inexpériencc de la dame de
�Saint-IIéren pour lui faire consentir une pareille vente.
La coupe de bois vendue valoit, à l’époque de la vente,
76000 f . , et vaut aujourd’hui, par l’accroissement, iooooo f.
C ’est de ce contrat inique dont les sieur et dame de
Saint-IIéren demandent la nullité*
A p rès avoir essayé tous les moyens de conciliation, tant
le sieur de Saint-IIéren que la dame de Saint-IIéren ont
fait assigner le sieur Jusseraud, par exploit du 27 prairial
an 1 2 , p o u r , attendu que les bois dont il s’agit sont situés
en coutume de Bourbonnais, que dans cette coutume on ne
c o n n o î t ni biens aventifs ni biens parapliernaux , que
la femme ne peut consentir aucun acte sans l ’autorisa
tion du m a r i, voir déclarer ladite vente' nulle et de nul
effet; se voir condamner à restituer la valeur des parties
de bois qui auroient pu être exploitées; se voir faire dé
fense de continuer l’exploitation; se voir condamner aux
dommages et intérêts s’il y avoit lieu, le tout à dire d’ex
perts, avec dépens.
L,e sieur Jusseraud a défendu à cette demande.
Il a soutenu qu’y a y a n t constitution de dot particulière
d elà somme de 70000 francs, tous les autres biens avenus
à la dame de S ain t-IIéren étoient paraphernaux, aux
termes de l’article 8 du titre 14 de la coutume d’A u v e r
gne , et même conformément aux principes du droit écrit ;
Q u’il étoit inutile d’examiner quelles étoient les dis
positions de la coutume de Bourbonnais; q u e par l’art. 8
du contrat de mariage les contractans avoient declaré,
pour le surplus de leurs biens présens et à venir, se
soumettre au droit écrit, auquel ils se restreignoient en
tièrem ent; que les contrats de mariage étoient susceptibles
�( 6
de toutes sortes de clauses'; qu’il falloit se décider pnr les
principes de droit écrit; et qu’en pays de droit écrit la
femme cl oit libre de disposer de scs biens paraphernaux,
sans l’autorité du mari ;
Que presque l’entier prix avoit été employé à payer
des dettes du m ari, en présence du mari; qu’il y auroifc
dès-lors approbation et ratification de la part du m ari;
et qu’ainsi les sieurs et dame de Saint-Héren seroient dans
tous lés cas non recevables.
Les premiers juges ont adopté cette défense. Par juge
ment du 26 août dernier, les sieur et dame de SaintH é ren ont été déclarés non recevables et mal fondés dans
leur demande, et condamnés aux dépens. Ils ont interjeté
appel de ce jugement; et c’est sur cet appel que les par
ties attendent la décision de la cour.
I O Y E N S .
Les biens de la daine de Saint-Héren sont-ils dotaux ou
paraphernaux ?
L ’article 8 du titre 14 de la coutume d’A u vergn e réputé
dotaux tous les biens que la femme a au temps de ses
fiançailles, s’il n’y a dot particulière en traitant le mariage.
Ce sont les termes de l’article.
O n ne connoît de biens paraphernaux que les biens sur
venus depuis le mariage, ou réservés en paraphernal.
Sur quoi M . Chabrol observe qu’il y a la î-éserve
expresse, et la'réservc tacite.
L a réserve est expresse, s’il est stipulé que les bicila
actuels de la femme scront réputés paraphernaux en toiit
ou eu partie.
�(
7
)
L a convention est tacite, s’il est dit simplement que
la femme se constitue en dot tels et tels biens, et qu’elle
en ait d’autres. L ’effet de cette constitution particulière
est de rendre le surplus des biens paraphernal, d’en ôter
conséquemment an mari la jouissance et l’administration,
et d’en laisser la femme dame et maîtresse.
Les biens dont il s’agit sont-ils survenus ù la dame de
Saint-Héren depuis son mariage? Ils lui étoient acquis
lors du m a ria g e ; le père étoit alors décédé.
Y a-t-il eu réserve expresse, ou tacite enparaphernal?
Y a-t-il eu constitution particulière de dot? O n voit au
contraire qu’elle s’est constitué tous ses biens : le contrat
de mariage commence par une constitution générale de
ses droits. L ’article i er, porte : « Les futurs époux se
« prennent avec tous leurs droits respectifs. » Ce qui est
ajouté : « Savoir, la future avec la somme de 70000 fr. » ,
est pour le règlement des droits, et non pour restrein
dre la constitution.
Il n’est pas dit seulement, avec tous leurs biens; il est
dit, avec tous leurs droits. L e droit de prendre sa por
tion en corps héréditaires fait partie des droits constitués.
A u tre chose seroit si elle avoit commencé par se cons
tituer la somme d e ................ pour tous droits; mais elle
n commencé par se constituer tous ses droits; ce qui suit
est explicatif, et non restrictif.
Il ne faut pas confondre le cas actuel (ayec celui auquel
la fille se constitue en son contrat de mariage u^ie somme.
Elle demande ensuite un supplément. 11 ? ^
ct
avec raison, que ce supplément étoit hors de la consti
tu tio n ,'et étoit pavapherual. M?is ici la dame de L a -
�( 8 )
q u e u ille ne s’est pas constitué une somme particulière;
e lle s’est constitué tous ses droits.
Ce n’est pas ici que l’ordre dans les expressions, le
mode de rédaction est indifférent.
Si l’intention de la dame de Laqueuille «voit été de se
constituer une somme particulière, elle auroit dit qu’elle
se constituoit en la somme de 70000fr a n c s : mais ce n’est
pas ainsi qu’elle s’exprim e; elle se constitue tous ses droits.
11 est dit ensuite, S a v o ir , avec la somme d e ............O n
n’a pas entendu par là déroger à la constitution générale;
on a voulu seulement expliquer à quoi ces droits pouvoient se porter. L ’intention des contractans, dans cette
dei’nièrc partie de l’article, s’est fixée sur le règlement des
droits; mais l’intention n’a pas été d’annûller à la fin du
même article ce qui avoit été dit au commencement;
autrement 011 auroit cliangé la rédaction.
S’il pouvoit y avoir du doute, il faudroit in te r p r é te r
Pacte d e m a n iè i’e q u e to u s les tei’m cs , a u ta n t qu’il est
possible, aient leur effet, magis ut actas valeat quàm
ut pereat; parce que rien ne doit paroître inutilement
écrit dans un acte, surtout dans un contrat de mariage,
et qu’il faut présumer que les parties se seroient expli
quées différemment, si elles n’avoient pas entendu y atta
cher un sens.
L a somme de 70000 fr. étoit la représentation de
ses droits héréditaires. S’étant constitué tous ses d ro its,
il est indifférent que ce soit la somme ou la portion
héréditaire; d’autant plus, pour se servir de l ’expression
d’H cnrys, traitant une autre question, que la fem m e,
prenant sa portion héréditaire par voie de rescision ou
do
�(
9
)
de n ullité, cela marche en a r r i é r e n t que c’e st'la
même chose que si d’abord elle s’étoit constitué pure
ment sa portion héréditaire.
Elle s’est constitué, en un m o t, tous ses droits; et
le droit de demander sa portion en corps héréditaires,
faisoit bien partie de ses di*oits.
Par l’àrt. 2 elle se constitue également la somme de
10200 f r . , provenante des successions de ses oncle et
tante : preuve qu’elle n’entendoit se rien réserver en
paraphernal.
Que disent les premiers juges dans leurs motifs?
« A tte n d u , disent-ils, qu’il y a constitution spéciale ; que par
« 1 article i er. la dame de S a in t-H ére n se constitue tous ses
cc droits , c ’est à savoir avec la somme de 70000 francs ; que
« par l ’article 2 elle se constitue la somme de 10200 fr. pour
« droits collatéraux éclius. »
Oui-, l’article
I e r.
contient une constitution spéciale,
mais de tous droits directs. C ’est une constitution parti
culière des droits directs, mais de la généralité de ces
droits.
cc Attendu , continuent - ils , qu’on diroit vainem ent que par
cc les prem iers termes de la clause les époux se prennent avec
cc tous leurs droits respectifs; que ces mots ne form ent pas une
«
cc
cc
«
cc
cc
clause spéciale et d istin cte , mais bien sont le com m encem ent
de la phrase qui se continue ainsi : Savoir , la demoiselle
Laqueuille avec 70000 francs que la dame sa m ère lui constitue ; que ces derniers mots particularisent évidemment les
droits que la demoiselle L aqueuille auroit apportés en général
à son é p o u x , si cette constitution spéciale n’eut pas existé :
cc ils expliquent en quoi se r e n fe r m e n t ces droits de constitu
te tion de d o t, et ils en donnent le d étail, et en font l’applica-
B
�( 1° )
te
«
cc
«
«
ic
«
te
ts.
«
«
tion à chaque nature de biens , p a te rn e l, ou m a te rn el, ou
c o lla té ra l, dont cette dot est provenue, ou éch erra; ces mois
e n fin , liés entr’eu x par la conjonction savoir, form ent deux
m embres d ’une m êm e phrase , et ne form ent qu’un m ême
sens ; car il est reçu , en term es de gram m aire, que l’adverbe
savoir est une conjonction déclarative qui sert à développer,
à m ieux faire entendre une chose ; d’où il résulte que ces
m o ts, les ép oux se prennent avec tous leurs droits respec
tifs y no font qu’énoncer à l’avance ce qui doit composer ces
droits dont ils ne peuvent altérer la désignation spéciale de
d o t , laquelle a cessé d ’étre générale et a été particularisée. »
I-es juges mettent en thèse précisément ce qui est en
question ; ils disent que la conjonction à savoir a parti
cularisé-, et c’cst ce dont on ne convient pas. La conjonc
tion à savoir n’est pas adversative ; les premiers juges
eux-mêmes conviennent qu’elle n’est qu’explicative. Elle
explique que les droits qu’on constitue sont de 70000 fr. ;
mais on ne déclare pas moins qu’on se constitue tous les
droits, et par conséquent le surplus, s’ils e x c è d e n t. L a
constitution ne tombe pas sur le règlement que l’on fait.
On se constitue tout. La dame de Saint -H é ren n’a pas
attaqué la constitution, elle n’a attaqué que le règlement.
L e motif des premiers juges ne renferme qu’une pétition
de principes.
A - t-il été d é ro g é , par l’art. 8 du contrat de mariage,
à ce qui avoit été stipulé par l’art. i e r. ?
Il faut remettre sous les yeux de la cour cet article.
« Les futurs é p o u x , est-il d it, seront communs en
« tous biens acquêts et conquôts, et la future épouse,
« le prédécès du futur époux arrivant, prélèvera tous
« les avantages matrimoniaux expliqués ci-dessus, hors
�4 Zx
( ii )
a la communauté; et quant au surplus des biens présens
« et à v en ir, les futurs époux acceptent la coutume
« du droit écrit, à laquelle ils se restreignent entière« ment. »
L e sieur Jusseraud prétend inférer de cette dernière
partie de la clause, de cette soumission à la coutume
du droit écrit, pour le surplus des biens présens, ainsi
que pour les biens à v e n ir, une stipulation de paraphernalité.
Remarquons que cette clause est dans le. même article,
et à la suite de la convention de communauté, et n’a,
par conséquent, évidemment trait qu’à la communauté;
elle n’a pour but que de régler ce qui entrera ou n’en
trera pas dans la communauté; et c’est en détourner le
sens, que de l’appliquer à autre chose qu’à la com
munauté.
E n pays de droit é c r i t , la communauté n’a lieu
qu’autant qu’elle est stipulée; elle ne comprend que les
acquêts faits depuis le mariage; elle ne comprend point
les meubles que les conjoints avoient lors et au temps
du mariage; elle ne comprend point non plus les meubles
qui échoient pnr succession pendant le mariage, à la
différence de ce qui s’observe dans les pays de coutume.
Ilenrys, tom. i cr. , liv. 4 , cliap. 6 , quest. 58.
Les futurs stipulent qu’ils seront communs en tous
leurs biens acquêts et conquêts, c’est-à-dire, dans toutes
les acquisitions qu’ils feront pendant le mariage ; et
qu’au surplus de leurs biens présens et à v en ir, ils
entendent se régir par le droit écrit, auquel ils se res
treignent , c’est-à-dire, qu’ils n’entendent pas donner
B 2
�( 12 )
plus d’étendue' ù leur com m unauté, et qu’ils veulent
que la communauté soit régie d’après la coutume et
les usages du ,droit écrit.
L a stipulation de conquêts est même exclusive de la
paraphernalité; car le mari a le droit de jouir des con
quêts : il peut même les aliéner sans le consentement
de la femme ; il est maître et clief de la communauté :
la femme a au contraire seule droit de jouir et de
disposer des biens paraphernaux.
Si cette partie de la clause avoit eu un autre objet
que le règlement de la communauté, n’en auroit-on
pas f a i t . un article séparé ? au lieu que c’est dans le
même article, et une même phrase : la dernière partie
de la phrase n’est séparée de la première que par un
point et une virgule.
Il faut toujours interpréter un article de manière qu’il
se concilie avec les précédens.
Par l’article i e,Y elle s’est constitué tous ses droits
directs ; par l’article 2 , tous ses droits collatéraux : elle
n’avoit point d’autres droits. Comment donc se prêter ù
l ’interprétation que le sieur Jusseraud veut donner ù ces
derniers termes de l’article 8 : E t quant au surplus des
biens présens et à v en ir, les fu tu r s acceptent la coutum e
du droit écrit? Comment supposer que les parties ont
e u , dans le même article, autre objet en vue que la
communauté ; qu’elles ont voulu stipuler que le surplus
des biens présens sortiroit nature de paraphernal? L e
surplus des biens présens! elle n’en avoit point d’autres
que ceux expressément constitués par l’article i e1'. et
l’article 2..
�( i3 )
Ou l’article I er. contenoit une constitution particulière
de dot, de la somme de 70000 francs, ou non. A u pre
mier cas, la clause dont il s’ag it, dans le sens du sieur
Jusseraud, eût été inutile. L e surplus des biens auroit été
de droit paraphernal : on n ’ a u r o i t pas eu besoin de le
stipuler.
A u second cas, si l’article i er. contenoit une consti
tution générale de tous droits , il eût été absurde de dire
qu’on se réservoit le surplus des biens présens} en paraphei’nal.
'
Dira-t-on que par cet article on a voulu déroger à Par
ticle i er.? Cela ne se suppose point. Si telle avoit été l’in
tention des parties, elles s’en seroient expliquées expres
sément et plus clairement; elles auroient dit simplement
que tel et tel objet demeui’eroit paraphernal à la future.
Mais les biens dont il s’agit ne sont pas situés en la
coutume d’Au vergn e ; ils sont situés dans la coutume de
B ou rbon nais, qui n’admet point de parapliernalité.
Dans la coutume de Bourbonnais, les biens de la femme
sont conquôts 011 propres : dans l’un et l’autre cas, le mari
en a le régime et l’administration.
L ’article 235 porte : « L e mari a le gouvernement et
« administration des héritages et possessions de sa fem m e,
« le mariage durant, et est seigneur des biens meubles,
«
«
«
«
«
fruits, revenus et émolumens appartenans à sa femme,
et de ses dettes «nobiliaires, et les peut demander et
poursuivre en jugement, ou dehors, en son nom , sans
ladite femme ; et à lui a p p a r tie n n e n t les actions personnellcs et possessoires, et en peut être convenu : mai>
�(H )
« ne peut vendre ni aliéner les héritages de sa femme
« sans son vouloir et consentement. »
«
«
«
«
«
«
cc
L ’article 171 porte: « Contrats de ven d itio n ,donation,
quittance, ou autres actes, faits par femme mariée, ou
par enfans étant en la puissance de leurs pores, tuteurs
et curateurs, sans le consentement de leurs dits maris,
pères, tuteurs et curateurs, ne valent; et ne sont tels
contrats validés et confirmés par la dissolution du mariage, ou par la mort desdits pères, émancipation desdits
enfans et majorité desdits mineurs. »
L ’article 238 porte que la femme peut vendre, donner,
échanger, et autrement aliéner ses héritages, sans être
récompensée ; m ais de Vautorité du m ari.
L a coutume déclare la femme absolument inhabile à
contracter sans autorisation ? et ne fait exception pour
aucune espèce de biens.
Y
a u r o i t 'il constitution particulière de d o t, p e u t-o n
a p p liq u e r à la coutume de Bourbonnais la d is p o s itio n de
l ’a r tic le 8 d u titr e 1 4 d e la c o u tu m e d ’ A u v e r g n e ? Peuton étendre î\ cette coutume qui prononce contre la femme
une incapacité absolue de contracter sans l’autorisation du
m a r i, la disposition de l’article 9 du môme titre 14 de la
coutume d’A u v e rg n e , qui rend la femme dame et maî
tresse de ses biens paraphernaux, et lui permet d’en dis
poser, fora et excepté au profit du m ari? L a disposition
de ces articles, celle de l’article prem ier, ainsi con çu:
F em m e m ariée, ou fia n c é e ^est en la puissance de son
m a r iy ou fia n c é , excepté quant a u x biens aventifs et
p arap hernaux, desquels elle est mère defa m ille ¡et dame
�( i5 )
de ses d r o its, form e-t-clle, comme les premiers juges
l ’ ont prétendu, un statut personnel?
Ceci jette dans la question sur la nature des divers
statuts ; question qui a exercé un grand nombre d’au
teurs, et qui exige d’être développée.
Parm i les auteurs qui ont traité celte matière, on ne
peut sans doute mieux faire dans cette cause que de ci tel
les commentateurs même des coutumes d’A u verg n e et
de Bourbonnais, Chabrol, et A u ro u x des Pommiers. Nous
citerons d’abord A u r o u x des Pommiers : c’est dans sa
préface. On y trouve le résumé de toute la doctrine en
cette matière ; qu’il soit permis de le transcrire.
A u r o u x distingue avec d’A rgen tré les statuts person
nels, les statuts réels, les statuts mixtes.
L e statut p e rso n n el, d it-il, est ce lu i qui se rapporte d irecte
ment à la personne , qui en règle universellem ent l’é t a t , sans
parler des b ie n s , et abstraction faite de toute m atière réelle :
citrà remm immobilium mixturam et abstractè ah omni materia r e a li, suivant l ’expression de d’Argentré.
L e statut réel est ce lu i qui parle des b ie n s , et qui en règle
les dispositions.
L e statut est m ixte lorsqu’il ne se rapporte pas à la personne
d irectem en t, purem ent et sim plem en t, mais ind irectem ent, et
par rapport à certains biens et
certaines personnes ; qu’il n ’en
règle l’état et la capacité que par rapport à ces biens et à ces
personnes, circumscriptive.
O n m et au rang des statuts purem ent personnels , ceu x qui
règlent la légitim ation, l’ém ancipation, l’interdiction, la tu telle,
la puissance paternelle ; car tous ces objets règlent universelle
m ent l’état de la personne.
O n com pte au nombre des statuts purem ent réels ce u x qui
�( IÓ )
règlent les successions , les partages , la légitim e , le droit
d’aînesse , le re tra it, les servitudes réelles.
E n f in on r e ga rd e c o m m e statuts m ix te s les statuts q u i d é
f e n d e n t a u x c o n j o i n t s p a r m ariage d e s’ avantager. Ila b e t cnim
personales quasdam consiclerationes.
Dans les droits purem ent personnels, et lorsqu’il s’agit d’établir
universellem ent la capacité d ’une personne, il faut suivre la loi
du dom icile , parce que c ’est la loi du dom icile qui soum et les
personnes qui sont dans son détroit.
Mais dans les m atières réelles, et celles qui sont m ixtes, qui
participent de la réalité et de la personnalité, il faut suivre la
coutum e du lieu où les héritages sont situés.
L ’effet du statut personnel est que réglant universellem ent
l’état de la personne , il règle aussi indirectem ent toute sa for
tune et tous ses b i e n s p a r c e qu’ils sont attachés à sa per
sonne.
L ’e ffe t du statut réel est qu’il ne s’exécu te pas hors la co u
tume.
O n p e u t, co n tin u e -t-il,
d é ro g e r à la c o u t u m e pa r des c o n
v e n tio n s p a r t i c u l i è r e s , q u a n d elle n ’est pas p ro h ib itiv e e t irri
ta n te. C 'e s t le c a s o ù o n d it q u e dans les c h o s e s permises la
disposition d e l’h o m m e f a it c e s s e r c e l l e d e la loi.
Mais lorsque l’article de la coutum e est p ro h ib itif, négatif ou
irritant, toutes les stipulations contraires sont inutiles.
Sur quoi il faut observer qu’une disposition de coutum e sim
plem ent réelle , quoique p ro h ib itiv e , n’annulle pas les actes ,
mais qu’elle leur ôte sim plem ent leur effet dans l’étendue de
son ressort; et il en est de m êm e du statut mixte. Ainsi la dis
position d une coutum e qui défend aux conjoints par m ariage
de s’avantager autrem ent que par don m u tu e l, n’annulle pas
absolum ent la d on atio n , mais ôte sim plem ent l’effet de cette
donation par rapport aux biens qui sont situés dans l’étendue
de son ressort, n’em péchant point que la m êm e donation ne
s’exécute sur les biçns qui sont situés ailleurs.
Nous
�<21
( r7 )
Nous viendrons dans un moment à l’autorité
M. Chabrol.
de
Les auteurs de la consultation qui se trouve dans
Duplessis, définissent également le statut personnel celui
qui règle principalement et universellement l’é t a t , la
condition , le pouvoir et la qualité de la personne ,
indépendamment et abstraction faite de toute,matière
réelle; ils citent d’Argentré.
Ils ajoutent que quand d’A rgentré d it, abstraction
faite de toute matière réelle, il ne prétend pas que le
statut personnel n’influe jamais sur les biens. Il est, au
contraire, disent-ils, presque toujours impossible qu’un
statut qui règle par lui-même tout l’état des personnes,
n’emporte en même temps des conséquences par rapport
aux biens qui y sont attachés; mais le statut n’est pas
moins personnel, lorsqu’il influe sur tout; il est réel,
lorsqu’il n’affecte qu’ une action particulière, une espèce
de biens, et qu’il ne règle pas universellement tout.
L e président B on liier, cliap. 3 3 , donne une autre
règle pour distinguer le statut personnel du stiitut réel;
il veut que le statut soit personnel ou r é e l , suivant
qu’il est conforme ou non au droit commun. Il dit
q u 'il n'y a -point de jurisprudence plus universelle
m ent r e çu e , que celle de la réalité des coutum es q u i
sont contraires au droit co m m u n , et que les ju r is
consultes appellent E X O R B I T A N T E S , et q u i, en consé
quence , doivent être restreintes dans les lim ites de
leur territoire. Satis est quod statutum exorbitans
aliquid vel m odicitrn, ultra ju s commune operetur, ut
in rcsiduo , quantum J ie r ip o te s t, restringatur. C ’e s t ,
C
�( 1 8 }
ajoute-t-il, non-seulem ent îa v is de D u m ou lin , m ais
de tous les docteurs.
C ’est aussi le sentiment de Garnier , célèbre juris
consulte, dans son discours prononcé ù la conférence
des avocats du parlement de Metz.
En partant de cette distinction , le droit commun
est que la femme ne puisse stipuler ni faire aucun acte
sans l’autorisation du mari. La disposition de la cou
tume d’A u verg n e, qui constitue la femme dame et maî
tresse de ses droits, quant aux biens paraphernaux, est
donc contraire au droit commun. Elle est même con
traire au droit commun de la coutume.
Comment est concu l’article? Fem m e mariée est en
la puissance du m a ri : voilà la règle gén érale, voilà
la disposition principale, conforme d’ailleurs à la dis
position de toutes les coutumes ; la suite n’est que l’ex
ception, excepté quant a u x biens paraphernaux.
L ’art. 8 porte : T ous les biens que la fe m m e a au
temps de ses fia n ça illes sont réputés dotaux : voilà la
règle générale, conforme encore au droit général coutumier. Il est ajouté : Si ce n’est qu’il y ait constitution
particulière de dot, o u , comme dit Chabrol, réserve
expresse ou tacite en paraphernal : voilà l’exception.
Cette disposition, qui affranchit la leinme de la puis
sance du m a r i, quant à celte dernière espèce de biens,
est donc exorbitante, non - seulement du droit commun
de toutes les coutumes, mais encore du droit commun
de la coutume d’ A u verg n e, et par conséquent, en partant
même de la doctrine du président Bonhier, forme un
statut réel, limité dans sou territoire*
�( J9 )
On clit que cette disposition n’est point exorbi
tante; qu’elle ne fait que conserver à la femme, quant
à ses biens, la liberté primitive qu’elle a voit de disposer;
que son état de citoyenne est plus ancien que celui de
'femme. Mais quand on dit que cette disposition est
exorbitante , il ne s’agit pas de considérer la femme
dans l’état qu’elle avoit avant le mariage , de la faculté
qu’elle avoit, par suite du droit de propriété, de vendre
et aliéner; faculté dérivant du droit des gens. O n sait
que le droit des gens est celui qui est commun à tous
les peuples policés : C’est la définition qu’en donnent
les Institutes. V o ca tu r ju s gentium q ua si quo jura
onines gentes utantur. D u nombre des contrats du droit
des gens est la vente ; et ex hoc ju r e gentium onines
pene contractus introducti s u n t, ut emptio venditio,
locatio conductio. L e droit c iv il, au contraire, est le
droit particulier de chaque gouvernement, civile, quasi ju s
proprium civitatis. Institutes, au même endroit, liv. i or,
tit. 2. Quand on dit que la disposition est exorbitante,
on n’entend pas parler du droit des gens, mais du droit
commun particulier à la cité, du droit c iv il, qui met
les femmes sous la dépendance du m a ri, qui veut qu’elles
ne puissent faire aucuns actes sans son autorisation.
Suivant le raisonnement de l’adversaire , la dispo
sition de la coutume relative aux biens paraphernaux
seroit le droit commun , et la première partie de l’ar
ticle qui met la femme sous la puissance du inari, l’ex
ception, tandis que c’est le contraire; que l’exception
porte sur les biens paraphernaux, ex cep té, dit la cou
tume, quant a u x biens paraphernaux.
C 2 _
�L a coutum e, en permettant à la femme de disposer
de ses Liens paraphernaux, fait exception aux autres
coutumes et à elle-même.
E t sans entrer dans d’autre discussion, n’est-il pas évi
dent qu’une coutume qui établit une exception doit être
restreinte dans son territoire; qu’on ne peut rétendre à
une autre coutume qui ne porte pas la même exception ?
Stokmans, décision 1 2 5 , n°. 9 , veut q u e , dès qu’il
s’agit d’aliénation d’héritages, de rerum so li alienatio n e , le statut, n’importe comment il est e xp rim é, swe
verbis in r e m , swe in personam directe con ceptum ,
soit regardé comme réel.
On seroit étonné s i j parlant de statut, on ne citoit
point Boullenois, quoique cet auteur, ainsi que l’observe
M erlin dans ses questions de d r o i t , tom. 7 , au mot
rem ploi ou nous avons puisé les citations de Garnier
et de Stokmans, ne donne souvent que des dispositions
longues, abstraites, obscures, et peu p r o p r e s à faci
liter la distinction des statu ts personnels d’avec les
réels. Boullenois, dans son traité de la démission de
L ien s, où il a inséré une dissertation sur les statuts,
définit également le statut personnel celui qui règle
l ’état et la condition de la femme ; mais il ne veut pas
qu’on ajoute universellement. Il en donne deux exem
ples , le premier relativement à la femme marchande
p u b liq u e ,
qui a trait
les autres
émancipé ,
qui est libre et indépendante pour tout ce
à son commerce, et en puissance pour tous
actes ; le second relativement au mineur
qui est indépendant pour percevoir les
revenus ,
et sous la dépendance du tuteur quant à
�43
( 21 )
l’aliénation clés héritages. Mais c’est toujours univer
sellement. La femme marchande publique affecte tous
ses biens ; le mineur émancipé a le droit de jouir du
revenu de tous ses biens quelconques. L a disposition
de la coutume qui a ffr a n c h it la femme de la puissance
maritale, quant a u x b ie n s parapliernaux, est particu
lière à cette so rte de b ien s, et ne p e u t , par consé
quent , s’ é te n d re aux coutumes qui ne reconnoissent
point la paraphernalité.
L e même auteur observe que le statut personnel qui
perm et, cède au statut réel qui défen d; et en effet,
deux choses doivent concourir pour mettre un acte
en état d’être exécuté. Il faut qu’il ait été passé par
line personne capable; et en second l ie u , que la loi
du pays où sont situés les biens ne s’y oppose pas.
« P o u r p o u vo ir, dit-il, pag. n o , étendre la loi d’un
« pays dans un a u tre, il faut que la loi du lieu où on
« veut faire l’extension soit muette, ou que la loi que
«
«
«
«
l’on veut étendre soit une espèce de droit commun,
ou qu’il n’y ait pas une loi qui dispose expressément, et qui soit prohibitive et négative de celle que
l’on y veut faire recevoir. »
Ainsi le statut du droit écrit, qui permet de disposer de
tous ses biens par testament, est arrêté par le statut de
la coutume d'A u vergn e, qui ne permet de disposer de
cette manière que des trois quarts.
Ainsi les coutumes qui permettent au mari d’avantager
sa femme sont arrêtées par celles qui le defendent.
O r , la coutume de Bourbonnais est en termes négatifs
et irrita iis. Contrats de rendition et autres actes faits
�( 22 )
p a r la fe m m e sans le consentem ent et autorisation du
m a r i, ne valent.
O n a objecté que c’étoit ici une vente d’une chose mobiliaire, et que les meubles suivent le domicile.
Les meublés qui sont meubles de.leur nature, suivent
le domicile; sans difficulté. Il en est de même de ceux
q u i, n’étant pas meubles de leur nature, le deviennent
lorsqu’ils ont été détachés du fonds; tels que les fruits
des récoltes, et autres fruits pendanspar racine : mais tant
qu’ils sont inhérens au fonds, ils sont immeubles comme
le fonds môme. Boullenois, pag. 101, en a fait l’obser
vation. A p rès avoir dit que les meubles suivent la loi du
domicile, il ajoute: « Je ne crois pas être obligé de re« marquer qu’il en faut excepter les meubles qui sont
c< inhérens au fonds. »
Il n’y a point d’exception pour les bois taillis. L ’article
Ô2i du Gode civil porte : «Les coupes ordinaires des bois
« taillis ou futaies mis en coupe réglée, ne devien« nent meubles qu’à fur et m e su re que les arbres sont
« abattus. »
La coutume de Paris, article 9 2 , portoit également:
B o is coupé, blé, f o i n ou g ra in , soyé ou f a u c h é , sup
posé q u il soit ( c’est-à-dire, quoiqu’il soit ) encore sur
le cham p, et non transporté ( mais coupé ) , est réputé
jneuble.
L ’article 131 de la même coutum e, porte que les
fruits des héritages propres d’un des conjoints, pendans
par racines au temps du trépas d’ un des conjoints,
ne tombent point dans la communauté, et appartiennent
à celui auquel appartient l’héritage; à la différence dp
�43-3
( 23 )
ceux qui ne seroient plus pendans par racines. Sur
quoi M . Pothier, dans son traité de la communauté,
parle des bois taillis, et s’explique ainsi :
Q uoique le principal revenu de l’héritage de l’un des con
joints, par exem ple de la fem m e , consistât dans un bois taillis,
d ’où il n’y a eu a u c u n e coupe à faire pendant tout le temps qu’ a
duré le m ariage, quoique le m ariage ait duré plusieurs an n ées, le
mari ne pourra rien prétendre pour la • com m unauté qu’il a
eue avec sa défunte fem m e, dans la coupe qui s’ en fera après
la m ort de sa fem m e.
.
.
: •
Supposons, au contraire , que peu après le mariage il se f a it ,
durant la com m unauté, une coupe de bois taillis, propre de
l’un des con join ts, qui ne se coupe que tous les dix ans;
quoique cette coupe soit le fruit de dix années, et que le m a
riage n ait duré que peu de m ois, la coupe entière ne laissera
pas d’appartenir à la com m unauté.
A u ro u x des P o m m iers, pag. 4 7 0 , après avoir dit
que les premiers fruits des propres, après la célébra
tion du mariage, entrent dans la communauté, ajoute
qu’ il en est de même d’ une coupe de bois taillis, dont
la neuvième année, ou le temps de la cou p e, finit le
jour du mariage.
T o u t cela est une suite du principe que les fruits ,
tant qu’ ils sont inliérens au fonds, 11e sont pas distingués
du fonds.
• > : *«
1 *1
L a dame de Saint-IIéren, d it-o n , n’a fait qu’un acte
'd e jouissance. Les bois taillis1étoient eu maturité! c’étoit
un fruit dont elle a pu disposer! ’
Réponse. La dame de Saint-IIéren n’a-t-olle fait qu’un
acte de jouissance? en dormant au sieur Jusseraud onze
�C 24 )
années pour l’exploitation et la vidange des bois s
n’a-t-elle pas effectivement vendu deux cou pes, au lieu
d’une ? N ’a-t-elle pas vendu entièrement par anticipa
tion cette seconde coupe ? Est - ce là un simple acte
d’administration?
N ’a fait qu’un acte de jouissance! Mais il faut savoir
à qui il appartenoit de faire cet acte de jouissance.
C ’est un fruit! les bois étoient en maturité! Si c’est
un fru it, l’art. 235 de la coutume attribue au mari la
jouissance de tous les biens de la femme, n on -seu le
ment des conquets, mais des propres; elle se trouveroit
avoir vendu ce qui ne lui appartenoit pas, ce qui appar
tenoit au mari.
O u c’est im m obilier, ou c’est un fruit. Si c’est immo
bilier, la vente est nullç, d’après l ’art. 1 7 1 , qui annulle
tous les actes qu’une femme fait sans l’autorisation du
m a r i , tant relativement à ses biens meubles qu’à ses
im m e u b le s.
Si c’est u n f r u i t , le m a ri se u l a u r o it pu vendre; la
vente seroit n ulle, comme faite à non domino.
Il est temps, sans doute, de citer M . C h ab ro l; de
rapporter non-seulement son sentiment, mais encore la
discussion; elle est trop importante pour en rien omettre:
on craindroit, ou d’affoiblir la défense des sieur et dame
de Sain t-lléren , ou d’être accusé d’inexactitude.
La principale question, dit-il sur l’article i cr. du titre 14,
tome 2, page 181, qui se présente, est de savoir si lorsqu’il
échéoit à la femme, pendant le mariage , une succession de
biens situés dans des coutumes qui , comme celles de B o u r
bonnais ou de Paris, ne connoissent pas la distinction des biens
dotaux
�( â5 )
dotaux et paraphernaux, la jouissance en appartient au mar*
ou à la femme. N ous ne parlerons pas du droit de disposer en
lui-m ém e, parce qu’il est évident q u ’il dépend de la loi de la
situation des héritages. A in s i, la fem m e m ariée en A u vergn e,
qui recueille une succession [à Paris , ne pourra en vendre les
biens que sous l’autorisation de son m a ri, com m e cette cou
tum e l’exige , q u o iq u ’elle n’ait pas besoin d ’étre autorisée pour
l’aliénation de ses biens paraphernaux en A uvergne ; a in si, elle
ne pourra disposer par testament que du quint, parce que la
c o u t u m e de Paris ne perm et pas de léguer une plus grande quan
tité de ses biens propres par testament.
N ous ne parlons pas non plus du m obilier et des contrats de
rentes sur p a rticu liers, parce que tous ces objets suivent la
loi du d o m ic ile , et se portent à celu i de la fe m m e , aussitût
qu’elle y su c c è d e ; ils sont réputés y être situés, dans le m êm e
instant où le m ort sa isit de -vif. A in s i, la fem m e dom iciliée dans
cette p ro v in c e , jouira sans difficulté de tout le m obilier , et
des contrats de rente sur p a rticu lie rs, qui lui sont échus dans
une succession ouverte à Paris ; elle en jouira séparém ent et
sans l’autorité de son m a ri, et elle pourra en disposer de m êm e.
Mais il reste à savoir qui du mari ou de la fem m e aura la jouis
sance des im m eubles réels d’une pareille su ccessio n , ou des im
m eubles fictifs qui ont leur situation dans le lieu où les rentes
se p a ye n t, com m e celles dues sur l’hôtel-de-ville de Paris.
O n peut dire pour la fem m e que les revenus de ses bien s,
en quelque lieu qu’ils soient, se portent dans le lieu où elle
ré sid e , et que la
lo i
de ce dom icile lui donne les fruits de ses
biens aventifs : d’ailleu rs, il s’agit de sa cap acité; la co u tu m e,
en lu i donnant le droit de jouir de cette nature de biens, dit
qu’elle en est dam e e t m aîtresse; e t , s u iv a n t la m ême c o u
tu m e , elle n’est pas à c e té g a r d en la puissance de son m a r i ;
il s’agit de son é t a t , de c e q u i régie sa personne, et elle ne
peut être m ère de fam ille pour ses biens aven tifs, situés en
A u vergn e, si elle ne l’est pas des biens pareillem ent aventifs
D
�( *6. )
situés à P a ris; son droit, de jouir est une suite d’une capacité
personnelle que la loi de son dom icile lui donne ; et de m êm e
qu’ un arrêt rapporté par L ouet a jugé qu’un m ineur dom icilié
à Senlis , où l’on n’est m ajeur qu’à vingt cinq a n s, n’avoit pu
vendre des biens situés, en la coutum e d’A n jo u , qui règle la
majorité à vingt ans, une fem m e d’A u v erg n e , à qui la jouis
sance et disposition de ses biens inventifs appartient à son mari ,
devroit jouir de ceux qu’elle recueille à Paris , où , suivant le droit
com m u n , le m ari a la jouissance des biens de sa fem m e; et
c ’est le sentim ent de Froland.
.
O n peut dire / au contraire , qùe de m êm e que la fem m e
ne pourroit pas vendre valablem en t, sans l’autorisation de son
m a ri, une maison située à P a ris, qui lui seroit venue par su c
cession , de m êm e elle ne peut en jouir s é p a r é m e n t ; que le
droit de jouir est en elle une suite de celu i de disposer ; que
la c o u t u m e d’A uvergne n ’emploie , pour exprim er l’un et l’autre ,
que le term e de disposer : au fo n d , quand on considéreroit m êm e'
le droit de la fem m e sur ses biens aventifs , com m e une capa
cité personnelle qui se conserve partout, on ne peut pas dire
cependant qu’elle ait partout les m êm es effets : la f e m m e a
droit de jouir de ses b ie n s a v e n tifs , en q u e lq u e lieu qu ils soient
situés, pourvu qu’ils soient de nature que cette capacité puisse
y réfléchir , et que la coutum e de leur situation n’en dispose
pas différem m ent ; mais la coutum e de Paris ne reconnoissant
pas de biens aventifs , et donnant au mari l’administration de
tous les biens de la fem m e , celle-ci ne peut réclam er la jouis
sance que des biens situés dans des coutum es q u i en reconnoissent de cette qualité : chaque coutum e disposant souverai
nem ent il;? la destination des biens qu’elle régit , il est incon
ciliable que la f< initie en Auvergne ne puisse disposer d’un bien
de Paris par c o n t r a t ou par testament , que com m e la co u
tume de Paris le perm et , et qu’elle puisse en jouir d ifférem
m ent de ce que cette coutum e a réglé. Rien n’est plus per
sonnel que le droit d’ainesse , ou la capacité de tester : un aîné
�< 3>
( 27 )
l’est pour tout. C elu i à qui la fa c tio n du testam ent appartient
par la loi de son dom icile l’a égalem ent en tout lieu ; cep en
d a n t, l’ainé ne prendra pas dans la coutum e de la situation
des b ie n s , les avantages que lui donne la loi de son dom icile ;
et le testateur 11e pourra disposer des biens de chaque c o u
tum e , que dans la proportion , et pour la quotité qui y est
déterm inée. Si la capacité est attachée a la loi du dom icile ,
les effets de cette capacité ne sont pas moins subordonnés à
la loi de la situation des choses auxquelles on prétend l’appli
q u e r; il ne faut jamais pei’dre de vue le principe enseigné par
M. d ’A r g e n t r é qui a le pltls approfondi la m atière des statuts
personnels et réels , et qui veut que le prem ier soit co n sid éré,
abstraction faite de toute réalité ; citrà reruni im m obilium m ix turam , e t abstractb ab om n i matériel reali.
C ette question a été jugée en faveur du mari , par une sen
tence de la sénéchaussée d’A u v erg n e , du 22 juin 173 7, rendue
au rapport de M . Geslin , lieutenant g é n é ra l, en faveur du
sieur com te de P o n s, contre la dame de B oulieu de M ontpensier,
sa fem m e. L e marquis de M ontpensier , frère de la com tesse
de Pons , laissoit dans sa succession entr’autres objets , un
contrat de rente de 400 ïiv. au principal de 16000 liv. dues
par le r o i, et réputé situé h Paris : la jouissance de ces rentes
fut adjugée au mari : la d a m e <le P o n s tiroit avantage de ce
que son contrat de m ariage contenoit une soumission expresse
à la coutum e d ’A uvergne ; mais on jugea que cette clause ne
pouvoit se rapporter à l’objet sur lequel les parties étoient d ivi
sées , et lui donner le droit de jouir com m e a v e n tifs, de biens
situés dans la coutum e de Paris , qui n’en reconnolt pas de cette
qualité. C ette cause avoit été plaidée à l'audience du z 5 août
170 6; et l’on y cita une sentence précédenle de 1G90, par la
quelle on prétendit que la question avoit été jugée de la m êm e
m anière , en faveur du mari.
M e. D u h a m e l , a v o c a t c é l è b r e du p a r le m e n t, a v o it d é c id é en
f a v e u r d e la f e m m e ; il disoit dans sa c o n s u lta t io n d u m ois do
D 2
�(28)
mars 1736, que les droits respectifs des sieur et dame de Pons
devoient se régler par la coutum e d’Auvergne , pour tout ce
qui n ’étoit pas de m atière purem ent réelle ; q u e , par la stipu
lation expresse du contrat de m a ria g e , les parties avoient dit
qu’elles se régiroient par la coutum e d’Auvergne ; que d’ailleurs
les dispositions de cette coutum e , sur la qualité des biens aventifs , étoient censées répétées par le contrat de m ariage , et faisoient partie des conventions qui y étoient écrites ; que la cou
tum e de P a ris , où cette nature de biens étoit inconnue , ne
contenoit néanmoins aucun statut prohibitif ou n ég atif, aucun
texte qui portât que la fem m e n’en auroit. pas la jouissance ,
et qu'ainsi rien n’em péchoit que la loi ou la convention qui
réservoit cette jouisance à la fe m m e , ne produisit son e ffet
sur des biens de Paris. Il convenoit néanmoins que la dame
de Pons ne p o u v o it aliéner ses biens de Paris, sans le consente
m ent et l'autorisation de son m a ri, parce que l’article 223 qui
ôte à la fem m e cette faculté d’a lié n e r , sans le consentem ent
de son m a r i, étoit con çu en term es prohibitifs et négatifs ; mais il
disoit que la convention portée par un contrat de m ariage passé
en A u verg n e, conform ém ent à la loi d’A u v erg n e, pouvoit s’e x é
cuter sur des biens situés à Paris » p u is q u e la m ê m e conven
tion en tr e des personnes m ariée s à Paris , au ro it tout son effet.
L a sentence qui fu t rendue paroît plus juridique. I l est inconcilia b le que la fe m m e puisse j o u i r , com m e d ’un bien ave 111if,
d ’un im m euble dont elle ne p e u t disposer que com m e d ’un bien
d o t a l, e t que le m a r i, sans leq u e l elle ne p eu t v e n d re, n’a it
pas le droit de jo u ir.
Les premiers juges ne se sont arrêtés ni ¿1 l’opinion de
M . C h a b r o l, ni au préjugé de la sentence de la séné
chaussée d’A u vergn e; ils ont pensé différemment. Il im
porte de discuter les motifs qu’ils ont donnés de leur
décision.
« A tte n d u , disent-ils, que la fem m e mariée est en la puis-
�( 29 )
« sance du m ari, excep té quant au x biens aventifs et parapher« naux ; que cette disposition qui établit en général la puissance
« du m a r i, mais q u i , par sa restrictio n , en lim ite les effets à
« l’égard d’une espèce de c h o s e , est évidem m ent personnelle. »
C ’est précisément ce qui est en question.
«
«
«
k
«
cc
«
« Q u ’elle règle l’état du mari et celu i de la fem m e ; qu’elle
constitue la c o n d itio n du m ari envers sa fe m m e , d ’abord sur
sa perso n n e, et puis sur ses biens d ’une certaine nature ; que
le statut a pour objet d’alléger la condition où la fem m e
étoit jadis, de la tirer de cette sujétion excessive et hum iliante où elle étoit pour toutes choses envers son m ari; d’où
il suit qu’on ne peut se refuser à voir dans cette disposition
un véritable statut personnel. »
Mais c’est toujours relativement aux biens parapliernaux, relativement à une nature de biens, et à des biens qui
ne sont de cette nature que dans la coutume d’A uvergne.
Comment ne pas vo ir dans la coutume d’A u v e rg n e , qui
admet la paraphernalité, une disposition p a rticu lière, et
dans cette disposition p a rticu lière, un statut r é e l , c’està-dire, qui ne puisse être étendu hors des limites du
territoire qui reconnoît cette sorte de biens.
« A ttendu que c e qui distingue la personnalité du sta tu t, c e
« qui le sépare clairem ent du statut r é e l, c ’est lorsqu’il se dé« term ine à fixer l’hom m e libre ou indépendant, l’homm e assu« jéti ou subord on n é, tel que la m ajo rité, l’autorisation de la
« fe m m e , la libre jouissance des droits civils. »
U niversellem ent, mais non relativement à une seule
espèce de biens ; ce qui est le caractère du statut réel.
« Q ue le statut de paraphernalité est évidemment de cette na*
te tu re, puisqu il rend la fem m e su i ju r is , ou dame et maltresse
« de ses droits, com m e dit la coutum e d’Auvergne. «
�r
L 3° )
Toujours même pétition de principe.
«
«
«
«
«
«
cc
«
« A ttendu que si, en m atière de distinction de sta tu t, quelques auteurs ont voulu qu’un statut qui déroge à une capacité générale pour form er une interdiction ou prohibition lû t
réputé un statut réel et non personnel, on ne peut appliquer
cette règle au statut de paraphernalité d’A uvergne, puisque
c e statut, loin de form er dans la fem m e un état d interdiction
ou de prohibition, est au contraire à son égard un retour au
droit g é n é ra l, à l’état ordinaire de société , la rétablit dans
l’état où elle étoit avant de se m a rie r, et ayant pouvoir de
« disposer librem ent de sa chose. »
Relativement à une seule espèce de b ie n s, et à une
espèce de biens particulière à la coutume, inconnue dans
la généralité des coutumes.
« Q u ’a in si, loin de rentrer dans l’exception qui form eroit le
cc statut réel, les effets de la paraphernalité constituent de plus
cc en plus le caractère d’un vrai statut personnel et e x clu sif de
cc toute réalité dans la personne de la fem m e. »
Les juges prennent, conunc on l’a observé plus haut,
la disposition de la coutume qui rend la femme dame et
maîtresse de ses'biens parapliernaux, comme le droit g é
n éra l, et la disposition qut la met dans la dépendance
du mari pour les biens dotaux, comme étant l’exception;
tandis que c’est l’opposé.
D e droit commun, la femme est sous la dépendance
du mari. Il ne s’agit pas de son état avant d être mariée;
il s’agit de son état de fem m e. D e droit commun aussi,
et même dans la coutume d’A u v e rg n e , les biens que la
femme a au temps de scs fiançailles sont réputés dotaux.
L a coutume d’A u vergn e dérogeant au droit commun ,
dérogeant à elle-m êm e, déclare lu femme dame et mai-
�44»
( 31 )
tresse d e ses d r o it s , q u a n t a u x b ie n s p a ra p h e rn a u x ,.' Q u i
n e v o i t là u n e d is p o s itio n p a r tic u liè r e d e la c o u tu m e q u i
a d m e t la p a r a p h e r n a lité q u e les a u tres c o u tu m e s re je tten t',
q u i r e n d la fe m m e , q u o iq u e p a r le m a r ia g e e lle a it passé
so u s la p u iss a n c e d u m a r i , s u i j u r i s , q u a n t à ces b ien s
p a r a p h e r n a u x ? E t c o m m e n t d ’ u n e d is p o s itio n p a r t i c u
liè r e fa ir e u n d ro it g é n é r a l; ce q u ’ il fa u d r o it c e p e n d a n t
p o u r le re g a r d e r c o m m e u n sta tu t p e r s o n n e l ?
’ « A t t e n d u qu’il est de la nature du véritable statut personnel
<x d’étre inhérent à la person n e, et de la suivre en tous lieux ;
te adllivrent personœ e t illarn a fjîc iu n t; qu’une personne cacc pable en un lieu est essentiellem ent capable p a rto u t, m êm e
«
cc
«
a
ie
à l’égard des biens situés hors de son dom icile ; que cette
capacité est aussi indivisible que la personne m êm e q u i en est
revêtue ; d’où il suit que la dam e de S ain t-H éren , capable de
disposer de ses biens paraphernaux en A u v erg n e , l’a été éga
lem ent de jouir et administrer ses biens de m êm e n a tu r e ,
« situés en Bourbonnais ; que ce lte capacité de jouir et admi« nistrer lui a donné le droit de disposer des revenus sans l’au«
te
«
te
torisation du mari ; que les coupes des bois taillis en question
11 e to ie u t, de q u e l q u e m a n i è r e q u ’on les e n v is a g e , q u ’un revenu annuel dont la dame Saint Iléren pouvoit disposer; que
par conséquent elle n’a pas excédé ses pouvoirs, et que la
« vente qu’elle a faite de ces coupes est inattaquable. »
L a capacité générale suit la personne et l’afiecle par
tout. Mais la capacité restreinte à une nature de biens ne
peul avoir d’ellet que la où il y a des biens de celle nature;
et c’est ce qui prouve que la disposition'de la coutume,
même quant aux biens p a r a p h e r n a u x est réelle:
La capacité, même générale, suit la- personne et l’af
fecte partout, excepté dans les coutum es prohibitives :
u4't*
�( 32 )
q uciftobjecto o b ice, pour se servir de la comparaison de
B ou llen ois, page 12 4 ; et l’on a vu que la coutume de
Bourbonnais est de ce nombre. L ’article 171 est conçu
dans les ternies les plus prohibitifs, ne peut.
Les premiers juges se retranchent dans le pouvoir de
jo u ir, de percevoir les revenus; ils n’ont pas été jusqu’à
conférer à la dame de Saint-Héren le pouvoir de vendre
la propriété.
Ils posent en principe que la coupe des bois taillis,
comment qu’on les envisage, étoit un revenu annuel.
i° . Quoique la coupe d’un bois taillis soit le produit de
l’accroissement annuel des bois, ce n’est cependant pas
un revenu annuel ; ils ne tombent en revenus que lors
qu’ils sont en âge d’être coupés.
Seroit-ce un revenu, il s’agiroit de savoir à qui le re
venu appartenoit, du mari ou de la femme.
Mais on a vu que la femme n’a pas seulement vendu
une coupe, mais qu’en accordant onze ans pour l’exploi
tation , elle en a effectivement vendu deux. A -t-elle pu
vendre cette seconde coupe par anticipation? N ’est-ce pas
comme une aliénation de la propriété?
«
«
«
te
«
«
«
«
v
« Attendu qu’on a llè g u e , sans ra iso n , que les coutum es
étoient souveraines dans leur ressort..........; que cette objection s’écarte sans p ein e, en faisant ré fle x io n , i ° . que l’em pire des co u tu m es, sur les biens de leur en clave, portoit
sur la p ro p riété, sur la conservation des fonds; qu’elles
avoient pour but de conserver et de transm ettre les biens
dans les fam illes; qu’ain si, cette affection ne frappoit que
sur la propriété ; que tel étoit le m o tif des prohibitions irritantes ; que s’il étoit question dans l’espèce d’une vente de
propriété, peut-être la disposition prohibitive de la coutum e
au
�( 33 )
cc de Boui’bonnais auroît son application ; mais que s’agissant ,
« au co n traire, d’une simple disposition de revenus, et d’ un
« acte de pure administration , on ne peut croire qu’à cet
« égard le statut prohibitif de la coutum e de Bourbonnais pût
c< étendre son effet ju sq u e-là ; que sans doute la dame de
« Saint-Héren auroit pu valablement se faire la réserve de
« jouir seule , in d é p e n d a m m e n t du mari , des biens qu’elle
« avoit et qu’elle pourroit avoir un jour en Bourbonnais ; qu’une
«c telle réserve lui auroit été perm ise, et n ’auroit point violé
« le statut irritant de cette coutum e ; que sur ce point la dis« position de l’hom m e auroit su p p lé é , ou m ôm e fait cesser
« la disposition de la l o i , puisque le statut irritant doit se
« prendre dans ses termes étroits et de rigueur, c ’est-à d ire ,
« se borner à la prohibition de disposer de la propriété , et
«
ce
«
cc
ce
cc
d’abandonner la disposition des fruits à la liberté ordinaire
des conventions. O r , cette clause de réserve se trouve en
plusieurs m anières, sinon en termes exprès, au moins implicitem ent, dans le contrat de mariage des parties; savoir,
d’abord par la constitution dotale qui a opéré indirectem ent
la paraphernalité de tout ce qui n’étoit pas d o ta l, et en
cc second lie u , par la clause de soumission au droit é c r it , pour
« les biens [»résens et à yenir. »
C ’est une erreur, disons-le sans crainte, de la part des
premiers juges, de prétendre que la disposition de l’ar
ticle 171 de la coutume de Bourbonnais, n’a eu pour objet
que la conservation des fonds, la transmission des biens
clans les familles, puisque la disposition est générale et
absolue, qu’elle frappe de nullité généralement tous les
actes dans lesquels la femme a agi sans être autorisée, tant
relativement à ses biens meubles qu’à ses immeubles; con
trats de vendit io n , porte l’article, donation, quittances
et autres actes.
E
�C 34 )
Quel a été le motif de la coutum e? c’est
générale de la femme de contracter; c’est la
absolue où elle est de son mari ; dépendance
incapable par elle-même de tous actes civils;
Vinhabilité
dépendance
qui la rend
dépendance
qui est de droit public.
On ne peut penser, dit-on , que la coutume ait voulu
étendre sa prohibition à une simple disposition de reve
nus! On répondra : E t comment croire qu’elle ait voulu
faire exception en faveur de la femme pour lés reVènus,
puisqu’elle attribue tous les fruits, tant des conquêts que
des propres, au m ari; que la femme ne peut en disposer,
non-seulement par la prohibition générale de consentir
aucuns actes sans être autorisée, mais encore par cette
autre raison, qu’on ne peut disposer de la chose d’autrui.
Les premiers juges se retranchent dans les revenus. Ils
conviennent que la disposition de la coutume d ’A u v e r
g n e, qui rend la femme dame et maîtresse de ses biens
parapliernaux, ne lui donneroit pas droit d ’a lié n e r la
propriété des b ie n s situ és e n B o u r b o n n a is . N ’est-ce pas
démentir tout d’un coup ce qu’ils ont d it? 11’est-ce pas
reconnoitre que la disposition de la coutume forme un
statut réel?
O u il faut suivre la coutume d’A u v e rg n e , ou il faut
suivre la coutume de Bourbonnais. Si l’on suit la coutume
d’A u verg n e, la femme a le droit de disposer de la pro
priété, comme des revenus; si on suit la coutume de Bour
bonnais, les revenus appartiennent au mari.
L a dame de Saint-IIéren auroit pu se réserver de jouir
des revenus! la clause de paraphernalité équivaut à cette
réserve !
�44S
'
C 35 )
Les premiers juges supposent toujours dans le contrat
de mariage une paraphernalité qui n’y est point.
O n a vu que cette distinction entre la propriété et les
revenus est chim érique, et que c’est s’écarter en même
temps de l’une et de l’autre coutume.
N ’a-t-elle donc disposé que de ses revenus ? n’a-t-elle
fait, comme les premiers juges le prétendent, qu’un acte
d’administration, et de sage administration, en vendant
deux coupes au lieu d’une, par le délai qu’elle a accordé
pour l’exploitation , en vendant cette seconde coupe par
anticipation? et la vente de cette seconde coupe est faite
unico prêt 10.
« Attendu......... que, dans l’espèce, s’agissant d’un bien à
a l’égard duquel la femme est dame et maîtresse de ses droits,
« au moins quant à la jouissance, elle ne doit, sur ce point,
« aucune subordination au mari; que le mari n’y a aucun
«’ intérêt propre, les biens de cette nature ne lui ayant pas été
« donnés pour supporter les charges du mariage. »
O n répondra par ces termes de d’A rg en tré , expliquant
la différence entre le consentement et l’autorisaliou du
rnai'i ; autoritas personam habilitai ad coritrcthendum ,
consensus m a riti intéressé respicit.
« D’où il suit que la coutume de Bourbonnais n’a pas ici d’ap
te plication; que la loi du, domicile des époux, que leursicon,« ventions expresses ont fait seules la règle dans cette circons« tance ; et que c’est là le cas de dire avec D u m o u l i n , que ce
« n’est pas le statut d’A uvergne qui a exercé un empire hors de
« son territoire, mais que c’est l’obligation contractée entre les
« époux qui les lie, qui les gouverne partout, et qui s’exécute
« sur tous, leurs, biens.. »
E 2
�( 36)
Les juges partent toujours de leur supposition favorite,
que le contrat de mariage contient une convention de
paraphernalité.
En second lieu , les conventions affectent les biens où
qu’ils soient situés,
L orsqu’il n’y a pas de disposition prohibitive*, on en con
vient ; mais non lorsqu’il y a prohibition ; et c’est ce qui
est encore enseigné par les auteurs qu’on a déjà cités.
On ne peut, môme par contrat demariage^ déroger aux
lois prohibitives. C ’est ainsi qu’on ne peut stipuler dans
la coutume de Normandie, la communauté; c’est ainsi
qu’on stipuleroit vainement un douaii’e plus fort dans
les coutumes qui bornent le douaire. Boullenois, p. 113.
Quelques susceptibles, dit Potliier, dans la préface au
traité de la communauté, que soient les contrats de ma
riage de toutes sortes de conventions, celles qui contrediroient, et qui tendroient même à éluder quelque loi
prohibitive , 11e sont pas valables ; il en cite plusieurs
exemples.
Dans l’espèce de l ’arrêt de Pons, rapporté par M. Cha
b ro l, il y avoit une soumission expresse à la coutume
d’A u v e rg n e ; le parlement ne s’y arrêta point.
O n a objecté que la coutume de Bourbonnais n’étoit
pas prohibitive ; on en a rappelé plus haut les termes :
contrats de vendition, donation, quittance, et autres actes
faits par la femme sans le consentement du mari, ne valent $
il est ajouté, et ne sont tels contrats validés et confirmés
p a r la dissolution du mariage. Peut-elle être conçue en
termes plus irritans?
L ’articlc 238 ci-dessus cité est dans le même esprit
�44*
( 37 )
«
«
«
cc
«
cc
«
cc
cc Attendu qu on ne peut trouver d’inconséquence en ce que
la dame de Saint-Héren auroit l'adm inistration de certains
biens dont cependant elle ne pourroit aliéner la propriété
sans autorisation ; car ces deux manières de d isp o ser, dont
l’une procède de la lo i, l’autre de la convention , sont trèscom patibles; que l’art. 1576 du Code civil déclare expressém ent cette c o m p a t i b i l i t é , p u isq u il donne a la fem m e la disposition de ses biens paraphernaux, mais soum et la fem m e
à une a u t o r i s a t i o n pour disposer de la propriété de ces m êmes
cc biens ; qu’on ne s’est pas imaginé de voir une inconvenance
cc dans cette disposition du Code c iv il, qui n’a fait que sanccc tionner les principes généraux du droit naturel ou civil. «
Ce moyen terme, que les premiers juges ont imaginé,
côtte espèce de transaction qu’ils veulent'faire entre les
deux systèmes, est, comme 011 l’a déjà dit, contraire, et
à la disposition de la coutume d’A u v e rg n e , et à la dispo
sition de la coutume de Bourbonnais, qui ne font ni l’une
ni l’autre aucune distinction; il est également contraire à
la convention prétendue des parties.
O u il y a stipulation de parapliernalité, ou non; ou
c e lte s tip u la tio n p e u t ê tre é te n d u e a u x c o u tu m e s p r o h ib i
tives , ou non ; ou la disposition de la c o u tu m e d ’ A u v e r
g n e , q u i, faisant exception au droit g é n é r a l, fa isa n t
exception à elle-même, met la femme entièrement hors
du pouvoir marital quant à ses biens paraphernaux,
peut être étendue, ou non, à la coutume de Bourbonnais:
c’est tout u n , ou tout autre.
E t, comme dit M . Chabrol, il est inconciliable que la
fe m m e puisse jo u ir, connue (Van bien aventif\ à'un im
meuble dont elle ne peut disposer quQ comme iVun bien
�( 38 )
d o ta l, et que le m a r i, sans lequel elle ne peut vendre,
n 'a it pas le droit de jo u ir.
_ L ’argument tiré du Gode civil ne signifie rien ; il ne
s’agit pas ici de l’effet de la clause de paraphernalité en
elle-même ;
Il s’agit de savoir s’il y a clause de paraphernalité;
Si cette clause de paraphernalité, en supposant qu’elle
existe, peut être étendue h la coutume de Bourbonnais,
conçue en termes irritans et pi’ohibitifs, à une coutume
qui déclare indistinctement et généralement nuls tous les
actes qu’une femme fait sans l’autorisation du m ari;
Si cette clause, qui, de l’aveu des premiers juges, n’auroit pu affranchir la femme de la puissance du mai’î
quant à la propriété, a pu l’en affranchir quant aux
revenus;
Si ce n’est pas le sort du capital qui doit régler le
sort des revenus, et décider à qui ces revenus appar
tiennent ;
Si la vente dont il s’agit ne contient même qu’alié
nation de revenus;
Si on peut dire que non-seulement la première, mais
la seconde coupe, aliénée dans le fait, et aliénée pour un
seul et même p rix , étoit tombée en revenus.
Mais pourquoi tant combattre le système du sieur Jusseraud? Veut-on qu’il y ait même une réserve expresse
en paraphernal? Veut-on étendre à la coutume de Bour
bonnais, la disposition de la coutume d’A u vergn e? Que
porte la coutume d’A u v e rg n e ? elle autorise, par l’art. 9,
la femme à disposer à son plaisir et volonté de ses biens
�( 39 )
paraphernaux ; elle ajoute : Fors et excepté au profit du
m ari, ou autres à qui le mari puisse et doive succéder.
L ’art. I er. du tit. 18 renouvelle la même prohibition:
F em m e, constant le m ariage, ne se peut obliger pour
lef a i t de son m a r i, ne de celui ou ceux à q u i son m a ri
puisse succéder, ne aussi renoncer a u x obligations et
hypothèques q u i l u i appartiennent. Sur quoi M . Chabrol
dit que le sens de cet article est qu’il est défendu à la
femme d’obliger ses biens, soit d otau x, soit paraphern a ù x , en faveur de son m a r i , ou dé ceux à qui son
mari peut ou doit succéder.
O n reconnoît là l’esprit des lois romaines, ne aut m eia
cogatur, aut pretio concordia emeretur. Dans les qua
lités du jugem ent, rédigées par son défenseur, il est
exposé que le prix de la vente fut fix'é à 2.5ooo francs;
que sur cette somme il fut payé comptant 17000 francs
en acquittement des dettes passives du mari et de la
femme; que le surplus des deniers a été également em
ployé à payer des dettes à lui personnelles ou communes
avec son é p o u s e : il n’en faut pas davantage p o u r , dans
tous les cas, rendre la vente nulle.
C ’est le moment de répondre aux faits particuliers
dont le sieur Jusseraud veut faire résulter ou la validité
de la vente en elle-même, ou une fin de non-recevoir
polir l’attaquer. Ces faits sont consignés également dans
les qualités du jugement ; on va les transcrire littéra
lement.
« ïo . L e sieur de Saint-Héren, est-il dit, a connu la
« vente dès son origine; il a donné au sieur Jussel'aud
* une copie signée de sa m ain, de son contrat de ma-
�( 4° )
cc riage, en exécution d’ une des clauses de cette vente;
«
c<
«
cc
cc
cc
cc
cc
«
cc
ce
«
cc
cc
ce
ce
« 2°. Interpelle à l’audience, il n’a pas desavoué qu’il
fût de sa connoissance que des aiïichcs avoient été
mises pour annoncer la coupe des taillis à vendre ;.n’a
pas désavoué non plus que quelques jours après la
vente, et du temps qu’elle n’étoit encore que sous seing
p rivé, le sieur Jusséraud, en sa présence, avoit offert
de la résilier; et, quelque temps après, la ratification
de cette vente se fit sans aucune opposition de sa part ;
cc 3°. L e sieur de 5aint-Héren a avoué avoir été de sa
maison d’habitation à Clermont, avec le sieur Jusséraud,
pour porter 12000 fr. du prix de la vente, qui furent
employés, du consentement et en présence du sieur
de Saint-IIéren, en acquittement de dettes à lui personnelles, ainsi qu’à son épouse ;
ce 40. Enfin, le sieur de S ain t-H éren n’est pas disconvenu que l’emploi du surplus des deniers avoit été
fait de son consentement, en acquittement de plusieurs autres d ettes p e rs o n n e lle s ù l u i , ou communes
avec son épouse. »
C ’est ici la seconde partie de la discussion, sur laquelle
il n’importe pas moins d’éearter la défense du sieur
Jusséraud, que sur la première.
Résulte-t-il de ces faits la validité (\c la vente en elle7)ïÔTne? La circonstance que le sieur de Saint - Héren
auroit eu connoissance des ailiches posées à cet effet,
qu’il auroit été instruit du projet d e 1la vente, suppléet-elle au défaut d’autorisation ?
L e consentement, la présence, la signature même du
mari
�¿¡Si
}
( 41 )
mari au contrat, dit A u r o u x des Pom m iers, sur l’ar
ticle 1 7 1 , ne suffisent pas. Quand même le mari auroit
été présent, et auroit signé au contrat, et quand il y
auroit consenti, s’il n’est pas dit en termes exprès qu’il
a. autorisé la fem m e, l’obligation ne peut pas subsister.
L orsqu’en l ’a b sen ce clu mai!i , ajoute-t-il, il y a une
procuration de sa part, il faut qu’il soit dit par celte pro
curation q u ’il T autorise, et encore il faut que dans
l’acte e lle déclare qu’elle agit comme autorisée de son
m a r i, suivant sa procuration; et la procuration doit être
jointe à la minute de l’acte.
L e mot autorisation est sacramentel; il ne peut être
suppléé par aucun autre terme. L e consentement seul
rie suffit pas; le consentement, comme dit d’A rg e n tré ,
n’est que pour l ’intérêt du mari. L ’autorisation est l’ha
bilitation de la femme à contracter; sans cette habilita
tio n , tous les actes qu’elle passe sont nuls, tant pour
les meubles que pour les immeubles : la coutume ne dis
tingue point.
Q u ’importe également que sur les offres du sieur Jusseraud, de résilier la vente, le sieur de Saint-Héren ait
gardé le silence; que l’acte ait ensuite été rédigé en acte
authentique, sans opposition de sa part (1).
(1) O n n’entrera point dans les motifs qui pouvoient déterminer
alors le sieur Jtisseraud à offrir de résilier; soit ju stice, soit
crainte sur la solidité de la vente. Q uoi q u ’il en so*t > le.sieu r
de Saint-Héren a o ffe rt, par la m éd ia tio n dô M". B erg ie r, une
somme de 45 ooo fr. , et d epuis, par un” jurisconsulte de cette'
v ille , 5oooo f r . , en ce com pris la- restitution du prix : le sieur
F
�( 42 )
L ’em ploi des deniers ne valide pas davantage la vente.
A u r o u x des Pom m iers, sur le même art. 1 7 1 , dit que
si toutefois une femme avoit profité de l’obligation con
tractée sans l’autorité du m ari; qu’elle eût fa it, par
exem ple, un emploi de l’argent à payer un créancier
d’ une succession qui lui est échue, pour lors il n’y auroit
aucune nullité civile en l’obligation , laquelle subsisteront
tant civilement que naturellement. Mais A u ro u x des P o m
miers ne parle, en cet endroit, que d’une simple obliga
tion, d’ un prêt en deniers; mais autre chose est une vente.
Dans le cas d’ une simple obligation, la femme n’est point
en perte, lorsqu’elle profite des deniers. A u contraire,
elle s’enrichiroit, contre la maxime nenio cum alterius
ja ctu râ locuplctior fier i debet. Mais il n’en est pas de
même dans le cas d’une vente, dont la femme peut éprou
ver un préjudice considérable, surtout si elle a été faite,
comme dans l’espèce, â vil p rix ; il en doit être comme
d’une vente de biens de mineur : l’emploi des d e n ie rs ne
fait q u ’ a ssu rer la r é p é t it io n du p r i x , mais n’assure pas
la vente.
Observons qu’une partie du prix n’a été stipulée payable
qu’en l’an 14; la vente est de l’an 7 : il n’y avoit donc
pas nécessité de ven d re, au moins de sousci*ire une
vente si considérable. Il est dit, payable en l’an 14 , sans
intérêt qu’à défaut de payement au terme. L e sieur JusseJus.seraud, dans cette proposition, devoit rapporter le prix des
bois vend us; il disoit <|ue tout ne lui avoit pas été p ayé; cju’il
y avoit des restes : le sieur de S a in t-Iléren les prenoit pour
com ptant. Ces offres ont été inutiles. •
Il a été apposé des affiches ; mais il n’y a point eu d’enchères.
�4 -i 3
C 43 )
raud n’achetoit qu’une coupe, et cependant profitoit de
d e u x , et encore de l’intérêt d’une partie du prix.
Relativement à l’emploi en acquittement des dettes per
sonnelles au mari, loin que cette circonstance soit favo
rable au sieur Jusseraud, elle foui'nit, comme on l’a déjà
étab li, un moyen de plus contre lu i, dans son système
de la paraphernalité, la femme ne pouvant, aux termes
de la coutume, disposer de ses biens paraphernaux, ni les
affecter au profit du m ari, directement ni indirectement.
Résulte-t-il de ces faits une f in de non-recevoir pour
attaquer la vente ?
Il est d’abord à observer que la vente n’est pas seule
ment attaquée par le sieur de S a in t - H é r c n ; elle l’est
encore par la dame son épouse.
Relativem ent à la dame de St. - H éren, on ne peut lui
opposer aucun acte approbatif, ni ce qu’elle auroit pu faire
en exécution de la vente. Cet acte approbatif, quand il
en existeroit, ce qu’elle auroit pu faire en exécution de la
vente, seroient infectés du même vice que la vente ellemême; il faudroit que le mari l’eût expressément autorisée.
Ce n’est pas tou t; un simple acte approbatif, môme
avec l’autorisation du mari, ne suffiroit pas. L e premier
acte n’ayant pu produire aucune obligation civile ni na
turelle, si ce n’est pour la restitution des deniers s’ ils
avoient été employés, et que l’emploi fut bien cons
taté, il faudroit un nouvel acte revêtu des mêmes formes
que le prem ier, c’est-à-dire, double, s’il étoit sous-seing
p riv é , ou passé devant notaires.
'
Qn sait la distinction qu’il y a à faire entre les actes
F a
�( 44 )
absolument nuls'dans Je pi-incipe, et ceux qui sont seu
lement dans,le cas d’être annullés, q u i veniunt annullandi.
Si le contrat est absolument n u l, s’il n’a pu produire
aucun engagem ent, s’il est nul dans le principe et ab
in itia y pour se servir de l ’expression des auteurs, l’acte
par lequel on ratifie n’est point une ratification : c’est
une nouvelle disposition. Il n’y a point deux contrats;
il n’y en a q ü’un. T u n e e s t , dit D u m o u lin , nova tt
-principalis dispositio.
, V o ilà pourquoi cet acte doit être revêtu des mêmes
formes que le premier.
U n m ineur, d e v e n u m ajeur, ratifie l’acte qu’il a sous
crit en minorité : il y a un contrat préexistant avant la
ratification; le mineur étoit déjà lié : on sait que l’en
gagement du mineur subsiste tant qu’il ne se fait pas res
tituer. V e n it annullandus ; la ratification remonte au
jour de l’acle.
U n e fe m m e en p u issa n c e de m a r i contracte une obli
gation sans le consentement du m ari, ou vend sans son
autorisation, l’obligation et la vente sont absolument
nulles, et n’ont produit aucun engagement. Il faut alors
non une simple approbation, mais un nouveau c o n tr a t;
et il n’y a d’engagement que du jour de ce nouveau
contrat.
; j
Ces principes ont été consacrés par l’arrêt rendu en
faveur du sieur Daudin , contre Cupelle.
R elativem ent au sieur deSa in t-H éren ,an veut induire
une fin de non-recevoir. de ce que les deniers ont été
employés de son consentement, et en sa présence, à
�<Ss
( 45)
payer des dettes personnelles à lui ou à sa fem m e, o u
communes à tous les deux ; de ce qu’il a donné une copie
de son contrat de mariage.
O n répondra d’abord que la simple exécution d’un acte
n’en est pas l’approbation; q u e la s im p le continuation
de ce qui a été fait ne p e u t équivaloir h cette rati
fication e x p re sse que la loi désire; et Dum oulin en exprim e
la raison a v e c son énergie ordinaire.
. »
R a tio quia hujusm odi conjirm atio n ih il d a t, n ih il
n ov i ju ris c o n fe r t, nec invalidum validai. N o n enim
j ï t ad jin e m disponendi, sed soîitm ad Jin em approbandi confirm abile, taie quale e s t, et non aliter. Q u oniarn natura confirm ationis non est de novo disponere, nec novum ju s da re, sed antiquum et prœ existens approbare, et semper prœsupponit aliquid priùs
inesse quod confirm atur. N ec tamen illud in aliqno
augct vel ex ten d it, sed ad illud com m en sura tur, et ad
ejus fin es et lim ites restringitur.
Remarquons ces expressions : Semper prœsupponit a li
quid priùs inesse.
Il faut encore que la ratification soit faite en connoissance de cause , avec connoissance du vice de l’acte et
intention de le réparer.
r
A u r o u x d e s Pommiers enseigne les mêmes principes,
sur l’art. 171 ; il dit que si la ratification est pure et simple,:
ce que Dumoulin appelle in ,fo rm a com m uai’, elle ne
couvre point le vice , et ne valide p o in t l’acte. Il ra p
porte le passage de Dumoulin que nous venons de citer.
« Autre chose, ajoute-t-il, q u a n d la ratification est faite
« en forme dispositive; que ce n’est pas tant une con-
�k
«
«
«
«
«
«
«
«
«
«
«
«
«
firm ation, qu’une nouvelle disposition faite dans le
dessein d’en couvrir la nullité par celui qui en a la
counoissance et le pouvoir. Mais pour cela il faut que
toute la teneur de l’acte qui est confirmé soit rappelée
dans l’acte qui le confirm e, et qu’il soit approuvé , reconnu et confirmé. D ic itu r autern, dit D u m o ulin ,
corrfirmatio f a c t a in forn ici, speciali et dispositiva,
quando enarrato toto tenore con firm a ti, approbatury
recognoscitur, et conjìrm atur à potestatem habente.
T u n c enim e x quo piene iifo r m a tu s , de f a c t o , f i d i
veritate et circum stan tiis, per instrum entum originaie confirm ati, narratum in confirm atione, non in telligitur conjìrm aiìs , condiiionaliter et prcesuppositivè lo q u i, sed p u r è , sim p liciter, et prcecisè............
«
«
«
«
E t en' ce cas il faut que cette nouvelle disposition,
qui n’a son effet que du jour de la date ou ratification,
soit revêtue des formalités requises par la loi ou
coutume pour la validité de l’acte. »
Il ne suifiroit pas de prouver que le prix a été employé
en présence et du consentement du sieur de Saint-Héren.
Q u a n d , au lieu de son aveu, on rapporteroit les quittances
même; quand il seroit dit dans ces quittances que la somme
a été payée en sa présence, de sou consentement, qu’elle
provient de la vente, s’il ne paroissoit pas d’ailleurs, au
moins par la relation de la date, et du nom du notaire
qui l’a reçue, qu’il a eu pleine connoissance d e là vente,
qu’ il en a connu toutes les con dition s, on ne pourroit
en induire aucune fin de non-recevoir.
Pourquoi le sieur Jusseraud est-il réduit à l’aveu du
sieur do Saint-Héren? Pourquoi n’a-t-il pas retiré dea
�C 47 )
quittances ? Pourquoi n’a-t-il pas fait intervenir le sieur
de Saint-Héren dans ces quittances, s’il vouloit se mettre
à l’abri de toute recherche? ou s’il a retire des quit
tances, pourquoi ne les produit-il pas?
L e sieur Jusseraud rapporte une copie du contrat de
mariage, signée du sieur de Saint-Heren, sans date à
Ici signature. Y e st-il dit que cette copie a ete delivree
en exécution de la dernière clause de la vente ? L e sieur
Jusseraud le prétend et l’a inséré ainsi dans les qualités
du jugement. Il y a eu opposition aux qualités. Dans les
motifs du jugement il est dit que le sieur de Saint-Héren
a avoué avoir donné une copie du contrat de mariage
signée de lui ; mais il n’est pas ajouté, en exécution de
la vente. La l’emise de cette copie prouve-t-elle au surplus,
et indubitablement, que le sieur de S a in t-H ére n a eu
pleine et entière connoissance de la v e n te , de toutes les
conditions de la vente, principalement de celle qui accordoit au sieur Jusseraud onze années pour l’exploitation.
L a vente sous seing privé est de l’an 7 \ elle a été
rédigée eu acte authentique en l’an 10.
Pourquoi le sieur de Saint-IIéren ne figure-t-il pas
dans ce second acte? ou c’est parce qu’il ne l’a pas voulu ,
ou parce que le sieur Jusseraud ne l’a pas voulu luim êm e, dans la crainte, fondée sur quelques préjugés de
la sénéchaussée d’Auvergne , que si le mari paroissoit
dans l’a cte , toujours dans son système de la paraphernalité , la vente ne lut moins solide. A u premier cas,
que signifient les prétendus consentemens tacites ? au
second cas, le sieur Jusseraud peut-il exciper d’une pré
tendue ratification tacite, lorsqu’il n’a pas voulu d’une
�. ( 4 8 }
ratification expresse? Dira-t-il que c’est par erreur; mais
il est trop instruit pour ne pas savoir que l’erreur de
droit nuit; error ju r is nocet.
Mais pour écarter la fin de non-recevoir qu’on veut
faire résulter de la prétendue approbation donnée par
le sieur de Saint-Héren à l’acte, il est une réponse plus
péremptoire.
• O n a vu que la coupe d’un bois taillis, même lors
qu’il est à l’âge d’être c o u p é , est immobiliaire ; que les
arbres, tant que par la coupe ils n’ont pas été déta
chés , sont immobiliers comme le fonds auquel ils sont
inhérens; qu’ils ne peuvent pas être distingués du fond.
Cet objet immobilier n’étoit point uncon quêt de la com
munauté,* c’étoit un propre à la dame de Saint-Héren,
puisqu’il provenoit de la succession de son p è r e , échue
môme avant le mariage. Par la coutume de Bourbonnais,
et suivant le droit général coutumier, le mari peut
vendre les propres de sa fem m e, mais avec son c o n se n
tement : il n e le p e u t sans so n c o n s e n te m e n t, art. 2 ^5 .
L e femme peut également ven d re, mais de l’autorité du
m a r i, article 238.
L a vente consentie par la dame de Saint-Héren, sans
L’autorisation du mari, étant radicalement nulle, n’ayant
p u produire pour la dame de Saint-Héren aucun enga
gement ni civil ni n a tu rel, il ne falloit pas seulement
un acte approbatif du m a r i, mais un nouvel acte de la
fem m e, le mari ne pouvant pas plus ratifier que con
sentir la vente des propres de sa fem me, sans son vouloir
et consentement, et le premier acte, imprimé d’un vice
radical, devant être considéré comme n’existant pas. Il<
falloit,
�( 49 )
falloit , en un m o t , une nouvelle vente souscrite
par le mari et par la femme conjointement, c e lle - c i
dûment autoi’isé e, et une vente revêtue de toutes ses
fo r m e s.
Si on considère la coupe d’un bois taillis comme mobiliaire, comme un fruit, le mari a le droit de jouir de
tous les biens propres de sa femme : ce fruit, comme
tous les autres fruits, lui appartenoit. L a dame de Saintïïé re n en vendant en son nom propre et p r i v é , a donc
v e n d u ce qui n’étoit pas sien; et sous ce rapport, la vente
est encore évidemment nulle.
A la v érité , la v e n te 'd ’autrui est valable, en ce sens
qu’elle oblige le vendeur à faire avoir à l’acquéreur la
cliose vendue, prœstare em ptori rem habere lice re, ou
à payer les dommages et intérêts. (Ici elle ne peut môme
avoir cet effet, parce que la femme n’a pu s’engager eu
aucune manière quelconque, sans l’autorisation du mari.)
Mais relativement à celui dont on a vendu la ch ose,
la vente est radicalement n ulle, puisque cette ven te,
faite sans son consentement, ne peut pas plus avoir l’effet
de le dépouiller de sa propriété, que celui de la trans
férer dans les mains d’un autre. I d quod noslrum est
sine fa c to nostro in aliuni tronsferri non potest.
D e ce principe inconstestable, et non contesté , que
la vente du bien d’autrui est radicalement nulle , rela
tivement au propriétaire , tous les jurisconsultes , sans
exception, tirent la conséquence directe que l’acte par
lequel le propriétaire approuve l’aliénation, est moins
une ratification qu’ une véritable vente qu’il fait de sa
G
�( 50 ?
chose ; et sa ratification, qualifiée improprement ratifi‘ cation, n ’a point d’effet rétroactif.
I,a ratification n ’est i*atification , et n’a un effet ré
troactif, que pour faire valider un contrat fait par une
même personne, ou suivant sa procuration. R a tih a bitio ad hoc tantum fingitur ut q u a si continuâtionc
duorum actuum contractus vaîidetur.
U n majeur ratifie les actes par lui souscrits en mi
norité; la ratification les rend obligatoires pour lu i, du
jour même qu’ils ont été passés. Il en est de même lors
que le commettant ratifie ce qui a été fait par son man
dataire, même hors les termes et les bornes de son
mandat. O n a fait l’affaire d’un particulier à son in su,
mais en son nom et se portant fort pour lui : ce par
ticulier ratifie; en ratifiant l’acte, il se rend propres et
personnelles toutes les obligations qui en dérivent : la
loi suppose qu’il a donné dès le principe, un mandat
verbal. Dans tous ces cas, même dans les deux d e r n ie r s ,
l ’acte q u ’o n r a tifie , et c e lu i p a r le q u e l on r a t ifie , sont faits
par la même personne; car ce qui est fait en notre n o m ,
en vertu d’un mandat exprès ou présumé , est censé
fait par nous. R a iih a b itio ad hoc tantum fm gitur ut
q u a si continuatione duorum actuum contractus validclur.
Mais un tiers vend la propriété d’ un particulier; il
la vend non au nom de ce p a rticu lier, et se faisant fort
pour lui, mais en son nom propre et privé. L e particulier
ratifie ensuite; la ratification n’aura effet que du jour
m êm e, ut e x n u n c , et non du jour de la vente faite
�( 5 0
par ce tiers. A lo rs , on ne peut pas dire que les deux
actes sont de la même personne; alors, on ne peut pas
appliquer la maxime ratihabitio mandata cumparatur.
O n ne peut pas feindre un m a n d a t là où celui qui a
passé l’acte a traité , non au nom de celui qui ratifie,
mais en son nom propre et p r iv e ; non pour l’afïaire
de celui qui r a t if ie , mais pour sa propre affaire.
L a loi 2, au code de rebus a îien an dis,n on a lien a n d is,
p r é s e n te un exemple d’autant plus frappant qu’il est dans
l’espèce.
U n mari vend le bien de sa fem m e, sans son consen
tement formel. (Ici c’est la femme qui a vendu le bien du
m a r i, dans l’hypothèse où la coupe d’un bois taillis seroit
considérée comme un fruit. ) Cette vente ne donne aucun
droit à l’acquéreur, et la vente est radicalement n ulle,
quand même la fem me, induite en erreur par son m ari,
l’auroit tacitement ratifiée en apposant son cachet sur
l’acte ou instrument de la vente. D istra h en te m arito
rem tu i j u r i s , s i consensum e i non accom odasti îicct
SÎgillo tuo venditionis instrurnentitrn , fra u d e con qu isitâ, signaveris, hujusm odi tamen com m entant, emptori,
itsucapione non subsecutâ, vel iongi temporis prœ scriptione m inim e m in u to , nullam prœ stitisse securitatem
potest.
‘ L a loi 3 , au même titre, dit la même chose. S ifu n d u m
tuum pater, te non consentiente venumdèdit, ne'queeisuc
cès sisti , neque possidens longi temporis prescriptione
m unit us es ; tihi agent L rector provinciccreddi cfjficict.
Rien ne confirme ^mieiix le principe que la vente faite
G a
�( 5 0
^
par un tiers ne peut transmettre aucun droit contre le
propriétaire.
Potliier, dans son Traité des retraits, partie i ere. ch. 4,
n. 124, décide de même.
Lorsqu’un mineur, dit-il, a vendu son héritage propre,
et que devenu majeur il ratifie, c’est du jour du contrat
de vente que le retrait lignager est ouvert. Il semble,
ajoute-t-il, qu’il en doit être autrement d’une vente qu’une
femme sous puissance de mari auroit faite sans être au
torisée , et qu’elle auroit ratifiée en viduité. L ’acte qu’elle
a fait en puissance de mari est absolument n u l;la ratifica
tion qu’elle a faite en viduité n’est pas proprement une
ratification , ce q u i est nul ne pouvant être confirmé ;
c’est un vrai contrat de vente qu’elle a fait de nouveau,
par lequel elle a mis son héritage propre hors de sa famille.
L a vente qu’elle en avoit faite sous la puissance du mari
ne l’en a pas fait sortir, puisque celte vente étant un
acte absolument n ul, ne pouvoit avoir aucun ellet.
A p lu s fo r te ra is o n e n e s t-il d e m ê m e d e la vente qu’un
tiers fait de ce qui 11e lui appartient pas.
Ce qu’on vient de dire est tiré en partie de la consul
tation de M M . T ron cliet, Poirier et Co/Iinhal, imprimée
et produite, dans la cause de Daudin contre C apclle, et
qui a déterminé l’arrêt en faveur du sieur Daudin.
D e ce que dans ce cas la ratification est moins une ra
tification qu’ une véritable vente, il suit qu’elle doit être
par écrit, expresse; qu’on ne peut pas la faire résulter
de faits plus ou moins équivoques, et à la preuve des
quels on ne peut être admis; qu’elle doit être devant no-
�4Ï 3
C 53 )
taires, avec minute; ou si elle est sons seing ptivé , qu’il
y en ait un double entre les parties contractantes , parce
qu’autrement celle des deux qui auroit l’acte en sa pos
session , pouvant le supprimer sans qu’il en restât aucune
trace, seroit libre de se délier de ses obligations, s’il devenoit plus convenable à ses interets de les anéantir que ■
de les exécutex*.
« S’agiroit-il, en effet, continuent les auteurs de la con
sultation, d’un contrat de vente? Si l’écrit se trouve entre
les mains de l’acquéreur, et que la chose vendue vienne
à périr par incendie ou autrement, il peut supprimer
cet écrit, pour rejeter la perte sur son vendeur, et annuller ses propres obligations. (Com m e le sieur Jusseraud
auroit pu garder en ses mains, et ne pas produire la copie
du contrat de mariage dont il veut se faire un moyen. )
T^ice versa. L e vendeur lui-même est-il possesseur de cet
écrit? Si la chose vendue vient à augmenter de valeur
depuis l’aliénation, rien de plus facile pour lui que de
rentrer dans sa p rop riété, en détruisant la seule preuve
qui existe de la vente. Dans ces deux cas, et mille autres
semblables qu’on peut im aginer, il n’y a réellement pas
de contrat, parce que les deux contractans ne sont pas
réciproquement et civilement tenus, vinculo j u r i s , à l’ac
complissement de leurs conditions. »
L a remise de la copie du contrat de m ariage, seul
écrit signé du sieur de Saint-Héren , sans date à la signa
ture, sans qu’il y soit parlé de la vente, peut-elle sup
pléer la vente, tenir lieu de l’acte de vente? Cette copie
que le sieur Jusseraud étoit maître de retenir en ses
�X
5 4 ')
,
mains, de produire ou de ne pas produire, formoit-elle
ce lien de d r o it, qui est de l’essence du contrat de vente,
et de tous les contrats synallagmatiques , surtout dans
l ’espèce où le contrat ne porte point quittance de l’en
tier prix.
Ce moyen a été encore inutilement proposé devant les
premiers juges.
« A tten d u , disent-ils dans le jugem ent, que le sieur
« de Saint-Héren, interpellé à l’audience, n’a point désa« v o u é ...........» Les mêmes faits qu’on vient d’exposer.
cc A ttendu q u e , d’après de telles circo n stan ce s, le sieur Jus« seraud invoque avec raison le §. 2 de l’art. i 338 du Code
« c i v i l , suivant, le q u e l, à. défaut d’acte form el de ratification,
cc il suffit que l’engagem ent soit exécu té volontairem ent, ce tte
« exécution volontaire, suppléant l ’acte précis de confirm ation,
ce L e sieur de Saint-H éren ne peut être regardé com m e ayant
e< été étranger à tout c e qui a été fait avant, pendant, et dans
et tout c e qui a suivi la vente de la coupe de bois dont il s’agit ;
« que par suite la disposition dudit art. x338 doit lui être ap« pliquée. »
Cet art. 133^ ? titre 3 des contrats ou des obligations
conventionnelles en gén éra l, porte :
cc L ’acte de confirmation ou ratification d’une obli-
« gation contre laquelle la loi admet l’action ca nullité
cc ou en rescision, 11’est valable que lorsqu’on y trouve
« la substance de cette obligation, la mention du m otif
« de l’action en rescision, et l’intention de réparer le
« vice sur lequel cette action est fondée. » L e sieur Jusseraud n’invoquera point cette première partie de l’ar-
�46s
C 55 )
ticle; elle ne fait que confirmer les principes que nous
avons développés.
Il est dit ensuite :
« A défaut d’acte de confirmation ou ratification, il.
« suffit que l’obligation soit exécutée volontairement,
« après l’époque à laquelle l’obligation pouvoit être va« lablement confirmée ou ratifiée. »
- L e sieur J u sse ra u d s’est emparé de cette dernière partie
de l ’a rtic le . Il a soutenu que le Code Napoléon avoit
d é r o g é aux anciens principes; que cet article décide que
la seule exécution suffit; et ce moyen a prévalu auprès
des premiers juges.
i ° . Les faits dont on veut faire résulter la prétendue
exécution donnée par le sieur de S ain t-H éren à l’acte
seroient antérieurs à la publication du Code Napoléon, et
07i ne peut donner au Code un effet rétroactif.
L e procès verbal de non conciliation sur la demande
en nullité de la vente, est de nivôse an 12, et la loi for
mant le titre 3 du C o d e, relative aux contrats, est du
17 pluviôse an 1 2 , publiée le 27 du même mois, par
conséquent postérieure.
2°. Cette disposition ne peut s’appliquer qu’à un contrat
du fait môme de celui qui l’exécute, et qui continue
l ’engagement qu’il a contracté', et ne doit point s’entendre
d’un contrat, du fait d’un tiers, auquel on a été entiè
rement étranger; d’un contrat qui n’a pu produire aucun
engagement, puisqu’on ne peut être lié par le fait d’un
tiers. A lo rs il faut, comme on vient de l’établir, entiè
rement un nouvel acte, revêtu de toutes scs formes.
�( 56 ) ‘
3°. Il f a u t , dans cette dernière espèce su rtou t, que
les actes dont on veut faire résulter l’exécution, soient
en la possession de chacune des parties, ou qu’il y en ait
minute; car, s’agissant dans ce cas d’ un contrat entiè
rement nouveau, il est de l’essence des contrats synallagmatiques que l ’une des parties ne puisse être engagée
sans que l’antre le soit.
Mais tout ceci est dans la supposition où l ’on considéreroit la coupe d’un bois taillis, même avant qu’il
soit coupé, comme un objet m obilier, comme un fruit
appartenant par conséquent au mari. O n a v u , au con
traire, que les bois taillis, même en âge d’être coupés,
tant qu’ils ne le sont point, font partie de l’immeuble;
qu’ils sont aussi immeubles que le fonds auquel ils sont
inhérens : la vente est surtout incontestablement irnmobiliaire, sapit sempcr quid im m obile, quant à la seconde
coupe qu’elle com prend, au moyen du soin que le sieur
Jusseraud a eu de se faire accorder un délai de onze années
pour l ’e x p lo ita tio n , le to u t p o u r u n se u l prix.
Si la vente est im m obiliaire, il auroit fallu que la
femme eut été participante à l’exécution, le mari ne
pouvant disposer des propres de sa femme sans son con
sentement. Ce n’est pas ici comme s’ il s’agissoit de l’exé
cution d’un acte par lequel le sieur de Saint-IIércn auroit
disposé de sa propre chose : on conçoit la différence d’un
cas à l’autre.
0
Il y a ceci de remarquable, qu’il s’agit toujours ici de
la vente de la chose d’autrui, sous quelque rapport qu’on
la considère.
Si
�46ï
( 57 )
Si c’est un fruit, la dame de Saint-Héren a vendu ce
qui ne lui appartenoit évidemment pas; et cette vente,
consentie sans l’autorisation de son mari ? ne peut pro
duire à son égard aucune obligation même de garantie;
Si c’est un objet immobilier, c’est un propre de la
fem m e; c’est u n e p r o p r ié t é de la femme dont le mari
ne peut, par son fait seul, la depouiller.
.. L e sieur Jusseraud n’a d’autre preuve de la prétendue
e x é c u tio n donnée par le sieur de Saint-Héren, à l’acte,
que les aveux même du sieur de Saint-Héren : on dit
d’autre; preuve. L e seul écrit dont il a pu s’aider est la
copie du contrat de mariage, signée du sieur de SaintH éren; mais il n’y a point de date à la signature : en sorte
que rien ne constate que la copie ait été i-emise après et
non avant la vente; qu’elle ait même été délivrée pour
cet objet.
11 n’en doit sans doute pas être différemment de la ra
tification d’une vente, que de la vente elle-même. O r , des
aveux même judiciaires sufïiroient-ils en matière de vente
immobiliaire? Quand 011 conviendroit avoir vendu, cette
confession feroit-elle impression sur les juges? aucun
tribunal s’y arrêteroit-il ? une pareille vente ne seroitelle pas nulle, comme péchant dans le principe par le
défaut de lien, une des parties pouvant être de moins
bonne foi que l’autre ?
La vente n’est pas seulement attaquée par le mari;
elle est encore attaquée par la dame de Saint-Héren
et à l’égard de celle-ci, 011 ne peut tirer avantage de cette
dernière partie de l ’article 1338. L ’article porte : A p rès
II
�( 5 8 )
l'époque à laquelle l'obligation pourroit être valablement
confirmée ou ratifiée et la dame de Saint-Héren est
encore sous la puissance maritale.
Il n’y a donc de fin de non-recevoir, ni contre le sieur,
ni contre la dame de Saint-Héren.
L ’équité se joint en leur faveur aux moyens de droit.
Ils combattent pour éviter une perte immense; le sieur
Jusseraud combat pour avoir un lucre, et un lucre im
modéré.
M e. P A G È S - M E I M A C ,
avocat.
Me. G O U R B E Y R E , avoué.
A R I O M , de l'imprimerie de T hibau d -L a n d r io t , imprimeur
de la Cour d’appel. — Février. 1808.
�
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Factums Godemel
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Description
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Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Montmorin de Saint-Héren, Jean-Baptiste-Amand. 1808]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Pagès-Meimac
Gourbeyre
Subject
The topic of the resource
contrats de mariage
coutume du Bourbonnais
émigrés
coupe de bois
autorité maritale
biens paraphernaux
biens dotaux
coutume d'Auvergne
réserve héréditaire
doctrine
capacité de la femme mariée
ventes consenties
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire pour Sieur Jean-Baptiste-Amand Montmorin de Saint-Héren, et dame Anne-Jeanne-Louise de Laqueuille, son épouse, habitans du lieu de la Barge, commune de Courpierre, appelans ; contre Sieur Taurin Jusseraud, propriétaire, habitant de la ville de Riom, intimé.
Note manuscrite : Voir arrêt au journal des audiences, 1809, p. 143. »
Table Godemel : Autorisation : la nullité résultant du défaut d’autorisation de la femme par son mari, est-elle une nullité simplement relative, qui peut être couverte pas les approbations et l’acquiescement du mari ? Bois taillis : la vente d’une coupe de bois taillis en maturité est-elle une vente mobilière ? Contrat de mariage : 4. une convention de contrat de mariage portant soumission au droit écrit pour le surplus des biens présents et à venir, est-elle une création de biens extra dotaux ou paraphernaux, et habilite-t-elle la femme mariée à jouir seule des biens ainsi soumis au droit écrit, quelque part qu’ils soient situés, même dans la ci-devant coutume du Bourbonnais ? la nullité résultant du défaut d’autorisation de la femme par son mari, est-elle une nullité simplement relative, qui peut être couverte par les approbations et l’acquiescement du mari ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Thibaud-Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1808
1777-1808
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
58 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G1913
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G1917
BCU_Factums_G1914
BCU_Factums_G1915
BCU_Factums_G1916
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53365/BCU_Factums_G1913.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Courpière (63125)
Riom (63300)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
autorité maritale
biens dotaux
biens paraphernaux
capacité de la femme mariée
contrats de mariage
Coupe de bois
coutume d'Auvergne
coutume du Bourbonnais
doctrine
émigrés
réserve héréditaire
ventes consenties
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53594/BCU_Factums_G2908.pdf
7d57ed35d2dabf5b9ee36cfd4e7ef52f
PDF Text
Text
M ÉM O IR E
POUR
J o s e p h N E I R O N - D E S A U L N A T S , d é fe n d e u r
.
e t dem andeur
CONTRE
J e a n
D E B A S et consorts demandeurs r
intervenans et défendeurs.
:
A pr è s bien des incidens, la cause se présente donc
au fond! Il est temps de répondre, non aux injures, mais,
aux vaines, prétentions de Debas, I l est temps de faire
cesser ses clameurs ; de montrer que le sieur Desaulnats
n'a fait qu’ user de son droit; que Debas, qui crie à l’injustice, veut usurper un droit! qu’il n’a pas; q u’il veut
se créer une servitude pour laquelle il n’a ni titre , ni
possession qui puisse suppléer au titre
.
A
�L e sieur Desaulnats est propriétaire d’un vaste enclos'
dans lequel naissent des sources considérables, trois prin
cipalement , la première appelée Source, ou Sources de
St. Genest, la seconde appelée la Fontaine de la Pom pe,
et la troisième la Fontaine du Gargouilloux.
Cet enclos n’a pas été toujours tel qu’il est ; il a été
formé par des réunions successives.
L e sieur de Lugheac, seigneur de Marsac, étoit pro
priétaire, et seigneur haut justicier d’une partie ; sa haute
justice s’étendoit même sur tout ce qui compose l’enclos,
à l’exception de la terre hernie et rocher dont on parlera
dans un moment.
11 fit construire, près la- source de Saint - Genest, un
m oulin, appelé par cette raison? M oulin de St. Genest,
qû’il concéda ensuite à emphytéôSè. On ignore l’époque
de la concession : celte époque aii'surplus est indifférente.
Mais il conserva toujours la justice.
En 1645 il traite avec'les"c0fislils de la ville de R iom ;
il leur cède , en qualité de seigneur haut justicier , et
prétendant, en cette qualité , avoir droit de'dispo$6r:des'
eaux, neuf pouces d’eau: lie surplus sü'diVisoit éi’i tre'le
meunier et les habitans de Mdrsae, auxquels1il avoit éga
lement concédé le'droit de' la prendre certains jdur's de
la semaine.
Ce traite fait avec la ville de Riom ne put avoir son
exécution.
E n i 6 5 4 , nouveau traité ‘avec la ville de ifcioto.
�C 3 ) .
Par ce traité les habitans s’obligèrent d'ester aux dom
mages et intérêts que le sieur de Luglieac pourroit pré
tendre, en cas que les propriétaires du moulin appelé de
Saint-Genest, qui est proche ladite source, vinssent à guerpir et quitter ledit moulin par un manquement d’eau
procédant de ladite prise d’eau.
Il n’est pas question du meunier du .Breuil, qui n’auroit pas moins été dans le cas de prétendre des dom
mages et intérêts, s’il avoit eu droit à la prise d’eau.
En 1620 , le sieur Demurat devint adjudicataire du
moulin de Sainl-Genest.
L e 26 avril 1648, il est passé un traité entre le même
sieur Demurat et Charles de M onvallat, comte de T our- noëlle. Par ce traité, le.seigneur de Tournoë'lle lui cède
la justice haute, moyenne, et basse sur une terre hermc
et rocher de trente toises en long et vingt toises en lar
geur, -proche et au-dessus lajfonlaine de Saint-Genest.
C’est le terrain où est la maison d ’habitation du sieur
Desaulnats, et sa terrasse.
A van t, il n’y avoit, ni château, ni autres bâtimens, ni
enclos.
En 16 7 1, les biens ont passé d’Antoine Demurat au
sieur de Brion.
. '
■En 1674, vente par le sieur de Luglieac au sieur de
• Bjnon de plusieurs héritages , notamment du pré des
Littes-ou Cermonier, confrontant au ruisseau venant
de la fontaine ( il a été vérifié que c’étoit, non la fon
taine de Saint-Genest, mais la fontaine de lai P o m p e);
e la justice sur iceu x , et de là justice de Saint-Genest.
te la justice vendue est dite à la fin de l’acte .confiA 2
�( 4 ) .........................
ner ju sq u à la terre proche la grande fontaine d e L u gheac. •••- °
,"r
En 1681, le sieur de’ Brion:poursuivit sur lui-même
le décret volontaire des'biens qu’il'avo it achetés du sieur
Demurat.
C’est à cette époque que se répportent toutes les consntructions qu’on vo it'à Sain tMa en est.
•
Assuré incommutablement de la propriété, il fit cons
truire le clmteau , le i inur de l’enclos; Voulant se . pro
curer l’agrément de la pêche, il changea le cours des
eaux de la source de Saint - Genest, pour former un
g r a n d itang. C’estce g r a n d étang que le sieur Desaiilnals
a desséché, et qui fait l ’objet de la-contestation.
11 fit pratiquer une petite porté à l’angle est de l’enclos,
pour sa cûmm oditéet celle de ses gens, afin d’ètre rendu
plutôt à l’églisé dont il avoit acquis la haute justice.
Cette terre a encore changé de main.
En 1709, procès verbal de prise de possession du sieur
D em allet, acquéreur du sieur de Brion.
L e sieur Demallet l’a transmise à son petit-fils, décédé
en 1784, et auquel le sieur Desaulnats a succédé.
C’est
ce titre que le sieur Desaulnats en est pro
priétaire.
Jean Debas est propriétaire de son côté d7un moulin
appelé le moulin du Breuil. Ce moulin existoit dès 1454.
On voit qu’il a été emphytéosé à cette époque par le
seigneur de Tournoëlle, moyennant la rente de quatre
setiers froment et deux setiers seigle.
En 1631 cette rente a été réduite à un setier fro
ment et trois setiers seigle.
�( 5 )
%
porc de D ebas, moyennant la rente, tle douze setiers
. seigle, de directe seigneurie; de laquelle i l se trouve
, libéré,ipaç la .suppression des droits féodaux»r
^
Dans ce bail à rente,
ni dans,aucun des actes pon ton
.'; : %
r *‘.>v.ou ' A' -.jx»rot) 11*1
Ti.-^ept ,de ,parlqr!Vil n’est fait “ p n ^ n ^ u c u n e ^ r ^ itu d c
>. sur,la prqpriétéidii sieim D e s a u l n a t s . • ,
• 7 »*• ^ y
V, .'Ouuii- yi : i ) I 1 I lorip *u;q Ur&
' L e sieur, de 1 ournoëlle ne pou voit.ced er, eii 1404,
.
I
>•») ■l'Jail'Æ'.;) : 'fiV/
_ le moindre .droit, aux eaux de là source de Samt-.Genest,
- ,
. s-'ï 1 . • '=.1, . .»I .. . r w '/ i «su 0! \ .».• •.
puisqu’il n’en avoit aucun; et depuis, pommen^ l’aüroit; ,il acquis?
le bailrpvimitif de 14Ô4, ni lé bail de 1.756• ^f
11
{
.1
ji. ■..a it?'“ -7-;.!;; rj»ij nj-. '
n en parlent. Il n’a pour lu i, ni les extremes, ni le temps
intermédiaire :*le3. actes intermédiaires n’en, contiennent
,
1
|
ao.-jfjJ-.o s;ȕ
egalement;aucune énonciation.
r
... En 1’an 1 1 , l’église de Saint-Genest ayant été détr.uite,
. le sieur Dcsçulnats a voulu m urer la petite ^dyte, pra
tiquée à l’angle est, dans le inur*‘«ie l’enclos \ ,cette petite
porte étant devenue, sans objet. (
\
11-voulut en même temps dessécher l’étang J non dans
des exhalaisons des eaux, ainsi (stagnantes', durant les
chaleurs de l’été. Il fit ouvrir la bonde p o u r1 donner
; l’écoulement aux eaux, et les rendre a leur ancien cours.
^ Sur la fermeture de la porte, Debas form é, au tribiînal
d auondissemeni, une demande provisoire,ndans' laquelle
UsuccomLe, Espérant ctre plus lieureüx deviipt le juge
■
, r 1 , -m lm • m .
,
�( 6 )
de paix, il forme une demande en réintégrande; il obtient
un jugement favorable. A ppel de la part du sieur Desaulnats. Sur l’appel le jugement est infirmé ; Debas est dé
bouté de sa demande.
f
J‘
Dans le même temps on fait agir les propriétaires du
pré du R ev ivre; on intente, sous leur nom , une autre
, demande enccomplainte possesâoire.
L é défenseur°de Debas d it, dans son m ém oire, qu’on
sait par quel,indigne* artifice le sieur Desaulnats est par
venu à' dépouiller ces propriétaires de la possession dans
laquelle ils avoient été maintenus par deux jugemens suc
cessifs du j\ige de paix.
}
Il fout dire aussi comment ces deux jugemens ont été
obtenus!' '
.
f
L a citation est donnée pour comparoître devant le juge
de paix, au même jour où l’audience étoit indiquée, au
tribunal d’arrondissement, sur l’appel qu’avoit interjeté
le sieur Desaulnats çlu jugement obtenu par Debas. L e
moment étoit bien choisi. .Le sieur Desaulnats ne pouvoit
être en même .temps, aux deux audiences ; il préféra de
laisser prendre devant le juge de p a ix , s’il ne pouvoit
l’empêcher, un jugejnent par défaut, susceptible d’oppo
sition. A van t il écrivit au juge de paix, pour le prévenir
de l’impossibilité où il étoit de se rendre : le juge de paix
n’y eut aucun égard; il donna défaut. L e sieur Desaulnats,
après s’être débarrassé de Debas sur l’appel, fait citer à
son. tour ses autres, adversaires , au mercredi 5 floréal
an, 1 2 , pour vpiv statuer sur son opposition. Ce jo u r,
point d’audience, sous prétexte d’une foire à V o lv ic; ni
juge, ni greffier, ni huissier. Les audiences des juges de
�( 7 0 >
paix étant fixées avix jours de marché l’audience étoit o
renvoyée dé plein droit au samedi : le lendemain^, jeudi,
on.î’obtierlt >un débouté d’opposition. O n' avcrit;;engàgé *
l’huissier à changer' tant sur l’original que sur la copie,
le 5 floréal en 6 floréal. L ’altération étoit grossière. Les
consorts d e ’ Debas n e ’ manquent pas de se présenter ,
munis de leurs copies; ils obtiennent un second'jugement ■
fatal. L e sieur Desaulnats n’eut cohnoissanee de la'surprime
quiiluiiavoit été faite, qu’après le'ju g em en t«o b ten u et"tV
lorsqu’il réclama de l’huissier l’original ¡de l ’exploit'qü’on1^
avoit affecté "de ne pas lui rendre plutôt. Pour- éviterUa
procédure qu’il se proposoit de diriger contreil’huissier,
on altraité!sur'le possessoire.'U^ o m û f u v.v.i i r a -A-.v n
De'<juel côté 'est'l’artifice?"ï'y *î1nr^l .
1 v •' o.l
L e ' bàil 'de i yô6 fait» confronter le 1jardin de'DeBas à >
l’aricieh lit dutuisseau1,: par où l’eau, au sortir de l’ènclosp
couloit, avant'la formation de'l’étang , par sa'pente natu
relle, vers les hei*itages inférieurs -par !oixr èllé"’couloit
depuis la formation de l^tan^-ÿ toitteé les'fôià'qU’oiilévoit
la'bonde-, OU'pour-la'pêelie^ou’ p eu t le' ü'etttiÿér
ôù n
elle coule depuis- le dessëchèïn'ent de l’étaûgy et'depuis'»£
qu’elle est rendue à son premier cours.
• ‘
^
Debas y quôiqu’ili;sé >plftiglne’dès^üsïtrpatlons^ d’aUtrüï,
avoit, pour agrandir son jitÜiü^U’éwéèi-sucicfôssivënien't/q
ce'lit du ruissêatii QuOitjüe ret^éciÿle lit duWisséiiü^tolt
suffisant, 'parce; q tf il^ t’ôit^aisé^ 'pi’oforid1.1^ Jriiivuh ¿Iriï
Debas, dans la vue dc-èufccittriaülâietif’DehùlHatstlbïioiivenux. erilbarras, ïmàgitiâr,‘ où de ‘Îul^ritênlc y
sfcfe
conseils, de le c^ b l e r cri-pbrtie.^Par cé 6ofaàbïcffn'eiit,-l<is
�C8)
eaux refluèrent nécessairement clans le cliemin. On im
pute au sieur Desaulaats d’avoir rendu le chemin impra,ticable, quôiquejce fût uniquement par le(fait de Debas.
X e sieur Desaulnats'sè, défend encore de c e tte jm p u -'!
tation. ■! '
fr:---' . :
'
< ..
ul
En cet état5 il est passé entre les parties, le 28 prairial
an 12 , un com p rom is.!:-r
1
/ , . *,*;.» 11
Dans ce.;Compromis^ Debas expose qu’il étpit'.en in s-.'i
tapce au tribunal d’arrondissement,de Riom , pQUr être
maintenir dan& le droit d’usage de la p o r t e . . I qu’il
étoit prêt à demander incidemment que le sieur Desaulnats fût .tenu de rendre 911, ruisseau, qui prend sa source
dans son enclos , le même cours qu’il aVtPit aupaï,ayant. , ,
L e sieur Desaulnats déclarejqu’il entendoitvaüs^i/îQiiclure à ceique, pour l’écQulement des eaüx Jiaissant dan's
sofi enclos, Debas fût tenu de fournir une rase de toute
la profondeur possible, pour faciliter ledit'écoulem ent,
comitte.ayant i^tréci et ob^trLU^rancieiVlit.
f „
. '.¡-j-,
Ju lien et consorts exposant qu’ils entendoient aussi de- ,
mander
être maintenus dan? le droit -de faire arroser , f
leurs prés, avec les eaux7laissant dans Tenclos du sieur
Desaulnats.
.
1
Aucune des parties n e contestoit donc que les çaux ne
prissent naissance, dans l’enclps. ...
,
jmvi;
L e 26 thermidor ¡an ,12, Debas fait citer lo sieur Deîsaul-v;
riats devant l’arbitré;,,-pour remettre ses titres et piqçes. j.
Voici, les conclusions qu’il prend.
; .
Il conclut à: ce que,le ^eur. Desaulnats soit tenu,
ïV. D y .rétablir Ifl» ptfftp.qui existoit à l’angle oriental :
du
�, (. 9 )
de l’enclos, et à lui en délivrer line clef dont il pourroit
aider les propriétaires du pré du Revivre ;
2°. De reconstruire la partie méridionale de la eliaussée
de l’élang, et de rétablir le dégorgeoir tel qu’il étoit;
3°. De réparer la rase de la vergnière, d’en faire ôter
les arbres et arbrisseaux qui obstruent le cours de l’eau ,
afin de la transmettre au moulin du Breuil et aux prairies
environnantes ;
.40. De faire combler le nouveau lit que le sieur
Desaulnats a fait creuser, selon l u i , le long de la rive
droite et méridionale de l’étang, et par lequel il fait
couler les eaux de Saint - G enest, pour en priver le
moulin du Breuil;
.
. . . »
5 °. D e déclarer dans le délai de cinq jours s’il entend
rétablir son étang, ou n’en plus vouloir; et, à défaut de
déclaration, qu’il soit censé y avoir renoncé; i
6°. Que la rase de la vergnière soit mise au même et
semblable état que lors de la dernière p eclie, afin que
l’action du moulin du Breuil soit retardée le moins posr
sible ;
Qu’il soit procédé sans délai à la réédification de
, 7° ‘
l’ancienne écluse ou béai du moulin du B reu il, dont il
existe, suivant l u i , encore des traces ;
• 8°. Qu’il soit donné aux digues à construire toute la
solidité nécessaire pour résister au poids et aux efforts
des eaux, ainsi qu’à l’action du temps ; qu’on tienne la
dite écluse ou béai de la largeur de deux toises, sans y
comprendre la largeur des digues; etc.;
/ '
9 °* Que pour l’exécution littérale de tous ces travaux,
B
�(.10 )
ils soient dirigés et surveillés par une personne de l’art,
commise à cet effet et désignée par le jugement;
■ io°. Que les ouvrages soient faits dans le délai de trentecinq jours, et aux frais du sieur Desaulnats :
E t en outre que le sieur Desaulnats soit condamné,
En tous les frais quelconques des procédures;
En une indemnité cnvex-s les propriétaires du pré du
R evivre, de 200 francs par chaque été, depuis et compris
l’an 12;
!
'
E t encore en un dédommagement envers lui Jean
D ebas, de 2 francs 5 o centimes par chaque jour écoulé
dèpuis le 24 ventôse an 12 , jusqu’au jour où son moulin
sera remis en activité, etc.
Jusque-là, ni Debas, ni consorts, n’a voient contesté la
propriété des eaux : ce n’est qu’au moment de la décision
de l’arbitre qu’ils se sont avisés de ce moyen.
’
L e 29 juillet 1806, l’arbitre a rendu un jugement in
terlocutoire; il a ordonné en môme temps une expertise
et une enquête.
’ f'
Caillie et L e g a y , experts nom m és, ont procédé au
rapport. Il a été aussi procédé aux enquêtes respectives.
Les adversaires ayant mis en litige ce qui avoit été
reconnu par le compromis , le sieur Desaulnats a ré
voqué le pouvoir donné à l’arbitre; ce qui a donné lieu
à un autre incident sur le payement de la peine eompromissoire , dans lequel incident le sieur Desaulnats a
succombé.
...
’ '
j
Il s’agit maintenant du fond.
• •
•
�Les eaux dont il s’agit naissent-elles dans l’enclos du
sieur Desaulnats? '
Il semble que cette question n’auroit pas dû Être
élevée. Debas l’a reconnu dans le compromis ; il ne
l’a point contesté dans les conclusions signifiées devant
l’arbitre, le 26 thermidor an 12.
'
Debas s’exprime encore ainsi lui-m êm e, page ¿5 du
mémoire :
. « La première question ( celle relative à la propriété
« de la grande source de Saint - Genest ) 11’intéresse, à
« parler v r a i, ni Jean D ebas, ni les propriétaires du
«' pré du R evivre ; il leur importe peu que le sieur
« Desaulnats soit ou ne soit pas propriétaire de la source,
« dès q u ’ il est d ’ailleurs bien certain qu ’il n’a pas eu droit
« de détourner l’eau de son coui's ordinaire, c o m m e on
« le démontrera bientôt. S ’il n’existait pas de vérification
« à ce su jet, on se garderait bien de la demander. »
C ’est l’objet des quatre premières questions du jugement
interlocutoire.
Il faut donc examiner quel peut être le succès de celte
objection tardive.
; Les eaux qui donnent lieu à la contestation dérivent
de la source particulièrement dite de Saint-Genest. "
Cette source est un composé de plusieurs sources, une
réunion d’ une multitude de bouillons.
Il y a le petit et la grand bassin.
L e petit bassin çst la partie triangulaire, figurée par
B a
�les experts, où est la prise d’eau de la ville de R io m ,
et le regard du sieur de L uglieae, seigneur de Marsac.
Le grand bassin est le réservoir marqué au p la n ,
lettre C , contigli au petit bassin.
*
•
L e petit bassin est séparé du grand bassin par un mur
sous lequel il y a une ouverture,' par ou l’eau, que la
ville de Riom ne prend point, coule du petit bassin dans
le grand.
Cette source, grand et petit bassin, s’appelle indiffé
remment grande serve, grand bassin, ou petit étang
( par opposition au grand étang desséché ) , grande fo n
taine ,fontaine du m oulin, fontaine du sieur de Lugheac.
( Rapport de Legay. )
C aillie, pag. 8 et 9 , décide que tout est intégralement
compris dans l’enclos ; il ajoute que les mui’ailles qui
servent de clôture à la partie triangulaire, n’ont été pra
tiquées que pour mettre à l’abri les deux regards du
seigneur de Marsac et de h ville de R io n i, et encore
pour éviter l’abus qu’auroient pu faire les habilans de
Marsac qui y ont droit certains jours de la-semaine.
•Legay ne veut pas que le petit bassin soit de l’enclos;
mais il rapporte que le grand et le petit bassin ne sont
qu’une seule et même source. Ces deux bassins, dit-il,
page 8 , quoique séparés par un m ur, tic sont qu’une
seule et même source; et, page 11,0 « ne peut méconnoitre
¿1 ce rapprochement d’expressions (dans l’actc passé entre
la ville de Riom et le seigneur de M arsac), le grand
b a ssin , serve ou petit étang, que nous avons désigné
au plan par la lettre C , qui ifétoit alors, comme nous
Tavons déjà ditp et qui n ’est encore aujourd'hui qu une
�^ o 1
( 13 )
seule et même chose avec le petit bassin où sont les
deux regards. - - ; ^ :y,-..' . j 1 v'h
Et il est obligé de reconnoître que ce grand bassin,
qui rûest qiCïine seule et même chose avec'le petit bassin ,
est de.la comprise de l’enclos!- c i
L e Àêm e expert, page 3 , en rendant compte de l’état
des lieux, observe que le m ur, dans-cette partie séparatiçe , n’est point élevé sur les Jbndemens ordinaires'j
q u il porte seulement sur deux pierres de taille longues
ét plates; ce qui^prouve qu’il n’a point été élevé pour
servir de séparation de deux propriétés distinctes; mais,
comme dit Cailhe, uniquement pour préserver les deux
regards du seigneur de Marsac et de la, ville de Riom. :
L ’expert Legay s’en explique cla ire m e n tp a g e 13 •, il
répète que les deux bassins ne sont q u une même chose ;
il ajoute, car dans le J a it ils ne sont nullement séparés
Vun de Vautre.
Dans le pi-ocès verbal de prise de possession et de l ’état
des lieux, de 1709, le sieùr D em allet, acquéreur du sieur
d e lk io n , comprend le grand et le petit bassin.
« Il m an que,-est-il dit, le portail de la porte qui est
« attenante à la dernière terrasse qui conduit à l’étang qui
« sert au moulin ( Legay convient que l'étang y désigné,
« servant au m oulin, est la grande fontaine de Saint« Genest ou réservoir marqué lettre C , page 42 du rap« port ) -, le mur depuis ledit portail jusqu’au coin de la
« muraille dudit étang est presque écroulé ; il manque
« les portes dudit étang........... »
T *
* '*
*
^ pour \c grand bassin.
3
Plus bas : I l manque le portail et pie?'re de taiUe de
�( J4 )
Tenceinte des sources ( petit bassin ). Legaÿ a omis celte
partie du procès verbal dans son rapport. ,
.
;
, Ce jjrocès verbal étoit bien/wj iti te.
'! ¡,
Legay ne veut pas considérer la description qui est.
faite de l’état des lieu x, comme un acte de prise de pos-;
session /parce que , dit-il, le sieur Demallet ne s’est pas
transporté au-devant de cette grande fontaijie pour en
prendre possession ; même page 42,
Falloit-il donc , pour prendre possession , qu’il se mît
dans l’eau?. Mais lorsqu’il a fait constater l’état de toute
cette partie, comme du surplus , n’est-il pas évident qu’il
s’en est considéré comme acquéreur? A quelles fins autre
ment auroit-il fait ¿oiistater cet état?
; Depuis ce ptocès verbal de prise de possession, n’auroitil pas prescrit la propriété du terrain, à supposer qu’il
fallût s’aider de la prescription.
Ce procès verbal fait aussi mention de la porte.
L e sieur de Lugheac, dans l’acte de 1645 et 1654,
passe avec la ville de R iom , ti’a traité qu’en sa qualité de
seigneur, haut justicier.
Legay, dans son rapport, ne lui donne également le
droit de disposer des eaux, ainsi qu’au seigûeur de T ournoelle qu’il associe à la seigneurie, que comme seigueur
haut justicier.
Debns , page .30 de son mémoire, se fait un moyen de
ce que Cailhe, d’accord avec Legay, déclare qu’il n’a
trouvé aucun acte qui ait transféré la justice de la fon
taine au seigneur de Sfmit-Genest.
« V o ilà , s’écrie-t-il, le principe posé par Cailhe lui—
« même : le sietir Desaulnats n’a jamais acheté la fontaine ;
�«
«
«
«
«
«
«
Lugheac en a toujours été propriétaire , quoiqu’il
n’eut que la propriété directe, puisqu’il avoit disposé
de l’eaii ; ce qui n’empêche pas Cailhe de dire immédiatement que la'source de Saint- Genest hait dans
l’enclos; que le petit étang et le moulin sont intégralement compris dans l’enclos. Quelle contradiction ! »
Cailhe a dit qu’il n1a trouvé aucun acte par lequel le
sieur de Lugheac ait transféré la justice de la fontaine.
Nous verrons dans un moment qu’il se trompe ; que le
sieur de Lugheac l’a vendue par l’acte de 1674.'Mhis il
le dit ainsi. Il ajoute que le “sieur de Lugheac éè règftrdoit toujours propriétaire de la fontaine, comme seigneur
haut justicier. Mais Cailhe n’examine pas si cette^iialité
de seigneur haut justicier lui donnoit ce droit. Il n’avoit
qu’ un fait à exam iner, savoir où naissoit la source. l i
11 n’y a. pas1 là de contradiction. La source pou Voit
naître dans l’enclos du sieur Desaulnats, le èîeirr Desaùlnats être propriétaire du terrain , de la g l è b e e t le sieur
de Lugheac en avoir la justice, et se prétendre, comme
seigneur haut justicier, maître de disposer des-eaux. ‘
La -propriété du terrain et la justice n’avoient Vien dé
commun.
1 v
-• :
h - -L e terrain pouvoit appartenir a un', et la ’jüstice à un
autre.
*
1!
O11 n’examinera pas à quel point la prétention du sieur
de Lugheac pouvoit être‘fondée^ bt si les seigneurs qui
jouissoient du droit de disposer des ruisseau:* avbient
aussi le droit de disposer des sburées. O n sent aisément
la différence d’un cas à un autre. Les eaux dii ruisseau,
�C rf)
le terrain sur lequel elles couloient, n’étoient la propriété
de personne; elles étoient dans la dépendance du domaine
public ; et les seigneurs hauts justiciciers, comme exerçant
partie de la puissance publique, s’en considéroient les
maîtres : mais il n’en pou voit être de même des sources
naissant dans les héritages particuliers.
La justice sur ces héritages ne donnoit certainement
pas droit au sol. L e seigneur haut justicier pouvoit, si
l’on veu t, disposer des eaux, mais ne pouvoit disposer
de l’héritage même ; et maintenant que les droits des
seigneurs hauts justiciers ont été supprimés, la propriété
des eaux ne peut être distinguée de la propriété du
terrain, du sol où elles naissent.
Les choses sont revenues à l’état naturel, au principe
naturel qui veut que les sources et tout ce qui naît dans
un héritage appartienne au propriétaire de l’héritage ;
principe dont on n’a pu s’écarter que par le plus grand
abus de l’autorité.
Et quant au droit même du seigneur haut justicier,
Debas convient, dans le même passage que nous venons
de citer, que le sieur de Lugheac avoit disposé de l’eau,
en sorte qu'il rt avoit plus que la propriété directe.
Mais s’il avoit disposé de l’eau, il avoit donc cédé le
droit même que §a qualité de seigneur haut justicier
pouvoit lui donner; il avoit cédé plénum dom inium , il
jl’avoit plus aucun droit.
Debas dit qu’il lui restoit la propriété directe. Il a
emprunté cette expression de la matière féodale, où le
propriétaire de iief, qui donne un héritage à censj cède
le domaine utile, et l’cticnt toujours sur la chose un do
maine
�( 17 )
maine de supériorité qu’on appelle domaine direct ; do
maine de supériorité qu’il peut transporter à un autre.
Mais il n’en est pas de même pour la justice : la justice
s’exerce sur les personnes, et non sur les choses. L e droit
de disposer des eaux est, si l’on veu t, une dépendance
de la justice ; mais lorsqu’il a aliéné cette dépendance
sans réserve, il ne lui reste plus rien, ni propriété d i
recte, ni propriété utile. Que pourroit-iltransférer, même
en aliénant la justice? Il ne pourroit pas revendre deux
fois la mêmd chose.
Mais il a encore vendu la justice; il l’a vendue par
l’acte de 1674.
. Les deux experts n’ont pas trouvé dans cet acte la vente
de la justice; ils se fondent sur ce.qu’il est dit en plu
sieurs endroits : Jusqu'il la grandefontaine, la fo n ta in e
du m oulin, et que le confinant ne peut etre dans le con
finé. Mais ils n’ont pas fait attention que l’acte se termine
par la confination générale de toute la justice vendue; et
dans cette confination générale il est d it; Ju sq u ’à la terre
-proche la grande jp n ta in e de Lugheac ; et cette terre
est au delà de la grande fontaine : c’est celle qui est audessus; et il n’y en a point en deçà.
L e sièur Desaulnats a donc réuni au droit de proprié
taire le droit de seigneur haut justicier.
E t maintenant on connoît la disposition de la loi
Prœ ses, le droit qu’a le propriétaire de l’héritage dans
lequel naît la source, d’user et disposer de l’eau à sou
g i é , môme au préjudice des voisins, contre la forme
accoutumée, contre consuetudinis jo r tn a n1, non-souleG
�C 18 )
ment pour son u tilité, mais mémo pour ses plaisirs et
volontés; d’en changer ou supprimer le cours, ainsi que
bon lui semble, à moins de titre, ou de possession sou
tenue d’ouvrage de main d’homme.
C’est ce qui a été jugé par plusieurs arrêts, par l ’arrêt
connu sous le nom d’arrêt du bois de Gros, rapporté par
Henry s , tom. 2 , liv. 4 , quest. 76; par un autre arrêt
qu’on, trouve dans Denizart, au mot Cours d’eau (1).
«
«
«
<c
«
«
«
çc
(1) V o ic i l’ espèce de c c dernier arrêt : « L e sieur B runeau,
baron de V itri , et seigneur de Cham p-Levrier , étoit propriétaire d’héritages où se trouvoient des sources qui form oient
un cours d ’eau. Jusqu’à ce que ces eaux fussent parvenues
dans le s cta n g s d u baron d e V i t r i , elles ne couloient que
sur ses propres héritages. C e fut dans ces circonstances que
pour rendre un chem in plus praticable, et procurer aussi u n e
irrigation à un pré inférieur qui lu i appartenoit, le baron de
V itrï changea le A cçha rg eoir d e son é ta n g , et le plaça au
cç
«
«
«
septentrion, au lieu du m idi où il étoit. L e sieur Brossard,
curé de C h id e , se plaignit de ce ch a n g e m e n t, qui ôtoit ,
disoit-il, au pré de sa cure l’eau dont il étoit arrosé auparavant. Il articuloit la possession im m ém oriale où il étoit de
cc jouir de ce cours d’eau , et argum entoit principalem ent de
«c trois b a u x , desquels-il résultoit que le baron de V itri et ses
auteurs a voient reconnu q u ’ils n e p r en d r o ien t p a r la s u i t e
«
cc
,
,
dans la d ite e a u p i p o sse ssio n , n i p r o p r ié té , n i 7né/ne d r o it
cc d 'en trée e t d e servitude p o u r desservir les h érita g e s v o isin s;
« d’où il concluoit qu’il avoit un. titre d écisif en sa faveur. L e
« baron de V itri répondoit qu’il étoit constamment propriétaire
cc des héritages où étoient les sources qui form oient le cours
d'eau en question ; quo par consoqueht il avoit pu placer 10
<< déchargeoir où i l avoit voulu, il se- fondoit notamment sur
« c e que lç droit, d irrigation que le cur4 youloi.t s ’ap p ro p rie r
�^ oy
( 19 )
• L ’eau 11e feroit-elle que passer sur l'héritage du sieur
Desaulnats, son droit à cet égard seroit le même.
■"C’est cô qui est endorè enseigné pai* tous les auteurs,
par Dümojulin (1), par lös auteurs du nouveau Deniziart^
lili.-T .
; » jliV ..
;ti/i l : : - J - : î :
; ..
«
«
«
«
,•1
4
étoît une se fv itu d ö , et qu’il n’y a p o in t'd e servitude sani
titre; en fin , sur ce que le curé qui excipoit des baux ert
question, ne prouvoit p d in tv:par des titres antéfietirs'à ces
m êm es bâux* Yju’il eût le cours d’eau dont il s’agissoit. si
. D ans l’espèce dd cet arrêt, on ne regarda pas la direction du
dégorgeoir de l ’étang vers le pré du c u r é , quoique très-ancienne,
com m e un titre m uet. O n ne pensa pas non plus que le curé
pût tirer avantage d’unq construction faite par le propriétaire
de l’héritage; qu’il put se faire un titre du fait du propriétaire.
Il y a un àutre arrêt du 6 aoàt 178 5, rendu en faveur des
cordeliers de la ville d’Àurillac , côntre les religiéufces dë la m êm e
ville. C et arrêt a confirm é la sentence du bailliage d’A urillac ;
qui avoit m a in te n u les c o r d e lie r s dans le id r o it de disposer des
e a u x q u i n a is so ie n t d a n s le u r p ro p rié té , q u o iq u e le s r e lig ie u s e s
articulassent des faits de possession im m ém oriale, et qu’il y eût
des aquéducs et des rases pratiqués dans le mur des co rd eliers,
parce qu’il falloit bien que les corâélièrs donnassent ùûe issué
à l’e a u , et qu’il ne pouvoit résulter de là aucun titre pour les
religieuses. O n peut assurer l’existence de ce t arrêt.
E nfin , on peut en c ite r un autre du 12 ju illet 178 6, qui a jugé
de la m ém cr m anière éur l’appelr d’une «entente d-e> la' «éhé-*
chaussée d’A u v e rg n e , au profit d ’un sieur P rad ier, défendu par
M. D artis de M arsillat.
(1) A d consilium A lcx a n d r i C9; dominum possc suo comfnodo divej'terc , Del retinere aquam quæ oritu r , v c l labitur,
infundo su o , iu prtvjudicium v ic in i , qtiï blinm per Ccmpus
immémoriale m us est eadc)n aqua infumlum <stuùn lab tu te.
C 2
�par l’auteur du Dictionnaire des eaux et forets, par Fournel, traité du voisinage.
. S >1
Debas invoque l’article 644 du Code civil. Cet,article
porte : « Celui dont l’eau traverse l’héritage^ peut môme
« en user dans l’intervalle qu’elle y parcourt, à la charge
« de la rendre , à la sortie de ses fonds, ù son cours
« ordinaire. »
, ,
L e sieur Desaulnats est encore dans le cas de cet article.
Par la destruction de l’étang , il rend' l’eau à son cours
prim itif, à son cours naturel : Debas le vecônnoît luim ém e, page 5 de son mémoire. On a demandé acte de
son aveu.
« L ’eau, d it-il, deuxième alinéa, ne se rendoit pas
ce naturellement au moulin du Breuil ; car la pente du
« terrain l’auroit conduite naturellement où elle passe
« aujourd'hui. »
L e sieur Desaulnats n’a donc fait que remettre les
lieux dans leur état primitif.
Que peuvent exiger les voisins? Qu’il la rende à son
cours ordinaire ; qu’il ne les prive pas du bénéfice de
la nature.
Mais peuvent-ils exiger que le sieur Desaulnats réta
blisse des constructious auxquelles ils 11’ont point con
tribué; qu’il les entretienne à gros frais, à son détriment,
aux risques de toutes les insalubrités de l’air qui seroient
occasionnées par la. stagnancç des eaux, précisément pour
les avantager ?
Debas, qui s attache à tout, pour s’aifranchir de la ques
tion de droit, d it, page 48 du m ém oire, que le sieur
�^70
( 21 )
Desaulnats a convenu clans ses conclusions m otivées,
que la possession pouvoit remplacçr le titre.
Il y a effectivement l’attendu qu’il cite : « Attendu que
« pour adjugera Debas les conclusions qu’il a prises, il
« faudroit un titre bien exprès, ou une possession bien
« constante et bien précise. »
Mais qu’il ne sincope donc point les attendus; qu’il cite
ceux qui précèdent.
« Attendu que le propriétaire de l’héritage dans lequel
« naît la source, a droit d’en disposer, à moins de titre
« contraire, ou d’une possession soutenue d?ouvrages de
« main à?homme, pratiqués par celui qui prétend la
« servitude dans l’héritage même où naît la source.
« Attendu que celui dont l’eau ne fait que traverser
« l’héritage a également droit d’en disposer, à la charge
« seulement de la rendre à son cours naturel. »
V i e n t e n su ite l ’a tte n d u d o n t il a r g u m e n te .
O n c o n se n t v o lo n tie r s à ê tr e ju g é su r ces c o n c lu s io n s .
Debas a-t-il titre ? A -t-il la possession ?
A -t-il un titre? Son titre, le bail de xy 56 , est contraire.
Non-seulement le bail ne lui attribue aucune servitude,
mais est exclusif de servitude. Il fait confronter l’écluse,
ou béai du m oulin, au mur de l’enclos, e t , d’autre part,
donne pour confins les jardins de R oche, ruisseau entre
deux ; et la porte dont on parlera dans un moment est
au-delà.
^Qu’on produise le bail primitif de 1454; on verra qu’il
n attribue non plus aucun droit à la source, ou sources
de Saint-Genest.
�f 22 )
Pour attribuer un droit, il f a u d
r o i t
q u e
le sieur de Tour-
noëlle en eût eu un.
' Voilà pourquoi le sieur Legay s’est tant efforcé de le
créer coseigneur des sources de Saint-Genest. On 'est
obligé d’abandonner ce système.
Il falloit bien, dit-on, qu’il eût im droit, sans quoi il
ïi’auroit pas établi un moulin.
Il prenoit les eaux de la fontaine du Gargouilloux ,
lettre A , et de la fontaine de la P om pe, lettre B , qui
découloient naturellement dans son écluse , au sortir des
propriétés du sieur Desaulnats. ( Rapport de Cailhe. )
II'pouvoit prendre' même les eaux de Saint-Genest,
après qu’elles étoient sorties de l’enclos, à leur cours
naturel ; et il peut encore aujourd’hui les prendre. Car
il est à observer, et le tribunal est bien supplié de ne
pas perdre de vue, que le meunier ne combat pas pour
avoir l’eau qu’on ne lui dispute pas, mais pour l’avoir
à une plus grande élévation.
E t voilà pourquoi le bail emphytéotique du m oulin,
porté en i4Ô4à quatre setiers froment et deux setiers seigle,
lesquels ont été réduits, en 16 3 1, à un setier froment et
trois setiers seigle, a été porté, en 1756, à douze setiers.
A défaut de titre précis, a-t-il un titre muet?
• Il prétend avoir ce titre dans l’existence même du mou
lin. L e moulin ne pouvoit pas aller sans eau! Le moulin
existoit dès 1464-, il est avoué que l’étang et la chaussée
n’ont été construits qu’en 1681 , deux cents ans après:
donc ils n’ont pas été construits pour le moulin.
L e moulin ne pouvoit, pas plus avant qu’après la for-
�( 23 )
mation de l’étang, aller sans eau! On a déjà dit comment
il étoit, et comment il peut encore etre alimenté.
Il existoit un ancien béai qui a été détruit lors de la
formation de l’étang !
Il falloit bien supposer l’existence de ce béai; il fulloit
bien supposer un droit antérieur à la fo r m a tio n de l’étang;
car autrement la formation de l’étang , à laquelle on
convient n’avoir pas concouru, n’en auroit pas donne
un.
D e là tous les efforts pour en prouver l’existence.
On a cru trouver cette preuve dans l’acte du 26 août
1674, dans le décret de 1681, dans les vestiges encore
subsista ns.
C ’est l’objet des cinquième, sixième et septième ques
tions posées dans le jugement interlocutoire.
C i n q u i è m e q u e s t i o n . « Vérifieront les experts quel
est le ruisseau ven a n t de la f o n t a i n e , énoncé dans l’acte
de 1674. » Lcgny, p. 28 du r apport i mpr imé , et C ai l h c ,
décident unanimement que ce n’est point celui venant de
la grande fontaine de la source de Saint-Genest qui fait
l’objet delà contestation, mais de la fontaine de la Pompe.
S i x i è m e q u e s t i o n . « Feront l'application de l’art I er.
du décret de 1681 ; détermineront ce qui composoit
l’enclos entouré de murailles, de la contenue de deux
septerées, qui est dit joignant le ruisseau et béai du m ou
lin , de jour; diront si ce ruisseau ou béai, selon qu’il est
indiqué pour conlin, est un ruisseau ou béai supérieur aux
loues du moulin de Saint-Genest, ou intermédiaire entre
ce moulin et celui du B re u il, et s’il peilt s’entendre
du îuisseau et béai du moulin de Saint-Genest, appâte-
�( M )
nnnt au sieur Desaulnats, ou du béai du moulin du Breuil,
ou de celai de tout autre moulin. »
Cailhe décide que cela ne peut s’entendre que du béai
du moulin de Saint-Geuest, appartenant au sieur Desaul
nats ( page 18 de son rapport ).
Legay répond affirmativement que ce béai étoit celui
du moulin du Breuil (de D ebas), parce que, d it-il, on
ne counoît sous cette expression , béai du moulin , que le
canal qui y conduit l’eau , qui par conséquent lui est supé
rieur. Il ne donne pas d’autre raison.
Mais lorsque l’eau est au moulin , il faut l^îen qu’elle
s’échappe ; il faut donc un béai inférieur, comme un béai
supérieur.
Il est dit : Confrontant ruisseau et béai du moulin;
ces deux mots sont réunis. On a donc qualifié indistinc
tement béai et ruisseau; on n’ a donc pas attaché à un
terme une signification plus particulière qu’à l’autre; or,
le mot ruisseau s’entend bien de la partie inférieure
comme de la partie supérieure.
On ne peut donc tirer aucune induction particulière
du mot béai.
Lorsque le sieur de Brion, qui avoit acquis par le môme
contrat le moulin de St. Genest, et qui poursuivoit sur
lui-môme le décret volontaire des biens par lui achetés,
a dit : Confinant ruisseau et béai du moulin , sa?is s'ex
pliquer autrement, n’est-il pas évident qu’il a entendu
parler de son m oulin, du moulin énoncé dans l’acte, et
non du mouliu d’un autre, d’un moulin dont il n’est fait
nulle mention dans la c té ? S il avoit entendu parler du
moulin d’un autre, du moulin du B reu il, ne l’auroit-il
pas exp rim é, pour éviter la confusion?
�(¿¿ 5 )
Cet article i cr. du rapport du décret de 1681 comprend.'
les château, terrassefetrjardin de Saint-Genest. L e moulin
du sieur Desaulnats1est_précisément au bas des terrasse
et jardin ^comment1croire que'le confin ne se rapporte
pas à ce moulin, et se rapporte plutôt au moulin du B reuil,
qui en est éloigné de plus de cent cinquante toises?*
Ce seroit au plus une équivoque. Est-ce sur une équi
voque qu’on établiroit une servitude, et u n e . servitude
de cette nature? r' : ' 0 *>* 0,ri
f'°”
' ! 1 * ! ' :î
Mais ce qui détruit tout ce qu’il dit-à cet égard, c’est
la réponse à la septième' question.
1
r» . ■
.) •>
~ S e p t i è m e q u e s t i o n .'« Vérifieront s’il existe au fond
« de l’étang desséché deâ’ éminences■
apparentes, et deà
« traces de travaux de main d’homme1,' dans^la direction
« du moulin de Saint-Genest à celui du B reu il, d’où l’on
« puisse inférer qu’il y avoit là un béai; ils feront même
« fouiller le terrain, si besoin est , p o u r savoir s’il cache
« ou non les traces d’unes ancienne digue d u béai.
Si le béai avoit existé, il ëri resteroit des vestiges; et
les deux experts déclarent n’en avoir trouvé aucun.
Ils parlent d’une légère éminence qui se remarque dans
la longueur à peu près d u Jhuitièmé de l’étang; mais ils
conviennent l’un et l’autre que celte éminence n’est point
un ouvrage de main d’homme; que ce rehaussement audessus du terrain qui l’avoisine n’est dû qu’à la nature
du terrain en celte partie, qui est graveleux et plus ferme.
« Nous avons fait fouiller, dit Cailhë, pbge 22, ce
« terrain en plusieurs endroits, et nous*n’avons trouvé
« aucune trace de bâtisse, ni travaux de main d’homme,
« mais seulement une terre blanchâtre qui a un peu plus
D
�( .26)
« de, consistance. Cette éminence est dans la direction des
« roues du moulin du Breuil. La partie septentrionale
« de .cette éminence est un bas-fond en forme de rase
« recouverte de joncs, qui paroît aujpremier coup d’œil
« :indiquer,un ancien conduit d’eau. Mais dans le surplus
« de la longueur de l’étang on ne trouve plus qu’un terrain
«•,gras, 011,m ouillère} parsemé de joncs', plus bas et plus
creux que la ji;ase ipfé^ieure ,. et; presque aussi bas que
« la bonde; et rien n’indique la continiiation d’un béai
« qui n’auroit pu exister sans une \forte chaussée élevée
k en pierres et autres matériaux solides, dont il resteroit
« quelques' vestiges ; et enqore auroit-il fallu des encqis« semens en pierre dans ‘ces cloaques, pour rehausser
« l’eau, ettlui donner un cours uniforme. Nous pensons
« qu’il n’y a jamais euiun béai continu depuis le moulin
« de Saint-Genest jusqu’à celui du Breuil. »
Legay dit également : « C’est là dessus (sur l’émiiien'ce3)
« que nous avons fait fouiller ;■mais nos recherches n’ont
« rien produit qui indiquât en cet endroit des ouvrages
« de main d’homme, tels qu’une digue, non plus qu'ail « leui's , le long de la même rive. »
Mais ce qu’il n’a pas'vu. des yeux du*.corps., il le voit
des lumières de la raison et ce que Legay voit des lu
mières de la raison, le défenseur de Debas le voit jusqu’à
se crever les yeux. ( Page 40 de,son mémoire. )
Legay continue : « Où cependant a <lû exister la con
te tinuité du ruisseau et béai rappelé pour confin dans le
« decret de 1681 *, car nous ne pouvons douter de cette
« vérité, que nous regardons comme démontrée par les
« seules lumières de la raison»
�( ¿7 )
« En effet, l’existence de ce béai nous est assurée à*
« son commencement par le décret de 1681 ; il'''dévoit
k avoir.?« continuité et son terme; il étoit béai du moulin,
a Sa direction, déterminée par Taspect auquelle rappelle
« le décret ( le décret rappelle l’aspect du jo u r, et par
« réciprocité l’aspect de nuit, et non l’aspect du nord-est ),
« par les légères traces que nûus avons cru reconnoitre
« dans rétang, entre la levée et la petite éminence dont
« 7 1 0 U S venons de parler ( et il vient de dire qu’il n’en
« a reconnu aucunes), le porte sur le moulin du B r e u il:
« il étoit donc béai de ce moulin. »
S i le béai a eu un commencement, il a dû avoir sa
continuité et son terme ; c’est juste. Mais où est la preuve
de ce commencement ? E lle n’est pas dans les vestiges :
Legay convient qu’il n’y en a pas. Il trouve ce commen
cement dans le décret de 1681 , dans le confin de ce
décret. Mais c'cst précisément ce qui est en question, de
savoir si ce confin doit s’entendre du béai du moulin du
B reu il, ou du béai du moulin de Saint-Genest. C’est par
une hypothèse qu’il cherche à prouver une autre hypo
thèse : il donne son opinion pour preuve.
Probatis extrem is, probantur media. On pourroit
môme dire i c i , probatis m ediis, probantur et extrema.
Mais ici il n’y a ni commencement, ni m ilieu, ni conti
nuité*, on n’a trouvé absolument aucuns vestiges, ni dans
la partie où le terrain présente un rehaussement presque
insensible, ni avant, ni après; et voih\ ce qui prouve de
plus en plus la fausseté de l’application que fait Legny
du confia du décret de 1681. Loin que l’application qu’il
fait de ce confia prouve l'existence du béai affecté au
D 2
�(
2
8
}
moulin du Breuil, c’est'la non-existence de ce^béal', dé
montrée par l’inspection physique du local, qui prouve
la fausseté de l’application du confia.. ••
, ‘
3
Legay prouve l’existence du héal par l’application qu’il
fait du confia,;et l’application du confin par l’existence
supposée du béai. Mais quand on veut prouver une pro-?
position par une autre, il faut que la proposition qu’on
veut faire servir de pi’euve n’ait pas besoin elle-même de
preuve.
S ’il ci sa continuation et son terme, ilétoit béai du moulin ! Admirable conséquence! Toujours même manière de
raisonner; il suppose le com m en cem en til suppose la con
tinuation et le ternie : la conséquence est juste !
Jusque-là tout ne lui paroît pas cependant bien con
cluant; mais il vient au mur au delà de l’étang, de l’élé
vation hors de terre seulement de deux pieds, partant du
dégorgeoir, allant jusqu’au mur de l ’enclos, et correspon
dant au mur du béai du moulin extérieur ù l’enclos; il
regarde ce mur comme la suite du béai supprimé lors
de la formation de l’étang.
Mais comment peut-il présenter ce mur comme la suite
et le prolongement du béai prétendu supprimé lors de la
formation de l’étang, d’un béai imaginaire, d’un béai dont
on n’a pu découvrir, quoiqu’on ait fait fouiller, la plus
légère trace; d’un béai dont l’existence même est démontrée
impossible par l’inspection du local ?
_•
Pour dire que ce mur est la continuation du béai du
m oulin, d’un béai dont il n’existe aucun indice, il faudrait
prouver qu’il existait avant la formation de l’étang. Legay
le suppose, sans en administrer aucune preuve. Cailhc,
�C 29 )
page 28, dit que ce mur ne remonte qu’à la formation
de l’étang.
Ce mur n’a-t-il pas pu effectivement être construit aussibien lors de la formation de l’étang qu’avant ; et ne doit-on
pas le supposer plutôt ainsi, lorsque rien n’indique d’ail
leurs l’existence de ce prétendu béai ?
Pour dire que ce mur est la continuation du beal du
m oulin, il faudroit qu’il n’eût pu être construit à autre
fin. Le sieur Desaulnats a expliqué dans sa note en marge
du rapport de L egay, pages 5o et 5 i , à quelles fins ce
mur a été construit : on la répétera ici.
L e mur que le sieur Legay a soin de présenter comme
ayant dû faire partie du béai supposé, n’a certainement
pas été construit pour cela, mais pour empêcher les eaux
venant de la fontaine de la P om pe, celles de la vergnière,
et du dégorgeoir de l’étang , d’inonder le petit bois qui
est entre la chaussée et le mur de clôture du parc : sans
cette précaution , les eaux refluant nécessairement vers la
bonde, il n’auroit pas été possible de vider l’étang pour
le pêcher. Si le mur prenoit naissance dans l’étang même/
l’observation du sieur Legay auroit pu être de quelque
poids; mais il ne prend qu’au delà de l’étang, et on en
voit l’objet.
Les experts observent que ce mur n’est que d’un côté;
que de l’autre côté il n’existe qu’un morceau de maçon
nerie; que du côté où est le m ur, il y avoit, adossée au
m u r, au point du dégorgeoir, une pierre de taille en
forme d'à gage, et de l’autre côté , dans le morceau de la
maçonnerie, une autre pierre de taille correspondante;
que ces pierres avoient été placées pour recevoir la grille,
�(3 0
à l’effet d’empêcher le poisson de sortir ; grille qui a été
enlevée pendant la révolution. On ne peut évidemment
en tirer aucune conséquence.
L ’ouverture dans le mur de l’enclos ne signifie pas da
vantage pour le système de Debas. Ce mur de l’enclos n’a
été construit qu’en 1681, en môme temps que l’étang; il
11’existoit pas avant. O u ne peut donc en rien conclure
pour le temps qui a précédé.
Cette ouverture a été pratiquée pour dégorger, soit les
eaux de la fontaine de la Pompe et les autres eaux qui
s’y réunissoient, soit les eaux de l’étang par le dégorgeoir,
ou même, lorsqu’on vouloit le pêcher, par la rase de la
Vergnière. L e sieur Desaulnats et ses auteurs ne pouvoient sans doute pas les retenir dans leur enclos; mais il
11’en résulte pas la preuve que les eaux du moulin de
Saint-Genest avoient la môme direction avant la fo r m a
tion de Vétang. Et c’est cependant ce qu’il faut prouver-,
car, comme on l’a déjà observé, s’il n’avoit pas un droit
antérieur, la formation de l’étang ne lui en a certaine
ment pas donné un.
Ce qui est à l’extérieur de l’enclos, les agnges, le pont
construit hors de l’enclos, importent peu au sieur Desaul
nats.
Les experts disent que ces agages existoient avant 1681.
Si par ces agages on n’avoit pu recevoir que les eaux
venant du moulin de Saint-Genest, on pourroit en tirer
une induction; mais il y avoit les eaux de la fontaine de
la Pom pe, les autres eaux qui s’y joignoient. Les «igagcs
construits hors de 1 enclos etoient pour profiter de ces
eaux : ces agages ne pouvoient donner de servitude. A u
�( 3' )
contraire, il en résulte qu’on n’uvoit pas de servitude;
car,-si on avoit eu une servitude, on les auroit cons
truits dans la propriété , et non hors des propriétés du
sieur Desaulnats.
Relativement au p o n t, il y a une petite inexactitude
de l’adversaire. Ce pont auquel il veut donner un air
d’ancienneté, a été construit depuis peu ; il a cte cons
truit des pierres du cimetière : ce fait a été reconnu lors
de l’expertise. Seroit-il ancien, il auroit été également
nécessaire par rapport aux eaux de la fontaine de la
Pompe et autres dont on ,vient de parler : mais il n y
a de là aucune conséquence directe et forcée à Texistence
du béai.
E t comment; croire autrement, comment se prêter au
dire de D ebas-et.de L e g a y , lorsque, d’un autre cô té,
tout se refuse à la supposition de l’existence de ce. pré
tendu ,béai *, lorsqu’on voit que pour, pratiquer ce béai
il auroit fallu nn encaissement prodigieux , non-seule
ment par rapport à l ’humidité et au peu de consistance
du terrain , mais encore parce que le terrain est plus
bas, qu’il est presque aussi bas que la bonde, qu’il auroit
fallu Vexhausser pour le porter à l’élévation actuelle des
roues du moulin du Breuil ; ;exhaussement et encaisse
ment dont il est impossible qu’il n’existât aucuns vestiges.
Legay trouve un autre indice dansile placement du
dégorgeoir deTétarjg-,. il prétend que le dégorgeoir est,
pincé où il est, çontre les règles de l’art ; qu’il a été placé
ainsi pour conserver au moulin du Breuil sa prise d’eau,
poui supploei. je
qu’on supprimoit. Le sieur Desaul
nats a répondu à cette observation dans sa note eu mt»rge
�( 32 )
du rapport im prim é, pag. 55 et suivantes. On se bornera
à supplier le tribunal de se remettre cette note sous les
yeux.
R a se de la vergnière! Cette rase est plus élevée qüe le
bas des roues du moulin de Saint-Genest, de huit pouces
six lignes : elle n’a donc pas été pratiquée pour le moulin
du Breuil.
"f }
Elle prend en face de la bonde du petit étang qui ali
mente le moulin de Saint-Genest, lettre C du plan.
Sa destination a é té ,
v ' !r
i° . Pour empêcher l’eau, quand ôn vouloit vider le petit
étang, lettre C , de se'jeter dans le grand étang, qui auroit
pu être endommagé par la trop grande abondance d’eau ;
2.0. Pour l’e c e v o ir p a r le faux saut, l’eau quand ou
vouloit réparer le moulin de Saint-Genest ;
1'
~ 3°. Pour le cas de la péché du grand étan g, parce
q ue, sans cette ra s e j'l’eau auroit coulé dans l’étang, !et
il en seroit entré autant comme il en seroit sorti; et en
core il falloit faire une digue à côté du p o n t,'n °. i er. ,
sans quoi elle seroit revenue sous les roues du m oulin,
et auroit toujours coulé dans l’étang. ( Rapport de Caillie,
pag. 23, 24 et 25 . )
»
Legay convient que la rase est plus élevée que le bas
des roues du moulin.
Il convient de la nécessité de cette rase pour détourner
l’eau dans le cas dos réparations du moulin, dans le cas
de la pêche du grand et du petit étang.
•1 •
Cette rase a donc été évidemment construite, et indispensablement construite, pour l’utilité du propriétaire
du moulin de Saint-Genest,
II
�C 33 )
Il ne prétend pas moins qu’elle a été faite pour le
moulin du Breuil. Sa raison est parce que sans cela , soit
le degorgeoir, soit cette rase, auroient été faits sur l’autre
riv e , à l’autre extrémité de l’étang.
C ’est ce qu’il faudroit encore prouver ; c’est ce dont
Cailhe est loin de convenir ; et il en donne la raison.
Voici cette partie de son rapport, pag. 26 :
« Cette rase, dit-il, étoit indispensable pour la pêche
K des deux étangs, et pour les réparations du moulin
« de Saint-Genest ; elle étoit bien mieux placée que si
K on l’eût tx-acée au sud-est de la bonde, dont elle auroit
« été trop rapprochée ; elle étoit aussi nécessaire pour
« recevoir les eaux qui descendent du G argouilloux, de
« la Pom pe, et celles qui s’écoulent de la vergnière et
« du pré des Littes. »
Legay est donc en opposition avec Cailhe. Mais ils né
sont pas en opposition sur la nécessité indispensable de
cette rase pour le propriétaire du moulin de St.-Genest,
pour les trois cas dont 011 vient de parler. Et pourquoi
dire qu’il a travaillé pour le moulin du Breuil? Il a tra
vaillé pour lui.
Mais quand il auroit été mieux de faire comme dit
Legay, peut-on se faire un titre de ce qu’un particulier
fait chez soi, de ce qu’il fait indispensablement pour lu i,
surtout lorsqu’il n’existe aucun indice du contraire?
^ Avant de dire que la rase de la vergnière a été pra
tiquée pour conserver le droit du meunier du Breuil, il
faut prouver que ce meunier avoit un droit; et c’est toujoin s ce qui reste h prouver.
on-seulement ou ne rapporte aucun indice, aucun
E
�( 34 )
adminicule, mais tout concourt à démontrer la non-exis
tence de ce prétendu béai.
Qu’on rapporte l’acte de 1464, et toutes les reconnoissances qui ont s u iv i, on n’y trouvera aucune mention
de cette servitude. Et comment le seigneur de Tournoëllc
auroit-il concédé un droit à cette source de Saint-Genest,
puisqu’il n’y en avoit aucun ?
En 1620, Antoine Demurat devient adjudicataire du
moulin de Saint-G enest, avec ses écluses, chaussées et
cours d’eau. Si la servitude de cette même eau avoit été
due au moulin du Breuil, n’en auroit-il pas été fait men
tion? ne l’en auroit-on pas grevé?
En 1645 et en 1664, lorsque le sieur de Lugheac traite
avec les consuls de la ville de R io m , il stipule les dom
mages et intérêts du meunier de Saint-Genest, dans le cas
où il souifriroit de la concession qu’il venoit de faire. N ’auroit-il pas également stipulé les intérêts du meunier du
B reu il, si la servitude lui avoit été due?
Lors de la formation de l’étang, le meunier n’auroit-il
pas veillé à la conservation d’un droit si important pour
lui ? Auroit-il laissé dénaturer les lieux sans faire cons
tater préalablement son droit à la prise d’eau, et le faire
assurer par un titre ?
L e seul titre que Debas ait produit, est l’acte de 1766;
et ce titre est contre lui; il est exclusif d elà servitude»
On parle de titres muets. Peut-il être question de pré
tendus titres muets, lorsque le titre précis est contraire?
Q u’objecte Debas dans son mémoire, p. 34 et suivantes?
Il commence par insister sur le pont, les agages existans
hors île l’enclos, sur l’ouverture dans le mur de l’enclos,
�( 35 )
qui sont ,suivant lu i, autant de titres muets ; sur le confin
du décret de 1681. On a répondu à tout cela.
Mais il fait ensuite un raisonnement. Cailhe, d it-il,
-page 37, reconnoît ù une époque antérieure ¿\ la créa
tion de l’étang, l’existence du béai au-dessous des voues
du m oulin, et dans la direction du moulin du B reu il;
il reconnoît aussi, à la même époque, l’existence d’un
béai au-dessus du moulin du Breuil; il reconnoît donc
les deux extrêmes, et par conséquent la partie inter
médiaire.
Cailhe reconnoît l’existence du béai au-dessus du moulin
de Saint-Genest! mais il n’a pas dit dans la direction du
moulin du Breuil. Il a dit que Véminence dont on a
p a rlé, est dans la direction du moulin du Breuil; mais
il n’a pas dit que le béai fût dans cette direction. 11 faut
être exact.
Caillie a dit expressément qu’il n’y a jamais eu un béai
continu du moulin de Saint-Genest jusqu’au moulin du
Breuil.
Il reconnoît un béai au moulin du Breuil avant la for
mation de l’étang ! mais non pour recevoir les eaux du
moulin de Saint-Genest.
C ’est avec la même sincérité qu’il fait dire à Cailhe que
le moulin étoit alimenté par les eaux des cloaques et des
fondrières. Cailhe a dit que le meunier pouvoit y ajouter
un volume quelconque do ces eaux ; mais restoient tou
jours l’eau de la fontaine de la Pom pe, et les autres eaux
qui s’y réunissaient au sortir de Cenclos
orniant un
Tuisseau.
Il nest pas jusqu’ù l’émincnce où les experts ont & it
E 2
�C 36 )
fouiller, et où ils n’ont trouvé aucune trace de béai,
que Debas n’assure être un indice évident de la continua
tion de la chaussée du béai.
Il cite une phrase du rapport de Cailhe , où cet
expert dit effectivement que cette éminence paroît au
premier coup d’œil indiquer un conduit d’eau, et il s’écrie:
Quelle preuve moins équivoque!
Est-ce pour tromper le public, ou pour tromper les
juges ?
Mais ne tronquez donc pas; dites donc la suite; dites
ce que Cailhe ajoute immédiatement.
Il termine par une autre objection.
Que le sieur Desaulnats explique, dit-il, page 4$,
pourquoi l’ouverture dans le mur de l’enclos , en face
du moulin du Breuil, a onze pieds de largeur, et pour-t
quoi l’autre ouverture plus bas, où l’eau coule depuis
la destruction de l’étang, et qui fonnoit, suivant lu i, le
cours naturel des eau x, n’a que vingt-neuf pouces.
L a réponse est facile ; elle est dans l’observation qu’on
a déjà faite, que le mur de l’enclos n’a été construit
qu’en 1 6 8 1 , en même temps que l’étang. A v a n t la c o t i s tru ctio n de t étang, les eaux suivoient leur cours naturel;
mais alors il n’étoit pas question d’ouverture au m ur;
il ne pouvoit être question, ni du plus ni du moins d’ouverture dans une partie du mur que dans l’autre, puis
que le mur n’existoit pas. Lorsqu'on a construit Vétang,
on n’a donné à l’ouverture en face de la bonde que
vingt-neuf pouces (1); mais alors aussi les eaux n’étoient
(x) Le linteau a quarante-sept pouces.
�,/
■
C 37 )
plus à leur cours naturel, puisque, l’étang construit, elles
se déversoient par le dégorgeoir. On n’a donné à l’ou
verture en face de la bonde que la largeur suffisante pour
l’écoulement des eaux, toutes les fois qu’on leveroit la
bonde pour la pêche ; il y avoit même une raison p o u r
donner le moins de largeur possible. On sait que pendant
le temps de la pêche il fa vit, pour ne pas perdre le poisson,
ne pas laisser entièrement ouvert l’orifice par où l’eau
s’échappe; il faut le barrer avec un filet, ou une arai
gnée, ou un treillis enramé. Moins l’orifice étoit large,
moins on avoit de peine.
C ’est sur ces raisonnemens qu’on veut établir une servi
tude que rien d’ailleurs ne constate.
Que Debas dise à son tour pourquoi il ne produit pas
le bail de 1454, et les reconnoissances qui ont été suc
cessivement consenties : on s’attend bien qu’il dira qu’elles
sont brûlées.
Q u ’i l e x p liq u e p o u r q u o i , d an s to u te la s é r ie d ’actes
depuis 1454 jusques et compris 17 5 6 , on n e t r o u v e au
cune énonciation de cette prétendue servitude; pourquoi
le bail de 1756 fait confronter l’écluse du moulin au mur
de l’enclos, ce qui emporte exclusion de toute servi
tude !
Pourquoi ne rapporte-t-il pas le procès verbal qui a
¿té fait, à la même époque, de l’état du m oulin, lors du
déguerpissement du précédent tenancier, et qui est men
tionné sur le répertoire du même notaire? On ne dira pas
qwe ce procès verbal a été brûlé avec les titres féodaux.
Le seigneur de ïo u rn o elle et Debas devoient en avoir
�chacun une expédition : pourquoi ne produit-on ni l’une
ni l’autre?
Qu’il explique comment il n’existe aucuns vestiges de
ce prétendu béai!
Qu’il explique la différence de la rente!
Il a fait intervenir les propriétaires du pré du R evivre ;
'il a dit que ces propriétaires, cèux des moulins inférieurs,
avoient droit de prericlre la clef de la porte d e ‘l’enclos,
à certains jours, chez le meunier du Breuil qui en demeuroit dépositaire. P o u rq u o i, dans aucun des actes de
tous ces particuliers, n’ep est-il dit un mot ?
Pourquoi, dans le procès verbal de prise de possession,
de V a le ix , tém oin, dont on verra dans un moment la
déposition, n’en est-il point parlé?
V oilà la réponse au rapport de Legay, et à cette partie
du mémoire de l ’adversaire.
Debas n’a donc point de titre. Venons a la possession,
à la preuve de la prétendue possession.
E t d’abord Debas dit dans son mém oire, pag. 8 5 , que
les propriétaires du moulin du Breuil entroient nuit et
jour dans l’enclos, eux et leurs valets, munis de fourches,
rateaux et autres instrumens, pour travailler à la grille
de l’étang, à la réparation des brèches, à reprendre leurs
eaux lorsque le sieur D es aulnats s"1avis oit d’en disposer.
L e sieur Desaulnats les détournoit donc de temps à autre;
et il n’en faut pas davantage pour écarter toute prescrip
tion.
Il y a l’interruption naturelle et l’interruption civile.
�, ( 39 )
L ’interruption civile est celle qui résulte d’une interpel
lation judiciaire, d’une demande en justice. L ’interruption
naturelle est celle qui dérive d’un fa it, d’un fait même
de violence ; naturaliter interrunipitur , prœscriptià
quum quis depossessione vi cjicitu r, vel alicid res cripitur : loi 5 , au dig. D e usucapionibus. Il ne peut la
reprendre qu’en formant une demande en complainte :
a’il la reprenoit de voie de fa it, elle ne pourroit lui servir
pour la prescription, parce qu’elle seroit entachée du vice
de violence. Pour que la possession puisse acquérir un
droit, il faut qu’elle soit paisible. Ajoutons que le moindre
fait de la part du propriétaire suffit pour lui conserver
son droit, tandis qu’il faut des faits de possession bien
autres pour acquérir un droit qu’on n’a pas.
Ou le sieur Desaulnats pouvoit détourner l’eau con
tenue par la chaussée de l’étang et autres ouvrages, ou il
ne le pouvoit pas. S’il ne le pouvoit pas, la fausseté des
dépositions qui attostent que le meunier reprenoit l’eau
est démontrée : que deviennent aussi, dans le même cas,
ces grands mots de surveillance et d>aménagement, ré
pétés à l’infini? S’il le pouvoit, les témoins déclarent qu’il
la détournoit. 11 y a donc eu trouble dans la possession;
ce trouble auroit interrompu la prescription.
Debas a dit dans son m ém oire, page 86, que non-seul^nient les meuniers du moulin du Breuil en ont tou
jours jou i, mais encore tous les meuniers inférieurs,«
Qui Veau, la porte et la c le f étoient communes. Sin
gulier enclos, où tout le monde avoit le droit d’entrer!
Ces m euniers, ainsi que les propriétaires des prés qui
�r#
W
( 4° )
profitent de la mémo eau, ont donc déposé dans leur
cause; ce qui écarte leur déposition.
O11 discutera à l’audience les reproches fournis contre
les autres témoins.
On sait que les dépositions des témoins reprochés
ne doivent être lues que lorsqu’il a été statué sur les
reproches. Debas auroit donc dû commencer par y faire
faire d ro it, avant de faire usage de leurs dépositions,
et de les transcrire dans son mémoire.
Mais passons sur cette irrégularité, et voyons ce qui
résulte des dépositions ; sans préjudice des reproches.
M . Tournadre , premier tém oin, dépose effectivement
« que depuis l’âge de vingt-deuxans il a été souventchezle
« sieur Demallet, son collègue ; qu’il a vu le meunier du
« moulin du Breuil entrer et sortir librement dans Pen
te clos ; qu’il y entroit avec une barre avec laquelle il
« alloit nettoyer le canal ; qu’ayant remarqué que cette
« servitude étoit désagréable, le sieur Demallet lui avoit
« répondu que cet homme usoit de sou droit; qu’il ne
« pouvoit empêcher cette servitude. »
Mais de ce que le sieur Demallet aura cru que cet
homme avoit ce droit, il ne s’ensuit pas qu’il l’eût ; c’est
au titre qu’il faut revenir.
L e sieur Demallet par ce propos, sur lequel il a réfléchi
d’autant moins qu’il le croyoit sans conséquence, n’a pas
entendu concéder à Debas la servitude, s’il ne l’avoit pas.
Est-ce sur un dire, sur une conversation fu g itiv e ,
qu’on peut établir un pareil droit?
»
A. quoi se réduit cette déposition ? A. uue erreur tout
au
1
�( 4 0
au plus où auroit été le sieur D em allet, et qui n’em
porte pas un abandon de ses droits.
>.
La déposition du témoin remonte à l’époque où il étoit
collègue dans le ministère public avec le sieur Demallet;
il a cessé de l’ètre au commencement de 17 7 1, lors de
l’installation du conseil supéi’ieur. Seroit-il étonnant que
le sieur Demallet^ majeur seulèmeqt depuis 1759, tout
entier aux ’devoii’Scde'sa-charge de<procureur du ro i,
n’eût pas fait d’exam'én'dejses titres?.On.:peut prouver,,
par un acte 1de ,176 9 , passé avec'le seigneur de T o u rïioëlle, qu’il s’est ; aveuglé ;sur un droit bien plus im
portant que celui dont il s’agit. !i>r : ^
L e second témoin- est le sieur Etiehne V a le ix , du lieu
de C rouzol, commune de >Volvic. Debas a eu soin de
passer sous silence sa déposition, quoiqu’il ait rappelé
celle de tous les autres témoins reprochés. On va en voir
la cause. . ■> - , \>vu t ,
.. •
•Xe sieur Desaulriats a récusé1 ce témoin comme ayant
été propriétaire originaire'du pré du R ev ivre, et l’ayant
revendu aux propriétaires actuels, qüi sont les intervenans,
et par conséquent intéressés dans la cause, par la crainte
plus ou moins fondée d’unè action’én garantie; il en est
de même de ses deux fils, vingt-sixièm e et trentedeuxième témoins. ■ <;o ' ;î\ -.b il- ■
Mais quoique le sieur Desaulnats l’ait récusé, il ne
Peut pas moins l’opposer à Debas. L e témoin peut tou
jours être opposé à celui qui le produit..Ce témoin rend compte dei la-conversation qu’il a eue
flvec Jean Barge, emphytéote du moulin duiB reuil, anF
�(4a).
térieùrement à D ebas, lorsqu’il 'voulut prendre posses
sion du pré du Revivre qu’il venoit d’acheter.-; i- ■
Il dépose « que cet emphytéote, fermier en môme
« temps du pré du R evivre, lui .dit; par forme de ré« flexion : Vous avez droit aussi de prendre possession -du
« droit d’entrer dans l’enclos du sieur Dem allet, par une
« petite porte dont j’ai la c l e f ^ o i t comme m eunier,
« soit comme ferm ier; que là - dessus ■
>le notaire et les
« témoins se transportèrentdansr.l’enclos.)du sieur D e« mallet ; qu’ils y entrèrent par la petite porte que Barge
« leur ouvrit avec la clef; que île déposant ayant fait
« part au sieur Dem allet de soin acquisition, de sa prise
« de possession et de l’observation quelui avoit faite Barge,
«■son ferm ier, le sieur D em allet lui répondit que cela
« étoit ju s te , qu'il ne s’y opposoit pas. »
Mais comme le procès verbal de prise de possession,
où il n’en est pas question, pouvoit se d écouvrir, le
témoin ajoute que Tacte de prise de possession étant
clôturé avant cette entrée dans le p à rc, on ne crut pas
devoir Vajouter à ïa cte*
t
i
■'y.
C’est donc le fermier qui donne avis au sieur V aleix
du droit qii’il avoit! Il n’en étoit donc!pas question dans
son acte de vente. E t il omet d’en faire faire, mention
dans le procès verbal de prise de possession! i;
V oilà donc un témoin qui dépose contre un double
acte ; contre la v e n t e e t contre le procès verbal de prise
de possession. .
1 :
Il a revendu aux intervénans. Qu’il produise les ventes
qu’il leur a consenties»
�w
( 43 )
E t voilà qui écarte tout d’un coup les intervenons,
qui ne peuvent pas avoir plus de droit que leur ven
deur, et ne peuvent pas être admis à prouver contre et
au delà de leur titre.
L e témoin ajoute qu’il a joui constamment et libre
ment, soit de la prise d’eau, soitdu droit d’enlrée dans
le p a re, si ce n’est qu’une fois ses fermiers du pré du
R e v iv re , qu’il nom me, vinrent lui dire que le sieur
Desaulnats vouloit leur couper l’eau ; que d’abord il n’en
voulut rien croire; qu’il renvoya ses fermiers, en leur
assurant qu’ils s’étoient trompés; mais que les fermiers
étant revenus une seconde fois se plaindre de ce que les
menaces leur étoient réitérées, le déposant crut devoir
en écriie au sieur Desaulnats, qui lui répondit par une
lettre du 20 septembre 1786, qu’il a remise à l’arbitre
pour être jointe à sa déposition, et dont le sieur Desaul
nats ne craint pas la lecture.
Les propriétaires du pré du R evivre étoient donc trou
blés, d’après le témoin , en 1786; et si le sieur Desaulnats
les troubloit, il n’épargnoit pas davantage le proprié
taire du,moulin du Breuil; ce qui revient à ce que Debas
dit dans son m ém oire, page 2 , qu’après la mort du
sieur D em allet, la paix qui avoit régné jusqu’alors ne
tarda pas à être troublée par le nouveau venu, impérieux
et irascible à l’excès.
O r , depuis i j 56 jusqu’en 1786, date du trouble, il
tie se seroit pas écoulé un temps suffisant à prescrire.
Le sieur Demallet est mort le 8 août 178 4, et il faut
déduire trois années de sa m inorité, n’ayant été majeur
que le 2 mai 1759.
F 2
�( 44 0
On ne suivra point sé]5àilémen t la déposition de chacun
des témoins entendus‘¿t’la requête de Debas, au nombre
de trente-deux. Il faut'cependant dire un mot sur celle
de Chanaboux, vingtième témoin,• également reproché,
dont Debàs a transcrit avec complaisance la déposition,
page 56 de son mémoire.'
;
Ce témoin , âgé de soixarite-deux ans , se rappelle
qu’il vit , à quatorze ou quinze ans , lé meunier du
Breuil entrer par là'p etite porte qu’il ouvrit, et alla
travailler vers la grille de l’étang, pour le ménagement
des eaux de son moulin.,r Et on a eu soin d’écrire ce
mot ménagement en caractères italiques.
.
j
■
Il ajoute qu'il y a trois ou quatre ans, étant allé au
moulin du B reu il, il trouva que par un accident qu’on
prétendoit môme n’être pas naturel, les eaux n’arrivoient
pas au moulin en volume suffisant, parce qu’elles s’échappoicot par une large brèche, qui s’étoit faite'à la chaus
sée; que Robert Debas, père de Jean, l’engagea à venir
avec lu i, pour réparer cette ;brèche ; qu’ils y entrèrent
par la petite porte que Debas ouvrit avec sa.clef;' qub
là ils transportèrent plus de deux cliars'- deonottes prises
dans Tenclos, sur la brèche delà chaussée ',.qiûils prirent
aussi des broussailles, et q iiils parvinrent'ainsi1à con
tenir Veau.
’
E t le défenseur de Debas s’écrie : Est-ce là un ouvrage
de main d’homme?’ ; ;
i
.
Ce tém oin, pour trop dire, prouve la fausseté de sa
déposition.
1
:
11 y avoit une large brèche, au point qu’il a fallu
plus de deux chars de mottes et de broussailles pour la
�( 4 5 )
fermer. Ce pouvoit bien être un remède provisoire ; ces
mottes et ces broussailles pou voient bien contenir l’eau
provisoirement, mais ce ne pouvoit être pour long-temps.
Il auroit fallu bientôt réparer avec des matériaux plus
solides. Qu’on prouve que le sieur Desaulnats, ou Debas,
aient fa it, depuis l’époque dont parle le témoin , des
réparations ù la chaussée; ou , si l’on veut qu’ il n’ait pas
été besoin d’autre réparation, que ces mottes et ces-brous
sailles aient suffi; la chaussée existe encore; les mottes
et les broussailles doivent exister à la place où on les
a posées. Qu’on les y trouve.
Comment ce témoin ose-t-il déposer d’un fait que
Debas lui-même n’a pas articulé ?
A u surplus, il parle d’un fait de trois ou quatre a n s ,
qui par conséquent auroit eu lieu depuis l’instance.
Aucun autre témoin ne parle de réparations faites par
Debas. ou ses consorts à la digue, ni qu’ils y aient jamais
contribué. "
,
B eraud, trente-troisième et dernier témoin , dit qu’il
a vu réparer l’étang; qu’alors l’eau étoit détournée par
une grande rase; mais ne dit pas par qui l’étang a été
réparé.. \
.
.■
Tous les autres témoins dont Debas a recueilli avec
soin le tém oignage, disent que les meuniers du Breuil
entroient librement dans l’enclos, la nuit, le jour, plu
sieurs fois par jour, plus de deux cents fois, si l’on veut,
Pour nettoyer la grille , pour dégorger les immondices
qui s’y arrétoient.
?
^ est à quoi se réduisent leurs dépositions,
k e vingt - deuxième tém o in , dont on a également
�transcrit en partie le témoignage, dit aussi : P o u r aller
dégorger la grille de Tétang, et en retirer les herbes et
autres immondices que les eaux ou le vent portoient
contre cette grille.
E t maintenant un pareil acte , un acte qui étoit autant
pour l’intérêt du sieur Desaulnats que pour l’intérêt du
meunier, puisqu’il tendoit à empêcher les eaux de refluer
dans l’enclos; un acte auquel il n’avoit par conséquent
pas d’intérêt de s’opposer, peut-il être considéré comme
un acte possessoire, un acte attributif de servitude ?
Qu’est-ce qu’une servitude? C ’est un droit en faveur
de celui à qui elle est d u e , au détriment de celui qui
la doit. L e mot de servitude l’indique assez.
Il faut que celui contre lequel on réclame la servitude
ait intérêt de contredire ; il faut avoir fait des actes au
■préjudice du propriétaire; il faut conduire l’eau contre
sa volonté. Si on ne fait que profiter de l’eau à son cours
naturel, ou au cours que le propriétaire de l’héritage lui
donne, il n’y a point de possession.
C’est ce qu’enseigne encore Dumoulin. E tia m si, dit-il,
per teinpus immémoriale aqua sic flu xisset ad dominuni
7/iolendini ù fe r io r is, non censetur labi jure servitutis
sed merè fa cu lta tis ,• s i dominus inferior n ih il f e c it
’ in fun do superiori ut aqua sic f l u a t . . . . ideo prœsup~
■ponendum quod iste in fundo superiori domino sciente
et patiente et jure serçitutisJecit et ditxit ri\ntm, tamen
quasi possessio serçitutis aquee ductus non incipit antequam de fa c t o jure serçitutis fia t riçus per quern aqua
ducitur. •
i l faut avoir fait un acte pour que l’eau coule de telle
�w y '
_ ( 47 )
m anière, ut aqua s i c , c’est-à-d ire, non aliter fluat.
Et cet acte, par qui d o it-il être fait? Est-ce par le pro
priétaire de l’héritage qu’on veut asservir? Non sans doute,
c’est par celui qui prétend la servitude.
Gœpola et D u val, D e rebus dubiis, disent également
qu’on est censé percevoir l’eau, ju rcfa m ilia rita tis, toutes
les fois qu’il n’intervient point un fait de l’homme, qucindo
non intervenit factum hominis ; ce qui doit s’entendre
de celui qui réclame la servitude. E t, en effet, il seroit
absurde de se faire un titre contre le propriétaire de
l’héritage, des ouvrages et constructions qu’il a faits pour
son utilité ou pour ses plaisirs.
.L ’article 642 du Gode civil porte « que la prescrip« tion dans ce cas ( à l’égard du propriétaire de l’héri« tage où naît la source ) ne peut s’acquérir que par une
K jouissance non interrompue pendant l’espace de trente
annees, à compter du moment où le propriétaire du
« fonds inférieur a fait et terminé des ouvrages appnrens
a destinés à faciliter la chute et le cours de l’eau dans
« sa propriété. » .. .
Des ouvrages apparens.
. m './jj.)
J Des ouvrages qui annoncent la servitude; qui soient
c°rtnne une déclaration de! guerrè'; qui avertissent les
Propriétaires du droit qu’on veut s’attribuer; qui les avert
issent qu’on entend prendre l’eau, non à titre de fami*liariiéj mais à titre de servitude.
! 1 - y
Des ouvrages qui soient un monument de la servitude.
Ce n’est pas une preuve testimoniale que.la loi veut;
c Cst une preuve en quelque sorte écrite par des ouvrages
toujours existons.
r
<
r
■
^
�(
4
8
)
L a servitude de prise d’eau est une servitude continue ;
s i non a ctu , saltem habitù. Il faut des ouvrages qui
soient comme un fait continuel de l’homme.
■
L e fait fugitif, le fait passager et à longs intervalles
du neitoyement de la grille, peut-il suppléer ces signes
apparens qui revendiquent perpétuellement la servitude
en faveur du.propriétairc de l’héritage servant ?
Qu’on ne pense pas que l’article 642 du Code a in
troduit un droit nouveau ; il ne fait que confirmer et: déve
lopper les anciens principes.
D um oulin, dans le passage qu’on a cité ^»n’attribue éga
lement la servitude qu’autant qu’il y a ouvrage de main
d’homme. Lai servitûde, d it-il, ne commence à courir,
en faveur de celui' qui là> prétend; que du jour qu’il a
pratiqué fossé ou canal pour conduire l’eau dans sa pro
priété ; et il ne fait pas .d’expeption pour les moulins,
puisque Îe cas pour leq u el'il consulte est précisément
dans 1^ cas d’un moulin inférieur.
>'■
1 "
a: Celui qui a une source dans l’héritage,:peut j dit Dunod,
la retenir ou la conduire ailleurs pour son utilité, quoi
qu’elle ait coulé de temps immémorial dans ceux des
voisins, et qu’ils s’en soit servis, à moins qu’elle n’y> ait
coulé par un droit-de ¡servitude prouvé par des actes,
ou parce que les voisins auroiènt fait un1,canal dans le
fonds dans lequel la source naît, pour en conduire l’eau
dans les leurs.
.-»¡,!:ii ;v..- • :)
i ' . -i:
C’étoient1donc les anciens ’principes*
,1
« I l faut d’abord,idit l’auteur des Pandectes françaises^
« sur cet article 642, que ces ouvrages soient tels, q u ’ils
« annoncent le droit et l’intention de recevoir les'oaux
« comme
�;r
( 4 9 ),
« comme propriété ; telle seroit la coupure d’une hau« teur, la construction d’un canal et autres ouvrages de
« cette espèce.
■
« L e nettoyement ou curage du lit, et autres opéra« lions qui n’annonceroient que l’intention d’écarter les
« iuconvéniens du passage de l’eau, n’auroieut point cet
« effet.
« Il faut que ces ouvrages soient apparens, c’est-à-dire,
« tels que le propriétaire du fonds supérieur d’où vien« nent les eaux, n’ait pu en ig n o rer, ni l’entreprise,
« n i l’objet.
« Il y a un cas, continue-t-il, quoique la loi n’en parle
« p oin t, où la prescription peut courir et s’accomplir
« sans qu’il y ait eu aucun ouvrage fait ; c’est celui où
« il y a eu contradiction. Mais ici il n’y a point eu
« contradiction. »
La loi exige des ouvrages apparens; elle n’admet la
prescription qu’en ce cas : hors le cas elle lu rejette.
L ’article d it, ne -peut.
Et cet article, encore une fois, n’introduit point une
jurisprudence nouvelle; il ne fait que confirmer celle
précédemment formée par les arrêts et l’opinion des'
auteurs.
;
Cum sit duriin i, dit la loi rom aine, et crudelitati
proxim um ex tuis prœdiis aquœ agrnen orturn sitientibus agris tu is, ad aliorum usurn vicinorurn injuria
propagari.
Il ne suffît pas d’être entré dans l’héritage, il faut avoir
fait des ouvrages apparens.
!
G
�( 5o )
Et voilà la réponse au grand argument de la porte
et de la clef.
r
,
Debas et consorts sont entrés, si l’on veut, par la porte;
ils ont eu une clef; ils sont entrés la n uit, le jour; mais
ont-ils fait des ouvrages apparens? ont-ils détourné l’eau
contre le gré du propriétaire?
Ont-ils même entretenu les ouvrages du propriétaire?
On ne peut prescrire au delà de ce qu’on a possédé!
Qu’ont-ils prouvé ? qu’ils sont entrés par la' porte. Eh
bien! ils auront prescrit le vain droit d’entrer par la porte.
Mais ont-ils prescrit le droit d’empêcher le .propriétaire
d’agir comme bon lui semble, le droit de le contraindre
à entretenir à gros frais des ouvrages considérables.
I,es servitudes consistent dans la patience du proprié
taire du fonds servant , qui souffre que le propriétaire
du fonds dominant fasse telle chose, in patientia dcn v n i prtiedii servientis; elles consistent encore daiis l’in
terdiction de faire, telle que celle ne luminibus offi
ciât ur.
Mais ici Debas ne se borne pas là ; il veut que le pro
priétaire du fonds servant agisse, qu’il sorte des deniers
de sa poche.
,
Conçoit-on qu’on puisse acquérir par prescription un
pareil droit? fl,
*
1 :
. Pour contraindre le propriétaire du fond servant à
agir, à construire, à faire des ouvrages, à faire autre chose
que prêter patience, ne faut-il pas un titre, et un titre
•bien exprès ?
: ;
I
Cette porte est rappelée dans le procès verbal de prise
�( 5i )
de possession, de 1709 ; sa destination est indiquée. Il est
dit : Petite porte qui conduit à Saint-Genest.
Il est ajouté que le pont qui conduit de l ’étang à ladite
porte doit être réparé.
Si la porte et le pont avoient été pour le meunier,
n’auroit-il pas agi, dès avant le procès verbal de prise de
possession, pour contraindre le propriétaire à les réparer?
A u ro it-il souffert qu’un pont où il étoit obligé de passer
le jo u r , la n u it, demeurât dans cet état de dégradation,
au risque de se précipiter et de périr dans l’étang?
N ’a u ro it-il pas formé opposition au procès verbal de
prise de possession, pour la conservation de son droit ?
Cette porte est placée à l’angle oriental, aboutissant
précisément au chemin public qui conduit à l’église et an
village de Saint-Genest ; ce qui démontre qu’elle avoit été
pratiquée pour la commodité du propriétaire de SaintGenest pour se rendre i\ l’église.
Si elle avoit été pratiquée pour le m eunier, n’est-il pas
sensible qu’on l’auroit placée plus haut, plus à sa portée,
là où il n’y auroit pas eu de pont à faire.
A -t-il contribué à l’entretien de la porte et du pont ?
L e sieur de Tournoëlle auroit-il négligé d’en fairemention dans le bail de 1766, pour assurer d’autant son droit,
pour pouvoir l’établir un jour par des énonciations ?
Après le déguerpissement de Pargues, en 1756, il a été
fait un procès verbal de l’état du moulin. Ce procès verbal
descriptif de l’état du m oulin, et de ce que le meunier
déguerpissant devoit rendre, a dû aussi faire mention de
la clef qu’il devoit remettre.
G 2
�.
(.
5
2
}
Si Debas avoit eu primitivement droit à la prise d’eau,
auroit-il souffert que l e sieur D esaulnats l’obstruât ? se
seroit-il assujéti à aller le jour, la n u it, deux cents fo is
par jo u r , dégorger la grille?
Il appelle cette p o rte, porte de surveillance! 11 en
troit pour le gouvernement des eaux ! Voilà de grands
mots. Ce gouvernement se réduisoit à nettoyer les or
dures , les mauvaises herbes qui s’attachoient à la grille
de l’étang.
En cela il faisoit un ouvrage utile ù l’un et à l’aulre.
Mais cette grille môme prouve que le souverain n’étoit
pas le meunier ; que c’étoit le sieur Desaulnats.
Il entroit! il avoit une clef pour entrer ! ce n’est pas ce
qui constitue aux yeux de la loi indubitablement une
servitude. L e sieur Demallet pouvoit la.lui avoir donnée
par condescendance, h titre de bon voisinnge; il pouvoit
la lui avoir donnée parce que c’étoit autant son avantage
que celui du meunier. Ce n’est pas ce qui suffit aux yeux
de la l o i, ce que la loi veut.
Elle v e u t, d’accord avec la jurispi’udencc ancienne, des
signes caractérisques et non équivoques de servitude,
des signes en vue de la servitude, des signes qu’on ne
puisse interpréter différemment, des ouvrages apparens,
qui soient en perpétuel témoignage de la servitude, qui
n’aient eu pour objet que la servitude.
tlo rs ce cas elle rejette toute prescription; o u , pour
mieux d ire , elle n’admet p o in t, en celte matière, de
prescription r puisqu’elle veut absolument un titre précis,
ou un titre muet»
�*)L\
( 5 3 ).
C’est un privilège que la loi donne au propriétaire
de l’héritage où naît la source, ou plutôt c’est une suite
de son droit de propriété, parce que toute servitude est
odieuse ; parce qu’avant de s’occuper de l’intérêt du pro
priétaire in férieu r, il faut s’occuper de celui du pro
priétaire du fonds supérieur, duquel fonds l’eau fait
partie, cujus f u n d i aqua pars est.
En se résumant. Debas n’a ni titre, ni apparence de
titre.
Pas la plus légère énonciation dans tous les actes ,
depuis 1454 jusques et compris 1766, soit dans les actes
des m euniers, soit dans ceux du pré du R e v iv re , soit
dans ceux du sieur de Tournoëlle dont ou n’auroit pas
Manqué de l’aider , soit dans ceux du sieur Desaulnats
et de ses auteurs, malgré les différentes mutations.
L e moulin existoit en 1454 ; l’étang et le inur de
l’enclos n’ont été construits qu’en 1681 : ils n’ont donc
pas été construits pour le moulin.
L e dégorgoir de l’étan g, quelque ancien qu’il f û t ,
n’a pas été regardé comme un titre dans l’arrêt du baron
^ V it r i, parce que c’étoit l’ouvrage du propriétaire : il
en est de même de tous les autres ouvrages que le pro
priétaire fait pour lui. Les agages sont en dehors.
I l ri*a pas articulé avoir contribué au x constructions
aux réparations ,* si peu a rticu lé, que^ce f a i t n'est
Point parm i ceux dont le jugement interlocutoire or
donne la preuve.
Il n’a point de possession»
�( 54 )
Comment donc o se -t-il crier qu’on le dépouille! s
Est-ce une vexation de la part du sieur Desanluats,
de défendre sa propriété , ; de résister à rétablissement
d’une servitude qu’il ne'doit pas? . . .V'.; On s’arrête.
Debas se plaint , non de ce.que le sieur Desanlnats
a détourné les eaux de leur cours naturel, mais de ce
qu’il les rend à leur cours naturel.
•
t
Il se plaint, non d’être privé entièrement d’eau, non
d’avoir un moindre volum e,'mais de ce que l’eau aura une
moindre élévation, de ce que son moulin aura moins
d’activité.
’ 'rr
Seroi t-il entièrement privé d’eau, la loi arrête ses plaintes
par cette belle réponse du jurisconsulte, en la fameuse loi
P rocu lu s, au dig. D e darnno infecta, qui consacre de plus
en plus la préférence qui doit être donnée au propriétaire:
M ultum interesse utrum quis darnnum fuciàt, an htero,
quod cidhuc Ja ciebat, uti prohibeatur j qu'il y a grande
différence entre porter une p erte, et priver d’un gain
q u o n ja is o it; le gain du propriétaire étant préférable,
et personne n’étant obligé par la loi d’être utile h son
voisin , mais seulement de ne pas lui nuire. Nem o ullâ
actione cogi potest ut vicino prosit, sed ne noceat. L oi
2 , au dig. D e aqua et aqua pluviœ arcendœ.
Si en fouillant dans mon héritage , je détourne la
source de la fontaine qui étoit sur le Vôtre, quelque
dommage que cela vous apporte -, ¡soit que vos prairies
en demeui’ent désséchées et stériles, ou bien que vos
canaux et jets d’eau en soient ruinés, votis n’avez point
néanmoins d’action pour me forcer à remettre les choses '
�( 55 )
au premier état. L oi i re. §. D enique M arcellus, au
même titre.
Si je coupe les veines du puits que vous avez dans votre
maison, quelque commode qu’il soit pour votre ménage,
Vous n’êtes pas reçu à vous plaindre du dommage que
je vous ai causé. L o i Flum inum 24, par item videarnus,
au dig. D e danino iirfecto. j
JDanmum enim non infert q u i in suo jure suo utitur.
T e l est le droit de propriété.
E t il n’y a point d’exception pour les moulins. ( Merlin,
au mot cours d'eau, dans le Nouveau répertoire de juris
prudence, ouvrage qui vient de paroître. )
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Me. P A G È S - M E I M A C , avocat,
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■¿a. CE qu’i l PLAISE au. trib un alrepren an t et augmen
tant les conclusions.précédemment.' imprimées , donner
°cte au sieur Desaulnats de?,l’avèu. fait, par De bas et con®01’ts, dans le compromis,'quietleseàuxdont ils^igit naissent
dans l’enclos; donner acte :pareillement'de l’aveu ¡par
eilx fait dans le mémoire -imprimé page 5 , que la
Pente du terrain, et par conséquent lé coursjnaturel, aurqit
Conduit l’eau à l ’endroit; vie elle passe aitjüurd'hui ; d’où
�( 5 6 }
il suit que le sieur Desaulnats n’a'fait que remettre les
choses dans le môme état naturel.
Ayant égard auxdits aveux ;
Ayant égai’d au rapport de Cailhe et au bail de 1766 ;
Ayant égard à ce qui résulte du rapport même de
L e g a y;
i°. Que le grand et le petit bassin ne font qu’une seule
et même source ;
20. Que l’étang et la chaussée n’ont été construits que
depuis 1681 ;
30. Qu’il n’existe aucuns vestiges d’un ancien prétendu
béai ( vestiges qui seroient d’autant plus sensibles, qu’il
n’auroit pu exister sans une forte chaussée en pierres, ou
autres matériaux solides, et sans des encaissemens en
pierres , dans de tels cloaques, soit pour rehausser l’eau ,
soit pour lui donner un cours unifoi’me. Rapport de
C ailhe, page 22 );
40. Que la rase dé la yërgniere ri’est point dans la di
rection du moulin de Saint-Genest; qu’elle est supérieure
de dix pouces au bas des roues du moulin.
Sans s’arrêter ni avoir égard aux dépositions des té
moins entendus à la requête de Debas et consorts, qui
ont été reprochés, lesquelles dépositions ne seront point
lu es, ou en tout cas rejetées;
Sans s’arrêter pareillement ni avoir égard au surplus
de l’enquête dudit Debas et consorts ;
E t par les autres motifs énoncés dans les conclusions
précédemment imprimées-, :
'j j'-( ; \iv:' Déclarer ledit Jean Debas purement et simplement non
recevable
�( 57 )
recevable dans toutes ses demandes; subsidiairefneiit l’eil
débouter.
Faisant droit sur la demande incidente du sieur Desaul
nats,
Attendu que Jean Debas a rétréci le lit du ruisseau
de Sàint-Genest, donné pour confin, par le bail de 1756 $
aux appartenances de son moulin ; qu’il l’a même comblé
en partie; que par cette voie de fait il a obstrué le côurs
naturel des eaux formant ledit ruisseau de Saint-Genest,
et occasionné l’inondation du chemin ;
L e condamner à rendre au lit du ruisseau l’ancienne
largeur et profondeur, ou lui donner une largeur et
profondeur convenable pour ledit écoulem ent, et c e ,
dans tel délai qu’il plaira au tribunal fixer; sinon et faute
de ce faire dans ledit délai, autoriser le sieur Desaulnats
à le faire faire aux dépens dudit D ebas, desquels il sera
rembour se sur la simple quittance des ouvriers;
C o n d a m n e r ledit Debas en 3000 francs de do mmage s
et intérêts, résultans des obstacles par lui apportés à
l’amélioration des propriétés du sieur Desaulnats.
Faisant droit sur l’intervention de Julien et consorts,
les déclarer également non recevables dans leurs de
mandes , faits et conclusions ; subsidiairement les en
débouter ;
Ordonner que le mémoire imprimé et distribué, sous
le nom de Debas et consorts, signé par M e. ViSSAC,
avocat, et B.OUHER, avoué; le mémoire signifié sous le
nom de Debas seul, signé M e. RoüHER, avec ces mots
scripsi, V is s a c , seront et demeureront supprimés,
comme diffamàns et calomnieux; condamner ledit D e-
�>-*
( 58 )
bas, Julien et consorts, solidairement, en 1000 fr. de
dommages et intérêts, applicables, du consentement du
sieur Desaulnats aux hospices de cette ville; ordonner
que le jugement à intervenir sera imprimé et affiché au
nombre de deux cents exemplaires, et sauf au ministère
public à prendre, pour la répression de tels excès, telles.
Conclusions qu’il avisera bon ê tre
:
■ Condamner Jean Debas, et Julien, et consorts, cha
cun à leur égard, en tous les dépens:
Sans préjudice d’autres droits, voies et actions.
S
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N E IR O N -D E SA U LN A T S.
M e. D E F A Y E , avoué, licencié.
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de l'im prim erie de Thibaud - Landriot , im prim eur
de la C our d’appel. — Janvier. 1808.
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
[Factum. Neiron-Desaulnats, Joseph. 1808]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Pagès-Meimac
Neiron-Desaulnats
Defaye
Subject
The topic of the resource
jouissance des eaux
servitude
canal
prises d'eau
aqueducs
moulins
irrigation
salubrité
experts
fontaines
étangs
asséchements
génie civil
témoins
rases
ventes de Justice
droit de Justice
Tournoël (seigneur de)
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire pour Joseph Neiron-Desaulnats, défendeur et demandeur ; contre Jean Debas et consorts, demandeurs, intervenans et défendeurs.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Imprimerie de Thibaud Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1808
1804-1808
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
58 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2908
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2829
BCU_Factums_G2901
BCU_Factums_G2922
BCU_Factums_G2921
BCU_Factums_G2920
BCU_Factums_G2918
BCU_Factums_G2917
BCU_Factums_G2916
BCU_Factums_G2915
BCU_Factums_G2914
BCU_Factums_G2913
BCU_Factums_G2912
BCU_Factums_G2911
BCU_Factums_G2910
BCU_Factums_G2909
BCU_Factums_G2902
BCU_Factums_G2903
BCU_Factums_G2904
BCU_Factums_G2905
BCU_Factums_G2906
BCU_Factums_G2907
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53594/BCU_Factums_G2908.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Riom (63300)
Malauzat (63203)
Enval (63150)
Saint-Hippolyte (ancienne commune de)
Châtel-Guyon (63103)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
aqueducs
asséchements
canal
droit de Justice
étangs
experts
fontaines
génie civil
irrigation
Jouissance des eaux
moulins
prises d'eau
rases
salubrité
servitude
témoins
Tournoël (seigneur de)
ventes de Justice
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53597/BCU_Factums_G2911.pdf
8508ca9d2f1997f7e384a9a312c7bdd4
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Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Jugement.Neiron-Desaulnats 1808]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Subject
The topic of the resource
jouissance des eaux
servitude
canal
prises d'eau
aqueducs
moulins
irrigation
salubrité
experts
fontaines
étangs
asséchements
génie civil
témoins
rases
ventes de Justice
droit de Justice
Tournoël (seigneur de)
coutume d'Auvergne
diffamation
Description
An account of the resource
Titre complet : 16 mars 1808. Jugement Mr de Parade, président du Tribunal. [Retranscription manuscrite du jugement]
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1808
1804-1808
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
9 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2911
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2829
BCU_Factums_G2901
BCU_Factums_G2922
BCU_Factums_G2921
BCU_Factums_G2920
BCU_Factums_G2918
BCU_Factums_G2917
BCU_Factums_G2916
BCU_Factums_G2915
BCU_Factums_G2914
BCU_Factums_G2913
BCU_Factums_G2912
BCU_Factums_G2910
BCU_Factums_G2909
BCU_Factums_G2908
BCU_Factums_G2902
BCU_Factums_G2903
BCU_Factums_G2904
BCU_Factums_G2905
BCU_Factums_G2906
BCU_Factums_G2907
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53597/BCU_Factums_G2911.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Riom (63300)
Malauzat (63203)
Enval (63150)
Saint-Hippolyte (ancienne commune de)
Châtel-Guyon (63103)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
aqueducs
asséchements
canal
coutume d'Auvergne
diffamation
droit de Justice
étangs
experts
fontaines
génie civil
irrigation
Jouissance des eaux
moulins
prises d'eau
rases
salubrité
servitude
témoins
Tournoël (seigneur de)
ventes de Justice
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https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/5/53749/BCU_Factums_M0301.pdf
2931f6f0bfea94e5a91c13256cdfc16f
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COUR
P
R
E
C
I
S
POUR
.Vingt-huit habitans de la commune d’Aurière,
intimés ;
C O N T R E
Le sieur G U I L L A U M A N C H E D U
B O S C A G E appelant.
,
L e sieur du Boscage fit assigner, en 1 7 9 1 , un grand
nombre d’individus de la commune d’A u riè r e , pour lui
p a y e r , comme détenteurs d’immeubles non confinés La
percière à la cinquième g e r b e , due à sa terre d’Aurière.
L e 12 pluviôse an 10, il a donné vingt-huit assigna
tions à v i n g t - h uit de ces individus, pour reprendre la
demande de 1791 et alors il a notifié trois reconnoissances ; la prem ière, du 1 5 juin 1 7 9 1 , consentie par
A
D ’APPEL
DE RIOM.
2®. SECTION.
�(2 )
M az ue l , Beau fils, R igaud, Blanchet, ï o u r n i e r , Ratat,
Giraud , Ruffiat - M i g n o t , O llie r, Randane et Batifol;
la deuxièm e, du i 5 juin 1 7 7 3 , par Gabriè'lle L o u rd o n ,
et Bertrand Chabosson, son m ari; la troisième, du i 5
juin 1 7 7 1 , par le même Chabosson, tant en son nom
que comme.mari, par M eynial, M ign ot, G iraud, F ournier , Blan ch et, B a tifo l, Randane , Cohade , M a z u e l,
Brousse et Dauphin.
1
»
Comme ces copies ne contiennent pas les principales
expressions féodales dont lesdits titres sont entachés , il
est absolument nécessaire de mettre sous les yeux de la
cour les principales clauses de ces actes, telles qu’elles
èxistent sur le terrier même du sieur du Boscage, intitulé :
T errier des cens , d r o its, redevances , p restation s, et
autî'es droits seigneuriaux dûs à la terre et baronnie
d?A tir ie r e , etc.
"
36e. R e c o n n o i s s a n c e . « Par - devant les notaires
« commis au renouvellement du présent terrier, ont été
cc présens François M azuel, François Beaufils, etc., les
ee quels ont reconnu et confessé a v o ir , tenir, porter et
a posséder, eu x et leurs prédécesseurs, avoir tenu et
« porté de la ju stice h a u te, moyenne et basse de tres« haut, etc., M . de Chabanes de Curten.........et ce à
« cause de sa terre et baronnie cVAurière , savoir,
« art. I er. , etc. ( Onze-articles contenant les confins des
« héritages. )
« Toutes lesdites terres u la perd ère dudit seigneur,
(f à raison de la cinquième gerbe ou de la cinquième
« partie des fruits ; laquelle percière sera perçue dans
n lestjites terres et autour du plongeon, etc., et conduite
�(3 )
aux frais desdits cultivateurs dans la grange dudit seigneur. A ce faire, ainsi qu’à cultiver les terres toutes
et quantes fois elles pourront l’ê t r e , lesdits confessans
ont obligé leurs biens présens et à venir, et p a r exprès
lesdites terres et les fruits qui s’y recueilleront. Fait
el passé à A u r iè r e , etc., i 5 juin 1771 , etc. »
4 5 e. R e c 0N N 0ISSAN CE. ce P ar-d eva n t, etc., o n t é té
« présens dame Gabriêlle, L o u r d o n , et M . Bertrand
-« Chabosson, etc-., a de gré reconnu tenir, porter, etc.,
« cîe tout temps et ancienneté, du ce n s, cens'we et di« recte seigneurie, ju stice h a u te, moyenne et basse de
« très-haut, etc., de C liabanes-C urton, à cause de sa
«.terre et baronnie d?A u rière, les héritages qui sui« vent, etc. : A rt. i er. , etc. (S u iven t quatre-vingt-neuf
« articles d’immeubles , dont plusieurs ont un cens
« spécifié.
« A rt. 90. Reconnoit eiî outre ladite dame..... tenir
« de la. percière et directe dudit seigneur, les terres ci« , après confinées ( Suivent quatre articles d’immeubles. ),
« qui sont toutes les terres sujettes à la p e rciè re , sauf
« celles reconnues dans la percière gén éra le, et dans
« lesquelles ils promettent payer audit seigneur la per« cière à raison de la cinquième..... , etc. ( Clause comme
« ci-dessus.) Fait et passé, etc., i 5 juin 1 7 7 3 , etc. »
44e. R e c o n n a i s s a n c e . « P a r-d e v a n t, e tc ., ont été
« présens Me. Bertrand Ghabossori, etc., lesquels faisant
«
«
«
«
«
«
« tant pour eu x que pour les autres habitàns d ’A lix
cc rière , après avoir pris communication des anciens
« titres, terriers., lièves de la terre et seigneurie d’A u «. r iè r e , ont reconnu et confessé en faveur de très**
A 2
�(4 )
haut, etc., et ce , à cause de sa dite terre et baronnie
cCAurière et membres en dépendans, savoir, i°. que
ledit seigneur, en sa qualité de baron d’A u r ière, est
seigneur h a u t , bas et moyen ju s ticier, propriétaire
utile, direct et possesseurdes- 'terres et ténemens ciaprès, lesquels consistent en ceux qui suivent (Suivent
six ténemens de 321 septérées.); dans lesquels téne
mens lesdits habitans sont en usage, par la concession
précaire dudit seigneur, de faire des défrichemens,
en lui payant la cinquième partie de l ous les fruits
qu’ils y recueillent, franche de dîme ; laquelle partie
ils ont promis payer audit seigneur, autour des plon
geons, lesquels ne pourront être charriés qu’après La
perception de la cinquièm e partie revenante audit
seigneur, et qu’elle aura été conduite aux dépens du
c o lo n , dans la grange dudit seigneur , à A urière ;
2°. qu’il est haut ju sticier...a droit de guet et garde...;
d’instituer des officiers pour l’administration de la
justice... ; q u ’il a tous les droits seigneuriaux... - est
patron de l’église dudit lieu... ; a droit de tabellionage
et sceau aux contrats; 30. qu’il a droit de banvin...;
40. qu’il a droit de b a n a lité, et que les habitans sont
obligés de faire cuire tout leur pain... ; de fournir
chacun le bois et paille p o u r,la cuisson.,.; et outre
ce, de payer au fermier le droit qu’il est en usage de
percevoir; 5 °. que ledit seigneur a droit de guet fixé
à 5 sous, payé par chaque habitant, au jour de St.J u lien , et outre c e , sont tous les habitans tenus de
comparoir aux assises; 6°. qu’enfin, ledit seigneur a
droit de corvée, ch a rrois, bohades et m anœ uvres.,..
�(5 )
«
«
«
«
A l’exécution ont obligé........., sans préjudice audil
seigneur a u x autres droits réels et seig n eu ria u x, si
aucun il en a, à l’égard desdits habitans. Fait et passé
le i 5 juin 1 7 7 1 , etc. »
C ’est en vertu de ces trois reconnaissances choisies
dans son terrier, parmi un grand nombre d’autres reconnoissances plus féodales encore, s’il est possible, que
le sieur du Boscage avoit assigné au tribunal de Clermont.
Les défendeurs se contentèrent de dire que la demande
étoit nulle, parce qu’aucun des vingt-huit exploits ne
contenoit la désignation précise des immeubles pour les
quels chacun avoit été assigné : ils ajoutèrent que l’action
étoit éteinte.
Par jugement du 30 août 1806, le tribunal de Clermont , sans s’arrêter au moyen de form e, a jugé que le
droit de percière réclamé d’une manière aussi vo gu e,
par le sieur du Boscage, étoit féodal, et supprimé comme
tel.
L e sieur du Boscage a interjeté appel de ce jugement.
Tous ses griefs consistent à dire que la percière étoit
séparée de la directe , et que dans un pays allodial,
toute percière étoit nécessairement f o n c i è r e , quand il
n’y avoit pas retenue de la directe dans la concession
perciérale;
Sans doute dans lin pays allodial, un cliampart ou
percière n’est pas féodale de "plein droit j mais quand
elle appartient à un seigneur de fief, quand il la réunit
à son terrier parmi ses autres d ro its seigneuriaux, elle
�( 6 )
commence singulièrement à déroger à. la qualité allodiale.
Lorsqu’à cela se joignent des expressions précises qui
dans le titre même identifient la perrière et la d irecte,
il est difficile de croire que la percière ne soit cependant
qu’une redevance purement fon cière.
Sans doute l’Auvergne est un pays originairement
allodial ; mais cette antique tradition ne nous a été con
servée que pour mieux nous attester combien ont dû
être considérables les usurpations de la féodalité, puisqu’à peine il existoit en 1790 quelques surfaces non sujettes
à des cens ou autres droits seigneuriaux.
L e droit de percière 'introduit en A u vergn e seroit à
lui seul la preuve la plus convaincante de cette usur
pation ; car il résulte de sa définition m êm e, que quelques
seigneurs, ne voulant rien laisser d’allodial dans les parties
même les plus incultes de leurs terres, ont exigé des
reconnoissances tellement générales , qu’aucune propriété
de leur terre n’étoit épargnée.
.
Les percières , dit M . C h ab ro l, ont lieu ordinairement
pour les terrains peu fertiles.... Il y a des terres, comme
celle de Banson , où les terriers portent que tout ce qui
n’est pas reconnu spécialement en cens , appartient au
seigneur qui, en prendra la percière lors des défrichemens ; dans d’autres terres, . comme u Menât,, les per
cières sont reconnues par des titres particuliers,
Il ne faut que lire lo terrier d’A u rière, pour être con
vaincu que le cens et la percière ne laissent pus un pouce
de terre allodial,
f
Aussi le rénovateur dej 1.771, qui- a,voit sous les yeu x
les anciens terriers qu’il date',, annoncert-il dans sar pré
�(7 )
face que le cens et la percière couvrent t o u t , q u 'il rfy
a rien d 'a llo d ia l, et que tout est asservi à la seigneurie
<i’ A u rière.
Comment le révoquer en doute après toute la féodalité
que porte la 44^. reconnoissance ci-dessus ?
Les coutumes d’A u vergn e et B o urb o nnais, rédigées
dans des temps où la féodalité étoit singulièrement pro
tégée , favorisoient ou supposoient les usurpations féo
dales sur les fonds jadis allodiaux.
Car ces coutumes disoient que la première redevance
assise sur un héritage, même a llod ia l, emportoit droit
de directe seigneurie.
O n a souvent j u g é , il est v r a i , avant le décret im
périal de 1807 , que celte disposition de la coutume ne
s’appliquoit pas aux individus non seigneurs.
Mais seroit-il possible de 11e pas appliquer cette dis
position aux ci-devant seigneurs, pour toutes les rede
vances reconnues à leur profit sur des héritages situés
dans Vétendue de leur terre ?
Plaçons-nous même hors la coutume d’A u v e r g n e ,
pour savoir quand le ebampart étoit lin droit féodal.
P o t h ie r , qui a fait un traité sur le cham part, nous
enseigne en peu de mots quels étoient les principes du
droit commun sur cette question.
« Lorsque l’héritage qui est redevable du champart
« n’est chargé d’aucun cens , et que le champart est
a la première redevance dont l’héritage est c h a rg é , il
« est, en ce cas, censé avoir été retenu sur l ’héritage,
« 11011-seulement comme un droit u tile , mais encore
�(8 }
« comme un droit récog n itif de seigneurie que s’cst re«-tenu celui qui a donné l’iiéritage à ce titre; et consék quemment le ehampart est, en ce cas, un droit sei« gneurial.
« Lorsque le champart est seigneurial, il a les prcro« gatives des redevances seigneuriales......... il est im« prescriptible......... il emporte profit de ventes aux
« mutations, dans les coutumes q u i ne s’en expliquent
« pas. » ( art. i er. , §. I er. )
C ’en est assez pour se persuader qu’ une percière exigée
par un seigneur étoit une usurpation féodale , qui
presque jamais , en effet , n’étoit constatée par un titre
prim itif de concession.
L a loi du z 5 août 1792 n’a pas plus épargné le
cliampart que le ce n s, et elle ne l’a excepté , comme
toutes les redevances féodales, que lorsquil étoit dû ¿1
des particuliers non seigneurs n i possesseurs de fie fs .
E t remarquons que les lois ne se boi*nent pas à con
damner les titres lorsqu’il y a retenue expresse de la di
recte, mais lorsqu’ils sont récognitifs des droits supprimés,
les jugemens même qui en porteroient reconnoissance
ou qui les renseigneraient, les registres et cueillerets, etc.
( L o i du 17 juillet 17 9 3 , art. 6 , 8 , 9 . )
Si quelque temps ce» lois ont paru tombées en désué
tude, les décrets impériaux et les avis du conseil d’état
les ont renouvelées avec force, et 11’ont pas même permis
de séparer dans les titres déjà condamnés aux flammes,
les stipulations absolument étrangères à la féodalité.
Tels
�(9 )
Tels sont les décrets et avis des 30 pluviôse an ï i ,
2.1 fructidor an i r , 13 messidor an 1 3 , 13 avril 1807,
et 17 avril 1808.
Gomment refuser l’application de toutes ces lois qui
l’amènent à la stricte exécution de celles de 1792 et 1793 >
lorsque la lecture isolée des trois reconnoissances, choisies
parmi les plus muettes, ne laissent pas douter de la
féodalité de la percière ; lorsque surtout les autres re
connoissances du terrier, consenties par les mêmes inr
d iv id u s, achèvent- l’explication de la nature de cette
percière, qui est bien toujours la m êm e, en se.subdi
visant sur les fonds qui y étoient assujétis?
Car on n’a pas même entrepris de dire qu’il y eût à
A u rière deux espèces de p e rcière, l’une féo d a le, et
l’autre roturière.
O r , qu’on parcoure toutes les autres reconnoissances
perciérales ; elles portent avec elles la démonstration de
féodalité à. un point d’évidence qui se communiquera
à celles où le notaire, occupé d’une série/d’actes, ne
pouvoit pas toujours répéter les mêmes mots.
Les quarante-neuf premières feuilles du terrier ne
contiennent que des reconnoissances de cens : puis vien
nent des reconnoissances perciérales mêlées parmi d’autres
reconnoissances censuelles.
t
La 38e. et la 41e. reconnoissances qui sont consenties
par les assignés eux-mêmes pour d’autres héritages,
suffisent pour marquer la nature des percières de la
terre d’ Aurière.
La 38e. porte : « Tous lesdits héritages et propriétés
B
�«
«
«
«
«
«
«
«
«
«
«
«
«
«c
( IO )
à la percière accoutum ée , due audit seigneur à la
cinquième gerbe de tous les fruits qui croîtront
chaque année dans ic e u x , censuel et redituel en tous
droits de directe seigneurie, ju stice h a u te , moyenne
et basse, usage de ch ev a lier, tiers denier de lods et
ventes , et muages a cco u tu m és, toutes les fois que
les cas y adviendront ; lequel droit de percière lesdils
confessans ont promis payer et conduire à leurs
frais.... tant et si longuem ent qu’ils seront tenanciers
et propriétaires desdits héritages ; lesquels ils ne
pourront reconnoître à d’autres seigneurs, à peine de
confiscation, •comme aussi ne pourront laisser les
terres en friche plus de trois an s, à peine de perdre
la propriété , etc. »
L a quarante-unième a les mêmes clauses, à peu près
littéralement.
A p rès une explication aussi claire et étendue de la
natui'e de cette percière, dans les trente - huitième et
quarante-unième l’econnoissances, qu’étoit-il besoin que
le notaire en répétât toutes les qualités , avec un sem
blable détail, dans les reconnoissances postérieures.
Mais quand on pourroit dénaturer cette percière au
point de la croire tantôt seigneuriale et tantôt roturière
les trois actes signifiés ne laissent pas de doute qu’il n’y
ait au moins mélange de féodalité.
E t ce mélange suffit pour que le titre soit proscrit
en entier ; car, condamné aux flammes pour une por
tion quelconque de féodalité, il étoit indivisible.
Ce mélange est encore plus sensible dans la quarante-
�( 11 )
cinquième reconnoissnnce, qui est la cliartre générale
de la terre, et qui marque toute l’étendue des droits que
s’attribuoit le seigneur.
A cela le sieur du Boscage répond qu’ il faut séparer
les clauses féodales, parce que la loi n’entend par mé
lange, que lorsque c’est la même stipulation q u i porte
tout à la fois la redevance foncière et un article féodal.
C e système dtoit très en crédit , il est v r a i , avant
le 30 pluviôse an 11 ; mais la jurisprudence a rétro
gradé singulièrement depuis, comme on le voit par deux
arrêts de cassation , postérieurs à cette époque ; en voici
l’espèce :
L e 18 avril 1791 , un moulin et une terre furent
concédés par un seigneur. Il stipula un cens pour une
partie, et une rente foncière et rachetable p o u r l ’autre.
Il assigna en l’an 10 en payement de la x-ente foncière
seulement. ( Comme le sieur du Boscage, qui demande
l’art. 90 d’une reconnoissance, et abandonne le surplus. )
La cour d’appel de Paris avoit admis la demande ;
mais son arrêt fut cassé le 12 germinal an 12.
L e second arrêt est du 2 mars 1808. U n sieur Barrés,
seigneur de L a roch e, avoit concédé deux m oulins, l’un
à ven t, l’autre à eau, en 1 7 6 5 , moyennant une rente
de 8 setiers de seigle, stipulée fo n ciè r e et non autrement.
Il fut dit par une autre clause que le moulin à vent
seroit tenu censivement du fief de Laroche.
L a cour d’appel d’Angers avoit jugé la redevance
exigib le, parce qu’il est bien constant que la concession
du moulin à eau étoit toute foncière.
B a
�Cependant cet arrêt a été encore cassé, par le motif
que la clause stipulée à la suite du même a c te , faisoit
un mélange de féodalité.
L e sieur du Boscage a recours encore i\ l’arrêt de
Blanzat : mais à supposer qu’il puisse faire encore juris
prudence, il y avoit des différences notables ; car, i° . la
terre de Blanzat avoit été vendue en 177 2 , comme étant
en franc-ralleu ; 20. il n’y avoit pas une seule expression
féodale dans la,percière elle-même-, 30. les terres pcrcierales étoient confinées par les terres du fief; et ici elles
sont dans, l’enclave du fief.
P ou r citer plus à propos un arrêt de la cou r, il n’y
a, lieu" que de citer celui, rendu sous la présidence de
monsieur V e r n y , et sur les conclusions de monsieur
T o u tté e , entreles nommés Reynaud et autres, appelons,
et, la dame de Ghazeron , épouse du sieur de Fontanges,
le 9 mai 1808.
L ’acte à juger étoit ainsi conçu..... « Par-devant, ctc.,
lequel;confesse tenir et posséder à titre de terrage du
« sieur de Chazeron, seigneur des F o r g e s , à cause de
« sa seigneurie des Forges, un cliamp , etc. ; promet et
s’oblige, tant qu’ il sera possesseur d’ic e lu i, de payer
,auclit,-seigneur le droit de terrage, de sept sillons L’un,
«.en , la manière accoutumée, etc., 1618. »
L e tribunal de Moutluçon avoit condamné le détenteur
àvpayer lç terragq comme non féo d a l, en se motivant
sur l’arrêt de Blanzat, et sur ce que le.Bourbonnais étoit
alodial) com pie l’Auv.ergne,.
M a i l l a cour d’appel a infirmé ce jugement par les
moifs ci-a près :
�«
«
«
«
«
«
«
«
«
«
«
cf
«
( i3 )
« Considérant que la cession à titre de terrage, percicre ou chnm part, portée par l’acte du 23 septembre
1 6 1 8 , a été faite par le ci-devant seigneur des Forges,
et stipulée payable à cause de sa seigneurie ;
« Considérant que cet acte est récog n itif de la sei~
gneurie des F o r g e s , et qu’ indépendamment de ses
énonciations, le droit qu’il établit est seigneurial par
lui-méme , aux termes des articles 3Ô2 et 392 de la
ci-devant coutume de Bourbonnais, du sentiment de
ses commentateurs, et de la jurisprudence qui a toujours
été uniforme sur ce point ;
« Considérant que s’il s’est élevé des doutes sur la
question, ils sont tous levés par l’avis du conseil d’état,
du 7 mars dernier, respectivement aux concessions à
titre perpétuel, pour lesquelles il est décidé que les
redevances sont pleinement anéanties, si les titres sont
« consentis par des seigneurs, à cause de leur seigneurie,
« ou récognitives de la seigneurie. »
Lors de cet arrêt, si conforme à la cause actuelle, le
sieur de Fontanges avoit voulu tenter un moyen que l é
sion r du Boscage n’a pas cru lui-même proposable, et
duquel d’ailleurs la cour avoit fait justice.
Il prétendit que les tenanciers de percière n’étoientque des colons qui ne pouvoient opposer la suppression
du cens. Il se fouda sur ce que leur titre les considéroit comme simples possesseurs, les obligeoit à cul
tiver , sinon à être expulsés. Plusieurs reconnoissances
sembloient même favoriser davantage cette prétention.
Mais la cour rejeta ce système, en regardant le titre
�( H )
de 1618 comme exclusif de toute’ concession temporaire.
Et en effet, n’est-il pas de l’essence même de la percière,
que le soigneur 11’ait qu’une portion des f r u i t s , cl par
conséquent rien à prétendre à la propriété.
Ce n’est point aux expressions du titre qu’il faut s’en
tenir; car quand la féodalité les dictoit, on sait bien
qu’ il s’établissoit des nuances de loin en loin; et c’est
celte habitude dont toute la France étoit bien convaincue,
qui a peut-être contribué davantage à faire considérer les
terriers comme plus remplis d’usurpations que de con
cessions légitimes.
A v a n t la révolution , les tribunaux corrigeoient ces
usurpations par la maxime A d primordium. tttuli posterior refertur eçentus. A u jourd’hui les habitans d’A u rièrc
n’ont pas cette ressource ; car les terriers de 1 58 o n’existent
plus. Celui de 1771 , conservé par le sieur du Boscage,
ne contient aucun titre de concession , et n’en suppose
pas m ê m e , pour les percières surtout.
L e sieur du Boscage seroit-il donc plus heureux après
la loi du 17 juillet 1793, qui a ordonné de tout brûler,
qu’après la loi du 28 août 179 2 , qui maintenoit les re
devances féodales , dont le titre primitif seroit rapporté ?
Ce seroit rétrograder doublement.
Il n’a pas dit que les habitans d’A u rière ne fussent
que ses co lo n s, et qu’il fut propriétaire ,• mais quand il
le prétendx*oit, tous ses titres y résistent.
O n n’y voit pas même que jamais la propriété soit
émanée des seigneurs; au contraire, les habitans disent
avoir tenu et porté de tout temps et ancienneté du seigneur,
à cause de sa seigneurie.
�(
i 5 )
Ils obligent leurs biens présens et à venir , et par
exprès lesdites terres perciérales.
V o ilà ce que disent deux des reconnoissances signifiées :
la troisième seroit plus équivoque ; mais précisément
il ne faut que la bien lire pour voir qu’elle est, d’un
bout à l’a u tre , l’une de ces usurpations féodales que
les lois ont eu le plus à cœur de détruire, sans en laisser
de traces.
C ’est en s a qualité de seigneur haut ju sticie r , que le
sieur de Curton se fait reconnoître, p a rle corps co m m u n ,
tous les di'oits de justice que l’habitude attribuoit au
seigneur haut justicier, dans les pays où existoit la maxime
Nulle terre sans seigneur.
Car remarquons bien que non-seulement il a tous les
droits féodaux attachés à la personne ; mais ce que les
cens ne couvrent pas est couvert par la percière. L ’ensemble
du terrier l’atteste, comme l’a attesté le rénovateur.
Il n’y avoit rien d’allodial à A u ri è r e , et dès-lors le
seigneur n’a pu s’emparer des terres non censuelles sans
exception , qu’en violant les antiques et fondamentales
maximes de l’Auvergne.
Cette reconnoissance du corps commun suppose que
c’est le seigneur qui a concédé le droit de défricher, en
payant la percière : mais il n’y a rien là qui s’écarte de
la nature du contrat de percière.
P o th ie r, en son traité du champart, n’appelle cons
tamment les débiteurs de percière que les possesseurs et cependant il ne lui vient pas même en idée d’enseigner qu’ils n’ont pas la propriété dans le sens du mot
percière.
�( 16 )
Ils peuvent seulement être expulsés, s’ils ne cultivent
pas.
L a percière est une emphytéose ; et il est de l’essence
de l’emphytéose, d’être perpétuelle, toutes les fois que
l’acte n’en limite pas la durée.
Quand M . Tronchet fit un rapport, en 179 0 , au co
mité des droits féodaux , sur la locaterie perpétuelle ,
qui , dans certains pnys , est ce qu’est parmi nous la
p e rc iè re , et qui porte un nom plus favorable encore
aux seigneurs, il eut à s’occuper de beaucoup de clauses
qui dans ces sortes de contrats sembloient bien davantage
marquer la retenue de la propriété par le seigneur.
i<\ L a défense de couper des bois ; 20. la prohibition
d’aliéner, faite au locataire, ne parurent pasà M . Tronchet
des motifs suffisons de décider que l’acte n’étoit qu’une
ernphytéose temporaire, parce que la limitation du temps
n’étoit pas dans l’acle , pai-ce que l’usage le plus ancien
faisoit i*egarder ces actes comme des aliénations, et parce
que toutes ces précautions du locateur n’avoient pour
objet principal que de lui assurer le service de sa re
devance.
Ici c’est une percière , dont le nom résiste à un simple
colonage temporaire ; et la cour 11e peut pas transformer
en simple bail à ferm e, une redevance qui dure depuis
des siècles, qui ne tomboit point en arrérages, et dont
le soi-disant colon n’étoit débiteur que si on venoit la
chercher sur les lieux.
L a cour de cassation a eu à juger si l’acte ci-aprè s
conféroit la propriété; le sieur du Boscage jugera si sa
44e. reconnoissance est aussi favorable à sa prétention.
Par
�( 17 )
Par acte du 20 août 1696 , le seigneur de Saint-Côme
céda à Jean Salesse le droit d’un moulin banal et terrains
en dépendans , pour en jo u ir par fo rm e de locaterie
perpétuelle de trois en tr o is , n e u f en n eiif \ et vin g t-n euf
en vingt - n e u f ans , afin d'éviter prescription de pos
session , m oyennant une rente annuelle de 460fr a n c s .
L e seigneur prétendoit n’avoir pas perdu la p ropriété,
et avoir le droit de réclamer la redevance entière. L e
preneur soutenoit qu’étant propriétaire, il avoit le droit
de demander la réduction de la redevance pour la partie
de banalité supprimée par la loi du i 5 mars 1790.
M . le procureur- général pensa que le preneur étoit
p ro p riéta ire, et qu’il avoit droit de demander la ré
duction de la rente. L a cour de cassation, par arrêt du
7 ventôse an 12 , cassa un arrêt de Montpellier , et décida
qu’il y avoit lieu k réduction de la rente.
Cet arrêt ne donne pas de motifs sur la question de
propriété ; mais il a , par le f a it, considéré le preneur
comme p ropriétaire, en jugeant en sa faveur et en cette
qualité.
E t qu’on parcoure les arrêts de cassation qui sont
assez nombreux sur ces matières, on se convaincra qu’il
n’y a eu difficulté sur les emphytéoses tem poraires, que
lorsque le titre a marqué expx’essément une limitation
du temps que le preneur devoit jouir.
Sans cela tout le monde sait que le plus grand nombre
des emphytéoses de toute espèce ne contient pas le mot
à perpétuité. L es baux au quart des v ig n e s , ou autres
semblables, sont tous de ce genre : les clauses de cu l
ture y abondent ; et cependant les preneurs aliènent
C
�( 18)
depuis des siècles, et nul n’a songé à troubler leurs
acquéreurs, sous prétexte qu’ils n’étoient que des colons,
.E n fin comment la cour pourroit - elle juger que les
habitans d’A u r ière ne sont que des colons ? Ce seroit
dénaturer la demande du fieur du Boscage.
Il a conclu à Clermont au payem ent d’ une redevance,
et, n ’a pas demandé une propriété. V o ilà tout ce qu’ il
a présenté à juger au tribunal de Clermont. Il ne peut
donc pas, sur l’appel, changer la nature de sa demande :
et si la redevance qu’il a demandée a des caractères et
des mélanges de féodalité qu’il faudroit s’aveugler pour
ne pas v o ir, il sera certain que le tribunal de Clermont
s’est conformé aux lois, en refusant d’admettre une rede
vance que ces lois lui ordonnoient de rejeter.
M e. D E L A P C H I E R , ancien avocat.
M e. D E V È Z E ,’ avoué licencié.
R I O M , de1l’imprim erie d e T h i b a u d - L a n d r i o t , imprimeur
de la Cour d ' a p p e l . J uillet 1808.
�
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Factums Marie
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Title
A name given to the resource
[Factum, vingt-huit habitants de la commune d'Aurière. 1808]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Delapchier
Devèze
Subject
The topic of the resource
percière
droits féodaux
terriers
coutume d'Auvergne
coutume du Bourbonnais
Description
An account of the resource
Précis pour vingt-huit habitans de la commune d'Aurière, intimès ; contre le sieur Guillaumauche du Boscage, appelant.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Thibaud-Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1808
1791-1808
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
18 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0301
Source
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Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Coverage
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Aurières (63020)
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coutume d'Auvergne
coutume du Bourbonnais
droits féodaux
Percière
terriers
-
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MÉMOIRE
EN R É P O N S E
POUR
Louis BOISSIER, M a r i a n n e BOISSIER, et
le sieur CHAUV ASSAIGNE , son m ari,
M i c h e l - G a s p a r d BOISSIER , et P i e r r e
CHABRIDON , d e m an d e u rs ;
C O N T R E
Dame M a r ie - C a t h e r i n e D E R O C H E FORT
et sieur J e a n - A u g u s t i n - G u i l
laume D E F R E T A T D E C H I R A C , son
mari défendeurs.
L
A famille Boissier et V ialle plaide depuis 17 2 0 ,
contre la famille de R och efo rt, pour obtenir le payement
d’une créance considérable , hypothéquée en majeure
partie sur deux domaines.
A
�( o
Ces deux domaines furent pendant quelque temps en
la possession des V ialle : les héritiers Rochefort les leur
ôtèrent. Lorsqu’ensuite les V ialle ont demandé qu’on
payât leur créance, ou qu’on rendit les domaines, les
héritiers de Rocliefort ont Lcnu hon , et de moyens en
m oyens, de génération en génération, ils ont retenu
les domaines et la dette.
V oilà c o m m e n t la famille V ialle est ¿conduite depuis
quatre-vingt-dix ans! *>.
•
*
E t aujourd’hui q u ’elle veut en finir, on lui reproche
que c’est une vieille recherche : on lui dit des injures....
« C ’est une horde de plaideurs.... Ils seroient ruinés sans
« ressource, si la dame de Frétât exerçoit ses droits à la
v. rigueur.... Elle seroit creancieie de plus de 20000 fi.....
« L a fortune de ces éternels vexateurs ne suiliroit pas
« pour acquitter cette créance. »
Cette sortie un peu dure ne fera point oublier aux
sieurs Boissier les égards qu’ils veulent devoir à la dame
de Frétât. Il a pu lui être désagréable, au printemps d’une
belle vie , de se voir étourdir par un fort ennuyeux
procès. A tous les âges, un procès à défendre est toujours
une chose fort importune : cependant si le résultat devoit
être pour madame de Chirac une créance de 20000 fr.,
il n’y auroit pas de quoi savoir aussi mauvais gré aux
sieurs Boissier d’avoir troublé son repos.
Débiteurs ou créanciers, ceux-ci veulent en finir. Que
leurs a n c ê t r e s aient mérité aussi l e reproche de leur avoir
l a i s s é à débrouiller ce procès, ou qu’ils y aient été forcés
par des chicanes, les sieurs Boissier s’efforceront au moins
de ne pas le léguer eux-mêmes ù leur postérité.
�{ 3 )
F A I T
S.
I.a seule manière de se l’endre inteUig ble dans ce
long procès, consiste à préciser les faits et les époques,
sans'rien omettre de ce qui est connu-, et quelque pénible
que soit cette tâche, les sieurs Boissier croient devoir la
rem plir, parce qu’ils sont convaincus que les faits seuls
doivent tout éclaircir , et l’epondie à tout.
L e tableau généalogique des familles de Rocliefort et
de Boissier, doit d’abord être mis sous-les y e u x du tri
bunal , pour l’intelligence des actes et procédures dont
il y a à rendre compte,
Biaise C h a r d o n ,
A le x ie B o n n e t .
‘ise.
Antoinette.
Anne.
M a rie.’i M arie.
Françoise ;
Am able Rochefort.
G ilb.-A m able Rochefort,
___
François
Gilbert.
Antoinette Chardon,
Jean V ialle.
F ra n ço is C h a rd on ,
Jeann e F o u rn ier.
Réné Chardon,
Suzanne Fournier.
1
Joseph, Catherine, Annet. Jeanne, Franç
—_
■
V-%
.»
art 4 rrt
H flAl
Gaspard
Étiei
Marie
Étienne
M
om
et.
Payi
Auteroche. Boissier.
r'v.,. s~\
Guillaume. F rançois, Antoinette.
Suzanne
,
Mathieu.
H
Jean. R én é,
religieux.
7 7
François. Suzanne, Antoinette.
|
M , Valoi).
Madame
de Chirac.
I II
1 l 1
Ses enfans
Lcs_
ont cédé
Boissier
leurs droits
et
à leurs co- Chauvashéritiers.
saigne.
François Chardon se maria le 22 février 1645*, et
Jeanne F o u rn ier, sa fe m m e , lui porta une dot m obiliaire.
Il mourut au mois de mars 1662 , laissant quatre
enfans en minorité.
Par avis de parens, du 7 juin 1 6 6 3 , R éné Vialle
A 2
■ lì. 1
M om et,
les
Chabridon»
�(4)
fut nommé leur tuteur, quoique cette ciiarge dut être
déférée à Réné Chardon.
Mais par acte du même jour, passé entre R éné Chardon
et R ené V ialle , il fut convenu que R éné Chardon se
chargcoit de la tutelle.
R én é Chardon mourut en i 665. La famille fut as
semblée le 3 juin.
Il y avoit dans la succession de François C h a rd o n ,
trois domaines appelés L u c b a s , Bonabry, et A u r iè r e ,
une m aison, un ja rd in , un pré et un moulin à R o cliefort, et quatre rentes.
Les deux premiers furent donnés à bail judiciaire au
nommé Guillaudon : le domaine d’Au rière et les autres
objets continuèrent d’être jouis par Suzanne F ourn ier,
veuve de R éné Chardon.
‘ L e I er. mars 1666, elle communiqua
Réné Vialle
l ’état de la gestion faite par son mari, ou par elle-même.
R éné V ialle la déchargea de la tutelle pour l’avenir; mais
elle convint en être responsable jusqu’au jour.
Les pupilles continuoicnt de rester avec elle. Réné
Chardon, l’un d e u x , entrant dans la vie monastique,
elle se fit léguer par son testament le quart de ses biens.
Elle fit rég ler, par un acte du 2 octobre 1682, la
pension que le tuteur devoit lui payer pour les trois
autres. L e compte en fut fait pour tous arrérages à 3080 fr.
qui lui fu re n t payés par R éné Vialle.
Elle les engagea, aussitôt leur majorité, à prendre la
qualité d’héritiers bénéficiaires de François Chardon, leur
père , puis à répudier à sa succession, et à demander un
compte de tutelle à Réné Vialle.
�( 5 )
René V i aile défendit à cette d em án d ele i 5 janvier
1686. Il dit à Jean Chardon qu’il n’avo itp asp u répudier,
parce qu’il avoit vendu en majorité une terre du domaine
d’A urière et un jardin à Rocliefort. A l’égard de ses sœurs,’
il se contenta d’offrir le com pte, sauf à discuter ensuite
leur renonciation.
L e c o m p t e fut d o n c r e n d u p a r R é n é V i a l l e a u x risques
et p é r ils de S u za n n e F o u r n i e r , q u ’il assigna e n r eco u rs ,
ainsi q u e Biaise C h a r d o n , son iils..
Suzanne Fournier conclut incidemment au payement
d’une obligation de 2100 francs , consentie par François
C hardon , à R éné C hardon, le i 5 juillet 16 6 2 , et à la
délivrance du quart à elle légué par le testament de 1766.
Pendant ces débats on faisoit des diligences contre la
succession répudiée de François Chardon.
I>c 6 mai 1G89 , M arie et autre M arie Chardon ,
obtinrent une sentence contre Jean Taragn at, curateur
à ladite succession , qui « condamne ledit curateur, en sa
« dite qualité, à leur payer la somme de 8098 liv. 13s. 4d.
« pour les deux tiers à elle revenans dans la dot de Jeanne
« F o u rn ier, leur mère , et gains matrimoniaux, avec les
« intérêts depuis le décès de François C h ardon , arrivé
« au mois de mars 1662, jusqu’à l’entier payement d’icelle,
« liquidés jusqu’au mois de mars 1689 , à la somme de
« 10933 francs, sans préjudice d’autres droits contre la
« succession dudit François Chardon ».
Peu de temps ap rès, un nommé T h ie r r y , créancier
de la succession ,. lit des saisies-arrêts; il intervint au
procès pendant sur le compte de tutelle en treRéné V ia lle,
Marie et autre M arie Chardon , filles de François, Biaise,
�( 6 )
Antoinette et A n n e Chardon, assignés en qualité d’hé-
ritici’s de Réné Chardon , leur p è r e , et de Suzanne
Fournier, leur m ère, et ayant repris.
Il paroît que Jean Chardon avoit cessé d’être en.cause,
et qu’il étoit décédé avant 1688.
Ce procès fut enfin jugé à la chambre du conseil,
après un délibéré de onze séances, le 30 mars 1691.
Cette sentence, dont la dame de Frétât a une copie
(cote 12), iixc le reliquat de compte du par Réné V iallc
aux enfans de François Chardon, à 2494 liv. 12 s. 9 den.
et quarante-neuf setiers trois quartes seigle-, et condamne
R éné V ialle à. les leur payer , sauf déduction de trois
setiers d’avoine, avec intérêt depuis les six mois après la
clôture du compte rendu par la veuve de R éné Chardon,
sauf audit Réné V ialle son recours :
a E t faisant droit sur la demande en recours formée
contre lesdits Biaise, Antoinette et A n n e C hardon, les
c o n d a m n e en leu rs dites q u a l it é s , personnellement pour
leur part et portion, et hypothécairement sur le tout, à
gai-antir et indemniser ledit com ptable, aux termes des
traités des 7 juin 1663 , et I e r . mars 1666, tant du paye
ment de la somme de 2707 liv. 9 s. 7 d en ., et de ladite
quantité de quarante - sept setiers trois quartes seigle,
sous la déduction pour raison du reliquat de compte
rendu pour les années concernant l’administration de
défunt Réné C h a rd o n , leur p è r e , que de l’événement
des articles dépendans de ladite administration , ensemble
de l’intérêt de ladite somme et de la valeur dudit grain ;
et ce faisant, à payer a l’acquit et dechnrgedudit comptable,
la susdite somme de 2494 ÜV. 12 s. 9 d en ., ensemble lesditg
�C7 )
grains et intérêts ; autrement, et par faute de ce faire,
les condamne en tous les 'dommages-intérêts et dépens
envers ledit comptable à faire et à souffrir à l’avenir pour
raison de ce. — Et sur l’appel incident interjeté par la
requête desdits oyans compte, le 9 janvier 1689, ensemble
sur les iins et conclusions prises, portées par les requêtes
desdits Chardon , intervenons , des 28 mai 1688, 30 mars
1689, c *- 9 juin 1690, met les parties hors de cour
et de procès, sa uf audit intervenant de se pourvoir en
conséquence de la répudiation faite à la succession dudit
François C h ard o n , par lesdits oyans compte, tant pour la
délivrance du legs du quart porté par le testament de
Réné C hardon, frère desdils oyans com pte, du 9 août
1666, que pour le payement du contenu en l'obligation
du 13 juillet i 652, ainsi qu’ils verront bon être, exceptions
et défenses au contraire réservées: et faisant aussi droit sur
les saisies-arrêts dudit T h i e r r y , ensemble sur la préfé
rence et adjudication requise dudit reliquat de compte,
par les requêtes des 10 janvier et 6 février 16 8 1, ladite
sentence ordonne que les oyans compte et tiers y
viendront en contribution entr’eux au sou la liv r e , au
prorata de leurs créances sur lesdites sommes et grains. »
L e 10 octobre 1 6 9 1 , R éné V ialle transigea avec
M arie et autre Marie C h a r d o n . Elles lui cédèrent ce
qui po u voit.leu r rev en ir, soit de la dot et gains ma.Jrirnoniaux de leur mère et intérêts , soit du reliquat
de compte porté par la sentence d’apurem ent, et frais
d icelle, avec subrogation à leurs droits , actions et ltypothèques, moyennant la soirn»e de 6000 f r . , déduction
�( 8 )
Eiite des sommes par elles reçues pour leurs pensions
.
et provisions à elles adjugées.
Il fut dit que 3000 francs seroient payés dans dix ans,
et que les autres 3000 francs étoient donnés en pur
don au sieur R éné V ia lle , à la charge de leur payer
une rente de 300 fr. pendant leur v i e , de six en six
mois et par avan ce, à la charge aussi de les garantir
des poursuites de T h i e r r y , et de celles d’Antoinette
et A n n e Chardon, et autres, sans préjudice au recours
dudit sieur V ia lle contre lesdites demoiselles Antoinette
et A n n e C hardon , conformément à ladite sentence d’apu
rement.
R éné V ialle mourut en 1692.
M arie et autre M arie Chardon ne donnèrent pas un
moment de relâche à ses héritiers pour les poursuivre.
Elles obtinrent le 26 novembre 1692 une sentence contre
Joseph V ia lle , tuteur de scs frères et sœurs, portant
e x é c u t o r ia l it é du traité ci-dessus de 1691 : ensuite elles
v o u l u r e n t une"~i\atification notariée, que Joseph leur
consentit le 14 février 1693 -, et aussitôt qu’A n n et V ialle
fut m ajeur, elles lui en demandèrent une nouvelle.
Il paroît qu’aussitôt le traité de 1691 , R éné V ialle
avoit été regardé comme légitime propriétaire des deux
domaines de Lucbas et Bon abry, et que sans doute tous
les créanciers tournèrent tête contre l u i , et se firent
payer-, du moins il n’y a pas de trace qu’aucuns créan
ciers , et notamment T h i e r r y , aient fait de poursuites
ultérieures.
L a mort de R éné V ialle dut mettre beaucoup de dé
sordre dans ses affaires; Joseph V i a lle , son fils aîné,
ayant
�( 9 )
..
ayant eu la tutelle des autres enfans, ne les géra pas
fort bien. Il fit plusieurs affaires avec les nommés .¡Nicolas
et A u te ro c lie , qui ont occasionné à la famille V ialle
une longue suite de procès.
Il paroit que les 14 et i 5 mars 1696, Joseph V ialle
donna à ferme, au nommé Auteroclie, gendre d’Etienne
Nicolas, une porLion des biens provenus de François
Chardon ( l’a cte. ci-a p rè s supposeroit qu’il ne donna
que le domaine de Bonabry ; mais un .acte postérieur
suppose qu’il y eut d’autres biens).
L e 12 novembre 1699, il vint à compte avec M arie
et autre Marie Cliardon , de leur rente , et se reconnut
leur débiteur de 918 liv. 4 s. pour quoi il leur céd a,
i°. un bail à rente par lui consenti à Louis A uteroclie,
le 14 mars 1696, pour 130 francs; 20. le bail à ferme
de Bonabry, moyennant 125 fr. ; 30. deux rentes à lui
personnelles ; 40. une créance de 630 fr. avec subro
gation pour s’en faire payer à son lieu et place.
M arie Chardon aînée mourut le 20 mai 1701.
Ce décès persuada à Joseph V i a l l e , avec quelque
raison, que la rente viagère étoit diminuée de m o itié ,
et le refus qu’il fit de payer davantage lui attira beaucoup
de désagrétncns et le fit accabler de frais.
P o u r payer M arie Chardon , il falloit pouvoir re
couvrer soi-même la créance par elle cédée; et le pro
duit des deux domaines étoit à peu près nul à cette ^
epoque où les guerres ruinoient l’agriculture, et où les
propriétés étoient sans valeur.
Les cohéritiers de Joseph V i a l l e , mécontens de ces
arrangemens, qui ne leur faisoient tirer aucun parti utile
B
t
�C 10 )
du traité de 1691 , dont le principal étoit devenu exi
gible , voulurent e u x -m ê m e s se mettre à l’abri des
poursuites de M arie Chardon.
E11 conséquence, par acte du 6 août 170 9 , Annet
V ia lle , p rê tre , les sieurs Momet et Boissier, et Françoise
V ia lle , cédèrent à Etienne N icolas, les d ro its, actions
et hypothèques acquis u la succession de R ené V ia lle ,
leur p è r e , suivant la transaction du 10 octobie 1691 »
sur deux domaines appelés Bonabry et Lucbas , sur des
masures de maison, et un pré, situés à R ochefort, desquels
objets le sieur Nicolas a déclaré avoir parfaite connoissance, pour en avoir joui comme fermier depuis le i 5
mars 1696, et même sur . des rentes venues de la suc
cession de François Chardon. Ils le subrogèrent en leur
lieu pour par lui jouir desdites masures de maison, et
deux dom aines/com m e avoit fait ledit Réné V ialle de
son v iv a n t , et ledit N icolas, comme fermier, sans bes
tiaux. .
sous r é s e r v e a u x cé d an s de leurs autres droits
acquis par ladite transaction contre demoiselles A n to i
nette et A n n e Chardon y dénommées.
L a d i t e cession fut faite moyennant 7999 francs, dont
ils déléguèrent, i°. 3000 fr. à Marie C h ard on , pour le
principal à elle dû suivant ladite transaction ; 20. 1800 fr,
à la dame Carmantrand, veuve Desgiraud; 30. i 5oo fr.
aux créanciers de R éné V ialle ; 40. iô o o francs pour
rester entre lés mains dudit N ico la s, à l’effet de pro
duire 75 francs d’ intérêts qui furent délégués à ladite
M arie Chardon.
Ledit Nicolas fut encore chargé de rapporter aux
c é d a n s les quittances de ladite Marie Chardon , du prix
�des jouissances faites par ledit Nicolas et par A u teroch e,
desdits deux domaines et p rés, depuis le i 5 mars 1696,
à raison de ¿55 francs par a n , et de les en garantir.
L e 4 septembre 1 7 1 0 , M arie Chardon envoya des
huissiers chez le sieur A n n et V i a l l e , p r ê tre , pour l’exé
cuter , quoiqu’elle eût accepté la délégation des fermages
depuis 1699 , et qu’on eut pris des précautions pour
que tout le surplus lui fût payé.
Cette incursion inattendue et malhonnête excita les
cultivateurs d’ un domaine voisin à chasser ces huissiers
de chez un prêtre qu’on considéroit ; mais la résistance
des huissiers occasionna -des querelles et des excès ; un
huissier reçut un coup de serpe au visage, et il en ré
sulta une plainte.
I,e 10 octobre 1711 , la sénéchaussée rendit une sen
tence fort sevère qui bannit deux cultivateurs coupables
de ces excès ; et comme il étoit difficile peut-être de
ne pas présumer que le sieur A n n et V ialle avoit toléré
une rébellion qui n’avoit lieu que pour l u i , il fut dit
qu’il seroit mandé à la chambre du conseil pour être
admonété.
Cette sentence que la dame de Frétât s’est plue à
rappeler souvent, est bien peu de chose pour le procès
actuel j et nous verrons bientôt que M arie C h a rd o n , se
reprochant cette exécution eE ses suites , a voulu en
dédommager le sieur A n n et V i a l l e , en lui déduisant
400 francs pour les dépens.
En effet celte exécution étoit d’autant plus déplacée,
c]ue îsicolas, débiteur, n’avoit pas été mis en demeure;
B 2
�C 12
)
cl le 12 novembre T710, il avoit fait à Marie Chardon
des offres réelles de 300 francs pour sa pension , et de
continuer l’intérêt des 3000 francs, si mieux elle n’aimoit recevoir le capital desdits 3000 francs,
. A u préjudice de cet acte d’offres, Marie Chardon avoit
affecté d’assigner Joseph V ialle seul, et.elle avoit surpris
contre lui une sentence, le 16 décembre 1 7 1 0 , portant
condamnation à lui payer 3000 francs et les intérêts de
6000 francs depuis 1691 , sinon et faute de ce , la cession
étoit déclarée résolue.
E t par une inconséquence inexplicable, Marie Chardon
faisoit, dans le même temps, des saisies-arrêts entre les
m a i n s des Nicolas et A u te ro c h e , qui vouloient la payer.
Puis' elle poursuivit les héritiers V ialle en confir
mation desdites saisies. Les Nicolas furent mis en cause,
et il en résulta un procès considérable , lors duquel les
héritiers Vialle vouloient que le décès de Marie Chardon
aînée, eût diminué la r e n ie v i a g è r e de moitié. '
Ce procès fut jugé le 20 mars 1 7 1 1 ; les saisies-arrêts
furent confirmées; les héritiers Vialle furent condamnés
à payer la pension entière de 300 francs, et il fut fait
provision de 1200 francs à Marie Chardon. I,rs Nicolas
furent condamnés à garantir les Vialle jusqu’z\ concur
rence de 7800 francs, qu’ils resloient d evo ir, et à rap
porter quittance des jouissances qu’ils avoient dû payer
à. Marie Chardon depuis 1696 jusqu’à 170 9, à raison de
205 francs par an.
Il y eut appel de celte sentence au parlement, mais
elle fut confirmée par arrêt du 20 juin 1714.
L a dame de Frétât se plaint de ce que M arie Chardon
�( 13 )
_
ne reçut jamais rieri des Y ialle. Si cela éloit v r a i , ce
n’étoit pas au moins faute de poursuites.
Cependant elle reçut les 1200 francs de provision, et
elle en donna quittance le 26 mai 17 11.
Cela ne l’empêclia pas de faire vendre en place pu
blique les grains par elle saisis sur le sieur Joseph V ielle
de Brousse , qui n’étoit point en cause au procès de 1 7 1 1 . .
En 1713 e lle suscita u n procès d’une autre espèce aux
héritiers Y i a l l e ; elle fit cession et transport au sieur
G ilbert-Am able Rocliefort de 462 francs à prendre sur
e u x , en vertu de la transaction de 1 6 9 1 , et aussitôt le
sieur Rocliefort fit assigner A n n et et François Y ia lle en
payement.
C ’étoit le moment où ceux-ci plaidoient au parlement
sur l ’appel de la sentence de 1 7 1 1 , et soutenoient avoir
surpayé , en ce que la rente de 300 francs étoit réduite
à moitié. En conséquence ils opposèrent en défenses au
sieur Rochefort, i°. qu’étant magistrat, il n’a voit pas pu
prendre cession d’un droit litigieux •, 20. qu’il y avoit
alors procès, et qu’il ne pouvoit l’ignorer, puisque luimême avoit p o u rsu iv i, au nom de Marie C h a rd o n , la
sentence dont l’appel étoit pendant ; 30. que le procès
qu’il intentoit étoit bis in id em , et que les V ialle plaidant
avec la cédante pour l’objet par elle céd é, ne devoient
pas être traduits devant un autre tribunal par sou cédataire.
L e sieur Rochefort dénonça tout cela à Marie C h ard on ,
qui intervint. Enfin il obtint une sentence par défaut
contre les Y ia lle , le 6 février 1 7 1 7 , portant adjudication
de sa demande. Il en poursuivit l'exécution ; et ou a dit
�C Ï4 )
au procès qu’il aVoit été payé ; ce qui est au reste justifié
par son silence. Dans ce même temps .Marie Chardon
fit un autre procès en préférence de saisie contre la dame
Carmantrand, veuve Dësgiraud. Il fut jugé par sentence
du 6 mars 1717 *, Marie Chardon obtint préférence et dut
être payée,
E11 1 7 1 5 Marie Chardon avoit fait une autre saisie de
fourrages et grains sur Joseph V ialle -, mais après plusieurs
diligences , elle en donna main - levée moyennant un
acompte. D ’ailleurs cette année-là elle reçut de toutes
mains : on trouve six quittances d’elle en ladite année
1715 .
E n 17x8 Marie Chardon reçut encore 2,5o francs, et
en 1 7 1 9 , on ne trouve d’elle qu’ une quittance de 30 francs,
où elle ajoute q u e, pour raisons à elle connues, elle fait
remise aux sieurs V ialle de 400 francs, sur les frais à elle
adjugés au civil et au criminel ; mais il paroit que cette
s o m m e a c h e v o i t de p a y e r les arrérages de rente viagères
à elle dûs, lesquels d’ailleurs se payoient d’avance.
M arie Chardon mourut dans l’été de 1719.
L e 16 décembre de la même année 1 7 1 9 , le sieur
G ranchier fit une saisie-arrêt entre les mains de Joseph
V ialle de Brousse, comme créancier de Marie Chardon.
Joseph V ialle fit son affirmation au greffe le 4 janvier
172.0. Il déclara devoir 3000 francs en principal ; mais
ne devoir aucuns arrérages. ( M . Granchier a été paye
depuis de sa créan ce, montant à 825 francs, par les
Vialle. )
•
T e l étoit l’état des choses, lorsque le sieur Rochefort,
�( ï -5 )
héritier présomptif de M arie Chardon j prit la qualité
d’héritier bénéficiaire.
L e i 5 juillet 172 0 , Joseph V ialle déclara au greffe
se porter .héritier pur et simple de ladite M arie Chardon.
A lo rs les héritiers V ialle étoient rentrés en possession
des domaines de Lucbas et B o n a b ry , qu’ils ne gar
dèrent pas.
X^e 21 août 1 7 1 9 , ils a voient obtenu sentence contre
les Nicolas, p o r ta n t résolution de la cession de 170 9 ,
et permission auxdits V ia lle de se remettre en possession.
L e 6 juillet 1 7 2 0 , A n n et V i a lle , curé de D o n t r e ix ,
faisant tant pour lui que pour ses cohéritiers , fit cession
h M re. Pierre de Frétât des mêmes droits déjà cédés à
N icolas, c’est-à-dire, de tous les droits résultans de la.
transaction de 1691 , sur deux domaines appelés Lucbas
et Bonabry , moyennant 14000 francs, payés en billets de
b a n q u e , provenus de la dame Dagoneau , veuve de
F rétâ t, en qui ledit sieur abbé de Frétât déclara faire
son élection de mieux.
L a dame Dagoneau se mit en possession de ces deux
domaines, qui avoient été affermés à Louis Boucheix
pt François Chatagnier le 3 mars 1720.
P o u r consolider son occupation de la succession ,
Joseph V ialle prit possession authentique des biens le 30
juillet 1720.
L e même jour il fit un bail à ferme aux mômes métayers,
qui en avoient déjà un du 3 mars.
Ensuite il assigna le sieur Rochefort en remise des titres,
tneubles et autres objets restans de l’héréd ité, et il fit des
saisies-arrêts entre les mains des fermiers.
�( ï6 )
Ces actes ne furent d’abord point contrariés par le
sieur G ilbert-À m able Rochefort.
A n contraire, par acte du 28 décembre 1720, le sieur
Rochefort fit, comme héritier sous bénéfice d’inventaire
de Marie C hardon, une saisie-arrêt entre les mains desdits
Roûcheix et Chatagnier du prix de ferme des domaines
de Bonabry et L u c b a s , comme dépendons de la suc-r
cession de R é n é V ia lle.
Cependant le procès sur cette succession de M arié
Chardon devint sérieux , et le sieur Rochefort fit ses
efforts pour tout obtenir ; il soutint que le sieur V ialle
n’étoit point en ordre de succéder, et n’avoit pu l’exclure,
parce qu’Antoinette (]hardon, sa m ère, avoit été forclose.
Ces débats envenimèrent les parties, et les héritiers
V ialle agirent de leur côté en poursuivant à la fois le
sieur Rochefort à Riom et à Paris : voici à .quelle occasion.
1
L e 7 mai 1688, le sîeqr Amable R och efort, père de
G ilb e rt- Am able , s’étoit chargé de la procuration du
sieur Réné V i a l l e , pour faire le voyage de Paris et
poursuivre un procès pendant entre Gilbert Reynaud et
Gilbert Rochefort, son père, dans l’intérêt dudit V ia lle,
pour la portion à lui distribuée sur les effets de la sucçession dudit Gilbert Rochefort , montant à 1043 Hv. 11 s*
P ar ledit acte , le sieur Rochefort s’étoit engagé ù ne
répéter aucuns frais s’il succomboit; et au cas contraire,
il étoit dit q u ’ il auroit la moitié de la créance»
Il paroît qu’il obtint un arrêt le 14 février 1701.
L e 13 juin 1 7 1 0 , le sieur Rochefort donna un autre
écrit au sieur Joseph V ialle de Brousse, par lequel il
reconnu!
�C *7 )
reconnut tenir de l u i , i ° . un billet de 2000 francs du
sieur Gilbert Rochefort , son aïeul, portant promesse
de faire payer 2000 francs à Paris par le sieur Fauttrier,
valeur reçue dudit V ia lle ; 20. les causes d’oppositions
formées à Clerm ont, et le procès verbal de distribution
des effets dudit Gilbert Rochefort:, lesquelles pièces lui
étoient nécessaires pour suivre l’effet dudit arrêt de 1701 ;
qu’il s’obligea de nouveau de poursuivre aux mêmes
clauses et con d itio n s expi-imées en l’acte passé avec le sieur
R och efort, son p è r e , en 1688.
C ’est en vertu de ces deux actes que tons les héritiers
V ialle firent assigner le sieur G ilbert-Am able R ochefort,
par exploit du 12 juillet 1720; c’est-à-dire au bout de
d ix a?îs, pour voir déclarer exécutoire l’acte de 1688;
reconnoître l’écriture de l’acte de 1 7 1 0 , se voir con
damner à leur remettre tous les titres et papiers dont
son père et lui s’étoient chargés , et rendre compte de
l ’exécution, sinon leur payer, i ° . la moitié des 2000 fr.
suivant leur convention; 20. la moitié de 10 4 3 liv. 11 s-,
avec intérêt depuis le 7 mai 1688,
L e second procès intenté par les V ia lle , se réduisit
à poursuivre au parlement la péremption de l’appel in
terjeté par Antoinette et A n n e Chardon , de la sen
tence de 1691.
11
est vrai q u ’ il y avoit décès de part et d’autre; mais
la péremption étoit acquise lors desdits décès : en con
séquence, le i 5 juin 1720, les héritiers V ialle prirent
une commission au parlement pour faire assigner les
héritiers desdites Antoinette et A u n e Chardon ; et le
C
�C t8 )
12 juillet suivant, ils assignèrent le sieur Gilbert-Aniable
Rochefort en ladite qualité.
Ce procès fut appointé en droit. Il y eut des écritures
de part et d’autre. Et enfin , par arrêt sur productions
respectives, du 14 mai 17 2 2 , l ’appel fut déclaré p é r i,
et la sentence de 1691 maintenue en sa forme et teneur.
Pendant ce temps-là, on plaidoit à Clermont sur la
succession de Marie C h ard o n , et ce procès étoit consi
dérable.
t
Les cinq enfans de Gilbert-Am able Rochefort avoient
repris au lieu et place de leur père : ils concluoient à
être gardés et maintenus dans le d r o i t , et pour jouir
des biens de Marie Chardon.
L a dame Dagoneau de Frétât réclamoit ses droits en
vertu de la cession à elle faite le 6 juillet 1720.
Les métayers des deux domaines, ap pelés sur les saisiesarrêts , îigissoient e n recours c o n tr e elle et contre les
sieurs V i a l l e .
L e sieur Charmat, procureur de la défunte, réclamoit
5oo francs pour ses vacations, et jusque-là demandoit
l’autorisation de poursuivre le payement des dettes actives
de la succession , jusqu’à concurrence de son dû.
E n fin , à la veille du jugement, les cinq enfans R o
chefort déclarèrent qu’ils se portoient héritiers purs et
simples.
Sur tous ccs débats, et par sentence du 22 juin 1729,
lesdits irères et sœurs Rochefort furent gardés et main
tenus au droit et possession de jo u ir des biens meubles et
immeubles provenus de la succession de Marie Chardon.
�( *9 )
Les héritiers V ialle furent condamnés à rendre compte
des jouissances et dégradations depuis le 30 juillet 1720,
jour de la prise de possession. Il fut donné main-levée
de leurs saisies-arrêts. A v a n t faire droit sur les de•
mandes du sieur Charma t , il fut dit qu’il donneroit
état de ses vacations. Les dépens furent compensés entre
les Vialle et Rochefort , hors le coût de la sentence
auquel les Vialle furent condamnés. ( N ota. L e sieur
Charmat a été payé par les Vialle. )
Les héritiers Rochefort se mirent en possession de
tous les objets de la succession de Marie Chardon, dans
laquelle ils confondirent les deux domaines dont ils se
mirent aussi en possession, ainsi qu’ils en conviennent,
aussitôt après cette sentence.
L a dame D agon eau, veuve de F r é tâ t, ainsi évincée,
fit assigner les héritiers V ia lle , par exploit du 4 juillet
1 7 3 1 , pour la faire jo u ir, sinon lui rembourser 14000 fr.
L e 7 août 1731 , les héritiers V ialle dénoncèrent
cette demande au sieur François
R o c h e fo rt,y en lui oba
servant que Marie Chardon avoit cédé à leur p è re,
i°. l’effet de la sentence de 1691 , contre les auteurs
dudit R ochefort; 20. l’effet de la sentence de 1682,
contre la succession de François Chardon : ils ajoutèrent
que les biens jouis par la dame de F r é t â t, provenoient
dudit François C h ardon , et n’avoient jamais fait partie
de la succession de Marie Chardon, décédée. Ils l’assignerent en môme temps pour voir déclarer exécutoire
la sentence de 1691 , et se voir condamner comme
héritier de ses père et mère , personnellement pour sa
part et portion 7 et hypothécairement pour le t o u t , à
C 2
�payer 2707 liv. 9 s. 7 d en ., avec les intérêts adjugés
par ladite sentence, et qui ont couru depuis, ensemble
quarante-neuf setiers trois quartes de b l é , avec intérêts
de droit ; se voir faire défenses de troubler la dame
D a go n éa u , sinon être condamnés en leurs dommagesintérêts, sans préjudice à autres droits.
François Rocliefort signifia un committimus, et de
manda son 'renvoi aux requêtes de l’hôtel.
Il décéda peu de temps a p rè s, et les héritiers V ialle
reprirent la demande de 1 7 3 1 , contre Suzanne M athieu,
sa veuve, en qualité de tutrice, par exploit du 9 mai 1742.
L ’instance fut reprise par jugement du 2 août 174 2 ,
qui donne aux enfans la qualité d’héritiers de leur
père ; et le 14 du même m ois, Suzanne Mathieu défendit
à la demande.
Ces défenses, assez mal digérées, consistèrent à com
battre la cession et la sentence de 1691 , à opposer la
p r e sc rip tio n , et à p r é te n d r e q u e la sentence de 1729
avoit an n u llo ladite cession. Elle terminoit par dire que
si les domaines provenoient de François C hardon, elle
devoit être payée avant les V i a l l e , de son obligation
de i6Ô 2, antérieure à la dot de Jeanne F o u r n ie r , et
que s’ils ne provenoient pas dudit C h ard on , les V ialle
n’a voient aucun droit sur ces domaines.
L e sieur L ollier-C hateaurouge , héritier du sieur
de Frétât, intervint pour reprendre lès poursuites de la
dame Dagoneau.
Les héritiers Nicolas, de leur côté, assignèrent Suzanne
M athieu, et le sieur Guillaume Rocliefort, son filsP eu
�( 21 )
désistement des deux domaines. Ils opposèrent la sentence
de 1729.
Par requête du 7 avril 1 7 6 4 , les héritiers Vialle
ajoutèrent aux conclusions de leur exploit de 1731 ,
que la dame Matliieu fût condam née, en sa qualité, à
leur payer 8098 liv. 12 s. 4 d. adjugée à une demoiselle
Chardon par la sentence de 1689, avec les intérêts
depuis le mois de mars 1622 ; en conséquence, à les
garantir en ve rs le sieur Lollier jusqu’à concurrence des
sommes à lui dues, à diminuer sur celles dont lesdils
V ialle seront dits créanciers de ladite dame M a th ie u ;
et enfin , il demandèrent permission d’assigner les dé
tenteurs des deux domaines en matière hypothécaire.
L e 4 juillet 1 7 5 4 , le procès fut appointé ; et par
requête du 31 décembi-e 1 7 5 6 , les héritiers V ialle don
nèrent des avertissemens par lesquels ils prirent des
conclusions générales beaucoup plus précises et plus
régulières que celles prises jusqu’alors.
Ils demandèrent aux héritiers Rochefort, personnel
lement et hypothécairement, i°. les 8098 fr. portés par la
sentence de 1689, avec les intérêts adjugés; 20. 2494 fr.
et quarante-neuf setiers de blé portés par- la sentence
de *1691 ; 30. 2000 fr. portés par l’écrit de 1710.
crurent devoir ensuite, par exploit de 1 7 6 7 , si
gnifier cet écrit à dom icile, pour p a r v e n ir à la reconnoissance d ’ écritui;e ; mais quand il en fut question , Je
sieur Rochelort ne voulut pas s’exp liq uer, et se contenta
de dire q ue, de 1710 à 1 7 5 6 , le titre étoit prescrit.
La procédure fut de nouveau suspendue pendant plu
sieurs années; et on voit par ce qui en est rapporté dans
Ils
�des pièces postérieures, combien cette suspension eutuno
cause funeste pour la famille Vialle.
j
L e sieur L ollier se lit adjuger sa demande, sans doute
parce qu’elle fut disjointe, et il fit mettre en saisie réelle
tous les biens des V ia lle , qui le payèrent de sa créance;
ce qui leur coûta près de 40000 francs.
E n 1 7 7 1 , les V ialle reprirent leur demande contre
Suzanne Mathieu.
;
E lle signifia qu’elle n’étoit plus tutrice.
Ils assignèrent le sieur François Rochefort, son fils. Il dit
qu’il n’étoit pas héritier de François Rocliefort, son père.
Ils mirent en cause Antoinette Rochefort ; elle dit la
même chose.
Les sieur et demoiselle Rochefort signifièrent une
répudiation du 26 novembre 1771.
Les héritiers V ialle leur répondirent que cette répu
diation n’étoit pas sincère, parce que le sieur Rochefort,
leur p è r e , avoit laissé une maison à R io in , un bien ù
P o m o r t , et un autre bien à A u b ia t; de tout quoi le
sieur Rochefort étoit en possession.
Cependant les héritiers Vialle voulurent encore asrsigner la dame Valon en 1772 ; elle dit aussi n’être pas
héritière.
Eliifin, en 1773 , ils assignèrent Antoinette Rochefort,
tante des précédens, et elle répondit que son frère ayant
laissé des enfans, elle n’étoit pas en ordre de succéder.
A insi repoussés, les héritiers V ialle ayant lutté vai-r
ncment jusqu’en 1 7 7 6 , firent nommer un curateur à la
�( 23 )
succession répudiée du sieur Rochefort père, et ils com
mencèrent leurs poursuites contre lui.
' A lo rs le sieur François Rochefort se hâta de rétracter
une répudiation qui n’avoit été qu’ un moyen de procès:
mais ce ne fut que pour donner d’autres entraves aux
créanciers Vialle.
• L e 21 mars 1776 , il obtint des lettres de bénéfice
d’inventaire, et présenta R o y , cordonnier, pour caution.
11 notifia ces lettres, et le 13 juin suivant, il signifia des
moyens de défense fort étendus contre tous les chefs de
demande. Il est inutile de les analiser, parce qu’ils se
bornent à ce qui est opposé dans le mémoire de la dame
de Frétât.
L e 2 mars 1777 , le sieur de Rochefort vendit le
domaine de Bonabry à Louis et Martin Bouchet.
Ces acquéreurs prirent aussitôt des lettres de ratifi
cation-, mais elles ne furent scellées qu’à la charge des
oppositions des héritiers Vialle.
L e sieur de Rochefort, poursuivi par ses acquéreurs,
assigna les héritiers V ialle en m ain-levée, par exploit
du 30 décembre 1779. Cette nouvelle demande fut jointe
aux précédentes, par sentence du 7 mars 1780.
A près quelques autres procédures , des décès inter
vinrent , et le procès a resté suspendu pendant la l’é
volution. Enfin j en l’an 9 , il a été repris ; et depuis
le décès de M . de R o c h e fo rt, il l’a été encore contre
madame de C h i r a c , sa fille. Les héritiers Boissier ont
néglige ¿g remettre en cause les acquéreui’s du domaine
B onabry, parce que c’eût été compliquer encore plus le
�( M )
procès, et que cette précaution est parfaitement inutile.
V oilà en quoi consistent tous les détails de cette longue
contestation. 11 a été du devoir des héritiers V ialle de
n’en rien retrancher, pour montrer combien peu il a
été en leur pouvoir d’être jugés plu tôt, et combien il
auroit été de leur intérêt de l’être il y a cinquante ans.
Q u o iq u ’il en soit, les choses sont encore entières; et il
s’agit de savoir seulement qui sera créancier ou débiteur.
Ils von t prouver que cette question n ’est pas très-pro
blématique,
M O Y E N S ,
L a dame de Frétât est débitrice des héritiers V ia lle ,
en trois qualités différentes.
Comme représentant Réné V ialle et Suzanne F o w n ie r,
elle doit les sommes portées par la sentence de 1691.
Comme possesseur des biens provenus de François
C h ard o n , elle doit les sommes portées par la sentence
de, 1689,
Comme représentant Gilbert-Am able Rochefort, ma-,
dame de Frétât doit les sommes portées par l’acte de 1668,
et l’écrit de 1710.
Rien n’est plus évident que ces propositions qu’il seroit
oiseux de fortifier par des preu ves, après le détail dans
lequel on est entré : ce ne seroit que se répéter.
Cependant la dame de Frétât les réduit à un seul titre,
c’est-à-dire à la sentence de 1691 (p . 18 ) J et elle ajoute
que pour réclamer la somme portée par cette sentence,
h
j
■
�(25)
il faudroit établir l ’avoir payée à Marie C h ard on , ou
être poursuivi par ses représentans , et qu’il faudroit
encore prouver avoir payé T h i e r r y , tandis qu’il seroit
impossible aux V ialle de justifier aucun payement.
Mais d’abord le payement de T h ierry est étranger à
la dame de Frétât. Il est censé s’être fait payer, puisqu’il
avoit un titre , et que Réné V ialle étoit obligé de ga
rantir Marie Chardon de ses recherches : il a dû remplir
les engagemens , puisqu’on ne justifie d’aucune poursuite
de sa p art, et c’est là tout ce qu’ il s’agissoit de savoir.
Quant à ce qui étoit dû à Marie Chardon , il n ’en
est pas de même : la clame de Frétât a qualité pour s’en
inform er; et c’est pour cette raison que les héritiers V ialle
out mis sous ses yeu x tout ce qui prouve leur libération
jusques et à concurrence du moins de la renie viagère.
Ce n’est pas sérieusement sans doute que la dame de
Frétât oppose la sentence par défaut de 1 7 1 0 , qui a
prononcé la résolution de la cession.
Auroit-elle oublié la sentence de 1711 , sur laquelle
cependant elle a beaucoup insisté, comme obligeant les
V ialle à payer la pension entière, au lieu de moitié? Si
donc Marie Chardon s’occupoit du mode de payement
à venir de sa pension, il falloit qu’elle ne comptât la
sentence de 1710 , que comme condamnation d’arrérages,
sans s’occuper d’ une disposition qui étoit purement de
style ou comminatoire.
Tout ce qui s’es(; passy depuis prouve que cette sen
tence de 1710 n’a eu effet que pour les condamnations
y contenues. L a rente a été servie depuis 1710 jusqu’au
D
�( 26 )
décès de Marie Chardon ; et après son décès, le sieur
Rochefort a lui-même fait des saisies-arrêts comme hé
ritier, pour tous les arrérages échus jusqu’audit décès.
Ce n’étoit donc qu’un oubli de la pai't de la dame de
Frétât d’invoquer une résolution imaginaire, dont aucuns
de ceux qui ont plaidé avant elle n’avoient conçu l’idée,
parce qu’ils sa voient bien ce qui s’étoit passé après 1710.
L a cession , dit madame de F rétât, n’étoit que de la
dot mobiliaire de Jeanne F o u rn ier, et n’a aucun trait
aux domaines de Bonabry et Lucbas.
Cela est très-vrai à titre de propriété, mais non à titre
d’hypothèque ; car ces deux domaines provenoient de
François Chardon , mari de Jeanne Fournier, et débiteur
de la dot : ils éloient donc hypothéqués au rembourse
ment de cette dot et des reprises matrimoniales.
L a famille V ia lle , cédataire de cette d o t, a suivi son
gage depuis 1696 jusqu’à 1729, de gré à gré avec M arie
C h a r d o n , qui recevoit les fermages des domaines par délé
gation.
En 1729 la famille Rochefort a ôté ces domaines aux
nyans cause des sieurs V ia lle , qui ont voulu y rentrer en
1 7 3 i, 1742, 1757, 1 7 7 1 , et jusques dans les mains de l’ac
quéreur actuel, en 1777.
Ils ont dit à la famille Rochefort : Paycz-m oi, ou rendez
mon gage : aut cédai aut solvat est la règle la plus incon
testable en matière hypothécaire , et elle a été tout le
mobile de la procédure des héritiers Vialle depuis 1729
jusqu’à présent.
Que la famille Rochefort ait gardé ces domaines comme
�les croyant de la succession de M arie Chardon, ou de la
succession répudiée de François C hardon, ce n’est plus
aujourd’hui la question. Il ne s’agit pas de la propriété
de ces domaines, mais du i*ecouvrement de la somme de
8198 francs, dont ces domaines sont le gage depuis le
mariage de François Chardon.
A p rès l’éviction de 1729, les héritiers V ia lle pouvoient
exercer une demande hypothécaire ou revendiquer la
possession de leur gage ; ce qui étoit la même chose ,
puisque le but des deux demandes étoit de jouir p i g n o
ra ti vement.
Ils préférèrent d’abord le dernier p a r ti, parce qu’ils
ne voulurent pas reconnoitre l’usurpation de la famille
R o c h e fo rt, qui en effet ne s’étoit pas fait adjuger la
succession répudiée de François Chardon , mais celle de
M arie, qui avoit vendu son g a g e et son droit pignoratif
sur les domaines.
Ensuite les héritiers V ialle prirent indifféremment des
conclusions en remise des domaines ou en payement h ypo
thécaire des créances ; ce qui a été le dernier état en
1757 et en 1777 ; de sorte que leur droit a été parfaite
ment conservé , et sans prescription : ce qui est tout
l’intérêt actuel de la cause. Ils ont donc été fort consequens, et ne se sont jamais considérés comme pro
priétaires des domaines, ainsi que le leur reproche la
dame de Frétât (page 21 ) *, ils 11e se sont jamais consi
dérés que comme créanciers.
r
E t meme quand ils disposèrent des domaines en 1709
et 1720 , ils ne firent que céder leurs droits et hypo
thèques sur ces domaines.
D 2
�( ^8 )
Quand la dame de Frétât veut les renvoyer au curateur
à la succession vacante pour réclamer les 8198 francs, elle
ne réfléchit pas qu’il ne s’agit point ici d’une action per
sonnelle , et qu’il n’y a plus rien à demander au curateur,
dès qu’il a été condamné en 1691.
D ’ailleurs il faudroit remarquer (si les héritiers V ialle
a voient intérêt de l’examiner) qu’il ne peut plus y avoir
aujourd’hui de succession vacante, lorsque tous les biens
de François Chardon sont dans les mains des héritieVs
de sa fille , nonobstant sa répudiation.
M a is, dit encore la dame de Frétât, vous n’avez rien
demandé en 172 9, lorsqu’on vous évinçoit.
JSon erat Me lo c u s , et il ne s’agissoit alors que de la
succcession de Marie Chardon, disputée par deux héri
tiers ; il n’y avoit donc pas lieu de répéter des créances
dues par la succession répudiée de François.
S’il plut au sieur Rochefort d’abuser de cette sentence
c o n tr e la clame D a g o n e a u , il n e trouva son droit que
dans l’arbitraire ; d’ailleurs les héritiers V ialle étoient
désintéressés alors , ayant cédé leur créance ù la dame
Dagoneau ; il a fallu une éviction pour leur rendre le
droit de réclamer.
Ainsi les héritiers V ialle sont fondés à dire à la dame
de F rétâ t, comme i\ tous ses ancêtres: V ous vous êtes
emparés du gage de notre créance ; vous l’avez ôté ù
nos oyans cause ; vous devez donc payer la créance ou
rendre le gage : c’est à cela que se réduit toute la cause
relativement ù la créance de 8198 francs.
Quant à celle de 2194 francs ? elle est personnelle à la
�C 29 )
maison de R o c h e fo rt, et rétroagit tout à la fois sur la
succesion de Marie C hardon, occupée par la dame de
F r é t â t, parce que Marie Chardon doit faire valoir sa
cession.
A cet égard la dame de Frétât propose un seul moyen
(page 20) , et ce moyen est bien étrange. Elle veut qu’il
y ait cofifitsion de dette et créance, parce que le sieur
Rochefort est devenu héritier de M arie Chardon, créan
cière de Réné V ia lle , lequel avoit seulement un recours
contre le sieur Rochefort.
D ’abord il n’est pas trop aisé de concevoir comment
la confusion s’opère lorsqu’ il y a une troisième personne
intéressée , et que ce tiers n’est pas héritier : ici il y a
R éné Vialle.
Cependant l’objection auroit quelque chose de spécieux
dans un sens, sans la cession de 1691 , qui ôte toute idée
de confusion.
En e ffe t, Marie Chardon , par cette cession , donna
quittance finale à son tuteur du reliquat auquel il étoit
condamné envers elle ; elle n’avoit pas besoin de lui rien
céder à cet égard contre, Suzanne F o u r n ie r , veuve de
Réné C h ard o n , puisqu’elle n’étoit pas sa créancière di
recte , dès qu’elle avoit tout obtenu contre son tuteur.
C ’étoit ce tuteur q u i , en vertu de l’acte de 1666 et
de la sentence de 1 6 9 1 , étoit créancier direct de R én é
Chardon , comme forcé de payer seul le reliquat d’un
compte dû par ledit R éné Chardon.
Ainsi la qualité d’héritier de M arie Chardon n’a pas
pu dispenser les héritiers de R éné Chardon , de payer
a Réné Viulle les condamnations de la sentence de 1691.
�( 30 )
L e sieur R och efort, 0111:776, avoit fait une autre dé
couverte pour éluder ces condamnations de 1691.11 disoit
aux héritiers V ia lle : V ous n’avez fait condamner que
Biaise, Antoinette et A n n e C hardon, comme héritiers
de R éné en 1691 , et je ne les représente pas.
Mais , i ° . ce n’étoit là qu’éluder l ’application de la
sentence de 1691 , parce qu’elle étoit rendue contre
Biaise, Antoinette et A n n e Chardon , en qualité d’h é
ritiers de Réné Chardon et Suzanne Fournier. Ces trois
héritiers appelés sont condamnés personnellement pour
leur part et p o rtio n , et hypothécairement pour le tout.
A u jo u rd ’hui la maison Rochefort représente toute la
branche de Réné Chardon.
2°. L ’arrêt du 14 mai 1722 imprime au sieur GilbertA m a b le Rochefort la qualité d’héritier d’Antoinette et
A n n e C h ard on ; cet arrêt lui fut signifié ù domicile, et
il n’a jamais nié cette qualité.
A in si la sentence de 1691 est commune à la dame
de F rétâ t, q u i, non-seulement réunit sur sa tête la
qualité d’héritière de toutes les personnes condamnées,
mais qui encore a les biens des familles de Rochefort
et C h a r d o n , hypothéqués à cette créance.
Cette créance a toujours été en vigueur par des pour
suites. Elle le seroit au besoin par des minorités succes
sives ; mais au reste, on n’a jamais osé opposer la
prescription.
Il reste à parler de la créance résultante de l’écrit de
1710 : et ici le sieur de Rochefort crut n’avoir besoin
d’autre moyen que la prescription qu’il alléguoit de
�(3 0
quarante-sept années, en comptant de 1710 a 17^7* ï ja
dame de Frétât fait le meme calcul, et elle se trompe.
L ’exploit de 1720 d i m in u e d’abord cet intervalle, et
le réduit à trente-sept ans. Les minorités vont reduire
cet excédant.
E n 17 2 0 , Joseph V ialle
enfans Boissier ; les autres
dernier errement est du 6
On voit par la sentence
procédoit comme tuteur des
parties étoient majeures. L e
septembre 1720.
de 1 7 2 9 , que Joseph V ia lle
étoit décédé *, il étoit représenté alors par Marie A u te ro c h e, sa v e u v e , tutrice de leurs enfans.
E n 1 7 4 2 , Jean -G aspard et Jeanne Boissier étoient
majeurs ; ils procèdent avec Jeanne V i a l l e , veuve de
Gaspard M om et, et avec Françoise V i a l l e , épouse du
sieur Paye.
En 1767, les qualités avoient encore changé : la dame
Momet et les sieurs Boissier étoient décédés. L e procès
étoit poursuivi par Catherine et Antoinette M o m e t , et
par EtieDne Boissier.
Ainsi, en déduisant seulement les minorités de 1720 à
I 7 29 i ^ y a plus de temps qu’il n’en faut pour compenser
l’excédant qui se trouve sur trente ans, entre le 6 sep
tembre 1720, et la requete du 31 décembre 1766.
D ’ailleurs y a-t-il bien eu lieu à prescription dans la
circonstance où le sieur Am able R o c h e fo rt/ é to it rendu
dépositaire d’effets et papiers, et s’étoit chargé de pour
suivre le recouvrement d’ une créance?
lia prescription ne pouvoit pas courir contre lui le
j«ur meme de son écrit, et tant qu’il n’avoit pas achevé
les diligences nécessaires.
�(3 0
Il est impossible dépenser que le 'sieur Rochefort n’ait
pas été pnyé de cette créance; car Réné "Vialie avoit été
colloqué utilement pour 1090 francs, et la sentence de
Clermont fut confirmée au pui’lement. Il n’y eut besoin,
d’après le sieur Rochefort lui-même, que de justifier du
billet et de la demande, pour faire exécuter l’arrêt. Il
n’est pas possible de supposer que le payement n’ait pas
eu lieu, quand il y eut un arrêt; si cela étoit, le sieur
Rochefort n’auroit pas m anqué, en 1720 , de rendre les
titres ; son fils les auroit encore offerts en 1766 : mais on
n’a offert ni les titres ni l’argent.
Comment donc la dame de Frétât voudroit-elle pro
fiter, au détriment des héritiers V ialle , d’une somme
touchée par son aïeul pour le compte d’autrui ? Elle a
pu présumer qu’il n’avoit rien reçu ; et voilà pourquoi
les héritiers V ialle ont voulu la détromper, pour qu’elle
renonçât à proposer un moyen tel que la prescription.
I l est in u tile , d ’après ces remarques , de répondre
aux autres objections (page 16). L e sieur Rochefort, en
opposant que Gilbert-Amable Rochefort n’étoit pas héri
tier de G ilb e r t , n’avoit pas fait attention que GilbertA m able Rochefort avoit contracté une obligation per
sonnelle en 1688 et 1710.
A p rès avoir parcouru les trois chefs de créan ce, il
n’est pas difficile de présenter un compte par aperçu, de
ce que peut d e v o i r la dame de Iretat.
jo. Elle doit 8098 francs en principal, portés par la
sentence de 1689.
20. 10933 f. pour les intérêts liquidés par ladite sentence,
3°«
(
�( 33 )
3°. Les intérêts échus depuis 1689, jusqu'au payement
sous la déduction des jouissances dont il sera parlé ciaprès.
40. Les dépens adjugés par la même sentence.
5°. L a somme de 2707 liv. 9 s. 7 d. en vertu de la
sentence de 1691 , et en outre le coût de ladite sentence.
6°. Quarante-neuf setiers trois quartes de b l é , d’après
la valeur de ladite époque, qui paroît être de 299 f r . ;
sauf la déduction de trois setiers d’avoine •, sauf aussi au
tribunal à peser dans sa sagesse si c’est le total de ladite
som m e, ou seulement les deux tiers qui sont dûs aux
héritiers V ia lle , lesquels se font un devoir d’en proposer
eux-mêmes le doute.
7°. Les intérêts du capital porté en l’article précédent^
depuis la demande, ou au moins depuis la cession du 10
octobre 1691 , qui fait la quittance de Réné V ialle envers
M arie C h a rd o n , et son titre de répétition.
8°. L a somme de Ô2i liv. i 5 s. 6 d. pour la moitié
de celle de 1043 liv. 11 s., à laquelle R éné V ialle fut
colloque par sentence et a rrê t, sur Gilbert R o ch efo rt,
et que le sieur Gilbert-Am able Rochefort se chargea de
recouvrer par son écrit de 1688, à la charge d’un bé
néfice de moitié.
90. L a somme de 1000 francs pour moitié de la pro
messe de 1710 , sauf au tribunal ¿\ juger si le billet énoncé
audit acte ne fait pas double emploi avec l’objet de l’acte
de 1688.
io °. Les intérêts, soit des deux articles précédens, soit
de l’article 8 seulement , depuis la demande du 18 dé
cembre 1720.
E
�.'(34°
Les déductions à faire sur les créances ci-dcsRns pa.roissent devoir se composer principalement du capital
de 3000 francs, des dépens dûs à Marie Chardon , et des
jouissances des domaines.
L e capital de 3000 francs paroît diminué par deux
.quittances, l ’une du 22 décembre 17 2 0 , de 312 francs;
l ’autre du 10 janvier 1 7 2 5 , de 862 francs; toutes deux
postérieures au décès de Marie Chardon et ù l’affirmation
î
de Joseph Vialle.
Les sieurs V ialle pourroient contester l’intérêt de ce
capital, en ce qu’il n’a pas été demandé par les héritiers
R ochefort ; cependant , à titre de compensation, ils
croient juste d’offrir ces intérêts depuis l’échéance.
C a r , quant aux arrérages de la rente de 300 francs,
il paroît, par ce qui a été déjà d it, que tout est soldé
jusqu’au d écès, soit au moyen des quittances, soit au
moyen de la délégation des fermages à ladite M arie
Chardon , s o i t enfin d ’après l’affirmation sur la saisiea r r ê t du sieur Granchier.
Quant aux jouissances, il sembleroit d’abord qu’elles
doivent se borner à celles qui ont eu lieu depuis le 30
juillet 172 0 , jusqu’au 22 juin 1 7 2 9 , époque de la sen
tence et mise en possession de la famille Rochefort.
Cependant les héritiers V ialle ne veulent pas demander
une chose injuste; et dès que Joseph Vialle a jo u i, au
moins depuis le i 5 mars 1696, pour employer les fer
mages en son a c q u it au profit de Marie Chardon , ils
c o n s en te n t de rendre compte des jouissances depuis cette
époque; et même le tribunal examinera s’ils ne doivent
pas ce compte depuis 1691, époque de la cession.
�( 35 )
Seulement ils ne doivent le compte de ce qui est an
térieur au 30 juillet 172 0 , que suivant le prix des baux
de ferme.
Quant aux dépens adjugés à Marie C h a r d o n , que la
dame de Frétât représente, ils en sont débiteurs, sauf
la déduction de 400 francs, suivant la quittance de 1719*
A insi les déductions doivent se com poser, i°. du
capital de 3000 francs porté par la cession de 16 9 1 , dér*
duction faite de ce qui a été payé par les quittances de
T'jzo et 1725.
2°. Des intérêts du restant dudit cap ital, depuis 1701,
époque de son échéance, si m ieux.n’aiment les parties
le compenser à ladite époque jusqu’à due concurrence
avec les capitaux des créances des V ia lle , pour en éteindre
en partie les intérêts ; ce qui produira le même résultat.
30. Des jouissances des domaines sur le pied de 255 fr.
depuis le i5 mars 1696, jusqu’au 30 juillet 172 0 , sauf
au tribunal à prononcer s’il y a lieu d’en rendre compte
aussi depuis 1691.
4°. Des mêmes jouissances, à dire d’expert, depuis le
3° juillet 172 0 , jusqu’à la sentence du 22 juin 1729.
5°. D e trois setiers a v o in e , dont la déduction est or
donnée par la sentence de 1691 , avec les intérêts, ou
en procédant par compensation comme en l’article 2
ci-dessus.
6°. Des d é p e n s obtenus au civil et au criminel par
M arie Chardon , déduction faite de 400 francs.
Ce projet de compte est présenté par les héritiers
V ialle avec le sentiment de son exactitude. Ils ne der
�'mandent r i e n qui ne soit à eu x ; mais ils veulent obtenir
ce qui est juste , et rien n’est plus légitime. Tourm entés
par un siècle de procès, les héritiers V ialle n’ont pas été
les maîtres d’avoir justice plutôt; mais l a cause n’a jamais
été plus simple qu’aujourd’h u i , n’y ayant plus de débats
qu’entre le créancier et le débiteur; ils paroissent désirer
l ’un et l’autre de voir la fin de cette contestation,qui, pour
avoir été trop lo n g u e , n’en a été que plus onéreuse à la
famille V ia lle , et ne fait que lui acquérir plus.de droits
à une prompte justice.
M e. D E L A P C H I E R , ancien avocat.
M e. S I M O N N E T , avoué licencié,
■f?. ,,
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A. R I O M
de l’imprimerie de T
iiib a u d -
L a n d r i o t , imprimeur
de la Cour d’appel. — Juillet 1808.
�
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Factums Marie
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A name given to the resource
[Factum. Boissier, Louis. 1808]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Delapchier
Simonnet
Subject
The topic of the resource
successions
créances
Description
An account of the resource
Mémoire en réponse pour Louis Boissier, Marianne Boissier, et le sieur Chauvassaigne, son mari, Michel-Gaspard Boissier, et Pierre Chabridon, demandeurs ; contre Dame Marie-Catherine de Rochefort, et sieur Jean-Augustin-Guillaume de Fretat de Chirac, son mari, défendeurs.
Arbre généalogique.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Thibaud-Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1808
1645-1808
Avant 1661
1661-1715 : Règne de Louis XIV
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
36 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0303
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Aurières (63020)
Rochefort-Montagne (63305)
Bonabry (domaine de)
Aurière (domaine d’)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Relation
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Créances
Successions
-
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MEMOIRE
EN R É P O N S E ,
sieur A n t o i n e BR E C H E T ancien chef
d’escadron habitant de la ville de Clermont,
.
J..
;
■ <
...t:
intime;
P our
C ontre
•
1
E
dame
J e ANNE-Fr a n çoise
DE
V E N Y , veuve dw sieur S i c a u d - DE M a r i o l ,
habitante de la même ville, appelante à un. juge
ment rendu au tribunal d’arrondissement de
Clermont, le 1 5 août 1 8 0 7 ;
n p r é s e n c e
de dame M A R I E A V E L I N
veuve du sieur V È N Y d e T h e i x , tutrice légale
de demoiselle A n n e - F r a n ç o is e - J e a n n e d e V é n y ,
sa fille;
E t de dame F r a n ç o i s e V E T H I Z O N -V E N Y ,
fille adoptive du sieur V e n y d e T h e i x , et du
sieur J e a n - B a p t i s t e D E V È Z E } son mari:
tous intimés.
L A dame veuve de M ariol a présenté comme tresurgente une cause fort com pliquée. Pour prouver cette
A
�( a )
urgen ce, elle a fait publier sur l’appel un mémoire im
p rim é , de quarante-sept pages petit caractère, dans le
quel on est obligé de chercher péniblement les questions
qu’elle fait naîtrep
r \
On a cru d’aborcl qu’elle a voit voulu donner une
édition /nouvelle.du M ém orial de la.cou r.d e cassation'
et sans doute le soin qu’elle a eu de faire réimprim er
cette collection d’arrêts, avoit pour objét de donner des
leçons à ses juges.
•‘
' i
E lle ajoute , d it - o n , qu’elle a des protections puis
santes : c’est vraisemblablement pour intimider le sieur
Brecliet; Insenkéb! la daine de M ariol ne peut pas ignorer
qu’en la cou'r1les .protections et les manœuvres sont plus
dangereuses qu^ tiles ; que les magistrats savent tenir
d’une main ferme la balance de T h ém is, et que les per
sonnes n’y sont d’aucune considération.
\ X>avdame veuve de M ariol pourroit-elle être protégée
lorsqu’elle ose attaquer des règlemens de famille qu’elle
doit respecter , r é c l a m e r c o n t r e sa p r o p r e conscience
l ’exécution des titres dont la fraude et la simulation sont
évidentes, et qu’elle n’a pas osé mettre au jour quand
elle étoit en présence de ses cohéritiers; lorsqu’elle vient
s’en prendre à un ancien m ilitaire, créancier originaire
de sa fam ille, et qui n’a cessé de donner des preuves de
sa franchise et de sa loyauté ?
Il est rare, au surplus, de voir figurer la dame M ariol
comme créancière ; il n’en sera que plus facile de prouver
qu’elle est tout à la fois défavorable et mal fondée dans
ses prétentions.
�( 3 )
F A I T
S.
»
L e 3 brumaire an 7 , le sieur B recliet, ancien chef
d’escadron, couvert de blessures, ayant obtenu une re
traite honorable, a épousé la demoiselle A n n e G iron.
Les père et mère de son épouse lui constituèrent en
avancement d’hoirie une somme de 12000 fr ., à prendre
sur celle de 15466 liv . 13 s. 4 d. qui leur étoit due par
les héritiers de défunte M arguerite Dauphin , veuve
V é n y de V illem ont.
Comme il étoit notoire que les
créances sur
cette maison
n’étoient pas de l’argent com ptant, on a soin d’annoncer
que cette créance étoit due par acte sous seing p r iv é , du
25 mars 1788; que cet acte est reconnu, vérifié, et déposé
chez Chastelut, notaire; qu’il est suivi de sentence obtenue
contre la clam e D a u p h i n ; p l u s , d’un jugement arbitral;
p lu s , d’ un jugement du tribunal civil du Puy-de-D ôm e,
du 23 floréal an 5 , qui déclare le tout exécutoire contre
les héritiers de la veuve Villem ont.
Ces jugem ens, ces titres ne rendoient pas les payemens
plus faciles; il auroit fallu user de voies rigoureuses,
d’expropriation, par exemple. Une occasion se présente,
et le sieur Brechet la saisit, quelques sacrifices qu’on exige.
L e 30 germinal an 9 , il achète de la dame V é n y ,
épouse séparée , quant aux biens , de J e a n - Charles
D unoyer du Sauvage, ou plutôt d’un sieur G uinez, son
fopdé de p o u v o ir, la portion qui étoit avenue à la^dame
du Sauvage dans le domaine | de. ,The;ix, par le partage
de fam ille, du 18 pluviôse an 7.
.
A 2
�( 4 )
Cette vente est faite, i ° . sons la réserve des arbres qui
avoient été jDrécédemment vendus , et dont l’acquéreur
est tenu de souffrir l’exploitation, dégradation immense,
très-ordinaire dans cette fam ille, qui a toujours com
mencé par là avant d’aliener le fonds.
2°. L ’acquéreur ne peut entrer en jouissance qu’après
la levée de la récolte de l’année, qui est expressément
réservée dans son entier.
•
- 3 ° . 'L e p rix1 est fixé à la somme de 29300 francs
en déduction dé laquelle le sieur Brecliet paye celle
de 2100 francs.
Quant à la somme de 27200 fr. parfaisant le prix
racqüéreîir rest tenu de la payer en l’acquit de la dame
du Sauvage, aux créanciers de feue M arguerite DauphinM onti’odès, sa mère. Il est dit que ces créanciers sont
dénommés en l’acte passé entre la dame D a u p h in ,'le
sieur V é n y de T h e ix , et la dame M a rio l, devant Coste
notaire à Beaumont le 20 mars 17 9 3 , notam m ent à
J . B . G iron , ou ¿1 l'a cq u éreu r, en qualité de m ari
de dame A n n e G ir o n , à Julien P eyren d, etc.
A l’égard du surplus, l’acquéreur sera tenu de le
payer aux autres créanciers de la dame D aup hin, jusqu’à
concurrence de la portion pour laquelle la dame du
Sauvage doit contribuer dans le payement des dettes de
la dame sa mère'.
c
Il n’est pas inutile d’observer que la dame du Sauvage
affecte et hypothèque spécialement à la garantie de cette
v e n te , le qu art à 'e lle appartenant du domairie>de : St.Genesl-Ciiiimpanelle^ dont la totalité a été depuis vendue
nu sieur Dalnias 7 et qui etoit alors:indivis,
9.;
�( 5 )
L e sieur Brechet ¿toit bien éloigné de penser alors
à cette acquisition ; il en eut l’obligation à la dame
M a r io l, qui le sollicita et le détermina par ces manières
engageantes, ces formes aimables qu’on lui connoit ; et
bientôt la dame M ariol a affecté de publier que le
sieur Brechet avoit fait une grande affaire, quand il. a
acquis cette portion du bien de T h e ix : cependant une
portion égale a été vendue au sieur L e v e t , moyennant
une somme de 26000 francs; la portion du sieur de
T h e ix , plus considérable, et en fort bon état, rit» été
vendue que 36000 francs : cependant la portion acquise
n’étoit affermée que 800 fran cs, par bail du 20 vendé
miaire an 9 , pour neuf ans, sur quoi 200 francs d im
position. Les arbres vendus valoient plus de 2000 fr. •
la réserve de la récolte de l’année étoit encore une di
m inution ; et le sieur Brechet a été obligé de faire
pour 7854 fr. de réparations. Enfin , pour sauver des
débris les arbres qui restoient h couper, il lui en a coûté
1800 francs. V o ilà le grand m arché qu’a fait le sieur
Brechet.
Il d e v o ir, sans d ifficu lté, se mettre en r è g le , faire
transcrire et notifier son contrat; il cède aux sollicitations
de la dame M a rio l, qui le conjure de 11e pas faire des
frais inutiles : il paye les créanciers délégués ; il en
rapporte les quittances; il se contente ensuite de prendre
une inscription sur les biens hypothéqués ù la sûreté de
la ven te, une à R io m , l’autre à Clermont. Elles sont
sous la date des 7 et 8 floréal an 9.
L e sieur Brechet reste trois ans dans la p laS cntiere
sécurité : bientôt on lui fait parvenir des propos ou des
�( 6 )
menaces de la dame M ariol -, il se détermine à faire
transcrire son contrat. Cette transci’iption est du 27 ven
démiaire an 12.
L e 13 brum aire su iv a n t, la dame veuve M ariol lui
fait notifier une mise aux enchères. Il est à propos d ’anaUser cet acte fort important au procès.
L a dame veuve M ariol fait cette enchère comme
créancière de la dame V é n y
du Sauvage ,
tant en
vertu de son contrat de îtia n a g e , en date du ç> février
1771 ? que d?obligation du 7 piairial an 11 • elle ne
dit mot sur une certaine obligation de 10000.fr. qu’elle
a fait éclore depuis, et dont elle n’a pas sans doute osé
parler dans son acte d’enchère.
E lle s’exprim e au surplus assez disertement sur la
portion des biens vendue au sieur Breclict. E lle y dé
clare que ces immeubles appartenoient à la dame sa
sœ ur, et lui étoient avenus pa r Je partage qu'elle a
passé avec ses cohéritiers , devant Coste , n o ta ire,
le 18 p l u v i ô s e nn 7 : e l l e n ’a v o i t p a s i m a g i n é a lo r s que
ce partage n’étoit que provisionnel, comme elle menace
de le dire aujourd’h u i, quoiqu’elle n’en ait pas même
parlé dans son mémoire.
E lle n’enchérit d’ailleurs que d’un vingtièm e ; il est
vrai que sa réquisition est antérieure à la promulgation
du Code Napoléon en cette partie, qui exige que l’en
chère soit d’un dixième. Elle ne l’auroit peut-être pas
fait trois mois plus ta rd , même trois mois plutôt : mais
elle savoit que ce bien avoit passe en d’autres mains \
que le sieur Brecliet l’avoit échangé avec un individu
q u ’a u tr e fo is la daine de M ariol n’auroit pas voulu
.
�blesser : elle a cru< pouvoir mettre le sieur Brechet ou
son acquéreur à contribution ; et si elle en a été quitte
a .meilleur marché pour son enchère , elle n’en sera
pas plus heureuse.
L e sieur Brechet ne fut pas fort effrayé de cette dé
m arche, qui tendoit tout au plus à la ruine de la dame
du Sauvage; ce qui n’étoit pas infiniment délicat de la
part de sa sœur, évidemment alors sa débitrice.
L e 6 frimaire an 1 2 , le sieur Brechet commença par
faire une saisie-arrêt entre les mains de la dame M ariol
et du sieur V é n y de T h e i x , de tout ce qu’ ils devoient
à la dame du Sauvage , notamment la restitution des
jouissances de la succession du sieur V é n y d’A r b o u z c ,
frère com m un, et la somme de 10000 francs provenante
d e là vente de Saint-Genest-Cham panelle; cette somme
faisant le quart revenant h la dame du Sauvage dans
cette vente.
Celte saisie-arrêt est faite pour la garantie du p rix
porté au contrat de vente du 30 germinal an 9.
L e même jo u r , cette saisie-arrêt, ainsi que la mise
aux enchèi'es de la dame M a r io l, sont dénoncées à la
dame du Sauvage.
L e 14 nivôse an 1 2 , le sieur Brechet prend le parti
de faire signifier à la dame M ariol un acte extraju
diciaire , par lequel il lui déclare que pour la mettre
hors d’in té rê t, il lui offre de lui payer la totalité de
ses créances contre la dame V é n y , femme séparée,
quant aux b ien s, du sieur du Sauvage, tant en p ^ n~
c ip a l, intérêts que f r a i s : il lui fait en conscqucnce
sommation de déclarer, dans vingt-quatre heures, le
�C 8 )
m ontant de ses créances , afin que le payement en puisse
être fait de suite. 11 offre de plus de lui éviter et la ga
rantir de toutes poursuites de la part des autres créan
ciers , relativement à cette en clitic 5 a la . cliarge aussi,
par la dame M a rio l, de le subroger à son lieu et place,
avec toute g a ra n tie , protestant de nullité et de tous
dépens, dommages-intérêts, etc.
L a dame M ariol s’empresse de répondre ; et le môme
jour elle fait notifier au sieur Brechet qu’elle accepte
ses offres, pour quelles ne puissent plus être révoquées
à l ’a ven ir; en conséquence, et donnant pour le moment
le d éta il, autant que possible, de ses créances, elle dé
clare qu’il lui est dû la somme de 30000 fr a n c s pour
la dot en préciput et avantage à elle faits par la dame
D aup h in , sa m ère, suivant son contrat de mariage du 9
février 1771 ; les intérêts de cette som m e, depuis le
décès de la dame Dauphin ; plus, la somme de 6000 fr.
montant d’une obligation consentie par la dame V é n y
du Sauvage , à son proiit , le 7 prairial an 1 i • p lus
les frais de mise à exécution, dans lesquels doivent né
cessairement entrer l’acte de mise aux enchères les
poursuites ultérieures; et là-dessus une longue histoire
sur les affiches qu’elle avoit déjà fait im prim er, dont
quelques-unes sont timbrées, d’autres 11e le sont pas etc
Pas encore un mot de cette obligation de 10000 fr*
de la dame D aup h in , faite en 1793, moment sans doute
fort opportun. Il est cependant extraordinaire que la
dame M ario l, si fertile en détails, qui u’oublie pas inôme
la façon et l’impression de ses affiches, g 0rde le silence
sur un objet aussi im portan t, et qu’elle ne devoit pas
ignorer.
La
�(9 )
La dame Ma v io l, bien contente d’e lle -m ê m e après
cette notification , appelle cela un contrat ju d icia ire ;
et voilà que les contrats judiciaires sont des actes irré
vocables; et voilà que la cour de cassation l’a jugé ainsi
par une foule d’arrêts. Sirey et Denevers , qui se dis
putent sur tant de choses, sont d’accord sur ce p oin t;
chacun cite les siens, etc.
( U n contrat judiciaire ! lorsqu’on n’a aucune connoissance de ce qui est dem andé, lorsque la dame M ariol
elle - même , en notifiant son enchere, ne donne copie
d’aucun titre, n’ énonce aucune som m e; mais si au lieu
de demander 36000 francs en p rin cip al, et le payement
de l’im prim eur des affiches, elle eût demandé cent mille
écus, un m illion, par exem ple, il auroit donc fallu que
le sieur Brechet payât tout sans réflexion , sans exam en,
par la force du contrat ju d icia ire ?
L e sieur Brecliet n’a pas été de cet avis ; il a raison
nablement pensé qu’avant de p ayer, il falloil savoir
ce qui étoit légitimement d û ; en conséquence, il a cru
devoir consulter les cohéritiers de la dame M ariol, pour
savoir leur opinion sur ce point. L e 18 nivôse an 1 2 ,
il a fait citer devant le bureau de paix , la dame du
Sauvage et son m ari; les sieurs R ib eyre, le sieur V én y
de T l i e i x , et la dame veuve M ariol.
Il a exposé qu’il avoit fait transcrire son contrat de
Vente d’une partie du domaine de T lie ix ; qu’il l’a fait
n otifier; que la dame M ariol a fait une enchère; q 116
pour la faire cesser, il a offert de lui payer le montant
de ses créances ; que la dame M ariol a bien vite acCepté : mais le sieur Brechet croit qu’a va it
Payer
�( 10 )
il faut que les créances de la dame M ariol soient liquidées
tant en présence de la dame du Sauvage, qu’en celle des
autres cohéritiers, afin de fixer la portion que chacun
doit p a y e r , parce qu’entre cohéritiers , la dame de
M ariol ne peut prétendre à une action solidaire, mais
seulement h zinc action personnelle pour la portion de
chacun ; que la dame veuve M ariol doit même faire
confusion de ses créances , dans la proportion de son
amendement : en conséquence, le sieur Brechet demande
que tous les cohéritiers s’accordent entr’eux pour fixer
liquider ou compenser les créances prétendues par la
dame de M ariol.
I æs gens éclairés que le sieur Brechet a instruits de
ses 'dém arches, ont pensé qu’il agissoit sagem ent, qu’il
ne ptoposoit que des choses justes, et que la dame M ariol
ne pouvoit exiger que des créances légitimement établies
dans la proportion et d’après les hases expliquées par le
sieur Brechet.
M ais il est si 'diilicile d’accorder tout le monde ! Les
parties se présentent au bureau de paix ; ]e sieur du
Sauvage se fâche de ce qu’on a dit qu’il étoit habitant de
Clentoont; il veut être habitant du M onastier, et ne veut
plus parler.
L a dame du S au vage, maîtresse de scs biens aventifs
approuve les réclamations de sa sœ ur, mais jusqu’à eon*
currence de yôoo fr. seulement, pour sa portion con
tributive Ylims le préciput de 30000 francs.
E lle recortnoît d evo iï la -somme de '6000 fr. portée par
son obligation du 16 prairial an 11 ; et loin'd’être créan
cière de sa sœui’ pour restitution 'de '/oitissarices de la ‘suc-
�(II )
cession tl’A r b o u z e , elle est au contraire débitrice de d iiférentes sommes payées par la dame de M ariol à la dame
D au p h in , m ère commune. E n dernier résultat, elle n en
tend prendre aucune part aux contestations, qui s élevent.
L e sieur Balthazard de T h e ix n’est pas si complaisant;
il déclare avec assez de rudesse qu il entend contester
les prétentions de la dame M a rio l; il obseive q u elle a
laissé écouler hu it ans sans réclam er ses prétendus droits;
qu'elle a laissé consomm er les partages , a signé les
com prom is, nom ination $ exp erts, et a accepté son lot
sans se rien réserver j qu’elfe a laissé vendre Icl tota ite
des. biens de la succession de la mere commune , et a
souffert les partages du m obilier sans encore aucune
réclam ation.
O n craindroit d’affoiblir les observations du sieur e
T h e ix si on ne les transcri voit littéralement.
Il a j o u t e q u e « la d e m a n d e q u e fait la dame de M ariol
« à ses c o h é r i t i e r s , par l’incident qu’elle fait au sieur
«
«
«
«
«
B reclie t, est plutôt une vexation qu’une justice ; que
cette demande est inconsidérée, d’apres les actes qui
se sont passés dans la fam ille, et dont elle a parfaite
connoissance ; que sa demande est absorbée par les lois
anciennes; que c’est un avantage prohibé par les lois
« existantes lors du décès de la mère. »
Il observe en outre « que la dame D auphin fit, dans
« l’intervalle du 28 brumaire à son d écès, deux testa« mens, codiciles, fidéicommis, etc. Il requiert la maia« lçvée de toutes inscriptions faites par la dame JVlauo ,
« et finit par toutes protestations et r é s e r v e s . »
^
Survient la dame M a r io l , qui ne sait pas ce que c est
B 2
�( 12 )
que confusion, com pensation, fins de non-recevoir, etc.;
ces mots barbares n’ont jamais retenti à son oreille; elle
suppose que c’est pour faire diversion à sa demande : elle
veut de l’argent, rien que de l ’argent; le sieur Brechet
a prom is, s’est engagé; elle veut qu’il paye, et le somme
de se concilier sur sa dem ande, dont elle n’entend point
rabatti'e une obole.
A l’égard de son frère , il ne sait ce qu’ ü ¿[¡t . e]je
n’a renoncé à rien : quand il fera apparoir de ses pré
tentions, on saura bien lui répondre; et s’il veut exciper
des testamens de sa m ère, c’est à lui à les produire, etc
L e 10 pluviôse an 1 2 , requête du sieur Brechet. 11
demande permission de faire assigner la dame de M ariol
pour lui voir donner acte de la réitération des offres
qu’il fait de lui payer ce qui lui sera d û , après qu’elle
aura fait liquider ses créances ; il demande qu’elle soit
tenue de justifier de ses titres, tant en présence de la
dame du Sauvage que de ses autres cohéritiers.
C est a l o r s q u e la d a m e M a r i o l , p a r u n e requête du
13 thermidor an 1 2 , fait éclore une obligation de la
somme de 10000 f r . , en date du 25 février i 793? soul
erite à son profit par la dame sa m è re , et payable dcifis
d ix ans. Elle n’a voit point assez demandé au sieur Brechet
par légèreté ou par oubli : elle forme la demande inci
dente de celte somme ; et comme le sieur Brechet avoit
offert de tout p a y e r, il payera bien encore cette somme
de 10000 francs.
Bientôt après elle donne copie de cette obligation, de
celle qui lui a été consentie par la dame du Sauvage
le 7 prairial an^i 1 , et pour la sûreté de laquelle elle'est
�( ï3 )
déléguée par sa sœ ur, à prendre sur une rente et les
arrérages échus ; le tout dû par la dame Dalagnat et la
dame C orm eret, sa sœur. E t ce que la dame M a iio l ne
dit pas , c’est qu’elle a été remboursée par les dames
Dalagnat et Cormeret. O n la croit trop délicate et tiop
honnête pour ne pas convenir de ce remboursement
dans tous les cas, on lui en administreroit la pieuve.
U ne grande discussion s’élève entre les parties, sur la
,
créances r é c l a m é e s .
,
L a dame M ariol entend repéter a ses oiei es q u e e
n’a ni disposition ni préciput qu’elle n etoit pas sais e
irrévocablement des 30000 fr. portés en son c o n t i a t c e
lé g itim ité des
mariage ; qu’elle n’a pas ignoré qu’en ligne diiecte 1
falloit l’apporter ce qu’on avoit reçu , lorsqu on venoit
à partage. Aussi s’étoit-elle rendu justice*, elle a paitagc
avec ses cohéritiers le seul immeuble ( la terre de T h e ix )
qui p r o v e n o i t d e la s u c c e s s i o n d e sa m è r e ; e l l e n a de
mandé ni préciput ni obligation : tout s’est bien passé.
A l’égard de l ’obligation de la dame du S au vage, on
lui a représenté qu’elle avoit oublié la précaution la plus
essentielle; qu’elle n’avoit pas demandé l’autorisation du
m a r i, si évidemment nécessaire. O n ajoute aujourd liui
qu’elle en est même payée.
On a fini par lui dire qu’elle n’avoit pas d’hypotlieque
pour cette prétendue obligation : à la vérité elle avoit
bien fait h yp o th éq u er, par une clause générale , tou*
les biens que sa sœur pouvoit avoir dans 1 arrondissement
du bureau de C lerm o n t, et dans celui de R iom ; inaIS nn
n supposé qu’une hypothèque de ce genre (.'toit u ° P va&ue
pour qu’elle fut v a l a b l e , 1d’après la loi du n brum aire
�( i4 )
an 7 , et le Code Napoléon, qui exigent une désignation
plus précise.
O n a rem ontré qu’il étoit assez difficile de penser que
la dame du Sauvage, pour la sûreté d’une obligation en
date du 7 prairial an u , eût eu l’intention d’bypothéquer des biens vendus, depuis le 30 germinal an 9, plus
de deux ans auparavant : on a dû croire que la vente
a v o it opéré mie tradition en fa,veur de son acquéreur,
et que la dame du S a u v a g e tfa vo it pas voulu commettre
un délit grave ( un-stellionat ) ; que sa sœur même ne
l’auroit pas exigé.
L es premiers juges ont été de cet avis; ils ont pensé,
« i° . que la dame de V illem on t étant morte en l ’an 4 ,
k sous l’em pire de la loi du 17 nivôse an 2 , cette loi
« ne lui perniettoit de faire aucun avantage en faveur
« de ses successibles;
« 2°. Q ue la loi du 18, pluviôse an 5 n’avoit confirmé
« que les avantages faits irrévocablem ent avant la publi« cation d e la p r e m i è r e *,
« 3°- Que la dot de 30000 f r ., stipulée par le contrat
a de mariage de la dame M ariol, étoit plutôt une expec« tative qu’un avantage irrévocable , puisque la dame
« V illem on t s’étoit réservée la faculté d’appeler sa iille
« à sa succession, en rapportant les 30000 ir. ; ce qui
« fait disparoître toute idée d’irrévocabilité. »
L es premiers juges ont d it, en quatrième lie u , que
cr d’après l’allégation des parties, la dame de V illem ont
« a fait un testament explicatif de ses volontés (1 ); que
(1) Ce testament est du 25 brumaire an 4. La dame de Vil-
�( i5 )
« la clame de M ariol est venue au partage de la sftcces« sion de sa m ère avec ses autres frères et sœ urs, en 1 an 7,
« et rta point réclam é en préciput la dot de 30000J r .
5o. Quant à l’obligation de 10000 fr. souscrite par la
m ère, les premiers juges ont encore décidé que, « d apies
« les présom ptions, cet acte étoit un avantage in d iiect,
« que ces présomptions se cliaugeoient en certitude ,
« quand on voit la dame M ariol v e n ir , en 1 an 7 > au
« partage de la succession de sa m b te, avec ses frères et
« sœurs, sans réclamer le p rélèvem en rd u montant de
« cette obligation. » N ’auroient - ils pas pu ajoutei que
la dame M ariol avoit au moins 'manqué de m ém one ,
lorsque demandant au sieur Bréchet tout ce qui lui etoit
d u , même les frais d’impression de ses affiches, elle ne
parloit pas de son obligation de ïo o o o f r . , et qu elle la
passée sous silence au bureau de p a ix , etc. ?
Quoi qu’il e n s o i t , le t r i b u n a l d o n t est appel est assez
malavisé pour décider que n i la s o m m e de 3 0 0 0 0 f r . ,
ni l’obligation de 10000 f r . , ne peuvent être regardées
comme dettes de la succession de la dame de V illem on t;
qu’ainsi le sieur B ro ch et, acquéreur d’ une portion du
bien de T h e i x , ne peut être chargé de les acquitter.
Quant à l’obligation'de la dame du Sauvage , elle n est
lem ont , par cet acte qui n’a pas été enregistré , mais que -la
dame Mariol ne désavouera ,pas, institue sa fille son héritière»
conjointement avec le sieur de Theix , son frère, et la daine
du Sauvage, sa sœur. La testatrice explique que les droits e
son fils aîné sont fixés sur la terre de Montrodès et
e e
,
entepd qu’ils ne s’étendent pas au ttélà.
�(
ï6
)
p o i n t autorisée ni par son m ari, ni par la justice; et cette
obligation est consentie sous l’em pire du Code Napoléon :
elle est donc n u lle, d’après l’article 217 de ce Code.
E t si cette nullité peut être opposee par la femme ,
d’après l’article 225 du même C o d e, il est assez raison
nable d’en conclure qu’elle peut l ’être aussi par ceux
que la fem m e, en pareil cas, seroit tenue de garantir :
c’est être assez' conséquent.
L e tribunal ajoute que cette obligation est postérieure
de deux ans h la vente consentie par la dame du Sau
vage au sieur Brecliet. Les biens vendus au sieur Brechet
ctoient entre ses mains lors de cette obligation. L a stiulation d’hypotlièque n’a pu comprendre que les biens
•ippartenans à la dame du Sauvage lors de l’obligation.
La dame de M ariol n’ignoroit pas la vente con
sentie par sa sœur; il n’a pu être dans son intention de
\ui faire commettre un stellionat ; de même qu’il n’a
pu être dans l’intention de la dame du Sauvage de s’en
rendre coupable.
O n s’étonne pour la dame de M ariol, et, par égard,
on ne fera aucune autre réflexion, qu’elle ait osé cri
tiquer de pareils motifs.
XI est dit encore que cette obligation ne contient aucune
■iffectation spéciale de la portion de la terre de T h e ix ,
acquise par le sieur Brechet; qu’il n’y a qu’une affectation
générale des biens à elle appartenans dans les arrondissemens de R ioin et de Clermont ; de semblables e x ressions ne peuvent se rapporter en aucun cas aux biens
qui ne lui appartenoient plus à cette époque.
O n remar<!ue aussi q u’aux tenues du môme article 4
de
�C 17 )
de la loi du 11 brum aire an 7 , il auroit fa llu , pour
une hypothèque spéciale, indiquer la nature, la situation
des immeubles, et préciser la commune où ils sont situés.
(L a cour d’appel l’a jugé in term in is , par arrêt du 17
mars 1808.)
On observe également que le sieur V é n y de Theix.
oppose à la dame M ariol une fin de non-recevoir résul
tante de ce qu’au partage de la succession de la mère
com m une, en l ’an 7 , la dame M ariol s’est fait justice
à elle-m êm e, en ne demandant pas à prélever sa dot
de 30000 fra n cs, et a préféré de venir au partage avec
ses frères et sœurs.
Quant aux autres créances réclamées par la dame M ar io l, on ne peut y statuer qu’après un compte préalable.
11 en résulte que la dame M ariol est déclarée non
recevable dans sa demande en payem ent, tant de la somme
de 3 0 0 0 0 f r . , que de celle de 1 0 0 0 0 fr. ; elle n’est pas
plus heureuse pour le montant de l'obligation de sa
sœur , sauf à elle à se p o u rvo ir contre la dame du
Sauvage.
Il est ordonné que les sieurs de V é n y et la dame de
M a rio l, sa sœur, viendront à compte devant Chassaigne,
notaire com m is, sur le payement des dettes qu’ils pré
tendent avoir respectivement fait à la décharge de la
succession de la m ère commune.
Il est fait, dès à présent, main-levée au sieur de Vény?
de l’inscription de la dame M ariol , ayant pour objet
les 30000 iran cs, ainsi que l’obligation des 10000
L e sieur Bréchet obtient également la m ain'ievée des
iftscriptions de lu dame de M ariol.
C
�(
1 8
\
L e tribunal maintient les inscriptions de la dame
M a rio l, sur le sieur V é n y de T lie ix , ayant tout autre
objet que les deux premiers ; il est ordonné que les
parties contesteront plus amplement sur le mérite de ces
inscriptions conservées. L a dame de M ariol est con
damnée aux dépens envers le sieur Brechet ; les autres
sont réservés.
C ’est de ce jugement que la dame M ariol a eu le
courage d’interjeter appel; e t, si on veut l’en cro ire ,
il est très-urgent de la faire payer de toutes ces sommes,
car elle a grand besoin d’argent.
C ’est elle qui fait expédier et signifier le jugem ent,
à là vérité sous toutes réserves : sa signification est
du 29 janvier 1808 , près de six mois après sa date.
E lle a eu le temps de mettre au jour un long mémoire
qui a accompagné sa requête d’urgence et son appel, en
date des 11 et 17 février d ern ier; et comme elle Cst
préparée dans sa défense, elle entend que tout le monde
le so it; elle demande jx être jugée sans délai.
L e sieur Brecliet se prête volontiers à ce caprice ; il
vient soutenir,
i<\ Q u’il n’y a point de contrat judiciaire entre les
parties ;
20. Q ue la dame M aritil n’a aucun préciput sur là
succession maternelle ;
3^ Q ue les créances prétendues de la dame Mario]
sont frauduleuses et simulées;
4 0 . Que l’obligation de la dame du Sauvage esc nulle;
5°. Q u’en la supposant valable, elle n’a aucune hy
pothèque sur ls sieur Biechet pour le montant de celte
obligation.
�(
)
On va essayer de prouver ces cinq propositions : on
présentera ensuite quelques moyens de considération en
faveur du sieur Brechet; il promet d’avance de ne pas
abuser de ses avantages, par ménagement pour la dame
de M ariol.
§•
I er-
I l n’y a point de contrat ju d icia ire entre les parties.
Q u’est-ce qu’ un contrat judiciaire? Suivant la définition
que nous en donnent les auteurs élémentaires, cest celui
par lequel le dem andeur, après avoir forme une d e
mande , s’en départ en justice c’est celui par lequel le
défendeur, après avoir contesté la prétention, y acquiesce
et l’approuve en jugement.
Ces contrats ont une grande force , parce qu’ ils ont
une grande solennité ; ils sont au-dessus des contrats
ordinaires : c ’est en f a c e m ê m e de la ju s t i c e , q u e cette
espèce de contrat reçoit sa perfection ; de ses juges on
en fait ses témoins. D e sorte que ces engageinens qui ont
été ordinairement préparés par de mûres réflexions, par
l ’avis de ses con seils, sont bien supérieurs aux transac
tions qui se font hors la présence de la justice.
D e tels contrats ne sont pas susceptibles d’examen ; les
jugemens qui interviennent ne peuvent être attaqués par
aucune voie : tout est irrévocablem ent consommé.
O r , pourroit-on reconnoître à cette définition l e s actes
qui ont eu lieu entre les parties; et où a-t-on trouve
qu’il y avoit entr’elles un contrat judiciaire? Ia justice
a~t-elle sanctionné des actes e x t r a judiciaires et fu g itifs?
C 2
�C 20 )
L a dame de M ariol fait une enchère ; elle en a le
droit dès qu’elle se suppose créancière : mais cette dé
marche entraîne des conséquences bien graves; elle tend
à la ruine du vendeur, qui doit une garantie pleine et
entière à l’acquéreur.
Une expropriation auroit encore des suites plus fu
nestes. Que fait le sieur Brechet? il offre de désintéresser
la dame M ariol; de lui payer le montant de ses créances
' lorsqu’elle les aura fait connoître : mais le sieur Brechet
ne doit pas les payer à l’aveugle ; il ne peut contracter
hors la présence de son vendeur, à qui il a déjà dénoncé
cette enchère un mois auparavant.
Il faut que la dame de M ariol justifie de scs titres- il
le demande; il l’exige : il faut qu’elle établisse la légi
timité de ses créances ; rien de plus juste.
Q u ’im porte, si l’on veu t, que la dame M ariol ait pris
une inscription; qu’elle ait énoncé dans cet acte purement
conservatoire, des créances réelles ou imaginaires! elle
a été maîtresse de sa cause, de la f i x a t i o n : i l n’y a rien
de contradictoire avec les parties intéressées; et ce seroit
se compromettre bien gauchem ent, que d’aller payer
sans aucune discussion, tout ce qu’il plairoit à la dame
de M ariol de demander.
II est extraordinaire d’entendre dire à la dame de
M a r io l, que le sieur Brechet avoit connoissance du re
le v é des inscriptions de la dame de M a rio l, contre la
dame du Sauvage , et que ce relevé se portoit à une
somme de 160407 francs.
O11 ne voit pas trop où elle veut en ven ir, lorsqu’elle
énonce celte proposition; voudrai t-elle prétendre que lp>
�( 21 )
sieur B rechet, d’après cette connoissance, a dû complet
bien vite cette somme de 160407 francs? Cependant elle
ne lui demande que 30000 fr. d’ une p a rt, et 6000 fx.
de l’autre; p lu s, les frais d’impression de ses affiches.
Ce n’est que long-temps après, que par une demande
incidente, et par un agréable sou ven ir, elle réclamé
encore une somme de 10000 fr ., montant de 1 obligation
souscrite par sa mère.
C om m ent, avec de semblables variantes, pourroit-elle
supposer qu’il y a un contrat judiciaire? Il faut lui rendie
justice : quoique la dame M ariol ait fait un paiabiap
p a rticu lier sur ce contrat, elle n’insiste que foiblem ent,
il lu i -paraît seulem ent que le contrat^ jüdiciahe etoit
form é ; et un arrêt de la cour su p rêm e, du 23 avr^
1807, l’a , suivant e lle , formellement décidé. Cependant
quand on examine bien cet arrêt, on voit qu’il a jugé
tout autre chose : d’abord , c’est un arrêt dé rejet, qui
dès-lors ne juge rien ; mais il confirme un arrêt de la
cour de T o u lo u se , qui a décidé que la dame G a y ra l,
créancière inscrite, pouvoit aller en avant sur son en
chère, m algré les offres postérieures de d’ A u b ern ad , de
payer les créances inscrites, s a u f discussion.
O r , ce n’est pas là du tout la question qui nous oc
cupe. E n effet, si la dame M a rio l, nonobstant les offres
du sieur B re clie t, avoit refusé de se départir de son
en ch è re , qu’elle eût demandé la continuation de ses
poursuites, et qu’il fût procédé à l’exp rop riatio n , elle
auroit eu un prétexte pour soutenir qu’ayànt reçu une
Notification comme créan cière, elle avoit le d r o i t d en
cliürir ? et ne vouloitp as nuire aux autres cicanciers;
�qu’on exam ineroit h l’ordre si ses créances étoient légi
tim es, etc.
,■
. V o ilà peut-être ce qu’elle auroit pu d ire; c’est alors
qu’elle auroit argumenté de l’arrêt du 2 3 avril 1807
non pour prouver que la : cour de Toulouse avoit bien
ju g é , mais pour établir qu’elle n’avoit violé aucunes lois.
M ais f4 ' présent que la -dame M ariol s’est départie de
son enchè re ; qu’il ne s’agit plus que de discuter sur le
jn é rite de ses créances, ou sur leur légitimité l’arrêt
de T o u lo u se, comme l’arrêt de cassation, deviennent
absolument étrangers à l’espèce.
E n un m o t, le sieur B recliet, qui a Une garant;e à
exercer contre sa venderesse, n’a. pu ni dû payer sans
ex a m en , sans le faire dire contradictoirement avec les
parties intéressées; s’il l’avoit fait sans aucune précaution
on lui répondroit avec raison qu’il a pris sur son compte
de payer ce qui n’étoit pas dû , et qu’il n’a dès-lors
aucun recours.
Cette proposition est d’une telle évidence, qu’il semble
.que toute la question se réduit à examiner le mérite des
créances réclamées par la dame. M ariol.
:
§.
11.
L a dame de M a rio l ne peut prétendre à aucun précipite
su r la succession maternelle.
P a r son contrat du 9 février 1.771, la dame de V illem ont^sa m ère, lui constitue une somme de 30000fr
Cette somme n’est payable qu’après le décès de la cons
tituante, et, suas, intérêts jusqu’à ce.
�( 23 )
Cette constitution n’emporte ni forclusion, ni renon
ciation. Si la mère vient à m ourir sans avoir fait d’autres
dispositions, la dame M ariol viendra à partage de sa
succession, sans même être obligée de rapporter la somme
de 30000 francs; m ais il sera libre à la dame de V illemont de faire telles dispositions que bon lui semblera,
même par testam ent, et de réduire la demoiselle future
à la dot de 30000 francs ci-dessus constituée , ou de
l ’instituer héritière , à la charge du rapport de cette
dot.
L a succession de la dame de "V illemont est ouverte
en l’an 4 , sous l’empire de la loi du 17 nivôse an 2.
L ’article 8 de cette loi veut que les eüfans, descendans
fet co llatérau x, ne puissent prendre part aux successions
de leurs pères et m ères, ascendans ou attires parens, sans
rapporter les donations qui leur ont été faites antérieu
rem ent, sans préjudice de l’exécution des coutumes qui
assujétissent les donations à ra p p o rt, même dans le cas
où les donataires renoncent à la succession du donateur ;
et la loi ajoute que cet article sera ob servé, nonobstant
toute dispense de rapport.
L a disposition de cette loi n’a pas été mécônr^ue de
la dame de M ariol. Elle sait aussi qu’en principe gé
néral toutes donations en ligne directe'sont sujeft.es à
rapport, à moins qu’elles-n’aient été faites eiï'précipiU.
M ais la dame de M ariol prétend que la disposition
rigoureuse de cette loi a été modifiée ou rétractée par
l ’article I er. de la loi du 18 pluviôse an 5 et que
d’ailleurs sa donation de 30000 fr. est faitë en précîput.1
Q ue porte cet article i 0r. de la loi du1 18 pluviôse
�( 24 )
an 5? il maintient tous prélèvem ens, préciputs, et autres
dispositions ir r é v o c a b le s de le u r n a t u r e , stipulées en ligne
directe avant La publication de la loi du 7 mars 1793.
O r c o m m e n t la dame M ariol prouvera-t-elle qu’il
ex iste* d an s so 11 c o n tr at un ,prélèvem ent de 30000 francs
ir r é v o c a b le de sa nature ? Il n’y a pas une expression
qui ne p r o u v e au contraire la révocabilité. La dame de
Villem ont ne manifeste aucune volonté certaine; tout
dépend de sa fantaisie, de son caprice ou de son affection:
elle peut laisser sa fille avec cette som m e, sans qu’elle
prétendre autre chose; elle se réserve le droit de
lu i donner cette somme en préciput, si bon lui semble,
de l’instituer h éritière, s’il lui plaît, avec ou sans rapport
de sa dot. C ’est bien l à , sans contredit, l’analise exacte
de cette stipulation, aussi mobile que le papillon diurne.
L a dame M ariol espère, et ne tient rien ; on peut tout
p
u
i s s e
lui ôter, comme on peut tout lui laisser; et elle vient
dire qu’elle-est irrévocablement saisie, lorsque son sort
dépend d’ un seul m o t; lorsque sa ;mère seréserve une
pleine et entière liberté dé faire tout lè contraire de ce
q u ’elle laisse espérer.
•; •
î i ’est-il pas au contraire évident que; jamais clause ne
fut plus incertaine; que tout dépendait, non pas d’un évé
n e m en t ,.n o n pas.d ’une simple condition, mais du plus
léger chiingement de volo'nté.
E lle prétend qu’il s’est élevé une très-grande contro
verse sur ce point : mais c’est une bien grande erreur.
L a seule question qui ait divisé les jurisconsultes, étoit
celle de savoir s i, lorsqu’une disposition universelle étoit
faite à la charge d’associer un tiers, la portion revenante
�'
(
2
5
)
à ce tiers devoit faire partie de la succession ah intestat;
on soutenoit d ’un côté qu’elle tom boit dans la succession
ah intestat, parce que la charge d’associer étoit i*évocable
à volon té; d’autres, avec plus de raison, pensoient que
la révocabilité de l’association né’-pouvoit avoir lieu
qu’au profit du donataire déjà saisi du bien universel;
que cette charge d’associer étoit une simple condition, et
non une disposition; que dès-lors l’associé étoit saisi; et
ce dernier système a prévalu. L a cour d’appel l’a ainsi
décidé par ses arrêts.
M ais autrem ent, toutes les fois que le disposant ne
s’est pas dépouillé ; toutes les fois qu’il a pu donner ù
un autre ce qu’il prom ettoit au prem ier conditionnel
lement , on a décidé avec raison qu’il n’y avoit aucune
disposition irrévocable.
L a dame M ariol n’est pas heureuse dans l’application
de ses arrêts de la cour de cassation ; les trois arrêts
qu’elle rappelle n’ont pas em pêché que la cour n’ait
jugé tout le contraire dans la cause du sieur Gardet de
V a yre.
Mais l ’appelante ne veut pas faire attention , ou se
dissimule à elle-m êm e, que dans l ’espèce de ces trois
arrêts, il s’agissoit seulement d’un droit d’élection confié
à un tiers; et q u e , dans ces trois cas, la succession du
disposant étoit ouverte antérieurement à la loi du 17
nivôse, et même à la loi du 7 mars 1 7 9 3 , qui défendoit
toute disposition en ligne directe.
A lo rs on a dû dire que la loi du 17 nivôse ne pouvoit
àvoir d’effet qu’à compter de sa publication ; q ue tout
ce qui étoit antérieur étoit hors de son domaine ; qu’elle
D
�(26)
ne pouvoit régler les successions ouvertes avant qu’elle
fût prom ulguée; et voilà le principe consacré par la loi
du 18 pluviôse an 5. '
• Aussi ou pourroit écouter la dame M ariol, si la dame
sa m ère étoit morte avant le 7 mars 1793 ; il seroit
raisonnable alors de soutenir que la dame V illem on t
étant décédée sans faire d’autres dispositions, la dame sa
fille peut user de la disposition contenue en son contrat
de mariage.
r , (j .
Mais vouloir le soutenir ainsi, pour une-succession
ouverte en l’an 4 , soùs l’empire d’une loi prohibitive
et x*igoureuse, il faut absolument effacer l’article 8 de la
lo i du 17 nivôse an 2 ; il faut vouloir contester l’évi
dence , et aller jusqu’à prétendre que cette loi n’a aucun
e ffe t, pas môme à com pter de sa publication.
Il faudroit encore effacer la loi du 9 fructidor an 3 ,
celle du 3 vendémiaire an 4 , et morne celle du 18 plu
viôse an 5 , art. 9 , 10 et 1 1 , qui veulent impérativement
que la loi du 8 avril 17 9 1, celles des 4 janvier et 7 mars
17 9 3 , celles des 5 brum aire et 17 nivôse an 2 , soient
exécutées à com pter de leur publication.
. E t ne peut-on pas observer encore à la dame M ariol
qu’elle passe bien légèrem ent sur l’article,2 de la loi du 18
pluviôse? Il est singulier qu’elle n’ait parlé que de l ’article
I er. ; le ac. est cependant assez essentiel : il vcut que jcs
réserves dont il n’a pas été irrévocablement disposé
fassent partie de la succession ab in testa t, et appar
tiennent aux h éritiers, autres que les .donataires ou hé
ritiers institues.
O r , on ne contestera pas sans doute qu’il u»y ait c|ims
�(
27 )
le contrat de 1771 une réserve de la dame d e \ illemont,
de disposer de tout le surplus de sa succession ; et dans
ce cas, la dame M ariol est bien au moins donataire de
la somme de 30000 francs. Q u’elle nous explique main
tenant, com m ent, avec cette qualité de donataire, elle
pourroit prendre part à la ré se rv e , sans rapporter sa
donation !
Ce n’est pas avec plus d’adresse que la dame de M ario
veut argumenter de l’arrêt rendu en faveur des enfans
de sa sœur : elle feint d’ignorer la différence qui se tiouve
entre sa sœur et elle. L a dame R ibeyre n étoit pas ie
CUî** au
A
ritière; elle ne venoit pas à la succession de sa m c ie ,
elle réclamoit un supplément de dot éventuel, et il a 01^
bien le lui donner : mais si elle fût venue à la succession
de la dame de V ille m o n t, point de doute q u elle auioit
rapporté sÔooo francs , et qu’elle n’auroit pas eu les
10000 francs de supplément j il n’y a donc aucune parité
entre les deux causes.
Si on considère enfin que la dame M ariol s’est jugée
elle-m êm e*, qu’elle a resté liuit ans sans reclamer ce
prétendu prélèvem ent; qu’elle est venue à partage de la
succession de sa m ère, sans rien demander et sans se faire
aucune ré se rv e , il demeurera pour constant qu elle est-
absolument non recevable.
O s e r a -t-e lle dire que ce partage n’est p a s définitif?
t. -Ota*
n.»*
elle ne le montre pas; elle n’en a qu’ un extrait dans ses
&-Vfu}waê—jK. .Asie/
pièces. M ais peut-on concevoir un partage provision»^
»
jf&zï ctr* l*4
entre majeurs ? Il peut y avoir quelques objets om|S 5 ce
crt*<&tUL>
qui ne donnerait pas lieu à un nouveau partage .
... 1
quand il ne serait que p ro visio n n el, la dame
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rti.vvil. i/ucr (t‘ ■Ÿî.itirr&t
/fTjtr/
�( *8 )
peut-elle se flatter dû faire croire que lorsqu’elle partage
l’objet le plus im p o rtan t, le seul immeuble de la suc
cession, elle auroit négligé de faire connoître ses pré
tentions ou ses droits à un prélèvem ent considérable V
Non • on doit même penser que la dame de M ariol a
trop ’de délicatesse pour insister davantage sur une de
mande exagérée : elle se lassera de courir après une ombre
ne p o u r r o i t jamais saisir.
O n terminera par rappeler à 1« dame de M ariol qu’il
existe un testament et un codicile de la dame de V illemont reçu C oste, notaire à Besum ont; que dans ces
actes la dame Villem ont a manifeste ses volontés; qu’elle
a o r d o n n é que ses enfaus fussent héritiers par égalité ; et
si ces actes, 'qui contiennent d’autres le g s , ne sont pas
légalem ent obligatoires, ils le sont au moins dans le foiintérieur : la dame de M ariol ne devroit-elle pas surtout
q u ’e l l e
respecter les dernières volontés de sa. m ère?
-§• I 11Jjds créances réclamées -parla dame M a riol'son t f r a u
duleuses ei nulles. :
i
r
^ , ^ 0 T o c t ;,r e s de la dame M ariol consistent,
Qe A*
-LiCS IHl^
r. (
'
)
,o F n une obligation de la somme de 10000 Irancs,
r
U i . -i. .fin. «y«./' W r i t e par la dame sa m ere le 23 février «793 ;
ÿr'&.*.-Y*o/0-2°. En unc obligation de 6000 fr-., en date du 7 praitiÛ tûu A A an t t , souscrite par la dame V é n y ' femme séparée,
W
- • '*
<L /,**« .
»“ * W e n 8 > d u s!eur d u S a u v a g c ‘ ,
O n va discuter le m ente de chacune dans son ordre.
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^ e / j / « J f a Î L ^ t ^ L p s C \<Joco>f* , M \
f
l our 1 obligation de la m ere, on suspecte aisément des
titres de ce g en re , et de simples présomptions suffisentu
pour les anéantir. Il en coûte si peu d’arracher à la facilité
ou à la foiblesse une obligation payable dans d ix aj?s :
le terme est un peu lo n g , et le bon Lafontaine l’avoit
remarqué dans une ingénieuse allégorie. Mais la justice
doit empêcher les fraudes et les donations déguisées; parce
que, comme le dit judicieusement L eb ru n , il faut défendre
le plus ce qui arriverait le plus souvent.
O r , quand on considère que cette obligation est causée
pour prêts fa its en divers temps par la dame de M a rio l,
sans autre explication , sans préciser en aucune manière
ni les époques, ni les sommes, il est difficile de se per
suader qu’on ait fait un compte bien e x a c t, et que la
dame de M ariol ait prêté jusqu’à concurrence de 8ooo fr.
sans b ille ts, sans notes et sans précaution.
O n doit s’étonner davantage que par traité du 20 mars
1793 5 dame M ariol et son frère se reconnoissent dé
biteurs d’une somme de 62000 francs envers la dame de
V illem ont ; qu’en payement de cette somme le frère et
la sœur se chargent de 56ooo francs de dettes envers les
créanciers de la m ère, s’obligent de lui payer le surplus;
et que la dame de M ariol n’ait proposé aucune déduction
du montant de l’obligation, qui étoit cependant de fraîche
date.
t a*«*?
'Z'
Ce n’est pas tout encore; la dame de M ariol traite avec 'X edvw ¿ 6 ^ Æ
ses cohéritiers, fait avec eux le partage des biens : c’étoit
$.e.-¿â
encore le moment de parler de cette obligation; elJtf n’en
dit rien ; elle ne parle pas même de la somme de 2,000 fr.
promise par la dame de M ontrodès.
�A
/.
( 3° )
td buul S A * J
S
L orsqu’elle veut form er un contrat judiciaire avec le
un J* <«.c - b t r Ç d j sieur Brechet, qu’elle lui donne le montant de ses créances
t^
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ïliw int*1 / avec tant de d(:’tailsi elle Sarde encore ce titre pour une
(l
[ m eilleure occasion.
cr o*t trouver Ie moment opportun; elle forme
W * * / ?
mie demande incidente pour cet objet, dont elle n’avoit
rien dit au bureau de paix en présence de son frère, de
sa sœ ur, de ses neveux.
L a dame de M ariol p eu t-elle espérer quelque succès
dans cette démarche tardive? On a releve toutes ces cir
constances sans vouloir la blesser : mais le sieur Brechet
n’a pas besoin de s’appesantir davantage sur ce point. Les
héritiers du sieur V é n y de T h e i x , neveux de la dame
M a r io l, sont en cause; ils viennent demander justice :
ils diront ;\ leur tante que sans doute elle n’auroit pas
la cruauté d’arracher à des orphelins le dernier morceau
de pain qui leur reste ; qu’ils lui appartiennent d’assez
•
..
près pour qu’elle dût avoir quelques ménagemens ; et
la discussion de cette partie de la cause leur est exclu
sivement attribuée. Ce qui reste à dire au sieur Brechet,
c’est que la dame du Sauvage, dont il est acquéreur, ne
devroit elle-m ôm e qu’ une très-p etite partie de cette
s o m m e , en supposant l’obligation sincère ; elle n’en seroit tenue que dans la proportion de son amendement,
et entre cohéritiers ils ne sont tenus que personnelle• m ent, pour leur part : l’action hypothécaire n’appartient
qu’aux créanciers , non aux cohéritiers.
O n en vient à l’obligation de 6000 francs, consentie
par la dame de V é n y , femme séparée, quant aux biens,
de J e a n -C h a rle s D unpyer du Sauvage, et sans autori
sation de son mari»
�( 31 )
Pleuvent tout à coup les arrêts de la cour de cassation.
i° . Les obligations consenties parles femmes d’émigrés,
sans autorisation, sont valables. Il n’y a ici ci11 une diffi- <
culte qu’il sera impossible de vain cre, c’est que 1 obli
gation est de l’an n ; que le sieur du Sauvage, rentré (
depuis l’an 8 , a été réintégré dans tous ses droits par
le sénatus-consulte de l ’an io ; que dès-lors il n’y a plus
d’émigrés.
L ’article 217 du Code prononce la nullité des obliga
tions souscrites par les femmes sans autorisation de leius
maris.
L ’article 225 dit que celte nullité peut etre relevee
par la fem m e; mais il n’y a que la femme seule, et ex
clusivement , qui ait le droit de relever cette nullité ,
dit la dame de M ariol. Les créanciers de la fem m e, qui
ont une garantie à exercer contr’elle, qui par conséquent
peuvent exercer tous les droits de leur débitrice, n’ont
pas le droit d’exciper de cette nullité : donc la femme
sans autorisation, peut avec im punité, et en fraude de
ses créanciers, consentir des obligations de toutes parts,
conférer des hypothèques au préjudice de ceux qui àuroient des droits antérieurs, ruiner des pères de fam ille,
se jouer de leurs engagemens, etc. V o ilà les conséquences
qui résultent de ce système ; et ce n’est pas sérieusement
sans doute que la dame de M ariol l’a proposé. Les lois
Quœ in fraudent creditorur/i, dont les dispositions sont
répétées dans le Code N apoléon, seroient donc vaines
et illusoires.
M ais lors de cette obligation, la l o i , ou la pa l^e
Code relative aux hypothèques, n’étoit pas prom ulguée;
�(3 0
o r , d’après la loi du n brum aire an 7 , on ne connoissoit point de vente sans transcription; la transmission
de la propriété ne s’opéroit que par la transcription ;
elle étoit le com plém ent de la vente qui jusque-là ne
pouvoit être opposée à des tiers : plusieurs arrêts de
la cour de cassation l’ont ainsi juge.
O n en con vien t; on ne trouvoit peut-être pas dans la
lo i, que la transmission de la propriété ne s’opéroit que
par la transcription ; il étoit peut-etre raisonnable de
penser que la transcription n’avoit d’autre objet que de
purger les hypothèques; la loi n’entendoit vraisembla
blement par les tie r s , que les créanciers qui venoient
par ordre d’hypothèque. L e Code-Napoléon l’a dit bientôt
après : cependant on jugeoit tout autrement. E t qu’im
porte le défaut de transcription , si l’obligation est nulle.
La dame M a r io l, en proposant cette objection , auroit
peut-être bien quelques petits reproches à se faire ; car
si le sieur Brechet a acquis, c’est elle qui l’a sollicité ;
s’il n’a pas transcrit, c’est encore pour l’obliger, et éviter
des frais de notification qui auroient réveillé bien du
monde : mais enfin, qu’a de commun le défaut de trans
cription avec la nullité de l’obligation ? c’est ce qu’on
cherche à deviner.
O n demandera encore à la dame de M ariol pourquoi,
dans son m ém o ire, elle glisse si légèrement sur la dé
légation contenue en cette obligation , et ne dénom m e
pas les débiteurs délégués; ils sont cependant bien connus:
c’étoit la dame D alagnat, et la dame de C o rm eret, sa
sœur. O r , 1g sieur Brechet a la certitude que ces dames
ont fait acquitter toutes les dettes de la dame deFreydefon,
leur
�( 33 )
leur mère : la dame de M ariol a donc été payée de s i
créance; et que signifierait alors le défaut de transcription?
E t quand le sieur Brechet n’auroit pas transcrit , la
dame M ariol persuadera-t-elle à qui que ce soit, qu une
obligation de l’an 11 lui donne des droits sur une vente
faite en l’an 9 ; que sa sœur a voulu hypothéquer un bien
qui ne lui appartenoit plu s, et dont elle avoit reçu le
prix ? L a dame du Sauvage n’a pas fait mention de cette
propriété; elle ne l’a point affectée à la sûreté du payement
de l ’obligation; si elle l’eût fait, elle eût commis un stellionat : la dame M ariol, sa sœur, qui connoissoit la vente,
ne l’auroit pas exigé. Et quelle est donc aujourd hui son
inconséquence ( l’expression est modeste ) , d’oser venu
demander au sieur B re ch e t, acquéreur de la n 9 > le
payement d’une obligation souscrite par sa venderesse en
l’an 1 1 , parce que le sieur Brechet n’a pas fait transcrire
son contrat ?
L a dame M ariol n’a pas senti l’inconvenance de sa
demande; un seul instant de réflexion l’en fera départir;
et ses amis doivent lui en donner le conseil.
§•
IV .
L a dame M a r io l, dans tous les ca s, ri à point d'hypo
thèque sur le bien vendu en Van 9 au sieur Brechet.
P o u r démontrer cette proposition , il est essentiel de
rappeler la clause qui termine l’obligation de la dame
du Sauvage.
a A u payement du prêt ci-dessus, la daine du Sau\ agi,
E
�«
«
«
«
«
«
a obligé et affecté la portion qui peut lui revenir des
biens des successions de la dame de M ontrodes, et du
sieur V é n y de V ille m o n t, son m ari, situés tant dans
l’arrondissement du bureau des hypothéqués de cette
ville (C le rm o n t), que dans celui de Riom , consistans
en bfitimens , prés , terres et vignes, »
A r t. 4 de la loi du n brumaire an y. « T ou te sti—
« pulation volontaire d’hypotlvcque doit indiquer la
« nature et la situation des immeubles hypothéqués-,
c< elle ne peut comprendre que des biens appartenons
« au débiteur lors de la stipulation. »
A r t. 2129 du Code Napoléon. « Il n’y a d’hypothèque
« conventionnelle valable que celle q u i, soit dans le titre
« authentique constitutif de la créance, soit dans un acte
« authentique postérieur, déclare spécialement la nature
« et la situation de chacun des immeubles actuellement
« appartenons au débiteur, sur lesquels il consent l ’h y« polhèque de la créance. »
A v ec deux lois aussi précises, on ne trouvera point
dans l’obligation d’hypothèque valable : une désignation
va «me et générale ne remplit pas le but de la loi. Comment
le créancier pourroit-il connoître les immeubles qui lui
sont affectés, lorsqu’on se contente de lui donner des
biens situés dans les arrondissemens de Clermont et de
R io m ? n’est-ce pas un inconnu qu’il faut chercher dans
un espace indéfini?
L a loi ne rcconnoît plus d’hypothèque générale ,
q u ’a u t a n t qu’elle résulte d’un jugement; et lorsqu’ il s’agit
d’une liyPolll£iCi lie conventionnelle, il faut qu’elle soit
spéciale, c’est-à-dire, circonscrite, déterm inée, avec la
�( 35)
désignation de chaque o b jet, de sa nature et de sa si
tuation.
Il faut que l’objet hypothéqué appartienne actuellement
au débiteur : o r, la dame du Sauvage étoit dépouillée
depuis deux ans de l’immeuble vendu par elle au sieur
Brechet.
La transcription n’étoit pas nécessaire relativement a
la veuderesse; il y a voit de sa part tradition réelle; elle
ne pouvoit donc plus H yp o th éq u er sans se rendre cou
pable d’un délit grave, sans s’exposer a la contrainte par
corps.
E t croira-t-on jamais qu’ une loi- ait v o u lu ,'o n ne
dit pas to lérer, mais organiser, créer, autoriser un stellion at? Comment vou d roit-on abuser d’une affectation
générale, lorsque la loi exige une désignation plus ex
presse ?
La co u r, par un arrêt récen t, du 17 mars 1808, a
jugé en thèse qu’il n’y avoit d’hypothèque spéciale qu’au
tant cju’on avoit désigné d’une manière précise les im
meubles , leur n atu re, et le lieu de leur situation. Cet
arrêt, rendu en très-grande connoissance de cause, est
d’autant plus remarquable q u e , dans l’espèce de la cause,
on avoit alfecté les immeubles appartenans au débiteur
dans une commune dénommée ; ce qui faisoit incliner à
penser que l ’hypothèque étoit spéciale, parce que le dé
biteur pouvoit avoir des propriétés dans toute autre com
mune.
Mais la loi est tellement expresse, tellement limitat*v e >
que les magistrats ne crurent pas devoir s’en écarter.
�( 36 )
m algré les circonstances qui se présento ient en faveur
du créancier.
Ici rien de favorable à la dame de M ariol : elle connoissoit la vente faite au sieur Brechet; elle savoit que
sa sœur s’étoit dépouillée de cette propriété ; elle n’a
donc pas entendu la comprendre dans la stipulation d 'h y
pothèque insérée en son obligation.
E h ! on ne doit pas le dissimuler, la dame de M ariol
est aveuglée dans sa propre cause ; ce ne peut pas être
une ressource pour elle : ses démarches sont in c o n s i
dérées , ses prétentions téméraires ; son insistance ne
feroit point honneur à sa délicatesse; et l’opinion publique
qui dans son pays proscrivoit, condamnoit sa prétention
a dû influer sur ses juges naturels, et la suivra jusqu’en
la cour.
M e, P A G E S (de R io m ), ancien avocat.
-
M e. T A R D 1 F , avoué licencié.
A R I O M de l’imprimerie de Thidaud-Landriot , imprimeur
. d e l a c o u r d’appel. —Avril 1808. ‘
�
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Factums Marie
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Title
A name given to the resource
[Factum. Bréchet, Antoine. 1808]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Pagès
Tardif
Subject
The topic of the resource
successions
avancement d'hoirie
Description
An account of the resource
Mémoire en réponse, pour sieur Antoine Bréchet ancien chef d'escadron, habitant de la ville de Clermont, intimé ; Contre dame Jeanne-Françoise de Vény, veuve du sieur Sicaud de Mariol, habitante de la même ville, appelante d'un jugement rendu au tribunal d'arrondissement de Clermont, le 15 août 1807 ; en présence de dame Marie Avelin, veuve du sieur Vény de Theix, tutrice légale de demoiselle Anne-Françoise-Jeanne de Vény, sa fille ; et de dame Françoise Véthizon-Vény, fille adoptive du sieur Veny de Theix, et du sieur Jean-Baptiste Devèze, son mari : tous intimés.
Annotations manuscrites.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Thibaud-Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1808
1788-1808
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
36 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0504
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Clermont-Ferrand (63113)
Saint-Genès-Champanelle (63345)
Theix (village de)
Rights
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Domaine public
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avancement d'hoirie
Successions
-
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5fee17be7f0064cbb3460e8a5199fe32
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Text
M
É
M
O
I
R
E
POUR
Dame M a r i e - U r s u l e S A L V A I N G D E
B O I S S I E U , et sieur J e a n - P i e r r e
S A U Z E T DE S A I N T - C L E M E N T ,
son m ari, appelans d’un jugement rendu au
tribunal du P u y, le 9 mai 1807;
c o n t r e
J e a n -A n d r é - G u illa u m e
SOUTEY-
R A N , ancien avocat, intimé;
e t
e n c o r e
c o n t r e
L e c u r a t e u r a la succession vacante du sieur
Pierre-Antoine
aussi intimé.
B r u n e l de S a i n t - M a r c e l,
L A dame de Saint-Clément devoit avoir une fortune
considérable; elle s’en voit tout à coup dépouillée par
trente-trois ventes qu’on a arrachées à la foiblesse d’un
vieillard nonagénaire. Toutes ces aliénations ont eu lieu
A
�( 2 )
sans nécessite et sans cause légitim e; un moment de ca
price ou de contrariété les a déterminées : il y avoit
même une certaine combinaison dans le choix des acqué
reurs. Il est pénible pour la dame de Saint-Clément de
se voir obligée de dire que son aïeul, sans autre motif,,
se félicitoit d’avoir trouvé des moyens plus sûrs de dé
pouiller sa petite-fille, parce qu’il avoit vendu à des
hommes de loi qui saui'oient bien se défendre. E t ces
hommes de loi devraient être bien humiliés de se voir
signaler comme des gens redoutables; ils devroient se
reprocher d’avoir accepté une vente faite dans un moment
d’humeur et de colèi’e , par un vieillard dont ils étoient
les conseils, qu’ils dirigeoient dans toutes ses démarches,
et dont les manœuvres étoient tellement connues, que
déjà ils avoient dans leurs mains une opposition qui -les
avertissoit de l’incapacité ou de l ’impuissance du vendeur.
lies sieurs Souteyran, père et fils, ont négligé ces
avertissemens ; ils ont méprisé les avis d’une mère alar
mée; ils ont voulu courir les risques de ce qu’ils appeloient une bonne affaire , et ne rougissent pas d’avoir
dans les mains un bien aussi mal acquis.
Les premiers juges leur ont été favorables : mais ce
succès ne sera qu’éphémère ; et la cour proscrira avec
indignation un contrat frauduleux et nul.
F A I T S .
Thomas-François Arcis,'et Marîe-Thérèse Bossolade,
ont eu de leur mariage M ane-Claire A rcis, qui épousa
le sieur Antoine Brunei de Saint-Marcel.
�( 3 }
Son contrat
m ariage, du 13 juin 1735, contient les
conventions suivantes :
Marie Bossolade, veuve A r c i s , donne à sa fille la
maison et jardin qui lui appartiennent en la ville du Puy,
au-dessous de la porte de Vienne.
Elle se départ en faveur de sa fille, et du sieur SainlM a rcel, son ép ou x, de l’habitation à elle léguée par le
sieur A r c i s , son m ari, dans la maison située rue de la
Courrerie.
Elle se démet en faveur de sa fille, et du sieur SaintM a rc e l, son é p o u x , de l’hérédité du sieur A rcis, dont
elle étoit chargée par son testament, sans se rien ré
server ni retenir.
Ee sieur Saint-Marcel décharge sa belle-mère de lu
somme de 18000 francs portée en l’inventaire du sieur
A r c is , au moyen de la remise et délivi’ance que lui fait
la dame A r c is , des meubles, argent, argenterie, pro~
messes, obligations, contrats de vente qui provenoient
du défunt.
L e sieur Saint-Marcel, pour augment de dot et gain
de survie, donne à son épouse une somme de 4000fr.,
payable en cas de prédécès.
D u mariage du sieur Brunei de Saint-Marcel, et de
la dame A r c is , sont provenues deux filles; l’une ClaireT h é r è s e , qui a épousé le sieur Surel de S a i n t - J u li e n ;
la seconde, M arie-Françoise-Eouise, qui s’est niariee
avec le sieur Salvaing de Boissieu. C ’est de ce dernier
mariage qu’est née Marie-Ursule, épouse du sieur S a u zet
de Saint-Clément.
Par le contrat de mariage de Claire-Thérèse, femme
A 2
�( 4 )
Saint-Julien, en date du 17 février 17^ 9, ses père et
mère la légitimèrent à une somme de 40000 francs pour
ses droits paternels et maternels. L e contrat de mariage
porte quittance d’ une somme de iôooo francs ; et le
surplus de sa constitution dotale, qui est de z 5ooo f r .,
est stipulé payable , savoir : 10000 francs dans Vannée
du décès du prem ier m ourant des père et mère , et
i5ooo fr. dans Tan révolu après le décès du survivan t,
sans in térêt, qu’à compter de l’échéance des termes.
Par le contrat de mariage de la dame de Boissieu ,
du 8 juin 176 2 , ses père et mère lui font donation
entre-vifs , irrévocable, contractuelle et dotale, de tous
et chacun leurs biens meubles et immeubles présens
et à venir, sous la réserve expresse que se font les do
nateurs de la jouissance des biens donnés pendant leur
vie; laquelle jouissance sera réversible de l’un à l’autre.
Ils se réservent un capital de 12000 fr. pour pouvoir
s’en servir dans leurs besoins , et en disposer tant à la
vie qu’à la m ort, en faveur de qui ils jugeront à propos.
[I est dit que cette somme de 12000 francs, également
réversible de l’un à l’autre , sera prise sur les biens à
■venir, s’ il leur en échoit, et subsidiairement, sur leurs
biens actuels.
Les sieur et dame Saint-Marcel se réservent aussi tout
ce qui peut leur être du provenant d’arrérages de fermes,
censives, obligations, comptes de leurs journaux, et gé
néralement toutes les dettes actives.
En attendant que l’usufruit soit consolidé h la pro
priété des biens donnés , ils donnent et constituent en
d o t, à leur fille, en avancement d’hoirie, et pour sup
�( 5 )
porter les charges du mariage, la somme de 20000 f r . ',
plus , d ix- neuf marcs et deux onces d’ai'genterie : ils
payent 11000 fr. à compte, et s’obligent d’acquitter dans
un an la somme de 9000 fr. pour parfaire l’avancement.
« Mais comme ils n’ont deniers en mains pour le
« payement de la somme de 9000 francs, non plus que
« pour acquitter la constitution de la dame Saint-Julien,
« dont il reste dû 12600 francs, nonobstant la quittance
« insérée dans son contrat de mariage, du 17 février
« 1 7 5 9 , insi que les termes qui écherront à l’a v e n ir,
K et pour acquitter leurs autres dettes passives, il a été
« convenu et accordé qu’il sera libre aux sieur et dame
« Saint-Marcel, de vendre et aliéner les domaines de
« Rocharnaud, Mons et Orzillac, champs et vignes de
« Couchât, au terroir de Chadrac; les fonds dépendans
« du domaine de Pouzarol , situés ès-mandemens de
« cette v i ll e , consistans en m a is o n , prés , vergers , et
« champs-, les prés situés au terroir de Ceissac ; et fin a
ls. lem ent\e domaine de Chaspuzac, à leur juste valeur,
« et su r le pied de l estim a tion , p o u rservir au payement
« desdites créances , c o n c u r r e m m e n t aux susdites
« constitutions , et autres dettes connues des parties
« intéressées ; ensemble, pour remplir la réserve du
cc capital de 12000 francs , s i les donateurs sont dans
K le cas de s'en servir ,* le tout suivant le payement,
« et délégation q u i en sera J a ite . »
O n s’oblige de fournir au sieur de Boissieu , futur
époux, un double de la quittance du produit des ventes.
L excédant du produit des ventes au-delà des créances
et reserve ? doit être placé, du consentement du sieur de
�( 6 )
Boissieu et de sa femme, cliez des personnes solvables.
L e revenu en sera payé aux donateurs pendant leur vie,
sans que les acquéreurs puissent être recherchés , en
rapportant néanm oins un légitime emploi de conform ité
à l'état connu des parties.
Si l’intérêt des futurs époux peut exiger l’aliénation
des biens qui l’esteront à la future, il est convenu que
le sieur de Boissieu pourra les vendre à leur juste valeur,
après le décès des donateurs, sans que les acquéreurs
puissent être recherchés par la demoiselle de St.-Marcel,
ou les siens, qui ne pourront répéter dans les biens du
vendeur que le juste prix des fonds par lui aliénés.
O n e x c e p t e des ventes permises à l’époux , le moulin
appelé de Saint-M arcel, et la maison du Puy. Ces objets
ne pourront être vendus que dans le cas où on en
trouveroit un prix avantageux.
En ce qui concerne le mobilier ou meubles meublans,
il est convenu, sans en faire un inventaire plus détaillé,
qu’ils seront remis à la dame de Boissieu dans l’état où
ils se trouveront au décès du dernier mourant de scs
père et mère ; ils sont cependant évalués, dans l’élat
actuel, à la somme de 6000 francs.
I,e même jour 8 juin 1762,. il fut fait un état double
entre les. sieur et dame de Saint-M arcel, et le sieur
Sàlvaing de Boissieu, leur gendre, des dettes qu’avoient
alors les père et mère : cet état se porte à la somme
de 49600 francs, sans y comprendre les 9000 fr. faisant
partie de l’avancement d’hoirie de la dame de Boissieu’*
et qui dévoient être payés dans l’année du contrat 4$
maïiage. Mais, on porte dans cet état une somme q u i
�n’étoit pas exigible ; on veut parler de celle de 2.5ooo f.
due sur la dot de la dame de Saint-Julien, dont io o o o f.
étoient payables après l’an révolu du décès du premiei
mourant des père et m ère, et i 5ooo francs n étoient
exigibles qu’après l’an révolu du décès du sui vivant.
On ne parle pas dans cet état de la somme de 1 2000 f . ,
montant de la réserve, parce qu’on se rappelle que cette
réserve ne devoit être prise que sur les biens a t enir Les sieur et dame de Saint-Marcel se dépouilloient
donc irrévocablement de leurs propriétés, au profit de
leur fille, par ce contrat de mariage. S ils se îeservoient
la faculté de vendre une portion des biens donnés, ils
ne pouvoient le faire q u ’ e n acquittement de leuis dettes.
L e s biens dévoient être vendus à leur juste valeur ■
, et
sur le pied de Vestimation. Ils .étoient obliges d?en dé
léguer le prix aux créanciers; ils étoient tenuside fournir
à leur gendre un double du produit des ventes; .enfin,
-ils devoient rapporter la preuve d ’un légitime em ploi
des deniers de ces mômes ventes.
? . ;i: ••■iG
Les père et m è re , au moyen".de ces conventions,
n’étoient plus que de simples mandataires, qui devoient
à leur fille un compte rigoureux de leur mandat; encore
cette faculté de vendre, réservée par le contrat,• étoitelle exorbitante et contraire au droit jcommun. iCétoit
donner et retenir : o r , ¡en g é n é r a l, donner ¿ t retenu
ne vaut. Si on excepte les contrats <ie mariage de cette
prohibition , c’est qu’ils sont susceptîblos'ide toutes des
conventions qui ne blessent pas le«'
-mœurs.-Mais
■toujours on doit restreindre ce quUedt exo.rbit«in t , et
b o n n e s -
lorsqu’ une faculté de ce genre est subordonnée à de cei>
�( 8 )
tain es conditions , on doit les remplir avec exactitude.
La dame A rcis, femme Saint-Marcel, est morte le 16
juin 1784. L e sieur Saint-Marcel a parcouru une très1on°1ue carrière; il a survécu vingt-un ans à sa femme;
il est décédé le 24 octobre i 8o 5 , âgé de quatre-vingtdix-sept ans.
Il semble qu’aussitôt après le mariage de la dame de
Boissieu, les père et mère ont aiï'ecté de se jouer de leurs
engagemens. Les ventes se sont multipliées : depuis le 27
juin 1762, jusqu’au 18 novembre 1782, les sieur et dame
Saint-M arcel ont vendu successivement des immeubles
donnés, pour la somme de 47^®9 f^ncs.
L e sieur de Boissieu voyoit avec regret toutes ces
aliénations ; il se permettoit à cet égard quelques obser
vations respectueuses : elles étoient mal accueillies.
Plusieurs lettres du sièur Saint-Marcel annoncent de
sa part un changement d’affection, des regrets amers et
peu flatteurs pour sa fille, d’avoir légitimé la dame SaintJulien , et institué la dame de Boissieu.
Ce fut bien pis encore après la mort de la dame son
épouse. Il se mit dans la tête de payer par anticipation,
à la dame Saint-Julien, la somme qui n’étoit exigible
q u ’ u n , an après ;sa mort. Il écrivoit à la dame de Bois
sieu qu’elle seroit encore la mieux partagée; qu’il auroit
dû laisser ses deux filles égales. Cependant la foi des
contrats de mariage doit être gardée : sans la donation
faite à la dame de Boissieu, son mariage n’eût pas eu
lieu;.ses enfans n’auroient pas vu le jour.
jjj Ce fut avec desi-peines infinies) que le sieur de Bois
sieu obtint de son beau-père la préférence pour un jardin
appelé
�( 9 )
appelé de V ien n e, que son b e a u - p e r e lui délaissa avec
hum eur, pour une somme de 3500 francs, a condition
que son gendre seroit tenu de p r é c o m p t e r j o o fumes
sur celle de 12000 francs, montant de sa reseive. L af
fection qu’avoient montrée le sieur de Boissieu e t la dame
son épouse pour ce jardin déplut au sieur de SaintMarcel : il ne destinoit point cet objet à son gendre*, il
se crut humilié en a c c é d a n t à ses d é s i r s .
L e contrat de mariage de la dame de Boissieu contient
l’énumération des biens qui poui'roient etie aliènes pour
cause légitime. A la suite de tous les immeubles désignés,
on lit ces mots : H t fin a lem en t le domaine de Chaspuzac.
Il n’y a rien d’inutile dans un contrat. Ces expressions
limitative^ mettoient le domaine de Chaspuzac au der
nier l’ang; il ne pouvoit être vendu qu’après que tous
les autres objets désignés auroient été épuisés : il y avoit
même de gi’ands motifs p o u r conserver cette propriété',
elle étoit à la bienséance du sieur de Boissieu , près de
ses autres possessions, et en augmentoit la valeur. L e
domaine d’Orzillac étoit un des premiers destinés à la
vente ; il restoit dans les mains du sieur de Saint-Marcel :
par contrariété, le sieur Saint-M arcel veut vendre le
domaine de Chaspuzac. Déjà le nombre des ventes pai
lui consenties se portoit à trente-deux, toutes sans esti
m a tio n : plusieurs avec cession de plus-value; toutes sans
épingles-, la plupart sans cause, sans n é c e s s i t é , « créa it,
au comptant, sans jamais justifier de l’emploi ; toutes sans
aiïiches, sans formalités quelconques, et à vil prix.
Les sieur et dame de Boissieu apprirent avec eflioi que
Je domaine de Chaspuzac alloit encore leur échapper, ils
�( 1° )
furent instruits que les sieurs Soutcyran , père et fils, l’un
procureur, l’autre avocat, se présentaient pour acquérir..
L e 31 mars 1791? les sieur et dame de Boissieu prirent
le parti de faire notifier un acte extrajudiciaire aux sieurs
Souteyran, par lequel ils déclarent « qu’étant venu à
cc leur connoissance que les sieurs Souteyran étoient sur
« le point d’aclaetcr le domaine de Chaspuzac, ils leur
« dénoncent que la propriété leur appartient; qu’il ne
« dépend pas du sieur S a i n t - M a r c e l de les en dépouiller;
cc que par les ventes qu’il a déjà faites, il a plus qu’abcc sorbé les réserves contenues dans leur contrat de ma« riage ; que par ce moyen , et autres à d éd u ire, ils
cc entendent se conserver ce domaine ; qu’ils n’auront
cc aucun égard à toutes les sûretés que les d«mes Soucc teyran pourroient prendre, et terminent par leur laisser
« copie du contrat de mariage de la dame Boissieu. »
Cette déclaration d’une mère de famille qui voit dis
siper sans nécessité le bien de ses enfans, auroit dû
arrêter des personnes délicates, surtout des hommes
d’affaires. Mais les sieurs Souteyran bravèrent l’opposition
des sieur et dame de Boissieu, et ils n’en furent que plus
empressés de terminer. U occa sio ii cVim bon m a r c h é ,
et la facilité que donnoient alors les assignais pour les
payemens, les déterminèrent.
L e 25 octobre 179 1, le sieur Brunei de Saint-Marcel,
excipant des clauses du contrat de mariage de sa fille,
qui lui permettent de vendre le domaine de Chaspuzac,
dépendant de son patrimoine, et autres immeubles y
désignés, pour payer ses dettes, acquitter 12000 francs
qui restent dûs de la dot faite à son autre fille Saint-
�( 11 )
J u lie n , et se retenir et disposer de 12000 francs par lui
réservés , vend au sieur Souteyran , ci-d eva n t procu
reur, et à la dame O b rier, son épouse, l’entière pro
priété de son domaine de Chaspuzac, deux petites rentes
en dépendantes. Cette vente est faite par le sieur SaintMarcel, comme seigueur haut-justicier, avec les charges,
pour l’a v e n ir, de la taille et des dîmes ( supprimées
par la loi du 14 avril 179°)*
Cette vente est faite moyennant 2o5oo f r . , et 600 fi.
pour épingles ; sur lequel prix la dame S a i n t - Julien
reçoit la somme de 12000 francs sans aucune garantie^
et les 9100 francs restans, le vendeur déclaré les avoir
reçus à compte de sa réserve , ou autres hypothéqués
par lui acquises sur les biens des sieur et dame de Boissieu, suivant l’état par lui tenu, subrogeant les acquéreurs
à tous ses droits.
L e sieur Saint-Marcel se félicite d’avoir si bien choisi
ses acquéreurs; ce sont, écrit-il à sa fille, des hommes
de loi, qui sauront bien se défendre, q u i vous mèneront
dur. Il mêle l’ironie à ses menaces; il trouve plaisant que
son gendre, qui est attaqué de cécité, et ne peut avoir
aucune jouissance, soit encore assez téméraire pour se
plaindre des ventes que fait son beau-père.
Ces hommes de l o i , si fort vantés par le sieur SaintM arcel, ne voulurent pas lui donner le démenti. L e sur
lendemain de la vente, c’est-à-dire, le 27 octobre 1 7 9 1 1
ils firent citer le sieur de Saint-M arcel, pour qu il fût
tenu de faix*e valoir la vente qu’il leur avoit consentie,
et de faire donner main-levée de l’opposition iormee par
les sieur et dame de Boissieu.
V> z
�( 12 )
Les sieurs Souteyran étoient assez maladroits dans cette
démarche précipitée. C ’étoit reconnoitre qu’ils avoieiït
acquis des droits litigieux , ce qui est vigoureusement
prohibé aux gens de loi. Mais tout se faisoit concurrem
ment avec le sieur S a in t - Marcel. L e gendre du sieur
Souie37ran devient l’avoué du vendeur ; 0n assigne les
sieur et dame de Boissieu en main-levée de leur oppo
sition; on fait joindre les d e u x . demandes; et le jugement
de jonction est notifié aux sieur et dame de Boissieu le
30 janvier 1792.
L e 3 février suivant, on leur fait notifier 1°. l’état des
ventes consenties tant par la dame Saint-Marcel que par
son m ari, conjointement ou séparément, depuis le con
trat de mariage des sieur et dame de Boissieu , du 8
juin 1762.
2°. L ’état général des payemens faits par le sieur de
Sa in t-M a rce l, depuis le mariage du sieur de Boissieu,
pour fo rm er Pemploi des sommes provenantes des ventes
faites depuis la môme époque.
L e 5 mai 1792, les sieur et dame de Boissieu signifient
aux sieurs Souteyran le contrat de mariage de la demoi
selle de Boissieu, leur fille, avec le sieur Sauzet de SaintClément, en date du 8 janvier 1792; et comme ce contrat
de m a r i a g e contient une donation universelle au profit
de la dame de Saint-Clément, les sieur et dame de Bois
sieu d é c l a r e n t qu’ils n’ont plus d’ intérêt dans la cause,
qu’ ils doivent être mis hors d’instance, et que les sieurs
Souteyran peuvent, s’ils le jugent à propos, diriger leurs
poursuites contre les sieur et dame de Saint-Clément.
O u profite bien vite de cet avis. L e 9 du même mois
�( 13 \
,
i>.
de m ai, les sieur et dame de Saint-Clement sont appelcS
en cause. On obtient contre e u x , par défaut, un juge
ment de jonction, le 30; il leur est notitié sous le nom
de leur aïeul, le 9 juin suivant, avec un memoiie expli
catif vraiment in ju rieux, et qu’on pourvoit qualifie! de
libelle, si on ne s’étoit servi du nom du grand-pere.
En tête de cette signification se trouvent deux pieces
bien essentielles au procès.
La première est un acte notarié, du 20 avril 1792,
par lequel les acquéreurs et le vendeur reconnoisjent ne
s’être pas conform és a u x clauses du contiat de maiiage
des sieur et dame de Boissieu, lors de la vente du domaine
de Chaspuzac. Ils dérogent au prix exprime dans cette
vente ; ils conviennent mutuellement que la vente du
domaine de Chaspuzac sortira son plein et entier effet,
pour son prix et valeur , siiivant l’estimation qui en
sera faite par le sieur R eco u les, expert, habitant de la
ville du P u y , qu’ils ont amiablement nommé pour leur
expert commun. Ils le dispensent de toute formalité ,
de toute prestation de serment; ils s’obligent d’acquiescer
à l’estimation qui sera faite à frais communs. Si elle
excède la somme de 21100 francs, portée par le contrat,
les acquéreurs rembourseront sans délai l’excédant au
sieur S a in t-M a rce l, qui promet à son tour de rendre
2e m o in s , s’il y a lieu.
L a deuxième pièce est le procès verbal d ’ e s t i m a t i o n du
sieur R eco u les, du 14 mai 1792. On v o i t par ce procès
verbal que le domaine de Chaspuzac se c o m p o s e de
quatre-vin gt-sep t pièces d’immeubles : son estimation
est portée à la somme de 21427 fr. ; de sorte q u il y «
�( l4 )
un accroissement de prix de 327 fr. Mais 011 remarque
que l’expert a négligé d’estimer les bois pins, les arbres
enradiqués autour des héritages, les meubles, la maison
de lu ferme, etc. On voit au bas de ce rapport que les
acquéreurs et les vendeurs l’approuvent et le confirment
dans tout son contenu, et veulent qu’il sorte son plein
et entier effet; et cette approbation, en date du 16 mai
1 79 2 , n’a j)as même étéJ a itc double.
O n élague les incidens de procédure qui eurent lieu
depuis cette signification ; on se contentera d’observer
que le 18 mai 179 3, intervint jugement qui appointe les
parties en droit : le procès fut distribué le 17. Là se ra
lentit l’ardeur des sieurs Souteyran. L e sieur de Boissieu
mourut le 6 ventôse an 5 : bientôt les sieur et dame de
Saint-Clém ent apprennent que leur aïeul étoit circon
venu , et qu’on vouloit encore arracher à sa foiblesse les
derniers immeubles qui lui restoient. Ils prirent le parti
de le faire citer de nouveau, ainsi que les sieurs Sou
teyran , devant le tribunal civil du P u y , le 28 messidor
an 6 , pour voir prononcer sur les conclusions déjà prises
ou à prendre , avec déclaration expresse faite au sieur
Saint-Marcel, que les sieur et dame Saint-Clément s’op
posent formellement à ce qu’aucune nouvelle vente soit
par lui consentie , et avec protestation de se> pourvoir
par les voies de droit contre toutes les ventes qui avoient
été faites par
passé, ou qui pourroient l’être à l’avenir.
L e sieur Souteyran père est décédé le 10 nivôse an 1 3 ;
le sieur de ‘S a i n t - M a r c e l , âgé-de quatre-vingt-dix-sept
ans, est m ort le 2 brum aire an 14.
L e lendemain de son décès, les scellés furent apposés
�C 15)
sur ses meubles; il fut procédé à la rém otion, eL à l’in
ventaire du mobilier , le 6 du même m o is , et jours
suivans»
Cet inventaire prouve que le mobilier est réduit à un
état pitoyable ; que tout étoit à l’abandon , et dans un
état de dégradation absolue.
La dame de Saint-Clément , sous l’autorité de son
m ari, en sa qualité de donataii’e contractuelle de tous les
biens présens et à venir de la dame Françoise-Louise
Brunel-Saint-Marcel, sa mère, mit un acte au greffe du
tribunal civil du Puy , par lequel elle déclare qu’elle
s en tenoit à la donation de biens présens faite à sa mère
par feu Sain t-M arcel, son a ïe u l, dans son contrat de
mariage du 8 juin 1 762 ; qu'elle renonce à tous biens
« v e n ir , et répudie la succession du sieur Saint-Marcel,
son aïeul.
Cette répudiation a été réitérée le 20 février 1806 ;
et le 25 mars suivant la dame de Saint-Clément et son
mari ont fait citer le sieur Souteyran, avocat, au bureau
de p a ix , pour se concilier sur la demande tendante à
reprise et continuation de l’instance pendante entre
les parties, et à ce q u e , ayant égard à ce qui résulte des
actes y énoncés, et à la répudiation par elle faite des
biens à venir de son aïeul, p o u r s ’eu tenir à la donation
dotale faite à sa mère le 8 juin 176 2 , la vente du do
maine de Chaspuzac, consentie par feu sieur Saint-Marcel
au s^eui'Souteyran , le 20 octobre 1791» solt déclarée
nulle , comme faite à non domino , pro non debito ,
par contravention formelle au contrat de mariage de la
dame de Boissieu, sa m è r e , et au mépris de l’acte d’op
�( i6 )
position du 31 mars 1791 ; qu’en conséquence le sieur
Souteyran soit condamné ù se désister du domaine de
CJiasuuzac, à en restituer les jouissances ainsi que de
X
’
*
d ro it, etc. L e sieur Souteyran comparoît au bureau de
paix; il s’étonne que la dame Saint-Clément veuille at
taquer la vente du domaine dont il s’agit ; il argue la
procédure de nullité; il prétend cjue la dame SaintClément n’avoit rien à faire dans toutes ces demandes ;
qu’en vertu de l’art. 1649 du Code Napoléon, le mari
seul avoit le droit de poursuivre les détenteurs des biens
dotaux de sa femme ; que celle-ci ne pouvoit figurer
au pi’ocès. Ce moyen étoit assez mal imaginé pour un
avocat, parce que le Code s’applique principalement à
l’administration, et que la présence de la femme ne
vicioit pas la procédure , dès que le mari étoit en qua
lité. Cependant le sieur de Saint-Clément, effrayé de cette
demande en nullité, peut-être parce qu’il plaidoit contre
un avocat, a cru devoir renouveler la citation, inter
venir dans l’instance; ce qui a donné lieu à un nouveau
procès verbal du bureau de paix, où le sieur Souteyran
a répété ce qu’il avoit déjà dit. Il y a eu ensuite assi
gnation aux fins de la cédule; jugement qui,donne acte
de l’intervention, et ordonne la reprise ; et enfin autre
jugement du 13 août 1806, qui a nommé pour cura
teur à la succession vacante du sieur Saint-Marcel, la
personne du sieur Belledent, avoué. Bientôt il s’est ouvert
une longue discussion sur les prétentions respectives des
parties.
L es sieur et dame Saint-Clément ont soutenu que la
vente du domaine de Chaspuzac, consentie au sieur
Souteyran,
�( 17 )
Souteyran, étoit nulle ; que l’aliénation avoit été faite
au préjudice des véritables propriétaires-, qu’elle avoit
eu lieu sans cause comme sans nécessité, en contraven
tion formelle aux clauses du contrat de m ariage, du 8
juin 1762; qu’elle avoit été l’eiï'et du repentir, d’ une
humeur injuste, de la haine, de l’intrigue et de la col
lusion.
L e sieur de Saint-Marcel avoit fait une donation uni
verselle en faveur de sa fille, sous la réserve de l’usu
fruit : s i, en attendant que cet usufruit f û t consolidé
à la propriété, les donateurs s’étoient reservé la faculté
de vendre certaine partie de leurs biens, ce ne pou voit
être que pour acquitter des dettes exigibles, après une
estimation préalable , et à la charge d’un emploi dont
il seroit justifié.
Il falloit suivre dans les ventes l’ordre établi par le
contrat.
L e domaine de Cliaspuzac étoit le dernier objet qui
de voit être atteint : tout le reste devoit être épuisé avant
qu’on pût songer à l’aliénation de cette propriété.
Cependant la vente est faite pour payer à la dame S a in tJulien une somme qui ne concernoit pas le sieur de
Saint-Marcel : c’étoit la dame de Boissieu qui en étoit
tenue; sa sœur ne pouvoit l’exiger qu’un an après le
décès du sieur Sain t-M arcel ; cette s o m m e ne devoit
pioduiie d interet qu’à défaut de p a y e m e n t à 1 époque
de l’exigibilité.
D ’un autre c ô t é , le surplus du prix de cette vente est
employé à payer une réserve qui, aux termes du contrat
de mariage, ne devoit être prise que sur les biens à venir.
G
�( *8 )
X/es ventes ne contenoient aucune délégation au profil:
des créanciers ; la délégation étoit une des conditions
essentielles de la vente.
Les acquéreurs a voient donc interverti l ’ordre prescrit
par le contrat de 1762. Ils avoient acquis sans estima
tion , et à vil prix ; ils avoient reconnu le vice de leur
contrat, puisque , par un acte postérieur , ils avoient
dérogé à toutes les clauses de la vente, et s’en étoient rap
portés à l’estimation d’un tiers. Cette estimation , faite
sans formalité, erronée et partiale, auroit dû au moins
être contradictoire avec les donataires , et n’a été approuvée entre les acquéreurs et le vendeur que par un
acte sous seing privé non fait double.
Les acquéreurs ont eu sous les yeux le contrat de ma
riage de 1762; ils ont connu la nécessité et le mode de
l ’emploi ; ils s’en sont écartés en connoissance de cause.
Les acquéreurs ont su que le sieur de Saint-Marcel
avoit plus qu’absorbe, par ses aliénations, le montant
des dettes connues et énoncées dans l’état joint au contrat
de 1762.
En effet, suivant cet état, il étoit d û, i ° . au sieur de
Saint-Julien, pour reste de la dot promise par son con
trat, la somme de douze mille six cents fr., nonobstant
la quittance insérée au même acte, ci. . . .
12600
2°. A Messieurs du chapitre de la cathé
drale du P u y , pur billet du 28 décembre
2000
174 6, deux mille francs, ç i .........................
30. A u x darnes religieuses de Vais, par
14600 fr.
�( i9 )
C i-co n tre..................
14600 fr.
contrat du 10 avril 1737 , pareille somme
de deux mille francs , c i ................................
2000
4 °* A u sieur Farense, prêtre, de Cliarantus, par contrat du 14 octobre 1733, deux
mille francs, c i ........................... ......................
2000
5 °. A u même sieur Saint-Julien, la somme '
de vingt-cinq mille fr. énoncée payable aux
termes portés par son contrat de mariage, ci. . 2Ô000
6°. A u sieur de St.-M arcel, prêtre, frère
du donateur, par billet sous seing p r iv é ,
du 24 janvier 1738 , pour ses droits suc
cessifs paternels et maternels, la somme de .•
t <_
six mille francs, c i .................................. .
6000
T o ta l
.....................................
49600 fr.
T e l est l’etat annexé au contrat. A u bas sont ajoutés
ces mots ;
« Nous soussignés , certifions que l’état ci-dessus est
,« celui dont il a ete fait mention dans le contrat de
« mariage de cejourd’l i u i , auquel nous offrons respec« tivemûnt de nous conformer. Fait d o u b le , ce 8 juin
« 1762. » Suivent les signatures.
Il est dém ontré, d’après cet acte fait double, que les
donateurs ne pouvoient vendre aux conditions exprimées
au contrat, que jusqu’à concurrence i° . de la somme de
neuf mille francs payable au sieur Boissieu dans un an,
c i . . . . ....................... ............... .......................... ..
9000 fr.
2°. A u sieur Saint - Julien > douze m ille_________
9000 fr.
G 2
�( 20 )
D e Vautre p a r t . . . .
9000 fr,
six cents francs, c i ...........................................
3°. Que le sieur S a in t-J u lien n’a pu
exiger qu’une somme de dix mille francs
sur les 2Ôooo francs promis l’année d’après
la mort de la dame Saint-Marcel; c’est-àdire, le 16 juin 178 5, attendu que la dame
Saint-Marcel est décédée le 16 juin 1784,
12600
ci............................................................................
40. A u x chapitre et «l’cligieuses, quatre
10000
mille francs, c i ..................................................
5 °. A u sieur Farense, ou au sieur SaintM arcel, prêtres, huit mille francs, c i . . . .
6°. Enfin, si l’on veut, pour remplir la
réserve de 12000 francs que s’étoit faite les
donateurs, la somme de neuf mille francs,
4000
ci.......................................................................... ..
O n ne trouvera que la somme de cin
quante-deux mille six cents francs, c i . . . .
8000
9000
62600 fr.
Jusqu’à concurrence de laquelle les donateui's avoient
la faculté de vendre, à la charge de l’estimation et de
l’emploi.
On a restreint ci - dessus la réserve de la somme de
12000 francs, a celle de 9000 francs; et il faut expliquer
la cause de celte réduction.
On n’a pos oublié que cette réserve de 12000 francs
ne de voit être prise que sur les biens à v en ir, et subsidiairernent seulement, sur les biens actuels, en cas de
besoin. O r , le 17 septembre 1 7 7 3 , la dame Arcis a re-
�(2 1 )
cueilli un legs de 3000 francs, de la part de la dame
P eyret, veuve C alm ard, par son testament mystique,
du 5 février 1 7 7 3 , ce qui réduit bien évidemment la
réserve à 9000 francs ; de sorte que les donateurs ne
pouvoient donc rigoureusement aliéner que jusqu’à con
currence de 52600 francs.
Qu’on compare maintenant l ’état des ventes qui ont
été faites depuis 176 2 , par les sieur et dame de SaintMarcel, conjointement ou sépai'ément, et antérieurement
à la vente du domaine de Chaspuzac, on voit par l’état
des ventes, signifié le 3 fé v r ie r 179 2, état infidèle dont
on a relevé les omissions avec exactitude,
i° . Une vente par la dame Saint-Marcel,
d’un cliamp compris dans la donation , au
prix de sept cents francs, en faveur de Jean
Arnaud, le 27 juin 176 2 , ci.........................
700 fr.
20. A u t r e v e n t e d e la m ê m e a u m ê m e ,
^ le 29 août 1762, au prix de cinq cent qua
rante francs, c i ..................................................
30. A u tre vente sous seing p rivé, par la
dite dame, en faveur de M . Raymont, prêtre,
le 16 octobre 176 2, au prix de huit mille
francs, c i ..............................................................
540
8000
Nuta. P l u s , une somme de deux cent
cinquante fr. pour épingles, ainsi qu’il est
prouvé au procès, ci........................................
4°. Autre vente de deux prés, par la dame
Saint-Marcel, en faveur de Marie Enjolras,
949° fr.
�C 22 )
D e Vautre y a r t....................
949 ° fr-
veuve Gallien, le 7 décembre 1762, au prix
de deux mille francs ( P ic lio t , notaire ) ,
ci............................................................................
5°. A u tre vente par la même, à Claude
Bernard , le 2 5 avril 1763 , au prix de
six cents francs, c i ......... .................................
6°. V ente par M . Saint-Marcel, au sieur
B r u n e i, le 5 septembre 17 6 3 , au prix de
2000
six cents francs, c i ...........................................
7 0. A u tre vente par le sieur Saint-Marcel,
à un sieur V incent, le 4 novembre 1763 ,
au prix de trois mille deux cents francs, ci.
8°. A u tre vente par M . Saint-Marcel, à
Jean V ianis, de plusieurs fonds à Farreivoles, le 11 décembre 1762 (V a le tte , no
t a i r e ) , au prix de quatre-vingt-dix-neuf
600
francs, c i .............................................................
90. A u tre , par*lc même au m ême, d’ un
c h e z a l, le 1 5 mars 1763 (m êm e notaire ) ,
au prix de neuf francs, ci.............................
io °. A u tre, par le même au même, d’une
maison et grange à Fa rreivoles (même no
taire ) , au prix de cent francs, c i ........... .. .
110. A u t r e vente par M . de Saint-Marcel,
à V idal Masson , le 6 avril 1 7 6 4 , pour
seize cents francs, c i .........................................
12°. A u tre vente par le même, à J.-Pierre
600
3200
99
p
100
1600
17698 fr.
�C 23 )
C i-con tre. . ................
17698 fi<
B u rre l, le 28 août 1 7 6 4 , avec cession de
toute plus-value, au prix de trois cents f i . ?
C i ............................................................................................ ...
130. Autre vente à Jean-Pierre Sicard,
le i i mars 1765, pour trois cents francs, ci.
140. A u tre vente p ar le même, a Matthieu
R o u x , le 30 janvier 1770 ? pour six cent
•«
cinquante francs , c i .
...........................
i 5°. A u tre vente par les sieur et dame
Saint-Marcel, au sieur B ru n ei, le 21 avril
1765, pour sept cent cinquante francs, c i . .
160. A u tre , par le sieur Saint-Marcel, à
Pierre R o c h e , le 10 décembre 176 6, pour
trois cent quatre-vingt-quatorze francs, ci.
17 0. A u tr e , par le m êm e, à Hyacinthe et
Marie Rotidil, le 7 mars 1767 , pour quatre
cent quatre-vingts francs , c i .........................
180. A u tr e , par le sieur Saint-Marcel, au
sieur B runei, le 18 mars 1767, au prix de
sept cents francs, c i ............................................
190. A u tre vente -privée, par le m êm e,
le 23 mars 1768, à Jean-Pierre Pages, pour
quatorze cents francs, ci..................................
200. A u tre, à A ndré R o u x , du 13 novem
bre 1769, avec cession de plus-value, pour
cinq cent cinquante francs, ci.........................
2 i° . A u tr e , en faveur de la dame veuve
300
3° °
- 7 ^°
394
480
700
1400
55o
___
23222 fr.
�( M )
JDe Vautre p a r t....................
B o u lh io l, le 23 décembre 1 7 7 0 , au prix
de trois mille huit cents francs, c i ................
220. A u t r e , à Matthieu A l y r o l , le 21
janvier 1772 , pour quatre cent cinquante
francs, avec cession de plus-value, ci........
23'’. Autre, au sieur Flori, du 30 septembre
1771 , au prix de trois mille francs, c i . . ,
2 4 ° . A u t r e , au profit du sieur SaintM arcel, curé de l’Hôtel-Dieu, le 4 décembre
1 7 7 2 , pour sept mille huit cents francs, ci.
25°. A u tr e , au sieur Chaumel, le 21 mars
1 7 7 3 , pour neuf cent cinquante francs, ci.
26°. A u t r e , à Louis B le u , le 1er. décernbre 1 7 7 6 , pour quatre-vingt-seize f r . ,
ci...................................................... ......................
27 0. A u tre vente privée, au sieur F lo ri,
23222 fr.
3800
4^0
3000
7800
960
96
le i er. décembre 1 7 8 1, pour quatorze cents
francs, c i ........................................................... ..
1400
28°. A utre, du 8 novembre 1782, au prix
de cinq mille six cents francs , c i ................ 56 oo
290. A u tre , du 19 avril 1786, pour quatre
400
cents fran cs, c i ......... ........................................
30°. Expédition du jardin d eV ien n e, par
le sieur Saint-Marcel, au sieur de Boissieu,
son gendre , le 28 mai 1788 , pour trois
t
mille cinq cents francs, c i .............................
3600
31°. Délaissement de fonds par le sieur
50218 fr.
�( 25 )
C i-con tre.......................
St.-Marcel, en faveur du syndic de l’hôpital
du P u y , le 6 novembre 1782, au prix de
trois cents fr., avec promesse que les pauvres
assisteront i\ son décès, ainsi qu’est d usage
d’y assister lors du décès d’ un bienfaiteur,
ci.............................................................................
5 o 2 i 8 fr.
300
320. Autre délaissement de fonds, par le
même , en faveur du directeur de 1 HotelD ieu , le 9 février 1783, au prix de quatorze
cents francs, c i ..................................................
1400
T o t a l .............................................
5 i9 i 8
fr.
À
Qu’ on ajoute les 3000 f r . , montant du legs fait a la
dame Saint-M arcel, le 5 février 1 7 7 3 » e*- recueilli Ie 170 t«. 1 3 - n i 7 /_ —
décembre suivant, l’on verra qu’il y avoit entre les mains
J2.
du sieur de Saint-Marcel, -5^yt 8 -fr. pour f<nre face aux
dettes exigibles de son vivant^
Par quel inconcevable caprice le sieur Saint-Marcel
a-t-il donc vendu le domaine de Chaspuzac ? L e sieur
Souteyran , sous le nom du sieur Saint-M arcel, voulut
justifier cette vente, en donnant un état des prétendus
payemens faits par le sieur S a in t-M a rc e l, et qu’il fait
porter à la somme de 76619 fr. •, de sorte que m ê m e en
«joutant le prix de la vente de Chaspuzac, le sieur SaintMarcel se trouveroit encore en avance.
, ,
M a i s de quel droit le sieur S a i n t - M a r c e l se seroit il
permis de payer des prétendues dettes non c o m p i is e s e n
l’état fait double entre son gendre et lu i ? d un a u t ie côte,
comment ces payemens sont-ils justifies? la ph*Pa it p^ï1
�(
)
des quittances sous seing p r i v é , qui n’annoncent que des
dettes fictives ou des dettes postérieures au contrat ; par
des remboursemens de capitaux aliénés à titre de rentes
constituées avec toutes retenues ; dettes qui ne pouvoient
exiger l’aliénation des immeubles. Ce seroit de la part
du sieur de Saint-Marcel la plus mauvaise administra
tion , s’il eût été propriétaire : c’est un mandataire infi
dèle , qui a excédé ou abusé de son mandat, dès qu’il
n’avoit qu’un titre précaire.
D e v o it- il encore aliéner des immeubles pour remLoui’scr à la dame Saint—J uIicj , sa fille , un capital qui
ne produisoit aucun in té rê t, qui n’étoit exigible qu’un
an après son décès, qui par conséquent n’étoit pas sa
dette personnelle? C ’est à sa iille de Boissieu qu’il devoit
laisser ce soin ; c’est elle seule qui étoit chargée de cc
remboursement.
L e sieur de Saint-Marceljétoit d’autant moins excusable,
qu’indépenàamnient des sommes provenues des ventes
multipliées qu’il a faites, il avoit encore tous les effets,
meubles et bijoux de la dame Arcis , son épouse, qui
avoit joui de ses biens aventifs considérables, puisqu’elle
avoit recueilli la succession de la dame Bossolade, sa
m ère, et de deux oncles. L e sieur de S a in t-M a rce l ne
s’ é t o i t - i l pas réservé encore ses contrats, les arrérages
des rentes, des baux de ferme, toutes ses dettes actives?
N ’étoit-il pas plus naturel d’utiliser ces objets , de les
vendre, et eu employer le prix à l’acquittement des dettes?
Toutes ces circonstances établissoient que la vente du
d o m a i n e de Chaspuzac avoit été faite sans nécessité comme
sans cause; qu’elle étoit le fruit de l’intrigue, de la pré-
�( 27 )
vcntion et de l’artifice; qu’elle avoit été Consentie par
une personne incapable ; que dès-lors elle devoit être
déclarée nulle.
Les sieur et dame Saint-Clément donnoient une nou
velle force à ces moyens, en argumentant de la vilité du
prix de cette vente. Cette vilité est démontrée par les
baux de ferme. O n voit en effet que ce domaine étoit
affermé sous la réserve du bâtiment du m aître, de tous
les bois pins, de toutes les plantations qui sont autour
¿es propriétés, et du verger qui environne les bâtimens,
moyennant 5oo francs argent, vingt-deux setiers seigle,
de seize cartons le setier ; quatre setiers o r g e , même
mesure; huit cartons de pois blancs, cinquante livres
beurre, et cinquante livres de fromage, quatre paires de
chapons, dix-huit livres chanvre, deux charges de raves,
d une charge pommes de terre, le tout portable au P u y ;
dix journés de bœufs , la moitié de la tonte des arbres ,
tous les plançons à planter par le ferm ier, le chauffage
a la ville et à la campagne.
Si on ajoute qu’à l’époque de la vente la dîme étoit
suppi im ee, on verra qu’un domaine qui rapporte plus
de 2000 francs de revenus n’a été vendu, le 21 octobre
I 79 I j que 21100 fr. assignats, n’a été estimé, le 14 mai
I 79 2 ? qu’ une somme de 21427 fr, assignats, q u i , d’après
1 échelle du tem ps, donne la somme de 14784 liv. 12 sous
en numéraire.
après ces détails , ilsembloit que la n u l l i t é delà vente
ne pouvoit faire la matière d’un doute : cependant la
cause portee à l’audience du tribunal du P u y , le 12
m;u i 8o7 , les siçur et dame S a i n t -Clément ont sncD 2
D
�(
2
8
)
combé. l î est indispensable de connoître les motifs et
le dispositif de ce jugement. Les premiers juges posent
trois questions.
i° . L e sieur de Saint-Marcel a-t-il été autorisé, en exé
cution des clauses insérées au contrat de mariage des sieur
et dame de Boissieu, à vendre le domaine de Chaspuzac?
2 °. L ’opposition faite de la part des mariés de Boissieu
et Saint-Marcel peut-elle être considérée comme un moyen
suffisant pour opérer l’annullation de la vente?
3°. Cette vente peut-elle êti’e considérée comme faite
à v il p r i x , en ce qu’elle n’a pas été précédée d’ une
estimation contradictoire avec les parties intéressées; et,
sous ce rap port, doit-elle être déclarée n u lle ?
« Attendu qu’il résulte des clauses insérées au contrat
« de mariage du sieur Salvaing de Boissieu , et de dame
« Marie-Françoise-Louise de Saint-Marcel, qu’il fut con« venu entre les parties contractantes, que le sieur de
«
«
«
<f
«
«
«
«
«
«
«
Saint-Marcel et son épouse, donateurs, aïeuls des demandeurs , auroient la faculté de vendre les domaines,
champs et vignes spécifiés au contrat de mariage,
parmi lesquels se trouve compris le domaine de Cliaspuznc , vendu au sieur Souteyran ,
o
i n. Pour le payement de la somme de 9000 francs,
restée due au sieux- de Boissieu, pour la constitution
de dot de son épouse; 20. pour la somme de 12600 fr.
du premier payement de la dot de la dame SaintJu lien , outre ceux qui écherront à l’avenir; 3°. pour
les autres dettes passives des donateurs; 40. pour la
réserve de 12000 francs faite par les donateurs, à
« la charge que les ventes seroient faites à leur juste
�« valeur et sur le pied de l’estimation ; à la chaige encore
« d’en rapporter un légitime em ploi, de conformité à
«l’état connu des parties;
.
« Attendu qu’il est indifférent que le domaine de
« Chaspuzac ait été rappelé le dernier des ° je s
« vendre, puisqu’on n’avoit pas obligé les donateurs
« l’aliéner qu’après avoir épuisé les autres héritages rap« pelés en ordre a n t é r ie u r e m e n t ; q u ’il étoit par conse« quent libre à ces derniers de vendie le domaine contei
« tieux avant les autres objets dont l’aliénation etoit
« autorisée ;
« Attendu qu’il résulte de la combinaison des clauses
« insérées au contrat de m ariage, avec 1 état connu es
« parties dont il y est fait mention , que les donateurs
« pouvoient aliéner des biens dependans de leur patii
« m o in e , jusqu’à concui'rence, i° . d’une somme de
« 4960 0 fr. ; 2°. (le celle de 9000 francs , pour reste de la
« dot d e là dame de Boissieu; 3°. de celle de 1200 fr.
« pour la réserve stipulée par les donateurs; 40. enfin
« pour la somme de 4000 francs additionnée à l’effet
« connu des parties, ain si que les demandeurs en
« conviennent ;
« Que ces diverses sommes s’élèvent à celle de 74 6 0 0 fi.
« Attendu que d’après les états produits des ventes,
0 le prix total d’icelles ne s’élevoit p as, lors de la vente
« de Chaspuzac, à beaucoup pi’ès, à la s u s d i t e somme
« de 74600 francs; que dès-lors , en exécution du conlia
« de mariage, l e s . donateurs ou l’un deux étoient auto« risés à vendre le domaine contentieux , poui p u venir
« au payement des dettes dont étoient g r e v é s les biens par
« eux donnés ; qu’en supposant qu’après les dettes payées,
�«
«
«
«
«
«
«
«
«
«
«
«
«
«
( 30 )
il se fût trouvé de l’excédant, la vente du domaine
n’en seroit pas moins v a la b le , puisque les vendeurs
n’auroient été obligés que d’en faire un e m p lo i, ou
de placer cet excédant en mains sûres, du consentement des donataires ;
« Attendu qu’on ne peut pas soutenir raisonnablement
que les sieur et dame S a i n t -M arcel ne fussent autorisés à anticiper les termes de la dot de la dame de
Saint-Julien , puisqu’il résulte tant du contrat de mariage que de l ’état y m en tion n e, qu’il etoit libi'e aux
donateurs de vendre j u s q u ’ à concurrence de 20ooo fr.
qu’ils restoient devoir pour cet objet, et qu’on ne
les avoit restreints par aucune clause prohibitive dans
ce même contrat, à attendre l’échéance de tous les
termes de la constitution
de dot y;
«
« Attendu qu’il seroit également injuste de prétendre
« qu’il devoit se faire une compensation du produit des
«
«
«
le
«
«
«
ventes des biens de la dame de Saint-M arccl, faites
par son mari antérieurement au contrat de mariage
des sieur et dame de Boissieu, avec la réserve stipu
lee au contrat d’une somme de 12000 francs , puisqu’il
résulte de l’esprit et de la lettre de ce dernier contrat
que les donateurs avoient entendu n’être pas recherchés
à raison desdites ventes par les donataires.
« En ce qui touche l’opposition faite par les mariés
« de Boissieu et Saint-Marcel, envers la vente du domaine
a de Chaspuzac ;
« Attendu qu’étant établi que le sieur de Saint-Marcel
« étoit suffisamment autorisé à vendre le domaine con« tentieux, et qu’à l’époque de la vente les dettes dé« clarces tarit dans le contrat de mariage que dans l’état
/
/
�( 31 )
« y énoncé, n’étant pas entièrement payées, on doit né
cessairement convenir que l’opposition dont il s’agit
ne devoit pas arrêter la vente du domaine, et qu’ainsi
cette opposition ne sauroit être un motif suffisant pour
constituer l’acquéreur en mauvaise fo i, et opérer la
nullité de la vente.
« En ce qui touche le moyen de nullité proposé sur
la vilité du prix de la vente, et du défaut de l’esti
mation préalable faite contradictoirement de l’objet
dont il s’agit;
« Attendu qu’en supposant qu’il y eût de l’irrégula
rité quant au défaut d’estimation, et que la vente eût
ete faite à vil prix,.ces deux circonstances ne sauroient
en faire prononcer la nullité ; que les demandeurs ne
pourroient tout au plus qu’être reçus à faire procéder
à une nouvelle estimation , eu égard à la valeur de
l’objet vendu à l’époque du-contrat de ven te, pour
en réclamer l’excédant, si toutefois il étoit établi qu’il
n’a pas été vendu à sa juste valeur.
« D ’après ces motifs , le tribun al, faisant droit aux
conclusions prises par M e. Souteyran, sans avoir égard
à celles prises par les demandeurs, non plus qu’à l’op
position faite par les sieur et dame de Boissieu, à la
vente du domaine de Chaspuzac, les a démis de leur
demande en nullité de la vente par fin de non-valoir;
ce faisant, a maintenu M«. Souteyran dans la propriété
et jouissance du susdit domaine; demeurant néanmoins
lé se rjé aux sieur et dame de Saint-Clément de faire
procéder, si bon leur semble, à leurs frais avancés,
1 estimation du susdit domaine, eu égard à sa valeur
�( 32 )
« à 1 époque du contrat de vente, et ce par experts con« venus ou pris d’office : les condamne en tons les dépens
« tant envers le sieur Souteyran qu’envers le curateur à
« l’hoirie vacante. »
Cette rédaction n’est pas un effort de génie; elle est
un tissu d’erreurs et d’absurdités. Les sieur et dame de
Saint-Clément n’ont pas hésité à en interjeter appel. Ils
vont démontrer que ce jugement a tout à la fois consacré
l’injustice, et violé les principes les plus connus.
C ’est dans le contrat du 8 juin 1762 qu’il faut chercher
la solution des questions à juger. Les premiers juges disent
qu’ils en ont combiné les clauses , qu’ils ont apprécié
Tesprit et la lettre de ce contrat, et que le résultat est
tout en faveur du sieur Souteyran. Il s’agit donc d’analiser
cet acte, qui ne laisse point de louche dans son interpré
tation.
Il contient d’abord une donation entre-vifs, irrévocable
et dotale, au profit de la dame de Boissieu, de tous les
biens meubles et immeubles, présens et à v en ir, des sieur
et dame Saint-Marcel, donateurs.
Cette donation emporte dessaisissement actuel de tous
les biens présens, puisqu’elle est accompagnée de la tra
dition la plus ordinaire, la réserve de Cusufruit au profit
des donateurs.
A la vérité , elle est tout à la fois de biens présens
et à ven ir, ce qui nécessite la survie du donataire pour
en calculer les effets, mais n’emporte pas moins la tra
dition de tous les biens présens ; puisque le donataire,
comme on le sait, a le droit d’abdiquer à la mort du
donateur les biens à v e n ir, pour s’en tenir aux biens
présens.
Au
�( 33 )
A u moyen de cette abdication, le donataire a le droit
de conserver la propriété de tous les biens qui existoient
lors de la donation, sans autre charge que de payer les
dettes antérieures à cette môme donation.
Tels sont les principes certains en cette matiere, con
sacrés par l’ordonnance de 1731.
Les sieur et darne de Saint-Clém ent, par représen
tation de la dame de Boissieu , leur m ère, o n t déclare ,
au moment de l’ouverture de la succession du sieur Saint"M a rc e l, qu’ ils abdiquoient les biens à v e n ir , pour s’en
tenir aux biens présens : les voilà donc irrévocablement
propriétaires de tous les biens qui existoient le 8 juin 1762.
11 est vi'ai que lors de ce contrat de mariage les dona
teurs se sont réservé,7*nonobstant la donation ,* la faculté
de vendre certains biens qui en faisoient partie.
Mais cette faculté exorbitante est subordonnée à des
conditions et à des causes disertement exprimées , et dont
il etoit impossible de s’écarter : dicta lex est contractui.
Dans un contrat de m ariage, tout est à l’avantage des
époux ; tout doit être largement et libéralement inter
prété pour eux : le père lui-même est présumé s’être
conduit avec des intentions libérales pour l’avantage de
ses enfans ; et tout ce qu’il a fait ou voulu faire est
toujours censé en leur faveur.
Les conditions apposées à la vente ne sont pas des
conditions potestatw es, elles sont irritantes. On ne peut
séparer la faculté de la condition; l’une ne peut subsister
sans l’autre. Tels sont encore les principes généraux.
O r , peut-on dire que la fa c u lté de vendre, réservee
dans le contrat de mai’iage de la dame de Boissieu, soit
E
�( 34 )
une faculté absolue et illimitée ? N ’est-il pas évident,
au contraire , qu’elle est restreinte à un objet prévu ,
passé ou présent, c’est-ù-dire, le payement des dettes
contractées antérieurement à la donation, et qui existoient
alors ? Dans ce cas, l’événement ou la cause étant déter
miné , la condition en est inséparable ; elle anéantit ou
fait subsister la faculté , sans qu’elle puisse être étendue
d’un cas à un autre. Conditio in prœteritum non tantum
in prœsens tempus rela ta , statim a ut peremit obligatio n em , ant omnino non diff'ert. L . 100, ff. Ü ü verb.
obligat.
En effet, les sieur et dame de Saint-Marcel ne se ré
servent la faculté de vendre que pour certains objets :
i°. pour le payement de la somme de gooo francs, qui
faisoit le complément de l’avancement d’hoirie de la
dame de Boissieu ; 2°. pour la somme de 12600 f'r. due
à la dame de Saint-Julien, et pour acquitter les autres
dettes passives des donateurs.
Si le montant de ces dettes passives n’est pas exprimé
au contrat, c’est parce qu’il est dit et répété que cet état
est connu des parties. On voit en effet que le même
jour cet état a été donné au sieur de Boissieu, et que
les père et mère ont certifié qu’il étoit le même que celui
dont il a été fait mention dans le contrat de mariage,
et auquel on s'oblige de se conformer.
Si les père et mère, en se réservant la faculté de vendre
pour acquitter le premier terme de la dot de la dame
Saint-Julien, ont ajouté ces mots : Outre ceux q u i écher
ront à l'a v en ir, ils n’ont pu nécessairement entendre
que le premier terme qui devoit échoir un an après la
�( 35 )
mort du premier d’entr’e u x , c’est-à-dire, ioooo francs :
il est impossible qu’ils aient eu en vue celui qui ne devoit
être payé qu’après le décès du survivant. Cependant on
v o it, dans l’état annexé au contrat, qu’ils y ont compris
ces deux termes; e t, malgré cette cumulation, l’état des
dettes ne se porte qu’à 49600 francs.
Ce seroit donc donner une grande latitude à la faculté
reservée, que d’autoriser les ventes jusqu’à concurrence
de 49600 francs, en les employant à l’acquittement de
ces dettes connues.
Mais encore à quelle condition devoient être faites ces
ventes ? Suivant le co n tra t, on ne pouvoit les faire
qu’avec délégation aux créanciers; ët la plupart des ventes
ne contiennent aucune délégation.
Les sieur et dame de Saint-Marcel ne pouvoient vendre
les immeubles qu’à leur juste valeur, et sur le pied de
I estimation : partout il y a vilité de p r i x , et jamais on
n’a pris la précaution de faire estimer.
Les donateurs devoient rapporter un légitime em p lo i,
de conformité à l’état connu des parties, et aucun acqué
reur n’a veillé à cet emploi.
La première somme qui devoit être acquittée étoit
celle de 9000 francs, servant à compléter l ’a v a n c e m e n t
d hoirie de 20000 francs, constitué à la dame de Bois
sieu; et le sieur de Boissieu n’a jamais reçu cette somme;
II n’a touché sur celle de 20000 francs', c o n s t i t u é e en
avancement d’h oirie, qu’une somme de 12000 francs,
en payemens m orcelés, o u , comme il le dit, et comme
e Pkre en convient dans ses lettres, à parties brisées.
yns le contrat on désigne par ordre les immeubles
E 2
�( 36 )
qui doivent être vendus. L e domaine de Chaspuzac est
le dernier qui peut l’être : il faut épuiser tous les autres
avant d’en venir à celui-ci; et cependant il a été vendu,
tandis que les autres, notamment O rzü la c, un des pre
miers désignés, est encore existant dans la succession.
Les premiers juges, à la vérité, sont peu touchés de
cette circonstance. Peu im p orte, disent-ils, que Chasp uzac soit le premier ou le dernier; il auvoit fallu une
prohibition expresse d’aliéner celui-lu avant les autres;
et comme il n’existe pas de clause de ce genre, le sieur
de Saint-Marcel a pu faire comme il lui a plu.
C ’est étrangement raisonner. Il n’y a rien d’inutile dans
un contrat de mariage. N ’est-il pas raisonnable de penser
que lorsque les donateurs se sont réservé la faculté de
v en d re, ils ont dû d’abord penser aux objets les moins
importans et les moins précieux? Et ils ont bien claire
ment stipulé que le domaine de Chaspuzac ne pourroit
être vendu que le dernier, par ces expressions limita
tives, et finalem ent : ce qui veut dire, en bon français,
qu’une'chose doit être fajte avant l’autre; c’est-à -d ire,
que les premiers immeubles désignés doivent être épuisés
avant d’en venir au dernier. .
En un m o t, les pèi’e et mère donateurs n’avoient plus
sur les biens donnés qu’un titre précaire : s’ils en conservoient l’administration par leur réserve d’usufruit, ils
ne pouvoient plus en disposer à titre gratuit.
S’ils se sont reserve la f a c u l t é de vendre une portion
de ces biens donnés, ils se sont imposé des conditions
dont ils n’ont pu s’écarter. Ils ne pouvoient aggraver la
condition des donataires, sans manquer à la foi promise.
�C 37 )
Ils sont devenus de simples mandataires, les procureuis
constitués de leur fille, et ont dû se renfermer dans leur
mandat. Personne n’ignore que le mandataire qui a ex
cédé ses pouvoirs, ne peut engager le mandant : la loi 10,
au cod. D e p ro cu r, en a une disposition expresse. ^
Quelle étoit la charge des mandataires ? Us devoient
vendre pour cause légitime ; ils devoient déléguei le p iix
des ventes aux c ré a n c ie rs connus •, ils devoient iaiie un
emploi des deniers -, ils devoient vendre les immeubles
à leur juste valeur, et sur le prix de l’estimation. Toutes
les ventes sont faites sans délégation, sans em ploi, sans
estimation ; donc toutes les ventes sont nulles.
Celle consentie au sieur Souteyran a des ciiconstances
particulières auxquelles l’acquéreur ne peut échapper.
Il a connu le vice de son acquisition; il a été aveiti de
l ’incapacité du vendeur; il a acheté sciemment un procès j
comment p o u rro it-il donc résister à la demande en
nullité ?
Il faut se rappeler que les sieur et dame de Boissieu
avoient été prévenus des manœuvres pratiquées auprès
du sieur de Saint-Marcel par le sieur Souteyran père,
pour se faire vendre le domaine de Chaspuzac.
Les sieur et dame de Boissieu, pour l’é v ite r , firent
notifier une opposition au sieur Souteyran , le 3 1 mars
1 7 9 1, et lui donnèrent copie du contrat de mariage , du
8 juin 1762 , qui étoit le pacte de famille.
Par cette notification , les sieur et dame de Boissieu
apprenoient au sieur Souteyran que le sieur Saint i
étoit dans l’incapacité d’aliéner ; qu’il »voit épuisé la
�( 38 )
quotité permise ou réservée, et que désormais toute vente
par lui consentie seroit absolument nulle.
La première idée que devoit faire naître cette décla
ration , surtout à un homme d’affaires, étoit d’abandonner
tout projet d’acquisition.
En effet, c’étoit acquérir un procès; c’étoit entrer en
litige sur le fo n d du d ro it, puisqu’on contestoit la capa
cité du vendeur.
A u m oins, si on ne v o u l o i t pas acheter de procès,
devoit-on, avant tout, faire statuer sur l’opposition qui
avoit été formée par le sieur de Boissicu : les tribunaux
en a u r o i e n t apprécié le mérite. C ’étoit un procès de fa
mille une discussion qui nécessiloit l’examen des droits
du s i e u r de S ain t-M arcel, de l’état des ventes par lui
faites, des dettes par lui payées; en un m o t, des affaires""
les plus secrètes de l’intérieur de cette fam ille, dans les
quelles le sieur Souteyran ne devoit pas pénétrer.
Mais celu i-ci croit pouvoir tout braver. Un procu
reur qui a de l’empire sur son c lie n t, le détermine à lui
v e n d r e , pour avoir le droit de plaider le surlendemain, ,
e t d’entamer un procès qui dure depuis cette vente. Aussi
voit-on le plaisir qu’avoit le sieur Saint-Marcel d’avoir
si bien choisi son acquéreur. Par une première lettre
du 27 octobre 1 7 9 1 , le père écrit à sa fille qu’ il a dé
pouillée deux jours auparavant, q u 'il lu i sera f o r t a isé
de fa ir e valoir cette vente.
Plusieurs lettres ensuite, des 5 , 9 , 1 9 , et jours snivans
dii mois de
novem bre,
portent « q u ’il a fait cette vente
« pour se libérer envers sa fille d’une somme de 12000 f . ,
�( 39 )
quoique non payable q ua p rès l u i , qu’il a bien voulu
gi'atuitement lui payer, parce q u i l lu i a plu a in si ;
que sa fille et son gendre se souviennent qu’ils auront
affaire cï un hom m e de loi entendu, q u i saura bien
donner au contrat de vente toute l ’authenticité et
valeur qu’il mérite. »
Dans une autre il écrit que « les sieur et dame de
« Boissieu auront affaire à un homme de loi q u i les
« mènera dur • que de son côté il a tant de moyens
« de faire repentir M. de Boissieu de tout ce qu’il a osé
« entreprendre, qu’il en sera toujours la d up e, et en
« payera la façon. »
L e sieur Souteyran donne bientôt cette satisfaction à
son vendeur, puisque le surlendemain il assigne le sieur
de Saint-Marcel pour faire valoir la vente , donne son
gendre pour avoué au sieur de Saint-Marcel, et fait mettre
en cause les sieur et dame Boissieu.
Mais cet hom m e de l o i , q u i d e v o i t si b i e n s a v o i r son
métier, qui devoit donner à cette vente une s i grande
«
«
«
«
«
«
authenticité et v a leu r, qui avoit sous les y e u x le contrat
de mariage de 1 7 6 2 , s’aperçoit cependant qu’il ne s’est
pas conformé aux clauses du contrat, et que la vente est
nulle.
Il croit réparer sa faute en dérogeant à cette vente
par un acte postérieur, et en faisant estimer pour la forme
le domaine qu’il venoit d’acquérir. Mais s’il s a v o i t si
bien son m étier, comment n’a-t-il pas vu que cette esti
mation devoit être contradictoire avec les sieur et dame
Boissieu ; qu’elle ne pouvoit etre faite amiablement, sans
form alité, et par un seul expert. O n ne voit là que ma-
�( 4° )
la dresse , embarras d’ un liomme incertain , comme on
l ’est toujours quand 011 achète un procès ; et le sieur
Souteyran a évidemment trompé le sieur de Sainl-Marccl
dans son attente.
Cet homme de loi si instruit croit justifier d’un em ploi,
en payant à la dame de Saint-Julien une somme qui ne
lui étoit pas due; en faisant porter le surplus du prix
sur une réserve qui ne devoit être prise que sur les
biens à v en iri et il étoit échu des biens depuis la do
nation , notamment le legs de 3000 fr. de la dame veuve
Calmar.
Cet hom m e de lo i ne s’est pas dissimulé le vice de
son acquisition, puisqu’il a essayé de le réparer : il
s’est jugé lui-même; comment donc pourroit-il échapper
ù la nullité ?
Il
étoit homme de lo i; le sieur de Saint-Marcel étoit
son client ; il a acquis un procès : il y avoit contestation
sur le f o n d du d r o it, puisqu’on attaquoit la capacité
du vendeur. La chose étoit donc litigieuse, d’après l’art.
1-700 du Code N ap oléon , qui ne fuit, en ce p o in t,
que rappeler les anciens principes. L e sieur Souteyran
n’a donc pu acquérir ; sa vente est réprouvée par les
lois anciennes et nouvelles. Les lois P e r d ¡versos mettent
au dernier rang de la société ceux qui achètent des procès;
l ’article 54 de l’ordonnance de i 56o défend à tous juges,
avocats, procureurs, d’en acquérir. Colle prohibition est
renouvelée par l’article 1697 du Code Napoléon. Et
ce n’est point ici le cas d’une subrogation; c’est un vice
radical, qui entraîne la nullité de la vcnle : il y a iucapacité absolue de la part de l’acquéreur.
Le
�( 41 )
L e sieur Souteyran ne justifiera jamais cette acquisition.
Quels sont en effet les moyens qu’il a proposés pour
sa défense ? O n les trouve répétés dans les inotifs du
jugem ent, qui les a adoptés dans leur entier.
Il
prétend, i ° . que les père et m ère, lors du contrat
de mariage de 1762 , stipulèrent la faculté de vendre et
aliéner les immeubles y désignés, parmi lesquels on trouve
le domaine de C haspuzac ,• il en tire la conséquence
que la propriété de cet immeuble ne quitta jamais le
donateur; et si le sieur de S a in t-M a rce l a voit ju s in
7'c , pourquoi le sieur Souteyran père n’auroit-il pas
acquis?
L e sieur Souteyran, en proposant ce moyen , ne s’aper
çoit pas qu’il commet une erreur évidente. La donation
portée au contrat de mariage de 1762 est universelle; les
donateurs ne se réservent que l’usufruit, ce qui est une
tradition feinte qui emporte le dessaisissement de la pro
priété : et si les donateurs conservent.la faculté d’aliéner
certains im meubles, ce n’est que comme mandataires de
leur f ille , et en remplissant toutes les conditions qu’ils
se sont imposées.
L e sieur Souteyran rit de l’opposition qui a précédé
la vente ; il trouve plaisant que les appelans aient la
prétention de penser qu’avant d’acquérir le domaine de
Chaspuzac il auroit fallu faire statuer sur l ’o p p o s itio n :
le sieur Souteyran ne trouve aucune loi qui l’y ait oblige.
Il semble cependant que la loi se trouvoit dons le contrat
môme qu’il avoit sous les yeu x; qu’ un donataire universel
a lè droit de s’opposer à ce qu’on vende les objets qui
font partie de la donation. L e contrat fait la loi des parties :
F
�( 42 )
dicta lex est contractai. S’il restoit des dettes à acquitter,
le sieur de Boissieu n’avoit-il pas le droit d’arrêter les
ven tes, en offrant de payer les dettes ? Son opposition
avoit pour objet de prouver qu’il n’existoit pas de dettes,
et que la faculté de ven d re, réservée par le contrat, étoit
absorbée.
L e sieur Souteyran répond à cet argument, en disant
que M . de Boissieu s’appeloit Monsieur court d’argent;
qu’il avoit été obligé de stipuler dans son contrat la
permission honteuse d’aliéner des immeubles de son
épouse ; que lui Souteyran avoit prêté 3000 francs au
sieur de Boissieu, en 1780, et avoit été obligé de lui
envoyer les huissiers.
Ce n’est là qu’une grossièreté qui ne répond ni au
point de fa it, ni au point de droit. Tous les jours on
voit dans les contrats de semblables permissions d’aliénei*,
sans qu’on ait jamais regardé des clauses de ce genre
comme honteuses. Elles sont plutôt des clauses de con
venance , pour faciliter des reviremens de fortune , et
annoncent au contraii'e une grande confiance dans la
solvabilité du m ari.
L e sieur Souteyran veut prouver la légitimité de cette
vente, par l’état des ventes précédentes, et des payemens
qui o u i été faits par le sieur de Saint-Marcel. Mais on
a vu au contraire, par ces états, que le sieur de SaintMarcel avoit abusé de la permission , et excédé son
mandat, p u i s q u ’ il avoit vendu au-delà des sommes portées
en l’état donné au sieur de Boissieu, le jour du mariage;
état qui se réfère sut contrat , et ne fait qu un seul et
même acte.
�( 43 )
L e sieur Souteyran approuve le sieur de Saint-Marcel
d’avoir anticipé le payement de la dame de Saint-Julien,
comme d’avoir pris les 12000 francs de sa réserve. L e
contrat lui en donnoit le droit; et s’il avoit pris un terme
avec la dame de Saint-Julien , c’étoit un avantage qui
lui étoit personnel ; il étoit le maître d’en user sans que
la dame de Boissieu pût s’en plaindre. Mais comment
accorder cette proposition avec ce qui est exprimé dans
l ’état, que la somme de 25 ooo francs due à la dame de
Saint-Julien , est payable a u x termes portés p a r son
contrat de mariage. Telle est la loi des parties. 11 ne
pouvoit y avoir qu’un seul terme exigible, c’étoit celui
payable un an après le décès du premier mourant. Ce
terme étoit échu depuis le 16 juin 178 5; il étoit payé
depuis le mois de novembre 1784, ainsi que la quittance
en fait foi : le payement du surplus, fait à la dame de
Saint-Julien, n’a donc pas été une cause légitime de
vente , ni un légitime emploi ?
L a réserve ne devoit être prise que sur les biens à
venir, et il en étoit échu de cette nature : on ne pouvoit
donc vendre pour cet o b je t, sans avoir épuisé les pre
miers. D ’ un autre cô té, le sieur de Saint-Marcel avoit
déjà employé sur cette réserve, partie du p rix du jardin
de V ie n n e , qu’il avoit délaissé à son gendre : il l’avoit
ainsi exigé. Coinmentdonc a-t-il pu vendre ainsi p o u r cet
objet ? E n vain le sieur Souteyran diroit-il que le sieur
Saint-Marcel s’étoit réservé la faculté de disposer de cette
somme, tant à la vie qu’à la mort : en vain accuseroit-il
les appelans d ’a v o i r tronqué cette clause du co n tra t,
quoiqu ils aient fait imprimer le contrat en entier. Une
�( 44 )
disposition gratuite ne s’en lend ordinairement que pour
avoir effet après la mort. Auroit-elle dû avoir effet pendant
la v i e , que le sieur de Saint-Marcel devoit, dans tous
les cas, épuiser les biens a venir échus avant la dona
tion ; et c’est ce qu’il n’a pas fait.
L e sieur Souteyran prétend que les appelans usent dé
la chicane la plus rafinée, en soutenant que le domaine
de Chaspuzac ne pou voit être vendu que le dernier. L ’or
dre énoncé au contrat lui paroît la chose la plus indif
férente. L e sieur de Saint-Marcel a bien fait de garder
O rzilla c, qui est plus avantageusement situé que Chas
p u za c : d’ailleurs Chaspuzac a été vendu à son p r i x , et
le sieur Souteyran consentiroit même à une nouvelle esti
mation. Il se fait ensuite des complimens sur sa proposi
tion honnete et lo y a le, et termine par se répandre en
injures contre les sieur et dame de Boissieu, qui ont fait
mourir leur père insolvable. Comme il faut être consé
quent, il vante ensuite la fortune qu’il leur a laissée, en
faisant avec emphase l’énumération des immeubles qui
leur restent.
Cette diatribe ne vaut pas la peine d’une réponse. On
croit d’ailleurs' avoir prouvé , par ce qui précède, qu’en
effet le domaine de Chaspuzac étoit le dernier en ordre,
et ne pouvoit être vendu qu’après que les autres auroient
été épuisés.
Q u ’importe que ce domaine de Chaspuzac fût un patri
moine du sieur Saint-Maicel, des qu il 1 avoit déjà d on n é,
ou qu’il ne p o u v o i t vendre qu’à des conditions qu’il n’a
pas remplies? Si la dame Saint-Clément a déjà échoué
dans une demande en nullité de vente d’un bien dotal de
�( 45 )
la dame Saint-Marcel, le sieur Souteyran ne peut in vo
quer ce préjugé, puisqu’il y a appel en la cour de ce juge
ment qui choque ouvertement les principes, et qu’il y sera
nécessairement réformé.
O n ne doit pas passer sous silence l’énonciation qui se
trouve dans un des motifs du jugement. Il y est dit qu’il
avoit été additionné à l’état connu des parties une somme
de 4000 francs, et que les demandeurs en conviennent.
C ’est une fausse énonciation, qui ne peut être que le
fruit de l’erreur ou de la surprise. V oilà l’inconvénient
de laisser rédiger les jugemens par les parties intéressées.
Il n’y a aucune trace de cet aveu dans toute la procé
dure. Ce seroit d’ailleurs contre toute vérité, parce qu’il
n’y eut jamais d’addition à l’état annexé au contrat, et
remis au sieur de Boissieu. C ’est une allégation controuvée
du sieur Souteyran, et qui doit être effacée du jugement.
En résumant : les circonstances, les motifs de considé
ration , ainsi que les moyens de droit, tout se réunit en
faveur des sieur et dame de Saint-Clément. Ils réclament
le patrimoine de leur mère : ils n’en ont été privés que
par caprice ; et la cupidité des acquéreurs ne doit pas leur
profiter.
Signé S A U Z E T D E S A I N T - C L É M E N T .
M e. P A G E S ( d e Riom ) , ancien
a v o c a t.
M e. G A R R O N jeu n e, avoué.
A R I O M , de l’imprimerie de
T h ib à u d - L a n d r io t , im p r im e u r
de la Cour d ’appel. — Avril 1808.
�
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Factums Marie
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Title
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[Factum. Salvaing de Boissieu, Marie-Ursule. 1808]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Pagès
Garron
Subject
The topic of the resource
abus de faiblesse
successions
Description
An account of the resource
Mémoire pour Dame Marie-Ursule Salvaing de Boissieu, et sieur Jean-Pierre Sauzet de Saint-Clément, son mari, appelans d'un jugement rendu au tribunal du Puy, le 9 mai 1807 ; contre Jean-André-Guillaume Souteyran, ancien avocat, intimé ; et encore contre le curateur à la succession vacante du sieur Pierre-Antoine Brunel de Saint-Marcel, aussi intimé.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Thibaud-Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1808
1735-1808
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
45 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0507
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
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fre
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The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Le Puy-en-Velay (43157)
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Domaine public
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MÉMOIRE A CONSULTER,
ET CONSULTATION,
PO UR
Les L
universels de M adame DE
CHAZERAT,
é g a t a ir e s
CO NTRE
L e S ie u r M I R L A V A U D .
M adame R ollet, épouse de M . de Chazerat, ci-devant
intendant d’Auvergne, est décédée sans postérité au mois
de septembre 1806.
L e système restrictif de la loi du 17 nivôse an 2 ayant
été modifié par celle du 4 germinal an 8 , qui permetto it
A
�(2 )
à ceux qui n’avoient ni ascendans ni descendans, ni frères
ni sœurs, ni descendans de frères ou de sœurs, de dis
poser des trois quarts de leurs biens, elle crut devoir
profiter de la latitude que lui donnoit cette loi.
Elle fit un testament olographe le 26 messidor an 9.
Après un grand nombre de legs particuliers, dont le dé
tail est superflu, elle lègue l’usufruit de ses biens à son m ari,
E t elle dispose de la propriété en ces termes :
« Quant à Ja propriété de mes biens, mon intention
» étant, autant q u il dépend de moi, de les faire retour» ner ¿1 ceux de mes parens qui descendent des estocs
» dont ils me sont parvenus, je donne et lègue tout ce
» dont il m’est pei'mis de disposer suivant la loi du 4
» germinal an 8, à tous ceux de mes parens de la branche
» de mes aïeul et aïeule paternels, et de celle de mon
» aïeule maternelle, qui seroient en ordre de me suc» céder suivant les règles de la représentation à l’infini,
» telle q u elle avait lieu dans la ci-devant Coutume
» d ’Auvergne, pour etre partagé entre les trois bran» clies, au marc la livre de ce qui m’est p a r v e n u de
» chacune desdites branches, et etre ensuite subdivisé
» dans chacune d’elles, suivant les mêmes règles de la
» rep résen tatio n à l’infini; et néanmoins, je veux et en» tends qu’avant la division et subdivision, il soit pris
» et prélevé sur la masse totale des biens compris au
» présent legs, d’abord le montant de mes legs parti* culiers, et ensuite le sixième du surplus, que je donne
» et lègue au citoyen îarradeche de Gromont fils aîné,
» et au citoyen Sablou - Ducorail aîn é, chacun pour
» m oitié, etc. »
�(
3
)
M me de Chazerat a fait depuis différens codicilles.
Par les deux premiers, des 17 floréal an 10 et 14 messi
dor an 11 , après quelques legs particuliers, ou quel
ques cliangemens à ceux déjà faits, elle persiste au sur
plus dans toutes les dispositions contenues dans son tes
tament.
Et dans le troisième, du ily messidor an 1 1 , postérieur
à la promulgation de la loi du i 3 floréal an i l , sur
les donations et testamens , elle s’exprime en ces termes :
« L a nouvelle loi m’ayant accordé la faculté de dis» poser de la totalité de mes biens, je veux çt entends
» que le legs universel que j’avois fait par le susdit tes» tainent, en faveur de mes parens de l’estoc de mes
» aïeul et aïeule paternels, et de ceux de l’estoc de mon
» aïeule maternelle, de tout ce dont il m’ étoit permis
» de disposer par la loi du 4 germinal an 8, ait son effet
» pour la totalité de mes biens, sauf les divisions et sub» divisions à faire entre mesdits héritiers, de'la manière
» expliquée audit testament, sauf aussi mes legs parti» culiers, et les dispositions par moi faites en faveur
» de mon mari ; à tout quoi il n’est rien déro gé par
» le présent codicille. »
Après le décès de M mo. de Cliazerat, M . de Chazerat
sJcst mis en possession de ses biens, pour en jouir en
qualité d’usufruitier.
Ses dispositions testamentaires ont p a r u pendant long
temps à l’abri de critique.
Ce na été qu’au mois de janvier 1808, qu un cession*
naire de droits litigieux, agissant au nom d un sieur M irlavaud, l’ un des desceudans du second mariage de PhiliA 2
�( 4 )
bert M arcelin, aïeul maternel de M mo de Chazerat, a
cru pouvoir demander la nullité du legs universel de
la propriété de ses biens, et cela sur le fondement que
ce legs universel étoit fait en liaine et au mépris des
nouvelles lois.
Et cette prétendue nullité a été accueillie par le tri
bunal d’arrondissement de R ioin, qui, par son jugement
du 22 juin dernier, sans s’arrêter au testament de M mo de
Chazerat, du 26 messidor an 9, et à son codicille du i/j.
messidor an 1 1 , qui ont été déclarés nuls, quant au legs
universel, a ordonné le partage de ses biens, confor
mément au Gode civil.
Les légataires universels, dépouillés par ce jugement
se proposent d’en interjeter appel.
Ils demandent au conseil s’ils y sont fondés.
L E C O N SE IL SO U SSIG N É , qui a vu et examiné
le testament, les codicilles, le jugement et le mémoire
à consulter,
que le succès de l’appel que se proposent
d ’interjeter les légataires universels de M me de Chazerat
ne peut faire la matière d’un doute raisonnable.
Si on avoit besoin de justifier M mo de Chazerat du re
proche d’avoir fait son testament en lutine (les nouvelles
lois , on diroit qu’elle a déclaré formellement qu’elle entendoit se conformer à la loi du 4 germinal an 8, qui lui
permettoitde disposer des trois quarts de scs biens, tandis
que la Coutume qui les régissoit, ne lui auroit permis do
disposer que du quart p a r testament y
E
st d a v is
�(5)
Que par respect pour cette lo i, et pour les autres lois
nouvelles, elle déclare qu’elle n’entend disposer de ses
biens quautant q u il dépend d'elle ;
Que par déférence pour les nouvelles lois qui ont aboli
la forclusion, elle rappelle à sa succession tous les descendans de ses aïeul et aïeule paternels et de son aïeule ma
ternelle , sans distinction des sexes , des filles forcloses et
de celles qui ne l’étoient pas*,
Qu'elle n’emploie dans son testament et dans tous ses
codicilles d’autre date que celle du calendrier républicain $
Qu’elle emploie les expressions du régime républicain,
en qualifiant de citoyens M M . Farradèche de Gromont
et Sablon-Ducorail, les seuls de ses légataires universels
qui soient désignés par leur nom.
On ajoutex-oit que si quelqu’une des dispositions du
testament de M mo de Cliazerat pouvoit être considéi'ée
comme faite en liaine des nouvelles lois, ce seroit sans
doute celle par laquelle il est dit qu’elle entend qu’il soit
distribué chaque année après son décès 3 o setiers froment
et io setiers seigle aux prêtres et aux religieuses qui sont
demeurés fid èles à l'ancien culte de la religion catho
lique , apostolique, et qui par cette raison ont été privés
de leur traitement ;
Que cependant cette disposition a été form ellem en t ap
prouvée par un déci’et émané de Sa Majesté l’E m p e re u r.
M ais ¿\ quoi bon rechercher les motifs des dispositions
de M me de Cliazerat; il suffit d’examiner ce qu elle a fait
et ce qu’elle a pu faire ?
L ’art. 91G du Gode porte: « A défaut d’ascendant et
�(6 )
» de descendant, les libéralités par actes entre-vifs ou tes» tamentaires pourront épuiser la totalité des biens. »
Il y a deux modes de successibilité en collatérale, ce
lui de la loi, et celui de la volonté de l’homme.
Lorsqu’un individu, qui n’aniascendansnidescendans
meurt cib intestat, la loi règle l’ordre dans lequel ses biens
sont dévolus à ses héritiers.
S’il a manifesté sa volonté par un testament, la loi se taitla volonté du testateur la remplace : (licat testator, et erit
lex.
C’est dans ces deux mots que consiste toute la théorie
de la législation en matière de successions collatérales.
Cependant le jugement que nous examinons fait taire
la volonté de M me de Chazerat, et préfère aux héritiers
de son choix ceux que la loi ne lui donnoit qu’à dé
faut de dispositions de sa part.
Et on croit justifier cette interversion de l’ordre de
transmission des biens, établi par le Code lui-même, en
invoquant 1 article G de ce même Code, ainsi conc.u :
« On ne peut déroger par des conventions particulières
» aux lois qui intéressent l'ordre public et les bonnes
» mœurs. »
Ce principe est commenté,.délayé dans de nombreux
considérons , et repelé jusqu a la satiété.
JVlais jamais on n’en fit une plus fausse application.
Un individu agit contre l’ordre public quand ce qu’il
fait est contraire aux maximes fondamentales du gouver
nement, et tend à ébraulcr l’édifice social.
�(
7
)
Il agit contre les bonnes mœurs, quand il offense l’hon
nêteté publique.
Or, qu’importe à l’ordre public et aux bonnes mœurs,
que M me de Chazerat ait disposé de ses biens en faveur
de tels ou tels de ses parens, plutôt qu’en faveur de tels ou
tels autres ?
Qu’on dise, si l’on veu t, qu’elle en a disposé contre le
vœu et contre le texte de la lo i, et qu’on mette à l’écart
les grands mots d’ordre public et de bonnes mœurs, alors
on commencera à s’entendre , et la discussion prendra le
caractère de simplicité qu’elle doit avoir.
M mo de Chazerat a cité dans son testament la ci-dèvant
Coutume d’Auvergne, et cette ci tationannulle, dit-on, ses
dispositions.
Car on lit dans l’article 1390 du C ode, que « les époux
» ne peuvent plus stipuler cl une manière
cile que leur
» association sera réglée par l’une des coutumes, lois ou
» statuts locaux qui regissoient ci-devant les diverses par» ties de l’empire français, et qui sont abrogés par le pré» sent Code. »
On ne se seroit pas attendu h trouver dans ce texte La
nullité des dispositions faites par M me de Chazerat en
faveur des consul tans.
lCnt, parce que cette loi, qui est au titre de la commu
nauté, n’a rien de commun avec les testamens, et surtout
avec tin testament en ligne collatéralle, pour lequel la
loi donne au testateur une latitude sans bornes;
^ Que celte latitude est telle, qu’aux termes de l’ar
ticle 9G7 du Code, on peut disposer, soit sous le titre d’ins
�titution, soit sous le titre de legs, soit sous toute autre
dénomination propre à manifester sa volonté.
2ent, parce qu’il est de principe que les lois prohi
bitives doivent être restreintes au cas qui y est prévu, et
qu’on ne doit pas les étendre d’un cas à un autre, sur
tout d’une matière ordinaire h celle des testamens, où la
Volonté est tout. « Voluntas in testamentis dominatur.
» Tout ce qui diminue la plénitude de la liberté est
»> odieux et détesté par la loi. » M . d’Aguesseau plaidoyer 58.
3ent, parce que la loi de la communauté est du 20 plu
viôse an 12 , et que le testament de M me de Chazerat est
du mois de messidor an g , par conséquent antérieur de
plusieurs années5
Qu’en supposant qu’elle fût applicable aux testamens,
et aux testamens en ligne collatérale, on ne peut raisonna
blement exiger que M me de Chazerat ait dû s’y conformer
avant qu’elle existât.
Car c est une erreur manifeste de dire, comme on le
fait dans les considérans du jugement, que tout ce qui in
téresse la confection du testament, doit se juger d’après
les lois existantes au décès du testateur} tandis qu’il est au
contraire de principe incontestable que la loi qui est en
vigueur au décès du testateur , règle uniquement la
quotité disponible, et que tout ce qui intéressé la confec
tion du testament, ses foimes, scs expressions, et le mode
de disposer, se règle par les lois en vigueur au moment où
il a été fait.
Mais indépendamment de ces premiers m oyens, il
est facile d’écarter l’application de cette loi au testament
de
�(
9
)
de M me de Chazerat, par des moyens encore plus di
rects.
Si on analyse le testament et le codicille d eM made Cliazerat, on y voit qu’elle commence par manifester son in
tention de faire retourner la propriété de ses biens aux
estocs d’où ils lui sont provenus.
Par suite de cette intention qu’elle vient d’exprimer,
elle donne et lègue tout ce dont il lui est permis de dis
poser par la loi du 4 germinal an B.
A qui fait-elle ce don et legs ?
A tous ses parens de la branche de ses aieul et aïeule
paternels, et de son aïeule maternelle.
Elle ne les nomme pas chacun par leur nom, et il est
facile d’en sentir la raison; les morts, les naissances jour
nalières parmi de nombreux héritiers, auroient pu faire
n aître des difficultés, et e n tra v e r l’exécution de ses vo
lontés: elle prélère de les appeler à recueillir ses biens par
la dénomination générale de parens de la branche de ses
aïeul et aïeule paternels, et de son aïeule maternelle.
Jusque-là il n’y a rien, sans doute, dans ce testament,
non-seulement qui porte atteinte à l’ordre public et aux
bonnes mœurs, mais qui ne soit en parfaite harmonie
avec les lois existantes alors ou intervenues depuis.
Ce qui suit n’est ni plus illégal ni plus repréhensible.
Après avoir dit qu’elle appelle à recueillir sa succession
ses parens de ces trois branches, M me de CJiazeral ajoute,
pour éviter toute équivoque sur la désignation des parens
appelés, que ce sont ceux qui seroieut en ordre de lui
succtder, suivant les l'ègles d e lu re p r é s e n t a tio n à l i n jîn i.
Jusqu ic i} on ne trouve encore rien qui offense l’ordre
B
�(
10
)
public et les bonnes mœurs, rien qui soit contraire aux
lois.
M mô de Chazerat, pouvant choisir parmi tous les êtres
vivans ses légataires universels, pouvoit à plus forte raison
les choisir dans sa famille, et préférer telles ou telles
branches.
Son choix fixé, elle avoit incontestablement le droit
d’appeler h sa succession tous les individus de chaque
branche qui seroient existans au moment de son décèsj et
le seul moyen pour cela étoit de les appeler suivant les
règles de la représentation à l infini.
Quand le testament de M me de Chazerat auroit été pos
térieur au Code, elle auroit été autorisée à disposer ainsi
par le texte formel de l’art. 967, qui lui laissoit le choix de
toutes les dénominations propres à manifester sa volonté.
Mais elle ajoute, en parlant de la représentation à l’in
fini , telle qu elle avoit lieu dans la ci-devant coutume
d’Auvergne.
Si on en croit les considérans du jugement, il semble
que la terre a dû s’entr’ouvrir au moment où M me de Chazerat a transcrit ces lignes fatalès; c’est de sa part un
attentat sans exem ple, contre l’ordre public et les bonnes
mœurs ; c’est un blasphème contre la nouvelle législation,
qui appelle la vengeance des tribunaux, et frappe son
testament d’anatlieme.
On croit voir la montagne en travail.
A u fait. On a déjà vu que c’étoit en l’an 9 que M rae de
Chazerat traçoit ces lignes, long-temps avant la loi sur la
communauté, insérée dans le Code.
Et on voit dans 1& discussion qui a eu lieu au conseil
�(
3
d’État sur cet article, et par les observations de M. Berlier, que dans les temps les plus orageux de la révolution,
il n’a pas été défendu de stipuler selon telle ou telle cou
tume *, malgré
© la défaveur alors attachée à toutes les anciennes institutions.
M . Berlier ajoute que « c’est parce que jusqu’à présent
« il n’y a point eu sur cette matière de nouvelles lois, et
» que, pour défendre de stipuler d’après les anciennes,
» par référé et en termes généraux, il falloit bien établir
» un droit nouveau, etc. »
D ’où il résulte qu'en supposant que cette loi nou
velle , uniquement créée pour la communauté , fut
applicable au testament, même à un testament qui a
pour objet une succession collatérale pour laquelle la
loi donne au testateur une latitude sans bornes, le
rappel d’une ancienne loi dans ce testament seroit sans
conséquence, et il n’en conserveroit pas moins toute sa
validité.
Il en seroit de même dû codicille fait depuis le Code
civil, parce qu’il ne fait que confirmer et étendre à la
fortune entière de M me de ChazcraJt, le legs des trois
quarts fait en vertu de la loi du 4 germinal an 8 , et
cela sans qu’on y aperçoive la moindre trace du rappel des
anciennes lois.
En second lieu, cet article i3go dit seulement que
les époux ne peuvent plus stipuler d ’une manière gé
nérale , que leur association sera réglée par I une des
coutumes, lois ou statuts locaux qui régissoient ci-devant
les diverses parties du territoire français.
B 2
�(
12
)
O r, on voit dans la discussion qui eut lieu au conseil
d’état sur cet article, que « chacun conserve la faculté
« de faire passer dans son contrat de mariage les dispo« sitions de la coutume qu’il prend pour regie, pourvu,
« q u il les énonce. »
A insi, dans le cas même prévu par la loi du règle
ment de la communauté entr’époux, le vice de la con
vention ne consiste pas à rappeler telle ou telle coutume,
mais à la rappeler (Vune manière génerûle, et sans énon
cer la disposition particulière pour laquelle on l’in
voque.
en raisonnant toujours dans la fausse supposition
loi soit applicable à l’espèce, on voit que si
3Mm® de Cliazerat rappelle dans son testament la coutume
d’A uvergne, ce n’est pas (Vune manière générale, et
c o m m e règle unique de sa succession, mais d’une ma
nière particulière , et seulement pour désigner avec
clarté et précision le mode dans lequel elle veut que
ses biens, une fois dévolus aux branches q u ’elle appelle
pour les recueillir, soient divisés entre tous les individus
qui les composent, pour qu’il n’y en ait aucun d’exclu.
Elle prend si p eu , en effet, la coutume pour règle
générale et unique de sa succession, que loin de se con
former à cette coutume, elle s’en éloigne en tous
O r,
q u e cette
points.
La coutume d’Auvergne interdisoit à M me de Cliazerat
la plus légère libéralité en faveur de son mari, et elle
profite avec autant d empiessement que de reconnoissance de la faculté que’ la nouvelle loi lui accorde pour
disposer en sa faveur de J’usufruit universel de ses biens»
�(
)
L a coutume d’Auvergne ne permettent de disposer par
testament que du quart de ses Liens, et elle dispose des
trois quarts.
T Elle fait plus, elle déclare formellement qu’elle fait
cette disposition des trois quarts conform ém ent ci la lo i
du 4 germinal an 8.
Elle prend donc cette loi pour règle de ses disposi
tions, et nullement la coutume d’Auvergne.
■ M me de Chazerat avoit différentes natures de biens.
Des propres anciens, qui lui étoient parvenus de ses
aïeul et aïeule paternels et de son aïeule maternelle;
Des acquêts, des contrats sur l’état et sur particuliers,
et un immense mobilier.
Tous ces acquêts, ces contrats, ce mobilier étoient
dévolus par la coutume d’Auvergne aux parens paternels,
exclusivement à tous autres.
• O r, M mo de Chazerat, au mépris de cette loi, dispose
de tous ses biens au profit de ses parens des trois branches
de ses aïeul et aïeule paternels, et de son aïeule mater
nelle; elle veut que ces biens soient divisés entre ces
trois branches, an marc la livre de ce qui lui est parvenu
de chacune desdites branches ; ce qui en assuroit la
majeure partie à la branche de l’aïeule maternelle, qui en
éloit formellement exclue par la coutume.
Ainsi tout est dans ce testament en sens contraire du
texte et de l’esprit de la coutume; et loin de la prendre
pour règle de successibilité entre ses héritiers, elle la
fronde ouvertement dans tous les points.
M mo de Chazerat n ’a pris d’aulre règle pour la quotité
de disposer que la loi du l\ germinal an
�( i4 5
Et pour le clioix de ses héritiers, elle n’a cherché d’autre
loi que sa volonté 5 et cette volonté est absolument en
contradiction avec la coutume d ’Auvergne.
La coutume d’Auvergne n’a donc pas été son guide,
sa loi sacrée, l’objet d’une servile adoration, comme le
suppose le jugement.
Mais le sort de sa succession une fois fixé entre ses
parens des trois branches qu’elle a appelées à la recueillir,
elle a cru devoir expliquer que les divisions et subdivisions
s’en feroientsuivant les règles de larepre'sentation à Vinjîni.
C’en étoit assez j elle évitoit par là le détail de tous
les individus qui composoient les trois branches de ses
légataires universels j elle prévenoit d’ailleurs les inconvéniens qui auroient pu résulter des changemens qui
pouvoient arriver dans chaque branche entre son testa
ment et son décès.
Mais elle a cru devoir donner un plus grand déve
loppement à ces expressions, suivant les règles de la re
présentation à Vinfini, et éviter toute équivoque sur ce
mode de représentation, en indiquant celui qui étoit usité
dans la ci-devant Coutume d’Auvergne.
Cette Coutume n’étoit donc rappelée, d’une part, qu’a
vec Vénonciation de l’objet particulier pour lequel on
l’invoquoit, ce qui eût été très-permis, même en contrat
de mariage, et en réglant la communauté entre époux.
D ’autre part, elle n’étoit rappelée que comme une
indication surabondante, superflue si l’on veut, mais q u i,
telle qu’elle fut, n a jamais pu nuire ¿\ 1 objet principal du
testament, à la disposition delà propriété de tous les biens
nux trois branches appelées à les recueillir,
�( i5 )
O r , si la disposition principale est valable en elle-meme,
et indépendamment de l’énonciation surabondante qui
a pu la suivre, les descendans de Philibert M arcelin,
aïeul maternel de M me de Chazerat, se trouvent sans
qualité et sans intérêt à contester la pretendue validité
ou invalidité de cette énonciation secondaire, puisqu’elle
n’a pour objet que le mode du partage entre les individus
'des trois branches, auquel les descendans de Philibert
Marcelin ne peuvent avoir aucune part.
, Ajoutons que la critique de cette énonciation de la
coutume d’Auvergne*, qu’a faite M mede Chazerat dans son
testament, est d’autant plus déplacée, qu’elle écrivoit ce
testament sous l’empire de la loi du 1 7 nivôse, qui admettoit la repi’ésentation à l’in fin i, article 82.
Qu’en admettant le mode de partage de la représen
tation à l’infini dans les divisions et subdivisions entre
les individus des trois branches appelées à recueillir les
biens de M me de Chazerat, on ne peut trouver aucune
différence assignable entre les divisions et subdivisions
à faire conformément à la représentation à l’infini, telle
q u elle avait lieu dans la ci-devant coutume d ’Auvergne,
et la représentation à l’in fin i, telle q u elle avoit lieu
d’après Varticle 82 de la loi du 17 nivôse.
De sorte que ces expressions, de la ci-devant coutume
d Auvergne, o u de la loi du 17 nivôse, étoient absolu
ment synonymes.
^ Ce qui justificroit de plus en plus M m0 de Chazerat,
s il en étoit besoin, du prétendu délit qu’on lui impute,
puisque son testament étant fait en l’an 9 ? sous 1 empire
�( i6 )
delà loi du 17 nivôse, et la confection destestamens, quoi
qu’on en puisse dire , ne pouvant se référer qu’aux lois
existantes à cette époque, on ne pourvoit porter l’humeur
et l’injustice jusqu’à lui faire un crime d’avoir rappelé
une disposition des anciennes lo is, qui étoit absolument
conforme à celles de la loi nouvelle, qui étoit alors en
pleine vigueur.
Les autres considérans du jugement dont se plaignent
les consultans , ne sont fondés que sur des considérations
vagues, telles que les inconvéniens qui peuvent naître
de l’exécution du testament de M me de Chazerat, à raison
des procès auxquels il peut donner lieu.
On parcourt avec affectation la longue nomenclature
de toutes les questions qu’a créées, en matière de succes
sions, la subtilité des praticiens et la funeste abondance
des commentateurs, depuis la rédaction de la coutume
d’Auvergne, et on les trouve toutes dans le testament de
M me de Chazerat.
Cependant rien n’est plus simple, d’une exécution p lu s
facile, et moins susceptible de contestation que l’opéra
tion qu’elle prescrit.
Elle possède des bienspropres, provenus de trois estocs:
de son grand-père et de sa grand’mère paternels, et de sa
grand’mère maternelle.
Ces biens sont constatés par des partages de famille.
Ces actes sont consignés dans l’inventaire fait après le
décès de M we de Chazerat. Ils sont d’ailleurs dans les
mains des descendans des trois bx*anches, dont les auteurs
en ont fait le partage avec ceux de M m0 de Chazerat.
Ainsi,
�( *7 )
A in si, rien n’est si facile que de trouver ces biens, con
sistant tous en fonds de terre , qui sont sous les y e u x , et
pour ainsi dire, sous la main des légataires appelés à les
recueillir.
Il n’y a pas plus de difficulté sur la maniéré de distri
buer ses autres biens, quels qu’ils soient, entre les trois*
branches do ses héritiers.
Elle veut que la distribution s’en fasse au marc la livre
des propres, c’est-à-dire, par exemple, que si M ms de
Chazerat a laissé pour 600,000 £ de propres, dont 3oo,000 f.
de l’estoc de l’aïeule maternelle, 200,000 fr. de l’estoc de
l’aïeul paternel, et 100,000 fr. de l’aïeule paternelle, les
parens de l’estoc de l’aïeule maternelle prendront la moi
tié de ses autres biens} les parens de l’estoc de l’aïeul pa
ternel un tiers, et les parens de l’aïeule maternelle un
sixième.
Quant à la division secondaire à faire dans chaque
branche, suivant les règles de la représentation à l’infini,
il est impossible d’y trouver le germe du plus léger procès,
puisqu’elle dépend d’un simple tableau généalogique,
basé sur des actes de naissance et de décès, qui sont des
faits matériels sur lesquels il est diilicile à la chicane la
plus rallinée de trouver prise.
On ne voit pas d’ailleurs où on a pris qu’il faille an
nuliez- un testament, parce qu’un praticien avide ou un
ncquéreur de droits litigieux peut y trouver des prétextes
de faire clés procès et de troubler le repos des héritiers
légitimes appelés par la testatrice à recueillir sa succession.
C est sans doute une sollicitude très-louable que celle de
prévenir et d’éviter des procès dans les familles. Mais
G
�< i8 )
faut-il priver les iégataires universels de M mo de Chazerat
de 1,200,000 fr. de propriétés, parce qu’il est dans l’ordre
des possibles qu’il survienne un jour quelque contestation
entre les intéressés pour en faire le partage?
C’est donc en tous points que ce jugement paroît sortir
de la sphère ordinaire des .erreurs qui sont le partage de
l’humaniité
Cependant cette erreur semble accréditée par l’opi
nion d’un auteur, dont l’ouvrage a paru à la veille de
l’audience, et n’a pas eu sans doute une medLocrc iniluenec
sur la détermination duutribunal fi).
On lit dans cet ouvrage ce qui suit, lom. 3 , pag. i 35 :
« Il est bien permis de disposer à son gré de scs b ens,
» d’après la faculté qu’en donne la loi; mais il ne l’est pas
» de créer un ordre de succéder autre que celui qu’elle
w établit. »
S il est permis de disposer à son gré de ses biens, ce ne
peut être que pour changer l’ordre de succéder établi par
la loi.
Si la loi donne cette faculté de disposer à son gré, ce ne
peut être que pour faire cesser son empire.
Si on ne peut, en effet, créer en collatérale un ordre
de su ccé d e r autre que celui que la loi établit, il faut retran
cher du Code le titre entier des Donations et des Testamens, puisque les donations et les testamens n’ont d'autre
but que d’intervertir l’ ordre établi par,la loi pour la trans*
(O Traitd des Donations ct T estam ens, par J. Grcnier, (du Puj-dc Dómc),
anden jurisconsulto, mombro du Tribunat ct do la Legión d’houncur.
�.( o iÿ )
mission des biens, et y substituer la volonté dû l’homme.
ydlifjiumdo bonus domiitcil Uomcrus.
L ’auteur cite ensuite l’art. 6 du Code, qui interdit
toutes conventions contraires ù l’ordre public et aux
bonnes ' mœurs.
r
Abus étrange des mots et des choses, auquel on a ré
pondu précédemment, et sur lequel il est inutile de
revenii*.
L a citation que fait cet auteur de l’art. 1389 n’est pas
plus heureuse.
On y lit que « Les époux 11e peuvent faire aucune
* convention ou renonciation dont l’objet seroit de chan» ger l’ordre légal des successions, soit par rapport à eux» mêmes dans la succession de leurs enfans ou descen* dans, soit par rapport à leurs enfans entr’eu x, sans pré» judice des donations entre-vifs ou testamentaires, qui
« pourront avoir lieu selon les formes et dans les cas dé» terminés par le présent Code. »
Outre que cet article n’a trait qu’à la transmission des
biens en ligne directe, et à l’interdiction qu’il fait aux
époux de donner dans leur contrat de mariage des lois
particulières à leur postérité;
Qu’un pareil texte ne peut avoir rien de commun avec
l’espèce qui se présente , où il s’agit d’u n e succession
collatérale dont la transmission dépend u n iq u e m en t de
la volonté du testateur, q u i a pu choisir scs héritiers nonseulement dans sa famille, mais hors de sa famille, et
panni tous les êtres vivans;
Cet article porte sa réponse îi l’objection dans les
expressions qui le terminent : « Sans préjudice des doua-
�(20)
» lions et testamens qui pourront avoir lieu selon les
» formes , et dans les cas déterminés par le présent
» Code. »
E n fin , on oppose encore aux consultans l’article der
nier du Code, qui porte que, « à compter du jour où ces
» lois sont exécutoires , les lois romaines , les ordon» nances, les.coutumes générales ou locales, les statuts,
» les règlemens cessent d’avoir force de loi générale ou
» particulière dans les matières qui sont 1 effet desdites
» lois co m po san t le présent Code. »
Mais en p ro n o n ça n t que les lois romaines, les ordon
nances et les coutumes cessent d’avoir force de loi, on a
si peu entendu proscrire la citation de ces anciennes lois,
et frapper d’anathème tous les actes dans lesquels on a pu
les rappeler, ou même, si l’on veut, les prendre pour
règle_de ses dispositions ou de ses conventions dans ce qui
n’est pas formellement prohibé par le Code, que le droit
romain est encore l’objet principal des cours de législa
tion ) que le Gouvernement a établi pour l’enseigner des
écoles publiques dans toutes les parties de l’Em pire, et
que nul lie peut avoir entrée au barreau, ou être admis à
une place de-magistrature, qu’autant qu’il est muni de
diplômes authentiques, qui constatent qu’il en a fait une
longue étude, et qu’il y a acquis de vastes conaoissances.
On terminera cette discussion, qui n’a quelqu’importauce que parce qu’elle est d un grand intérêt, par ob
server que si M me dé Chazérat a traité les descendans
du second mariage de Philibert M arcelin, son aieul ma»
�ternel, moins avantageusement que les descendants de
son aïeul et aïeule paternels et de son aïeule maternelle,
c’est sans doute parce qu’il ne lui étoit parvenu aucuns
biens de cet estoc, et que dans ses principes elle ne leur
devoit rien, au lieu qu’elle se r egardoit comme redevable
de sa fortune aux parens des estocs dont lui étoient par
venus ses propres, parce que c’étoit avec ces propres que
s’étoit soutenue et enrichie sa maison.
A u surplus, elle a pu avoir d’autres motifs dont elle
ne devoit compte à personne, pas même à la loi, qui lui
laissoit un empire absolu sur sa fortune, et lui permettoit
de la transmettre à son gré. D icat testator, et erit lex.
D
élibéré
à Clermont-Ferrand, le 29 juillet 1808.
B O IR O T , B E R G I E R , D A R T I S - M A R C I L L A T ,
F A V A R D , M A U G U E , JE U D I-D U M O N T E IX ,
P A G E S , (de R io m ), A L L E M A N T .
C L E R M O N ]T , «lo l'imprimerie c I o L a n d r i o t , Imprimeur do la Préfecture
et Libraire, rue Saiut-Gcncs, maison ci-devant Potière.
�
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Factums Marie
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A name given to the resource
[Factum. Farradèche de Gromont et Sablon-Ducorail. 1808]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Boirot
Bergier
Dartis-Marcillat
Favard
Maugue
Jeudy-Dumonteix
Pagès
Allemand
Subject
The topic of the resource
successions
testaments
legs universels
ordre de successions
coutume d'Auvergne
code napoléonien
conflit de lois
Chazerat (Madame de)
Description
An account of the resource
Mémoire à consulter, et consultation pour les légataires universels de Madame de Chazerat, contre le Sieur Mirlavaud.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1808
1801-1808
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
21 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0513
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0512
BCU_Factums_M0514
BCU_Factums_M0515
BCU_Factums_M0516
BCU_Factums_M0517
BCU_Factums_M0518
BCU_Factums_M0520
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Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Entraigues (63149)
Joze (63180)
Maringues (63210)
Ménétrol (63224)
Riom (63300)
Saint-Agoulin (63311)
Rights
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Chazerat (Madame de)
Code napoléonien
conflit de lois
coutume d'Auvergne
legs universels
ordre de successions
Successions
testaments
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CONSULTATION.
V
u
le testament olographe de la dame de Chazerat, en
date du 26messidor an 9 , par lequel, entr’autres disposi
tions, on lit la suivante, qui fuit l’objet de cette consulta
tion : « Quant à la propriété de mes biens , mon intention
» étant, autant qu’ il dépend de m o i, de les faire re» tourner à ceux de mes parens qui descendent des estocs
» dont ils me sont parvenus, je donne et lègue tout ce
» dont il m’est permis de disposer suivant la loi du 4
» germinal an 8 , à tous ceux de mes parens de la bran* ch e de mes aïeul et aïeule paternels, et de celle de
* mon aïeule maternelle ,
qui seroient en ordre de
* me succéder, suivant les règles de la représentation
à l' in fin i, telle qu’elle avoit lieu dans la ci-devant
" Coutume d'Auvergne, pour être partagé entre les
A
�» trois branches au marc la livre de ce qui m’est par» venu de chacune desdites branches , et être ensuite
»> subdivisé dans chacune d’elles suivant les mêmes
» règles de la représentation à l'in fin i, et néanmoins
» je veux et entends qu’avant la division et sulxlivi» sion, il soit pris et prélevé sur la masse totale des biens
» compris au présent legs, d’abord le montant de mes
» legs particuliers, et ensuite le sixième du surplus, que
» je donne et lègue au sieur Farradeche-de-Gromont,
» fils aîné, et au citoyen Sablon-Ducorail, aîné, cha» cun par moitié. »
V u les deux codicilles, postérieurement faits par ladite
dame, l’un en date du 7 floréal an 10, et l’autre du 14
messidor an 11 , postérieur celui-ci à la loi du 1
3 flo
réal meme annee, sur les donations et testamens.
Dans ce dernier, qui est relatif à cette consultation,
on lit les expressions suivantes : « La nouvelle loi
« m ’ayant accordé la faculté de disposer de la totalité
« de mes b ien s, je veux et entends que le legs unin vcrsel que j’àvois fait par le susdit testament, en
« faveur de mes parens de l’estoc de
mes aïeul et
« aïeule paternels, et de ceux de l’estoc de mon aïeule
« m aternelle, de tout ce dont il m’étoit permis de
« disposer par la loi du l\ germinal an 8, ait son eifet
« pour la totalité de mes biens, sauf les divisions et
�m
- « subdivisions à faire entre mesdits héritiers, de la
« manière expliquée audit testament^ sauf aussi mes
« legs particuliers, et les dispositions par moi faites
« en faveur de mon mari 5 à tout quoi il n’est rien
« dérogé par le présent codicille. »
V u l’arbre généalogique où sont rapportés les trois
estocs dont les descendans sont institués héritiers, et
même le quatrième estoc de l’aïeul maternel, qui dans
cet arbre est marqué comme une tige dont il n est
parvenu aucun bien h la testatrice.
V u le jugement du tribunal civil de R io m , dépar
tement du Puy-de-Dôm e, du 22 juin passé, par lequel
il a été d it, « que sans s’arrêter ni avoir égard audit
« legs universel, fait au profit cles trois branches d’hé« ritiers y nommés, et compris au testament olographe
« de la dame de Chazerat, du 24 messidor an 9 , et
« codicille du 14 messidor an 1 1 . . . . lequel legs uni« versel est déclaré nul et de nul effet, et comme
« non écrit dans ledit testament. »
I n t e r r o g é s s’i l y a l i e u a l a r é p a r a t i o n d e c e j u g e m e n t ,
Nous
répondons
que la singularité de ce
ju g e m e n t,
qui
ne peut que surprendre et étonner tout jurisconsulte,
nous obligc à développer dans cette consultation les prin
cipes fondamentaux sur les institutions, legs universels,
et autres dispositions testamentaires •, principes que nous
A 2
�(4)
aurions dû om ettre, s’il ne falloit y recourir pour démon
trer la futilité et l’erreur des raisonnemens, soit considérans de ce tribunal.
Nous observons donc, en premier lieu,
q u ’il
est de
principe certain et incontestable, qu’il faut dans tout
testament ou disposition
te s ta m e n ta ir e ,
considérer, i°.
la capacité de pouvoir disposer ; 2°- la form e, soit les
3
formalités extrinsèques \ °. le fond du testament, soit
la nature de la disposition \
4 • la chose dont on dispose 5
5°. Jgg causes, conditions, modes et démonstrations appo
sées auxdites dispositions..
Tous ces points ne sont pas réglés par les mêmes
principes. Il n’est pas ici question , ni de l’incapacité
du testateur, ni de la forme extrinsèque de la dispo
sition , ni de la nature de la disposition , c’est-à-dire de
legs ou substitution prohibée, ni de la qualité de la
chose dont on a disposé, c’est-à-d ire, si prohibée ou
n o n ; mais il ne s’agit que d’examiner le dernier point,
soit la nature des causes, modes, <ît, si l’on v e u t, même
des conditions apposées au legs dont il s’agit.
Dans cette discussion, ce que L’on doit singulièrement
observer, c’est qu’une condition impossible, ou mémo
prohibée par les lois, ne rend point, ni d’après le droit
L . i^decond in itit.,1 .
:t 3o de co o d ., et d em ,,
t. 900 du Cod. IS'ip.
rom ain, ni d’après le Code Napoléon , la disposition
nulle, et qu’au c o n t r a is , dclrahilur conditio, et pro
�(5)
non scripta habetur: « Dans toute disposition entre-vifs
« et testamentaires, est-il dit à l’article 900, les condi-
l . 14 . de cond. in stit.,1 .
3o. d e cond. e t dom . art.
600 du Code Napoléon.
« tions impossibles, celles qui seront contraires aux
« lois ou aux mœurs, seront réputées non écrites. «
'»
Ce qui, d’après le droit romain et le Code Napoléùn,
à l’article 1172, n’a pas lieu dans les contrats et obligations.
Si ce principe a lieu dans les conditions qui paroissent
contenir la cause finale de la volonté du testateur, il
doit avoir plus lieu encore lorsqu’il s’agit de simple
mode ou démonstration, que les lois même ne consi
dèrent pas comme la condition aussi rattachée à la volonté
du testateur} et c’est là la maxime que nous voyons éta
blie dans les lois 3 7 , 74, §. 1 et 2, au titre du dig. de
cond. et déni, et dans la Novelle 1 de Justinien : « Quoties
« secundhm voluntatem testatoris facere compellitur-,
« quoties contra iegem nihil sit julurum . . . .
et tamen
« à legato eum non esse repellendum. »
A ces principes sur les dispositions testamentaires, il
faut en ajouter un autre également certain et incon
testable , c’et-à-dire, que toute fois qu’un testateur, pour
mieux désigner sa volonté, exprime une cause, ou fart
démonstration q u i, ou n’existe pas, ou ne peut
existerai faut, comme dit Roer* avec tous les interprètes,
oter la fausse cause et explication, et voir s’il résulte en -
*
., /, ,
TU. de cond. et dcm
infxne.
■
�(6)
core de la volonté du testateur, et de la chose disposée ;
parce qu’alors la fausse cause ou explication non nocet
legatario ; mais, si detrahendo causant, v el démon strationem, il ne conste plus de la chose léguée, la disposition
est nulle ; et ce, pai-ceque, comme dit l’auteur d’après
L . i . , S 8 ,d e dot. praele g ., 1. 2 6 , S u lt. de adim .
e t transf. Ic g ., 1. i 7 ,C o d .
de testam .
les jurisconsultes romains, Quidquid demonstrandi gratia additur reijam salis demonstratajrustra est, etpro
non scripto liabendum y et c est d après ce principe
même
q u e ,
quoiqu’une institution ne puisse se faire con-
tumelice signo, c est-a-dire, en ne désignant l’héritier que
par une action scélérate qu’il auroit faite, cependant
celte institution est efficace, si en ôtant cette désignation
ignominieuse, il conste encore de la personne que le
L.
9,
S de h e r. in stit.
testateur a voulu favoriser, pure enim institutus videtur
cum malediclo.
L . /t8 , S ° - d- P!t- de
h e r. in stit.
D e ce principe concluons donc que toute fois qu'une
cause, une démonstration, soit majeure explication ou
expression même défendue, se trouvent dans une dis
position testamentaire , et que, eam detrahendo, c’està-dire, en la supprimant, il résulte de la personne et
de la chose léguée ces expressions, déclarations, démonstratrations et explications , fJ^oiqu’eiTonnées et
même prohibées, pto tion scriptis habentut, et ne v i
cient ni le legs ni l'institution.
Nous devons encore u ces maximes joindre celle que
�(7)
nous avons sur l'interprétation dés contrats, et à plus
forte raison sur l’interprétation
des
dernières volontés,
qüi selon les lois benigniore interpi'etatione surit donando,
1 . 12de rcg. jons.
c’est-à-dire que, utile per inutile non vitiatur, que les
expressions doivent toujours être entendues dans le sens
que, vitio eurent, d’où' rie suit aucune absurde, et ut
actus potius valent qua'm' pereat.
Posés ces principes incontestables, venons a
1espece.
Nous avons déjà dit qu’il ne s’agit, ni de question de
forme, ni de l’incapacité du testateur, ni de la nature de
la disposition ou de la chose lé g u é e , ’mais seulement
d’expliquer les causes, modes, ou, si l’on veu t, condi
tions apposées à la disposition.
O r , d’après les principes ci-dessus, à supposer même
ces causes, modes ou conditions contraires aux lois, 011
doit les avoir pour non-écrites, mais elles ne vicient
point le legs : donc, à supposer que le mode avec lequel
la testatrice a voulu que se partageât le legs, fût même
une condition ou mode contraire aux lo is, cela ne peut
le rendre nul.
Ce principe certain suffit déjà pour détruire tous les
considérons du tribunal, tirés de ce que la testatrice
a voulu rappeler une Coutume, c’est-à-dire, celle d’A u
vergne, et que ¿a disposition se réglât sur cette cou
tume -, rappel, qU¡ seion \c tribunal seroit p roh ibé,
et coütiendroit un m o d e, ou si l’on veut en core, une
l. i7de!eg.
�(8)
condition ou démonstration contiairc aux lois. Eu sup
primant après les paroles, suivant les règles de la re
présentation à l’ in fin i, celles qui suivent, c’est-à-dire,
telle q u elle avoit lieu dans la ci-devant Coutume d’A u
vergne , il est certain qu’il conste de la volonté du tes
tateur et de la chose léguée *, ces expressions donc, si on
les croit contraires à la lo i, ne peuvent, en les suppri
mant , vicier le legs.
L e tribunal veut argumenter de l’article 1390 du Code
Napoléon -, m ais, à supposer encore, ce qui n’est p as,
que l’acte fût n u l, si dans un contrat de mariage on
se fût rapporté à une coutume de la même manière
que la testatrice s’e st, dans l’espèce, rapportée à la Cou
tume d’A u v e rg n e , il nous suffira pour répondre au
tribunal civil, dire que l’on ne peut des contrats ar
gumenter aux dispositions de dernière volonté , puis
que dans celles-ci les modes et conditions contraires
aux lois ne les vicient p o in t, et qu’elles vicient les
actes entre-vifs.
« Ce n'est pas que je prétende , ( dit Furgole en son
„ Traité des Testamens, tom. 2 , chap. 7 , nombre 9 ,
» p . <5), qu’un testateur qui blesse la loi en quelques
» parties perde entièrement le droit de disposer, et
» que tout cc qu’il a làit soit nul; il ne doit être privé
» tle 6011 pouvoir que dans celte partie par rapport à
laquelle
�>' laquelle il à contrevenu ’à la loi \ car1 tout le reste
» qui y est conforme*où qu’elle ne réprouve pas,.doit
» demeurer dans sa force.
-f:'
Non confundamus, quœso, contractus, stipulationes,
et alia quœ inter vivos geruntur, cum iis quœ testamentis ac aliis ultïmis voluntatibus cxpediuntur, ne
inde absurda, et legibus contraria, multa sequantur, ne
juris ordo evertatur, ne forma ejus et solemnia tollantur: ne falsitatibus et dolis aditus aperiatur. Prœclare
TJlpianus : verba contraxerunt, gesserunt, non pertinent
ad ju s testandi. Verba ff. de verb.sig. — F a ch in ., t. i,
liv. 6 , chap. - 71.
Mais le fait est qu’on ne peut môme dire dans l’es
pèce que la testatrice ait apposé, ni eût l’intention
d’apposer à ce legs une explication, une relation, une
démonstration, un mode contraire aux lois.
En effet, il est certain qu’elle commence par ne vou
loir disposer, qu autant q u ii dépend d’ elle ; elle est
donc semblable à ces testateurs, qui disent qu’ils lais
sent ce que la loi leur permet de laisser. O r, dans l’un
ct ^nutre cas, il est clair qu'on ne veut agir ni en haine
fri en fraude des lois.
Cette volonté si clairement manifestée dans le com
mencement de celte disposition , continue , lorsqu elle
dû : » tout ce dont il m'est permis de disposer suivant
B
�là loi du
4
( IO )
germinal an',S. C’- est.dojic, k s tiou^dles
lo is, et non les abrogées', jqui ¿ont.lâîbase <le/sûn^isr
position.
"dl r;; : ::
..iu
-> «
Elle veut favoriser ceux qui'descendeut des trois.estocs
par elle désignés. O r j ja’ayant ni ascendâns ni descendans, rien ne l’empêehoit de le faire, et lorsque ¿même
la loi du 4 germinal tin 8 ne lui permettoit pas de dis
poser de la totalité <le ses .biens , elle n’a disposé que
de ce dont
e lle
pouyoit disposer, et elle nV 'parlé de
la totalité de son hérédité , qu’après que le .Code' N a
poléon lu i en donnait le p o u vo ir, selon les lois des
douze tables, uti pater fam ilias legas.sit, Ma ju s esto.
Toute sa marche est donc-conforme aux nouvelles lois.
En léguant les biens y désignés aux descendans des
trois estocs nommés par e l l e e l l e n’a fait Cette dispo
sition qu’au profit dé ceux qui étoient.déjà nés à son
décès, et la loi n’exige point que les légataires soient
D. leC. S
Imtit.
, de heà.
désignés parleurs noms, mais il suffit, qu’ils existent, et
que indubitabili signo dcnionstrentur,
JElle les appelle suivant les règles de la représenta
tion à l’infini. O r , les,règles de la rqirésentation A ¡’infini
sont connues , et cette volonté peut avoir son e ffe t,
«ans blesser n i ^
111 l’ordre public 9 puisqu’il lui
¿toit permis d’app^^r f^ui elle vouloit à ce legs.
Sa disposition se voit, se copnoît » s’explique, ut pçut
�f
Mi >
avoir son e ffe t'p a rrles, seules expression? de la reptérr
sentation à l’infini; les autres donc: qui: suivent., tell&
q u elle avoit lieu clans la ci-devant Coutume d ’Auvergne,
ne peuvent en rien influer sur son effet, puisqu’en disant
suivant les, règles de la représentation à. l’infini , elle
a dit tout ce qui est nécessaire à cet égard,, e t les ex
pressions suivantes, selon, etc., ne contiennent qu’ua
pléonasme, soit une. déclaration inutile.
Dans- la série et lecture de ses dispositions-, on voit
qu’elle n’a consulté que les nouvelles lo is, qu'elle s’y
est toujours rapportée ; on voit en outre qurellfc o’a
pas dit telle q u e lle a lie u , mais telle q u elle avoit lieii\
expression qui prouve qu’elle a reconnu cette coutume
anéantie par les nouvelles loia, et. qu’ellfe ne l’a- indi?
quée que majoris démonstrations causé.
Comment donc le tribunal a-t-il pu un seul instant
soupçonner que sa disposition’ fût contraire à l’ordre
p u b lic, et y appliquer l’article 6 du Code Napoléon,
puisque la loi qui estr basée sur l’ordre public a tou
jours été le guide de sa volonté et de ses dispositions,
puisque cette môme loi permet aux testateurs , qui n on*
ni asccûdans ni descendans, de disposer au profit de
mieux leur plaît ; puisqu’enfin le mode de divi
sion ne rçgarcie5 ni la faculté de .tester, ni la nature
de la disposition , ni la qualité de la chose lé g u é e ,
B 2
�nnicfue cas où si le testateur ' vôuloit heurter la l o i ,
sa ' disposition seroit frappée de nullité j
-
R ien donc n’a paru plus étonnant au soussigné, que
la singulière opinion du tribunal ù cet égard-, opinion
qui, contraire ;à tout principe de droit, a donné lieu
à un jugement qui ne peut qu’être et qui doit être
émendé.
L e tribunal pose même en matière de contrat dotal
une maxime orronnee, et contiane
3
larticle i q o ,
car, outre ce que j’ai dit ci-deSsus, qu’on ne peut dans
semblables cas de mode, ou condition contraire aux lois,
rien inférer pour celles apposées dans les dernières vo
lontés, ’il est >encore à remarquer qu’il est erronné de
dire qu e'si dès époux stipuloient expressément telle
ou telle chose , ï en ajoutant ensuite tel que cela e'toit
porté par la coutuvie, leur stipulation fût nulle , parce
qu’il est évident qu’ils n’ont pas stipule d’une manière
générale selon la coutume , ainsi que dit l’article sus
cité, ce qui arriveroit s’ils disoient généralement et sim
plem ent, et sans autre spécification, nous stipulons selon
la Coutume de Turin, P a r is, etc. Mais s’ils avoient
stipulé une somme déterminée , ou fait une convention
expresse, par exem ple, z\ T u rin , que l’augment de la
dot seroit un tiers * i ue
Innl'i g^gneroit- la moitié
de la dot , si l’épouse;'vient à mourir sans en fans, on
�( i
3)
ne peut soutenir que cette stipulation soit nulle : dans
le cas de celte stipulation expresse, de telle ou telle
chose, l’addition qu’ils auraient faite, ainsi q u il est porté
par la coutume, ne' nuiroit pas à la stipulation, puis
que l’article
ne
défend pas de nom m er, démonstration
nis c a u s é , les coutumes *, mais il défend seulement de.
stipuler, ¿u n e manière générale, que leur association seroit réglée par les coutumes, stipulation bien différente
de celle qui est faite expressément de telle chose, quoi
qu’ensuite;.la coutume soit énoncée dans l’acte -, car ce
n’est point alors la coutume qui règle la stipulation,
mais les objets qui y sont expressement déterminés.
En un m o t, lorsque les époux se rapportent en
îrénéral,
O
’ et sans autre,' à une coutum e, comme cette
coutume est abrogée, elle ne peut plus rien opérer,
devant la considérer comme'si elle n’avoit jamais existé.
Il ne résulte point de ce que les contractans ont voulu
faire, attendu qu’on ne peut alléguer la coutume pour le
démontrer.
Mais s’ils stipulent expressément telle ou telle chose,
en ajoutant m êm e, ainsi qu’ il étoit porté par la cou
tume , alors la preuve de leur volonté et de la chose
stipulée existe indépendamment de la mention faite de
la coutume.
C ’est donc contre tout principe de droit, et contre
la disposition même de l’article i
39°
^ ^ d t, q u il
�4
( * )
a plu au tribunal dé lui donner cette étrange interpré
tation.
II ne reste plus qu’à répondre à l’autre interprétation
encore plus étrange de la loi du
3o
ventôse an i î ,
qui a abrogé toutes les coutumes; car ici il n’est point
question de donner force à une coutume abrogée; mais
il s’agit simplement de la mention d’une coutume, faite
en addition, ou, pour mieux expliquer la volonté du
testateur, déjà assez expliquée et assez claire par les
expressions antécédentes de la division de son hérédité,
selon les règles de la représentation à l’infini, qui s’enten
dent- très-bien, sans la mention ou énonciation de la Cou
tume d’Auvergne.
D ’ailleurs comment supposer que la testatrice ait voulu
au mépris des lois faire revivre une coutume qui ne lui
permettoit pas de tester ainsi qu’elle l’a fait, et qui vouloit
une succession ah intestat, tandis qu’elle en ordonnoit
une testamentaire.
D ’après tous ces motifs, je suis d’avis, et même plus
qu?intimément persuadé, que le jugement du tribunal
doit être réparé, et qu’en son émendation il sera déclaré
q u e
le
le g s
dont il s agit doit avoir son entière exécution.
T urin, 3o novembre 1808.
Signe
C laude
BERTHLKB. , jurisconsulte,
ancien sénateur et avocat général.
�5
( 1 )
Je soussigné, procureur général impérial près la cour
d’appel séante à Turin , certifie la sincérité des qualités
prises par M . C. B erth ier, rédacteur de l’écrit ci-dessus.
T u rin , 9 décembre 1808.
Signé T I X I E R .
V u , les soussignés sont du meme avis.
Signé C h a r l e s B A L , avocat.
V
ic t o r
B R U N , professeur en droit, ins
pecteur de l'académie de législation.
C A Y E T A N - A M B E L , jurisconsulte.
Louis F E R R E R O , jurisconsulte.
H en ri
B E R T O L O T T E , avocat ju ris
consulte
J
o seph
.
R O L L A N , avocat, censeur de
l'académie de jurisprudence.
G I A C O M E T T E , jurisconsulte.
C L E R M O N T , de l'im p rim e rie de L a n d r i o t , Im p rim eu r de la P r é fe c tu re ,
et L ib r a ir e , ru e S a in t-G e n è s , m aison ci-d e v ant
Potière.
�
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The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
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Factums Marie
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Description
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Title
A name given to the resource
[Factum. Chazerat. 1808]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Berthier
Bal
Brun
Cayetan-Ambel
Ferrero
Bertolotte
Rollan
Giacomette
Subject
The topic of the resource
successions
testaments
legs universels
ordre de successions
coutume d'Auvergne
code napoléonien
conflit de lois
paterna paternis
materna maternis
doctrine
Description
An account of the resource
Consultation [Chazerat]
Publisher
An entity responsible for making the resource available
de l'imprimerie de Landriot (Clermont-Ferrand)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1808
1801-1808
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
15 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0515
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0512
BCU_Factums_M0513
BCU_Factums_M0514
BCU_Factums_M0516
BCU_Factums_M0517
BCU_Factums_M0518
BCU_Factums_M0520
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Coverage
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Entraigues (63149)
Joze (63180)
Maringues (63210)
Ménétrol (63224)
Riom (63300)
Saint-Agoulin (63311)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Code napoléonien
conflit de lois
coutume d'Auvergne
doctrine
legs universels
materna maternis
ordre de successions
paterna paternis
Successions
testaments
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CONSULTATION.
L e c o n s e i l s o u s s i g n é , qui a lu le testament
et le codicille de madame de C h azera t, la consultation
délibérée à C le rm o n t-F e rra in l, le 29 juillet 1808 , et
le jugem ent rendu par le tribunal de R io m , le 22 juin
p ré cé d e n t,
P artage l'opinion etablie dans la consultation du 29
juillet 1808, dont les raisons lui paroissent suffire pour
dém ontrer l’erreur dans laquelle les premiers juges sont
tombés. O n se seroit donc dispensé d’une nouvelle dis
cussion , si les parties intéressées n’eussent témoigné le
désir que le conseil soussigné m o tiv â t néanmoins particulièrement son adhésion à cette opinion.
A l o r s pour donner à ce nouvel examen un objet
une utilité qui lui soient p rop res, 0n suivra le jugement du tribunal de prem ière instance dans ses m otifs,
et on s'attachera à en faire apercevoir l’illusion.
A
�L e tribunal de R iom s’est déterminé à déclarer nuls
les testament et codicille de madame de Chazerat, parce
qu’il a estimé qu’en léguant tous ses biens î\ ses parens
de l’estoc de ses aïeul et aïeule paternels, et de l’estoc
de son aïeule m aternelle , pour^être partagés e n tre u x t
selon les règles de la représentation à l infini, telle q u e lle
étoit établie par la ci-devant coutume d'Auvergne, ma
dame de Ghazerat a remis en vigueur une coutume
abolie, a subordonné sa disposition aux règles de cette
co u tu m e , et en cela est contievenue a des lois d’ordre
public qui le lui înteidisoient.
O n rcconnoîtra sans aucun doute le principe posé
par le prem ier attendu que présente le jugem ent du
tribunal de R iom , que nul ne p e u t, par des conventions
particulières, déroger a u x lois qui intéressent l ’ordre
public et les bonnes mœurs. L a question est de savoir,
dans le fa it, si les dispositions de madame de Chazerat
dérogent à ces lois. O n accordera encore q u e , dans les
dispositions testam entaires, la forme n’est pas laissée à
l ’arbitraire de celui qui dispose -, mais on nie form elle
m ent que Vordre q u i l doit observer dans la répartition
de ses b ien s, soit du domaine p u b lic, qui doive être pour
lui-même , comme dit le t/ibunal de Riom , une barrière
insurmontable : cette idée est non-seulement inadmis
sible , mais encore in exp lica b le; car comment s’y prendroit-on pour établir que l’iioinm e qui use de la fa
culté que la loi lui donne de disposer en faveur de qui
il lui p laît, ait à observer un ordre déterminé qui soit
du domaine public ? Q uel ordre doit-il donc observer ?
S’il est soumis à un o r d r e , s’il y a pour lui une bar-
�( 3 )
îièrc insurm ontable, il n’a plus rentière liberté de su
disposition. Lorsque le disposant excède la faculté que
hi loi lui donne , c’est alors qu’il franchit la barrière ;
mais il ne s’agit point de cela. M adam e de Cliazerat
n’ayant ni descendans ni ascendans, avoit l’entière dis
position de sa fortune : il n’y avoit point de barrière
pour elle. Q u’on dise alors quel ordre et quelle barrière
on veut qu’elle ait dû rencontrer dans la répartition
qu’il lui plaisoit d’en faire ? Assurém ent la loi ne lui
en a imposé d’aucune espèce. Cette répartition étoit,
comme la disposition, en sa puissance la plus absolue •,
et l’on ne conçoit pas com m ent on a pu placer le droit
de cette répartition dans le domaine public , car rien
n ’est plus manifestement du domaine privé.
O n a du relever d’abord cette bizarre proposition ,
parce qu’elle est le germ e de la fausse opinion que le tri
bunal de R iom s est iormeo des dispositions qu’il a. cru
devoir annuller.
Parm i les lois inviolables dont le tribunal de R iom a
entendu p a rle r, il invoque l’art. i 3 go du C o d e N apo
léon , qui ne perm et pas aux futurs époux de stipuler
d ’une manière générale que leur association sera réglée
par l u n e des coutumes qui r é g i s s o i e n t ci-devant les
diverses parties du territoire , et qui sont abrogées.
Sans doute c’est là une prohibition form elle, et elle
Cst ^ 0l'dve public j mais il s’a g isso it d’établir que celte
prohibition s’appliquoit à l'espèce ; et certe# , ce n’étoit
pas facile.
I
our y arriver , on a répété que la faction du testa
ment étoit d’ordre public. Q uè veut-on dire par la fa c A 2
�( 4 }
tion ? Ce mot vague , qui ue doit s'entendre que du
m atériel de l’a c te , est mal em ployé i c i , où il s’agit du
fond de la disposition. La n é c e s sité ou l’on s’est trouvé
de se servir d’expressions éq u ivoq u es, annonce assez,
que les idées qu’on a voulu rendre n’étoient ni vraies
ni claires.
O n dit que la disposition de l art. 1390 est fondée
sur Vavantage d ’une loi uniforme pour la so c ié té , et
que c est s*é l e v e r contre cet intérêt, que de se faire un
code à s o i , et de fa ire renaître des lois anéanties ;
que ces motifs se doivent appliquer aux testamens
comme a u x pactes de m ariage, la tranquillité des
fam illes n étant pas moins compromise , en rappelant ,
en termes g én éra u x, dans un testam ent, une coutume
abolie , et avec elle toutes les difficultés q u e lle peut
fa ire naître.
Cette doctrine peche dans tous ses fondem ens; et d’a
bord le Code Napoléon a sans doute été donné pour
faire cesser la multiplicité des lois et des coutumes qui se
partageoient la F ran ce, et pour avoir un droit uniforme.
C epen dan t, dans les diverses matières de ce d ro it, une
seule admet deux régim es, au choix des contractons, et
c’est positivem ent le contrat de m ariage, dans lequel il
est permis d'opter entre le régim e dotal et celui de la
communauté. Ce contrat 11 est donc pas uniforme dans
l ’E m p ire , et lovsqu on veut se londer sur l’uniform ité,
il faut convenir que 1 exem ple est mal choisi. L ’article
i3 g o n’offre dès-lors qn une limite posée ¿\ la permission
générale de l’art. 138 7, et a la faculté particulière de
l’art. 1391. C ’e st, com m e le dit l’art. 1387, \xi\q modifi
�( s )
cation de la faculté générale de faire les conventions de
mariage comme les époux le jugeront à propos, et de
celle d’opter ientre le régim e dotal ou la communauté.
Comm ent veut-on après cela rattacher cet article aux
dispositions testamentaires, pour la répartition de la part
disponible, et montrer que ce soit s’élever contre l’uni
formité de la lo i, et se faire un code à soi, que de prendre
pour règle de la répartition d’un legs universel un mode
suivi dans une ancienne coutume. Existe-t-il un article
du Gode qui règle la m anière dont un testateur, qui
donne ce que la loi lui perm et de donner à qui bon
lui sem ble, le répartira entre ses légataires , parens ou
étrangers j qui déterm ine, par exem ple, comment il di
visera son bien dans les différentes lignes de sa parenté,
s il veut donner ù. des parens de diverses lign es? N on
assui ément. Com m ent le vœ u d’une loi uniforme seroit-il
donc v io le , la ou il n’y a de loi que la volonté du testatcui ? Com m ent lin te re t public se ro it-il com prom is,
par la m anière q uelconque, d’appliquer une libéralité
perm ise, qui ne touche que celui qui la fait et celui
qui la reçoit? N ’est-il pas évident qu’en cette matière
le testateur, en se faisant un code à lu i, ne fait qu’user
de la plénitude de sa volonté que la loi lui laisse , et à
^ quelle le public n ’a plus aucun intérêt.
Quand la volonté du testateur est constante en la forme
j,
par la loi 3 pour rendre cette volonté ceitain e,
application de cette volonté ne présente plus qu’un inn °t P1ivé* l’invocation de l’ordre public et des bonnes
cluis , sur le mode de répartition d’un legs universel
U ^icn disponible, est donc aussi déplacée qu’il soit
�( 6 )
possible : c’est néanmoins tout le fondement du système
que le triJ3unal.de R iom a créé.
L ’assimilation du testam ent, sur ce point, avec le con
trat de m ariage, est donc enfin on ne peut pas plus fausse;
puisque, prem ièrem ent, la loi dispose expressément sur
le contrat social des ép o u x, et determine limitativement
les pactes qu’elle leur perm et; et secondement, les pactes
matrim oniaux intéressant les familles dans leurs dispo
sitions, ces dispositions sont d intérêt public.
C e q u i achève de caractériser la fausse application qu’a
faite le tribunal de R io m , c’est l’expression de l’art. 1890
l u i - m ê m e , qui ne prohibe que la stipulation faite d’une
m anière gén érale, de se régler dans les conventions ma
trimoniales par une des coutumes abolies, mais non point
de stipuler nominativement telle ou telle disposition p or
tée par ces coutumes.
Par exem p le, y auroit-il contravention à l’art. 1390,
s’il étoit dit que le mari venant à prédécéder, la femme
auroit un douaire de la moitié des biens de son mari en
usufruit, tel qu’il étoit réglé par la Coutum e de Paris?
O n ne peut pas le penser-, car ce ne seroit point là
régler leur association, et encore moins la régler d’une
m anière générale. Ce que la loi a entendu par cette
m anière gén érale, c’est la stipulation autrefois en usage,
que les époux soumettoient leurs conventions m atrimo
niales ou leur communauté aux dispositions de telle cou
tume par laquelle leurs droits scroient régis et gouvernés^
M ais il n’est point nécessaire de s’appesantir ici sur
les stipulations m atrim oniales, et sur l’application de Par
ticle 1390, à telle ou telle de ces stipulations, car il est
�( 7 )
évident que cet article n ’en peut recevoir aucune A la
disposition que fait un testateur de la portion disponible
de ses biens, et que ce sont deux choses qui ne peuvent
nullem ent être assimilées.
C ’est sans fondem ent, et arbitrairem ent, que le tri
bunal de R iom a établi sur cet article la nullité qu’il a
prononcée du legs universel de madame de Chazerat,
parce qu’elle a ordonné que ses biens seroient partagés
entre les trois branches de sa fa m ille , q u e lle dénomme,
suivant les règles de la représentation a l in fin i, telle
q u e lle avoit lieu dans la ci-devant Coutume d Auvergne.
C e principal fondement de l’opinion du tribunal de
R io m , pris dans l’article 1390 du Code N ap oléon , et
dans la prétendue similitude de droit entre la répartition
d’un legs universel, et l’association des ép o u x, étant dé
m ontré faux , que reste-t-il ?
Prouvera-t-on jamais qu’en soi, cerap p eld ’un m ode de
répartition admis dans une ancienne co u tu m e, et son
application par un testateur au partage qu’il veut faire de
son bien disponible à ceux de ses païens qu’il institue,
attente à l’ordre pu b lic, blesse la société, et doive rendre
sa disposition nulle?
E li! qu’im porte à la société, que le legs de madame dé
Clinzerat soit réparti entre ses légataires de telle ou telle
ïnaniere, selon les règles de la représentation de la Coud A u v e rg n e , ou selon toute autre; que madame de
hazerut oit renvoyé aux règles de cette coutume qu’elle
pouvoit écrire tout au long dans son testament ? Com*
ment celte indication de la coutume peut-elle vicier et
annuller son-legs ?
�( 8 )
Quand on pourroit penser que madame de Chazërat
ait fait en cela une chose inconvenante et mal sonnante,
où est la loi qui défend de jamais parler d’aucune loi an
cienne , de la prendre pour modèle dans une disposition
q u elco n q u e , à peine de nullité ? O n a fait voir qu’il
n’étoit pas permis de tirer cette conséquence de l’ar
ticle i 3oo du Code Napoléon.
L es nullités ne s’inventent pas; il faut une disposition
expresse de loi pour en établir. Que faudroit-il davan
tage pour faire proscrire 1 opinion du tribunal de Riom !
En vain le tribunal de ltio m dit-il qu’il y a nullité
résultant de toute disposition de loi négative et prohi
bitive ; où est cette loi négative et prohibitive pour le
mode de répartition d’un legs universel?
C e tribunal a dit qu’en disposant comme elle l’a fait,
madame de Chazerat avoit remis en vigueur une cou
tume abolie : assurément.cela n’étoit pas en sa puissance,
et il y auroit en cela contravention à la disposition g é
nérale qui prononce l’abolition.
M ais c’est encore là où le tribunal de R iom s’est ma
nifestement égaré.
Com m ent concevoir qu’un citoyen puisse remettre en
vigu eu r une coutume abolie ? cela lui est impossible dans
le fait comme dans le droit. Si l’acte qu’il veut faire lui
est interdit par le C o d e, cette interdiction sera le prin
cipe essentiel et suffisant de la nullité de son acte, et
le rappel qu’ il aura fait d une loi ancienne n’y ajoutera
rien ; s’il lui est perm is, la c té tirera son autorité du
C o d e , et non du rappel de la loi ancienne : cela est évi
dent : l’acte ne peut donc recevoir de ce rappel ni vice
ni
►
�( 9 )
ni vertu. C e n’est pas de celte loi ancienne que l’acle
tire son d ro it, mais de la volonté du disposant,-' autori
sée par la loi. 'A in si,'d an s l’espèce; madame de Chazerat
avoit reçu du Code la faculté de disposer de tous ses
biens en faveur de qui elle voudroitj et par conséquent,
de les répartir comme il lui plairoit entre plusieurs dona
taires ou légataires.. Lors donc qu’elle a pris pour m o
dèle et pour règle de cette répartition la représentation
telle qu’elle étoit établie par la Coutum e d’A u v e rg n e ,
cette coutume ne reprend pour cela aucune force de
loi ^ la disposition reçoit toute son autorité de la volonté
de madame de C hazerat, et du Code qui laissoit cette
volonté entièrem ent libre.
La Coutume d’A irvergne n'est manifestement appelée
que pour indication, pour démonstration plus ample
de la volonté de la testatrice, qui auroit pu écrire dans
son testament tout ce que la Coutum e disposoit sur ce
p o in t, et qui s’en est dispensée en déclarant qu’elle vouloit faire com m e faisoit autrefois la Coutum e d’A u verg n e,
ce qui est la m ême chose que si elle en eût couché les
dispositions dans ce testament.
Com m ent le tribunal de R iom combat-il des idées aussi
simples et aussi claires ? par une suite d’argumentations
ties-peu claires et nullem ent concluantes, et qui repo
sant sur les fondemens vicieu x qu’on vient de détruire ,
disparoissent avec eux.
^ prétend que c’est jouer sur les mots, et abuser des
lIl,e de ne voir dans le rappel de la Cou hune
j
u ye rg n e , qu’une démonstration, une indication de
a voloulé de la testatrice, lorsque lu dame de Chazerat.
B
�( ÏO )
veut disertement que cette Coutume soit la règle du par
tage de ses biens.
M ais comme le tribunal est entraîné lui-même à le
dire , c’est madame de Chazerat qui le veut ; c’est donc
la volonté de madame de Chazerat qui opère. L a cou
tum e n’agit point \ elle n’est donc là qu'exem p li c a u sâ ,
elle n ’est que pour démonstration. Ce n’est point la
coutum e en s o i, et com m e l o i , qui règle le partage ;
c’est la testatrice, qui a indiqué l’ancienne disposition
de cette coutum e , comme étant celle qu’elle entendoit
donner pour règle à ses légataires. E t en cela , il ne
peut y avoir ni vice ni conséquence , puisque encore
une fois la loi ne m ettoit aucune limite à la volonté
de la testatrice , et que la société n ’avoit aucun intérêt
à la m anière dont madame de Chazerat répartiroit son legs.
L a justesse de ce raisonnement se démontre par la
comparaison du cas sur lequel dispose l’art. 1390 , dont
le tribunal de R io m s’est appuyé.
Pourquoi y auroit-il contravention et n u llité , si des
époux soumettoient leu r société conjugale aux disposi
tions d’une coutume abolie ? C e n’est pas parce qu’ils
r e m e t t r o ie n t en vigueur une coutum e abolie, ce qui
e st ab su rd e , mais ÿ>arce que la loi actuelle interdit tout
a u tr e m ode de société co n ju gale, que le légim e dotal
ou la com m unauté gouvernée par les règles que le Code
établit : il n’est donc plus en la puissance des contractans
d’en vouloir un autre.
A u contraire , dans l ’espèce actuelle, la loi perm ettoit
à la testatrice de donner et de répartir tous ses biens
comme elle voudroit. L e Xnode de cette rép artition ,
�( II )
quelque part qu’il fut p r is , ¿toit donc à ça disposition,
et prenoit son autorité dans sa volonté seule ?
Pour trouver une prohibition en ce cas, il faudroit
aller jusqu’à dire que la seule indication d’une.ajpcàenjie
l o i , son nom seul prononcé dans .une disposition ,, est
une atteinte à l’ordre public et aux bonnes .mcqurs 3 et
qu’ayant la faculté la plus absolue de disposer comme
cette lo i, on peut bien le .fa ir e , mais non pas Je dire.
O n n e pense pas qu’aucun homm e raisonnable. .vouJ-ût
soutenir cette proposition.
D ans le fa it et dans la réalité, dit le tribunal de R io m ,
il est im possible de fa ire ce partage, sans être guidé par
la coutume d’A u verg n e, sans rechercher Vorigine des
biens dans les lig n e s , et la règle de leur subdivision
selon la coutume • et sur ce , le tribunal énum ère toutes
les questions qui ont pu s’elever dans cette coutume.
Si cela est im possible, c’est qu’il est impossible au*
légataires de ne pas se conform er à la volonté de madame
de C h azerat, et d’avoir autre chose que ce q u’elle a
voulu leur donner. Si elle eût écrit ces règles dans .son
testam ent, sans parler de la co u tu m e, n’auroitril pas
fallu s’y conform er? Q u ’a-t-elle fait de plus eu indiquant
ces réglés écrites dans la coutum e } comme étant sa
volonté ?
L a coutum e, continue le tribunal de Rio,m , n'est paß
lci un simple mode , une sim ple condition de la dis
position ; gHq en est inséparable, elle se lie et s JincorP
hé 7 ’ ’ (m parta£e ; c>est clle (l ul (^ siSneva les vrais
ri tiers de madame de C ha zera t, et leur part dans
les biens.
B 2
�( 12 )
C ’est toujours la m ême illusion. La coutume ne les
indiquera que par la volonté de madame de Chazerat:
c’est donc cette volonté qui a g i t , et qui institue réelle
ment les individus.
Cette application de la volonté personnelle à des
dispositions de coutumc , et de cette action de la volonté
de l’homm e dans l’usage de ces dispositions, trouve son
exem ple dans le d ro it, dans les statuts matrimoniaux.
Lorsque des époux se m anoient sans contrat, la loi
du domicile leur en tenoit lie u , non pas par sa propre
force et v e r t u , non v i consuetudinis et in s e , dit D u
m o u l i n , mais par la volonté présumée des parties, qui
étoient censées l’avoir tacitement adoptée.
L e tribunal de R iom examine s’il est vrai que madame
de Chazerat ait rappelé la coutume d’A u vergn e d’une
manière particulière, et pour une disposition spéciale.
Il soutient qu’elle l’a fait d’une manière générale , parce
qu’elle lui soumet généralement le partage de tous ses
biens.
Cette question n’est pas ici de grande importance 5
elle ne doit pas exercer une influence directe sur la
décision de la cause. L e point fondamental est dans la
capacité de madame de Cliazerat de disposer, et dans
le principe qui donne l’être à sa disposition , et qui
n’est autre que sa volonté.
Si madame de Chazerat a pu disposer de tous ses biens
et les répartir entre ses légataires à sa v o lo n té , il im
porte peu de savoir jusqu’à quel point elle a pris la cou
tume d’A u vergn e pour exem ple de sa disposition.
Toutefois il est bon d’observer que le tribunal de
�( i3 )
Riom a confondu , dans ses argum entations, la disposi
tion de madame de Chazerat avec celle par laquelle elle
auroit purement et simplement subordonné sa succession
à la coutume d’A u v e rg n e , et elle auroit laissé aux dis
positions de cette coutume à lui donner des héritiers.
'Par, e x e m p le , si madame de Chazerat eût dit qu’elle
entendoit que sa succession fût gouvei*née par cette
coutume , alors elle n’eût par là désigné aucun héritier
ni légataire j elle n’eût fait par elle-m em e aucune dis
position de ses b ie n s } elle auroit attribue a cette cou
tume , non-seulement la répartition , mais la disposition *,
elle auroit é ta b li, pour sa succession ab intestat, un
autre ordre que celui déterminé par la loi. C ’est en ce
c a s, tout au p lu s , qu’on pourroit dire qu’elle auroit
violé la loi des successions, en prétendant introduire
un autre ordre de succéder que celui établi par elle.
M ais madame de Chazerat a testé j elle a disposé de ses
biens par un legs universel 5 elle a désigné ses légataires, qui
sont ses parens de la ligne de ses aïeul et aïeule paternels,
et ceux de la ligne de son aïeule maternelle ; elle a déclax-é
que son intention étoit que pour la répartition entr’eux
on suivît le mode de la représentation à l’infini tel que
l’admettoit la Coutum e d’A u vergn e : il ne s’agit là que du
partage d’un legs, et du quantum que chaque légataire y
Ple n dra ^ il ne s’agit que du mode de la r e p r é s e n ta tio n .
I«1* disposition de madame de Chazerat est complete
sui les lignes qu’elle appelle et celles qu’elle exclut; sur
a nature des biens qu’elle leur lègue 5 ce sont tous ses
ltns > meubles et im m eubles, a c q u e t s et propres, au
marc la livrc c]e cc q ui luj est venu de chacune de ses
�( >4 )
branches ; sur l'appel des branches dans l’ordre de la
représentation à l’infini. E n fin , le mode de cette repré
sentation sera celui qui avoit lieu dans la coutume d’A u
vergne : voilà sur quoi s e u l e m e n t elle ludique la coutume.
11 est donc vrai qu’elle ne r a p p e lle cette coutume que
d’une m a n iè r e particulière, sur une disposition qu’elle
énonce, et non d’une m a n iè r e générale et indéterminée.
M ais il y a plus, et l’on a très-bien démontré dans la
consultation du *9 juillet dernier, que loin de soumettre
ses dispositions d’une manière générale à la coutume
madame de Chazerat s’en étoit écartée sur
d
’ A
u
v
e
r
g
n
e
,
Lien des points-, i°. en disposant en faveur de son mari;
2°. en disposant de l’universalité de ses biens ; 3 n. en
léguant nominativement en vertu de la faculté que lui
donnoient leg lois nouvelles; 4°* en donnant ses meubles
et ses acquêts à ses parens de la ligne m aternelle, comme
à ceux de la ligne paternelle.
C ’est donc à tort que le tribunal de R iom prétend qu’il
faut voir dans la disposition de madame de Ghazerat une
soumission générale à la coutume <¥A u v e r g n e , et que
c’est cette coutume qui lui donne des h éritiers, et qui
leur partage ses biens : il est au contraix-e bien démontré
q u ’en tout c’est la volonté de madame de Chazerat qui agit.
O n ne relèvera pas plus particulièrement ce qu’a dit
le tribunal de R iom des difficultés sans nombre qui naîtroient de l’exécution de ce m ode; on l’a fait suffisamment
dans la consultation du 29 juillet, ou Io n a fait voir que
ces prétendues diilicultés n ctoient qu un épouvantail ;
et quelles que fussent ces difficultés, on n’y pourrôit
jamais trouver un m otif d’annuller le legs.
�( i5 )
On ne suivra pas non plus le tribunal de R iom dans
ses réponses à quelques motifs mis en avant par les léga
taires devant ce tribunal, et qu’on ne reproduira pas ici.
Mais il est un m oyen opposé au sieur M irlavavid, dans
la consultation du 29 juillet, et qui dispenseroit d’entrer
avec lui dans tant de discussions.
L e sieur M irlavaud est le représentant de la branche
de l’aïeul m aternel, non appelée au legs universel, et on
soutient contre lui qu’il est sans qualité et sans intérêt
pour critiquer l’emploi qu’a fait la testatrice, de la C ou
tume d’A u vergn e , attendu qu’il ne s’applique qu’à la
répartition dans les branches appelées, et que la sienne
ne l’étant pas, cette répartition ne l’intéresse pas.
E n effet, l’appel des branches est une prem ière disposi
tion distincte et divise ; quiconque n’est pas de ces bran
ches, n’est pas légataire; dès-lors il est sans intérêt comme
sans qualité pour critiquer le mode de la répartition dans
ces branches. Ces branches sont appelées avec représenta
tion à l’infini : la dame de Chazerat étoit maîtresse de
le vouloir ain si, sans que la disposition eût besoin de la
coutume d’A u vergn e. Q u ’im portojt à la branche du sieur
M irlavaud, qui n’est point appelée ? et.q u e lui importe
après cela , que cette représentation ait lieu selon la
coutume d’A u vergn e ?
Concluons que le mode.dç répartition du legs universel
de madame de Chazerat appartenoit entièrement à la
pleine et entière disposition q u ’e lle avoit de tous ses
•
l’ordre public et.la société u y .ont aucun
ixitéiet 5 que ja COutume d’A u vergn e n’étoit em ployée
�( .G )
que comme démonstration de la volonté de la testatrice;
que la disposition tiroit toute son autorité de cette volonté
et du code' qui n’y mettoit aucune b o rn e; que cette
volonté agit seule, et que l’appel de la coutume ne peut
influer sur le sort de la disposition en bien ni en mal ;
qu’il n’y a aucun argument à tirer de 1 article 1890 dans
l’espèce tout à fait différente ; car il n’y a aucune simili
tude entre la ' stipulation de l’association conjugale et le
partage d’un legs universel; que madame de Chazerat n’a
point appelé la coutume d’A u vergn e à gouverner sa suc
cession, mais l’a s e u l e m e n t indiquée comme exem ple et
comme m ode à suivre, selon sa volonté, dans la réparti
tion de ses legs dans les brandies qu’elle instituoit ; que
loin de soumettre môme ses legs à l’ordre de succéder
et aux principes de cette coutum e, elle s’en est écartée
totalement sur plusieurs points importans ; enfin, que le
sieur M irlavaud, défendeur, d’une branche non instituée,
est sans qualité et sans intérêt pour critiquer le mode de
répartition, qui n’intéresse que les branches appelées.
Il
a donc été mal jugé par le tribunal de R io m , et son
jugem ent ne peut m anquer d’être infirmé sur l’appel.
D élibéré à Paris par nous anciens Avocats soussignés,
ce 8 n o v e m b r e 1808.
DELAMALLE.
PORCHER. POIRIER. JAUBERT.
d e l a c r o i x -f r a i n v i l l e .
CHABOT, de l'Allier. CHABllOUD.
�X li )
f
Lettre de M. J
aubert
Mercredi.
\
à M. B
o ir o t
.
C e n ’est que hier au soir, Monsieur et cher Collègue, qu’on a
porté chez moi les papiers et les consultations que vous m ’aviez
annoncés ce matin. J’ai examiné le tout, et le jugement de Riom
m ’a paru, ainsi qu*à vous et à M . Delam alle, une méprise étrange.
En appliquant à une disposition testamentaire I article i3go du
Code Napoléon, relatif aux conventions matrimoniales, le tribunal
de Riom n’a pas senti quel avoit été le véritable m otif de la dis
position contenue en cet article ; il a supposé qu on avoit voulu
faire oublier lés anciennes lois et coutum es, de manière qu’il ne
pùt plus en être fait mention dans aucun acte.
Ce n ’est pas là le m otif de la loi; il eût été révolutionnaire ou
puéril.
Le Code Napoléon a voulu que les conventions matrimoniales
fussent rédigées de manière que toute tierce personne ayant à
contracter avec l’un ou l’autre époux, pût connoltre d’une manière
positive et claire les pactes de la société conjugale, soit relativement
au pouvoir et à la capacité qu^auroit l’époux de faire tel ou tel
contrat, soit relativement à l’asservissement ou à l’affranchisse
ment de ses biens par les suites du contrat de mariage.
S’il avoit été permis aux époux de stipuler dune m a n iè r e géné
rale, que leur association seroit réglée par telle ou telle c o u t u m e ,
lois ou statuts locaux , il auroit fallu que les tierces personnes
a^ec lesquelles les époux, ou l’un d’eux, auroient par la suite con
ta c té , connussent la coutum e, les lois ou statuts locaux désignés
a” s 1 association des deux époux, ou que retenus par 1° crainte
1 ^ CUt ^ans ^es
anciennes quelque prohibition , quelque
° s^ac^e >^uelqu’incapacité relative, ils s’abslmsscn*-de contracter
avec ceux dont ils ne pouvoient pas bien connoitre les lois aux
quelles il leur auroit plu de s’assujétir. Ce qui eut été dangereux pour
es ^P°ux, ou pour les tiers, et toujours pour la chose publique.
c
�( 18 )
En donnant aux époux la faculté de stipuler d’une manière géné
rale, que leur association seroit réglée par telle coutume, loi ou
usage, etc., on ébranloit le régime hypothécaire, dont l’objet
principal est de fournir aux acquéreurs l’assurance de n’être plus
troublés dans leur possession, et le moyen, de connoitre préala
blement si les biens qu’ils vouloient acquérir leur étoient transmissibles.
C es motifs de l’article 1390 du Code ne peuvent pas s’ appliquer
à des dispositions testamentaires : aussi .cette loi n’a-t-elle pas été
portée d’une manière absolue et pour tous les actes, mais seulement
pour les contrats de mariage.
L ’article précédent d u C o d e Napoléon n’a pour objet que la
prohibition des substitutions, et n 'est relatif qu’à l’ordre des suc
cessions ab intestat.
Ces réflexions que je vous soumets, mon cher Collègue, sont
sans doute surabondantes; mais après les deux consultations que
je viens de lire, on ne peut ajouter que des choses superflues. Je
vous prie d’agréer les respectueuses salutations de votre Collègue,
JA U B E R T .
A C L E R M O N T , de l'imprimerie do L andriot , Imprimeur de la Préfecture,
et Libraire , rue Saint-Genès, maison ci-devant Potière.
�
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The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
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Factums Marie
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Description
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<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
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A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Mirlavaud. 1808]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Delamalle
Porcher
Poirier
Jaubert
Delacroix-Frainville
Chabot
Chabroud
Subject
The topic of the resource
successions
testaments
legs universels
ordre de successions
coutume d'Auvergne
code napoléonien
conflit de lois
paterna paternis
materna maternis
doctrine
Description
An account of the resource
Consultation [Mirlavaud]
Publisher
An entity responsible for making the resource available
de l'imprimerie de Landriot (Clermont-Ferrand)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1808
1801-1808
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
18 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0516
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
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BCU_Factums_M0513
BCU_Factums_M0514
BCU_Factums_M0515
BCU_Factums_M0517
BCU_Factums_M0518
BCU_Factums_M0520
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Joze (63180)
Maringues (63210)
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Riom (63300)
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Successions
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UN DERNIER MOT
Pour les Légataires universels de Madame
DE
C HAZERAT.
« M a d a me de C h azerat, malgré scs nombreux teslamens et
» codicilles , n’a point disposé de ses biens ; elle en a laissé la dis—
» position à la coutume d’A u verg n e, à une loi abolie ; elle a
» blessé en cela l’ordre public et les bonnes mœurs. il faut donc
» la considérer com m e décédée ab intestat ; dès-lors le jugement
» qui a ordonné le partage de ses biens , conformément au Code
» c iv il, doit être confirmé. »
C ’est à ce sophisme, délayé dans soixante-quatre pages d’im
pression, que se réduit la consultation des sieurs M i r l a v a u d , et
Mazuel , son cessionnaire.
L'homme de sens qui est étranger à toutes les a r g u t i e s du.
Palais, répond : Com m ent se peut-il que madame de Chazerat
n'ait pas disposé de ses biens, et qu’elle soit m orte a b intestat?
Je lis ce qui su it dans son testament du 26 messidor an 9 .
"Q u a n t à la propriété de mes bien s, mon intention étant,
» autant qu 'il dépend de m oi, de les faire retourner à ceux de
A
�( » )
» mes parens qui descendent des estocs dont ils me sont parvenus,
» je donne et lègue tout ce dont il m’ est permis de disposer , sui» vantla lo i du 4 germinal an 8 > à tous ceux de mes parens de
)> la branche de mes aïeul et aïeule paternels, et de celle de mon
» aïeule m aternelle, qui seroient en ordre de me succéder, sui» vant les règles de la représentation à l’infini. »
E t je lis encore ce qui suit dans son codicille du 14 messidor
an
i i , postérieur au Code civil.
« L a nouvelle loi m ’ayant accordé la faculté de disposer de la
» totalité de mes biens , je veux et entends que le legs universel
» que j’avois fait par le susdit testam en t, en faveur de mes
« parens de l’estoc de mes aïeul et aïeule paternels, et de ceux
» de l’estoc de mon aïeule m aternelle, de tout ce dont il m ’étoit
» permis de disposer par la loi du 4 germinal an 8 , ait son effet
» pour la totalité de mes biens. />
Je vois évidem m ent, continue l’homme simple qui ne raisonne
que bon sens , que par ces deux testamens ou codicilles , madame
de CHazerat a disposé de ses biens au profit des descendans de
son aïeul paternel, '
. Des descendans de son aïeule paternelle,
D es descendans de son aïeule m aternelle;
Q u elle en a disposé autant qu’ il de'pendoit ¿Celle,, c’est-à-dire,
autant que le lui permettoient les lois ;
Q u ’en l ’an 9 , elle en a disposé suivant la loi du 4 germinal
an 8 , qui étoit alors en vigueur ;
(
Q u’en l’an u < elle :en a disposé suivant le Code civ il, qui
avoit s u c c é d é à la loi du 4 germinal an 8 ; quelle a rappelé et
invoqué ces lois avec la déclaration la plus fom ieile que son
intention étoit de s’y conformer.
Après avoir ainsi appelé & recueillir ses biens les descendans
des trois branches de son aïeul et aïeule paternels et de son aïeule
maternelle , elle ajoute qu elle veut que ces mêmes biens soient
distribués entr’eux suivant les règles do la représentation ¡h
l'infini,
,
�Kieni ïi’étoit plus permis que cet ordre de distribution de ses
biens, que prescrivoit madame de Chazerat entre ses légataires ; il
étoit d’ailleurs conforme à l’art. 82 de la loi du 17 nivôse an 2 , qui
étoit en vigueur au moment de la rédaction de son testament : il
ne s’est pas encore trouvé vin légiste qui ait osé attaquer cette
disposition. T o u s conviennent que si madame de Chazerat s’étoit
arrêtée là , son testament seroit à l'abri de la critique la plus sévère.
Mais après ces m o ts, suivant les règles de la représentation
à Vinfini, madame de Chazerat a ajouté, telle ¿¡u’ elle avoit lieu
dans la ci-devant coutume d’ Auvergne.
E lle n ’a p u , dit-on, ajouter ces expression», sans attenter à
l’ordre public et offenser les bonnes mœurs.
Or , le Code Napoléon d it, en termes formels , art. 6 , « qu on
» 11e peut déroger , par des conventions particulières , aux lois qui
v intéressent l’ordre public et les bonnes mœurs. »
M ais remarquons qu’il s’agit dans cet article du C o d e , de con
ventions particulières qui intéressent l’ordre public et les bonnes
moeurs;
Q u un testament et un codicille ne son t pas des conventions par
ticulières ; que ces expressions ne peuvent s’appliquer qu’aux
transactions sociales, passées entre plusieurs individu» qui contrac
tent en tr’eux des engagemens quelconques, licites’ou illicites. *
11 y a une loi expresse qui règle le sort des dispositions testa
mentaires qui sont^contraires à l’ordre public et aux bonnes
mœurs; c’est l’article goo du C od e; il est conçu en ces t e r m e s :
« D ans toutes dispositions entre-vifs ou testamentaires , les c o n » ditiohs impossibles, celles q u i seront contraires aux lois et aux
»» niœurs , S E R O N T R É P U T É E S N O N -É C R IT E S . »
Et on voit dans la consultation de T u r in , que cct article du
C o d e n’e6t que le résultat de toutes les lois: r o m a i n e s rendues sur
cette m a t i è r e .
S '‘ donc il étojt vral que madamc Je Chazerat, en transcrivant
ces mots dans son testament', t e l l e qu’elle avoit lieu dans la 'c ievant coutume d’Auvergne, eût eu le malheur d’offenser l’ordre
�C4)
public et les bonnes mœurs , tout ce qui pourroit en résulter, ce
seroit que ces expressions seroient réputées non-écrites , et le tes
tament n'en seroit pas moins valable.
L a loi n’annulle pas le testament dans lequel un testateur im
prudent a pu consigner des expressions, ou meme faire quelques
dispositions contraires aux lois et aux mœurs, elle los regarde
seulement comme non-écrites , et le t e s t a m e n t a toute l’exécution
qu’il peut avoir, en retranchant ces expressions ou ces dispositions
inconvenantes et prohibées.
O n pourroit s’en tenir là , et la contestation seroit jugée.
M ais je suppose , dit encore l’homme de sen s, que l'article 6 du
Code civil puisse s’appliquer à un testament , comme aux con
ventions p a r t i c u l i è r e s , aux transactions sociales , où est donc
l ’attentat de madame de C h azerat, contre l’ordre public et les
bonnes
m œ urs !
qu’il lui étoit permis de distribuer ses biens entre
ses légataires universels, suivant les règles de la représentation à
O n co n v ie n t
l’ infini ; que si elle eut terminé sa disposition à ces dernières ex
p r e s s i o n s , elle n ’auroit rien fait contre l’ordre public et les bonnes
m œ urs, et son testament seroit exécuté sans contradiction.
C e t attentat à l'ordre social et aux bonnes mœurs, est donc tout
entier dans ces m o ts, telle qu’elle avoit lieu dans la ci-devant
coutume d'Auvergne.
Mais observons, d’abord, que ces mois n’ajoutent rien aux
précédens, suivant les règles de la représentation à l'infini.
« C ’est un moyen , dit M . C habrol, sur l’article 9 du titre 12
„ de la C o u t u m e d’A uvergne, par lequel le parent qui se trouve
» plus éloigné de celui auquel il s’agit de succéder, s’en rapproche
« et se trouve a p p e l é à la succession, en remontant à l’ascendant
» dont il descend, et qui étoit à degré égal avec les héritiers ou
» leurs auteurs. »
L e legs u n iversel d e m ad am e d e C h a ze ra t une fois fixé sur les
trois chefs de famille du mémo degré,
L ’aïeul paternel,
1
�( 5 )
' L ’aïeule paternelle,
„ E t l’aïeule m aternelle,
L a représentation à l’infini appeloit à recueillir ce legs tous les
descendans de ces trois chefs, qui seroient vivans a 1 epoque de son
décès : elle les rapproclioit tous également de leurs aut
L eur vocation étoit la m êm e, par les seules réglés gcnerales de
cette représentation à l’infini; et la Coutume d ’A u v e r g n e , rappelée dans ce tes ta m e n t, ne pouvoit ni en augmenter ni
minuer les effets.
,
n
Ces dernières expressions n’étoient donc qu'une super«.. te ,
une vraie sup erfétation , dans le testam ent de ma ame e
.
'
et tout le monde sait que ce qui est inutile ne vicie pas,
la maxime triviale super/lua non nocent.
C es expressions superflues vicient encore moins une
isp
^
lorsqu’elle en est absolument indépendante, et q u elle est enti
et parfaite sans le secours de ces expressions.
A u surplus, de quelle manière madame de Chazerat rappe e
t-elle la ci-devant Coutum e d ’Auvergne?
Après avoir fait le legs universel de ses biens aux descendans
des trois estocs de son aïeul et aïeule paternels, et de son aïeule
m aternelle, elle prescrit entr’eux un mode de division de ce legs
universel, qui n’a rien de prohibé. Elle veut que cette division,
en soit faite suivant les règles de la représentation à Vinjini.
E t craig.iant que ces expressions laissent encore quelque chose
à. désirer, elle ajou te, pour développer de plus en plus ce mode
de division, que la représentation à l’infini sera telle qu’elle avoit
lieu dans la ci-devant Coutume d’ Auvergne .
A in si, cette ci-devant Coutum e d’Auvergne n ’est r a p p e l é e que
comme exemple , denionstrandi gratid, majoris démonstrations
causd, comme le disent les jurisconsultes de T u rin .
Répétons-le encore; il existe une disposition générale faite de
ses biens par madame de C h a ze ra t, une disposition n e tte , pré
cise, absolue j cette disposition est l'effet de sa volonté, et non
d une loi quelconque.
�(6)
Si sur ce point principal elle rappelle des lois, ce sont des lois
nouvelles ; c’est celle du 4 germinal an 8 ; c’est le Code Napoléon ;
ce sont les seules lois qu’elle invoque, quand il s’agit de disposer
de ses biens : c’est à ces lois qu’elle déclare vouloir se conformer.
Quand il s’agit ensuite de les diviser entre ses légataires univer
sels , c ’est encore sa volonté qui en prescrit le mode ; elle veut
impérieusement que cette division; se fasse suivant les règles de
la représentation à l 'infini.
Si après avoir prescrit ce mode d e division elle rappelle la ci devant Coutume d 'A u v e rg n e , ce n est de sa part qu’un excès de
précaution, une s u r a b o n d a n c e d e paroles, qui n’a d'autre objet
que de développer p l u s clairement sa pensée.
Ajoutons que cette Coutum e étant rappelée pour un objet par
ticulier, pour un objet déterminé, il ne reste pas même le plus léger
prétexte d’appliquer au testament de madame de Chazerat l’article
1390 du C o d e , relatif à la communauté de biens stipulée par
contrat de m ariage, tant de fois et si mal à propos cité dans cette
cause.
BOIROT.
A C L E R M O N T , de l'imprimerie de L a n d r io t t , Imprimeur do la Prefecture,
et L ibraire, rua Saint-Genès, maison ci-devant P otière.
�
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Factums Marie
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Description
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A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Mirlavaud. 1808]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Boirot
Subject
The topic of the resource
successions
testaments
legs universels
ordre de successions
coutume d'Auvergne
code napoléonien
conflit de lois
paterna paternis
materna maternis
doctrine
Description
An account of the resource
Un dernier mot. Pour les légataires universels de Madame de Chazerat
Publisher
An entity responsible for making the resource available
de l'imprimerie de Landriot (Clermont-Ferrand)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1808
1801-1808
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
6 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0517
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
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A language of the resource
fre
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BCU_Factums_M0515
BCU_Factums_M0516
BCU_Factums_M0518
BCU_Factums_M0520
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Entraigues (63149)
Joze (63180)
Maringues (63210)
Ménétrol (63224)
Riom (63300)
Saint-Agoulin (63311)
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materna maternis
ordre de successions
paterna paternis
Successions
testaments
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RÉFUTATION
Des motifs du jugem ent rendu au tribunal de pre
mière instance séant à R io m , le 22 juin 1808,
qui a déclaré les principales dispositions tes
tamentaires de M adam e D E C H A Z E R A T ,
subversives de l’ordre public et de l’ordre
social, nulles et com m e non écrites, par
cela seul que la testatrice, en rendant à trois
branches de ses parens collatéraux les biens
q u 'e lle en avoit reçus, prescrit le partage
entre eu x par souche, dans l ’ordre de la re
présentation
à l’in fin i, telle qu’elle avoit
lieu dans la ci-devant C ou tu m e d ’A u v e rg n e .
M
ad am e de Chazerat , privée d’enfans, n'ayant que
des parens collatéraux éloignés, possédant de g rands biens
d o ta u x , autrefois régis par la Coutume d A u vergn e ,
qui lui in terdisoit toute libéralité envers son époux, et
A
�(2 )
ne lui permettent de disposer enveis d autres que du
quart, par testament, dut voir avec une vive satisfaction
publier la loi du 4 germ inal an 8 , q u i, en lui con
servant la liberté que lui avoit déjà conférée celle du
17 nivôse an 2 , de tout donner à son m ari, y ajoutait
la c o n s o l a n t e faculté d’acquitter les dettes de la reconn o i s s a n c e c t de la justice, en lui permettant de dispo
ser à son gré des trois quarts de sa fortune. Aussi bénitelle cette loi lib érale, e t , sans perdre de tem p s, elle
se livra aux m o u v e m e n s de son cœ ur, de ses affections
les plus n a t u r e l l e s , les plus douces, les plus morales et
les plus justes.
^
_
Son vénérable époux tient la première place dans son
coeur} elle lui donne l’usufruit de tous ses biens, et di
v e r s objets encore en propriété.
X)’un autre côté, sa libéralité se répand en œuvres de
charité : elle récompense la fidélité dès services domes
tiques } elle fait des offrandes à la reconnoissancc et à
l’amitié} elle donne des témoignages d’affection spéciale
à ceux de scs parens avec lesquels elle a des rapports
plus habituels, et termine la longue et honorable série
¿le ces bienfaits, par cette disposition à Litre universel:
Quant à la propriété de mes b ie n s, mon intention
étant autant q u'il dépend de m o i, de les faire retour
ner à ceux de mes parens qui descendent des estocs
„ desquels ils me sont parvenus, je donne et lègue tout
ce dont il m ’est permis de disposer suivant la loi du
>, /,. germinal an 8 , à tous ceux de mes parens de
». la branche de mes aïeul et aïeule paternels, et de
>» celle de mon aïeule m aternelle, qui seroient en ordre
�(3 )
»
»
»
»
»
'»
»
de me succéder, suivant les règles de la représentation à l’infini, telle qu’elle avoit lieu dans la ci-devant
Coutume d’A u vergn e, pour être partagé entre les trois
branches, au marc la livre de ce qui m’est parvenu
de chacune desdites branches, et être ensuite subdivisé
dans chacune d ’elles, suivant les mêmes règles de la
représentation à Vinfini. »
Trois ans plus tard est venu le Gode N apoléon, qui
ne laissant plus subsister de bornes à la faculté de dis
poser, pour ceux qui m eurent sans descendans ni ascendans (« ), perm it à madame de Chazerat de donner
encore un plus grand essor à ses dispositions bienfai
santes. Elle en profite aussitôt par un codicille, oii elle
s’exprim e ainsi :
« L a nouvelle loi m ayant accorde' la fa c u lté de dis» poser de la totalité d t mes b ien s, je 'veux et entends
» que le legs universel que fa v o is fa it par le susdit
» testam ent, en faveur de mes parens de Vestoc de mes
» aïeul et aïeule paternels et de c e u x de Vestoc de
3
»
»
*
»
”
”
”
mon aïeule m aternelle, de tout ce dont il n iéto it
permis de disposer par la loi du 4 germinal an 8 , ait
son effet pour la totalité de mes biens , sauf les divisions et subdivisions à faire entre inesdits héritiers,
de la manière expliquée audit testament ; sauf aussi
mes legs particuliers, et les dispositions par moi faites en laveur de mon m ari: à tout quoi il n est lie n
nr
/
erogé pai- m0n présent codicille. »
'e cr°ira-t-on ! D es dispositions si naturelles , si sim( a ) Article gtG du Codo Napoléon.
A 2
�(4 )
p ies, si équitables, par lesquelles la testatrice n’a usé
du pouvoir illim ité que la loi venoit de lui conférer
sur ses biens, que
rendre aux différentes branches
de sa la mille ce qu’elle en avoit reçu -, des dispositions
q u e lle a déclaré si form ellement ne faire qu'en vertu
du pouvoir que lui en conféraient les nouvelles lois , ont
été dénoncées à la justice comme un attentat à l’ordre
p u b lic à l’ordre social et aux m œurs, par le dépit de
parens collatéraux à qui la testatrice a cru ne rien devoir,
parce qu’elle n’avolt rien reçu de leur branche.
L e croira-t-on encore ! Cette ridicule dénonciation a
tellem ent fait illusion aux premiers juges, qu’ils ont cru
l’ordre social ébranlé jusques dans ses fondem ens, si la
v o l o n t é de madame de Chazerat, de distribuer ses biens
dans l ’ordre de la représentation à V infini, telle qu elle
¿toit reçue dans la ci-devant Coutume (VAuvergne ,
u’étoit pas promptement frappée d’anatheme.
Ce n’est pas le testament entier qu’ils ont annullé pour
des vices de forme, il est reconnu invulnérable sous ce
rapport.
C e n’ est pas non plus le don universel d’usufruit fait
à MChazerat, ni les nom breux legs particuliers de
la testatrice qu’ils ont condamnés : tous ces legs leur ont
paru à l’abri de la plus sévère critique.
K n iin , ce n’est ni l’excès de la disposition univer7
p o u r
3
selle faite en faveur des trois brandies de parens pré
férées par la testatrice, ni Vincapacité des parens de ces
branches, pour recevoir le bienfait de la lib éralité, qui
ont m otivé la réprobation. Q u’est-ce donc que les pre
miers juges ont frappé d’anatheme ? C ’est uniquem ent
�( 5)
cette locution : J e lègue tout ce dont il m’ est permis de
disposer à tous c e u x de mes païens (de trois bran
ches spécialement désignées ) qui serment en ordre de
me su ccéd er, suivant les règles de la représentation
à l'in fin i, telle q u e lle avoit lieu dans la ci-devant Coutume d’ Auvergne.
O scandale! ô désolation! L a dame de Chazerat, comme
la Pythonisse d ’ E n d o r ( a ) , a évoqué l’ombre des morts,
elle a ressuscité la Coutum e d’ A u verg n e, s’écnoient les
Aristarques dans le p u b lic, et les juges se sont aisse
alarmer par ce bourdonnement.
^
O
déplorable erreur du zèle pour l’inviolabilité des
lois! répondrons-nous : par quel enchantement n avez
vous fait rencontrer que l’illusion à un tribunal qui clicr
choit de si bonne foi la vérité! Approchons la lum ière
des prestiges qui Vont séd u it, nous verrons disparoitre
ces fantômes comme des ombres, et ne laisser aux ver
tueux magistrats q u’ils ont égarés, que le regret d’avoir
embrassé des chimères.
M otifs textuels du jugem ent, en ce qui concerne le legs
universel en propriété', q u i l annuité.
L e legs universel en propriété , porté au testament de madame
de C h a z e r a t , est n u l, d it-o n , « attendu la maxime C° j Sta^ ^
» base de toute législation , et consacrée par l'article G u o e
» N apoléon, que nul ne peut, par des c o n v e n t i o n s particuicres ,
» déroger auoc lois qui intéressent l'ordre public et es onnes
» mecurs, puisque ce qui a été établi pour le bien t e t o u s , ne
» peut pas être interverti par la volonté changeante t es m m us. »
(<*) Premier livre des rois, chap. 28.
�(6 )
Réfutation.
E t nous aussi, prosternés devant cette maxime sacrée,
conservatrice de l’ordre so cial, nous lui rendons un hom
mage solennel : mais, qu’a-t-elle de commun avec le tes
tament de madame de Cliazerat ? En quoi la testatrice
a-t-elle dérogé , par sa volà n té privée, a ux lois qui in
téressent l’ ordre public et les bonnes mœurs? Q u el tort
fait à la société la désignation collective des légataires
universels d’un testateur, par leur qualité de parens
d’une li<me, et leur vocation dans Tordre de la repré
sentation à l’infini, au lieu d’écrire plusieurs pages pour
les dénom m er tous individuellem ent, et désigner par
ticulièrem ent la portion destinée à chacun ? E n quoi
les mœurs sont elles blessées par cette brièveté d’expres
sion aussi commode qu’exacte ?
i rc Suite des motifs.
11 fa u l rcconnoitre incontestablement pour lois d ’ordre p u b lic ,
celles qui ont un rapport direct et spécial à la société en corps ,
dont les conséquences réfléchissent éminemment sur l ’ensemble
des citovens. S i , à quelques égards , on peut regarder les lois
com m e a y a n t pour objet une certaine utilité publique, dans les
unes cependant cette utilité se borne à régler des intérêts privés ,
/ ribus et singulis : dans les autres, au contraire, cette utilité
embrasse la société entière, elle se lie à tous les intérêts, plu -
ribus ut universis. A in s i, lorsqu’un testateur fait la distribution
de ses b ie n s, il use d ’une faculté qui est toute relative à lui seul
et d;ins son intérêt p rivé ; niais le mode dont il se s e r t, l’ordre
q u ’il doit observer dans cette re p a ru tio n , est du domaine public,
qui est pour lui une barrière insurmontable.
�'( 7 )
Réfutation
.
” - <r '
T
Il n’importe nullem ent à la validité du testament de
madame de Chazerat, que ces distinctions aient de la
justesse ou qu’elles en m anquent, et que les lois qui
régissent ce testament appartiennent, les unes au droit
p riv é, les autres au droit p u b lic , lorsque ses disposi
tions "n’offensent ni les lois qui règlent le pouvoir de
dispose!', ni celles qui règlent le mode et l ordre de dis
position à obse'rver. S’il blessoit les unes ou les au tres,
il seroit également réprouvé. M ais que le sieur M irlavaud nous montre celles qui le condamnent •, jusquelà , nous nous contentcTons de lui dire , vous poursuivez
des fantômes.
Suite des motifs.
V o u s voulez des citations? en voici :
« Parm i les lois inviolables, (q u i sont pour un testateur une
3
« barrière insurm ontable), l’ art. i go du C o d e Napoléon a placé
» la prohibition laite aux époux de stipuler entre e u x , d’ une
» manière générale, que leur association sera réglée par une des
» coutumes, lois, ou statuts locaux qui régissoient c i - d e v a n t les
» diverses parties du territoire fra n ça is, et qui sont abrogées par
» le C o d e. »
Refutation.
O rd on n ez • mais nous ne voyons pas dans cet ai tide
une loi prohibitive pour les testateurs, car il ne parle
que des conventions stipulées entre époux par leui con
trat de mariage. O r, les contrats de mariage et les lestamens n’ont lien de commun.
�(8)
3
3e Suite
des motifs.
L ’article i go du C od e s’applique aux testamens, com m e aux
contrats de m ariage, et voici pourquoi : « L ’abrogation de tous les
» statuts locaux, jugés nuisibles tant p arleu r multitude que p a r la
» bizarrerie d ’un grand nombre de leurs dispositions, et l’avantage
» d ’une loi uniform e , long-temps désirée , et profondément sentie,
» entrent évidemment dans l’intérêt commun de la société; et
>, c'est s’élever contre cet intérêt de t o u s , c’est établir un code
« pour s o i , que de faire renaître des lois anéanties, de les tirer
» de l’oubli auquel le corps social les a condamnées en grande con» noissance de cause.
» L e s te s ta m e n s, ainsi que tous autres actes ou contrats, sont
» i n d i s t i n c t e m e n t soumis à ces principes sacrés. L a faction du
» testam ent, com m e le disent les lois romaines, est incontesta» blem ent d ’ordre public. L e premier devoir du testateur est de le
-» reconnoître et de le respecter : de p lu s , les grands motifs qui
» ont dicté l ’art. 1390, relativement au contrat de m ariage, s’ap» pliquent naturellement au testament : l’avantage du p u b l ic ,
» ainsi que la tranquillité des fam illes, ne sont pas moins compro» m is, en rappelant en ternies généraux, dans une disposition
» testamentaire, une coutume abolie, qu’en la reconnoissant dans
» un contrat de mariage ; dans l’un com m e dans l'autre c a s ,
» l ’intérêt public est violé, et la dame de Chazerat s’est constituée
» au-dessus de la volonté générale,
» Soit par son m ¿Pr‘s étudié de la précieuse uniformité de
« nos lo is,
» Soit en reproduisant cette multitude infinie de coutumes >
» et avec elles les contestations interminables que la sagesse du
» législateur a voulu écarter.
Réfutation.
Discutons de s a n g - f r ° i d 3 et prononçons sans nous laisser
dominer par l'enthousiasme qui outre tout : ne voyons
que
�(9 )
que ce qui est, en un mot : il n’en faudra pas davan
tage pour entendre les premiers juges eux-mêmes abju
rer , avec la bonne foi qui les caractérise , l’erreur qui
les a séduits.
L es lois qui restreignent la liberté n aturelle, qui
défendent ce qui de soi n e s t pas illicite , ou qui déro
gent autrement au droit com m un, ne s’étendent pas
hors du cas spécial pour lequel elles ont été portées.
Les lois qui prohibent certaines conventions spéciales ,
ne s’étendent pas non plus à d’autres contrats dont elles
ne parlent point (i).
Encore moins peut - on les appliquer a u x disposi
tions gratuites, qui se régissent par des principes tout
différens de ceux qui règlent les conventions (2) ; voilà
des principes universellement reconnus.
O r , l’article 1890 se trouve dans les deux cas. L a con
vention qu il proliibe pour l avenir, etoit très-usitée sous
l’ancien ré g im e , et n’a rien d’illicite en soi j il suffît de
lire cet article avec attention pour en rester convaincu.
Que porte-t-il en effet ? « L es époux ne peuvent plus
« stipuler, d’une m anière générale , que leu r association
« sera réglée par l’une des cou tum es, lo is , etc. 3 qui
« sont abrogées par le présent Gode. »
(0
V o ir Donnât, livre i e r , titre I e r , section seco n d e, nombre i 5 et iG ,
e» lo » romaines qu’il cite.
W Cela 0*1 sL vrai > que ,es conditions QU les modifications
illicites qui an-
" ,
. 7 M o n t io n s intéressées auxquelles elles sont apposées par contrat
entre-vifs , d-après les articlos , l 5 l ct , l5 5 du code, n’annullent point les dispositions testam entaires auxquelles elles sont a jo u t é e s , et sont seulement
putées tuai écrites dans I05 testamens, d’après l’article 900.
B
ré
�Ne peuvent plus ! pesons bien ces expressions. Si
les époux ne peuvent p lu s , ils pou voient donc, avant la
loi prohibitive, ce qu’elle dit qu’ils ne pourront plus :
la stipulation qu’elle leur interdit, pour l’avenir seule
m ent , sans l’annuller pour le passé , étoit donc p er
mise avant d’être prohibée : donc elle n’étoit pas illicite
en soi et de sa nature ; donc elle ne l’est aujourd’hui
qu’accidentellem ent, et parce qu’elle est formellement
prohibée : donc l’article 1390 du Code qui la prohibe,
restreint la liberté naturelle des conventions, défend
ce qui de soi n est pas illicite.
Disons pins il déroge à la liberté indéfinie des con
ven tion s matrimoniales elles - mêmes , établie en règle
générale par l’art. 1389, qui le p récèd e, et qui p o rte:
« L a loi ne régit l’association conjugale, quant aux
« b ien s, qu’à défaut de convention sp éciale, que les
« époux peuvent fa ire comme ils le jugent à propos. »
Concluons que l’art. 1890 étant une loi qui déroge a u x
reçues générales , au droit com m un, une loi d’exception ,
en un mot -, il appartient, sous tous les rapports, à la
classe des lois dont l’application doit être renferm ée dans
le cas spécial pour lequel elles ont été portées.
D ’un autre c ô té , quand l’article 1890 seroit suscep
tible d’être appliqué à des cas semblables, ad sim ilia ,
l ’extension de cette loi p ro h ib itive, d’une convention
matrimoniale qu’elle ré p ro u v e, à une disposition testa
mentaire dont elle n’a point parlé , seroit encore inadmis
sible j ca r, quelle ressemblance et quelle analogie peut-il
y avoir entre des conventions matrimoniales , qui sont
des contrats in téressés} des contrats synaUagmatiques,
�( 111
des contrats en tre-vifs, formés par le concours du con
sentement m utuel des époux , dans la vue de régler
leur société conjugale pendant leur vie , et les dispo
sitions testamentaires, qui sont des actes à cause de
mort émanés de la seule volonté libérale du testateur,
et dont l’exécution est renvoyée après son décès ? (a)
(a) N ous l ’avons déjà dit (page 9) : dans les contrats in téressé s, les condi
tions ou les m odifications illic ite s annullent la convention principale qui en est
grevée. A u contraire, dans les actes d e lib éra lité, les conditions et les m odifica
tions illicitesn o donnent point atteinte à la d ispo sitio n p rin cip a leklaquelle elles
sont ajoutées. Ces conditions ou m odifications illic ite s y étant réputées non
é c r it e s , aux termes de l’article goo du C o d e , elles doivent être retranchées du
testament. P ar ce retran chem en t, la disposition devient pure et sim p le , et
n'en est pas m oins valable. C ’est ce qu’a vo ien td it avant le Code N apoléon les
lois rom ain es, et particulièrem ent la loi 14e , au d igeste, d e C ondit. instit. ,
ainsi conçue : « Conditiones contra ed icta iniperatorum , aut contra le g e s , aut
tjuœ contra borios m o re s , v e l derisoriœ su n t , aut hujus m odi cjuas prcvtores
irnprobaverunt , pro non scriptis habentur, e t perin de ac s i hereditati sive
leg ato a djectœ non e s s e n t, hereditas leg atu m ve capitur. » C ’est aussi ce
q u ’observent R ica rd , dans son T r a ité des dispositions conven tion nelles, tit. 2,
cliap.
5 , sect. 2 j
D o m a t, dans ses L o is c iv ile s , seconde partie , liv.
3 , tit.
i er,
sect. 8 , n°. 18 j F u rg o le , T r a ité des testam ens, tom . 2 , ch ap . 7 , sect. 2 ,
n°. 125 , etc. etc.
A p p liqu an t ce principe
, nous
en co n clu ero n s , avec r a is o n , que si
d e.C h a zerat, après avoir légué à trois branches de scs parens
madame
l ’u n i v e r s a l i t é
de
ses b ien s, pour les recu eillir suivant les règles d e la représentation à l infini,
avoit 'fait à sa disposition une m odification réprouvée par la l o i , en a jo u ta n t,
te lle qu’e lle avoit lieu dans la ci-devant Coutum e d 'A u v erg n e, il faudroit tout
s*niplenient regarder co dernier m em bre de la phrase com m e non éc r it, le
trancher, C[ r <!(iu ire p ar conséquent la disposition au prem ier m em bre, qui
P te . « j 0 donne ct |£gu(j tout c0 j ont .j m ,cst p erm;s Je d isposer, à tous ceu x
01
v
6 mes parcns ({]e teUe ct tcUo brancho) qu; scroierit en ordre de me
» s u c c é d e r , suivant les règles de la représentation a l'in fin i» . O r , ce retran
chement no foro;t pas lo p]us légor dlangenlont à I'efiet de la disposition ; car
v e r r a p lu s b a s q u e la représentation à Vinfini n ^ t o i t p a s ( lifïé ie n t o e u c o u -
tumo d A u v e rg n e , do ce q u ’elle étoit partout.
B a
,
�( 12 )
• Écartons donc pour toujours l’argument de parité, qui
a servi de base à la décision des premiers juges*, puis‘qu’au lieu de parités il n’y a que des disparates impos
sibles à dissimuler entre les conventions matrimoniales
et les dispositions testamentaires.
Y a-t-il plus de justesse dans ce qu’ajoute le sieur
M irlavaud , lorsqu’il semble dire : Q u’importe que l’ar
ticle i qo du Code Napoléon n’ait pas été violé par le
testament de madame de C h azerat, avec lequel il n’a
aucun ra p p o rt, s i l ordre public lui-rneme est violé par
ce testament ? H n’en sera pas moins nul $ car on ne
peut pas plus déroger a 1 ordre p u b lic, par des dispo
sitions testam entaires, que par des conventions matri
moniales : l’art. 900 du Code Napoléon le proclame.
3
D ’accoi’d du principe 5 mais venons au fait. Comm ent
madame de Ghazerat a-t-elle violé Vordre public dans
ses dispositions testamentaires?
Elle l’a violé d’abord , nous dit-on , en se constituant
au-dessus de la volonté générale par son mépris étudié
. de la précieuse uniformité de nos lois.
N ous en demandons bien pardon au tribunal j mais
notre vu e est trop bornée pour apercevoir par quelle
disposition madame de Cliazerat a m érité ce reproche.
E lle sJest mise au-dessus de la volonté générale, par
son mépris étudié de la précieuse uniformité de nos
lo is , elle dont la libéralité étoit enchaînée par le statut
local qui régissoit ses biens avant la révolution, et qui
t ie n loin de repousser avec un mépris étudié le bien
fait de la législation nouvelle , dont la précieuse unifor
mité est venue briser ses ch a în e s, l’a saisi an contraire
�(
.3
)
arec transport! Elle qui a étendu ses largesses à mesure
que la faculté de disposer s’est étendue uniformément
dans tout Vempire, par les lois des 4 germinal an 8 , et 16
floréal an 1 1 !
Il n’y a pas moins d’irréflexion dans le reproche adressé
à la testatrice , de reproduire la multitude infinie de
coutumes que le Code p ro scrit, et avec elles les con
testations interminables que la sagesse du législateur
a voulu écarter. U n e seule des quatre cents et tant de
coutumes de France est rappelée dans son testam en t,
et sur le seul point de la représentation à l infini en
ligne collatérale. L ’unité ne constitua jamais une m ul
titude. D ’ailleurs, cette coutume u n iq u e , la danie de
Chazerat ne l’a même pas reproduite d’une manière
générale. Elle ne l’a pas rendue la seule ordonnatrice
de ses libéralités, ¿du contraire f la coutum e abolie , à
laquelle elle s’est référée sur un seul p o in t, condamnoit
presque toutes les dispositions qu’elle a faites, et notamment,
L e legs universel de l’usufruit de ses biens à son m ari,
au profit duquel tout avantage direct ou indirect lui
étoit interdit par cette loi prétendue ravivée j
L ’épuisement total dè ses biens en libéralités testar
mentaires, que la môme coutume auroit réduites au quart ;
Enfin , la confusion de ses propres, anciens et naissans> de ses acquêts , de son m o b ilier, en une seule
massc qu’elle a léguée en pi'opriété à trois branches de
ses paren s pour être partagée entre les trois branches,
au m a r c la livre de ce qui lu i ¿ to it provenu de chacune
elles, tandis que la coutume auroit attribué les meubles
et acquêts aux parons paternels exclusivem ent; qu’elle
3
�(4 )
n’auroit fait rem onter aux e sto cs d’ou ils étoient proven us,
que les immeubles e x is to n s dans la succession seulement,
et qu’elle n’accordoit aux parens du coté de ses aïeules
paternelle et m aternelle, ni la reprise , ni le rem p lo i des
dots m obilières qu’elles avoient portées dans sa famille.
A u lieu de disposer suivant l’ordre établi par la cidevant co u tu m e, elle n’a donc fait aucune disposition
à titre u n iversel, qui ne soit tout à la fois une v io la tio n
ouverte de ce sta tut l o c a l , et le x e ic ic e le plus indé
pendant de la f a c u l t é illim ité e de d isp o ser à son g r é ,
qu’elle t e n o i t du b i e n f a i t des lois nouvelles.
C o m m e n t expliquer après cela le reproche fait à sa
m é m o i r e , de s’être constituée au-dessus de la volonté
générale, par un m ép ris é tu d ié de la nouvelle législation,
et d’avoir rep ro d u it , d ’u n e m anière g é n é r a le , la cou
tume abrogée?
*
4 * S u ite d es m otifs.
Elle a mérité ce reproche, continue-t-on , « attendu que la lu i,
» en laissant au testateur la plus grande latitude dans la disposi» tion de ses biens, en l’établissant l’arbitre souverain de ses der„ nières volontés, lui a cependant donné pour bornes toutes les
» règles qui concernent l’ ordre public, les bonnes mœurs , et
♦
> les formalités des actes ; que c ’est sous ces conditions qu’il a
» reçu de la loi un pouvoir si étendu; qu’il perd son pouvoir, ou
» du moins que ce pouvoir est rendu sa n s'e ffe t, dès qu ’il oublie
» les conditions sous lesquelles il l’a reçu.
»> Que la dame de Cliazerat a méconnu ou méprisé ces prin
ts cip es, lorsque dans son testament et dans son troisième codi» cille, au mépris de la volonté et des intérêts de la so cié té , elle
» a remis en vigueur, en ternies généraux , une coutume abolie,
»' en o r d o n n a n t que ses biens retourneraient aux- vstocs desquels
�( i
5)
)> ils étoient provenus ; qu’ils seraient partagés entre, le s trois
» branches'de sa fam ille qu’elle dénomme, suivant les régies de
» la représentation à l’ infini, telle qu’ elle avoit heu dans la ci» devant Coutume <?Auvergne, et ensuite subdivisés dans cha» cune d’e lle s , suivant les mêmes règles de la représentation
» à l ’infini, ' »
J
Réfutation.
Ce ne sont là que des redites déjà réfutées ; de pures
illusions dans le droit et dans le fait déjà dissipées.
Elles ont pour base, en point de d ro it, la supposition
que toute disposition testamentaire , par laquelle le
testateur oi’donne , en termes généraux , la distribution
de ses biens d’après l’ordre autrefois suivi dans une
coutume abolie par la nouvelle législation, est illicite
et nulle en s o i, parce qu’elle viole l ’ordre public nou
vellem ent établi •, et en point de f a i t , la supposition
que madame de Cliazerat a ordonné la distribution de
ses biens dans l’ordre ci-devant établi par la coutume
d’A u vergn e.
O r , nous croyons avoir déjà suffisamment prouvé que
ces deux suppositions sont deux erreurs, l’une de droit,
1 autre d é fa it. Nous allons cependant y revenir encore,
afin de ne laisser aucun nuage sur ces vérités \ et emprun
tant , pour m ieux con vain cre, les raisônnemens irré
sistibles d’un orateur du trib u n at, lors de la discussion
l° i du 4 germ inal an 8 , nous dirons :
*
L a faculté de disposer de sa propi'iété est une éma" dation directe de la propriété elle-m em e : le droit
" de donner est le m ême que celui de jouir.
“ k e cU-oit de p ro p riété, co n sid éré dans son essence
�«
«
«
«
<t
«
«
«
/<
«
«
«
«
«
( i6 )
n atu relle, le droit de posséder ce qu’on possède,
existe avant toute société. M ais c’est la société qui le
garan tit} et il est simple q u e , pour prix de cette
garantie
la loi civile puisse imposer à Vexercice du
droit de propriété les contraintes et les formes qui
paroissent convenir au m ain tien , et même au plus
grand avantage de la société qu’elle gouverne. >*
« D e là naît la puissance du droit c iv il, non pas sur
le droit de propriété qu’il ne peut détruire, mais sur
toutes ses conséquences qu il dirige, et par conséquent
q u i l peut étendre ou resserrer à son gré.
« L a p rin c ip a le conséquence de ce droit est la transmission de la propriété elle-même , soit qu’elle s’opère
par la volonté du don ateur, soit qu’à défaut de cette
volonté la loi civile la règ le, et la détermine par la voie
de la succession. »
Il
suit, de ces grandes maximes d’ordre social, que
la faculté illimitée qu’a chaque propriétaire de disposer
de ses biens , comme il lui p la ît, daus les formes et par
les voies que bon lui semble , est la règle générale , le
droit commun : Par co n séq u en t, que toutes les lois
c iv ile s , qui donnent des b o rn es, des gênes ou des
formes à cette faculté illimitée , sont des lois limitatives
de la liberté naturelle ; et par une dernière“conséquence,
que tout ’ ce qu elles ne defendent pas expressément
reste permis au testateur. En deux m ots, que l ’ordre
p u b lic , r e l a t i v e m e n t à la fa c u lté de transmettre ses
biens à litre g ra tu it, se compose uniquement des lois
réglementaires et prohibitives que le législateur a publiées
sur la disponibilité des b ie n s, et sur le mode de dis
poser;
�*7
(
)
poser ,• de sorte qu’il est rigoureusement vrai de d ir e ,
avec le n°. 55 du décret du 22 ventôse an 2, qu'en cette
matière la loi valide ce q u e lle n annuité pas.
O r , n’est-il pas de fait constant qu’aucune loi directe
et positive nannulle la disposition d’un testateur qui ,
pour exprim er sa pensée avec plus de précision et en
moins de m o ts, lègue ses b ien s, comme madame de
Chazerat, à certaines branches de ses parens collatéraux
qu’il dénom m e, et qui prescrit le partage entx-e tous ses
légataires, dans le même ordre suivant lequel ils lui
auroient succédé sous le régim e spécial d’une coutume
abolie auquel il se réfère ? D on c la loi valide cette for
mule de disposition, par cela seul qu’elle ne l’interdit
pas •, car , encore une fois , il n’y a de formules de dis
positions , comme de formules de conventions, nulles ,
que celles qui sont spécialement prohibées.
5e Suite
des motifs.
« L e rappel qu*a fait madame de C h a z e ra t, en termes ge’n é» raux , de la coutume d ’Auvergne ( pour régler la distribution
» de ses biens entre ses légataires ) , renferme une résistance réflé>> chie à la 'volonté et
à l ’utilité publique , sous deux rapports
» frappans ; Pun en obligeant ses héritiers de faire la recherche
M de la nature et de l’origine des biens dans chaque estoc , suivant
ta coutume d ’Auvergne, contre la disposition précise du C o d e ;
et 1 autre , en astreignant ses héritiers à faire enlr eux les divi
sions et sous-divisions, suivant la r e p r é s e n t a t i o n à l in fin i,
» dans les principes de la même coutume d ’ Auvergne; or la
coutume d Auvergne avoit, sous ces deux rapports, des maximes
» spéciales et particulières à elle seule, qui s’éloignoient de toutes
« les autres coutumes qui avoient admis la fameuse rè g le , paterna
c
�(
,8 )
» palernis, materna malernis; et que ces principes de la coutume
» ont été reproduits par la dame de Chazerat dans sa famille
» et dans sa succession , com m e un brandon de discorde et de
» contestations. »
» O n objecteroit vainement que la Cou tu m e d’Auvergne n'est
» rappelée dans le testament que com m e une démonstration, un
/) point com paratif, et non com m e loi impérieuse. Raisonner ainsi,
» c ’est jouer sur les m o ts, et abuser des termes; car, comment la
» C outum e d ’Auvergne ne seroit-elle dans le testament que comme
» mode d ’indication, lorsque la dame de Chazerat veut diserte» m e n t, et en termes géminés, que cette Coutume soit la règle
» du partage de ses biens ? lorsque presque tous les appelés par elle
» ont donné à leurs conclusions la forme d ’une demande en par» tage , d'après les maximes de la Coutume d ’A u ve rg n e ? lorsque
» dans le Tait, et dans la réalité, il seroit impossible à ces héritiers
« de faire ce partage, tel q u ’il est prescrit, sans être guidés par
>, la Coutum e d ’Auvergne. A i n s i , c ’est la Coutum e d’Auvergne
» à la main , qu'ils seroient obligés de rechercher quels sont
» les biens qui sont provenus de chacune des lignes favorisées;
» qu’ils seroient obligés de faire uue recherche semblable, pour
» attribuer à chaque b ra n c h e , par la subdivision , les biens qui y
n ont aussi été rapportés ; qu'il faudroit distinguer les dots rao» biliaire ou pécuniaires, qui auront fait souche par double con>r fusion ; qu ’il faudroit égalem ent, dans le cas de la représenta» t io n , statuer si l ’oncle et le neveu, étant en ligne égale, doivent
« concourir ensem ble; si au préjudice d ’une renonciation on peut
» venir par
re p ré se n ta tio n ;
si
le
partage doit se iaire par souche,
» ou bien par tètes, et une multitude d ’autres difficultés sembla*
» blés. Ainsi
».
s ’o u v r i r o i e n t
pour ces héritiers une ample carrière
de débats , aux juges une multitude de questions
é
♦inenses,
» pour la décision desquelles la Coutume d ’Auvergne seroit la
t> seule régulatrice. .
» Qu'on ne peut pas dire que la coutume sera prise ici comme
« autorité seulement , et non com m e loi nécessaire , puisque
�( i9 )
h
cette c o u t u m e , ses u sages, sa jurisprudence seroienb la seule
» règle sur laquelle on devroit se diriger pour suivre la volonté
» et les vues rétrogrades de la testatrice; que la coutume ne seroit
« pas simple renseignement, puisque sans elle , sans s y renfVrjjier,
» on ne pourrait opérer la distinction des b i e n s , éclaircir leur
» origin e, les appliquer aux diverses lignes
,
a u x
différentes bran-
» c h e s , découvrir les individus appelés par la représentation , et
» parvenir enfin à débrouiller les obscurités de ce travail laborieux.
»» L a coutume ne seroit pas un simple m o d e , une c o n d itio n ,
» puisqu’en 'général les modes et les conditions peuvent se con^
» cevoir et s’isoler des dispositions auxquelles ils sont apj o
,
» mais ici le m o d e , la condition prescrite par la dame ce
» zerat sont inséparables; c a r , enfin , si la testatrice a institue^ e
» gataires universelles les trois lignes q u ’elle a affectionnecs, c est
» spécialement pour prendre les biens provenant de chacune d elles,
» suivant la C outum e d ’A u ve rg n e ; c ’est pour les subdiviser en» su ite , d ’après les mêmes principes, d ’après la même origine et
» nature des biens. Ses vrais héritiers seront ceux qui lui seront
« donnés par la représentation de la C outum e d ’Auvergne ; celte
» coutume se lie et s'incorpore donc à tout ce p artag e , et com » mandera à ses opérations. »
Réfutation.
Quoi! le testament de la dame de Cliazerat aura rappelé
la coutume abolie, en termes généraux ; il aura soumis
l’empire de cette loi m o rte, toutes les opérations du pai
tagede sa succession, la recherche de l’origine de ses biens,
leur application à telle ou telle autre branche de païens ,
leur distribution dans chaque branche j il aina imPos ‘ scs
- nombreux légataires l’obligation de s’y soumettre, sans
restriction et sans réserve, lorsque dans le fa it h dame
Chazerat ne s’est référée qu’à une seule des dispositions
G 2
�delà ci-devant coutum e, et qu’elle l’a contrariée sur toutes
les autres, notamment sur la distribution de ses b ien s,
qu’elle prescrit au marc la livre ?
Q uoi ! elle aura montré une résistance réfléchie à la
volonté et à l'utilité p ubliqu es, proclamées par la nou
velle législation , lorsqu’elle n’a pas fait un seul legs qui
ne soit un hommage à cette législation n o u v e lle, et
l’exercice le plus étendu des pouvoirs que les nouvelles
lois lui ont conférés, et que la coutume lui refusoit ?
E n fin , elle aura eu la folie de singer le législateur, de
prétendre re m e ttre en vigueur la Coutume d’A u v e rg n e ,
de lui redonner l’autorité d’une loi obligatoire , parce
q u’elle a emprunté quelques-unes de scs expressions pour
indiquer Tordre dans lequel elle entendoit distribuer sa
succession ? H é! depuis quand une loi n’est-elle donc plus
une règle générale commune à toutes les personnes qui se
trouveront dans le cas qiv’elle a prévu j Commune prœceptum ? Depuis quand le règlement domestique et privé,
que fait un testateur pour le partage de sa seule succes
sion , est-il donc une lo i?
C e n’est pas encore assez de ces inconcevables méprises.
Les premiers juges, égarés par un zèle louable pour l’in
violabilité de la lo i, mais poussé trop lo in , ont accusé les
intentions de la testatrice, pour faire le procès à ses der
nières volontés. A les entendre , son testament jeté dans
ça fam ille, comme un brandon de discorde, ne fut pas
l’effusion d’uii cœur aimant qui vouloit faire des heureux,
mais le délire de la haine du nouvel ordre établi, qui,
pour s’en jouer, voulut livrer son patrimoine à Pembra
sement des procès.
�( 21 )
A ces mots, il nous semble voir l’ombre de madame de
Cliazerat soulever la tête, et répondre aux magistrats:
« M essieurs, je respecte votre saint emportement : le
» m otif en est sublime ) mais daignez entendre mon
» excuse.
« V ou s ne voyez qu’une boutade extravagante de Fliu» m eur contre la législation n o u v e lle , dans ce passage
» calme et mesuré de mon testament : M on intention étant
* de fa ir e
retourner la p ro p riété d e m es b ie n s , autant
» q u i l d ép e n d de m o i , à c e u x de m es parons (¡ui descen » d o ien t d es e sto cs dont ils nie sont p ro v en u s , je donne
» et lègu e c e dont i l ni-est p er m is d e d is p o s e r , à m es p a » rens de la b ra n ch e de m es a ïe u l et a ïe u le p a te r n e ls , et
» de c e lle de m on a ïeu le m a te r n e lle , pour être partagés
» entre le s trois bran ches , au m arc la livre de c e qui
» m 'est provenu de c h a c u n e , suivant le s règles d e la re» présentation à l in fin i, telle q u e l l e a v o itlie u d a n s la
1
» ci-devant C ou tu m e d 'A uvergne.
O
» Pardonnez mon erreur, M essieurs: en m ’exprimant.
» ainsi, j ai cru parler le langage simple et n a ïf de la rai» son et de la justice. Il étoit loin de ma pensée et de mon
» cœ ur, de vouloir outrager la loi nouvelle, méconnoitre
” ou m epriser son autorité, et lui opposer une résista n ce
” rfJ lé c ld c , en prescrivant la distribution des biens que
je lé g u o is , d a n s Vordre de la représentation à l in fin i ,
entre m cs lég a ta ires, puisque ma v o lo n té n’a agi dans
mes disposiiiOÛS dernières, qu’en vertu des pouvoirs illi” mités que la loi nouvelle m ’a cco rd o it, et que la cou
tume abolie me refusoit.
“ k cussé-je offensée, cette loi nouvelle, q u i, donnant
» un libre essor à mes affections, étoit clière à mon cœur.
�( 22 )
I’eussé-je offensée par nies paroles, par la naïveté de
mes expressions , lorsque j’en saisissois le bienfait avec
transport, lorsque le fond de chacune des dispositions
de mon testament étoit un hommage à son autorité, et
que je la bénissois de cœur et d’intention, l’offense se
rait innocente: faudroit-il donc la punir?
» M inistres de la loi sur la terre, vous savez m ieux que
m oi, q u e lle ne frappe jam ais sans avertir. Lorsque je
testai, elle n’avoit p a s proscrit , et elle n’a point proscrit
encore, la formule de disposition q uem ’inspiroit le seul
amour de la ju stice, et non un fol entêtement pour
exhum er la Coutum e d’A u vergn e, ( qu’il n’étoit, ni
dans ma puissance, ni dans mon intérêt, défaire revivre,
encore moins dans ma volonté, puisque je l’ai contrariée
à chaque ligne de mon testament ). Je l’adoptai, cette
maniéré d’exprim er ma p en sée, uniquem ent parce
qu une longue tradition m ’en avoit appris le sen s,
l’étendue, la portée, et q u eje n’en connoissois pas d’au
tre qui remplît plus parfaitement mes ' intentions de
rem ettre à toute la postérité de mes premiers ancêtres,
sans restriction, les biens, ou le remploi des biens , que
j’avois reçus de chaque branche.
» Si j’en avois connu une plus propre à rendre la plé
nitude de mes intentions , je laurois em ployée: mais
j’ose défier les gens de loi les plus exercés, avec toute
des affaires qu’ils ont, et qui me manquoit
l ’ e x p é r i e n
c e
à m oi, j’ose les défier, dis-je, d’exprim er aussi complè
tement ma volonté en d’autres term es, et en aussi peu
de mots. Cependant il lalloit l’exprim er toute entière ,
ma volon té, puisque la loi du 4 germinal an 8 , et l’ar
ticle 916 du Code N apoléon, la déclarent l’arbitre eu-
�'
( »3 )
» prême dè mon testament : et parce que j aurai exp ïim e
» ma v o lo n té , de la seule m anière qui étoit propre à
» éviter toute lacune, toute m éprise, et à me faire en» tendre sans équivoque, j’aurai violé la nouvelle lo i.
» une loi qui,, sans me prescrire aucune formule:sacra» mentelle pour rendre ma pensee, sans m o n in ieid n e
» aucune, s’étoit bornée à me dire : O rdonnez, et vous
» serez obéie ? L a loi permet ce q u e lle ne défend pas ;
» elle v a lid e c e q u e lle n }an n uité p a s , encoie une fois j
» c’est ainsi que l’on raisonne dans le séjour desmorts, ou
» nous sommes à l’abri des illusions dont les vivans sont
» si souvent le jouet. L ’on n’y étouffe pas la loi pai exces
» de précaution et de zèle pour son inviolabilité j et nous
» plaindrions sincèrement les vivans, si les tribunaux
» avoient sur la terre le terrible pouvoir de boulevei'ser
» la société p a r îles p ro scrip tio n s arbitraires , en s’armant
» du prétexte , injurieux au législateur, de faire m ieux ,
» et d’être plus sages et plus prévoyans que lui.
» Je ne réponds rien à votre ingénieuse dissertation,
» sur les distinctions à faire entre les modes et les condi» tions qui peuvent se concevoir et s’ isoler des dispost» tions, d’avec les modes et les conditions qui en sont
» inséparables , parce que tout cela a trop d’espnt pour
“ m oi, qui ne fus qu’une femme sur la terre, et que je
” n a i pas le bonheur de vous comprendre. Mais ce que
» je crois bien com prendre, c’est que la
necon cam
» n o itp asla formule que j’ai ch oisie poui expum ei m.i
»•pensée : et vous, Messieurs ! plus seveies que le l i Dis
» la leur, de quel droit avez-vous refusé de l’absoudre ? ^
» Je n ai pusà rue justifier du reproche qui in est adi esse,
�» d’avoir im prudem ment je té un brandon de discorde
» dans ma fa m ille , par le prétendu cahos dans lequel
»» mon testament l’a plongée; car ce cahos imaginaire n’est
» qu’un prestige. N o n , n o n , l’esprit de vertige ne s’em» parera pas de mes légataires universels-. Ils ne feront
» pas de mon riche héritage la proie du palais, en rani-*» mant des questions usées, sur lesquelles les opinions
« sont depuis long-temps fixées. Quant aux recherches
» qu’ils auront à iairc pour établir le degré de leur pa» renté, e t ju stifier leur successibilité, elles ne diffèrent
» pas de ce lle s q ue sont tenus de faire tous les héritiers
» ah intestat en général, dans les successions échues à
» des parens collatéraux, appelés à succéder par représentation , dans les cas des articles 742 et 743 du Code; o r,
„ puisqu’elles n’empêchent pas de succéder ab intestat ,
» pourquoi empêclieroient-elles de succéder par la volonté
» d’un testateur ? »
6 e S u ite d es m otifs.
« On oppose en vain que madame de Chazerat n’a pas généra» Usé son rappel de la Coutum e d ’ Auvergne, puisqu’elle Ta res» treint à une seule de scs dispositions. C ’est une e r r e u r , car la
« soumission à une coutume prend évidemment la form e de dispo« silion g é n é rale , lorsqu’elle porte sur un objet de disposition
» générale. Or , c ’est pour la nomination de ses légataires univer» sels, que la dame de Cliazerat invoque la Coutum e d ’ Auvergne;
» c’est celte coutune en général qui regleroit leurs qualités et leurs
» avantages. C e tt e disposition prend donc nécessairement un ca» ractère de généralité dans ce partage.
» L a d a m e de C lia ze ra t eû t pu aisément spécialiser sa disposé
» tion ; elle eût pu lé g itim e m e n t faire entre ses héritiers l ’appli
cation
�(
^5 )
» cation de tels ou tels de ses biens , suivant sa volonté ; elle
» eût pu , par cette voie spéciale , faire rentrer dans chaque
» ligne, dans chaque b r a n c h e , la portion de fortune qu ’elle en
» avoit reçue ; rien ne la gênoit dans cette manière de disposer ;
» par là elle eût rempli ses intentions, respecté l’ordre p u b lic ,
» étouffé le germe de mille contestations dans sa famille ; mais au
» lieu de faire ce qui lui étoit p e r m is , elle a préféré de faire ce qui
» lui étoit défendu. D e telles dispositions ne peuvent être protégées
» par la loi qu’elles offensent. «
Réfutation.
Puisque les motifs du jugem ent se répètent sans cesse,
nous sommes forcés de nous répéter aussi, et nous dirons :
C ’est à pure perte qu’on s’épuise en raisonnemens subtils ,
pour trouver dans le testament de madame de Chazerat
un ra p p el de la cou tu m e d ’ .Auvergne en term es g én éra u x.
Quand cela se ro it, on en concluroit encoi’e mal à.
propos que le legs universel, porté par ce testament et
par le codicille qui le suivit, est n u l-, car aucune loi ne
defend à un testateur de se référer d’une manière géné
rale à une coutume a b o lie , pour la désignation des
héritiers qu'il choisit par sa propre v o lo n té, et la dis
tribution de ses biens. L ’adoption de telle ou de telle
coutume , d'une manière générale, n’est interdite qu aux
époux , pour le régime de leur association conjugale.
5 nous avons démontré que de pareilles lois prohi
bitives de ce qU{ seroit licite en soi ( cessant la prohi
bition ) , üc s’étendent pas d’un cas à l’autre , et surtout
des contrats de mariage aux testamens.
Ce n est pas tout : les prem ici’s juges n’ont pas scuD
�J'.'rnent erre Vlans le d ro it, ils se trompent encore évi
demment sur le fa it, lorsqu’ils veulent que la dame1
de Chazerat se soit référée d’une inanière générale h. la
coutume d’A u vergn e , pour la désignation de ses héri
tiers et la distribution de ses biens , tandis qu’elle n’a
presque pas fait une seule disposition qui ne soit en
contradiction avec l’ordre successif de la coutume ;
qu’elle ne s’y est référée que pour indiquer., par une
dénomination co lle ctiv e , ceux de scs parens qu’elle
entendoit p ré fé re r, et pour suppléer à une nomen
clature individuelle qu il lui eût ete impossible de faire
fivec certitude dans le sens qu elle 1 entendoit, sa volonté
étant de rendre participons à ses libéralités, ceux même
qui naîtroient dans l’intervalle de la faction de son tes
tament à son décès.
’j e Suite des motifs.
« En vain on prétend excuser la dame de Cliazerat, en allé—
» guant qu’on ne peut lui faire un reproche d ’avoir établi le par» tage de ses biens sur la représentation à l’ infini, puisque celte
« représentation étoit admise par la loi du 17 nivôse an 2 : cette
» justification ne peut être adm ise,
« 1”. P a r c e q u ’au décès de madame de C h a z e ra t, ce n ’étoil plus
» la loi du 17 nivôse qui devoit régler soit la fo r m e , soit le mérite
» de ses dernières dispositions; c étoit le Code civil, sous l ’empire
» duquel elle est décédee, et cjue son testament olographe a reçu
» une date.
» 2’ . L a testatrice est loin d avoir puisé dans la loi du 17 nivôse
» la représentation q u ’elle ordonna : cette l o i , dans toutes les
» lignes, toutes les b r a n d ie s , sous tous les points de v u e , établit la
» représentation sous le rapport de la proximité du sang. A u con*
�(
27 )
» traire , la coutume d ’Auvergne attachoit la représentation à
» l’origine et à la nature des biens. 11 falloit avoir pour auteur
» celui duquel les biens provenoient. L a loi du 17 nivôse avoit
» à cet égard puisé sa représentation dans l ’affection naturelle,
» l’avoit liée aux personnes. L a coutume d ’Auvergne l’avoit fait
» dépendre des usages féodaux, l’ avoit attachée à la glèbe, plutôt
» qu'aux liens du sang. On ne peut donc trouver aucune analogie
» entre ces deux représentations, dont la source comme les efiets
» étoient différens. »
,
Réfutation.
Q u ’a-t-on voulu dire avec la représentation prétendue
attachee par la coutume d’ Auvergne à l’ origine et a lanature des biens , plutôt q u a u x personnes j à la glèbe,
plutôt q u aux liens du sang ? Prétend-on qu’en COUume d 'A u vergn e il y avoit des générations de champs
comme des générations d’ hom m es? Q ue ce n’étoient pas
les personnes qui y succédoient par représentation au*
personnes décéd ées, propriétaires, mais les champs qui
succedoient aux cham ps? L e champ neveu, q u i partageoit avec le champ frère la succession du champ oncle?
Jamais les pages de la coutume d’A u vergn e n’ont été
a i l l é e s par ce galimathias inintelligible, et ce n’est
pas non plus ce qu’a dit le jugem ent de premiere ins
tance, n { ce
a v0l,iu t]jr a
GePcndant il n’en est pas moins erron é, lorsqu’il
regarde la représentation à l’in fin i, qu’adinettoit la cou
tume d’A u v e rg n e , comme différente dans sa nature et
ses effets de celle qu’admeltoit la loi du 17 nivôse. Elle
ne diiïère même pas de celle qu’admet encore le Gode
D 2
�(
)
civil. Pour nous en co n vain cre, mcltons-nous le texte
de la coutume sous les yeux.
« L e mort saisit le v i f son plus prochain lignager
<« habile à lui succéder, » porte l’art. Ier, titre 12. L ’art.
explique ces mots habile à succéder, en disant : « 11
« y a deux manières d’hériter , l’une du côté paternel,
« et l’autre du côté m aternel, et retournent les biens
« à Vestoc dont ils sont p ro ven u s, tellement que les
« prochains lignagers du cote paternel succèdent ah
« intestat ès biens provenus dudit estoc , et non les
»> parens du côté m atern el, et è contra. »
M ais ce n’est pas le lignager le plus prochain de f a i t ,
h l’instant du décès , qui succède exclusivem ent dans
chaque ligne ou dans chaque branche ( appelée estoc par
la coutume ). L ’art. 9 admet les parais lignagers à suc
4
céder par représentation de leurs auteurs , en ces termes:
« Représentation a lieu tant en ligne droite que
« collatérale, us que ad injinilum ( ù l'infini ) audit pays
a coutumier. »
E t en quoi consistait cette représentation ? L e com
mentateur Chabrol va répondre.
« On entend assez (nous d i t - i l ) , ce que c e s t que
« la représentation. Elle forme une espèce de fiction ,
«
«
«
«
«
«
par laquelle 011 est mis au lieu et en la place de
celui dont 011 descend. C ’est un moyen par lequel
le parent qui se trouve plus éloigné de celui auquel
il s’agit de su ccéd er, s’en rapproche et se trouve
appelé à la succession, en remontant à l’ascendant
duquel il descend, et qui étoit on degré égal avec
les autres héritiers ou leurs auteurs. Comme les ex cm-
�»9
«
«
«
«
«
«
«
«
»
«
«
(
0
pies sont toujours plus instructifs que les définitions,
continue-t-il, il n’y a qu’à supposer trois frères, P ierre,
P a u l et Jacques. Pierre vient à m ouiir sans enfans,
Paul lui survit*, mais Jacques étoit mort avant lu i,
laissant des enfans. Si la représentation n’avoit pas lieu ,
la succession de Pierre appartiendroit à Paul seul (comme
lignager plus prochain que ses neveux ). M ais par
le m oyen de la représentation , les enfans de Jacques
succèdent conjointement avec l u i , et de la même
manière que si leur père avoit survécu à P ien e. Il
en est de même dans tous les autres d egres, et à
« V in fin i, dans cette coutume. »
Ouvrons maintenant la loi du 17 nivôse an 2 , nous
trouverons à l ’art. 77 et à l’art.
presque les mêmes
expressions, et absolument la même explication de la
nature et des effets de la représentation.
L a représentation a lieu jusq u'il Vinfini en ligne col
latérale, est-il dit dans l’article 77 , et l’article
ajoute:
« Par l’effet de la représentation , les représentons en» trent dans la p la c e , dans le degré, et dans tous les
» droits du représenté. L a succession se divise en au»> tant de ‘parties qu’il y a de branches ap p elées a la
“ re c u e illir, et la subdivision se fait de la même ma" ni ère entre ceux qui en font partie.
l’article 88 achève ainsi le d é v e l o p p e m e n t . « Ces
» règles de représentation seront suivies dans la sub
» division de chaque branche. O n p a rta g es d a b o id la
■
> portion qui est attribuée à ch acu n e, en autant de
» parties égales, que le ch ef de cette branche aura laissé
» d enfans , pour Attribuer ch acu n e de ces pai tics a tous
83
83
�( 3o )
» les héritiers qui descendent de l’un de ces entons , sauf
» à la soudiviser encore entre eux dans les degrés ul» térieurs, proportionnellem ent aux droits de ceux qu’ils
» x’eprésentent. »
Q ue l’on compare maintenant de bonne foi et sans pré
vention la manière de succéder par représentation à Vin
fini de la Coutume d’A u v e rg n e , avec la manière de suc
céder aussi par représentation à l infini de la loi du 17
nivôse an 2, et qu’on nous dise ou est la différence ?
L es esprits les plus subtils n’y en apercevront as
surément aucune.
A llons plus lo in , et lisons le Code Napoléon. Il parle
aussi de représentation, et i l i a définit à l’article 7 3 g ,
précisém ent comme C h abrol, et comme la loi du 17 ni
vôse, en ces termes : « L a représentation est une fiction
» de la loi, dont l’effet est de faire entrer les représen» tans dans la place, dans le degré et dans les droits du
» représenté.
L ’article 740 l’admet à l'infin i, 'comme la Coutume
d’A u v e r g n e , en ligne directe.
4
I/articlc 7 2 l’admet également d’une manière illi
mitée t en ligue collatérale, au profit des enfans et des
cendait S des frères ou sœurs du défunt, conséquemment
¿1 Vinfini, pour cette classe de parens -, et l’article 7^3
déterminant scs effets, veut que dans tous les cas ou
elle est a d m ise, le partage s'opère par souche. E n fin ,
» que si une môme souche a produit plusieurs brandies,
» la subdivision se fasse aussi par souche dans chaque
» branche, et que les membres de la môme branche
» partagent entre eux par tête. »
�(
3.
)
• Que voit-on encore dans ce développem ent? La re
présentation, telle que la Coutume d’A u vergn e l’admettoit, quant à ses effets, avec la seule différence, que
la coutume d’A u vergn e l’admettoit en faveur de tous
les parens collatéraux en gén éral, et par conséquent
aussi-bien en faveur des descendans d’oncles, ou de
grands-oncles du défunt qui auroient été appelés à lui
succéder à défaut de lignagers plus pi*ocliains, s’ils lui
avoient survécu, comme en faveur des descendans de
ses frères ou sœurs} au lieu que le Code Napoléon n’ac
corde le droit de succéder par représentation qu aux
seuls descendans des frères et sœurs du défunt. D e sorte
qu’il est vrai de dire que la représentation du Code et
celle de la coutume ne diffèrent, ni par leurs effets, ni
par leur d u ré e , qui est également à Vinfini dans les
classes de parens où elle a lie u , ni par leur nature ,
puisqu’elles sont attachées l’une et l’autre à la filia tion
des personnes, et nullement à la filiation des biens} mais
que le Code ne l’applique pas à un si grand nombre de cas.
D o n c, c’est à tort qu’on reproche h la dame de Cliazerat d’avoir fait revivre un genre particulier de repré
sentation, qui n a aucune analogie avec la n o u v e l l e lé
gislation , puisque la loi du j 7 nivôse et le Code Napo
léon lui-même en ont admis une absolument identique.
Encore plus mal à p ro p o s, on reproche à madame
Chiiy.yj’.jf- d’avoir voulu laire revivre une représenta
tion que la Coutume d’A u verg n e avoit attachée à la glèbe,
et fa it dépendre des usages féoda ux. L ’avons-nous bien
entendu ?........ L a coutum e nvojt fai t dépendre des usa
ges féo d a u x la représentation de» personnes, qu’elle ac-
�cordoit aux roturiers comme aux nobles, et pour re
cueillir les biens roturiers comme pour recueillir les biens
nobles !
Devons-nous qualifier cette étrange imputation ? n o n ...
Laissons ce soin au lecteur.
Enfin , on semble nous dire encore que si un bon
citoyen peut entendre les mots représentation à l ’ infini,
sans frissonner, dès que le Code Napoléon les em ploie,
«ju moins ne peut-il pas entendie un testateur prescrire
le retour de ses biens a u x estocs desquels ils sont pro
venus. H é ! m essieurs, soyez d’accord avec vous-mêmes :
madame de Chazerat, suivant vous, pouvait faire rentrer
dans chaque lig n e, dans chaque branche ou estoc de ses
parens, la portion de fortune q u e lle en a reçue \ et vous
frappez son testament d’anathême, parce qu’elle a voulu
ce que vous reconnoissez qu’elle pouvoit ! Pardonnez ma
franchise, messieurs, il me semble que ce n’est pas être
conséquens.
8e Suite des motifs.
« On oppose sans raison q u ’on ne peut demander la nullité de
« la clause du testament dont il s’agit, puisqu'elle n'est pas pro» noncée par la loi : c’est encore une illusion. 11 y a nullité absolue
» dans la violation de toute loi négative prohibitive; en pronon-
» /cant
»
peu t , la loi use de toute sa puissance. Elle impose
un devoir indispensable, elle écarte tout prétexte; excludit po~
tentiarn juris et facti. O r l’art. 6 du C od e dispose q u ’on ne
peut dérober par des conventions particulières aux lois qui in téressent l’ ordre public ; l’article 1390 statue de m ê m e , que
»
les époux
»
»
»
on
ne
ne peuvent p a s
stipuler d ’une manière générale, que
» leur association sera réglée par l ’une des coutumes abolies ; et
�( 33 )
» ces termes im p érie u x, on ne peut et ne peuvent, renferm ent
»> sans doute une prohibition énergique , une impossibilité de faire
» de semblable disposition ; ils prononcent implicitement une nul-
» lité insurmontable.
Réfutation.
Puisqu’on ne se lasse point de répéter toujours la même
ch ose, ne nous lassons' point de répéter la m ême ré
ponse , et de redire : L ’application des lois prohibitives,
que l’on invoque ici pour la troisième ou quatrième fois,
est faite hors du cas pour lequel elles sont portées ; elles
n ont rien de commun avec le testament de madame
de Chazerat : qu’on cesse donc enfin d’en abuser, car
les lois prohibitives ne s’étendent pas.
9
S u ite et f in d es m otifs.
« L a nullité du legs universel qui se réfère à la coutume ne
peut etre ecartee par l’article 9 6 7 , sur lequel on veut encore
« s appuyer. C e t article p e r m e t , à la vérité, au testateur de m a» mfester sa volonté sous toute espèce de titres et de dénomi» nations; de sorte que soit que le testateur dispose à litre de
>> legs, de do n a tio n , d ’institution d ’h éritiers, et sous toute au« tre qualification, peu importe; sa volonté connu e, si elle est
« conforme à la lo i, quœ légitima est, reçoit toujours son exécu» tion : mais disposer sous toute dénom ination, n ’est pas faire
” toulp espèce de dispositions. En permettant au testateur de se
servir de toutes expressions pour dicter ses intentions , la loi
,,
Pas aulorisé à disposer sous un mode et dans une latitude
» te s C ln'°* ^ eS mœu^s,
publique, les formalités des ac^ I . * et *°ut ce qui intéresse l’ordre social, sont toujours pour
ui une barrière invincible. C 'est d ’après ce principe tutélaire
*IUC
article 900 a voulu que dans toutes les dispositions enlre-
K
�(
34
)
» vifs, ou testamentaires, les conditions contraires aux lois ou
» aux mœurs soient réputées non écrites.
» C ’est ce que la dame de C h azerat a méconnu ou m ép risé,
» en faisant l’institution d ’héritier universel dont il s’a g i t e l l e a
» violé l’ordre public , en subordonnant sa disposition aux règles
» d’une coutume abolie; elle l ’a violé en rejetant avec affecta» tion le bienfait de la loi nouvelle ; elle l’a violé en prescrivant
» une form e de p artage, qui seroit une source féconde de con» testations. L a justice com m e la loi ne peuvent accueillir une telle
» disposition ; il faut donc la regarder comme non écrite dans le
»> testament de la dam e de Cliazerat.
Réfutation.
Ces motifs ne sont pas nouveaux. On n’y voit que
le résumé de ceux que nous avons déjà réfutés. Faut-il
cependant y répondre encore, au risque de répéter sans
cesse les mêmes choses en d’autres termes ? nous dirons :
O n avoue qu’il est permis à un testateur de se servir
de toutes expressions pour dicter ses intentions, et
que sa volonté reçoit toujours son exécution , en quel
ques termes qu’il l’ait manifestée , pourvu qu’elle ne
blesse ni les m œ urs, ni l’ordre public , ni les lois pro
hibitives , ni les formalités des actes.
Soyons conséquens, et nous concluerons de là , non
comme les premiers ju ges, que les dispositions testa
mentaires de madame de Chazerat doivent être frappées
de proscription ”, mais au contraire qu’elles doivent être
maintenues et recevoir leur entière exécution , nonobs
tant que la testatrice ait emprunté de la coutume d’A u
vergne les expressions dont elle s’est s e rv ie , soit pour
abréger la nomenclature des légataires universels qu’elle
�r35D
'Vouloit ch o isir, qu’elle avoit clairem ent désignés, et
dont elle vouloit qu’aucun n’échappât à ses bienfaits \
.soit pour régler l’ordre et la proportion du partage de
ses biens qu’elle entendoit leur prescrire} et pourquoi?
i°. Parce que son testament ne contient aucune dis
position qui ne soit conforme à la nouvelle l o i , soit
pour le fo n d , soit par l’application qui en est fa ite ,
puisque la loi lui permettoit de disposer de tout ce dont
elle a disposé, et en faveur des personnes au profit des
quelles elle en a disposé.
2°. Parce qu’elle n’a pas plus violé la loi par la forme
de sa disposition que par le fond } car nous persistons
à n ie r , avec l’assurance de la conviction , que madame
de Cliazerat ait blessé, dans son testament, ni les mœurs,
ni 1 ordre public , ni aucune loi prohibitive, en em
ployant quelques expressions de la coutum e d’A u vergn e
pour manifester sa volonté.
Elle ne les a point violés en subordonnant sa dispo
sition à titre universel, aux règles d’une coutume anéan
tie , comme le supposent les premiers ju g e s , soit parce
que cette pretendue subordination de la distribution de
ses biens aux règles de la coutume d’A u v e rg n e , est
purement im aginaire, soit parce qu’en la supposant réelle
elle ne violeroit aucune lo i, ni d’ordre public, ni d’ordre
p r iv é , dès qu’aucune loi quelconque ne l’a interdite.
Elle ne les a pas violés en rejetant avec affectation le
bienfait de la l 0i nouvelle, comme on le lui reproche
en core, puisque son testament n’est d’un bout à 1 autre
que 1 exercice de ce bienfait.
EUe ne les a point violés e n fin , en prescrivant un
�(
36 )
ordre de partage qui soit plus qu’un autre une source
de procès •, car depuis long-temps l'ordre de partage ,
par représentation à l 'infini , étoit u sité, connu , fixé ,
et pratiqué sans qu’il en résu ltât ni trouble ni désordre
dans les familles.
Concluons que les premiers juges ont constamment
abandonné la réalité pour courir après des fictions dans
l’interminable série des motifs qui ont inspiré leur déci
sion. L a cour d’a p p el p o u r ro it-e lle donc hésiter a rétablir
la vérité et les p rin cip e s dans tous leurs droits, en fai
sant re n tre r dans le néant un jugement qui les renverse ?
A C le r m o n t-F e r r a n d , le 8 octobre 1808.
P a r le jurisconsulte ancien ,
B E R G IE R .
A C L E R M O N T , de l'im prim erie de
Landriot,Imprimeur de la Préfecture,
et L ib raire , ruo S ain t-G en è s , maison ci-devant Potière.
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Marie
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Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Chazerat. 1808]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Bergier
Subject
The topic of the resource
successions
testaments
legs universels
ordre de successions
coutume d'Auvergne
code napoléonien
conflit de lois
paterna paternis
materna maternis
doctrine
Description
An account of the resource
Réfutation des motifs du jugement rendu au tribunal de première instance séant à Riom, le 22 juin 1808, qui a déclaré les principales dispositions testamentaires de Madame De Chazerat, subversives de l’ordre public et de l’ordre social, nulles et comme non écrites, par cela seul que la testatrice, en rendant à trois branches de ses parens collatéraux les biens q u 'elle en avait reçus, prescrit le partage entre eux par souche, dans l ’ordre de la représentation à l’infini, telle qu’elle avait lieu dans la ci-devant Coutume d’Auvergne.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
de l'imprimerie de Landriot (Clermont-Ferrand)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1808
1801-1808
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
36 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0518
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0512
BCU_Factums_M0513
BCU_Factums_M0514
BCU_Factums_M0515
BCU_Factums_M0516
BCU_Factums_M0517
BCU_Factums_M0632
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/5/53829/BCU_Factums_M0518.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Entraigues (63149)
Joze (63180)
Maringues (63210)
Ménétrol (63224)
Riom (63300)
Saint-Agoulin (63311)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Code napoléonien
conflit de lois
coutume d'Auvergne
doctrine
legs universels
materna maternis
ordre de successions
paterna paternis
Successions
testaments
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MÉMOIRE A CONSULTER,
ET CONSULTATION,
POUR
Les L
égataires
u n iv e r s e ls d e M ad am e D E
C H A Z E R A T ,
V
'
CONTRE
L e S ie u r M I R L A V A U D .
M a d a m e R o llet, épouse de M . de Chazerat, ci-devant
intendant d’A u vergn e, est décédée sans postérité au mois
de septembre 1806.
<
L e système restrictif de la loi du 17 nivôse an 2 ayant
été inodiiié par celle du 4 germinal an 8 , qui permettoit
A
�(2 )
a ceux qui n’avoient ni ascendans ni clescendans, ni frères
ni sœurs, ni dcscendans de frères ou de sœurs, de dis
poser des trois quarts de leurs b ie n s , elle crut devoir
profiter de la latitude que lui donnoit celte loi.
E lle fit un testament olographe le 26 messidor an 9.
A p rès un grand nombre de legs particuliers, dont le dé
tail est superflu, elle lègue l’usufruit de ses biens à son m ari,
E t elle dispose de la propriété en ces termes :
« Quant à la propriété de mes b ien s, mon intention
» étant, autant q u i l dépend de m o i, de les faire retour» ner à ceux de mes parens qui descendent des estocs
» dont ils m e sont pai’venus, je donne et lègue tout ce
» dont il m ’est permis de disposer suivant la loi du 4
» germinal an 8, à tous ceux de mes parens de la branche
,, de mes aïeul et aïeule paternels, et de celle de mon
„ aïeule m aternelle, qui seroient en ordre de me suc»
.»
»
»
»
»
v
céder suivant les règles de la représentation à. l’infini,
telle, q u e lle avoit lieu dans la ci-devant Coutume
d Auvergne, pour être partagé entre les trois brauc lie s , au marc la livre de ce qui m’est parvenu de
chacune desdites branches, et être ensuite subdivise
dans chacune d’elles, suivant les mêmes règles de la
représentation à l’infini} et néanmoins, je veux et en-
» tends q u ’avant la division et subdivision, il soit pris
» et prélevé sur la niasse totale des biens compris au
,,
»
»
»
présent le g s, d’abord le montant de mes legs particuliers, cl ensuite le sixième du surplus, que je donne
et lègue au citoyen Fiiirudeche de Grom ont fils aîné,
et au citoyen Sablon - D ucorail a m é , chacun pour
» m o itié , etc. »
�(3 )
M me de Chazerat a fait depuis différons codicilles.
Par les deux prem iers, des 17 floréal an 10 et 14 messi
dor an 11 , après quelques legs particuliers, ou quel
ques changemens à ceux déjà laits, elle persiste au sur
plus dans toutes les dispositions contenues dans son tes
tament.
E t dans le troisièm e, du il\ messidor an 1 1 , postérieur
à la promulgation de la loi du i floréal an 1 1 , sur
les donations et testam ens, elle s’exprim e en ces termes :
« L a-n ouvelle loi m ’ayant accorde la faculté de dis» poser de la totalité de mes biens, je veu x et entends
» que le legs universel que j’avois fait par le susdit tes» tam ent, en faveur de mes parens de l’estoc de mes
-» aïeul et aïeule paternels, et de ceux de l’estoc de mon
» aïeule m aternelle, de tout ce dont il m’étoit permis
» de disposer p a r la loi du t\ g e r m i n a l an 8, ait son effet
» poui la totalité de mes biens, sauf les divisions et sub» divisions à faire entre mesdits héritiers, de la m anière
3
»
»
»
»
expliquée audit testament, sauf aussi mes legs particu liers, et les dispositions par moi faites en faveur
de mon m a ri} à tout quoi il n’est rien d é r o g é par
le présent codicille. »
A p rès le décès de M mo. de C h azerat, M . de Chazerat
s est mis en.possession de ses biens, pour en jouir en
(lu■
aUté (Tusu(Vni tier.
dispositions testamentaires ont p a r u pendant long
temps a l’abn de critique.
Ce u u
q u’;ui rnois de janvier 1808, qu un cession'
naire de droits litigie u x, agissanl au nom d’un sieur IVlirlavaud, l’uu j üs
second mariage de Phili-,
A 2
�(4)
bert M a rcelin , aïeul maternel de M m0 de Chazerat, a
cru pouvoir demander la nullité du legs universel de
la propriété de ses biens, et cela sur fe"~fondement que
ce legs universel étoit fait en haine et au mépris des
nouvelles lois.
E t cette prétendue nullité a été accueillie par le tri
bunal d’arrondissement de R iorn, q u i, par son jugem ent
du 22 juin dernier, sans s’arrêter au testament de M me de
Chazerat, du 26 messidor an 9, et à son codicille du 14
messidor an 1 1 , q u i ont été déclarés nuls, quant au le^s
universel, a o r d o n n é le partage de ses b ien s, confor
m ém ent aii Code civil.
L es légataires universels, dépouillés par ce jugem ent
se proposent d’en interjeter appel.
Ils demandent au conseil s’ils y sont fondés.
L E C O N S E IL S O U S S IG N É , qui a vu et examiné
le testament, les codicilles, le jugem ent et le m ém oire
à con sulter,
que le succès de l’appel que se proposent
d ’interjeter les légataires universels de M m0 de Chazerat
ne peut la ire la matière d’un doute raisonnable.
Si on avoit besoin de justifier M mo de Chazerat du re
proche d’avoir fait son testament en haine des nouvelles
E st d avis
lois , on diroit qu’elle a déclaré form ellement qu’elle entendoit se conform er à là loi du 4 germinal an 8, qui lui
perincttoitde disposer des trois quarts de scs biens, tandis
que la Coutum e qui les régissoit, ne lui auroit permis de
disposer que du quart p a r testament j
�(5 )
Que par respect pour cette l o i , et pour les autres lois
nouvelles, elle déclare qu’elle n’entend disposer de ses
biens qu autant q u il dépend d elle ;
Quvi par déférence pour les nouvelles lois qui ont aboli
la forclusion, elle rappelle à sa succession tous les descendans de ses aïeul et aïeule paternels et de son aïeule ma
ternelle , sans distinction des se x es, des filles foi closes et
de celles qui n e l’étoient pas*,
Qu^elle n’em ploie dans son testament et dans tous ses
codicilles d’autre date que celle du calendrier républicain ;
Q u ’elle emploie les expressions du régim e républicain,
en qualifiant de citoyens M M . Farradèche de G ioinon t
et Sablon-Ducoi*ail, les seuls de ses légataires universels
qui soient désignés par leur nom.
O n ajouteroit que si quelqu’une des dispositions du
testament de M m0 de Chazerat pouvoit être considérée
comme faite en haine dès nouvelles lois, ce seroit sans
doute celle par laquelle il est dit qu’elle entend qu’il soit
3
'distribué chaque année après son décès o setiers from ent
et 10 setiers seigle a u x prêtres et a u x religieuses qui sont
demeurés Jidcles à Vancien culte de la religion catho
lique , apostolique, et qui par cette raison ont été privés
de leur traitement ;
Q ue cependant cette disposition a été f o r m e l l e m e n t ap
prouvée par un décret émané de Sa M ajeste llim p ereu r.
M ais à quoi bon rechercher les motifs des dispositions
de IVl"10 de Gliazerat j il suffit d ’ e x a m i n e r ce qu’elle a fait
et ce qu’elle a pu faire ?
L art. ()iG du Code poi'te: <( -A- défaut d ascendant et
�(
6
5
» de descendant, les libéralités paractes entre-vifs oy tes» tamentaires pourront épuiser la totalité des biens. »
Il y a deux modes de successibilité en collatérale, celui de la lo i, et celui de la volonté de l’homme.
L orsqu’un individu, qui n’aniascendansnidescendans,
m eurt ab intestat, la loi règle l’ordre dans lequel ses biens
sont dévolus à ses héritiers.
S’il a manifesté sa volonté par un testament, la loi se tait;
la volonté du testateur la rem place : dicat testator, et erit
lex .
C ’est dans ces deux mots que consiste toute la théorie
de la législation en matière de successions collatérales.
Cependant le jugem ent que nous examinons fait taire
la volonté de M me de Cliazerat, et préfère aux héritiers
de son choix ceux que la loi ne lui donnoit qu’à dé
faut de dispositions de sa part.
E t on croit justifier c& te interversion de l’ordre de
transmission des biens, établi par le Code lui-même, en
invoquant article G de ce meine C ode, ainsi con çu:
« O n ne peut déroger par des conventions particulières
» aux lois qui intéressent Vordre public et les bonnes
» mœurs. »
Ce principe est com m enté, délayé dans de nom breux
considérans , et répété jusqu’a la satiété.
1
]\]ais jamais on n’en lit une plus fausse application.
Un individu agit contre l’ordre public quand ce qu’il
fait est contraire aux maximes fondamentales du gouver
nem ent, et tend à ébranler l'édifice social.
�(7)
Il agit contre les lionnes mœurs, quand il offense l’iionnêteté publique.
O r, qu’importe à l’ordre public et aux bonnes m œ urs,
que M me de Chazerat ait disposé de ses biens en faveur
de tels ou tels de ses parons, plutôt qu’en faveur de tels ou
tels autres ?
Q u ’on dise, si l’on v e u t, qu’elle en a disposé contre le
vœ u et contre le texte de là l o i , et qu’on mette h l’écart
les grands mots d’ordre public et de bonnes m œurs, alors
on commencera à s’entendre , et la discussion pien d ia le
caractère de simplicité qu’elle doit avoir.
M mo de Chazerat a cité dans son testament la ci-devant
Coutum e d’A u v e rg n e, et cette citation an nu lle,d it-on ,ses
dispositions.
C a r on lit dans l ’article 1.390 du Code , que « les épOUX
» ne peuventplus stipuler d ’une manière générale que leur
» association sera réglée par l’une des coutum es, lois ou
•» statuts locaux qui régissoient ci-devant les diverses par» ties de l’empire français, et qui sont abrogés par le pré» sent Code. »
O n ne se seroit pas attendu a trouver dans cc texte la
nullité des dispositions faites par M m0 de C h a z e ra t en
faveur des consultans.
lCnt, parce que cette lo i, qui est au titre de la commu
naulé, u’a
commun avec les testainens, et sm tout
avec un testament en ligne collatéralle, poux lequel a
loi donne au testateur une latitude sans bornes j
. Q uy celte latitude est telle, qu’aux termes de l’ar
ticle 967 du Code, on peut disposer, soit sous le titic d ius-
�( 8
)
titution, soit sous le titre de legs, soit sous toute autre
dénomination propre à manifester sa volonté.
2ent, parce qu’il est de principe que les lois prohi
bitives doivent etre restreintes au cas qui y est p ré v u , et
qu’on ne doit pas les étendre d’ un cas à un autre, sur
tout d’une m atière ordinaire à celle' des testamens, où la
volonté est tout.
bluntas in testamentis dominatur.
» T o u t ce qui diminue la plénitude de la liberté est
» odieux et détesté par la loi. » M . d’A guesseau, plai
doyer
.
3ent, parce que la loi de la communauté est du 20 plu
viôse an 12, et que le testament de M me de Chazerat est
du mois de messidor an g , par conséquent antérieur de
plusieurs années;
58
Q u ’en supposant qu’elle fût applicable aux testamens,
et aux testamens en ligne collatérale, on 11e peut raisonna
blem ent exiger que M me de .Chazerat ait dû s’y conformer
avant qu’elle existât.
Car c’est une erreur manifeste de dire, comme on le
fait dans les considérans du jugem ent, que tout ce qui in
téresse la confection du testament, doit se juger d’après
les lois existantes au décès du testateur; tandis qu’il est au
contraire de principe incontestable que la. loi qui est en
vigu eu r au décès du testateur , règle uniquement la
quotité disponible, et que tout ce qui intéresse la confec
tion du testament, ses formes, ses expressions, et le mode
de disposer, se règle par les lois en vigueur au moment où
il a été lait.
M ais i n d é p e n d a m m e n t de ces premiers m o yen s, i l
est facile d’écarter l’application de cette loi au testament
do
�(9)
de M me de Chazerat, par des moyens encore plus di
rects.
Si on analyse le testament et le codicille d e M mede Cliazerat, on y voit qu’elle commence par manifester son in
tention de faire retourner la propriété de ses biens aux
estocs d’où ils lui sont provenus.
Par suite de cette intention qu elle vient d exp iim er,
elle donne et lègue tout ce dont il lui est permis de dis
poser par la loi du 4 germinal an 8.
_
A qui fait-elle ce don et legs ?
A tous ses parens de la branche de ses aïeul et aieule
paternels, et de son aïeule maternelle.
E lle ne les nomme pas chacun par leur nom , et il est
facile d’en sentir la raison; les m orts, les naissances jour
nalières parmi de nom breux h éritiers, auroient pu faire
naître des difficultés, et entraver l’exécution de ses v o
lontés: elle préfère de les appeler à recueillir ses biens par
la dénomination générale de parens de la branche de ses
aïeul et aïeule paternels, et de son aïeule maternelle.
Jusque-là il n’y a rie n , sans doute, dans ce testament,
non-seuleinent qui porte atteinte à l’ordre public et aux
bonnes m œurs, mais qui ne soit en parfaite harmonie
avec les lois existantes alors ou intervenues depuis.
Ce qui suit n’est ni plus illégal ni plus répréhensible.
A p r è s avoir dit qu’elle appelle à r e c u e i l l i r sa succession
ses parens de ces trois branches, M me de Chazerat ajoute,
pour éviter toute équivoque s u r la désignation des parens
appelés, qlle ce Sont ceux qui s e r o i e n t en o ïd ie de lui
succeder, suivant les règles île lu représentation à l injini.
Jusqu’ici , on no trouve encore rien qui offense 1 ordre
B
�( 10 )
public et les bonnes m œ urs, rien qui soit contraire aux
lois.
M me de Chazerat, pouvant choisir parmi tous les être?
vivans ses légataires universels, pouVoit à plus forte raison
les choisir dans sa fam ille, et préférer telles ou telles
branches.
'Son choix fix é, elle avoit incontestablement le droit
d’appeler à sa succession tous les individus de chaque
branche qui seroient existans au moment de son décès; et
le seul m oyen pour cela étoit de les appeler suivant les
règles de la représentation ¿1 1 infini.
Quand le testament de M rae de Chazerat auroit été pos
térieur au C ode, elle auroit été autorisée à disposer ainsi
par le texte formel de l’art. 967, qui lui laissoit le choix de
toutes les dénominations propres à manifester sa volonté.
Xvlais elle ajoute, en parlant de la représentation à l’in
fin i, telle q u e lle avoit lieu dans la ci-devant coutume
d'Auvergne.
Si on en croit les considérans du ju gem en t, il semble
que la terre a dû s’entr’ouvrir au moment où M me de Cha
zerat a transcrit ces lignes fatales; c’est de sa part un
attentat sans exem ple, contre l’ordre public et les bonnes
mœurs ; c’est un blasphème contre la nouvelle législation,
qui appelle la vengeance des tribun aux, et frappe son
testament d’anatheme.
O n croit voir la montagne en travail.
Au*fait. O n a déjà vu que c’étoit en l’an 9 que M m0 de
Chazerat traçoit ces lignes, long-temps avant la loi sur la
com m unauté, insérée dans le Code.
lit on voit dans la discussion qui a eu lieu au conseil
�(
11
)•
d’Etat sur cet article, et par les observations de M . Berlier, que dans les temps les plus orageux de la révolution,
il n’a pas été défendu de stipuler selon telle ou telle cou
tume , m algré la défaveur alors attachée à toutes les an
ciennes institutions.
M . B erlier ajoute que « c’est parce que jusqu’à présent
» il n’y a point eu sur cette matière de nouvelles lois, et
» q u e, pour défendre de stipuler d’après les anciennes,
» par référé et en termes généraux, il falloit bien établir
»» un droit nouveau, etc. »
D ’où il résulte quJen supposant que cette loi nou
velle / uniquem ent créée pour la communauté , fut
applicable au testam ent, m êm e à un testament qui a
pour objet une succession collatérale pour laquelle la
loi donne au testateur une latitude sans bornes , le
rappel d’une ancienne loi dans ce testament seroit sans
conséquence, et il n en conserveroit pas moins toute sa
validité.
Il en seroit de même du codicille fait depuis le Code
c iv il, parce qu’il ne fait que confirm er et étendre à la
fortune entiere de M me de Chazerat, le legs des trois
quarts fait en vertu de la loi du 4 germinal an 8 , et
cela sans qu’on y aperçoive la m oindre trace du rappel des
anciennes lois.
k n second lie u , cet article i3 90 dit seulement que
les époux ne peuvent plus stipuler d u n e manière gé
nérale, qUc leur association sera reglee par lu n e des
coutumes, lois ou statuts locaux qui regissoient ci-devant
les diverses parties du territoire français.
B 2
�( la )
O r, on voit dans la discussion qui eut lieu au conseil
d’état sur cet a rticle, que « chacun conserve la faciiTté
« de faire passer dans son contrat de max-iage les dispo« sitions de la coutume qu’il prend pour rè g le , pourvu
« q u i l les énonce. »
,
A in si, dans le cas m êm e prévu par la loi du règle
m ent de la communauté entx-’ é p o u x , le vice de la con
vention ne consiste pas à r a p p e l e r telle ou telle coutum e,
mais ci la rappeler d’ une manière generate, et sans énon
cer la disposition particulière pour laquelle on l’in
voque.
O r , en
dans la fausse supposition
q u e cette l o i soit applicable à l’espèce, on voit que si
jVIme de Chazerat rappelle dans son testament la coutume
- d’A u v e rg n e , ce n’est pas d’ une manière générale, et
raisonnant^toujoui’S
comme règle unique de sa succession, mais d’une ma
nière particulière , et seulement pour désigner avec
clarté et pi’écision le mode dans lequel elle veut que
ses biens, une fois dévolus aux branches qu’elle appelle
pour les recueillir, soient divisés entre tous les individus
qui les composent, pour qu’il n’y en ait aucun d’exclu.
E lle prend si p e u , en effet, la coutume poux* règle
généi’alc et unique de sa succession, que loin de se con
form er à cette coutum e, elle s’en éloigne en tous
points.
L a coutume d’A u vergn e interdisoit à M m6 de Chazerat
la plus légère libéralité en faveui* de son inaiù, et elle
profite avec autant d’empressement que de reconnoissance de la faculté que la nouvelle loi lui accorde pour
disposer en sa laveur de ¿’usufruit universel de ses biens»
v
�( i
3 .)
L a coutume d’A u verg n e ne permettoit de disposer par
testament que du quart de ses biens, et elle dispose des
trois quarts.
E lle fait p lu s, elle déclare formellement qu’elle fait
cette disposition des trois quarts conformément à la loi
du 4 germinal an 8.
Elle prend donc cette loi pour règle de ses disposi
tions, et nullem ent la coutume d’A u vergne.
M me de Chazerat avoit différentes natures de biens.
D es propres anciens, qui lui étoient parvenus de ses
aïeul et aïeule paternels et de son aïeule m aternelle;
D es acquêts, des contrats sur l ’état et sur particuliers,
et un immense mobilier.
Tous ces acquêts, ces contx*ats, ce m obilier étoient
dévolus par la coutume d’A u vergn e aux parens paternels,
exclusivem ent à tous autres.
O r , M m®de Chazerat, au mépris de cette lo i, dispose
de tous ses biens au profit de ses parens des trois branches
de ses aïeul et aïeule paternels, et de son aïeule m ater
n elle; elle veut que ces biens soient divisés entre ces
trois branches, au marc la livre de ce qui lui est parvenu
de chacune desdites branches ,* ce qui en assuroit la
majeure partie à la branche de l’aïeule maternelle, qui en
étoit form ellement exclue par la coutume.
Ainsi tout est dans ce testament en sens contraire du
texte et de l’esprit de la coutum e; et loin d e la p re n d ie
poui règle de successibilité cntx’e ses liéx’itiex-s, elle la
fxonde ouvertement dans tous les points.
M mo de C h a z e r a t n ' a pris d ’a u t r e r è g l e pour la quotité
de disposer que la loi du l\ germinal au S»
�( H >‘
E t pour le clioix de ses liéri tiers, elle n’a cherché d’autre
loi que sa volonté*, et cette volon té est absolument en
contradiction avec la coutume (VAuvergne.
L a coutum e d’A u vergn e n’a donc pas été son guide,
sa loi sacrée, l’objet d’une servile adoration, comme le
suppose le jugement.
M ais le sort de sa succession une fois fixé entre ses
parens des trois branches qu’elle a appelées à la recu eillir,
elle a cru devoir expliquer que les divisions et subdivisions
s’en feroient suivant les règles de la représentation à Vinfini.
C ’en étoit assez', elle évitoit par là le détail de tous
les individus qui composoient les trois branches de ses
légataires universels j elle prévenoit d’ailleurs les inconvéniens qui auroient pu résulter des changemens qui
pouvoient arriver dans chaque branche entre son testa
m ent et son décès.
M ais elle a cru devoir donner un plus grand déve
loppem ent à ces expressions, suivant les règles de la re
présentation à Vinfini, et éviter toute équivoque sur ce
m ode de représentation, en indiquant celui qui étoit usité ,
dans la ci-devant Coutum e d’A uvergne.
Cette Coutume n’étoit donc rap pelée, d’une p art, qu’a
vec Vénonciation de l’objet particulier pour lequel on
l’in voquoit, ce qui eût été très-permis, même en contrat
de mariage-, et en réglant la communauté entre époux.
D ’autre part, elle n’étoit rappelée que comme une
indication s u r a b o n d a n t e , superflue si l’on veu t, mais q u i,
telle qu’elle lût, n’a jamais pu nuire à l’objet principal du
testament, à la disposition delà propriété de tous les biens
aux trois branches appelées à les recueillir,
�( i5 )
O r , si la disposition principale estvalable en elle-m êm e,
et indépendamment de l’énonciation surabondante qui
a pu la su ivre, les descendans de Philibert M arcelin ,
aïeul maternel de M me de C liazerat, se trouvent sans
qualité et sans intérêt à contester la prétendue validité
ou invalidité de cette énonciation secondaire, puisqu’elle
n’a pour objet que le mode du partage entre les individus
des trois branches, auquel les descendans de Philibert
M arcelin ne peuvent avoir aucune part.
- Ajoutons que la critique de cette énonciation de la
coutume d’A u v e rg n e , qu’a faite M mede Cliazerat dans son
testament, est d’autant plus déplacée, qu’elle écrivoit ce
testament sous l’empire de la loi du 17 nivôse, qui adinetloit la représentation à l’in fin i, article 82.
Q u en admettant l e mode de p a r ta g e de la représen
tation à l’infini dans les divisions et subdivisions entre
les individus des trois branches appelées à recueillir les
biens de M mc de Cliazerat, on ne peut trouver aucune
diiïerence assignable entre les divisions et subdivisions
a faire conformément à la représentation a l’in fin i, telle
qu'elle avoit lieu dans la ci-devant coutume d ’A uvergne,
et la représentation à l’in fin i, telle q u e lle a voit lieu
d après Varticle 82 de la loi du 17 nivôse.
D e sorte que ces expressions, de la ci-devant coutume
d ’A uvergne, ou de la loi du 17 n ivôse, étoient absolu
ment syn0nymes.
Ce qui justiiieroit de plus en plus M m0 de C liazerat,
s il en étoil besoin, du prétendu délit q u on lui im pute,
puisque son testament étant fait en l’an 9 , sous l’em pire
�( is y
d elà loi du 17 nivôse, et la confection destestamens, quoi
qu’on en puisse dire , ne pouvant se référer qu’aux lois
existantes à cette époque, on ne pourroit porter l’hum eur
et l’injustice jusqu’à lui faire un crime d’avoir rappelé
une disposition des anciennes lo is , qui étoit absolument
conforme à celles de la loi n o u v e lle , qui étoit alors en
pleine vigueur.
L es autres considérans du jugem ent dont se plaignent
les consultans , ne sont fondés que sur des considérations
vagu es, telles que les inconvéniens qui peuvent naître
de l ’ e x é c u t i o n du testament de M me de Cliazerat, à raison
des p r o c è s auxquels il peut donner lieu.
O n parcourt avec affectation la longue nomenclature
de toutes les questions qu’a créées, en matière de succes
sions , la subtilité des praticiens et la funeste abondance
des com m entateurs, depuis la rédaction de la coutume
d’A u verg n e, et on les trouve toutes dans le testament de
M me de Chazerat.
Cependant rien n’est plus simple, d’une exécution plus
facile, et moins susceptible de contestation que l’opéra
tion qu’elle prescrit.
E lle possède des biens propres, provenus de trois estocs:
de son grand-père et de sa grand’m ère paternels, et de sa
grand’m ère maternelle.
Ces biens sont constatés par des partages de famille.
Ces actes sont consignés dans l’inventaire fait après le
décès de M nie de Chazerat. Ils sont d’ailleurs dans les
mains des dcsccndans des trois branches, dont les auteurs
en ont fait le partage avec ceux de JVlme de Chazerat.
A insi,
�»7 5
<
A in s i, rien n’est si facile que de trouver ces bien s, con
sistant tous en fonds de te r r e , qui sont sous les y e u x , et
pour ainsi d ire, sous la main des légataires appelés a les
recueillir
Il n’y a pas plus de difficulté sur la manière de distri
buer ses autres biens, quels q u ils soient, entre les tiois
brandies de ses héritiers.
E lle veu t que la distribution s’en fasse au marc la livre
des propres, c’est-à-dire, par exem ple, que si M
de
Cliazerata laissé pour 600,000 f. de propres, dont ^00,000 .
de l’estoc de l’aïeule m aternelle, 200,000 fr. de 1 estoc e
l’aïeul paternel, et 100,000 fr. de l’aieule paternelle, les
parens de l’estoc de l’aïeule m aternelle prendront la moi
tié de ses autres biens •, les parens de l’estoc de l’aieul pa
ternel un tiers, et les parens de l’aïeule maternelle un
sixième.
Quant à la division secondaire à faire dans chaque
branche, suivant les règles de la représentation à l’infini,
il est impossible d’y trouver le germ e du plus léger procès,
puisqu’elle dépend d’un simple tableau généalogique,
basé sur des actes de naissance et de décès, qui sont des
faits matériels sur lesquels il est diilicile à la chicane la
plus raifinée de trouver prise.
O n ne voit pas d’ailleurs où on a pris qu il faille aa
nuller un testament, parce qu’un praticien avide ou un
acquéreur de droits litigieux peut y trouver des piétextes
de faire des procès et de troubler le repos des 1 ritiers
légitimes appelés par la testatrice h r e c u e i l l i r sa succession.
C est sans doute une sollicitude très-louable que celle de
prévenir et d’éviter des procès dans les familles. M ais
G
�( >8)
faut-il priver les légataires universels de M mo de Chazerat
de 1,200,000 fr. de propriétés, parce qu’il est dans l’ordre
des possibles qu’il survienne un jour quelque contestation
entre les intéressés pour en faire le partage?
C ’est donc en tous points que ce jugement paroît sortir
de la sphère ordinaire des erreurs qui sont le partage de
l’hum aniité
Cependant cette erreur semble accréditée par l’opi
nion d’un auteur, dont l’ouvrage a paru à la veille de
l’aud ien ce, et n’a pas eu sans doute une médiocre influence
sur la d é t e r m i n a t i o n du tribunal (i).
O n lit dans cet ouvrage ce qui suit, tom. , pag. i
:
« Il est bien permis de disposer ù son gré de ses b ens,
» d’après la faculté qu’en donne la loi; mais il ne l’est pas
» de créer un ordre de succéder autre que celui qu’elle
v établit.
3
35
S’il est permis de disposer son gré de ses biens, ce ne
p eu t être que pour changer l’ordre de succéder établi par
la loi.
( Si la loi donne cette faculté de disposer à son g ré , ce ne
peut être que pour faire cesser son empire.
Si on ne p e u t, en cifet, créer en collatérale un oi’dre
de succéder autre que celui que la loi établit, il faut retran
cher du Code le titre entier des Donations et des Testamens, puisque les donations et les testamens n’ont d'autre
but que d’intervertir l’ ordre établi par la loi pour la trans-
( i) T raitJ des Donations et Testam ens, par J. Gronier, (du Puy-de-Dôm e),
ancien jurisconsulte , mombro du T rib u n a to t do la Légion d’honneur.
�( *9 )
mission des biens, et y substituer la volonté d e llio n im e .
A liquando bonus dormitat Jlomerus.
L ’auteur cite ensuite l’art. 6 du C o d e, qui interdit
toutes conventions contraires à l o i dre public et aux
bonnes mœurs.
A b u s étrange des mots et des c h o s e s , auquel on a re
pondu précédem m ent, et sur leq u el il est inutile de
l'evenir.
L a citation que fait cet auteur de l ’art. i
389 n’est pas
plus heureuse.
O n y lit que « L es époux ne peuvent faire aucune
» convention ou renonciation dont l’objet seroit de chan
» ger l’ordre légal des successions, soit par rapport a eux» mêmes dans la succession de leurs enfans ou descen» dans, soit par rapport à leurs enfans entr’eu x , sans pre» judice des donations entre-vifs ou testamentaires, qui
» pourront avoir lieu selon les formes et dans les cas dé>» terminés par le présent Code. »
O utre que cet article n ’a trait qu’à la transmission des
biens en ligne directe, et à l’interdiction qu’il fait atix
époux de donner dans leur contrat de m ariage des lois
particulières à leur postérité \
Q u ’un pareil texte ne peut avoir rien de commun avec
l’espèce qui se p résen te, où il s’agit d’une succession
collatérale dont la transmission dépend uniquem ent e
la volonté du testateur, qui a pu choisir scs liéiitiers non
seulement dans sa fam ille, mais hors de sa fam ille, et
paim i tous les êtres vivans;
Cet article porte sa réponse à l’objection dans les
expressions qui le terminent i Sans préjudice des dona*-
�( 20)
» tions et testamens qui pourront avoir lieu selon les
» form es y et dans les cas déterminés par le présent
» Code. »
E n fin , on oppose encore aux consultans l’article der
nier du C od e, qui porte q u e, « à compter du jour où ces
» lois sont exécu to ires, les lois romaines , les ordon» nances, les coutumes générales ou locales, les statuts,
» les règlemens cessent d’avoir force de loi générale ou
»> particulière dans les matieres qui sont l’effet desdites
» lois c o m p o s a n t le present Code. »
M ais en prononçant que les lois romaines, les ordon
nances et les coutumes cessent d’avoir force de lo i, on a
si peu entendu proscrire la citation de ces anciennes lo is,
et frapper d’anatlième tous les actes dans lesquels on a pu
les rappeler, ou m êm e, si l’on veu t, les prendre pour
règle de ses dispositions ou de ses conventions dans ce qui
n’est pas form ellement prohibé par le C od e, que le droit
romain est encore l’objet principal des cours de législa
tion } que le G ouvernem ent a établi pour l’enseigner des
écoles publiques dans toutes les parties de l’E m p ire , et
que nul ne peut avoir entrée au barreau, ou être admis à
une place de m agistrature, qu’autant qu’il est muni de
diplômes authentiques, qui constatent qu’il en a fait une
longue étude, et qu?il y a acquis de vastes connoissances.
O n terminera cette discussion, qui n’a quelqu’im portance que parce q u ’elle est d’un grand intérêt, par ob
server que si M m0 de Chazerat a traité l’es descendans
du second mariage de Philibert M arcelin, son aïeul ma-
�( 21 )
ternel, moins avantageusement que les descendans de
son aïeul et aïeule paternels et de son aieule m atern elle,
c’est sans doute parce qu’il ne lui etoit parvenu aucuns
biens de cet estoc, et que dans ses principes elle ne leur
devoit rie n , au lieu qu’elle se regardoit comme redevable
de sa fortune aux parens des estocs dont lui étoient par
venus ses propres, parce que c etoit avec ces propres que
s’ étoit soutenue et enrichie sa maison.
A u surplus, elle a pu avoir dautres motifs dont elle
ne devoit compte à personne, pas meme à la lo i, qui lui
laissoit un empire absolu sur sa fortune, et lui p ermettoit
de la transmettre à son gré. D ica t testator, et erit lex .
D élibéré
à Clerm ont-Ferrand, le 29 juillet 1808.
B O IR O T , B E R G IE R , D A R T IS -M A R C IL L A T , /
F A V A R D , M A U G U E , J E U D I-D U M O N T E IX ,
P A G E S , (de R io m ) , A L L E M A N T .
A C L E RM O N T , de l'imprimerie de L a n d r i o t Im p r im eu r de la Préfecture
Libraire, rueSaint-Genès, maison ci-devant
Potière.
�
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The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Marie
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Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Farradèche de Gromont et Sablon-Ducorail. 1808]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Boirot
Bergier
Dartis-Marcillat
Favard
Maugue
Jeudy-Dumonteix
Pagès
Allemand
Subject
The topic of the resource
successions
testaments
legs universels
ordre de successions
coutume d'Auvergne
code napoléonien
conflit de lois
paterna paternis
materna maternis
doctrine
Description
An account of the resource
Mémoire à consulter et consultation, pour les légataires universels de Madame de Chazerat, contre le sieur Mirlavaud.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
de l'imprimerie de Landriot (Clermont-Ferrand)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1808
1801-1808
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
21 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0519
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0512
BCU_Factums_M0513
BCU_Factums_M0514
BCU_Factums_M0515
BCU_Factums_M0516
BCU_Factums_M0517
BCU_Factums_M0518
BCU_Factums_M0520
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/5/53830/BCU_Factums_M0519.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Entraigues (63149)
Joze (63180)
Maringues (63210)
Ménétrol (63224)
Riom (63300)
Saint-Agoulin (63311)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Code napoléonien
conflit de lois
coutume d'Auvergne
doctrine
legs universels
materna maternis
ordre de successions
paterna paternis
Successions
testaments
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MÉMOIRE
EN RÉPONSE,
POUR
Sieur A n t o i n e CH O PIN , docteur en médecine,
appelant d’un jugement rendu au tribunal de
G annat, le 2.3 août 1806;
C O N T R E
Sieur J a c q u e s L A B R U E D E S A IN T - B E A U Z I L L E , intimé.
L e s i e u r L a b ru e de Sai nt-Beauzille a acquis du sieur
Chopin la terre de C h a m p fo llet. L es objets qui la com po
sent sont désignés d ’une m anière claire et précise. L a dé
nomination de chaque dom aine, de chaque lo caterie, des
colons qui les cultivent, est rappelée avec soin. L e s do
maines sont au nom bre de trois; les locateries au nom bre
A
�de sept. L e sieur S a in t-B ea u zillc a tout v u , tout connu.
Des visites m ultipliées, des recherches soigneuses lui ont
appris la consistance de chacun des objets qui composent
son acquisition. Il a profité de l’état de détressé de son ve n
d e u r ; il a acquis à grand m a rc h é , et trouveroit un b é n é
fice énorm e dans une revente: mais plus le gain est consi
d érable, plus les prétentions augmentent. L e sieur deSaintB eauzille voud roit d épouiller le sieur Chopin des foibles
débris de sa fortune. A u lieu de sept locateries qui lui ont
été ven dues, il e n réclaaix; dix;; il crie à la frau d e, à la
mauvaise f o i , & 1 astuce, il a des îegiets d’ avoir fait Ici
co n n o issa n ce du sieur C h o p in ; il a perdu sa tranquillité
depuis q u ’il a traite avec un hom m e qui sait l’édiger civti~
jic ie u s e m e n t les clauses d ’un a c te , qui com bine prtjfundem ent les moyens de trom per son acquéreur.
L e sieur de Saint-Beauzille, en s’exprim ant ainsi, ne
s’aperçoit pas q u ’il n’est que ridicule; et tous ceux qui
eonnoissent les deux parties nous appreudroient quelle est
celle qui est astucieuse ; ils diroient surtout que le sieur
C hopin , plus occupé de l’art de gu érir que de calculs , n ’a
jamais connu les valeurs de la place; que toute sa vie il
a été dupe de ceux qui l’ont approché ; qu ’il fut souvent
tro m p é , mais jamais trom peur ; q u e toujours généreu x
et libéral , il a excédé ses facu ltés, et a fini par dissiper
sa fo rtu n e , lorsqu’il p ou vo it l’augmenter par ses talens
et scs succès.
XiCS personnalités et les repioches qui sont adresses au
sieur C h o p in n’ont aucun trait h la cause; c’est dans les
actes qu’on en trouve la solution. Mais qu’on ne dise pas
que le sieur C h o p in a la manie ou la passion des procès
„
�il étoit p arven u à cinquante ans avant de faire do n n er
aucune assignation. L e sieur S a in t-B e w z ille , au co n traire,
depuis qu’il est acquéreur de C h a m p fo lle t, a p laid é avec
les créanciers du sieur C h op in p o u r le payem ent u Pr *x »
il a plaidé avec deux locataires à q u i il refusoit le beuehce
des cheptels -, il a quatre procès avec le docteur C h op in ; i
en a trois avec le sieur Ü e la ir e , un de ses v o is in s . en v
‘
bien d ix de bon com pte. I l a succom bé dans tro is ; les
autres sont encore indécis.
f
a
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>
i t
s
1_V
.
•
.
'
-
■«
Il est malheureusement trop v r a i que le docteur C h o p in
n’ a pas fait de bonnes affaires ; i l a vo it des dettes patrim o
niales. Souvent obligé de reco u rir à des em prunts, des
i n t é r ê t s é n o r m e s ont accru la d e tte, et il s’est v u dans la
nécessité de réu n ir ses créanciers. L e contrat d’union est
du 9 brum aire an 9 : cet acté contient le tableau de l’actif
et du passif. Il propose l ’abandon de tous ses biens propres
et patrim oniaux; il se réserve ceu x qu’il a acquis de la
n a tio n , la maison qu’habitoit son p è r e , l ’enclos qui la
jo in t; mais il met p o u r conditions à cet abandon, q ue scs
créanciers lu i accorderont un délai de six mois pour vendre
ces mômes biens le plus avantageusement qu ^ pourra.
A p rè s ce d é la i, s’ il n’a pas tro uvé d’acquéreurs, il consent
que ses créanciers vendent eux-m èm es amiablement, et a
moins de frais possible ; ou bien , est-il dit dans l’acte ^si
les créanciers désirent être désintéressés de suite, le tonde
de p o u vo ir du sieur C h o p in le u r o f f r e , en form e de d é lé
gation , sur le p rix qui proviendra de la vente projetée de>
A 2
�(4)
sa terre d c C h a m p fo lle t, et autres, scs Liens patrim oniaux,
une somme de 90000 fr ., p o u r icelle ótre p a yée , m oitié
le I er. pluviôse p ro ch a in , et l’autre moitié un an a p r è s ,
à tous les créanciers dont les créances sont exigibles.
L e fondé de p o u v o ir se charge de faire obliger l’acqué
reur au payem ent des créances p riv ilégiées, comme celles
q u i dérivent de ven tes, de fon d s, soultes de partages,
rentes constituées et viagères.
L es créanciers réunis se décident pour ce dernier parti ;
c'est-à-dire, q u ’ils acceptent la délégation proposée de la
somme de 90000 fr. E n conséquence, le fondé de p o u v o ir
oblige le sieur C h o p in à faire compter à tous les créa n
ciers, par form e de d é lég a tio n , sur le p rix de la vente
q u ’il est dans l ’intention de faire de sa terre de C ham pfo lle t , et autres, ses biens p a trim o n ia u x, la somme de
90000 fr.; savoir, 45 o o o fr . le I er. pluviôse lors p ro c h a in ,
et le surplus un an après.
P a r l ’art. 2 , le sieur C h o p in prom et de charger son ac
quéreur de toutes les créances non exigibles, tant en rentes
constituées que viag ères, soultes de partages, ou autres
créances p riv ilég iées, et de désintéresser ses créanciers
de telle manière que la somme de 90000 fr. soit em ployée
en l’acquit des créances exigibles, soit par obligations ou
ju g em en s, soit par billets 011 mémoires arrêtés.
Il est dit dans l ’article 3 que dans le cas où la vente ne
s’elïectueroit pas avant le 4 nivôse lors p ro c h a in , les
créanciers sont autorisés, dès l’instant m ê m e , à vendre
am iableincnt, et aux clauses, charges et conditions les
plus avantageuses, tant la terre de Cham pfollet qu e les
autres biens p a tr im o n ia u x , suivant qu ’ils sont énoncés
�( 5 )
dans l ’état de l’aclif annexe au traité d’union, et sous les
réserves exprimées en ce traité.
A u m oyen de ces conventions, il est fait remise au
sieur Chopin de tout l’excédant q u ’il pourroit d e v o ir ;
on lui donne main-levée de toutes saisies; on consent que
les biens rés ervé s, et ceux que le sieur C hop in p ourra
acquérir par la suite, demeurent en ses mains quittes et
déchargés de tous d ro its , créances et hypothèques.
L es créanciers se nom m ent entr’eux des syndics p ou r
assister aux ventes du sieur C h o p in , accepter les déléga
tions, en recevoir le m ontant, rég ir les biens, si les ventes
ne s’effectuent, jusqu’au m om ent où. ils vendront euxmêmes volontairement. L e sieur C h o p in ne pourra ré v o
quer la procuration qu ’il donne à cet effet, et qui est
annexée au contrat d’union.
Enfin il est interdit au sieur C h o p i n , à com pter du
jour du t r a it é , de vendre aucuns bois ni bestiaux et
de dénaturer ses propriétés. L es commissaires sont a u
torisés à en constater l’é ta t; il est seulement permis
au sieur C h o p in de disposer des ch evau x qu i sont à
son usage.
^ V ie n t ensuite l’état des biens du sieur Ch opin. Ils con
sistent principalement en la terre de Cham pfollet, qui se
compose i<\ d e
maison de maître de ChampfoHe tJ am‘'
plement dé sig n é e, avec les fossés et canaux qui l’environ
nent, ainsi que des batimens d’exploitation, jardin, etc.
2 . D e u x étan gs, dont l’un s’empoissonne de quatre
cents, et 1 autre de quatre cent cinquante carpes.
3°. T ro is prés de ré s e rv e , dont le premier fait de
vingt-cinq à trente chars de f o i n , le second de soixante
�C6)
à soixante-dix; le troisième nouvellem ent planté de cinq
cents pieds d’arbres pom m iers ou p oiriers, à faire vingt
chars de foin.
4°. U n e terre jointe à la réserve, de la contenue de
cinquante boisselées , bien c lo s e , et en bonne terre.
5°. U n bois futaie , beau x arbres , à la porte de
l ’habitation , d ’environ v in g t arpens.
6 °. U ne autre petite maison de m aître, com posée, etc.;
c’est l’objet réservé.
7°. D es p a c a g e s très - étendus , bons et t r è s - b e a u x ,
p ou va n t n o u r r i r cent vin g t bêtes à cornes, douze che
v a u x , c i n q u a n t e cochons : tous ces pacages bien plantés
en s a u l e s , p eu pliers, o r m e a u x , et autres b o is .
8°. T r o is domaines presque tous eu cham bonnage ,
cultivés ordinairement avec douze paires de bœufs.
9°. Sept lo c a te r ie s , avec le labour de deux vaches
chacune.
Il est d it, par form e d’o b serv atio n , que l’ une de ces
locateries a été donnée en viager au sieur D enis M a go t
et sa sc m m e , par leu r contrat de mariage. V ien n en t
après les détails sur l ’utilité et l’agrém ent de celte terre,
q u ’il est inutile de rappeler. M ais on a cru im portant
d’analiser ce contrat d ’union , p o u r p rou ver la co rré
lation quil y a entre cet acte et la vente dont il sera
bientôt parlé. Il ne faut pas perdre de vue surtout que
l ’état de la terre de C h a m p fo llet, présenté aux créanciers,
n ’énonce que sept locateries. Il eut été difficile de dé
signer les trois autres, qui ne font point partie de la
terre de Cham pfollet : l ’une d’elles est nationale, les deux
autres avoient été acquises par des actes particuliers; elles
�(7 )
n’étoient pas mêm e alors à la disposition du sieur C h o p in ,
par des raisons qu ’il doit taire, mais qu ’ il ne laissa p its
ignorer aux créanciers dans le temps. Les motifs de son
silence ne lui sont pas personnels , et le sieur SaintBeauzille en a eu lu i- m ê m e connoissance.
L e sieur C h o p in , comme on le v o i t , étoit pressé de
vendre. L e sieur L a b r u e - S a in t - B e a u z ille se présenta
p ou r a c q u é rir; il vint lu i- m ê m e plusieurs fois sur les
lieux ; il parcourut et examina toutes les possessions
avec une attention m inutieuse; il prit des informations
de tous les propriétaires v o is in s , notamment du sieur
Decombes. Enfin , après de fréquentes conféren ces, des
explications m ultipliées, une correspondance s u iv ie , et
en tres-grande connoissance de c a u s e , on s’accorda sur
les conditions. U n prem ier acte sous seing p riv é fut
souscrit par les parties, le 3 nivôse an g. Il est im p o r
tant d’en rappeler les clauses.
L e sieur C hopin vend au sieur Labrue-Saint-Beauzille
sa terre de C h a m p fo llc t, située communes de Paray et
L o n z a t , consistante en la maison de m a ître , etc., bois
de futaie en c h ên e , sans en exp rim er la contenue; trois
dom aines, savo ir, le grand dom aine de C h a m p fo llct, dit
du R o n det, cultivé par Jacques F aure; celui des Q u a i s s o n s ,
cultivé par les B égu in s; celui des M ic h a r d , cultivé par
Claude T h e v e n e t ; sept lo c a te r ie s , s a v o ir , celle E lie ,
situee commune du L o n z a t, cultivée par Claude N étira;
ce le de la C r o ix -R o u g e , cultivée par Claude M a rtin ,
dont la jo u issa n ce est réservée à D e n i s M a g o t et sa
em m e, au dernier v iv a n t; ainsi q u e tous les bâtimens
y attenans, jardin et terres, q u i c o n s i s t e n t , etc. Suivent
�C8 )
les confins très-exacts de cette locaterie. Il est ajouté :
L e tout p o u r en jo u ir ù la cliarge des réparations; ledit
M a g o t et sa fem me auront la liberté , pendant leur jouis
sance, de faire pacager deux vaches et leurs suivans , une
jum ent et son s u iv a n t, dans les lieux où les bestiaux
de m êm e espèce v o n t pacager. Quant aux brebis et
c o c h o n s , ils iront pacager avec ceux de la t e r r e , sans
que le nom bre puisse aller au-dessus de quatre-vingts
brebis et quatre cochons.
L a troisième locaterie, appelée Belair, dite le V ig n o b le ,
composée de terres labourables, d’un grand clos de vign e
attenant un jardin de la locaterie, le clos entouré de
haies v iv e s , ensemble tous les ustensiles, consistans en
d eu x c u v e s , une cuve à c h a r r o ir , et autres objets s’il y
en a , appartenans au vendeur.
L a quatrième locaterie, appelée C h au m eton, cultivée
par P ierre Lébre.
L a cin quièm e, cultivée par Jean B r u n , appelée N eu ve
du P u y , à deux feux.
L a six ièm e, appelée la locaterie de C h a m p fo lle t ,
cultivée par M arien Caré : il y a une grange de plus
qu ’aux autres.
L a septièm e, cultivée par Claude J o a r t , « ainsi que
« le tout se limite et com p o rte, et tout de m êm e qu’en
« jouissent et les cultivent les ci-dessus dénommés ; avec
« tous les droits qui peuvent ou pouvoient en dépendre,
« sans en excepter aucuns, tant ceux qui ofl’riroient
« quelque bénéfice par la suite, que ceux qui existent
« actuellement. »
L e sieur C hop in s’oblige à cet effet de remettre de
bonne
�( 9)
bonne foi à l ’a c q u é re u r, à sa p rem ieie réquisition , tous
les titres concernant la propriété et d ioils
de ladite
t e r r e , « sous la réserve que se fait le vendeur de sa
« maison des Châtelans, c o u r, ja rd in , giangG , et auties
« bâtimens y attenans, ainsi que le clos y ]oiBnant. »
Suivent les désignations et confins des' objets réservés.
11 est ajouté : « L e tout a in s i e t .d e m êm e q u 'il est
« exp liq u é p a r le c o n tr a t'# u n io n .,, tan t pour la p ro« priété que p o u r là co n te n u e , p l u s , le petit clos
« vig n e en partie n atio n ale, ainsi, que le taillis des B o u
« rets, com m une de L o rig e . » f.
Cette vente est faite m oyennant le p r ix et somme
e
1400,00 f r . , dont l’acquéreur payera 90000 fr. üux crean
ciers du vendeur dont les créances sont e x ig ib le s, et q u i
son t délégués p a r le co n tra t cCabandon et d'union que
le vendeur a p a ssé avec les c r é a n c ie r s , le 9 brum aire
d ern ier, et a u x époques J îx é e s p a r le con tra t. A l ’égard
des 5oooo fr. parfaisant le p r ix , ils doivent rester entre les
mains de l ’acquéreur, qu i se charge en conséquence de
toutes les créances non exigibles , rentes perpétuelles et
v ia g è r e s , créances p r iv ilé g ié e s , bailleurs de fonds , et de
les désintéresser de telle manière que la somme de 90000 f.
1
soit em ployée totalem ent en l ’acquit des créanciers cies
dettes ex ig ib les , coiiform ém en t au con tra t J?abandon
et d?union. E t dans le cas où la somme de 50000 f 1 • ne SV1
lirait pas p ou r désintéresser les créanciers des dettes non
exigibles, rentes perpétuelles, viagères, creancieis p n v i
le g ie s , bailleurs de fo n d s , le vendeur s oblige de payci
ce qu’il s’en défaudra b
faire' en sorte que l ’acquéB
.
�( IO )
reur ne sait aucunement recherché par aucuns des créan
ciers des. dettes non exigibles.
}
T o u te s ces charges et conditions sont acceptées par
l’acquéreur.
:
Il est aisé de s’apercevoir que ce contrat de vente
est fait con fo rm ém en t et en exécution du contrat d’union
qui l’avoit précédé. D ans ce dernier acte la. terre de
C ham pfollet se coroposoit' é g a le m e n t, com m e dans la
v e n t e , de trois domaines et sept locateries.
L e 6 ventôse su iv a n t, la vente a- été passée p a rdevant notaire ; et il y est dit que le sieur C h o p in
vend 6/1 e x é c u t i o n du co n tra i il union et abandon passe
avec ses créanciers le 9 brumaire, .'dernier,. .et encore
de la délibération des créan ciers, du 9 pluviôse aussi
dernier. L a vente com prend la terre de C h a m p fo lle t,
située en la com m une de Paray et en celle du L o n z a t ,
consistante en maison de m a ître , la ré s e rv e , e t c ., trois
domaines désignés com m e dans l’acte p ré c é d e n t, sept
locateries avec pareille désignation, et le nom de chaque
colon qui les cultive. M ais on ajoute en su ite, ce qui
11’étoit pas dans la vente sous seing p r i v é , que le sieur
C h o p in vend m êm e les gros et m enus b e stia u x qui
garnissent lesdites terre , réserve , domaines et locateries , à l’exception de la portion des colons d ’après
le c h e p t e l , et encore en entier ceux qui sont dans la
locaterie de la C ro ix -R o u g e ( c’est celle dont la jouis
sance étoit réservée à M agot et sa fem m e). O n fait vendre
encore tous les droits q u i pou rroien t être réta blis. L e
sieur C h o p in se fait la même réserve de sa maison des
�( 11 )
Cliâtelans, e t c ., le tout ainsi et de mêm e qu il est e x p liq u é
p a r le con trat i f u nion c i-d e s s u s d a t é , tant p o u r la
p ropriété qüe p o u r la contenue.
J
L a contenue du bois futaie n est pas non plus e x p iim e e
dans la vente authentique.
L ’acquéreur doit payer la somme de 90000 francs ainsi
qu’elle a été déléguée
l e contrat d’ u n ion, de la maniéré
p
a r
et aux époques déterminées par la délibération des crean
ciers, du 4 p l u v i ô s e , 'd e l a q u e l l e ' l ’acquéreur a déclaré
a vo ir pris connoissance, ainsi que du contrat d union .
les intérêts de cette som m e de 90000 f r a n c s c ou ent
être payés p a r le vendeur depuis le 9 brum aire ju s ^
q iia u 3 n iv ô s e , et sont à la charge de l ’àcqueieur a
com pter de ce jour 3 nivôse.
M êm es conditions p o u r la
restante, que celles exprim ées
avec cette seule différence que
doit être totalem ent em ployée
non exigibles.
4
' oî
1
'r
somme de 5oooo francs
en l ’acte sous seing p riv e ,
la soiiinie de 5 oooo francs
à l’acquittement des dettes
'!
T outes les clauses sont" acceptées et agréées par les
créanciers, syndics et directeurs présens à l ’acte, qui p r o
mettent dé faire h o m o lo g u er en justice ou ratifier v o l o n
tairement le contrat d’union et la délibératio n , par ceux
des créanciers qu i n’y sont point entrés, et avant 1 époque
des pnyemens.
L e contrat se termine ainsi : « E n conséquence de tout
« ce que dessus, le ven deu r s’est d é v êtu , démuni et des« saisi de la p ro p rié té , possession et jouissance, fiu its,
« profits et émolumens de la susdite terre de C h a m p « J v lle t , circonstaîices et dépendances (Ficelle} et en a
B 2
�( 12 )
« vétu et saisi ledit acquéreur, p ou r par lui en faire, dire
« et disposer com m e de sa prop re chose , vra i et loyal
« acquit ; et à l’exécution des présentes, dont l’acquéreur
« fournira expédition tant au vendeur qu’aux syndics et
« directeurs, en bonne et due form e exécutoire, les p a r
te ties contractantes ont o b lig é , affecté et h yp o th éq u é
« tous leurs biens présens et à v e n i r , et spécialem ent c e u x
« q u i peuvent leu r appartenir actuellem ent da?is les
« com m un es de P a r a y et S a i n t S e a u z i lle , m êm e ledit
« a cq u ér e u r , p a r privilège et p référen ce, la susd ite terre
« de C h a m p fo llet, dom aines etlocateries en dépendons. »
L ’in tim é
m
é
m
o
i r
e
,
a rappelé avec affectation , page 9 de son
q u e ,- p o u r la garantie de cette vente, C h o p in
h y p o th èq u e vaguement les biens qu ’il possède dans les
communes de Paray et du L o n z a t; ce n’est pas tout-à-fait
e x a c t, car les biens du L o n za t ne sont point hypothéqués.
L ’intimé a voit annoncé que cette rem arque auroit son
a p p l i c a t i o n dans la suite; mais il a o u b l i é d’y revenir.
A u surplus, il n’est pas inutile d ’observer que la dernière
clause où l’on fait départir le sieur C h o p in de sa terre
de Cham pfollet, circonstances et dépendances d’icelle, a
été ajoutée dans le contrat n otarié; q u ’il n’en est nulle
ment question dans l ’a c t e sous seing p r i v é , où il n’est
parlé que des sept locateries, ainsi que le tout se limite
e t c o m p o r t e , et to u t de m êm e qu'en jo u isse n t et les cu l
tivent les c i- d e s s u s dénom m és. O n ne dira pas, sans
doute, que cette différence ou cette addition est une suite
de Vastuce et de Vartifice du sieur Chopin.
L e sieur Labrue-Saint-Beauzille se met en possession
de cette terre de Cham pfollet et des sept locateries qui
�( 13 )
lui sont vendues; il perçoit la récolte de l’an 9 , sans
aucune réclamation contre qui que ce soit.
A r r i v e l’époque du premier p a y e m e n t, en pluviôse
an 10. L e sieur Saint-Beauzille n’avoit pas du tout l ’in
tention de se lib é re r ; il ne payoit que l’intérêt légal à
cinq centimes par franc : ses fonds étoient beaucoup m ie u x
placés ; mais il falloit trouver des prétextes p ou r retarder
le versement qu’il devoit faire.
L e 16 pluviôse an 1 0 , il cite le sieur C h o p in en conci
liation sur la demande qu ’il veut form er contre l u i , en
restitution des bestiaux de la réserve de C h a m p fo lle t,
faisant, suivant lu i, partie de son acquisition, et qu’ il dit
a vo ir été enlevés par son vendeu r. L e sieur de SaintBeauzille ne demande rien de plus ; il avoit cependant eu
le temps de s’apercevoir q u ’il n’avoit que sept locateries
au lieu de dix.
Cette citation n’eût pas été un grand m oyen p o u r
arrêter sa libération ; il l ’abandonne : mais il p ro v o q u e
le sieur Sauret, créancier h y p o th éc a ire , et qui n’avoit
point adhéré au contrat d ’union. Il se fait assigner en
déclaration d’h y p o th èq u es, dénonce cette dem ande, le
18 ventôse an 1 0 , au sieur C hop in et au x créanciers
unis. Il soutient que les créanciers unis doivent le garantir
des poursuites du sieur Sauret. L es créanciers, qui p ré
voient son intention, ne veulent pas en être dupes; ils
lu i déclarent qu ’ils consentent à ce qu ’il se retienne le
montant de la créance Saui-et. L e sieur C hop in oilrc
de remplacer cette somme dans la caisse des créanciers;
ceux-ci acceptent cette offre, et font le commandement
à Saint-Beauzille de payer les termes échus.
�( i4 )
Opposition au commandement. O rdonnance de sur
séance , on ne sait p ou rqu oi. O u en vien t à l’audience ;
Saint-Beauzille est condam né à payer. Il interjette appel
en la cour : arrêt confirmatif. Saint-Beauzille prend son
p a r t i, paye les dépens , et évite l’expédition de l ’arrêt.
Jusqu’ici il n’est point encore question des trois locateries. A in s i le sieur Saint-Beauzille a joui deux ans entiers
sans se plaindre -, il a exécuté pleinement le contrat -, et
on verra dans la suite si cette exécution pendant deux
années n’exp lique pas assez clairement tout ce qu’il p o u r
voit v avo ir d’é q u i v o q u e , s’il est vrai qu’il y ait quelque
a m b i g u ï t é dans les expressions du dernier contrat.
Ce n’est qu ’en l ’an 1 1 , et le 26 ve n d ém ia ire, que le sieur
S a i n t - B e a u z i l l e a fait éclore un nouveau p rocès, et contre
le sieur C h o p in , et contre les créanciers unis. I l d e m a n d e ,
i ° . la résiliation de la v e n t e , avec restitution des sommes
qu’il a payées à c o m p te , le rem boursem ent des lo yau x
coûts, et des dom m ages-intérêts.
Subsidiairement, il conclut i°. à ce que le sieur C h op in
le fasse jouir de trois locateries appelées G u ille n n ie , des
M o r e t et P a r a y , com m e dépendantes de son acquisition,
et retenues par le sieur Chopin.
V o i l à déjà le sieur Saint-Beauzille qui i-cconnoît que
chacune de ces trois locateries a une dénom ination qui
lui est propre. Q uelle apparence que le sieur C h o p i n , qu i
lui en a vendu sept, en les désignant chacune par le nom
sous lequel elles sont con n u es, lui ait aussi vendu les trois
autres qui diffèrent si essentiellement entr’elles !
Ce n’est pas tout ; le sieur Saint-Beauzille veut encore
que le sieur C hop in lui fasse la contenue du bois futaie;
�( i5 )
Q u ’ il remplisse la contenue de tous les autres objets
de la vente, d ’après l’état annexé au contrat d’ union ;
Q ue le sieur C hop in lui fasse raison de la plus-value de
la majeure partie de ces mêmes objets, attendu q u ’ils ont
été désignés com m e situés en cham bon nage, tandis q u ’en
viro n moitié est en varenne; à défaut de ce, il conclut à
ce que le sieur C hop in soit condamné à lui payer la
som m e de 4000o fr a n c s , p ou r fausse désignation, et fausse
énonciation de contenue.
L e sieur de Saint-Beauzille demande encore que le sieur
C hopin le fasse jouir de la locaterie de la C r o ix - R o u g e ,
retenue par D enis M agot et sa fem m e, dès le moment
meme de la v e n te, quoiqu’ ils n’en aient la jouissance via
gère qu’après la m ort du sieur C h o p in : à défaut de cette
jouissance, le sieur Labrue-Saint-Beauzille demande B o o fr.
p a r an , jusquau décès du sieur Chopin .
Si chaque locaterie vaut 800 francs par a n , la vente en
com prend sept qui donneroient annuellement 56 oo fr. •
il en demande trois autres, q u i, au m êm e p r i x , p rod u iroient 2400 francs : ce qui feroit un revenu de 8000 fr.
Si on y ajoute le produit delà réserve et des trois domaines,
ce qui est encore au-dessus des locateries, il en résulteroit
que le sieur Saint-Beauzille auroit 16000 francs de rente,
«ne belle m aison, p ou r un capital de 140000 francs : ce
seioit sans doute une grande et heureuse spéculation.
ir iv e le tour des créanciers unis. L e sieur Sain t. tai,zi^e demande qu’ils soient tenus de le faire jo u ir
intégralem ent des objets ve n d u s, ou q u ’i l soit autorisé
retem r sur cc qu’il doit la valeu r des objets manquans.
D ans le cas où les sommes dont il reste débiteur seroient
�(
16
)
insuffisantes p o u r le d édo m m ager, il conclut h ce que les
créanciers soient tenus de lui rapporter ce qu ’il en man
quera.
Le i
5 nivôse an n , assignation aux fins de la cédule,
après procès verbal de non-conciliation.
M a is b ien tô t, et par acte du 23 brumaire an 1 2 , le
sieur Saint-Beauzille se départ de son assignation du i 5
nivôse précédent.
L e m êm e jour il cite de nouveau le sieur C h o p i n ,
les créanciers u n is , et D enis M a g o t et sa femme.
Contre le sieur C h o p in , ?il demande la délivrance des
trois loca teries M o r e t , G u illerm ie et P a r a y , com m e
n’étant pas comprises dans aucunes des réserves portées
au contrat de vente; il conclut à la restitution des jouis
sances depuis le 3 nivôse an 9 , date de la vente sous
seing p riv é.
20. Subsidiairement, dans le cas où la vente seroit
isolée du contrat d’u n io n , l ’intim é exige la délivrance
de tous les biens nationaux acquis par le sieur C h o p in ,
non réservés par la v e n te , et attachés, lors d’icelle, aux
reserve, domaines et locateries désignés dans les contrats
de nivose et ventôse an 9 , avec restitution des jouissances
depuis le 3 nivôse.
30. L e sieur L abru e-S aint-B eau zille prétend h une
indem nité résultante du déficit dans les contenues, qualités
et produits énonces par le sieur Chopin dans l’état an
nexé au contrat d’u n io n , et énoncé dans sa correspon
dance avec le sieur de Saint-Beauzille, notamment dans
le défaut de contenue au bois futaie que le sieur C h o p in
avoit donné p ou r vin gt arpens, tandis q u ’il n ’en a que
quatre.
4°*
�\
(
*7
)
40. L e sieur L a b ru c de Saint-Beauzille demande les
bestiaux garnissant la réserve lors du sous-seing p riv é
du 3 nivôse an 9 , spécialement vendus par l ’acte passé
‘devant n o t a i r e s , et enlevés par le sieur C h o p in entre
le sous-seing p riv é et l’acte public.
5». L e sieur L a b ru e conclut à une indem nité p o u r
des arbres prétendus enleves par le sieur C h o p in , entié le
contrat d’union et la vente de n iv ô s e , au préjudice de
la clause p rohibitive écrite dans le contrat d union.
6°. I l demande la remise-des titres de p ro p riété de
la terre de C h am p fo llet, sinon à être autoiise a en aire a
recherche au x frais du sieur C h o p i n , avec dommages
intérêts p o u r les titres qui se trouveroient m anquei.
7 ° . Il conclut à ce que le sieur C h o p in soit tenu de
le faire jo u ir , et de le m ettre en possession de la locateric de la C ro ix -R o u g e .
Contre D enis M a g o t et sa fe m m e , il demande q u ’ ils
soient tenus d’a dhérer au x chefs de conclusions concer
nant la locaterie de la C ro ix -R o u g e .
E t en fin , contre les créanciers u n i s , à ce qu’ il soit
sursis au payement du p rix de la vente jusqu’à ce qu’il
ait obtenu pleine et entière satisfaction sur tous ses
chefs de demandes.
B ientôt le sieur L a b ru e -S a in t-B e a u z ille est forcé de
rec°n n oîtrc qu’il n’a pas raison avec les créan cieis; 1
se départ de sa demande en ce qu i les c o n c e r n e , par
actes des 3 et 4 floréal an 1 2 , et ne veut désoimais avo ir
affaire qu’avec le sieur C h op in , D enis M ^ g °t et sa.
femme.
Il obtient même contre eux , le 28 du m êm e mois
C
�( 18 )
de flo ré al, un jugem ent par défaut; et il n ’est pas inutile
d ’observer qu ’ il expose dans ce jugement. q iC il V est
m is en p ossession de la terre de C h ç m p fo lle t, à ï e x
ception des trois locateries des M o r e t , dç la G u ille rm ie et de P a r a y , om ises p a r A n to in e C h o p in da?is
Tacte de vente p a r lu i consentie à L a b r u e , etc.
Su r l’opposition à ce jugem ent de la part du sieur
C h o p in et de D enis M a g o t et sa fem m e , l’afFaire a été
portée à l’audience du tribunal de G an n a t, le 23 août
1806, où est in terven u un jugem ent contradictoire dont
la teneur suit :
« Y a-t-il corrélation parfaite entre l ’acte du 9 brum aire
« an 9 , et l’acte de vente du 6 ventôse suivant?
« L e sieur C hop in p o u v o it-il, nonobstant le contrat
« d’u n io n , vendre l ’ universalité de ses b ie n s?
« L ’acte de vente du 6 v e n tô s e , de la terre de Cham p« fo lle t, transmet-il au sieur Saint-Beauzille l’ univevsa« lité de cette te rr e , ou seulement les objets désignés
« audit a cte?
« L e demandeur e s t- il fondé à réclam er toutes les
« dépendances de la terre de C h a m p fo lle t , mêm e les
« restitutions de jouissances ù com pter de son contrat
« d’acquisition ?
« Est-il également fon d é à réclam er le p r ix des bcs« tiaux vendus par le sieur C h o p in , dans l’intervalle du
cc contrat d’union à l’acte de vente du 6 ventôse, et des
CC
bois que cc dernier auroit fait abattre dans le m êm e
cc intervalle de tem p s?
cc Est-ce le cas de donner acte au sieur C h o p in de scs
« offres de remettre au sieur Saint-Beauzille les titres
�t ( T9 )
« concernant les propriétés de la terre de C lia m p follel?
« L a jouissance d’ une locaterie, réservée à D enis M ago t
« et sa fem m e , d o it-e lle a vo ir son effet à com pter de
« l ’acte du 6 v e n t ô s e , ou seulement à compter du décès
« du sieur C hop in ?
« Considérant que l ’acte fait entre le sieur C hopin et
« ses créa n ciers, le 9 brum aire an 9 , quoique rappelé
« dans le contrat de vente du 6 ventôse su ivan t, est
« absolument étranger au sieur Saint-Beauzille; que par
« conséquent il n’existe aucune corrélation entre ces
« d e u x actes;
« Considérant que cet acte n’ôtoit pas au sieur C h o p in
« la faculté de vendre la partie de scs biens patrimo« niaux q u ’il n’avoit pas com pris dans l’actif par lui fourni
« à ses créanciers ; que dès-lors il avoit la faculté de
« les vendre en totalité ;
« Considérant que l’acte de vente du 6 ventôse com « p ren d la terre de C h a m p fo lle t, avec toutes ses c ir« constances et dépendances, moins quelques objets ré« servés;
« Considérant que la réserve expresse consignée audit
« acte ne perm et pas d’en supposer une tacite, surtout
« lorsqu’à la suite de la désignaion le ven d eu r transmet,
« délaisse au profit de l’acquéreur toutes les circonstances
« et dépendances de sa terre, et que ces mots génériques
« ne sont pas restreints aux objets désignés;
« Considérant que , d’après le sentiment de D o m a t
« et de P o t h ie r , le vendeur est obligé d’cxpliqnci clai« 1 ement et nettement quelle est la chose vendue; q u e ,
a suivant l’art. 116 2 du Code N a p o léo n , les conventions,
C 2
�( 20 )
« lorsqu’elles sont de nature à produire du doute, s’ink
terprêtent en faveu r de celui qui a contracté;
« Considérant q u ’il est a vo u é et reconnu entre les
« parties que trois locateries dites M o re t, la G u illerm ie
« et Pai’a y , faisoient partie des dépendances de la terre
« de C h a m p fo lle t, avant le 6 ventôse de l ’an 9 , et q u e ,
« nonobstant ce contrat de v e n te , elles ont été jouies par
« le sieur C h o p in ;
« Considérant que les créanciers seuls du sieur C h o p in
« auroient p u se plaindre des infractions qu’il se seroit
« permis de faire aux objets compris dans l ’actif q u ’il
« leur a vo it fo u r n i, mais non le sieur Saint-Beauzille,
te étranger au contrat d’ u n io n , et qui n’a pas acquis leurs
« d ro its;
« Considérant que le sieur Saint-Beauzille n’ établit pas
« que le sieur C h o p i n , son v e n d eu r, retienne p a r -d e v e r s
«r lui d’autres papiersconceraant la terre de C h a m p fo llet,
« que ceux q u ’il a offert de lui remettre tant au tribunal
« de conciliation qu ’en ce tribunal ;
« Considérant qu ’à l ’égard des bestiaux et bois p rê
te tendus enlevés par C h o p in , et que ce dernier d é s a v o u e ,
« p o u r raison desquels le sieur Saint-Beauzille réclame
« une indemnité à dire d ’exp erts, sa demande u ’est pas
« étab lie;
« Considérant que par l’acte de vente du
6
ventôso
« an 9 , le sieur Chopin n’a pas réservé à Denis M agot
« et sa femme d'autre jouissance que celle portée dans
« le contrat de m ariage ; que les termes em ployés dans
« cet acte sont tels que l’on ne peut y v o ir d’autres
« dispositions j
�( 21 )
a L e trib u n a l, jugeant en prem ier ressort, condamne
« le sieur C h o p in à liv re r au sieur Sain t-B eauzille toutes
« et cliacunes des parties composant la terre de C h am p « f o ll e t , qu ’il lui a vendue le 6 ventôse an 9 , notam « ment les trois locateries dites de M o r e t , la G u illerm ie
.« et P a r a y , avec restitution depuis la vente , à dire
« d’experts convenus et nom m és d ’o f i ic e , mêm e d ’ un
« tie rs , le cas échéant ;
.
« D é c la re le sieur Saint-Beauzille non recevable dans
« le c h e f de ses conclusions qui tendent à obtenir le p r ix
« des bestiaux et des bois qu’il prétend que le sieur
« C h o p in s’est permis d ’enlever dans les deux mois qu i
« ont précéd é l ’acte du 6 ventôse de l’an 9 ; donne acte au
« sieur C h o p in de ses offres de remetti’e au sieur de Saint«
«
«
«
Beauzille.les papiers et titres qu’ il a en son p o u v o i r ,
ice u x relatifs à la terre de Cham pfollet ; condam ne
le sieur Saint-Beauzille à les r e c e v o ir , s a u f, dans le
cas où il d é co u vriro it que le sieur C h o p in en retient
fc d ’autres par-devers lu i , à se p o u r v o ir ainsi q u ’il se
« l ’avisera p o u r se les faire restituer ;
« Condam ne le sieur C h o p in au x trois quarts des
« dépens faits par le sieur Sain t-B eau zille, non compris
« le coût et lev ée du ju g e m e n t , et Saint-Beauzille en
« l’autre quart.
« E n ce qui touche la demande form ée contre M agot
« et sa fem m e, condam ne ces derniers à vider la locateiic
« de la C r o ix - B .o u g e , à en r a p p o r t e r les jouissances A
« dire d’ex p e rts, depuis le 6 ventôse an 9 "> et en con
te séquence déclare bon et valable le congé du 2.2 t lic i-
�( 22 )
« niiclor môme année*, condamne M a g o t et sa fem me
« au x dépens que la demande a occasionnés. »
A p p e l de ce jugem ent de la part du sieur C h o p in ,
par acte du 13 n o vem bre 18 0 6 , dans toules les dispo
sitions qui lu i portent préjudice.
M a g o t et sa fem me se sont aussi rendus appelans ; mais
leurs m oyens de défense ne concernent pas le sieur
C h o p i n , qu i ne s’ occupera que des questions qui lu i sont
personnelles. Il se croit en môme temps quitte de toute
reconnoissance envers le sieur de Saint-B eauzille, de ce
q u ’il a bien v o u lu respecter la décision des premiers juges,
ainsi q u ’il l’an n o n ce , page 19 de son mémoire.
I l ne restera d o n c alors à exam iner que la seule ques
tion de savoir si le sieur C h o p i n , en vendant nomina
tivem ent sept locateries, a p u en vendre dix.
Ce nest pas dans les actes de vente que le sieur de
S a in t-B ea u zille tro uve des m oyens p o u r appuyer la sin
gulière prétention à la quelle il veut bien se réduire. E n
e ffe t, le contrat d’union n’énonce que sept locateries : il
en est de m êm e de l’acte sous seing p r i v é , et de la vente
authentique. A ussi le sieur Saint-Beauzille ve u t prin cipa
lem ent argumenter de la correspondance du sieur C hop in ;
il cite quelques fragmens de lettres dont il se dit p o rte u r,
et qui nous apprennent que le sieur C hop in ne lui a pas
donné l’état de la consistance et des produits.
D ès que le sieur C h o p in 11e lui a pas donné l’état de
la consistance de la t e r r e , il est impossible que le sieur
Saint-Beauzille ait entendu acheter dix locateries au lieu
de sept.
�( 23 )
Q ue le sieur C h o p in a i t , si l’on v e u t , exagéré le p ro
duit dans sa correspondance avec le sieur D e c o m b e s , ce
ne seroit là q u ’ une chose très-ordinaire. E n g é n é r a l, celui
qui veut vendre exagère plutôt q u ’il n’aiï’o iblit : c’est à
celui qui achète à prendre ses p réca u tio n s, p our exam iner
et connoître l’objet qui lui est proposé.
M ais il n’y auroit pas m êm e d’e x a g é ra tio n , si l’on s’en
rapporte au sieur S a in t-B e a u z ille ; car il demande une
somme de 800 francs par a n n é e , p o u r le p roduit de la
locaterie de la C r o ix - R o u g e ; et en calculant d après cette
p ré te n tio n , la correspondance du sieur C h o p in , m em e la
lettre du 7 t h e rm id o r, établiroit qu ’il ne connoissoit pas
lu i -m ô m e la valeu r et le p rod uit de sa terre.
Il faut au surplus etre bien d é p o u rv u de m oyens, pour
s’appesantir sur des circonstances aussi minutieuses.
O n se contentera de r é p o n d re , p o u r ne plus y reven ir ,
que le sieur Saint-Beauzille en im p ose, lorsqu’ il dit q u ’ il
ne connoissoit ni la valeu r ni la situation de cette p r o
priété. Il a tout v u , tout exam iné en personne ; il a d e
m euré un mois dans le canton , a visité les propriétaires
v o is in s , a pris des informations de ceux qui avoient des
connoissances locales , notam m ent d’un sieur M artin ,
hom m e p r o b e , et riche p ro p rié ta ire , qu i a toujours vécu
et habité près la terre de Cham pfollet.
E n fin , le sieur Saint-Beauzille convient qu’ il est venu
visiter cette terre sur la fin de l’an 8. Il a donc eu plus de
cinq mois avant de passer la v e n te , p our prendre tous le 3
renseignemens nécessaires.
,
^
I<e sieur Saint-Beauzille n’est pas plus exact lorsqu il fait
le reproche au sieur C h o p in de lui avoir vendu un bois
�( 24)
de futaie p o u r u n e contenue de vingt septerées, tandis que
ce bois n’en contient que quatre.
D ’a b o rd , la contenue du bois n’est ex p rim é e ni dans
l ’acte sous seing p r i v é , ni dans la vente authentique;
et p ou r ne tro u ver que quatre arpens dans le bois dont
il s’a g it, sans doute que le sieur Labrue com pte p o u r
rien le bois futaie du S a b lo n , semé depuis trente ans
dans les meilleurs cham bonnages du pays, très-abondant
en chênes et o r m e a u x , q u i déjà ont pluS d e trente pieds
de hauteur.
Ces petites recherches ont déjà occupé trop long-temps;
il faut aborder la question principale.
L e s i e u r C h o p in , en vendant la terre de Cham pfollet q u i
se com pose d’une maison de m a ître, d ’une réserve , de
trois domaines et de sept locateries, a-t-il entendu et p u
ve n d re autre chose que les objets désignés?
L e s expressions q u i term inent la vente sous seing p r iv é ,
ou la vente authentique, peuvent-elles autoriser le sieur
Saint-Beauzille à dem ander trois locateries q u i ont une
dénom ination différente de celles comprises dans la vente,
q u i , lors de la v e n te , étoient entre les mains de colons
autres que ceux des sept locateries vendues ?
11 semble qu’il suffit d’ énoncer les questions, p o u r les
r é s o u d re en faveur du sieur C ho p in .
E n g é n é r a l, p o u r juger des cas où les objets accessoires
do iven t faire partie de la vente ou n ’y entrent p o in t, il
faut surtout exam in er l ’intention des contractons, p o u r
rcconnoître ce q u ’on a v o u lu com prendre ou 11e pas com
prendre dans lu vente. C ’est ainsi que s’exp rim e M . D o m a t,
L o is civiles, du contrat de v e n te , lit. 2 , sect. 4 ; il appuyé
son
�(
2
5
)
son opinion sur deux lois du if. D e reg. ju r . S'empcr in
stip u la tion ib u s et in cœ teris co n tr a ctib u s, id se q u im u r
q u o d a ctu m e s t , q u od fa c tu m est cum in ob scu ro s it
e x a.ffcctione cu ju sq u e ca p it in terp retalia n eu i. L . 3 4 ,
L . 168.
A u titre des conven tio ns, le m êm e a uteur, livre i cr. ,
titre i e r .? section 2 , n°. 13? dit que les obscurités et les in
certitudes des clauses qui obligent, s’interprètent en faveur
de celui qui est o b l i g é , et il faut restreindre l’obligation au
sens qui la d im in u e; car celui qui s’oblige ne veut que le
m o in s , et l’autre a dû faire exp liqu er clairement ce q u ’il
prétendoit. A r ia n u s a it m u ltiim interesse quœ ras utriim
a h q u is ob lig et, a n a liq u is lib e re tu r , u bi de obligcindo
q u e r itu r , propen siores esse debere n o s , s i habeam its
o cca sion em ad negandum u b i de liberan d o e x diverso,
ii t ja c ili o r sis ad libera tion en i. L . 4 7 , au If. de obi. et a d .
A l’article su ivan t, le m êm e auteur dit que si l’obscu
r i t é , l ’am b igu ïté , ou tout autre vice d’ une expression
est u n effet de la m auvaise f o i , ou de la faute de celui
q u i doit exp liq u er son in ten tio n , l ’interprétation s’en
fait contre l u i , parce q u ’ il a du faire entendre nettement
ce q u ’ il vo u lo it : ainsi lorsqu’ un v e n d eu r se sert d ’une
expression é q u iv o q u e sur les qualités de la chose vendue,
1 explication s’en lait contre lui.
Cette r é g l é , que l’interprétation se fait contre le ven
d e u r , n’est donc pas g én é ra le; elle se restreint au cas où
il est impossible de connoître l’intention des parties. C c s t
ce que dit expressément la loi 3 3 , au fi’. D e contr. em pt.,
c ittc pai D om at. P r itn ù m sp ecta ri opportet q u id a c ti
�( ^6 )
s i t , s i non id a p p a ren t, tune id a ccip itu r q u o d r en d ito i'i n o c e t; am bîgua enitn oratio est.
Cette règle du d ro it, d’ailleurs, d’après les lois, ne s’ap
p liqu e ordinairem ent qu ’a u x servitudes non déclarées, ou
aux énonciations vagues et indéfinies, parce q u ’alors le
ven d eu r a pu s’exp liquer pins clairement. P o t u it legem
apertiiis con scribere.
A i n s i , par e x e m p l e , si le sieur Chopin avoit ven d u
au sieur S a i n t - Beauzille sa terre de C ham p follet, telle
qu'elle se limite et com porte , circonstances et dépen
dances , sans en rien réserver ni re te n ir , et sans autre
d ésig n a tio n , il seroit obligé de liv re r à l’acquéreur tout ce
q u i a pu faire partie de cette terre; il auroit à se rep ro
ch er de n’avoir pas désigné plus particulièrem ent les objets
q u ’ il vo u lo it v e n d r e , et ceux qu’il vo u lo it conserver -, et
on
pou rro it
dire avec la loi : T u n e en im am bigua
oratio est. Il seroit en effet impossible de connoître et
d ’exp liquer l’intention des parties.
M ais lorsque le sieur C h o p in ven d sa terre de C h a m p f o lle t , com posée d’ une m aison, d’ une ré serve , de trois
domaines et de sept locateries; lorsqu’il désigne chacun
de ces dom aines, chacune de ces locateries par la déno
m ination qui leur ap p artien t, par le nom des colons qui
les c u lt i v e n t , alors il n’a vendu que les objets désignés : il
a restreint et limité la terre de Cham pfollet à ces mêmes
objets; il n ’y a ni am biguïté ni incertitude; il a exp liq u é
clairement scs intentions. L ’un n’a entendu v e n d r e , et
l ’autre n’a entendu acheter que trois domaines et sept lo catenes. C ’est le sieur C h o p in qui s’o b lig e ; dès-lors il
�( 27 )
faut restreindre l’obligation au sens qui la diminue. Son
intention se découvre par l ’exp ression, par la limitation
q u ’il a vo u lu donner à sa vente.
Q u ’im porte qu’ensuite le sieur C h o p in ait ajouté, a in s i
qu e le tout se lim ite et c o m p o rte,• q u ’ il ait mis, si l'on
v e u t , circon sta n ces et dépendances f i c e l l e ; ces expres
sions se rapportent nécessairement et naturellement aux:
objets désignés. L e sieur C h o p in n’excepte rien de ce qu i
les com pose; mais il ne vend pas les trois locateries qui
font l ’objet de la convoitise et de la cupidité du sieur de
Saint - B ea u zille, puisque ces trois locateries, qui ont
chacune un nom p a rtic u lie r, et d’autres colo n s, n’ont
été ni désignées, ni comprises dans la vente.
Ces trois locateries si fort convoitées ne faisoient pas
m êm e anciennement partie de la terre de Cham pfollet.
Cette p ro p riété est p atrim oniale ; elle ne se com posoit
que des objets désignés et vendus. L es trois locateries ont
été acquises postérieurement : quand elles auroient été
annexées à la te rr e , elles ne seroient pas p o u r cela com
prises dans la v e n t e , parce que le sieur C h o p in auroit été
le maître de les distraire lorsqu’il a vendu.
P o u r juger d’ailleurs si la vente d ’ un corps de bien
com prend tout ce qui p o u v o it en faire partie ancien
nement , on exam ine d ’abord si la vente est générale :
encore les auteurs qui ont traité cette question , ne la
discutent-ils q Ue SOnS les rapports des testainens ou des legs
qui ont été laits d’ une terre , d’ un domaine ou d ’ une
métairie. O n com loît la fameuse loi Prccd. 9 1 ’
3 , où 'Papinien p ;u-le des fonds séjans et gabinions. J1
dit que si le testateur a légué les fonds séjans com m e il
D 2
�( 28 )
les a acquis , sans parler des fonds gabinîens q u ’il avoit
acquis par le même contrat et p our un même p r i x , l’argu
ment de cette acquisition faite p our un mêm e p r ix ne
scroit pas suffisant p ou r comprendre le tout dans le
le^s; il faudroit considérer les papiers du père de fam ille,
p o u r savoir s’ il avoit coutume de comprendre les fonds
g a b i n î e n s avec,les séjans, et d ’en confondre les revenus.
S c é v o la , dans la loi P a tr o n . §. i er.,-<fe fog. 3 , propose,
l ’espèce d ’un ¡legs d ’ une terre composée d’héritages dont
les uns étoient s i t u é s dans la Galalie et les autres dans
la C a p p a d o c e . L e legs n e parloit que des héritages situés
d a n s la G a l a t i e ; néanmoins le jurisconsulte décide que
le le trs de la terre doit com prendre les héritages situés
d a n s la C a p p a d o ç e , parce qu ’ils étoient tous réu n is, et
e x p l o i t é s par le même fermier.
D u m o u lin cependant, T ra ité des fiefs, §. I er. , gl.
5,
n °. 1 6 , dit que ce. u ’est pas assez que le tout ait été
exploité par un m êm e ferm ier , parce que cela peut avoir
été fait pour la commodité de la culture. Il veut encore
quelque acte qui fasse connoîtrc que l’intention du
seigneur a été de les unir ensemble d’une union per
pétuelle.
,
H e n ry s, tom. 4 , cons. 5 , tit. des legs, est d’avis que le
leo-s d’ une m étairie, fait'par le père à son fils, comprend,
les héritages dépendans de ladite m étairie, quoique situés
dans une autre pio vin ce. Il en donne pour motifs que
le père avoit fait valoir ces héritages conjointem ent, et
les avoit donnés au m êm e grangier ; mais il p’appuye
principalement sur la qualité des parties, et la nature de
la disposition, 11 soutient qu’un semblable legs doit être
�0 9 )
interprété la rg e m e n t, avec d ’autant pins de raison que le
père a voit fait une institution universelle au profit de celui
qui contestoit le legs. L orsqu ’ il s’agit en effet d une dis
position à titre gratuit, on doit l’etendre plutôt que la
restreindre ; tandis qu ’en matière de contrats à titre oné
reux , les conventions sont de droit é t r o it , et doivent cire
plutôt restreintes qu’étendues.
E n f i n , ces auteurs ne s occupent que des testamens ou
legs, et ne se décident p our la réunion qu autant que la
disposition est g é n é ra le , faite d’un corps de Liens, sans
désignation ni limitation.
Ici il sagit d’une vente qui com prend à la vérité une
terre, mais laquelle terre ne se compose que desbaüm ens,
enclos, réserve, trois domaines et sept locateries.
C o m m en t, lorsqu’il n ’en a été vendu que sept, voud roiton en avoir d ix ? Com m ent trouveroit-on du doute OU de
l’incertitude, lorsqu’il y a évidem m ent l ’intention de ne
vendre que ces objets, lorsqu’il y a une limitation si
précise ?
O n objecte que le sieur C h op in , dans sa v e n t e , ne
s’ est réservé que sa maison des Châtelans et les
acces
soires déterminés dans l ’acte de vente.
O r , dit-on , cette réserve ne peut exclure que les objets
qui y sont énoncés ; donc tout le reste est v e n d u .
Cet argument n’est pas m êm e spécieux. L c sieur
C h o p in n’a exprim é cette réserve q u ’à raison de ce que
la maison des Châtelans et les accessoires étoient en0lo )és
et compris d a n s les domaines et
faisant partie
l o c a t e r i e s
de la vente : la distraction en est donc devenue néces
saire. Mais il étoil iiiulile de réserver les locateries des
�( 3° )
M o r e t, G a iller m ie ^ et P a r a y , puisque le sieur C h op in
ne vendoit que sept locateries, qui toutes avoient un nom
particulier et un colon différent.
O n reproche encore au sieur Chopin de n’a voir donné
aucuns confins aux sept locateries vendues : mais celte
objection est contradictoire avec le système du sieur
Saint-Beauzille. U n e réclame les trois locateries que parce
q u ’on lui a vendu généralem ent et indistinctement la
terre de C h a in p fo lle t, c ir c o n s ta n c e s et d é p e n d a n c e s . Il
soutient qu ’ un c o r p s de bien , un do m ain e, une m é ta ir ie ,
n ’ont pas b e s o i n d ’être confinés dans une vente ; et il
a
en ce point.
O r , q u ’est-ce q u ’une locaterie, si ce n’est un corps
r a is o n
de b i e n , c’est-à-dire, plusieurs héritages réunis sous la
m ain du même propriétaire ou du m êm e colon. L e sieur
C h o p in a donc dû se dispenser de confiner chaque lo
caterie ; c’eût été augmenter le volum e d’un acte sans
aucune nécessité. Cependant le sieur C h o p in a pris cette
précaution, lorsqu’elle a été utile : par exem ple, com m e
il avoit concédé la jouissance de la locaterie de la C ro ix l lo u g e à Denis M a g o t et sa f e m m e , il n’a pas oublié
de lim iter et confiner cette locaterie, p o u r éviter toutes
discussions avec l’acquéreur. Il a donc fait tout ce qu ’il
devoit et pou vo it faire p our manifester clairement son
i n t e n t i o n , p o u r apprendre à son acqéreur qu’il ne vendoit
que des objets déterm inés, et que celui-ci ne devoit com pter
que sur les sept locateries énoncées en la vente.
E h qu oi! trois actes successifs énoncent sept locateries
seulement-, le contrat d’ u n io n , qui contient l’état de l’actif
du sieur C h o p in , compose la terre de Cham pfollet de
�( 31 )
trois domaines et sept locateries ; l’acte de vente sous seing
p riv é, la venteautlientique, se réfèrent au contrat d’ un ion,
et n’énoncent encore que sept locateries : comment le
sieur Saint-Beauzille peut-il donc prétendre qu’il lui en
a été vendu d i x ? où donc est le d o u te ? où donc est
l ’ambiguïté ?
A la vérité il prétend que le contrat d’ union n’a aucune
corrélation avec la vente qui lui a été consentie : mais
n ’est-ce pas une absurdité? L a vente est faite en cxecution
de ce contrat d’ u n io n , et conformément a icelui. SaintBeauzille accepte toutes les conditions exprimées en ce
contrat d’ union ; il déclare en avoir pris connoissance ;
il s’oblige de payer les sommes d é légu ées, aux termes
Stipulés par ce prem ier a c t e , et par la délibération qui
l ’a suivi. C ’est lui qu i devient le débiteur des créanciers
Chopin. 11 y a novation pleine et entière : la vente lui
est consentie en présence et du consentement des syndics
et directeurs de ces mêmes créanciers; il se met au lieu
et place du sieur C hopin : il n’a donc acquis que ce qu i
avoit été abandonné aux créanciers ! il ne peut donc
réclam er que sept locateries, puisqu’on n’en avoit pas
abandonné davantage aux créanciers!
C ’est ainsi que cela a été exp rim é dans l’acte sous seing
privé. L e s circon stan ces et dépendances d o n t le sieur
Saint-Beauzille fait tant de fracas , sur lesquelles il revient
si souvent, sont une addition à. l’acte a u t h e n t i q u e ; addi
tion qui n’est que red on d an ce, style ou protocole de n o
taire , qui ne fixe pas même l’attention des paxties, qui
lle se rapporte qu’aux objets nominativement vendus, et
ne valoit pas la peine d’être relevée.
�( 32 )
Plus on examine les conventions stipulées entre les
parties, plus on s’ étonne de l’acharnement et de l’ insistence du sieur S a i n t - B e a i m l l e . Jamais il n’y eut de contrat
plus clairement e x p liq u é ; mais s i , par impossible, on y
tro u vo it quelques clauses obscures, la règle la plus sûre
p o u r i n t e r p r é t e r les actes , c ’est l’exécution qu’ils ont eue.
Q u ’on o u v r e tous les auteurs qui se sont occupés des con
ventions et de leur exécu tion , com m e Despeisses, D o m a t ,
P o t h ie r , même les auteurs élémentaires; tous enseignent
que l’obscurité ou l ’ a m b i g u ï t é des actes s’interprète p rin
cipalement par l’exécution que leur ont donnée les parties.
C ’est une r è g l e tellement t riv ia le , qu’on ne croit pas devoir
lu i d o n n e r un plus grand développem ent. L e Code
N a p o léo n répète ce principe en plusieurs e n d ro its , et
m et tellement d’importance à l ’exécution des actes, qu’en
l ’article 1325, où il déclare nuls les actes sous seings privés
contenant des conventions synallagmatiques, lorsqu’ils
n ’ont pas été faits d o u b le s , il ajoute ces termes rem ar
quables, daus la troisième partie de l’article : « N éanm oins
« le défaut de mention que les originaux ont été faits
k d o u b les, triples, etc., ne peut être opposé par celui
« q u i a> exécu té de sa p a rt la convention portée dans
« l ’acte. »
Cette disposition du Code est une innovation. O n
pensoit autrefois que quelle que fût l’exécution qu’on avoit
donnée à l ’acte sous seing p r i v é , on n’en étoit pas moins
recevable à l’attaquer de nu llité, lorsqu’il n’avoit pas été
fait d o u b le ; et cela par la raison qu’on n’avoit aucun
m oyen coercitif p ou r forcer un tiers
l’exécuter. Mais
le législateur a pensé que celui qui avoit connoissance
suffisante
�( 33 )
suffisante des conventions, qui les avoit déjà rem plies, ne
pou vo it plus de bonne foi revenir contre ses engagemens.
E n appliquant ces principes à l ’espèce p a rticu lière,
quelle idée pourra-t-on concevoir de la témérité du sieur
Saint - Beauzille ? Il achète le 3 nivôse an 9 , et se met
en possession dès le moment môme : c’est à cette date qu ’il
rapporte la consommation de la vente ; c’est de cette
époque qu’il réclam e la restitution des jouissances des trois
locateries q u ’il veut faire comprendre dans sa vente.
L o rs q u ’il prend possession, il ne demande et ne jouit
que de sept locateries]; il perçoit toute la récolte de l ’an 9;
il voit les colons de ces trois locateries recueillir les fruits ;
et ne demande rien contre q u i que ce soit.
L e 16 pluviôse an 1 0 , il assigne le sieur C h o p in en
restitution des bestiaux de la réserve de Cham pfollet :
pas un m ot des trois locateries contentieuses.
Il perçoit encoi'e les fruits de l ’an 1 0 , se contente des
sept locateries ; et ne demande rierf à personne.
Ce n ’est que deux ans a p r è s , lorsqu ’il a perçu deux
récoltes, lorsqu’ il a exécuté les clauses de la v e n te , lorsqu il est entre en payement avec les créanciers , q u ’il s’avise
de vo u lo ir agrandir sa p rop riété de ces trois locat cries.
ne peut pas éq u ivoq u cr sur sa non-jouissance et sur
cette exécution ; car lors du jugement par d éfau t, du 28
floréal an 1 2 , qu’il a obtenu contre le sieur Chopin , il dit
qu il s est mis en possession de la terre de C h am pfollet,
• Il
¿1 rexcep tion des trois locateries dont il s'a g it, om ises
p a r A n to in e C hopin dans l ’acte de vente qu’il lui a con
sentie. Il conclut à la restitution des jouissances depuis
le 3 nivose an
date de la vente sous seing privé.
E
�C 34 )
Souvenir tardif! prétention a bsu rde,do n t rien ne peut
excuser la tém érité ! L e sieur Saint-Beauzille a interprété
lui-m êm e les conventions ; il a exécuté le contrat dans
toute sa plénitude : il est donc absolument non receyable.
O n a v o u lu tro u ver q u e l q u e ressemblance entre cette
cause et celle du sieur Canillac contre M>. C ro z e ; et sans
doute on ne m anquera pas d ’invoqu er l’arrêt de la cour
en faveur du système ,du sieur Saint-Beauzille : mais
quelle énorm e difféi'ence enti’e les deux questions !
D ans la c a u s e du sieur G an illa c, celui-ci avoit vendu
au sieur M o i n e t s o n domaine de Chassaigne, avec ses
c i r c o n s t a n c e s et dépendances , sans en rien excepter ni
r e t e n i r , et tel qu ’il lui avoit été transmis par un partage
de fa m ille, de 1784.
.
r
Dans ce partage se trouvoit comprise une annexe de la
terre de Chassaigne, appelée la V é d r i n e , et le vendeur
n ’a voit d’autre titre, ni de possession de la V é d r i n e , qu’en
vertu de ce pai'tage : tout étoit réuni sous une seule et
m êm e exploitation. D ans les confins d o n n é s , les bois de
la V é d rinc se trouvoient englobés par le contrat de vente.
L ’acquéreur M o m et avoit joui du moment de son contrat,
et sans réclamation de la part du v e n d e u r , soit de Chas
saigne, soit de la V é d r in e : après lu i, M e. C ro z e , second
a c q u é r e u r , avoit également joui des deux objets pendant
plusieurs annees. Enfin il etoit démontré par les termes
de l’a cte, par l’execution qu’ il avoit e u e , et par une foule
de circonstances inutiles à rappeler, que l’ intention du
sieur Canillac avoit été de vendre le to u t, qui ne faisoit
qu ’un seul et m êm e corps de bien.
,
_ (i
I c i , au contraire, le sieur Chopin a restreint la consis-
�( 3* )
tance de sa terre de Cliam pfollet à trois domaines et sept
locateries : cette restriction concorde avec le contrat d’u
nion et l ’acte de vente. L ’acquéreur n’a pas entendu acheter
autre chose ; il a pleinement exécuté le contrat ; il a eu
des discussions avec son vendeur un an après sa mise en
possession ; il a c h e r c h é à faire naître des difficultés de
tout g e n r e , et n’a pas réclam é les trois 'locateries qui
font l’objet de sa demande actuelle. Il a joui une seconde
année ; m eine silence sur les trois locateries : ce n’est
qu ’en l ’an n qu’il manifeste des mouvemens d inquié
tude , de versatilité , qui a n n o n c e r o i e n t plutôt un état
va p o reu x qu’un esprit bien sain.
Il tergiverse, il balance, il form e des demandes contre
son vendeur , contre ses créanciers; il se d é p a rt, recom
m en c e, et se départ en core; il termine enfin par faire
éclore n eu f chefs de conclusions, tous plus extraordi
naires les uns que les autres : il ne sait ce q u ’il ve u t, ce qu’il
désire; il n’est pas m êm e de bonne foi. Il n’a pu ig n o re r,
lors de la vente, que le sieur C hop in conservoit ses trois
locateries; elles sont toutes trois situées dans la com m une
de Paray. I l exige que le sieur C h o p in h yp o th èqu e à la
sûreté de la vente toutes les propriétés q u ’ il a actuel
lem ent dans la com m une de Paray. Cette hypothèque
spéciale, si elle étoit ré g u liè re , ne pou rro it frapper que
sur les trois locateries dont il s’agit: la réserve des Ghatelans n’est qu’ un mince accessoire qui n ’offroit aucune
sûreté. L e sieur Saint-Bcauzille a pris une inscription con
servatoire de aôooo francs.
Il
n’y a donc pas de loyauté de la part du sieui SaintB ca u zille, de pex'sécuter un hom m e sensible.et bo n , de
�( 36 )
vouloir accabler un débiteur m a lh eu reu x, dont les dettes
ne se sont accumulées que parce qu ’il a eu la délicatesse
de ne pas rem bourser en assignats des créances légiti
mes, et qui doit au moins conserver les foibles débris d’une
fortune considérable q u ’il tenoit de ses pères.
M e. P A G E S (de R i o m ) , a n cien avocat.
M e. G O U R B E Y R E , avoué.
A R I O M , de l’imprimerie de Thibault -L a n d r i o t ? imprimeur
de la Cour d’appel. — Février 1808.
�
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Factums Marie
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A name given to the resource
[Factum. Chopin, Antoine. 1808]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Pagès
Gourbeyre
Subject
The topic of the resource
créances
locaterie
ventes
fraudes
Description
An account of the resource
Mémoire en réponse, pour Sieur Antoine Chopin, docteur en médecine, appelant d'un jugement rendu au tribunal de Gannat, le 23 août 1806 ; contre sieur Jacques Labrue de Saint-Beauzire, intimé.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Thibaud-Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1808
1800-1808
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
36 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0522
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0521
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Coverage
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Paray-sous-Briailles (03204)
Jaligny-sur-Besbre (03132)
Champfollet (terre de)
Rights
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Domaine public
Créances
fraudes
locaterie
ventes
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27c592197791afe49eb2971ab19c8065
PDF Text
Text
; -ï
MÉMOIRE
POUR
Sieur J o s e p h D E G R E IL S D E M ISSILIA C,
appelant d’un jugement rendu par défaut, au
tribunal civil de Saint-Flour, le 22 ventôse
an 7;
CONTRE
La dame M a r i e D E G R E I L S , sa tante,
intimée.
1
D a n s ces temps m alheureux de troubles et d ’orages
qui fuient déjà, loin de nous , les lois révolutionnaires
ont décidé du sort et de la fortune d ’une foule d’indi
vidus.
Ces lois étoient diversement jugées, exécutées dans
A
•
�( 2 )
toute leur rigueu r, ou quelquefois modifiées, suivant
le caractère ou l’opinion de ceux qui dorainoient alors :
mais on a observé qu’en général les personnes-les plus
opposées à ce système destructeur , sont précisément
celles qui ont voulu tirer le meilleur parti de ces lois
oppressives, et qui en ont en effet profité dans tout ce
qu’elles présentoient d’avantageux à leurs intérêts.
Cette cause en est un nouvel exemple. Un arrangement
avoit eu lieu, depuis loggxjes années, dans une famille
honorable : des filles âgées et célibataires avoient traité
avec leur frère ; elles avoient cédé leurs droits successifs
m o y e n n a n t une somme certaine qui les mettoit à l’abri
de toute inquiétude, et au-dessus des besoins de la vie.
Contentes de leur sort, elles n’eussent jamais osé se
plaindre dans l’ancien ordre de choses, et toute récla
mation eût été vaine.
/
On sent que parmi des gens bien nés on ne prend pas
toutes les précautions légales : les cessions étoient sous
seing privé. La l’évolution arrive; les enfans du cédataire
émigrent ; les Hiens du père sont séquestrés. Quel avan
tage pour lui de n’avoir traité que sous seing privé avec
ses cohéx-itiers !
On peut dissimuler ces actes, demander un partage à
la nation, soustraire une portion des biens. On use de
ce moyen , qui paroît infaillible : les sœurs cédantes
0 obtiennent leur part héréditaire. La mort a frappé plu
sieurs d’èntr’elles*, une seule survit, elle est nonagénaire :
l’exploitation des biens est au-dessus de ses forces; elle
n’a jamais usé du droit ou de la faculté qu’elle avoit
obtenue de l’administration. Mais aujourd’hui elle a
�( 3 )
d’autres idées, d’anciens souvenirs, ou plutôt e’ Ie est
dm gée et séduite par un ambitieux. B ref, elle a pris
goût à la propriété; elle veut que le délaissement qui
lui a été fait soit sérieux ; elle ne craint pas d’accabler
un neveu, un père de famille dont les pertes sont im
menses , et que cette nouvelle prétention réduiroit à la
misère.
La demoiselle de Greils p e u t-e lle espérer quelque
succès d’une démarche aussi téméraire? L ’appelant ne
fait pas cette injure aux magistrats qui doivent prononcer
sur son sort.
F A I T S .
r i anço is de la Volpilière et Marie Vedelène, auteurs
communs des parties, eurent cinq enfans; savoir, Fran
çois, Guillaume, Claude, Honoré et Marguerite.
François, l’aîné, marié à Louise Brugier, a donné le
jour à trois enfans, Gaspard, Madeleine, et Claude, se
cond du nom.
D u mariage de Gaspard de la Volpilière avec demoi
selle Marguerite Cat de Rastinliac, sont issus q u a t r e
enfans; Bertrand, père de l’appelant, M arie, q u i est
l’intimée, Magdeleine et Anne : les trois filles n ’o n t pas
été mariées; l’une d’elles, M agdeleine, est décédée en
l’an 2 ; Anne est morte en l’an 10.
Bertrand de la V olpilière, marié à Jeanne Rastinhac,
a donné le jour à trois enfans; Joseph, a p p e l a n t , marié
a Louise-Rose de P estel, François et Anne : les deux
puînés ne figurent pas dans la cause, ou du moins François
A 2
�( 4 )
ne se montre que sous le nom de sa vieille tante, à qui
la nature a départi un grand brevet de. longévité.
Suivant les énonciations qui se trouvent dans le juge
ment dont est appel, François de la Y olp ilière, second
du nom , aïeul et bisaïeul des parties, étoit donataire de
ses père et m ère, à la charge de payer une légitime
conventionnelle à ses frères et sœ ur, légitime fort audessus des forces réelles des successions.
Un traité du 24 septembre 1694, énoncé dans le môme
jugement, porte délaissement de la part du donataire aux
puînés, d’un d o m a i n e appelé du Bousquet, pour les l’emplir
de leur a m e n d e m e n t .
L e 1 3 juillet 1698, Claude, premier du nom , l’un de
ces puînés, fit donation entre-vifs à François, son frère,
de tous ses biens présens, qui consistoient principalement
dans le quart du domaine du Bousquet, délaissé par l’acte
précédent.
( Mais le donateur grève cette disposition d’une substi
tution en faveur de l’aîné des enfans mâles de son frère;
à son défaut, à la fille aînée, ou tel autre enfant, de
degré en degré, qui seroit encore vivant.
François, donataire, fit son testament en 1716; légua
pour légitime, une somme de 1200 francs à Magdeleine ,
sa fille; celle de 600 francs à Claude, deuxième du nom,
son fils puîn é; institua la dame Brugierj son épouse,
h é r i t i è r e . universelle, à la charge de remettre son hérédité
h Gaspard, son fils aîné.
Gaspard de la Volpilière, après le décès de son père,
devoit être appelé à l’ecueillir la succession de Claude,
premier du nom , son oncle, qui lui étoit substituée.
�( 5 ),
Mais il prédécéda
son
oncle,
et alors * O
A
7 donateur;
i
deleine, sa sœur, en vertu de la clause de la donation
qui appeloit la fille aînée à défaut de l’aîné des mâles,
recueillit le bénéfice de la donation du 13 juillet 1698.
L e 2Ô avril 1747, Bertrand de la Volpilière, frère de
l’intimée, et père de l’appelant, contracta mariage avec
Jeanne Rastinhac : la dame de Brugier, son aïeule, lui
fit donation de tous ses biens, sans autres charges que de
payer à ses sœurs une somme de i 5o francs chacune;
Magdeleine de la V olpilière, tante de Bertrand, lui fait
donation de tous ses biens et droits, et par exprès de la
portion qu’elle amendoit dans le bien du Bousquet, pour
avoir recueilli l’effet de la substitution portée en la do
nation de Claude, premier du nom.
V oilà donc Bertrand de la Volpilière propriétaire de
tous les biens et droits de son aïeule, du quart du do
maine du Bousquet, en vertu de la donation de sa tqnte;
ce qui lui donnoit des prélèvemens considérables sur la
succession de son p è re , dont il amendoit également sa
p ortion, et qui n’étoit rien moins qu’opulente.
C ’est en cet état que le 20 avril l'jBg, il fut passé un
traité sous seing p rivé, entre le sieur Bertrand la V o l
pilière et les dames ses sœurs-, traité qu’il est i m p o r t a n t
d’analiser, pour en faire connoître toute la force, et l’in
fluence qu’il doit avoir dans la contestation s o u m is e a u
jugement de la Cour.
Par cet acte, les trois filles majeures f a i s a n t des vœux
pour la conservation des biens dans leur famille , et
voulant éviter toutes discussions, r e n o n c e n t ail partage
quelles avoient droit de prétendre sur Jcs successions des
�(
6
)
père et m ère, et s’en démettent au profit d e ‘Bertrand la
V o lp iliè re , leur frère.
Cette renonciation est faite moyennant la somme de
35 oo francs, que le frère s’oblige de payer à chacune
d’elles, en sept termes égaux de 5oo francs chacun, avec
les intérêts à compter du jour du traité.
L e premier terme échoira à la volonté des renonçantes,
lorsqu’elles en feront la demande, ou lorsque le cédataire voudra se libérer; mais comme 1 interet est cependant
fixé à i 5o fr. par année, ce qui 11e fait pas précisément
le revenu de la totalité du principal, cet intérêt sera
payé sans retenue.
Il est ajouté : « Afin que mesdites sœurs puissent
« vivre de leurs revenus, et ne touchent point à leurs
« capitaux, je promets payer la somme de ^5o francs en
« trois termes ég a u x , de quatre en quatre m ois, dont
« le premier doit échoir au I er. mai lors prochain, sans
« imputation sur le capital. »
D e plus, le sieur de la Volpilière du Bousquet, cède
et abandonne à ses sœurs, pendant leur v i e , l’entière
jouissance de la maison de Vi'gouroux, de l’écurie, bassecour et jardin potager : les grosses réparations restent à
la charge du cédataire ; tous les meubles doivent aussi
rester aux renonçantes, sauf l’inventaire, mais sans qu’elles
soient tenues à aucune indemnité pour cause de dépé
rissement.
L e frère leur cède encore, pendant leur v ie , vingtcinq à trente charretées de bois que les fermiers de
Roupon et du Bousquet sont tenus de porter, chaquo
année, dans la maison de Vigouroux : il promet de
�( 7 )
faire obliger et contraindre à l’avenir, à cette conduite,
tous métayers ou fermiers.
A u moyen de ces conventions, les demoiselles de la
V olpilièrc tiennent leur frère quitte de tous droits légitim aires, tant paternels que maternels, de ceux échus
des oncles, tantes, aïeuls et aïeules; le sieur Bertrand de
la Volpilièrc devient responsable de toutes les dettes
contractées jusque hui, de même que de toutes créances
légitimes, pour dépenses, réparations, nourriture de ses
sœurs, et généralement pour quelque cause que ce soit.
Cet acte est fait en présence de la famille, et revêtu
de la signature des parties comme des parens, tels que
M M . Lastic de la Vergnette, Lastic de l’Escures , la
T e r risse, etc.
L e 3 mai 1769 , le sieur Joscpli Cat de Rastinliac
fuit son testament olographe, par lequel il institue pour
son héritier universel le sieur Bertrand de la V olpilière,
son neveu.
La cession de droits dont il vient d’être parlé a eu
sa pleine et entière exécution du jour de sa date. Il est
même fait mention dans l’acte que ces arrangemens de
famille avoient eu lieu depuis plus d’un an avant leur
rédaction.
Les demoiselles de la Volpilière firent un inventaire
des meubles, aussi sous seing privé; elles ont r e ç u leurs
intéi’êts, ainsi qu’il résulte d’une foule de quittances,
également sous seing p riv é , dont l’appelant est porteur.
Le i 5 janvier 17775 Joseph de la V o lp iliè re , appelant,
épousa dem oiselle Louise-Rose de Pestel ; son p ere lui
fit donation de la m oitié de ses biens , et promit de
�(8)
n’instituer d’autre héritier que lui dans le surplus, sous
la reserve de ses effets actifs, et d’une somme de 14000 fr.
La dame de Rastinhac , sa mère , fait une semblable
disposition en sa faveur, sous la réserve d’une somme
de 6000 fr. Le contrat contient encore une donation de
la terre de Roupon au profit de l’appelant. '
Tels sont les règlemens de famille : l’union y avoit
toujours régné. Lorsque la révolution arrive, l’appelant
et son frère émigrent : tous les biens du père sont sé
questrés en vertu des lois du temps. Il étoit alors septuagénaire, et se voyoit sans ressource.
Les p a r e n s et les amis conseillent au sieur Bertrand
de G r e i l s de mettre de côté les actes souscrits par ses
s œ u r s , et de leur faire demander le partage des biens
des auteurs communs , pour sauver du naufrage cette
partie, avec d’autant plus de raison qu’on craignoit qu’il
ne fût procédé à la vente des objets donnés au fils aîné,
qui est l’appelant.
On présente une pétition sous le nom de deux sœurs
du sieur Berterand de Greils, qui étoient alors vivantes
(M agdeleine, l’une d’elles, étoit m orte), à l’adminis
tration centrale du département. Cette pétition reste
quelque temps dans l’oubli ; mais enfin après la loi qui
obligeoit les ascendans- d’émigrés de faire le partage avec
la nation, il devint pressant de faire statuer sur la de
mande des sœurs. L ’administration prit un arrêté, le 29
o-erminal an 4 5 Par lequel il est dit que la demande en
partage formée p;ir les demoiselles de Greils ne concerne
pas les corps administratifs : c’est une discussion qui est
toute entière du ressort des tribunaux ; en conséquence
les
�(9)
les demoiselles de Greils sont renvoyées devant les tribu
naux compétens , pour se pourvoir contre leur frère;
et à cet effet sont autorisées à citer le commissaire près
l’administration ; mais en même temps l’arrêté autorise
les Fermiers du domaine de Roupon et de la montagne
de Trilissons , à faire compte provisoirement aux péti
tionnaires, de la moitié des fermages de ces biens.
L e 20 messidor an 4, les demoiselles de Greils citent
leur frère devant le tribunal civil de Saint -F lo u r;
elles assignent pareillement le commissaire du gouver
nement.
Elles concluent à ce que leur frère soit tenu de venir
h division et partage des biens meubles et immeubles
dépendans des successions de Gaspard Greils et Margue
rite Rastinhac, pour leur en être expédié à chacune un
quart, et un tiers du quart revenant à M agdeleine, dé
cédée ab intestat.
Elles demandent la nullité de la substitution prétendue
faite par Claude, leur grand-oncle, le 13 juillet 1698;
elles prétendent que cette substitution n’a pu profiter à
Magdeleine Greils, tante des parties, mais qu’elle a dû
revenir à Gaspard G reils, fils à François, et à ses descendans.
Elles soutiennent n’avoir reçu aucun mobilier ; que
tout celui qu’elles possèdent est le fruit de leur économie.
Cependant l’inventaire qui fut fait, à la suite de leur
cession est entre les mains de l’appelant.
Elles demandent en conséquence le rapport du mobiliei suivant l’inventaire ou suivant la commune renomïn ee, la institution des jouissances, le payem ent des
B,
�( 1° )
dégradations; elles concluent
ce que ces jouissances
leur soient payées en biens-fonds , attendu la maxime :
F ructus augent hozreditatâtn.
Elles demandent aussi, i° . le payement d’une somme
de i5o francs pour chacune d’elles, montant du legs de
Louise Brugier, leur aïeule, et énoncé au conti’at de
mariage de le ur frère; 2°; celle de 100 francs pour les
deux tiers de pareille somme de i 5o francs donnée à
M agdeleine, leur sœur; 3 °* une sotnme de 1000 francs
léguée à chacune d’elles par Joseph Cat de Rastinhac,
dans son t e s t a m e n t du 3 mai 1769 ; 40. les deux tiers
de pareille somme de 1000 francs, du chef de Magde
leine. Toutes ces sommes doivent leur être payées en
biens-fonds.
Elles offrent de tenir en compte la somme de i 5o fr.
qui leur a été payée chaque année par leur frère , de
déduire sur les jouissances celles qu’elles ont faites de la
maison de V igou ro u x, du jardin, et d’un pacage y at
tenant.
On sent que Bertrand de Rastinhac se garde bien de
contester : il ne comparoît pas sur cette demande; la lutte
ne s’établit qu’avec le commissaire du gouvernement.
Celui-ci demande acte de ce que, tant sur la demande
en payement du legs de Joseph Rastinhac, que sur celle
en partage de la succession de Gaspard G reils, il s’en
rapporte à la prudence du tribunal; mais il soutient
qu’avant tout partage il doit être prélevé au profit de
Bertrand G r e i l s , comme donataire de Magdeleine Greils,
sa tante, et de Louise Brugier, son aïeule, i° . le quart
des héritages dépeudaus du domaine du Bousquet, énoncés
�en la donation et substitution de 1694, parce que le
commissaire trouve cette substitution très-valable.
20. Il consent qu’il soit procédé à ce partage des biens
dépendans de la succession de François Greils, aïeul des
parties, consistansdans le surplus du domaine du Bousquet,
celui deR oupon, la maison des Vigouroux et ses dépen
dances, ensemble du mobilier énoncé en l’inventaire
porté au testament de François G reils, pour en être
délaissé un neuvième du chef de Magdeleine Greils,
tante, deux tiers de neuvième revenans à Claude Greils,
dans la môme succession, lesquelles portions revenoient
à Bertrand G reils, comme donataire de sa tante.
30. Que Bertrand Greils sera également autorisé à
p rélever, avant tout partage, les reprises matrimoniales
de Louise Brugier, son aïeule, à la charge néanmoins
de payer à chacune de ses sœurs la somme de iô o fr .
à elles donnée par leur aïeule.
L e commissaire du gouvernement consent que le sur
plus de la succession de Gaspard soit partagé en trois
portions égales, pour en être attribué aux deux deman
deresses chacune un tiers , h la charge de rapporter les
meubles et immeubles dont elles sont en possession,
et de contribuer, dans la proportion de leur amende
ment , aux dettes de la succession.
Mais il s’élève fortement contre la prétention des
deinanderesseâ, qui vouloient qu’il leur fût expédié des
biens-fonds pour le montant de leurs legs, ou pour la
restitution des jouissances ; elles sont simplement créan
cières de deniers pour tous ces objets.
. On ne doit pas dissimuler qu’on trouve dans les faits
B a
�( 12 )
énoncés nu jugement, la mention d’ un exploit sous la
date du 14 juin 1786, et qu’il y est dit que par cet
exploit M arie, Anne et Magdeleine de Greils avoient
formé contre B e r t r a n d , leur frère, au ci-devant bail
liage de V ie , la demande en partage des successions des
père et mère communs , pour leur en être délaissé à
chacune un quart, avec offres de se restreindre à un
supplément de légitime, s’il étoit justifie de dispositions
valables de la part de Gaspard Greils et Marguerite
Rastinhac, père et mere communs.
Cette c i r c o n s t a n c e est assez indifférente, et n’auroit
pas eu b e s o i n d’être relevée, si o n n’étoit prévenu que
l’iutiinée entend s’en faire un moyen.
Quoi qu’il en soit, le 22 ventôse an 7 , fut rendu le
jugement qui est aujourd’hui soumis à l’examen de la
Cour, et dont suivent les motifs et le dispositif.
« Attendu que d’après la clause insérée dans l’acte
« de 1698, Gaspard la V o lp ilière, fils aîné de François,
« devoit recueillir l’eiîet de la substitution, et après
« son décès, Magdeleine la V o lp ilière, fille aînée dudit
et François;
« Attendu que François et Gaspard la Volpilière ont
« prédécédé Claude, donateur; quelesenfans de Gaspard
« ne se trouvent ni dans la condition ni dans la disposi« tiou ; d’où il suit que Magdeleine la Volpilière a
« recueilli l’effet de la substitiou, surtout Agissant d’une
« donation en collatéral, et hors contrat de mariage;
oc Attendu que Magdeleine la Volpilière et Louise
« Brugier ont valablement disposé de leurs biens au
<r profit de Bertrand Greils, par son contrat de mariage
�( i3 )
« de 1747 5 qu’ainsi il doit être fait distraction , avant
« partage, sur les Liens dont il s’agit, des portions
« revenantes à Magdcleinela Volpilièreet Louise Brugîer;
■« Attendu que d’après tous les principes du droit, Je
« montant des legs est payable en deniers et non en,
« fonds, que d’ailleurs Louise Brugier n’avoit qu’une
« dot mobiliaire ;
« Attendu que les fruits augmentent l’hérédité et en
« font partie , d’où il suit que le légitiinaire a le droit
« de les demander en biens-fonds ;
« Attendu les offres faites par les demanderesses de
« rapporter ce qu’elles ont re çu , et les jouissances par
« elles perçues ;
« Attendu qu’il n’est pas établi que les demanderesses
« aient .fa it aucune cojivention avec Bertrand Greils,
« pour raison des restitutions de jouissances, ni qu’elles
« aient profité d'aucune espèce de mobilier ;
« Le tribunal donne défaut, faute de com paroir,
« contre Bertrand Greils ; et pour le profit, sans s’arrêter
« ni avoir égard à la demande en nullité de la substi« tution portée en l’acte de 1698, dont les demanderesses
« sont déboutées , condamne Bertrand Greils à venir à
ci division et partage avec ses sœurs, des biens meubles
« et immeubles dépendans des successions de Gaspard
« Greils et Marguerite Rastinliac, auteurs communs, pour
« en être expédié à chacune des demanderesses un tiers,
« tant de leur chef que de celui de Magdeleine, leur sœur;
« Ordonne qu’avant partage distraction sera faite au
« profit de Bertrand G reils, i ° . du q u a r t des butimens
« et héritages dépendons du domaine du Bousquet ?
�C 14 )
« délaissés par l’acte de 1694-, 20. du neuvième, et d’un
« autre tiers de neuvième revenant à Bertrand Greils
« dans la même succession, du chef de Louise Brugier,
k comme ayant succédé pour un tiers à Claude la V ol« pilière, son fils; ordonne que les parties conviendront
k d’experts, etc. » Le rapport du mobilier est ordonné
suivant l’inventaire , ou suivant la preuve par commune
renommée, avec l’intérêt de ce mobilier depuis l’ouver
ture des successions.
Bertrand Greils est c o n d a m n é à restituer les jouissances
depuis la m ê m e époque, avec les întcrets de ces jouissances
depuis la d e m a n d e d e 1786.
Les demanderesses sont tenues de rapporter , i° . la
somme de 1 5o francs qu’elles ont touchée chacune depuis
vingt-neuf ans avant la demande de 1786; 20. les deux
tiers de la" même somme touchée par Magdeleine, leur
sœur ; 30. la valeur de dix chars de bois par elles perçus
depuis la même époque; 40. les loyers et restitutions de
jouissances de la maison, jardin et pré situés à V igouroux.
Ces jouissances doivent être compensées jusqu’à due con
currence avec le montant de la restitution qui leur est
allouée ; l’excédent doit leur être ï>ayé en biens-Jbnds
de la succession.
B e r t r a n d Greils est condamné à payer à ses sœurs,
1°. à chacune d’elles i 5o francs, légués par Louise Bruo-ier ; 20. celle de 100 francs pour les deux tiers revenans
à M agdeleine, leur sœur , avec intérêt du tout depuis la
demande ; 30. la somme de 1000 francs ù chacune d’elles,
montant du legs du sieur Cat de Rastinhac ; 40. les deux
�(i5)
tiers de cette somme du chef de Magdeleine, avec intérêt
depuis l’échéance des termes.
Les demanderesses sont condamnées à payer à leur
frère les deux tiers des reprises matrimoniales de Louise
Brugier, les dettes par lui acquittées sur les successions,
avec intérêt depuis la même époque que les restitutions
de jouissances : les sœurs doivent contribuer dans la pro
portion de leur amendement aux dettes non encore ac
quittées.
Sur le surplus des demandes, les parties sont mises hors
d’instance ; les dépens sont compensés, pour être em
ployés en frais de partage et supportés par les parties au
prorata de leur émolument: le jugement est déclaré com
mun avec le commissaire du pouvoir exécutif près l’ad
ministration centrale du département.
Cette opération term inée, le sieur Bertrand de Greils
p ère, crut devoir se rassurer sur les événemens : les lois
devinrent moins rigoureuses-, l’année qui suivit ce juge
ment fut une époque heureuse pour la France. L e héros
magnanime qui nous gouverne parut dans toute sa gloire;
les proscrits furent rappelés, et retrouvèrent une patrie;
enfin le sénatus-consulte de floréal an 10, ordonna la res
titution de tous les biens des émigrés qui n’avoient pas
encore été vendus.
Les sœurs de Greils se félicitèrent elles-mêmes de ces
cliangemens avantageux : leur frère conservoit sa fortune;
elles laissèrent dans l’oubli ce jugement que les circons
tances leur avoient fait solliciter.
Elles n’ont rien réclamé ; l’une d’elles est décédee avant
�C 16 )
s011 frère , qui a vécu jusqu’au 14 avril 1806, et a poussé
sa carrière jusqu'il l’âge de quatre-vingt-cinq ans.
Pendant toute sa vie , le jugement de l’an 7 a resté sans
exécution. Le sieur Bertrand deGreils jouit comme de cou
tum e, donna, à titre de ferm e, pour sept ans, les biens
que convoite l’intimée : ce bail est du 2 nivôse an 9, et
a eu sou exécution. Mais un an après le décès de Bertrand,
et le I er. décembre 1807, M a r i e de Greils a imaginé de
faire signifier ce jugement au sieur Joseph de Greils,
son neveu , trouvé et compris dans une auberge de
Pierrefort.
On lui notifie en même temps le testament d’Anne de
G reils, sa tante , en date du 8 ventôse an 10, par lequel,
usant du bénéfice de la loi du 4 germinal an 8 , elle lègue
en préciput à M arie, sa sœur, la moitié de tous ses biens,
et fait quelques autres legs particuliers fort insignifians ,
puisqu’ayant un frère, elle ne p o u vo it, aux termes de la
même lo i, donner que la moitié de ses biens.
La demoiselle Marie de Greils , par cette signification,
fait commandement à son neveu de satisfaire à ce juge
ment , et de lui payer toutes les condamnations qu’il
prononce en principal, intérêts et frais, tant de son chef
que comme héritière de sa sœur Anne.
L e sieur Joseph de G reils, étonné de cette démarche,
qui est une perfidie , et qu’on a arrachée à la foiblesse
d’une fille nonagénaire , prend le parti d’interjeter appel
de ce jugement par exploit du 12 février 1808.
L ’appelant, par cet acte, rend un compte exact des »
arrangeinens de fam ille, rappelle l’exécution constante
do
�( i7 )
de ces actes, observe que le partage n’a été demande
par ses tantes, que de concert avec leur frère; qu’elles y
avoient été admises contradictoirement avec le commis
saire du gouverment, mais par défaut contre le frè re,
qui étoit alors obligé, pour son propre intérêt, de dis
simuler la cession de 1759.
Mais il a ajouté que jamais ses tantes n’ont réclamé
l ’exécution du jugem ent, qu’elles n’ont fait aucun acte
de propriété sur la portion qui leur avoit été destinée
par le partage national ; que le tout a resté dans les mains
de son p ère, et après sa mort entre celles du fils, son
donataire.
Qu’il est bien fondé à se plaindre de cette démarche
hostile; qu’il entend faire valoir la cession de 17^9,
qu’il a soumise à la formalité de l’enregistrement ; faire
réformer un jugement qui n’a plus d’objet, et qui n’existeroit pas si son père avoit fait connoître la cession de
droits successifs qu’il avoit dans les mains.
La demoiselle de Greils n’a pas moins insisté dans ses
prétentions, ou plutôt celui qui la dirige a fourni des
moyens que la moralité repousse, que l’équité proscrit,
et que la justice ne peut accueillir.
E t d’abord, que toute idée d’opulence et de grandeur
disparoisse au plus léger examen de la valeur des biens
de cette famille.
L e traité de 1694 prouve que François de la Volpilière se plaignoit de ce que les légitimes convention
nelles excédoient la disposition qui avoit été. faite a son
profit; les cohéritiers en conviennent e t acceptent le de-
�( 18 )
laissement du domaine du Bousquet pour les remplir de
tous leui’S droits.
Bertrand de la V olpilière, son petit-fils, n’étoit pas
plus opulent : les dettes étoient considérables, et le bien
m odique; la valeur ne s’élevoit pas à 30000 fr. T out
étoit dans un état de délabrement et de ruine ; les ré
parations nécessaires étoient au-dessus de ses forces. Ces
trois sœurs expriment leux* intention de conserver les
biens h leur frère ; elles prennent des arrangemens en
pleine m a j o r i t é , en présence de leurs parens et d’un
conseil éclairé.
'
Elles c è d e n t tous leurs droits successifs, jus et nomen
Jicercdis ; elles se dégagent de toute inquiétude, des
embaiTas d’une liquidation, du payement des dettes dont
le frère devient seul responsable.
Une convention de cette nature est nécessairement irré
vocable, et ne peut être sujette à restitution ; c’est un
acte aléatoire, incertain dans ses effets, et l’incertitude
de l’événement rend nécessaix’ement le marché égal.
Comment apprécier le gain ou la perte, lorsque l’évé
nement le plus commun peut réduire le cédatairp à un
état fâcheux ? Il ne faut qu’une promesse, un billet ignoré
du d éfun t, pour absorber la fortune qui paroît le plus
s o l i d e m e n t établie. Les créanciers ont trente ans pour
former leur demande, l’action en restitution ne dure que
dix ans; il est donc impossible de vérifier la lésion: une
s e m b l a b l e p r o p o s i t i o n n’a pas, besoin d’un grand déve
loppement. Dans tous les cas, on peut invoquer sur ce
point la doctrine des auteurs, de Legrand sur Troies,
�( i9 )
de Lebrun dans son Traité des successions, au titre des
renonciations, de M . Daguesseau dans son onzième
plaidoyer. Ce magistrat immortel compare le cédataire
de droits successifs à un homme qui marche sur un
feu caché sous la cendre, incedit super ignés suppositos cmere doloso ; il pense qu’on ne peut jamais consi
dérer une cession de droits comme un partage sujet à
restitution, parce que la cession est précisément déné
gative de tout partage, et que celui qui vend ju s et
nomen hœ redis, déclare qu’il ne veut pas être héritier.
Cette doctrine admise dans l’ancienne jurisprudence,
est devenue une règle de droit d’après l’article 889 du
Code N apoléon, qui porte que l’action en restitution
n’est pas admise contre une vente de droits, successifs
faite sans fraude à l’un des cohéritiers, à ses risques,
périls et fox*tunes , par ses auti-es cohéritiers ou l’un
d’eux.
Dans l’espèce, la cession est faite par tous les cohé
ritiers ; elle est aux risques, périls et fortunes du sieur
de Greils. Ses sœurs abandonnent la qualité d’héritières,
elles le chargent de toutes les dettes de la succession ,•
il est donc impossible de revenir contre un acte qui les
met à l’abri de toute incertitude et de toutes recherches.
L a demoiselle de Greils sera forcée de rendre hom
mage à ces principes , puisqu’elle renferme sa défense
dans des moyens de forme et des fins de non-recevoir.
Suivant elle, cette cession de 1769 est nulle; c’est un
acte synallagmatique ; il y avoit quatre parties contrac
tantes , les trois sœurs cédantes , et le frère cédataire.
Cependant il est seulement exprimé que l’acte a été fait
�C 2° )
double, tandis qu’il devoit être quadruple; dès-lors il n’y
a point d’engagement valable.
Ce moyen poarroit-il être sérieusement proposé ? En
général, avant la promulgation du Gode, on tenoit pour
c o n s t a n t , dans l’usage, qu’il suflisoit pour la validité d’un
actesynallagmatique qu’il contînt la mention f a i t double;
011 11’avoit aucun égard, on ne considéroit pas môme
le nombre des parties c o n t r a c t a n t e s ; on n’exigeoit pas
qu’il fût expressément dit qu’il avoit été fait triple., qua
druple , quintuple ou s e x t u p l e : des qu il étoit mentionné
f a i t double, on devoit l’exécuter, parce qu’on supposoit que chacune des parties le connoissoit suffisamment.
Mais pour exiger un double pour chacun, faudroit-il
que chacune des parties eût un intérêt distinct? O r ,
ici il n’y avoit véritablement que deux parties : les sœurs
cohabitoient ensemble, et devoient continuer cette vie
commune; c’étoit le même intérêt, la même habitation,
les mêmes clauses, les mêmes sommes étoient stipulées
pour chacune d’elles ; les trois filles réunies traitoient
avec leur frère dans les mômes intentions, pour la même
chose, pour le môme intérêt; il n’y avoit donc besoin
quô de deux doubles , l’un pour les trois sœurs, afin
qu’elles eussent les moyens d’obliger leur frère à remplir
scs engagerons, et l’autre pour le frère , afin de repousser
toute demande en p a r t a g e de la p a r t de ses sœurs. Dèslors avec deux doubles le but de la loi étoit rem pli,
et l’intérêt des parties contractantes étoit à couvert.
Mais on va plus lo in , on supposera même qu’il n’y
eût dans l’acte aucune mention qu’il a été f a i t double,
Marie de Greils n’en seroit pas mieux fondée dans sa
;
�(21
)
prétention. En effet, le Gode Napoléon, qui a réduit
toutes ces réclamations à leur juste valeur, contient en
l’article 1325, §. dernier, ces expressions remarquables:
« Néanmoins' le défaut de mention que les originaux
« ont été faits doubles, triples , etc. , ne peut être
« opposé par celui qui a exécuté de sa part la conven« tion portée dans l’acte. »
O r , Marie de Greils est bien forcée de convenir que
cet acte de 1 7 % a eu sa pleine exécution : son aveu est
consigné partout, dans l’inventaire, dans les quittances
qu’elle a fournies, dans le jugement même dont est appel,
où elle offre de tenir à compte les i 5o francs qu’elle a
reçus par année , les jouissances de la maison de V igouroux, jardin, écurie, et le bois qui lui a été livré;
de manière qu’il n’y a aucune incertitude sur ce point
de fait.
Eli ! qu’elle ne dise pas que le Code Napoléon fait en
ce point un droit nouveau ; qu’il ne peut avoir d’eflet
rétroactif sur une convention qui remonte à cinquante
ans! D ’abord ce seroit une erreur, parce que le Code doit
régler le sort des actes ordinaires sur lesquels il ne s’élève
des discussions que depuis sa promulgation : et il y a
bien moins de doute, lorsque le Gode ne fait que se ré
férer aux anciennes lois ; il en est alors la meilleure in
terprétation : et dans l’espèce particulière, sa disposition
est tellement raisonnable, qu’il semble qu’on a toujours
dû penser et juger de m êm e, parce que l’exécution des
actes est le guide le plus certain, l’interprétation la plus
sûre qu’on puisse leur donner. D ’ailleurs, dans l’ancien
ordre, il suflisoit de la mention du double, en quelque
�( 22 )
nombre que fussent les contractons, parce que cette men
tion supposoit que chacun avoit dans les mains tous les
moyens d’exécution.
Ainsi disparoît ce premier m oyen , qui ne fait point
honneur à la loyauté et à la bonne foi de l’intimée.
Elle oppose ensuite que le jugement dont est appel
a aujourd’hui passé en force de chose jugée-, elle sou
tient, i° . que l’appel est non recevable, parce qu’il a
été rendu contradictoirement avec le commissaire du
pouvoir exécutif; a°. que le sieur Bertrand Greils l’a
ex’écuté : et on veut faire résulter' un acquiescement, de
ce que le sieur Bertrand Greils a fait le partage avec la
nation , qu’il a pris l’expédition du jugement qu’avoient
retirée ses sœurs, et enfin que par une lettre du 8 vendé
miaire an 8 , il a écrit qu’il ne contestoit pas à ses sœürs
la portion qui leur avoit été attribuée. Il faut examiner
séparément chacune de ces objections.
En premier lieu , comment l’appel du sieur Joseph
de Greils seroit-il non recevable? le jugement est rendu
par défaut, faute de comparoir, contre son père; il n’a
jamais été signifié au sieur Bertrand de Greils.
A la vérité , et quoique l’intimée ne rapporte aucun
exploit de signification , elle veut y suppléer par une
prétendue saisie qu’elle dit avoir faite entre les mains
d’ un débiteur de son frère.
Mais d’abord, dans tout ce qui est rigoureux, rien ne
peut suppléer à une signification ; z°. rien n’empêclie
de faire une saisie-arrêt entre les mains d’un tiers, en
vertu d’un jugem ent, avant qu’il ait été signifié î\ la
partie, parce qu’une saisie-arrêt n’est qu’un acte con
servatoire,
�( 23 )
On va plus loin , on supposera même qu’il ait été
signifié, celte précaution n’en seroit pas plus importante
clans la cause. En effet, la loi du 16 août 1790 dit que
l’appel d’un jugement contradictoire ne sera pas reçu ,
s’il n’a été interjeté dans les trois mois à compter de sa
signification à personne ou domicile.
Il ne s’a g it, dans la lo i, que d’un jugement contra
dictoire , et on ne peut raisonner d’un cas à un autre.
Ij’appel d’un jugement par défaut n’est donc nullement
lim ité; il seroit recevable après les trois m ois, même
dans les dix ans, à compter de sa signification, aux termes
de l’ordonnance de 1667.
Cela est si vrai, que la question s’est élevée, non sur
un premier jugement par défaut, mais sur un second,
également par défaut, qui déboutoit de l’opposition au
premier. On vouloit considérer ce second jugement
comme contradictoire et définitif, dès qu’on ne pouvoit
l’attaquer que par la voie de l’appel; cependant le direc
toire exécutif, par un arrêté très-précis, décida que la
rigueur de la loi ne pouvoit s’appliquer à un jugement
de ce genre, et la jurisprudence des temps se conforma
à cet arrêté, même après la suppression du directoire,
et jusqu’à la promulgation du Code de procédure, qui
établit de nouvelles règles pour l’appel des jugemens
par défaut. La Cour l’a ainsi jugé par p lu s i e u r s arrêts,
notamment dans la cause du sieur Mazeyrut contre les
héritiers Barba t.
Ainsi quand bien même on rapporteroit aujourd’hui
la signification de ce jugement au sieur Roupon luimême , l’appel seroit toujours recevable, car il ne s’est
�(H )
pas écoulé dix a n s ’ depuis l’obtention du jugement jus
qu’à l’appel ; et si on vouloit user des nouvelles dispo
sitions du Gode de procédure, l’appel de Joseph de
Greils est venu dans les trois mois de la signification :
il n’y a donc pas de fin de non-recevoir.
M ais, d it-o n , ce jugement est contradictoire avec la
partie publique, qui représentoit alors le sieur deRoupon.
O ù l’intimée a-t-elle trouvé que le commissaire du gou
v e r n e m e n t représentât lë sieur Bertrand de Greils? Si le
sieur Bertrand de Greils eût été émigré lu i-m ê m e , si
s e s
b i e n s eussent été confisqués au profit de la nation,
on p o u r r o i t rigoureusement dire que; l’émigré a é t é re
présenté par la partie publique.
• Ici le sieur de Roupon étoit seulement ascendant d’é
migré ; ses biens n’étdient nullement confisqüés. Une
loi dé l’an 3 vouloit què les ascendans fissent le partage
de leurs biens, âpres un prélèvement de 20000 francs,
parce que la nation pren oît, à titre de présuccession ,
la portion revenante auxjémigrés. Dans ce cas, la pré
sence du commissaire étort essentielle ou nécessaire, non
pour représenter l’ascendant contre lequel il étoit partie,
mais pour veiller à l’intérêt du gouvernement et pour
empêcher les fraudes.
L e sieur Roupon, au lieu d’être représenté par le com
missaire , avoit au contraire à le combattre ; c’étoit sa
partie adverse, et la plus redoutable, parce que les armes
n’étoient pas égales; et ce combat, cette discussion qui
s’élevoit entre l’ascendant d’émigré et la partie publique,
répugne à toute idée de représentation, puisque les in
térêts étoient si fort opposés.
Le
�(
)
L e jugement dont est appel, est donc purement et sim
plement un jugement par défaut, faute de comparoir,
contre le sieur Roupon -, par conséquent il a pu l’attaquer
par la voie de l’appel ; et son fils, qui le représente, a
eu le même droit que lui.
L ’intimée ose ensuite prétendre que le sieur Bertrand
de Greils, son frère, a acquiescé à ce jugement, et l’a
pleinement exécuté ; elle a conservé fidèlement deux
lettres, dont elle ne rougit pas de faire usage.
Dans l’une, sans date, son frère lui demande l’expé
dition de ce jugement, pour l’envoyer au département,
afin que le partage se fasse avant la fa ta le loi qu'on
nous annonce.
Eli quoi ! ce père infortuné craint qu’on ne le dé
pouille entièrement ; il veut conserver quelques débris
de sa fortune; il presse l’exécution d’un partage qui lui
présente au moins une planche dans le naufrage : il l’é
crit ainsi A ses sœurs ; il leur recommande même de plier
cette pièce devenue si précieuse, pour qiùelle ne se gâte
p a s , et c’est là ce qu’on veut faire regarder comme un
acquiescement! mais n’est-ce pas au contraire la preuve
la plus certaine de la simulation de cet acte : quelle étoit
l’intention du sieur Bertrand de Greils ? de perdre le
moins possible; de damno vitando. Il a assez de confiance
en ses sœurs pour se servir de leur nom , afin^d’arcacher
à la nation une partie de sa fortune; et ses sœurs veulent
en profiter! elles viennent dire â leur frère : vous nous
avez crues sensibles et probes; les plus douces affections,
la confiance la; plus, entière dans les liens du sang vous
ont fait penser que nous compatirions à vos peines, que
ü
�( 2 6 )
nous chercherions à vous soulager; vous vous êtes trom
pé : en vous livrant sans réserve à notre fo i, vous avez
trouvé de nouveaux ennemis, pins dangereux encore que
la nation elle-même : elle vous auroit laissé des alimens;
vous auriez conservé un prélèvement de 20000 francs:
mais nous, nous voulons consommer votre ruine, vous
accabler, réduire un père octogénaire à la misère, ses
enfans au désespoir, et se.s petits-enfans à la charité pu
blique. Voilà ce que veut prétendre l’intimée, et tel est
son langage, en o p p o s a n t un prétendu acquiescement,
N on , la p e r v e r s i t é des hommes ne peut aller jusque là;
ou si la dépravation est portée à ce point, ceux à qui
il r e s te quelques idées de vertu doivent frémir d’indigna
tion et d’horreur............
La seconde lettre, du 8 vendémiaire an 8 , seroit-elle
plus déterminante? Qu’on écoute le langage d’un père
suppliant, qui veut ménager de vieilles filles célibataires,
chez qui le sentiment est au moins émoussé. Il ne se
plaint qu’en tremblant de la saisie - arrêt faite par ses
sœurs sur un bien qui lui appartient. Il ne veut pas
leur disputer les deux tiers que la nation leur a accordés,
il réclame un certain nombre de vaches qui sont à lu i;
et si ses sœurs prennent sur elles de faire saisir son
revenu, il charge son p e tit-fils , porteur de sa lettre,
de passer h Roupon , de dire au métayer de lui apporter
tout de suite cette saisie pour y répondre : ses sœurs dé
duiront leurs moyens, et lui les siens ; mais cela ne l’em
pêchera pas de vivre en bon frère.
Il ajoute avec sensibilité que ses sœurs lui marquent
que leur âge et leurs infirmités ne leur permettent pas
�C 2i )
cles sacrifices. Il leur observe, à son tour, que son âge,
ses infirmités, et la façon avec laquelle la nation l’a
traité, ne lui permettent pas aussi d’en faire. Il veut ce
pendant leur faire voir qu’il est prêt à en faire; il leur
ofFre 600 francs de pension, une charretée de b lé , une
pièce de beurre de cinquante livres, le bois qu’elles de
mandent, et le voyage au vin ,* le tout pendant leur vie
et la sienne.
- S’adressant ensuite à la sœur récalcitrante, « Et vous,
« ma chère sœur de R oupon , calculez bien h combien
« cela va ; plus , 200 francs de taille, la grange que
« je suis obligé de construire, etc. : vous verrez que
« mon tiers se réduit à rien. » Il offre de leur rembour
ser les frais faits à Saint-Flour, etc.
Une lettre confidentielle, écrite dans un moment de
douleur et de chagrin , avec les plus gi’ands ménagem ens, pour n e pas blesser leur a m o u r - p r o p r e ou leur
insensibilité , seroit opposée comme une fin de nonrecevoir ! Mais il n’est pas dessaisi ; il leur offre seule
ment une pension, parce qu’il craint de ne pas pouvoir
lutter avec avantage, dans un temps où les lois existoient
encore dans toute leur rigueur.
Il étoit forcé de respecter, ou au moins de feindre
d’adopter tout ce qui étoit fait, jusqu’à un temps plus
heureux : et on a l’impudence de dire qu’il est non
recevable ! N on , il n’y a pas d’acquiescement, loi’squ’il
n’y a pas de liberté ; il n’y a pas de consentement, lorsqu’il
y a contrainte : et tout ce qu’a pu dire ou écrire le sieur
Bertrand de Greils ne peut lui nuire, parce qu’il n’y a
�( 28 )
pas d’engagement, toutes les fois qu’il n’y a pas l’exer
cice de la volonté.
C’est le texte de toutes les lois, et la doctrine de tous
les auteurs. Et que Pintimée ne dise pas qu’elle ne s’est
prêtée h aucune simulation; qu’elle étoit dans l’intention
de réclamer contre l’acte dé 1769 ; que la preuve en résulte
de l’assignation donnée le 14 avril 1786.
C ’est le comble de la démence : il faut pardonner cette
assertion à sa vieillesse ou à sa nullité; car elle 11’agit pas
par elle-même.
En effet, sa demande de 1786^ puisqu’on en parle,
étoit un acte extravagant : 011 a dém ontré, d’après les
principes, que 'l’acte de^ 1769 n’étoit pas sujet à resti
tution pour cause de lésion.
On prouveroit par lé fait que la lésion même n’existoit pas, d’après la modicité des biens, et les charges dont
ils étoient grevés.
Mais la lésion fû t- elle admissible, l’exploit de 1786
n’est venu que vingt-huit ans après l’acte, et la demande
en institution ne peut avoir lieu que dans les dix ans
k compter de la majorité. Telle est la disposition de
l’ordonnance de 1649, renouvelée p31’ le Code Napoléon,
qui veut même que les actions en nullité soient réduites
à ce ternie, sans préjudiciel’ ni déroger aux statuts qui
auroient abrégé la durée de l’action.
Que signifie donc un exploit fugitif sans aucune suite,
qui n’est pas même précédé de lettres de rescision, qui
étoient alors indispensables; dont la copie a été souillée
dans le tem ps, ainsi qu’on le trouve énoncé dans un
�( «9 )
écrit de défunt Bertrand de G reils, et que se,s sœurs
ont laissé absolument dans l’oubli?
Il faut être bien ingénieux., pour troiiyer dans cet
exploit un moyen d’excuser la conduite du moment,
et prouver qu’il n’y a pas eu de simulation dans le
partage fait avec la nation, en vertu d’une loi promul
guée contre les émigrés et leurs ascendans, et qu’on a
prévue en 17186,.
Honneur au génie de la vieille tante, dont la pré
voyance ou l’esprit prophétique a deviné la révolution,
et qui pourroit obtenir une place à côté de Nostradamus!
La tante dira-t-elle qu’elle veut profiter de l’avantage
d’une loi l'évolutionnaire, pour dispenser ses bienfaits
avec justice , dépouiller l’un pour enrichir l’autre ,
pour marier des nièces, etc.
On la dispense de ce soin obligeant; et l’appelant aussi
a des enfans ! des filles à marier ! il avoit des moyens
honorables d’exister : il les a perdus. Il est époux et père;
ses ressources diminuent, lorsque les besoins augmentent.
Il ne veut être à charge à personne; mais il a droit de
conserver ce qui lui appartient légitimement.
Lorsqu’il réclame ce qui doit lui revenir , ce qui n’est
jamais sorti de ses mains, il n’a jamais élevé de prétentions
déraisonnables. Le legs fait par l’oncle commun, le sieur
Cat de Rastinhac , est échu après la cession ; il n’a pas été
compris dans cet acte ; l’appelant 11e l’a jamais refusé à ses
tantes; mais c’est à quoi doit se borner la demande de
J’intiiW'e ; e t , mieux conseillée, elle in’auroit jamais fait
usage d’un jugemeai de circonstances, dont l’effet est
�( 30 )
f
détruit par le rapport des lois qui l'avoient nécessite , qui
ne fut jamais qu’un remède à un grand m al, et qui ne
doit plus avoir d’effet lorsque la cause n’existe plus.
-,
Signé D E G R E I L S D E M I S S I L I A C .
M e. P A G E S (de R io m ), ancien avocat
G A R R O N
jeune, avoué.
A R I O M , de l’imprimerie de Thibaud-Landrio t , imprimeur
de la C ou r d’appel. — Décem bre 1808.,
�
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Title
A name given to the resource
Factums Marie
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Description
An account of the resource
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Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Greils de Missiliac, Joseph de. 1808]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Pagès
Garron
Subject
The topic of the resource
émigrés
séquestre
renonciation à succession
successions
Description
An account of the resource
Mémoire pour Sieur Joseph de Greils de Missiliac, appelant d'un jugement rendu par défaut, au tribunal civil de Saint-Flour, le 22 ventôse an 7 ; contre la dame Marie de Greils, sa tante, intimée.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Thibaud-Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1808
1694-1808
1661-1715 : Règne de Louis XIV
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
30 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0528
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Murat (15138)
Bousquet (domaine du)
Roupon (domaine du)
Montagne de Trilissons (domaine de la)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Relation
A related resource
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émigrés
renonciation à succession
séquestre
Successions
-
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85f62ad24bda5ed2139efb4501d8df26
PDF Text
Text
O BS ERV A T I ON S
SUR
LA
CAUSE DE LA De Ve DESTAING,
E t sur le libelle diffamatoire imprimé et
,
publié à R iom pour ses adversaires et
produit par eux devant la Cour à Appel
séant en cette ville
.
L e s sieurs et demoiselles Destaing frères et sœurs, à la veille
d’un jugement qu’ils ont fait retarder sous différens prétextes,
ont permis qu’il fût imprimé et p ublié, sous leur nom , et
avec le titre de M émoire en réponse, un libelle diffamatoire
contre la veuve du général Destaing leur belle-sœur , tutrice
de la demoiselle Destaing leur nièce.'
Tout ce qu’ils devaient à la mémoire de leur frère est
oublié. Les honorables restes de cette armée de l’Orient, qui
fut principalement composée de l’élite des armées françaises,
et d on t l ’auguste chef ne se sépara que pour sauver la France,
sont outragés dans la personne de ses principaux officiers,
dont le libelle suppose que les mœurs étaient plus que licen
cieuses, et cela sans raison , sans m otif légitime, sans néces
site , sans utilité pour sa cause.
1
�( 2 )
En effei , i l ne s’agit p oin t, entre madame Destaing et se»
beaux-frères et belles-sœurs, de savoir si des officiers fran
çais de l’armée d’Egypte abusaient du droit de conquête au
point de prendre comme meubles des jeunes filles du pays
contre leur* gré ou sans leur consentement ; de- les recevoir
en présent comme un tribut, et de les abandonner après les
avoir déshonorées.
Cette supposition, qui n aurait pu être imaginée que par
des journalistes anglais, n’est point ce que les tribunaux de
France ont à vérifier dans le procès de madame Destaing.
D es collatéraux veulent enlever à cette infortunée son état
de veuve du général D estaing, et à la fille de leur frère sa
qualité et les droits q u elle leur donne à la succession pater
nelle dont elle est investie.
Madame Destaing et sa fille sont - elles en possession de
leur état et de la succession du général Destaing ?
V oilà la question.
Cette possession est-elle pu bliqu e, certaine et constante?'
V oilà les seules circonstances soumises à l ’examen de la
Cour d’Appel de Riom.
Une telle possession doit-elle être maintenue ?
V o ilà le point de droit à juger ,>et il n’est pas susceptible
de controverse.
A u lieu d’examiner les faits de la possession d’état, l’auteur
du libelle se répand en injures, tant contre madame D es
taing , dont il fait une musulmane échappée à la servitude
d’un harem , un être obscur et dépravé, une africaine ré
fu g ié e , la grecque la plus rusée et la plus ad roite, que
contre son pére, à qui il dénie même cette qualité : il le sup
pose marchand détaillant deau -d e-vie, révolutionnaire au
�( 3 ,)
Caire , et ob ten an t, à ce titr e , celui de commandant la
légion des grecs.
Il hasarde cette supposition, sans respect pour l ’autorité
qui plaça le commandant Nazo à la tète d’une nation qu’on
voulait régénérer, et sans utilité pour sa cause, où il ne s’agit
pas de savoir de qui madame Destaing est fille, mais si elle
est en possession de son état de veuye du général Destaing
et de tutrice de leur fille.
D es jurisconsultes de divers départemens de la France, réu
nis ù Paris par la confiance de leurs concitoyens et par le
choix du Sénat, ont pensé que cette possession d’état était
certaine, constante et inattaquable : ils ont donné les motifs
de leur opinion. Ce sont ces motifs qu’il fallait combattre,
puisqu’on prétendait répondre à leur consultation ; il fallait
les suivre dans l ’examen des faits qui constatent la possession
d’état pour détruire, s’il était possible, la conséquence qui en.
résulte nécessairement.
Si on n’a pas pris ce p a rti, le seul convenable à la posi
tion respective, c’est qu’on a reconnu que le fait de la pos
session d’état était inaltérable et la conséquence inévitable.
Aussi personne ne croira que le libelle ait été fait pour
les juges qui doivent pfononcer. On ne peut pas s’etre flatté
de leur déguiser, aussi maladroitement, l ’état de la question
qui leur est soumise. C’est pour le public de Rioin, ou peutêtre pour celui d’A u rillac, que l’ouvrage imprimé a été fait.
O n a essayé de faire, dans une ville du second ordre, une
affaire de parti d’un procès qui peut attirer l’attention pu
blique , parce qu’il présente une question d’etat que la Cour
de Riom jugera solemnellernent.
�( 4 )
Mais cette question , on ne saurait trop le répéter, peut
être réduite aux termes les plus simples.
Y a-t-il possession d’état publique et constante?
Les beaux-frères et belles-sœurs de madame Destaing nepeuvent nier la possession d’état de leur belle-sœur et nièce r
reconnues comme telles par toute la famille, dès leur arrivée
en France, où elles ont été appelées dans la maison paternelle.
Attaquent-ils cette possession par des titres contraires et
authentiques ? C ’es t ce qu’il faudrait pour déposséder madame
Destaing ; c’est ce que ses beaux-frères et belles-sœurs ne font
pas et ne peuvent pas faire»
A u lieu de cela , ils leur demandent l’acte de célébration de
mariage et leurs actes de naissance.
Mais ils n’en ont pas le droit. Cochin, d’Aguesseau, tous les
jurisconsultes du siècle passé , l’affirment ; c’est aussi la doc
trine des modernes, et le Code Napoléon en a fait une lo i
qu’il n’est plus permis à personne de méconnaître.
L ’article 320 dit : A défaut de titre, la possession cons
tante de Tétat de l ’enfant suffît.
E t l’article 33 i indique quelle est la nature des faits qui
établissent la possession d’état, et marque la reconnaissance
de la fa m ille comme le fait principal.
Madame Destaing et sa lille produisent les preuves de
cette reconnaissance par un acte solémnel et authentique,
auquel tous les membres de la famille Destaing ont con
couru. Cet acte, qui n’est pas le seu l, suffirait pour établir
que la preuve de possession d’état est complète..
L ’auteur du mémoire avance hardiment que celte recon
naissance a été surprise, qu’elle n’est pas aussi complète que
�( 5 )
madame Destaing le cro it, et que la possession d’état n’est
qu’une usurpation.
Ces allégations ne sont pas de nature à faire impression sur
]a Cour de Riom : on a trop bonne opinion des magistrats
qui la composent pour supposer qu’il est besoin de réfuter
pour eux ou devant eux des assertions dénuées de preuves.
Aussi n’est-ce que pour les amis de la famille Destaing quti
nous croyons devoir faire observer que toutes ces assertions
sont des inventions chimériques.
O n suppose que le père du général Destaing a été surpris
par sa belle-fille , et même on le lui a fait dire avant sa mort.
Mais quand lui a-t-on fait tenir ce langage ? Lorsqu’il s’est
vu dépouiller de la tutelle de sa petite-fille et de la jouissance
de ses biens.
On lui a fait dire que c’était par clol, fr a u d e s , suppositions
et insinuations, qu’il a reconnu la veuve de son il!s et sa
petite-fille, dont l’assemblée des païens, convoquée par lu i,
le nomma tuteur.
M ais, outre que le dol et la fraude ne se supposent jam ais,
n’es t-il’pas convenu que madame D estaing, arrivée en France
dans un état de souflrance et dé m aladie, bien jeune encore r
ne connaissait pas le français et ignorait nos lois , nos mœurs
et nos usages?
E lle se rendait auprès de son mari avec sa fille , lorsqu’elle
fut appelée à A urillac par son beau-père ; et ce ne fut que
dans cet instant qu’elle apprit la mort de son mari. Quel
moyen de dol et de fraude aurait-elle pu pratiquer pour sé
duire son beau-père, qu’elle n’avait jamais vu , et entre les
mains de qui elle ne croyait pas devoir tom ber, puisqu'elle
comptait sur l ’existence de son mari.
�(G)
Le libelliste suppose (page xo) que le sieur Destaing père
île voulait pas recevoir sa belle-fille dans sa m aison, et que
sa résistance fu t connue de toute la ville.
Impudent mensonge, qui suppose que madame Destaing
tomba des nues à Aurillac ; tandis qu’il est convenu que le
beau-père l ’envoya chercher, et qu’il fraya aux dépenses de la
route et de celles qu’avait occasionnées le séjour à Lyon.
Mensonge inutile , puisque , si on suppose de la résistance
et des doutes, ils n’ont pu être levés que par des éclaireissemens satisfaisans.
O n peut être surpris lorsqu’on est sans défiance; mais si on
suppose de la défiance au sieur Destaing père, vieux m a
g i s t r a t , on ne peut pas croire qu’il ait été surpris sur un point
a u s s i délicat et aussi important pour lui.
Son fils était en France depuis plusieurs mois : sans doute
qu’il s’était fait pardonner le tort moral qu’il avait eu de se
marier avant d’avoir obtenu son consentement.
On n’a point dissim ulé, comme le général Destaing ne se
dissimulait point à lui-m êm e, ce tort étranger à sa veuve et à
sa fille.
Mais en rem arquant, comme on ne pouvait s'en dispenser,
qu’à l’époque où le général Deslaing s’est m arié, la loi
n’exigeait pas le consentement paternel, on a dû dire, et ou
l ’a fait, que dans le système de toute autre législation , l ’appro
bation du père , quoique postérieure au mariage, le validait ;
et que des collatéraux n’étaient jamais recevable.s à relever ni
l ’omission ni l’approbation tardive.
C’est donc par pure m alice, qu’à la page 60 du libelle ou
accuse madame Destaing <1 argumenter avec un empressernent peu louable d une lo i révolutionnaire promulguée
i
�(7)
clans u n in sta n t d e d é lire : lo i im m ora le e t fu n e s te q u i a
f a i t ta n t île m a lh e u r e u x q iio n en ten d tous le s jou rs g é m ir d e
leu rs eg a rem en s,} e t q u i p a ssen t le u r v ie dans ta d ou leu r et
le désesp oir.
Non : madame Destaing n’argumente point de lois révolutionnaires, qu’elle a eu le bonheur de ne pas connaître.
E lle invoque la doctrine des plus sages législateurs anciens et
modernes; des principes qui servent de base et de fondement
à leur société bien ordonnée, et établis en dogme par le Gode
immortel qui régit aujourd’hui tous les Français , et qui sera
bientôt adopté par tous les peuples policés de l’Europe.
11 y a donc de la méchanceté à rappeler des souvenirs que
tout doit faire ou b lier, et à ch erch er, en souflant sur des
cendres , à ranimer quelqu’étincelle de nos malheureuses
discordes.
Les traces n’en subsistèrent que trop longtem s, et c’est
sous ce rapport que la cause de madame Destaing mérite
toute l’attention du magistrat. Combien d’individus , trans
portés hors du lieu de leur naissance ou de leur premier
établissement, seront hors d’état de produire leur acte de
naissance, ou celui de leur père r ou l’acte de célébration
de mariage des auteurs de leurs jours ! Faudra-t-il qu’au gré
de quelques parens avides, ils soient privés de leur état et
du patrimoine de leurs aïeux? Si jamais on admettait cette
'absurde doctrine que la possession d’état est un titre insuf
fisant , combien de milliers d’individus se trouveraient sans
nom , sans famille , sans patrimoine, lorsqu’ils se trouve
raient tardivement méconnus par des parens avides de leurs
dépouilles ?
L e Code N apoléon, en exigeant pour certains cas la pré-
�(S)
sentation des actes de l’état c iv il, a prévit l’impossibilité dans
laquelle pourrait se trouver, de justifier de son é ta t, un in
dividu dénué de ces titres.
Les articles 70 et 71 remédient à cet inconvénient et pres
crivent la forme d’un acte de notoriété supplétif.
Cet acte est reçu par le juge de paix, non en forme d’en
quête , mais par déclaration univoque et collective , et il
n’est homologué par le tribunal que sur rapport et contradic
toirement avec le ministère public.
Madame Destaing a rapporté un pareil acte de notoriété
dont elle n’avait pas besoin , attendu sa constante et inalté
rable possession d état.
La plupart des personnes qui ont comparu devant le juge
de paix > avaient été témoins du m ariage, et l’ont déclaré.
Le magistrat qui a lu i-m êm e rédigé l’acte, avait d’abord
entendu que tous en avaient été tém oins, et l’avait écrit
ainsi; mais à la lecture, un seul ( don R aphaël) ayant ob
servé qu’il n’avait pas été présent à la célébration, on écrivit
la plupart au lieu de to u s, le reste de la déclaration portant
sur des faits dont ils avaient également connaissance.
La justice a donc sous les yeux la déclaration légale et
judiciaire de six témoins, de la célébration du mariage du
général .Destaing.
Ces tém oins, que le libelliste traite avec plus que de la
légèreté, et qu’il présente comme des quidam , avaient un
rang distingué.dans l ’armée d’Egypte. 11 est vrai que tous,
excepté le. général Duranteau, étaient officiers civils ; mais
iis sont tous membres de la Légion-d’Honneur. S’ils 11’ont pris
dans leur déclaration que les qualités qu’ils avaient à l’époque
ou se sont passés les faits qu’ils attestent, ces qualités sulfi-
�(9)
saient, au moins, pour faire considérer leur déclaration
comme étant d’un grand poids ; mais si le libelliste avait
pris la peine de consulter l’almanacli impérial, il aurait vu
que des commandans de la Légion-d’Honneur, un trésorier
de la couronne, des inspecteurs généraux et des commissaires
ordonnateurs ne sont des inconnus que pour des gens qui se
méconnaissent eux-mêmes. I l aurait vu qu’un général , officier
distingué avant la révolution, porté plusieurs fois au Corps
législatif par le vœu de ses concitoyens et le choix du Sénat,
n’est pas un témoin à dédaigner.
D ’ailleurs, madame Destaing a dit assez hautement que
son mariage avait été connu de tout ce qu’il y avait d’officiers’de l ’état major de l’armée d’Egypte ; elle a dit et im
primé qui elle était, qui était son pére et sa mére. Il y a en
France des milliers d’individus qui auraient pu la démentir,
si elle en avait imposé. Les MM. Destaing connaissent beau
coup de militaires et des amis de leur frère ; en ont-ils trouvé
un seul qui ose accuser leur belle-sœur d’imposture ?
Mais parmi les témoins du mariage se trouvait le général
D elzon , cousin-germain du général Destaing, le même qui
s’était marié en Egypte avec la fille d’un français, et qui a
remis à ses cousins, à ses cousines, l’acte de son mariage
fait devant un commissaire des guerres, et dont il n’existe
point de minute ; le même qui a assisté à l’assemblée de
famille qui nomma l’ayeul tuteur de la fille du général Des
taing, régla l’acte viduel et la pension veuvagére.
, Madame Destaing a écrit et imprimé que le général Delzon
avait été témoin du mariage. N ’aurait-elle pas été démentie
par.jce brave m ilitaire, si le fait était faux ; mais un hommç
a
�( io )
d’honneur, quelque complaisance qu’il ait pour ses proches^
çst incapable de les servir aux dépens de la vérité.
Personne n’est m ieux instruit que lui du mariage de ma
dame Destaing, dont il a été témoin. Son épouse a été l ’am ie,
la com pagne, la première interprète de sa,cousine. Sçrns le?
yeux du général D e lz o n , madame D elzon aurait-elle vécu
ainsi avec une musulmane échappée à la servitude d'un
harem. Les MM. D estain g, en outrageant la veuve d’un frèrç
qui leur fait honneur , manquent également ,à leur cousin t
qui fut constamment son ami ; à l’épouse-de ce général q u if
quoique iille d’un français , est également née en Egypte :
mais à q u i ne manquent-ils p as? Nous nous abstenons de
r e l e v e r tout ce qu’il y a de méchant dans cètte diatribe ;
il suffit, à leurs y e u x , d’avoir rendu hommage à la vérité
pour exciter leur humeur ou leur colère.
Sans doute que s’ils avaient suivi' le conseil de leur oncle
m aternel, le père du général D e lzo n , la tentative qu’il font
d’enlever à leur belle-sœur et à leur nièce leur état et leurs
biens , ïi’âurait( jamais eu lieu.
M. Delzoii*était membre du Corps législatif, et se trouvait
à Paris â l’époque dü décès du général Destaing : c’est lu i
qui ,1 e 1 prem ier, a reconnu l’état de sa n ièce; c’est sur sa
'demande qu’il' obtint pour la veuve du général Destaing la
pfem ièté pension qui lui fut accordée. Cette pension ne fut
modique qu’à cause que le premier Consul ne voulut p oin t
aloré assimiler le général Destaing à un officier mort sur Je
champ de bataille.
Ce n ’est point sur la présentation de l ’acte de tutelle que
la< pension a> été augmentée ; c’est uniquement par l ’intérêt
qu’inspire la veuye 4 u généraLDestaing k tous ceux qui furent
�( 11 )
les àmis de son m ari, et la cruelle persécution qu’on fait
souffrir à cette infortunée.
Depuis qu’on lui a expliqué lé libelle odieux publié contre
e lle , elle baigne de ses larmes sa f ille , son unique consola
tion ; elle veut aller se jeter au pied de la Cour de Riom ,
et lui demander justice ; mais le tems presse , ses ressources
sont épuisées. Madame Destaing île peut ni se séparer de s;i
fille, ni exposer la santé délicate de cette enfant, en entre
prenant avec elle un voyage long et pénible ; elle ne pourrait
d’ailleurs ni voyager ni se présenter seule : et puisqu’une
mére dé famille n’a pas été un être respectable aux: yeux de
ses ennemis , que n'aurait-elle pas à craindre de leur injus
tice , ii elle cherchait un protecteur pour la conduire et la
présenter à ses juges ?
O n lui a dit que les lois françaises lui en assurent un
dans le ministère p u b lic, protecteur naturel d e là veuve, de;
l ’orphelin et de l’état des citoyens. C'est dans ses mains
qu’elle remet ses droits et le soin de requérir la réparation
qui lui est due pour les outrages dont on a voulu l ’abreuver.
E lle est chrétienne ; elle en fait gloire : madame Delzon
et le général D elzon le savent bien. Elle est devenue fran
çaise ; mais elle n’était point indigne d’être l ’épouse du gé
néral D e sta in g , et elle a toujours porté cette qualité arec
honneur.
L e rit grec dans lequel elle a été élevée est ortodoxe et
reconnu comme tel par l ’Eglise romaine; le siège de l’Eglise
grecqu e, dans le sein de laquelle elle est n é e , e*t toujours
Alexandrie ; l ’évêque est qualifié de patriarche ? et réside au
Caire.
Il n’a rien de commun avec lea Arm éniens, dont les uns
�(
)
sont catholiques et d’autres hérétiques, ni avec les Syriens j
les Cafres et les M aronites, qui sont tous autant de sociétés
chrétiennes plus ou moins attachées au dogme ou à la tra
dition.
C ’est le patriarche grec d’Alexandrie , propre pasteur de la
dame Destaing, qui a béni son union suivant le rit grec et
dans les formes usitées dans le pays.
>
Ces formes sont solemnelles .et suffisantes pour un contrat
qui est autant du droit naturel que du droit des gens.
C’est vouloir tromper la multitude que d’appliquer ce que
des voyageurs ont pu dire du mariage des Turcs aux mariages
contractés en Turquie par des chrétiens.
O n doit savoir que le gouvernement ottoman a toujours
laissé les chretiens qui vivent sous son empire se conduire
suivant leurs lois, et ceux-ci n’en ont pas d’autres que les lois
religieuses qu’ils ont conservées; de là vient que leurs prêtres
réunissent, jusqu'à un certain p o in t, le ministère ciyil au
ministère ecclésiastique.
Les différens que les chrétiens peuvent avoir entr’eux ne
sont point portés devant le cadi, mais devant les prêtres,
sauf l’appel au patriarche, à moins qu’un musulman n’y fût
intéressé , et la puissance ottomane prête main - forte aux
jugemens des patriarches comme à ceux de ses premiers of
ficiers.
C’est ainsi qu’après la conquête des F rancs, lus différens
peuples qui furent subjugués se réservèrent leurs lois, et qu’il
fut permis a chacun de vivre ou sous la loi romaine , ou
sous la loi îa liq u e , ou sous tout autre régim e, et la puis
sance publique maintenait les jngemens rendus suivant ces
diverses loûv
�( i3 )
t.a cour de Riom sait tout cela mieux que n o u s, et sans
doute l ’auteur du libelle ne l’ignore pas ; mais il a voulu
faire illusion à ceux pour qui il écrivait : autrem ent, aurait-il
parlé de notaire pour l’Empire T u rc , et de registre pour
une contrée dont la civilisation est si en arrière de la nôtre ?
Une seule de ses remarques mérite quelqu’observation ;
c’est l ’expression de la date de l’année du mariage de la dame
Destaing.
A vant que , par des rapprochemens qu’on n’a pu obtenir
d’elle qu’à mesure qu’elle a appris là langue française, on
ait pu fixer le jour du mois auquel ce mariage a eu lieu , on a
écrit qu’il avait été fait en l ’an 8. Comme dans le calendrier
républicain l ’année commençait au mois de septembre et non <
au mois de jan vier, il arrivait qu’en comparant ce calendrier
au calendrier grégorien, auquel nous sommes revenus, les deux
portions de l ’année de l’ancien calendrier-ne se rapportaient
pas à la même année du nouveau ; de manière qu’on ne
pouvait bien déterminer une année sans fixer le mois : de là y
bien des équivoques.
Mais elles disparaissent dans l’ensemble des circonstances
antécédentes, suivantes et concurrentes, et dés lors l’expres
sion de l ’année devient indifférente.
Quand on a dit, par exem ple, que le mariage du général
Destaing a eu lieu le 17 janvier de l ’année qu’il comman
dait au Caire sous le général B éliard , peu de mois avant le
siège, après l’assassinat du général K léber, etc, etc. ; on a fixé
d’une manière certaine l’époque de ce mariage : madame D es
taing ne peut avoir voulu le reculer d’une année, tandis qu’elle
a compté le peu de tems qu’elle a vécu avec son mari.
Mais tout cela n’est que pour les oisifs. L ’appel sur lequel
la Cour de Riom doit prononcer ne lui présente que la
�(1 4 )
question de la possession d’état; e t, sur ce p oin t, la défense
de l a dame Destaing n’a pas été entamée, et elle ne peut
pas l ’être par les digressions jdans lesquelles ses .adversaires
sont e n t r é s et dans lesquelles on ne les a suivis que pour
détruire le s impressions qu’elles auraient pu, faire sur la
portion du public qui ignore le véritable état de la question
agitée entre les parties.
V u les observations ci-dessus et le Mémoire imprimé à
R iom , sur lequel elles ont été faites;
L e C O N S E IL soussigné e s t i m e que ce Mémoire ne pouvait
pas être qualifié autrement qu’il l’a été dans les Observations;
q u 'i l est injurieux à madame Destaing et à sa famille dans
les allégations qui les concernent, et qui sont d’autant plus
répréhensibles qu’elles sont étrangères à la question de droit
soumise à la décision de la Cour d’A ppel de Riom.
Madame Destaing se doit à elle-même et aux siens d’en
demander la suppression, qui pourrait même être requise
d’office p a r le ministère p u blic, attendu la nature des injures
et les, fausses opinions qu’elles pourraient donner sur la
conduite des officiers français qui ont été employés à l’armée
d ’Egypte.
D élibéré à Paris , par les anciens jurisconsultes soussignés,
le 26 mai 1808.
JAU BERT.
CHABOT
de
l ’A l l i e r .
H ACQU ART, Imprimeur du Corps Législatif et des Tribunaux ,
rue Git-le-Cœur, n9 8.
�
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Factums Marie
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A name given to the resource
[Factum. Destaing, veuve. 1808]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Jaubert
Chabot
Subject
The topic of the resource
contestations de légitimité de mariages étrangers
expédition d'Egypte
opinion publique
xénophobie
Delzons
Description
An account of the resource
Observations sur la cause de la dame veuve Destaing, et sur le libelle diffamatoire imprimé et publié à Riom pour ses adversaires, et produit par eux devant la Cour d'Appel séant en cette ville.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Hacquart (Paris)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1808
1808
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
14 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0535
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0410
BCU_Factums_M0536
BCU_Factums_M0537
BCU_Factums_M0530
BCU_Factums_M0603
BCU_Factums_0604
BCU_Factums_M0605
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Aurillac (15014)
Riom (63300)
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contestations de légitimité de mariages étrangers
Delzons
expédition d'Egypte
opinion publique
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Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Marie
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Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
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A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Arrêt de la cour d'appel de Riom. Nazo, Anne. 1808]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Subject
The topic of the resource
contestations de légitimité de mariages étrangers
expédition d'Egypte
opinion publique
xénophobie
Delzons
Description
An account of the resource
Motifs et dispositif de l'arrêt rendu par la Cour d'appel de Riom. Entre la dame Anne Nazo, veuve du général Destaing et les sieurs Destaing, frères du général.
Document manuscrit.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
s.n.
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1808
1808
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
8 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0536
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0410
BCU_Factums_M0536
BCU_Factums_M0535
BCU_Factums_M0530
BCU_Factums_M0603
BCU_Factums_M0604
BCU_Factums_M0605
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/5/53847/BCU_Factums_M0536.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Aurillac (15014)
Rights
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Domaine public
contestations de légitimité de mariages étrangers
Delzons
expédition d'Egypte
opinion publique
xénophobie
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97d4b5d4c0523d8c63e8174b49a7d913
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Text
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' EN RÉPONSE, •
POUR
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Sieurs J e a n - B a p t i s t e D ’EST A I N G , ancien
commandant d’armes à Chambéry , J a c q u e s T h é o d o r e , P i e r r e - G a b r i e l , C a t h e r i n e et
E liza b eth
D ’E S T A IN G , frères et sœurs,
intimés et appelans ;
V.
.
.
.
C
O
N
•
Tac- R
E
1-
A N N E , soi-disant N A Z O , soi disant Grecque
d'origine, sè disant veuve du g énéral d ’E s t a i n g ,
se disant pareillement tutrice de M a r i e , safille ,
appelante d’un jugem ent rendu au tribunal de
M a u ria c, le i 3‘ aout 1 8 0 7 „et intimée.
Q U E S T I O NE
T
D
'A
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C
E T T E cause est de la plus haute importance . et
doit exciter vivem ent la curiosité publique.
U ne Égyptienne, musulmane de religion éch ap p ée à
.
.
A
�c 2
la servitude cl’ua harem, a goûté quelques instans les
charmes de la liberté à la compagnie d’un général fran
çais, commandant une division de l’armée d’Orient.
Ce général, après la capitulation d’A lexan drie, a
repassé en France. Un événement tragique l’a enlevé
à la gloire, à sa famille, à ses amis.
L ’Africaine réfugiée a cru trouver les circonstances
I favorables pour s’introduire dans la famille du général,
prendre le titre honorable de sa veuve,-et donner son
nom à une fille dont elle est accouchée pendant sa traversée
d’Egypte.
a
Elle a abusé momentanément de la foiblesse d’un
v ie illa r d respectable et crédule, q u i, dans sa douleur,
trou voit quelque consolation à accueillir ceux qui a voient
eu des relations a v e c son fils chéi’i.
Cet acte de bienfaisance “lui a été reproché: on veut
en induire une reconnoissance de l’état de la prétendue
G r e c q u e , qui réclame toute la succession du général, et
bientôt sa portion de celle du p ère, décédé pendant
l’instance.
Heureusement pour les frères d’Estaing il est des règles
certaines pour constater l’état des personnes; règles dont
il n’est pas permis de s'écarter, dont l’infraction entraîncroit les suites les plus funestes, en introduisant dans
les familles des etres obscurs et dépraves,
F A I T S .
'
Jacques-Zacliarie d’Estaing , général de division, eut
l’honneur d’être nommé de l’expédition d’Egypte, sous
�(s)
les ordres du héros invincible qui règne aujourd’hui
si glorieusement sur les Fi’ançais.
Après quelque séjour, le général d’Estaing fut nommé
commandant de la place du Caire ; il s’y fit distinguer
par sa bravoure et scs manières généreuses. Les Grecs
qui liabitoient le Caire voulurent, suivant l’usage, offrir
une somme d’argent au commandant. Il la refusa avec
noblesse.
L e nommé Jaaiiny N cizo, qui va figurer dans cette
cause, étoit marchand détaillant d’eau-de-vie au Caire,
profession peu honorée en Egypte. Les musulmans ont
en général un certain mépris pour ceux qui vendent
des liqueurs enivrantes; ils s’en abstiennent avec moins de
rigueur qu’autrefois, mais ils n’en estiment pas davan
tage ceux qui en font le trafic.
Les Coplites et les Grecs qui se trouvoient au Caire,
étoient tous dans le parti des Français. L e commandant
fut chargé d’organiser des bataillons parmi eux. Joanny
ISazo étoit un de ceux qui montroient le plus de cha
leur et de zèle; il obtint le commandement d’un de ces
bataillons.
Les Grecs reconnoissans envers le général qui refusoit
leurs présens et leurs offres, s’informent, avec l’adresse
qui les distingue, de ce qui pourroit faire plaisir à leur
commandant; ils en parlent aux aides de camp, aux
jeunes militaires qui approchent le général : on devine
aisément la réponse de cette jeunesse galante et passionnee.
L e présent le plus agréable au général français, seroit
une femme blanche. On ne voit autour des camps que
des négresses dégoûtantes. Cette ouverture est saisie avec
A 2
�(
4)
empressement : N a zo envoie au gén éral, A n n e , qui
n’étoit pas sa fille. N a zo avoit épousé la veuve d’un
musulman; A n ne étoit provenue de ce premier mariage,
et avoit été élevée dans la religion de son père; elle en
est elle-même convenue, et l’a ainsi déclaré en présence
de plusieurs personnes.
Comment pourroit-elle le désavouer? Si, comme elle
le d it , elle étoit Grecque d’origine et de religion , elle
parleroit le grec vulgaire ; c’est la langue de tous les
grecs : elle ne connoît que Varabe ^langue féconde et har
monieuse, que p a rle n t en général les Turcs qui habitent
cette contrée de l’A friqu e, et dont les prêtres grecs n’en
ten dent pas un mot.
U n arrangement de ce genre, scandaleux parmi nous,
n’a rien de choquant en Orient : ce n’est plus cette an
cienne E gyp te, jadis un pays d’admiration , si fameux
par ses monumens qui ont résisté pendant tant de siècles
à l’action destructive des élém ens, et que la barbarie
fait disparoître tous les jours.
Ces indigènes, célèbres par l’antiquité de leur oi’igine,
la sagesse de leurs règlemens, l’étendue de leurs connoissances, n’existent plus : ils sont remplacés par un
assemblage de peuples divers; les Go pli tes, les Maures >
les A rabes, les Grecs, et les Turcs qui en sont les sou
verains.
Ce mélange de tant de nations, la diversité dès cultes,
des usages, a fait que la barbarie et l’ignorance ont suc
cédé aux sciences et aux arts; la dépravation des mœurs
en a été la suite; et si on en croit nos voyageurs mo
dernes, les yices les plus honteux y régnent avec impunité.
�( 5 )
A n n e , soi-disant N azo , fut donc livrée au général
d ’Estaing, qui la traita avec cette urbanité qui distingue
les Français.
Il fait part lui-même à son père d’un événement qu’il
regarde comme une bonne fortune. Dans une lettre qui
se ressent de la liberté des camps , et qui est datée du
Caire, le 25 pluviôse an 9 , il ne craint -pas d’avouer à
son père « qu’il essaye de faire un garçon à une jeune
« Grecque , q u i, d’après un arrangement oriental, fait
« les honneurs de chez lu i, depuis près d’un mois. »
Certes, si le général d’Estaing avoit eu des vues ho
norables sur A n n e , il n’auroit pas voulu l’avilir aux
yeux de son père ; il n’en auroit pas parlé avec autant de
légèreté, surtout dans u n e lettre où il fait m e n tio n du
mariage de son parent, le général D elzons, et du fils
que ce général avoit eu d’une union légitime.
Une remarque essentielle à faire sur cette lettre, est
que l’arrangement oriental dont il parle, n’a commencé
que depuis près d’un mois : ce n’étoit donc que dans les
commencèmens de pluviôse an 9 , ou tout au plus à la
fin de nivôse de la même année, qu'’A nne étoit venue
habiter chez le général dTEstaing.
O r, depuis plus de deux ans, le général en chef avoit
établi dans chaque chef-lieu de province de l’Egypte, un
bureau d’enregistrement, où tous les titres de propriété,
et les actes susceptibles d’être produits en justice, dévoient
recevoir date authentique. Cet établissement date du 301
fructidor an 6 , ainsi qu’il est établi par un ordre du gé
néral en c h e f, qui sera mis sous les yeux de la cour.
Ce chef illu s t r e r o n t la sage prévoyance embrassoit
�'.
, ( 6 .}
tous les cas, avoit aussi établi des officiers publics pour
recevoir les actes civils, de naissance, mariage et décès:
les commissaires des guerres étoient chargés de ce soin
important. Ce n’étoit point encore assez -, il falloit donner
aux actes civils la plus grande authenticité.
Par un ordre publié le 21 vendémiaire an 7 , « l’armée
« fut prévenue que tous les actes civils qui seroient passés
« par les commissaires des guerres, ceux qui seroient
« passés sous seing privé entre les citoyens, et ceux qui
« pourroient l’être entre les Français et les nationaux,
« par-devant les notaires du pays, etoient nuls en France
« comme en E gypte, s’ils n’étoient enregistrés confor« inément à l’ordre du général en chef, en date du 30
« fructidor an 6. »
Tous les Français alors en Egypte se sont conformés
à l’ordre du chef. Lorsque le général D elzons, parent
du général d’Estaing, a contracté mariage avec demoi
selle A n ne V arsy, née à Alexandrie, il a été dressé un
acte civil.
;
. .
Cet acte que rapportent les frères d’Estaing, est du 16
brumaire an 8 : il est reçu par Joseph A g a rd , com
missaire des guerres , faisant fonctions d’officier civil ,
avec mention « que Pacte ne sera valable qu’autant
« qu’il aura été enregistré conformément aux ordres du
« général en c h e f : » et cette formalité de l’enregistrement
a été remplie à R ozette, le 22 brumaire, six jours après
la célébration.
Les frères d’Estaing sont encore porteurs de l’acte civil
du mariage de Georges-Auguste L o n tin , capitaine, natif
de B itet, département de la M oselle, avec Catherine* *
�(7 )
Sophie V a r sy , fille d’un négociant de liozette : l’acte
également reçu par Joseph ¿égard, le 29 vendémiaire
an 8 , et enregistré le lendemain. '
Le général Delzons , marié avec toutes les formes
prescrites, est devenu père d’un fils ; l’acte de naissance
de l’enfant a été reçu par leAsieur P in e t, commissaire
des guerres, chargé du service<de la place du Caire : cet
acte est du 10 pluviôse an 9.
'
En un m ot, tous ceux qui se sont maries en Egypte
ont pris la même précaution; et ilsy'étoient tenus d’apres
les ordres du gén éral, à peine de nullité.
Ces observations préliminaires trouveront, leur place
dans la suite. L e général d’Estaing necohabita pas long
temps avec AnnC. Les; Anglais débarquent à Aboukir:
le général d’Estaing reçoit ordre de se rendreà Alexandrie
en ventôse an 9. A n ne reste au C aire, et n’a point revu
depuis celui qu’elle appelle son époux.
Ainsi Varrangemei.it oriental,n’a pas eu . deux mois
de durée..
•• '
?• • ). •
-*r- •
Après la capitulation d’A lexandrie, le général d’Es
taing, suivi d’un grand nombre d’officiers, repasse en
France. Bar'un des articles 'de la capitulation les Anglais
s’obligèrent de; faciliter ce passage. ;J,
-,-ü
Quelques Egyptiens obtiennent la même faveur. Joanny
îïa zo , A n n ey sont du nombi’e des réfugiés. D ’après Ie
récit & A n n e , « elle fu t embarquée à A b o u k i r , sur un
« pëtitrnavire grec; elle étoit avancée dans sa grossesse;
of, ellt? est, saisie des douleurs der Penfantem ent dans le
« navires le patron prend terre, et jette l’ancre, sur la
a:fcôte (Je Céphalonie,.
; . .;ov
.*■
:
�( 8 ) <
« A n ne accouche dans le navire; M a r ie , sa fille, fut
« baptisée par un prêtre que sa famille envoya chercher
« dans une chapelle située sur les bords de la mer. »
Il faut l’en croire sur parole, car il n’existe aucune
trace de tout ce récit : quoique l’enfant ait été baptisé par
un prêtre, qu’il ait eu pour parrain un militaire français,
il n’existe aucun acte de naissance; A nne test obligée
d’en convenir.
, Cependant « le consul f r a n ç a i s 1 honora de sa visite. »
E h q u o i ! l e c o n s u l , f r a n ç a i s fait visite à u n e femme
qui se d i t l ’é p o u s e d’un général, qui n’est pas remise
d e s d o u l e u r s de l’enfantement! et ce consul ne se fait
pas r e p r é s e n t e r l’enfant ! il ne dresse point d’acte de
naissance, tandis que son devoir l ’y obligeoit! 11 est sans
contredit difficile de f a i r e croire à une pareille omission :i
le prêtre uu moins auroit dû constater par écrit le bap
tême de l’enfant.
x
Enfin voilà Anne remise de ses douleurs , et débarquée
ù Tarente, dans le royaume de Naples. L à , comme par
tout , se trouve ün Auvergnat, de la ville mêmed’Aurillac,
appelé L a ta p ie, qui*, comme curieux, voit ces nouveaux
débarqués.^JLatapie écrit de Tarente à sa m ère, qu’une
Grecque et sa famille' viennent de débarquer, d’aprèsla capitulation, et que cette Grecque se disoit épouse du
général d’Estaing ; qu’elle se proposoit même de partir
pour aller rejoindre son mark
r
Cette lettre se répand dans la ville d’Aurillac ; le sieur
d’Estaing père en est informé', et en écrit bien vite k
son fils. Celui-ci répond, le 13 ventôse an 10 : ‘«‘Quant
« à mon mariage, vous ne devez-pas plutôt croire la
« lettre
�C9 )
« lettre de Latapic que la mienne ; il n’y a aucun lien
« légal; je ne Paurois pas contracté sans vous en prê
te venir : mais il y a d’autres liens qui pourroient pei/t« être bien amener celui-là. A u reste j’ai écrit à cette
« famille de se rendre ¡4 Marseille, et d’y attendre de
« mes nouvelles. »
' Une lettre aussi positive sur la nature des liaisons du
général d’Estaing avec A n n e , ne lui donne certainement
pas une possession d’état. Il semble assez naturel qu’une
femme ne puisse pré tendre au titre honorable d’épouse, sans
l’aveu ou la reconnoissancé de celui qu’elle dit être son mari.
L e général d’Estaing, arrivé à Paris, y a trouvé la
mort, le i 5 floréal an 10. On a dit assez mal à propos
qu’il avoit l’intention d’y fixer son séjour: la lettre du 13
ventôse an 10, dont on vient de donner l’extrait, prouve
au contraire qu’il vouloit continuer de suivre la carrière
militaire , que toujours en activité de service, il atten
dait du gouvernement une destination ultérieure.
lie sort en a décidé autrement ; il a vécu. M . Delzons,
législateur, oncle du général d’Estaing, étoit à Paris lors
de cette catastrophe; il fait prendre toutes les précautions
que la loi commande; les scellés sont apposés sur tous
les meubles et effets du ‘défunt.
M . Delzons savoitqu’^/me devoit se rendre à Marseille,
ville assignée aux Égyptiens réfugiés, mais qu’elle s’étoit
arrêtée à Lyon pour raison de santé, et y a v o i t pris un
logement commode et coûteux.
M . Delzons écrit au sieur Bourdin, marchand cha
pelier, originaire d’A urillac, et avec lequel il étoit en
relation. M . Delzons charge Bourdin d’annoncer h A n n e
B
�( 10 )
la mort du général d’Estaing, et de lui procurer un loge
ment plus économique que celui qu’elle occupoit. Bourdin
excéda ses instructions; il crut qu’il valoit mieux encore
faire partir cette femme pour Aurillac; et sans consulter
la famille du général, sans même lui en donner avis, em
barque pour A urillac, A n n e , sa fille, et une nourrice;
M . d’Estaing père n’a aucune connoissance de cette
démarche; il n’en est informé que par Bourdin lui-même,,
qui fait, dans le même temps, un voyage dans sa patrie,
et précède de deux jours la pretendue Grecque.
M . d’Estaing manifeste la plus grande répugnance à
r e c e v o ir dans sa maison une femme qu’il ne connoissoit
q u e sous des rapports, peu avantageux, d’après la cor
respondance de son fils. La charité ou la compassion
l’obligeaient peut-être de donner des soins à une étrangère
infortunée; mais la décence ne lui permettoit pas de
recevoir une concubine dans sa maison.
On chercha, par les ordres du sieur d’Estaing, un ap
partement en v ille , pour donner un asile à A nne. La
résistance du p è re , pour recevoir cette femme dans sa
maison, est connue de toute la ville-.
Mais une foule d’oilicieux , d’oisifs ou d’indiiférens
pensent qu’une réception plus honorable ne peut avoir
aucune conséquence : c’est une étrangère, une infortunée
élevée dans des principes différens des nôtres, qu’on ne
peut ranger dans la classe de ces femmes sans .pudeur,
qui bravent les principes.ou les préjugés;iet-soit curiositéj
pitié ou foiblesse, le sieur-d’Estaing, dans<ce moment
dq douleury atterré par la nouvelle fatalô de la irçortide
son'fils, accablé sous le poids des ans, so.laissçlsubjuguèrj
il admet'cette femme dans sa maison.
�( 11 )
Son arrivée à Aurillac date du I e r. "prairial a n 10,
quinze jours après la mort du général.
Il y a dès-lors impossibilité que le sieur d’Estaing ait
prévenu, comme on l’a dit, par une lettre officieuse, celle
qu’on veut lui donner pour belle-fille ; il fut en mêmetemps informé, et de la mort de son fils, et de l’arrivée
de l’étrangère.
L e sieur d’Estaing père se proposoit d’avoir des ex
plications sur le genre d’engagement que pouvoit avoir
contracté son fils avec l’inconnue qui lui étoit présentée.
Après une quinzaine accordée à A n n e, pour la reposer
des fatigues de son voyage, il lui fait part de la lettre
du gén éral, son fils , et lui communique ses doutes :
A n n e soutient qu’elle est l’épouse légitime du général;
qu’elle a été mariée au Caire , a u C om m encem ent de
Tan 8 ; que sa fam ille, qui est à M arseille, a tous les
actes qui établissent son mariage et la naissance de sa
fille. ^
L e sieur d’Estaing père est séduit ; il se rassure sur
la promesse à!Anne, de faire venir tous ces actes : elle
fait écrire pour les obtenir; elle ne pouvoit en imposer
sur la lettre, car elle avoit besoin d’un secours étranger,
dès qu’elle ne savoit ni lire, ni écrire eu français.
Dans l’intervalle, M. Delzons arrive de Paris; il est
informé de ces détails. Il connoissoit l’état des affaires
du général ; il observe à son beau-frère qu’il est urgent
de faire procéder à la rémotion des scellés, à l’inventaire
et à la vente du mobilier : mais c o m m e n t faire ? L ’état
de la prétendue veuve est incertain : elle se dit âgée
de dix-sept ans seulement ; elle n’a aucun titre pour dé
fi 2
�C 12 )
mander cette rémotion ; elle ne peut être tutrice de sa
fille, dès qu’elle est mineure : le sieur d’Estaing père ne
court aucun risque à accepter la tutelle de M a rie, qu’on
lui présente comme sa petite-fille.
Ce vieillard respectable, entraîné par les événemens
et les circonstances, attendant toujours les actes servant
à constater l’état de l’étrangère, croit pouvoir sans danger
prendre un parti qui accélère la liquidation de la suc
cession de son fils. Ses autres enfans ne sont pas de cet
avis; ils représentent à leur pere 1 inconséquence de cette
démarche ; ils ne sont pas écoutes ; on les évité, on les
fuit ; ils ne sont plus instruits de ce qui se passe.
L e 5 messidor an io , le sieur d’Estaing père se pré
sente devant le juge de paix d’Aurillac } on lui fait ex
poser « que Jacques-Zachàrie d’Estaing, son fils, général
« de division, est décédé à Paris le i 5 floréal an. io ,.
r laissant une fille un iqu e, alors âgée de cinq m ois,,
« nommée M an'e, provenue de son mariage avec A n ne
«y JSazo, .Grecque d’origine ; que la loi défère à lui
c< aïeul, la tutelle) de sa petite-fille, attendu surtout la
a minorité. (FAnne N azo sa mère ; et désirant étro
it confirme en cette qualité pour pouvoir agir légalement,
« il a, amené plusieurs des plus proches parens du défunt,
a pour délibérer .tant sur la confirmation de la tutelle,
« que sur la fixation de la pension de la pupille, sur
« les habits de d e u il, et pension viduelle de la damo
w veuve d’Estaing; comme aussi pour donner leur avis
« sur l’allocation des frais de voyage de>la mineure, do
« la m ère, depuis Lyon jusqu’i A urillac, ainsi que des
« frais dûa pour salaires à une nourrice provisoire, ,depuis
�( J3 )
Tarejite, ville du royaume de Naples, y compris un
mois de séjour à L y o n , jusqu’en la ville d’A urillac;
lesquels frais il a avancés, et se montent à la somme
de 604 fr. ; et enfin , pour être autorisé à régler tous
comptes et mémoires de fournitures, et autres objets
qui pourroient être à la charge de la succession , et ce,
tant par lui-même que par ses fondés de pouvoirs. »
Il présente ensuite pour composer le conseil dè famille,
des parens éloignés, si on en excepte les siêurs Délzons
père et fils. Chose remarquable ! le sieur d’Estaing père
avoit avec lui ses six autres enfans, frères du défun t,
dont quatre majeurs; il étoit tout naturel, et là loi lè
commandoit impérieusement, de convoquer à Cette as
semblée les frères du défunt : ils étoîent essentiellement
membres du conseil de famille ; on les écarte avec lé plus
grand soin.
Ces parens, comme on peut le penser, sont d’avis de
confirmer le sieur d’Estaing, aïeul de la mineure, dans
la qualité de son tuteur, à la charge par lui de faire bbrl
et fidèle inventaire de tous les.effets dépendait dé la suc
cession du défunt général d’Estaing, faire procéder à ht
vente du mobilier, et de faire l’emploi utile du prix-eu
provenant, conformément à la l o i, aprèis avoir prélevé
tous frais , dettes et charges de la succession.
20. Ces parens estiment que.la pension de lu initieiu'e,
jusqu’à ce qu’elle aura atteint l’âge de dix ans, tant pour
sa nourriture que pour son entretien et éducation, doit
être fixée à la somme de 600 fr. annuellement', que le
tuteur retiendra par ses mains, sur la recette dés revenus.
3a. Ils portent les habits de deuil dè'lu'darne Veuve
«
«
k
«
a
«
«
�( i4 )
(TEstaing, ,y compris ceux qui lui ont été fournis à Lyon ,
•et quijne sont point encore acquittés,.à une somme de
'looo francs : le tuteur est autorisé à fournir, ces habits,
:en .-retirant quittance des marchands et fournisseurs.;
o; 40. Quant à la pension viduelle de la veuve, et de la
négresse qu’elle a à son service, comme le sieur d’Estaing,
tuteur , leur fournit en nature , nourriture 7 logem ent,
feu et blanchissage, les parens fixent cette pension à la
somme de ioôo francs pour l’année de viduité, à compter
du i er. -prairialan 10, époque de .son arrivée ¿1 ¿4.urillac.
Ils allouent au tuteur -la somme de 604 francs, avancée
par lui ¡pour frais de voyage de la veuve , et salaire.de
la nourrice depuis Tarente jusqu’à Aurillac.' ,l...
^
jv: 5 °*autorisent le, tu leur à traiter, tant par lui-même
que par ses mandataires, avec tous marchands, fournis
seurs, aubergistes, et autres personnes qui pourroient
avoir fîiit des fournitures tant en marchandises que den
rées, régler leurs mémoires, en payer le montant, soit
que ces fournitures aient été faites à Paris, à Marseille^
au.défunt, général, ou à sa veuve à L y o n , pendant le
séjour qu’elle y a fait.
procès verbal, si indiscrètement rédigé, fait avec
tant de précipitation, est le grand titre de l’Egyptienne.
Il en résulte, suivant elle, une reconnoissance formelle
de sa qualité de veuve à Estaing, une possession publique
de son état. L e sieur d’Estaing p è re , étranger à la suc
cession de sou fils, puisque le général est mort sous l’em
pire de la loi du 17 nivôse an 2, a pu livrer cette suc
cession à u n e inconnue; il a eu le droit d’en priver ses
fils, frères du défunt, et seuls habiles à lui succéder. Tout
�.
(
i
5
)
ce qu’a fait le père est irrévocable; les frères d’Estaing
sont obligés de le respecter. Peu importe que le général
ait désavoué son mariage, qu’il ait attesté qu’il rfy avoit
aucun lien légal entre lui et la prétendue Grecque ; le
père a plus de pouvoir que le mari ; il peut se passer
de contrat, d’acte civil, de preuves, et conférer à A n n e
la qualité de veuve de son fils.
V oilà l’étrange raisonnement à'Anne et de ses conseils..
Mais il ne faut pas anticiper sur la discussion : on doit
cependant féliciter A n n e du grand parti qu’elle a déjà
tiré de ce procès verbalGomme Egyptienne réfugiée, elle avoit obtenu du gou
vernement une pension de 520 francs. Cette faveur lui
étoit commune avec- tous les Egyptiens qui avoient passé
en France après la capitulation d’Alexandrie; seulement
la pension d’’A n ne étoit la moindre de celles que le gou
vernement avoit accordées. .
- Mais -A n n e , munie de cette délibération de famillèy
qui la traite comme veuve d’un général.français, trouve
les moyens de parvenir jusqu’au chef de Fétat ; e t , en ^
cette qualité de veuve, elle obtient de^otre magnanime
Empereur que sa pension sera.-portée à la sommewde
2000 francs.
; .
v vj
^
' Dans le principe elle n’avoit fait solliciter la démarche
du sieur d’Estaing ¡père;qüe pour parvenir à ce but ;
maintenant elle veut encore fprofitcr de la bienfaisance
du souverain , pour en induire uncreconnoissance solen
nelle* de sonvétat. parvl’Empbrèür! lu i-m êm ei ceuqüi- doit
imposer silence à des collatéraux importuns.!/. :rp 'i-o , ;v.
^ Il faut convenir qu’il n’y a pas de Grecque ftlùa rtisée •
�Ç.6).
ni plus adroite. On examinera bientôt ce que peut avoir
de commun un brevet de pension, avec les prétentions
d'A n n e contre les frères d’Estaing, et si ce brevet est
encore une possession d’état.
D eux jours après l ’acte de tutelle, et le 7 messidor,
le sieur d’Estaing père donne uné procuration au sieur
D elzons, résidant à Paris, pour faire procéder à' la réniotion des scellés apposés sur les meubles et eifets de
son fils.
Il a été procédé à la rémotion des scellés, et à l’in-»
ventaire du m o b i l i e r , le 24 messidor et jours suivans. Il
est dit dans le procès verbal que c’est à la requêté de
Pierre d’Estaing , au nom et comme tuteur de Marie
d’ Estaing, sa petite - fille e n fa n t mineur de JacquesZacharie d’Estaing, général de division, et d’Anne Nazo,
sa veuve:, Grecque d’origine.
On y observe que la mineure d’Estaing est habile à se
dire et por.ter seule héritière de Jacques-Zacliarie d’Es
taing, son père.
On remarque que le général d’Estaing: ayant été marié
au Caire, en E gypter il n’a point été fait entre lui et sa
yeuve d’acte qui réglât les conditions civiles de leur
mariage ; qu’en conséquence leurs droits doivent être
régis suivant la coutume du lieu du domicile du général
d’Estaing*, q u e ce domicile etoit a Aurillac, pays soumis
à la coutume d’A uvergne, qui n’admet pas de commu
nauté entre mari et femme sans stipulation contractuelle.
Iicisieur Delzons, fondé de pou voir,) de voit au moins
savoir qu’Aurillac est en droit\écrit.
!
Parm i les papiers du défunt'od. ne trouve audun acte,
aucunes
�( i7 )
aucunes pièces relatives à son prétendu mariage; il n’y
n p;is le plus léger renseignement, si ce n’est deux lettres
récentes; écrites de Tarente au défunt, et dont on ne
donne pas même la date : tune est, dit-on, écrite par
le père de la dame d’E stain g, qui apprend au défunt
Taccouchement de son épouse, et Vautre d’un sieur Latapie, qui annonce au général d’ Es tain g l'arrivée de sa
J e mine à Tarente.
Bientôt après on a fait procéder à la vente judiciaire,
du mobilier; on. a acquitté, dit-on, les dettes de la suc
cession ; mais les frères et sœurs du général ont ignore
ces démarches, cl n’ont été appelés à aucune opération.
En attendant, et pendant que tout ceci se passôit à
Paris, A nne ne recevoit rien de M arseille; point d’acte
pour établir l’état qu’elle réclamoit.
'
'
i
Ce retard fait naître des soupçons; sa conduité dans la
famille les augmente : on avoit appris qu’elle n’étoit pas
m ê m e fille de Joanny Nazo-; elle n’avoit pas reçu l’acte
de naissance de M a rie, qu’elle disoit sa fille. Si elle n’a
voit pas fait constater sa naissance par les officiers du
navire, le consul, ou le prêtre, il étoit naturel de le faire
au moins à Tarente, où, comme dans tous les pays occupés
par nos armées , il y avoit des officiers civils pour cons
tater l’état des Français.
La famille du général murmure: Anne s’en aperçoit,
et prend le parti de se retirer ; elle écrit'à Joanny N azo
de venir la prendre. Celui-ci qui avoit gardé le silence
sur la demande dA n n e , relative aux actes qui devoient
constater son état, se rend bien vite à l’invitation ; il
C
�c 18 )
arrive à A urillac, et emmène à Marseille celle qui se
disoit sa fille.
A n n e dissimula en partant; ce n’étoit qu’un voyage
de peu de durée , elle devoit bientôt revenir : elle part
pour Marseille. A peine arrivée à cette destination, elle
cherche à acquérir des preuves de son prétendu mariage.
Elle imagine , le 5 fructidor an 1 1 , de se présenter
devant le juge de paix du second arrondissement de
M arseille, intrà mur os. Elle lui expose « qu’il lui im« porte de faire co n n o ître son origine, qu’elle ne peut
« le faire pat pièces probantes >attendu que dans sa patrie
ce il n’est point tenu de registre constatant l’état civil des
« citoyens ; elle requiert le juge paix de recevoir les dé« clarations qui vont être faites par des compatriotes
« qu’elle a invités à se rendre, relatives à son origine,
« et qu i pourront suppléer au défaut des titres qu’il lui
« est impossible de produire. »
c A l’instant se présentent Nicolas Pappas Onglou, se
disant chefdebrigade, commandant les chasseurs d’Orienty
figé de 45 ans, né à Schemet, en Asie ; Gabriel SandroUx,,
aussi chef de brigade du même corps, âgé de 36 ans r
né au Grand-Cairc ; Abdalla M anourychef de bataillon r
âgé de 34 arls, né au Grand-Caire ; Joseph Tutungi. y
réfugié égyptien, né h A le p , âgé de 5 o ans; Alla Oda~
bachiy né à Alep,. réfugié d’Egypte; Joseph B u fa in y
né à Gonstantinople, réfugié d’Egypte; et Constanti
Kiria/co , né à Schemet, en Asie*
:.1II est dit que toute cette compagnie agit avec la pré
sence et bous l’autorisation de L ou is iVAcornias, inter^
�( *9 )
prête juré des langues orientales. Ils déclarent ¿ par Torgane de l’interprète, c<qu’ils ont i'ésidé habituellement
c en Egypte avant la révolution ; qu’ils y ont parfoité« ment connu Jean N azo et Sophie M isch e, son épouse,
« père et mère d'Anne; qu’ils Sont bien mémoràtifs dé 1»
« naissance d'A nne ISazo à l’époque de l’année 1780, et
« que la dame fut unie en mariage avec le général d’Es« taing. »
Joseph Tatangt, CdtistàntiKiriàJco et Joseph T)ufain\
déclarent de plus ce qu’étant passés en France avec Anh& ,
« veuve d’Estaing , ayant relâché à Céplialonie dans le
«mois de nivôse an 10, ladite dame y accoliclia d’uné
ce fille, qui fut tenue sui*les fonts baptismaux par lë sieüi
t< Nassif, 'officier de chassetirs , et £>ar l'a dariiëf Mdrié
« M ische, son aïeule. »
‘
A n ne se faisoit ainsi r'ëc'oiïnoîti'e par eèd réfugiés sani
avertir personne , et ne donna plus dë ses nouvelles que
pour réclamer M a r ie , sa fille, qu’eïlé ¿voit laissée à
Aurillac; encore eut-elle recours au ministre de la justice
pour faire Cette demande» Elle a fait ittipi-îmer qu’elle avoit
eu besoin d’obtenir des ordres supérieurs pour avoir son
enfant; elle en impose sur ce point comme sur beaucoup
d’autres. Sur sa réclamation, le ministre écrivit pour
avoir des renseignemerts ; et le sieur d’Estaing père, fort
étonné d’apprendre qu’ort se fût adressé au ministre:, répond
sur le champ qu’il est prêt à remettre tift enfant qti’on ltii
avoit laissé, et qu’il n’avoit gard'é q u e par humanité.
Les frères et sœurs du général d^Ësfaing, h qui ori aVoit
soigneusement caché tout ce qui s’étoit passé , prirent
dtf leur côté des infoïmations; i’un d’eux, commandant
G 2 '
�( 20 )
d’armes à Chambéry, avoit vu le général, son frère, lors
de son passage, et celui-ci ne lui avoit l’ien dit sur son
prétendu mariage; il étoit plus à portée qu’un autre de
savoir ce qui s’étoit passé au Caire. Il est convaincu que
son frère est mort célibataire ; il se concerte avec les
autres pour la conservation de leurs droits.
Tous se déterminent à faire faire entre les mains de
leur père, par acte du 20 thermidor an 1 1 , une saisiearrêt , avec défenses de se dessaisir ni rien livrer de tout
ce qui est p r o v e n u de la succession du général.
L e 7 v e n t ô s e an 12, cédule devant le juge de paix , au
sieur d’Estaing père, pour se concilier sur la demande
t e n d a n t e à ce qu’il soit tenu de leur rendre et remettre
la .totalité de la succession de leur frère, sauf au sieur
d’Estaing père à se retenir la portion revenante à Pascal
d’Estaing, leur frère, encore mineur..
L e 11 ventôse même mois, procès verbal du bureau de
paix: le sieur d’Estaing père y déclare « qu’il existe un
5 enfant naturel de feu d’Estaing, provenu de ses liaisons
«,avec Catherine Pontalier, originaire de,Paris; que cet
« enfant, légalement reconnu par son père, étoit en ce mo« ment entre les mains de Pierre M arceron, jardinier
« de la ville de Fongeau , et son père nourricier.,
• « Le sieur d’Estain^père observe que la loi donne des
«
à cet enfant sur les biens de son père ; que, d’un
« autre côté, il s’est présenté à l’ouverture de la succession
« du général, une femme grecquo, qui se disoit sa veuve,
« et mère d’une petite fille provenue de ce prétendu
« mariage.
*
« Le sieur d’Estaing ajoute qu’il voulut bien accepter la
d
r o i t s
�(2 1 )
cc tutelle de cet enfant, attendu que sa reconnoissance ne
« pou voit pas nuire aux parties intéressées; qu’il lui donna,
« sur la succession, des secours qui lui étoient nécessaires,
« ainsi qu’à la mère ; mais que celle-ci prétend aujour« d’hui s’emparer de tous les biens du feu général d’Es« taing, soit comme se disant créancière, soit comme
« commune, soit comme tutrice de sa fille; qu’au reste,
« il est prêt et offre de remettre ce qui est en ses mains
« de cette succession, en le faisant ordonner, soit avec le
« tuteur qui sera nommé à l’enfant natui'el, soit avec
« A n n e , se portant aujourd’hui tutrice de sa fille. »
L e lendemain , 12 ventôse an 1 2 , les frères d’Estaing
(majeurs) présentèrent requête au tribunal d’Aurillac,
pour demander permission de faire assigner leur père , à
bref délai, attendu qu’il s’agissoit de partage, pour voir
dire et ordonner qu’il y sera procédé , et qu’il leur sera
délaissé à chacun un sixième de la succession, su iv a n t
l’inventaire qui sera représenté; faute de ce faire, pour
être condamné à payer à chacun des frères d’Estaing, la
somme de 12000 fr. à laquelle ils évaluent et restreignent
leur amendement.
Même jour, assignation aux fins de cette requête ; et
le 18 ventôse, intervient au tribunal d’Aurillac un juge
ment contradictoire qui ordonne qxCAnne Nazo, Emile
d’Estaing, enfant naturel du défunt, Jean-13aptiste et
Antoine Pascal d’Estaing , ou leurs tuteurs, ou subrogés
tuteurs, seront mis en cause.
Pendant que tout ceci se passoit à A u r illa c , Anne ne
perdoit pas son tem ps: elle s’étoit im aginée que le tri'buiial de lu Seine devoit seul connoîtrc de toutes les cocu-
�C 22 )
testaticns qui pouvoient s’élever entre elle et le sieur
d’Estaing père.
Quoique résidente à M arseille, elle fait citer le sieur
d’Estaing père à Paris, par cédule et requête des 2 et 21
ventôse an 12: elle ne sa voit pas trop encore ce qu’elle
devoit demander ; mais par une requête du i 5 messidor
an 12 , elle règle définitivement ses conclusions.
Elle apprend, par cette requête, que le tribunal de la
Seine s’est déclaré compétent par jugement du 4 du même
mois de messidor : elle expose « qu’après la mort du gé« néral d’Estaing, décédé à Paris le i 5 floréal an 10, le
« sieur d’Estaing père a profité de l’absence de la dame
« d’Estaing, qui venoit de l’Egypte et de l’Italie pour
« rejoindre son m ari, pour se J^aire nommer tuteur de
«Tenfant mineur du général, et se mettre en possession
« de tous les biens. »
Elle dit « que le sieur d’Estaing père n’est plus chargé
« de la tutelle ; qu’il ne doit plus retenir l’administration
a des biens, dont moitié lui appartient à elle comme
i<commune.
« Qu’elle est dénuée de tout ; qu’elle n’a d’autre res« source qu une pension sur l’état, de 5zo fr ., qui a été
« portée à 2000 fr. , mais dont elle ne doit pas toucher
« le premier terme de quelque temps.
« Elle a vendu ses effets, contracté des dettes; elle doit
« plusieurs termes de son loyer : l’article 384 du Code
« N apoléon, lui attribue la jouissance des biens de son
« enfant.
« 11 s’est trouvé, dans l’actif du défunt général, trois ins¿k-criptions du tiers-consolidé sur'l’état r faisant ensemble
�( 23 3
« 2ooo fr. de rente : elle les a fait saisir à la trésorerie ;
« elle ne voit aucun inconvénient à en toucher les arrê
te rages. Mais ce n’est pas suffisant; elle demande cependant
« à être autorisée à les percevoir, à faire faire toutes mu
te tâtions à son profit, et qu’il lui soit fait en outre une
« provision de ioooofr. »
A u principal, elle conclut à ce que M. d’Etaing père
soit tenu de lui rendre compte de sa gestion , lui com
muniquer l’inventaire fait après le décès de son fils, ainsi
que toutes pièces justificatives, sauf ses débtas, et qu’il
soit condamné à lui payer le reliquat du compte.
Un jugement par défaut du tribunal de la Seine, en
date du 18 messidor an 1 2 , lui adjuge ses conclusions
provisoires et principales ; seulement la provision est
restreinte aux arrérages des rentes du tiers-consolidé.
M. D estaing père, averti de toutes ces poursuites, trouve
extraordinaire que la prétendue veuve l’ait fait assigner
à Paris, lorsqu’évidemment la succession de son fils étoit
ouverte h A u rillac.il n’avoit en effet d’autre domicile que
celui de son origine.
M. d’Estaing décline la juridiction, et se pourvoit
devant la cour de cassation, en règlement de juges.
Un arrêt du 11 vendémiaire an 13, décide que la suc
cession du général est ouverte à Aurillac ; et sans s’arrêter
aux jugemens du tribunal de la Seine, des 4 et 18 mes
sidor on 1 2 , qui sont déclarés nuls et comme non
avenus , ainsi que tout ce qui a précédé et su ivi, ren
voie la cause et les parties à procéder devant le tribunal
d’arrondissement d’ Aurillac, pour leur être fait droit sur
leurs demandes respectives»
�( 24 )
A n n e , à son tour, suspecte le tribunal d’Aurillac ;
M . d’Estaing père en étoit le président: elle présente
requête en la cour, pour être renvoyée devant tout Autre
tribunal.
M . d’Estaing se pi'ête à ce caprice; il s’en rapporte
à cet égard à la cour de cassation. A rrêt du 2.6 thermidor
an 13 , qui renvoie la cause et les parties devant le
tribunal séant à Mauriac.
^
Il n’y avoit d’autres parties en instance au tribunal
de la Seine, c^xA-tmc, soi-disant Ncizo, et le sieur d’Es
taing père: la demande en partage, formée par les frères
d’Estaing, étoit pendante à Aurilkic. Ce tribunal, investi
d elà cause, avoit déjà ordonné que tous les prétendans
droits à la succession du général d’Estaing seroient assignés
devant lui. Ce jugement avoit été signifié.
Anne ne tient aucun compte de cette procédure : le
10 février 1806, elle prend une cédule du juge de paix
de M auriac, contre le sieur d’Estaing p ère, exclusive
ment *, elle reprend contre lui les mêmes conclusions
qu’elle avoit déjà prises par sa requête présentée au
tribunal de la Seine ; seulement elle ne se prétend plus
commune avec le général, et n’agit qu’en qualité de
tutrice.
L e 4 mars 1806, procès verbal du bureau de paix.
L e sieur d’Estaing père , par son fondé de p o u vo ir,
déclare « qu’Anne le fait citer sans fondement et sans
« raison ; qu’il n’a aucun droit à exercer sur la succes« sion de son fils; que la demanderesse auroit dû plutôt
a se pourvoir contre les véritables héritiers de son fils,
« qui seuls ont qualité pour accéder ou critiquer ses
fc prétentions j
�( 25 )
« prétentions; qu’il n’est ici qu’un régisseur, et ne peut
« se concilier sur la demande en reddition de compte
« qu’avec tous les ayans droit. »
M . d’Estaing indique ensuite les héritiers du général;
et d’abord c’est Emile d’Estaing, son fils naturel, et encore
m ineur, puis les frères et sœurs du général ; il expose
qu’Anne n’ignore pas la saisie-arrêt qu’il a dans les mains,
à la requête de ses enfans, ce qui est un motif de plus
pour qu’elle s’adresse à eu x, afin de faire valoir ses
prétendus droits.
Mais le sieur. d’Estaing père ajoute que la demanderesse
ne peut se prévaloir de ce qu’il l’a reçue dans sa maison,
de ce qu’il a accepté la tutelle de Marie', et a fait procé
der, en cette qualité, à l’inventaire et à la vente des effets.
Ce ne fut qu’à titre d’hospitalité et de bienfaisance qu’il
lui donna un asile; il y fut induit « par fraude, suppo« sition de personne, et par des insinuations perfides. »
A nne seule l’excita à toutes ces démarches, q iiil
rétracte et désavoue form ellem ent, ne voulant pas
qu’une étrangère s’introduise dans sa famille.
Il déclare qu’il ne la reconnoît point pour fille de
J o a n n j N a z o , ni sous la qualité d’épouse de son fils;
qu’il ne reconnoît point sa fille, sous le nom de M arie,
comme provenue de son prétendu mariage avec le général
d’Estaing; qu’il exige auparavant qu’elle établisse par
actes authentiques, son origine, son prétendu mariage,
et l’état de M arie, sa fille: jusque-là il la soutient non
recevable dans toutes ses demandes.
A nne pour le coup est effrayée de la réponse éner
gique du sieur d’Estaing père; elle reconnoît la nécesD
�C * )
sîté de rapporter des actes authentiques qui établissent
son origine et son mariage : elle n’en avoit d’aucune
espèce ; qu’imagine-t-elle pour y suppléer?
L e 29 mars 1806, elle se présente devant le juge depaix du dixième arrondissement de Paris ; elle lui expose
que « pendant le cours de Tan 8 , elle a été unie en
« légitime mariage avec Jacques - Zacharie d’Estaing-,
« général divisionnaire , décédé à Paris en l’an 10; que
son mariage a été célébré religieusement et d après
a les rites du pays? devant lepatriarche d Alexandrie^
« habitant au Grand-Caire ; mais que n’étant point en
« usage en Egypte de tenir des registres des actes de
« l’état civil, elle se trouve dans l’impossibilité de repré« senter au besoin l’acte de célébration de son mariage;
« et que désirant y suppléer par un acte de notoriété,
« signé de différentes personnes qui ont été témoins de
« son m ariage, elle requéroit le juge de paix de recevoir
« la déclaration des personnes qu’elle présentoit. »
Ces personnes sont au nombre de sept. Un sieur
Larrey de Beaudeau, ex-cliirurgien en chef de l’armée
d’Egypte; dom Raphaël de M onachis, membre de l’ins
titut d’Egypte; un sieur Antoine-Léger Sartelon, ex-or
donnateur en chef de l’armée d’Egypte; un sieur Hector
B a u re y ex-inspecteur général aux revues de la même
arm ée; un sieur Luc Duranteau,.général de brigade;
un sieur Jean-Joseph M arcel, directeur de l’imprimerie
impériale ; un sieur Martin-Roch-Xavier Estave, ex-di
recteur général des revenus publics de l’Egypte.
- Tous ces témoins réunis, et par une déclaration col
lective, attestent, « pour notoriété publique, connoître
«
,
�C ¿7 )
« parfaitement A n ne N a zo , veuve du général d’Estaing,
« fille de Joanny Nazo, négociant au Grand-Caire, chef
a de bataillon des chasseurs.
« Ils certifient q u e, pendant le cours de Tan 8 , la
« dame Nazo a été unie religieusement, et d’après les
« rites du pays, en légitime mariage avec Jacques-Za« charie d’Estaing, par le patriarche d’Alexandrie, lia« bitant du Grand-Caire; que l’acte de célébration n’en
« a pas été rédigé., n’étant point d’usage en Egypte de
« tenir un registre de l’état civil mais que le mariage
« 11’en est pas moins constant, ayant été célébré en pré« sence d’un grand nombre de militaires français, et de
« la plupart des déclarans ; que depuis la célébration
« de son mariage avec le général d’E staing, et pendant
« son séjour en Egypte, la dame N a zo , veuve d'Estaing,
« 7l ’a pas cessé d’habiter avec son m a ri, qu i Va tou« jours traitée comme son épouse légitime, »
A n n e , munie de cet acte, qu’elle appelle un acte de
notoriété, présente requête au tribunal de la Seine, pour
demander Vhomologation de ce certificat : jugement du i5
avril 1806, qui l’homologue sans difficulté.
On ne conçoit pas trop cette manière de procéder. Il
est difficile de penser que le juge de paix eût qualité
pour recevoir de semblables déclarations, et que le tri
bunal de la Seine fût compétent pour homologuer une
enquête à futur, faite sans ordonnance de justice , sans
jugement préalable, et hors la présence des parties in
téressées.
Il est surtout curieux d’entendre ces témoins officieux
dire que le mariage a été célébré en l’an 8, sans déD 2
�( a8 )
signer aucune époqtte précise, lorsque la lettre du gé
néral, du 25 pluviôse an 9, annonce une liaison récente,
et qui ne remontoit pas à un mois; de les voir déclarer
que le mariage a été célébré par le patriarche d’Alexandrie,
qui n’est ministre de la religion d’aucun des deux prétendus
époux ; de les entendre enfin attester qu"'Anne n’a cessé
d’habifer avec son mari pendant tout son séjour en Egypte,
lorsqu’il est constant que la cohabitation n’a pas eu deux
mois de durée, que le général est parti du Caire pour
se rendre à Alexandrie, lors du débarquement des Anglais
à Aboukir.
A n n e , se confiant dans cet acte de complaisance ou
de légèreté, fait assigner M. d’Estaing père au tribunal
de M auriac, par exploit du 30 mai 1807. M . d’Estaing
père fournit ses défenses, qui ne sont qu’une répétition
de ce qu’il avoit déjà dit devant le bureau de paix; mais
il demande acte au tribunal de la réitération qu’il fait
devant lui de se?protestations contre tous aveux, toutes
démarches ; que ce n’est que par erreur et par fraude
q’u’il a accepté la tutelle de M arie; et qu’il rétracte tous
actes dont Anne pourroit inférer une reconnoissance de
son état j il conclut enfin à ce qu '‘ A m ie , comme étran
gère, soit tenue, aux termes du Gode, de donner caution
judicàtum Sûlvi.
La cause portée à 1 aüdience ati provisoire, intervint
un jugement contradictoire, le ïa août 1806, par lequel
le tribunal de M auriac, sans préjudice de tous moyens
respectifs des parties, et sans entendre rien préjuger y
ôrdonne, avant faire droit , que les parties feront diligettcids pour mettre en caüse les prétendans droit à la
�(29 )
succession du général d’Estaing, en se conformant à la:
loi ; et néanmoins, condamne le sieur d’Estaing père à
payer à Anne Nazo la pension de 600 francs, fixée à sa
fille mineure par le procès verbal du 5 messidor an 10,
depuis que la mineure est sortie de la maison du sieur
d’Estaing p è re , et à la continuer à l’avenir jusqu’au ju
gement définitif : les dépens sont réservés, sauf le coût du
jugement, auquel le sieur d’Estaing père est condamné.
On ne doit rien négliger dans une cause de cette im
portance; les plus petits détails peuvent être précieux r
il faut donc rendre un compte sommaire des motifs qui
ont déterminé ce jugement, auquel les héritiers d’Eslaing
se sont rendus tiers opposans, et qui est également soumis
à l’examen de la cour.
Suivant les premiers juges, l’article 16 du Code Na
poléon n’assujétit que les étrangers à donner caution du
judicatum soîçi A m ie se disant épouse d’un général
français, il est incertain si elle sera regardée comme
étrangère, ou si elle se trouvera dans l’exception,.de
l’article 12 du même Code; rien n’est encore jugé sur
la validité ou l’existence de son mariage : on ne peut
donc lui appliquer une peine qu’elle n’a pas encourue.
Ce n’est pas trop sagement raisonner; car sTil faut at
tendre la fin d’un procès pour exiger une caution, la
disposition du Code ne seroit pas fort utile : il est bien
tard pour demander une caution, lorsque tous les frais
sont faits; et il semble que dès qu'A nn e ne rapportoit
aucuns titres pour constater son état, elle devoit être
assujétie à cette formalité.
Les premiers juges ajoutent qu'Anne soit com m e
.
?
�( 3° )
commune, soit comme tutrice, réclame la totalité de la
succession du général ; dès-lors les poursuites que les
frères d’Estaing ont pu faire contre leur père, lui sont
étrangères, et ne peuvent mériter aucune litispendance
qui la concerne.
Cela n’est pas trop clair : « mais comme elle réclame
« toute la succession contre le sieur d’Estaing p ère, qui
« s’en est reconnu dépositaire; que la cour de cassation a
« renvoyé cette demande au tribunal, entre la dame N azo
« et le sieur d’Estaing père seulement, quoique la cour
« de cassation ait eu sous les yeux la procédure tenue à
« A u r illa c , entre les frères d’Estaing et leur père, puis
« qu ’elle est visée dans son arrêt, et qu’il n’est pas permis
« au tribunal d’interpréter le silence de la cour de cassa« tion. »
Qui croiroit qu’avec ce motif les premiers juges auroient ordonné la mise en cause devant eux des préten
dans droit à cette succession? Ils s’ingénient à prouver
qu’ils n’en ont pas le droit ; et c’est la première chose
qu’ils ordonnent.
Enfin le sieur d’Estaing père a provoqué la tutelle ;
il s’est soumis à payer une pension de 600 fr. à M arie:
la rétractation qu’il oppose contre cette obligation , ne
peut empêcher l’exécution provisoire ; la saisie-arrêt ne
peut avoir d’effet sur une pension alimentante , sauf le
recours du sieur d’Estaing père, ainsi qu’il appartiendra.
Tels sont lés motifs de ce premier jugement ; ils pouvoient être plus conséquens , et ce n’est pas sans raison
que les premiers juges liésitoient sur la mise en cause
des frères d’Estaing; ils n’étoient, dans l’espèce parti-
�( 3 0 ^
culière, que des juges d’exception; ils n’avoient reçu’
d’attribution qu’entre A nne et le sieur d’Estaing père.
Ils ne pouvoient pas dépouiller le tribunal d’A u rilla c,
juge naturel des frères d’Estaing, d’une demande pen
dante devant lui.
Mais pourquoi se jeter dans des arguties de procédure,
pour une cause de cette importance ; les frères d’Estaing
prennent le parti, sur la signification qui leur est faite
du jugement d’Aurillac , d’intervenir en l’instance , et de
former tierce opposition au jugement précédent : leur re
quête d’intervention est du 24 janvier 1807. Ils deman
dent qii''Anne soit déclarée non recevable dans toutes
ses demandes, et concluent, contre leur père , tant en son
nom , qu’en qualité de tuteur de deux de ses enfans, au
délaissement et au .partage de la succession du général
d’Estaing, leur frère , ainsi qu’ils l’avoient demandé à
Aurillac.
En cet état, la cause portée à l’audience du tribunal
d’A urillac,.le 13.août 1807, il y a été rendu un jugement
contradictoire, dont suivent les motifs et le dispositif.
« Attendu que la dame Nazo a mis en fait qu’elle avoitf
« été mariée' avec le général d’Estaing, au Caire, en
« Egypte, par le patriarche d’Alexandrie, en présence
« des principaux officiers de l’armée française en Egypte,
« en l’an 8, sans désigner le 7iiois ni le jou r de cette annee ,*
« que toutes les formalités exigées dans ce lieu pour le
« mariage avoient été observées -, et que d ’après ces usages,,
« il ne se faisoit jamais d’acte écrit du maringe ;
« Attendu qu’elle rapporte même des certificats quit
« attestent le mariage et l’usage du pays j,
�(
3 2
)
« Attendu que les tiers opposans ont produit au con« traire des certificats et des actes de mariage d’autres
« officiers français, célébrés dans le même temps devant
« des commissaires de l’armée ;
« Attendu que la dame Nazo prétend prouver, par
« lesdits certificats, qu’elle a vécu avec le général d’Estaing
« au Caire et à Alexandrie, et y étoit reconnue comme
« son épouse ;
« Attendu que la dame N azo prétend que la reconnoisk sance de son mariage, et même la reconnoissance de la
« légitimité de sa fille, de la part du général d’Estaing,
« r é s u l t e n t de la lettre qu’il a écrite à la dame Nazo le
« i5 prairial an 9 , date qui correspond assez à la naissance
« de cette fille à Céphalonie ; dans laquelle lettre le gé« néral d’Estaing lui fait de tendres reproches de ce qu’elle
« ne l’a pas averti de sa grossese, qu’il avoit apprise d’ail« leurs, et de ce qu’un particulier, qu’il dénomme, n’a« voit pas procuré à la dame Nazo des occasions de lui
« écrire ; laquelle lettre , très-affectueuse, est écrite en
« entier de la main du général d’Estaing, de l’aveu de
k toutes les parties, est adressée, aussi de sa main , à la
v citoyenne cPEstaing, à la citadelle du Caire, et datée
cc d’Alexandrie ;
« Attendu que par la lettre du général d’Estaing à
c< son père , du 13 ventôse an 1 0 , il commence par se
cc plaindre de ce que son pere ajoutoit plus de foi à une
cc lettre d’un sieur La tapie, qui lui avoit mandé que le
c<général d’Estaing étoit marié en E gyp te, qu’à luïcc même ; il continue par dire à son père qu’il n'y a
cc aucun lien légal entre la dame Nazo et lui j qu’il ne
« l’eût
�(
33, )
« l’eût pas contracté siins le prévenir-; e$ il finît cepen« dant par dire que ce lien pourroit bien amener celui-là ;
« qu’au surplus, il a écrit à cette famjlle de se rendre à
* Marseille , et d’y attendre de ses nouvelles *
Attendu qu’après le décès du général. d’Estaing,
« arrivé le i 5 floréal an 10 , le sieur d’Estaing père a
« reçu chez lui la mère et la fille, et les a traitées comme
« veuve et fille du général,. et présentées dans toute la
« ville en cette qualité pendant huit mois ;
« Attendu que le sieur d’Estaing père a requis, dans
« un procès yerbal terçu devait le juge de paix d’A u« rilla c, et composé de ce qu’il a de plus éclairé et de
« plus recommandable dans
fam ille, le 5 messidor an
« 10, et a obtenu la qualité de tuteur de Marie d’Estaing,
« sa petite-fille,, proyenue, y est-il dit,, du mariage du
« général d’^staingavec dame Na?o; dans lequel procès
« verbal il a fait fixer les frais p£*r lui avancés, pour leur
« voyage de Lyon à AuriU ac, les habits de deuil de la
« dame N azo, et une pension pour elle et sa fille ;
« Attendu qu’en vertu de ce procès verb al, le sieur
« d’Estaing père a fait procéder à la rémotion des scellés
« apposés à Paris sur les effets du général d’Estaing, son
c< fils, à laquelle le père de la dame N azo, et le sieur
« D elzons, législateur, ont assisté, et le sieur d’Estaing
« a fait ensuite procéder 4 l’inventaire de son mobilier
« par le sieur Delzons fils., son fondé de p o u vo ir, le 24
« messidor an 10 ;
« Attendu que lorsque la dame N azo, après un
« séjour de huit mois chez le sieur d’Estaing père, l’a
« quitté, ce dernier a gardé Marie d’Estaing, sa fille f
E
�C 34 )
« et ne l’a remise à sa mère qu’en vertu d’ordres supé-,
« rieurs;
« Attendu que de tous ces faits non désavoués, la dame
« Nazo en a conclu que son état d’épouse du général
« d’Estaing, et l’état de Marie d’Estaing, leur fille, avoient
« été reconnus solennellement par le sieur d’Estaing père,
« et qu’il ne lui étoit plus permis de varier ;
« Attendu que le sieur d’Estaing père n’a rétracté cette
« reconnoissance fo r m e lle que par sa réponse au bureau
« de paix du canton de Mauriac;
« Attendu ce qui résulte du procès verbal de tutelle,
« et des autres pièces produites par la dame Nazo ;
« Attendu que lorsqu’il n’a pas été tenu de registres,
« l’article 7 du titre 20 de l’ordonnance de 1667, dont
« a été pris l’article 46 du Code, permet de prouver par
« témoins la célébration du mariage, et la naissance des
« enfans qui en sont provenus; et q ue, dans l’espèce,
« cette preuve testimoniale est d’autant plus admissible,
« que le procès verbal de la tutelle déférée au sieur
« d’Estaing père peut être considéré comme un commen
te cernent de preuve par écrit de la possession d’état de la
« dame Nazo et de sa fille;
« L e tribunal, sans préjudice, etc., et sans rien prê
te juger, ordonne, avant fair^droit, que la dame Nazo
« fera preuve par-devant le président du tribunal, dans
« les six mois à compter de la signification du présent
« jugement à personne ou domicile, et ce tant par titres
« que par témoins, i°. qu’il n’étoit pas d’usage au Caire,
« en l’an 8 , soit pour les militaires français, ou tous
« autres,.de tenir des registres de l’état civil, ni de rédiger
�( 3 5 }
« par écrit les actes de mariage; qu’il n’étoit pas non
« plus d’usage à Céplialonie de rédiger par écrit des actes
« de naissance; 20. que la dame Nazo a été mariée eu
« l’an 8 , au Caire, avec le défunt général d’Estaing, par
« le patriarche d’Alexandrie, avec les cérémonies usitées
a dans ce lieu ; 30. qu’elle a depuis cohabité avec le sieur
« général d’Estaing, jusqu’au retour de celui-ci en France,
« et que dans tout ce temps elle a été publiquement
« reconnue pour être l’épouse du général d’Estaing ;
« 40. qu’elle est accouchée à Céplialonie , d’une fille
k provenue de ce mariage, dans le mois de nivose an 10,
« laquelle iille a été nommée M arie d’Estaing; sauf au
« sieur d’Estaing père, et aux tiers opposaus, la preuve
« contraire pour les enquêtes, etc. : dépens réservés. »
La dame A n ne a fait signifier les qualités de ce juge
m en t, sans aucune protestation ni réserve, le 22 août
1807.
L e 5 décembre suivant, Anne interjette appel de ce
jugement interlocutoire : elle a renouvelé cet appel par
autre acte du 23 janvier 1808; et, pour la première fois,
dans cet acte elle se rappelle de la date de son prétendu
mariage, qui a été célébré au Caire le jour des rois de
1800 ; fête qui arrive douze jours plus tard que parmi
nous, parce qu’on suit en Egypte le calendrier grec; ce
qui répond, suivant elle, au 17 janvier 1800, ou 27 ni
vôse an 8. Elle se plaint de ce qu’on l’assujétit à une
preuve; elle n’en avoit pas besoin.
Les frères d’Estaing, à leur to u r, tant en leur nom
personnel que comme héritiers de leur p è re , décédé
pendant l’instance, se rendent incidemment appelans du
E 2
�t. (
. ( 36 )
même jugement , notamment en ce que ce jugement a
fait une fausse application de l’article 14 du titre 20 de
l’ordonnance de 1667, de l’article 46 du Code, et qu’il
est contraire aux dispositions des articles 170 , 1 7 1 , 194
et 196 du même Code.
Depuis ces appels respectifs, A n n e a fait publier en la
cour une consultation en forme de mémoire, à la suite
de laquelle elle a produit des pièces nouvelles. Il s’agit
de répondre aux objections qu’elle propose, de relever
les contradictions dans lesquelles elle est tombée, et d’apprécier le mérite des actes de notoriété ou des certificats
dont elle justifie.
Une étrangère, une infortunée, vient réclamer l’état
d’épouse et de m ère, noms cHers et sacrés, d’où naissent
les plus doux.charmes de la vie : quel intérêt ne doit-elle
pas inspirer! La complaisance ou la pitié ont déjà dicté
des certificats, qui tous annoncent le sentiment qui lès
a produits.
(
Point de précision sur íes faits, contradiction sur lès
dates, exagération daôs lès cïrconstancéS, erreur sur lés
uages ou les mœurs du pays»
( Comment pourroit-on accorder quelque1confiance à
des actes' êxtrajudiciaireà, ' sollicités, 1menidiés, ¿¿'tenus
contre tous les principes' et toutes‘lès formés ?
La faveur disparoit , 1 ilÎusibn cesse, le prestige s’éva
nouit ; il ne reste plus que la crainte, une sorte dé'terrëür,
d’admettre, au détriment ¿ ’une famille,‘'uneusurpatrice,
r. Il,7» J
I . .
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lil/ 'i . ,c>» ••
une concubine^ <jui mettant peu' de prix à sès charmes r
a cédé facilement aux appas de la votùpté..
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A n n e pourroit-elle se taire un titre d un procès verbal
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�( 37 )
de tutelle qu’elle a arraché de la foibIesse>ou de l’erreur
d’un vieillard, dans les premiers momens de douleur de
la perte de son fils ; qu’elle n’a obtenu que par un 'men
songe, et parce qu’elle faisoit entendre que Joanny iNazo
avoit dans les mains tous Tles 'actes qui constatoient son
état d’épouse légitim e?
E lle est obligée de convenir aujourd’hui qu’il n’existe
aucun acte qui établisse son mariage; elle se renferme
dans une assertion mensongère, et soutient qu’il n’est pas
d’ùsage, parmi les G recs, de tenir des registres, ou de
dresser des contrats de mariage.
'Elle en impose évidemment et sciemment. Qu’on ouvre
Jl’histoire de tous les peuples pôlicés, des T urcs, par
'exem p le,'tjüi régnent dans le pays qui l’a vu naître.
On sait que les Turcs admettent la'pluralité des femmes,
et n’ont souvent que des esclaves: cependant il se con
tracte des mariages parmi7eux ; et celles* qu’ils ont Iégitimemênt épousées jouissent d e’tous les droits d’épouses;
il leur est d û ’ un dotiaire è tl une pension.
T o u rtièfo tt,'si1bien1instruit des usages de ce*peuple,
d i t , lètfre 14,' que! « les Turcs ne considèrent le mariage
!a que comtae un contrat civil; Cependant qu’ils le regar
de' dent corrime *un engagement »indispensable, ordonné
« par le créateur à tous les hommes, pour la mültipli*« ’cation Jde leùr’espèfcej Quand ôn 'Veut épouser une fille,,
o n 1s’adrësse; aux >parens 1j x > u r é b t è n i r 'leur consenterrient*,ei lorsque la rèbhèrùheest'agréée^il en ésPdresse
un 'C6 n t?a t‘en. ^ é s e n ^ ’du cadi et de deux-témoins.
'L e rcâdi délivre' aüa)¡parties la côpie 'de leur oontràt
dé tnariage: L a feribile1‘n’iippoïte point de^dot ,-mais
«!
-<«
�(33)
« seulement un trousseau, etc. » Il parle ensuite de la
pompe et des cérémonies qui accompagnent cet. acte
solennel, et qui sont plus ou moins fastueuses, suivant
la qualité des parties.
On peut encore consulter l’histoire moderne de l’abbé
de M arcy, tom. 6, édition in -12, page 112 et suivantes.
L e même auteur parle du mariage des Grecs, dont le
patriarche reçoit les c o n v e n tio n s , dont il est à la fois
le ministre et le juge. « Les G recs, dit-il même tome,
« page 297, r ega rd en t le mariage comme un sacrement;
« mais ils ne c r o ie n t pas que ses nœuds soient indissolu« bles. U n m ari mécontent de sa femme obtient, sur une
«•simple requête, une sentence de séparation, que le
« patriarche lui fait payer dix écus: alors les deux parties
« peuvent former un autre engagement, sans que per
te sonne s’en formalise. » r
Tournefort, letti’e 3, dit encore la même chose.
L ’auteur le plus moderne qui ait écrit sur les mœurs
des Egyptiens , et dont l’ouvrage a pour titre : Conquête
des Français en Egypte* pag. 128, art. 6 , en parlant
de divorce, répudiation, atteste que lorsque le mari
.v e u t se séparer, il le déclare devant le juge, et rend la
dot portée par le contrat de mariage. Il y a donc des
contrats ?
« Les mariages ont cela de particulier, dit l’abbé de
« M arcy, qu’on choisit de part et d’autre un parrain et
« une marraine, et quelquefois trois ou quatre. L e papas
« reçoit à la porte de l’église les m ariés, et commence
« par s’assurer de leur consentement. Ensuite, les con« duisant à l’autel, il leur met.our la tête une couronne
�( 39 )
«
«
«
«
«
«
de feuilles de vigne, garnie de rubans et de dentelles;
il passe un anneau d’or dans le doigt du garçon, et
un anneau d’argent dans celui de la fille; puis il changé
plus de trente fois ces anneaux, mettant au doigt de
l’épouse l’anneau du mari, et au doigt du mari l’anneau
de l’épouse.
« Les parrains et les marraines s’approchent ensuite,
« et font le même changement d’anneaux. Cette céré« monie finie, les parrains ôtent aux mariés leur cou« ronne...........L e papas coupe ensuite des mouillettes
« de pain, et les mêle dans une écuelle avec du vin ;
« il en mange une, en présente une autre à la mariée,
et puis au mari, et enfin à tous les assistans. Les parens
k et les amis envoient ce jour-là aux mariés de grandes
cc provisions; on se réjouit ainsi à frais communs, pendant
k deux mois. »
L e même auteur dit que la dot de la future est portée
avec ostentation chez l’époux, et précède le cortège de
l’épouse ; que cette dot est stipulée et constatée par un
acte dressé devant notaires.
Il est encore d’usage constant, pour donner au ma
riage la plus grande publicité, de promener les époux
pendant trois jours, sous un dais. •
L e prétendu mariage à?Anne a-t-il eu ce genre de pu
blicité? Elle n’a jamais osé le dire. Tout est invraisem
blable dans son récit.
Elle fait entendre qu’elle a été mariée par le patriarche
d’Alexandrie, demeurant au Caire. Cela est impossible;
L ’auteur déjà cité sur les moeurs et les usages des
Égyptiens, apprend qu’il y a en Égypte des miuistues.
�( 40 )
de toutes les sectes chrétiennes. L e ministre désigné par
A n n e n’est pas celui des G recs, il est le prêtre des,
Cophies. « C eux-ei, dit cet auteur, sojU chrétiens., de.la
k secte des Jacohites ou Eutychéen,s. Leurs opinion^
« religieuses les vendent irréconciliables avec les, autres^
« Grecs ; ils se persécutent avec acharnement, L es
« Cophtes ont un patriarche qui réside au Caire> et
« qui prend le titre de patriarche d'Alexandrie. ».
Par quelle singularité A n n a r q u i se dit Grecque d’orig i o e et de religion, auroit-elle choisi un prêtre persé
cuteur de sa secte? Comment le patriarche, des Cophtes.
auroit-il consen ti à bénir un prétendu mariage entre
deux époux d’une religion différente,,dont aucun d’eujj;
ne professe celle du ministre devant qui ils se présentent
pour recevoir la bénédiction nuptiale.
L e mariage d’un général français étoit un événement;
remarquable; on devoit y mettre la plus grande pompe,
y donner la plus grande publicité. Q uoiqu’on dise A n n e %
c’eût été pour elle un honneur insigne, une fortune ines
pérée. N a zo , q u i, si on l’en croit, s'est f a i t valoir
pour donner son consentement, n’auroit pas manqué de
prendre toutes les précautions pour assurer l’état de celle
qu’il appelle sa fille. Il faisait partie de l’armée ; il con*
noissait les ordres du général en ch ef, traduits dans
toutes les langues usitées : ja première chose à laquelle
il auroit pensé eût été de faire dresser un acte civil
devant le commissaire des guerres, officier public dé
signé à cet effet.
A n n e convient cependant qu’il xty 3 çti aucun acte
drqssé !
Les
�(
41 )
Les témoins qu’elle a produits dans ses enquêtes à futur,
se contentent d’énoncer des assertions générales. On nQ
désigne ni l’heure, ni le jour, ni le lieu de la cérémonie:
aucun témoin ne déclare précisément avoir assisté à la
bénédiction nuptiale.
A n ne elle-même a toujours laissé dans la plus grande
incertitude sur la date ou l’époque de son prétendu mariage,
ïîlle plaide depuis l’an n ; et jusqu’au jugement dont est
appel, du 13 août 1807, elle s’est contentée de dire qu’elle
avoit été mariée dans le cours de Van 8 ; ce n’est qu’après
le jugement, et dazis la consultation, qu’on a pensé qu il
falloit préciser le jour, et on a imaginé le jour des ro is,
q u i, d’après le calendrier g rec, se trouve le 17 janvier.
Cependant il résulte de la lettre du général d’Estaing,
en date du 25 pluviôse an 9 , que son arrangement
oriental n’avoit commencé que depuis à peu près un mois,
et le général d’Estaing écrivoit la vérité ; en voici la
preuve :
Anne veut être mariée en l’an 8 , le 17 janvier, qui
représente le 27 nivôse an 10.
A cette époque, le général d’Estaing n’étoit pas au
O u re; il commandoit l’avant-garde de l’armée en station
à Cathié, fort situé dans les déserts, qui sépare l'Egypte
de la Syrie,'|>rès de Suez, à plusieurs journées du Caire.
Le service ou le commandement du général, au fortde Cathié, a commencé le 17 brumaire an
et n*a
que le 16 pluviôse an 8 , époque de J’évacuation de ce*
fort.
La preuve de cette continuité do service, résulte de
con registre de correspondance officielle j registre écrit
F
�(4 0
en grande partie de la main du général, qui p rouve,
jour par jour, qu’il n’a pas quitté son poste.
Plusieurs lettres officielles écrites par lui le 27 nivôse
an 10, du même lieu de Cathié, démontrent l’impos
sibilité de sa présence au Caire le jour indiqué pour
son prétendu maiûage.
Les lettres concernant le service lui sont adressées à
Cathié, par les généraux et officiers, et particulièrement
par le général de division sous les ordres duquel il servoit.
Cathié ne fut évacué que le 16 pluviôse an 8. Le gé
néral d’Estaing se rendit de là à Rozette, où il a resté
juseju^én v e n d é m ia ir e s u C),
Ce fut alors qu’il fut nommé au commandement du
Caire , où il a résidé jusqu’en ventôse an 9 , c’est-à-dire,
jusqu’au moment où les Anglais débarquèrent à Aboukir.
Tous ces faits sont prouvés par les registres et les feuilles
de service du général.
Les parties d’ailleurs sont d’accord sur cette dernière
circonstance. A n ne nous l’apprend elle-m êm e dans sa
consultation, page 6.
Comment concilier toutes ces*contradictions? l’assertion
d’une inconnue doit-elle l’emporter sur les écrits du
défunt, qui font foi par eux-mêmes ?
Non , il est évident qu'A nne veut en imposer à la»
justice, au public; que son histoire lamentable n’est qu’un
roman mal conçu, qui manque tout à la fois de vraisem
blance et de vérité.
Niais A nne a, dit-on, une possession d’état invariable.
Qu’est-ce qu’une possession d’état? Les questions de
ce genre sont toutes de droit public.
�( 43 )
L ’état des hommes se forme sous l’autorité des lois;
il s’établit de deux manières, ou par des titres, ou, à
défaut de titres , par la possession : le titre en est la
preuve la plus authentique et la plus invariable; la pos
session en est peut-être la preuve la plus sensible et la
plus naturelle. C’est ainsi que s’exprimoit M. l’avocat
général Séguier, dans la cause du sieur Rougemont. « La
« possession, disoit ce grand magistrat, lie , unit par
« une chaîne non interrompue de faits, d’actions et de
« démarches, tous les instans de notre vie à celui qui
« nous a vu naître ; elle nous fait remonter jusqu’à la
« source de notre sang ; elle nous fait descendre depuis
« cet instant prim itif, jusqu’au moment actuel de.notre
« existence ; elle nous apprend à nous-mêmes, elle ap« prend aux autres qui nous sommes, soit par le per« sonnage qu’elle nous impose, soit par T habitude de
« nous connoître, soit par Vhabitude d’être reconnus :
« mais il faut, continue M . Séguier, que cette possession
« soit constante, perpétuelle, invariable. » Et M. Séguier
invoque la doctrine du magistrat immortel qui l’avoit
précédé dans cette glorieuse carrière, et qui professe les
mêmes principes.
A n ne peut-elle dire qu’elle a la possession constante,
perpétuelle , invariable, de l’état d’épouse du général
d’Estaing? Une liaison criminelle dans nos mœurs a com
mencé au mois de nivôse an 9 , et n’a pas eu deux mois
de durée. Celui qu’elle appelle son époux, la traite en
concubine ; c’est ainsi qu’il la désigne à son père même,
lorsqu’il lui parle de la nature de ses engagemens : le
�C 44 )
bruit se répand qu’il est marié ; le général le désavoue,
et soutient qu’il n’y a aucun lien légal.
A n n e ne tient donc pas la possession de son éta t
de celui qui y avoit le plus grand intérêt, de celui seul
qui avoit le droit de l’élever au titre honorable d’épouse;
comment auroit-elle la possession.d’un état que son pré
tendu mari désavoue, et ne veut pas lui accorder?
Une possession d'état ! Mais y a-t-il jamais eu entre
A n ne et les membres de la famille d’Estaing, ces rapports
continuels qui se c o n firm en t de jour en jo u r entre les
parens, par la notoriété ? avoit-elle avec ses prétendus
b e a u x -f r è r e s , cette habitude journalière de se traiter ré
c ip r o q u e m e n t comme frères et sœurs ? c’est cependant
ce que desire Cochin, à l’endroit cité dans la consultation;
çt il est remarquable qu’on ait choisi une autorité de ce
genre, dans une cause où le célèbre Cochin soutenoit que
la dame de B ruix, baptisée comme fille de Jean Lassale,
avoit eu pendant trente-quatre ans la jouissance , la,
possession d’état de fille de Jean Lassale, et que cette
possession d’état devoit être un obstacle insurmontable
à la prétention que la dame de B r u i x osoit élever,-de se
dire fille du sieur m arqu is d e •B o udeville de la Ferté.
Cochin appuie principalement sur cette possession ,
comme longue, constante et invariable.
Et d’après Cochin lui-m êm e, une possession d’état
pourroit-elle être l’effet de l’erreur d’un moment, d’un
acte isolé et fugitif, obtenu dans un moment rl’urgence,
et sous la foi de l’existence des actes qui nssuroient à
A n ne un titre légitim e;
,
�( 45 )
D ’un acte bientôt rétracté, lorsqu’on a su que le pré
tendu mariage n’étoit constaté en aucune manière;
D ’un procès verbal de tutelle, qui émane du sieur
d’Estaing p ère, étranger à la succession de son fils ; qui
n’a pu nuire aux parties intéressées; dont on a exclu tous
les parens les plus proches, pour y admettre des alliés
à des degrés éloignés.
Il est extraordinaire que lors de ce procès verbal ou
ait fait un semblable choix : de tous ceux qui y sont
dénommés, le sieur d’Estaing père, et le sieur Delzons,
étoient les seuls qui eussent le droit d’y assister.
Les frères du général d’Estaing étoient préseDS sur les
lieux ; quatre étoient majeurs : aucun d’eux n’y a étc
appelé.
Les sieurs Ternat, petits-fils de la damé d’Estaing,
veuve T ern at, en ont été écartés.
Les sieurs Angelergueè, parens au même degré que
les précédens, n’ont pas été convoqués.
Les sieurs d’E sta in g , cousins germains du p è r e , ne
font pas partie de Cette assemblée.
On convoque dans la ligné paternelle, des sieurs Labro,
parens au sixième degré du défunt ; un sieur F o rtet,
allié encore plus éloigné que les sieurs Labro.
‘
Dans la ligne maternelle, on néglige les sieurs TA p p ara, oncles bretons du défunt : on aiFecte d’appeler les
sieurs M ailhes, père et fils, alliés très-éloignés. Et voilà
les individus qu'A nn e traite ou veut faire regarder comme
les plus proches parens de son prétendu mari : il ne faut
pas s’en étonner ; elle n’a pas ou le temps de faire con
naissance avec la famille de son prétendu mari»
�(
4
6
}
Elle a été reconnue dans la fam ille, , dans la v ille,
dans les sociétés! Elle n’a été présentée nulle part; ne.
pouvoit l’être, à moins de l’a v ilir, puisqu’elle 11’avoit
d’autre communication que les signes, ignoroit absolument
la langue française, étoit étrangère à nos usages, et ne
eonnoissoit aucun des agrémens d’une ^vie policée.
Elevée dans la classe du peuple, sans aucunes connoissances, illitérée, obscure, sans fortune, sans moyens;
voilà celle qui veut être l’épouse du général d’Estaing,
la femme de son. ch oix, et que ce général doit se glo
rifier d’avoir obtenue.
P e u t-o n pousser plus loin le délire !
L ’erreur du sieur d’Estaing père n’a pas eu plus de
huit mois de durée , de l ’aveu même d'A nn e ,• et h u it
mois n’ont jamais donné une possession d’élai constante
et invariable.
•
A n n e ne l’a pas même pensé ; elle a senti la nécessité
de rapporter des preuves de son mariage ; et à défaut
de titres, elle a voulu y suppléer par des certificats.
A rrivée à M arseille, elle conduit des Egyptiens suivis
d’un interprète, et leur dicte les déclarations qu’elle croit
convenir.
Ce procès verbal qu’on colore du nom d’acte de no
toriété ne fait aucune sensation. Elle accourt à Paris,
et va solliciter des personnes plus marquantes, qui se
rendent à son invitation.
Elle les conduit devant'le juge de p aix, qui les admet
sans autre forme; elle fait homologuer sans contradiction
le procès verbal. La famille d’Estaing, qui n’en a voit
aucune connoissance, s’inquiétoit'peu de scs démarches,
�C 4-7 )
et n’a voit garde de s’y opposer, puisqu’elle les ignoroit.
Que signifient ces enquêtes à fu tu r , qui ne peuvent
donner lieu qu’à d’énormes abtts? Qu’on lise le procès
verbal qui a précédé l’ordonnance de 1667 •, on y fait
sentir les inconvéniens de ces sortes d’enquêtes, dont
M . le premier président demande la suppression. L e
rédacteur nous apprend que les motifs de ce magistrat
éclairé furent universellement goûtés, et déterminèrent
l’article unique du titre 13, qui les abrogea, et défendit
à tous juges de les ordonner ou d’y avoir égard, a peine
de nullité.
Ces actes prétendus de notoriété sont donc inutiles,
et même dangereux dans la cause; ils ne seroient d’au
cune importance, quand ils pourroient êti*e de quelque
considération.
A n n e les a réunis à la suite de sa consultation : on va
les analiser rapidement. Tous les 'A lla ou Abdaüa qu’elle
a recueillis à Marseille déclarent « qu’ils ont parfaitement
« connu Jean N azoetSophie M ische, son épouse, père
« et m è re d 'A n n e , et qu'Am ie fut unie en mariage avec
« le général d’Estaing. »
C’est bientôt dit : mais où est la'preuve de la filiation,
du mariage? Une simple assertion généralisée, sans au
cunes circonstances, sans désignation des époques, des
dates , peut-elle faire quelqu’impression ? Am ie a-t-qlle
pu penser qu’avec une déclaration aussi vague, les tri
bunaux pourroient lui assurer l’état d’épouse et veuve
du général d’Estaing, et ^admettre dans cette famille? E t
si quatre d’entre eux ont déclaré qu'Anne accoucha à
Céphalonie, ils disent le contraire de ce que raconte
�u
a ) '
A n n e , q u i, pour intéresser davantage, n’a pu prendres
terre, et a accouché dans le navire. Il lui en coutoit si
peu de s’accorder avec les déclarons, qu’elle aurojt dû
au moins dire la même chose.
Son acte de notoriété fait à Paris est encore plus
insignifiant.
Sept témoins attestent simultanément, et parlant tous
à la fois, que k dans le cours de Tan 8 , A n n e a été
« unie religieusement, et d’apyès les rites du pays, en
« légitime m ariage, avec le général d’Estaing, par le
« patriarche d’Alexandrie, habitant du Grand-Cairç.
« L ’acte de célébration n’en a pas été rédigé, n’étant
« point dhtsage en Egypte de tenir un registre de l’état
« c iv il; mais ce mariage n’en est pas moins constant,
« ayant été célébré en présence d’un grand nombre de
« militaires français, et de la plupart des déclarans. »
Pourquoi ces déclarans présens ne se sont-ils pas'
nommés? quels sont ceux qui sont compris dans c e la
plupart? Dès que ces témoins poussaient si loin la complai
sance pour la jeune Egyptienne, ils auroient pu circonstancier davantage leur déclaration ; mais ils eussent été bien
embarrassés sans doute : cependant ils ne craignent pas
d’ajouterque «pendant son séjour en Egypte, la dame Nazo,
«; veuve d’Estaing, n’a pas cessé d’habiter avec son mari,
<* qui l’a toujours traitee comme son épouse légitime. »
Ce séjour a-t-il été plus ou moins long? pas un mot
sur sa durée. On a vu ou pu voir , chez le gériéral
d’Estaing , une jeune femme qu’il traitoit avec bonté
ou avec tendresse, et on veut en conclure qu’elle étoit
épouser dans un paya aussi corrom pu, où presque toua
les
�. .. .
les militaires avoïent trouvé la facilité de prendre ce
qu’ils appeloient des arrangemens orientaux, des engagemens à temps. Mais il en coûte si peu à des indifférens
de porter le trouble dans une famille, d’y introduire une
étrangère! On doit gémir de voir autant d’inconséquences
et de légèreté.
A n n e fait parade du brevet de pension qu’elle a ob
tenu du gouvernement : elle doit s’estimer heureuse, sans
doute, que le chef magnanime de l’état l’ait mise, par
sa bienfaisance, au-dessus des besoins de la vie. Mais
la faveur du gouvernement ne peut nuire aux droits des
familles. Il est bon d’observer d’ailleurs que cette pension
n’avoit e té p o rte e , en premier lieu , qu’à une somme
de 520 francs ; l’Empereur remplit de sa main la somme,
sur le travail qui lui fut présenté : cependant, sur ce
premier travail, on la traitoit de veuve d ’iJstaing ; les y
journaux d’alors l’ont ainsi publié. L ’Empereur ne vouloit
donc la traiter que comme Egyptienne réfugiée, malgré
le titre qu’on lui donnoit; et l’augmentation survenue
dans la suite, a été l’effet du procès verbal de tutelle,
dont on voit qu'A n n e a su faire un bon usage.
L e certificat du général Menou vient ensuite; il an
nonce, de la part de ce brave général, un grand respect
pour les mœurs : mais on n’entend pas trop ce qu’a voulu
certifier le général M enou, lorsqu’il parle des rapports
civils et religieux. Pour les rapports civils, il auroit fallu
^
un acte authentique qui constatât le mariage; il auroit
été nécessaire que la célébration se fit conformément aux
lois, règlemens et usages de l’armée. Le général Menou
devoit principalement les faii’e exécuter; et il est constant
Q
�( 5o )
que ces ordres avoient été publiés, et rendus communs
et obligatoires dans toute la colonie.
Cependant il n’a été dressé aucun acte de ce. pré
tendu mariage.
Sous les rapports religieux ! mais il n’en cxistoit aucun
entre A n n e et le général d’Estaing; il eût fallu que le
général d’Estaing eût abjuré la religion de ses pères.
Lorsque le général Menou a épousé une muzulmane,
il a embrassé le m a h o m é tism e . On est autorisé à le dire
ainsi, d’après des instructions pieciscs. Son mariage a
été célébré par le M ouphti, ministre de la religion
turque, et alors celle des deux époux. Ici il y avoit des
rapports religieux. Le général a donné à son union un
caractère légal, et n’a pas manqué d’en faire dresser un
acte c iv il, conformément aux ordres qu’il avoit luimême fait publier de nouveau. Voilà le rapport civil.
On ne trouve ni l’un ni l’autre pour le général d’Es
taing. Il n’y a donc pas eu de mariage.
D ’un autre côté , le général Menou rapporte la date
de ce prétendu mariage à Van 8 ; il se dit môme général
en chef au moment où le général d’Estaing lui en fit part.
E t jln n e , à son tour, a été mariée le jour des rois de
la même année, qui répond au 17 janvier 1800.
Pour le coup veritatem quœrendam.
L e général Menou ne commandoit pas l’armée en nivôse
an 8; c’étoit le général Kléber. C elu i-ci a commandé
jusqu’au 20 prairial an 8 , jour funeste pour ce général :
il fut assassiné dans son jardin.
L e général. Menou ne prit le commandement qu’en
messidor an 8.
�( 5i )
La correspondance du général Kléber avec le général
d’Estaing va jusqu’au n prairial an 8.
Plusieurs lettres écrites à feu d’Estaing par le général
M enou, ea germinal et floréal an 8, prouvent qu’il étoit
alors seulement général de division ; il ne prend pas
d’autre qualité. Ces lettres sont datées de Rozette : le
général Menou n’étoit donc pas au Caire en nivôse
an 8.
L e général D upas ne parle de ce mariage -prétendu
que par ouï-dire ,• on lui a déclaré qu’il s’est célébré
publiquement, et avec toute l’authenticité qu’un pareil
cas exige.
Il est étonnant que le général D u p a s, qui étoit alors
au Caire, lieutenant du général d’Estaing dans le com
mandement, qui avoit tous les jours des rapports de
service avec l u i , ne puisse parler que par ouï-dire de
ce prétendu mariage; qu’il n’y ait pas assisté surtout,
lui que ses relations continuelles avec le général d’Es
taing devoit y appeler de préférence. Sans doute ce
général a voulu être favorable à une jeune solliciteuse;
mais il a trop de loyauté pour certifier ce qu’il n’a point
vu : il ne parle que sur les relations d’autrui.
Il paroît même que s’il falloit attendre des témoins
qui attestassent positivement avoir assisté à ce mariage,
on attendroit long-temps. A n ne a épuisé à cet égard
tous les certificateurs ou témoins.
Qu’importe que le général d’Estaing ait donné des
repas après la noce. L e général d’Estaing devoit avoir
la représentation convenable au commandant du Caire ;
il étoit honorable dans ses goûts; il tenoit au Caire table
G 2
�( 52 )
ouverte, donnait souvent des bals, des fêtes ; et si on
veut que des bals des dîners, soient des cérémonies
nuptiales, le général se seroit marié souvent.
Ceux qui ont prétendu que les femmes se visitoient en
Egypte, qu’A nne faisoit société avec les dames M en ou ,
D elzo n s, L a n lin , connoissent bien peu les usages orien
taux. Là les femmes ne sortent jamais que dans des cas
très - extraordinaires, et a l o r s sont toujours voilées, et
accompagnées de manière à n’avoir aucune communi
cation.
'
Ce n’est pas en Orient où on peut jouir des agrémens
de la s o c ié té , et surtout de la compagnie des dames; on
sait même que madame Menou a conservé en France
l’usage oriental ; qu’elle est constamment voilée , et ne sort
point de chez elle ; qu’elle n’est jamais venue au Caire
dans la maison du général d’Estaing : et Anne elle-même,
pendant le court séjour qu’elle a fait à Aurillac, n’a pas
quitté son v o ile , et n’a été vue de personne.
La dernière pièce imprimée en la consultation, est
une lettre du général d’Estaing à Anne. On observe
que l’adresse est de la main du général, et porte pour
suscription : A la citoyenne d1E s ta ing , à la citadelle du
Caire. Il est surprenant qu’’A n n e, dans son mémoire, ait
tant parlé de la correspondance de son ép o u x, fam ilière
avec décence, tendre sans exagération, etc. ; et que
toute cette correspondance se borne à une lettre unique.
Dans cette lettre, pas un mot dont on puisse induire
un engagement honorable. C’est le ton d’un homme poli
et familier, à qui on n’a rien refusé, qui ne parle pas
même des ascendans d'Anne avec le ton de considéra-
�(¿ 3 )
tion et de respect qu’on doit à des alliés de ce genre; respect
plus marquant encore chez les Orientaux.
Quand il parle de celui qu'A nn e appelle son p ère,
il se contente de dire J o a n n y ; lorsqu’il donne un sou
venir à la grand’m ère, il d it, la bonne vieille. Est-ce
là le ton du respect et de la déférence? A p p ren d -il la
nouvelle de la grossesse avec ce charme, ces délices qu’on
éprouve à la naissance d’un enfant légitim e? Il Taime
toujours ; et il faut bien le dire ainsi à tontes les femmes
avec lesquelles on a des liaisons passagères. Il lui donne
son nom sur Pençeloppe de la lettre : mais n’est-ce pas
l’usage? ne voit-on pas, même parmi nous, toutes les
courtisannes prendre les n o m s de ceux qui ont la foiblesse de les entretenir et d’autoriser cette licence ?
Ce n’est malheureusement pas la première à qui le
général a donné ce nom. Lorsqu'il étoit à l’armée des
Pyrénées orientales, il étoit notoire qu’il vivoit avec
une femme que tous les officiers appeloient madame
d’Estaing; le général, en écrivant, lui donnoit ce nom;
et cette femme, après le départ d.u général, n’a jamais
tiré'avantage d’une suscription semblable, pour se qua
lifier d’épouse légitime.
On trouve dans les pièces communiquées trois chiffons
que l’on dit être des lettres arabes, écrites par ordre
du général d’Estaing ; la suscription est aussi à madame
cPEstaipg, mais non de la main du général.
Ces trois prétendues lettres sont traduites par le sieur
Sylvestre de Sacy, professeur des langues orientales : il
faut bien l’en cro ire, puisqu’on ne connoît pas l’arabe ;
mais au moins la traduction ne donne pas une grande
�idée de l’écrivain. Cette langue arabe, que l’on dit h a r - '
monieuse, p oétique, tout en figures, n’a servi qu’à
écrire des platitudes et les choses les plus communes. Ce
sont les lettres d’un cuisinier, ou d’un homme bien peu
exercé; le général y reçoit beaucoup de consolation dans
sa blessure , d’une lettre que lui a écrite A nne : mais
comment n’a-t-on pas trouvé dans les papiers du gé
néral, la plus légère trace d’une correspondance avec
A n n e? Tout est e x trao rd in a ire el inexplicable dans cette
cause.
Il faut, au surplus , qu’elle ait fait peu de cas de ces
lettres , puisqu’on les a négligées dans la consultation.
O n voit encore, dans le dossier, une lettre du général
S o u lt, à un sieur Giane , clief de bataillon de la légion
grecque, à bord du bâtiment le J e a n , en rade à T á
rente : cette lettre est en réponse, et annonce que Giane
trouvoit la quarantaine longue et incommode pour lui
et les femmes qui étoient à bord : il nomme madame
d’Estaing. L e général Soult témoigne ses regrets de ne
pouvoir abréger la quarantaine ; c’est au comité sani
taire qu’il appartient de prononcer ; mais il fait préparer
un local plus commode pour les passagers, et offre ses
services, ainsi que ceux de madame S o u lt, h madame
d’Estaing. Il n’y a rien d étonnant dans ces offres génér
reuses ; on doit des égards et des -seryiees à une femme.
A m ie se disoit madame d’Estaing; on doit quelque chose
de plus empressé à la femme d’un camarade ; et le gé
néral Soult ne devoit pas autrement s’informer si Anne
avoit son contrat de mariage ou non. Mais vouloir
induire de cette attention obligeante d’un général mar-
�(55)
quant, aujourd’hui maréchal de l’empire, une reconoissance et une possessiun d’état en faveur à?A nne $ relever
cette circonstance comme un honneur décerné à la femme
d’un gén éral, c’est pousser les choses un peu trop loin.
On a parlé dans la consultation, sans cependant le faire
imprimer , du certificat d’un sieur Sartelon, ex-ordon
nateur en chef de l’armée d’Egypte : cet acte est aussi
dans les pièces d'Anne. L e sieur Sartelon certifie, en
la qualité qu’il prend, « que quoiqu’il n’existât a l’armée
« aucun ordre du général en chef pour regler la forme
« avec laquelle les actes de l’état civil devoient y etre
« reçus, Yusage paroissoit s’être établi de lui-même pour
« les officiers, ou in d iv id u s attachés à l’armée, ne faisant
« point partie des corps , de faire des déclarations de« vant des commissaires des guerres, qui les recevoient
« par procès verbaux , ou de la manière qui leur parois« soit convenable, de leurs mariages, mème quelquefois
a de leurs divorces ; ce qui n’a jamais été gén éral,
« surtout pour des mariages contractés avec lesfin îm es
« du pays ( il n’y en avoit pas d’autres ) , '•qui se sont
« faits souvent entre catholiques dans les églises du lieu ,
« et suivant les formes usitées entre les chrétiens de
« toutes les sectes ; mais ces procès verbaux étoient pu« rement facultatifs; et recherche faite dans ses papiers,
« et dans ceux du bureau central, il ne s’est trouvé au« cun procès verbal relatif à l’état civil; il ne s’en est pas
« même trouvé, notamment du commissaire des guerres
« A gard, qui est mort dans la traversée. En foi de quoi,
« sur la demande de la dame veu,ve d’Estaing, il a dé*»
« liv ré , etc. »
�( 56 )
Un ne voit pas trop quelles inductions ¡’Egyptienne
peut ou veut tirer de ce certificat; il est assez inutile de
dire qu’on pourvoit récuser le témoignage du sieur Sartelon , qui a souvent montré de l’animosité contre le
général d’Estaing ; il suffit d’observer que son certificat
est démenti par le fa it, puisqu’on rapporte les ordres
du général en chef, et les actes civils des sieurs D elzons
et L a n tin , reçus par le commissaire Agarâ.
Ici s’arrêtent les recherches et les découvertes à'Arme.
Y a-t-il un seul acte d’où on puisse faire résulter qu’elle
est l’épouse du général d’Estaing; et ne p eu t-on pas
dire avec vérité qu’elle n’a ni titres n i possession ?
Com m ent a-t-elle eu le courage de se plaindre d’un
jugement qui lui accordoit une faveu r insigne, la faculté
de faire preuve , par témoins, qu’elle a été mariée en
l ’an 8 ; qu’il n’étoit pas d’usage au Caire de tenir des
registres, ou de dresser des actes civils de mariage; qu’il
n’étoit pas d’usage à Céphalonie de dresser des actes de
naissance, etc. ?
Ce jugement, au contraire , n’a-t-il pas violé tous les
principes de la matière ? Sera-ce avec des déclarations
mensongères ou mendiées, qu’on pourra élever une in
connue au rang honorable d’épouse; qu’on osera donner
à un enfant de ténèbres, le titre d’enfant légitim e?
« Des objets si interessans, dit le célèbre Cochin,
a doivent élever tous les esprits à ces vues supérieures
a du bien public, qui forment toujours le premier objet
« de la justice : il s’agit ici du sort des toutes les familles,
« compromis d a n s une seule causé. »
Les frères d’Estaing se plaignent à leur tour d’un juge
ment
�C 57 )
ment qui peut entraîner les suites les plus funestes ; il
leur reste à établir que ce jugement .ne peut subsister, et
qu’Anne doit être déclarée non recevable dans toutes ses
demandes.
>
On trouve dans les recueils -, tant anciens que nouveaux,
une multitude d'arrêts sur les questions d'état. M . le
chancelier d’Aguesseau a épuisé cette matière par ses re
cherches savantes: le 2e. , le 6e., le 12e. le 17e. plai
doyer de ce grand magistrat, contiennent des dissertations
profondes, une sage doctrine; mais il semble sentir toute
la pesanteur de son ministère, lorsqu’il veut prendre une
décision. Ce n’est qu’en tremblant qu’il se détermine ; et
si quelquefois il pense que la justice doit admettre une
preuve testimoniale, ce n’est qu’autant qu’il trouve des
présomptions graves, des indices violens, des conjectures
puissantes; il exige la réunion d’une multitude défaits
qui forment un corps de présomptions capables de dé
cider l’esprit le plus difficile à convaincre; en un m o t,
il lui faut encore un commencement de preuve par écrit.
Il est inutile de grossir le volume de ce mémoire par
des citations d’arrêts ; il seroit difficile peut-être de tirer
de ces nombreux exemples, une con séq u en ce claire qui
pût servir de motif de décision en d’autres cas, surtout
dans l’espèce où il s’agit d’une étrangère qui vient ré
clamer le titre de veuve d’un Français.
Il suffit de poser un principe certain, et qui ne sera
pas contesté, c’est que pour un m aria ge fait en F rance,
la preuve testimoniale ne peut être admise qu’à défaut
de registres , lorsqu’il n’en a pas été tenu , ou qu’ils sont
H
�( 58 )
perdus ; et dans ce cas même il faut un commencement
de preuve par écrit.
L ’article 14 du titre 20 de l’ordonnance de 1667,
n’a entendu parler que des mariages entre Français; et
M . Jousse ne manque pas d’observer que la preuve tes
timoniale ne peut être admise qu’autant qu’il y a com
mencement de preuve par écrit.
Cet article de l’ordonnance a été répété dans l’article
46 du Code N apoléon ; et la preuve que le législateur a seu
lement entendu comprendre les mariages entre Français,
résulte des articles 47 et ffid a même Code. .
La loi dit que tout acte de l’état civil des Français
et des étrangers, fait en pays étranger, fera fo i, s’il a
été rédigé dans les formes usitées dans ledit pays : que
tout acte de l’état civil des Français en pays étranger sera
valable, s’il a été reçu conformément aux lois françaises
par lesagens diplomatiques, ou par les commissaires des
relations commerciales du gouvernement.
On peut donc représenter à A n n e , d’après les dispo
sitions de ces lois, que si elle étoit Française, elle ne
pourroit être admise à la preuve testimoniale, qu’autant
qu’elle auroit la possession d’état, et des commencemens
de preuve par écrit : elle n’a ni l’un ni l’autre. Point
de possession d’état ; on croit l’avoir prouvé, puisque
‘le général lui a toujours refusé le titre qu’elle ambitionne.
Point de commencement depreuçepar écrit, puisqu’il n’y
a aucune trace d’écrits du défunt qui parlent de ce prétendu
mariage , et que les seuls qui existent le désavouent.
Mais qu’elle est étrangère, et que dès-lors il n’y a point
�( % )
de possibilité d’admettre une preuve par témoins; il faut
représenter l’acte civil. On a dû remarquer la différence
qui se trouve entre les articles 46 et 47. Dans le premier,
si le mariage est fait entre un Français et une étrangère, il
suffit de rapporter un acte dans les formes usitées au pays.
Dans le second, si le mariage est fait en pays étranger,
entre deux Français , il faut un acte civil conforme aux
lois françaises.
A n ne n’en a d’aucune espèce ; le jugement dont est
appel a donc fait une fausse application, et de l’article 14
du titre 20 de l’ordonnance, et de l’article 46 du Code
Napoléon.
Mais ce jugement est évidemment en opposition avec
les articles 170, 171, 194 et ig 5 du môme Code.
En effet, par l’article 170, « le mariage contracté en pays
« é tran g er entre F r a n ç a is , et entre F rançais et é tr a n g e r ,
« est valable, s’il a été c é l é b r é dans les formes usitées
« dans le pays, pourvu qu’il ait été précédé des publi« cations prescrites par l’article 63 , et que le Français
« n’ait point contrevenu aux dispositions contenues au
« chapitre précédent. »
L ’article 63 exige deux publications à huit jours d’in
tervalle ; et la loi attache à cette formalité la plus grande
importance. On n’a jamais imaginé de dire que le mariage
du général d’Estaing ait été publié : cette formalité étoit
cependant ordonnée par les lois précédentes.
Parmi les dispositions contenues au chapitre qui pré
cède l’article 170 , on y trouve principalem ent la prohi
bition faite au fils de fam ille, m ê m e majeur, de contracter
mariage sans le consenlexneut de ses père et mère.
II a
�( 6o )
Bien vite A nne s’empare de cette circonstance, pour
dire que le général s’est marié avant le Gode, et a pu
braver les ordres de son père ou se passer de son con
sentement.
A n n e argumente avec un empressement peu louable
de cette loi révolutionnaire, qui fut promulgée dans un
instant de délire, qui dégage les enfans de tous leurs
devoirs envers leurs ascendans.
Loi immorale et funeste, qui a fait tant de malheureux
qu’on entend tous les jours gémir de leurs égaremens,
et qui passent leur vie dans la douleur et le désespoir.
Mais le général d’Estaing n’avoit pas perdu toute idée
des principes de moralité et de convenances. Ne mar
q u e - t - i l pas à son père qu’il n’auroit pas contracté d’engagemens sans le prévenir, avant d’avoir demandé ses
conseils ou ses ordres; et A n ne en seroit-elle réduite à
ce point, qu’elle fût obligée, pour colorer ses prétentions,
de s’appuyer d’exemples qui seront à jamais la honte et
le scandale de la société ?
N ’a-t-elle pas senti que le gouvernement, dans ses
premiers pas, a rétabli et commandé le respect pour
cette puissance paternelle, le premier anneau, la prin
cipale base de l’ordre social, sur laquelle repose la morale
publique ?
L ’article 171 exige davantage; il veut que dans les
trois mois après le retour du Français sur le territoire
de la république, l’acte de célébration du mariage con
tracté en pays étranger, soit transcrit sur le registre
public des mariages du lieu de son domicile.
Pour cette fois, A nne ne peut se tirer de cette dis-
�( 6i )
position par des subtilités. Cet article a été connu d’elle;
elle pouvoit l’exécuter si elle avoit eu son acte de ma
riage; elle a su qu’elle ne pouvoit y suppléer, dès qu’elle
n’avoit aucun titre.
Et lorsqu’elle a eu connoissance des articles 194 et
195, qui veulent que nul ne puisse réclamer le titre
d’époux, et les effets civils du mariage, s’il ne repré
sente un acte de célébration inscrit sur le registre de
l’état civil ; que la possession d’état ne pourra dispenser
les prétendus époux qui l’invoqueront, de représenter
l’acte de célébration du mariage devant l’officier de l’état
c iv il, elle a dû désespérer de sa cause.
Mais les premiers juges ont-il pu ignorer la disposi
tion de la loi ? n’ont-ils pas dû savoir que l’étrangère
lie pouvoit établir son titre d’épouse légitime, qu’en jus-'
tifiant de l’acte qui le lui avoit conféré ? Diront-ils quo
le Code Napoléon n’a été promulgué que postérieure
ment ? Mais alors ils n’avoient d’autre boussole que la
loi du 20 septembre 1792; et d’après l’article 7 de la
section 4 de cette lo i, A n n e 11e pouvoit constater son
mariage qu’en représentant l’acte de l’officier public. Cette
loi n’indique pas d’autres moyens de suppléer au défaut
de ces actes.
Auroient-ils voulu se déterminer par les anciens prin
cipes? A n n e n’avoit pas la possession de son état, n’avoit
aucun écrit du défunt qui fût un commencement de
preuve par écrit.
Ils ne pouvoient donc en aucune manière admettre
la preuve testimoniale. .
,[ :. »n •
'
Un mot sur Feûfant naturel , cdnnu soui le nom à'Em ile
�( 62 )
d’Estaing. A n n e reproche aux frères d’Estaing d’avoir
fait paroître sur la scène un enfant dont on ne parle plus.
Les frères d’Estaing ne lui doivent à cet égard aucune
explication ; ils ne savent sur cet enfant que ce qu’a
déclaré le sieur d’Estaing père, au bureau de paix.
Un enfant a été présenté à l’officier civil, sous le
nom d'E m ile , comme fils de leur frère. La reconnoissance n’émane pas du père lui-même. Il existe; il est
dans ce moment placé au lycée de Toulouse. S’il a des
droits à faire valoir, il saura les réclamer.
Les frères d’Estaing observeront, en terminant, qu’ Anne
n’est pas r é d u ite à un sort funeste ; qu’elle est à l’abri
de tous les besoins ; qu’elle est encore dans un âge où
elle peut augmenter ses ressources par sa sagesse, et un
travail honorable ; mais que si elle veut se faire un
prétexte d’un événement commun dans son pays , pour
s’élever au-dessus de son état, ce trait d’ambition déplacée
ne servira qu’à la couvrir d’opprobre.
!'J
M e. P A G E S ( d e Riom ) , ancien avocat,
M e, G A R R O N jeune, avoué licencié,
A RIOM , de l'imprimerie de T hibaud - L andriot , imprimeur
de la Cour d’appel,
Mai 1808
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Marie
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Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
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A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Estaing, Jean-Baptiste d'. 1808]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Pagès
Garron
Subject
The topic of the resource
contestations de légitimité de mariages étrangers
expédition d'Egypte
opinion publique
xénophobie
Delzons
Description
An account of the resource
Mémoire en réponse, pour Sieurs Jean-Baptiste d'Estaing, ancien commandant d'armes à Chambéry, Jacques-Théodore, Pierre-Gabriel, Catherine et Elizabeth d'Estaing, frères et sœurs, intimés et appelans ; contre Anne, soi-disant Nazo, soi-disant Grecque d'origine, se disant veuve du général d'Estaing, se disant pareillement tutrice de Marie, sa fille, appelante d'un jugement rendu au tribunal de Mauriac, le 13 août 1807, et intimée.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Thibaud-Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1808
Circa An 9-1808
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
62 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0537
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0410
BCU_Factums_M0536
BCU_Factums_M0535
BCU_Factums_M0530
BCU_Factums_M0603
BCU_Factums_M0604
BCU_Factums_M0605
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contestations de légitimité de mariages étrangers
Delzons
expédition d'Egypte
opinion publique
xénophobie
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Text
*•
P R É C I S
POUR
S ie u r
Jean G E R L E , avocat, et juge de paix
du canton de Sauxillanges, intimé ;
CONTRE
F r a n ç o is
r i n e et
GERLE , p r ê t r e , P i e r r e , C
M a r i e G E R LE , f r è r e s et
a th e
sœ u r s,
appelans.
U n e a c q u i s i t i o n d’immeuble particulier, faite par un
p è r e , en qualité de légitime administrateur d’ un de ses
enfans en bas â g e , le prix payé des deniers du père ,
auquel des deux doit - elle profiter ? La translation de
propriété qui s’est opérée par l’effet de l’acte de v e n te ,
n’a-t-elle pas résidé, ab in itio , sur la tete de l’enfant,
au nom duquel l’acquisition a été faite? ou l’objet ainsi
A
�acquis f a it - il partie des biens et de la succession du
père ?
L ’enfant doit-il être tenu de rapporter l’objet en na
ture , à la succession de son père ? ou n’est-il tenu qu’au
rappôrt des deniers employés par le père au payement
du prix de cette acquisition, des frais et loyaux coûts,
et aux améliorations du fait de ce dernier?
T elle est la principale contestation sur neuf cliefs de
demande, qui seront développés lors de la plaidoirie.
F A I T
S.
E n 1 7 5 9 , Pierre G e rle , père commun des parties,
e n q u a l i t é Ue l é g i t i m e administrateur du sieur G erle, in
tim é, donna sa procuration pour acheter six journaux
d’un pré appelé la Périchon n e, situé à Sauxillanges.
L ’acquisition fut faite par le fondé de pouvoir du sieur
Gerle pè re, en cette qualité, pour et au nom du sieur
Gerle fils.
E11 1 7 8 6 ,1 e sieur Gerle fils contracta mariage. Son
père l’institua son héritier, et le chargea de payer, à
chacun de ses autres enfans , une légitime déterminée.
A l’époque d u c o n t r a t de mariage du sieur Gerle fils
(sa mère étoit décédée ab intestat) , Pierre G erle, son
père, jouissoit alors des biens de ses enfans, provenons
du chef de leur m ère, en vertu de l’usufruit légal, effet
de la puissance paternelle alors en vigueur. Les parties
vivoient sous l’empire des lois des pays du droit écrit.
A p rès le mariage du sieur G e rle , intimé, son père a
également continué de jouir de ses biens, par suite du
�C3 )
même usufruit, jusqu’au 19 août 1804, époque de son
décès.
A l’ouverture de la succession du sieur Gerle p è r e ,
le sieur Gerle aîné, son héritier contractuel, a réclamé
les six journaux:'de pré comme à lui appartennns, ayant
été acquis pour lui et en sou nom par son p è re; il a
offert de rapporter à la succession paternelle les deniers
fournis et avancés par son père, et employés au payement
du prix de cette acquisition , les frais et loyaux coûts
d’icelle, et le montant des améliorations du fait de ce
dernier, s’il en existe, qui aient rendu l’objet acquis de
p lu s grande valeur.
m
o
y e n
s.
C’est un principe généralement reconnu et avoué dans
le d r o i t , qu’un père peut.acquérir pour un de ses enfans;
et que l’objet acquis par le père, comme administrateur
légitime d’un d’eux, appartient irrévocablement à l’enfant
sous le nom duquel l’acquisition est faite, exclusivement
au père. C’est ce qui nous est enseigné par tous les ju
risc on sul tes qui ont écrit sur cette matière.
Ils ont assimilé le cas de l’acquisition faite par tle père,
agissant en qualité d’administrateur -ou de curateur d’un
de ses enfans , au cas d’ un retrait lignager exercé par
l’ascendant, agissant en ¡la même q u alité, sous de nom
d’ un d?eux. Ils enseignent q u e les effets ■et les-consé
quences-sont les mémos dans l’un comme dans l’autre
cas, et décident que de même que le -père, ou un cdes
ascendans , ne peut «disposer ide ^héritage ainsi referait ,
A 2
�( 4 }
.
de même il ne peut aliéner l’héritage par lui acquis sous
le nom d’un de ses enfans.
Gi'imaudet, en ses œuvres, liv. 2, ch. 1 2, agite d’abord
la question de savoir si un père peut valablement retraire
sous le nom d’un de ses enfans , n’ayant aucun bien ,
l ’objet par lui vendu : après avoir décidé pour l’ailirm ative, il ajoute que lors du partage des biens du père,
l’objet acquis appartient et reste h l’enfant comme propre;
qu’il en est l’incommutable propriétaire; et que, quoique
le père ait payé le prix de ses deniers, il ne sauroit pré
tendre à la propriété de la chose ainsi acquise. V o ici
comment s’exprime Grimaudet :
« L a conséquence suit de ce que l’enfant de famille,,
« ou son p è re , comme curateur, peut retirer ce qui a
« été vendu par son père; lequel acquêt demeure propre
« à l’enfant, et le père, après, né le pourra retenir, par la
a liaison commune que ce qui est acquis de mes deniers
« n’est pas fait mien, mais à celui qui a fait l’acquisition.»»
Cet auteur fonde son opinion sur la loi S i e x eâ
p ecu n iâ , au cod. de re venditâ ,* et les raisons qu’il cn>
donne sont, ainsi qu’il les rapporte, fondées sur l’autorité
de Godefroy. Q uia emptum pecitniâ a lic u ju s , ejus
non f i t , sed ejus cnjus nornine emplio facta est ; et
quando pater donat fd io y velut pecuniam in retracta,
ilia donatio non reddit ad commodum pntris.
L e môme auteur ajoute ensuite :
« Entre les enfans ès lieux où les père et mère ne
« peuvent pas avantager les uns plus que les'autres, celui
« sous le nom duquel l’acquêt est f a it, doit rapporter
t< les deniers de Vacquét avec le s fr a is , si mieux il u’aiine
�(5)
« la chose retirée, demeurer en l’hérédité, pour les doc< niers en cire partagés; et pour L’acquêt être f a i t par
« le p ère, comme curateur de son enfant , il ne fa u t
« dire q u il fa s s e sa condition meilleure que îitn de
« ses autres e ifa n s : car il ne lu i donne rien de son
« bien , et tout ce qui part du père ( qui sont les de« niei's') , il fa u t que Venfant les rapporte:; le nom du
a curateur ne doit fa ir e que la chose appartienne au
« père et aux autres enfans.
« Ce que nous disons que le père ne peut avantager
« l’un de ses cnfans plus que l’autre, se doit entendre,
« comme n o u s di so n s e n droit, que l’homme et femme
« ne se peuvent faire don l’un h l’autre, dont l’un soit
a plus pauvre, et l’autre enrichi : o r , au cas présent,
« par Vacquêt le père n'est a p p a u v r i c a r il ne perd
« rien du sien , et débourse seulement des d e n i e r s p o u r
a lesquels il se peut p o u rvoir; et jquant à Ia c q u ê t, le
« fils ne lef a i t de son père, mais de Vétranger; partant
« les autres cnfans ne peuvent prétendre part\ audit
« a cq u êt, ou dire que par icelui le père ait, avantagé
« leur frère. »
Brodeau, sur l’article 139 de la coutume de Paris, qui
étoit une coutume qui astreiguoit à une parfaite égalité,
a consacré les mêmes principes que Grimaudet ; il en
seigne que « les autres enfaus, après le décès du père,
« ne peuvent rien prétendre à l’héritage retiré ou acquis
« par le père, sous le nom de l’un d’e u x ; que le fils
« n’est tenu qu’au remboursement des deniers avancés
« par le père; que dès-lors n ih il abest à f a m iliâ , et
.« qu’on ne peut pas dire que la gratification et le ch oix
�( 6 )
« que le père a j'a it de la personne d'un de ses eirfans
« soit un avantage indirect et réprouvé. »
L eb ru n , en son Traité des successions, liv. 3 , chap. 6 ,
sect. 3 , traite la question de l’acquisition faite par un
père au nom d’un de ses enfans,et celle du retrait exercé
par le père sous le nom de l’un d’eux ; et dans l’un
comme dans l’autre cas, il enseigne et décide que le fils ne
doit rapporter què le prix de l’acquisition ou du retrait,
et non l’héritage acquis ou retrait.
A u nombre i 5 , il dit :
« S i lè père a acheté au nom de son fils, l e p r i x
êc"DË L’ ÀCQUÎSITI Ot t E S T S UJ E T A RAPPORT. »
A i l nômbre i'6, il ajoute :
« I l eti est de même quand un père a exercé e te x é « cuté un retrait lignager au nom de son fils; car le
« fils rapporte lè prix du retrait à. la succession de son
« p è re , É T frOtt l ’ h é r i t a g è S i ê m e , q u i n ’ a j a m a i s
* A P P A R T E N U A U PÈ RE, et qui ne l’auroit pu prétendre
«c en la succession de son fils, ni comme acquêt, ni à
s titre de réversion ; en sorte q u e , quoique le retrait
« lignager soit très-avantageux, c’est un cas où le père
te 1peut avantagét soh fils d’un projit q u i 71 est point
« 1sujet à ràpport. » Î/J'aut dire de même dans le cas
~dü ftombre précédent , et « si "le p è r e a f a i t p o u r
xt ‘s'dN W L S ÙN 'AiCHAT A V A N T A G E U X . »
^Bou^jon,“e n ‘sbhTraité du droit commun delà France,
tihap. 7,l$ect. i 1^ . , irititulée : D u ‘rapport de ce que le
“pèrb irchètb lpôur soh fils, png. 7 2 9 , s’exprime ainsi.
A ii nortibre '1^ . , il dit :
T o ü t aviinta^e d’ascendarrs'à descendons fonde’lerap-
�(7 )
«
«
«
«
port. Si les père et mère ont exercé un retrait lignager
sous le nom de leur lils , il doit les deniers employés
pour l’exécution d’un tel retrait , m ais Théritage
retiré lu i appartient. »
A u nombre 2, il ajoute:
« D e m êm e, s'ils ont acheté et payé pour lu i un
« im m euble, ce q u i résulte évidemment de la proposi« tion précédente. »
A u nombre 3, le même auteur ajoute encore:
« D a n s Tun et Vautre ca s. c'estr-à-dire, du retrait, et
« de Vachat d'un immeuble de la part d'un père pour
« son f i l s , ce dernier ne doit pas le rapport de la
« c h o s e , qui ne vient pas de la substance du p è r e ,•
« mais L E R A P P O R T d e s d e n i e r s p a y e s par Vascen« dant à ce sujet. Mais il ne doit plus les deniers en aban« donnant la chose , s’il se trouvoit lésé par le retrait
« ou l’acquisition, et qu’il eût été restitué contre l’effet
« d’iceux. »
Enfin, au nombre 4 , Bourjon s’exprime ainsi :
a Soit dans le cas du retrait exercé par le père pour
« son lils, soit dans le cas de Vacquisition f a i t e par le
« père sous le nom du même j i l s , c e s S O R T E S d ’ a c t e s
ce S O N T
DES
ACTES
DE
COMMERCE
ET
N O N ' DE L I B É -
« R A I jI T É . »
d errière , sur l’article 3 0 4 'de la -coutume de Paris,
glose 2 ,ii°. i£r., tom. 3, enseigne une semblable dqctrine.
« Ce.qui est a cq u is, d it-il,
pèrç, de ses deniçrs,
« au nom de sop fils, est'suj.et à rapport,1 suivant le
ik sentiment de Charondas, ce quùest>sans dpute',‘ et en
« ce cas, c ’ e s t l a s o m m e q u i e s t - s u j e t t e à ’R a p p o r t ,
�Ce )
x ET NON L’HÉRITAGE
ACQUIS , D’ A U T A N T QU’l L N’A
« J A M A I S ÉTÉ DANS LES BIENS DU PERE. »
B oucheul, en son T raité des conventions de succéder,
chap. 6 , n°. 21 et suivant, pag. 66 et suivantes, traite,
e x p ro fesso , la même question que la cour a à juger.
A p rès avoir fait l’énumération des coutum es, telles que
celles de N orm andie, Bretagne et T ou rain e, dont les
dispositions sont contraires aux principes gén érau x,
Boucheul ajoute aussitôt:
« Mais l’on renferme ces coutumes dans leur détroit;
« et où la coutume n’en parle p a s, la jurisprudence y
« est certaine que l’héritage ainsi retiré et acquis p a rle
« p è r e , sous le nom d’ un de ses enfans , q u o i q u e
« M I N E U R , EN BAS A G E , ET MEME SANS AUCUN BIEN,
« APPARTIENT,
NON AU
« DENIERS , m a is
à
PERE
l'e n fa n t
QUI
sous
A FOURNI LES
le
n om
du q u el
sont faits. »
Cet auteur a fondé son opinion sur les dispositions
de ld loi 8 , au cod. S i quis alteri vcl sib i emerit.
A u nombre 26 , Boucheul ajoute :
« Q uand le père ou la mère a c q u i è r e n t un heri« tage sous le nom de l’un de leurs enfans, ce n’est pas
«
L’ ACQUÊT
k
UN
«
ont pour l u i
ou
le retra it
AVANTAGE
que
c e tte
q u ’i l s
p ré d ilectio n
, et en rem boursant le p r ix ,
l ’h e r i -
« t a g e EST AU F I L S , sans qu’il soit besoin d’en f a ir e
a rapport à ses co h éritiers, parce que c e s t un bien
« qu i ne vient pas dm su b s t a n t i a p a t r i s. »
D en izart, au mot R apport, n°. 49, dit:
« S i le père achète , au nom de son J i l s , ou exerce
« uji retrait lignager, LE p r i x d e l ’a c q u i s i t i o n ou du
«
retrait
�(9)
« 7'etrait est sujet à rapport ; MAIS
non
pas
l ’h é -
« R I T A G E , QUI N’ A J A M A I S APPARTENU AU PE RE ; en.
« so r t e q u e , supposé que Vachat ou le retrait soit
« avantageux au j ï l s , LE PROFIT QUE F A IT LE FILS
« N’EST PAS SUJET A RAPPORT. »
Pothier, e n s o n T i’aité des successions, cliap. 4 , §. 2,
page 180, édit. in -40. , enseigne la môme doctrine.
« LorsqiCun père ( d i t - i l ) a acheté , au nom et
« pour le compte de s o n j i l s , un héritage, et en a payé
« le p rix de ses deniers , CE n ’ e s t p a s l ’ h é r i t a g e
« qui est s u j e t A r a p p o r t ; I L N’ A J A M A I S
« P A S S É DU" P È R E a u F I L S , P U I S Q U ’I L N ’A
« JA M A IS A P P A R T E N U AU PÈ R E , A Y A N T
« É T É ACH ETÉ AU NOM DU F IL S ; L E F IL S
« sera donc seulement ten u, en ce c a s , a u r a p p o r t
k d u p r i x que le père a jv u r n i pour Vacquisition. »
O a trouve la môme décision dans le répertoire de
jurisprudence, par Guyot. Les articles que nous allons
rapporter sont d’un célèbre magistrat, vivant au temps
actuel, collaborateur de ce répertoire ( 1 ).
A u mot légitim e, tom. 10, pag. 386 , 011 lit :
« L e PRIX d ’ u n e a c q u i s i t i o n que le père fait au
« nom de son fils, et qu’il paye de ses propres deniers,
« est, sans contredit, sujet à l’imputation : on a déjà
« vu que le parlement de Flandres l’a ainsi jugé, par
a arrêt du 14 février 1775. »
Mais il est essentiel de remarquer ici que c’est du
p r ix , et non de l ’héritage acquis, dont il est fait men~
( 1 ) M. Merl... procureur général à la cou r de cassation,
B
�( 10 )
tion , lorsqu’il s’agit de l’imputation de légitime. On va
voir qu’il n’est également question que du p r ix , et non
de l’h éritage, lorsqu’il s’agit du rapport.
ü n lit encore, dans le même répertoire de jurispru
dence de G u y o t, page 413 , au mot rapport, nomb. 7 :
« Nous avons établi, à l’article légitim e, qu’on doit
« imputer, dans la portion légitimaire, l e p r i x d e l ’ a C« QUISITION QUE LE PERE A FA IT E DE SES PROPRES
« DENIERS , AU NOM DE SON FILS ; la même raison
« veut que LE PRIX SOIT S UJ ET A RAPPORT. »
E n fin , h la même page il est ajouté :
« Nous ne parlons ici que DU RAPPORT DU T R i x ,
« parce qu’en effet il rfy a que l e p r i x q u i y p a a ROISSE SUJET ,
« FA IT E
DANS
P AR LE PERE ,
IÆ CAS D’ UNE ACQUISITION
AU NOM D’UN DE SES EN-
« F A N S , L’HÉRITAGE MEME SEMBLE NE DEVOIR PAS
« Y ÊTRE SOUMIS : J A M A I S IL N’A APPARTENU A U
« P È R E ; IL N’A POINT PASSÉ DU PERE AU FILS , et
« CONSÉQUEMMENT
a LE METTRE
«
APRÈS
LE FILS N’EST
POINT
TENU DE
DANS L A MASSE DES BIENS DU PERE
SA MORT. >3
Telle est la doctrine universqllement enseignée par les
j u r i s c o n s u l t e s q u i ont écrit sur la question élevée au
jourd’hui dans la famille G e r l e : t o u s o n t décidé q u e le
fils, au nom duquel l’acquisition ou un reirait sont fails
par le père, ou autre ascendant, est propriétaire seul et
incommutable de l’immeuble acquis 011 retrait ; que le
fils est seulement tenu au rapport des deniers déboursés
par le pè re, et non au rapport de l’héritage acquis,
sur lequel le père n’a jamais eu aucun droit de propriété.
�( 11 )
D e ces principes, il résulte que les six journaux de
p r é , que le sieur Gerle père a acquis au nom de son
fils a în é, en 1769, ont appartenu à ce dernier , dès l’ins
tant même que la translation s’en est opérée par l’effet
de l’acte de vente qui a eu lieu ; il résulte enfin , et il
est démontré, que cette propriété a résidé sans cesse sur
la tête du sieur Gerle, intim é, à l’exclusion de son père,
et q u e , soit le sieur Gerle p è r e , soit sa succession ou
ses héritiers, n’ont à réclamer que le p r i x , les frais et
loyaux coûts, et les améliorations du fait du p è r e , s’il
eu existe du fait du père.
Q u o i q u e le père ait fourni les deniers pour le paye
ment de cette acquisition , cette circonstance ne sauroit
donner aux enfans légitimaires du sieur G e r l e , aucun
droit de propriété sur le pré dont il s’agit. C ’est ce qui
nous est enseigné par Godefroy, en ses notes s u r la loi i rc.
au cod. S i quis alteri vel s ib i, sitb alterius no m iné vel
aliénât pecunià em erit, tit. 5o , liv. 4. Il décide que la
chose aCquise n’appartient pas h celui qui en a payé le
prix de ses deniers, mais à. celui au nom duquel la chose
est achetée.
R e s , dit-il, ejus esse'mm videtur, non eu ju s p ecu n ia ,
sed eu ju s nomine empta est.
Et sur la loi 8 , du même t i t ., le môme annotateur
ajoute : A lié n a pecuniâ , quod compara lu r ,J it compa
ra Jïtis , non ejus eu ju s f u it pecunia.
L a circonstance de l’existence de l’institution contrac
tuelle faite en 178 6 , en faveur de l ’intim é, de la part
de son père, ne sauroit changer son état, ni porter at
teinte à son droit exclusif de propriété sur le pré* dèJ là^
B 2
�Périchonue ; droit dont il a etc irrévocablement investi
dès le 7 avril 176 9, c’est-à-dire, dès le moment même
de la perfection de l’acte d’acquisition faite pour lui et en
son nom par son père.
En devenant l’unique propriétaire de ce pré, au même
instant il est devenu débiteur envers son père des deniers
par lui avancés et fournis pour parvenir à celte acqui
sition. O r , par cet état de chose, il est démontré que
jamais le père n’a pu être considéré comme propriétaire
du pré en question, et que cette propriété a nécessai
rement résidé dans la personne du fils.
L e père, en instituant son fils aîné héritier universel,
ne l’a institué que dans l’action qu’il avoit pour répéter
les deniers par lui d é b o u r s é s , et non dans la propriété
du pré acquis pour son fils. Car, encore une fois, le père
n’en a jamais été ni pu devenir propriétaire, tant que
le fils n’a pas manifesté l’intention de renoncer à la
propriété de cet objet»
Ce scroit renouveller une absurdité qu’on a mise au
jo u r, en cause principale, si les appelans prétendoient
que l’a c q u i s i t i o n faite au nom du fils , par le p è r e , est
un avantage indirect; que joiq^ à l’institution contrac
tuelle, le père nuroit alors excédé la quotité disponible;
que leur légitime de rigueur s c r o i t b l e s s é e ; le pré dont
il s’agit ayant, depuis 1769, considérablement accru de
valeur.
Toutes ces idées systématiques se trouvent détruites
d’avance par les autorités ci-dessus rapportées. Grimaudet,
Erodeau, Lebrun et Boucheul enseignent que la prédi
lection que donne un père à un de scs enfans, en achetant
�( i3 )
sous son nom un immeuble , n’est point un avantage
indirect fait à cet enfant. B o u rjo n , au n°. 4 déjà l’a p
porté, dit que ces sortes d’acquisitions sont des actes de
commerce et non de libéralité.
Il est impossible de concevoir que de telles acquisitions
présentent l’ombre la plus légère d’un avantage indirect,
lorsque le fils l’apporte les deniers fournis par le père;
par ce rapport,-le fils réintègre dans la fortune du père
tout ce qui en est sorti : et tous les auteurs ci-dessus
cités enseignent que le fils n’est tenu qu’au Rapport de
ces mêmes deniers, qui ont constitué la substance sortie
do la fortune du père, et qu’il n ’est point tenu au rapport
de l’immeuble acquis, lequel, ab in itio , a appartenu au
fils exclusivement au père : c’est ce rapport du *prix
qui a fait dire à ces jurisconsultes que la -prédilection ,
ou le ch oix d’un des en fa n s, f a it par le père , rfétoit
point un avantage indirect.
1 ■
^
L e p è r e , en achetant pour son fils , n’a sorti de la
substance de ses biens et de sa fortune, que des deniers;
le fils ne doit remettre à la succession du père que les
mêmes objets qui en ont été distraits ; c’est-à-dire, qu’il
ne doit remettre que des deniers. Cette vérité nous est
encore enseignée par Pothier, en son Traité des succes
sions, t o m e 6 , cliap. 4 , § . 2 , page 177? édition in -40.
Voici comme il s’exprime :
« Tous les actes d’ un père ou d’une mère , dont
« quelqu’ un de leurs enfans ressent quelqii avantage ,
« ne sont pas des avantages indirects sujets à rapport j
« il n’y a que .ceux par lesquels les père et mère font
« passer quelque chose de leurs biens à quelqu’un de
�( *4 )
« leurs enfans, par une voie couverte et indirecte; c’est
« ce qui résulte de l’idée que renferme le ternie rapport;
« car rapporter signifie remettre à la masse des biens du
« donateur, quelque chose q u i en est sorti. On ne peut
« pas y remettre , y rapporter ce qui n’en est pas sorti:
« donc il ne peut y avoir lieu au rapport, que lorsqu’un
« père ou une mère ont fait sortir quelque chose de
« leurs biens, qu’ils ont fait passera quelqu’un de leurs
«: enfans. »■
En faisant Papplication de ce principe lumineux en
seigné par Pothier, il est donc c la ii 'e m e n t d é m o n t r é que
les légitimaires G e r l e ne sont fondés à réclamer que le
rapport des< deniers employés par le père com m un , à
p a y e r l ’a c q u i s i t i o n f a it e pour son fils aîné , parce qu’il
n’est sorti du patrimoine du père que des deniers. L eu r
système de rapport de l’objet acquit est une erreur : cet
objet n’a jamais fait partie des biens du p è r e , puisque
tous le/*» jurisconsultes décident qu’il appartient au fils
et non au père. L e pré de la Périchonne n’a donc pas
pu sortir de la, fortune du p è re , n’y étant jamais entré,
C ’est v o u l o i r se révolter contre les principes du droit,
que de soutenir le rapport, en nature, du pré dont il
s’agit.
L a propriété- du pré de la Périchonne ayant résidé
ab in it io , c’e s t - à - d i r e , dès le moment même de la
confection de l’acte de vente par l’effet duquel la trans
lation de propriété a passé de la personne des vendeurs
en celle dû sieur Gerle fils, acquéreur, il est ridicule de
prétendre que lés appelant aient jamais pu concevoir
l’ospoir d’un droit de légitime sur ce pré. O n ne cessera
�(
)
de le l’épéter, ce pré n’a jamais fait partie du patrimoine
du sieur Gerle père ; il n’a eu sur cet objet qu’un droit
d’hypotlièque pour sûreté des deniers par lui avancés
pour son fils. L e sieur Gerle fils a în é , débiteur envers
la succession de son père de ces deniers, ne profitera
d’aucun de ceux que le père a sortis de son patrimoine,
en l’apportant le pi*ix de l’acquisition dont il s’a g it, les
frais et loyaux coûts d’icelle, et la valeur des amélio
rations du fait de son p è r e , s’il en existe. C ’est sur ces
deniers, que n’a cessé d’offrir l’intimé dès le moment de
l’ouverture de la succession de son père, que doit frapper
en partie la lé g itim e des nppclaiis, et non sur le pré de
la Périchonne qui n’est jamais entré dans le patrimoine
du père, et n’en a jamais fait partie.
Par le rapport offert par l’intimé, la succession du
père ne reçoit aucune atteinte, et l’intimé lui-même ne
reçoit aucun avantage. Cette succession recouvre tout ce
qui a été distrait par le père, de la substance de sa for
tune et de ses biens.
Lesappelans nesauroient être fondés à réclamer aucune
espèce de droit de légitime sur l’accroissement de valeur
qu’a pu acquérir le pré de la Périchonne, depuis 1769,
étant démontré qu’il n’a jamais fait partie des biens du
père commun. Cet accroissement de valeur n’a rien coûté
au père ; sa fortune 11’en a souffert aucune espèce de
distraction-, c’est une augmentation inopinée, qui est un
accessoire du p r é , produite par la chance des temps, et
indépendante du fait de l’homme. O r , dès -qu’il est dé
montré que le père commun n’a jamais eu ün tfeutifisA
t
";o
�(. 16)
tant aucun droit de propriété sur cet héritage} c’est une
absurdité de prétendre que les appelans ont des droits
à ses accessoires.
P o u r -pouvoir, G E R L E.
A R I O M , de l’imprimerie de T h i b a u d - L a n d r i o t , imprimeur
de la Cour d’appel. — Mai 1808.
�
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Factums Marie
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Title
A name given to the resource
[Factum. Gerle, Jean. 1808]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Gerle
Subject
The topic of the resource
successions
acquisitions
fils avantagé
Description
An account of the resource
Précis pour sieur Jean Gerle, avocat et juge de paix du canton de Sauxillanges, intimé ; contre François Gerle, prêtre, Pierre, Catherine et Marie Gerle, frères et sœurs, appelans.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Thibaud-Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1808
1759-1808
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
16 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0549
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Sauxillanges (63415)
Rights
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Domaine public
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acquisitions
fils avantagé
Successions
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8f3257a26465dfda8660b7e405a60148
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MEMOI RE
POUR
MM. TOURTON,R A V EL et C o m p a g n i e
;
' •,>. *- .■ ? » • .
C O N T R E
M . M O N T Z et ses P r ê t e - N o m s j
«
ou
H i s t o i r e g é n é r a l e des fraudes de M . M o n t z ;
servir a l'instruction des v i n g t - t r o i s Procès par
lui suscités à M M T our t o n R a v e l et Compagnie.
Pour
�MEMOIRE
?
Pour
MM. T O U RTON , R A V E L
et
C om pagnie;
C o n t r e M . M O N T Z et ses P
r ê t e - N oms
.
C h a q u e matière a son intérêt. L a procédure ellemême , qui le croiroit? peut offrir des détails piquans
et dignes d'attention. Il est quelquefois curieux de suivre,
dans tous ses détours , un plaideur astucieux qui veu t,
à toute force, échapper aux justes condamnations pro
noncées contre lui. En vain les tribunaux s’arment de
toute leur puissance pour le contraindre à payer. Il a
plus d’adresse que les tribunaux n’ont de force. Un moyen
lui est enlevé : mille autres jaillissent de sa féconde ima
gination. Les faux, les simulations, le s déguisemens, les
enlèvemens furtifs, et, quand la rage s’en m êle, les
destructions pleuvent de tous côtés. Les créanciers
A
�(
2
}
courent, cherchent; s’agitent. Le débiteur fuit, cache,
résiste. A qui des créanciers ou du débiteur rebelle res
tera la victoire ? Q u i, dans cette lutte scandaleuse , rem
portera, ou de la ruse, ou delà justice? 'Suffira-t-il, à
un banqueroutier, de le vouloir pour acquérir cette in
solente invulnérabilité, opprobre des lois dont elle
atteste l'impuissance, désespoir du commerce dont elle
anéantit la sécurité ?
Un tel problème, en effet, peut éveiller la curiosité
de l’observateur.
E t c’est ce problème que la conduite de M. Montz
produit aujourd’ hui aux dépens de MM. Tourton, Ravel
et compagnie.
Tout Paris sait quel est M. Montz, l’ opulence dont il
jouit, leclat qui l’environne , la dépense qu’il fait. V oi
ture brillante, mobilier somptueux, table délicate, su
perbe hôtel à la ville, maison de campagne jadis occupée
par un prince du sang royal , voluptés de toute espece,
M. Montz a tout quand il faut jouir : M. Montz n’arien
quand il faut payer.
Bien inutilement le poursuivent , depuis dix ans ,
MM. Tourton , llavel et compagnie , ses créanciers de
575,000 liv. en vertu d’arrêts souverains.
Depuis dix ans-, M. Montz se rit de leurs efforts ;
s’ amuse avec ses amis ; fait ses affaires } s’occupe de ses
plaisirs; et jette un procès à MM. Tourton, Ravel et
compagnie, à mesure que ceux-ci osent le troubler dans
sa douce vie et saisissent une de ses propriétés mobiliaires ou immobiliaires.
C ’est ainsi que sont écloses l ’ une après l’autre vingt-
�.( 3 )
trois instances de fraude, les unes déjà jugées, les autres
âguger.
> '■<
MM. Tourton, Ravel et compagnie fourniront-ils une
défense dans chaque instance? Que de redites ! E t d’ail
leurs que de frais d'impression?
Ils ont cru économique de temps pour les magistrats
et d’argent pour eux-mêmes de faire un mémoire circu
laire qui serve dé réponse à toutes.
Ge résumé des fraudes de M. Montz aura; d’ailleurs,
un double avantage1
i° . Il présentera la conduite entière de ce dernier
sous un seul aspect!
.¡xi
2°. E t peut-être en signalant un ensemble si révoltant
de machinations ourdies1 par un mauvais débiteur pour
insulter aux droits de ses créanciers, appellera-t-il l'at
tention du législateur sur les mesures qu*il conviendroit
d ’appliquer à de coupables manœuvres dont il n’y a taut
d. exemples que parce qu ’elles restent impunies.
ii 1
F A I T S .
Depuis long-temps M. Montz plaidoit avec MM. Tourton , Ravel et compagnie, sur la question de savoir s’il
devoitêtre condamné à leiir payer 675,000liv. pour le
montant de billets qu’il ûvoit souscrits solidairement
avec quelques autres'capitalistes.
iPlusieurs années furent consumées en procédures.
Production dos registres et de tous-les papiers de com
merce de la maison Tourton, comparution des parties
¿ri personne , interrogatoire^, audition de témoins, inÀ x
�( 4 )
tervention d’agens de change, il n’est pas une seule voie
d’instruction peut-être qui n’ait été requise et où n’ ait
été entraînée la maison Tourton. Elle est loin de s’en
plaindre. Elle s’en applaudit au contraire, puisque tant
d’éclaircissemens appelés et toujours obtenus d’elle n’ont
servi qu’à prouver la justice de ses demandes et la mau
vaise foi de ses débiteurs.
Mais tout a un terme, même les procès ; et malgré le
savoir faire deM .M ontz, celui-ci tiroit à sa fin dans le
mois de messidor an 7, qui ne s’écoula pas en effet tout
entier sans que la contestation ne fût jugée.
M. Montz étoit averti par sa conscience 5 il l’étoit aussi
par l’ opinion ; m ais, en habile général, et forcé de quit
ter le combat, il médita une retraite savante et songea
aux moyens de s’assurer ses dernières ressources.
La principale, celle qu’ offroit un portefeuille , riche
ment garni au su de tout Paris, ne lui donnoit aucune
inquiétude. Un portefeuille circule et s’évanouit. Il ne
faut que vouloir.
Il en étoit ainsi de l’ argent comptant.
Mais quelques parties de la fortune de M. Montz
éloient à découvert.
M. Montz avoit la nu-pi’opriété d’une maison magni
fique sise à Issy, et qui jadis avoit appartenu à M. le
prince de Conti, un très-bel hôtel à Paris, place V en
dôme, dans cet hôtel, un mobilier du plus grand prix,
une créance de a83 ,ooo liv. sur M. de Cazaux, avec qui
même il paroissoit être en procès , enfin de fort beaux
biens sis aux portes de Moulins.
Quant à cette dernière propriété y fort éloignée de
�( 5 )
Paris, et qu’on savoit moins généralement lui apparte
nir, il crut pouvoir ajourner les mesures de salut jus
qu’au moment ou il apprendroit que MM. T ou rlon ,
R.avel et compagnie l’auroient découverte.
Mais pour le reste il y avoit urgence.
Dans quelques jours, dont même M. Monlz n’avoit
obtenu le bienfaisant délai que par des promesses déceptrices d’accommodement, il alloitêtre condamné, et
sans doute saisi.
M. Montz se presse donc.
Il est intimement lié avec une espèce de complai
sant et de familier qui se fait appeler Gin d’üssery ,
et dont le surnom est peut-être la seule acquisition
qu’il ait faite de sa vie; homme à qui on ne connoissoit pour subsister ni terres, ni travail, ni place, ni
enfin nulle autre ressource que scs vénales complai
sances pour M. Montz, qui le nourrissoit à sa table et
le logeoit au quatrième dans une petite chambre de sa
maison.
L a mauvaise foi ne calcule pas toujours les vraisem
blances. M. Gin s’offrit à la pensée de M. Montz, parce
qu’il s’ofFroit sans cesse à ses yeux; parce que d’ailleurs
il falloit quelqu’un de bien dévoué; et parce qu’enfin la
tête se perd quelquefois quand il faut agir vile et sans
avoir le temps de délibérer.
Le quatorze messidor an sept , quatre jours avant le
jugement du procès , M. Montz et son ami Gin courent ire Fraude
tous deux chez un notaire, et là M . M ontz , demeurant B ail simulé
à P a ris } p l a c e V endôme , »°. 16 , loue à vil prix, pliccVcu-'
¡
�*
4
silôme. li en pour neuf a n s , h M . G in , rentier, demeurant a P a r is ,
derlSnuÎîîté. p l a c e V e n d ô m e ,
iG , la maison de la place F e n i " . Procès,
n», ï 6 , qui lui appartient.
*
Ce n’est pas tout.
C e même
jour M . Montz, en propriétaire intelli-
2 \iut7des g e n t , et en père de famille qui s’ entend bien à donner de
glaces de la .
v a l e u r A ses im m eubles, dépouille sa maison de la
iiuuson deU
.
• 1
* *
1
place Ven-^ piaCe Vend ôm e de toutes les glaces qui la garnissent de
jendemander |iaut en bas , en sorte qu après le bail fini, le locataire,
y. TroÎs.
Où 00™ M’
'***'
M . G i n , ne lui rendra que les quatre m urailles, et que la
maison sera, dans la v érité , hors de location, puisqu’ un
immeuble de cette importance ne peut être pris à loyer
par personne quand il est denue de glaces. E t ces glaces,
M>. Montz les vend à son commensal Gin , moyennant
1 5,000 fr. payés comptant,
Ce n’est pas tout.
3« F rau d e.
J S
t
Il falloit sauver le beau m obilier, c’ est encore Gin
qui l’aclietle ; car Gin a de l’argent pour tout. E l il est
Paris. Il faut to u ioul-s p r ê t à a c h e te r q u a n d son ami MontZ est prêt
p n dG iïisîid cr
«
w
à vendre. Ce mobilier lui est vendu moyennant i 5 ,ooo fr.
EnœTeîî. p a y é s com ptant. Pour sentir toute la dérision d’une pa-
la nullité,
Gin-
reille vente, à part la nullité de fortune de M .JG in , et sa
très-réelle impuissance de trouver toutes ces sommes, il
ne faut que jeter les yeux sur l’état du mobilier vendu.
11 contientQU a.ti\e r ô l e s entiers. U n e sculcligno de ces
quatre rôles vaut mieux que les quinze mille livres , prix
¡nominal de ce mobilier-, car ceLle ligne contient neuf
„ rands tableaux , dont quatre de V ern et, le peintre
de la n a tu re, et quatre, de cet excellent et ingénieux
Robert, éternellement regrettable pour les arts com m e
�( 7 )
pour Vamitié. L ’on peut, par cet échantillon , juger de
rimmense valeur de ce mobilier si ridiculement apprécié
à 1 5 ,ooo francs. Des lits d’acajou doré , des secrétaires
d’acajou , des commodes d’acajou , un billard d’acajon ,
des armoires d’acajou, des bibliothèques d’acajou, des
trictracs d’acajou, des tables de jeu d’acajou, un piano
d’ acajou fait à Londres , six tables à manger d’acajou,
des sièges d’acajou, des lustres, des candelabres, des
vases d’albâtre, de granit , de porcelaine, des statues
de bronze ou autres , tous les livres de la bibliothèque,
tous les couchers assortis au luxe général de la maison ;
voilà ce qui compose quelques-uns des gros articles.
Quant aux petits, il seroit fastidieux de les nombrer ;
on y trouve dans les plus minutieux détails tout ce ¿qui
compose un ménage bien monté ; trente douzaines de
serviettes, cinquante nappes , de la batterie de cuisine
en quantité, des porcelaines , même des cuillers de
vermeil pour se sei'vir des porcelaines, un coffrefort y etc. Enfin M. Montz pousse le philosophique
détachement de tout ce qu’ il possède au point de
céder à son ami Gin jusqu’aux torchons et aux ta
bliers de cuisine : ils sont aussi dans l’état. On sent
bien qu’un homme qui opéroit de si grandes »'éformes,
et qui, pour faire honneur à ses affaires sans doute,
vendoit jusqu’au nécessaire, n’uvoit garde de conser
ver le superflu. Aussi M. Montz vcud-il également
ses vins de toute espèce , et même jusqu’à sa bière, à
M. Gin*, l’état comprend deux mille bouteilles de vin de
Bourgogne, mille de vin de Bordeaux, deux cents de vin
de Sauterne , trois cents bouteilles de bière. On ne sait
�(8
)
qu’ admirer davantage ou de l’extraordinaire résignation
avec laquelle M. Montz renonce à tous les goûts qui
l’avoient dominé jusque-là , ou de la flexibilité parfaite
avec laquelle M. Gin se laisse saisir par tous ces goûtslà même à l’instant où son sage ami s’en guérit. M. Montz
ne veut plus pour lui d’un hôtel tout en entier : le simple
et modeste M. Gin qui, jusque-là, s’étoit trouvé suffi
samment logé dans une petite chambre au quatrième,
prend de plein saut l’hôtel pour son compte. M. Montz,
si somptueux par le passé-, conçoit tout à coup une
horreur invincible du luxe •, il ne veut plus ni glaces,
ni dorures, ni bois précieux, ni mobilier élégant, ni
porcelaines, ni vermeil : M. Gin éprouve une convul
sion pareille en sens contraire, et le jour même où son
ami; converti sur toutes ces mondanités, les apprécie ce
qu’ elles valent et y renonce, lu i, pour s’en engouer; il
abjure ses meeurs patriarchales , et troque son grabat
et ses chaises de paille contre le verm eil, les porce
laines; les bois précieux, les dorures et les glaces. Sobre
tant que M. Montz fut adonné aux voluptés de la table,
il veut à son tour connoitre ces voluptés quand M. Montz
devient sobre, et il succède aux vins de son a m i, aux
mêmes vins des difFérens crus de Bourgogne, de
JBordeaux et de Sauterne, et jusqu’à sa fantaisie pour
la bière. Quant aux fantaisies plus nobles que nourrissoit d’abord et..qu abdique entin celui-ci, il les recueille
aussi à son tour. Il prend ses tableaux , ses statues ,
même tous les livres de sa bibliothèque, et prouve
ainsi que, quoi qu’en aient pu dire quelques imbéciles
philosophes, q u i, de l’impossibilité de trouver deux
physionomies
�( 9 )
physionomies absolument pareilles , ont conclu l’impos
sibilité de trouver deux organisations morales absolu
ment semblables, il est des âmes tellement façonnées
dans le même moule et tellement identiques, qu’il n’y a
ni une pensée , ni une affection, ni une volonté , ni
une inclination dont l’une soit modifiée qui ne se i*éiléchisse dans l’autre , comme les objets dans un miroir
fidèle.
Ainsi du moins cet étonnant phénomène s'est produit
une fois ; et ce sont MM. Montz et Gin qui en ont donné
le touchant exemple.
Mais ce n’étoit pas assez de ce miracle de la nature,
il falloit encore un miracle du hasard ; il falloit que de
ces deux amis si bien faits l’un pour l’autre, les sentimens restassent les mêmes et les fortunes opposées.
L'un avoit été pauvre, tandis que l’autre étoit riche ;
il falloit que le pauvre devînt riche à son tour, quand
le riche dcvenoit pauvre : et c’est aussi ce qui arriva tout
à point par le plus grand bonheur du monde. En effet,
quelles que soient les voies secrètes dont s’est servi la
destinée pour opérer ce prodige , il est constant que
M. Gin , qui s'étoit couché le soir du i 3 messidor sans
avoir de créd it, ce dont il en auroit eu besoin pour
trouver un gros éeu à emprunter, s’est réveillé le i4
messidor tellement gorgé de trésors et de ressources,
que non-seulement il lui a fallu promptement; comme
on le voit dans l’état du mobilier actuel, un cojfre-fort ;
que non-seulement il a disposé à son gré de sommes
très-considérables ; que non-seulement il a payé 1 5 ,000 f.
comptant pour les glaces de M. Montz ; que nou^seuleli
�( 10 )
ment il a payé i 5 ,ooo fr. comptant pour le mobilier de
M. Montz; que non-seulement il a payé des sommes
bien plus énormes, comme on va le voir tout à l’heure,
pour d’autres objets : mais encore qu’il n’a pas pu se
passer plus long-temps ni de riches équipages, ni de
chevaux. M. Montz avoit deux voitures élégantes et du
meilleur ton deux jolis cabriolets plaqués d’argent,
de beaux harnois plaqués d’argent, des chevaux blancs,
des chevaux bais , une jument de selle. E t c’est tout
cela précisément qui devient nécessaire aussi à M . Gin.
Il lui faut , ni plus ni moins , les deux voitures , les
deux cabriolets j les beaux harnois, les beaux chevaux
blancs, les beaux chevaux b ais, la belle jument. Tout
cela lui est vendu, tout cela est dans l’état; tout cela est
donné comme par-dessus le marché , avec le superbe
mobilier dont il a payé en masse i 5,ooo fr.
Dieu soit loué ! la fortune ne reste pas toujours à la
même place. Dans son cours rapide, elle touche succes
sivement de sa verge d’ or loates les classes et tousles in
dividus. M. Gin a eu son lour ; il va donc aussi monter
en carrosse et jouir de l’opulence !
Erreur ! grossière pensée ! après tous les miracles
que nous venons de v o ir , un miracle plus grand va
s’ opérer. La tourbe vile et sensuelle, quand le sort la
favorise , ne sait rien autre chose que jouir brutalement
de ses dons. Mais il est des âmes stoïques qui , plus
grandes que la fortune , ne voient dans ses présens
qu’ une occasion de donner au monde d’ héroïques exem
ples du mépris qu’ ils en font.
Telle l’âme sublime de M. Gin.
�Tout a changé autour de lui : lui seul il ne changera
pas, et la tête, comme il arrive à tant d’autres parvenus,
ne lui tournera pas de sa subite métamorphose} il sera
dans l’opulence ce qu’il fut dans la misère.
M. Gin a des carrosses ; il n’y montera pas.
M. Gin a des chevaux$ il voyagera à pied , comme
par le passé.
M. Gin a le plus riche mobilier ; il continuera de se
contenter pour lui de la serge et de la bure.
M. Gin a un hôtel à sa disposition ; il restera conüné
dans cette petite chambre où il a savouré jusque-là les
charmes de l’obscurité.
M. Gin fera davantage.
Il poussera la délicatesse jusqu’à l’exaltation la plus
inouie.
S.on ami avoit été obligé de se dépouiller de tout.
M. Gin avoit tout acquis. Mais M. Gin n’a rien acquis
que pour en faire un pur hommage à l’amitié.
II est vrai qu’il est devenu le possesseur du bel hôtel,
l ’heureux propriétaire du beau m obilier, des carrosses,
des chevaux , de la cave. Il est vrai que c’est lui désor
mais qui fait la dépense dans la maison , qui paie les
gens , qui entretient la table. Peu importe. M. Montz
ne changera pas une seule de ses manières, et ne fera
pas le sacrilice d’une seule habitude. Toujours il occu
pera exclusivement l'hôtel qu’il a occupé , et M. Gin
ne se permettra pas d’occuper rien de plus que sa
chambre exiguë. Toujours M. Montz usera du mobilier
comme s’ il ne l’avoit pas vendu , et comme si M. Gin
,ne le lui avoit pas payé. C ’est M. Montz qui commauB 2
�( 12 )
liera clans la maison à tout le monde el à M. Gin luimême. C’est lui qui invitera à la table de M. Gin, qui y
fera servir et boire les lions vins de la cave de M. Gin ,
tandis que M. Gin se contentera humblement de la
petite place que jadis, et quand il n’ étoit que le parasite
de M. Montz, il occupoit au bout de la table , petite
place qu’il conserve pourtant avec une générosité sans
exemple , tandis qu’il laisse M. Montz , devenu son
hôte, continuer d’ occuper la place du maître. C’ est
M. Montz aussi quiemploiera les carrosses, les cabrio
lets , les chevaux , les cochers, les gens de l’écurie ,
sans que M. Gin se permette même d’en partager
l’usage.
Ainsi, dans le siècle passé on vit une grande prin
cesse acheter la bibliothèque d’un savant, uniquement
pour lui en assurer l’usage pendant tout le reste de sa
vie. Tel et plus noble encore M. Gin consumoit des
capitaux importans à conserver à son ami toutes les
jouissances dont d ’ impertinens créanciers menaçoient
de le priver. Plus noble , disons-nous 5 car , enfin , la
souveraine avoit bien d’autres livres à sa disposition
que ceux du savant ; et M. Gin n’avoit ni d’autre hôtel,
ni d’autre mobilier, ni d’autre carrosse.
Là ne finirent pas tous les actes de magnanimité de
M. Gin. Il rendit bien d’autres services à M. Montz.
C’ est le 14 messidor an 7 qu’avoient été passés et le
bail de l’hôtel el la vente de mobilier, de carrosses, de
chevaux, etc.
E t certes, il éloit temps, car, le 18 , le procès des
billets solidaires avoit été jugé, et une condamnation
�( >3 )
de 20,000 liv ., suivie bientôt dix jours après , c’est-àdire, le 28 messidor, d’une autre de 555 ,000 liv.,avoit
été prononcée contre M. Montz.
MM. Monlz et Gin n’étoient pas en si beau chemin
pour s’arrêter.
En conséquence , le lendemain même de ces grosses
condamnations , le généreux M. Gin qui n’avoit acheté ,
le 14 , un coffre-fort que parce qu’il avoit des trésors
qu’ il ne savoit pas où' renfermer , va chez un notaire
prêter à M. Montz 80,000liv. pour dix ans sans intérêts.
D ’autres auroient pu y regarder à deux fois avant de
prêter une pareille somme à un homme qui vcnoit de
subir de telles condamnations, et dont les affaires étoient
dans une si terrible confusion , qu’ il vendoit tout ce qu’il
avoit, jusqu’à son lit , ses carrosses et ses torchons de
cuisine. Mais le zèle de l’amitié ne se laisse pas aller à
de paniques terreurs. Quatre-vingt mille livres de plus
ou de moins dans la fortune miraculeuse que venoit de
faire M. Gin étoient une bagatelle. D’ailleurs M. Montz
qui veilloil aux intérêts de cet ami dévoué, eut grand soin
de stipuler à son proüt une spéciale hypothèque sur sa
nu-propriété d’Issy.
Ainsi et désormais MM. Tourton, Ravel et compa
gnie pouvoient venir quand ils voudroient. Le lit où
couchoit M. Montz, le mobilier dont il se servoit, les
carrosses et les chevaux qui le portoient, les tableaux
et objets d’arts qui le délecloient, les vins précieux qui
l’abreuvoient, tout étoitàM. Gin. C ’étoitparsa tolérance
que M. Montz en jouissoit. Les créanciers en auroient le
démenti.
4'. Fraude .
Obligation
simulée de
80,000 liv. Il
faut en de
mander la
nullité.
4 '. Procès .
Encore M ,
Gin.
�£,
FraU(ie.
A ff e c t a t i o n
FhôJuf« la
lônie iiHuit
¡endemander
Ja. îiullitc5«. V'orès.
^ncort •
i 'i 4 )
’ Voadroient-ils se venger sur la nu-proprlété d’ïssy ?
Une bonne hypothèque de 8o,ooo liv. la défendoit.
Mais il y avoit la propriété de l’hôtel de la place Yendôme. M. G in , supérieur à l’intérêt, ayoit négligé de
stipuler pour un prêt de 8o,ooo liv. une hypothèque sur
cet hôtel. Heureusement que M. Montz rivalisoit avec
noblesse d’âme. M. Montz avoit eu besoin de
_
_
^t
Bo;ooo liv. Gin les lui avoit pretees. L ’argent étoit re^
Montz l’avoit dans sa poche. L ’acte étoit signé.
Les stipulations éloient closes. M. Gin ne pouvoit plus
demander d’hypothèque nouvelle. Peu importe. Les
grandes âmes s’entendent et se répondent. S iM .G in n e
demandoitrien , ne pouvoit rien demander à M. M ontz,
M. Montz étoit libre d’ offrir et d’accorder à M. Gin.
E t en effet, il offre et accorde. Spontanément , donc
les parties paroissent revenir le 29 m essidor, c’est-àdire, le même jour que celui oiil’obligation de8o,ooo liv,
a été souscrite; chez le même notaire, et là, sans assigner
à leur convention nouvelle d’autre m otif, sinon qu’elles
le veulent ainsi, M. Montz , dans un second acte qu’on
assure même être inscrit au pied de l’acte de prêt de
80,000 1. , confère à M. Gin, pour le montant de ce p rêt,
hypothèque sur son hôtel de Paris, déjà couvert d’autres
hypothèques.
Nous disons que les parties paroissent. avoir sous
crit ce nouvel acte le 29 messidor. En effet , il est
difficile de croire que celte date soit véritable. L ’obli
gation du 29 messidor a été enregistrée le Ie*-. thermidor.
Cela étant, et si le i cr. thermidor, le second acte du
29 messidor existoii déjà, et surtout existoit au pied
�( ,S )
de l’autre et sur la même feuille de papier, on ne voit
pas du tout comment il se seroit fait que l’on n eut pas
présenté à la fois, le i er. thermidor, au meine enre
gistrement , ces deux actes frères , ces deux actes si
dependans l’un de l’autre. Toutefois le second acte n a
été enregistré que le 7 thermidor. L e 7 thermidor!
Or, il faut savoir que le 6 , MM. Tourton, Ravel et com
pagnie avoient, dans la simplicité de leur cœur, tente
une saisie sur ce riche mobilier qu’ils etoient loin de
penser avoir cessé d’appartenir à M. Montz. Le 6 ther
midor donc , cette sérieuse hostilité avoit mis 1 alarme
au camp. On s’étoit remué. On avoit bien visité toutes
les armes défensives pour Voir si elles étoient en état.
Alors , vraisemblablement, ou s’ apperçut de l’ omission
commise dans l’acte du 29 messidor; mais on craignit,
en la réparant par un acte du 6 thermidor , coïncidant
ainsi avec la fatale date de la saisie , de donner trop
de consistance aux soupçons de simulation. Il sembla au
conseil Montz bien préférable d avoir un acte qui con
tînt l ’addition d’hypothèque à une date antérieure. Mais
comment se la procurer ? le notaire fut-il trompé? un
subalterne acheté présenta-t-il dans la foule des actes
à signer celui-ci à la signature du notaire? Cela n est
pas prouvé. Mais cela est possible. E t quand .bientôt
on verra de qu oi, en pareille matière , s’avise M. Montz,
on verra aussi que nous ne violons pas les vraisem
blances , en craignant que le second acte n’ait été
enregistré le 7 thermidor que parce qu’en dépit de sa
date du 29 messidor il n’a existé que le 6 thermidor.
Quoi qu’il en soit, il restoit encore à sauver une
�( iG )
6'. Fraude. créance de 283,200 liv.'appartenant à M. Montz sur
Transport M. Cazaux. Si cette créance étoit éventée , elle pouvoit
simulé de la
créance C a- être perdue pour M. Montz. Heureusement pour lui,
zau\. Il faut
eiuleinander l’obligeant M. Gin étoit là avec sa corne d’abondance.
la nulliU;. La créance deM. Cazaux étoit échue dès long-temps. Elle
C)r. Procès.
Toujours M- n’étoit pas payée. Elle étoit même litigieuse. La solvabi
Cm .
lité du débiteur et les difficultés attachées au recouvre
ment de la créance pouvoient inspirer d’assez naturelles
inquiétudes à tous ceux à qui on auroit proposé de vendre
les billets. Une créance arrivée à terme sans être payée,
une créance pour laquelle on plaide n’allèche personne.
Nul homme de bon sens ne s’en charge volontiers, et
surtout u en traite à égalité absolue de valeur. Ainsi rai
sonne la prudence humaine ; mais l’héroïque amitié a
ses règles particulières. M. G in, le i er thermidor, va
f'
chez un notaire. Il est probable que les 3o,ooo 1. qu’il
avoit déjà données à M'. Montz seize jours auparavant
pour ses glaces et son mobilier , et les 80,000 liv. qu’il
venoit de lui remettre la surveille pour le montant de
l'obligation du 29 messidor , n’ avoient pas tout à fait
épuisé son coffre-fort ; car il trouve, deux jours après, les
283,200 liv. qu’il remet à M. Montz , et moyennant
lesquelles celui-ci lui transporte par acte notarié la
créance Cazaux, et les jugemens rendus contre ce dé
biteur. En sorte qu’en dix-sept jours M. Gin , à qui
encore une fois jusque-là 011 ne connoissoit ni propriété
ni ressource , donne pourtant à M. Montz tr o is cent
(¿UATRE-VINGB-TREï ZE MILLE DEUX CENTS LIVRES.
Deux observations sur tous ces actes.
i ° . Ni dans les Yeutes de glaces et de m obilier, ni dans
l ’ acte
�I *7 )
î ’actede prêt ¿Le 80,000 l i v ., ni dans le transport conte
nant quittance de 283,200 liv ., les notaires n’ont garde
d’attester une numération d ’espèces fa ite en leur pré
sence. On sent pourquoi.
2°. Bien que M. Montz eût loue, a partir du I e r . mes
sidor, son hôtel à M. Gin, bien que M. Gin eût acheté
tout ce qui y étoit, et que M. Montz n’y eût pas con
servé un chiffon, les actes de prêt et de cession at
testent que M. Montz demeuroittoujours dans ce même
hôtel : ce qui seroit très-bizarre , si on ne retrouvoit
dans cette occasion à M. Gin, logeant son ami chez lui
et dans ses meubles, la générosité habituelle de ses
procédésOn avoit; ainsi, paré au plus pressé. Les actes étoient
signés. M. G in, dès le 6 thermidor, avoil pris les ins
criptions. M. Gin avoit fait signifier son transport.
MM. Tourton et Ravel pouvoient venir.
Ils vinrent.
Leurs jugemens étoient enfin sortis du greffe ; et bien
sûrs que M. Montz, dont ils ne connoissoient pourtant
pas alors tous les talens , ne les paieroit pas sans y être
contraint, ils songèrent, à l’y contraindre.
Le premier aliment aux poursuites s’offroit de luimême ; c’étoit son brillant mobilier. Dans la pensée de
MM. Tourton, Ravel et compagnie , un mobilier si pré
cieux devoit inspirer à son propriétaire quelque désir de
le conserver ; et ils n’étoient pas sans espoir de voir
M. Montz s’exécuter pour n’en être pas dépouillé.
Ils ne rendoient pas au génie de M. Montz toute la
justice qu’il méritoit*
C
�7*. Frau d e.
Réclam a
tion de M .
Gin comme
locataire. Il
faut faire ju
ger qu’il n’a
pas droit de
réclamation.
7'. P rocès.
Toujours M .
Giu.
( >8 )
Le G thermidor, armés des jugemens du tribunal de
commerce , les huissiers se présentèrent dans l’hôtel
de la place Vendôme, qu’ ils croyoient être celui de
M. Montz , pour saisir le mobilier qui s’y trouvoit qu’ils
croyoient être le sien.
Le maître de l’hôtel et le propriétaire dumobilier parut.
Ce n’étoil pas M. Montz.
C’ étoit M. Gin.
]VI. Gin opposa ses actes.
Il requit un référé.
Il déclara que M. Montz ne demeuroit plus dans
cette maison j qu’il demeuroit à Meudon ; que lu i, G in ,
étoit le locataire de la maison de la place Vendôme *,
que lui, Gin, étoit le propriétaire du mobilier.
On examina ^ette réclamation.
Elle exlialoit la fraude.
Mais c’étoit la première qui étoit révélée à MM. Tourton , Ravel et compagnie.
Ils ne connoissoient pas encore toutes les autres. Ils
ne connoissoient ni le prêt G m , de 80,000 liv. , ni les
hypothèques Gin sur l’hôtel et sur la maison d’Is s y , ni
le transport Gin de la créance Cazaux, ni toutes les
mille et une fraudes pratiquées alors et depuis > qui se
prouvent et se trahissent les unes les autres.
Un procès de plus leur répugna pour le moment.
D ’ailleurs M. Montz avoit appelé des jugemens du
tribunal de com m erce. Il falloit instruire et faire juger
cet appel.
Pour le moment donc ils laissèrent là M. Gin et ses
menteuses réclamations , et donnèrent tout leur temps
et tous leurs soins à la suite du procès au fond.
�I I9 )
Lreur modération ne üt que donner plus d’audace à
M . Montz.
Pendant même que l’on plaidoit sur l’appel, de nou
velles fraudes furent ourdies. Sous peine de devenir ab
surde , M. Montz nepouvoit pas ne se servir jamais que
<le son ami Gin. Y a donc paroîlre sur la scène un autre
personnage, mais bien digne , comme le prem ier, par
son dévouement, par sa maladresse et par son mépris
de toutes les vraisemblances , de jouer un rôle aussi
-dans ce drame non moins révoltant que ridicule.
M. Montz a toujours ardemment désiré d’avoir à sa
pleine et entière disposition cette belle maison de plai
sance , dont nous avons déjà parlé , sise à Issy. Il la
convoitoit depuis long-temps. Depuis long-temps il en
avoit acquis la nu-propriété. Mais l'usufruit en appartenoit à M. de Besigny.
M. Montz avoit traité de cet usufruit et du mobilier
avec M. de Besigny. On ignore quels arrangemens furent
d’abord faits entre eux ; car il n'y eut aucun acte passé.
Tout ce qu’ on sait fort bien, c’est que M. Montz s’éta
b lit, en l’an 5 , à Issy, dans cette maison pour la
quelle il eut toujours une affection toute particulière, s’y
comporta en maître , y fit des dépenses et des embellissemens considérables.
Plus il y en faisoit, et plus il dut désirer de préserver
sa propriété des poursuites de MM. Tourton, Ravel et
compagnie.
Il est vrai qu’il avoit déjà donné à la nu-propriété
un abri dans l’hypothèque Gin.
Il est vrai que nul acte public ne le constituant enC 2
�( 20 )
core ni usufruitier de ¡’immeuble , ni possesseur du
m obilier, M. de Besigny , si on inquiétoit M. Montz,pourroit les reclamer,
r
Mais M. de Besigny le voudr oit-il ?
Il est très-probable qu’il ne le voulut pas , ou qu’ on
n’ osa pas même le lui proposer.
Il fallut chercher un autre prête-nom.
Il se trouva.
8«. Fraude.
Un M. la Jum elière, l’un des compagnons de plaisir de
Vente à un -jyj Montz , consentit à le devenir.
pTnfsuiVuit
En conséquence et par acte notarié en date du 18
Semandei p rairial, M. de Besigny vend son usufruit à M. la
la nullité.
-r
1•
8'. Procès. Jum elieie.
M. la Jume-
^
u n autre acte sous seing privé est souscrit le meme
‘ere'__
jour par les mêmes parties : et selon cet acte M. de
9Venîeïun Besigny vend moyennant a 5 ,ooo 1. qu’il reconnoît avoir
prête-nom du recu
lc mobilier étant dans la maison d lssy a M. la
mobilier
d’issy. IL faut
-
*
Jumelière.
"knulîiîé."
Mais quel étoit donc M. la Jumelière ?
Encore M^ia
M- la Jum elière s’est qualifié , dans ses différons
Jum elière.
actes , cultivateur.
Mais à quoi pensoit donc le cultivateur la Jumelière
en achetant une maison de plaisance occupée autrefois
par le prince de Conti ?
A la cultiver ? G’est une mauvaise plaisanterie.
A l’habiter ? Mais il en avoit une autre qui étoit son
séjour habituel dans le village de Yaudouleur , près
d’Elarnpes, comme le déclarent, les actes qu’il a signés.
Personne n’ a deux maisons de campagne. Un cultivateur
que son travail iixe davantage encore dans les lieux où il
�( 31 )
développe son industrie pour nourrir sa famille, conçoit
bien moins encore que tout autre celte absurde et dis
pendieuse fantaisie , et surtout n’acquiert pas comnie
double maison la maison d’un prince.
Aussi, M. la Jumelière , qui paroît être un homme
fort raisonnable, est-il resté dans sa maison d’exploita
tion du village de Vaudouleur, ou dans son pied à terre
à Paris de la rueBuffaut.
Rien n’a changé à Issy par son acquisition de l’usu
fruit et du mobilier.
M. Montz y demeuroit auparavant.
M. Montz y a toujours demeuré.
M. Montz jouissoit du mobilier auparavant.
M. Montz a joui du mobilier depuis.
E t M. PÆontz a si peu compris que cet événement
l’en chassât, et M. la Jumelière l’a si peu voulu , que
M. Montz à qui il convenoit en l’an 9 de ne plus avoir
1air de conserver à Paris ni domicile , ni mobilier,
puisque le domicile et le mobilier de P aris étoient sous le
nom de son bon ami Gin, a fait à la municipalité d’Issy
sa déclaration qu’il y fixoil son domicile.
Quel étoit donc le dessein de ce cultivateur de Vau
douleur, en achetant l’usufruit et le mobilier de M. de
Besigny ?
■
Dira-t-il qu’il faisoit une spéculation?
Elle étoit bizarre.
M. de Iîesigny avoit quatre-vingts et quelques an
nées. De la part de tout autre que M . Montz , nu-pro
p riétaire, n’eût-ce pas été une folie véritable d’acheter,
à quelque prix que ce fû t, cette possession fugitive que
�( 23 )
quelques mois pouvoîent dévorer, et qui, en expirant1,
laissoit son acquéreur insensé avec l’ embarras d ’un mo
bilier de ü 5 jOOO livres dont il ne sauroit que faire , et
qu’il ne sauroit où placer !
. Si pourtant la tête avoit tourné à M. la Junielière au point de conclure ce marché digne des PetitesMaisons , apparemment qu’il va se presser d’exprimer
de cette spéculation mourante tout le lucre dont elle
est susceptible , en louant à haut prix à M. Montz et
cette maison dont il ne veut pas sortir, et le mobilier
qui la garnit. Apparemment que M. la Jumelière
fera constater avec M. Montz cet important mobilier
dont il vient de traiter, et qu’il ne déplace pas !
En aucune manière.
Nul acte n’ est fait.
M. Montz reste dans la maison sans bail.
Il reste en possession du mobilier sans écrit.
M. la Jumelière abandonne tout à sa foi. Il livre
tout et la maison et les meubles avec une confiance en
tière àM . Montz , c’est-à-dire , à ce débiteur en faillite,
saisi à P aris, écrasé d’énormes condamnations, me
nacé d’une prochaine expropriation de ses biens , dé
pouillé par lui-même, si on l’en croit, de ce qu’ il y a
de plus liquide dans sa fortune, et dont tout Yactif
connu, en écartant même le passif frauduleux qu’il a
créé, est bien loin de suffire au paiement de ses légi
times créanciers.
Au reste , M. la Jumeliere fait très-bien d’écono-.
miser les frais des actes ; car , quand il en fa it, ce sont
(les absurdités de plus. Plus tard, enfin, un bail a été
�t »3 )
îait. E t , dans cet acte , comme dans tous les autres, les
vraisemblances sont si bien gardées, que ce mobilier de
25;ooo 1. M. la Jumeliere paroît le louer à M. Monlz
5 oo liv. par an. Cinq cents livres de revenu pour uue
mise dehors de 25,ooo liv ., pour une mise dehors en
mobilier qui dépérit tous les jours ! belle spéculation !
et bien vraisemblable !
.
Mais n’anticipons pas.
Pendant que tout ceci se passoit, M. Montz continuoit à plaider contre MM. Tour ton , Ravel et com
pagnie. Les années s’écoulèrent en chicanes et en pourparlexs. Enfin et en l’an i 3 , les droits de MM. Tourton,
Ravel et compagnie furent consacrés par des jugemens
souverains.
Ces jugemens étoient quelque chose. Ce n’étoit pas
tout : il falloit les exécuter.
Plusieurs débiteurs avoient été condamnés. 11 y en
avoit dans l’étranger. Il y en avoit en France. L ’exemple
de M. Montz avoit été contagieux. Plusieurs étoient
réellement insolvables. D ’autres avoient pris , comme
M. Montz, leurs précautions , et le paroissoient comme
lui.
Pendant que MM. Tourton , Ravel et compagnie délibéroient sur celui des débiteurs qu’ils poursuivroient
d’abord, et alloient aux informations pour découvrir
leurs divers biens , ou leurs fraudes variées, un créan
cier de M. Monlz perdoit patience et vint dispenser
MM. Tourton , Ravel et compagnie de commencer
contre lui des poursuites d’expropriation, en les corn-
�C 24 3
«nençant lul-même. C e créancier impatient êloit son.
propre beau-frère , M . S e l o n , qui lit saisir à la fin de
l’an i 3 , ou au commencement de l ’an i 4 , l ’hôtel de la
place Vendôm e.
D éjà , com m e on se le rappelle , M . Montz avoit dé
taché de cet immeuble toutes les glaces qu’il avoit ven
dues à Gin. Mais il craignit que ce n’ en fût pas assez pour
dégoûter ces enchérisseurs , et il imagina de recourir
encore à Gin pour lui faire un bail bien bizarre et qui
fût propre à effrayer quiconque seroit tenté de se rendre
adjudicataire , en lui laissant entrevoir pour premier
fruit de son adjudication, soit un procès , soit de grands
embarras dans sa jouissance. L e bail qu’ il avoit fait en
l ’an 7 à M . Gin n’ étoit pas e x p iré , mais peu importe.
Celui qu’ il va
faire ne
commencera
qu’à l ’expira
tion.
11 appelle
donc son fidèle Gin.
Gin court chez le notaire.
10 '. F rau d e.
B ail simulé
de l’hôtel de
la place V en
dôme. I l Cil
faut deman
der la nullité,
io '. P rocès.
Encore M*
•Gin.
li t le 29 frimaire de l’au i 4 , M . Moutz loue à G in ....
quoi ? T o u t l’hôtel com m e autrefois ? N o n , mais un
petit appartement de trois chambres dans les entresols,
outre t.a. chambre a u jo u r d 'h u i occupée par M . Gin.
C ’étoit bien déchoir du premier bail de la part de ce lo
cataire fastueux, qui alors, pour se loger, lui et son riche
mobilier , avoit eu besoin de l'hôtel tout entier.
Au
reste, s’ il se restreignoit pour sa personne , au point de
se contenter désormais de ce petit appartement, il clierclioit à s’en indemniser en espace sur les autres parties
¿de l’hôtel , car ce bail com prend t o u s les greniers ,
TOUTES
�( ’3 )
t o u t e s les écuries et t o u t e s les remises . Si l’ on songe
que l’Iiôtel cle la place Vendôme , à cause de la disposi
tion et de la magnificence de ses appartemens , ne peut
être occupé que par des propriétaires très-riches , on
sentira aisément comme , pour ces propriétaires , il y
auroit une grande tentation de l’acquérir , quand ils seroient bien assurés de n’y pouvoir loger de neuf ans , ni
une hotte de foin , ni un cheval, ni un cabriolet. L ’on
sentira encore combien il étoit vraisemblable queM. Gin,
avecsachambre, et même son appartement de trois pièces
dans l’ entresol, eût besoin de tous les greniers , de toutes
les remises et de toutes les écuries. Au reste, et pour
en ûnir sur ce point, il faut savoir que cette dernière si
mulation a manqué son but en partie. M. l’ambassa
deur de France près le roi de W irlem berg n’en a pas
moins acheté l’hôtel. Pais il a fait déclarer nul le bail de
l’ami Gin , qui non-seulement a eu la douleur de ne
pouvoir pas occuper à lui seul tous les greniers et toutes
les écuries de l’hôtel de Montz, mais qui va même cesser
d’habiter cette chambre unique si long-temps occupée
par lu i, et dans laquelle ont été méditées tant et de si
belles conceptions (i).
E t qu’au sujet de cette chambre unique il nous soit
(i) L a jugement qui auiuillo ce bail a été rendu le 2 janvier dernier
par le trlbuual de la Seine. Ce tribunal, au nombre de ses m otifs, a con
sidéré « que le bail étoit fait par Montz que poursuivoient scs créanv ciers, à un hom m e auquel, dans l’espace de sept an s,
a vendu l^j
* meubles , les gl:ices déooraut les appartemens de cette ma.sou au
>» profit duquel il a souscrit des obligations et îles cessions , de tous les*> quels laits résulte une fraude évidente, etc. ».
D
�(
)
permis de faire une observation qui prouve toute l'im
pudeur avec laquelle Montz et ses amis ne font pas difliculté «le se donner des démentis à eux-mêmes , pourvu
qu'ils parviennent à leurs fins.
M. G in, par le bail de l’an 7, étoit devenu le loca
taire de tout l’hôtel, le propriétaire de tout le mobilier,
c’est-à-dire, qu’ à partir de cette époque il a dû des
cendre de sa chambre ou de son grenier du quatrième ,
pour occuper, à lui tout seul, tous les riches apparte
nions qui composoient l’ hôtel. En effet, on a vu que
quand, quelques semaines après, on est venu pour saisir
sur M. Montz le mobilier qui garnissoit ces vastes ap
partenions, il s’est présenté pour déclarer que c’étoit
lui qui occupoit les appartenions , que c’étoit lui qui
étoit propriétaire du mobilier, et que , quant à M. Montz,
il demeuroit à Issy. Eh bien! malgré ces déclarations,
malgré cette conséquence très - naturelle du bail de
l’an 7 , s’il étoit vrai , veut-on savoir ce qui en étoit ?
Gela n’est pas diflicile-, car voilà M. Monlz et son com
père Gin , q u i, ne s’inquiétant guère de convenir qu’ils
ont m enti, quand leurs mensonges avoient réussi ( et
ceux-ci avoient très-bien réussi, puisque dès long-temps
les huissiers s’étoient retirés) , viennent naïvement se
proclamer eux-mêmes imposteurs en laissant écrire en
toutes lettres , dans le bail de l’an i/j., que le pauvre
M. Monlz est toujours demeurant dans son hôtel, place
Vendôme , et que le riche M. Gin occupe encore aujourd /tut une chatnl)ie , u^e seule chamime ! dans cc
grand hôtel qu’il avoit feint de louer. Il est diflicilc do
croire qu’ on puisse pousser l’effronterie aussi loin ! E t
�( 27 )
'pour en rester convaincu , il faut avoir les deux baux
sous les yeux.
Ainsi procédoit M. Montz pour ses biens de Paris. Sa
conduite est toute d’ une piece , et il procédoit delà même
manière pour tous ses autres biens.
On n’a pas oublié les biens de Moulins.
Ces biens valent certainement plus de 200,000 fr.
M. Montz, instruit que MM. Tourton, Ravel et com
pagnie se donnoient des mouvemens pour prendre sur
¿ces biens les renseignemens à l’aide desquels ils pourroient opérer une-saisie régulière , gagna de vitesse.
Tous ces biens étoient loués par baux particuliers. II*, i'rande’
Le 4 novembre 1806, il fit a un M. Tarteiron un bail Bail simulé
des biens do
général pour neuf ans , à commencer le u du même Moulins. 11
faut en de
mois , et moyennant 3 , 5 oo fr. , et le 22 de ce mois m ander la
même, il passa à un M. Sclierbe la vente de ces biens I I nullité.
e. P ro cès au prix de 70,000 fr.
12 '. F ra u d e.
Le seul rapprochement de ces deux ope'rations suffit V ente si
mulée et à vil
pour re'véler les intentions de M. Montz et de ses af- prix des mê
biens. I l
lidés. Un homme de bon sens ne fait p as, la veille mes
faut en de
m ander la
d ’une vente , un bail général.
nullité ou la
1.1 est très - évident que ce bail a eu deux buts dif rescision.
12«. Procès.
férons, mais tous deux pourtant imaginés pour léser
les droits des créanciers. L'un a été de tromper ,
par les apparences d’un produit médiocre , ceux qui
ne se seroient pas fait rendre compte de la valeur de
la propriété , et de les détourner par là de tout projet
de surenchère. L ’autre a été d'effrayer de surenchérir
ceux qui connoissoient la valeur de celte propriété en
plaçant à coté de leur surenchère l’alternative ou de
D 2
�(
}
subir le bail pendant neuf ans , ou de plaider pour le
faire annuler.
Surenchère
Cette alternative , au surplus , n’a pas effrayé
dont on a de
MM. Tourton, Ravel et compagnie, ni un autre créan
mandé la
nullité.
cier révolté comme eux de la vileté du prix de la vente.
13". Procès.
E t eux et ce créancier ont surenchéri. Le prête-nom
de M. Montz résiste de toutes ses forces à ces suren
chères. On plaide à ce sujet à Moulins.
Pour en iinir sur ces biens , il faut déranger ici, quel
que peu , l’ordre chronologique des manœuvres de
M. Montz, pour parler tout de suite d’une mesure qui
complète le système des vols qu’ il fait à ses créan
ciers.
Une portion cle fermages des biens de Moulins a été
l 3*. Franch.
Transport arrêtée dans les mains des fermiers par MM. Carrié
simulé des
fermages de et Bezard, créanciers de M. Montz. Tous les jours pouMoulins, il
faut en de voient arriver aussi sur ces fermages d’autres oppo
mander la
sitions : et M. Montz, qui semble avoir l’espoir d’ob
nullité.
i4”. Procès. tenir la mainlevée des oppositions Bezard , a voulll
Encore M.
Ciin.
avant tout s’assurer qu’il ne premlroit pas uue peine
inutile et qu’il recueilleroit ce fruit de son labeur , en
s’appliquant ces io,ooo fr. au préjudice de ses créan
ciers.
Il a fait un signe.
M. Gin est encore accouru chez un notaire.
11 y est accouru avec les poches pleines d’argent.
11 étoit dû 1 0,609 fr. par divers fermiers.
Ces fermiers étoient éloignés , et le recouvrement
par conséquent devoit donner beaucoup d’embarras.
Dailleurs étoient-ils solvables ?
�( 29 )
P u is, quand les oppositions Iiezard seroient-elles
levées ?
Si cette mainlevée éprouvoit des difficultés , ne perdroit-on pas bien long-temps les intérêts ?
Si elle n’arrivoit pas , le prix qu’il paieroit lui-même
pour la cession à M. Montz, criblé de dettes , ne seroit-il pas perdu ?
Qu’est-ce que tout cela fait à M . Gin?
Il a bien fait d’autres preuves de désintéressement.
Rien, en ce genre, ne doit surprendre de la part
de M. Gin. 11 est si riche! Qu’a besoin de ses revenus
ou même de ses fonds un homme si détaché de toutes
les vanités, qu’avec des carrosses il court à pied par les
boues et par les pluies , qu’avec un hôtel entier il occupe
un coin imperceptible au quatrième étage, qu’avec une
bonne table il laisse un autre en faire les honneurs et se
contente d’avoir l’air d’y être toléré? Un tel philosophe
que les richesses ne corrompent pas et auquel elles ne
donnent nul besoin , n’a rien de mieux à en faire que de
les répandre en largesses dans le sein de ses amis.
M. Gin répand donc les siennes dans le sein de
M . Montz , e t , par acte notarié du 9 juillet 18 0 7 ,
moyennant 10,509 francs ( ni plus, ni moins) qu’il paie
comptant (car remarquez bien qu'il est toujours pressé
de payer), il achète et se fait céder par M. Montz
celte véreuse, difficile et lointaine créance de 10,509 fr.
sur des fermiers saisis.
Mais pendant que tout ceci se passe à Moulins, voyons
ce qui se passe à Paris et à Issy. E t peut-être d’ailleurs
ne quitterons-nous pas M. Gin pour cela. 11 est pos-
�{ 3o )
sible que .nous ayions encore le plaisir <le l’y rea 4'- F ra u d e.
Billets
souscrits par
M . Montz à
sa mère pour
¿puiser sa
part hérédi
taire. Il fail
lir a faire an
nuler ces
billets.
,l 5'. P rocès.
v oir.
A Paris, Mme. Montz la mère venoit de mourir. Il
fuudroit n’avoir pas lu ce mémoire jusqu’ici pour ima
giner que, dans la succession de cette datne , les créan
ciers de son iils rétrouveroient sa portion héréditaire.
On trouva en eiîet après sa mort un paquet bien et
duement cacheté. On s’attendoit bien que ce ôeroit un
testament qui, sauf les arrangements secrets et de fa
mille , réduiroit M. Montz à sa légitime. Celle lé
gitime, du moins , pourroit payer quelques dettes, et
les créanciers auroieut pu prendre palience. Point du
tout. Le paquet cacheté éloit bien mieux qu’un testa
ment. C ’éloit une liasse de billets souscrits par
M. Montz au prolit de sa mère , qui, si l’on en croit les
billets, l’auroil fait hériter de son vivant de plus que
sa portion héréditaire. Ce point un jour sera examiné.
Pour le moment parlons d’aulre chose. Parions par
exemple de ce qui se passe à Issy.
A Issy , M. Moutz ne s’endormoit pas dans une
fausse sécurité. La crainte de Dieu et des huissiers lui
faisoit sûrement passer plus d’une mauvaise nuit.
Tout ce qu’il avoit fait pour sauver son avoir des pour
suites ne le rassuroit pas entièrement. Les glaces de
Paris étoient sauvées. Le mobilier de Paris étoit sauvé.
Les billets Cazaux étoient sauvés. Les fermages de
Moulins étoient sauvés. L ’ami Gin s’éloit chargé de
ces divers postes. La terre de Moulins éloit sauvée.
M. Sclierb et M. Tarteiron y veilleroient. La suc
cession maternelle étoit sauvée. De bons billets l’avoieut
�(3.
j
consommée d’avance. Sur la mars3n d’issy l’ami Gin
avoit une bonne hypothèque de 80,000 francs. Mais le
mobilier d’Issy n’avoil-il rien à redouter?
Il y avoit bien cette ancienne vente de l’usufruit faite
à M. Montz sous le nom de l’ami la Jum elière, vente
qui, tant que l’usufruit avoit duré, avoit pu servir de
prétexte pour faire réputerM. la Jumelière propriétaire
des meubles. On s’en étoit même servi avec assez
d’avantages contre les saisies du domaine. Mais cet acte
avoit vieilli. L ’usufruit avoit cessé avec la vie de M. de
Besigny. M. la Jum elière, qui 11’avoit d’autres droits
que ceux de M. de Besigny, n’avoit donc plus rien à pré
tendre ni dans le château d’Issy, ni par suite dans le
mobilier qui le garnissoit.
11 y avoit bien aussi cette vieille vente du mobilier
faite sous seing privé à M. Montz, sous le nom de l’ami
la Jum elière, par M. de Besigny. Mais si nul autre acte
n’intervenoit , quand celui-ci auroit été enregistré ( ca
qu’ il n’étoil pas), et auroit pu être produit, M. Montz
étoit resté si long-temps en possession de ce mobilisr ,
soit avant, soit depuis la cessation de l’usufruit, sans au
cune espèce de titre qui l’y autorisât, qu’on ne devineroit
même pas qu’il p6t en avoir d’autres que le meilleur de
tous , c’est-à-dire , la possession, et que les meubles
pussent appartenir à quelque autre que lui-même. Ajou
tez que , depuis ce temps , M. Montz avoit changé une
partie de ce mobilier contre des meubles plus frais et
plus riches, et y avoit beaucoup ajouté. Si donc quelque
jour M. la Jum elière venoit réclamer contre des saisies
avec son vieil acte , quand on voudroit faix’e le recolle-
�C3. )
i 5'. F ra u d e.
•du^uobiTieiT
d’Issy. Il
faut en demander la
Encore M. la
Jum elière.
?7*-> 18e. et
19 '. F r a u
des.
m ent, on ne.s’ y reconnoîtroit pins , Tien ne seroit ¿ a c
cord, et la saisie dévoreroit peu t-être la meilleure
partie des meubles.
J J n autre acte fut donc fait sous seing-privé , auquel
on donna pour date le I e r . avril 180 7 . Par cet acte , M. la
Jumelière donne à bail à M. Montz, pour trois années ,
. . . . . .
h commencer du i er. mai prochain , la jouissance de to us
les meubies qui sont dans le château d’Issy, détaillés
dans les procès-verbaux de saisie faits par le domaine
aux diverses époques qui y sont relatées, moyennant la
somme de cinq cents francs.
Ce bail a été enregistré le 29 du même mois d'avril/
11 a , depuis , et le 6 janvier 180 8, été déposé à un
notaire. Nous dirons plus bas pourquoi. C ’est un petit
tour de M. Montz qui mérite d’être noté , comme étant
vraiment un des plus curieux.
Les grands objets , au reste, ne faisoient pas négliger
à M. Montz les petits.
Par exemple , M. Montz , depuis le 1 er. avril, avoit
amené à Issy une jument
et
un tapecul.
Ils pou-»
Actes si- voient être saisis. Vile , M. la Jumelière et un acte.
cjûelques dé- M. la Jumelière vient, M. la Jumelière signe. V oici,
!n demander «n date du TO mai 1807 , un bail fait par M. Montz qui
lalIlSl
H«!11'«xV
II) •j demeure tout seul à Issy , qui
*" se sert tout seul de la bête
19'. et 20«. et de la voilure, à M. la Jumeliere qui demeure à
P rocès. Tou.
,
.
.
. 1
jours M. la Etam pes, qui ne s est jamais servi de 1 une ni de l’autre,
jumeliere.
et ^ peul-êlre ne les connoît pas même de vue, de ces
vTuilpti nmir
deux objets pour trois m ois, à raison d’un franc par
jour.
Et cet acte est enregistré. Un pareil acte ! E t en
cil e t ,
�seÎTet, on ne le faisoit que pour cela. Puis, viennent les
saisissans pendant ces trois mois ! On leur répondra.
Ils n’aui’ont pas même le tapecul ni la jument. Après
- ces trois mois, ou le tapecul et la jument n’y seront plus ,
ou Lien il y aura un autre bail»
Autre exemple. Quelques menus meubles ne sont pas
compris dans les procès-verbaux de saisie. On les éva
lue ; ils peuvent être du prix de 600 fr. V ite, M. la
Jumelière et un acte. M. la Jumelière vient*, on é c rit,
on signe. C’ est une quittance de 65 o fr. qu’a payés M, la
Jumelière pour des meubles, sans dire lesquels, qu’ôn
lui fournira. E t la quittance est enregistrée » Cet acte
en valoit en effet bien la peine comme l’autre ! Puis
tiennent les saisissans ! E t , si, outre les meubles com
pris dans les procès-verbaux, plus la jument, plus
ie tapecul, il se trouve quelques objets encore, eh
bien ! ce seront ces objets-là même qui auront été
vendus à. M. la Jum elière, et que celui-ci, la quittance
à la m ain, ne manquera pas de réclamer»
Autre exemple : et celui-ci est curieux. M. la Jum e
lière , dans tous, ses cbiil’ons d’actes, avoit bien pu
vendre ce qui existoit déjà. Mais ce qui n’existoit pas
encore, ce qui n’existe que de jour à autre , les récoltes
enün, M. la Jumelière à qui d’ailleurs elles n’appartcnoient pas, n’avoit pas pu les vendre. E t cela éloit
bien douloureux ; car en juin , et le foin qu’ on venoit
de couper, et le bois qui étoit dans le bûcher devieudroient nécessairement la proie des saisissans. Vite
M. la Jumelière et un acte. M. la Jumelière vient.
Ou écrit i et cette fois - ci ce n'est plus M. la .Tu-
�( 34 )
melière qui vend ou loue à M. Monlz; c’est M. Montz
qui vend à M. la Jumelière le bois qui est dans la
maison et le foin qu’ on vient de couper. Et l’acte est
enregistré. Puis viennent les saisissaus ! Ils n’auront ni
le foin ni le bois. C ’est dommage que MM. Tour ton ,
Ravel et compagnie n’aient pas continué à explorer ces
misérables et fastidieuses fraudes de détail. Il est pro
bable qu’ils auroient trouvé quelque acte enregistré pour
les allumettes et les tessons de bouteilles.
Cependant le moment arrivoit où allo.it éclater sur
M. Montz l’orage q u i, depuis si long- temps grondoit
dans le lointain. Mais c’est dans les grands dangers que
se développe un grand courage , et l’on jugera peutêtre que M. Montz ne fut pas abandonné par le sien.
MM. Tourton , Ravel et compagnie se résolurent
enfin, le 26 octobre 1807, a commencer les poursuites
d’expropriation de la maison dTssy , et ce jour fut fait
à M. Montz un commandement tendant à'ce but.
Les 29, 3 o et 3 i du même mois, ils firent procéder
dans la même maison à la saisie exécution du mobilier.
Il est fort inutile d’observer que M. Montz en avoit
soustrait tout ce qui avoit le plus de valeur. On sup
posera très - aisément que celui qui n’est occupé qu’à
combiner des actes pour voler à ses créanciers les
masses et les choses que leur volume ou leur nature ne
permet pas d’enlever ou de cacher, n’a garde de rester
en si beau chemin quand il s’agit d’objets faciles à dé
placer. Aussi remarque-t-011 avec beaucoup d’édifica- .
tion, soit dans les actes simulés souscritspar M. Monlz,
.soit dans les procès-verbaux de saisie qu'on n’y trouve
�( 33 )
ijamais, -malgré la somptuosité dont il fait profession
aucune des choses de prix dont il se sert habituellement
quand les huissiers n’y sont p as, comme de la vaisselle
ou des bijoux. Il n’a pas été saisi même une montre
d’argent.
M. Montz, au reste , n’entendoit pas borner ses pré
cautions à ces moyens bannaux d’enlèvemens clandes
tins , bons pour le vulgaire des banqueroutiers.
Ce que, dans le mobilier dTssy, il avoit laissé à dé
couvert, parce qu’il ne pouvoit se passer de meubles,
'venoit d!être saisi. M'. Montz étoit tranquille sur ce
¡point. Son ami la Jumelière réclameroit ce mobilier à
Taide du bail du i er. avril dernier.
Mais l’immeuble ! Déjà le commandement d’expro
priation-étoit fait. L ’hypothèque Gin existait bien.
Mais cette hypothèque bonne et suffisante pour le temps
¡où elle avoit été donnée , parce qu’alors M. Montz
n’avoit que la nu-proprieté, ne l'étoit plus aujourd’hui
que , l'usufruit s’y élant réuni , la maison dTssy av o it,
dans la fortune de M; Montz , sa valeur entière.
L ’ imagination de M. Montz ne reste jamais court.
•Une suite'de mesures fut inventée , toutes plus curieuses
l’une que l’autre. Le mois-dé novembre les vit'toutes
éclore;
Ce qui sembloit plus pressant , selon M. Montz,
cJétoit’ d’entraver la vente form ée, et de déshonorer la
propriété pour en dégoûter tout enchérisseur. O r, dans
ce dessein , il s’avisa d’un moyen qui ne pourroit être
sorti que de1 la- cervelle d’un fou-, s’il n’étoit évident
Çu il fut 'Suggéré3 et par* la rage et par la ; cupidité*,
E 2
�( 36 )
réunissant leurs efforts tant pour se venger d’-audacieuï '
créanciers pur la destruction de leur gage, que pour
mobiliser et convertir en argent, à son profit, jus
qu’aux élémens de l’immeuble lui-même, tout saisi
■qu’il éloit.
Un superbe parc faisoit le principal ornement et
une partie de la valeur de la maison d’Issy. On peut
même dire qu’il en faisoit partie en quelque sorte in
trinsèque et indispensable. Qui voudroit , en effet ,
acquérir à la campagne , et surtout sur une hauteur ,
une maison de quelque importance, dont le Yaste terrain
qui l’ environneroit seroit une lande absolument inculte ,
et privée de tout ombrage, au point de ne plus oiiYir
à l’ceil un seul arbre?
JEh bien! couper tous les arbres fut précisément ce
qu’imagina M. Montz.
Toutefois en même temps qu’il vouloit faire beau
coup de mal à MM. Tourlon , Ravel et compagnie , il
se vouloit à lui-même quelque bien. En abattant, il
assouvissoit sa colère. Mais les arbres abattus appartiendroient à ses créanciers, et c’est aussi ce qu’ il vou
loit empêcher : le pouvoit-il ? Pouvoil-il vendre une
haute futaie et tous les arbres d’un parc , au mépris
des poursuites d’expropriation commencées, et posté
rieurement au commandement, prédécesseur d’une saisie
immobiliaire ? Telles étoient les inquiétudes que rouloit, dans son esprit, M. Montz , sur l’eiïicacité de son
projet.
Plein de ces idées, il les épanche autour de lui. II
demande de tous côtés ce qu’il pourroit faire. 11 a
�(
3?
)
même l'indiscrétion de répandre des notes consultât h’es
d e c e p o in t , entièrement écrites de sa main : « On de» mande , disoil-il dans ses notes , si un propriétaire
» d’inimcubles peut vendre ( d i x jours (i) après un
» commandement en expropriation ) des superficies de
» bois : et en cas •qu’il fasse vente à term e, si l’acqué» reur peut jouir de son contrat, c’est-à-dire, ne couper
» qu’à fur et mesure des époques stipulées dans ce
» contrat, sans craindre de surenchère , ni d’opposi» lion de la part du créancier ou de tout autre». Tant
d’audace n’étoit propre qu’à soulever l’indignation doj
ceux même à qui M. Montz faisoit l’injure de les cou-i
sulter. Aussi produisit-elle cet cfTet. MM. Tourton,
llavel et compagnie furent avertis de tous côtés'des
iureurs déloyales de M. Montz. Une de ses notes mêmes
leur fut remise. Elle dut provoquer leur surveillance..
Ils se tinrent donc aux aguets.
E t ils eurent raison.
En effet, on vint les prévenir le i 3 novembre 1807,
de très-grand matin , qu’il y avoit dans le parc d’Issy
une armée de bûcherons qui, M. Montz à leur tète,
porloient la dévastation partout.
\
(1) Il est bien essentiel de remarquer celle date. L e commandement
fait par M M . T o u rton , R avel et compagnie dont il s’agit ici est du 26
octobre 1807. Et puisque dans la note M . Montz demande s i , après que
dix jours se sont écoulés depuis ce com m andem ent, il peut encore vendre
ses superficies do b o is, il suit de là que la note a été écrite au plutôt le 6
novembre 1807 ; c’est-à-dire que le six novem bre M . M ontz, qui éloit
inquiet de savoir s’il pouvoit alors vendre ses bois, ne les avoit p a s
encore vendus. Cette observation va trouver tout à l’heure son appli
cation.
i
�( 38 ).
.XJn huissier et ses témoins partirent en grande hâte
pour constater ces dégradations et pour en saisir les ré
sultats.
M. Monlz fut en effet trouvé sur le terrain.
Vingt - quatre ouvriers détruisoient tout sous ses
ordres.
Déjà une avenue entière de cent soixante - seize
beaux tilleuls, gissant encore sur la terre avec leurs
branches et leurs feuilles, n’existoit plus.
Ça et là étoient également étendus cinquante tilleuls
et maronniers que l ’onavoit coupés avec l ’aflectation ,
n o n - seulement d’avoir choisi les plus beaux, mais
<1’avoir choisi ceux dont l’abattis rompoit davantage
l ’ordre et l’harmonie des plantations.
A l’instant où l'huissier arrivoit, les vingl-quatre ou
vriers étoient tous rassemblés dans la grande allée fai
sant face au salon du château. Dix arbres étoient tombés
sous la coignce. L ’huissier s’efforça d’abord de leur
persuader’ de suspendre leurs travaux. Sous ses yeux
même ils continuèrent et déclarèrent qu’ils ne recevoient d’ordres que de M. Monlz.
L'huissier lit commandement à M. Montz d’arrêter
les travaux. M. Montz, loin de cela, commanda de re
doubler de célérité.
Après avoir constaté tous ces faits, l’huissier alla re
quérir le maire du lieu de venir interposer son au
torité.
Le maire crut qu’il ne pouvoit employer là force
sans y être préalablement autorisé par là justice. Mais
il ne refusa pas d’employer les représentations,.
�( 39)
Il vînt.
f
Il essaya de faire senlir à M. Montz tout ce que sa
conduite ofFroit de révoltant. Il multiplia ses efforts
pour le démouvoir de ses projets destructeurs.
’’ Tout fut vain.
Le maire se relira.
L ’huissierse retira aussi après avoir assigné M. Montz
pour le lendemain en référé.
M. Montz resta.
Les ouvriers restèrent.
La nuit même n’interrompit pas leurs travaux. Pour
la première fois , peut-être , des bûcherons abattirent
des arbres à la lueur des flambeaux , et M. Montz passa,
dit-on , la nuit près d’eux pour animer leur zèle et dé
signer les victimes.
!
Le lendemain s’ouvrit une scène nouvelle , et parut
un troisième acteur inconnu jusque-là.
En voyant M. Montz présider lui-même à la des
truction de son parc , et se souvenant que le 6 novem
bre , c’est-à-dire, six ou sept jours auparavant il avoit
consulté pour savoir s’il pouvoit, dix jours après un
commandement d’expropriation , vendre ses hautes fu
taies , il étoil fort permis de croire que , ni le G novem
bre , ni même depuis , il ne les avoit pas vendus ,
et que, puisqu’il les abaltoit en personne le i 4 , il les
exploitoit pour le compte de sa vengeance et de sa cu
pidité.
Néanmoins au référé intervint un M. Senet, qui n’est
ni marchand de bois , ni charpentier , ni charron , ni
tourneur, ni menuisier , ni ébéniste , ni d’aucune pro-
19 '. F ra u d e ,
V ente si
mulée des ar»
brea d’Issjr.
�[ho)
H Tauten de- fession ou l’ usage du Lois soit nécessaire. TT importe-, Oft
i'nufnu‘ la M- Se ne l n en montra pas moins un acte sous seing
20'. Procès. priVe 5 en dale du seize octobre 18 0 7 , mais enregistré
,Seuct. seu]ement ]e ç) novembre , par lequel M. Montz lui vendoit la totalité des arbres de son parc , abattus et non
abattus, moyennant d ix m ille francs p a y é s c o m p t a n t
( ce qui est très-vraisemblable , surtout dans les, cir
constances), en lui donnant trois ans pour achever de les
abattre et pour les enlever.
M. S e n e t , armé de ce bel acte, réclama les arbres ,
ainsi que la faculté de continuer d’abattre.
C’étoit devant M. le président du tribunal civil de la
Seine que se présentoit celte réclamation.
On pressent le succès que dut obtenir cette réclama
tion devant un tel magistrat , distingué par sa vertueuse
*
horreur pour la fraude, non moins que par le talent
qu’a su lui donner,, pour la reconnoitre et la dém as
q u er, une vie toute entière employée à protéger de son
expérience la bonne foi contre les ru S-CS de la procé-
•
dure.
Il sourit de mépris *, observa dans ses motifs que l’acte
n’étant enregistré que le 9 novembre, n’avoitpas de date
certaine avant ce jour , lequel étoit postérieur au com
mandement d’expropriation } ajouta qu’après ce com
mandement il n’étoit plus permis au saisi de dégrader
l’immeuble ; en conséquence , sans s’arrêter en aucune
à la réclamation du complaisant Senet, fit dé
fense à Montz de continuer la coupe*, perinitiM M .Tourton , Ravel et compagnie de faire vendre les arbres abat
tus j et leur permit aussi d’établir à Issy des gardiens
chargés
m
a
n
i è
r
e
�■chargés de veiller à la conservatiou de la propriété,
et de la défendre contre les entreprises de son propre
maître.
y
Avec cette ordonnance, on se pressa de retourner le 16
novembre à issy. Deuxjours seulement s etoient écoulés ;
maisdeux joursavoient suffi pour consommer desdévas
tations nouvelles. L ’intrépide M. Montz, sans s’ étonner
du danger, ni craindre l’ennemi, et sous le feu même
des poursuites, avoit bravement fait continuer l’ ahattis
jusqu’au moment où l’on vint chasser les ouvriers. Qua
tre-vingt-dix grosmaronniersde la plus grande beauté,
étoient, dans la grande allée , en face du salon, tombés
à côté des dix qu’avoit déjà frappés la hache lors du
premier procès-verbal. Quatre-vingts gros ormes dé
cimés dans toutes les places avoient subi le même
sort. De tous côtés avoient été également coupés beau
coup de petits arbres et des taillis. B r e f , quelques jours
de plus seulement, et le futur acquéreur d’Issy n’auroit
eu a la place d’un parc riche d’arbres, et planté dans le
meilleur go û t, qu’une cour nue et vide , où auroient
crû çà et lu quelques herbes sauvages, et o ù , pour
faire produire quoi que ce so it, il eût fallu commencer
pardefricher le terrain et par eu arracher les souches qui
l’eussent encombré.
* L ’ordonnance mit fin à ces ravages, niais non pas à
ï audace de Montz et Senet. Celui-ci osa bien appeler de
l'ordonnance, et continua de s’ opposer à la vente des
arbres. Cet appel a été rejeté. M. Senet ne se décourage
pas facilement. 11 a revendiqué de nouveau ses arbres.
E t ce qu’il y a de bizarre } c’est que , taudis qu’ il les réF
�( 4* )
clamoit comme lui appartenant, M. la Jumeliere s opposoit aussi, de son côté, à ce que MM. Tourton , Ravel
et compagnie les vendissent, parce que ces arbres , disoit-il, lui appartenoient aussi. M. la Jum elière, de plus,
réclamoit le mobilier qui avoit été saisi à Issy. E t il le
réclamoit en vertu de son bail du xer. avril (i).
r Cependant M. Montz avoit médité sur le texte offert
à ses réflexions par l’ ordonnance du référé qui refusoit
de tenir compte de la vente des bois faite à Senet, parce
quelle n’avoit pas de date certaine antérieurement au
commandement d expropriation.
Une très-heureuse idée lui vint pour donner à son
acte frauduleux cette précieuse antériorité.
E t cette idée fut tout bonnement de commettre un
faux.
11 faut beaucoup insister sur celte circonstance, parce
que toute seule elle est bien propre à donner la mesure
de la moralité de Montz et de celle des hommes qu’ il
s’est associés.
On se souvient de ce bail des meubles d’Issy fait le
i er. avril 1807 par M. la Jumelière àM . Montz.
Ce bail éloit une fraude sans doute. Personne ne peut
ne. pas l’appercevoir.
Mais c’éloit une fraude qui n’avoit alors d’autre objet
que celle de soustraire les meubles d’Issy aux créanciers.
I/ingénieuse idée de leur voler jusqu’ aux hautes futaies
u’étoit pas encore éclose dans la tête de Montz.
(1) Toutes ces réclamations ont été rejetées déjà par divers jugemens ,
jnotivés tous sur Vèvidenco de l a F r AVDe .
�( 43 )
! X e bail avoit donc ëtë fabrique et compose que dans
'Cet objet. E crit snr une demi-feuille de papier tim bre,
la demi-feuille elle-même avoit été plus que suffisante
pour l’acte assez simple qu’on y avoit couché, et qui coriisistoit uniquement dans la convention « queM . la Jume» lière louoit pour trois ans à M. Montz tous les meubles
» décrits dans les procès-verbauxde saisie faits àla requête
■» du domaine, moyennant 5oo fr. par an » . Dans l’état
matériel de la pièce, l'acte aclievé et signé, il restoit en
core assez de place pour que le receveur de l ’enregis
trement écrivît et signât la mention de l’enregistrement
•au bas du verso de la demi-feuille de papier. E t
en effet, il est hors de doute que ce receveur avoit
ainsi placé celte mention de l’enregistrement, par la
quelle les receveurs ont toujours soin de clore les actes
quand l’état matériel de la pièce s’y prêle, précisément
pour empêcher les additions frauduleuses dont il faut
convenir que M. Montz n’a pas l'invention, quoiqu’il en
ait l’habitude.
**
Cependant M. Montz , sûr q u il éloit de toutes les
bonnes dispositions de son ami la Jum elière, qu i, comme
on l’a bien assez vu , est toujours là prêt à signer tous les
actes qu’il veut, imagina de se servir habilement de cet
acte déjà enregistré, et enregistré plus de six mois avant
le commandement d’ expropriation, pour donner à la
vente d’arbres Senet, réalisée par le sons seing privé d’oc
tobre, enregistré seulement le 9 novembre, une espèce
d authenticité. « S i , se dit-il à lui-même , je pouvois re» présenter un acte enregistré en avril , où déjà je parle» rois , comme d’une affaire conclue, de la vente par moi
F 2
�( 44 )
» faite (le mes arbres à Senet, alors il n’y auroit plus
» moyen de dire que ma vente , bien qu’enregistrée
» seulement en novembre , n’a pas été faite avant le
» commandement d’expropriation » .
Le projet éloit bon. Mais l’acte d’une demi-feuille^
enregistré au - dessous des signatures des parties , ne
se prêtoit à aucune intercallation. Comment donc s’y
prendre ?
v
M. Montz n’est embarrassé de rien ; et il est toujours
admirable dans ses expédiens.
Pour le mieux admirer donc dans celui-ci, suivons-le
avec un peu d’ attention.
M. Montz commence par prendre une feuille entière
de papier timbré pour transcrire ce même acte déjà eiir
registre. Mais pourquoi une feuille entière pour cet
acle à qui une demi-feuille suiRsoit? Vous allez l’ap
prendre. Continuez de lire.
Sur cette feuille il écrit d’abord , avec une fidélité
vraiment religieuse, le bail ancien sans y changer une
seule virgule ; seulement il a soin de compasser tellement
la grosseur des caractères et les intervalles tant des mots
que des lignes , que tout le recto et tout le verso du pre
mier feuillet sont épuisés par la rédaction du bail ainsi
que par les signatures de cette partie, et que surtout il
ne reste pas assez d’espace au receveur pous mettre audessous des signatures sa mention de l’enregistrement.
M . M o u t z signe.
M. la Ju m elière signe.
Il n’y a plus de place au-dessous des signatures que
1
�( 45 )
pour une ligne. E t il faut au receveur plus (Tune ligne
pour enregistrer.
\
T o u t va Lien.
Les choses en cet é tat, on va porter cette copie au
receveur en le priant de l’enregistrer par duplicata , sous
le prétexte apparemment que l’ original s’est perdu.
Le receveur ne soupçonne pas la fraude. Il lit l'acte.
Il voit un bail de meubles à Issy fait par M. la Jumeüère
à M. Montz le i er. avril 1807, pour trois ans, moyen
nant cinq cents francs par an. On lui dit que ce bail a
été enregistré le 29 avril. Il cherche dans ses registres.
Il trouve en eilet à cette date 1111 bail de meubles à Issy
fait par M. la Junrelière à M. Montz pour trois ans et
moyennant 5oo francs. Le rapport est parfait. Pourquoi
donc le receveur n’ enregistreroit-il pas? Il enregistre.
E t il enregistre, ne pouvant pas faire autrement, en
marge. Seulement il annonce qu’il enregistre pav dupli
cata, et que, loi'S du premier enregistrement, il a été
perçu 9 francs 35 centimes pour les droits. Il faut 11e pas
oublier cette traître déclaration d e là quotité. Il y aura
peut-être quelque parti à en tirer.
L ’acte, ainsi enregistré , rentre dans les mains de
M. Montz. Voyons ce qu’il en va faire.
20*. Fraude.
Sur le verso , à la lira de la stipulation du prix du bail, Fausse
•1
, .
,
, .
vente de cin-
11 renvoie , par une astérisque, aune astérisque toute pa- chante arreille , placée au-dessous des signatures , dans l’espace d’ï/sy. î
où peut s’écrire une ligne encore. Cette ligne, il l’écrit. dra e,n ^
-,
11
*
.
y
.
ajoute aussi une feuille de papier sur l a q u e l l e il coutinue le sens de la ligne de la page précédente. Toute
cette addition énonce d’abord, etpour rattacher le reu-
m ander la
nullité.
2 1 e* I* rocès
Encore M . l'a
�{ 5C 3 '
<voï a l ’acle par aine espèce ¿’’ homogénéité de matière,,
que le hail comprend , oulre les meubles détaillés dans
les procès-verbaux de saisie , ceux énoncés dans un état
copié à la suite de l’acte. E t, après cette mention, arrive
la stipulation qui suit : «En considération de l’avantage
» résultant pour M. Montz du présent b a il, il promet à
m M. la Jumelière qu’il lui vendra cinquante des plus
beaux arbres de son p arcd ’Issy, desquels arbres M. la
» Jumelière fera choix àson gré , àlasaison convenable.
» M. Montz déclare eu oulre à M. la Jumelière que.,
» quoiqu’il eût d é j à arrêté avec M. Jean Senet la vente
» de la totalité des bois de sondit parc à Is s y , et qu’il
» ait reçu dudit Senet l e d e n i e r a D i e u , il s’engage
» à obtenir dudit M. Senet, pour M. la Jum elière, ce
» choix des cinquante plus beaux arbres, celte conven.» lion étant de rigueur, etc. ».
E t ce renvoi est très-convenablement signé de la Ju
melière et Montz.
Il est vrai qu’il n’ est pas signé du receveur de l’enre
gistrement.
11 est vrai que la fraude, le faux de l’addition , et
l’omission de la signature du receveur sauteront aux yeux,
si on produit celte pièce fabriquée.
Mais il y a remède à tout.
On ne la produira pas.
,
On ira la déposer chez un notaire. Un notaire qui n’a
ni le temps , ni l’intérêt de scruter et d’aualiser les actes
qu’on lui dépose, n’ira pas pâlir sur cet acte , pour voir
s’il y a des renvois, quel ordre ils occupent dans la pièce,
..s’ils sont en rapport avec l’acte, s’ils sont au-dessus ou
�( 47 )
Au-dessous de la signature du receveur. Ajoutez que le
notaire à qui on dépose une pièce ne s’avisera pas de soup
çonner que c’est un piège qu’on lui tend.
Ce dépôt fait, on demandera une expédition de la
pièce.
I^es notaires ne figurent pas les minutes dans les expé
ditions. Ainsirexpédition arrivera tout d’un contexte , et
avec le renvoi placé au lieu qu’ il doit occuper dans le
contexte même , et sans mention que c’est un renvoi.
E t quand on aura celte expédition; elle sera produite
dans le procès de réclamation des arbres de M. Senet ;
et on dira : « Vous voyez bien que le marché avec M. Se» net n’est pas une fraude ; que ce n’ est pas une mesure
» rêvée pour parer au commandement d’expropriation
» de novembre 1807} car voilà un acte authentique, un
» acte ayant date certaine et enregistré le 2/f avril, qui
» dit que M. Montz a vendu tous les arbres à M. Senet,
» et qu’il a reçu (voyez le scrupule de la mention ! ) le
» denier à Dieu. Or s’il est prouvé que, dès avril 1807 ,
» M. Montz s’étoit dévotement hé par la réception du
» denier a Dieu envers M. Senet, à lui vendre toutes
» les palissades , toutes les allées et toutes les prome» nades de son parc, il ne faut plus s’étonner du tout que,
» plutôt que de manquer de foi (lui qu’ on sait en avoir
« tant) et de violer ce traité si religieusement consacré
» dès avrilj8o7, il se soit mis en novembre 1807 à la tête
» des ouvriers de M. Senet dont il se faisoit le piqueur,
» pour abattre, jour et nuit, ces arbres sous l’ombrage
» desquels il n’auroit pas pu se promener plus long» temps sans offenser D ieu , la bonne foi et l’équité ».
�■I 4B :)
E t c’est tout ce qui a ¿té fait et tout ce qui a été
dit.
Le dépôt a eu lieu.
Il a été reçu sans que le notaire se doutât de
rien.
L'expédition a été demandée. Elle a été délivrée.
Elle la été comme elle devoit l’ être, sans renvoi.
Elle a été rapportée triomphalement dans le procès
S eue t.
On a dit : « Voyez , voyez ! En avril la vente étoit
*> constante. Voilà un acte enregistré alors qui le dit. La
vente n’a donc pas été rêvée en novembre. Qu’avez» vous à répondre » ?
Malheureusement il y a des esprits forts et des incré
dules, à qui la dévotion de M. Montz et sa fidélité aux
deniers a Dieu qu’il reçoit n'en imposent pas. Ces mécréans ont été assaillis, malgré eux, d une multitude de
soupçons.
E t d’abord pourquoi ce double du bail original, cette
mention de l'enregistrement par duplicata ? Pourquoi
surtout ce dépôt dans les minutes d’un notaire, lors
qu’ on représentoit tant d’autres bonnes ventes et tant
d’autres bons actes simplement enregistrés?
Que vouloit dire , d'ailleurs, la bizarre clause insérée
dans ce bail, et qui accordoit àM . la Jum elière les cin
quante plus beaux arbres du parc d’Issy ?
Quel besoin, M. la Jum elière, qui ne demeure pas
à I s s y , qui a même loué son prétendu mobilier à
M.
�( 49 )
M . Montz, avoît-il besoin de cinquante arbres dans ce
pays, et des cinquante plus beaux arbres du parc ?
M. la Jumelière n’est pas marchand de bois. Qu’en
feroit-il ?
Il demeure à Vaudouleur, près Etampes *, comment
les y feroit-il venir, et est-il bien commode d’acheter
-cinquante arbres à vingt ou trente lieues de son domi
cile ?
E t puis le bail dit que c’est à cause de l’avantage
que M. Montz tire du bail des meubles, qu’il donne à
M. la Jum elière les cinquante plus beaux arbres d’Issy ;
c’étoit donc un cadeau ? Nullement. La clause dit qu’il
les lui ven d , et comme elle ne dit pas à quel prix , il
faut en conclure que s’il y avoit e u , à cet égard } dif
ficulté entre de si bons amis et des hommes disposés
-à se traiter avec une si grande générosité , le prix
auroit été selon l'estimation et la valeur courante
<les bois. Or , quelle indemnité en faveur de M. la
Jumelière de Yavantage trouvé par M. Montz dans
le b a il, que cette convention en résultat de laquelle
M. la Jumelière paieroit les cinquante plus beaux arbres
d’Issy , tout ce qu’ils valoient? N ’étoit-il pas bien pres
sant de déranger le marché consacré en faveur de cet
autre am i, M. Sen et, par la délivrance du denier à
D ieu, pour le mécontenter seulement, pour le faire se
plaindre de ce qu’on écrémoit son propre traité en lui
prenant les cinquante plus beaux arbres , et tout cela
sans autre résultat en faveur de M. la Jum elière, que
l ’embarias pour lui de faire exploiter cinquante arbres
G
�( 5o )
loin (le sa maison et au milieu de l'exploitation d'un
autre , et de les faii'e voiturer à grands frais dans son
bûcher de Vaudouleur, après les avoir payés tout leur
prix à Issy ?
Ces mécréaus trouvèrent donc toute cette version
invraisemblable , ridicule , absurde. Ils y virent une
fable grossière , imaginée pour colorer l’acte de vente
de bois faite à Senet. Ils se doutèrent qu’il y avoit un
dessous de cartes quel qu’il fût. Et voulant vérifier
leurs soupçons, ils se transportèrent chez le notaire. Ils
demandèrent celte minute précieuse ensevelie dans les
cartons. E t ils virent tout ce qui a été dit plus haut.
Ils virent la petite manœuvre de renvoi.
Ils virent qu’il étoit dépouillé du paraphe du receveur
quoique cela eût été de rigueur s’ il eût existé lors de
l'enregistrement.
-
'
Ils virent plus. Ils virent que le droit qui avoit été
perçu éloit de 9 fr. 35 cent. Or , c’est bien là le droit
du pour l'acte prim itif, et calculé sans les conventions
du renvoi, d’après l’article 8 de la loi du 27 vendémaire an 9 , additionnelle à celle du 22 frimaire an 7.
Mais si ce même acte avoit exprimé alors les deux con
ventions contenues dans le renvoi ; s a v o ir , l'une qui
comprenoit de nouveaux meubles dans le bail, et l'autre
qui vendoit cinquante arbres ; le receveur eût dû per
cevoir 1111 droit de 1 fr. de plus par chaque convention ;
et le d ro it, au lieu de 9 fr. 35 cent, perçus selon la
déclaration, eût été de 1 1 fr. 35 cent.
�( 5 0
Les mécréans ne s’arrêtèrent donc plus au simple
doute. Ils furent convaincus qu’il y avoit faux et fraude.
Tous les magistrats, dans tous les tribunaux, en furent
convaincus aussi', car malgré toutes c e s . réclamations
croisées de plusieurs parties pour les memes objets ,
la vente, et des arbres coupés, et du mobilier d ïssy a
été ordonnée partout. Elle a été effectuée aussi. E t
pour en finir sur ces odieuses tracasseries , cette vente,
si on avoit besoin de preuves nouvelles de la criminelle
collusion qui règne entre tous ces hommes, de fraude ,
en auroit fourni une de plus. Ce marché <le M. Moutz
avec M. Sen et, malgré le denier à D ieu , étoit si peu
sérieux, le prix en étoit si peu ré e l, que bien que tout
le parc de M . Montz ait été par lu i, si on 1 en croit,
Tendu à Senet 10,000 f r . , les seuls arbres qui ont etc
abattus , et qui assurément sont fort loin de compléter
la coupe du p arc, grâces aux obstacles qu y ont ap
porté les créanciers, ont été vendus vingt - un mille
francs,
■ Puis croyez à la vente faite à M . Senet.
‘ Croyez surtout au paiement comptant qu’il a fait au
milieu de tant d’ em barras, d’ incertitudes sur l’exécution
de son marché, de craintes des créanciers, et encore
plus au milieu des embarras que doivent lui faire
éprouver ses propres finances j car qu’ est —ce donc
que ce M. Senet qui a ainsi des d ix m ille francs camptant à jeter par la fenêtre et à payer à des débiteurs
en faillite , pour des arbres qu’ il n’éloit assurément pas
sàr d’enlever , comme l’événement l’a fort bien prouvé ?
�'( 53 )
Qu est-ce que ce M. Senet, qui va acheler des coupes
de bois sur pied, lui qui n’est pas marchand de bois,
qui n’enleud rien à leur exploitation , qui ne sauroit
qu’en faire , et qui s’est ensuite si peu mêlé de les
abattre,-que quand on les coupe c’est M. Montz seul
qui préside à l’abattis , qui donne les ordres , qui
ameute les ouvriers, qui leur fait passer la nuit et les
fait tx’availler aux flambeaux : circonstance qui toute
seule suffiroit pour prouver qu’il s’ agissoit dans cette
coupe de l’ intérêt de M. Montz et non pas de celle de
M. Senet, toujours absent, si ce n’est dans les actes et
dans les réclamations? Ce M. Senet, quelle, que soit
d’ailleurs sa moralité , est un pauvre h ère, bien digne
compagnon de M. Montz sous certains rapports, puisqu’au mois de mars dernier, suivant extrait rapporte
en bonne forme , il a été constitué prisonnier pour deux
mille francs y et puisqu’encore présentement, suivant
certificat délivré par M. Hygnard, huissier, cet officier
est porteur contre lui de sentences pour mille francs ,
sur lesquels ce riche marchand de bois , qui trouve si
facilement dix mille francs dans sa bourse pour les payer
comptant dans des marchés aventureux, n’a pu encore, à
force d’à-coinpte, s’ acquitter que jusqu’ à concurrence
de 64 o fr. I Voilà les capitalistes qui secourent avec tant
de grandeur d’âme M. Montz, et qui ont toujours u
point de si grandes ressources pour acheter ses pro
priétés quand il veut les vendre ! Voilà celui qui vient
même de lui acheter tout à l’heure cette propriété même
d ’Issy 1 II est temps de parler de celte dernière fraude,
�( 53 )
par laquelle M. Montz a couronné toutes les autres.
Mais celle-ci elle-même a eu une pi'éface dans laquelle
nous allons encore voir agir M. la Jumelière.
Le commandement d’ expropriation étoit fait depuis
le mois d'octobre 1807.
Toutes ces petites fraudes pour les arbres, pour le
m obilier, pour les provisions, etc., avoient été com
mises.
Mais M. Montz voyoit bien qu'elles viendroient l’une
.après l'autre échouer contre la justice des tribunaux, et
qu’il ne sauveroit jamais sa propriété de la vente forcée.
C ’est alors qu'il tenta un dernier efl’ort pour amasser
d’avance, autour de la jouissance de l’adjudicataire, tant
d’embarras , que personne ne soit qui ne s’effraie de
le devenir.
~ Il loua à M. la Jum elière la maison d’Issy, moyen- 21e. et aa«.
nant 5 ,800 fr. par an , pour neuf an s, p ar acte du 1 9
novembre 1 8 0 7 , en le soumettant à souffrir la coupe vente simu-
de tout le parc : ce à quoi consent bénévolement ce lo- faudrÎ’Sdeî
cataire de nouvelle espèce , qui ne veut avoir de maison nulHuT/la
de campagne que pour n'avoir pas un arbre dans son
jardin.
Encore M . la
.
Au reste, et avant de parler de l'autre partie de la
manœuvre de M. Montz, qu’il soit permis de faire bien
remarquer la bizarrerie des traités passés à diverses
époques entre M. la Jum elière et M. Montz relative
ment à la maison d'Issy.
D ’abord M. Montz y demeure. Il en est même nu-
Jum elière.
Encore M .
�( 54 )
propriétaire. L ’usufruit et le mobilier sont à vendre. Ce
n’est pas M. Montz qui en a besoin qui les achète j c’est
M. la Jum elière. Ainsi la maison est à M. Montz, et
c’est M. la Jumelière qui a les meubles.
Ce contre-sens cesse enfin. On s’apperçoit qu’il n’est
pas naturel que la jouissance de la maison soit d’un côté
et les meubles de l’autre. M. la Jumelière alors fait enfin
un bail des meubles à M. Montz. Mais à peine ce bail
est-il fait, que voilà M. Montz qui garde les meubles ù
loyer et qui loue la maison à M. la Jum elière; en sorte
que les meubles et la maison ne sont jamais ensemble 5
et que, par un renversement de rôles qui seroit absurde,
si on ne voyoit très-distinctement que toutes ces va
riantes ne sont que des moyens diflerens d’une fraude
toujours la même , ayant pour but d’éluder les droits
des créanciers, M. Montz, propriétaire de la maison ,
ne garde pas la maison, mais prend les meubles à
loyer , sauf à opposer le bail à ses créanciers quand ils
viendront, et que M. la Jum elière, propriétaire dos
meubles , semble les louer tout exprès à M . Montz pour
n’en avoir plus et pour coucher entre les quatre mu
railles quand il aura loué la maison.
A présent, fera-t-on remarquer toutes les invrai
semblances qui se soulèvent contre celle supposition
que M. la Jumelière eût réellement loué Issy.
Il a une maison à Vaudouleur.
Il y est, d il-il, cultivateur.
Il y est fixé, du moins.
�( 55 )
On ne devine même pas quel rapport il pourvoit y
avoir entre sa fortune, dont il ne paroît rien , et une
seconde et inutile maison de campagne qu’il voudroit
acquérir, surtout quand elle est aussi magnifique que
celle d’Issy !
Tout le parc va être abattu-, et M. la Jumelière y
consenti et c’est dans cet état qu'il va louer la maison
d’Issy.
Comment croire de telles absurdités ?
On voit bien qu’ ici rien n’ est simple, ni naturel, ni
vrai.
Qu’a-t-on donc voulu faire par ce bail évidemment
fictif? Ce qu’on a voulu , c’est afî’oiblir le revenu appa
rent de rimmeuble ; c’ est éloigner les enchérisseurs;
puisqu’ on n’achète ordinairement une maison de cam
pagne que pour l’occuper ; et qu’un bail naissant de neuf
ans est sans contredit l’obstacle le plus insurmontable
pour la vente d’une maison de plaisance.
Voilà d’abord le moyen imaginé pour entraver la
vente.
Mais M. Montz a fait plus , et il a vendu lui-même
la maison.
E t à qui l’ a-t-il vendue ?
Il faudroit avoir bien peu profité de la lecture de tout
ce qui précède , si ou ne se tenoit pour assuré que ce
sera ou à M. G in, ou à M. la Jum elière, ou àM . Senet.
Aussi est-ce à M. Senet.
�( 50)
M. Senet, qui n’avoit pas en mars -2000 francs pour&e
sauver de l’emprisonnement 5 M. Senet, qui n’a pas au
jourd’hui encore 36 ofr. pour compléter des condamna
tions de 100Q.fr. qui peuvent Je remener demain en pri
son , a tout de suite tout l’argent q u il faut pour acheter
et habiter une maison de campagne occupée successi
vement par des princes ! Cela est en eflet fort croyable \
Il est vrai que M. Montz, qui ne veut pas qu’on tour
mente trop son cher ami Senet pour le paiement du
prix , a soin de le fixer avec assez de modération pour
que la condition ne devienne pas trop pénible : il l’a
porté à 77,000 francs. E t c’est ici que brille dans
tout son éclat la sagesse du vendeur. Il a donné sur ce
bien à son ami Gin une hypothèque de '80,000 francs;
il le vend 77,0,00 francs. Gin prendra les 77,000 francs,
ou s’en arrangera avec Montz et Senet , ce qui 11e sera
pas bien difficile ; et, de cette manière, voilà le pauvre
acquéreur préservé de la mauvaise humeur et des pour
suites de tous les créanciers. 11 est vrai que Gin ne trou
vera dans le prix de la vente que 77,000 fr. , au lieu de
80,000 fr. qui lui sont dus, et qu’ainsi il sera en dan
ger de perdre 3 ooo fr.j mais à cela ne tienne. Nous
savons tous que Gin est généreux , et il ne les regrettera
pas.
Toutefois , il ne faut pas se dissimuler que ce prix si
foible d’une si belle propriété pourra tenter les vrais
créanciers, et qu’ils ne manqueront pas de surenchérir.
Qu’ils viennent?
M. Montz y a mis ordre.
Le
�'( h 1
L e contrat de vente renferme des conditions si ex
traordinaires que peut-être , et la maison n’eut-elle été
vendue que 10,000 f r ., il ne se trouyeroit personne, qui
voulût surenchérir.
En e iïe t, M. Monts se réserve pour lui et pour toute
sa vie , des jouissances fort bizarres.
i° . lise , réserve d’abord labdlje. chanxbre à coucher
de la maison, en entrant par le grand, salon^ et les
pièces ensuite de cette belle chambre , et dans l'urne desquelles sont les lieux à l’anglaise qu’il se réserve poiiç
lui seul.
Ainsi le vendeur, dans l’appartement d’honneur, aura
la chambre à coucher et les pièces de service. Il n’aura
pas le salon ; mais il s’en servira comme d’un passage
pour sa chambre à coucher.
2°. Il se servira du vestibule en commun.
3°. Il se réserve un grand nombre de pièces çà et là
dans la maison , des remises, des écuries.
4°. H se réserve exclusivement la glacière,
5°. Il se réserve le droit de chasser dans le parc ,
quand il le voudra ,'avec trois ou quatre de ses amis.6°./ Il se réserve les passages à pied, en voiture , etc.
Bref, M. Senet ne sera pas chez l u i , ‘ n’aura rien ex
clusivement à lui, et vivra dans un indivis d’autant plus
fâcheux, qu’ il n’y aura nul remède pour s’en débar
rasser.
î
'
N ’est-il pas évident que toutes ces clauses hétéroclites
rçfi'Sont amassées dans le b^iil que pour empêcher per
sonne de se mettre à le place d’un esclave tel que le sera
II
�( 58 )
M. Senet dans sa propriété, c'est-à-dire, de suren
chérir ?
E t insulteroit-on à la raison humaine, au point de
croire avoir besoin de prouver à personne que tous ces
actes ne sont concertés entre M. Montz et ses affidés
que pour se jouer des droits de ses créanciers ?
E t comment ne croiroit-on pas à la fraude de cet
. homme qui emploie, même à découvert, la violence
pour résister aux dispositions de la justice, et q u i, si
on le laisse faire apparemment, finira par mettre le
feu à sa maison, plutôt que de souffrir que la puissance
publique l’emporte sur ses résistances ?
Sa maison a été saisie} il y a commis des dégradations
telles qu’au rapport des experts, dont l’un a été nommé
par lu i, il l’a diminuée de plus de 45 ,ooo fr. de valeur.
Ses meubles ont été saisis, ces meubles qu’ il prétend
appartenir à son ami la Jum elière. Donnant lui-même
par ses excès un démenti à ses fables , et oubliant qu’ il
dit que les meubles ne sont pas à lu i, il s’est occupé de
les dérober à ses créanciex-s , comme s’ils étoient bien à
lui. Chaque jour, depuis la saisie, a été marqué par
des enlèvemens furtifs ou par des destructions.
Il en a brisé.
Il en a vendu.
Il en a déplacé et caché de manière que les gardiens
qui pourtant veillent sans cesse, n’ont pas pu savoir ce
qu’ils étoient devenus.
Il y avoit des cygnes 5 il les a tués.
Des objets d’un très-haut prix ont disparu et n’ont
pas été retrouves.
�E 59 )
D’ordre de la justice , des cadeuats el des fermetures
ont été apposés à toutes les portes écartées pour mettre
un terme aux spoliations ; il a brisé fermetures et cadenats.
Il a arraché jusqu'aux plombs et les a soustraits.
Si les gardiens ont osé se plaindre, il les a me
n acé s, et ajoutant la dérision au v o l, il en est venu
jusqu'à avouer tous ces actes de rapine , en disant ironi
quement qu’il n’y avoit qu’à les estimer et qu’il les
paieroit.
B re f, il a tant fait que pour conserver la propriété,
il a fallu qu’un jugement ordonnât d’en expulser le pro
priétaire.
Encore, et ceci passe peut-être tout le reste soit par
la bizarrerie soit par l’audace de l’invention , les ma
gistrats ne l’ ont - ils pas emporté dans Cette occasion
sur le justiciable , et celui-ci a-t-il encore trouvé des
moyens de ravager sa propriété et de la frapper de
néant dans quelques parties, même sans qu’ il fût né
cessaire pour lui de l’habiter.
Il
existe des prés d’un très-grand produit, dépendant
de la maison. Personne en se mettant l’esprit à la tor
ture ne pourroit imaginer un moyen d’empêclier que
des prés n’ existent. E h bien ! M. Montz l'a trouvé. On
est venu avertir un matin les créanciers que sur ces
prés étoient répandus des ouvriers occupés à couper,
non pas la récolte, mais la superficie même du terrain.
On a couru avec mainforte ; el ce qu’on a trouvé,
c’est que M* Montz abusant de l’ignorance et de la sim
plicité -d’un jardinier voisin, lui avoit vendu, moyennant
H a
�( <3o )
200 fr. par arpent, la faculté de tourber ses pr:és.;à tin
pouce ou deux de profondeur pour en'faire des gazons
ailleurs , opération qui auroit détruit le prod.uM. d^s
prés pour plusieurs années , mais qui heureusement a.
été arrétée encore à temps y et ne s.’est effectuée que sur
un demi-arpent.
s- Tel est M. Montz. a-. ;
Tels sont MM: G ingia Jum elière, Senet, Schérbpet
Tarteiron.
. '
Tous ils se relaient pour fatiguer successivement les
créanciers de leur ami. *
M. Gin, tantôt réclame ou le mobilier de P a ris, où*
la jouissance de l'hôtel place Vendôme, ou les fermages
;des biens de Moulins.
*
l’hôtel de la place
Vendôme 1: il demande
■(.On vend
At
à être colloque sur le prix pour sa créance de 8o.,ooo fr.
, 0 u va vendre Issy. Il-a formé unq inscription, et de
mandera, aussi, à être coltaqué. r = ,r.
Dans ce moment on distribue devant le tribunal de
Versailles le prix de la verrorie de Sèvres qui jfulis
a appartenu à M. Montz , et dont le prix, lui est dû.
MM. Tourton , Uavel et compagnie y sont, inscrit^.
Armé de sa frauduleuse cession des bijlets'Gozaux, qu’il
prétend être une seule et même créance avec le prix de 1^
verrerie; M. Gin aie front de se présenter, de contesserà
MM. Tourton, Ravel et compagnie la validité de leu,r
inscription, et de domander qu’Qn luj abandonna lç
prix qu’il ne larderoit pas à remettre à M. Montz.
M. la Jumelière , quaut à lui ; réclame le . mobilier
■
�61
et les arbres d’Issy ; il réclame la jouissance des baux
que lui assure pour neuf ans un bail frauduleux.
M. Senet réclame aussi les arbres d’Issy, et de plus ,
il prétend être le propriétaire de le maison.
Quant à M. Tarteiron, il e s t, si on l’en croit, le fer
mier général des biens de Moulins ;
E t M. Scherbe en est le propriétaire.
Ainsi se sont successivement évanouies toutes les res
sources de M. Montz pour ses créanciers , mais non
pour lui.
La justice souffrira-t-elle cette révolte ouverte contre
ses arrêts ?
Tant de fraudes et d’excès en éluderont-ils la puis
sance ?
Non, sans doute.
Les magistrats sentiront q u 'il y va bien plus en
core de l’intérêt social que de celui de la maison Tourton, que cette véritable insulte aux lois soit réprimée ;
et chaque fois que quelqu’une de ces fraudes se produira
dans les nombreux procès dans lesquels M. Montz a eu
l’art d’entraîner MM. Tourton, Ravel et compagnie, ils
la couvriront du mépris et de la proscription qu’elles
méritent toutes.
S ig n é ,
T ourton, R avel
et
Compagnie.
M c. B E L L A R T , Avocat-Conseil.
De l'imprimerie de Xh r o u e t , rue des Moineaux, n°.
16.
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
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Factums Marie
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Description
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<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Tourton. 1808]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Bellart
Subject
The topic of the resource
faux
simulations
fraudes
spéculation
inventaires
Description
An account of the resource
Mémoire pour MM. Tourton, Ravel et Compagnie ; contre M. Montz et ses prête-noms ; ou Histoire générale des fraudes de M. Montz ; pour servir à l'instruction des vingt-trois procès par lui suscités à MM. Tourton, Ravel et Compagnie.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Xhrouet (Paris)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1808
Circa An 7-1808
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
61 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0601
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Issy-les-Moulineaux (92040)
Moulins (03190)
Paris (75056)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Relation
A related resource
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Faux
fraudes
inventaires
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RÉPONSE
D E M. D E
FR O N D EV ILLE,
AU P R É C I S
DE
M. D E
B A T Z . (1)
M.
de Batz me provoque par un mémoire imprimé ; il a mon
argent, et il me dit des injures; M. de Batz prend à la fin trop
de libertés avec moi ; il faut l’arrêter.
J ’ai reçu , de la façon de M. de Batz, trente-neuf pages d’im
pression , dans lesquelles il parle beaucoup d’une affaire qui a
été jugée entre nous, et point du tout de celle qui est à juger.
Voici le fait.
N ous avions un procès au sujet d’un billet, dont je demandois
le paiement à M. de B a tz , qui me le refusoit.
( 1 ). Sans égard pour ce m ém oire, j ’avois é té à l'audience pour me faire
juger le lendemain du jour où je l’ai reçu ; mais les affaires qui précèdent
la m ienne, l'ayant fait renvoyer à quinze jours, je ne crois pas devoir
laisser le mémoire d e M. de Batz si long-tems sans répouse.
I
�Ce procès alloit être jugé par la Cour d’A p p e l, lorsque M. de
Bat/ me proposa des arbitres : j’aeceplai et nous signAmes un
compromis , qui donnoit pouvoir au tribunal arbitral «le nous
juger souverainement et sans recours possible à aucune au
torité (i).
Les arbitres ont jugé : le jugement porte que M. de Batz est
actuellement condamné à *ie payer cap ital, intérêts et frais ,
si , dans l’espace d’un m ois, il n'a pas fourni des bordereaux de
l’agent de change employé dans la spéculation que M. de Batz
prétend avoir absorbé le montant de sou billet.
Dans l’espace du mois , M. de Batz m’a signifié une pièce
qu’il prétend être un bordereau , et par conséquent l’exécution
du jugement.
J e prétends que la pièce de M. de Batz n’est point un bor
dereau.
Est-ce un bordereau ? n’est-ce pas un bordereau? Voilà ce
qui est à juger.
M. de Batz imprime trente-neuf pages , pour parler de toute
autre chose ; et au lieu de s’occuper du procès à juger , il dis
cute en totalité l’instruction du procès jugé : soit; je vais la
discuter aussi , non pour la soumettre h la Cour d’Appcl qui
ne peut plus s’en occuper , mais pour obliger M. de Batz qui
se c o m p l a î t dans le souvenir de cette instruction , au point de
lui faire un article nécrologique de trente-neuf pages, deux
m o i s après qu’il n’est plus question d’elle.
J ’ai au reste grand tort de me récrier sur les 59 pages , moi qui
( 1 ) Les arbitres sont M M . de la Croix F rainvillc et Bcllard j M . Dcsèze
a clé nomme ticrs-arbilre.
�vais peut-être en imprimer 60 sur le même sujet ; mais je suis
attaqué , et l’on sait qu’en pareil cas il faut souvent une page pour
répondre à une ligne , et un chapitre pour répondre à une page.
Cependant, commençons.
Voici le billet de M. de Batz , dont je lui ai demandé le paie
ment en vain , depuis 1790 jusqu’à présent.
« J e reconnois avoir reçu de M. de Frundeville , la somme de
» 1 5,ooo liv. , pour former un dépôt que je m’engage à lui reprér
» senter à sa réquisition et à toutes heures, et je lui réponds de
» ladite somme. P a ris, 3 i décembre 1789.
» S ig n é , le baron de
B atz. »
M . de Batz a pi-étendu acquitter ce billet de la manière sui
vante :
y o u s m’avez , m’ a-t-il d it , f o r c é , contre mon avis , de
diriger pour cous une opération de bourse qui a. absorbe le
montant de ce billet.
M. de Batz a appuyé ce dire d’une bonne quantité de preuves ,
dont voici rémunération et le texte : il a produit } i°. un acte de
dépôt d’un agent de change appelé C habaucl, qui dit avoir reçu
mon argent pour une spéculation ;
2°. Une lettre de moi qui prouve que j’ai eu le désir de
spéculer ;
3 \ Une lettre de l’agent de change, qui dit avoir terminé
mon opération , par ordre de M. de Batz , et que tout mon
argent est perdu ;
4°. Une convention faite par M. de Batz avec l’agent de change,
pour l’achat d’effets publics pour mon compte.
Les arbitres ont déclaré tontes ces preuves insuffisantes , ce qui
veut dire «pie les preuves de M. de Batz ont beioiu de preuves.
�On voit que toutes ces choses sont jugées; pourquoi rç.lonc y
revenir 7 c’est que M. de Batz espère y trouver son compte. N’y
trouverois-je pas aussi le mien ?
'
J e vais discuter les pièces de M. de Batz dkns leur ordre , et
pour n'épargner aucuns soins , je vais remonter , autant que
possible, à l’origine des choses : je commence par le billet.
J 'a i connu M. de Bal/, aux états-généraux, devenus l’assemblée
constituante, dont nous étions membres l’un et l’autre : des cir
constances politiques et particulières nous lièrent ( je c.royois
alors ) intimement ; j’ai changé d’avis.
M. de B atz, dont la fortune étoit engagée dans les affaires du
gouvernement , souffroit beaucoup de l’influence des premiers
mouvemens de la révolution sur le crédit public (r); il s’en plaiguoit souvent à moi , et u’avoit pas de peine à me persuader ; mais
il m’eu persuada plus encore , lorsque, comptant sur quelque
crédit qu’il crut que j’avois alors , il m’engagea à une démarche
assez délicate pour moi , laquelle a voit pour objet de le faire
payer d’une somme de 700,000 liv. environ, qu’il me dit lui être
due par le gouvernement (a).
J e fis celte déman he : son défaut de succès donna lieu à de
nouvelles plaintes sur la gêne qu’il éprouvoit.
Comme il m'entretenoit souvent à ce su je t, l’idée me vint qu’il
souhaitoit que je lui offrisse de l'argent : le 5 1 septembre 178g
je lui offris 1 5 ,ooo liv. ; il les pritet me fit le billet dont est question,
que je 11e lui demandois pas; ce billet n’est point dans le style
(1) Il en convient dans son interrogatoire et dans son mémoire.
( j ) M . de Dutz est convenu de cela devaul les arbitres.
�prdinàire ; la suite développera les raisons de M. de Batz pour !e
faire ainsi.
M. de Batz oppose h ce récit un rapport ofGciel fait par lui
à M. de Cazalès ( i ) , qui l’a émargé , dil-il , de plusieurs notes.
Paix soit aux morts qui ne peuvent être ici pour se défendre ;
je n’ai jamais discuté et ne discuterai point cette pièce qui e s t,
d’aJleurs , sans caractère et sans validité, puisqu’elle n’est signée
de personne.
J ’observerai seulement que nous avons été entendus une seule
fois et très-imparfaitement devant ces premiers arbitres , puisque
dès le début, M. de Batz annonça des lettres de m oi, et des pièces
de l’agent de change , qu’il dit devoir faire venir pour me les op
poser , et que je proposai d’attendre leur arrivée , ce qui fut convenu (a). Or, comment avons-nous pu être entendus assez pour
déterminer le jugement d’un homme sans prévention , dans une
conférence où l’on convient d’attendre des pièces pour juger ?
Cependant, dans les émargemens de M, de Cazalès (si toutefois
ils sont sou ouvrage ) , il tranche d’aulorité et décide , en quatre
lignes , que j’ai to rt, sans s’embarrasser des pièces qu’il vient de
convenir d’attendre pour juger : M. de Cazalès qui m’a d it, et à r
q u ia voulu l’entendre, sur le compte de M. de Batz, ce qu’on
peut dire de plus dur et de plus fâcheux sur le compte d’un
homme , éloil redevenu, Dieu sait comment et pourquoi, son
aveugle ami : cela est facile à voir.
(i)
M . de Cazalès et M. de lJelbeuf nie furent proposés pour arbitres , il y a
quatre ans , par M. de Batz ; je les acceptai ; il y eut une conférence devant
eux ; c’est cette conférence qui est l’objet du rapport singulier de M. de Batz
cl des ém arj'emens, plus singuliers encore , de INI. de Cazalès.
(a) M . de Batz convient de ces faits dans son m ém oire, page 12 .
�G
J'observerai encore que de deux arbitres qui nous ont entendus,
un seul a aidé M. de Batz de ses émargemens , ce qui prouveroit
que la mémoire de l’un n’a pas été conforme h la mémoire de
l'au tre, car M. de Batz a , sans doute, présenté son rapport à
M de Belbeuf avec lequel il est tout aussi lié que je le suis , et s’il
en avoit obtenu quelque chose , il ne me le cacheroit p as(i).
Mais puisque M. de Batz m’oppose des souvenirs de cette con
férence , je vais lui opposer à ce sujet quelque chose de plus
certain et de plus concluant que des souvenirs.
Comme on vient de le voir, M. de Batz allégua devant les pre
miers arbitres, qu’il avoit des papiers à H am bourg, qu’il alloit
faire venir pour me confondre ; il dit que ces papiers étoient ceux
qu’il avoit conservés de l’agent de change Chabanel, qu’il avait
employé dans la spéculation (2).
11 est donc bien établi que M. de Batz voüloit faire venir les pa
piers de Chabanel , pour suppléer à l’absence de Chabanel.
>
(1) M. de Batz glisse négligemment dans son mémoire , que M. île Cazalès
fut nommé pour lu i, et M. de Belbeuf pour moi : ctla n’est pas e x a c t; ce
fut M. de Batz qui me proposa deux de nos anciens collègues, et nie nomma
ces deux messieurs que j ’acceptai; mais pourquoi cette petite erreur? C’est que
M . do Batz n’ayant rien à montrer do M. «le B elbeu f, en fait tout de suite mon
a rb itre, pour donner uuc raison de son silence : chez M . de Batz 011 verra
que la ruse montre toujours le petit bout de l’oreille, quand elle no montre
pas toute la tête.
(2) M. de Batz a Iui-iricmc exposé ce fait devant MM. de la Croix I’ rainvüle et Beltord , lorsque je lui reprochois ses lenteurs à faire juger ce procès,
et scs réticences dans la production de scs pièces ; il m’a répondu que la
célérité de l'instruction 11c dépendoit pas de lui , parce que le» pièces de
Chabanel étoient à Hambourg , et qu’il avoit eu beaucoup de peine à les faire
venir.
�7
Qui le croiroit ? Chabanel étoit à P a ris, à coté Je M. de
Batz.
Si cet état choses n’avoit dure qu’un m om ent, on pourroit
croire qu’ il y a distraction cle la part de M. de Batz, niais j’ai per
siste, pendant neuf mois, à rester devant les arbitres choisis ( i ) ,
et pendmt ce long teins, j’ai écrit et récrit à M. de Batz,
pour le presser de faire arriver ses papiers , n’imaginant pas
qu'il y eût un autre moyen d ’éclaircir les faits entre nous.
Ce moyen pourtant exisloit dans la rue du M ail, où demeuroit Chabauel lui-même , qui valoit encore mieux que ses écrits,
et (jui étoit beaucoup plus près de nous que Hambourg.
M. de Batz paroît s’attacher à un principe q u i, au fond , {est
fortbun : le teins bonifie toujours les affaires de certaines gens ;
car , comme dil le fabuliste, dans dix ans d’i c i, le r o i, l’âne ou
moi , nous serons morts ; en efFet, en usant le tems , un té
moins m eurt, un papier se perd , c’est autant de gagné : C habanel est mort un an après , alors M. de Batz a produit les
écrits de Chabanel.
M aintenant, voyons les pièces de M. de Batz: si on ne
peut plus les confronter avec celui qui les a écrites , peut-être
parleront-elles d’elles-tnêmes.
(i) M. de Batz a imprimé que je m’étois ergpressé de récuser M M . de Belbeuf
et de Cazalès (vo y ez son mémoire page i 3 . ) On ne ment pas m ieux que
cela : j’appris , neuf mois après le commencement de l’arbitrage, qui d ’ailleurs
n’éloit point convenu par éc rit, que M . de Belbeuf partoit pour la Norm an
d ie , M . de Cazalès pour le Languedoc, et M . de Batz pour la Gascogne j
voyant mon arbitrage arrangé de la sorte, je compris «juc M. de Batz aimoit
m ieux n’en pas finir; je remerciai les a rb itres, et j’écrivis h M . de B atz , que
puisqu’il ne vouloit pas terminer devant des arbitres , j allois l’attaquer ju d i
ciairem ent.
�8
Les arbitres les onl déclarées insuffisantes; cepourroit bien être
une flatterie. Voici l’acte de dépôt de Chabanel.
»
»
»
»
« J ’ai reçu de M. le président de Frondeville , sur autre reçu
de M . le baron de Batz , G?.5 louis en o r, pour garantie de
négociations dont me suis chargé pour le compte du déposant,
dont 10,000 liv. en ia 5 millions} et 5 ,ooo liv, en actions des
Indes ou d’ assurance.
» Nous sommes convenus que j’r.ltendrois de nouveaux ordres
» de M. le baron de Batz, et que si M. de Frondeville chnngeoit
» d’avis, je rendrois aussitôt le kinême dépôt eu mêmes espèces.
» Ce 3 i décembre 1789.
Signé , C habanf.l .
Cet acte est la première pièce qu’a produit M. de Batz ; il
est aussi le sujet de sa première erreur un peu grossière ; il
lui a fourni l’occasion de nier sa propre écriture , il 11e l’a pas
mauquée*: cette erreur est constatée par sou interrogatoire,
ainsi qu’il suit :
Interrogé « pourquoi , s’il est vrai , comme le dit le répon» d a n t, qu’il ait indiqué le citoyen Chabanel au citoyen de
« Frondeville , il u’a pas parlé de cet agent de change dans sa rc» comioissance ?
A répondu « que par l’cifet de sa délicatesse , il s’étoit
» rendu personnel le dépôt de i 5 ,ooo liv. ; mais que M .
» de Frondeville sait bien (pie ce fut à l’agent de change même ,
» et non pas à lu i,s ie u r de B atz,q u e lui sieur de Frondeville,
)> remit la som m e, et que d éfait elle n’a jumais passé dans
» les mains de lui répondant..............
On 11c peut pas nier pbis pertinemment sa signature ; -voici
les icrnici du billet de RI. de Batz.
�9
J e reconnois avoir reçu de M . de F ro n deville , la somme
de 15^000 liv.
C’est avec un tel billet signé J e sa m ain , que M. de Batz,
nie avoir reçu mon argent! (i)
Cependant voyons la manière dont il explique le fait clans
son mémoire : elle est piquante.
» Au lieu donc de remettre au sieur Chabanel , un simple
» mandai sur M. de Frondeville, je lui remis le billet.
» A vue du billet, M. de Frondeville remit i 5 ,ooo liv. à
» M. de Chabanel qui en donna sa reconnoissance particu» lière dans les termes suivans. »
Suit la copie de l’acte de dépôt que M. de Batz appelle ici
la reconnoissance particulière de Chabanel.
acte de de'pôt.
J ’ai reçu en dépôt de M. le président de Frondeville, sur autre
reçu de M. lè baron de Batz, six cent vingt-cinq louis en or , pour
garantie de négociations dont je me suis chargé pour le compte du
déposant, dont 10,000 liv. en ia 5 millions et 5 ooo liv. en actions
des Indes ou d’assurances ; nous sommes convenus que j’attendrai
de nouveaux ordres de M. de Batz , et si M. de Frondeville
changeoit d ’a v is , je rendrai aussitôt le même dépôt en mêmes
espèces. Paris, 5 i décembre 1787.
Signe’ ü . ClUBANF.L.
J e voudrais bien que M. de Batz m’explique à qui Chabanel
remit sa reconnoissance particulière : ce n’est pas à moi qui
(1) J ’ai du moins eu le plaisir d’entendre M . B e lla rd , arbitre nomme par
M . de IJalz qu’il ti’a pas cessé de de’ lendre avec la chaleur et le talent dont
il est capable , lui dire à une de nos conférences : « Tour celui-là , M . de
» lîatz , je ne le crois pas ; le coutrairc est évident. »
�lO
recevois de lui celle de M. Batz ; ce n’est pas à M. de B atz,
puisque je p aye, dit-il, à vue de son billet, ce qui prouve
qu’ il étoit absent. A qui donc ? je ne sais , car je ne vois
plus personne pour la recevoir : cependant elle est entre les
mains de M, de Batz; comment y est-elle venue ?
Voici une autre dilliculté : la reconnoissance de Chabanel
porte ces mots : «' Nous sommes convenus que j’attendrois de
» nouveaux ordres de M. le baron de Batz , et que si M. de
» Frondeville cbangeoit d’avis, je rendrais aussitôt le même
» dépôt en mêmes espèces. »
Quoi ! jetois là , en présence de Chabanel, et j’ai laissé
Cbabanel écrire qu’il attendrait les ordres de M. de Batz, et
non pas les m iens, lorsqu’il ne s’ agissoit de rien de plus que
de retirer mon argent, si je cbangeois d’avis!
Mais passons : la ruse a niai fait ici son service; aussi c’étoit
-trop exiger d’elle que de vouloir lui faire prouver que j’ai
remis mon argent à un tiers , en face de la signature de M.
de Batz , qui atteste que je le lui ai remis à lui-même.
Mais quel intérêt avoit M. de Batz , pour se charger de
l'ignominie de ce mensonge ? Le voici.
M. de Batz a voulu , à quelque prix que ce so it, établir un
point de contact direct entre moi et l’agent de change; et
comme il n’a trouvé nulle part la plus petite occasion de me
placer en rapport personnel avec Chabanel que je n’ai connu
de ma v ie ; il a saisi celle-ci qui est mauvaise à la v é rité ,
mais qui est l'unique , et qui résulte de ces mots de l’acte de
dépôt , f o i reçu de M . de Frondevillc , sur autre reçu de
1\I.
de Batz. J e ne me charge point d’expliquer ce français ;
l’acte qui le contient se trouve entre les mains de M. de Batz;
il l’a fait faire par un tiers que je n’ai jamais vu ; c’est à lui de le
faire comprendre s’il le peut.
�11
L ’intérôt de M. de Batz à accréditer son mensonge , se déve
loppera à mesure de la discussion des pièces.
On. verra par.elles que M. de Batz s’est entièrement et exclu
sivement investi de ma propriété ; que c’est lui qui dépose ,
fait acheter, fait vendre , se fait rendre compte ; à la vérité on
verra mon nom partout , mais on ne me verra nulle part et
pas une seule fois agissant activement et en personne. Envoyant
tous ces actes, on jureroit que j’étois à ceut lieues de P aris;
cependant j’étois à côté de M . Batz; je le voyois tous les jours
tleux et trois fois , et pendant qu’il faisoit aiusi mes affaires ,
il ne me parloit que des affaires des autres ; il m’avoit donné ,
dit-il, un agent de change; mais il n’a pas plus existé pour
moi que s’il fut resté dans les espaces , car je n’ai jamais vu
son visage , et n’ai jamais connu son écriture. M. de Batz a
fait une spéculation pour moi , qui a duré depuis le 5 lévrier,
dit-il , jusqu’au 27 m ars; mon argent s’est écoulé goutte à goutte
pendant ces cinquante-deux jours , et M. (le Batz n'a pas imaginé
de me demander si je ne serais pas hieu aise d’arrêter ma perte,
ou de (aire quelque revirement pour la diminuer.
J e sais bien que M. de Batz me répond en peu de mots,
que tout étoit convenu avec m oi; mais je lui réponds par ses
propres pièces, qui prouvent que je n’ai jamais été qu’en nom , et
que partout il a été en personne. J e fais plus , je défie deM . Batz de
prouver, par le plus léger indice , que j aie jamais connu Chabanel
qu’ il appelle mon agent de change, et la spéculation qu’il appelle la
mienne.
M. de Balz a senti la force de ces circonstances , et dans le
danger, il a invoqué le mensonge.
lin effet, le sien remédioit à tout ; car si M. de Batz prouve que
j’ai vu l’age tilde change un moment., mes rapports avec lui sont
établis , et touL est expliqué.
�Mais je défie là-dessus M. de Batz , et il reste clans la positron
embarrassante de faire trouver légitime qu’il ait perdu 111011 argent
par le ministère d’un Innume (¡ne je n’ai jamais vu , et dans une
spéculation que je n’ai jamais connue.
M. de Ba.z n’ayant à me donner pour l’acquit de son billet que
le triste récit d’ une plus triste spéculation , a fait avec m o i , comme
font les gens q u i, de peur d'étre grondés , commencent par gronder
eux-mêmes ; il m’a dit que j’étois un obstiné ; que malgré lui j’avois
persisté dans le mauvais sens ; qu’enfin je l’avois forcé de me
rendre le service de perdre mon argent ; je crois même qu’il m’a
dit quelque part que je n'avois que ce que je meritois ( i ).
N ’es t-il pas drôle qu’en me mettant de mon plein gré sous la
direction de M. de Batz, j’aye débuté par diriger mon directeur ;
mais ce qui est plus drôle encore , c'est la bonhomie avec laquelle
il s’est laissé faire, et l’obligeance avec laquelle il a pris mou
argent ; cela sans doute annonce une grande facilité dans le com
merce de la vie j mais cependant M. de Batz ne pouvoit-il pas
imaginer quelque chose de mieux encore à faire là-dessus ? par
exemple , de ne pas prendre mes i 5 ,ooo liv. 7 il me semble que
c'est ce que j’aurois fait à sa place , si j’avois été persuadé comme
lui du mauvais sens de mon ami.
M. de Batz en a pensé autrement, il a vu de l’argent à prendre
et il l’a pris ; il a lait plus , du moins il le dit ;
11 prétend l’avoir été déposer le même jour chez l’agent de
change Chabauel.
(i) Voici les paroles de M. de Batz , page première et deuxième de son mé
moire : J ’avois tout fa it pour le détourner de cette dernière spéculation , et la
perte qu'il fît fu t le résultat, dç sa persévérance à rejeter mes conseils
M . B atz , dit page 3 : Lorsque M . de Frondeyille s’obtinoit à spéculer dans le
mauvais sens.
�J e me perds et ne vois plus que confusion : ici je vois M. de
Batz qui fait tous ses efforts pour nie détourner de mon projet
de spéculation , et qui m’assiste de ses conseils à ce sujet ; là je vois
M. de Batz qui , non content de prendre l’argent que je destinois ,
d it-il, à cette spéculation , s’empresse d’aller , le jour même où il
le re ç o it, le déposer chez un agent de change , et lui faire faire
ainsi le premier pas dans la route des spéculations. Tour ne
pas avoir trop d’idées à analyser à la fois , je m’arrête en ce
moment à celles-ci.
Pour agir aussi directement dans le même jour contre son
coeur, qui lui faisoit prendre en pitié mon obstination à ma
ruine , et contre sa pensée qui la lui faisoit v o ir , il a fallu à
M. de Batz de puissans motifs.
J e l’entends attester son b ille t, invoquer la religion de la fui
prom ise, et me demander si sa conscienee pouvoit différer le
dépôt au lendemain.
A cela je réponds oui : le billet a bien été fait pour lier au
besoin mon argent dans les liens d’une spéculation ; mais il
n’a voit pas tout prévu; et par exemple , il ne dit pas que le
dépôt auroit pour objet une opération de bourse; il ne dit pas
que le dépôt seroit fait entre les mains de Chabanel ni d’aucun
agent de change; ma lettre* qu’on verra bientôt, et que j’enlends
"M. de Batz appeler à grands cris à son secours, ne le dit pas
d’avantage.
Elle ne dit, pas plus que le b ille t, à quelle époque le dépôt
doit être fait ; en lin , le billet ne dit pas plus qu’elle, que le dépôt
doive être fait plu tôt dans les mains d’un tiers que dans celles
de M. de Bafz : au contraire, l’obligation exprimée dans le b ille t,
de nie représenter le dépôt; à ma .réquisition et à toutes heures ,
et celle de me répondre de la somme, annoncent que le dépôt
�¿levoit plutôt rester dans les mains de M. de Batz que passer dans
celles d'un tiers.
O u i, M. de Batz , avec un tel billet , cl votre conviction que j e
'volois à ma ruine , votre conscience pouvoit attendre au len
demain.
Mais , j’en conviens , votre intérêt ne le pouvoit pas aussi bien;
dès que vous m’avez vu vous demander mon argent , il vous a fallu
un plan de défense ; et pour établir une spéculation , il vous falloit
un acte de dépôt. Vous l’avez fuit faire ( i) , niais vous l’avez mal
adroitement fait dater du même jour où vous m’avez remis votre
billet, et c’est cette ponctualité m<Ve qui vous accuse. Mais pour
suivons.
M. de Batz après avoir pris mon argent le 3o décembre , à son
corps défendant , après l’avoir remis le mômç jo u r, contre son
opinion , à un agent de change, M. de Batz ce même jour encore,
fait les dispositions de son emploi; il désigne les offets publics sur
lesquels il doit être employé , et détermine la somme qu’il destine
6ur chacun d’eux ; à dire v r a i, je ne vois pas pourquoi cet em
pressement à disposer ainsi de mes fonds , car pour le coup le
billet ne parle pas de cela.
Voilà encore un excès de zèle à engager mes fonds dans les
griffes de l’agiotage , qui se trouve bien peu en harmonie avec
la répugnance que son amitié et sa prévoyance lui faisoient éprou
ver contre mon entêtement à spéculer (i).
( i ) Je déclare que je n'entends point inculper l'agent de change, qui ( si
les actes sont de l u i ) , a pu les faire tics-iiinocennncnt, comme je pou» rois
l'expliquer s'il cil étoit besoin.
( i j J/acte de dépôt porte ces mots : îS.ooo /jV. pour garantie de négntia-
fianç dont je me iu .s chargé pour le compte du déposant, dont «0,000 /jV.
�L ’amitié tic M. Batz a dû bien souffrir le 01 décembre 1780.
Que de sacrifices elle a vu faire ce jo u r - là à mon obstination!
D’abord elle a vu M. de Batz prendre mon argent ; ensuite elle l’a
vu le déposer chez Chnbanel, et , pour qu’il n'y manque rien ,
elle a vu M. de Batz déterminer exactement , et mot à m ot,
commeut mes i 5 ,000liv. seraient perclus trois mois après ; ca r,
et c’est ce qui a dû lui faire plus de mal, M. de Batz savoit que mon
argent serait perdu. J ’avois tout fa it pour l ’en détourner , et la
perte qu’ il fit fu t le résultat unique de sa persévérance à re
je te r tues conseils. Ces paroles sont de M. de Batz ( pages i ere. et
2 e. de sou mémoire ).
A la vérité, si l’amitié de M. de Batz avoit refusé mon argent,
plus de tribulations : cette idée me revient toujours ; mais vous
verrez que RI. de Batz la trouvera absurde.
J e vais examiner l’acte de dépôt sous un dernier point de vue :
est-il vraisemblable qu’il ait été fait pour garantie d’une mince
spéculation de i 5 ,ooo liv. ? Etoil-il nécessaire qu'il fût fait?.
Il faut se reporter aux tems où nous étions alors, lié avec
M. de Batz par des rapports politiques q u i, en tems de révolu
tion , doublent l’inlifailc des liaisons ; lié encore avec lui par
les rapports de société , est—il croyable que RI. de Batz eût exigé
«le moi le dépôt d’une somme aussi modique que celle de
1 5,ooo liv ,, en comparaison de mes moyens d’alors, pour ga
rantie d’ une spéculation que je l’aurois prié de diriger pour
en iî! j millions et 5ooo liv. en actions des Indes ou d ’assurances. Dans
la copie imprimée que M . de Batz donne de l’aclc du d é p ô t, il a supprimé
ce que je viens de copier , encore bien que cela se trouve au milieu de l’acte*
l ’ our tronquer ainsi pateinmcnt scs propres p ièces, il faut avoir de bonne»
raisons. Jo découvre bien encore dans ce procédé une ruse de M . de B a tz ;
mais je u’ai pus le tenu de les dire toutes.
�moi ? les procédés usités parmi les gens du monde , repoussent
l’idée de celle injurieuse précaution.
Mais en supposant à M. de Batz une aussi chétive manière
d’a g ir , et à moi la sottise de la souffrir ; M. de Batz avoit
toutes scs sûretés, puisqu’il avoit mon argent dans les mains ;
il n’avoit donc pas besoin de le déposer dans celles d’un agent
de change; car il 11e prétendra pas sans doute que lu i, M. de
Batz , un des plus renommés spéculateurs de P a ris, lui qui nous
annonce que l’agent de change Chabanel étoit un de ceux qu’il
honoroit de sa confiance dans les négociations qu’il faisoit pour
le trésor royal ( 1 ) , il ne prétendra p as, dis-je, que cet agent
de change a exigé de lui la mince somme de i5,ooo liv. pour
garantie d’une spéculation que M. de Batz lui faisoit l’honneur
de lui commander.
Le moyen donc d’expliquer pourquoi il se trouve un acte de
dépôt, pour garantie, fait par C habanel, dans une aussi médiocre
affaire ordonnée par M. de B a tz , dont la pratique seule auroit
suffi pour accréditer un agenl\le change. Qu’on juge si Chabanel,
employé habituellement par lui dans des reviremens de millions ,
en a exigé un dépôt de 1 5 ,000 liv. pour garantie.
L ’acte de dépôt est , sous quelque point de vue qu’on l’euvi-,
sage, invraisemblable à la date qu’il porte.
A une date plus reculée , c’est-à-dire , après que j’ai eu demandé
mon argent, il se conçoit; il est vraisemblable; il est môme
nécessaire : car sans lui les autres pièces qui prouvent une spé
culation , perdroient beaucoup de leur prix.
J ’ai encore une idée sur cet acte de dépôt , qui me tour
mente : comment se fait-il qu’il se trouve entre les mains de
(1) Mémoire de M . de Batz , ( page 5 . )
�l7
M. de Batz? La spéculation est finie; la somme est absorbée, et.
pourtant M. de Balz conserve le titre qui rend Chabanel comp
table de l.i somme. M. de Batz est-il resté , pour cet objet qui
n’étoit pas liquidé avec m oi, en compte courant avec lui ? Non ,
car M. de Batz m’a fait signifier q u e , le 5 juiu 1790 , il
avoit arrêté tous ses comptes avec C habanel, et il est dit dans
ce com pte,'que Chabanel a remisses pièces de comptabilité à
M. de Batz. Comment se fait-il que Chabanel remette ses pièces
<le comptabilité à M. de Batz, et qu’en meme-tems M. de Balz
conserve des pièces qui rendent Chabanel comptable envers lui i
Pour voir clair dans ces obscurités, il faudroit la lorgnette de
M , de Batz.
Pour me résumer sur l’acte de dépôt ; le projet mal déguisé
de M. de B alz, d’établir un point de contact direct entre moi
et l'agent de change que je n’ai jamais connu ; sa dénégation
d’avoir reçu mon argent , hasardée afin d’atteindre ce but; son
affectation de plaindre mon obstination à mal spéculer, et son
empressement à m’enchaîner dans une spéculation ; l’invraisem
blance, je pourrois dire l’impossibilité d’un dépôt pour garan
tie , de la part de M. de Batz, vis-à-vis de son propre agent de
change; enfin, l’existence singulière de l’acte de dépôt dans
ses m ains, après la clôture de scs comptes avec l’agent de
change; ces faits et ces circonstances forment un corps de
preuves qui portent jusqu’à l’évidence, (¡ne l’acte de dépôt a été
fait pour la circonstance, et pour faire croire à l’existence d’une
Spéculation qui n’a jamais eu de réalité pour mon compte.
Cependant, j'arrive à ma lettre du 5 février 17 9 0 , et à mon
interrogatoire. Voici ma lettre :
« V oire billet m’arrive , mou cher baron , dans le moment
» où je sors pour affaires; je ne puis aller chez vous et n’y
» suis pas nécessaire , puisque vous voulez bien vous charger de
�ï8
»
»
»
»
»
tout diriger; je suis plus décidé que jamais et je ne rois
plus que vous d’hcsitant sur le sort des effets de la bourse.
J ’espérois que votre homme aurait commencé hier ; il y a
plus d’un mois que le dépôt n’est absolument bon à rien. Ne
différez donc plus d'agir , mon cher ami. »
Ce 5 février.
Voici mon interrogatoire , ou du moins la portion de mon
interrogatoire, qui est en contradiction avec ma lettre.
»
»
»
»
« Interrogé s’il n’est pas vrai qu’à la lin de la même année
( 178g ) , lui répondant eut le désir de spéculer de nouveau sur
les fonds publics ; d’employer à cette spéculation une somme
de 1 5,ooo liv. ; si à cette occasion il u’a point consulté le sieur
de Balz et ne lui a point écrit ;
» A répondu qu’il affirme positivement que le sieur de Batz n’a
» jamais fait une spéculation pour lui répondant; il l’affirm e,
» parce qu’il ne peut pas craindre que sa mémoire le serve mal
» après seize ans sur cet objet ( 1 ) , puisque le titre fait et souscrit
n par M. de Iîatz, sa conduite , ses allégués et ses écrits au procès,
w portenteette vérité jusqu’à l ’évidence; le titre porte qu’il répond
» de la somme , sans réserve et sans exception d’aucun cas.
» 11 est évident que dans le cas de la soi-disante spéculation
n alléguée parM . de Balz, tous les profits auraient été pour lui ; car
» dès qu’il a répondu de la somme, il aurait dit à lui répondant;
»> vous n’avez aucune part dans les profits , puisque vous n’avez
3) coUru aucuns risques ; comment se fait-il donc que le sieur de
(1) Dan» la .copie de mon interrogatoire imprimée par M . de Batz , il arrête
ici ma réponse; ce qui fail qu il en dissimule la portion qui explique le
m otif de mon affirmation. M . de B alz est fidèle & ses habitudes; l a r u ie ;
toujours la xusc.
�19 •
» Batz prétende aujourd’hui que IuLrépondant a donné son argent
» pour courir risque de le perdre , sans avoir la chance de
» gagner ? »
Le raisonnement puisé dans le billet même de M, de Batz , et
que je donne pour motif de mon affirmation, est d’une justesse
palpable; mais j e ne m’y arrête poin t, e t je. conviens qu’il y a
contradiction réelle entre ma lettre du 5 février 1790 , et mou
interrogatoire du 3o novembre i 8o 5.
Cette contradiction est-elle volontaire? c’est sur quoi je demande
qu’on me juge avec rigueur.
II existe deux faits que M. de Batz lui-même ne contestera pas.
Yoici le premier :
,
Devant MM. de Bclbenf et de Cazalès, nos premiers arbitres ,
M. de Batz m’annonça qu’il a voit des lettres de m o i, qui fa ¡soient
partie de ses papiers qu’ il avoit envoyés à H am bourg, dans le
tems de la terreur, lesquelles lui fourniroient des preuves de ce
que je lui coritestois ; et je lui contcstois ce que je lui ai toujours
contesté , savoir t qu’il ait fait nne spéculation pour moi ; et malgré
ma lettre, j’afiirmerois encore , sans craindre de me d am u er,
qu’il 11’en a jamais fait. Il y en a> bien une écrite qu’il a mise
sous mon nom, ce qui lui donne un prétexte pour retenir mon
argent ; mais je soutiens qu’il a opéré pour lui , et que mon argent
n’est jamais sorti de ses mains ; j’espère le lui démoutrer bientôt,
à-peu-près mathématiquement.
M. de Batz demanda du tems pour faire venir ces lettres ; je lu i
proposai trois mois ; il consentit. J e sus donc à cette époque, c’est- ,
à-dire trois ans avant mon interrogatoire , que M. de Batz annon
çait des lettres de moi ( 1 ) ; et si je l’avois oublié, mon iuterroga(1) Voici ce que dit M. de Batz dans son mémoire "• « M . de Frondevillc
�*
30
toire me l'auroit rappelé , car M. de Balz m’a fait faire l’intorrogat
suivant : « Si à l’occasion (le la spéculation de i 5 ,ooo liv ., le
» sieur de Frondeville u a pas consulté le sieur de Batz, et ne lui a
» pas écrit ? »
Voici le second fait. A la fin de niai i 8 o5 , le procès actuel,
jugé en dernier ressort par les arbitres , fut plaidé et jugé
en première instance au tribunal civil : M. Tripier plaidant
pour M. de Batz , donna lecture à l’audience, de l’acte de
dépôt et de la lctlre de Chabanel ; il me les communiqua; je les-lus et en pris note r j’avois donc pleine connoissance de ces pièces
quand j’ai été interrogé.
J e viens d’établir par deux faits positifs , qu’avant d’être inter
rogé , je savois tout ce qu’il falloit pour ne pas répondre comme
je l’ai la it , si je n’avois pas cru dire la vérité : je savois que M. de
Batz faisoit venir de Hambourg des lettres de moi pour me les
opposer , et j’avois lu les pièces de l’agent de change , qui disent
que M. de Batz a dirigé une spéculation pour moi.
M aintenant, je me renferme dans ce dilème : ou j’ai voulu
en imposer pour m’exposer volontairement à la mésestime et à la
ccnsure publique, ou j’ai dit ce que je croyois fermement être
la vérité.
J e dis que le positif de mes réponses annonce leur since-
» me demanda avec une inquiétude mal de'guise'e, ce que c’étoit que des pas piers et des lettres de lui sur cette même a ffa ire , et qu’on diîoit que
» j ’avois dans mes mains.
» Ce que vous me demandez n’est pas dans mes mains , lui ripondis-je ;
» mais dans un dépôt de mes papiers actuellement entre les mains de M . de
» J . , îi H am b o u rg, et je vais les faire ven ir» . C etoit donc d e là bouch«
même de M . de Batz que je savois qu’il avoit des lettres de moi.
�rite , car elles pouvoicnt être évasives , elles dévoient même
l’ê tre , vu la connoissance que j’avois des pièces annoncées et
des pièces connues; mais ma conviction éloit si entière, que
j’ai méprisé le secours de l’évasion. Nier un fait qui existe , quand
on croit sincèrement qu’il n’existe p a s , c'est dire le contraire
de ce qui est, mais c’est dire la vérité par rapport à soi.
Mon interrogatoire contredit ma lettre, mais il n'a pas con
tredit ma pensée, et à présent même que je lis cette lettre , je ne
me souviens ni du m otif, ni de la circonstance qui me l’a
fait écrire : au reste , je ne m’en étonne p o in t, car il me semble
très-aisé de concevoir que j’aye entièrement oublié , le 5 o
novembre i 8o5 , ce qui s’est passé dans mon e sp rit, le 5 février
17 9 0 , au sujet d’une spéculation de bourse que je n’ai n’y com
binée ni su iv ie , dans la confidence de laquelle on ne m’a
jamais m is, quoique je fusse chaque jour à côté de M. de Batz,
qui prétend Tavoir dirigée , dont l’agent ne m’a jamais él6
connu, quoiqu’on me dise aujourd’hui qu’il étoit le mien j
d'une spéculation enfin qui a duré depuis le 5 février jusqu’au
27 mars , dans laquelle mon argent s’est écoulé chaque jour
goutte à goutte sans qu’on m’ait consulté, sans qu’on m’en ait
dit un m o t, sans que je m’en sois douté.
J e mets mon honneur , ma réputation , enfin tout ce qu’il y a
de plus cher au monde à un galant homme , à la discrétion de
M. de Batz, et l’on voit par son mémoire que c’est proposer de
les mettre en mauvaise mains , s’il peut fournir une adminiculc
de preuve que j’aye eu la moindre connoissance de la spéculation
qu’il dit avoir faite en conséquence de ma lettre , et si j'ai jamais
connu directement ou indirectement ragent dé change qu’il dit
aujourd’hui avoir été le mien.
Cependant, si ces faits sont v ra is,s’étonnera-t-on qu’ une opéra
�tion qui n’a jamais existé pour moi , n’ait laissé , après seize a n s ,
aucunes traces dans mon esprit ?
J e «rois bien que ma lettre en annonce le désir ; mais les désirs
sonl l’opération la plus transitoire de l’ame, et pour qu’ils prennent
place dans la mémoire , il faut du moins qu’ ils soient suivis de
de quelqu’accomplissement, et jamais celui-là u’a été accompli
pour moi.
Mais on me dira que si je n’ai pas connu l’opération qui a
eu lieu depuis le 5 février jusqu’au 27 mars ( 1 ) , la correspon
dance de ma lettre et du billet, qui parlent l’un ét l’autre d’un
dépôt, annonce que j’étois convenu précédemment de quelque
chose avec M. de Batz : la conséquence est juste ; ét quoique
je sois convaincu de n’avoir jamais (ait avec lui aucune conven
tion qui l’autorisât à spéculer pour m oi, je conviendrais que ma
lettre condamne 111011 souvenir ; mais il m’est impossible de faire
aucune concession sur cet objet, parce qu’il est démontré pour
moi qu'il y a eu machination dans l’acte de dépôt;
Or, dès qu’il est prouvé qu’il y a eu machination dans cet
acte , dont l’ unique objet est de donner de la réalité au projet de
spéculation , par cela môme il est prouvé que ce projet n’exisloit pas; c a r , pourquoi M. de B;itz auroit-i! eu besoin de cons
tater à mon insu un fait dont j’aurois été d’accord V J e ne puis
concevoir cela ; il m’est impossible de mettre ces deux idées en
harm onie, que réellement je voulois spéculer le 5 i décem
bre , et que M. de Batz ait été obligé de machiner un acte dató
de ce jo u r, pour constater que j’avois voulu spéculer et enta
it) On verra bientôt par la discusión d'nnc pièce produite par M . de I3a tz,
q u ’ il prétend avoir comnirucé le 5 février , la soi - disante opération 'en con
séquence de nia lettre , cl qu’il prétend l’avoir finie
le 37 m ars, en consé
quence de la fin de l’argent qui fut perdu en entier à cette époque.
�«
23
mer une spéculation, que'j’aurois été en effet impatient d'en
tamer.
La machination établie, et je crois qu’elle ne sera douteuse
pour personne : je ne puis plus comprendre ma lettre ; elle ne
prouve plus rien pour moi.
J ’ajoute à cela que l’examen des autres pièces et leur dis
cussion vient corroborer ces pensées ; c a r , elles établissent si
clairement le plan d’une spoliation m éditée , qu’il faudroit être
aveugle pour ne pas le voir.
J e ne pousserai pas plus loin l’examen des expressions de
ma lettre; je me borne à dire que la fraude étant certaine.
D’après les circonstances de l’acte de d épôt, ma lettre reste sans
objet et sans signification.
Pour terminer sur mon interrogatoire , je dirai qu’il est évi
dent que tous les actes produits par M. de Batz , sont disposés
de manière à faire croire à une spéculation ; mais la plupart
de ces actes dépendoient de lu i, puisqu’ils sont faits entre
lui et uu tiers que je n’ai jamais connu ; mon billet même a
dépendu de lui seul ; car n’ayant aucune intention de prendre
des sûretés , j’aurois pris sans les lire tous les billets qu’il
m’auroit donnés.
Aussi a-t-il usé de cette liberté ; car à voir l’entortillement du
sien , on juge tout de suite de l’intention de M. de Bat/. : il a
•voulu n’en pas trop d ire , de peur que si la fantaisie me prenoit
d’exominer , je ne visse qu’il s’agissoit d’une spéculation , et
pourtant en dire assez , pour qu’il la signifie au besoin.
Ma lettre seule a
voit, fort à la hâte :
M . de Batz m’avoit
quelques expressions
dépendu de moi ; je l’ai écrite , comme on
étoit-elle le résultat d’une disposition que
inspirée la veille i étoit-elle la répétition de
de sa lettre à laquelle je répondois ?
�C’est souvent ce qui arrive quand on est pressé. Pour avoir
plutôt fa it , pour avoir l’air de répondre pertinem m ent, on se
sert de l’expression qu’on voit dans la lettre qu'ou a sous les
y e u x ; mais au fa it, je n’en sais rien; ce que l’on voit claire
m ent, c’est que ma lettre a été provoquée par une lettre de
M. de Batz ; ce qui est certain aussi , c’cst que pendant trois
mois qu’a duré cette affaire , M. de Batz a été en correspon
dance avec l’agent de change et avec m oi, puisqu’il produit des
lettres de chacun de nous; et pourtant il ne peut justifier par
quoi que ce soit, au-delà de ma lettre, que j’aye eu la moindre
connoissance de cette spéculation que j’ai faite cependant, ditil , avec une ardeur et un intérêt remarquables , puisque je
me suis obstiné jusqu’au bout, à vouloir ce qu’il ne vouloit
p as, et que j’ai donné un exemple d'entêtement qui n’est pas
commun , celui de choisir un guide et de vouloir le guider.
Cependant, s’il est très-vraisemblable que le 5 février est le
seul jour où j’ai parlé et entendu parler de ma spéculation,
et s’il est constant que je n’ai jamais su qu’elle avoit lieu , on
ne peut s’étonner qu’après seize ans un désir aussi éphémère
ait été effacé de mon esprit.
A u reste, je me réfère à ce raisonnement qui me paroît
porter la conviction avec lui : mes lettres m’étoient annoncées
par M. de B alz; je connoissois les pièces de C habauel, qui
constatent une spéculation; il m’étoit donc bien facile de mo
difier mes réponses et de les rendre propres à tout événement ;
je ne l’ai pas fait. L’hommç qui néglige son bouclier en pré
sence de l’ennemi , ne passera jamais pour un lâche..
Ici , l’affaire a changé de face; M. de Batz ayant produit ma
lettre , et m’ayant mis par-là en contradiction avec mon interroçatoire, il a cru que je me retircrois heureux qu’il ne publiât pas
�55
ma honte ; il me l’a écrit en toutes lettres : il s'est trompé ; cette
circonstance a doublé mon ardeur à le poursuivre ; mais au lieu de
lui demander mes i 5 ,ooo I. , en conséquence de son billet, je lui ai
demandé compte de la spéculation dans laquelle il prétend m’avoir
rendu le service de perdre à bon droit mon argent.
I c i , ma lettre va jouer un rôle tout différent; M. de Batz me l’a
opposée ; je vais l’opposer à M. de Balz.
M. de Batz dit (page 6 de son mémoire ) , qu’en conséquence de
ma lettre , il donna des ordres à Chabanel : c’est donc dans ma
lettre que I\I. de Batz a trouvé mes intentions et la raison des
ordres qu’il a donnés à l’agent de change.
Voyons comment M. de Batz a exécuté mes intentions. 11 a donné
ordre d’acheter des effets publics pour mon compte ; par consé
quent , M. de Batz m’a fait spéculer à la hausse des effets.
J ’avoue que cel te manière de me diriger m’a confondu ; car en
me rappelant ma situation politique dans l’assemblée , mes opinions
que je retrouve dans les gazettes, enfin toute la composition de
mes idées de 179 0 , il m’est impossible de me reconnoltre spéculant
sur la prospérité des effets publics; et pourtant M. de Batz me
condamne impérieusement à cette dure obligation , car il m’assure
que j’étois , dans ce sens , d’une obstinai ion qui le désoloit.
Cependant , recourons à quelques indices ; voyons ce que
dit ma lettre , et ce qu’indique le cours des effets publics.
Le cours des effets publics coté dans les journaux , atteste
qu’ils n’ont pas cessé de baisser depuis le commencement de
l’assemblée, jusqu’au 27 m ars, époque à laquelle M. de Balz a
terminé mon opération , et (pie depuis cette époque ils o»t égale
ment baissé.
Maintenant , voyons ma lettre ; elle dit : I l y a plus d’ un mois
4
�que le dépôt n'est bon à rien. Si ma lettre signifie quelque chose ,
et si je parle ici du dépôt de mon argent, il est clair que ma volonté
étoit de jouera la baisse; car pendant ce mois d’inutilité dont je
me plains , les eflels avoient tellement baissé , que le dépôt
employé comme M. de Batz l’a fait le jour même de ma lettre ,
c’est-à-dire à la hausse , auroit été entièrement perdu et fort audelà. A moins que M. de Batz ne prétende que je me plaignois
de ne pas avoir déjà perdu mon argent, il (luit qu’il convienne que
nia lettre dit clairement que je voulois jouer à la baisse.
Cependant c’est dans ces circonstances , et autorisé , d it-il, par
cette lettre, que M. de Batz m’a fait spéculateur à la hausse : c’est
ainsi que mon ami a dirigé mon agent de change dans ma spé
culation.
B.
Frondcville.
5 février.
Nous allons voir à présent la plus curieuse des pièces de M. de
Batz : en voici la copie figurée :
B» Note générale (1).
I.
C.
Achats et
marchés (troncs
payables fin mais
prochain Gie.
» 11 est convenu avec M. Chabauel qu’aujourd’hui 5 février
» 1 790 , il achètera.
B.
« i°. Les 2/jo billets de m 5 millions , qui lui sont offerts à 10
» pour cent perte lin de mars ; 20. les 5 o actions des Indes , qu’il
j) croit avoir pour la môme époque, à io 3oliv.
I.
» Que le tout demeurera entre nous; qucM .de Frondcville sera
(1) Comme ccttc pièce est composée de trois ccritu rcs, savoir : d’ une
periture inconnue,
de l’écriture de M . de B a tz , et de celle de d ia b a tic i,
j ’ indiquerai par la lettre I , l’écriture inconnue, par la lettre B , récriture de
M. de B a tz , et par la lettre C , l ’écriture de Chabauel.
�27
» connu (le nom seulem ent, et que M. Chabancl sera seul en
» nom vu la garantie.
I.
» En cas de bénéfice , Chabanel ne revendra pas sans ordre ;
» en cas de perte approchant de i 5 ,ooo liv. il pourra vendre sans
» ordre , à moins de surcroît de garantie.
J e n’ai jamais pu obtenir de M . de Batz la communication de
cette pièce par la voiedu greffe, quoique jel’enaye sommé plusieurs
fois : il ne m’a permis de la voir que devant les arbitres où. il me
l’a mise sous la gorge ; ne l’ayant jamais vue , il m’a pris au
dépourvu , et je n’ai à peu - près su qu’y répondre ; au reste
M. de Batz avoit traité sou défenseur et son avoué avec la môme
réserve , car les arbitres ont pris la peine de constater que
M. Tripier et M. Elouiu n’avoient jamais vu la pièce à cette
époque ;
M. de Batz a produit cette pièce pour prouver qu’en consé
quence de ma lettre du 5 février , il avoit donné des ordres à
Chabancl , et qu’en conséquence des conventions faites dans
cette pièce avec Chabanel , il avoit donné ordre de terminer
l’opération le 27 mars , parce qu’à cette époque les i 5 }ooo liv.
étaient perdues ; M. de Batz ajoutait à cela une lettre de Chabanel ,
du 27 mars (1 ) , qui d it , en effet, que mon opération est terminée
(1) Voici cette lettre adressée à M. de Batz : # M . j ’ai fini d’après vos
» ordres et heureusement avant la bourse ; votre ami n’a au-delà des if»,ooo
» liv. rpie 47 liv. eu tout de perte , cpic je remets volontiers sur mon droit ;
» je regrette seulement qu’il se soit obstiné dans le mauvais sens.
» Tous les jo u rs, comme vous le désirez } je serai à ses ordres pour tous
» détails qu’il souhaitera.
» J ’ai l ' ho n n e u r , etc.
S ign e,
C ha b an e l .
» P a r is , 37 mars 1790.
» lin me donnant son jour et h eu re, M . de l'rondcville voudra bien nie
« prévenir la veille. »
C.
convenu D. C.
�I
38
et mon argent perdu ; il me renvoyoit , d’ailleurs , aux papiers
publics du teins , pour vérifier le cours des effets , et m’assurer de
l’exactitude de ses calculs , si j’en ëtois curieux ; c’est ainsi que
M. de Batz me donnoit mou compte.
Mais je ne l’acceptai point , et devant les arbitres , j’attaquai la
p ièce; je soutins qu’elle portoit les caractères d’une machination
préparée pour la circonstance.
J e soutins d’abord que le second émargement qui s’exprime au
pluriel en ces termes : achats et marchés ferm es, et la signature
abrégée de l’agent de change , et apposée eh marge de l’acte , fai
saient voir que c’étoient des papiers préparés d’avance par C habancl pour la plus prompte expédition des affaires de bourse ; qu’il
les donnoit en cet état à ses cliens pour les remplir des ordres
qu’ils vouloient lui donner; que M. de Batz, en sa qualité de
client de C habanel, en avoit à sa disposition, et qu’il avoit rempli
et fait remplir un de ces papiers de ce qu’il avoit' cru propre à me
convaincre d’une opération pour mon compte :
La différence des encres (i) étant visib le, elle ne fut point
contestée , et me fournit le raisonnement qui va suivre.
demandai à M. de Batz si la pièce composée de l’écriture de
trois personnes, avoit été écrite par chacune d’elles dans le même
lieu ou séparément ?
Je
M. de Batz répondit qu’il ne s’en souvenoit pas :
Je soutins alors que la pièce n’avoit pas été signée dans le même
lie il , parce qu’à moins de supposer deux sortes d’encres dans le
même bureau , et deux personnes trempant leur plume dans
( i) L Y crilu rc de l'inconnu qui a écrit le corps de l’acte est d’ une encic pâle
et vieillie ; l’écrilure de M . de Batz est d’une cncrc vive comme si elle sortoit
du coruct.
�29
deux cornets différons pour écrire un même acte , il falloit
tenir pour certain que l’acte avoit été é c rit, M. de Batz dans une
maison et Chabanel dans une autre.
Ce fait étant posé , et je puis dire convenu , j’en tirai la consé
quence que l’acte n’a pas pu être fait le 5 février, et qu'il porte
certainement une date fausse. J e le p rouvai, ainsi qu’il suit.
M. de Batz dit que c’est en conséquence de ma lettre du 5 fé
vrier , qu’il a donné ordre à Chabanel d’acheter le même jour des
effets pour moi.
Cet ordre écrit dans la pièce que je discute , contient plusieurs
conditions dont il a fallu convenir.
Etant demeuré constant que l’acte n’a pu avoir lieu qu’entre
M. de Batz et Chabanel séparés, il a fallu que les conditions ayent
été proposées et convenues par la voie de la correspondance ; par
exem ple, l’acte porte que les 240 billets des 1 25 militons sont'
offerts à 10 pour 100 perte ; pour que M. de Batz l’ait su, il a fallu
que Chabanel le lui écrive ; il en est de môme des autres conditions.
Maintenant, pour savoir si l’acte a pu ctre fait le 5 février, il
faut savoir tout ce qu’il y a eu h faire pour cela avant midi , car la
bourse commençoit à cette heure avant la révolution.
11 a fallu d’abord que M . de Batz m’écrivit, et que je lui
répondisse ; M. de Batz et m oi, nous étions gens du monde , et la
correspondance entre nous ne pouvoit guères être matinale ;
d’ailleurs , ina lettre porte que j e sortois déjà pour affaires :
j ’étois habillé , l’heure étoit donc avancée; il a fallu qu’après la
lecture de ma lettre , M. de Batz écrivît à Chabanel ; il a fallu
que Chabanel répondit et mandât à M. de Batz qu’on lui offrait
240 billets des 125 millions à 1 o pour 100 , perte, et qu 'il croyoit
pouvoir acheter 5 o actions des Indes à 1020 liv. 11 a fallu que
M. de Batz répondit que cela lui couvenoit, et qù’il ordonnât
�3o
d’écrire la convention , et de la lui envoyer pour la remplir de la
portion de son écriture qu’elle contient; il a fallu que M. de Batz ,
après avoir fait sa portion d’écrilure, renvoyât l’acte à Chabanel
pour le signer; il a fallu enfin que Chabanel renvoyât l’acte à
M. de Batz pour qu’il le garde.
11 y a sept courses à faire et sept fois à écrire dans cette négo
ciation pour la supposer ainsi ; les distances à Paris sont longues ;
M. de Batz deineuroit dans la rue de Ménars . et moi dans la rue
du Bacq ; la convention se faisoit entre RI. de Batz et un agent de
change qui sûrement avoit plus d’une affaire, et d’une autre
importance que celle-là; ce qui fait qu’il est diflicile de supposer
qu’il soit resté tout exprès chez lui pour recevoir les lettres de
M. de Batz et y répondre. Cependant il a fallu que tout cela ait
lieu avant midi : cela 11e sera cru par personne ; l’acte est faux dans
sa date. M. de Batz a fait pour celui-ci ce qu’il a fait pour l’acte de
dépôt ; il a voulu que toutes mes commissions fussent faites le jour
même où je les lui ai données. Que de religion !
L ’acte du 5 février , porte encore cette autre condition : M . de
Frondeville sera connu de nous seulement. Cela 11’est-il pas
visible 7 E t depuis quand met-on eu convention une loi expresse?
T,a loi de l’incognito des spéculateurs , est une loi nécessaire de
la bourse; car autrement, les trois-quarts du teins , il n’y auroit
qu’un avis sur la place, et les agens de change n’auroient pas
line opération à faire ; par exemple , qu’on se ligure le cas où
un agent de change diroit qu’il demande à acheter des effets ,
pour en qu’on appelle un liomine bien instruit ; aussitôt il
ij’y iuiroit plus que des acheteurs sur la place.
Cependant M. de Batz n’est pas absurde; ce n’est pas là sondéfaut,
et s’il a mis là celle cheville , c’est qu’il avoit un trou ¿1 boucher.
Une chose me frap pe; la convention du 5 février, dit bien
�3t
que Cliabanel achelera des effets; mais elle ne dit point pour
le compte de q u i, et cependant si ce devoit être pour le mien ,
il me semble que le bon sens v e u t, qu’à la suite de ces mots , il
est convenu que Cliabanel achètera, on ajoutât ceux-ci — pour
le compte de M. de Frondeville— mais on ne l’a pas fait, et il
est dit simplement : il est convenu que Cliabanel achètera .-en
suite vient l’écriture de M. de Batz , qui désigne les effets à
acheter; de sorte que , jusqu’à la curieuse convention de mon
incognito , mon nom n’a point encore paru dans l'acte , et il est
pour tout autre que pour moi. Ne semble-t-il pas que cette con
vention ridicule n’a été imaginée et placée là , que pour avoir
un prétexte de me nommer et m’approprier après coup ce qui
ne m’appartenoit pas d’abord ?
En examinant l’acte , il parolt visible qu’on avoil laissé en
l’écrivant, un intervalle en b la n c , où M. de Batz a mis la
portion d’écriture qui lui appartient dans le corps de l’acte.
C’est précisément à la suite de cette portion d’écriture de
M . de Batz, que vient la convention de mon incognito ; mais
pour peu qu’on eût laissé l’intervalle en blanc un peu large, il
s’y trouve tout de suite de la place pour bien des choses , et
avec un peu d’imagination on a bientôt fait tout ce qu’on veut
d’un acte , où on a fait laisser pour sa commodité un intervalle
en blanc.
Au reste, je suis dans cette affaire comme au spectacle
d’O livier; je sais bien que ce sont des tours, mais je ne les de
vine pas tous.
Cependant, je crois que ce que je viens de dire, fuit assez com
prendre la difficulté qui m’embarasse : je la propose à M, de
Batz.
�3a
La dernière convention de l’acte du 5 février , est celle qui
fait mieux valoir tout l’éclat dont il brille.
Mais de cette fois, je ne proposerai point la difficulté à ré
soudre à M. de Batz; je vais m’en charger moi-même.
Pour bien comprendre, il faut se rappeler qu’il est dit que
les 240 billets des 125 millions et les 5 o actions des Indes, se
ront achetés le 5 février, payables fin m a is , ce qui donne à
ma spéculation , une durée de deux mois.
M aintenant, voici la dernière
parler.
convention dont je
veux
E n cas de bénéfice, Chabanel ne vendra pas sans ordre;
en cas de p erte, approchant de i 5 ,ooo liv. , il pourra vendre
sans ordre, à moins d’un surcroit de garantie
J e dis qu’en supposant l’acte v r a i, en se persuadant qu’il a
été (ait le 5 février 17 9 0 , je dis qu’avec les conventions que
M . de Batz y a faites pour moi, pour son a m i , il y avoit au
moins mille à parier contre un , que mon argent scroit perdu.
S i cela est , dans quelle poche est mon argent? J e le demande;
mais cela s’apptlle-t-il de l’argent gagné ?
Chabanel est autorisé à revendre mes effets , dès que la perte
approchera de mes i 5 ,ooo liv.! Ainsi, pourvu que dans les cin
quante-six jours pendant lesquels ma spéculation devoit cou
rir ( 1) ; pourvu qu’un seul jour ( fùl-ce le lendemain de l'ouver
ture , c’est-à-dire le 6 février) mes effets obtinssent une perle
(1) Depuis le 5 février jusqu’à la fin de m a rs, car M . de Datz me donne
ainsi les époques de l’ouverture cl de la clôture.
�d’à-peu-près i 5 ,ooo 1Σ ., c’en étoit fait de mon argent, il étoit
perdu sans retour:
'
J e dis sans retour, et je le dis sans possibilité de contradic
tion , car mes effets ayant une seule fois perdu à-peu-près
i 5 ,ooo liv ., 011 auroit arrêté mou compte du jour où cette perle
auroit eu lieu ; et ils auroient eu beau regagner cent mille écus
jusqu’à la lin de m ars, ce n’étoit plus pour moi : et pourquoi?
C ’est que l’agent de change avoit , par les conventions faites , la
faculté de revendre dès que la perte approcheroit de i 5 ,ooo liv. ;
et si j’avois voulu nie plaindre, l’agent de change(3), couvert de sa
convention , m’auroit dit : J ’élois autorisé à revendre , si la perte
approchoit de i 5 ,ooo liv. ; le cas a eu lie u , voyez le cours des
effets dans les journaux : je suis en règle, et je ue vous dois rien.
Ainsi la longue durée donnée à la spéculation , qui est toujours
tin grand avantage pour les autres , ici étoit funeste pour m oi,
puisque plus on la prolongeoit et plus on avoit de chances pour ob
tenir le jour de la perte: enfin, sur les cinquante-six jours que
devoit durer mas peculation ^ il pouvoit arriver que je gagnasse
cinquante-cinq , et pourtant que je perdisse tout mon argent ; c a r,
qu’on place le jour qui reste , n’importe eu quel ordre , dans les
cinquante-cinq, et qu’on suppose que ce jour, la perte à appro
ché de i 5 ,ooo liv., j’avois p erdu, puisque , d’après la conven
tion, mon compte pouvoit toujours être arrêté et daté du
jour de li perte. Il résulte de ceci, que mon directeur, M. de
Batz , me faisoit parier cinquante-cinq contre un.
Mais la proportion étoit bien pire ; pour comprendre à quel
(a) Pour me p l a i n d r e , il a u r o i l fa llu s a v o i r quelque c h o s e ; et c o m m e je
n’ ai ja m a is stf un m o t <lc to u t C e la, ori v o it q a e M . de B a t z a v o it v o u l u s’ e v it c c
m ê m e ce tte i n c o m i n o J i l c.
�34
point ce jeu étoit sur pour M. de B atz, il faut savoir d’abord,
que le prix des effets qu’il avoit fait acheter, dit-il, pour moi ,
le 5 février, éloit de 267,000 liv. ; or en cinquante-six jours il
est assez commun , que 267000 liv. d’effets de bourse, subissent
une perte de i 5 ,ooo liv. Dans les terns ordinaires, M. de Batz
avoit déjà une belle chance.
Mais nous n’étions pas dans des tems ordinaires ; depuis le com
mencement de la révolution les effets se déprécioient sans in
t e r r u p t i o n et sans espoir de m ieux; c a r , les circonstances qui
influoient sur eux s’aggravoient au lieu de diminuer.
M. de Batz , en commençant ma spéculation le 5 février ,
avuit donc bien beau je u , et c’eût été bien le diable, si en se
donnant deux mois de marge , il n’eût pas trouvé un jour de
perte , approchant de 1 5 ,000 liv ., sur des effets qui se déprécioient
constamment, depuis neuf ou dix mois, par des motifs qui ne
faisoient que s’aggraver.
J ’ai montré (pie M. de Batz m’a voit fait jouer cinquante-cinq
contre un , d’après le calcul mathématique ; maintenant qu’on
multiplie ce calcul par les preuves morales de la dégradation iné
v i t a b l e des effets publics, et l'on verra que je n’ai pas eu tort de
dire qu’il 111’avoit fait jouer mille contre un.
Mais qu’elles éloient mes chances pour gagner ? J e dis un
conlre m ille, et je me trompe encore; car, si par un pro
dige, nies (jjets avoient gagné au lieu de perdre; comment et
à qui aurois-je demandé mon gain? J e n’avois ni l’acte de dé
pôt , ni la convention du 5 février; toutes ces pièces sont et ont
toujours été entre les mains de M. de Batz ; je lui ai demaudé
itérativement 111011 argent depuis J790 jusqu’à présent, et jamais
il ne m’a seulement laissé soupçonner l'existence de ces pièces,
dont il avoit les poches pleines.
�35
A présent je propose une question. M. de Batz a soutenu
dans sou interrogatoire, que tout étoil convenu avec moi j
Croit-on" que je sois convenu de spéculer ainsi ?
J ’ai dit partout que je n’avois rien su :
Croit-on que j’aye su que M. de Batz faisoit ainsi mes affaires?.
La convention du 5 février, m’a appris que M. de Batz avoit
fait acheter, dit-il , pour mon compte, des effets publics, pour
la somme de 267,000 liv.
J e voudrois bien savoir qui a autorisé M. de Batz à em
ployer pour moi cette somme : la phrase commune , tout a été
convenu avec M . de F ron deville, ne suffit pas ici ; il y a des
actes ; j’invoque à mon to u r, ceux de M. de Batz; tant pis pour
lui s’il les a mal faits.
L ’acte de dépôt de Chabanel, au moyen duquel M. de Batz a
construit sou ingénieux système de spécula loin , porte cette
clause.
Pour garantie de négociations dont je me suis chargé pour
/e compte du déposant, dont.................................. 10,000 liv. eu
125 millions,
E t................................................................................. 5 ,ooo liv. en
actions des Indes ou d’assurances.
16,000 liv.
Si j’entends bien le français , cela veut dire que Cliabanel
devoit acheter ou vendre pour m o i, des billets de l'emprunt de
125 millions, et des actions des Indes , jusqu’à la concurrence de
i 5, 000 liv. Cela , me semble , est clair pour tout le monde.
De quelle autorité M. de Batz a-t-il fait monter 1achat fait pour
mon compte , à 267,000 liv. Où est mon mandat ? où est lactc
�5G
de ma volonté qui détruit cette condition passée entre moi , ( je
■veux dire mon Sosie) , et mon agent de change.
Ce n’est pas ma lettre du 5 février ; M. de Batz y trouve to u t,
excepté cela.
J e cçuseille à RI. de Batz de rctournerses poches ; peut-être y
trouvera t-il quelque vieux papier bien loyal , comme les autres ,
qui levera cette difficulté; elle en vaut la p ein e, car lorsqu’on
perd largent des gens , il 11e faut pas grossir le mémoire , autre
ment cela 11e s’appelle plus de l’argent perdu (1) :
La différence eu vaut la peine aussi ; car si mon conseil avoit
fait ç-xécuter fidellement mon acte de dép ôt, par mon agent de
change , je n’aurais perdu à peu-prés que le dix-huitième de mes
1 5,000 liv.
On vient d’entendre les réflexions que chacune des pièces de
M. de Batz m’a fournies dans l’instruction de ce procès ; je vais eu
faire une dernière sur l’ensemble de ces pièces ; elle est frappante ,
et seule elle feroit tomber le masque de M. de Batz.
M. de RaU a fait , ¿1 P aris, avec un tiers, divers actes concernant
ma propriété ,au point qu’une perte totale s’en est suivie ; j’étois à
l ’aiis , vivant la moitié du jour sous le même toit que M. de Batz ,
'et l’on ne me voit pas une fois présent à ces actes ; 011 m’y nomme,
mais je suis absent ; 011 fait des couvenvçm tons pour.m oi, et je ne
les ratifie pas ; pourtant j’é.tois-là , je n’étois infirme ni de corps ,
ni d’esprit ; si j’avais besoin d’un directeur , je n’avais pas besoin
d’un curateur ; je ne vois pour M. de Batz qu’un bon moyen d’ex-
( 1 ) Cette objection n’a point etc proposée devant M M . les arbitres ; j ’avoue
que je ne m’élois jamais apperçu de cette licence de M . de Ilalz ; c’est en
rclléchissant sur le m otif qu’il avoit pu avoir de tronquer l’actc de dépôt i
l’en droit où. il porte cette clau se, que cela m’a sauté aux yeu x.
�plicjuer.ma nnlliité, c’est que sachant que l’opérération seroit dure
pour moi , il a voulu m’opérer sans mal ni douleur.
Pour compléter la mistifieation , M. de Batz s’est laisse' demander
par moi mon argent à différentes reprises , sans jamais tirer de
sa poche, et même sans me les faire soupçonner par un seul m o t,
toutes ces pièces précieuses (t).
Tout cela prouve que M. de Batz est un homme qui agit beau
coup et parle p eu , mais je défie que cela prouve qu’il garde à
bon droit mon argent.
Pour terminer sur le procès jugé par les arbitres ; il me reste à
( i ) M . de Batz d i t , dans son m ém oire, que je suis reste avec lui pendant
deux ans a l’assemblée constituante, sans lui demander mon argent; et il conclut»
d’après l’adage , qui ne dit mot consent, que j ’ai ratifié tout ce qu’il a fait ;
mais M . de Batz commet encore une faute d’attention ; d’a b o rd , depuis la
dernière demande que je lui ai faite de mon a rg e n t, en 1 79 0, je ne suis resté à
l ’assemblée avec l u i , qu’ un an à-peu-près et non deux. ; de plus , M . de Batz
i îe dit pas qu’il est convenu , devant les arbitres-, que je luiavois demandé mon
argent plusieurs fois en 1790 , que je lui ai écrit en l’an G , par M . D etreuil;
pour le lui faire dem ander, et qu’ il répondit ( m’a rapporte M. Detreuil ) que
s’ il ine devoit , c’étoit à la nation qu’ il devoit payer ; enfin , M . de Batz dis
simule , qu’à peine revenu îi P a r is , je lui ai demandé mon arg e n t , et me suis
occupé de me le faire restituer :
11 est vrai que je n’ai point attaqué M . de Batz pendant le tems de l’asscmb’ée
qtli s’est écoulé depuis la dernière demande, que je lui ai faite de mon argent ;
mais l’assembléee ût elle duré dix ans , je ne l’aurois point attaqué pendant sa
durée ; je pouvois alors faire le sacrifice de i 5,ooo liv. à ma situation politique,
et aimer m ieux les attendre que de donner le scandale d’une telle discussion
entre deux gens que les circonstances de la révolution avoient montres jusqucs-là étroitement unis ;
Mais j’ai conservé le billet de M . de Batz , et je ne connois ni lo i, ni principe
d ’ où il résulte que le créancier infirme son titre , parce qu’il diffère d ’attaquer
Bon débiteur.
�38
dire un mot des clameurs de M. de Batz à l’occasion de la ma
nière dont je l’ai traduit devant les tribunaux.
J e l’ai assigné à son dernier domicile connu ; c’est là ce qui le
fâche ; et il a raison de ne pas aimer qu’on aille-là savoir de ses
nouvelles , car on y parle de lui en fort mauvais termes.
J e l ai assigné là , parce qu’à cette époque , il avoit à ses ordres
une phantasmagorie de domiciles dont il jouoit à faire le plus
grand plaisir à ceux qui aiment les déceptions (i).
11 faut considérer deux hommes dans M. de Batz ; un homme
qui a de très belles propriétés au soleil, et un pauvre diable qui n’a
rien à lui sous le soleil ; un homme qui donne de très-bons dinés
à ses amis dans une très-bonne maison où il réside ,et un homme
qui n’est domicilié nulle part ; enfin M. de Batz a des résidences et
point de domicile , et M. de Batz a de très - belles terres qui sont
sous des prête-noms.
Un tel homme n’est pas du tout commode pour ses créanciers j
je l’éprouvai lorsque je voulus le traduire en justice : je l’ai éprouvé
même depuis ; car lui ayant fait signifier à personne la sentence
dont il se plaint si h a u t, mon huissier le trouva rue de Buffaut où
il résidoit alors ; et l’ayant sommé de déclarer son domicile , il
déclara qu’il étoit rue des Noyers ; d’où je conclus que si je Pavois
fait assigner rue des Noyers , il auroit répondu qu’il avoit sou
domicile rue de Buffaut.
( i ) Je crois que c’est moi qui ai eu l’Iionncur de fixer le premier un domicile
ù M. de Hatz ; je m’en flatte , parce que souvent on vient à moi pour savoir,
non son adresse, connue de tout le monde , niais son domicile ; car il y a bien
quelques gens
par
le monde à qui M. de Batz fait des comptes comme à moi»
mais q u i , comme m o i , ne s’gn contcuteut pas.
�5g
A u reste, mon défenseur fera voir à M. de Batz , que ce n’est
point pour le surprendre que je l’ai assigné rue des Filles SaintThomas ; je suis même persuadé qu’ il finira par me savoir gré de
lui avoir fixé un domicile , parce qu’enfin j’en ai fait un homme
comme tout le monde.
M. de Batz a voulu que je lui parle en détail de l’instruction
du procès jugé ; je viens de le satisfaire ;
J e vais à présent parler du procès à juger : voici la sentence
arbitrale ;
« Considérant premièrement, que le billet du sienr de Batz,
» dont le sieur de Frondeville est porteur, constitue ledit sieur
» de Batz responsable et comptable envers le sieur de Fronde» ville , de la somme de i 5 ,ooo liv. ;
»
»>
«
»
» Secondem ent, que les renseiguemens et documens , fournis
par le sieur de Batz , n’établissent pas suffisamment le compte
de cet em ploi, lequel ne peut résulter que des comptes d’achat et de revente de l’agent de change chargé de la négociation qui devoit faire l’objet de cet emploi ;
»
.
»
>■
»
» Nous disons que le sieur de Batz sera tenu , dans le délai
d’ un mois , de rapporter la preuve pa r bordereaux et comptes
de l ’agent de change, ou résultant des livres et registres
de Vagent de change qui a été chargé de la négociation, que
par le résultat de ladite négociation, ladite somme de i5,ooo
u liv. a été absorbée ; sinon etfa u te de ce Ja ir e dans ledit d élai,
» en vertu du présent jugement } et sans qu’ il en soit besoin
» d’ autre ,
» D ison s, dès-à-présent, que ledit s ie u r de Batz sera tenu
» de payer audit sieur de Frondeville , lad. somme de i 5 ,ooo liv.
» et les intérêts , à compter du jo u r de la dem ande, et qu’ à cet
�h effe t, le jugement dont est appel sera exécu té selon sa form e
» et teneur ; au premier c a s , dépens réservés ; au second cas ,
» le sieur de Batz condamné envers le sieur de Frondeville en
» tous les dépéris de la cause d ’appel et coût du présent
» jugement. »
Voilà ie jugement que M. de Batz qualifie de vicieux , en puni
tion de quoi , dans la signification qu’il m’a faite , il révoque les
arbitres et leur retire sa confiauce.
J e pense, au contraire, que le jugement est d’une grande
indulgence, car leplan de spoliation méditée est si bien établi par
les pièces même de M. de Batz, qu’il pou voit être condamné sans
scrupule et sans délai.
Ce n’est qu’à l’extrême délicatesse des arbitres , qu’il doit
d’avoir obtenu un ré p it, et la faculté de se défendre encore par des
pièces authentiques et légales.
. Les arbitres ont vu que toutes les pièces de M. de Batz témoignent
qu’il y a eu une spéculation sous mon nom ; mais ou examine
deux choses dans un témoin , ce qu’il dit et ce qu’il est; et lorsque
les arbitres ont examiné les témoins de M. de Batz, sous ces deux
rapports , ils n’ont pas trouvé tout à fait autant de perfection
dans leur moralité que dans leurs dépositions.
C’est vraisemblablement ce qui les a déterminés à condamner
M. de Batz à eu fournir de meilleur a lo i, s’il en a.
Les arbitres ont donc fait tout ce qu’on pouvoit attendre de la
plus saine équité , et tout ce que M. de Batz pouvoit espérer de leur
indulgence.
La stricte justice auroit peut être voulu que M. de Bat?., faute
de présenter les pièces de comptabité indispensables en matière
de spéculation , fût condamne sur-le-champ.
�4i
M. de Batz forcé <le sesonmetlre au jugem ent, m’a signifié une
pièce qu’il prétend satisfaire à la sentence arbitrale ;
Cette pièce est'intitulée comme il suit :
» B ref état des comptes du sieur Chabanel soussigné , re« connus par le sieur Devaux , pour M. le baron de Batz, avec
» les pièces justificatives remises sous la récépissé du sieur
» Devaux. »
Tiennent ensuite cinq diiférens articles de compte. Le sixième
est celui que M. de Batz me donne pour un bordereau de
l ’opération soi - disant faite pour moi j il est conçu comme il
suit :
G°. « Remis pareillement c i- jo in t , les achats faits le 5 fé» vrier dernier, de deux cent quarante billets de l’emprunt de
»3 cent vingt-cinq millions à dix pour cent perte et de cinquante
» actions des Indes à 1020 liv ., pour compte de M. de Fronde» ville, ordre de M . de B a tz , le tout payable fin mars dernier,
» liquidé ordre idem le 27 , savoir : les deux cent quarante
» billets à un quart un huitième p erte, et les cinquante idem
» à g 3 o liv . sans autre droit qu’un huitième sur ces 517,600 liv .,
» ce qui donne en sus des i 5 ,ooo l i v ., reçues par le soussigné,
» une perte de 47 liv. par lui remise sur son droit. "»
Pour qu’on puisse comparer la pièce que produit M. de Batz
avec celles qu’il est condamné à produire , je vais copier tout
de suite la partie du jugement qui désigne les pièces à la pro
duction desquelles il condamne M. de Batz : la voici :
« Que le sieur de Batz sera tenu de rapporter la preuve par
>1 bordereaux et comptes de l’agent de change, ou résultant des
» livres et registres dudit agent de change qui a été chargé de la
» négociation ».
G
/
�42
M. de Balz donne aussi copie de ce dispositif, mais il le déguise
et l’allère pour sa plus grande commodité. Dame nature est trèsopiniâtre chez M . de Batz.
Ceci va ressembler un peu à la dispute de Figaro. M. de Batz
copie — P a r bordereaux pu comptes,— E tle jugement dit — P ar
bordereaux et comptes. M. de Batz copie — Bordereaux et
comptes tout c o u rt, et le jugement dit — Bordereaux et comptes
de l ’agent de change ou résultant des livres et registres dudit
agent de change.
M. de Batz n’a point de Bordereaux , et il croit avoir des comp
tes ; il n’est pas étonnant qu’il copie de manière à laisser croire
que le jugement lui a laissé le choix.
A vant d’entrer dans la courte discussion qu’exige la question
simple et claire qui est soumise à la Cour d’app el, il faut que je
donne encore la copie d’un acte que les arbitres avoient sous les
yeux lorsqu’ils ont prononcé : c’est le certificat des sindics des
agens du change de Paris ; le voici :
<( Déclarons que notre avis est que Pierre ne peut exiger de
» Paul le paiement d’une perte sur les effets publics , sans justifier
« au moins des bordereaux d'achat et de 'vente de l’agent de
» change qui a opéré ».
M. de Batz m’a fait signifier, encore par surabondance , d it-il,
ie ne sais trop q u o i, car il est impossible de donner un nom à ce
qu’on n’a vu ni en original, ni en copie.
11 dit que c’cst un compte général qui paroil être signé de lui
et de Clmbanel ; je ne sais s’il y a quelque finesse la dessous ; je
n’en parlerai point p arla raison qu’on ne peut parler de ce qu’on
ne conuolt pas , et M. de Batz voudra bien n’en pas parler davan
tage , jusqu’à ce qu’il m’ait appris convenablement ce que c’est.
�43
J e n’ai donc à examiner que le compte s o i - disant rendu par
Chabancl à Devaux : je dis soi-disant , car je n’ai jamais plus
connu rccriturc que le visage de ces gens là ; ce que j’en sais , et ^
ce n’est pas rassurant, c’est que ce compte est de la même écriture
que l’aimable convention du 5 février , et ni la convention , ni le
compte ne sont de l’écriture que M. de Batz attribue à Chabanel : ils sont de la main d’un inconnu.
Maintenant posons la question.
M, de Bat* produit-il des bordereaux et comptes de l’ agent de
change , ou résultant des livres et registres de l’ agent de
change ?
Que produit M. de Batz? Un compte qu’il dit avoir été remis
par Chabanel à un sieur D evaux, qu’il dit avoir été son secrétaire.
Ce que M. de Batz appelle un com pte, n’en est pas même un ; ce
n’est qu’un projet de compte proposé par Chabanel j il n’est
arrêté ni par M. de Batz , ni par Devaux , et dans l’état où il e st,
il laisse à M. de Batz l’intégrité de ses actions contre Chabanel
pour chaque article qu’il renferme.
M . de Batz veut donc que j’accepte de lui en paiement un
compte qu’il n’a pas accepté lui-même ; cela est absurde.
Mais le compte seroit accepté par M. de Batz , qu’il ne seroit
pas acceptable pour moi.
M. de Batz, dans ce procès, a toujours voulu me faire dépendre
de scs actes privés avec un tiers , auxquels il ne m’a jamais appçlé
quoiqu’il y disposât de ma propriété ; il persiste dans ce systèm e,
mais il oublie que ce système est jugé et proscrit.
M. de Batz n’entend pas du tout sa position par rapport à m o i,
il faut la lui faire comprendre.
M. de Batz a fa it , dit-il , opérer Chabancl pour mon compte
�44
Jan s une opération déboursé ; Chabanel a donc opéi-é pour moi
en qualité d’homme public ; eu ce cas M. de Batz ne peut pas me
rendre un compte avec des actes privés ; il me faut les pièces de
comptabilité usitées en pareil cas ; l’avis des sindics des agens de
change de Paris , a décidé de quelle nature sont ces pièces : ce
sont des borderaux de vente et d’achat; c’est aussi ce que le juge
ment a littéralement prononcé.
M. de Batz traite avec uu satyrique mépris ces malheureux
bordereaux : le renard trouvoit aussi le raisin trop vert.
Le mépris de M. de Batz est injuste ; les bordereaux sont
très-utiles au public; et pourquoi? C’est que ce sont les seules
pièces de comptabilité susceptibles d’une vérification satisfai
s a n t e pour celui qui négocie sur la bourse, tandis qu’un compte
privé ne l’est pas.
Qu’on retranche des obligations des agens de chan ge, celle
de donner à leurs cliens des borderaux copiés de leurs registres,
c l qu’on suppose qu’ils seront crus sur un dire tiré d’une lettre
ou d’un espèce de compte particulier ; il en résultera que le
commerce sera à la merci de ces officiers publics ;
Mais il n’ en est pas ainsi avec des bordereaux : car, le bor
dereau est toujous énonciatif d’un fait qui exclut la fraude.
Le bordereau doit être énonciatif ; d’abord du prix , de la
q u a n t i t é de la somme employée et du terme du m arché; mais
cela ne suffit pas ; car à ces conditions seulem ent, la fraude
seroit encore très-facile ; en e ffe t, il y a quelquefois dix cours
dans uuc bourse , ce qui fait que l’agent de change, après avoir
acheté à un prix un effet, pourroit choisir un autre prix
pour le porter en compte à son client ; et dire à ce dernier cc
tjue me dit aujourd’hui M. de Batz : — Voilà le prix auquel j’ai
�45
*•
»
•
acheté et le prix auquel j’ai vendu ; allez voir les gazettes ott
les cours sont cotés , et si ceux-là n’y sont pas , c’est moi qui
ai tort.
Cette manière de compter est commode , mais la bourse seroit
un bois , si elle étoit admise.
11 n’en est pas ainsi avec des bordereaux. Les bordereaux portent
toujours le nom de l’agent de change avec lequel le marché a été
passé, ce qui fait qu’un client pdurroit , au besoin , non-seulement
vérifier les registres de son agent de change , mais aussi ceux de
l’agent de change avec lequel le bordereau énonce que le marché
a été fait.
Les bordereaux ont encore ce caractère qui leur est propre ;
qu’ils fixent tout ce qui s’est passé au moment de l’opération , parce
qu’ils sont le relevé du carnet ( i ) , qui est lui-même la base de la
composition des livres et registres de l’agent de change.
Les bordereaux sont donc la pièce de sûreté publique , et conséquemment la seule avec laquelle un agent de change doit et peut
compter avec son client.
Dès que les arbitres ont eu reconnu M . de Batz responsable et
comptable envers m o i, d’après son billet qui le constitue t e l, ils
se sont imposés a eux-mêmes l’obligation de le condamner à payer
ou à compter régulièrement avec moi j or , qu’est-ce que c’est que
de compter régulièrement d’une somme que l’on dit avoir employée
et perdue dans une opération de bourse pour le compte d’un tiers ?
C’est de fournir à ce tiers les pièces de comptabilité de cette opéra
tion. Ces pièces ne pouvant être que des bordereaux authentiques ,
(1) Carnet est le nom d’un petit journal sur lequel les agens de cliange'ecriYcnt leurs opérations sur le parquet de la bourse à l ’instaut qu’elles «ont faites.
�40
les arbitres ont condamné M. de Batz à représenter des bordereaux.
M. de Batz ne peut suppléer à ces pièces que le jugement exige ,
par des pièces privées.
L e compte de Devaux qu’il présente , est beaucoup moins que
ce que les arbitres avoient sous les yeux , lorsqu’ils ont prononcé ,
car ils avoient la lettre de Chabanel , adressée directement à M.
de Batz , le jour même ou ce dernier dit avoir terminé l’opération;
ils avoient sous les yeux ces mots écrits par l’agent de change luimême : J ’ ai fin i d’ après vos ordres et heureusement avant la
bourse , votre ami ría au-delà de ses i 5,ooo liv ., que 47 liv. en
tout de perle.
Malgré ce témoignage , les arbitres fidèles aux principes , et
a u ssi, peut-être , inquiets sur la moralité*des pièces de M. Batz »
l’ont condamné à compter avec les pièces de comptabilité admises
en matière de spéculation de bourse.
M. de Batz infatué de son compte de Devaux , comme il l’étoit
de ses autres pièces avant le jugem ent, croit pouvoir mettre ce
compte en place des bordereaux ; mais ce compte est remis à un
inconnu ; il n’est arrêté par personne , et c’est un misérable
chiffon en comparaison de la lettre de Chabanel qui n’a cepen
dant pu sauver M. de Batz d’une condamnation.
J ’ai enfin terminé ; il me reste à faire excuse à M. de B atz,
du désordre et de l’incorrection de ce mémoire ( 1 ) ; cependant
je vois que le fonds des choses y est.
J e suis empressé de faire au sien l’honneur qu’il mérite ; et j’ai
(1) É tan t oblige de donner à imprimer à mesure que j ’écrivois, j ’ai été privé
de revoir ce que j ’avois é c r it, ce qui est cause que j ’ai répété des choses , et
que j ’en ai oblié et transposé d’autres,
�47
pressé ma.réponse afin d’avoir pour lui le procédé qu’il n’a pas
en moi ; il m 'a signifié son mémoire vingt-quatre heures avant
l’audience , que malgré cela j’ai pourtant acceptée ; je veux qu’il
ait le mien plusieurs jours avant celle où nous serons jugés;
J ’espère qu’à force d’égards je déterminerai M. de Batz à me
rendre mon argent.
FR O N D EV 1L L E .
J e reçois à l’in slan t, enfin , la communication des pièces de
M. de Batz , moins ma lettre que je voudrois cependant .revoir ,
car elle est pour moi un objet de curiosité toujours nouveau. Cette
communication m’oblige à ajouter quelque chose à mon mémoire.
D ’abord elle m’oblige à placer encore ici la copie figurée de
la convention du 5 fé v rie r, que j’ai donnée très - imparfaite**
ment ; la voici :
�Frondeville, 5 février.
2"* R»
NOTE
GÉNÉRALE.
est convenu avec M. Chabanel qu’au
jourd’h u i, 5 février 1 7 9 0, il ach e te ra :
I
l
1 °. L e s 240 billets de 12 5 millions
qui lui sont offerts à 10 pour 100 de
perte, fin de m ars; — 2 °. les 5o ac
tions des Indes , qu il croit avoir pour
la même époque , a 1020 liv.
Que le tout demeurera entre nous; que
Achats et marchés fer- M . le président de Frondeville sera connu de
mes payables fin mars n o u s seulement, et que M . Chabanel sera seul
prochain fixe,
r
,
en nom , vu la garantie.
En cas de bénéfice, Chabanel ne revendra
pas sans ordre.
Term iné le 27 mars
perte au delà des 1 5, 000
En cas de perte approchant de 1 5 ,ooo 1.,
liv., est de 4
9 liv. et non i l pourra vendre sans ordre, à moins de surde 47 liv. comme le dit c r o i t d e g a r a n t i e
Chabanel qui en fa it
remise sur son droit.
Convenu D. C,
F in de tous comptes avec Frondeville.
1 . A lui r e m is » présence de Foucault,
.
.
. 2,600 liv.
2". Chez V e llo n i, 2 5 louis.............................................600
3 ”. S u r sa dem ande, 3 o louis........................................
7 20
4°. Id . à lui porté à l’assemblée solde de 2 5o louis. 6,000
9, 720
5"» P ayé pour lui à Dijoine , pour sa cotisation a
des frais à l’hôtel de Ju ig n es«
�
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Factums Marie
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A name given to the resource
[Factum. Frondeville, de. 1808]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Frondeville
Subject
The topic of the resource
créances
Constituants
arbitrages
spéculation
diffusion du factum
Description
An account of the resource
Réponse de M. de Frondeville au précis de M. de Batz.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
s.n.
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1808
Circa 1789-1808
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
48 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0602
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
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The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Authezat (63021)
Rouen (76540)
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Domaine public
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CONSULTATION
P o u r Made N A Z O , V e du général
Destaing,
tutrice de sa Fille
m ineure ;
C o n tre
les Héritiers DESTAING
�CONSULTATION
Poun Made N A Z O , V e du général
D e s t a i n G; tutrice de sa Fille
mineure ;
C o n tre
les Héritiers DESTAING.
■ nmmni
V u l’acte de notoriété fait devant le tribunal de paix du
second arrondissement, intrà m uros, dit du S u d , de la ville
de M arseille, le 5 fructidor an 11 ; l’acte de notoriété reçu
par le juge de paix du dixièm e arrondissement de P a ris, le
29 mars 1806 ; le jugement rendu par le tribunal de première
instance, à P a ris, q u i, sur le rapport fait à l ’audience, le
ministère public entendu, hom ologue cet acte de notoriété;
le procès-verbal de nomination du sieur Pierre D estaing à
la tutelle de demoiselle M arie Destaing sa petite-fille, por
tant reconnaissance expresse du mariage du feu général D es
taing son fils , avec la dame A n ne Nazo ; duquel mariage est
née la demoiselle Marie Destaing; ce qui a été également
reconnu par l’aïeul et toute la fam ille D estaing, jusqu'a u
tems où la dame veuve D estain g, investie par la loi de la
�(2)
tutelle de la mineure , a réclamé, à ce titre, l’administration
du patrimoine de sa fille. V u , de plus, le mémoire à con
sulter de la dame Destaing ; les autres pièces qui y sont
jointes; et notamment le jugement interlocutoire rendu le
i 3 août 1807, par le tribunal de M auriac, département du
Cantal, qui ordonne la preuve testimoniale de tous les faits
qui étaient déjà constans dans la cause.
L E C O N S E IL soussigné estime que la dame veuve D es
taing a eu raison d’appeler de ce jugement , et qu’elle doit en
obtenir la réformation par la Cour de R io m , à qui elle l ’a
déféré.
Les juges de première instance, contre l ’avis du ministère
p u b lic, ont cru avoir besoin de récoler, pour ainsi dire ,
eux-mêmes les témoins respectables q u i, d’office, ont léga
lem ent constaté devant les tribunaux les faits dont ils avaient
une parfaite connaissance ; et que la possession d’état de la
dame Destaing et de la demoiselle sa fille, au milieu de la
famille D estaing, n’ont fait que confirmer et reconnaître
d’une manière authentique.
Ils ont erré eu assimilant des actes de notoriété vérifiés ,
dans les formes de droit, à de simples certificats extrajudiciaires. En reconnaissant, comme ils l’ont f a it , que la dame et la
demoiselle Destaing se trouvaient dans des circonstances
te lle s, qu’on ne pouvait les obliger à représenter ni l ’acte '
de célébration de mariage du général Destaing , ni l ’acte de
naissance de sa fille ; ils devaient reconnaître, en même tems ,
que ces pièces étaient suffisamment suppléées par des actes de
n otoriété , la possession d é ta t, et surtout la reconnaissance de
la fam ille D estain g, qui aurait suffi pour éleve r, contre les
collatérau x, une fin de non recevoir insurmontable.
�(3 )
Un mariage a été contracté d’après toutes les convenance»
sociales ; il a été célébré avec solemnité à la face de deux
nations, dont il resserrait les liens d’am itié; il a été b én i,
aux pieds des autels, par un pontife de la religion chré
tienne, professée par les deux époux. L ’épouse, devenue en
ceinte , a été envoyée en France dans la famille de son m a ri,
retenu loin d’elle par des devoirs militaires. E lle a erré, pen
dant six m ois, sur un frêle n a v ire , o ù , loin de tout secours ,
elle a mis au monde le fruit de leur union. Pendant ce tem s,
le mari est revenu dans sa p atrie, où il croyait trouver une
épouse et un enfant. A peine a-t-il été informé de leur sort,
qu’il les a appelés auprès de lui. Ils s’y rendaient, lorsque la
mort le leur a enlevé ; mais la fam ille du mari les a réclamés ,
comme leur bien. Un b ea u -p ère, un aïeul, des parens ont
accueilli ces infortunés avec empressement. Ils leur ont d’abord
prodigué les consolations dont ils avaient tant besoin. Mais
tout à coup la scène change; de nouveaux malheurs accablent
la veuve et l’orphelin. On veut les dépouiller de leur patri
moine. Leur état leur est contesté ; on veut les en déposséder;
e t, depuis cinq ans, on les traîne de tribunaux en tribu
naux ; on les expose à mourir de faim en attendant justice :
ce qui serait infailliblem ent a rriv é , sans la bienfaisance de
Empereur.
T elle est la position de la dame Destaing : c’est ce qui résulte
de toutes les pièces qui ont été mises sous nos yeux.
O n y voit qu’elle est née au Grand Caire , en E gypte, efl
1780, du sieur Joanny Nazo et de la dame Sophie Mische
son épouse, chrétiens l’un et l’autre du rit grec.
O n y apprend que le sieur Nazo était originaire de Tines,
île de l'Archipel ; q u e , jeune encore, ¡1 entra au service de la
�( O
R ussie, comme militaire et officier; et, qu’à l’âge de vingt-cinq
ans, étant venu au Caire pour ses affaires, il y contracta mariage
avec la demoiselle Sophie M isclie, fille du fermier général
des droits imposés sur les liqueurs spiritueuses; il s’y établit,
et succéda à son beau-père dans cet em ploi, qui était extrê
mement lucratif.
•Il l ’exerçait lors de la conquête d’Egypte. Sa fortune et ses
connaissances le firent bientôt distinguer, autant que son
attachement pour les Français et pour le héros qui les com
mandait.
Un bataillon greG fut formé -, le sieur Nazo en fut nommé
chef.
Ce service lui donna de nouveaux rapports avec l’arm ée,
dont la levée des Grecs faisait partie, et avec les généraux
qui y étaient employés.
Ces rapports s’augmentèrent lorsque, pour le bonheur de
la France, le général Bonaparte vint mettre fin à nos dis
cordes civiles.
Plusieurs officiers généraux trouvèrent alors convenable
de se marier dans le pays.
Le sieur Nazo, commandant des Grecs, passait pour riche;
il était considéré : père de plusieurs enfans, on savait qu’il
avait une fille de dix-huit à dix-neuf ans, très-bien élevée, du
moins autant que les ressources du pays pouvaient le per-^
mettre ; et avec une réputation de sagesse et de beauté
également avantageuses.
Le général de brigade Destaing la rechercha. Soit pres
sentiment des malheurs qui devaient survenir , soit que le
sieur Nazo eût d’autres vu es, il se refusa longtems à la de
mande du général. Destaing.
�( 5 )
D éjà lë général D elzo n s, cousin-germain de ce dernier , et
le sieur L a n tin , autre officier supérieur , avaient épousé deux
égyptiennes : les demoiselles Varsy , filles d’un marseillais ,
négociant français, résidant à Rosette, et marié à une anglaise
établie dans le pays. Le général M enou, commandant en chef,
avait épousé la fille d’un négociant turc. Bien d’autres officiers
s’étaient aussi unis par mariage avec des demoiselles nées dans
le pays , et appartenant aux familles les plus honnêtes et les
plus considérées.
Ces exem ples, les instances du général D estai n g , et plus
encore les sollicitations empressées des généraux Lagrange
et Béliard, ses amis particuliers, déterminèrent le sieur Nazo
à l ’accepter pour gendre.
Le mariage fut célébré en l’an 8, le surlendemain de la fête
des Rois , qui arrive douze jours plus tard suivant le calendrier
grec (cette date se rapporte au 17 janvier 1800 , 27 nivoae
an S ) . La dame Destaing ignore quel acte>il en fut dressé;
mais il fut béni par le patriarche d’A lex an d rie, en pré
sence d’un grand nombre d’officiers supérieurs de l ’armée ,
de plusieurs personnes notables du pays , toutes professant lareligion chrétienne , et notamment du général Delzons ,
cousin-germain de l’époux, t
Dans l’ivresse de son bonheur, le général Destaing donna
des fêtes splendides à ses frères d’armes ( ces fêtes étaient
aussi une des solemnités du m ariage, suivant les mœurs et
usages du pays ). Le général Menou , commandant en chef, y
assista ; toutes les personnes considérables de l’armée y prirent
part; les officiers qui étaient mariés y conduisirent leurs
épouses ; la réunion fut complète. La ville entière du Caire
Tut ainsi témoin du mariage du général Destaing avec la fille
�(6 )
du chef du bataillon grec , le sieur N azo, à qui nul officier de
l’arm ée, quelque fût son grade , ne se serait permis de faire
injure. Madame Menou , les dames Delzons et Lantin , et
d’autres égyptiennes devenues françaises par leur mariage ,
formèrent bientôt la société de madame Destaing ; elle les
reçut chez le général, son m ari, dont elle habitait la maison
comme épouse considérée. C’est à ce titre seul qu’elle en faisait
et qu’elle pouvait en faire les honneurs.
Cela se passait au C a ire, où la cohabitation maritale a duré
plu9 d’un an.
Mais , dans le mois de ventôse an g , une escadre anglaise
parut devant Alexandrie avec le projet de débarquement
qu’elle effectua peu de jours après. On reçut au Caire , le i 5
ventôse au soir (février 1801 ) , la nouvelle de l’apparition
de la flotte anglaise. Le général Destaing était alors à dîner
chez le général Menou ; il y reçut l’ordre de se tenir prêt à
partir pour le l e n d e m a i n i l vint en faire part à son épouse*
C’est ainsi qu’il fut séparé d’elle pour toujours.
Il partit, en effet, avec une partie de l’armée française
commandée par le général en ch ef ; le bataillon des Grecs
partit aussi : le général Béliard et le général D upas, lors
simples commandans de la place , restèrent au Caire. Le sieur
Nazo était atteint de la peste ; il ne put partir.
Madame Destaing était enceinte ; il s’établit entr’elle
et le général son m ari, une correspondance dont il reste
quelques fragmens.
Toutes les lettres sont à l’adresse de M adame D estaing,
et cette adresse est toujours en français, de la main de son
mari. Comme la dame Destaing n’entendait que l’arabe , c’est
dans cette langue que plusieurs des lettres du général Des-
�C7 )
taing sont écrites par un Egyptien qui lui servait de secré
taire ; mais , quelquefois aussi, il écrivait en français à son
épouse, et elle rapporte, entr’autres, une lettre du 5 p rai
rial an g , où il lui parle de sa grossesse, des embarras de
leur correspondance , et des moyens de la rendre plus fré
quente.
*
Cette correspondance est telle qu'elle a dû exister entre
d’honnêtes époux. Familière avec décence , tendre sans
exagération, elle exprime les sentimens d’une amitié pure
et tranquille , et non le délire des passions tumultueuses.
S’il n’y avait pas d’autres preuves de l’état de la dame D es
taing , si les nombreux témoins de l ’union des deux époux
avaient tous été enlevés par la peste et la guerre, qui en
ont moissonné plusieurs ; si les dépôts publics qui conservent
les preuves de cette union légitime avaient tous été détruits;
si on p o u v a it, en outre, anéantir les reconnaissances m ulti
pliées de la famille D estaing, et la possession d’état per
manente de la veuve et de la fille du général : nous dirions
encore que les lettres de ce dernier suffisent pour montrer
qu’il fut époux et père de celles à q u i, tardivem ent, on
veut enlever ces qualités par de simples motifs de cu
pidité.
La dame Delzons se trouvait dans la même position que
la dame Destaing ; les deux cousins étaient séparés de leurs
épouses par la guerre. Les deux jeunes femmes se réunirent
chez la dame Delzons , à cause que la contagion avait
pénétré dans la maison qu’habitait au Caire la dame
Destaing.
Mais bientôt la correspondance de ces dames avec leurs
maris fut interrompue. Les Anglais avaient pris A boukir
�C 8)
et Rosette ; ils cernaient Alexandrie', et leur armée était aux
portes du Caire.
Le général B éliard , qui y commandait, invita alors les
dames M e n o u , Destaing , Delzons et Lantin , leurs parens
et leur su ite, il se retirer dans la citadelle, où elles furent
reçues et logées par le commandant D upas, à qui la garde
de ce poste était confiée.
j
Ce dernier refuge leur fut bientôt enlevé. A la fin de
messidor, lt: général Béliard capitula; le Caire fut évacué le
29 de ce mois.
Il fut convenu que les troupes sous les ordres du général
Béliard seraient embarquées pour la France ; mais il fut
dit que les dames Menou , Destaing , Delzons et L a n tin ,
seraient rendues à leurs maris , qui défendaient encore
Alexandrie. Elles devaient être conduites, sous escorte, jus
qu’aux portes de cette v ille , avec M. Estève, payeur général
de l ’armée , qui eut la permission de se rendre auprès du
général en chef.
Mais celu i-ci refusa de reconnaître la capitulation faite
par le général Béliard , et de recevoir., dans A lexan drie,
qui que ce fût venant du Caire ; et pour q uon doutât moins
de sa résolution , sa propre épouse ne fut pas même ex
ceptée.
Ces dames reçurent ch acun e, de leurs m aris, une lettre
portant invitation de se rendre en France , sur les bâtimens
destinés aux troupes du général Béliard.
Les dames Delzons et Lantin se retirèrent d’abord chez leur
m ère, à Rosette, avec madame M en ou; depuis elles s’em
barquèrent pour la F ra n ce , et arrivèrent heureusement à
Marseille. Madame D estaing, son père , sa mère , ses frères,
�\
(9 )
>
»es soeurs et leur aïeule, que le malheur avait rendu# insé
parables , furent embarqués à A b ou k ir, avec une ceiitâinë
de militaires français, sur un petit navire grec," qui devait
les transporter en Europe.
Le navire , en mauvais état et mal équipé fut baldtté
pendant six mois dans la Méditerranée , et obligé de' re
lâcher à diverses îles.
Cependant le terme de l’accouchement de mâdhme Deâtaing approchait; ses souffrances, que les toürmënteS rendaient
plus terribles, firent solliciter le patron du naviie à prendre
terre où il pourrait : il jeta l ’ancre sur la côte de Céphalonïé”
Madame Destaing était en travail depuis huit jours'. I l ne'
fut pas possible de la transporter : elle afccoücha d&iïs lë
navire.
. Marie D estaing, qu’elle mit au mondü, fut baptisée jiar
un prêtre que sa fam ille envoya chercher, dans une chapelle'
située sur les bords de la mer. E lle eut , pour parain"," liff
officier français , et , pour m araine, la dame Mische , ¿on'
aïeule.
*
* L ’équipage , qui n’avait pas fait quarantaine , ne pouvait
avoir des communications avec les habitans de l’île : le consul
français visita cependant madame Destaing.
O n ignore si l’acte de baptême , constatant la naissance
de Marie Destaing , fut rédigé par écrit ; si le consul français
y assista , s’il le déposa à la C hancellerie, ou dans les màîrià1
du pasteur catholique qui administra' le sacrement : lés
_difficultés des communications pendant' la guerre , le peü
’ de tems que le navire est resté sur la côte de Céphalonie,'
et tout ce qui s’est passé depuis cette éjiôque , oïit privé
madame Destaing des moyens de fournil*,* sur cé‘ poittt','
a
�( IO )
des éclaircissemens que les circonstances dans lesquelles
elle se trouve rendent superflus.
Le vaisseau chargé de ces infortunés aborda enfin à Tarente,
dans le royaume de Naples.
On croira aisément que la dame Destaing et sa famille
n ’eurent rien de plus pressé que de quitter, dés qu’ils le
purent, un navire où , depuis six mois , ils avaient si cruelle
ment souffert. Heureusement une main protectrice vint à leur
secours ; le général S o u lt, aujourd’hui maréchal de i’E m pire,
les a c c u e illit , leur donna sa maison de cam pagne, pour y
faire quarantaine, et les reçut ensuite chez lu i, à T aren te, où
ils passèrent près d’un m ois, tandis que le vaisseau grec, qui
les avait débarqués sur la côte de Naples , continua sa route
pour Marseille.
C epen d an t , durant la longue traverées de la dame Destaing
et de sa fam ille , d’Egypte en E u rop e, la ville d’Alexandrie,
resserrée de plus en plus par les ennem is, et manquant de
vivres, avait été obligée de capituler.
La garnison fut embarquée pour la France, les généraux
M enou, D estaing, le capitaine Lantin et plusieurs autres
officiers montèrent sur le même vaisseau et arrivèrent à Mar
seille après, trois mois de navigation , de manière que le
général' Destaing , parti d’Egypte deux ou trois mois après
son épouse, arriva cependant en Europe, et en France, plus
de deux mois avant elle. 11 se rendit à Paris et fit des dispo
sitions pour fixer son domicile dans cette ville ; il y reçut du
général Soult la nouvelle de l’arrivée de sa femme et de sa fille
à Tarente.
11 se hâta de remercier le général Soult de ses soins bionfaisans, et le pria de faciliter à madame Destaing et a
�( 11 )
sa famille le moyen d’arriver à P a ris, et de les y faire accom
pagner par quelqu’un de confiance.
'
^
Monsieur le maréchal Soult fit escorter par terre cette fa
m ille jusqu’à Barlette, et chargea M. D esbrosse, officier fran
çais , né à P aris, de l’accompagner.
Madame Destaing et sa fam ille s’embarquèrent à Barlette,
reprirent terre à A n cô n e, d’où ils se rendirent en poste à
Lyon , avec M. Desbrosse.
Cette nouvelle fatigue avait encore altéré la santé de madame
Destaing et celle de sa fille. On crut nécessaire de leur faire
prendre quelques jours de repos. M. Nazo son pére et M. D es
brosse les précédèrent et se rendirent de suite à P aris, auprès
du général Destaing.
A peine arrivé à P aris, M. Nazo perdit son gendre par un
événement tragique, dont le public fut informé dans le
tems. M. Nazo n’avait vu le général Destaing que quelques
instans 5>et n’avait encore pris aucun arrangement avec l u i ,
pour l’établissement de sa famille.
Madame Destaing ignorait à Lyon la perte qu’elle venait
de faire; elle y attendait des nouvelles du général D estain g,
lorsqu’elle reçut la visite du sieur B ordin , chapelier, dont
l'épouse était d’A u rilla c, lieu de la naissance du général Des
taing.’
s
• L e sieur Bordin se présenta avec une lettre du sieur Des
tain g, pére du général, pour engager la dame Destaing sa
belle-fille, à se rendre à A urillac avec son en fan t, où on lui
dit qu’elle trouverait le général son mari.
Mais la feinte ne pût être longue : madame Destaing ap
prit bientôt qu’elle était veu ve, et que sa fille avait perdu son
p ére, avant d’en avoir pu recevoir la moindre caresse.
�( ta )
E lle se séparé du reste de sa fam ille, qui se rendit à Mar
seille, où le Gouvernement réunissait les réfugiés égyptiens ,
et elle prit la route d’A urillac avec sa fille, une nourrice
qu’elle avait prise à Tárente, et une négresse qui les servait.
Le sieur Destaing père fournit aux frais de ce vo y a g e, et
aux premiers besoins de sa petite-fille et de la veuve de son
fils. Illes accueillit comme ses enfans, les fit considérer comme
tels par toute la famille D estain g, au milieu de laquelle la
Yeuve trouva madame Delzons, née, comme elle, en Egypte ,
témoin des courts instans de son bonheur et de ses premières
infortunes.
Madame Destaing passa ainsi à A urillac huit m ois, présen
tée dans toutes les sociétés comme veuve du général Destaing,
sans que personne eût osé élever le moindre doute sur son état
et celui de sa fille.
L e sieur Destaing père assembla un conseil de famille pour '
la nomination d’un tuteur à sa petite-fille.
O n prouve parmi les. parens M. Alexis.-Joseph D elzons,
général de brig:*d,e , commandant le département du C antal,
cousin-germain du feu,général Destaing , et le même qui avait
été, témoin d}f, marijage qui avait, réuni laúdame. Nazo à *la
famille Destaing -, M. Delzons son p ère , membre du Coçpj
Législatif , oncle paternel de M. D estain g, biqn instruit par
son filstde§ circonstances de ce,m ariage, et lç.m êm e qui se
troura à^Paris, à la leyép des scellés, mis sur les effets du gé
néral Destaing son neveu; enfin, tous les parens du défunt
qui déféi'èrentj la^tuttje ^usj.ç^r Destaing père, en sa qualité
d’aïeul tle la mineure, et attendu la minorité présumée d e là
m ère, autorisèrent j les dépenses par lui faites, îéglércnt le
�( i3 )
montant des habits de deuil de la veuve, et fi<èrent provisoi
rement la quotité de la pension de la pupille.
Si les intérêts de la dame Destaing furent sacrifiés dans cet
acte, du moins son état et celui de sa fille furent respectés et
reconnus par la famille de son mari; et ils auraient continué
à l’être, si elle n’avait pas été instruite de ses droits.
Mais elle trouva , à A urillac même , des personnes offi
cieuses qui lui apprirent que la loi plaçait dans ses mains la
personne et la conservation des biens de sa fille , que c était
pour elle un devoir de la réclam er, et que son beau-pere et
J a famille Destaing abusaient de son ignorance.
Aussitôt qu’elle parut i n s t r u i t e l e s procédés de son
beau-père changèrent à son égard. Il craignit qu’elle ne vou
lût se soustraire à son em pire, e t, pour la reten ir, il la
sépara de sa fille , qu’il envoya à la campagne sous un vain
prétexte.
Cet acte de barbarie dut ré vo lter la dame Destaing ; privée
de sa fille , ne pouvant découvrir le lieu où on la tenait cachée,
elle écrivit à son père pour lu i faire connaître sa position.
Le sieur Nazo se rendit à A u r illa c , et n’obtint rien du sieur
Destaing ; il emmena sa fille à Marseille.
\t)n remarquera que le sieur Destaing retint alors sa
petite-fille, malgré la mère et l’aïeul maternel ; ce qui est
une nouvelle reconnaissance de l’état de la demoiselle D es
taing , dans le tems même que son aïeul refusait à la mère
de la laisser jouir du plein exercice de ses droits.
La dame Destaing fut conduite à Marseille par son p ère ,
et elle sentit alors le besoin de constater son âge, qvû était
le seul prétexte sous lequel le sieur Destaing père refusait
de lui rendre la tutelle de sa fille. Il y fut procédé par un
�( *4 )
acte de notoriété en forme authentique , auquel concou
rurent un grand nombre de réfugiés E gyptien s, réunis à
Marseille. Parmi eux se trouvaient deux des militaires qui
avaient traversé la Méditerranée avec la daine Destaing;
ils rapportèrent l’époque de l’accouchement de la dame Des
taing , et du baptême de sa fille.
Si l’acte de notoriété ne donne pas de plus grands détails,
c’est que personne ne pouvait prévoir alors que l ’état de la
dame Destaing et de sa fdle serait un jour contesté ; il
ne s’agissait que de déterminer leur âge par la notoriété , à
défaut de registres. Leur élat était assez établi par leur pos
session non interrompue : et si la dame Destaing avait pris
alors de plus amples précautions ; si elle avait fait constater
son état par les nombreux réfugiés Egyptiens qui se trou
vaient alors à M arseille, ce qui lui eut été fa cile, on suppo
serait peut-être aujourd’hui qu’elle en avait besoin. Tandis
q u e , comme nous le verrons bien tôt, la possession d’état
et la reconnaissance de la fam ille étaient, pour elle et pour
sa fille , des titres sufiisans.
Madame Destaing doutait si peu de leur puissance, qu’a
près un court séjour à Marseille , elle se rendit à Paris pour
demander justice.
'
^
L e Gouvernement lui accorda sans difficulté la pension à
laquelle elle avait droit comme veuve du général Destaing ;
et les plaintes qu’elle porta, sur ce qu’on lui retenait, malgré
e lle , sa fille à À u r illa c , furent renvoyées par le premier
Consul aux ministres de la justice et de la police pour y faire
droit par voie d’administration.
Le sieur Destaing , président du tribunal civil de son ar
rondissement , ne put méconnaître la légitimité des première
demandes de la dame sa belle-fille ; il répondit à S. Exc. le
�C ‘5 )
grand-juge que puisque le Gode civil déférait la tutelle à la
m ère , elle pouvait envoyer chercher sa fille quand elle le
jugerait à propos. Le grand-juge , en informant madame Destaing de la réponse de son beau-père , lui apprit que toute
discussion sur les biens devait être portée devant les tribunaux.
Le général Destaing était mort à Paris , où il paraissait
avoir voulu fixer son domicile ; on pensa que c’était à Paris
que la succession était ouverte , et où l’inventaire des biens
avait commencé. La dame Destaing se pourvut donc devant
le tribunal civil de la capitale pour réclamer les droits que
lui donnait la double qualité de veuve du général Destaing
et de tutrice de leur fille , et fit assigner le sieur Destaing en
reddition de compte de la tutelle.
Le sieur Destaing, aïeul de cet enfant et président du tri
bunal civil d’A urillac , prétendit que c’était à A urillac que
cette demande devait être portée , attendu que le feu général
Destaing était censé n’avoir jamais eu d’autre domicile que
la maison paternelle.
Le tribunal de Paris se déclara compétent ; mais le sieur
Destaing s’étant pourvu à la Cour de cassation en règlement
de juges, les parties ont été renvoyées au tribunal de première
instance de M auriac, département du Cantal.
C’est là que, pour la première fois, le président D estain g,
pour garder en ses mains les biens de la succession de son
fils, a renié sa petite-fille dont, d’abord, il avait voulu être le
tuteur , et qu’il avait retenu chez lui malgré la mère. Il a osé
déclarer devant ce trib u n al, à quelques lieues de distance
d’A u rillac et dans le même départem ent, habité par les té
moins de la constante possession d’état de la veuve et de sa
fille , ainsi que des actes authentiques et multipliés de la recon*
�C 16 )
naissance de la famille , « que ce n’a été que par d o l, fraude,
» suppositions et insinuations perfides que la demanderesse
» Vengagea jx se porter tuteur de Marie sa fille , et à faire
» tous actes nécessaires en cette qualité pour la rémotion des
» scellés, inventaire et vente des effet mobiliers délaissés
n par son défunt fils ; lesquels consentement, actes et fausses
» démarches il rétracte formellement ; et de ce q u e , mal à
« p rop os, elle voudrait tirer avantage de ce qu’il l’a retirée „
» dans sa fam ille, ne l ’ ayant f a i t qu'à titre ¿[hospitalité,
» comme compatissant à ses m alheurs, et sous réserves de ses
» autres droits. »
Les tribunaux du département du Cantal avaient donc à
examiner le mérite de cette déclaration ; elle est la cause
du litig e , le point de la difficulté élevée par l’aïeul.*Elle
contient une accusation grave en suppression d’état, ou un
délit bien plus grave encore en suppression d’état, de la part
de celui qui était alors le chef de la fa m ille , le protecteur
n aturel de tous les membres qui la composaient ; et spé
cialem en t de sa petite-fille et de la veuve de son fils.
Il accuse celle-ci de l’avoir en gagé, par dol et fraude, k
les reconnaître , elle et sa fille , pour avoir appartenu , à titre
lég itim e, au général Destaing -, mais on sait qu’elles étaient
à L y o n , lorsque madame Destaing a 'perdu son mari. Elle
arrivait en France , et elle ne connaissait personne , ni le
pays dont elle n’entendait même pas la langue ; quel dol
a-t-elle pu pratiquer? quelles insinuations a-t-elle pu em
? R i e n au monde ne peut faire admettre, un instant, la
supposition du président Destaing. Q uélle serait donc la
puissance qui aurait obligé ce dernier à envoyer chercher à
Lyon madame Destaing et sa fille , qui ne le connaissaient
p
l o y e r
'
*
�( *7 )
pas ? à les recevoir et les traiter comme belle-fille et petitefille, pendant huit mois consécutifs? à prendre devant la
justice la qualité d’aïeul légitime de cet en fan t, et en de
mander la tutelle , attendu la minorité de la mère? à s’en
gager , par serment, à en remplir les devoirs , ceux de tuteur
et d’aïeul ? à ex ercer, pendant huit m o is, les honorables
fonctions que ces titres lui donnaient ? 11 n’y ayait nulle
puissance, nuls moyens suffisans pour l’y engager , si ce
n’est la force de la vérité et le pouvoir de la justice na
turelle.
Tout cela ne peut se rétracter : on ne rétracte pas des faits ;
o r , les actes émanés du sieur Destaing père, sont autant de
faits qui existent et existeront malgré ses regrets. Q u’il les
explique comme il p ou rra, il ne peut les détruire par une
vaine rétractation.
Il suppose hardiment n’avoir retiré, dans sa fam ille, sa
petite-fille et la dame sa mère , qu'à titre cï hospitalité, et
compatissant à leurs malheurs.
Mais le litre auquel la dame Destaing et sa fille ont été
reLirées, ou plutôt réclamées par le sieur D estain g, est écrit
dans le procès-verbal de nomination de tuteur. Ce titre légal
ne peut pas plus être effacé que ceux de la nature invoqués
par le sieur Destaing père pour l ’obtenir ; ce titre est l’ou
vrage du sieur Destaing , lui-même ; toute la famille y a
concouru. C’est par une délibération éclairée , authentique
et homologuée par l ’autorité c iv ile , que le sieur Destaing a
demandé à prendre dans les biens qu’il n’administrait qu’au
nom 'de sa petite - fille , et comme son tuteur, le rem
boursement des frais qu’il avait faits pour leur séjour à
L y o n , et voyage à A u rilla c , et pour les alimens qu’il leur
�C 18 )
dans celte ville. Ce n’est donc pas comme com
patissant aux malheurs d’une étrangère , qu’il a agi. La
dame Destaing ne pouvait pas être étrangère pour lui ;
aussi a-t-il demandé lui-même , pour sa belle-fille , des habits
de d e u il, et la fixation d'une pension viduelle. Ce ne sont
pas là des actes de compassion , mais de justice. La fille et la
veuve du général Destaing ayant reçu , dans cette qualité,
sur la succession de leur père et mari , les secours dont
elles avaient besoin, dans la maison que le sieur Destaing
a fait juger être le domicile de son fils ; il ne peut pas dire
quelles y aient été reçues à titre dhospitalité. Dans la maison
de leur aïeul et beau-père , elles étaient chez elles,' elles y
continuaient leur possession d état : on ne peut la leur ra v ir,
parce qu’elle repose sur des faits constans et indestructibles.
Par ces fa its, tout doit être jugé entre madame Destaing
et la famille de son mari. D u moins on ne peut plus mettre
en question l ’état de la veuve et de l ’orpheline, authenti
quement reconnu par ceux mêmes qui l’attaquent aujourd’hui.
Nos livres de jurisprudence sont pleins de monumens qui
fixent d’une manière invariable les principes qui doivent
servir de règle pour résoudre les questions élevées sur l’état
des citoyens dans des circonstances quelquefois bisarres et
souvent embarassantes.
Souvent on a argumenté sur la foi qui est due aux registres
publics , sur la nécessité d’établir par eux l’état contesté, sur
l'admission ou le rejet de la preuve testimoniale, soit pour
faire réformer ces registres , soit pour les suppléer en cas de
perle ; mais toujours on a admis les con>équences qui ré
s u l t a i e n t d’une possession d’état invariable. La loi romaine,
fournissait
d’Aguesseau , Gochin , si souvent cités dans les questions
�( *9 )
de cette nature, regardent la possession comme le signe le
plus certain de leta t des citoyens , celui qu’il serait le plus
dangereux de méconnaître , et qu’il importe le plus de res
pecter pour assurer le repos des familles.
'
Cochin a retracé ces principes dans la cause célèbre de la
dame de B ru i*; et on peut remarquer qu’il plaidait pour la
fam ille Laferté, qui repoussait cette femme et tous les moyens
qu’elle employait pour se faire reconnaître comme appar
tenant à cette famille. D e manière qu’on ne peut pas le sus
pecter d’avoir admis ou supposé des principes trop favorables
à ceux dont l’état est contesté. Il les établit comme doctrine
qui doit servir de guide dans les questions d’état, pour qu’on
ne s’égare pas dans cette m atière, en donnant dans des excès
également contraires à la vérité.
,V o ic i comment il s’exprime :
« Si les législateurs , d it-il, n’avaient pris aucune précau*
» tion pour fixer l’état des hommes . les citoyens ne pour» raient se reconnaître entr’eux que par la possession. T elle
» était la règle qui les distinguait seu le, avant que les Etats
» policés eussent établi des lois sur une matière si importante;
» les familles se formaient par des mariages publics ; les en» fans étaient élevés dans la maison des pères et des m ères,
>* comme les fruits précieux de l ’union conjugale ; les rapports
» des différens membres d’une famille se confirmaient de jour
» en jour par la notoriété ; ils se connaissaient, ils étaient
» connus des autres comme frères et sœ urs, comme oncles ,
» n e v e u x , comme cousins, par cette habitude journalière
>* de se traiter réciproquement dans ces différentes qua» lités.
. » C ’était donc la possession seule qui fixait l’état des hommes;
�»
»
»
»
»
( 20 ) ,
c’était l ’unique espèce de preuve qui fût connue - et qui
aurait voulu la troubler, en supposant un état et une filiation contraire à celle qui était annoncée par cette longue
suite de reconnaissances, aurait troublé l’harmonie du genre
humain.
» Les législateurs ont cru devoir porter plus loin les mesures
>•> que leur sagesse leur a inspirées. On a cru que s i , au mo» ment de la naissance de chaque cito yen , son état était con>* signé dans des registres p u blics, ce genre de preuve ajou» terait un nouveau degré de force à l ’état qui devait être
» établi dans la suite par la possession, ou q u e , si la posses» s io n , par quelques circonstances impossibles à p révoir,
» pouvait devenir équivoque, le titre primordial pourrait
» en parer les vices et venir au secours du citoyen privé des
» avantages d’une reconnaissance solemnelle. C’est donc ce
» qui a introduit l ’usage des registres publics prescrits par nos
» ordonnances.
»
Ti
»
»
»
»
»
» C’est sur ces deux genres de preuve que porte l ’état des
hommes ; celle de la possession publique est la plus ancienne et la /noms sujette a Verreur/ celle des registres
publics est la plus nouvelle et la plus authentique. Quand
elles se prêtent un mutuel secours , tous les doutes disparaissent ; quand elles ne sont pas unies , les questions
peuvent dépendre de la variété des espèces et des circonstances.
»' Ou l’on est attaqué dans un état dont on est en possession,
« ou l’on réclame un état dont on n’a jamais joui. Dans le
» prem ier c a s , l a . p o s s e s s i o n s u f f i t a c e l u i q u i e s t a t r> t a que ; il ri!Cl pas besoin de recourir aux monumens pu-
»
�(21 )
» b lic s , ni à aucun autre genre de preuve ; il possède, et à
» ce seul titre, on ne peut pas hésiter à le maintenir.
» Dans le second cas, celui qui réclame un état dont il n’a
» jamais joui , trouvant le même obstacle de la possession,
v ne peut réussir dans son entreprise , s’il n’a en sa faveur des
» titres solemnels qui prouvent que la passion et l’injustice
» l’ont dépouillé.
» Ainsi la possession p u b liq u e, qui décidait seule avant
» l’établissement des registres p u blics, conserve aujourd'hui
» son prem ier empire y c’est elle qui forme toujours la preuve
» la plus éclatante et la plus d écisive, et si elle peut être
» combattue par des preuves contraires, ce n’est qu’autant que
» ces preuves posent d’abord sur un fondement solide , adopté
» par la l o i , c’est-à-dire, sur les titres les plus authentiques
» et les plus respectables. »
Ces principes rappelés par Cochin , et qu’il appelle « des
» vérités que la raison dicte seule , et qu’elle grave, pour
» ainsi dire, dans le cœur de tous les hommes ; » ces principes,
qu’il prouve être « appuyés sur la décision des lois , le suf» frage des plus grands hommes et la saine jurisprudence»,
sont ceux de tous les jurisconsultes et de tous les tribunaux.
Ils s’appliquent naturellement à la cause de la dame Destaing
et de sa fille.
Elles sont en possession de leur état de veuve et de fille du
général Destaing. Cette possession a été publique, on pourrait
même dire solemnelle; elle leur suffit pour repousser l ’attaque
dirigée contr’elles. E lles n ’ont pas besoin de recourir a u x
monumens publics , n i a a u c u n a u t r e g e n r e d e p r e u v e .
E lles possèdent ; e t, à ce seul titre, on ne p eu t pas hésiter
à les maintenir.
�( 22 )
O n le doit arec d’autant plus de raison, que l’attaque a
commencé par celui q u i, ayant le plu 3 grand intérêt à con
tester l ’état de ces infortunées, s’il avait été équivoque, l ’a
cependant le plus authentiquement et le plus solemnellement
reconnu , soit en justice, soit dans le conseil de famille con
voqué par l u i , soit en les présentant à chacun de ses parens
et amis, comme étant ses enfans; les établissant, à ce titre,
spontanément, sans en être sollicité par personne, dans sa
propre maison , et les reconnaissant en leur qualité , et pour
ainsi dire , à la face du ciel et de la terre.
Quelle est donc la cause du changement? qu’est-il donc
arrivé pour opérer une métamorphose ? Rien. Q uelle décou-,
verte a fait le sieur Destaing pour passer ainsi de l’alfection
paternelle à l ’indifférence, et même à l’animosité? Aucune.
Q u ’a-t-il appris de nouveau? Rien. 11 était président du tri
b u n al, et par conséquent jurisconsulte; il devait savoir que
la puissance paternelle ne s’étendait plus sur les petits-fils, à
l ’exclusion de leur mère ; q u e , par le Code c iv il, la veuve
avait la tutelle de ses enfans. Ce n’est point la dame Destaing
qui avait provoqué cette loi, cause première de ses derniers mal
heurs; et si, informée qu’elle était de son devoir de les exercer,
elle a indiscrètement m anifesté, dans la maison de son beaupère , l ’intention de les réclam er, ce u’etait pas une raison
pour vouloir l’en déposséder, en la dépouillant de son état;
ni de la rejeter d’une famille dans laquelle elle n’est entrée
et sa fille n’est née que pour y éprouver des malheurs.
Depuis la déclaration rétrograde du sieur Destaing père,
sa conduite a été assortie à ce début.
U commença par faire faire saisie-arrêt entre se3 mains, à la
requête de ses autres enfans se disan: héritiers naturels du
�( ^3 )
général Destaing leur frère. Il demanda ensuite que la dame
Destaing , comme étrangère, fût tenue de donner caution
judicatum solvi ; et il se défendit -devant le tribunal de
M auriac par cette exception prélim inaire, en demandant que
«es enfans, dont il avait dirigé les démarches, fussent ap
pelés dans l’instance, ainsi qu’un prétendu bâtard du général
D estain g, d o n t, jusqu’alors, personne n’avait entendu parler,
et dont, depuis, personne aussi n’a eu des nouvelles.
Le tribunal de M auriac, par jugement du 12 août 1806,
débouta le sieur Desiaing de sa demande en cautionnement,
ordonna que les prétendans droits à la succession du général
D estain g, et les saisissans, seraient mis en cause , et néan
moins condamna le sieur Destaing au paiement d’une pro
vision de 600 f r ., à compter du jour où la demoiselle Des
taing avait été retirée d’A u rillac, et à la continuer jusqu’au
jugement définitif. M. D tstaing fut condamné à payer le
coût du jugement.
Mais ce jugement provisoire, quelque modéré qu’il fu t,
n’a pu être exécuté.
Les beaux-tréres et belles-sœurs de la dame Destaing s’y;
sont rendus tiers opposans.
La réclamation principale de la dame Destaing étant alors
instruite , elle a demandé à être maintenue dans son état de
veuve du général D estaing, contre tous les prétendans droits
à h) succession, et tant en son nom personnel que comme
tutrice de sa fille ; elle a demandé que le sieur Destaing père
fû t tenu de rendre compte de l’administration dans laquelle
il s’était immiscé , comme tuteur.
Le sieur Destaing père s’est borné à laisser contester l’état
de sa petite fille par ses autres enfans, déclarant qu’il était
�(24)
prêt à rendre compte de la succession, à qui et pardevant qui
il serait ordonné en justice. Il a prétendu devoir être congédié
de la demande, et cependant il a conclu à ce que, dans le cas
où la dame Destaing ne justifierait pas de son état et de celui
de sa fille , elle fût condamnée à lui rembourser, avec inté
rêts , 3636 fr ., montant des dépenses faites pour e lle , tant à
Lyon qu’à Aurillac.
C’est sur ces conclusions qu’est intervenu le jugement du
i 3 août 1807, dont la dame Destaing a appelé.
P a rce jugem ent, le tribunal de M auriac, en reconnaissant
la possession d’état des dame et demoiselle Destaing, ordonne
néanmoins que le fait du mariage du général Destaing et
celui de la naissance de sa fille seront prouvés par tém oins,
à la diligence de madame Destaing, et qu’il n’a pas existé de
registres où ces actes de mariage et de naissance aient dû être
transcrits.
Les juges statuent par interlocutoire sur le fond de la
contestation qui leur est soum ise, et cependant ils ne pro
noncent rien sur la tierce opposition à leur premier jugement,
qui condamnait le sieur Destaing père au paiement d’une
provision bien nécessaire aux dame et demoiselle Destaing ,
bien légitimement due à l’état dont elles étaient en possession ,
et à leur qualité aussi incontestable que leur position mal
heureuse.
Le tribunal de M auriac, en mettant en question Tétat de
la dame Destaing et celui de sa fille, a fait abstraction de la
possession dans laquelle elles étaient. Il aurait dû apercevoir
q u’elles étaient attaquées dans cette possession d’état par ceux
mêmes qui avaient concouru à la leur assurer, et q u e , dés
lors, madame Destaing n’avait rien à prouver; c’était sur ceux
�( a5)
q u i venaient l’attaquer, prétextant qu’ils avaient été e n g a g é s
par clol, fr a u d e , suppositions et insinuations perfides , que
tombait la charge de prouver leurs allégations. Juscju’alors
leur engagement subsistant, on devait les regarder comme
liés. La reconnaissance publique et authentique de l’état d’un
citoyen dans une fam ille, et par tous les individus qui la
composent, n’est pas un lien frivole; le m éconnaître, ce
serait, comme dit Cochin , troubler l’harmonie du genre hu
main. Combien de milliers d’individus n’ont d’autre assurance
de leur é ta t, d’autre titre que leur possession publique au
m ilieu de leur famille et dans la société? Combien en est-il
qui ignorent où ils pourraient trouver l’acte de célébration
du mariage de leurs auteurs, et même leur acte de naissance?
O Faudrait-il pour cela les faire sortir de la famille dans la
quelle ils possèdent un état reconnu légitim e? sera-t-il per
mis à celle-ci de les repousser de son sein, en leur imposant
à eux l’obligation de prouver qu’elle a eu raison de les con
sidérer comme fils, petit-fils , neveux , cousins, etc. ?
N o n , certainem ent, ils n’ont rien â prouver. L a possession
suffit à celui qui est attaqué; il n a pas besoin de recourir
a u x monumens p u blics, n i à aucun autre genre de preuves : il
possède ; e t y à ce seul titr e , on ne peut hésiter à le m ain
tenir.
Vainem ent vou d rait-on supposer que la dame Destaing
étant demanderesse dans la cause, doit prouver et justifier
la qualité qu’elle prend : cette supposition est inadmis
sible.
La demoiselle Destaing était non seulement en possession
de son état de fille naturelle et légitime du général Des-»
taing son p ère , mais encore de la succession de ce dernier,
4
l
�( 26 )
acceptée pour elle par le sieur Destaing son a ïe u l, en sa
qualité de tuteur, qui lui avait été déférée par la famille
en tière, qui avait reconnu l’état et les droits de la pupille.
L a veuve du général Destaing était pareillement en posses
sion de son état de veuve, reconnu aussi par la fam ille, qui
avait réglé le paiement de ses habits de deuil et de sa pen
sion viduelle.
Devenue tutrice de sa fille par la disposition du Gode
c iv il, elle a trouvé celle-ci dans la possession de son élat,
saisie et investie d e 'la succession qu’elle avait recueilli du
général Destaing son père.
Ce n’est point cette succession q u elle a demandée ; l’aïeul
tuteur l ’avait recueillie pour sa petite-fille, et avait fait pour
elle tous les actes d’héritiers nécessaires. La fille du général
Destaing avait été reconnue son héritière ; elle possédait sa
succession de droit et de fait : c’est donc elle qui est atta
quée dans la possession.
La mère tutrice exerçant ses droits, a demandé compte au
premier tuteur; celui-ci ne pouvait ni le refuser, ni changer
lui-même le titre de cette possession ; car ce n’est pas pour
lui-même qu’il possédait, mais pour sa petite - fille , et à un
titre qui avait cessé d’être légitime.
L ’opposition des tiers ne pouvait ni dénaturer ses obliga
tions , ni les diminuer. Les collatéraux trouvant la succession
de leur frère recueillie par son enfant, ne pouvaient dépos
séder celui-ci, sans préalablement attaquer l’état de l’héritière
investie, état que cependant ils avaient reconnu eux-mêmes,
et dont elle était en possession ; ils veulent détruire ce qui
existe bon gré ou malgré eux. C’est donc eux qui attaquent ;
�( 27 )
c’est donc eux qui sont les demandeurs. Peu importe que ce
soit par voie d ’exception ; on connaît la règle Reus excipiendi fit actor. A cto ris est probare.
Nous disons que la veuve du général D estain g, tutrice
légale de sa fille , demande au précédent tuteur le compte de
son administration. Celui ci nie-t-il avoir été le tuteur de là
demoiselle Destaing sa petite-fille? non. Nie-t-il avoir recueilli
en cette qualité de tuteur la succession du général Destaing?
non. Il dit que les autres enfans collatéraux du général D es
taing prétendent à cette succession, et qu’ils s’opposent à ce
qu’il rende compte à la nouvelle tutrice. Le tribunal ordonne
d’abord qu’ils seront mis en cause. Ils se présentent comme’
tiersopposansà un premier jugement qui ordonnait le paiement
d’une provision. Sont - ils défendeurs dans leur opposition ?
non. Le sont-ils lorsqu’ensuite ils demándent, par voie d’ex
ception , que leur nièce soit dépossédée de son état et de la
succession du général Destaing son p ère? pas davantage.
Ils soutiennent alors que la demoiselle Destaing leur est
étrangère ; mais c’est à eux à le p rouver, s’ils le peuvent. Ils
ne nient point la possession d’état qui pose sur des faits in
destructibles ; ils supposent qu’elle a été usurpée par dol et
fraude : c’e3t encore à eux à prouver cette supposition inique;
c’est donc à eux que , sous tous les rapports, devait être
imposée l’obligation de rapporter la preuve de ce qu’ils avan
çaient. Jusqu’alors le sieur Destaing père ne pouvait mécon
naître le titre en vertu duquel il avait agi, et toutes les con
séquences qui en résultaient, dont la moindre était que, pro
visoirement, ce titre et la possession d’état devaient être res
pectés; provisoirement, la mineure devait être alimentée et
secourue sur la succession dont elle était saisie de droit et
�(aB)
de fait par les mains de son aïeu l, par le consentement de
toute la famille , et le concours de l’autorité civile.
Nous disons que les collatéraux étaient demandeurs en
délivrance d’une succession recueillie par la mineure ; que
c’étaient eux qui venaient troubler l’état dont la mineure
Destaing était en possession , et prétendaient la dépouiller
de la succession qu’elle avait recueillie en une qualité q u i,
jusqu’alors, ne lui avait pas été contestée. Sans doute qu’avec
ces prétentions, et comme demandeurs, ils pouvaient se pré
senter dans la lice ; mais avec quelles armes ? C’est encore
Gochin qui répond à cette question, et il faut rappeler ici
ce que nous avons déjà rapporté :
« La possession publique conserve aujourd’hui son premier
• empire; c’est elle qui forme toujours la preuve la plus écla» tante et la plus décisive , et si elle p eu t être combattue par
» des preuves contraires, ce n'est quautant que ces preuves
» posent d abord sur un fondem ent so lid e , adopté par la lo it
» c'est-à-dire ,
*
p a r
les
t itr e s
les
plu s
a u t h e n t iq u e s
e t les
PLUS R E SP E C T A B L E S. »
vu que le sieur Destaing a cru que toutes ses
preuves étaient faites par la simple déclaration qu’il se rétrac
tait. Ses enfans ont cru aussi qu’il leur suffisait d ’é le v e r d u doute
sur l ’état de leurs belle-sœur et nièce , et ils l’établissent sur
quelques pièces qu’ils ont produites , et que nous allons exa
miner. Ces pièces consistent en deux lettres missives, qu’on
dit avoir été écrites par le général Destaing à son père, l’une
le i 5 pluviôse an 9 , et l’autre le i 3 ventôse an 10.
Par la première , il dit: « Delzons se porte bien; il a un
» petit garçon bien éveillé, et j’essaie d’en faire un à une
» jeune gréque q u i, d’après uu arrangement oriental , fait les
N o u s avons
�( 29 )
*> honneurs de chez moi depuis près d’un mois. » On sup
pose qu’il écrit dnns l’autre : « Quant à mon mariage , vous
» ne devez pas plus croire la lettre de Latapie que la
» m ienne; il n'y a aucun lien légal; je ne l’aurais pas con» tracté sans vous en prévenir : mais il y a d’autres liens qui
» pourraient bien, peut être , amener celui-là. A u reste , j’ai
» écrit à cette famille de se rendre à Marseille , et d'y attendre
» de mes nouvelles. »
La première de ces lettres, qui se rapporte à une époque
peu éloignée du mariage du général Destaing, peut bien prou
ver qué l’union a été formée sans le consentement du père
du général , et que celui-ci a dissimulé alors à son père la
nature de ses engagemens , mais elle ne peut pas prouver qu’ils
n’exislent pas , et qu’ils ne soient p a ï indissolubles.
Dans la seconde , le général Destaing é crit, dit-on , à son
père : vous ne devez pas plus croire ma lettre que celle de La
tapie. II d é s a v o u e d o n c implicitement ce qu'il a écrit ; s’il ne
s’accuse pas ouvertement de mensonge ou de dissimulation , il
prépare son père à une explication plus franche. T1 ne la lui
donne cependant pas dans le moment ; il continue à l’envelopper
dans des généralités ; il suppose, il est vrai, qu'il n y a pointde
lien lég a l, parce que , dit-il, je ne l’ aurais pas contracté sans
vous en prévenir ; et il ajoute : mais il y a d’autres liens
(c'est-à-dire, les liens naturels et relig ieu x), qui pourraient
bien a m e n e r celui-là. Que signifie tout cet entortillage?
L e mariage du général Destaing avait été fait sans le consen
tement du père: cette correspondance semble l ’indiquer. Il
croyait sans doute que ce consentement était un préliminaire
indispensable, ou du moins convenable; voilà pourquoi, en par
lant de son union , il en dissimule d’abord la légitimité ; et
�( 3° )
s’exprime d’une manière cavalière. M ais, arrivé en France,
'ilvoit approcher le moment de découvrir la vérité , il commence
par effacer les impressions défavorables qu’aurait pu donner sa
première lettre: ne la croyez p a s, dit-il; c’est-à-dire, ne sup
posez pas que j’aie vécu dans un honteux concubinage avec la
jeune personne à laquelle je me suis uni aux pieds des au
tels , du consentement de sa fam ille, en présence de mes chefs
et de mes frères d’armes. N e la croyez pas : il manque peutêtre quelque chose à notre union pour sa légalité, puisque j’aurais
dû vous en prévenir, vous demander votre assentiment : mais il
y a d’ autres liens qui pourront bien amener votre appro
bation. S’il ne la 'demande pas encore explicitement, celle ap
probation , on voit qu’il la sollicite déjà d’une manière indirecte,
en déclarant qu’il est l i é , et qu’on pourra suppléer à ce qui
manque à son union.
Le général Destaing ne disait pas toute la vérité dans cette
lettre, s’il l’a effectivement écrite ; c a r , dans la réalité, il ne
manquait rien à la légitimité de son union. Il était m ajeur,
lorsqu’il l’a contractée ; et la loi , sous l’empire de laquelle elle
a été formée, n’exigeait point que le consentement des pères et
des mères fût requis pour le mariage des majeurs. La précipi
tation du général Destaing était un manque d’égards et même
de respect -, c’était une faute qu’il sentait avoir commise : mais
elle ne compromettait pas l’état de sa femme et celui de ses
enfans qui ne l’avaient point partagée. La loi civile ne punis
sait point alors une telle omission, la seule que le général Des
taing eût à réparer.
C ’est ce qu’il fit, sans doute, bientôt après , en s’expliquant
avec son père d’une manière plus franche et plus loyale. On
peut l ’affirm er, lorsqu’on voit le sieur Destaing père recher
�( 3 0
cher lui-même sa belle-fille et sa petite-fille, les établir dans
sa maison en leur honorable qualité, les reconnaître en face
de la justiçe, au milieu de sa famille et de ses am is, et les
maintenir dans cette possession , que nous avons vu être la
preuve la plus éclatante et la plus certaine de l’état des ci
toyens.
A lo r s , bien loin que ces lettres puissent faire élever le
moindre doute sur l’état reconnu de la dame Destaing et de sa
fille, elles donnent une nouvelle force à leur possession de cet
état.
Le sieur Destaing père avait été informé du mariage de son
fils par quelqu’un de ceux qui en avaient connaissance, par
Latapie, qui ne l ’aurait point écrit s’il n’en avait pas eu la
certitude : le sieur Destaing père avait pu être instruit de ce
mariage par le général Delzons , surtout, qui en avait été
témoin. L a manière légère dont son fils en avait parlé dans sa
première lettre avait pu lui donner de fausses idées et élever
des doutes qu’il lui importait d’éclaircir. Son fils lui écrit
ensuite : « Ne croyez pas plus ma première lettre que celle de
» Latapie. Je suis lié sans vous en avoir prévenu, mais tout
» n’est pas fait ». O n voit bien qu’il ne dit pas tout alors, puis
qu’il n’explique rien ; mais il commence ses déclarations. La
possession d’état de la dame Destaing les .complète, et prouve
qu’elles ont eu lieu intermédiairement entre le père et le fils.
Q u’est-il besoin, en effet, que nous recherchions comment le
sieur Destaing père a été éclairé ? Il l’a été, puisqu’il a so len
nellement reconnu sa petite-fille et la veuve de son fils, puisqu’il
les a envoyé chercher à L yo n ; puisque ce n’est qu’en qualité
de tuteur de sa petite-fille qu’il s’est présenté pour recueillir la
succession du général Destaing.
�( 3a )
Si les lettres de ce dernier n’avaient pas élevé des doutes
dans l ’esprit de son père , on pourrait soupçonner qu’il a
été surpris par quelques apparences trompeuses; mais le doute
une fois admis , il ne peut être levé que par des preuves , et
dés que ce doute a cessé d’exister à la mort du général D es
taing , les lettres antérieures ne peuvent le faire renaître. Elles
donnent m êm e, comme nous l ’avons d it, une nouvelle force
aux reconnaissances multipliées de celui à qui elles avaient
été écrites; bien loin qu’on puisse les considérer comme des
preuves contraires, lesquelles, nous ne saurions trop le ré
péter avec Gochin , devraient poser sur un fondem ent so lid e,
adopté par la lo i ; c’ est-à-dire, sur les titres les plus au
thentiques et les plus respectables.
O n a voulu abuser envers la dame D estain g, de ce que
les circonstances dans lesquelles elle se trou ve, ne lui per
mettent pas de représenter l ’acte de célébration de son ma- ;
riage et celui de la naissance de sa fille ; mais si elle n'en a
pas eu besoin pour se faire reconnaître par toute sa fa m ille ,
on peut bien moins les lui demander aujourd’hui , pour dé
truire une possession d’état qui est pour elle et pour sa fille,
des titres suffisans.
O n suppose qn’elle devrait avoir son acte de mariage ,
parce que le général Delzons et le capitaine Lantin , q u i,
comme nous avons vu , avaient épousé, à Rosette, les deux
demoiselles Varsy , filles d’un négociant de Marseille , ont
contracté, d it-o n , leur mariage devant le commissaire des
guerres Agard , qui en a dressé l’acte qu’il leur a remis , et
qu’après leur retour en Europe , ils ont déposé , savoir , l’un
( l e général D elzoas) au secrétariat de la mairie d’A u rillac,
le 11 nivose an 11 , plus d’un an après son arrivée en France,
�( 33 )
et postérieurement au décès du général D estain g, son cousin,
à la nomination de tu telle, à l’acceptation de l ’hérédité par
l’aïeul tuteur, au nom de sa petite-fille, et dans le tems même
de leur paisible possession d’état; et l’autre (ce lu i du capi
taine L a n tin }, bien longtems après ( le 18 prairial an i 3 ) ,
époque du divorce qui a eu lieu entre le capitaine et son
épouse.
*
Jusqu’alors les maris des demoiselles Varsy avaient gardé,
dans leur p orte-feuille, les actes de célébration de leurs ma
riages , faits à Rosette devant un simple commissaire des
guerres ; on ignore si le général Destaing avait aussi un
acte semblable ou équivalent , constatant l’union que de
son côté il avait formé au Caire , devant témoins et le pa
triarche d’A lexandrie; et rien ne prouve qu’un pareil acte,
ou tout autre semblable“, n'existe' paT dans les papiers clii
général Destaing.
Mais supposons cette non existence , elle ne prouverait
rien pour la cause.
Les demoiselles Varsy étaient françaises , comme les of
ficiers quelles ont épousé ; elles habitaient Rosette , lieu
plus paisible que le Caire ; leur père , négociant français,
instruit des lois de sa patrie , a pu penser qu’il suffisait à la
solemnité du mariage, que le consentement des parties, qui
en fait l’essence , fut donné devant un officier public. La
demoiselle Nazo, et son p ère, grecs de nation et de religion,
se trouvaient dans un cas dissemblable , et devaient natu
rellement avoir eu d’autres opinions ; ils ne connaissaient
que les lois sous lesquelles ils avaient vécu , et qui n’étaient
pas celles du général Destaing. O n sait que, pour les ma
riages , les Grecs de l’empire Ottoman n’ont d’autre rit que
5
/
�(34)
le9 livres du christianisme; leur patriarche est leur principal
magistrat -, le sacrement est non seulement le lien le plus
respecté , mais le seul qui , suivant e u x , constitue le ma
riage. Pourrait-on en être étonné en France , où l ’on trouve
encore beaucoup de catholiques plus pieux qu’éclairés, qui
ne regardent comme véritable mariage , que celui qui est
béni dans les formes canoniques ? Mais il en est de cet en
gagem ent comme de tout autre; les formes dans lesquelles il
est contracté ne sont que des indices destinés à le llilie re
connaître. Ce sont des signes établis dans chaque pays par
les lo is , ou les usages qui en tiennent lieu.
Ce contrat , comme tous les autres , n’est rigoureusement
soumis qu’aux formes usitées dans le lieu où il a été fait ;
ces formes ne constituent pas le contrat, elles servent uni
quement à le faire connaître ; c’est un principe du droit des
gens, que l ’on retrouve dans deux articles du Code Napoléon ;
dans l’un ( le 47 e) il est dit : « T out acte de l’état civil des
» Français et des Étrangers, fait en pays étranger, fera foi
*> s’il a été rédigé dans les formes usitées dans ledit pays. >»
Et l’article 48 dit : « Tout acte de l’état civil des Français
r> en pays étranger, sera valable s’il a été reçu conformément
» aux lois françaises, par les agens diplomatiques, ou par les
» consuls. »
D ’après cette disposition , on peut bien dire que les actes
de mariage des demoiselles V a rsy, françaises , avec le général
Delzons et le capitaine L a n tin , reçus par le commissaire des
guerres Agard , qui n’était pourtant ni consul , ni agent
diplomatique , ni officier m unicipal, sont valables ; mais ce
n’est pas une raison pour soutenir que le mariage d’une
Grecque avec un Français, solemnellement unis par lu pa
�( 35 )
triarche d’Alexandrie , dans les formes usitées dans son dio
cèse , doit être regardé comme nul et invalide.
On ne manquera pas de dire que l’Egypte ayant été con
quise par les Français, étant devenue colonie française, le
texte des lois fait pour les étrangers ne peut être invoqué
pour les actes faits pendant la conquête. Quelles étaient
donc les lois qu’il fallait suivre ? Quelles formes devait-on
observer ? On ne peut répondre à ces questions qu’en sachant
ce qui se pratiquait en Egypte , dans le moment où diffé
rentes nations se trouvaient mêlées et confondues. Les conquérans, les peuples délivrés ou conquis, des indigènes, des
étrangers , des hommes lib re s, des esclaves , des chrétiens et
des musulmans de différens rits et de différentes sectes , ne
pouvaient être soumis aux mêmes formes de procéder dans
leurs engagemens que par une disposition particulière ; et il
n’y en a jamais eu.
C’est ce que nous apprend le commissaire des g u erres, «xordonnateur en chef de l ’arm ée d’Égypte.
« I l atteste, e n c e t t e q u a l i t é , » c’est-à-dire , officiellem ent,
« que quoiqu’il n ’existât à cette armée aucun ordre du général
» en ch ef rem plaçant le G ouvernem ent fran çais, depuis que
» les com m unications avec la France avaient été interrompues,
v pour régler la fo rm e avec laquelle les actes de l'étal civil
» devaient y être r eçu s , l’usage paraissait s’être établi de
» lui-m êm e pour les officiers ou individus attachés à l’armée ,
»> ne faisant point partie des corps , de faire des déclarations
» devant des commissaires des guerres qui les recevaient par
» procès-verbaux, ou de la m anière qui leur paraissait conve» n a b le , de leurs m ariages, même quelquefois de leurs di» vorces ; ce qui néanmoins ri a jam ais été(gén éral, surtout
�( 36 )
*
P O U R D ES M ART A G E S C O N T R A C T E S A V E C DES F E M M E S DU P A Y S ,
» qui
»
SE SO N T F A IT S SOU VEN T E N T R E C A T H O L IQ U E S
DANS
LES
É G L IS E S DU L I E U E T S U IV A N T LE S F O R M A L IT E S U SIT E E S E N T R E
» l e s c h r é t i e n s de toutes les sectes dont le culte était public
» en Egypte. Ces procès-verbaux étant hors des limites de
» Vadministration militaire , et purement f a c u l t a t i f s , de la
» part de ceux qui les recevaient ou les requéraient, aucun
» règlement n e n a f ix é la form e ni ordonné le dépôt ; et,
» recherches faites dans les papiers de l ’ordonnateur en ch ef,
» soussigné, qui en remplissait les fonctions lors de l’arrivée
» de l’armée en France, et dans ceux du bureau central, qui
» lui ont été également adressés par le commissaire des guerres
» P iq u e t, qui était chargé de les conduire en France, il ne
» s'est trouvé aucuns procès-verbaux relatifs à Tétat c iv il,
» observant expressément q u il ne s'en est point trouvé, no» tammenl du commissaire A g a rd qui est mort dans la tra
it versée. Signé S a r t e lo n . »Cette déclaration est visée, cer
tifiée et légalisée en formes probantes.
On voit par là ce qui se pratiquait en Egypte , quant aux
actes de l’état c iv il, pendant le séjour de l’armée française.
A ucun ordre du général en ch ef, remplaçant le Gouverne
ment, à cause de l ’interruption des communications, ne réglait
la forme de ces actes.
Quelques officiers ou individus attachés à l’armée , et ne
faisant point partie des corps, faisaient des déclarations de
vant un commissaire des guerres, il n'en était point tenu
registre; il n’en a été fait aucun dépôt; on n’en trouve aucun
dans les archives de l ’armée , et notamment dans les papiers
du commissaire Agard : l’usage de ces déclarations purement
facultatives n’était point général, surtout pour des mariages
�C 3y )
contractés avec des femmes-du pays , et entre catholiques,
qui se célébraient dans les églises du lie u , et suivant les for
malités usitées entre les chrétiens dont le culte était public
en Egypte.
Cela explique i’embarras dans lequel a pu se trouver ma
dame Destaing de produire l’acte de célébration de son m a
riage. Elle n’est point obligée de savoir si son mari a fait ou
non quelques déclarations particulières devant un commis
saire des guerres, s'il a été dressé procès-verbal dtî*cette décla
ration , et si le général Destaing l'avait conservé dans ses pa
piers. Elle ne put interroger aucun dépôt public sur l’exis
tence ou non existence d’une pareille pièce; les archives de
l ’armée d’Egypte n’en ont aucune de cette espèce : mais aussi
on ne peut tirer contre madame Destaing aucune induction
ni de son ignorance ni de son impuissance ; bien moins encore
pourrait-on détruire la possession d’état, en observant qu’elle
n’est point basée sur un acte authentique produit par e lle ,
tandis que d’autres mariages faits dans le même pays sont
constatés par des déclarations ou des actes reçus par un com
missaire des guerres.
Quand la possession d’état est constante, elle suppose le
titre , et dispense de le rechercher.
Il est vrai que dans les causes de cette nature , dans les cas
d’absence , ou perte des registres pu blics, les tribunaux ont
toujours admis la preuve testimoniale de la possession d’état
contestée ; mais il est évident qu’on ne peut recourir à la
preuve testimoniale de cette possession d’é ta t, que lorsque le
fait même de la possession est contesté , et ne peut être prouvé
que par témoins.
Si la possession était constante et reconnue, lorsqu’on est
�( 38 )
venu la troubler ; si des actes authentiques émanés de ceux
même qui attaquent l’état de leur parent, concouraient à
établir cette possession , il serait absurde de demander la
preuve testimoniale. On ne prouve pas ce qui est convenu ;
on ne fait pas entendre des témoins sur une possession d’é
tat, lorsqu’elle résulte suffisamment des actes qui ne sont point
attaqués.
La dame Destaing et sa fille étaient-elles ou non dans la
paisible et publique possession de leur état , lorsqu’elles ont
été troublées dans cette possession , par la déclaration du
- sieur Destaing p è r e , et par la tierce opposition des collaté
raux? Le père et les tiers opposans avaient-ils concouru à
maintenir la mineure Destaing , et sa m ère, dans cette pos
session? Les avaient-ils reconnus? Les avaient-ils fait recon
naître en leur qualité ? L ’affirmative résulte des actes qui ne
sont point attaqués et ne peuvent pas letre. Cela une fois
adm is, l ’on ne peut plus la contester ; la preuve de la pos
session d’état est toute faite , et nous avons vu qu’elle est
supplétive aux titres, et même que les principes dictés par la
saine raison lui donnent une autorité supérieure.
Voyons comment s’exprime le Code Napoléon , sur les
preuves de la filiation des enfans légitimes , liv. Ier, chap. II :
Art. 019. « La fdiation des enfans légitimes se prouve par
» les actes de naissance , inscrits sur le registre de l’état
»> civil. »
320. « A défaut ih\ titr e , la possession constante de Tétat
,> de Cenfanc legitime suffit. »
33 1. «
possession d’état s’établit par une réunion suf-
» fisante de faics, qui indiquent le rapport de filiation et de
�( 3.9 )
» parenté entre un individu et la famille à laquelle il prétend
>’ apparlenir.
» Les principaux de ces faits sont :
» Que l’individu a toujours porté le nom du père auquel
» il prétend apparlenir ;
» Que le père l’a traité comme son enfant, et a pourvu,
» en cette q u alité, à son éducation, à son entretien et à son
» établissement ;
» Q u’il a été reconnu, notamment, pour tel dans la so» ciété;
« Qu'il a été reconnu pour tel par la fa m ille. »
O n v o it, dans l’exposé des motifs de cette loi ; Qu'elle
ri exige pas que tous ces fa its concourent ; il ri importe que
la preuve résulte des fa its p lu s ou moins nombreux , il suffit
qu'elle so it certaine.
Celle de la reconnaissance de la fam ille Destaing ne l ’estelle pas? Que pourrait ajouter à la délibération de la fa
mille et au procès-verbal de la nomination de tuteur , la
déclaration de témoins étrangers ? Quel témoignage plus
imposant que celui de la fam ille m êm e, et donné par elle
en présence du magistrat et devant la justice?
Pourquoi faudrait-il p rou ver, par tém oins, d’autres faits
d elà possession d’état, lorsque les plus essentiels sont justifiés
par écrit , et qu’aucun n’est ni ne peut être nié par les ad
versaires de madame Destaing?
Ceux-ci ne peuvent pas faire abstraction de la possession
d’état, lorsqu’ils lui demandent l’acte de naissance de sa fdle.
« C’est pour l’enfant un malheur detre privé d’un titre aussi
» commode », comme il est diï dans les motifs de la loi.
» Mais son état ne dépend point de ce genre de preuve.
�( 4o )
» L ’usage tîes registres publics pour l ’état civil n’est pas
» très-ancien ; et c’est clans des tems plus modernes encore
» qu’ils ont commencé à être tenus plus régulièrement; ils
» ont été établis en faveur des enfans, et pour les dispenser
» d’une preuve moins facile.
» Le genre de preuve le plus ancien, celui que toutes les
» nations ont admis, celui qui embrasse tous les faits propres
» à faire éclater la vérité , celui sans lequel il n’y aurait plus
» rien de certain ni de sacré parmi les hommes; c’est la preuve
» de la possession constante de letat d’enfant légitime.
» Différente des conventions q u i, la plupart, ne laissent
« d’autres traces que l’acte même qui les constate, la posses» sion d’état se prouve par une longue suite de fa its extérieurs
» et notoires, dont l’ensemble ne pourrait jamais exister s’il
» n’était pas conforme à la vérité. »
A in si, lorsque ces faits sont convenus, lorsqu’il en a été
dressé des actes authentiques , il n’est pas nécessaire que leur
notoriété soit attestée par d’autres témoignages.
Ce n’est que lorsqu’il y a en même tems défaut de titre et
de possession constante, qu’on a recours à la preuve testimo
niale.
C ’est ce qu’indique encore le Code Napoléon.
AnT. 525 . « A défaut de titre et de possession constante,
» ou si l’enfant a été inscrit sous de faux noms, soit comme
» né de père et mère inconnus, la preuve de filiation peut se
» faire par témoins. »
Ce n’est donc qu’à défaut de possession constante, c’est-àdire , lorsque la possession paraît incertaine ou équivoque,
ou lorsqu’elle est contrariée par l’inscription qui a eu lieu dans
le registre public, que la loi admet 'le recours à la preuve
�(4 0
testimoniale pour faire disparaître l’incertitude et la contra
riété, et éclairer la religion des juges. Et c’est de cette preuve
que Iarticle ajoute: « Néanmoins, elle ne peut cire admise que
» lorsqu’il y a commencement de preuve par écrit , on lorsque
» les présomptions ou indices résultans de faits dès lors cons» lans, sont assez grands pour déterminer l’admission. »
Il parait que c’est cette disposition du Code que les juges de
Mauriac ont voulu appliquer à la cause. Ils n’ont regardé la
délibération de la famille Destaing, le procès-verbal de la no
mination de tuteur, la correspondance du général Destaing
avec son épouse, l’addition d’hérédité faite par l’aïeul tuteur
au nom de sa petite-fille, la manière dont il l'a recherchée,
accueillie, traitée et gardée même malgré sa m ère, que comme
un commencement de preuve par é c r it, et des présomptions
ou indices graves, résultant de faits constans ; et c’est là où
est l’erreur.
Sans doute, les faits sont constans; mais sont-ils ou non suPiisans pour prouver la possession d’état ? C’est ce que le tribunal
devait examiner.
L a délibération de la famille Destaing devant le juge de
paix d A u r illa c , la nomination de l'aïeul pour tuteur de la
petite-fille, son acceptation; sa demande en fixation d’une pen
sion pour la mineure, du remboursement sur la succession de
son p ère, des avances faites pour le vo ya g e, la nourrice et les
domestiques ; la délivrance des habits de deuil à la veuve, le
règlement de la pension accordée à sa viduité , ne sont pas seu
lement un commencement de preuve par écrit de la possession
d’état, mais une preuve complette et indestructible.
Co ne sont pas de simples indices de celte possession d’é ta t,
que les soins constamment donnés à la veuve et à la fille du
6
�( 4a )
général Deslaing, en leur qualité , par toute la famille; ce sont
aulanl d’actes de sa possession d’état. Ces actes étaient constans,
puisqu’ils ne sont pas contestés; leur ensemble foime donc une
preuve sufii.-ante de la possession d’état.
L ’erreur des juges de Mauriac est venue de ce qu’ils ont dé
place, pour ainsi dire, la question.
Ils ont supposé que madame Deslaing, et sa fille , deman
daient à être reconnues par la famille D estaing, malgré
elle.
Mais telle n’était pas la position des parties. Madame D es
laing et sa fille avaient été reconnues ( et on sait que Sur un
point aussi important, il n’est pas permis au père de varier, de
rétrogader et de se rétracter): elles étaient en possession de
leur état. La fille avait été saisie, de droit et de fait , de la suc
cession de son père ; c’est pour e lle , et en la seule qualité
de tuteur, que l’aïeul avait fait des actes d’héritiers. Ces actes
étaient constans ; la possession d’état était constante, la dame
Destaing n’avait rien à demander à cet égard, lorsquelle a été
troublée par les tiers opposans, qui se sont présentés pour
dépouiller la fille du général de la succession paternelle., et
lui enlever son é ta t, dans lequel elle avait été reconnue
jusqu’alors.
Ils n’ont pas nié cette possession d’état : ils ne le pouvaient
pas; ils avaient même tous concouru à l’assurer. Us ont pré
tendu qu’elle était le fruit du dol et de la fraude. C’était
donc à eux à prouver cette allégation; et jusqu’alors leur
prétention devait être repoussée.
Us ont , il est v r a i, essayé de faire cette preuve, c’est hdire, de justifier leur prétention ; mais , comment ? Par des
actes inconcluans, étrangers à la dame Destaing et à sa fille«
�( 43 )
Ils ont supposé qu’il n’y avait pas absence de registres et de
dépôt public. Celte supposition est contraire à la vérité ; mais
fût-elle adm issible, ce serait à eux à fouiller dans ces re
gistres et dépôt public , dont ils supposent Inexistence , po,ur
y chercher des titres à l ’appui de leur prétention; car il ne
suffirait pas qu’ils ne pussent y trouver la déclaration de l ’acte
de mariage contracté par la dame Nazo et le général
D esta in g , il faudrait qu’ils y trouvasseht des actes con
traires.
Le silence des registres ne peut pas faire perdre l ’état d’un
citoyen.
« Il est possible », disait le conseiller d’Etat exposant au
Corps Législatif les motifs de la loi du 2 germinel an 11 ,
« que le registre sur lequel l’acte a été inscrit fût perdu ,
» qu’il ait été b rû lé , que les feuilles en aient été déchirées
» ou rayées; il est même encore possible , et surtout dans
» des tems de trouble et de guerre civile , que les registres
» n’aient pas été tenus, ou qu il n'y a it pas eu d a cte dressé;
» l ’état ne dépend pas de ce genre de preuve. »
Lorsqu’il y a possession publique et constante, il faut que
les preuves que l’on produit pour en détruire l ’effet, aient
pour base un titre contraire, et que ce titre soit authentique;
c’est la doctrine de C o ch in , c’est celle de tous les juriscon
sultes, ce sont les principes reconnus et adoptés par le Code
Napoléon.
Ils suffisent à la dame Destaing , pour lu i faire obtenir
ja réformation du jugement rendu à M au riac, qui ordonne
qu’elle fera une preuve qu’elle n’est point tenue de rapporter ,
e t qui était toute faite par les actes produits, et par ses ad
versaires enx-mêmeij
�(44)
La possession d’état était pour elle, comme on ne saurait
trop le répéter, un titre suffisant ; elle n’avait rien à prouver
ceux dont l’attaque même prouvait cette possession.
C’est à tort que les juges ont désiré d’autres preuves; c’est
à tort qu’ils ont voulu obliger madame Destaing à les rap
porter.
Leur erreur est d’autant plus inconcevable , que ces preuves
qu’ils paraissaient desirer, ils les avaient sous les y e u x , et
madame Destaing les leur avait présentées.
Nos lois ont prévu que , par l’absence des registres de l’état
c iv il, la représentation de l’acte qui en contient la preuve
pourrait être impossible. I l a paru juste d y suppléer. Le
Code Napoléon y pourvoit, pour le cas où l ’acte de nais
sance ne pourrait, avant la célébration du m ariage, être re
présenté à l’ofiicier de l ’état civ il, qui a le droit de l’exiger.
»< L ’officier de l’état civil se fera remettre l’acte de nais» sance de chacun des futurs époux (dit l’article 70). Celui
» des époux qui serait dans l’impossibilité de se le procurer,
» pourra le suppléer en rapportant un acte de notoriété,
» délivré par le juge de paix du lieu de sa naissance, ou
» par celui de son domicile. »
A k t . 71. *< L ’acte de notoriété contiendra la déclaration
» faite par sept témoins de l’un ou de l’autre sexe, parens
>1 ou non parens, des prénoms, nom , profession et domicile
» du futur époux, et de ceux de ses pére et mère, s’ils sont
» connus; le lieu e t, autant que possible, l’époque de sa
» naissance, et les causes qui empêchent d’en rapporter l ’acte.
» Les témoins signeront l’acte de notoriété avec le juge de
» paix ; et s’il en est qui ne puissent ou ne sachent signer,
» il en sera fait mention. »
�( 45 )
A r t . 72. « L’acte de notoriété sera présenté au. tribunal
» de première in sta n ce................................ Le tribunal, après
» avoir entendu le procureur im périal, donnera ou refusera
» son hom ologation, selon qu’il trouvera suffisantes ou in» suffisantes les déclarations des témoins , et les causes qui
» empêchent de rapporter l’acte de naissance. »
Cette disposition n’est fa ite , il est v r a i, que pour le cas
où l’officier de l’état eivil est obligé d’exiger la représentation
d’un acte de naissance; mais il n’en résulte pas moins q u e,
lorsqu’il existe des causes qui empêchent que l ’acte de l’état
civil puisse être représenté, il peut y être suppléé par un acte
de notoriété.
La loi prescrit la forme de cet acte supplétaire, et auto
rise de provoquer un jugement lé^al qui le fasse admettre.
Madame D estaing, il est vrai, n’était point dans ce cas.
Personne n’avait le droit d’exiger d’elle qu’elle suppléât, par
un acte de notoriété, à l ’absence des registres renferm ant la
preuve de son état; mais elle trouvait à Paris de nombreux
témoins de son union ; elle y trouvait la notoriété de cet état,
que plus de mille personnes pouvaient attester ; elle s’est
bornée à appeler sept d’entr’elles devant la justice, et elle
les a choisies telles , que leur rang dans la société , l’estime et
la confiance dont elles jouissent, et les fonctions qu’elles
avaient remplies en E gyp te, ajoutassent un nouveau poids
à leur déclaration authentique.
A cet acte de notoriété ont concouru M. L arrey, ex-chi
rurgien en chef de l’armée d’Egypte , aujourd’hui premier
chirurgien de la garde im périale, inspecteur général du ser
vice de santé des armées, officier de la Légion d’Honneur etc. ;
D on Raphaël deM onacliis, membre de l’institut d'Egypte
�( 46 )
et professeur des langues orientales à la Bibliothèque ;
M. Sartelon, ex-ordonnateur en chef do l’armée d’Egypte,
commissaire-ordonnateur et secrétaire général du ministère
de l’administration de la guerre, membre de la Légion
d’Honneur;
'
M. Daure , ex - inspecteur général aux revues de l ’armée
d’Egypte , commissaire- ordonnateur des guerres ;
Le général de brigade Duranteau , membre du Corps Lé
g islatif, commandant de la Légion d’H onneur, et qui avait '
commandé au Caire ;
M . M arcel, ex - directeur de l’imprimerie nationale en '
Egypte, membre de la commission des sciences et arts, direc
teur général de l’imprimerie impériale ,et membre de la Légion
d’Honneur ;
Et M. Estéve, ex-directeur général et comptable des revenus
publics de l’E gyp te, aujourd’hui trésorier général de la cou
ronne, officier de la Légion d’Honneur, trésorier de la première
cohorte :
La plupart témoins du mariage D es'a in g , tous ayant une
parfaite connaissance d’un fait qui était de notoriété publique.
Cette notoriété a donc été légalement constatée : l ’acte qui
la prouve a été homologué par jugement rendu sur rapport
à l’audience , le procureur impérial entendu. Ce jugemtnt qui
n’a point été attaqué, et qui le serait inutilem ent, reconnaît
ces déclarations suffisantes ; il équivaut à une représentation
d’acte de célébration du mariage ; du moins il fournit le
moyen d’y suppléer au besoin.
Le tribunal de Mauriac a assimilé cet acte de notoriété et
celui fait à Marseille pour prouver 1 âge de madame D estain g,
à d e s i m p l e s certificats ; mais il aurait dû s’apercevoir qu’autre
chose est un certificat extra-judiciaire, autre chose est un acte
�( 47 )
de notoriété lé g a l, donné devant le magistrat qui examine les
déclarans et leurs déclarations; lesquelles, cependant, ne
deviennent authentiques que lorsqu’elles sont homologuées
par un jugement qui porte le sceau de l ’autorité publique.
Madame Destaing avait aussi produit des certificats. Ceux
du général M eno u , général en ch ef de l’armée d’Egypte à
l'époque du mariage du général Destaing, et maintenant com
missaire général dea départemens au delà des A lp e s, et du
général de division D upas, sous-gouverneur du château im
périal deStupinis, commandant de la Légion d’Honneui, che
valier de l’ordre du L ion , le même qui, étant chef de biigade,
commandait la citadelle du Caire, en E gypte, sous les ordres
du général Destaing.
Ces certificats surabondans peuvent être considérés comme
de simples témoignages respectables, sans doute, quoique non
encore reconnus en justice; mnis ceux qu’elle a admis dans la
forme indiquée par le Code Napoléon pour suppléer à l ’ab
sence des registres de l’état civ il, ont un caractère qu’il n’est
pas permis de méconnaître.
Ils ne forment point le commencement de la possession
d’état de madame Destaing , ils n’en sont point la base ; mais
ils la corroborent et la confirment en indiquant le titre et
en assurant la notoriété.
Il faut bien qu’el!e soit reco n n u e, puisque, sur deux rap
ports consécutifs , par deux arrêtés, l’un du 29 floréal an 10,
et l’autre du i 5 pluviôse an 12 , le Gouvernem ent a accordé et
augmenté la pension de madame D estaing en sa qualité de
veuve du général son mari.
Croira-t-on que le premier Consul eût accordé cette double
faveur à madame Destaing , sans être assuré qu’e lle'n ’usur-
�(43)
pait point cette qualité ? croira-t-on qu’il y eût au monde quel
qu’un d’assez habile pour en imposer par des mensonges
au chef suprême de l’Etat ? Et quelle audace ne faudrait-il
pas supposer à madame Destaing', qui invoque hardiment le
témoignage de tant de généraux , de tant de fonctionnaires
publics et de l’armée entière, d’où s’élèveraient mille voix
pour la démentir, si ses récits n’étaient pas tous conformes à
la plus exacte vérité ?
Si elle avait eu besoin de témoignages pour assurer son état,
elle n’«ût été embarassée que du choix ; mais la possession
dans laquelle sa fdle et elle se trouvent leur suffit. La recon
naissance non équivoque de la famille Destaing est d’un poids
au moins égal à tous les témoignages que le tribunal de Mau
riac a demandé , et dont il n’avait pas besoin.
Délibéré à Paris le 2.5 janvier 1808.
J
a u b e u t
,
C
h a b o t
de l ’A llie r, T a r r i b l E j
G r e n ie ii du Puy-de-Dôme.
1
<
�P IE C E S '
j u s t if ic a t iv e s
:
N° 1«.
Délibération du Conseil de Famille à A u rillac, du 5 mes
sidor an xo.
.1 . . .CH‘
E X T R A I T des minutes du greffe du juge de p a ix de
la ville et canton ilA u r illa c , section du nord.
V .11■
1
C e j o iu d ’uui cinq messidor an d ix républicain , devant nous , Jean-Baptiste
Gencste, j u g é . d e p a ix du canton d’A u r/ lla c, section du nord, à comparu,^
le c i t o y e n Pierre Jlestairig, ju g e - p r é s id e n t du t r ib u n a l «le p r e m iè r e instance
de l'arrondissement d ’A u r i l l a c , y d e m e u r a n t , lequel nous a d it que le
citoyen J a cq u es- ZacTiarie JJe.staing son f i l s , général de division, e s t décède à P aris , le quinze, flo réa l dernier, la i sant une f ille unique âgée ^
alors de cinq mois , nommée M a r ie , provenue de son mariage avec A n n e
N a z o , Grecque d'origine ; que la loi déférant à lui comparant la tutelle .
de sa p etite-fille, attendu surtout la m inorité d 'A n n e N a zo sa m ère, et
désirant être confirmé dans ladite qualité, pour pouvoir agir légalem ent,
il ^ amené devant nous plusieurs des plus proches parens du défunt, à l’effet
dejdélibérer tant sur ladite confirmation de tutelle, que sur la fixation de
la pension de la p u p ille, sur les habits de deuil et pension viduelle de'lè.
dame veuve Destaing ; comme aussi pour donner leur avis sur l’allocttion
des frais de voyage d e là mineure et de sa m ère, depuis Lyon jusqu’à Au
rillac , ainsi que des frais dus pour salaires à une nourrice provisoire depuis
Tarente , ville du royaume de Naples , y com pris un mois de séjour à Lyon 1
jusqu’en cette v ille , lesquels frais le comparant a avancés et se montent i ^
la somme de six cent qualrc-vingt-quatre francs ; et enfin pour être autorisé ^
;i régler tous comples et mémoires de fournitures et autres objets qui pour
raient être à la charge de la succession, et ce laut par lui-m èm e que par ses
fondes de pouvoirs.
■
^
Et de suite pardevant nous, juge su sdit, sont comparus les citoyens L uis-'
Géraud-Cabrie) Fortet , conseiller de préfecture de ce département; Fran-
7
�(5o)
çois-Joseph L abro, avoué, et autre François-Josepli Labro son frère, gref
fier en la justice île paix d ’A u rillac, cousins paternels du défunt ; Antoine
Delzons , membre du Corps L égislatif, oncle m aternel; A lexis-Joseph
D elzons, fils dudit.Antoine, général de brigade, commandant le départe
ment du Cantal ; Pierre et Antoine M ailliy , père et fd s, négocians, cou
sins du côté m aternel, tous habitaos de cotte ville et les-plus proches parens du défuat, auxquels nous ayons fait part de ladite convention, pour
qu’ils aient à en délibérer et donner leur avis, en leur amc et conscience.
6
ci
nimement cl a vis; i ”. de confirmer îe en ojen uesiaing , ay
neure , dans la qualité de son tuieur, à la charge par lui de faire bon et
fidèle inventaire de tous les effets dépendant de la succession du défunt gé
néral Destaing; faire procéder à la vente dudit m obilier, cl de faire eni)loi utile du prix en provenant, conformément à la loi , après avoir préevé tous frais , dettes et charges de la succession; 20. qu’ils estiment, que
la pension de la mineure , jusqu a ce qu’elle aura atteint l’âge de dix ans ,
tant pour nourriture , entretien et éducation , doit être fixée à la somme
de s ix cents fr a n c s , que le tuteur- retiendra par ses mains sur la recette de
ses revenus; 5°. qu’ils sont d’avis que les habits de deuil de la dame veuve
D estaing, y compris ceux qui lui ont été fournis à L y o n , et qui ne sont
joint encore acquittés, doivent être portés à une somme de m ille francs,
aquelle ils autorisent pour raison de ce , en par lui retirant quittance des
marchands et fournisseurs, laquelle somme lui sera allouée en compte ;
4°. quant à la pension vuluelle de la veuve et de la négresse qu’elle a à son
service, attendu que le. citoyen D e sta in g , tu teu r, leur fou rn it en nature
nourriture, logem ent, fe u , lumière et blanchissage, ils sont d ’avis de la
f ix e r à la somme de mille fra n cs pour l'année de v id u ité, à compter du
premier p r a iria l, dernière époque de son arrivée en cette ville; 5 °. que la
somme de six cent quatre francs avancée par le tuieur pour frais de voyage
de la veuve et salaire de ladite nourrice , depuis la ville de Tárente jusqu’en
celle ville d ’Aurillac , lui doit cira allouée et passée en ,co m p te; G°. et
enfin que le tuteur doit être autorisé à traiter tant par lui-même que par
ses mandataires , avec tous marchands, fournisseurs, aubergistes et autres
personnes qui pourraient avoir fait des fournitures tant en marchandise*
que denrées, régler leurs m ém oires, en payer le m ontant, soit que ces
fournitures aient été faites à P a ris, h Marseille , au défunt général Des
tain g, o u , à Lyon , à sa veu ve, pendant le séjour qu’elle y a fait ; le
m o n t a n t de tout quoi lui sera alloué sur les quittances qu’ il en retirera.
E l ledit citoyen D estaing père ayant accepté la tutelle à lu i déférée,
il a fa it le serment en nos m a in s, de bien et fidellem ent en remplir les
Î
{
"^ D e tout quoi nous avons rédigé le présent procès-verbal, pour servir et
Taloir h foutes fins que de raison , lesdits jour et an que dessus, et ont les
comnarans sigri<‘ avec nous; h la minute sont lesdites signatures. Pour expé
dition conforme à la minute étant entre nos m ains, signé Lahp.o , greffier..
�Acte de Notoriété devant le Juge de P aix de M arseille, du
5 fructidor an 11.
E X T 11 A 1 T des minutes du greffe du Tribunal de p a ix ,
second arrondissement i n t r a fn u r o s , dit du sud de la ville
de M arseille.
. Cejourd’hui cinquième fructidor an onze de la république, pardevant
nous , François M a ille t, ju g e de -paix du second arrondissement intra
muros , dit du su d de la ville de M a rse ille , assisté du citoyen Charle*Joseph M ich el, greffier près noire T rib u n al, dans la salle ordinaire de
nos séances , en notre maison d’habitation , est comparue dame A n n e
N a zo , née au Caire en Egypte , veuve du général J a cq u es-Z a ch a rie
D e s ta in g , laquelle nous a dit et exposé qu’il lui importe de faire con
naître son o rig in e, ce qu’elle ne peut faire par pièces probantes, attendu
q u e, dans sa patrie, il n’est point tenu de registres constatant l ’état civ il
des citoyens. En conse'quence, elle nous prie de recevoir les déclarations qui
vont être fahes par des compatriotes qu’elle, a invités à se rendre céant,
relatives à son o rigin e, et qui pourront suppléer au défaut des titres qu’il
lu i est impossible de produire, et de lui en concéder acte , pour lui servir
et valoir ce que de raison.
A l ’instant se sont présentés les citoyens N icolas P a p a s O u glou , c h e f
de brigade, , commandant les chasseurs d’O rien t, âgé de quarante-cinq
ans, né à Chesmet en Asie ; G abriel S a n d ro u x , a u ssi ch e f de brigade du
même co rp s, âgé de trente-six ans, né au grand Caire en Egypte ; A b d a lla
M a n so u r, c h e f du bataillon du même corps, âgé de trente-quatre ans, né
au grand Caire en E gypte; Joseph T u tu n g i, âgé de cinquante a n s , réfugié
E gy p tien , né h A le p ; H an n a A d a b a c h i, âgé de cinquante a n s , aussi né
à Àlep , réfugié d’Egypte; Joseph D u fe n , né à C onstantinople, âgé de
trente-six. ans, réfugié d’E gypte; et Constatai K ir ia k o , né à Chesmet en
A s ie , âgé de quarante-huit ans, capitaine réformé du régiment des chasseurs
d 'O rien t, lesquels agissant avec la présence et sous l ’autorisation du citoyen
Louis D cconias, interprète juré des langues orientales, moyennant serment
par eux à l’instant prêté , ont individuellem ent dit et déclaré , en faveu r de
la vérité , qu ayant résidé habituellement en E gypte, avant la révolution,
ils y ont parfaitement connu le citoyen Jean N a zo et dame Sophie M ische son épou se, père et mère de ladite A n n e N a z o , née à l'époque de
l'année 1780 , et que ladite dame f u t unie en mariage avec le général
Destaing.
�Les citoyens Joseph Tultingi, Constanti Kirialto et Joseph Duftn ont de
p lu s déclaré individuellement /-¡n'étantpassas en France avec ladite veuve
JJgstaing , ayant relâche à Cèphatonii , dans le mois de, nivôse de l ’an
d i x , ladite dame y accoucha d'une fille q u i f u t tenue dans les fonts bap
tism a u x p a r ie çit¥ A assi/, officier des chasseurs, et p a r la dame Marie.
M ische son ayeult^ ; i>.'
1 ,;ij>ut ‘>1
Desquelles déclarations avons-coiicétlé acte à ladite dame veuve Destaing;
lecture faite du présent, il a clé signé par les citoyens Nicolas Papas Oaglou’
Gabriel Saiulrouç , Abdalla Mansour et Joseph Dufeu, nousdit juge d?;
pair',*'le citoyeiV Deconias, intérpVète , et le citoyen M ichel , greilier ; l'a
¿lame veuve DejUaing et antres idéclarans requis de sign er, ont dit ne
savoir.
Signé Ahdalla , le chef de brigade G abrieU oseph D ufen, L nis Deconias, François M a ille t, juge de paix , et M ich e l, greffier, à la minute. En
registre à M arseille,' etc1. Pour expédition conforme à l ’origfnal1' M iC k Îl,
greftief.
•'
,'u
ii i . i ..
° l>. . ..
.
1 Nous, François-Balthasard de Jullien de M adou, juge de paix du second
arrondissement iutra.m uros, dit du sud de la ville de M arseille , certifions
et attestons à tous qu’il appartiendra, que M. Charles-Joseph M ich el, qui
a signé, ci-dessus * est greffier près notre T ribu n al, et qu'en cette qualité foi
doit être ajoutée à son seing , tant en jugement que hor». Marseille, le vingt
messidor an treize , J u llie n de Madou. . h j . . .
,• ■
; .1 »■
' " Nous , Ventre Latouloubre, président du Tribunal de première instance
séant à M arseille, certifions véritable là signature ci-des us de M. Jullien
deMadoü.JA M arseille,le vinet-un messidor an treize. Signé "Ventue I.a tg lv
loubre , G uyot;
*
f»
.
•
>
. ■'
■'
Ì.
■
N° 1 1 L
A cte de Notoriété hom ologué par jugement du T ribunal civil
■
x wi> ■ m: d o la Seine^ du i 5 a v r i l' i 8 o6 . '‘ ' NAPO LEO N , par la grâce de Dieu et les constitutions de la république,
Em pereur des Françaisi et Roi d’ Ita lje, à. tous présrtns et à venir, salut ; fai
sons savoir que le Tribunal de première instance d,u département de la Seine,
e n la première section * a rendu le jugement dont la teneur suit :
' ' ;
;Sur l e ’rapport’ fait à l ’audience publique du T rib u n al, par M. JeanLouis Isu ara, juge en ic e lu i, de la requite présentée par Anne Nazo, '-née
aü crahd Caire en Egypte, veuve ilu général Jacques-Zacharie D estaing,
demeurant a P a r is , rue de Sein e, faubourg S a in t-G e rm a in , expositive
qà’ellè a été unie eu légitim e mariage avec le général Destaing, d’après
l e s r i t e s e t usages du p a y s,1 devant le patriarche de la ville ii'A lex a iid ric;
�(SS)
m.'is f*nr. n'étant point en usage rn Egypte de teilir r?gistrr desactcs de I état
c iv il, e(le s(î trouve par là dans l ’impossibilité de faire, au besoin, la preuve
.‘lo ,s.°ï>_ m ariage; qu-ainsi, voulant y suppléer, elle a lait dresser.un acte de
notoriété pardevant le juge; de paix.'de ¿on arrondissement, signé de sept
pfrsojin.es <ji»i ont été témoins de son mariage , pour l’ homologation duquel
cljet a cf j fcnypyée pardevant le Tribunal ; pour quoi elle requérait qu’il
plut an Tribunal homologuer ledit acte de notoriété du 29 mars 1806 , dû
ment enregistré , pour être exécuté suivant sa forme et teneur, ladite
.rçquèje signe/;.'Juge, avoué.
Y 11 par le Tribunal lrsdites requête et demande, ci-devant énoncées, l'or
donnance de Monsieur le président du T ribu n al, du huit présent m o is ,
portant qu’il en sera communiqué à Monsieur le procureur im p érial, et les
conclusions par écrit de Monsieur le procureur im p érial, du dix dudit mois,
portant qu£ vu l ’a v is, il r^empêche l ’ homologation demandée ;
V u aussi l ’expédition dudit qcte de notoriété doqt la teneur suit :
L ’an m il huit cent s i x , le vingt-neuf mars , en notre liôtal, et pardevant
n;:us, Jean G od ard , ancien avocat, juge de paix du dixièm e arrondisse
ment de Paris, assisté d’Alexandre Chcquet notre greffier»
Ést comparue dame ¿in n é ISazo , née au grand Cuire en E g y p te,
veuve du général Jacques-Zacharie D estain g, demeurant à Paris, rue de»
Seine Saint Germain ;
• .Laquelle nous a dit q u e, pendant le cours de l ’an h u it , elle a été unie
eç légitim e mariage ayçq Jaçques-Zaçh,arie Destaing , général division»
^airc i décédé à Pari* dans le cyurs de l’ap di*,; qu e. son mariage a.élé cé
lébré^ re,ligieys?mpnt et suivant les. rites du
, devante le patriarche
d’v^le^axidrie h a b ita n t lç g r a n d Ca iro en E g y p t e ; n ia is q u e n’élanl point
en usage en Egypte dç tenir tics registres des actes de l’état, civ il , elle
so i,rouvç dans 1 impossibilité de représenter , au besoin , l ’acte de célébra
tion de son mariage ; et que , délirant y suppléer par un acte de notoriété
«igné de différentes personnes qui ont été témoins de son m ariage, elle nous
requérait de recevoir la déçlaration des personues cju’elle nous présente, et
a déclaré ne savoir écrire ni sign er, de çe interpelléeSont à l ’instant comparus :
Prem ièrem ent, M. Dom inii/ne- Jean Larrey de Dodeau , ex chirurgien
en chef de l ’armée d’E gypte, premier chirurgien de la çarde impériale ,
inspecteur général du service'd e santé des arm ées, officier de la Légion
d’honneur, demeurant à Paris, cul-de-sac Conty , 11*. 4>
Secondement, D o n E a p h a ët de M onacl/is, membre de l’institut d’Egypte
et professeur des langues orientales à la bibliothèque, demeurant à P a ris,
rue Pavée, au M arais, n". 5.
Troisièmement, M. A ntoine-L cger Sartelon , cx-ordonnatrur en chef de
l ’armée d’Egypte , commissaire-ordonnateur et secrétaire général du mi
nistère de l'administration de la guerre , membre de la Légion d’bonucur ,
demeurant à Paris, ru# Caumartin , n". 3o ;
�( 54 )
Quatrièmement, M. H ector D a u r e , ex-inspecteur général aux revues de
l ’armée d'Egypte , commissaire-ordonnateur des guerres, demeurant à Paris,
rue du faubourg Poissonnière , n°. 5o;
Cinquièmement, M. L u c D u ra n ta u , général de brigade, membre du'Corps
L égislatif, commandant de la Légion d’honneur, demeurant à P a ris, rue
Saint-ILnoré , 11. 538 ;
Sixièmement, M. Jean-Joseph M a r c e l, directeur de l ’imprimerie natio
nale en Egypte , et membre de la commission des sciences et arts , aujour
d'hui directeur général de l’imprimerie impériale et membre «le la Légion
d’honneur , rue de la Y rillière ;
Septièmement, M. M artin-Roch-Xavier Esteve , ex-directeur général et
comptable des revenus publics de l'E g y p te , aujourd’hui trésorier général
de la couronne, officier de la Léÿion d’honneur, trésorier de la première
cohorte , demeurant au palais des Tuileries;
L esqu els , après avoir prêté en nos mains le serment individuel de dire
vérité, nous ont dit et d éclaré, et attesté, pour notoriété p u b liq u e, et à
tous q u i l appartiendra, connaître parfaitement la dame A n n e N azo ,
veuve du général Jacques-Zacliarie D e sta in g , fille de Joanny N a z o ,
négociant au grand Caire en Egypte , c h e f de bataillon des chasseurs
d ’ O rien t, et nous ont attesté q u e, pendant le cours de Van h u it, ladite
dame N azo a été unie religieusem ent, et d ’ après les rites du p a y s , eri
légitime mariage avec ledit Jacques-Zacliarie D estain g, par le patriarche
d ‘ A lex a n d r ie , habitant du grand Caire ; que l ’acte de célébration rien a
p a s été rédigé, riétant p oin t d ’ usage en Egypte de tenir un registre de
l ’état civ il; m ais que ce mariage rien est p a s moins con stan t, ayant été
célébré en présence d ’un grand nombre de militaires français et de la p lu
part des déclarons ; que depuis la célébration de son mariag« avec le
général D esta in g , et pendant son séjour en E gypte, ladite dame N a z o ,
veuve D estain g,n a p a s cessé d ’habiter avec son m a ri, q u i l ’ a toujours
traitée comme son épouse légitime.
Desquelles comparutions, dires, réquisitions et attestations, nous avons
donné acte aux comparans et à la dame veuve Destaing; e l, pour l’homolo
gation des présentes, les avons renvoyés p ard eT an t les juges du Tribunal
civ il de première instance du département de la Seine , et ont , tous les
susnommés, signé avec nous et le greffier, après lesture. Ainsi signé,
D. J. L arrey, don R aphaël, Sarielo n , Daure , Durantau, M arcel, E steve,
Godard et Choquet.
Enrrgisiré à Paris , au bureau du dixième arrondissement, le quatre
avril m il huit cent s ix , reçu un franc un d écim e, subvention comprise.
Signé Cahow.
Pour expédition conforme délivrée par nous, greffier de la justice de paix
du dixième arrondissement de Paris. Signé C h o q u e t .
Oui M. Isnard, juge , en son rapport, et M. le procureur impérial en se*
Conclusions, tout considéré;
�( 55)
Apres qu’il en a été délibéré conformément, à la loi ;
Attendu les déclarations portées en l’acte de notoriété ci-devant énonce
et daté ;
LE ïiÜ U Ü N A L , jugeant en premier ressort, homologue ledit acte de
notoriété, pour être exécuté suivant sa forme et teneu r, et avoir son effet en
faveur de la requérante , a u i termes de la loi.
Fait et jugé à l’audience publique dudit Tribunal civil de première insinstance du département de la Seine , séant au palais de justice, à P aris, où
tenaient le siège M. Berthereau , président dudit Tribunal, l ’un des officiers
de la Légion d ’honneur; MM. Isnard , lJe rro t, Legras el D cberulle, juges en /
la première section, le mardi quinzième jour du mois d’avril de l ’an m il
huit cent six , et deuxième année du rè^ne de Napoléon I er, Empereur des
Français et Roi d’Italie ;
Mandons et ordonnons , etc. En foi de quoi le présent jugement a été signé
par le président et par le rapporteur. Pour expédition , signé M argueré.
Enregistré, etc.
'
Nous président, juge de la seconde section du Tribunal de première ins
tance du département de la S e in e , certifions que la signature apposée au
lias du jugement de l’autre p a rt, est celle du sieur Margueré , greffier dudit
T ribu n al, et que foi doit y être ajoutée. En foi de q u o i, nous avons fait ap
poser le sceau dudit Tribunal. Fait à P aris, au palais de justice, le deux
mai m il huit cent six. Signé Bexon.
~
t
N°
IV .
Brevet de pension, du i 3 pluviôse an 12.
y
M IN IS T È R E DU T R É S O R P U B L IC .
E X T R A I T des registres des délibérations du Gouvernement
de la République.
Paris, le i 5 pluviôse an 12 de la république, une et indivisible.
t
L e Gouvernement de la République , sur le rapport du m inistre, arrête :
A r t. Ier. La pension de cinq cent vingt francs accordée , par arrêté du
29 floréal an 10, à Anne Nazo, née en E g yp te, veuve du sieur JacquesZacharie D cstain g, général de d ivisio n , mort le i 5 floréal an 10, est portée
K deux m ille francs.
. .
�( 56 )
A r t. II. 1 . « ministres de la guerre et du trésor public sont chargés, chacun
eu ce qui le concerne, de l ’exécution du présent arrêté.
L e prem ier Consul, signé BO N APARTE. Par le prem ier Consul, le secré
taire d'Ëtat, signe U lt. ues-B. M aret.
Pour copie conforme à l ’expédition officielle, déposée au secrétariat du
trésor p u b lic, le secrétaire général, L e f e v r e .
V u pour légalisation de la signature du sieur L efe v re, secrétaire général,
le ministre du trésor p u b lic, M oluens .
,
•
N°
-.r'
V.
.
Certificat d u 1général M enou, du 18 juillet 1806.
,
,
L e Commissaire général des départemens au delà des Alpes
fa is a n t fonctions de Gouverneur général grand officier
de la Légion d’Honneur.
Je déclare, au nom de la vérité et de l ’h onneur,que, lorsque je comman
dais l’armée française, dite d’O rient, en Egypte, M .le général Destaing, qui
était alors employé à cette arm ée, et qui, depuis, est mort en F ra n ce, s’est
marié en l ’an 8 , avec mademoiselle Nazo (sinne), fille de M. Joanny Nazo,
commandant alors en Egypte le bataillon des G recs; que j’ai su positivement
que le mariage s’est célébré dans le pays (au Caire) avec toutes les forme*
usitées dans le rit g rec; que M. le général Destaing était venu m ’en faire
part d’avance; que m êm e, à cette épotjue, comme dans toutes les autres de
ma v i e , soutenant avèc; énergie la cause 'des nioïurs publiques, je demandai
positivem ent, et sur l ’honneur, a i général D estaing,si son mariage était en
tièrement légitim e, ou si c’était, ce qu’on appelle dans les mœurs corrom
pues de l’O rient, un engagement àtem s; que le général Destaing me répond^
au nom de l'honneur, que c’était le mariage le plus légitim e, et tel qu’il
l ’aurait contracté en France; tpie, d’après cette déclaration solemnellt», je
m ’engageai^ y assisté^, ainsi qu'au repas qui eut lieu après le mariage.*Je
remplis nia promesse; tout s’y passa avec la plus grande régularité, et tel
qu’ il devait ê tre, soui les rapports'civils et religieux.
En foi de qu oi, j’ai délivré lé présent certificat pour'servir et valoir ce qu^
de raison. A T u riu , le 18 jiïillét 1806.L e général M enou.
-C
t »
Par le commissaire général, pour le second secrétaire général du Gouverne
ment , absent par congé et par ordre, signé G éamt
^
�5 7
N° V I .
Certificat du général Dupas , du 3o juillet 1806.
Moi soussigné, général de division, sous-gouverneur du château impérial
de S tupinis, commandant de la Légion d’Honneur, chevalier de l ’ordre du
L io n , certifie q u 'étant chef de brigade commandant la citadelle du Caire eu
E gyp te, sous les ordres du général Destaing, j ’ai eu parfaite et sûre con
naissance de son légitim e mariage avec mademoiselle Anne Nazo, fille de
M. Joanny N azo, commandant un bataillon g rec; j’atteste de plus avoir eu
des liaisons particulières avec beaucoup de personnes très-distinguées dans
l ’arm ée, tant dans le civil que dans le m ilitaire, qui m’ont déclaré avoir
été présentes à ce m ariage, qui s’est célébré publiquem ent, et avec toute
l'authenticité qu’un pareil cas exige. Eu foi de q uoi j’ai délivré le présent,
pour servir à ce que de droit. A P aris, le 30 juillet 18 0 6 , P. L . D u p a s .
N° V I I .
Lettre du général Destaing à son épouse, du 1 5 prairial an 9.
( l ' adresse est de la main du général Destaing.)
■.,
A lexan drie, le 15 prairial an 9.
I l y a longtem s, ma chère a m ie , que je n’ai pas de tes nouvelles; je desire
que tu te portes aussi bien que moi. Joanny, qui est chez le général Beliard,
devrait savoir quand il part des. détachemens pour A lexandrie, et en pro
fiter pour m’envoyer des lettres. Cependant, il ne l ’a pas fait la dernière
fois : il faut le gronder de ma part, pour qu’il soit plus exact à l’avenir.
On m’a dit que tu étais grosse; je suis étonné que tu ne m’en ayes rien
écrit ; éclaircis mon doute à cet égard. Sois assurée que je t’aime toujours,
qu’il me tarde beaucoup de te revoir. En attendant, je t’embrasse,ainsi que
ta mêre et ta sœ u r, sans oublier la bonne vieille. Le g énéral D estaing.
Enregistrée, etc. A la citoyenne D estaing, à la citadelle du Caire.
HACQUAR.T, Imprimeur du Corps Législatif et des Tribunaux,
r u e Git-le Coeur, n° 8
^
�
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A name given to the resource
Factums Marie
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Description
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Title
A name given to the resource
[Factum. Nazo, Anne. 1808]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Jaubert
Chabot
Tarrible
Grenier
Subject
The topic of the resource
contestations de légitimité de mariages étrangers
expédition d'Egypte
opinion publique
xénophobie
conseils de famille
Delzons
Description
An account of the resource
Consultation pour Madame Nazo, Veuve du général Destaing, tutrice de sa fille mineure ; contre les héritiers Destaing. [suivi de] Pièces justificatives.
pièces justificatives.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Hacquart (Paris)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1808
1802-1808
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
57 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0603
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0410
BCU_Factums_M0536
BCU_Factums_M0535
BCU_Factums_M0537
BCU_Factums_M0606
BCU_Factums_M0604
BCU_Factums_M0605
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Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Aurillac (15014)
Mauriac (15120)
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conseils de famille
contestations de légitimité de mariages étrangers
Delzons
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opinion publique
xénophobie
-
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90c5790e52a1a2ebb5782c0bd4a8d351
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Text
ecsaarz
rnBaB rarasrsTsrggte^w iLjvrir-Æ r-^ ^xïtjlt*?,- s .
- !t j ? î a « a i
PIECES JUSTIFICATIVES
P O U R
Madame N A Z O , veuve du général D
tutrice de sa fille mineure;
e s ta in g ,
c o n t r e
L e s h é r it ie r s D E S T A I N G .
N°. Ier.
D é l i b é r a t i o n d u c o n s e il de f a m i l l e à A u r i l l a c ,
du
E
5
messidor an 10.
des minutes du greffe du juge de p aix de la
ville et canton d’A u r i l l a c section du Nord.
xtrait
C e j o u r d ’ h u i cinq messidor an dix républicain, deva n t nous,
Jean-Baptiste G e n e ste , juge de paix du canton d’A u rilla c , section
du Nord , a com paru le citoyen P ierre D esta in g , juge-président
du tribunal de prem ière instance de l’arrondissement d’A u rilla c,
y dem euran t, leq u el nous a d it que le citoyen Jacques-Z acharie
D e s ta in g , son f i l s , g énéral de d iv isio n , est décédé à P a r is , le
quinze floréal dernier , laissant une f ille u n iq u e , âgée alors
d e cinq m ois , nommée M a rie , p rovenue de son m ariage avec
A
�( 2 )
A n n e N a zo , Grecque d ’origine ; que la loi déférant à lui com pavant la t u te lle de sa p e tite -fille , attendu surtout la m inorité
(VA n n e N a zo sa mère , et désirant être confirmé dans ladite
fu a liié , pour pouvoir agir légalem ent, il a amené devant nous
plusieurs des plus proches parens du d éfu n t, à l’effet de déli
bérer tant sur ladite confirmation de tu telle, que sur la fixation
de la pension de la p u p ille, sur les habits de deuil et pension
viduelle d e là dame veuve D estaing; com m e aussi pour donner
leur avis sur l’allocation des frais de voyage de la m ineure et
de sa m ère , depuis L yon jusqu’à A u rillac, ainsi que des frais
dûs pour salaire à une nourrice provisoire depuis T a re n te , ville
du royaum e de Naples , y compris un mois de séjour à L y o n ,
jusqu’en cette ville , lesquels frais le com parant a avancés et se
m ontent à la somme de six cent quatre-vingt-quatre francs; et
enfin pour être autorisé à régler tous com ptes et mémoires de
fournitures et autres objets qui pourroïent être à la charge de
la succession , et ce tant par lüi-méme que par ses fondés de
pouvoirs.
E t de suite par-devant n o u s, juge su sd it, sont comparus les
citoyens Louis-Gérand-Gabriël Fortet, conseiller de préfecture de
ce départem ent ; François-Joseph Labro, a v o u é , et autre FrançoisJoseph L a b r o , son frère’, greffier en la justice de paix d’A urillac,
c o u s i n s paternels du défunt; Antoine D elzons, membre du corps
lé g isla tif, oncle m aternel; Alexis - Joseph D elzons, fils'dudit
A n toin e, général de brigade, commandant le département du
Cantal ; Pierre et Antoine M ailhy, père et fils, n égocians, cousins
du côté m aternel, tous habitans de cette ville, et les plus proches
parens du d é fu n t, auxquels nous avons fait part de ladite con
vention , pom- qu’ils aient à en délibérer et donner leur avis ,
en leur âme et conscience. Sur quoi lesdits parens ayant conféré
entr’eux , et revenus devers nous , le citoyen Delzons père ,
portant la parole , nous ont dit qu’ils sont tous unanimement
d’a y is , i°. de confirm er le citoyen D estaing , aïeul de la mi
n eure, dans la qualité de son tu teu r, à la charge par lui de faire
�(3
y
bon et fidèle inventaire de tous les effets dépendans de la snccession du défunt général D estaing ; faire procéder à la vente
dudit m obilier, et de faire emploi utile du prix en provenant,
conform ém ent à la l o i , après avoir prélevé tous frais , dettes
et charges de la succession; z°. qu’ils estim ent que la pension
de la m ineure , jusqu’à ce qu’elle aura atteint l’âge de dix ans,
tant pour nourriture , entretien et éducation , doit être fixée à
la somme de s ix cents fra n cs, que le tuteur retiendra par ses
mains sur la recette de ses revenus ; °. qu’ils sont d’avis que
les habits de deuil de la dame veuve D estain g, y compris ceux
qui lu i ont été fournis à L yon , et qui ne sont point encore
a cq u ittés, doivent être portés à une somme de m ille fra n c s, .
laquelle ils autorisent pour raison de ce , en par lui retirant
quittance des marchands et fournisseurs , laquelle somme lui
sera allouée en com pte ; 4 °. quant à la pension viduelle de la
veuve et d e là négresse qu’elle a à son s e rv ic e , attendu que le
citoyen D e sta in g , tu te u r , leur fo u r n it en n a tu re , nourriture,
lo g em e n t, f e u , lum ière et b lan ch issa g e, ils sont d ’avis de la
f ix e r à la somme de m ille fr a n c s pour l ’année de 'viduité, à
com pter du prem ier p r a ir ia l, dernière époque de son arrivée
en cette ville-, °. que la somme de six cent quatre francs avancée
par le tuteur pour frais de voyage de la veuve et salaire de
5
5
ladite n o u rric e , depuis la yille de T aren te jusqu’en cette ville
d ’A urillac , lu i doit être allouée et passée en com pte ; 6°. et
enfin que le tuteur doit être autorisé à traiter tant par lui-méme
que par ses m andataires, avec tous m archands, fournisseurs,
aubergistes et autres personnes qui pourroient avoir fait des
fournitures tant en marchandises que d e n rée s, régler leurs m é
moires , en payer le rrçontant, soit que ces fournitures aient été
faites à Paris , à M arseille, au défunt général D esta in g , o u , à
L yon , à sa veuve , pendant le séjour qu’elle y a fait ; le m o n ta n t
de tout quoi lui sera alloué sur les quittances qu’il en retirera.
E t led it citoyen D esta in g père ayant accepté la tutelle à
A 2
�C 4 )
lu i d éférée, i l a f a i t le serm ent en nos m ains , de bien et
fid è le m e n t en remplir les fonctions.
D e - tout quoi nous ayons rédigé le présent procès verbal, pour
s e r v ir - et valo ir à toutes fins que de raison, lesdits jour et an
que dessus, et ont les comparans signé avec nous; à la m inute
sont lesdites signatures. Pour expédition conform e à la minute
étant entre nos mains , signé L a b r o , greffier.
N °.
II.
Acte de notoriété devant le juge de paix de
Marseille, du 5 fructidor an n .
E x t r a i t des minutes du greffe du tribunal de p a ix,
second arrondissement in tr à in u r o s , dit du Sud, de la
ville de Marseille
.
O ejo u rd ’iiui cinquièm e fructidor an onze de la république r
par-devant nous François M a ille t , ju g e de p a ix du second ar
rondissem ent intrà m uros, d it du S u d , de la v ille de M a r s e ille ,
assisté du citoyen Charles-Joseph M ichel , greffier près notre
tribunal, dans la salle ordinaire de nos séances , en notre maison
d’habitation, est com parue dam e A n n e N azo , née au Caire en
E g y p te , veuve du générât Jacques-ZacTiarie D e sta in g , laquelle
nous a dit et exposé qu’il lui importe de faire connoltre son originer
de qu’elle ne peut faire par pièces probantes, attendu que dans
sa patrie il n’est point tenu de registres constatant l’état civil
des citoyens. En conséquence , elle nous prie de recevoir les
déclarations qui vont être faites par des compatriotes qu’elle a
invités à se rendre c é a n s , relatives à son origine f et qui pour
ront suppléer au défaut des titres qu'il lui est impossible de pro
d u ire, et de lu i en concéder a c te , pour lui servir et valoir ce
que de raison.
�A l'instant se sont présentés les citoyens N icolas Papas Ouglou, ^
c h e f de brigade, com m andant les chasseurs d’O rient, âgé de
quarante-cinq ans, né à Chesm et en A s ie ; G abriel S a n d ro u x ,
a u ssi c h e f de brigade du même corps, âgé de trente-six ans, né
au Grand-Caire en E gypte ; A b d a lla M a n so u r, c h e f de bataillon )L
du môme corp s, âgé de trente-quatre ans , né au Grand-Caire
en E g y p te ; Joseph T u tu n g i, âgé de cinquante a n s, réfugié /— égyptien, né à Alep ; H anna A d a b a c h i, âgé de cinquante a n s ,
aussi né à A le p , réfugié d ’E g y p te ; Joseph D u fe n , né à Cons
ta n tin op le, âgé de trente-six ans, réfugié d’E gyp te; et Consta n tiK ir ia h o , né k Chesm et en A sie, âgé de quarante-huit ans,
capitaine réform é du régim ent des chasseurs d’O rien t, lesquels
agissant avec la présence et sous l’autorisation du citoyen Louis
D econias , interprète juré des langues orientales , m oyennant
serment par eux à l’instant p r ê té , ont individuellem ent d it et,
d éc la ré, en fa v eu r de la v é r ité , q u a y a n t résidé habituellem ent
en E gyp te , avant la révolution , ils y ont p arfaitem ent connu
le citoyen Jean N a z o , et dam e Soph ie M is c h e , son épouse, père
e t m è r e de la dite A n n e N a z o , nce ¿1 Vépoque ¿le Vannce 1780,
et que la d ite dam e f u t unie en m a r ia g e avec le g é n é r a l D estaing.
Les citoyens Joseph 'lutungi-, Constanti ivinak< ~ët Joseph
D ufen , ont de plus déclaré individuellem ent qu étant passés
57
en France avec la d ite veuve D e s ta in g , ayant relâché à C éphaIonie, dans le m ois de nivôse de l ’an d i x , la d ite clame y a c
coucha d ’une f ille qu i f u t tenue dans les f o n ts bap tism a u x p a r
le citoyen N a s s if, officier des chasseurs, e t p a r la dam e M a rie
M isc h e , son aïeule.
D esquelles déclarations avons concédé acte à ladite dame
veuve D estaing. L ecture faite du p résen t, il a été signé par les
citoyens Nicolas Papas O uglou , Gabriel Sandroux , Abdalla
Mansour et Joseph D ufen , nous dit juge de p a ix , le citoyen
D econias , in terp rète , et le citoyen M ich e l, greffier; la dame
veuve D estaing et autres déclarans requis de signer, ont dit
ne savoir..
�(6)
Sign é Abdalla , le c h e f de brigade G abriel-Josep h D ufen ,
L ouis D e c o n i a s , François M a ille t, juge de p a ix , et M ic h e l,
greffier, à la minute. Enregistré à M arseille, etc. Pour expédi
tion conform e à l’o rig in al, M ichel , greffier.
N o u s , François - Balthazard de Jullien de M adou, juge de
paix du second arrondissement intrà muros , dit du Sud , de la
ville de M arseille , certifions et attestons à tous qu’il appar
tien d ra, que M. Charles-Joseph M ich el, qui a signé ci-dessus,
est greffier près notre trib u n a l, et qu’en cette qualité foi doit
être ajoutée à son sein g, tant en jugem ent que hors. M arseille,
le vingt messidor an treize, J u llie n d e Madou.
N o u s, V entre Latouloubre, président du tribunal de prem ière
instance séant à M arseille, certifions véritable la signature cidessus de M. Jullien de Madou. A M arseille, le vingt-un messidor
an treize. S ig n é V e k t r e L a to u lo u b re , G uyot.
N°. I I I .
Acie de notoriété homologué par jugement du
tribunal civil de la Seine, du i 5 avril 1806.
N A P O L É O N , par la grâce de D ieu et les constitutions de
la république , Em pereur des F ran çais, et Roi d’Ita lie , à tous
présens et à v e n ir, salut ; faisons savoir que le tribunal de pre
m ière instancè du départem ent de la Seine , en la première
section , a rendu le jugem ent dont la teneur suit :
Sur le rapport fait à l’audience publique du trib u n a l, par
]\1. Jean-Louis Isn a rd , juge en ice lu i, de la requête présentée
par Anne N a z o , née au Grand-Caire en E gyp te, veuve du gé
néral J acq u e s-Zacharie D estain g, dem eurant à P aris, rue de
S e in e , faubourg S a in t-G erm a in , expositive q u e lle a été unie
ep légitim e m ariage avec Je général D e sta in g , d’après les rites
et usages du p a ys, devant le patriarche de la ville d’Alexandrie;
�( 7 ^
mais que n’étant point en usage en Egypte de tenir registre des
actes de l’état c iv il, elle se trouve par là dans l’impossibilité de
faire , au- besoin , la preuve de son mariage ; qu’ain si, voulant
y suppléer, elle a fait dresser un acte de notoriété par-devant
le ¡uge de paix de son arrondissem ent, signé de sept personnes
qui ont été tém oins de son m ariage, pour l’homologation duquel
elle a été renvoyée par-devant le tribunal ; pour quoi elle requéroit qu’il plût au tribunal hom ologuer ledit acte de notoriété
du 29 mars 1806, dûm ent enregistré, pour être exécuté suivant
sa forme et teneur , ladite requête signée J u g e , avoué.
V u par le tribunal lesdites requête et dem ande, ci-d e va n t
énoncées, l’ordonnance de M. le président du tribunal, du huit
présent m o is, portant qu’il en sera com m uniqué à M. le procureur
im p érial, et les conclusions par écrit de M. le procureur im
périal, du dix dudit m o is, portant que vu l’avis , il n’em péche
l ’homologation demandée ;
V u aussi l’expédition dudit acte de notoriété dont la teneur
suit :
L ’an m i l h u it c e n t s i x , le v i n g t - n e u f m a r s , en n o tre h ô t e l ,
et par-devant nous, Jean G odard, ancien avocat, juge de paix
du dixièm e arrondissement de Paris, assisté d’ Alexandre Choquet,
notre g reffier,
Est com parue dam e A n n e N a z o , née au G ra n d -C a ire en
E g y p te , veuve du généra l J a cq u es-Z a ch a rie D estain g , de
m eurant à Paris , rue de Seine-Saint-G erm ain ;
Laquelle nous a dit q u e , pendant le cours de l’an h u it, elle
a été unie en légitim e mariage avec Jacques-Zacharie Destaing,
général divisionnaire, décédé à Paris dans le cours de l’an d ix;
que son mariage a été célébré religieusem ent et suivant les rites
du p ays, devant le patriarche d’A lexandrie, habitant le GrandCaire en E g yp te ; mais que n’étant point en usage en EgyptfÊ de
tenir des registres des actes de l’état c iv il, elle se trouve dans
l’impossibilité de représenter,
besoin, l’acte de célébration
�,c .
8
}
d e son m ariage; et q u e , désirant y suppléer par un acte de
notoriété signé de différentes personnes qui ont été témoins de
son m a r i a g e , elle nous requéroit de recevoir la déclaration des
personnes qu’elle nous présente, et a déclaré ne savoir écrire
ni signer, de ce interpellée.
Sont à l’instant com parus :
Prem ièrem ent, M. D om inique-Jean L arrey de B o d e a u , exclürurgi'en en c h e f de l’armée d’Egypte , prem ier chirurgien
de la garde im p ériale, . inspecteur général du service de santé
des arm ées, officier de la légion d’honneur, dem eurant à P aris,
cu l-d e-sac C o n ty , n°. 4 î
Secondem ent , D on R a p ha ël de M on ach is , m em bre de
l ’institut d’E gypte , et professeur des langues orientales à la
bibliothèque, dem eurant à P aris, rue P a v é e , au'M arais, n°. ;
T roisièm em en t, M. A n toin e-L eger S a rtelo n , ex-ordonnateur
en c h e f de l’arm ée d’E g yp te, com m issaire-ordonnateur et se
crétaire général du ministère de l’administration de la guerre,
3
m embre de la légion d’honneur, dem eurant à P a ris, rue Cau-
3
martin , n°. o ;
Quatrièm em ent , M. H ector D a tire-, ex-in sp ecteu r général
aux revues de l’armée d’Egypte , com m issaire-ordonnateur des
guerres , demeurant à Paris , rue du faubourg Poissonnière ,
50
n°.
;
Cinquièm em ent , M. L u c D urantau , général de brigade ,
m em bre du corps législatif, commandant de la légion d’honneur,
dem eurant à P a ris , rue St.-tlonoré , n°.
;
538
Sixièm em en t, M. Jean-Joseph M a r c e l, directeur de l’im
prim erie nationale en E gyp te, et membre de la commission des
’ sciences et a rts, aujourd’hui directeur général de l’imprimerie
■impériale, et membre de la légion d’honneur, rue de la V rilliè re ;
Septièm em ent, M. Martin^ R och-X avier E steve, ex-directeur
¡•'général ètcom ptable d esrèten u s publics de l’E gypte, aujourd'hui
"'trèibrièr'gérféral de la c'otironne, officier de la légion d’iionnéur,
trésorier
�( 9 )
trésorier rie la prem ière coh orte, dem eurant au palais des T u i
leries ;
L esqu els , après avoir prêté en nos m ains le serment indi
viduel de dire 'vérité, nous on t d it e t d écla ré, e t a tte sté, pour
notoriété p u b liq u e , e t à tous q u ’ il appartiendra , connoître
p arfaitem ent la dam e A n n e N a zo , veuve du g én éra l JacquesZ a ch a rie D esta in g , J ille de Joanny N a zo , négociant au.
G ra n d - Caire en E gyp te , c h e f de bataillon des chasseurs
c îO r ie n t, et nous on t attesté q u e , p en d a n t le cours de ta n
h u i t , la dite dam e N a zo a été unie religieusem ent, e t d ’après
les rites du pays , en légitim e m ariage avec le d it JacquesZ a ch a rie D e sta in g , p ar le patriarche d 'A le x a n d r ie , habitant
du G rand - Caire ; que l ’acte de célébration n ’en a pas été
rédigé, n ’ étant p o in t d ’usage en E gyp te de tenir un registre
de l ’éta t civil; m ais que ce m ariage n ’en est p as m oins cons
t a n t , a ya n t été célébré en présence d ’un grand nombre de
m ilitaires fr a n ç a is et de_ la p lupart des déclarans ; que depuis
la célébration de son m ariage avec le g én éra l D estain g , et
p endant son séjour en E gyp te , la d ite dam e N a zo , veuve.
D estain g , n a pas cessé et’habiter avec son m a r i, tjtiî l ’a
toujours traitée comme son épouse légitim e.
D esquelles com parutions, d ires, réquisitions et attestations,
nous avons donné acte aux comparans et à la dame veuve D es
taing ; e t , pour l’hom ologation des présentes , les avons ren
voyés par-devant les juges du tribunal c iv il de prem ière instance
du départem ent de la S e in e ; et o n t, tou? les su s-n o m m és',
signé avec nous et le greffier, après lecture. Ainsi sig n é, D.
J. L a rre y , don R aph aël, Sartelon, D a u re , D u ra n ta u , M arcel,
E s te v e , Godard et Choquet.
Enregistré à P aris, au bureau du dixièm e arrondissem ent,.le
quatre avril mil huit cent six , reçu un franc un d écim e, sub*
vention comprise. Signé C a h o n .
Pour expédition conform e délivrée par nous greffier de la ju s
tice de paix du dixièm e arrondissement de Paris. S ig n é C hoquet.
ii
�( 1° )
O uï M. Isnarcl, juge , en son ra p p o rt, et M. le procureur
im périal en ses conclusions, tout considéré;
Après qu’il en a été délibéré conform ém ent à la loi ;
Attendu les déclarations portées en l’acte de notoriété c idevant énoncé et daté ;
L E T R I B U N A L , jugeant en prem ier ressort, homologue
ledit acte de n o toriété, pour être exécuté suivant sa forme et
teneur , et avoir son effet en faveur de la requérante , aux
termes de la loi.
Fait et jugé à l’audience publique dudit tribunal c iv il de
prem ière instance du départem ent de la S e in e , séant au palai*
de ju s tic e , à P a r is , où tenoient le siège M. B erth ereau , pré
sident dudit tribunal, l’un des officiers de la Légion d’honneur ;
MM . Isnard, P erro t, Legras et D eb eru lle, juges en la prem ière
section , le mardi quinzièm e jo ur du mois d’avril de l’an m il
hu it cen t s i x , et deuxièm e année du règne d e Napoléon Ier.
Em pereur des Français et R oi d’Italie ;
Mandons et ordonnons, etc. En foi de quoi le présent jugem ent
a été signé par le président et par le rapporteur. Pour expédition
signé M auguei^ . Enregistré, etc.
N ous président, juge de la seconde section du tribunal de
prem ière instance du départem ent de la Seine , certifions que
la signature apposée au bas du jugem ent de l’autre p a rt, e s t celle du sieur M argueré , greffier dudit trib u n al, et que foi doit
y être ajoutée. En foi de qu o i, nous avons fait apposer le sceau
dudit tribunal. Fait à P aris, au palais de ju stice, le deux
m il huit cen t six. Sign é B e x o n .
mai
�N°. I V .
Brevet de pension, du i 3 pluviôse an 12,
M IN ISTÈR E
DU
T R É SO R
P U B L IC .
E x t r a i t des registres des délibérations du Gouver
nement de la république.
Paris, le i 3 pluviôse an 1 a de la république une et indivisible.
L e gouvernem ent de la rép u b liq u e, sur le rapport du m i
nistre , arrête :
A r t . Ier. L a pension de cinq cent vingt francs a cco rd ée, par
arrêté du 29 floréal an 10 , à Anne Nazo, née en E gyp te, veuve
du sieur Jacques-Zacliarie D estaing, général de d ivision , m ort
le 1 floréal an 10, est portée à deux m ille francs.
5
A rt.
II. Les
chargés,
m inistres de la guerre e t d u trésor p u b lic so nt
chacun
en c e
qui
le
concerne,
d e l ’e x é c u t i o n d u
présent arrêté.
L e prem ier C o n su l, signé B O N A P A R T E . Par le premier
C o n s u l, le secrétaire d’é t a t , signé Hugues-B. M a e e t .
P o u r cop ie con form e à l’expédition o ffic ie lle , déposée au secré
tariat d u trésor p u b lic , le secrétaire gén éral, L e f e y r e .
V u pour légalisation de la signature du sieur L e fe v r e , secrér
taire g é n é ra l, le ministre du trésor p u b lic , M olliens .
�( ia )
n°.
y.
Certificat cia général M en ou, du 18 juillet 1806.
/
Le
C o m m a n d a n t g é n é r a l des d é p a rte m e n s nu d e là des
A lp e s , faisan t fo n c tio n s d e G o u v e r n e u r g é n é r a l, g r a n d
o flic ie r d e la L é g io n d ’ h o n n e u r .
;
r*
Je déclare, au nom de la vérité et de l’h o n n eu r, q u e, lorsque
je commandois l’arm ée française , dite d’O r ie n t, en E gypte r
M. le général D e s ta in g , qui étoit alors employé à cette arm ée,
et q u i, d ep u is, est mort en France , s’est marié en l’an 8 , avec
madem oiselle N a zo ( A n n e ) , fille de M. Joanny N a z o , com
mandant alors en Egypte le bataillon des G recs ; que j ’ai su posi
tivem ent que le mariage s’est célébré dans le pays ( au Caire )
avec toutes les formes usitées dans le rit grec ; que M. le général
D estaing étoit venu m ’en, faire part d’a va n ce ; que m ê m e , à
cette é p o q u e , comme dans toutes les autres de ma yie^ sou
tenant avec énergie la cause des mœurs publiques , je demandai
positivem en t, e t sur l’h o n n eu r, au général Destaing , si so a
mariage étoit entièrem ent légitim e , ou si c ’étoit , ce qu’on
a p p e l l e clans les mœurs corrompues de l’O rien t, un engagem ent
à temps ; que le général D estaing me rép o n d it, au nom de
Vhonneur, que c ’étoit le mariage le plus légitim e , et tel qu’il
l’auroît contracté en France ; que , d’après cette déclaration
solennelle, je m ’engageai à y assister, ainsi qu’au repas qui eut
lieu après le mariage. Je remplis ma promesse ; tout s’y passa
avec la plus grande régularité , et tel q u il devoit ê tre, sous les
rapports civils et religieux.
En foi de q u o i, j’ai délivré le présent certificat pour servir
et valoir c e que de raison. A T u rin , le 18 juillet 1806. L e général
M knou.
Par le commandant général, pour le second secrétaire général
du gouvernement, absent par congé et par o rd re , signé G éan t.
�( i3 )
\ .
A T u rin , le 18 juillet 1806.-
«
L e C o m m a n d a n t g é n é r a l des d é p a rte m e n s au d elà des
A l p e s , fa isa n t fo n c tio n s d e G o u v e r n e u r g é n é r a l, g ra n d
o ffic ie r d e la L é g i o n d ’h o n n e u r ,
A m adam e veu ve D
e
S T A I N G, n ée A u n e N azo.
J ’ ai re ç u , M adam e, la lettre que vous m ’avez fait l’honneur
de m’é c r ir e , pour me demander mon certificat sur la réalité de
votre mariage avec M. le général Destaing. Je m’empresse de
déclarer ce que je sais à cet égard : je rendrai toujours hommage
à la vérité.
J’ai l’honneur d’é tre , M adam e,
V o tre très-humble et très-obéissant
serviteur.
L e général M
enou.
Je v o u s prie d e m ’a c c u s e r ré c e p tio n .
Enregistré à P a r is , etc.
N°. V I . '
Ccrfiiicat du général Dupas, du
3o juillet
1806.
Moi soussigné , général de division , sous - gouverneur du
château impérial de Stu p in is, commandant de la Légion d’hon
neur , chevalier de l’ordre du L io n , certifie qu’étant c h e f de
brigade com m andant la citadelle du Caire en E g y p te , sous les
ordres du général D esta in g , j’ai eu parfaite et sûre connoissance
de son légitim e mariage avec madem oiselle Anne N azo, fille de
M. Joanny N a zo , com m andant un bataillon g re c ; j’atteste de
plus avoir eu des liaisons particulières avec beaucoup de per-
�C 14 )
sonnes très-distinguées dans l ’a rm é e , lant dans le civil que dans
le m ilitaire, qui m’ont déclaré avoir été présentes à ce m ariage,
qui s’est célébré publiquem ent, et avec toute l’authenticité qu’un
pareil cas exige. E n foi de quoi j’ai délivré le présent, pour servir
à ce que de droit. A P aris, le o juillet 1806. P. JL. D upas.
3
N°. V I L
Lettre du général Destaing à son épouse, du
i5 prairial an g.
Ç L ’adresse est de la m ain du général D estaing. J
5
Alexandrie, le i prairial an g.
Il y a long - temps , ma chère a m ie , que je n’ai pas de te i
nouvelles; je désire que tu te portes aussi bien que moi. Joanny,
qui est chez le général B éliard , devrait savoir quand il part des
détachemens pour Alexandrie , et en profiter pour m ’envoyer
des lettres. C ep en d an t, il ne l’a pas fait la dernière fois : il faut
le gronder de ma p a r t, pour qu’il soit plus exact à l’avenir. O n
m ’a dit que tu étois grosse ; je suis étonné que tu ne m ’en aies rien
é c rit; éclaircis mon doute à ce t égard. Sois assurée que je t’aime
to u jo u rs, qu’il m e tarde beaucoup de te revoir. En atten d an t,
je t’em brasse, ainsi que ta m ère e t ta sœ u r, sans oublier la
bonne vieille. L e général D estaing .
E n registrée, etc. A la citoyenne D estain g , à la citadelle du
Caire.
�'( i5 )
n °.
y n i'
Certificat de M. Sartelon,' e x - ordonna leur en
chef de l’armée d’Egypte, du i 5 mai 1807.
Au quartier général, à Paris, le i 5 mai 1807.
L e C ommissaire ordonnateur de la prem ière division militaire,
ex-ordonnateur en c h e f de l’armée d’E g y p te ,
C e rtifie , en ladite q u a lité , que quoiqu’il n existât à cette
armée aucun ordre du général en c h e f , rem plaçant le gouver
nem ent fra n ça is, depuis que les com m unications avec la France
avoient été interrom p ues, pour régler la form e avec laquelle
les actes de l’état civ il devoient y être r e ç u s , l’usage paroissoit
s’étre établi de lui-même pour les officiers ou individus attachés
à l’a rm é e , ne faisant point partie des corps , de faire des dé
clarations devant des commissaires des guerres, qui les recevoient
par p r o c è s - v e r b a u x , o u de la m a n iè re qui le u r paroissoit co n
venable , de leur m ariage, m êm e quelquefois de leur divorce ;
ce qui néanmoins n’a jamais été général, surtout pour des ma
riages contractés avec des fem m es du pays, qui se sont faits
souvent entre catholiques , dans les églises du lie u , et suivant
les form alités usitées entre les chrétiens de toutes les sectes,
dont le culte étoit public en E gypte ; ces procès verbaux étant
hors des limites de l’administration militaire , et purem ent fa
cultatifs de la part de ceu x qui les recevoient ou les requéroient,
aucun règlem ent n’en a fixé la form e, ni ordonné le dépôt; et
recherches faites dans les papiers de l’Ordonnateur en c h e f,
soussigné, qui en remplissoit les fonctions lors de l ’arrivée de
l’armée en F ra n c e , et dans ceu x du bureau central qui lui ont
été égalem ent adressés par le com m issaire des guerres P iq u e t,
qui étoit chargé de les conduire en France , il ne s’est trouvé
�( i6 )
aucuns procès verbaux relatifs à l’état c iv il, observant expres
sém ent qu’il ne s’en est point trouvé notamment du com m issaire
des gu erre s Agard , qui est mort clans la traversée.
E n foi de q u o i, et sur la demande de madame veuve D estaing,
j’ ai délivré le présent c e rtific a t, les mois et an que dessus.
S ig n é S a r te lo n .
N °. 499. V u par moi expert juré vérificateur des écritures
et signatures. Sig n é Saintom er.
Vu
par le c h e f de division. Sign é Beccoy.
P ar ordre du ministre de la guerre , le secrétaire général
certifie à tous qu’il appartiendra , que la signature Sartelon ,
a p p o s é e en qualité de commissaire ordonnateur de la prem ière
division m ilitaire, ex-ordonnateur en c h e f de l'arm ée d’E gypte,
au bas du certificat ci-co n tre et de l’autre p art, est celle du
com m issaire ordonnateur qu’elle indique. A P aris, le vingt-deux
m ai de l’an rail huit cent sept. S ig n é D e n n iîe .
N°. I X .
Traduction de Ici 1res arabes.
y l m a d a m e A n n e , f e m m e ID esla in g .
ArRÈs vous avoir témoigné le désir que j’ai de vous voir, je
vous donne avis qu’au moment m êm e où j’attendois de vos nou
velles , j’ai reçu votre lettre qui m ’a été fort agréable, en date
du 22 du couran t; j’en ai reçu beaucoup de plaisir et de con
solation dans ma b lessu re, et j’ai été tranquillisé à votre égard.
Si vous désirez savoir de mes nouvelles, je s u is , grâce à D ie u ,
en m eilleur état que par le passé : cependant la plaie n’est pas
encore ferm ée, m ais, s’il plaît à D ie u , dans peu elle ira b ie n ,
et j’irai vous trouver. J’ai envoyé M aury au C a ir e , pour qu’il
m’apporte ce dont j ’ai besoin ; m aintenant il est de retour chez
moi,
�7
( ï
)
moi. Soyez parfaitem ent tranquille à mon sujet. Saluez de m a
part monsieur Joanny, votre p è re , et recommandez-lui d’avoir
bien soin des ch evau x qui sont ch ez moi. Q u e D ieu vous garde,
et me procure le plaisir de vous voir bientôt en bonne santé.
Joseph qui a écrit cette lettre vous salue.
E c r it de Îordre du généra l D es ta in g , le 28 d o u l kadeh i2 i5 .
Autre lettre, N°. 2.
A madame A n n e , fem m e D estain g} très-chère et trèshonorée dame, que Dieu la conserve. Am en.
A près vous avoir offert m ille salutations, et vous avoir tém oi
gné le plus grand désir de vous v o ir, je vous donne avis que ,
grâce à D ie u , je m e trouve bien à présent, et beaucoup m ieux
que je n’étois précédem m ent : dans p eu , s’il plait à D ie u , je me
rendrai auprès de v o u s , et je vous verrai en bonne santé. L ’objet
pour lequel je vous écris est pour que vous soyez dans une par
faite tranquillité , et que vous 11’écoutiez pas les propos que
pourroient v ou s tenir à m o n sujet des m e n te u r s qu i v o u d ro ie n t
vous donner des alarmes. Soyez tranquille sur mon état ; dans
p e u , s’il plaît à D ie u , tout se term inera heureusement. Q u e
D ieu vous conserve : adieu.
E c r it de Vordre du g én éra l D esta in g , le
m inal an ).
5 d ou l h id jeh ( 28 ger
Autre lettre, N°. 3.
A la très-chère et très-honorée dam e, madame A n n e ,
¿femme D estaing, que Dieu la conserve.
A près vous avoir fait beaucoup de salu tatio n , et vous avoir
tém oigné le désir de vous v o ir, je vous donne avis q u e , grdce
à D ieu , je m e trouve très-bien à présent : la plaie cependant
n ’est point encore fe r m é e , mais elle approche beaucoup de la
guérison. D ans peu je pourrai savoir si je reste à Alexandrie
C
�( i8 )
pour quelques jo u rs, ou si je me rendrai auprès de vous : lorsque
je le s a u r a i , je vous écrirai pour vous en avertir. S i j’ai besoin
de q u e l q u e chose de chez m o i, après la d a te de la présente , je
vous ferai savoir ce dont j’aurai besoin. M o n o b je t, en vqus
é c r i v a n t , est que vous vous conform iez à ce que je vous m arque.
Présentez mes salutaticns à M . J o a n n y , votre p ère,, et. recom
mandez-lui mes chevaux, et tout ce qui m ’appartient. N o u s ne
cessons pas de nous inform er de vos n o u ve lle s, et nous avons,
appris q u e, grâce à D i e u , vous êtes en très-bonne santé, ce qui
nous a beaucoup satisfait, et nous a tranquillisé à votre sujet.
J o s e p h qui a écrit cette lettre vous présente ses salutations.
E cr it de l ’ordre du g én éra l D esta in g , à A le x a n d r ie , /e. 10 de
dou l h id jeh 1 1
( 4 floréal a n jj ).
15
P . S . J’espère que vous serez parfaitem ent tranquille à mon
su jet; je me porte on ne peut pas m ieux : dans p e u , s’il plait
à D ie u , je me rendrai près de vo u s, et je vous.verrai en bonne
santé. Q ue D ieu vous conserve : adieu.
Je soussigné, m em bre de l’institut et de la Légion d’honneur,,
professeur des langues arabe et persan e, et secrétaire interprète
du ministère des relations extérieures, certifie avoir traduit lestrois lettres ci-dessus et des autres p a rts, sur les originaux arabes
à moi représentés , et qui ont été de moi signés et paraphés nev a rietu r, et que foi doit être ajoutée auxdites traductions com m e
aux originaux ; lequel certificat j’ai délivré à madame veuve
D estaing, pour servir et valoir ce que de raison.
A Paris , ce i cr. septembre 1806. Signé S ilvestuf .
de
S acy .
N ous ju g e , pour l’em pêchem ent du président de la première
section du tribunal de prem ière instance du département-de la
Seine , certifions que la signature étant au bas.de l’acte ci-contre
est celle de M. Silvestre de S a c y , interprète du m inistère des.
extérieures ; en foi de quoi nous avons fait apposer le
r e l a t i o n s
sceau. A P a ris , ce 1» décem bre 1807. Signé G ilb e r t d e Vauvjïii..
Enregistré à P a ris, etc..
�( T9)
N°: X .
Lettre dû lieutenant général Soult,. du 22 ftir>
maire an 10.
«
R É PU B LIQ U E
L
ib e r t é .
' ° ’
\ ‘ ■
>*
FRANÇAISE.
'
•
É g-a l i t é ,
>
Au .quartiçrt g^aétfl, de .Tarf^te,, le, a a,
la république française, une çt ijidiyijible,
an; io,de
r
L e Lieutenant général Soult, commandant les troupes
françaises dans le royaume de Naples,
A u citoyen G ian e, chef de bataillon dans la légion
grecque, à bord du bâtiment le S t.-J e a n , en rade
de Tarente.
D ’après les justes réclam ations que vous m ’avez présentées,
c ito y e n , j’ai donné des ordres pour que le com ité de santé de
cette ville procédât de suite à une nouvelle visite du bâtim ent
sur lequel vous êtes, afin que si aucun signe de maladie ne s’y
est manifesté depuis votrè départ de C o tro n e, la liberté de dé
barquer vous soit donnée.
Mais si le com ité juge qu’ il est nécessaire que votre bâtim ent
reste encore pendant quelques jours en contum acé, alors ma
dame D esta in g , vo u s, et les principaux officiers ou adminis
trateurs qui sont à bord du St.-Jean, auront la faculté de mettre
à terre de suite, et de term iner leur, quarantaine.d an s.u n loç&l
jt’ai ordonné qn’on, fit préparer, à c e t,e ffc tP|;■
.
Je regrette beaucoup; de ne pqwy,oip, ff^ejilpS) 30US ce rapport
�( 20 )
v
pour vous o b liger; je vous eusse déjà abrégé les tourmens de
votre pénible et longue quarantaine, si dans ce pays la direction
du com ité sanitaire nous eût concerné.
V e u i l l e z , j e vous p r ie , renouveler à madame D estaing les
offres que mon épouse et moi lu i faisons de tous les secours
qui pourroient lui être nécessaires : elle nous obligera infiniment
d’en disposer.
Je vous fais la m ême offre pour c e qui vous concerne , et
vous prie m êm e d 'y faire participer les citoyens P iqu et, Royanne
et C l o s e t, auxquels je vous serai obligé de com m uniquer ma
le ttr e , qui répond à celle qu’ils m’ont écrite.
J’ai l’honneur de vous saluer. Sign é S oult .
Enregistré à P a ris, etc.
r
A R IO M , de l’imprimerie de T hib a u d - L a n d r io t , imprimeur
de la Cour d’appel. — Mai 1808.
�
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A name given to the resource
Factums Marie
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Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
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A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Nazo, Anne. 1808]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Subject
The topic of the resource
contestations de légitimité de mariages étrangers
expédition d'Egypte
opinion publique
xénophobie
conseils de famille
Delzons
Description
An account of the resource
Pièces justificatives pour Madame Nazo, veuve du général Destaing, tutrice de sa fille mineure ; contre les héritiers Destaing.
Annotations manuscrites.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Thibaud-Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1808
Circa An 9-1808
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
20 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0604
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0410
BCU_Factums_M0536
BCU_Factums_M0535
BCU_Factums_M0537
BCU_Factums_M0606
BCU_Factums_M0603
BCU_Factums_M0605
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/5/53864/BCU_Factums_M0604.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Aurillac (15014)
Mauriac (15120)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
conseils de famille
contestations de légitimité de mariages étrangers
Delzons
expédition d'Egypte
opinion publique
xénophobie
-
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MÉMOIRE
EN
RÉPONSE,
t
POUR
Sieurs J e a n - B a p t i s t e D ’E S T A IN G , ancien
commandant d’armes à Cham béry , J a c q u e s T h é o d o r e , P ie r r e - G a b r i e l , C a t h e r in e e t
D ’E S T A IN G , frères
et sœurs,
t
intimés et appelans ;
E l iz a beth
c
A
n n e -,
o
n
t
r
s o i- d is a n t N A Z O
e
s o i - d is a n t Grecque
d'origine, se disan t veuve du général d ’E s t a i n g ,
, safille,
appelante d'un jugement rendu au tribunal de
M auriac, le 1 3 août 1807, et intimée.
se disant pareillement tutrice de M
Q U E S T IO N
a r ie
D ’É T A T .
C e t t e cause est de la plus haute im portance, et
doit exciter vivem ent la curiosité p u b l iq u e .
U ne Égyptienne, musulmane de religion, échappée à.
A
/
�(2 )
la servitude d’an harem , a goûté quelques instans les
chax*mes de la liberté à la compagnie d’un général fran
çais, commandant une division de l’armée d’Orient.
Ce g én éral, après la capitulation d’A lex a n d rie, a
repassé en France. U n événement tragique l’a enlevé
à la gloire, à sa fam ille, à ses amis.
L ’ A fricaine réfugiée a cru trouver les circonstances
favorables pour s’introduire dans la famille du général,
prendre le titre honorable de sa veu ve, et donner son
nom à une fille dontelle estaccouchée pendant sa traversée
d’Egypte.
E lle a abusé momentanément de la foiblesse d’un
vieillard respectable e't crédule, q u i, dans sa douleur,
trouvoil quelque consolation à accueillir ceux qui avoient
eu des relations avec son fils chéri.
Cet acte de bienfaisance lui a été reproché : on veut
en induire une reconnoissance de l’état de la prétendue
G recque, qui réclame'2toute la succession du général, et
bientôt sa portion de celle du p è re , décédé pendant
l’instance.
Heureusement pour les frères d’Estaing il est des règles
certaines pour constater l’état des personnes; règles.dont
il n’est pas permis de s’écarter, dont l’infraction entraîncroit les suites les plus funestes, en introduisant dans
les familles des êtres obscurs et dépravés.
F A I T
J a c q u e s -Z a c lia rie
S.
d’Estaing, général de division , eut
l’honneur d’être Domine de 1 expédition d E gyp te, sous
�( 3 )
les ordres du héros invincible qui règne aujourd’hui
si glorieusement sur les Français.
A p rès quelque séjour, le général d’Estaing fut nommé
commandant de là place du (jaire ; il s’y lit distinguer
par sa bravoure et ses manières généreuses. Les Grecs
qui habitoient le Caire voulu ren t, suivant l’ usageT'ofiVfr
une somme d’argent au com mandant. JLl la retu sa avec
noblesse.
L e nommé J o a n ny N a z o , q ui va figurer dons cette
cause, étoit marchand détaillant d’eau-de-vie au Caire,
profession peu honorée en Egypte. Les musulmans ont
en général un certain mépris pour ceux qui vendent
des liqueurs enivi’antes; ils s’en abstiennent avec moins de
rigueur qu’autrefois, mais ils n’en estiment pas davan
tage ceux qui en font le trafic.
Les Cophtes et les Grecs qui se trou voient au Caire,
étoient tous dans le partT des français. JLe commandant
fut chargé d’organiser des bataillons_parmi eux. Jo a n n y
JSazo étoit un de ;eux qui m ontroient le p lus de chaleur et de zèle; il obtint le commandement d’un de ces
bataillons.
"
Les Grecs reconnoissans envers le général qui refusoit
leurs présens et leurs offres, s’inform ent, avec l’adresse
qui les distingue, de ce qui pourroit faire plaisir à leur
commandant; ils en parlent aux aides de cam p, aux
jeunes militaires qui approchent le général : on devine
aisément la réponse de cette jeunesse galante et passionnée.
L e présent le plus agréable au général français, seroit
une femme blanche. O n ne voit autour des camps que
des négresses dégoûtantes. Cette ouverture est saisie avec
A 2
�(4 )
empressement : N a z o envoie au général , A n n e , qui
n’étoit pas sa fille. N a z o avoit épousé la veuve d’un
m usulman; A nne étoit provenue de ce premier mariage,
et a voit été élevée dans la religion de son père; elle en
est elle-m êm e convenue, et l ’a. ainsi déclaré en p résence
de plusieurs personnes.
G o m m e n t pourroit-elle le désavouer? S i, comme elle
le d it, elle étoit G recque d’origine et de relig io n , elle
parleroit le grec vulgaire ; c’est la langue de tous les
grecs : elle ne connoît que Parabe, langue féconde et har
monieuse, que parlent en général les T urcs qui habitent
cette contrée de l’A friq u e, et dout les prêtres grecs n’en
tendent pas vin mot.
~;;U n arrangement de ce genre, scandaleux parmi nous,
n’a rien de choquant en Orient : ce n’est plus cette an
cienne Egypte * jadis un pays d’admiration , si fameux
par ses monumens qui ont résisté pendant tant de siècles
à l’action destructive des élém ens, et que la barbarie
fait disparoître tous les jours.
Ces indigènes, célèbres -par l’aiitiq uitéde leur origine',
la sagesse de leurs règlem ens, l’étendue de leurs connoissances , n’existent plus : ils sont remplacés par un
assemblage de peuples d ivers; les C op lites,les M aures,
les A rab es, les G recs, et les Turcs qui en sont les sou
verains.
‘
• r,:' '
Ce mélange de tant de nations, la diversité des cultes,
des usages, a fait que la barbarie et l’ignorance ont suc
cédé aux sciences et aux arts; la dépravation des mœurs
en a été la suite; et si on en croit nos voyageurs mo
dernes, les vices les plus honteux y règuçnt avec impunité.
�(5 )
u in n e , soi-disant N a z o , fut donc livrée au général
, d ’Estaing, qui la traita avec cette urbanité qui distingue
les Français.
Il fait part lui-mêm e à son père d’un événem ent qu’il
regarde comme une bonne fortune. Dans une lettre qui
se ressent de la liberté des camps , et qui est datée du
C aire, le z 5 pluviôse an 9 , il ne craint pas d’avouer à
son père « qu’il essaye de faire un garçon k une jeune
« G recq u e, q u i, d’après un arrangement orien ta l, fa it
« les honneurs de chez l u i , depuis près d'un m ois. »
C ertes, si le général d’Estaing avoit eu des vues h o
norables sur A n n e , il n’auroit pas voulu l’avilir aux
y eu x de son p è re; il n’en auroit pas parlé avec autant de
légèreté , surtout dans une lettre où il fait mention du
mariage de son paren t, le général D elzo n s, et du fils
que ce général avoit eu d’une union légitime.
Une remarque essentielle à faire sur cette lettre, est
que l’arrangement oriental dont il parle, n’a commencé
que depuis près d’un mois : ce n’étoit donc que dans les
commencemens de pluviôse an 9 , ou tout au plus à la
fin de nivôse de la même année, qxi’A.nne étoit venue'
habiter chez le général d’Estaing.
O r , depuis plus de deux ans, le général en chef avoit
établi dans chaque chef-lieu de province de l’E gyp te, un
bureau d’enregistrem ent, où tous les titres de propriété,
et les actes Susceptibles d’etre produits en justice, devoient
recevoir date authentique. Cet établissement date du 30
fructidor an 6 , ainsi qu’il est établi par un o r d r e du gé
néral en c h e f, qui sera mis sous les yeux de la cour.
. Ge chef illustre > dout la sage prévoyance embrassoit
�.
, ( 6 .}
tous les cas, avoit aussi établi des officiers publics pour
recevoir les actes civils, de naissance, mariage et décès:
les commissaires des guerres étoient chargés de ce soin
important. Ce n’étoit point encore assez; il falloit donner
aux actes civils la plus, grande authenticité.
Par un ordre publié le 21 vendémiaire an 7 , « l’arméé
a fut prévenue que tous les actes civils qui seroient passés
« par les commissaires des gu erres, ceux qui seroient
a passés sous seing privé entre les citoyens, et ceux qui
« pourroient l’être entre les Français et les nationaux,
a par-devant les notaires du pays, étoient nuls en F rance
« comme en E g y p te, s’ils n’étoient enregistrés confor« mément à l’ordre du général en ch ef, en date du 30
cc fructidor an 6. »
Tous les Français alors en Egypte se sont conformés
à l’ordre du chef. Lorsque le général D elzon s, parent
du général d’E stain g, a contracté mariage avec dem oi
selle A n n e V a j'sy , née à A lexan d rie, il a été dressé un
acte civil.
Cet acte que rapportent les frères d’Estaing, est du 16
brum aire an 8 : il est reçu par Joseph A g a r d , com
missaire des g u e rres, faisant fonctions d’olïicier c i v i l ,
avec mention « que Vacte ne sera valable qu’autant
« qu’il aura été enregistré conform ém ent a u x ordres du
« général en c h e f : » et cette form alité d é l’enregistrement
a été rem plie à R o zette, le 22 brum aire, six jotrrs après
la célébration.
Les frères d’Estaing sont encore porteurs de l’acte civil
du mariage de Georges-Auguste L o n tin , capitaine; natif
de B ite t, département de la M o selle, avec Catherine-
�(7 )
Sophie V a r s y , fille d’un négociant de R ozette : l ’acte
également reçu par Joseph A g a r d , le 29 vendémiaire
an 8 , et enregistré le lendemain.
L e général Delzons , marié avec toutes les formes
prescrites, est devenu père d’ un fils; l’acte de naissance
de l’enfant a été x*eçu par le sieur P in e t, commissaire
des guerres, chargé du service de la place du Caire : cet
acte est du 10 pluviôse an 9.
En un m o t, tous ceux qui se sont mariés en E gypte
ont pris la même précaution; et ils y étoient tenus d’après
les ordres du g é n é ra l, à peine de nullité.
Ces obsérvations préliminaires trouveront leur place
dans la suite. L e général d’Estaing ne cohabita pas long
temps avec A n n e. Les Anglais débarquent à A b o u t ir :
le général d’Estaing reçoit ordre de se rendre à A lexandrie
en ventôse an 9. A n n e reste au C a ire , et n’a point revu
depuis celui qu’elle appelle son époux.
*
A insi Varrangement oriental n’a pas eu deux mois
de durée;
A près la capitulation d’A lex a n d rie, le général d’Es
taing, suivi d’un grand nombre d’officiers, repasse en
France. Par un des articles de la capitulation les Anglais
s’obligèrent dé faciliter ce passage.
Quelques Egyptiens obtiennent la même faveur. Joanny
Nazo~, A n n e , sont du nom bre des réfugiés. D ’après le
récit dA n n e , « elle fut embarquée à A b o u k ir, sur un
K petit navire grec; elle étoit avancée dans sa grossesse;
« elle est saisie des douleurs de l’enfantement dans le
« navire: le patron prend terre, et jette l’ancre sur la.
k côte de Céplialonie,
x î Tv''k
�(8 )
« A im e accouche dans le navire; M a r ie , sa fille, fat
« baptisée par un prêtre que sa famille envoya chercher
« dans une chapelle située sur les bords de la mer. »
IL faut l’en croire sur parole, car il n’existe aucune
trace de tout ce récit : quoique l’enfant ait été baptisé par
un prêtre, qu’il ait eu pour parrain un militaire français,
il n’existe aucun acte de naissance; A n n e est obligée
d’en convenir.
' Cependant « le consul français l’honora de sa visite. »
E h quoi ! le consul ^français fait visite à une femme
qui se dit l ’épouse d’un g é n é ra l,'q u i n’est pas remisé
des’ douleurs de l’enfantement! et ce consul ne se fait
pas représenter l’enfant ! il ne dresse p oint d’acte de
naissance, tandis que son devoir l’y obligeoit! Il est sans
contredit difficile de faire croire à une pareille omission :
le prêtre au Vnoins auroit dû constater par écrit le bap
tême de reniant*
Enfin voilà A n n e remise de ses douleurs, et débarquée
à T a ra n te , dans le royaume de Naples. L à , comme par
tout, se trouve un A u vergn at, de la ville m êm ed’A u rillac,
dppôlé L a ta p ie , qui ,^Omme cu rieu x, voit ces nouveaux
débarqués. Latapie écrit de Tarente à sa m ère, qu’une
Grecque et sa famille viennent de débarquer, d’après
la capitulation, et que cette Grecque se disoit épouse du
général d’Estaing ; qu’elle se proposoit même de partir
pour aller rejoindre son mari.
Cette lettre se répand dans la ville d’A u rillac; le sieur
d’Estaing père en est in form é, et en écrit bien vite à
son fils.*Celui-ci rép on d, le 13 ventôse an 10 : « Quant
« à mon m ariage, vous ne devez pas plutôt croire la
« lettre
�( 9 )
lettre de Latapie que la mienne ; il rfy a aucun lien
légal; je ne l’aurois pas contracté sans vous en prê
venir : mais il y a d’autres liens qui pourroient peutêtre bien amener celui-là. A u reste f ai é c rit à cette
famille de se rendre à M arseille, et d’y attendre do
mes nouvelles. »
U ne lettre aussi positive sur la nature des liaisons du
général d’Estaing avec A n n e , ne lui donne certainement
pas ime possession d’état. Il semble assez naturel qu’ une
femme ne puisse prétendre au titre honorable d’épouse, sans
l’aveu ou la reconnoissancedecelüi qu’elle dit être son mari.
L e général d’E staing, arrivé à Pai*is, y a trouvé là
m ort, le i 5 floréal an 10. O n a dit assez mal à propos
qu’il avoit l’intention d’y fixer son séjour: la lettre du 13
ventôse an 10, dont on vient de donner l ’ex tra it, prouve
«
«
te
«
«
«
au contraire qu’il vouloit continuer de suivre la carrière
militaire, que toujours en activité do service, il attéil-
doit du gouvernem ent une destination ultérieure.
.Le sort en a décidé autrement ; il a v écu. M . D elzons,
législateur, oncle d u général d’Estaing. étoit à Paris lors
de cette catastrophe; il tait prendre routes les précautions
que la loi commande; les scellés sont apposés sur tous
les meubles et effets du défunt.
M . Delzons savoitqu’^ ; ? e devoit se rendre h Mnrspillff,
ville assignée aux Egyptiens réfugiés, mais qu’elle s’étoit
arrêtée à L yon pour raison de santé, et y avoit pris un
logem ent commode et coûteux.
M . Delzons écrit au sieur B onrdin . marchand cliapelier, originaire d’A u rilla c , et avec lequel il étoit en
relation. M . Delzons charge Bourdin d’annoncer à A n n e
�( IO )
JajnQrt_dtvg£péval d’Estaing, et de lui procurer un loge
m e n tplus économ ique que celui qu’elle occupoit. Boui'din
excéda ses instructions ; il crut qu’il valoit m ieux encore
faire partir cette femme pour A u rillac; et sans consulter
la famille du général, sans même lui en donner avis, em
barque pour A u rilla c, A n n e , sa fille, et une nourrice.
M . d’Estaing père n’a aucune coniioissance de cette
dém arche; il n’en est inform é que par Bourdin lui-m êm e,
qui fait, dans le même temps, un voyage dans sa patrie,
üt~précède de deux jours la prétendue Grecque.
M . d’Estaing manifeste la plus grande répugnance à
recevoir dans sa maison une femme qu’il ne connoissoit
que sous des rapports peu avantageux, d’après la cor
respondance de son fils. L a charité ou la compassion
l’obligeoient peut-être de donner des soins à une étrangère
infortunée; mais la décence ne lui permettoit pas de
recevoir une concubine dans sa maison.
O n chercha, par les ordres du sieur d’Estaing, un ap
partement en v ille , pour donner un asile à A n n e. L a
résistance du p è r e , pour recevoir cette femme dans sa
m aison, est connue de toute la ville.
M ais une foule d’oilicieux , d’oisifs ou d’indiiïerens
pensent qu’une réception plus honorable ne peut avoir
aucune conséquence : c’est une étrangère, une infortunée
élevée dans des principes différons des nôtres, qu’on ne
peut ranger dans la classe de ces femmes sans pudeur,
qui bravent les principes.ou les préjugés ; et soit curiosité,
pitiç ou faiblesse, le sieur d’Estaing, dans ce moment
de d o u l e u r , atterré p a rla nouvelle fatale de la mort de
son fils,-accable sous le poids des ans, se laisse,subjuguer;
il admet, cette fcimnc dans sa maison.
�Son arrivée à A u rillac date du I er. prairial an 10 ,
quinze jours après la mort du général.
Il y a dès-lors impossibilité que le sieur d’Estaing ait
prévenu, comme on l’a d it, par une lettre officieuse, celle
qu’on veut lui donner pour belle-fille ; il fut en mêmetemps inform é, et de la m ort de son fils, et de l’arrivée
de l ’étrangère.
L e sieur d’Estaing père se proposoit d’avoir des ex
plications sur le genre d’engagement que pouvoit avoir
contracté son fils avec l’inconnue qui lui étoit présentée.
A p rès une quinzaine accordée à A n n e , pour la reposer
des fatigues de son v o y a g e , il lui fait part de la lettre
du g é n é ra l, son fils , et lui communique ses doutes :
A rm e soutient qu’elle est l’épouse légitim e du général;
qu’elle a été mariée au Caire , au com m encem ent de
Tait 8 ; que sa famille, qui est à Marseille, a tous les
actes qui établissent son mariage et la naissance de sa
fille.
L e sieur d’Estaing père est séduit ; il se rassure sur
la promesse d'A n n e , de faire venir tous ces actes : elle
fait écrire pour les obtenir; elle ne pouvoit en imposer
sur la lettre, car elle avoit besoin cPun secours étranger,
dès qu’elle ne savoit ni lire , ni ecrire cn"llililiWi;^
Dans l’in tervalle, M . Delzons arrive de Paris ; il est
inform é de ces détails. Il connoissoit!l’état des affaires
du gén éral; il observe à son beau-frère qu’il est Tinrent
de faire procéder à la rémotion des scellés, à l’inventaire
et à la vente du m obilier : mais comment faire? L ’état
de la prétendue veuve est incertain : elle se dit Agée
de dix-sept ans seulement; elle n’a aucun titre pour deB 2
�( * o
mander cette rémotion ; elle ne peut être tutrice de sa
fille, dès qu’elle est mineui’e : le sieur d’Estaing père ne
c o u r t aucun risque à accepter la tutelle de M a r ie , qu’on
lui présente comme sa petite-fille.
Ce vieillai’d respectable, entraîné par les événemens
et les circonstances, attendant toujours les actes servant
à constater l’état de l’étrangère, croit pouvoir sans danger
prendre un parti qui accélère la liquidation de la suc
cession de son fils. Ses autres en fans ne sont pas de cet
avis ; ils représentent à leur père l’inconséquence de cette
dém arche : ils ne sont pas écoutés on les é v ite , on les
fu it; ils ne sont plus instruits de ce qui se passe.
• L e 5 messidor an 10, le sieur d’Estaing père se pré
sente devant le juge de paix d’ Aurillac ; on lui fait ex
poser « que Jacques-Zacliarie d’Estaing, son fils, général
« de division,, est décédé à Paris le i 5 floréal an 10,.
« laissant une fille u n iq u e , alors âgée de cinq m o is,
a nommée M a rie, p ro ven u ed e son mariage avec A n n e
« JS a zo, Grecque d'origine ; que la loi défère à lui ,
« a ïe u l, la tutelle de sa petite-fille, attendu surtout la
« m inorité d'A n n e JSazo , sa mère ; et désirant cire’
« confirmé en cette qualité pour pouvoir agir légalement,
« il a amené plusieurs des plus proches parens du défunt,
« pour délibérer tant sur la confirmation de la tutelle,
a que sur la fixation de la pension de la p u p ille , sur
« les Iiabits de deuil , et pension viduelle de la dame
« veuve d’Estaing ; comme aussi pour donner leur avis
« sur l’allocation des frais de voyage de la m ineure, d e
« la m è re , depuis L yo n jusqu’à A u rilla c , ainsi que des
« frais dûs pour salaires à une nourrice provisoire, depuis
�( 13 )
« Tarente 7 ville du royaume de Naples, y compris urr
c mois de séjour à L y o n , jusqu’en là ville d’A urillac ;
« lesquels frais il a avancés, et se montent à la somme
« de 604 fr. ; et enfin , pour être autorisé à régler tous
« comptes et mémoires de fournitures, et autres objets
cc qui pourroient être à la charge de la succession , et ce,
<x tant par lui-mêm e que par ses fondés de pouvoirs. »
U présente ensuite pour composer le conseil de fam ille,
des parens éloignés, si on en excepte les sieurs Delzons
père et fils. Chose remarquable ! le sieur d’Estaing père
avoit avec lui ses six autres enfans,-frères du d éfu n t,
dont quatre majeurs ; il étoit tout n atu rel, et la loi le
commandoit im périeusem ent, de con voqu er.à cette as
semblée les frères du défunt : ils étoient essentiellement
membres du conseil de fam ille; on les écarte avec le plus
grand soin.
Ces parens, comme on peut le penser, sont d’avis de
confirmer le sieur d’E stain g, aïeul de la m ineure, daus
la qualité de son tuteur, à la charge par lui de faire bon
et fidèle inventaire de tous les effets dépendans de la suc
cession du défunt général d’E staing, faire procéder à la
vente du m obilier, et de faire l’em ploi utile du prix en
provenant, conformément à la lo i, après avoir prélevé
tous frais, dettes et charges de la succession.
2°. Ces parens estiment que la pension de la m ineure,
jusqu’à ce qu’elle aura atteint l’âge de dix ans, tant pour
sa nourriture que pour son entretien et éducation, doit
être fixée à la somme de 600 fr. annuellem ent, que le
tuteur retiendra par ses mains, sur la recette des revenus..
30. Ils portent les habits de deuil de la dame veuve
�( J4 )
d’Estaing, y compris ceux qui lui ont été fournis à L y o n ,
et qui ne sont point encore acquittés, à une somme de
io o o francs : le tuteur est autorisé à fournir ces habits,
en retirant quittance des marchands et fournisseurs.
4 0. Quant à la pension viduelle de la v e u v e , et de la
négresse qu’elle a à son service, comme le sieur d’Estaing,
tu te u r, leur fournit en n atu re, nourritu re, logem en t,
feu et blanchissage, les parens fixent cette pension à la
somme de io o o francs pour l’année de viduité, à compter
du i er. p ra iria l an 10, époque de son arrivée ci A u rilla c.
Ils allouent au tuteur la somme de 604 francs, avancée
par lui pour frais de voyage de la v e u v e , et salaire de
la nouri’ice depuis Tarente jusqu’à Aurillac.
5°. Ils autorisent le tuteur à traiter, tant par lui-mêm e
que par ses mandataires, avec tous marchands, fournis
seurs, aubergistes, et autres personnes qui pourroient
avoir fait des fournitures tant en marchandises que den
rées, régler leurs mémoires, en payer le m ontant, soit
que ces fournitures aient été faites à P aris, à M arseille,
au défunt g én éral, ou à sa veuve à L y o n , pendant le
séjour qu’elle y a fait.
Ce procès verb al, si indiscrètement l'édigé, fait avec
tant de précipitation, est le grand titre de l’Egyplienne.
Il en résulte, suivant elle, une l’econnoissance formelle
de sa qualité de veuve d"E sta in g , une possession publique
de son état. L e sieur d’Estaing p è r e , étranger à la suc
cession de son fils, puisque le général est m ort sous l’em
pire de la loi du 17 nivôse an 2, a pu livrer cette suc
cession
une inconnue; il a eu le droit d’en priver ses
fils, frères du défunt, et seuls habiles à lui succéder. T o u t
�( i5 )
ce qu’a fait le père est irrévocable; les frères d’Estaing
sont obligés de le respecter. Peu im porte que le général
ait désavoué son m ariage, qu’il ait attesté qu’il n'y açoit
aucun lien légal entre lui et la prétendue G recque; le
,père a plus de pouvoir que le mari ; il peut se passer
de contrat, d’acte civ il, de preuves, et conférer à A n n e
la qualité de veuve de son fils.
V o ilà l’étrange l’aisonnement dûA n n e et de ses conseils.
M ais il ne faut pas anticiper sur la discussion : on doit
cependant féliciter A n n e du grand parti qu’elle a déjà
tiré de ce procès verbal.
Gomme Egyptienne réfugiée, elle a voit obtenu du gou
vernement une pension de 520 francs. Cette faveur lui
étoit commune avec tous les Egyptiens qui avoient passé
en France après la capitulation d’A lexan d rie; seulement
la pension à?Aizjic étoit la moindre de celles que le gou
vernement avoit accordées.
Mais A n n e , munie de cette délibération de fam ille,
qui la traite comme veuve d’un général français, trouve
les moyens de parvenir jusqu’au chef de l’étal ; e t , en
cette qualité de veu ve, elle obtient de notre magnanime
Em pereur que sa pension sera portée à la somme de
2000 francs.
Dans le principe elle n’avoit fait solliciter la démarche
du sieur d’Estaing père que pour parvenir à ce but ;
maintenant elle veut encore profiter de la bienfaisance
du souverain, pour en induire une reconnoissance solen
nelle de son état par l’Em pereur lui-m eine; ce qui doit
imposer silence à des collatéraux importuns.
11 faut convenir qu’il n’y a pas de Grecque plus ruséo
�( 16 )
tiî plus adroite. O n examinera bientôt ce que peut avoir
de commun un brevet de pension, avec les prétentions
d 'A n n e contre les frères d’E stain g, et si ce brevet est
(encore une possession d’état.
D e u x jours après l’acte de tu telle, et le 7 messidor,
le sieur d’Estaing père donne une procuration au sieur
D elzo n s, résidant à P aris, pour faire procéder à la ré
motion des scellés apposés sur les meubles et effets de
son fils.
Il a été procédé à la rémotion des scellés, et à l’in-^
ventaire du m obilier, le 24 messidor et jours suivans. 11
est dit dans le procès verbal que c’est à la requête de
Pierre d’Estaing , au nom et comme tuteur de M arie
d’Estaing , sa petite - fille , enfant mineur de JacquesZacharie d’Estaing, général de division, et d’A nn e N azo,
sa v e u v e , Grecque d’origine.
O n y observe que la mineure d’Estaing est habile à se
dire et porter seule héritière de Jacques-Zacliarie d’Es
ta in g , son père.
O n remarque que le général d’Estaing ayant été marié
au C aire, en E g y p te , il n’a point été fait entre lui et sa
veuve d’acte qui réglât les conditions civiles de leur
mariage ; qu’en conséquence leurs droits doivent être
régis suivant la coutume du lieu du domicile du général
d’Estaing; que ce domicile étoit à A u rillac, pays soumis
à la coutume d’A u v e rg n e , qui n’admet pas de commu
nauté entre mari et femme sans stipulation contractuelle.
L e sieur D elzon s, fondé de p o u vo ir, devoit au moins
savoir qu’Aunllac est en droit ecnt.
Parm i les papiers du défunt on ne trouve aucun acte,
aucunes
�, ( h )
aucunes pièces relatives à son prétendu m ariage; i l 'n y
a pas le plus léger renseignement, si ce n’est' deux lettres
récentes, écrites de Tarente au défunt, et dont on ne
donne pas même la date : Yune e s t , dit-on , écrite par
le père de la darne d 'E sta in g , q u i apprend au défunt
Y accouchem ent de son épouse, et Y autre d'un sieur Latapie, q u i annonce ait général d'E staing Varrivée de sa
Jem m c ¿1 Tarente.
■
■
Bientôt après on a fait procéder à la vente judiciaire
du m obilier; on a acquitté, dit-on, les dettes de la suc
cession ; mais les frères et sœurs du général ont ignoré
ces démarches,' et n’ont été appelés à aucune opération1.’
- En attendant, et pendant que tout ceci se passoit à
P a ris, A n n e ne recevoit rien de Marseille ; point d’acte
pour établir l’état qu’elle réclamoit.
Ce retard fait naître des soupçons; sa conduite dans la
famille les augmente : on avoit a|Dpris qu’elle n’étoit pas
même fille de Joanny N azo; elle n’avoit pas reçu l ’acte
de naissance de M a r ie , qu’elle disoit sa fille. Si elle n’a
voit pas fait constater sa naissance par les officiers du
n a v ire, le con sul, ou le p rê tre, il étoit naturel de le faire
au moins à T aren te, où, comme dans tous les pays occupés
par nos armées , il y avoit des officiers civils pour cons
tater l’état des Français.
L a famille du général m urm ure: A n n e s’en aperçoit,
et prend le parti de se retirer; elle écrit à Jo a n n y N a zo
de venir la prendre. Celui-ci qui avoit gardé le silence
svir la demande d’A n n e , relative aux actes qui dévoient
constater son é ta t, se rend bien vite à l’invitation ; il
C
�( i8 )
arrive à A u rillac, et emmène à M arseille celle qui se
disoit sa fille.
A n n e dissimula en partant ; ce n’étoit qu’un voyage
de peu de durée , elle devoit bientôt revenir : elle part
pour Marseille. A peine arrivée à cette destination, elle
cherche à acquérir des preuves de son prétendu mariage.
, E lle im agin e, le 5 fructidor an n , de se présenter
devant le juge de paix du second arrondissement de
M arseille, intrà muros: E lle lui expose « qu’il lui im« porte de foire connoître son origin e, qu’elle ne peut
« le faire par pièces probantes, attendu que dans sa patrie
t«ril n’est point tenu de registre constatant l’état civil des
« citoyens ellç .requjert le juge paix de recevoir les déa clarations qui vont être faites par des compatriotes
« qu’elle a invités à se ren d re, relatives à son o rigin e,
q ret q u i pourront suppléer au défaut des titres qu’il lui
et est impassible de produire, »
0.A l’instent se présentent N ico la s Pappas O n glou, se
disapt chef de brigade, commandant les chasseurs d’Orient,.
âgé do 45 ans, né k Scheraet, en A sie ; G a briel S a n d ro u x,
aussi chef de brigade du même corp s, âgé de 36 an s,
i>é au G rand-Caire ; A b d a lla M a n ou r, chef de bataillon,
âgé. de 34 ans, né au Grand-Caire ; Joseph Tutungi
réfugié égyptien, né h A le p , âgé de 5o ans; A lla Odab a c h i, né à A le p , réfugié d’E gyp te; Joseph D ir fa m ,
#é à Con&tantiuople > réfugié d’Egypte ; et Constanti
K ir ia k a , pé à Schemet* en Asie.,
Il c¡st djt que toute cette;w m pagm e a g it nycc la pré
sence. et sous. VautQi'isatÂQu d,e Jaquís d?A c o m ia s , irtfgr,-»
U
�( *9 )
prête juré des langues orientales. Ils déclarant * par l’or
gane de l’in terprète, « qu’ils ont résidé habituellement
ce en E gypte avant la révolution ; qu’ils y ont parfaîte« ment connu J ea n JSàzo et Sophie M is c h e , son épouse,
« père et mère d'A n n e - qu’ils sont bien mémoratifs de la
« naissance d ’ A n n e ISaZo à l’époque de l’année 1780, et
« que la dame fut unie en mariage avec le général d’Es* taing. w
Josep h Tutcmgi\ C o n sta n tiK iria k o et J o s e p h D u ja in *
déclarent de plus. « qu’étant passés en France avec A n n e ,
« veuve d’Estaing , ayant relâché à Céphalonie dans le
« mois de nivôse an 10 , ladite dame y accoucha d’unê
« fille, qui fut tenue sut les fonts baptismaux par ld sietff
« N assif, officier de chasseurs, et par-la dame M arie
« M ische, son aïeule, a
*
A n n e se faisoit ainsi rédotmoîtx'e par ces réfugiés sans
avertir personne, et ne donna plug d<? scs nouvelles que
pour réclamer M a r ie , sa fille y qu’elle avoit laissée à
A u rilla c; encore eut-elle recours au min'istrd dé la justice
pour faire cette demande. E lle a fait im prim er qu’elle avoit
eu besoin d’obtenir des ordrefs supérieurs pou r avoir son
enfant; elle en impose sur ce point comme sur beaucoup
d’autres. Sur sa réclam ation, le m inistre'écrivit pour
avoir des renseigneimens ; et le sieur d’Èstaing père!, fort
étonné d’apprendre qu’on se fût adressé au m inière, répond
sur le champ qu’il est prêt ù remet trie un dnfant qu’on lui
«voit laissé, et qu’il n’avoit gardé que par humanité.
Les frères dt soeurs du général d’Ëstairig, à qui 011 ¿voit
soigneusement caché tout ce qui s’étoit passé , prirent
de le u r côté des informations ; l’un d'eux, commandant
G 2
�( 20 )
d’armes à Cham béry, avoit vu le gén éral, son frère, lors
de son passage, et celui-ci ne lui avoit rien dit sur son
prétendu m ariage; il étoit plus à portée qu’ un autre de
savoir ce qui s’étoit passé au Caire. 11 est convaincu que
son frère est mort célibataire ; il se concerte avec les,
autres pour la conservation de leurs droits.,
. Tous^se déterminent à faire faire entre les mains de
leur p è re , par acte du 20 thermidor an n ( une saisiearrêt , avec défenses de se dessaisir ni rien livrer de tout
ce qui est provenu de la succession du généi’al.
L e 7 ventôse an 1 2 , cédule devant le juge de paix , au
sieur d’Estaing p ère, pour se concilier sur la demande
tendante à ce qu’il soit tenu de leur rendre et remettre
la totalité de la succession de leur frère , sauf au sieur
d’Estaing père à se retenir la portion revenante à Pascal
d’E stain g, leur frère, encore mineur.
< L e 11 ventôse même m ois, procès verbal du bureau de
paix-: le sieur d’Estaing père y déclare « qu’il existe un
« enfant naturel de feu d’Estaing, provenu de. ses liaisons
« avec Catherine P on talier, originaire de Paris; que cet
« enfant, légalement reconnu par son père, étoit en ce m o« ment entre les mains de P ierre M a rcero n , jardinier
« de la ville de Fongeau , et son père nourricier..
« L e sieur d’Estaing père observe que la loi donne des
« droits à cet enfant sur les biens de son père ; que, d’un
« autre côté, il s’est présenté à l’ouverture de la succession
« du général, une femme grecque, qui se disoit sa veuve,
« et mère d’une petite fille provenue de ce prétendu
« mariage.
« L e sieur d’Estaing ajoute qu’il, voulut bien accepter la
�( 21 ]
«tutelle de cet en fan t, attendu que sa reconnoissance ne1
« pouvoit pas nuire aux parties intéressées; qu’il lui donna,
« sur la succession, des secours qui lui étoient nécessaires,
« ainsi qu’à la mère ; mais que celle-ci prétend aujour« d’hui s’emparer de tous les biens du feu général d’Es« ta in g , soit comme se disant créancièi'e, soit comme
« com m une, soit comme tutrice de sa fille; qu’au reste,
« il est prêt et offre de remettre ce qui est en ses mains
« de cette succession, en le faisant ordon n er, soit avec le
« tuteur qui sera nommé à l’enfant n a tu re l, soit avec
« A n n e , se portant aujourd’hui tutrice de sa fille. »
L e lendem ain, 12 ventôse an 1 2 , les frères d’Estaing
(m ajeurs) présentèrent l’equête au tribunal d’A u rilla c,
pour demander permission de faire assigner leur père , à
b ref délai, attendu qu’il s’agissoit de partage, pour voir
dire et ordonner qu’il y sera procédé , et qu’il leur sera
.délaissé à chacun un sixième de la succession, suivant
l’inventaire qui sera représenté ; faute de ce faire, pour
être condamné à payer à chacun des frères d’Estaing, la
somme de i2000fr. à laquelle ils évaluent et restreignent
leur amendement.
M êm e jour , assignation aux fins de cette'requête ; et
le 18 ventôse, intervient au tribunal d’A u rillac un juge
ment contradictoire qui ordonne q u 1A/m e N azo , Em ile
d’Estaing, enfant naturel du d é fu n t, Jean-Baptiste et
A n to in e Pascal’ d’Estaing, ou leurs tuteurs, ou subrogés
tuteurs, seront mis en cause.
Pendant que tout ceci se passoit à A u rilla c, Anne n e1
perdoit pas son temps : elle s’étoit imaginée que le tri—
.bunal de la Seine devoit seul connoîtrc de toutes les con—
�( 2 2
)
(estations qui pouvaient s’élever entre elle et le sieur
d’Estaing père.
,
Q uoique résidente à M arseille, elle fait citer le sieur
d’Estaing père à Paris, par cédule et requête des 2 et 21
ventôse an 12 : elle ne savoit pas trop encore ce qu’elle
devoit dem ander; mais par Une requête du i 5 messidor
an 1 2 , elle règle définitivement ses conclusions.
E lle apprend, par cette requête, que le tribunal de la
Seine s’est déclaré compétent par jugement du 4 du même
mois de messidorî elle expose « q u ’après la m ort du gé~
« néral d’E stain g, décédé à Paris le iô floréal an 10, le
« sieur d’Estaing père a profité de l’absence de la dame
«-d’E stain g, qui venoit de l’Egypte et de l’Italie pour
« l'ejoindre son m a ri, pour se ¿faire nom m er tuteur de
« Tenfant m ineur du général,, et se mettre en possession
« de tous les biens. »
.;
•.
E lle dit « que le sieur d’Estaing père n’est plus chargé
« de la tutelle ;: qu’il ne doit plus retenir l’administration
«des b ien s, dont m oitié lui appartient'à elle comme
« commune.
« Q u’elle est dénuée de tout ; qu’elle n’a d’autre resî«• soui'ce qu’une pension sur l’é ta t, de 5 2 0 fr. ^qui a été
« portée ù 2000 fr. , mais dont elle ne doit pas toucher
« le prem ier terme de quelque temps,
« E lle a vendu ses effets, contracté des dettes; elle doit
« plusieurs termes de son loyer : l’article 384 du Code
« N ap o léo n , lui attribue la jouissance des biens de son
« enfant.
• « Il s’est trouvé,dans l’actif du défunt général,.trois ins«* criptions du tiers-consolide sut l’état y faisant'ensemble
�C 23 )
« 2000 fr. de rente : elle les a fait saisir à la trésorerie ;
« elle ne voit aucun inconvénient à en toucher les arrê
te rages. Mais ce n’est pas suffisant; elle demande cependant
« h être autorisée à les p ercevo ir, à faire faire toutes mu
et tâtions à son profit, et qu’il lui soit fait en outre une
« provision de io o o o fr. »
A u p rin cip a l, elle conclut à ce que M . d’Etaing père
soit tenu de lui rendre compte de sa gestion , lui com
m uniquer l’inventaire fait après le décès de son fils, ainsi
que toutes pièces justificatives, sauf ses débta9, et qu’il
soit condamné à lui payer le reliquat du compte.
U n jugement par défaut du tribunal de la Seine, en
date du 18 messidor an 1 2 , lui adjuge ses conclusions
provisoires et principales ; seulement la provision est
restreinte aux arrérages des rentes du tiers-consolidé.
M . Uestaing père, averti de toutes ces poursuites, trouve
extraordinaire que la prétendue veuve l’ait fait assigner
à P aris, lorsqu’évidemment la succession de son fils étoit
ouverte à A u rilla c .il n’a voit en effet d’autre domicile qite
celui de son origine.
M . d’Estaing décline la ju rid iction , et se pourvoit
devant la cour de cassation, en règlem ent de jtig£&
Un arrêt du 11 vendémiaire an 13 , décide que la 9utí-*
cession du général est ouverte à Aurillocij et sans s’arrêter
aux jugemens du tribunal de la Seine, des 4 et *8 mes
sidor an 12 , qui sont déclarés mils et comme non
avenus , ainsi que' tout de qui a précédé et suivi f f&n-*
voie la couse et les parties à procéder devant le tribunal
¿ ’arrondissement d’A u rïïla c , pou# leu r être fait droit Sur
leurs ctemande* rcspectivca.
; ¿
a
t çilO la:
�( 24 )
A n n e , à son to u r, suspecte le tribunal d’A u rilla c;
M . d’Estaing père en étoit le président: elle présente
requête en la co u r, pour être renvoyée devant tout autre
tribunal.
M . d’Estaing se prête à ce caprice; il s’en rapporte
à cet égard à la cour de cassation. A rrê t du 2.6 thermidor
a n ' 1 3, qui renvoie la cause et les parties devant le
tribunal séant à Mauriac.
11 n’y avoit d’autres parties en instance au tribunal
de la Seine, qu'A n n e , soi-disant N a z o , et le sieur d’Es
taing père : la demande en partage, formée par les frères
d’Estaing, étoit pendante à A urillac. Ce tribunal, investi
de la cause, avoit déjà ordonné que tous les prétendans
droits à la succession du général d’Estaing seroient assignés
devant lui. Ce jugement avoit été signifié.
A n n e ne tient aucun compte de cette procédure : le
10 février 1806, elle prend une cédule du juge de paix
de M a u ria c, contre le sieur d’Estaing p è re, exclusive
ment *, elle reprend contre lui les mêmes conclusions
qu’elle avoit déjà prises par sa requête présentée au
tribunal de la Seine ; seulement elle,, ne se prétend plus
commune avec le gén éral, et n’agit qu’en qualité de
tutrice.
L e 4 mars 1806, procès verbal du bureau de paix.
L e sieur d’Estaing père , par son fondé de p o u v o ir ,
déclare « qu’A n n e le fait citer sans fondement et sans
«c raison ; qu’il n’a aucun droit à exercer sur la succes« sion de son fils; que la demanderesse auroit dû plutôt
« se pourvoir contre les véritables héritiers de son fils,
« qui seuls ont qualité pour accéder ou critiquer ses
« prétentions j
�( 20 )
« prétentions; qu’il n’est ici qu’ un régisseur, et ne peut
« se concilier sur la demande en reddition de compte
« qu’avec tous les ayaus droit. »
M . d’Estaing indique ensuite les héritier« du général;
et d’abord c’est Em ile d’Estaing, son fils naturel, et encore
m in eu r, puis les frères et sœurs du général; il expose
q u ’A n n e n’ignore pas la saisie-arrêt qu’il a dans les m ains,
à la requête de ses enfans, ce qui est un m otif de plus
pour qu’elle s’adresse à e u x , afin de faire valoir ses
prétendus droits.
Mais le sieur d’Estaing père ajoute que la demanderesse
ne peut se prévaloir de ce qu’il l’a reçue dans sa maison,
de ce qu’il a accepté la tutelle de M arie, et a fait procé
der, en cette qualité, à l’inventaire et à la vente des effets.
Ce ne fut qu’à titre d’hospitalité et de bienfaisance qu’il
lui donna un asile; il y fut induit a par fraude, çuppQ« sîtion de personne, et par des insinuations per/Ides. »
A n n e seule l’excita à toutes ces démarches, q u 'il
rétracte et désavoue fo rm elle m en t, ne v o u la p t'p a s
qu’ une étrangère s’introduise dans sa famille.
Il déclare qu’il ne la reconnoît point pour f ille de
Jo a n n y N a z o , ni sous la qualité d’épouse de son fils;
qu’il ne reconnoît point sa fille, sous le nom de M a riey
comme provenue de son prétendu mariage avec le général
d’Estaing; qu’il exige auparavant qu’elle établisse par
actes authentiques, son origine, son prétendu piariage,
et l’état de M a rie , sa fille: jusque-là il la soutient non
recevable dans toutes ses demandes.
A n n e pour le coup est effrayée de la réponse éner
gique du sieur d’Estaing p è re; elle roçoonpît la néces-
D
�C rf)
. •
sité de rapporter des actes'authentiques qui établissent
son origine et son m ariage: elle n’en avoit d’aucune
espèce ; qu’ irnngine-t-elle pou r y suppléer ?
L e 29 mars 1806, elle se présente devant le juge de
paix du dixième arrondissement de Paris ; elle lui expose
que « pendant le cours de Tan 8 , elle a été unie en
« légitim e mariage avec Jacques - Zacharie d’Estaing,
« général divisionnaire , décédé à Paris en l’an 10 ; que
« son mariage a été célébré religieusem ent, et d’après
« les rites du pays, devant le patriarche d’A lex a n d rie,
« habitant au G rand-Caire ,- mais que n’étant point en
« usage en E gypte de tenir des registres des actes de
« l’état civ il, elle se trouve dans l’impossibilité de repré« senter au besoin l’acte de célébration de son mariage;
« et que désirant y suppléer par un acte de notoriété,
« signé de différentes personnes qui ont été témoins de
« son m ariage, elle requéroit le juge de paix de recevoir
•f
« la déclaration des personnes qu’elle présenloit. »
Ces personnes sont au nombre de sept. Un sieur
I.arrey de B ea u d ea u , ex-chirurgien en chef-de l’armée
d’Egypte; dom R ap haël de M o n a ch is, membre de l’ins
titut d’E gypte; un sieur A ntoine-Léger Sartelon, ex-or
donnateur en chef de l’armée d’Egypte; un sieur H ector
JJaure, ex-inspecteur général aux revues de la même
armée.; un sieur L u c D uranteau, général de brigade;
un sieur Jean-Joseph M arcel, directeur de l’imprimerie
im périale; un sieur M artin-R och-X avier Estave, ex-di
recteur général des- revenus publics de l’Egypte. •
' Tous ces témoins réu n is, et par une déclaration eol* lë ctiv e , attestent, « pour notoriété publique, connoître
�(
*7
)
« parfaitement A n n e N a z o , veuve du général d’Estaing,
« fille de Joanny Nazo, négociant au G rand-Caire, clief
« de bataillon des chasseurs.
« Ils certifient q u e , pendant le cours de fa n 8 , la
« dame Nazo a été unie religieusem ent, et d’après les
« rites du pays, en légitim e mariage avec Jacques-Zac? cliarie d’Estaing, par le patriarche d’A lexa n d rie, ha« bitant du Grand-Caire ; que l’acte de célébration n’en
« a pas été ré d ig é , n’étant point d’usage en E gypte de
« tenir un registre de l'état civil ; mais que le mariage
« n’en est pas moins constant, ayant été célébré en pré« sence d’ un grand nombre de militaires français, et de
« la plupart des déclarans ; que depuis la célébration
« de son mariage avec le général d’.Esiaùig, et pendant
« son séjour en Egypte, la dame N a z o , veuve d'Estaing,
* Ji’a pas cessé d'habiter avec son m a r i, q u i Va tou« jo u r s traitée com m e son épouse légitime. »
A n n e , munie de cet acte, qu’elle appelle un acte de
notoriété, présente requête au tribunal d elà Seine, pour
demander Vhomologation de ce certificat : jugement du i5
avril 1806, qui l’homologue sans difficulté.
O n ne conçoit pas trop cette manière de procéder. Il
est difficile de penser que le juge de paix eût qualité
pour recevoir de semblables déclarations, et que le tri
bunal de la Seine fût compétent pour hom ologuer une
enquête à fu tu r, faite sans ordonnance de justice, sans
jugement préalab le, et hors la présence des parties in
téressées.
Il est surtout.curieux d’entendre ces t é m o i n s officieux
dire que le mariage a été célébré en l’an
sans déD a
�( 28 )
signer aucune époque p récise, lorsque la lettre du gé
néral, du 2.5 pluviôse an 9 , annonce une liaison récente,
et qui ne remontoit pas à un m ois; de les vo ir déclarer
que le mariage a été célébré parle patriarche d’A lexandrie,
qui n’est ministre de la religion d’aucun des deux prétendus
époux ; de les entendre enfin attester opüAnne n’a cessé
d’habiter avec son mari pendant tout son séjour en Egypte,
lorsqu’il est constant que la cohabitation n’a pas eu deux
mois de durée, que le général est parti du Caire pour
se rendre à A lexan drie, lors du débarquement des Anglais
à À b o u k ir.
A n n e , se confiant dans cet acte de complaisance ou
de légèreté, fait assigner M . d’Estaing père au tribunal
de M a u ria c, par exploit du 30 mai 18 0 7 . M . d’Estaing
père fournit ses défenses, qui ne sont qu’une répétition
de ce qu’il avoit déjà dit devant le bureau de paix; mais
il demande acte au tribunal de la réitération qu’il fait
devant lui de ses protestations contre tous aveu x, toutes
dém arches; que ce n’est que par erreur et par fraude
qu’ il a accepté la tutelle de M arie; et qu’il rétracte tous
actes dont A n n e pourroit inférer une reconnoissance de
son état ; il conclut enfin à ce qu'‘A n n e , comme étran
gère, soit tenue,,aux termes du Code, de donner caution
judicatum suivi.
L a cause portée à l'audience au provisoire, intervint
un jugement contradictoire, le 12 août 1806, par lequel
le tribunal de M a u ria c, sans préjudice de tous moyens
respectifs des parties, et sans entendre rien préjuger y
ordon n e, avant Faire d ro it, que les parties feront dili
gences pour mettre en cause les prétendons droit à la
�( *9 )
succession du général d’E stain g, en se conformant à l'a;
loi ; et néanm oins, condamne le sieur d’Estaing père à
payer à A n n e Nazo la pension de 600 francs, fixée à sa
fille mineure par le procès verbal du 5 messidor an 10,
depuis que la mineure est sortie de la maison du sieur
d’Estaing p è re , et à la continuer à l’avenir jusqu’au ju
gement définitif : les dépens sont réservés, sauf le coût du
jugem ent, auquel le sieur d’Estaing père est condamné.
O n ne doit rien négliger dans une cause de cette im
portance ; les plus petits détails peuvent être précieux :
il faut donc rendre un compte sommaire des motifs qui
ont déterm iné ce jugement, auquel les héritiers d’Estaing
se sont rendus tiers opposans, et qui est également soumis
à l’examen de la cour.
Suivant les premiers juges, l’article 16 du Code Na
poléon n’assujétit que les éti’angers à donner caution du
judicatum solvi. ^inne se disant ëpouse d’un général
français , i l est incertain si elle sera regardée comme
étrangère', ou si elle se trouvera dans l’exception de
l’article 12 du même C o d e; rien n’est encore jugé sur
la validité ou l’existence de son mariage
on ne peut
donc lui appliquer une peine qu’elle n?a pas encourue.
Ce n’est pas trop sagement l’aisonner; car s’il faut at
tendre la fin d’un procès pour exiger une cau tion , la
disposition du Code ne seroit pas fort utile : il est bien
tard pour demander une caution, lorsque tous les frais
sont faits; et il semble que dès q u'A n n e ne rapportoit
aucuns titres pour constater son é ta t, elle d e v o i t être*
assujétie
cette formalité..
Les premiers juges ajoutent qui!A n n e ? 601^ comme;
�C 3° )
com m une, soit comme tutrice, réclame la totalité de la
succession du général ; dès-lors les poursuites que les
frères d’Estaing ont pu faire contre leur père , lui sont
étrangères, et ne peuvent m ériter aucune litispendance
q u i la concerne.
Cela n’est pas trop clair : « niais comme elle réclame
« toute la succession contre le sieur d’Estaing p è re , qui
« s’en est reconnu dépositaire; que la cour de cassation a
« renvoyé cette demande au tribunal, entre la dame N a zo
« et le sieur d’Estaing père seulement-, quoique la cour
« de cassation ait eu sous les yeux la procédure tenue à
« A u rillac, entre les frères d’Estaing et leur père, puis
« qu’elle est visée dans son arrêt, et qu’il n’est pas permis
« au tribunal d’interpréter le silence de la cour de cassa« tion. »
Q ui croiroit qu’avec ce m otif les premiers juges auroient ordonné la mise en cause devant eux des prétendans droit à cette succession? Ils s’ingénient à prouver
qu’ils n’en ont pas le droit ; et c’est la première chose
qu’ils ordonnent.
Enfin le sieur d’Estaing père a provoqué la tutelle ;
il s’est soumis à payer une pension de 600 fr. à M arie:
la rétractation qu’il oppose contre cette obligation , ne
peut empêcher l’exécution provisoire ; la saisie-arrêt ne
peut avoir d’eiTet sur une pension alimentaire , sauf le
recours du sieur d’Estaing père, ainsi qu’il appartiendra.
T els sont les motifs de ce prem ier jugem ent; ils pouvoient être plus conséquens, et ce n’est pas sans raison
que les premiers juges hésitoient sur la mise en cause
des frères d’Estaing; ils u’etoieut, dans l’espèce parti-
�( 3l ) ^
cu lière, que des juges d’exception ; ils n’avoient récit
d’attribution qu’entre A n n e et le sieur d’Estaing pèrer
Ils ne pouvoient pas dépouiller le tribunal d’Aurillac ,
juge naturel des frères d’E stain g, d’une demande pen
dante devant lui.
Mais pourquoi se jeter dans des arguties de procédure, .
pour une cause de cette importance ; les frères d’Estaing
prennent le p a rti, sur la signification qui leur est faite
du jugement d’A urillac , d’intervenir en l’instance , et de
form er tierce opposition au jugement précédent : leu rrequête d’intervention est du 24 janvier 1807. Ils deman
dent qu'A n n e soit déclarée non recevable dans toutes
ses demandes, et concluent, contre leur p è r e , tant en son
nom , qu’en qualité de tuteur de deux de ses enfans, au
délaissement et au partage de la succession du général
d’Eslaing, leur frère , ainsi qu’ils l’avoient demandé k
Aurillac..
En cet état, la cause portée à l’audience du tribunal
d’A u rilla c, le 13 août 18 0 7,il y a été rendu un jugement
contradictoire, dont suivent les motifs et le dispositif.
« Attendu que la dame Nazo a mis en fait qu’elle avoit
« été mariée avec le général d’E stain g, au C aire, en!
« E g y p te , par le patriarche d’A lex a n d rie, en présence
« des principaux oiïiciers de l’armée française en Egypte,,
« en l’an 8, sans désigner le mois n i le jo u r de cette année ;
« que toutes les formalités exigées dans ce lieu pour le
« mariage avoient été observées •, et que d’après ces usages,,
il ne se faisoit jamais d’acte écrit du mariage ;
« Attendu qu’elle rapporte même des certificats quii
« attestent le mariage et l’ usage du pays;
�.-
( 32 >
« Attendu que les tiers opposons ont produit au con« traire des certificats et des actes de mariage d’autres
« officiers français, célébrés dans le même temps devant
« des commissaires de l’armée ;
« Attendu que la dame Nazo prétend prouver , par
« lesdits certificats, qu’elle a vécu avec le général d’Estaing
« au Caire et à A lexan d rie, et y étoit reconnue comme
« son épouse ;
c< Attendu que la dame Nazo prétend que la reconnoissance de son mariage, et même la reconnoissance de la
'« légitimité de sa fille, de la part du général d’Estaing,
« résultent de la lettre qu’il a écrite à la dame Nazo le
'« i 5 prairial an 9 , date qui correspond assez à la naissance
c< de cette fille à Céphalonie ; dans laquelle lettre le gé« néral d’Estaing lui fait de tendres reproches de ce qu’elle
« ne l’a pas averti de sa grossese, qu’il avoit apprise d’ail« leurs, et de ce qu’un particulier, qu’il dénom m e, n’a« voit pas procuré à la dame Nazo des occasions de lui
« écrire ; laquelle lettre , très-affectueuse, est écrite en
« entier de la main du général d’E staing, de l’aveu de
« toutes les parties, est adressée, aussi de sa main , h la
v citoyenne d’E s ta in g , à.la citadelle du C aire, et datée
« d’Alexandrie ;
' v« Attendu que par la lettre du général d’Estaing à
« son père , du 13 ventôse an 1 0 , il commence par se
« plaindre de ce que son père ajoutoit plus de foi à une
a lettre d’un sieur L a tap ie, qui lui avoit mandé que le
« général d’Estaing étoit marié en E g y p te , qu'à lu i çt même ; il continue par dire à son père qu’il rfy a
a aucun lien légal entre la dame Nazo et lui ; qu’il ne
« l’eût
�( 33 )
« l’eût pas contracté sans le prévenir -, et il finit cepen« dant.par dire que ce lien pourroit bien amener celui-là ;
« qu’au surplus, il a écrit à cette famille de se rendre à
« M arseille, et d’y attendre de ses nouvelles';
« Attendu qu’après le décès du général d’ E stain g,
« arrivé le i 5 floréal an 1 0 , le sieur d’ E sta in g ’père a
« reçu chez lui la mère et la fille, et les a traitées comme
« veuve et fille du g é n éra l, et présentées dans'toute la
« ville'en ,cette qualité pendant'huit mois ;
-r
« Attendu que le sieurtd’Estaing père a requis, dans
« un procès verbal tenu devant le juge de paix d’A u « r illa c , et composé de ce qu’il a de plus «clairé et de
« plus recommandable dans sa fam ille, le 5 messidor an
_« 10, .et»a obtenu la qualité de tuteur-deM arie d’Estaing,
« sa ¡petite-fille,1 p ravçn u e, y est-il dît , *du mariage du
« général d’Estaing avecila dame Na»o;¡dans lequel procès
« verbal il ;a fait fixer >les frais par Hui -avancés pour leur
« yoyage de L yo n à A u rillac , les ha’biis <îe deuil de la
* idame ,N a zo , et une pensiari>pbur elle ét sa fille ;
« Attendu qu’en)vertu'de ce¡procès veri5aî,!,'le sieur
« d ’Estaing père a fait procéder à la rém otiôn des scellés
« apposés à Paris sur les effets du géûéral’d’ Estaing, son
* fils ., À laquelle le père de la dame Nazo', *et le sieur
D elzo n s, législateur^ ^ont assisté, et’le^ieur d’Estaing
« a r£ait ensuite procéder à '^inventaire dé 'Süri' m obilier
k par le sieur D e lzo n sfils, son iondé^de p o u v o ir, ler24
* messidor an æo ;
r
1 '■
« A ttendu que (lorsque la >dame Nazo , après un
« séjour de h u it mois chez le 'sieur id’Estaing p ère, l’a
•k quitté ce 4 ejcnier a gardé M arie d’Eataing, sa fille0,
E
�f 34 )
« et.ne ¡Ta remise à sa mère*qu’en vertu d’ordres supé« rieurs;
.
* .
t « Attendu que de tous ces faits non désavoués, la dame
« Nazo en a conclu que son état d’épouse du général
cc d’Estaing, et l’état de M arie d’Estaing, leur fille, avoient
« été reconnus solennellement par le sieur d’Estaing père,
« et qu’il ne luifétoit plus permis de varier; '
« ; Attendu que le sieur d’Estaing père n’a rétracté cette
« reconnoissance form elle que par sa réponse au bureau
*: rde paix du pauton de M auriac; ' ■
,ct Attendu ce qui résulte du procès verbal de tutelle,
« et des au très ¡pièces produites par la dame N azo;
« Attendu que lorsqu’il n’a pas été tenü de registres,
« l’arlicle 7 du titre: 2.0 ide l’ordonnance .de 1667 , dont
« a été ¡pris l’article 46 du C ode, perm et ddiprouver par
■
a\ témoins la célébration du m ariage, et.la'naissance des
«r enfansjqui en sorit'.provemis^iet que,’ dans l’espèce,
cette preuve^téstimoniale est. d’autant plusiadmissible,
« que; le. procèsaYerbal;jdejlai.tutelle :déférée au sieur
« d’Estaing pève peut être considéré comme un cominen.« cernent de preuve par écrit de la possession d’état'de la
« dame N azojet fie.sa^ fille; .
« L e trib u n a l,.sa n s préjudice, etc., et sans rien pré«. ju g e r, ordonne, ayant fairejd ro it,'q u e la dame Nazo
.« ferafpreuve;parrdevant le président du tribunal, dans
« les six mois à' com pten de .la^signification du présent
k jugement à personne ou dom icile, etceitant par'titres
,« que par témoins, 1°. qu’il n’étoit pas .d’usage au Caire,
« e n l’an 8 , soit, .pour; les' militaires îfrdnçais , ou [tous
« autres, de tenir des registres d e l’é ta t ici viL, ni de rédiger
�c 3 0 }
« par écrit les actes de m ariage; qu’il n’étoit pas non
« plus d’usage à Céphalonie de rédiger par écrit des actes
t< de naissance; 2°. que la dame Nazo a été mariée en
« l’an 8 , au Caire, avec le défunt général d’Estaing, par
« le patriarche d’A lexan d rie, avec les cérémonies usitées
« dans Ce lieu ; 30. qu’elle a depuis cohabité avec le sieur
« général d’Estaing, jusqu’au retour de celui-ci en France,
« et que dans tout ce temps 'elle a été publiquement
« reconnue, pour être l’épouse du général d’Estaing ;
« 40. qu’elle est accouchée à Céphalonie , d’une fille
« provenue de ce mariage , dans le mois de nivôse an i o ,
« laquelle iille a été nommée M arie d’Estaing ; sauf au
« sieur d’Estaing p ère, et aux tiers opposans , la preuve
« contraire pour les enquêtes, etc. : dépens réservés. »
L a dame A n n e a fait signifier les qualités de ce juge
ment , sans aucune protestation ni réserve , le 22 août
18 0 7 .
L e 5 décembre suivant , A n n e interjette appel’ de ce
jugement interlocutoire : ellela renouvelé cet appel par
autre acte du 23 janvier 1808; e t, pour la prem ière fois,
dans cet acte elle se rappelle de la date de son prétendu
m ariage, qui a été célébré au Caire le jour des rois de
1800; fête qui arrive douze jours plus ¡tard que parmi
nous, parce qu’on suit en Egypte le calendrier grec; ce
qui répon d, suivant elle, au 17 janvier 1800, ou 27 ni
vôse an 8. Elle se plaint de ce qu’on Passujétit ù une
p reuve; elle n’en avoit pas besoin. :•
Les frères d’E stain g, à leur to u r , jtant en leur nom
personnel que. comme héritiers de leur père , décédé
pendant l ’instance , se rendent m cidcm i»^11 appçlans du
E 2
�( S<5 )
même jugem ent, notamment en ce que ce jugement a
fait une fausse application de l’article 14 du titre 20 de
l’ordonnance de 1667 , de l’article 46 du C ode, et qu’il
est contraire aux dispositions des articles 1 7 0 , 1 7 1 , 194
et 195 du même Code»
Depuis ces appels respectifs, A n n e a fait publier en la
cour une consultation en form e de m ém oire, à la suite
de laquelle elle a produit des pièces nouvelles. Il s’agit
de répondre aux objections qu’elle propose, de relever
les contradictions dans lesquelles elle est tom bée, et d’ap
précier le m érite des actes de notoriété ou des certificats
dont elle justifie.
r U ne étrangère, une infortunée, vient réclamer l’état
d’épouse et de m ère , noms chers et sacrés, d*où naissent
les plu^doux charmes de la vie : quel intérêt ne doit-elle
pas inspirer ! La complaisance ou la pitié ont déjà dicté
des certificats, qui tous annoncent le sentiment qui les.
a produits.
'
'
1
^
Point de précision sur les faits, contradiction sur les
dotes, exagération dans les circonstances, erreur sur led
uages ou les mœurs du pays*
Com m ent p o u rro it-o n accorder quelque confiance à
des actes extrajudiciaires, sollicités, m endies, obtenus,
contre tous les principes et touies les formes ?
‘L a faveur disparoît, l’illusioiï cesse, le prestige s’éva
nouit ; il ne reste plus que la crainte, une sorte de terreur,
d’admettre, au détriment d’une fam ille, une usurpatrice,
une c o n c u b i n e , qui mettant peu de prix à ses charmes „
a Cédé facilement aux appas de la v o lu p té s
r
A n n e pourroit-elle se faire un titre d’un procès verbal
�( 37 )
de tutelle qu’elle a arraché de la foiblesse ou de Terreur
d’un vieilla rd , dans les premiers momens de douleur de
la perte de son fils; qu’elle n’a obtenu que par un men
songe , et parce qu’elle faisoit entendre que Joanny Nazo
avoit dans les mains tous les actes qui constatoient son
état d’épouse légitim e ?
E lle est obligée de convenir aujourd’hui qu’il n’existe
aucun acte qui établisse son m ariage; elle se renferme
dans une assertion m ensongère, et soutient qu’il n’est pas
d’usage, parmi les G recs, de tenir des registres, ou de
dresser des contrats de mariage.
E lle en impose évidemment et sciemment. Q u’on ouvre
l’histoire de tous les peuples policés, des T u rc s , par
exem ple, qui régnent dans le pays qui l’a vu naître.
O n sait que les Turcs admettent la pluralité des femmes,
et n’ont souvent que des esclaves : cependant il se con
tracte des mariages parmi eux ; et celles qu’ils ont légi, timement épousées jouissent de tous les droits d’épouses;
il leur est- dû un douaire et une pension.
T o u rn e fo rt, si bien instruit des usages de ce peu ple,
d i t , lettre 1 4 , que « les T urcs ne considèrent le mariage
«
«t
a
ée
*
«
«
ce
a
que comme un contrat civ il; cependant qu’ils le regardent comme un engagement indispensable, ordonné
par le créateur à tous les hom m es, pour la m ultipli
cation de leur espèce. Quand on veut épouser une filler
on s’adresse aux pareils pour obtenir leur consentem ent; et lorsque la recherche est agréée , il en est dressé
un contrat en présence du ca d i et de deux témoins,
Zj(i ca d i délivre- a use parties la, copte de teur con trat
do mariage» L a fem m e n’apporte point de d o t, mais
�C 38 )
« seulement un trousseau, etc. » Il parle ensuite de la
pompe et des cérémonies qui accompagnent cet acte
solennel, et qui sont plus ou moins fastueuses, suivant
la qualité des parties.
On peut encore consulter l’histoire moderne de l’abbé
de M arcy, tom. 6, édition in -12 , page 112 et suivantes.
L e môme auteur parle du mariage des G recs, dont le
patriarche reçoit les conventions, dont il est à la fois
le ministre et le juge. « L es G recs, dit-il même tom e,
« page 297, regardent le mariage comme un sacrement;
« mais ils ne croient pas que ses nœuds soient indissolu.« bles. Un mari mécontent de sa femme obtient, sur une
« simple requête , une sentence de séparation, que .le
« patriarche lui fait payer dix écus : alors les deux parties
« peuvent form er un autre engagement, sans que per« sonne s’en formalise. »
T o u rn e fo rt, lettre 3 , dit encore la même chose.
L ’auteur le plus moderne qui ait écrit sur les mœurs
des E gy p tien s, et dont l’ouvrage a pour titre : Conquête
des Français en E gyp te, pag. 12 8 , art. 6 , en parlant
de d iv o rce, répudiation, atteste que lorsque le mari
veut se séparer, il le déclare devant le ju g e, et rend la
dot portée par le contrat de mariage. Il y a donc des
contrats ?
« Les mariages ont cela de particulier, dit l’abbé de
« M a rc y , qu’on choisit de part et d’autre un parrain et
« une marraine, et quelquefois trois ou quatre. L e papas
« reçoit à la porte de l’église les m ariés, et commeuce
« par s’assurer de leur consentement. Ensuite, les conc< duisant à l’a u tel, il leur met sur la tçte une couronne
�«
«
«
«
«
«
«
a
«
«
«
«
«
«
«
( 39 )
de feuilles de v ig n e , garnie de rubans et de dentelles;
il passe, un anneau d’or dans le doigt du garçon, et
un anneau d’argent dans celui d elà fille; puis il change
plus de trente fois ces anneaux, mettant au doigt de
l’épouse l’anneau du mari* et au doigt du mari l’anneau
de l’épouse.
« Les parrains et les marraines s’approchent ensuite,
et font le même changement d’anneaux. Celte cérémonie finie, les parrains ôtent aux mariés leur couron n e............L e papas coupe ensuite des mouillettes
de p ain , et les mêle dans une écuelle avec du vin ;
il en mange u n e, en présente une autre à la m ariée,
puis au m ari, et enfin à tous les assistans. Les parens
et les amis envoient ce jour-là aux mariés de grandes
provisions; on se réjouit ainsi à frais communs, pendant
deux mois. »
L e même auteur dit que la dot de la future est portée
avec ostentation chez l’époux, et précède le cortège de
l’épouse ; que cette dot est stipulée et constatée par un
acte dressé devant notaires.
Il est encore d’usage constant, pour donner au ma
riage la plus grande p u b licité,, de promener les époux
pendant trois jo u rs, sous un dais.
L e prétendu m ariage-à?Anne a-t-il eu ce genre de pu
blicité? Elle n’a jamais osé le dire. T o u t est invraisem
blable dans son récit.
Elle fait entendre qu’elle a été mariée par le patriarche
d’A lexan d rie, demeurant au Caire. Cela e s t impossible;.
L ’auteur déjà cité sur les mœurs et les usages des
É gyptiens, apprend qu’il y a en E gypte des ministres.
�( 4° )
de toutes les sectes chrétiennes. L e ministre désigné par
n’est pas celui des G re c s, il est le prêtre des
Uophtes. « C e u x -c i, dit cet auteur, sont chrétiens, de la
« secte des Jacobites ou E utychéetis. Leurs opinions
« religieuses les rendent irréconciliables avec les autres
« Grecs ; ils se persécutent avec acharnement. .L e s
« Cophtes ont un patriarche qui réside au C aire, et
« qui prend le titre de patriarche iVAlexandrie. » 3
Par quelle singularité A n n e , qui se dit Grecque d’ori-?
gine et de relig io n , au roit-elle choisi un prêtre persé-?
cuteur de sa secte ? Comment le patriarche des Cophtes
auroit-il consenti à bénir un prétendu mariage -entre
deux époux d ’une religion différen te,dont aucun d’eux
ne professe celle du ministre devant qui ils se présentent
pour recevoir la bénédiction nuptiale,
>
L e mariage d’un général français étoit un événement
rem arquable; on devoit y .mettre la plus grande pom pe,
y donner la plus grande-publicité. Q u o iq u ?en dise A n n e 9
c’eût été pour elle un honneur insigne, une fortune ines
pérée. N a z o , q u i, si on l ’en cro it, ¿ e st f a i t . valoir
pour donner son consentement, n’auroit pas manqué de
prendre toutes les précautions pour -assurer l’état de celle
qu’il appelle sa fille. Il faisoit partie de l’armée ; il connoissoit les ordres du général en chef,, traduits dons
toutes les langues usitées : la prem ière chose à lu quelle
il auroit pensé eût été de faire dresser un acte c iv il
devant le commissaire des guerres., officier public dé
signé à cet effet.
A n n e convient cependant qu’il n’y a eu aucun acte
dressé J
:: ; •
_
Les
�(40
Les témoins qu’elle a produits dans ses enquetes à futur,
se contentent d’énoncer des assertions générales. O n ne
désigne ni l’heure, ni le jour, ni le lieu de la cérémonie:
aucun témoin ne déclare précisément avoir assisté à la
bénédiction nuptiale.
A n n e elle-m ême a toujours laissé dans la plus grande
incertitude sur la date ou l’époque de son prétendu mariage.
Elle plaide depuis l’an n ; et jusqu’au jugement dont est
appel, du 13 août 1807, elle s’est contentée de dire qu'elle
avoit été mariée dans le cours de Van 8 ; ce n’est qu’après
le jugem ent, et dans la consultation, qu’on a pensé q u ’il
falloit préciser le jo u r, et on a imaginé le jour des rois,
q u i, d’après le calendrier g re c , se trouve le 17 janvier.
Cependant il résulte de la lettre du général d’Estaing,
en date du 25 pluviôse an 9 , que îo » arrangement
oriental n’avoit commencé que depuis à peu près un mois,
et le général d’Estaing écrivoit la vérité ; en voici la
preuve :
A n n e veut être mariée en l’an 8 , le 17 jan vier, qui
représente le 27 nivôse an 10.
A cette é p o q u e , le général d’Estaing n’étoit pas au
C aire; il commandoit l’avant-garde de l’armée en statiott
à C ath ié, fort situé dans les déserts, qui sépare l'Egypte
de la S yrie, près de Suez, à plusieurs journées du Caire.
L e service ou le commandement du gén éral, au fort
de C a th ié, a commencé le 17 brum aire an 8, et n’a fini
que le 16 pluviôse an 8 , époque de l’évacuation de ce
fort.
L a preuve de cette continuité de service, résulte de
son registre de correspondance officielle; registre écrit
F
�(40
en grande partie de la main du gén éral, qui p ro u v e ,
jour par jo u r, qu’il n’a pas quitté son poste.
Plusieurs lettres officielles écrites par lui le 27 nivôse
an i<3, du même lieu de Cathié , démontrent l’impos
sibilité de sa présence au Caire le jour indiqué pour
son pré fendu mariage.
Les lettres concernant le service lui sont adressées à
C ath ié, par les généraux et officiers, et particulièrement
par le général'de division sous les ordres duquel il servoit.
Cathié ne fut évacué que le 16 pluviôse an 8. L e gé
néral d’Estaing se rendit de là à R ozette, où il a resté
jusqu’en vendém iaire an q
. . ____________ *
Ce fut alors qu’il fut nommé au commandement du
C a ire , où il a résidé jusqu’en ventôse an g , c’est-à-dire,
jusqu’au moment où les Anglais débarquèrent à Àboukir:
Tous ces faits sont prouvés par les registres et les feuilles
de service du général'.
Les parties d’ailleurs sont d’accord sur cette dernière
circonstance. A n n e nous l’apprend elle-m êm e dans sa
consultation, page 6.
Comment concilier toutes ces contradictions ? l’assertion
drune inconnue d o it-elle l’emporter sur les écrits du
d éfu n t, qui font foi par eux-mêmes ?
Non , il est évident qurA n n e veut en imposer à la
justice, au public; que son histoire lamentable n’est qu’ un
roman mal conçu , qui manque tout à la fois de vraisem
blance et de vérité.
Mais A n n e a , dit-on, une possession (l'état invariable.
Q u’èst-ce qu’une possession d’état ? Les questions de
ce genre sont toutes de droit public.
1
�( 43 )
L ’état des liommes se forme sous l ’autorité des lois;
il s’établit de deux m anières, ou par des titres, ou, à
défaut de titres , par la possession : le titre en est la
preuve la plus authentique et la plus invariable; la pos
session en est peut-être la preuve la plus sensible et la
plus naturelle. C ’est ainsi que s’exprirrioit M . l’avocat
général Séguier, dans la cause du sieur Rougeinont. « La
« possession, disoit ce grand m agistrat, l i e, unit par
« une chaîne non interrompue de faits, d’actions et de
« dém arches, tous les instans de notre vie à celui qui
« nous a vu naître ; elle nous fait remonter jusqu’à la
« source de notre sang ; elle nous fait descendre depuis
« cet instant p rim itif, jusqu’au moment actuel de notre
« existence ; elle nous apprend à nous-mêm es, elle ap« prend aux autres qui nous sommes, soit par le per« sonnage qu’elle nous impose , soit par Vhabitude de
« nous connoître , soit par l'habitude d’être reconnus :
« mais il faut, continue M . Séguier, que cette possession
« soit constante, perpétuelle, invariable. » E t M . Séguier
invoque la doctrine du magistrat im m ortel qui l’avoit
précédé dans cette glorieuse carrière, et qui professe les
mêmes principes.
A n n e peut-elle dire qu’elle a la possession constante,
perpétuelle, in variable, de l’état d’épouse du général
d’Estaing? U ne liaison crim inelle dans nos mœurs a com
mencé au mois de nivôse an 9 , et n’a pas eu deux mois
de durée. Celui qu’elle appelle son ép o u x, la traite en
concubine ; c’est ainsi qu’il la désigne à son père même,
lorsqu’il lui parle de la nature de ses engagemens : le
F 2
�( 44 )
bruit se répand qu’il est m arié; le général le désavoue,
et soutient qu’il r t j a aucun lien légal.
A n n e ne tient donc pas la possession de son é ta t,
de celui qui y avoit le plus grand in té rê t, de celui seul
qui avoit le droit de l’élever au titre honorable d’épouse;
comment auroit-elle la possession d'un état que son pré
tendu mari d ésavoue, et ne veut pas lui accorder ?
Une possession d’état ! Mais y a-t-il jamais eu entre
A n n e et les membres de la famille d’Estaing, ces rapports
continuels qui se confirment de jour en jour entre les
parens r p a r la notoriété ? avoit-elle avec ses prétendus
beaux-frères, cette habitude journalière de se traiter ré
ciproquement comme frères et soeurs ? c’est cependant
ce que désire C ochin, à l’endroit cité dans la consultation;
et il est remarquable qu’on ait choisi une autorité de ce
genre, dans une cause où le célèbre Cochin soutenoit que
la dame de B ru ix , baptisée comme fille de Jean Lassale,
avoit eu pendant trente-quatre ans la jouissance , la
possession d?état de fille de Jean Lassale, et que cette
possession d’état devoit êti’e un obstacle insurmontable
h. la prétention que la dame de Bruix osoit élever, de se
dire fille du sieur marquis de Boudeville de la Ferté. Cochin appuie principalement sur cette possession ,
comme lo n g u e, constante et invariable.
E t d’après Cochin lu i- m ê m e , une possession d’état
pourroit-elle être l’eifet de l’erreur d’un m om ent, d’uu
acte isolé et fu g itif, obtenu dans un moment dîurgence,
et sous la foi de l’existence des actes qui aasuroient à
A n n e un titre légitim é ;
�( 45)
D ’un acte bientôt rétracté, lorsqu’on a su que le pré
tendu mariage n’étoit constaté en aucune manière;
D ’un procès verbal de tu telle, qui émane du sieur
d’Estaing p è re , étranger à la succession de son fils; qui
n’a pu nuire aux parties intéressées; dont on a exclu tous
les parens les plus p ro ch es, pour y admettre des alliés
à des degrés éloignés.
Il est extraordinaire que lors de ce procès verbal on
ait fait un semblable choix : de tous ceux qui y sont
dénom m és, le sieur d’Estaing p ère, et le sieur D elzons,
étoient les seuls qui eussent le droit d’y assister.
Les frères du général d’Estaing étoient présens sur les
lieux ; quatre étoient majeurs : aucun d’eux n’y a été
appelé.
L es sieurs T e r n a t, petits-fils de la dame d’Estaing ,
Veuve T ernat, en ont été écartés»
Les sieux-s ¿4.ngelergues, parens au même degré que
les précédens, n’ont pas été convoqués.
Les sieurs d 'E sta in g , cousins germains du p è r e , ne
font pas partie de cette assemblée.
O n convoque dans la ligne paternelle, des sieurs LaOroi;
parens au sixième degré du d éfu n t; un sieur F o rte l 7
allié encore plus éloigné que les sieurs L a b ro . . .
Dans la ligue m aternelle, on néglige les sieurs T A p p a r a oncles bretons du défunt : on affecte d’appeler les
sieurs M a ilhes, père et fils, alliés très-éloignçs, Et-vpi^A
les individus qu’^/*«e traite ou Meut faire reg-ardçrjco^^e
les plus proches parens de ¡son prétendu mari ; il ne faut
pas s?en étonnerç; elle nfapas eu Ie; temps dp, fai^C-pon*
noissauce avec la fam ille de son prétendu m ari.
�'( 46 )
Elle a été reconnue dans la fa m ille , dans la v ille ,
dans h s so ciétés! E lle n’a été présentée nulle p art; ne
pou voit’ l’ê tre , à moins de* l’a v ilir , puisqu’elle n’a voit
d’autre communication que les signes, ignoroit absolument
la langue française, étoit étrangère à nos usages, et ne
connoissoit aucun des agrémens d’une vie policée.
E levée dans la classe du p eu p le, sans aucunes connoissances, illitérée, obscure, sans fortune, sans moyens;
voilà celle qui veut être l’épouse du général d’Estaing,
là fem m e'de son ch o ix , et que ce général doit se glo
rifier d’avoir obtenue.
; ‘
Peut-on pousser plus loin le délire !
L ’erreur du sieur d’Estaing père n’a pas eu plus de
huit mois de durée , de l’aveu même dûA n n e ,* et huit
in oiŸ n ’ont jamais donné une possession d’état constante
et invariable.
;
A n n e ne l’a pas même pensé ; elle a senti la nécessité
de rapporter des preuves'-de son m ariage; et à défaut
de titres , elle a voulu y suppléer par des certificats.
A rriv é e à M a rseille, - elle conduit des Egyptiens suivis
d’un interprète, et leur dicte les déclarations qu’elle croit
convenir.
?
Ce procès verbal qu’on colore du nom d’acte de no
toriété ne fait aucune sensation. Elle accourt à P aris,
et va solliciter des personnes plus marquantes, qui se
rendent à son invitation.
; E lle les conduit devant le juge de p a ix , qui les admet
sans autre form e; elle fait homologuer sans contradiction
le procès verbal. La famille d’E staing, qui n’en avoit
aucune connoissance, s’inquiétoit peu de ses démarches,
�( 47 )
et n’avoit garde de s’y opposer* puisqu’elle les ignoroit.
Que signifient ces enquêtes à ¿futur, qui ne peuvent
donner lieu qu’à d’énormes abus? Q u’on lise le procès
verbal qui a précédé l’ordonnance de 1667 ; 01a y fait
sentir les inconvéniens de ces sortes d’enquêtes,. dont
M . le premier président demande la suppression. L e
rédacteur nous apprend que les motifs de ce magistrat
éclairé furent universellement goûtés, et déterminèrent
l’article unique du titre 13 , qui les abrogea, et défendit
à tous juges de les ordonner ou d’y avoir égard, à peine
de nullité.
Ces actes prétendus de notoriété sont donc inutiles
et même dangereux dans la cause1, ils ne seroient d’au
cune im portance, quand ils pourroient être de quelque
considération.
A n n e les a réunis à la suite de sa consultation : on va
les analiser rapidement. Tous les ^4.11a ou ^ibdaïïa qu’elle
a recueillis à Marseille déclarent « qu’ils ont parfaitement
« connu J ea n N a z o et Sophie M isch e , son épouse, père
« et mère d 'A n n e , et qu'A n n e fut unie en mariage avec
« le général d’Estaing. »
C ’est bientôt dit : mais où est la preuve de la filiation,
du m ariage? U ne simple assertion généralisée, sans au
cunes circonstances, sans désignation des époques, des>
dates, peut-elle faire quelqu’impression ? A n n e a-t-elle
pu penser qu’avec une déclaration aussi vagu e, les tri
bunaux pourroient lui assurer l’état dTépouse et veuve
du général d’Estaing, et l’admettre dans cette famille?.»Et.
si quatre d’entre eux ont ¡déclaré qu 'A n n e accoucha: à:
C eph alouie, ils disent le contraire de ce que racoutei
�( 48 )
A n n e , q u i, pour intéresser davantage, n’a pu prendre
terre, et a accouché dans le navire. Il lui en coûtoit si
peu de s’accorder avec les déclarans, qu’elle auroit dû
au moins dire la même chose.
Son. acte de notoriété fait à Paris est encoi'e plus
insignifiant.
Sept témoins attestent simultanément, et parlant tous
A la fo is , que « dans le cours de fa n 8 , A n n e a été
a unie religieusem ent, et d’après les rites du pays, en
« légitim e mariage , avec le général d’E stain g, par le
« patriarche d’A lexa n d rie, habitant du Grand-Caire.
« L ’acte de célébration n’en a pas été ré d ig é , n’étant
« point d’usage en Egypte de tenir un registre de l’état
« civil ; mais ce mariage n’en est pas moins constant,
« ayant été célébré en présence d’un grand nombre de
a militaires français, et de la plupart des déclarans. »
Pourquoi ces déclarans présens ne se so n t-ils pas
nom m és? quels sont ceux qui sont compris dans ce la
plupart? D ès que ces témoins poussoient si loin la com plai
sance pour la jeune E gyptienne, ils auroient pu circ.onstancier davantage leur déclaration; mais ils eussent été bien
embarrassés sans doute : cependant ils ne'craignent pas
d’ajouterque «pendantsonséjouren Egypte, la dame Nazo,
« veuve d’E stain g, n’a pas cessé d’habiter avec son m ari,
a qui l’a toujours traitée comme son épouse légitim e. »
C e séjour a-t-il été plus ou moins lo n g ? pas un mot
sur sa durée. O n a vu ou pu voir , chez le général
d’Estaing , une jeune femme qu’il traitoit avec bonté
ou avec tendresse, et on veut en conclure qu’elle étoit
épousef dans un pays aussi corrom pu, où presque tous
�( 49 )
_
les militaires avoient trouvé la facilité de prendre ce
qu’ils appeloient des arrangemens o rien ta u x , des engagemens à temps. Mais il en coûte si peu à des indifférens
de porter le trouble dans une fam ille, d’y introduire une
étrangère! O n doit gém ir de voir autant d’inconséquences
et de légèreté.
A n n e fait parade du brevet de pension qu’elle a ob
tenu du gouvernem ent : elle doit s’estimer heureuse, sans
doute , que le ch ef magnanime de l’état l’ait mise, par
sa bienfaisance, au-dessus des besoins de la vie. Mais
la faveur du gouvernem ent ne peut nuire aux droits des
familles. 11 est bon d’observer d’ailleurs que cette pension
n’avoit été p o rté e , en prem ier lie u , qu’à une somme
de Ô20 francs; l’Em pereur rem plit de sa main la somme,
sur le travail qui lui fut présenté : cependant, sur ce
premier travail, on la traitoit de veuve d’Eslaing ; les
joui’naux d’alors l’ont ainsi publié. L ’Empereur ne vouloit
donc la traiter que comme Egyptienne réfugiée, malgré
le titre qu’on lui donnoit ; et l’augmentation survenue
dans la suite, a été l’effet du procès verbal de tutelle,
dont on vo it qu'A n n e a su faire un bon usage.
L e certificat du général M enou vient ensuite ; il an
nonce, de la part de ce brave g é n é ra l, un grand respect
pour les mœurs : mais on n’entend pas trop ce qu’a voulu
certifier le général M en ou , lorsqu’il parle des rapports
civils et religieux. P o u r les rapports civils, il auroit.fallu
un acte authentique qui constatât le m ariage; il auroit
été nécessaire que la célébration se fit c o n f o r m é m e n t aux
lois, règlemens et usages de l’année. L e gênerai Menou
devoit principalement les faix-e exécuter; et'il est constant
G
�, c 5 0 }
que ces ordres avoient été publiés, et rendus communs
et obligatoires dans toute la colonie.
Cependant il n’a été dressé aucun acte de ce pré
tendu mariage.
Sous les rapports religieux ! mais il n’en existoit aucun
entre A n n e et le général d’Estaing; il eût fallu que le
général d’Estaing eût abjuré la religion de ses pères.
Lorsque le général M enou a épousé une m usulm ane,
il a embrassé le mahométisme. On est autorisé à le dire
a in si, d’après des instructions précises. Son mariage a
été célébré par le M o u p h ti, ministre de la religion
turque, et alors celle des deux époux. Ici il y avoit des
rapports religieux. L e général a donné à son union un
caractère lé g a l, et n ’a pas manqué d’en faire dresser un
acte c i v i l , conformément aux ordres qu’il avoit lu imême fait publier de nouveau. V o ilà le rapport civil.
O n ne trouve ni l’un ni l’autre pour le général d’Es
taing. Il n’y a donc pas eu de mariage.
D ’un autre c ô té , le général M enou rapporte la date
de ce prétendu mariage à Van 8 ; il se dit même général
en ch ej au moment où le général d’Estaing lui en fit part.
E t A n n e , à son to u r, a été mariée le jo u r des rois de
la même ann ée, qui répond au 17 janvier 1800.
P ou r le coup veritatem qucerendam.
L e général M enou ne commandoit pas l’armée en nivôse
ap 8 ; c’étoit le général K léber. C e lu i-c i a commandé
jusqu’au 25 prairial an 8 , jour funeste pour ce général :
il fut assassiné dans son jardin.
L e général M enou ne prit le commandement qu’en
messidor an 8.
�( 5i )
La correspondance du général K léb er avec le général
d’Estaing va jusqu’au n prairial an 8.
Plusieurs lettres écrites à feu d’Estaing par le général
M e n o u , en germinal et floréal an 8 , prouvent qu’il étoit
alors seulement général de division ; il ne prend pas
d’autre qualité. Ces lettres sont datées de R ozette : le
général M enou n’étoit donc pas au Caire en nivôse
an 8.
L e général D u p a s ne parle de ce mariage prétendu
que par ouï-d ire; on lui a déclaré qu’il s’est célébré
publiquem ent, et avec toute l’authenticité qu’un pareil
cas exige.
Il est étonnant que le général D u p a s , qui étoit alors
au C aire, lieutenant du général d’Estaing dans le com
m andem ent, qui avoit tous les jours des rapports de
service avec l u i , ne puisse parler que par ou ï-dire de
ce -prétendu mariage; qu’il n’y ait pas assisté surtout,
lui que ses relations continuelles avec le général d’Es
taing devoit y appeler de préférence. Sans doute ce
général a voulu être favorable à une jeune solliciteuse;
mais il a trop de loyauté pour certifier ce qu’il n’a point
vu : il ne parle que sur les relations d’autrui.
Il paroît même que s’il falloit attendre des témoins
qui attestassent positivement avo'ir assisté à ce m ariage,
on attendroit long-tem ps. A n n e a épuisé à cet égard
tous les certificateurs ou témoins.
Q u’importe que le général d’Estaing ait donné des
repas après la noce. L e général d’Estaing devoit avoir
la représentation convenable au c o m m a n d a n t du Caire ;
il etoit honorable dans ses goûts; il teuoit au Caire table
�( 52 J
o uverte, donnoit souvent des bals, des. fêtes ; et si on
veut que des bals des dîn ers, soient des cérémonies
nuptiales, le général se seroit marié souvent.
Ceux qui ont prétendu que les femmes se visitoient en
E gyp te, cp ïA n n e faisoit société avec les dames M enou r
D e lz o n s , L a n tin , connoissent bien peu les usages orien
taux. L à les femmes ne sortent jamais que dans des cas
très - extraordinaires, et alors sont toujours voilées, et
accompagnées de manière à n’avoir aucune communi
cation.
Ce n’est pas en O rient où on peut jouir des agrémensde la société, et surtout de la compagnie des dames; on
sait môme que madame M enou a conservé en France
l’usage oriental ; qu’elle est constamment voilée , et ne sort
point de chez elle ; qu’elle n’est jamais venue au Caire
dans la maison du général d’Estaing : et A n n e elle-m ême,
pendant le court séjour qu’elle a fait à A u rillac, n’a pas’
quitté son voile , et n’a été vue de personneLa dernière pièce imprimée en la consultation , est
une lettre du général d’Estaing à A n n e. O n observe
que l’adresse est de la main du g é n é ra l, et porte pour
suscription : A la citoyenne iVKstaing, à la citadelle du
Caire. Il est surprenant qurA n n e , dans son m ém oire, ait
tant parlé de la correspondance de son époux ■¡familière
avec décence,. tendre sans exagération, etc. ; et que
toute cette correspondance se borne à une lettre unique.
Dans cette lettre, pas un mot dont on puisse induire
un engagement honorable. C ’est le ton d’un homme poli
et fam ilier, à qui on n’a rien refu sé, qui ne parle pas
même des ascendans d 'A n n e avec le ton de considéra-
�( 53 )
tion et de respect qu’on doit à des alliés de ce genre; respect
plus marquant encore chez les Orientaux.
Quand il parle de celui qyüAnne appelle son père,
il se contente de dii’e Jo a n n y ,* lorsqu’il donne un sou
venir à la grand’m ère, il cfit, la bonne vieille. E st-ce
là le ton du respect et de la déférence? A p p r e n d -il la
nouvelle de la grossesse avec ce charm e, ces délices qu’on
éprouve à la naissance d’un enfant légitim e ? Il Taime
toujours ; et il faut bien le dire ainsi à toutes les femmes
avec lesquelles on a des liaisons passagères. Il lui donne
son nom sur Venveloppe de la letti’e : mais n’est-ce pas
l ’usage? ne vo it-o n pas, même parmi nous, toutes les
courtisannes prendre les noms de ceux qui ont la foiblesse de les entretenir et d’autoriser cette licence ?
Ce n’est malheureusement pas la première à qui le
général a donne ce nom. Lorsqu’il étoit à l’armée des
Pyrénées orientales, il étoit notoire qu’il vivoit avec
une femme que tous les officiers appeloient madame
d’Estaing; le gén éral, en écrivant, lui donnoit ce nom;
et cette fem m e, après le départ du gén éral, n’a jamais
tiré avantage d’une suscription sem blable, pour se qua
lifier d’épouse légitime.
O n trouve dans les pièces communiquées trois chiffons
que l’on dit être des lettres a ra bes, écrites par ordre
du général d’Estaing ; la suscription est aussi à madame
dŒ sta in g , mais non de la main du général.
Ces trois prétendues lettres sont traduites par le sieur
Sylvestre de Sacy, professeur des langues orientales : il
faut bien l’en cro ire , puisqu’on ne connoît pas l’arabe;,
mais au moins la traduction ne donne pas une grande
�( 54 )
idée de l’écrivain. Cette langue arabe, que l’on dit har
monieuse , poétique , tout en figu res, n’a servi qu’à
écrire des platitudes et les choses les plus communes. Ce
sont les lettres d’ un cuisinier, ou d’un homme bien peu
exercé; le général y reçoit beaucoup de consolation dans
sa blessure , d’une lettre que lui a écrite A n n e : mais
comment n’a-t-on pas trouvé dans les papiers du gé
n éral, la plus légère trace d’une correspondance avec
A n n e ? T o u t est extraordinaire et inexplicable dans cette
cause.
Il faut, au surplus , qu’elle ait fait peu de cas de ces
lettres , puisqu’on les a négligées dans la consultation.
O n voit encore , dans le dossier, une lettre du général
S o u lt, à un sieur G iane , clief de bataillon de la légion
gre cq u e, à bord du bâtiment le Jea n , en rade à T á
rente : cette lettre est en rép onse, et annonce que G iane
trouvoit la quarantaine longue et incommode pour lui
et les femmes qui étoient à bord : il nomme madame
d’Estaing. L e général Soult témoigne ses regrets de ne
pou voir abréger la quarantaine ; c’est au comité sani
taire qu’il appartient de prononcer ; mais il fait préparer
un local plus commode pour les passagers, et offre ses
services, ainsi que ceux de madame S o u lt, à madame
d’Estaing. Il n’y a rien d’étonnant dans ces offres géné
reuses ; on doit des égards et des services à une femme,
A n n e se disoit madame d’Estaing *, on doit quelque chose
de plus empressé à la femme d’un camarade ; et le gé
néral Soult ne devoit pas autrement s’informer si A nne
avoit son contrat de mariage ou non, Mais vouloir
induire de cette attention obligeante d’un général mar^
�( 55 )
quan t, aujourd’hui m aréchal de l’em pire, une reconoissance et une possession d'état en faveur dCA m ie , relever
cette circonstance comme un honneur décerné à la femme
d’un -gén éral, c’est pousser les choses un peu trop loin.
On a parlé dans la consultation, sans cependant le faire
imprim er , du certificat d’un sieur Sartelon , ex-ordon
nateur en chef de l’armée d’Egypte : cet acte est aussi
dans les pièces d ’A n n e. L e sieur Sartelon certifie, en
la qualité qu’il prend, ce que quoiqu’il n’existât à l’armée
« aucun ordre du général en chef pour régler la forme
« avec laquelle les actes de l’état civil devoient y être
« reçus , Yusage paroissoit s’être établi de lui-mêm e pour
« les officiers, ou individus attachés à l’arm ée, ne faisant
« point partie des c o rp s, de faire des déclarations de« vant des commissaires des guerres, qui les recevoient
« par procès verbaux , ou de la manière qui leur parois« soit convenable, de leurs mariages, m êm e quelquefois
« de leurs divorces • ce qui n’a jamais été g é n é r a l,
« surtout pour des mariages contractés avec les fe m m e s
« du pa ys ( i l n’y en a voit pas d’autres), qui se sont
«
«
«
«
«
«
«
«
«
«
faits souvent entre catholiques dans les églises du lieu ,
et suivant les formes usitées entre les chrétiens de
toutes les sectes ; mais ces procès verbaux étoient purement facultatifs; et recherche faite dans ses papiers,
et dans ceux du bureau central, il ne s’est trouvé aucun procès verbal relatif à l’état civ il; il ne s’en est pas
même tro u vé, notamment du commissaire d e s guerres
A g a r d , qui est m ort dans la traversée. En foi de q u oi,
sur la demande de la dame veuve d’Estaing, il a déliv r é , etc. »
�( 5 6 }
O n ne voit pas trop quelles inductions l’Egyptienne
peut ou veut tirer de ce certificat; il est assez inutile de
dire qu’on pourroit récuser le témoignage du sieur Sartelon , qui a souvent m ontré de l’animosité contre le
général d’Estaing ; il suffit d’observer que son certificat
est démenti par le f a it , puisqu’on rapporte les ordres
du général en ch ef, et les actes civils des sieurs D elzo n s
et L a n t in , reçus par le commissaire Agard.
Ici s’arrêtent les recherches et les découvertes d'‘ A n n e.
Y a-t-il un seul acte d’où on puisse faire résulter qu’elle
est l’épouse du général d’Estaing; et ne p e u t-o n pas
dire avec vérité qu’elle n’a n i titres n i possession ?
Comment a-t-elle eu le courage de se plaindre d’un
jugement qui lui accordoit une faveur insigne, la faculté
de faire preuve , par témoins , qu’elle a été mariée en
l’an 8 ; qu’il n’étoit pas d’usage au Caire de tenir des
registres, ou de dresser des actes civils de m ariage; qu’il
n’étoit pas d’usage à Céphalonie de dresser des actes de
naissance, etc. ?
Ce jugem ent, au contraire, n’a-t-il pas violé tous les
principes de la matière ? Sera-ce avec des déclarations
mensongères ou m endiées, qu’on pourra élever une in
connue au rang honorable d’épouse; qu’on osera donner
à un enfant de ténèbres, le titre d’enfant légitim e?
« Des objets si intéressans, dit le célèbre C o ch in ,
« doivent élever tous les esprits à ces vues supérieures
« du bien p u b lic , qui forment toujours le premier objet
a de la justice : il s’agit ici du sort des toutes les fam illes,
« compromis dans une seule cause. »
Les frères d’Estaing se plaignent à leur tour d’ un juge
ment
�( S? )
ment qui peut entraîner les suites les plus funestes ; il
leur reste à établir que ce jugement ne peut subsister, et
qu’A nnè doit être déclarée non recevable dans toutes ses
demandes.
O n trouve dans les recueils, tant anciens que nouveaux ,
une multitude d'arrêts su r les questions d’état. M . le
chancelier d’Aguesseau a épuisé cette matière par ses re
cherches savantes : le 2e. , le 6e. , le 12e. le 17°. plai
doyer de ce grand m agistrat, contiennent des dissertations
profondes, une sage doctrine; mais il semble sentir toute
la pesanteur de son m inistère, lorsqu’il veut prendre une
décision. Ce n’est qu’en tremblant qu’il se déterm ine; et
si quelquefois il pense que la justice doit admettre une
preuve testimoniale, ce n’est qu’autant qu’il trouve des
présomptions graves, des indices violens, des conjectures
puissantes; il exige la réunion d’une multitude de faits
qui forment un corps de présomptions capables de dé
cider l’esprit le plus difficile à convaincre ; en un mot ,
il lui faut encore un commencement de preuve par écrit.
Il est inutile de grossir le volum e de ce m émoire par
des citations d’arrets ; il seroit difficile peut-être de tirer
de ces nom breux exem ples, une conséquence claire qui
pût servir de m otif de décision en d’autres cas, surtout
dans l’espèce où il s’agit d’une étrangère qui vient ré
clamer le titre de veuve d’un Français.
Il suffit de poser un principe certain, et qui n e sera
pas contesté, c’est que pour un m ariage fait en France,
la preuve testimoniale ne peut être admise qu’à défaut
de registres , lorsqu’il n’en a pas été ten u , 011 qu’ils sont
II
�( 58 )
perdus ; et dans ce cas même il faut un commencement
de preuve par écrit.
L ’article 14 du titre 20 de l’ordonnance de 16 6 7 ,
n’a entendu parler que dès mariages entre Français; et
M . Jousse ne manque pas d’observer que la preuve tes
timoniale ne peut être admise qu’autant qu’il y a com
mencement de preuve par écrit.
Cet article de l’ordonnance a été répété dans l’article
46 du Code Napoléon ; et la preuve que le législateur a seu' lement entendu comprendre les mariages entre Français,
résulte des articles 47 et 48 du môme Code.
La loi dit que tout acte de l’état civil des Français
et des étrangers, fait en pays étran ger, fera f o i, s’il a
été rédigé dans les formes usitées dans ledit pays : que
tout acte de l’état civil des Français en pays étranger sera
valable, s’il a été reçu conformément aux lois françaises
parlesagen s diplom atiques, ou par les commissaires des
relations commerciales du gouvernement.
On peut donc représenter à A n n e , d’après les dispo
sitions de ces lo is, que si elle étoit Française, elle ne
pourroit être admise à la preuve testim oniale, qu’autant
qu’elle auroit la possession d’état, et des commencemens
de preuve par écrit : elle n’a ni l’un ni l’autre. Point
de possession d 'éta t’, on croit l’avoir p ro u vé, puisque
le général lui'a toujours refusé le titre qu’elle ambitionne,
poin t da commencement de preuve par écrit, puisqu’il n’y
a aucune trace d’écrits du défunt qui parlent de ce prétendu
mariage , et que les seuls q u i’existent le désavouent.
Mais qu’elle est étrangère, et que dès-lors il n’y a point
�( 59}
de possibilité d’admettre une preuve par tém oins; il faul
représenter l’acte civil. O n a dû remarquer la différence
qui se trouve entre les articles 46 et 47. Dans le premier,
si le mariage est fait entre un Français et une étrangère, il
suffit de rapporter un acte dans les formes usitées au pays.
Dans le second, si le mariage est fait en pays étranger,
entre deux Français , il faut un acte civil conforme aux
lois françaises.
A n n e n’en a d’aucune espèce ; le jugement dont est
appela donc fait une fausse application, et de l’article 14
du titre 20 de l’ordonnance, et de l’article 46 du Code
Napoléon.
Mais ce.jugement est évidem ment en opposition avec
les articles 17 0 , 17 1, 194 et 195 du même Code.
En effet, par l ’article 170, cele mariage contracté en pays
« étranger entre Français, et entre Français et étranger,
« est valable, s’il a été célébré dans les formes usitées
« dans le pays,.pourvu qu’il ait été précédé des publi« cations prescrites par l’article 63 , et que le Français
« n’ait point contrevenu aux dispositions contenues au
ce chapitre précédent. »
L ’article 63 exige deux publications à huit jours d’in
tervalle ; et la loi attache à cette form alité la plus grande
importance. O n n’a jamais imaginé de dire que le mariage
du général d’Estaing ait été publié : cette formalité étoit
cependant ordonnée par les lois précédentes.
Parm i les dispositions contenues au chapitre qui pré
cède l’article 1 7 0 , on y trouve principalement la prohi
bition faite au fils de fam ille, m ême majeur, de contracter
mariage sans le consentement de ses père et mère.
H a
�(6o)
Bien vite A n n e s’empare de cette circonstance, pour
dire que le général s’est marié avant le C o d e, et a pu
braver les ordres de son père ou se passer de son con
sentement.
A n n e argumente avec un empressement peu louable
de cette loi révolutionnaire, qui fut prom ulgée dans un
instant de d élire , qui dégage les enfans de tous leurs
devoirs envers leurs ascendans.
L o i immorale et funeste, qui a fait tant de malheureux
qu’on entend tons les jours gém ir de leurs égaremens,
et qui passent leur vie dans la douleur et le désespoir.
M ais le général d’Estaing n’avoit pas perdu toute idée
des principes de moralité et de convenances. N e mar
que-t-il pas à son père qu’il n’auroit pas contracté d’engagemens sans le p réven ir, avant d’avoir demandé ses
conseils ou ses ordres; et A n n e en seroit-elle réduite à
ce p o in t, qu’elle fût o b lig ée, pour colorer ses prétentions,
de s’appuyer d’exemples qui seront à jamais la honte et
le scandale de la société ?
N ’a-t-elle pas senti que le gouvernem ent, dans ses
premiers p a s, a rétabli et commandé le respect pour
cette puissance paternelle, le premier anneau, la prin
cipale base de l’ordre social, sur laquelle repose la morale
publique ?
L ’article 171 exige davantage; il veut que dans les
trois mois après le retour du Français sur le territoire
de la république, l’acte de célébration du mariage con
tracté en pays étranger, soit transcrit sur le registre
public des mariages du lieu de son domicile.
P o u r cette fois, A n n e ne peut se tirer de cette dis-
�( 60
position par des subtilités. Cet article a été connu d’elle;
elle pouvoit l’exécuter si elle avoit eu son acte de mal’iage; elle a su qu’elle ne pouvoit y suppléer, dès qu’elle
n’avoit aucun titre.
E t lorsqu’elle a eu connoissance des articles 194 et
19 5 , qui veulent que nul ne puisse réclam er le titre
d’ép o u x, et les effets civils du m ariage, s’il ne repré
sente un acte de célébration inscrit sur le registre de
l ’état civil ; que la possession d’état ne pourra dispenser
les prétendus époux qui l’invoqueront, de représenter
l’acte de célébration du mariage devant l’officier de l’état
c i v i l , elle a dû désespérer de sa cause.
Mais les premiers juges ont-il pu ignorer la disposi
tion de la loi ? n’ont-ils pas dû savoir que l’étrangère
ne pouvoit établir son titre d’épouse ¿légitime, qu’en jus
tifiant de l’acte qui le lui avoit conféré? D iront-ils que
le Code Napoléon n’a été promulgué q u e postérieure
ment ? Mais alors ils n’avoient cl’autre boussole que ln
loi du 20 septembre 179 2; et d’après l’article 7 de la
section 4 de cette l o i , A n n e ne pouvoit constater son
mariage qu’en représentant l’acte de l’officier public. Cette
loi n’indique pas d’autres moyens de suppléer au défaut
de ces actes.
Auroient-ils voulu se déterminer par les anciens prin
cipes? A n n e n’avoit pas la possession de son état, n’avoit
aucun écrit du défunt qui fût un commencement de
preuve par écrit.
Ils ne pouvaient donc en aucune manière admettre
la preuve testimoniale.
Un mot sur l’enfant naturel ,con n u sou sle nom & E m ile
�(6 2 )
d’Estaing. A n n e reproche aux frères d’Estaing d’avoir
fait paroître sur la scène un enfant d o n t on ne parle plus.
Les frères d’Estaing ne lui doivent à cet égard aucune
explication ; ils ne savent sur cet enfant que ce qu’a
déclaré le sieur d’Estaing père, au bureau de paix.
U n enfant a été présenté à l’officier c iv il, sous le
nom d'E m ile , comme fils de leur frère. La reconnoissance n’émane pas du père lui-m ême. Il existe; il est
dans ce moment placé au lycée de Toulouse. S’il a des
droits à faire v a lo ir , il saura les réclamer.
Les frères d’Estaing observeront, en terminant,
Anne
n’est pas réduite à un sort funeste; qu’elle est à l’abri
de tous les besoins ; qu’elle est encore dans un âge où
elle peut augmenter ses ressources par sa sagesse, et un
travail honorable ; mais que si elle veut se faire un
prétexte d’un événement commun dans son pays , pour
s’élever au-dessus de son état, ce trait d’ambition déplacée
ne servira qu’à la couvrir d’opprobre,
M e. P A G E S ( d e R io m ) , ancien avocat,
M e, G A R R O N jeu n e, avoué licencié,
A RIOM , de l’imprimerie de T hib a u d - L a n d r i o t , imprimeur
de la Cour d’appel. — Mai 1808.
�
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Title
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Factums Marie
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Description
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<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
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A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Estaing, Jean-Baptiste d'. 1808]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Pagès
Garron
Subject
The topic of the resource
contestations de légitimité de mariages étrangers
expédition d'Egypte
opinion publique
xénophobie
conseils de famille
Delzons
Description
An account of the resource
Mémoire en réponse, pour Sieurs Jean-Baptiste D'Estaing, ancien commandant d'armes à Chambéry, Jacques-Théodore, Pierre-Gabriel, Catherine et Elizabeth d'Estaing, frères et sœurs, intimés et appelans ; contre Anne, soi-disant Nazo, soi-disant Grecque d'origine, se disant veuve du général d'Estaing, se disant pareillement tutrice de Marie, sa fille, appelante d'un jugement rendu au tribunal de Mauriac, le 13 août 1807, et intimée.
Annotations manuscrites.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Thibaud-Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1808
Circa An 9-1808
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
62 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0605
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0410
BCU_Factums_M0536
BCU_Factums_M0535
BCU_Factums_M0610
BCU_Factums_M0606
BCU_Factums_M0603
BCU_Factums_M0604
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/5/53865/BCU_Factums_M0605.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Aurillac (15014)
Mauriac (15120)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
conseils de famille
contestations de légitimité de mariages étrangers
Delzons
expédition d'Egypte
opinion publique
xénophobie
-
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412aa9e07083899491de16e297d7b0e0
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OBSERVATIONS
SU R LA
CAUSE DE LA De Ve DESTAING,
E t sur le libelle diffam atoire
imprimé et
publié à R iom pour ses adversaires , et
produit par eu x devant la Cour d 'a p p e l
séant en cette ville.
frères et sœurs, à. la veille
d’un jugem ent qu’ils ont fait retarder sous différens prétextes,
ont permis qu’il fut imprimé et publié, sous leur nom , et
avec le titre de Mémoire en réponse, un libelle diffamatoire
contre la veuve du général Destaing leur belle-sœur, tutrice
de la demoiselle Destaing leur nièce.
Tout ce qu’ils devaient à la mémoire de leur frère est
oublié. Les honorables restes de cette armée de l’Orient, qui
fut principalement composée de l’élite des années françaises,
et dont l’auguste chef ne se sépara que pour sauver la France,
sont outragés dans la personne de ses principaux officiers,
dont le libelle suppose que les mœurs étaient plus que licen
cieuses , et cela sans raison , sans motif légitime, sans néces
sité , sans utilité pour sa cause.
L e s sieurs et demoiselles D estain g
�(o
En effet, il ne s’agit point, entre madame Destaing et ses
beaux-frères et belles-sœurs, de savoir si des officiers fran
çais de l’armée d’Egypte abusaient du droit de conquête an
point de prendre comme meubles des jeunes filles du pays
contre leur gré ou sans leur consentement ; de les recevoir
en présent comme un tribut, et de les abandonner après les
avoir déshonorées.
Cette supposition, qui n’aurait pu être imaginée que par
des journalistes anglais, n’est point ce que les tribunaux de
France ont à vérifier dans le procès de madame Destaing.
Des collatéraux veulent enlever à cette infortunée son état
de veuve du général Destaing, et à la fille de leur frère sa
qualité et les droits qu’elle leur donne à la succession pater
nelle dont elle est investie.
Madame Destaing et sa fille sont - elles en possession de
leur état et de la succession du général Destaing ?
Voilà la question.
Cette possession est-elle publique, certaine et constante?
Voilà les seules circonstances soumises à l’examen de la
Cour d’Appel de Riom.
Une telle possession doit-elle être maintenue ?
Voilà le point de droit à juger , et il n’est pas susceptible
de controverse.
A u lieu d’examiner les faits de la possession d’état, l’auteur
du libelle se répand en injures, tant contre madame Des
taing, dont il fait une musulmane échappée à la servitude
dun harem, un être obscur et dépravé, une africaine ré
fugiée , la grecque la plus rusée et la plus adroite, que
contre son père, à qui il dénie même cette qualité : il le sup
pose marchand détaillant d eau-de-vie, révolutionnaire î\u
�( 5 )
Caire , et obtenant, à ce titre, celui d e . commandant la
légion des grecs.
Il hasarde cette supposition, sans respect pour l’autorité
qui plaça le commandant Nazo à la tète d’une nation qu’on
voulait régénérer , et sans utilité pour sa cause, où il ne s’agit
pas de savoir de qui madame Destaing est fille, mais si elle
est en possession de son état de veuye du général Destaing
et de tutrice de leur fille.
Dqs jurisconsultes de divers dépaitemens de la France, réu
nis à Paris par la confiance de leurs concitoyens et par le
choix du Sénat, ont pensé que cette possession d’état était
certaine, constante et inattaquable : ils ont donné les motifs
de leur opinion. Ce sont ces motifs qu’il fallait combattre,
puisqu’on prétendait répondre à leur consultation ; il fallait
les suivre dans l’examen des faits qui constatent la possession
détat pour détruire , s’il était possible, la conséquence qui en
résulte nécessairement.
Si on n’a pas pris ce parti, le seul convenable il la posi
tion respective, c’est qu’on a reconnu que le fait de la pos
session détat était inaltérable et la conséquence inévitable.
Aussi personne ne cioira que le libelle ait été fait pour
le& juges qui doivent prononcer. On ne peut pas s’être flatté
de leur déguiser ,• aussi maladroitement, l’état de la question
qui leui est soumise. C est pour le public de Riom, ou peutêtre pour celui d’Aurillac, que l’ouvrage imprimé a été faitOn a essayé de laire, dans une ville du second ordre, une
affaire de parti d’un procès qui peut attirer l’attention pu
blique, parce qu’il présente une question d’état que Ja Cour
<le Riom jugera solemnellement.
�4
( )
Mais cette question, on ne saurait'trop le répéter, peur
être réduite aux ternies les plus simples.
Y a-t-il possession d’état publique et constante ?
Los beaux-frères et belles-sœurs de madame Destaing ne
peuvent nier la possession d'état de leur belle-sœur et nièce,
reconnues comme telles par toute la.famille, dés leur arrivée
en France, où elles ont été-appelées dans la maison paternelle.
Attaquent-ils cette possession par des titres contraires et
authentiques ? C’est ce qu’il faudrait pour déposséder madame
Desiaing ; c’est ce que ses beaux-fréres et belles-sœurs ne font
pas et ne peuvent pas faire.
A u lieu de cela , ils leur demandent l’acte de célébration de
mariage et leurs actes de naissance.
Mais ils n’en ont pas le droit. Cochin, d’Aguesseau, tous les
jurisconsultes du siècle passé , l’affirment ; c’est aussi la doc
trine des modernes, et le Gode Napoléon en a fait une loi
qu’il n’est plus permis à personne de méconnaître. ‘
L ’article 520 dit : A défaut de titre, la possession cons
tante de Tétat de l ’enfant suffit.
Et l’article 33 r indique quelle est la nature des faits qui
établissent la possession d’état, et marque la reconnaissance“
de la fa m ille comme le fait principal.
Madame Destaing et sa fille produisent les preuves de
cette reconnaissance par un acte solemnel et authentique,
auquel tous les membres de la famille Destaing ont con
couru. Cet acte, qui n’est pas le seul, suffirait pour établir
que la preuve de possession d’état est complète.
L ’auteur, du mémoire avance hardim ent que cette recon
naissance a été surp rise, qu’elle n’est pas aussi com plète que
�( 5 )
madame Destaing le croit, et que la possession d’état ncst
qu’une usurpation.
Ces allégations ne sont pas de nature faire impression sut*
]a Cour de Riom : on a trop bonne opinion des magistrats
qui la composent pour supposer q u il est besoin de réfuter
pour eux ou devant eux des assertions dénuées de preuves.
Aussi n’est-ce que pour les amis de la famille Destaing que
nous croyons devoir faire observer que toutes ces assertions
sont des inventions chimériques.
On suppose que le père du général Destaing a été surpris
par sa belle-fdle , et même on le lui a fait dire avant sa mort.
Mais quand lui a-t-on fait tenir ce langage? Lorsqu’il s’est
vu dépouiller de la tutelle de sa petite-fille et de la jouissance
de ses biens.
On lui a fait dire que c’était par cîo!, fraudes, suppositions
et insinuations, qu’il a reconnu la veuve de son fils et sa
petite-fille, dont l’assemblée des parens, convoquée par lu i,
le nomma tuteur.
M ais, outre que le dol et la fraude ne se supposent jamais
n’est-il pas convenu que madame Destaing, arrivée en France
dans un état de souffrance et de maladie , bien jeune encore,
ne connaissait pas le français et ignorait nos lois , nos mœurs
et nos usages?
Elle se rendait auprès de son mari avec sa fille , lorsqu’elle
fut appelée à Aurillac par son beau-père ; et ce ne fut que
dans cet instant qu’elle apprit la mort de son mari. Quel
moyen de dol et de fraude aurait-elle pu pratiquer pour sé
duire son beau-père, qu'elle n’avait jamais vu , et entre le»
mains de qui elle ne croyait pas devoir tomber , puisqu'elle;
comptait sur l’existence de soin mari.
�6
( )
Le libelliste suppose (page 10) que le sieur Destaing père
ne voulait pas recevoir sa belle-fille dans sa maison, et que
sa résistance fu t connue de toute la ville.
Impudent mensonge, qui suppose que madame Destaing
tomba des nues h Aurillac ; tandis qu’il est convenu que le
beau-père l ’envoya chercher, et qu’il fraya aux dépenses de la
route et de celles qu’avait occasionnées le séjour à Lyon,
Mensonge inutile , puisque , si on suppose de la résistance
et des doutes, ils n’ont pu être levés que par des éclaircissemens satisfaisans.
On peut être surpris lorsqu’on est sans défiance; mais si on
suppose de la défiance au sieur Destaing père, vieux ma
gistrat, 011 ne peut pas croire qu’il ait été surpris sur un point
aussi délicat et aussi important pour lui.
Son fils était en France depuis plusieurs mois : sans doute
qu’il s’était fait pardonner le tort moral qu’il avait eu de se
marier avant d’avoir obtenu son consentement.
On n’a point dissimulé, comme le général Destaing ne se
dissimulait point à lui-même, ce tort étranger à sa veuve et à
sa fille.
Mais en remarquant, comme on ne pouvait s’en dispenser,
qu’à l’époque où le général Destaing s’est m arié, la loi
n’exigeait pas le consentement paternel, on a dû dire, et on
l ’a lait, que dans le système de toute autre législation, l'appro
bation du père , quoique postérieure au mariage, le validait ;
et que des collatéraux n’étaient jamais recevables à relever ni
l ’omission ni l’approbation tardive.
C’est donc par pure malice, qu’à la page Go du libelle on
accuse madame Destaing d'argumenter avec un empresse
ment pou louable d ’une^ loi révolutionnaire promulguée
�C7 )
clans un instant de délire : loi immorale et. funeste qui n
fa it tant de malheureux qu'on entend tous les j o u r s gémir de
leurs ëgarernens , et qui passent leur vie dans la douleur et
le désespoir.
Non : madame Destaing n’argumente point de lois révolu
tionnaires , qu’elle a eu le bonheur de ne pas connaître.
Elle invoque la doctrine des plus sages législateurs anciens, et
modernes; des principes qui servent de base et de fondement
à leur société bien ordonnée, et établis en dogme par le Code
immortel qui régit aujourd’hui tous les Français, et qui sera
bientôt adopté par tous les peuples policés de l’Europe.
11 y a donc de la méchanceté à rappeler des souvenirs que
tout doit faire oublier, et à chercher , en souflant sur des
cendres , à ranimer quoiqu'étincelle de nos malheureuses
discordes.
Les traces n’en subsistèrent que trop longtems , et c’est
sous ce rapport qu e l<i en use de m adam e D e sta in g mérite
toute l'attention du magistrat. Com bien d ’individus , trans
portés hors du lieu de leur naissance ou de leur premier
établissement, seront hors d’état de produire leur acte de
naissance, ou celui de leur père, ou l’acte de célébration
de mariage des auteurs de leurs jours ! Faudra-t-il qu’au gré
de quelques parens avides, ils soient privés de leur état et
du'patrimoine de leurs aïeux? Si jamais on admettait cette
absurde doctrine que la possession d’état est un titre insuf
fisant, combien de milliers d’individus se trouveraient sans
nom , sans fam ille, sans patrimoine, lorsqu’ils se trouve
raient tardivement méconnus par des parens avides de leurs
dépouilles ?
Le Code Napoléon, en exigeant pour certains cas la pre-
�C 8)
sentation des sctes de l’état c iv il, a prévu l’impossibilité dans
laquelle pourrait se trouver, de justifier de son état, un in
dividu dénué de ces titres.
Les articles 70 et y 1 remédient à cet inconvénient et pres
crivent la forme d’un acte de notoriété supplétif.
Cet acte est reçu par le juge de paix, non en forme d’en
quête , mais par déclaration univoque et collective, et il
n’est homologué par le tribunal que sur rapport et contradic
toirement avec le ministère public.
Madame Destaing a rapporté un pareil acte de notoriété
dont elle n’avait pas besoin , attendu sa constante et inalté
rable possession d’état.
La plupart des personnes qui ont comparu devant le juge
de paix , avaient été témoins du mariage, et l’ont déclaré.
Le magistrat qui a lui-m êm e rédigé l’acte, avait d’abord
entendu que tous en avaient été témoins, et l ’avait écrit
ainsi ; mais à la lecture, un seul ( don Raphaël ) ayant ob
servé qu’il n’avait pas été présent à la célébration, on écrivit
lu plupart au lieu de tous, le reste de la déclaration portant
sur des faits dont ils avaient également connaissance.
La justice a donc sous les yeux la déclaration légale et
judiciaire de six témoins, de la célébration du mariage du
général Destaing.
Ces témoins, que le libelliste traite avec plus que de la
légèreté, et qu’il présente comme des quidam, avaient un
rang distingué dans l ’armée d’Egypte. 11 est,vrai que tous,
excepté le général Duranteau, étaient officiers civils ; mais
ils sont tous membres de ,1a Légion-d’Honneur. S’ils n’ont pris
dans leur déclaration que les qualités qu’ils avaient à l'époque
où se sont passés les faits qu’ils attestent, ces qualités suiii-
�m
salent]'"au moins, pour faire considérer leurf déclaration
comme étant d’un grand poids; mais si le libelliste avait
pris la peine de consulter l’almanach impérial, il aurait vu
qu e1des commandans de la Légion-d’Honneur, un trésorier
de la couronne, des inspecteurs généraux et des commissaires
ordonnateurs ne sont des inconnus que pour des gens qui se
méconnaissent eux-mêmes. Il aurait vu qu’un général, officier
distingué avant la révolution, porté plusieurs fois au Corps
législatif par le vœu de ses concitoyens et le choix du Sénat,
n’est pas un témoin à dédaigner.
D ’ailleurs ? madame Destaing a dît assez hautement que
son mariage avait été connu de tout ce qu’il y avait d’offi
ciers de l’état major de l’armée d’Egypte ; elle a dit et im
primé qui elle était, qui était son père et sa mère. Il y a en
France des milliers d’individus qui auraient pu la démentir,
si elle en avait imposé. Les MM. Destaing connaissent beau
coup de militaires et des amis de leur frire ; en ont-ils trouvé
un seul qui ose accuser leur belle-sœur d’imposture ?
. Mais parmi les témoins du mariage se trouvait le général
Delzon, cousin-germain du général Destaing, le même qui
s’était marié en Egypte avec la fille d’un français, et qui a
remis k ses cousins, a ses cousines, 1 acte de son mariage
fait devant un commissaire des guerres, et dont il n’existe
point de minute ; le même qui a assisté à l’assemblée de
famille qui nomma l’ayeul tuteur de la fille du général Destaing, régla l’acte viduel et la pension veuvagère.
Madame Destaing a écrit et imprimé que le général Delzon
avait été témoin du mariage. N’aurait-elle pas été dém entie
par ce braye militaire, si le fait ¿tait faux ; mais un homme
2
�<*o
d’honneur, quelque complaisance qu’il ait pour ses prochesj
est incapable de les servir aux dépens de la vérité.
Personne n’est mieux instruit que lui du mariage de ma
dame Destaing, dont il a été témoin. Son épouse a été Igamie,
la compagne, la première interprète de sa cousine. Sous les
yeux du général D elzon , madame Delzon aurait-elle vécu
ainsi avec une musulmane échappée à la servitude dun
harem. Les MM. Destaing, en outrageant la veuve d’un irère
qui leur fait honneur, manquent également à leur cousin ^
qui fut constamment son ami ; à l’épouse de ce général qui ,
quoique fille d’un français , est également née en Egypte :
mais à qui ne manquent-ils pas ? Nous nous abstenons de
relever tout ce qu’il y a de méchant dans cette diatribe ;
il suffit, à leurs y e u x , d’avoir rendu hommage à la vérité
pour exciter leur humeur ou leur colère.
Sans doute que s’ils avaient suivi le conseil de leur oncle
maternel, le père du général Delzon, la tentative qu’il font
d’enlever à leur belle-sœur et à leur nièce leur état et leurs
biens , n’aurait jamais eu lieu.
M. Delzon était membre du Corps législatif, et se7trouvait
à Paris à l’époque du décès du général Destaing :'c'est lui
qu i, le premier, a reconnu l’état de sa nièce ;'c’est sur sa
demande qu'il obtint pour la veuve du général Destaing la
première pension qui lui fut accordée. Cette pensiqn ne fut
modique qu’à cause que le premier Consul ne voulut point
alors assimiler le général Destaing ¿1 un officier mort sur le
champ do bataille.
'
t
Ce n’est point sur la présentation de l'acte de tutelle que
la pension a été. augmentée ; c’est uniquement par l'intérêt
q u ’i n s p i r e la veuve du général Destaing à tous ceux qui furent
�C »* )
les amis de son m ari, et la cruelle persécution qu’on fait
souffrir à cette infortunée.
Depuis qu’on lui a expliqué le libelle odieux publié contre
e lle , elle baigne de ses larmes sa fille , son unique consola
tion ; elle veut aller <se jeter au pied de la Cour de Riom ,
et lui demander justice : mais le tems presse , ses ressources
sont épuisées. Madame Destaing ne peut ni se séparer de sa
fille, ni .exposer la santé délicate de cette enfant, en entre
prenant avec elle un voyage long et pénible ; elle ne pourrait
d’ailleurs ni voyager ni se présenter seule : et puisqu’une
mère de famille n’a pas été un être respectable aux yeux de
ses ennemis , que n’aurait-elle pas à craindre de leur injus
tice , si elle cherchait un protecteur pour la conduire et la
présenter à ses juges ?
On lui a dit que les lois françaises lui en a s s u r e n t un
dans le ministère public, protecteur naturel delà veuve, de
l ’orphelin et de l’état des citoyens. C’est dans ' ses mains
qu’elle remet ses droits et le soin de requérir la réparation
qui lui est due pour les outrages dont on a voulu l’abreuver,
, Elle est chrétienne •, elle en fait gloire : madame Delzon
et le général Delzon le savent bien. Elle est devenue fran
çaise ; mais elle n était point indigne d’être l’épouse du gé*
neral D estaing, et elle a toujours porté cette qualité avec
honneur.
Le rit grec dans lequel elle a été élevée est ortodoxe et
reconnu comme tel par l’Eglise romaine ; le siège de l’Eglise
grecque, dans le sein de laquelle elle est née, est toujours
Alexandrie ; l’évêque est qualifié de patriarche, et réside au
Caire.
I l n’a rien de commun, avec lei Arméniens, "dont les uns
�C *2 )
sont catholiques et d’autres hérétiques, ni avec les Syriens >
les Cafres et les Maronites, qui sont tous autant de sociétés
chrétiennes plus ou moins attachées au dogme ou à la tra
dition.
C ’est le patriarche grec d’Alexandrie , propre pasteur de la
dame Destaing, qui a béni son union suivant le rit grec et
dans les formes usitées dans le pays.
Ces formes sont solemnelles et suffisantes pour un contrat
qui est autant du droit naturel que du droit des gens.
C’est vouloir tromper la multitude que d’appliquer ce que
des voyageurs ont pu dire du mariage des Turcs aux mariages,
contractés en Turquie par des chrétiens.
On doit savoir que le gouvernement ottoman a toujours
laissé les chrétiens qui vivent sous son empire.se conduire
suivant leurs lois, et ceux-ci n’en ont pas d’autres que les lois
religieuses qu’ils ont conservées; de là vient que leurs prêtres
réunissent, jusqu'à un certain point, le ministère civil au
ministère ecclésiastique.
. .
Les différens que les chrétiens peuvent avoir entr’eux ne
sont point portés devant le cadi, mais devant les prêtres,
sauf l’appel au patriarche, à moins qu’un musulman n’y fui
intéressé, et la puissance ottomane prête m ain-forte aux
jugemens des patriarches comme à ceux de ses premiers of
ficiers.
/;.
C’est ainsi qu’après la conquête des Francs, les'différens
peuples qui furent subjugués sc réservèrent leurs lois, et qu’il
fut permis à chacun de vivre ou S0;US la loi romaine , oui
sous la loi falique, ou soys tout autre régime, et la puis
sance publique maintenait les jugemens rendus suivant ces
diverses lois*^: ■
m -.n
-
•
�( i5 )
L a cour de Riom sait tout cela mieux que nous, et san9
cloute l’auteur du libelle ne l’ignore pas ; mais il a voulu
faire illusion à ceux pour qui il écrivait : autrement, aurait-il ;
parlé de notaire pour l’Empire T u rc , et de registre pour
une contrée dont la civilisation est si en arrière de la nôtre ?
Une seule de ses remarques mérite quelqu’observation ;
c’est l’expression de la date de l’année du mariage de la dame
Destaing.
Avant que , par des rapprocbemens qu’on n’a pu obtenir
d’elle qu’à mesure qu’ elle a appris la langue française, on ait pu fixer le jour du mois auquel ce mariage a eu lieu , on a
écrit qu’il avait été fait en l’an 8. Comme dans le calendrier
républicain l’année commençait au mois de septembre et non
au mois de janvier, il arrivait qu’en comparant ce calendrier
au calendrier grégorien, auquel nous sommes revenus, les deux
portions d e l ’année de l’ancien calen drier ne se rapportaient
pas à la m êm e année du nouveau ; de m anière q n ’on ne
pouvait bien déterminer une année sans fixer le mois : de là y
bien dés équivoques.
t
>
Mais clleé disparaissent dans l’ensemble des circonstances
antécé„lentës', suivantes et' concurrentes, et dès lors l’expression -de-’ l<’année dfcvient indifférente.
Quand on a dit, par exemple, que le mariage du général
Destaing a eu lieu le 17 janvier de l’année qu’il comman
dait au Caire sous le général Béliard , peu de mois avant le
siège, après l’assassinat du général Kléber, etc, etc. ; on a fixé
d’une manière certaine répbqlie de ce mariage : madame D e s taing ne peut avoir voulu le reculer d’une année, tandis qu ’elle
a compté le peu de tems qu’elle a vécu a v e c son m a i i . , ;
Mais tout cela n’est qwe pour les oisifs. L’appeï süt'-ïéquêl
la Cour de Riom* doit prononcer n^’ lui présente que ïai
�(14 )
question( de la possession d’état ; e t , sur ce point, la défense
de la dame Destaing n’a.pas été entamée, et elle ne peut
p as l'être par les digressions dans lesquelles ses adversaires
sont- entrés, et dans lesquelles on ne les a suivis que pour
d étruire les impressions; qu’elles auraient pu faire sur la
portion du public qui ignore le véritable état de la question
agitée entre les parties.
V u les observations ci-dessus et le Mémoire imprimé à
Riom , sur lequel elles ont été faites;
Le CO N SEIL soussigné e s t i m e que ce Mémoire ne pouvait
pas être qualifié autrement qu’il l’a été dans les Observations;
qu’il est injurieux à madame Destaing et à sa famille dans
les allégations qui les concernent, et qui sont d’autant plus
reprehensibles qu’elles sont étrangères à la question de droit
soumise à la décision de la Cour d’Appel de Riom.
Madame Destaing se doit à elle-même et aux siens d'en
demander la suppression, qui pourrait même être requise
d’office p a r le ministère public, attendu la nature des injures
et les fausses opinions qu’elles pourraient donner sur la
conduite des officiers français qui ont été employés à l’armée
d’Egypte.
Délibéré à Paris, par les anciens jurisconsultes soussignés,
le 26 mai 1808.
JAUBERT.
CH ABO T
de
l 'A l l i e r .
HACQUART, Imprimeur du Corps Législatif et des Tribunaux ,
rue Git-le-Cœur, n9 8.
�
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Title
A name given to the resource
Factums Marie
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Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
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A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Destaing, veuve. 1808]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Jaubert
Chabot
Subject
The topic of the resource
contestations de légitimité de mariages étrangers
expédition d'Egypte
opinion publique
xénophobie
conseils de famille
Delzons
Description
An account of the resource
Observations sur la cause de la dame veuve Destaing, et sur le libelle diffamatoire imprimé et publié à Riom pour ses adversaires, et produit par eux devant la Cour d'Appel séant en cette ville.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Hacquart (Paris)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1808
Circa An 6-1808
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
14 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0607
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0410
BCU_Factums_M0536
BCU_Factums_M0608
BCU_Factums_M0610
BCU_Factums_M0605
BCU_Factums_M0603
BCU_Factums_M0604
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/5/53867/BCU_Factums_M0607.jpg
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Mauriac (15120)
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contestations de légitimité de mariages étrangers
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opinion publique
xénophobie
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76c572e3e6da6df8e5b37cbe3516a348
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Text
r
P R E C I S
POUR
Sieur J e a n G E R L E , avo ca t, et j u g e d e paix
du canton de S a ux i l l a n g e s , i nti m é ;
CONTRE
F ra n ç o is
r i n e et
G E R L E , prêtre, P i e r r e , C a t h e
M a r i e G E R L E , frères e t sœurs,
U n e acquisition d ’im m euble particulier, faite par un
p è r e , en qualité de légitime adm inistrateur d ’un de ses
enfans en bas â g e , le p rix payé des deniers du p è r e ,
auquel des deux d o i t - e l l e p ro fite r? La translation de
p ro p riété qui s’est opérée p a r l’effet de l’acte de v e n te ,
n ’a-t-elle pas ré sid é , a b i n i t i o , sur la tête de l’en fan t,
au nom duquel l’acquisition a été faite ? o u l’objet ainsi
A
�( 2 )
acquis f a it - il partie des biens et de la succession du
père ?
L ’enfant doit-il être tenu de rapporter l’objet en na
ture , à la succession de son pèi’e ? ou n’est-il tenu qu’au
rapport des deniers employés par le père au payement
du p rix de cette acquisition, des frais et loyaux coûts,
et aux améliorations du fait de ce dernier?
T elle est la principale contestation sur neuf cliefs de
demande, qui seront développés lors de la plaidoirie.
* V
r
F A I T
S.
E n 1 7 5 9 , Pierre G e rle , père commun des parties,
en qualité de légitim e administrateur du sieur G erle, in
tim é, donna sa procuration pour acheter six journaux
d’un pré appelé la P érich o n n e, situé à Sauxillanges.
L ’acquisition fut faite par le fondé de pouvoir du sieur
G erle p è re, en cette q u alité, pour et au nom du sieur
G erle fils.
En 1 7 8 6 ,1 e sieur G erle fils contracta mariage. Son
père l’institua son h é ritie r, et .le chargea de payer, à
chacun de ses autres enfans , une légitim e déterminée.
A l’époque du contrat de mariage du sieur G erle fils
(5a mèi’e étoit décédée ab intestat) , Pierre G erle, son
père, jouissoit alors des biens de ses enfans, provenaus
du chef de leur m ère, en vertu de l’usufruit légal, effet
de la puissance paternelle alors en vigueur. Les parties
vivoient sous l’empire des lois-des pays du droit écrit.
A p rès le mariage du sieur G e rle , intim é, son père a
é g a le m e n t ! continué de jouir de ses biens, par suite du
�C
3)
môme usufruit, jusqu’au 19 août 1804, époque de son
décès.
A l’ouverture de la succession du sieur G erle p è r e ,
le sieur Gerle aîné, son héritier contractuel, a réclamé
les six journaux de pre comme à lui appartenans, ayant
été acquis pour lui et en son nom par son père ; il a
offert de rapporter a la succession paternelle les deniers
fournis et avancés par son père, et employés au payement
du prix de cette acquisition , les frais et loyaux coûts
d’icelle, et le montant des améliorations du fait de ce
dernier, s’il en existe, qui aient rendu l’objet acquis de
plus grande valeur.
M O Y E N S .
C’est un principe généralement reconnu et avoué dans
le droit, qu’un père peut acquérir pour un de ses enfans;
et que l’objet acquis par le père, comme administrateur
légitime d’un d’eux, appartient irrévocablement à Tentant
sous le nom duquel l’acquisition est faite, exclusivement
au père. C ’est ce qui nous est enseigné par tous les ju
risconsultes qui ont écrit sur cette matière.
Ils ont assimilé le cas de l’acquisition faite par le père,
agissant en qualité d’administrateur -ou de curateur d’un
de ses enfans, au cas d’un retrait lignager exercé par
l’ascendant, agissant en la môme q u a lité , sous le nom
d’ un d’eux. Ils enseignent que les effets et les consé
quences sont les mêmes dans l’un comme dans l'autre
cas, et décident que de même que le p ère, ou un des
ascendans , ne peut disposer de l’héritage ainsi retrait
A a
�(4)
de même il ne peut aliéner l’héritage par lui acquis sous
le nom d’un de ses enfans.
G rim audet, en ses œ uvres, liv. 2 , cli. 12, agite d’abord
la question de savoir si un père peut valablement retraire
sous le nom d’un de ses enfans , n’ayant aucun bien ,
l’objet par lui vendu : après avoir décidé pour l’affir
m ative, il ajoute que lors du partage des biens du père,
l ’objet acquis appartient et reste à l’enfant comme propre;
qu’il en est l’incommutable propriétaire; et que, quoique
le père ait payé le prix de ses deniers, il ne sauroit pré
tendre à la propriété de la chose ainsi acquise. V o ici
comment s’exprim e Grimaudet :
« L a conséquence suit de ce que l’enfant de fam ille,
« ou son p ère, comme curateur, peut retirer ce qui a
« été vendu par son p ère; lequel acquêt demeure propre
« à l’enfant, et le père, après, ne le pourra retenir, par la
« raison commune que ce qui est acquis de mes deniers
« n’est pas fait m ien, mais à celui qui a fait l’acquisition. »
Cet auteur fonde son opinion sur la loi S i ex eâ
p ecu n id , au cod. de re ven ditâ ; et les raisons qu’il en
donne sont, ainsi qu’il les rapporte, fondées sur l’autorité
de G odefroy. Q uia empturn pecuniâ a lic u ju s , ejus
non f i t , sed ejus eu ju s nom ine emplio facta est ; et
quando pater d o n a tjîlio , relut pecuniam in rctractiu
ilia donatio non reddit ad commodurn pntris.
L e m êm e auteur ajoute ensuite :
« Entre les enfans ès lieux où les père et mère ne
« peuvent pas avantager les uns plus que les autres, celui
« sous le nom duquel l’acquet est fa it, doit rapporter
« les deniers de Vacquét avec les f r a i s , si mieux il n’aime
�(5 )
«
«
«
«
«
«
«
«
«
la chose retirée, demeurer en l’h érédité, pour les deniers en être partagés; et pour Cacquêt être, [fa it par
le p èr e, comme curateur de son e n fa n t, il ne f a u t
dire q u 'il fa s s e sa condition meilleure que Tun de
ses autres e ifa n s : ca r il ne lu i donne rien de son
b ien , et tout ce qui part du père ( q u i sont les dem ers) , il f a u t que Venfant les rapporte ,* le nom du
curateur ne doit f a i r e que la chose appartieitne au
père et a u x autres etifans.
« Ce que nous disons que le père ne peut avantager
« l’un de ses enfans plus que l’autre, se doit entendre,
« comme nous disons en d ro it, que l’homme et femme
« ne se peuvent faire don l’un à l’autre, dont l’un soit
« plus p a u v re , et l ’autre enrichi : o r , au cas présent ,
c par Vacquêt le père n'est appauvri; ca r il ne perd
« rien du sien , et débourse seulement des deniers pour
« lesquels il se peut p o u rvo ir; et quant à îa cquêt ^ le
« fils ne lef a i t de son père, niais de Vétranger] partant
« les autres enfans ne peuvent prétendre part audit
« a cq uêt, ou dire que par icelui le père ait avantagé
« leur fr è r e . »
Brodeau, sur l’article 139 de la coutume de Paris, qui
étoit une coutume qui astreignoit à une parfaite égalité,
a consacré les mêmes principes que G rim audet; il en
seigne que « les autres enfans, après le décès du père,
« ne peuvent rien prétendre à l’héritage retiré ou acquis
« par le p è r e , sous le nom de l’un d’eux ; que le fils
« n est tenu qu’au remboursement des deniers avances
« par le père; que dès-lors n ih il abest à fa r n iliâ , et
« qu’on ne peut pas dire que la gratification et le ch o ix
�(*•)
« que le père a f a i t de la personne d'un de ses eivfans
cc soit un avantage indirect et réprouvé. »
L eb ru n , en son Traité des successions, liv. 3 , chap. 6,
sect. 3 , traite la question de l’acquisition faite par un
père au nom d’un de ses enfans, et celle du î-etrait exercé
par le père sous le nom de l’un d’eux ; et dans l’un
comme dans l’autre cas, il enseigne et décide que le fils ne
doit rapporter que le prix de l’acquisition ou du retrait,
et non l’héritage acquis ou retrait.
A u nombre 1 5 , il dit :
« S i le père a acheté au nom de s o n jï ls , LE P R IX
ci D E L’ A C Q U I S I T I O N EST SU J E T A R A P P O R T . »
A u nombre 16, il ajoute :
« Il en est de même quand un père a exercé et exé« cuté un retrait lignager au nom de son fils; car le
« fils rapporte le prix du retrait à la succession de son
cc p è re , E T N O N L’ H É R I T A G E M Ê M E , Q U I n ’ a J A M A I S
a A P P A R T E N U A U P E R E , et qui ne l’auroit pu prétendre
cc en la succession de son fils, ni comme acquêt, ni à
« titre de réversion ; en sorte q u e, quoique le retrait
cc lignager soit très-avantageux, c’est un cas où le père
« peut avantager son fils d'un projit q u i n e st point
« sujet à rapport. » I l fa u t dire de même dans le cas
du nombre précédent, et « SI LE PÈRE A P A I T POUR
«
SON EIL S U N A C H A T A V A N T A G E U X . »
en son T raité du droit commun de la F ran ce,
cliap. 7 , sect. i re. , intitulée : D u rapport de ce que le
père achète pour son fils, pag. 729, s’exprim e ainsi.
B o u r jo n ,
A u norhbre i ot. , il dit :
« T o u t avantagé d’ascendans à descendans fonde le rap-
�C7 )
«
«
«
«
«
«
«
«
«
cc
«
«
«
«
«
a
port. Si les père et m ère ont exercé un retrait lignager
sous le nom de leur fils , il doit les deniers employés
pour l’exécution d’un tel retrait , m ais Vhéritage
retiré lu i appartient. » ‘
A u nombre 2 , il ajoute:
« D e m êm e, s'ils ont acheté et payé pour lu i un
im meuble, ce q u i résulte évidemment de la proposition précédente. »
A u nombre 3, le même auteur ajoute encore:
« D a n s Tun et Vautre ca s, c ’est-à-dire, du retrait, et
de Vachat d’un immeuble de la part d’un père pour
son J i l s , ce dernier ne doit pas le rapport de la
CHO SE, qui ne vient p a s de la substance du père $
m ais l e r a p p o r t DES D E N IE R S P A Y E S par Y ascendant à ce sujet. Mais il ne doit plus les deniers en abandonnant la chose , s’il se trouvoit lésé par le retrait
ou l’acquisition, et qu’il eût été restitué contre l’effet
d’iceux. 53
E n fin , au nombre 4 , Bourjon s’exprim e ainsi :
a Soit dans le cas du retrait exercé par le père pour
son fils, soit dans le cas de Vacquisition f a it e par le
père sous le nom du même J ils, CES SORTES D ’ A C T E S
a SONT DES ACT ES DE COM MERCE E T N O N D E L I B É «
R A L I T É . 55
F e rriè rc , sur l’article 3 0 4 'de la coutumë de Paris,
glose 2 , n». I er. } tom. 3, enseigne une semblable doctrinê.
« Ce q u i est a cq u is, d it-il, par le père, de ses deniers,
« au nom dé
son fils,
est sujet'
à
rapport,
‘smViint
le
« sentiment de C karo n d as, ce qui Jest sans d o ù tè ^ e t en
'« ce cas, C’EST LA SOMME QUI E S Ï S'üJEÏTEiA'^APPORT,
�(8 )
«
ET NON L’H É R IT A G E
A C Q U IS, D’ A U T A N T
«
J A M A I S É T É D A N S LES B IE N S D U PE R E . »
QU’ l L N ’ A
B oucheul, en son T raité des conventions de succéder,
chap. 6 , n°. 21 et suivant, pag. 66 et suivantes, traite,
ex professo , la même question que la cour a à juger.
A p rès avoir fait rénum ération des coutum es, telles que
celles de N orm andie, Bretagne et T ou rain e, dont les
dispositions sont contraires aux principes gén érau x,
Boucheul ajoute aussitôt:
« M ais l’on renferme ces coutumes dans leur détroit;
« et où la coutume n’en parle pas , la jurisprudence y
« est certaine que l’héritage ainsi retiré et acquis p a rle
« p è r e , sous le nom d’ün de ses enfans , q u o i q u e
«
M I N E U R , E N BAS A G E , E T M E M E SANS A U C U N B I E N ,
«
A P P A R TIE N T,
«
D E N IE R S
«
UN
«
ONT p o u r l u i ,
NON
AU
PERE
QUI
A FOURNI
LES
, mais ci l'enfant sous le nom duquel
k L’ A C Q U Ê T oit le retrait sont faits. »
Cet auteur a fondé son opinion sur les dispositions
de la loi 8 , au cod. S i quis alteri vel sibi emerit.
A u nombre 2 6 , Boucheul ajoute :
« Quand le père ou la mère a c q u i è r e n t un héi'i« tage sous le nom de l’un de leurs enfans, ce n'est pas
a v a n ta g e
que
cette
p r é d ile c tio n
q u ’i l s
et en remboursant le p r ix , l ’ h é r i -
sans qu'il soit besoin d'en fa ir e
v rapport à ses cohéritiers , parce que c'est un bien
a t A G E EST A U F I L S ,
d qui ne vient pas d e s u s s t a n t i a
p a t r i s. »
D en izart, au mot R apport, n°. 49, dit :
« S i le père achète , au nom de son f i l s , ou exerce
« w i retrait Ugnager, l e p r i x d e l ’ a c q u i s i t i o n ou du
v. retrait
�(9 )
«
retrait est sujet à rapport
;
M A IS
NON p a s
I.’ h é -
en
« sorte q u e , supposé que Va chat ou le retrait soit
« avantageux au J i l s , LE p r o f i t QUE F A I T LE FILS
« R IT A G E ,
QUI N ’ A J A M A IS A PPAR TEN U A U P E R E ;
« N ’ EST PAS SU JE T A R A P P O R T . 55
P o th ier, en son T raité des successions, cliap. 4 , §. 2 ,
page 180, édit. n i-40. , enseigne la même doctrine.
« L o rsq u ’ un père ( d i t - i l ) a a c h e té , au nom et
oc pour le compte de son f i l s , un héritage, et en a payé
« le p i'ix de ses deniers , CE n ’ e s t PAS l ’ h é r i t a g e
« q u i e s t s u j e t a r a p p o r t ; I L N’A J A M A IS
« P A S S É D U P È R E A U F I L S , P U I S Q U ’I L N ’A
« JA M A IS A P P A R T E N U A U P È R E , A Y A N T
« É T É A C H E T É A U N O M D U F IL S ; L E F IL S
« sera donc seulement ten u , en ce c a s , A U R AP P O R T
« D U p r i x que le père a ufourni pour V acquisition. »
O n trouve la même décision dans le répertoire de
jurisprudence, par Guyot. Les articles que nous allons
rapporter sont d’un célèbre m agistrat, vivant au temps
a ctu el, collaborateur de ce répertoire ( 1 ).
A u mot légitim e, tom. 10 , pag. 386, on lit :
« L e p r i x d ’ u n e a c q ^ s i t i o n que le père fait au
« nom de son fils, et qu’il paye de ses propres deniers,
« est, sans contredit, sujet à l’imputation : on a déjà
« vu que le parlement de Flandres l’a ainsi ju g é, par
« arrêt du 14 février 1776. »
" '
Mais il est essentiel de remarquer ici que c’est du
p r ix , et non de l’héritage acq uis, dont il est fait men( i) M. Merl... procureur général à la cour de cassation.
B
�C 10 )
tion , lorsqu’il s’agit de l’imputation de légitim e. On, va
vo ir qu’il n’est également question que du p r ix , et non
de l’h érita g e, lorsqu’il s’agit du rapport.
ü n lit encore, dans le même répertoire de jurispru
dence de G u y o t, page 4 1 3 , au mot rapport, nomb. 7 :
« Nous avons étab li, à l’article légitim e, qu’on doit
« im puter, dans la portion légitim aire, LE p r i x P B l ’ A C «
Q U I S I T I O N QUE LE P ER E A F A I T E DE SES PROPRES
« D E N IE R S , A U N O M D E SON f i l s ; la même raison
« veut que LE P R I X SOIT S U J E T A R A P P O R T , a
E n fin , à la même page il est ajouté :
« Nous ne parlons ici que d u R A P P O R T D U P R I X T
« parce qu’en effet il rfy a que l e p r i x q u i y p a « ROISSE S U J E T ,
« F A IT E
PAR
DANS
LE
PER E ,
« F A N S , L’ H É R I T A G E
« Y
ÊTRE
« PÈRE;
SOUMIS
IL
N’A
CONSÉQUEMMENT
«
LE
«
APR ÈS
SA
AU
D’ ü N E
NOM
DANS
D’üN
M Ê M E SEM BL E N E
JA M A IS
IL
N’A
P O IN T PASSÉ D U
«
M ETTRE
:
LE CAS
LA
M ASS E
DE
SES E N -
D E V O I R PAS
APPARTENU
PERE
LE F IL S N ’ EST
A C Q U I S I T IO N
AU F IL S ,
P O IN T
TENU
AU
et
DE
DES BIENS DU^ PERE
MORT. »
T e lle est la doctrine univwi&ellemeut enseignée par les
jurisconsultes qui ont écrit sur la question élevée au
jourd’hui dans la famille G erle : tous ont décidé que le
f i l s , au nom duquel l’acquisition ou un retrait sont faits
par le p è re , ou autre ascendant, est propriétaire seul et
i n c o m m u t a b l e de l’immeuble acquis 011 retrait ; que le
fils <est seulement tenu au rapport des deniers déboursés
fc p a rje p è re , et non au rapport de l’héritage acquis,
su rleq uel le père n’a jamais eu aucun, droit de propriété.
�C 11 )
D e ces principes, il résulte que les six journaux de
p r é , que le sieur G erle père a acquis au nom de son
fils a în é, en 1769, ont appartenu à ce d ern ier, dès l’ins
tant même que la translation s’en est opérée par l’eifet
de l’acte de vente qui a eu lieu ; il résulte enfin , et il
est dém ontré, que cette propriété a résidé sans cesse sur
la tête du sieur G erle, in tim é, à l’exclusion de son père,
et q u e , soit le sieur G erle p è r e , soit sa succession ou
ses h éritiers, n’ont à réclamer que le p r ix , les frais et
loyaux co û ts, et les améliorations du fait du p è r e , s’il
en existe du fait du père.
Quoique le père ait fourni les deniers pour le paye
ment de cette acquisition , cette circonstance ne sauroit
donner aux enfans légitimaires du sieur Gerle^ aucun
droit de propriété sur le pré dont il s’agit. G’est ce qui
nous est enseigné par G odefroy, en ses notes sur la loi i Ie.
au cod. S i quis alteri vel s ib i, s ub alterius vom inè vel
aliéna peciinïà lîm é r ït, tit. ¿ g ~ I iv. 4. Il décide que la
chose acquise n ’appartient pas à celui qui en a payé le
prix de ses deniers, mais à celui au n om duquel la chose
est achetée.
R e s , d it-il, ejus esse
videtur, n.o?i cujus pecunia T
sed cujus nom me empta est
E t sur la lo i 8 . du même_tit.. le m ême annotateur
ajoute : y?7umâ p ecu n iâ , quod co m p a i'a tu r, fit comparantis , non ejus eu]us fu it pecuma.
\
L a circonstance de l’existence de l’institution contrac
tuelle faite en 1 7 8 6 , en faveur de l’intimd , ¿ c ia part
de son père, ne sauroit changer son état, ni porter at
teinte à son droit exclusif de propriété Stir le pré dé°la
B 2
�( 12 )
i ’érichonne ; droit dont il a été irrévocablem ent investi
dès le 7 avril 17 5 9 , c’est-à-dire, dès le moment même
de la perfection de l’acte d’acquisition faite pour lui et en
son nom par son père.
E n devenant l’unique propriétaire de ce p ré, au même
instant il est devenu débiteur envers son pèi’e des deniers
par lui avancés et fournis pour parvenir à celte acqui
sition. O r , par cet état de chose, il est démontré que
jamais le père n’a pu être considéré comme propriétaire
du pré en question, et que cette propriété a nécessai
rement résidé dans la personne du fils.
L e père, en instituant son fils-aîné héritier universel,:
ne l’a institué que dans l’action qu’il avoit pour répéter
les deniers par lui déboursés, et non dans la propriété
du pré acquis pour son fils. .Car, eucore une fois, le père
n’en a jamais été ni pu devenir propriétaire, tant que
le fils n’a pas manifesté l’intention de l’enoncer à la
propriété de cet objet.
Ce seroit renouveller une absurdité qu’on a mise au
jo u r, en cause principale, si les appelans prétendoient
que l’acquisition faite au nom du fils , par le p è r e , est
un avantage indirect; que jojy^Jjg à l’institution contrac
tuelle, le père auroit alors excédé la quotité disponible;
que leur légitim e de rigueur seroit blessée; le pré dont
il s’agit a y a n t, depuis
considérablement accru de
valeur.
Toutes ces idées systématiques se trouvent détruites
d’avance par les autorités ci-dessus rapportées. Grim audet,
B rod eau, Lebrun et Boucheul enseignent que la prédi
lection que donne un père à un de ses enfans, en achetant
�( i3 )
soùs sôn nom un. im m euble, n’est point im avantage
indirect fait à cet, enfant. B ou rjon , au n°. 4 déjà rap
porté, dit que ces sortes d’acquisitions sont des actes de
commerce et non de libéralité.
Il est impossible de concevoir que de telles acquisitions
présentent l’ombre la plus légère d’un avantage indirect,
lorsque le fils rapporte les deniers fournis par le père;
par ce rapport, le fils réintègre dans la fortune du père
tout ce qui en est sorti : et tous les auteurs ci-dessus
cités enseignent que le fils n’est tenu qu’au jrapport de
ces mêmes deniers, qui ont constitué la substance sortie
de la fortune du père, et qu’il n’est point' tenu au rapport
de l’immeuble acquis, leq uel, ab in itio , a appartenu au
fils exclusivement au père : c’est ce rapport du prix
qui a fait dire à ces jurisconsultes que la prédilection ,
ou le ch o ix d’un des eirfans, f a i t par le p è r e , lié to it
point un avantage indirect.
L e p è r e , en achetant pour son fils , n’a sertf de la
substance de ses biens et de sa fortune, que des deniers;
le iils ne doit remettre à la succession du père que les
mêmes objets qui en ont été distraits ; c’est-à-dire, qu’il
ne doit remettre que des dCfliers. Cette vérité nous est
encore enseignée par P othier, en son T raité des succes
sions, tome 6 , chap. 4 , § . 2 , page 1 77, édition in-40.
V o ici comme il s’exprime :
cc
«
a
«
« T ous les actes d’ un père ou d’une mère , dont
quelqu’un de leurs enfans ressent q u e l q i i avantage,
ne sont pas des avantages indirects sujets à rapport;
il n’y a que ceux par lesquels les père et mère font
passer quelque chose de leurs biens à quelqu’un de
�( T4 )
leurs enfans, par une voie couverte et indirecte; c’est
ce qui résulte de l’idée que renferme le terme rapport;
car rapporter signifié remettre à la masse des biens du
donateur, quelque chose q u i en est sorti. O n ne peut
pas y remettre , y rapporter ce qui n’en est pas sorti:
donc il ne peut y avoir lieu au rapport, que lorsqu’un
père ou une mère ont fait sortir quelque chose de
leurs b ien s, qu’ils ont fait passer à quelqu’un de leurs
enfans. »
E n faisant l’application de ce principe lum ineux en
seigné par P otliier, il est donc clairement dém ontré que
les légitimantes G erle ne sont fondés à réclamer que le
rapport des deniers employés par le père com m un, à
payer l’acquisition faite pour son fils aîné , parce qu’il
n’est sorti du patrimoine du père que des deniers. L eu r
système de rapport de l ’objet acquis' est une erreur : cet
'objet n’a jamais fait partie des biens du p è re , puisque
tous le^fs* jurisconsultes décident qu’il appartient au fils
et non au père. L e pré de la Périchonne n’a donc pas
pu sortir de la fortune du p è r e , n’y étant jamais entré.
C ’est vouloir se révolter contre les principes du d ro it,
que de soutenir le rapport',*'en nature, du pré dont il
6’agit.
L a propriété du pré de la Périchonne ayant résidé
ab in it io , c’e s t - à - d ir e , dès le moment m ême de la
confection de l’acte de vente par l’effet duquel la trans
lation de propriété a passé de la personne des vendeurs
«
«
«
«
«
«
«
«
«
en celle du sieur G erle fils , acquéreur, il est ridicule de
prétendre que lès appelans aient jamais pu concevoir
l ’espoir d’un droit de légitim e sur ce pré. O n ne cessera
�C *5 )
de le répéter, ce pré n’a jamais fait partie du patrim oine
du sieur Gerle p è re; il n’a eu sur cet objet qu’un droit^
d’hypotlièque pour sûreté des deniers par. lui avancés
pour son fils. L e sieur G erle fils a în é , débiteur envers
la succession de son père de ces deniers, ne profitera
d’aucun de ceux que le père a sortis de son patrim oine,
en l’apportant le prix de l’acquisition dont il s’ag it, les
frais et loyaux coûts d’ic e lle , et la valeur des amélio
rations du fait de son p è r e , s’il en existe. C ’est sur ces
deniers, que n’a cessé d’offrir l’intimé dès le moment de
l’ouverture de la succession de son père, que doit frapper
en partie la légitime des appelans, et non sur le pré de
la Périchonne qui n’est jamais entré dans le patrimoine
du père, et n’en a jamais fait partie.
Par le rapport offert par l’intim é, la succession du
père ne reçoit aucune atteinte, et l’intimé lui-même ne
reçoit
aucun avantage.
Cette succession recouvre tout ce
i
o
qui a été distrait par le p è re, de la substance de sa for
tune et de ses biens.
~'
Lesappelans nesauroient être fondés à réclamer aucune
espèce de droit de légitim e sur l’accroissement de valeur
qu’a pu acquérir le pré de la Périchonne, depuis 176 9 ,
étant démontré qu’il n’a jamais fait partie des biens du
père commun. Cet accroissement de valeur n’a rien coûté
au père ; sa fortune n’en a souffert aucune espèce de
distraction; c’est une augmentation inopinée, qui est un
accessoire du pré , produite par la chance des temps, et
indépendante du fait de l’homme. O r , dès.qu’il est dé
montré«.quç
mtfriDsA
{ le père commun.
* p ’a-jApiaifcieuoBi}
^
■‘ .'1
.1
[' - h
'Ju o O f i o h
�<r
(16)
.
tant aucun droit de propriété sur cet h éritage, c’est une
absurdité de prétendre que les appelans ont des droits
à ses accessoires.
P o u r- p o u v o ir,
G E R L E .
r
, £i’1.-:** r.•v' ;r-"
:-* Ç *
'P.
"i
J
A. R I O M , de l’imprimerie de T hibaud -L andrio t , imprimeur
de la Cour d’appel. — Mai 1808.
�
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The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
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Factums Marie
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Description
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<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
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A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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A name given to the resource
[Factum. Gerle, Jean. 1808]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Gerle
Subject
The topic of the resource
successions
acquisitions
fils avantagé
minorité
Description
An account of the resource
Précis pour sieur Jean Gerle, avocat et juge de paix du canton de Sauxillanges, intimé ; contre François Gerle, prêtre, Pierre, Catherine et Marie Gerle, frères et sœurs, appelans.
Annotations manuscrites.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Thibaud-Landriot
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1808
1759-1808
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
16 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0630
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
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BCU_Factums_M0631
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Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Sauxillanges (63415)
Riom (63300)
Rights
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Domaine public
acquisitions
fils avantagé
minorité
Successions
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DISSERTATION
SUR L A NA TU RE DES PERCIÈRES
DANS
L A
C I - D E V A N T
P R O V I N C E
E T
C O U T U M E
D’AUVERGNE.
ou p a r c i a i r e , a g r i e r , c h a m p a r t , t e r r a g e ,
e tc ., autant de termes synonymes employés dans les
divers pays, pour ne signifier qu’une même chose, c ’est-à-dire,
la portion de fruits que le propriétaire de l’héritage perçoit
pour son droit de propriété ; l’autre portion des fruits devant
appartenir au détenteur de l’héritage, pour le prix de son travail
et de la culture.
P e r c i è r e
c a r po t,
C ’est ainsi que s’en explique le glossaire du droit français ,
au mot champart : « C’e s t , d i t - i l , le droit de gerbe de blé
« et légumes que le seigneur de la terre p r e n d s u r le champ,
« avant que le laboureur enlève son blé, qui autrement s’ap
pelle terrage.
Il en est dit autant au mot perciére : cum
dominus fu n d i capit partem in fructibus cum colono.
�( 2) .
Ce d ro it, sous quelque dénomination que ce s o it, s’établit
non seulement par titre , mais aussi par une possession suffisante
à prescrire : c ’est ce que nous apprend la Thaum assiéres, dans
son commentaire de la coutume de Berri, tit. io , art.
.
Et il en doit être de même en Auvergne, o ù , par l’art. 2
du tit. 17 de la co u tu m e, tous droits et actions, cen s, rentes,
servitudes et autres droits corporels ou incorporels se pres
crivent, acquièrent ou perdent par le laps ou espace de trente
ans.
On voit aussi dans l ’art. 21 de la coutum e de Saintonge ,
au bailliage de Saint-Jean-d’A n g é ly , que les terres peuvent
être tenues à titre eïogrier,non-seulement par baillette expresse,
mais aussi par trente ans possédées ; et cet article ajoute que
si celui qui les tient ainsi les la is s e chômer pendant trois ans, le
seigneur pourra reprendre lesdites terres.
L ’article 24 de la coutume de Berri porte que les Cerragiers
ne pourront vendre ou autrement aliéner; lesdites terres terragières sans la licence et consentement du seigneur, si ce
n’est qu’il fût permis par le b a il, convention ou autre moyen
valable.
D e toutes ces autorités semble sortir la preuve que la pro
priété du fonds, réside toujours dans la personne du bailleur
à percière, champart, e t c . , et que le preneur n’est qu’un véri
table colon, partiaire ; et c ’est ainsi qu’on a vu qu’il étoit nommé
dans le glossaire du droit français , au mot p a rcia ire, où le
bailleur est appelé dominus fu n d i, et le preneur colonus. Il
n’y a en effet de différence entre le bail de métairie et le
bail à percière , si ce n’est que le bail de métairie est fait
pour un temps déterminé de trois a n s , ou de trois à s ix , ou
de six à neuf ; au lieu que le plus s o u v e n t le bail à perciére
est fait pour un temps indéfini ; mais le preneur, à l’un et à
l’autre titre , n’est jamais qu’un co lo n , q u i, comme le ferm ier,
ne jouit que pour le maître de la chose.
Quelle est d’ailleurs la nature de la percière ou du champart?
23
�(
3
)
est ce un droit féodal ou seigneurial, ou un simple droit foncier?
il faut distinguer.
;0
Ecoutons d’abord le grand maître de la m atière des droits
seigneuriaux, Me. Charles D um oulin, appelé à juste titre le
Papinien fra n ça is, et ce qu’il dit dans la préface du titre des
censives de la coutum e de Paris.
Quoique souvent, dans les coutumes de F ran ce, il soit fait
mention du champart , oe n est pas cependant un droit sei
gneurial et qui engendre des droits de lo d s, si ce n ’est dans
les coutumes qui le disent expressément 5 mais autrement le
champart est compris entre les droits privés et les servitudes
particulières, quoique quelquefois il puisse concourir avec le
cen s, comme avec quelque autre charge sur le même fonds;
c’est-à-dire , par une convention particulière, toutes les fois
qu’elle a été stipulée : noca quod quatnvts sœpè in consuetud in ib u s fia t mentio de campipartu, tamen non est ju s domi
nicale , nec laudimka trahit n isi ubi consuetudo hoc expresse
dicit. A lia s inter jura^privata et servitutes particulares computatur, quamvis quandôque possit concurrere cum censu, ut
q u o d lib e t ejusdem rei privatwn onus, •videlicet e x impositione
particulari ubi cumque ità pactum fu it.
Après cela on ne peut pas être surpris de lire dans la nouvelle
collection de Denizart, au mot champart, tom. 4,pag. 428, que
« le champart ( même droit que la percière ) est celui dû pour
« toute autre cause que la reconnoissance de la directe, soit au
« seigneur, soit à tout autre; qu’il se gouverne par les mêmes
« principes et par les mêmes règles que les rentes foncières,
cc et qu’il faut titre ou possession équivalente pour pouvoir
« le prétendre, et qu’il se perçoit comme tout autre droit, etc. »
LaThaum assîères, sur l’art.
de la coutume de Berri, avoit
dit aussi que cc les terrages ( même droit que la perciôre ou
cc le champart ) n emportoient pas, dans cette coutume, les lods
cc et ventes , quoiqu il soit le premier droit établi sur l’Iiériu tage libre et allodial, non plus que dans les autres coutume*
23
�( 4 )
et qui n’ont pasfde dispositions contraires; » sur quoi il renvoie
a u passage de D um oulin, et il ajoute que « cela ajlieu dans
« cette coutuïne, qui admet le franc-alleu, et rejette la règle,
« nulle terre sans seigneur. » '[
: ' .
Et sans doute il en doit être de même dans la coutume d’Au
vergne, qui, comme celle de Berri, admet le franc-alleu , rejette
aussi la règle , nulle teire sans seigneur | et reconnolt la règle
toute contraire, nul seigneur sans titre. !
i iQue l’Auvergne soit un pays 'de franc-alleu , c’est ce qui ne
peut être la matière d’un doute ; et c ’est ce qui est attesté
par tous les auteurs qui en ont parlé.
M azuer, que M. d’Aguesseau appelle un de nos plus excellens
praticiens, et dont l’ouvrage avoit principalement pour objet
les coutumes d’Auvergne, avant q u ’ e ll e s fussent rédigées par
écrit, y atteste la franchise et la liberté des héritages, même
à l’égard des seigneurs justiciers : non sequitur, res quam
possideo est in tua furisclictione ergo teneo à te in fenclum ,
et hoc innuitur, quod dominus debet ostendere rem pro quâ
prœtendit.
• A ym o n , le plus ancien des commentateurs de la coutume
d’Auvergne, expliquant l’art. 19 du titre 1 7 , l’entend sans dif
ficulté du franc-alleu d’origine : omnia præsumuntur libéra
et allodialia pro ut fu eru n t primœvo jure.
Bessian, qui vient après Aym on dans l’ordre des commen
tateurs, sur les articles 4 et
du titre 2, rappelle les termes
de l’art. 19 du titre 1 7 , et il en tire cette conclusion : qualibet
res prœsumitur allodialfs et libéra, nisi contrarium probetur.
Itigaltius, qui a fait un traité de prœscriptionibus Arvernorum,
assure aussi l ’allodialité de la coutume d ’A u v e r g n e ; et loin de
la f a ir e d é r i v e r d e la prescription d u c e n s , q u i y est aussi admise,
il ne regarde cette prescription que comme une suite du francalleu : aliud servatur in A rvernia, in quâ prœ dia, libéra et
optima conditione quilibet possidere potest; undè eu ni quilibet
prœsumptione furis communis, sit in quasipossessione libertatis
5
�C5 )
et immunitaUs ci censu, talem immunitabem acquiri triennio
qui s dubitet ?
Basmaison , dont la paraphrase sur la coutume d’Auvergne
est si estimée, ne s’explique pas moins clairement : « Tout
cc héritage, dit-il, de sa première nature est franc et allodial’ :
« la coutume maintient en cette liberté naturelle les héritages
cc situés dans son district, pour charger de la preuve du contraire
« ceux qui prétendroient des fiefs , des cens et autres servitudes,
cc s’ils n’en font point apparoir. »
Consul, qui a fait des notes et des sommaires sur la coutume
paraphrasée de Basmaison, a ainsi conçu le sommaire de l ’ art.
19 du titre 17 : le franc alleu a lieu en Auvergne.
Ce ne sont pas seulement les commentateurs de la coutume
d’Auvergne qui pourroient être suspects de favoriser leur pays ;
tous les autres auteurs qui ont eü"occâsIon de parler de l’Au
vergne , au s u j e t du Tfanc-allen, ont également reconnu dans
cette province le franc-alleu naturel. On peut voir sur cela
la Thaumassières, dans son traité du franc-alleu , chap. 4 ;
Salvaing, dans son traité des fiefs, partie 2, pag. 11 ; Ferrières,
dans son commentaire de la coutume de Paris, art. 68, n. 20,
et les annotateurs de Duplessis, titre 2 , chap. 2 , pag. m .
Com m ent d’ailleurs auroit-on pu méconnoitre le franc-alleu
de la coutum e d’A u v erg n e , à la vue de l’art. 19 du tit. 17?
Toute personne , soit noble ou roturier, peut tenir auclit pays ,
haut et bas, héritages fr a n c s , quittes et allodiaux de tous
cen s, charges , J if fs , et autres servitudes quelconques.
Le franc-alleu de l’Auvergne a été tellement reconnu, qu'on
ne connolt qu’un seul exemple où l’on ait tenté de le contester,
mais où il fut confirmé par un arrêt du parlement de Paris, du
août 1748, rapporté par Denizart au mot franc-alleu; arrêt
rendu contre la dame de la seigneurie d’Eybes en Auvergne ,
et par lequel il fut jugé que le seigneur devoit prouver sa directité par titres, et en justifier par la possession.
On a voulu en dernier lieu assimiler les baux à percière
3
�avec les baux à rente, pour conclure, d’après les articles i r”.
et 2 du tit. i de la coutume d’Auvergne , que le bail à perciére
emportoit la directe seigneurie , et que par conséquent il devoit
être placé dans la classe des droits féodaux supprimés. Mais on
abuse de ces deux articles, non-seulement pour les rentes, mais
plus encore pour les perciéres , qui sont d’une nature toute
différente.
Voyons d’abord à l’égard des rentes.
L ’art. xer. du tit. i porte que tout cens ou rente établi sur
fonds ou héritages certains emporte directe seigneurie, s’il n’ap
pert du contraire.
Et l’art. 2 veut que celui qui acquiert cens ou rente sur
héritage quitte et allodial, ilacquiére directe seigneurie, quoique
de la directe il ne soit fait aucune mention.
Quoiqu’au premier coup d’œil ces d e u x premiers articles sem
blent assimiler le cens à la ren te, néanmoins si on jette les yeux
sur les articles suivans, on comprendra aisément que les termes
dont se servent les deux premiers articles ne peuvent s’entendre
que d’une rente proprement qualifiée censuelle, et non de toute
rente foncière en général.
C’est ce qui paroit d’abord indiqué dans l’art. , qui porte
que celui qui est obligé à asseoir cens, ou rente censuelle , il
faut qu’il baille rente en directe seigneurie. L ’article ne dit pas
simplement ren te, il dit rente censuelle ; et le même article dis
tingue une autre espèce de rente, qri’il appelle rente rendable,
et qui peut être également une rente foncière.
Les articles
et
distinguent également la rente censuelle
de la rente rendable, et annoncent suffisamment que ce lle -ci
n’emporte pas la directe, puisqu’ils portent que quand on donne
rente rendable au lieu de cens, il faut fournir le tiers-plus, pour
l ’ i n t é r é t de l a directe ; et que l o r s q u e a u contraire on donne
rente en directe, elle est prise pour tiers-plus.
3
3
3
4
5
Mais rien n’est plus clair pour distinguer la rente en directe
de la rente rendable, que la disposition de l’art. 6 , qui porte
�(
7
)
. que celui qui est tenu asseoir rente absolument sans autre
adjection, il en est quitte pour asseoir rente rendable.
D ’où il est démontré que dans la coutume d’A uvergne, quand
on ne se sert que du mot rente seulement, cette rente ne peut
jamais être considérée comme une rente censuelle, et que pour
donner cette qualification à une rente quelconque, il faut l'a d
jection de censuelle ou de directe seigneurie, ou autre équi
valente.
C’est ainsi qu’en effet se trouvent expliquées les dispositions
de la coutume d’A uvergn e, dans un acte d e notoriété rendu
public par la voie de l’impression , du prairial an , q u i fut
donné par les jurisconsultes de R iom , qui avoient exercé en la
sénéchaussée d’Auvergne la profession d’avocat pendant vingt,
trente, quarante et cinquante an s, et qui attestoient qu’ils avoient
toujours ainsi pratiqué et r é s o l u en consultation ; et que, dans la
coutume d ’ A u v e r g n e , quoique les rentes s u r h é r i t a g e s allodiaux
f u s s e n t très-fréquentes, il n’y avoit pas d’exemple que pour de
pareilles rentes , lorsqu’on ne les avoit pas qualifiées censuelles,
ou qu’on n'y avoit pas stipulé la directe seigneurie, aucun des
tribunaux de la province eût accordé les droits de lods.
Ces principes constans en matière de rentes foncières, ac
quièrent encore plus de force pour les baux à percière, qu’il
seroit ridicule de confondre avec les baux à rentes foncières ;
car, comme on l’a déjà dit, le bail à percière ou à champart
conserve au bailleur toute la propriété de l’héritage , le bail à
percière ne différant pas essentiellement du bail à colonage,
dans l’un et dans l’autre le bailleur recevant une quotité de
fruits pour son droit de propriété, et le preneur u n e autre
quotité pour le prix de son travail et de la culture; en sort# que
l ’un et l’autre participent également au bénéfice de l’abondance,
et au péril de la disette, tandis que dans le bail à rente le
bailleur perçoit t o u j o u r s une somme fixe o u , une quantité de
grains déterminée , qui ne reçoit aucune augmentation par
l’abondance, ni diminution par la disette.
5
3
�(
3
)
Aussi, à l’égard des baux à portion de fruits, trouve-t-on le der
nier état de notre législation fixé par les avis du conseil d’état, ap
prouvés par les arrêtés du gouvernem ent, qui sont rappelés dans
l’instruction donnée par le conseiller d’état, directeur général
de l’enregistrement et des domaines, le i pluviôse an 1 1 , et par
lesquels avis du conseil d’érat et arrêté du gouvernement, il est
décidé que «les lois portant suppression des redevances seigneu« riales et féodales ne sont point applicables aux baux à com
te plant on portion de lruits dont les clauses'portent la réserve
te de la propriété, et quelles preneurs doivent être considérés
« comme des fermiers à cet égard; et il est ensuite ajouté qu’à
<c l ’égard des clauses qui portent la réserve de la propriété ,
« ce n’est pas seulement celles qui en contiennent la réserve
« e x p r e s s e , mais que cette r é s e r v e dérive encore de la faculté
cc d’expulser le détenteur dans le cas de mauvaise c u l t u r e , m
O r, cette faculté est naturellement attachée aux baux à perc iè r e , agriers ou cham part, comme on peut le voir dans la
plupart des coutum es,com m e dans celles d’Etampes, d’Orléans,
de Saint-Jean-d’A n gély, et particulièrement encore dans celle
de la Marche, voisine et contiguë de celle d’Auvergne, et où il
est d it, dans l’article 329, que si celui qui a reçu une terre à
titre d’agrier laisse cet héritage en friche, celui qui a donné
ladite terre peut la reprendre.
Ainsi le droit de reprendre la terre en cas de mauvaise cul
ture emporte nécessairement la réserve de la propriété, suivant
les avis du conseil d’état, approuvés par les arrêtés du gouver
nement.
On a encore é le v é , dans ces derniers temps, la prétention que
les percières qui se trouvoient dues à d’anciens seigneurs s u r des
héritages situés dans l’étendue de leurs j u s t i c e s , étoient, par
cela seul j réputée» r^odalun, ot «a uouvoient par conséquent
comprises dans la suppression des droits féodaux ; mais cette
prétention se repousse invinciblement de plusieurs manières.
D ’ un cûté , le bailleur à perrière restant toujours propriétaire
5
�9
( (
)
des fonds qu’il a concédés à ce titre , ces fonds 21e sont pas d’une
nature différente que ceux qu’il a .conservés, et dont il jouit;
et les lois nouvelles n’ont pas privé les anciens seigneurs de leurs
héritages, de quelque nature qu’ils- fussent, p rés, terres,
b o is, etc.
M ais, d’un autre côté, la question se trouve jugée dans les plus
forts termes, par un arrêt de la cour d’appel de Riom, dônt le
pourvoi en cassation a été rejeté par un autre arrêt de la cour
de cassation, rendu sur les mêmes motifs cjue celui de la cour
d’appel, sur les conclusions de M. le procureur général Merlin.
Il s’agissoit du droit de percière sur nn très-grand nombre
d’héritages allodiaux, situés dans la ci-devant justice de la terre
de Blanzat, coutume d’Auvergne, qui avoient été donnés à ce
titre de percière à plusieurs habitans de Blanzat.
Depuis la r é v o l u t i o n , ces habitans a v o i e n t r e f u s é la presta
tion de la percière; elle fut réclamée par le sieur de la S a l l e ,
seigneur de Blanzat, et lui fut accordée par les premiers juges,
dont le jugement fut confirmé par un arrêt de la cour d’appel
de Riom. Les habitans de Blanzat se pourvurent en cassa
tion, s u r le fondement que les percières dues à un ancien sei
gneur étoient des redevances féodales supprimées par les nou
velles lois.
Le pourvoi donna lieu à une grande discussion , où rien ne fut
oublié de part ni d’autre ; mais il fut rejeté par l’arrêt de la cour
de cassation, du 2.4 vendémiaire an i . On peut voir tous les
moyens qui furent em ployés, dans les recueils de Denevers et
de Sirey ; il suffira, quant à présent, de transcrire ici l ’a r r é t de la
cour de cassation, et les motifs qui en a p p u i e n t la décision.
« La c o u r, après un long délibéré en la chambre du conseil ;
cc A t t e n d u que la coutume d’Auvergne étoit purement allocc diale, ainsi q u e c e l a résulte de la c o m b i n a i s o n d e plusieurs
cc de ses articles, et de la j u r i s p r u d e n c e constante du p a y s ;
« que par conséquent toutes les redevances dues sur les biens
« situés dans le ressort de cette coutum e, qui étoit soumise à
« la maxime nul seigneur sans titre, étoient de leur nature
3
�I
( r° )
te réputées purement fo n ciè r e s, à moins que le contraire ne
cc fût positivement stipulé par acte valable; qu’il est d’autant
<c moins permis de supposer qu’en Auvergne les redevances
« connues sous le nom de percières étoient exceptées de cette
« conséquence générale résultante de l’allodialité, et réputées
« de leur nature seigneuriales ou censuelles, que, de l’aveu des
« demandeurs, il n’en est pas dit un seul mot dans les divers
« titres de la c o u t u m e , qui concernent les droits seigneuriaux
« et féodaux, et qui en font une longue énumération ; et qu’en
c< outre la cour d’appel met en f a i t , ce qui n’est pas contesté
« non plus, qu’il est de principe reconn u, qu’à la différence
cc du c e n s , dont la coutume ne permettoit de demander que les
c< trois d e r n i è r e s a n n é e s d ’a r r ë r a g e s , ort pou voit au contraire
cc demander vingt-neuf années d’arrérages ou f r u i t s d e l à percière;
« Que l ’article de Ja loi du
août 1792, n’oblige que les
« propriétaires des droits féo d a u x ou censuels à représenter le
« titre prim itif, et que l’article 17 dispose que les rentes pure« ment foncières ne sont point comprises dans la disposition
« de cet article ; que si ce même article 17 ajou te, et autres
cc redevances qui ne tiennent point à la fé o d a lité , et q u i sont
cc dues à des particuliers, et à des particuliers non seigneurs
cc n i possesseurs de f ie f s , on ne sauroit induire de ces dernières
cc expressions, non - seulement que le législateur ait dit, mais
« encore qu’il ait entendu dire que désormais, et par déroga« tion aux lois antérieures, toutes les rentes purement foncières,
cc lorsqu’elles se trouvent dues à des ci-devant seigneurs ou
« possesseurs cle fie fs , seront présumées féodales, et obligeront
« les propriétaires à représenter le titre prim itif;
cc Attendu enfin que par aucune des clauses des nctes pro<rc duits au procès, il n’est établi que les deux percières dont il
cc s’agit eussent un caractère féodal ou seigneurial, rejette, etc.
cc M. Malville, président; M. Rupperon, rapporteur. »
Il 11’y a de différence entre l’affaire du seigneur de Blanznt,
et celles qui pourroient s’élever avec quelques autres anciens
seigneurs de la ci-devant province d’A uvergn e, si ce n’est que
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le sieur de Lassalle rapportoit des titres qui établissoicnt ses
percières, au lieu que les titres de la même nature que pouvoient avoir la plupart des anciens seigneurs, avoient péri dans
les incendies ordonnés dans la plus grande effervescence des
premiers temps de la révolution; incendies dans lesquels on sait
assez qu’on avoit confondu les titres de toute nature, féodaux
ou non, qui s’étoient trouvés dans les archives des anciens sei
gneurs, où le plus souvent une populace effrénée s’étoit introduite.
Mais au défaut de titres, la possession vient au secours et en
tient lieu.
_ On a déjà vu dans l’article 2 du titre 17 de la coutume d'Au
vergne , qu’en général toutes sortes de droits s’acquièrent ou
se perdent par une possession de trente ans.
On a vu dans d’autres coutum es, particulièrement pour le
droit d’agrier., champart, terrage ou percière, que ces pres
tations peuvent s’établir par baillettes expresses ou autrement,
par trente ans possédées : ce sont singulièrement les termes
dont se sert l’art. 21 de la coutume de Saint-Jean-d’Angély.
C ’est aussi la doctrine des auteurs, comme on peut le voir aux
endroits ci-devant cités de la Thaumassières, et de la nouvelle
collection de Denizart.
Et le tribunal civil de Riom a récemment admis la preuve de
la possession de la percière pour madame de Praslin, dame de
la terre de Randan; ce qui détermina les détenteurs à en passer
de suite de nouvelles reconnoissances.
On ne sauroit mieux terminer cette dissertation, qu'en rap
pelant la distinction que faisoit si judicieusement M. le pro
cureur général M erlin, en portant la parole lors de l’arrét de
la cour de cassation, pour les percières de la terre de Blanzat:
voici comme il s’exprimoit.
« Un droit de percière ou de cham part, réclamé par un
« ancien seigneur, est-il présumé féodal par cela seul que le
« titre n’en est pas rapporté?
« Le champart n’est pas essentiellement féodal. A in si, pour
« savoir si un champart que possédoit un seigneur étoit un
�( 12 )
« droit féod al, il faut distinguer. Ou ce champart se percevoit
« dans un pays allodial, c ’est-à-dire, dans un pays où tout bien
« étoit de droit présumé franc-alleu, s’il n’étoit prouvé fief, ou
« il se percevoit dans un pays soumis à la règle nulle terre sans
« seigneur.
« Au premier cas , le cham part, quoique possédé par un
« seigneur, n’étoit pas réputé seigneurial, parce q u e , pour avoir
« ce caractère , il eût fallu que les héritages sur lesquels il se
« percevoit eussent été concédés par le seigneur qui en faisoit
la perception , sous la réserve du domaine direct , et qu’en
« général, dans ces contrées, cette séparation qui constituoit
« essentiellement la seigneurie, ne pouvoit être prouvée que
par titre ; et c ’est ce qu’en effet établissent tous les auteurs
d e s p a y s allodiaux, etc. »
Après une longue discussion, pour prouver la distinction ,
M. le procureur général finit par dire : « Il ne nous reste qu’à
cc examiner si la coutume étoit ou non allodiale, m O r , on con
çoit bien par tout ce qu’on a établi ci-devant, que M. Merlin
n’a pas dû hésiter sur l’allodialité de cette coutume.
Aussi-a-t-on vu que c ’est ainsi qu’elle est reconnue dans le
premier m otif de l’arrêt de la cour de cassation Attendu, y
est-il dit, que la coutume d’Auvergne étoit purement allodiale,
ainsi que cela résulte de la combinaison de plusieurs de ses
a rtic le s ,e t de la jurisprudence constante du pays. »
Com m ent, après tout ce la , pourroit on placer dans la classe
des droits féo d au x, les percières qui sont dues aux anciens
seigneurs..dans la coutume d’A uvergne?,
La présente dissertation a été faite et rédigée par le s o u s s i g n é ,
ancien jurisconsulte, sous-doyen des avocats prés la c o u r d’appel
de Riom , le 2 7 f é v r i e r 1808.
ANDRAUD.
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A R IO M , do l’im prim erie de
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T
h ibau d . L a n d r io t ,
im prim eur de la C our d'appel.
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Factums Marie
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Title
A name given to the resource
[Factum. Droit de percière. 1808]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Andraud
Subject
The topic of the resource
percière
franc-alleu
champart
coutume d'Auvergne
droits féodaux
doctrine
Description
An account of the resource
Dissertation sur la nature des percière dans la ci-devant province et coutume d'Auvergne
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Thibaud-Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1808
avant 1661
1661-1715 : Règne de Louis XIV
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
12 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0634
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Randan (63295)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
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coutume d'Auvergne
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