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Text
c o lin I>IÏ CASSATION.
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M.
.
__
/
LE CONSEILLER ( JIARDEÜ
___
MÉMOIRE EN REPLIQUE «
POUR
i° M. de N O A IL L E S , duc de P O I X , tuteur des enfants
mineurs de M. le vicomte A l e x is de N 0 A I L L E S ;
2°
M. le m arquis et madame la marquise
>de N o a i l l e s ;
de
VE RAC , née
5° Madame la vicomtesse A l f r e d de N O A IL L E S , agis
sant comme tutrice de mademoiselle M ar i e - C é c il e de
N O A IL L E S , sa fillemineure, défendeurs;
CONTRE
Les Héritiers de M.
J
o s e - I gnacio de
LA TORRE.
QUESTION.
Lorsque le demandeur est décédé pendant le cours d ’une in
stance, laissant des héritiers m ineurs, si le tuteur de ceux-ci vient
à décéder sans avoir repris l’instance en leur nom et avant que la
péremption ait été dem andée par le défendeur, l’instance, alors
même que plus de trois ans se seraient écoulés antérieurement
1
i
RAPPORTEUR.
K
AVOCAT
GÉNKHAL.
i’
�sans poursuites, ne peut-elle tomber en péremption que par l’ex
piration du délai de six mois à partir du décès du tuteur?
Telle était la question principale du procès. L e tribunal civil de
Bordeaux l’avait
résolue affirmativement, et , accessoirement,
il avait ajouté q u e , dans l’espèce, la péremption pouvait d ’autant
moins être prononcée, que les mineurs étant restés pendant un
certain temps dépourvus de t u te u rs, les délais de la péremption
n’avaient p u , durant cet intervalle, courir contre eux.
L a Cour royale de B o rd ea u x, saisie de l’appel dirigé contre ce
ju g em e n t, en a confirmé le dispositif; elle a rejeté la demande
en péremption , mais en s’appuyant surtout sur le motif accessoire
donné par le jugement de première instance dont elle paraît avoir,
pour le surplus, désapprouvé la manière de voir.
Cette décision , quels que soient scs motifs, ne peut être annulée
par la Cour qu’autant que les demandeurs en cassation parvien
draient à prouver q u ’en refusant de prononcer la péremption ,
l’arrêt a violé un texte de loi; nous espérons pouvoir établir au con
traire q u ’en décidant ainsi qu’il l’a fait, cet arrêt s’est entiè
rement conformé aux différentes dispositions du Code de proeé*
dure qui prononcent sur la péremption d’instance.
FAITS.
Une sentence arbitrale, rendue à Philadelphie le i er mai 1802 ,.
a condamné M. Jose-Ignacio de L a T o r r e , auteur des demandeurs
en cassation, h payer à M. le vicomte de Noailles un capital de
24,093 dollars (environ i 3 o , o o o f r . ) , avec
les intérêts de cette
somme, tels que de droit.
M. le vicomte de Noailles est décédé à l’étranger en janvier 180/»,
sans avoir mis à exécution la sentence par lui obtenue.
�( 5 )
L e débiteur de La T o rrc est décédé en 1824.
A cette é p o q u e , les héritiers du vicomte de Noailles n’avaient
encore
exercé aucunes poursuites. L a créance était même restée, à
ce qu’il paraît, à peu près ignorée d’eux.
Ce long silence fut rompu en 182g. Suivant exploit du i 5 décembre,
M. le comte Alexis de Noailles et ses consorts, aujourd’hui défen
deurs en cassation , assignèrent les héritiers de L a Torre devant le
tribunal civil de Bordeaux pour voir déclarer exécutoire contre
eux la sentence rendue en 1802.
L ’instance, liée contradictoirement, ne s’engagea pas d’abord sur
le fond du procès; les héritiers de La Torre élevèrent des incidents
dont il est rendu compte dans l ’arrêt et dans le jugement de
première instance. Il serait superflu d’en présenter ici l’exposé.
La marche de la procédure resta interrompue de la part désavoués
à partir du 8 mai 1 855 . On ignore quels furent les motifs de cette
inexplicable inertie.
Durant cette espèce d ’abandon, e t, le il\ mai 1 8 3 5 , arriva le
décès de l’une des parties, M. Alexis de Noailles, qui laissa des
enfants en bas Age sous la tutelle de madame leur m ère, comtesse
Alexis de Noailles.
Un an plus tard, et le 5 août i 836 , décès de madame la comtesse
de Noailles, q u i, durant sa trop courte administration, fut hors
d ’état de reprendre l’instance précédemment engagée.
T ren te-n euf jours après le décès de madame de Noailles, et le
i 4 septembre 1806, M. le duc de Poix fut nommé tuteur aux m i
neurs de Noailles par délibération du conseil de famille.
L e nouveau tuteur était à peine investi de ses fonctions et des
litres de famille, lorsque, à la date du 10 décembre 1 8 5 6 , il se
vit surpris par une demande en péremption formée contre lui par
les héritiers de La T o rrc. C ’était à l’extinction de l’action qu’on
voulait arriver à l’aide de cette voie.
�Enréponseà cette attaque inopinée, et le 23 janvier 1857, c'est-àdire moins de s ix mois après le décès d e m adam e de N o a ille s ,
M. le duc de Poix fit signifier un acte d’avoué par lequel il déclarait
reprendre l’instance introduite le 1 5 décembre 1829, «entendant,
« était-il dit, que ladite instance fût continuée sur les derniers actes
* et errements de la procédure, et c e , nonobsthnt la demande en
« péremption. »
L ’instance étant ainsi reprise en fait et en droit, les héritiers de
iNoailles combattirent le moyen de péremption par un double argu
ment : i° il 11’y avait pas, lors d e là demande, six mois dediscontinuation depuis le décès de madame de Noailles, arrivé, comme
on vient de le d ire, le 5 août 1 8 5 6 ; 20 il n’y avait pas non plus une
discontinuation de trois ans et six mois entre le dernier acte de la
procédure (8 mai 1 855 ) et le jour où la demande en péremption
( 10 décembre i 8 5 6 ) a été formée. En eü'et, défalcation opérée
du temps écoulé entre le décès de la tutrice et le choix d ’un nouveau
tuteur, il 11e restait plus qu ’ un laps de trois ans cinq mois et vingtdeux jours écoulés sans poursuites.
Le tribunal civil de Bordeaux a accueilli ce double système de
défense invoqué dans l’intérêt des mineurs. Comme sa décision
est, virtuellement du moins, maintenue par l’arrêt attaqué, il est
nécessaire de la reproduire dans son entier.
POINT DE DROIT.
« Y a-t-il lieu (le déclarer ou non l’instance dont il s’agit périmée?
« Que doit-il être statué sur les dépens?
<* Ouï M«‘ Lacoste, avocat, et Iïoudias, avoué du demandeur,
et M** Lagarde, avocat, et I5r u n c a u , avoué des défendeurs;
« Ouï M. Vaslapany, substitut du procureur du roi;
�« Attendu q u e , dans le Code de procédure civile, le législateur
a voulu faire cesser les diversités de jurisprudence et les contro
verses des jurisconsultes au sujet de la péremption ; que l’art. 397
de ce code fixe le délai de cessation de procédure, après lequel
une des parties colitigeantes peut demander que la péremption soit
prononcée, mais qu’en même temps l’art. 399 déclare que la pérem p
tion ne peut jamais s’acquérir de plein droit, et qu’elle ne peut
avoir lieu q u ’autant qu ’ elle a été demandée après le délai fixé par
l’art. 397; que le sieur de L a Torre, ès-noms et qualités qu’il agit,
a formé contre les enfants de feu sieur Alexis comte de Noailles, par
exploit du 10 décembre i 836 , une demande en péremption de l’in
stance introduite contre le sieur Jean-Louis de L a T orre et consorts
par les héritiers du sieur Louis-Marie marquis-vicomte de Noailles,
suivant exploit de Pluniencie, huissier à Bordeaux, en date du
1 5 décembre 1829, et q u ’il reste à examiner si cette demande a été
formée après le délai fixé par l’art. 897 du Code de procédure
civile;
« Attendu que cet article, qu’on aurait pu mieux rédiger, est
conçu en ces termes :
k
Toute instance, encore qu’il n’y ait pas constitution d’avoué,
¥ sera éteinte par discontinuation de poursuites pendant trois ans.
« Ce délai sera augmenté de six mois dans tous les cas où il y a
« lieu à dem ande en reprise d'instance ou constitution de nouvel
« a v o u é ;»
1
« Attendu que le feu sieur comte de Noailles ayant été déclaré,
par sentence arbitrale rendue aux États-Unis en 1802, créancier
de la maison de commerce dont le sieur de La Torre avait été
nommé liquidataire, fit assigner ce dernier, en 1829, devant le tri
bunal civil de Bordeaux, pour voir ordonner que ladite sentence
arbitrale serait exécutoriableen France; que le dernier acte de cette
procédure a eu lieu le 8 mai i 8 5 3 ; que, le 14 niai 1835 , le sieur
�( «)
comte de Noailles déccda, et que la dame de Nouilles, sa veuve, de
vint ainsi tutrice légale de ses enfants m ineurs, et q u ’il était néces
saire de l’assigner en reprise <l’instance ; que la darne veuve comtesse
de Noailles étant elle-même décédée le 5 août i 836 , ce décès né
cessitait une reprise d ’instance avec le tuteur qui serait nommé à
ces enfants m ineurs, tuteur dont il paraît que la nomination n’a
jamais été provoquée; que c’est dans cet état de choses, et le 10 d é
cembre i 836 , que le sieur de La T o r r e , au nom q u ’il agit, a formé
sa demande en péremption d ’instance, demande q u i, si elle est
accueillie, frapperait de la prescription trentenaire la seutence arbi
trale rendue aux États-Unis en l’année 1802 ;
« Attendu q u e , si l’on ne s’attachait qu ’à la lettre de la loi, il en
résulterait que chaque événement qui donne lieu à la reprise d ’in
stance devrait faire ajouter un délai de six mois h celui de trois
ans fixé par les premières expressions de l ’art. 397 ; de sorte que ,
dans le ca3 où deux événements, arrivés pendant le délai de trois
ans fixé pour autoriser la demande en péremption, auraient donné
lieu à la reprise d’instance, il faudrait ajouter un an au délai cle
trois ans; mais que la jurisprudence, en s’attachant, non à la lettre
de la loi, mais à l'intention du législateur, a établi que tous les évé
nements survenus dans le délai de trois ans 11e peuvent nécessiter
que l’addition d ’un seul délai de six mois; que le tribunal reconnaît
la sagesse de cette jurisprudence; qu’ il résulte également des expres
sions littérales de la loi que si, après un premier événement arrivé
dans les trois ans, et q u i , ayant donné lieu à la reprise d ’instance,
augmenterait ce délai de six mois, qu ’ un second événement arrivé
pendant le délai de six mois, on devrait ajouter un nouveau délai
de six mois à raison du second événement; mais que la jurispru
dence a décidé que, dans ce cas, le second délai se confond avec le
prem ier; de sorte que six mois après le second événement, et à
x:nmplcr du jo u r où il est arrivé, il su/lit du délai de six mois pour
autoriser la demande en péremption; que le tribunal reconnaît
�également la sagesse de celle jurisprudence qui s’applique parfaite
ment à la cause qui lui est soumise;
« Qu’en effet, il ne faut pas perdre de vue que la péremption ne
»’acquiert pas de plein droit, qu’elle ne peut avoir lieu q u ’autant
qu’on la demande, et que le décès du comte de Noaillles, arrivé le
11 mai 1 835 , avait prorogé de six mois le délai de trois ans; que le
décès de la dame comtesse de Noailles,arrivé le 5 août i 836 , époque
où la péremption ne pouvait être encore dem andée, il en résulte
que le décès, donnant lieu à la reprise d ’instance, prorogeait de six
mois, à compter du 5 août i 8 3 6 , le délai après lequel la péremp
tion pouvait etre demandée; que, cependant, c ’est avant l’expiration
de ce délai, qui ne devait finir que le 5 février 1837, que le sieur
de La Torre, au nom qu’il agit, a formé sa demande en péremption
par exploit du i 5 décembre 1 835 ; que cette dem ande, ayant été
formée avant l’expiration du délai fixé par l’art. 097 du Code de
procédure civile, ne peut être admise par le tribunal;
« Attendu
q u ’a
ces
m o tifs
résultant du texte mémeJE[&l&loi£onr
que les mineurs de Noailles, étant privés de leur
tutrice, n’avaient et 11e pouvaient avoir aucun moyen de se défendre ;
pe u t
ajo u ter
:
i
°
que, pour faire courir utilement contre eux le délai d e là péremp
tion, le sieur de La Torre aurait dû provoquer la nomination d ’un
tuteur : ce q u ’il n’a pas fait;
« 20 Qu’il est contraire aux lois q u ’on puisse invoquer la péremp
tion contre des mineurs pour n ’avoir pas agi lorsqu’il leur était impos
sible d ’agir faute de tuteur qui pût les représenter;
« 3 ° Q u’il ne s’agit pas, à leur é g a rd ,d ’un changem ent d'état ou
de cessation de fon ction s, circonstances qui n’empêchent pas une
partie de plaider et de se défendre, mais du défaut absolu de toute
qualité de la part des mineurs de Noailles pour plaider ou pour se
défendre; q u ’ainsi, l’art. 545 du Code de procédure civile est inap
plicable à la cause;
�« 4 ° Qu’il en est de même de l’art. 078 du même Code, qui ne
s’applique q u ’à des mineurs représentés par un tuteur qui peut
les défendre et qui est responsable envers eux de sa négligence;
mais que, dans le cas actuel, 11’étant représentés par aucun tuteur,
ils seraient privés de tout recours et de toute garantie;
« 5 ° Enfin, que la péremption étant par elle-même une loi de
droit étroit, il ne peut pas être permis aux juges d’en étendre les
dispositions;
* Par ces motifs, le tribnual, faisant droit aux parties, déclare n ’y
avoir lieu d'admettre la demande en péremption formée parla partie
de M* Boudias contre les parties de M° B r u n e a u ;a u surplus, con
damne la partie de M* Boudias, envers celle de M 'B r u n e a u , aux
dépens. »
0 Sur l’appel de cette décision par les héritiers de La T orre est
intervenu un arrêt coniirmatif conçu en ces termes :
-
'$ 0 % .
EN
D R O IT .
« Lorsqu’il y a lieu d'appliquer le délai supplémentaire de six
mois, accordé par l’art. 097 du Code de procédure civile, doit-on
faire courir ce délai à dater du dernier événement donnant lieu à
reprise d’instance ou constitution de nouvel avoué?
* La péremption d’instance court-elle pendant le temps que
des mineurs sont dépourvus de tuteurs?
« Ne doit-on pas confirmer la décision du tribunal?
* Ouï, aux audiences précédentes, lesavoués en leurs conclusions,
]\le Delbos, avocat des appelants, Me Lagard e, avocat des intimés,
M* Lacoste, avocat des appelants et M. F ourcau, substitut de
M. le procureur général en ses conclusions verbales et motivées;
« Attendu, quant au premier moyeu tiré de l’art. 397 du Code de
�( 9 )
procédure, que toute instance est éteinte par discontinuation de
poursuites pendant trois ans, et q u ’il est dit que ce délai sera a u g
menté de six mois dans tous les cas où il y aura lieu h demande
en reprise d’instance; que la loi est claire, qu’elle n’accorde, dans
tous les cas, q u ’un délai supplémentaire de six mois, et q u e , dès
lors, ce délai ne peut être prolongé lorsqu’il a couru utilement; de
telle sorte q u e , si deux événements ont pu donner lieu à reprise
d ’instance, le délai supplémentaire de six mois ne peut être néan
moins prolongé;
« Attendu qu’ il y a une grande analogie entre la prescription et
la péremption d’instance, surtout lorsque la péremption entraîne
avec elle la prescription de l’action, ainsi que cela se rencontre dans
la cause actuelle;
x Attendu que, d’après l’art. 2252 du Code civil, la prescription
ne court pas contre les mineurs et les interdits, sauf ce qui est dit à
l’art. 398, et à l ’exception des autres cas déterminés par la loi ;
« Q u ’il faut reconnaître qu’un cas d’exception se rencontre dans
l’a r t^ iifftfd u Code de procédure civile, lequel porte que la péremp
tion courra contre l'État, les établissements publics et toutes les
personnes même m ineurs, sauf recours contre les administrateurs
et tuteurs;
*
Attendu que si, par cet article, le législateur a voulu que la
péremption courût contre les m ineurs, il a voulu en même temps
que leurs droits fussent garantis et qu’ ils eussent un recours contre
leurs tuteurs; que la loi est aussi expresse quant au recours qu’elle
leur accorde, que relativement à la péremption à laquelle ils sont
assujettis;
« Attendu que l’on fait vainement observer que la péremption
dans ce cas, est établie comme principe général, et n’est limitée par
aucune exception; qu e le recours contre le tuteur est une réserve
et non pas une condition.
2
�(
10
)
« Qu’en effet, si la condition n’est pas littéralement exprimée, il
faut cependant reconnaître que la loi a deux dispositions et que la
première est modifiée par la deuxième ;
Que si le législateur a été animé du désir de mettre un terme
au moyen de la péremption, à la longueur des p ro cè s, il a voulu
en môme temps pourvoir aux intérêts des mineurs en leur assu
rant un recours contre leur tuteur; que ce remède h la péremp
tion fait partie du même article et de la même phrase, dans laquelle
elle se trouve établie; d ’où il suit que les deux dispositions sont
corrélatives, et que les séparer l’ une de l’autre, ce n’est pas inter
préter la loi, c’est en changer la disposition; q u ’en effet, dans ce
système, il faudrait substituer à l’art. 098 du Code de procédure
un article ainsi conçu : « La péremption courra contre les mineurs,
même lorsqu’ils n’auront pas de tuteurs et dans l’impossibilité où
ils seraient, par ce m otif, d’exercer un recours contre lu i; qu’il
suflit d énoncer une pareille supposition pour voir qu’elle est dia
métralement opposée à l’art. 098, tel q u ’il est conçu;
« Attendu q u ’à moins d’ une disposition formelle, il est impossible
d ’admettre que le m ineur, frappé d’incapacité par la loi, puisse
subir les conséquences préjudiciables d’une prescription q u ’il est
dans l’impossibilité d ’éviter et de prévenir ;
« Attendu que s’il importe à l ’ordre public de faire terminer
promptement les débats judiciaires, l’intérêt du mineur est aussi
placé sous la protection spéciale des lois; que cet intérêt et l’ordre
public ne se trouvent conciliés que lorsque le recours des mi
neurs concourt avec la péremption; que tel est le véritable sens de
l’art. 5 g 8 du Code de procédure;
« Attendu, au surplus, que cet article ainsi expliqué 11e peut
causer un préjudice notable au défendeur, puisqu’il peut provoquer
la nomination d ’un tuteur dans tous les cas où elle devient néces
saire pour la poursuite de l’instance, et que le retard peu considé-
�( «
)
rablc qui peut en résulter ne peut être comparé au préjudice, sou
vent irréparable, auquel le mineur serait exposé par une péremp
tion qu’ il lui serait impossible d’empêcher ;
« Attendu q u e , par tous ces m otifs, il faut reconnaître que la
péremption ne peut courir contre le mineur pendant qu’il est dé
pourvu de tuteur;
« Attendu, en fait, que les mineurs de Noailles ont été privés de
tu teu r
pendant quarante jours, pendant lesquels la péremption n’a
pu courir, et que, dès lors, il s’en faut de huit jours que l’intervalle
de temps nécessaire pour acquérir la péremption fût accomplie,
lorsque Lorenzo de La T orre a formé sa demande et que, par con
séquent, elle était non recevable;
« L a Cour met au néant l’appel interjeté par de L a T o rre et
autres du jugem ent du tribunal civil de Bordeaux, du 16 août 1857,
ordonne que ce jugement sera exécuté suivant sa forme et teneur,
condamne l’appelant en l’amende et aux dépens. »
Les demandeurs ont dénoncé cet arrêt à la censure de la Cour,
pour violation des art. 545 et 3 y 5 du Code de procédure. Dans
leur mémoire ampliatif, et particulièrement dans un mémoire
imprimé, récemment distribué, ils s'efforcent de concentrer l’u
nique intérêt du pourvoi dans la question de savoir « si la péremp
tion d'instance contre le mineur doit être suspendue pendant l’intervalle
qui s’écoule entre le décès de son tuteur et la nomination de celui qui est
appelé à le remplacer. •
Nous avons d éjà , dans un premier m ém oire, auquel nous nous
référons, justifié les motifs de l ’arrêt. Nous ne nous occuperons
dans celui-ci que du soin d’en justifier le dispositif, c ’est-à-dire
de prouver qu’en refusant le bénéfice de la péremption, la Cour
royale s’est conformée au texte et à l’esprit des art. 097 et 399 du
Code de procédure civile.
La Cour n’aura donc pas à s’occuper d’une manière exclusive
de la question posée par les demandeurs en cassation. Ce point
�(12)
«le doctrine dût-il être envisagé par la Cour suprême autrement
que ne l’a fait l ’arrêt attaqué, cet arrêt se justifierait encore par
des raisons, à nos y e u x , tout à fait péremptoires.
Sous le mérite de ces observations, et sans nous préoccuper
par conséquent des motifs textuellement e x p r im é s, soit dans le j u
gement, soit dans l’a r r ê t , nous irons droit à la véritable question
du procès, celle de savoir si une reprise d ’instance, formée dans
les six mois du décès du tuteur empêche ou non la péremption.
Si l ’on décide en faveur des mineurs, comme cela doit être, le
* rejet du pourvoi formé parles héritiers de L a T o r r e ne peut man
quer d ’être prononcé.
D ISC U SSIO N .
A l’appui de leurs prétentions , les demandeurs en cassation ont
émis un principe complètement erroné. Suivant eux, la péremp
tion doit courir de plein droit à partir du dernier acte de la pro
cédure. Il est manifeste au contraire que la discontinuation des
poursuites n’entraîne l ’extinction de l’instance qu'autant que la p é
rem ption est expressém ent dem andée avant d'avoir été couverte.
L ’art.
599 du Code de procédure civile, est ainsi conçu : « La
péremption n'aura p a s lieu de droit ; elle se couvrira par actes
valables faits par l’une ou l’autre des parties avant la dem ande
en pérem ption. »
A la v é r ité , l'art. 097 énonce que toute instance
sera
Ét e i n t e
p a r la discontinuation des poursuites p en da nt trois ans. E t de
ces termes, en apparence absolus, on veut induire q u ’il en est des
délais en matière de pérem ption comme des délais en matière
de prescription. Mais l’art. 099 a soin de dissiper l’équivoque et de
prévenir ju sq u ’à la possibilité d ’une confusion entre les deux cas.
De ce rapprochement on doit conclure que le délai fixé par le
premier paragraphe de l’art. 097 ne court utilement que si lu
�(
-15
)
péremption est plus tard demandée; d ’où il suit que si elle est,
d ’une manière quelconque, valablement couverte avant d ’être de
mandée, le temps de la discontinuation, quelle qu’ait été sa durée,
n’a pu opérer aucun eftet légal.
Cela posé, il reste h savoir de combien de manières une pé
remption peut se trouver couverte. D ’abord elle est couverte, aux
termes de l’art. 5 9 9 , quand l’une des parties fait des actes valables
avant que la demande en péremption ait été formée.
Mais ce mode n’est pas le seul. L e deuxième paragraphe de
l’art. 597 en précise un second d’ une nature différente. E t nous sou
tenons quaux termes de cet article, la péremption est couverte s’ il
survient, avant qu’elle soit dem andée, un événement qui donne
lieu à reprise d'instance ou constitution de nouvel avoué.
Il est ainsi conçu :
« Toute instance, encore q u ’il n’y ait pas eu constitution d ’avoué,
u sera éteinte par discontinuation de poursuites pendant trois ans.
« Ce délai sera augmenté de six mois dans tous les cas où il y
« a lieu à demande en reprise d ’instance ou constitution de nouvel
« avoué. »
L e sens de cette disposition est parfaitement clair et décisif, si
l ’on remonte aux sources où évidemment elle a été puisée. Voici
comment Pothier, au sujet de l’ancienne législation, expose les
principes de la matière :
« La péremption, dit-il, s’opère p a r la discontinuation des p ro u cédures pendant le temps de trois ans; la mort des parties ou
« même de l’ une des parties, ou de leur procureur, qui arrive dans
« les trois ans,
empêche
la pérem ption. L a
r a iso n e s t qu’ il f a ü t
« qu’ u n e chose e x is t e p o u r qu’ e l l e pu isse ê t r e s u j e t t e a p é r i r .
« Ces morts interrompent l’ instance, et font q u e , tant q u ’il n’y a
« point de reprise ni de constitution de nouveau procureur, il n’y
t< a p as, en quelque façon , d’ instance subsistante, e t, par consc-
�u * )
r quent, il ne peut y avoir lieu, pendant tout ce tem ps, à péremp« tion ; mais si l’instance est reprise ou q u ’on constitue nouveau
« procureur, il y a lieu à la péremption p a r la discontinuation des
« procédures depuis la rep rise, ut sit fin is litium. » (Procédure,
part, i , c h .,
sect.
e t g / f .)
Il était donc de maxime constante, dans l’ancien droit, que le
décès des parties ou de leurs procureurs couvrait la péremption
lorsque ce décès survenait avant l’expiration des trois ans ; le passé
n’était plus d’aucun effet. La péremption était em pêchée, comme
le dit énergiquement Pothier, et elle ne reprenait son cours que
s ’il y avait discontinuation des procédures depuis la reprise.
Telle était la règle à l’époque où la péremption s’acquérait de
plein droit; mais il fallait, sous l’empire de cette jurisprudence, que
Je décès survînt p en da nt le cours des trois ans pour que la péremption
fût couverte, autrement la force seule des délais l’eût opérée de
plein droit.
Plus tard , il fut reçu que la péremption ne pouvait s’acquérir
de plein droit par la seule puissance des délais. Pothier atteste de
la manière suivante ce changement notable :
« I l p a ra ît, d it-il, qu'on ju g e
a u j o u r d ’hui
en parlement que
r la péremption n ’est point acquise de plein droit, et que, tant
« q u ’elle n’a point été demandée par celui au profit de qui elle
» est acquise, l’autre partie peut la couvrir en faisant quelque acte
« de procédure. » (Arrêt du 12 août 17J7, rapporté par Denizart,
v° Pérem ption, n. 18.)
La conséquence de cette innovation se déduisait d ’elle-même.
Désormais tout acte signifié, tout événement propre à couvrir la
péremption, opéraient leurs cficts légaux s’ils survenaient même
après Cexpiration des trois ans sans poursuites, mais avant tou
tefois que la péremption eût été demandée.
L e Code de procédure a-t-il apporte quelque changement à ce
�( 15)
point de doctrine anciennement incontestable? Nullement. Il l’a ,
au contraire, consacré en termes exprès, et la modification qu’ il
a introduite n’a aucun rapport avec la difficulté qui nous occupe.
Dans la législation ancienne, le décès de l’une des p arties, en
couvrant la péremption, effaçait totalement les traces de la dis
continuation, et il fallait, pour donner lieu à l’extinction de l’in
stance, une seconde discontinuation de trois ans à partir, non pas
seulement du d é cè s, mais a partir du jo u r de la reprise d’instance.
L e législateur moderne a circonscrit le d é la i, afin de mettre im
terme aux procès, ut sit finis litium ; il a pensé q u ’ une simple
discontinuation de six mois à partir du décès devait suffire, avec
la condition toutefois q u ’après ce temps, la péremption aura été
formellement demandée. Yoilà le sens du deuxième paragraphe
de l’art. 097 : « Ce délai (de trois ans) sera augmenté de six mois,
« dans tous les cas où il y aura lieu à demande eu reprise d ’in« stance ou constitution de nouvel avoué. »
Les expressions de cet article ne peuvent avoir d ’autre significa
tion, quand on se pénètre des règles admises dans l’ancien droit
f t de l ’état de la jurisprudence au moment où le Code de procé
dure a été promulgué. Par ces mots, le délai ordinaire sera aug
menté de six mois, il ne faut pas entendre q u ’à l’expiration de
trois ans et six mois la péremption pourra, dans tous les cas p o s
sibles, être prononcée. Un pareil système serait déraisonnable, car
il tendrait à faire supposer q u ’au cas du décès survenu,après plus
de trois ans et six mois de discontinuation, le délai supplémentaire
pourrait se trouver en tout ou en partie d’avance confisqué, ce
qui serait absurde.
Pour donner aux expressions dont s’est servi le législateur un
sens raisonnable, il faut envisager deux hypothèses : celle où le
décès survient dans la période des trois ans et celle où il survient
les trois ans expirés.
�( 16)
Quand il est dit ce dclai sera augm enté de six mois, c ’est du cas
où les trois ans sont déjà écoulés q u ’ il est question ; et s’ils ne
le sont pas, au temps qui restera il faudra ajouter un supplément
de six mois. Ainsi ce même décès q u i, dans l ’ancienne jurispru
d e n ce , aurait ouvert une nouvelle période de trois a n s, en effa
çant subitement les traces du passé, ne servira aujourd’hui q u ’à
procurer un répit de six m ois, outre ce qui peut rester à courir
du délai général de trois ans.
Mais aujourd’hui comme autrefois, le décès de l’une des parties
couvrira ipso facto la péremption du jo u r même où il sera arrivé,
encore bien que trois ans de discontinuation soient écoulés.
Maintenant on demande si après les six mois du délai addition
nel expirés il y aura péremption instantanément acquise?
L ’art. 399 tranche en termes formels cette question, quand il
établit en principe que la péremption n ’a pas lieu de plein droit, et
qu’elle peut être couverte tant que la demande n’en a pas été
formée.
Quel que soit le temps écoulé depuis un premier décès, si un
second survient avant que la demande en péremption soit formée,
le temps antérieur est sans efficacité aucune. Dès lors et par voie
de conséquences, nous devons ajouter qu’une seconde discontinuation de six mois peut seule autoriser la demande en pérem p
tion.
Mais , dit-on, accorder autant de nouveaux délais qu’il y a d’é
vénements successifs, c ’est méconnaître les dispositions du deuxième
paragraphe de l’art. 5 gy, qui ne proroge le délai ordinaire de
trois ans que d ’un seul et uniqne délai additionnel de six mois.
Nous répondons que cet article doit être combiné avec l’art. 099.
C ’est la dem ande formée avant que la pérem ption soit couverte
qui utilise les délais de l’art. 397, et, dans les hypothèses que nous
avons discutées, on la suppose postérieure. On ne peut donc s’ar-
�V
( 17)
/.
réter, comme l’a fait la Cour royale dans le premier considérant
de son arrêt, à cette raison insignifiante que c ’est accorder autant
de délais q u ’il y a d ’événements. Il faut dire au contraire que
dans les hypothèses discutées plus haut le délai n ’a ja m a is utile
ment couruj attendu que la péremption était de plein droit cou
verte avant d'avoir été dem andée ?
Dira-t-on que si le second décès arrive moins de six mois après
le premier, le défendeur sera, en réalité, privé pendant plus de
six mois de son droit de demander la péremption, ce qui est con
traire au texte de l’art. 097 ?
L ’art. 5g7 ne s’explique nullement sur le cas de deux décès
successifs; il déclare que toute instance sera périmée p a r la d is
continuation des poursuites p en d a n t trois a n s, et voilà tout : puis
il ajoute q u e , dans certains c a s , ce délai sera augmenté de six
mois.
Nos adversaires relèvent ici ce q u ’ ils regardent comme une in
conséquence. Si le délai de six m o is , disent-ils, ne commence à
courir q u ’autant q u ’il y a eu une demande formée depuis le décès,
comme celte demande donnerait l’éveil à la partie adverse, le
défendeur a intérêt à ne point la former. Il ne la formera jamais,
elle serait d ’ailleurs inutile et prématurée.
Cela peut être.
Mais, de ce que le demandeur en péremption devra subir un
délai de six mois à partir du premier événem ent, et qu’il en sera
de même par rapport à un second qui surviendrait dans les six
mois du premier, en résulte-t-il que la péremption ait couru sans
même avoir été demandée? Pour répondre affirmativement, il
faudrait qu ’ il fût établi que si avant l’expiration complète des trois
ans la péremption est couverte par un acte de procédure signifié,
le temps antérieur h cette signification sera acquis au demandeur
comme temps utile pour la péremption, système pleinement inad
missible.
,
3
�( 18)
Or la seule différence qui existe entre un acte de procédure va
lable et la survenance d ’un décès, c’est que dans le premier cas il
faut attendre pour la péremption une nouvelle période de trois
ans, tandis que dans le second, cette.jpériode est restreinte à
six mois : du reste, dans l’une comme dans l’autre hypothèse, le
temps antérieur est h tout jamais effacé, et durant cet intervalle
aucune péremption n ’est plus censée avoir couru.
Rendons le raisonnement de plus en plus sensible. Supposons
pour un moment que le Code de procédure ait attribue au décès
de la partie ou de l’avoué l’effet q u ’il avait autrefois, celui de pro
longer de trois ans le cours de l’instance. Dans ce c a s , le défen
deur eût été tenu de différer de trois années sa demande en
péremption, n’importe le temps antérieur écoulé sans poursuites,
de mêm e, pour un second événem ent, et ainsi de suite; aurait jl
pour cela le droit de contester ces délais successifs? Non; car on
lui répondrait que la péremption est chaque fois couverte de la
même manière que si elle l’avait été par un acte formel.
E t maintenant, de ce que le Code a réduit le délai de trois ans à
six mois en cas de décès des parties 011 de leurs a vo u é s, en con
clura-t-on que ces décès ne couvrent plus la péremption ? A coup
sûr, le Code n’a pas entendu s’écarter de la règle qui voulait que
ces événements eussent, dans l’ancien droit, l’effet de couvrir la
péremption.', s’ il eût eu cette intention, il n’aurait pas créé un
nouveau délai. S ’appuierait-on sur ce que le le délai de la pé
remption, dans l’hypothèse d ’un événement donnant lieu à reprise
d’instance ou constitution de nouvel avoué, n’est pas réduit, mais
augm enté? Ce serait faire une é q u iv o q u e , et rien de plus. Car le
délai q u ’entend augmenter le deuxième paragraphe de l’art. 597
est celui de trois ans, mais de trois ans utilement courus avant
l'événement.
S’ils n’ont pas utilement cou ru , il est évident, malgré la rédac-
�(
19
)
lion'am biguë du deuxième paragraphe de l’art. 397, que le Code
n ’a pu songer à proroger des délais dont il n’y avait pas à s’o c cuperi Concluons que le décès de l’une des parties ou de l’avoué
survenu a^rès trois ans de discontfnuation, mais avant toute d e
mande en péremption, substitue pour l’avenir au délai g é n é ra l'd e
trois ans un délai nouveau et spécial de six mois.
L ’ interprétation q u e nous donnons à l’art. 3 g ?
est consacrée
très-explicitem ent p a r un arrêt d e la Cour du 5 jan vier 1808
( S . , 8. 1. 120). E n voici l ’espèce.
Le dernier acte de la procédure était du 28 floréal an 6.
Un premier décès, celui du défendeur D avid, était survenu le 4
vendémiaire an 11.
Un second décès, celui du demandeur Roussilne, était arrivé le
2 février 1807.
La demande en péremption avait été formée par les héritiers
David, le 7 février 1807, c’est-à-dire plus de quatre ans après le
premier décès qui donnait lieu à demande en reprise d’instance,
mais moins d ’un mois après le second.
Les héritiers Roussilne avaient repris l’instance dans les six mois
du décès de ce lu i-ci, mais bien plus de six mois après le décès
de David.
La Cour royale rejeta la demande en péremption.
L e pourvoi dirigé contre son arrêt a été repoussé dans les termes
suivants :
« Attendu q u e , suivant l’usage attesté par l’arrêt attaqué, la p é• remption n’était acquise, sous l’ancien droit, qu’autant
q u ’e l l e
« ÉTAIT DEMANDÉE AVANT D’AVOIR ETE COUVERTE PAU QUELQUE
« ACTE OU ÉVÉ NE M E N T;
« Co d e,
d’ a p r è s l e s
Qu’il, EN EST DE MEME SOUS le flOUVeUU
a r t . 397 e t 099; — Attendu q u e , suivant
« ces mêmes articles, le délai de la péremption est prorogé de six
�( 20 )
« mois, clans les cas où il y a eu reprise d'instance ou constitution
« de nouvel avoué; — Attendu, enfin, q u e , dans l’espèce, la de« mande en péremption a été faite sous l’empire du nouveau Code ;
« quelle ne l ’a été
q u ’a p r è s l e d é c è s d e R o u s s i l n e ,
« de celui-ci ont repris l’instance
et que les héritiers
d a n s l e s s i x mois du d é c è s
; qu’ainsi}
k en rejetant la demande en péremption, l'arrêt s’ est justement con» formé aux lois et aux principes de la matière. »
Cet arrêt nous paraît décisif. L e premier décès, celui de David ,
avait couvert la péremption, e t, à partir de ce décès, il suffisait
d’une discontinuation de procédure pendant six mois pour opérer
l’extinction de l'instance, pourvu toutefois que la demande en fût faite
conformément au prescrit de l ’art. 099; celte demande en pé
remption n’avait point
été
formée
lorsque survint le second
décès, celui de Uoussiine. Ce second décès vint à son tour couvrirla péremption, voilà pourquoi la rop rised ’mstancc, qui eut lieu
plus tard et moins de six mois après ce dernier décès, a rendu tou le
demande en péremption non recevable.
La décision ci-dessus n’a rien qui contrarie la solution donnée
par l’arrêt du 19 août 181G (S., 17. 1. 4 ^) » où il est dit que tous
les cas prévus par l’art. 097, q u i a r r i v e n t p e n d a n t l e c o u r s d e
la
p é r e m p t i o n , ne peuvent jamais donner lieu qu'à une prorogation de six
mois. Ce dernier a r r ê t , rendu dans une espèce où la demande en
péremption avait été formée après un laps de plus de six mois
sans poursuites, à dater du dernier événement, s’applique aux cas
où le second événement est survenu à une époque où la péremption a
utilement couru, c ’esl-a-dire à une époque où la demande en était
déjà fo rm é e , avant que la péremption fut couverte.
Il nous reste à faire l’application des principes consacrés par
l’arrêt du 5 janvier 1808 à l’espèce actuelle. Klle sera facile.
La procédure a été discontinuée le 8 mai i 833 .
L e 14 mai i 855 , c’est-à-dire avant que la discontinuation eut
�( S» )
duré trois ans, est survenu le premier événement qui ait donné
lieu à reprise d ’instance, le décès de M. le cornle de Noailles.
Le 5 août i 8 3 6 , est survenu le second, c ’est-à-dire le décès de
madame la comtesse de Noailles.
L a demande en péremption a été formée par les héritiers de La
T orre le 10 décembre i 8 3 6 , c’est-à-dire plus de six mois après le
premier événement qui motivait une demande en reprise d’in
stance, mais moins de six mois cependant après le second.
E nfin, l’instance a élé reprise par les défendeurs en cassation le
20 janvier 1837, c’est-à-dire moins de six mois après le décès de ma
dame la comtesse de Noailles.
L e premier événement, qui donnait lieu à une reprise d ’inslance, c ’est-à-dire le décès de M. le comte de Noailles, est arrivé
avant la demande en péremption et à une époque où la discontinuation des poursuites n’avait pas duré trois ans;
cet événe
ment a donc par avance couvert la péremption pour l’époque fu
ture où les trois ans expireraient (ce jo u r était le 8 mai i 856 ).
Puis, à ce moment, le temps pour la péremption à venir s’est
trouvé, au lieu de trois ans, réduit à six mois.
Or le second événement, savoir, le décès de madame la comtesse
de Noailles, est survenu avant q u ’aucune péremption ait été d e
mandée; elle a donc été une seconde fois couverte , comme elle
Pavait été une première, et par un événement de même nature.
A présent q u ’une demande pareille, formée après le second événe*
m ent, ait pu former un point de départ pour l’avenir, 011 l ’accor
dera s’ il le faut; mais nous disons q u ’ayant été introduite le 10 dé
cembre 1836 , c’est-à-dire qual re mois et cinq jours après l'événement,
e t , d ’ un autre côté, l’instance ayant été reprise, par les défendeurs
«mi cassation, le a 3 janvier 1837, c ’est-à-dire un mois et treize jours
après la demande en péremption, il est plus qu’évident que la
discontinuation de poursuites n'avait duré que cinq mois et dix
�(2 2
)
Jours, et non pas six mois pleins, comme l ’exige le deuxième pa
ragraphe de l’art. 397; donc l’extinction de l’instance ne devait
point être déclarée, donc, en rejetant-la péremption , le jugement
et l’arrêt n’ont encouru aucun reproche.
On objectera sans doute que le décès de madame' la comtesse
de Noailles est survenu dans le cours des six mois après la période
des trois ans qui était close le 8 mai 1 8 5 6 ; on ajoutera que, p a rle
décès de M. le comte de Noailles, l’instance s’étant trouvée prorogée
de six mois, les héritiers de La T orre, obligés desubir cette première
prorogation , ne pouvaient avoir à en subir une seconde à cause
du décès de madame de Noailles; q u e , décider autrem ent, serait
leur imposer une prorogation de près de n e u f mois quand l’art. 397
se contente, dans tous les cas, d’en exiger une de six.
Mais s’il est vrai que le décès de madame de Noailles ait
couvert la péremption, il faut admettre, par voie de conséquence,
que le laps de temps antérieur à ce décès arrivé le 5 août ne
doit plus figurer dans le calcul des délais de la péremption. L ’ob
jection reposerait donc sur une base fausse et erronée.
Si on opposait que le décès de madame de Noailles n’a pas eu
l'effet q u ’on lui suppose, qu e, d’après l’art. 897, les événements
gui donnent lieu à demande en reprise d'inslance ou constitution de
nouvel avoué peuvent seuls couvrir la .péremption, tandis q u ’aux
termes de l’art. 5 /j5 , le changement d ’état des parties ou la cessa
tion des fondions dans lesquelles elles procédaient, n’cmpcchc pas la
continuation des procédures, ce q u i, par la même raison, doit
s ’appliquer au décès du tuteur.
Nous répondrions : Prétendre que l’instance n’est pas tenue pour
interrompue par le décès de madame de Noailles, survenu après
celui de'son m ari, c ’est proclamer que jamais un second événe
ment ne pourra, quel qu ’il soit, couvrir la péremption. Or, cette
doctrine est condamnée et par l’arrêt de 1808, qui a donné à un
�second événement reflet de couvrir la péremption, et par celui de
1 8 1 6 , qui suppose en termes fort clairs que ce second événement
survenu pendant le cours d’ une première interruption peut,néces
siter une reprise d ’instance.
M ais, au surplus, fallût-il admettre que le décès de,m adam e de
Noailles n’a,pas eu cette conséquence, il n’en résulterait point qu ’il
n’a pas couvert la péremption.
Et d ’abord, si la loi attribue à toute cause rÀui interrompt l’instance
l’effet de couvrir la péremption, à bien plus forte raison, l’attribue-t-elle aux causes dont Yeffet légal est d'empêcher les parties, ne
fut-ce que temporairement} de recommencer les poursuites à cause de
leur incapacité, c’est y comprendre le déccs du tuteur arrivé avant
qu ’il eût repris l’instance au nom de ses pupilles. Prétendre que
les causes qui empêchent la reprise d ’instance sont sans effet par
rapport à la pérem ption, c’ est prêter au législateur des idées
choquantes; car c’ est supposer q u ’il est moins généreux vis-à-vis
de ceux dont il enchaîne les actions que vis-à-vis de ceux aux
quels il laisse l’entier exercice de leurs droits.
Un exemple va faire ressortir la bizarrerie q u ’offrirait un tel
système.
Supposons que les enfants de M. le comte de Noailles eussent été
majeurs au temps de son décès, et qu’avant toute reprise d’ in
stance, et toute demande en péremption, l’avoué de M. le comte
de Noailles fût décédé le 5 août i 836 (jo u r du décès de madame
de Noailles).
D après la doctrine admise par l’ arrêt du 5 janvier 1808, le
décès de l’avoué aurait couvert la péremption, et la reprise d ’in
stance faite par les héritiers de Noailles, moins de six mois après
ce décès, le a 3 janvier 1837, aurait conséquemment paralysé 1effet
de toute demande en péremption.
- De cette manière, les enfants du comte de Noailles qui auraient
�(24)
pu agir par eux-mêmes et reprendre à leur gré les poursuites, dès
le jour du décès de leur père, auraient eu cependant le bénéfice
d ’un nouveau délai de six mois , datant du décès de leur avoué.
El l’on voudrait priver du bénéficedc ce délai des enfants mineurs,
incapables d ’agir, que le décès de leur mère avait laissés sans r e
présentant ju diciaire, c’est-à-dire dans une impossibilité absolue
d ’ester en justice jusqu’à la nomination qui a été faite de M. le duc
de Poix pour leur tuteur!
Une telle pensée prêtée au législateur est inadmissible, et serait
inexplicable.
Ma ¡s, dira-t-on, l’art. 3 g 8 du C o d c d c procédure civile porte que
la péremption court contre toutes personnes, même mineures, et il ne
fait aucune distinction entre le cas où les mineurs seraient ou
ne seraient pas pourvus de tuteurs; il en est de même (a rt. 2278
du Code civil) en fait de prescriptions de courte durée; e t, comme
la péremption est une prescription de ce g e n r e , la raison qui a
déterminé le législateur à faire courir contre les mineurs les pres
criptions de courte durée a dû le porter pareillement à faire courir
contre eux la péremption.
Celte argumentation repose sur une fausse interprétation du
deuxième paragraphe de l’art. 397.
Pour être en droit de conclure que le décès du tuteur ne couvre
p a s la péremption, on cherche à démontrer préjudiciellement que
ce décès n'en suspendrait point le cou rs; c ’est supposer que les
actes 011 les événements qui couvrent la péremption ne produisent
cet cilet qu ’ er» ce qu’ils empêchent la péremption de courir. Or, cette
supposition est positivement contraire aux dispositions de l’art. 399
et à celles du deuxième paragraphe de l’art. 397.
Ces articles décident que les actes ou événements qui couvrent
la péremption, loin d ’empêcher son cours à l'avenir, lui servent au
contraire de nouveau point de départ, à la condition toutefois que
�( 25 )
la péremption sera formellement demandée avant qu’elle ait é t é ,
d ’une manière quelconque , légalement couverte.
Tout ce qui résulterait de cet axiome, fort douteux d ’ailleurs en
s o i , que le décès du tuteur n’empêche pas, même en l’absence
d ’ un successeur à la tutelle, la péremption de courir contre
le mineur, par arguments des art. 5 g 8 du Code de procédure et
2278 du Code civil; c’est que ce décès, couvrant la péremption,
donnerait lieu pour l’avenir h un délai particulier de six mois, à
partir de l’expiration du premier délai de trois ans, et que ce délai
de six mois courra, en cas de demande en péremption, même
pendant la vacance de la tutelle.
Mais les art. 3 g 8 du Code de procédure civile et 2278 du Code
civil ne prouvent, en quoi que ce soit, que le décès du tuteur ne
couvre point la péremption; au contraire, il reste démontré par
un argument à fortiori tiré du deuxième paragraphe de l’art. 397,
que la péremption est couverte non seulement parles événements qui
interrompent l’instance, mais aussi par ceux dont l’effet légal est
de rendre impraticable une reprise de celle même instance. Or,
par le décès de madame de Noailles, les m ineurs, privés de leur
représentant, se sont trouvés hors d ’état de procéder à cette re
prise.
Cette interprétation n’a rien que de conforme aux idées de
bienveillance que la loi manifeste pour les mineurs. Il faut laisser
au tuteur le temps de prendre connaissance des affaires de la
tutelle, e t , certes, un délai de six mois n’a rien d ’excessif; les
majeurs, qui peuvent agir dès le jour même de l’événement,
jouissent de ce délai, et cependant le tuteur ne peut agir q u ’après
sa nomination, formalité qui amène d’inévitables lenteurs.
S'il fallait admettre que la loi a mis sur la même ligne les mi
neurs et les majeurs, de fa itt elle aurait dérogé à des règles sa
cramentelles, car elle se trouverait avoir attribué aux mineurs
un délai moins long qu ’aux majeurs. Cette dérogation présumée
4
�est dénuée de vraisemblance; elle est contraire à l'esprit de la
législation, manifesté par les dispositions les plus expresses et
notamment par les termes ide l’art. 444 du Code de procédure
civile, qui veut que les délais de d’appel ne courent contre le
mineur émancipé qu’a partir de la signification du jugement
faite.tant au tuteur qu’au subrogé-tu leur. Cette disposition éta
blit clairement que si le mineur est dépourvu soit de tuteur, soit
de subrogé-tuteur, les délais de l’appel 'restent suspendus ; car il
n’y a plus de signification valablement faite.
A ces arguments, qui nous paraissent décisifs, les adversaires
répondent de la manière suivante :
« On parle de l’intérêt des mineurs, disent-ils (p . 2 6 ) , mais il
« est aussi d’autres intérêts que le législateur devait protéger ; et
(f lorsqu’il a tracé des règles générales, soit pour l’exercice de ceru laines actions dans un délai déterminé , soit pour empêcher les
« débats judiciaires de s’éterniser dans les familles, ces règles
« d’ordre public doivent être respectées, malgré les inconvénients
« particuliers qui peuvent en résulter. C'est ici le sacrifice de l’in« térêt privé à l’intérêt public, qui s’applique même à la propriété,
« le plus sacré de tous les droits que la politique et la loi civile
« garantissent aux citoyens. »
C ’est toujours une suite de cette confusion perpétuelle entre
l’eftet des délais par rapport à la péremption et celui des délais par
rapport à la prescription; on oublie constamment que la prescrip
tion s’opère de plein droit, à l’insu des parties et par le seul laps
de temps (art. 2219 du Code civil;, tandis q u ’en matière de
péremption, au contraire, les délais n’ont de puissance que s’ il y
a eu interpellation et demande signifiée (art. 3 g g du Code de
procédure civile). Il y a donc une fausse assimilation à prétendre
d ’une manière générale que l’intérêt des mineurs, quand il
s ’a g i t
de péremption, doit fléchir devant l’intérêt public, parce qu’il en
est ainsi en matière de prescription de courte durée.
�( 27 )
Ces considérations d’intérêt public ont si peu touché le législa
teur en matière de péremption, qu’ il a exigé non seulement une
demande expresse pour opérer l’extinction de l’instance , mais qu’il
a voulu que cette péremption, recevable quant au délai, put être à
chaque instant couverte, ou par un acte de procédure, ou par un
événement, sans égard au temps qu’a duré l’état de discontinuation
des procédures.
La décision de la Cour royale de Bordeaux est donc justifiée,
quant au fond du droit; e t, quelle que soit l’opinion qu’on se
forme sur la question de savoir si la péremption court contre le
mineur dépourvu de tuteur, il restera démontré que, dans l’espèce,
la péremption ne pouvait être prononcée, l’instance ayant été
reprise dans les six mois du décès de la tutrice. L ’arrêt attaqué,
en refusant de prononcer cette péremption, loin de contrevenir aux
lois de la matière, n’en a fait, au contraire, quels que soient les
motifs sur lesquels il se soit fondé, q u ’une saine application.
Nous concluons au rejet du pourvoi.
M AND ARO U X V E R T A M Y ,
Avocat à la Cour de cassation.
Paris. — lm p. do POMMER E T et G U EN OT, rue M ignon, a.
�
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Factums Godemel
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Description
An account of the resource
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Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Noailles, de. 1842?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Mandaroux-Vertamy
Subject
The topic of the resource
péremption d'instance
créances
tutelle
émigrés
minorité
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire en réplique pour 1° M. de Noailles, duc de Poix, tuteur des enfants mineurs de monsieur le vicomte Alexis de Noailles ; 2° M. le marquis et madame la marquise de Vérac, née de Noailles ; 3° Madame la vicomtesse Alfred De Noailles, agissant comme tutrice de mademoiselle Marie-Cécile de Noailles, sa fillemineure, défendeurs ; contre les héritiers de monsieur Jose-Ignacio de La Torre.
Annotations manuscrites. « 25 janvier 1839. Sirey, 1839-2-302 » « 10 août 1842. Sirey 1842-1-783 »
Table Godemel : Péremption : 2. s ‘ensuit-il de la disposition de l’article 398 du code de procédure, portant que la péremption d’instance court contre le mineur, sauf son recours contre le tuteur, que la péremption ne peut courir contre le mineur, pendant le temps qu’il est dépourvu de tuteur ?
le concours de deux évènements qui donneraient lieu, chacun isolément, à une augmentation de six mois pour le délai de la péremption d’instance, n’autorise pas une double prorogation de ce délai : il n’y a lieu qu’à une seule augmentation de six mois.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Imprimerie de Pommenet et Guenot (Paris)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1842
1798-1842
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
1814-1830 : Restauration
1830-1848 : Monarchie de Juillet
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
27 p.
Identifier
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BCU_Factums_G2822
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Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
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-«O »-
EN
DEFENSE
POU R
La Dame
BOIROT et le sieur
LAPLANCHE, son m ari,
S o p h ie -M a t h il d e
dE
G il b e r t
ca x T M ir .
Le sieur L o u is -P ierre B O I R O T .
Une adoption consommée du vivant de l’adoptant peut-elle être
attaquée par les tiers ?
L’adoption d ’un enfant naturel reconnu est-elle prohibée par
le Code civil?
Telles sont les questions que la cause présente à juger.
La Cour royale de Riom a résolu la seconde par la négative, le 14
mai 1838.
M. Boirot attaque c e t a rrêt à l’aide d ’a rg u m ens q u ’il prétend
puiser dans le texte de la loi et dans les considérations morales.
C' est aussi avec la morale et la loi que nous allons le défendre,
après avoir exposé en peu de mots les faits qui ont donné lieu
au procès , et après avoir discuté la première question.
F A IT S .
Le 27 mai 1798, Anne-Pétronille Boirot, l i b r e a l o r s , donna le jo u r
à une fille qui fut inscrite à Riom comme née de père et mère in
connus, reçut les noms de Sophie Gordon, et, plus tard, fut connue
sous ceux de Sophie-M athilde Boirot.
�V
— 2 —
En ISOi, Pétronille Boirot épousa en secondes noces le sieur
Duval.
Dans le contrai qui contenait les conventions civiles de ce ma
riage, contrat passé en présence de plusieurs parens et amis, et.
entre autres, du sieur Jean-Jacques Boirot de la Ruas, père du
d em andeur en cassation, il fut dit que la jeune Mathilde, désignée
d ’ailleurs comme fille de la future épouse, et dem eurant avec elle,
aurait dans la succession de sa m ère les mêmes droits que les enfans à naître de l’union projetée. Du reste, aucun enfant n’est
issu de-'cé mariage.
En 1816, et s u r la dem ande de la dame Boirot, alors femme
Duval, le tribunal de Riom ordonna la rectification de l’acte de
naissance de la je u n e Mathilde. Les parens fu rent mis en cause;
le sieur Jean-Jacques Boirot était du nombre : ils déclarèrent tous
que Mathilde Boirot était bien la même que celle qui avait été in
scrite à R iom , le 28 mai 1798, sous les noms de Sophie Gordon. —
L 'acte de naissance fut donc rectifié en vertu d ’un ju g e m en t, et
Mathilde Boirot lut légalement re c o n n u e pou r fille naturelle de
Pétronille Boirot, épouse du sieur Duval.
Au mois de février 1817, Mathilde Boirot épousa le sieur Gilbert
de Laplanche. P a r son con trat de mariage, dans lequel on la qua
lifia fille naturelle de Pétronille Boirot, elle lut instituée héritière
universelle de tous les biens meubles et immeubles qui com pose
raient la succession de sa m ère.— La famille entière applaudit à cet
acte. M. Jean-Jacques Boirot de la Ruas, qui était présent à la pas
sation du contrat, y apposa sa signature.
La dame Duval, voyant avec peine que la voie de la légitimation
avait été fermée à sa fille par des circonstances indépendantes de
sa volonté, crut de son devoir de lui conférer au moins l’ado p
tion.
�Après l’accomplissement des formes prescrites par le C o d e , le
tribunal de Gannat déclara qu’il y avait lieu à adoption, et, le 14
mai, la Cour royale de Riom confirma le jugem ent du tribunal de
Gannat.
Ce jugem ent et cet arrêt fu ren t rendus su r les conclusions con
formes du ministère public, qui n ’ignorait pas plus que les juges la
filiation de l ’adoptée, puisque cette filiation était rappelée dans
tous les actes mis sous les yeux des magistrats appelés à prononcer
sur l’adoption.
Peu de temps après l’adoption, la dame Duval d é c é d a ; sa fille ,
la dame de Laplanche, se mit en possession de l’universalité de ¡a
succession, et liquida amiablement les droits du sieur Duval.
Mais, par exploit du 10 septembre 1835, Boirot d e l à Ruas as
signa les époux de Laplanche devant le tribunal civil de G an nat,
pou r se voir condam ner à faire le délaissement, soit de la totalité
de la succession de la dame Duval, pour être procédé plus tard à
la délivrance de ce qui pourrait revenir à la dame de L aplanche,
comme fille naturelle de la dame Duval ; soit, s'ils l’aimaient mieux,
au délaissement, en faveur du sieur Boirot de la Ruas, du huitième
de ladite.succession mobilière et immobilière qui lui appartenait,
disait-il, aux term es d u d r o it, avec restitution des fruits et jouis
sances, a com pter du jo u r d u décès de ladite dame Duval.
Les époux de Laplanche répondirent que ce n'était pas comme
en fan t naturel reconnu par sa mère q u e la dam e de Laplanche
avait recueilli l’universalité de la succession de la dame D u v a l,
mais bien en vertu de l’adoption qui lui avait été conférée par cette
dernière, adoption admise et consacrée par ju gem ent et arrêt irré
vocables.
Le sieur Boirot de la Ruas so u tin t alors que l’adoption conférée
à madame de Laplanche par la dame D uval n ’avait pas pu lui at
tribuer l i qualité d ’héritière universelle de sa mère adoptive, parce
�que, comme fille naturelle de celte dernière, elle ne p o u v a it, aux
termes de la loi, am ender que les trois q u a rts de la succession.
Plus lard, il demanda la nullité de l’adoption, en soutenant qu'il
m anquait à la dame Duval une des six conditions voulues par la
loif c’est-à-dire la jouissance d’une bonne réputation, pour être
apte à adopter sa fille naturelle reconnue, ou l’enfant d’autrui.
La dam e de Laplanche opposa d ’ab o rd l'autorité de la cliose j u
gée, résultant de l’a rrêt d’adoption.
Puis, elle soutint lu validité de l’adoption.
Ce fut en cet étal q u ’intervint, le <7 juillet 1837, au tribunal de
G a n n a t , un jugement q u i, sans avoir égard à la fin «Je non-recevoir, rejeta, au fond, les injustes prétentions du sieur Boirot.
On y lit les motifs suivans :
« E n ce qui touche la demande en nullité de l’adoption de la dame
« de Lâplancke pour inobservation des formalités prescrites par les
« art. 343 et suivans du Code civil, et notamment de celles exigées
« par l ’art. 355 :
« Attendu qu’il a été re c o n n u par le tribunal et par la Cour
« royale de Riom que toutes les formalités imposées à l’adoptant
« au tit. 8 du Code civil, sur l’adoption, avaient été remplies; que,
« par suite de cette reconnaissance, l’adoption de la dame de La« planche a été accueillie;
« Attendu que le sieur Boirot ne reproduit, à l’appui de sa de« mande, d'autres faits que ceux qui existaient avant l’adoption,
« faits qui ont été appréciés soit par le tribunal, soit par la C our
« royale, que dès lors une telle demande, faite sans intérêt, a eu
o évidemment pour but de calomnier la mémoire de l ’adoptante, lors« qu’au contraire il est de notoriété publique que ladite dame, depuis
« son second mariage, s’est toujours comportée de manière à m ériter
* Caffection de son m ari et l ’estime publique.
« lin ^ce qui touche la fin de n o n-recevoir, opposée à la de?.
�6*°)
y
o -« mande principale sur le fondement que l’arrêt d’adoption a ac« quis l'autorité de la chose jugée;
« Attendu que cet arrêt, rendu hors la présence des parties in
et téressées, peut être contesté comme tout a u tre contrat ; que I’ac« tion en nullité reste entière et doit être introduite par la voie or« dinaire, ainsi que l’ont décidé plusieurs arrêts de Cours royales
« et de C o ur de cassation ;
« E n ce qui touche la nullité soulevée contre l’adoption d’un enfant
« naturel reconnu;
« Attendu que l’adoption des enfans naturels reconnus n ’est pas
« défendue par la loi ; q u ’on ne trouve dans le Code civil aucune
« disposition dont on puisse conclure que l’intention du législateur
« ail été de la prohiber.
« Attendu q u o n ne peut pas créer des exceptions qui ne sont pas
a dans la loi, d’où naît l’application de ce principe, que ce qui
« n ’est pas défendu est permis ;
« Attendu q u ’en se reportant à l’opinion des auteiirs, qui ont
« écrit sur la matière et à la jurisprudence la plus m odern e su r
« l’adoption des enfans naturels reconnus, notam m ent à deux
« derniers arrêts de la Cour royale de Paris, la question cesse
« d’être douteuse et se résout en faveur de l’adoption des enfans
« naturels, surto ut d'après l’avis de M. Dalloz qui a écrit le der« nier et qui se trouvait en position de voir sous toutes les faces
« une question si souviint d é b attu e, et qui a déduit les raisons noino breuses qui militent en faveur de l’adoption avec une force irré« sistible. »
Ce jugem ent, frappé d ’appel par le sieur Boirot, a été confirmé,
en audience solennelle et sous la présidence de M. Brion, par a rrê t
de la Cour royale de Riom , du 14 mai 1838, conçu en ces term es :
*
Considérant que l’on ne trouve dans le Code civil, au litre de
« l’adoption ni ailleurs, aucune disposition prohibitive de la faculté*
�— 6 —
« d ’adopter les enfans naturels par le père et la mère qui les ont
« reconnus;
« Que l’on ne pourrait donc déclarer que celte faculté a été inter« dite, qu’en adm ettant une incapacité et une défense qui n ’o nt
« point été prononcées par la loi ;
« Considérant que c’est inutilement que l’on prétend, pour établir
« cette incapacité, que les principes qui déterm inent la n atu re de
« l’adoption s’opposent à ce que les enfans naturels reconnus
« puissent en recevoir le bénéfice;
« Q ue l’on ne retro uv e dans le Code civil, ni les règles, ni les
« défenses du droit romaVp, et q u 'o n y chercherait vainement les
« conditions qui établiraient q u ’on a voulu faire de l’adoption une
® imitation exacte de la n atu re ;
« Que, d’après les dispositions q u ’il renferme, loin de s’identifier
« avec la famille nouvelle dans laquelle il est admis, de manière à
« devenir étranger à celle qu’il avait, l’adopié reste au contraire
« dans cette dernière, y conserve tous ses anciens droits, et ne
« fait q u ’ajouter le nom de l’adoptant à celui qu’il avait déjà;
« Q u’il n’est pas exact de dire que l’adoption ne confère à l ’enfant
a natu rel rien de plus que ce que lui avait donné la reconnaissance
* faite par son père;
« Que les liens qui l’unissent à ce dernier après l’adoption, sont
« et plus étendus et plus resserrés en môme temps ; qu’à la place d’une
« filiation naturelle, il s’est établi une filiation nouvelle, plus avan« tageuse et plus honorable aux yeux de la société, et que, dès
« lors, au lieu d ’être indiqué dans les actes de l’état civil et dans
« les relations ordinaires de la vie sous le nom de fils naturel, il
« ne le sera plus que sous celui de fils adoptif;
a Considérant q u ’on ne peut invoquer les art. 346, 347 et 348
« du même Code, pour en induire la conséquence que si la défense
« d ’adopter les enfans naturels reconnus n ’a pas été faite au père
�« ou à la mère de ces enfans d’une manière expresse, elle se trouve
« du moins implicitement dans la loi;
« Que les expressions dans lesquelles ces articles sont conçus
« n ’ont rien d’exclusif des personnes qui n ’y seraient pas indi« quées ;
« Que la loi, qui n’était pas uniquement faite po ur les enfans
« naturels, n’a d û s’y occuper que des cas ordinaires, laissant sous
« l’empire du droit commun et de ses dispositions générales ceux
• qu’elle n’a pas désignés ;
*
Qu’on ne p o u rrait donc conclure de la maniere d o n t elle s’est
« exprimée, q u ’elle a défendu l’adoption des enfans naturels, à
« moins d’établir q u ’elle a créé une exception toute particulière
« contre cette classe d’individus;
« Considérant que la défense d'adopter les enfans naturels re« co nn us n’existe pas davantage dans les dispositions du Code
« civil su r la légitimation;
« Qu’il y a des différences essentielles et capitales e n tre les
« effets de l’adoption et ceux de la légitimation, qui ne permet«
«
«
a
«
«
«
«
«
«
«
tent pas de confondre l’une avec l’a u tre ; q u e s i , pour la prem ière, l’enfant reçoit une vie nouvelle et des avantages qu’il
n ’avait pas a u p ara v an t, les rapports civils et les droits q u ’il acq u ie rt sont cependant bornés à u n cercle étroit, dans lequel la
loi n’a pas restreint l’enfant légitimé, qui est considéré par elle
com m e l’enfant légitime et traite comme tel ;
« Que l ’adoption ne conférant ni les droits, ni le titre d’enfant
légitime, on doit nécessairem ent en conclure q u ’elle ne se confond point avec la légitimation, et que, par là même, elle n'est
pas un m oyen détourné d’appeler l’enfant naturel aux avantages
d ’une légitimation, qui ne peuvent lui être assurés que par le
mariage de ses père et mère ;
« Considérant que l’adoption ayant p our but principal et direct
�de créer un étatcivil entre l’adoptant eLl’adopté, en les unissant
par des rapports de parenté et de famille, et les droits de successlbilité réciproque qui en dérivent n ’en étant q u ’une consé
quence nécessaire, c’est le titre du Code civil qui a déterminé
le» règles de cet état eL la successibilité même qui en résulte,
q u ’il faut interroger p o u r savoir quels so nt ceux qui peuvent
être adoptés ;
« Que dès que l’incapacité q u ’on oppose au x enfans naturels
reconn us ne s ’y trouve ni d ’une m an ière expresse, ni d ’une
manière implicite, on ne peu t la ch e rc h e r dans les art. 75G,
757, 908 et autres sur les successions, qui n ’ont staLué sur la
dévolution des biens que d ’après les principes e t les règles pré
cédemment établis s u r l'état des personnes, sans aucun r e to u r
sur ces principes et ces règles auxquels le législateur n’a pas
songé à to uch er;
« Que les dispositions invoquées uniquem ent relatives aux enfans naturels, comme celle de l’art. 338, ne se sont point occu
pées des enfans qui auraient été adoptés; q u ’ainsi, p o u r les e n
tendre, et les appliquer sainement, il ne faut pas les séparer de
la qualité des personnes p o u r lesquelles elles ont été faites;
que c'est pour les enfans naturels reconnus, mais restés tels,
q u ’elles ont été créées; que si elles son t prohibitives, ce n ’est
évidemment que des droits qui dépasseraient, en faveur de ces
enfans, ceux q u ’elles leur accordent, et non des droits dont elles
ne parlent pas et qui seraient la conséquence d ’u n e qualité ou
d’u n titre sur lesquels elles n ’avaient pas à s’expliquer ;
« Que ce serait donc manifestement en éten dre l'application et
les effets à des personnes et à des cas auxquels elles n 'o n t pas
pensé, que d'y voir la défense d ’adopter les enfans naturels recon
nus, et de leur donner p ar là les droits de s u c c e s s ib ilit é que con
féré l’adoption ;
�« Considérant q u ’on ne pourrait adm ettre que les dispositions du
Code civil, qui bornent les droits des enfans naturels sur la suc
cession du père et de la mère qui les ont reco n n u s, renferm ent
la défense à ces derniers de les adopter, q u ’autant q u ’il existerait
e n tre l’état d ’enfant naturel reconnu e tc e lu id ’enfantadoptif, une
opposition diamétrale, qui ne perm ettrait pas de les confondre en
passant du premier au second ;
« Que celte opposition n ’existe pas ; q u ’il ne répugne ni à la n a
t u r e , n i a la raison, n ià la loi, que des liens de famille plus étroits,
que des rapports civils plus intimes et plus étendus s’établissent
entre le père et le (ils naturel ; q u ’en u sant du bénéfice de l’adop
tion, le père fait plus q u ’il n'avait fait par la reconnaissance,
mais qu’il ne fait rien de contradictoire à ce p rem ier acte qui ne
pouv ait avoir p o u r effet de l’en ch a în er si irrévocablement, qu'il
lui fût défendu d ’améliorer, par les moyens que la loi indique
elle-mème, l’état de son enfant;
« Considérant encore, sur les arl icles relatifs aux droits des enfans
naturels s u r la succession de leur père et mère, que la loi leur ac
corde, dans le cas où il n ’y a ni enfans légitimes, ni ascendans,
ni h éritiers collatéraux, tous les biens de cette succession ;
« Q u’alors l’incapacité q u ’on fait principalement résulter contre
eux, pour l’adoption, de la restriction apportée à leurs droits sur
ce point, devrait nécessairement disparaître, puisque la base fon
damentale donnée à cette incapacité n ’existerait plus;
« Qu’il faut donc conclure de cette application de la loi d o n t la
justesse ne peut être contestée, que des prohibitions, qui ne sont
ni générales, ni absolues, ne peuvent renfermer la défense que l’on
veut en faire résu lter;
« Considérant que l’argumentation que l’on a tirée, contre l’adop2
�« lion des enfans naturels reconnus, de l’art. 911 du Code civil, ne
« p ré s e n te , p o u r raison de décider, que la question même q u ’il s’a« git de résoudre ;
«
«
«
«
« Qu’en adm ettant, en effet, q u ’on p ût faire l’application des dispositions qu’il renferm e à un co n tra t aussi solennel que l’adoption, il faudrait toujours dém ontrer l’incapacité de l'enfant naturel reconnu à être admis au bénéfice de l’adoption p ar ses père
et m ère;
« Considérant que l’art. 36G du Code civil, qu’on a également in« voqué, en le rapprochant des art. 908 et 9 11, établit, dans le cas
« to u t particulier q u ’il prévoit, non une manière nouvelle de dont n e r ou de transm ettre par testam ent les biens de l’adoptant à l’a« dopté, mais bien un mode nouveau d’adoption que réclamaient
» l’intérêt de l’enfant et la position dans laquelle pouvait se trouver
« placé celui qui voudrait l'ado pter ; que si, alors, l’enfant acquiert
c des droits de snccessibilité sur les biens de ce dernier, c'est p ar
« une suite naturelle etnécessaire de l’adoplion exceptionnelle dont
t il a été l’objet, et non pas parce que le testament où elle se trouve
« renferme en sa faveur une disposition de scs biens ;
t Qu’on ne pourrait donc lui appliquer les dispositions des art.
« 908 et 911, et que ce serait encore la question de savoir s’il a pu
« être adopté ;
«
■
«
«
t
c Considérant, en fin, que si, malgré le silence de la loi et la généralité de ses dispositions, on proscrivait l’adoption des enfans naturelspar le père ella mère q u i les ont reco nnu s, on n'aurait aucun
moyen, sauf le pouvoir discrétionnairedestribunaux, de prévenir
celle des enfans naturels non reconnus, ou celle d e s enfans adultérins et incestueux, dont l’origine ne serait pas aitcstcc par des
■ faits incontestables ;
« Que s'il était immoral, cependant, de permettre l’adoption des
�c enfans naturels reconnus, il ne le serait pas moins de laisser la li*
«yb^rté d ’appeler, par des moyens détournés, ceux qui n ’ont pas
<r été reconnus, ou ceux qui ont une origine plus vicieuse, au béné« fifte de l'adoption, et qu’il serait tout h la fois inconséquent et
« injuste de repousser sur ce point les premiers, parce que leur
« naissance est connue, et d’accueillir les seconds parce que la leur
a est ignorée ;
« Qu’on ne peutopposer, pour justifier une semblable distinction,
« que les enfans naturels n o n reconnus sont, dans le sens légal,
« des étrangers aux yeux de la loi et de la justice;
« Que le vice de leur naissance n’en est pas moins réel pour n ’a« voir pas été révélé ;
« Que c’est, non d e l'ignorance où l’on peut être de cette ori« gine, mais de son existence même, que l ’incapacité q u ’on en fait
« résu lter dépend ;
«
«
«
*
« Q u’il arrivera néanmoins journellement que les enfans qui en
sont frappés éluderont les dispositions prohibitives de la loi, par
cela seul que le secret de leur naissance aura été soigneusement
caché, tandis q u e ceux qu’on aura reconnus en subiront toutes
les rigueurs;
« Q u ’un système qui se prêterait si aisément à la violation de
« la loi et qui consacrerait des effets si contraires à la raison et à
« une exacte justice, ne peut être admis;
« Adoptant au surplus, et sur les autres questions q u ’a présen« tées la contestation, les motifs des premiers juges ;
« La cour a mis cl met l’appellation au néant; ordonne que le ju* gement dont est appel sortira son plein et entier effet, et con« damne l’appelant à l’amende et aux dépens. »
Tel est l’arrêt q u ’attaque le sieur Boirot, et que n o us défen
dons.
�DISCUSSION.
Nous diviserons noire discussion en deux paragraphes.
Dans l’un nous traiterons la question de recevabilité de l’action
des tiers en m atière d’adoption.
Dans l’autre nous réfuterons le moyen invoqué par le d em an
deur à l’appui de son pourvoi.
§ I".
NON-RECEVABILITÉ DE l/ACTlON.
Une adoption consommée avec les solennités prescrites par la
loi, p en d an t la vie de l’adoptant, est-elle attaquable par les tiers
après la m o rt de celui-ci ? Les tiers peuvent-ils contester l’état qui
en résulte?
Si celte question paraît, h la Cour comme h no us, devoir être ré
solue négativem ent, il est manifeste que le dispositif de l’arrèl at
taqué, qui rejette la demande du sieu r Boirot, devra être maintenu,
puisqu’il se trouvera conforme d la loi, q u e lq u e soit, d’ailleurs, le
m érite des motifs donnés par la c o u r de Riom à l ’appui de sa déci
sion.
O r, ou nous nous abusons fort, ou le législateur n ’a entendu
so um ettre à aucun recours, à aucun examen ultérieur le» actcs
solennels qui autorisent l’adoption, après q u ’ils ont clé consom
més du vivant de l’ad o p tan t.
Sans doute, au premier aperçu, les m agistrats et les ju r is c o n
sultes, préoccupés d e l à maxime rcs itilcr nliosjuih'cata vcl acta,
�— 13 —
aliis nec nocçre, nec prodesse polest, sont portés à adopter l’opi
nion contraire, qui nous avait d’abord séduit nous-même.
Mais nous croyons q u ’un examen approfondi de l’esprit et des
termes de la loi doit conduire à reconnaître que le législateur a
voulu interdire to ute action aux liers dans la matière spéciale qui
nous occupe.
Cette interdiction ne tient ni à la chose jugée, ni à un défaut de
qualité; mais à un o rd re d ’idées plus élévé; à la nature de l’acte, qui
n’a de judiciaire que les formes; aux exigences de l’institution qui
exige, pour ne pas être frappée de stérilité, u n secret incompatible
avec la procédure ordinaire, et qui, p ou r qu’un acte de bienfai
sance ne devienne pas une cause de diffamation, renferm e lout
dans les mystères de la cham bre d u conseil, n ’admet de confldens
que les magistrats, de co ntradicteu r que le ministère public rep ré
sentant la société entière.
Le Conseil d’Etat,en discutant le titre de l’adoption, avait voulu,
dans le principe, confier les déclarations d ’adoption, soit au pou
voir législatif, soit au gouvernement.
Certes, s'il eût persisté dans cette pensée, il ne fût venu à l’idée
de personne q u ’un pareil acte eut été susceptible d ’un recours
quelconque devant les trib u n a u x !
La n atu re de l’acte a-t-elle changé, parce que des raisons tirées
de ce que les tribunaux auraient plus de facilité pour se p ro cu rer
des renscignemens, et seraient plus aisément abordables que le pou
voir législatif et le gouvernem ent, o nt fait préférer à ces deux
pouvoirs l’autorité judiciaire ? .
Evidemment non.
o
La déclaration d ’adoption n ’en est pas moins restée ce q u ’elle
devait être dès l’origine, un acte souverain, un acte administratif
�d’une nature particulière, re n d u en connaissance de cause, avec le
ministère public, représentant les intérêts de tous, et sous la ga
rantie d ’un double examen parles magistrats les mieux placés pour
apprécier la moralité et l'intérêt social de l'adoption.
Une fois constituée par l'arrêt d’adoption et l’inscription sur les
registres de l’E lat civil, la nouvelle famille, composée de l’adoptant
et de l’adopté, ne devait donc avoir rien à craindre des héritiers de
l’adoptant, pas plus que celle que crée un acte de reconnaissance
d’enfant naturel ou l’absence de désaveu d’un enfant contre lequel
le désaveu eut été possible.
Vainement l’héritier vient-il dire que l’adoption le lèse, q u ’il
n'a pas été partie dans le contrat, et que l'adoption reste à son égard
res inter alios acta.
L a reconnaissance d’u n enfant n aturel lèse aussi les intérêts des
ascendans d o n t elle diminue la réserve, des collatéraux ou des lé
gataires auxquels elle enlève une partie de la succession ; le défaut
de désaveu, dans les circonstances où la preuve exigée par la loi
peut être faite, diminue aussi la part héréditaire et la réserve des
autres enfans légitimes ; et cependant qui oserait prétendre que la
reconnaissance ou la déclaration de paternité peuvent être a tta
quées par les héritiers lésés, sous prétexte q u ’elles s o n t res inter
alios acta ?
Personne assurément, parce que la constitution des familles est
protégée par des règles spéciales qui la mettent à l’abri des actions
ordinaires fondées sur de simples intérêts d’argent, et ne la sou
m ettent q u ’aux seules actions expressément et textuellement ou
vertes contre elles par le législateur.
C’est ainsi que le chapitre 4 du titre du mariage a spécifié les seu
les causes qui donneraient ouverture à l’action en nullité.
La loi a été plus sévère encor« pour Ica déclarations de pater.
nilé.
�Elle a refusé aux héritiers du père tout droit de contester comme
mensongère la reconnaissance émanée de lui, ou de désavouer
l’enfant qu’il a u rait avoué par son silence.
Elle a fait de même p o u r l'adoption opérce suivant les formes
prescrites. Elle y trouvait des garanties bien autrem ent rassuran
tes que celles résultant des formalités qui précèdent le mariage.
Au lieu de l’intervention d ’un simple ofiicier de l’état civil, elle avait
appelé sur l’adoption l’investigation du ministère public, et un dou
ble examen de la p a rt des magistrats ; elle a vu dans cette accumulalion de précautions, un gage suffisant pour l’intérêt social q u i do
mine et fait taire tous les autres, et, en conséquence, elle a ren d u
l’acte d’adoption aussi inattaquable po ur les héritiers de l’adoptant
que la reconnaissance d ’un enfant naturel ou la déclaration de pa
ternité dans l’acte de naissance d’un enfant légitime.
L ’adoption est donc to u t autre chose qu’un jug em ent, quJnn
contrat; c ’est un acte de l’autorité souveraine déléguée exception
nellement à l’autorité judiciaire.
Combien cette volonté d u législateur ne devient-elle pas plus
manifeste encore, lorsqu’on songe aux conséquences q u ’aurait
l’action en n u llité, si elle était ouverte aux tiers.
Toute l’économie de la loi serait bouleversée.
Elle a voulu que l’instruction fût secrète, co m prenant bien que
personne ne voudrait plus adop ter, si, pour être autorisé à faire
un acte de bienfaisance, il fallait s’exposer à voir toute sa vie fouil
lée par la malveillance, et toutes ses actions livrées aux apprécia
tions scandaleuses d’héritiers cupides et mécontens!
O r, le système qu’on veut faire prévaloir aurait pour effet in
évitable de rend re publique toute cette discussion de moralité que le
législateur a renfermée dans le secret de la chambre d u conseil!
Ce danger, certes, n ’a rien de chim érique, et l’exemple n ’est
�pas loin; car, dans l’espèce même, M. Boirol a c ru pouvoir livrer
au scandale d ’une discussion publique la mémoire de celle dont il
dem an dait l’hérilage! E trange système que celui qui prête au lé
gislateur celte immorale pensée de n’accord er à l’héritier la succes
sion qu’il convoite, qu’à la condition de déshonorer son auteur.
La moralité de l'adoptant trouvée suffisante aujourd’hui par le
ministère public, le tribunal c l la Cour royale, pou rrait être d is
cutée de nouveau dans cinquante ans ; c a r , une lois ouvert, le rc-cours rem ettrait en question toutes les conditions de l’adoption ,
puisque nulle limite tic serait (ixée par le législateur; et alors, en
l’absence de l’adoptant décédé, en l’absence des preuves cl des ex
plications que lui seul pouvait fournir, la justification de la m o ra
lité serait peul-elre jugée incomplète ! L’adoptant se trouverait
puni par la (lélrissurc souvent injuste, qui ¡¿’attacherait, par la pu
blicité, ii sa mémoire, des sentimens généreux qui l’auraient animé
pendant sa vie. — El to u t ec qui se serait fait pendant ce demisièclc sur la foi de l'adoption, les m ariages, les arrangem ens de
famille, les p a r t a g e s , to u t serait anéanti; et l’adopté n’aurait pas
même la ressource de réclamer po ur lui et sa famille le bénéfice de
la bonne foi, q u e la loi n’accorde q u ’à l’époux et à scs descen
dais !
Evidemment il faut reculer devant de pareilles conséquences!
ÎS'on, l’adoption ne peut pas être attaquée, après la sanction
qu'elle a reçue du Tribunal de première instance cl de la Cour
royale, su r les conclusions du m inistère public.
Kcgulicr en la forme, le lilre fait présumer l'accomplissement de
lontcs les conditions ; c ’est là une présomption ju r is et de ju r e ,
qui n’adinel aucune preuve contraire.
Par son te x te , la loi n'adinct l'intervention des héritiers
ijnYit un leul c a s , celui où l’iulopi-mt m eurt avant que le* tri
�bunaux aient définitivement p r o n o n c é ; et dans ce cas même, £lle
n ’autorise les héritiers qu’à remettre des mémoires et des observa*
#
t
»
lions au procureur,du roi. (A rt. 3G0 C. civ. )
Si le législateur n’eût pas entendu proscrire l'action des tiers,
après l'adoption consommée, concevrait-on qu’il n ’eût pas orga
nisé une procédure spéciale; qu’il n 'e û t pas exigé le sccrel des discus
sions, indiqué les tiers auxquels le recours sérail ouvert, les con
ditions, les restrictions sous lesquelles ils pourraient en user, les
délais dans lesquels ils devraient l’exerccr!
Le législateur aurait-il donc permis de livrer à la publicité,
après la vie de l’adoptant, les débals plus ou moins diffamatoires
que des collatéraux avides ne sc feraient aucun scrupule de susciter,
alors surtout que les preuves manqueraient pour leur ré p o n d re ,
lui qui avait exige le sccrel, alors même que l’adoptant était là pour
détruire les allégations mensongères?
Aurait-il admis" l'intervention des collatéraux après l’adoption
consommée, lui qui n’avait pas cru devoir l’adm ettre avant la sanc
tion des T ribun au x, parce qu e, disait-on dans la discussion au
Conseil d ’Étal, leur intérêt d ’arg en t ne devait être d ’a u c u n e considéiation en pareille circonstance ?
Aurait-il voulu laisser l’état des adoptés incertain pendant un
temps illimité ? et le livrer non seulem ent aux collatéraux, mais
encore à tous les tiers, donataires, débiteurs ou a u tre s, qui auraient
in térêt à contester la validité de l’adoption?
S’il en était ainsi, qu e de familles dont la position serait en sus
pens ou compromise, et dont les auteurs auraient à subir des actions
qu'on hasarderait souvent, 11e fût-ce que pour obtenir des sacrifices
par crainte d’un scandale public.
�— 18 —
Jusqu’à présent l’opinion générale a protégé les intérêts de toute
nature, engagés dans l’adoption, parce que généralement on a r e
gardé les actes qui la consacraient comme étant hors de toute a t
teinte.
Que la Cour ouvre la brèche et l’on verra à l’instant la foule s’y
précipiter, non par amour d e là morale, mais par 1111 sentiment qui
se devine assez à une époque où la cupidité semble avoir re m
placé tout autre mobile !
L’adoption, d ’abord objet de préventions, a été bientôt mieux coin
prise.
Elle a pris racines en France, où elle produit d ’heureux ef
fets.
Les actes d'adoption se sont fort multipliés depuis trente ans.
Des milliers de familles ont contracté des alliances, des engagemens sous la foi de le u r irrévocabilité.
Ces familles seront-elles trompées pour avoir placé leur co n
fiance dans la logique, la raison, le texte et l’esprit de la loi ?
Nous ne pouvons le craindre, car nous connaissons la sagesse
de la Cour.
Au surplus, si nous avons insisté sur l’inviolabilité des adoptions
consommées, c'est plutôt dans l’inlcrct général que pour le besoin
de la cause de la daine de Laplanche ; car il nous sera facile de
prouver qu’au fond l’arrêt de la Cour de ltiom repose s u r des motifs
conformes to u t à la fois à la loi et à la morale.
�— 19 —
rt
§2.
RÉFUTATION DU MOYEN DE CASSATION.
Suivant le dem andeur en cassation, la cour de Riom aurait, par
cet arrêt, violé les art. 757 et 908 du Code civil, et faussement ap
pliqué l’art 343 du même Code.
P ou r justifier ce rep ro c h e , il a examiné la législation romaine,
celle qui en France a précédé le Code civil, et enfin la législation
qu i nous régit aujourd’hui.
Nous suivrons le même o rd re de discussion.
D roit romain.
P our bien com prendre ce que pouvait être à Rome l’adoption
des enfans naturels, il faut se rappeler qu’elle était dans l’ancien
droit romain la constitution de la famille.
Les enfans d’un même père pouvaient se trouver dans deux posi
tions distinctes; — ou bien sous sa puissance, ou bien hors de sa
puissance.
Il ne pouvait évidemment être question d’adoption q u ’en ce qui
concernait ces derniers ; — les fils de familles, jouissant de toutes
les prérogatives de la légitimité, n ’en avaient pas besoin.
Les enfans placés hors de la puissance de leur père, — pouvaient
se trouver dans cette position par trois causes différentes:
1° Lorsque, nés sous sa puissance, ils en étaient sorti», soit par
émancipation, soit parce q u ’il les avait donnés en adoption ;
2° Lorsqu’ils étaient issus de l’union nomm ée chez les Romains
concubinat, — ils étaient alors appelés filiinaturales par opposition
�> o L r \
~
20 —
aux jilii fa m ilia s, et naissaient sui ju ris et chefs de famille euxmêmes ;
3° Enfin lorsqu’ils étaient nés pendant l’esclavage de leur père,
— quœsiti in servitute patris. Le père esclave, ne jouissant d'aucun
droit civil, n ’avait pas la puissance paternelle; l’unique effet de la
paternité, dans ce cas, était d’interdire entre le père esclave et sa
fille le contubernium tant q u ’ils étaient esclaves, et le mariage, si plus
lard ils devenaient affranchis.
Hors de ces cas, les enfans, n ’ayant pas de père connu, ou en
ayant un que les lois ne permettaient pas d ’avouer, c’est-à-dire un
père adultérin ou incestueux, étaienl nom m és vulgo eoncepti,et la
paternité restait dans ce cas toujours incertaine; — nam nec hipatrem
habere intclliguntur, cum his el etiam (pater) est incertus. (Institutos,
de nuptiis, § 12.)
Des trois classes d ’enfans placés hors de la puissance d e leur
père, il n ’en était pas une dans laquelle celui-ci ne put aller c h e r
c h e r des enfans adoptifs.
Q uanta ceux qui étaienl nés sous sa puissance, el qui en étaienl
sortis, ils y pouvaient re n tre r par l’adoption. Qui patria poteslate
liberatus est, dit Ulpien (1. 12, ff. de A dop.), el postea in potestatem
honeste revertí non polest, nisi adoptione.
Q uant aux enfans natu rels issus du co ncu binat, inviti filii na
turales vel emancipati, dit Modestin (I. 11. § de his qui sui), non rediguntur in patriam potestatem . Divers modes de légitimation, in
dépendam m ent du mariage s u b s é q u e n t, les faisaient passer de
l ’état d ’enfans naturels à celui d’enfans légitimes, el conslituaicnl
à vrai dire, non pas des légitimations dans le sens actuel de ce
mot, mais de véritables adoptions. (C. de N aturalibns liberis. Nov.
12, cap. 4. Nov. 74, cap. 1 cl 2. Nov. 89, cap. 9 cl 10.)
Q u a n ta l’enfant né pendant l’esclavage de son père, la loi 4G,
�fil de Adoptionibus, s’exprim e ainsi : In servitut'e mea quœsitus mihi
filius in potestatem m eam redigi bénéficia principis potest ; libertinnm cum manere non dubitatar.
•
*
« A ssurém ent, dit AI. D uranton, t. 3, p. 284, l’enfant né pendant
« l’esclavage de son père était u n enfant n a tu re l; et cependant
« après l’affranchissement du père, il a pu être adopté par re s e n t
« du prince, c ’est-à-dire adrogé. »
Et, plus bas, le même auteur ajoute que l’adrogation. seul mode r
d ’adoption qui fût compatible avec la qualité de personnes su iju ris.'
qui appartenait aux enfans naturels, était très fréquente du père
naturel à son enfant.
k ces textes si positifs q u ’oppose-t-on ?
1° La maxime quod meurn est, amplius m eum jleri non polest. Le
père naturel, dit-on, ne peut pas devenir par l ’adoplion plus père
q u ’il n e l’est déjà.
L ’argument prouve trop ; car s’il est applicable à l’adoption, il le
sera à la légitimation. Et cependant on ne niera pas que le père
naturel ne put', à Rome aussi bien que chez nous, devenir plus père
par celte voie. '
'
2° La loi 37 au Digeste, de Adoptionibus, laquelle déclare q u ’on
ne pourra pas adopter de nouveau l'enfant adoptif q u ’on aura
émancipé ou donné en adoption à un autre.
Le simple énoncé de cette loi dém ontre q u ’elle est com plète
ment étran gère à la question qui nous occupe. Il n ’y a donc pas
lieu de s’y arrêter.
3° La loi 23, If. de Lib. et<posth., dans laquelle on lit : In omni
ju r e sic observari convenit ut veri patris adoptione filius m n q u a m
inlelligatur, ne imagine naturœ veritas adumbretur.
�— 22 —
Mais il suffit de lire les dix lignes dont se compose cette loi pour
s'apercevoir qu’on prend pour une règle générale ce que Papinien
entend appliquer seulement à un cas particulier. 11 s’agit, en effet,
dans cette loi, de savoir si l’exhérédation formulée contre le fils
de famille, par son père, devra être considérée comme anéantie,
si, depuis, ce fils de famille a été émancipé par son père, puis est
ren tré par l’adrogation sous sa puissance.— Non, répond Papinien ;
car l'adoption ne peut pas diminuer les droits qu ’il a comme enfant
légitime ; il n'a pas acquis un état nouveau, c’est son ancien état
qu’il a repris; videlicel^ ajoute-t-il, pour lever tous les doutes ,
quod non translatus, sed reddilus videretar.
L ’adage que l’on cite veut donc dire que la fiction ne peut rien
enlever à l’enfaut des droits que la réalité lui donne, et nullement
que la fiction ne puisse rien ajouter à ces droits, ce qui est tout
autre chose.
Ce texte doit donc être encore écarté comme les précédens.
Ainsi, dans l’ancien droit romain, il est hors de doute que l’exis
tence du lien naturel ne mettait obstacle ni à l’adoption , ni à la
légitimation même par une autre voie que par mariage subséquent;
ce qui n’élait, à vrai dire, que l’adoption telle que nous l’entendons
aujourd’hui, adoption créée spécialement à Rome p o u r les enfans
naturels.
Mais la question changea de face et acquit un intérêt tout n o u
veau quand l’influence du christianisme eût fait proscrire le concu
binage, et enlevé ainsi aux enfans naturels les droits civils que leur
assurait l’ancienne législation.
La législation sur l’adoption des enfans naturels subit alors de
fréquentes variations.
�— 23 —
,
On voit, en effet, dans la loi 6, au Code de N aturalibus libcris
l’em pereur Anastase donner aux enfans naturels adrogés tous les
droits d ’enfans légitimes, et notam m ent la faculté de recevoir par
donation, par testament, et meme üb intestat, les biens de leurs
pères naturels.
Puis, dans la loi 7 (ibid), l’empereur Ju stin interpréter cette loi
d’une manière restrictive pour le passé, et l’abroger po ur l’avenir.
Puis, Justinien (dans sa Novelle 89, ch. 7), se prononcer contre
l’opinion d’Anastase, quœ naturelles adoptare contribuit, et pour
celle de Justin quœ adoptiones naturalium prohibuit. Justinien re
connaît au reste (Novelle 74, ch. 3 de Legitimatione per adoptionem), que l’ancienne législation était favorable à ces sortes d ’adop
tions. E t nos non latuit, dit-il en effet, quia etiam adoptionis modus
erat antiquités ante nos imperatoribus super naturales ad legüimos
transferendos non improbabilis existim atus
.
Et lui -même, comme le fait observer Godefroy sur la loi 6, au
Code, de Naturalibus liberis, revient plus tard, par voie indirecte,
à l’opinion d’Anastase, lorsque, par sa Novelle 117, il déclare légitime
l’enfant que le père avait appelé son enfant dans un acte public ou
privé, sans ajouter la qualification de naturel.
Nous ferons observer au surplus que la différence entre les ef
fets que l’adoption produisait chez les Romains, et ceux q u ’elle
produit chez nous, ôte presque tout son intérêt à l’examen histo
rique des variations que la législation sur l’adoption des enfans na
turels a pu subir dans le droit romain. Un des résultats principaux
de l’adoption était en effet de conférer à l’adopté les droits d’agnat
dans la famille de l’adoptant, et l’on conçoit sans peine combien le
caractère politique de l ’agnalion a du exercer d’influence sur les
conditions de capacité exigées de l’adopté aux diverses époques.
�-■"’S ■
—
24“ ^-
-
Lé droit romain ne fournit donc rien de décisif su r la questiôn;
et nous ne nous y arrêterons pas davantage, le dem andeur n ’ayant
pas nié lui-même les tergiversations de la loi romaine s u r ce point,
et le peu d ’influence qu’elle doit exercer sur la solution de la dif
ficulté.
Législation intermédiaire.
*-
Avant la révolution de 1789, l’adoption proprement dite était
inconnue en F rance. Ce n ’est que le 18 ja n v ie r 1792 q u ’elle fui
introd uite dans la législation par un décret de l’assemblée législa
tive, qui ordonnait de c o m p re n d re dans le plan général des lois
civiles celles relatives à Yadoption.
Le principe se trouvait ainsi posé.
II fut consacré de nouveau :
P a r la constitution de 1793, qui déclarait « citoyen tout homme
qui adoptait u n enfant. »
P a r le décret de la Convention d u 7 mars 17J3, * qui chargeait
« le com ité de législation de lui p résen te r un proji t de loi s u r les
« enfans appelés naturels et sur Y adoption. »
«
«
«
«
«
Par le décret du 4-6 juin 1793, qui posait en principe que « les
enfans nés hors mariage succéderaient à leurs père et m ère dans
la forme qui serait déterm inée, et ajournait la discussion sur ce
point ju s q u ’a ce que la convention eût e n te n d u son comité de
législation, tant sur le mode d’adoption qu e sur lessuccessions
en général. »
Par le décret du 15-1G frimaire an III, qui réglait provisoirem ent
les effets des adoptions faites antérieurem ent h la promulgation dû
Code civil, q u ’on croyait alors prochaine.
r
�Edfin, par l’a rrê té du gouvernement du 10 floréal an V III, dont
Tari. 10 prescrivait au ministre de l’intérieur d ’envoyer aux pré
fets, po ur les faire passer aux maires, des modèles, conformes à ceux
annexés à l’arrêté, des atctes de naissances, décès, mariages, d iv o r
ces et adoptions, p our assurer l’uniformilé des actes de l’état cjvil
dans to u te la république.
En attendant la loi organique annoncée par tous ces actes .légis
latifs, un grand nombre d ’adoptions eurent lieu. En l’absence de
toute règle légale, on se contentait de déclarer, par acte authen ti
que, qu'on adoptait tel individu pour son enfant, et cette adoption
produisait effet.
Lorsque le titre du Code civil s u r l’adoption eût été prom ulgué,
le 2 germinal an X I, il suscita de graves inquiétudes chez ceux dont
l’adoplion antérieure au Code ne satisfaisait pas aux conditions.qu’il
était v e n u e x ig é r. C'est pour calmer ces inquiétudes que fut ren
due la loi du 29 germinal an X I, don t l’art. Ier est ainsi conçu :
« Toutes adoptions faites par acte authentique, depuis le 17 jan« vier 1792 jusqu’à la publication d u Code civij,, relatives à l’a• doption, seron t valables quand .^elles n ’auraient été accompa« gnées d’aucune des conditions depuis exigées pour adopter,et
« être adopté. »
.i
De 1792 à 1803, il s’était fait un grand nombre d ’adoptions
d ’^nfans naturels. La yalidité.de ces adoptions ne pouvait être d o u
teuse ; l’esprit de la „législation, tout favorable pendant cette
période aux eniàns naturels, ne permettait même pas que la ques
tion fut soulevée. La loi du 25 germinal an XI vint encore confir
mer ces adoptions. Aussi la Cour de cassation déclara-t-elle valables
les adoptions d ’enfans naturels faites avant le Code civil , par
q u a tre arrêts des :
•24 novembre 1806. (Sirey 6,1 ; 586.)
J? ^
/
A
�f
24 juillet 1811. (Sirey 11, 1 ,3 2 9 .)
12 novembre 1811. (Sirey 13, l *j424.)
E t 9 février 1824. (Sirey 24, 1, 195.)
Ainsi, nul doute q u ’au moment de la promulgation d u Codet
l’adoption des enfans naturels ne fut permise par la loi.
1 C’est donc l’abrogation de la loi antérieure que les demandeurs
en cassation ont à faire ressortir du Code civil.
Prononce-t-il en effet cette abrogation ? C’est là ce qu’il nous
reste à exam iner. '
:f!’
' '•
i
f
i
Droit actuel.
R em arquons, avant tout, com m ent la question se présentedevant
la C o u r suprêm e.
Elle n’a pas à exam iner si, dans telles ou telles circonstances,
l’adoption ne doit pas être interdite plutôt que permise au père
naturel.
1
Les considérations d ’espèces ne peuvent être pesées e t appréciées
que par les'Cours royales.
- P ar cela seul qu’ici deux arrêts de Cour royale o nt c ru devoir
l’un autoriser'l’a u tre maintenir l’adoption, il est manifeste que les
circonstances de l’espècc étaient favorables.
L'arrêt attaqué ne pourra donc être cassé q u ’au tan t qu'on devra
poser, dans ses termes les plus absolus, ce principe de droit q ue,
par cela seul q u u ti enfant naturel a été reconnu, il ne peut dans
aucun cas, et quelles que soient les circonstances, être adopté par
celui ou celle de qui émane la reconnaissance.
O r, ce système absolu et tranché nous 'parait en' contradiction
directe a r e c le texte e t l’esprit de la loi.
En principe, tout individu peut adopter et être adopté.
�Ainsi, l’incapacité ne peut résulter que d’une prohibition spé
ciale de la loi.
Celte prohibition existc-t-elle contre l’enfant n atu re l?
Elle n ’est pas écrite dans le texte ; on en convient. Le Code,
dans les articles 340 h 3 4 6 , énum ère toutes les incapacités ; celle
résultant de la filiation naturelle n ’y figure pas.
C’est donc dans l'esprit de la loi qu’il faut l’aller cherch er. ,
Mais d ’abord, en matière d’incapacités, de prohibitions, de pei
n e s , il n ’est point permis de suppléer au silence du texte par des
déductions tirées de l’esprit.de la loi.
Ensuite peut-on prétendre1q u e l’esprit du Code civil repousse
l’adoption des enfans naturels?
Il suffira, p o u r répondre à cette qu estio n , de rappeler ce qui
s ’est passé1dans la/discussion du conseil d ’Etat su r le titre de l’a
doption:1
Lorsqu’on ne connaissait encore de cette discussion que ce qu i
en avait été imprimé dans le recueil des procès-verbaux, il était pos
sible d ’élever des doutes sur l’intention du législateur. Il semblait,
en effet,, que la question ne l'adoption des enlans naturels eût été
seulement effleurée en quelques mots, et q u ’elle n’eût été l’objet
ni d ’un examen sérieux, ni d ’une solution précise. On pouvait s’é
tonner q u ’une question de cette importance e û t été traitée avec
tant de légèreté, et'que les deux partis qui, dans le conseil, soute
naient et com battaient l’adoption en général, se fussent en quelque
sorte entendus pour négliger, ceux-ci leur objection la plus grave,
ceux-là leu r m eilleur argument. L’explication de l’énigme a été
donnée par M. Locré, lors de la publication d u 4me'vohihie dé son
livre sur l’Esprit du Code civil. Ce n ’élait pas la discussion qui
avait été in c o m p lè te , c’était le recueil imprimé des procès-ver
baux qui avait été tronqué. La lacune se trouvait comblée par des
�procès-verbaux dont M. Locré donnait le texte, et qui levaient
toutes difficultés sur la solution adoptée par le conseil.
Voici, en effet, ce qu'on lit dans ces procès-verbaux (voir Locré,
E sprit du Code civil, nouvelle éd itio n , tome 5, page 379):
« Dans la séance du 6 frimaire an X, un article fut mis en dis« cussion, qu i réglait les mesures à prendre préalablement à l’adop« lion d’un enfant qui n aurait pas de parensconnus; que M. Tron« chet attaquü cette disposition comme facilitant l’adoption des
« b âtard s, faisanl'remârquér qu'il ne suffirait p a s , p o u r prévenir
« cet in c o n v én ien t, de ne perm ettre l’adoption que des enfans
« nés de père et de mère inconnus, parce qu’il n é dépendait que
« du père de se ménager la facilité d’adopter son enfant n a t u r e l ,
« en s’abstenant de le reconnaître.
. "i <•
« Le prem ier consul répondit que cependant l’article était
• avantageux sous le point de vue que considérait JM.Tronchet.
« Il répugne à la bonne morale qu’un père, line mère, m êm e pau« vres, se dépouillent de leur qualité et fassent passer leur en« fànt dans une famille étrangère ; mais c ’est au contraire une
• conception heureuse de venir par l'adoption au secours d’un en« fant abandonné, et de l’arraclier à la, dépravation à laquelle son
« .état d ’abandon l ’expose. Mais, d it-o n, il faut craindre de faciliter
« l’adoption des bâtards. Il serait au con traire heureux que l’injus« tice de l’homme qui, par ses déréglemens, a fa it naître un enfant
* dans la honte, pût être réparée sans que les mœurs fussent bles« sées. ,
«
«
*
«
a M. T ronchel répondit q u e les principes de la saine morale
ont fait exclure les bâtards des successions ; q u ’il y aurait de
l’inconséquence à leur imprimer, d ’un côté, cette incapacité, et
à placer, de l ’autre, un moyen de l’éluder. . t,¡ ... .
« Le premier consul dit q u ’il pensait aussi que d o n n er aux bâtards la capacité de succéder, ce serait offenser les mœ urs; mais i
�«
«
«
«
«
«
«
que les m œurs ne sont plus outragées si celle capacité leur est
rendue indirectement par l’adoption. La loi, en les privant du
droit de succéder, n’a pas voulu punir ces infortunés des fautes
de leur père : elle n ’a voulu que faire respecter les m œurs et la
dignité du mariage. Le moyen, ingénieux de les faire succéder
comme tnfans adoptifs, et non comme bâtards, concilie don c
la ju stice et l'intérêt des m œ urs. '
« M. Réal rappelle à Tappuj de ce que vient de dire le premier
« consul que, dans une discussion précédente, le conseil a été plus
« sévère sur les reconnaissances d’enfant , dans la supposition
« que le préjudice q ue les dispositions sur cetté matière pourraient
« causer aux enfans n atu re ls, serait réparé par l’adoption.
« M. Ti;prichet ayant insisté s u r la contradiction q u ’il y aurait
« entre la faculté d’adopter les enfans naturels et la limitation de
< la faculté de disposer à leur égard, M. Bérenger dit que c’était
« dans l’intérêt de la morale q u ’il appuyait l'adoption des bâ« tards.
La discussion se prolongea s u r d ’autres points, et l’article pro
posé fut en définitive adopté.
La question se représenta in terminis quelques jours après.
La section de législation avait p résen té, dans , la séance du
14 frimaire au X, un article ainsi conçu : ;j.
•
..« Celui qui a reconnu, dans les form es établies par la loi, un
* enfant né hors mariage nk peut l’adopter, ni lui conférer d’autres
« droits que ceux qui ré s u lte n t,d e son acte de naissance.; mais,
« hors ce cas, il ne sera admis aucune action tendant à prouver,
•< que l’enfant ad opté est l’enfant naturel de l’adoptant. »
Cet article fut soumis à la discussion, le 16 frimaire an X , et le
procès-verbal de cette séance reud compte de cette discussion en
ces term es:
'
« M. Marmont dit que cette disposition peut com prom ettre l’é-
�\
— 30 —
«
«
«
«
tat dès enfans naturels. Il pourrait arriver, en effet, que, pour
se ménager la faculté de les adopter, leur père différât de les
reconnaître, et que cependant il mourut sans les avoir ni adoptes, ni reconnus.
« M .'Berlier (rapporteur) convient que cet article est trop sé« vère ; le motif qui l’à fait adop ter à la section a été la crainte de
« co n tred ire le projet de loi qui né donne aux enfans naturels
« reco n n u s qu'une créance sur lés biens de leur père.
« M. Em m ery o b s e r v e qu e la créance est le droit com m un, et
« l’adoption le cas particulier. Il dem ande la suppression de
* l’article.
« M. Regnauld, de Saint-Jean d’Angely, dit que la disposition
« rappelée par M. Berlier n 'a p o u r objet que de détruire la légist lation antérieure qui d o n n a it’aux enfanà illégitimes des d ro its
« beaucoup plus' étendus q u ’une simple créaticé.
« L’article est supprimé. »
Aucun doute n ’est possible en présence de cette discussion.'En
p rovoquant la suppression d e l'article qui prohibait l’adoption de
l ’enfant naturel, M. Em m ery a soin d ’expliquer sa pensée : c’est
la prohibition elle-même q u ’il entend repousser; l’in ten tio n du
conseil, en supprim ant l'article, n ’a d o n c rien d ’équivoque. Il a
voulu autoriser l'adoption tout à l a ’fois dans la crain te d’em p ê
ch er, s’il la p r o h ib a it, la reconnaissance des enfans naturels, et
dan's l’intérêt de la justice e t'd e s mœurs.
Aussi, lorsque ces procès-verbaux e u re n t été publiés, presque
tous ceux des jurisconsultes'qui s'étaient jusque-là prononcés con
tre la v a l i d i t é dfe l’adoption1, s’empressèrent-ils de revenir sur une
opinion si évidemment, repoussée par le législateur.
O n'lit dans le Traité d e ' l’Adoptiôn, de M .'Grenier, que lors
q u ’on connaissait seulem ent la discussion telle qu’elle avait été
impriméci^les raisons ne manquaient pas pour repousser l’adop-
�—
31
—
tion ; mais que, depuis la publication faite par M. Locré, ce qui
y est contenu sur' l’adoption a fait les plus vives impressions, le
rejet de l’article proposé par la section de législation prouvant
que la loi a été conçue en ce sens qu’elle n’emportait pas une p ro
hibition textuelle d ’adopter un en fan t naturel q u ’on aurait légale
ment reconnu.
11 '
M. Merlin, avant la publication de l’Esprit d u Code civil, s’é
tait prononcé contre l'adoptioB. Mais la question de la validité
d ’une adoption antérieure au Code civil s’étant présentée le 24 no
vembre 1806 à la Cour de cassation , il saisit cette occasion pou r
r' déclarer q u ’i/ revenait sur sa première opinion, ei que le silence du
Code se trou vant désormais expliqué par le retranchem en t d ’u n
article prohibitif, il ne croyait plus permis de reg arder la recon*
naissance d ’un enfant naturel comme faisant obstacle à l ’adop
tion (voir D alloz, 1806, 1 ,6 7 2 ). Il reproduisit la même opinion
dans l’édition q u ’il d o nn a de son R épertoire, èn 1812. Après
avoir, en effet, rappelé (v° Adoption, § 4) les raisons 'qui avaient
motivé son prem ier avis, il rendit compte des discussions du con
seil d’E lat, publiées par M. L ocré, et ajouta : « Cette partie du
« procès-verbal du Code N apoléon, qui n ’est pas imprimée, ré« pond, comme on le voit, de la manière la plità tranchante', à to u « tes les raisons q u i, du premier ab o rd ,'sem b laien t ap p u y e r l'o« pinion adoptée par les qu atre arrêts ci-dessus rappelés ; et l’on
« doit croire que, si elle e u t été connue plus tôt, ces quatre arrêts
« auraient admis les ad options qu’ils o n t rejetées. »
'
.
11. Merlin, à la vérité, est revenu depuis à cette opinion, qu’en
1812 il trouvait repoussée de la m anière la plus tranchante ; nous
examinerons to u t à l’heure les motifs de ce retour.
Ainsi l’enfant natu re l reco n n u peut être adopté.
Ce droit ne résulte pas seulement pour lui du principe général
�*^=..'32 —
qui l’accorde à tous ceux que la loi n’en a pas 'expressément dé
pouillés.
ûr?f , .1
■
Il résulte encore de rintcntion'ispëcialement manifestée par le
législateur de lui laisser ce droit.
*
' ' ’
11 '
'•
Le silence du législateur aurait suffi ; mais le législateur ne s’est
pas contenté de com prendre d ’un e manière générale l’adoption
des enfans naturels au nom bre de celles q u ’il n ’entendait pas in
terdire ; il en a fait l’objet d ’une discussion particulière, et il a
repoussé la prohibition demandée, en s’appuyant sur les principes
du droit et s u r l’intérêt de la justice et des mœurs.
C e p e n d a n t, en présence du principe général, en présence d e la
discussion du conseil d ’É l a t , o n ù’a pas désespéré de p arv en ir à
faire créer par les tribunaux une incapacité d ’adoption contre l’e n
fant naturel; et, p o u r y arriv er, on a cherché d ’abord à ébranler
l’autorité de cette discussion; puis, supposant l'intention du légis
la te u r incertaine, on a tenté de faire ressortir la prohibition de
l’ensemble des dispositions du C o de, à l’aide d ’une prétendue in
compatibilité entre elles et l’adoption de l'enfant naturel; enfin, on
a essayé de justifier par des considérations de morale et d ’ordre
public cette prohibition si laborieusement établie.
Nous suivrons l’objection dans chacune de ses branches et nous
d ém ontrerons q u ’elle n’est pas plus fondée en fait q u ’en -d ro it, en
droit qu’en morale.
Et d ’a b o r d , quant à l’autorité de la discussion que nous avons
rappelée.
.
•
.)■
.
"
•
O n dit :
1° Rien ne garantit l’authenticité des procès-verbaux rapportés
par Al. Locré ; •
r'
*•2° Dans tous les cas, la séance où fut'repoussé l’article pro
�hibitif de l’adoption des enfans naturels n’était qu'une 'petite séance;
3° Plusieurs faits te n d e n t’à d é m o n tre r que le conseil serait re
venu depuis sur sa première opinion;
4° Enfin, le corps législatif n’ayant connu que les procès-verbaux
imprimés, a dû voter la loi en lui donnant le sens que ces procèsverbaux semblaient lui attribuer.
. Quant au p rétendu défaut d’authenticité : il nous suffit de répon-,
dre que les m inutes de ces procès-verbaux sont aux archives du
conseil d'Etat, où chacun peut les vérifier; elles sont revêtues de
la signature de M. Locré, alors secrétaire-général.
La seconde objection, qui distingue les séances du conseil d ’É lal
en grandes et. petites séances', appartient à M. le procureur-géné
ral Mourre. C ’est lui q u i , le 14 novembre 1815, ayant, à donner *
des conclusions sur un pourvoi forme contre un a rrê t non motivé,
qui avait refusé d’autoriser une adoption d’enfant »naturel, saisit,
cette occasion pour attaquer la validité de ces adoptions, et prétendit-que, quatre membres seulement ayant pris la parole dans la
séance du 16 frimaire an X , c’était bien ce que l’on pouvait appeler
une petite séance.
Nous ferons d 'ab o rd r e m a rq u e r , avec M. Merlin ( Additions
au Répertoire publiées en 1824, voir Adoption), « q u ’il ne résulte
« pas de ce que q u atre membres du conseil d ’Etat seulement ont
« parlé à cette séance s u r la question, que cette séance lut moins
« nombreuse que les autres; encore moins qu’il ne s’y trouvât que
« quatre conseillers d ’E tat, nom bre infiniment au dessous de,cel:ii
« qui était nécessaire pour qu’une délibération pût s’établir. »
Nous ajouterons que la lecture du procès-verbal auth entiq ue de
la séance dont il s’agit, prouve clairement que dix-huit m e m b re s '
au moins y assistaient, puisque dix-huit personnes y ont pris la pa-'"
rôle sur les diverses questions qu’on y a traitées.
•
�M. Mourre s’est donc trom pé et en fait et en droit.
La troisième objection consiste h dire que le conseil d ’Etat serait
revenu, en l ’an XI, sur l’opinion favorable à l’adoption des enfans
naturels q u ’il avait manifestée au commencement de l’a n X , et, pour
établir ce changement d’opinion, on invoque:
1° La circonstance que les procès-verbaux qui constataient l’o
pinion favorable aux enfans naturels o n t été supprimés du Recueil
officiel;
*2° Quelques mots prononcés par M. Treilhard dans la séance du
2 7 brum aire an XI ;
3° Une phrase de l’exposé des motifs présenté par M. Berlier.
Cette objection, plus spécieuse que les autres, lorsqu’on ne l’ap
profondit pas, ne résiste point à un examen attentif.
Quant à Vomission des procès-verbaux : alors même qu’elle n'au
rait porté que s u r ceux qui traitaient spécialement de l’adoption
des enfans naturels, on serait encore peu fondéà y voir une preuve
d ’un changement d ’opinion du conseil. C’est en elfet un procédé
assez inusité dans les assemblées délibérantes, pour constater un
changement d ’opinion, que d’om ettre certains procès-verbaux dans
le Recueil imprimé. L’usage et la raison veulentque ccchangement
soit constaté par les procès-verbaux de la séance où il s’est
manifesté.
Mais l’ob ection tombe complètement devant ce fait qu’on a omis
dans le Recueil, n o n ,p as spécialement les quatre procès-verbaux
relatifs à l ’adoption des enfans naturels; mais vingt et un procès-ver
baux relatifs à toutes les matières du prem ier livre du Code civil
sans d is tin c tio n , c’est-à-dire les procès-verbaux de toutes les
séances tenues par le conseil d ’É tat depuis le 24 brumaire an X ,
jo u r où l’on décida que tous les procès-verbaux antérieurs seraient
imprimés, ju s q u ’au 22 fructidor an X, jo u r où l’on reprit la discus
sion du Code civil après les conférences avec le tribunal.
�M. Locré explique (dans sa législation civile et commerciale,
t. 1er, p. 91), les causes de cette lacune. — D’une part, Napoléon
craignit, surtout après la levée de boucliers du tribunal qui avait
amené la suspension des discussions du Code civil, de livrer aux
commentaires du public les paroles par lesquelles il av ait, dans la
discussion s u r le divorce et sur Je principe de l’adoption, laissé
percer, devant les membres du conseil d ’É ta t, ses préoccupations
sur l’avenir de sa dynastie; — d’a u tre part, ce but même se fut trop
clairement révélé, si les seuls procès-verbaux relatifs au divorce et
à l’adoption eussent été omis ; et, en conséquence, on prit prétexte
de la révision a laquelle donnaient lieu les prem ières conférences
avec le trib u n at, pour ne faire partir l’impression du 2me vol. du
recueil que du procès-verbal de la séance du 22 fructidorvan X ,
•dans laquelle celte révision avait été commencée.
On voit que la mesure était générale, et n’avait nullem ent pour
cause un changement d’opinion du conseil sur telle ou telle ques
tion spéciale.
Mais il y a p lu s; en ce qui concerne l ’adoption, la discussion im
primée a cela de particulier qu’elle se réfère de la manière la plus
formelle à la discussion inédite.
Un effet, le procès-verbal du 27 brumaire an XI (lequel est im prim é), s’ouvre par la présentation du titre de l’adoption par
Berlier, rapporteur. Aucun article prohibitif de l’adoption des enfans naturels reconnus ne figure dans cette rédaction, conformé
ment à la décision prise dans la séance du 1G Irimairc an X.
« Le citoyen Berlier fait o b server, ajoute le procès-verbal, que
« cette rédaction a paru à la section de législation rendre assez
« exactem ent les idées résultant de la discussion établie sur celte
m atière d a n s je s séances des (i, 14 e t . IG f r i m a i r e , et 4 nivôse
« d e r n ie r . »
,,,
,
Il est donc bien évident que loin de vouloir effacer les discussions
i
i
�antérieures sur l’adoption, la section de législation s’était appliquée
à en reproduire l’esprit.
Ce premier argument esl donc complètement dénué de fonde
ment.
Q uant aux paroles de M. Treilhard, une courte explication suf
fira pour réduire à leur ju s te valeur les inductions que l’on
prétend en tirer.
Dans la séance du 27 brum aire an X I, M. T reilhard, répondant à
une objection q u ’on avait souvent faite à l’infetitution du divorce ,■
mais qui ne se reproduisait p l u s ‘dans le sein d u conseil d’E t a t,
parce q u ’elle y avait été Pôbjet d'une discussion, spéciale et d’une
solution définitive, s’exprima ainsi : « L ’inconvénient d é c o u v r i r
« les avantages q u 'u n père veut faire à ses enfans naturels n’a rien
«
«
€
•
de réel. En effet si les enfans sont re c o n n u s , ils ne peuvent être
adoptés; s’il ne le sont pas, le u r origine est incertaine. Pourquoi d’ailleurs l ’auteur de leurs jo u rs serait-il privé de réparer
a i quelque m anière le vice de leur naissance?»
Le regret q u ’exprim ait M. Treilhard de ce que la reconnaissance
mettait obstacle à l’ad o p tio n , s’explique par cette circonstance que
M. Treilhard n’était entré au conseil d ’E tat que le 22 fructidor
an X , et q u ’il ign orait, comme le fait rem arquer M. M erlin, ce
qui s’y était passé dans lé mois de frimaire de la même annce. Mais
la discussion ne pouvait plus s’engager s u r ce point; la question
était épuisée et résolue. Aussi personne, dans cette séance du 27
brum aire an X I, n ’avait fait l’objection à laquelle M. Treilhard ré
pondait, et il y eut comme un accord tacite po ur ne pas le suivre
sur le terrain où il croyait devoir porter le débat. Il aurait suffi d’un
m o t pour le m ettre au fait de ce qui c’était passé avant son entrée
au conseil, et pour lui faire connaître que le désir q u ’il avait ex«
■ primé se trouvait déjà satisfait.
' Il n’y fci donc là q u 'u n incident de discussion, comme il s’en
�-
31
_
prod uirai souvent” clans toutes les assemblées délibérantes.* Si le"
conseil avait eu l’intention de ¡revenir sur sa première décision,
certes les paroles de M. Treilhard lui fournissaient l’occasion de
s’en exp liquer; si personne ne les a relevées, ni dans un sens , ni
dans l’autre, c’est que tout le m onde savait, excepté lui, que la
question était résolue.
Arrivons m aintenant à la troisième objection, prise des paroles
de M. Berlier.
On lit dans l’exposé des motifs du titre de l’adoption : « Cette
« ôondition des services préalables (rendus à l’adopté pendant sa
« minorité' a paru si essentielle dans le principe du co n tra t, et si
« heureuse dans ses effets, q u ’on n ’a pas cru devoir en dispenser
« l’oncle vis-à-vis du n e v e u , comme cela était demandé par quel«• ques personnes. »
Comment a d m e ttre , dit-on, q u ’on n ’ait pas reclamé en faveur
du père ou de la m ère, à l’égard de leur enfant, la dispense quron
réclamait en faveur de l’oncle ?
5‘ La' réponse est bien simple: c’est que les: motifs qui pouvaient
exister en faveur de l’oncle, n ’existaient pas en faveur-du père
naturel.
■
L’oncle, en effet, n ’a légalement aucune obligation à remplir'envers son neveu, su rto u t si celui-ci a conservé son père et sa mère.
On ne peut donc pas, lorsqu’il se présente pour adopter son neveu
devenu majeur, lui faire un reproche de ce qu’il ne lui aurait pas
rendu pendant sa minorité des services dont celui-ci peut-être n’a
vait pas besoin. Mais en est-il ainsi du père et de la mère naturels?"
Le premier et le plus sacré de leurs devoirs, n ’est-il pas de su r
veiller, de nourrir, de protéger leur enfant, surtout pendant la
période de sa vie où il a le plus besoin de leurs secours et de leur
surveillance? De quel droit, s’ils ont manqué à ce devoir, vien
draient-ils demander à la justice la faveur d’être admis à l’adopter?
�Parmi les partisans de l'adoption des enfans natu rels, il n ’est per
sonne qui prétende faire de cette adoption un droit pour le père ou
la mère. Cette adoption perdrait son caractère d ’utilité et de m o
ralité, si elle cessait d ’être une faveur accordée seulement en ré
compense de l’accomplissement de tous les devoirs. Que la recon
naissance soit un droit, rien de plus simple, elle ne fait que constater
un fait dont la vérité est indépendante du plus ou moins de mora
lité des individus. Mais l’adoption n ’est un droit pour personne.
La loi n e la perm et qu’à celui q u i , par sa conduite, a donné des
gages à la société; qui, par ses bienfaits, a donné des gages à l’en
fant. Si donc quelqu’un devait être rigoureusement astreint à la
condition des services préalables , c’était le père ou la mère natu
rels ; de leur p a rt, ces services ne sont pas un bienfait, mais le
paiement d’une dette. Les en dispenser, c’eut été les dispenser
d ’accomplir un devoir.
Ainsi, le trib u n a ta p u , sans inconséquence, réclam er pour l’oncle
une faveur qu’il ne pouvait pas réclam er pour le père naturel.
L’argum ent q u ’on tire des paroles de Berlier dans l’exposé des
motifs, pèche donc p a r sa base.
« Reste cnün la quatrième objection, tirée de ce que le défaut de
« publicité des procès-verbaux relatifs à l’adoption des enfans natu« rels n ’a permis au corps législatif de voir le titr e d e l’adoption que
« tel q u ’il était conçu; que par conséquent il a dû le considérer comme
<t renferm ant, de la part du conseil d’état, des indices non équivoques
« de l’intention de ne pas p erm ettre l’adoption des enfans naturels ;
« et que des lors rien ne garantit q u ’il l’eùt décrété, s ’il l ’eut cru ré« digé dans un au tre sens, «
Cette objection appartient à M. Merlin, et elle seule a motivé son
changem en t d ’opinion en 18 2 i. (Açldit. au Répertoire, v°Adopiion.)
.. Mais com m ent adm ettre que, su rto u ta p rè s les conférences du tri.
Inmat avec la s e c tio n n e législation du conseil d ’Elat, les membres
�— 39 —
du corps legislalif aient pu ignorer la solution donnée par le conseil
à la plus importante des questions que soulevait le titre soumis à son
examen? Et, quand même on l’adm eltrait, comment penser que le
corps législatif ait pu croire qu’il proscrivait l'adoption des enfans
naturels en votant un titre qui posait en principe général la fa
culté d ’ad o p tio n , et ne faisait pour eux aucune exception au droit
commun ?
Ainsi, l’au torité des discussions que nous avons rapportées reste
entière; rien n ’appuie l’opinion que le conseil d ’Etat soit revenu su r
sa première décision toute favorable à l’adoption des enfans naturels;
tout dém ontre, au contraire, q u e , reg ard an t ce point comme défini
tivement résolu, il n’a pas voulu le soumettre à une nouvelle discus
sion.
Aussi n o us sera-t-il aisé d ’établir (et nous entrons ici dans la
seconde partie de l’objection), que rien n ’est plus chimérique que
la prétendue incompatibilité que l’on croit voir entre l’adoption des
enfans naturels et quelques dispositions du Code civil.
Cette incompatibilité, on la cherche dans deux ordres de disposi
tions :
I o Celles relatives aux enfans naturels;
2° Celles relatives à l’adoption.
Occupons-nous d ’abord des premières.
L’objection que l’on prétend tirer de ces dispositions consiste à
dire que l’adoption de l’enfant naturel aurait p o u r résu ltat d ’é lu
der à la fois, et celles qui ont p ou r bu t de placer l’enfant natu rel
dans une position inférieure à celle qu’il aurait eue s’il eût été légi
time, elles prohibitions par lesquelles le lé g islateu rav o u lu leréd u ire
à une position moins favorable que la position même d’u n étranger.
En effet, dit-on, quant à la différence entre l’enfant légitime et
l’enfant, naturel, elle se trouve établie par les art. 3 3 8 ,7 5 6 et 757.
�L’art* 33§ porte : « L’enfant natu rel reconnu ne pourra réclame^
« les droits d’enfant légitime. Les droits des enfans naturels seront
« réglés au titre des successions. »
On trouve ensuite, au titre des s u c c e s io n s , les art. 756 et .757 r
d o n t le premier p o rte: « Les enfans natu rels ne son t point héri■ tiers ; la loi. ne leur accorde de droits s u r les biens de leurs père et
« mère décédés que lo rsqu’ils o n t été légalement reconnus. Elle ne
« leur accorde aucun droit su r les biens des parens de leurs père et
« mère. » E t dont le secoqd règle à, une p a r t moindre que celle de
l'enfant légitime, la p a rt de l’enfant naturel dans la succession du.
père ou de la mère qui l’ont reconnu.
.
j,
>D’autre part, d ’après l’article 908, l’enfant n a tu re l’« ne peut par
« donation e n tre vifs ou par testament, rien recevoir au delà de ce
« qui lui est accordé au litre des successions. •
r *Or, ajoute-t-on, l’adoptioir ayant pour effet de rendre l'enfant
naturel héritier de son père et de lui co nférer capacité pour recevoir
tout ce qui po urrait ê tre donné, soit à un enfant légitime, soit à un
étranger, le do ub le but de la loi se trouve m anqué, si le père n a tu
rel peut adopter son enfant. Ou l’adoption viole l’art. 908, si elle est
un con trat à titre g ra tu il;o u bien,elle l'élude, si elleest un contrat
à titre onéreux. Dans l’un et l’a u tre cas, l'art. 911 la frappe de
nullité.
Nous répondrons à la foisaux deux parties de l’objeelion.
Nous laissons de côlé les argumens que pourraient fournir les
textes mêmes q u ’on invoque. Nous ne voulons pas faire rem arquer
que l’adoption n ’est ni une donation entre vifs, ni un testam ent, et
q u ’elle n ’a pas pour effet de conférer les droits d ’enfant légitim e,
puisqu’elle ne donne q u ’un père ou une mère, sans donner une fa
mille, comme le ferait'la légitimation.
Nous ne voulons pas davantage faire rem a rq u er que ce n ’est pas
dans les lois qui n ’ont pour but que de régler la dévolution des’
�Biens q.i’il faudrait aller chercher, à l’aide d ’inductions, une prohi
bition relative à un changement d 'é t a t , et que si elle n’est pas écrite
dans les lois sur les personnes, c’est qu’en réalité elle n ’existe pas.
Deux réponses plus catégoriques nous paraissent pouvoir être
faites à l’objection.
1° Cette objection ne s’appliquerait qu’à u ne partie seulement
des enfans naturels.
En effet, certains enfans naturels ont capacité pour recevoir,
soit par surcession, soit par donation entre vifs, soit par testament,
la totalité des biens de leur père ou de leur mère; ce sont ceux qui
ne se trouvent en présence d’aucun parent au de£ré successiblc. A
ceux-là, bien évidemment, on ne pourrait pas opposer que les p r o
hibitions légale^ vont être indirectement éludées par l’ad o p tio n ,
p u isq u ’aucurie prohibition légale n e pèse s u r eux. Si donc la ques
tion d ’adoption devait, comme on le prétend, être résolue d ’après les
articles dont on cherche h se prévaloir, il faudrait adm ettre que cer
tains enfans naturels peuvent être adoptés quoique reco n n u s, et
que d ’autres ne le peuvent pas, et que l’incapacité dépendra de la
qualité des parens de leur auteur. A coup sur nos adversaires, qui
prétendent étayer l e u r système par des considérations de morale et
d ’ordre public, repousseraient eux-mêmes cette singulière transac
tion. Donc les argumens tirés des prohibitions relatives à la dévolu
tion des biens, manquent de portée, et ne peuvent servir à r é
soudre la question de princip e, p uisq u’ils ne s’appliqueraient qu’à
certains cas spéciaux.
,
La successibilité, d ’ailleurs, n’est qu’un des effets de radoptiojq,
et ne saurait être confondue avec l’adoption elle-même. Cela est
si vrai que l’adoption peut être interdite, même dans des cas où la
successibilité existerait ; comme l’a décidé la C o ur de cassation en
jugeant, le 5 août 1823 et le 7 ju in 1826, q u ’un étran g er ne peut
jamais être adopté p ar un Français, quoiqùe admis à lui succéder
depuis l’abolition du droit d’aubaine.
6
/
�— 42 —
2° Les articles q u ’on veut opposer n’onl nullem ent le sens qu’on
leur prête.
.
,
,
Sans doute, l’enfant naturel, tant qu il garde ce titre, reste frappé
des prohibitions portées par les art. 767 et 908, et toutes les fois
q u ’il invoquera ses droits d'enfant naturel il les tro uv era restreints
par ces prohibitions.
Mais ces prohibitions q u i limitent les droits dans un certain état
l'empêchent-elles d’acquérir un état nouveau qui lui confère dési
droits plus étendus?
Voilà la véritable question.
O r, cette question est positivement résolue par la loi elle-même.
Non, le vice de naissance de l’enfant naturel n’est pas indélébile;
— non, la loi ne s’oppose pas à ce q u e de l'état d'enfant naturel il
passe à un état plus clev é; — non les prohibitions des a rt. 757 et
908 ne l’em pêchent pas de devenir héritier et de recueillir tous les
biens de ses auteurs, soit par succession, soit par donation, dès
qu’il ne les recueille plus à l’état d ’enfant naturel. — C’est ce qu e
le'C ode répond lui-même à la question posée, en perm ettant la
légitimation.
Ainsi, l’enfanl naturel n ’est pas irrévocablement attach é à son
état d’enfant naturel ; — ainsi, il peut acquérir un état nou
veau; — ainsi d a n s ce nouvel état il est dégagé des re s tric
tions et des incapacités qu'il subissait dans son étal d ’enfant
naturel, sans q u ’on ait îi se dem ander si la légitimation con
stitue u n co n tra t à litre gratuit ou à titre o n éreux , et si elle viole
ou élude des prohibitions q u ’en réalité elle ne viole ni n ’élude, par
la raison q u ’elle les anéantit de plein droit.
C ’est là la différence essentielle et radicale qui sépare l’enfant
naturel de l’en fan t adultérin et in cestueux, à qu i l’a rt. 331 refuse
�— 43 —
la faculté de légitimation, q u ’il accorde au contraire à l’enfant na
turel, interdisant ainsi à l’un une sorte de réhabilitation dont ¡1
ouvre l’accès à l’autre.
Cela posé, il est manifeste que, lorsque l’enfant naturel voudra
s'élever de cet état à im état plus honorable, on ne sera pas admis
à lui opposer que l’état auquel il aspire dev an t avoir p o u r effet de
lever les prohibitions dont il é tait frappé dans son élat d ’enfant
n a tu re l, ces proh ib itions m e tten t obstacle à un changem ent de
position. Il répondrait avec raison q ue si celle objection était fon
dée, elle s ’opposerait à la légitimation tout aussi bien q u ’à l'adop
tion, l’une ayant, to u t com me l ’autre, pour résu ltat de le sous
traire à ces prohibitions ; et q u ’une fois établi que ces prohibitions
disparaissent devant un changem ent d ’état, il ne s’agit'plus que de
savoir si d ’autres raisons s’o pposent à ce changem ent d'état^, —
mais q u ’évidemment ce n ’est pas dans les prohibitions elles-mêmes
q u ’il faut chercher la raison de re n v e rs e r l’état d o n t elles ne sont
q u ’une conséquence.
■’
!1,
. *>if’L
Au surplus, l’enfant naturel, en raiso nn ant a in s;, ne ferait que
r é c la m e r'l’applicalion du principe général qui permet de se rele
ver par un changem ent d ’é la t des incapacités do nt on^peut être
frappé. La Cour suprêm e a fait l’application réitérée de ce prin
cipe, en décidant le 11 janvier 1820(Dalloz, 20, 1, 65), et le
21 août 1822 (Dalloz, 22, 1, 482), .quelle médecin qui épouse
sa malade p en d a n t le cours de sa d ernière maladie, se relève, par
ce ch an g em en td ’état, de l'incapacité dont il est frappé par Kart.909
du Code civil, el devient ainsi capable de recevoir de sa malade
une donation à titre universel. Le médecin à la vérité n ’est re
levé q u ’a u tan t que le ch a n g e m e n t d’étal, n’a pas élé opéré par
lui dan9 le but unique d ’éch a p p er a la prohibition, mais on co m
prend que, devant la C o u r su p rêm e, cette question ne peut pas
�même être soulevée en ce qui concerne l'enfant naturel, le motif
qui a fait dem ander l’adoption étan t-p résu m é légilime, par cela
seul que la Cour royale, qui seule était appelée à l'a p p ré c ie r, a
cru devoir autoriser l’adoption.
Que si, m aintenant, on oppose que la légitimation a été permise
p^r une disposition expresse delà loi,— et q u ’il n ’en est pas de même
.de l’adoption, — nous répondrons par celte raison bien simple que
la légitimation ne pouvant s'appliquer q u ’aux enfans naturels ex
clusivement, il fallait bien q u ’une disposition spéciale vint l’auto
riser pour eux, tandis que l’adoption pouvant s'appliquer et à eux
e t à d’autres, il suffisait q u ’ils ne fussent pas exclus de la disposi
tion générale p o u r qu'ils y fussent com pris.
Que si l’on objecte que les motifs qui ont pu décider le législa
te u r à p erm ettre à ,l’enfant naturel d’a rriv e r à un m eilleur état par
la roie,de la légitimation, ne militaient pas en faveur de l’adoption,
— nous répondrons que le débat sur ce p o in t appartient à l’o r
d re des considérations morales que nous allons examiner tout à
l’heure, et que, q u ant à présent, ne répondant qu’à l’objection
puisée dans les dispositions du Code qui restreignent les droits
des enfans naturels, il nous suffit d ’avoir dém ontré q u ’en principe
ces restrictions ne s’opposent pas à un changem ent d’état, et que
c’est ailleurs, par conséquent, q u ’il faut aller ch e rc h e r les raisons
qui pourraient mettre obstacle à l’acquisition de tel état en parti
culier.
En résumé sur ce point, l’objection tirée dés art. 767 et 908 est
sans p o rté e , et comme applicable à certains enfans naturels seule
m e n t, et comme n’attaq u an t q u ’un des effets de l’adoption au lieu
d’attaq u er l’adoption elle-même, et, de plus, elle est sans fonde
m e n t, comme opposant à un changement d ’état des restrictions
q u e la loi fait disparaître avec l’état ancien d o n t elles étaient la
conséquence.
�Ainsi aucune incompatibilité entre ces restrictions attachées à
l’état de l’enfant n atu re l, et le changem ent d'état qui doit l’y sous
traire.
Abordons maintenant la deuxièm e partie de l’objeclion, — celle,
qui prétend tro u v er une incompatibilité entre l’adoption de l’en
fant naturel et les dispositions du Code civil relatives à l’adop
tion en général.
Celte incompatibilité résulterait, suivant nos adversaires, —
1° des conditions de l’adoption; — 2° des effets que la loi y attache.
Quant a u x conditions : com m ent ad m ettre , dit-on, que la loi
n ’ait pas dispensé'le père natu rel des conditions d’âge, de services
préalables, de moralité q u ’elle imposait aux autres adoptans ?
Nous avons déjà répondu en discutant les paroles de M. Berlier
au corps législatif. Non seulement le législateur, posant les c o n
ditions générales de l’adoption, n ’a pas vu de motifs suffisans pour
en dispenser le père n atu rel,— mais il a vu des raisons particulières
pour l'y soumettre. Il n’a pas voulu faire de l’adoption un d ro it,
mais une récompense.
Quant aux effets de l’adoption: ils sont presque to u s, dit-on, ac
quis à l’enfant naturel par le seul fait de la reconnaissance. Le nom ,
il le porte; les aiimens, il les doit; les prohibitions de mariage , elles
existent. Le seul effet que l’adoption puisse produire , c’est donc la
successibilité.
Nous répondront que dans l’énumération des effets produits par
l’adoption, on oublie le plus important de to u s , et le plus précieux,
sans aucun doute, pour l’enfant naturel ; c’est-à-dire, le passage d’un
étal réprouvé et flétri par la loi à un état honorable el respecté. La
successibilité elle-même peut être acquise à l’enfant naturel avant
l’adoplion; c’est ce qui aura lieu toutes les fois que son père n’aura
pas de parens au degré successible. Qui oserait dire que, dans ce cas,
l'adoption serait sans-intérêt pour l’enfant naturel ?
�— 46 -
L ’argument qu’on prétend tirer contre l’adoption de ce q u ’une
partie de ses effets se trouve acquise par avance, argument déjà si
faible par lui-même, pèche donc par sa base et manque en fait. L ’a
doption a pour l’enfant naturel un intérêt de plus que pour tout
autre ; un intérêt qui subsiste alors même qu’il n ’a pas besoin de l’a
doption pour acquérir la successibilité.
Les prétendues incompatibilités entre l’adoption de Tentant na
turel et les dispositions du Code civil, relatives soit aux droits des
enfans naturels , soit aux conditions et aux effets de l’adoption en gé
néral , sont donc purement imaginaires. Ces dispositions n’ont rien
qui ne se concilie parfaitement avec l’intention manifestée par le lé
gislateur de permettre celte adoption,el nulle inconséquence ne s a u
rait lui être imputée.
Nous pourrions nous arrêter là ; car, après avoir démontré que i’adoption des enfans naturels a pour elle, et le droit commun , et la vo
lonté spécialement manifestée du législateur, nous avons suffisam
ment justifié le rejet du pourvoi.
¡Mais nous ne voulons pas laisser peser sur l’adoption des enfans
naturels le reproche d’immoralité q u ’on lui adresse.
Ce reproche peut se formuler ainsi :
La possibilité pour le père naturel d’adopter son enfant, aura ce
triple résultat :
1° De pousser au désordre par la perspective d ’une réparation fa
cile el assurée ; ;
j
2° La faute une fois commise, de détourner du mariage et même
de la légitimation, par l’espoir d ’avoir les jouissances de la famille
sans en supporter les charges;
■ 3° Enfin , l’adoption une fois faite, de porter atteinte à l’institution
uième du mariage, en m ontrant à tous l’enfant naturel placé sur le
même rang , jouissant des mêmes prérogatives que reniant légitime.
Nous n’hésitons pas à dire que rien n’est moins fonde que ce triple
�reproche, el que la morale, loin de condamner l’adoption des enfans
naturels, y est au contraire toulè favorable.
■ i!
■ i
Elle encouragerait le désordre, dit-on, par la perspective d’une
réparation facile et assurée?
Peut-être concevrions-nous ce reproche, si, au lieu de s’adresser à
la disposition de la loi qui permet au père naturel d’adopter son en
fant, il s’adressait à celle qui'lui permet de le légitimer.
1
Peut-être alors, en effel, serait-on en droit de dire que le désordre
pourra naître de la possibilité même de le réparer sur-le-champ; que
quiconque reculera devant un lien indissoluble, ou même rencon
trera un obstacle momentané à un mariage désiré, formera provisoi
rement une union illégitime q u ’il dépendra toujours de lui de régu
lariser ; que le fils auquel le consentement paternel aura élé refusé,
pourra , s’il peut se flatter de réhab ilitera son gré des relations con
damnées par la loi, vouloir attendre dans le concubinage l’âge où la
loi lui permettra de se passer de ce consentement ; et que le désordre
amenant le d é g o û t, la légitimation ne viendra pas rép arer le mal que
la perspective de la légitimation aura produit.
Nous concevrions ces reproches adressés à la légitimation. Pour
quoi ? C’est que, là, la réparation peut venir immédiatement après la
faute ; c’csl que ceux qui vivent dans le désordre peuvent se dire que
d em ain , aujourd’h u i , s’il leur p la ît, leur position sera régula
risée par leur volonté seule, et sans que personne y puisse mettre
obstacle. C’est, enfin, que cette pensée peut entraîner aisément à
des désordres qui n’emportent avec eux (le conséquences fâcheuses
qu’auLuil q u ’on veut bien accepter ces conséquences.
C ’est précisément cette facilité de réparation el la crainte du d a n
ger q u ’elle entraîne qui a déterminé le législateur à interdire au père
naturel l’espoir de réparer sa faule par des libéralités envers son
enfant.
Mais le danger q u ’aurait présenté la faculté pour le père de donner
�—
48
—
tous ses biens à son enfant n a tu re l, et qui la lui a fait interdire ; ce
danger q u ’offrait la perspective de la légitimation, et qui cependant
n’a pas empêché le législateur de la perm ettre, existe-t-il dans la
perspective de l’adoption ?
N on, évidemment. Quel est l’h o m m e, en effet, qui se senti
rait encouragé au désordre par la perspective si lointaine d ’une
adoption soumise à des conditions si rigoureuses? Cette adoption,
il ne sera peut-être pas en son pouvoir de la consom m er; car les
conditions légales l’assujettissent à des éventualités de plus d’une
nature; à l'autorisation des tribunaux, dont le pouvoir discrétionnaire
peut l’interdire sans même motiver ce refus; aux délais nécessaires
pour que l’adoptant ait 50 a n s , et que l’adopté soit majeur, ce qui
met au minimum à peu près 22 ans entre la réparation et la faute!
On objecte que le père emploiera la voie de la tutelle officieuse,
et pourra ainsi conférer à l’enfant l’adoption par testament même
''
pendant sa minorité.
Mais, p our dem ander la tutelle officieuse de son en fan t, il fau
drait que le père attendît d’avoir lui-même 50 a n s , et q u ’à ce mo
ment, l’enfant n ’eut pas encore atteint 15 ans (art. 3 6 f et 3 6 4 );
il faudrait, de plus, que le père attendît encore 5 ans après le jo u r
où la tutelle lui aurait été conférée, pour adopter l’enfant par acte
testamentaire (art. 366). Et tout cela pourquoi? P o ur rester encore
ju sq u ’à la majorité de l’enfant, non pas dans la position d’un pèré
adoptif, mais dans la position d’un tuteur officieux, qui a bien con
tracté des obligations envers son pupille, mais qui n’a acquis sur lui
aucun d r o it, puisqu’il suffit d’un caprice de l’enfant, à sa majorité,
pour repousser l’adoption , objet de tant de soins et de sacrifices!
De bonne foi, est-ce bien dans cette perspective si lointaine, sou
mise à tant d ’éventualités et d’inquiétudes, au pouvoir discrétion
naire des tribunaux , au caprice de l’en fan t, qu’on prétend trouver
un encouragement au d é s o r d r e ?
�— 49 —
Non , sans doule ; celte perspective préviendrait la faute au lieu
d ’y pousser, si les passions pouvaient prévoir et calculer.
Nous avons donc le droit de dire que l’éloignemenl et la diffi
culté de l’adoption sont plus faits p o u r détourner de la faute que
pour encourager au désordre. L’affection du père s’effraiera plus,
sans aucun doute, des épreuves et des éventualités de l’avenir
q u ’elle ne se rassurera par l’espérance de réaliser un acte soumis à
tant de chances.
Ainsi le danger auquel la prohibition veut parer n ’existe pas.
Mais nous ajoutons q ue, si le danger existait, il faudrait y c h e r
cher un autre remède que la défense d ’adopter les enfans naturels
reconnus.
Le système des adversaires, en effet, frappe h côté du b u t q u ’il
veut atteindre.
Si la possibilité d ’adopter son enfant naturel doit multiplier le
nombre des naissances hors mariage, c’est cette possibilité qu’il
f’auL faire disparaître de la loi.
Mais pour arriver à ce but quel moyen prendre ?
Est-ce, comme on le propose, de proscrire l’adoption de ceux
des enfans naturels qui auraient été reconnus antérieurement par
l’a d o p ta n t?
Evidemment n o n ; le moyen d’éluder la loi serait tro p simple;
pour se conserver la possibilité de l’adoption, on rie ferait pas la
reconnaissance.
Cela fut compris par tout le monde au conseil d’Etal. Aussi un
ou deux orateurs, plus conséquens que nos adversaires avec le
principe d’où ils parlaient, proposèrent-ils de défendre l’adoption
de tout enfant dont le père et la inèrc ne seraient pas connus. C’est
là, en réalité, le seul moyen d ’em pècherun père naturel d ’adopter
son en fan t; c ’est, par conséquent, le seul moyen de décourager le
désordre qu’exciterait, dit-on, la perspective de l’adoption.
Proscrire seulement l’adoption des enfans reconnus, c ’est per7
�— 50 —
mettre l’adoption ap père n aturel, à la condition q u ’il ne reconnaî. tra pas son enfant; c ’est punir la reconnaissance quand on voulait
.punir la paternité elle-même; c’est, en un m ot, laisser à la faute la
perspective qui l’encQurage, en frappant à coté d’elle l’acte de ré
paration c|u’on devrait seul encourager!
Mais ce système, s’il était conséquenlvavec lui-mème, avait le tort
d ’être en contradiction directe avec deux principes qu’admettait
la majorité du conseil d ’état. D’une part, en effet, c'était précisé
ment l ’adoption des enfans sans parens connus qu’elle voulait fa
voriser et propager; d ’a u tre part, loin de voir u n inconvénient et
un danger dans la possibilité pour un père naturel d ’adopter son
enfant, elle n’hésitait pas h y voir un acte digne d’encouragement
et de faveur. « Il serait heureux, disait Napoléon, que l’injustice
« de l’homme qui, par ses déréglemens, à fait naître u n enfant
« dans la honte, p u t être réparée sans que les m œ urs fussent bles« sées ; le moyen ingénieux de les faire succéder comme enfans
« adoptifs, et non comme bâtards, concilie la ju stice et l'intérêt
« des m œurs.» Aussi la majorité se récria-t-elle contre la proposi
tion qui fut en conséquence repoussée.
Le législateur a témoigné par là q u ’il désirait, loin de la crain
dre, l’adoption des enfans naturels par leur père, et q u ’il y voyait,
au lieu d ’un encouragem ent au désordre, la réparation d ’une in
justice.
La morale q u ’invoquent les adversaires est donc précisément cv
qui co n d am n e leur système.
Abordons maintenant le deuxième reproche.
La faute u n e fois commise, dit-on, la faculté d’adopter son e n
fant naturel aura pour résultat de détourner et du mariage, cl
même de la légitimation?
D’abord, en ce qui concerne le mariage, nous dem anderons si
la société doit d ésirer q u ’un homme qui a déjà un en fan t naturel
�cherche à co ntracter un mariage qui le placera entre la nécessité
d ’exclure cet enfant de sa maison, et le danger de le faire asseoir à ,
sa table avec sa femme et ses enfans légitimes.
Quant à la légitimation, de deux choses l’une :
On bien la légitimation sera possible, et alors les tribunaux n’au
toriseront pas l’adoption.
O u bien, la légitimation sera devenue impossible par la m'ort ou
par le mariage soit du père, soit de la mère, ou dangereuse par l’inconduile de l’un o u d e l ’autre ; alors la voie de l’adoption resieseule,
et dans toutes ces circonstances l’objection est sans fondement.
Reste, enfin, le troisième reproche, q u i consiste à dire que ce se
rait porter atleinle à l’institution même du mariage, que de pré
senter à la société un enfan t naturel élevé au rang et investi des
prérogatives de l’en fan t légitime.
’ ’ 1‘
Nous avons déjà signalé dans le co urs de la discussion la co n
fusion dans laquelle on tombe ici.
O n semble croire que la tache de la naissance est indélébile,
et on oublie que la loi elle-même perm et d e ^ ’effacer par la voie de
la légitimation, et d ’élever ainsi réellement les enfans naturels au
ra n g d’enfans légitimes, en leur donnant une famille, avantage,,
(pie n’a pas l’adoption.
O u i, dit-on, mais la légitimation elle-même est un hommag^
rendu à l’institution du m ariage, tandis que l’adoption est un
moyen de s’y soustraire en se donnant pourtant toutes les jo u is
sances de la paternité.
,
I
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« . •
i t i r • j < I i i *i
Nous avons ré p o n d u : Toutes les foi$ que la légitimation sera
possible, l’adoption sera refusée.
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A ces argumens qui tro uv ent leur réfutation dans la loi
même, nous pouvons opposer une considération qui a été aussi* si
gnalée au conseil d’Elat, et qui suffirait, suivant nous, p p u r(rç1
'IMll
h".
• . l l l l l ! » 1|||
)
�pousser le système que nous com batlons; c'est qu’il au rait po ur
conséquence d’em pêcher les reconnaissances d ’enfans naturels.
La défense d ’ado pter son en fan t se trouvant, en eiîet, dans ce
système, devenir la peine de la reconnaissance, on ne reconnaîtra
pas l’enfant, afin de se réserver la chance de l’adoption.
Cependant, l’o rd re public est intéressé de près à ce que le plus
grand nom bre possible d’enfans naturels soit reconnu.
L’enfant, qui n ’a point de parens, est exposé à tous les dangers
et à tous les vices; personne n ’a intérêt à le défendre et à le guid er,
car ses m alheurs et ses fautes n’atteignent et ne com prom ettent
que lui.
Mais l’enfant que son père a reconnu et qui porte son nom, a un
guide intéressé à surveiller sa conduite. La reconnaissance a le
double effet de le m ettre à l’abri de la misère, qui conduit au vice;
e t de lui assurer une éducation et des conseils, qui le préservent des
fautes d o n t la h o n te réjaillirait sur le nom de son père.
C’est là, pour l’ordre public, une' puissante garantie que le légis
lateur ne pouvait pas négliger. Tout ce qui peut te n d re à maintenir
les enfans naturels dans l’état d ’isolement et d ’abandon o ù les
laisserait le système que nous c o m b atto n s, doit être considéré
comme essentiellement contraire à l’esprit de la loi.
O n p art d'un faux principe quand on suppose qne le législateur
a pu vouloir rendre inabordables p ou r les enfans naturels les p o
sitions régulières et normales de la société. Il n ’en est rien, et
c’est le contraire qui est vrai; son vœu est et doit être q u ’il y ait le
moins possible dans le pays de ces positions équivoques, qui sont
toujours plus ou moins menaçantes p our l’o rd re public. Aussi se
montre-t-il en toute occasion plus empressé de rég ulariser une de
ces positions anormales que de punir la faute qui l’a créée. C’est
p o u r cela q u ’il veut que l’enfant né hors mariage soit légitimé,
quand il p eut l’ê t r e ; qu e si la légitimation est impossible, il soitj
adopte; et q u ’enfin, dans tous leseas, il soit re c o n n u .
'
�Voilà les devoirs que la loi et la morale imposent. Il n ’est pas p er
mis de dire q u ’on viole l’u n e ou l’a u tre en les accomplissant.
Ainsi, soit q u ’on veuille consulter le droit strict, soit q u ’on
s’attache aux considérations générales qui ont dû déterm iner le
législateur à ne pas créer d’exception, à ne pas exclure de l’adop
tion les enfans naturels, on arrive à ce résultat, que le législateur
a perm is l’adoption des enfans naturels.
Il nous reste maintenant un mol à dire de la doctrine et dè la
jurisprudence.
Les auteurs les plus recommandables ont traité la question, et
ils se sont divisés en deux camps.
L ’adoption des enfans naturels est com b attue par MM. Malleville,
Delvincourl, Favard de Langlade et Chabot. Il faut aujourd’hui
ajouter à ces noms ceux de MM. Merlin et Toullier.
. Nous avons eu occasion, dans le cours de la discussion, de r e
lever les changemens d’opinion de M. Merlin. Nous n ’y reviendrons
pas; nous ferons seulement rem arquer que ce jurisconsulte semble
p lutôt émellre des d o u te s, indiquer des difficultés qu’adopter un
avis bien arrêté.
M. Toullier, en fondant su r deux faits , qui se trouvent tous
d e u x erronés, son re to u r s u r l’opinion q u ’il avait d’abord pro
fessée, nous donne le droit d ’écarter d u débat l’autorité o rd in ai
rem ent si grave de son nom.
Il motive ainsi, en effet, son ch an gem ent d’opinion (t. 2, page
260). «L’adoption des enfans par leurs pères et mères naturels étant
« aussi contraire aux principes de l’adoption q u ’à la m orale et aux
« dispositions bien entendues du Code, a été rejetée et proscrite
« par l’a rrê t de la C o u r de cassation du 14 novem bre 1815, sur
« le s conclusions que d o n n a M. Merlin à cette occasion ; elles s o n t
« avec l’arrêt, rapportées par Sirey, t. 16, 1, 45. »
�M. M erlin, dans les Additions h son l\ép erloire, qui o nl paru
en 1824, signale la confusion dans laquelle tombe M. T o u llie r:
« 11 y a , dit-il, dans ce passage deux erreurs de fait : « 1° l’arrêt
« d e l à G o u r d e cassation du 14 novembre 1815, ne proscrit pas
« celte opinion; il déclare au contraire formellement, q u ’il est
« inutile de s’occu p e r de la question, parce que l’a rrê t attaqué
* n ’était ni ne devait être molivé; 2° je n ’étais plus au parquet de
« la Cour de cassation le 14 novembre 1815. »
Qui peut assurer que M. Toullier e û t changé d ’opinion, s’il
avait su que l’opinion nouvelle q u ’il embrassait, s u r la foi de la
Cour suprêm e et de M. Merlin, n’avait eu en réalité p our elle, ni
M. Merlin, ni la C our su p rêm e?
A l’autorité des noms que nous venons de citer, nous avons à
opposer celle de MM. Grenier (n. 85j, D uranton (t. 3, p. 381 ,
Proudhon (Cours de droit civil, t. 2, p. 139), Locré (Esprit d u
Code civil, t. 4, p. 310), Rolland de Villorgnes (Trailé des enfans
naturels, édition de 1811, n. 145 et 14G), L oiscau(Trailédes enfans
naturels), et D alloz (Jurisprudence générale, t. 1er, p. 293 et 294).
Nous appelons surtout l ’attention de la Cour sur l'opinion déve
loppée par ces trois derniers auleurs.
O n lit en outre dans le Dictionnaire des arrêts m odernes, p u
blié en 1814 (V° Adoption): « M. Locré ayant donné l’analyse
« exacte de tonies les discussions du conseil d’E lat su r les enfans
a naturels, il a été dém ontré qu'il n ’était conform e, ni à l’esprit du
« législateur, ni au texte de ses dispositions, de prohiber l’adop« tion des enfans naturels reconnus. »
Quant à la ju risp ru d en ce, celle des Cours royales est presque
unanime en faveur de l’adoption.
Les arrêts des C ours royales, en matière d ’adoption, se parta
gent en deux classes, suivant q u ’ils sont ou non motivés.
Parmi les arrêts non motivés , ceux qui autorisent l’adoption
�d ’un enfan t par son père n atu re l, manifestent, de la part d e l à
Cour dont ils émanent, une opinion nécessairement favorable à
l’adoption desenfans naturels.
(.eux, au contraire, qui relusenl d’autoriser une pareille adop
tion, ne prouvent rien. Nous l’avons déjà dit, l’adoption d ’un e n
fanl par son père naturel n ’est pas un droit, c ’est une récompense
que celui-ci doit avoir méritée par sa conduite ; c’est de plus une
faveur qui ne doit jamais lui être accordée quand la légitimation
est possible et désirable p our l’enfant. Rejeter sans motifs une de
mande .d'adoption formée p a r un père naturel, ce n ’est donc nulle
ment en contester la légalité, c'est refuser d ’appliquer le principe
à une espèce donnée.
Il ne faut donc com pter comme opposées au principe même
de l’adoption des enfans naturels, que les Cours qui oru rendu
des arrêts motivés su r la question de validité d ’adoptions déjà fai
tes. La seule qui se soil ainsi prononcée à n o tre connaissance est
la C our d’Angers, le 21 août 1839.
L'adoplion des enfans naturels a pou r elle, au contraire,
1° Des arrêts non motivés des Cours de Lyon, Rennes, Poitiers,
Bordeaux, G renoble, D ouai, C aen, R o u en , Bruxelles, cités daus
le Dictionnaire général d ’Armand Dalloz, v° Adoption, n» 31, aux
quels nous ajouterons ceux des Cours d ’O rléans (Dalloz, 1839, 2,
205), de Bordeaux (Dalloz, 38, 2, 10G), et la jurisprudence déjà
ancienne et aujourd’hui bien iixéc de la Cour de Paris ;
2° L’a rrê t si bien motivé de la C our de Riom, qui fait l’objet du
pourvoi que nous discutons.
Quant à la Cour suprême, elle n'a jamais été appelée à fo rm u
ler son opinion sur la question d ’une manière positive. Mais s’il
est permis de tirer quelques inductions des décisions qu’elle a
ren du es en matière d’adoption d ’en fans naturels, peut-être sera-ton autorisé à penser que son opinion est favorable à c ettea d o p tio n .
�Le 24 novem bre 1806, en effet, la Cour de cassation avait à
Statuer su r un pourvoi dirigé contre un arrêt qui avait déclaré va
lable une adoption d ’enfant naturel antérieure au Code civil. M. Mer
lin avait conclu au rejet, en se fondant, e n tre au tre s motifs, sur
ce que cette adoption était perm ise, même sous le Code civil; le si
lence du Code et le rejet de l’article prohibitif proposé au conseil
d’E tat ne permettant pas le doute sur l’in tention du législateur. La
Cour n ’avait pas besoin, pour justifier le rejet du pourvoi, d'invo
q u er les dispositions du Code civil, la loi transitoire du 25 germ i
nal an XI lui suffisait. Cependant elle ne voulut pas laisser échap
per celte occasion de manifester sa pensée s u r l’adoption des enfans natu re ls ; et, aux motifs de son arrêt, puisés dans la loi tran
sitoire, elle en ajouta un ainsi co n çu :
'
« Considérant que la loi qui réduit l’enfant naturel à une por« tion de l’hérédité, et porte q u ’il ne pourra, par donation entre
«
<
«
«
vifs ou par testam ent, rien recevoir au delà de ce qui lui est
accordé à titre de s u ccessio n , n empêcherait pas qu’il ne pût
être plus avantagé par l ’effet de l’adoption si elle a lieu , q u ’ainsi
l’a rrê t a ttaq u é n ’a violé aucune loi ; — Rejette. »
31. Denevers qui, à cette ép o q u e, était greffier de la sec
tion civile de la Cour de cassation , en rapportant cet a rrêt
(1806, 1, 672), déclare, dans une note, que plusieurs membres de
la Cour, et notam m en t le r a p p o rte u r , M Lasaudadc, lui on t
assuré q u e la grande majo rité partageait la nouvelle opinion de
M . le procureur-général M e rlin , et que la C our aurait consacré
cette opinion s’il avait été question d ’une adoption postérieure au
Code civil.
Celte disposition de la Cour peut seule expliquer, en effet, l'in
sertion dans l’arrêt du motif que nous venons de rapporter. On ne
concevrait pas a u tre m e n t le soin que prend la C our suprém p
�de réfuter Ja seule objection spécieuse q u ’on oppose à l’adoption
des enfans naturels sous l’empire d u Code.
Au surplus, et c ’est par là que nous term inons, la Cour s’était
formelli-ment prononcée, même a v a n t les discussions du conseil
d ’E tat, pour l'adoption des enfans naturels.
La commission chargée par le gouvernement de rédiger le pro
jet de Code civil, n ’y avait pas fait figurer, comme on sait, le titre
de l’adoption. Le projet fut ainsi soumis à l’examen du tribunal
de cassation et des Cours d'appel.
Le tribunal de cassation choisit dans son sein u-ne commission
q u ’il chargea de rédiger ses observations s u r le projet présenté.
Ce fui celte commission qui proposa d ’ajouter au titre de la
paternité et de la filiation un chapitre 4, intitulé: des Enfans
adoptifs. Le chapitre se composait des articles 34 à 50 du titre
de la paternité. Le 37e fixait l’âge au dessus duquel on ne pourrait
plus être adopté ; puis il ajoutait : « S o n t exceptés, 1° les enfans,
« abandonnés on sans famille co n n u e; 2» les enfans naturels
« des adoptans par eux re c o n n u s ; 3° ceux q ui sont adoptés
« conjointement par deux époux. Les individus compris dans
« ces trois exceptions peuvent être adoptés à quelque âge q u ’ils
« soient p arvenus, pourvu, dans ce cas, que le père ou la mère
« adoplans aient fourni aux frais de leur éducation, nourriture et
« entretien, au moins pendant les cinq ans qui ont immédiatement
« précédé l’adoption, ce qu i sera constaté par un acte de noto« riété, etc. »
Ainsi, c’est au tribunal de cassation q u ’apparlient l’initiative de ,
la proposition de consacrer, non seulement l’adoption en général,
mais encore l’adoption des enfans naturels en particulier.
L ’enfant naturel r e c o n n u , dans le système du tribunal de cas
sation, pouvait également être adopté, soit par son père,, soit
par sa m ère, et passer ainsi de l’état d’enfant naturel à l’étax
8,
�'
_
58 —
. d'enfant a d o p tif, malgré la prohibition de recevoir qui se tro u
vait déjà dans l’article 13 du titre des Donations, prohibition repro
duite dans l’article 908 du Code civil. La portée de cette p ro
hibition n’est pas là ju g é e par la C o u rs u p rê m e comme nous l’a
vons jugée nous-mêmes, et la présence des deux dispositions dans
le même Code ne fait-elle pas justice de leur prétendue incompati
bilité?
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'
Ainsi, les seuls précédens de la Cour suprême, sur cette qu es
tion, sont : 1° la proposition de permettre l'adoption des enfans
naturels, en accordan t même à cette adoption une faveur p a r ti
culière, la dispense de la condition d ’âge imposée à toute autre
adoption ; 2° un e réfutation, dans l’arrêt du 2 4 novem bre 1805, de
l’argum ent par lequel on cherchait à établir q u e, depuis le Code
civil, l’adoption des enfans naturels reconnus était interdite.
Nous sommes donc en droit d 'esp érer que ce qui lui a paru moral
autrefois lui paraîtra moral aujourd’hui ; que ce q u ’elle a trouvé
légal, en 1806, ne lui semblera pas prohibé an 1840.
En'résnm é l'adoption n’est pas un droit pour le père ou la mère
aaturels qui veulent l’e x e rc e r ;
Mais elle ne leur est pas interdite.
C ’est aux tribunaux qu’il appartient d ’apprécier les circ o n sta n
ces, et d ’autoriser ou de refuser l’adoption, suivant que l’intérêt
de» m œ u rs, l’intérêt de la société, l’intérêt de l’enfant lui paraîtront
devoir faire pencher la balance d ’un côté ou de l’autre.
C’est assez dire que l’adoption sera refusée toutes les fois que la
légitimation sera possiblë'ou désirable ; m a is q u ’elle devra être p e r
mise toutes les fois que, par sa conduite, le père a u ra mérité cette
faveur.
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�La loi, en effet, conséquente avec elle-même, après avoir
frappé la faute du père dans son affection p o u r l’enfant, a bien com
pris qu’elle pouvait se servir de cette affection même pour obtenir
du père la réparation de ses torts envers la société. La réhabilitation de l’en fan t, offerte comme récom pense à la bonne conduite
du père pendant de longues années, atteignait ce but. Les inca
pacités dont la loi frappe l’e n f a n t'n a tu r e l, et la permission de
l’adopter à des conditions sévères, procèdent donc du même
principe.
Q uant aux objections co n tre l’adoption des enfans naturels re
connus, elles se rangent en deux classes :
1° Les prohibitions formulées par la loi contre l’enfant n atu re l ;
Mais elles,tombent toutes, on est forcé d 'e n convenir, d ev an t un
changement d ’E ta t ; elles s’attachent p ar conséquent au titre d ’en
fant naturel et ne su bsistent q u 'a u ta n t que lui. Elles sont, en un
mot, la punition de celui q u i n’a pas voulu ré p a re r sa faute envers
la société, soit en légitimant son en fan t, soit en m éritant d ’être
admis à l'adopter.
2» Les prétendus dangers de l’adoption ;
Nous avons dém ontré q u ’ils sont chim ériques, et que, d ’ailleurs,
s’ils pouvaient exister, le pouvoir discrétionnaire laissé aux trib u
naux en matière d’adoption d'enfans naturels aurait p o u r infail
lible résu ltat de les p révenir.
Il
faut donc reconnaître que, dans la pensée du législateur, le
p r e m i e r devoir q u ’impose la morale à celui qui a donné le jour à
un enfant naturel, c’est de d o n n e r à son enfant la position la plus
régulière, la plus norm ale qu'il soit possible de lui conférer ; que,
s’il peut le légitimer, il doit le faire ; que, si la légitimation n’est
pas possible, il doil l’ad o p te r; qu’enfin, et dans tous les cas, il
do it le reconnaître.
est l’intérêt de la société to u t aussi bien que celui de la
morale.
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Cette pensée du législateur, elle s'est manifestée, soit d an s les
discussions préparatoires du Code civil, par le rejet d'une exception
proposée au principe général qui perm et à tous l’adoption, soit
dans le texte de la loi, par la permission donnée, d ’une m anière
spéciale, de légitimer les enfans naturels, et d’une manière géné
rale, de les adopter, différence qui s’explique par cette considéra
tion que la légitimation ne s’applique qu’à eux seuls, tandis que
l’adoption s’applique à tous. -'i
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L’adoption des enfans naturels est donc permise, sinon encou
ragée, par la loi.
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Aussi les exposans et et tous ceux, en fort grand nom bre, qui
se trouvent dans la même position, ne do utent-ils point que la Cour
n e maintienne l’arrêt qui consacre la validité d ’une telle adoption.
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Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Boirot, Sophie-Mathilde. ?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Mandaroux-Vertamy
Subject
The topic of the resource
successions
adoption
enfants naturels
successions collatérales
généalogie
divorces
Pater is est
accouchement
enfants adultérins
doctrine
adultères
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire en défense pour la dame Sophie-Mathilde Boirot et le sieur Gilbert de Laplanche, son mari, contre le sieur Louis-Pierre Boirot.
Annotations manuscrites.
Table Godemel : Adoption : consommée du vivant de l’adoptant peut-elle être attaquée par des tiers ? l’enfant naturel antérieurement reconnu par sa mère, peut-il, dans la suite, être adopté par elle ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Imprimerie et lithographie de Maulte et Renou (Paris)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1842
1798-1842
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
1814-1830 : Restauration
1830-1848 : Monarchie de Juillet
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
60 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2821
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2818
BCU_Factums_G2819
BCU_Factums_G2820
BCU_Factums_G2819
BCU_Factums_G2820
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53577/BCU_Factums_G2821.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Theneuille (03282)
Bellenaves (03022)
Riom (63300)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
accouchement
adoption
adultères
divorces
doctrine
enfants adultérins
enfants naturels
généalogie
Pater is est
Successions
successions collatérales