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MEMOIRE
COUR
d ’a p p e l
de riom.
EN R É P O N S E ,
P O U R
E t i e n n e
C A S T I L L O N , habitant à Rio m ,
intimé ;
C O N T R E
J e a n - B a p t i s t e A S S O L E N T , habitant à
P a ris, appelant.
C e u x qui se rendent cautions de leurs amis ou de leurs
proches, ne calculent pas toujours toute l’étendue de leurs
engagemens, et ne croient souvent remplir qu’une vaine
formalité. Ils veulent être généreux sans sacrifices et
sans risques, exaltant leur procédé quand ils en ont été
quittes pour leur signature ; mais invoquant toutes les
chicanes connues, si on s’adresse à eux pour payer ce
qu’ils ont promis,
A
�( 2 )
. ,
’ .
Voilà mot pour mot ce qui est arrivé au sieur
Assolent. Caution du sieur Blanchard, son beau-frère,
pour une entreprise de com merce, il s’en fût proclamé
le bienfaiteur et le patron, si l’entreprise eût réussi.
Mais Blanchard est insolvable et en fuite. L e sieur
A ssolent, sa caution, doit payer pour l u i , et c’est là
ce qu’il est difficile de lui persuader. D ’abord, le tribunal
qui l’a condamné ne lui convient pas. Il va même jus
q u ’à penser q u ’ u n acte par lequel un codébiteur paye
pour lu i, avec subrogation, est pour lui une quittance,
et le dégage de. son cautionnement.
Il s’agit donc de lui prouver tout à la fois qu’il a été
jugé par un tribunal com pétent, et qii’un transport ou
subrogation de créance maintient et confirme le titre,
bien loin de le dénaturer et d’opérer novation.
F A I T S .
Castillon et Blanchard voulurent entreprendre en
l’an 1 1 , à Riom , l’établissement d’un cylindre à indiennes.
Les premiers frais devoient être considérables, et Blanfchard n’a voit aucune fortune.
L e sieur Assolent, son beau-frère, domicilié à Paris ?
vint gén<ei’eüsenient à son secours, et lui promit son
cautionnement; en conséquence, Castillon et Blanchard
firent le Voyage de Paris : on y acheta un cylind re,
moyennant 8676 liv. 10 sous; et l’acte ci-après fut passé
le 18 prairial an 11.
D u fou r, serrurier, vend à Castillon et Blanchard un cylindre
�(
3
)
qu’il s’oblige de faire conduire et mettre en place à R i o m , dans
quatre mois. La conduite sera aux frais des acquéreurs, de même
que la maçonnerie du placement.
Dufour garantit pendant un an le cylindre vendu.
L e prix dudit cylindre ( 8^76 liv. 1 0 s . ) sera payé à Dufour à
P aris, par envoi de lettres de change ou autrement, moitié dans
un an et moitié dans deux ans, à compter du jour que le
cylindre sera en état de travailler , avec intérêt à 6 pour 100.
Castillon s’oblige à p ayer m oitié de ladite
som m e auxdits
term es ; B lanchard s’oblige à p ayer l’autre m oitié.
Assolent s’oblige , en cas que ledit Blanchard ne pût payer
la totalité ou partie de ses
4338
liv.
5
s. auxdits termes , après
toutes poursuites faites ; dans ce cas seulement, il promet et
s’oblige de payer audit Dufour les sommes qui pourroient lui
être dues par ledit Blanchard qu ’il cautionne.
Castillon s’oblige en outre , dans le cas où Dufour ne pût
être payé de Blanchard et d’Assolent, sa caution, après toutes
poursuites faites, à payer lui-méme. Alors le cylindre lui appar
tiendra en entier, sauf à rendre à Blanchard ce qu’il aura pa yé ,
après déduction des dommages-intéréts de Castillon. En ce cas
seulement il sera libre audit Castillon de faire vendre ledit
cylindre pour payer Dufour,
Il est convenu entre les parties que si Castillon et Blanchard
veulent avancer les termes de payem ent, Dufour leur fera une
remise de î a pour 100.
E n fin , Castilloi* et Blanchard s’interdisent la faculté d’exiger
la vente du cylindre jusqu’au parfait payement de Dufour.
Fait triple, etc.
Pour se mettre en étal de recevoir le cylindre, il fallut
faire une construction sur le modèle donné ; elle coûta
quatre cent et quelques livres. Mais Blancliard n’ayant
pas le premier denier, 011 emprunta la somme du sieur
�(4 )
A lb e rt, à qui il fut fait un effet signé de Castillon et
Blanchard, le 17 fructidor an 11. Castillon seul a été
obligé de l’acquitter.
Bientôt le cylindre arriva : il fallut payer 493 liv.
pour la voiture ; et Blanchard n’ayant encore rie n , il
fut aussi question d’em prunter, moyennant un autre
eilet que Castillon a de même acquitté seul.
D ufour vint à R io m , et plaça le cylindre le 30 frimaire
an 1 2. Il engagea ses débiteurs à lui avancer toute la
somme promise; mais comme Blanchard en étoit inca
pable, le sieur Castillon emprunta seul du sieur A lbert
la somme nécessaire; et comme il n’avoit garde de mettre
du secret à ce payement, il en fut passé acte notarié,
le 30 frimaire an 12 } entre les sieurs A lb ert, Dufour et
Castillon.
Par cet acte Dufour reconnoit avoir reçu par anticipation, de
Castillon se u l, et de ses deniers, 8676 liv. 10 sous pour le paye
ment par anticipation du prix du cylindre.
Dufour tient quitte ledit Castillon, et le subroge en tous ses
droits contre Blanchard, et contre le sieur A s s o le n t, sa cau
tion.
Il donne pouvoir à Castillon de se servir de son nom pour
la répétition de la moitié de ladite somme de 8676 liv. 10 s.
Castillon se reconnoit ensuite débiteur du sieur Albert, à qui
il fait des effets pour la somme prétée.
Bientôt le cylindre se dérange, deux rouleaux se cas
sent; et comme il y avoit garantie pour un an, Castillon
et Blanchard assignent D ufour au tribunal de commerce
de R iom , le 7 vendémiaire an 13.
D ufour n’eut garde de décliner la juridiction ; il vint
�(5).
à Riom ; et au lieu de soutenir un mauvais procès, il
répara l’un des rouleaux, et vit que l’autre avoit besoin
de refaire. En conséquence, par un acte du 13 brumaire
suivant, il s’obligea d’en délivrer un neuf dans cinq mois;
au moyen de quoi il fut libéré de toute garantie, et les
sieurs Castillon et Blancliard se désistèrent de leur as
signation.
L e premier terme de payement pour Blanchard devoit échoir le 30 frimaire an 13 , et non pas le 18 prairial
an 12, comme a affecté de le dire le sieur Assolent pour
son avantage. Car l’échéance n’étoit qu’un an après le
posement du cylindre. O r, déjà Castillon avoit fait des
démarches pour être payé ; et le sieur Assolent nous
l ’apprend lui-même.
Dès le 17 frimaire an 13, Castillon avoit écrit au sieur
Assolent une troisième lettre, pour lui faire part de la
position de Blanchard, son beau-frère , et de sa sœur, et
pour l’engager à prévenir la perte totale de cette famille,
par des frais et des poursuites. Si vous ne Taviez pas
caution né, lui m arque-t-il, je ne serois pas entré dans
la vente.... ,* le double est écrit en entier de votre m ain...;
en ne recevant pas de réponse, je ne sais à quoi rrfatten
dre.... Suivant la lettre de mon fr è r e , vous dites que
vous ri avez pas de réponse à me f a i r e , parce que vous
aviez écrit au sieur Blanchard.... I l a soutenu ri avoir
reçu aucune lettre de votre part.... ,* je ri entends pas
vous surprendre • je vous écris ce que je pense.,..
Ainsi Castillon éci'ivoit lettre sur lettre; et le sieur
Assolent ( qui se dit pris au d épourvu, après que Cas-
�( 6)
tillon a eu le temps de s’enrichir dans un commerce
productif ), Assolent noüs prouve lui-même qu’il savoit
tout dans l’année même du placement du cylindre, et qu’il
se défendoit déjà d’une manière évasive et mensongère,
en esquivant une réponse.
Quoi qu’il en soit, Castillon, ennuyé d’écrire, fit donner
à Blanchard une assignation qui ne se retrouve plus, et qui
seroit d’ailleurs aujourd’hui insignifiante. Ensuite, le n
germinal an 13 , il assigna le sieur Assolent à payer le pre
mier terme du cylindre; il l’assigna sous le nom de Dufour,
qui l’y avoit autorisé par l’acte du 20 frim a ire an 12.
C’est ici où on va connoître l’esprit de bonne foi qui
animoit déjà le sieur Assolent: le lendemain il courut
surprendre au sieur D ufour un désaveu de cet exploit;
et comme l’acte du 30 frimaire étoit connu, il crut se
donner quittance en faisant déclarer à D ufour qu’il n’avoit rien à réclamer contre lui Assolent.
Ce chiffon ne devoit pas arrêter les poursuites de Cas
tillon, qui, procurator ùi rem suatn, avoit le droit de
plaider sous le nom de D ufour, malgré Dufour lui-même.
Cependant, comme il ne retrouvoit plus les diligences
faites contre Blanchard, il a .voulu se mettre tout-à-fait
en règle de ce côté, pour éviter une chicane de plus.
En conséquence, le 30 fructidor an 12, il a assigné
Assolent au tribunal de commerce de Riom , pour payer
sa moitié de la dette cojnmune échue. L e 5 vendémiaire
an 14 , il a obtenu un jugement de condamnation. Il l’a
signifié à Blanchard le 26, et a fait constater son insolva
bilité le 3 brumaire, par un procès verbal de carence.
A ptes cette procédure, il a assigné le sieur Assolent,
�( 1)
le i8 brum aire, au même tribunal de commerce, pour
être tenu desdites condamnations.
L e sieur Assolent s’est d’abord laissé condamner par
défaut; puis sur son opposition il a conclu à la nullité
de l’exploit en la form e, et subsidiairement à l’incom
pétence du tribunal.
Par un second jugement du 28 mars 1806, il a été
débouté de ses conclusions, et a demandé la remise sur
le fond. Enfin il s’est laissé condamner par défaut par un
troisième jugement, et a interjeté appel.
Ses moyens sont consignés dans une consultation im
prim ée, qui décide que dans tous les sens le sieur Asso
lent a raison; c’est-à-dire, i ° . que les juges de Riom sont
incompétens ; 2°. que Castillon est non recevable à lui
demander le remboursement de la dette qu’il a acquittée
volontairement pour Blanchard. Telles sont les préten
tions auxquelles Castillon va opposer des moyens.
M O Y E N S .
i° . Compétence.
L ’objet de la demande est le payement de partie du
prix d’un cylindre vendu par un marchand ou fabricant,
de Paris, h deux marchands ou fabricans, de Riom. La
chose vendue a été livrée et posée à Riom. L e prix devoit être envoyé à Paris, soit en argent, soit erTefTets
de commerce.
L ’ordonnance de 1673 veu t, nu titre. 12 , que les juges
de commerce soient compétens en plusieurs cas.
�( 8 )
Entre marchands , pour marchandises ou billets de
change.
Entre toutes personnes, pour lettres de change ou re
mises d’argent de place en place. ( A rt. 2. )
Pour ventes faites à. des marchands et gens de métier,
pour revendre, ou travailler de leur profession. (A rt. 4).
L e créancier peut assigner à son choix, ou au lieu du
domicile du débiteur, ou au lieu auquel la promesse a
été faite et la marchandise fournie, ou au lieu auquel
le payement doit être fait. ( A rt. 17. )
Ainsi il résulte de l’ordonnance de 1673, que Castillon,
créancier de Blanchard et du sieur Assolent, par subro
gation de D u fo u r, a eu le droit d’assigner Blanchard et
Assolent au tribunal de commerce, i°. parce qu’il s’agissoit du prix d’un marché fait entre trois marchands ou
artisans , sous la caution accessoire d’un bourgeois ;
2°. parce que le prix devoit être payé en lettres de
change, ou par remise d’argent de place en place.
11 pouvoit assigner Blanchard et sa caution à leur do
micile; c’étoit Riom ou Paris : Dufour étoit même obligé,
par raison de convenance, à n’assigner ses débiteurs qu’à
Riom , lieu où la marchandise étoit fournie; car c’est le
juge de l’exception qui doit connoître de la demande. O r,
la défense naturelle des débiteurs n’eût pu être que le
mauvais état du cylindre; et il est sensible que la véri
fication d’un objet aussi matériel ne pouvoit se faire que
sur le local même.
Ici d’ailleurs le sieur Assolent n’est rie n , et ce n’est
pas lui qu’il faut considérer. Blanchard est la partie prin
cipale; et certes la juridiction compétente pour l’une des
parties
�(9)
parties doit l’être pour les autres, dans un acte solidaire
et indivisible ; à plus forte raison en ce qui concerne le
iidéjusseur qui s’est identifié avec l’obligé principal, eu
l’aidant de son cautionnement.
L e sieur Assolent convient que Blanchard a pu être
appelé au tribunal de commerce de Riom ; et par une
inconséquence difficile à bien comprendre, il veut qu’on
change à son égai’d de juridiction.
Sa première objection est de dire : Il y a incompétence
ratione loci, parce que D ufour et moi sommes de Paris,
et que la convention y a été faite. O r, j’étois obligé envers
Dufour seul, je ne devois donc être assigné qu’à Paris.
Mais n’est-ce pas là une pure équivoque? S’il s’est obligé
envers D ufour seu l, il n’a pas pour cela traité seul avec
Dufoui\ Sans doute D uiour pouvoit citer Blanchard au
tribunal de commerce de R iom ; il le devoit m êm e, et
le sieur Assolent l’avoue. Gomment donc étoit-il obligé
de faire contre la caution un procès séparé, et de plaider
en deux tribunaux éloignés pour le même payement?
V oilà le sieur Assolent retombé dans la difficulté qu’il
veut résoudre ; il ne se dissimule pas q u e , comme cau
tion, il seroit dans l’ordre qu’il suivît la même juridic
tion ; mais il répond à cela par un autre moyen.
L ’ordonnance de 1667 porte que ceux qui seront as
signés en garantie seront tenus de procéder en la juri
diction où la demande originaire sera pendante, encore
qu’ils nient d’être garans.
D onc, se líate de dire le sieur Assolent, je ne devois
être appelé à Riom que si le procès contre Blanchard y
étoit encore -pendant ; mais il est jugé.
B
t
�C 10 )
Quand il seroit vrai que l’ordonnance de 1667 ait voulu
ainsi, par un mot à double sens, décider une question
dont elle ne s’occupe p a s , le sieur Assolent ne pouvoit
se l’appliquer.
D ’abord il n’étoit pas possible que le sieur Castillon l’assiguât dans le temps que le procès contre Blanchard étoit
encore pendant,* car la convention du 18 pluviôse an 1 1 ,
porte expressément que le sieur Assolent ne pourra être
convenu qu’’après toutes poursuites faites contre Blan
chard.
En second lieu , ce que l’ordonnance établit contre
un garant, ne prouve pas que les cautions aient le droit
de s’y assimiler ; et quoiqu’il y ait de la parité dans la
garantie et le cautionnement, il s’y trouve cependant
une nuance qu’il est important de saisir.
L e garant, dans le sens de l’ordonnance, est étranger
au demandeur principal; il n’a pas contracté avec lu i:
conséquemment c’est tine exception au droit commun,
que de lu i ôter ses juges pour le faire suivi'e ceux de
la personne qui l’assigne.
Mais la caution d’une dette a contracté envers le de
mandeur principal ; elle a suivi le sort du débiteur : et
dès qu’il y a communauté d’obligation, il doit y avoir
aussi communauté pour les poursuites. Accessorium
. sequitur naturam rei principahs. L e marseillais qui
endosse un effet de commerce souscrit par un individu
de Paris, et passé à l’ordre d’un autre marseillais, peutil d ir e , sans violer tous les principes du commerce :
J ’ai traité à M arseille, avec un autre habitant de M ar
seille, donc je ne puis être assigné qu’à M arseille, ra-
�c *o
tione ïoci. Voilà cependant le système du sieur Assolent.
Sa seconde objection est de prétendre qu’il y a encore
incompétence ratione materiœ et personœ. Car, dit-il,
mon engagement est distinct de celui de Blanchard, qui
est marchand. Je suis employé à la comptabilité natio*
nale, donc je n’ai p a s entendu m’assujétir à la juridiction
du commerce, quoique Blanchard ait pu y être assigné.
La cour de cassation a fait justice d’un moyen sem
blable, par arrêt du 10 vendémiaire an 13 , au sujet
d’une vente de commestibles faite par un marchand et
un individu qui ne l’étoit pas.
« Considérant que quoique Martinet ne fût pas né« gocian t, il a suffi qu’il ait fait une association avec
« Chambon, en s’obligeant, conjointement avec lui, à
cc livrer. . . pour qu’il ait été soumis à la même ju ricc diction.
« Qu’il résulterait du système contraire, que le de« mandeur n’auroit pu agir devant les juges consuls,
« que contre Cham bon, et qu’il auroit été obligé d’agir
« contre Martinet devant les juges ordinaires. . . la cour
« casse, etc. »
D ’après cela il faut se dispenser sans doute d’examiner
encore si le sieur Assolent, caution d’un marchand, et
qui n’a pas traité par lu i-m ê m e , peut être présum é,
comme il le d it, avoir stipulé qu’il ne seroit pas distrait
de ses juges naturels.
,
Une troisième objection du sieur A ssolent, prouve
qu’il 11’avoit pas beaucoup de confiance aux premiers ;
car pour la présenter, il faut qu’il soit en contradiction
avec ce qu’il a dit lui-même.
B 2
�( Ï2 )
Il n’a pas nié que la cause ne fût de la compétence
consulaire à l’égard de Blanchard; et maintenant il va
jusqu’à dire que le tribunal de commerce étoit géné
ralement incom pétent, parce qu’un objet vendu à des
marchands , ou artisans, pour travailler de leur pro
fession , ne s’applique qu’à ce qui est destiné à convertir
en marchandises pour les revendre.
A la vérité, Jousse, sur l’art. 4 du titre 12 , qu’il a le
plus longuement commenté, prend à la lettre les compa
raisons de l’ordonnance, pour en induire que la vente de
poinçons à un marchand de vin, de métier à bas à un bon
netier, n’est pas de la compétence du commerce, pas plus
qu’une vente de bois, dit-il, ou de pierres à un meunier
pour réparer son moulin. Voilà ce que pense M . Jousse,
d’ailleurs si judicieux dans toutes ses observations.
Mais il semble que la raison ne peut adopter la restric
tion trop grande que cet auteur veut porter à une juri
diction qu’il ne faut pas laisser empiéter , mais qu’il est
de l’intérêt du commerce de voir protéger et maintenir.
Les réparations d’un moulin ne sont pas destinées immé
diatement au travail d’une profession; mais des tonneaux
et un métier le sont certainement, sauf quelques exceptions
qui doivent demeurer à l’arbitrage du juge. Sans cela le
marchand de vin qui achètera des tonneaux et les revendra,
sera le maître d’alléguer qu’il ne les a achetés que pour
son usage; le serrurier qui achètera du fer, dira qu’il n’a
voulu l’employer qu’à ses propres serrures ; et ainsi dans
ce chaos de questions de faits, un arbitraire décourageant
scroit substitué au texte de la loi.
Les tribunaux de commerce ont eu d’autres guerres à
�( 13 )
soutenir contre les présidiaux , que celles des commentai
res. Plusieurs arrêts de règlement y ont mis fin; et on
connoît notamment ceux de 1733 et 1734, entre les séné
chaussées d’Angoulèm e et de Bordeaux, et les juges con
suls de ces deux villes.
L à l’article de la loi se commente par lui - même :
« Afin de revendre, ou employer dans leur travail et
« au x ouvrages de leur art et profession. »
Ainsi travail ne veut pas dire seulement emploi aux
ouvrages, puisque l’arrêt se sert ici des deux expressions,
comme de deux choses différentes.
Remarquons encore que l’objection du sieur Assolent
n’embrasse pas le fait de la promesse de payer en lettres
de change, ou remise d’argent de place en place, ce qui
est bien sans équivoque de la juridiction du commerce.
Enfin le sieur Assolent ne peu t pas prétendre que Blan
chard a été mal assigné; non-seulement parce qu’il est
convenu du contraire, mais plutôt parce qu’il n’a point
attaqué le jugement qui concerne Blanchard, et qui règle
la juridiction.
2°. Fins de non-recevoir.
L e sieur Assolent les divise en quatre. i° . dit-il, Castillon n’a aucune action contre Assolent, parce qu’Assolent n’a contracté aucune obligation envers lui. 20. Asso
lent est déchargé du cautionnement, pai’ce que Castillon
ne peut plus le subroger. 30. Il y a novation par l’acte
du 20 frimaire an 12. 40. Blanchard est présumé avoir
payé Castillon; ce qui résulte des circonstances.
�(
*4
)
Castillon ne se propose pas de suivre le sieur Assolent
dans tout ce qu’il a dit sur cette partie de sa défense; elle
est fondée sur des erreurs de droit si palpables, qu’une
longue réfutation supposeroit que Castillon n’a pu s’em
pêcher de les craindre.
§. 1er.
Pas d'action.
Il est vrai qu’Assolent n’a pas promis à Castillon de lui
payer 4338 liv. 5 s. pour moitié d’un cylindre; et en effet
il ne lui devoit rien.
Mais il l’a promis à Dufour. Dufour a subrogé Cas
tillon; c’est-à-dire, il lui a vendu sa créance. Donc Cas
tillon est devenu créancier; donc il a une action.
[
L e sieur Assolent ajoute que Castillon n’a le droit que
de faire vendre le cylindre. Mais l’acte qu’il a imprimé
en entier lui disoit seulement que Castillon seroit libre
de faire v e n d r e le cylindre, si B la n c h a r d ne payoit pas;
et comme il seroit fort difficile de retirer 8600 francs d’un
objet dont l’expérience n’a pas favorisé le crédit, Cas
tillon n’a eu garde, en usant de cette faculté, de se faire
opposer une fin de non-recevoir, qui auroit été plus
puissante que celles où en est réduit le sieur Assolent.
§.11.
Défaut de subrogation.
L ’exception cedendarum aclionum étoit un principe
de droit avant l’article 2037 du Code civil; et il est cer
tain que le créancier ne peut plus forcer la caution de
�( i5 )
le payer, lorsqu’il ne peut plus la subroger à ses droits
et hypothèques par sa faute.
Cela s’entend, par exemple , lorsque le créancier a
laissé prescrire ou périr son action ; lorsqu’il avoit une
hypothèque, et qu’il l’a laissé pei-dre.
Mais qu’est-ce que cette hypothèse a de commun à la
cause? L e sieur Assolent ne peut l’y appliquer qu’avec
un sojohisme tellement subtil qu’il devient inconcevable.
Comment D u fou r, dit le sieur Assolent, pourra-t-il
me subroger? il ne lui est rien dû. Comment pourrezvous me subroger vous-même ? votre subrogation donneroit une action contre vous-m êm e, dès que vous êtes
codébiteur de Blanchard.
La p r e m iè r e in te r r o g a tio n n ’a pas b e so in de réponse,
car c e n ’est pas D u f o u r q u i d e m a n d e ; et il n ’est b e s o in
de répondre à la seconde que si Castillon a été o b l i g é pour
Blanchard vis-à-vis D u fo u r, il est ridicule de dire qu’il
l’est vis-à-vis le sieur Assolent. Comme Castillon-, il a payé
sa m o itié, et ne prétend à aucune action à cet égard ;
comme subrogé à D ufour, il a pu assigner et faire con
damner Blanchard qui ne paye pas : donc, à son défaut,
il peut faire condamner le sieur Assolent, et il peut aussi
le subroger en ses droits résultans du jugement du 5 ven
démiaire an 14.
§. I I I .
La novation.
Sans difficulté la novation éteint le cautionnement; il
ne s’agit plus que de savoir quand elle s’opère.
�(
1 6
3
.
,
L ’article 1271 du Code civ il, cité par le sieur Assolent
en sa faveur, porte qu’il y a novation « lorsque, par
« l’effet d’un nouvel arrangement, un nouveau créancier
« est substitué à l’ancien, envers lequel le débiteur se
« trouve déchargé. » O r, ajoute le sieur Assolent, l’acte
du 30 frimaire an 12 substitue un nouveau créancier à
D u fou r, à qui je ne dois plus rien; ainsi cet acte porte
novation.
C ’est-à-dire, suivant le sieur Assolent, que si un créan
cier cède sa créance à un tiers, la caution est libérée. V oilà
qui est un peu g én éral, et ne semble pas fa vo r ise r le
commerce, où chaque oi'dre passé d’une lettre de change
substitue un nouveau créancier, sans qu’on ait imaginé ce
pendant par là opérer novation et libérer les codébiteurs.
L ’objection du sieur Assolent se seroit affoiblie, s’il
avoit aussi imprimé les exceptions que le Code civil a
mises à l’article 1171. En voici une cependant qui sembloit
essentielle.
A rt. 1277. « La simple indication faite par le débiteur,
« d’une personne qui doit payer à sa place.
« Il en est de même de la simple indication faite par le
« créancier, d’une personne q u i doit recevoir -pour lui. »
L e sieur D ufour, en subrogeant Castillon, ou lui pas
sant l’ordre de sa créance, n’a donc pas opéré novation;
car il a cédé tous les droits qui résultoient de l’acte du
18 prairial an 11. Novatio est pnoris debiti in alium
debitum translatio u t p r i o r p e r i m a t u r . Aussi l’ar
ticle 1273 du Code civil dit que la novation ne se pré
sume pas , et qu’il faut que la volonté de l’opérer résulte
clairement de l’acte.
§. IV.
�( i7 )
§. I V .
Le défaut de poursuites.
Encore un principe inconnu, invoqué par le sieur
Assolent. Je ne devois être tenu de payer, dit-il, qu’après
les poursuites faites c o n tr e B l a n c h a r d , et dans ce cas seu
lement. D o n c vous deviez les faire au terme exprès du
payement, ù peine de perdre votre action.
Etrange conséquence !
L ’ordonnance de 1673 ne libère les cautions, même
des lettres de change, qu’après trois ans à compter de
l’échéance; et le sieur Assolent veut être libéré après
un an . . . . après huit jours.
Aucune loi n’exige que , hors les protêts, un créancier
fasse ses diligences aussitôt le terme échu ; et encore à
l’égard des protêts, il faut, pour alléguer la fin de nonrecevoir, prouver qu’il y avoit provision au temps de
l’échéance ; ce que le sieur Assolent n’articule pas.
A la vérité, il veut persuader que, lors de l’échéance ,
Blanchard n’étoit pas insolvable; mais il n’en trouve la
preuve que dans le silence des créanciei's à cette époque^
ce qui n’est autre chose qu’un cercle vicieux.
§. V .
Les présomptions.
Dans ce vaste champ des fictions et des hypothèses, le
sieur Assolent n’est plus entravé dans ses citations de lois
par des lois contraires; aussi il a paru se complaire prinG
�( 18 )
cipalement dans les preuves qu’il se fo u rn it, consistant
en six conjectui-es qu’il dit graves et concoi’dantes.
i re. Obj. Les deux associés ont dû payer le cylindre avec
ses premiers produits.
Rép. Mais le cylindre (brisé et réparé en l’an 12 ) n’a
pas produit de quoi faire exister les ouvriers.
2e. Obj. Castillon , en payant d’avance, a eu confiance
dans son associé, et le sieur A lbert a gardé le silence.
Rép. La c onfiance dans l’avenir ne prouve pas le paye
ment. I^e sieur Assolent aussi a marqué sa confiance en
Blanchard, six mois plutôt, puisqu’il a été sa caution;
ce qui ne prouve pas davantage. L e sieur Albert ri’avoit
que faired’assigner Blanchard, dès qu’il peut se faire payer
du sieur Castillon.
3e. Obj. L ’acte du 13 brumaire an 13 prouvequeÜ ufour
étoit payé. Il y dit que Blanchard est libéré envers lui : c’est
à une époque bien postérieure à l’échéance ; donc Blan
chard a payé.
Rép. Ce traitéest fait tf^fl/ziPécliéance, cela est prouvé;
D ufour n’y dit pas que Blanchard est libéré envers lui ;
donc Blanchard n’a pas payé.
4c. Obj. L ’exploit du 11 germinal , sous le nom de
D ufour, prouve une ruse entre Castillon et Blanchard,
pour faire payer la caution.
R ép. A quels signes se connoît cette ruse? L e sieur
Assolent ne ledit pas. Tous les jours le créancier subrogé
se sert du nom du cédant ; la loi 7, au tt. D e hœr. vel act.
vend, y est formelle. Ici un acte notarié endonnoitle droit;
et user d’un droit n’est pas une ruse.
5 e. Obj. L e désaveu du 12 germinal porte expressé-
�( *9 )
ment que D ufour n’a aucune réclamation à élever ; donc
il établit la libération de Blanchard.
R ép. Comment le sieur Assolent o s e -t-il répéter la
révélation d’une surprise qu’il a tentée sans succès. Certes
D ufour n’étoit plus créancier après avoir cédé sa créance.
C ’étoit du créancier actuel qu’il falloit avoir cette décla
ration; et D ufour, loin de la donner pour lu i, a au con
traire ajouté dans l’acte : Sans nuire à Castillon.
6 °. Obj. La lettre du 17 frimaire prouve qu’il existoit
une fabrique d’indienne, et qu’elle étoit en plein produit.
Castillon doit produire l’acte de société et les registres ;
la preuve de libération s’y trouveroit matériellement éta
blie.
R ép. C’est donc pour ce puissant moyen que le sieur
Assolent a imprimé une l o ng ue lettre où Castillon a l’a
vantage du moins de prouver î\ la cour combien est grande
la véracité du sieur Assolent. Il dit quron n’a songé à s’a
dresser à lui que long-temps après le terme : o r , la lettre
le devance de treize jours, et c’est la troisième lettre.
C’est là que le sieur Assolent veut voir la preuve d’une
fabrique en plein rapport; et c’est là qu’on voit au con
traire que Blanchard est entièrement perdu, s’il est pour
suivi, et si Assolent ne paye pas pour lui. A u reste, Cas
tillon produit un procès verbal de carence qui dément
toutes les allégations du sieur Assolent. C’est donc à lui
à le combattre, ainsi qu’il avisera.
T elle est la dernière ressource d’une caution qui voudroit être quitte de son engagement sans bourse délier.
Mais si l’honneur ne lui fait pas un devoir de respecter
�(2 0 )
cet engagement, sa convention l’y oblige; car « les con
ventions tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites;
« elles doivent être exécutées de bonne foi. » ( Code
c iv il, art. 1 1 34. ) Et certes s’il est malheureux pour le
sieur Assolent de payer la dette d’un b eau -frère, il le
seroit bien davantage pour Castillon de payer la dette
d’un étranger. Il n’a fait une entreprise avec Blanchard
que sous la foi du cautionnement promis par le sieur
Assolent, ainsi que la lettre produite l’atteste. Cette en
treprise n’a pas eu de succès ; et Castillon , qui déjà
perd sa propre m ise, ne doit pas éprouver une double
perte pour alléger le sieur A ssolen t, qui s’est imposé
un devoir sacré, et qui ne peut vouloir en rejeter le far
deau sur autrui, sans manquer à la probité et à la justice.
M e. D E L A P C H I E R , avocat.
M e. B E A U D E L O U X , avoué licencié.
A R I O M , de l'imprimerie de L
a n d rio t ,
seul imprimeur de la
Cour d’appel. — Novembre 1806.
�
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Factums Marie
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Description
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Title
A name given to the resource
[Factum. Castillon, Étienne. 1806]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Delapchier
Beaudeloux
Subject
The topic of the resource
créances
cylindre à indiennes
textile
Description
An account of the resource
Mémoire en réponse, Pour Étienne Castillon, habitant à Riom, intimé ; Contre Jean-Baptiste Assolent, habitant à Paris, appelant.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1806
1794-1806
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
20 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0310
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0502
BCU_Factums_G1607
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Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Paris (75056)
Riom (63300)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Créances
cylindre à indiennes
textile
-
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04378519ca7d1ff63a9914141eb8453d
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Text
MÉMOIRE
POUR
Sieur
A n to in e
C H A L I E R , propriétaire, habi
tant du lieu de Brassac, appelant et intimé ;
CONTRE
S ie u r J e a
n
F E U I L L A N T
a î n é , n é g o c ia n t ,
h a b ita n t du lieu de B r a s s a g e t , in tim é et appe
la n t.
L E sieur Chalier a été employé par le sieur Feuillant
pendant six années, en qualité de ch ef-d irecteur des
mines de h ouille ou charbon de terre; il a veillé exclu
sivement à l’exploitation de ces m ines, depuis le 16 plu
viôse an 2 jusqu’au 7 fructidor an 7 : il a employé toute
sa jeunesse ù ce travail pénible ; et consultant plus son
zele que ses fo rce s, il ne s’occupoit que des i n t é r ê t s de
son commettant, qu’il rcgardoit comme son a mi , e t qui
A
%
�lui témoignoit la plus intime confiance. Chargé de tous
les détails , il faisoit de continuelles avances ; et aujour
d’hui que les affaires du sieur Feuillant ont cessé de pros
pérer , qu’il n’a plus besoin de directeur , puisqu’il n ’a
plus de mines à exploiter , il oublie les services, et ne
témoigne que de l’ingratitude à celui qui l’a si généreu
sement obligé.
L e sieur Chalier est contraint de plaider pour le paye
ment de ses'gages. L e sieur Feuillant, après avoir reconnu
sa dette , après avoir présenté à ses créanciers l’état de
ses affaires, porte lui-même la créance du sieur Chalier
à la somme de 14000 francs, dans un état où on ne doit
point grossir les objets. Il ose prétendre aujourd’hui que
ce n’est qu’un jeu , qu’il ne doit rien au sieur Chalier;
ou du m o in s, s’il est obligé de convenir qu’il a employé
le sieur Chalier
la direction de ses m in es, il voudroit
le réduire au-dessous de ses derniei's ouvriers.
Il ne s’agit que de savoir si le sieur Chalier doit être
convenablement payé de ses peines et de ses soins, quels
seront ses appointem ens, et si le sieur Chalier sera rem
boursé de ses avances. Une question aussi simple a donné
lieu ù une longue discussion. Des arbitres ont été nom
més ; quatre jugemens ou arrêts sont in terven u s, et
n’ont rien terminé : à la suite, une procédure énorme
qu’ il est indispensable d’exam in er, el qui d o n n e r a lieu
à d’assez grands détails; mais on sera au moins convaincu
que la demande du sieur Chalier est juste, que le sieur
Feuillant 11’a opposé jusqu’ici rien de plausible, et qu’il
a souvent substitué le mensonge à la vérité.
L e sieur F euillan t, fort connu dans ce département,
�( 3 },
possédoit des mines de liouille très-considérables, à. Brassac.
Ne pouvant suffii’e aux travaux immenses qu’exigeoit
l’exploitation de ses mines , il fît choix du sieur C h a lie r,
pour l’employer comme chef-directeur. Les appointemens
du sieur Chalier furent fixés à une somme de 2000 fr.
par an : ces appointemens ne paraîtront pas considérables
à ceux qui connoissent les difficultés, le danger, et 1 éten
due des travaux du chef-directeur.
Ils ne paroîtront point exagérés , lorsqu’on saura qu’en
1763 et 1764 , la compagnie qui exploitoit alors , et
q u’on connoissoit sous le nom de compagnie de P a r i s ,
«voit fixé les appointemens du sieur R o u x , directeur,
à une somme de 800 francs par année ; plus , 72 francs
pour son lo yer, 3 francs par jour en voyage , et en outre
les frais de bureau. Cependant alors les mines n’étoient
pas en pleine activité ; et indépendamment du directeur
il y avoit encore à résidence sur les lieux un associé de
la com pagnie, qui veilloit à l’exploitalion.
I/exactitude et l’intelligence du sieur Chalier lui m é
ritèrent la plus intime confiance du sieur Feuillant. Il
s’ identifia tellement avec son commettant, qu’il se chargea
de toutes les affaires : l’exploitation des mines , les biens
ruraux, les commissions, les voj'ages, la discussion des affai
res contenticuscs , rien ne fut étranger au sieur Chalier. Il
poussa la complaisance jusqu’à compromettre sa personne,
emprunta ou cautionna sous lettre de change , et fut
souvent poursuivi dans les tribunaux de com m erce, pour
le compte du sieur Feuillant.
C ’est depuis le 16 pluviôse an 2 que le sieur Chalier
a commencé son exploitation ; il l’a continuée jusqu’en
A a
�V
fructidor an 7 , et n’a rien touché sur ses appointe
nt ens.
Les affaires du sieur Feuillant se dérangèrent bientôt ;
et quoiqu’il eût de grands moyens pour les faire pros
p é r e r , il se vit cependant obligé de prendre des arrangeniens avec ses créanciers. Il convoqua une assemblée,
gén érale, et présenta l’état de son actif et de son passif,
le 10 messidor an 7 ; suivant cet état, le passif excédoit
l’actif d’ une somme de 98711 francs 75 centimes.
L e sieur Chalier figure dans cet état ; il est porté par le
sieur Feuillant au rang des dettes chirograpliaires éclmcs,
comme créancier d’ une somme de 14000 francs.
Il paroît cependant qu’ il fut proposé des nrrangemens
avec les créanciers. L e sieur Feuillant fils aîné vint au
secours de son père ; on ne donna alors aucunes suites
au contrat d’union qui étoit proposé : de sorte que l’état
des biens, présenté par le sieur Feuillant, fut mis à l’écart,
et déposé secrètement entre les mains d’un tiers, fondé
de pouvoir du sieur Etienne Feuillant fils.
L e sieur C halier, dans ces circonstances, voyant qu’on
ne s'occupoit pas de l u i , mais ayant grand besoin des som
mes qui lui étoient dues, épuisa sans succès tous les procé
dés pourles obtenir, lise vit dans la nécessité de traduire le
sieur Feuillant devant les tribunaux; et s'il a voit eu dans les
m ain s, ou s’il avoit pu découvrir le bilan du sieur
Feuilkml père , il auroit eu 1111 litre qui constituoit sa
créance, et n’avoit pns besoin d’autre explication. Mais
dépourvu de ce m o y e n , le sieur Chalier fit assigner, par
exploit du 26 ventôse an 10 , le sieur Feuillant devant
le tribunal de commerce d’Issoirc : il conclut à ce que
�41
(5),
îe sieur Feuillant fût condam né, par prise de sa personne
et biens, à lui p a y e r, i ° . la somme de m i 6 francs
65 centimes, pour les appôintemens qui lui étoient dûs
en qualité de ch ef-d irecteu r des m in es, depuis le 16
pluviôse an 2 jusqu’au 7 fructidor an 7 , à raison de
2000 francs par a n , ainsi qu’ il en étoit convenu.
2°. A lui rembourser la somme de 1284 fr.
cent.,
pour avances par lui faites en numéraire, depuis le mois
de nivôse an 4 jusqu’au 1e1'. irucLidor an 7 , déduction
faite des sommes reçues pour cet emploi du sieur Feuillant,
ainsi q u ’il étoit contenu aux registres qui sont au pouvoir
du sieur Feuillant, et qu’il seroit tenu de représenter en
cas de désaveu de ces avances.
30. A u payement de la somme de 300 fr. que le sieur
Clialier a voit acquittée, au mois de germinal an 8 , à la
dame G renier, veuve V issac, de Brioude, en déduction
de plus forte somme due par le sieur Feuillant.
4°. A u remboursement de 2 fr. 5o cent., pour la valeur
d’ un livre journal servant à transcrire les ventes sur le
carreau de la m in e, pendant l’an 7.
5°. A u payement de 407 fr. 90 cent, avancés par le
sicnr C lia lier, pour le compte deF eu illan t, dans l’exploi
tation de la mine de la Pénidrc.
6°. L e sieur Clialier conclut encore au remboursement
d’ une somme de 302 fr. 36 cent, qu’ il avoit été contraint
de payer pour Feuillant à la dame T h o n a t , de Brioude,
pour vente et délivrance d’avoine qu’ il avoit reçue pour
le compte du sieur F euillan t, et qu’ il avoit fait consommer
p<>r les chevaux de la mine des Barthes , depuis le mois
de nivôse an 7 } y compris les frais de poursuites de la
dame Tlionat.
°*-
�m
L e sieur Chalier demanda les intérêts de toutes ces
sommes réunies, à compter du jour de la demande; il
conclut aussi à ce que le sieur Feuillant fût tenu de le
garantir et indemniser des poursuites dirigées contre lui
par Pierre P o u g e o n , ainsi que par différens autres crénnciers. Mais ce chef de conclusions n’a plus d’objet ; le sieur
Feuillant s’est rendu justice , et a payé les créanciers. L e
sieur Chalier a obtenu sa décharge; et le sieur Feuillant,
en acquittant ces différentes som m es, a déjà reconnu la
légitimité des demandes du sieur Chalier.
U n premier jugement par d éfau t, du 2 germinal an 10,
adjugea les conclusions du sieur Chalier. Sur l’opposition,
le sieur Feuillant déclina la juridiction des juges du tri
bunal de commerce ; mais ne comptant pas infiniment sur
ce déclinatoire, il soutint au fond qu’il n’avoit été rien
réglé relativement au traitement du sieur Chalier , tout
en reconnoissant que ce lu i-ci avait eu la direction de
ces m ines. Il prétendit que le traitement ne pourroit pas
aller au quart de la somme demandée. Il ajouta que le
sieur Chalier avoit reçu différentes sommes à compte de
ses appointemens ; que celui-ci lui devoit compte de sa
régie et administration des mines; qu’il avoit été fait des
ventes et délivrances de charbon , dont le sieur Chalier
avoit touché le prix sans en avoir compté ; et alors le sieur
Feuillant conclut à ce qu’il fût procédé à u n compte
entre les parties, devant les arbitres qui scroient nommes
par elles 11 cet effet.
11 conclut encore à ce qu’ il fût nommé d’autres arbi
tres , pour régler les appointemens du sieur Chalier pen
dant son administration.
�(7 )
L e sieur Feuillant déclare en même temps qu’il nomm o it, sa v o ir, pour la fixation du traitement, le sieur
B u rea u , instituteur à Nonette ; et pour le compte de la
régie, le sieur L o u y r e tte , propriétaire , de Clermont.
Si le sieur Chalier avoit eu dans les mains le bilan p ré
senté par le sieur F e u illa n t, il auroit eu un titre qui
iixoit sa créance, sans qu’il fût besoin d’autre examen. Mais
ne pouvant se le procurer, et d’ailleurs ne l’edoutant point
un co m p te, il déclara qu’il nommoit pour son arbitre ,
sur le premier objet, le sieur J u g e , aujourd’hui maire
de Clerm ont; et pour recevoir le com pte, le sieur Jansenet, notaire, de Brassac.
U n jugement du 27 floréal an 10 donna acte aux par
ties de ces nominations ; ordonna qu’il seroit procédé au
compte au plus tard dans le courant du mois de prairial
suivant, et qu’à cet effet tous livres journaux , registres
et documens, seroient remis aux arbitres, p o u r, le compte
présenté, rapporté , être fait droit aux parties à la pre
mière audience du mois de messidor.
L es sieurs Louyrette et Juge refusèrent la commission.
U n nouveau jugement du 23 thermidor an 10 confirma
la nomination faite par le sieur Chalier du sieur R eynard,
et celle du sieur B orel-Y ern iè re, faite par lesieur Feuillant.
Ces arbitres réunis, le sie u r Feuillant leur remit différens journaux et registres de dépense et de recette ; p lu s ,
deux tableaux de com pte, avec les pièces justificatives,
lequel compte embrassoit jusqu’à l’époque du 5 com plé
mentaire an 6. Les arbitres constatent, par leur procès
v e r b a l, que ce premier compte fut approuvé par toutes
les parties. Suivant ce compte , le sieur Chalier devoit
�(
8)
faire raison de 2000 fr. assignats, q u i, réduits à l’éclielle,
présentent la somme de 108 fr.
Mais pour les opérations subséquentes, depuis le 5 com
plémentaire an 6 , les arbitres, qui n’étoient chargés que
du compte de la régie et de l’administration des m ines,
s’expriment ain si, pages 98 et suivantes de leur rapport:
k Dépouillem ent fait des registres, soit de recette, soit
« de dépense, énoncés dans le compte du sieur Chalier,
« lions en avons trouvé le résultat ex a ct , quant au
« ca lc u l, et avons paraphé ledit compte 11e v a rietu r, pour
cc demeurer joint à la minute du présent ra p p o rt, y avoir
« recours au besoin, et être mis sous les yeux du tribunal.
« Il résulte de cc compte, que le sieur Chalier se p ré« tend créancier du sieur Feuillant d’une somme de 1661.
cc 18 s. 8 d. assignats ; et pour avances en a r g e n t, d’une
cc somme de 1995 1. 2 s. 11 d . , sous la réserve des I10110cc raires qui peuvent lui être dûs, et que le sieur Feuillant
cc lui conteste. »
Il paroît bien extraordinaire que les arbitres , après
avoir reconnu l’exactitude des calculs et du résultat, et
l'avoir vérifié sur les livres de l’ccctlc et de dépense , se
contentent de dire que lesieur Chalier se prétend créancier.
C ’étoit un f a it , et non une question ; mais ce 11’est pas
la première preuve de partialité des arbitres envers le sieur
Feuillant; et leur manière de s’exprimer 11’est pas cc qui
établit le doute , dès que l'exactitude du résultat est re
connue et appro uvée; , et 11’a pas été contredite par le
sieur Feuillant. V o ilà le sieur Chalier établi créancier
d’une somme de 199^ ^ 2 s* 11
>110,1 compris la somme
de 300 fr. à lui due pour le payement fait ù l ’acquit du
sieur
�(?)
sieui’ Feuillant h. la clame Vissac , de B r io u d c , et que le
sieur Chalier a également réclamée lors du compte.
L e rapport des arbitres fut déposé au greffe; mais ceux
nommés pour fixer le traitement du sieur Glialier n’ayant
pas voulu s’occuper de leur mission, le sieur Chalier fut assez
heureux pour découvrir dans cet intervalle le bilan que le
sieur Feuillant avoit présenté à ses créanciei*s. Il apprit
que ce bilan étoit entre les mains du sieur Etienne B ayle,
marchand orfèvre de Clermont, et en requit le dépôt chez
Chassaigne, notaire.
L ’acte de dépôt est du 14 nivôse an 12. C ’est alors que
le sieur Chalier vit de nouveau qu’il étoit porté au rang
des dettes chirographaires échues, comme créancier de
la somme de 14000 francs, et c e , sans observations, ni
aucune note qui donnât lieu à des doutes ou à une dis
cussion. Cette somme cadroit parfaitement avec celle due
au sieur Chalier pour ses appoinlemens, d’après la con
ven tio n , ainsi que pour les avances par lui réclamées,
sauf quelque petite différence qui sera bientôt expliquée.
E n conséquence, et par nouvel exploit du 19 floréal
an 1 2 , le sieur Chalier fit assigner le sieur Feuillant
devant le tribunal de commerce. Il exposa qu’au moyen
de sa découverte , le jugement préparatoire du tribunal
devenoit inutile; q u’il n’auroit même jamais été rendu
si le sieur Chalier eût pu mettre sous les yeux du tri
bunal , lors de la plaidoirie , la reconnoissance formelle
de la dette, faite par le sieur Feuillant lui-m em e, dans
un état où on ne pouvoit rien dissimuler ; et que la plus
légère omission, ou la plus petite augmentation du passif,
�,
►
V .
( IO )
feroit déclarer frauduleux. 11 renouvela ses conclusions
au p rin cip a l, et en demanda l’adjudication,
v L e sieur Feuillant, fort embarrassé de répondre, sou
tint que le bilan du 10 messidor an 7 n’avoit été suivi
d’aucun acte avec Chalier ; il prétendit qu’il ne pouvoit
en exeiper; que rien ne pouvoit arrêter l’exécution d’ un
jugement préparatoire auquel les parties avoient ac
quiescé ; et que dès qu’il avoit été jugé que le sieur
Chalier devoit un c o m p te , il étoit toujours tenu de le
rendre.
C ’étoit assez mal raisonner de la part du sieur Feuillant.
D ’après la loi du 3 brumaire an 2 , aucune des parties
ne pouvoit se pourvoir contre un jugement préparatoire;
il falloit nécessairement l’exécuter. Mais aussi il ne pouvo it en résulter aucun acquiescement ni approbation
préjudiciables.
Sur ces moyens respectifs, in tervin t, le 13 messidor
an 12 , un jugement qui condamne Jean Feuillant à payer
au sieur Chalier la somme de 2297 francs 5o centimes,
pour le remboursement des avances, et celle de i 65o fr.,
pour le montant des gages de cinq années six m ois, à
raison de 300 francs par années ; aux intérêts de ces
sommes depuis la demande, et en tous les dépens. Les
juges de commerce ont pensé , i°. qu’il ne résultoit du
rapport des arbitres aucun renseignement satisfaisant;
2°. que le traité ou bilan , du 10 thermidor an 7 f donnoit au moins ¿1 Chalier la qualité de créancier, et que
cette qualité ne pouvoit pas être méconnue. Cependant,
suivant e u x , ce traité ne forme pas titre, parce que
�( 11 )
Feuillant ne l’a signe que sauf erreur ou omission; d’ail
leurs Je dépôt de cet acte a été fait à l’insçu de Feuillant,
et sans son aveu.
A in si les juges de commerce reconnoissent bien que la
qualité de créancier est certaine, mais ils disent que la
qualité de sa créance est incertaine. Ils trouvent que le
sieur Chalier exagère sa prétention sur sou traitement;
mais ils sont convaincus que les avances réclamees sont
suffisamment justifiées par le relevé des livres journaux
produits aux arbitres. T elle est l’analise des motifs qui ont
déterminé les premiers juges.
Mais vouloir fixer les appointemens d’ un directeur des
mines ù une modique somme de 300 francs par année,
sans nourriture ni logem en t, c’est avilir des fonctions aussi
utiles que pénibles, et qui exigent des soins continuels et
exclusifs ; c’est enfin rabaisser le directeur au-dessous des
derniers ouvriers, puisque le maître m in e u r a v o it7 2 0 fr.
d’appointemens par année, et le maître charbonnier une
somme de 600 francs aussi par année.
L e sieur Chalier ne balança donc pas à se pourvoir par
appel contre ce jugem ent, en ce qu’il fixoit scs appointe
mens à cette modique somme de 300 francs. D e son côté ,
le sieur Feuillant se rendit appelant du même jugement;
et sur ces appels respectifs intervint, le 29 frimaire an 14 ,
arrêt contradictoire en la cou r, dont il est important de
connoître les motifs et le dispositif.
« E11 ce qui touche- le com pte, attendu que de son aveu
« le sieur Chalier doit compte de sa régie nu sicui*
« Feuillant, et que pour les opérations de ce compte
« les parLies ont été renvoyées, de leur consentement-,
13 2
�sur la demande expresse de C h alier, p a r-d e v a n t des
arbitres, par le jugement du 4 prairial an 10 ;
« Attendu qu’en exécution de ce jugement les parties
ont en effet nommé des arbitres à qui les comptes ont
été présentés ; que les arbitres ont vérifié, sur les pièces
justificatives, le compte de l’an 2 , jusques et compris
le 5 complémentaire an 6; que ce compte a même été
reconnu et accordé par les parties, en présence des
arbitres; mais qu’il a été impossible à ces derniers de
procéder de môme à la vérification du co m p te, depuis
le 5 jour complémentaire an 6 , jusqu’à la cessation de
la régie de C h alier, à défaut de représentation des
pièces justificatives ;
« Attendu cependant que les pièces justificatives doivent
etre entre les mains de Chalier, à l’exception des regis
tres représentés par Feuillant, qui déclare n’avoir reçu de
Chalier que les registres dont son fils a donné récépissé ;
« Attendu q u’il est avoué par Chalier qu’il a effecti
vement pris un x*écépissé des pièces remises aux sieurs
Feuillant père et fils, et qu’il ne rapporte ni n’offre
aucunes preuves de son allégation, que ce récépissé lui
a été retenu par les Feuillant, lorsqu’il est venu leur en
demander un plus régulier, sans qu’ ils aient voulu ni
le lui rendre, ni lui en donner un autre ;
« Attendu que s'il en cuL été ain si, il est peu vraisem
blable que Chalier n’en eut pas rendu plainte, ou encore
mieux lait dresser procès verbal d’ un lait de cette
nature , qu’ il dit s’être passé en présence de plusieurs
personnes, et du juge de paix de Brassac, que luimème a voit fait appeler ;
�( ï3 )
« Attendu cependant qu’ il n’est pas possible d’apurer
« le compte, jusqu’à la production des pièces justificatives ;
» « Attendu aussi que tout comptable étant présumé
« débiteur-jusqu’à la présentation de son com pte, et le
« rapport des pièces justificatives, il y a lieu de suspendre
« la liquidation des créances personnelles du sieur Chalier;
« Attendu enfin qu’il est articulé par Chalier, que
« Feuillant tenoit un livre de raison qui pourroit ser« vir à l’éclaircissement du com pte, et tenir lieu des
« pièces justificatives ; ce qui a été désavoué par Feuil« faut, q u i a déclaré 11 avoir tenu en son p articulier
« d'autres livres que celu i des ventes et recettes q u i l
« fa is a it lu i-m êm e, des charbons conduits au port, et
« em barqués su r la rivière.
« En ce qui touche la demande en fixation des gages
« ou salaires;
« Attendu que par le jugement du 4 p ram al an 10,
0 les parties avoient été, de leur consentement, renvoyées
« par-devant des arbitres;
« Attendu qu’en exécution de ce jugement, les parties
« ont fait choix de ces arbitres;
« Attendu que ce jugement n’a pas été exécuté d’après
« l’idée que s’étoit formée Chalier, de trouver dans l’état
« des dettes de Feuillant la fixation d’une somme déter« minée qui le constituoit créancier;
« E t attendu que le jugement du 4 prairial an 10 sub« siste dans toute sa force,
« La cour ordonne avant faire droit, et sans préju« dice des fin s, qui demeurent respectivement réservées,
« que dans le délai d’ un m ois, à compter de cc jo u r,
« les parties se retireront par-devant Janseuet et Borel-
�( 14)
« V ernière, arbitres par elles précédemment choisis pour
«
cc
«
«
«
«
«
le com pte, à l’elïct d’y faire procéder à lu vérification
et ù l’apurement du compte de la régie de Clu lier,
depuis le 5 complémentaire an 6 jusqu’à la fin de sa
r é g ie ; lors duquel com pte, Feuillant rapportera les
registres qu’il a reçus de Chalier, et ce dernier rapportera aux arbitres toutes autres pièces justificatives de
son compte. Ordonne aussi que Feuillant rapportera le
« livre journal q u i l a avoué avoir tenu pour les ventes
« et recettes des charbons conduits au port.
« La cour ordonne également que par Bureau et Rey«
«
«
«
«
«
nard, arbitres choisis par les parties, il sera procédé dans les mêmes délais d’un mois, à compter de ce jour,
à la fixation et règlement des gages et salaires revenant
à Chalier , dans la proportion de ses services, de sa
capacité, et de l'usage pratiqué p a r rapport à ce genre
de-tra va il; p o u r, après le compte et fixation de sa-
« laircs, ou faute de ce faire, être fait droit aux parties,
« ainsi qu’ il appartiendra , dépens réservés. »
Cet a rrê t, comme on le v o it, est rendu sans préju
dice des f in s ; mais il faisoit une grande leçon aux ar
bitres, et leur recommandoit surtout d’être justes.
E t comment espérer un examen im partial, lorsqu’il
est notoire que le sieur Borel est le conseil habituel du
sieur Feuillant ; lorsqu’ il est prouvé que Borel a été le
défenseur de Feuillant, devant le tribunal de première
instance de B rioude, dans une demande formée par ce
dernier, contre le sieur Chalier, à l’eliet d’obtenir la main
levée des inscriptions de celui-ci?
L e sieur Chalier l’observa au sieur B o r e l; il lui re
présenta qu’il étoit le conseil habituel du sieur Feuillure,
.
�( *5 )
qu’il y avoit intimité et fréquentation continuelle entre
eux. Feuillant ne logeoit point ailleui’s que chez B o r e l,
lorsqu’il alloit i\ Brioude. Enfin l’indiscret Feuillant s’étoit
vanté q u 'il auroit toujours raison avec B o r e l, et q u 'il
était sûr d'une décision fa v o ra b le.
L ors même de la discussion, et du procès verbal fait
en exécution de l’arrêt de la cou r, le 23 janvier 1806,
Borel avoit eu assez peu de pudeur pour rédiger ou
corriger les dires et réponses de Feuillant.
L e sieur Chalier fit ses représentations; et il en avoit
le droit. Malheureusement il arrive tons les jours que
les arbitres sont plutôt des défenseurs que des juges. Il
y a tant d’exemples funestes d’intérêts sacrifiés par l’igno
rance ou la prévention , qu’on doit espérer qu’une loi
bienfaisante, ou supprimera les arbitrages, ou au moins
les assujétira ù une révision rigoureuse des juges supé
rieurs. Une clameur universelle réclame ce grand acte
de justice, depuis que tant de gens se croient faits pour
être arbitres.
Quoi qu’il en soit, les remontrances du sieur Chalier
furent accueillies avec la plus cruelle animosité. Borel
se permit de consigner dans son procès verbal que la
sieur C ha lier avoit m is tant de grossièreté dans ses
in ju re s, tant d'absurdités dans ses im putation s, tant
à'indécence dans sa co n d u ite, qu’il se récusoit.
Est-ce là le langage de l’ impartialité; ou plutôt n’estce pas l’expression de la colère et de la passion ?
Son exemple entraîne son collègue Janscnet : au moins
ce dernier n’iiüribue pas tous les torts à Chalier; il s’en
nuie des inc idc ns perpétuels q u i s'élèvent dans la cause f
�i , 6 )
des longueurs et des inutilités des titres anciens et nou
veaux des p a r tie s, des vociférations et des injures ca
pitales et de tout genre qu'elfes débitent. Il voit que cette
opération ne pourra se traiter que dans le tumulte des
passions; il renvoie les parties à des experts désœuvrés,
et déclare qu’il est dans l'intention de s’abstenir.
Ce procès verbal si singulier est sous la date du 23
janvier 1806; il suspendoit, comme on v o it, toutes les
opérations : et Chalier se pourvoit en la cour, pour de
mander qu’il fût nommé de nouveaux arbitres. Feuillant
s’y refuse'; il insiste pour que les mêmes individus qui
avoient reconnu eux-mêmes qu’ il leur étoit impossible
d’être juges, continuassent cependant de prononcer sur
leurs intérêts.
Cette prétention paroissoit inconvenante. Comment
laisser à des hommes qui s’expriment avec tant de véh é
m ence, qui ont donné de si fortes preuves de préven
tio n , le droit de remplir le premier comme le plus beau
ministère? U ne jurisprudence constante a voit appris que
les plus légers motifs suflisoient pour faire admettre la
récusation des experts ou des arbitres : ce ne sont jamais
que des juges volontaires, qui 11e tiennent leur mission
que de la confiance des parties.
Cependant la co u r, par son arrêt du 3 février 1806,
n’a eu aucun égard à la récusation du sieur C halier, et
a ordonné l’exécution de son premier arrêt du -2g fri
maire an 14.
Il faut avoir le courage d’en convenir. Quelque défé
rence q u ’on doive aux arrêts de la co u r, celle dernière
décision auroit alarmé le sieur Chalier, s’ il n’avoit autant
de
�4
^
. C 17 )
de respect et de confiance dans l’intégrité et les lumières
des magistrats de la cour.
E n exécution de cet a ri'ê t, Borel et Jansenet ont été
assignés pour procéder à leur opération , et se sont réunis
le 20 février 1806 au lieu de Brassac. Les sieurs Feuillant
et Chalier se sont rendus auprès d’e u x , et Feuillant a
représenté, i° . un registre intitulé de dépense, com
mençant le 4 vendémiaire an 7 , et finissant au mois de
fructidor de la même année : les experts vérifient que
cent dix pages de ce registre sont écrites de la main du
sieur Chalier.
2°. Feuillant a exhibé d’un autre registre intitulé des
voituriers , commençant à la page 5 , mois de vendé
miaire an 7 , contenant vingt-trois pages écrites aussi de
la main de Chalier.
1
3 0. U n autre registre intitulé des journ ées e t p r i x ja it s ,
commençant aussi en vendémiaire an 7 , et contenant
cinquante-une pages.
4 0. A u tre registre intitulé recette des charbons vendus
su r le carreau de la m ine , commençant en vendé
miaire an 7 , et contenant trente-un feuillets.
5 °. A u tre journal de recette, commençant en l’an 3 ,
et finissant en thermidor an 7 , sans aucune désignation
de numéro sur les pages.
Borel-Vernière ne manque pas de remarquer que cc
journal est le même sur lequel à lui tout seul il avoit cru
trouver de l’altération , à partir du feuillet où l’on trouve
m ois de pluviôse ail 7.
Feuillant au surplus déclare que ces registres sont
les seuls qu’il a en son p o u v o i r , et qu’ils lui ont été remis
C
�( , 18
?
par le sieur'Chalier sur récépissé, lors de la présenta
tion de son compte.
L es arbitres demandent ¿1 Feuillant la remise du livre
des ventes et recettes des charbons provenus de la mine
des Barthes , et conduits sur le port pour être embarqués
sur la rivière d’A llier.
Feuillant est obligé de convenir qu’il a tenu cc regis
tre en son particulier ; qu’il croyoitm êm e en être encore
nanti lors de l'arrêt de la co u r, du 29 frimaire an 14.
D e retour chez lui , il s’empressa d’en faire la recherche,
mais il ne l’a point t r o u v é e t il est très-probable qu’il
lui a été en levé; d’ailleurs, il ajoute que ce registre no
pouvoit donner aucuns renseignemens sur la régie du
sieur Chalier , parce que la vente des chai'bons sur le
port étoit indépendante des travaux de ceux q u i , ainsi
que le sieur C h alier, étoient chargés de l’exploitation
et extraction de la mine.
P o u r appuyer cette observation , Feuillant justifie de
pareils livres par lui tenus pour les charbons venant des
mines de la Taup e et Combelle. Les arbitres s’empres
sent de parcourir ces livres, et s’aperçoivent que toutes
les ventes y indiquées ont été faites par le sieur Feuil
lant , et non par ses commis.
Mais si les arbitres s’aperçoivent si vile de ces détails,
Fouillant ne s’aperçoit pas q u’il est en contradiction avec
lui-même ■
, car si ce registre étoit aussi indiderent qu’il
veut bien le d i r e , il étoit fort inutile de l’enlever, quelle
que soit la personne qu’ il soupçonne de cet enlèvement.
V ien t le tour du sieur Chalier ; et les arbitres lui
demandent la représentation de toutes les pièces justili-
�4 M
( *9 )
calîves qu’ !l peut avoir à l’appui du compte qu’il a pré
senté au sieur Feuillan t, depuis le premier vendémiaire
an 7. lies arbitres disent que lors de leur premier rapport,
ils avoient déjà sous les yeux les registres qu’ ils viennent
d’énoncer, et que cependant ils n’avoient pas pu procéder
à l’apurement, attendu qu’aucun article de la l’ecette et
de la dépense n’étoit établi ni justifié.
C h alier, à cette époque, étoit à peine convalescent d’ une
maladie grave qu’il venoit d’essuyer. Il déclare aux arbi
tres qu’il a été hors d’état de se rendre à Riom chez son
a vou é, où étoient déposées les pièces de son procès avec
le sieur Feuillant, ainsi que la correspondance de ce der
nier , qui étoit d’ une grande im portance, et prouveroit la
fidélité de son- compte.
lies arbitres ne manquent pas de remontrer qu’une cor
respondance ne peut suppléer à des pièces justificatives.
Ils ne pouvoient pas supposer d’ailleurs raisonnable
ment que le sieur Chalier se trouvant à Riom lors de
l ’arrêt de la co u r, eut quitte cette ville sans prendre avec
lui les pièces qui pouvoient lui être nécessaires.
I.es arbitres prennent ensuite la peine de démontrer
quelles sont les pièces justificatives, ce qu’011 entend par
pièces justificatives; et après quelques démonstrations assez
inutiles , et qu’on savoit bien sans e u x , ils passent au re
gistre de la vente des charbons de province. Ils observent
ou sieur Chalier que pendant sa régie il avoit sous ses
ordres un commis nommé Louis A r v e u f, qui étoit chargé
de la vente de ces charbons, en tenoit un état journalier,
et en coinpioil toutes les sommes au sieur C h a l i e r ; de
sorte que pour justifier son compte dans cette partie,
C 2
�( 20 )
Chalier devoit rapporter les registres tenus par Louis
A r v e u f , à l’eflet d’examiner si ses ventes et leur prix
étoient concoi’d an s, et s’il n’y avoit dans le c.omple du
sieur Chalier aucune e r r e u r , omission ou double emploi.
Dans tous les articles, est-il d it , Chalier relate les états
de Louis A r v e u f ; ce qui prouve infailliblement que le
registre à eux présenté n’est qu’un registre de r e p o r t , et
qu’on ne peut y ajoute*’ foi sans voir et examiner les pièces
qu’il mentionne, et qui lui servent de contrôle.
Les arbitres trouvent convenable et juste , intéressant
pour les parties, et utile pour éclairer la religion de la
cour, de faire appeler et d’entendre Louis A r v e u f, dont en
effet ils ont inséré la déclaration à la suite de leur rapport.
P ar cette déclaration , A r v e u f dit avoir été employé
par les. sieurs Feuillant père et fils , pour surveiller à la
vente de province des cliax-bons existans sur le carreau ,
et extraits de la mine des Barthes. Ses fonctions consistoient à tenir registre de toutes les ventes qui s’opéraient
journellement des charbons des Barthes.
Pendant tout le temps qu’A r v e u f a eu la confiance des
F euillant, il a tenu un compte exact de ses ventes, et les
inscrivoit journellement sur un registre destiné à cet effet,
où il inentionnoit le nom des acquéreurs , leur domicile,
la quantité de charbon qui leur étoit délivrée , le prix
qu’ils payoient en solde ou en i\-coinpte des livraisons.
Indépendamment du registre qu’il tenoit, il rendoit compte
au sieur C h alier, com m is principal de Feuillant, à chaque
vente qui avoit lieu ; celui-ci les inscrivoit ;\ son tour, ou
devoit les inscrire pour en rendre compte ¿\ Feuillant. A
l’époque où les affaires de Feuillant se trouvèrent dénar-
�433 ( 21 )
g é e s , Chàlier proposa un jour au déclarant de monter h
la machine d’extraction, où il avoit quelque chose d’es
sentiel à lui proposer : il se rendit à son invitation, et ils
montèi’ent ensemble. A peine y furent-ils rendus et assis,
que Chalier le quitta sous quelque prétexte*, et ne le voyantpas reven ir, lui A r v e u f , se rendit à l’habitation des B artlies, où son registre sus-cité, ensemble les états de vo i
tures , étoient déposés et rassemblés sous une ficelle. Il
s’empressa de demander où étoient des pièces si im por
tantes; et sur l’inquiétude qu’il manifesta au sieur R ou gier
de C o u h ad e, autre employé aux gages du sieur Feuillant,
celui-ci lui fit l’aveu que Chalier venoit de sortir de l ’ha
bitation, emportant avec lui les pièces et registres attachés
ensemble.
A r v e u f déclare en outre qu’à compter de cette époque
il ne travailla plus à la mine des Barthes, dont l ’exploi
tation fut confiée au sieur Lesecq ; et c’est la seule raison
pour laquelle il n’a pu remettre au sieur Feuillant le re
gistre dont il s’agit, qui devoit servir de contrôle à la ges
tion du sieur Chalier dans cette partie.
Il est assez extraordinaire que des arbitres , uniquement
chargés de procéder au co m p te, se soient permis de faire
entendre un individu aux gages du sieur F eu illa n t, et sur
un fait étranger à leur mission ; c’est procéder à une en
quête à fu tu r, ce qui est prohibé par l’ordonnance; c’est
enfin excéder les pouvoirs que la cour et les parties leur
avoient donnés.
Mais au m o i n s , dès que ces arbitres étoient si soigneux
po u r éclairer la religion de la cou r , lui apprendre ce
qu’elle ne leur demandait pas, et ne lui rien dire sur ce
�i 'b k
(
22
)
qu’elle leur ‘d emandent, ils auroierit dû au moins avoir
le soin de faire appeler ce R ougier de C o u h a d e , qui
avoit appris tant de choses à A rveu f. L e sieur Chalier
réclama en vain; on ne lui a pns même fait la faveur de
consigner dans le procès verbal cette réclamation : on
savoit que R ougier de Couhade démentiroit ce qu’a voit
dit A r v e u f , et ce n’étoit pas le compte des arbitres.
A u surplus, C halier, pour répondre à l’interpellation
qui lui étoit faite, déclara qu’à la vérité il avoit été nanti des.
pièces justificatives de son compte, et notamment de celles,
qu’on venoit d’indiquer; mais qu’il avoit remis le tout
au sieur Feuillant ; ce que Feuillant a expressément désa
voué , en faisant remarquer qu’il n’étoit pas présumable
qu’ un comptable pût se défaire, sans décharge ou récé
pissé , de pièces aussi essentielles pour lui.
Chalier vouloit rép ondre que Feuillant étant nanti de
ccs registres , il étoit bien moins présumable qu’il n’eut
pas reçu tonies les pièces, qu’il eût voulu se contenter de
prendre les registres en cet é t a t , et qu’il n’eût pas fait
constater que le sieur Chalier 71e lui avoit pas remis autre
chose, qu’il 11’ait pas même fait dresser procès verbal de
l ’état des registres. C ’étoitune marche assez simple, comme
il étoit juste d’insérer les observations du sieur Chalier;
mais les arbitres ne jugèrent pns à propos de lui donner
cette satisfaction.
Les arbitres seulement nous apprennent que le sieur
B o r c l , l’un d’eux , avoit a flaire à Jssoire ; en conséquence,
ils remettent leur séance au 22 février, et invitent le sieur
CI) a lier à faire de nouvelles recherches pendant /es vingt?
quatre heures qu’on lui donnoit de répit.
i
�( 23 )
A u jour ind iqu é, ils se plaignent de ce que Chalier
les a fait attendre jusqu’à six heures ; ils apprennent que
Chalier s’est présenté assisté d’un con seil, et a remis les
observations écrites de lui.
Ces observations consistent à dire que le compte du
sieur Chalier a été rendu; que toutes les pièces justifi
catives ont été remises entre les mains des sieurs Feuillant
père et fils; qu’ils lui en avoiunt d’abord remis un récé
pissé , le 5 prairial an 9 , mais qu’ils l’ont ensuite retenu,
le 16 du même mois de prairial, sous prétexte d’en don
ner un plus régulier au sieur Chalier; ce qui n’a point
eu lieu.
Chalier observe qu’ il pourroit être facilement suppléé
à ce récépissé, 011 aux pièces justificatives elles-mêmes,
par le rapport des registres de v e n t e , d’achats , de dé
pense et de recette de l’administration de la m in e , néces
sairement tenus, d’après la loi et l’ordonnance du com
merce , par le sieur Feuillant, pendant l ’espace de temps
dont le nouveau compte est ordonne.
Si le sieur Feuillant refuse de représenter ces registres ,
il ne peut avoir d'autre but, i ° . que de rendre impossible
le nouveau compte ordonné entre les parties, et qui déjà
est sullisarnmcnt suppléé par le bilan du sieur Feuillant,
en date du 10 messidor au 7 ; 20. de se mettre à l’abri de
la demande du sieur C h a lie r, relative à ses avances et à
scs appointemens.
L e sieur Chalier ajoute que dans cet état de choses, 011
no peut pas se dissimuler que le nouveau compte d e m a n d é
par le sieur Feuillant est une sorte de récrimination, ou
d exception dilatoire contre celle demande.
�C 24 )
L e sieur Clialier consent volontiers à établir de nou
veau son compte, comme il a déjà été fait entre les parties;
mais le sieur Feuillant doit nécessairement pour c e la , ou
rapporter les pièces justificatives qu’on lui a remises, ou
les registres qui s’y réfèrent évidemment.
A u défaut de ce r a p p o r t, Chalier soutient que le
compte demandé de rechef étant rendu impossible par
le fait du sieur Feuillant, ce dernier ne peut s’en préva
loir contre lui. L e compte de Chalier est réputé rendu
par le rapport du bilan de Feuillant , dans lequel il
reconnoît Chalier pour son créancier de la somme de
14000 francs.
Cette créance insérée au bilan , sans modification , sans
réflexions , ne peut être que le résultat d’un compte
rendu sur pièces justificatives.
Il est si vrai que Chalier a r e n d u son com pte, et re
mis toutes pièces qui l’établissent, qu’après le premier
compte fait entre les p arties, de la gestion du sieur
C h alier, jusques et compris le 5 complémentaire an 6 ,
les scellés furent apposés par le juge de paix de G im eaux,
sur la liasse contenant les pièces justificatives du compte;
elles devoient être déposées au grelï’e du tribunal de com
merce d’Issoirc, jusqu’au moment où l’on auroit besoin
d’y avoir recours. Ce dépôt n’a sans doute p o i n t eu lieu,
puisque les scellés apposés sur cette liasse o n t été brises,
probablement p a r le sieur F e u i l l a n t , ent re les mains
duquel ont resté déposées les pièces, au lieu de l’être au
g relie du tribunal de commerce.
Ces scellés, continue C h alier, ont ete brisés sans procès
v e r b a l, ni inventaire contenant l’état, le nombre et la
nature
�l 25 )
nature des p iè ce s, dont le sieur Feuillant a pu facile
ment faire disparoître toutes celles qui pourroient servir
aujourd’hui à établir le compte»
-i
L e sieur Chalier fait ensuite la nomenclature des pièces
et registres que Feuillant ne peut se refuser de rap
porter pour suppléer aux pièces qui manquent. Ces re
gistres consistent, i° . en un journal tenu jour par jo u r ;
2°. en un journal de raison ; 30. en un livre de caisse ;
4 0. en une liasse des lettres écrites par Chalier à Feuillant;
h°. en un registre de copies de lettres du sieur Feuillant :
le tout d’après l’ordonnance de 1673.
j
6°. Dans les bulletins remis ou envoyés chaque jour
par Chalier à F euillant, et .qui rendoient compte de la
recette et de la dépense faites dans la m in e , de l’extrac
tion des charbons, et de la voiture.
L a cour se rappellera qu’à une de ses audiences, il
fut représenté quelques-uns de ces b ulletin s, jour par
j o u r ; que Feuillant n’en désavoue pas l’usage constant:
ce qui étoit en efl'et le meilleur ordre qu’on pût mettre
dans les détails d’une vente de cette nature.
7 0. Dans les états remis chaque mois à Feuillan t, et
contenant le résultat de tous les bulletins et des journaux.
8°. L ’état particulier, portant compte rendu au sieur
Feuillant dans les premiers jours de messidor an 7 , peu
de jours avant son bilan ; lequel compte fut transcrit sur
le journal tenu jour par jour par Feuillant.
9°. Les journaux de recette et dépense, tenus par la
dame F eu illan t, et le sieur Feuillant fils jeu n e , lorsque
son père étoit en voyage.
D
1
�...................... ( * 6 ')
io ° . Les livres et pièces qui ont basé le bilan pré
senté par le sieur Feuillant le 10 messidor an 7.
ï i °. L es livres te n u s. par B u re a u , commis en sousordre pour la mine de la C o m b elle, en l’an 5.
12°. Les livres de recette et dépense, tenus en l’an 8
par Chalier pour Etienne Feuillant \ lesquels livres ont
commencé le 8 fructidor an 7.
Ces observations furent communiquées de suite au sieur
Feuillant : fort embarrassé de rép o n d re, il se contente de
dire que toutes ces allégations ne pouvoient équivaloir
aux pièces demandées au sieur Chalier pour la vérification
de son compte , telles que les différens marchés ,. p rix
faits, polices, conventions, quittances, billets ou lettres de
change acquittés, registres de Louis A i'v e u f, etc. *, qu’au
surplus il se réservoit tous ses droits et protestations contre
cet écrit, lors de la plaidoirie dèvant la cour d’appel.
L es arbitres, à leur to u r , croient devoir rappeler que
lorsque dans leur premier rapport ils ont parlé de pièces
justificatives produites par C h a lie r, ces pièces avoient
trait seulement au compte antérieur au premier vendé
m iaire an 7 , rédigé par le sieur Bureau , approuvé et
apuré par toutes les parties*, mais en ce qui concerne
le compte postérieur à cette é p o q u e , et dont il s’agit
aujourd’h u i , il est très-certain q u e , soit à Tépo que du
premier fructidor an 1 0 , date du rapport , soit aujour
d’hui , le sieur Chal ie r n’en a prod ui t d’aucune espèce,
et que le sieur Feuillant a représenté les mêmes regis
tres qui avoient été inventoriés, sans aucune espèce d’al
tération , qui d’ailleurs auroit été impossible de sa p a rt,
�c 27 )
« y
t
puisque toutes les écritures «ont de la m a in vdu sieur
Chalier , et q u e lle s arbitres les avoient paraphées et
signées.
O n voit avec quel soin les arbitres cherchent à favo
riser le sieur Feuillant. Ils terminent par dire que du
défaut absolu de titre justificatif, de renseignemens qui
•
puissent y su p p lé e r, il ¡résulte que malgré l’importance
du com pte, tel : que la recette se porte à 14 1916 francs,
et la dépense à 143201 francs, il n ’existe pas un seul
•article qui soit établi ou ne soit contesté ; en consé
quence , il leur est impossible de remplir le vœ u de la cour
■d’appel , et de s’occuper de la vérification et apurement
d’un compte qui n’en est pas un dans l’état où il a été
présenté , et n’est, à proprement parler, qu’um sim plebor
dereau , dont rien n’annonce et ne p r o u v e la justesse et
la fidélité.
T e l est le procès v e r b a l, ctb ircito., q u’ont lancé les
arbitres.
Restoit encore une opération. D e u x autres arbitres, les
sieurs Reynard et Bureau, devoient fixer et régler les aprpointemens du sieur C h a lie r, pour chacune des années
-qu’il a été em ployé par le sieur Feuillant.
. L ’ un de ces arbitres, le sieur Bureau,, ;avoit été récusé
par le 'sieur Chalier : ce sieur Bureau avoit été sous les
•ordres de C h a lier, ce qui est établi par la correspon
dance, et ne sera sûrement pas désavoué. L e sieur Bureau
•étoit entièrement dévoué au sieur F e u illa n t, et l’a même
manifesté de telle m an ière, que le sieur Chalier se crût
bien fondé à le récuser. L e sieur B u reau, qui s’étoitluîr
même départi de la connoissance 'de cette affaire , ainsi
V 2
�( 28')
' q u’il résulte d’un procès verbal du 24 janvier dernier , a
-cru que d’après l’arrêt de la co u r, du;3 février suivant,
il étoit obligé d’en connoître; et cependant on doit re
m arquer que l’arrêt de la cour n’avoit prononcé que
sur la récusation des pi’emiers arbitres, respectivement
,
au compte.
Q uoi qu’il en s o i t , Bureau et Reynard se réunissent.
Un premier procès verbal, du 20 février d ern ier, ap
prend que le sieur Reynard vouloit allouer au sieur
Chalier une'som m e de 900 francs pour chaque année;
mais Bureau représente que cette somme de 900 francs
est exorbitante, et qu’il ne doit être alloué que celle
de 55o francs pour chaque année. Reynard dit que cette
somme est trop m o d iq u e, non-seulement par rapport aux
embarras qu’avoit eus Chalier dans les derniers temps,
7?iais encore p a r rapport à î im portance de la place q u i î
o ccu p o it, et de Rentière coiifiance que F eu illa n t avoit
alors en lui.
Les arbitres sont donc divisés, et donnent leur avis
séparément. Bureau persiste dans son opinion , et donne
po u r m otif que lorsque Chalier est entré chez Feuillant,
il n’avoit aucune connoissance de l’état de commis aux
mines , où il fut placé à la sollicitation de la dame Seguin,
pour surveiller aux ouvriers. Il faut au moins deux
années pour acquérir le talent d’être commis h une ex
ploitation d’aussi grande importance.
D ’ailleurs le sieur C h a l i e r , ajoute B u r e a u , etoit la ma
jeure partie du temps n o u r r i , soit dans la maison , soit
en campagne. Il étoit chauffé , dans son m énage, du
charbon des mines du sieur Feuillant.
�G29 )
' Il termine par dire : Les sieurs F lo ry et A rn a u d , commis
instruits dans cette p a r tie , qui avoient précédé le sieur
Chalier dans les mêmes exploitations, n’étoient payés les
premières années ; savoir, le premier, qu’à raison de trois
à quatre cents francs, et le second, à raison de 4Ô0 fr. ?
et ce, sans nourriture ni l’un ni l’autre.
Il semble que Feuillant est le rédacteur de cet avis; car
c’est précisément le langage qu’il a tenu lors de sa défense
en la cour. O n voit cependant que Bureau n’étoit pas bien
sûr de la somme à laquelle s’élevoient les traitemens des
sieurs F lo ry et A rnau d ; mais au moins il devoit être sûr
de celui q u ’il avoit lu i-m êm e, lorsqu’il étoit employé par
le sieur Feuillant sous les ordres du sieur Clialier ; et s’il
a bonne m é m o ire , il se rappellera que son traitement
s’élevoit à 1400 fr. par année. Pourquoi donc voudroit-il
réduire le sieur Chalier à la modique somme de 55o fr. ?
Cependant le sieur Bureau , indépendamment de son trai
tement , avoit encore son appartement meublé ; il étoit
chauffé et éclairé, et par fois invité à manger chez le sieur
F euillan t, comme cela est arrive aussi au sieur Chalier ; et
si parce qu’il étoit invité quelquefois à manger chez le sieur
Feuillan t, on croit devoir réduire ses appointemens à
55o f r . , il faut convenir que c’est lui faire payer fort cher
son écot.
L e sieur Reynard a donné son avis séparém ent,le 18
mars 1806. O n a vu que par le premier procès verbal il
vouloit porter le traitement à 900 fr. par année, à raison
de î im portance de la p la c e , et surtout de rentière con~
fiance qu’avoit le sieur Feuillant en Chalier.
Maintenant ce 11’est plus la même chose. Reynard a
�( 3° )
connu Chalier dès son enfance ; il l’a suivi dans sa m arche
p o litiqu e, et ses progrès. Il assure avec confiance qu’avant
d’avoir été chargé des intérêts de Jean Feuillant dans ses
m in es, Chalier étoit absolument nouveau dans ce genre
de travail ; il n’avoit que l’écriture d’un écolier ; et les
salaires qu’ il pouvoit exiger alors devoient se borner à
peu de ch o se, jusqu’à ce qu’il eût acquis de l’expérience.
Chalier avoit cependant vingt-trois ans lorsqu’il est
entré chez le sieur Feuillant. Il est de Brassac ; il avoifc
toute sa vie v u exploiter des in in es, et par conséquent
devoit avoir des connoissances suffisantes pour être utile
ment em ployé dans ce genre de travail. L 'en tière con
fia n c e que lui accordoit le sieur Feuillant en seroit déjà
une preuve.
Reynard , bientôt a p rè s, dit que l’âge et Thabitude du
travail ont fait acquérir des connoissances à Chalier. Jean
Feuillant lui a donné sa confiance p o u r toutes les affaires
extérieures ; il le chargeoit des achats, des payemens des
ouvriers 5 il a voyagé souvent dans des places de com
merce p o u r l’échange des papiers et effets de son commet
tant; ce qui a dû lui procurer un salaii’e plus considérable,
mais toujours dans la proportion de ceux que donnoient
les autres exploitans pour de pareils travaux.
Par une transition singulière, Reynard invite la cour à
ne pas se laisser séduire p a r le titre fastueux de directeur
général, dont Chalier rapporte la note. C ’est un titre illu
soire qui n’a été do nn é à aucun commis dans les mines du
p a y s , et qui a eu pour m o ti f des considérations particu
lières qui paraissent avoir leur source dans la conscrip
tion militaire dont Chalier faisoit partie, et qui-lui eu a
�44">
( 31 )
procuré l’exemption. (N otez bien que la conscription mi-,
litaire n’a été décrétée que bien postérieurement à cette
époque, et que Chalier n’en a jamais fait partie. ) L a co u r,
ajoute R e y n a rd , doit le considérer, pendant les trois der
nières années de sa r é g i e , comme premier commis de
confiance , ou autre titre à peu près semblable, et laisser
dorm ir celu i de d irecteu r, qui n’a été créé que pour lui
seul.
Chalier a e u , pendant tout le temps de sa régie , le
chauffage en charbon pour la maison de sa mère , ainsi
qu’il a toujours été d’usage. 11 a été d é fra y é , dans tous,
ses voyages, pour sa dépense de bouche; ce qui lui procuroit une occasion de ménager ses salaires dans les dif
férentes opérations qu’il a faites pour Jean F eu illa n t, et
surtout dans les temps du papier-monnoie.
Il a travaillé pour son compte particulier, ainsi qu’il
en est co n v en u , et Feuillant ne s’en est pas plaint; il a
fait quelques commerces particuliers, tels que de grains
avec T r io lie r , de Brioude , de savon à Issoire : il a pu,
en faire d’autres que Feuillant ne lui a pas interdits. Cette,
considération, et l’agrément de faire des affaires à lui.
p ro p res, doivent être calculés dans la fixation de ses gages,
quelque succès qu’aient pu avoir pour lui ses négociations.
Reynard certifie avoir été associé à l ’exploitation de la,
mine de la T a u p e , qui est la meilleure du pays. Il étoit
en même temps c h a r g é , avec son père , de la régie d u
dehors et du dedans; et la société ne leur passoit qu’ un
prélèvement de 5oq fr. entr’eux deux par année. G uil
laume Grimnrdias, commis comptable de Feuillant, avoit
par an 300 f r . , la table et le logement. Plusieurs commis
�( 32 )
se sont succédés dans les mines de F e u illa n t, sans qu’ils
aient eu des appointemens de 2000 fr. ; il n’y a que le
sieur Ramel dont le traitement ait été porté à ce taux.
Mais ce sieur Ramel étoit favorisé par le conseil des
mines, et avoit fait ses preuves dans les mines de Bretagne;
et encore le sieur Lamotlie s’est-il lassé d’un pareil trai
tement, et l’a renvoyé. Reynard nous apprend encore qu’il
y a actuellement un sieur Richard à la tête de l’exploi
tation de la mine du G ro sm en il, dont on ne connoît pas
le traitement : on le croit associé pour une partie. Mais
ses opérations et ses connoissances sont d’un autre genre,
et 11e peuvent recevoir d’application avec les affaires dont
a été chargé le sieur Chalier. Richard est maître absolu
au Grosm enil, dirige le dehors et le dedans, fait toutes
les ven tes, au lieu que Chalier ne faisoit rien dans l’inté
r ie u r ; il rendait journellem ent compte de scs opérations
extérieures à son com m ettan t, et ne faisoit aucune vente.
Si Feuillant avoit eu un commis à 2000 fr. pour l’inté
rieur , un autre de pareille somme pour l’extérieur r et
un autre pour les ventes sur le p o r t, il n’auroit pas assez
gagné pour payer ses commis ou les autres dépenses.
Il reste encore à observer, ajoute Reynard , que le temps
du pnpier-monnoie a fait éprouver tant de variations dans
ses valeurs, qu’il faudrait chaque mois une évaluation
nouvelle pour ne léser aucune partie; et comme il fau
drait une seconde opération pour convertir le tout en
num éraire, il a supputé qu’à compter du jour que Chalier
a commencé à travailler aux mines de Feuillant, jusqu’au
7 thermidor an 4 , 01.1 20 juillet 179^5 époque de la ces
sation du pap ier-m on n oic, ses salaires doivent être fixés
«
u
�4AS
( 33 )
l la somme de 5oo fr. en numéraire po u r chacun an , et
que cette somme est suffisante pour tout ce qu’a fait ou
pu faire Chalier pour le compte de Feuillant; qu’ensuite,
à compter du 25 juillet 1 7 9 6 , jusqu’au jour où il a cessé
ses travaux à la m in e , ses salaires doivent être portés à
la somme de 900 fr. par année.
.C om b ien de contradictions n’a - t - i l pas échappé k
Reynard dans ce singulier avis ? D éjà il est constate
par un procès verbal juridique que Reynard allouoit
à Chalier sans distinction une somme de 900 francs par
an n ée; mais dans l’intervalle, sans doute, le sieur Feuil
lant ou ses agens ont su lui faire changer d’opinion. On.
sait que c’est chez Jansenet qu’il s’est rendu pour donner
son avis ; que ce dernier en a été le rédacteur ; et
Reynard , dont la profession est d’être tailleur d’habits
pour les charbonniers, avoit besoin d’un secours étran
ger pour rédiger une opinion. Les expressions dont ii
s’est servi ne sont pas même à sa portée ; il n’a jamais
su ce que c’étoit q u 'u n titre ¿ fa stu e u x , et on ne pouvoit pas trop l’appliquer à un directeur des mines , dont
les fonctions ont plus de péril que de gloire , et plus
de peine que de bénéfice. A u surplus , ce titre n’est
pas étranger à ceux qui exercent le même emploi que
lo sieur C h alier, puisqu’on le donne à tou s, et qu’on
voit traiter ainsi un sieur B a illy, dans un exploit du 14
floréal an 10 , quoique ce sieur Bailly fût d’abord aux
ordres du sieur Chalier , et l’a ensuite remplacé lors
que le sieur Lesecq est devenu acquéreur de la mine
des Barthes.
A u surplus , le sieur Etienne Feuillant avoit lu iE
�(.3 4 ) , ,
inême donné une procuration générale au sieur Clialier ,
.soit pour toutes^affaires civiles, soit pour toutes celles
relatives à l’exploitation des mines. Cette procuration gé
nérale est en date du 2 complémentaire an 7 , et a été
reçue par Jansenet, notaire , qui auroit dû s’en souvenir
lorsqu’il a rédigé l’avis de Reynard. Jansenet a bien reçu
d’autres actes de cette nature ; car en l’an 5 , il donnoit
au sieur Chalier le titre de préposé et de fondé de po u
v o ir général du sieur Feuillant fils.
O n sera encore étonné que Jansenet n’ait pas été plus
juste lorsqu’il a été question des com ptes, puisqu’il fait
dire à Reynard que C ha lier rendoit journellem ent compte
de ses opérations à F eu illa n t.
*■- E n fin , comment se fait-il qu’on ne se soit pas aperçu que
Reynard , dans un .premier avis , avoit porté les appoin•temens de Chalier à 9 0 0 'francs par ann ée , sans distinc
tion , et q u’ensuite on lui fasse diminuer les premières
•années de 400 francs chacune?
-
Il est impossible d’être ballotté d’une manière plus
cruelle. Il faut que Feuillant ait encore bien de la pré
pondérance, pour qu’il soit parvenu à écraser d’une ma
nière aussi criante celui dont il a reçu des services aussi
'longs et aussi signalés.
M ais ces petites intrigues locales , ces petites rivalités,
vont disparoître en la c o u r, maintenant q u ’elle a counoissnnce de tous les détails.
L o i’sqii’elle a prononcé , jusqu’ici c’est toujours sans
(préjudice des f m s et m oyens des parties. Si la cour
a pensé que dans la rigueur des principes on ne pouvoft
révoqu er les arbitres qu’on avoit nommés ? ou
qui
�( s s . ) ;■
aboient commencé l e u r opération , la co u r n’en a pasr
moins été pénétrée des motifs qu’on avoit fuit valoir r
et s’est réservé de prononcer, dans sa sagesse-, nonobs
tant toute décision , ou sauf ù y avoir tel égard que de
raison.
.}
,
Comme il est surtout urgent de tirer les parties d af
faire , que jusqu’ici les arbitres n’ont fait que donner des
preuves de partialité ou de prévention, sans rien detei’’m iu e r , le sieur Chalier çonserye la plénitude de ses
m oyens, et va les développer. / ; 's ■
t.
IL établira, i° . qu’il ne doit pas de compte au sieur
Feuillant; que sa qualité de créancier n’est pas douteuse,
et a été reconnue par Feuillant lui-même.
2°. Q u ’en supposant qu’il fût astreint à un co m p te,
cette reddition de compte est devenue impossibiç-'par le
fait du sieur Feuillant.
3°. Que sa demande n’a rien d’exagéré relativement
à ses appointemenç, et que l’avis des arbitres en ce point
est absolument injuste, ou n’est que le résultat de la plus
basse jalousie.
1
,
t
,
...
§• Ier.
L e sieur C k a lier est créancier de F e u illa n t, et ne doit
pas de compte.
L e sieur Feuillant a termoyé avec ses créanciers; il a
présenté son bilan le 10 messidor an 7 : le passif excédoit
l’aclif d’une somme de 9 8 71 1 fr. 7 5 cent. Dans ce bilan,
le sieur Chalier y est porté par Feuillant au rang des dettes
^ cliirograpliaires échues; il est reconnu créancier pour
E 2
�I k
Ï 3« ' ) '
une somme de 14000 fr. L a déclaration de Feuillant à:
cet égard est faite sans lim itation, sans m odification, et
sans aucune observation, tandis que sur beaucoup d’autres
créances il fait des observations particulières, pour cause
d’omission , ou d’erreurs de calculs, ou de payemens
dont il n’h pas la certitude.
U ne déclaration dans un acte de cette nature est le
titre le plus certain en faveur du créancier. L e débiteur ,
en effet, doit présenter un état exact de sa situation tant
active que passive; s’il déguise la v é r ité , s’il met au rang
des créanciers des gens qui ne le sont pas, il est réputébanqueroutier frauduleux : telle est la disposition del’article 10 du titre r i de l’ordonnance de 1673. Si eneffet il étoit permis de présenter des créanciers simulésou exagérés, il seroit facile de réunir les trois quarts en:
som m es, d’obtenir toutes les remises ou les termes q u ’ oni
désirerait.
O n est bien éloigné de faire ces imputations au sieur
Feuillant ; on pense au contraire qu’il a fait tout ce qufc
dépendoit de lui pour être exa ct, qu’il n’a rien exagéré,,
et qu’ il a surtout voulu être juste. Il n’a pas songé com
bien il s’avilirait en changeant de langage ; quels soupçons'
il ferait naître contre sa conduite, s’il avoit porté dans son
bilan des créances fictives. E s t- i l possible de présumer
q u ’il eût porté Chalier comme son créancier d ’une somme*
de 14000 francs, si Chalier eût été sron comptable et son
débiteur? A i n s i , par cela seul que le sieur Chalier est
aujourd’hui porteur du bilan qui le constitue créancier,,
il a en sa faveur un titre qui ne peut etre critiqué,- el>
q u i termine toutes discussions..
�4 Aô\
C 37 D
'
L e sieur F eu illa n t, pour répondre à un moyen aussipuissant, a divagué dans sa défense, et a proposé plu
sieurs objections. Il a dit en premier lieu que ce bilan
n ’a voit pas eu de suites; qu’il avoit arrangé ses affaires,
terminé avec ses créanciers, que dès-lors le sieur Chalier
ne pouvoit plus se prévaloir de ce même bilan.
Cette objection est frivole. Ce n’est pas lui qui a ter
miné avec ses créanciers, c’est le sieur Etienne Feuillant,
son fils; c’est ce dernier qui a pris des termes. Mais le
bilan n’a point été rendu ; à la vérité les créanciers,,
par condescendance, permirent que le bilan ne fût pas
déposé au greffe du tribunal de commerce, suivant l’usage;
mais il fut convenu qu’il resteroit, par forme de dépôt,
entre les mains d’un tiers , pour y avoir recours dansle cas où les engagemens ne seroient pas remplis.
Feuillant oppose en second lieu q u e , nonobstant ce
b ilan , Chalier s’est néanmoins reconnu comptable, puis
qu’il a nommé des arbitres,, en exécution d’un premier
jugement du 27 du floréal an 10.
M ais ce bilan avoit été fait et présenté hors la pré
sence de Chalier.. Lorsque ce dernier a consenti à nom
mer des arbitres, il ignoroit l’existence du bilan. Si
Chalier l’eût eu alors- dans les mains, il n’y auroit pas.
eu de procès : Feuillant eût été dans l’impossibilité de
réc rim in e r, de revenir contre son propre fait; il n’eût
pas évité la condamnation des sommes qu’il reconnoissoit
devoir. Ce n’est que le 14 nivôse an 12 que ce bilan a*
été déposé chez Chassaigne, notaire; jusque-là, F e u i l l a n t
avoit étrangement abusé de l’état d’ignox*ance dans lrquelse tvouvoit Chalier. Mais lorsque ce dernier se fut p r o -
�*" \
( 3 8 )
curé une expédition de cet a c tc , alors, prenant de nou
velles conclusions, il demanda le payement des sommes
reconnues. O n ne voit pas comment il pourvoit résulter
des faits antérieurs une dérogation à un droit qui émane
d’un titre nouvellement d é c o u v e rt, qui jusque-là avoit
été retenu par le fait de F eu illan t, et qu’il îi’avoit pas
été au pouvoir de Chalier de produire.
A insi disparoissent les moyens de Feuillant ; il ne peut
plus désavouer une créance légitime, reconnue par un
titre formel dont l’exactitude est la base, dont l’exagé
ration auroit compromis son auteur.
L e sieur Feuillant veut encore se faire un moyen de
ce que les objets compris dans la demande du sieur
Ghalier, par exploit du 26 ventôse an 10 , ne s’élèvent
pas à la somme de 14000 francs : comment se fait-il dèslors, ajoute le sieur Feuillaut-, que le sieur Chalier puisse
se prévaloir du bilan , dès qu’avant de le connoître ses
prétentions n’alloient pas jusqu’à cette somme contenue
au bilan?
L e sieur Chalier a donné sur ce point une réponse bien
simple. T o u s scs chefs de demande réunis se portent à
la somme de 13413 livres 12 sous 1 denier; ils auroient
excédé la somme de 14000 fr., si le sieur Chalier n’avoit
déduit une somme de i 65 o liv. 19 sous , que le sieur
Feuillant lui devoit à cette époque, mais qui ne lui ap
partient plus depuis. Ceci a besoin d’une explication par
ticulière.
L e sieur Chalier avoit acquis de la dame Seguin ,
le 6 thermidor an 4 , un pré appelé de R a va li-fe-H a u t,
et une grange située à Brussoget : ces objets étaient af-
�■
4s î
( 39 )
fermés au sieur Feuillant ; le prix de la ferme du pré
étoit de 421 liv. 14 sous p a r 'a n n é e , et le loyer de la
grange étoit de 5o francs. La dame Seguin, lors de la
v e n te , se réserva la moitié des fermages pour l ’an 4:
de sorte que Feuillant n’a dû au sieur Chalier que la
moitié des fermages de cette année 4 >
l es fermages
entiers des années 5 , 6 et 7 ; ce qui fait en tout, pour
le pré et la gran ge, la somme de i 65 o liv. 19 sous.
- L e sieur R o c h e f o r t , gendre de la dame Segu in , ayant
désiré r e nt re r dans cette propriété aliénée par sa bellem ère, le sieur Chalier a rétrocédé le tout au sieur Roche,fort, par acte du 25 nivôse an 9 , reçu Jansenet, notaire,
et l’a subrogé aux arrérages de ferme qui lui étoient dûs
par le sieur Feuillant. E t quoique le sieur Feuillant, dans
la déclaration portée en son b ila n , eût compris ces arré
rages, le sieur Chalier devoit en faire la distraction : et
il en a résulté alors que ses créances ne se sont pas portées
à la somme de 14000 francs , tandis qu’elles l’auroient
excédée, s’ il n ’a v o i t fait cette déduction.
Cette explication porte sur un fait qu’il est impossi
ble de révoquer en doute, et qui n’a pas même été dé
savoué par le sieur Feuillant, lors de la plaidoirie de la
cause.
Il eât donc démontré que le sieur Chalier a cessé
d’être comptable envers F eu illa n t, et que sa qualité de
créancier est établie d’ une manière incontestable.
�D a n s le cas où le sieu r C h a lier p o u rro 't être assujéti
à un co m p te, cette reddition de compte est aujour
d 'hu i devenue impossible p a r le f a i t du sieur Feuillant.
L e sieur Ghalier a rendu un compte qui embrassoit
depuis le commencement de sa régie jusqu’au 5 complé
mentaire an 4. Il résulte du premier procès verbal des
arbitres B orel-V ernière et Jansenet, que le compte .avoit
été approuvé par toutes les parties, et que les arbitres en
ont trouvé le calcul exact. L e sieur Chalier étoit créan
cier de Feuillant d’une somme de 166 liv. 18 sous 8 d e n .,
d’une part ; et de 1995 liv. 2, sous 11 d e n ., d’autre , non
compris la somme de 30 0 francs p o u r payement fait à la
dame V is s a c , et sous la réserve de tous les appointemens qui lui étoient dûs.
;
Restoit le compte de la gestion depuis le I er. ven
démiaire an 7 jusqu’au 30 prairial de la même aimée -;
c’est-à-dire, neuf mois.
L e sieur Chalier avoit rapporté toutes les pièces jus
tificatives , ainsi que les registres nécessaires pour l’apu
rement. Il en avoit pris un récépissé du sieur Feuillant
iils; mais ce récépissé fut remis par le sieur C h a lie r, qui
en vouloit un plus régulier, et qui n’a pu l’obtenir. L e
sieur Feuillant voudroit étrangement abuser de ce défaut
de récépissé , et de l’impossibilité où se trouve Chalier de
rapporter aujourd’hui des pièces justificatives qui sont
entre les mains de Feuillant. Comm ent présum er, dit
Feuillant,
�4 s$
f 4' )
Feuillant, si j’avois refusé de donner ce récépissé, que
Chalier n ’en eût pas rendu plainte , ou n’eût pas fait
dresser procès verbal d’un fait de cette nature ?
O n ne doit pas môme dissimuler que cette observation de¡
Feuillant a été mise au nombre des motifs de l’arret de la
cour, du 29 février dernier ; mais cet arrêt est rendu sans
préjudice des fa is, et n’est que provisoire; et le sieur Chalier
a droit de faire valoir tous ses moyens. O r , comment
seroit-il possible d’exiger que le sieur C h alier, dans un
temps où il n’étoit point en procès, où les parties n’avoient
point manifesté d’intentions hostiles , dût prendre des
voiesaussi rigoureuses contre un négociant dont il avoit eu
toute la confiance ? Ne devoit-il pas espérer que le sieur
Feuillant q u i, dans un moment d’hum eur, et parce qu’il
éto ita igrip a rl’état de ses affaires, lui refusoit un récépissé,
seroit bientôt ramené à des sentimens plus h onnêtes, et
rendroit justice à un homme dont il s’étoit reconnu le
débiteur ? Quel intérêt auroit donc le sieur Chalier de
garder ces pièces justificatives , s’il en etoit n a n ti, s’il ne
les avoit pas remises au sieur Feuillant ? Comment les
registres seroient-ils au pouvoir de Feuillant, si on ne
lui avoit pas remis en même temps les pièces justificati
ves ? Croira-t-on que Feuillant, tr è s-e x e rcé dans celte
m a tiè r e , se fût contenté de la simple remise des regis
tres; qu’il n’auroit pas exigé les pièces justificatives ? C om
ment auroit-il reçu les pièces justificatives, jusqu’au der
nier complémentaire an 6 , sans exiger toutes celles qui
dévoient établir l’entière comptabilité ? et si Chalier
eut refusé de les rem ettre, Feuillant n’eut - il p«s fait
F
�( 42 )
dresser procès verbal de ce refus? n’au roi t-il pns fait cons
tater l’état de tout ce que lui remeltoit C h a lie r?
Il est prouvé par le premier procès verbal des arbitres 7
que Feuillant a eu toutes les pièces justificatives, jusqu’au
I er. vendémiaire an 7. L e compte en cette partie est re
connu ex-ict et apuré; dès-lors toutes les présomptions
sont en faveur de Chalier. D ’un autre c ô t é , l’arrêt de la
cour ordonne que Feuillant rapportera aux arbitres le
livre journal qu’ il a avoué avoir tenu pour les ventes et
recettes de charbon conduit au port. O r , Feuillant ne
rapporte pas ce registre. Cependant l’article I er, du tit. 3
de l’ordonnance de 1673 astreint les négocians et mar
chands, tant en gros qu’en d é t a il, à avoir un livre qui
contienne tout leur négoce, leurs lettres de change, leurs
dettes actives et passives , et les deniers employés à la dé
pense de leur maison. L ’article 3 du titre r i de la même
ordonnance veut aussi que les marchanda, lors de leuir
b ila n , soient tenus de représenter tous leurs livres et
registres cotés et paraphés en la forme prescrite au tit. 3,
L ’article 11 du même titre exige cette représentation, sous
peine d’être réputé banqueroutier frauduleux. Feuillant
a donc dû avoir ces registres, et il avoue les avoir tenus.
A v e c ces registres, 011 nuroit eu toutes les instructions
nécessaires pour le compte ; pu y auroit trouvé toutes les
négociations, toutes les recettes comme les dépenses du
sieur Chalier ; toutes les ventes qui étoient inscrites joui'
par jour sur un bulletin envoyé à Feuillant chaque jo u r ,
et avec lequel il connoissoit sans cesse son état de situa
tion : ordre nécessaire et bien entendu pour simplifier les
détails.
�( 43 )
Feuillant a été obligé de reconnoître devant les arbi
tres qu’il n’avoit point ce livre de raison ; il n’a voulu
donner aucun renseignement; il a *abusé de la situation
de Chalier par des refus injustes; il n’a point satisfait à
l’arret de la c o u r, qui ordonnoit ce rapport; il ne peut
donc se plaindre d’ un obstacle qu’il pouvoit faire disparoître , et il est démontre que c’est par son fait que le
compte n’a pas été rendu.
Il semble que les arbitres se sont réunis avec le sieur
Feuillant pour accabler le sieur Chalier; ils ont demandé
à ce dernier le rapport d’une police passée entre lui et le
sieur V illa re t, pour vente de foin faite par le sieur V i llaret au compte du sieur Feuillant. Cette police éloit une
pièce de l’an 6; le sieur Chalier l’avoit remise , comme
toutes les autres, au sieur Feuillant. P o u r prouver cette
remise, il rapporloit une note sans date du sieur Feuillant
jeune , qui lui demande cette police. Les arbitres n’ont
voulu avoir aucun égai’d à cette note.
L e sieur Chalier portoit dans son compte une somme
de 617 fr. payée par lui pour le compte du sieur Feuillant.
Celte créance dérivoit d’une lettre de change qu’avoit t :rée
Feuillant père au profit du sieur M a ig n e , marchand de
fer à B riou d e, sur le sieur Feuillant fils , à Paris , d’une
somme de 600 fr. La lettre de change fut protestée à son
échéance, faute de payem en t, et le sieur M aigne pou rsnivoit Feuillant père. L e sieur Chalier , toujours empressé
de Venir au secours de son commettant, souscrit au profit
de Maigne une lettre de change de la somme de 617 f r . ,
pour k; montant, est-il d i t , d’ une lettre de change de la
somme de 600 f r . , et celle de 17 fr. pour frais , qui est
F a
�( '44. >
due à Maigne,par le sieur Jean Feuillant aîné. Cette lettre
de change est en date du 28 floréal an 7. L ’acquit mis au
dos par M aigne , et comme des deniers de Chalier , est du
7 prairial môme année. Chalier a porté ce payement en
son registre , pag. 93 recto , art. 7 , et avoit remis la lettre
de change de Feuillant père ; mais il est nanti de celle par
lui souscrite et acquittée au profit de Maigne. Les arbitres
ont encore prétendu que ce rapport n’étoit pas suffisant,
et que Chalier devroit avoir la lettre de change de Feuillant
père.
O n pourroit citer une foule d’autres exemples de
leur partialité ; mais ces détails deviendroient fasti
dieux , avec d’autant plus de raison que le rapport des
arbitres a déjà été analisé dans la discussion , et qu’il est
facile de l’apprécier. Il suffit de dire que Feuillant ne
fait ici que récriminer-, que c’est par son fait seul que
le compte n’est pas rendu -, mais qu’ il ne peut plus abuser
de l’état du sieur C h alier, et que le moment d e là jus
tice est enfin arrivé.
§. I I I .
L e s appointemens du sieur C ha lier doivent être f i x é s
au m oins à 2000 f r a n c s par année.
Il
est avoué et reconnu par les arbitres, et notamment
par Roy n ard , que le sieur Chalier a eu , pendant sa gestion,
la plus entière confiance du sieur Feuillant; que nonseulement il dirigeoit les travaux des mines, avoit les
>lvtails de tous les ouvriers, mais qu’il étoit aussi cm-
�( 45)
ployé à toutes les autres affaires -, qu’ il étoit sans cesse en
vo yag e ; qu’en un mot il étoit chargé des soins les plus
importans.
Il
est bien extraordinaire qu’on ne vante les soin s im+
portans que po.ur les avilir , et qu’on veuille réduire le
sieur Chalier à des appointemens aussi médiocres. L ’es
prit de rivalité et de jalousie peut seul avoir dicté cette
décision. P o u r donner a la cour la facilite d a p p ie c ie r
des services de ce g e n r e , on ne peut s’appuyer que sur
des exemples.
S u i v a n t les journaux de 1763 et de 1 7 6 4 , le sieur
R o u x , directeur de la compagnie de Paris , avoit à cette
époque 800 fr. fixes par année ; p l u s , 72 fr. pour son
loyer , 3 fr. par jour lorsqu’il étoit en v o y a g e , et ses
frais de bureau. Si on juge par comparaison, ces appoin
temens , il y a quarante an s, valoient mieux que 2400 fr.
aujourd’hui ; et cependant le sieur R o u x n’étoit qu’en
sous-ordre. Il y avoit un associé de la compagnie qui
résidoit sur les lie u x , et faisoit toutes les recettes.
Grim ardias, qui étoit employé en 1781 , ne peut pas
etre pris pour exemple. Il étoit associé à l’exploitation
de la mine des Barthes, dans la commune de SainteFleurine : il avoit aussi le logement et la table; il étoit
éclairé , chauffé et blanchi.
Bureau , l’un des arbitres, commis inférieur à C halier,
avoit en l’an 5 , 1400 fr. par année; il étoit l o g é , éclairé
et chauffé , et avoit encore l’avantage d’avoir auprès de
lui son fils, employé comme charpentier de la mine.
E u l’an 8 , le sieur Bailly , aux ordres de C h a l i e r pour
le compte d’Élieune F e u illa n t, avoit 1200 fr. par année;
�( 46 )
de plus son lo gem en t, celui de sa femme et de sa n iè c e ,
son chauffage et sa lumière.
L e même Bailly , en l’an 9 devenu directeur de la
mine des Barthes , pour le compte du sieur L e s e c q ,
acquéreur de cette mine , avoit 2400 fr. d’nppointemens;
p lu s, 400 fr. pour ses voyages à Brioudc ; ainsi que son
logement pour lu i, sa femme et sa nièce j plus, son feu
et sa lumière.
L e sieur V a lb le t, commis en l’an 1 1 ,
aux ordres
du sieur Lesecq fils, avoit 1200 fr. et la table : il étoit
logé à la m ine; il avoit à Frugère , près de la mine des
B arth es, un logement aux frais du sieur Lesecq , pour
sa fem m e, sa cousine et quatre enfans , ainsi que le chauf
fage de sa famille. L e sieur Chalier rapporte à cet égard
le certificat du sieur V a l b l e t , et ne craint pas d’être
démenti pour les autres.
«■
P o u r donner une idée des travaux de la direction ,
qu’on se figure un directeur occupé sans cesse à l’examen
des mines , à régler et vérifier le mode d’exploitation,
visiter les dégradations, soigner les réparations, veiller
sans cesse pour empêcher les inondations ou les incen
dies , descendre chaque jour à soixante brasses ou trois
cents pieds de profon deur, au péril de sa v ie , sacrifier
sa santé, craindre î\ chaque instant l’asphyxie-: telles sont
les fonctions pour lesquelles on voudroit donner un mo
dique salaire de 5oo ou 900 f r . , lorsque le maître mineur,
accoutumé depuis l’enfance à ce genre de travail à
exister pour ainsi dire dans les entrailles de la terre ,
enfin un simple o u v r ie r , avoit 720 fr. d’appointemens
par année j lorsque le maître charbonnier gagnoit un
�( 47 )
salaire de 600 fr. aussi par année. La proposition révolte
par son injustice. Il seroit bien cruel pour le sieur C h alier qui est sans fortune , qui a contracté des dettes pour
obliger son commettant, d’avoir aussi mal employé les
plus belles années de sa vie. La cour ne verra pas sans
indignation la partialité des arbitres, la parcimonie et l’in
gratitude du sieur F eu illa n t, qui revient contre son
propre fait ; et le sieur Chalier met toute sa confiance
dans l ’équité des magistrats.
Signé C H A L I E R .
M e. P A G E S ( d e R i o m ) , ancien avocat.
,
M e. V E R N I È R E , avoué licencié.
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u À a/\c*jiA -*- o m
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, seul imprimeur de la
C our d ’appel, — Juin 1 8 0 6
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Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
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Description
An account of the resource
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Text
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Title
A name given to the resource
[Factum. Chalier, Antoine. 1806]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Pagès
Vernière
Subject
The topic of the resource
mines
exploitation du sol
arbitrages
Compagnie de Paris
créances
créanciers chirographaires
tribunal de commerce
salaires
registres de recettes
livres de comptes
charbon
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire pour sieur Antoine Chalier, propriétaire, habitant du lieu de Brassac, appelant et intimé ; contre sieur Jean Feuillant aîné, négociant, habitant du lieu de Brassaget, intimé et appelant.
Annotation manuscrite: « 29 frimaire an 14, arrêt de la 1ére section. Ordonne qu'il sera procédé aux comptes devant les arbitres nommés et que toute pièces seront rapportées à cet effet. »
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'Imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1806
1794-1806
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
47 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G1613
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Brassac-les-Mines (63050)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Relation
A related resource
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53287/BCU_Factums_G1613.jpg
arbitrages
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Créances
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