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MÉMOIRE
COUR ROYALE
DE RIOM.
E N
R E P O N S E ,
I Te C H A M B R E .
P O U R le sieur
CHAMBAUD ,
C h e v a l ie r ,
Colonel
d ’E t a t-M a jo r , en retraite, Officier de l ’Ordre ro ya l
de la Légion d ’H onneur,
C le rm o n t , intim é ;
A U B I G N A T veu ve de
P r o p r ié ta ir e R
Pierre
V i l l e v aud,
o y a t , appe lant e.
,
, ,
Q ucm sua culpa prem e t dcccptus omitte tucri.
A t penitas notum si tentent crimina
Tuterisquc tuo fidentem prœsidio.
serves
II o r a t . , ep ist. 18 .
n
U auteur célèbre a dit « q u 'il n ’y a pas de plate
« méchanceté, pas d ’ horreurs, pas de conte a b s u r d e ,
« qu 0n ne fasse adopter aux oisifs d ’ une grande ville
e n
$*+{% % %
habitant de la ville de /mluuum* oib*±
CO N TR E
Jeanne
^
s’ y prenant b ie n , et q u ’ il a vu les plus honnnêtes
�( * )
« gens près d ’être accablés sous le poids de la calomnie. »
C ett e cause est un exemple d ’une vérité aussi affli
geante pour la morale que pour la société.
L e sieur C h a m b a u d , officier' su péri eur, montrant
sur sa poitrine la glorieuse distinction, récompense de
ses services, devenu père de f am ille , voué à l ’éduca
tion de ses enfans, entouré de l ’estimede ses camarades,'
de la confiance et de l ’amitié de tous ceux qui le con
naissent , a vu troubler les douceurs de sa retraite par
l i n e accusation de d o l et de fr a u d e aussi, fausse que
hardie.
U n e bouchère, q ui fréquente depuis trente ans la
halle de C l e r m o n t ; une femme d ’un esprit souple et
défiant, a c c o u t u m é e \ u x procès et aux ruses qui peu
vent en assurer le succès, a eu l ’audace et l ’adresse
d ’ourdir contre le sieur C h a m b a u d la trame la plus
déliée et la plus odieuse.
L a veuve V i ll ev am l a v a i t é p r o u v é u n e perte c o n s i d é
rab le, q ui pouvait sensiblement d i m i n u e r sa f o r t u n e .
Son m a l h e u r , q u o iq u ’elle ne pu t l'imputer q u ’à ellemème ou à la prévarication d ’ un sieur C h e v a lie r, no
taire à C l e r m o n t , q u i avait toute sa confiance, la
rendait
intéressante.
C o m m e n t devait-elle détruire cet intérêt q u ’inspire
toujours celui q ui n ’a d ’autre reproche à se faire, que
de n ’avoir pas porté assez de vigilance à la conservation
de ses droits ? E l l e se choisit u n e victime : c ’esL le
sieur C h a m b a u d , absolument étranger aux actes q u ’ e l l e
a contvuetés, q u i doit l ’indemniser du tort q u e l l e a
�¿prouvé; il le d o i t , parce q u ’il a ¿ té l ’artisan d u dol
et de la fraude, et q u ’ il eu a p ro filé.
Si ou en croit la veuve V i l l e v a u d , le sieur C h a m b a u d
a a b u s é des choses les plus sacrées pour l ’induire en
erreur,
la tromper, et compromettre sa fortune.
E lle avait confiance au sieur C h a m b a u d . C ’est l u i
q u i l ’a sollicitée de consentir à l ’acte cj_ui devait lu i
être si funeste.
E lle était débitrice du sieur C h a m b a u d : ce dernier
la menace de poursuites rigoureuses pour contraindre
sa volonté.
E l l e était mère d ’ un fils soumis à la conscription ;
le sieur C h a m b a u d , ancien m ilitaire, et maire de sa
commune, lui fait craindre l ’effet de sa double in
fluence. L e fils de la veuve partira, si l ’engagement*
n ’est pas contracté.
L l l e îcsiste cncoie ; le sieur C h a m b a u d lu i remet
un b illet cle garantie ; alors elle cède, et se rend chez
le notaire.
L e sieur C h a m b a u d est présent à l 'a c te } c ’est lui
qui le dirige, qui empêche de prendre la seule pré
caution qui pourrait au moins sauver quelques débris
de lu fortune de la veuve Vi ll ev aud.
Pourquoi tant d ’artifice et de violence de la part du.
siem C h a m b a u d ? ........... Il était créancier de G i r a r d ,
a\eo lequel la veuve Vi ll ev aud contract ait; et connue
le mauvais état des affaires de G ir ard était co nnu du
sieur C h a m b a u d , ce dernier avait intérêt à priver la
v e u v e Villevaud de son gage, à le re p la c e r entre 1m
�mains tle son débiteur , pour pouvoir ensuite le prendre
en paiement de sa créance : c’est ce q u ’a effectivement
fait le sieur C h a m b a u d , q u i , le même j o u r , ' a acquis
de Girard l ’obligation qui servait de gage à la veuve
V i ll e v a u d , et que celle-ci venait d ’abandonner.
Ces plaintes graves, ces faits si habilement liés, qui
trouvaient leur explication dans le b illet de garantie
clonnd p a r le sieur C ham baud à la veu ve V ille v a u d
n ’étaient pas tous de l ’invention de cette dernière j
elle avait été p u i s s a m m e n t a i d é e p a r u n c o n s e i l intim e,
dont l ’opinion a ensuite fait justice, et qui a étc o b lig é
de quitter la ville de C le r m o n t p o u r aller porter ailleurs
sa fatale industrie.
Mais ces plaintes et ces faits furent soumis à l ’examen
‘ de jurisconsultes graves, trop amis de leur profession,
trop esclaves des devoirs q u ’elle impose, pour ne pas
employer t o u s leurs efforts à dévoiler le dol et la fraude.
L a VCUVe V i l l e v a u d p r o d u i s a i t l e bille t de garantie /
elle reçut et du t recevoir l e c o n s e i l d ’ e n f a i r e u s a g e ,
et de l ’entourer de tous les faits qui pouvaient donner
le plus de force et d ’effet à cette pièce importante.
Après dépôt préalable de la pièce chez un notaire,
le sieur C h a m b a u d fut cité en conciliation. Sa seule
réponse
récritu re
fut
du
do
soutenir fa u sses
la
signature
prétendu billet de garantie,
et
et d ’en
demander la représentation j mais son adversaire, qui
s’ attendait à cette dénégation, et qui avait sa réponse
prête, affecta-t-elle de regarder la fausseté de ce billet
comme un moyen de fraude de p l u s , employé par Ie
�( 5 )
sieur C h a m b a u d ; e t , dénaturant sa propre cit ation,
où elle avait
Chambaud 3
écrit
q u ’elle tenait ce b illet d u sieur
elle d i t , axi bure au de conciliation, que
ce dernier le lu i avait f a i t remettre.
Cette découverte était un grand pas vers la vérité :
aussi la veuve V ill ev a u d parut-elle reculer devant son
propre o u v r a g e ! ........ H u it mois s’étaient écoulés; un
remords salutaire la retenait encore, lorsque le sieur
C h am b a u d , qui avait intérêt à faire reconnaître la
fausseté de cette pièce et à la détru ire , traduisit luimême son adversaire devant les tribunaux.
L a veuve V i ll e v a u d retrouva alors sa hardiesse 5 le
conseil intime lui dit : « Vous ne savez ni lire ni
« écrire, que peut-on vous faire? Ne me nommez
« pas, moi qui suis l ’auteur du b i l l e t ,
« votre demande ». L a
et formez
veuve V i ll e v a u d suivit
ce
conseil.
Qu oi q u ’il en soit, le billet reconnu faux , la défense
du sieur C h a m b a u d était facile :
i° L a veuve Vi ll ev aud demandait une somme de
10,862 francs; mais où était son titre? E lle n ’avait
point été placée dans V im possibilité d ’en a voir; elle
a v a it , au contraire, senti la nécessité d ’en obtenir
un : elle l’avait elle-même produit........... Mais cette
pn:ce était j'econnue f a u s s e , et 11e pouvait rester au
procès, que pour attester la perversité de la veuve
Vi llevaud j cl faire rejeter la preuve des faits qu/elle
osait articuler;
2° L ’acte passé avec Girard n ’ avait rien fait perdre
�à la veuve V i l l e v a u d , q u i n ’était saisie, n i p a r une
acceptation fo r m e lle
n i p a r une inscription 3 du
gage q u ’elle soutient lui avoir été enlevé; de manière
q u ’elle devait se trouver heureuse d ’obtenir une ga
rantie q u ’elle n'avait pas;
3° Le
veuve
sieur
C h a m b a u d , loin de v o u lo ir nuire à l a
V i l l e v a u d , d e v a it, au contraire, 'v e ille r a la
conservation de ses intérêts. Il était créancier de cette
fe m m e , d ’une somme de 6000 fr; il n'avait d ’autre
hypothèque que les immeubles dont l a v e u v e V i l l e v a u d
pouvait craindre l ’éviction. Si sa garantie s’évanouis
sait, l ’éviction pouvait préjudiciel’ au sieur C h am b a u d ,
et lui faire perdre sa créance;
4 ° Po u r q u ’il y ait (loi et f r a u d e il f a u t , d’ un
côté
, q u ’il y ait eu des manœuvres p o u r induire en
erreur, ou détourner d ’ une chose u tile , e t , d e l ’ a u t r e ,
que l ’ o n a i t été dans l ’im p ossibilité de s ’en garantir.
•— Q l l a fait le s i e u r C h a m b a u d ? I l a donné note a
consulter, ou il in diquait la v a le u r du bien q u e la
veuve V ill ev au d devait recevoir en garantie, et disait
q u i l n ’y avait p a s d 'h y p o th è q u e s.— Qu e devait faire
la v e u v e Vill ev au d? Prendre des renseignemens, s’assurer
de la vérité de ces faits : c’est précisément le parti
q u ’on
a pris avant de contracter avec G i r a r d ........
Ces moyens, réunis à la fausseté du billet de ga
ranti e, détruisaient le système de la veuve V i l l e v a u d ,
et
démasquaient
complètement tout l ’odieux de sa
Conduite.
Mais pour ne rien laisser à désirer, le sieur Chain-
�baud,
répondant
aux faits
articulés par la veuve
V i l l e v a u d , en démontrait la fa uss etc ,
et prouvait
notamment,
i° Que le fils de la veuve V ill ev a u d avait été réformé
avant
l ’acte q u i fait l ’objet du procès ;
2° Q u ’il n ’était p oin t créa n cier de G i r a r d ; q u ’il
n ’avait connu l ’em b a n a s de ses affaires, que posté
rieurement à l ’acte dont il s’a git ; que s i, plus t a r d ,
il était devenu acquéreur de moitié de l ’obligation
abandonnée par la
veuve
V ill ev au d , c ’était
obliger un homme auquel il devait toute sa
pour
protection,
et empêcher q u ’il ne fût victime des cautionnemens
q u ’il avait prêtés à G ir a r d ;
3° Enfin le sieur C h a m b a u d démontrait que le
retard mis à l ’inscription de la veuve V i ll e v a u d ne.
pouvait pas lui être im p u t é ; que c’était à cette femme
à surveiller ses in t é rê t s,
ou au moins au notaire
C h ev al ier, q u i avait toute sa confiance.
Ces moyens furent accueillis , par jugement du
tr ibun al civil de C le r m o n t , qui rejette la demande do
la veuve Vi ll ev aud.
L e sieur C h a m b a u d jouissait d ’ un moment de repos,
lorsque les intrigues de son adversaire recommen
cèrent. E l l e interjette
appel du jugement.
Bientôt
elle publie q u ’elle a découvert de nouveaux laits; e l l o
en to u re , elle h a r c e l l e les amis du sieur C h a m b a u d ;
elle les fait t r e m b l e r pour sa réputation ; elle exigo
que ce dernier ach èi e, par un sacrifice, un Mémoire
dont
la publication
doit
le
couvrir
de* honte et
�'( 8 )
d ’opprobre........ L e sieur C h a m b a u d n ’ hésite pas : un
coup-d’œil jeté sur sa poitrine devait lui enseigner
son devoir ; il répond : L 'h on n eu r me d éfen d de
transiger.
En fin le Mémoire paraît. Dès les premières lignes,
le sieur C h am b a u d voit son nom uni à ceux de C h e
v a l ie r ,
notaire à C le rm o n t ;
de G i r a r d , notaire à
C ham alièr e, tous deux en banqueroute frauduleuse;
de Chevalier sur-lout dont le nom a été flétri par un
arrêt de la C o u r d ’assises de ce département. L e sieur
C h a m b a u d y est désigné comme l ’auteur tm l ’instru
ment d ’une fraude pratiquée entre lui et ses deux
complices, et le se u l que la ju s tic e puisse atteindre.
Il continue sa lecture; e t , si les faits et les moyens
peuve nt, par leur inexactitude et leur faiblesse, lui
inspirer de la sécurité sur l'événement du procès, il
n ’est pas moins indigné des outrages dont il est l ’objet.
Mais la v e u v e V i l l e v a u d n ’ é t a i t p o i n t e n c o r e satis
faite; le Mémoire pouvait n e pas a v o i r a s s e z d e pu bli
cité. Elle insère dans un journal un article ayant pour
objet de faire connaître scs plaintes, et de répandre
ses diffamations ( i ) .
C ’est ainsi que le sieur C h am b a u d a pu observer
les effets de la calomnie; craintive dans son origine,
elle n ’osait l ’attaquer q u ’avec précaution, et ne semait
q u ’en courant le trait empoisonné. Bientôt plus hardie,
elle veut porter des coups plus surs, marche à décou(i) Aiui
la Charte, 22 janvier 1822 , n° 7.
�v e r t , et réunit toutes ses ressources pour attirer sur
sa victime un cri général de haine et de proscription.
Les a r t i f i c e s de la veuve V ille vaud ont été tels ,
q u ’elle est parvenue à attacher à sa cause le nom d ’ un
juri sconsulte également recommandable par son hon
nêteté et son amour pour la justice : on ne se per
mettra point de blâmer sa conduite en cette occasion;
mais, quelque force q u ’il apporte dans cette cause ,
comme on craint beaucoup plus son autorité que ses
raisons, il sera le premier à désirer que l ’on en écarte
sou nom, pour n ’en interroger que
les faits et les
moyens.
FAITS.
L
e
sieur G ir a r d, ancien notaire à Chamalière, avait
acquis de M. D a l b ia t, ancien procureur du Roi
ù
C le r m o n t , un pré appelé le P r é clu B r e u ils situé à
Royat, moyennant la somme de 22,000 francs, stipulée
payable dans douze ans. '
L e 21 juillet 1808, par acte passé devant C hevalier,
notaire à C le rm o n t, le sieur G irard vendit à Jeanne
A u b i g n a t , veuve V i l l e v a u d , et à Léger Bourgoignon,
son gendre, partie du pré du Breuil. Jeanne Aubignat
entrait pour neuf dixièmes dans cette acquisition :
Bourgoignon n ’y figurait que pour l ’autre dixième.
Le
prix de c e t t e v e n t e
fut fixé à la somme de
U , 3 if) f r a n c s , sur laquelle 7819 francs furent payés
com pt ant, et les 3 , 5 <>o f r a n c s restant furent stipulés
payables au 11 novembre suivant; mais il fut convenu
?
�que le vendeur ne pourrait recevoir cette dernière
somme, q u ’en fournissant hypothèque pour la totalité,
ou en donnant caution.
Cet te clause était
importante;
et les acquéreurs
devaient rigoureusement exiger son exécution, puisque
de son accomplissement seul dépendait leur securité,
ayant tout à-la-fois à craindre la recherche hypo th é
caire et par privilège du sieur D a l b i a t , encore créan
cier du p r i x , et l ’exercice de l ’hypothèque légale de la
dame D a l b i a t , dont le prix du Breuil était encore
grevé.
,
Cependant la veuve V ill ev au d et son gendre ne sen
tirent pas assez le danger q ui les menaçait, ou au
moins ils ne px’irent aucune des précautions que leur
situation exigeait.
E n ef f e t,
i 3 mai 1809, par acte passé devant C h ev a lier,
notaire a C l e r m o n t , lu s i e u r F on g h ca sse, tant e n son
nom que comme fondé de pouvoirs d e sa m è r e , c o n
Le
sentit au sieur G irard une obligation de la somme de
10,86a fr. 5 o c . , payable dans cinq ans, avec intérêt
à 5 pour 100.
Il hypo th éq ua spécialement au paiement de cette
obligation une maison située à C le rm o n t , rue de la
Treille;
et l ’obligation termine par une stipulation
ainsi conçue :
« G ira rd déclare que la somme principale provient
« de Jeanne A u b ig n a t, veuve V ille v a u d , et de L ég er
« Bourgoiÿîion j son gendre, et fait partie du prix de
�( 11 )
« la vente de 1808. A u moyen de cette déclaration ,
« Fonzheasse sera tenu, comme il s’y oblige, de ne
« faire le remboursement de ladite somme ,
q u ’en
« présence de la veuve V ille v a u d et de B ourgoignon 3
« pour veiller à l'emploi d ’icelle, conformément au
« susdit contrat de vente. »
Ni
la veuve
Vill ev a ud ,
i*
ni
Léger Bourgoignon
n ’étaient parties, ni présens à cet acte; cependant il
faut convenir que Girard y avait fait une stipulation
q u i pouvait leur être u t il e , s’ils déclaraient vouloir
en profiter; mais, ju sq u’à cette déclaration, la stipu
lation pouvait être révoquée; Girard pouvait l ’anéantir,
et céder sa créance à tout autre, hors la présence et au
détriment de la veuve Villevaud,
L a veuve Villevaud n ’avait point accepté la stipula
tion faite à son profit; elle n ’avait point pris d ’inscrip
tion , mesure qui lu i était d ’ailleurs interdite avant la
signification du transport faite au -débiteur. L e sieur
Girard seul a v a it , le 16 ju in
1809, inscrit sur
la
maison donnée en hypothèque par Fongheasse, lorsque,
le 1-2 mars 1809, la veuve V i l l e v a u d donne quittance
à G irard de la somme de 3 5 oo lrancs, à elle restée
due sur la vente du 21 juillet 1808. C e l te quittance
ne contient pas d’acceptation de la stipulation insérée
en l ’obligation du
i3 mai
1809, mais on y trouve
une énonciation ainsi c o n c i l e : « (inc la somme (ju il« ta n cée, ainsi que c e lle formant le surplus du p r ix
« de la v e n t e , ont été em p lo y ée s, p a r G ira rd
« désir du
même acte de vente ,
au
par hypot hèque
�« spéciale , suivant obligation, du
i 3 mai 1809. »
Il est évident que cette énonciation ne contenait
point accoptation de la st ip ulat ion, équivalant à trans
p o r t , insérée dans l ’acte du i 3 inai 18095 cette sti
pulation ne liait donc point G ir ard; m ais, lors même
q u ’elle aurait produit un engagement propre à obliger
ce dernier, elle était encore inutile dans les intérêts
de la veuve V i l l e v a u d , q ui ne pouvait être saisie, îi
l ’égard du sieur Fongheasse, d é b i t e u r , que par la
notification du transport, et que jus que -là, ce tiers
avait le droit de payer le sieur G ir a r d , et était vala
blement libéré.
Ainsi la veuve V i l l e v a u d ,
n ’ayant ni accepté ni
notifié le transport contenu en l ’acte du i 3 mai 1809,
n ’ayant pris ni pu prendre aucune inscription sur la
maison Fongheasse,
n ’avait aucune garantie pour le
prix de la v e n t e du 21 juillet 1808.
Jusque-lîl
le sieur
Cihamluiud
était ahsolumen t
étranger aux affaires et aux intérêts de la veuve V i l l e
v a u d ; il 11e la connaissait même que par un procès
q u ’elle lui avait suscité en 1806, à l ’occasion du dé
frichement d ’ un ch em in ; contestation qui fut soumise
à l ’arbitrage de INI* Rispal, et terminée à l ’avantage
du sieur C h a m b a u d , par une transaction conforme îi
la décisioi\ de cet expert (1). Mais en 1 8 1 0 , le sieur
C h am b a u d eut avec la veuve Villevaud des relations
(1) La citation en conciliation et la transaction sont rapportées.
�(
,3
)
«
d ’intérêts , qui durent lui faire désirer vivement la
prospérité et la sûreté de la fortune de cette dernière.
L e 6 avril 1 8 1 0 , la veuve Vill ev aud empru nta au
sieur C h a m b a u d une somme de 6000 francs, et lu i fit
une obligation, reçue G i r a r d , notaire à Chamalière,
payable dans un a n , avec l ’intérêt à cinq pour cent.
E lle lui donna pour hypothèque spéciale deux prés.
L e plus considérable en contenance et en valeur était
précisément ce p r é du B r e u il} vendu par M. Dalbiat
à G i r a r d , et p a r ce dernier à la veu ve V i l l e v a u d .
O n sent assez que le sieur C h a m b a u d d e v a i t atta
cher le plus grand prix à la conservation d ’une hypo
thèque qui était la seule garantie du paiement de sa
créance,
les facultés mobilières d ’une bouchère ne
pouvant
lui présenter que des ressources bien insuffi
santes, sur-tout pour une somme aussi considérable.
L e sieur C h a m b a u d prit inscription, le 27 d u même
mois.
On arrive à la fin de 1 8 13. L a veuve Vi ll ev aud ne
s’était point libérée envers le sieur C h a m b a u d , quoique
son obligation fût échue et exigible depuis le mois
d ’avril 1 8 1 1 . C ette femme était encore en retard de
payer les intérêts j de manière que le sieur C h am b a u d
crut devoir la contraindre au
remboursement ,
et
chargea, h la fin du mois de décembre, le sieur G ir a r d ,
notaire, de lui lairc notifier un commandement de
payer. C et acte a été rédigé, mais n ’a pas été signifié.
Comme ces menaces de poursuites ont pu donner
au sieur Girard l ’idée de détruire la stipulation con-
�signée en l'obligation du i 3 mai 1809, en donnant
toutefois une garantie hypothécaire à la veuve Viilev a u d , et que cette dernière? en consentant à ce chan
gement , y
mettait
pour condition , que le sieur
C h a m b a u d lui accorderait un délai d ’un an pour le
paiement de l ’obligation de 1 8 1 0 , il est indispensable
d ’examiner les moyens q ui ont été employés par le
sieur Girard et la veuve V i l l e v a u d , pour atteindre
leur but.
Le
sieur
G irard
était notaire à C l i a m a l i è r e , e t
adjoint du sieur C h a m b a u d , alors maire de Chamalière et de Royat. L e sieur Girard était un homme
paraissant tout occupé de ses affaires, très - r é g u l i e r
dans'sa con du ite , vivant retiré, d ’ une grande réserve
dans la conversation, sur-tout quand i l s’agissait de
ses affaires. L e sieur C h a m b a u d ne vivait pas avec lui
mais il avait avec le sieur Girard les
relations que l e u r p o s i t i o n r e n d a i t i n d i s p e n s a b l e s ’, et il
était naturel q u ’habitant une maison de c a m p a g n e
dans l ’in tim ité ;
un peu éloignée de C lia m aliè re , le sieur C h am b a u d
vi n t descendre chez son a d jo in t , lorsque les affaires
de la mairie ou les siennes propres l ’y appelaient. A u
reste, il n ’avait avec l e sieur G ir a rd aucun intérêt qui
leur fut com m un ; il ne connaissait pas l’état de ses
affaires; il ne devait même pas chercher à les c o n
n aît re, puisqu’il est faux que le sieur Girard fut son
débit eu r; enfin le sieur Girard avait, comme notaire,
la ronfiance du sieur C h a m b a u d , et non celle de la
veuve Villevaud.
�■
•
.
( < n
Dans le même tems existait a Clermont un sieur
C h e v a lie r, notaire. C et homme avait su s’attirer une
confiance générale, et jouissait de l ’estime publi que.
Il était recherché et admis dans la bojme société; on
pouvait dire de lu i q u ’il était l ’ame de toutes les
affaires et de toutes les fêtes; et si ses nombreux amis,
, clupés p a r l u i , l ’ont
ensuite abandonné,
pourquoi
aujourd’h u i , pour nuire au sieur C h a m b a u d , voudraiton lui accorder les honneurs d ’une in tim ité , que l ’on
sait bien q u ’il n ’a jamais ob te n u e, m érit ée, ni même
désirée ?........
L e sieur Chevalier était lié d ’intérêt et d ’affaires
avec le sieur Girard. C e l t e circonstance, que les ban
queroutes simultanées de ces deux notaires ont rendue
p u blique, était entièrement inconnue au sieur C h a m
b a u d , et p o u v a it , au contraire, être a la connaissance
de la veuve V i l l e v a u d , qui était la protégée du sieur
C h ev alie r, son conseil ordinaire.
L a mère du gendre de la veuve V i ll e v a u d avait sevré
un des enfans de la dame C h eva lie r; c e l l e - c i était la
marraine d ’ un de ses petits-enfans; et il s était établi
entre elles une espèce d ’intimité, par suite de laquelle
la dame Chevalier allait fréq uem m en t, dans la belle
saison, passer des journées entières à R o y a t , et appor
tait à la veuve V illev aud de vieilles hardes dont elle
lui faisait cadeau , pour vêtir scs enfans.
Ces circonstances ne. sont pas sans intérêt dans le
procès; elles peuvent aider à découvrir les véritables
causes qui ont porlé la veuve V ill ev a u d à traiter avec
�le sieur Girard-, à apprécier les relations de cette veuve
avec Chevalier et G i r a r d , et à dévoiler les motifs q ui
l ’ont ensuite portée à in ten te r , contre le sieur C h a m
baud , la singulière action sur laquelle la C o u r a
à prononcer.
11 ne faut pas perdre de vue que le sieur C h am b a u d
avait chargé Girard d ’exercer les premières poursuites
q u ’il voulait diriger contre la veuve V ille vau d. G ira rd
avait dù prévenir cette veuve : il ne lui avait encore
rien fait s i g n i f i e r ; et l ’on p e n s e b i e n q u e la v e u v e
V ill ev aud n ’avait pas manqué de confier à. Chevalier
les craintes que les poursuites d u sieur C h am b a u d
pouvaient lui inspirer.
Il peut être que la position de la veuve V i ll ev a u d
inspira aux
associés Girard
et Chevalier l ’idée de
détruire la stipulation insérée en l ’acte du i 3 mai
1809, et de la remplacer par une hypothèque. C ett e
mesure d é t r u i s a i t l e s o b s t a c l e s q u e le sieur Fongheasse
pouvait apporter à sa libération, et r e n d a i t plus f a c i l e
la négociation de cette obligation. Mais tout cela ne
pouvait s’exécuter, sans que le sieur C h a m b a u d con
sentit à accorder un délai à la veuve Villevaud-, faveur
que cette dernière désirait vi vem en t, et que l’on osa
espérer de la complaisance du sieur C ham b a ud.
P o u r atteindre ce b u t , le sieur Girard fit une con
fidence au sieur C h a m b a u d ; il lui avoua devoir une
somme de 17,000 francs à différons créanciers;
lui
donna des explications sur l ’obligation F o n g h e a s s e ;
lui dit que la veuve Vi ll ev aud consentirait à iransfervr
�(
J7
)
Vhypothèque q u ’elle avait sur la maison Fongheasse,
sur le domaine de la G a ra n d ie , appartenant, à
G ir a r d ; et q u ’au moyen de ce transfert, sa libération
deviendrait facile, pu isq ue , outre les 11,000 fr. q u ’il
toucherait
de l ’obligation Fongheasse, il pouvait encore
compter sur 7000 fr. de recouvremens de son étude;
niais il ajoutait que cet arrangement ne pouvait s’eficct u e r, q u ’autant que le sieur C h a m b a u d consentirait
à accorder à la veuve Y il l e v a u d un délai d ’ un a n ,
pour le paiement de son obligation; délai que G i r a r d
et la veuve Y il levau d
sollicitaient
avec
beaucoup
d ’empressement.
L e sieur C h a m b a u d devait céder à ces instances; il
n ’était point l ’ami du sieur G ir a rd; mais sa position
pouvait l ’intéresser sous plus d ’un rapport : le sieur
C ham b aud et Girard remplissaient ensemble des fonc
tions administratives ; le sieur Girard exerçait une
profession qui inspire de la confiance; il était père de
famille : n ’était-il pas naturel de l ’aider à sortir de
1 embarras momentané dans lequel il se trouvait? D ’un
autre côté, dans la supposition même que la veuve
Vill ev au d aurait eu une hypothèque sur la maison
Fongheasse (ce qui n’était pas), le transfert q u ’ 011 lui
proposait ne pouvait que lui être avantageux. Le sieur
C h a m b a u d avait voulu acquérir le domaine de la
Garandie; il eri avait offert 22,000 fr. ; il savait que
cette propriété avait augmenté de valeur ; le sieur
Girard assurait q u ’elle n ’était grevée d ’aucune h yp o
théqué . ainsi aucun danger 11c paraissait menacer' les
3
�( >8 )
intérêts de la veuve V i l l e v a u d , auxquels ceux du sieur
C h am b a u d étaient d ’ailleurs si intimement liés.
Il convient de se faire ici une idée positive de la
v a le u r du domaine de la G a ra n d ie , et de Y état appa
rent des affaires du sieur Girard.
L e sieur Girard avait acquis le domaine de la G a
randie par parcelles, moyennant la somme.de 20, i 33 lr.
20 c. (1). Il avait animé cette propriété de bestiaux
d ’ une valeur considérable ; deux cents moutons et
vingt-deux bêtes à cornes avaient été achetés par lui 5
Girard avait en outre construit des batimens pour
rétablissement d ’ un m o u l in , faiL des réparations et
des plantations d ’une grande valeur*, de manière q u e ,
sans rien exagérer, on po u v a it , en 1814? porter la
valeur de ce bien à la somme de 3 o,ooo francs ; mais
sa situation et son produit viennent encore confirmer
cette i d é e . L e domaine de la Garandie est situé dans
"Un pays de m o n t a g n e .
D e s b a u x aut hentiques, des
a3 juillet 1810 et 21 février 1 8 1 2 , établissent q u ’ il
était affermé 1 4 19 francs*, et comme l ’on sait que la
valeur vénale des biens de montagne est bien supé
rieure à leur produit réel, comment se refuser à l ’idée
que ce domaine 11e va lût réellement 3 o,ooo fr. (2)?
L ’état apparent des affaires du sieur Girard n’avait
rien d ’inquiétant 5 il déclarait que le bien de la G a
randie 11’était grevé d ’aucune inscription : c’était un
(•) i.es expéditions de ces acquisitions partielles sont
(2) Les deux liaux à ferme sout rapportés.
rapportées.
�( * 9 .)
fait à. vérifier ; il ne restait donc que l ’hypolhèquo
légale de la femme, réglée depuis, par jugement du
3 août 1 8 1 6 , à la somme de 7 7 1 9 fr. 66 c. ( 1 ) ; h y
pothèque
légale q ui avait
d ’ailleurs pour
garantie
d ’autres propriétés du m a r i , et notamment une vigne
de vingt-six œuvres, située aux Roches; un pré situé à
T h è d e , ces deux objets vendus à la veuve G a r d y ,
moyennant la somme de 7600 francs; en fin , une cave
placée à Clermont.
C e t aperçu montre que le transfert d ’ hypothèque
que demandait G i r a r d , loin d ’être nuisible à la veuve
V i ll e v a u d , devait, au contraire, lui être avantageux :
un domaine présentait en effet une garantie plus sure
q u ’une maison de ville, sujette à des accidens difficiles
à prévoir; mais si l ’on ajoute que la veuve V i l l e v a u d
n ’avait pas d ’ hypothèque sur la maison; q u ’elle n ’était
pas même saisie vis-à-vis le sieur Fongheasse, par une
acceptation de la somme q u ’ il pouvait devoir au sieur
Girard (circonstances ignorées du sieur C h am b a u d ) ,
on demeurera encore plus fortement convaincu que
l'affectation d ’ Ilypothèque offerte par
Girard
était
u t il e , et même indispensable à la veuve Villevaud .
Quoi q u ’il en soit, ces conventions se méditaient
entre le sieur Girard et la veuve Ville vau d : eux seuls
pouvaient connaître leur position respective, l ’état de
leurs propres affaires; et le sieur C h am b a u d ne pou
(1) L a noie de ce jugement est rapportée.
�vait y être appelé que pour rendre le service auquel
il s’était engagé, en accordant un sursis à la veuve
Ville vaud .
Mais la veuve Ville vaud prenait des renseignemens j
elle savait ou avait pu savoir que lé sieur Clia mbaud
avait voulu acheter le domaine de la Garandie.
Cette
veu ve, comme débitrice du sieur C li a m b a u d , avait
avec lui des relations qui étaient devenues plus fré
quentes par la nécessité où elle se trouvait d ’en obtenir
un sursis pour pouvoir traiter avec Girard.
L e sieur C h a m b a u d fut donc interrogé par la veuve
Vi ll ev a ud; il lui fit franchement connaître ce q u ’il
savait de l ’état des choses; m ais, pour qu'elle put
s’éclairer davantage et vérifier par elle-même tout ce
q u ’il lui était important de savoir, le sieur Cliam b aud
remit à cette veuve une note à consulter, qui fait pièce
au procès, et qui est ainsi conçue :
« Il existe une h y p o t h è q u e d e i i ,000 francs, que la
« veuve V ill ev a u d a placée sur une m a i s o n à Gler« mont (1). On demande q u ’elle en donne main-levée,
(1) L e sieur Cliambaud ignorait donc que la veuve Villevaud nravait
point d'hypothèque sur la maison Fongheassp; il ignorait également
que cette femme n’était point saisie, vis-à-vis le sieur Fonghcasse, du
montant de l’obligation du i 3 mai 1809 : la veuve Villevaud avait
soigneusement caché ce fait au sieur Chambaud, qui avait cependant
le plus grand intérêt à le connaître, puisque l’hypothèque de la maison
Fonghcasse devait £tre la garantie de la vente du pré Dalbiat, et que cc
pie avait été donné pour hypothèque de l'obligation consciUic par la
veuve Villevaud au sieur Chambaud.
�( «
)
i< pour le transfert sur un bien de montagne, de la
« valeur de 3 o,ooo francs, q ui n ’est grevé d ’aucune
« hypothèque. »
Q u ’avait
à faire la veuve V ill ev au d ? Sa conduite
et ses démarches étaient réglées par la note qui lu i
avait
été remise, et rien n ’était plus facile à obtenir
que les renseignemens q u ’elle avait à prendre. Elle
devait s'enquérir de la valeur du domaine de la Garnndie : les gens du pays pouvaient lui donner, sur ce
f a i t , les détails les plus minutieux et les plus exacts;
la veuve Ville vaud devait les consulter. C ’est aussi ce
q u ’elle a fait ( i ) .
E l l e devait ensuite rechercher si le domaine de la
Garandie était ou non libre d ’inscriptions. U n certi
ficat du conservateur des hypothèques devait lui faire
connaître ce fait; et un homme d ’affaires pouvait l u i
apprendre que l ’hypothèque légale de la femme affecte
les biens du mari. L a veuve V i ll e v a u d prend encore
ces renseignemens : c’est le sieur Chevalier qui a été
consulté par elle, et qui lui a p r o d u it , avant l ’act e,
comme elle le reconnaît elle-même, un certificat né
gatif d ’inscription.
Après avoir obtenu tous ces renseignemens, la veuve
Villevaud arrête définitivement ses conventions avec
le sieur Girard. Chevalie r, notaire à C le rm ont, devait
recevoir leur acte et en être le rédacteur; il a v a i t ,
(i ) Ce fait est prouvé au proct's, par une déclaration de Charles
Constant.
�comme on a v u ,
toute la
confiance de la veuve
V i l l e v a u d , et avait été chargé par elle de vérifier si le
domaine de la Garandie n ’était grevé d ’aucune ins
cr iption.
L e 27 janvier 1 8 1 4 5 Girard et la veuve V illev aud
se rendirent d a n s ' l ’ étude du notaire Chevalier. L e
sieur C h am b a u d ne devait y paraître et n ’y parut
r ée ll em en t, que pour remettre à la veuve Ville vaud
la promesse de suspendre pendant un an l ’expropria
tion q u ’il voulait diriger contre elle. C e j o u r même
C hevalier produisit à la veuve V i ll e v a u d un certificat
négatif d ’inscription (elle convient de ce fait). Elle
consentit alors à ce que le sieur Fongheasse se libérât,
hors sa présence, envers le sieur G i r a r d , du montant
de l ’obligation du i 3 mai 1809, et r e ç u t , pour ga
rantie de la vente que lui avait consentie G i r a r d ,
le 21 juillet 1808, une affectation hypothécaire sur
le domaine de la G a r a n d i e , a v e c convention q u ’elle
pourrait prendre d e s u i t e inscription sur celle pro
priété.
L e sieur C h a m b a u d était entièrement étranger îi
cet acte. Il 11e pouvait être garant d ’aucune des suites,
soit q u ’elles fussent favorables ou nuisibles aux intérêts
de la veuve Villev au d. C ’était sur-tout à cette dernière
à surveiller son inscription, ou au moins au notaire
C h e v a l ie r , q ui avait été le directeur principal de cette
affaire, et q u i , par élat comme par devoir,
devait
"veiller à ce q u ’il ne fut porté aucune atteinte aux
droils d'une clie nl e, sur les volontés de laquelle il
�( 23 )
■avait acquis tant d ’empire. C est cependant le retard
mis à l ’inscription de la veuve V i ll e v a u d , qui a été la
véritable origine du procès actuel \ et on verra bientôt
comment cette femme a conçu le projet de rendre le
sieur Ch am baud garant du préjudice q u ’elle a éprouvé,
par suite de sa négligence ou de la prévarication d u
sieur Chevalier.
Quoi q u ’il en soit, les sieurs G ir a rd et C h e v a lie r,
ayant o b t e n u , par l ’effet de l ’acte du 27 janvier 1 8 14 ,
la libre disposition de l ’obligation Fongheasse, pen
sèrent, dès-l’instant m êm e, à l ’utiliser, et à se pro
curer de l ’argent en la négociant. Cet te obligation fut
immédiatement colportée dans toute la ville de C le r m o n t , et présentée à plusieurs riches capitalistes,
parmi lesquels on peut citer les sieurs Pejoux-Vialefont
et Bonne-Lavie.
L e sieur C h a m b a u d ne s’occupait point de ces né
gociations. Absolument étranger aux affaires des sieurs
G ira rd
et C h e v a l ie r ,
n ’ étant
le créancier d ’aucun
d ' e u x , il devait peu lui importer de savoir ce que
deviendrait l ’obligation du i 3 mai 1809, et en quelles
nxaius elle passerait.
Cependant les efforts du sieur Girard pour négocier
cette obligation , son empressement à obtenir de l ’ar
g e n t , le retard q u ’il mettait à faire honneur à scs
propres engagemens,
avaient
excité l'inquiétude do
quelques-uns de ses créanciers, et devaient bientôt
rendre public le mauvais état de scs affaires.
L a première notion q u ’eut le sieur Chambaud à ce
�sujet, lui fut donnée par un sieur C ham b aud-B la n ch a rd , son paient au huitième degré.
L e sieur Chai nb au d-Bla nch ard était créancier de
G i r a r d , d ’ une somme de 2444 francs, en vertu d ’un
titre. Il faisait des démarches actives pou r obtenir le
paiement de sa créance ; et le sieur Girard , pour
éviter des poursuites , lui proposa de le subroger à
l ’obligation du i3 mai 1809, mais sous la condition
expresse que ce q ui r e s t e r a i t d u sur le montant de
cette o b l i g a t i o n , la créance d u sieur C h a i n b a u d Blanchard dé du it e , serait payé comptant.
L e sieur C ham baud -B lancha rd lit alors connaître
à son parent sa position envers G ir a r d , et la proposi
tion qui lui était faite par ce dernier. L e sieur C h a m
b a u d lui conseillait d ’accepter; mais le sieur Cliamb a u d - B l a n c h a r d , craignant d ’être obligé d ’en venir u
une expropriation pour être payé du sieur Fongheasse,
montrait de la r é p u g n a n c e ;i s o u s c r i r e cet e n g a g e m e n t .
Il disait, d ’ailleurs, q u ’ il 11’avait pas les f o n d s n é c e s
saires pour payer le surplus du montant de l ’obligation.
Il engageait même le sieur C h a m b a u d à se réunir à
lui pour l ’acquérir; mais ce dernier, se trouvant dans
la même position de son parent , et 11’ayant point
d ’argent disponible , refusa d ’accéder à l ’invitation
du sieur Blanchard; et, pour le m om en t, ce projet
fut abandonné.
h Mais le sieur C h a m b a u d fut bientôt instruit d ’ un
tait qui devait lui donner de plus vives i n q u i é t u d e s .
Il rencontra M ' D e l a u u e , défenseur a g r é é a u tribunal
�■ ( »5 )
de commerce de Clermont , et tenant
un bureau
' d ’agence dans cette ville. Me Dclaune p o u v a i t , par Ja
nature de ses fonctions, connaître la position du sieur
Girard. Il ne craignait pas de dire que les affaires de ce
notaire étaient en très-mauvais é t a t , et se rendait à
Chamalière pour obtenir le paiement de deux effets,
montant ensemble à 3 o 5 o francs. M e Delaune montra
même ces deux lettres de change au sieur C h a m b a u d ,
qui vit avec douleur que l ’ une d ’elles était souscrite
par G i r a r d , et endossée par B o u c h e t, de R o y a t , et
Pautre souscrite par B o u ch et lui-même, avec l ’endos
sement de Girard.
C ette communication affligea profondément le sieur
C h am b a u d : le sieur Bouchet était secrétaire de la
mairie dont le sieur C h am b a u d était maire \ le sieur
Bouchet avait été et était encore le précepteur des
deux fils du sieur C h a m b a u d . L a fille de ce dernier
avait eu pour nourrice la femme du sieur Bouchet ;
de manière que tout semblait lui faire un devoir de
venir au secours d ’un malheureux qui pouvait être
victime de son obligeance et de sa trop grande confiance
au sieur Girard. D ’un autre côté, le sieur Bou ch et
était hors d ’état de supporter une perte considérable :
toute sa fortune se composait de 8000 fr. d ’immeubles;
ses travaux étaient d ’ailleurs peu lucratifs, et 3 ooo f r . ,
actuellement exigibles ,
traîner sa ruine.
devaient nécessairement e n
L e sieur Chambaud n’hésita point sur le parti q u ’il
avait à prendre : il voulait être utile au sieur Bouchet
4
�^fA
( 26 )
et employer toutes ses ressources pour le secourir ;
mais il lui était indispensable de connaître préalable
m e n t , et au ju ste , la position de celui q u ’il voulait
obliger; aussi, dans le premier mom ent, se borna-t-il
à prier M e Delaune de ne rien pr éc ip it er, et de lu i
accorder quelques jours de réflexions.
L e sieur C h a m b a u d eut un entretien avec Bouchet.
C e malheu re ux , séduit par G i r a r d , avait eu la fai
blesse de le cautionner pour une somme de 7700 f r . ,
et frémissait en mesurant la p r o f o n d e u r d e l ’abîme
q u ’il avait ouvert sous ses pas. L e sieur C h a m b a u d
avait bien quelques ressources; il était créancier d ’obli
gations assez considérables, et d ’une rentrée certaine;
mais il lui fallait de l ’argent pour acquitter les effets
dont M e Delaune était porteur.
L e sieur C h a m b a u d , en obligeant le sieur Boucliet,
un double o b j e t , celui de payer la créance D e
l a u n e , p o u r l a q u e l l e 11 é t a i t menacé de poursuites
rigoureuses, et de lui faire o b t e n i r u n n a n t i s s e m e n t
avait
pour les sommes q u ’ il avait déjà payées ou q u ’il devait
encore pou r le compte du sieur Girard.
C o m m en t le sieur C h a m b a u d s’y prit-il pour a t
teindre le b u t q u ’il se proposait ?
Il était créancier, d ’un nommé Charles C o n s ta n t ,
d ’ une somme de 3 ooo f r . , et son obligation avait une
montagne pour hypothèque.
Charles Constant avait
d ’autres créanciers, parmi lesquels figuraient les sieurs
Be rn ard,
marchands
ferrailleurs à Cle rmont , ‘l 11*
poursuivaient son expropriation; mais l ’ un d ’eux ayant
�t 27
ftccjuis la p r o p r i é t é de Charles C o n sta n t , moyennant
lu somme de 12,000 fr. , un 01 die oniiiiblc fut ouvert
devant Me Taché ,
notaire à C le r m o n t j et le sieur
C h am b a u d put bientôt s’assurer q u ’ il ne devait être
payé
de sa créance q u ’au g mai 1 8 1 5 . C e délai était
lon g, et ne s’accordait pas avec l ’emploi que le colonel
C h a m b a u d voulait faire de ces fondsj aussi, en exa
minant l ’ordre, le colonel s’étant aperçu que le sieur
( Moriu , banqu ie r,
également créancier de
Charles
C o n s t a n t , d ’une somme de 3 ooo francs, devait être
payé très-prochainement du montant de sa créance 5
sachant d ’ailleurs que
son beau-frère, le sieur B u
jadoux, orfèvre, était l u i - m ê m e créancier d u sieur
M o rin , fit des démarches pour obtenir un changement
de rang, et parvenir à être colloqué à la place du sieur
Morin. Cela fut effectivement exécuté : Morin donna son
mandat en paiement au sieur Bujadoux, q u i consen
tit à ce que le colonel C h a m b a u d en fit usage *, de
cette m an iè re ,
ce dernier accéléra la rentrée de sa
créance, et se trouva dans la position d ’être utile à
Bouchet (1).
Ces précautions étant prises, le colonel Chambaud
(0
Tout cela est prouve, i° par la quittance donnée par Morin à
Cliailcs Constant, de la somme de 3ooo francs payés par les sieurs Closel
et Joseph Bernard, acquéreurs de ses Liens; 20 par une procuration,
du
avril i 8 i 5 , donnée par le colonel Chambaud au sieur Bujadoux
pour sc faire payer, par les sieurs Closcl et Bernard, de la somme de
3 ooo francs cjui lui ¿luicul dus par Constant ; 3 ° par une déclaration
�( »8 )
revit le sieur C h am b a u d - B la n c h a r d , et ils convinrent
d ’accepter, chacun pour moitié,
la subrogation de
l ’obligation Fongheasse, que le notaire Girard devait
leur faire; mais comme le colonel n ’avait d ’autre b ut ,
dans celte affaire , que celui d ’exercer un acte de
bien faisance envers Bou ch et , et d ’empêcher q u ’il ne
fut victime de la confiance trop légère q u ’il avait eue
en G i r a r d , il fut convenu avec ce dernier que le
colonel arrêterait les poursuites de M e D e l a u n e , en
payant ses créances, et q u e , sur le r e s t a n t du prix
de la cession, Bouchet serait mis à couvert des sommes
q u 'il avait empruntées ou cautionnées dans l ’intérêt de
Girar d.
Les deux cédataires atteignaient ainsi leur b u t :
C h a m b a u d - B la n c h a r d , créancier de. G i r a r d , obte
nait le paiement de sa créance, et le colonel servait
ses affections, en rendant service à Bouchet. Aussi ,
tout étant ic gl e, le 5 fcvn cr 1 8 1 5 et i>ar
acte reçu
A
»
C h e v a l ie r , notaire, G ir ard transporta, avec subroga
tion , au colonel C h a m b a u d et ail sieur C h a m b a u d Bl anch ard , l ’eiFet de l ’obligation Fongheasse, du i 3
mai 1809, et de l ’inscription qui l ’avait suivie.
Ce
du sieur lîujadoux, du 22 janvier 1822, qui établit qu’ il y a eu
changement de rang entre Bujadoux et le colonel; que les fonds pro
venant de la créance Moriu ont été employés à payer le prix de la
cession Fongheasse, et ont été touchés par M 0 Delaune, qui les a
reçus comme créancier ou fondé-de pouvoir des créanciers de Girard
cl Bouchet.
�( 20 1
transport fut signifié à Fongheasse, le 22 du
même
mois.
Les sieurs C h am b a u d avaient, comme on l ’a v u ,
accepté, chacun pour moitié ,
l ’effet du
transport
du 5 février 1B 1 4 ? dont le prix n ’était autre que la
somme de 10,862 fr. 5 o c . , montant de l ’obligation
du i 3 mars 1809.
Il
est
inutile
de
rechercher
comment
le
sieur
Ch am baud-B la nchard s’est acquitté de sa moitié du
prix de cette cession, pu isque, plus heureux que le
colonel , il a pu échapper aux poursuites et aux diffa
mations de la veuve V i l l e v a u d , quoique seul il fût
créancier du sieur G ir a r d ; mais il est indispensable
de faire connaître les moyens employés par le colonel
pour opérer sa libération.
Ces moyens furent simples, et sont déjà suffisamment
indiqués par ce que l ’on connaît des faits de la cause.
M e Delaune était porteur de deux effets; le premier,
à éch éance le 20 mai 18 14 5
somme de 2000 f r . ,
souscrit par Girard et endossé par Bouchet; le second,
qui devait échoir le 22 du même m ois, de la somme
de i o 5 o fr. , était souscrit par Bouchot et endossé par
Girard. L e colonel C h am b au d paya ces deux créances
moins 5 o f r . , et en retira les litres. Ensuite le colonel
C h a m b a u d , pour s'acquitter dos ?.4 3 i b ‘*
centimes
restant pour parfaire la somme de 5 /|3 i fr. 2S c e n t . ,
prix de la subrogation de l’obligation de 10,862 fr.
5 o centimes, dont ¡1 avait acquis la m oit ié, fit remise
à Girard d ’obligations qui lui étaient ducs par dift’é-
�( 3o )
rens particuliers; et ce dernier, à son t o u r , suivant
la convention qui avait été arrêtée, en transporta à
Bouchet ce qui lui était nécessaire pour le nantir des
sommes q u ’il avait payées ou devait payer à sa dé
charg e, et le mettre à couvert des effets des cautiounemens q u ’ il lui avait prêtés (i ).
Si l’on s’arrête un instant sur ces faits, la réflexion
la plus sérieuse ne saurait permettre d ’y apercevoir,
ni l ’intention du c o l o n e l de trom per la veuve V illev aud ,
ni même la possibilité que cette veuve souffrit le plus
léger préjudice par l ’effet du transport fait aux sieurs
C h a m b a u d , si toutefois elle avait eu la précaution de
surveiller ses droits.
E n effet, s’il est vrai que l ’intérêt soit le mobile
le plus ordinaire des actions des h om m es , et q u ’il
faille rechercher, dans l ’am ou r de soi-même mal en
tendu , l a cause ou l ’origine des actes qui affligent
la morale ou t r o u b l e n t l a s o c i é t é , ou se demande
( i ) Ces faits sont prouvés , i° par le rapport de l ’effet de iooo francs,
acquitté des deniers du sieur Chambaud; 2° par un extrait du livrejournal de M® Delaunc , établissant que le colonel Chambaud a payé les
deux effets qui étaient dus par Girard et Bouchet ; 3° par la déclaration
de six débiteurs du colonel Chambaud, donnée devant Pclissière, notaire
à Chamaliérc, le
23 janvier
1822, prouvant qu’ils ont payé aux sicnrs
Girard et Bouchet ce qu’ ils pouvaient devoir au colonel Chambaud,
savoir : à Girard, la somme de 1700 f r . , cl à Bouchet, celle de 700 fr. ,
faisant ensemble les 2^00 fr. qui étaient encore dus par le sieur Clmmfoaiul, pour s’acquitter du prix du transport que lui
Girard.
avait
consenti
�( 3. )
vainement les motifs qui auraient pu porter le colonel
C h a m b a u d à nuire à la veuve Y illevau d . L e colonel
ne pouvait porter à cette femme ni haine n i a ffection
personnelle : leur position sociale les tenait à une trop
grande distance l ’un de l ’a u t r e , pour q u ’aucun de ces
pù t déterminer sa volonté ou influencer sa
sentim ens
conduite. Si l ’on consulte les intérêts pécun iaires q u i
seuls pouvaient établir quelques relations entre ces'x
deux ind iv idus, on s’assure que la veuve Y il l e v a u d
devait au colonel C h a m b a u d Gooo fr. , somme bien
considérable pour sa fortune. C e cap it al, si important
pour le colonel, avait pour hypothèque et garantie'
p rin cip ale
le p r é provenu du sieu r d ’A lb ia t : ainsi
le colonel C h a m b a u d , loin de chercher à nuire à la
veuve Y i l l e v a u d , devait au contraire, dans son in térêt'
p er so n n el, vivement d é sire ra i fa ir e tout ce q u i pou
vait coopérer à la prospérité des affaires de sa dé b i
tr ic e , et à assurer ainsi l ’effet de l ’ hypothèque q u ’il*
avait sur ses biens.
U n sentiment aussi naturel était-il combattu par
des a ffection s ou
un
intérêt c o n t ra ir e , assez
fort
pour porter le colonel à se nuire iï soi-m êm e , en
causant
un
préjudice à la veuve Y il l e v a u d ?
Mais
aucune intimité n ’existait entre le colonel et le notaire
G i r a r d ; toutes leurs relations se bornaient à celles
que faisaient naître leurs fonctions d ’administrateurs
de la même mairie. L e colonel ne connaissait point
l ’état des affaires <le G ir a r d ; la circonspection de ce
dernier les avait entourées du voile le plus épais, voile
�(
que le
colonel
n ’avait
)
aucun intérêt
à soulever,
puisque Girard ne lu i devait absolum ent rien y fait
important et dont la certitude est aujourd’ hui acquise
au procès, puisque tous les efforts de la veuve Villevaud ont été inutiles pour établir que le colonel f û t
créancier de G ir a r d , et q u ’elle en est ré du it e, sur ce
f a i t , à ses assertions personnelles, q u i , dans tous les
cas, seraient insignifiantes, mais dont le mensonge est
encore prouvé par la conduite odieuse et coupable çle
cette femme. O u sent assez q u e l ’ i n t é r ê t q u e Bouchet
inspirait au colonel ne pouvait être ni assez v i f , ni
assez a v e u g l e , pour le porter à pratiquer une fraude
dont il aurait été la première victime.
E n f i n , si le colonel C h a m b a u d eut désiré la cession
de l ’obligation du 1 3 mai 1809, et q u ’ il eût pensé
q u ’il était de son intérêt de l ’ob te nir, avait-il besoin
pour cela de la coopération de la veuve V i ll ev au d , et
de la porter à s o u s c r i r e l ’acte du 2 7 janvier 1 8 1 4 ? “
]\Iais la veuve V ill ev a u d était é t r a n g è r e îi l ’obligation
Fongheasse; elle n ’y était point partie; elle ne l ’avait
point acceptée; elle ne se l ’était appropriée par aucune
notification ,
ni même par aucune
inscription ; de
manière que cette obligation était toujours restée à la
disposition de G i r a r d , qui pouvait ou en recevoir le
m o n t a n t , ou en transmettre les effets à un tiers, hors
la présence de la veuve V i l l e v a u d , sans que le cédataire eut rien à craindre des oppositions ni des pour
suites de cette femme.
Cette démonstration
devient
encore
plus
évi
�(
33
)
d e n t e , si l ’on consulte la position de la veuve Villevau d.
Comme on l ’a d i t , l ’obligation Fonglieasse ne lui
transm ettait
aucun d r o i t , pu isq u’elle n ’y était point
pa rti e, et q u ’elle ne se l ’était appropriée par aucun
acte. L acquisition q u ’elle avait faite de Girard était
donc dépourvue de toute espèce de garantie, jusqu’à
l ’acte du 27 janvier 1 8 1 4 ; mais, par cet acte, la veuve
Vi ll ev aud acquérait une hypothèque sur le domaine
de la G ara n die, qui n’était grevé d ’aucune inscription,
ainsi que cette femme le reconnaît elle-même, et que
l'établit d ’ailleurs le certificat qui est rapporté; donc
la veuve V i l l e v a u d , loin de faire aucune perte ou de
compromettre ses intérêts en souscrivant cet act e,
faisait au contraire une chose qui lui était avantageuse
sous tous les rapports , et portait ainsi remède aux
suites funestes de la négligence q u ’elle avait mise à
s’approprier l ’obligation Fonglieasse.
Mais pour que l ’acte produisit des effets avantageux,
il fallait q u ’il fût exécuté, et q u e , suivant ce qui y
est prescrit, l ’inscription à laquelle il donnait droit
fut prise de suite. L a veuve Vill ev a ud néglige une
formalité aussi essentielle, ou au moins elle ne la
remplit que le 11 mai 1814 5 quatre-vingt-treize jours
après l a c t é du 27 janvier; e t , pendant ce te m s, u u
sieur B o u ch o t, de C l e r m o n t , poursuit Girard pour le
contraindre au paiement d ’ une somme de 5 ooo francs.
Il obtient de son débiteur une hypothèque sur le
domaine de la G a ra n d ie , prend inscription le même
�34 )
jour que ïa veuve V i l l e v a u d , et se trouve ainsi en
(
concurrence avec elle.
L a veuve Vi ll ev aud ne devait imputer q u ’à ellemême les effets de sa propre négligence; mais au moins
si elle voulait adresser à q u e l q u ’un des reproches
fon d és, elle ne pouvait raisonnablement se plaindre
que du
notaire C h e v a l ie r , en qui
elle avait placé
toute sa confiance.
Il
faut en effet c o n v e n i r q u e cet homme paraît avoir
cruellement abusé du ci'édit q u ’ il avait a c q u i s dans la
ville de C l e r m o n t , et q u e , comme beaucoup d'autres,
la veuve V i ll e v a u d a été sa victime.
Les notaires Chevalier et Girard étaient liés d ’amitié
et d ’intérêt; leur chute devait être prochaine; et ils
sentirent la nécessité de réunir leurs efforts pour en
reculer l ’instant et cacher l ’ état de leurs affaires. Pour
c e la , il f a l l a i t , autant que possible, éviter ou retarder
tout CC q ui pouvait d o n n e r fies c r a i n t e s s u r leur solva
bilité , ou diminu er leur crédit; de là le retard mis
par Chevalier à l ’ inscription de la veuve V i ll ev a u d
contre Girard. Il est même à présumer que l ’inscrip
tion n ’aurait point été prise, si l ’audace de ces deux
notaires n’eù i éveillé la surveillance du colonel C h am b aud .
L ’obligation Tongheasse avait été reçue par C h e v a
lier. C e notaire et son associé Girard vouluren t abuser <1«
la m i n u t e , q u ’ils colportaient chez tous les c a p i t a l i s t e s
de C l e r m o n t , afin d ’en faire ressource et de la eeder
Une seconde f o i s , après le t r a n s p o r t q u ’ils en avaient
�(
35
'
)
consenti aux sieurs C h a m b a u d , le £> février i 8 i 4 * L e
colonel, informé de ces démarches, app rit 'b ie n tôt-,
par de nouvelles informations, que l ’ inscription de la
veuve V i l l e v a u d avait été négligée. Cette d o u b l e per
fidie devait exciter toute l ’indignation d’ un militaire :
aussi le
colonel
Chambaud ,
dont
l ’activité
était
doublée par un ressentiment bien légi tim e, m u lti
pliait-il les démarches pour découvrir C h e v a lie r, q ui
l ’évitait
avec le plus grand s o i n ,
et
parvint-il à
l ’o b l i g e r , tout à-la-fois, à prendre inscription pour la
veuve V i l l e v a u d , et à renoncer au projet d ’escroquerie
avait conçu.
Considérée sous ce point de vu e, la position de la
q u ’ il
veuve Vi llevaud était malheureuse. L e colonel C h a m
b a u d , il est v r a i , n ’avait rien à sc reproch er, même
dans le for i n t é r ie u r } sa conduite était conforme aux
règles prescrites par la délicatesse la plus susceptible ,
et devait être approuvée par tout homme d ’honneur.
C e p e n d a n t , d ’ un autre c o t é , on ne pouvait se défendre
d ’ un sentiment de pitié pour une foin nie de la classe
d e l à V i l l e v a u d , sans instruction, présumée 11 avoir
aucune connaissance en affaires, et dont l'hypothèque
avait péri, ou au moins était considérablement dimi
nuée par la prévarication du notaire, dont le devoir
était de 1’asSurcr et de la conserver; niais cet intérêt
cesse, et se change même bientôt en un sentiment
d ’ indignation bien v i f , si l’on examine de plus près la
conduite de la veuve Villevaud.
L e tort q u ’avait souffert cette femme pouvait aisé
�ment se réparer : le notaire Girard laissait des res
sources suffisantes pour l ’ indemniser, si toutefois elle
eût profité de ses avantages, et apporté à la conserva
tion de ses droits un peu de vigilance et d ’activité.
M a i s , loin de-là, la veuve Vill ev aud néglige toute
précaution , n’exerce aucune des actions que la loi lui
o u v r a it, laisse échapper son gage, v en d u te v i l p r ix ,
s’évanouir toutes les autres ressources de son débiteur;
dédaigne même de produire à l ’ordre; et l'o n ne saurait
comment expliquer une négligence'aussi s o u t e n u e et
aussi déplor able, si l ’événement ne venait apprendre
que cette étrange conduite était le fruit de la médi
ta tion, et combinée pour servir bientôt de prétexte
aux diffamations que cette veuve s’est permises, et à
l ’action odieuse
q u ’elle a dirigée contre le colonel
Chambaud.
Quelques détails sur ces faits sont indispensables.
1° A 1 époque d e l a d i s p a r i t i o n de G i r a r d , le do
maine de la Garandie fut abandonne, et les bestiaux
q u i l ’animaient furent vendus.
La veuve Y il levau d
pouvait veiller à la conservation des récoltes et du
prix de ces ventes; elle devait même faire tous ses
efforts pour s’en emparer et en profiter; cependant la
veuve Y il lev a u d ne fait aucune démarche, ne prend
aucune
précaution, et, cette première ressource lui
échappe.
2° Il est établi, par le rapport des actes, que G i r a r d
avait acquis les différons héritages composant 1« do
maine de la G a ra n d ie , moyennant 22,8/1 î ir. 20 c .;
�e t , par les baux à fe rm e, que cette propriété était
d ’un revenu de i 4 T9
ainsi,
bien é v i d e m m e n t ,
le domaine valait au moins 3 o,ooo f r . , sur-tout si on
ajoute l ’augmentation du prix q ui devait résulter de
l ’adjonction des best ia ux, des plantations et répara
tions faites par G ir a r d , et de la construction de bàti
mons pour l ’établissement d ’ un m o u l in , objet qui seul
va ut plus de 3 ooo fr. Cependant une propriété aussi
précieuse est vendue moyennant 9000 fr. L a vilité du
prix de la vente était évidente. L a veuve Y i l l e v a u d ,
comme créancière in scr ite , avait le droit de faire une
surenchère : elle n ’ use point de cette facu lté, et , par
sa négligence, elle laisse ainsi disparaître et s anéantir
les deux tiers de son gage. Mais la veuve Y i l l e v a u d
connaissait la valeur du domaine de la Garandie }
outre la note à consulter, q u ’elle avait obtenue d u
colonel C h a m b a u d , elle avait pris des renseignemens
avant Vacte du vingt-sept ja n v ie r 1B x4 ? postérieure
ment à la v e n te , elle renouvela ses démarches; et ,
ayant obtenu les mêmes résultats, elle manifesta 1 in
tention de faire
u n e
surenchère ; mais plus ta rd, ses
dispositions changèrent, et elle ne craignit pas de dé
clarer que si elle avait abandonné ses d ro its, c ’est
p arce q u e lle avait un b illet de garantie du co lo n el
Chant ban d (1).
3 ° Un ordre est o u ve rt, et la veuve Y il le v a u d ne
(1) Une déclaration de Châties Cuiütaut, du
commitc tous ces faits.
23
janvier 182a, fait
�( 38 )
fait aucune production. Cependant elle ne pouvait être
primée que par
l ’ hypothèque légale de la femme ,
hypothèque légale q u ’e lle con n a issa it, et qui avait
été fixée à la somme de 7 7 1 9 fr. Go c. , par jugement
du 3 août 1 8 1 6 , et q ui d ’ailleurs était éteinte,
ou
au moins pouvait l ’être par la valeur des autres pro
priétés appartenant à Girard. L a veuve V ill ev a ud était
ensuite en concurrence avec le sieur Bouchet, de C le r
m o n t , dont la c r é a n c e était de ^996 fr. ; mais cet
objet devait nécessairement souffrir une d i m i n u t i o n
considérable, s’il n ’était même totalement acquitté par
l ’effet de la saisie que Bouchet avait faite du cau
tionnement de G ira rd et de l ’usufruit de la moitié
des biens de sa femme, à laquelle il avait survécu ;
précautions que la veuve Y il l e v a u d avait entièrement
■négligées de prendre dans son intérêt (1).
Voila b i e n des négligences. U n abandon aussi com
plet, de la part de la v e u v e " V i l l u v a u d , d e s m o y e n s qui
pouvaient lui conserver ses droits, serait inconcevable,
si les faits ne venaient ensuite apprendre quelles étaient,
en agissant ains i, les véritables intentions de cette
fem me.
L e colonel C h a m b a u d avait été maire d eC ham aliè re
(1) Le certificat d’inscriptions, rapproché des titres qu’ il relate, et
qui sont rapportés, prouve que la veuve Villcvaiul n'était primée <[,|U
p:»r l'hypothèque légale de la femme, et venait en concurrence avec
Bouchet, les autres inscriptions étaiil prises sans droit, et les créances
ayant été acquittées.
�et de Royat jus qu’en juillet i 8 i 5 . L a veuve V ill e v a u d
avait un fils soumis à. la conscription , et x’eforme, le
3 décembre i 8 i 3 , comme estropié et infirme.
Cette
femme était encore débitrice du colonel d ’une somme
de 6000 f r., dont elle s’était libérée le 1 5 février i 8 i 5 :
elle réunit tous ces faits, les combine péniblement; et,
aidée des conseils d ’ un homme profondément immoral,
parvient à ourdir un plan de calomnies et, de diffama
tions, à l ’aide duquel elle espère donner quelque fa
veur à l ’action q u ’elle veut diriger contre le colonel.
Cependant la veuve V i ll e va u d n ’avait encore aucune
idée fixe, ni plan définitivement arrêté; la nombreuse
série de ses suppositions, contradictions et mensonges
ne devait être inventée ou produite q u ’en d é t a il , et
suivant les besoins de sa cause.
L a première idée q u i préoccupa la veuve V i ll e v a u d
et son conseil intime fut q u ’il lui fallait un titre pour
légitimer une demande contre le colonel C h am b a u d :
cela était embarrassant; le colonel ne l u i avait rieu
promis : il ne lui avait remis q u ’ une note à consulter,
propre à la diriger dans les démarches qu elle avait à
faire et dans les renscignemeps q u ’elle avait à recueillir;
mais ces difficultés devaient être bientôt surmontées
par les heureuses dispositions de la veuve V i l l e v a u d ,
aiclee du génie de son digne coopérateur. La note à
consulter, du colonel C h a m b a u d , devait servir deb a se
à l’écrit que l’on m éd it a it ; e t , au moyen d ’ un chan
gement et d ’une addition, ajoutés à la rédaction
la
veuve Vill ev aud se fait écrire et fa b r iq u e r un titre ,
�C 4o )
q u ’elle dépose, le 3 juin 1 8 1 8 , chez Me C â v y , notaire
à Clernicmt.
C e tt e pièce est ainsi conçue r
« Il existe une hypothèque de 11,000 francs, que la
« veuve V i l l e v a u d a placée sur une maison à C lerm on t,
« et
je
« sur
lu i
dem ande
main-levée pour la faire transférer
un domaine de m o nt a g n e , de la valeur
de
« 3 o,ooo f r . , qui n ’est grevé d ’aucune hyp ot hèq ue,
«
e t JE PROMET S LA. G A R A N T I R E T L A F A I R E T E N I R Q U I T T E .
« S ig n é A .
Si
CllAM BAUD.
»
l ’on rapproche cette pièce fausse de la note û
consulter, donnée par le colonel, et rapportée
à
la
page 20, on voit que l ’inventeur, pour faire un billet
de garantie d ’une pièce aussi simp le, n ’a eu besoin,
en la copiant et en la revêtant d ’une fausse signature,
que de faire demander la main-levée
et
p a r le c o l o n e l ,
d a n s son in té r ê t}
en substituant aux mots o n d e
m a n d e , ceux-ci : j e l u i d e m a n d e , e t d ’ a j o u t e r ensuite à
la rédaction de cette note à consulter, la p r o m e s s e d e
garantir et cle fa ir e tenir quitte > comme conséquence
nécessaire de la main-levée que le colonel avait de
mandée, et que la. veuve Vi llevaud devait lui accorder.
C e premier pas f a it, la veuve Ville vaud cite, le
3 août 1 8 1 9 , le colonel C h ain b au d eu conciliation.
Dans cette citation, ou elle demande contre le colonel
le paiement du montant de son obligation, et conclut
à l ’adjudication de dornmages-intérêts, elle expose, eu
termes généraux, q u ’ellq a été victime du dol
etde
la
fraude pratiqués par le colonel pour lui faire souscrire
�l ’acle du 27 janvier 18147 contenant abandon de son
hvpothèque; que cet acte était fait clans les intérêts
du colonel, créancier de G ira rd , q u i , par ce m o yen,
était parvenu à mettre sa créance à couvert; la veuve
Villevaud ajoute q u ’ott ne parlera point de toutes les
m anœ uvres, de tous les m oyens que mit en usage le
co lo n el C h a m b a u d y mais que lorsq u’elle a consenti à
l ’établissement de son hypothèque sur le domaine de
la G ara ndie , le colonel
lui
rem it
un écrit klans leq u el
il lu i prom it toute garantie. A u reste, la veuve V i ll e
vaud ne donne point copie de cet écrit, et n ’indique
pas le notaire chez lequel il est déposé.
Les parties comparurent au bureau
de paix.
La
réponse du colonel fut simple : il n ’est point partie
en l ’acte du 27 janvier 1814 ? cet acte était consenti
au profit de G ir a r d , qui pouvait disposer de l'o bli
gation en faveur de qui bon lui semblerait; ainsi le
colonel ne devait ni ne pouvait rien promettre à la veuve
V ill ev aud; mais le colonel déclarait en outre n ’avoir
ja m a is é c r i t , s i g n é , ni d é l i v r é aucun engagement
à cette veuve; il la sommait de représenter cette pièce,
protestant de
f a u x
} et se faisant, à cet égard, réserve
de toute action civile et criminelle.— L a veuve V i ll e
vaud exhiba alors d ’une expédition d ’ un acte de dépôt
de cette pièce chez C a v y , notaire, et ajouta que si
çet écrit 11 était p a s du c o lo n e l, ce serait une nou
v elle supercherie q u ’elle n’a f>u soupçonner.
Ainsi, en réunissant ce qui est contenu en 'la citar
lion et au procès-verbal, relativement à cette pièce,
6
�t f r i
( 4
0
on voit que la veuve était préparée à répondre aux
objections; que l ’écrit devait être présenté comme
a y a n t é t é r e m i s p a r le c o l o n e l ,
le n iait, la
fa u sseté
lu i
et que si ce dernier
de cet écrit devait être invoquée
comme moyen par la veuve V i l l e v a u d , et être pré
sentée comme l ’ouvrage du colonel, et
une su p erch erie
employée par lui pour tromper la v e u v e , en lui fai
sant
l u i
-
m êm e
rem ise
d ’une pièce aussi importante ,
comme vraile, q u o iq u ’elle fût fausse. L a suite appren
dra comment la veuve V i ll ev au d a été ensuite obligée
de reconnaître la fausseté de cette pi è c e , de l ’aban
d on ner, ainsi que de démentir l ’odieuse fable dont
elle avait accompa^jié cette production.
On
pourrait penser que la résistance du colonel
C h a m b a u d , et les moyens q u ’il employait pour la
justifier, inspirèrent à la veuve V ill ev a u d quelques
craintes, de salutaires réflexions; peut-être même ses
remords l ' e m p ê c h è r e n t en e f f e t , pendant plus de huit
m o i s , de former sa demande ; et il
est p r o b a b l e
que
cette femme n ’aurait point rompu le silence, si le
colonel, pressé par le désir de repousser la calomnie
dont il était l ’o b je t , et sentant d ’ailleurs la nécessité,
dans l ’ intérêt de ses enfans, de détruire et faire dé
clarer fausse la pièce q u ’elle avait osé produire contre
l u i , ne l ’avait lui-même prévenue.
L e 22 avril 1820, le colonel C h a m b a u d somma ,
par acte extra-judiciaire, la veuve V i ll ev au d de dé
cl ar er si elle entendait se servir de la pièce p:>r elle
déposée chez M r C a v y .
C e l l e f e m m e r é p o n d q u ’elle
�C 4 3 -)
F
n ’entend rien aux affaires; que tout ce q u ’ e lle sait ,
c ’est q u e l l e a donné au co lo n el onze m ille fr a n c s
dont elle n ’a rien to u ch é ; d ’ailleurs, la veuve Y i l l e
v a u d , sans s’expliquer sur la pièce qui faisait l'objet
de l ’acte auquel elle avait à répondre, finit par déclarer
q u ’elle
ofire de s’en rapporter à la décision de deux
jurisconsultes.
Cett e réponse est des plus singulières. C e n ’est plus,
en effet, un b ille t de garantie que lu i a remis le
co lo n el C ha m ba ud} pour lui tenir lieu de l ’ hypotbèque
q u ’elle aband onn ait, mais c’est actuellement nnc somme
de 11,000 fr. q u ’elle, veuve Y i l l e v a u d , a donnée au
colonel C h a m b a u d , et q u ’elle réclame. Il n ’est plus
question de pièce ou de titre qui puisse lui donner
action contre le colonel.
Quoi q u ’ il en s o i t , le colonel donna des suites à
cette première démarche. L e 22 mars 1820 , la veuve
Y il l e v a u d fut assignée devant le tribunal
civil de
C l e r m o n t , pour répondre-sur la demande qui était
formée contre elle, i° en d é s a v e u et lacération de la
pièce déposée chez M* C a v y ; 20 en réparation d ’ hon
n eu r , et suppression d ’écrits calomnieux; 3 ° en dommages-intérèts applicables aux pauvres, du consentement
du colonel C h am b a u d .
La veuve Y il l e v a u d était enfin obligée de s’expliquer j
il fallait répondre à la demande du colonel : tous dé
tours, tous subterfuges devenaient désormais impossibles
et inutiles; la vérité allait être connue : et la veuve
Y i l l e v a u d savait bien q u ’elle ne p ou v a it so u te ni r, par
�44 )
aucune ressource, le singulier titre q u ’elle avait eu
(
l ’audace (le se créer.
L a veuve V illev aud hésite encore : près d ’ un mois
s’est écoulé sans q u ’elle se soit arrêtée à aucun parti.
U n retour franc à la vérité pou vait désarmer son ad
versaire et la Justice, lui rendre des droits à l ’estime
q u ’elle avait cessé de mériter; mais le conseil intime
l ’obsède; il lui fait entendre que son ignorance doit la
mettre à l ’abri de t o u t e s poursuites relativement à la
pièce fausse; q u ’elle en sera quitte pour d é c l a r e r que
cet écrit lui a été remis, p a r personnes i n c o n n u e s de
la part du colonel; enfin , la v e u v e , ainsi rassurée,
travaille, de concert avec son digne coopérateur, au
plan de diffamation qui doit être substitué au billet
de garantie f a u x , que l ’on était forcé d ’abandonner.
C ’est alors que la qualité de maire du colonel et de
créa ncier de la veuve J^ illeva u d est destinée à donner
de la force et dé la v r a i s e m b l a n c e a u x moyens de d o l
et de fr a u d e q u ’elle veut employer; le colonel l ’aura
excédée de sollicita tion s verbales, il les aura renouvelées
plusieurs fois par écrit
la veuve "Villevaud s’arrête
là; c’est d ’abord tout'ce q u ’elle invente. Les menaces
du colonel de faire partir son f i l s ,
ses sollicitations
pou r obtenir les écrits q u ’il avait eu l ’imprudence de
lu i adresser, la scène de Chevalier, ne devaient point
figurer dans ce premier plan. L e génie même ne crée
pas tout du premier jet.
Knfin, six ans et sept mois s’étaient
l’acte de transfert
de . l ’ h y p o t h è q u e de
écoulés
depuis
la veuve Ville-
�(45 )
vau d ; la conscription avait ¿té abolie depuis le même
tems; il y avait cinq ans et demi que la veuve V i l l evaud s’était libérée envers le colonel C h a m b a u d ; de
puis juillet
i
8 i 5 , le colonel avait cessé ses fonctions
de maire, et le notaire G ir ard avait disparu dans le
moi s
de novembre de la même année, lorque la veuve
V ill ev a u d , dix mois après la citation en conciliation,
et deux mois après les poursuites que le colonel avait
exercées contre elle, se décide elle-même à former sa
demande, par exploit du 12 juin 1820.
Les conclusions de la veuve Villevaud ont pour objet
de contraindre le colonel k lui rembourser la somme
de 11,862 fr. 5 o c . , q u ’elle prétend que le colonel a
touchée à sa place, dans l ’ordre Fonghasse, et à l u i
payer 6000 francs pour dommages-intérêts.
Si l ’on en croit le libelle de cet exploit, l ’acte du
27 janvier 18 1 4 est n u l , parce q u ’il est le fruit du
dol et de la fraude pratiqués par le colonel C h a m b a u d ,
dans son intérêt, et pour s’approprier, comme créan
cier de G i r a r d , et au détriment de la veuve V i ll e v a u d ,
le montant de l ’obligation Fonghasse. C e dernier a
effectivement employé, pour l ’obtenir, les manœuvres
les plus coupables. Maire de sa co m m une, et créancier
de la veuve V ill ev aud, il a abusé de l'influence que
pouvait lui donner cette double qual ité ; d ’abord il a
employé des sollicitations verbales; les ayant vainement
réitérées, il les a renouvelées p a r é c r it, CE
qui
SERi
JU STIF IÉ y enfin la veuve Vill ev aud n’a été vaincue
que p a r un nouvel écrit (¡ni lu i est p a r v e n u , ( ¡u c llc
/
�a cru être de la main du c o lo n e l, et signe' p a r lu i.
A u re ste , la veuve Vill ev aud ne parle point encore
de la menace que lui aurait faite le colonel C h a m b a u d ,
de faire partir son fils comme conscrit.
Les expressions de la veuve V ill ev au d sont remar
quables : les sollicita tion s du co lo n el ont é té renou
velées p a r é c r it ! ........ Combien de fois? O ù sont *ces
écrits? pourquoi la veuve Vi ll ev aud ne les rapportet-elle pas? — E l le a é té 'vaincue p a r un nouvel écrit
q u i lu i est p a r v e n u , q u e lle a cru être de la main du.
c o lo n e l, et sig n é p a r l u i ! ....... Mais cet écrit est-il
autre que celui déposé chez M e C a v y ? Dans ce cas où
est-il? pourquoi ne le produit-elle pas? S i, au contraire,
c ’est le m êm e , cette pièce est fausse; la veuve V i l l e
vaud est obligée d ’en convenir; mais encore la veuve
V illev aud
se contredit elle-même sur le fait de la
remise de cet éc rit, p u is q u e , dans sa citat ion, elle
(lit que le co lo n el le lu i a r e m i s y q u ' a u bureau de
p a i x , elle soutient que la fa u s s e té serait une nouvelle
supercherie d u c o lo n e l; q u e , dans l ’acte extrajudi
ciaire , elle refuse de s’expliquer sur cet é c r i t , et
cherche
à dénaturer le f a i t , en substituant une somme
de onze m ille f r a n c s 3 p a r e lle prétendue donnée au,
c o lo n e l, au b illet de garantie q u e lle aurait reçu de
l u i , tandis q u e , dans l ’assignation du 12 j u i n , elle
détruit elle-même toutes ces premières déclarations, eu
disant que l ’écrit lu i est p a r v en u , expressions qui font
parfaitement comprendre que le colonel n ’aurait pas
remis lui-même U la v e u v e V i l l e v a u d la pièce dont il
�s ’a g it , mais q u ’il l ’aurait f a i t parvenir à celte femme
par un tiers. Ainsi la veuve V i l l e v a u d ; après avoir
commence par fa b r iq u e r un titre f a u x pour se créer
un droit contre le colonel, a ensuite recours au men
songe pour excuser une action aussi criminelle , et
donner quelque apparence à la calomnie qui devait
servir de fondement à l ’imputation de clol et de fra u d e
q u ’elle voulait substituer à la pièce fausse pour sou
tenir sa demande. Mais ce q u ’ il y a de certain sur ce
p o i n t , c’est que la veuve Vill ev aud ne rapporte aucun
écrit établissant des so llicita tio n s j ou constatant une
promesse de garantie de la part du colonel; que tou t
se réduit à la production de la note à co n su lte r, si
favorable au colonel, et si propre à dévoiler la con
duite artificieuse de la veuve Villevaud.
Dans ses conclusions signifiées, la veuve V i ll e v a u d
ajoute aux imputations contenues dans le libelle de
son e xp loit, que le colonel a employé la menace pour
la porter à souscrire l ’acte du 27 janvier 1 8 1 4 ; q u ’il
a même contraint sa vo lo nté, en la m enaçant de fa ir e
p a rtir son f i l s com m e conscrit.
L e colonel C h am b a u d devait penser q u ’enfin la
veuve Vill ev a ud avait épuisé toutes ses ressources; il
crut en conséquence q u ’ il était de sou devoir de lui
répondre, et publia un premier Mémoire à cet effet.
Ses moyens étaient aussi simples que péreuiptoires.
D ’ab ord , partant du fait certain q u ’il n’avait con
tracté aucun engagement vis-à-vis la veuve V i l l e v a u d ,
et q u ’étant prouvé que cette femme avait fabrique
�une pièce fausse pour se faire un ti tr e , il soutenait que
toute action de dol et de fraude, relativement à l ’acte
du 27 janvier 1814 , ne pouvait être dirigée que contre
G i r a r d , partie en cet acte, et qui seul en aurait profité.
L e colonel disait ensuite q u ’il n ’avait jamais été
créancier de G ir a r d ;
q u ’ainsi il 11’avait jamais été
intéressé, même indirectement, à l ’acte dont la nullité
était demandée; mais q u e ,
lors même q u ’il serait
établi que G ira rd était le débiteur du colonel , la
veuve Ville vaud ne pouvait tirer de c e l l e c i r c o n s t a n c e
aucun parti avantageux, pu isque , par sa négligence
et à défaut d 'acceptation et de notification de la délé
gation faite en sa fa veur , par l ’acte du i 3 mai 1809,
cette obligation Fonghasse n ’avait jamais cessé d ’être
la propriété de G ir a r d , qui avait conservé la iacullé
de subroger à ses droits qui bon lui semblerait, sans
que la veuve V ill ev aud put s’en plaindre et critiquer
ce transport.
En fin le colonel C h am b a u d répondant aux im pu ta
tions qui lui étaient adressées, et notamment aux
menaces q u ’il aurait faites de faire partir le fils de la
V i ll ev a u d comme conscrit,
faisait observer que ce
jeune homme, disgracié de la n a tu r e, petit de taille,
estropié d ’ une main , avait des motifs de réforme telle
ment évidens, q u ’ il n ’avait aucune difficulté à craindre
ou à surmonter pour l ’obtenir; que d ’ailleurs, en fait,
cette réforme étant du 24 janvi er, 11’avait pu être la
cause impulsive ou influente de l’acte du 27 janvier^
qu'elle précédait de plusieurs jours,
�(
49 )
L a cause en cet état fut, portée au tribunal civil de
Cle rm ont j elle y fut l ’objet
d ’une discussion très-
solennelle, et il est important d ’analiser le jugement
q u i int ervint, le 11 août 1820, et qui se fait remar* quer par la solidité, la profondeur et la clarté de ses
motifs.
L a veuve V ill ev au d concluait à la nullité de l ’acte
du 11 janvier i 8 i 4 j et demandait contre le colonel
la restitution de la somme qu il avait reçue par suite
du transport de l ’obligation Fonghasse.
A l ’appui de ces conclusions, la veuve disait que
l ’acte du 11 janvier 1 81 4 était l ’œuvre du dol et de
la fraude du colonel, auquel elle avait profité, ainsi
q u ’elle offrait de le prouver. E lle ajoutait q u ’elle avait
été induite à consentir cet acte par les sollicitations
verbales et écrites du co lo nel, et par les menaces q u i
lui étaient faites de faire partir son fils comme conscrit,
faits dont elle offrait également la preuve. En fin e lle
a r tic u la it, com m e f a i t n ou vea u 3 q u ’elle se proposait
également d ’établir par témoins, q u e ,
postérieu rem en t
ïi l ’acte du 11 janvier 1814* le colonel l ’avait sollicitée,
de remettre les d e u x b illets q u i l lu i avait don n és 3
sous le p rétexte que ces d e u x p ièces étaient désorm ais
inutiles.
Sur ce premier point :
L e ju g e m e n t , s’arrêtant au principe qui exige que
to u t
demandeur
établisse
sa
demande ,
reconnaît
d ’abord en f a i t , que la veuve V i ll e v a u d ne prouve
rien ; que la fraude d o n t elle se plaint est invraisem7
�( 5o )
b la ble; que les faits q u ’elle articule sont inadmissibles
et sans gravité ; que la fausseté même de quelques-uns
est manifeste. E n droit : les premiers juges pensent
que
l ’admission de la preuve
offerte par la veuve
Y i l l e v a u d , outre q u ’elle serait une contravention for
melle à la règle qui défend l ’admission de la preuve
dans tout différend qui excède en valeur la somme de
i 5 o francs, et un exemple de la facilité avec laquelle
on peut renverser les conventions, doit dans l ’espèce
particulière être d ’autant plus f o r t e m e n t rejetée, que
l ’objet de la veuve Y il l e v a u d serait d ’o b t e n i r , sans
titre contre le colonel, une condamnation infamante
de la somme de 10,862 francs.
E x a m in a n t ensuite l ’article 1 1 1 6 du Code c i v i l ,
inv oq ué par la veuve Y i l l e v a u d , le jugement reconnait
q u 'il 11e peut s’appliquer q u ’aux parties contractantes5
q u e , dans ce cas seulement, on peut dire que Tune
a trompé l ’ a u t r e , m a i s q u e , dans l ’espèce, cet article
ne pouvait être i n v o q u é , p u i s q u e le c o l on e l était
étranger à l ’acte du 27 janvier 1 8 1 4 , et n ’en avait
retiré aucun bénéfice.
Les premiers juges croient devoir ensuite se fixer sur
chacun des faits articulés par la veuve V illev aud .
Ils s’occupent d'abord des sollicitations verbales et
écrites q u i lui auraient été adressées par le colonel.
Les premiers juges, après s’être convaincus du peu
d ’importance et de l ’insignifiance de ces sollicitations,
rejettent à cet égard la preuve offerte par la veuve
Yillevaud,
et se motivent sur ce que ceito femme
�n'avait point déclaré accepter l ’emploi fait en sa faveur
p ar
l ’obligation du i 3 mai 1809, et n ’avait même pas
pris d ’inscription en ver tu de ce titre ; sur ce que
l ’emprunt fait par Fonghasse n ’était autorisé par la
mère que jusqu’à concurrence de la somme de 10,000 fr.,
nu lieu de celle de 1 1 , 1 7 7 ^r * ? montant de l ’obliga.tion ; enfin sur la raison déterminante que C h am b aud
n ’étant pas créancier de G i r a r d , n'avait aucun intérêt
à l ’acte du 27 janvier 1814*
Q u a n t aux menaces faites par le colonel à la veuve
„Villevaud, et q ui auraient eu pour objet d ’inspirer
des craintes à cette femme sur le départ de son fils
comme conscrit,
L e tribunal rejette également la preuve de ce f a i t ,
parce que le colonel, comme maire, ne pouva it avoir
aucune influence au conseil de révision, où il n ’avait
pas même voix consultative; parce que le fils V i ll e v a u d
était atteint d ’infirmités q u i rendaient sa réforme im
m anq uab le; enfin parce que les opérations du conseil
de révision étaient terminées dès le 24 janvier 1 8 1 4 ,
conséquemment avant l ’acte du 27 , consenti par la
V ill e u a u d à G i r a r d , et hors la présence du colonel
Chambaud.
La justice devait enfin s’ occuper du fait art ic u lé ,
pour la première fois,
Villevaud,
à l ’audience,
par la veuve
et consistant à soutenir que le colonel
l ’avait sollicitée de lui remettre les deux billets q u ’il
lui avait adressés, comme désormais inutiles.
S u r ce p o i n t , le t r i b u n a l considère q u e ce fait n ’a
�été articulé q u ’en désespoir de cause. Il fixe ensuite
son attention sur le défaut d ’intérêt du colonel, q ui
n ’avait accepté la cession du 5 février 1 8 1 4 j» fIue pour
obliger le sieur Ch am b aud-B la nchar d et être utile à
Bouchet. E xa m in an t la pièce produite et avouée, le
tr ibunal reconnaît que cette note , qui ne contient
aucun conseil (ce q ui d ’ailleurs serait insignifiant)',
n'est autre chose q u ’ un Mémoire à consulter, propre
à éclairer la V ill e v a u d et à la d i r i g e r dans les renseignemens q u ’elle avait à prendre. Q u a n t au second écrit
déposé chez M e C a v y , et argué de faux par le colonel,
sa fausseté est reconnue; un m o tif relève même à cet
égard les variations de la veuve V i l l e v a u d , q u i , dans
sa c i t a t i o n , soutient que le co lo n el le lu i a j'em is,
tandis q u ’ensuite.elle déclare q u ’on le lu i avait f a i t
parvenir. Toutes ces circonstances, jointes au retard
de q u a t r e m oi s a p p o r t é à l ’inscription de la veuve
V i l l e v a u d , au fait c e r t a i n q u e l ’ i i yp oi l iù cj ue légale
avait pour garantie d ’autres biens que le domaine de
la G a ra n d ie , et réunies au silence gardé par la veuve
Vi ll ev aud pendant quatre ans et d e m i, et lorsque tous
les dangers q u ’elle signale étaient passés, et que conséquemment ses craintes devaient avoir cessé; tous ces
motifs réunis décident le tribunal à rejeter les preuves
offertes par la veuve Vi ll ev aud.
Il fallait ensuite examiner la demande du colonel
C h a m b a u d , consistant à obtenir la suppression <1« la
I’ièce fausse déposée chez M* C a v y , et des donnnagesintérêts.
�fÛ» ' *¡09
( 53 )
Su r le premier chef de cette demande, le tribunal
reconnaît la fausseté de la pîece, fausseté q ui était
d ’a i l l eu rs
prouvée par la sommation faite par le colonel
et par le silence gardé par la veuve V i l l e v a u d ; et sur
le
second,
le tribunal pense que l ’ignorance de la
veuve V i ll e v a u d peut l ’excuser; q u ’ il est possible que
quelques malveillans l ’aient trompée et induite en
erreur.
E n conséquence, le t r ib u n a l , statuant sur les deux
demandes, déboute la veuve V i ll ev au d de celle par
elle formée ;
déclare
fausse
la
pièce déposée chez
M° C a v y ; ordonne q u ’elle sera rayée et biffée de ses
minutes; et condamne la veuve Vill ev a ud aux dépens,
pou r tous dommages-intérêts.
C e jugement, en rendant au colonel C h a m b a u d une
justice rigoureuse et éclatante, ét ait, à l ’ égard de la
v e u v e ,V i l le v a u d , un acte d ’indulgence, dont toutefois
son adversaire se félicitait. L ’attention que le tribunal
avait portée à l ’examen de cette cause, les motifs pnissans q u ’il avait développés à l ’appui de son jugem ent,
l ’espèce de pitié q u ’il montrait pour les malheurs de
cette fe m m e, tout semblait se réunir pour l ’éclairer
et dissiper son erreur, si toutefois les passions pouvaient
se calmer à lu voix de la raison.
Mais la veuve V i ll e v a u d n’était pas vaincue; bientôt
elle interjette app el, prépare de nouveaux artifices, et
devient plus menaçante que jamais. L e colonel C h a m
baud devait faire la triste expérience q u ’ il est bien peu
d ’ hommes q ui sachent se garantir de l ’esprit de pré-
�vention, ennemi mortel de la justice et de la vérité.
Les déclamations, sans cesse répétées,
de la veuve
V i l l e v a u d , ses feintes douleurs, la perte q u ’elle éprou
v a i t , attachent à sa cause un jurisconsulte éclairé ,
mais dont l ’a me privilégiée
ne peut supposer tant
d ’astuce et de perfidie. Bientôt les apparences les plus
légères, les indices les plus équivoques sont réunis avec
art ; la haine de la cliente parait diriger la plume de
l ’avocat, q u i , sans a u t r e e x a m e n , d o n n e créance aux
faits les plus invraisemblables.
U n M é m o i r e parait
pour soutenir l ’appel; la chaleur et la rapidité du
s tile , les suppositions q u ’il co nt ient, des rapprochejnens injurieux pour le colonel, tout y semble réuni
pour amonceler des nuages funestes sur le fait à exa
m in er; et l ’adresse de la composition pourrait un ins
t a n t en imposer, si le défaut de critique q ui a inspiré
ce travail ne v e n a i t f r a p p e r les esprits ju d ic ieu x, et
leur montrer que le r é d a c t e u r , s e m b l a b l e à c e l u i q u i ,
à force de fixer une place v i d e , croit y voir un objet
q u i n ’existe pas, n’avait fini par regarder comme réels
les faits les plus invraisemblables et les plus absurdes.
Quoi q u ’ il en soit, la veuve Vill ev a ud annonce dans
son Mémoire que les faits de la cause n ’avaient pas
été suffisamment éclaircis en première instance; que des
circonstances graves avaient é té om ises; cependant la
lecture la plus attentive montre q u ’ il ne contient autre
chose que les faits déjà connus, et que la seule circons
tance nouvelle serait que « depuis le j u g e m e n t , la veuve
« Villevaud a appris q u ’après la co n lo c t io u de l ’acte t
�p
(55,)
« èt lorsqu’elle se fut retirée, C h a m b a u d , Girard et
« Chevalier entrèrent dans une ehambre à coté, d ’où
« ils sortirent après un entretien secret, et que le
« sieur Chevalier dit k son maitre-clerc, en présence
« de C h am b a ud et de G ira rd : Vous ne ferez l ’ins« cription de la veuve V i l l e v a u d , sur le domaine de
« la G aran d ie , que quand on vous le dira». On verra
bientôt ce que l ’on doit penser de ce dernier fait et de
la bonne foi de celle qui l ’a inventé.
C e Mémoire contient, au reste, deux aveux pré
ci eux; le premier est la reconnaissance formelle, faite
par la veuve V i ll e v a u d , de la fausseté de la pièce dé
posée chez M e C à v y ; elle avoue q u ’à cet égard il a été
bien jugé , et q u ’elle s’est
assurée que
cette pièce
n ’était ni écrite ni signée de la main du colonel.
Plus h au t, après avoir parlé de son désespoir et des
sacrifices q u ’elle était résignée à faire, elle ajoute
« Mais ce qui ne lu i permit plus d ’hésiter, ce fut u n
« écrit q u ’on lui fit parve nir, qui paraissait signé
« par C h a m b a u d , par lequel il lui
garantissait
for-
« mellement la validité du transfert». Ainsi , d après
la veuve Vill ev aud elle-même, la cause déterminante
de l ’acte q u ’elle a consenti était la pièce fausse, qui
lui serait parvenue p a r v oie indirecte
et p a r d ’autre
personne que le co lo n el. E n admettant cette explica
tion , comment ce dernier pourrait-il être responsable
de l ’erreur de la V i l l e v a u d ? ..........
Mais la veuve V i l l e v a u d n ’était poi nt satisfaite •
elle aspirait à la c él é b ri té , v o u la it faire d u b r u i t , et
j
�■
espérait
'
(
56
)
q u ’ une grande publicité
rendrait
sa cause
meilleure, en ajoutant à la gravité de ses diffamations.
C on tr e toutes les convenances et tous les usages reçus,
sur-tout en matière civile, un article est inséré dans
u n des journaux d u département', la veuve Ville vaud
y est peinte comme une victime du dol et de la fraude
pratiqués par le colonel.......... Ce-derni er pouvait ré
pondre -, mais il a d ù dédaigner de pareils moyens ,
laisser son adversaire goûter l ’affreux plaisir attaché à
la méchanceté satisfaite , et attendre avec calme et
respect sa justification de la justice de la Co ur.
D ISCU SSIO N .
L ’analise exacte et raisonnée des faits de la cause
faisant parfaitement
connaître
l ’esprit de passion ,
d ’injustice et de haine qui a animé la veuve V i ll e v a u d ,
. lors des poursuites q u ’elle a dirigées contre le colonel
C h a m b a u d , e t les s e n t i m e n s généreux q ui dirigeaient
ce dernier, lors des actes q u i l u i o n t été consentis,
ainsi que son défaut d ’intérêt à rien faire de nuisible
à la veuve V i l l e v a u d , il semble que toutes explications
ultérieures seraient inutiles pour faire repousser l ’appel
de cette femme.
Cependant,
po u r ne
rien laisser à dés irer,
examinera
les différentes questions
présenter;
et,
q ui
on
peuvent se
pour plus de c l a rt é , on divisera la
discussion en différons p a r a g r a p h e s q u i auront pour
objet de démontrer :
Que la demande de la veuve V i ll e v a u d excédant
�i 5 o francs, et cette femme n ’ayant jamais été. dans
l'impossibilité de se procurer un titre , ne peut y
suppléer par la preuve par témoins;
20 Que l ’intérêt de la veuve Vill ev a ud étant d ’avoir
une h yp oth èque , l ’acte du 27 janvier 181/j- lui était
avantageux ;
que
d ’ailleurs
le
colonel
C h am b aud
n ’ayant aucun intérêt à lui nuire, et étant au contraire
grandement intéressé à la conservation des ses droits,
ne peut être supposé avoir coopéré à aucune fraude;
3 ° Q u e , dans les circonstances de la cause et dans
la position ou se trouvaient les parties, les principes
repoussent toute idée de dol et de fraude;
4 ° E n f i n , et dans tous les cas, que les faits articulés
par la veuve V i l l e v a u d , soit ceux antérieurs à l ’acte
du 27 janvier, soit ceux qui ont accompagné cet acte,
soit enfin ceux q ui l ’ont s u iv i, ne sont q u ’un tissu de
contradictions et de mensonges.
§ IerL a dem ande de la veuve V d le v a u d ex cé d a n t 1 £>0f r . y
et cette fe m m e n ’a yan t jamais é t é dans l isipossi
b i l i t é de se procurer un TITRE, ne p eu t être admise
à y sup p léer p a r la preuve p a r tém oins.
Les principes qui servent à prouver cette proposition
,S0nt simples et laciles à établir.
L ’article i 3 / | i
d u C o d e civil v e u t q u ’ il soit passé
acte de va n t notaire ou sous signature p r iv é e , de toutes
8
�choses excédant la somme ou valeur de i 5 o francs.
L a loi n ’admet d ’autre
exception à cette règle,
que le cas oii il y a commencement de preuve par
écrit (Gode civ il, article 1.347), et cel u i où il y a eu
impossibilité de se procurer une preuve littérale.
( C o d e c i v i l , article i 3 /|8 ).
La
veuve Vi ll ev a ud ne peut point invoquer la pre
mière exception, puisque sa demande est de 10,862 fr.
20 centimes, et q u ’elle ne rapporte aucun commen
cement de preuve par écrit : il convient donc de se
fixer sur la seconde.
L ’ordonnance de Moulins gardait le silence sur ce
point -, la cause en était sans doute que personne
n ’étant tenu à l ’impossible, on ne peut reprocher de
n ’avoir point de preuve par écrit à celui qui n ’a pu
s’ en procurer : Im p ossibilium n u lla o b lig a tio , dit la
loi 1 8 j j f . D e rcgulis ju r is .
deux excep
tions fondées sur l ’impossibilité de se p r o c u r e r des
L ’o r d o n n a n c e d e
1 GG7,
en établissant
écrits dans une nécessité pressante, la première « pour
« dépôt nécessaire, ru in e , tu multe ou naufrage, ou
« en cas d ’accidens imprévus » (a rt . 3 , titre 2 0 ) , la
seconde « en cas de dépôt fait entre les mains de l ’hôte
« ou de l ’ hôtesse en logeant dans une hôtellerie » ,
11’énonçait point le principe général auquel ces excep
tions doivent se rattacher; mais il est évident que
c’étaient des cas restés dans les termes du droit commun,
où l’admission de la preuve testimoniale ne devait
avoir d ’autres bornes que la
prudence
des juges , la
�loi n ’ayant pu la défendre. C ett e doctrine, fondée sur
la raison, a été développée, il y a plus d ’uu siècle,
par un grand magistrat, M. l ’avocat général Joly de
F l e u r y , qui établit que les cas d ’ impossibilité ne sont
point des exceptions, mais bien des cas q ui n’ont ja m a is
é t é , qui n ’ont ja m a is pu être compris dans la prohi
bition (i ).
C e silence de notre ancienne législation devait être
remarqué par un esprit aussi judicieux que celui du
savant P o t h ie r; aussi cet a u t e u r ,
pour
faire cesser
cette omission, propose-t-il deux principes qui ont
en tr ’eux une corelation in t im e ,
et dont les consé
quences bien déduites peuvent suffire pour résoudre
toutes lés questions sur l ’admissibilité de la preuve
par témoins.
L e premier principe est « que celui q ui a pu se
« procurer une preuve par écrit n ’est pas admis à la
« preuve testimoniale , pour les choses excédant la
« valeur de 100 francs » ( a u j o u r d ’hui i 5 o fra n cs ). —
( T r a it é des Ob lig ation s, n° 7 5 i ) .
L e second principe est « que toutes les fois qu il n ’a
« pas été possible de se procurer une preuve é c r it e ,
« la preuve testimoniale est admise ». ( V o y e z id e m ,
n° 77 5 )L ’article i 348 du Code civil a recueilli ces règles,
et leur a donné force de loi. Il établit e n f effet une
(i)
Plaidoyer du a août 1 7 0 6 ,
des Audiences.
I
rapporte à sa dalc au Journal
�exception à la prohibition de la preu ve , « tontes les
« fois q u ’ il n ’a pas été possible au créancier de se pro« curer une preuve littérale de l ’obligalion qui a été
« contractée envers lui ». E t pour empêcher
tonie
méprise sur le genre d ’impossibilité que la loi désigne,
le législateur donne de suile des exemples propres à
développer le principe q u ’ il a posé, à faciliter sa jusle
application,
et à développer,
par les conséquences
q u ’on en peut tirer, ainsi que par les analogies, quelle
est la nature des impossibilités qui d i s p e n s e n t de sc
procurer un éc rit, et qui permettent de faire admettre
la preuve testimoniale.
Ainsi l ’article 1 3 48 nous apprend que l ’exception
, q u ’ il établit s’a p p l iq u e ,
i° A u x obligations q ui naissent cles quasi-contrais
et des d élits ou quasi-délits ;
■ 20 Aux dépôts n é c e s s a i r e s faits en cas d ’in cen d iey
ruine, tum ulte ou n a u fra g e, et à ceux faits par les
voyageurs en logeant dans une hôtellerie ;
3 ° A u x obligations contractées en cas iVaccidens
im prévus , ou l ’on ne pourrait pas avoir fait les actes
p a r écrit ;
4 ° A u cas oii le créancier a p erdu le titre qui lui
servait de preuve litté r a le , par suite d ’ un cas f o r t u it ,
im p rév u , et résultant d ’une f o r c e m ajeure.
O u pourrait examiner si les cas prévus dans cet
article sont restrictifs ou simplement én o n cia lifsy mais
nne pareille question serait oiseuse dans
l ’espf Ve
par
ticulière, pu isq ue , en considérant ces cas comme de ^
�sim p le s
exe m p les
3 il est impossible que la veuve
Vi llevaud puisse se placer dans une analogie q ui lui
soit
f av or a bl e .
E n effet :
L a veuve V i ll e v a u d et le notaire Girard figuraient
seuls dans l ’acte du 27 janvier 1814? cIa ^ avait pour
objet de faciliter la libération de Fonghasse, et de
donner à la veuve le domaine de la Garandie pour
hypothèque : le colonel C h a m b a u d n ’était point partie
en cet acte; quelles obligations ce titre pouvait-il donc
imposer à un étranger ;} rl o u t son effet 11e devait-il pas
se restreindre aux parties contractantes? et si la veuve
Vi llevaud avait reçu du colonel une promesse de ga
rantie,
ne devait-elle point se procurer une preuve
littérale constatant cet engagement, et fixant ses suites
et ses effets?
L a veuve Vi ll ev aud ne peut se placer dans aucune
exception; sa position n ’ava it , en effet, rien d ’extraor
dinaire; elle traitait avec un de ses concitoyens, avait
pris tous les renseignemens propres à l ’éclairer, passait
avec Girard un acte par-devant notaire; et si le colonel
devait y figurer comme garant, 11 etait-il pas naturel
que la veuve Ville vaud exigeât q u ’il y devînt partie,
ou q u ’au moins il souscrivit uu -engagement parti
culier ?
I l n ’y avait à cet égard aucune difficulté à vainc re,
puisque la veuve V i l l e v a u d (page 7 de son Mémoire)
nous apprend que le c o lo n el était chez C h e v a lie r, le
37 janvier 1 8 1
4 5 et
q u ’il est effectivement
certain
�( 62 )
q u ’il y parut pour remettre à cette femme le sursis
q u ’il lui avait promis; conséquemment, toutes les
parties étant en présence, les explications étaient fa
ciles, et rien n ’était plus simple que à 'e x ig e r un titre
d u co lo n el com m e g a ra n t, ou de ne p a s traiter avec
G irard.
Cela devient bien plus évident, quan d on considère
que la veuve Y il le v a u d reconnaît q u ’elle sentait ellemême la nécessité d ’avoir un titr e , et q u ’elle n ’aurait
point traité sans l ’écrit q u o n l u i fit. p a r v e n i r , et q u i
lu i paraissait sign é p a r C ham baud (Voy. le Mémoire,
page G).
Suivant elle, la promesse du colonel lui
serait donc parvenue avant le 27 janvier; mais, à
cette ép o q u e , se trouvant avec lui chez C h e v a lie r,
au moment décisif, lorsqu’elle allait contracter avec
G i r a r d , que ne s’expliquait-elle avec le colonel Cliamba ud sur un billet de garantie donné sans o b je t , et
q u ’elle tenait, n o n pas tlu c o l o n e l , mais q u i lui serait
parvenu p a r v o ie in d irecte?
Dans l ’ordre ordinaire des choses, tout cela serait
inconcevable; mais quan d on connaît les faits de cette
cause, les explications deviennent faciles. L a veuve
V ill e v a u d n ’a obtenu du colonel C h am b a u d que la
note à consulter, q ui lui a servi h prendre les renseignemens qui lui étaient nécessaires; elle n ’a reçu do
lui aucun conseil, et encore moins la promesse d ’au
cune garantie. L a fausseté de la pièce déposée chez
INI* C a v y est aujourd’ hui reconnue; les variations do
la veuve Ville vaud prouvent s u f f i s a m m e n t q u elle l ’c|.
�.
( 63 )
fait fabriquer , ou q u ’au moins elle en a usé sciem
ment. A quoi donc doivent servir cette p iè ce , ces
faits, aveux et variations, s’ils ne prouvent point que
le colonel n ’avait contracté aucun engagement envers
la
veuve
Y i l l e v a u d ; que s’ il avait promis une garantie,
elle serait établie par ti tr e,
puisque la veuve avait
senti la nécessité d ’en avoir u n , et q u ’il lui était f a
c ile de l ’obten ir; q u ’enfin c’est cette nécessité même
qui a porté la veuve V i ll e v a u d à commettre une action
criminelle, pour se donner les moyens de diriger une
action contre le colonel ?...........
S II.
V in té r ê t cle la veuve V ille v a u d étant d 'a v o ir une
hy p oth èq u ej l ’acte d u 27 ja n v ie r 1 8 1 4 lu i était
avantageux. — L e co lo n el n ’avait aucun intérêt h
nuire h cette fe m m e y il était s au contraire} inté
ressé à la conservation de ses droits.
L a preuve de cette double proposition est facile à
faire.
O n s’assure de l ’ intérêt de la veuve Vill ev a ud à
souscrire l ’acte du 27 janvier 1B 145 fIl,i
donnait
une hypo th èq ue , en se fixant sur sa position an té
rieure, qu il iaut apprécier avec les principes les plus
élémentaires.
L a vente consentie par Girard à la veuve V i l l e v a u d
est du 21 juillet 1808; il y est dit que le vendeur
�( <54 )
lie pourra recevoir le dernier paiement qu'en f o u r
nissant hypothèque p o u r la to ta lité, ou en donnant
caution. U n e condition si essentielle n ’a été consentie
par Girard que par l ’acte de i 8 i 4 L ’obligation du i 3 mai 1809 était consentie, par
le sieur F on g h a sse, en laveur de G irard. L a
V ille v a u d n ’y
veuve
était poin t partie. C e t acte lui était
absolument étranger, et les déclarations et stipulations
q u ’ il contient 11e pouvaient lui profiter
qu elle les aurait formellement acceptées.
q u ’autant
E n f i n , la quittance du 12 mars 1812 est donnée
par la veuve V ille v a u d à G ira rd : le sieur Fonghasse
11 y com paraît point ; de manière que les énonciations
q ui y sont contenues ne pouvaient produire a son
égard aucune obligation.
L a position de la veuve Vi ll ev a ud étant connu e, il
iaut consulter les principes.
« On peut s t i p u l e r a u p ro f it <l’ un tiers, lorsque
« telle est la condition d ’une stipulation que l ’on fait
« pour soi-mème.......... C e lu i q u i a f a i t cette stip u la
it lion ne p eu t p lu s la r é v o q u e r s i le tiers a d é cla r é
« v o u lo ir en profiter ( C o d e civil, article 1 1 2 1 ) .
« L e cessionnaire 11 est sa isi, à l’égard du tiers, que
<1 par la signification du transport, f a it e au débiteur,
<, — Néanmoins, le cessionnaire peut également être
« saisi p a r l'a ccep ta tion du transport, f a it e par le
« d é b ite u r ,
parm i
acte authentique (Code c i v i l ,
« art. 1G90).
« «57, avant que le cédant ou le cessionnaire en(
�( 65 )
« sign ifié le transport au déb it eur ,
c e lu i-c i avait
a p a y é le cé d a n t, il sera 'valablem ent libe/e » ^Codc
c i v il , article 1691).
Tels sont les principes. Ils exigent si rigoureusement
la signification du transport par le cé da nt, ou l'ac
ceptation du déb it eur , q u ’ il a été jugé q u ’on ne peut
prendre inscription sans acceptation préalable et for
melle, et q u e , dans aucun cas, l'inscription ne peut
être réputée acceptation et en tenir lieu (1).
Il faut actuellement revenir sur la position de la
veuve Villev aud . Girard devait lui fournir une hypo
thèque ou une caution : elle n ’avait obtenu ni l ’ une
ni l ’autre.
Girard avait stip u lé p o u r elle dans l ’obligation d u
i3 mai 1809; mais cette stipulation pouvait être ré
voquée, la veuve V ille v a u d n ’ayant p oin t d é c la r é
v o u lo ir en profiter.
L ’énonciation comprise dans la quittance du
12
mars 1812 , donnée par la veuve Vill ev aud à G i r a r d ,
était absolument étrangère à Fongliasse, qui pouvait
valablement se libérer entre les mains de Girard et de
tout
cessi onnaire
qui aurait pris la précaution
negligee
par la veuve V i l l e v a u d , de signifier le transport ou
de le fa ir e accep ter p a r le débiteur.
Ainsi la veuve V i ll ev a u d n ’avait ni hypothèque
ni c a u tio n , ni garantie; elle devait vivement désirer
(1) Voyez Sirey, tomo 10 , partie 1” , page 209.— D enevcrs, tome 8,
partie 1” , page 269.
9
�une de ces sûretés, et ne pouvait céder à aucune im
pulsion ou sollicitation étrangère, lorsqu’elle acceptait
l ’aftectalion hypothécaire
qui lui était
donnée par
l ’acte du 24 janvier 1 8 1 4 j acte q u i , dans tous les cas,
n ’é t a i t , de la part de G i r a r d , que
l ’exécution
de
l ’obligation q u ’il avait contractée , par la vente du
2.1 juillet 1808, de fournir une hypothèque à la veuve
Villevaud .
Mais était-il de l ’intérêt du colonel C h am b au d de
tromper cette veuve ?
D ’abord le colonel n'était point créancier de Gira rd ,
avec lequel d ’ailleurs il n ’avait rien de commun.
La
veuve Vill ev aud lui devait, au contraire, une somme
de Gooo francs, par obligation du G avril 181 0; celle
obligation avait pour principale hypothèque le pré ,
acquis par la V i l l e v a u d , de G i r a r d , le 21 juillet 1808;
et peut-on supposer que le colonel eût voulu pratiquer
une fraude pour se nuire ¿1 lui-ninnc et perdre sa
créance, si la daine Dalb ia t exerçait une action hypo
thécaire, et si les hypothèques légales absorbaient la
fortune de Girard ?
Ces réflexions, en prouvant les deux propositions
que
l ’on a voulu examiner
dans
ce
paragraphe ,
ajoutent une nouvelle force aux moyens déjà développés
dans le premier, et rendent plus pressante la nécessité
où se trouverait la veuve Vi ll ev a ud de prouver par
litre la promesse de garantie q u ’elle soutient lui avoir
<‘té iuiic par le colonel, garaulie que^
da ns
les cir-
�( g7 )
constances, celtc femme n a p u ni désirer ni demander,
et que le
col on el
n ’avait aucun intérêt à lui offrir.
S III.
D a n s les circonstances de la cause } et dans la position
où se trouvaient les parties 3 les principes repoussent
toute idée de d o l et de f r a u d e .
Les circonstances de la cause et la position des,
parties ne pouvaient faire supposer que le colonel
C h a m b a u d aurait à répondre à une action de dol et
de fraude. Etranger à l ’acte de 18 1 4 ? n ’y ayant aucun
in té rêt, comment serait-il garant de ses suites? L a
veuve
Vi lle vaud ne rapporte aucun titre; elle en est
réduite à la note à consulter qui lui a été donnée par
le colonel C h am b a u d : comment cette n o te, destinée
à éclairer cette femme sur ses véritables intérêts, et
qui , sous aucun rapport , ne pouvait l ’induire en
erreu r,
servirait-elle
de fondement à la singulière
demande q u ’elle a formée ?
Q u ’enseignent les principes?
L e dol an nul le la convention , parce q u ’il produit ou
entretient l ’erreur q ui détruit le consentement dans son
principe (Code c i v i l , art. i 109). Mais pour que l’erreur
détruise le consentement, i l f a u t q u e lle soit déterm i
n a n te, et que les artifices ou finesses aient pour objet
d'induire la personne contre
qui
elles sont pratiquées à
une convention p r é ju d ic ia b le ........ , ou à la détourner
d ’une chose utile ( L o i 1 , § 2 , j f . D e dolo m a lo .).
�f G8 )
Mais, pour q u ’ il y ait ouverture à une action pour
cause de d o l , il ne suffit pas q u ’il y ait eu des fin esses
et des artifices pratiqués pour induire q u elq u ’ un à une
convention préjudiciable, ou le détourner d ’une chose
u t i l e , il faut encore que celui q u i se plaint puisse
prouver q u ’i l n a p u se garantir des embûches q u i lui
étaient tendues; autrement il ne saurait soutenir q u ’il
y a eu d o l , puisque, d ’une p a r t , il peut arriver que
celui qui serait présumé l ’avoir pratiqué eût été trompé
comme l u i , et q u e , de
l ’a u t r e ,
il a u r a i t
à. s’imputer
la faute d ’avoir négligé de s’éclairer, quand il le pou
v a i t , sur ses véritables intérêts, et de n ’avoir point
examiné les faits sur lesquels reposaient les craintes ou
les espérances qui l ’ont in du it à une a c t i o n , ou l ’en
ont détourné.
L ’intention de tromper est le principal et même
l ’ unique caractère auquel on puisse distinguer le dol ;
aussi il n ’ y a p o i n t de d o l , si une partie a été trompée
sans que son erreur puisse être attribuée à personne :
c ’est ce qui le distingue de la faute : D o lu s , ciun adest
lœ d en d i animus, cu lp a , fa c tu m inconsultum quo a lteri
nocetur.
Les lois et les jurisconsultes font une distinction
entre le dol réel, d o lu s re ip sd , cas dans lequel on est
trompé par la chose plutôt que par la pe rs on ne, et
si n u llu s d o lu s intervenu s tip u la n ts, sed res ipsa in se
tlolum habet (loi 3 6 , J f. D e v . o
b
et le dol déter
minant ou in cid en t, le dol personnel, d o lu s m alus
q u i dcdit causant con tractui. ( l l n b c r u s auJ/< D e dolo
m a lo , n° /j ; Y o ë t , c o d ., u°» 3 et /j).
�h e d o l incident et personnel opère la nullité radi
cale de l ’a c t e , et donne ouverture à une a c t i o n , parce
que les manœuvres qui ont été pratiquées l’ont seules
déte rm iné, et en ont été l ’unique cause; mais le d o l
réel n ’est point une cause de n u l l i t é , parce que la
volonté de la partie contractante n ’a été déterminée
par aucun artifice q u ’elle ne p û t découvrir; q u ’elle
s’est elle-même trompée sur les accessoires de son enga
gement , sur la chose ou sur le p r i x , et q u ’elle a k
s’imputer de n ’avoir pas pris toutes les précautions qui
pou vaient faire cesser son ei’reur.
L a loi ne voit ni fraude ni d o l , là où celui q u i
se plaint a à se reprocher sa faute, son imprudence,
ou une confiance excessive. Elle' ne peut venir au
secours que de ceux qui ont été victimes d ’artifices ou
d ’embûches dont toute la prudence humaine n ’a pu les
garantir; autrement il y a lieu à l ’application de la
maxime V ig ila n tib u s ju r a subveniunt.
Ces principes sont ceux de la C o u r de cassation,
q u i , dans un de ses arrêts, pose comme maxime « que
« les prom esses fa lla c ie u s e s ne sont pa s d o l y que
« celui qui en est victime ne peut a ccu ser que sa
« confiance excessive y q u ’en conséquence il ne peut
« invoquer la preuve testim o n ia le, sous p rétexte de
« d o l et de fr a u d e . » ( i )
( 1 ) 2 avril 1 8 1 2 . — Cassation.— T u r i n . — S i r o y , to m e i 3 , partie 1” ,
page 1 4 6 .— D e n cY crs, Ionie 1 1 , p a itic 1” , page m .
�( 7° )
Voici l ’espèce de cet arrêt :
U n e propriété rapportant 3 £>oo fr. de revenu avait
été vendue 16,000 f r . , avec stipulation de la faculté
de rachat pendant deux ans. L ’acquéreur entretint le
vendeur dans l ’espérance de lui rétrocéder les objets
v e n d u s , même après l ’expiration du délai apposé à la
faculté de réméré; il empêcha même le vendeur d ’em
prunter la somme qui lui était nécessaire pour exécuter
ce rachat. U ne instance s’étant engagée, la C o u r de
T u r in crut voir dans ces faits un dol et une fra ud e, et
en ordonna la preuve.
Mais l ’acquéreur se pourvut en cassation, et soutint
que l ’arrêt avait violé les articles 1 3 4 1 ? i 346 et i 348
du Code civil, et avait admis une exception qui n ’était
point portée dans les article 1 347 et 1 3 48 du même
Code.
L e vendeur répondait à ces moyens par l ’exception
de dol.
Mais la C o u r de cassation
cassa
l ’arrêt de la C o u r
de T u ri n , par le double m oti f q u ’il y avait contraven~
tion à V article treize cent quarante-un du C o d e civil,
en ce que cette C o u r avait admis une preuve que la
loi rejetait, contre et outre le contenu en un acte, et
d ’ un fait allégué après l’acte; q u ’ il y avait également
fa u s s e application de l ’article
voilée sous
1111
i
3 /j 8 du C o d e civil,
vain prétexte de dol et de
fraude,
puisque le vendeur pou vait avoir la preuve . littérale
du fuit art iculé; q u ’il ne pouvait se plaindre ni de dol
�(
71
)
ni de frau d e, mais bien accuser sa faute et son im
prudence.
L ’application de ces principes est facile à faire.
L a veuve Yil lev aud prétend avoir été trompée sur
la valeuj du domaine de la G a r a n d ie , et sur l ’exis
tence des hypothèques grevant cette propr ié té.— Mais
d'abord la veuve Y il le v a u d se plaint d ’un d o l réel qui
ne pouvait donner ouverture à aucune action; ensuite
elle po u vait , pour la valeur du domaine, prendre des
renseignemens sur les l ie u x , s’assurer au bureau des
hypot hèques, qui est p u b li c , s’il existait ou non des
inscriptions sur la Garandie, et consulter des avocats
relativement aux hypothèques légales. Si elle n ’avait
point pris ces précautions, elle aurait commis une
faute et une imprudence, mais elle ne pouvait accuser
personne de dol ou de fraude.
L a note à consulter qui lui avait été remise par le
colonel devait lui servir de guide et la diriger dans les
renseignemens q u ’elle avait à prendre. Si elle s’cn fût
rapportée aux énonciations contenues dans cette note,
et q u ’elle eût été trompée, elle ne p o u v a it , d'après les
principes, accuser le colonel C h am b a u d de dol et de
frau d e,
puisque ce dernier pouvait s’abuser comme
elle sur la véritable valeur du domaine de la Garandie,
et sur 1 existence des inscriptions, et que les éclaircissemens a prendre sur ce point la regardaient exclusi
vement. Mais les indications données par le colonel
étaient exactes, et sont justifiées par le rapport des
acquisitions et des baux à ferme. L a veuve Y i l l e v a u d
�I 72 J
avait use de cette note pour prendre des renseignemens
ultérieurs sur la valeur du domaine,
ainsi que le
prouve la déclaration de Charles Constant. L e notaire
Chevalier avait retiré pour elle un certificat négatif du
bureau des hypothèques. L ’hypothèque légale avait
pour sûreté d ’autres biens plus que suffisans pour la
garantir. L a veuve était donc parfaitement éclairée;
et l ’on cherche v a in e m e n t , en droit comme en f a it ,
quels motifs ont pu la porter à accuser le colonel do
dol et de fraude.
S
IV.
L e s f a it s a rticu lés p a r la veuve V ille v a u d , soit c e u x
antérieurs à l'a cte d u 27 ja n v ie r , soit c e u x q u i ont
accom p agné cet a c te } soit enfin c e u x q u i l ’ont
s u iv i 3 n ’étant q u ’ un tissu de contradictions et de
m ensonges} la
p r e u v e no s a u r a i t
en être adm ise.
L ’exposé raisonné des faits de cette cause, et les
détails q u ’a nécessités la discussion à laquelle on s’est
déjà liv r é , doivent dispenser de rentrer dans l ’examen
de leur ensemble; e t , pour ne pas user de redites ou
de répétitions inutiles, on se bornera à examiner, dans
ce paragraphe, quelques-uns des faits qui n’ont pu
trouver place dans le plan que l ’on s’était proposé, et
à quelques réflexions relativement à ceux sur
la veuve Vi ll ev aud insiste le plus
servent de base à ses objections,
fortement,
l es qu el s
et
qui
�( ?3 )
Q uan d a u x fa its antérieurs à l ’acte du 27 janvier
1 814 ,
On sait que le colonel n ’avait avec Girard aucune
liaison d ’afï’ection ni d ’ailaires; q u ’ il n’avait aucune
relation avec C h e v a lie r, et que la veuve Y i l l e v a u d ,
au contraire, accordait toute sa confiance à ce dernier,
dont elle se faisait honneur d ’être la protégée. L a
communauté d ’intérêts qui existait entre Girard et
C hevalier est également c o n n u e •, et l ’on sait comment
le colonel, créancier de la veuve Y i l l e v a u d , q u ’il vou
lait contraindre au remboursement, fut induit à lu i
accorder un dél ai, et comment il lui donna une note
à consulter, propre à l ’éclairer sur la valeur réelle du
domaine de la G aran d ie , q u ’elle devait recevoir en
hypothèque de G ir a r d , et sur les inscriptions qui pou
vaient peser sur ce bien.
Rien n est plus simple que l'enchaînement de ces
faits, et plus propre à prouver la franchise du colonel
et la loyauté de sa conduite ; cependant la veuve insiste
et soutient q u ’en souscrivant l ’acte du 27 janvier 1 8 1 4 ,
elle n ’a fait que céder aux sollicita tion s et aux menaces
du co lo n el.
Mais quelles sollicitations le colonel C h a m b n u d ,
absolument étranger aux affaires de G i r a r d , grande
ment intéressé au contraire à la
pr os pé ri té
de celles de
"Villevaud , a-t-il pu lui adresser, pour la porter à
un acte nuisible, et dont les funestes efi’ets devaient
rejaillir sur lui-même? U n e pareille supposition n ’estelle pas invraisemblable? peut-elle être accueillie par
10
�( 74 J
un esprit judicieux , lors même que la fausseté du
fait sur lequel elle repose 11e serait pas démontrée, et
q u ’il 11e serait pas p r ou vé, par le rapport de la note à
consulter, que le colonel, bien loin de faire aucunes
sollicitations à la veuve V i ll e v a u d , n ’ a f a i t que céd er
¿1 ses in sta n ces, en lui donnant les renseignemens per
sonnels q u ’il pouvait avoir, et en lui délivrant une
note propre à la diriger dans les éclaircissemens ulté
rieurs q u ’elle avait à se procurer ?
Quelles sont les menaces du colonel, qui ont pu
porter la veuve V ill ev aud à contracter avec Girard^
S ’en laissait-elle im poser p a r la q u a lité de maire ? .......
— Mais le colonel exerçait ces fonctions en 1806, et la
veuve Vi ll ev a ud ne craignit point de lui intenter un
procès pour le défrichement d ’un chemin !
L e craign ait-elle com m e d é b itr ic e ? ........... — ■Mais
précisément cet te q u a l i t é devait la mettre à l ’abri de
toute espèce d ’em b ûch e, si t o u t e f o is le colonel eut été
capable d ’en tendre, puisque sa créance avait pour
hypothèque principale le pré D a l b i a t , à la garantie
'duq ue l le domaine de la Garandie devait être affecté
par l ’acle de 1 8 1 4 ’•
A -t-e lle é té d écid ée p a r la m enace de fa ir e p a rtir
son f i l s ? — Mais , comme l ’ont observé les premiers
juges, le colonel C h a m b a u d n ’était point membre d u
conseil de révision ; comme m ai r e , il n’y avait pas
même voix consultative. D ’ un autre co té, les infir
mités du jeune Villevaud rendaient sa ré/orme indis
pensable; enfin les opérations du ce conseil étaient
�( 7* )
terminées dès le "i!\\ et l a c t é souscrit par la veuve
V i ll ev a u d est du 27 janvier 1 8 1 4 * Aucunes menaces
relatives à la conscription ne pouvaient donc influencer
sa détermination.
Mais encore tous ces faits seraient moins des ruses
et des artifices constituant le dol et la fraude , que
des actes de violence; et à quelle époque cette violence,
le pouvoir et l ’influence du colonel C h a m b a u d au
raie nt-ils cessé? L a conscription était abolie dès le
11 avril 18145 le colonel avait cessé d ’être maire en
juillet
i
8 i 5 ; la veuve V ill ev au d s’élait libérée le 1 6
février de la même année : elle n ’avait donc plus rien
à craindre; et ira-t-on supposer q u e l l e eut gardé le
silence ju sq u’au 12 juin 1 8 2 0 , et q u e l l e se fut laissé
prévenir par les poursuites du colonel relatives à la
pièce fausse q u ’elle osait produire, dans la circonstance
sur-tout ou la déconfiture de Girar d était connue et
publique par sa disparition, qui remonte au 11 no
vembre 1 8 1 5 .
E nfin la déclaration de la veuve Villevaud (V oyez
son Mémoire, page 6) fait cesser toutes difficultés re
latives à l’ influence de ces sollicitations et menaces.
Suivant e lle -m ê m e , elle n ’a cédé q u ’à Y écrit fju ’on
lu i J it parvenir : cet écrit serait donc la véritable
cause de son engagement; mais comme la fausseté de
cette pièce est au jo u rd ’ hui reconnue; que les variations
et les mensonges de la veuve Villevaud ne permettent
pas de se méprendre sur l’auteur de ce f a u x , lu
ïuiualilé de ce fait sert à lout expliquer; e t , se réunis-
�( 7g )
sant aux autres circonstances de la cause, elle doit
prouver à l ’esprit le plus prévenu, que la veuve Y il levaud n ’a pas du craindre,
pour nuire au colonel ,
d ’ajouter à une action coupable tout l ’odieux d ’une
calomnie.
Les circonstances qui se rattachent im m édiatem ent
à l ’acte du 27 janvier 1814 étaient des plus simples.
C e t acte fut reçu par Chevalier. C e notaire pro
dui si t, comme la veuve Y il l e v a u d le reconnaît ellem ê m e , un certificat négatif d ’ i n s c r i p t i o n s s ur les biens
de Girard. L e colonel avait promis à sa débitrice un
sursis d ’un an; il parut un moment chez Chevalier
pour faire la remise de cette pièce : la veuve Y il le v a u d
veut tirer parti de cette circonstance, et cote dans son
Mémoire (page 9 ) , comme fait nouve au , et qui n ’a
pas été soumis à l ’examen du tribunal de C le r m o n t ,
« q u ’après la confection de l ’acte, et lorsqu’elle se fut
« retirée, C h a m b a u d , G i r a r d e t Chevalier entrèrent
«
dans une cham bre
à
c ô té , d ’où ils sortirent
après
« un entretien s e c r e t et que le sieur C hevalier dit
« à son m a ître-clerc, en présence de C h a m b a u d et de
« Girard : V o u s ne fe r e z l'inscription
« Y il l e v a u d
de la veuve
sur le domaine de la Garandie , que
« quand on v ou s le dira. »
D ’abord ce (ait, tel q u ’il est présenté, est insigni
fia nt, et ne prouve rien contre le colonel; et comme le
dol et la fraude ne se présument pas, q u ’ils doivent
être clairement prouvés, la veuve Villevaml
ne
pour
rait les établir que par des faits tellement posiliis ,
�( 77 )
q u ’ils pussent résister à toute autre interprétation; et
q u ’a p p r e n d -
elle ? Que Cham baud entra dans
une
cham bre à c o t é , avec G irard et C heva lier; q u ’ ils en
sortirent après un entretien secret. — Us étaient donc
sans témoins? Quel était leur entretien? était-il secret?
avait-il pour objet les affaires de la V i ll e v a u d , ou des
choses indifférentes
et qui
lui fussent absolument
étrangères? A u ta n t de questions q u ’il est impossible
d ’éclaircir.— M ai s, à la s o r t ie , Chevalier dit à son
maitre-clerc : V o u s ne fe r e z rinsci'iptioTi que quand
on v o u s le d ir a .— -Que signifie encore cela ? N ’esl-il
pas naturel q u ’ un notaire se réserve la direction des
affaires de son cabinet, q u ’il les ordonne, qu il les sur
veille? et dans les expressions prêtées à Chevalier y at-il un seul mot qui puisse prouver, et même faire
supposer q u ’ il ne serait pas pris d ’inscription dans
l ’intérêt de la veuve V i ll e v a u d ?
Mais cette assertion est encore une invention et une
calomnie odieuse de la part de la veuve Villev au d. A u
27 janvier 1 8 1 4 ? Ie maître-clerc de Chevalier était
M e Pinea u, homme recommandable sous tous les rap
ports, et aujourd hui notano a Saint-Cieimain-Xjain—
brou.
L o r s q u e
le Mémoire d e l à veuve Vi ll ev aud parut,
le colonel, qui n’avait aucune preuve à redouter, sentit
cependant la nécessité d ’expliquer sa conduite en fait,
et de dévoiler l'abominable intrigue dont 011 voulait
le rendre victime. L ’avocat q u ’il avait honoré de sa
confiance exigeait d ’ailleurs des éclaircissemens ; des
questions furent en conséquence adressées à M e P i n e a u ,
�(78 )
q u i, le iG février 1 8 2 2 , répondît « q u ’il ne se rapu p ela it p a s la présence du colonel, et encore moins
« sa participation auæ prétendus f a i t s rapportés au
« Mémoire de la veuve Y i l l e v a u d , et qui ont suivi
« im m édiate men t, dit-on, la confection de l ’acte de
« transfert » (1). Cependant ce fait était assez no
ta b le, cette conversation assez singulière pour frapper
l ’attention j et il est probable que si elle eut existé,
celui qui recevait la recommandation q ui en était
l ’objet se la s er ai t rappelée.
Les circonstances postérieures à l ’acte du 27 janvier
ï 81 4 ? et colles qui se rattachent à l ’acte de transport
de l ’obligation, fournissent encore quelques objections
h la veuve V ille vaud .
On se rappelle les eflorts de Girard et de Chevalier
pour négocier l ’obligation Fonghasse, efforts renou
velés même après le transport qui avait été fait aux
sieurs C h a m b a u d $ on s a i t a u s s i les causes q ui ont
porté le colonel C h a m b a u d à accepter la cession de la
moitié de cette ob lig ati on , et comment il en a payé
le prix dàns les intérêts du sieur B o u c h o t, auquel il
voulait être ut il e ; il est donc inutile de revenir sur
des faits aussi clairement établis, et de s’arrêter aux
objections q u ’ ils détruisent.
Mais la veuve Y i l l e v a u d pose en fait que la cession
qui transfert la créance Fonghasse au sieur C h am b a u d
(1) Cette lettre Cit au dossier,
�( 79 )
est du même jour que l ’acte qui lui donne une hy
pothèque sur le domaine de la Gaiàndie.
dates détruisent cette assertion.
Mais les
L ’hypothèque
ac
cordée par Girard à la veuve V ill ev au d est du 27 jan
vier 1 8 1 4 j
cession de 1’obligation est du 5 février
( n e u f jours après) ; et comme un acte authentique
fait toujours, par l u i - m ê m e ,
foi de sa date , toute
autre explication serait in utile, si le colonel , pour
mettre de plus fort en évidence la mauvaise foi de
son adversaire, 11e rapportait un extrait du répertoire
de C h e v a lie r, oii l ’on trouve quatorze actes intercalés
entre ceux des 27 janvier et 5 février 18 j 4Il
ne
faut pas revenir sur le retard apporté à
l'inscription
de la veuve "Villevaud; il a ete suffisam
ment établi que cette omission était du fait de cette
veuve ou de Chevalier son conseil, et q u e , sous a u c u n
rapport, elle ne peut être imputée au colonel, qui ,
au contraire, en a exigé la réparation aussitôt q u ’il
a pu la connaître.
On pourrait même se dispenser
de nouvelles explications sur le fait articulé par la
veuve V i l l e v a u d , pour la première fois à l ’audience ,
( j u ’e l l e a é t é s o l l i c i t é e d e r e m e ttr e L E S D E U X b i l l e t s
<jxie l u i avait, d o n n é s le c o l o n e l ,
s’ il 11e se présentait
un rapprochement frappant, qui montre tout à-la-fois
que la veuve V ill ev a u d a en son pouvoir les deux
pièces dont elle parle , et que le colonel n’a pu eu
réclamer la remise, une d ’elle étant insignifiante 011
absolument favorable à ses intérêts ,
étant absolument inconnue.
et l ’autre lui
�'£$1
( 8o )
E n effet, il est prouvé q u ’il existe deux pièces au
procès : la première est la note à consulter, donnée
par le colonel à la veuve Villevaud : c ’est elle qui ly.
rapporte 5 le colonel la reconnaît et s’en empare. O n
a pu apprécier combien les conséquences qui s’en dé
duisent sont peu favorables à celle qui la produit.
L a seconde est la pièce déposée par la veuve V ill ev aud
chez M c C a v y ; et comme cet écrit est faux; que la
veuve reconnaît elle-même q u ’il n'est ni écrit ni signé
p a r le c o l on el , c o m m e n t cc d e r n i e r l ’ a u r a i t - il d e
mandée, ne pouvant la connaître? C om m en t même,
la connaissant, l ’aurait-il réclamée, puisque ,
sous
aucun r a p p o rt, elle ne pouvait lui être opposée ?
A u rés u m é,
L a demande de la veuve V i ll ev a u d est non recevable
et mal fondée.
NoN-RECEVA.ni,r..— P u i s q u e , é t a n t de 10,862 francs
5o centimes, sa demande deva it, aux termes de l ’ar
ticle 1 3 4 r du Code c i v i l , être fondée sur 1111 titre;
que la veuve V i ll e v a u d , 11e pouvant se placer dans
aucune des exceptions prévues par les articles 1.347 ° ’t
1 3 4 8 du même C o d e , n ’ayant jamais été dans Finir
possibilité d ’obtenir un litre du colonel, chose qui lui
était au contraire très-facile, si ce dernier eut contracté
des engageinens envers elle. L a veuye V i ll e v a u d , ayant
au contraire senti et reconnu la nécessité d ’avoir <:o
t i tr e , puisque,
à l ’appui de sa demande,
elle
en a
produit un q u ’elle a ensuite été obligée d ’abandonner
�( 8 0
comme faux , ne saurait avoir d ’action contre le colonel
Chambaud.
M al
f o n d é e
.
— Parce que la veuve Vill ev aud avait
intérêt à recevoir l ’ hypothèque qui lui était accordée
par l’acte d u . 27 janvier 1814? puisque antérieurement
elle n ’avait ni h y p o t h è q u e , ni caution , ni garantie de
la sûreté de la vente que lui avait consentie Girard des
prés provenant de la dame d ’A l b i a t ;
colonel C h a m b a u d ,
parce
que le
bien loin d ’avoir intérêt de lui
n u i r e , devait au contraire, comme son créancier, et
ayant
pour hypothèque le pré d ’A l b i a t , désirer la
prospérité de ses affaires, et tout ce qui pouvait con
solider la propriété de cet héritage entre les mains de
sa débitrice : double circonstance qui rend invraisem
blable et détruit toute allégation de dol et de fraude
contre le colonel ;
Parce que la loi et les principes ne permettent pas
de regarder comme des ruses ou des artifices consti
tu ant le dol et la fraude , l ’erreur dans laquelle la
veuve V illev aud serait tombée relativement à la valeur
du domaine de la Garandie et des hypothèques q u i
pouvaient grever cetie propriété , quand bien même
les éclaircissemens q u ’elle aurait pris n ’auraient eu
d ’autre fondement que la note à consulter qui lu i
avait été remise par le colonel;
Parce q u e , enfin, les faits articulés par cette femme
ne présentent rien de pertinent; que la veuve V i ll e
v a u d , sans cesse en contradiction avec elle-même,
dément ou détruit ses propres assertions; que ses men-
�(8 , )
songes répétés, la pièce fausse dont elle a sciemment
fait us age , les artifices dont elle a constamment u s é ,
entourent sa cause d ’une juste défaveur, qui ne permet
pas à la justice de s’éloigner des règles, pour permettre
à la veuve Y il l e v a u d de hasarder la preuve de ses diffa
mations et de ses imputations calomnieuses.
L e colonel C h a m b a u d a enfin rempli la tâche q u ’il
s’ était imposée. L a dignité de la Justice et le respect
q u ’il lui porte ont du modérer les élans d ’une trop
juste sensibilité.
Victim e
de
la m a c h i n a t i o n
la plus
perfide et la plus atroce, il a dù en développer toutes
les causes avec modération, en faire connaître tous les
ressorts, sans se livrer toutefois k aucun sentiment de
haine ou de vengeance. Les détails dans lesquels il est
entré peuvent présenter quelque lo ngu eu r; mais les
effets de la calomnie sont si difficiles k détruire! L e
empoisonné, lancé par une main cr iminelle, part
avec ra p id it é , a t i e i n t l a v i c t i m e , la frappe comme
l ’éclair qui précède la fo u d re ; et si l a b le ss ur e n ’est
trait
point morte lle, elle est au moins longue et difficile k
g u é r ir , et trop souvent la cicatrice reste.
L ’indignité de la conduite de la veuve V ill c va ud a
été telle, son insistance k nuire si prononcée, que le
colonel C h a m b a u d aurait pu désirer une satisfaction
plus complète, et l ’obtenir de la justice de la C o u r ,
en interjetant appel incident du ju g e m e n t , et en pre
nan t des conclusions propres k faire supprimer les
écrits q ui le diffament et le calomnient. Mais que
peuvent signifier les déclamations de celle femme? Sou
�( 83 )
délire , sa bassesse et sa méchanceté sauraient-ils
atteindre u n homme d ’honneur, q ui devait des expli
cations à ses amis et à ses concitoyens........ , mais qui
doit être assez généreux pour ou blier et pa rd o n n er?
C e Mémoire aura sur-tout produit tout son e f f e t ,
s’il désabuse le jurisconsulte honorable qui a été la
première v i c t im e d 'a r t if ic es auxquels la bon t é et la
simplicité de son coeur ne pouvaient résister. L e plus
beau triomphe d u colonel serait de forcer la conviction
r
et de commander l ’estime de cet homme respectable :
toutefois i l ne désire pas q u ’il se repente, q u ’aucuns
remords, aucun ch agrin ne viennent troubler le cours
d ’une si belle v i e ! ........ mais q u ’au moins il apprenne
à mieux placer ses bienf aits, et que cet exemple lui
r a p p e l l e , pour
ne l ’oublier jamais , cette maxime
morale de Térence :
B en efa cta m ale c o llo c a ta m a lefa cta existim o.
L e Chevalier C H A M B A U D .
M e Jn. - C h. B A Y L E ainé , ancien A v o ca t.
M e B R E S C H A R D , A v o u é -L ice n cié .
ERRATA.
P age 1 1 , ligne 2 1 , au lieu de 1809, lisez 1812.
l b i l. Au lieu de la veuve V illevaud donne quittance à G ira rd , lisez
Girard donne quittance à la veuve V illevaud.
Page 13 , ligne 2 5 , au lieu de décembre, lisez novembre.
R IOM; IMPRIMERIE DE S ALLES; PRÈS LE PALAIS DE
JUSTICE»
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Chambaud.1822?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Bayle
Breschard
Subject
The topic of the resource
notaires
dol
biens nationaux
créances
hypothèques
magistrats municipaux
abus de faiblesse
conscription
fraudes
illettrisme
doctrine
faux
experts
arbitrages
notables
domaines agricoles
opinion publique
chantage
infirmes
banqueroute
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire en réponse, Pour le sieur Chambaud, Chevalier, Colonel d’État-Major, en retraite, Officier de l'Ordre royal de la Légion d'honneur, habitant de la ville de Clermont, intimé ; contre Jeanne Aubignat, veuve de Pierre Villevaud, Propriétaire à Royat, appelante. Quem sua culpa premet, deceptus omitte tueri. At penitus notum si teutent crimina, serves, tuterisque tuo fidentem praesidio. Horat., epist. 18.
Annotations manuscrites. « 13 octobre 1822. preuve ordonnée ».
Table Godemel : Dol : 3. lorsque les faits mis en preuve auraient, s’ils étaient prouvés, le caractère de dol, fraude, séduction et violence mis en usage dans la vue d’engager une partie à abandonner ses droits, pour en profiter à son préjudice ; les juges peuvent admettre la preuve testimoniale, aux termes des articles 1116 et 1382 du code civil. – on ne peut opposer, en ce cas, les dispositions de la loi qui interdisent toutes preuves contre les conventions faites entre parties ou contre des obligations dont l’objet excéderait 150 francs, parce qu’en matière de fraude, dol, séduction et violence, il ne dépend pas de la partie contre laquelle ces moyens ont été pratiqués, de se procurer une convention ou des preuves qui aient pu l’en mettre à l’abri.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Imprimerie de Salles (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1822
1791-1822
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
1814-1830 : Restauration
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
83 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2615
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2614
BCU_Factums_G2616
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53530/BCU_Factums_G2615.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Royat (63308)
Chamalières (63075)
Clermont-Ferrand (63113 )
Aydat (63026)
Lagarandie (domaine de)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
abus de faiblesse
arbitrages
banqueroute
biens nationaux
chantage
conscription
Créances
doctrine
dol
domaines agricoles
experts
Faux
fraudes
hypothèques
illettrisme
infirmes
magistrats municipaux
notables
notaires
opinion publique
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53507/BCU_Factums_G2521.pdf
bdf4f06907e7a36b6b828c57cba0661e
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Text
POUR
V'cnxr' o m
du
Dame M a r i e D U B R E U I L , et le Sr G u i l l a u m e
C H O U S S Y , son m a r i, Expert - géomètre ,
Maire de la Com m une de Nebouzat; A n t o i n e
et autre A n t o i n e B O U C H E T , frères, culti
vateurs., et autres h abitans de la Com m une
de Vernines, défendeurs
CONTRE
M. G U I L L A U M A N C H E
du
BOSCAGE,
Lieutenant-général des Armées du Roi, Pro
priétaire de la terre de Vernines, demandeur.
M
d u B o s c a g e osl devenu propriétaire de la terre de
Vernines, située dans les montagnes de la Basse-A uvergne, par
le legs que lui en a fait M. de Lavigneix, qui n ’était, ni son
parent , ni son allié.
Au lieu d’user de cette propriété comme l’avait fait son bien
faiteur, et dans le sens et l’esprit de son Testament, il a signalé
sa mise en possession par des menaces d’asservir, à un droit de
Perrière, à la cinquième portion des fru its , deux à trois mille
�i
■\): * 3» iV.
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formaient , jadis ,
v . -V
justice d e la ierre d e Yernines.
! r r - - 1'
;
:¡rpens de terre , q u i
il
*
1
l ’ enclave
de la haute
■'Bientôt ces menaces ont été réalisées ; déjà, dix. habitans sont
traduits en justice pour voir consacrer ce prétendu droit;
% ^Ç cnt autres se sont empressés de se réunir à eux pour repousser cette funeste prétention.
^Ûette cause n’est pas seulement celle des habitans de Yernines,
c’est celle de tous les habitans des montagnes d’Auvergne; c’est
la lutte de la liberté de l’agriculture contre le régime féodal qui
relève sa tête#altiere, et veut reprendre son sceptre de fer.
Les habitans de Yernines ont plusieurs sortes de moyens à
opposer en d é fe n se contre, la prétention de M. du Boscage.
1.cnt — M . du B o s c a g e esl sans droit et sans qu alité p o u r ré
clamer ce prétendu droit de Fercière';
’
2.ent — Ce droit a été contesté, dans tous les tem p s, par les
habitans de Yernines à leur ci-devant seigneur, et il l’était encore
au moment de la révolution.;
S.«“1 _ Q uaîl(l ce droit aurait été du , il a été supprimé par
les lois de 1791, 179a et 1793, qui ont aboli le régime féodal.
■ §. i " .
.
3 /. du Boscage est sans droit et sans qualité pour réclamer
le droit de Pcrcières.
M. Petit de Lavigneix nel ici a la terre de Vernines de la famille
Dufraisse, par acte du 8 juin 1792.
-M{' :]W
r' •
•u
Cette terre fut achetée moyennant 180,000 liv. de prix principal,
et 2,/joo liv. d’épingles.
Les assignats perdaient a I o n ^ 3 G po ur c e n t , suivant l’échelle
de dépréciation ,
ce
qui
portail ce prix , en numéraire , à
11 G,7 3 (> livres ou ii!»,2()^ fr. 81 centimes,
îjiii»
|ir
!U;
c.ette vente comprenait des hjttimcns, prés et terres;
�( 3 )
Différentes directes, montant h xiG setiers seigle inesurç:.de
Clermont ;
Go seticrs avoine ;
Et environ 170 liv. argent ;
Elle comprenait aussi quelques contrats de rentes foncières ;
« g.0 Un droit de Percière sur tonies les terres enclavées dons
j> ïeïendue de la ci-devant justice de V em in es, non tenues à cens,
» soit du propriétaire, soit d’autres ci-devant seigneurs.»
11 est dit plus bas que , « Attendu qu’il existe entre les sieurs
v Dufraisse et les liabitans de Ycrnines une contestation relative
» au droit de Percière , il est convenu que les sieurs et dames
» vendeurs seront obligés de rapporter , dans le courant de la
« présente année, un Jugement confirmatif de la Sentence arbi» traie rendue au profit desdits sieurs Dufraisse, et en cas de
» perte du procès , il sera diminué , sur le prix de la présente
» vente, la somme de 4o>ooo liv ., à quoi les Pcrcicres ont été
» évalu ées. »
Postérieurement, et en l’an 7, il s’éleva une contestation entre
AI. de Lavigneix et scs vendeurs pour raison de la remise des
litres,'soit des rercièrcs, soit des difl'ércns contrats de rente
compris dans la vente du 8 juin 1792.
Les choses restèrent dans cet étal jusqu'au mois frimaire an 11,
que trois des sieurs Dufraisse, qui étaient inscrits sur la liste des
émigrés, étant rentrés dans leurs foyers, il s’éleva une nouvelle
contestation entre eux et M. de Lavigneix, qui donna lieu à une
Iransaclion qui fut passée le i 5 messidor an 11 (/f juillet i 8u3.)
On \oit dans cette Iransaclion que les trois frères Dufraisse
demandaient à M. de Lavigneix le paiement des trois quarts du
prix «le la vente du 8 juin 1792, avec, interdis;
Que INI. (U> Lavigneix, leur opposait en défense q u e , « Loin
» d’être leur dccl>iU’ur , il avait surpayé le prix de son acquisition,
déduction faite des capitaux qui étaient restés dans ses mains;
. >. Q u ’en e ife t, il (allait commencer par déduire sur le prix de
son acquisition la somme de 40,000 liv., pour le montant du prix
�» des Pcrcières, attendu que l u i , Petit de Lavigneix, ne les avait
» achète que conditionnellement ; que ses vendeurs étant en
» procès avec les habitans d eV ern ines, pour ces Percières, il
» n’avait pas voulu prendre sur son compte les risques de ce
» procès ; qu’on s’était oblige de lui rapporter, dans l’année, une
» Sentence confirmalive de la Sentence arbitrale qui avait été
» rendue à leur profit ; qu’on devait aussi lui en remettre tous
» les titres ; qu’il ne lui avait été remis ni ces titres , ni la
« Sentence confirmalive de la Sentence arbitrale ; que cette
» Sentence n’avait pas même'été rendue; que, dès-lors, il éta/t
» libéré de cette somme de 4o,ooo liv. »
L e s frères Dufraisse répondaient, à l ’égard des Percières,
que , « P r e s q u e i m m é d i a t e m e n t a p r è s le co n tra t de v e n t e d u
» 8 juin 1792 , était i n t e r v e n u e ta loi du 25 août- q u i avait aboli
n toutes les redevances seigneuriales, dont on ne rapportait pas
» de titres primitifs de concession ;
» Que depuis , la loi du 17 juillet 1793 avait aboli toutes les
» rentes seigneuriales, sans exception, et que les Percières, dont
* était question, étaient comprises dans cette abolition;
» Que dès-lors, si le citoyen de Lavigneix était privé de ces
» Percières, ce n’était ni par le défaut de remises des titres, ni
» parce que. les citoyens Dufraisse ne lui avaient pas rapporté
» la Sentence confirmalive de la Sentence arbitrale, mais par
» l’eifet de la force majeure, dont ils n’étaient pas garants; qu’en
» conséquence, la perle de ces Percières était pour le compte
» d u ' c ito y e n d e L a v ig n e i x , cl qu’il ne d e v a it pas m o in s leur en
» payer le prix. »
D’après ces moyens proposés respectivement par les parties,
la discussion se termine sur cet objet en ces termes :
« Le citoyen Lavigneix demeure propriétaire incotnmulable
0 des Percières, telles qu'elles peuvent e/re dues, à scs risques,
» périls cl fortune, et sans aucune garantie, à cet égard, de la
» pari des vendeurs, qui lui ont présentement remis l’expédition
» de la Sentence arbitrale rendue cm» leur laveur contre les*
�w
(
5
)
» habitans d e V c r n i n c s , l e ......... août 1791 , dans l aquel le sont
» rappelés tous les titres sur lesquels le droit peut être fonde',
» et promettent de lui remettre, de bonne foi, tous les titres,
» soit sur lesdites P e r c i è r c s , soit tous les autres titres d e p r o -
Vcrnincs q u ’ils p ou r r o n t recouvr er. »
Il y a lieu de croire que M. de Lavigneix , en prenant ces
Percières sur son compte, a moins cherché son intérêt personnel
que celui des habitans de Vcrnincs , qu’il a voulu garantir des
vexations qu’ils n’auraient pas manqué d’éprouver de la part
de vils cessionnaires ou d’avides spéculateurs.
C e qui s e m b le r a it le prouver, c’est la conduite constante qu’il
a tenu depuis; il n’a fait aucun usage de ce droit de Perrière;
jamais aucun des habitans de la terre de Vcrnincs n’a été inquiété
pour ce d ro it, ni par l u i , ni par ses agens , et il s’est écoulé
seize à dix-sept ans depuis la transaction de i 8o 3 , sans qu’il lui
soit venu en idée d’élever la p lu s lé g è r e p r é t e n t io n à cet égard.
» p r i é té de ladite terre d e
C ’est dans cet état de choses que M. de Lavigneix a fait son
Testament par-devant notaire, à Besançon, le 14 janvier 1819,
dans lequel on lit le legs qui suit :
« Je donne et lègue à M. de Guillamnanchc du Boscage ,
» gentilhomme français, demeurant à Clerm ont-Fcrrand, en
>» Auvergne, lu somme de 4o,ooo fr ., ou, à son choix, m a terre
» de f 'cnilnes, à la charge, s’il accepte cette terre, de rendre à
» ma succession 3o,ooo fr. >»
11 est évident que, par ces expressions, m a terre de fa m in e s ,
M. de Lavigneix n’a entendu léguer sa terre que comme il
en jouissait, c’est-à-dire, avec le rural qui formait seul cette
terre à ses yeux , puisque c’était la seule chose dont il avait
jo u i, cl don t il avait entendu jouir depuis 28 ans.
Il était l>ien éloigné de vouloir y joindre le droit exhorbitant
de prélever la cinquième g erb e, sur toutes les propriétés des
habitans de celte terre, qu’il regardait comme aboli, et qu’il
ji’avnit jamais voulu réclamer.
�\V
.( G )
La prem ière, Tunique pensée de M. de Lavigneix, est de
'faire à M. du Boscage un don de 4°»00° fr- i s’il lui donne
l’option de prendre sa terre de Vernines au lieu de ces 4o,ooo fr.,
en payant 3o,ooo fr. à sa succession, c’est qu’il en estime la
valeur à 70,000 f r ., et le rural seul en valait plus de 80,000.
Il est contre toute raison de supposer que M. de Lavigneix,
qui entendait borner ses largesses à 40,000 fr ., et qui excédait
déjà celle somme en donnant le rural de sa terre de Vernintis,
en remplacement de ces 4o>00° fr- >
voulu gratifier encore
M. du Boscage du droit de la cinquième portion de tous les
fruits que les habitans de Vernines pourraient recueillir dans
deux ou trois mille arpens de terre, qui formaient jadis l’enclave
de la terre de V e r n i n e s ; droit, qu’à raison de l'a c c r o is s e m e n t
journalier de l'a g r ic u lt u r e et de l'iilat flo rissan t auquel elle est
Appelée par l’abolition de la féodalité et la suppression des dîmes,
on peut évaluer , sans exagération , à plus de 3oo,ooo f r ., surtout
si on y joint les 3o ans de jouissances dont M. du lioscage ne
craint pas de demander la restitution,
Ce serait vainement que , pour donner à ce legs une extension
conforme à ses vues, M. du Boscage voudrait exciper du Juge
ment qu’il a obtenu sur la demande en délivrance du legs qui
lui a été fait par M. de Lavigneix, par lequel il est envoyé en
possession de la terre de Vernines, « 'l’elle qu’elle se poursuit et
« comporte, avec scs circonstances cl dépendances, sans aucune
» réserve »
O n lui répondrait, i/"*, que ce J u g e m e n t n ’a eu pour objet
que les intérêts respect ifs de l'héritier et du légataire, et que
lotit ce qu’on a pu y insérer est étranger aux tiers auxquels il
n ’a pu ni profiler, ni nuire;
Que d’ailleurs, s’il était contraire à leurs intérêts, il ne
dépendrait que d ’eux d’en paralyser l'effet par la voie de la
lierre opposition.
a.««', O11 lui répondrait que a: Jugement ne fait pas mention
�(
7
)
des Percièrcs ; que l'héritier de INI. de Lavigneix s’est borné à
lui offrir la délivrance du legs dans le termes du Testam ent
que , dès-lors, tout sc réduit à l’interprétation de ce Testament,
et à expliquer quelle a été l’intention de M. de Lavigneix en lui
léguant 40,000 fr ., ou sa terre de Vernines, à la charge de rendre
à sa succession 3o,ooo fr.
Or, d’après tous les principes de la matière, pour interpréter
un legs, et lui donner plus ou moins d’extension, il faut
d’abord avoir égard au degré de parenté qui lie le testateur et le
légataire, et qui lui suppose plus ou moins d’affection pour le
légataire, d’après la marche ordinaire de la nature.
Or, ici, le testateur et le légataire n’étaient, ni parens, ni alliés.
Il faut ensuite, suivant U ic a e d , partie 2, chap. 4 , n.° 148,
avoir recours à toutes les circonstances qui peuvent servir à
découvrir la volonté du testateur, à toutes les conjectures qui
accompagnent l’espèce particulière qui est à décider, vestigia
volontafis set/uimur.
Or, ici, toutes les circonstances, toutes les conjectures s’op
posent à l’extension que M. du Boscage veut donner à son legs;
Le silence de M. de Lavigneix , sur ces Percièrcs , depuis 28 ans;
La valeur qu’il donne à sa terre, qui n’est pas même portée
au taux de la valeur réelle du rural;
La fixation de sa libéralité à 4°>00° fr- >
La manière dont il a joui de sa terre de Vernines, depuis
qu’il on est devenu propriétaire ;
La manière dont il en jouissait à son décès, au moment où
il dictait son Testament.
Ajoutons celte maxime si conforme à la raison et aux lois :
lu legatis f/uod m inim um est debetur.
Sempcr in obscuris tjuod m inim um est sequimur. Loi cj de
rcpilis juris.
E t nous aurons tant de guides assurés pour expliquer la
volonté de INI. de Lavigneix, qu’il ne restera pas le ¡»lus léger
doute cpie le legs qu’il a fait a M. du Loscage doit être réduit
�( 8 )
au iüral d e là lcrrc de Vernines, qui surpasse, en valeur, ce qu’il
a entendu lui donner.
D ’où il résulte , comme nous l’avons dit en commençant,
qu’il est Sans droit et sans qualité pour réclamer contre les
habitans de Vernines ce prétendu droit de Percière, qui excite
si vivement son ambition , cl sur lequel il fonde de si flatteuses
espérances.
g. i l .
Îjc prétendu droit de Percière , que réclame M . du Boscage; a
été, dans tous les tem ps, contesté p a r les habitans de J^errnnes ,
et il VëiaiffîèncQre quand M . de Ladgneicc a acheté la terre de
liera i tics.
M. du Boscage a fait imprimer et signifier, en tête de sa
demande, scs prétendus titres.
Le premier est l’extrait de ce qu’il appelle un procès-verbal,
signé Malingre, des i." septembre et 9 novembre 1489, dressé,
dit-il, en exécution d’un Arrêt du baillnge de Montferrand.
On ignore la forme de ce prétendu litre , s’il est en papier
ou en parchemin, si c e s l un original ou une simple copie
collationnéc ; cl , si c’est une copie collalionnée, quand cl par
qui elle a clé faite.
Ce qu’il y a de certain , c’est que les habitans de Vernines
ont plaidé avec leur Seigneur, pendant loul le cours du dernier
siècle, .sur ces Perc.ières ; que M. du Boscage a fait imprimer en
entier un Arrêt rendu au Parlement <lc Paris, sur celle affaire,
en 1765, et (pic ce préteikdn litre 11’y a pas élc produit.
Quoiqu’il en soit, on voit dans ce prétendu procès - verbal,
qu’au
siècle, la terre de Vernines était une châtellenie de
belle et grande étendue ;
Que d’après les limites qu’on lui donne , elle comprenait dans
Aon ■enclave, un espace immense;
Kl qü’eniin, on y fait mention q u e, « Ledit Seigneur élait
�(9)
» en possession d’avoir et percevoir la Percière des ¡èrres 'étant
» en sa seigneurie ».
Expressions qu’il ne faut pas perdre de v u e , et sur lesquelles
nous aurons occasion de revenir dans la suite.
M. Duboscage laisse ensuite une lacune de plusieurs siècles,
pendant lesquels on ne voit aucune trace de ces Percières.
Si on en croit les l'elalions insérées dans l’Arrêt de 1765,
il y eut une Sentence rendue à la chambre du Dom aine,
le 2 juillet 1717Que portait cette Sentence? On l’ignore. Tout ce qu’on voit
dans l’Arrêt, c’est qu’il y en eut une seconde le 7 avril 1752,
et une troisième le 6 avril 1756 ;
Qu’il y eut appel de ces différentes Sentences au Parlement
de Paris ;
Que l’appel de la Sentence du 6 février 1756, interjeté par
plusieurs individus qui sont dénommés dans cct A r r ê t , f u t
disjoint du procès pour être, ju g é séparément, et qu’il ne parait
pas qu’il ait été jugé depuis ;
Que sur l’appel des Sentences de 1717 et 1732, ces Sentences
ont été confirmées cl infirmées en partie;
Qu’enfin, tout ce qui résulte de plus clair de cet A r r ê t , c’est
que, pour ces Percières générales, étrangères à toute concession
particulière, et uniquement fondées sur le système de la propriété
universelle attribuée à la haute justice, il y a eu de tout temps
une résistance opiniâtre, de la part des habitans de Vcrnines,à se plier sous le joug qu’on voulait leur imposer;
Que ces Percières n’ont jamais été perçues depuis 1489
jusqu'en 1717 , que les Seigneurs de Vcrnines ont fait la tentative
d’y asservir ces habitans ;
Q u’elles n ’ on t pas été payées dep ui s 1717 j u s q u ’en 1 7 6 5 ,
époque
de l ’A r r ê t d u
t e mp s l à ,
Parlement,
puisque,
p en d an t
tout
ce
les parties étaient en p ro c è s ;
Que les Seigneurs de Vcrnines n’avaient qu’une bien faible
confiance dans leur prétention, puisqu’il n’ont suivi ce procès
a
�( 1° )
que de loin en loin ; que toute démarche a été suspendue de
leur pari, depuis 1717 jusqu’en 1752, cl qu’ils ont laissé passer
un demi-siècle sans en poursuivre la décision;
Que malgré l’Arrêt de 1765, la résistance des liahitans a
toujours été la même ; qu’il ne paraîl pas que le droit ait été
p erç u , et qu’il n’en a pas moins été en litige après comme avant ;
Q u’il a' fallu, en 1791, en revenir à un arbitrage; çt qu’enfin
tout était encore indécis sur ces Percièrcs, lorsque M. de
Lavigneix a acheté la terre de Vernines, le 8 juin 1792;
1 On lit , en effet, dans cet acte de vente , que , « Allendu
qu’il existe entre les sieurs Dufraisse et les habitans de
» Vernines une contestation relative au droit de Percière, il
» est convenu que les vendeurs seront obligés de rapporter,
» dans le courant de la présente année, u n ju g e m e n t con firm a tij
» de la Sentence arbitrale rendue au profit desdits sieurs
» Dufraisse; et au cas de perle du >procès , il sera diminué
» sur le prix de la présente vente la somme de 40j°°0 liv., à
» quoi les Percièrcs ont été évaluées. »
On prévoit dans cet acte de ve n te, le cas de la perle du
procès, et dans le cas prévu, il devait être déduit 4°>00°
sur le prix de la vente; il 11’y avait donc alors rien d’assuré sur
ce prétendjii droit ; tout dépendait du Jugem ent confirmait‘f de la
Sentence arbitrale, et ce Jugement n’a jamais été rendu.
C ’est donc avec raison que les habitans de V e r n in e s ont dit
que ce prétendu droit 'de Percière a été contesté dans tous
les temps; que la tentative de les y asservir, depuis plusieurs
siècles, n’a été renouvelée que de lo in en lo in , qu’elle a tou
jours été infructueuse , et que les choses étaient encore entières
au moment où ont paru les nouvelles Lois sur le régime
féodal.
�( “ )
§. III.
Q uand le droit de Percière aurait été dû, il a e'té aboli p a r les
nouvelles lois.
Il y a deux sorles de Percières ou de champarts, ou, si l’on
veut, de redevances à portions de fruits.
Les unes ont leur principe dans un acte de concession, fait
par un p r o p r i é t a i r e , d une quantité de terre determ m cc, a la
charge par ic colon de payer une quotité des fruits qui s’y
r e c u e i l l e n t , tel que le quart, le cinquième ou une moindre
portion qui se règle ordinairement sur le plus ou moins de
fertilité de l’héritage concédé.
Les autres sont des Percières générales, prétendues par les
ci-devant Seigneurs, sur toutes les terres situées dans l’étendue
de ce qui formait autrefois leur haute justice , sans autre exception
que de celles qui se trouvaient avoir été concédées à titre
de cens.
Les premières de ces Percières sont sacrées, et les habitans
de Vernines n’entendent pas les contester, s’il en existe de
pareilles dans leur commune.
Mais, il n’en est pas de même des Percières générales, et
indépendantes de toute concession particulière, telle que celle
que demande INI. du Boscage, sur toutes les terres situées dans
l’enclave de la ci-devant haute justice de Vernines.
C ’est sur celles-ci que porte notre proposition, qu’en sup
posant qu’elles eussent été dues aux Seigneurs de Vernines ,
elles seraient abolies par les nouvelles Lois.
Quand ou r e c h e r c h e l’origine du droit de Percière, auquel
les Seigneurs de V e r n in e s ont voulu asservir, dans tous les
temps, les habitans de celte commune, on n’en trouve pas d’autre
que celle maxime étrange (pie la force et la violence avaient
érigé en principe: que toutes les propriétés situées dans l’eaclave
de leur haute justice étaient de leur domaine.
�Il semblait que celte maxime devait cire étrangère à la Coutume
d’Auvergne, qui, de toutes les Coutumes, était la plus essentiel
lement allodiale ; cependant elle y était admise, comme dan»
la majeure partie des Coutumes de la France , où l’on ne
connaissait d’autre droit public que la maxime: Nulle terre sans
Seigneur :
Orrinia , dit M a z u e r , le plus ancien praticien d’Auvergne ,
qui écrivait avant la rédaction de la Coutum e, quœ sunt in
teiritono , seu districtu Dornirù, censenlur esse de suo fundo et
D ominio, et etiarn de suâ jurisdictione. M a z u e r , de judiciis, n.° 22.
B e s s i a n , qui est le premier commentateur qui ait écrit après
la rédaction de la Coutum e, confirme ce qu’avait dit M a z u e r ,
et s’exprime en ces termes sur l’article 5 du titre 2:
liegulariter et de ju re otnnia prœdia existentia in territorio aliciju s Dornini, censentur esse de suo fu n d o cl de suâ jurisdictione.
M. C h a b r o l , dans son commentaire sur cet art. 2, tom. 1 " ,
pages 40 et suivantes, rappelle, à cet égard, la noie de D u m o u l i n ,
sur l’art. 158 de la Coutume de T ro y c s , qui est allodiale comme
celle d’Auvergne, où il dit, que le Seigneur est fo n d é en la pro
priété dans sa haute justice.
Il rapporte une inulliludc d'autres autorités à l’appui de cette
prétendue propriété universelle des ci-devant Seigneurs dans
l’étendue de leur haute justice, qu’on se dispensera de rapporter,
et qu’on peut voir dans son ouvrage.
Or, c’est uniquement à ce titre que les ci-devant Seigneurs
«le la terre et de la haute justice de Yernines v, ont réclamé le
droit de Percièrc contre tous les habitait» de cette justice.
On lit dans le prétendu titre de 1489, que ledit Seigneur était
en possession d'avoir et percevoir la Percièrc des terres étant en
sa seigneurie.
On voit dans l’analyse de l’Arrel rendu en 1765, que dans
un aveu cl dénombrement donné au bureau des finances de
Kiorn, par la dame Arragounès, dame de Vcrnincs, elle comprend
�le droit de Percicres, à la cinquième gerbe, sur lous les héritages
situes dans l ’étendue de la justice de V ?m ines.
.A la vérité, clic consent que cet aveu et dénombrement soit
restraint aux terres non sujettes à cens, mais d’après la maxime:
cxceptio fu m â t reguhun , il n’en est que mieux établi que la
dame de Vcrnines entendait faire résulter, de sa haute justice ,
son droit de Percière sur tous les héritages situés dans son
enclave.
Ses c o n c lu s io n s tendent, en effet, à ce que, faisant droit au
principal, les habilans soient condamnés, « à payer et porter
» audit de Vcrnines, à son château de Vcrnines, le droit de
» P e r ciè r e , à la cinquième gerbe, sur les héritages non sujets à
» cens, et autres devoirs seigneuriaux dépendons de la justice de
» f rer/iines. »
Et on lit dans le dispositif de l’Arrèt, que la condamnation
est portée contre les h a b ila n s et co m m u n a u té d u d il T e r m in e s ,
N e u v ille , et autres dépendances de la h aute ju s tic e de l 'v n i n e s .
Lorsque depuis, M. Dufraisse , seigneur de Vcrnines, a voulu
mettre cet A rrèl à exécution , il a fait imprimer des Exploits
dans lesquels on lit que l’Arrêt de 1765, «adjuge audit seigneur
» la Percière, à raison de la cinquième gerbe , sur toutes les
» terres situées dans 1étendue de sadite justice de T^emines, et non
» . tenues à cens. »
Et dans l’acte de vente de 1792, on comprend « un droit de
» Percière sur toutes les teiTes enclavées dans iétendue de. la haute
» justice de T'ernines, non tenues à cens, soit du propriétaire,
» soit d'autres ci-devant seigneurs. »
Enfin , dans l’ Exploit de demande de M. du Boscagc , du
22 juillet dernier, on lit ce qui suit:
« Attendu (¡ue par diverses Sentences et ’A rrêts rendus dans
» les anciens Tribunaux , cl notamment par celui du i 5 juillet 17G!),
» les habilans de h paroisse de Vcrnines ont été condamnés à
» payer cl porter, audit sieur de V crnines, dans son château de
» Vcrnines, le droit de Percière, à la cinquième gerbe, sur les
�( >4 )
» héritages non sujets à cens et autres droits seigneuriaux,
» dépendons de ïa justice de Tremines. »
E l plus bas : « Attendu cpie le sieur du Boscage est bien
» fondé, d’après ces circonstances , à réclamer contre les habitans
» de Vernines, chacun en ce qui le concerne, le paiement des
» Percières dues sur chaque héritage. »
Il reste donc démontré que c’est uniquement à ce titre
de Seigneurs haut Justiciers que les seigneurs de Vernines ont
prétendu, jadis, un droit de Percièrc sur les terres enclavées
dans leur haute justice , et que c’est encore à ce même titre, et
comme se prétendant aux droits des anciens seigneurs haut
justiciers de cette terre, que M. du Boscage réclame aujourd’hui
ce même droit.
O r , il est facile d’établir jusques au plus haut degré d’évidence ,
que cc prétendu droit de Percière , uniquement fondé sur ce
titre de ci-devant seigneur haut justifier, ciït-il été du alors, ce
dont on est bien loin de convenir, aurait été supprime par les
nouvelles Lois qui ont «aboli la féodalité.
Une première L o i , du 20 avril 1791, avait aboli les droits
annexés à la justice seigneuriale.
Cette loi, sanctionnée par le Roi , est intitulée en ces termes:
« Loi concernant l’abolition de plusieurs droits seigneuriaux,
» et notam m ent de ceux (jui étaient ci-devant annexés à la justice
» seigneuriale »•
Une seconde Loi , du 25 août suivant, a développé les effets
de celle abolition.
L ’a rticle 1." d e ce tte L oi esl c o n çu en ces toxines :
« Tous les effets qui peuvent avoir été produits par la maxime:
» N ulle terre, sans Seigneur: Par celle de l’enclave, par les statuts,
» coutumes cl règles , soit générales , soit particulières, qui
»> tiennent h la féodalité , demeurent comme non avenus ».
O11 lit ce qui suit dans l’art. 5 , qui s'applique spécialement
à la cause.
« Tous les droits féodaux, x>u censucls utiles; toutes les rede-
�« vances seigneuriales annuelles, en argent, grains, volailles,
» V ire , denrées ou fruits de la terre, servis sous la dénomination
» de cens , censives, surcens , rentes seigneuriales et einphy» téotiques , champari , terrage, ugrier comptant .............. , sont
» abolis sans indemnité, à moins qu’ils ne soient justifiés avoir
» pour cause une concession primitive de f o n d s , laquelle cause
» ne pourra être établie qu’autant qu’elle se trouvera clairement
» énoncée dans l'acte prim ordial d'inféodation, d'accensement,
» ou de bail à cens, qui devra être rapporté. »
Et par l’article 12 de cette Loi: «‘Tous procès intentes et non
» décidés par Jugement en dernier ressort, relativement aux
» droits féodaux ou ccnsuels , fixes et casucls , abolis sans
» indemnité, soit par les Lois antérieures, soit par le présent
» D écret, demeurent éteints, et les dépens resteront compensés. >»
Cette Loi s’applique d’elle-même à l’espèce :
Le droit de Champart ou de Pcrcièrc, dont il s’agit, n’a pas
pour cause une concession primitive de fond , il n’a son origine
que dans la prétention qu’avaient les seigneurs de Vernincs de
la propriété universelle de toutes les terres situées dans l’enclave
de leur haute justice.
Ce prétendu droit de Percièrc est donc rigoureusement compris
dans la suppression prononcée par cette Loi.
11 peut y avoir d’autant moins de doute à cet é g a rd , que ,
d’une part, l’art. 17 de celle Loi n’excepte de la suppression
que, « Les rentes, cham parts et autres redevances qui ne
» tiennent point à la féodalité , et qui sont ducs par des parti» entiers à des particuliers non Seigneurs, ni possesseurs de fiefs.»
E l d’autre part, que M. du Boscagc n’est pas en état de justifier
d’un seul titre de concession des terres qui forment l’objet
de sa demande du 22 juillet dernier.
Mais ta Loi du 25 août 1792, n’est pas la seule que les
habitans de Vernincs soient en droit d’invoquer pour leur dé
fense; ta Loi du 10 juin 1793 vient encore à leur appui de
la manière la plus ciTicace.
�Nous lisons dans l’art. i.M de la section 4 de cette Loi, que,'
« Tous les biens communaux en général, connus dans toute la
» République, sous les divers noms de gastes , garrigues,
» landes, paccages , pâtis , ajoncs, bruyères , bois communs ,
» hernies, vacants, palus, marais , marécages , montagnes et
» sous toute autre dénomination quelconque, sont et appar» tiennent, de leur nature, à la généralité des habitans , ou
» membres des communes ou sections de com m une, dans le
» territoire desquelles ces communaux sont situés, et comme
» tels, ces communes ou sections de communes sont fondées
» cl autorisées à les revendiquer. »
Celte Loi s’applique encore d’elle-m êm e aux terres cultivées
par les habitans de Yernines, sur lesquelles M. du Boscage leur
demande le droit ,de P c r c ic r e , à la cinquième portion des fruits.
Cette commune est située entre le Puy-de-Dôme et le Montd’Or ; elle est couverte de neiges six mois de l’année ; la plupart
des terres dont elle est composée sont des terres vaines et
vagues, hernies et vacantes, qui ne sont pas succeptibles d’une
culture habituelle, mais que les habitans du pays défrichent de
temps à autre, et dont à force d ’engrais et de travaux, ils
parviennent à tirer quelques productions.
La possession de ce droit dans la personne des ci - devant
Seigneurs de V e r n i n e s , quand elle serait aussi réelle qu’elle
est démontrée fausse, ne serait d’aucune utilité, parce qu’on
voit dans l’art. 8 de la même section, que « La possession de 4o ans
» e x ig é e par la Loi du 28 août 1792, pour justifier la propriété
» du ci-devanl S e ig n e u r s u r tes terre s v a in c s et v a g u e s , gastes,
» garrigues, landes, marais, biens, hernies, vacants, 11e pourra
» en aucun cas suppléer le titre légitime, et ce titre légitime ne
» pourra être celui qui émanerait Je la puissance féodale; mais
>. seulement un acte qui constate qu’ils ont légitimement acheté
» lesdits biens, conformément à la loi du 28 aonfil >792.»
Et l’art. 9 qui su it, en expliquant le précédent, porte en
Inincs formels, que cette possession de 4o ans ne pourra être
�( 17 )
invoquée par les acquéreurs volontaires ou donataires , héritiers,
ou légataires du jief, à titre universel.
Enfin, la loi du 17 juillet 1793 a coupé la dernière tèle à
l’hydre féodale, en supprimant les redevances seigneuriales
et les droits féodaux de tous genres, même ceux qui avaient
pu avoir été conservés par les Décrets antérieurs.
On ne voit pas comment, d’après toutes ces Lois, M. du
Boscage a pu sc faire illusion au point de tenter la conquête
de ce droit dcPcrcièrc, qui, d’après lui-même, n’a d’autre origine
que la qualité de Seigneur haut justicier, qui est abolie, d’une
manière absolue, ainsi que tous les drois qui y étaient annexés ;
D ’un droit qui était en litige depuis des siècles entre les
habitans de Vcrnincs et leur Seigneur, et qui l’était encore au
moment de la révolution ;
D ’un droit enfin, qui ne lui a pas été légué par M. de Lavigneix,
qui n’a entendu le gratifier que d’une somme de 40,000 fr., ou,
d’un i m m e u b le de cette valeur; qui en est bien plus que rempli,
par le rural seul de la terre de Vernines que M. de Lavigneix
possédait à sasmort, et qu’il n’a entendu lui transmettre que
comme il la possédait.
On ferait d’ailleurs un présent bien illusoire à M. du Boscage
si on ne lui faisait pas un présent funeste, en lui accordant ces
Percièrcs.
M. du Boscage nous «lit lui-m êm e que le droit de Percière
q u ’il réclame 11e lui est pas du sur les terres qui étaient tenues
à cens des anciens Seigneurs de Vernines, ou des autres Sei
gneurs voisins.
O r , comment distinguer dans ces terres qui sont dans ce
moment en c u lt u r e ou qui le seront à l’avenir, les terres qui
étaient asservies à des cens, il y a 3o ans, de celles qui ne
l’étaient pas.
Par exemple, dans les 22 articles pour lesquels la dame
Choussy est traduite en justice, il peut y en avoir la moitié
3
�. ( 18)
ou les trois quarts, peut-être même le tout, qui étaient soumis a
des cens, soit envers le Seigneur de Vernines,
Soit envers le chapitre d’O rcival,
Soit envers le chapitre cathédral de Clermont,
Soit envers différons autres Seigneurs voisins, qui couvraient
de leur directe le territoire de Vernines.
Comment savoir celui ou ceux de ces vingt-deux articles que
les sieur et dame Choussy ont cultivés pour leur propre compte ,
comme étant anciennement asservis à des cens, ou ceux qu’ils
cultivent sous le bon plaisir et pour le compte de M. du Boscagc,
qui sc prétend le représentant de leur ancien Seigneur haut
justicier.
E l , s’il faut que l’asscrvisscmcnl ou l’affrancliissemenl de tel
ou tel article soit l’objet d’une preuve écrite ou testimoniale ,
cette preuve ne peut être à la charge du cultivateur, soit parce
qu’il n’a aucune ressource par-devers lui pour établir cette preuve
ou pour s’en garantir, soit parce qu e, d’après tous les principes
du droit naturel cl du droit civil, tout est en faveur de la liberté
contre la servitude, suivant la maxime: Quo/ies ilubia intcrprelatio
liberlatis. est, sccundùrn libcrtatcm respondendurn crit. llègle 20,
de regulis juris.
V4
%
M. Duboscage ne manquera pas d’invoquer en sa faveur
quelques préjugés des Tribunaux, tels que le succès de >1. de
Lasalle, qui a obtenu la confirmation de ses Pcrcières, contre
différons particuliers, liabilntis jde t>l;in/.nl ; el son succi’s per
sonnel contre plusieurs habilans d’Aurières.
Mais, à l’égard des Pcrcières de lîlanzat, 011 voit dans l’A rrêt,
que ces Pcrcières étaient ducs à M. de Lasalle, non pas comme
Seigneur haut justicier, et Sur l’universalité des terres situées
dans sa justice, mais sur des lénemens particuliers, el d’après
des titres primitifs de concession de fonds, tels que les exigeait
la Loi du 2!) août 1792, qui tous étaient rapportés au procès.
Et, ii l’égard de celles que M.*du Boscage s’est fait adjuger sur
�( T9 )
Certains mas et ténemens du village d’A urières, il paraît que
l’Arrét obtenu par M. du Boscage est fondé sur ce qu’il était
établi, par des reconnaissances de 1771, que ces liabitans ne
possédaient ces mas et ténemens r/u’à titre de colons congcables.
Au surplus, dans cette matière, encore plus que dans toute
autre, c’est par les Lois et non parles exemples que nous devons
nous régir. Legibus non exernplis regunnr.
Tout le monde connaît, d’ailleurs, ce brocard du palais, que
les Arrêts sont pour ceux qui les obtiennent, parce qu’ils sont
souvent l'effet d’un faux exposé des faits ou d’une défense négligée,
cX quelquefois d’un concert dont la justice ne peut pas pénétrer
le mystère.
. Ces préjugés dont M. du Boscagc ne manquera pas de tirer
avantage, sont donc sans conséquence et 11c peuvent avoir aucune
influence sur la décision de celle cause, qui se réduit à ces trois
points qu’on croit avoir également démontres jusques à l’évidence.
. Le premier, que M. du Boscage n’a ni droit ni qualité pour
rechercher ces Percièrcs.
Le second, qu’elles ont été contestées de tous tem ps, et
qu’elles étaient encore en litige au moment ou la terre de
Vernines a été vendue à M. de Lavigncix, au mois de juin 1792.
Le troisième, que si elles eussent été d u c s , elles auraient
été abolies par les lois des 20 avril 1791, a 5 août 1792, 10 juin
el 17 juillet 1793.
O11 sent, d’après tout ce qu’on vient de dire, qu’il est assez
inutile de s’occuper de la prétention de M. du Boscage, en
îvslilulion cle 3o années d’arrérages des Percièrcs qu’il réclame.
ie,,t. — S’il était dû dos arrérages de celle redevance, ce 11c
serait pas à lui que ces arrérages appartiendraient, mais à la
succession de M. d,. Lavigneix, dont l'héritier esl bien éloigné de
vouloir les réclamer ;
oent^ — S’il avail connu la disposition de l’arl. i 5 du litre 'S
de la Loi du 18 décembre 1790, qui porte en termes formels
�( 20 )
que ces sortes de redevances n’arrérageront pas à l’avenir, il
se serait épargné une demande aussi inconvenante, et qui ne
fait qu’ajouter à l’odieux que le droit en lui-même doit naturel
lement inspirer.
Il
ne nous reste, en terminant cette discussion, qu’à faire
une dernière réflexion dictée par le sentiment profond du bien
public et de l’intérêt de l'humanité.
Tout ce que nous Appelons dans ce département la montagne
de nuit, qui est d’une très-vaste étendue, consiste presqu’uni-quement en brandes, bruyères, landes, fraux et terres hernies
d une assez mauvaise nature.
Presque toutes ces terres re sta ie n t incultes par l’avidité des
Seigneurs , qui se prétendant propriétaires universels de tout ce
qui était situé dans l’enclave de leur haute justice, se prétendaient
en droit d’exiger de§ malheureux colons la portion la plus
précieuse des fruits qu’ils arrachaient, à force de travaux, de
ces terres ingrates.
Tout a changé de face dans ces contrées , l’abolition du régime
féodal a encouragé et annobli l’agriculture ; les cullivaleurs'ficrs
d’être possesseurs de propriétés indépendantes, et de ne travailler
désormais que pour eux et leur famille, ont rivalisé d’eiforts
pour féconder ces terres frappées jusques-là de stérilité; l’accrois
sement de la population a multiplié les bras; les défrîchcmens
ont été plus nombreux, les travaux mieux entendus, cl partout
les productions soûl d e v e n u e s doubles et peut-être triples de ce
qu’elles étaient autrefois.
I.e génie du mal, l’hydeusc féodalité a considéré, avec des
regards avides, ces.heureux changemcns , et tente aujourd’hui
de s'en approprier les avantages.
C ’est ïirn/n'iis Miles de Yihgikk qui veut faire sa proie des
moissons des habitans de Manloue, avec cette différence que
les spoliations des vétérans, dont parle le poêle, avaient du
moins pour prétexte des services rendus à la patrie, tandis
�( 21 )
qu’ici, c’est un heureux légataire, qui a reçu de M. de Lavigneix
le don le plus inattendu qui fut jamais, d’une somme de 4o,ooof.,
ou d’un immeuble de semblable valeur, qui veut décupler son
legs, et lui donner une extension sans mesure contre le texte
formel du Testament, qui borne la libéralité à 40 000 fr- et
contre l’intention manifeste du testateur qui a possédé 28 ans
la terre de Vernines, sans qu’il lui soit venu en idée de rechercher
un seul habitant pour le prétendu droit de Percière que réclame
aujourd’hui son légataire.
On a dit en commençant , et on ne saurait trop le répéter,
cette affaire n’est pas seulement celles des habitans de V ernines,
c’est celle de tous habitans des montagnes d’Auvergne.
Cent féodaux de ces montagnes, témoins de la lutte de M. du
Boscage , contre les habitans de V ernines, le suivent dans
l’arène, l’accompagnent de leurs vœux , et attendent avec
impatience l’événement, pour, s’il était favorable à la féodalité,
prendre part à la curée.
B O I R O T , ancien Jurisconsulte.
B O U C H E T , A voué.
A CLERMONT-FE R R A N D , de l'Im prim erie de P e l lisso n p ère e t f ils , au coin des ru es
Sain t-G enès et Sain t-Esp r it, ancienne m aison Giron.
�
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Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
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/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Dubreuil, Marie. 1822?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Boirot
Bouchet
Subject
The topic of the resource
percière
experts-géomètres
experts
assignats
féodalité
émigrés
legs
coutume d'Auvergne
franc-alleu
doctrine
cinquième gerbe
communaux
climat
droits féodaux
physiocrates
agriculture
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire pour dame Marie Dubreuil, et le sieur Guillaume Choussy, son mari, expert-géomètre, maire de la commune de Nebouzat ; Antoine et autre Antoine Bouchet, frères, cultivateurs, et autres habitans de la commune de Vernines, défendeurs ; contre M. Guillaumanche du Boscage, Lieutenant-général des Armées du Roi, propriétaire de la terre de Vernines, demandeur.
annotations manuscrites : « 19 janvier 1824, 1ére chambre, arrêt définitif. Voir au surplus au 26éme volume, p.81 et 103, les deux mémoires ».
Table Godemel : Percière : 3. la percière était-elle, en Auvergne, réputée féodale, lorsqu’elle était due au seigneur du tènement ? était-elle réputée mélangée de féodalité lorsque les titres qui la rappelaient, rappelaient en même temps les censives dues au même seigneur sur d’autres héritages ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
de l'imprimerie de Pellisson père et fils (Clermont-Ferrand)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1822
1791-1822
1789-1799 : Révolution
1804-1814 : 1er Empire
1814-1830 : Restauration
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
21 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2521
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2604
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53507/BCU_Factums_G2521.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Nébouzat (63248)
Vernines (63451)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
agriculture
assignats
cinquième gerbe
climat
communaux
coutume d'Auvergne
doctrine
droits féodaux
émigrés
experts
experts-géomètres
féodalité
franc-alleu
legs
Percière
physiocrates
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53519/BCU_Factums_G2604.pdf
483228fa604a875ac4ac705bc5299d15
PDF Text
Text
MEMOIRE
l'wcfTU* 'CàM
1%
POUR
Dame M
a r ie
y u^
D U B R E U I L , et le Sr G
CHOUSSY,
son m a r i ,
u il l a u m e
n t o in e
rV à«
E x p e r t - géomètre
M a ir e de la C o m m u n e de N e b o u z a t ; A
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V
't'-»
^-*^ï /vP U
/Ok /■
CkAjuO
A»,
n t o in e
B O U C H E T , frères „ c u l ti
v a t e u r s et autres habitans d e la C o m m u n e
de Vernines., défendeurs ;
„ CONTRE
M.
GUILLAUMANCHE
du
BOSCAGE,
L ie u t e n a n t - g é n é r a l des A rm ées d u Roi, P r o
priétaire de la terre de V ernines., d e m a n d e u r .
M
• DU B o s c a g e est devenu propriétaire de la terre de
V ernin es , située dans les montagnes de la B a sse-A u verg n e, par
le legs que lu i en a fait M . de L avign eix, qui n'éta it , ni son
parent, ni son allié.
A u lie u d’user de cette propriété com m e l ’avait' fait son bien
faiteur, et dans le sens et l’esprit de son T estam ent, il a signalé
sa mise en possession par des menaces d ’asservir, à un droit de
P ercièr e , a la cinquièm e portion des fruits , deux à trois m ille
�itV
(2)
V
arpens de terre , qui form aient , jadis , l ’enclave de la haute
■'justice'de la terre de Yernines.
r .,i,. Bientôt ces menaces ont été réalisées ; déjà , dix liabitans sont
+
en justice pour voir consacrer ce prétendu droit;
**Ceiit autres se sont empressés de se réunir à eux pour re+**>
* poüssêr cette funeste prétention.
•t
-tv Cette cause n’est pas seulem ent celle des liabitans de Yernines,
c’est celle de tous les liabitans des montagnes d’A u vergn e; c’est
la lutte de la liberté de l ’agriculture contre le régim e féodal qui
relève sa tête a ltière, et veut reprendre son sceptre de fer.
L es liabitans de Yernines ont plusieurs sortes de moyens à
opposer en défense contre la prétention de M. du Boscage.
i.cnt — M. du Boscage est sans droit et sans qualité pour ré
clamer ce prétendu droit de Percière ;
—
ç c droit a été contesté, dans tous les tem p s, par les
liabitans de Yernines à leur ci-devant seigneur, et il l’était encore
au m om ent de la révolution ;
3 .ent — Quand ce droit aurait été dû , il a été supprim é par
les lois de 17 9 1, 1792 et 1793, qui ont, aboli le régim e féodal.
§. I er. .
M . du Boscage est sans droit et saris qualité pour réclamer
le droit de Percières.
M. Petit de Lavigneix acheta la terre de Yernines de la famille
D ufraisse, par acte du 8 juin 1792.
Cette terre fut achetée m oyennant 180,000 liv- de prix principal,
cl 2,400 liv. d ’epingles.
Les assignats perdaient alors 36 pour cen t, suivant l ’échelle
de. dépréciation , ce qui portait ce p rix , en numéraire , *1
116,736 livres ou 115,294 fr- 81 centimes.
Cette vente com prenait des b âlim en s, prés et terres ;
\
�y*
Différentes directes, montant à 116 sehers seigle , m esure de
Clerinont ;
* Go seliers avoine ;
E t environ 17!) liv. argent ;
E lle comprenait aussi quelques contrats de rentes foncières ;
« g.0 U n droit de P crcièrc sur foutes les terres enclavées dans
» l ’étendue de la ci-devantjustice de V'em ines, non tenues à cens,
« soit du p rop riétaire, soit d’autres ci-devant seigneurs. »
(Il est dit plus bas que , « A ttendu q u ’il existe entre les sieurs
» Dufraisse et les liabitans d eY crn in e s une contestation relative
» au droit de Percière , il est convenu que les sieurs et dames
» vendeurs seront obligés de rapporter , dans le courant de la
» présente année, un Jugem ent c o n f ir m a lif de la Sentence arbi» traie rendue au profit d e sc lils s ie u r s D u fraisse, e.t en cas de
» perte du procès , il sera dim inué , sur le p rix de la présente
« v e n te , la somme de 40,000 liv ., à quoi les Percières ont été
» évaluées. »
Postérieurem ent, et en l ’an 7, il s’éleva une contestation entre
M. de Lavigneix et scs vendeurs pour raison de la rem ise des
litre s, soit des P ercières, soit des différens contrats de rente
compris dans la vente du 8 juin 1792.
Les choses restèrent dans cet état jusqu’au m ois frim aire an 11,
que trois des sieurs D u fraisse, qui étaient inscrits sur la liste des
ém igrés, étant rentrés dans leurs fo yers, il s’éleva une nouvelle
contestation entre eux et M. de L a v ig n e ix , qui donna lieu à une
Iransaction qui fut passée le i m essidor an xx
ju illet i o .)
On voit dans celte transaction que les trois frères Dufraisse
demandaient à M. de Lavigneix le paiem ent des trois quarts du
prix <le la vente du 8 juin 1792, avec in térêts;
Q ue M. de Lavigneix , leur opposait en défense q u e , « L oin
» d’elre leur débiteur , il avait surpayé le p rix de son acquisition,
» déduction faite des capitaux qui étaient restés dans ses m ains;
» Q u’en effet, il fallait com m encer par déduire sur le p rix dé
*> sop acquisition la
de 40,000 liv,, pour le m ontant du prix
5
somme
(4
83
�» des Percières, attendu que l u i , Petit de Lavigneix, ne les avait
» acheté que conditionnellem ent ; que ses vendeurs étant en
» procès avec les habitans d e V e rn in e s , pour ces Percières, il
» n ’avait pas voulu prendre sur son com pte les risques de ce
» 'procès ; qu’on s’était obligé de lui rapporter, dans l’année, une
» Sentence coniirm ative de la Sentence arbitrale qui avait été
» rendue à leur profit ; q u ’on devait aussi lui en rem ettre tous
» les litres ; qu’il ne lui avait été rem is ni ces titres , ni la
» Sentence coniirm ative de la Sentence arbitrale ; que cette
» Sentence n ’avait pas m êm e été rendu e; q u e , d ès-lo rs, il éLa/t
» libéré de cette somme de 40,000 liv. ».
Les frères Dufraisse répondaient, à l ’égard des P e rcière s,
que , « Presque im m édiatem ent après le contrat de vente du
» 8 juin 1792 , était intervenue la loi du 25 août qui avait aboli
» toutes les redevances seign eu riales, dont on 11e rapportait pas
» de litres prim itifs de concession ;
» Que depuis , la loi du 17 juillet 179^ avait aboli toutes les
)> rentes seigneuriales, sans exception, et que les P ercières, dont
» était q u e stio n , étaient com prises dans cette abolition ;
» Que d ès-lo rs, si le citoyen de Lavigneix était privé de ces
» P e rciè re s, ce n’était ni par le défaut de rem ises des litr e s , ni
» parce que les citoyens Dufraisse ne lui avaient pas rapporté
» la Sentence coniirm ative de la Sentence arb itrale, mais par
» l ’eflet de la force m ajeu re, dont ils n’étaient pas garants ; qu’en
» con séqu en ce, la p erle de ces Percières était pour le com pte
» du c ito y e n de Lavigneix , et qu’il ne devait pas moins leur en
» payer le prix. »
D ’après ces m oyens proposés respectivem ent par les p a rties,
la discussion sc term ine sur cet objet en ces termes :
« L e citoyen Lavigneix dem eure propriétaire incom m utable
» des P ercières, telles qu’elles peuvent elre dues, a ses risqu es,
« périls et fo rtu n e , cl sans aucune garantie, à cel éga rd , de la
r> pari des vendeurs, qui lui ont présentem ent remis 1 expédition
» de la Sentence arbitrale rendue en leur faveur contre les
�(5)
»
»
»
»
»
habitans <lc V ern in es, le ......... août 17 9 1, dans laquelle sont
rappelés tous les litres sur lesquels le droit peut être fo n d e ,
et promettent de lui rem ettre, de bonne f o i , tous les titres ,
soit sur lesdites P ercières, soit tous les autres titres de propriété de ladite terre de Vernines qu’ils pourront recouvrer. »
Il y a lieu de croire que M. de Lavigneix , en prenant ces
Percières sur son compte , a moins cherché son intérêt personnel
que celui des habitans de Vernines , qu’il a voulu garantir des
vexations qu’ils n’auraient pas manqué d’éprouver de la part
de vils cessionnaires ou d’avides spéculateurs.
Ce qui semblerait le prouver, c’est la conduite constante qu’il
a tenu depuis -, il n ’a fait aucun usage de ce droit de Percière ;
jamais aucun des habitans de la terre de Vernines n ’a été inquiété
pour ce d r o it, ni par l u i , ni par scs agens , cl il s est écoulé
seize à dix-sept ans depuis la transaction de i 8o3 , sans qu’il lui
soit venu en idée d’élever la plus légère prétention à cet égard.
C ’est dans cet état de choses que M. de Lavigneix a fait son
Testament par-devant, n o taire, à B esançon, le 14 janvier 18 19,
dans lequel on lit le legs qui suit :
« Je donne et lègue à M. de Guillaum anchc du Boscage ,
» gentilhomme français, demeurant à C le rm o n t-F e rra n d , en
» A uvergne, la somme de 4o,ooo f r ., ou , à son ch o ix , ma terre
« de Vernines, à la charge, s’il accepte cette te rre , de rendre à
» ma succession 3o,ooo fr. »
Il est évident que, par ces expressions, ma terre de V ernines,
M. de Lavigneix n’a entendu léguer sa terre que comme il
en jouissait, c’est-à-dire, avec le rural qui formait seul cette
terre à ses yeux , puisque c’était la seule chose dont il avait
jo u i, cl dont il avait entendu jouir depuis 28 ans.
11 était bien éloigné de vouloir y joindre le droit exhorbitant
de prélever la cinquièm e g erb e, sur toutes les propriétés des
habitans de cette te r r e , qu il regardait co m m e a b o li, et qu’il
n ’avait jamais youlu réclamer.
�(G)
La p re m iè re , l ’unique pensée de M. de Lavigneix , est de
faire à M. du Boscage un don de °>ooo fr. ; s’il lui donne
l ’opfion de prendre sa terre de Vernines au lieu de ces o,ooo fr.,
en payant o,ooo fr. à sa succession, c’est q u ’il en estime la
valeur à 70,000 fr., et le rural seul en valait plus de 80,000.
Il est contre toute raison de supposer que M. de L a vig n eix ,
qui entendait borner scs largesses à 40,000 f r . , et qui excédait
déjà cette somme en donnant le rural de sa terre de V ernines,
en rem placem ent de ces 4°,000 f r . , ait voulu gratifier encore
M . du Boscage du droit de la cinquièm e portion de tous les
fruits que les habitans de Vernines pourraient recueillir dans
deux ou trois mille arpens de te r r e , qui formaient jadis l’enclave
de la terre de V ern in es; d ro it, qu’à raison de l'accroissem ent
journalier de l ’agriculture et de l’état florissant auquel elle est
appelée par l’abolition de la féodalité et la suppression des d îm es,
on peut évaluer , sans exagération , à plus de oo,ooo f r . , surtout
si on y joint les o ans de jouissances dont M. du Boscage ne
craint pas de dem ander la restitution.
4
4
3
3
3
Ce serait vainem ent que , pour donner ii ce legs une extension
conform e à ses v u e s , M. du Boscage voudrait exciper du Juge
m ent qu’il a obtenu sur la demande en délivrance du legs qui
lui a été fait par M. de L avign eix, par lequel il est envoyé en
possession de la te rre de Vernines , « T elle qu’elle se poursuit et
» com porte, avec scs circonstances et dépendances, sans aucune
» réserve. »
O n lui rép on drait, i.ent, que ce Jugem ent n ’a eu pour objet
que les intérêts respectifs de l’héritier et du légataire, et que
tout ce q u ’on a pu y insérer est étranger aux tiers auxquels il
n ’a pu ni p ro file r, ni nuire ;
Q ue d ’a ille u rs , s’il était contraire à leurs in té rê ts, il ne
dépendrait que d ’eux d ’en paralyser l ’eiîct par la voie de la
tierce opposition.
3 cnt,
On lui répondrait que ce Jugem ent ne fait pas mention
�(7 )
des Percièrcs ; que l’héritier de M. de L avigneix s’est borné à
lui offrir la délivrance du legs dans le termes du Testament;
q u e, d ès-lors, tout se réduit à l ’interprétation de ce T estam en t,
et à expliquer quelle a été l ’intention de M. de Lavigneix en lui
léguant 40,000 f r ., ou sa terre de Y e rn in e s , à la charge de rendre
à- sa succession 3o,ooo fr.
O r, d’après tous les principes de la m a tière, pour interpréter
un le g s , et lui donner plus ou m oins d’exten sio n , il faut
d’abord avoir égard au degrc de parenté qui lie le testateur et le
légataire, et qui lui suppose plus ou m oins d’affeclion pour le
légataire, d’après la marche ordinaire de la nature.
O r, ici, le testateur et le légataire n’étaient, ni parens, ni alliés.
Il faut ensuite, suivant R i c a r d , partie 2 , chap. 4 > n -° * 4 8 ,
avoir recours à toutes les circonstances qui peuvent servir à
découvrir la volonté du testateur, à toutes les conjectures qui
accompagnent l ’espèce particulière qui
est à décider,
vestigia
volonlalis sequirnur.
O r, ici, toutes les circonstances, loulcs les conjectures s’op
posent a 1 extension que 1V1. du Loscagc veut donner à son legs j
L e silence de M. de Lavigneix , sur ces P c rc iè re s , depuis 28 ans;
La valeur qu il donne a sa te rr e , qui n’est pas m êm e portée
au taux de la valeur réelle du rural;
La fixation de sa libéralité à 40,000 fr. ;
La m aniéré dont il a joui de sa terre de Y e rn in e s, depuis
qu’il en est devenu propriétaire ;
La manière dont il en jouissait à son d é cè s, au m om ent où
il dictait son Testament.
Ajoutons cette m axim e si conform e à la raison et aux lois :
I» legatis quod minimum est debetur.
Scnipcr in obscuris quod minimum est sequi/nur. L o i g de
regulis juris.
E l nous aurons tant de guides assures pour expliquer la
volonté de M. de L a v ig n e ix , qu’il ne restera pas le plus léger
doute que le legs qu’il a fait à M. du Boscagc doit être réduit
�au-rural de la terre de Y ern in es, qui surpasse, en valeur, ce q u ’il
a cnlendu lui donner.
D ’où il résulte , com m e noi^s l’avons dit en com m en çan t,
qu’il est sans droit et sans qualité pour réclam er contre les
habitans de Yernines ce prétendu droit de P crcière, qui excite
si vivem ent son am bition , et sur lequel il fonde de si flatteuses
espérances.
§. n.
Le prétendu droit de Pcrcière, que réclame M . du lioscage, a
été, dans tous les tem ps, contesté par les habitans de V«m ines ,
et il l'était encore quand M . de Lavigneix a acheté la terre de
7 'ernines.
M. du Boscage a fait im prim er et signifier, en tète de sa
demande , ses prétendus titres.
L e prem ier est l’extrSit de ce qu’il appelle un procès-verbal,
signé M a lin g re, des i." septem bre et 9 novem bre 1489 7 dressé,
d it-il, en exécution d ’un A rrêt du baillage de M onlferrand.
On ignore la form e de ce prétendu titre , s’il est en papier
qu en parchem in, si c’est un original ou une sim ple copie
collationnée ; e t , si c’est une copie co llalion n ée, quand et par
qui elle a été faite.
C e qu’il y a de certain , c’est que les habitans de Yernines
ont plaidé avec leur Seigneur, pendant tout le cours du dernier
siècle , sur ces'Percières-; que M. du Boscage a fait im prim er en
entier un A rrêt rendu au Parlem ent de P a ris , sur cette affaire,
en 1765^ et qtie ce prétendu titre n’y a pas été produit.
Q u oiqu ’il en so it, on voit dans ce prétendu p ro cès-v erb a l,
qu’au r5 ,tmc s iè c le , la te r r e de Yernines était une châtellenie de
belle et. grande étendue ;
Que d’après les lim ites q u ’on lui d o n n e , elle comprenait dans
son enclave un espace immense',
- E t qu’e n lin , on. y--fait mention- q u e , « L edit Seigneur était
�(9 )
» en possession d’avoir et percevoir la Perrière des terres étuul
» en sn seigneurie ».
Expressions qu’il ne faut pas perdre de vue*, et sur lesquelles
nous aurons occasion de revenir dans la suite.
M. Duboscage laisse ensuite une lacune de plusieurs s iè cle s,
pendant lesquels on ne voit aucune trace de ces- Percières.
Si on en croit les relations insérées dans l’A rrêt de 1765,
il y- eut une Sentence rendue à la cham bre du D om ain e,
le 2 juillet 1717.
Q ue portait cette Sentence? O n l ’ignore. T ou t ce q u ’on voit
dans l’A rrêt, c'est qu’il y en eut une seconde l e '7 avril 1752,
et une troisièm e le 6 avril 1756;
- Q u ’il y eut appel de ‘ces différentes Sentences au Parlem ent
de Paris ;
Q ue l’appel de la S e n t e n c e du 6 février 1756 , interjeté par
p lu s ie u r s individus qui sont dénommés dans cet A r r ê t , fut.
disjoint, du procès pour être ju g é séparément, et. qu’il ne paraît
pas qu’il ait été jugé depuis ;
Que sur l ’appel des Sentences de 1717 et 1752, ces Sentences
ont été confirmées et infirmées en partie ;
Q u’enfin, tout ce qui résulte de plus claiir de cet A r r ê t , c’est
que, pour ces Percières' générales , étrangères à toute concession
particulière, et uniquem ent fondées sur le systèm e de la propriété
universelle attribuée à la haute ju s tic e , il y a eu de tout temps
une résistance op in iâtre, de la part des habitans de V ern in cs,
a se plier sous le joug qu’on voulait leur im poser;
••
Q ue ces Percières n’ont jamais été perçues depuis i 48g
jusqu’en 1717 , que les Seigneurs de Vernincs on t fait la tentative
d y asservir ces habitans ;
Q u elles n’ont pas été payées depuis 1717 jusqu’en 17 6 5 ,
époque de l’A rrêt du Parlem ent, p u isq u e, pendant tout ce
temps là , les parties t'taient en procès;
Que les Seigneurs de Vernincs n’avaient qu’une bien faible
confiance dans leur p v cicn iio n , puisqu’il n’onl suivi ce procès
2
�( 10 )
que de loin en loin ; que toute démarche a c'té suspendue de
leur part, depuis 1717 jusqu’en 1752, et qu’ils ont laissé passer
un dem i-siècle sans en poursuivre la décision ;
Que m algré l’A rrêt de 1765, la résistance des habitans a
toujours été la m êm e ; qu’il ne paraît pas que le droit ail été
p e rçu , et qu’il n ’en a pas moins été en litige après-com m e avant ;
, Q u ’il a fallu, en 179 1, en revenir à un arbitrage; et qu’enfin
tout était encore indécis sur ces P e rciè re s, lorsque M. de
Lavigneix a acheté la terre de Y ern in es, le 8 juin 1792;
On l i t , en è fle t, dans cet acle de vente , que , « Attendu
» qu’il existe entre les sieurs Dufraisse et les habitans de
» V ernincs une contestation relative au droit de P ercière, il
» est convenu que les verideurs seront obliges de rap p orter,
» dans le courant de la présente année, un jugement confirmatif
» de la Sentence arbitrale rendue au profit desdits sieurs
» Dufraisse ; et au cas de perle du procès , il sera dim inué
» sur le p rix de la présente vente la somme de 4o,ooo liv., à
» quoi les Percières ont été évaluées. »
O n prévoit dans cet acte de v e n te , le cas de la perte du
procès , et dans le cas p r é v u , il devait être déduit 4^,000 liv.
sur le p rix de la vente ; il n ’y avait donc alors rien d’assuré sur
ce prétendu droit ; tout dépendait du Jugement conjirmatif de la
Sentence arbitrale, et ce Jugem ent n’a jamais été rendu.
C ’est donc avec raison que les habitans de Yernines ont dit
que ce prétendu droit de Percière a été contesté dans tous
les tem ps; que la tentative de les y asservir, depuis plusieurs
siècles , n’a été renouvelée que de loin en lo in , qu’elle a tou
jours été infructueuse , cl que les choses étaient encore entières
au m om ent où ont paru les nouvelles Lois sur le régim e
féodal.
�r
. ..
.
t
§.
n i.
Quan'd'Ie droit de Percière aurait été. dû, d a ete aboli par les
nouvelles lois.
11 y a deux sortes de P crcièrcs ou de chainparts, ou , si l ’on
v e u t, de redevances à portions de fruits.
Les u n es'o n t leur p rincip e dans un acte de concession, fait
par un p ro p riétaire, d’une quantité de terre d éterm in ée , à la
charge pâr le colon de payer une quotité des fruits qui s’y
recu eillen t, tel que le q u a rt, le cinquièm e ou une m oindre
'portion qui se règle ordinairem ent sur le plus ou moins de
fertilité de l ’héritage concédé.
L es autres sont des Pcrcicrcs gén érales, prétendues par les
ci-devant S eign eu rs, sur toutes les terres situées dans l’étendue
de ce qui formait autrefois leur haute ju stice, sans autre exception
que de celles qui se trouvaient avoir été concédées à titre
de cens.
Les prem ières de ces Percières sont sacrées., et les habitans
de ‘Ycrnines n entendent pas les contester, s’il en existe de
pareilles dans leur commune.
M aïs, il n’en est pas de m êm e des Percières générales, et
indépendantes de toute concession particulière*, telle que celle
que demande M. du B oscage, sur toutes les terres situées dans
’énclave "de la ci-devant haute justice de Ycrnines.
C ’est sur celles-ci que porte notre p rop osition , q u ’en sup
posant qu’elles evissent été dues aux Seigneurs de Ycrnines ,
elles • seraient abolies par les nouvelles Lois.
1
Quand on recherche l’origine du droit de P ercière, auquel
I c i /Seigneurs *de T érn irics ont voulu asservir, dans tous les
tem ps, les habitans de cette com m une, on n’en trouve pas d ’autre
que cette maxime étrange que la force eL la violence avaient
érigé en principe: que toutes les propriétés situées dans l ’euclavc
de leur haute justice étaient de leur domaine.
�*
( J2 )
II semblait que cette maxime devait être étrangère à la Coutum e
d’A uvergne, q u i, de toutes les C ou tu m es, était la plus essentiel
lem ent allodiale ; cependant elle y était admise , comme dans
la majeure partie des Coutum es de la France , où l ’on ne
connaissait d ’autre droit public que la maxime : N ulle terre sans
Seigneur :
Ornnia , dit M a z u e r , le plus ancien praticien d ’A uvergne ,
qui. écrivait avant la rédaction de la Coutum e , , quœ sunt in
territorio , seu dislriciu D om in i, censentur esse de suo fu n do et
Dom inio, et etiam de sua jurisdiclione. M a z u e r , de judiciis, n.° 22.
B e s s i a n , qui est le prem ier com m entateur qui ait écrit après
la rédaction de la C o u tu m e , confirm e ce qu’avait dit M a z u e r ,
et s’exprim e en ces termes sur l’arlicle 5 du titre 2 :
liegulariter et de ju r e omnia prœdia existentia in territorio alicujus D om ini, censentur esse de suo fu n d o et de sud jurisdictione.
M . C h a b r o l , dans son.com m entaire sur cet art. 2 , tom. 1 " ,
pages 40 et suivantes, rappelle, à cet éga rd , la note de D u m o u l i n ,
sur l ’art. i 58 de la Coutum e de Troyes , qui est allodiale comme
celle d’A u vergn e, où il dit, que le Seigneur est fo n d é en la pro
priété dans sa haute justice.
Il rapporte une m ultitude d ’autres autorités à l ’appui de celle
prétendue propriété universelle des , ci-devant Seigneurs dans
l ’étendue de leur haute ju stice, qu’on se dispensera de rapporter,
et qu’011 peut voir dans son ouvrage.
O r, c’est uniquem ent à ce titre que les ci-devant Seigneurs
de la terre et de la haute justice de V ern in e s, ont réclamé le
droit de Percière contre tous les habitans de cette justice.
On lit dans le prétendu titre de i 4fy)> (i uc
Seigneur était
en possession d'avoir et percevoir la Percière des terres étant en
sa seigneurie.
On voit dans l ’analyse de l’A rrêt rendu en 17G5, que dans
1111 aveu et dénom brem ent donné au bureau des finances de
l\ioin, par la dame Arragonnès, dame d c \ c r n in c s , elle com prend
�T
( >3 )
le droit de Percières, ci la cinquième gerbe, sur toùs les héritages
situés dans l étendue de la justice de
r/iities.
A la v é r ité , elle consent que cet aveu et dénom brement soit
restraint aux terres non sujettes à cens, mais d ’après la m axim e:
exceptio firrnat régulant, il n’en est que m ieux établi que la
dame de Yernines entendait faire résulter, de sa haute ju stice,
son droit de Pcrcière sur tous les héritages situés dans son
enclave.
Ses conclusions tend en t, en effet, à ce q u e , faisant droit au
p rin cip al, les habitans soient condam nés, « à payer et porter
« ajudit de Y e rn in e s , à son château de Vernines , le droit de
» Perrière, à la cinquième gerbe, sur les héritages non sujets à
» cen s, et autres devoirs seigneuriaux dépendons île la justice de
» Vernines. »
E t on lit dans le disposilif de l’A rrê t, que la condamnation
est portée contre les habitans et communauté dudit T o n tin e s,
Neuville, et autres dépendances de la haute justice de Tontines.
Lorsque depuis, M. D ufraisse, seigneur de Yernines , a voulu
rneLtre cct A rrêt a cxecution , il a lait im prim er des Exploits
dans lesquels 011 fit que 1 A rrêt de 1765, « adjuge audit seigneur
» la P e rciere , a raison de la cinquièm e gerbe , sur toutes les
» terres situées dans l ’étendue de sadite justice de Vernines, et non
» tenues à cens. »
'
E l dans l’acte de vente de 1792 , on com prend « un droit de
» Percière sur toutes les tares enclavées dans l'étendue de la haute
» justice de Vernines, non tenues à cens, soit du propriétaire,
» soit d'autres ci-devant seigneurs. »
Enfin , dans l ’E xploit de demande de M. du lioscage , du
22 juillet dernier, on lit ce qui su it:
« Attendu que par diverses Sentences et Arrêts rendus dans
» les anciens T rib u n au x, cl noLim m entpar celui du i 5 juillet 1763,
» les liabilans de la paroisse de Vernines onl été condam nés à
» payer et porter, audit sieur de Y e rn in e s, dans son château de
» Y e rn in e s, le droit de Percière, à la cinquièm e g e rb e , sur les
�c'u
'~
4
'( '
)
« héritages non sujets à cens et autres droits seig n eu riau x,
« dépendons de la justice de P rernincs. » .
• '
E t plus" bas : « Attendu que le sieur du Boscage est bien
>> fon dé, d ’après ces circonstances , à réclam er contre les habilans
« de V ern in e s, chacun en ce qui le co n cern e, le paiement des
» Percières dues sur chaque héritage. »
II reste donc dém ontré que c’est uniquem ent à ce titre
de Seigneurs haut Justiciers que les seigneurs de V ernines ont
prétendu , ja d is , un droit de Pcrcière sur les terres enclavées
dans leur haute justice , et que c’est encore à ce m êm e lit r e , et
comm e sc prétendant aux droits des anciens seigneurs haut
justiciers de cette te r r e , que M. du Boscage réclam e aujourd’hui
ce m êm e d rôi\.' '
O r , il est facile d ’établir jusques au plus haut degré d’évidence
que ce prétendu droit de Percière , uniquem ent fondé sur ce
titre, de ci-devant seigneur haut ju stifier, eût-il été dû a lo rs, ce
dont on est bien loin de con ven ir, aurait été supprim é par les
nouvelles Lois qui ont aboli la féodalité.
U ne prem ière L o i, du 20 avril 17 9 1, avpùt aboli les droits
annexés à la justice seigneuriale.
Cette lo i, sanctionnée par le R o i , est intitulée en ces term es:
« L oi concernant l’abolition de plusieurs droits seigneuriaux,
» et notamment de ceux qui étaient ci-devant annexés à la justice
» seigneuriale »•
U ne seconde L o i , du a5 août suivant, a développé les effets
de cette abolition.
L ’article 1 .cr de cette. Loi est conçu en ces termes :
« Tous les effets qui peuvent avoir été produits par la m axim e:
» Nulle, terre sans Seigneur: Par celle de l ’enclave, par les statuts,
» coutum es . et règles , soit générales , soit particulières , qui
» tienuent à 1? féod alité, dem eurent comme non àvenus ».
Ou lit ce q u i's u it dans l ’art. 5 , qui s’applique spécialement
à la cause.
. '
<' Tous les' droits féodaux, ou censuels u tiles; toutes les rede-
�V
( .5 )
« -vances seigneuriales ann uelles, en a rg en t, grains, vo lailles,
» c ir e , denrées ou fruits de la te r r e , servis sous la dénomination
» de cens , cen sives, surcens , rentes seigneuriales et em phy» téotiques , cham part, terrage, agrier comptant............... .. sont
» abolis sans indem nité , à moins qu’ils ne soient justifiés avoir
» pour cause une concession primitive île f o n d s , laquelle cause
» ne pourra être élablie qu’autant qu’elle se trouvera clairem ent
» énoncée dans l'acte primordied d'inféodation, d'accensement,
» ou de bail à cens, qui devra être rapporté. »
E t par l’article 12 de cette L o i: « T ous procès intentés cl non
» décidés par Jugem ent en dernier r e s s o r t, relativem ent aux
» droits féodaux ou censuels , fixes et casuels , abolis sans
» in d em n ité, soit par les L ois an térieu res, soit par le présent
» D é cre t, dem eurent étein ts, cl les dépens resteront com pensés. »
Celte L oi s’applique d’elte-mêinc a l’espece :
L e droil de Champarl ou de P e r c iè r c , dont il s’a g it, n’a pas
pour cause une concession prim itive de fo n d , il 11’a son origine
que dans la prétention qu avaient les seigneurs de Yernines de
la propriété universelle de toutes les terres situées dans l’enclave
de leur îiautc justice.
Ce prétendu droit de P ercièrc est donc rigoureusem ent com pris
dans la suppression prononcée par cette Loi.
Il peut y avoir d’autant moins de doute à cet é g a rd , que ,
d’une p a rt, l’art. 17 de cette L o i n ’excepte de la suppression
q u e , « Les re n te s , champarts et autres redevances qui ne
» tiennent point à la féodalité , et qui sont dues par des parti» culiers à des particuliers non Seigneurs, ni possesseurs de fiefs.»
E t d’autre part, que M.' du Boscage n’ est pas en élat de justifier
d un seul litre de concession des terres qui form ent l’objet
de sa demande du 22 juillet dernier.
25
Mais la L oi du
août 1792, n’est pas la seule que les
liabitans de Yernines soient en droit d’invoquer pour leur dé
fense ; la Loi du 10 juin i
vient encore à leur appui de
la manière la plus efficace.
793
�Nous lisons dans l ’art, i." de la section 4 de cette L o i, q u e ,
« Tous les biens com m unaux en gén éral, connus dans toute la
» R é p u b liq u e , sous les divers noms de gastes , garrigues ,
» lan d es, paccages , pâtis , ajon cs, bruyères , bois communs ,
>» h e rin e s, vacan ts, p a lu s, marais , marécages , montagnes et
» sous toute autre dénomination q u elco n q u e, sont et appar» tiennent, de leur n atu re, à la généralité des habitans, ou
» mem bres des com m unes ou sections de co m m u n e, dans le
« territoire desquelles ces com m unaux sont situés, et com m e
>> tels, ces com m unes ou sections de com m unes sont fondées
« et autorisées à les revendiquer. »
Cette L oi s’applique encore d’e lle -m ê m e aux terres cultivées
par les habitans de V ern in cs, sur lesquelles INI. du Boscage leur
demande le droit de P e rc ie re , à la cinquièm e portion des fruits.
Cette com m une est située entre le Puy-de-Dôm e et le Montd ’O r ; elle est couverte de neiges six mois de l’année ; la plupart
des terres dont elle est.com p osée sont d es terres vaines et
va g u es, hernies et vacantes, qui ne sont pas succeptibles d ’une
culture h ab itu elle, mais que les habitans du pays défrichent de
temps à a u tre , et dont à force d’engrais et de travaux , ils
parviennent à tirer quelques productions.
La possession de ce droit dans la personne des ci - devant
Seigneurs de V ern in e s, quand ellô serait aussi réelle qu’elle
est dém ontrée fausse, ne serait d’aucune u tilité, parce qu’on
voit dans l ’art. 8 de la m êm e section, que «La possession de 4o ans
» exigée par la Loi du 28 août 1792, pour justifier la propriété
>> du ci-devant. Seigneur sur les terres vaincs et vagues, gastes,
» garrigu es, lan d es, m arais, b ien s, hern ies, vacants, ne pourra
» en aucun cas suppléer le titre légitime*, et ce litre légitime ne
>> pourra cire celui qui émanerait de la puissance féo d a le; mais
» seulement un acte qui constate qu’ils ont légitim em ent acheté
» lesdits biens, conform ém ent à la loi du 28 août 1792.»
K l l ’art. 9 qui s u it, en expliquant le précéden t, porte en
termes form els, que cette possession de 4o ans ne pourra être
�y
'7
(
)
invoquée par les acquéreurs volontaires ou donataires, héritiers,
ou légataires du fief, ù titre universel.
E n fin , la loi du 17 juillet 1790 a coupé la dernière tôle à
l’hydre féod ale, en supprim ant les redevances seigneuriales
et les droits féodaux de tous genres, m êm e ceux qui avaient
pu avoir été conservés par les Décrets antérieurs.
On ne voit pas co m m en t, d ’après toutes ces L o is , M. du
Boscage a pu se faire illusion au point de tenter la conquête
de ce droit d eP crcière, qui, d’après lui-m êm e, n’a d’autre origine
que la qualité de Seigneur haut justicier, qui est abolie, d’une
manière absolue, ainsi que tous les drois qui y étaient annexés ;
D ’un droit qui était en litige depuis des siècles entre les
habilans de Vernincs et leur. Seigneur, et qui l’élait encore au
moment de la révolution ;
. '
D ’un droit enfin, qui ne lui a pas été légué p arM . de Lavigneix,
qui n’a entendu le gratifier que d’une somme de 40,000 fr., ou
d un immeuble de cette valeur; qui en est bien plus que rem pli
par le rural seul de la terre de Y crnincs que M, de Lavigneix
possédait a sa m o r t, et qu’il n’a entendu hii transmettre que
comme il la possédait.
On ferait d’ailleurs un présent bien illusoire à M. du Boscage,
si on ne lui faisait pas un présent funeste, en lui accordant ces
Percières.
M. du Boscage nous dit lu i-m ê m e que le droit de Percière
q u ’il réclame ne lui est pas du sur les terres qui étaient tenues
a cens des anciens Seigneurs de Y e rn in c s, ou des autres Sei
gneurs voisins.
, comment distinguer dans ces terres qui sont dans ce
moment en culture ou qui le seront à l’avenir, les terres qui
étaient asservies à des cous, il y a 3o ans, de celles qui ne
l’élaient pas.
Par e x em p le , dans les 22. articles pour lesquels la dame
Choussy est traduite eji ju stice, il peut y en avoir la moitié
O
�ou les trois quarts, peut-être m êm e le tout, qui étaient soumis à
des cens, soit envers le Seigneur de Y e rn in e s,
Soit envers le chapitre d ’O rc iv a l,
Soit envers le chapitre calhédral de C lerm ont,
Soit envers différons autres Seigneurs voisin s, qui couvraient
de leur directe le territoire de Yernines.
Com m ent savoir celui ou ceux de ces vingt-deux articles que
les sieur et dame Ghoussy ont cultivés pour leur propre com pte ,
comm e étant anciennem ent asservis à des ce n s, ou ceux qu’ils
cultivent sous le bon plaisir et pour le com pte de M. du B o sca g e ,
qui se prétend le représentant de leur ancien Seigneur haut
justicier.
E t , s’il faut que l’asservissem ent ou l'affranchissement de tel
ou tel article soit l ’objet d ’une preuve écrite ou testim oniale ,
cette preuve ne peut être à la charge du cu ltivateu r, soit parce
qu’il n’a aucune ressource par-devers lui pour établir cette preuve
ou pour s’en garantir, soit parce q u e , d’après tous les principes
du droit naturel et du droit civil, tout est en faveur de la liberté
contre la servitude/suivant la m axim e: Quoties dubia in/erpretafio
liber/a/is est, sccundiini libcrlalem respoudendum crit. Ilègle 20,
de rcgulis ju n s .
M. Duboscage 11e manquera pas d ’invoquer en sa faveur
quelques préjugés des T rib u n au x, tels que le succès de M. de
L a sa llc, qui a obtenu la confirmation de ses P e rciè rcs, contre
dilierons particuliers, habilans [de Blanzal ; cl son succès p er
sonnel contre plusieurs habilans d’Aurières.
Mais , à l’égard des Percièrcs de B la n za l, 011 voit dans l’A r r ê t ,
que ccs Pcrcièrcs étaient ducs à M. de L a sa lle , non pas com me
Seigneur haut ju sticier, cl sur l’universalité des terres situées
dans sa ju stice, mais sur des ténemens particuliers, et d’après
des litres prim itifs de concession de fo n d s , tels que les exigeait
la Loi du i>5 août 1792 , qui tous étaient rapportés au procès.
E l , à l’égard de colles que M. du B osca ge s’esl lait adjuger sur
�( *9 )
■cei'lains mas et tenem ens du village d’A urières , il paraît que
l’A rrêt obtenu par M. du Boscage esl fondé sur ce qu’ il était
établi, par des reconnaissances de 1 7 7 1 , que ces habitans 11c.
possédaient ces mas cl ténemens q u ’à tilre de colons congcables.
A u su rp lu s, dans cette m atière, encore plus que dans toule
autre, c’est par les Lois cl non p a rles exem ples que nous devons
nous régir. Legibus non cxemplis regirnur.
Tout le m onde con n aît, d’ailleurs, ce.brocard du palais, que
les Arrêts sont pour ceux qui les ob tien n en t, parce qu’ils sont
souvent l'effet d’un faux exposé des faits ou d’une défense négligée,
et quelquefois d’un concert dont la justice ne peut pa$ pénétrer
le inyslèrc.
Ces préjugés dont M. du Boscage ne m anquera pas de tirer
avantage, sont donc sans conséquence cl 11e peuvent avoir aucune,
influence sur la décision de cette ca u se , qui se réduit à ces trois
points qu’on croit avoir égalem cnl dém ontrés jusques à l’évidence.
L e pi c in ie i, que M. du Boscage n’a ni droit ni qualité pour
rechercher ces Pcrcières.
L e second, qu elles ont été contestées de tous te m p s , et
qu elles étaient encore en litige au m om ent ou la terre de
Yernines a clé vendue à M. de L avign eix, au mois de juin 1792.
L e troisièm e, que si elles eussent été d u e s , elles auraient
été abolies par les lois des 20 avril 1791, 25 août 1792, 10 juin
et 17 juillet 1793.
On sent, d’après tout ce qu’on vient de d ire , qu’il est assez
inutile de s’occuper de la prétention de M. du Boscage, en
restitution de 3o années d’arrérages des Percières q u ’il réclame.
ie“1. — S ’il étail du des arrérages de celte redevance , ce ne
sérail pas à lu; q UC ccs arrérages appartiendraient , mais à la
succession de M. de Lavigneix, dont l’héritier est bien éloigné de
vouloir les réclam er ;
°
2eut. — S’il avait connu la disposition de l’arl. i 5 du litre 3
de la Loi du 18 detem bre 17i)° » q u' porte en termes formels
�(0°
( 20 )
que ces sortes de redevances n ’arrérageront pas à l’aven ir, il
sc serait épargné une demande aussi inconvenante, et qui ne
fait qu’ajouter à l’odieux que le droit en lui-m êm e doit naturel
leinent inspirer.
Il ne nous reste, en term inant celle . discussion , qu’à faire
une dernière réflexion dictée par le sentiment profond du bien
public et de l’intérêt de l ’humanité.
Tout ce que nous appelons dans ce départem ent la montagne
de n u it, qui est d’une très-vaste étendue, consiste presqu’uniquem ent en brandes, bruyères, landes, fraux et terres liermes
d ’une assez mauvaise nature.
Presque toutes ces terres restaient incultes par l ’avidité des
S eig n eu rs, qui sc prétendant propriétaires universels de tout ce
qui était situé dans l’enclave de leur haute justice, se prétendaient
Cn droit d’exiger des m alheureux colons la portion la plus
précieuse des fruits qu’ils arrachaient, à force d e'tra va u x , de
ces terres ingrates.
Tout a changé de face dans ces contrées , l ’abolition du régim e
féodal a encouragé et annobli l’agriculture ; les cultivateurs fiers
d ’être possesseurs de propriétés indépendantes, et de ne travailler
désormais que pour eux et leur fa m ille, ont rivalisé d’efforts
pour féconder ces lerres frappées jusques-là de stérilité; l’accrois
sement de la population a m ultiplié les bras; les détrîchemens
uni été plus nom breux, les travaux m ieux entendus, et partout
les productions sont devenues doubles el peut-être triples de ce
q u ’elles étaient autrefois.
Le génie du m al, l’hydcuse féodalité a considéré, avec des
regards a v i d e s , ces heureux ch an gcm ens, et tente aujourd’hui
de s'ei: approprier les avantages.
C'est l'impius Miles de VliM’.tTÆ qui veut faire sa proie des
moissons des habiians de JNIantoue, avec cette différence que
¡es spoliations des vétérans, dont parle le p oêle, avaient du
moins pour' prétexte des sér-; ices rendus à la p atrie, tandis
�( 21 )
qu’ici, c’est un heureux légataire, qui a reçu de M. de Lavigneix
le don le plus inattendu qui fut jamais, d’une somme de 4o,ooof.,
ou d’un im m euble de semblable valeu r, qui veut décupler son
le g s , et lui donner une extension sans m esure contre le texte
form el du Testament t qui borne la libéralité à 40 ,ooo fr. ; et
contre l ’intention manifeste du testateur qui a possédé 28 ans
la terre de V ernines, sans qu’il lui soit venu en idée de rechercher
un seul habitant pour le prétendu droit de P ercière que réclam e
aujourd’hui son légataire.
On a dit en commençant , et on ne saurait trop le répéter,
cette affaire n’est pas seulem ent celles des habitans de V ern in es,
c’est celle de tous habitans des montagnes d’Auvergne.
Cent féodaux de ces m ontagnes, tém oins de la lutte de M. du
Boscage , contre les habitans de V ernines, le suivent dans
l ’a rèn e , l’accompagnent de leurs vœ ux , et attendent avec
impatience l’événem ent, pour, s’il était favorable à la féo d alité,
prendre part à la curée.
B O I R O T , ancien Jurisconsulte.
BOUCHET,
A vou é.
A CLERMONT-FERRAND,a de ul ’imprimerie
P e l l ids s oen sp è r re eut f iel s s
c o de
i n
Saint Genès et Saint-Esprit, ancienne maison Giron.
�
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A name given to the resource
Factums Godemel
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/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
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Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Dubreuil, Marie. 1822?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Boirot
Bouchet
Subject
The topic of the resource
percière
experts-géomètres
experts
assignats
féodalité
émigrés
legs
coutume d'Auvergne
franc-alleu
doctrine
cinquième gerbe
communaux
climat
droits féodaux
physiocrates
agriculture
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire pour Dame Marie Dubreuil, et le Sr Guillaume Choussy, son mari, expert-géomètre, Maire de la Commune de Nebouzat ; Antoine et autre Antoine Bouchet, frères, cultivateurs, et autres habitants de la Commune de Vernines, défendeurs ; contre M. Guillaumanche du Boscage, Lieutenant-général des armées du Roi, Propriétaire de la terre de Vernines, demandeur.
Annotations manuscrites : « jugement au tribunal de Clermont-Ferrand[?], 18 mai 1822, arrêt 1ére chambre, 19 janvier 1824, voir journal des audiences, p. 48 ».
Table Godemel : Percière : 3. la percière était-elle, en Auvergne, réputée féodale, lorsqu’elle était due au seigneur du tènement ? était-elle réputée mélangée de féodalité lorsque les titres qui la rappelaient, rappelaient en même temps les censives dues au même seigneur sur d’autres héritages ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
de l'imprimerie de Pellisson père et fils (Clermont-Ferrand)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
circa 1822
1791-1822
1789-1799 : Révolution
1804-1814 : 1er Empire
1814-1830 : Restauration
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
21 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2604
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2521
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53519/BCU_Factums_G2604.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Nébouzat (63248)
Vernines (63451)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
agriculture
assignats
cinquième gerbe
climat
communaux
coutume d'Auvergne
doctrine
droits féodaux
émigrés
experts
experts-géomètres
féodalité
franc-alleu
legs
Percière
physiocrates
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RÉPONSE.
�RÉPONSE
PO U R
Jeanne
AUBIGNAT,VeVILLEVAUD, Appelante;
CONTRE
Le Sr CHAMBAUD, Adjudant Com m andant,
Officier de la Legion-d’Honneur, ci-devant
Maire de Chamalières et Royat, Intimé.
L e sieur Chambaud termine son Mémoire par d ire, pag. 8 3 ,
q u 'il doit être assez, généreux pour oublier et pardonner.
II est facile de pardonner aux autres le mal qu’on le u r a fait.
Il n’est pas toujours aussi facile d e
pardonner à soi-même,
si l’on descend dans son cœur et qu’on interroge sa conscience,
surtout quand on jette un coup-d'œil sur sa poitrine, pag. 8.
L e sieur Chambaud ne veut pas seulement être généreux envers
la veuve V illevaud, il veut encore l’être envers son défenseur,
en prenant la peine d’excuser son zèle, qu’il attribue à la bonté
et à la simplicité de son cœur, qu’il veut bien qualifier d ’honorables.
Sans chercher à analiser le sens de ces expressions, on se con
tentera de répondre qu’il ne suffisait pas de la bonté et de la
simpliste du cœur pour entreprendre une tache aussi pénible ,
que la defense de la veuve V illevaud, lorsqu’il s’agissait de lutter
avec tant de désavantage pour le faible contre le fort;
Pour l’opprimé contre l’oppresseur;
Pour une malheureuse paysanne, pauv r e , ru in ée, délaissée
�O )
par la nature entière; contre l’homme puissant, entoure de*
prestiges, des cordons, des grades et de la fortune.
Il fallait être animé d’un sentiment plus honorable; de l’atta
chement à ses devoirs, qui ne permet pas à l’homine public de
refuser son appui au malheur, et de capituler avec les considé
rations.
L e fait avéré dans la cause, est que la veuve Villevaud a été
'dépouillée d’une somme de 10,862 fr. 5o c . , qui formait à peu
près toute sa fortune.
On dit que ce fait est acéré : le sieur Cliambaud s’en explique1
ainsi dans son premier M ém oire, pag. 2 :
« Que la veuve Villevaud ait été victime de la fraude de deux
» ci-dêvant notaires, dont l’opinion publique a fait justice; c ’est,
» ce qui est malheureusement trop vrai pour elle : mais prétendre
» que le sieur Cliambaud a p u y contribuer dune manière quel» conque, c’est ce qui n’est ni vrai ni vraisemblable.»
O r, ce fait que le sieur Cliambaud dit n’être ni vrai ni vrai
semblable, qu’il ait contribué d'une manière quelconque dans l’acte
frauduleux dont la veuve Villevaud a été victim e, et qui a opéré
ga ruine, elle demande a éiii. orlmisc à en faire la preuve tant
par titres que par témoins.
E lle va bien plus loin : elle demande à faire la preuve que
c’est le sieur Cliambaud qui a m édité, préparé, dirigé et con
s o m m é cet acte frauduleux, de concert avec les deux ci-devant
notaires dont l opinion jniblique et J'ait justice•
C ’est en vaïn que le sieur Cliambaud a recours à de misérables
s ub t erf uges et à de vaincs subtilités de chicane pour échapper
5 la vérité qui le p resse, et qu’il qualifia les faits qu’on lui
oppose d’invraisemblables et d’insuüisan: pour établir sa culC ’cst encore vainement qu’il invoque avec jactance le jugement
du tribunal de première instance qui les a déclaré tels,
L ’alfaire alors 11’élait pas instruite;
^• f
Les faits n’claicnl ni suflisanuucnt développés, ni précises ;
�?3 )
Ceux même qui étaient connus ne l’ctaient qu’imparfaitement ;
E t beaucoup d’autres, d’une importance m ajeure, ne sont
parvenus qu’après le jugement à la connaissance de la veuve
Yillevaud.
Au surplus, le sieur Chambaud a - t - i l bien réfléchi sur les
conséquences de ce genre de défenses , et des efforts inouis
qu’il fait pour repousser, comme inadmissibles ou comme insuf
fisantes, toutes les preuves q u ’offre contre lui la veuve Yillevaud?
S’il est vrai que le sieur Chambaud n’ait pas contribué, d'une
manière quelconque, à l’acte frauduleux dont elle a été victime;
S’il est vrai, comme il le répète à toutes les pages de son second
M ém oire, qu’il ait absolument été étranger à cet acte; qu’il ait
été fait sans son concours, à son insçu et hors sa présence ,
pourquoi fuit-il, avec tant d’opiniâtreté, la lum ière, et s’opposet-il, avec tant d’efforts, à laisser sortir la lampe de dessous le
boisseau ?
'> P°g. 2.
Un homme comme le sieur Chambaud, officier supérieur}
montrant sur sa poitrine la glorieuse distinction, récompense de
ses services....; entouré de l'estime de ses camarades, de la confiance
et de lamitié de tous ceux qui le connaissent, doit ¿ lie comme
la femme de César, il ne doif pao £uc auupçonné.
On ne peut discuter cette affaire , et se faire entendre, sans
rappeler les faits qui l’ont fait naître.
Il ne faut pas les chercher dans les 83 pages du dernier
Mémoire du sieur Chambaud , ils se perdent dans la discussion,
et on ne peut suivre sa marche sans courir le risque de s’égarer
et d’égarer la justice.
Nous prendrons ces faits dans son premier M émoire, imprimé
et signifié le y août 1820, où il s’exprime en ces termes :
« Le sieur Girard , ancien notaire à Chamalières, avait acquis
» du sieur Dalbiat le pré du lïreüil , dépendances de Royat j
» le prix avait été stipulé payable dans 12 ans.
» Par acte du 21 juin 1808, passé devant C h evalier, notaire,4
» le sieur G irard vendit à Jeanne A u b ign at, veuve Y ille v a u d ,
�( 4 }
» et à Léger Bourgougnon, son gen dre, une partie considérable!
» du pré du Breiiil.
» La veuve Villevaud entrait pour neuf dixièmes dans l ’ac» quisition , et son gendre pour un dixième.
» Cette vente fut faite moyennant le prix de n , 3 i() livres
» tournois, dont 7,81g livres payées comptant, et les 3,75o livres
» restant, payables au i 5 novembre suivant.
» Il fut stipulé que le vendeur ne pourrait exiger le rem» boursement de cette somme qu’en fournissant une hypothèque
» pour la sûreté totale de la v e n te, ou en en donnant caution.
» Cette clause était importante pour la veuve Villevaud, puis
ai qu’elle avait à redouter deux actions hypothécaires ; d’une
» p a r t, Girard n’avait pas payé le prix de son acquisition au
» sieur D albiat, premier vendeur, qui dès lors avait un privilège
» sur l’objet vendu; de l’autre, le pré du Breiiil était grevé
» de l’hypothèque légale de la dame Dalbiat : nous allons voir
» coinmetit le sieur G irard , de concert avec le sieur Chevalier,
» a effectué l’emploi promis à la veuve Villevaud ».
C ’est toujours le sieur Chambaud qui rend compte des faits.
« Lie i 3 mai iRoq, le sieur Fonghasse, tant en son nom qu’en
» qualité de procureur fondé de la darne Fonghasse , sa mere ,
» souscrivit au sieur Girard , dcv«iiii ciic-miior 7 notaire, une
» obligation de 10,862 fr. 5o c., payable dans cinq ans, l’intérêt
» à cinq pour cent, avec l'affectation spéciale d’une maison sise
» rue de la Treille. Cet acte porte en outre la stipulation
y> suivante :
» Ledit sieur Girard déclare que ladite somme principale
» provient des deniers de Jeanne Aubignat, neuve J'illevaud, et
y, de Légeï Bourgougnon, son gendre, et fa it partie du prix de la
» vente que ledit Girard leur a consentie d'un pré situe à lloyaf,
» suivant l'acte passé devant nous Chevalier, notaire, le 21 ju in 1808,
» au moyen de. lafjuelle déclaration ledit sieur Fonghasse sera
« tenu, comme il’s'y oblige, de ne faire le remboursement de ladite
y> soiiiritc i]tien présente desdits Alibignat cl Bourgougnon, pour
v veiller ¿1 l'emploi'(Tiêelle, conformément audit contrut de vente.»
�fAi «4 .
( 5 )
» En vertu (le celte obligation, le sieur Girard prit une ins» criplion sur le sieur Fonghasse le 16 juin suivant.
» Au m oyen, continue le sieur Cliambaud, de cet emploi
» illusoire, la veuve Villevaud se libéra de la somme d e 3 ,5oo fr.
» qu’elle restait devoir à G irard , et celui-ci lui donna quittance
» finale le 12 mars 1812. Cet acte, passé comme les autres devant
» Chevalier, est pur et sim ple, et ne contient point, de la part
» de la veuve V illevaud, acceptation de la charge de remploi ;
» on y trouve seulement par simple énonciation ,
. .
» Que ladite somme présentement (juit/ance'e, ainsi que cçlle
» formant le surplus du prix de ladite vente, ont ¿te employées par
» Girard au désir du même acte de vente, par hypothèque spéciale,
» suivant obligation reçue par le même notaire le i 3 mai 1809,
» consentie au sieur Fonghasse. »
On a vu plus haut que le sieur Cliambaud. qualifie dillussoire
l’engagement contracté par le sieur Fonghasse, dans son obligation
du i3 mai 1809, de n’en faire le remboursement qu’en présence
de la veuve Villevaud et de son gendre, pour veiller à l’emploi
d’icelle, parce que cet engagement n’avait pas été accepté par la
veuve Villevaud.
M ais, outre que le sieur Fonghasse et sa mère ayant promis
de ne pas faire le remboursement des 10,862 fr. 5o c . , au sieur
Girard, qu’en présence et du consentement de la veuve Villevaud,
leur engagement était sacré; le sieur Cliambaud sait mieux que
personne quelle en était la valeur, lui qui a louché les 10,862 fr.
5o c. à la place cl au préjudice de la veuve Villevaud.
Voilà le moment critique de l ’affaire; et quoiqu’on ne puisse
plus suivre mot à mot la narration du sieur Cliambaud, comme
011 l’a fait jusqu’ici, on y trouve encore, au milieu d e ’l'obscurité
dont il cherche à s’environner, des sillons de lumière suifisans
pour nous diriger et nous conduire .nu bul.
11 nous dit qu’il élail créancier de la veuve V illevau d , d ’une
obligation de 6,000 fr;
Qu’après plusieurs avertissemens formels , mais infructueux,
une sommation lut faite au mois de décembre i8 i3 , c’cst-à-dirc,
�I* . :
'
( 6 )
environ un mois avant le fameux acte du 27 janvier 1814, que
le sieur Chambaud reconnaît lui-méme avoir clé l’ouvrage du
dol et de la fraude.
« A cette époque , dit-il, le mauvais état des affaires de Girard
» et de Chevalier était à son comble. »
Ce passage est précieux ; il prouve que le sieur Cliambaud
connaissait alors parfaitement le mauvais état des affaires de
Girard: et comment l’aurait-il ignoré? ils étaient amis insépa
rables ; il passait sa vie dans la maison Girard ; il était en tout
son conseil et son guide.
On lit a la suite de ce passage que « G irard, qui crut voir
» l’occasion de toucher de l’argent, chercha à appiloycr le sieur
» Cliambaud, par l'entremise de la veuve Villevaud, et fit un
» demi-aveu sur sa position de fortune. »
Ainsi, Girard se sert d’une personne interposée pour appitoyer
le sieur Chambaud sur son so rt, lui qui avait à sa disposition
tant d’autres moyens plus efficaces.
E t de qui se sert-il pour cela ? D ’une paysanne qui ne sait ni
lire ni écrire, et qui est, sans contredit, la femme la plus bornée
de sa commune.
Quoi qu’il en soit, lo sieur Girard fait au sieur Chambaud un
demi-aveu de la position de s<i fortune.
Il ajoutait qu’il « n’avait qu’un moyen de se tirer «l’embarras,
» c’était que le sieur Chambaud consentît à accorder le délai
» d’un an à la veuve V illevaud, pour le payement de ce qu’elle
» lui devait, et que celle-ci consentit de son côté à transférer sur
» le domaine de la Garandie, appartenant à lui Girard, l ’hypothèijite quelle avait sur la maison Fonghasse, pour une somme
y> d'environ 11,000 fr .»
Ici l’intrigue commence à se dérouler.
Le mauvais état des affaires de Girard et de Chevalier était à
son comble.
G irard n’avait qu’un m oyen de faire de l ’argent, et de se tirer
de l'em barras où il se trouyait ; il eu fait confidence au sieur
Chambaud.
�( 7 }
Ce m oyen, celait que la veuve T^dlevaud consentît de son côté
à transférer sur le domaine de la Garandie, appartenant à lui
Girard, l'hypothèque quelle avait sur la maison Fongha sse, pour
une somme d ’envirop 1 1,000 fr .
« Alors, disait Ærirard, (on copie toujours le premier Mémoire
» du sieur Chambaud,), la somme que j e toucherai sur la maison
y> Fonghasse, et environ 7,000 lr. que je puis mettre en recou» vrement dans mon étu d e, me mettront à même de faire face
» à toutes mes affaires. »
Voilà donc le projet form é, et d’après le sieur Chambaud luimême , c’est lui qui en est le confident.
Déjà on peut s’apercevoir, s’il est vrai comme il le dit dans
son M ém oire, qu'il n ’a pu y coopérer d'une manière quelconque,
Mais allons plus loin. Que dira le sieur Chambaud, s’il est
prouvé que c’est lui qui s’est chargé de 1 exécution de ce projet,
et qui en a conduit le fil jusqu’au dénouement?
D ’abord il sollicite, avec les plus vives instances, la veuve
.Yillevaud, comme il en est convenu avec G irard, de donner
main-levée de son hypothèque sur la maison Fonghasse, et de
la transférer sur le domaine de la Garandie, appartenant à Girard;
et il lui prom et, si elle veut s'y prêter, la plus grande indul
gence pour le payement de son obligation de 6,000 fr.
Pour lui inspirer plus de confiance, il lui remet un écrit de
sa inain, produit au procès et conçu en ces termes :
« Il existe une hypothèque de 11,000 fr. que la veuve Yillevaud
» a placé sur une maison de Clermont»
» On demande qu’elle en donne main-levée, pour la transférer
» sur un domaine de montagne, de la valeur de 3o,ooo fr. qui
» n’est grevé d’aucune hypothèque. »
Et le sieur Clmmbaud atteste à la justice, avec un front d ’ai
rain , (/it il n ’a pu coopérer, en manière quelconque, à ce transfert
frauduleux dont lu veuve. P^illevaud a été victime; que tout ce qui
s'est passé à cet égard a été fa it sans son concours, à son insçu
et hors sa présence, et lui est absolument étranger.
�( 8 )
Cependant on a vu que c’est lui qui a etc le premier confident
du projet ;
Que lorsqu’on lui en a fait la confidence, le marnais état de$
affaires de Girard était à son comble.
II d it , dans cet endroit de son ancien M ém oire, qu'il lui fit un
demi-aveu de sa position.
(
E t on voit dans la page 9 de ce premier M ém oire, qu’il en
était si parfaitement instruit, qu’il en fit part à son ami Bouchet*
qui était dans une trompeuse sécurité, et qu’il s’écrie : « Où
>1 n aurait-elle pas conduit le malheureux Bouchcl, si un ami
y> plus sincère n ’avait pas veillé sur lu i? »
^
Ainsi, c’était dans la pleine connaissance que le mauvais état
des affaires de Girard était à son comble, qu’il approuve son
projet de déterminer la veuve Villevaud à transférer, sur le do
maine de la Garandie, l’obligation de 11,000 fr. qu’elle avait sur
la maison Fonghasse, et qu’il dresse scs batteries pour emporter,
la place.
L e prem ier moyen qu’emploie le sieur Cham baud, est la per
suasion ; et pour mieux circonvenir la veuve V illevaud, il ne
craini pas d’assurer par son écrit qu’elle ne court aucun risque
a faire ce qu’on lui propose.
L e sieur Chambaud nous dit que l’écrit qu’il a donné à la
veuve Villevaud était une note à consulter.
Quoique cette qualification soit fort étrange dans la bouche
d’un colonel ou d’un adjudant-général, peu importe de quelle
manière cet écrit soit qualifié, il n’en prouve pas m oins,
Premièrement, que le sieur Chambaud était parfaitement au
courant du projet de faire transférer l’obligation de 1 1,000 fr.
qu’avait la veuve'Villevaud sur la maison Fonghasse, sur le
domaine de la Garandie, appartenant à G irard;
<
Secondement, qu’il était l’agent de Girard pour mener à fin
cette intrigue;
E t cela, malgré la pleine connaissance qu’il avait que le mauvais
état (1rs affaires de Girard était à son comble.
Quoi qu’il en soit, ni cet écrit, ni les sollicitations j o u r n a l i è r e s
�( 9 >
du sieur Chambaud, ne purent déterminer la veuve Villevaud à
se prêter à ce que lui et Girard exigeaient d’elle.
Le s i e u r Chambaud eut alors , recours à d’autres moyens.
On a vu qu’il était créancier de la veuve Villevaud d’une obli
gation de 6,000 f r ., qui était échue depuis long-temps ;
Qu’il était d’autant plus pressé de toucher le remboursement
de scs fonds, q u e , « dans la situation critique où étaient alors
» les affaires publiques, tout capitaliste , et particulièrement tout
» capitaliste militaire, sentait la nécessité de faire rentrer son
» argent ( premier M ém oire, pag. 4- ) » ;
Q u’il était convenu avec son ami Girard, qu’il « consentirait à
» accorder le délai d’un an a la veuve Villevaud, pour le payement
►
> de ce qu’elle lui devait, pourvu que celle-ci consentît de son
» côté à transférer sur le domaine de la Garandie, appartenant
» à lui Girard, l’hypothèque qu’elle avait sur la maison Fonghasse,
» pour une somme d’environ n ,o o o fr. »
Il prit donc le parti de changer de ton avec la veuve Villevaud;
il la menaça des poursuites les plus rigoureuses, et joignant le
fait aux menaces , il lui envoie des huissiers le 22 janvier 1814,
cinq jours avant l’acte du 27 janvier, pour la contraindre au
payement de son obligation: ce commandement est joint aux
pièces.
Mais ce genre de menaces îiyant encore été insuffisant pour
déterminer la veuve Villevaud au sacrifice qu’il exigeait d’e lle ,
il eut recours à un autre moyen qui lui parut devoir être plus
efficace : il la menaça et la fit menacer de faire partir son fils
pour les armées dans les 24 heures.
La veuve Villevaud offre la preuve de ce fait, et elle produira,
pour l’attester, des témoins rccommandables.
Elle pourrait d’ailleurs invoquer sur ce fait, comme sur les
précédens, la notoriété des communes de Royat et de Chamalières.
Tous les habitans de ces communes ont été instruits, dans le
teins, de scs malheurs, des moyens employés pour obtenir d’elle
�C 10 )
les sacrifices qui ont opéré sa ruine, et ils en conservent encore
de profonds souvenirs.
C ’est en vain que le sieur Cliambaud, pour éluder la preuve
de ce fait relatif à la conscription, nous dit que le fils de la
;veuve Villevaud en était exempt comme fils de veuve ;
Q u’il était d’ailleurs peu propre au service militaire.
Comme si de pareils moyens suffisaient pour bannir la terreur
du cœur d’une mère qui aurait sacrifié toute sa fortune pour
empêcher le départ de son fils.
Q u’on se rappelle , comme le dit le sieur Cliambaud dans
son prem ier Mémoire , la situation critique où étaient alors les
affaires publiques.
Qu’on se rappelle toute la France orientale couverte des ar
mées de l’Europe coalisée.
Q u’on se rappelle la levée des gardes-d’honneur composée de
tous les jeunes gens des familles aisées dont un grand nombre
étaient fils, et même fils uniques de veuves, et qui tous avaient
payé leur tribut à la conscription, ou avaient des remplaçans
aux armées.
Alors le besoin était tel que tout conscrit était soldat, et que
celui qui nTétait pas bon pour être encadré dans la lign e, était
utilement employé dans les charrois.
Le sieur Chambaud invoque encore, sur ce fait, son défaut
d’influence dans la conscription militaire.
I c i , la veuve Villevauil est obligé de s’arrêter.
On a dit quelque part : Malheur à celui tpii soulèverait le voile
de la société: on peut dire avec bien plus de vérité !-Malheur à
celui qui soulèverait le voila de la conscription !
La veuve Villevaud croit être forcée de se restreindre à ce
qui lui est personnel; peulrctre lui ierait-on un reproche d’aller
- plus loin: c’est aux témoins qui ont plus de latitude, si la C our
daigne les interroger et les entendre, à nous apprendre si le
sieur Cham baud, officier supérieur et maire des c o m m u n e s de
Chamalières et R oyat, était sans influence, et quelle ¿tait sa
manière d’en user dans ces matières.
�'( II )’
Quoi qu’il en so it, la veuve Villevaud fut tellement effrayée
'de cette dernière m enace, qu elle n hésita plus a faire le sacrifice
q u ’on exigeait d’elle.
Elle était déjà décidée à se prêter à t o u t , lorsqu’il lui
p a r v in t un écrit qu’on lui dit être signé du sieur Chambaud ,
qui contenait la garantie du transfert de son hypothèque sur le
domaine de la Garandie.
Elle a appris depuis que ce dernier écrit était faux ; elle ne
se rappelle pas s’il lui a été remis directement par le sieur
Chambaud ou par un tiers; mais ne sachant ni lire ni écrire, elle
jnc pouvait avoir aucun doute sur sa sincérité.
Le rendez-vous fut donné chez Chevalier, notaire, dans la
matinée du 27 janvier.
La veuve Villevaud cro ît, sans toutefois en avoir la certitude,
qu’elle y fut conduite par le sieur Chambaud lui-meme.
Ce qu’il y a de certain, c’est qu’elle s’y trouva avec les sieurs
Chambaud et Girard, et que là fut rédigé, en présence du sieur
Chambaud, l’acte tant sollicité et tant désiré par l’un et par l’autre.
On y expose que, par acte du 27 janvier 1808, le sieur Girard
vend it à la veuve Villevaud, et à Léger Bourgougnon, son gendre,ce dernier pour un dixième seulem ent, un pré situé dans les
«lependances de R o yat, moyennant 11,177 ^r>
c- > avec con
vention que le sieur Girard serait obligé de fournir une hypo-fhèque spéciale pour sûreté de ladite vente;
Que pour se conformer à cette clause, en présence et du
consentement de ladite Aubignat et dudit Bourgougnon, le sieur
Girard avait prêté au sieur Fonghasse, et à la dame D ésoches,
sa mère, la somme de 10,862 fr. So c., suivant obligation reçue par
ledit Chevalier, notaire, le i 3 mai 1809, avec déclaration, dans
ladite obligation, que les fonds prêtés provenaient du prix de
ladite vente, et que le remboursement ne pourrait en être
effectué qu’en présence desdils Aubignat et Bourgougnon, pour,
veiller à l'emploi de cette somme;
Q u ’aujourd’h u i, ladite Aubignat étant seule intéressée dans
cette affaire, « e t ne voulant aucunem ent gêner la libération
�'( 12 )
» dudif sieur Fonghasse, attendu que ledit sieur Girard offrait
» une garantie suffisante pour le prix de la vente ci-dessus
i» datée,, par hypothèque dont il sera ci-après parlé..
» Elle consentait, comme elle consent par ces présentes, que
» le sieur Fonghasse se libère, hors sa présence, de ladite somme
» de 10,862 fr. 5o c. envers ledit. Girard , ainsi qu’il avisera,
» et sans qu’il soit besoin de veiller à l’emploi d’icelle.»
E n conséquence, est-il ajouté, du consentement présentement
donné par ladite Aubignat , et pour lui donner une garantie pluj*
que suffisante du prix de la vente dudit jour 21 juin , le sieur
Girard a spécialement affecté et hypothèque un corps de domaine,,
situé au lieu de la Garandic, commune de Saint-Barthclemid’A ydat, consistant en bâtim ens, prés , terres et pacages , sur
lequel ladite Aubignat pourra prendre de suite inscription
conformément audit acte de vente précité.
- L e sacrifice consom m é, la veuve Viilevaud se relire.
Mais il n’en est pas de même des sieurs Girard et Cbambaud~>
• Us entrent, avec Chevalier dans une chambre qui était a côté
de son étude; e t, après une conférence secrète, Chevalier sort
et dit à son maître clerc : V ous ne ferez l'inscription de la veuve
.Vdlevaud que lors ijn on vous l onlom 1eru,
• E t en effet, cette inscription n’a clé faite par chevalier q u e
plus de trois mois après l’acte du 27 janvier.
' -Ce fait était accablant pour le sieur Chambaud, lui qui n’avaii
cessé de dire, d’écrire et d’imprimer, qu'il n'avait coopéré d'aucune
manière à tout ce qui s'était passé entre Gnard et la veuve T' dlevaud;
'!que tout s’était fa it à son insçu, sans son concours et hars sa
'présence.
Il a cherché quels pouvaient être les témoins qui s’élaieni
'trouvés chez Chevalier, notaire, le 27 janvier i 8 i 4 ; il a jeté les^
'ycux'sur M. Pineau, son maître clerc, et actuellement notaire,,
et il lui a fait écrire pour savoir s’il avait connaissance de ce
'qui s’était passé chez Chevalier, notaire, lors de la rédaction de
l*acte du 27 janvier 1814>-
�M. Pineau a répondu qu’il ne se rappelait pas les faits sur
■lesquels on lui demandait des eclaiicissemens.
Celle lettre est transcrite dans le Mémoire du sieur Chambaud,
pag. 78, et il croit pouvoir en conclure que ces faits sont faux
el controuvés.
M. Pineau a agi en homme sage, qui ne devait pas s’expliquer
s u r des faits aussi graves, sans nécessité; on doit louer sa prudence
et sa discrétion, mais il n’en faut pas conclure qu’il aura aussi
peu de mémoire s’il est interroge par la justice el sur la foi du
serinent.
Au surplus, qui a dit au sieur Chambaud qu’il ne peut pas y avoir
d’autres témoins de ces faits que M. Pineau, et qu’il ne peut
pas se trouver d’autres genres de preuves, tels que des aveux
des uns ou des autres des artisans de cette manœuvre?
Mais tout n’était pas fini par cet acte de transfert, si 1 obligation
Fonghasse restait dans les mains de Girard ; comme le mauvais
état de ses affaires était à son combla, elle devenait la proie de
ses créanciers ; et le sieur Chambaud n’avait pas entendu tra
vailler pour la masse, mais bien pour lu i, pour scs parens et
scs amis.
Il fallait donc promptement sortir des mains de Girard cette
obligation Fonghasse.
Le sieur Chambaud, parent de l’intim é, était créancier comme
lui de Girard; il fallait sauver sa créance, et le tirer de la faillite
ou de la déconfiture qui était parfaitement connue de l’intim é,
et qui à chaque instant pouvait devenir publique.
En conséquence, il se fait céder à lui et à son .parent Chambaud
l’obligation Fonghasse, débarrassée des entraves de la veuve
Villevaud. , ■
L ’acte de transfert était du 27 janvier i 8 i 4*
L ’acte de cession est daté du 5 février suivant.
Mais, quand on voit que ‘c’est un acte passé devant le même
Chevalier, notaire, si peu délicat dans scs fonctions, et qu’il
était de la plus grande urgence de transférer, dans le moment
même en mains tierces, cette obligation Fonghasse, pour éviter
�?
'p
( 14 )
que l’acte fait avec la veuve V illevaud, ne fût connu par les
autres créanciers G irard , et que cette obligation ne lut saisie
par eux, on peut dire, sans être taxé d’incrédulité, que ce second
acte fut fait le même jour et dans le même instant que celui fait
avec la veuve Villevaud, parce que le second acte était la con
séquence immédiate du premier, et qu’il n’était que le corrollaire et le complément de ^opération.
A u surplus, rien n’était plus facile que de faire faire celte
cession le même jour à lui et au sieur Chainbaud, son parent,
attendu que l’un et l’autre n’avaient rien à débourser pour celte
cession ; car on lit dans cet acte que « la présente cession e§t
» faite moyennant pareille somme de 10,862 fr. 5o c., que ledit
» sieur Girard déclare avoir ci-devant reçue desdits sieurs Chain» b au d , dont quittance. »
Comment Girard avait-il ci-devant reçu des sieurs Chambaud,
cessionnaires, les 10,862 fr. 5o cent., montant de l’obligation
Fonghasse, qu’il leur cède? ce ne peut-être que parce qu’ils
étaient l’un et l’autre ses créanciers de cette somme.
Ils faisaient, à la vérité, un acte prohibé par les lo is, ^en ce
que le sieur Chambaud sachant que le mauvais état des affaires
de Girard était, y, son co m b le , il ne lui était pas permis de se
payer ni de faire payer ses parens et ses amis an préjudice des
autres créanciers ; cc p’était qu’une peccadille aux yeux de l’in
térêt personnel.
Tandis que si l ’on veut expliquer autrement cette quittance,
si le sieur Chambaud veut prétendre, comme il n’a ccssé de le
dire dans ses M ém oires, qu’il ne lui était rien dû par Girard
avant cet acte de cession, il est impossible de concilier cette
assertion avec la quittance qui constate qu’il n’a pas donné une
obole à Girard pour le prix de cette cession, et qu’il en avait
payé le prix antérieurement.
O ï» convient que la mention de la quittance est sincère pour
le sieur Chambaud, cessionnaire de l’intimé : pourquoi cette
mention serait-elle fausse pour lui ?
�<
)
L e sieur Cliambaud fait sur cette cession une version , q u i,
prenant pour une vei î t e , ne fait qn ajouter a ses torts.
Si^on/cn croit, dès que Girard se vit débarrassé des entraves
que la veuve Villcvaud était en droit de mettre à la libération
du sieur Fonghasse, il colporta son obligation chez tous les
capitalistes de Clermont pour se faire des fonds, et il ne put y
réussir.
Le sieur Cliambaud voulut bien se prêter à en accepter la
cession, de concert avec le sieur Cliambaud, son parent, qui
ne l’est plus aujourd’hui qu’au huitième degré ( 2e M éin ., p. 24.)
Ce qu’il en fit, ce fut pour obliger son protégé Bouchct, dont
toute la fortune était compromise pour avoir cautionné Girard.
E t c’est à cette occasion qu’il s’écrie : « Trompeuse sécurité! où
» n'aurait-elle pas conduit le malheureux Bouchct, si un ami
» plus sincère n'avait pas veillé sur lui? »
Cet arni plus sincère, c’était le sieur Cliambaud, qui prétend
n’avoir agi dans tout cela que dans l’intérêt du sieur B ouchct,
dont il voulait éviter la ruine.
Adoptons cette version: le sieur Cliambaud en sera-t-il plus
innocent aux yeux de la loi et de l’équité?
É tait-il plus juste de sacrifier la veuve V illcvau d, et de lui
faire perdre 10,862 f. 5o c. qui lui étaient assurés sur la maison
Fonghasse, pour les faire gagner à son parent Cliambaud, et
à son protégé, son secretaire, Bouchct?
Son action serait bien moins odieuse et bien plus excusable, s’il
avouait franchement qu'il a fait tout cela pour lui-m êm e et
dans ses intérêts, parce que c’est un sentiment qui est dans
la nature, Proxirnus sum mihi.
Mais, abuser de la faiblesse et de l’ignorance d’une malheureuse
paysanne, sans défenses, pour la dépouiller de toute sa fortune,
saus autre intérêt que de la faire passer à des étrangers, c’est
aggraver ses torts, et rendre la fraude plus odieuse.
Au surplus, le sieur Chambaud n’a pas travaillé en vain en se
faisant céder par Girard l’obligation Fonghasse, débarrassée des
entraves de la veuve Yillevaud; il n’a pas perdu un moment pour
�( i6 )
en faire le recouvrement ; il a poursuivi le sieur Eonghasse à
toule outrance , il lui a refusé impitoyablement jusqu’au moindre
délai; il a de suite mis sa maison, rue de la Treille, îfen Expro
priation forcée; elle a été vendue: il en a poursuivi l ’ordre, il
a été .colloque en première ligne; les bordereaux ont été délivrés,'
et il a touché, ainsi que le sieur Chambaud, son parent et son
concessionnaire, le montant de l’obligation en principaux intérêts
et frais.
Tandis que la veuve Villevaud a été recherchée par madame
Dalbial pour son acquisition du pré du Jîrciiil, e t, elle a été
obligée de la payer une seconde lois.
E t qu’à l ’égard du transfert de son hypothèque sur le domaine
de la Garandie ; outre q u e , par une manœuvre crim inelle, son
inscription n ’a été formée au bureau des hypothèques que plus
de trois mois après l’acte du 27 janvier 1814; ce fameux do
maine que le siepr Chambaud assurait avec tant de confiance,
par son écrit rapporté au procès , valoir 3o,ooo fr.', et n'être
grevé d ’aucune hypothèque , n’a été vendu que g ,000 fr., et se
trouve grevé d’un grandnombrc d’hypothèques légales, judiciaires,
et conventionnelles.
C ’est dans cet état de choses que faiTairc 5C présente à la Cour.
La veuve Villevaud demande à faire preuve des faits qu’elle
a articulé tant par litres que par témoins.
Le sieur Chambaud dit n’avoir coopéré en manière quelconque
à*l’acte de transfert du 27 janvier 1814, qu’il prétend lui être
absolument étranger, et avoir été fait à son. in sçu , sans son con
cours et hors sa présence.
La veuve Villevaud rapporte un écrit du sieur Chambaud, qui
contient la preuve contraire.
E lle rapporte le premier Mémoire du sieur Chambaud, signifié
au mois d’août 1820, qui contient les aveux les plus précieux
sur toute sa conduite dans cette affaire, qui prouvent qu’il était
parfaitement instruit que le mauvais état des affaires de Girard
était il son comble , lorsqu’il lui a confié son projet de faire
�w*
*•
( 17 )
renoncer la veuve Villevaud à son hypothèque sur ]a maison
Fonghasse;
Qiii prouve que lui, sieur Cliambaud, premier confident de ce
projet, est devenu l’agent de toute cette intrigue, et que c’est
par son fait qu’ elle a été mise à fin, au préjudice de la veuve
.Villevaud dont elle a opéré la ruine.
Com m ent, dès lo rs , peut-on refuser à la veuve Villevaud la
preuve testimoniale qu’elle sollicite avec tant d’instances depuis
le commencement de cette contestation?
Si
on consulte le texte des lois, nous lisons dans l’art. i 348
du Code civil, que les règles, établies sur l’inadmissibilité de la
preuve testimoniale, reçoivent exception lorstjft’il s’agit d’olili-* '
gâtions qui haïssent Vie contrats, et* de*délits itt iptasi délits. ■ .
E f”dan$ Faïf. T S .^ -q u e ' Pj
^ ct'ptm m esl-adm isc lorsque.
l'acte ¿si attjfffué pouf- cMï£k d e'd o l'eï de'frandéï
O n retrouve les mêmciT’ prinerpes'•'datis-Hous J e s .auteurs
\^
ont traité ja.*nalieret ‘
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JVlaÿs ne. s’agît-il que des’ faits Oitl;intrires,»éti-aftgers au dol et,à
la fraijde? Ù^sfifliV qù'xT existe des pr^uY.evécriteSjdc ces faits v
ÿu" Kesoiri*, pôhfrai-Cnt «opérer J3 .co ^ ic^ io ^ in iais qu’ôn ’ ,
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♦vpiii bieii ne* coniiaétCt^iCi qn U CiW} nie ^est com 1nci 1ce 111ens de *’ *'
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testimoniale dans lés cas ou elle est jffoTiibïTtr,* loislju d—
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existe un commencement de preuve par
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G’est donc uiu point de legislà\feîf*â t a b r i de to o te-céh traV £
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le soin de donner à l’audience tout le développement dont ces
principes sont susceptibles.
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�( 18 )
La veuve Villevaud terminera sa discussion
qu’elle a faite en commençant.
Elle articule contre le sieur Chambaud des
de son intérêt que ces faits soient éclaircis:
rien à se reprocher, est fort de sa conscience
lumière.
par une réflexion
faits graves ; il est
l’homme qui n’a
et ne fuit pas la
Me BOIROT, ancien Jurisconsulte.
Me VEYSSET, Avoué
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A. CLERMONT - FERRA N D , DE L’IMPRIMERIE DE PELLISSON, IMPRIMEUR.,
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.A U C O IN D E S R U E S
C4 mm<mAuiw <a»W*. ii» ^ iù 4 u».
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S A IN T -G E N E S E T S A IN T -E S P R IT
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Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
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Description
An account of the resource
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Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Aubignat, Jeanne. 1822?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Boirot
Veysset
Subject
The topic of the resource
notaires
dol
biens nationaux
créances
hypothèques
magistrats municipaux
abus de faiblesse
conscription
fraudes
illettrisme
doctrine
faux
experts
arbitrages
notables
domaines agricoles
opinion publique
chantage
infirmes
banqueroute
Description
An account of the resource
Titre complet : Réponse pour Jeanne Aubignat, Veuve Villevaud, Appelante ; contre Le Sieur Chambaud, Adjudant Commandant, Officier de la Légion-d'Honneur, ci-devant Maire de Chamalières et Royat, Intimé.
Annotations manuscrites. Arrêt de la 1ére chambre, 1822, arrêt complet.
Table Godemel : Dol : 3. lorsque les faits mis en preuve auraient, s’ils étaient prouvés, le caractère de dol, fraude, séduction et violence mis en usage dans la vue d’engager une partie à abandonner ses droits, pour en profiter à son préjudice ; les juges peuvent admettre la preuve testimoniale, aux termes des articles 1116 et 1382 du code civil. – on ne peut opposer, en ce cas, les dispositions de la loi qui interdisent toutes preuves contre les conventions faites entre parties ou contre des obligations dont l’objet excéderait 150 francs, parce qu’en matière de fraude, dol, séduction et violence, il ne dépend pas de la partie contre laquelle ces moyens ont été pratiqués, de se procurer une convention ou des preuves qui aient pu l’en mettre à l’abri.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Pellisson (Clermont-Ferrand)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1822
1791-1822
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
1814-1830 : Restauration
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
18 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2616
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2615
BCU_Factums_G2614
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53531/BCU_Factums_G2616.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Royat (63308)
Chamalières (63075)
Clermont-Ferrand (63113 )
Aydat (63026)
Lagarandie (domaine de)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
abus de faiblesse
arbitrages
banqueroute
biens nationaux
chantage
conscription
Créances
doctrine
dol
domaines agricoles
experts
Faux
fraudes
hypothèques
illettrisme
infirmes
magistrats municipaux
notables
notaires
opinion publique