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MÉMOIRE
PO UR
DE
LES
LA V I L L E
PAU VRES
D’A U R I L L A C ,
LÉGATAIRES d’ u n e
SOM M E
DE
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IMPRIMEUR
de
DE L A
LANDRIOT,
COUR D ’ A P P E L »
Ju in 1804.
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L e s Pauvres d’A u rillac, représentés par le Bureau
de bienfaisance de cette v ille , ap p elan t;
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C ONT R E
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Le sieur C A P E L L E , héritier de madame
G
a l i e u
de,
.
I l existe un corps q u i, né avec la société, est destiné à
durer autant qu’elle. Objet de la prévoyance du législa
teur, de la bienfaisance des particuliers, des sollicitudes
de la religion, les lois veillent pour le protéger, des mains
généreuses le nourrissent, la piété se charge’ de le consoler, et tous les hommes le resp ecten t car le respect est
du au malheur.
A 2
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u ?
L es pauvres composent ce corps; ïes pauvres, c’està-dire, cette portion des citoyens de chaque état, h qui
le ciel a donné la vie, et refusé les moyens de la soutenir :
membres souffrans de la société, en les recevant dans son
sein elle contracte l’engagement sacré de les secourir,
X/’arbre fertile ne prive aucun de ses rameaux de la sève
qui les féconde.
L ’homme a donc ménagé des ressources à l’homme
¡contre les disgrâces de la nature ou de la fortune. Il est
des biens mis en réserve pour ceux qui n’en ont point :
la société encourage et protège les dons faits à la pau
vreté par l’opulence. Ces biens, ces dons, fruits de la
munificence des princes ou de la générosité des parti
culiers,-se-nomment également fondations : ce sont des
dépôts inviolables consacrés par la charité publique; ce
.sont des eaux salutaires dont rhumanîtë, la bienfaisance,
la religion gardent la source.
Des pauvres se présentent aujourd’hui pour réclamer
une de ces fondations : c’est l’unique débris échappé au
naufrage qui a englouti tous leurs biens; c’est un legs de
80000 1i~, dei'nier gage du souvenir d’une femme ver
tueuse dont ils pleurent encore la pei’te. Ii’héritier le
refuse ; des premiers juges Îont annullé : mais le gouver
nement l’approuve, mais toutes les lois l’autorisent___
les magistrats supérieurs le coniiinieront» Il est -digne de
la justice de protéger les monumens de la bienfaisance ;
<et l’autorité publique doit consacrer, les dernières volontés
d’ujiç ferpmq assez généreuse pour vouloir faire le bien
a,u delà, même
-■* * ■du
* .tombeau,
- * • * et assez heureuse pour le
pouvoir*
�(5)
’
^
C’est à des femmes que madame de Galieu ayoit confié FA IT S,
la distribution de ses bienfaits. Les femmes semblent des
tinées par la nature à soulager les infortunés; leur pitié
est plus douce, leur compassion plus affectueuse, leurs
soins plus délicats que ceux des hommes : elles sont des
gardes avancées, placées sur la route du malheur pour le
•découvrir ; elles apparoissent dans ces obscurs asiles où
il se dérobe'aux regards, telles qu’un Dieu bienfaisant
qui ramène avec lui l’espérance. Quels pleurs ne se sèchent
point à leur approche ! quels maux ne sont pas adoucis
par leurs soins! que de consolations sorties de leur bouché!
que de dons échappés à leurs mains !
iSans parler ici des Sœurs de la charité , des Hospitaliè
res et des autres femmes <jui se consaeroient par des vœux
au service des pauvres, plusieurs villes comptoient avant
àa révolution des associations de dames pieuses, réunies
par le seul intérêt de la religion et de l’humanité : on
les -nommoit indifféremment Dames de la :c harité, Dames
de la miséricorde, Trésorières des pauvres. Rio'm, Cler
mont avoient les leurs, et parmi «lies comptoient leurs
noms les plus illustres. On en trouvoit dans toutes les
paroisses de Paris : -on en trouvoit aussi dans la ville
d’Aurillac.
Les Dames de la charité étoient ordinairement les
dames les plus respectables et les plus distinguées de
•chaque ville: c’ étoient des femmes du monde, les unes
mariées, d’autres veuves, d’autres célibataires. Elles ne
knsoient aueun vœu ; libres ^abandonner à leur gré
un joug qu’elles s’imposoient librement. Elles ne for—
«noient point de corps; dégagées de tous liens publics s
�(6 )
ne retirant d’autres fruits de leurs travaux que le plaisir de
faire le bien, distinguées non par des signes particuliers
•mais parleurs vertus', connues de l’autorité seulement par
.leurs bienfaits, comme la ‘fleur modeste par ses parfums.
. Solliciter la piété dans les temples, et la bienfaisance
rdans les maisons ; obtenir dé l’avare pitié des dons qu’elle
refuse a un homme, et qu’elle accorde à une’ femme ;
secourir l’infortuné qui se cache, en lui dérobant la main
■qui le nourrit; assister l’artisan malade, trop pauvre
pour soutenir sa famille privée de ses travaux, trop fier
pour mendier vin lit à l’hôpital ; porter aux douleurs
des remèdes, et des consolations aux chagrins : voilà les
fonctions et les plaisirs des Dames de la charité. Dirai-je
des maux plus secrets qu’elles soulageoient? parlerai-je
des nourrices récompensées , des orphelins recueillis ,
des filles dotées, et de tant d’autres bienfaits oubliés
avec les bienfaitrices ?
J ’ai dit que la ville d’Aurillac avoit Ses Dam es de la
charité : on les nommoit dans cette ville, comme dans
la plupart des provinces méridionales, Dames de Vœuvre
de la miséricorde,' ce qui veut d ire, dames chargées
du travail de la charité. Tel étoit leur titre à Grenoble,
à Montpellier, etc. A Figeac, on en trouve la preuve
dans le testament de madame' de Galieu, qui lègue le
revenu cle l’une de ses terres aux pauvres de Cœuvre de
la miséricorde de 1(igeac. Croira-1-011 que ce titre par
ticulier soit le seul fondement du procès que l’héritier de
madame de Galieu intente aux pauvres? C roira-t-on
que ce procès n’auroit jamais existé , si quelques dames
pieuses .d’Aurillac n’avoient été connues que sous le
nom de Dames de la miséricorde ?
•
�c 7 y
. "
'
' Leurs aumônes / leurs quêtes, leurs soins, étoient le
seul Lien des pauvres de cette v ille , dont la population
s’élève à plus de dix mille âmes. Il n’y avoit alors qu’une
seule paroisse, et cette paroisse étoit sans fabrique et
sans marguilliers. Toutes les oblations, les fondations,
et les autres objets affectés aux fabriques dans la plupart
des paroisses du royaume, se trouvoient à Aurillac entre
les mains des prêtres connus sous le nom de Communalistes , érigés en titre de collégiale par des lettres pa
tentes , et q u i, après avoir prélevé les frais du service
de l’église ,. se partageôieïit' ce: qu’il y avoit de reste ,
sans en faire aucune part aux pauvres. ‘ La ville avoit, à la vérité, un hôpital; mais cet éta
blissement ne jouissoit que d’un revenu médiocre. La
classe indigente et laborieuse du peuple-attaclxoit d’ailleurs
une espèce de honte aux secours qu’elle auroit pu trouver
dans l’hôpital. On ne comptoit de fonds destinés au sou
lagement des pauvres, qu’une rente de 4 3 2 ^ , payable
sur la quittance des échevins et du curé ; ils en confiè
rent la distribution aux Dames de la miséricorde.
• Le zele de ces dames: sembla s?accroître lorsque la
marquise de Fontanges se joignit à elles : le trésor des
pauvres s’enrichit de ses libéralités. L ’évêque de Troyes,
son oncle, y ajouta les siennes. Plusieurs femmes riches,
jalouses d’imiter de si nobles exemples, rivalisèrent dë
charité avec madame de Fontanges. On fit aux pauvres,
dont les Dames de la miséricord'e prenoient soin , divers
legs dont plusieurs sentences du bailliage de Vie ordon
nèrent la délivrance. X>es quêtes devinrent plus nom
breuses ; les assemblées de charité plus régulières ; le
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�( 8>
çuré d’Aurillae les présidoit, en son absence madame
de Fontanges prenoit sa place : cet honneur, dû à son
nom, l’étoit plus encore à son zèle. C’est sans doute ce
qui fait dire à madame de Galieu, dans son testament,
que la marquise de Fontanges étoit Ja supérieure des
Dames de l’œuvre de la miséricorde. Jamais elle ne reçut
çe titre de supérieure ; il n’étoit donné, comme on sait,
qu’aux femmes qui étoient à la tète d’un couvent, d’une
communauté. Comment des dames qui avoient des époux,
des enfans, des engagement avec le monde, auroient-*elles formé une communauté ? Comment madame d©
Fontanges, épouse et mère, en auroit-elle été la supé»
rieure ? ce titre est incompatible aveç çeux qu’elle avoit
yeçus des lois et de la nature.
- A cette époque, vivoit à Aurillae une veuve extrême-*
ment riçhe et sans enfans : on la nommoit Françoise^
Dorothée de Cabridens. Elle avoit été mariée au sieur
de Galieu de Eigeac, qui lui avoit laissé tous ses biens,
sous la condition de rendre la terre de Grialou, située
dans le Querci, à l’un de ses parens. Pour remplir la
substitution, madame de Galieu fit une donation de cette
terre à l’abhé Cabridens de Clavières, son frère, parent
d’ailleurs du sieur de Galieu. L a donation fut passée
à Paris en 1774? et l’abbé de Cabridens a joui de la
terre jusqu’il sa mort,
C’étoit un homme aussi recommandable par sa piété
que par sa bienfaisance. Il fut question, en 17 7 7 , d’éta
blir à Aurillae une école de Frères de la doctrine chré
tienne, pour l’instruction des enfans des pauvres. L ’abbé
de Cabridens donna, pour cet établissement, une rente
de
�( 9 )•
de 65o , et un capital de 10000 ft. Il-voulut que ces
sommes demeurassent à jamais consacrées à ■l’instruc
tion de la jeunesse, même en cas de retraite des Frères
de la doctrine chrétienne. L ’acte authentique fut passé
avec les officiers municipaux d’Aurillac, le 29 septembre
I777'
.
. .
*
. ' . '
L ’abbé deCabridens destinoit encore d’autres bienfaits
aux pauvres de sa ville natale. Il jouissoit d’une grande
fortune. La succession de madame de Galieu, sa sœur,
est composée de biens situés en Auvergne et en Querci.
Tous ceux d’Auvergne appartenoient à l’abbé de Cabridens ; savoir, les domaines de Faillitou et de la Bartassière , qui viennent d’être vendus plus de 80000 ^ , et
le fief de Clavièrcs, qui vaut à peu près cette somme.
Je ne parle pas de plusieurs maisons et de quelques
autres immeubles de médiocre valeur. La fortune de
l’abbé de Cabridens s’étoit encore accrue par le don de
la terre de Grialou, dont il pouvoit disposer à son gré.
Madame de Galieu, sa sœur, n’avoit point d’enfans. Il
crut devoir a son état, à son caractère , d’adopter les
pauvres pour les siens; mais, pressé par l’âge,.et assiégé
par les iniirmités qu’il traîne à sa suite, il confia à sa
sœur L’exécution des pieux desseins qu’il avoit conçus.
Il la chargea de vendre les biens qu’il possédoit en A u
vergne, au profit des pauvres. Il lui indiqua ceux qu’assistoient -les Dames de la miséricorde pour l’objet de
scs secours , et il la chargea de payer jla=rente qu’il avoit
destinée à l’éducation de la jeunesse.': Ces' dispositions,
il ne les consigna point dans un testament. Sa sœur pos
sédoit toute sa confiance. Il ne vouloit pas, lui dit-il,
B
�X
)
'que le public pût en douter. H lui laissa donc àb iritéstdt
sa succession tout entière. Mais madame de Galieu a
pris soin dé nous apprendre à quelles conditions : en
léguant ^oooo7*" aux pauvres, pour remplir, dit-elle.,
les pieux desseins qui lui ont été communiqués p ar
'son fr è r e avant sa m ort, et «n ordonnant de vendre,
pour acquitter ce legs, tous ses biens d’Auvergne, c’està-dire tous ceux qui ,lui venoient de -l’abbé de'Gabridéns.
■Cependcntla maison de madame de Gaiieu étoit assiégée.
"Que d?amis, que dei parens ne se trouve pas une testatrice
opulente'! 'Qui poürroit dire-toutesles manœuvres*, pein>dre toutes les intrigues qu’on employa pour obtenir la
;prëmière .place, ou du moins une place dans son testraient'?
- X e .jour si'long-temps attendu arriva enfin :'ee fut le
- 4 'octobre 1785. Madame de Galieu avoit-, à "ce qu’il
rparoît, plusieurs.parens au même degré-: ¿’étaient des
'enfans de ses cousines germaines, -c’est-à-dire, ses neveux
bretons. Deux habitoient Aurillac. L e troisième vivoit
à-Saint-Constant, yillagie à.quelques lieuesde cette -ville-:
eon te nommdit le sieur Capelle, et il avoit quatre enfana,
-¿Leux ifilles et detix> fils. Madame de Galieu •choisit l’aîné,
alors âgé de cinq ans, ' pour son héritier ;;elle lui substitua
*s©n f r è r e , sans faire aucune mention des-îillcs. La substi
tution ne 1s’est rpas ouverte-, et -:Pierrc-Anloine-Urbain
’ Gapelle,cousin auquatrième degré de madame deGalieu, •
jouit seul aujourd’hui d’une fortune dont il'ne pouvoit
^espérer qu’un .douzième, 'suivant l’ordre de la nature.,
¿puisqu’il aüroit‘ été'obligé de _parl/iiger avec son irètfe
�c ï't y
.
Qt ses deux sœurs le tiers, qui revenoit à- soa père..
Ces détails feront juger si l’extreme faveur que croit
mériter l’iiéritier de-madame de Galieu-,, si çetle pi:édi—
lection spéciale que lui- portoit, dit-il, sa. bienfaitrice r
si. ces droits respectables du sang et de la nature qu’il
invoque, sont des prétentions fondées ou de vaines çlii-<
mères. Quelle faveui: extrême ne inéiiite- pas un héritics?préféré à des païens pki? rapprochés! préféré à son propre*
-père, à son frère , à ses sœurs ! Quelle prédilection spé~.
eiale n’a pas témoignée madame d.e Galieu à un enfant
de cinq ans, qu’elle n’avoit jamais vu 5l qu’elle n’a choision le sait, que parce que la- foiblesse- de son âge semi
bloit ne pas. lui permettre de contrariée les volontés de
sa bienfaitrice ! Combien sont respectables les droits du
sang et de la nature lorsqu’ils sont invoqués par un
héritier que ni le sang ni La nature n’appeloient person~>
Bellement à la succession ?
Madame de Galieu laissoit environ 5ooooo de biens y
■ en meubles, en créances., ou; en terres.. E lle possédoit.
le fief de Grialou, celui de. Claviçres, les domaijaes.de
Feicelle,, de Lacombe, de Faillitou , de la Bartassière,
etc.; des, maisons, à Arpajon.,, à,Aurillac, k Figeac; ua
mobilier considérable. E lle a fait, il- est vrai, des legs,
en très-grand nombre ils s’élèvent, dit l’héritier, à
270000 tir. On veut l’en croire : mais, enfin la moitié
de cette somme est consacrée à acquitter les dettes, de la
nature ou de l’amitié ; il n’y a que* l’autre, moitié qui *■
soit destinée à des œuvres de charité ou de religion. Ces
liegs ne paroîtront pas exorbitans relativement aux forces
4 e la succession , et quand ou songera aux conditions
B 2
�1 12 )
'
imposées par l’abbé de Cabridens à madame de G alleu,
sa sœur et son héritière.
Entre les legs pieux, on remarque celui du revenu
de la terre de Grialou, laissé pendant,un ¿ra aux pau~
vres de Tœuvre de Ici miséricorde de la ville de Figeac.
Ce legs a été fidèlement payé ; il devoit l’être avant la
révolution ; il n’étoit pas considérable. L ’on n’a point
demandé si les Dames de la miséricorde de Figeac avoient
des lettres patentes. ' ■ :
■
t
Il est une autre disposition qui excite de vives récla
mations , qui ( s’il eu faut croire l’héritier ) est nulle
faute de lettres patentes , qui du moins a fait retour à
la succession , qui enfin doit être réduite, toujours sui
vant l’héritier. Elle est faite en faveur des pauvres de
l’œuvre de la miséricorde d’Aurillac : elle est l’objet de
ee mémoire.
.
On sait que l’abbé de Cabridens avoit laissé tous ses
biens à sa sœur, à de certaines conditions. Voici de quelle
manière madame de Galieu les a remplies.
' « E t -pour rem plir, dit-elle, les pieux desseins qui
¥ ni ont été communiqués par J 'a i monsieur Cabri« dens , mon f r è r e , avant son décès , je lègue aux
« pauvres de l’œuvre de la miséricorde de la ville d’Auc rillac, laquelle •oeuvre est administrée par de pieuses
« dames, et dont madame’'la marquise de Fontanges est
« la supérieure, la somme de 80000 ; à la charge
« néanmoins que les administrateurs de l’œuvre seront
« tenus de payer annuellement, et à perpétuité, aux
« Frères de l’école de la doctrine chrétienne établis à
* Aurillac, la pension et rente annuelle que monsieur
�( i3 )
« i’abbq de Cabridcns, mon frère ,• s’étoit obligé de
« leur payer par les actes passes avec eux, et avec les
« consuls et communautés, d’Au villa c , .sans ’laquelle
« condition je n’aurois légué-jù li\dite œuvre que lq
« somme de 60000
Je veux qu’il soit employé le
« revenu de 20000 pour, assistermessieurs les prêtres
« de la ville et çom?nunauté d’^Aurillac^ qui seront
« ,dans le besoin , .et encqre les autres•prêtres des çeh
« virons de ladite v ille ,r si le retenu de ladite,somme
« de 20000
peut le comporter ; et que le revenu des
« 40000 restantes soit employé à soylager et assister
« le surplus des pauvres- que. Iqdiie, .çsupvexa. cputumG
« d'assister. Je ?,*reux en conséquence' que la .^pnime de
« 80000 , ci-dessus léguée aux conditions mentionnées}
« .soit payée auxdjtes dames administrant ladLte opuvrp ,
« sur la quittance qui en sera fournie par-ladite dame
« marquise de Fonümges, leur supérieure , et aux termes
« ci-dessous .fixés. » ,
;
• ; . , ..
Madame de Galieu 11e fixa aucun terme précis pour
le payement de ce legs : mais elle chargea,son exécuteur
testamentaire de recueillir, jusqu’à ce que son héritier
eut atteint l’âge de vingt-cinq ans, fous les revenus de sa
succession , et d’employer ces revenus à acquitter nonseulement le legs fait à l’oeuvre dp la miséricorde, mais
tous ceux qu’elle laissoit. Elle destina au môme usage le
prix d.e tous ses biens d’Auvergne, dont elle ordonna la
vente conformément aux intentions de l’abbe de Cabridens. Elle nomma le fils de son exécuteur testamentaire
pour remplacer son père, s’il venoità mourir avant que
le sieur Gapclle eût atteint vingt-cinq ans. Enfin elle prit
�( i -4 y
toutes lès- précautions que pouvoit suggérer la prudence*
<V une bienfaisance éclairée; Vaines précautions! soins*
inutiles ! Tant de mesures, si sagement concertées, n’ont
servi qu’à faire voir que personne nepeut se flatteraujour—
d’hui d’étendre son pouvoir au delà de son existenee; que^
les héritiers testamentaires , aussi avides et plus ingrats,
que ceux du sang, -ne trouvent jamais assez considérablela-succession qu’ils nrosoient espérer; et qu’ils regardent
presque comme un vol' personnel les legs que leur bien
faiteur's’est permis de faire, et ceux dé ces legs surtout
que la religion a dictés, la religion qui seule plaide au lit
de la mort la cause des malheureux.
Madame de (ïaliëu survécut quatreans à son testament.
Ses résolutions ne- se démentirent point relie mourut sans,
y avoir rien changé-, au mois de janvier 1785:; heureuse
de quitter, pour le séjour deTéternel repos, une terre où
fërmentoient déjà tant de semences de discorde! Elle
mourut : les pauvres la pleurèrent, et ils.la; pleureront
l:ong-temps_
Surveillante fidèle des intérêts des pauvres,.la marquise
de Fontanges , qui se trouvoit à Paris à cette époque
s’occupa de leur faire délivrer le legs de 8toooo ti") que1
madame de Galièu- leur avoit laissé. L ’article 3 d’un édit
de 1749 veut que toutes les fondations; faites en- faveur
des pauvres soient approuvées par le- parlement, qui
nommera- des administrateurs au legs ( sans doute si le
testateur n’en a pas nommé ). La marquise de Fontanges
se rendit chez M. le procureur général, pouir le prier de
demander en son nom l’homologation nécessaire. M1. le
procureur général y. consentit.. Il traça la- marche qu-’oii.
�( i'5 )
''âevoit srîivre. Il falloit, dit-il-, remettre une rcopie du.
•'testament au procureur du roiprès le*bailli âge d’Aurillac,
qui la lui advesseroit, en l’invitant à requérir.quelle lçgs
fût approuvé >par le parlement.- M. le procureur général
promit de -le demander. Ce fait est certain ^madame de
ï ’ontanges, qui v it1encore., madame^de Fontanges, -.qui
-liabite Aurillac -, l’attesteroit -, et un ;tel témoignage ne
-sera pas-récusé,
,, ' . .1 • ' ■
'
'Le testament fut ènvoyé à Paris, vers la Æn de 179-..
Les troubles survenus alors, les alarmes de la magistrature
sur son état,'firent négliger cetteaffaixej comme beaucoup
d’autres, par le procureur général, Il.étoit peu question
•de fondations, lorsqu’on ne s’oceupoit qu’à détruire. Bien
tôt le parlement fut supprimé /.et Sans lui;l’homologation
-devenoit impossible.
'
-Cependant l’exécuteur testamentaire de madame de
IGalieu s’étoit -mis en possession .de tous ses biens,, con
formément à ses volontés; il devoit les,garder jusqu’à ce
■quë<l’héritier eût "atteint vingt-cinq ans. Il fit l’inventaire
des-meubles,-et les'vendit pour acquitter une partie des
legs.-Il voulut ensuite «faire procéder,, suivant les ordres
de la testatrice, à la-vente des:biens d’Auvergne. Le sieur
■Capelle ,'père de l’héritier qurn’avoit alors que neuf ans,
•s’ opposa à cette vente : il représenta.que le-moment n’étoit
¿pas favorable à'ia ventesdes immeubles; et il-avoit-raison,
-l’année 1789 achevoit son; cours. *
,
-Mais les troubles qubcommençorent, et les-désordres
‘•plus grands Encore dont ils éfoient avant-coureurs, inquié^oient.peu le.père du sieur Capelle : ce . qui l’alarmoit ?
�(
16 X
c’ctoit la nécessite de payer des legs qu’il regardent comme
son b i e n ' et'sa conduite, l’a assez montre.
: (Je* ne fut’1tfù’eja 1792 ,.et api'ès ayoir laissé »¡écouler les
aimées moins orageuses àe.l<jgo et 17 9 1, que l’exécuteur
testamentaire fit rendre un. jugement qui l’^iutorisoit à
vendre les biens désignés pan madame dé Galieu ; ce juge
ment est du 27 janvier 1792. Dès que le sieur Gapelle père
le connut, il lit solliciter une suspension de vente; ^exé
cuteur testamentaire y consentit..Mais enfin, press,é sans
doute par les légataires, et après !un délai de six mois,
il fit poser des affiches qui indiquaient au i 5 juillet les
premières enchères^ e t l’adjudication définitive au 30 du
même mois.- >an >
•
•
•
1 lié '30 juillet 1 yg2, l’assemblée déjà formée, les enché
risseurs réunis, le sieur Capelle père, manifestant alors;
le projet qu’il avoit formé depuis long-temps de ne point
acquitter les legs-faite par madame de Galieu, projet suivi
depuis par son fils; le sieur Capelle, dis-je, fit signifier
à l’exécuteur testamentaire, et au notaire chargé de rece
voir les enchères, un acte d’appel du jugement qui ordonnoit la vente. Cet incident surprit et troubla l’assem
blée; et ori vendit seulement quelques petits biens épars,
à l’aliénation desquels consentoit le père de l’héritier.- ■
L ’cîüécuteur testamentaire auroit fait sans doute statuer
sur l’appel du jugement du 27 janvier; mais il n’y suxvécut pas long-temps : son. fils prit alors l’administration
et la jouissance dés biens de la succession. Ainsi Tavoit
ordonné lu testatrices jusqu’à ce que son héritier eut
atteint l’âge de vingt-cinq arts : mais ce qu’elle ne vo.ulqit
pas,
�'
C *7 )
p
pas, mais ce qu’elle défendoit, il abandonna bientôt après
les rênes de l’administration qui lui ëtoit confiée, et toute
■la succession 7 au sieur Capelle’ (père, qui mourut avec la
joie de la transmettre entière à son'fils, mais avec leremords
peut-être d’avoir payé dUngratitudè la bienfaitrice de sa
famille, qui s’étoit défiée de lui avec raison, et qui avoit
■nommé à son ^héritier d’autres ’ administrateurs >que son
père.
: Ainsi l ’héritier de madame 'de Galieu possède depuis
douze ans une fortuné qui ne lui appai'tiendroit même pas
encore, car il n’aura vingt-cinq ans que Tannée prochaine!
Ainsi n’ont pas été'acquittées les dettes dè ¡la charité-et
de la religion, -que les revenus -dont il jouit devoient
éteindre ! Ainsi s’accomplissent les volontés suprêmes de
ces hommes que la justice place sur leur lit'domort comme
des législateurs dont toutes les paroles deviennent des
oracles! Les exécuteurs testamentaires exécutentiainsi les
vœux les plus chers de leurs amis qui ne sont plus! - i .
Si quelque chose peut excuser lafoiblesse derceux q u V
voit choisis madame de'Galieiij c’est (le sinistre, étatde’la
. France au moment où ils remirent ou plutôt laissèrent
échapper le pouvoir confié à leurs mains. Le'soleil de 1793
avoit lui : tout se bouleversoit, toutpérissbit, et les talens
*et la vertu, et la religion et la ‘patrie.
•
Alors parurent ces lois à ja m a i s inémorable's, qui dé
clarèrent qu’il 11’y avoit plus.de pauvres-, que la bienfai
sance nationale 11’en souffriroit plus. Puisqu’il n’y avoit
plus de pauvres, les biens que les siècles avoient accu
mulés pour leur soulagement devenoieut inutiles : /a bicnJaisance nationale s’en empara. Un décret rendu cil 17.94
G
�(i8)
réunit au domaine de l’état toutes les propriétés des hos
pices, toutes les fondations particulières faites en faveur
de l’indigence ; en un mot, l’actif et le passif de tous les
établissemens de charité. Les hôpitaux devinrent des ca
sernes, les maisons de secours des maisons de force , les
églises, le dirai-je! des écuries.........Qùi auroit alors ose
réclamer la fondation faite par madame de Galieu? Les
Dames de la miséricorde étoient dispersées plutôt que
supprimées ; les unés avoient fui aux approches de l’orage,
d’autres habitoient les prisons, le reste gémissoit en silence.
Ges jours affreùx semblent déjà loin de nous. Un héros
a paru, suivi de la victoire, et de la sagesse plus utile que
la ^victoire : sesi premiers soins ont- été de rendre leur
cours-à rces soùrces salutaires, et pures qu’alimente la cha
rité publique*. Il à-rétabli les hôpitaux dans leurs biens;
il a relevéi ces autels à l’ômbre desquels les infortunés
trouvôient toujours un refuge ; il a remplacé, s’il est pos
sible \ les Dames de la miséricorde, les Dames de la cha
rité , et tant d’auti’és anciens et dignes tuteurs des pauvres,
en créant; dans'la,plupart'des villes de l’empire, des bu
reaux de bienfaisance, i
.Les administrations de ces nouveaux établissemens sont
distinctes descelles des hôpitaux, aussi-bien que leurs attri
butions. Le gouvernement a ordonijé que les hôpitaux
aüroient des administrateurs particuliers, chargés de-régir
les biens qui leur étoient rendus, et ceux que des personnes
bienfaisantes consàcreroient a fonder de nouvelles places,
ou h conserver les anciennes, dans ces tristes asiles des dis
grâces de la nature et de la fortune.
,
Les bureaux de bienfaisance sont une réunion d’hommes
�( 19 )
charitables, qui,nommés par le gouvernement, recueillent
sous ses auspices les dons que la pitié oiï’re à l’infortune,
et surtout à l’infortune qui se cache; ils sont chargés de dis
tribuer ces secours qu’on appelle à domicile. Un arrêté du
gouvernement leur attribue tous les biens affectés à l’entre
tien des Hospitalières et Filles de charité, toutes les fon
dations relatives à des services de bienfaisance, à quel titre
et sous quelque dénomination que ce soit. C’est pour les
bureaux de bienfaisance que le comte de Rumford a ima
giné ses soupes économiques. Ce sont eux qui sont chargés
- de les distribuer.
Un de ces établissemens a été formé à Aurillac ily a trois
ans : d’anciens magistrats le composent; et les pauvres n’ont
qu’un l’eproche à. leur faire, c’est de ne leur offrir que du
zèle, et de ne leur donner que des promesses.
- On a dit quelle étoit la misère des pauvres d’Aurillac
avant que les Dames de la miséricorde s’occupassent de les
soulager. Ces dames, dont plusieurs vivent encore, n’ont
pas repris leurs fonctions, devenues sans objet, depuis que
le gouvernement a chargé de l’administration des biens des
pauvres les bureaux de bienfaisance : celui d’Aurillac se
propose d’engager quelques-unes de ces femmes respectables
à se joindre à lui pour la distribution des secours à domicile.
Ces secours ont été nuls jusqu’à ce jour; la seule esperance
des pauvres, c’est le legs qui leur a été fait par madame de
Galieu.
On a dit que ce legs n’avoit été paye ni par l’exécuteur
testamentaire, ni par l’héritier de madame de Galieu. Le
bureau de bienfaisance, chargé par les lois de veiller aux
intérêts des pauvres, ne tarda point à le demander au siçur
G 4
.
.
�(
20
)
Capelle, qui fut cité en conciliation , et ensuite devant les
juges de première-instance d’Aurillac, pour être condamné
à le payer. Le sieur Capelle commença par récuser tous ses
juges, sur de futiles prétextes ; et bientôt il obtint de la cour
de cassation un arrêt qui renvoya la connoissance de l’af
faire aux juges de première instance de la ville de Saintl'Iour.
Xes pauvres auroient- pu1 se plaindre de cet arrêt, et
peut-être le faire réformer. Il- avoit .été obtenu sur une
requete qui ne leur avoit pas-été communiquée : il étoit
rendu sur un faux exposé des faits. Mais., certains de la
justice de leur cause, ils crurent qu’aucun tribunal ne
devoit leur paroître suspect, et ils citèrent à Saint-Ftour
l’héritier de madame de Galieu.
Cependant-, suivant les dispositions de l’article 3 de
l’édit de 1749, toutes les fondations devoient être homo
loguées par le parlement, qui, par attribution spéciale,
remplaçoit le prince dans cette fonction. Cette formalitén’avoit pas été remplie à l’égard du legs fait par madame
de Galieu ; la suppression des parlemens ne l’avoit pas
permis. Les pauvres crurent devoir demander au gou
vernement un arrêté q u i, tenant lieu d’homologation,
approuvât le legs, autorisât le bureau de bienfaisance
à l’accepter en leur nom, et fit connoitre à l’héritier de
madame de Galieu que le bureau exerçoit tous les droitsdes Dames de la miséricorde.
Toutes les pièces, tous les renseignemens nécessaires
furent envoyés h Paris. Le ministre de l’intérieur se fit
rendre compte de l’aflaire, et, sur son rapport, fut donné,
le 7 juillet 1802, l’arrêté du gouvernement qu’on va lire.
�( 21 )
Copie de VArrêté des Consuls.
Les consuls de la république, sur le rapport du mi
nistre de l’intérieur ,
- ’
Le conseil d’état entendu,
'
•
Arrêtent ce qui suit :
A r t i c l e i er.—Le legs de 80000
fait à l’Œuvve delàmiséricorde de la ville d’Aurillac, par madame Françoise-;
Dorothée de Cabridens, veuve Galieu, suivant son tes
tament du 4 octobre 1785., reçu par Marmontel, notaire'
à Aurillac, enregistré, sera accepté au- nom des pauvres ■
de ladite ville par le bureau de bienfaisance , rempla
çant aujourd’hui l’Œ u vre de;la m iséricorde, pour la dis-)
tribution des seco.ui’s à domicile.
A r t , 2 .— Le montant de ce legs sera réuni aux autres
biens et revenus des pauvres de. la ville d’A urillac, pour
être administré et régi par les membres du bureau de
bienfaisance, a l’instar des autres biens des établissemens
de charité.
A r t . 3. — L e legs étant fait en argent, il sera employé
en acquisition de rentes sur l’état.
A r t . 4 . — Les administrateurs du bureau de bienfai
sance fero n t, sur les biens de la succession de la tes
tatrice, tous les actes conservatoires qu’exigera la garantie1
des droits des pauvres d’Aurillac.
A r t . 5 . — En cas de contestation ou de refus de la
part des héritiers, les administrateurs du bureau de
bienfaisance poursuivront la délivrance du legs devant
�( 22 )
les tribunaux, en s’y faisant préalablement autoriser, dans
'
les formes voulues par les précédens arrêtés.
A r t . 6. — U ne somme annuelle de 65 o ^ sera pré
levée sur le revenu du legs, pour être employée par
le maire à l’instruction de la jeunesse, sous la direction
et la surveillance du préfet du département.
A r t . 7. — Pour remplir les autres intentions de la
testa’trice, il sera pareillement prélevé, sur le montant
des rentes, une somme annuelle de 100 0^ , représen
tant au denier vingt un capital de 20000
, pour êti'e
employée chaque année à secourir les prêtres de la ville
et des environs, qui se trouveront dans le besoin.
- A r t . 8. — E n cas’ qu’il n’y ait pas de prêtres indigens,
ou en assez grand n o m b re, la somme ou le restant de la
somme sera distribué aux pauvres par le bureau de bien
faisance.
■ A r t . 9. — Le ministre de l’intérieur est chargé de
l’exécution du présent arrêté, qui sera inséré au Bulletin
des lois.
L e premier consul; signé B o n a p a r t e ,
Tel est l’arrêté du gouvernement, en faveur des pauvres
d’Aurillac. Le bureau de bienfaisance, autorisé par le pré
fet, a poursuivi le jugement de 1 aiïaire, qui lui paroissoit
décidée à l’avantage des pauvres par cet arrêté, l/es pre
miers juges n’en ont pas eu cette idée ; le procureur im
périal seul a conclu au payement du legs. Quant aux juges
de St.-rFlour, ils ont pensé que madame de Galieu n’avoit
pas fuit un legs aux pauvres d’Aurillac, mais bien à l’Œuvre
�C 23 )
de la miséricorde, qu’ils ont considérée comme un corps ;
ils ont jugé que ce prétendu corps étoit une communauté
illicite, non approuvée, qui n’avoit pas été fondée par des
lettres patentes; que par conséquent elle étoit nulle et inca
pable de recevoir des libéralités. Par ces motifs, les premiers
juges ont déclaré le bureau de bienfaisance non-recevable
dans sa demande. '
Analyser les erreurs qui servent de base à leur décision,
et réfuter successivement les fausses conséquences déduites
de ces deux faits supposés constans et qu’il falloit prouver,
savoir, que les Dames de la miséricorde formoient une
communautéet que madame de Galieu a légué à cette
communauté, et non aux pauvres, la somme que son frère
avoit destinée h des œuvres de charité , ce seroit vouloir,
sans être utile à la cause , aifoiblir l’intérêt qu’elle doit
inspirer. Etablissons la justice de la demande , et laissons
l’éclat de la vérité dissiper les ténèbres de l’erreur.
.
La cause, en cet état,présente des questions également MOYENS,
importantes aux yeux du barreau et des hommes du monde.
On n’agite plus ici des discussions purement civiles. Ce
n est point la fortune d’un particulier • c’est l’ordre, c’est le
droit public qui est en suspens.
Sera-t-il permis à un tribunal inférieur de s’ériger en
reformateur des arrêtés du gouvernement, et de déclarer
les pauvres d’une ville considérable incapables de recevoir
un legs, lorsque le gouvernement les a reconnus capables
d’en profiter ?
Ces mêmes juges, s’ils n’ont pas excédé leur compétence,
n’out-ils pas porté atteinte au droit public, en déclarant les
�( 24 )
,
pauvres d’Aurillac non -recevables à demander un legs
qui leur a été fait en 17 8 5 , et que l’arrêté du gouver
nement, tenant lieu d’homologation, a rendu valable?
Voilà les deux questions de droit public que fait naître
cette affaire; leur examen est l’objet principal de ce méïnoire. On y ajoutex’a une seconde partie, dans laquelle on
réfutera rapidement les moyens subsidiaires opposés par
l’héritier de madame de Galieu devant les premiers juges ;
savoir, que le legs a fait retour à la succession, et que du
moins les magistrats doivent le réduire.
P R E M I È R E
PARTIE,
On a dit que les deux propositions qu’il s’agit de prou
ver dans la première partie de ce mémoire, l’incompétence
des premiers juges, l’erreur dans laquelle ils sont tombés,
sont des questions de droit public. C’est que les fondations
et tout ce qui les concerne font partie du droit public. Pour
le faire v o ir , et pour établir en même temps la capacité
des .pauvres en général à recevoir des libéralités, il est
nécessaire de rappeler des principes qui s’appliquent
également aux deux propositions à démontrer.
Les pauvres, en nom collectif, dit J . M. Ricard,
forment un corps irrégulier que les lois n’ont point créé,
et qui subsiste par soi-meme, toujours renouvelé, tou
jours existant, Les législateurs de Rome, aussi-bien que les
nôtres, ont toujours autorisé les dispositions faites à leur
profit. Elles sont même de toutes les libéralités les plus
favorables.
XI est inutile d’en donnor la raison, Chacun voit que lo
nécessaire
�( *5 )
^
nécessaire du pauvre fait le superflu du rich e, et que c’est
à la bienfaisance éclairée à réparer les injustices de l’aveugle
'fortune.'
,■
‘ Les dons faits aux pauvres, considérés comme un corps f
se nomment en général fondations. Les fondations sont
de droit public, parce que le gouvernement seul crée t
établit les corps, et'prononce sur tout ce qui les regarde.
C’est par cette' raison que divers édits ont pourvu à la
manière dont les’ fondations pourvoient être faites, à leur
acceptation et à leur administration au nom des pauvres.
La déclaration de 1749 formoit le dernier droit sur cette
matière avant la révolution. En voici les dispositions r o
latives à la cause :
.
'
<
Déclaration de 17 4 9 .
A r t i c l e ïe r.— Voulons qu’il ne puisse être fait aucun
nouvel établissement de chapitres, collèges, séminaires,
maisons ou’ communautés religieuses, même sous prétexte
d’hospices; congrégations, confréries, hôpitaux ou autres
corps, et communautés, soit ecclésiastiques, séculières
ou régulières, soit laïques, de quelque qualité-qu’elles
soient; ni pareillement aucune nouvelle création de chai
pelles, si ce n’est en vertu de notre pei'mission expresse,
portée par nos lettres patentes , enregistrées en nos p arlemens ou conseils supérieurs.
A r t . 2 . — Défendons de faire à l’avenir aucune dispo
sition par acte de dernière volonté, pour fonder un nou
vel établissement de la qualité de ceux qui sont menv
tionnés'dans l’article précédent, à peine de nullité, quand
D
�»
.
..
( 26 \
.
même la disposition seroit faite à la charge cPobtenir nos
lettres patentes. ,
'
A r t . 3. — N ’entendons comprendre dans les deux ar
ticles préeédens les fondations particulières qui ne tendroient à l’établissement d’aucun nouveau corps, collège
ou communauté, ou à l’érection d’un nouveau titre de
bénéfice, et qui n’auroient pour objet que la célébration
subsistance d?étudions ou de pauvres
ecclesiastiques nu séculiersyetc*, ou autres oeuvres pieuses
de messes ou o b i t s
de même nature et également utiles au public j à. l’égard
desquelles fondations il ne sera point nécessaire^’obtenir
nos., lettres patentes, et il, suffira, de faire h&mologuer les
actes ou dispositions qui les contiendront,, eh nos parle*mens et conseils supérieurs, sur les conclusions ou réqui
sitions de'nos procureurs généraux. Voulons qu’il soit en
même temps pourvu par nosdits parlemens à l’adminis
tration des biens destinés àTexécirtion' desdites
fondations /*
•
et aux comptes- qui en seront rendus-..
A r t . 9* — Annulions tous les actes ou: dispositions qui
pourroient avoir été faits directement ou indirectement
en. faveur des- établissement mentionnés en l’article I er..
A r t . 29-— Toutesles demandes formées en exécution du
présent edit seront portées.directement en la grand’ehambue du parlement, et ce privativement à tous autres juges,
pour y être statue sui’ lfîS conclusions de notre procureur
général.
-
,
*
^
*
.
D ’après cette déclaration , il a sufii jusqu’il nos jours
pour faire valoir ,les fondations destinées à la subsistance'
des pauvres, d’obtenir l’homologation du.parlement, qui
�( *7 )
^
rcmplacoit le prince dans cette fonction, et qui étoit
clj«rgé de nommer des administrateurs aux legs qu’il
approuveroit.
Depuis que l’ompereur a pris les rênes de l’état, le
droit public a changé relativement aux fondations. Ce
ne sont plus les cours d’appel qui les autorisent. Le gou
vernement s'est réservé ce soin*, et il a nommé à jamais,
pour les administrer, les/bureaux de bienfaisance et les
administrateurs des hôpitaux. Cette prérogative du chef
de l’état lui demeure attribuée pour toujoui’s par l’article
910 du Code civil, portant : a Que les dispositions au
« profit des hospices, des pauvres d’une commune, ou
« des établissemens d’utilité publique , n’auront leur
« effet qurtautant qu’elles seront autorisées par un arrêté
.« du gouvernement.
^
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.
En cet état de choses, il s’agit d’examiner s’il a été
T
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.
Incompepermis a un tribunal inférieur de s’ériger en réformateur tence des pred’un arrêté du gouvernement, et de déclarer les pauvres ¡¡¡^ipJnond’Aurillac incapables
cer
?".r des
,la
, # de recevoir un don dont le gouverO
capacité
îiement les avoit jugés capables de profiter.
pauvres.
Jamais le tribunal de Saint-Flour n’a pu s’arroger
ce droit. Ce n’est point à ceux qui tiennent la balance
de la justice, à diriger le gouvei'uail de l’état. Le chef
de l’empire prononce seul sur l’existence et la capacité
des corps qui font partie de son empire. Ses actes su
prêmes ne sauroient être ni suspendus, ni, réformés, ni
annuités par les autorités secondaires. Le droit public
est aujourd’hui l’arche sacrée que les cours elles-mêmes
ne peuvent toucher ; et des magistrats inférieurs ont bien
D a
p r o p o s itio n
Jj
j’
*
’
�( 28 )
osé y porter atteinte, en déclarant nul un legs approuvé,
autorisé parle gouvernement, sous prétexte que le gou
vernement n’a pas autorisé, approuvé le corps auquel
il a été laissé, et par conséquent le legs lui-même !
Eh quoi! le gouvernement aura reconnu la capacité
des pauvres d’Aurillac pour accepter des libéralités en
i y 8 5 , par l’entremise des-Dames delà miséricorde; et
un tribunal de première instance déclarera les pauvres
non - recevables dans leur demande, précisément par
défaut de capacité! Cependant le gouvernement-est l’uni
que juge, de cette capacité : le gouvernement seul peut
donner ou refuser aux( pauvres les qualités nécessaires
pour recevoir comme pour demander. Ainsi c’ est en vain
que le ministre de l’intérieur, que le conseil d’état, que
l’empereur lui-même, ont jugé que les pauvres avoient
été l’objet, et les Dames de la miséricorde les ministres
de la bienfaisance de madame de Galieu ! c’est en vain
, que l’empereur, voyant que de pieuses dames avoient
été remplacées ,par des hommes charitables, leur a or
donné d’accepter et de recueillir les dons de madame de
' Galieu au nom des pauvres ! en vain il a réglé remploi
du bienfait,• ( #conformément
aux
vœux de ■la
bienfaitrice!
•
'
i
t.- :/ . 1
.
inutilement il a voulu qu’une partie du legs fût appliquée
ü i’inslruction de la jeunesse
y une. autre consacrée au
soulagement des ecclésiastiques indigens ; une autre des
tinée à secourir,- dans leurs( humbles demeures, les pau■vres de toutes les classes! Ce règlement d’administration
publique a été
pesé-dans
la balance des juges de Saint-
jFlour; e t, trouvé trop léger, il s’évanouira comme un
songea devant l’intérêt personnel de l’héritier de madame
�C 29 )
de Galieu. Nous avons droit de mieux augurer de la
sagesse des magistrats suprêmes : c’est à eux qu’il est
réservé de venger l’ordre public d’un tel scandale.
}
Il seroit superflu de prétendre que l’arrêté du gou
vernement est contraire aux deux premiers articles de
rédit de 174 9 , puisqu’il autorise le bureau de bienfai
sance à accepter, au nom des pauvres, un legs qui n’a
pas été laissé aux pauvres, mais à l’Œuvre de la miséri
corde, communauté non approuvée, nulle par consé
quent , et au nom de laquelle le bureau ne peut rien
demander. Il est certain d’abord que l’arrêté n’est point
Contraire à l’article 1 e1'*, mais bien conforme à l’article 3
de l’édit de 1749- Cet article autorise les legs laissés aux
pauvres, à condition qu’ils seront homologués. Lie gouver
nement approuve et homologue le legs fait par madame
de Galieu, parce qu’il le considère comme fait aux pau
vres seuls, par l’entremise des Dames de la miséricorde.
Il ne faut que relire le texte de l’arrêté, pour se convainci’e de cette vérité. Mais enfin, et quand on supposerroit que le gouvernement a dérogé à l’édit de 174 9 , il
n’appartient pas, cncore une fois, aux autorités judi
ciaires d’annuller les actes émanés du pouvoir suprême.
Si l’arrêté a été surpris, que l’héritier de M cle. de Galieu
se pourvoie au conseil d’état pour le faire réformer.
Une objection plus solide, en apparence, sera de sou
tenir qu’en vain le gouvernement, par l’article 5 de son
arrêté, auroit renvoyé aux tribunaux la connoissance
des contestations qui pourroient s’élever au sujet de la
délivrance du legs fait par madame de Galieu , s’il ri’étoit
pas permis aux juges de s’écarter de l’tUTÔté.. Il est vrai
�C
3°
)
que l’ un des articles porte : « Qu’en cas de contestation^
« ou de refus de la part de l’héritier, le bureau de bien
« faisance poursuivra la délivrance du legs devant les
tr tribunaux. » On convient que l’autorité judiciaire est
chargée d’ordonner le payement du legs, en cas que Fhér
ritier s’y refuse, ou qu’il élève des difficultés mal fon
dées. C’est une formule répétée dans tous les arrêtés semr
blables, dont sont remplies les archives des lois. Mais
i’héritier ne peut contester, les juges ne peuvent exa
miner, que ce qui a rapport au droit civil; savoir,
la validité du testament, la capacité de disposer de la
testatrice , la quotité du legs , par exemple. Tout ce qui
est de droit public est au-dessus de leur atteinte. La capa
cité des pauvres, pour recevoir comme pour demander,
fait partie de ce même droit public ; et le gouvernement
seul s’est réservé d’en décider. Cependant c’est précisée
ment par défaut de capacité que les premiers juges ont
déclaré les pauvres d’Aurillac non-recevables dans leur
demande. C’est trop abuser sans doute de l’ambiguité
appax*ente des clauses de l’arrêté. Comment supposer le
gouvernement assez contraire à lui-même dans les arrêtés
qu’il rend chaque jour au profit des pauvres, pour per
mettre aux tribunaux de prononcer sur la capacité des
demandeurs , lorsqu il a reconnu cette capacité par l’acte
même qui saisit les juges? Comment concevoir le sens
de l’article 910 du Code civil, qui yeut que les disposi
tions en faveur des pauvres n’aient d’eiïét qu’autant qu’ils
auront été autorisés à recevoir et à demander par le gou
vernement, si les juges peuvent, après l’arrêté rendu,
déclarer que les légataires n’ont pas de qualité pouy
demander.
�( 31
3
^
Il est inutile d’employer d’autres raisons à réfuter une
objection qui n’est que spécieuse; et l’on croit avoir suf
fisamment prouvé que les premiers juges ont excédé leur
compétence , en déclarant les pauvres d’Aurillac nonrecevables dans leur demande, par défaut de capacité. Si
cependant on pouvoit penser encore que le tribunal de
Saint-Flour a eu le droit, malgré l’arrêté du gouverne
ment, de prononcer sur la capacité des demandeurs, il
sera facile d’établir que ce tribunal a y dans tous les cas,
porté atteinte au droit public, en déclarant les pauvres
d’Aurillac non-recevables à demander un legs qui leur
avoit été fait en 178 5, et que l’arrêté du gouvernement,
tenant lieu d’homologation,, a rendu valable..
On l’a déjà prouvé : les legs farts aux pauvres sont les p r o p o s i t i o n .
plus favorables de tous. L ’article 3 de l’édit de 1 7 4 9 ren- Le legs a
ferme à ce sujet des dispositions précises, que voici : « Les été fait aux
1
pauvres d’ Au« jondations laites pour la subsistance de pauvres étu- riiiac, et rar
« dians, ecclésiastiques ou séculiers, seront valables , à la veme^nent"1",
« charge de faire homologuer par le parlement les actes d’homoioga-'
« qui les contiendront. » Le parlement est chargé, par tion >le rcntl;
le raeme article, de nommer des administrateurs aux iondations qu’il approuvera*
Le legs fait par madame de Galieu, s’il a été laissé aux
pauvres, et non à l’œuvre de la miséricorde,, comme le
prétendent les premiers juges, devoit donc, pour devenir
Valable, être homologué par le parlement.
La révolution n’a point permis aux tuteurs des pauvres
de remplir cette' formalité : mais le gouvernement actuel
y a suppléé; et ou a fait voir que son arrêté tenoit en-
�C-3 * )
'fièrement lieu d’homologation. L ’évidence de cette vérité
frappe d’ailleurs tous les yeux. Il ne s’agit que de prouver
1 que le legs fait par madame de G-alieu a été.laissé nom
mément non moins qu’uniquement aux pauvres d’Aurillac.
Mais cela même devient évident par les circonstances
qui ont précédé le legs, par les termes du legs lui-même.
L ’abbé de Cabridens, homme d’une bienfaisance éclairée
-par la religion, se voit riche au delà de ses espérances >
•et par son patrimoine, et par le don de la terre de Grialou
que lui a fait sa sœur : il n’a que des parens éloignés ; il
veut faire d’utiles aumônes ; il jette les yeux autour de
lui, et voit les pauvres d’Aurillac dénués de tout secoursr
et même du bienfait inestimable de la première instruc
tion. Il commence par donner, en 17 7 7 , une rente de
6 5o
et une somme,de 10000 ^ pour l’instruction de la
jeunesse. Et qui nom m e-t-il pour diriger cette bonne
œuvre? les Frères de la doctrine chrétienne.
Résolu de verser d’autres bienfaits encore sur.les pauvres
de la ville qui l’a vu naître, il ne veut pas charger ses
derniers jours des pénibles soins de vendre ses propriétés;
, i l ne veut pas dépouiller une sœur qui lui est chère : c’est
à elle qu’il confie, avant de mourir, l’exécution de ses
pieux desseins. Etoit-ce en effet les Dames de l’œuvre de
la miséricorde qu’un homme aussi bienfaisant avoit en
vue, ou les indigens qu’elles soulageoient? Cet ecclésias
tique éclairé, qui, dans l’acte de 17 7 7, prévoit que les
Frères de l ’ é c o l e chrétienne pourroient être supprimés,
■et donne en ce cas la rente de 65o
à la ville, pour
l’instruction de la jeunesse, ne fondoit-il que sur le pré'tendu corps appelé l’Œuvre de la miséricorde^ et non
pas
�( 33 )
pas sur les pauvres, objet des secours de l’ GEuvre ? N e
l’en tend-on pas parler par la bouche de sa sœur, partager,
distinguer les indigens en trois classes, pauvres à instruire,
pauvres ecclésiastiques, pauvres honteux? Ecclésiastique,
il témoigne une prédilection spéciale aux ecclésiastiques
indigens; bienfaiteur éclairé, il secourt, par préférence,
l’infortune qui rougit de solliciter des secours.
Non, jamais les magistrats ne croiront que l’abbé de
Cabridens ait eu de pieux desseins en faveur des Dames
delà miséricorde, et non en faveur de ces pauvres qu’elles
avoient choisis pour l’objet de leurs soins : cependant
madame de Galieu ne fait, dit-elle, qu'exécuter les pieux
desseins de sonfrère. Si donc l’abbé de Cabridens n’avoit
en vue que les pauvres, si madame de Galieu 11’a fait
qu’exécuter ses charitables volontés, ce n’est qu’aux pau
vres qu’elle a pu , qu’elle a dû léguer, qu’elle a légué, et
à trois classes de pauvres distinctes et clairement désignées :
aussi dit-elle qu’elle lègue aux pauvres. Voici les expres
sions dont elle! s’est servie : « Et pour exécuter les pieux
te desseins qui m’ont été communiqués par l’abbé de
« Cabridens , mon frère, avant sa m ort, je lègue aux
« pauvres de TŒuvre de la miséricorde d’Aurillac, la
« quelle Œuvre est administrée, etc........ la somme de
*' 80000
dont une partie sera employée à l’instruction
« de la jeunesse, une autre au soulagement des pauvres
« ecclésiastiques, le reste enfin à secourir les autres peu« vres que l’Œuvre a coutume d’assister. »
Les circonstances qui ont précédé le legs s’accordent
donc avec les termes dans lesquels il est conçu , pour
montrer qu’il a été fuit aux pauvres, et à trois,classes de
E
�( 34 ) '
*
pauvres, et que par conséquent les Dames de l’œuvre
n’étoient chargées que d’en toucher le capital, de le placer
en contrats de r e n te e t d’en distribuer le revenu -, le tout
de l’agrément du parlement.
>
.
•Tous les esprits ne sont pas également frappés de la
justesse d’une preuve qui n’est formée que par une réunion
de circonstances et d’inductions tirées de ces circonstances.'Appelons le raisonnement au secours des faits , et que
toutes les armes de la parole fassent triompher la vérité.
• Si le legs étoit laissé aux pauvres d’Aurillac, sans autre
explication-, personne ne douteroit qu’il ne fût valable.
Toute la difficulté vient donc de ce qu’il est laissé aux
pauvres de l’Œuvre de la miséricorde, d’où l’on prétend
induire qu’il est fait à l’Œuvre elle-même. Eh bien, qu’on,
admette l’hypothèse où il seroit fait simplement aux pau-,
vres d’Aurillac : que seroit-il arrivé? .
•
•
Il
étoit nécessaire que le parlement homologuât le tes
tament. Qui auroit demandé l’homologation ? L ’exécuteur
testamentaire, dira-t-on, l’auroit demandée. . . Soit; mais
qui auroit reçu les fonds, qui les auroit administrés? Les
administrateurs choisis par le parlement; car l’édit de 1749
le charge d’en nommer. Eh bien ! s’il eût plu au parle
ment de choisir les Dames de la miséricorde, pour dis
tribuer les fonds, et leur supérieure pour les recevoir,
n’étoit-il pas le maître? Et quel choix plus sage auroit pu
faire l’autorité publique? C’étoit doubler le prix du bien
fait que d’en confier la distribution à de si pures mains ;
c’étoit commettre la vertu'modeste, la piété éclairée, la
charité vigilante, à l’exécution des derniers vœux de la
vertu, de la piété, de la charité.
'
■-
�'•
C 35 )
;
'
- Objectera-t-on que le parlement n’auroit pas nommé
les Dames de la miséricorde? Pourquoi? parce qu’elles
formoient un corps illicite. 11 faudroit d’abord prouver
qu’elles formoient un corps. Mais ensuite, et toujours en
supposant que le legs eût été fait simplement aux pauvres
cl’Aurillac, l’autorité publique ne reconnoît pour corps J
dans l’état, que ceux que sa volonté a créés. Le parlement
n’auroit donc point jugé illicite un corps qu’il n’auroit
pas même reconnu pour corps. Informé par le substitut
du procureur général, auprès du bailliage d’Aurillac, des
bienfaits et du zèle des Dames de la miséricorde, lepar->
lement les auroit sans doute commises à la distribution du
don de madame de Galieu. Peut-être même il auroit or-
donné que les fonds seroient versés entre les mains de ces
dames; peut-êti-e aussi il auroit exigé alors que les échevins veillassent à l’emploi des sommes en contrats de rente,
suivant l’intention de la testatrice , et que les contrats
fussent passés en leur nom : précaution sage, parce que
les Dames de la miséricorde n’étoient qu’une associationpassagère , et parce que la ville et son corps municipal
devoient toujours durer. ,
Ici triomphe la justice de la cause des pauvres; la vérité
paroît ici dans tout son jour. Ce que le pax-lement auroit
fait', auroit pu faire, la testatrice l’a pu faire : elle l’a fait.
XiC parlement auroit pu choisir , pour administrer les*,
fonds laissés par madame de Galieu, les Dames de la mi
séricorde; madame de Galieu les a choisies, elle a pré-.,
venu le choix de l’autorité : elle l’a indiqué du moins
car les fondations, on le répète, sont de droit public, et
l’autorité publique peut changer les administrateurs nom
E 2
�(3 0
més par le fondateur, comme elle peut confirmer son
choix. Il falloit bien que le legs fût reçu au nom des
pauvres, fût placé au profit des pauvres, fût distribué à
ces mêmes pauvres. La testatrice a chargé les Dames de
la miséricorde de tous ces soins, toujours sous la condi
tion que l’autorité publique ratifieroit ses volontés particulièi*es.
i
Que les premiers juges viennent dire maintenant que
l’Œuvre de la miséricorde étoitun corps, et un corps non
approuvé ; qu’ils tirent des termes mêmes dans lesquels est
conçu le legs, la preuve que la testatrice regardoit l’CEuvre
de la miséricorde comme une communauté, comme un
corps existant dans l’état, et qui devoit toujours exister.
Cela n’est pas constant : mais enfin qu’importe l’opinion
qu’avoit la bienfaitrice de ceux qu’elle chargeoit de la dis
tribution de son bienfait, si elle ne les regardoit en effet
que comme des administrateurs, comme on vient de le
prouver ?
.
•
i L ’Œuvre même, fût-elle un corps (ce qu’on nie), ce
corps ne-fût-il pas approuvé, quelle loi empêehoit la
testatrice de préposer un tel corps i\ la distribution de
son bienfait, toujours sous la’ condition que le parlement
approuveroit ce choix?
.
,
L ’édit de 1749 v e u t-il que les dispositions faites aux
pauvres soient annullees, lorsque la distribution en a été
confiée à des personnes incapables, ou à des corps non
approuvés? Non.: l’article 3 de 1édit- confirme toutes les
fondations en faveur des pauvres, à la charge de les faire
homologuer: mais il ne dit pas que si l'administration a
été- laissée à des mains incapables, les fondations seront
�(
37
)
aimullécs; il'ordonne seulement au parlement de nom
mer des administrateurs à la fondation. N’est-ce pas dans
le cas où ceux qui auront été nommés seront indignes ou
incapables de cette honorable fonction? Peut-on eXpli*
quer autrement cette dernière disposition de l’édit, et
seroit-elle applicable, si-les administrateurs choisis étoient
des personnes dignes de toute la confiance publique, oii
des corps légalement établis, tels que des hôpitaux ou
des fabriques ?
• *
L
C’est en vain que l’on s’aveugle sur la justesse de cetté
conséquence, et que l’on soutient que, s’il en étoit ainsi,
rien ne seroit plus facile que d’éluder la prohibition de
l’édit, en léguant indirectement à des corps illicites, qu’on
nommeroit simples administrateurs en apparence. Erreur
évidente ! Le corps, ou la personne à qui le legs seroit
laissé, ne s’opposeroit-il pas à l’avidité du corps chargé
de l’administration? Le parlement ne nommeroit-il pas
d’autres administrateurs? Eh quoi! madame Galieu choisit
trois classes de pauvres pour ses légataires ; elle rend son
testament public, notoire dans la ville entière d’Aurillac,
par l’ordre de vendre tous ses biens d’Auvergne ; elle or
donne de placer le capital de son legs, pour n’en distribuer
que les revenus; et l’on osera dire que l’Œuvre de la misé
ricorde , que ce corps chimérique qui n’existe que dans
l’imagination du sieur Capelle et des premiers juges, auroit
pu s’enrichir des dépouilles des pauvres, et détourner à
son profit la source des charités d’une femme vertueuse!
C’est trop abuser de l’obscurité qu’on voudroit répandre
sur la cause la plus claire.
Ne laissons pas môme à l’erreur le dernier retranche-
�...
-
C 38 )
•
ment qu’elle rélève contre la vérité. L ’Œuvre delà misé
ricorde, ce corps illicite! cette communauté illégale! qui
avoit une supérieure! une assistante! un receveur! un
titre particulier ( disent les premiers juges)! n’étoit point
un corps, n’étoit point une communauté; c’étoient quel
ques dames vertueuses rassemblées pour foire le bien. Les
communautés-ne meurent-jamais. Ce sont des personnes
dans l’état. Elles ont leurs biens, leurs statuts, leurs chefs:
Les dames de la miséricorde étoient des femmes du monde,
jnariées, veuves , célibataires, qui ne faisoient pas de
vœux, qui n’avoient pas de biens. Elles s’étoient chargées
seulement de distribuer ceux qu’on donneroit aux pauvres.
Qui a appris aux premiers juges qu’elles avoient un titre
particulier, une assistante, une supérieure, un receveur?
Les Dames de la miséricorde n’avoient pas de titre par
ticulier. On les nommoit à Aurillac D am es de l’œuvre
de la m iséricorde, comme dans d’autres villes Dam es
de la charité. Ce mot d'œuvre ne désigne point un corps
nouveau : il signifie travail, et indique les modestes fonc
tions des femmes pieuses qui s’étoient dévouées au service
des pauvres. X<es Dames de la miséricorde n’avoient pas
d’assistante. Iæur prétendu receveur, c’étoit l’une d’elles,
çhoisie entre les autres pour recueillir les dons des per
sonnes généreuses. Elles n’avoient pas de chefs. Madame
de Fontanges, il est v ra i, est appelée par madame de
Galieu leur supérieure ; mais c’est un titre imaginé par
la testatrice, ou uniquement inventé pour désigner celle
que scs égales a voient cliargee de présider leurs assemblées
en l’absence du curé d’Aurillac. Le curé d’Aurillac, qui
étoitleur véritable chef; ejevoit assister, comme 011 vient
�. ( 39 )
cle le dire, à toutes leurs réunions, et on en rapporteroit
la preuve, s’il le falloit. Ces dames s’étoient réunies naguère :
leur société se seroit rompue à la mort des plus zélées,
comme toutes les sociétés. Elle est rompue en effet aujour
d’hui , quoique plusieurs des associées vivent encore, et
entr’autres la plus illustre.
.•
Mais, à quoi bon tant de détails pour apprendre ce qu’à.
Saint-Flour seulement on ignore, ce que chacun sait à
Aurillac comme à Clermont, comme dans la ville où on
écrit ce mémoire. Cette ville aussi avoit ses Dames de la
charité. Furent-elles jamais considérées comme une cornmunauté ?
■ •
' • C’en est assez sans doute pour montrer que le legs fait
par madame de Galieu n’a été laissé qu’aux pauvres, et
non point à un corps imaginaire. Il est donc valable, puis
que l’arrêté du gouvernement supplée à l’homologation;
et les premiei’s juges ont porté atteinte au droit public j
en déclarant les pauvres d’Aurillac non recevables à de
mander un legs qui leur a été laissé nommément non
moins que directem entun legs que le gouvernement, a
autorisé. D’ailleurs, le gouvernement avoit déjà reconnu
la capacité des pauvres pour recevoir et pour demander :
il n’appartenoit plus au tribunal de Saint -Flour d’en
décider. Ce tribunal a donc à la fois excédé sa compétence
et mal jugé au fond. Son jugement doit donc être infirme
sous ces deux rapports.
1
D E U X I È M E
'
PARTIE.
Moyens sub
. L ’héritier de madame de Galieu, plus instruit que s,dlfIr,:5,0P
,
x
posésparl he
personne de la foiblesse de sa cause, après que la validité riii«.
�' ( 4° )
du legs qu’il prétend nul a été démontrée, soutiendra,
Comme il l’a fait devant les premiers juges, que du moins
le legs a fait retour, si l’on peut ainsi s’exprimer, à la
succession dont il étoit séparé, et il se fera une dernière
ressource de la condition de retour écrite dans le testa
ment de sa bienfaitrice.
1°. Prétendu
retourdu legs
à la succes
sion.
La voici : « Et dans le cas, d it-elle, où l’Œuvre de
« la miséricorde viendroit, par la suite des temps, à être
« réunie à l’hôpital général d’Aurillac, ou à tout autre
« hôpital, je veux et entends qu’en ce cas le legs de
« 80000
que je fais a ladite (Euvre, fasse retour à mou
« héritier. »
Que peut-on espérer d’une clause aussi extraordinaire,
qui est contraire au droit du pouvoir suprême, et qui
fait dépendre le retour du legs d’un événement qui n’est
pas encore arrivé, et n’arrivera vraisemblablement ja
mais? Cependant le sieur Capelle a fait de ce moyen un
des principaux motifs de ses refus. Foible , impuissant
auxiliaire, qui ne défendra point une cause privée de
ses appuis les plus solides depuis que la validité du legs
est démontrée! Inutile et dernièi'e ressource, qui ne
résistera point à la force du droit public et de la v é rité!
Dans les matières qui appartiennent au droit public,
il faut se garder de cette opinion, trop générale, que
l'intention du testateur est la supreme loi; qu’il peut
resserrer les siècles dans le cercle de sa volonté ; et donner
des chaînes aux générations qui n’ont pas encore reçu
le jour. Il faut mettre de sages restrictions à ce raisonnejnent des âmes généreuses, que le bienfaiteur est libre d’im
poser
�'
^ 41 ^
.
.
,
poser des conditions à des bienfaits librement accordes.;
Ce raisonnement peut être-fonde, lorsqu il s agit, dans
le droit civil, de savoir si un légataire a droit à un legsqui ne lui a été fait qu’à de certaines conditions ; c’est
alors la volonté du testateur qu’il faut considérer. Mais'
les fondations sont de droit public ÿ comme l’héritier
dé madame de Galieu en convient sans doute*, et les
vrais principes du droit public sont que le bienfaiteur
peut ne point donner, mais qu’il n’est pas toujours libre
de reprendre. Il est le maître de ses biens ; mais ils appartenoient avant lui à la société, et ses dons ne sont en
effet qu’une dette. Le bien public est son but ; mais
c’est à l’autorité publique à le remplir de la manière la
plus utile à l’état, la plus convenable aux circonstances.
On trouve le développement de ces principes dans les
préliminaires de l’ouvrage nommé par l’illustre Grotius
le Droit de la guerre et de la p aix, et dans la première :
partie du Droit public, de M. Domat.
. •
• ,
C’est ainsi que des sommes, destinées par le fondateur
à élever une église, ont été employées par le prince à.
doter un hôpital ; c’est ainsi que divers arrêts ont changé,
les administrateurs nommés par un testateur à la fonda
tion , et que le gouvernement actuel a chargé le bureau
de bienfaisance d’Aurillac de distribuer aux pauvres les
dons de madame de Galieu, qui avoit confié ce soin aux
Dames de la miséricorde.
Toutes les clauses par lesquelles un fondateur met des
entraves aux droits de l’autorité publique sur sa fondation,
sont donc regardées comme non-écrites ; c’est une maxime
de la jurisprudence romaine, comme de la nôtre. Telle est
'
F
�..
.r
c 42 ) ■
t
la condition mise par madame de Galieu à son bienfait.
On diroit qu’elle-m êm e en a reconnu le vice ; elle l’a
placée ou plutôt cachée à la fin de son testament, comme
une idée étrangère à son cœur, et qui ne lui avoit pas été
inspirée aù moment où elle commençoit son testament
par laisser 80000
aux pauvres.
! Madame de Galieu vouloit bien soulager les pauvres : mais
elle vouloit que les Dames de la miséricorde fussent les
seuls ministres de sa bienfaisance; elle leur attribuoit ex
clusivement le droit de distribuer ses dons.- C’est, dira
t-on , parce qu’elle les destinoit uniquement aux pauvres
que l’Œuvre soulageoit, c’est-à-dire ¿ aux pauvres honteux,
aux pauvres qui n’alloient point à l’hôpital. Si cependant
le parlement avoit jugé qu’il seroit plus utile à la ville
d’augmenter les fonds de l’hôpital général que d’employer
lés dons de madame de Galieu en secours à domicile, s’il
n’eut voulu homologuer le legs qu’à cette condition, peuton douter que la ville tout entière n’eût réclamé contre
la clause de retour stipulée par la testatrice ? Le parlement
sans doute n’y auroit eu aucun égard : il eût usé du droit
que lui attribuoit l’édit de 1749, de nommer des admi
nistrateurs aux fondations soumises à l’homologation, et
il auroit attribué aux administrateurs de l’hôpital celle de
madame de Galieu, s’il avoit jugé plus utile d’en faire
cet usage.
E n iin , un moyen victorieux contre la-pré tendue clause
de retour invoquée par l’héritier, c’est l’arrêté du gouver
nement qui prononce tacitement qu’elle est comme nonécrile. Quand on supposeroit même que l’événement
prévu par la testatrice est arrivé, ce qui est fa u x , le chef
�(
43
)
r
de l’état, usant de son autorité suprême, a déclare que
la réunion du legs à la succession ne s’est point opérée ;
il a reconnu la capacité des légataires; il a nommé de
nouveaux administrateurs aux dons de madame de Galieu.
L ’autorité judiciaire n’a point le droit de réformer cet
acte, émané de la première des autorités.
’
Mais la clause de retour, non-seulement est contraire
au droit public, non-seulemetft est annullée par l’arrêté
du gouvernement, elle est encore illusoire autant qu’inu
tile. L ’événement qu’elle prévoit n’arrivera jamais, sui
vant toute apparence; du moins il n’est point encore
arrivé, comme il est facile de le démontrer.
Est-ce le prétendu corps appelé l’Œuvre de la miséri
corde qui a été réuni à un hôpital? cela est impossible.
On a prouvé que ce corps n’existoit point. La testatrice,
d ir a -t-o n , pensoit qu’il existoit, car elle suppose que
l’Œuvre de la miséricorde pourroit être réunie à un hô
pital. Cette objection rentre dans la proposition déjà
réfutée, que les Dames de la miséricorde formoient une
communauté. Ce n’est pas la lettre, c’est l’esprit de la
clause qu’il faut chercher. La testatrice a voulu prévoir
le cas ou les biens destinés à être distribués aux pauvres
par les Dames de la miséricorde seroient réunis à ceux
de l’hôpital général d’Aurillac ou de tout autre hôpital ;
elle ne vouloit pas que ses bienfaits, consacrés à soulager
l’indigence laborieuse, servissent à nourrir l’oisiveté et la
paresse dans un hôpital, comme il arrive quelquefois. Ses
craintes ne se sont pas réalisées, ses desseins n’ont pas été
trompés; aucune loi^de la révolution n’a confondu les
biens desïiinês aux secours à domicile} avec ceux que la
F 2
�( l44 -/)
générosité publique offre à tous les pauvres indistincte
ment dans les hôpitaux : ces biens ont toujours été dis
tincts, comme les administrateurs qui les régissoient. Je
le prouve.
La première loi rendue au sujet des étnblissemens de
bienfaisance, c’est celle du 18 août 17 9 2 , qui supprime
toutes les associations, confréries et congrégations de piété
ou de charité, et qui ordonne que leurs biens seront
administrés et vendus comme les autres domaines natio
naux. Dès ce jour plus de secours à domicile, mais point
de réunion des biens des pauvres qui les recevoient aux
biens des hôpitaux.
.
La loi du 19 mars 1793 rétablit les secours à domicile:
elle ordonna qu’il seroit formé, dans chaque canton, une
agence chargée de la distribution du travail et des. secours
aux pauvres; que ces secours seraient divisés en_secours
pour les pauvres valides „ et secours à domicile pour les
pauvres infirmes.
,
,
Enfin parut le fameux décret qui déclara propriété
nationale l’actif et le.passif des hôpitaux et des autres
établissemens de bienfaisance. L ’article 4 ordonne à la
commission des secours publics de faire parvenir ( aux
administrateurs des hôpitaux ) les fonds nécessaires aux
besoins de ces établissemens, pour leur dépense courante,
jusqu’à ce que la distribution des secours soit déimitivement arrêtée. •
'
• • .
• -,
Ainsi furent conservés, et les administrateurs des hô
pitaux, et les secours que tous les pauvres indistinctement
recevoient „dans ces établissemens ?/ comme 1 ^ sexH^r^ iV
domicile l’avoient été par la loi du 19 mars ,1:793,,.,£jui
�(
4$
)
charge de leur distribution les agences cles cantons; ainsi
n’ont jamais été confondus,. ni les biens des diverses classes,
de pauvres, ni, les administrateurs de' ces biens.
L e s . choses sont demeurées en cet état jusqu’à la loi qui
maintient les hôpitaux dans ceux de leurs biens qui n’ont
pas été vendus. Çeu de temps après, et en 17 9 6 y fut
rendu le décret qui crée des bureaux de bienfaisance,
chargés spécialement de la distribution des secours à do
micile. Ges bureaux remplacèrent les agences établies par
la. loi du 19 mars 1793 ; et bientôt un décret leur rendit
les biens des pauvres qui avoient échappé à la vente
ordonnée par le décret du 18 août 1792. Le legs fait par
madame de Galieu est de ce nombre»
Ces détails ont paru nécessaires pour montrer que
jamais les biens destinés aux secours à domicile n’ont été
réunis à ceux des hôpitaux, comme le prétend le sieur
Capelle : il faut fermer les yeux à l’évidence, pour sou
tenir une pareille opinion. Il est vrai que pendant quel
que temps les biens destinés au soulagement de toutes les
classes de pauvres ont été réunis au domaine national,
et confondus, si l’on veut, dans le même trésor, dans
le trésor public : mais cette source commune se divisoit,
pour ainsi dire, en deux ruisseaux dont le cours éloit
séparé. Bientôt les sources sont devenues distinctes comme
les ruisseaux; mais jamais celui que devoit alimenter la
bienfaisance de madame de Galieu n’a été tari.
C’est donc inutilement que l’héritier de madame de
Galieu prétendroit que le legs réclamé par les pauvres
¿ifait retour à la succession., Ses raisons sont aussi foibles
�•
c "
4
6
3
.
.
à cet égard que les prétextes qu’il allègue pour obtenir
la réduction de ce même legs.
Une somme de 80000
est exorbitante, s’écrie-t-il,
relativement aux forces d’une succession que la révolu
tion a presque anéantie. La suppression des cens lui a causé
d e s pertes immenses, incalculables. Il est vrai: des rentes,
et en assez grand nombre, sont perdues pour lui; mais
enfin l’héritier de madame Galieu ignore-t-il que la réduc
tion d’un legs ne peut plus être demandée quinze ansaprès l’ouverture de la succession, et lorsqu’en acceptant
l’hérédité sans condition , il s’est exposé aux disgrâces
comme aux faveurs de la fortune ? Mais encore quelles
preuves, autres que ses plaintes, a-t-il'donné jusqu’ici
de l’insuffisance de la succession ?' Où est l’inventaire des
meubles ? On sait qu’il existe : pourquoi ne pas le pro
duire ? Où est celui des créances? L ’état des immeubles,
les baux à ferme, où sont-ils ? Quels contrats de rentes
établissent les dêtrimens énormes que la suppression des
cens lui a causés ? Il sera un moins riche héritier, il est
vrai; mais il sera riche encore': devoit-il l’être, s’il n’avoit
été héritier? on en appelle à lui-même. Il sera un moins
riche héritier : mais il vient de vendre les domaines de
Faillitou et de la Bartassière, plus de 8 0 0 0 0 ^ ; mais il
lui reste la terre de Clavières, qui vaut cette somme; mais
la terre de Grialou lui appartient ; mais il possède des
vignes dans le Querci ; mais il ne compte que vingt-quatre
ans, et depuis dix années la succession de madame de Ga
lieu lui produit 10000
de revenus. Grâce à ces événejnens qu’il accuso, il les reçoit, ces revenus, qui, suivant le
�_
.
( 47 )
.
..
'
testament de sa bienfaitrice, ne devoient lui appartenir qu’à
sa majorité ; ces revenus qui jusqu’alors devoient être
employés à acquitter les dettes del’aniitie et de la religion;
ces revenus que grossit encore l’intérêt produit par le ca
pital du legs que les pauvres attendent depuis quinze ans.
Que l’héritier de madame de Galieu se garde donc d’in
voquer des motifs de considération à l’appui de ses foibles
droits ! Des motifs de considération en faveur de sa cause !
il auroit mieux fait de garder le silence ; ce n’est pas à lui
de les réclamer. Ils se présentent en foule pour combattre
ses prétentions. La morale, la religion, la pitié, l’intérêt
public, viennent au secours des pauvres. La morale, invo
quant le respect dû aux derniers vœux d’une femme ver
tueuse , s’écrie que le legs qu’ils réclament est une dette
plutôt qu’un bienfait. La religion, offrant à nos regards
le lit de mort de l’abbé de Cabridens, le montre dépo
sant dans le sein d’une sœur chérie ses volontés expia
toires ou bienfaisantes, et précédé dans le séjour céleste
par les prières reconnoissantes des pauvres , comme par
un doux encens. La pitié attendrit les cœurs sur les souf
frances des indigens d’une ville entière, gémissans sans
secours depuis quinze années, n’espérant plus qu’en ce
legs, dernière ressource qu’on veut leur ravir. L ’intérêt
public peint »les malheurs des temps ; la misère, fille de
la guerre extérieure et des discordes intestines; les hô
pitaux dévastés, les établissemens de charité détruits: il
représente que ces jours ne sont plus, où il sembloit néces
saire de refroidir la bienfaisance : il repousse ces pré
jugés trop funestes et trop répandus, que c’est un abus
de fuira l’aumône $ que semer les dons, c’est faire naître
�48
les pauvres, qui, malgré ces idées libérales , sont plus
nombreux que jamais. Enfin, toutes les affections nobles
et généreuses appellent à protéger cette cause les hommes
vertueux, les hommes religieux, les hommes du monde,
les hommes d’état:leurs efforts, réunis à la force du droit
public et des lois, entraîneront la balance de la justice.
L.
j.
L
e
JULES,
b. M A L L E T , avoué.
C O N S E IL S O U S S IG N É , qui a lu le mémoire ci-dessus,
E stim e
que les moyens qui s’y trouvent développés sont con
form es aux principes du droit public, auquel appartient la cause.
II est certain, d ’abord, que l’arrêté du gouvernement est une reconnoissance form elle de la capacité des pauvres d’A u rilla c , et que
les juges de Saint-Flour ont excédé leur compétence en les décla
r a n t n on-recevables dans leur dem ande, précisément1 par défaut
dé capacité. A u fo n d , les droits des demandeurs ne sont pas moins
evidens que l'erreur des premiers juges. Les circonstances et les
termes du legs démontrent assez qu'il a été laissé aux pauvres, et
à trois classes de pauvres j et que les Dam es de la miséricorde
étoient seulement chargées d ’en faire la dis tribulion. On ne parle
pas des m otifs de religion et d’ intérêt public que les pauvres in
voquent à l’appui de leur demande. L a justice n ’a pas besoin dans
cette cause du secours de l ’équité] et l'esprit n’est pas moins satis
fait que le cœur.
D é lib é ré à
C lerm o n t, le 10 juin 1804,
BO IR O T , B E R G IE R , B E IL L E -B E R G IE R .
�
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Title
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Factums Marie
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Description
An account of the resource
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A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Bureau de bienfaisance de la ville d'Aurillac. 1804?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Jules
Mallet
Boirot
Bergier
Beille-Bergier
Subject
The topic of the resource
legs
confiscation des biens d'Eglise
bienfaisance
doctrine
testaments
Description
An account of the resource
Mémoire pour les pauvres de la ville d'Aurillac, légataires d'une somme de 80000 francs. Mémoire pour les Pauvres d'Aurillac, représentés par le Bureau de bienfaisance de cette ville, appelant ; contre le Sieur Capelle, héritier de madame de Galieu.
Annotations manuscrites.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1804
1785-Circa 1804
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
48 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0219
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
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fre
Relation
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BCU_Factums_M0217
BCU_Factums_M0218
BCU_Factums_G1309
BCU_Factums_G1310
BCU_Factums_G1311
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Aurillac (15014)
Rights
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Domaine public
bienfaisance
confiscation des biens d'Eglise
doctrine
legs
testaments
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^MEM OIRE
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LA N U L L I T É D’ U N L EGS
DE 8 0 0 0 0 * ,
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F A I T A L ’Œ U V R E D E L A M IS É R IC O R D E
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DE
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L’ I M P R I M E R I E
IMPRIMEUR
DE
DE
LA
L A N D R IO T ,
COUR
Juillet 1804.
D’APPEL.
SEUL
�M E M O I R E
cour
D ’A P P E L
EN
RÉPON SE,
s£antk
A RI OM.
POUR
P
ierre
- A
ntoine
- U
rbain
CAPELLE,
propriétaire, habitant du lieu et commune de
S a i n t - C o n s t a n t , intimé ;
C O N T R E
Les A d m i n i s t r a t e u r s
b i e n f a isance
du
B ureau
de
de la ville d ’A u rilla c , appe
lans d ’un Jugement rendu au Tribunal d'arron
dissement de S a in t-F lo u r , le 20 flo réa l an 11.
administrateurs du bureau de bienfaisance de l a
ville d’A u rillac réclament la délivrance d’un legs de
A
L
ES
►
�( O
t
80000 fran cs, fait par la dame Galieu aux Dames de
la miséricoi’de de cette ville. Ils seront lus avec in térêt,
lorsqu’ils feront valoir le sentiment.
L e pauvre a des droits incontestables sur l’abondance
du riche. L ’humanité , la religion nous font un devoir
de soulager nos semblables dans le malheur.
M ais la politique doit mettre des bornes à ces libéralités
indiscrètes qui dépouillent les familles et m ultiplient les
pauvres au lieu d’en diminuer le nombre.
N ’a-t-on pas remarqué qu’en faisant vivre gratuitement
un grand nombre d’hom m es, on soudoyoit l’oisiveté et
tous les désordres qui raccom pagnent ? et lorsqu’on a
voulu exam iner l’ utilité des fondations particulières,
par rapport au bien public , on n’a fait qu’en démontrer
les inconvéniens, comme l’impossibilité d’en maintenir
l ’exécution.
C ’est à la société tout en tière, c’est au gouvernem ent,
q u ’il appartient de créer des établissemens durables pour
les besoins généraux de l’humanité.
L ’homme p r iv é , qui a la noble passion d’être u tile ,
et veut secourir les infortunés, doit dispenser ses bien
faits avec discernement. Il lui est interdit de verser ses
largesses sur des corporations illégales, qui ne peuvent
être perm anentes, dont les membres peuvent avoir des
vues louables, mais finissent presque toujours par dégé
nérer.
'
L e sieur Capelle applaudit à l’écrivain, lorsqu’il rend
hommage aux vertus et à la piété de ces dames respec
tables qui trouvoient le bonheur dans la bienfaisance,
visitoient la chaum ière du - p a u v r e , soulageoient ses
�( 3 )
t .
besoins, et lui donnoient ces marques de pitié touchante
qui consolent sans hum ilier. Sexe aim ab le, digne de
tout notre resp ect, qui fut créé pour notre bonheur !
femmes vertueuses et tend res, qui prodiguiez vos soins
à ces membres souffrans de la société ! comment vous
a-t-on traitées dans ces temps m alheureux de trouble et
de confusion ? par qui avez-vous été rem placées? dans
quelles m ains, grand D ieu ! seroit tombé le legs de la
dame G a lie u , si vous aviez eu qualité pour en obtenir
la délivrance ?
Ces cruels souvenirs font disparoître l’illusion ; le pres
tige s’évanouit, et on peut froidement discuter la ques
tion de la validité du legs que les administrateurs deman
dent au sieur Ca pelle.
F A I T S .
Françoise D orothée G abridens, veuve et héritière de
sieur Geraud G a lie u , est décédée à A u rilla c dans le
'courant de janvier 1789. E lle avoit fa it, le 4 octobre
1786 , un testament mystique et secret, dont il est néces
saire de connoître les dispositions principales.
E lle institue pour son héritier universel P ie rre -A n toine-U rbain Gapelle , fils aîné du sieur G apelle, son
neveu. E lle fait aussi des legs considérables, qui sont
divisés en trois classes. Les legs pieux s’élèvent a la
somme de 128600 fr. Les autres legs se portent a une
somme de 77300 fr. ; ce qui donneroit en totalité une
somme de 205900 f r ., sans y comprendre des legs par
ticuliers en u su fru it, de m obilier non apprécié , et de
A 2
�.
.
,{ 4 )
plusieurs immeubles en toute p ro p riété, dont on peut
porter la valeu r, sans exagération, à 64000 fr.
Parm i les legs p ie u x , un seul, de la seconde classe,
et le plus considéi'able de to u s, donne lieu à la contes
tation. Ce legs est fait en ces termes :
« P o u r exécuter les pieux desseins qui m’ont été
« com m uniqués par feu M . C abridens, mon frè re , je
« lègue a u x pauvres de VŒ uçre de la m iséricorde de
« la ville d’A u rillac, laquelle Œ u vre est administrée par
« de pieuses dames, et dont madame de Funta/iges est
« la supérieure , la somme de 80000 f r ., à la charge
« néanmoins que les administrateurs de ladite Œ uvre
« seront tenus de payer annuellem ent, et à perpétuité,
« aux Frères macédons de l’école chrétien ne, établis à
« A u rillac , la rente et pension annuelle que feu M.
« C abridens, mon fr è r e , s’étoit obligé de leur payer
« par les actes passés avec eux et avec les consuls et
« communautés d’Â u rillac ; sans laquelle condition je
« n’aurois légué à ladite Œ u vre que 60000 fr. ; qu’il
« sera em ployé 20000 francs pour assister messieurs les
« prêtres de la ville et communautés d’ A u r illa c , qui
« seront dans le besoin, et encore les autres prêtres des
« environs de la v ille , si le r even u de ladite somme
« de 20000 lr. peut le com porter; et que le revenu de
« la somme de 40000 fr. restant de celle de 60000 f r . ,
« soit em ployé à assister et soulager le surplus des pau« vres que ladite Œ u vre a coutume d’assister. Je veux
« en conséquence que ladite somme de 80000 fr. ci-dessus
« léguée, aux conditions m entionnées, soit payée auxa dites dames administrant ladite Œ u vre, sur la quittance
�.
.
c
5
« qui en sera fournie par ladite dame d e-F on tan ges,
« leur supérieure, et ce aux termes ci-dessous fixés.
« Je veux et entends qu’au cas où ladite Œ u vre de la
« miséricorde v în t, dans le tem ps, à être réunie à l’h ô« pital général de la ville d’A u rilla c , ou à tout autre
« hôpital; je v e u x , d is -je , audit cas, que le legs de la
« somme de 80000 f r ., que je fais à ladite Œ u v re , J'asso
« retour à mon héritier. »
- Il résulte d’une délibération du bureau de bienfaisance
d ’A u rilla c, du 16 pluviôse an 9 , que l ’Œ u vre de la m isé■ricorde, qui étoit administrée par des dames pieuses,
•mères de fam ille, ne s’étoit form ée en cette même ville
q u ’en 1777.
•
A p rès le décès de la dame Galieu , il fut procédé à
l’ouverture de son testament. E lle avoit nommé pour son
exécuteur testamentaire un sieur C iiyla, qui étoit chargé
■
de vendre son m obilier et divers immeubles désignés ,
et qui en même temps devoit jouir de tous les revenus
.de la succession, jusqu’à ce que l’héritier eût atteint sa
vingt-cinquièm e année.
L e p rix des ventes et des revenus de la succession devoit
être employé par l’exécuteur testamentaire à l’acquiLtcment des legs.
L e sieur Cayla se m it en possession des biens de la
testatrice, et il fut procédé à un inventaire du mobilier.
Les legs de prem ière classe, autres que celui qui lait
l’objet de la dem ande, dévoient être payés dans l’année
du deces. L e p rix du m obilier lut insuilisant pour les
acquitter : tout le surplus devoit donc être pris sur les
revenus de la succession.
�_
C6 )
II est probable qu’en 178 9, époque de l ’ouverture de la
succession, l’association des Dames de la miséricorde étoit
dissoute. Il est au moins certain que cette'Œ uvre n’a jamais
réclamé ni form é aucune demande en délivrance du legs
de 80000 fr.
M ais le sieur C a y la , exécuteur testamentaire, vouloit
faire procéder à la vente des immeubles désignés pour le
payement des legs de la seconde classe. Il s’y fit même
autoriser par un jugement du tribunal de district d’A u ril
la c, du 27 janvier 1792; et il en avoit vendu pour la somme
de 58ooo fr. lorsque le sieur Antoine Capelle, pore et tuteur
de l’héritier de la dame G alieu, se rendit appelant de ce
jugem ent, et fonda son appel sur ce que les intérêts de
son m ineur seroient blessés par l’aliénation d’autres biens.
Il y avoit des ressources suffisantes pour l ’acquittement
des legs, dans le remboursement des dîmes et autres droits
casuels, qu’on pouvoit alors espérer. D ’ailleurs, le sieur
Capelle père soutint que le legs de 80000 fr. avoit pour
objet rétablissement des Sœurs-grises (*), et une rente au
profit des Frères macédons; que dès que toutes congréga
tions étoient supprim ées, ce legs devenoit cadu c, et beau
coup d’autres étoient également susceptibles de réduction.
Pendant ces discussions le sieuv Cayla père vint à décé
der. S011 fils, en vertu du même testament, prit la jouis
sance des biens, qu il a gardée jusqu’en 179^. Il n’est pas
exact de dire qu’il rem it 1 hérédité au sieur Capelle père.
Ce dernier refusa constamment de s’en charger; et ce n’est
(*ï C ’est une erreur qui s’est glissee dans les copies : il n’est point question
de Sœ urs-grises dans le testam ent.
�( 7 )
qu’après son décès que le sieur Cayla fils, voulant se dé
barrasser d’une administration onéreuse, rendit La succes
sion au sieur Ray, tuteur du sieur Capelle fils.
Il n’y avoit aucune époque déterminée pour le paye
ment des legs de la seconde classe, dont celui-ci fait partie.
Ï1 est dit, dans le testament, « que ceux de la seconde classe
K seront payés suivant l’ordre qu’ils ont dans le testament,
« et seulement à fur et mesure que le sieur Cayla aura
« en main des fonds suffisans, soit au moyen des produits
« des ventes, effets, meubles et im m eubles, soit des reve« nus des biens de l’hérédité, sans que pour le payement
« des legs le sieur Cayla puisse être pressé pour la vente
« des immeubles que la testatrice veut être faite de ses
« biens d’A u v e rg n e , lui donnant p ou voir exprès de ne
« faire la vente qu’autant qu’il trouvera être plus utile
« p o u r T in té rêt de so n h é r it ie r , et encore sans qu’ il soit
« tenu de payer aux légataii-es aucun intérêt de leurs
« legs. »
Les employés de la régie nationale furent les premiers
à vouloir exiger un legs qui étoit nécessairement devenu
caduc par la suppression des corporations, ou qui étoit
nul comme fait ù une corporation illégale.
F ort expéditifs en la form e, les employés de la régie
décernèrent une contrainte contre le sieur C apelle, h éri
tier de la dame G alieu, pour le payement de cette somme
de 80000 fr. L e 8 thermidor même aim ée, ils firent un
nouveau com m andement; e t, s u r l’opposition qu’y forma
le sieur C ap elle, il s’engagea au tribunal de prem ière
instance une contestation qui n’a pas eu de suite.
Certes! si le sieur Cnpelle avoit encore à discuter contre
�.
•
,
•( 8 ) r
la rég ie, cette prétention bursale n’obtiendroit pas la fa
veu r des tribunaux. Il est permis de douter que la régie
voulû t faire de cette somme l’emploi auquel elle étoit
destinée.
Bientôt api'ès, l’hospice d’Aurillac voulut encore s’attri
buer le le g s, et en forma demande contre le sieur Capelle,
Cette prétention ne tendoit qu’à faire exécuter la clause
de réversion contenue au testament, au profit de l’héritier;
et l’hospice n’a pas cru devoir insister.
M ais, le 19 brumaire an 9 , on a organisé à A u rillac
un bureau de bienfaisance, dont les membres fuirent nom
més par le préfet du Cantal; et, le 16 pluviôse suivant,
les administrateurs prirent un arrêté pour faire citer le
sieur Capelle en payement de ce legs.
C ’est dans cet arrêté qu’on voit que l’Œ uvre de la
m iséricorde s’étoit form ée en 1777. Les administrateurs
y disent que cette Œ uvre n’a jamais été. supprim ée,
qu’elle 11’a fait que changer d’administration.
Suivant e u x , d’après l’article 3 de l’édit de 1749 ,
l’Œ uvre de la miséricorde n’avoit pas besoin de lettrespa tentes;
L e cas prévu par la testatrice, pour le retour à l’héri
tier de la somme de 80000 f r . , n’étoit pas ax-rivé ; le
legs devoit donc être versé dans leux-s mains.
Tels sont les moyens sur lesquels ils appuyèrent leur
cilation devant le tribunal d’A urillac. L e sieur Capelle
crut devoir récuser ce tribunal. Et comme on a paru
im prouver la récusation, il est de son devoir de rap
peler les motifs qui le déterminèrent à cette démarche.
L e sieur D e lo r tz - L a b a r th e , l ’un-des juges, est m em bre
du
�C9 )
du bureau de bienfaisance -, les sieurs L aval et Serieys,
juges, avoient déjà actionné le sieur Capelle , comme ad
ministrateurs de l’hospice de la même ville ; ils avoient eu
la délicatesse de se récuser.
L e sieur D esta in g , président, avoit ouvert son opi
nion sur la cause. Les trois suppléans, les sieurs G u ita rd ,
Julhes et V e rn io ls, l’un étoitle défenseur du sieur Capelle,
les deux autres étoient membres du bureau de bienfai
sance. Il ne restoit que deux défenseurs au tribunal d’A u rillac, qui ne pouvoient rem placer les juges, et qui d’ail
leurs refusoient d’en connoître comme juges, par des rai
sons particulières.
E n fin , cette affaire intéresse les pauvres de la ville
d ’A u rilla c, et devoit fixer l’attention ou l ’intérêt de tous
les habitans ; il étoit de toute nécessité de faire juger la
cause par des hommes dégagés de toute prévention : eu
conséquence, la cour de cassation, par arrêt du 4 plu
viôse an d i x , renvoya la cause et les parties devant le
tribunal civil de Saint-Flour.
'
Ce jugement lut signifié le 23 pluviôse an 10 ; et, le
3 ventôse su ivan t, les administrateurs citèrent eux
) memes le sieur Capelle devant le tribunal commis par
la cour de cassation.
Il est remarquable que jusque-là les administrateurs
s’étoient permis de procéder sans aucune autorisation.
Ils justifièrent postérieurem ent, i ° . d’un arrêté du gou
vernem ent, du 18 messidor an 10 , qui autorise le bu
reau de bienfaisance à accepter , au nom des pauvres
de la ville d’A u r illa c , le legs dont il s’agit, et à en p ou r
suivre la délivrance devant les tribunaux j 20. d’un arrêté
B
�( 10 )
du conseil de p réfectu re, qui autorise les administrateurs
à continuer, devant les tribunaux, les poursuites com
mencées contre le sieur Capelle, pour raison du même legs.
O n verra dans la suite que l’arrêté du gouvernem ent,
obtenu sur pétition non-com m uniquée, et toujours sauf
le droit d’autrui, est la pièce principale sur laquelle s’appuyent les administrateurs.
D evant le tribunal de S a in t-F lo u r, les administrateurs
entreprirent de prouver différentes propositions.
i . Suivant e u x , les legs faits pour cause pie dévoient
recevoir leur exécution , et être jugés favorablement.
I/incapacite du légataire ne rend pas même n u lle legs,
mais autorise seulement les tribunaux à en désigner l’em
p lo i et l’application.
2°. Les pauvres en nom collectif n’ont jamais été
regardés comme incapables de recevoir des le g s , et
l ’exécution des libéralités exercées envers eux a toujours
été ordonnée.
3°. L ’édit de 17 4 9 , et autres édits et ordonnances
antérieurs, en prononçant la nullité des legs faits au
profit des corps et communautés non patentées, ont
toujours excepté les legs qui avoient pour objet des
fondations particulières pour la subsistance des pauvres.
40. Ils vouloient faire considérer l’arrêté du gouver
nement comme une homologation suffisante pour sanc
tionner ces sortes de legs.
5 °. L e legs dont il s’agit n’avoit pas été fait à l’Œ u
vre de la m iséricorde, comme corps et com m unauté;
mais ¡1 fut laissé nominativement aux pauvres d’A u rilla c;
et si la testatrice a ajouté de VŒ uvre de la m iséricorde,
�'
( II )
cela n’a été que pour désigner l ’espace et la qualité des
pauvres auxquels elle vouloit que le revenu du legs fût
distribué , et les personnes auxquelles elle vouloit en
confier la distribution.
6°. Les administrateurs du bureau de bienfaisance
remplacent dans leurs fonctions les Dames de la miséri
corde, et sont les vrais administrateurs des pauvres en
faveur desquels le legs a été fait par la dame Galieu.
7°. L a M iséricorde n ’a jamais été réunie à l’hôpital
d’A urillac ni à aucun autre hospice. Les fonctions des
personnes chargées de la distribution des secours à dom i
cile , n’ont jamais été supprimées. L e corps législatif n’a
pas été à portée de statuer sur la fondation pieuse de
la M iséricorde •, mais cette fondation est du nombre
de celles qui ont été consei'vées.
8°. L a condition clu retour n’est pas arrivée telle
que la testatrice l’a voit p révu e; et, en matière favorable,
on ne peut étendre la condition d’un cas à un autre.
9°. On ne peut subordonner l’exécution d’une fon
dation pieuse, contre l’intention même du fondateur qui n’a
pu les prévoir, à des circonstances extraordinaires, illé
gales, momentanées, et qui n’ont dû leur existence qu’aux
orages et aux excès inséparables d’ une grande révolution ,
surtout lorsque tout est l'entré dans la ligne presci’ite par
le fondateur.
io°. L a réduction du legs n’est pas admise en général.
E n supposant qu’elle pût l ’être, elle doit être demandée
d’abord après l’ouverture de la succession, et les choses
étant entières. L ’héritier qui accepte une succession se
soumet à toutes les charges ; et court tous les risques :
B «
‘
�R e s périt domino.
C 12 )
L ’héritier n’a même pas fait de
pertes considérables.
i i ° . L ’héritier pur et simple ne peut être admis à la
distraction de la quai'te falcidie. E lle n’a lieu qu’au profitde l’héritier surchargé, qui établit les charges par un loyal
inventaire : d’ailleurs la distraction n ’a pas lieu pour les
legs pies. Il irapliqueroit de demander tout à la fois, et
la réduction du le g s , et la distraction de la quarte. Enfin
rien n’établit l’insuilisance de la succession pour faire face
aux legs.
D e son c ô té , le sieur Capelle soutint, i°. que le legs fait
â l’Œ uvre de la miséricorde étoit caduc, soit lors de sa
con fection , soit au m oment de l’ouverture de la succes
sion de la testatrice : le prétendu légataire ne form oit
aucune corporation , aucune dotation, aucun établisse-’
ïnent avoué par la loi.
2°. L a condition prévue par la testatrice étoit arrivée.
L e gouvernem ent, en supprimant tous les établissement,
même ceux qui n’avoient pas une existence lé g a le , a
cumulé l’actif et le passif de toutes les corporations,
associations et hospices : d’où il résultoit qxie le legs auroit
cessé d’être e x ig ib le , du moment que l’intention de la
testatrice ne pouvoit être rem plie, que le legs ne pouvoit
être versé dans les mains à qui elle le con/ioit exclusi
vem en t; et alors la reversion devoit avoir lieu au profit
de l’héritier institué.
3°. Le patrim oine de la dame Galieu avoit éprouvé
des diminutions de tout g e n re , des pertes considéra
bles , par l’effet de la force majeure.
4°. L a dame veuve Galieu n’a voit été instituée liéri-
�f 13 )
tière par son m a r i, de qui elle tenoit la plus grande
partie de sa fortune , qu’à la charge expresse de trans
mettre l’hérédité au sieur Capelle , son petit-neveu et
son héritier p résom ptif’, et la dame Galieu devoit moins
se considérer comme propriétaire , que comme usu
fruitière de son mari.
5°. Les administrateurs du bureau de bienfaisance
étoient sans qualité pour réclamer les 20000 fr. affectés
aux Frères macédons , ainsi que la même somme affectée
aux ecclésiastiques malades et pauvres ; et le sieur Capelle,
ne pouvoit être tenu que cl’en payer annuellement l’in
térêt.
.
6°. En pays de droit é c r it , l’héritier institué ou
ah intestat est autorisé à distraire la quarte falcidie ;
et la succession de la dame G alieu est ouverte en pays
de droit écrit.
7 0. L ’édit de 1 7 4 g , et la déclaration de 1 7 7 4 , auto
risent le débiteur de legs pieux à acheter des rentes
sur 1 état ; et le sieur C a p e lle, en ce c a s , pouvoit user
de cette faculté , et fournir des rentes sur l’état pour le
payement du legs ; en supposant qu’il y eût capacité
pour le recevoir.
L a cause portée en cet état au tribunal de Sain t-F lou r ,
le 20 floréal an 11 , il est intervenu un jugement contiddictoire , qui déclare le legs fait par F ran çoise-D o ro
thée d e C a b rid e n s , ve u ve de G eraud G alieu , à l’Œ u v r e
de la miséricorde de la ville d’AurillaC , par son testa
ment du 4 octobre 1785 , nul et de nul eiîèt : en con
séquence déclare les administrateurs du bureau de bien
faisance de cette mêm e ville non - recevables dans la
�.
( r4 )
#
demande par eux form ée contre le sieur C a p elle, héri
tier de la dame G a l i e u , en délivrance de ce même
le g s , et condamne les administrateurs en tous les dépens.
Ce jugement est fondé sur les motifs suivans :
' « i° . D ’api*ès la disposition des lois romaines, cons« tamment adoptée par la jurisprudence française, aucun
« corps ou communauté quelconque ne peut légalement
« exister sans l’approbation du gouvernem ent ; et de
« tels établissemens sont incapables de recevoir aucun
« legs.
« 2°. Par une exception néanmoins établie par la
« jurisprudence des tribunaux en faveur de la cause
« pie , les legs pieux faits au profit des communautés
« illicites étoient appliqués aux pauvres ou autres
« œuvres p ie s, et la disposition, même
imparfaite ,
«
«
«
«
«
«
«
n’empêchoit pas que les legs y contenus n’eussent
leur effet. Mais le privilège de la cause pie a reçu
une première restriction par les ordonnances de 1731
et 1735 , et il a reçu une restriction plus forte par
l’cdit de 1749. Les arrêts qui établissent une jurisprudence favorable à la cause p i e , sont tous antérieurs
à l’édit de 1749.
« 30. Dans les dispositions de cet é d it, qui renou« velle les défenses de form er aucun établissement
« de corps ou communauté quelconque , sans l’obtencc tion préalable de lettres-patentes, sont nommément
« compris les hôpitaux et toutes maisons ou com m u« nautés sous prétexte d’hospices. Par une disposition
k rigoureuse et nouvelle 5 qui ajoute a celle des precé-»
« dentes lo is, il est défendu de fonder de tels établis-
�«
«
«
«
«
«
«
«
«
«
«
«
«
«
«
«
«
«
( i 5 )
semens par disposition de dernière volonté , quand
même la disposition seroit faite à la charge d’obtenir
des leí tres-patentes.
•
tc 4 °' L ’exception portée en l’article 3 de l’édit qui
dispense de l’obtention des lettres-patentes, et n’exige
que l’homologation du parlement pour fondation de
messes ou o b its, la subsistance d’étudians ou de pauvres ecclésiastiques séculiers, et non l’établissement
d’aucun nouveau corps ou com m unauté, ne peut rai
sonnablement recevoir son application lorsque la
disposition est faite à un corps ou communauté non
approuvé , parce qu’en ce cas l’exception seroit en
contradiction avec l ’article 9 de l’é d it, q u i, pour la
pleine exécution de l’article i er. , non - seulement
déclare nuls tous établissemens du genre de ceux
mentionnés en cet article , mais encore déclare nuls ,
sans distinction, tous actes ou dispositions qui seroient
faits en leur faveur, directement ou indirectem ent,
sans qu’il soit besoin de lettres de rescision , nonobs-
« tant toute prescription et tout consentement exprès
« ou tacite donné à l’exécution des actes contenant la
« disposition.
«
«
«
«
«
«
« 5°. Adm ettre l ’exception portée en l’article 3, au
profit d’un corps non-approuvé , seroit fournir un
moyen indirect de fonder réellem ent, contre le vœu
de la l o i , des établissemens qui , quoique déjà existan s, n’auroient eu jusque-là qu’une existence épliém è r e , fa ute de moyens suilisans.
K 6°. L ’article 10 de l’édit , par une disposition inftniment rigoureuse, veut que les enfans ou héritiers
�( 16 )
« présom ptifs, du vivan t môme de ceux qui ont fait
« les dispositions mentionnées en l’article 9 , puissent
« réclamer les biens donnés ou aliénés, et s’en faire
« envoyer en possession , même avec restitution de fruits,
« du jour de leur demande. Cet article, innovant à celui
« de l’ édit de 1666, q u i, pour peine de l’inexécution
« de la lo i, en cas de disposition au profit de l’établis« sement non-aj>prouvé , en appliquoit le bénéfice aux
« hôpitaux , fait entièrement cesser le privilège de la
« cause pie.
‘
cc 7 0. Les déclarations de 1 7 6 2 , de 1774 et 178 0 ,
« qui contiennent quelques dispositions nouvelles rela« tivem ent aux biens dont on peut disposer au profit
« des h ô p ita u x , ne contiennent aucune innovation aux
« articles 1 , 2 , 9 et 10 de l’édit de 1749. Si les cir«
«
«
«
‘ «
‘
constances ont apporté quelques changemens aux
motifs qui ont dicté la loi de 1749 ; si la législation
même étoit changée d ep u is, elle ne pourroit avoir
d’effet rétroactif; et les tribunaux doivent juger suivant le droit acquis antérieurement aux parties.
« 8°. L e legs qui fait l’objet de la contestation a été
cc fait à une corporation ou com m unauté non légale-,
cc ment établie , h l’Œ uvre de la miséricorde de la ville
cc d’A u rilla c,q u i n’avoit point obtenu de lel tres-patentes,
« S’il est dit que le legs a été fait aux pauvres de l’Œ uvre
cc de la m iséricorde, il n’est pas raisonnable de pré-« tendre que ce soit uniquement pour désigner la classe
te des pauvres à laquelle la testatrice entendoit faire du
cc bien. L ’Œ uvre de la miséricorde avoit tous les carac->
ce tères qui peuvent faire distinguer un corps , une
com m unauté,
�( 17 ) _
^
« communauté , puisqu’elle avoit une su périeure, une.
« assistante, un receveur; elle étoit désignée et reconnue
« sous un titre particulier, l Œ uvre de la m iséricorde.
« Cette Œ uvre devoit toujours subsister -, c’est l’Œ uvre,
« que la testatrice avoit envisagée, plus encore que les
« individus qui la fo rm o ien t, puisqu’elle vouloit qu’il
« n’y eût que les revenus de 60000 fr. qu’elle léguoit,
« qui fussent employés à perpétuité à secourir les pau« vre s, ecclésiastiques et séculiers, -qu’elle .avoit en v u e ,
« et que l’Œ uvre avoit coutume de soulager ; puisqu’elle
« chargeoit l’Œ uvre de p ayer, en l’acquit de M . de Cabri« d en s, et à p erp étu ité, la pension à laquelle il s’étoit
« obligé envers les Frères macédons ; puisqu’elle avoit
« prévu le cas de la réunion de l’Œ u vre à l’hôpital
«r g é n é r a l, ou à tout autre hôpital. Toutes ces choses« ne sont applicables ni aux pauvres individuels , tels« que les pauvres lionteux que la testatrice avoit en
« vue , ni aux dames composant l ’Œ uvre de la m isé« rico rd e, considérées comme individus.
« 9 0. L a loi elle-m ême , comme la raison , s’accordent
cc pour cette interprétation avec l’arrêté des consuls,
c< q u i, autorisant le bureau de bienfaisance à accepter le
« legs dont il s’a g it, l’a qualifié de legs f a i t à ï Œ uvre
« de la miséricorde quoique le gouvernem ent ait eu
a sous les yeux la clause du testament p o rta n t, f a i t
« a u x pauvres de Y Œ uvre d e la m iséricorde.
« io ° . C ’est à ce titre que le gouvernem ent, qui a pu
ignorer que cet établissement n’avoit pas été précédé
« de lettres - patentes ; l’a considéré comme légalem ent
4
�.
c 1 8 -}
,
..
« représenté, par suite des lois des 16 vendém iaire et y
« frim aire an cinq.
« Cet arrêté d’ailleurs ne préjuge rien sur l'invalidité*
« ou la validité du le g s, puisqu’en cas de contestation:
« il renvoie les parties devant les tribunaux.
« E n fin , en appliquant les lois précédemment ana
« lisées, le legs fait à l ’Œ uvre de la m iséricorde d’A u « rilla c, est nul et caduc comme fait à un incapable;
« 'e t, d’après l’article 10 de Fédit de 17 4 9 , l ’héritier seuî
« doit profiter de la nullité ou de la caducité du legs. »■
Ees administrateurs du bureau de bienfaisance on t
interjeté appel de ce jugem ent, et insistent sur la déli
vrance du legs de 80000 fr. L e sieur Capelle va s’occuper
de répondre à leurs griefs; m ais, avant d’entrer dans la
discussion des moyens qui militent en sa faveur, il est à
propos de relever quelques inexactitudes qui ont échappé
aux administrateurs dans le récit des faits.
Q uoiqu’il paroisse peu im portant de savoir si l’hôpital
c^Aurillac ne jouissoit que d’un revenu m édiocre, com m e
Font prétendu les appelans , on doit d ir e , d’après lanotoriété p u b liq u e , que cet hospice étoit et est encore
convenablement et richem ent d o té , proportionnellem ent
à la population de îa ville. M ais on ne connoît pas les
sentences de V ie , qui ont ordonné la délivrance des legs
faits à l’Œ uvre de la miséricorde.. L e bailliage de V i e
n’auroit pas été competent pour connoitre de ces deman
des; et ces prétendus jugemens n’existent pas.
L ’Œ u v re de la m iséricorde n’étoit pas même une cor-,
poration. O n se souvient avec reconnoissance de ces r é u
nions pieuses qui s’étoient formées dans les. villes princi*-
�( 19 ) .
_
.
pales. Les daines charitables qui en faisoient partie form oient une société particulière, et parfaitement lib re ,
qui n’étoit assujétie à aucune règ le , n’étoit point établie
d’une manière perm anente, et dès-lors ne pouvoit re
cevoir aucun legs. O n doit supposer que l’intention du
testateur, lorsqu’il fait un legs p ie u x , cherche à main
tenir l’exécution de ses volontés ; il désire survivre à
lui -m êm e, faire respecter sa m émoire par des actes de
bienfaisance durables, et il ne 'peut l ’espérer qu’autant
qu’il choisit des corporations légales, dont l’existence est
nécessaire et protégée par le gouvernem ent.
'
L a dame veuve G alieu, que l’on représente comme ex
trêmement riche, et sans enfans, tenoit la plus grande par
tie de sa fortune delà tendresse de son époux : elle avoit été
chargée par lui de remettre leur hérédité au sieur Capelle
son n eveu, père de l ’in t i m é , et qui étoit aussi le cousin ger
main de la dame Galieu. Brouillée depuis long-tem ps avec
le sieur Capelle p è r e , et ne voulant point qu’il fût l’ob
jet de ses libéralités , elle crut tout à la fois pou voir satis
faire son propre penchant, et rem plir les intentions de
son m a r i, en faisant passer ses biens au sieur Capelle
fils. L ’abbé de Cabridens, frère de la dame G alieu , étoit
sans doute un homme recommandable par sa piété et par sa
charité; mais la fortune dont il jouissoit provenoit de sa
sœur, ou du moins de la donation qu’elle lui avoit faite en
1774. A la vérité on prétend qu’il étoit propriétaire de tous
les biens situés en A u v e r g n e , et auxquels madame de
Galieu avoit succédé. O n cite avec emphase les dom ai
nes de F aillitou , de la Bartassière, et du fief de Clavières.
Ces deux premiers domaines ne s’élèyent point à une
C 4
�C 20 )
Sommede 60000 fr., et le dernier, que l’on a qualifié im pro
prement de fief, puisqu’il ne l’a jamais é té , ne vaut pas
la même somme. Il n’a fait aucune disposition, et tout
ce qu’ont dit les appelans, page 9 de leur m ém oire, 11e
sont que des allégations dénuées de toute vraisemblance.
P o u rqu oi dire encore que la dame G alieu a préféré le
sieur Capelle à des parens plus proclies : elle n’en avo it
aucun dans la ville d’À u rilla c , qui fût au même degré.
L e sieur Capelle p è re , neveu du sieur G a lie u , étoit
cousin germain de la testatrice sa v e u v e , et son parent
le plus proche. A in si le sang et la nature, pour se ser
v ir des expressions des appelans , appeloient personnel
lem ent le sieur Capelle à la succession de la dame G alieu.
O n vante aussi le fief de G ria lo u , qui faisoit partie de ses
propriétés, et q u i, dans l ’état actuel, ne produit pas 800 fr„
de rente*
A la page 12 du m ém oire, on prétend que l ’Œ u v re
de la m iséricorde de la ville de Figeac avoit été payée du
legs porté p a r le testament, et on ajoute que l’héritier n’a
point demandé si les Dames de Figeac a voient des lettres**
patentes. M ais les administrateurs n’ignorent point sans
doute que l’Œ uvre de la miséricorde de Figeac est une
corporation patentée, une communauté de iilles de l’éta
blissement de saint V in cen t de P a u le , q u i, depuis plus
d>un siè cle, jouissoit d’une existence légale, et en voyoit
¿es sceurs de son ordre dans un© foule de villes.
L es administrateurs sont également inexacts, lorsqu’ils
disent, page 14? Q110 niadame deFontanges, se trouvant
à Paris après le décès de la testatrice, 'avoit fait des dé
marches pour obtenir la délivrance du legs. Ce fait est
�( 21 )
absolument faux et controuvé : on peut môme assurer
qu’à l’ouverture de la succession de la dame G a lie u , la
société des Dames de la m iséricorde étoit dissoute ; et les
administrateurs sont hors d’état de prouver que depuis
le décès il ait été fuit aucune démarche par qui que ce
soit pour obtenir la délivrance du legs.
L e sieur Capelle désavoue également que son père se
soit jamais immiscé dans la jouissance des biens de la dame
Galieu ; ils n ’ont été remis- au fils qu’après la m ort du
p è re, et il n’en jouit que depuis iy g 5 . Si le sieur Capelle
père s’opposa , en 179 2 , à la vente de quelques immeu
bles, c’est que déjà le sieur Gayla en avoit vendu pour
58ooo
assignats, dont il n ’a fait aucun u sage, et qui
n’ont été remis à l’héritier qu’en l’an 4 , époque de la
plus grande dépréciation du papiei'-monnoie.
L e s membres du bureau de bienfaisance p r é t e n d e n t ,
page 19 , qu’ils ne peuvent oifrir aux pauvres que du zèle
et des promesses ; cependant ils jouissent d’un revenu de
1000 f r . , ce qui présente déjà quelques ressources. M ais
les membres du bureau de bienlaisance peuvent-ils espérer
déposséder jamais des revenus considérables ? Ils doivent
tout obtenir de la confiance de leurs concitoyens , de leur
ch arité, de leur piété : les q u êtes, les aum ônes, les dons
m anuels, doivent composer principalem ent et exclusive
ment leurs revenus; ils en sont les distributeurs, et c’est là
l ’unique but de leur établissement.'
r
Maintenant il s’agit de présenter quelques observations
préliminaires sous le point de vue de l’intérêt public }
car s’il faut en croire les administrateurs , qui paroissent
avoir des v u es.é lev é e s, leur.cause ®st une question de
droit public.
�( 23 )
M a is com m ent Tordre et le droit -public seroievt-ïls
en suspens ( pour se servir des termes des app elon s),
parce que le legs de 80000 fï\ fait à l’Œ uvre de Ici misé
ricorde serait contesté?
■ Q u’étoit l ’Œ u vre de la m iséricorde? une association
libre , composée de dames distinguées par leur piété et'
leur bienfaisance, et qui recevoient de la confiance de
quelques citoyens généreux des souscriptions volontaires.
Ces établissemens étoient bornés à certains lieux et à
certains tem ps; ils n’entroient point dans le système de
l ’administration générale ; ils pouvoient obtenir des secours
particuliei’s , lorsqu’il s’agissoit de rem édier aux m aux
d une disette, d une epidemie , ou de pourvoir à l’en
tretien de quelques vieillards et de quelques orphelins.
Ces corporations m om entanées, qui pouvoient se dis
soudre à chaque instant, avoient cet avantage inestimable
qu’elles n’étoient sujettes à aucun abus im portan t, parce
qu’elles avoient des vues vraim ent utiles, comme la con
tribution de chacun étoit entièrem ent volontaire.
Mais pouvoient-elles recevoir des le g s , des fondations
perpétuelles, lorsqu’il étoit possible que , par la disso
lution de la société , les fonds fussent détournés de leur
destination ? N ’étoit-ce pas laisser aux fondateurs le regret
de les avoir confiés? et bientôt la source devoit tarir!
Dans ces sortes d’établissemens on ne considère que
l’utilité actuelle; cest toujours elle qui détermine la gé
nérosité des bienfaiteurs : mais le besoin cesse-t-il, la libé
ralité cesse, et son cours se tourne vers d’autres besoins.
Q u’on cesse donc de s’ecrier que les bureaux de bienfai
sance, comme autrefois l’Œ uvre de la m iséricorde, avoient
�C 23 3
capacité pour recevoir des legs et des fondations perpé
tuelles. Ce n’étoit pas là le but de leur institution et le
préambule de l’édit du mois d’août 1749 nous apprend
suffisamment, que le législateur a senti le danger de ces
fondations , et a voulu Fempêclier pour l’avenir. « Les
« familles, est-il d it, ont souvent le déplaisir de se vo ir
« privées de leur fortune , par les dispositions que les
« liommes ont à former des établissemens nouveaux qui
« leur soient propres , et faire passer leur nom à la pos
« térité avec le titre de fondateurs. L e meilleur usage
« que l’on puisse faire de l’autorité dans une matière si
« importante, est de concilier autant qu’il est possible
« l’intérêt des familles avec la faveur des établissemens
« véritablement utiles au public. »
On aura bientôt occasion de revenir sur les dispositions
de cet édit; mais pour suivre le même ordre de défense
des administrateurs, qui ont soutenu que le tribunal de
Saint-Flour étoit incom pétent, et n’avoit pu connoître
de la validité du legs , il convient d’abord de discuter
cette première proposition.
;
Les administrateurs du bureau de bienfaisance ont
transcrit dans leur mémoire l’arrêté des consuls, en date'
du 18 messidor an 6 , qui les autorise à recevoir le legs
contenu au testament de la dame Galieu. I/article 5 de
cet arrêté porte, « qu’en cas de contestation ou de refus
« de la part des héritiers , les administrateurs du bureau
« de bienfaisance poursuivront la délivrance du legs
« devant les tribunaux , en s’y faisant préalablement
« autoriser dans les formes voulues par les précédons
« arrêtés. »
’
�( 24 )
Il est bien évid en t, d’après cet article, que l ’a rrêté,
comme l’ont dit les premiers ju g es, ne préjuge rien sur
la validité ou invalidité du legs. Il étoit inutile sans doute
de renvoyer devant les trib u n au x, pour prononcer sur
les contestations qui pou voient s’élever à cet égard , si
l ’arrêté du gouvex-nement, comme ou veut le prétendre,
çût été im pératif et absolu.
C ’est un acte de simple adm inistration, qui autorise à
recevoir si le legs est dû , et en règle l’em ploi en cas que
l ’on reçoive. Il en est de cet a rrê té , comme il en étoit
autrefois des lettres de bénéiice d?inventaire ou des let
tres de restitution. Ces lettres , qui émanoient du souve
rain , étoient indispensables, soit pour accepter condition
nellement une succession, soit pour se pou rvoir contre
un engagement indiscrètement contracté. Mais pour
qu’elles eussent leur ex écu tio n , les faits devoient être
vérifiés par les tribunaux , qui n’en px’ononçoient l’enté
rinem ent qu’autant qu’ils reconnoissoient la légitim ité des
motifs. A uroit-on pu dire aux tribunaux , lorsqu’ils refusoient d’entériner de semblables lettres , qu’ils s’érigeoient
en réformateurs des arrêtés ou des ordres du gouverne
ment , qu’ ils refusoient d’admettre une demande que le
gouvernem ent autorisoit? T e l est cependant le vice du
raisonnement des administrateurs. Ils ont obtenu , sur
pétition non com m uniquée , un arrêté qui les* autorise,
à recevoir un legs. Cet arrêté n’est point donné en connoissance de cause: on ne voit aucune contradiction, et
on autorise à recevoir ; mais c’est toujours sauf le droit
d’a u tru i, sauf à faire juger devant les trib u n a u x , en cas
de contestation, si le legs doit etre ou non acquitté. T e lle
est
�c
*5 )
_
est la seule idée raisonnable, le seul point de vue sous
lequel on puisse faire considérer l’arrêté du gouverne
ment ; et les administrateurs n’ont pas voulu s’apercevoir
qu’en présentant cet acte d’administration comme im pé
ratif et absolu , ils transformoierit une simple form alité
en un acte de despotisme qui répugneroit à tous les prin
cipes de lDoerté si solennellement proclam és, si soigneu
sement maintenus. Q u’on ne dise donc plus que le tri
bunal de S a in t - F lo u r , en examinant le m érite de la
demande du bureau de bienfaisance, s’est arrogé le droit
de réform er les actes du go u vern em en t, que ce n’est
point à lu i ci diriger le gouvernail de f état. Ces expres
sions im propres sont absolument vides de sens. Il faudroit
•au moins rayer l’article 5 de cet arrêté, parce qu’en vain
le gouvernem ent auroit-il renvoyé devant les tribunaux
lë droit de prononcer sur la délivrance du legs dont il
s'a git, s’il n’avoit pas été permis aux juges de s’en écarter.
; Les appelans ont senti toute la force de cet argum ent;
mais ils veulent restreindre l’objection pour tout ce qui
a'rapport au droit c iv il, savoir: la validité du testament,
la capacité de disposer de la testatrice , la quotité du legs,
par exemple ; mais tout ce qui est de droit public est
au-dessus de leur atteinte, et, suivant eu x , la capacité des
pauvres pour recevoir com m e pour demander fait partie
de ce même droit public.
' Il est assez difficile de com prendre ce que les adminis
trateurs ont entendu par ce raisonnement. O n ne conteste
pàs la capacité en général des bureaux de bienfaisance
pour recevoir ou demander des legs qui leur seroient
confiés depuis leur création. O n sait que le gouvernem ent
D
�C
)
seul* s’est, réservé le droit de .les y autoriser, et ce n’est pas>
ce que les juges de Sain t-Flour, ont examiné. Ils ont seule
m ent décidé que ce n’étoit pas au bureau de bienfaisance
que le legs avo it été fait, puisque ce bureau n’existoit
pas l o r s - d u décès de la testatrice. Ils ont décidé que l’as
sociation des. dames pieuses à laquelle le legs avoit été,
fa it:, étoit incapable de le recevoir ; et s i , d’après les
appelons •eux-mêmes ,;les premiers juges avoient droit de
connpître de la validité du testament , de la capacité de
disposer et de la quotité ,du le g s, on ne voit pas comment,
ils n’auroient pas eu. le droit de prononcer sur la validité
de ce meme legs,, comment il auroit été interdit à l’iié-riticr de discuter devant les tribunaux la capacité de la'
testatriee ou. du légataire..
-, O n doit donc écarter ce premier moyen d’incompé—
tencej'pour s’occuper de la. validité du legs ou.fondation!
de la dam e-G alieu,; et, pour en apprécier le m érite, il.
faut en l’evenir, à i ’édit de 1749,, qui fait la loi dans cettematière.
■. ..
/
]D’a près l’article 1". de cet é d it, il ne peut être forméaucun établissement qu’en vertu- de lettres-patentes enre
gistrées .dans les cours. Sous ce mot gén éral,d’établisse
ment. , ■
on y: com.prend nominativement les Ziospices y,
congrégations ,, confréries hôpita ux ,. etc, .
.
L ’art. 2 défend de faire à l’avenir aucunes dispositions
par acte de derniere volonté pour, fonder un nouvel, éta
blissement,, ou au p,r°fit des personnes qui seroient ch ar-'
gées de le form er , le tout à peine de n u llité, ce qui sera,
observé quand même la disposition seroil faite à la ch arged’obtenir des lettres-patentes..
�( 27 )
. .
■ L ’article g déclare nuls tous les actes et dispositions qui
pouiToicnt avoir été faits en faveur des établissemens uon
autorisés, directement ou indirectem ent; et tons ceux qui
auroient été chargés de form er ou administrer ces établis
semens, sont déchus de tous les droits résultans des actes ou
dispositions, sans qu’il soit besoin de lettres de rescision,
nonobstant touté prescription , tous consentemens exprès
ou tacites qui pourroient avoir été donnés à l’exécution de
ces actes ou dispositions,
' Par l’article 10 , les enfans ou présomptifs héritiers
seront admis, même du vivant de ceux qui auront fait
lesdits actes ou dispositions, à réclamer les biens par eux
^donnés ou aliénés ; ils doivent en être envoyés en pos
session pour en jouir en toute p ro p riété,a vec restitution
des fruits ou arrérages, à com pter du jour de la demande
qu’ils en auront formée.
r Ces dispositions rigoureuses et prohibitives viennent
naturellement s’appliquer au legs dont il s’agit. L ’Œ u vre
de la miséricorde n’éloit qu’ une association libre non
a p p ro u vée, une congrégation sous -prétexte d’ h o sp ice,
qui n’avoit point été revêtue de leitres-patentes : donc
les dispositions faites ù son profit, directement ou indi
rectement , à elle-même ou à ceux qui l’administrent 7
sont nulles d’ une nullité viscérale. L e sieur Capelle pour-roit en réclamer la restitution, si le legs avoit été p ayé,
nonobstant tou te prescription , toute approbation expresse
Q.Utacite : c’est la seule conséquence qui puisse résulter des >
termes irritans des articles 9 et xo de l’édit dé 1749. ' .
' Les administrateurs prétendent que cet édit n’est point
applicable. Ce n’est point à ¥ Œ uvre de la m iséricorde que x
‘
D a
*
�.
.
. c 28
}
le legs A 6tê fa it,’ mais bien a u x pauvres dé l’Œ uvre.' Les
pauvres en nom collectif sont capables de recevoir.
r
L e sieur Capelle avoit déjà répondu en cause principale
à ce foible argument. « L e legs fait aux pauvres de l’Œ uvre,
« a-t-il dit dans son m ém oire, est fait â l’Œ uvre. Civibus
« civitatis legatum, velJldei com m issum , datum ciçita ti
« relictum videtur, loi 2 , D e rébus dubüs. L a lettre
« du testam ent, con tin u e-t-il, n’est pas moins expresse.
« C ’est au corps qu’il a été lég u é , car ce n’est que les re-*
« venus'dés 80000’^" qui doivent être employés à soulager
« les pauvres que l’Œ uvre a coutume d’assister; et p ar
« qui doivent-ils être employés ? par l ’Œ u v re ,q u i a cou—
a tume de les assister. Ce n’est point aux p au vres, mai»
« au corps que l’on a légué , puisqu’on le charge d’uner
« rente annuelle envers les Frères macédons , d’une fon
« dation perpétuelle envers les prêtres pauvres de la v ille
«
a
«
«
«
«
«
«
cc
d’A u rillac. Ce n’est point aux pauvres qu’on a légué ,
puisque ce n’est point eux qui peuvent dem ander,
recevoir et quittancer. Il n’y a pas même fidéicommis ,*
car ils n’auront jamais de droit et d’action pour posséder ; c’est pour leur soulagem ent, mais ce n’est pas sur'
eux que l’on a fondé. Ils sont l’objet et non les dépositaires de la fondation : ce n ’est point eux q u i forment
le corps et la congrégation de l’Œ u vre de la m iséri-:
c o r d e , mais bien les pieuses dames qui administroient
« cette Œ u vre ; £ar les pauvres n’auront jamais de puis« sance et de d ro it, ni dans ^administration , ni contre^
« les administrateurs. »
Xæs administrateurs invoquent l’article 3 de l’édit de
1749 ? cl u* excepte les fondations particulières, qüi ne ten.-* '
�( 29 )
droient à rétablissement d’aucun nouveau corp s, college
ou com m unauté, ou à l’érection d’un nouveau titre de
bénéfice , et qui n’auroient pour objet que la célébration
des messes ou obits , la subsistance d étudians ou de
pauvres ecclésiastiques ou seculiers, etc. A 1 égard des
quelles fondations, il ne sera point nécessaire d’obtenir
de lettres-patentes , il suffira de faire hom ologuer les actes
ou dispositions qui les contiendront, dans les parlemens
ou conseils supérieurs, chacun dans son ressort, sui les
conclusions des procureurs généraux. E n se plaçant dans.
ces exceptions , les appelans ajoutent : La révolution n a
point permis aux tuteurs des pauvres de rem plir la fo imalité de l’hom ologation, mais l’arrêté du gouvernem ent
doit tenir lieu de cette hom ologation.
Cette objection, souvent renouvelée , et toujours detruite, n’a pas échappé aux premiers juges. Ils ont sage
ment pensé que l ’exception portée par l ’article 3 étoit.
étrangère à la cause, puisque la disposition est faite au^
profit d’un corps ou communauté non approuvée. Dans
ce cas, disent-ils, l’exception seroit en contradiction avec
l ’article 9 de l’édit ; ce seroit fournir un moyen indirect
de fonder réellem ent, contre le vœ u de la l o i , des établissemens q u i, quoique déjà existans, n’auroient eu jusque-là
qu’une existence éphém ère faute de moyens suffi sans.
L ’article 3 ne dispense de la formalité des lettres-pnten
tes , auxquelles il substitue l’h o m o lo g a tio n , que les ion
dations particulières et les actes qui les c o n tie n n e n t , et
non les corps à qui elles sont confiées. Dos font ations
confiées à un corps non approuvé tendent n< cessai] <m< nt
à établir un nouveau corps, contre la prohibition expresse
de l’édit de 1749.
�(
30
)
t
^
O n poiuToît citer un exem ple particulier et très-récent,
pour établir que le legs fait à l’Œ uvre de la miséricorde
est caduc, et doit appartenir à l’hériLier. M . de Séguiran,
évêque de N e v e r s , fit son testament le 3 avril 1789 , et
m ourut le même jour. Par une clause de ce testament, il
veut et entend que les biens qu’il laissera soient em ployés
à l’exécution des établissemens de charité qu’il avoit coxn-r
m encés, et principalement de celui de la maison des Frères
de l’ instruction et charité chrétienne, et des fonds néces^
saires pour leur subsistance.
Les héritiers du testateur se pourvurent auprès du corps
législatif1, ils soutinrent que le legs étoit caduc, et par là
réversible a ses héritiers légitimes. Un de leurs principaux
moyens étoit que les légataires n’en avoient pas demandé
la délivrance. Cependant les Frères de l’instruction et les
Sœurs de la charité, que ce legs concernoit, étoient revê
tus de lettres-patentes, et dès-lors sembloient avoir capa
cité pour en réclamer la délivrance.
O n convient de tous ces faits, dans le rapport qui fut
fait au conseil des Cinq-cents, le 21 germinal an 6 , par.
le représentant Desmoulins. L e rapporteur est d’avis que
la succession doit être remise à l’h éritier; il se fonde
sur ce que le légataire n’a pas été saisi, lorsque le legs
p o u v o it ê t r e demandé, etle nouvel ordre de chosesen ayant
changé la destination, l’intention du testateur ne seroit pas
rem plie
p ;n' conséquent le legs doit être-reversible pour
les héritiers. Cet acte de justice lui paroît indispensable,
et le projet de décret qu il propose a été converti en loi
par le conseil des Anciens.
Cette loi particulière et locale n’a point été im prim ée;
�( 3T )
mais le sieur Capelle est nanti du rapport, et sans doute
on trouvera une grande aiïinité entre cette espèce etcelle
qui donne lieu à la contestation.
Comme M . l’évêque de N evers, la testatrice n est
décédée qu’en 1789; le legs fait à l’Œ uvre de la M isé
ricorde n’a point été réclam é; les dames à qui il étoit
destiné n’en ont pas demandé la délivran ce, elles n’en
ont jamais été saisies; le nouvel ordre de choses a changé
la destination du legs ; il n’existe plus de Dames de la
m iséricorde; les Frères macédons sont supprim és; les
intentions de la testatrice ne peuvent plus être remplies :
le legs est donc caduc ; il est donc réversible à l’héritier.
E t comment les intentions de la dame Galieu pou rroient-elles être rem plies? elle a principalement et exclusi
vement en vue les Dames de la m iséricorde, et notam
ment madame de Fontangcs , leur supérieure; les revenus
de la somme de 80000 fr. doivent être distribués à une
classe de pauvres particulièrement désignés, et que ces
dames avoient coutume d’assister. I l ne peut y avoir de
véritable substitution à une corporation de ce genre : ce
n’est plus le même objet ni les mêmes individus. L ’arrêté
du gouvernem ent même, que les appelans veulent regarder
comme absolu, change la nature du legs. L ’article 3 veut
que la somme principale soit employée en acquisition
de reu tessu r l’état. Etoit-ce à la décharge du gouverne
ment que la dame Galieu avoit légué cette som m e? Les
hospices en gén éra l, comme les bureaux de bienfaisance,
ne peuvent aujourd’hui recevoir des capitaux ou des
remboursemens qu’en les versant dans les mains du gou
vernem ent, qui en paye l’intérêt à quatre pour cent; oui
�( 32 )
en achetant des rentes sur l’état, qui ne représentent
point l’intérêt que la testatrice avoit stipulé.
Il n’est donc plus possible de maintenir l’exécution des
volontés de la testatrice. Dès-lors le legs ne peut plus
être exigé.
Q u ’im porte que l’abbé de Cabridens ait eu de pieux
desseins en faveur des pauvres que les Dames de la miséx-icorde assistoient ; il n’a manifesté ses volontés par aucun
acte. Si la dame Galieu a déclaré qu’ elle vouloît exé
cuter les pieux desseins de son fr è r e , elle a expliqué en
quoi consistoient ces pieux desseins. Comme elle, il avoit
en vue les Dames de la miséricorde , les Frères macédons. N i les unes ni les autres n’existent plus; il est donc
impossible d’ordonner la délivrance du legs, et l’héri
tier seul peut en profiter.
'
Les appelans, qui veulent faire triom pher la vérité par
toutes les arm es de la p a ro le, disent que si le legs
étoit laissé aux pauvres d’ A u r illa c , sans autre explica~
tion , personne ne douteroit qu’il ne fût valable. M ais
c’est précisément mettre en fait ce qui est en question.
Les pnuvres forment un corps irrégu lier, qui n’est suscep
tible ni d’adm inistrer, ni de recevoir. IL faut un inter
m édiaire pour la distribution , et 011 ne peut confier
cette même distribution qu’à un corps dont l’existence
est approuvée par les lois de letat. Si le corps ou l’hos
pice 11’est pas fondé en vert,u de lettres-patentes, le legs
est caduc, et revient à l’héritier en vertu de l’article 10
de l’édit de 1749- Bientôt les appelans s’égarent et tirent
des conséquences bien étranges. L e parlem ent, disent-ils,
auroit hom ologué un legs fait aux p a u vres, ilnuroit au
torisé
�( 53)
torisé les Dames de la m iséricorde à en faire la distribu
tion. Ce que le parlement auroit fait, la testatrice a pu
le faire. Dans tous les ca s, les fondations sont de droi(
public ; l’autorité peut changer les administrateurs nom
més par le fondateur, comme elle peut confirmer sou ..
choix.
•
.
Si ce sont là des maximes de droit p u b lic, on ignore
où les appelans ont pu les puiser. L a règle la plus cer-,
taine en matière de testamens, c'est que la volonté du
testateur fait la règle ; il n’est point permis d’aller contre
ses intentions ; e t, lorsqu’il y a impossibilité dans l ’exé
cu tio n , le legs devient caduc et retourne à l’héritier.,
V o ilà les vrais principes du droit public et social. L ’au
torité a ses limites : comme elle doit respecter les pro
priétés , efle est protectrice et non usurpatrice.
S’il est en usage parmi nous de dire que les fonda
tions sont de droit p u b lic , ce n’est qu’en ce sens , que l a ,
société est intéressée à leur conservation ; mais elles ne
peuvent exister sans la sanction de ceux qui agissent en
cette partie au nom de la société. A l’époque de la fon
dation faite par la dame G-alieu, le legs ne pouvoifc
avoir d’effet, qu’autant que la corporation désignée pour
le i-ecevoir eût été revêtue et autorisée par des lettrespatentes.
L ’G iuvre de la miséricorde n’avoit aucune existence
légale. V oudroit-on même raisonner dans le sens le plus
favorable aux administrateurs •, ils conviennent qu’il Fal—
loit au moins l’homologation du parlement : ils ne sup
pléent à ce vice de forme , que par l’arrêté du gouver
nement, de l’an dix j et vouloir qu’un arrêté, postérieur
'
E
'
*
�C 34 )
de treize années à l’ouverture du legs, puisse faire re
v iv re une disposition caduque, lorsque les choses ne sont
plus entières, après une révolution qui a bouleversé
les fo rtu n es, supprimé tous les établissem ens, c’est évi
demment donner un effet rétroactif à un acte de simple
administration , qui n’a rien décidé sur la validité du»
le g s , ou a présumé le consentement de l’héi’itier à en
verser le montant.
«
/ Il est contre toutes les règles , contre toutes les idées
l’eçues ,de prétendre qu’un legs dont l’effet s’est ouvertr
en 1789? puisse être réglé par' les lois actuelles; qu’ un,
legs essentiellement nul dans l’ancien oi*dre de choses,
puisse être valable dans le nouveau ; qu’ une libéralité
faite à l’Œ iivre de la miséricorde depuis 1785 , puis e
être acceptée, dix-sept ans après, par un bureau de bien
faisance , dont la création est toute récente. Ce seroit
succéder avant de naître , ce seroit renverser l’ordre de
la nature.
E t le sieur Câpellë ne doit-il pas espérer la faveur de
la justice, lorsqu’il se •trouve dans une position si dif->
férente de celle qu’il avoit le droit d’espérer? l^a fortune
de sa bienfaitrice a éprouvé une dim inution si considé
rable depuis la rév o lu tio n , qu’elle suffiroit à peine pour
le remboursement des legs des trois classes. Etoit-ce là
l’intention de la testatrice'? eû t-elle'été aussi lib érale,
si elle n’avoit pas été opulente?
E lle veut que les legs soient payés de la manière la
plus favorable à son h éritier; elle ne suppose aucune di
m inution dans ses revenus , qu’elle affecte spécialement
à l’acquittement des legs, pendant la.m inorité de son hé-
�( 35 h
#
ritier. Si cile, permet, de vendre quelques • im m eubles,
elle désigne les moins -précieux -, .encore a-t-elle excédé
ses pouvoirs en ce p o in t, parce que c’est éluder la dis-,
position des r.rt:cles 1 4 i 5 et 16 de l’édit de 1749.
(
.-E t cependant-, si le sieur Capelle pouvoit être tenu
d’acquitter l e ’ legs de 80000 f n , il seroit dans l’indispen
sable nécessité de vendre tout ce qu’il possède, tout ce
q u ’il a obtenu de la testatrice. O r , a-t-elle voulu le dé
pouiller ? L ’institution universelle seroit-elle donc un
titre illusoire?
, .
D ’après ces considérations m ajeures, le sieur Capelle
doit-il s’occuper de ses demandes subsidiaires? Comme en
cour souveraine elles sont sans conséquence , et n’affoiblissent pas les moyens p rin cip au x, le .sieur Capelle pro
posera quelques observations à cet égard.
L e bureau de bienfaisance, établi par une loi du 7 fri
maire an 5 , ne s’est pourvu qu’en l’an 10 pour obte
nir la délivrance du legs: il le demande en entier ; ce
pendant le capital de 20000 fr. destiné aux Frères macédons, et pour l’éducation de la jeunesse, n’est point
dans les attributions du bureau de bienfaisance, qui est
spécialement et exclusivem ent chargé de la répartition
des secours à dom icile ; dès-lors il est sans qualité pour
réclamer la somme destinée à l’instruction.
2°. Il y a encore à prendre sur le legs .pareille somme
de 20000 f r . , dont le revenu est affecté au soulagement
des ecclésiastiques; le sieur C ap elle, dans tous les cas,
ne pourroit être obligé que de payer le revenu de cette
somme , sans qu’on puisse le contraindre à en verser le
principal.
.
.
�( 35 3
.
3®. E t toujours dans l’hypothèse que le surplus du
legs pourroit être e x ig é , le sieur Gapelle au moins seroit
autorisé à le payer en rentes sur l’état. Il seroit assez
extraordinaire qu’on voulût le contraindre à verser la
somme pour être employée par les administrateurs en ac
quisition de rentes sur l’état; ce seroit vouloir q u ’il ver
sât les deniers dans les coffres du gouvernem ent, et certes 1
ce n’est pas là ce quTa entendu la testatrice. Il faut d’ail
leurs se reporter à l’époque de l’ouverture du testament
( 178 9) : alors , d’après l’article 18 de l ’édit de 1749 , les
gens de main-morte étoiènt dans l’interdiction d’acqué
rir autre chose que des rentes constituées sur le r o i , sur
le clergé, diocèses, villes ou communautés; et l ’article 13
de la déclaration du 20 juillet 176 2 , enregistrée au par
lement en 1 7 7 4 , autorise les héritiers et représentans des.
donateurs ou testateurs à donner, en payem ent, des rem
boursemens des rentes de la nature de celles dont if est
perm is a u x gens de m ain-m orte de f a i r e ta c q u is itio n ,
par Varticle 18 de Védit de 1749. C e subsidiaire, au
m oins, ne pourroit être refusé à Pintimé ; il a pour lui
la disposition expresse des lois qui étoient alors en
vig u eu r, et qui ont dû régir le legs dont il s’agit.
40. L e sieur Capelle est encore lé maître de distraire
la quarte falcidie sur une succession ouverte en pays de
droit écrit. , O n sait que cette quarte est la quatrièm e
partie des biens de l’hérédité; qu’elle se prend eu'égard’
à la valeur des biens au temps du décès, et non à ce
qui est arrivé depuis, soit diminution ou augmentation.'
h o i 30 , lo i 7 3 , ad J'aie. §. 4 , a u .C o d .
’
T o u t héritier testamentaire ou ah intestat a le droit
�( 37
'
e
de la distraire, lorsqu’il a été fait inventaire; et, dans
l ’espèce, cette formalité a été rem p lie.'E lle se distrait
des legs, quelle que soit leur nature; pour alimens, ou
à une com m unauté, ou pour legs destinés aux œuvres
publiques. L o i 6 ,a d fa lc . §. i , au Cod. E t le sieur Capelle
se réserve, dans tous les cas, de demander cette distraction,
s’il y a lieu.
:
5 °. E n fin , p o u rro it-o n obliger le sieur Capelle de
payer ce legs sur le cham p? Il n’est point encore parvenu
à la majorité prévue par le testament il n’atteint sa
vingt-cinquièm e année qu’en l ’an 13 : d’après le testa
ment , il ne doit aucun intérêt jusqu’à cette époque ; on
n e peut même exiger le principal. Il avoit conclu subsidiairem ent, en prem ière instance, qu’il lui fût accordé
cinq ans pour le rem boursement; et on rend assez de
justice aux administrateurs pour croire qu’ils accéderoient
à cette modification.
M ais c’ est trop s’arrêter à des subsidiaires auxquels
le sieur Capelle ne conclut qu’à toutes fins. Il n’est pas
un riche h éritier, et il étoit né pour l ’être. Pourquoi
donc vouloir lui ravir les foibles débris de la fortune
qui lui étoit destinée? D e quelle considération peut être
un legs de cette nature pour les besoins généraux d’une
classe aussi nombreuse ? c’est une goutte d’eau répandue
fiur une vaste m er, et dont l’ utilité ne sera jamais sentie.
Les bienfaits particuliers ne diminuent pas la pauvreté
générale. Toutes les fféctiotrs nobles et généreuses
s’opposent à ce qu’on dépouille un héritier légitim e,
sans nécessité pour l’intérêt public. L 'h om m e d ’état 11e
s’occupe que de grandes choses, et connoît les abus des
£3
�particulières, qui absorberoient à la longue
toutes les propriétés. L 'hom m e religieux vient au secours
de ses semblables ; et garde le silence sur ses bienfaits.
L ’ h o m m e d u m o n d e pense que les fondations sont presque toujours des-monumens de van ité et d’o rg u eil, et
les apprécie à le ur-juste valeur. L e m agistrat, impassible
com m e la loi dont il est l’organe, prononce sans pré
te n tio n sur les questions qui lui sont soum ises et ne
-fait point acception des personnes. C ’est dans le temple
de la justice que les hommes sont véritablem ent 'égaux
-en droits.
fondation
M e. P A G E S ( d e R iom ) ancien avocat,
M e. - M A R i E , a v o ué,
�
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Factums Marie
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Description
An account of the resource
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Title
A name given to the resource
[Factum. Capelle, Pierre-Antoine-Urbain. 1804?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Pagès
Marie
Subject
The topic of the resource
legs
confiscation des biens d'Eglise
bienfaisance
doctrine
testaments
Description
An account of the resource
Mémoire sur la nullité d'un legs de 80000 francs, fait à l’œuvre de la Miséricorde établie en la ville d'Aurillac. Mémoire en réponse pour Pierre-Antoine-Urbain Capelle, propriétaire, habitant du lieu et commune de Saint-Constant, intimé ; contre les Administrateurs du Bureau de Bienfaisance de la ville d'Aurillac, appelans d'un Jugement rendu au Tribunal d'arrondissement de Saint-Flour, le 20 floréal an II.
Annotations manuscrites.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1804
1785-Circa 1804
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
38 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0218
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0217
BCU_Factums_M0219
BCU_Factums_G1309
BCU_Factums_G1310
BCU_Factums_G1311
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/5/53717/BCU_Factums_M0218.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Aurillac (15014)
Saint-Constant (15181)
Saint-Flour (15187)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
bienfaisance
confiscation des biens d'Eglise
doctrine
legs
testaments
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53200/BCU_Factums_G1311.pdf
1b40ecb078869d8abdfa6ec5c1addfa6
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Text
MEMOIRE
D’APPEL
SEANTE
EN R É P O N S E ,
A RIOM.
POUR
P
- An t o i n e - U r b a i n C A P E L L E ,
propriétaire, habitant du lieu et commune de
Saint - C o n s ta n t , intim é;
i e r r e
CONTRE
Les
A
d m i n i s t r a t e u r s
d u
B
u r e a u
de
de la ville d’Aurillac, appelans d'un Jugement rendu au Tribunal d'arron
dissement de Saint-Flour , le 20 floréal an I I .
b i e n f a i s a n c e
L es administrateurs du bureau de bienfaisance de là
ville d’A u rillac réclament la délivrance d’un legs de
A
�( 2 )
80000 francs , fait par la dame Galieu aux Dames de
la miséricorde de cette ville. Ils seront lus avec intérêt,
lorsqu’ils feront valoir le sentiment.
L e pauvre a des droits incontestables sur l’abondance
du riche. L ’humanité , la religion nous font un devoir
de soulager nos semblables dans le malheur.
Mais la politique doit mettre des bornes à ces libéralités
indiscrètes qui dépouillent les familles et m ultiplient les
pauvres au lieu d’en diminuer le nombre.
N ’a-t-on pas remarqué qu’en faisant vivre gratuitement
un grand nombre d’hom m es, on soudoyoit l’oisiveté et
tous les désordi’cs qui l’accompagnent ? et lorsqu’on a
voulu exam iner l’utilité des fondations particulières,
par rapport au bien public , on n’a fait qu’en dém ontrer
les inconvéniens, comme l ’impossibilité d’en maintenir
l ’exécution.
C ’est à la société tout entière, c’est au gouvernem ent,
qu’il appartient de créer des établissemens durables pour
les besoins généraux de l’humanité.
L ’homme p r iv é , qui a la noble passion d’etre u tile,
et veut secourir les infortunés, doit dispenser ses bien
faits avec discernement. Il lui est interdit de verser ses
largesses sur des corporations illégales, qui ne peuvent
Être permanentes, dont les membres peuvent avoir des
vues louables, mais linissent presque toujours par dégé
nérer.
L e sieur Capelle applaudit à l’écrivain, lorsqu’ il rend
hommage aux vertus et h. la piété de ces dames respec
tables qui trou voient le bonheur dans la bienfaisance,
visitoieut la chaumière du p a u v r e , soulageoient ses
�(3)
besoins, et lui donnoiént cet marques de pitié touchante
qui consolent sans hum ilier. Sexe aim ab le, digne de
tout notre respect, qui fut créé pour notre bonheur!
femmes vertueuses et tendres, qui prodiguiez vos soins
à ces membres souffrans de la société! comment vous
a-t-on traitées dans ces temps m alheureux de trouble et
de confusion? par qui avez-vous été remplacées? dans
quelles m ains, grand D ieu ! seroit tombé le legs de la
dame G a lie u , si vous aviez eu qualité pour eu obtenir
la délivrance?
Ces cruels souvenirs font disparoître l’illusion ; le pres
tige s’évanouit, et on peut froidement discuter la ques
tion de la validité du legs que les administrateurs deman
dent au sieur Ca pelle.
F A I T S .
Françoise D orotliée Cabridens, veuve et héritière de
sieur Geraud G a lie u , est décédée à A u rillac dans le
courant de janvier 1789. E lle avoit fa it, le 4 octobre
1786 , un testament mystique et secret, dont il est néces
saire de conuoître les dispositions principales.
E lle institue pour son héritier universel P ie rre -A n toine-Urbain C a p clle , fils aîné du sieur C apelle, son
neveu. E lle fait aussi des legs considérables, qui sont
divisés en trois classes. Les legs pieux s’élèvent à la
somme de 128600 fr. Les autres legs se portent à une
somme de 77300 fr. ; ce qui donneroit en totalité une
somme de 205900 fr ., sans y comprendre des legs par
ticuliers en usufruit, de m obilier non apprécié , et de
A 2
�■ U ii
(4)
plusieurs immeubles en toute p ro p rié té , dont on peut
porter la valeu r, sans exagération, à 64000 fr.
Parm i les legs p ie u x , un seu l, de la seconde classe,
et le plus considérable de to u s, donne lieu à la contes
tation. Ce legs est fait en ces termes :
«c P o u r exécuter les pieux desseins qui m’ont été
« communiqués par feu M . Cabridens, mon fr è r e , je
« lègue a u x pauvres de VŒ uvre de la miséricorde de
« la ville d’A u rillac, laquelle Œ uvre est administrée par
« de pieuses dames, et dont madame de Funtanges est
« la su p érieu re, la somme de 80000 f r ., à la charge
« néanmoins que les administrateurs de ladite Œ uvre
« seront tenus de payer annuellem ent, et à perpétuité,
« aux Frères macédons de l’école chrétienne, établis à
« A u rillac , la rente et pension annuelle que feu M.
« C abridens, mon fr è r e , s’étoit obligé de leur payer
« par les actes passés avec eux et avec les consuls et
« communautés d’A u rillac ; sans laquelle condition je
« n’aurois légué à ladite Œ uvre que 60000 fr. ; qu’il
« sei’a em ployé 20000 francs pour assister messieurs les
« prêtres de la ville et communautés d’A u r illa c , qui
« seront dans le besoin, et encore les autres prêtres des
« environs de la v ille , si le revenu de ladite somme
« de 20000 fr. peut le com porter ; et que le revenu de
«
«
«
«
«
«
la somme de 40000 fr. restant de celle de 60000 f r .,
soit em ployé à assister et soulager le surplus des pauvres que ladite Œ u vre a coutume d’assister. Je veux
en conséquence que ladite somme de 80000 fr. ci-dessus
léguée, aux conditions mentionnées, soit payée auxdites dames administrant ladite Œ uvi’e, sur la quittance
�¿1> i
(5)
« qui en sera fournie par ladite dame de F ontanges,
« leur supérieure, et ce aux termes ci-dessous fixés.
« Je veu x et entends qu’au cas où ladite Œ uvre de la
« miséricorde v în t , dans le tem ps, à être réunie ù l’hô« pital général de la ville d’A u rilla c , ou à tout autre
« hôpital; je veux-, d is -je , audit cas, que le legs de la
« somme de 80000 f r ., que je fais à ladite Œ u vi'e, Ja sse
« retout à mon héritier. »
Il résulte d’une délibération du bureau de bienfaisance
d’A u rilla c, du 16 pluviôse an 9 , que l ’Œ uvre de la misé
ricorde ,• qui étoit administrée par des dames pieuses,
mères de fam ille, ne s’étoit form ée en cétte même ville
qu’en 1777.
A p rès le décès de la dame Galieu , il fut procédé à
l ’ouverture de son testament. E lle avoit nommé pour son
exécuteur testamentaire un sieur C a y la , qui étoit chargé
de vendre son m obilier et divers immeubles désignés,
et qui en même temps devoit jouir de tous les revenus
de la succession, jusqu’à ce que l ’héritier eût atteint sa
vingt-cinquièm e année.
L e prix des ventes et des revenus de la succession devoit
•être employé par l’exécuteur testamentaire à l’acquitte
ment des legs.
L e sieur Cayla se m it en possession des biens de la
testatrice, et il fut procédé à un inventaire du mobilier.
Los legs de première classe, autres que celui qui fait
l’objet de la dem ande, devoient être payés dans l’année
du décès. L e prix du m obilier fut insuffisant pour les
acquitter : tout le surplus devoit donc être pris sur les
revenus de la succession.
�,r
.
<■6 )
' I l est probable qu’en 1789, époque de l ’ouverture de la
succession, l’association des Dames de la miséricorde étoit
dissoute. 11 est au moins certain que cette Œ uvre n’a jamais
réclamé ni formé aucune demande en délivrance du legs
de 80000 fr.
M ais le sieur G ayla, exécuteur testamentaire, vouloit
faire procéder à la vente des immeubles désignés pour le
payement des legs de la seconde classe. Il s’y lit môme
autoriser par un jugement du tribunal de district d’A u rillac, du 27 janvier 1792; et il en avoit vendu pour la somme
de 58ooo fr. lorsque lé sieur A ntoine Capelle, père et tuteur
de l’héritier de la dame G alieu , se rendit appelant de ce
jugem ent, et fonda son appel sur ce que les intérêts de
son m ineur seroient blessés par l’aliénation d’autres biens.
Il y avoit des ressources suffisantes pour l’acquittement
des legs, dans le remboursement des dîmes et autres droits
casuels, qu’on pou voit alors espérer. D ’ailleurs, le sieur
Capelle père soutint que le legs de 80000 fr. avoit pour
objet rétablissement des Sceurs-grises (*), et une rente au
profit des Frères macédons; que dès que toutes congréga
tions étoient supprim ées, ce legs devenoit caduc, et beau
coup d’autres étoicut également susceptibles de réduction.
Pendant ces discussions le sieur Gayla père vint à décé
der. Son iils, en vertu du môme testament, prit la jouis
sance des biens, qu’il a gardée jusqu’en 1796. Il n’est pas
exact de dire qu’il remit l’hérédité au sieur Capelle père.
Ce dernier refusa constamment de s’en clu rg e r; et ce n’est
(*) C ’est une erreur qui s’est glissée dans le» copies : il n’est point question
lie Sœuri-grises dans le testament,
�4 ^
i l )
qu’après son décès que le sieur Cayla fils, Voulant se dé
barrasser d’une administration onéreuse, rendit la succes
sion au sieur Ray, tuteur du sieur Capelle fils.
Il n’y avoit aucune époque déterminée pour le paye
ment des legs de la seconde classe, dont celui-ci fait partie.
Il est d it, dans le testament, « que ceux de la seconde classe
K seront payés suivant l’ordre qu’ils ont dans le testament,
(c et seulement à fur et mesure que le sieur Cayla aura
« en main des fonds suffisans, soit au moyen des produits
« des ventes, effets, meubles et im m eubles, soit des reve« nus des biens de l’hérédité, sans que pour le payement
« des legs le sieur Cayla puisse Être pressé pour la vente
« des immeubles que la testatrice veut être faite de ses
« biens d’A u v e rg n e , lui donnant pou voir exprès de ne
« faire la vente qu’autant qu’il trouvera être plus utile
« pour Tintérêt de son h éritier, et encore sans qu’il soit
« tenu de payer aux légataires aucun intérêt de leurs
« legs. »
lies employés de la régie nationale furent les premiers
à vouloir exiger un legs qui étoit nécessairement devenu
caduc par la suppression des corporations, ou qui étoit
nul comme fait à une corporation illégale.
F ort expéditifs en la form e, les employés de la régie
décernèrent une contrainte contre le sieur C apelle, h éri
tier de la dame G alicu , pour le payement de cette somme
de 80000 ii'. L e 8 thermidor même année, ils firent un
nouveau commandement*, e t, sur l’opposition qu’y forma
le sieur C ap elle, il s’engagea au tribunal de prem ière
instance une contestation qui n’a pas eu de suite.
Certes! si le sieur Capelle avoit encore à discuter contre
)
�( 8 )
la rég ie, cette prétention bursale n’obtiendroit pas la fa
veu r des tribunaux. Il est permis de douter que la régie
voulut faire de cette somme l’em ploi auquel elle étoit
destinée,
Bientôt après, l’hospice d’A urillac voulut encore s’attri
buer le le g s, et en forma demande contre le sieur Capelle.
Cette prétention ne tendoit qu’à faille exécuter la clause
de réversion contenue au testament, au profit de l’héritier;
et l’hospice 11’a pas cru devoir insister.
M ais, le 19 brum aire an 9 , on a organisé à A u rillac
un bureau de bienfaisance, dont les membres furent nom^
més par le préfet du Cantal; et, le 16 pluviôse suivant,
les administrateurs prirent un arrêté pour faire citer lo
sieur Capelle en payement de ce legs.
C ’est dans cet arrêté qu’on voit que l’Œ uvre de la
miséricorde s’étoit form ée en 1777. Les administrateursy disent que cette Œ uvre n’a jamais été supprimée x
qu’elle n’a fait que changer d’administration.
Suivant e u x , d’après l’article 3 de l’édit de 1749»
l’CEuvre de la miséricorde n’avoit pas besoin de lettrespatentes.
L e cas p ré v u par la testatrice, p o u r le retour à l’héri
tier de la somme de 80000 f r ., n’étoit pas a rriv é ; le
Ico-s devoit donc être versé dans leurs mains,
T els sont les moyens sur lesquels ils appuyèrent leur
citation devant le tribunal d’A u rillac. Le sieur Capelle
crut devoir récuser ce tribunal. E t comme on a paru
im prouver la récusation , il est de son devoir de rap
peler les motifs qui le déterminèrent à cette démarche.
L e sieur D clorlz-L abarth e, l’un des juges, est membre
�( 9 )
«lu bureau de bienfaisance ; les sieurs L a val et Serieys,
juges, avoient déjà actionné le sieur Capelle , comme ad
ministrateurs de l’hospice de la même v ille ; ils a voient eu
la délicatesse de se récuser.
L e sieur Destaing , président, avoit ouvert son opi
nion sur la cause. Les trois suppléans, les sieurs G u ita rd ,
Julheset V e rn io ls, l’un étoit le défenseur du sieur Capelle,
les deux autres étoient membres du bureau de bienfai
sance. Il ne restoit que deux défenseurs au tribunal d’A u ïilla c , qui ne pouvoient remplacer les juges, et qui d’ail
leurs refusoient d’en connoître comme juges, par des rai
sons particulières.
E n fin , cette affaire intéresse les pauvres de la ville
d’A u rilla c, et devoit fixer l’attention ou l’intérêt de tous
les liabitans ; il étoit de toute nécessité de faire juger la
cause par des hommes dégagés de toute prévention : en
conséquence, la cour de cassation, par arrêt du 4 plu
viôse an d i x , renvoya la cause et les parties devant le
tribunal civil de Saint-Flour.
Ce jugement fut signifié le 23 pluviôse an 10 ; et, le
3 ventôse suivan t, les administrateurs citèrent euxmêmes le sieur Capelle devant le tribunal commis par
la cour de cassation.
Il est remarquable que jusque-là les administrateurs
6?étoient permis de procéder sans aucune autorisation.
Ils justifièrent postérieurem ent, i ° . d’un arrêté du gou-;
vernem ent, du 18 messidor an 10 , qui autorise le bu
reau de bienfaisance à accepter , au nom des pauvres
de la ville d’A u rilla c, le legs dont il s’agit, et à en pour
suivre la délivrance devant les tribunaux; 20. d’un arrêté
B
�l-..
( 1 0 }
du conseil de préfecture, qui autorise les administrateurs
à continuer, devant les trib un aux, les poursuites com
mencées contre le sieur Gapelle, pour raison du même legs.
O n verra dans la suite que l’arrêté du gouvernem ent,
obtenu sur pétition non-com m uniquée, et toujours sauf
le droit d’autrui, est la pièce principale sur laquelle s’appuyent les administrateurs.
D evant le tribunal de S ain t-F lo u r, les administrateurs
entreprirent de prouver différentes propositions.
i° . Suivant eux , les legs faits pour cause pie devoient
recevoir leur exécu tio n , et être jugés favorablement.
Xi’incnpacité du légataire ne rend pas même nul le legs,
mais autorise seulement les tribunaux à en désigner
l’emO
ploi et l’application.
2°. Les pauvres en nom collectif n’ont jamais été
regardés comme incapables de recevoir des legs , et
l’exécution des libéralités exercées envers eux a toujours
été ordonnée.
3°. L ’édit de 17 4 9 , et autres édits et ordonnances
antérieurs, en prononçant la nullité des legs faits au
profit des corps et communautés non patentées, ont
toujours excepté les legs qui avoient pour objet des
fondations particulières pour la subsistance des pauvres.
40. Ils vouloient faire considérer l’arrêté du gouver
nement comme une homologation suffisante pour sanc
tionner ces sortes de legs.
• 5°. L e legs dont il s’agit n’avoit pas été fait à l’Œ u vre de la m iséricorde, comme corps et communauté;
mais il fut laissé nominativement aux pauvres d’A u rilla c;
et si la testatrice a ajouté de ¿'Œ uvre de la miséricorde >
�44&
( 11 )
cela n’a été que pour désigner l’espèce et la qualité- des
pauvres auxquels elle vouloit que le revenu du legs fût
distribué , et les personnes auxquelles elle vouloit eu
confier la distribution.
6°. Les administrateurs du bureau de bienfaisance
remplacent dans leurs fonctions les Dames de la miséri
corde, et sont les vrais administrateurs des pauvres en
faveur desquels le legs a été fait par la dame Galieu.
7°. L a M iséricorde n’a jamais été réunie i l’hôpital
d’A urillac ni à aucun autre hospice. Les fonctions des
personnes chargées de la distribution des secours à dom i
cile, n’ont jamais été supprimées. L e corps législatif n’a
pas été à portée de statuer sur la fondation pieuse de
la M iséricorde; mais cette fondation est du nombre
de celles qui ont été conservées.
8°. L a condition du retour n’est pas arrivée telle
que la testatrice l’avoit p révu e; et, en matièi’e favorable,
on ne peut étendre la condition d’un cas à un autre.
9°. O n ne peut subordonner l’exécution d’une fon
dation pieuse, contre l’intention même du fondateur qui n’a
pu les p révo ir, à des circonstances extraordinaires, illé
gales, momentanées, et qui n’ont dû leur existence qu’aux
orages et aux excès inséparables d’une grande révolution ,
surtout lorsque tout est rentré dans la ligue prescrite par
le fondateur.
io °. La réduction du legs n’est pas admise en général.
E n supposant qu’elle pût l’être, elle doit être demandée
d’abord après l’ouverture de la succession, et les choses
étant entières. L ’héritier qui accepte une succession se
soumet à toutes les charges, et court tous les risques :
B a
�V ,H
C 12 )
L ’héritier n’a même pas fait de
Mes périt dom iho.
pertes considérables.
i i °. L ’héritier pur et simple ne peut être admis à la
distraction de la quarte falcidie. Elle n’a lieu qu’au profit
de l’héritier surchargé, qui établit les charges par un loyal
inventaire : d’ailleurs la distraction n’a p;:s lieu pour les
legs pies. 11 im pliqueroit de demander tout à la fois, et
la réduction du le g s , et la distraction de la quarte. Enfin
rien n’établit l’insuffisance de la succession pour faire face
aux legs.
D e son cô té, le sieur Capelle soutint, i° . que le legs fuit
u l’Œ uvre de la m iséricorde étoit cadu c, soit lors de sa
confection, soit au moment de fou vertu re de la succes
sion de la testatrice : le prétendu légataire ne form oit
aucune corporation, aucune dotation, aucun établisse-:
ment avoué par la loi.
2°. L a condition prévue par la testatrice étoit arrivée'
L e gouvernem ent, en supprimant tous les établisseinens,*
même ceux qui n’avoient pas une existence lé g a le , a
cumulé l’actif et le passif de toutes les corporations
associations et hospices: d’où il résultoit que le legs auroit
cessé d’être e x igib le, du m oment que l'intention de la
testatrice ne pouvoit être rem plie, que le legs ne pouvoit
être versé dans les mains à qui elle le coniioit exclusi
vem ent; et alors la réversion devoit avoir lieu au profit
de l’héritier institué.
3°. L e patrimoine de la dame Galieu avoit éprouvé
des diminutions de tout g en re , des pertes considéra
bles , par l’effet de la force majeure.
4°. L a dame veuve Galieu n’a voit été instituée héri-
�4 4 /
( 13 )
Jtièrc par son m a ri, de qui elle tenoit la plu s'grande
partie de sa fortune , qu’à la charge expresse de trans
mettre l’hérédité au sieur Ca pelle , son petit-neveu et
son liéritier présom ptif; et la dame Galieu dcvoit moins
se considérer comme p ro p rié ta ire, que comme usu
fruitière de son mari.
5°. Les administrateurs du bureau de bienfaisance
etoient sans qualité pour réclamer les 20000 fr. affectés
aux Frères m acédons, ainsi que la même somme affectée
aux ecclésiastiques malades et pauvres ; et le sieur Gapelle
ne pou voit être tenu que d’en payer annuellement l’in
térêt.
6°. E n pays de droit é c r it, l'héritier institué ou
ab intestat est autorisé à distraire la quarte falcidie ;
et la succession de la dame G alieu est ouverte en pays
de droit écrit.
7 0. L ’édit de 174 9 , et la déclaration de 1 7 7 4 , auto
risent le débiteur de legs pieux à. acheter des rentes
sur l’état ; et le sieur C apelle, en ce cas, pouvoit user
de cette faculté , et fournir des rentes sur l’état pour le
payement du leg s, en supposant qu’il y eût capacité
pour le recevoir.
La cause portée en cet état au tribunal de Saint-Flour ,
le 20 floréal an 11 , il est intervenu un jugement con
tradictoire , qui déclare le legs fait par Françoise-D oro
thée de Cabridens, veuve de Geraud Galieu , à l’Œ uvrc
de la miséricorde de la ville d’ /Yurillae, par son testa
ment du 4 octobre i j 85 , nul et de nul eilèt : en con
séquence déclare les administrateurs du bureau de bien
faisance de cette même ville non - recevables dans la
�* VU w
■ ■
t 14 ^
demande par eux form ée contre le sieur C ap elle, héri
tier de la dame G a lie u , en délivrance de ce môme
le g s , et condamne les administrateurs en tous les dépens.
Ce jugement est fondé sur les motifs suivans :
« i° . D ’après la disposition des lois romaines, cons« tamment adoptée par la jurisprudence française, aucun
« corps ou communauté quelconque ne peut légalement
« exister sans l’approbation du gouvernem ent ; et de
« tels établissemens sont incapables de recevoir aucun
« legs.
P ar une exception néanmoins établie par la
jurisprudence des tribunaux en faveur de la cause
pie , les legs pieux faits au profit des communautés
illicites étaient appliqués aux pauvres ou autres
œuvres p ie s, et la disposition, même imparfaite ,
n’empêclioit pas que les legs y contenus n’eussent
leur effet. M ais le privilège de la cause pie a reçu
une première restriction par les ordonnances de 1731
et 1 7 3 5 , et il a reçu une restriction plus forte par
l’édit de 1749. Les arrêts qui établissent une jurisprudence favorable à la cause p ie , sont tous antérieurs
à l’édit de 1749.
cc 30. Dans les dispositions de cet é d it, qui ren ou cc 2 ° .
«
«
«
cc
cc
cc
cc
cc
a
cc
cc
«
cc
«
a
te
ce
«
velle les défenses de form er aucun établissement
de corps ou communauté quelconque , sans l’obtention préalable de lettres-patentes, sont nommément
compris les hôpitaux et toutes maisons ou com m u
nautés sous prétexte d’hospiçes. Par une disposition
rigoureuse et nouvelle , qui ajoute à celle des précédenies lo is , il est défendu de fonder de tels établis-
�/
44Ÿ'
( x5 )
« semens par disposition de dernière Volonté , quand
K même la disposition seroit faite à la charge d’obtenir
« des lettres-patentes.
« 4 0. L ’exception portée en l’article 3 de l’édit qui
« dispense de l’obtention des lettres-patentes, et n’exige
K que l’homologation du parlement pour fondation de
« messes ou o b its, la subsistance d’étudians ou de pau« vres ecclésiastiques séculiers, et non l’établissement
« d’aucun nouveau corps ou com m unauté, ne peut i*aiK sonnablement recevoir sou application lorsque la
« disposition est faite à un corps ou communauté non« approuvé , parce qu’en ce cas l’exception seroit en
« contradiction avec l’article 9 de l’é d it, q u i, pour la
« pleine exécution de l’article 1 e1' . , non - seulement
« déclare nuls tous établissemens du genre de ceux
« mentionnés en cet article , mais encore déclare nuls ,
« sans distinction, tous actes ou dispositions qui seroient
k faits en leur faveur, directement ou indirectem ent,
« sans qu’il soit besoin de lettres de rescision, nonobs« tant toute prescription et tout consentement exprès
« ou tacite donné- à l’exécution des actes contenant la
« disposition.
« 5°. Adm ettre l’exception portée en l’article 3, au
« profit d’un corps non-approuvé , seroit fournir un
« moyen indirect de fonder l’éellem ent, contre le vœu
« de la lo i, des établissemens qui , quoique déjà exis« tans, n’auroient eu jusque-là qu’une existence éphé« m è re , faute de moyens suflisans.
« 6°. L ’article 10 de l’édit , par une disposition infî—
« niment rigoureuse, veut que les enfaus ou héritiers
�( i6 )'
présomptifs , du vivan t même de ceux qui ont fait
les' dispositions mentionnées en l’article 9 , puissent
réclamer les biens donnés ou aliénés, et s’en faire
envoyer en possession , même avec restitution de fruit*?,
du jour de leur demande. Cet article, innovant à celui
de l’édit de 1666, q u i, pour peine de l’inexécution
de la lo i, en cas de disposition au profit de l’établis
sement non-approuvé , en appliquoit le bénéfice aux
hôpitaux , fait entièrement cesser le privilège de la
'cause pie.
« 7 0. Les déclarations de 1 7 6 2 , de 1774
1780 ,
qui contiennent quelques dispositions nouvelles rela
tivem ent aux biens dont on peut disposer au profit
des h ô p ita u x , ne contiennent aucune innovation aux
articles 1 , 2 , 9 et 10 de l’édit de 1749. Si les cir
constances ont apporté quelques changemens aux
motifs qui ont dicté la loi de 1749 ; si la législation
même étoit changée d ep u is, elle ne pourroit avoir
d’effet rétroactif; et les tribunaux doivent juger sui
vant le droit acquis antérieurement aux parties.
« 8°. L e legs qui fait l’objet de la contestation a été
fait à une corporation ou communauté non légale
ment établie , à l’Œ uvre de la miséricorde de la ville
d’A u rilla c, qui n’avoit point obtenu de lettrcs-pntcntes.
S’il est dit que le legs a été lait aux pauvres de l’Œ uvre
de la m iséricorde, il n’est pas raisonnable de pré-i
tendre que ce soit uniquement pour désigner la classe
des pauvres h laqitelle la testatrice entendoit faire du
bien. L ’Œ uvre de la miséricorde ayoit tous les carac
tères qui peuvent faire distinguer un corps , une
com m unauté,
�44°)
C *7 )
« communauté , puisqu’elle uvoit une supérieure, une
« assistante , un receveur-, elle étoit désignée et reconnue
« sous un titre particulier, ïŒ u v r e de la miséricorde.
« Cette Œ uvre devoit toujours subsister ; c’est l’Œ uvre
« que la testa.trice avoit envisagée, plus encore que les
■
« individus qui la fo rm o ien t, puisqu’elle vouloit qu’il
« n’y eût que les revenus de 60000 fr. qu’elle léguoit,
« qui fussent employés à perpétuité à secourir les pau* vres, eeelésia&tiques et séculiers, qu’elle avoit en v u e ,
« et que l’Œ uvre avoit coutume de soulager ; puisqu’elle
« chargeoit l ’Œ uvre de p ayer, en l’acquit de M . de Cabri« d en s, et à perpétuité, la pension à laquelle il s’étoit
« obligé envers les Frères macédons ; puisqu’elle avoit
« prévu le cas de la réunion de l’Œ uvre à l’hôpital
v g é n é ra l, ou à tout autre hôpital. Toutes ces choses
v ne sont applicables ni aux pauvres in dividu els, tels
« "que les pauvres honteux que la testatrice avoit en
« vue , ni aux dames composant l’Œ u vre de la m isé« ricord e, considérées comme individus.
« 90. L a loi elle-m ême , comme la raison , s’accordent
« pour cette interprétation av«c l’arrêté des consuls,
« q u i, autorisant le bureau de bienfaisance à accepter le
« legs dont il s’a g it , l’a qualifié de legs f a it à tQ iu v re
« de la m iséricorde , quoique le gouvernem ent ait eu
<c sous les yeux la clause du testament p o rta n t, f a i t
« a u x pauvres de TŒ uvre de la m iséricorde.
« io ° . C ’est à ce titre que le gouvernem ent, qui a pu
« ignorer que cet établissement n’avoit pas été précédé
« de lettres-patentes, l’a considéré comme légalement
C
�c
1
8
}
« représenté, par suite des lois des 16 vendémiaire et 7
« frim aii’e an cinq,
« Cet arrête d’ailleurs ne préjuge rien sur l’ invalidité
« ou la validité du legs, puisqu’en cas de contestation
« il renvoie les parties devant les tribunaux,
« E n fin , en appliquant les lois précédemment ana« lisees, le legs fait a l’Œ uvre de la miséricorde d’A u —
« rilla c, est nul et caduc comme fait à un incapable;.
a e t, d’après l ’article 10 de l’édit de 174g , l’héritier seul'
« doit profiter de la nullité ou de la caducité du legs, »
Les administrateurs du bureau de bienfaisance ont
interjeté appel de ce jugement , et insistent sur la déli
vrance du legs de 80000 fr. L e sieur Càpelle va s’occuper
de répondre à leurs griefs ; m ais, avant d’entrer dans la
discussion des moyens qui militent en sa faveur, il est à'
propos de relëver quelques inexactitudes qui ont échappé
aux administrateurs dans le récit des faits.
1
Q uoiqu’il paroisse peu im portant de savoir si l’hôpitaî
d’A u rillac ne jouissoit que d’un revenu m édiocre, comme
l’ont prétendu lfcs appelans , on doit d ir e , d’après la
notox-iété p u b liq u e , que cet hospice étoit et est encore
convenablement et richement d oté, proportionnellem ent
à la population de la ville. M ais on ne connoît pas les
sentences de V ie , qui ont ordonné la délivrance des legs
faits à l’Œ uvre de la miséricorde. L e bailliage de V ie
n’auroit pas été compétent pour connoître de ces deman
des; et ces prétendus jugemens n’existent pas. •
L ’Œ uvre de la miséricorde n’étoit pas même une cor
poration. O n se souvient avec rcconnoissance de ces r é u
nions pieuses qui s’étoient formées daûs les villes p rin ci-
�( 19 )
pales. Les dames charitables qui en faisoient partie for«
moient une société particulière , et parfaitement lib r e ,
qui n’étoit assujétie à aucune règ le, n’ étoit point établie
d’une manière perm anente, et dès-lors ne pouvoit re
cevoir aucun legs. O n doit supposer que l’intention du
testateur, lorsqu’il fait un legs p ieu x , cherche à main
tenir l’exécution de ses volontés ; il désire survivre à
lui -m ê m e , faire respecter sa mémoire par des actes de
bienfaisance durables, et il ne peut l’espérer qu’autant
q u ’il choisit des corporations légales, dont l’existence est
nécessaire et protégée par le gouvernement.
' L a dame veuve G alieu, que l’on représente comme ex
trêmement riche, et sans enfans, tenoit la plus grande par
tie de sa fortune de la tendresse de son époux : elle avoit été
chargée par lui de remettre leur hérédité au sieur Capelie
son neveu, père de l’intim é, et qui étoit aussi le cousin ger
main de la dame Galieu. Brouillée depuis long-tem ps avec
le sieur Capelie p è r e , et ne voulant point qu’il fût l’ob
jet de ses libéralités , elle crut tout à la fois pou voir satis
faire son propre penchant, et rem plir les intentions de
son m a r i, en faisant passer ses biens au sieur Capelie
iils. L ’abbé de Cabridens, frère de la dame G alieu , étoit
sans doute un homme recommandable par sa piété et par sa
charité; mais la fortune dont il jouissoit provenoit de sa
sœ ur, ou du moins de la donation qu’elle lui avoit faite en
i
-A- vérité on prétend qu’il étoit propriétaire de tous
les biens situés en A u v e r g n e , et auxquels madame de
Galieu avoit succédé. O n cite avec emphase les dom ai
nes de F aillitou, de la Bartassière, et du fief de Clavièx*es.
Ces deux premiers domaines ne s’élèvent point à une
C a
\
�1^ 5Z
!
I
¡
1
f.
( 20 )
somme de 60000 fr., et le dernier, que l’on a qualifié im píoprement de fief, puisqu’il ne l’a jamais été* ne vaut pas^
la même somme. Il n’a fait aucune disposition , et tout
ce qu’ont dit les appelans page 9 de leur m ém oire, ne
sont que des allégations dénuées de toute vraisemblance.
Pourquoi dire encore que la dame Galieu a préféré le
sieur Capelle à des parens plus proches : elle n’en avoit
aucun dans la ville d’A u r illa c , qui fût au même degré*.
L e sieur Capelle p è r e , neveu du sieur Galieu , étoit
cousin germain de la testatrice sa v e u v e , et son parent
le plus proche. A in si le sang et la n atu re, pour se ser
v ir des expressions des appelans, appeloient personnellement le sieur Capelle à la succession de la dame G alieu.
O n vante aussi le fief de G rialou , qui faisoitr partie de sefr
propriétés, et qui ydans l’état actuel , ne produit pas 800 fïv
de rente.
• A la page 12 du m ém oire, on prétend que l’Œ uvrede la miséricorde de la ville de Figeac avoit été payée d ti
legs porté par le testament , et on ajoute que l’héritier n’a
point demandé si les Dames de Figeac avoient des lettres-*
patentes. Mais les administrateurs n’ignorent point sans
doute que lrŒ uvre de la miséricorde de Figeac est une
corporation patentée, une communauté de filles d e l’éta»
blissement de saint V in cen t de P a u le , q u i, depuis plus
d*un siècle, jouissoit d’une existence légale, et envoyoifc
des sœurs de son ordre dans une foule de villes.
■ L es administrateurs sont également inexacts, lorsqu’ils
disent, page 14» que-madame de Fontanges^se trouvant
à Paris après le décès de la testatrice, avoit fait des dé-»
marches pour obtenir la délivrance du legs. Ce fait est
�(
21
)
absolument faux et controuvé : on peut m ême-assurer
qu’à l’ouverture de la succession de la dame G alieu , la
société des Dames de la miséricorde étoit dissoute ; et les
administrateurs sont hors d’état de prouver que depuis
le décès il ait été fait aucune démarche par qui que ce
soit pour obtenir la délivrance du legs.
L e sieur Capelle désavoue également que son père se
soit jamais immiscé dans la jouissance des biens de la dame
Galieu ; ils n’ont été remis au fils qu’après la mort du
p è re, et il n’en jouit que depuis 1795. Si le sieur Capelle
père s’opposa r en 179.2, à la vente de quelques immeu
bles , c’est que déjà le sieur Cayla en avoit vendu pour
58ooo assignats, dont il n’a fait aucun usage, et qui
n’ont été remis à l’héritier qu’en l’an 4 , époque de la
plus grande dépréciation du papier-monnoie.
Les membres du bureau de bienfaisance préten dent,
page 19 , qu’ils ne peuvent offrir aux pauvres que du zèle
et des promesses ; cependant ils jouissent d’un revenu de
1000 f r . , ce qui présente déjà quelques ressources. M ais
les membres du bureau de bienfaisance peuvent-ils espérer
déposséder jamais des revenus considérables ? Ils doivent
tout obtenir de la confiance de leurs concitoyens , de leur
charité ,.de leur piété : les quêtes , les aumônes , les dons
m anuels, doivent com poserprincipalem ent et exclusive
ment leurs revenus; ils en sont les distributeurs, et c’est là
Punique but de leur établissement.
_ Maintenant il s’agit de présenter quelques observations
préliminaires sous le poin t de vue de l’intérêt p u b lic ;
car s’il faut en croire les adm inistrateurs, qui paroissent
•»voir des vu es,élevées, lewr cause est une question do
droit public.
�4M
' * «'
( 22 )
M a is com m ent Tordre et le droit public seroient-ils
en suspens ( pour se servir des ternies des appelans ) ,
parce que le legs de 80000 fr. fait à l’CEuvre de la misé
ricorde seroit contesté ?
Q u’étoit l’Œ uvre de la m iséricorde? une association
libre , composée de dames distinguées par leur piété et
leur bienfaisance, et qui recevoient de la confiance de
quelques citoyens généreux des souscriptions volontaires.
Ces établisseinens étoient bornés à certains lieux et à
certains temps-, ils n’entroient point dans le système de
l’administration générale ; ils pouvoient obtenir des secours
particuliers, lorsqu’il s’agissoit de remédier aux maux
d’une disette , d’une épidém ie , ou de pourvoir à l’en
tretien de quelques vieillards et de quelques orphelins.
Ces corporations momentanées, qui pouvoient se dis
soudre à chaque instant, avoient cet avantage inestimable
qu’elles n’étoient sujettes à aucun abus im portant, parce
qu’elles avoient des vues vraiment utiles, comme la con
tribution de chacun étoit entièrement volontaire.
Mais pouvoient-elles recevoir des le g s, des fondations
perpétuelles, lorsqu’il étoit possible q u e , par la disso
lution de la société , les fonds fussent détournés de leur
destination ? N ’étoit-ce pas laisser aux fondateurs le regret
de les avoir confiés ? et bientôt la source devoit tarir!
Dans ces sortes d’établissemens on ne considère que
l’utilité actuelle; c’est toujours elle qui détermine la gé
nérosité des bienfaiteurs : mais le besoin cesse-t-il, la libé
ralité cessé, et son cours se tourne vers d’autres besoins.
Q u’on cesse donc de s’écrier que les bureaux de bienfai
sance, comme autrefois l’Œ uvre de la m iséricorde, avoient
�4 X*
C 23 )
capacité pour recevoir des legs et des fondations perpé
tuelles. Ce n’étoit pas là le but de leur institution ; et le'
préambule de l’édit du mois d’août 1749 nous apprend
suffisamment,, que le législateur a senti le danger de ces
fondations , et a voulu l’empêcher pour l’avenir. « Les
« familles, est-il d it, ont souvent le déplaisir de se voir1
cc privées de leur fortune , par les dispositions que les
« hommes ont à form er des établissemens nouveaux qui
K leur soient propres , et faire passer leur nom à la pos« térité avec le titre de fondateurs. L e m eilleur usage
w que l’on puisse faire de l’autorité dans une matière si
a im portante, est de concilier autant qu’il est possible
cc l’intérêt des familles avec la faveur des établissemens
« véritablement utiles au public. »
O u aura bientôt occasion de revenir sur les dispositions
de cet édit •, mais pour suivre le même ordre de défense
des administrateurs, qui ont soutenu que le tribunal de
Saint-Flour étoit in com pétent, et n’avoit pu connoître
de la validité du legs , il convient d’abord de discuter
cette première proposition.
Les administrateurs du bureau de bienfaisance ont
transcrit dans leur m ém oire l’arrêté des consuls, en date
du 18 messidor an 6 , qui les autorise à recevoir le legs
contenu au testament de la dame Galieu. L ’article 5 de
cet arrêté p o rte , « qu’en cas de contestation ou de refus
« de la part des-héritiers, les administrateurs du bureau
« de bienfaisance poursuivront la délivrance du legs
« devant les tribunaux , en s’y faisant préalablem ent
« autoriser dans les formes voulues par les précédens
« arrêtés. »
�( H 3
Il est bien é v id e n t, d’après cet article , que l ’arrêté ,
comme l’ont dit les premiers ju ges, ne préjuge rien sur
la validité ou invalidité du legs. Il étoit inutile sans doute
<le renvoyer devant les .tribunaux, pour prononcer sur
\cs contestations qui pouvoient s’élever à cet égard , si
l ’arrêté du gouvernem ent, comme on vent le prétendre,
eût été im pératif et absolu.
C ’est un acte de simple adm inistration, qui autorise à
recevoir si le legs est dû , et en règle l’emploi en cas que
l ’on reçoive.
I l en est de cet a rrê té ,* comme il en étoit
»
autrefois des lettres de bénéfice d’inventaire ou des let
tres de restitution.. Ces lettres , qui émanoient du souve
rain , étoient indispensables, soit pour accepter condition-;
ncllem ent une succession, soit pour se pourvoir contre
y 11 engagement indiscrètement contracté. M ais pour
q u ’elles eussent leur exécu tio n , les faits devoient être
vérifiés par les trib u n a u x , qui n’en prononcoient l'enté
rinement qu’autant qu’ils reconnoissoient la légitim ité des
motifs,. A u roit-on pu dire aux tribunaux , lorsqu’ils refusoient d’entériner de semblables lettres , qu’ils s’érigeoient
en réformateurs des arrêtés ou des ordres du gouverne
ment , qu’ils refusoient d’admettre une demande que le
gouvernem ent autorisoit? T e l est cependant le vice du
raisonnement des administrateurs. Ils ont obtenu , sur
pétition non communiquée , un arrêté qui les autorise
à recevoir un legs. Cet arrêté n’est point donné en conuoissance de cause: on ne voit aucune contradiction, et
on autorise à recevoir ; mais c’est toujours sauf le droit
d’a u tru i, sauf à faire juger devant les tribunaux , en cas
de contestation , si le legs doit être ou non acquitté. T e lle
est
�¿ fit
C *5 )
est la seule idée raisonnable, le seul point dè vue s'oua
lequel on puisse faire considérer l’arrêté du gouverne
ment ; et les administrateurs n’ont pas voulu s’apercevoir
qu’en présentant cet acte d’administration comme im pé
ratif et absolu , ils transformoiei.it une simple form alité
en un acte de despotisme qui répugnerait à tous les prin
cipes de liberté si solennellement proclam és, si soigneu
sement maintenus. Q u’on ne dise donc plus que le tri
bunal de S a in t - F lo u r , en examinant le mérite de la;
demande du bureau de bienfaisance, s’est arrogé le droit?
de réform er les actes du gouvernem en t, que fce n’est
point à lu i à diriger le gouvernail de Tétùt. Ces expres-1
sions im propres sont absolument vides de sens. 11 faudrait1
au moins rayer l ’article 5 de cet arrêté, parce qu’en vaitile gouvernem ent auroit-il renvoyé devant les tribunaux
le droit de prononcer sur la délivrance du legs dont il1
s-agit, s’il n’avoit pas été permis aux juges de s’en écarter!
Les appelans ont senti toute la force de cet argum ent;mais ils veulent restreindre l’objection pour tout ce q u i1
a rapport au droit c iv il, savoir: la validité du testament,
la capacité de disposer de la testatrice», la quotité du legs
par exem ple ; mais tout ce qui est de droit public est
au-dessus de leur atteinte, et, suivant eu x , la capacité des
pauvres pour i*ecevôir comme pour demander fait partie'1
de ce même droit publie.
Il est assez difficile de com prendre ce qùé les adminis
trateurs ont entendu par ce raisonnement. Ori ne conteste*
pas la capacité en général des bureaux de bienfaisance
pour recevoir ou demander des legs qui leur seixVîehf^
confiés depuis leur création. O u sait que le gou vern em en t1
D
-K |
1
�C 26 )
seul s’est réservi le droit de les y autoriser , et ce n’est pas
ce que les juges de Saint-Flour ont examiné. Ils ont seule
ment décidé que ce n’étoit pas au bureau de bienfaisance
que le legs avoit été fa it, puisque ce bureau n’existoit.
pas lors du décès de la testatrice. Ils ont décidé que l’as
sociation des dames pieuses à laquelle le legs avoit été
fait , étoit incapable de le recevoir ; et s i , d’après les
appelans eux-m êm es, les premiers juges avoient droit de
çonnoîtrie de la'valid ité du testament, d e là capacité do
disposer et de la quotité du le g s, on ne voit pns comment
ils n’auuoient pas eu le droit de prononcer sur la validité
de ce même le g s c o m m e n t il auroit été interdit à Thé—
ritier de discuter devant les tribunaux la capacité de la.
testatrice ou du légataire.
O n doit donc écarter ce premier moyen d’incompé-tence, pour s’occuper de la validité du legs ou fondation!
de la dame Galieu ; et, pour en apprécier le m érite, il.
faut en revenir à l’édit de 1749, qui fait la loi dans celte
matière..
D ’après l’article 1". de cet é d it, il ne peut être form e
aucun établissement qu’en vertu de lettres-patentes enre
gistrées dans les cours. Sous ce mot général d’établisse-ment , on y comprend nominativement les hospices ,
congrégations , confréries , h ô p ita u x , etc.
L ’art. 2 défend de faire ù l’avenir aucunes dispositions
par acte de dernière volonté pour fonder un nouvel éta
blissem ent, o ira u proiil des personnes qui scroicnt char-gées de le form er , le tout à peine de nullité , ce qui sera
observé quand même la disposition seroit faite à la charge
d’obtenir des lettres-patentes.
’
�•
( 27 )
L ’article 9 déclare nuls tous les actes et dispositions qui
pourroient avoir été faits en faveur des établissemens non
autorisés., directement ou indirectem ent; et tous ceux qui
auroient été chargés de form er ou administrer ces établis
semens, sont déchus de tous les droits résultans des actes ou
dispositions, sans qu’il soit besoin de lettres de rescision,
nonobstant toute prescription , tous consenteinens exprès
ou tacites qui pourroient avoir été donnes à l'exécution de
ces actes ou dispositions.
Par l’article 1 0 , les en fans ou présomptifs héritiers
seront admis, même du vivant de ceux qui auront fait
lesdits actes ou dispositions , à réclamer les biens par eux
donnés ou aliénés ; ils doivent en être envoyés en pos
session pour en jouir en toute p ro p riété,avec restitution
des fruits ou arrérages, à com pter du jour de la demande
qu’ils en auront formée.
Ces dispositions rigoureuses et prohibitives viennent
naturellement s’appliquer au legs dont il s’agit. L ’Œ u vre
de la miséricorde n’étoit qu’ une association libre non
approuvée , une congrégation sous prétexte d’ / u sp ice,
qui n’avoit point été revêtue de lettres-patentes : donc
les dispositions faites à son p rofit, directement ou indi
rectem en t, à elle-même ou à ceux qui l’adm inistrent,
sont nulles d’ une nullité viscérale. L e sieur Capelle pourroit en réclamer la restitution, si le legs a voit été payé*,
nonobstant tou te prescription, toute approbation expresse
ou tacite : c’est la seule conséquence qui puisse résulter des
termes irritons des articles 9 et 10 de l’édit de 1749.
L es administrateurs prétendent que cet édit n’est point
applicable, Ce n’est point à l'Œ uvre de la miséricorde quu
D a
�I .»'.
c
2
8
3
le legs a ét<? fa it, mais bien a u x pavores de’ l’Œ uvre. Les
pauvres en nom collectif sont capables de recevoir.
L e sieur Capelle avoit déjà répondu en cause principale
à ce foible argument. « L e legs fait aux pauvres de l ’Œ uvre,
« a-t-il dit dans son m ém oire, est fait à l’Œ uvre. Civibus
« cw itatis legatum, vel jîd e i cotnm issum , datum civitath
« relictum videtur, loi 2 , D e rebus dubiis. L a lettre
v. du testam ent, co n tin u e-t-il, n’est pas moins expresse.
« C ’est au corps qu’il a été lé g u é , car ce n’est que les re cc venusdes 80000 ^ qui doivent être employés à soulager
a lés pauvres que l’GEuvre a- coutume d’assister ; et pai*
a qui doivent-ils être employés ? p a r l ’Œ u v re ,q u i a cou—
« turne- de les assister. Ce n’est point aux pau vres, mais>
« au corps que l’on a légué , puisqu’on le charge d’une
vu rente annuelle'envers les Frères m acédons, d’une fon~
« dation perpétuelle envers les prêtres pauvres de la ville*
a d’A u rillac. Ce n’est] point aux pauvres qu’on a légué ,
a• puisque ce n’est point eux qui peuvent diemander /
« recevoir et1 quittancer: Il n’y a pas même fidéicom m is,
« car ils- n’auront jamais de droit et d’action pour possé«• der;-c’est> pour leur-soulagem ent, mais ce n’est pas su c
«- eux que l’on a fondé. Ils sont l’ôbjet et non lfe9 dépo—
«■sitaires de la fondation : ce n’est point eux qui forment’
<r le corps et là congrégation de l’Œ uvre de la- m iséri«< corde , mais bien les pieuses dames qui administroient
et’ cette Œ u v re ; car les pauvres n’auront jamais de puis—
sance et de droit?, ni' dansi l?adminislration , ni contre*
« les- administrateurs. »
Les, administrateurs invoquent1 l’article 3’ de l’édit de
*749 ? qui*excepte les fondations particulières, qui ne ten»
�46
i
c z9 y
droient à l’établissement cl’aucun nouveau co rp s, collège
ou com m unauté, ou à l’érection d’un nouveau titre de
bénéfice , et qui n’auroient pour objet que la célébration
des messes ou obits , la subsistance d’étudians ou de
pauvres ecclésiastiques ou séculiers, etc. A l’égard des
quelles fondations, il ne sera point nécessaire d’obtenir
de lettres-patentes , il suffira de faire hom ologuer les actes
ou dispositions qui les contiendront, dans les parlemens
ou conseils supérieurs, chacun dans son ressort, sur les
conclusions des procureurs généraux. E n se plaçant dans
ces exception s, les appelans ajoutent : L a révolution n a
point permis aux tuteurs des puuvres de rem plir la for
malité de l’homologation-, mais l’arrêté du gouvernem ent
doit tenir lieu de cette homologation.
Cette o b je c tio n s o u v e n t ren o u velée, et toujours dé-truite, n’a pas échappé aux premiers juges. Ils ont sage
ment pensé que l’exception portée par l’article 3 étoit
étrangère a la cause, puisque la disposition est faite au
profit d’un corps ou communauté non approuvée. Dans
ce cas., disent-ils., l’exception seroit en contradiction avec
l’article 9 de. Fédit;. ce seroit fournir un moyen indirect
de fonder réellem ent, contre le vœu de la l o i, des établissemqns q u i, quoique déjà existans, n’auroient eu jusque-là
qu’une existence éphém ère faute de.moyens suflisans.
L ’article 3 11e dispense de la formalité des lettres-paten
tes , auxquelles il substitue l’hom ologation, que les fon
dations! particulières et les-actes, qui les contiennent, et
non les corps à qui elles- sont confiées. Dos fondations
confiées à un corps non approuvé tendent nécessairement
à établi n un nouveau corps-, coutru la prohibition expresse
de l’édit de 1749.
�( 30 )
On pourroit citer un exem ple particulier et très-récent,
pour établir que le legs fait à l’Œ uvre de la miséricorde
est caduc, et doit appartenir à l’héritier. M . de Séguiran,
évêque de N evers, fit son testament le 3 avril 178 9 , et
m ourut le même jour. Par une clause de ce testament, il
veut et entend que les biens qu’il laissera soient employés
à l’execution des établissemens de charité qu’il avoit com
m encés, et principalement de celui de la maison des Frères
de l’instruction et charité chrétienne, et des fonds nécessaires pour leur subsistance.
Les héritiers du testateur se pourvurent auprès du corps
législatif; ils soutinrent que le legs étoit caduc, et par là
réversible à ses héritiers légitimes. Un de leurs principaux
moyens étoit que les légataires n’en avoient pas demandé
la délivrance. Cependant les Frères de l’instruction et les
Sœurs de la charité, que ce legs concernoit, étoient revê
tus de lettres-patentes, et dès-lors sembloient avoir capa
cité pour en réclamer la délivrance.
O n convient de tous ces faits, dans- le rapport qui fut
fait au conseil des Cmq-cents, le 21 germinal an 6 , par
le représentant Desmoulins. L e rapporteur est d’avis que
la succession doit être remise i l’héritier; il se fonde
sur ce que le légataire n’a pas été saisi, lorsque le legs
pouvoit être demandé, et le nouvel ordre de choses en ayant
changé la destination, l’intention du testateur ne seroit pas
rem plie ; pf>r conséquent le legs doit être réversible pour
les héritiers. Cet acte de justice lui paroît indispensable,
et le projet de décret qu’ il propose a été converti en loi
par le conseil des Anciens.
Cette loi particulière et locale n’a point été im prim ée;
�4 6 2
( 3* )
mais le sieur Cnpelle est nanti du rapport, et sans doute
on trouvera une grande affinité entre cette espèce et celle
qui donne lieu à la contestation.
Comme M . l’évéque de N evers, la testatrice n’est
décédée qu’en 1789; le legs fait à l’Œ uvre de la M isé
ricorde n’a point été réclam é; les dames à qui il étoit
destiné n’en ont pas demandé la délivi’an ce, elles n’en
ont jamais été saisies ; le nouvel ordre de choses a changé
la destination d u'legs ; il n’existe plus de Dames de la
m iséricorde; les Frères macédons sont supprimés; les
intentions de la testatrice ne peuvent plus être remplies :
le legrs est donc caduc ; il est donc réversible à l’héritier.
E t comment les intentions de la dame Galieu pourroient-elles être rem plies? elle a principalement et exclusi
vement en vue les Dames de la m iséricorde, et notam
ment madame de Fontanges , leur supérieure; les revenus
de la somme de 80000 fr. doivent être distribués h une
classe de pauvres particulièrement désignés, et que ces
dames avoient coutume d’assister. 11 ne peut y avoir de
véritable substitution à une corporation de ce genre : ce
D
7
n’est plus le même objet ni les mêmes individus. L ’arrêté
du gouvernem ent même, que lesappelans veulent regarder
comme absolu, change la nature du legs. L ’article 3 veut
que la somme principale soit employée eu acquisition
de rentes sur l’état. Etoit-ce à la décharge du gouverne
ment que la dame Galieu avoit légué cette som m e? Les
hospices en gén éral, comme les bureaux de bienfaisance,;
11e peuvent aujourd’hui recevoir îles capitaux ou des
remboursemens qu’en les versant dans les mains du gou
vernem ent, qui en paye l’iutérêl à quatre pour cent; ou.
�( 32 )
en achetant des rentes sur l’état, qui ne représentent
point l’intérêt que la testatrice avoit stipulé.
Il
n’est donc plus possible de maintenir l’exécution des
volontés de la testatrice. Dès-lors le legs ne peut plus
être exigé.
Q u’importe que l’abbé de Cabridens ait eu de pieux
desseins en faveur des pauvres que les Dames de la misé
ricorde assistaient ; il n’a manifesté ses volontés par aucun
acte. Si la dame Galieu a déclaré q u’elle vouloit exé
cuter les pieux desseins de son frèx*e, elle a expliqué en
quoi consistoient ces pieux desseins. Comme elle, il avoit
en vue les Dames de la miséricorde , les Frères macédons. N i les uxies ni les autres n’existent plus; il est donc
impossible d’ordonner la délivrance du legs, et l’héri
tier seul peut en profiter.
L es appelans, qui veulent faire triompher la vérité par
toutes les armes de la p a role, disent que si le legs
étoit laissé aux pauvres d’A u r illa c , sans autre explica
tion , personne ne doutei'oit qu’il ne fût valable. Mais
c’est précisément mettre en fait ce qui est en question.
L es pnxivx*es forment un cox*ps irrégulier, qxii n’est suscep
tible ni d’adm inistrer, ni de recevoii-. Il faut un interm édiaire pour la distribution , et 011 ne peut confier
cette même distribution qu’à un corps dont l’existence
est approuvée par les lois de l’état. Si le corps ou l’hos
pice n’est pas fondé en vertu de lettres-paferites, le legs
est caduc, et revient à l’ héritier en vertu de l’article 10
de l’édit de 1749* Bientôt les appelans s'égarent et tirent
des conséquences bien étranges. L e parlem ent, disent-ils,
auroit hom ologué uu legs fuit aux pauvres , ilau ro it au
torisé
�4&
( 33 )
torisé les Dames de la miséricorde à en faire la distribu
tion. Ce que le parlement auroit fait, la testatrice a pu
le faire. Dans tous les ca s, les fondations sont de droit
p u b lic; l’autorité peut changer les administrateurs nom
més par le fondateur, comme elle peut confirmer son
choix.
'
Si ce sont là des maximes de droit p u b lic, on ignox’e
où les appelans ont pu les puiser. La règle la plus cer
taine en matière de testamens, c’est que la volonté du
testateur fait la règle ; il n’est point permis d’aller contre
ses intentions; e t, lorsqu’il y a impossibilité dans l’exé
cution , le legs devient caduc et retourne à l’héritier.
V o ilà les vrais principes du droit public et social. L ’au
torité a scs lim ites: comme elle doit respecter les p ropi’iétés , elle est protectrice et non usurpatrice.
S’il est en usage parmi nous de dire que les fonda
tions sont de droit public , ce n’est qu’en ce sens , que la
société est intéressée à leur conservation ; mais elles ne
peuvent exister sans la sanction de ceux qui agissent en
cette partie au nom de la société. A l’époque de la fon-:
dation faite par la dame G a lie u , le legs ne pouvoit
avoir d’effet, qu’autant que la corporation désignée pour
le recevoir eût été revêtue et autorisée par des lettrespa tentes.
'
L ’iE u vre de la m iséricorde n’avoit aucune existence
légale. Voudroit-on même raisonner dans le sens le plus
favorable aux administrateurs ; ils conviennent qu’il falloit au moins l’homologation du parlement : ils ne sup
pléent à ce vice de forme , que par l’arrêté du gouver
nement, de l’an d ix ; et vouloir qu’un arrêté, postérieur,
E
�(
'
3
4
)
de treize années à l’ouverture du legs, puisse fa're re
v iv re une disposition caduque, lorsque les choses ne sont
plus entières, après une révolution qui a bouleversé
les fortunes , supprimé tous les établissem ens, c’est évi
demment donner u n effet rétroactif à un acte de simple
administration , qui n’a rien décidé sur la validité du
le g s , ou a présumé le consentement de l’héritier à en
verser le montant.
Il
est contre toutes les rè g le s, contre toutes les idées
reçues ,de prétendre qu’un legs dont l’effet s’est ouvert
en 1789 , puisse être réglé par les lois actuelles; qu’un
legs essentiellement nul dans l’ancien ordre de choses,
puisse être valable dans le nouveau ; qu’une libéralité
faite à l’Œ uvre de la miséricorde depuis 1785 , puis, e
être acceptée, dix-sept ans après, par un bureau de bien
faisance , dont la création est toute récente. Ce seroit
succéder avant de naître , ce seroit renverser l’ordre de
la nature.
E t le sieur C ip elle ne doit-il pas espérer la faveur de
la justice, lorsqu’il se trouve dans une position si dif
férente de celle qu’il avoit le droit d’espérer? L a fortune
de sa bienfaitrice n épi’ouvë une diminution si considé
rable depuis la révolution , qu’elle sufiiroit à peine pour
le remboursement des legs des trois classes. Etoit-ce là
l’intention de la testatrice ? eut-elle été aussi libéi’a le ,
si elle n’avoit pas été opulente?
E lle veut que les legs soient payés de la manière la
plus favorable à son héritier; elle ne suppose aucune di
minution dans ses revenus , qu’elle affecte spécialement
A l’acquittement des legs, pendant la m inorité de son lié r
�('35 y
ri lier. Si elle perm et de; ¡.vendre, quelques-im m eubles,
elle dés'gne les moins précieux ; encore a-t-elle.excédé
ses pouvoirs en ce poin t, parce que c’est éluder la dispo.sit'on des articles 1 4 , i 5 et 16 de l’édit de 1749.
- E t cependant, si le sieur Capelle pouvoit être tenu
d’i.rquitler le ; legs de 80000 f r . , il seroit dans l’indispen
sable nécessité de vendre tout ce qu’il possède, tout ce
qu’il a obtenu de la testatrice. O r , a-t-elle voulu le dé
pouiller ? L ’ institution universelle seroit-elle donc un
titre illusoire?
; '
.
D ’après ce3 considérations m ajeures, le sieur Capelle
doit-il s’occuper de ses demandes subsidiaires? Comme en
cour souveraine elles sont sans conséquence , et n’afloiblissent pas les moyens principaux , le sieur Capelle pro
posera quelques observations à cet égard.
L e bureau de bienfaisance , établi par une loi du 7 fri
maire an 5 , ne s’est pourvu qu’en l’an 10 pour obte
nir la délivrance du legs: il le demande en entier ; ce
pendant le capital de 20000 fr. destiné aux Frères maçédons, et pour l’éducation de la jeunesse, n’est point
dans les attributions du bureau de bienfaisance, qui est
spécialement et exclusivem ent chargé de la répartition
des secours h dom icile *, dès-lors il est sans qualité pour
réclamer la somme destinée à l’instruction.
20. 11 y a encore à prendre: sur le legs pareille somme
de 20000 f r ., dont le revenu est affecté au soulagement
des ecclésiastiques; le sieur C ap elle, dans tous les cas,
ne pourroit être obligé que de payer le revenu de cette
somme , sans qu’on puisse le contraindre à en verser le
principal.
�{ >Ù
v ''
( 3* )
3°. E t toujours dans l ’hypothèse que le surplus du '
legs pourroit être e x ig é , le sieur Capelle au moins seroit
autorisé à le payer en rentes sur l’état. Il seroit assez
extraordinaire qu’on voulût le contraindre à verser la
somme pour être em ployée par les administrateurs en ac
quisition de rentes sur l’état; ce seroit vouloir qu’il ver
sât les deniers dans les coffres du gouvernem ent, et certes
ce n’est pas là ce qu’a entendu la testatrice. Il faut d’ail
leurs se reporter à l’époque de l ’ouverture du testament
( 178 9) : alors , d’après l’article 18 de l ’édit de 1749 , les
gens de main-morte étoient dans l’interdiction d’acqué
rir autre chose1que des réntes constituées sur le r o i , sur
le clergé, diocèses, villes ou communautés; et l’article 13
de la déclaration du 20 juillet 1762, enregistrée au par
lement en 1 7 7 4 , autorise les héritiex-s et représentant des|
donateurs ou testateurs à donner, en pavem ent, desrernboursemens des rentes de la nature de celles dont il est
perm is a u x gens de jnain-m orte de f a i r e T a cq u isition ,
p a r Varticle 18 de Tédit de 1749. Ce subsidiaire, au
m oins, ne pourroit être i*efusé à l’in tim é; il a pour lui'
la disposition expresse des lois qui étoient alors en
vigueu r, et qui ont du r é g i r l e l e g s dont i l s’ a g i t .
40. L e sieur Capelle est encore le maître de distraire
la quarte falcidie sur une succession ouverte en pays de
droit écrit. O n sait que cette quarte est la quatrièm e
partie des biens de .l’hérédité ; qu’elle se prend eu égard
h la valeur des biens au temps du décès, et non à ce
qui est arrivé depuis, soit diminution ou augmentation.
L o i 30, lo i 73, ad J'a ie.
4 , au Cod.
T o u t héritier testamentaire ou ab intestat a lç droit
�ét(û ü )
( 37 )
^
(le la distraire, lorsqu’ il a été fait inventaire ; et, dans
l ’espèce , cette formalité a été remplie. E lle se distrait
des legs, quelle que soit leur nature; pour alimens, ou
à une com m unauté, ou pour legs destinés aux œuvres
publiques. L o i 6, adfaie. §. i, au Cad. Et le sieur GtpeLle
se réserve, dans tous les cas, de demander cette distraction,
s’il y a lieu.
5°. E n fin , p o u rro it-o n obliger le sieur Capelle de
payer ce legs sur le cham p? Il n’est point encore parvenu
à la majorité prévue par le testament; il n’atteint sa
vingt-cinquièm e année qu’en l’an 13 : d’après le testa
ment , il ne doit aucun intérêt jusqu’à cette époque ; 011
ne peut même exiger le principal. Il avoit conclu subsidiairem ent, en première instance, qu’il lui fût accordé
cinq ans pour le i-emboursement ; et on rend assez de
justice aux administrateurs pour croire qu’ils accéderoient
à cette modification.
Mais c’est trop s’arrêter à des subsidiaires auxquels
le sieur Capelle ne conclut qu’à toutes fins. Il n’est pas
un riche h éritier, et il étoit né pour l ’être. Pourquoi
donc vouloir lui ravir les foibles débris de la fortune
qui lui étoit destinée? D e quelle considéi'ation peut être
un legs de cette nature pour les besoins généraux d’une
classe aussi nombreuse ? c’est une goutte d’eau répandue
sur une vaste m er, et dont l’utilité ne sera jamais sentie.
Les bienfaits particuliers ne diminuent pas la pauvreté
générale. Toutes les affections nobles et généreuses
s’opposent à ce q u ’on dépouille un héritier légitim e,
sans nécessité pour l’ intérêt public. L 'hom m e d'état ne
s’occupe que de grandes choses, et connoît les abus des
E
3
�fondations particulières, qui absorberaient à la longue
toutes les propriétés. L 'h om m e religieux vient au secours
de ses semblables, et garde le silence sur ses bienfaits.
L 'h o m m e du monde pense que les fondations sont pres
que toujours des monumens de vanité et d’o rg u eil, et
les apprécié à leur juste valeur. L e m agistrat, impassible
comme la loi dont il est l’organe, prononce sans pré
vention sur les questions qui lui sont soum ises, et ne
fait point acception des personnes. C ’est dans le temple
de la justice que les h ommes sont véritablement égaux
-en droits.
r
s
M e. P A G E S ( d e R iom ) ancien avocat,
f
M e. M A R I E , avoué.
�
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[Factum. Capelle, Pierre-Antoine-Urbain. 1804?]
Creator
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Pagès
Marie
Subject
The topic of the resource
legs
confiscation des biens d'Eglise
bienfaisance
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire en réponse pour Pierre-Antoine-Urbain Capelle, propriétaire, habitant du lieu et commune de Saint-Constant, intimé ; contre les Administrateurs du Bureau de Bienfaisance de la ville d'Aurillac, appelans d'un Jugement rendu au Tribunal d'arrondissement de Saint-Flour, le 20 floréal an II.
Table Godemel : Legs : 4. un legs fait en 1785 aux pauvres de l’œuvre de la miséricorde, est-il fait aux pauvres ou à l’œuvre ? doit-il être classé dans les cas de prohibition prévus par les articles 1, 2, 9 et 10 de l’édit de 1749 ? est-il, au contraire, compris dans l’exception portée par l’article 3 de cet édit ?
La condition que ce legs ferait retour à l’héritier dans le cas de réunion de l’œuvre, soit à l’hôpital général, soit à tout autre hôpital, est-elle une preuve que le legs était fait à l’œuvre et non aux pauvres de l’œuvre ?
la réversion s’est-elle opérée dès le moment où le gouvernement a cumulé les revenus de toutes associations corporatives et administratives d’hospices ?
Legs considérable devant aller en partie à l’œuvre de la miséricorde à Aurillac. La Révolution survint et les biens des congrégations sont saisis. Le bureau de bienfaisance créé à Aurillac demande la délivrance du legs fait à l’œuvre de la miséricorde
Publisher
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s.n.
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1804
1785-Circa 1804
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
38 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G1311
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0218
BCU_Factums_M0219
BCU_Factums_M0217
BCU_Factums_G1309
BCU_Factums_G1310
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Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Aurillac (15014)
Saint-Constant (15181)
Saint-Flour (15187)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
bienfaisance
confiscation des biens d'Eglise
legs
-
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5f9d3559cb8a63063e77c3dd40ae6c5f
PDF Text
Text
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C O N T R E
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I
S
apelle
u r e a u
d e
, défendeur,
B i e n f a i s a n c e
de
la V ille d 'A u rilla c, demandeur.
L a Dame G ALIEU décédée en 178 9 , avait, par
son testament du 5 octobre 1785, institué pour son
héritier le sieur C ap e lle , son neveu , à la charge
d’une quantité considérable de legs divisés en trois
classes.
A la tête de ceux de la seconde est un legs de 80,000
fait à l'OEuvre de la miséricorde de la V ille d’Aurillac,
Congrégation non approuvée.
C e legs est ainsi conçu :
Pour exécuter les pieux desseins qui m’ont été
communiqués par feu M. Cabred en s, mon frère,
je lègue aux pauvres de l’OEuvre de la miséricorde
« de la V ille d’Aurillac , laquelle Oeuvre est administrée
par de pieuses dames, et dont M e. Fontanges est la.
Supérieure, la somme de 80,000, à la charge néan-
moins que les Administrateurs de ladite œuvre
seront tenus de payer annuellement et à perpétuité
�( 2 )
» aux Frères macédons de l’école chrétienne établis
j) à Aurillac, la rente et pension annuelle que feu M,
Cabredens s’était obligé de leur payer par acte e tc .,
» sans laquelle condition je n’aurais légué à ladite
jî œuvre que Go,ooo ; qu’il sera employé 20,000 pour
?> assister MM. les Pretres de la V ille et Communauté
» d’Aurillac qui seront dans le besoin, et même ceux
» des environs si le revenu de ladite somme le permet;
» que le revenu des 4°>000 restans sera employé à
assister et soulager les pauvres que ladite (Euvre a
3) coutume d’assister , etc. etc.
<ç Je veux et entends qu’au cas que l’œuvre de la
» miséricorde vînt à être réunie dans le temps à
» l’hôpital général , ou à tout autre hôp ita l , le legs de
» 80,000 que je fais à ladite œuvre , fasse retour à
» mon héritier. » ,
L e testament porte en outre que cette somme sera
payée aux termes ensuite fixés aux Dames administrant
ladite œ u vre, sur les quittances u fournir par Me. de
Fontanges leur Supérieure.
Et attendu l’impossibilité de payer des legs si con
sidérables , ( ils se portent à près de 000,000 ) avec
le prix du m obilier, il est dit qu’après le décès de la
testatrice il sera procédé à la vente du mobilier et de
divers immeubles désignés, parmi lesquels se trouvent
des fiefs , à l’effet de quoi elle nomme le sieur Cayla
�_ C5 )
exécuteur testamentaire , ou plutôt fiduciaire , pour
que celui-ci acquitte lesdits legs avec le prix desdites
ventes, ou des revenus de la succession qu’il percevra
jusqu’à ce que l’héritier ait atteint sa 25 me année ,
(prairial an i 3 ) , terme jusqu’auquel doit durer l’exé
cution testamentaire ou plutôt la fiducie, bien que
par le décès du sieur Capelle il arrivât un autre héritier
qui ne fût pas m ineur, voulant que cet exécuteur
testamentaire ne puisse être recherché ni pressé par
personne , mais que pour vendre il puisse choisir et
attendre le moment qui lui paraîtra convenable ; de
sorte qu’il n’y pouvait être fo rc é , et que par suite il
pouvait retarder le payement du legs jusqu’au dernier
moment de l’exécution , jusqu’en prairial an i5.
L e payement des legs de la première classe devait
être fait dans l’an du décès. Ces legs absorbaient plus
que le prix du m obilier, de sorte que les legs suivans
ne pouvaient être acquittés qu’avec le revenu des
biens restans, et le produit de ceux vendus. Cette
circonstance est précieuse à recueillir.
Quant aux legs de la seconde classe, ils devaient
être payés à fur et mesure que les ventes des biens
ou les revenus de l’hérédiLé auraient produit des
fonds suffisons.
La révolution survint j au milieu d’uri désordre
¿pouvantable, toutes les corporations furent dissouLes,
�C4 )
Gt les biens de toutes les Institutions aumônières
allèrent se fondre et se perdre dans la main de la Nation.
D epuis, un Gouvernement sage , travaillant de
toute manière à réparer tant de m aux, a rétabli ou
créé des Bureaux de bienfaisance.
Celui de la V ille d’A urillac, autorisé par un arrêté
du Gouvernem ent, demande la délivrance du legs
fait à l’œuvre de la miséricorde.
Pour commencer , supposant le legs valide au
fonds , nous nous bornerons d’abord à proposer les
exceptions qui tendent à reculer l’époque du payement
ou à restreindre la quantité.
Il devrait être accordé terme à l’héritier jusqu’en
prairial an i3.
L ’exécutcur testamentaire ou plutôt le fiduciaire,
car le sieur Cayla doit être regardé comme t e l , puis
que selon le testament, il devait rester en possession
de toute l’hérédité, à la charge seulement de rendre
tout ce qui se trouverait entre ses mains , à la fin de
l’exccution ; le sieur C ayla, disons-nous, avait terme
pour acquitter ce legs , jusqu’en prairial an i3 ; c’està-dire , jusqu’à ce que ledit Capelle eût atteint l’àge
de 25 ans, soit qu’il restât héritier , ou qu’un autre
môme majeur fût appelle à son défaut. Cela résulte
�341
( 5 )
du testament, car d’un coté on ne peut supposer que
les revenus accumulés pussent remplir le legs avant
cette époque ; de l’autre, l’exécuteur qui ne pouvait
être recherché et pressé par personne, pouvait re
tarder et renvoyer les ventes à ce temps.
Or , quoique l’exécution et la fiducie ayent cessé
avant l’époque prévue par la testatrice, et qu’avant
ce temps l’héritier ait été mis en possession , il ne
doit pas pour cela être privé du terme : car il avait
été accordé , non en faveur de l’exécuteur et du fi
duciaire qui devait tout rendre, mais seulement en
faveur de l’héritier ; et cela est si v ra i, qu’il n’avait
pour objet q u e de faciliter l’acquit des legs , et de
dégrever la succession d’autant, en permettant d’ac
cumuler les revenus, ou en donnant le temps de vendre
avantageusement, au moyen de quoi jusqu’à celle
époque il ne pouvait être dû aucun intérêt. T e l est
d’ailleurs le sens de la L. 36 de cond. et demonst.
Dans ces 80,000 , une somme de 20,000 est léguée
à condition que l’œuvre de la miséricorde payera
aux Frères macédons de l’école chrétienne, la rente
et pension à laquelle feu M. Cabredens s’était obligé
envers eux par acte du
etc. ; condition sans la
quelle il n’eût légué que Go,OOO.
Cette partie du legs est donc subordonnée à l’acte
dont s’agit : cette disposition n ’a pour objet que de
�fixer le mode suivant lequel il devra être executé ,
de décharger l’héritier de cette obligation, et de la
remettre à un tiers. T elle est la cause et la condition
du le g s , sans cela il ri eût été légué que 60,000.
Mais le Bureau de bienfaisance qui en deman
dant les 80,000, demande aussi cette partie du legs ,
aurait dû d’abord prouver que les Frères macédons
ont obtenu des lettres patentes sur cet^ a cte, ou tout
au moins qu’il est dans la classe des exceptions por
tées par l’art. 3 de l’édit de 1749; ce que nous nions,
et sans quoi il est nul : que l’acte est postérieur à la
Déclaration de 1762 , et qu’en ce cas les Frères macédons étaient proprement une école de charité , sans
quoi l’acte serait nul encore , parce qu’il donnait une
rente constituée , tandis qu’aux termes de l’édit de
1749 il ne pouvait être donné que des rentes sur
l’Etat ou autres de cette espèce.
Ainsi tombe et l’acte par lequel feu M. Cabredens
s’était obligé envers les Frères macédons, et la dis
position testamentaire qui lui correspond.
L e legs est d’ailleurs caduc , car son o b je t, ainsi
que l’obligation de M. Cabredens ont péri avec les
Frères macédons ; de sorte que la condition pour la
quelle on a expressément légué, sans laquelle on n'eût
légué que (jo,000 , n existe plus.
Ajoutez à cela qu’une partie du capital de la rente
�c 7 )
; , _ .
pour le service de laquelie ie legs avait été fa it, s«
trouve remboursée , ainsi qu’il résulte'des quittances
produites par le sieur Capelle.
Sur les Go,ooo restans , 20,000 sont légués pour
que le revenu soit employé à soulager MM. les Prêtres
pauvres de la ville d’Aurillac.
Il n’est malheureusement que trop sûr que cette
classe , horriblement décimée par la révolution , est
en proie à la plus affreuse m isère; mais le Gou
vernement va faire cesser ce scandale ; les anciens
titulaires auront un traitement ; les Evêques , sans
doute , se feront un devoir de placer ceux qui n’en
auront pas ; de sorte que sous peu tous les prêtres
existans se trouveront à l’abri du besoin ; les prêtres
à venir n’auront pas plus à craindre ; car les titres
cléricaux seront désormais de 5 oo de rentes.
Ainsi donc , si le revenu des 20,000 ne suffit pas
pour les besoins actuels des prêtres , à l’avenir il sera
plus que suffisant, et il serait juste que l’excédent
revienne à l’héritier. Il demande en conséquence à
être autorisé à retenir ces 20,000, tant qu’il le vou
dra, à la charge d’en payer l’entier revenu, ou partie
suivant qu’il en sera besoin, par ce moyen le retour
sera exact et parfaitement d’accord avec les volontés
de la testatrice; il ne sera ni moindre, ni excessif.
�L ’héritier demande à prélever la quarte falcidie
sur le legs entier ou réduit.
On a répondu que pour prélever la quarte , il fallait
être héritier bénéficiaire. Si cela était, le sieur Capelle
n’étant pas encore parvenu à sa 55 me- année pourrait
se faire relever d’une acceptation faite en minorité ;
mais nous ne ferons pas valoir ce m oyen, parce que
le principe avancé par le Bureau de bienfaisance est
absolument faux. Il est vrai que pour prélever la fal
cidie, il faut avoir fait inventaire , pour constater la
binasse de la succession. £ ici il a été fait ) Mais il
ne l’est pas, qu’il faille être héritier bénéficiaire. Làdessus nous renverrons aux auteurs qui ont traité la
matière.
On a ensuite supputé , accumulé des zéros. Ces
brillantes exagérations doivent être réduites de plus
de moitié ; et quand cela ne serait pas, la testatrice
chargée envers l’héritier d’un riche fideicommis, a du
le lui remettre franc et quitte ; et ce iideicommis pré
levé , on verra que ce qu’elle laisse de son chef ne
remplit pas les legs qu’elle a faits.
Enfin, comme il sera établi dans le cours de la
discussion qui suit , l’héritier a le d roit, aux termes
de la Déclaration de 17Ç2 ou 1774 > d’offrir le paye
ment de ce legs en rentes sur l’E tat, et le Tribunal
ne pourrait le lui refuser.
M OYENS
�M i
C 9)
MOYENS
AU
FONDS.
L ’affaire présentée sous ce premier rapport, nous
l’examinerons au fonds, et nous discuterons la validité
du legs.
L e legs dont il s’agit est-une fondation. Les fonda
tions sont définies ; « une dotation faite à un Etablis
sement pour l’acquit d’une ou de plusieurs charges. «
Pour déterminer la validité d’une fondation, il faut
considérer quàtre choses : i °. quel est le Corps auqueion donne ; 20. quelles sont les formalités nécessaires
pour saisir ce Corps ; 5 °. quels biens on peut lui don
ner , 4°. quels4sont les termes dans lesquels on a
donné.
1 C ’est, je pense, traiter la question sous tous ses
rapports possibles, et sous tous ces rapports il sera
.constant que le legs est nul.
ï °.
Quel est le Corps auquel on a légué ?
C ’est un principe de droit public qu’il ne peut exister
de corporations, et qu’elles ne peuvent obtenir d’exis
tence légale que par l’approbation du Gouvernement.
C e principe consacré par les lois romaines, a traversé
les siècles , et a été reçu par tous les empires raison»
uablement constitués.
a
�Il a cto régularisé en France par divers édits ,
notam m ent par ceux de 1666, de l'jhQ , et par la
déclaration de 1762 qui n’a été enrégistrée au Parle
ment de Paris qu’en 1774
Ils se réunissent tous pour déclarer illégaux les
Corps non approuvés , et pour prononcer la nullité
de tous actes faits à leur profit.
Qu’on lise l’édit de 1749. Cela se trouve â chaque
article ; nous nous contenterons de rapporter l’art. 9
ainsi conçu r
»
»
»
»
»
»
«
<c Désirant assurer pleinement l’exécution du présent
édit, concernant les Etablissemens mentionnés dans
l’art. 1. ( qui sont tous Chapitres, Séminaires,
C ollèges, Maisons ou Communautés religieuses,
même sous prétexte d’hospice , Congrégations , Confrairies, Hôpitaux, ou autres C orp s, Communautés
ecclésiastiqu es , sécu lières , religieuses ou laïques ,
de quelque qualité qu’elles soient etc. etc. ) déclarons
» nuls tous ceux qui seront fa its sans avoir obtenu nos
» lettres patentes , et les avoir f a i t enregistrer dans les
» form es ci-après prescrites , voulons que tous les actes
» et dispositions qui pourraient avoir été fa its en leur faveur
» directement ou indirectement, ou par lesquels ils pour» raient avoir obtenu des biens de quelque nature
» que ce soit, à titre gratuit ou onéreux, soient dé-
�M y
C a )
»
»
«
»
»
»
»
claris nuls t sans qu il soit besoin d'obtenir des lettres de
récision contre lesdits actes , et que ceux qui se
seraient ainsi établis , ou qui auraient été chargés
de former lesdits Etablissemens , soient déclarés déchus de tous droits résultans desdits actes , nonobstant
tous consentemens exprès ou tacites qui pourraient
avoir été donnés à l’exécution desdits actes ou
» dispositions. »
L ’article 2 prononce la n u llité, quand même ces
dispositions seraient fa ite s à la charge d'obtenir des lettres
patentes.
Ces articles sont formels , et tombent d’aplomb sur
l’espèce, ils prononcent également la nullité des
Corps non approuvés, et des dispositions faites à
leur profit.
Ici l’Etablissement , la Corporation , PHôpital, la
Congrégation ,sous prétexted!hospice , dite l’œuvre delà
miséricorde n’est point approuvée, donc elle est nulle,
donc aussi les actes faits à son profit directement ou
indirectement, à elle-même, ou à ceux qui l’adminis
trent , sont n u ls, d’une nullité absolue , car il n’est
pas besoin de lettres de récision ; d’une nullité irré
parable , et dont ils ne pourraient être relevés dans
le cas où ils seraient approuvés par la suite ; car l’art. 2
prononce }a nullité quand même les dispositions s q -
*
�( 12 )
raient faites à la charge d’obtenir les lettres patentes'
c’est-à-dire , quand môme le bienfaiteur voudrait,
a u tan t qu’il est en lu i, se conformer à la loi de l’E ta t,
voudrait, autant qu’il est en lu i, couvrir et réparer
l ’incapacité du Corps auquel il donne ; enfin ces actes
sont nuls , d’une nullité que le ministère public doit
poursuivre, « nonobstant tous consentemens exprès ou
tacites des parties intéressées » , et ainsi qu’il est plus
expressément dit dans divers autres articles de cet édit.
L e Bureau de bienfaisance écrasé par cet article r
tâche de se re le v e r, et dit : c’est «aux pauvres de
l’œuvre de la charité, et non à l’œuvre que l’on a
donné.
Faible et misérable argument, que pulvérise la rai
son d’accord avec les lois , et la lettre du testament.
« Civibus civitatis legatuin , vel iidei commissum
» datum civitati relictvrm videtur. » L. 2. de reb.
dub. L e legs fait aux pauvres de l’œuvre est fait à
l’œuvre.
L a lettre du testament n’est pas moins expresse ,
c’est au corps qu’il a été légué ; 'car ce n’est que les
revenus des 80,000 (pii doivent être employés à sou
lager les pauvres , que Pauvre a coutume d'assister ; et
par qui doivent-ils être employés ? par l’œuvre qui
a coutume de les assister : ce n’est point aux pauvres
�*
c '« 3 - y
mais au corps que l’on a lé g u é , puisqu’on le charge
d ’une rente annuelle envers les Frères m accdons, -*
d’une fondation perpétuelle envers MM. les prêtres
pauvres de la V ille d’Aurillac, C e n’est point aux
pauvres qu’on a légué , puisque ce n’est point eux
qui peuvent demander , recevoir , et quittancer. Il
n’y a pas même fideicommis , car ils n’auront jamais
de droit et d’action pour posséder. C ’est pour leur
soulagement ; mais ce n ’est pas sur eux que l’on
a fondé : ils sont l’o b je t, et non les dépositaires
de la fondation i ce n’est point eux qui forment le
corps et la congrégation de l’œuvre de la miséri
corde , mais bien les pieuses dames qui administrent
cette œuvre ", car les pauvres n’auront jamais de puis
sance et de drôit ni dans l’administration, ni contre
les administrateurs.
(
L ’on a ensuite prétendu que par un acte ordinaire
on pouvait léguer à un être étranger , non existant,
que le legs vaudrait, si le légataire venait à exister ,
et le Bureau de bienfaisance appliquant ce principe ,
a dit : nous représentons l’œuvre ¡dp la miséricorde ,
nous existons légalement, donc le legs vaut ; et il
a cil é en preuve deux arrêts qui déclarent ■
valables
des legs faits à des posthumes-iiés m <5t ’i3 mois
après le décès de leur Père testateur.
Autant d’erreurs que de mots:1'lie ' legs fait à un
�étranger non existant ne vaut p o in t, car il n’aurait
pas de m olif raisonnable : ces dispositions permises
dans les contrats de mariage par une exception au
droit , ne le sont qu’en faveur des descendans , et
ont un m otif, car on les affectionne d’avance.
Il n’est pas possible que le Bureau de bienfaisance
représente civilement Tœuvrp de la miséricorde , car
on ne peut pas représenter civilement ce qui n’a point
existé civilement : Nous reviendrons ailleurs sur cet
argument.
Quant aux arrêts cités , s’il n’y avait pas erreur ,
il y aurait mauvaise foi. En e ffe t, ils n’ont pas juge
que des legs faits par le Père à ses en fans posthumesnés i i ou i3 mois après son décès, étaient faits
à des enfans qui n’existaient p o in t, car ils auraient
jugé que des enfans posthumés étaient bâtards , et il
y aurait eu contradiction entre- le mot et la chose ;
mais ils ont jugé que des enfans liés 11 et i3 mois
après le décès étaient légitimes , et par conséquent
étaient conçus au temps du décès.
On a ajouté que le legs fait à des incapables pour
rendre à des capables était bon; ce qui est vrai des
incapacités relatives, et non des absolues, comme celle
du Corps dont n,ous parlons.
�( i 5 )
Mais à quoi boil ces argumens. L ’article est formel,
les dispositions en faveur des Corps non approuvés
sont nulles, d’une nullité radicale , absolue , irrépa
rable , quand même ils seraient faits à la charge d’ob
tenir des lettres patentes ; et on ne peut concevoir un
événement qui ressuscite une pareille disposition.
On oppose aussi mal à propos l’article 5 de l’édit
de 1749 , que l’on a embrouillé avec art pour en faire
le nœud de l’affaire : pour le résoudre, il suffira
d’expliquer cet article conçu comme il suit :
^ N ’entendons comprendre dans les deux articles
p r é c é d o n s l e s fondations particulières , qui ne ten-
»
»
«
«
»
»
«
»
»
liraient a Vétablissement d’aucun nouveau corps , collège,
011 com m unauté , ou à l ’ére ctio n d’un nouveau titre
de b én éfice , et qui n ’auraien t pour o b je t que la
célé b ra tio n de messes obits, la subsistance d’étudians, ou de pauvres ecclésiastiques ou séculiers etc.,
ou autres œuvres pieuses de même nature et également utiles ; à l'égard desquelles fondations il ne
sera pas besoin d'obtenir nos lettres patentes , et il suffira
de faire homologuer lesdits actes ou dispositions en
nos parlemens etc. etc., q u i, est-il ajouté, pourvoiront à l’administration desdites fondations.«
Cet article ne dispense de la formalité des lettres
patentes auxquelles il substitue l’homolagation , que
�( '6 )
les fondations particulières et les actes qui les con-*
tiennent, et non les Corps à qui elles sont confiées.
En effet , il n’y est question que de fondations parti
culières qui ne tendraient point à établir un nouveau corps ,
à Végard desquelles il ne sera point nécessaire d’obtenir
des lettres patentes , mais il suffira de Vhomologation
dans les cours supérieures f* cela est clair,
Or , des fondations confiées à un Corps non ap
prouvé , tendent nécessairement à établir \m nouveau
Corps , soit qu’il les emploie à obtenir des lettres pa
tentes pour se faire approuver , soit qu’il les emploie
à exercer le but de son institution , et par-là à s’éta
blir plus fortement quoique d’une manière illégale.
L ’article 3 de la déclaration de 17G2 ou 1774 con
firme cette explication : « déclarons R avoir voulu
» com p ren d re au nombre des fondation^ mention>5 n ées en l'a rtic le 3 d e l’é d it d e 1 7 49 ? les fonda
it tions des vicairies , ou secondaires amovibles , des
9> chapelains qui ne sont point en titre de b é n é fic e ,
» des services , prières , lits , places dans les hôpitaux
)y et autres établissemens duement autorisés , des bouillons,
« tables des pauvres des paroisses ; ( les fabriques
» sont des corps duement autorisés ) des distributions à des pauvres ou autres établissemens qui ,
» ayant pour objet des œuvres de religion et de
» charité
�»
y)
»
»
C 17 )
charité , ne 'tendraient point à e'tablir des nouveaux
Corps , collèges, etc, : voulons,quà l'égard desdites fo n dations , il en soit usé comme il est dit par l’article
3 de l’édit de 1749- »
C ’est ici qu’il faut remarquer la prudence et l’éco
nomie de la loi : elle a voulu d’un côté empêcher
que les corporations ne devinssent trop riches , et de
l’autre, asssurer l’exécution des fondations.
L e Gouvernement est de droit le protecteur et le
conservateur né de toutes les fondations, et le lé
gislateur a voulu que les Corps approuvés l’avertissent
à chaque fois qu’ils en recevraient ; mais pour les
fondations particulières , c’est-à-dire qui n’auraient pour
objet que quelques individus , et q u i par conséquent
seraient peu considérables , il a voulu que quand elles
seraient faites à des hôpitaux et fabriques ; car c’est k
eux seuls que peuvent se rapporter ces espèces con
tenues dans les articles précités. L e législateur f
disons-nous, a voulu que ces Corps ne fussent point
tenus d’avertir le Gouvernem ent, et les a dispensés
de la formalité gênante et dispendieuse des lettres
patentes, sauf l’homologation , faite dans une cours
supérieure, de l’acte qui établit la fondation : ( ce
gui n’a point été fait ici. )
JEt cela était raisonnable , car les hôpitaux étant
5
�.
C >8 )
.
.
alors administres par les premiers magistrats de l’endroit , et les fabriques par les Curés qui avaient uneexistance légale, et un ofiiee c iv il, le Gouvernement
avait des agens auprès de ces Corps , pour surveiller
l’exécution et' l’emploi de la fondation ; mais cela
n’est plus applicable aux Corps non approuvés. Telle;
est leur position, que d’un côté , le Gouvernement;
n’a point auprès' d’eux des agens qui les surveillent r
et l’avertissent des dispositions faites à leur profit, et
que de l’autre , ils ne peuvent eux-mèmes l’en avertir,,
car le premier regard de sa toute puissance les ferait
rentrer dans la poussière et le néant dont.ils n’auraient
pas du sortir.
Si donc le Gouvernement nTa pas des surveillans
auprès des Corps non approuvés s’ils ne peuvent
demander sa surveillance faute de moyen de
correspondre avec lui , qu’est - ce qui garantira
leur fidélité ? qu’est - ce qui garantira l’exécution
des fondations qui leur auront été confiées ? qu’est-ce
qui empêchera qu’un Corps établi t sous prétexte
d’hospice et de charité , n’abuse de la confiance du
fondateur, pour détourner la fondation à son profit ?'
- Ici le Bureau de bienfaisance n’osera pas présenter
l’arrété du Gouvernement qui l’autorise à accepter
le legs, comme des lettres patentes portant appro
bation de la congrégation de l’œuvre de la miséri-
�C ■!£) 5
¿corde. T ou t ce qu’il peut faire, c’est de le présenter
«comme lettres patentes confirmant le legs : ce que
nous discuterons dans le paragraphe suivant.
Donc la congrégation de l’œuvre de la miséricorde
n’est pas approuvée, donc le legs qui lui a été fait
e s t absolument nul.
D es form alités prescrites pour saisir le Corps sur lequel
on fon d e.
L a nullité résultant de l’illégalité du Corps sur le
qu el on fonde , est une nullité principale , et qui em
porte toutes les nullités secondaires ; de sorte que
pour traiter de celles-ci , il faut pour un moment
oublier la première.
II suit des ¿dits rendus sur la matière , et de ce
que nous avons d it , qu’en principe général les fon
dations doivent être confirmées par lettres patentes.
Cette formalité à - 1 - elle été observée ?
L e Bureau de bienfaisance présente l’arrêté qui
l ’autorise à accepter le leg s, comme des lettres pa
tentes.
Nous lui répondrons q u e , si ce sont des lettres
patentes , elles sont obreptices , et que le Gouverne
ment a été trompé sur l’état du corps légatairç.
�( 20 )
Il est en effet de principe , que les lettres patentesne sont accordées que conditionnellement, et sous
cette clause expresse ou tacite , s a u f notre droit sa u f
le droit d’autrui. Sauf notre d ro it, c’est-à-dire, sauf le
droit public et les lois politiques ; sauf le droit d’au
trui , c’est-à-dire , sauf les lois civilesO r , l’arrêté qu’on nous oppose, s’il était autre'
chose qu’une simple autorisation, et un. règlement
éventuel du mode d’administration, répugnerait aux
lois politiques, car il serait en contravention avec
l’édit de 1749» il répugne<auxÎois civiles, car, comme
il sera prouvé ailleurs, le legs est caduc à cause de
l’événement prévu par la testatrice.
Ces principes sont de droit public et social, ils
appartiennent, à ce droit que Justinien , au commen
cement de ses institutes, appelle le droit immuable des
nations; sans eux il n’y aurait plus que despotisme, d’où
il faut conclure qu’ils sont non seulement respectés,
mais encore recommandés par notre gouvernement.
Ils ont été de tout temps admis en F ran ce , ils
appartiennent au droit ancien comme au droit nou
veau ; car la monarchie aussi avait sa liberté et son
respect pour les propriétés : ils sont consacrés par le
concours unanime et imposant des auteurs de la juris
prudence et des ticlits.
�3J 7
< 21 ?
• Ët sans aller plus loin, voilà pourquoi l’édit de 174g
introduit un grand, procès sur la vérification des lettres
patentes, pourquoi l?artiele 7 veut ,sous peine de nullité,
qu’il soit fait une enquête de commodo et incommodo,
qu’elles soient communiquées aux procureurs-généîaux des Cours souveraines , pour être par eux requis
ce qu’ils aviseront, aux supérieurs médiats et immé
diats du Corps sur lequel on fonde, aux seigneurs
des biens donnés , et enfin aux autres personnes dont
l ’avis et le consentement seront jugés nécessaires, qui
so n t, comme on peut voir par l’article X , les enfans
et les héritiers même présomptifs dut bienfaiteur.
V oilà pourquoi l’articlé 8 parle des appositions faites
soit avant soit après l’enrégistrement desdites lettres,
sur lesquelles oppositions il devra être statué ainsi
qu’il appartiendra \ de sorte que tantôt il pourra arriver
que la lettre patente (_ comme aujourd’hui l’arrêté dii
Gouvernem ent, s’il pouvait être regardé comme te l,
ce qui n’est pas : ) de sorte , disons-nous , que tantôt
il pourra arriver que la lettre patente soit écartée par
les cours souveraines, et tantôt que cette lettre p a
tente , revêtue de la sanction judiciaire, vérifiée, homo
loguée , de\Tenflè' loi , soit annullée par les mêmes
cours qui l’ont enrégistrée.
L ’autoTité royale et celle des parlemens n’ont pas
honte de se rétracter et de reculer devant la simple
o t£
�opposition d’un particulier, que dis-je, elles procla
m en t ce droit donné contr’elles au dernier des indi'vid u s, et s’en font un titre de gloire.
E t si cela était ainsi sous la monarchie, à plus forte
raison , cela doit être sous notre Gouvernement plus
. libre et plus populaire.
r
Ainsi donc, si cet arrêté était une lettre patente, il
devrait être écarté comnie obreptice et contraire au
droit politique et civil.
Il devrait encore être annullé conformément aux
articles 5 , 6 et 7 de l’édit de 1749, qui prononcent
la nullité en cas d’inobservation des formalités qu’ils
prescrivent.
Mais le Tribunal n’aura point cette p ein e, car cet
arrêté n’est point dans l’espèce, ce que devraient être
des lettres patentes ; et cela résulte de ce qu’il ne
peut recevoir les formalités nécessaires pour leur vali
dité , de ce qu’il ne peut devenir la base d’un grand
procès, magni processus , de ce qu’il n’est point destiné
à devenir une loi , comme des lettres patentes enre
gistrées , de ce qu’il n’est qu’un acte de simple admi
nistration , un acte qui autorise à recevoir, et régie
l’emploi, en cas que l’on reçoive.
Que le Tribunal se rassure , il n’aura point à com
battre cet arrêté , car il ne raisonne que condition-
�C 23 )
tièllem ent, et dans la supposition- de* la-validité du
legs ; car il ne touche point au fond de la question,
qui de droit est remise à la décision des Tribunaux f
et sur laquelle le Gouvernement n’a point empiété.
i
L e Bureau de bienfaisance oppose ensuite l’article 5
de l’édit de 1749 et de la déclaration de 1774» qui
dispense certaines fondations de la formalité des lettres
patentes,
>
. Il est v ra i, mais cet article ne parle que des fon
dations particulières , fa ite s à des Corps duement autorisés :
o r , d’un coté s l’œuvre de la miséricorde n’était pas
autorisée , de l’autre , la fondation n’était point parti
culière , c’est-à-dire individuelle , ou relative seulement
à quelques individus,
De plus, cet article impose-la formalité de l’homo
logation , et ici il n’y en a pas : la demande en déli
vrance du legs ne peut en tenir lieu , car on ne procède,
pas devant une cour supérieure, on ne procède pasu
dans les formes nécessaires pour homologuer.
Ainsi le Bureau de bienfaisance ne rapporte' pas de
lettres patentes qui ratiiient la fondation ; cette fon-,
dation et le Corps sur lequel 011 a fondé ne sont point
dans les exceptions portées par l’arlii le 5 ; et quand
on le supposerait, il n’y- pas eu homologation comme
�C 24 )
il est prescrit, à peine de n u llité, ainsi qu’on pourrait
le prouver.
«
D ’ailleurs la disposition fût-elle revêtue des formar
lités requsies , le Corps n’étant pas approuvé , elle
est absolument nulle.
L e legs est-il fait en biens dont il soit permis de
disposer en faveur des gens de main-morte ?
L ’article i 4 de Inédit de 1749 défend aux gens de
main-morte d’acquérir, posséder, recevoir à l’avenir
aucuns immeubles , rentes foncières, droits réels ,
rentes constituées sur les particuliers , sans avoir au
paravant obtenu des lettres patentes pour l’amortis
sement.
Les articles i 5 et 16 étendent la disposition aux
fonds droits réels, et rentes réputés meubles par les
coutmues et statuts , aux acquisitions , échanges ,
ventes, e tc ., donnations simples ou à charge de fonda
tion , etc. e tc., à titre gratuit ou onéreux.
L ’article 17 défend à l’avenir toutes dispositions de
dernière volonté pour donner aux gens de main-morte
des biens de la qualité marquée par l’article 14, quand
môme elles seraient faites à la charge d’obtenir-des
lettres patentes , ou qu’au lieu de donner directement
dçs
�des biens fonds aux gens de main-morte , celui qui les
aurait donnés, aurait ordonné qu ils- seraient vendus ou
régis par d’autres , pour leur en remettre le prix ou les
f
—»
revenus.
•
•'[ »
'
*
C et article comme on v o it, contient deux parties ,
l’une prononce la nullité des dispositions de der
nière volonté qui donneraient aux gens de main-morte
des immeubles, et autres biens désignés par l’art. i4L ’autre 'assimile aux dispositions prohibées d’im
meubles etc. , celles par lesquelles le testateur aurait
ordonné que les biens seraient vendus ou régis par-,
un tiers , chargé de remettre au Corps institué , ou
légataire , le prix desdits biens vendus ou des revenus
perçus.
Les arrêts appliquent rigoureusement la seconde
partie de cet article. 'Les Parlemens ont pensé en fait,
qu’il était de leur devoir de rejeter et de prévenir tous
les moyens détournés , toutes les fraudes par les
quelles on chercherait à éluder les dispositions de
l ’édit 1749 ; ils ontpensé en droit, que dans ces cas, le
J)rix représentant la chose vendue , devait être sujet
à la rigueur.de l’article.
Ainsi un arrêt de 1755 déclare nulles , qu an t aux
immeubles, les dispositions d’un huissier de Yitri ,
par lesquelles il avait légué tousses biens à l’hôpital
4
�vi.'* \
0 6 )
üe'cette ville. L e testateur avait a jo u té ,'si la dis-,
position est contraire à l ’édit de 1749 >je charge mon
exécuteur testamentaire de vendre tous mes biens^
fonds et contrats, pour le prix en être employé e a
rentes , dont il soit permis de disposer en. faveur des
gens de main-morte.
L e Curé de Berneuil lègue à sa fabrique 12,000 à
prendre chez des tiers où ils sont déposés* Ceux-ci
avaient aliéné les sommes , et en avaient donné deux
reconnaissances, portant promesse de passer contrat r
au bas de chacune de ces reconnaissances, le Curé
dresse un codicile par lequel il les lègue à sa fabrique.
La cause était favorable , la promesse de- passer con
trat avait été ignorée du m aître, elle n’avait point
eu d’effet \ la fabrique arguait encore des dispositions
de la déclaration de 1762 enregistrée et exécutée
dans les autres parlemens, mais non encore dans celui
de Paris ; cependant arrêt de 17G4 qui casse les
codicilles.
La dame Coquetariat lègue à la fabrique cTAillant
3,4oo , pour faire un fond destiné à l’entretien dun
vicaire : de cette somme 1,000 doivent être pris sur
ses, meubles , et 2,400 sur ses immeubles . . . . con
testation . . . La fabrique disait qu’on ne lui avait légué
qu’une somme pécuniaire, qu’on n’avait pas rappellé
�C 37 )
les immeubles , pour ordonner qu’ils seraient vendus,
mais seu lem en t pour fixer la part contributoire des
divers héritiers , car la testatrice avait des héritiers
de meubles, et des héritiers d’immeubles. Arrêt des
1764 qui casse le legs pour la partie qui doit être
prise sur les immeubles.
iVoyons si le» legs dont s’agit est dans l’espèce, et
s’il, est aussi favorable,
.
.'i ,
L a dame Galieu à fait trois classes de legs. Ceux
de la première classe doivent être acquittés dans l’an
du décès , pour ceux de la seconde , l’exécuteur tes
tamentaire .chargé de les payer, ne pourra être pressé ,
de sorte qu’il pouvait retarder la délivrance du legs
jusqu’au dernier moment de l’exécution.
Pour le payement de ces legs, elle .ordonne qu’après
son décès on vende ses meubles*'-Mais le prix qui
pouvait en provenir ne devait-pas suffire, il était visible
qu’il serait.absorbé par ces legs exigibles dans l’an du
décès de la testatrice. Elle a donc voulu qu’ils fussent
payés avec c e prix qu’ils devaient absorber ; quant
aux legs de la seconde classe non exigibles , elle a
donc su qu’ils ne pouvaient être payés àvec le prix
d’un mobilier déjà absorbé ; elle a donc voulu qu’ils
fussent payés avec le prix des immeubles vendus, et
iles revenus perçus.
;i
‘
�Cela est manifeste, quant on se rappelle qu’elle veutr
d’un côté, que l’exécuteur testamentaire ne puisse être
pressé pour l’acquit de ces legs, et de l’autre qu’il ne
puisse être pressé pour Vendre. Elle* v e u t. qu’il ne
puisse être pressé d’acquitter les legs , parce qu’il ne’
peut être pressé de vendre et réciproquement de*
sorte q u e , comme nous l’avons' déjà d i t ,. ili peut re
tarder jusqu’aux derniers momens de l’exécution, et
la vente des immeubles , et l’açquit des legs. Ces
deux volontés se correspondentv (
Donc la dame Galîeu à sou cpl.ê1soriJlegs ne pourrait être acquitté qu’avec le prix’ des‘'immeubles et
des revenus , donc elle a voulu qu’il Je fût'",’ .donc
elle a légué le prix d’immeubles à vendre et de re-venus à percevoir, donp 1la- disposition est idans le
das prévu parirl’art, i ÿirde Fédit tle 'tïy / ^ , donc aux1
tenines de -cet, article elUiiést riulle. Cola est aussi évi^-f
dent qu’une proposition de-m athém atiques.^^ H’1 :
:
-î *
- V ' » r " : *I
. l » t i . » . O J Î ' . I;
. , [ u.> -
»
■}•L ’article '9 de la /déclaration) dèi •t 17G2.) ou 17.74;
youlaiitJavicins'er.lesi'Hôpitaux ot; .mitres- ètablissomens.
dé .charité, leur* permèt de, recevoir dQ^iii^mcublcs ;)
dérogeant à cet égard, à 1 art. i ydd réclit i74fj>, r(],1i l 1,r’0~
noiiicç la nullité des ..actes de dernière volon té, par i
lesquels il leur en serait légué, .v, ¿ry. - v ; 1 ¿-jf.
�2>¿í
C 29 )
On observera d’abord, qu’il n’est dérogé à l’art. 17
de l’édit 17 49 que Pour Ia partie qui prononce la
nullité , mais non pour la partie qui assimile aux dis
positions de biens fonds, celles qui ordonneraient que
des immeubles seront vendus , ou le revenu perçu par
des tiers , pour le prix en être rendu aux Corps lé
gataires. Ainsi cette partie de Part, étant maintenue ,
les héritiers de ceux qui auront ainsi lé g u é , devront
être traités comme íes héritiers de ceux qui auraient pu
rement légué des immeubles. Ainsi aux termes des art.
suivans et notamment du r5 , ( déclaration de 1762
ou 177 4 y le sieur Capelle aurait le droit d’offrir en
rentes sur l’Etat y le payement des 80,000 qui devaient
être acquittés avec le produit des immeubles à ven
dre , et des revenus à percevoir.
Il est v r a i que ,1’arÊ^ X I oblige; íes héritiers qui
profiteront de cette fa c u lté ,^ retirer lçs- immeubles
dans Jjaruiée de l’cruver^ure. de,la suççes^Îon! Mais le
sieur Capelle ne pouvait être tenu de retirer ie prix
considéré ici comme d’immeuble légué , puisqu’il ne
l’a. pas. fourni-^ il a fait plus tjue le retirer , puisqu’il
la retenu. n
.
,
' '
. ;
.
.
■*
*» •
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, :i:n n o j
> v u ir
Í
. Maintenant, cçsartkl^ n ejs.ont point applicables à
un Corps non approuvé , et nous ne.sommes/entrés,
daus ces'.détail^ ,qi^:,pou^ pjrpuxer^e plus{ eji pju$ la
«Wllité
¡ ¡ j x l ; '- ' jju
-i in;
3
�____________ (
5 0 )
Quels sont enfin les termes dans lesquels on a légué ?
Outre la clause de retour exprimée dans l’acte ,
expressis ver bis , il est une condition résolutoire, qui
résulta des termes dans lesquels on a légué.
L e legs est fait aux pauvres que Vqeuvre a coutume
d'assister, c’est-à-dire aux pauvres que l’œuvre choisit,
dont le choix est laissé à soi* arbitre ; car rien ne
pouvait la gêner.
O r il est de principe général que quand un arbi
trage , un droit d’élection sont laissés à un tiers , lui
seul peut arbitrer et choisir; que s’il ne le peut , ou
ne le v e u t , la stipulation tombe.
L a L. 45 de verb. ob. , après l’avoir expressément
décidé , dit : c< magis probandum est à personâ ,
non esse' recedendum cui arbitrium confertum est. »
L.a L- 44 ajoute ; « si non arbitretur stipulatio non
v a le t , adeo ut si pœna àdjecta sit, ne ipsa quidem
pœna commitatur. »
1
’
C e. principe ainsi exposé au titre général des obli
gations , est répété au titre de chaque obligation par-t
ticulière ^ voir ceux de contrah. empt. au code pro
s’ocib >' dé locat!' etc., et'è'.', de hæred. inst. de légat,
etc. , etc. , etc. ;
•'
La loi ‘ m u ltk J de cônd. et déinQnst. pose , le cas
où un héritier ou légataire a été chargé d’élever-un
�$ 6ï
C 3 0
.
tombeau sur les plans d’un tie rs, et elle dit : « si
cujus arbitrium est, non vivat, vel adesse rei nonpossit,
vel arbitrari nolit, multanon commititur ab hærede. «
L a peine , la déchéance portée par le testament n’est
pas encourue , pourquoi ? parce que l’obligation est
tombée.
Ici l’héritier était chargé de donner 80,000 pour
être employés suivant l’arbitrage des pieuses dames
composant l’OEuvre de la miséricorde, en d’autres
termes pour être employés à l’assistance des pauvres
qu’elle a coutume d'assister. La congrégation n’existe
p lu s, on ne peut savoir quels sont ceux qu’elle aurait
choisis , car ce n’est pas la généralité des pauvres
qu’elle assistait, puisqu’elle n’était point hospice gé
néral, c’étaient des pauvres choisis dans la généralité :
ce n’est pas à la généralité des pauvres que la dame
Galieu avait lég u é , mais seulement à ceux choisis
dans cette généralité.
Eh b ien , la Congrégation chargée d’arbitrer, de
choisir, la Congrégation qui devait fournir le plan sui
vant lequel le monument aumônier devait être élevé ,
n’existe plus. « Non adest, non v iv it, non potest
arbitrari « donc « stipulatio ( legatum ) non valet. »
L e Bureau d e bienfaisance oppose à cela q u ’il repré
sente l’œuvre. Nous avons prouvé qu e cela n’était pas
�( 3a )
possible, et dans un moment nous ajouterons à la
previve donnée ; mais en attendant, supposons-le
puisqu’il le veut.
« Non recedendum est à personâ cui arbitrium
confertum est. » Le droit d’é}ection, d’arbitrage étant
fondé sur la confiance, est personnel, comme elle :
ce droit donné à l’œuvre ne peut passer au Corps
qui la représente, non plus que celui donné à un in
dividu ne peut passer à son héritier \ aussi les lois ne
distinguent p o in t, elles prononcent absolument : celle
de obligat. dit « stipulatio non valet « , et la loi m u lta ,
avant de prononcer , « multa non committetur » n’exa
mine pas si l’architecte a. laissé des héritiers , pu plutôt
(des élèyjes qui aient pris son genre, son faire, son style:
Donc de droit l’arbitrage, l’élection sont person
nels, et cela est juste : car qui sait si Me. G alieu ,
liée avec Me. de Fontanges, n’était pas dans le secret
de ses coutumes , de ses choix; qui sait môme si elle
ne lui avait pas fait des recommandations particulières
et verbales.
E t cela est d’un grand poids dans la cause; car en
matière d’aumône, et de legs pie, les recommandations
verbales sont admises et exécutées contre la lettre du
testament, sur la déclaration de Fexécuteur testa
mentaire ou du fiduciairc.Témoin
�\
( 53 )
Tém oin un arrêt du parlement de Paris, du 2 aôut
ï 7 5 4 , dont voici l’espèce : M. D evau x, chanoine à
Chartres fait son testament, après quelques disposi
tions pieuses, il ordonne que-le restant de ses bien?
sera employé aii soulagement des pauvres.'Il nomme
ensuite un exécuteur testamentaire. L e Bureau de
l’hôpital de Chartres réclame le legs , comme fait à
l’hôpital ; l’exécuteur testamentaire conteste , et pré
tend avoir des recommandations particulières et ver
bales en faveur des jeunes étudians : arrêt au profit
de l’exécuteur testamentaire.
Mais la disposition de la testatrice a corroboré celle
du droit; en e ffe t, elle a ordonné que le legs ferait
retour à l’héritier aussi-tôt qu’il ne serait plus admi
nistré par l’OEuvre, aussi-tôt qu’elle serait réunie à
l'h ô p ita l, ou à tout autre hôpital. Nous reviendrons
bientôt sur le sens de cette clause, qui dans la cause
est profond et décisif.
Mais le Bureau de
Corps que l’OEuvre ?
bienfaisance est-il le même.
Qu’est-ce qui établit l’indentité d’un Corps ?
C ’est i°. sa continuation par des membres indi
viduellement aggrégés , et non par un nouveau Corps
qui le remplacerait brusquement , ce qui cxd u d
toute idée de continuation.
•
-
' •
5
.
�c 34 )
1 C ’est 2°. Tidentité de principes de réglés , enfin de
tout ce qui forme l’esprit d'un Corps.
Or , y a-t-il identité à cet égard entre l’OEuvre'et
le Bureau de bienfaisance. Rendant également justice,
et applaudissant également aux principes des hommes
bienfaisans qui le composent, et des pieuses dames
qui administraient l’œ u vre, j’oserai cependant dire
qu’il n’y a pas identité, et là-dessus j’en appellerai
à la conscience de tout homme qui ne seTa ni entêté
ni prévenu. J’ajouterai en preuve , que Me. de Fontange exerce et continue de son côté les œuvres de
la miséricorde. Si ses principes étaient les mêmes que
ceux du Bureau, ne viendrait-elle pas se placer à leur
tête ou parmi e u x, et joindre des efforts, qui réunis ,
seraient plus heureux.
Elle ne le fait p as, et si elle voulait le faire elle ne
serait pas reçue : de sorte que ce C orps, qui se prétend
le même que celui de l’œ uvre, rejetterait la Supé
rieure de l’œuvre.
Il y a plus, le Gouvernement n’a pas voulu q u e los
Corps qu’il créait eussent les mêmes règles , les mêmes
principes, le même esprit que ceux qui étaient dé
truits. S’il l’avait vo u lu , il les aurait rétablis, comme
il a rétablîmes hermites du Mont St. Bernard , ou tout
au moins il aurait composé les nouveaux Corps des
débris des anciens ; s’il ne voulait pas de femmes , il
ne manquait pas d’hommes élevés dans ces institutions.
�Ç 35 )
Or il ne l’a pas fa it, et dans tous les Bureaux" de
bienfaisance de la République , il n’y a peut-être pas
un seul individu ayant appartenu à ces Corps ; du
moins il y en a très-peu. Donc , etc.
L e Bureau de bienfaisance oppose qu’il a été appelle
à représenter l’œuvre. Pour, l’établir, il allègue qu’il
est institué pour le même objet ; savoir, pour l’assis
tance des pauvres, et la distribution des secours à
domicileMais de droit un corps ne représente pas tous les
corps institués pour le même objet; de d ro it, il n’est
pas le même , sans quoi il faudrait dire que l’œuvre
représentait les F ille s et les Pères de la charité, etc. etc.
De d ro it, un corps ne représente pas et n’est pas
l’héritier de tous les corps, q u i, institués pour le même
o b jet, viennent à p érir, à plus forte raison de ceux
qui ont péri avant qu’ilj# existaisant»
Si le Bureau de bienfaisance était aujourd’hui dé
claré l’héritier de l’œ uvre, demain, par la force des
mêmes principes, il pourrait demander à être déclaré
l’héritier des Templiers ou de toute autre institution
du même genre, qui aurait péri mille ans avant lui.
E n fm , il est des corps comme des individus, on
n’a jamais prétendu que ceux-ci fussent de la même
famille et fussent appellés à se représenter et à sc suc-»
céder , parce qu’ils exerçaient la même profession.
�(SC)
Ainsi donc le legs doit faire retour à l’héritier par
l’effet et l’événement de la condition résolutoire ta
citement exprimée par ces mots : les pauvres que l'œuvre,
a coutume d’assister.
Examinons maintenant quel doit être l’effet de la
condition résolutoire expressément énoncée dans la
clause qui suit.
« Et au cas que l’oeuvre de la miséricorde vint à
être réunie à lTIôpital gén éral, ou à tout autre hôpital ,
je veux que le legs fasse retour à mon héritier. »
La condition a eu lieu , puisqu’il y a eu confusion
des Corps et des biens.
Il y a eu confusion des Corps, car toutes les insti
tutions aumônières de France ont été réduites à une
seule espèce, qui les a toutes remplacées, savoir les
hospices généraux.
Il y a eu confusion de biens , elle s’est opérée
dans la main de la Nation , qui s’en est emparée ;
témoin entre autres lois celle du 19 mars 1793 , qui
ordonne que les biens des hôpitaux ; c e u x des do
tations et donations en faveur des pauvres, seront
vendus Comme nationaux : la Nation par ces loisét autres , a délaré /’assistance des pauvres , dette na
tionale , et s’en est chargée : ainsi d o n c, comme on
l’a d it , elle est devenue le véritable hôpital, l’hôpital
universel d e l’empiro \ et les hôpitaux'qui sont restés,
�t
( 37)
n’étant plus propriétaires et indépendans , n’ont été
que l’a gen t, et l’intermédiaire par lequel cet hôpital
universel exerçait l’hospitalité.
Mais dit-on, il n’y a plus confusion, et de nouveaux
Corps ont été établis ; c’est parce que de nouveaux
Corps ont été établis , que la confusion des anciens
n’a pas cessé, et qu’elle dure encore ; quand il n’y aurait
plus confusion , qu’importe ? le droit du légataire
n’en a pas moins été résolu , le legs n’en a pas moins
dès l’instant fait retour à l’héritier, tout n’en est pas
moins consommé.
A u reste, je vais plus loin, je soutiens que les rapport?
que le Bureau de bienfaisance nous dit exister entre
l’œuvre et lui , sont une preuve que la condition
prévue est arrivée, et que l’événement dont il s’a g it,
savoir la réunion , a eu lieu cil sa faveur : je le prouve.
En cas de réunion de deux Corps , qu’est le
Corps auquel on réu n it, par rapport à celui qui
est réuni ? il hérite de ses droits , il lui est substitué ,
il le remplace , il le représente.
O r , le Bureau de bienfaisance ne cesse de répéter
qu’il hérite des droits de l’œuvre , qu’il lui est subs
titu é , qu’il la remplace , qu’il la représente ; c’est en
vertu de. ce prétendu titre qu’il a g it, qu’il demande.
Donc , etc.
�. X 38>
Quand la tentatrice a écrit, au cas que l’œuvre
vint à être réunie à l’hôpital gén éral, ou à tout autre
' h ô p ita l , c’est comme si elle avait é crit, au cas que
l’hôpital général, ou tout autre hôpital vienne à rem
placer et à représenter l’œuvre.
IVIais pourquoi a-t-elle dit l’hôpital gén éral, ou tout
autre h ô p ita l , parce qu’elLe a voulu s’énoncer d’une
manière générale , qui put embrasser jtoutes les insti
tutions de ce genre ; et -cela était conséquent à la
clause dont nous avons parlé plus h au t, par laquelle
elle léguait exclusivement à l’œuvre de la miséricorde,
»et rejetait tout autre Corps ^de ce genre , tout autre
institution aumôriière, charitable , pitoyable , pour nous
servir des termes des anciennes chartes.
O r , on ne peut douter que le Bureau de bienfaisance^foit une institution aumônière , pitoyable ,
charitable , donc il est compris dans l’expression :
Vhôpital générai ou tout autre hôpital.
Donc les rapports qui le lient à l’œuvre de la mi
séricorde , et dont il prétend tirer son droit, sont une
preuve qu’il n’en a pas : donc le titre auquel il de
mande , prouve qu’il n’a point de titre pour demander.
Mais enfin qui lui aurait donné les droits qu’il
vient exercer ici ? de qui tient-il sa mission ? ce n’est
que du Gouvernement ; or le Gouvernement n’avait
point de droit au legs dont s’agit ; donc il n’a pu
lui en donner,
�w
C 39 ) _
Comme cette partie de l’affaire est non pas la plus
contraire aux adversaires, car les autres ne le sont
pas moins , mais celle où l’injustice de leur demande
.frappe le plus ceux qui n’ont aucune connaissance du
d roit; c’est sur ce point, que pour en imposer au
public , ils ont entassé les sophismes.
C ’est là leur dernier refuge, c’est là que nous
allons les forcer.
On a d’abord opposé que toute clause résolutoire
apposée à un legs pie était immorale, et partant nulle.
L ’argument est neuf : c’est la première fois qu’on
l’avance , faisons en sorte que ce soit la dernière.
Cette proposition est à contre sens de la raison et
des lois.
En effet, une condition résolutoire ou négative ne
peut être immorale, qu’autant que l’obligation qu’elle
résout, est commandée par les mœurs ou par les
lois : telle serait la condition résolutoire de l’obli
gation de payer les impôts, ou de nourrir son père
pauvre.
Mais quand l’obligation n’est pas recommandée par
les mœurs ou par les lo is, la condition qui la résout
ne peut pécher contr’elles.
Celui qui a la puissance et le droit de ne pas faire,
a bien la puissance et le droit de ne faire qu’à m oitié,
en tel ca s, en tel temps, en un m o t, de ne faire que
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'■<•
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y
conditionnellement. Et la Dame G alieu, qui avait
incontestablement, le droit de ne pas donner, avait
bien aussi celui de ne donner que sous les conditions
implicites et explicites dont nous avons parlé.
Les lois ne sont pas moins formelles ; nous en ci
terons une dans l’espèce , d’une fondation de jeux
funèbres.
On sait que ces jeux étaient dans l’antiquité ce que
sont de nos jours les oraisons funèbres, les prières,
les messes; la différence est que les anciens appelaient
Autour du tombeau, l’ambition avec ses jeux , ses tu
multes , ses disputes, ses combats , scs haines et ses
vengeances ; tandis qu’aujourd’hui nous y appelions
l’indulgence et les bénédictions du C ie l, des réflexions
morales sur la double nécessité de mourir et de bien
faire, des souvenirs honorables pour celui qui n’est
plus, et des idées consolantes pour ceux qui sont restés,,
Hé b ien , la L. T itïis Lucius de anuuis légat . , pose
l’espèce qui suit : Titius Lucius lègue à la République
une certaine somme, à condition q u e les reven u s en
seront employés à des jeux funèbres en son honneur.
Elle décide que si la condition n’est pas rem plie,
les héritiers répéteront ce qui aura été p a y é , et retien
dront ce qui sera du.
La glose fait plus , elle renvoie à la loi n de cond.
indeb. « Si hœres arbitratu lib e rti, monumcntuin
facere
�j ,r r
.
<
41 5
facere jussus, ( tcstamento ) pecuniam iiberto dederit,
et is accepta pecunia monumentum non faciat, conditione tenetur. » La glose décide donc que la Répu
blique est tenue des conditions qui lui sont imposées,
' aussi rigoureusement que le dernier affranchi.
Il n’y a d’exception à ces principes que quand les
conditions «ont illicites , comme celles de célébrer
ces jeux dans un emplacement prohibé par les lois ,
ou quant la condition étant purement m odale, ne
peut être exercée : alors le testateur est censé avoir
principalement voulu donner, et n’avoir fixé le mode ~
que secondairement.
On trouve des exemples dans le droit romain.
On a ensuite opposé une loi de 1790 , q u i, à l’égard
<les fondations dont la Nation s’est emparée, veut que
les héritiers du fondateur ne puissent profiter des
clauses de retour, apposées dans les actes constitutifs.
L ’argument tout misérable qu’il e s t, ne prouve
point en faveur de la conséquence des adversaires
qui citent cette loi’ , après avoir prétendu que les
clauses de retour apposées dans ces actes étaient im
morales, et par conséquent nulles.
Si ces clauses étaient immorales et nulles , pour
quoi le Législateur a -t-il eu besoin d’en prévenir
l’effet par une l o i , peut-être odieuse ?
Examinons maintenant la loi qu’on nous oppose. .
6
�( 42 )
Une loi qui déroge au droit commun ne peut être
étendue. Dans celle-ci, il ne s’agit que de fondations
déjà validées, déjà exécutées , dont les biens se trou
vaient entre les mains des Corporations supprimées ,
et dont la Nation s’était emparée ; mais il n’y est au
cunement question de celles dont les biens ne sont ni
saisis ni rem is, qui ne sont point exécutées ni vali
dées , dont le droit est contesté.
T e l est donc le système des moyens avancés par le
sieur Capelle.
L e Corps n’était point approuvé , de là une nullité
absolue, irréparable.
L e Corps étant approuvé, l’acte de fondation au
rait du être ratifié par des lettres patentes , tout au
moins par l’homologation dans une cour supérieure.
I
Les biens donnés ne sont point de la nature de
ceux dont il est permis de disposer, aux termes de
l ’article i4 d e l’édit de 1749. Les Corps non approuvés
ne peuvent être compris dans les exceptions portées
par les déclarations suivantes.*
E nfin, le legs est nul par l’événement des condi
tions résolutoires V' explicitement ou implicitement
portées dans le-testament.
�c 43 >
11 nous reste maintenant à répondre à quelques ob
jections détachées.
,
*
L ’adversaire a prétendu que le legs pie réd u it, ne
faisait point retour à l’héritier, mais deyait être em
ployé à des usages pieux.
Nous nous contenterons de lui répondre qu’apparamment il n’a pas lu les articles 10 , î i et 12 de
l ’édit de 1 749 On a blâmé la demande et la réclamation de l’hé
ritier , elles ont été représentées comme l’acte d’une
avidité condamnable, que les Tribunaux devaient
s’empresser de flétrir.
Certes , telles ne furent point les opinions, tels ne
furent point les exemples de ces hommes illustres ,
dont le nom sera toujours cher à la magistrature,. des
ÎDaguesseau , des Gilbert de V oisin s, des Joli de
F le u ry , des Seguier, etc., etc. Ils savaient et ils pu
bliaient que ces demandes et ces réclamations, loin
d’être répréhensibles, sont au contraire encouragée»
et recommandées par le législateur.
En effet, les articles 10, n et 12, donnent le droit
de réclamer les biens ainsi donnés, non seulement
�Ho
C 44 >
'
aux héritiers, mais encore aux enfans et autres héri
tiers présomptifs q u i, vivant même le donateur , seront
envoyés en possession y que s’ils ne veulent ou n’osent
exercer ce droit, la loi de suite et sans attendre, le
remet au Seigneur dont les biens dépendent ; et si
celui-ci se ta it, alors les procureurs-généraux doivent
en poursuivre la confiscation..
L ’article ajoute : il vrai que ces biens ainsi con
fisqués au profit du r o i s e r o n t par lui employés en
faveur d'un autre hôpital, au soulagement des paur
vres , ou à quelque usage public.
Mais ce n’est là qu’une mesure particulière, qui est
étrangère aux principes constitutifs de l’édit ; le prince
écartant toute idée de fiscalité, n’a pas voulu se gorger
de la dépouille des citoyens.
Il
a été opposé que l’intérêt public exigeait que la
fondation fût acquittée, que tout devait se taire de
vant cette considération d’un ordre supérieur, et on
s’est complaisamment arrêté sur cet argument.
Mettons içi de côté la sensibilité , affection toujours
honnête et généreuse , mais qui doit aussi céder à la
' raison ; et voyons si l’intérêt public exige que toutes
les lois politiques et civiles d’un Etat soient immolées
aux prétentions dusimple Bureau de bienfaisance.
L ’intérêt de l’E ta t, l’intérêt public , c’est le respect
pour les lois politiques et civiles, et par suite pour
les propriétés.
�Ml
C 45 )
Ce n’est point l’intérêt d’un jo u r , d'une heure ,
d’un m om ent, celui d’un ou de quelques individus;
La société qui reste , ne considère ni l’instant qui
s’écoule, ni l’homme qui passe, et l’un et l’autre ne sont
pour elle qu’un point fugitif, que le temps absorbe et
dévore : ses jours à elle sont des siècles , ses enfans
sont des masses entières , c’est eux seuls qu’elle
considère quand il s’agit de stipuler ses intérêts, e t
non quelques individus , qui tour-à-tour se présentant
sur son théâtre, n’y' sont que des usufruitiers d’un
instant , pour lesquels fout est viager , tout est mo
mentané dans l’ordre social.
Mais quel serait enfin le produit de cette grande
mesure , de cette considération d’un ordre supérieur,
à laquelle on veut , sans hésiter, faire le sacrifice de
tout ce que les Nations doivent respecter sous peine
de vie , des lois de l’Etat et de la propriété. •
'' >
C et intérêt public, nous le dirons, n’est autre chose
d’un côté, que la facilité donnée au Gouvernement
d’économiser quelques écus , en le dispensant de
payer ce qu’il donne, et ce qu’il doit pour l’assistance
des pauvres ; de l’autre, celle de recevoir quelque
argent, parce que le fonds du legs doit être placé
en rentes sur l’Etat.
�Eli bien ! ce n’est point là l'intérêt public : nous
irons plus loin; ce n’est pas la volonté du Gouverne
m ent; en douter serait ne pas lui rendre justice.
Malheur donc à cette opinion vaine et dangereuse,
,qui renversant les id ées, place l’intérêt public dans
une économie momentanée , à laquelle ' il fait céder
toutes, les lois, et appelle des conséquences funestes.
Anathême à ces principes q u i, s’ils étaient connus »se
raient également réprouvés, et par le Gouvernement,
fier de commander à un peuple généreux et libre , et
par la Nation qui s’applaudit d’avoir trouvé un C hef
qui se fait honneur de respecter ses droits.
Enfin , 1’on a prétendu que le legs est favorable.
Mais sur quoi donc serait fondée cette faveur,
éerait-ce sur les articles 2 , 3 , 9 , 10 , n , 12 , i 4 ,
i 5 , 16 , 1 7 , 1 9 , 20 , 21 , 2 2 , de l’édit de 1749» et
sur les déclarations qui l’expliquent ? serait-ce sur les
clauses du testament ?
Si la faveur n’est qu’une couleur honnête donnée
à l’injustice, ah ! sans doute le Bureau de bienfaisance
a droit de la réclamer. Et encore sera-t-il difficile,
sera-t-il impossible de trouver un vernis qui puisse
effacer et couvrir taut de nullités : mais si au con
traire ce mot exprime le respect dû à une réclamation
(jui réunit pour elle la force du droit et de l’équité,
�C 47 5
alors c’est à l’héritier qu’elle est d u e, car il à pour lui la
loi de l’E ta t, qui défend de donner aux Corps non
approuvés, et la loi de l’équité qui ne permet point que
les familles soient dépouillées pour enrichir des Cor
porations , même des hôpitaux , parce que la spolia
tion d’une famille produit plus de misérables, que
n’en peut soulager l’opulence d’un hôpital. 11 a pour
lui la lettre du testament. Et si la' dame Galieu ( i )
imprudemment évoquée par l’adversaire , pouvait un
moment soulever la pierre du sépulchre , et franchir
les barrières de la mort , son ombre pâle et indignée,
ne crierait-elle pas à l’adversaire.
l8,
« Pourquoi êtes-vous venu troubler le silence et la
ap’ » paix du tombeau, pourquoi m’avez-vous appellé ?
» quare inquietasti me ut suscitarer. »
« Ma volonté n’est-elle pas claire, n’est-il pas evident
que j’ai voulu vous exclure , que vous n’avez pas
« plus de droits que l’autorité qui vous envoie : pour» quoi donc m’avez-vous appellé ? quare inquietasti me
» ut suscitarer. Eli bien , je vous répondrai, je vous
» dirai que vous-même ne croyez point à la validité
» du le g s, je vous dirai que vous confiant en des
s) circonstances étrangères , vous avez osé mentir à
» votre conscience ; que vous avez espéré séduire les
^ J M. Juliic avilit dans so plaidoirie «voquc l’ombre de 1* Jame Gai*00,
�( 48 )
» Juges en leur proposant de s’associer à la bienfaisance
» d’un testateur, mais vous vous serez trompé : vos
» Juges savent que le legs est r évoqué , ils savent
« que leur devoir est de dire rigoureusement droit à
» t o u s , et que là où la justice finit, l’injustice com
» mence. »
P. S. L e sr. Capelle n’a pu se procurer le testament du sr. Gérauld
G alieu ; mais il n’en est pas moins vrai qu’il y a eu une substitution.
A u reste , cela est étranger à la question , et c’est par les principes
qu’il faut décider.
L e sr. Capelle a découvert que la quittance dont nous avons parlé
au com m encem ent, est relative à un autre acte que celui rapporté
dans le testament ; il doit à sa loyauté d’en avertir les Juges.
L e citoyen L am ourou x, P résiden t,
Rapporteur du délibéré.
B E R T R A N D , fils.
SE V E R A C ,
Avoué.
A Saint-FJou r, de l'imprimerie de V e. S A R D I N E .
�
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Title
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Factums Godemel
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Description
An account of the resource
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Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Capelle. 1804?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Lamouroux
Bertrand fils
Séverac
Subject
The topic of the resource
legs
confiscation des biens d'Eglise
bienfaisance
Description
An account of the resource
Titre complet : Précis pour le Sieur Capelle, défendeur, contre le Bureau de Bienfaisance de la Ville d'Aurillac, demandeur.
Table Godemel : Legs : 4. un legs fait en 1785 aux pauvres de l’œuvre de la miséricorde, est-il fait aux pauvres ou à l’œuvre ? doit-il être classé dans les cas de prohibition prévus par les articles 1, 2, 9 et 10 de l’édit de 1749 ? est-il, au contraire, compris dans l’exception portée par l’article 3 de cet édit ?
La condition que ce legs ferait retour à l’héritier dans le cas de réunion de l’œuvre, soit à l’hôpital général, soit à tout autre hôpital, est-elle une preuve que le legs était fait à l’œuvre et non aux pauvres de l’œuvre ?
la réversion s’est-elle opérée dès le moment où le gouvernement a cumulé les revenus de toutes associations corporatives et administratives d’hospices ?
Legs considérable devant aller en partie à l’œuvre de la miséricorde à Aurillac. La Révolution survint et les biens des congrégations sont saisis. Le bureau de bienfaisance créé à Aurillac demande la délivrance du legs fait à l’œuvre de la miséricorde
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Imprimerie de Veuve Sardine (Saint-Flour)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1804
1785-Circa 1804
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
48 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G1309
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0218
BCU_Factums_M0219
BCU_Factums_M0217
BCU_Factums_G1310
BCU_Factums_G1311
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53198/BCU_Factums_G1309.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Aurillac (15014)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
bienfaisance
confiscation des biens d'Eglise
legs