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MÉMOIRE A CONSULTER
ET
P O U R
C O N S U L T A T I 0 N,
le Chapitre de l’Eglife Cathédrale de C le rm o n t,'
Intimé j
.
lesfieurs G
CHEIMOL :
C O N T R E
E T
•
l a n e ,
M A T H I E U
-contre les H abitans de la Paroiffe de S a in t - Çernin ,
Appellans,
L
A N D R IE U
.
E Chapitre de Clermont eft gros décimateur de la paroiff e
de Saint-Cernin ; c ’eft une qualité qu’on ne lui contefte pas.
A ce titre , il a droit de percevoir la dîme-des gros fruits,
& il eft en poffeffion d e la p e r ce v o ir, notamment fur le bledfroment & fur le feigle. C ’eft : en core un point confiant entre
les Parties.
Depuis quelque-tems, plufieurs cultivateurs de cette paroiff e,
pour éviter la perte de leurs femences , fouvent détruites par
les neiges & l’humidité des h iv e rs , avoient adopté l’ufage de ne
femer leurs fromens & leur feigle qu’au commencement du
printems, au lieu de les femer en automne.
�Les grains que produifent ces enfemencemens ta rd ifs, s’ap
pellent bleds de M a rs, bleds tremois ; mais cette variété de nom
qui naît de la feule différence dans l’époque des enfemencem e n s , ne peut en mettre aucune dans la nature des fruits ; elle
n’empêche pas qu’ils ne foient toujours des gros fruits, déciniables par le même droit que ceux qui auroient été femés
plutôt.
Q u elqu es particuliers fe font perfuadés cependant qu’ils pouvoient fouftraire cette efpece de récolte au droit des décimateurs.En 1 7 6 9 , le nommé Benaguet donna l’exemple du refus,
pour du froment qu’il avoit recueilli fur des terres enfemencées
au mois de M ars.
Traduit en Juftice fur ice refus, il fe défendit, en foutenant
que ce genre de dîme étoit infolite , & qu'il étoit én pofîeffion
de ne point la payer.
L ’affaire fut appointée en la Sénéchauffée de C lerm ont j &
le 6 M ai 17 73 > il in te r v in t, fur produirions re fp e & iv e s , une
Sentence qui maintient le Chapitre de Clerm ont dans la p o ffeflîon de percevoir la dîme des fruits de fro m e n t, appellés
Term ois fur toute la paroifle de Saint-Cernin , & notamment
fur deux parcelles de terre appartenantes à Benaguet , & qui
condamne Benaguet à payer celle du froment par lui récolté
en 1 7 6 9 , ü mieux il n’aimoit faire p r e u v e , tant par titres que
par tém oins, que les habitans de Saint-Cernin étoient depuis
trente ans dans l’ufage de femer du froment de M a r s , fans que
le Chapitre en eût jamais perçu la dîme.
L e Chapitre auroit d û , fans doute , appeller de cette Sen
tence , en ce qu’elle faifoit dépendre d’une poiTeflion diftinéte
& particulière , le droit de dîme d’un fruit qui 11e pourroit
être diftingué des autres gros fruits 5 mais foit [négligence 7
�3
Toit inattention de fon défenfeur, elle reçut Ton exécution avant
que le C h o p itre fu t inftruit qu’elle a v o it été rendue.
B e n a g u e t fit Ton enquête; & tout ce qu’il parvint à prouver,
c ’eft que le Chapitre avoit négligé de percevoir la dîme de
quelques tremois enfemencés dans des jardins, ou fur quelques
parcelles de terre qui avoient échappé à la recherche des décimateurs.
O n revint en Jugement d’après cette enquête j les habitans
de Saint-Cernin fe réunirent à Benaguet j ils intervinrent, pour
foutenir avec l u i , que l’enquête étoit concluante , &
que le
C lu p itte devoit être déclaré non-recevable dans fa demande.
L e C hap itre, de fon c ô t é , cherchant à réparer le vice de fa
premierc défenfe , foutint que l’interlocutoire n’avoit pu porter
atteinte aux principes inaltérables qui donnent au gros décimateur le droit de percevoir la dîme de tous les gros fruits -y que
les Juges de Clermont ne pouvoient être liés par cet interlo
cutoire , ni par l’enquête faite en conféquence , fût-elle auflï
décifive qu’elle 1 etoit p e u , & que la queftion devoit être jugée
comme abfolument entiere.
C e t te défenfe fut accueillie. Le 28 A o û t 1 7 7 6 , il a été rendu
une Sentence définitive, q ui, fan s avoir égard à l’intervention des
habitans , non plus qu’à l’enquête de B e n a g u e t, maintient pu
rement & fimplement le Chapitre dans le droit de percevoir
la dîme du froment de M ars, appelle Tremois, fur toute l’étendue
de la paroifle de Saint-Cernin, & notamment fur les deux par
celles de terre appartenantes à Benaguet.
Benaguet feul s’eft pourvu par appel contre cette Sentence ;
les habirans ont refufé de fe joindre à lui. C e t appel a fait la
matiere d’un procès en la deuxieme Cham bre des Enquêtes ,
où Benaguet a foutenu que la queftion fe trouvant réduite à un
fait de pofleflion , par une Sentence interlocutoire , exécutée
A i
�4
de part & d’autre, devoit être jugée par le point de f a i t , fans
qu’il fût permis de fe rejetter dansJa difcuflïon du droit.
Meilleurs des Enquêres fe regardant comme liés par ce con
trat judiciaire, ont rendu le 31 A oû t 1 7 7 9 , Arrêt q u i , en in
firmant la Sentence de la Sénéchaufîee de Clermont , a dé
bouté le Chapitre de fa demande contre B e n a g u e t, & l’a con
damné aux dépens envers ce particulier. C ’efl ainfi que la mauvaife défenfe du C h a p itre, & la marche vicieufe de fa p rocé
dure , ont forcé la Joftice de lui refufer, vis-à-vis de B e n a g u e t,
l’exercice d’un droit qu’elle fe fût certainement empreffée de
c o n fa cre r, fi elle n’eût pas été enchaînée par Jes formes de
l’inftruftion.
L e Chapitre ne diifimulera point qu’il a tenté les voies de
droit qui lui étoient ouvertes au C on feil du R o i , contre cet
Arrêt} & que fa réclamation a été infrutlueufe, faute d’être
a p p u yée fur les m oyens de forme qui pouvoient feuls la faire
accueillir.
T o u t fe trouvant ainfi confommé vis-à-vis de B e n a g u e t, le
Chapitre n’a pas dû croire fans doute qu’un Arrêt obtenu par
un particulier ifo lé , à la faveur d’une inftru&ion vicieu fe , fût
un titre d’affranchiffement général pour tous les d é c i m a b le s ,&
il a continué de percevoir la dîme des fromens & feigle femés
au mois de M a rs, comme de ceux femés en automne.
Mais le fuccès de Benaguet a fait naître de nouveaux refus
de la part de quelques particuliers, qui n’ont pas voulu pénétrer
le principe & le m otif d’un fuccès auffi précaire.
A u mois d’A oû t 1 7 8 0 , les fieurs de G lane , M a th ieu , A n drieu & Cheim ol ont refufé de p a yer la dîme de feigles qu’ils
avoient enfemencés au mois de Mars précédent.
Sur la demande formée par le Chapitre contre ces quatre
particuliers , en la SénéchauiTée de C lerm ont, le 11 A vril
�5
1 7 8 1 , les habitans de S. Cernin font intervenus le 29 A oût
fuivant.
y
L ’objet de cette intervention étoit d’attirer les demandes du
Chapitre en la deuxierae Chambre des Enquêtes qui a rendu
l’Arrêt au profit de Benaguet $ & voici la marche que l’on a
fuivie pour tâcher de parvenir à ce but.
Q u o iq u e les habitans n’euftent point été parties fur l’appel
de la Sentence du 28 A o û t 1 7 7 6 , l’Arrêt obtenu par Benaguet
lesrendoit fans intérêt à fe plaindre de cette Sentence. O n leur
en a cependant fait interjetter appel en leur n o m , afin de lier
un nouveau procès en la deuxieme Cham bre des Enquêtes. O n
a pris enfuite prétexte de ce procès pour faire é v o q u e r , par
un Arrêt fur re q u ête, les demandes que le Chapitre venoit de
former en la SénéchaaiTée de C le rm o n t, relativement à la
dîme de feigle trem ois, & fur lefquelles les habitans s’étoient
rendus parties intervenantes.
L e Chapitre a demandé la nullité de cette procédure, élevée
fur une bafe purement fruftratoire, & dans l’unique objet d’in
tervertir l’ordre des Jurifdi&ions. Sa demande > renvoyée du
parquet à l’audience de la Grand’C h a m b re, y a été ju g é e par
A rrêt contradi&oire du 30 Août 1 7 8 } , rendu fur les conclu
io n s du Miniftere public. C e t A rrê t, en déclarant nulle l’é vo
cation & la procédure faire en conféquence, a ordonné que fur
les demandes & interventions formées en la Sénéchauiîee de
C lerm o n t, les Parties continueroient de procéder au même
S i e g e , fauf l’appel en la Cour.
L ’inrtruétion s’eft donc reprife à C le r m o n t, & le 29 Juillet
1 7 8 4 , il eit intervenu Sentence qui maintient le Chapitre dans
je droit & poiTeiîion de percevoir la dîme fu r tous les fruits
décimables qui fa cucillent dans la paroi'¡Je de Saint Cernin} &
�<5
notamment fu r le bled-feigle appelle tremois ; en conféquencs,'
condamne les quatre particuliers refufans à payer la dîme de
celui qu’ils avoient récolté en 1780.
C e s particuliers & les habitans fe fons réunis pour interjetter
appel de cette Sentence.
Toujours attachés à ce fyilême de p ro céd u re , que l’on vient
de voir profcrit par l’ Ariêt du 30 A oût 1783 , ils demandent
encore que la caufe portée en la Grand'Cham bre fur cet ap p el,
foit renvoyée en la deuxieme Cham bre des Enquêtes, pour y
être jointe au procès dont cette Cham bre fe trouve faifie.
A u fo n d , ils foutiennent que la Sentence a mal jugé} que les
fromens & feigles tremois font des fruits différens des fromens
& feigles d’automne ; que le droit de percevoir la dîme de
c e u x -c i, ne donne pas celui de dîmer les autres; que les bleds
tremois ne font point décimables dans la paroifle de S. Cernin}
que cette forte de dîme y eft infolite; & enfin ils invoquent
l’Arrêt obtenu par Benaguet en la deuxieme Cham bre des E n
q u ê te s , com m e ayant définitivement jugé la queftion en leur
faveur.
C ’eft dans cet état que le C onfeil eft prié de donner fon avis
fur le mérite de l’appel des habitans de S. C e r n in ,
fur celui
des m oyens em ployés pour le foutenir.
L a queftion de droit paroît intimement liée à celle de favoir
fi l’on p e u t , ave c raifon, aflïgner quelque différence d’e ip eces,
entre les bleds tremois & ceux qui fe fement en automne ; car
fi ces deux bleds font précifément le même g r a in , le même
fruit, la même e fp e c e , il eft impoiîible de voir pourquoi l’un
feroit affranchi de la dîme à laquelle on convient que l’autre eit
fournis.
Mais comme cette d e m i e r e queftion eft principalement du
reiïort des Botaniftes & des A gro n o m e s, on a cru devoir
�7
mettre fous les y e u x du Gonfeil ¡’avis d’une perfonne particu
lièrement livrée à ce genre d’études & d’obfervarions. C e t avis
eft l’ouvrage d’un Obfervateur éclairé, M em bre d’une C o m
pagnie favante * , connu par des Recherches agronomiques,
*M. l’Abbé
qui ont mérité de fixer l’attention du Gouvernem ent. Il eft le ^Académie*
réfultat des expériences particulières dont l’Auteur s’occupe ^esu^ci]eenc“ »
depuis long-tems fur la culture & le produit des bleds, & dont vient de
con -
il a rendu com pte à l’A cadém ie des Sciences, qui leur a donné ^eÎîavfux11
fon approbation. II eft appuyé fur des obfervations & des faits
reconnus par les plus célébrés A gronom es, & m érite,
à
tous ces Rambouillet ;
titres, autantde confiance, qu’il eft propre à répandre de lumieres par^edll’agrifur la queftion de droit, fouraiie à l’examen du Confeil.
Cnouveneré-la
d aitio n du
D i& io n n a ire
CONSULTATION.
L e C O N S E I L foufligné qui a vu le Mémoire à confulter
ci-d e flu s , & l’A vis de M . l’A b bé T e ifie r , de l’Académ ie des
Sciences ;
E
st
d’avis fur les queftions propofées :
En premier l i e u , que les Habitans de Saint-Cernin ne font
pas recevables à demander le renvoi en la deuxieme Cham bre
des E nquêtes, de l’appel dont la Grand’Cham bre eft faifie.
C ’eft renouveller de leur part une prétention formellement
profcrites par l’Arrêt du 30 Août 1783. Ils avoient fait évo
quer en la C o u r le s demandes formées par le Chapitre en
la Sénéchauflee d e C lerm o n t, fous prétexte de c o n n e x it é avec
la queftion qui fait la matiere du procès qu’il leur a plu d’in
troduire en la deuxieme Chambre des E n q u ê t e s ; mais cet
A r r ê t , du 30 A oû t 1 7 8 3 , a jugé qu’il n’y
avoit point de
JS*'**
�8
co n n exité, & que les demandes du Chapitre n’étoient pas
fufceptibles d’être jointes au p r o c è s , puifqu’il a déclaré l’é
vocation nulle , & a ren voyé les Parties à procéder devant
les Juges de Clerm ont.
Il
ne fe trouve en effet aucun rapport entre ces demandes
& le Procès intoduit en la deuxième Cham bre des E rq u êtes.
C e p r o c è s , purement fi & i f , n’offre plus aucune queftion à
juger ; car celle que préfentoit la Sentence de C le r m o n t ,
rendue contre B e n a g u e t, a été jugée fur l'appel que ce par
ticulier avoit interjetté de cette S e n te n c e , dont les Habitans
ont imaginé depuis de fe rendre appellans. L e nouvel appel
des Habitans, &
le procès dont il fait la matiere , ne peut
donc tout au plus avoir pour objet que les dépens auxquels
ils ont été condamnés par la Sentence que Benaguet a fait in
firmer. O r , une iîmple queftion de d ép ens, n’a & ne peut
avoir aucune connexité a ve c les demandes p rin cip ales, foumifes en ce moment au Jugement de la G rand’C ham bre,
O n peut aller plus lo i n , & foutenir a v e c raifon que quand
même le procès feroit encore fubfiftant & indécis avec B e
naguet , il n’auroit point de connexité a v e c la caufe pendante
en la G rand ’Chambre entre le Chapitre & les fieurs G l a n e ,
M a th ie u , Andrieu &
Cheim ol. En e f f e t , tout feroit difpa-
rate entre ces deux conteftations ; elles n’auroient point le
même objet j elles n’exifteroient point entre les mêmes Par
ties. Dans le procès , il s’agiffoit d’une dîme de fro m en t, &
dans la cau fe, il s’agit d’une dime feigle. L e nommé B en ag u et,
feule Partie principale au p ro c è s , eft un individu différent de§
quatres particuliers qui font auffi les feules Parties principales
dans la caufe. Les Habitans ne font Parties dans la caufe &
dans le procès que comme intervenans j mais ils ne font pas
maîtres de li e r , par leurs interventions, deux conteftations
�qui étoïent diftin&es avant qu’ils intervinrent. T o u t interve
nant eft tenu de prendre le litige dans l’état où il le trouve.
Mais encore une fo is , le procès n’a plus d’exiftence réelle.
T o u t eft jugé par l’A rrêt qu’a obtenu Benaguet. Il ne reile
vis-à-vis
des Habitans qu’une fimple
queftion de dépens.
Pourroit-on donc établir la moindre trace de relation entre
un procès qui n’exiile p l u s , & une caufe qui attend fa déciiïon ?
A infi , c’eft ave c raifon que l’Arrêt du 30 Août 1783 ,
a profcrit l’évocation que les Habitans avoient fait pronon
cer,
lorfque la caufe étoit encore
devant
les Jages de
Clerm ont. C e t A rrê t fait la loi des H abitans, &
ne leur
permet pas de renouveller une prétention dont il les a fi
formellement déchus.
Q
uant
à la qùeftion d u fon ds, tous les moyens fe réunifient
pour la faire décider en faveur du Chapitre de C lerm ont. Il
ne peut exifter aucun prétexte de lui refufer la dîme des feigles
tremois.
D e u x faits fuffifent pour rendre ce droit d e (dîme inconteftable.
L ’u n, que le Chapitre, en qualité de gros décim ateur, eifc
en pofleflion de percevoir la dîme des fromens & des feigles
flans la paroifle de Saint-Cernin.
L ’autre, que les feigles qui fe fement au mois de Mars, &
q u ’on appelle par cette raifon feigles tremois, font des grains
de la même e fp e c e , de la même nature que ceux qui fe f e m e n t
fin Automne.
L e premier de ces faits n’efl pas contefté , & le fécond 11e
peut l ’être raifonnablement.
C ’eft fans doute aux Botaniftes & aux A g ro n o m es qu’il apB
�(
10 H
partient de p r o n o n c e r a i un fait de cette nature. L e Jurifconfulte ne peut ,fe décider que d ’après les expériences & les faits
recueillis par ces obfervateurs.
T o u t ce qui peut fervir à fixer une opinion fur ce point d’a
griculture , fe trouve raffemblé dans le M émoire mis fous les
y e u x du C o n f e i l , ouvrage d’un Académ icien fpécialement
livré à ce genre de recherches & d’obfervations ; & l’on voit
que les expériences intéreffantes, perfonnelles à cet obfervate u r, fe réunifient a v e c les faits atceilés par les plus célébrés
A gronom es qui l’ont précédé dans la même carriere , pour
démontrer , de la maniéré la plus complette , l’identité des
feigles de Mars & des feigles d’Automne.
L a Botanique ne peut leur aiîigner aucune différence.
L a c u l t u r e en c o n f o n d , en identifie tellement les produits ,
que le feigle de M a rs, femé dans un b o n te rre in , égale & furpaffe même fouvent en qualité le feigle d ’Automne femé dans
un terrein nïédiocre.
L ’expérience démontre que les fromens & feigles d’A u touine prennent en très-peu d’années la qualité de fromens &
feigles de Mars , & que ceux-ci reprennent encore plus facile
ment la qualité de bleds d’Automne ; preuve inconieftable qu’ils
font identiquement le même grain , & que les uns ne différent
des autres que par une foible dégénération a c c id e n te lle ,
qui ceffe auiîi-tôt qu’ils font rendus à leur état primitif de cul
ture.
Enfin le tableau que trace l’Obfervateur de l’AgricuItute
françoife nous apprend que toute diftinétion entre les bleds de
Mars & les bleds d’A u to m n e , eft d’autant plus chim érique,
que les femences des fromens & des feigles ie f o n t , en F ra n ce ,
prefque fans interruption, depuis la mi-Aout jufqu’à la miM a rs , aux diverfes époques de cet intervale qui font les plus
�convenables à la nature du fol, ou à la température de l’air de
chaque pays.
D es faits aufïï clairs, des expériences aufîï pofitives, ne
permettent certainement pas de révoquer en doute la parfaite
identité des feigles de Mars & des ieiglos d’ Automne.
O r (î ces deux bleds font abfolument identiques, s’ils forment
un feul & même grain, de même nature , de même e fp e c e , il
eft de toute impofîibilité d ’établir aucune diftinélicn entr’eux
relativement à la perception de la dîme. Le même droit qui y
affujettit les u n s, y foumet néceflairement les autres.
La feule différence qu’on puiiTe leur aflîgner réfulte de la
diverfité des faifons auxquelles ifs font femés. Mais cette diffé
rence eft incapable de fonder en faveur de celui qui eft femé
plus ta r d , l’afFranchiffement de la dîme que doit inconteftablement celui qui eil iemé plutôt.
Q u ’importe à l’exigibilité de ce droit que le fruit décimable
foit femé à telle ou telle époque ? La dîme eft due à raifon de
h nature du fruit, & non pas à raifon du tems où la femence
de ce fruit eft confiée à la terre pour y végéter. Q u ’il foit iemé
plutôt ou plus tard ; que la durée de fa végétation ait été plus
ou moins longu e, tout cela eft indifférent. Si le fruit eft reconnu
d ecim a b le, il doit la dîme dans tous les c a s , telle qu’ait été
l ’efpece & le mode de fa culture.
O r c ’eft ce qui fe rencontre ici. L e feigle eft reconnu pour
décimable dans la paroiiTe de Saint-Cernin. La dîme n’en eft
pas conteftée, du moins pour les feigles produits par des femences faites en A u tom n e; & cependant on veut la r e fu f e r
pour ceux qui naiffent de femences faites au printems* II eft
impoiiib/e de donner un prétexte raifonnable de cette diftinction. Les uns font néceflairement d é cim a b le s , par la raifon
que les autres font reconnus pour tels. Les diverfes époques
�Iï
de leurs enfemencemens font des circonftances nulles, des va
riétés de.culture abfolurnent indifférentes , qui doivent être
mifes à l’é cart, pour ne coniîdérer que la nature des grains au
m >ment de la récolté. O r puifque ces grains font de la même
nature , de la même e fp e c e , puifqu’ils forment un feul & même
feigle dont l’identité eft co n fia n te , la dîme en eft indiftin&ement due, dès-lors qu’il eft avoué que le feigle eft décimable
dans la paroifle de Saint-Cernin.
D ire que les. feigles de Mars font un fruit nouveau dans
cette Paroifle, les ranger à ce titre dans la clafle des menues
dîmes foumifes à l’ufage, & dont le droit ne peut s’établir que
par une pofleflîon particulière & diftinfle de celle des grofles
dîmes ; prétendre que la dîme en eft infolite fous prétexte que
le Chapitre n’a point !a pofleflîon particulière de oîmer cette
efpece de f r u i t , c’eft équivoquer fur des mots & confondre
toutes les idées.
•
L e feigle a été cultivé de touttems à Saint-Cernin, puifque,
de l’aveu des habitans, il eft au rang des grofles dîmes dont
le Chapitre a le droit
la pofleflîon immémoriale. Lorfque ,
dans des tems modernes, on a commencé à le femer en Mars
au lieu de le femer en A utom ne, on n’a point introduit un fruit
nouveau dans la Paroifle ; on a feulement adopté l’ufage de
retarder l’enfemencement d’un fruit qui y étoit connu de toute
ancienneté. Il n’y a donc de nouveau que le mode de la cul
tu re, l’époque de l’enfemencement. Mais le fruit eft toujours
un fruit a n c ie n , faifant partie des grofles dîmes, & décimable
comm e tous les gros fruits dont la dîme n’eft pas conteftée au
Chapitre.
A iniî le Chapitre ne peut pas être réduit à l’obligation de
prouver une pofleflîon diftin&e & particulière de dîme fur les
feigles femés en Mars. L e droit &
la poiTeflion qu’il a de
�iî
dîmer les feigles femés en A u tom ne, fait fon titre pour tous
les feigles. Son droit fur les uns réfulte du droit qu’on lui reconnoîr fur les autres. Sa pofleflïon fur ceux-ci conftitue fa
pofleflïon fur ceux-là. Le titre ne fouflre point de diftin&ion,
dès que l’identité confiante des grains ne permet pas d’en
former deux efpeces. Il a droit de dîmer ceux femés en Mars ,
parce qu’ils font un grain de même nature que ceux femés en
A u to m n e , parce que les récoltes des uns & des autres font la
récolte du même fruit, parce que ce fruit fait partie des groiTes
dîmes qu’il a droit de percevoir.
,
C e c i prouve combien étoit vicieux rintérldcutoire ptononcé
par les Juges de Clermont dans la premiere'conteftation in
troduite contre B enaguet, & combien la défenfe du Chapitre
a été compromife par l’exécution qu’on lui a fait donner à
cet interlocutoire. O n a , par cet acquiefcemenr indiferer ,
fuppofé que des fromens identiques formoient deux fruits de
nature différente ; que le droit réclamé fur les. uns étoit indé
pendant de celui reconnu fur les autres. O n a réduit à la
qualité de menues d îm e s , de dîmes d’ufage ,iun .fruit qui" ne
pouvoit être féparé de la clafle des groiTes dîmes. O n a fait
dépendre de la preuve d’ une pofleflïon particulière, une dîme
qui ne devoit s’établir que par le titre général d’un droit &
d ’une pofleflïon certaine & reconnue.
A uflï l’ Arrêt qu’ une défenfe (i peu réfléchie a , pour ainiï
dire , né ceflïté , ne peut-il former aucun préjugé dans la conteftation aftu e lle . O n ne peut le regarder que c o m m e la c o n
séquence forcée d’ un contrat judiciaire .inconiïdérém ent pafle
p a r le C h apitre. M ais en abandonnant fon droit vis-à-vis d’un
Particulier i f o l é , le Ch apitre n’y a pas renoncé en faveur de
tous les autres propriétaires de la Paroiiïe. Les e n g ag e m e n s
qu’il a contractés indiferettemen; dans le cours de l’inflru£î:ion
�14
contre Benaguet, n’ont pu le lier que vis-à-vis de Benaguet.
C elu i-ci p e u tfe u l, par conféquent, fe prévaloir de l’ Arrêr qu’il
a obtenu. Il le doit à une forme d’inftru&ion qui lui eft excluiivement perfonnelle ; & les autres habitans fonr d’autant
moins recevables à l’in v o q u e r , qu’il a prononcé fur un objet
différent, fur une dîme de froment, tandis qu’il s’agit dans la
caufe d’une dune de feigle.
A u j o u r d ’hui les chofes font entieres. Il eft queftion de pro
noncer entre le Chapitre & quatre Particuliers auxquels il n’a
pas donné les mêmes avantages qu’il avoit laiffé acquérir à
Benaguet. Sa défenfe n’eft altérée par aucuns confentemens.
Son droit eft intaft. La queftion fe préfente dégagée de toutes
circonftances capables d’en dominer la décifion. Elle ne peut
donc être jugée que par le mérite des moyens du fond, & par
l’unique confidération du point de droit.
O r ce point de droit reçoit fa folution de deux faits, dont
l’un n’eft pas contefté , & dont l’autre eft inconteftable.
D ’un c ô t é , il eft convenu que le Chapitre a droit & pofleffion de dîmer les feigles dans la Paroifle de Saint-Cernin.
D e l’autre, il ne peut pas être permis de révoquer en doute
l’identité du feigle qui fe feme en Autom ne & de celui qui fe
feme au Printem s, l’exa£te conformité des grains que produifent
ces divers enfemencemens.
D o n c , puifqu’ils forment la même e fp e c e , le même fruit,
la même récolte , ils font également fujets à la perception de
la dîme.
L ’évidence de cette conféquence doit aflurer au
Chapitre un fuccès auiïi favorable en la C o u r , que devant les
premiers Juges.
D élibéré à P aris ce i5
Février i j 8 5 . DELACROIX DE
. F r a i n v i l l e , C o u r t i n , Camus.
�CONSULTATION AGRONOMIQUE.
L e
SO U SSIG N É
confulté fur cette q u e ft io n : « l e feigle & le
» froment qu’on feme après l'hiver font-ils de même efpece que ceux
» qu’on feme avant l’h i v e r » ? croit ne p o u v o ir mieux y répondre que
p a r les f a it s , expériences Si obi'ervations qui fuivent.
Si on examine avec des y e u x de Botaniile les plantes proven ues
du feigle de Mars &
du feigle d’A u to m n e , chacun femé dans la
faifon où on le feme ord in airem e n t, on en tro u v e r a les r a c in e s ,
les t i g e s , les feuilles & les épis femblables ; on trou vera la mêm e
difpofition & le même nombre des organes de
la fru&ification.
R ien n’indiquera une différence d’efpece à e f p e c e , qui confifte dans
line diverfité de form e ou de nombre , ou d’arrangement des parties.
O n ne pourra même regarder ces plantes , com m e des variétés les unes
des au tre s, puifqu’en Botanique , cette forte de d iftin û io n , la plus
foible de toutes , exige une différence dans la couleur des individus ,
différence qui n’a pas lieu entre le feigle de Mars &c celui d’Autom ne.
A la v é r i t é , le feigle d ’Automne effc plus vigoureux que le feigle de
M ars ; il produit des épis plus b e a u x , des grains plus gro s & plus
nourris ; mais ces a v a n t a g e s ,il les doit à une végétation plus lo n g u e ,
q u i , donnant au x racines le tem s de fe fortifier avant l’afcenfion
des fucs & la formation des é p i s , fournit une feve plus ab on d an te,
dont l’effet eft de rendre les plantes plus fortes & plus fécondes. C e s
nuances font fi peu propres à établir une diftin&ion r é e lle , qu’ elles
diiparoiiTent entièrement lorfqu’on com pare entre eux le feigle de
M ars , femé dans un bon terrein , & le feigle d’Automne , femé
dans un terrein médiocre ; car le premier égale le feigle d’A u to m n e;
l ’ e x c e l l e n c e du fol faifant une compenfation a v e c l e peu de duree
de la végétation. Il y a p l u s , le feigle de M a r s , femé dans une
terre de bonne qualité , furpafle le feigle d’A utom ne , femé dans une
terre maigre.
Linnæus, fçavant S u é d o i s , dont les lum ieres en Botanique fonî
�z6
répandues dans le m onde e n tie r , M. de Ju ifie u , M . le C h e v a lie r
de la M a r k , & b eau c ou p d’autres Botaniftes F rançois très - é c la iré s,
ne reconnoiffent point de diilin dion entre le ieiglc de Mars & celui
d’ Autoxtine.
L e s Cultivateurs n’en reconnoiffent pas davantage , à en juger
par la conform ité des procédés qu’ils em ploient pour l’un & pour
l ’autre ; car ils les fement dans les mêmes fortes de t e r r e in s , &c les
façonnent de la môme maniéré.
C e que l’obfervation apprend fur les rapports de ces deux grains
eft confirme par des expériences fuivies que j’ai faites p o u r m’ en
affurer. D u feiglr de M a r s , femé en Automne eft devenu plus beau
que s’il eût été femé en M ars. D e s la prem iere année il s ’eft rap p ro c h é,
pour la groffeur des grains , du feigle d’A u to m n e , femc en Autom ne.
D u feigie ¿ ’Automne , femé en M a r s , dans unterrein qui étoit nou
vellem ent d é fr ic h é , & par conféquent dans toute fa f o r c e , a bien
réuffi. Sem é clans une terre cultivée depuis long-tems , & qui s’ étoit
repo fee un an , il n’a pas produit autant que le précédent ; mais ce
qu ’il a produit ayant été re fe m é au printems fu iv a n t, s’ eit perfectionné
b eau cou p 6£ a donné l’efpérance que s’il étoit refemé plufieurs prin
tem s de fu ite , il pafferoit à l’état de feigle de M ars parfait. Pour le
fuccès de cet.:e derniere e x p é r ie n c e , il faut éviter de femer tard
3U
printems le feigle d’Automne , & dans une terre déjà épuifée
p a r une rccolte récente de feigle ou de fr o m e n t ,
parce qu’il eft
cTobfervation qu’ un terrein ordinaire ne produit pas deux années
de fuite des grains de même e f p e c e ,o u d’ efpeccs qui fe r a p p ro c h en t,
com m e le feigle & le from ent. C ette inattention a fait manquer à
plufieurs P h y flc ie n s, & à m o i- m ê m e , des expériences tentées en
ce genre.
J ’ ai rem arqué qu’en général il ¿to it plus facile de con vertir le
feigle de Mars en feigle d’A u to m n e , que celui-ci en feigle de M ars;
O n en concevra la raifon : dans le prem ier c a s , on rétablit l ’ordre
de la nature , qu’ on intervertit dans le fécond. L e fe igle, s’il étoit aban
donné à lui-même , fe femeroit A fa maturité. C e n’eit pas s’éloigner
o u c’ eft ne s’éloigner que très-peu de ce t e r m e , que de le fem er en
A u to m ne, Mais en ne le fetnant qu’en M a r s , on m et un trop grand
in te rn ll«
�*1
intervalle entre l’époque fïxéerpar la n a t u r e , & celle que l’induftrie
humaine lui affigne; on refferre trop les bornes d ’une végétation
qui doit durer un certain tems.
L a faciiité av ec laquelle le feigle de Mars redevient feigle ¿ ’A u
tom ne , & la poflibilité marquée de form er du feigle de Mars av ec le
feigle ¿ ’ A u to m n e , prouvent qu’ils ne font l’un 6c l’autre qu’une feule
& même efpece.
Avant de répondre à ce qui concerne les fromens de Mars &
¿ ’ A utom ne, il cil néceflaire ¿ ’ob ferver qu’il peut fe faire q u e , dans
quelques p a y s , on feme en M ars un from ent qui ne reffembie pas
à celui qu’on y feme en Autom ne , parce qu’il n’en eft. pas des
from ens com m e du feigle. On feme en M a r s , on feme en Autom ne
des fromens de plufieurs fortes. La plupart de ceux de M a rs , que
je c o n n o is, ayant leurs analogues en from ens ¿ ’A u to m n e , c’eft av ec
ces analogues qu’on doit les comparer pour en m ontrer les rapports.
L e froment à épis blanchâtres &c fans b a r b e s , celui dont les épis
blanchâtres font barbus , & celui qui a les épis roux privés ¿ e barbes ,
foit qu’on les feme en Mars , foit qu’on les iem e en Autom ne , ne
différent pas plus entr’e u x , que le feigle de Mars du feigle ¿ ’A utom ne.
Il ne f o n t , au jugement des B o tan iftes, ni des efpeces , ni des v a r ié té s ;
la m a n ié r é de les cultiver eft la mêm e pour tous.
J ’ai femé en Automne le froment de Mars à épis blanchâtres &
fans b a r b e s , & j’ai continué à femer de fu it e , dans cette faifon , Je
produit de chaque a n n é e , dont j ’ai con fcrvé des échantillons. L a
prem iere année , les tiges étoient plus b a f f e s , les feuilles plus petites ,
&
le grain moins
beau que celui du bled d ’Automne
cultivé
à
côté. L a maturité même en a été plus tardive. Succeflivement ce
froment a eu une végétation plus fo r te , d’une maniéré graduée. L es
grains qu’ il a donnés font devenus plus gros , à mefure que les géné
rations avançoient. Si on com pare la iixieme génération av ec celles
qui l’ont p r é c é d é , on y trouvera des différences ienfibles ; mais
ii n’y en a aucune dans la qualité des grains de cette gén éra tio n
& dans celle des grains d’un froment d’Automne , toujours femé en
Autom ne dans le même terrein & récolté en même tems.
M. D elu , félon le célébré M. D u h a m e l,
tlu bled de M a r s , qui vint
auiïï beau
avoit
femé avant l’hiver
que ¿ u bled
¿ ’Automne.
C
�i8
L e s prem ieres années , à la v é r i t é , le produit des planches enfemencées en Autom ne a v e c ce from ent de M ars, n’a p as égalé en quan
tité celui d’ un grand nom bre d ’autres planches enfem encées en froment
¿ ’A utom ne de differens pays ; mais les années fu iv an tes, il en a égalé
& furpafle mêm e la plupart. L es épis ont mûri au ifi-tô t, en forte qu’il
ne s’eft p lus tro u v é entre eux aucune différence.
P o u r com pletter l’ e x p é r ie n c e , il s’agiffoit d’am ener à l'état de fr o
m ent de M ars fon analogue en froment d’Automne. J ’y ferois déjà en
tièrement p arv en u fans d o u t e , fi des circonilances & quelques fautes
n ’avoient reculé le fuccès de cette tentative. T o u jo u r s eft-il vrai que
du bled d-Automne fem é au Printems a produit du grain ; ce grain refem é a mieux réuffi la deuxicm e que la prem iere année ; il s’eil perfec
tionne fenfiblem ent, & j ’ai lieu de cro ire qu’après quelques généra
t io n s, il prendra la qualité de froment de M a r s , c’eil-à-dire , q u ’accou
tumé à être femé au P rin te m s,il ne fouffrira plus de n’a v o ir qu’ une v é g é
tation rapide.
M . D u h am el av o lt rem arq ué q u ’une année oii l’intempérie du ciel
n’ayant permis de fem er les b leds qu’immédiatement avant les g e l é e s ,
ils ne le veren t qu’au m ois de F é v r i e r , & produifirent néanmoins une
b on n e récolte. O r ces grains confervés dans la terre pendant la faifon
rigoureufe , n’y profitaient pas plus que du bled d’ Automne , qu’on
auroit femé en Février.
J ’ai ép ro u v é àuiïï qu’il faut femer de bonne heure après l’hiver , furtou t les prem ieres a n n é e s , le froment d’Autom ne deftiné à pafier à
l’état de froment de Mars. C e n’eft que peu à peu qu’on le défaifonne ,
parce q u ’on ne change pas brufquement l’ordre de la nature. Je m’en
fuis convaincu en en femant à différentes é p o q u e s , à com m encer des
premiers jours de F évrier jufqu’au premier A v r i l , ce qui confirme une
expérience de M. D e l u , rap p o rtée encore par M. D uham el. D u bled
de miracles qu’il av oit femé en F év rier vint à bien ; ie m êm e bled femé
en M a r s , échauda & ne fruûifia pas.
Il
eit donc démontré que le from ent de M ars ;ï épis blanchâtres &
fans barbes peut le con vertir en froment d’ Automne de même efpece ,
& que celui-ci fe convertit à fon tour en froment de M a r s , pourvu
qu’on prenne les précautions convenables. D ’où il fuit qu’on peut les
regarder com m e une feule & mûme efpece , puifquc d ’ailleurs ils ne
�19
différent point par les cara& eres de B o tan iq u e , ni par la m anîere dont
on les cultive. Q u o iq u e je n’aie pas fait les m êm es épreu v es fur les
from ens d’Automne & de M a r s , foit à épis roux fans barbes , foit à
épis blanchâtres & barbus , je fuis en droit d ’en p o r t e r ie même juge
ment , d’après leur conformité dans Jes qualités a p p a r e n t e s , & par une
analogie qu’on ne peut rejetter. J ’ai fait v o ir quels étoienr les rapports
entre le feigle d ’A utom ne & le feigle de M a i s ; il eft donc hors de
doute que les grains tremois, nom qu’on donne au feigle & au from ent
de M a r s , ne font diftingués de ceux d ’Autom ne que par une diftinttion
de fa ifo n , qui n’ en eft pas une réelle aux yeux des Botaniftes éclairés ,
& des C ultivateurs inftruits.
C e n’eft pas feulement fur le feigle & fur les fromens proprem ent
dits qu’on pourroit faire les mêmes obfervations. O n feme en Automne
& en Mars la grande & la petite épeautre , efpeces de fr o m e n t, le l i n ,
l ’av oin e , l’orge àplufieu rs rangs , la vefce , les lentilles, les p o i s , la
gefle & autres grains. J ’ai fem é en M ars la petite é p e a u t r e , quoiqu’on
la feme comm unément en été dans le D auphiné. J ’ai femé indiilinilem en t en M ars & en Automne la grande epeautre ,1e lin , l’avoine noire
de B r e t a g n e , la geffe, la v e f c e , & c . C es grains m’ont procu ré des ré
coltes plus ou moins bonnes les unes que les autres ; tous ont fru&ifié.
J e n’ ai p a s , à la v é r i t é , fui v ile s expériences a v e c la même affiduité 6c
p e rfév éran c e que celles qui avoient les fromens po u r o b jet. Mais ces
d iv e r s grains com parés av e c leurs a n a lo g u e s, m ’ont paru de m êm e
efpece.
Un cou p d’œ il jette feulement fur l’agriculture françoife fuffiroit
p o u r faire connoître combien eft chimérique la diftinftion des grains
en grains de Mars & en grains <TAutomne. A com pter de la m i-A oût juf-
q u ’à la m i- M a r s , on feme en France du feigle & du froment prefque
fans interruption , autant que l’intempérie de l’air ou la molefle du fol
n ’y
form e pas d’ obftacle. C haque pays choifit le moment qui lui p a ro ît
le plus favorable & le moins fujet aux incç>nvéniens qu’il connoît. Ici,
on p r é v ie n t le froid & la gelée ; là , en évite le débordement des ri
vières , les fontes de n e ig e s, les ravages des torrens. J ’en pourrois citer
b eaucoup d’e x em p les, tirés d’une correfpondance étendue. L a div er
sité des climats , l’inconitance des faifons empêchent qu’il n’y ait
d ’époqu es fixes pour tout le R oyau m e. O n commence à femer des
�20
grains de M ars dans un e n d r o i t , tandis que dans un autre on feme
encore ceux d’Autom ne. II y a lieu de croire que les grains accoutum és à
être femés à la fin d’A oût & au comm encem ent de Septem bre fouff rifroient
autant fi on les femoit à N o ë l , que fouffrent ceux qui font accoutumés à
être femés en N o v e m b r e & D écem bre , quand o n les fem e en M ars.
C e s faits & ces o b fervatio n s r é u n is , dont les d é t a i l s , que je fupprim e i c i , ont été lus à l’Académie des Sciences , & a p p r o u v é s par
cette C o m p agn ie , dém ontrent des rappo rts com plets , une fimilitude
p a r f a it e , une forte d’identité entre plufieurs grains de M ars & les grains
d’A utom ne qui leur font an alo gu es, &c particulièrement entre les feigles
com m e entre les from ens , fem és dans les deux faifons. D ’o ù je conclus
que les grains tremois ne font qu’une fimple dégénération de grains
d’Automne , fans changer de nature , ni de qualité. Q u e lq u es c ir c o n s
tances ayant fo rcé de ne fermer qu’au Printems les grains d’Automne,
ils s’y font accoutum és peu à peu , & dans la fuite o n a préféré de les
femer dans cette faif on , plutôt que de faire pren dre une nouvelle ha
bitude aux grains d’A u to m n e , dont les prem iers produits font néceffairem ent foibles.
Q u e qu elq u es Auteurs de livres de Botanique & d’AgricuIture aient
diftingué le feigle & le from ent de Mars du feigle & du from ent d’Au
tom n e , il n’ en faut point être é t o n n é , ils n’ont adm is cette diftinctio n
q u e p o u r fe conform er à un ufage populaire des p a y s o ù ils v i v o i e n t ,
& cette diftinction n’ eft qu’ une diftinction de faifon,
O n fçait combien les écrivain s en ce genre parloient peu d’ap rès ’
leurs propres recherches , 8c s’ en rapportoien t au x prem ières idées
qu ’on leur donnoit. Mais leur opinion ne peut p r é v a lo ir contre l’ord re
de la n a tu r e , contre une obfervatio n ex acte , contre l’avis des gens
éclairés, & enfin con tre les expérien ces pofitives que j ’ai rapportées,
A
Paris ce 20 Janvier
Signé l’A bbé T e s s i e r .
D A R T I S , Procureur,
A
PARIS,
ch ez P. G . S i m o n ,
& N . H. N y o n ,
Imprimeurs du P a rle m e n t, rua Mignon,
1785
.
�
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Factums Vernet
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A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Chapitre de l'église cathédrale de Clermont. 1785]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Delacroix de Frainville
Courtin
Camus
Dartis
Subject
The topic of the resource
dîmes
intempéries
semences
seigle
froment
Chapitre cathédral
communautés villageoises
agronomie
céréales
Description
An account of the resource
Mémoire à consulter et consultation pour le Chapitre de l'église cathédrale de Clermont, intimé ; Contre les sieurs Glane, Mathieu, Andrieu et Cheimol : Et contre les habitans de la paroisse de Saint-Cernin, appellans. [suivi de] Consultation agronomique.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
de l'imprimerie de P. G. Simon et N.-H. Nyon (Paris)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1785
1769-1785
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
20 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_V0117
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Vernet
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Clermont-Ferrand (63113)
Saint-Cernin (15175)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
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agronomie
céréales
Chapitre cathédral
communautés villageoises
dîmes
froment
intempéries
seigle
semences
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d266c98a4f9470ea40bba1d17ac30bb5
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M
ET
P O U R
É
M
O
I R
E
CONSULTATION
M adam e la M arquife
de
C
a b r i s
,
b e lle -fille , défendant l’interdiction de fon m ari;
CONTRE
de Cabris , Douairière ,
Madame d e L o m b a r d S a i n t
B e n o i t y Marquife
pourfuivant linterdiclion du Marquis de C a b ris,
fon fils , pour caufe de démence.
V IC T IM E S
malheure ufes des com p lo ts, de cabales
combinées , le marquis & la marquife de Cabris fe font
vus l’objet de perfécutions méditées dès les premiers inftans où leurs nouveaux engagemens dans la fociété fembloient devoir leur en affurer les douceurs.
D ’ambitieux collatéraux , retenus par un pere refpectable, ne gardent plus de mefures dès qu’ il a ceffé d’être.
Ils trouvent bientôt le moyen d’introduire le défordre
A
�dans une maifon où régnoit l’union; on favorife les goûts
d’un jeune homme qui commence à jo u ir; on fe m énage
par les dépenfes où on le précipite le moyen de le perdre ,
ati moins pour prodigalité. Les gens d’afFaires font changés,
la cabale fait expulfer un homme en poiTeilion de la con
fiance du chef de la famille depuis trente ans , elle lui
fubftitue un agent de fa main , d’abord fous le nom de
curateur pendant la m in orité, devenu enfuite agent gé
néral & Confeil intime.
D e nouvelles circonftances produifent bientôt d’autres
combinaifons.
Des reproches de manque de parole faits au bailli de
Mirabeau , refufant d’acquitter un fupplément de doc
promis d’honneur à fa niece , Sc accepté par le mari.
Un prêt fait à une belle-mere dans l’indigence , fuppofé
depuis employé à la fouftraire à la tyrannie fous laquelle
elle languifloit avec la fortune la plus brillante, devinrent
des crimes irrémiiïïblcs aux yeux de ceux que ces récla
mations contrarioicnt.
En 1 7 7 6 le Marquis de Cabris envoyé fon époufe
auprès de la marquife de Mirabeau , malade à Paris, où.
elle pourfuivoit fa demande en féparation contre fon
mari ; fes foins fc bornent à ceux qu’exige l’état de la
malade..
Aufli-tot quelle eil rétablie , fa fille fc retire au co u
vent de Popincourt. La marquife de Mirabeau déboutée
de fa demande , rentre dans la maifon de fon m a r i, elle
en cil enlevée huit jours a p rè s, &
maifon de f o r c e ,
qui
conduite dans une
n’étoit faite ni pour fon é t a t , ni
pour fon âge ; fa fille follicite 6c obtient la permiifion de
�3
la v o i r , , clic en reçoit des pouvoirs, eHc.n'cn fait 4'autrc
ufage que de révoquer les plaintes rendues contre le. mar
quis de Mirabeau , & de chapger les,jÇppfcils. -Tout cil
•notifié à.celui qui-cn étojt l'o b je t, pour l’epg^gjçrà, traiter
avec plus, d ’égards la mere de douze, encans.
H uit jours après , ordre du Roi qui exile à Lyon cette
fille q u ia v o it voulu calmer les troubles domeftiques; elle
fait des repréfentations aux M in iftr e s ';, quatorze jour,s
après l’ordre eiV révoqué, elle retourne tout de,fixité au
près de Ton mari , qui , inftruic. de ce qpi sfei^ pa0e,,
adrefle fes repréfentations aux Miniftres , & fait-les re
proches les plus vifs à M . le marquis de Mirabeau qu’il
regarde comme l’auteur de cet a£bc furpris à l’autorité.
La cabale fentit alors qu’il falloir hâter, l’cxéçuxiçn du
projet combiné depuis fi long tems.
Q uand le marquis de Cabris étoit en P r o v e n c e , & fa
femme à Paris , on avoit cfpéré perdre le. mari par les
gens dont on l’avoir entouré ; dans l’opinion que fon
anéantiiïement faifoit retomber la femme f o q s ,la puiffance de fon pere, on penfoit que le même coup les frapperoit tous les deux; réunis ils paroifloient redoutables à
la cabale ; il falloir les détruire avant que la confiance
fut parfaitement rétablie par Pcxpulfion des gens d ’af
faires. Quelques accès de vapeurs qu’eut le marquis de
C a b r is , fournirent le prétexte d’une demande en inter
diction. Il ne fut queftion que d’alFcrmir la perfonne de
puis longrtems pratiquée ( i ) , de la déterminer à intenter
cette a£tion honteufe Si flétriflante pour fa poftérité.
( i ) V o ici cc que dit la dame douairière de C abris e lle -m ê m e page 1 8 , pre-
A ij
�4
La dame de Lombard , douairiere de C a b r i s , alors
âgée de foixante a n s , avoit paiTé fa vie dans une apathie
complette , uniquement occupée de Tes petits exercices
domeftiques , 6c de la confervation de fa fanté ; on l’avoic
vue dans fa jeunette abandonner un mari eftimable 8c
refpe£té de Tes égaux, aux foins de quelques amis tendres
qui lui a v o ie n t rendu la fanté qu’il ne pouvoit recouvrer
dans fa maifon. Sa femme n’avoit jamais figuré dans l’adminiftration intérieure d’une fortune parfaitement con
duite 6c beaucoup augmentée ; mais elle avoit développé
des talens pour la perfécution; de deux filles plus im m é
diatement foumifes à fa furveillance , l’une avoir été
forcée de fc faire religieuse, & l’autre avec plus d’énergie
dans la m e , réduite à fo rc e de mauvais traitemens pu
blics , à l’état malheureux où on a voulu depuis conduire
le marquis de Cabris. O n la détermine contre lui par l’appât
flatteur du co m m a n d e m e n t, on lui préfente la difpofition de cinquante mille livres de rente attachée à la curarâtelle qu’on lui p rom et, iî elle veut demander l’interdi&ion. O n lui fait voir l’anéantiflement de fa belle-fille
tom bant fous fa puiiTance comme une propriété de l’in
terdit , où rentrant fous l’autorité paternelle du marquis
de Mirabeau , on lui p ro m e t, à tout évén em en t, de l’en
débarraiTer par la voie de l'autorité.
Les cabales fe mettent en m ouvem ent; îc bailli de
Mirabeau arrive à G r a t t e , il loge chez la dame de L om
bard , le marquis de Cabris 8c fa femme fe préfenterrt
m icre lign e du mémoire : « depuis long-tem s les parens de la fam ille me peignoiinfc
» com m e in évitable la rcffourcc de l’in te rd i& iaiu
*
�5
inutilement pour le v o ir , ils font conftamment refufës ;
s’ ils écrivent à leur mere & à leur oncle , leurs lettres
refirent fans rép o n fe, le bruit fe répand à Gratte que cc
ch ef de la c a b ale a Tes poches pleines d’ordre du R o i ,
pour punir ceux qui oferont s’oppofer à fes volontés im périeufes , qu’on veut faire interdire le mari & enfermer
la femme pour le refte de fes jours.
Aufli-tôt paroît une demande en interdi£tion j des té
moins domeftiques ou gagiftes de la dame douairiere de
Cabris , des gens de la lie du peuple , qui ne vivoient
point avec le prétendu malade , font entendus dans le
fecrct , avec l'appareil d’une procédure criminelle , ils y
d é p o fe n t, fuivant le vœu de ceux qui les produifent ; le
prévenu cft interrogé, & répond trop bien pour les vues
que fe propofe la ca b a le , il écrit fa défenfe de ia m a in ,
il demande à faire preuve par témoins de fon bon fens ,
l’enquêce lui eft a c c o rd ée, le juge mieux confulté fe hâte
de retirer cette grâce , quand on voit que la preuve peut
devenir complette ; le prétendu malade aflemble à Ton
château la communauté de fes habitans de Cabris , &c
tranfige avec eux fur des conteftations fufeitées par les
agens de la cabale pour lui aliéner l’amour de fes vafTaux ;
on crie au fief immolé ; le juge eft réeufé , la récufation
jugée contre le marquis de C abris, il le déclare atteint 8c
Convaincu de démence & l’interdit.
Plus de dix familles de parens diftingués habitent la
mêm e ville , on ne demande point leur fuffrage , qu’on
eft aiTuré qu’ils n’accorderoient pas à une iniquité con
duite fous leurs yeux. T o u t fe paiTe entre le religieux
p ro fè s , votant en fon nom , deux beaux-freres 6c deux
�6
des parens de l’un de Tes beau x-frcres, qui ne l’étoient
pas du marquis de Cabris. L a cabale y a jo u te , pour faire
n o m b re , les noms de quelques parens de demeures éloi
gnées , donc la plupart ne connoiilent pas le malade ,
même de v u e , 6c qu’on fait voter par des procurations
non annexées 6C qui n’ont jamais paru.
L e marquis de C a b r is , fa femme
leur enfant fe
trouvent mis tous les trois fous la curatelle d’une'femme
incapable, qui n’avoit jamais géré d'affaires, &L qui avoit
elle-même befoin d’un curateur pour les fonctions qu’oti
lui confioit ; on l’auto rife, non à remettre à ces trois pu
pilles fa fomme arbitrée pour leur fubfiftance, mais à en
faire l’emploi pour eux.
Les votans portent toute leur attention à ménager les
intérêts du procureur qui venoit de défendre à la demande
en interdiction du marquis de Cabris , fon curateur dan?
la minorité , fon procureur fondé depu is, l’homme dépofitairc de toute fa confiance, que les beaux-freres avoient
placé auprès de lui auiîi-tot la mort de fon perc.
L a curatrice eft chargée d’acquitter ce qui eft du à ce
procureur , fans aucun titre. V oilà le premier a£tc de
générofité de la cabale , il en furvint bientôt d’autres.
Le Marquis de Cabris étoit appelant de la fentence
d ’interdi&ion ; pendant qu’il fuit fon appel k A ix , les
portes de fa maifon font enfoncées, en vertu de cc juge
ment rendu fur fon état civil; fes meubles font dilperfés,
fes domeftiques cxpulfés; la curatrice perçoit fes revenus;
le juge dépouillé par l’a p p e l, l’autorife à faire faifir les
prétendus pupilles eu x-m êm es, pour les ramener en fon
pouvoir.
�7
T o u t femble confpirer la perte de l’opprimé , il de
mande à être mis fous la fauve-garde de la Juftice , Ie
Parlement le refufe ; il veut Te faire interroger par un
Com m iflaire de la Cour , ôC n’y parvient qu a grandpeine. U n e ordonnance permet à la curatrice de faire
exécuter par provifion la fcntcnce d’appel , on n’en ex
cepte que les perfonnes. A vec, tant d’avantages on redoutoit encore la défenfe du marquis de Cabris , tant qu’il
auroit fa femme à fes côtés.
Le 1 4 F é v r ie r, au milieu de la n u i t , elle eft enlevée
du lit de fon mari par des cavaliers de m aréchauflee, 8c
conduite à vingt lieues dans un couvent de la M o n ta g n e ,
où toute communication lui eft interdite ; fon mari préfente requête au P a rlem en t, pour qu’elle lui foit rendue,
com m e néceiTaire à fa défenfe; la demande eft jointe au
fo n d : il veut l’aller v o ir , il eft arrêté lui-même par un
huiifier efeorté de maréchauflee , en vertu d'un arrêt de
ce même P arlem en t, qui lui avoit rcfufé quelques jours
auparavant de le mettre fous la fauve-garde de la Juftice.
Sa fille lui eft également enlevée 6c mife entre les mains
de la curatrice. Enfin il eft ramené dans les mêmes mains,
& la mere aiFe£te encore , après c e l a , de faire plaider la
caufe , pour avoir un arrêt confirmatif ; il eft prononcé
le 1 i Avril. Dès ce moment le m a r i, la femme & l’en
fant paiTent, avec leur fortune , fous la puiflance de la
cabale.
Ici s’ouvre la carriere de deux procédés ; la curatelle1
s’étend fur les perfonnes & fur les biens ; le marquis de
Cabris n’étoit pas fou , mais il falloir le rendre tel, pour
prévenir &. empêcher tout retour : on place auprès de lui »
�ê
à i 1 0 0 liv de gages , le nommé A lziary , homme connu
par fa vie fcandaleufe , on lui entretient une table ou
verte pour fes aiTociés , où le maître n’eft admis que
quand il leur plaît. D eu x payfans en fous-ordre , gagés
pour le fuivre dans des inftans de liberté , ont l’ordre trop
fcrupuleufemcnt exécuté , de contrarier fes volontés ; la
moindre réiiftance, le plus leger fouvenir des droits de
fa raifon , font fur le champ punis par des coups i il
pafTe fa vie lié 8c garotté , 8c ne peut obtenir de voir
lâcher fes fers , que lorfqu’il parvient à plaire à cet
Alziary.
Sa mere , trop occupée de fa propre fanté pour le
venir vifiter dans fon ch â tea u , à trois quarts de lieue de
la ville de Gratte qu’elle habite , patte des iix mois fans
le voir.
Livré à des domeiliques qui veulent épargner leurs
peines, il couche fans drap s, & pour groiïïr le bénéfice
de la curatrice , k laquelle les parens avoient déterminé
une penfion fixe , 011 le laitte fans vêtemens , point de
médecin , 6c pour tout chirurgien celui du village, quand
il vient pour le rafer.
La femme initruice du fond de fa prifon , préfente en
1 7 7 9 une requête au Juge, pour faire conftater ces indi
gnités. C e juge prévenu , ordonne fon tranfport à Cabris.
Le jour convenu avec la curatrice , il l’y trouve dînant
avec fon fils; on rettufeite l’homme dont on avoir éclipfé
l’exiftence ; fon dire eft configné dans le procès verbal ;
on met dans fa bouche l’éloge de l ’adminiftration de la
curatrice , Sc on lui fait rejeter avec mépris les fecours
généreux de fa femme.
Leur
�V
L eu r fille u n iq u e , héritiere ci’un nom diftingué & do
de j o o o o liv. de re n te , e'ft mife dans le couvent de
G r a d e , k deux cent livres de peniion par année; fon édu
cation fe borne à quelques mois d ’ un maître d ’ écriture , 8c
aux petits exercices des coilvens de province.
L a femme enlevée dans le tems du procès d’interdic
tion , efl: releguéc dans un couvent où les pendons font
de cent quatre-vingt livres. L a cabale avoit arbitrairement
fixé la ficnne à cent louis > à prendre fur les trois mille liv .
que les parens avoient réglées pour fa dépenfe perfonn elle , 6i que le Parlement a portée à quatre mille liv'.
V o ilà ce que l’on fait à l’égard des perfonnes.
Les gens d’aiFaircs il utiles à l’interdi&ion, reçoivent
bientôt des récompcnfcs proportionnées aux ferviccs qu’ils
ont rendus pour la faire prononcer.1 Ils font mis en pofíe ilion d’ un mobilier de 8 0 0 0 0 livres, ils en difpofcnt
à. leur difcrécion , ils ne font i n v e n t o r i e r que ce qu’ils ne
croyent pas mériter leur attention ; pas un feul titre in
ventorié , les archives immenfes des te rre s, tous les titres
de famille font o m is , cet inventaire cil -figné par lacuratrice 6c par deux parens dévoués qui n’y afliftent ni
les uns ni les autres.
L ts biens font affermés au-deflous de ce qu’en avoic
trouvé le Marquis de Cabris lu i - m ê m e ; on donne des
pots de vin , on paye des termes à l’avance , les baux
font livrés à des fermiers fournis par les procureurs qui
pourfuivoient 6c défendoient l’intcrdi&ion. Les prétendus
parens ayant gratuitement fuppofé qu’il cft dû à l’un
de ces procureurs (le fieur Seytrc), autorifent la curatrice
à vendre 6c à emprunter pour cela ; elle lui accorde généB
�Io
jeufement é i'oo-o Livr , fom m e déléguée aufli-tot par des
mandats acceptés des ferm iers, qui deviennent p a r-ta
débiteurs perfonnels du délégué.
O n démolit des bâtimens faits depuis peu , fous les
ordres Sc fur les devis de cet homme d’affaires.
O n en conftruit de neufs h grands frais.
O n détruit des jardins plantés par le propriétaire avec
foin
5c avec beaucoup
de dépenfe, on en fait des cham ps,
o n ^ e répare rien , on laiiîe tout périr.
L ’anéantiiïement des deux époux prévenoit les incon-?
véniens d’une plus grande lignçc , fie laifloit aux beauxfreres l’efpoir de partager les fubftitutions des biens aux
quelles leurs femmes font appelées ; mais le marquis de
Cabris avoit, ,unc fille , 6c elle pouvoir vivre.
Les beau x->frères renouvellent une prétention de légi
times de leurs fe m m e s , fixées par le reftament du pere
com m un à 8 o o o liv. de fupplémem 3 & que- le marquis
de Q ibris avoit généi-eufement acquittées beaucoup audulà par une fomme. de z o o c o liv. payées en 1 7 7 5 à
chacun d’eux.
L a curatrice fait un compromis avec fes gendres , &
par une tranfaclion elle leur affure dès à préfent une fomme
d’environ 2 0 0 0 0 0 liv . acquittée en partie par des em
prunts s le furplus délégué fur les biens de l'on fils, a,leur
choix.
A v ec 5 0 0 0 0 liv. de revenus dont on faifoit dépenfer
moins de 6 0 0 0 liv. aux propriétaires > fans autres charges
que les engagernens fuggérés par la cabale , on etoit tou
jours à 1 étroit dans l’adminiftration.
Les prix de ferme étoient délégués à l’avancc aux gens
�1I
d’affaires & aux fous-ordre:; la voie des emprunts éroit
é p u ifé e , les billets de la curatrice devenus le rebut de '
la place de GraiTe.
L ’anéantiiTement de la trarrfa£tion paffée entre le rhatquis de Cabris & fes vaiTanx Hu moment de l'interdiCtiOn *
fait efpérer à la cabale une preuve complette de
la
fuppofée démence. L a curatrice n’ofe attaquer directe
ment cet a£te confenti par celui qu’e lle repréfente : on
le fait attaquer par le fermier ; il fuccam be , & lfe Par
lement d’A ix qui avoit reçu la dénonciation doucette
tranfaction comme une preuve de l’aliénation d’efprit
du marquis de C a b r i s , confirme trois ans après ce mo
nument de fa fa g e fle , Sc condamne le fermier à de
gros dommages & intérêts envers la com m unauté; répa
ration que les gens d’affaires , îniligateurs de la démar
che , engagent la curatrice d’acquitter aux dépens du
fonds.
' •
t
T o u t étoit perdu , les deux époux, leur enfant unique
& leurs biens, fi la femme n’eût fait entendre aux pieds
du T rô n e fes gémifTcmens & fes’ cris.
Le Sou verain, dans le fecret de fa ju ilice, charge fpécialcmcnt un m iniftrc(M . Lcnoir, Confeiller d’Ètar) digne
de fa confiance d’être le protecteur du foible, de lui faire
un fidelle rapport des malheurs de la marquife de Cabris.
Elle cft admife , non pas à fe juftifier d’accufations
connues , mais on lui permet de donner le journal de fa
vie ; auili-tôt fa liberté lui eit rendue.
Elle n’en profite que pour fecourir fon mari & fa fille,
pour recouvrer avec eux leur état & leur fortune.
L e moment étoit décifif; il ne reftoit plus à la cabale,
B ij
�11
pour confommcr Tes entreprifes , que de difpofer de cette
fille unique , elle approchoit de fes douze ans ; d ’accord
fur tous les moyens de l’oppreflion , les chefs de la cabale
fe trouvoient divifés fur ce point ; chacun vouloit difpofer de cct enfant ; tous cherchoicnt à fe tromper , la
c u r a tr ic e , fans volonté à elle , recevoir toutes les imprefiions de ceux qui prenoient alternativement des avan
tages fur fes entours.
Les foins & le courage, de la nicre préviennent ce façrifice.
Ses plaintes portées aux pieds du T rô n e , Paine com~
patiflante du Souverain eft émue du récit de tant de
m a u x , fa, juftice eft éclairée par les juges refpcttablcs qui
com pofent fon Confeil ; un premier arrêt ordonne que
le Parlement d’A ix enverra, dans un mois pour tout délai,
les motifs de fes jugemens &: les procédures faites contre
le marquis & la marquife de Cabris.
A rrê t définitif du i 5 A o û t 1 7 8 3 , qui caffe & annulle tous ceux du Parlement de Provence 3 la fentence de.
GraJJe qui prononce l ’ interdiction du marquis de Cabris
notamment l'avis de parens qui nomme la curatrice } enfem ble tout ce qui a pu s'enfuivre ù s'en ejl en fu iv i, ordonne que de l'ordre exprès de Sa M a je jlé 3 le marquis de
Cabris & la demoifelle de Cabris f a fille feront amenés dans
cette ville de Paris
le pere 3 pour être mis dans une
maifon de fa n té du choix de Sa M a je jlé , & la fille 3 dans
le couvent de Bon-Secours.
Sur la demande en interdiction , originairement formée
par la mere du marquis de Cabris contre fon fils 3 les
Parties renvoyées devant M . le Lieutenant C iv il du Châ-
�15
-telet 3 f a u f Vappel au Parlement de Paris 3 ou. lefdites
deux dames de Cabrif j belle-mere ô bru 3 formeront telles
demandes qu’ elles aviferont 3 toutes les chofes demeurant
en état.
C e t a£te de la bienfaifancc & de la juftice du plus
clément des M o n a r q u e s, uniquement occupé du bon
heur de Tes fujets , n’attere pas la cabale.
L e iieur Seytre écrit le 2 7 A o û t 1 7 S 3 à celle-même
qui avoit obtenu cet a& e de jufticc :
Q u e la dame Lom bard en a reçu la nouvelle de
M . le marquis de M ir a b e a u , avant que perfonne en aie
été inftruit dans le pays x
E t qu’ i l lui mande 3 ne vous alarme\ pas 3 madame ,
fu r cet événement 3 c’ efl un arrêt rendu fu r requête fans
vous entendre 3 & une fimple oppofition de votre part en
fu fpen d l ’ exécution.
L ’officier chargé de l’exécution de l’arrêt du Confeil trouve la demoifellc de Cabris n’ayant pour tout linge
que quatre chemifes 3 fans coiffure & fans jupes , avec la
feule robe de toile qu’elle avoit fur le corps.
Les ouvriers travaillent toute la nuit pour finir le feul
habit que le marquis de Cabris ait apporté : on y joint
d ix-n eu f chem ifes, il n’avoit ni mouchoirs ni bas. L ’offi
cier ne peut obtenir pour lui Sc pour fa fille , qu’ on leur
f&urniffe le linge dè h t & de table dont ils vont avoir
befoin.
L ’arrêt du Confeil des dépêches ordonne que les frais
de tranflation feront pris fur les biens du marquis de
C a b r i s , fa fubfiftance, celle de fa fem m e & de leur fille
�14
doivent aufli leur être fournies des memes f o n d s , tous
fans exception , entre les mains de la curatrice ; l ’officier
chargé de l’exécution de l’a r r ê t , la fomme inutilement
de facisfaire à ces devoirs que la nature lui im p o fe , que
la juftice exige de ceux qui ont entre les mains les biens
des autres, ÔC que l’arrêt mis à exécution , ordonne précifémenr.
A v e c un mobilier de 8 0 0 0 0 liv. paiïe entre les mains
de la cu ratrice, plus de 3 5 0 0 0 0 liv. par elle touchées
des revenus des biens pendant les fept années de fon
ufurpation , elle ne peut fournir les frais de tranflation ,
elle a difpofé du linge même trouvé dans la maifon de
fon f ils , elle ne peut pas en donner pour l’ufagc indifpenfable des propriétaires , elle refufe de quoi payer le
premier quartier de leur penfion.
Il 'faut qu’ une femme , qu’ une mere infortunée , le
jouet des perfécutions & de la tyrannie de la cabale ,
luttant depuis Jept ans contre la tyrannie ëc l’injuftice ,
épuifée à pourfuivre des fantômes oppreffeurs difparus
dès qu’elle a pu les faiiir , il faut qu’elle avife aux frais
de tranflation de fon mari & de fa fille , il faut qu’elle
feule les pourvoyc de linge de toute efpece , qu’elle les
habille , qu’elle les meuble , qu’elle les nourriiïe , ainiî
qu’elle-même , qu’elle procure au perc les fccoursde fanté
qu’exige fon é t a t , ôc à fa fille l’éducation dont fon âge
eft fufceptiblc , fur la feule relTourccf'dc íes amis ôc d ’em
prunts trop multipliés pour n’être pas onéreux.
S'il pouvoir encore refter quclqu’apparcnce de réparer
promtement les vides ! L a curatrice a reçu d ’ avance deux
années du prix des fermes , elle a enlevé du château le
�M
peu de meubles qui y reftoient, les maifons de ville
de campagne font dévaftées.
L a vaiiîelle d’argent efl mife en gage, il n’y a pas j u f
qu’aux boucles d’or de Ton fils qu'elle n’aie arrachées defes pieds la veille de fon déparc, & qu’elle a vendues pour
venir le pouriaivrc en cette ville ( i ).
Les Parties renvoyées à un nouveau T r i b u n a l, la ca
bale y reprend fes anciens erremens ; une femme feptuagénaire quitte pour la premiere fois fa retraite , à deux
cent lieues de la capitale ; y vient-elle apporter du pain
aux opprimés qu’elle en prive depuis long-tems? Non ,
elle annonce des avances dont elle demande le rembourfement par privilège fur les rentrées échappées à la vigi
lance de fes agens ; y vient-elie donner à fon fils des
fecours de fanté ? 'Elle ne le voit que pour renouveler à
fes organes la réminilccncc des mauvais traitemens exercés
contre lui , elle fe fait accompagner du iicur A lziary qui
en a été .l’i-nftrumcnt ; amené à grands frais en cette ville
pour reprendre fon c a p t i f , pour le rejeter dans les fers
que l'humanité d’un M onarque bieiifaifant a brifés.
Si l’on défefperc de cet avantage , on peut au 'moins
s ’en ménager d’autres , à la faveur de l’afcendaot qu ’une
longue c i cruelle habitude procure iur I’eiprit de ceux
q u ’on a tenus fous fa loi : on peut furpremlre au marquis
de Cabris un arrêcé de compte qui couvre les vices de
l’adminiftration ; on peut extorquer fon confcntemcnt à
la difpofition déjà projetée de fa fille unique.
( t ) C ’ cft le fieur R a b a is , o rfeyrc Je G r a llc , qui les a achetées depuis le dépare
«lu marquis de Cabris.
�TS
U n e affemblée de famille eft indiquée chez le M ag iftrat le 2 o D écem bre; des parens &. am is, illuftres par
leur naiflance , diftingués par leurs grades 6c par les
places qu’ils o c c u p e n t, démontrent l’oppreffion exercée
par la cabale : les interrogatoires du marquis de Cabris
devant les Juges de Provence, les dépofitions de témoins
refpe£tables entendus fur les lieux , les actes paifés par le
prétendu malade dans le tcms même des pourfuites, pour
le faire déclarer en d é m e n c e , font mis fous les yeux du
Juge ; on d é velo p p e, on rapporte les preuves des mau
vais traitemens exercés fur la perfonne : les actes multi
pliés des abus de l’adminiftration de la prétendue cura
trice font repréfentés, elle eft forcée d’avouer la difperfioa du m obilier, la difpofition à fon profit de la vaijjellc,
d ’ argent 3 jufqu’à la vente des boucles d ’ or de fon fils. O n
lui repréfente les quittances de ces recettes anticipées ,
toutes les voix s’élevent pour la forcer à donner des alimens aux propriétaires de ç o o o o l i v . de re n te , dont les
revenus font encore dans fes mains , tous les vœux fe
réunifient pour la priver de ce refte d’une ufurpation
anéantie par l’arrêt du Confeil des D épêches du i 5 Aoiic
précédent.
Le Magiflrrat nomme un féqueflrc pour la réception
des reven us, fon ordonnance en dirige l’application à la
fubfiftance du marquis de Cabris , de fa femme 3c de leur
enfant.
C e t a£tc de juftice ne remédie point à leurs maux , les
revenus font reçus d’avance , des faifies fur ce qu’on n’a
pu toucher, faites par les membres de la cabale entre les
mains des fermiers dont les baux font an éan tis, mais qui
continuent
�r
17
continuent k percevoir les fruits dans l’anarchie ; des
délégations fur ces mêmes baux laiiTent le féqueftre fans
fon£tion.
L a cabale qui veut rétablir le défordre , fait paroître,
fous le nom d e là curatrice , une confultation im prim ée,
répandue avec profuiion , dans laquelle on fuppofc un
conflit entre la mere & la femme du marquis de C a b ris ,
pour la préférence de fa curatelle, queilion vraiment fupp o f é e , puifque la femme combat depuis fept ans de T r i
bunal en tribunal, 8c foutient que fon mari n’a jamais
été dans le cas d’être interdit, qu’ il n’eft pas encore dans
ce c a s , malgré les mauvais traitemens exercés fur fa perfonne pour aliéner fa raifon.
Enfin la cabale voyant échapper de fes mains 8c la
curatelle que l’arrêt du Confeil a caiFée, 6c l’adm iniftration des biens qui l’occupe bien d avan tage, 6c l’cfpoir de n’avoir ni l’un ni l’a u tre , par l ’état de fanté du
marquis de Cabris , par le vœu unanime des parens ÔC
am i$, par les preuves rapportées des traitemens exercés
fur la perfonne du malheureux pendant l’ufurpation , 6c
des
abus
encore
plus énormes dans
l’adminiftration
des biens ; la cabale n’a plus connu que les mouvemens
de la rage 6c du défefpoir contre celle qui éclairoit fa
conduite pafïee , 6c qui anéantifloit fes projets pour l’a
venir. U n libelle affreux de 69 pages eft imprimé 6c d is
tribué avec profuiion ; tout ce que la malignité , le
m en fon ge, la calomnie la plus atroce peuvent enfanter
y efl: prodigué contre une femme qui arrache à la cabale
fes vi£limes.
Ses mœurs y font attaquées par les calomnies les plus
C
�i 8
.baffes. & les plus viles : les a£üons les plus innocentes de
fa-vie y font empoi-fo-nnées , >fon honneur & fa réputation
y font déchirés , les fafifications d’écrits confignés dans
des regiftres publics , les altérations d ’écrits particuliers
pour leur donner un fens tout combiné &. convenable à
la malignité des calomnies grofiieres dont le libelle cfl:
tiffii y font prodiguées. O n y joint la difcufïion du procès
d’intcrdi& ion, dont tous les actes font anéantis par l’arrêt
du Confeil des Dépêches du i 5 A oût 1 7 8 3. C e m ém oire,
ians p ro c è s, fans con tcftation, fans P a rties, fans autre
objet que la diffam ation, cft fuivi de la confultation ré
pandue un mois auparavant fur la queftion de préférence
pour la curatelle de l’interdit entre la merc de la fem m e,
queftion qui n’eft préfentée nulle part dans ce mémoire ,
que n’ont jamais vu les Jurifconfultcs qui ont iigné la
confultation.
A près ce tableau des perfécutions qui ont détruit ma
m aifon, l ’exiftence de ma fam ille, & qui ont ruiné notre
fortune, je prends la plume pour ma défenfe pcrfonncllc,
mon mari a été privé fept ans de fa liberté civile , il s’eft
vu enfermé en chartre privée dans ia propre maifon , expofé aux plus vils traitemens, dénuée du néceffaire le plus
indifpenfable.
J ’ai été enfermée trois ans dans un cou ven t, fans cornmunication avec ma famille 8c mes amis ; notre fille ,
dans l’âge le plus tendre , a été abandonnée fans fecours
& fans foin , & quand j ’obtiens ma liberté , que je la
procure à ces deux infortunés , victimes de la cabale ,
quand je parviens à dévoiler fes noirs c o m p lo t, je vois
mon honneur , ma réputation attaqués par un m é
�i,9
moire calomnieux , où coure ma famille cû: diffamée.
Je commence pitr établir fur les preuves les moins
équivoques &: connues des auteurs mêmes de la.calom nie,
la fauil’e té des imputations. Pour mettre; de l’ordre, dans
ma déferife , pour éviter le défordre ail celé de nos. ptr.-féc uteurs, je diviferai par fàics leurs imputations abomi
nables , 6c je joindrai mes preuves fur chaque faitJe me vois forcée de nommer plu fleurs perfonnes dans
m a justification, & de donner des copies 6c des extraits
de leurs lettres;, leurs noms tcfpc£lablç.s donnent de nou
velles forces à mes m oyens, je ne les cite-que quand leur
témoignage m ’eft néceffaire, je n’emploie de leurs écrits
que ce que je ne pourrais omettre fans aff.oi.blir ma. de*f e n f e , & c’eft toujours avec les ménagemens dûs à leur
naiffance & au rang qu’ilis occupent dans le mondes
■
'
Si je jette en,fuite un. coup d’œil fur. la difcuiîion de
l'affaire , de l'interdiction anéantie par l'arrêt du
1y
A o û t dernier, ce ne fera que pour développer davantage
les complots de la cabale qui nous p crfécu te, pour dé
montrer qu’elle ne s’efl; jamais étayée que fur le menfonge
& fur les fuppoiitions les plus révoltantes.
P R E M I E R
F A I T .
« L ’ hôtel de Grajfe placé dans le plus beau local
fj
>j embelli de tout ce que M M . de Cabris avoient cru
» propre a en fa ire un féjou r agréable, ne lui parut pas
53 ajje\ vajle s i l fa llu t cùnfiruire & vetfer, fuivant l ’ ufage
>3 des A rtifies en ce genre, z o o 3o o o livres au lieu de
»
i o o , o o o liv. qu'on avoit projeté d'employer ’>.
L a maifon paternelle étoit occupée par la dame de
C ij
�£
Lom bard ,
laifle par
&
douairiere de
6
Cabris. Son mari lui avoit
teilament la jouiflance d’un ap partem en t,
elle l’occupoic prefque tout entier.
L a déférence du fils pour fa mere , rem pêchoit de
la reftreindre à ce qui lui étoit réfervé. Les influences
de la cabale naiflante fur
Pcfprit de mon
mari , le
portèrent à en faire conftruire un autre. Q uoique bien
jeune encore, je prévis l’énormité de la d é p e n fe, & je
m ’y oppofai ,
mais inutilement ; j’en écrivis à mon
pere , &C voici ce qu’il me répondit par fa lettre du
a Février 1 7 7 3 .
» A l’égard de votre bâtiment ,
on dit qu’il faut
w une fois en fa vie faire une folie , c’en eût été une
» plus tard , au lieu qu’a préfent c’cft jeter la go irme
» de la jeunette à bon marché fur un fonds , & d’une
n
maniéré bien folide ; au
refte j ’ai
apperçu qu’en
53 qualité de voifin de l’Italie , le goût de bâtir étoic
» celui du pays.,; au fond , cela me paroît tout fim ple,
»> à G ra d e , où chacun conftruit fes propres fonds ;
» Q u a n t à moi parernellement p a rla n t, j’aime mieux
« que Cabris bâtille que s’il péroroic à l’hôtel de ville
»
d’A ix »3.
Que
réfultc t-il
d e - l à ? U n e dépenfe confidérable
pour mon m a ri; pour fa m e re , la jouiflance où elle eit
encore d’une maifon où elle n’avoit droit qu’à un petit
appartement ,
àc
pour
la cabale qui
fc
formoit ,
l ’expérience de ce qu’elle pourroit ofer par la fuite.
Si j ’avois eu fur mon mari dans les commencemcns
de mon mariage , l’afccndant qu’on me fuppofe , née
& élevée à P aris, nouvellement tranfplantéc en province,
�a u r o is -je balancé un inftant entre le féjour de Graiïe
& celui de la C ap itale, où notre fortune & les attenanccs
de ma familie nie promettoient une exiftence agréable.
D E U X I E M E
F A I T ,
I l parut en 1 7 7 4 , des affiches imprimées contre des
perfonnes de la plus haute conjîdération
qui furent fuivies
d'informations, décret de prife- de-corps
& tout l ’ appareil
de la procédure criminelle. I l ejl d ity page 6 du Mémoire
que le marquis de Cabris n ’ étoit pas l ’ auteur de ces
couplets y mais qu’ i l avoit eu la foibleffe de f e prêter a
l ’ exécution du com plot, & on ajoute de fu ite a. la page 7
qu’ i l s ’ étoit laiffe entraîner par fon epoufe qui avoit cherché
a exercer f a vcngeance perfonnelle & celle de fa fociété de
Poetes.
On a tranferit pour le prouver des fragmens de lettres
qu’ on dit écrites de moi , & qu’ on refufe de repréfenter.
'
A la page 1 3 , ligne 1 4 ,0 / 2 dit 3 que j e ne craignois
pas-feulement les foupçons , mais les preuves ; à a la page
6 8 j i l ejl dit , que f i on fe reporte en 1 7 7 4 3 mon
imprudence attira fu r la tête de mon mari un orage terrible
où j e rifquai d'être compromife encore plus que lu i 3f i j e ne
parviens a étouffer les progrès de la procédure criminelle.
Je laiiTc h. M. le Marquis de V a u vcn a rg u cs, ch ef de
la maifon de mon m a ri, & à M . de G r a s , fon beaufrcrc, la réponfe à cette imputation.
V o ici ce que le premier écrivoit au M arquis de Cabris
le 1 5 M ai
1774.
» V ous aviez raifon de croire , Monfieur mon cher
�11
» cou fin , que je ferois étonné 8c fâche de votre aflaire ,
» 8c que je ne négligerois rien pour la faire finir. M . de
» C alvi m ’a dit vous avoir envoyé h i e r , par M. de
» Briançon, les lettres d’ap pel, Il la procédure cil caffée,
»
comme je l’efpere ,
les prifonniers feront élargis;
« profitez de ce premier moment fans délai , pour les
» faire paffer en Piémont ou en Italie ; ces témoins
font les feuls qui puiiTc dépofer contre vous ; il cft
» inutile que je vous dife combien cette affaire m’afflige,
»
8c combien je la trouve humiliante pour vous............
J’étois alors venue à P a r i s , pour implorer les fecours
de mon p erc, dans une affaire qui compromcttoit mon
mari.
V o ic i cc que le Marquis de Vauvcnargues m ’écrivoic
à moi-même à Paris , le i 6 M a i 1 7 7 4 .
*j Vous ne devez m ’adreffer , ma chcrc cou fine,
» aucun rem erciem ent, des foins que je puis me donner
» pour l’affaire de votre mari ; on a ici une minute de
» la procédure fur laquelle M. C a l v i , bcau-frerc d e M .
« le Procureur G énéral, a confulté les trois plus fameux
» A vocats qui unanimement ont été d’avis d ’appeler
» des décrets, 8c de tout cc qui a été fait. M . C a lvi
» a levé ces lettres d’appel 8c les a envoyées à M . votre
« m a ri, par M . de Briançon; j ’ai écrit fur cela à M .
« de Cabris , que fi la procédure eft cafféc , les prifon« niers feront fur le champ mis en liberté ; je lui écris ,
a & lui répété plufieurs fo is, que lorfque les prifonniers
m feront élargis, il ne doit épargner, ni peines, ni
» argent , ni a&ivité pour les
faire paffer en pays
» étranger ; ces prifonniers font les feuls témoins qui
�¿3
« puiiïent dépofer contre lui , s’ils difparoiiTent, tout eft
dit en notre faveur (i ).
L e Marquis de Vauvenargues lorfqu’ il
écrivit
cette
lettre , ne foupçonnoit pas que cette expreflion d’intéiêc
le rendroit un jour aux yeux de ma bcllc-mcre , tout
au
moins complice d ’un complot dont il cherchoit à
détourner l'effet de deiTus la tête de fon parent.
Il écrivoit à M . le Marquis de Cabris lui-même , le
16
Juillet « je vois avec douleur que les voies
de
m conciliation pour l'affaire des placards font épuifées.
» L ’obftination de M . de Pontevès a rendu inutiles
>3 celles même qui paroiffbienc les plus affurées. Il veut
»3 un arrêt; je prévois qu’un arrêt ne peut être que bien
» fâcheux pour vous. M .P a z e ry , A vocat le plus célébré que
» nous ayons pour la confultation., homme cftimé autant
par fa p ro b ité , que par fes lum ières, m’a d i t , M.
» le marquis de Cabris , doit mettre la main fur la confm cience , s’il cit innocent, il faut qu’il refte tranquille...
Il m ’écrivoit à moi , le 2 4 Juillet « après la lettre
que vous m’aviez fait l’honneur, ma chere cou line ,
v* de m ’écrire le 1 o de ce m o is , j’étois tranquille fur
»3 le fort de mon cou iin ; mais cet état d’affurance cil
(1) O n fem ble à la page 7 , avo ir voulu tirer des preuves d’ inculpation de ce que
clans les lettres q u 'on m e fuppofe , je parle de cette affaire en nom c o lle & if ; v o ilà
le M arquis de V a u v e n a rg u e s fe fervant des mêmes cxpreflïons ; dans la lettre que
je cite quelques lignes plus b a s , on y lit » nous fommes aiTujetis aux réglés
« de la ju ftic e , tous nos foins* toutes nos démarchés j doiven t aboutir à to u rn er
* les choies de façon que ce (oit nos parties qui fafl'ent les fa u te s , & nous four« nifTtnt des c irc o n ft a n c c s h eu reu fes , dont il faut être a tte n tif de p ro fite r , en nous
» conform ant toujours à la rcgle : voilà notre tâchc.
�*4
»> bien changé depuis la le& u re de la vorte du 2 1 , Ton
»
état m’a fflig e , &c je le crois dans le plus grand d a n g e r ,
>3
pour ne pas fuivre vos avis ôc ne pas vous don n er
«
fa confiance , qui vous cfl: aquife par des titres il
«
refpcctablcs. D a n s cette fituation des chofes , je ne
»
vois pas , m a chcrc coufine , ce qui peut vous refter
»
à faire que vous n’ayez déjà fait.
L a cabale
bcau-pere
qui s’étoit form ée dès la m ort de m on
, pour nous
défunir
8c
nous
d é p o u ille r ,
profitoit de tous les événemens.
M . le M arqu is de V au vcnargu es m ’écrit le 20 A o û t
I?74'
»3 C e n’e f t , ni votre faute , ni la m ie n n e , fi d’autres
>3 confeils ont prévalu ; il ne refte plus que des précau>3 tions à p r e n d r e .............vous en a v e z propofé , j’en ai
»
propofé aufîî ,
on veut en fuivre d ’autres. O n rend
»
fufpetb à votre mari tout ce qui vient de v o u s ..........
33 Je prends donc la liberté , m a cherc coufine , de vous
33 confciller de refter en repos, 6c de ne plus vous mêler
>» de cette affaire, parce que tel bon parti que votre mari
>3 pourra
prendre , on
le lui fera éviter s’il vient de
»3 vous ÿ fi les chofes réuiTiHent, com m e on le lui fait
3
j efpercr , tant mieux , fi au contraire elles m anqu ent y
>3
votre
mari reconnoîtra alors qu’on l’a trom pé , Sc
«
reviendra à vous avec plus de confiance que jam ais.....
»
Je vous confeillcrois moins l’ina£tion , fi je ne voyois
>3 contre vous que des gens en fous ord re; mais dès-que
>3 la fa m ilU s'en m êle, refle^ en repos , s ’ i l efi pojjible ,
>3 fà n s cela on rejetera fu r vous tous les mauvais fuccès.
M» de G r a s , C o n icillcr au Parlem ent d ’A i x , bcaufrere
�frere de mon m a r i , lui écrivoit le 3 1 M ars 1 7 7 6 .
« Je ne vous répété pas ce que je vous ai die pour
' } finir cette malheureufe affaire , qui afflige véritable”
ment toutes les perfonnes qui vous appartiennent ;
» vous croyez 6c je le crois auiîi , qu’il n’y a pas allez
« de charges dans la procédure; mais je ne voudrois pas
» pour tout au monde courir le rifque d ’être jugé dans
» une affaire de cette nature , d ’autant plus que vous
» ne pouvez pas vous diflimuler qu’il y.a des préfomp« tions fi fortes que les Juges pourroient les regarder
» comme des preuves ; j’ai vu juger pluficurs fois des
»» aff aires criminelles fur des préem ptions moins fortes;
» croyez-en une perfonne qui a trente ans de fervice,
« 6c qui vous cil attachée par des liens trop forts pour
»
»
»s
»
avoir d’autre objet que votre avantage. Réfiéchiflez
bien , mon cher frere, fur l’avis que je vous donne ,
6c croyez qu’il n’eft di£té que par le véritable intérêt
que je prends à vous. C e t intérêt eft éclairé par une
« longue expérience qui m’-a appris qu’il n’y a rien de
» sûr au Palais.
La même lettre en contient une autre du Marquis
de VauvCnargues , pour engager mon mari à la conci
liation.
A ces témoignages je peux joindre celui dc >M. le
Marquis de Mirabeau mon perc , fur la même affaire.
Par une lettre du i
Juin i 7 7 4 > ü me marque que
dans cette affaire je dois nie conduire par les confeils
des parens de mon m ari, 6c entr autres de M . de V au vcnargues : 6c il ajoute » fi quelqu’un y récalcitre , il
faut lui donner la peur , pour qu’il gagne la M o n t a g n e ,
D
�26
m & laide fa procuration ; au refte il eft certaines gens
» qui ne trouveroicnt pas bon certaines retraites ; vous
m
m'entendez.
Par une autre lettré du
1 8 A o û t fuivant , il me
marque » M . de Cabris eft trop malheureux pour qu’il
» me foit permis de le blâmer ; d’ailleurs, je ne mç
« fuis jamais guere exercé en ce genre ; plus nos devoirs
« font pénibles , plus ils font impérieux , & fi M . de
« Cabris fe refufe à ce qui eft dû à fa perfonne , vous
»» ne pouvtz remplir les vôtres envers lui qu’en faveur
■
» de fa maifon ; je ne fuis point furpris que la caraf
es trophe s’ avance , il feroit plus que tems qu'il fongeâc
m à fa perfonne. M. de Vauvenargues m ’a mandé & dit
>4 que la famille dévoie être contente de vous ; je n’ai
« en ma vie qu’une méthode pour fixer les incertitudes
« qui fe préfentent plus abondamment aux têtes vives ;
« c’eft de me dire , où donc eft le devoir ? Marchons ;
« mais v o j s n’en êtes pas encore là.
Il m’écrivoit le 4 Septembre » tout innocent qu*eft
» M- de Cabris , êc je le crois en vérité beaucoup , le
>j hafard fculpourroit alarmer tout autre moins intrépide;
»» e n fu ite , qu’un Homme puiiTe vous affirmer comment
» un aut.e jugera.
M on pere croyoit que mon mari n’étoit pas coupable ,
8c affùrément il ne l’étoit pas , fes Advcrfaires ne l’ont
jamais cru tel ; il eft de notoriété que les couplets dont il
s’agifloit dans le procès, avoient été envoyés en manufcric
à. M- l’A bbé de Pontevès , l’un des offenfés dix ans
auparavant , dans le tems où mon mari étoit au Collège
& moi au Couvent. Les offenfés ne cherchoient dans
�la vivacité de leurs pourfuites que la découverte des
véritables auteurs dont ils croyoient que mon mari p o u
voir avoir quelque connoiflance:.
Je n’ai pas befoin d’autre preuve de l’innocence de
mon mari ,
que l’accommodement fait par M M . de
Pontcvès(, quand ils ont déïefpéré de trouver les vrais
coupables.
En faut-il un autre témoignage ? M . le Marquis de
Pon^evès, homme d ’une naiflanceilluftre3 & en poiTcffion
de la confidération due à fon rang & à fon mérite perfo n n e l, efl: parent de M. de Cabris , il habite la même
v i l l e , il avoit eu contre lui le procès des couplets deux
ans auparavant : la cabale qui fe réunit pour nous perdre
en 1 7 7 7 , n ’ofa jamais invoquer fon fuffrage ; il fut fi
révolté des moyens employés pour nous détruire l’un èc
l’autre , qu’en 1 7 7 9 , il fe joignit aux parens qui firent
des repréfentations au miniftre du R oi fur les excès
dont mon mari Sc moi étions vi£bimcs ( 1 ).
Q u ’on juge à préfent les motifs des auteurs du M é
moire dans les fragmens fuppofés de mes lettres copiés
à la page 7 ; qu’on juge l’intention dans leurs afTertions
des lignes 7 & 1 9 de cette même page , où il cil d i t ,
que ces lettres prouvent de.quclle terreur j ’étois agitée
pour m o i-m ê m e , &C que je gardois encore moins le voile
dans celle écrite à la dame de Lombard , parce que je
parle de cette affaire en nom collectif , & comme par
tageant avec mon mari les fuites qu’elle pouvoit avoir.
( i ) Placct de fam ille dépofé chez M e Pizcau , N o taire à P a r is , le j o Ar r i l 177?-
D ij
�i 8
O n a eu encore l’infidélité de tronquer cette phrafe
de ma lettre , où après avoir parlé d’ une affaire qui fait
des principauxhabitans.de. Graffemes ennemis ; » j ajoute
”
je ne peux plus rien cfpérer de la coniidération qu une
» femme cire ordinairement de fon mari.
Je fuis bien éloignée d’envier à madame de Lom batd,
le mérite d’avoir terminé cette affaire malheureufe ; mais
jamais elle ne l’a connue que par les bruits p ublics;
jamais elle n’a fait aucunes démarches pour fon fils. Dans
cent lettres que j’ai des différens parens ou autres perfonnes à. qui je me fuis adrefféc alors , on ne trouvera
fon nom nulle part ; j’ai encore une lettre d’elle à fon
fils du 10 A vril 1 7 7 6 , lorfqu’il éroit à A i x pour termi
ner cette affaire ; la premierc qu’elle lui ait écrite depuis
fon départ de Graffe , où il n’en cft pas feulement
queilion.
M o n pere m’écrit le 1 o Juin 1 7 7 4 « le fait eft que ou
« vous êtes les coufeils de M . de Gourdon x Si à A ix ,
» £c dans la Province , ceux de M . de Vauvenargucs.
»3 V o ilà quelle doit être votre bouffole, 8c votre affaire
» eft d ’être le point de raliement & de réunion de leurs
» correfpondances.
C e furent en e f f e t , M . de la T o u r , premier Préfidcnt ,
èc M .
de Caftillon , Procureur .Général du
Parlement d’A ix , qui voulurent bien en être les arbitres,
mais ce ne fut point à la follicitation de la dame de
Lom bard, cômme on le dit à la page 8 du Mémoire ;
j’oppofe -à cette affertion deux témoignages qu’elle ne
reeufera certainement pas M . de Gras , fon gendre *
&
M.
de Vauvenargucs , dans leur lettre écrite fur
�1 9
l'a même feuille le 3 1 Mars 1 7 7 6 " , déj«\ c it é e ; voici
comme le premier s’en explique ; » je crois devoir vous
» inftruire , Monfieur &C très-cher frere , de ce qui s’efk
» paile depuis peu de jours , au fujet de l’affaire des
3» placards ; M. de la T o u r ôc M . de Caftillon , ont bien
» voulu d ’ office y ô fans que perfonne les en eût priés ^
agir auprès de M . de P o n te v è s , pour l ’£ngager à
« donner fon confentemenr pour finir cette a ffa ire, par
m
l’arbitrage de quelques Gentilshommes ou Magiftrats.
M . de Pontevès a conicnti enfin d’arbitrer; il a prié
>3 M . de la T o ur de vouloir bien être un des arbitres ;
» M . de la T o u r nous a ch argés, M . de Vauvenargucs
>» &
moi , de vous écrire, pour demander votre confcn-
» tement à cet arbitrage.
O
Le marquis de Vauvenargucs m ’écrit le 2 6 Juin Aiivant n j ’ai l’honneur de vous féliciter , madame ma
» chere coufine , l’affaire de M . Cabris a été finie hier,
si La procédure a été ca'flee du confencernent de toutes
» les P a rtie s , entièrement an éantie.........Ces M M . ont
»
donné hier leur d é p a rte m e n t, & tout e ft, dieu merci ,
»3 terminé.
T R O I S I E M E
«
F A I T ,
p. 9 , alineâ, Iig. 3.
M . de Villeneuve , homme d ’ une tiaiffance & d'un
>3 mérite dijlingué 3 baron de Mouans } & Sénéchal de
»3 GraJJ'e
,f e plaignit d'un affaffinat prémédité fu r f a per-
» fonne ; le Parlement d 'A ix prit connoiffance de cette
»» affaire 3 & nomma des Juges a Grajfe • la procédure
>3 fu t
inflruite , & des decrets lancés y le
�yo.
» décrété de prife-de-corps prit la fu ite ; on ménagea la
»»foiblejfe de fe s complices. Madame de Cabris & madame
» de La Tour Roumoules , qui ne furent décrétées que d'afm figné pour être ouïes , & un Jîeur Briançon 3 d ’ ajourne» nement perfonnel; le procès f u t réglé a l*extraordinaire ,
» on récola s on confronta les témoins, & les accufés préfens
m ejfuierent toute l ’ humiliation de cette injlruclion crimim nelle. Sentence le
z Octobre
i 7 7 6 , qui juge les
contumax & les coaccufés ; fentence qu’on donne en
guillemets comme copiée fur la grotte à la page
1 o du
/Mémoire (1).
Q u i ne croiroit à cet expofé que le quidam dont on
laitte le nom en blanc , décrété de prife-de-corps , 8c
ayant pris la f u i t e , eft un aflaflïn à gages , amené pour
commette le crime , 8c qui s’enfuit fans être connu »
quand il a manqué fon coup ; il eft pourtant vrai que
ce
particulcr dont le nom eft ici laitte en blanc par
affectation , eft le comte de Mirabeau mon frere aîné,
que le comte de-Mirabeau eft le feul qui ait eu querelle
& prife avec M . de Villeneuve enfuite de relations an
térieures entr’eux.
Il eft certain encore que le comte de Mirabeau a été
décrété fous fon nom de K iclor de Riqueti 3 comte de
Mirabeau 3 qu’il eft nommé pluficurs fois dans la fentence, 8c qu’il demeuroit alors avec fa femme 8c fa famille
(1) Il eft bon d'obfcrver que la prétendue connoiiTance que le Parlement d 'A iï
prit de cette a ffa ire , ne fut que de commettre un Juge de la T«rre de l’accufatcur,
parce que « u s de Gratte refuferent d'en connoître.
�31
îi M anofque , à vingt lieues de G r a iïe , où cette procédure
s’inftruifoit.
il cil éga’cment certain 6c prouvé par un certificat du
Greffier de GraiTe ( 1 ) donné le i 4 Février dernier , que
jamais la fcntence n’a été levée, ni les droits payés. La
copie qu’on a affecté d’inférer dans le Mémoire , cil
altérée de falfifiée dans les vues de fon auteur.
A v a n t de difeuter cette fen ten ce, ce les conséquences
qu’on en veut t ir e r , je vais rendre compte des faits
généralement connus dans toutes nos familles 6c dans la
Province entiere.
Le com te
de M irabeau , mon fere , éto it exilé à
M anofque , d’ordre du R oi.
A u mois d’A o û t
1 7 7 4 , il vint au Château de Tou-
rettes , voifin de Grafle de deux lieues , pour traiter
du mariage de M . de Gaffaud,gentilhomme de M anofque,
avec mademoifelle de Villeneuve Tourettes. Je ne le
vis qu’à fon retour. Il étoit intéreiïant qu’étant réfractaire aux ordres du R o i , il ne fe montrât pas à GraflTe ,
je le menai dîner à la campagne chez madame de la
T o ur ma parente.
M adam e de Villeneuve & madame de la T o ur font
feeurs, com m e héritieres de M . le baron de G r a d e , leur
pere ; elles ont partagé les terres de Mouans Sc de Sartoux cù elles demeurent toutes les deux ; leurs habitations
ne font féparées que par le grand chemin , & leurs
domaines font extrêmement rapprochés.
(1) NM. dis pi««* juiUfiiatius.
�3*
Le dîner fut fervi , attendu la chaleur de la faifon ,
ious une allée de marronniers d’un pavillon de madame
de la T o u r ; nous étions huit à table , madame de la
T o ur 6c mesdemoifclles Tes filles "au nombre de trois ,
dont la plus jeune avoit alors douze ans , M . de Briançon
neveu de madame de la T o u r ,
le comte de M irabeau;
j ’y avois ma fille avec Tes bonnes, cinq ou fix domeiKques nous fefvoient.
A
la fin du dîner, à trente pas de n o u s , parut un
homme couvert d ’un paraiol qui venoit voir travaillée
des ouvriers.
M . le comte de Mirabeau demanda qui c’étoit, quel
qu’un dit que c’étoit M . de Villeneuve ; il I’avoit vu
chez M. le marquis de V ence , 8c croyoit devoir s’ex
pliquer avec lui fur quelques objets qui leur étoient
perfonncls. Le comte de Mirabeau fe leve de table , 6c
fa ferviette à la main va joindre M . de V illen e u ve , en
préfence de dix ou douze ouvriers que ce dernier faifoit
travailler ; l’un èc l’autre étoient fans armes ; ils cauferent quelque tems cnfcmblc fous le parafol de M. de
Villeneuve en continuation de promenade; la converfation
s’échnufla , les paroles devinrent plus élevées, «5c la rixe
fut pouflec encore plus loin.
Le comte de Mirabeau revint coucher à G rade , 5c
repartit le lendemain pour Matiofque. M . de Villeneuve
crut devoir
rendre plainte de prétendus excès , il y
comprit madame de la Tour fa belle-fœur, avec laquelle
il plaide depuis vingt ans. L ’honneur que j’avois d’êrre
avec elle me valut au(lî un rôle dans cette accufation de la
part d’un gentilhomme que je ne connoidois pas , ■.&
que
�33
que je n’avois vu qu’une fois, lors de mon mariage.
J’ai la preuve de tous les faits de cette hiftorique ,
puifqu’on me force de le publier.
Preuve que le comte de Mirabeau étoit à M anofquc
d ’ordre du R o i , l’ordre lui-même.
C e t ordre connu dans la Province.
M . de Tourrettes ( du nom de Villeneuve) , m’écrit
le 24. A o û t 1 7 7 4 :
-
« O n ne peut exécuter des décrets contre M . votre
frcrc , puifqu’il cft fous la main du R o i «.
Preuves du m otif du voyage du comte de Mirabeau.
L e même M . de Villeneuve T o u re tte s , m ’écrit le 1 1
Août 1 7 7 4 .
« Quoique le voyage de M . votre frcrc fût un myftere
>3 pour tous autres que M. le comte de V en ce ( de la
>3 maifon de Villeneuve ) , madame la comtefle (de Vcn33 ce) & moi 33.
Il m ’écrit le 9 Septembre fuivant 33 , la vérité faite
33 pour tout le monde , ne peut être biaifée , ni dillimulée
» par vous , non feulement c’eft au public qu’il faut
33 dire l’objet du voyage du com te , à vos parens , mais
» même aux Juges; 6c qui peut le trouver mauvais »3 !
M . de Tourettes eft le pere de la demoifelledont le comte
de Mirabeau étoit venu traiter le mariage.
Il exifte une lettre du comte de Mirabeau , écrite de
Hollande en 1 7 7 7 , dans laquelle il rend compte de ce
voyage , & des motifs qui l’avoicnt déterminé, les mêmes
que ceux qu’on vient de voir.
Preuves que je n’étois pas même inftruite du voyage
E
�34
& que je n’ai vu le comte de Mirabeau qu’à Ton retour
de Touretres.
Le même M. deTou rettes écrit au comte de M irabeau,
le 3 i A oû t t 7 7 4 .
» Q u a n t à madame votre f œ u r , je me charge de
» déterminer fa defenfe ; clic eft iim p le , en offrant
» de prouver qu’elle ignoroit votre voyage à Tourettes
»
Sc k V e n c e , qu’elle ne vous a vu qu’au retour ; cette
» preuve va .auiïi à votre décharge ».
Le même M . de T o u rettes, m ’écrit à moi le 9 Sep
tembre 1 7 7 4 ,» nous n’avons pas befoinque M. Pazcry,
» ( célébré A v o c a t d’A ix , co n fu lré), nous dife qu’il n’y
»3 a , ni complots , ni aflaflinat de prouvé «.
Preuve que la querelle vint d ’une explication deman
dée par M . le comte de Mirabeau.
M . le marquis de M arignane, fon beau-pere , m’écrit
.
le 7 Septembre 1 7 7 4
Q u e fon gendre eft inexcufable d’avoir pouffé les
choies ii loin , furcouc étant averti que cette démarche
feroit en pure perte , & il ajoute » je ne lui pardonne
m donc p.HS d’après des avis de M . de Briunçon , d’avoir
« été
faire cette bravade ridicule , ôc furtout de ne
» s’être pas contenté des exeufes & du défaveu de M*
«
d e V i l l e n e u v e ...............J ’a j o u t e r o i s m ê m e q u e s’ il e û t
« eu à faire à tout autre , les propos dont il demandoit
M raifon n’ayant pas été tenus devant lui , &
étant
» défavoués , il ne pouvoit exiger autre chofe que le
«
renouvclcmenc de ce défaveu devant des pçrfonncs
« qui pourroient avoir entendu parler de ces propos »>•
M . de Tourettes m ’écrit le 1 1 A oût 1 7 7 4 ; » M. de
�,5
3S
Villeneuve (Pofrenfé) connaît M . votre frerc , sVranç
trouvé plufieurs fois à A ix , l ’année dernière , mêmç
,J chez lç marquis de V ence ».
Preuve que la querelle fc borna à une rixe peu com
mune entre gentilshommes.
M . du B ou rgu et, Confeiller au Parlement ( parent de
M . de Mirabeau ) , m’écrit le 3 Septembre 1 7 7 4 , qu’il
a écrit à M M . les marquis &c bailli de Mirabeau.
» J’ai d i t , ( ajoutc-t-il), à l’un &c à l’autre , que le
» comte de Mirabeau avoit
eu le malheur de donner
« à GraiTe des coups à M . de Villeneuve-M ouans, qui
» avoit pris la voie de la plainte en
v
juftice ,
que
j’allois arrêter autant qu’il dépendroit de moi , toutes
« les pourfuites jufqu’à leur réponfc ; voilà où j’en
y> étois , madame , ma chcrc confine , quand vous m ’a» vez fait l’honneur de m ’écrire ; j ’ai vu avec plaiiir
»3 que la choie s’écoit paiTée ainii que je Pavois'pré» fumé ».
D ans la lettre déjà citée de M . de Tourettes , au
çomte de Mirabeau , du 3 1 A o û t , il lui marque que ion
affaire « n’a que le titre d’effrayant , qu’on ne prouve
» qu’une rixe ordinaire , dont touc au plus il cft Pagref*
>3 feur.
Il m’écrit la même chofe dans fa lettre du 9 Sep tembre »3 je le répète , l’affaire n’eft autre chofe qu’ une
» rixe dont M . de Mirabeau cft Pagreiieur >3.
Le même M . de Tourettes , écrit au comte de M ira
beau, le 8 Septembre 1 7 7 4 ; » les Avocats ont décidé qu’il
s? falloir fin ir, ce qui me furprend & me défefpcre........
» fi la procédure c f t bonne , M . de V i l l c n c u v e - M o u a n s
E ij
�3&
» fera aux nues ; vous , ou les vôtres ne devez lui offrir
» que de l’argent. O u i , c o m t e , je dis de l’argent. Le
» payfan de votre village qui efl: étrillé 6c fait informer,
» prend de
l’argent ,
pourquoi le gentilhomme qui
»> s’ailimile à lu i, n’en prendroit-il pas? Je fa is bien que
» vous vouleréparation de, la calomnie • mais la répam ration cft contenue dans le déportem ent, 6c le dépor»
tement paroît ie donner gratuitement ».
Il lui écrit le 20 Septembre » dans Phypothefe d ’une
«
r ix e , le décret peut être arbitraire au Juge; celui de
>5 prife-de-corps contre vous bleffe tout ce qu’on vous
n doit ; mais cela ne veut pas dire qu’il puifte être cafte,
99 Sc c’eft en fin de caufe qu’on appréciera ce qu’il vau t».
Il lui marque le x 5 Janvier 1 7 7 5 , » tout ce que l’on
«
a fait contre vous jufqu’ici n’efk rien ; il n’eft pas
»
douteux que le Parlement ne foit prévenu en votre
« faveur , il doit l’être pour la caufe , £c votre p a rtie,
>j comme vous l’avez bien prévu , avoit encenfé
»s l’idole dont il avoit obtenu deux arrêts injuftes à la
» follicitation du Procureur Général Joanis , fon parent,
»3 par lequel il n’avoit pas honte de fe faire protéger.
O n laiffa fuivre à cette affaire le cours ordinaire de
la Juftice , parce que mon pere l’exigea.
V oici les ordres qu’il me donna le 10 Juin 1 7 7 5 ,
dans le plus fort de l’inftruclion.
” Je me vois obligé de vous prier , ma fille , de
» facrifier vos reflentimens ; fuppofé que vous en ayez,
» contre M. de M o u a n s , pour ne pas barrer la fin que
>j je dois defirer de cette vilaine & malheureufe affaire;
»> j ’ai chargé votre coufm du Bourguec 6c autres per-
�37
» Tonnes de nies amis , dans ce pays-la, de la finir ;
” afin de faire biffer le décret lancé contre votre frere;
» c’eff bien affez qu’ un pareil afte aie été , il ne faut:
» pas du moins en laiffcr , s’il fe p eu t, la t r a c e , &
»3 cela peut importer pour toute la vie de votre frcrc : en
*s général les réparations ne font gucrcs prifées par les
peifonncs qui n’en ont pas befoin ,
& ne réparent
>j rien d’ordinaire ; mais quelle que puiffc être votre
»3 façon de penfer à cet égard ou celle de vos confeils,
« vous aurez toujours bonne grâce de facrifier ce qui
>3 vous cil perfonncl pour foulager votre frere , des
» fuites & du fouvenir d ’une affaire dont la tournure
la plus favorable 8c le terme le plus ordinaire eût été
» à le faire condamner à vingt ans Sc jour de prifon.
>» Je vous prie donc , ma fille, de vous conformer en
” ceci à ce que M. du Bourguet vous mandera être
33 néeeffaire, 6c vous m’obligerez en faifant bien ; adieu,
J3 ma fille , j ’embraffe Pauline , 8c falue M . fon pcrc.
» Signé M i r a b ü a u .
Sans des ordres auiii pofitifs, je ne pouvois me difpcnier de fuivre la réparation qui m’etoit duc : on voit
l’opinion qu’en avoit mon perc dans cette lettre ; c’étoic
celle qu’en avoit toute la Province, Si la propre famille d e
M . de Villeneuve M ouans; on a déjà vu ce qu’en penfoie
M . de V iilcncuveTourcttes, dans les pafiages de fes lettres
ci-delfiis tranferits, & dans celle du 8 Septembre 1 7 7 4 .
11 m ’écrivoit dès le 1 5 d'A out précèdent , 33 ce n’e ff,
»3 ni avec moi , ni avec perfonne de toutes celles qui
33 ont
»9
l’honneur de vous connoître , que vous avez
à vous juftificr fur ccttc malhcureuie affaire
,
que
M.
�35
» votre pere la prenne du bon côté 5 &C elle cédera de
»3 vous affliger ,
ôC tournera à la
honte parfaite de
» l’autre «,
M . le marquis de M arignane, m’écrie dans celle du
7 Septembre , que j’ai déjà citée.
» Sa requête (de M . de Villeneuve) cil une horreur,
»5 donc je crois que peu de gens font capables ; c’cft
»5 un tiiTu d’infamies , d’abiurdités &: de calomnies, qui
» mériteroit les peines les plus capitales li cette afîairc
pouvoir fe fjivre en juitice «.
Je devois à madame de la T o u r , de lui faire part
de la lettre de mon pere: elle la communiqua à M . do
Briançon , fon n ev eu , qui en donna avis au comte de
M irabeau fon ami ; voici la réponfe de ce dernier du pre
mier Juillet 1 7 7 5 , que madame de la T o ur me renvoya.
« Je ne viens que de recevoir , mon cher ami , ca
»5
lettre du 1 7 Juin ; j’y apprends avec le plus grand
« étonnem ent, la conduite de madame de Cabris ; ii
îj fon pere elt fon pere , j’ai cru que j’écois fon frere ,
m &. depuis dix mois fous les verrous , je ne fais fi clic
« devoit déferter ma caufe , mais je crois qu’„ellc fe fait
» juitice à elle-même en ne répondant pas à quatre ou
» cinq lettres qu’elle a de moi.
jj
Q uant à t o i, mon ami , je te pardonne un moment
55 de délire , pourvu que ce ne foit qu’un m om en t: tu
*> ignores mes projets, j’ai cru qu’un cœur comme le tien
3> les devoit deviner ; j’ai juré de ne recevoir jamais un
» accommodement ; mais quand celui-ci me paroîtroic
» auiîi convenable qu’il cil ridicule ; quand on m ’auroit
» confukée , ce qu’on n’a pas daigné faire , je ne fuis
�39
» pas foupçonnable de laÜTer là mon ami ; réparation,,
»
mon cher Briançon , &: jurons-nous encore une fois
» une amitié éternelle ; jurons que l’une de nos figna» tures ne fe verra jamais dans cette affaire, qu’acccm » pagnée de l’autre: voilà ma profeilion de f o i , hâte
>3 toi de me répondre &. de me raiïùrer.
m
Je n’ai aucune nouvelle de ma famille , & je fuis
>5 depuis iîx femaines ici ; même f ans, fecours pécuniaire;
h
n’importe , quand j’y ferai trop m al, j’en faurai fortir.
» L ’acte d’amitié que tu projettes ne t’écarte pas de
»> trente lieues ; mais pour mettre à profit cette petite
» perte de tems , paile par Grenoble & Geneves , ru
» verras un pays délicieux , ôc c ’eit la route la plus
droite.
» Adieu mon éternel, Sc peut-être aujourd’hui mon
» unique ami ; je fuis trop en colere pour c’en écrirc
» aujourd’hui davantage.
^
Signe .M ir a b e a u fils»
)
C ’eft dans cet état que fut rendue la fentencc du z
O ito b re 1 .7 7 6 , non pas telle que l’ont inférée entre des
guillemets les auteurs du m ém o ire, à la page 10,;, mais
comme je vais la mettre en colonnes à côté 'de cette
copie , pour faire juger de leur exactitude , de leur fidé
l i t é , & du m otif qui les a excités à cette falfification. >
y> Sentence du 2 Octobre
Nous Juge commis par la
» 1 7 7 6 , qui juge le con-
Cour pour remplir le Tribu-
« tumax Ô£ fes coaccufes ,
n al} par Jes decrets & arrêts
n les déclare atteints & con-
du 8 Novembre 1 7 7 + i 4-
�» vaincus du délit articulé
M a i & 1 1 Septembre der
» dans la plainte ; pour ré-
nier
« paration de quoi, les con-
nommés par decrets de la.
« dam ne ¿<7^5 àparoîtredans
Cour tenant la Chambre des
« la falle du Palais royal ,
vacations les $ 0 Juillet & 1 1
Sept, derniers pour le profit
« un jour d’audiencc , & les
en avis des foujfignés
>3 plaids tenans , & enfuite
jj au lieu de Mouans , 8c
du défaut de la part des ac-
sa dans la falle des habitans
repréfentés pour fubir les der
» du lieux de Sartoux , en
niers interrogatoires lors de
33 préfence du Confeil af-
la v i f te de la procédure 3fu r
les ajjîgnations a eux don
nées 3fuivies d'un exploit de
33 femblée , & là y faire des
i3 exeufes 5c demander par33 don à M . de Villeneuve ,
>3 dcfquelles réparations pu
eufés non contumax de s ’ être
is bliques procès verbaux fe«
proclamation 3 avec affiche
le tout fa it par Lantier qui
en a drefféfon procès verbal,
J3 feront dreifés. L e ...........
en déclarant la contumax bien
n , , , ...........effc condamné
33 en i o 1. d’amende envers
33 le Roi , &c 6 o o o liv. d’a-
inftruite contre fieur V ictor
33 mende envers l’accufa-
aux objets fournis par les
33 tcur ; le Heur Briançon
trois accufés non contumax,
33 en 4 liv. envers le R o i , 8c
ni a leurs exceptions & dé-
33 6 o o liv. envers l’accufa» tcur; les dames de Cabris
fenfes 3 ayant tel égard que
de raifon a la requête de
” Sc de Roumoulcs en i liv.
plainte du fieur de Vaille-
»3 d’amende envers le R o i ,
>3 &C 300 liv. chacune d’a-
neuve 3 & h fe s fins civiles >
»3 mende envers l'accu fa -
rabeau contumax 3 le fieur
33 tcur. Ils y font tous con-
Jofferandy
de R iq u c t i, C o m te de M i
rabeau , fans nous arrêter
en déclarant Le fieur de M i
Briançon 3 la
dame
�damnés folidaircment ,
ainfi qu’aux dépens ; &
jufq u’au p a y e m e n t, les
dame de Cabris, & la dame
de Graffe la Tour atteints
& convaincus , fiv o ir , ledk
deux dames , & le fieur
fieur de Mirabeau
Briançon , fon t condam-
infulté de deffein prémédite
nés y fuivant les ufages
le fieur de Taille neuve dans
de Provence , à tenir les
un de fe s domaines enclavé
arrêts de la ville.
dans fon f i e f , d ’ en être venu,
d ’ avoir
à cette occafion , aux prifes ,
& de l ’ avoir enfuite excédé
de coups ; ledit fieur Brian
çon , la dame de Cabris & la
dame de la Tour d ’ avoir participé au dejfein où étoit ledit
fieur de Mirabeau d ’infulter ledit fieur de Villeneuve , &
d ’ avoir autorifé ledit dejfein , en réparation de quoi avons
condamné les accufés a comparoître dans la fa lle du Palais
ro y a l, un jour d ’ audience , le p la id tenant , en la préfence
du fieur de Villeneuve , f i bon lui femble , ledit fieur de
Mirabeau ayant la tête nue, & derrière le bureau, à déclarer
que follem ent 6’ témérairement i l a infulté , excédé de coups
le fieur de V illeneuve , qu’ i l s ’ en repent, & lui demande
pardon ; laquelle réparation fera réitérée aux mêmes formes
dans le lieu de Mouans & dans la fa lle où f e tient le Confeil
des habit ans de Sartoux , ledit Confeil a cet effet affemblé,
a laquelle fa lle ledit Confeil affemblé , lefdits accufés non
contumax feront des exeufes au fieur de Villeneuve ; defi
quelles réparations publiquesil fera dreffé des procès verbaux
féparés ; avons condamné en outre ledit fieur de Mirabeau
a 10 liv. d ’amende envers le Roi , a 6000 liv. d ’ a m en d e
envers ledit fieur de Villeneuve , pour lui tenir lieu des
F
�4*
dommages & intérims ; ledit fieur de Briançon a
livres
d'amende envers le R oi 3 & a 600 livres d'amende envers
h d it fieur de Villeneuve ; & les dames de Cabris & de lu
Tour en z livres d ’ amende envers le R o i , & a 300 livres
d'amende chacune envers ledit fieur de Villeneuve , pour
lui tenir lieu des réparations civiles 3 condamnant les ac
cufiés aux dépens , pour toutes lefquelles adjudications ils
feront contraints folidairement ; & a cet effet ledit fieur de
Mirabeau tiendra les prifons 3 & le fieur de Briançon les
arrêts de la ville ju fq u 'a entier paiement 3 avec inhibitions
0
défenfes a tous les querellés de récidiver 3 fous plus
grande peine. F a it a G rafie dans le Palais ô dans l&
Chambre du Ccnfeil avant midi 3 le 2 Octobre 1 7 7 6 3 ayant
remis la procédure & toutes les pieces civiles 3 enfimble
notre préfente fentence au Greffe. Signé R e v e l le cadet *
Juge commis par la Cour 3 T r a s t o u r , Affeffeur
Guerate ,
&
Affeffeur .
O n voit ici avec étonnement que dans la fcntence
copiée dans le mémoire , madame de la T o ur Roumoules
& m o i , nous fommes d’éclar'ées atteintes & convaincues y
du délit articulé dans la plainte ; (aflaifinat prémédité
fur la perfonne de M . de Villeneuve , ligne
2
5 page 9 )
que nous y fommes également condamnées, madame de
la T o u r & m o i , à paroître dans la fallc du Palais royal
de Gratte , un jour d’aud ien ce, & les plaids tenans, &
enfuire au lieu de M o u a n s, dans la falle des habirans de
S a rto u x, en préfence du Confeil affcmblé , & là y faire
\ des exeufes , O demander pardon.
Et à la ligne 2 2 ; que nous fojnmcs également coi*-
�43
née$ , madame de la T o i# &C m o i, à garderies arrêts
de la ville ju fy u ’au paiement des réparations civiles & des
dépens.
Il n’cft pas jufqu’à la note mifc au bas de cecre même
page i o , où l’on fait une grande diflertation pçur m ’actabler d’injures, fous prétexte de l’amende prononcée par
cette fentence ; fans s’épuifer çn citations d'autorités, Qfl
po uv oi t
en trouver une dans l’article 7 du tit. x 5 dç l’or-r
donnance de 1 7 7 0 qui apprend qua l>m.çndç fl’eft point
infamante quand elle n’eft: pas confirmée par arrêt, quanti
elle n’eft pas jointe à une condamnation fur qn dçlic jn-r
famant. Toutes les charges de l’informatiot} de M . d«
Villeneuve contre madame de la Tour & moi fc bprnçn^
i dire que pendant fa querelle avec lç (leur de Mirabeau
nous avions ri dans un lieu d’où nou? np pouvions cepen
dant ni les voir ni les entendre.
J
Je ne dois pas oublier içi que la cabale qui minoiç
notre m a ifo n , étoit (ï co n n u ç, que M . de T o m c tte s c>
par fa lettre du 1 1 A oû t 1 7 7 4 , me m arque: « ççttç
»
affai re eft d’autant plus défagré^ible , que vous êrcs
»> entourés de gens abominables, ô£ çapablçs de to.y.tcs
?» fortes d’ipiquités.
Q U A T R I E M E
F A I T .
L a dam? de Lombard> douairière de Cabris > prétend
que pendant mon féjour à Lyon en 1 7 7 6 j ’ avois forcé la.
police a fuivre rfies pas ; elle fa.it de Içngs détails de prér
fendus prçcès verbaux qu’elle fuppqfe fq its a cet égard
tant par la, Police de Lyon que par c$llç de Paris i clic
Fi j
�t4
copie même en guillemets 3 a la page / j
M u r on.
'
j
celui du fie tir
'
Je ne puis & ne dois répondre à cc fait que par la
plainte que j’ai rendue, Sc par la réparation authentique
que j ’en attends de M . le Lieutenant Criminel. Si je me
livre ici à quelques réflexions, cc ne fera que pour dé
montrer l’abfurdité Sc la fauflecé qui naiflent de ces écrits
mênics.
'
M'. le M arquis‘de Mirabeau fit partir le 6 Juillet 1 7 7 6 '
le' fleur Muron , lui troïfieme ^ à la pifte du comte de
Mirabeaiu fon fils , qui s’étoit échappé du château de
Jtauir. If' j>afôît par une lettre écrite à M. le marquis de
Mârignanhé le 9 Septembre fu iv a n t, imprimée dans un
inémoire de la comtcflc de Mirabeau contre fon mari ,
pages 10 Sc fuivantes , ’»j qu’ils le fiiivircrit en S a v o ie ,
»j en Dauphiné , à Lyon Sc en P ro ven ce , qu’ils revinrent à Lyon où', fur clés avis Jqu’iPgagnoit les échelles
*> de Savoie Sc les Verrières de SuifTe, les chargés d’ordré
« y coururent.
C ’étoit donc contre le com te de Mirabeau que le iieur
Muron étoit envoyé. f
Ces chargés d ’ordre n’en iivoienr point contre moi ,
& n’en pouvoient point avoir; une femme en puiiTance
d’un m a r i, qui ne fe plaint pas,'qui ne parle d’elle qu’avec
,lcs expreflions du rcfpcdt Sc de l’cftimc , une femme qui
joint à ces témoignages domeftiques ceux des deux fan lillcs, & de toutes les perfonnes dont elle cft connue ,
ne peut avoir à fes trouffes des Infpecteurs de Police.
Il cft donc abfolumcnt faux que le ficur Muron Sc fes
adjoints avent drefle procès-verbal de mes démarches.
�45
Le procès verbal dont parle le libelle , aujourd’hui
fuppofé entre les mains de mes A dverfaires, n’effc donc
qu’un être de raifon , une piccc fauiîc , fabriquée dans
l ’obfcur'ité , pour fc préparcredes armes controinnoi , &
s’ il étoit poiïible qù'cllc-fût reuêtuç d e ! lafigmiTurc d’un
officier de Police , ce ne (croit que Je fruit de la préva
rication de de la coupable-complaifanceipour celui, qui le
payoir.
. . .
-t
Je ne veux pas d-autre prouve de la non exifter.ee de
ce prétendu procès v e rb a l, que l’ordre du Roi .décerné
contre moi le i 9 Juin 1 7 7 7 , à la follicitation de mon
pcrc & à l’infçu de mon m a r i, 6c révoqué quatorze jours
jours .après:(lé 4 Juillet) , fur /na'fimplc rcpr6fcncatipn ,
avant que mon mari , alors en Provence , eût pu ctt.êtrc
inftruit.
* ■.
. r
^Si le procès verbal eût exifté, le gouvernement auroitil refté onze moits £aus fôvir contre moi,, 6c fe fçroic- il
contenté d’un exil de quatorze .jours ?
,
Si je pouvois defeendre juiqu’à me juftificr, jc..n’aurois befoin que des lettres ci-devant citées ; on y vo.it mon
pere lui même , faifant l’éloge de ma conduite, exigeant
de moi des facrifices.
L a famille de mon mari me témoignant la plus grande
confiance, 6c prenant part aux chagrins domeftiques que
j’éprouve. M . de Vauvenargucs m ’écrit dans fa lettre
déjà citée , du i ‘4 Juillet 1 7 7 4 .
» Il ne me refté qu ’à vôus dire combien je fuis atten>» dri Sc touché de votre confiance 6c dé votre lituation.
n Vous pouvez avec liberté 6c sûreté , foulagcr votre
y> cœur dans le mien ; vos peines me font auifi fenfiblcs
�4^»
» que. . . . . . C e p e n d a n t mq. chert co’uÆne , nç l’abîïR’3 donnez p a s, il feroic perdu. La crainte Jcule qu’inf« pire une .Femme refpeâfcnblp * ppjt -quelquefois' arrêter,
v un m ari ; le -votre s’éloignera de vous , tournera ,
v changera de plan ^ d ’amis , 6c! d’habitudes , comme
» un malade qui ne trouve point de bonne plaçc , cet
v état cruel..le forcera de reyenir k vous :; je le délire ,
« je Pefpere.............. Mais en tout , ma chcre coufinc ,
» ouvrez-nous à. moi fans crain te, vous je poyvp:£ aveç
v affûta ne e ; quelque 'vertueuie que foie une am«?, elle
»> ne trouve pas toujours en elle - même de quoi ic
») fuffire.
Le même marquis de Vauvenargues m ’écrivoit le i 6
JuiHet i 7 7 4 :
»» Au furplus , ma chere co u fin e, votre conduite visn
vis de votre m a r i, & relativement-à. tous fes intérêts,
m eft âdlive , éclairée & refpc&able à tous égards, mon
■
a témoignage eft inutile pour le prouver, ce font dei
»5 vérités connues que j’ai atteftées , que j’attefte 6c que
» j’attefterai tant , & à qui il vous plaira.
On a vu quelles étoient les expreflions de celles de
M . de Totirrettes & des autres perfonnes avec qui j’étois
en correfpondance pour les malheureufes affaires de ma
famille.
La dame de Lombard , douairière, m’écrivoit à Lyon,
enfuite à Paris en 1 7 7 6 & en 1 7 7 7 .
D ans ia lettre du t 7 M ai 1 7 7 6 elle $ t : y ce feroif:
» une grande faxisfaction 5c confolation pour moj d#
» vous voir jçi d.ins quelque tems , que vous y fuifie.?
�*
47tranquille & comme vous devez y être ; voilà , m a
»> chcre fille, tous mes fouhaits.
J’ai déjà imprimé une autre lettre du 2 Janvier 1 7 7 7 ,
oii elle me marque ; « que c ’cil avec le plus v if intérêt
»» qu’elle reçoit le témoignage de mon amitié ; rien
« n’égale ( ajoutc-elle ) le plaifir que j’ai de favoir que
a
vous jouiriez d’une bonne fanté dans l’endroit où vous
*5 ères , fi ce n’eft celui que vous me cauferiez étant
« avec nous. Si le Seigneur daigne exaucer mes vœux ,
» vous jouirez de la vraie félicité pour tous les te m s,
*3 Pauline dit que. vous venie%, que vous venie\.
Je ne rappelerai point ici les certificats des rclîgieufes
^c la DeiTerte à Lyon , de Popincourt à Paris , & de
Siftcron.en Provence, couvcns où j-’a l demeuré -'pendant
le tems que je n ’ai pas été avec mon mari ; j’ai déjà été
forcée de les imprimer ailleurs , & je le ferai même de
rappeler le d ern ier dans un inftant.
A -t-on ofé fe permettre l ’affrcufc aiTertion ( inférée
page 1 9 , ligne 19. da m ém oire) quo mon mari s’éroit
éloigné de moi ! a t on pu oublier que le 3 1 Mars 1 7 7 6
il m ’envoya auprès de ma mero alors malade & à la
fuite de ics aiïaires à P a ris , que le n M ai 1 7 7 7 , il
me marquoit : « ma mere avec qui vous avez eu uti
53 con)mcrco fuivii de lettres-, m ’a dit pluficurs fois que
»i - vous n’étiez pas éloignée de revenir, èc m ’a même
«
montre des lettres qui confirmoient fon difeours. Je
w deiircrois que- vous vous mainteniez toujours dans ce
i» ü n tim çn t t &C que vous exécutiez promptement vorrç
*i projet.
Q u e le 4 A o û t 1 7 7 7 il écrivoit au marquis de M*-
�. 4?
rabcau de fa propi;c main , pour (e plaindre de l’ordre qui m ’avoic exilé de Paris : » fans les égards que ma
» femme conferva pour vous, & qu’elle m ’oblige à par» tager , je vous aurois déjà dénoncé au Tribunal de
« NoiTeigncurs les Maréchaux de France , je vous y
» anrois dénoncé comme le perturbateur de mon repos
» domeftique , le calomniateur de ma femme , d’une
« femme que je refpe£te.
M on mari adrefla en même tems des repréfentations
aux M inières du Roi fur cette furprife faite à l’auto
rité , &. leur envoya copie de fa lettre à M . le marquis
de Mirabeau.
C I N Q U I E M E
F A I T .
M on e x il a Sijleroti ; lettre de la Supérieure du couvent
ou j ’ étois ; entrée de Madame la marquife de Limaye pen
dant la nuit dans ce couvent.
Les auteurs du mémoire s’oublient fur les motifs qu’ils
veulent donner à ma détention.
A la page i 5 , premier alin éa, voici ce qu’ils en difent : » tous fes parens defircrcnt fauver leur honneur Sc
« le ficn qu’elle compromettoit à A ix dans le cours de
» l’année 1 7 7 8 , ils obtinrent un ordre du R oi pour la
» faire renfermer dans le couvent des Urfulines de Sii” teron ». (J’étois alors avec mon mari qui fuivoit fou
appel de la fentcncc d'interdiction ; je ne le quittois pas -,
je fus enlevée de fon lit au milieu de la nuit). D ans la
note au bas de la page 4.0 , après avoir raconté l’hiff
toirc fabulcufe , que M . de Cabris m ’étoit échappé au
fpe£taclc
�4i>
fpe&acle , &
av o it couru de loge en l o g e , f a ifa nt des
folies , ils ajo ut en t de fuite : «
les parens
s’ém urcnc
d ’une c o ndu ite qu i les c o m p r o m e t t o i t , ils cr urent né>> ceiTHirede féparer M . de C a b r i s d ’une c o m p a g n e ( q u i
»
le d é f e n d o i t) qui d o n n o it à fes malheurs une publ icité
33
Ci affligeante , q u ’ils fc réunirent & o bt in re nt du R o i
33 un ordre de la con du ire dans le c o u v e n t de Siiteron »>.
L ’hiftoire du f p e & a c l e , je le r é p è te , eft a b fo lu m e n t fauiïè.
M o n mari y alloit f o u v e n t , il y étoic
c o m m e tous les
autres fpectateurs ; toute la ville d ’ A i x & celle de M a r fcille peuvent l’attefter ; la publicité affligeante étoic dans
les pourfuircs de la cabale' pour l’interdiCtion.
L a c o nt ra di c tio n q ue je viens de relever n’eft: pas la
feule q u ’on puiiTe reprocher fur cet étrange f a it à mes
perfécuteurs.
M . le Bailli de M i r a b e a u , qui a toujours été reconnu
p o u r a vo ir p r o v o q u é de f a it obte nir l’ordre qui m ’enlcv o i t k la défe nfe de m o n mari , éc rit le 6 N o v e m b r e
1782
à la c o m t c f le de M i r a b e a u , fon autre n i e c e , qu i
v o u l o i t être féparée de fon m ar i : 55 vous êtes fa f e m m e ,
«
nulle autorité fous le ciel ne fauroit difloudre le lien
35 qui l ’a tt a ch e à vous , de vous à lui ; le Souverain lui»5 m ê m e ne le pourroit que par un acte de tyran nie
35 inouïe.
Je m ’interdirai tou te réflexion fur cette religion de
circonitance.
E n c o pi a nt la lettre de la Supérieure du c o u v e n t de
Siiteron au M i n i f t r e , page 1 5 , les auteurs du m é m o ir e
auroient du dire que cette religieufc n’ a v o i t été a p p e l é e par
les intrigues de la c a b a l e , du f o n d du L a n g u e d o c où elle
G
�5®
îWoit fait profeffion , que pour exercer fcs persécutions
contre moi.
Ils aur oicn t dû dire q u ’après que j ’eus obt en u la révo
c at ion de l’ordre du R o i , cette Supérieure voulu t m e re
tenir du iien p a r t i c u l i e r , m a lg ré les repréfentations du
S u b d é lé g u é de l’i n t e n d a n t , porreur de cette ré vo c at io n ,
q u ’elle ne cé da q u ’à la crainte d ’un tu mu lt e o<?cafionné
par plus de cin q ce nt perfonnes raflemblées qui s’é toient
tranfportées aux portes de m o n c o u v e n t fur le bruit de
m a liberté répandu dans la ville , 6c q u ’il fallut q u ’on
m e portât aux fenêtres pour appaifer l’in d ig n a t i on du
p e u pl e , qui fa vo it que m o u r a n t t depuis trois m o i s , on m e
refufoie des bouillons £c un médecin.
J’opp polerai à cette le ttre, dictée par la cabal e m ê m e ,
une lettre écrite par la Supérieure précédente au m ê m e
M i n i i t r c , le : o D é c e m b r e 1 7 7 8 :
» M o n i c i g n c u r , je viens de recevoir une lettre de M . de
'»3 la T o u r , In t e n d a n t de cette p r o v i n c e , par laquelle il
«
m e fa it part d ’un ordre de Sa M a j c f t é , pour refufer
îj d o r é n a v a n t à m o n parloir l' a vo c a t d u R o i de ce tte
»
v i l l e , qui éto it en ufage de venir co nfé rer en m a pré-
»
fe nc c a v e c m a d a m e la ma rq u ife de C a b r i s , enfuitc
»
d ’un de cret du P a r l e m e n t , 6c d ’une lettre de vo tre
«
part à M . de la T o u r qui l’y autorifoit en a p p ro u v a n t
”
le decret : j ’ai o b é i , 6c M . l’a v o c a t du P«.oi ne verra
M plus m a d a m e de Ca br is .
” Je crois de voir à la vérité 6c aux
>3 marq uife de
55
intérêts de la
C a b r i s que j ’eftime p r o f o n d é m e n t , de
prendre fur moi d’avoir l’hon neur de vous écire
,
Mon-
>3 f e i g n e u r , pour vous certifier q u ’a y a n t toujours été pré-
�51
» fente aux co nférences de M . D e y r a u d a v e c m a d a m e la
»> mar qui fe de C a b r i s , 6c pré fi dé, c o m m e je le d e v o i s , à
” toutes leurs relations , je n’ai jama is rien vu ni c n u tendu qui ne fût dig ne des fentimens de l’un 6 c de
u l ’a u t r e, 6c qui pût porter la mo in dr e atteinte aux ordres
» de Sa M a j ef t é .
»> Je dois encore avoir l’honn eur de vous aifurer que
>» depuis dix mois que cette d a m e cft détenue dans m a
m maifon , elle s’y cil fa it g é n é r a le m e n t refpc£ter 6c
53 aimer , q u ’elle réunit toutes les qualités du c œ u r 6c
» de l ’e f p r i t , que fa p i é t é , fa do uceur 6 c fa foumiiîîon
» aux ordres de Sa M a j e f t é nous édifient tous les jours :
« ces difterens t é m o ig na g e s font con iîgné s dans pluiieurs
» de mes lettres à M . de la T o u r , 6c je ne do ut e pas
» q u ’il ne vous en ait rendu c o m p t e , c o m m e je l’en ai
» chargé.
O
»
V o t r e juftice
&
votre
»s M o n f e i g n c u r , vous feron t
»
bienfaifance fi connues ,
pardonner , j ’cfpere , la
liberté que je prends de vous adrcilcr cette le t t r e ; m a
>5 c o nf c ic nc e cft en ga g é e à vous faire parvenir un té mo i”
S naS c dû » &
peut-être cft de venu néccfïaire ,
»
puifque je fuis feule à portée de juger m a d a m e de
«
C a b r i s , 6c de c o n n o ît r c la vérité ; je fuis d ’ailleurs
»> entièrement défintérefTée dans des affaires bien étran»
geres à m o n é t a t ; m o n devoir 6c la vérité p o u v o i e n t
»
fe u ls
me forcer de m ’en occuper.
Je fuis avec un très-profond r c f p c d ,
Monfeigncur ,
V o t r e très-humble & très-obéiflante f er va nt e,
Sœu r A i l i e r , Supérieure du monafte re de Ste. Urfule.
G ij
�52
Je puis oppofe r encore une lettre écrite par la m ê m e
Supérieure à M . de la T o u r , In te n d a n t de la province ,
ch a rg é de faire e xéc ut er les ordres décernés contre moi.
U n certificat de cette m ê m e Su p éri eu re , préfente aux c o n
férences q u ’il m ’a v o i t été permis d ’avoir a v e c M . D e y raud , A v o c a t du R o i , que le P a r le m e n t a v o i t n o m m é
pour m o n C o n f e i l , un certificat de toutes les religieufes
fans ex ceptions , fur la maniéré d o n t je m e c o m p o rt o is
dans le c o u ve n t ; enfin celui de tous les gens d e - c o n d i
tion , h o m m es en place & notables de la m ê m e v il le , du
9 Fé vrie r 1 7 8 1 ,
fur la réquifition de M M . les co m te s
de G r u e l , pcrc & fils , à qui j’ai l'honneur d ’a p p a r te n ir ,
du c h e f des M i r a b e a u ( ce dernier fy n d i c de la noblcfle
du D a u p h i n é ) ; Sc d ’après l’expofé qui leur eft fait de la
lettre écrite pa-r la d a m e A u g i e r , Supérieure , d o n t ils
11’héfitent pas d ’attefter la fa u île té.
il eft néceflarrc de diftinguer la dame Aftier de là
dame Augier qui lui a fuccédé.
L e t t r e de Madame A/lier a M . l'intendant de
Provence.
i) M o n f i e u r , j ’ai reçu la lettre que vo us m ’a v e z fait:
»
l’honn eur de m ’é c r i r e , en da te du 1 5 de ce m o i s , les
”
intentions du R o i f o n t remplies , M o n fi e u r D c y r a u d
”
ne voi t plus m a d a m e la m a r q u if e de C a b r i s , je fuis
>5 bien éloignée d ’ofer réfifter à des ordres fupérieurs.
« J’ai déjà eu l’honneur de vous aiTurer, M o n f i e u r %
»
q u ’il ne s’étoit c o m m i s aucuns abus dans les relations
«
qu e m a d a m e de C a b r i s a eues ave c le iîeur D c y r a u d 3
�53
”
conformément aux in tentions du P a r l e m e n t 8c h 1%
”
première a p p r o b a t io n du M i n i f t r c ; la fam il le a b f e n t e
,J
ne peut pas connoîcrc aufli bien que moi la vérité ,
13 &
je puis feule certifier c e qu i s’eft paiTé fous mes
»
yeux ; je mé rite d ’auta nt plus de cr o ya nc e que j ’étois
»
charg ée
»
porté d ’autre i n t é r ê t dans cette a f f a i r e , que ceux de
«
m o n d ev oir &
»
M . A m c l o c Sc la fam il le que les no u v e a u x ordres feront
»
e xa c te m e n t ob fervés , c o m m e l’onc toujours été ceux
»
que vous m ’a v e z fait l’honneur de m e c o m m u n i q u e r .
»
Je fuis av e c un p r o fo n d r e f p c d ,
d ’e mp êc he r les abus , 8c que je n'ai j a m a i s
de la ju fticc ; vous
po u v e z affurcr
Monficur ;
P . S. J’ai remis à m a d a m e
Votre
très - hu m b le
5c
d e C a b r i s la lettre que vous
très - o b é i f f a n t e fervante ,
m ’a v e z adreffée pour elle; il
fœ ur de Sr. Jean R . V* S.
ne m ’appartient point de lui
A i l i e r , Supérieure,
do nn e r aucun avis fur Tes
affaires.
C e r t i F I CAT de la Dame A flie r 3 Supérieure.
» Je foufïignée, Supérieure des religieufes du m on af te re
»
de Sainte U r f u l e de cette ville de Siftcron , certifie en
»
f ave ur de la vérité , que depuis le dccrct du Parlement:
»
du 1 4 M a r s d e rn ie r, qui m ’ a été c o m m u n i q u é le pre*
»
mier A v r i l , par lequel il a été permis à m a d a m e la
»
ma rqu ife de C a b r i s , dé ten ue par ordre du R o i dans
�14
ce. m o n a f t e r e , de co nfé rer a v e c fon C o n f c i l fur fes
a ff a ir e s, 6c depuis le c h o i x que ladite d a m e de C a b r i s
a f a it de M . D e y r a u d ,
A v o c a t du R o i au Siège de
ce tt e v i l l e , pour fon C o n f c i l , je n ’ai jamais rien vu
ni e nt e nd u dans leurs différentes co nférences ou j’ai
affifté , f u i v a n t
l’intention
du P a r le m e n t , é no ncé e
dans le fufdit de crct , qui ne fût c o nf o rm e à la d é
ce nc e & qui pût faire fufpecker les fentimens & la pru
dence d ud it Heur D e y r a u d ; que le fujet le plus ordi
naire de ces co nférences é t o it les affaires de ladite
d a m e ; que les confeils 6t les d é ma rc he s du fieur D e y
raud o n t toujours été c o n fo r m e s a u x
ordres de Sa
M a j c f t é , 6c dirigés par le r c f p c d qui leur cil: dû ; élo i
gn és des partis violens ,
8c feu lemen t a c c o m p a g n é s
des motifs de c o nf o la t io n propres à adou ci r les peines
de ladite d a m e de C a b r i s , & q u ’enfin la c o nd ui te d u
ficur D e y r a u d , dans fes relations a v e c ladite d a m e ,
a été fi ex aéï e 6c fi p r u d e n t e , que je ne fan rois croire
q u ’il ait pu don ne r lieu à la mo in dr e plainte de la parc
de qui que ce foit ; en foi de quoi j ’ai fait le préfent
c e r t i f i c a t ; à Siftcron ce
x o A o û t 1 7 7 8 , jignè fœu r
de St. Jean , A i l i e r , Supérieure.
CERTIFICAT
de toutes les Religieufes du Couvent
de S i fier on.
« N o u s fouffignées Supérieure , Ai fiftante , & toutes
«
nos Sœurs profeffes du mona fter e de fainte U r fu l c de
»
cette ville de Sifteron , déclarons 6c certifions que
m
m a d a m e la marquife de C a b r i s , p e n d a n t fo n iéjour
�u
”
dans notre c o u v e n t , où elle eft dé tenue par lettre Je
”
c a c h e t , mène une c ond uit e exemplaire , q u ’elle pra -
”
tique les exercices de religion , des vertus morales &
”
c h r é t ie n n e s , & obferve toute la d é cen ce & la dig ni té
»
q u ’on d o it attendre d ’une f e m m e de fon rang , que fa
»
do uceur 8c fon h o n n ê te té la f o n t chérir de toute notre
>3 c o m m u n a u t é , 8 c que ce ne feroic q u ’avec le plus v i f
>3 regret qu e nous la verrions iortir de c h e z n o u s , il* clic
>» éto it transférée dans un autre co u v e n t. En foi de quoi
33 nous avons, fait 8c figné ce préfent certificat. A Sille >3 ron le 20 M a i 1 7 7 8 ^¡ignées fœur de Sa int J e a n ,
»3 A i l i e r , Supérieure ; fœu r du St. E f p r i t , H u g u e s , A f >» fiftante ; fœur du St. A m o u r , D e y r a u t , Z e l a t r i c e ,
33 fœ u r de Ste. A g n è s , Berticr ; fœ u r de St. X a v i e r , de
»3 B r e m o n t ; fœ ur St. C h a rl e s , C r u d y ; fœu r de St. A u »3 g u i l i n , B o r e l y ; fœur du S a c r é - C œ u r , C o n f o l i n ; iœ ur
»
du Sa uve ur , B o i s ; fœur de St. P i e r r e , de C h a m p c l o s ;
»
f œ u r de St. P a u l , de C h a m p c l o s ; f œ u r . d u V e f b e in -
33 c a r n é , de C h a m p c l o s ; fœur de Ste. C c c i l e , F e r a n d ;
>3 fœu r de Ste. R e i n e , M i e u l e ; fœ u r de Ste. O n g e l e ,
33 G u i b e r t ; fœ u r C l e r c , de B e r m o n d ; fœ u r de Sainte
>3 R o f a l i e , L a t i l ; fœu r de Jéfus, Ifourd ; f œ u r de Sainte
»
U r f u l e , de C k a t e a u a r n o u x ; fœu r d e St. J o f e p h , Jacob.
oi;
C E R T I F IC A T des M aires 3 Conftds & Notables de la ville
de Sifieron. ■
»
»3 M o n f i e u r le C o m t e de G ru e l du Sais , & M . le c o m t e
») Jacques de G ru e l fon fils , f y n d i c s . d e la N o b l e f l e du
»3
ha u t D a u p h i n s , oncle 8c coufin de m a d a m e la mar-
�¿6
«
quife de C a b r i s , dé ten ue par ordre du R o i dans le
»
c o u v e n t de Sainte - U r f u l c de cette ville d e .S i f t c r o n
33 en P r o v e n c e , a y a n t appris qu e la d a m e A u g i e r de
33 Ste. C é c i l e , religieufe profeiïe du c o u v e n t des U r f u sj lines de la ville d u P o n t St. E f p r it , en L a n g u e d o c , Sc
33 depuis un an feu le me nt fupérieure du c o u v e n t de Sif"
33 teron , a v o i t d e m a n d é au M i n i f t r e du R o i , dans le
»
mois de N o v e m b r e d e rn ie r, le c h a n g e m e n t de m a d a m e
33 la mar qui fe de C a b r i s , leur p a r e n te , fur le fo n d e m en t
a» q u ’elle m e t t o it le défordre dans la ma if on , &
trou-
33 bloit les exercices divins , en re cev ant au parloir trop
93 d e vifites , èc n o t a m m e n t tou te la m a u va i fe c o m p a 33 gnie de la v i ll e ; les M M . c o m t e s de G r u e l , do miciliés
j> à cin q licucs de cette v i l l e , nous a y a n t prié de dire ce
33 qui effc à notre c o nn o iff a nc e , nous fouiîignés M a i r e ,
33 C o n f u l a & u e l de la ville de Sifteron , &
nous Ex*-
,33 C o n f u l s & autres N o t a b l e s de lad ite v i l l e , certifions,
-•> en f ave ur de la v é r i t é , que la c o n d u it e de m a d a m e la
,33 ma rqu ife de C a b r i s , depuis fa d ét en ti o n au c o u v e n t *
»
lui a attiré l’a t t a c h e m e n t Sc le refpc£t de toute la
»
ville , q u ’elle ne voi e au parloir que ce q u ’il y a de
53 gens c o m m e il f a u t , d ’honn eur 8c de probité , que
33 toutes les^perfonnes de d i f t i n û i o n , no n f e u le m e nt de
33 ce tt e v i l l e , mais en core celles qui y o nt pafle., n’o nt
33 pas m a n q u é de l’aller v o i r , q u ’elle efk l’objet .de la
55 véné ra tio n publ ique , &C q u ’ il par oît q u ’il ne peut y
avoir eu que de vils calom niate urs qui ayent fug géré
33 c o n t r’cllc des délations fecretes ; certifions en o u t r e ,
7) q u il eft de no t o r ié t é pu bl iqu e q u e ladite d a m e m a r
quife
�57
3>. quifc de Cabris donne à la mai fou de .Sainte Urfulc
,J quinze cenc livres de penfion pour elle &C fa femme
M de c h a m b r e , &C qu’elle y cft fi m a l logée , ii mal cou« chée , fi mefquinement nourrie , & ii négligée dans
5j fes maladies , qu’il paroît , eu égard à ce que coûtent
33 les vivres dans cette ville', 8c à la penfion ordinaire
33 de cent quatre-vingt livres fixée dans ce couvent pour
3j les penfionnaircs , que la communauté gagne , fur les
« 1 5 0 0 liv. au moins les deux tiers ; en foi de quoi , 8C
3j à la requête des iieurs comte de G r u e l , avons figné
33 le préfent c ertifica t, pour fervir Sc valoir ce que de
s? raifon , fait contrefigner par notre fecrétaire, 8c ap33 pofer les fceau Sc armes de la ville : à Sifteron le 9
33 Janvier 1 7 8 1 . Ainfi fignés Bcrard de St. Denis , M .
« Conf. ; Juflert, M . Conf. ; F u q u c t , Conful ; F. S. Im33 bert , E x -C o n fu l ; R c g n is , E x - C o n f u l ; Deiraud ,
33 Confeiller 5c A vocat du Roi au Siège ; Richam La*
33 plaile, D irc& eur des dames de la Vifitation; Pellegrin,
33 C h evalier; Deroux des Com tes d e 'L a r ic , Lieutenant
33 des M aréchaux de France ; Chevalier de Caftagny ,
y* ancien Capitaine d’infanterie; T o u rn a d rc, Capitaine
33 au Corps royal du génie ; H a t c l , premier Conful en
” * 7 7 9 i G om bcrt , Ecuycr ; Bezadc de Mazicres ,
53 Confeiller du R o i ; Ricaudi , A v o c a t au Parlement
« de Paris, LaplalTe , A vocat ; le Prieur Laplafle ; Ven*
33 tavon ; R ic a u d y , Lieutenant C r im in e l; C a f t a g n y ,
y» Chevalier de l’Ordre de Saint Louis; C a f t a g n y , Prêtre;
33 R ic a u d i, Chevalier ; B a r le t, Prieur ; le Chevalier de
33 Verneuil , Capitaine d’infanterie ; Deleuze , ancien
33 Officier d’infanterie ; Deleuze , Officier d’infanterie j
H
�58
» Gantianne , Chanoine théologal de la cathedrale »
îj
Regnier , A v o c a t ; Vormerdre.
E n marge ejl écrit > contrôlé à Paris le 9 Fevrier 1 7 S 1»
reçu 1 4 fols. Signé L e z a n .
• Il cft ainfi audit certificat légalifé , certifié véri
table, figné & paraphé , & dépofé pour minute a
M c Pijcau , l’un des Notaires à Paris fouiîignés ,
par a£te de ce jourd’hui 9 Février 1 7 8 1 ; le tout
étant en la poiTeiüon dudit M e Pijcau , Notaire.
A i n f i [ignés
D eyeux
&
P ije au ,
N o ta ire s,
avec
paraphes : ù en marge eji écrit 3 contrôlé lefdits
' jour & an ,
J’avois eu la liberté de recevoir an parloir les vifites
des perfonnes qui me faifoient l’honneur d’y venir ; la
lettre de la dame Augier , Supérieure , avoit produit
l’effet que la cabale en avoit efpéré. M adam e la marquife
de Limaye , ma parente (du côté de mon pere) venoit
fouvent d’A ix me confolcr dans ma retraite : a la fin de
D écem bre 1 7 8 0 , elle pafle au château de Mirabeau fur
fa route ; M . le Bailli de Mirabeau , inftruic de fou
projet, lui apprend que le parloir m’eft interdit: elle foutient qu’il ne doit jamais l’être pour une femme comme
elle : elle arrive à cheval à cinq heures du f o i r , le 3 1
Décembre : elle fc préfente à la porte du cou ven t, on la
lui refufe : elle retourne à fon auberge, fait porter par un
payfan une échelle quelle applique au m ur, au bas d’une
fenêtre de hauteur d’homme , elle en cafle les vitres ,
le payfan , porteur de l’échelle, s’en retourne à l’auberge
avec fon laquais.
�59
M adam e la marquife de Lim aye dans les corridors du
cou vent, ne fait où inc prendre, elle frappe à routes
les portes, &: me demande p artou t, une religieufe & ma
femme de chambre la rencontrent; cette dernicre la con
duit chez moi.
M adam e de Lim aye s’étoit blèiïee à la jambe par la
chute d ’un cheval , je la fis mettre au lit ; le lendemain
dès le m a tin , j’en avertis la Supérieure , & je la priai de
faire fortir madame de Limaye fans éclat ; elle me le
promit.
D ans le même inftant qu’elle faifoit cette promeiTc ,
elle donna fa requête à M . le Lieutenant-Général de la
Sénéchauflee, pour requérir fon tran fport, ôC recevoir fa
pl ai nre.
Elle reçut dans l’intervalle la vifite de madamé de
Lim aye au parloir , qui lui fit des exeufes de ce qui s’étoic pafle y Sc à. laquelle elle promit encore de ne faire
aucun éclat.
PromeiTe artificieufe : les Juges arrivent, & la plainte
eft rendue avec tput l’éclat & tous les cara£teres qui pouvoient l’aggraver.
O n dreile le procès verbal des prétendues effra&ions
commifes dans le couvent, elles fe bornent à quelques
carreaux de vitres.
Preuve que madame la marquife de Lim aye étoit
connue dans fon fexe & dans fa qualité.
L a déclaration que la Supérieure en fait elle-même
dans le procès verbal.
H ij
�Co
■EXTRAI T des rsgifires du Greffe du Siege de Sifleron.
A
M o n sieu r
le
L ieu ten an t-G én éral.
Supplie humblement dame de Sain te-C ecilc Augicr ,
Supérieure du Monaftcrc de Sainte Urfulc de cette ville
de Sifteron :
Remontre qu’elle .eft chargée de veiller à la sûreté &
au bon ordre de fa maifon ; & s’étant apperçue que des
étrangers qui y font actuellement, s’y font introduits pen
dant la nuit, elle vous requiert d’y accéder avec les Gens
du Roi , pour lui concéder verbal dudit fait : à l’original
figné fœur de Sre. Cccile , Augicr , Supérieure.
Soit montré au Procureur du R oi à Sifteron le 3 1 D é
cembre 1 7 8 0 , Signé Iiarlet de la Cazette à l’original.
V u la requête ci-deflus & le d e c re t, nous requérons
qu’il foie accédé audit couvent en notre compagnie, ppur
dreffer procès verbal de la plainte ci-deiTus , & avons
iigné à Sifteron les fufdits jour Sc at\: fignés L a t i l , Confeille r, & P. D . R à l’original.
V u la plainte ci-deiTus, notre d e c re t, & les conclu
rions
dudit Procureur du Roi :
Nous Lieutenant particulier, en l’abfence, ordonnons
qu’il fera par nous tout prélentemcnt accédé , en com
pagnie dudit Procureur du R o i , de notre Greffier fuivi
de l’ H u i f l î c r de fcrvice au monaftere de Stc. U rfulc, pour
y procéder relativement à la plainte ci-defl'us : à
Sifteron
le 3 1 Décembre 1 7 8 0 •>figné Barlct de la Gazette à l’ori”
ginal. Collationné figné Jacob.
�61
Nous Charles-François de Burles, C h e v a lie r, C o n
seiller du R o i , Lieutenant-Général au Siège royal 6c Sc>
néchauiTée de la ville de Sifteron en P ro ven ce, certifions
à tous qu’il appartiendra , que M c Jacob qui a expédié ,
collationné 6c figné l’extrait c i- d e flu s , cft Greffier en
c h ef audit Siège 6c SénéchauiTée , aux écritures & fignatures duquel foi doit être ajoutée tant en jugement que
hors d’icelui ; en foi de quoi nous avons fait £c figné le
préfent, contrefigné par notre fecrétaire, 6c fait appofer le
fccau de nos arm es, pour fervir 6c valoir ce que de raifon.
Fait 6c donné à Sifteron dans notre hôtel le i 5 Février
1 7 8 4 . Signés de Burles 6c H ern cl, Secrétaire.
E
X
T
R
A *1
T
des Regifires du Greffe du Siege de Sijleron.
D u 31 Décembre 1 7 8 0 ,
à Sifteron , Nous Picrrc-
Jofeph Barlet de la Cazette , Confeillcr du Roi , Lieu
tenant Particulier au Siege royal 6c SénéchauiTée de la
ville de Sifteron , en abfencc, en compagnie de M e Jofeph-Gafpard Latil , Confeiller 6c Procureur du Roi ,
6c de M c Jean-François Jacob , Greffier en chef audit
Siege 6C Sénéchauilee, fuivis de l’huiilier de fcrvice , nous
étant rendus au monafterc de Sainte-U rfulc, fitué hors
les remparts de la ville : eniuite de notre ordonnance
de ce jour au bas de la requete, de plainte a nous p o r t é e
par dame de Sainte Cecile Augier , Supérieure dudic
monafterc , 6c par laquellejadite dame nous r e q u i e r t de
vouloir
accéder audit couvent ; ou étant a r r i v é s
eu
�6i
compagnie de qui dcffus , nous nous ferions fait annon
cer par Phuillïcr qui eft à notre fuite , &
feroit comparu-e la dame fupcricura
qui
a l’inftant
nous auroit
fait ouvrir les portes dudit monaftere , ôc nous auroïc
conduits dans la falle capitulaire ou nous aurions trou
vé dame Hugos , fœur du Saint - Efprit , affiftante
dame d’Eyraud , fœur du Saint - A m our , zélatrice ,
&
dame Confolin , fœur du Sacré C œ u r , économe ,
dame B orely, fœur de Saint-Auguftin , confeillere ; la
dite dame fupérieure en préfence des dames ci-dellus
nous auroit requis de vouloir recevoir juridiquement fa
plainte; à quoi adhérant , elle nous auroit expofé que
le j our de hier , environ l’heure de huit du foir , l’on
vint frapper à la porta dudit monaftere , qui vife fur le
grand chemin , que la fœur de Notre-Dame , tourriere
dudit monaftere , accourut au bruit & demanda à ceux
qui frappoicnc , ce qu’ils demandoient , &. lui ayant
écé répondu d’ouvrir les portes ; ladite fœur répliqua
qu’on ne le pouvoir pas attendu qu’il écoit cxprcflemenC
défendu d’ouvrir les portes à cette hcure-là , que ladite
fœur de N otre-D am e s’apperçue alors que l’on avoir
frappé fi rudement que l’on avoit fait fauter la fèrrrure
de la première porte de la cour ainfi qu’un areboutant ;
que ladicc dame fupérieure , avant l’heure du coucher ,
fit faire la vifite dcfditcs portes dudit monaftere, qu’elle
fie refermer tout de fuite , que ladite dame fupérieure
s’étant retirée dans fa cham bre, elle entendit quelque
bruit dans ledit monaftere . . . . que ce jourd’hui à l’heure
de neuf heures ôc demie du m a tin , madame la marquife
de Cabris auroit demandé à parler à ladite dame fup«-
�¿3
Heure en particulier , & lui auroit die qu’elle éroît fort
en peine fur cc qui venoit d’arriver, Sc fur ce qui s’étoit
paillé hier au f o i r , qire madame de L im a ye, fa coufine ,
s’étant préientéc hier au foir pour la demander 6c n’avant
pu la voir , elle s’étoit introduite dans le couvent par le
moyen des échelles qu’elle s’étoit procurées3 accompagnée
de Ton laquais , qui l’avoit aidée à s’introduire dans lcd.
m onaftere, qu’elle congédia auifi-tôt ; que ladite dame
de Limaye pour s’introduire dans le monaftere avoit
brifé les vitres, d’une fenêtre 6c enfoncé un con treven t,
que s’étant introduite par ce moyen dans ledit m onaf
tere , habillée en cavalier : elle avoit frappé à pluficurs
portes, attendu qu’elle ne favoitpas la chambre de ladirc
rnarquife de C a b r is , qu’elle fut apperçue par la
L a t il , fœur de Sainte llo fa lie , 6c par la fille de chambre
de ladite dame marquife de C a b r is , qui eurent l’une 6c
l’autre quelque frayeur de voir une perfonne ainfi déguiféc
à une pareille heure , que la dame de Lim aye fe trou
vant couchée dans fon appartement , elle prioit ladite
dame fupérieure de trouver un moyen pour la faire fortir , ce que la dame fupérieure trouvant fort difficile ,
elle a dit à ladite dame marquife de Cabris de faire
habiller ladite dame de Limaye en fem m e, 6c qu’elle
t â c h e r a i t enfuite do la faire forcir p a rla porte des exter
nes , pour donner moins de fcandalc ; que la dame fupéricurc pour cela faire 6c pour que la chofe fût moins
co n n u e , fît apporter chez elle toutes les clefs des portes
pour qu’elle pût fortir en bonne 6c duc forme , que dans
cet incervalle de tems ladite dame de Lim aye a difparu ;
qu’environ un e heure après ladite dame de Limaye a u r o i t
�64
paru au parloir ,
Si y auroit fait demander ladite da me
fupérieure, 6c que l a d . d a m c d e L i m a y c a u r o i t f a i t d e s excufes, offrant e l l e -m ê me de faire fa déclaration c o m m e quoi
elle étoit entrée
de ne
dans ledit c o u v e n t ,
point faire d ’éclat
6c q u ’elle la prioit
de cette affaire , que
ladite
da me fupérieure ne p o u v a n t ‘ tolérer une pareille voie de
fait ,
6c voulant mettre l’ordre dans le monaftere d ont
on lui a confié l’adminiftration , elle nous requiert de lui
concéder a £ t e , ainfi que de ferment q u ’elle offre de prê
ter fur la vérité d’i cel lc ,
6c a figné à l’original ^figné s c eu r
d e S a i n t e - C e c i l e A u g i e r . , Supérieure.
Ledit
fieur Procureur du R o i a d i t , q u ’il n’c m p ê c h c
q u ’il foit conc édé a£te à ladite d a m e fupérieure, de la
plainte ci-deiTus ,
requérant
fra&urcs
L a t i l ,
en
6c du ferment qu’elle offre de prêter.,
outre qu’ il
foit
dreffé procès-verbal
y m e n t i o n n é e s , 6c à figné à l ’original
des
figné
Confeiller , 6C Procureur du R oi .
E t nousdit Li e ut ena nt Particulier , en abf cncc , avons
c on c éd é a£tc. à ladite da me fupérieure , de la plainte cideffus , 6c du ferment q u ’elle a prêté fur la vérité d ’icelle,
ordonnons en outre q u’il fera procédé à la defeription des
f ra &i o ns ci-deffus mentionnées ,
notre Greffier à l’original
6c J a c o b
Et
,
,fignés
&
avons
B a r le t de l a
figné
avec
C a z e tte ,
Greffier.
procédant à la defeription
ci-deffus ,
ordonnée ,
nous nous ferions rendus dans une c hambr e dudit m o n a f
tere dont la fenêtre vife fur le jardin du c o t é du l e v a n t ,
& aurions trouvé la fenêtre de ladite chambr e c ompo fé e de
d o u z e carreaux dont fept vitres on t été brifées 6c* rem
placés
tout récemment av e c du papier bl anc , ,6c é tant
defeendus
�defcendus dans la falle capitulaire, avons demandé À ladite
dame fœur fupérieure , fi elle n’avoic plus aucune def-
3c
cription à nous faire fa ire ,
n’ayant rien trouvé de
plus à écrire , avons dreiTé le préfent procès-verbal , pour
fervir 3c valoir à ce que de raifon , & avons figné avec
ladite dame ftipérieurc , ledit ficur Procureur du R o i ,
& notre Greffier ; à l’original , Jign.és
de
, Supérieure, B a r l e t d e l a C
, Confeiller , Procureur du R o i , £c
C ecile A u g ier
L atil
Sœ ur
Greffier. Collationné.
S ain te
a z e t t e
,
Jaco b
,
Ja c o b .
N o u s Charles-François de Burlcs, Chevalier, Confcil1er du Roi , Lieutenant Général au Siege Royal de la
Sénéchauflec de la ville de Sifteron en Provence , certi
fions à tous qu’il appartiendra , que M e Jacob , qui a
e x p é d ié , collationné 3c ligné l'extraie ci - defïiis , cft
Greffier en c h e f dudit Siège 3c Sénéchauflec , aux écri
tures Sc fignatures , duquel foi doit être ajo utée, tant en
jugement que hors icelui ; en foi de quoi nous avons
fait
3c
figné ce p réfen t, contiefigné par notre Secrétaire,
& fait appofer le fccau de nos armes 3 pour fervir
&: valoir à ce que de raifon. Fait 3c donné à Sifteron ,
dans notre H ô te l, le i 5 Février 1 7 8 4 , figné d e B u r l e s ,
Si H e r n e t , Secrétaire.
D eux lettres que m ’écrit madame la marquife de Limaye , elle-même, retenue dans l’auberge de Sifteron ,
par fon accident des i er &
8 Janvier
1 7 8 1 , où elle
fe plaint amcremenc des procédés de la fupérieure , &
de fes manques de promclTe : elle y marque » l’Abbé la
» T o u r , (A u m ô n ier du c o u v e n t ) , vint hier au foie
J
�66
m’apporter mes bottes , &C me fit une longue v i f i t e ,
dans laquelle il me témoigna Tes regrets lur tout ce
qui s’étoit paiTé ; que s’il en étoit le maître , il jeteroit au feu tout ce qui s’étoit é c r i t , il me dit qu’il
fcroit fon poffible pour me ménager une entrevue
avec vous avec l’agrément de la fupérieurc ; il cfl:
revenu aujourd’hui pour m’apprendre qu’il n’avoit pu
obtenir
le confentement
de ces dames , 6t pour
m’exhorter à renoncer à vous voir ; je ne lui ai point diilîmulé que j’étois convaincue que ces dames ne fe conduifoient
que par fes confeils , 6c qu’il dépendoit
abfolument de lui quejevous viffe au parloir aux heures
permiies , 6c que je n’y paroitrois qu’ en habits de
femme ; mes follicitations ont été inutiles , je lui ai
fait fentir cependant combien j’étois fcnfiblc à fou
refus Sc à l’éclat qu’on avoit fait à mon occaiion ,
tandis qu’on
m ’avoit promis qu’on me donneroic
jufqu’à onze heures pour fortir , 6c qu’on ne porteroic
aucune plainte.
D ans celle du 8 , elle me dit » je n’ai fait aucune
a? efpece de fracture que celle des carreaux de vitre , ce
» qui ne feroit point arrivé, fi on n’avoit pas eu la dureté
« de me refufer d’ouvrir la porte à une heure qui n’étoit
» point in d u e ........... qu’on n’a pas vu d’exemple de
*> pareilles rigueurs à l’égard de perfonne , encore moins
”
à l’éçard
d’une femme comme moi.
©
V oilà la perfonne qui paiTa la nuit dans le couvent
dans mon appartement : voici ce que le M ém oire die
page 1 7 , l i g n e
14,
le lendemain i l fa llu t fortir ,
5î Vétourdi n’ avoit pas fbngé au dénouement de Vefealade*
�¿7
La lettre que je reçus de M . Barlet , Juge, qui a^oic
dreffe lui-même le Procès-verbal.
M adame,
« J e n’ai pu lire fans attendriffement la lettre que
»> vous m ’avez fait l’honneur de m ’écrire ; vos malheurs
«
6c l’intérêt générai qu’ils vous avoient acquis m ’atta-
*i choient déjà bien ilnccrement à vous: je faifois gloire
» de partager la fenfibilité de vos a m is, 6c c ’étoit un
» honneur bien vrai pour moi que d’ofer me mettre du
« nombre ; je fuis très-flatté qu’une circonftance impré« vue m’ait fourni l’occafion de vous le témoigner, mon
»> deiîr étant de faire plus *particulierement votre connoiiTance , vous devez fentir combien il m ’eft doux
>» de la faire en vous obligeant, 6c de vous obliger d’une
» maniéré auifi conforme à mon inclination qu’à mon
m devoir ; ce dernier m o tif vous difpcnfc de toute gra« titude à mon égard ; je dois, il cil v r a i , ainfi qu’on
» vous en a in fo rm é, mander à M . le Procureur Géné«
ral tout le détail de cette affaire ; je le ferai d’autanr
«
«
»
«
plus volontiers que je crois , ainfi que vous raffurez
vous-même , que les fuites ne peuvent être que trèsavantageuies pour vous 6c très-peu nuifibles à madame
de Limaye. L a place que j’occupe ne me permet dans
» aucune circonftance de diffimulcr la vérité, 6c mon
»3 eftime pour vous, eft dans celle-ci une nouvelle raifon
« pour ne pas la taire; je prends donc cette voie, comme la
»3 plus douce 5c la plus honnête,elleeftla plus conformeaux
»3 égards qui vous font dûs ; foyez perfuadée, m adam e, q«c
m
je fais apprécier votre mérite, & que fi jepouvois en être
�¿s
» moins convaincu, le criunivcrfclqui s’élève pour vous,
» ôc qui réclame en faveur de votre vertu ôc de votre
33 innocence , feroit lui feul un titre aiTez refpe&able
33 pour vous mériter les fuffrages 8c les applaudiifemens
« de toute âme honnête 6c fenfiblc.
Je fuis avec refpc£t,
M adam e,
votre très-humble ôc trèsobéiiTant
B arlet
Sifleron ,
4. Janvier
ferviceur ,
de
l a
G a ze tte .
1784.
Celle de M . l’Evêque de Siitcron , du 3 Jan vier, ou
il me m a rq u e ,, l’év enem ent, m a d a m e, qui s’eft pafle
33 ces jours derniers au couvent de Sifteron , ne p e u t,
33 ni ne doit vous être attribué en aucune manière ,
55 j’ ai été fort aife de ne vous y voir autrement compro33 mife que comme l’objet d’un attachement qui n’a
33 point connu les bornes de la prudence.
C e lle d e M . le Procureur Général du Parlement d’A ix ,
du 1 8 Janvier , qui m ’écrit « j’ai vu M . l’Evêque de
3* Sifteron , vous ne paierez , ni réparations étrangères,
« ni nouvelle conftru&ion , mais feulement les répara5î . tions rendues néceflaircs par le dommage que'madame
53 de Limaye a caufé; vous faites noblement ôc fagement
« d y ajouter les frais de juftice.
M . le Procureur Général me fait l’honneur de mvécrire
encore le 8 F é v r i e r „ j’ai vu madame de Limaye , votre
33 coufine } toujours remplie de zele ôc d’intérêt pour
�*9
V vous ; je ne puis douter qu’on ne demande votre tranfl
« lation dans un lieu dont vous n’auriez pas le choix , 6c
» qu’on n’envenime ia vifitc nodturne de madame de
»
Limaye , jufqu’à lui imputer un projet d’enlevcmcnc
ji de concert avec vous , vous êtes en pays ennemi ;
•» qu’il ne faut cependant quitter que pour être en lieu
jj de liberté. Je me hâte de vous marquer ces choies ,
qui me font dictées par le fcul motif de votre intérêt
s?
de celui que je prends à la rigueur de votre fort.
Q u ’on juge à préfent quels motifs animoient les auteurs
du mémoire dans la defeription maligne & indécente qu’ifs
fe permettent ( pages 1 7
&
1 8 du mémoire ) de cet
événement dont ils avoient la plus exadte connoifiance.
O n dit page 1 8 du mémoire , qu’en 1 7 7 7 , j’étois
détenue d’ordre du R oi au couvent de Popincourt ; ccffc
Une fauiTcté dont je ne vois pas l’intérêt.
«
S I X I E M E
Prêt de 1 0 , 0 0 0 liv. fa it en
F A I T .
1773
3 a madame la
marquife de M irabeau, diffipation & dilapidation qui me
fon t imputées des biens de mon mari ; procurations q u 'il
m 'a données teflament q u 'il m'a dépofé.
M on mari alla en 1 7 7 3 , voir la marquife de M ira
b e au , Ta belle-mcre ,*qui ne le connoifloit pas, & qui ne
l’avoit jamais vu ; il l’a trouva dans l’indig#nce, man
quant du fimple néccflaire, il lui prêta z 0,0 00 1. je n’eus
d’autre part à ce prêt que d’être fenfiblc à cet acte de
générofité exercé en faveur de ma mere , mon mari
n’exigea aucune reconnoiilancc ; quel titre pouvoit don
ner une femme en puiiTancc de fon mari ?
�70
La marquife de M irab eau, n’a formé fa demande en
féparation qu’en 1 7 7 5 , plus de deux ans après.
En 1 7 7 6 , mon mari m ’écrivit dans une lettre que
j ’ai déjà citée » vous me ferez le plus grand plaifir d’al53
1er joindre madame votre mere le plutôt qu’il vous
33 fera poiîible , vous pourriez m ’être de la plus grande.
« utilité pour mes affaires......... vous pourriez auiïï être
33 de
quelques fecours dans les affaires qui affligent
33 madame votre m e r e , & cette lettre vous mettroit cl
3> l'abri des reproches injufies qu'on pourroit vous fa ire..
Je ne me fuis jamais mêlée des affaires de ma mere ,
que pour en procurer la conciliation : elle me donna fa
procuration le 4 Juin 1 7 7 7 , datée du couvent deSaintM ichcl , où elle étoit enfermée ; je n’en fis d’autre ufage
que de révoquer les plaintes quelle avoir rendues contre
fon mari , 6c de changer les gens d’affaires qu’on pouvoit
fufpe&cr d’avoir m is'la divifion entr’eux. Cetre révoca
tion qui devoit affurer le repos de M . le marquis de M i
rabeau % lui fut fignifiée le 6 Juin. C e t a£tc de refpe£t
filial m’attira l’ordre du R oi du 19 Juin 1 7 7 7 , qui
m ’exiloit à Lyon , ôc révoqué le quatre Juillet fuivant.
A u furplus , un arrêt du Parlement de P a r is , a pro
noncé la féparation des deux époux ; c’efl: aux Parties à
s’en plaindre, 6c non à ma bclle-mcre, qui n’eft encore
ici que l’inftrumcnt d’une vengeance particulière.
O n prétend ( dans la note des pages 18 6c 19 du
mémoire ) } que mon mari a emprunté depuis 1 7 7 3 ,
ju lq u cn 177-7 » une fomme de i i z , o o o liv. 6c qu’il a
aliéné pour 1 3 5 ,6 7 6 liv. de fes capitaux.
J’obferverai d’abord fur ce tableau qu’on a eu la pru
�7f
dente précaution de ne donner , ni le nom des acquéreurs
des fonds prétendus aliénés, ni le nom des Notaires qui
ont reçu les contrats , ni leurs dates ; on a craint avec
raifon , que dans une vérification que j ’en aurois faite ,
je ne prouvafle , ou que ces aliénations avoient été faites
pour acquitter les charges anciennes des b ie n s , ou pen
dant mon abfcncc ; ou qu’enfin , elles étoient l’ouvrage
de la curatrice, &. par confëqucnt de ceux qui la mettent
en avant.
O n donne bien des dates vraies ou fauffes des préten
dus emprunts , mais 011 fe garde d’y nommer les prê
teurs, ni les Notaires qui ont reçu les a£tes , on craint
toujours ma vérification.
Si on peut ajouter la moindre foi à ces a£bes, il cil
évident que les emprunts des 3 1 0 0 0 liv. des t 9 M ai 8c
20 Juin 1 7 7 3 , ont été faits dans la minorité de mon
m a r i, fous J’autorifation du fieur Scytrc , fon curateur,
placé dans fa confiance par la c a b a le , à l’exclufion d’un
ancien Procureur, qui avoit géré les affaires de mon beaupere pendant trente ans.
Le prétendu emprunt de 3 2 0 0 0 liv. du 1 6 Novem
bre 1 7 7 5 , cil fait fans que j ’en aie eu même connoiflance.; c’étoit dans Je fort des pourfuites de l’affaire
des affiches. Je prouverai l’influence de la cabale fur ces
emprunts.
Q u ’on fe rappelle que M . de Cabris me cachoit cette
a ffa ire, que je fus obligée d’abandonner à fes gens d’af
faires Sc à la cabale qui me pourfuivoit moi-même ; j ’ai
ci-devant tranfcrit.une lettre de M . de Vauvenargues; que
je ne puis m’empêcher de répéter i c i , » on a i n t é r ê t de
�7»
j> cabaler contre vous , je prends donc la liberté de vous
>3 prier de refter en repos , & de ne plus vous mêler de
î> cette affaire ; je vous confeillerois moins l’inaction ,
5j fi je ne voyois contre vous que des gens en fous-ordre;
3) mais dès que la fam ille s'en m êle, reftez en repos, s’il
33 eft poilible 33.
Le curateur de M . de Cabris , devenu Ton homme de
confiance & Ton fondé de pouvoir depuis fa m a jo rité,
lui nécefiitoit des emprunts pour de prétendues dépenfes
fecrettes. C e Procureur faifoit les emprunts , les reccv o i t , en faifoit l’emploi , Sc ils en comptoient enfuite
enfemble comme ils l’cntcndoient.
Les autres emprunts qu’on date des 4 & 1 o Juillet
1 7 7 6 , 5 Mars 1 7 7 7 , montans enfemble à 5 8 0 0 0 1.
ont été faits dans mon abfence : la dame de Lombard
& la cabale, ne nieront pas qu’à ces époques j’étois à Lyon
êc à Paris : je demande à toute la Province qui efl - ce
qui difpofoic de mon mari dans ces momens? C ’étoit la
cabale qui lui faifoit contracter des engagemens, lorfque
j ’étois à deux cens lieues de l u i , 6c l’on ofe aujour
d’hui m ’en rendre refponfablc.
Lors de l’arrangement
de l’affaire
des affiches en
1 7 7 6 , mon mari fe rendit à A ix avec le ficu'r Scytre,
fon fondé de pouvoir, fouvent cité par les deux Par
ties dans cette a ffa ire, 6c dont je vais parler plus ample
ment dans un inftant.
Le fieur A lziari , Procureur de GrafTe , collègue du
fieur Scytre -, devenu Procureur de la dame douairière
de Cabris , dans la demande en interdiction de fon fils,
qui a toujours occupé depuis pour elle dans fa qualité de
curatrice ,
�73
Curatrice,& qui occupé encore pour elle, écrivoic à mon mari
le 8 Juin i 77<j> dans un moment où Ion attendoit l'ar
rangement de Pafïaire des affiches 33,enfiniffant ce procès,
33 je préfume que vous aurez befoin de fonds ; il y a
33 peu de jours, Alavéne Ce trouvant chez m o i, un parti3j culier
vint me demander fix mille livres à lui faire
33 prêter ?*Lorfqii’il fut p a r t i, Alavéne me prit à part ,
33 8c me dit que vous pourriez en avoir befoin , & que
» je pouvois vous en écrire, du depuis 6c pas plus loin que
33 de ce matin , j’ai arrêté quelqu’un qui cherchoit du
»» papier pour mander dehors dix-neuf mille livres ,
3) qu’on lui faifoit placer au cinq pour cent ; comme je
33 ne compte pas beaucoup fur Alavéne , 8c dans la
s» crainte d’ailleurs de vous fâcher , -j’ai détourné la
33 perfonne du placement , en lui faifant envifager un
33 manque de sûreté ; fi ces dix-neuf mille livres peuvent
3j vous être agréables, ayez la bonté de m ’adreffer par
33 le retour du courier , 8c fans retard , une procuration
originale pour emprunter cette fomme de qui j e trou33 verai a propos en conftitution
de rente au denier
3J v i n g t , les intérêts payables à G r a ffe ,
avec
pouvoir
33 d ’obliger à raifon de cet emprunt , vos biens à toute
3> Cour. Le prêteur eft un honnête citoyen , avec lequel
33 vous ne ferez pas fâché d ’avoir affaire; fi par hazard
33
cette fomme étoic placée d’ici au retour du porteur ,
33
je pourrai la trouver d’ailleurs. M es clercs ligneront
33 l’a&e fans favoir rien de rien , 6c la chofe n’ébruitera
33 p a s , fi vous êtes bien aife de remplir la procuratioa
x> du nom d ’ A lavhie , c’eifc égal , &
fi vous voulez
» qu’il ignore ceci vous pouvez la remplir de mon nom ,
K
�74
53 Sc me marquer comment
je
dois difpofcr de cet
jj argent ; mais fur le tout j’attends votre réponfe par
îj le retour du courrier , crainte de manquer le prêt, ou
jj de conftituer le prêteur en perte de fruit de fon argent.
V o ilà qui indique aflfez les prêts des 4 8c 10 Juillet
1 7 7 5 , dont je viens de parler ôc de quelle maniéré les
agens de la cabale conduifoicnt mon mari k faire des
e mpr unt s.
Je défie que depuis mon retour auprès de lui à la fin
d t Juillet 1 7 7 7 , jufqu’au 2 4 Février , jour de m onenlevcment , on cite un feul emprunt , 8c cependant alors ,
nous'foutcnions l’afFairc la plus grave qu’il eût eu de fa
vie.
Q u a n t à la dette de 6 1 , 0 0 0 liv. du fieur S e y tre , je
ne lui ai jamais connu de titre ; on ne m ’en préfente
aucun ; je ne trouve d’autre indication de cette créance ,
dont je n’ai jamais entendu parler , que l’avis de parens
du 2 4 Février 1 7 7 8 .
M c Seytre avoit été le curateur de mon mari , par le
choix de fes beaux-frercs ; il avoit géré en cette qualité ;
la même faveur lui procura des pouvoirs à la majorité
de mon mari ; il a adminiftré toute notre fortune juf
qu’au moment de l’interdi&ion.
En fa qualité de Procureur au Siège , il
étoit le
défenfeur de mon m ari, fur la demande de fa mere , 8c
contre les pourfuites des parens qui lui avoient afluré
cette adminiffcration.
Par la délibération des mêmes parens, douze jours après
la fentence d’iruerdi&ion dont il y avoit appel f u i v i , il
cft d it , art. p > que madame la douairiere requiert qu’ i t
�lui fo it donné pouvoir de régler ô arrêter les comptes avec
les gens d'affaires dudit fieur de Cabris
,
(Ton fils )
notam
ment avec M e Seytre fon Procureur général y emprunter
en capital de penfion ( rente conftituée) ou autrement avec
,
intérêts pour payer les avances quipeuvent avoir été fa ites
& les autres dettes urgentes que le fieur de Cabris peut avoir
contractées
& obliger a cet effet les biens & revenus dudit
fieur de Cabris 3 ou d ’y pourvoir autrement par indications
fu r les fermiers , f i la dame de Lombard en trouve le moyen.
Les parens , à leur tête le Bailli de Mirabeau , reli
gieux profès , votent tous ces pouvoirs , & le Juge les
copie dans fa fentencc dans les mêmes termes :
Les baux faits par la curatrice annoncent la déléga
tion de cette dette pour i i o o o 1.
Y
a-t-il eu un compte entre le prétendu créancier &c
là curatrice ? C ’eft ce qui fe développera par celui qu’elle
doit rendre elle-même. Je vois par les regiitres du contrôle
de GraiTc , une ailignation donnée en i 7 8 3 , à la requête
de la dame douairiere de C a b r i s , au (leur Seytre , en
revifion du compte de Padminiftration que ce Procureur
avoit eue des biens de mon mari ; ailignation procurée
par une brouillerie furvenuc entre le fieur .Alziary , les
autres confcils de la curatrice & le fieur Seytre , Sc reftéc fans fuite , lorfque l’admilîion de ma requête au
Confeil fut connue.
J’ai déjà fait voir que le fieur A lzia ry, Procureur de ma
bclle-merc , celui qui a obtenu en cette q u a lité, la fentenccd’interdiilion , étoit en coçrefpondance avec M. de
C abris, qu’il lui propofoit des emprunts: voici la p re u v e
qu’il lui rendoit d’autres fervi.ces dans l’adminiAracion
K ij
�7<>
de Tes affaires. Le 1 1 Juin i 7 7 6 , il lui écrivit: » j’ai
33 l’honneur de vous joindre ici pour 1 1 5 o 1. de papiers
»
que M , Ricord , c a d e t , m ’a fourni fur Marfeille ,
53 payable au premier .Tuilier ; j ’y ai mis des endoÎTe» mens en blanc ; vous voudrez bien m’accufer la récep« tion de cette fomme ; M . Girard l’aîné , n’a pu fe
5} charger de vos mandats, 8c il m’a fallu faire l’im » poilible pour les placer ; ils étoient à trop long jours
îî pour lin n é g o c ia n t, puifcjue l’un étoit pour tout F é vricr, & l’autre à la Pâques.
Les (leurs Seytre & A lziary , Procureurs au Siege de
G rade , pourfuivant &
défendant l’interdi£tion de mon
m a r i , étoient tous les deux à la fois fes agens.
Je trouye au poflcripium de cette lettre , 33 je déca3j chetre ma lettre pour avoir l’honneur de vous obfer33 ver , que puifque vous êtes à A i x , vous devez con33
fulter à l’effet d’obtenir une réduQion fur les épices
33 de votre procès contre la communauté de Cabris. L a
33 levée de la fentcnce vous coûta près de 1 0 0 louis; les
33 épices du Siege z j o o liv. celles de M . de M artigny
»
1 2 5 0 liv. & le furplus , pour les droits royaux. D ès
33 que ce procès doit être arbitré , ou quand même il
33
devroit refter là , il doit y avoir une voie pour faire
>3 reftituer les épices prifes en fus de la taxe ordinaire , bc
cette reftitution ira au moins à 2 4 0 0 liv. ; je fens
3> bien que vous ne retirerez pas les petites portions qui
peuvent compéter à M . Floris & Car...; mais vous n’en
33 ferez pas grâce à M . d’Andon , & à M . de M artigny,
33
33
qui vous ont rendu des bons fcrviccs dans l’occa-
33
fion. Veuillez j moniïcur, pour votre intérêt Sc plus
�77 '
Jî encore pour votre fatisfa&ion , ne pas négliger ccc
» article; les perfonnes qui font fans crédit obtiennent
« ôc vos plaintes teilcroicnt-elles fans fuccès.
M c Floris a prononcé Pinterdi&ion de mon mari ,
après avoir fait juger en fa faveur , qu’il n’y avoit lieu à
la réeufation propofée contre lui.
Les i o o o o o liv. rappellécs dans le mémoire de dettes
criardes aux m archands, ouvriers &C fourniiTeurs , me
paroît un être de raifon.
'D epu is mon m ariage, je n’ai jamais fait & jamais
connu de ces fortes de dettes dans la maifon.
Il ne s’en eft contracté aucune depuis mon retour au
mois de Juillet i 7 7 7 , M . de Cabris auroit-il fait pour
1 0 0 0 0 0 liv. de dettes, de fourniiTeurs dans les quinze
mois de mon abfence ?
C es fourniiTeurs qui voyoient fous leurs yenx attaquer
l ’état de M . de Cabris, auroient-ils gardé le filcncedans
les huit mois écoulés depuis mon retour jufqu’à mon
enlcvcment ?
Il y a des négocians fore riches à G r a il e , mais ils
font leur commerce dehors ; les fourniiTeurs comme par
tout ailleurs, y font avec de fort petits fonds j ne peu
vent comme ceux, des petites villes , faire que des avan
ces journalières.
Les ouvriers n’y ont que leurs bras pour leur fubfiftance.
Le fieur B re n e t, fculpteur de Paris , avoit fourni des
bronzes
des meubles par commiiîion à M . de C a b r i s ,
je favois que le compte n’en étoit pas foldé ; ces mêmes
�7*
effets doivent être encore dans notre maifon ; cet objet
quand la curatrice auroit'acquitté quelque chofe là-dcffus , ne peut pas être une dillipation ; on auroit bien de
la peine à en trouver dans les aliénations , dans les
emprunts & dans les dettes annoncées dans le m ém oire,
quand on en pourroit fuppofer l ’exiftence.
Ces aliénations montent , comme on
Uy.
l’a vu , à ............... ........................................ .•
135000
Les emprunts à .........................................
112000
Q u ’on joigne à cela les fuppofés cent
mille liv. de dettes criardes, c i ...............
100000
Les foixante - un mille livres dues à,
M c S c y trc , encore plus incertaines, ci • ■
pm
m
'
O n ne trouvera q u e ................................
iiooo
1
418000
Sur cela je trouve un emploi dans les
propres fonds de mon mari , que mon
pere ne défapprouvoit pas :
L a conitru£tton de la maifon neuve ,
portée dans le mémoire à ...........................
200000
Pour quatre-vingt mille livres de meu
bles qui y ont été portées, ci U n e bibliothèque d e .................... ...
U n jardin conilruit à Cabris , qui a
coûté plus de
„ D es mouUns à. h u ile , conffcruits à neuf,
Cil addition aux anciens, 6c qui pour une
80000
11000
jjoqo
1
�dépenfe de vingt mille livres, augmentent
/¿Vt
le revenu de la terre de dix mille liv. ri • •
20000
L e prêt fait en 1 7 7 5 à madame la
marquife de M ira b ea u ................................
20000
T o ta l de l’e m p lo i................................
347000
Il
s’enfuivroit toujours que mon mari ayant augmente
par des améliorations fa terre de i o o o o l i v . de revenu
n’auroit diminué fes capitaux que de 7 1 000 liv. Il jouiffoit de cinquante mille liv. de ren te; il habitoit fa terre,
où il n’en dépenfoit pas dix.
Q u ’on joigne à cela le cout énorme de l’affaire des
affiches , que fon malheur ou fon imprudence lui avoicnc
attirée, les dépenfes fecretcs que les gens d’aifaires impof o i e n t , & dont perfonne autre qu’eux n ’avoit connoiffancc, l’argent qu’il fallut verfer partout, comme le difent
mes adverfaircs eu x-m êm es, page 8 , ligne 5 :
O n trouvera encore que le pillage énorme des fousordres fe prenoit fur les économies.
Loin que les revenus euffent été touchés d ’avance ,
comme on ofe l’annoncer à la même note , ceux qui
étoient échus à Noël de 1 7 7 7 , furent faifis par un créan
cier ap ofté, par a& c recordé de Lautior, huiiTier, du 2 4
Décem bre 1 7 7 7 ; & le même A lz ia r y , procureur de la
dame douairicre de C a b r i s , y cil conftitué procureur du
fa ifiifa n t, c’eft elle à qui on a aiTuré les revenus échus
avant l’interdi&ion.
J’ai déjà obfervé que le ficur Seytre avoit adminiftré
�8q
pour mon mari jufqu’au moment de l’interdi&ion * s’il y
avoit eu des revenus touchés par anticipation, ils l’auroient été par le fieur S e y tre , qui en a compté à la dame
de L o m b a r d , douairière de Cabris , fuivant l’avis de
parens.
*
Q uan t à moi perfonnellement, je n’ai r e ç u , pendant
les quinze mois que j’ai paiTés à Lyon & à Paris en 1 7 7 6
1 777»
5 4 ° ° ^ v* 011
mon m ari, ou par Tes ordres,
& je défie qu’on me cite une feule dette ; je n’ai
touçhé , dans les fept mois qui ont fuivi mon
retour
jufqu’à mon enlèvem ent, que 6 1 6 8 Hv. des mains du
fieur Seytre, fur cette rente j ’ai tenu la maifon fans aucun
mémoire de fourni fle u r , & j ’ai foutenu le procès d’interdi&ion.
M . de C a b ris, à cette ép o que, vouloit bien me laifler
faire toute la rece tte, èc je pourrois bien répondre qu’il
ne lui a pas été délivré un fol.
Je défie encore que depuis mon mariage jufqu’à l’époque
de mon enlevcment , on me cite une feule dette que j’aye
contra&éc ni en P ro v e n c e , ni à L y o n , ni à Paris, à l’ex
ception de cinquante louis que j’ai empruntés en mon
nom & fur mon engagement du fieur B on in, négociant de
G r a d e , au moment où mon mari &c moi nous partions
pour A ix , pour y fuivre l’appel de la fentence d’interd i& i o n , & que la| cabale avoit fait faifir tous nos re
venus pour nous empêcher d’aller nous défendre au
Parlement. C ’eft là ,la feule reponfe que je daigne oppofer
à tous les reproches de diflipation qu’on me fait dans le
mémoire , & f ur lefquels je porte le défi le plus formel à
■mes adverfaires.
Je
�8i
Je n’ai jamais eu de procuration de mon m a r i, dans
tout le terris que j’ai été avec l ui , fes biens ont toujours
été adminiftrés par le Heur Seytre, comme je l’ai déjà dit.
L e 3 O & o b re 1 7 7 7 mon mari me donna une procu
ration pour l’adminiftration de Tes biens , avec pouvoir
d’aliéner ou emprunter jufqu’à concurrence de 1 0 0 0 0 1.;
je n’en ai jamais fait ufage ; je ne l’ai pas même fait
fignifier au ficur Scy tre, qui a continué de gérer, comme
auparavant, jufqu’au moment de l’interdi&ion.
Q u o i , M. de Cabris qui donr.oic au fieur A lziary ,
procureur de ma bellc-merc, des procurations pour fairei
des emprunts effe&ifs , qui en donnoit au fieur Scytre Sc
à tant d’autres que je ne connois p a s , cft-il devenu cou
pable, pour en avoir donné une à fa fem m e, & fa femme
a-t-elle fait un crime de l’avoir reçue !
Q u ’on me repréfente toutes les aliénations faites par
mon mari , tous les emprunts qu’on a datés à la page
29 du m ém oire, fans vouloir donner le nom ni des n o
taires, ni des Parties, je ferai voir que tous ces a&es ,
s’ils ex ifte n t, ont été pafles en vertu de procurations de
M . de Cabris , contenant des pouvoirs bien plus étendus
que ceux de la procuration qu’on me reproche t a n t , êc
de laquelle je n’ai jamais fait uiage. O n ne craignoic
donc dans ce témoiçnaiïc
P & du retour de la confiance du
mari à fa femme , que de lui voir cxpulfer les gens d’af
faires placés par la c a b a le , on craignoic de voir s’établir
l’ordre dans une maifon où l’on avoit introduit le défordre;
on ne redoutoit donc que de voir perdre à ces gens d ’af fa ir es
l’afeendant procuré par la cabale.
La procuration qu’on date du 4 O & o b r e , l e n d e m a i n
L
�de cellc dont je viens de parler, copiée à la page 1 9
du m ém oire, donnant p ou vo ir, entr’autres choies, d’em
prunter ou vendre des fonds jufqulà concurrence de cent
mille livres , nommer & deilituer tous Officiers de juitice,
avec révocation de toute autre procuration ; cette procu
ration cil une de ces fuppofitions monilrueufcs que la
cabale s’cit fouvent permifes dans cette affaire ; en voici
les. preuves.
i°. Rien ne juitifie que cette procuration ait jamais
cxifté dans mes main» ni dans celles de mon mari ; dans
i’hiilorique qu’en ont fait les adverfaircs , en l’annonçant
au Parlement d’ A ix dans le procès d'interdiction , ils ont
dit qu’elle s’étoit trouvée dans l’appartement de M . de
Cabris , loriqu’on enfonça les portes du chateau fous
prétexte d’en faire l’inventaire , en vertu de la fcntcnce
de GraiTe, dans le tems que nous fuivions fur l’appel
k Aix.
20. Cette procuration fignee, dit-on , d’un Notaire de
de deux témoins , n’a jamais été contrôlée ; on fuppofe
que le Notaire fignataire y déclare au bas que M . de
Cabris s’eil chargé de faire remplir cette formalité de con
trôle, prévarication puniflable de l’Officier qui ne pouvoir
pas ignorer qu’il en étoit feul tenu. La vraie procuration
que j’ai reçue le 3 O & o b r c , cil portée au contrôle par le
Notaire le 1 4 , & on veut qu’il n’y porte pas celle du 4 ,
^u’il a dans fon porte-feuille, qu’il fait légalifer à GraiTc
le même jour.
3 °* Le N o ta ir e , prétendu fignataire, entendu dans
1 enquete faite le 1 1 Novembre fur l’intcrdiction,y détaillé
tous les actes qu’il a reçus pour mon m ari, jufqu’à la pro-
�83
curation du 3 O&obre. Il ne parle point de celle fnppofée
faite le 4 , ÔC donc ce Notaire n’auroit pu perdre le fôuvcnir,
fi elle avoit exifté; les témoins qu’on veut qui l’ayent foufcrite, entendus dans la même enquête, n’en font aucune
mention.
4 0. Cette procuration , datée en tête du premier O c
tobre , & du 4 par un renvoi à la fin de l’a c te , fuppofe un procureur général & fp é c ia l, dont le nom eft
laide en blanc. Le commettant y dit dans le corps de
l’acte, qu’il approuve tout ce qui fera fait par fondit pro
cureur conftitué ; dans la procuration de la veille je fuis
nommée par mon nom , indiquée en qualité de procuratrice ; tout ce qui annonce ma geftion, eft défigné fous
une dénomination fém inine: il y eft d it , que le commet*
tant approuve tout ce qui fera par ladite dame fa it & géré.
Pourquoi m ’applique-t-on cette procuration fuppofée,
plutôt qu’à M c Seytrc , donc les pouvoirs fe trouvoient
nominativement révoqués par celle de la veille 3 O c to
bre, que j’avois en mes m a in s, plutôt que tous ceux qui
en avoient reçu de M . de Cabris.
50. Cette prétendue procuration du 4 révoquoit celle
du 3 ; je reitois fans pouvoirs, dès qu’elle étoit hors de
mes mains ; je m’en ferois donc nantie , comme j ’avois
fait de celle où j’étois nommée, ou pour recevoir, ou pour
ne pas voir contrarier les opératiçns dont on mc fuppofe le
p ro je t, par ceux à qui cette révocation pouvoit être rcm if e , ou qui pourroient la trouver.
Enfin , ce qui eft encore plus étonn ant, cette procu
ration paifée le 4 , Ce. trouve lcgalifés par le L i c u r c n a n r
Particulier de G rade le 1 4 , dans le délai m ê m e d o n n é
L ij
�s 4.
pour le contrôle: la légalifation fuppofc qu’on avoit befoin
de l’envoyer dehors ; mon mari fuppofé com m ettan t, moi
fuppoféc procuratrice fo n d é e , étions tous deux fur les
lieux ; c’ étoit là où l’adminiftration devoit être faite :
cette procuration fe trouve trois mois après dans le ca
binet de mon mari , le nom du procureur en blanc ,
elle n’eft pas contrôlée , 8c elle eft nantie d’une légali
fation.
Q u e conclure de tout ceci ? Des horreurs dont je fuis
forcée de détourner les yeux ; il me fuffit de répeter que
je n’ai jamais reçu de pouvoir que ceux de la procuration
du 3 Octobre , 8c que je n’en ai jamais fait ufage.
Quand je retournai à Gratte au mois de Juillet 1 7 7 7 ,
mon mari me fit l’aveu que dans mon abfence on l’avoic
induit à faire un teftament trop favorable aux auteurs de
la fuggeftion
humiliant pour m o i , 6i nuifiblc aux inté
rêts de notre enfant ; il me témoigna fes delîrs de le
révoquer.
Si je fuis coupable d’avoir applaudi à ce deflein ,
j ’avoue ma fa u te; il fie un teftament m vftiquc, d’ufage
en P ro v e n c e , il m ’en rendit dépofitaire; ce dépôt cft
encore dans mes mains , nanti de tous les cachets.
Dans une requête préfenréc contre moi par le Bailli
de Mirabeau au Parlement d’A ix le 4 M ai 1 7 7 9 ; il dit
pofitivement qu’ i l y a beaucoup a dire fu r ce teftament t
dont les difpoftions ont été difeutées lors de l'arrêt de la
Cour ( fur l'interdiction) ; comment difeute-on les difpoiitions d ’ u n teftament myftique tant qu’il eft cacheté ?
Q u i a pu mettre fous les yeux du Parlement d’Aÿc ce
dépôt qui neft jamais forci de mes mains? L ’a-t-on en-
�«5
core trouvé dans. le cabinet de mon mari ? Je dois m ’interdire toure réflexion à cet égard.
M ais fi on fuppofe que j ’ai furpris un teftament à mon
mari , que ce teftament contient des difpofitions en ma
fa v e u r, comment allier ces prétendues captations avec
la réfiftancc que j’ai toujours oppoféc à fon interdiction,
qui m ’en aiTuroit l’irrévocabilité ? A v e c quels avantages
je rétorquerois les objections de mes ennem is, fi je rapprochois toutes les pieccs qu’ils fc procuroient depuis trois
ans , pour parvenir à l’interdiction de mon mari?
P R E U V E S
Que le marquis de Cabris } mon mari ¡ n ' a jamais été dans
le cas de l ’ interdiclion prononcée contre lui.
Q u e le s m a uva is traite mens exercés f u r f a p erfon n e 3 p a r les
agens de la cabale 3 ont eu p o u r objet d ya lién e r f a ra ifon .
D iJJîp a tion des biens p en d a n t la cu ra telle s leurs p a rta g es
entre les auteurs du com plot.
J’ai déjà annoncé que je ne me livrois à cette difcuffion
pafïagcrc d’une procédure anéantie par l’arrêt du Confeil
des Dépêches du i 5 A oût 1 7 8 3 , que pour développer^
les moyens mis en ufage pour nous anéantir, à quels mal
heurs mon m ari, ma fille 6c moi avons été en but t e, fie
com m ent, après s’êcre emparés de toute notre fortune, en
avoir reçu les revenus par anticipation jufqu’cn 1 78 5-, on
nous 1ai île ici tous les trois, depuis il x. mois fri ns alunons.
La dame de Lombard établit dans fon mémoire que
la démence du marquis de Cabris cft une m a l a d i e héré
ditaire , 6v pour détourner les regards fixés fur elle à ces
�Si
KTOts ( i ) , elle va remuer les cendres d’un époux refpectable, toujours cher à Ton pays , où il jouifloit de la plus
grande coniidération , utile à fa province , où il avoic
occupé des places oonfidérables , ducs également h f;i
naiflance & à fa conduite ; un mari dont les iages difpofitions lui ont ailuré cinq mille livres de rente fur les
biens de fon fils , au lieu des mille liv. de revenus qu’elle
trouvoic dans fa propre dot.
Elle cite l’exemple d’une de fes filles, témoignage dou
teu x, Si donc tout le dérangement de fanté provient des
mauvais traitemens de fa mere , de fon attention à pré
venir tous les foulagemcns qui pouvoient adoucir ou éloi
gner ce m a l, à la refTcrrer quand je la faifois vivre avec fon
frere & moi dans le château de Cabris, loin des yeux de
l’auteur de fes perfécutions devenu l’objet de fa haîne.
La dame de Lombard a trois autres filles, qui toutes
ont des enfans ( mcfdames de Gourdon > de Gras & de
Sts. Ce^aire ) : le mariage les a enlevées de bonne heure
à la domination de leur mere ; ces dames ni leurs enfans
n’ont jamais donné de fignes de folie ; elles ne verroient
sûrement pas avec indifférence cette accufation de leur
m e re , d’une démence héréditaire dans leur ra ce, fi leurs
maris n’étoient pas les ennemis publics du Marquis de
Cabris.
( 0 Le fieur Seytre m'écrit le premier Mars 1785 , en parlant de la dame de
Lombard : M ia cab alc q Ui fait mouvoir cette tctc f o i b l e , qui ne fait pas s’ad» miniftrer c llc -t n c m e ; & dans une autre lettre du 15 du même m o is , qu’on
M abufe de la foiblcflc d'une tête qui auroit befoin d'un curateur, au lieu d'être
» curatrice.
�8?
Après cette preuve de démence que la dame de Lom
bard prétend que mon mari a apportée du fein de fa
m e r e , elle veut en trouver des preuves dans un confcntement fouferit de lui & du Jicur Seytre ¡fo u curateur eux
caufcs , du i y A v r il 1 7 7 >pour que fon époufe obtienne
du M inifire du R oi un ordre qui l'e x ile a Brie en Limofin ,
oit cet ordre lui fera fignifié.
On fc rappelle par la date de cet é c r i t , que c’étoit
l ’époque de l ’ affaire des affiches; mon mari étoit menacé
des pourfuites les plus rigoureufes , il en étoit averti par
fa famille , par les gens fages qui avoient la procédure
fous les yeux ; j’en ai rapporté les preuves.
O n fc rappelle qu’il m ’envoya à Paris pour intérefler
mon pere : fes Confeils , fes amis penioient qu’un exil
fort éloigné pouvoir arrêter tout ; c’cfl: ce que m ’ccrivoit
le’ marquis de Vauvenargucs à Pari», où j’étois a lo rs;
■
>3 c’c ftma derniere reflource , dit-il, dans ia lettre, ou
>3 un coup d ’autorité qu’on ne peut guercs fc flatter d’eb»3 tenir; M. le marquis de Mirabeau pourroit cependant
»3 faire quelque tentative pour cela»'. M on mari m ’avoic
en effet rem is, à mon d ép art, l ’ écrit copié page 2 6 du
mémoire de la dame de Lombard 3 écrit médité dans deS
afTemblés de C o n fe ils, de parens & de gens d’affaires j
fouferit du curateur , homme qui a joué un rôle fi impor
tant dans toutes les affaires de mon mari , & qui î’a autorifé , ou qui a conrracté pour l u i , comme mandataire,
dans prcfqtic tous les engagemens exécutés par la cura
trice. Si cet écrit eût été une preuve de démence , 1e
fleur Seytrc, Confcil du marquis de C a b ris, fon curateur
donné par la fa m ille , homme confommé dans le* at-
�8S
fa irc s, auroit donc été plus fou'pçonnable de démence
que le mineur qu’il autorifoit ? C ’efl le même homme
dont les parens ont foin de ilipulcr le fort au moment
de l’interdiction, & que la curatrice elle-même a traité
plus favorablement encore.
C e t écrit remis dans mes mains par mon mari , fut
depofé par moi dans celles de mon père dont je venois
implorer les fccours.
O n fe rappelcra encore de la lettre de mon pere, du z
Juin 1 7 7 4 ,
où il me marque :
réunifiez ces deux
» hommes-là , ma fille (M . le marquis de Vauvcnargues
>3 & M . de Gourdon ) , ne vous conduifcz que par leurs
m a v is, 5c fi quelqu'un y récalcitre 3 i l fa u t lui donner la
» peur 3 pour qu’ i l gagne la Montagne & laiffe f a procum ration. A u refle , il cil certaines gens qui ne trouve»
roient pas bonnes certaines retraites ; j’efpere que vous
m m’ entende
Je demande s’il efl poilible que mon pere eut pu parler
comme c e la , s’il n’avoit pas eu entre fes mains cet écrit
de mon mari ; 5c comment cet écrit que j’ai réclamé de
mon pere par une.lettre du z 6 Novembre 1 7 8 z reliée
fans réj)onfc, lettre que j’ai rendue publique dans un mé
moire imprimé de 1 7 8 3 ; comment cet écrit enfin f e
trouve aujourd’ hui tout a la fo is dépofé ( page 1 6 , pre
mier alinéa ) dans les regifires de la Police 3 & comment ma
belle - me/c , qui ne pénétré pas dans ce depqt 3 peut en
avoir une copie !
L ’autre écrit du 6 Juillet 1 7 7 ^ , ne paroîtra à toute
perfonne fenfée qu’un forfait entre un malade peut-être
trop
�trop riffc&é de Ton niai , Sc un homme qui promectoic
de le guérir, ou ce billet, s 'i l e x ifle , ne prouve que l’ar
tifice d ’un cfpion qui a profité d’un accès de vapeurs du
malade qu’on lui avoit. confié , c ’cft: le iîcur Garnier , fecrétaire de M . de Gras , l’un des beaux-freres du marquis
de Cabris , qui a reçu cct écrit des mains de mon mari.
Il en réfulte qu’on avoit depuis lo n g -t c m s le projet
de le détruire, que dès 1 7 7 6 on cherchoit à s’en aiTurer
les moyens ; que M. de Gras , qui a reçu cet écrit des
mains de Ton fecrétairc qui en a laifle faire ufage deux
ans après, étoit l’ennemi caché de mon ma r i , dans le
cems qu’il paroifloit le fecourir dans fes infirmités.
La date de ce billet prouve qu’il a été donné dans le
moment oh mon mari venoit de finir l’affaire des affiches,
que la dame de Lombard dit elle-même (page 8 ligne 3)
avoir f a i ll i a coûter la vie a fort fils par les chagrins dont
elle le pénétra.
A u mois de Septembre 1 7 7 7 mon mari fe bleiïapar
hafard à la cuiiTe, avec un couteau; je crus en devoir
donner avis à la dame de Lom bard fa merc , pour la
prier de m ’envoyer de la ville des gens de l’art.
Le malade jugea l’accident fi peu im portant, qu’il ne
voulut pas même leur lailTer panfer la plaie qui fe guérit
d’elle-même comme une égratignure.
La dame de Lombard prétend que le médecin dans
fa dépofition , dans l’enquête qu’elle fit en Décembre
1777,
évalue le fang
répandu
de cct
accident h
cinq livres. Je ne voudrois pas d’autres preuves contre
toutes les dépofitions de cette enquête , à peu près de
même portée , &c je demande à un h o m m e de l’art ii
M
�90
■ une bleflurc par laquelle un malade perd en peu de tems
cinq livres de f a n g , fc guérie aufîi aifément fans panfement & fans retour d ’accidens , fi le bleiïe qui vient de
perdre cinq livres de fang , peut être dans cet état de
vivacité &C de force cù ce témoin nous peint le malade.
Je puis au moins inftruirc le public fur les moyens
qu’on employoit pour avoir des témoins dans cette en
quête. Il exifte une lettre que m’écrivit le fieur Cruvc ,
aubergifte de Frejus , chez lequel logeoit^jM. de Cabris ,
du i 6 Juitv 1 7 7 9 ,
où il d i t : » au mois d’Oiitobrc
» 1 7 7 7 , M.
Commandeur de Mirabeau &c M . de
» Clapiers , le Chevalier de St. L o u is , vinrent coucher
» à F reju s, à mon auberge. Le foir le domeftique me
« dit qu’on vouloir me faire entendre en tém oin, comme
>3 M . de Cabris étoic fou lorfqu’il pafTa à mon auberge
>5 (avec Garnier le 6 Juillet 1 7 7 6 ) , àc étant monté à
« l’appartement de ces meilleurs , M . de Clapiers m ’in« teirogca beaucoup là-deflus ,
me demanda H cela
« n’étoit pas vrai , &c qu’ils favoient qu’il avoit fait des
m folies à fouper , à quoi je répondis que cela n’étoit
» p a s, que M . le Marquis fc faifoit fervir fcul dans fa
» chambre ordinairem ent, qu’au contraire ce jour-ià il
» mangea à la table d’hôte , quoiqu’il ne parût pas aufîi
”
gai qu’à l’ordinaire, &c qu’il parût même occupé de
”
”
quelque chofe , ce qui me fît demander à fon compagnon de voyage (ce même ficur Garnier) qui me ré-
n pondit que l’on n’étoit pas content quand l’on avoit
53 perdu Ton procès.
La dame de Lombard ne croit pas que les vapeurs
foient faites pour les campagnes qu’elle h a b ite, elle les
�91
renvoyé aux habitans des villes (page 1 7 , ligne 1 5) du
niémoire : voici ce que m ’écrit lé ficur Scytre le 3 o A v ril
1 7 8 3 : « la maladie de madame la douairière fa/ors à
»> Cabris) n’écoit que des vapeurs , & les vifites que le
« médecin lui a faites , pailent p o u rjc compte de M . le
» marquis qui n’en a certainement pas profité.
Le iieur G aytc , avocat de la dame de Lombard ,
m ’ecrit a Lyon le 27 Juillet 1 7 7 6 ( 1 1 jours après Je
billet fuppofé fait à Garnicr) : >3 il cft vrai que M . de
» Cabris revint d ’A ix avec des vapeurs , mais elles fc
n f o n t d ijfip ées , & quelques jours après il en f u t d é >5 liv ré.
Je ne puis omettre ici une contradiéHon échappée k
mes perfécutcurs ;
à
la page 27 du mémoire il cft dit :
» que pendant quinze mois mon mari avoit été en état
» de démence & de fureur depuis le billet de 1 7 7 6 ,
» (dont on vient de parler) jufqu’à la fcène de Septembre
>» 1 7 7 7 (expreflions du mémoire).
A la page 2 4 voici comme on s’explique : » de retour
m auprès de lui
quand la fr ê n e n'a pu l'attirer ju fqu 'a
» elle tout confpira a f a perte 3 & des organes faciles a
>» fuccomber 3 ne purent tenir contre cette accumulation
jj d'infortunes le. délire s'empara de lui.
Et dans la requête en demande d’interdi£bion du 6
Novembre 1 7 7 7 il eft dit : »j que mon mari n’ efi fo u que
» depuis mon retour auprès de lui ( en Juillet 1 7 7 7 ) ».
Dans une lettre du 8 O & o brc 1 7 7 7 , écricc au Bailli
de Mirabeau par la dame de L o m b a rd , pour l’inviter à
venir confommer le projet d’interdi&ion , elle lui dit :
>» jjion fils eft dans un état qui ne fauroit être dépeint,
Mij
�91
» il cil fort malheureux pour madame votre nîece qu il
» ne foie tel que depuis fon retour ». Il refultc de
ces contradictions , que mon mari n’étoit fou ni en
1774,
ni en 1 7 7 6 , ni en 1 7 7 7 ; qu’on l’avoit fait
déclarer tel à força d’artifices ; qu’on- a voulu enfuite
le rendre tel à force de cruautés ; qu’il a été victime de
la plus
effrayante
pcrfécution.
L a dame de Lombard n’eft pas plus heureufe en raifonnemens ; elle prétend établir page 1 3 , qu’une en
quête qui-a ^our objet de prouver qu’un individu jouit
de fa rai fon , eft une preuve négative 8c inadmiiTible e»
juftice ; c’eft fur ces principes fans doute que les Juges
ont rejeté les déportions de quelques témoins honnêtes
de fon enquête, joints aux autres pour y donner du poids ,,
& qui atteftent unanimement du bon fens 8c de la raifon
de mon mari.
D e ce que dans une requête aux Juges de G rade *
pour demander à être autorifée à la pourfuitc de mes
droits , je dis que mon mari dans les liens de l’interdic
tion , je ne puis plus plaider fous fa puiffancc, la dame deLom bard tire encore cette conféqucnce vi& oricufe; m a is
enfin toujours e f t - i l v ra i q u ’ e lle é to it réd u ite a a vouer l a
D É M E N C E 3 q u o iq u ’ e lle l ’ eû t n iée auparavant 3 com m e e lle
l ’ a fia it encore d ep u is 3 tant i l e ft v r a i que l ’ o p in iâ tre té a
fo u te n ir le m enfonge 3 fia it tom ber en con tra d iction p e r p é
tu e lle . ( C ’cft la merc de mon mari qu’on fait parler ainil
de fon fils 8c de la femme de ce fils.)
La darne de Lombard obferve (page 3 5 , deuxième
alinéa) que j’avois amené à A ix mon mari &. ma fille 5.
clic dit ( page 40 , premier alinéa ) que je le menois.
�i
e
i? 3
comme un enfant docile, dans le public à A ix & même
au fpe&acle , &c en même tems elle allure ( page 3 9 ) ,
parlant de l’interrogatoire qu’il avoit fubi à A ix le 1 8
F é v r ie r , qu’elle ne peut pas s’empêcher de trouver raifonnable: cette amélioration de fon état étoit le fr u it de mes
Joins j ou de la nature que j ’ avois fç u feconder ( 1 ). Q uand
elle parle (page 27) des bains froids que je faifois prendre
à mon m a r i, voici fes termes : madame de Cabris fa ifo ity
difent-ils, cet ejj'ai , & pour l 'y encourager s s ’y précipitoit avec lui , ainji parlent les héroïnes de romans ; quels
font les témoins? N u l autre qu’ elle. La dame de Lom bard
en a fans doute de meilleurs des foins qu’elle donnoit à
fon fils quand il étoit avec m o i, quand elle ne le voyoit
pas } quand elle perfiiloit à lui faire refufer la porte.
E ft - c e une contradiction aflez cara<ftérifée , de faire
interdire fon fils comme fou , & enfuite de le faire com T
paroître dans un procès verbal devant un juge trop pré
venu , de lui faire déclarer qu’il a à fon feul fervice la
nommée M a ria n n e , femme de chambre de la dame fa
mere , qui n’a jamais>quitté le fervice de madame la
douairiere, & qui eft encore avec elle i c i ; de lui faire
compter le nombre de fes dom eftiques, de le rendre le
conducteur de ce Juge dans les appartemens du château*
pour les lui m ontrer, Sc les difFérens lits où les habitans
de ce château couchoient, de faire configner de fa bouche
dans le procès v e rb a l, des éloges infinis du cœur de fx
m ere, de la fagefle de fon adm iniftration, & des injures
(1 ) Depuis la demande d’interdiftion jufqu’après mon enlevement d’auprês d*
mon m a r i , la dame de Lombard n’a pas .même apperçu fon fils.
�94
contre fa fem m e, & de lui faire requérir enfin que le touc
foit configné dans le procès verbal !
Je quitte toutes ces abfurdités dont le détail me me*
neroit trop loin pour me réduire à un fcul point de fait.
Je fouriens que mon mari n’étoit point en démence lors
de Patraque de fa merc pour le faire interdire comme tel
en i 7 7 7 ; &; j e l e p r o u v e , par fes interrogatoires devant
le Juge de Graflc ( 1 ) , & aii Parlement d’A ix : ces inter
rogatoires ont déjà reçu l’approbation de mes adverfaires;
comme on vient de le voir (2).
• Par les rapports de médecins & chirurgiens (3).
Par fon enquête de quarante-deux témoins s gens graves,
par ceux dont l’état peut infpircr quelque confiance, en
tendus dans l’enquête de la dame de L o m b a rd , & dont
les dépolirions font conformes.
Je l e
p ro u v e
enfin par quatre lettres de fa main ,
écrites à fa mere (4) dans le cours de cette honteufe infta n c e , pour la démouvoir d ’une a&ion odieufe pour elle
èc flétriiTante pour tous les deux ; par la tranfa&ion qu’il
pafTa à la veille de fon interdi&ion , avec fa communauté
de Cabris affembléc dans les falles de fon château , dont
des témoins de l’enquête déclarent qu’il
d i c t a des claufes.
d is c u ta
&
I^a dame de Lombard foutient que fon fils étoit fou à
catte époque.
(1 ) V o y c i Picccs juftificatives, n°
( i ) V oye\ P. juftif. n” . 3.
Î 3)
Voyel
Cf) V°yel
p*
n°. 4.
n°' 5'
�95
Quel les font Tes preuves ? L a fcntence de G r af l e qui
l ’a déclaré tel.
Les' arrêts du Parl ement d ’A i x qui confirment cette
fcntence.
Tout
cela eit caile 6c anéanti par l’arrêt du C o n f e i l
des D é p ê c h e s du i 5 A o û t 1 7 8 3 .
II
ne lui refte tout au plus q u’ une enquête c om po fé e
de fes domeftiques , gagiftes ou affidés, des gens de la lie
du peuple qui ont dépofé à fa vol ont é , à qui on a voulu
aiTocier quelques gens h onnê te s, d ont les dépofitions dét r u i f e n t , c o m m e on l’a vu , fes prétentions ; prétentions
encore anéanties p a r l e t émoig na ge des q u a r a n t e - d e u x
t émoins entendus à la requête de m o n m a r i , qui tous
dépof enc'de ion bon fens.
Elle veut infinucr , page 3 5 , que cette cafîation 6c
l ’anéanti fl ement de
ces
titres cft la fuite
d ’un
défaut
de forme dont l’oppofition perpétuelle avec le f ond , a
renouvelé le procès.
Je n’ ai befoin que d’ un m ot q u’elle a eu grand foin de
di fl imul er, pour faire difparoître ces plaintes 8c ces ré
flexions politiques.
L ’arrêt du 1 5 A o û t 1 7 8 3
cft émané du C ô n f e i l des
D é p ê c h e s , où Sa M a j e i t é aflifte en perf onne,
Sc qui ne
conno ît des affaires de particuliers que quand il y a in
fraction au droit des citoyens.
C e t arrêt cafic non feulement les arrêts du Pa r le me nt
de P r o v e n c e , mais la
fcntence de Greffe qui prononçoit
l* interdiction 3 NOTAMMENT L*AVIS DE PARENS qui
déféroit la c ur a t e l l e , cette curatelle m ê m e 8c t o u t
ce
q u i s’£N e s t e n s u i v i , & par c onf équent ces aliénations
�multipliées de la curatrice, ces ailes d’emprunts fans fin,
ces baux frauduleux , toutes ces reconnoiflances données
aux fous-ordres dans le partage de la dépouille de 1 op
prim é, ce procès verbal du Juge de GraiTe pour conilarer
la maniéré dont le marquis de Cabris étoic tenu par ia
m ere, copié ii complaifamment à la page 43 du mémoire.
C e t arrêt ordonne que mon mari Si fa fille feront
conduits ici de l’ordre de Sa Majefté , & fous les yeux
de fes Miiiiilres ( 1 ).
Je laide au public à juger les motifs de la caiïation pro
noncée dans le confeil d’Etat du R oi , de jugemens de
Juges inférieurs , d’avis de parens rédigés dans l'intérieur
d’une fam ille, d’ une curatelle qui pouvoit être réformée
par un Juge fupérieur, fx elle avoit été dans le cas d’être
prononcée , de tous les actes faits par la curatrice , dont
le fort dévoie fuivre celui du jugement qui lui avoit donné
fes pouvoirs ; enfin des motifs de cette prévoyance pour
les perfonnes prouvées dans l’oppreffion.
Je dois quelques réflexions fur ces parens qui ont voté
dans cet avis du 1 4 Janvier 1 7 7 8 , fur le vœu de cette
prétendue famille entiere dont la dame de Lombard fait
tant d’étalage dans plufieurs endroits de fon mémoire.
( i ) Les ordres de Sa Majefté ont été exécutés avec une attention particulière»
& une décence extrême. M o i - m ê m e j'ai pouiTé l’attention fi loin , qu'allant audevant de mon mari Si de ma fille , je m’ arrêtai à i j lieues de Cabris : !e peuple
¿coic foulevé d’indignation contre la dame de Lombard & fes gens d’affaires 3 ma
préfcncc pouvçic fervir de prétexte à des excès concr'eux, j ’attendis.
Il eft faux que l’Officicr ait refufé à la dame de Lombard de voir ma fille.
L ’hôtel que madame de Lombard appelle mon h ô te l, dans lequel elle prétenj
«ju’on a refufé de lo ger Ton f i l s , appartient à mon mari.
J’y
�91
J’ y trouve dix -n e u f noms ; à la tête , M. le Bailli de
Mirabeau , Religieux profès de POrdre de Saint Jean de
Jérufalem, homme que les loix déclarent more.civilement,
ôç par conféquent incapable de voter dans une pareille
aflcmbléc.
M . Lombard de Gourdon Sc M . Creps de St C czaire ,
tous deux beaux-freres , dont l’intérêt a déjà été aflez
démontré , 6c le premier d ’autant moins excuiable à
voter dans une aflcmbléc aufli irrégulière , que vingt an
nées d’expériences paflecs fous fon pere , Lieutenant au
Siège de G rade 6c Subdélégué de M . l’intendant de P ro
vence , avoient dû Pinftruire des formes ( i ).
M . de Clapiers Colongucs , complaifant connu du
Bailli de M ir a b e a u , promoteur de Pa&ion.
M . G eoffroy D u ro u re t, à qui ceux qui coftnoiflcne la.
noblefle de P ro v e n c e , favent que mon mari ni moi n’a
vons l’honneur d’appartenir.
To us les autres y font employés parce qu’il a plu aux
comparans de les y nommer , parce qu’il leur a plu de
dire qu’ils avoient leurs pouvoirs, fans qu’ils en ayenc
juftlfié ni au Juge , ni au public par l’annexe de leur
procuration , la plupart même des perfonnes nommées
n’ayant jamais-vu M. de Cabris.
J’ai déjà obfcrvé qu’il y a voit dans la même ville,
ou aux environs , douze familles de parens rcfpectables ,
avec lcfquels le marquis de Çabris vivoit habituellement,
qu’on s’cil bien donné de garde d’appeler.
____________ ■
^.
»
. '
.
«
( i ) C e M. Lombard de Gourdon n’eft pas de la même roaifon que la dame
&
Lojnbard St. Benoît, douairière de Cabris..
. .
N
�C e t avis de parens préfente un contraile bien frap
pant ; M . le Bailli de Mirabeau , que fa mort civile mec
hors d’état de voter, paroît à la tê te , 8c M . le marquis de
Mirabeau , fon ainé, n’y paroît pas même par procureur.
O n voit en tout que ce font quatre perfonnes , deux
bcaux-frercs , dont les intérêts ont déjà été démontrés ,
un étranger 8c un homme entièrement dévoué à M . le
Bailli de M irabeau qui privent le marquis de Cabris de
fon état c iv il, qui anéantiiTent notre fam ille, qui difpo*
fent de nos b ie n s, 8c qui mettent la perfonne de mon
m a r i, de ma fille , 8c toute notre fortune dans des mains
qu’ils connoiiToient incapables d’en prendre foin.
Je crois avoir prouvé que mon mari n’étoit pas fou
lors de la demande en inrerdiCtion , 8C que cette inter
diction' n’a été prononcée que par les intrigues de la
cabale; j’aurois pu borner ma preuve à l’arrêt du Confeil
des Dépêches du i 5 A o û t 1 7 S 3 , qui caiTe cette inter
diction même rendue par un juge inférieur , & tout ce
qui s xen eft enfuivi & pu s ’ enfuivre.
Si je fuis entrée dans quelques détails des faits qui ont
décidé la juftice du Souverain , c’eft pour démontrer plus
fenfiblcmcnt la conduite de nos adverfaires , 8c ne rien:
laiifcr à defirer fur les motifs d’une interdiction qu’ils n’ont
pas eu honte d’annoncer dans leur mémoire comme néce flaire.
Je rapporte les interrogatoires devant le premier Juge
Sc au Parlement d ’ A ix , les enquêtes qui dépofent de fes
difeours avec les perfonnes habituellement en fa fociété ,,
fes lettres à fa m è r e , fes autres écrits , les a£tcs qu’il a
pafles , oiï l’on trouve de quelle maniéré il traitoit 8c
�99
conduifoît Tes affaires ; quelles autres preuves devois-jc
rapporter ?
Je vais prouver actuellement ce qu’a fait la cabale, par
le m o y e n de la dame de Lombard 5c de Tes agçns , pour
rendre Ton fils fou , du moment qu’il a été en leur puiffaneç.
M a u v a is t r a it e m e n s exer cés sur les per so n n es:
La dame de Lombard n’oppole aux faits en grand
nombre , déjà articulés à cet égard , que des déclamations
pathétiques.
Elle invoque en fa faveur le témoignage de tout le
pays que je vais faire dépofer contr’elle , de fes domeitiques qui ont oublié leur rôle dès qu’elle a ccfle de les
payer.
Elle me force de montrer mon mari tombant fous les
coups de fes valets , à ne plus diflimulcr que ces indi
gnités étoient l’ouvrage de la cabale qui les ordon noit, Si
de la meie de mon mari qui les autorifoit.
M on filcnce me rendroit complice de la dame de L om
bard , je contribuerois , en le gardant , aux foupçons
qu’elle ofe donner fur fa famille , d’une démence héré
ditaire ; je participerais à la flétriiTurc qu’elle cherche à
imprimer fur notre poftérité.
C e t objet de ma défenfc fera divifé en deux parties ,
l a premierc traitera de la nourriture , du lo g e m e n t, des
vetemens & foins de fanté. Dans la fécondé, jc r a p p o r
terai les preuves de mauvais traitemens e ffe c tifs , e x e rc é s
N ij
�1 00
par les Satellites qui entourerait mon mari à l’inftant de
rinterdidtion.
La dame de Lom bard, dont tous le domeftique fe bornoit à une cuifinicre Sc une femme de cham bre, prit, auflitôt l’interdi&ion, un état de m aifon; elle eut un cuiflnier,
un laquais ¡k. même une fécondé femme de chambre ; cc
font ces gens qui la fuivoient dans ia maifon à G ra fle, où
elle paiToic de fuite quelquefois plus de fix m o is , &: tou
jours la plus grande partie de l’année, qu’elle amene avec
elle à Cabris pour figurer dans le procès verbal du Juge de
Grafle , où l’on fait déclarer au marquis de Cabris qu’ils
lui appartiennent perfonncllement.
Dans l’abfence de fa mere du ch â tea u , il n’avoit pour
toute cuifinicre qu’une fervante païfanne à 3 6 liv. de gages
par année.
Quand la dame de Lombard étoit au château , fon fils
ne mangeoit pas avec elle , on lui envoyoit de deflus la
table dans fa chambre la portion du dîner de fa mere
qu’on jugeoit h propos.
Ces faits font atteftés par le témoignage de ma fille ,
elle les a rappelés à fa grand’mcre dans Paflemblée de
parens en l’hôtel de M . le Lieutenant civil ; elle lui a
renouvelé les repréfentations qu’elle avoit pris la liberté
de lui faire fur la rigueur de ce traitement fait à fou pere
fous fes yeux ; quand la dame de Lombard écoic abfcntc,
& j’ai obfervé qu’elle l’étoit la plus grande partie de l’an
née , mon mari mangeoit feul, ou avec le fieur A lzia ry.
V o ic i le régime qu’on lui faifoit obferver.
A ndré Court 3 l’ un des païfans qui le fervo ien t, atteftt
<
�6c de l’huiificr , qui l’cn
requéroit LÊ i S FÉVRIER iyS^-^x).
en préfence de deux témoins
fa i-
» Q u e le fieur A l z i a r y lui (au marquis de Cabris)
>j
foiL boire du vin fouvent PUR 3 lui fa ifo it prendre du
CAFÉ & lui donnoit auffi du tabac ; lorfque les domef-
»
tiques lui repréfentoient que tout cela étoit contraire a la
»
fan té de M . le Marquis & aux ordres donnés par ma-
>j
dame f a mere 3 ledit fieur Afyiary' répondoit que la ma-
»5
ladie de M . le Marquis étoit incurable 3 ù que le vin 3
»
le café & le tabac ne pouvoient pas lui fa ire plus de mal
53
qu’ i l n ’ en avoit; que pendant quelques années 3 & dans
»
le mois d ’ Août 3 l edit feigneur marquis de C a b r i s ,
»
accompagné
»
domeftiques,
»
quelques jours aux M o u l i n s près la rivicre de S i a g n e ,
»
& pris des bains qui lui étoient favorables pendant les
m
cinq ou fix premiers jours ; mais le fieur A l z i a r y lui
»
f a i f o i t boire du vi n , 6c avec plus d ’a bo nda nc e , le
ù
f o i r , ce qui l ’i n c o m m o d o i t
6c lui do nno it de fortes
»
altérations : que le n o m m é
Cavalier do n no it à boire
»
de l’e au -d e- vi e audit feigneur M a r q u i s , au vu
»
du fieur A l z i a r y , q u i , fur les reproches que le répon-
»
da nt
>3
que rien ne pouvoir augmenter fon m a l , ni le guérir ,
»
qu’il falloit lui donner t out ce q u ’il demanderoit
«
en aliment que
boiiïon : que lorfque ledit
»
M ar q u i s
bu une certaine quanti té
»
d ’eau-de vie ,
>5
(x)
du fieur A l z i a r y &
de quelques
autres
d ont étoit le r é p o n d a n t , a été paiTer
6c fit
6c les autres domeftiques lui f ai fo ie nt , répondoit
Voye\
avoit
tant
feigneur
de vin ou
6c pris du c a f e , q u o n lui préparoit fo rt
P ie ccsju ftifkativcs, n V »
�I 32
» chargé, il ¿toit beaucoup altdré 6c plus mal qu’à l’or» clinaire ; que c’étoit ordinairement après ces fortes de
» boiiTons contraires , qu’il demandoit pendant
«
une
partie de la nuit à boire , que fouvent le répondant
» avoit repréfenté au iïcur A lzia ry que fi madame la
» marquiie de C a b ris, belle fille , rev en o it, & que M . le
» marquis ou tout antre, lui apprît le peu d’attention
» qu’il avoit dans le choix des alimens ù de la boiJJ'on
« qu’on donnoit à M . le Marquis , elle en feroit fâchée;
» fur quoi Alziary répondoit que cela n’arriveroit jamais.
A quoi ce fieur A lzia ry ajoutoit d’autres propos indéccns , que ce fous-ordre ie permettoit contre moi.
m Le nommé Matthieu Pichot , autre domeftique ,
« dépofedes mêmes faits; ( i ) qu’il y a trois ou quatre ans,
« & pendant qu’il fervoic en qualité de domeftique dans
>3 le château de C abris, il s’apperçut qu’on faifoit pren
ds dre du café à M . le marquis de C a b ris , quoique le
r> médecin l’eût d éfendu , 6c même qu’après lui avoir
donné du chocolat , on lui faifoit encore prendre du
»5 café un moment après; qu’on lui donnoit fouvent du
»> vin
à
boire , 6c
particulièrement lorfque le ficur
>3 A lz ia ry , pere, mangeoit avec ledit feigneur marquis
>j à la merne table , 6c malgré la défenfc du médecin
»
6c de madame fa mere, ce qu’il a vu plu fieu rs fois;
”
en ayant fait des reproches au fieur A lzia ry 6c à André
”
Court fon dmneftique ; il certifie encore que pendant
» le même tems M . de Cabris n’étoit point vifité par
»
aucun m édecin, n’ayant point vu le médecin Roffignoli
( l ) V o y e z p ic c c s j u fti f ic a ti v c s , N * .
6.
�i o3
*■
« au château qu’une feule fois , 8c le fieur Raynaud ,
» chirurgien ne l’alloit voir que pour le rafer » ; il parle
enfuite des bains pris à la riviere de Siagne , où il accom pagnoic mon mari avec le fieur A lziary Sc André C o u r t,
fon autre domeftique; le répondant continue» qu’il vit
» avec fatisfa&ion que les bains étoient favorables à M . de
«
C a br is
, pendant les cinq ou fix premiers jours il étoit
>3 fort tranquille; mais comme A ndré & le fieur A lziary
»3 perc , lui donnoient à boire du vin , & fo u v e n t, par
33 cette raifon lui fut contraire ; une nuit , comme il
>s avo'it bu une certaine quantité de vin à fon fouper,
33 il fe trouva fort altéré ; le fieur A lziary & André le
33 fermèrent dans fa chambre ôc furent fe coucher dans
>3 des appartenions éloignés de celui de M . le marquis,
>3 ayant demandé de l’eau, &c étant feul dans Panticham33 bre il lui en donna une cruche , en but plufieurs
« coups ; une demi-heure après & vers les onze heures
>3 fc trouvant encore altéré , il demanda encore de l’eau ,
>3 le domeftique lui en donna , ce qui l’engagea d’aller
33 frapper à la porte du iïcur A lzia ry , pour Pavertir
s» do ce qui fe p a flo it, 8c pour obliger A ndré de fc
33 rendre à l’antichambre de fon maître ; le fieur A lzia ry
33 nefe remua pas du tout ; le répondant fut prier 8c folli-
» c i t e r André avec menace d’en porter plainte à m adam e
33 la douairière , de leurs négligences, & alors A ndré fe ‘
rendit avec lui dans la chambre de ion m aître, auquel
33 ils donnèrent encore à boire de Peau.
V oilà ce qui regarde la nourriture ; quant aux vêtemens
je n’ai pas befoin d’autre témoignage que le faic
certain que mon mari n’a apporté qu’ un habit. JL’officier
�i 04
chargé de 1’cxécution de l’arrêt du C o n f e i l , a dû attefler
que cet habit fait dans la nuit du départ, ne lui fut livré
que pour le voyage ; tous ceux qui ont vu le marquis
de Cabris , avant ce tems , attelleront qu’il n’étoit couvert que de haillons. Il cil arrivé à Paris avec les bas ,
& fe fervant des mouchoirs que fon conducteur a voit été
obligé de lui prêter pour l’ufage de la route.
Sa mere ne lui remit que dix-neuf chemifes ; il eft
dit> page 48 de fon m ém oire, qu’ elle demandoit le loifir
de fa ire préparer promptement le linge & les habits de fon.
fils. Que ne les lui a-t-elle envoyés depuis fix mois? Elle efl:
venue dans cette ville , elle y eft depuis quatre mois ;
elle a vu fon fils avec d’autres habits que je lui ai achetés
fans lui avoir parlé des ficns,ni lui en avoir rendu aucun.
D ans le fa it, quand je fus enlevée d’auprès de mon
ïïia r i, il avoit toute la garderobe d ’un jeune homme dç
fon état &
de fon opulence , qui aime la parure ; un
linge de corps immenfe &C du plus beau ; la dame de
Lom bard en a-t-elle difpofé comme de tant d’autres
objets? O ù a-t-elle la dureté de l’en priver volontairement,
dans un moment où elle fait qu’il 11e peut pas fe procu
rer le néceflaire fur fon propre bien?
^
Il paroîtra moins étonnant, qu’elle ait refufé de re
mettre du linge de l i t , Si de table pour l’ufage de fon fils ’y
puifque ma fille atteile, Sc elle l’a foutenu à fagrand’mcre,
dans l’aiïcniblée de parens à l’hôtel du M a g iilra t,d e va n t
Ton perc & moi , en préfence de M. le Lieutenant C iv il,
qu elle le faifoit coucher fans draps dans fa propre maiions fournie abondamment de tout ce qui étoit néceiïairc
à une famille opulente.
Oa
�1 05
O11 a déjà vu que loin de procurer k mon mari des
foins de ianté , on en détournoit l'effet par des nour
ritures 8c des boiflons contraires.
Les domeftiques 8c autres perfonnes du village de
Cabris , attellent que mon mari n’avoit point de mé
decin , 8c que le chirurgien du village ne le voyoit que
pour le rafer.
Alexandre C o u r t, Conful de la communauté , attefte
par fa déclaration du 1 7 Février dernier ( 1 ).
Q ue lors de Pailemblé© de la communauté , tenue
la fécondé fête de la Pentecôte de l’année dernierc ,
le iieur A lziary lui préfenta un certificat tout dre de fur
papier timbré , contenant nombre de faits » qu’on folli«
citoic le dépofant d’a ttefler, entr’autres, que M . le
m marquis de Cabris étoit fuivi journellement par un
« chirurgien , qu’un médecin de G rade venoie le viiîter
» fréquem m ent, qu’il mangeoit à la table de la dame
»3 f i m crc, Iorfqu’elle venoit à Cabris , 8c que ledit ficur
» A lziary ne le quittoit jamais , 8c autres faits relatifs
» aux traitemens dudit feigneur marquis de Cabris, qu’a» près avoir lu ce certificat , ayant trouvé que les.
»3 faits y énoncés n’ étoient pas véritables , le dépo
li fant refufa de figner malgré les injlances & les
>5 menaces du ficur Alziary ; il certifie encore que le
marquis de Cabris n’avoic que deux domeftiques , qu’ il
« *h’y en avoit qu’un - qui le fuivît , 8c fouvent M . de
» Cabris alloit promener fe u t, & le domelliquc n’ alloit
,3 le joindre qu’un tems après.
( j ) V o y e z p ie ccs j u f t i f i c a t i v c s , N \ 7 ,
o
�ï o6
L e fieur Seytre
m ’écrit lo i er Mars 1 7 8 3 , » l’état
» de M . de Cabris eft toujours le m êm e, il ne changera
»
pas , tant cju’il n’aura pour médecin que deux payfans
»
ôc un ivrogne, qui le gardent fans lien faire , ôc
» qui mangent tous fes revenus à votre préjudice.
Il me marque par fa lettre du 1 6 A v r il, que la com»5 munauté de Cabris attefte que M . de Cabris cil tou»j jours dans une efpecc d’abandon ; « c’eft en effet ce
qu’attefte la communauté par fa déclaration du 2. 1 A vril
1 78 3 , en fuite de la requifition judiciaire que je lui avois
fait faire ( 1 ).
L e fieur Seytre ajoute dans la même lettre « M . de
Cabris , eft toujours réduit au même état d’abandon;
«
»
depuis quelques jours il paroît plus tranquille; il feroit
portable fi en bonne juftice on vous autorife à lui
« procurer les fecours dont il.a le plus de befoin.
D ans celle du 10 M ai 1 7 8 3 , il m ’écrit » l ’exploit
•m que j’ai fait fignifîcr à la com m unauté, ôc la déli» bération qui a été prife , ont opéré quelques vifites
jj
de médecin à M . de Cabris; mais on s’en eft tenu là ;
« il ne s’eft point agi de remèdes , ôc des vifites ne
» guériffent pas : M . de Cabris ne recouvrera jamais la
« fanté pour être vifité , il eft toujours dans le même
» état , furveillé par deux payfans , p rom enant, fuivi
45 d’eux ôc de ce perfonnage qu’on nomme l’homme de
” confiance, ôc que le fieur Court appelle fort à propos
» la pefte du pays.
Il m ’écrit le 1 6 M ai fuivant, » les vifites de médecin
( 1) V o y e z pièces j u i l i f î c a t i v c s , N ° . -8,
�io7
w ont ceile depuis quelque jours ; la Tancé de M . do
» Cabris n’a rien gagné pour avoir été vifîcé , ¡k. dans
« fa lettre du 7 Juin , M . de Cabris jouit toujours de
» la fanté que Ton état pcût comporter de plus fa«vo« rable.
» M. de Clapiers ( 1 ) ne s’expofe pas à le v o i r , fo a
3) occupation au château confilte à raiTurci' madame fa
35 couiîne contre votre demande.
Il m ’écrit le i Juiîlet 33 au lieu ds tenir M . de C ia 33 piers au T i g n e t , on a trouvé plus commode de tenir
}>• M . de Cabris enfermé tout comme on en avoit ufé ci33 devant. M . de Clapiers prétend que l’état de M . de
35 Cabris l’afflige; mais on dirolt plus vrai, fi on difoit
33 qu’il le craint ; 011 ne diilimule pas la fenfation que
33 fa préfence fait à M . de Cabris , & on le punit de ce
» qu’ i l eft encore ajfci bien pour ne pas oublier à qui i l
33 eft redevable du trifte fort où on l ’ a réduit.
M on mari écoic donc enfermé en chartrc privée ; on
lui donnoit des alimens & des boiflons nuifibles dont
on avoit calculé l’effet ; il couchoit fans d ra p s , il étoic
fans vêtemens.
O n ne s’en tenoit pas là-, on le b a tto it, en voici la
preuve :
Jofeph 6c François Raybaud , habitans de Cabris ,
attellent dans le procès-verbal recordé de l’huilîier qui les
en avoit requis le 1 7 Février dernier ( z ) , qu’il y a envi« ron trois ans, ils habitoicnt une maifon du v illa g e ,
33 donc les rues donnent fur le château , qu’ils ont vu
( 1 ) Le même qui a voté dans l’avis des P a ï e n s , du 1 4 Janvier 1 7 7 * .
( t ) V o y e z pi'eccs juftificatives, N " . y.
O ij
�io8
» M . le marquis de C a b r i s , qui promenoit au-devant
33 du château ; enfuite il vint promener fur la vigne ,
si éranc là le marquis de Cabris dit au même Jean Court
33 fon domeftique , qu’il vouloir aller promener fur l’al>s lée de Saint-Jean ; Court ne voulut pas y confentir ,
j> & comme M . de Cabris infiftoit ; Court le menaça de
33 le battre s & alors M . le marquis ayant pris la route de
53 l’allée, ledit Court lui donnaplufieurs coups depoingt, ce
33 qui obligea M . le marquis de courir dans le château ; les
s) répondans certifient encore avoir ouï-dire publique33 ment que ledit feigneur marquis étoit battu par Tes
33 domcftiqiics.
Antoine R aybaud, dans fa dépofition dans îa même
forme 6c dti même jour , déclare ( i ) , que s’étant trouvé
» il y a rrois ans , au clos avec le nommé Jean C ourt ,
33
domeftique de M. le marquis de Cabris , en parlant
33
dudit feigneur, ledit Court dit an rép o n d an t, que
3 î dans la matinée du même jour , «\ mefure qu’il chauf33 foit ledit feigneur marquis , celui ci lui donna un
33 foufflet , & que lui Jean Court avoit donné vingt
33 coups de bâtons fu r le dos dudit feigneur marquis , ajoute
3> le rép o n dan t, qu’il a ouï-dire publiquement que ledit
33
feigneur marquis étoit battu par fes domeftiques.
La nommée d ’Aumas , femme C a u v in , aitefte dans la
même forme lem êm e jo u r(i ) , qu’elle a ouï dire publiquc” ment , que M . le marquis de Cabris étoit battu par fes
33 domefliques\ un jour elle vit venir M. le marquis de la
33 promenade, 8c il vouloit traverfer le village pour fe
( i ) V o y e z picccs juftif. N ° . i o .
(i
)
V o y e z pie ces j u l l i f i c a t i v c s , N ° . u .
�53
ÏC<)
rendre su château ; Jean C o u r t, Ion domeftique vûulut l’obliger de paflcr dans le pré qui cft à côté du
village, Sc comme M. le marquis infiftoit , le domeftique le força en le menaçant de paflcr dans le pré,
fur quoi ledit feigneur tout affligé, dit alors a haute
îj
voix , q u 'il éioit bien fâcheux pour lin homme de fon
»
«
«
33
» état s d ’ être obligé d'obéir en tout à un coquin de
j) domefiique 3 ajoutant la répondante, qu’elle a vu paf» fer fouvent M . le marquis de Cabris qui alloit prow mener tout feul , &c un intervalle de tems après un
33
de fes domeftique Palloit joindre.
Le même jour,lademoifclle Anne Roure, veuve Conrr,at-
33 tefte ( i ) qu’un jour forçant de la tribune d el’ëglife, elle
»> entendit que Marianne , femme de chambre de ma35 dame de Cabris, douairiere, difputoit avec, A/, le marquis ,
33 que ladite Marianne lui difoic en criant a haute voix >
J3 vous êtes f o u , vous fere\ toujours fou^ ce qu’elle répéta
>3 cinq ou fix fois, d'un ton menaçant ; un autre jour ,
jî
elle rencontra
le nommé
Acharc , domeftique du
33 c h â te a u , avec lequel elle parla de la maladie.de
33 M . le marquis , Sc demanda à ce domeftiq.uc comme
33 il fe trouvoic , fur quoi le domeftique lui di e, qu’il
» étoic tantôt b ie n , tantôt mal; la répondante dit à
33 ce domeftique que fi M . le marquis recevoir quelque
33 lettres de la paît de fon époufe , peut-êrre que cela
33 lui feroit plaiiir , ôc qu’en lui faifant réponfe cela
»
l’occuperoit quelques momens ; fur quoi ledit Achart
33 domeftique , lui répondit qu’il yavo it dans la mai ion
m**""'
(i)
1
V o y e z pieccs j u i l i f . , N ° . i z ,
"
‘ 1' ' m
�i ©9
î) les défenfes les plus expie îles de ne remettre audit
feigneur marquis aucune lettre de la part de fa fem m e3
j> ni de tout autre , de ne lui fournir
»
ni papier , ni plume,
afin qu’ il n’ écrivît aucune lettre > ni a fa fem m e} ni d
w fe s amis ( I ).
Dans un récit de cette dépofïtion , la répondante
dit , îî que la dame de Lombard réfidoit prefque conjj tinuellement à Grade ; elle certifie encore qu’elle a
35 ouï-dire publiquement, que M . le marquis étoit battu
J3 par le nommé C o u r t, Ton domeftique.
Je puis joindre ôc je joindrai bientôt à ces témoignages
ceux de tout le village de C abris, de la ville de G r a d e ,
&. de la contrée entière ; je n’attends pour cela que d’y
être autoriféc en Juftice. Je pourrois rapporter cent lettres
qui m ’annoncent un cri général 6c d ’ i n d i g n a t i o n contre
les manœuvres de la cabale qui a anéanti notre maifon
& détruit nos perfonnes.
M a fille n’éprouvoit pas un fort plus doux.
J’ai déjà dit qu’elle étoit au couvent de G rade à deux
cens livres depenfion , qu’elle n’avoit eu d’autre éducation
qu’un maître d’écriture pendant quelques mois ; il étoit
défendu de lui laifTcr voir les perfonnes qu’on foupçonnoit pouvoir avoir des relations avec moi , on ne lui
laifToit pafler aucune de mes lettres; il lui étoit expreflement défendu de m’en écrire ; elle fut mife en pénitence
publique
l’ordre exprès de fa grand’mcre , pendant
( i ) Loriqu'on voulue lui rendre la faculté d'écrire on ne le put p lu s ; le ficur
Scytrc me dit dans lu lettre du 30 Avril 178} :
n O11 ciTayoit a C a b r i s , de faire écrire M . de C a b r is , mais on m’ aflure q u o o
a> n'eft veuu à bout de rien tirer de lui ».
�ï Io
l’office fur une tombe de l’églife au milieu du c h œ u r ,
trois heures !c matin , &: trois heures le f o i r , pour s’être
procuré par le moyen d'urte mirrc pep.iionnaire, & avoir
lu un de mes mémoires , 6c ce traitement ne ce il a que
parce qu’elle en tomba malade.
L e fieur Scytre m’écrit le
2 1
Décembre
1 7 g 2 , >3
je
» dois vous entretenir, i°. de madcmoifellc de C a b ris,
53
depuis que je vous ai envoyé fa lettre elle a eu du
3)
défagrém ent, elle a eu la foiblcflc de le dire , où cela
a tranfpiré ; depuis ce tems on l’a fait fo u iller, pour
» favoir fi elle n’a pas reçu quelques lettres de votre
93
part, vous favez que madame la douairiere eft méfiante,
33
malgré toutes leurs précautions à vouloir priver made-
5J moifclle de Cabris de vos nouvelles , je lui ai remis
>s votre lettre 3 j’ai fu qu’elle l’a lue trois fois les larmes
» aux yeux ; d i e l’a laiile entre les mains de fon a m ie ,
33 & c h a q u e jour elle vient la lire.
Le premier M ai fu iv a n t, « on nous a fait à moi 6c à
« ma femme une hiftoire bien extraordinaire fur ce que
» nous
voyons madcmoifellc Pauline , par le moyen
» d’une Religieufe q u e , dit-o n , nous avons gagnée
&
que je ne connois pas par parenthefe ; on ajoute que
33 pour prévenir toutes chofes on va la faire fortir du
3> couvent , des mauvais plaifans y ajoutent à leur tour ;
» elle fera mieux fous les yeux d’un Italien ( A lziary)
33
53
qui a toujours vécu , même a C a b iis , d une manière
fcandaleufe.
Dans fa lettre du ï 5 Mars 1 78 3 , « il nie dit : ma-
53 demoifelle
33
de Cabris eft très refTcrréc dans le cou-
vent , il y a chaque jour de nouveaux tourmens
�I I z
« qui commencent à être à charge h La fupericiire; elle fis
5) plaint de tous les tripots que l’on fait fur fon compte au
55
iujet des prétendues libertés qu’elle donne à mademoi-
5} Telle de Cabris de venir au parloir ;
il
cft bien mal-
55 heureux que cette demoifelle reiTente
innocem m ent:
55 les jierfécutions que vos calomniateurs vous font
55 éprouver ; tout a un terme , Sc je fuis fur que nous
» approchons du tems où nous allons voir finir tant de
55 maux.
Il m’écrit le i G A vril fu iv a n t,
55 mademoifelle de
» Cabris ( alors à Cabris ) eût gardée à vue par cette
55 Alarianne que vous connoiflez fi bien ; il m’écrit
55 le
18 A vril , madame la douairiere efl m a la d e ;
55
55
55
mademoifelle de Cabris la fo ig n e& lui fait compagnie,
elle fort peu du château , & toujours fuivie par M arianne qui ne la quitte pas.
O n aiTembloit les principaux habitans de Cabris dans
les (allés du château ; on y lifoit publiquement les mé
moires calomnieux envoyés fecrétement contre moi ,
dans le tems que je pourfuivois l’année derniere mon
ail-aire au Confeil , la dame de Lombard forçoit ma fille
d ’en entendre la lecture. Le ficur Seytrc m’écrit le 1 o M ai
1 7 8 3 , 55 elle craint beaucoup fa grand’mere, &
n’ofe
53 dire mot devant elle ; mais lorfqu’elle peut la perdre
î3 de vu e, elle dit , que ne me laiiToit-elle au couvent,
”
55
plutôt que venir m ’emprifonner ici ; il parle enfuite
des
horreurs qu’on lui débitoit fur mon compte.
Dans fa lettre du 1 6 du même mois, il me marque : midemoifelle de Cabris continue de s’ennuyer au château ,
;5 & d y perdre un tems utile , mais n’importe on a
des
�11 3
« des craintes, Sc on l’y gardera , &c encore on la fait
33 toujours fuivre , parce que l’on craint à Cabris qu’on
»» ne lui porte des lettres de votre part ; tout le monde
55 crie contre cette conduite & plus que jamais , on
5j defirç de voir cefler une autorité qui dégénéré eu
33 dcfpotifme affreux.
Dans celle du i 8 Juin fuivant , il dit ce mademoifelle
53 de Cabris a eu une fcène avec Marianne & A l z i a r y ,
33 pere , ( qui lui parloient indécemment de moi , ainfi.
33 que ma fille me l’a répété ) ; elle dit à la premiere ,
33 qu’elle n’étoit qu’une fouillon méprifable ; & au
33 fécond, que ii elle commandoit jamais, fur le champ
33 il feroit mis à la porte : il femble que cet enfant
si devine la conduite de ces deux individus , ÔC tout le
33 mal qu’ils lui font.
Il me marque dans celle du z Juillet , « mademoi33 rdle de C a b r is ‘ fc plaint de ce qu’on la détient à
>3 Cabris; madame la douairicre feroit, dit-on , le facri53 fice de l’envoyer au couvent, iï elle ne craignoit, à ce
33 qu’elle d i t , ou mes vifites , ou les lettres que je pour33 rois lui faire parvenir.
V o ilà la maniéré dont mon enfant étoit traité ; quant
à fa garde-robe, jîai dit qu’elle n’avoit que quatre chemifes,
fans coiffures ni jupons, ni bas, & la feule robe de toile
qu’elle avoit fur le corps ; la dame de Lombard ne lui
en a pas envoyé -depuis , ne lui en a même pas apporté,
lorfqu’clle cft venue la voir dans cette ville.
Preuve qu’on a voulu profiter des malheurs de mon
mari & des m ion s, pour difpofèr delà perfonne de notre
«nfant.
P
�” 4
Le fîear Seytre m’écrit le
11
Décem bre 1 7 8 2 ,
3J quand j ’ai l’honneur de vous dire qu’il eft urgent de
»> porter remcde à tant de maux , c’eft que je fais que
» madcmoifelle de Cabris fera bientôt pubère , &
il
» tfous importe' &C à elle aufli , de mettre obftacle à
» toutes vues d’établiflement projeté.
L e m êm e dit dans fa lettre da 1 er Mars 1 7 8 3 ,
33 que dès qu’on fut informé à G rade par M . le Bailli
»5 de M ir a b e a u , alors à A ix , que le Parlement alloic
>3 donner les motifs de fon arrêt , il y eut plufieurs
» conciliabules de la cabale , tenus chez la dame de
» Lom bard , dont le fieur A lziary , fon P rocureur,
35 référoit les avis de difïérens membres de ces conci« liabulcs , entre lcfqucls il y avoit fciilion , & que ce
« Procureur agiiToit en conféquence fous' le nom de la
»» dame de Lombard
qui > comme vous fave\^ ajoute-
»3 t-il 3 ne fa it que figner.
*
O n mettoit alors en avant comme moyen de réuilîr
un projet de mariage de ma fille.
Je m ’interdis toute autre explication fur des chofes
qui intérefTent des noms refpe£bables & chers à la pro
vince , & des perfonnes dont les recherches dans une
occafion moins critique auroient été honorables pour n u
fille.
Le fieur Seytre m ’écrit le 2 3 Avril
1 7 8 3 , « il faut
w aller au cinq M a i , pour pouvoir craindre le mariage
” de madcmoifelle de Cabris ; on ne parle plus de fon,
» établi(J'ement prochain 3 o n .d it au contraire , que
« madcmoifelle de Cabrià-ne veut pas fe marier ; mais
33 de plus, je fais de bonne part que ceux qui avoient
�r t
5
5) des projets de mariage fur mademoifelle de Cabris ‘
»» manquent de ton à caufe des circonftances , ainiî
” ma crainte eft moindre de ce côté.
Le 3 o A vril il m ’écrit » quant à mademoifelle de Ca~
31 bris il ne s’agit plus maintenant de Ton établiffement; ce
3v qui occupoit iingulierement les efprits ; k préfent on
s> dit de toutes parts, il faut attendre Pévenement, Sc
>» il faut l’attendre avec d’autant plus de raifon que nous
« aurions befoin pour cela des parens, & dans les cir)) conftances , aucun ne voudroit fe montrer.
Il dit dans celle du i o M a i « qu’on ne parle pas plus
» de cet établiffementy que s’il n’en avoir jamais été quef3» tion , &
il ajoute , j’aime à me perfuader qu’il ne
y s’en agit plus abfolument avec qui que ce fo it.
Il répété encore dans fa lettre du i i du même m ois,
33 qu’il n’en eft plus queftion , & il ajoute , il doit être
33 toujours queftion pour vous, de la délivrer au plutôt de
» cet état de fervitude dans lequel on la fait vivre.
D ans celle du i 8 Juin , il m’écrit 33 on m’a dit aufli
l î que par fois on parloit de mariage à mademoifelle
3j de C a b r i s , que madame fa grand’merc lui difoit il
»3 elle vouloir fon couiin de Clapiers : elle répondit
» que non tout uniment : madame fa grand’mere lui
33 d i f o i t , que voulez-vous donc , M. de Lombard ? Elle
33 rép o n d it, il eft trop v i e u x ; M. de C . . . Il cft trop
»
g r a n d
& trop maigre:
M .
de G. M. de S. encore moins :
33 mais qui Vpulcz-vous donc ? Je fuis ma maîtrefle , lui
» dit-elle,
on ne peut pas commander mon g o iitp our
y> prendre un mari.
P ij
�n 6
(O n trouve ces noms dans l’avis de parcns cnfuitc de
l’interdi£tion de mon mari ).
A
d m i n i s t r a t i o n
d e s
b i e n s
.
L a da me de L o m b a r d s’eft fort étendue fur c c t o b j s t ,
je l’aurois réfutée en peu de mots , fi jo ne me fuffe cra
obl igée de joindre fur chaque fait la preuve des
fitions q u ’elle s’eft permifes.
f u ppo -
'
J’ai déjà dit de quelle maniéré l’inventaire a été f a i t ,
q u ’on n’y a compris que les meubles dédaignés par les
fous-ordres : pas un m ot d’ une bibliothèque de plus de
iiooo
liv.
que
mon
mari
avoit
raffemblée : pas un
fcul pa picr inventorié , les titres de l’a£tif , les archives
des terres , les titres de famille ramaifés
grand foin par mon beau-pere ,
&
&c confervés avec
devenu
la reflource
des différens membres de fa branche , lorfqu’ ils faifoient
des p r e u v e s , font livrés au premier oc cu pant : il ne refte
à mon
m a r i , ni à ma fille aucun titre pour répéter.
J ’attefte 6c j ’offre la preuve que j’ avois trouvé avapc
m o n départ pour A i x , dans le tems de l’intcrdittion ,
Z4.000 hv. de ferme des moulins à huile de C a b r i s ,
des ficurs R a n c , 6c du m ê m e
d a m e de L o m b a r d les a affermés
fieur Boni n , à qui
la
20000 hv. trois mois
après. Il eft de fait 6c j ’offre encore de prouver que l ors
qu'elle a
fai t ce bail , elle
a trouvé
de gens folvables
fort au-deflus du prix pour lequel elle l’a donné ,
n ’ y ,a pas deux moi s
depuis la caffatlon de T i n t e r -
di£tion , j ai reçu pour m o n mari des offres à
j ’ai deja
p r é c éd emme nt
8c il
z S 0 0 0 /.
dé vel oppé les motifs de ce
�117
au rabais , livré par les gens ¿ ’affaires auxquels la dame
de Lombard donnoit au même inftanc des mándemeos
particuliers fur le prix de ce bail, ôc moyennant un paie
ment anticipé dç, vingt-quatre mille livres , entre les mains
de la curatrice ; ces faits font prouvés par les réponfes
juridiques faites par les fermiers lors des lignifications à
ma requête , de l’arrêt du C o n fe il, annexées aux procèsverbaux faits à l’hôtel de M . le Lieutenant Civil.
Dans tous les autres baux , on a reçu de pareils paiemens ; ils font tous faits de gré à gré , ou plutôt fous la
c h e m i n é e , entre les-fermiers & les gens d’affaires; fans
affiches , fans publications, fans mandement de Juge , Ci
indifpenfable en pays de droit écrit pour les biens des
mineurs Sc des interdits; j’ai expoféci-devant que plufieurs
de ces moulins ont été conftruits à neuf par mon mari ,•
démolis dans Pinterdi&ion, reconftruits à grands frais fans
nécefiité prouvée, fans procès verbaux, fans mandement
de Juge.
J'ai déjà dit qu’un jardin de quinze arpens, conftruit
à grands frais, avoit été détruit; ce jardin avoit cinq
terraffes dans route fa largeur, chacune au moins de vingt
pieds de haut ; il étoit orné de réfervoirs en citernes, cëuverrs en voûté par le deffus , où l’eau étoit conduite des
parties extérieures par des tuyaux de plomb , avec des
ajuftages & des robinets en cuivre; ce jardin a été détruit
Sc réduit en champ ; un beau bouquet de futaie , orne
ment du château , a ete coupe au pied & vendu par la
curatrice, & les fouchcs détruites.
O n fe rappelle que j’ai ci-devant expofé que mon mari
avoit paffé avec la communauté de C a b r is , une tranfa&ion pour les eaux bourbeufes produites du marc des
�il 3
olives paflecs au moulin. Le fermier placé par la cura
trice contrevient à cet a£te &: fait un procès à la com
munauté pour ccs mêmes droits. Etoit-ce de fon chef
à ce fermier? O n fent combien il étoit peu fondé : avoiti l , comme cela eil probable , une indemnité de la cura
trice partie au procès comme appelée à la garantie du
fermier? Leurs conventions font demeurées fecrettes , èc
q ’ont pu venir à ma connoiffance ; je vois feulement
dans le bilan de ce fermier , depuis en fa illite , remis au
greffe de G rade en 1 7 8 3 , qu’il porte à la charge de
la dame de Lombard & à fon d é b it , tous les frais aux
quels il avoir été lui-même condamné pcrfonnellemcnt
en fuccombant contre la com m unauté; objet qui lui étoit
purement pcrfonncl , & dont il ne pouvoit avoir de ré
pétition contre la curatrice que par fuite d’un traité.
Il cil vrai que pas le crédit du même compte , il porte
le même objet au profit de la dame de Lombard & comme
dû par lui qui y étoit condamné ; mais un marchand ne
porte pas fes propres dettes à la charge d'un étranger,
pour en créditer cet étranger après.
Q ue pourroit-on conclure de cette fauiTe opération ,
dans
les livres
d’un marchand
pourfuivi au Parle
ment d’A ix en banqueroute frauduleafe , ' iinon que le
débit & lé Crédit de cet Article n’ont pas été faits en
même tems; le iïeur Seytre m ’écrit à ce fujetle 1 6 A vril
”
1 7 8 3 , on publie que vous ne parviendrez jamaiis
» à obtenu- ce que vous dem andez, & on a l’infolence
»> d’ajouter q U’à tout événem ent, madame la douairière.
» a encore n o o o liv. en un ca p ita l; qu’ un beau jour
>3
il paroîtra une quittance en faveur de ceux qui la fer-
» vent , &C la confeillent il bien ; jugez de là fi on. la
�r 19
** fert autrement que pour fon argent, &: £ avec de tels
» fcntimens ils ne font pas intéredes à entretenir M . de
« Cabris dans le trifle état oà on l ’ a réduit.
J’ai avancé qu’on avoic voulu rédimer ce ferm ier, des
dommages & intérêts auxquels il étoit condamné envers
Ja commnauté , aux dépens de la propriété de mon mari.
Le marc des olives , après qu’on en a extrait l'huile ,
connu fous le nom de grignons appartient au feigneur, qui
en tire encore une huile groffierc nommée rccence ; cet
objet à Cabris cil d’un revenu très-confidérable.
La communauté cil obligée de couper , exploiter &c
voiturer les bois fournis par le feigneur , pour le chauf
fage des chaudrons.
Les gens d’affaires de la curatrice imaginent de propofer une transaction, par laquelle la communauté en ré*duifant à 20 0 0 1, , les 2 o o o o 1. de dommages
intérêts
qui lui font adjugés par l’ârrêc contre le fermier, demeuroit
déchargée de l’exploitation & tranfport des bois néceiTaircs
au chauffage des chaudrons; de le feigneur de fa part
étoit tenu de les chauffer de ces mêmes grignons ; enforte
que le Seigneur perdoit par ce traité le produit de fes
grignons pour la confervation d’un bois dont il ne tire
rien , &. le fermier fe trouvoit rédimé par ce facrif ïc e , de dix-huit mille livres fur les 2 0 0 0 0 liv. de dom
mages & intérêts ; cet arrangement tient il fort a cœur
aux gens d’affaires, que depuis la iignification de l'arrêt
du C o n f e il, qui caffe la curatelle , depuis que la dame
de Lombard eft dans cette ville, fes confcils & fes fondés
de pouvoirs, font routes les tentatives imaginaires pour
terminer cette affaire ; le fieur Scytrc m ’écrit le 2 5 No-
�vcmbre dernier; » j’ai appris feulement depuis quelques
« jours, que madame la douairiere a laide en partant fa
« procuration à fon A v o c a t en cette ville, & qu’avec cette
» procuration & fous pretexte du tout en é t a t , par l’arrêt du
» C o n feil, on travaille à terminer une conteflation dont
55 l’objet porte eiTentiellcment fur les droits de M deCabris,
>5 que'Pon veut foumettre à faire brûler des grignons pour
>5 chauffer les chaudrons de fes moulins à huile, tandis que
» de tout tems on les a chauffés avec du bois; cette obli»5 gation exclufïve de brûler des grignons lui fera très-pré-
« judiciable dans un bail à ferme de fes moulins à huile
» parce que celui à recence ne peut produire à un fermier
>5 qu’autant qu’il a des grignons; vous ferez bien aife de
»s favoir que tandis que tout cc qui a été fait contre M . de
m C abris, a été anéanti, on cherche encore pourtant a nuire
» aux droits defaTerre ,en aggravant fes obligations envers
fes vaffaux ; cette innovation auroit déjà porté à effet, fi
>s la tranfa&ion à paffer n’avoit été liée avec d’autres objets
>5 qui regardent bien plus le ferm ier des moulins 3 que M . de
Cabris , & que l’on a eu en vue de réduire autant qu’il cil
a pofîible, en facrifiant les droits fonciers ; mais heureufe» ment le fécond conful a tenu ferme contre un parti qui
m s’étoit formé & que l’on avoit fait adopter par une délibé*
»> ration; s’il n’efl pas rompu, il eft renvoyé &C fubordonné
** à des vérifications dont le réfultat pourra bien aboutir à.
M la révocation de la délibération qui avoit été prife , mais
»s toujours vous voyez qu’il y a péril, ¡k. qu’ i l devient urgent
» de remettre toutes chofes dans leur ordre naturel, le plutôt
»» poffible.
^
e
Alexandre C o u r t , conful de la com m unauté, attefle
k
�•I I I
le 1 7 Février dernier « qu’ayant affilié aux deux confeils
53 des mois de Novembre &c Décem bre dernier , dans
« lefquels il fut queftion de finir avec le fermier des
moulins à huile , l'article des dommages 6c intérêts
j> auxquels il fe trouve condamné , & dé finir e« même
»j tems avec le feigneur de ce lieù , l’arci^le concernant
» le chauffage des chaudrons ;.l’i\tçeftan£ fut d’avis de ne
»s finir les conteftations que lorfqu’o n . 1q pourroit vala
is blement avec M . , le Marquis
où un adminiftrateur
« légitime., Sc q u e , parce qu’il fut de cet a v i s , les
» perfonnes qui agiiToicnt pour favorifer le fermier des
sj moulins , ôc les gens d’affaires de madame la mar»
quife douairière le menacerent de lui faire enlever par
» la voie du retrait fé o d a l, le bien qu’il avoit acheté
»>
»
»
n
du fieur ArdiflTon,
viron vingt - cinq
effectué , à ce qu’il
de la fignification
dans lequel il y a une récolte d’enmautes d ’olives , ce qu’on auroit
a appris enfuitc fans la circonftancc
faite à la communauté , de l’arrêt
» du Confeil , & de {’. ordonnance de' M . le Lieutenant
» C ivil , qui ôte l’adminiij:ration des revenus des biens
» de M. le Marquis , à la dame fa mere.
Pierre D aver , Auditeur des Comptes de la commu
nauté , attefte les mêmes, chofes par fa déclaration ,
donnée le même jour 1 7 Février dernier ( 1 ) il parle auifi.
de menaces qui lui furent fa ites par les perfonnes qui favorifoient les fermiers & les gens d'affaires de madame la
marquife douairière, de retrait féo d a l des biens qu’il avoit
a c q u i s ; menaces reftées fans effet par les mêmes m o tif s .
(1) Voyez picccs juftifiçativcs, N°- 15,
Q
t
�111
J’ai ci-devant expofé comment les gens d ’affaires fe
partageoient les dépouilles de mon mari ; on en a eu des
preuves dans la déclaration des fermiers à la lignifica
tion de l’arrêt du C o n f e i l , annexée aux procès-verbaux
faits en l’hôtel de M . le Lieutenant C i v i l , où ils énon
cent les mandemens donnés fur eux, & acceptés ; dans
le bilan du Heur Bonin , je trouve en débit a le ileur
A lzia ry ( Procureur de la dame de Lombard) pour une
fom m e de 6 p o 6 liv. i o fi. j d. pour raifon de plufieurs
mandats ou billets du ferm ier, à lui A lziary, acquittés ou
remis à différens termes depuis le mois d ’O & o b re 1 7 8 1 ,
derniere échéance du p r ix du bail^ jufqu’au 1 o M a i, épo
que de la faillite ; débit qui eft: balancé par un crédit des
mêmes fommes acquittées.
Je trouve dans ce même bilan un avoir du
Janvier
,payable par mon billet fin de Novembre prochain ,
de quatre mille huit cent livres au fieur G a y te , Avocat de
j 78 3
la dame de Lombard 3 & actuellement fon fondé de pou
voirs pour régir les biens de mon m a ri, même après que
les fo n d io n s de la curatrice ont ceffé.
Au-deffous de cet avoir eft mis en titre , cc
b ila n de
e x tr a it
Ronin j concernant madame de Cabris
»
du
3)
douairiere 3 & enfiuite a la ligne y
dam e de C a b r i
5
_,
33 d o u a i r i e r e , l a q u i t t a n c e d u 1 4 J a n v i e r
1783;
M pour autant que je lui ai payé par a n t i c i p a t i o n fur
33 la paye a échoir en Novembre prochain de la rente cou■55 riante des m o u l i n s a h u i i . e d e C a b r i s .
Il eft évident parcette balance que la dame de Lombard,
d o n n e une quittance au fermier des 4 8 0 0 liv. , & que
ce fermier donne à l’A vo ca t un billet du même mon-
�I z3
t â n t , payable au terme de l’échéance du prix de ferme.
L e fieur S e y t r e m ’écrit le 6 Juin 1 7 8 3 , « il en.
5î coûte
DEUX
CENS l o u i s
A v o tre
maifon ; l’adminif-
» tratrice donna à Bonin une quittance de cette fomme,
jj le 1 4 Janvier 1 7 8 3 , fur la paye des m ou lin s, à
33
écheoir en Novembre prochain , &C en échange , le
5î fieur Failli donna le même jour j fon obligation de
53
même iomme , payable au même terme ; Tes livres?
prouvent que d ’abord il l’avoit paiTée f u r i e compte
33
du Procureur , & puis
33
à caufc de la faillite , on a trouvé qu’il étoic plus
33
co n v en a b le
33
com m e
ils
p a rta g en t
de le pafler fur le compte de
, fie
l ’A v o c a t
33 qui figure dans le bilan ; on n’efl: plus étonné ici de
33 ce que , de brouillés qu’ils éto ie n t, ils fc font étroite33 ment lié s; on aioute que c’cft aux dépens de votre
33 maifon , & parce qu'on abufe de la c r o y a n c e e t d e
33 L A F O I B L E S S E D E C E L L E Q U I L ’ A D M I N I S T R E ; CH n ’ y
•33 met point de doute , en rapprochant la date de la
33 quittance.
Il cil de fait qu’à l’inftant de l’interdi&ion de mon
mari , il jouifToit de 5 0 0 0 0 liv. de rente. La dame de
Lom bard vient de me faire fignifier cxtrajudiciaircmcnt
un état de fes revenus qu’elle fait monter à 4.2.020 liv.
mais elle n’y porte qu’à 2 0 0 0 0 liv. la ferme des m ou
lins à l’h u ile, dont mon mari refufoit au monlent des
pourfuites de fon interdiction 24.00.0 liv. du fieur Bonin,
le même à qui la dame de Lombard 1 a louee 2 0 0 0 0 h v.
8c encore du fieur Rancé, autre négociant de G rade crèsfolvable ; elle omet dans cet état l’article des menus
fervices de z o o o liv. de revenus; elle ne parle pas du
Q îj
�- î ¿4
produit ' du jardin converti en champ ; de celui du bois
coupé âu pied auprès du château, qu’on peut louer plus
de i o o o 1.; de la vigne toujours réfervée par le feigneur ;
elle omet plulicurs autres objets qui feront relevés lorfqu’elle aura préfenté fon c o m p t e , ôc elle en emploie
beaucoup d’autres, non feulement au-deflous du prix qu’on
lui en avoit offert; mais au-delTous même de celui auquel
•elle a livré , à la preuve de quoi je me foumets ; elle a
fait difparoîtrc un mobilier de 8 0 0 0 0 liv. que fa qualité
l'obligeoit d’employer utilement. Le prix des bois de futaie
que je crois prxfer bas de les mettre à 1 0 0 0 0 liv. ; elle
a touché par conféqueut pendant l’adminiftration plus de
. 5 0 0 ,0 0 0 livres.
Les charges confiiloient en 7 4 * 0 liv. de rentes, la iffées par mon beau-pere; favoir:
7 0 0 0 liv. en viager 3 pour les penfions de la dame de
Lombard , 8c de l’une de fes filles.
1 8 0 liv. de rentes par lui léguées à. l’hôpital de GraiTe.
Et Z40 liv. au principal de 8000 liv. dues à M . de
Tourettes.
Les charges foncières font de 1 0 0 0 liv. d ’impofitions
de la noblciTe.
Et ce feroit porter haut les réparations que de les m et
tre à 60 0 livres.
M o n mari enferme dans fon château n’a v o it , comme
j e l’ai déjà obfcrvé , qu’une
servan te
paysanne,
à
3 6 liv. de gages ; les deux payfans qui Pefcortoient ,
gagés dans le pays à 60 liv. , 011 n’achctoit pour ce mé
nage que îc pahi & la viande de boucherie ; le furplus ,
devoit fe prendre dans la Terre, où il y a un jardin pota
�I25
ger , baffe-cour, colombiers, chaÎTe &c pêche ; je crois
porter au plus haut taux les frais de ce ménagé en
les mettant à 1 2 0 0 liv. ; l’entretien a été nul , mon
mari n’a point eu d’h a b it , on lui a même pris ceux qu’il
a v o i t : je mets en fait , parce que j ’en ai la preuve en
main , que pendant les fept années, il n’y a pas eu pour
j o liv- de viiîte de médecin.
M a fille étoit au couvent à 200 liv. de penfion; ce
feroit forcer fon entretien 6c les frais de quelques mois
de fon maître d’écritures de les porter à pareille fomme.
Je n’ai reçu pendant les trois années que j ’ai été enfer
mée au couvent de Siitcron^ que 7 0 5 0 liv. 8c depuis
les trois ans que j’en fuis fortic, 1 0 0 0 0 liv. fuivant mes
quittances.
Toutes ces fommes accumulées montent dans les
fept années à 9 1 3 9 0 liv. quand on fuppoferoit exiilant
les 1 2 2 0 00 liv. d ’emprunts faits par mon mari , annon
cées par la dame de Lombard, fans le prouver à la page 2 9
du mémoire , & dont je fuis bien éloignée de convenir;
cesemprunts n’auroient pu produire, impofitions déduites,
que 5 4 1 8 liv. de revenus annuels, & dans les fept années
3 7 9 2 6 liv. , la dame de Lombard doit donc avoir entre
les mains plus de 3 6 0 ,0 0 0 livres.
J’ai déjà, annoncé le foin de l’avis de parens * du 2 4
Janvier 1 7 7 8 , enfuite de l’interdi£tion , pour procurer
au fieur Seytre, qui défendoit pour mon m a r i , à cette
interdiction , le paiement d’une créance que rien ne
juitifie.
Le règlement que prétendoit en avoir fait la dame
de Lombard ,
à 6 1 ,0 0 0 liv. Sc l’aifignation donnée
�I 26
enfuite à fa requête au créancier , en revifion du même
compte , demande reilée fur pourfuite , quand le ficur
Seytre s’étoit reconcilié avec Tes entours, au bruit de
quelques fuccès fur mes demandes ; je ne penfe pas que
Ja dame de Lombard perfifte à mettre cette créance dans
les charges ; j’en développerai dans un inilant l’origine
&C le progrès.
ans l’érac qu’elle vient de me faire iîgnifier, elle
emploie dans les charges de la maifon ,
2 9 0 0 liv. de
r e n t é , au principal de 5 8,000 liv. d’emprunts par elle
faits les 2 4 Décembre 1 7 7 9 , &
1 6 Ma i
1782,
de
M M . de Theas , frères , Saint Cefaire & Ricord , par
a£tes reçus par A d i f l o n , Notaire à Gratte.
Elle avoit reçu lors du bail des moulins à huile , du
30 M ai 1 7 7 8 , une fomme de 2.0000 liv. d’avance fur
cet objet : elle en avoit également touché de tous les
autres fermiers ; malgré c e l a , on voit toujours la gêne
dans Padminiilration ; toujours les fermiers font en
avance , je l’ai juilifié par leur déclaration , enfuite des
fignifications qui leur ont été faites de Parrêt du Confeil,
annexées aux procès-verbaux , devant M . le Lieutenant
C ivil ; il cil public que les mandats de la curatrice couroient fur la place de GraiTe , & qu’on ne pouvoit trou
ver à les placer; le bilan de Bonin, fermier dés m ou
lins , conftatc dans le compte particulier de la curatrice
qu’en 1 <7 8 2 , il étoit en avance particulière avec elle de
8 4 3 üv. , &
dans les mandats qu’il avoit
acceptés
pour les ficurs G ayte & A l z i a r y , A v o c a t & Procureur
de la dame de Lom bard, de 4 8 0 0 liv.; j’ai rapporté Sc
fait joindre aux procès-verbaux faits devant M . le Lieu-
�i z7
tenant C ivil ,
les quittances données par la dame de
Lom bard , en fa qualité de curatrice , dans le courant
de l’année i 7 8 3 , de la plus grande partie des revenus
jufqu’au terme de Pâques ou de Saint-Michel 1 7 8 5.
J’ai joint auili des quittances données depuis Ton
départ de G rade & depuis la cadation de fa curatelle ,
par les iieurs G ayte
&
d ’eux féparément chargé
A lzia ry ,
des
fe
difant
chacun
pouvoirs de la ci devant
curatricer, de ce qu’ils ont pu en recouvrer ; je viens
d ’en recevoir une autre du même Heur G a y t e , du 18
Décem bre dernier ,
donnée
au
fermier
du
Caftelet
( T e r r e de mon m ari) de 300 livres avec une remife
gratuite au fermier de
227
livres fur le prix de fa
ferme ^ échu en Septembre dernier ; depuis l’arrêt du
Confeil , qui cade la curatelle, la dame de Lombard
déclare qu’elle n’a pas d’argent pour payer les frais de
tranflation ordonnés par le R o i , de mon mari &c de ma
fille ; elle nous laide tous les trois fans alimens , fans
lin g e, fans h ab its, manquant du plus ftrid nécedairc ,
& elle touche fans qualité nos revenus ; elle les aban
donne au premier occupan t; la moindre attenancc avec
elle, devient un titre pour s’en emparer. T o u t le monde
retient 8c le propriétaire n’a de rcdourccs que dans fes
emprunts.
Je paÏÏe à la tranfa&ion avec les
beaux-freres de
mon mari ; je commence par obferver , que cet a& c
eft annullé par l’arrêt du Confeil des dépêches du 1 5
A o û t dernier , avec tous ceux de l’adminiftration de 1a
curatrice.
La dame de Lombard
en a fait trois pages de fa
&*L
�I28
défenfe dans le méa^pirc ; c’eft en effet l’a ile le plus meur
trier de Ton adminiftration , celui qui a concouru à tout
ce qui a été fait ; j’ai befoin pour l’expliquer de quelque
développement.
M o n beau - pere avoit réglé le fupplément de légitime
de fes filles à 8 o o o liv. Le fieur Seytre alors curateur de
mon mari , le mené à A ix au mois de Juin 1 7 7 5 , fous
prétexte de terminer l’affaire des affiches; il lui fait payer
fous fon autorifation 20,000 liv. de pur fuppl^gent de
légitime à chacun des beaux-freres , & on infere , diton , dans la quittance les réferves de la porter encore plus
loin.
Pour peu qu’on veuille rapprocher ici quelques circonftanccs , on trouvera aifément le fil de cette n égo
ciation. Le iîcur Seytre avoit été placé dans la maifon
par les beaux-frcrcs de mon m ari, qui enavoient éloigné
un homme en poffeffion de la confiance depuis trente
ans.
C ’étoient ces beaux-freres qui avoient engagé mon
mari dans la batiffe de la m aifon; c’étoit le fieur Seytre
qui l’avoit conduit dans l’affaire des affiches , qui procuroit &
faifoit les emprunts , qui étoit chargé des
dépenfes fecrettes. La lettre de M , le marquis de Vauvenargues , du 20 A o û t 1 7 7 4 , copiée ci d eva n t, page
2 4 , prouve qu’on rendoit fufpect à mon m a r i , tout ce
~
'
qui venoit de moi , & qu’il y avoit plus que des fousordres dans cette manœuvre dès que la f a m i lle s 'e n m êle 3
r e jle ^
en
repos. La
dame de Lombard convient elle-
m ê m e , ( page 1 0 , lig. i cre de fon m ém oire); que lo n g
te n u aya n t 1 7 7 7 > les p a ren s d e la f a m i l l e lu i p e ig n o iç n t
com m e
�il
9
comme inévitable la reffource de Vinterdiction de fo n fils .
Le ficur Garnier que la dame de Lombard appelle ,
page 26 dé Ton m ém o ire, un bourgeois honnête de la
ville d’ A ix , & qui foutira de mon mari en venant le
conduire h G r a d e , l’écrit du 6 Juillet 1 7 7 6 , copié à l«a
même page, eft le fecrécaire de M . de G r a s , l’un de ces
bcaux-frcrcs.
Le ficur Scyrre , curateur, Procureur fo n d é , défen
dant à l’interdi£tion comme Procureur ad lites , jufqu’au
moment qu’elle a été prononcée , cfl: Je premier dont les
intérêts font ménagés & la créancè aduréc par la déli
bération des parens , votant fur l’interdi&ion. C ’eft la
dame de Lombard contre
laquelle il venoit d’occuper
dans une affaire fam eu fe, qui
le
r e q u ie r t ;
ce font
les beaux-freres qui l’avoient mis dans'la maifon, qui
le
; ils autorifent la curatrice de leur choix , &C
d ’accord avec eux à emprunter à conftitution ou autre
m ent, à donner des mandemens furies fermiers fi la cura
v o t e n t
trice le juge à propos; pour l’acquit d’une dette dont il ne
paroît aucun titre, à un homme contre lequel ils dévoient
avoir au moins de l’aigreur , & que Padminidration univcifellc des affaires de la maifon depuis fix ans, devoit
faire réputer débiteur.
Cette créance fi foigneufement déléguée , eil acquit
tée pour 6 10 0 0 liv. en com p tant, ou en délégation ac~
ccptées des fermiers.
Dans le même requifitoire , la curatrice demande à
être autorifée a puffer des compromis, ù tranfiger fu r tou
tes les contefilations mues ô a mouvoir que peut avoir fon
R
�I}0
fils. Les mêmes parens le votent , 51 le juge l’ordonne.
Après que la dette du fieur Seytre eft parfaitement
aflfurée , « paroît la demande des b e a u x - freres, en fupm
plément
de
légitime ; auffi-tot
le compromis eft
« pafle.
Si les Satuts de Provence exigent cette forme de finir
les conteftations entre proches , les loix fupérieures à
ces ufages locaux , les interdifoient à la curatrice.
L e fieur Scytre va à A ix , inftruit les Arbitres , &C
leur porte les pieces. O n fait eftimer les terres de mon mari ;
les deux Expçrts f o n t , l'un le beau-frcrc de ce même
fieur Seytre; l’autre, le vaflal d’un des bcaux-freres.
L a fixation des droits , l’évaluation des fo n d s , tout
eft à volonté ; on ne daigne pas même diftraire les
fubftitutions ; e n fin , u n e t r a n f a & i o n aiTure 1 0 0 ,0 0 0 1.
aux beaux-freres , qui en avoient déjà reçu 60,000 liv.
& que le pjerecommun croyoit aiTez bien payés de z 40001.
C ’eft fous les yeux du fieur Seytre encore, que Pacte
eft rédigé.
Il ne faut pas je crois de longs commentaires pour
prouver de quel tems & avec q u i , tout avoit été mé
dité.
Q u ’on joigne à cela, l’écrit donné par mon mari le 6
Juillet 1 7 7 6 , au fecrétaire de fon beau-frere , Confeiller au Parlement. Celui que m ’avoit donné mon mari fur
l’autorifation de fon curateur , le 1 9 A vril 1 7 7 4 ,
pour obtenir un ordre du R o i qui l’exilât à Brie , dans
le tems que nous craignions les fuites de PaiFaire des
afficJaes (copié, page 1 6 du mémoire de nos A dveriaircs,}
�n 1
•
f qu’on fe rappelle l’ufâgc que j’avois fait de cet é c r i t , 8c
en quelles mains je l'avois dépofé , &C on verra com
ment l’exécution du projet a été am enée, on connoîtra
tous ceux qui ont concouru à nous détruire.
C ’effc du fieur Seytre lui - même , que je tiens le
témoignage que je vais invoquer; mes adverfaircs favent
s’il étoit inftruit de ce qui fe paflfoit dans l’intérieur de
leur délibération ; un écrit qu’il m ’a fait paiTer dans lû
moment, oit divifé d’avee eux , il fe voyoit pourfuivi
en recours de cette même créance dont les beaux-freres
lui avoient il généreufement aiTuré le paiement par leur
délibération , développe parfaitement toutes les marches
qu’ils ont tenues ( i ).
Quoique je faffe imprimer cet écrit en entier dans
les picces juftifîcatives , je crois devoir rapporter ici Ces
énonciations fur cette tranfa£bion ; « on dit que M . le
»» M a ig re , ( M. de Gras , beau-frere, ) frappé de ce qu’il
» a trouvé dans le mémoire concernant le fupplément
» de légitime qu’on s’eit fait adjuger , a fait un mémoire
» ou lettre juftificative de ce qui a été faità M. le Garde
î) des Sceaux , Sc lui demande juftice fur l’imputation
»> calomnieufe qu’il renferme contre les légitimâmes ;
»> puifqu’il fe plaine , il femble que madame de C a b r is ’
« doit ajouter par réflexion à fon mémoire, qu’un Con^
»3 fciller au Parlement devoit favoir qu’ils font très» mal d’attendre ou de faifir un tems d ’interdi&ion
«
pour fe faire adjuger un prétendu droit contfe l'interdit.,
( i ) V o y e z pieces juftificatiycs, N ° . 14.
Rij
�•
i 3î
53 qu’on â fi fort abufé de la foiblcjje de la. curatrîte qu’ on
» avoit créée, 8c de ce que l’interdit ne pouvoit parler;
» que non-feulement on s’eft: fait adjuger un droit qu’on
>• n’avoic ofé réclamer en juiKce contre M . de C abris,
» tandis que les biens de la fuccefîion , fur lcfqucls on
3* l’a p ris,
n’ont été cftimés qu’au taux de trois pour
» c e n t , comme domaines nobles
on s’effc fait adjuja ger , 6c on a établi dans la rranfa&ion , le taux de
53 l’intérêt du paiement à cinq pour cent ; qu’on juge de
>3 l’accciToire , fi madame de Cabris a tort de c r ie r , 6c
53 de fe plaindre.
A cç premier témoignage fe joint celui d’un homme
de qualité de la P ro v in c e , dont la religion avoit été
furprife.
M . le comte de Grafie du Bar m ’écrit le i z A vril
1783 :
53 Je n’ai point entendu , madame la m arquife, don53 ncr lieu à des ordres fevères de Sa M ajcflé , contre
>3 vous , lorlquc je fignai après trente de vos plus pro33 ches pauens de Provence , enfuite des lettres de m a 55 dame votre belle-mcrc , 8c de M.. le bailli de M ira>3 beau , un mémoire allez vague qui me fut préfenté à
'53 A ix. Je iuis charmé que ces ordres foient révoqués ,
33 mais juftifiée auprès de Sa M ajcfté, la vengeance n’cil”
elle pas au-deflous d’une ame comme la vôtre.
33 M adam e votre belle-mcre m ’a fait l’honneur do
35 m’écrirê- au iiijct de votre demande au Confeil des
» dépêches ; je lui ai témoigné mes regrets de voir
33 perpétuer les differens dans fa famille ; je lui ai offert
�i 33
» mes fervices dans ce pays-ci , mais feulement pour
3î tout ce qui auroit trait à une conciliation , &: ca
» r e n v o y a n t à M M . fes gendres tout ce qui auroit l’ap>3 pprcncc de procès.
J’ajouterai ici une dernière réflexion fur les manœu
vres de la cabale.
C e font les beaux-frères qui ont médité & fait pro
noncer l’interdiction de mon mari , Si cc font eux qui
ont nommé la dame de Lom bard curatrice; c’eft la
dame de Lom bard qui leur livre par tranfaction une
partie des biens de l’interdit. Leurs titres refpectifs font
leur ouvrage réciproque ; ils fé font donné les uns aux
autres les moyens de nous dépouiller , de nous enlever
notre exiilence , de s’emparer de notre fortune : nous
fommes depuis fix mois fans ali mens , fans linges, fans
habits , fins rcflourcc tout eft pris ou engagé .d'avance ,
tout eft faiiî- La dame de Lombard a reçu nos revenus
jufqu’cn 1 7 8 5 , les beaux-freres ont
saisi
les échéances
futures , & leurs titres refpectifs anéantis par l’arrêt du
Confeil , font mis aujourd’ hui à une exécution rigoureufe;
la violence fuccedc aux artifices employées originairement
pour nous perdre.
V oilà les perfonnes qui fe font crues obligées de venir
au fccours d ’un membre de leur famille , pour mettre a
couvert fa perfonne & fe s biens ; qui ont fa it, tout ce qui
¿toit compatible avec l'honneur pour le conferver a la de moif i l l e de Cabris avec fon pere & fon patrimoine , & voila
{comme) les mains de fa mere cherchent a lui ravir tous fes
*biens.
�1 3 4
D e toutes ces perfonnes, aucune ne vient lui donner
des alimens ; toutes abandonnent les perfonnes pour fe
faiiir du refte des biens.
L a dame de Lombard implore continuellement le
témoignage du public , les dépofitions de la Province ,
des perfonnes qui ont été témoins de fon adminiftration
je ’ lui oppofe des faits , j’offre d’y joindre le cri p u b lic ,
foulcvé contre elle, l’indignation contre les excès de la
cabale.
Quand j’articulai par ma requête du 6 Mars 1 7 7 9 ,
devant l e ‘Juge de Graflfe, l’abandon où é toit mon m ari,
les mauvais traitemens auxquels il étoit expofé , quand
je demandai à en faire preuve par témoins , que répondit
la dame Lombard ? C e qu’elle dit à la page 4 1 du mé
moire.
Elle déclara qu’il étoit inutile d’entamer fur cet objet
une longue procédure d’enquête ; elle m ’y foutint nonrecevablc Sc la fit prononcer par un Juge prévenu; à cette
preuve teilimoniale que je demandois , elle fubftitua la
defeente de ce même Juge au château de C a b ris, pour y
voir le fils 8c la mere bien préparés , &. dînant cnfcmblc;
les certificats de Ces gagiftes , ou de fes parafites , les
mêmes quelle ofe faite imprimer aujourd’hui.
Je vais prouver l’inutilité de ces démarches pour s’en
procurer d’autres; je lui oppoferai les déclarations de ceux
que ces agens ont voulu féduire ; je développerai la diffé
rence des moyens que j’employe pour faire connoître la
v é rité , Sc de ceux quelle met en ufage pour l’étoufFer.
�J31
Je donnerai des preuves du cri public , auquel je join
drai bientôt des informations juridiques.
D ans l’inftânt que je follicitois mon affaire au C o n fe il,
j ’appris que la cabale vouloic extorquer des certificats
¡contre moi.
Le i 6 A vril je fis fommer la communauté de Cabris
de s’aflembler 6c de déclarer s’il n’étoit pas vrai que
mon mari étoit maltraité ; s’il n’éroit pas vrai qu’on
avoit préfenté à la communauté des certificats touC
dreifés contre moi , qu’on l’avoit follicitée de figner.
Le i l ,
la communauté s’aifemble; elle répond que
mon mari n’eft pas Îoigné; qu’il n’efl: pas fervi; qu’il cil
abandonné ; que fa mere ne le voie pas ; qu’elle paifc la
plus grande partie de l’année à Graife & loin de lui.
Pour les certificats, la communauté répond que le fieur
A lzia ry, l’homme de confiance de la dame de Lom bard,
a propofé aux Habitans de figner des certificats tout dreffés, qu’ils l’ont refufé; que fes certificats leur ont été
repréfentés fous d’autres formes, & qu’ils l’ont encore
refufé. •
L e fieur Seytre m 'écrit, le 9 A vril 1 7 8 3 , « le certi» ficat contre vous, qui a été préfenté tout dreifé, a été
» figné par les Prêtres d e l à Paroiife, ôc par quelques
jj autres qu’on n’a pas pu me nommer, mais avec des
« explications Sc reftri£üons qui font préfumer qu’on ne
« les produira point ».
A peine ma fommation avoit-elle été connue des Agens
de la dame de Lom bard, qu’ils firent tous leurs efforts
pour empêcher l ’aifemblée de la communauté.' Le fieur
�13^
Scycrc m’écric le i G A vril 1 7 8 3 : « o n fait à Cabris
» toutes chofcs au monde pour que le Confcil n ait pas
» lieu, tk. je crains que malgré le Confcil deá Confuís
» & les Confuís eux-mêmes „ on n’y parvienne. Le pre» micr Confuí me répond que non,
que vous aurez
« une preuve de la bonne volonté de vos Habirans à faire
» quelque chofe qui put concourir à manifefler le defîr
« qu’ ils ont de voir rétablir leur feigneur & vous dans
» l’état ou vous devez être ».
N e pouvant pas empêcher l’afïemblée, les A gcns de la
dame de Lombard voulurent, au m oins, atténuer les faits,
que devoit attcfler la communauté. Le même fieurScytre
m ’écrit le 2. 3 Avril : t< A lziary ( le Procureur ) parut à.
« Cabris l ’avant-vcillc du C o n fc il, pour faire le thème
»> au C o n fu í, ôc malheureufcmcnt, il ne l’a que trop bien
»5 étudié » ................... O n voit, en comparant l’cxploic,
à la délibération, que l’on a cédé aux follicitations; que la
crainte a préiidé dans ce qui a été dir. « T o u t ce qui cil
m gens du peuple éto it, dit-on, furieux au Confcil. Ils
» crioient, dites que nous voulons M adam e la jeune, 8c
» qu’il n’y a que trop long-tems que nous fommes com »
mandés p¿r des domeitiques. Mais tout ce que ccs gens-
» là. difent, on ne l’écrit pas. Le thème étant fa it, on ne
» s’en eil pas écarté «.
Le Heur Alexandre C o u r t, Coniul de la même année,
atteile le 1 7 Février 1 7 8 4 : « q u ’après le Confcil de la
» communauté tenu la dcuxicme fête de la Pentecôte,
» le S r A l z i a r y , homme d ’affaires de madame la douairière,
» lui préfenta un certificat tout drefle fur papier tim bré,
>3 contenant
�ï.3 7
*» contenant nombre de faits; que ledit fieur A lzia ry le
»> follicita d’areiter, p ortan t, entr’autres, que M . Ic
>» Marquis écoit fuivi journellement par un chirurgien;
w qu’un médecin de Graile venoit le .vifiter fréquem>» m ent; qu’il mangeoic à la table de la dame fa merc
» Iorfqu’ellc venoit à Cabris; que le fieur A lziary ne le
*j quittoit ja m a is, &. autres faits relatifs au traitement
m
de M. le Marquis de Cabris. Après avoir lu ce certifi-
» car, ayant trouvé que les faits y énoncés n’étoient pas
» véritables, il refufa de le figner malgré toutes les infm
tances & les menaces dudit fieur A lziary »».
L e fieur Seytre m ’écrit le premier Mars 1 7 8 3 : « il
»» n’y a plus qu’un cri contre toutes les manœuvres de la
» dame de Lombard &C vous ne devez plus craindre de
>• le dire ».
D ans celle du 1 o M ai fuivant, il me d it: « M . le Bailli
»> de Mirabeau mande que vous ne réuflîrez pas; le public
u defirc fi fort que juftice vous foit rendue, qu’il n’en
« croit rien; il eft même très-impatient fur l’événem ent,
» Sc défire avec le plus v if cmprciTement d’apprendre que
» vous avez eu le fuccès le plus favorable; vos habirans
» de C abris, entr’autres ceux qui font de bonne fo i,
»> difent qu’il y a trop long-tem s qu’ils font gouvernés
i} par des mercenaires; ils efperent bien que D ieu leur
»
r e n d r a l eur m a î t r e » .
Il me dit dans celle du 1 6 Mai : « ce fera le plus grand
w a£tc de juftice qu’on pourra faire de tout anéantir d’un
»
feul coup................ Le public defirc avec le plus g r a n d
v» em prcifcm ent le dénoûment de cette affaire, qui ocS
�13^
» ' cup'e tous les gens de bien qui y prennent le pîus viF
» intérêt pour vous., 8c pour le bien-être de M . 8c de
» mademoifelle de Cabris >3. Et dans celle du 2 4 du même
mois : ci il eft tems que tant de maux foient réparés, 8c
» q a’ une fituation véritablement à plaindre, trouve enfin
» un terme.......................... Je ne fuis pas fâché d’être
» brouillé avec quelqu’ un qui ne refpc&e rien, qui no
» veut voir que fon in té rê t, 8c qui trouve mal tout ce
» qui eft: jufte. M a rupture lui fait peu d ’honneur............
« A v e c deux feules paroles, je donnai la goutte à mon
» financier.pour trois femaines».
U n homme de la premicrc qualité de la province
auquel mon mari a l’honneur d’appartenir, m’écrivit le 2 7
A o û t 1 7 8 3 , pour me féliciter fur le fuccès que je venois
d ’obtenir. « Lorfque j’ai fait l’ouverture de vôtre lettre,
» toutes les perfonnes qui étoient aiTemblécs chez m o i>
»5 ont paru partager mes fentîmens, & applaudir à un
» jugement qui h’a été que trop long-tcms attendu ».
Les iieurs Bonitt 8c Bauge, tous deux bourgeois de
C a b ris , m ’écrivent dans le mois d’A o û t 1 7 8 3 , « que la
» nouvelle du gain de mon affaire a caufé une joie géné» raie, non-feulement parmi les vaflaux de C abris, mais
» dans tous les environs; les nouvelles du 1 y , ajoutent» i l s , apportoient la palme aux deftructeurs de votre'
» mari, de votre fam ille, de vos réputations 8c de vos
”
biens. Celui du 2 3 apporte votre juftification 8c rend’
« vos adverfaires honteux........................ V en ez recevoir
w les hommages de vos vaffaux dont "vous êtes la mère
«
ôC la bienfaitrice, 8c qui par un attachement partica-
�*39
lier, n’ont jamais tant rien defiré que de voir la main
de Dieu s’appefantir fur les opprçffeurs de la maifon
»
» de Cabris................ . Nous touchons au moment de
»> voir notre mere &c. libératrice tendre une main fccou>j rableà un époux malheureux, infortuné, recevoir ^ avec
« des larmes de joie, fa tendre 6c çhere fille depuis long» tems vi&im e de l’implacable avarice » .............
Q u ’on daigne comparer ces témoignages de la yérité
avec les atteftations que produit la dame de.Lom bard,
D ’ un côré ce font des certificats donnés en 1 7 7 9 , dans
le tems même qu’elle, fe refuioit & faifoit rejeter par les
Juges les enquêtes que je demandois; ces certificats font
le fruit de la fugeftion, ou de la complaifance.
C e n’eft qu’avcc des menaces ¡k. par des voies obliques,
que
fes . A g e n s tentent d’extorquer des atteftations des
malheureux que la dame de Lombard foumet à leur def»
potifrne. Elle rient d’une main la verge de fer le v é e , &C
de l’autre le certificat qu’elle v e u t qu’on foufenvê.
J e f ui s a b f e n t e d u p a y s
M e s m a l h e u r s m ’e n o n t i n t e r -
ccDté
o u i fo l é les r e la ti on s . Je r é c l a m e c o n t r e de s O
gens
à
qui y ont des attenances, q»ji l’habitent, qui y ont le pou
voir en main. M rs perquifitions font publiques, mes de
mandes exemptes .de toutes captations; je fais fommer
juridiquement les communautés de s’aflembler, les parti-'
culicrs de déclarer la vérité. Je ne demande à tous que ce
qu’ils fi vent, que ce qu’ils ont vu; je ne les intimide point
pour empêcher qu’ils ne rendent a mcsr;AHvériaires toute;
la juftice qu'ils.en peuvent attendre; & voilà le jugement
du public entre la dame de Lom bard ô£ moi.
S ij
�14 0
Je crois avoir développé l’origine des cabales qui nous
pourfuivent; leur form ation, leur réunion, leur progrès,
&. l’exécution de leurs projets.
C ette attention à m ’éloigner de la confiance de mon
m ari, à le livrer à des mains perfides & Subordonnées, a
eu tout l’efFet qu’on pouvoit attendre des circonftanccs
malheureufes qui avoient réuni de plus grandes forces, à
celles des ennemis domeftiques acharnés depuis long-tcms
à fa perte.
C ’eft dans nos propres famille?, c’eft dans nos proches
que nous avons trouvé les deftru&eurs de nos perfonnes
de nos biens.
Les uns, avides de nos dépouilles, ont ofé attenter à
notre cxiftencc avec les armes meurtrieres, des autres
égarés par l’emportement ôc par la fo if de vengeances par
ticulières.
Com binés dans remploi des moyens & réunis dans
l’exécution, ils ne peuvent être divifés que fur la difpoiition d’un enfant échappé au nauffrage dans lequel ils ont
fait périr fes parens. Heureufe défunion ! qui nous a fauyé
le dernier opprobre réfervé à terminer nos malheurs.
Les coups fous lefquels on nous a fait fu cco m b cr,
étoient d’autant plus redoutables, que ceux qui nous les
portoient s’étoient ailurés de l’impunité en gardant l’ap
parence du voile. Les feuls qui fe m ontrent, font d’un
cô té , M . le Bailli de M irabeau, Religieux profès, m ort
civilement; de l’autre, une femme fans fortune que fon
incapacité même avoit fait appeler à la curatelle.
C ’eil fous le nom de cette m ere, de cette curatrice,
�I4 I
tout à la fois infolvable & hors d’état de ientir l’aviliffement du rôle qu’on lui faic jouer, qu’on nous pourfuic
encore ici.
C ’efl: par elle qu’on a fait dévafter nos m aifons; c’cft
par clic qu’on a faic recevoir & déléguer nos revenus
d ’avance; c’efl: par elle qü’on a rempli les mains de nos
ennemis de titres q u i, quoique anéantis par l’A rrêt du
C o n fe il, fervent encore de prétexte à des faiiies mifes en
ufage pour reculer notre jouiiTance & nous priver d’alimens. C ’efl: elle qui , pour venir nous pourfuivre, a mis en
gage notre vaijjelle d*argent s & vendu ju fq u ’ aux boucles
d ’ or de fon fils.
C ’efl: fous ion n o m , enfin, qu’on vient de publier un
libelle, ouvrage de tous les membres de la cabale : où la
calom nie, la faufleté 8c la malignité ont diftilé leur venin,
à l ’appui de pieces fal/ifiées, créées $c fuppofées par Ces
auteurs.
D es premiers attentats en néccflïrcnt toujours d’autres.
•Si nos perfécuteurs n’euflent voulu qu’arrêter les diiîipations qu’ils me fuppofent des biens de mon m ari, leur
pourfuitc devoit cefler dès que je fus enfermée; l’interdi&ion devenue inutile n’étoit donc plus qu’une flécriflure
gratuite, qu’un moyen de s’emparer des biens 8c de la
perfonne, pour s’aflurer le parcage des uns, 8c Ce prémunir
contre le retour de l’autre.
L a cabale demande encore aujourd’hui que mon mari
foit déclaré fou , parce qu’elle l’a fait juger t e l; parce
qu’elle a employé les derniers moyens pour le rendre rcî '■
>
actuellement même fa rnere ne le voit que pour l’effrayer 3
dans l’efpérance de le rendre tel.
�v
14*
C ’eft à n o s J u g e s , c ’e f t a u p u b l i c h d é c i d e r
encre
m a d a m e d e L o m b a r d 8c m o i .
E l l e a d é t r u i t l ’ h o n n e u r , l ’e x i f t e n c e & l a f o r t u n e d e f o n
fils.
;
Je n’ai jamais fait faire un fcul emprunt
je l’ai reiïufciré, je le défends.
k mon
Signé M i r a b e a u ,
mari;
M ar qui fc
de C a b r is .
M e D E B E A U S E J O U R , A vocat.
�C
L E
O
N
S
U
L
T
A
T
I
O
N
.
C O N S E I L foufîîgné fur la réponfc de madame la
Marquifc de C a b r is , b e lle -fille , au mémoire répandu
contr’elle fous le nom de la dame de Lombard de SaintBenoîc, Marquife douairière de Cabris :
E s t i m e ,
que cette réponfe 8c les pieccs authentiques
qui y font jointes, détruifent fuffifamment les calomnies
par lefquellcs on a tenté de noircir madame la mar
quifc de Cabris belle-fille, dans ce mémoire; il n’étoit
gueres poilible de prendre le change fur le- but que
fe propofoient les auteurs ; un pareil ouvrage ne doic
avoir pour objet que l’ctabliiTemcnt des droits de celui
pour lequel il eft fait, ou fa défenfe contte ceux qui
attaquent ces droits. La dame de Lombard ôc la M a r
quifc de Cabris ne plaident depuis fept ans que fur un
feul point; fur la feule queftion de favoir fi le Marquis
de Cabris eft, ou n’eft pas, dans le cas d’être interdit
pour démence. La dame de Lombard paroît ne réclamer
fon titre de mère, que pour faire déclarer fon fils fou :
la Marquifc de Cabris foutient qu’il ne l ’a jamais été 6c
qu’il ne l’eft pas. L ’une s’oubliant elle-m êm e, pourfuit, au
mépris de la nature Si du fang, la flétriiTurc de ia race
entiero Sc de fa propre poftériré; l’autre, épou'fe attachée
Sc fenfible, mere tendre, veut détourner de deiTus la tête
de fon mari ôc de leur fille unique, cette tache qu’on
�*44
t e n t e d e l e u r i m p r i m e r . U n e p ar e i l l e c o n t e f t a t i o n n e c o n f ifte q u ’e n f a i t s ; c ’eft l ' é t a t d u M a r q u i s d e C a b r i s q u ’il
s ’a g i t d e j u g e r : t o u t c e q u i n ’ef t pas r e l a t i f à c e t
état
a & u e l , eft a b f o l u m e n t étra ng er à la q u eftio n fo u m ife aux
Tribunaux.
C e t t e q u e f t i o n u n i q u e d a n s la c o n t e f t a t i o n , l ’é t a t d u
M arquis
de
C a b r i s , la d a m e de L o m b a r d la
fuppofe
é c l a i r c i e , c l i c l a m e t en f a i t r e c o n n u ôc d é m o n t r é ; e ll e
f u p p o f e i o n fils r e c o n n u
e n d é m e n c e p a r l a f a m i l l e ôC
p a r les J u g e s , & q u ’ il n ’ef t plus q u e f t i o n q u e d e lui n o m
mer
u n c u r a t e u r ; e ll e f u p p o f e
une concu rrence
ôc
uri
c o m b a t , d a n s le T r i b u n a l p r ê t à p r o n o n c e r l’ i n t e r d i c t i o n ,
e n t r e la M a r q u i f e d e C a b r i s ôc e ll e p o u r c e t t e c u r a t e l l e ;
ôc p o u r e n écar.tei l’a d v e r f a i r e q u e la d a m e d e L o m b a r d
s ’ y d o n n e f a n s q u ’ il e n a i t j a m a i s é t é q u e f t i o n d a n s les
T r i b u n a u x , e l l e a t t a q u e d e l a m a n i è r e la plus a f f r e u f e l es
m œ u r s ôc la c o n d u i t e d e l a M a r q u i f e d e C a b r i s f a b r u ; e ll e
l ’a p r é f e n t e c o m m e u n e f e m m e
coupable &
convaincue
d e s plus g r a n d s c r i m e s , f l ét ri e p a r de s j u g e m e n s h u m i l i a n s ;
c o m m e u n e f e m m e d o n t l a c o n d u i t e a a t t i r é les p e r q u i f i ï i o n s ôc les r a p p o r t s d e la P o l i c e ; u n e f e m m e q u i n ’a p u
fe
c o n t e n i r d a n s le C o u v e n t
o ù f a f a m i l l e l ’a v o i t f a i t
e n f e r m e r , p o u r p u n i r fes d é r é g l c m e n s .
Il
cft é v id e n t qu e ce
m é m o i r e fans o b j e t ,
puifque
les c o n t e f t a t i o n s q u i lui f e r v e n t d e b a f c , n ’e x i f t c n t p a s , n ’a
eu pour m o t i f qu e la d iffa m a t io n d o n t nous avons d éjà
çonfeillé
à m a d a m e la
M arquife
de
C a b r i s de rendre
plain te.
O n n e p e u t v o i r , f a ns é t o n n e m e n t , q u e l a d a m e d e
J - o m b a r d } p o u r f e r v i r des v e n g e a n c e s p a r t i c u l i è r e s , n ’ aie
pas
�M-J
pas craint de flétrir l'honneur de Ton m ari, d ’une de fes
filles, Sc qu’elle cherche encore à imprimer une tache fur
fa propre poftérité. Q ue pour décrier celle qu’elle fuppofe
fa concurrente dans la curatelle de fon fils, & qui n’eft
véritablement fon adverfaire que pour détourner la flétriflure qu’elle vçut imprimer fur fa famille ; qu’une
femme de qualité, âgée de foixante-dix ans, qui exige
les égards dûs à fon fexe,*à fon âge & à fa dignité, fc
permette d’expofer contre une femme de qualité, fa bru,
des faits qui, quand on pourroit les fuppofer véritables,
devoient allarmcr la pudeur de celle qui en faifoit le
tableau.
M adam e la
Marquife de Cabris démontre de la
manière la plus convaincante la calomnie acharnée à la
pourfuivre; elle prouve les falfifications & les altérations
qu’on s’eftpermifes dans la copie tranferitedans le mémoire
de la Sentence rendue dans l'affaire de M . de Villeneuve;
elle a démontré la faufleté du prétendu procès-verbal de
POificier de P o lic e , fuppofé attaché à fes pas. Nous ajou
terons à fes preuves, une feule réflexion fur ce fait. Si la
Police eût détaché quelqu’un pour éclairer la conduite de
madame la Marquife de C a b r is , les rapports qui en
auroient été fa its, pieccs fccrettcs du Gouvernement,
n’auroient pu iortir de fes dépôts. Quand on pourroit
fuppofer l’exiilence de ces procès - verbaux ; quand ils
pourroient être venus entre les mains de particuliers,
jamais de pareilles pieces ne peuvent être employées en
juftice, 8c il cft bien étonnant qu’on fe foie permis de
les tranferire avec des guillemets, dans un ouvrage que
l’on prétend defliné à une défenfe judiciaire.
T
�146
S’il pouvoic être queftion de la curatelle du Marquis
de Cabris, de la préférence entre la merc de l’interdit &C
fa fem m e, la M arquiic de Cabris démontreroit par le
texre même des loix romaines, qu’on lui oppofe, qu’elles
ne prononcent pas en ce cas l’cxclufion de la fem me;
qu’elles l’appellent au contraire de préférence à tout autre,
elle invoqueroit l’ufage du Parlement de Provence, où les
femmes font nommées curatrices du mari interdir, à l’c »
clufion de tous les parens; elle écartcroit d’un feul mot la
prétention de la dame de L om bard , que les mauvais traitemens exercés fur fon fils pefidant l’ufurpation d’une
curatelle anéantie, & les abus dans Padminiftration des
biens en rendent indigne. M ais cette queftion fur laquelle
la Marquife de Cabris réunit le vœu des Juriiconfultes,
cft abfolument fuperflue ici; elle foutient que le Marquis
de Cabris, fon m ari, n’eft pas dans le cas d’interdiclioa
pour démence; elle a , en fa faveur, le vœu d’une famille
refpe&able, compofée de ce qu’il y a de plus diftingué par
la naiffanee àc par les emplois. L ’avis des médecins & des
gens de l’art fait pour fixer l’opinion des Juges, & aux
quels on n’oppofe rien de contraire de la part de la dame
de Lombard.
Délibéré a Paris le dix neuf Mars mil fept cent quatrevingt-quatre. Signé d e B e a u s e j o u r .
�PIECES JUSTICATirES.
N". I.
ous G
reffier
en ch ef de la Sénéchauiiée de G ratte, certifions
que la fentence rendue par M e R e v e l, Juge commis par la Cour le
deuxième jour d’Odtobre 1 7 7 6 , en faveur de Meflire Louis de V ille
neuve , Seigneur de Mouans 8c de Sartous, contre les fieurs de R iqu eti,
comte de Mirabeau , de Briançon , & les dames marquifes de Cabris
& de la T o u r, n’a jamais cté levée au G reffe, les droits royaux n’ayant
jamais été payés, ayant néanmoins joint un extrait de ladite fentence
à la groiTe de la procédure par noüs remife rieres le greffe criminel
de la Cour du Parlem ent, enfuite de l'injon&ion qui nous en avoit
été fa ite , enfuite de l’appel de la même fentence", en foi de quoi ,
nous avons délivré le préfent pour fervir & valoir ce que de raifon. A
GiaiTe le 14 Février 17 8 4 ,fig n é A
ubin.
N°. II.
Copie des Interrogats, & Réponfes du fîeur Marquis de
Cabris des 10 2c z i N ovem bre 1777.
D u 10 Novembre 1777 , dans le château ftigneurial de Cabris, &c.
nous nous ferions prèfentés à la dame mafquife de Cabris , belle-fille ^
que nous aurions trouvée au - devant du château , laquelle nous auroit
introduit dans une chambre au fécond étage , dont les fenêtres vifent au
nord, & lui ayant fait Javoir le fujet de notre commiffion, elle nous auroit ■
dit que le jieur marquis de Cabris , fon mari, étoit parti ce jourd'huigrand
matin pour la campagne , pour y paffer la journée , & d ou il ne reviens
droit que ce fo ir , étant fdchee que ledit fieur de Clapiers fon mari, ne fe
fo it pas trouvé dans fon château ; quelle efl perfuadée que s ’il favoit
qu’on venait dans la vue de l’ interroger, il ne fe feroit pas abfenté,
T ij
�troyant que notre accedit navoit pour objet que l*audition %es témoins
par lui requife par fon comparant du jour d’ hier ; & ayant interpellé la
dite dame de Cabris, belle-fille, de figner, elle nous auroit répondu quelle
croyait que fa fignature etoit inutile, & n’ a voulu figner > de ce requife.
Me Al^iary, intervenant, Sec. a dit que le fieur marquis de Çabris de-
*
vant fe trouver dans ce moment à la campagne, ainjî que la dame matquife de Cabris ,fo n époufe, vient de le déclarer, ledit Me Al^iari audit
■
nom requiert être ordonné que ladite dame de Cabris , belle - fille , fera
tenue de nous déclarer
m oyennant serm ent,
ou
le
sieur
de C a
b r i s , SON M A R I , A ÉTÉ CE M A T I N , & LE N O M DE LA C A M P A G N E OU
I L L E P R E T E N D Q u ’lL A É t É , &
FA UT E P A R L A D I T E D A M E DE C a -
BR1S , BELLE- FI LLE , DE F A I R E T O U T P R É S E N T E M E N T L ADI TE D E C L A
RATION j
ledit Me Al^iary fe réferve de requérir ce qu’ il avifera ,, & a
fig né'
V u la réquifition ci-deiTus faite par ledit M e Alziary , ouï le Procu
reur du Roi n’empcçhant, avons ordonné que ladite dame de C ab ris,
belle-fille , déclarera tout préfentem ent, moyennant ferm ent, où le
dit fieur de Cabris , fon m ari, a été ce m a t i n & le nom de la cam
pagne où il a c t é , & ordonné que la préfente ordonnance fera-tout
préfentement lue à ladite dame pac notre Greffier. A Cabris lefdit»
jour & an que deiTus >figné F l o r i s .
Laquelle ordonnance ayant été publiée par notre Greffier à ladite dame
de Cabris, belle-fille , elle nous auroit répondu, moyennant le ferment
qu elle a tout préfentement prêté, que le fieur de Clapiers , fon mari >
étoit parti ce matin avec un domeflique de confiance, & quelle ne fa it
pas abjclument ou il a été , ignorant s’ il a été à la ckaffe, à la cam
pagne , ou partout ailleurs , où fe s affaires ou fon plaifir auront pu l’ ap
peler, &
l’a y a n t
interpellée
de figner, elle nous auroit répondu ,
qu’elle croyoit que fa fignature n’etoit pas néceifaire, & a refufé de
figner , de ce enquife , ajoutant ladite dame de Cabris yque f i elle avait
fu où fo n marl Je trouvait, elle n auroit pas eu befoin de réquifition , &
rauroit envoyé avertir fu r le champ ; requife de figner,
veau
a
de
nou
REFUSÉ.
Me Al\iary a du que la déclaration que la dame de Cabris *
�14?
belle-fille, vient cîe faire fur la publication de l’ordonnance ci-deiïus,
eft en oppofition avec ce qu’elle nous a dit à l’ouverture de notre
verb a l, où ladite dame a parle d’une maniéré affirmative qui indiquoit qu’elle ne devoit pas ignorer où le fieur de C abris, fon m ari,
peut fe trouver dans ce moment ; il n’eft pas douteux que dans l ’ctat
affligeant où le fieur marquis de Cabris fe trouve aujourd’h u i, il ne
foie entièrement livré à la garde & aux foins de la dame fon époufe ,
qui devroit conféquemment nous déclarer où le fieur de Cabris fe
tro u ve, afin qu’il pût ctre procédé à fon interrogatoire, en confor
mité de ce qui a été par nous ordonné ; en l’ état il cjl fehfiblc que le
Jieur marquis de Cabris doit f e trouver dans fon château, ou q u ’i l a été
caché à quelque part par la dame fon époufe , dans la vue d‘ éviter l'inter
rogatoire ordonné, aufii ledit M e A lziary, intervenant comme deffiis,
nous prie & requiert d’ordonner que par les huifliers à notre fuite il
S E R A F A I T P E R Q U I S I T I O N DANS LES A P P A R T E M E N S DU P R E S E N T C H A
TEAU
, que ladite dame de C abris, belle-fille, fera tenue
de
F A I R E O U V R I R , P O U R S A V O I R SI 1 E D I T SI E UR M A R Q U I S DE
s ’y
trouve
enferm é
,
C
leur
ABRI S
ledit M e Alziary fe réfervant, ladite perqui-
iition faite , de requérir ce qu’il avifera , &
figné.
JEt attendu qu’il eft ùne heure après m id i, on renvoya à trois heures
après midi.
Et à trois heures de relevée, nousdit Lieutenant, nous ferions de
nouveau portés au château en com pagnie, & c. , où nous aurions
trouvé Joachim G u erin , cuifinier du fieur de C a b ris, auquel nous
aurions demandé de nous dire fi le fieur ou dame de Cabris font
dans le château, de nous indiquer l’appartement où il fe trouvent, il
nous auroit répondu ne favoir où a été le fieur de Clapiers , & qu’à
l’égard de la dame de C a b ris, fon-époufe, elle eft fortie depuis peu
de tems du château , qu’il croyoit qu’elle ne tarderoit pas de venir ,
& qu’il alloit lui envoyer un exprès pour tâcher de la trouver , afin
de l’avertir de notre arrivée audit château, 6c ayant attendu jufqu a
quatre heures & demie , fans que la dame de Cabris qui avoit les clefs
de tous les appartemens, foit revenue, nous aurions renvoyé à de-r
main de ftatuer fur la rcquifition ci-deilus faitç par ledit M e Alziary.
�1s°
Etattendu l’heure’tarde, nous aurions renvoyé, & c ., ayant chargé
ledit fieur Joachim G uerin, cuiiînier, d’avertir ledit heur de Clapiers
de la dame Ton époufe du renvoi de notre préfent verbal à demain ,
& c . , & avant que de figner, ledit M c Alziary , audit nom , nous
pries & requis d’ordonner qu’il lui fera tout préfentement délivré par
notre greffier extrait de notre ordonnance de renvoi à demain pour
la continuation de notre verbal, afin qu’ il puiffe agir ainjî que Vintir et
de la dame de Lombard l ’ exigera , & a figné.
' Et nousdit L ieutenant, vu le dire ci-deilus , & ouï le Procureur
du Roi n’em pêchant, avons ordonné que par notre greffier il fera
tout prefenrement délivré audit M c Alziary extrait de l’ordonnance
de renvoi à demain pour la continuation de notre .prefent verbal aux
fins requifes. A Cabris lefdits jour & an que defTus, fignés F l o r i s ,
M a r t i g n y , I s n a r d , médecin
A l z i a r y , L a m b e r t , chirurgien,
R i p e r t & L a u t i e r , huiiîier , Si A u b i n , greffier.
Et advenu ledit jour 11 dudit m ois, nousdit Lieutenant aurions de
nouveau accédé au château , & c ., où nous aurions trouvé ladite dame
m irjuift de Cabris , belle-fille , qui nous a dit que le fieur de Clapiers ,
fon mari, Je trouve dans fon appartement, & qu’ il va defeendre dans le
moment ; & ledit fieur de Clapiers étant entré dans ledit apparte
ment , M e Alziary s’eft délifté de la derniere réquifition par lui faite
le jour d’hier , & nous a priés & requis de procéder tout préfen
tement à l’inteirogatoire ordonné , après néanmoins qu’il aura été par
nous ordonné, a inf que ledit Me Afyary le requiert, que la dame marquife de Cabris, belle-fille , & Me Seytre, procureur du fieur marquis de
Cabris , auront vidé le prefent appartement, <S a figné.
Sur quoi la dame marquife de Cabris a dit qu’il ne s'agit pas ici
d ’un aceufé , mais des réponfes à prêter en matiere civile , qu’elle
ni M c Seytre , procureur du fieur marquis de Cabris 11’entendent pas
prêter des réponfes pour lu i, mais qu’il y auroit de la dureté de les
obliger à vider ledit appartement j qu’en bonne règle s’agiflànt de
conftater 1 état permanent d’un citoyen , fon interrogatoire pourroit
Sc devroit être public : telles font les réglés ; 8c ç’eit ainfi qu’on l’a
décidé à la dame marquife de Cabris , qui requiert le déboiitement
�i <;i
delà rcquifition faite par M e A lziary, à quoi elle a conclu, M c Seytre
ayant figné, Indice dame ayant déclaré ne vouloir figner , de ce enquife.
Me Alziary a dit qu’ il ne faut rien de plus que les efforts de la dame
de Cabris 6• de Me Seytre , pour nous convaincre que leur prefence à
l ’ interrogatoire dont il s ’agit, ne pourroit qu’être nuif i l l e , s ’ilja u t en
fu s confulter les réglés , au lieu qu elles foient telles que la dame de
Cabris les expofe , chacun fait que lorfqu’il n ejl même quefiion que des
réponfes cathégoriques à prêter auffi en matière toute civile, celui qui
ejl interrogé ejl toujours fe u l à les prêter, il y auroit même d’inconvé
nient qu’ il put y avoir des confeils qui puffent influer en quelque maniéré
aux réponfes à prêter. A u jurplus Me Alziary oljcrve qu’ il defremit
fo rt que les réglés & les devoirs defon état ne lui impofajjent la ncccfjué
de perffler a la réquifltion par lui ci-devant fa ite, & <1 laquelle il requiert
qu’ il fo itfa it droit , & afigné.
Sur quoi la dame marquife de Cabris a dit que fi elle perfide de
refter dans ledit appartement , ce n’eit ni pour répondre , ni pour
inlinuer des réponfes à fon m ari; il n’a befoin ni de fon fecours ni
de celui d ’un confeil pour les prêter ; mais ayant été hier à la cam
pagne & étant fatigue, nous voyons qu’il foufFre des douleurs , & il
peut a vo ir befoin à tout inftant de fes foins , requérant de nouveau le
déboutement de la rcquifition de M e Alziary , M e Seytre a figné , la
dite dame ne voulant figner , de ce requife.
M e de M artigny , Procureur du R o i , n’empêche qu’il foit enjoint
aux procureurs refpeûifs des Parties de vider l’appartement, & ne
trouvant nul inconvénient que la dame marquife de Cabris y refte,
pour erre plus à portée de faire exécuter les ordres de fon mari ; il
eftime qu’elle peut y demeurer , délibéré , Scc.
V u la rcquifition & dire ci-deiTus, tk les conclufions du Procu
reur du R o i , nousdit Lieutenant avons ordonné que la dame de
Cabris , de même que les procureurs des Parties relieront dans ledit
appartement , ôc q u il fera par nous tout prefentement proccde a
l ’iirerrogatoire dont il s’agit. Fait à Cabris dans le château feigneurial
led it jour i i Novembre 1 7 7 7 , f i gné F l o i u s .
�is*
Enfuite de quoi nous aurions fait prêter le ferment à M c Antoine
Ifnard , Dodteur en médecine , 8c ail fieur Louis-Elzear L am b ert,
Maître en chirurgie , 3 e bien & fidellement gérer au fait de leur coin“
miilion , &c aurions procédé à l’interrogatoire dudit fieur de Clapiers
en leur préfence & en' celle du procureur du R o i , 8c conftitue le
dit , & c. Interrogé fur le contenu, &c.
Interrogé de fon nom , fur nom, âge , qualité & demeure :
A répondu qu’il s’appelle Jean-Paul de Clapiers de Cabris , âgé
de vingt-fept ans , rcfidant ordinairement à fon prcfent château ; ¿5C
par intervalle à Grafle.
Interrogé s’ il a été malade , & s’ il l ’ejî encore :
Ledit, iieur de Cabris nous auroit obfervé qu’avant de répondre,
il étoit bien aife de nous dire qu’il étoit fâché de fe préfenter à nous
en robe de cham bre, mais que fon état de maladie où il fe trouve,
ne lui avoit pas permis de s’habiller, attendu qu’il eft attaqué d’une
maladie de nerfs qui lui fait fouiFrir des douleurs aiguës , ajoutanc
que la maladie de nerfs dont il eft attaqué, ne produit en lui que
des effets phyfiques, 8c répondant à l’interrogat que nous lui avons
f a i t , a dit que la folution de la demande précédente fe trouve dans
la réponfe ci-deifus a jo u ta n t que la maladie des nerfs dont il a été,
&: eft encore affe£té , n’attaque que fon corps , 8c n’a aucune correfpondance à fon cfp rit, 8c par conféquent ne peur le léfer fur
l’affaire qu’on lui a intentée , 8c dont il eft inftruit, & pour laquelle
nous avons accédé.
'
Interrogé pourquoi depuis environ trois mois il efl par intervalle plongé
dans la. trifiefje :
A répondu que la maladie de nerfs dont il eft attaqué, & qui re
double dans ce moment des impreiTions vives 8c douloureufes fur
fon corps , ne lui permettent pas de répondre en détail à toutes les de
mandes que nous pourrons lui fa ire , 8c que la juftice eft en droit
de lui faire . ma;s qu’il peut dire généralement qu’inftruit que fa
niere abufte par ¿ QS efprits qui fans doute ont altéré les fentimens
maternels qu’elle lui avoit toujours tém oignés, 8c qu’elle lui a intenté
une procédure en dém ence, qui n’a Çc ne peut ¿voir aucun m o t i f
légitime
�*5?
légitime } mais qu’il eft bien aifurc , foit dans fo:i. domeftique , foie
!ci dans ion village, où la liberté de la campagne permet de fe tenir
d’une manière moins décente qu’à la v ille , foie à G raife, où il fe
trouve de tems à autre aux promenades publiques , dans les converfations privées avec fes parens, fes amis , &c fes gens d’affaires, qu’il n’a
proféré, ni dit aucun mot qui puiiTe donner-fujet à des interprétations
fauiTes , contraires à la raifon & au bon fens , & encore moins laiiTc
échapper des lignes vifibles de démence, ni fait aucune ad^ion dire£te
ou indirecte qui pourroit venir à l’appui de ces figues, y mettre le fçeau
par un ufage continuel & journalier.
E t tomme nous allions faire un troijîeme inerrognt, l e r é p o n d a n t
n o u s a u r o i t d i t que dans le moment fa maladie dont iL n o u s a
parlé ci-deiTus , lui fait fouffrir les douleurs les plus aiguës Sc les plus
doulourenfes qui ne lui permettent pas de répondre davantage aux
interrogats que nous pourrions lui faire ; & comme en tout état de
caufe un accufé cft lib re , même en matiere criminelle , ce qui eft
d’une confcquence encore plus elTentielle, que dan« une affaire civile
de fe laiiTec faire fon procès comme fourd & muet volontaire, à plus
forte raifon qu’il peut requérir le Juge de prononcer fon jugem ent,
d ’après une ou plufieurs réponfes limitées pour un citoyen prévenu
en ju ftice, fur-tout quand ce même citoyen eft sûr d’avoir énoncé
tout ce qu’il croit néceiTaire pour fa 'juftification authentique & com plette.
Nous lui aurions repréfenté que nous ne procédons au préfent interro
gatoire que pour conjlater l'état de fon èfprit, nous ne pouvions nous
difpenfer de faire encore d’autres interrogats , qu’attendu l’ état ou il
f e trouve, nous ayant obfervé qu’ il foujfroit beaucoup, nous aurions
renvoyé la. continuation du prefent interrogatoire à trois heures de re
levée.
Le£ture fa ite , & c.
Et advenue ladite heure , & c.
Interrogé pourquoi à la fin du mois de Septembre dernier étant nta-^
lade , il a reftépendant trois jours fans prendre de nourriture :
A répondu qu’il fe référé à fes précédentes réponfes.
. Y
�154
Interrogé pourquoi il refufoit tous les alimens qu'on lui préfentoit , &
qui auraient pu le foulager dans fa maladie :
A répondu qu’il fe rcfere à fes précédentes réponfes.
Interrogé pourquoi le 23 Septembre dernier, étant detenu malade, dans
fon l i t , il refufi de prendre un bouillon , quelques inflances quon lui
f 'U '
,
A répondu qu’il fe référé à fes précédentes réponfes.
Interrogé pourquoi, quand on le preffoit de prendre de la nourriture , il
la refufoit en difant & répétant, mon D ie u , anéaniijj'c^ moi :
A répondu qu’il fe référé à fes précédentes-réponfes.
Interroge pourquoi environ depuis trois mois il s'emporte quelquefois
contre les perfonnes qui s’ approchent de lui :
A té p o n d u qu’il fe référé à fes précédentes réponfes.
Interrogé s’ il n'efl pas vrai que vers la fin du mois de Septembre der
nier il fe feroit je té par la fenêtre , f l on ne l’ avoic retenu :
A répondu qu’il fe référé à fes précédentes réponfes.
Nous lui aurions repréferué que fon refus de répondre précifîment aux
interrogats que nous lui faifons , pourroit ctre regardé comme un aveu ,
nous l’ interpellons de répondre plus précifément.
A encore répondu qu’il fe référé à fes précédentes réponfes.
Interrogé pourquoi il dit , ayant de me jeter par la jenctre , je veux
tuer mon époufe :
A répondu que l’interrogat que nous venons de lui faire eft faux.
Interrogé pourquoi le même foir il vouloit lancer un fauteuil contre la
dame de Cabris , fon époufe, f i on ne le lui eût ôté:
A répondu que cela eft faux.
Interrogé pourquoi il en lança tout de fuite un fécond contre tous ceux
qui étoient préfens :
A répondu qu’il fe rcfere a fes- précédentes réponfes :
Interrogé pourquoi il vouloit fe renfermer dans la prifon :
'*
A répondu qu’il fe référé à fes précédentes réponfes.
Interrogé pourquoi avant de s ’y renfermer, .cl demandoit que l ’on y
ùrulut de l'encens :
A répondu qu’il fe référé à fes précédentes réponfes.
�JÎ5
Interrogé s’ il efl vrai que dans le commencement du mois de Septembre
dernier il a maltraitéfa fille :
A répondu que cela efl: faux.
Interrogé pourquoi deux jours après , fe chauffant à la cuifine, comme
fa fille entroit, il lui donna un coup de pied :
A répondu que cela eft faux.
Interrogé pourquoi le fo ir du i l Septembre dernier, il fe donna un
coup de coâieau :
A répondu que cela eft faux.
Interpellé de nous dire f i la ble(fure étoit confidérable ;
A répondu fe réferer à fes précédentes réponfes.
Nous lui aurions repréfenté qu’ il devoit avoir une: p laie, & que celte
plaie devoit être profonde, puifqu’ il en découla environ quatre livres defang.
A dit qu’il n’a rien à répondre à cet interrogat, non plus qu a ceux
que nous pourrions encore lui faire , & que s’il a répondu jufqu’à
prefenr , ce n’a été que pour montrer une plus grande déférence à la
ju ftice, Sc qu’il demande la permiifion d’aller fe coucher.
Interrogé pourquoi le 1 8 Octobre dernier il fe donna encore deux coups
de couteau fur les fauffes cotes :
N ’a voulu répondre.
Interrogé s’ il y a environ trois mois , & dans dijférens tems , il
a.
je té par la fenêtre une dame - jeanne de vin , de l ’ argent, une montre ,
& un chien :
N ’a voulu répondre.
Interroge s’ il ejl vrai que dans le courant de l ’ été dernier il brûla quan
tité de livres excellens , & des papiers précieux ;
N ’a rien répondu.
Interrogé s’il croit être guéri des coups de couteau qu’il s ’ étoit donnés ;
N ’a rien répondu.
interrogé f i dans ce moment il foujfre beaucoup :
N ’a rien répondu :
Interrogé s'il ne feroit pas bien aife que
Lambert, chirurgien, lui tâtajfent le poulx :
A répondu que non.
Ifnard , médecin , <5*
Vi)
�E t attendu qu'il ne nous auroit pas répondu , nous aurions abrégé &
fin i nos interrogats , & plus n’ a été interrogé.
Lecture , & c . , ôc a figné ledit Jieur de Cabris avec M . le Lieutenant
& toute fa fuite.
N °.
I n t e r r o g a t o ir e s
I
I
I.
faits d’office au Marquis de Cabris par
M . le Confeiller de Saint - M a r c , à la réquifition du
Marquis de C a b ris, dans une feule féance d’environ
'
deux heures & demie.
S A V O I R F A t SO
n s
nous Philippe de Meyronnet, Chevalier, Sei
gneur du Prignon , Confeiller du Roi en la Çour de Parlement de ce
pays de Provence fia n t à A ix , Commijfaire en cette partie député, que
ce jourd’hui 18 Février 1778 , à dix heures du matin, & dans le Pa
lais , fcroit comparu M e Jean-Louis Court le jeune , procureur en ladite
Cour , intervenant pour Meffire Jean-Paul de Clapiers de GraJJ'e, Sei
gneur , Marquis du lieu de Cabris & autres lieu x, qui nous a dit que
par decret de la Cour du neuf du courant, nous aurions été commis pour
interroger ledit ficur de Clapiers fu r tels faits & articles que nous trou
verons bons ; qu’enfuite de ce dire il en ejl intervenu un. fécond le qua
torze du courant , portant qu’ il fera par noui accédé , préfent M . le
•Procureur Général du R o i , dans Îappartement que ledit fleur de Cla
piers de Cabris occupe en cette ville , en la rue du St. Ffprit , pour
l ’interroger & prendre fe s réponfes ordonnées par ledit decret du neuf
'du courant, & que le jour d’ hier, au bas d’ un comparant à nous prefenté par ledit M e Court le jeune , nous avons rendu une ordonnance
par laquelle nous avons affigné à ce jourd’hui à dix heures du matin ,
l ' accédit ordonné par le decret du quatorze du courant ; & d’ autant auc
T heure de l’ affignation par nous donnée fe trouve txpirce , ledit M c Cburt
le jeune audit nom nous prie & requiert d ’accéder tout préfenterrient
dans ¡ ’appartement que ledit fleur de Clapiers occupe dans la maifon du
�»57
fitur Theyenin, à la rue du St. E/prit, en conformité des fufd-its decrets,
&
à
ce il a conclu & a fig n é ; figné C o u r t le jeune à l’original.
A laquelle réquijition adhérant, nousdit Confeiller & Commiffaire
aurions tout de fuite , en compagnie de M c Jean-François Dcymard de
Mans , Avocat Général, M c Jean-JoJ'eph Aymard ,• Greffier commis au
Greffe de la Cour, précédés de M c Antoine Gmjfan , Huiffter, aecédé
à ladite maifon du ficur Thevenin , fituée à la rue du St. E fp rit, où
étant, ferions montés au premier étage de ladite maifon , & entrés dans
les apparlemens occupés par ledit fieur de Clapierr fur le devant de la
dite maifon , où nous aurions trouvé ce dernier s lequel, moyennant
ferment :
Interrogé de fon nom , furnom , âge, qualité & demetire ;
A répondu s’appeler Jean-Paûl de Clapiers de C a b ris, gentil
homme âgé de v in g t-fep t ans , rélîdant tantôt dans fon château de
C a b ris, tantôt dans la ville de Gratte , qui n’eft diilante du lieu de
Cabris que d’une heure de Chem in.
Interrogé s’ il fa it pourquoi & à la requête de qui nous avons accède
dans la maifon qu’ il occupe acluellement ;
A répondu que c'eft au fujet d’nne affaire qui lui a été intentée
par la d am e de Cabris fa mere , au fujet d’une prétendue démence
dont elle l’accufe , ce qui a donné lieu à ce qu’il eft venu en cette
ville pour faire cefTer la procédure prife à ce fu je t , & enftiire de
la demande que le répondant a fa ite , & qu’il lui a été accordé que
nous accéderions dans la niaifon qu’il habite préfentement , pour y
recevoir fes réponfes , attendu fes incommodités-, & nous a déclaré
que la requête fur laquelle eft: intervenu ledit decrer, a été préfemée
en fon nom.
Interrogé s’ il fouffre acluellement de grandes douleurs de nerfs ;
N
A répondu que ou i, mais qu’elles ne font pas affez e'xceifives pour
l’empccher de répondre aux demandes que nous lui ferons.
Interrogé depuis quand a commencé la maladie' dont il eft atteint ;
A répondu que fa maladie eft une maladie de nerfs qui ne peut
Être relative, ni lui porter coup fur 1affaire prefente , Sc quelle a
commencé depuis environ fix ou huit mois.
�M?
(
Interroge s’il n a pas éprouvé quelque grand chagrin qui puijje avoir
occasionnéf i maladie ;
A répondu qu’il n’a jamais eiïuyé d’autres chagrins que ceux aux
quels le commun des hommes eit expofé , & qui ayent été aflez
violens pour le jeter dans l’état de démence qu’on lui reproche, &
qu’il déiavoue.
Interrogé f i depuis l ’ époque qu’ il vient de donner au commencement de
fa maladie , i l a toujours j o u i de la liberté d’efpnt néceQuire pour vaquer
par lui-mcme au régime de fes affaires ÿ
A répondu que oui.
Interrogé s’il n’a pas fa it une procuration le deux Septembre dernier ,
pour prépojer quelqu’ un à la conduite de fes affaires ;
A répondu qu’il Te rappelle d’avoir fait une procuration de cette
nature , mais qu’il ne fauroit fe rappeler précifément le tems qu’il
l’a faite.
Interrogé s’ il f i rappelle quelle ejl la perfonne en faveur de laquelle
il a fait cette procuration,
A répondu que c’eft en faveur de M e Seytre, procureur au Siège
de GraiTe.
Interrogé s ’ il fe fouvient d’avoir fait d’autres procurations , & à
quelles époques ;
A répondu qu’il fe rappelle d’avoir fait une autre procuration auflî
générale que la précédente , en faveur de la dame de Cabris , fon
époufe , & ' fur laquelle elle devoit fe concerter à l’amiable avec
U d itM e Seytre , à cette fin que la dernière eût l ’effet d’annuller celle
laite en faveur de M c Seytre.
Interrogé s’ il fe rappelle quels étaient les pouvoirs qu’ il donnoit aux
perfonnes à qui il confioit leflites procurations ;
A répondu que fe trouvant en cette v ille , & étant dans l’intention
d aller voyager dans les pays étrangers, il y fie une procuration en
faveur dudit M c Seytre , qui lui donnoit pouvoir d ’adminiftrer les
biens du répondant pendant fon abfen ce, d’affermer les terres en
cas d’expiration des précédens baux, d’emprunter pour faire face aux
dépenfes courantes 8c néceiTaires pour l’exploitation de fes b ien s,
�159
& les autres pouvoirs qu’une procuration aiTez ¿rendue peut con
tenir.
Interrogé .quels étoicnt les pouvoirs contenus dans la procuration faite
en faveur de la dame de Cabris , fon époufe ;
A répondu que c’étoient les mêmes pouvoirs contenns dans la pro
curation faite au iïeur Seytre.
Interrogé f i , lorfquil étoit dans le defftin d’aller voyager dans les
pays étrangers , il comptait de faire fe s voyages avec la dame de Cabris ,
fo n époufe ;
A répondu que non , la dame de Cabris fe trouvant alors i Paris.
Interrogéf i , lo rf qu’ il fit fa procuration en faveur Je la dame de Cabris
il avoit encore le dejfein de voyager dans les pays étrangers , & f i ladite
dame étoit alors de retour en Provence ;
A répondu que ladite dame fon époufe étoit en effet revenue en
Provence à cette époque , & qu’il étoit encore alors dans le dciTem
de voyager dans les pays étrangers, projet que des affaires qui lui font
iurvemies , ont empêché d’exécuter.
Interrogé quelles font les affaires qui l ’ont empêché d’exécuter fon
projet de voyage ;
A répondu que ce font des réparations qu’il avoit à faire à Cabris ,
8c l’affaire aétuelle qui lui eft furvenus.
Interrogé s ’ il ne poffede pas une belle maifon à Graffe ;
A répondu 8c accordé , difant qu’il l’a fait bâtir à neuf.
Interrogé f i cette maifon efi richement meublée ;
A répondu & accordé , difant qu’il a tâché d ’aiTortir les meublçs à
la maifon qu’il a fait construire.
I
Interrogé s 'il a dépenfé des Jommes confidérables tant pour la conftruclien de fa maifon que pour fon ameublement •
A répondu qu’en effet il y a fait des dçpenfes confidérables, & plus
fortes qu’il fe 1 etoit d abord propofe , qu il avoit d’abord voulu bâtir
une maifon plus petite & dans un autre lieu que celui où il bâtit de
puis , mais que des perfonnes lui ayant confeillé de bâtir fa m a i f o n
dans un terrein plus étendu, cela l’engagea à conftruite une plus grande
m aifon, & ayec plus de dépenfe que n’en font les gens ordinaires.
�1IjO
Interrogé f i les ameublement qu'il fit à fa maifion, s ’y trouvent ac
tuellement ;
A répondu que o u i, à l’exception de quelques-uns que madamo
fon époufe a fait porter au château de Cabris.
Interrogé f i le château de Çabris n’ ejl pas auffi bien meublé ;
A répondu & accordé, difant qu’il ne fait pas pourquoi la dame
fon époufe y a fait rranfporcer les fufdits meubles, qu’il préfume pour
tant que ç’a été pour les placer dans fon appartement.
Interrogé s’ il a beaucoup de vaiffèlle d’ argent ;
A répondu qu’il n’a que des cuilliers & .fourchettes.
Interrogé s ’ il n’ a pas pojfédé beaucoup plus de la vaiffèlle , & notam
ment de la vaiffèlle plate :
A répondu & accordé, difant qu’il a été obligé de la vendre pour
des affaires qui lui étoient furvenues.
Interrogé s’ il fe rappelle qu elles étoient les affaires qui Vobligèrent
à vendre f a vaiffèlle.
A repondu qu’il croit fe rappeler que c’étoit pour acquitter des
comptes à des marchand.
Interrogé s 'il n’ a pas dans fon château de Cabris une bille bibliothèque
& un recueil d’ ejlampes conjîdérable ;
A répondu qu’il eft vrai qu’il a une collection de livres 8c une
cinquantaine d’eftampes, qu’on ne peut pas appeler fa colledtion de
livres une bibliothèque , puifqu’elle ne lui a coûté qu’une douzaine
de mille francs, y compris le prix des eftampes.
Interrogé s’ il ne lui ejl pas arrivé de mutiler des livres , & à3en dé~
chirer beaucoup de feuillets ;
A répondu Sc dénié.
Interrogé s’ il n a pas également déchiré des eflampes ;
A répondu & dénié.
L ’ avons interpellé de tâcher de rappeler q u i l a en effet déchiré des
livres & des eflampes , s’il n'a pas été porté à ce fa it par quelque ferupulc de confidence & par une ferveur de dévotion ;
A répondu qu’il ne fe rappelle de rien de pareil.
!
Interrogé f i fia maladie & les douleurs quelle lui caufie, ne l’ ont pas
je té
�rtfi
Jeté quelquefois dans un état de tri/lefje & de profonde mélancolie ;
A répondu qu’il eft vrai que Ton naturel eft trifte & mélancolique,
mais que la ma l a d i e de nerfs dont il eft atteint, ne l’a jamais jeté
dans des états pareils à ceux fur lefquels nous venons de l’interroger.
Interrogé f i les fouffrances ne lui ont jamais infpiré du dégoût pour,
la vie ;
A répondu 8c dénié.
Interrogé f i dans ces momtns de foujfrance il ne lui efi pas arrivé de
fe porter à des extrémités fur fa perfonne , & de fe faire des bleffures ;
A répondu & dénié.
Interrogé f i dans cet état - là i t n’ a pas refufé des fecours quon a
voulu lui donner, & notamment la dame fa mere , qui avoit été appelée
au château de Cabris à cette occafîon
A répondu & dénié.
Interrogéft dans de pareils momens il nt s'efi pas porté aufji à de*
extrémités contre la dame fon zpoufe j
A répondu 8c dénié.
Interrogéfi la même chofe ne lui efi pas arrivée vis-à-vis la demoifellc
f a fille ;
A répondu & nié.
Interrogé s ’ il n’ a pas je té fa montre d’or & fon argent par la fe-t
nétre ;
A répondu : non jamais.
Interrogé s ’ il craint beaucoup le chaud ;
A répondu, beaucoup plus que le froid.
Interrogéf i , pour fe garantir du chaud, il tu. s efi pas promene quel»
quefois en chemife dans la campagne ;
A répondu qu’il prend la liberté, quand il fe trouve à la campagne,
de s’y promener en robe de chambre , pour avoir moins de ch aud,
mais qu’il ne s’y eft jamais promené en chemife.
Interrogé quelles fon t fes occupations & fe s amufemens, foit à la
ville , fo it à la campagne ;
A répondu que c’eft principalement la le&ure qui l’occupe , &
qui l’amufe,
�\6l
' interrogéfi, lorfqu’il eft à Grajfe, il ne fréquente pas les compagnies;
A répondu 8c accordé.
Interroge s 'il n a pas fa it des emprunts confidérables ;
A répondu qu’il a deux dettes principales de dix mille écus chacune
envers deux particuliers de Gratte.
Interrogé s’ il n’ a pas aliéné de biens fonds & des capitaux ;
A répondu qu’il eft vrai qu’il a aliéné des-capitaux pour fournir
i la dépenfe de la conftruârion de fa maifon , mais qu’il n’a point
aliéné des fonds.
Interrogé f i les douleurs q u i l fouffre augmentent ou diminuent en
tertaines périodes ;
A répondu que fes douleurs font fi grandes , qu’elles ne fauroient
augmenter davantage, qu’elles font continues depuis quelque teins ,
& n’augmentent ni diminuent en certaines périodes.
' Interrogé f i dans le mois de Septembre dernier il n’ a pas eu des
attaques de douleurs plus violentes que celles qu’ il avoit foujfertes fc it
avant, jo it après ladite époque ;
A répondu qu’il nous a déjà dit que fa maladie a commencé de
puis iîx ou huit mois , que les douleurs qu’il éprouve n’ont jamais
difeontinué & ont toujours été plus violen tes, & qu’il ne croit pas
qu’il pût v iv re , fi elles augmenroient encore.
Interrogé f i depuis qu’ il eft atteint de la maladie dont il fe plaint ,
il n’ a pas fa it un teftament;
A répondu qu’il l ’a fait précédemment à fa maladie ,
L ’ avons interpellé de nous déclarer à quelle époque il afa itfon teftament;
A répondu qu’il ne s’en rappelle pas.
Lecture à lui faite des préfens interrogats & réponfes , il y a perfifté
& afigné: fignes C
a bris
, M
e y r o n n e t de
Saint M
arc
,
Si H ïm a r b ,
■Greffier, à l ’original.
Par extrait collationné fur l ’ original étant dans le fac de la procé
dure
criminelle
qui fe trouve riere le Greffe
criminel
de la
c °ur, expédié enfuite du decret mis au bas de la requête à elle
prefentée par
Jleur Jeun-Puul de Cabris du i 9 Février 1 7 7 S.
Signé M
a u r cj «’
�N °. 1 V .
C o p ie
du Rapport du Médecin & du Chirurgien p refais
l'interrogatoire.
a
N ous A n t o i n e I s n a r p , doéteur en médecine de la Faculté royale
de médecine de Montpellier , de cette ville de Gratte, en fuite de
l’aflignation à nous donnée par exploit du dix-neuf du préfent mois ,
fait par Laurier , huiflier ^oyal , en vertu du decret rendu par M . le
Lieutenant particulier-civil ail Siège de cette ville , à la requête de
dame Elifabeth L om bard, douairiere , marquife de C a b ris, de nous
porter le lendemain vingt du m ois, à huit heures du matin, audit lieu
de C a b ris, & dans le château de Meflire Jean-Paul de C lap iers,
marquis de C a b ris, & d la fuite dudit M . le Lieutenant, pour affifter à l’interrogatoire dudit marquis de C la p iers, & de fuite pro_
céder au rapport de l’état & fituati'on de fon e fp rit, le tout en con
formité du fufdit d é cre t, nous ferions partis de cette ville ledit
jour vingt Novem bre à huit heures ciu matin , & nous étant mis a
la fuite de M . le L ieutenant, nous nous fommes portés audit lieu
de C a b ris, où arrivés comme ledit meflire de Clapiers s’ efl trouvé
dans une campagne , & que M . le Lieutenant 11’a pu procéder à fon
interrogatoire , nous aurions paiTé route la journée audit lieu de
C a b ris , pour attendre ledit meflire de Clapiers , & fur le renvoi au
lendem ain, ordonné par M . le Lieutenant, nous étant mis de nou
veau à fa fuite le vingt-un dudit mois , à huit heures du matin , nous
nous fommes de nouveau portés audit lieu de Cabris , ôc dans le
château feignetirial, où étant ledit mef l i r e de Clapiers , s’étant préfenté , & après avoir prêté ferment pardevant M . le Lieutenant , nous
aurions aiTiftc aux interrogatoires par lui fairs audit meflire de C la
piers , & de fuite nous aurions procédé au fait de notre commiifion .
Sc en conféquence , après avoir de nouveau prêté pardevant M* le
L ieutenant, nous déclarons avoir trouvé ledit meflire de C l a p i e r s ,
aiiifi qu’à lajcance du matin & de l’après-dîner, en robe de chambre,
X ij
�-ï <Î4
avCc une barbe aiTe;î longue & en bonnet de n u it, d’une contenance
timide & jorcie , ayant l’ air trijîe, occupé, mcditatij, les yeux (om
bres '■
) ion poulx que nous avons tâté , quoiqu’il eût déjà refufé de
le laiiïer tarer, 6c bien examiné , nous a paru lent , petit & inter
mittent-, enfuitc nous lui aurions fait diverfes demandes fur les diverfes fondions de fon corps & de fon e fp rit, auxquelles il n’auroïc
pas voulu répondre, 8c nous auroit quittés pour aller s’aiTeoir à l’autre
extrémité de l'appartement, où nous étant avancés , & lui ayant de
nouveau réitéré nos queftions , & en diverfes fo is , tout ce que nous
aurions pu favoir auroit confifté en ce qu’il nous auroit dit avoir
des douleurs dans différentes parties de fon co rp s, n avoir qu un fom~
meïl déj'agrèable & interrompu par des fonges affreux, ce qu’il nous
auroit dit après bien des demandes. Nous aurions de plus obfervé
lors de l’interrogatoire du matin , des tremblemens aux extrémités
inférieures \ du refte , le tempérament de melfire de Clapiers nous
a paru être mélancolique , & fes affeétions hypocondriaques , 8c
pour ce qui eft de l’état &: iituation de fon efprit , après avoir
€or.fidcré d’un côté les divers fymptômes dont a été attaqué ledit
meilîre de C la p iers, & dont nous avons eu connoiiTance lors des
interrogats faits par M . le L ieutenant, & de l’autre fes réponfes
tant à M . le Lieutenant qu’à nous , fon état aftuel ôc fon tempé
rament particulier , nous craindrions dans l’état d’en porter un juge
ment trop précipitéy les deux fcances faites auprès de meilîre de C la
piers } n’étant pas fuffifantes pour nous initruire du véritable Ôc conf
iant état de l'on.efprit, pouvant être fufceptible de bien des im preflïons , déclarant avoir vaqué quatre jours , fa vo ir, deux jours à
la fuite de M . le L ieuten an t, & deux jours ou à conférer avec le
fieur Lambert , chirurgien , qui a été d’un avis différent , ou à
ta rédaétion du préfent rapport que nous avons fait 8c figne à
GrafTe le ¿8 Novembre 17 7 7 . Signé I s n a r d , m édecin, à l’ori
ginal.
�x'tfj
C o p ie
S avoir
faison s,
du Rapport du Chirurgien.
nous Louis - Elzear Lam bert, m ante en chi
rurgie de cette ville de G rafle , Chevalier de l’ordre de l’Eperon d ’or,
C om te Palatin , qu’enfiiite de l’aflignation à nous donnée par exploit
du 19 du préfent mois , fait par Lamier , huiilier ro y a l, en vertu du
decret rendu par M . le Lieutenant particulier-civil au Siege do la
ville de G rafle , à la requête de dame Elizabeth de Lombard , douai
rière , marquife der C ab ris, de nous porter le lendemain vingt dudic
mois , à huit heures du matin audit lieu de C a b ris, & dans le châ
teau de meflîre Jean-Paul de C lap iers, marquis du même lieu , Sc
à la fuite de M . le Lieutenant, pour aflîfter à l’interrogatoire dudit
meflîre de Clapiers , & ‘ de fuite procéder an rapport de lctat Sc
iituation de fon .efprit, le tout en conformité du fufdic decret, nous
ferions partis de cette ville ledit jour vingt N ovem bre, à huit heures
du matin , en compagnie de M e Antoine Ifnard , docteur en mé
decine de cette v iile , qui nous a,,dit avoir été,.pareillement ailignc
pour le même fujec , & nous étant mis à la fuite de M . le lieu
tenant , nous nous fournies portés audit lieu de Cabris , où arrivés ,
comme lec^jt meflîre de Clapiers s’eit trouvé dans ur.e campagne ,
& que M . le Lieutenant n’a pu procéder à fon interrogatoire , nous
aurions paflc toute la journée audit lieu de Cabris pour attendre ledit
mellire 4^ Clapiers , & fur le renvoi au lendem ain, ordonné par
M . le Lieutenant , nous étant mis de nouveau à fa fuite le vingtun dudit m ois, à huit heures du matin , nous nous femmes de nouycaii portés audic lieu de Cabris , & dans le château feigneurial, où
étant, nous avons prêté le ferment pardevant M . le Lieutenant, &
ledit meflîre de Clapiers s’étant préfenté, nous avons aflifté , ainii
que ledit M c Ifnard , dofteur en médecine , aux interrogats faits
par M . le lieutenant audic meflîre de Clapiers , & aux réponfes
prêtées par ce dernier , durant lefquelles nous avons obfervé atten
tivement la contenance dudit meilîre de Clapiers , & o bfervé qu’ il
f e plaignou de douleurs, 8c après les interrogats & réponfes , nous
�Iiîfi
avons , conjointement avec ledit M c Ifnard , taté le pouls audit
mellire de Clapiers , examine fa phifionomie t Tes yeux &: fa con
tenance , & l’ayant interroge de fa maladie & ce qu’il reiTentoit , il
nous auroit répondu qu'il ¿toit travaillé de douleurs aiguës } après quoi
nous nous iomvnes retirés avec ledit M e Ifnard , 8c nous avons eû
une conférence fecrette & arbitrale fur tout ce que nous avons re
marqué en la perfonne dudit meilîre de Clapiers , ayant déterminé
de nous aifembler en cette ville pour conférer de nouveau 8c pour
dreiïer notre rapport le furlendemain , 8c en conféquence nous étant
aiTemblés avec ledit M e Ifnard le jour ailïgné chez nous Lambert ,
après une longue conférence fur l’état 8c fituation ’de l’efprit dudit
meflire de Clapiers , nous étant trouvés contrains en opinions , nous
aurions déterminé de nous aiTembler de nouveau le vingt-quatre pour
dreffer notre rapport dans un même cahier où chacun de nous en
particulier donnerait fon opinion ; 8c comme ledit M e Ifn ard , qui
refide à Tournon, ne.s’eft point rendu en cette ville ledit jour vingrquatre chez nous L am bert, comme nous l’avions arrêté , nous Lam
bert aurions écrit une lettre"audit M c Ifnard le vingt-cinq du cou
rant , pour le prier de fe rendre en cette ville à l’effet de notre rap
port , à laquelle lettre ledit M e Ifnard auroit répondu par la fienne
du même jour , laquelle lettre renferme un refus de ftt part dudi*t
M c Ifnard de fe joindre à nousdit Lambert pour la redadtion du
rapport dont s’a g it, ce qui eft caufe que nous avons dreifé notre
préfent rapport , & donnant notre avis fur l’objet de notre coinmillion , nous déclarons 8c eftimons avoir touché le pouls de meilue
Jean Paul de Clapiers , marquis de C a b r is , que nous avons trouve
exempt de fièvre, les pulfations-étant égales, fans la moindre fré
quence , les yeux du fieur Marquis nous ont paru tranquilles , 8c fi
par fois nous y avons obfervé quelques clignotemens , nous ne les
rapportons qu’à fa vue miope ; il s’eft plaint à nous qu’il c p r o u Y o i t
des douleurs dans différentes parties de fon corps qui nous ont paru
dépendre d’une fenfibilité ou irritabilité de fes nerfs , & après avoir
entendu fes reponfes par lui faites à M . le Lieutenant particulier-1
c i v i l, 8c i celles qu’il nous a faites à nous-m êm es, nous eftimons
�i<?7 ;
que ;ledit nieffire d£ Clapiers cfl: d’un tempérament m élancolique,
niais qu’ il n’y a en lui aucun égarement d’tfprit , & qu’il jouit d’une,
faine raifon, 8c auquel nous avons vaqué trois jours & d e m i, favoir , deux jours à Cabris , à la fuite de M . le Lieutenant
Sc un
jour & demi ûn cette ville pour l’adrelTe & mis au n e t , Sc renvoyé la
taxe , nos honoraires à M . le Lieutenant. Fait & achevé à GraiTe le
z 6 Novembre 1777 , Jîgne L a m b e r t , maître Chirurgien.
N°
V.
M^PAJÎE E t TH is- CHERE M E R E ,
J e fais que vous faites continuer avec chaleur l’information que
vous avez fait prendre contre moi pour prouver l’exiftence d’un fait
qui tend à caufer ma perte , je vous prie de me faire enviiager quel
eft l’avantage que vous pourrez retirer de la reuflite entiere d’un
pareil p ro jet; ce ne feroit que par l’intérêt que vous pourriez en
retirer, que vous pouvez légitimer l’éclat que fera une p.ireille de
mande ; vous ne m acculez d’aucune dillipation dans mes biens ,
Vous ne pourriez même intenter aucune a&ion valable là -d e ilu s ,
vous fondez vos raifons fur une démence prétendue de ma part ;
je vous demande quels font les griefs qui peuvent m’avoir attiré
cet outrage d ’une m e r e , car jamais vous ne pouvez être exeufée
en public , à moins que vous n’ayez des plaintes ulterieures qui
co lo ren t cette démarche , je vous fupplie , en qualité de fils , d’ar
rêter les procédures, & de me promettre même que tout ce qui a
cté fait n’aura plus de fuite , j’attends cette grâce ; vous favez que je
11e vous en ai jamais beaucoup dem ande, cela me rend bien plus
confiant ; fi vous defirez de me voir a GraiTe , & que cette e n t r e v u e
pnilïe m’être favorable., 8c que vous ayez de plus befoin d’un ex
plication avec moi } je m y rendrai , je me repofç aifez fur vos
�1(58
fentimens j poûr n’en fortir qu’avec une promeife que tout ce qui
s’eft paiTé n’aura plus de fuite.
J ’ai l’honneur d’ctre , M adame , ma très-chcre m e re ,
avec refpe£t,
.
Votre très-humble &c obéiflant ferviteuç
;
& fils,
Lundi matin.
C ab ris.
r
Je vous prie de me faire l’honneur de me répondre.
A u dos ejl écrit:
A M adam e,
M adame la M arquife de C a b ris, douairiere.'
A GraiTe.
A Cabris 4 Décembre 1777Î
M adam e ma
chere
m ere
J
V o i c i bientôt le tems où l’on doit juger l’affaire que vous m’aveS
fufeitée ; comme je ferois fâché que l’on pût m’oppofer de n’avoir
pas fait toutes les démarches indifpenfables dans une occafion pa
reille , & qui peuvent me procurer un fucccs heureux ( ce fuccès, je
ne l’attends que de vous) ; je me hâte de vous écrire , & de vous
demander de nouveau qui peut m’avoir attiré votre indignation; un
fils laiiTé maître de fa conduite , dans un âge ouvert à toutes les
paflions , peut avoir ilaiiTé échapper dans fa conduite des marques
inconfidérées, & c’efi: p eut-être à ce reiïentiment fecret que vous
aurez conclu une affaire pour qui la démence n’aura été que le pré
texte 8c le fujet apparent: n’y auroit-il pas moyen de recouvrer vos
bonnes grâces & votre amitié : fi vous exigiez de moi quelque répa-»
ration publique pour l’ombre d’une faute que j’ignore , 8c qui n’exifte
peut-être que dans la mauvaife foi des perfounes qui vous approchent;
communiquez-moi votre intention par un tie rs, & je m ’y foumettr^i
fans peine s au contraire , fi mon raccommodement dépend d’une
entrevue
�“ 179- -
entrevue fecrette , fixez-moi encore le jour où je puis vous voir; mais
au moins puis-je efpérer de vous une lettre qui fervira de rcp a nf e
à la mienne ; vous êtes la feüle qui pouvez arrêter la procédure , vos
bontés paflees me donnent encore de l’efpoir , ne fournirez pas au
Palais un aliment pour dévorer la fubftance de vos- biens & de ceux
de ma fille.
J ’ai l’honneur d’ê tre , madame ma chere mere , avec us
refpe&ueux Sc profond attachem ent,
Votre très-humble & obéiiTant ferviteur }i/ig72e C a b r ls ;
Au dos de la lettre efl écrit :
A M adam e,
Madame la M arquife de C a b ris, douairiere, en fon hôtel ,
A Graife,
M
adame
m a
t r
I s-
chere
m e r e
,
C ’e s t avec la plus v iv e vdouleur que je vois que vous continuez
i me marquer votre inimitié , rien ne m’en convainéb davantage que
votre filence perm anent, je me flattois pourtant que vous ne laiile—
riez pas davantage votre fils dans la disgrâce la plus cruelle, permettez
même que j ’ajoute injufte ; mais cette derniere expreflion ne peut
s’attribuer qu’aux perfonnes qui vous ont donné des imprelîions dcfavantageufes fur mon compte \ voici bientôt peut-être le terme de
mon procès, ne feroit-il pas poflible d’éviter d’en venir à une conclufion définitive j
fi je ne craignois que ma préfence ne vous
infpirât du trouble & de l’indignation , malgré mes infirmités & mes
douloureufes fituations, je me traînerois jufqu’à Gratte j comment
hafarder une pareille démarche , après un filence aux deux lettres que
j ’ai eu l’honneur de vous écrire , je ne défeipere rien encore , 8c
je me flatte que vous donnerez cours à.vos bontés, après me les
avoir retirées un fi long efpace de tems : je defirerois b ie a que cette
lettre ne fût qu’un acheminement pour obtenir une entrevue de
y
�\J0
votre part ; & je ferois trop heureux qu’un feul m ot que vous me
feriez dire de vive v o ix , pût vous épargner la peine de m’ccrire \
comme je fuis prefle par mes peines douloureufes, fouffrez que je
n’ajoute rien à ma lettre.
Je fuis avec un trcs-profond refpeft ,
M adame ma chere m ere,
V otre très-hum ble 2c obéiiTant ferviteur
i-
•
& fils , 7 %72e C a b r is .
E t au dos de la lettre ejl écrit ,
A M a d a m e,
M adame la M arquife de C a b ris, Douairiere , en fou hôtel y
(
A Grafle.
M A TRÈS-CHER.E MEKE
I l eft douloureux pour moi d’être inftruit que- les démarches que
vous continuez à faire pour m oter mon honneur & mon exiftence
c iv ile , fe continuent avec acharnem ent; pardonnez-moi ce m o t,
ma chere mere , j’ai eu un moment d’im patience, je l’ai é crit, &
je crains de n’avoir bleflc le refpe£t que je vous d o is: peut-être
ai-je mérité par quelque écart involontaire (m ais qui n’a point de
rapport avec l’adte que vous avez intenté contre moi ) , que vous
m Jayez retiré tous vos fentimens de mere ; Sc c’eft juftement dans
cette crainte que j’ai l’honneur de vous écrire pour obtenir votre
commifération & mériter votre pardon : je fuis ici atteint d’un prin
cipe de maux qui détruit mon corps, mon état eft a(Tez trifte , &c
p e u t, fans le fecours des fentimens de la nature , eau-fer de la pitié :
j’ai peu de forces pour marcher ; mais fi j ’étois siir que vous oublialîîez
tout en allant me jeter à vos genoux, je fortirois tel que je me
tro u ve, dès que j'aurois reçu un mot de réponfe de votre part ; je
vous la demande cette lettre que j ’arroferai de mes larmes mille
fo is , & après fa réception , je me déciderai à partir j ce n’eft pas
�17*
autant la vue du châtiment de l’interdiétion , quoiqu’on ne puiiTe pas
affe&er plus fenfiblement un citoyen , homme de condition , pere
de fa m ille , & indépendant fous ces deux titres , que la certitude
où je dois prefque être qu’il s’ofFre toujours îjioins de moyens à la
rentrée de vos grâces , fi les pourfuites fe continuent, parce que
j ’a u r o i s lieu de préfumer que vous êtes violemment prévenue contre
moi ; vous ne me refuferez pas une réponfe par le retour de la
couriere.
Je fuis , Madame ma chere m ere, avec refp eft,
V otre trcs-humble & obcilfant ferviteurK
Marquis
de
C abris.
M ercredi au foir.
Au dos de ladite lettre eji écrit,
A M adam e,
Madame la M arquife de Cabris , douairière,
A G rafle.
n
L ’an
°
y
x.
mil fept cent quatre - vingt - quatre, & le dix-huit Février,
Nous Huiflîer royal, reçu au Siege de cette ville de GraiTe , y réfident,
foulfigné , à la requête de la dame de M irabeau, dame marquife de
Cabris , avons fommé Si interpellé André Court, ancien domeftique
de M . le marquis de Cabris , de.certifier au bas du préfent, les faits
qui font de fa connoifTance depuis l’année mil fept cent feptante huit,
furies traitemens faits audit fieur marquis de C abris, & la qualité des
alimens dont on l’a nourri depuis ladite époque, & fur les foins que
l’on a çus de fa perfonne pendant le même tem s, à l’effet de quoi
lui avons baillé copie du préfent exploit parlant à fa perfonne,
trouvée cafuellement en cette ville de GraiTe.
Sur laquelle interpellation ledit André Court certifie &
attefte que
depuis l’époque que M . le marquis de Cabris a été in terd it, & que
la dame fon époufe a été feparée de lui pour relier dans un couvent j il.
Y ij
�171
a demeuré à titre de domeftique dudit feigneur marquis de Cabris J
dans fon château dudit lieu , Jufqu’au premier jour de Janvier delà
préfente année ; qu’il a vu pendant cet intervalle que ledit feigneur
marquis de Cabris étoit gouverné par le fieur A lziafy , pere , homme
d ’affaires de la damemarquife douairiere, & p ar la nommée Marianne,
fa fille de cham bre, qui commandoit tous les domeftiques ; que la
dame douairiere reftoit prefque toujours à G ra d e , & le fieur Alziary
reftoit à Cabris avec ladite Marianne , fille de chambre ; ledit Alziary
faifoir pourtant quelques abfences de quinze jours ou environ } alors
ladite Marianne étoit à Cabris pour donner les ordres &c gouverner ;
que le fieur Alziary mangeoit ordinairement à la même table de M .
le marquis , & l’un & l’autre étoient nourris des mêmes alim ens,
foit en ragoût ou rôti j que quoique madame la marquife douairiere
eût recommandé au fieur A lzia ry , de ne point donner de vin à M . le
marquis, ni du café & rarement du tabac, néanmoins il lui faifoit boire
du vin , fouvent pur , Sc lui faifoit prendre du café; il lui donnoit
aufîi du tabac j &c lorfque les domeftiques lui repréfentoient que tout
cela étoit contraire à la fan té de M . le m arquis, & aux ordres don
nées par la dame fa m ere, ledit fieur Alziary répondoit que la maladie
de M . le marquis étoit incurable , Sc que le v i n , le café & le
tabac , ne pouvoient pas lui faire plus de mal qu’il n’en a v o it, Sc le
répondant com m e les autres domeftiques s’étoi’ent apperçus que le fieur
A lzia r y , avoit toutes les complaifances pour M . le marquis , pour
le guérir de l’ averjion qu’ il avoit pour lui ; il certifie encore que pen
dant quelques années, & dans le mois d’Aoitt ledit feigneur marquis
<le Cabris, accompagné dudit fieur A lziary, & quelques autres domefti
ques , dont le répondant étoit du nom bre, a été paffer quelques jours
aux m oulins, près la riviere de Siagne , & a pris des bains dans ladite
viviere, qui lui étoient favorables pendant les cinq à fix premiers jours;
mais le fieur Alziary lui faifoit boire du vin Sc avec plus d’abondance
le fo ir , ce qui l’incom m odoit, Sc lui donnoit de fortes altérations -y
de plus-, le répondant certifie que le nommé Cavalier , donnoit à
boire de l’eau-de-vie audit feigneur m arquis, au vu & fu dudit fieur
Alziary q u i, fur les reproches que le répondant Sç les autres domef-
�17î
tiques lui fa ifo ie n t, répondoit toujourts que rien ne pouvoit augmen
ter fon mal , ni le guérir , & qu’il falloit lui donner tout ce
q u ’il
dem andoit, tant en alimens qu’en boiflon ; cependant , le répondant
rappelle que lorfque ledit feigneur marquis avoit bu une certaine
quantité de vin , ou d’eau-de-vie, & pris du café qu’on lui préparoit
fort chargé , il étoit beaucoup altéré & plus mal qu’à l’ordiuaire ;
puifque c’étoit ordinairement après ces fortes de boilfons contraires ,
que M . le marquis demandoit pendant une partie de la nuit à boire -y
le répondant certifie encore que fouvent il avoit reprcfenté auditfieur
A k ia ry , que fi madame la marquifede C abris, belle-fille, revenoit, ôc
que fon m ari, ou tout autre , lui apprît le peu d’attention qu’il avoit
dans le choix des alimens & de la boiiïon qu’on donnoit auditfeiçneur
marquis de C a b ris, elle en feroit fâchée , fur quoi ledit fieur Alziary
répondoit que cela n’arriveroit jam ais, & que fi l’on confioit la perfonne de M . le marquis à fon épo u fe, elle iroit l’enfevelir dans
quelque lieu inconnu , pour être libre de vivre à fa fantaifie ,
ayant même ajôuté bien d’autres propos, que le répondant n’ofe
expliquer i c i , & a figné à ce qu’il nous a dit. Fait p réfent, Guil
laume M aurcl, revendeur, & Jean Girard, travailleur de cette
v ille , n o s témoins fouflïgnés avec nous Huiflïer , figné A . Court,
M aurel, Girard, & Brueri , HuiJJîer ; au-deffous eft écrit,
a
G ra s s e , le
figné
J
e
C o u rt.
18
F evrier
1784 ,
reçu douze
co n trô lé
sols n eu f d e n ie rs,
/
foufligné Mathieu Pichot , ancien domejlique du château de C a
bris , certifie en faveur de la vérité , qu’il y a environ trois ou quatre
ans, & pendant le tems que je fervois en qualité de domeftique dans
Je château de Cabris, je m ’apperçus plufieurs fois qu’on faifoit prendre
du café à M . le marquis de Cabris , quoique le médecin l’eût défendu,
&c même qu’après lui avoir donné du chocolat , 011 lui faifoit encore
prendre du café un moment après ; qu’on lui donnoit fouvent du vin
à boire , & particulièrement lorfque le fieur Alziary pere , mangeoic
avec ledit feigneur marquis , à la meme tab le, & cela malgrc la
défenfe du médecin & de madame fa mere , & que j ’ai vu plufieurs
fois en ayant fait des reproches au fieur Alziary & André fon domef-
�* 7 4
tique, h certifie encore , que pendant le m êm e tems ï moniteur de
C a b ris, n’étoit point vifité par aucun médecin , n’ayant vu M . le
médecin Roflîgnol au château qu'une feule fois, Sc le fieurRaynaud,
Chirurgien , ne l’alloit voir que pour le rafer. Je certifie encore que
madame m’ayant ordonne d’accompagner moniteur fon fils aux mou
lins de Cabris , près la riviere de Siagne , où il fut pour prendre les
bains froids dans la riv ie re , accompagné encore du fieur Alziary Sc
d ’André fon domeftique 5 je vis avec fatisfaition que les bains
croient favorables à M- de Cabris , pendant les cinq ou iïx premiers
jours îk étoi.tfort tranquille, me rappelant qu’il écrivit une lettre pour
madame fa m ere, qui pour lors étoit à la ville de Graife , & dont il
me fit lire, Sc dont je me rappelle encore de quelques phrafes que voici :
ma chere mere, tranquillifez-vous fur mon fort, j e fuis fâché des peines
que je vous ai données, je me trouve beaucoup m ieux, Sc jç vousfouliaite le bon jour ; embraiTez Pauline'je vous prie , & dites lui que
je deiire la voir au plutôt.
M ais comme André &c le fieur Alziary pere, lui donnèrent à boire
du vin & fouvent, par cette raifon lui fut contraire ; une n u ir,
com m e il avoit bu une certaine quantité de vin à fon fouper, il fe
trouva fort altéré ; le (ieur Alziary Sc André le fermerent dans fa
chambre & furent fe coucher dans des appartemens éloignés de celui
de M . le marquis ; ayant demandé de l’eau Sc étant feul dans l’anti
chambre je lui en donnai une cruche , il en but plufieurs coups ;
une demi-heure après Sc vers les onze h eu res, fe trouvant encore
altéré il demanda encore de l’eau , je lui en donnai, ce qui m’en
gagea d’aller frapper à la porte du fieur Alziary , pour l’avertir de
•cc qui fe palloit & pour obliger André de fe rendre à l’antichambre
de fon maître avec moi ; le fieur Alziary ne fe remua pas du tout ;
je fus prier Sc foüiciter André avec menace d’en porter plainte à
Madame la douairiere de leurs négligences , & alors André fe rendit
avec moi , & il entra avec moi dans la chambre de fon m aître, au
quel nous donnâmes encore à boire de l’eau , Sc peu après M . le
marquis rep o faju fqu ’au lendemain vers les huit heures tranquillem en r, & pour être la vérité telle , j’ai écrit Sc figné le préfent. Signé
M , Pichot. A . Cabris. Ce 16 Février ^784.
�*75
N °.
V I I .
J e fouflîgnc Alexandre Court, Confui de la communauté de ce îieu
de C a b ris , en l'année derniere , certifie qu’après le confeil de ladite
c o m m unanté, tenu la fécondé fête de Pentecôte , & auquel j’affiitai ,
le fieur Alziary , hom me d ’affaires de madame la marquife de Cabris,
douairiere , me préfenta un certificat tout dreflé fur papier tim b ré ,
co nten an t nombre de faits que ledit fieur Alziary me follicita d ’attef-
t e r , portant entc’autres , que M . le marquis de Cabris étoit fuivi
journellement par un Chirurgien , 8c qu’un médecin de G rafle venoit
le viiïter fréquemment , qu’il mangeoit à la table de la dame fa
niere , lorfqu’elle venoit à Cabris , & que ledit fieur Alziary ne le
quittoit jam a is, & autres faits relatifs aux traitemens dudit feigneuc
marquis de Cabris. ; 8c après avoir lu ce certificat, ayant trouvé que
les faits y énoncés n’étoient pas véritables, je refufai de le figner,
malgré toutes les inftances 8c les menaces dudit fieur Alziary. Je
certifie encore que ledit feigneur marquis de Cabris , n ’avoic que
deux dcmelliques , 8c qu’il n’y en avoit jamais qu’un qui le fuivît y
ëc fouvent M . de Cabris alloic promener feul , 8c le domeftique
n ’alloit le joindre qu’un tems après, n ’ayant jamais oui-dire que
ledit feigneur marquis pendant fa maladie , ait menacé ni infulté
aucun habitant ; & enfin je certifie qu’ayant aflifté aux deux confeils
des mois de Novembre 8c Décembre d e rn ie r, dans lefquefs il fut
queftion de finir avec le fermier des moulins à huile , l’article des
dommages & intérêts auxquels il fe trouve condamné envers la
communauté , & de finir en même tems avec le feigneur de ce lieu,
l’articleconcernaiy: le-chauiïâge des chaudrons, je fus d’avis de ne finir
l e s conteftations quelorfqu’on lepourroit valablement avec M. le m ar
q u is , ou un adminiftrateur légitime , 8c parce que je fus de’ cet avis
les perfonnes qui agiiToient pour favorifer le fermier des m oulins,
&c les gens d’affaires de madame la marquife douairiere me mena-^oient de me faire enlever par la voie de retrait féodal , le bien
que j ’avois acheté du fieur Ardilfon , dans lequel il y a une récolte
�iy6
d’environ vingt-cinq moutes d’olives \ ce qu’on auroit effe&ué , à
ce que j’appris enfuite , fans la oirconftance d’une ordonnance de M M .
du Châtelet de P aris, précédé d’un arrêt du C on feil , qu’ils ont été
iignifiés
à
la communauté de ce lieu, par
lefq u e ls
l’adminiftrauon des
biens 8c revenus de M . le marquis a été ôtée à la dame fa mere ; en
foi de quoi j ’ai iîgné le préfenr. Fait à Cabris le dix-fept Février mil
fept cent quatre-vingt-quatre , figné
N °.
COURT.
V I I I .
L ’ a n m il fept cent quatre-ving-trois, 8c le feize A v r i l , nous Huit,
fier royal au Siege de la ville de GraiTe, y réfident, fouffigné \ à la
requête de dame M arie-Catherine-Louife de Riquety de Mirabeau ,
cpoufe de M eilire Jean-Paul de Clapiers , feigneur , marquis de C a
bris , 8c autres lieux , a&uellement en la ville de Paris , au couvent
de bon Secours , qui a élu domicile pour le tems de d r o it, chez nous
H uiflïcr: fur la connoiiTance que ladite dame a eu que fur les juftes
réclamations qu’elle a prifes contre l'arrêt du Parlement de Provence,
du 9 A vril 1778 , & tout ce qui l’a précédé 8c fuivi on tente de mafquer les faits relatifs à l’état affligeant dans lequel, on a réduit M. le
marquis de Cabris , fon m a ri, 8c la négligence apportée fur l’éduca
tion de mademoiselle Pauline de Cabris ; que dans ces circonftances
ladite dame 11e doit avoir recours qu’à l’univerfalité des habitans de
C a b ris, qui ont tous été témoins 8c le font encore , de la maniéré
avec laquelle on a traité M. le marquis de C a b ris, leur feigneur , 8c
on a négligé l’éducation de mademoifelle Pauline de Cabris j à ces
caufes, avons fom m é, requis 8c interpellé les fieurs M aire 8c Confuls
de Cabris , de convoquer tout incontinent 8c fans délai , le Confe
général dé la communauté , pour lui faire part dé la préfente fom mation , 8c de déclarer s’il eft v ra i, i°. que depuis que M . de Cabris
eft fous l’interdit , ils-ont jamais vu qu’il ait été vifitc 8c fuivi par
des n ié jecilis . 1 o>qu’ils n’ont jamais vu à fon fervice & près de lui
que deux payfans • jo <q U’i[s l’OI1t fouvent vu promener, fuivi par ces
deux payfans, quelquefois par pun J ’eux feulement, 8c d’autrefois par
l’agent
�Vf 7
l ’agent de madame la marquife douairiaire \ 40. que pendant I’E ré ,
on l’a vu par fois aller aux moulins de Cabris , où il reftoit avec les
deux payfans Sc les agens , fans autre compagnie ni fecours j 50. qu’ils
n’ont jamais v u , lorfque M . le marquis de Cabris promenoit ou qu’il
croit aux moulins de Cabris , qu’il ait rien fait qui puîiTe donner
une marque vifible d’un état à défefpérer fur le retour de fa fanté en
lefoign an tj 6 a. que lorfque les adminiftrateurs ont vifité madame la
douairiere , ou pour affaires ou pour vifites de devoir, ils n’ont jamais
vu M . le marquis de Cabris auprès d’elle , quoiqu’on le vît promener
fuivi des payfans qui font auprès de lui ; 7 0. qu’il eft public que M . le
marquis mange à fon particulier dans une chambre du château qu’on
lui a deftinée, fervi par ces deux payfans ; 8°. que madame la douai
riere a fait la plupart du tem sfon fé|our & fa réfidence à GrafTe , 8c
qu’entr’autres elle y a refté depuis le commencement de Septembre
dernier, jufqu’au vingt-neuf du mois de M ars, qu’elle eft arrivée à
Cabris \ 90. que lorfque madame la douairiere eftàG raiTo, fon agent
y fait des voyages très-fréquens, & y féjourne quelque tems ; io°. que
, madame la douairiere a actuellement auprès d’elle au château, madem oifelle Pauline de Cabris , qui étoit ci-devant au couvent de GraiTe;
£ i°. que mademoifelle de Cabris n’a au château d’autre compagnie
que madame fa grand-mere j n " . que depuis le mois de Février
dernier, on a préfenté aux adminiftrateurs & autres habitans, un cer
tificat tout drellé à figner ; que ce certificat étoit préfenté par l’agent
de madame la douairiere j 13 °. & enfin , que. les adminiftrateurs ont
refufé de le figner, parce que l’ayant lu ils reconnurent qu’il n’étoic
pas en tout conforme à la vérité : tous lefquels faits étant vrais & de
notoriété publique, l’habitation entiere ne fauroit refufer de les attefter en faveur de leur feigneur, & de ladite marquife de Cabris fon
cp ou fe, qui ne veut qu’éclairer la Religion de Sa Majefté • & de fes
M iniftres, fur tous les objets relatifs à e lle , à M . de Cabris 5c à ma
demoifelle de C a b ris,
pour
obtenir juftice contre tout ce que les fur-
prifesleur ont faitfouffrir jufqu’à préfent, avec déclaration qu’au cas
de refus ou de filence, madame la marquife de Cabris le regarderoit
Z
�17*
ou comme une crainte, dont le feigneur auroit à fe plaindre contre
fes habicans, lorfqu’il s’agit de fa fan t é , de fon honneur, 8c de celle
de fa poftérité , par confisquent du bien des habitans , ou comme
un nouvel abus de l’autoriré qui l’occafionneroit 8c qui pourtant
n’excuferoit pas fes habitans à due communication , 8c leur avons
donné copie du préfent a<5te , en leur domicile, parlant à la perfonne de
Sc Honoré C a u v iii, M aire 8c premier Conful , tarit po\ir lui que pour
fes C ollègues, en ce lieu de C a b ris, ou de la ville de Grafle : je me
fuis porté diftant d’une lieue. Signé R i p e r t . Contrôlé à GraiTe, le i3
A v ril 1785., reçu douze fols neuf deniers >figné C o u r t .
E X T R A I T du cahier des délibérations de la Communauté
de ce lieu de Cabris, du contenu Jimplement de l'article
concernant le Seigneur de ce même lieu.
D u vingt-un Avril mil fept cent quatre-vingt-trois, a C ab ris, dans
l’H otel-de-V ille, le Confeil général de la Communauté de cedit lieu
de Cabris, a été aiïemblé par mandement du fieur Etienne Coure,
Lieutenant de Juge de cedit lieu, & à la requête de fieur Honoré Cau\ïny
M aire 8c premier Conful de ladite Communauté; 8c c’eft par la voie
& organe de François Bouge, fils de Claude, V alet de V ille de ladite
Com m unauté, attendu l’abfence de fondit père, tant en cri public
que par billets aux gens de la campagne, ainfi qu’il nous a rapporté
avoir fait ; & c’eft fous l’autorifarion 8c préfence dudit fieur Lieutenant
de J u ge , où ont été préfens fieur Honoré Cauvin, Maire & premier
Conful moderne; fieur Alexandre Court, fécond Conful moderne j
Abram Court, Eftimateur jadis; Honoré B outkr, M enager; André
Maccairy, Regardateur m oderne; Henri Maure!, Regardateur jadis;,
fieur Jeafi Daver, fécond Conful jadis; Honoré Pellegrin, Regarda
teur moderne ; Honoré Court, Confeiller moderne ; fieur Pierre Belline,
Maire jadis; PUrre Court, Confeiller jadis; Laurent Ajlavene, Eftimaicur jadis\ Honoré Rouftan, Eftimateur moderne; Pierre Bauje, Confeiller jadis, Honore’ Roujlan, Eftimateur jadis ; AnnibalDaver, C011-
�l79
feiller jadis; Jeàn-Bapûjle Üaver, Confeiller moderne; fieur Jean.
Raynaud, Auditeur jadis; Crijlol Ardijfon, Eilimateur nioderno;
Charles Court, Auditeur moderne; Antoine Court, Confeiller moderne;
Jean-Baptijle Cateaux, Confeiller moderne ; Jean-Baptijle Afiavene,
Confeiller moderne; JeanCourt, à feu Jean-Baptifte; Etienne Trabaudt
Regardateur jadis; fieur Honoré M ane, Notaire; Lazare Sauteron~y
Jean Daver, à feu autre; E/prit Çauvin, Eftimateur moderne; André
Vergatttr ; Honoré Raymond; Honoré Vergatter, fils d’André ; Honoré
Roujlan, à feu autre; 7e<j/z 7 r«e, à feu Laurent.
'En troifieme lieu, les fieurs M aire& C o n fu ls ont dit qu’il a été tenu
le feize du courant, un exploit , à la requête de madame M arieCatherine-Louife de Riqueti de M irabeau, cpoufe de Meflïre de C la
piers , M arquis, Seigneur de ce lieu. Lequel exploit a été mis fur le
bureau, pour y être délibéré ce que de raifon.
Sur la troifieme propofition, dont leéhire a été faite, ainfi que de
l’exploit y mentionné, le préfent Confeii a déclaré, i°. que depuis
l ’interdi&ion de M . de C a b ris, aucuns des Membres du Confeii
n’ont vu venir au Château de ce lieu, aucun M édecin, à l’exception
du fieur Jean Raynaud, Chirurgien, qui a déclaré l’avoir vu venir
q u e l q u e f o i s depuis l’cpoque de ladite interdidion ; 2.0. qu’il a vu à
fon fervice deux domeftiques ; le premier André C o u rt, travailleur;
le fécond Jacques Cavalier, garçon Cordonnier; le troifieme Jean
C o u rt, fils dudit A n d ré, aufli travailleur, & Jean-Baprifte Achard,
Régent des écoles; les trois derniers fe font fuccédés d’un à l’autre,
de maniéré qu’il n’y en a jamais eu que deux jufqu’aujourd’hui; enfuite
que ceux qui y font a&uellement, font Laurent Pellifie* travailleur,
5c ledit André C ourt qui le fuivent à fes .promenades, tantôt tous les
Jeux, tantôt qu’un feul, & quelquefois avec l’homme de confia'nce,
ajoutant qu’il y a une femme de chambre & une cuifiniere par fois;
30. que lorfque M . de Cabris va à la prom enade, il eft accompagné,
ainfi qu’il a ccé dit ci-deffus; 40. que lorfque M . de Cabris va à la
riviere de Siagne, pour y prendre les bains, il eit accompagné par
ledit homme de confiance, fuivi des deux hommes qui le fervent
Z ij
�ïE o
adiîelkm ent, 8c vilîtc quelquefois par ion Chirurgien; 50. qn’on ne
ps«; rien ftatuer fur l'état de M . de C a b ris, dans le rems qu’il étoit
aux moulins, attendu l’éloignement d’une
heure
& demie qui fe trouve
du village; <5°. aucun des Membres du Confeil étant au Chareau
n’ont vu M . de Cabris avec madame £1 m ere, à l ’exception du (leur
Jean Raynaud, fon Chirurgien, qui a déclaré l’avoir vu quelquefois
avec ladite mere. 7 0. Le C onfeil ne peut rien déclarer fur la fe'ptieme
réquifuion de l’exploit, parce qu’ils ne fréquentent pas l’intérieur du
Château; 8°. que madame la M arquife de C abris, douairiere, fait
fa réfidènce tantôt en ce lie u , tantôt en la ville de GraiTe; 90. que
l ’homme de confiance de madame de Cabris fait des voyages de tems
en cems à GraiTe & ailleurs; io °. que madame la douairiere a depuis
peu de jours mademoifelle Pauline de C abris, fa petite-fille, auprès
d’elle. 1 1°. Les fieurs Maire , C on fu ls, ont déclaré que véritablement
il leur fut préfenté par l’homme de cqnfiance un certificat, 8c que
lTayant lu , ils virent qu’ils ne pouvoient pas certifier tout le contenu;
8c que le fieur homme d’affaires le fit recopier en fupprimant tout ce
que nous 11e pouvions pas certifier, & nous l’ayant préfenté de nouveau
à figner, nous le priâmes de nous en difpenfer, pour 11e pas entrer
dans le débat de nos fnpérieurs.
Et de tout ce qne deiTus, les Sieurs ailemblés ont requis les fieurs
Etienne C o u r t, Lieutenant de J u g e , de leur eii concéder adte; ce
q u ’il a fait, & aligné qui a fu & voulu. Signés E. C o u r t , Lieutenant
de Juge;
Jkan
Jean
M aire; C o u r t , C onful; P e l i s s e , C o u r t , audit
T r u e ; R a y m o n d ; L. P e l l e g r i n ; M a u r e l ; H o n o r é C o u r t ;
D a v e r ; P i e r r e B o u g e ; M a r i e I s n a r d , Greffier, tous à
C au vin ,
l’original. Collationné. Signé
Isnard,
Greffier, en la minute des
préfentes.
N °.
J
X .
S u r pareil acle fa it aux nommés Jofeph & François
Raybaud y freres y le 1 y Février.
Lesdits
Raybaudyfreresy enfuite de l’interpellation ci-defïus, dé-
�i 81
d a te n t &: certifient qu’il y a environ crois ans, comme ils habiroîenc
une mai fon dont les fenêtres vifent au Château du préfent lieu, ils
virent M. le Marquis de Cabris qui promenoir au devant du Château,
& enfuite il vint promener fur la vigne, tout auprès de la glaciere;
létant là, ledit Seigneur Marquis dit au nommé Jèan G burt, fon
d o m e ft iq u e , qu’il vouloir aller promener fur l’allée de Saint J e a n ;
C ourt ne voulut pas y confentir, & comme M . le Marquis infiftoit,
C ourt le menaça de le battre, Sc alors ledit Seigneur Marquis ayant
pris la route de l’allée, ledit C o u rt lui donna plufieurscoups de poings,
ce qui obligea ledit Seigneur Marquis de courir dans le Château. Les
répondans certifient encore d ’avoir oui dire publiquement que ledit
Seigneur Marquis ctoit batu par fes domeftiques. Et nous Sergent ayant
, requis lefdits Raybaud de figner, ils ont déclaré ne favoir. Le tout fait
préfens Jofeph Fortont Sc Jean Pelijfc, de ce lieu, mes témoins.
Signés
F o r t o n t ,
P e l i s s e ,
C.
B o u g e .
A u-dejjous eji
écrit :
C o n t r ô l é d o u b l e a G r a s s e le d i x - h u i t F é v r i e r m î l s e p t c e n t
Q U ATRE-VIN GT-Q UATRE. R eçu
VINGT-CINQ
SOLS S I X
UENIERS.
Signé C O U R T .
N°.
P A RE I L L E
X.
fommation du même jour
a
Antoine
Raybaud.
L edit
Antoine Raybaud, en fuite de l’exploit ci-deiTusj déclare &
certifie qu’il y a environ trois ans, fe trouvant au Claux avec le nom mé
Jean C o u r t , domeftique de M. le Marquis de ce lie u , en parlant dudit
S e i g n e u r M arquis, ledit Court dit au répondant, que dans la matinée
du
même jour, à mefure qu’il chaufloic ledit Seigneur M arquis, celui-
ci
lui donna un foufflet, Sc que lu i, Jean C o u r t, avoit donne vingt
coups de bâtons fut le dos dudit Seigneur Marquis j ajoutant & répon*
dant qu’il a ouï dire publiquement que ledit Seigneur Marquis étoir
battu par fes dom |ftiques; l’ayant requis de figner, a dé c l ar é ne favoir.
�18 1
me§
Le tout fait préfent Jofeph Fortont Sc Jean peiïjfe, de ce lieu,
tém oins, fouflignés. Signes F o r t o n t , P e l i s s e , C. B o u g e . Au-dejjous
ejl écrit :
C o n t r ô l é a G r a s s e l e d ix -h u it F é v r i e r m il sept c e n t q u a t r e VINGT- QUATRE.. REÇU DOUZE SOLS NEUF DENIERS.
N° .
X
I
.
Signé
C O U R T ,
.
L a nommée D aum as, interpellée de même.
Ladite
Daumas a répondu & certifié fur l’exploit ci-deflus, qu’elle
a ouï dire publiquement que M . le Marquis de Cabris étoit battu
par fes domeftiques; & un jour pendant le tems que madame de
Cabris, belle-fille, étoit exilée, elle vit venir M . le Marquis d e l à
prom enade, & il vouloit traverfer le village pour fe rendre au Château;
Jean C o u rt, fon domeftique, voulut l’obliger de paiïer dans le pré
qui eft à côté du village, & comme M . le Marquis infiftoit, le domeftique fie força, en le m en a ç a n t, de paiTer dans le pré ; fur quoi ledit
Seigneur tout affligé, dit alors à haute voix, qu’il étoit bien fâcheux
pour un hom m e de fon ctat, d’être obligé d’obéir en tout à un coquin
de domeftique ; ajoutant la répondante qu’elle a vu paiTer fouvenc
M . le Marquis de Cabris qui alloit promener to u tfe u l, & un intervalle
de tems après, un de fes domeftiques l’alloit joindre; requife de figner,
a dit ne fa voir.
Fait prefens Jofeph Fortont, Jean Peliffe, de ce lieu, mes tém oinsl
fouilignés. Signés
efl écrit :
F o r t o n t ,
Pelisse,
C.
Bouge,
Au-deffous
C o n t r ô l é a G r a s s e l e d i x - h u i t F é v r i e r m i l sept * c e n t q u a t r e vingt
- q u a t r e . R eçu d o u z s sols
neuf
deniers.
Signé C O U R T .
�i83
N°
L A
X I I .
demoifelle Anne Roure , veuve Court t également
interpellée.
L adite
demoifelle Roure, veuve Court, enfuite de l’exploit ci-deiïus,
a déclaré ^-certifié qu’un Jour pendant le tetns que madame de C a b ris,
belle-fille, étoit exilée, fortant de la tribune de l’Eglife, elle entendit
que M arianne, femme de chambre de madame de C abris, douairiere,
difpuroit avec M. le Marquis de ce lie u , & que ladite Marianne lui
difoit, en criant à haute voixj vous êtes fo u , 8c vous ferez toujours
fou ; ce qu’elle répéta cinq à fix fois d’un ton menaçant.
U n autre jour elle rencontra le nommé Achart, domeftique du
Château, avec lequel elle parla d e j a maladie de M . le Marquis,
& demanda â ce domeftiqiie comme il fe trouvoit; fur quoi le domef
tique lui dit qu’il étoic tantôt bien, tantôt mal; la répondante die à
'ce domeftique que fi M. le Marquis recevoir quelque lettre de la
part de fou époufe, peut-être que cela lui feroit plaifir, 8c qu’en
lui f a i f a n t rep o n fe , cola l’occuperoit quelques momens. Sur quoi
ledit Achart, domeftique, lui répondit qu’il y avoit dans la maifon
des défenfes les plus txprefies de ne remettre audit Seigneur Marquis
aucune lettre de la part de fa fem m e, ni de tout autre, 8c de ne lui
fournir ni papier ni plum es, afin qu’il n’écrivît aucune lettre ni à fa
fem m e ni à fes amjs. Cette tonverfation ayant été rapportée au fieur
Alziary, homme d’affaires de madame la douairiere, celui-ci en prie
occafion de faire un faux rapport à madame la douairiere, à laquelle il
dit que ledit A c h a rt, dom eflique, lui avoit rapporté que la répondante
avoit dit que ladite dame étoit une vieille forciere; fur quoi madame
la douairiere fit avertir la répondante de
fe
rendre à GraiTe, où elle
reftoit prefque continuellement, 8c s y erant r e n d u e , elle eut des
reproches de la part de ladite dame fur les faux rapports, la répon
dante ayantfoutenu que c’étoït une invention, & q u ’el l e vouloir que
s
�184
le rapport lu! fur foutenu en face, ladite dame lui dit de retourner
à Gratte, 8c qu’elle y feroit aller ledit A ch art, dom eftique, pour fe
confronter en préfence dudit fieur Alziary ; 8c s’y étant rendue le iour
aflîgné, elle y trouva ledit fieur Alziary &c ledit A chart, lequel foutint en face dudit fieur A lzia ry , qu’il étoit faux que la répondante eût
dit que madame la douairiere étoit une vieille forciere, & ledit
Alziary fut honteux & n’eut pas le courage de répondre au domef
tique ; certifiant la répondante, encore qu’elle a ouï dire publique
m ent que M . le Marquis étoit battu par les nommés C ou re, fes
dom eftiqûes, l’ayant requife de figner, a dit ne favoir. Le tout fait
préfens Jofeph Fortont 8c Jean Pelifle, de ce lieu, mes tém oins,
foulîignés. Signés F o r t o n t , P e l i s s e , C . B o u g e .
C o n t r ô l é a G r a s s e le d i x -h u i t F é v r i e r m i l s s p t c e n t q u a t r e v i n g t -q u a t r e .
R e ç u d o u z e s o l s n e u f d e n i e r s . Signé C O U R T .
N °.
X
I
I
I
.
Je fouifigné Pierre Daver, Auditeur des Comptes de la Com m ué
nauté de ce lieu, en l’année mil fept cent quatre-vingt-deux, certifie
que m ’étant trouvé dans le Confeil de ladite communauté du mois
de Décembre dernier, dans lequel il fut propofe de finir avec les
Fermiers des m oulins, l’article des dommages & intérêts auxquels
ils fe trouvent condamnés envers la Com m unauté, 8c de finir en
même tems ayec le Seigneur du préfent lie u , fur l’article concernant
le chauffage des chaudrons, je fuis d’avis de 11e finir les conteilations
que lorfqu’on le pourroit valablement avec M . le M arquis, ou un
Adminiftrateur légitim e; 8c parce que je fus de cet avis, les perfonnes
qui agiiToient pour favorifer les Fermiers des m oulins, & les gens
d’affaires de madame la M arquife de C ab ris, douairiere, me mena
cèrent de me faire enlever par la voie du retrait féodal, des biens
que j’avois achetés, ce que l’on auroit cfFe&uç à ce que j’appris en fuite ,
fans la circonftance d ’une ordonnance de M M . du Chârelet de Paris,,
précédée d’un Arrêt du C on feil qui ont été fignifiés à U Com m u
nauté
�i
8î
Haute de ce Ireu^ par lefquels l’adminiftration des biens te revenus de
M . le Marquis a été ôtée à la dame fa mere ; en foi de quoi j ’ai figné
le préfent. Fait à Cabris le dix-fept Février mil fe p t cent quatrevintquatre. S i g n e P. D a v e r .
N° .
X
I
V.
N o t e s particulières pour fervir d'injlruclion a Madame
de Cabris. .
E l l e fait comment & par qui madame la douairiere fut féduire
k préfenter fa requête en forme de plainte du 6 Novembre 1,777 >
pour faire interdire M . de Cabris.
M ais ce qu’elle ne fait peut-être p a s, c’eft que ceux qui étoient
à la tête de ce p rojet, difoient qu’on ne demandoit une fentence
d ’interdidion contre le mari , que pour avoir une léttre de cachet
Contre 1 epoufe ; que pour juilifier leur defïèin , ils montroient cer»taines lettres de madame de C abris, qui établiiloient leurs prétendus
. griefs c o n tr ’elle : entr’autres M . le Boiteux , en repréfentoit une ,
écrite par madame de Cabris au iîeur BeliiTen , qui étoit entre fes
m ains, on ne fait com m ent, dans laquelle madame de Cabris difoic *
au fieur BeliiTen qu’elle ne vouloir plus entendre palier de fon m ari,
qui étoit un monftre de nature, &c. O n montrera peut-être encore
cette lettre, & d’autres que Ton difoit avoir de madame de M irabeau,
également outrageantes , & qui annonçoient un deiTein prémédité de
nuire à M . de Cabris ; des certificats de Lyon , relativement à une
affaire prétendue arrivée dans cette ville , q u i, félon les perfécuteurs
de madame de Cabris , prouvoient fon inconduite , & la ncceffité
de l’extrémité à laquelle 011 fe portoit contre le mari , pour fairc
enfermer la femme. O n pourra encore parler de ces lettres & certi
ficats , peut-être les montrer ; madame de Cabris doit fe prémunir
contre ces calomnies , & s’attacher à les détruire.
Elle ignore peut-être aufli que pour le fîmulacre dailemblée de
A a
�i86
jjarens i convoquée après la fentence d’interdi&ion , on fît choix des
parens de M . de C a b ris, qui ne contrediroient pas le projet affreux
de hû enlever fon exiitence. O n ctoit aifuré des abfens auxquels
011 faifoit entendre tout ce qu’on vouloit ; mais on favoit bien que
ceux de Grafle , qui voyoient par eux-mêmes ce my itéré d in iquité,
ne fe prêteroient pas à un projet auiïï horrible. Voilà pourquoi des
parens de Gralfe 011 ne convoqua que les deux beaux - freres & deux
autres qui croient neveux de l’un d’eux ; mais on fe garda bien
d’aiTembler M M . de Sartoux, de Puget, de Theas, dt Gars l’a în é ,
& c. qui fe feroient oppofés à tout ce qui fut fait dans ce fimulacre
d’ail emblée de parens.
Madame de Cabris ignore fans doute auiïï qu’après cette aiTemblée le placet de famille fur lequel on furprit la religion des M i
nières du Roi , pour la faire exiler dans un co u ve n t, fut fait 8c
dreiTé à Graife par M . le Boiteux ; que ce placet fut envoyé par un
porteur exprès à tous les parens des environs , & à A i x , & que par
conféquent tous les parens qui le fignerent, n’ont ni approfondi, ni
pu approfondir aucun des faits contenus dans ce placet.
Elle ne fait point non plus que lorfqu’on l’eût fait arrêter à A ix
Comme une crim inelle, avec le plus grand é c la t, M . le Boiteux qui
•*ctoit à la tête de cette exécution , manda prendre alors madame la
doüairiere, qui fe porta en la ville d’A ix. Son voyage eut pour m o tif
de faire retirer M . le marquis de Cabris dans fon château ; elle y
parvint en l’aifurant que fon affaire en interdidtion ne feroit plus
pourfuivie; M . de Cabris qui avoit été empêché par decret de la
C our de s’abfenter pour aller joindre madame de Cabris à Sifteron,
ne pouvant préfumer que madame fa mere le tromperait en le faifant retirer -, revint dans fon château de C a b ris, efeorté par un bour
geois du village dudit lieu , qui avoit accompagné madame la douai
rière à A ix. Il étoit fort tranquille, d’après l’aiTurance que madame
fa mere lui avoit donnée, qu’on ne faifoit point de pourfuites dans
fon affaire en interdiétion ; mais quelle fut fa furprife , lorfqu’on
lui apprit qu’on ne l’avoit fait retirer dans fôn château, que pour
�i B7
abufer de fon abfence Sc le 'pourfuivre ; il y fut fi fenfible , qU(î
pendant quelques jours Tes affe&ions nerveufes 1s plongèrent dans
un ctat trifte , 3c lui faifoient dire qu’on l’avoit trompé en lui enle
vant tout à la fois fon exiftence , fa femme , & l’adminiftration de
fes biens.
Elle ignore p eu t-être également que non feulement on fe pré
valut de l’abfence de M . de Cabris , mais que pendant la plaidoirie
on fit valoir des faits non prouves , pour faire entendre aux Juges ,
que depuis fon retour à Cabris , il avoit donné des preuves vifibles
& publiques de démence ; comme fi fur l’ctat d’un citoyen il étoit
permis de fe décider d’après des allégations ou des atreftacions ,
lorfque la juftice a déjà pris fes réponfes , fur lefquelles elle doit le
juger.
Elle ne fait pas non plus que la plupart des pareils abfens de GrafTe,
dont on a furpris la fignature , ont publiquement témoigné du regret
de n’avoir pas mieux approfondi les faits qu’ils ont atteftés, & furtout depuis que le premier mémoire de madame de Cabris , qui a
produit la révocation de fa lettre de cachet, fut rendu public.
A préfent perfonne ne tient plus à la confommation de cet affreux
p ro jet, q u i paroît être réduit à fon ternie , fi on en excepte M . le
Boiteux ëc tout ce qui efl: intéreiTé à faire entretenir cet ouvrage
d ’iniquité.
O n dit que M . le Boiteux tient à A ix des propos publiquement
injurieux & outrageans contre madame de Cabris fa niece.
Q ue M . Lemaïgre, frappé de ce qu’il a trouvé dans le mémoire
concernant le fupplément de légitime qu’on s’eft fait adjuger, a fait
vn mémoire ou lettre juftificative de ce qui a été fait à M . le G arde
des fceaux , & lui demande juftice contre ce m ém oire, fur l’impu
tation calomnieufe qu’il renferme contre les légitimaires.
P u i f q u ’il fe plaint, il femble que madame de Cabris doit a j o ut e r
par réflexion à fon m ém oire, qu’un Confeiller au parlement devroit
faY oir qu’il fonne très-mal d’attendre ôu de failir un tems d ’in te r-
A a i}
�}2 S -
diYHon pour ie faire adjuger un prétendu droit cintre l’interdit ;
qu'on a fi fort abufé de la foibleffe de la curatrice qu’on avoir créée,
& de ce que l’interdit ne pouvoit parler, que non feulement on s’eit
fait adjuger un droit qu’on n’avoit ofé réclamer en juftice contre
M . de Cabris ; &r tandis que les biens de la fucceilion, fur lefquels
ou l’a pris , n’ont été eftimés qu’au taux du trois pour cent , comme
domaine noble , 011 s’eft: fait adjuger & 011 a établi dans la tranfaétion le taux de l’intérêt du principal au cinq pour c e n t} que l’on
juge de l’acceiToirefi madame de Cabris a tort de crier & de fe plaindre
fur le fonds*
L e perfonnage nul à Grade , fe donne les plus grands mouvement
pour les ailemblées qui fe tiennent chez madame la douairiere ,
prélîdées par l’homme habillé de vio let, & où toute cette vile en
geance qui l’entoure , fabrique des mémo-ires pouE noircir madame
d e.C ab ris, & envoyer ce que l’étranger de nation qui fait nombre
dans ces aiTemblées, appelle le contrepoifon du mémoire de madame
de Cabris.
C es mémoires ont été envoyés à Aix par un porteur, pour être
fournis fous l’infpeétion de M . le B oiteu x, de M . le Maigre 6c des
Avocats d’Aix pour fo llicite r, à la faveur de ces mémoires , des
motifs favorables fur les arrêts attaqués.
O n d it, madame de Cabris fe plaint que l’arrêt du 9 Avril 177S
a été rendu fans conclufions du Miniilere public , tandis que tout
le monde fait que M . l’Avocat Général de Calilfane porta les con
clufions & plaida toute une audience.
Mais quand cela fe ro it, l’arrêt du C o n fe il, qui reçoit la requête
de madame de C a b ris, préjuge que le C onfeil veut tout voir , puis
qu’on demande & les procédures & les inrerrogaroires ; &c fur ces
pièces , quels que puiifent être les motifs que l’on donnera , tout
être penfant trouvera que c’eft une néceflitc pour une famille hono
rable , d’anéantir pour toujours l’ouvrage des perfécuteurs de cette
fam ille, qui n’a déjà fait que trop de bruit dans le royaume.
�1 8 cj
O n fera rcpondi'e, dit-on , au mémoire , on traînera i Aix én
lo n g u e u r, autant que l’on pourra , pour arrêter l’envoi des procé
dures i nt e r ro g a t o i r e s & motifs des arrêts ; on traînera davantage 3
Paris , po u r avoir le tems d e faire publier le mémoire contraire ,
en gagnant du tems , mademoifeile de Cabris aura douze ans , Si
une fois qu’elle fera pubere , fi on ne la marie pas dans les circonftances , on lui fera dire ce que l’on voudra contre tout ce que
madame fa mere dit à raifon de fon éducation ; madame d e Cabris
a le baptiftaire de mademoifeile de Cabris , elle doit veiller avecle plus grand foin à avoir prompte expédition à Aix & à Paris ; il
elle ne peut parvenir à l’obtenir avant le tems de la pubertée de m ademoifelle de Cabris , elle doit aller à toutes fins , & demander
au Confeil que tout reftera en l'état jufqu’à ce que Sa Majefte aie
ftatué fur fa requête , parce qu’après tous les attentats qu’on s’ell
permis , & avec le fecours du Confeil violet qui préfide les alTemblées , on pourrroit bien fe permettre encore celui de finir par le
iacrifice que craint avec tant de raifon madame de Cabris.
O n produira peut-être des certificats pour juftifier la conduite de
l’adminiftratrice , relativement aux foins qu’elle prend de M. de
Cabris. M adam e de Cabris ne doit pas craindre d ’avancer que fi
des certificats pouvoient être de quelque poids , elle aurait celui
de tout le village de Cabris & de toute la ville de GrafTe qui font
feandalifés de la maniere dont madame la douairiere néglige les
foins qu’elle devrait donner à fon fils en le livrant à des mercénaires qui achaque inftant aggravent fes maux au lieu de 1« fecouric
& de le foigner ; qu’elle eft fi certaine de ce qu’elje avance, qu’elle
s’en rapporte volontiers á des informations publiques que l’on pouroit prendre à fon infçu , fans qu’elle craigne d’être contredite , tant
l’indignation publique eft grande contre fes calomniateurs.
O n pourra relever encore le prétendu délabrement de la fortune;
de M . de Cabris que l’on attribue à madame de Cabris ; le papier
qu’elle a reçu , la m et à portée de répondre à cette faulle impu
tation.
�190
O n dira peut-être , M . de Cabris avoir cinquante mille écus de
capitaux qu’il avoit aliénés dans un court intervalle de teins ; mais
la bâtifle de la nouvelle maifon & l’affaire malheureufe q u ’il a eCfuyée, avoient confumé ce fonds , &c l’avoient mis dans la néceilité
de faire des emprunts ; ce n’eft pas madame de Cabris qui avoit
coopéré à ces deux objets de d é p e n f e jc ’eft lorfqu’etle veut être à
la tète de fa maifon , pour y mettre un ordre , qu’on cherche à la
détruire , pour y placer une adminiltracrice qui auroit befoin d ’être
adminiftrée elle-même.
,
C ette preuve fe tirera de ce qu’elle a fait depuis fon adminiftration 6c d après les notes inferees dans le papier que madame de
Cabris a reçu.
Elle peut ajouter qu’il n’y a q u ’un cri contre les Canfeils & les
entours de madame de Cabris la douairiere, que tous les parens
trop crédules, difent à préfent qu’elle a tort de s’en rapporter au
confeil d’un perfécuteur qui a violé une promeiTe facrée fous la foi
de laquelle le mariage de madame de Cabris avoir été f a i t , & qu’ils
défirent tous que madame de Cabris foit replacée dans fa maifon
8c dans la place q u ’elle doit o c c u p er
on en excepte ceux d’entre
,fi
les parens qui feroient intéreifés à la tenir éloignée.
U n nouveau mémoire deviendra néceiTaire pour frapper fur tout
ce qui a trait à ce qui a fuivi l’interdidion , &: notamment l’adm iniftration : tout le monde dit ; c’eft une horreur que madame la
douairiere abandonne fon fils pour préfider dans fa maifon autour
d’un tapis vert à Gralîe , fous prétexte d’infirmités , & que fa né
gligence foit portée jufqu’à le livrer entre les mains de deux payfans
qui l’excedent de coups , au lieu de lui donner des foins ; c’en
eft une autre de foudoyer avec douze cent livres un véritable ivro
gne , pour préfider à cet abus d’autorité de fa part , au lieu de les
employer aux honoraires d ’un médecin qui , en fuivant M . de
Cabris de près , auroit connu par la fuite du tems le principe de
fes affe&ions nerveufes , & l’auroit g u é r i , comme le fut monfieur
fon pere ; c’en eft une bien plus grande , qu’elle laiile mademoifelle
�191
de Cabris dans un couvent où il n’y a que des perfonnes inha
biles pour lui donner une éducation telle que fa naifffance & fa
fortune l’exigent : que juftice foit faite par le Roi à madame fa
mere , pour faire ceffer tant de maux , nous ferons des feux de
joie à Cabris & à Graffe , pour lui marquer notre fatisfaction ; voilà
les cris univerfels de ces contrées ; que madame de Cabris la d if e
dans fon nouveau m ém oire, fans crainte d’être contredite par la voix
publique.
Mc DE
B E A U S É J O U R , Avocat.
;
D e l'Im p r. d e D 'H O U R Y , Imp r.-Lib. de M g r le D u c d 'O r i Î a n s & de M g r le D u c
d e C h a r t r e s , rue Hautefeuille , près celle des deux Portes»
�
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Factums Vernet
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Description
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Title
A name given to the resource
[Factum. De Cabris. 1785]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
De Beauséjour
Subject
The topic of the resource
démence
curatelle
maltraitance
abus de faiblesse
enfermement
ordre ministériel d'enfermement
prodigalité
successions
assemblées de famille
inventaires
terriers
Ursulines
violences sur autrui
mobilier
prévarication
médecine légale
domestiques
bibliothèques
scellées
témoins
vie monastique
hôtels particuliers
lettres de cachet
correspondances
Riqueti (Honoré Gabriel, Comte de Mirabeau)
consuls
intrusions dans monastère
créances
affaire des affiches (1776)
experts
régime alimentaire
dénuement vestimentaire
jardins
huile d'olive
retrait féodal
domaines agricoles
dépression nerveuse
Description
An account of the resource
Mémoire et consultation pour madame la marquise de Cabris, belle-fille, défendant l'interdiction de son mari ; Contre madame de Lombard Saint-Benoit, , marquise de Cabris, douairière, poursuivant l'interdiction du marquis de Cabris, son fils, pour cause de démence.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
de l'imprimerie d'Houry (Paris)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1785
1769-1785
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
191 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_V0115
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Vernet
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_V0114
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/17/53990/BCU_Factums_V0115.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Grasse (06069)
Aix-en-Provence (13001)
Sisteron (04209)
Cabris (06026)
Paris (75056)
Manosque (04112)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
abus de faiblesse
affaire des affiches (1776)
assemblées de famille
bibliothèques
consuls
correspondances
Créances
curatelle
démence
dénuement vestimentaire
dépression nerveuse
domaines agricoles
domestiques
enfermement
experts
hôtels particuliers
huile d'olive
intrusions dans monastère
inventaires
jardins
lettres de cachet
maltraitance
médecine légale
mobilier
ordre ministériel d'enfermement
prévarication
prodigalité
régime alimentaire
retrait féodal
Riqueti (Honoré Gabriel, Comte de Mirabeau)
Scellées
Successions
témoins
terriers
Ursulines
vie monastique
violences sur autrui
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/17/53989/BCU_Factums_V0114.pdf
6ca4dfae1c9a08659e23706246cc235e
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MEMOIRE
P O U R la Dame Marquife d e
à l'interdiction de fon mari ;
C O N T R E
Douairière
la Dam e
de
de
C
a br is
, défendant
L o m b a r d , Marquife
C a b r i s 3 pourfuivant l ’interdiction
de fo n fils ypour caufe de démence.
Une
mère foible par fo n â g e , foible par fes affect ion s,
inftrument prefque impaflible d’une aff ociation i ntéreff é e ,
pourf uit depuis huit ans la honte de fa poftérité dans la
perfonne de fon fils. Elle demande q u ’il foit interdit pour
caufe de démence, parce que les traitemens indignes exercés
pendant fept ans fur la perfonne de fon fils, autorifés par
e l l e , ou du moins tolérés, ont affoibli fon e fpr it en altérant
fes organes.
Elle demande que f on fils foit in te rdi t, pour demander
l’adm iniftration de fes biens j &. elle veut adminiftrer fes
A
�1
biens ¿parce qu’c!le en a diflîpé une partie , & pour diflîper
ie reitc.
i*
U n e femme perfécutée depuis huit ans, diffamée jufqu’au
pied du T r ô n e , privée deux fois de fa liberté , parce qu’elle
d éfendoit avec courage la p erfo n n e , l’honneur , les biens de
fon m a r i , ô£ les efpéranees de fa fille unique , vient encore
protéger des intérêts il chers. Elle demande'que fon mari ne
foit pas in te r d it, parce qu’il n’eft ni prodigue ni fu r ie u x ,
parce que fa foiblelle morale , eft un effet momentané de ion
affoibliiTement phyfique , caufé lui-m êm e par les excès &
les outrages dont il fut la vi£time.
Elle demande que l’infortuné ne foit pas puni de la bar
barie avec laquelle il a été traicé , & que fes tyrans ne trou
vent plus dans l’effet même de leurs perfécutions, un m o tif
de perfécutions nouvelles.
Elle demande le libre exercice de fes droits d ’époufe-ôc de
mère , du droit inconteftable de coniacrer ies loins à la fauté
de ion é p o u x , à l’éducation de fa fille.
Elle demande que les biens de ion mari foient confiés à
une adminiftration éclairée
i a g e , ions les aulpices des
Tribunaux.
Elle ne veut enfin que la perfonne de fon mari : elle dépofe fa fortune dans les mains d e là Jufticc.
V o ilà Us deux tableaux que cette affaire préfente.
C ette affaire doit intéreller, non pas parce que le Marquis
de C abris, dont on artaque l’exiftcnce c iv ile , c il un homme
de q u a lité , 6c qu’il a 50,000 liv. de rente ; mais parce qu'il
eft père d’un entant digne d’égards , parce que 1 état d’un ci
toyen eft une chofe confidérablc , parce qu’il importe à tous
�3
que la Loi foie entendue & exécutée dans Ton fens vérita b le,
& que l’interdiction qu’elle a établie com m e une précaution
ju fte , mais déicfpérée', ne devienne pas une fervitude arbi
traire & une flétriflure inutile.
T o u s les faits d o n t on va lire le r é c i t , font déjà confignés
dans des écrits publics ; cependant il eft néceiTaire de les rap
p eler, furtout d’indiquer les p reu v es, parce qu’ils font invrailemblables.
F
A
I
T
S
.
L a D em oifelle de M ir a b e a u , fille du M arquis de M ir a - frémi* « éso^ue.
b e a u , a époufé le M arquis de Cabris en 1769 ; deux ans
ap rès, une fille encore u n iq u e , eft née de ce mariage.
Le Bailli de M irabeau , oncle de l'epoufe , avoit pro
mis une fom m e de 30,000 livres pour égaler la d ot de la
M arquife de Cabris à celle de fa foeur , la M arquife du
Saillant. ( 1 )
C e tte promeile n’étoit point exécutée. Le M arquis de
Cabris la rappelle en 17 7 4 . L e Bailli répond q u ’on a pris un
com plim ent pour des paroles (2 ), 2c lui-même il prend cette
demande pour une injure.
D ’un autre c ô t é , la difeorde agitoit déjà la maifon pater
nelle de la M arquife de Cabris. Sa mère vivoit feule dans fes
terres du
Lim ouiîn. Elle
a voit
cru
remplir
un
devoir
de piété filiale , &. , accom pagnée de fon m a r i , elle a,voit été
voir fa mère.
( 1 ) L ettre du M arq u is de M i r a b e a u , du n Février ¿ 7 6 9 , déjà im
p rim ée.
( x ) L ettre du Bailli d e M ir a b e a u , d u 15 Janvier 1 7 7 4 , déjà im
prim ée.
A i;
�A
I.cM arquis de C a b ris , affe& é de l’embarras extrême dans
lequel il avoit trouvé fa belle-m ère, n’a voit pas balancé à lui
prêter z o ,o o c liv.
C ’etoit dans le m êm e temps qu’il demandoit les 30,000 I.
promifes par l'onclc de fa femme ; au lit, en répondant qu’il
n ’avoit
rien
promis ,
l’oncle
écrivoit - il avec
autant
d ’amertume que de mauvaile f o i , qu’ un prêt de 12000
liv . pour une obligation de 60,000, ¿toit une ufure épou
vantable. L ’oncle favoit bien cependant que le prêt étoic
de zo ,o o o liv. & ‘quc l’obligation n’exiftoit pas.
D e u x ans après, la rupture éclata entre le M arquis & la
M arquife de M irabeau. L e public a été aflez inftruit de
cette tri île querelle. La M arquife de M irabeau forma fa
première demande en féparation ; cette demande fut re
jetée. En exécutant PA rret du Parlem ent qui la réunit à
Ion m a r i, en rentrant dans l'a mailon , elle trouva un ordre
m im ftériel, en vertu duquel elle fut enfermée au co u ven t de
S a in t-M ic h e l, rue des Portes.
D epuis on a oie dire & imprimer que cette demande en fé
paration avoit été infpirée par la M arquife de Cabris. O n a
ofé dire & imprimer que les 10,000 liv. prêtées librement
par fon m a ri, deux ans a u p aravan t, avoient été prêtées fur
fes inftances, & pour alimenter ce déplorable procès.
11 étoic alors bien loin de fa penfée qu’on put un jour lui
faire un crime d’avoir c o n fo lé , d’avoir aidé fa mère.
A la nouvelle de fa détention , elle accourut fur le-champ
auprès d’elle; elle ob tint la permiflion de la voir: un refus au.
roit trahi des préparatifs perfides.
P e u de jours après , le 19 Juin 1 7 7 7 * la M arquife de C a
�11
bris cft elle-m êm e , en vertu d'un ordre m ïn ifléricl, exilée A
l ’A b baye de la Déferre à Lyon.
C et ordre cft
révoqué
quatorze
jours
après ,
le
4
J u ille t , fur la réclamation perfonnelle de la M arquife de
Cabris.
£lle retourne auprès de fon mari. Son mari ne pouvoit pa£fer fous fiicnce cet attentat à Ton autorité, cette injure faite
à lui-même dans la perfonne de fon époufe.
I l s ’adreiTa au M arquis de M ir a b e a u , feul auteur de cette
e n tre p riie, 8c lui fit les plus vifs reproches (1).
Peu de temps ap rès, inftruit par la M arquife de M ir a
beau elle-même des menaces faites de la renfermer aux
V a ld c n e s de C harcnton , il envoya conjointem ent avec fa
fe m m e , des pouvoirs pour demander à la Juftice desfecours
convenables au rang 6c à la fituation de fa belle-mère.
C e tte démarche fit jurer fa perte- ÔC celle de fa femme.
L e m oyen de l’interdi&ion étoit un moyen fa m ilie r, prefq u’autant que les ordres m inijlérids. D es deux caufes or
dinaires d’in te rd ictio n , prodigalité ô démence, la dernière
étoit moins difficile à fuppofer. Si le M arquis de Cabris
n ’eût pas prêté 10,000 liv. à fa belle-mère , s’il ne fc fût pas
préfenté pour la fecourir , s’il n’eût pas trouvé mauvais qu’on
fît enfermer fa fe m m e , parce qu’elle co nfoloit fa m è r e , il fe.
roit encore fage &: libre.
C e com p lot étoit Singulièrement encouragé par la certi
tude d ’avoir des partifans dans la propre famille du M arquis
de C a b r i s , & par la connoiiïancc des embûches déjà dref( 1 ) L ettre du M arqu is de C a bris au M arqu is de M ir a b e a u , du 4 A o û c
1 7 7 7 , déjà im prim ée.
�6
fées autour de lui par l’avidité des collatéraux , toujours ac
tive & jamais raflafiée.
L e Marquis de C a b r i s , à la m ort de Ton p è re , s’étoit
trouvé , à peine forti de l’a d o lefccn c e , propriétaire de 50,000
liv. de rente.
Scs trois foeurs , mariées à trois G entilshom m es P ro v en
çaux n’avoient eu
que 45000 liv. de légitim e , avec le
droit à un fupplément de lé g itim e , fixé par le teftament du
père com m un à 8000 lir. pour chacune ; mais elles étoient
appelées à l ’univerfalité de l’h é rita g e , s’il arrivoit que leur
frère mourut fans enfans.
L e mariage de leur frère fufpcndit cette cfpérance , & la
naiflance de la D em oifelle de C abris vint l’anéantir. O n réfolut au moins de ne pas laiifer doubler cet obftacle. D e -là
les intrigues pour troubler le jeune ménage , les ca lo m
nies auprès du m a r i , les délations auprès de la femme.
O n avoit poufle la perfidie jufqu’à égarer le cœur du M a r
quis de C a b r i s , & jufqu’à faire jaillir de cet égarem ent Tou* !
rrage &. l’infultc fur fa femme.
D e -là la réparation volontaire &
m om entanée
dont
on a fait tant de bruit ; q u i , dans ce m om ent e n c o r e , cil
le feul prétexte des calomnies , &; d ont la M arquife de
C abris a repouiTé il fouvent
la honte fur fes perfécu-
teurs.
En éloignant la fe m m e , qui feule pouvoit inquiéter la
cupidité par une furveillance in co m m o d e, on obtenoit deux
avantages , celui d’arrêter toute efpérance de poilérité fur la
tête de la fille u n iq u e , Sc celui d’environner le p o u x de gens
utiles à l’exécution des projets.
Seytre , préfenté par les beaux-frères avoit été choifi &
�7
nom m é curateur à fa minorité ; 2c le premier foin de cc
curateur avoit été de r é g le r , avec les beaux - frères, le
fupplémcnt de légitime. C c fu p p lé m cn t, fixé p a r le teitam ent du père à 14000 liv. pour les trois fœ u rs , avoit été
porté à 60,000 liv. ôc le M arquis de C a b r is , autorifé par Ton
c u r a te u r , avoit payé 60,000 liv. par quittance du 16 Juin
Ï775Seytre ne fe contentoit pas d’autorifer tout avec comp la ifa n c e , il cherchoit encore les occaiions à'autorifer \ &c
A lzia jri, Procureur à G ra tte , étoit chargé de l’aider dans
fes recherches.
C ’eft ainli qu’ils ont
fait
emprunter au M arquis de
Cabris plus de cent mille livres (1). A lziari fournilToit les
moyens Sc Scytrc les pouvoirs. C e font ces dettes qu’on a
acculé la M arqu ifc de C a b ris ,a lo rs ab fen te, d’avoir fait con
tracter à ion mari.
Le com plot d’interdi& ion form é à P a ris , favorifoit donc
les complots de Provence. La vengeance s’aflocioit à l’avi
dité. L ’infortuné Marquis de Cabris étoit environné d’en
nemis dans fa propre famille. Sa m è re , dont l’âge augmentoit la foiblcflè & l’ap a th ie, devoir céder aux impuliïons
de fes p a ren s, & les parens étoient entraînés par un double
intérêt.
Les trois beaux-frères parloient encore du fupplémcnt de
lé g itim e , peu iatisfaits de l’avoir fait tripler par le complaiiant Scytrc. L ’évén e m en t a juitifié leur elpérancc. Les pre
miers momens de la m ort civile du M arquis de C a b ris, ont
«
(1) L ettre du Heur A lz ia r i au M a r q u is de C a b ris , du 8 Juin 1 7 7 6 ,
im prim ée page 73 du prem ier M é m o ir e .
�S
cté em ployés, par fa m ère, à payer à ccs beaux-frères ccfup*
plément de légitime com m e ils ont v o u l u , fansd ifcuüion ,
fans conteftation , fans formalité.
U n intérêt plus v i f les animoic encore : a p p e lé s, au
défaut d’enfans , aux fubftitutions de la maifon de C a b r is ,
la, naiiïance de la D em oilclle de Cabris . n’avoit pu leur
enlever cette efpérance fans leur en donner une autre : ils
vou lo icn tre co u vre rp a relle lcs biens qu’elle leur faifoit perdre.
C es deux diviiîons des deux familles , réunies pour le
m êm e projet par des intérêts contraires, ont paru, dans les
premiers écrits de U M arquife de C a b r i s , un roman invraifcmblable.
C ep en dan t elle ne l’écrivoit pas fans preuves : aujour
d ’hui les preuves fe font accumulées ; elles font confignées
par to u t , dans des délibérations juridiques, dans des a£tes,
dans des écrits; Sc la double confpiration eft devenue l’hiitoire de toute la famille , de toute la province , & l’on pourroit dire même de la capitale.
S iconjje Époque
T o u t étant préparé pour l’exécution , le premier N o
vembre 1 7 7 7 , on voit arriver à GralTe le Bailli de M ira
beau ; celui q u i , trois ans au p aravant, en parjurant fa f o i ,
en refufant de payer les 30,000 liv. promifes au M arquis de
C a b r is , écrivoit à fon époufeq u ’ils étoient des ufuriers épou
vantables.
11 s’établit chez la D a m e de Lom bard , Douairière de
Cabris , 8c refufe de voir fa nièce ¿5c fon neveu qui viennent
le vifiter.
C e religieux d'un Ordre illu flre, capable de 'tous les acles
m ilita ires, incapable de tous les acles c iv ils , fans pouvoir
pour
�9
pour lui m êm e, s’étoit chargé des pouvoirsdes autres. I! étoic
muni de dix procurations que l’exceflivc bienveillance du
Juge rendit inutiles.
Six jours nprès ion a rrivée, la dame de Lom bard pré
fente la Requête en interdiction du Marquis de C a b r is , fon
fils.
Les pretextes n’étoient pas n o m b re u x , p u ifq u e, dans ce
m o m e n t encore , la dame de L om b ard ne juitifie fa d é
m arche cruelle que par deux
faits q u ’elle
appelle
des
fignes certains d ’une folie in c u r a b le , &: d o n t l ’un ne pouvoic être cara&érifé ( i ) , Ôc l’autre étoit un accident m a l
heureux (i).
La vérité eft que le Marquis de C a b r is , accablé des c h a
grins d o n t on avoit environné fa jeunelfe, & d on t on vient
d ’eiquiflcr le tab leau , étoit devenu très-fenfible ;
fcnfvbilité
lui
cette
d onnoit des accès fpafmodiques , &. des
inltans de mélancolie, fur tout les inftansqui fuivoient quel
que agitation
violente. D e cet état de foibleíTe p hvfique
à l’état de f o lie , l’intervalle e f t i m m c n f e ; cet intervalle cft
toujours le m ê m e , malgré les efforts employés pour le faire
franchir au Marquis de Cabris.
Jufqu’au m om ent de la demande en in te r d i& io n , l’opi
nion de la famille iur cet état de maladie m o m e n ta n é e ,
e lt conftatée par l’aveu de la dame de L om bard elle-même.
( i ) L a dam e de L o m b a rd a im prim é dans tous fes M ém oires ce
prétendu billet fait
6
par le
M arqu is d e C a b r is au iîeur G arnier , le
Juillet 1 7 7 6 , pour lui garantir pendant d eux ans la fanté de corps
& ti’efprit.
(1) L e M arquis d e C a b ris s’étoit blcile à la cuiiTe.
B
�10
En 1 7 7 6 , elle écrivoit à fa belle fille : V o tre mari cjlrevenu
d ‘ A i x avec quelques indifpofitions cauftes par les agitations
d ’un arrangement qui a pris trois mois de temps, mais elles ont
difparu ; i l f e porte très-bien.
E t dans une
autre lettre : V ous deve\ avoir reçu tn c
lettre de votre mari ; i l f e f a i t beaucoup plus malade q u i l
n e f l \ i l y a beaucoup a efpérer pour fort parfait radbli(jem tnt.
Quelques mois a p rès, la dame de Lom bard prétend que
fon fils eft in fe n fé , furieux, fans efpoir de guérifon , 6c elle
demande qu’il foit interdit.
L a M arqu ife de Cabris étoit feule pour défendre fon mari.
L e 7 N o v e m b r e , c’e ft-à -d ire , le lendemain de la demande
en in terd iction , elle fe préiente au tribunal pour s’y oppoler :
elle n’eft point écoutée.
L e Juge ordonne la preuve des faits. O n aiTemble, on
interroge tous lesd cm eitiq u es de la D a m e de Lombard ( 1 j.
Son fils demande à faire la preuve contraire. O n accorde \
mais on révoque cet acte de juitice avant m ême qu’il (oit
exécuté (z). Il écrit fa défenie de fa propre main ,
dans
le m ême temps il fait un a & c public de prudence &
de
fagacité , il tranfige dans les falles de fon Château a vcc toute
la C om m unauté a iïc m b lé e , fur une contellation délicate ,
fubiiilantc depuis plus de cinquante ans (3}.
Il cft interrogé ,
fes réponfes attellent fa prefence
d ’cfprit. La famille n’efl: ni ailemblée ni confultéc. Le m i'
niftère public conclut qu’ i l n y a pus lieu a l'interdiction >
Çi) D e vingt-deux témoins , lept ou huit fe u l e m e n t , les d fù iés d e
la D a m e de L o m b a rd , s’efforcent de parler c o m m e elle.
(2) L e M arqu is de C a b t i s avoit déjà fait conftater l'intégrité de fa
raifon par 42 tém oins.
(3) C e t t e tranfa& ion a etc confirmée par le Parlem ent d ’A i x , u o i s
ans aptes l’in te r d id io n prononcée co m te fo u A u t e u r .
�11
& le Juge la prononce pour caufe de manie hypocondria
q u e (i) , en ordonnant au furplus que la famille fera aiTem-
bl.ee pour nommer un Curateur à l’interdit.
Le lendemain , le M arquis de Cabris interjette appel au
Parlem ent d ’ Aix.
Malgré l’a p p e l, & douze jours après, la Sentence s’exé
cute. L ’H otel du Juge reçoit un fimulacre d ’aiTemblée de
parens. L à , préfide le Bailli de M irabeau , toujours muni
de Tes dix procurations, qu’il montre & qu’il n’a jamais d é pofées ; deux beaux-frères & deux étrangers fiègent à côté
de lui. Les plus proches parens , répandus dans dix familles
à G r a t t e , ne font pas m êm e invités : on connoilToit leur
opinion.
Sur le vœu trts~una'i ‘i m i de cette aflemblée le Jup-e ordonne l’exécution provil'oire de ia
Sentence nonobftanc
l ’appel , nom me la D am e de Lom bard C uratrice à l’inter
diction , & T u tric e de fa p etite-fille, fixe une penfion à
l ’i n t e r d i t , &L des alimens à fa femme , aucorife la prétendue
C u ratrice à emprunter
toutes les fomm es qu'elle jugera
nécedaircs fur les biens de l’interdit ; i l l'autorife fur-tout
h. arrêter le compte du fieur S e y tr e , autrefois Curateur à la
minorité du M arquis de Cabris , enfuite fo n c o n fe il, a d m im f
traceur de fe s biens , fo n Procureur, fo n défenfeur ju fq u au
moment de l'interdiction , vendu alors aux intérêts de l'a jfociation combinée,
0
depuis lors la trahiJJ'ant ou la protégeant
icur a tour fu iv a n t fe s intérêts perfonnels. (i)
( i \ Sentence d u 12 Janvier 1 7 7 8 .
( 2 ) L e fieur Seyire , mécontent de la D a m e de L o m b a r d ou de
fe? lui veillans , avoit déferré fon parti. V o i c i c o m m e elle le peignoir
alors dans fa R éplique
fo m m a ir e de 68 pages en
t r c s - p e r ic carac-
B ij
T r o is iè m e £10
qu i.
�11
Enfin , la même S e n t e n c e , par une efpèce d e vertige , autorife la C uratrice à faire enlever & mettre fo u s f a main la
perfonne de l'interdit & celle de f a fille comme étant fo u s f a
p u ijfa n cc, jufques fous les yeux du Parlement , donc leur
appel avoic provoqué la juflice.
L e M arquis de Cabris défendoit donc fa p e r fo n n e ,.fo n
honneur , fa fortune devant le Parlement d ’A ix , tandis
qu’à trente lieues de-là , fa mère , devenue fa Curatrice ,
faifoit enfoncer les portes de fon Château , brifer les fer
rures des arm oires, Sc fe m ettoit en poiTcflion de tout.
11 falloir un inventaire. U n N otaire , nom m é par
Sentence
du
14
Janvier ,
hom ologative de
l’avis
la
de
parens , é toit com m is pour y procéder en préfenec de la
C u ratrice
de deux parens. La Curatrice n’y afnfte pas.
L ’inventaire eft fait avec les fubalrernes , 6c quel inventaire i O n repréfenre feulement ce qui n’a tenté la cupi
dité de perfonne ; on ne fait nulle mention d’une Biblio
thèque de 12,000 liv. ; n e u f caiflcs de mfcubles p ré cie u x ,
envoyés de Paris pour meubler une maiion n e u v e , ne fon t
pas o u ve rte s, on fe contente d’indiquer leur nombre.
Le M arquis de C abris avoit un mobilier d’environ 80000
l i v . , fur lefquelles il devoir encore 11,000 liv. , payées de
puis par la C u ratrice elle-même. Le Notaire affirme à la clô
ture de fon procès - v e r b a l, que tout ce qui efl inventorié
n 'excède pas la fom m e de 2400 liv. ( j )
tere , im prim ée en 1 7 S 4 , page 3 1. M 4 S e y t r c , n é dans la plus grande
obfcuritc
,
fa u x pa r caraclère
j
facrijïa n t tout à l ’intérêt
,
également con
nu & élevé, par f e s intrigues & celles de f a fem m e, à la charge q u i l f a i t .
Iis font aujourd’hui dans la m eilleure intelligence.
( 1 ) O u t r e les meubles conficlérables que le M arqu is de C a b ris avoit
acheté à L y o n Si à M atfeille,, il en avoit fait venir de P a n s , c o m m e o n
�13
Les A rchives du château renfermoient trois fortes de
titres ; les titres de noblefle de la famille , les charrricrs
des terres , les titres de recouvrem ent &
de décharge.
L e repréfentant de la Curatrice obferve qu’il feroit trop
lon g de décrire ces papiers. T o u t eft confondu & entafle
d.ins les armoires.
Le Notaire appofe fon fcellé fur les
ferrures, à la réquiiiticn des parties. C e fcellé cil depuis
brifé parla C u ra tric e , qui s’empare de tout fans defeription,
(ans inventaire. .Les titres d’une famille ancienne & n om breufe , font aujourd’hui difperfés ou a n éa n tis, £c cette
perte eft irréparable, (i)
Le M arquis de C abris apprit à A i x ces invaiions rui~
neufes. Il demanda que la p e r fo n n e , celics de fa fe m m e ,
de fa filîe, ÔC fes b ie n s , fiiilent mis fous la fau ve-g ard e
du Parlement. M a is le Bailli de M irabeau n ’étoit plus à
GraiTe, il étoit revenu à A ix . Sa demande ne fut pas écourée>
C ep en d a n t on inftruir fur l’appel. N o u v e l interrogatoire
devant un Confeillcr-Commiil'aire. Les réponlcs du M arquis
de Cabris font un m onum ent de fageile , non-feulem ent
vient île l’annoncer. La M a r q u ife de C a b r is produit en ce m om en t un
m ém oire du fieur B r e n e t, & une trania& ion paifée entre lui &
le iïeur
V e r o n , fondé de la procuration de la curatrice , devant M<= Bricliird <?c
fon contrère , N o ta ite a u C h â t e l e t , le 2.0 M ars 1 7 7 9 ', par lefqael* il eft
1
conftaté que le M arq u is de Cabris avois déjà paye une f o m m e d e 4 6 ,6 9 6 .
8 fols fur les m eubles com m andés 6c en v o y é s, & q u e la cu ra tric e, en
arrêtant l’envoi de ceux qui n’étoient pas en vo yé s, a p.iyc e lle -m êm e
9 898 liv. 9 fols 4 clen. pour reftant de com pte avec les founiifïcurs. L es
quittances font jointes à la tranfaétion. L a curatrice par ce paiement défi
n i t i f , a reconnu exprelfément l’exiftence de ces meubles. 11 faut q u ’elle en
rende com pte. L ’inventaire fait par elle , eft d ’une infidélité qui épouvante.
( 1 ) La M a r q u ife de Cabris a rendu plainte par-devant le C o m milfaire Ninin ,
le 15 M a i d e r n ie r , de ce bris de f c e l l é , conftaté
�«4
fur les a&ions de fa v 'c p riv ée , mais m îm e fui- des détails
relatifs à l’adminiftration de fes biens. («)
Il n’avoit e n c o re , dans cette fituation c r u e l l e , que les fe-
cours de fa
fem me. C ’étoit à la préfence de la femme
qu’on attribuoit la force de fa railon & de fon courage.
»4 ievrier 1778.
Six jours après fon in te rro g a to ire , pendant la n u i t , *
deux heures du matin , une brigade de M aréchauilee s’in
troduit jufques dans fa c h a m b r e , &C là , en vertu d’un
ordre M in iflé n e l, d o n t il demande ÔC dont on lui refuie
la com m unication ,
fon époule cil arrachée de Ion l i t ,
conduite à S iftcro n , dans la haute-Provence , ôc renfermée
R ï Q U Î T f RÉPON
D U ! le i j
F é vr ie r .
dans le couvent des Urfulines.
Le lendemain , le M arquis de Cabris rend plainte de
cet enlèvem ent ; il redemande fa femme : fa R equête eft
jointe au fond.
Il découvre la retraite de fa fe m m e , il veut la lu iv re; '
A r r ê t du 16 Fé
v rier 1 7 7 8 .
j
Mars 17VS.
P r o c è s - v e r b a l de
au m om ent où il va m onter en v o it u r e , un Huillier lui
iigniHe A r r ê t , qui lui défend de lortir de la v i l l e ; A rrêt
,
,,
,,
,
r
,
l’HuiiTier, qui arritc o b t e n u a v a n t 1 e n l è v e m e n t d e io n e p o u l e , m a i s t e n u
lebrisMarquis
de Caen vertu
de S E C H H T , & ré le r v é p* o u r la c irc o n il a n c e . L e m ê m e H uiiîicr
[•Arrêt
vncr’
du 16 ii-
un Cavalier de MaréchauiTée s'attachent à les p a s , Sc
le gardent à vue jufques dans fa chambre.
Le 7 M a rs , la D em oifelle de C a b ris, en vereu d ’un autre
A rrêc, cil enlevée à ion p è re , jouiil'ant encore de tous les
par les deux procès-vet baux fucceflîfs du m êm e N o t a i r e ,
du 16
lanvier
Te premeir
177S , ôc le fécond fait eu vertu d'un A r tê t du Par
lem ent de P a r is , au mois d 'A v r i l dernier , &
encore par le certificat
du m êm e N o t a i r e , picces jointes aux procès-verbaux faits en l’Hôtel
du L ie u te n a n t-C iv il.
( 1 ) Cet
interrogatoire eft
M a r q u ifc dé C a b r iî ;
L i t s en l'H ûtei.
im prim é
au prem ier M é m o i r e de
c'eit une des piècts jointes aux
p r o c è s -
1*
verbaux
�15
droirs , de route Ton autorité , pour être remife entre les
mains de la D am e de Lombard.
Privé de fa fem me &C de fa fille 3 l’infortune pouvoir
encore influer fur le jugem ent par fa feule préfence. O n
l’engage à retourner à Cabris , on lui promet que le ju
gem ent fera fufpendu.
Il
part dans les
premiers jours
d ’A v r i l, efeorté d ’un EmiiTaire de fa mère. Auffi-tôt après
fon départ (i ) , A rrêrq u i confirme la S en ten c ed ’interdictioiî.
Les attentats s’a c c u m u le n t, & ce qu’on va lire eft plus
affligeant encore.
La manière dont cet A rrê t a été e x é c u t é , doit révolter
l’ame la moins fenfible. T o u te s les preuves font au procès :
il n’eft pas un fait qui puifle être révoqué en doute.
L a dame de L om b ard , cu ratrice, va déformais exercer le
pouvoir le plus abfolu fur la perfonne & fur les biens de
Ton fils, &: fur la perfonne de fa petite-fille.
Son fils , le M arquis de C a b r i s , eft enfermé dans un
coin de fon château , confié à la furveillance d ’A l z i a r i ,
père du Procureur de la D a m e de L om bard.
lier
du Marquis de Cabris , le
Ce Geô
livre à deux
traveftis en dom eftiqu es, qui le l i e n t ,
payfans
l'e n c h a în e n t, le
frappent du poing &. du bâton au gré de leurs c a p ric e s ,
& l ’on connoît le caprice des valets tyrans de leurs maîtres.
A u furplus , ces tyrans à gages étoient aiïez bien gages :
A lz ia ri
avoit
1 100
livres
par
an ;
les
deux
valets
150 liv. c h a c u n , c ’e f t - à - d ir e , plus du double des gages
ordinaires en P roven ce, (x)
(0
.
.
..
9 A v r il
„
1778.
■
'^■*^1
1
_______
^
5
(1) Eft il befoin de dire q u ’ils étoient au furplus n o u r ris, loges «f
�i6
O n prodiguoit au c a p tif les alimens les plus contraires
à fa i a n t é , le c a f é , le c h o c o l a t , les liqueurs fo r te s , roue
ce qui pouvoir enflammer fon fang & irriter fes nerfs. H
efl: rd té lix années dans cet é t a t , fans l i n g e , fans vêtem ens,
(i) fans m eu b les, fans rem èdes, & fur-tout fans plaifirs ,
(ans diftraction , fans lib e rté , le meilleur , &. peut être l’u
nique remède de la maladie. (2)
Les fenêtres de fa cham bre étoient grillées ; il vouloit
écrire , il aimoit la le£ture ; on éloignoit de lui plum es, pa
pier , encre & livres ; il aim oit fa fille , il a vécu quatre ans
ians la voir ; on a poufle l’infouciance , il faut le dire ,
l'in h u m a n ité , jufqu’à le faire coucher fans draps. O n fupprime plufieurs détails qui blcli'eroient les oreilles délicates.
__ ____ •
vêtus ? A lzia ri faifoic quelquefois à fon maître l ’honneur de l’adm ettre
à fa table.
( 1 ) L a garderobe la m ieux fournie avoit été difperfée. l o r s de la
tranilarion du m alade de Provence à P a r i s , on verra q u e
l’ Ofrici<»r
chargé des ordres du R o i , a été obligé d ’attendre q u ’on eût fait le
feu l habit apporté pat le M arq u is de Cabris ; cela ne doit pas étonner;
les habics de la M a r q u ife de C a b ris e l l e - m ê m e ,
ne
fo n t - i l s
pas
devenus la proie d e i fervantes J e fa b elle-m ère ?
( z ) C e s mauvais traicemens fo n t prouvés par la déclaration d e la
C o m m u n a u t é de C a b ris , & par fept dé^Fàrations particulières. Elles font
annexées aux procès - verbaux des aflemblées de parens faites ch ez le
Magiftrat.
La M a r q u ife de Cabris d em an de depuis lo n g tems à faire
de tous ces faits odieux , une inform ation publique , fa belle-m cre s’y
o p p o f e , Oc pourquoi ? Sans doute parce q u 'e lle fuppofe cette preuve
furabondante &
inutile. N ’a - t - e l ! e pas avoué dans ,fa réplique fo m -
m aire de 68 pages , page 48 , q u ’ il étoic qu elq u efo is néceifaire de
contraindre , de gêner Us m ouvcm ais de fon fils ? Elle le com pare à
Ch a rles V I .
Sa
�»7
Sa p e t i c c - f i l l c l a dcmoifellc de C a b r i s , unique héritière
d ’un nom d iilin g u é , 6c de 50,000 livres de ren te, eit dans
un Couvcnc de G r a ile , à 200 livres de peniion, ians G o u
vernance; ion éducation fuc un M aître d ’Ecriture pendant
trois mois feulement : ion inftruclion , tous les propos qui
pouvoient cendre au mépris de Ton père , 6c ion amuf'em en t, le récit journalier de calomnies inventées concrc /a
mère. Sa mère! il lui étoic com m andé de la h a ï r , &C ia
réiiilance à cet ordre étoic la faute la plus g rave ôc la plus
févèrem ent p u n ie '( 1 ).
Les biens écoienc adminiilrés com m e les perfonnes.
S t y t r e , Procureur du M arquis de C a b r is , & qui l ’avoit
fi bien d é fe n d u , cil d ’abord récom penfé de fa perfidie. Les
beaux-frères
avoient autorifé la C u ratrice à recevoir fon
com pte : ce com pte eil rendu fans d éta ils, fans pièces jufrificacives, Sc Scytrc cil reconnu C r é a n c i e r d e 60,000
livres (2).
Les crois beaux, frères fe préfencent à leur tour. Ils'fo n t
fervj par Scytre qu’ils ont déjà fe r v i , 8c auifi-tôt paroît une
tranfaclion , qui porte à 260,173 Üv * ^ f ° l s 3 den. ce pré
tendu fupplément de légitim e , fixé par le teilam ent du père
com m un à Z4000 liv.
(1) Elle fut condam née à d em eu rer chaque jo u r , crcis heures , fou
i e matin , à genoux fur une tom be de l’E g life , pour avoir été trouvée
lifant un M é m o ir e de fa m è r e , parvenu ju fq u a elle. C e t t e b ifir re pé
nitence fu t interrom pue par un événem en t im prévu ; il faut l'entendre
d ire avec fa naïveté de qu a to rze ans : pa r bonheur j e tombal malade.
(2.) Sur cette fo m m e , Seytre a déjà touché 50,000 livres , &: dans un
m o m e n t de m é c o n t e n t e m e n t , la d am e de L o m b a r d a déclaré e lle -m ê m e
q u e cette f o m m e pouvoit Sc devoit être tefl:ituée:on a m ê m e dit au cou*
c
fe i l de la M a r q u i fe de C a b r i s , q u ’il ex'tftoit mie Confultacion des A v o -
�iS
U n bois de haute-futaye , ornem ent d e l à T e r r e , cft
coupé & vendu.
l e s baux font faits fous feing-privés, par anticipation, 8c
pour des prix inférieurs aux prix trouvés 6c retulés par le
M arquis de Cabris lui-même , parce que l’on preréroit des
pots-de-vin confidérabies.
Le m o b ilie r, de plus
de 80,000
livres, a difparu fans
laiiler de traces. Le pillage étoit H public , 6c le diferédic
fi grand , que les mandats de la C u ra n ice étoient refulés
à fa p o r te , (ur la place de Gralfc. D ’un côté les revenus
étoient exigés,d ’avance ; de l’autre, les droirs royaux 6c les
autres charges n’étoient pas acquittés. La Curatrice a porté
l’abandon jufqu’i donner des portions confidérabies de ter
res féodales, fans exiger I.s redevances accoutumées. C e s
libéralités fo lle s , faites à tous les parens de íes dom eítiques, privent en ce m om ent ia T e rre de Cabris de plus
de mille écus de rente.
Enfin, pour donner une idée de cette d évaftation, il fuffir
de dire que pendant fix années la C uratrice a touché plus
de 300,000 liv re s , 6c qu’elle-a fait pour plus de 300,000
livres de d e tte s, lans autre dépenie que la nourriture de
l’in te rd it, celle de
fa fem me
&
de ía íi 1ie ; 6i cette dé-
penfe , en l’e x a g é r a n t , peut être portée à 6,000 1. par an ( 1 \
La M arquiie de Cabris fut inftruitc de ce défordre , Sc
de la manière indigne d ont fon mari étoit abandonné par fa
jn e r e , & traité par les valets.
ilile d em a n d a, par requête du 6 Mars 1 7 7 5 > a faire
tars de Provence , provoquée par la D a m e de L o m b a rd , par laquelle il
«toit décidé'que Seytre pouvoir être pourfuivi par la v o y e extraordinaire.
(1)
C e t ce preuve r efa ite
du com pte d e la Cu ratrice , non pas tel
q u e l l e l ’a r e n d u , mais tel q u ’ il fera rétabli par la Juitice.
�>9
preuve des mauvais traitemens exercés fur la p e r f o n n e d e
ion mari , &. en conféquence la defticucion de la C u ratrice'
C e tte demande ne produiiit qu’une fcène qui feroic rire,
fi elle ne faiioit pas garnir.
Le Juge n’ordonne pas la preuve demandée : il ordon
ne Ion tranfport à Cabris , pour voir lui-même & inter
roger le malade.
T o u t étoit ehoifi , jufqu’à l’heure de fa vifite; il trouve
le Marquis de Cabris , rafé , p o u d ré, vêtu d'un ju fie aucorps g a lon n é,
& dînant avec la dame fa m è r e , le M é -
drein &. le C h iru rg ie n ; ces trois perfonnages croient ar
rivés la veille.
L e Juge
interroge gravement l’h om m e
quoique mois auparavant
qu’il a déclaré
inienfé & h y p ocon d riaq u e,
&
rellulcitant pour un in fta n tlc même hom m e d ont il avoit
écliplé l’e x iile n c e , il écrit gravement que le M arquis de
C abris a répondu «' que la dame fa mère l’a toujours beau•>■
> coup c h é r i , qu’il n’a jamais été aband onné, étant au« contraire très-bien fervi par tous fes d o m eiliq u es, v ê tu ,
» logé
nourri com m e il le defire ; q u ’il voie avec le
» plus grand plaifir le lieur A l z i a r i , h om m e de confiance
» de la dame fa m ère, qui a bien des attentions pour l u i ,
» i l avec lequel il fe promène & converfe.... ôc que iur»> tout, i l ne s ’ étoit jam ais fo u cié de la dame fo u époufe »>.
L e Juge ajoute que le M arquis de C abris ayant dem an
dé de charger ce procès-verbal de tous ces faits , s’eit retiré.
Et pourquoi n’a-t-il pas figné ? Q u ’on pardonne cette
queftion à l’empreiTcmcnt qu on lui fu ppofepour faire conftater des réponies fi affirmatives &. fi fages.
C ette comédie finie , le Juge déclare la M arquife de Ca>
C ij
�so
bris non-recevable dans fcs demandes (i). E n vérité , tant
d ’appareil étoit inutile pour le jugem ent.
A p p el au Parlem ent d’A ix ; le 27 Juin f u i v a n t , A r r ê t
qui confirme la Sentence (2).
»
O n dira ptut-êcre que la dame de L o m b a rd , fi elle a
prodigicufcm ent influé fur la Sentence de G r a d e , n’a pu
ni difpofer ni m otiver l’ A rrêt du Parlem ent d’Aix.
C e la eft vrai : la dame de Lombard étoit à G r a d e ; mais
le Bailli de M irabeau étoit à A ix ; mais le Bailli de M ir a
beau ne prenoit la peine de cacher ni Tes démarches , ni
fori influence ( 3 ). Il avoit dit qu’il feroit enfermer fa nièce
dans la plus étroite prifon , q u ’ il avoit à cet égard tous les
pouvoirs de fon père. Il s’étoit m ontré publiquem ent le
lolliciteur 8c le miniftre de l’ordre du R o i , qui la tenoit
réléguée a u C o u v c n t .d e Sifteron.
Il avoit été plus lo in : le 16 A v r il 1779 , il a voit écrit
à la Supérieure de ce C o u v e n t , q u i l avoit reçu une pro
curation du M arquis de M irabeau , fo n frère 3 laquelle lu i
donnoit tous Us pouvoirs paternels f u r la M a rqu ife
de
Cabris , q u i, n étant plu s fou s la puijjance de fo n mari >
[ 1 ] O n ne peut fiippofer avec q u elqu e raifon q u ’ un m o t i f à cette Sen
tence. Il eft dans une C o n fu ltn tio n d ’ un A v o c a t d ’ A ix , [ M c Gaflîer ]
iîgHifice c o m m e pièce du P r o c è s ; fuivant l’uiage de ce P a r le m e n t , le
Confulran t y
décide qu e la M a r q u ife de Cabris étant enferm ée pat
ord re du R o i t étoit incapable d ’agir.
[2 ]S en ten ce du 1 7 M a i 1 7 7 9 , A r rc t du 1 7 Juin , pièces jointes aux
procès-verbaux.
( j ) P arm i les parens qui avoicnr déféré la curatelle , on co m p te
deux.
guet.
C o n feillers au Parlem ent d ’A i x , ( M M . de Gras <k d u B o u r -
�1I
retom bait f o u s la p u ijfa n c c de f o n p ère. En co nfçqu cnce v
ajoutant» de Ton autorité p r iv é e , quelques anneaux à la
chaîne de fa nièce , i l d éfen d o it q u e l l e eût aucu ne com m u
n ica tio n a vec le dehors ( i ) .
Q u elqu e rems après, il fc préfenta lui-même en Juftice
pour demander la iuppreilion d’un A lém oire publié par la
M a rq u ife de C a b r i s ,
5c
dans lequel il trouvoit fon nom
compromis par l’hiftoire des 30,000 1. p ro m ifes
DÉNIÉES.
L a fuppreflion fut à l’inftant prononcée. (1)
L ’opprciîîon devoit avoir un terme. Les plaintes de la
M arqu ife de Cabris ont frappé les oreilles du M on arqu e.
U n M agistrat refpectable ( M . L enoir , C onfeiller d’E t a t )
a été chargé d eclairer les motifs de fa détention. Elle a
fait parvenir à fon Juge , un Journal com plet de routes fes
a l l i o n s , depuis fon enfance jufqu’à fa captivité. Sur cette
( 1 ) L ettre du Bailli de M ira b ea u , du 1 6 A v r i l
1 7 7 9 , déjà
im
primée.
(z) C ’eft dans cette R e q u ê te q u ’il articuloir trois faits intéreflfans j
i ° . que la conduite de la M a r q u ife de Cabris avoit nécellité la demande,
en im erdidtion de fon mari j z ‘\ que la M a r q u ife de C a bris s’étoic
procurée un tcftam em
avoient été difeutées
de fon m a r i , d on t les d ifpofitio ns, d i f o i t - i l ,
lors de
l ’Arrêe du Parlem ent de Provence ; 30. Sc
enfin que la M a r q u ife de C a b ris avoit furpris des procurations
à fon
mari. C e s trois faits, dont la faulfeté eft évidente & d ém o n trée, fe trou
vent répétés m ot-à-m ot dans le Réquiiitoire de la dam e de L o m b a r d fait
en l’hôtel du M agiftrat, avec cette différence cependant q u ’elle avoue que
le teftament de fon fils étant m y jlïq u e , Tes difpoiitions n’ont pas pu ccre
difeutées. C e t t e obfervation n ’efl: faite ici que pour m ontrer un des filsqui lient entr’eux les m em b res de raiiociation.
�22
juilification , jufqu’à préfent inouïe , (es fers ont ¿té brifés
dans le mois de M a i 17 8 1.
L ib r e , clic eft venue fe profterner elle-m êm e au pied
du T r ô n e ,
pour
y dépoier tous les
Jugemens
rendus
co n tre Ton mari.
L e 8 Février 1783 , A r r ê t du C on fe il d’E t a t , qui ordonne
Vapport de toute la p rocéd u re, 6c des motifs de l’A r r ê t d u
P arlem ent d’A ix .
A cette n o u ve lle , la cabale fr é m it , s’a g it a ,
&
vou 'u t
calom nier encore : il cft prouvé par une D é lib é ratio n de
la C o m m u n a u té de C a b ris , ( 11 A v r il 1783 ) que l’hom m e
d e c o n f i a n c e de la dame de Lom bard a préfenté deux fois
aux H abitans allêmblés , un certificat à iigner , 5t que
deux fois les Habitans o n t refufé de figner ( 1 ) , malgré
toutes les modifications employées pour les y décerminer.
L a Juftice eut cette fois un libre cours. Le 15 A o û t 1783,
A rrêt du C on feil des D é p c c h c s , Sa M a jcité y étant , d o n t
voici les propres expreilions.
T o u t confidéré : oui le rapport, le R.oi étant en fon
i> C o n f e i l , en préfcnce ôi de l'avis deldits fleurs C o m « m iflaires, a caiTé, annullé , caiTe Sc annuile la Sentence
« du x i Janvier 1 7 7 8 , êc tout ce qui a pu s’enfuivre 5c
>3
s’en eft enfuivi , notam m ent les O rdonnances rendues
>• le 14 Janvier 1 7 1 8 , &: celui du 17 Juin 1 7 8 0 ; ordonne
(1) Pièce jointe aux Procès-verbaux. Il eft prouvé par la Déclaration
particulière du C o n f u l de ce t e m s , qii’on avoic em ploy é auprès de lui
les injlances 6c les menaces , pour obtenir quelques fign.’. tures feparées.
A ttcft.u ion particulière du C o n f u l de la C o m m u n a u t é de C a b i i s , jointe
aux Procès-verbaux.
�23
« que le ficur c’c Cabris fer.i transféré , de l’ordre de Sa
’» M a j cité ( i ) , en la m aifon d u ficur M a fie , à la V iJ lcrtc,
» près P a r is , où il fera libre aux dames de Cabris , bellc’ » mère 2c belle-fille , de lui donner égalem ent leurs foins,
v La demoiielle de Cabris fera pareillement transférée, de
v Tordre de Sa M a je ité , au C o u v e n t
de Bonfecours à
» P a r i s , ou Iciditrs dames pourront égalem ent la voir. Les
>• frais néceflàircs pour leidites deux tranilations , préalav b lcm en t pris (tir les biens dudit fieur de Cabris ; ordonne
m auffi qu’à la R equête de la plus diligente des deux dames
» de Cabris
il iera c o n v o q u é , pardevant le L ieutenant-
» C iv il du C h â ie lc t de Paris, dans le m o i s , à com pter du
» jour de la fignincation du prélcnt A r r ê t , une aflcmblée
*• des parens ù amis du ficur de C a b r is , dans laquelle lef» dites dames de Cabris pourront fe trouver , 2c même
» form er telles demandes qu elles aviferont ; lors de laquelle
m aflem bléc , lefdits parens 2c amis prendront connoiflancc
» des enquêtes refpe&ives , du rapport des M éd ecins 2c
» C h iru rg ie n s , s’il cft o r d o n n é , pour donner enfuite leur
» avis au fieur Lieutenant-Civil du C h â te lct de P a r is , au»» quel Sa M ajeité a attribué , f a u f L'appel au Parlement
» de Paris y toutes C ours , Juriidi& ion 2c c o n n o iiià n c e ,
» icelle interdifant à ics autres C ou rs & Juges, 8c jufqu’au
« J ugem en t, toutes choies d’ailleurs demeurantes en état.
« Fait au C on feil d'Etat du R o i , Sa M ajefté y étant, <Uc. »
(r) C ’eft l’ex é:u tion de cet ordre fonverain que la, d am e de L o m b a r d ,
paçe 54
de fa réplique fo m m a ire de 68 p .^ e s , &
à plulïeuri autres
endroits , exprim e ainli : E lle ( la M a r q u ife de C a b r i s ) f i t enlever fort
mari avec précipitation par la AJardihauJJ'ee.
\
�24
C e t A rrê t a été fignifié le 17 Septembre f u i v a a t , à la
dame de L om b ard ; fie voici com m ent il a été exécuté.
Le Marquis de C abris a é t é - remis entre les mains de
rOiHcier chargé de l’exécution de l’ A rrêt du C onfeil s avec
un foui habit fini la veille de Ion d é p a rt, 19 c h c m ife s ,
un chapeau déchiré &C des boucles de fer. La dame de L o m
bard avoit refuie le linge & l’argenterie néceiîaires. A u
m om ent du d é p a r t , l’Oflicier demanda quel domeitique
étoit plus agréable au M arquis , vingt voix crièrent enlem ble : pretie^ L a u r e n t, i l n’ a jam ais battu M . le M arquis.
P endant la r o u te , l’Officier fut obligé de lui prêter des
bas
des mouchoirs. ( 1)
r
(1) C e s faits font prouves par le procès vetb.il de l’O f l i c i e r , & ils ne
font pas conteftcs.
V o i c i co m m e la D a m e de L o m b a r d exeufs cette petite négligence ,
page 43 de fa R é p o n fe fo m m a a e en 68 pages : après avoir f a i t publier fort
triomphe dans Us G a le tte s É trangères ; E lle ( la M arq u ife de C a b ris )
arrive en Provence : un nommé M artin , f e difant Commiffaire chargé
des ordres du R oi , efeorté de la M arichauffée , enlève à l ’improvifle ,
avec fra cas & fcandale , mon f i l s & ma p etite-fille , fans permettre que
j e les garde une fe u le nuit 3 & que je fa ffe fa ire leurs malles. ( Et par
une note au bas de la page ; ) i l refulta de cette précipitation du nomm é
M artin , que mon f i l s f u t enlevé fa n s fies habits & fo n linge. J ’ avois
cru que c ’ étoit pure étourderie. J ’ ai vu pa r le mémoire de ma belle-fille ,
qu’ il y avoit un defjein prém édité. O n n ’ a pas voulu f e donner le temps
de lui fa ire f e s m alles j & on m ’ accufe aujourd’ hui de l ’ avoir laiJJé man
quer de tout y parce qu’ on n ’ a rien voulu emporter.
V o u s obferverezj s'il vous plaît , q u e le M arq u is de C a b ris a féjourne
3 6' heures a GraiTe j q u ’il y a vu fa m ère 3 8c q u e depuis le mois de
Septem bre 178 5 , depuis plus de Jeu x a n s , ces malles
11e fo nt pas
encore faites ; que la D a m e de L o m b a r d n’a jamais rien d on né à fon
fils j qu i n a du alors fon exiftencc q u ’aux fccours de fa fem m e.
La
�*5
L a D em oifclle de Cabris ¿toit encore plus mal pourvue.
E lle eft arrivée à Paris avec quatre chcmifes , deux m ou
c h o irs, deux coëffes de nuit , & une robe d ’indienne.
O n devinera fans
peine que l’O ffic ie r ,
co n du & eu r du
M arquis de C a b r is , ne put pas obtenir un fol pour les frais
de tranilation , malgré la difpoficion de l’ A rrêt du C onfeil t
qui ord on n oit que cette dépenfe ferait préalablement prife
f u r les biens du transféré.
E t co m m en t la D a m e de Lom bard auroit-elle donné de
l ’argent ? E lle n’en avoit pas ; &L telle étoit fa fituation
journalière au milieu du pillage que fon incapacité abfoluc
rendoit inévitable ; elle n’en a voit pas au m om ent où fes
ailociés l’a r r a c h o ie n t, com m e elle le dit e lle -m ê m e , de
fes f o y e r s , pour la traîner dans cette Capitale à la pourfuite de leur vi£fcime.
L a D a m e de Lom bard s’eft d onc décidée à quitter G raffe,
pour venir à Paris demander une fécondé fois l’interdic
tion de Ion fils , devenue pour elle &c pour les agens , le
feul m oyen de voiler les iniquités com m ifes.
A v a n t de partir, elle donna la procuration la plus étendue
à Mc G a y te , A v o c a t à G r a fíe , pour régir & adminiftrer en
fon ablcnce. (i)
D a n s l’écat des chofes , cette procuration étoit fort inu
tile : au moins A lziari ne devoir pas la regarder com m e un
a & e férieux. Il avoit lui-même fervi de tém oin à la rédac
(i) Procuration de li D a m e de L o m b a r d en faveur de M e G a y t e ,
fo n A v o c a t à G-aiTe , du 18 O f t o b r e 1 7 8 5 .
à la R e q u ê te de
Elle eft jointe ( N °. 1. )
la M a r q u ife de C a b ris , répondue
le
z 1 O ûobre
1785.
D
�i6
t i o n , & cependant malgré cette procuration faite fous fes
y e u x , il recevoit des Fermiers tout
ce qu il pouvoit les
contraindre à payer , & d onnoit audacieufement quittance
en fon nom . C e s quittances font produites, (i)
D ’ un autre côté , Seytre , malgré l’A rrê t du C onfeil
qu’il c o n n o iifo it, & qui anéantiiloit la curatelle 8c tous les
a&es de la curatelle , m ettoit la main fur la portion la plus
Jiquide des re ven u s, en vertu des délégations à lui faites
par
la C uratrice , n’attendant qu’un lignai
pour
faiiîr
le r e f t e , com m e on va le voir , en vertu des engagemens
qu’il avoit lui-même fait contra& er au M arquis de Cabris.
Seytre , G a y te , A l z i a r i , T riu m virat fu n e fte , fpoliateurs
fu b a ltern es, toujours divifés par leur intérêt perfonnel ,
mais toujours unis par la ilupidité de la Curatrice , & pour
la ruine de fon fils.
D a n s ce d éfo rd re, il étoit tout iimple que la D a m e de
L om bard n’eût pas d’argent au m om ent de fon départ. Pour
en avoir , elle a exigé d’avance les revenus de fon fils ; elle
a mis en gage l’argenterie de fon fils ; elle a vendu les bou
cles d’or de fon fils, (i)
(i)
V o y e z N ° . 1. des pièces jointes à la R eq u ê te , ci devant datées.
Q uittance du premier D é c e m b r e 178 3 , par A l z i a r i , fe difant chargé
des pouvoirs de la D a m e de L om b a rd .
(1) O n l’a vu arriver à Paris avec des boucles de fer. L e fieur R a bu is,
O rfè v r e de G ra lfc , a acheté les boucles d ’or : ce fait a été avouvé p arla
D a m e de L om ba rd , en préfence du M agiftrat & des parens aiTemblés
en
1H ô t e l ,
en D é cem b re 1 7 8 3 . A
l’égard de la vaiiïelîe , elle a aiTurc
qu elle n etoit pas vend ue , mais elle a avoué q u ’elle l’avoit m ife en
gage*
�17
C ’eit ainfi qu’elle eft venue dans cette C a p it a le , pourfui-
vre 1 état &. Ja pcrfonne de fon fils , avec le prix de Tes bou
cles d’or , de fon a rg e n te rie , & les revenus de fa T erre .
Elle l’a vu à Paris. Elle a vu fon fils , elle a vu fa petitefille réduits au plus iimple néceffaire , que leur époufe &
m è r e , épuifée par les dépenfes continuelles de fafituation ,
n ’avoit pu leur fournir qu’en recevant elle-m êm e des fecours de fes parens & amis , en com prom ettant fa dot. Elle
les a vu fubfiftant à crédit dans les maifons où les ordres du
R o i les avoit placés. Elle avoit 24,000 liv. dans fon por
te-feuille, & elle ne l’a point ouvert pour offrir à fon fils ,
à fa petite-fille, la plus foible partie de cette fom m e qui leur
appartenoit.
Jufqu’ici nous avons raconté des faits déjà publics ; la
narration a été rapide , parce que ces détails écoient inutiles,
Rcfpirons un m om ent.
N o u s allons e n tr e r , avec toutes les P a r t i e s , dans le C a
b inet du Lieutenant-Civil , où l’A r r ê t du C o n fcil a fixé le
T rib u n a l. La fcènc va changer fur ce nouveau théâtre. Le
même intérêt agitera tous les efprits ; mais les A £ e u r s &
les moyens von t fe multiplier. En P roven ce , on a voulu
faire interdire le M arquis de Cabris pour le dépouiller : à
P a r i s , on voudra le faire interdire encore pour cacher les
dépouilles conquifes , Sc pour en conquérir de nouvelles.
O n alléguoit en P rovence une dém ence iim u lé e , qu’on a
tenté de rendre réelle par tous les excès qui peuvent être
com mis fur 1111 efprit f o ib le , & iur un corps débile. A Paris,
l’on voudroit juftifier la tyrannie par fes propres effets , Sc
D ij
�réalifer la démence qui n ’exiftoit pas , par celle dont on
a voulu forcer l’exiftçnce.
C haqu e com p lot fera dirigé par la m ême main 5 chaque
fil fera conduit par le m êm e reiTort ; 5c tandis que la D a m e
de L o m b a r d , aveugle Sc croyant ne fauvcr que fes fautes
perfonnclles , s'efforcera de défendre les rapines de fes fu balternes ; elle protégera auiTi, fans le favoir , le projet
des chefs de parti ; ce p r o j e t , plus im portant que tous les
a u tre s, d’un mariage qui enchaîneroit la fille & les biens
dvi M arquis de C a b r is , Ôc dont l’âge de la D e m o ife lle de
Ç a b :is com m ençe à preiler l’çxécution.
L a M arqu ife de C a b ris va prononcer un nom plus refpe& able pour elle que tous les autres , le nom de fon père.
L e Marquis de M irabeau, q u is ’eft caché jufqu’à préfent , v a
paroître malgré lui. Elle refpe&era fon père.
JufquW ce
m om en t n’a-t-elle pas exagéré le rcfpeét ? En racontant
les attentats com m is fur fa p erfonne, les calomnies débitées
contre fon honneur , toutes les perfécutions dont elle a été
l'objet , n’a-t elle pas gardé le filence fur ce qui pouvoit cq
déceler l’auteur ? M a is après avoir vu fucceifivement in
terdire la M arqu ife de VaiTan , fon a y c u lc , & le C o m te de
M ir a b e a u , fon fr è r e ; après avoir vu des ordres miniflériels
enchaîner fucceifivement fa mère , fon frère , elle-m êm e ;
lorfqu ’on attaque fous fes yeux Tcxiftence de fon m a r i ,
l’état de fa f i lle , & l’honneur de fa jpoftérité , elle d o it
parler avec courage ; heureufe encore de pouvoir témoi
gner fes égards , en ne parlant de fon père que pour m o n
trer les écrits émanés de la main de fon père.
Les 10 D é ce m b re 1783 , 1 5
5c 1 4 J an vier, 5c 5 F évrier
�19
1784 , les parens & amis furent afTcmblés en I’H ô te l du
Lieutenant C iv il. La dame de Lom bard portant en main dixhuit procurations de dix huit parens qui avoient déjà donné
leur vœu en 1 7 7 7 , pour l’interdi& ion de Ton fils 8c pour
fa c u ra te lle , dem andoit d ’abord que Ton fils fût interrogé
d e nouveau , 6c que les perfonnes 6c les biens fuilent
dépofés entre fes mains , par fuite de la curatelle qu’elle
prétendait fubfifter encore.
Les parens aiTemblés lo n t
d’avis unanime qu’il faut
accorder du repos ôc des fecours au M arquis de Cabris
pour réparer fa f a n t é , ôc fur-tout cette foiblefle a ctu elle,
luite
des mauvais traitemens exercés
fur
fa
perfonne
pendant la cu ra te lle , ou plutôt pendant fa c a p tiv ité ; que
la dame de Lom bard doit rendre com pte de fa g e f t i o n , 6c
qu’il d oit être établi fur les biens une adminiftration provifoire. Sur le refus verbal de la M arquile de C a b ris , des
parens défignent unanim em ent pour R égi fleur M c C o u r t ,
Procureur au Parlem ent d’A ix . A u fîî-tô t, & à la première
vacation du 10 D é ce m b re 1 7 8 3 , M e Eoulard eft nom m é
Séquellre par O rd o n n a n ce du J u g e , rendue fur l’avis des
parens.
L e M arquis de C abris effc interrogé deux fois. A travers
quelques é c a rts , on voit un cfprit tantôt a i g r i ,
tantôt
accablé par la contrainte & la pcrfécution. 11 eft vifîie
par les gens de l ' A r t , 6c leurs rapports donnent Pcfpo ir
d’un ré tabliflem en t, qui déformais ne peut être que l’o u '
vraee
du tems ôc des foins alfidus.
&
Sur le t o u t , intervient une Sentence en la C h a m b re du
C o n f e i l , le 6 A v r il 1 7 8 4 , qui furicoit à faire droit fur
la dem ande en in te rd ic tio n , n o m m e , de l’avis de parens,
�3<>
le (leur C o u r t , RégifTcur, à la charge de verfer les deniers
dans la caille de M e B o u la r d , déjà nom m é S éq u eflre;
ordonne que le Marquis de Cabris fera de nouveau vifité
in te rro g é ; 2c fur les offres de la dame de L o m b a r d ,
qu’elle fera tenue de rendre fon com pte devant M e Boulard
p è r e , ancien N o t a i r e , pour être com m uniqué aux parens
6c amis raiTcmblés.
L e plus difficile étoit de faire exécuter cette Sentence
en
Provence.
O n devine
co m m en t ce ju g e m e n t , qui
dép ou illot la D a m e de L om b ard de toute adminiflrration,
devoit être accueilli par ceux qui adminiftroi e n t , ou plutôt
qui pilloient en fon n om 6c à fa place. Les m oyens de
fufpendre
au moins cette
e x é c u t io n , ne laiiïoient que
l’embarras du choix. Ils étoient offerts par les circonftances,
ou plutôt par les fuites de la mauvaife adminiftration.
La C u ratrice j tout en percevant régulièrement 6c d’avance
les revenus de fon f i l s , avoit retardé depuis deux ans le
payem ent de toutes les charges , même des droits royaux,
0 des im portions de la N oblejfe de laProvince.
Les Réceveurs
avoient formé des faifics iur tous les biens du M arquis de
Cabris.
C e n’écoit point aiïcz : la main levée de ces faifies ne
tenoit qu’au payem ent de fommes peu co n fid érab les, ôc
cette main-levée donnoit une activité libre à l’adminiftration provifoire ordonnée par la Sentence du Châtelec.
V o ic i les trois beaux-frères du M arquis de C abris qui
fe p réfen ten t, & qui form ent auffi des faifies générales'^
en vertu de la tranfaclion pajfée entr eu x
0
la Curatrice,
de cette tranfaclion qui leur d onnoit fur les biens de l’in
terdit près de cc n t mille écu s, pour un prétendu, fupplément
�31
de légitime ¡ f a t par le T cfta m e n t du père commun., à 24,000
liv r e s , & doublem ent acquitté en 1 7 7 5 , par une iomme
de 60,000 liv., donnée par le M arquis de Cabris lui-même ,
fous 1’aiKoriiation de Stytre , ion curateur.
C e n’étoit point alTcz : la main-levée de cette iaifie ne
' tenoit qu’à la dém onitration de l'invalidité du titr e , ÔC ce
titre étoit anéanti avec tous les effets de la curatelle , p a r
l*Arrêt d u C o n feil du 15 Août 1783.
V o i c i Seyrre , cet ancien C u ra te u r, cet ancien C o n fc il,
cet ancien Procureur du M arquis de C a b r is , A g e n t Ôc
déferteur de la conspiration , traître aux oppreil’e urs & à
1’ o p p rim é , iuivant la circon ilance &
fon intérêt ;
voici
Seyt&c qui raflcmble toutes les créances ( 1 ) q u ’il a fait
co n trafter lu i-m ê m e au M arquis de C abris , pendant fa
m in o r it é , com m e fon curateur; qu’il lui a fait ratifier en
majorité , com m e fon C o n fc il ôc fon Procureur ; qui ,
devenu Procureur des créanciers , forme auili en leur nom
des faifies générales fur tous les biens de fon ancien pupille,
de ion ancien client.
O n a pouflë plus loin l’oubli de toutes les bie.nféanccs.
Sur des biens enchaînés par tant de faifies, la M arquife
de Cabris ne pouvoit obtenir les moyens de faire fubfifter
( j ) Parm i
les calom nies débitées contre la M arq u ife de Cabris
on l a c u if o ir , dans tous les M é m o ir e s de la d am e de L o m b a r d , d ’avoir
jeté fon inart dans une diilîpation effrayan te, &
f u r - t o u t de lui avoir
fait contracter pour 100,000 liv. de dettes. Il faut efpérer q u ’on fe
taira e n f i n , lorfque tous les titres produits prouveront que tous ces
emprunts ont été faits pendant l’abfence de la M a r q u ife de C a b ris , par
l’entrem ife & avec l’aflîftance d e Seytre, alors curateur de la m in o r it é ,
8c
enfuite c o m m e chargé de la procuration générale du M arq u is de C abris.
�3*
fou époux & fa (ïllc , qu’à force ¿'E xécu toires du C on fcii
du Roi. O n a tenté de lui enlever cette reflource facrée,
5c l’on ne peut regarder cet effort que com m e un attentat
à l’autorité royale.
Le dernier Exécutoire étoit adrefle au nom m é B o n n irt,
Ferm ier des moulins bannaux. Bonnin
refufe de payer ,
& prélcnte une Requête aux Juges de G r a d e , par laqu elle,
en expofant qu’il a payé par anticipation à la dame de
L o m b a r d , il demande que fa perfonne & fes biens foien t
mis fous la fauve-garde de la Juilicc. L a D a m e de L om bard
eft appelée en garantie ; A l z i a r i , Procureur de la D a m e de
Lom bard , eft auffi Procureur de Bonnin.
A u c u n Juge ne vouloir accueillir cette dem ande audacicu fe
p lu s
ôc folle. U n G radué monte fur le T rib u n a l , & com m e
ancien en l l abfer.ee des J u g e s , il ordonne que la per
fonne & les biens de Bonnin feront mis fous la fauve-garde
de la J u ftic e , &
fait défenfes d ’exécuter XExécutoire du
C onfeil. U n A v o c a t d ’une petite ville de P rovence , annéantit au nom de la Juftice, les Arrêts de la Juftice-Souveraine.
E t quel eft cet A v o c a t ? C ’e s t M e G a y t e , celui que la
D a m e de L o m b a rd , en partant pour P a ris , a revêtu de f e s
pouvoirs , & nom m é fon repréfentant. (i)
( i ) T o u s ces faits fo n t configncs dans une R eq u ê te préfentée par
la M arqu ife de C a b r i s , & répondue le n
O i t o b r e dernier , à laquelle
font annexées tom es les pièces juilificatives : i ° .
L es faifies faites par
les Receveurs de la capitation & des impofitions de la nobleiïe. i 9 . Les
faifies faites à la
fc
requête des b e a u x -f r è r e s d u M arq u is de C a b r i s ,
par le miniftère de Seytre
&
d ’A lzia ri. 30. Plùfieurs faifies faites
à la R e q u ê te de piuficurs créanciers du M arq u is de C a b r is , &
par
On
�33
. O n croira fans peine q u e , lié p a r 'ta n t d ’e n tra v e s, le
RégilFeur nom m é par la Sentence du C h âtelet , n ’a pu
ju fq u ’à p r é f e n t , faire entrer aucunes fommes dans la caiflc
du Scqueftre ; mais ce q u ’on ne croira pas , c ’cft que la
dam e de L om bard , fcul auteur de tous ces embarras , par
elle-même ou par fes a g e n s , s’en faiTe un moyen férieux
devant le Juge pour cenfurcr la conduite de ce R é g iflè u r,
& l’accufer d ’incapacité , de n é g lig e n c e , & peut être même
d ’infidélité.
P endant que ces chofcs fe paiToient en P r o v e n c e , la
M arqu ife dé Cabris étoit occupée d’une affaire plus im
p o r ta n te , puifqu’clle intérefloit 8c fon repos & fa tend riilc. Le mariage de fa fille, qui venoit d ’atteindre fa qua
torzièm e année , en détruifant le principal m o tif des perfe
c t i o n s , devoit en fixer le terme. L e bonheur m êm e de
-fh fille pouvoir dépendre du m om ent où s’échappant aux
mains avides qui le tendoient fur e lle , elle trouveroit dans
•fon époux le proteéleur légal de fa perfonne 8c de fa fortune.
Un
G en tilh om m e ,
eftimable autant
par fes
qua
lités que par fa naiflance , fe préfente fous d ’auguftes auf*
piccs. A v a n t d’écouter aucune propofition , le Marquis
la M arquife de C a b ris , fournis à des devoirs qu’ils on t tou
jours r e fp c & é s , exigent l ’aveu préalable de la D a m e de
L om b ard Sc du M arquis de M irabeau , leurs père 8c mère.
L ’un 6c l’autre donnent leur aveu.
le mlniftcre de Seytre &' d ’Alziari. 4 0. Et e n f i n , la R eq u ê te prefem ee,
le 1 7 M ars
178 5 , psr le miniftere d A l z i a r i , par B o n n i n , pour fe
fouftraire à l’exécution du C o n f e i l du R o i ; &
la d éfen fe du 1 1 du
m ê m e m o i s , prononcée par M c G a y te , c o m m e A v o c a t plus ancien en
l ’abfençe des Juges.
E
�34
ÀiTur^s de ce double c o n ie n t c m c n t , le M arquis
la
M arquife de Cabris en réfèrent aux M iniftrcs du R o i , qui
applaudiflent au choix d’un G en tilh om m e connu de toute
la C o u r , Si vivant pour ainii dire fous leurs yeux.
E n f in , pour donner à cet a ile important la fanction la
plus authentique 8c la plus lé g a le , pour joindre aux vœ ux
déjà d o n n é s , le vœu de la famille en tière , ils obtiennent
des Lettres- Patentes qui com m ettent M . le L ieu tenan t-C ivil
du C h â t c l e t , pour ailemblcr les parens en fon H ô te l , &£
h om o logu er leur avis fur ce mariage.
Aiais l’aveu de la D a m e de L om bard n’étoit dû qu’à fa
foibleiTe , & fa foibleiTe le récraita. C elu i du M arquis de
M irabeau n’étoit dû qu’à l’impoflibilité du refus , & il pro
fita de la foiblcfle de la D a m e de L om b ard pour tenter
encore ce p r o j e t , fi long-tem ps médité , toujours inutile ,
mais toujours caché , ôc qui le feroit encore fans un a cc i
dent qu’il éroit impoffible de prévoir.
Les Lettres-Patentes venoient d’être cnregiftrées au Parr
lem ent , lorfquc la D a m e de Lom bard forme tout-à-coup
oppoiition à l’enrcgiftremcnr ,
préfente une Requête a.u
Confeil pour demander le rapport des Lettres-Patentes. (i)
Pendant cette contcftation , ni méritée ni prévue , la
D a m e de Lombard fait entam er une négociation auprèp
( i ) La D a m e de L om ba rd a été déclarée non-recevnb!e dans fa d em an de
en rapport, par un A rrêt du C o n f e il. A u fu r p lu s , les m oyen s préfentés
jl l’appui de cette dem an de , développoient le com plot.
de
gi
L o m b a rd
inevitable ,
Conf eil
du
annonçoit
&c
15 A o û t
l’interdiétion
m co ie
toujours
1783 : elle
de
fon filsconune
exiftante ,
annonçoit
m algrc
La
Dam e
néceiTaire
l’ Arrêt
fon droit à la
du
cura
t e l l e , c o m m e inconteftable , & co m m e une fuite certaine de ce droit >
le pouvoir de marier fa petite fille , de fa propre &
unique autorité ,
�35
d e fa belle-fille , par un fieur V i a l , confident de fes pro
jets & de ceux du M arquis de M irabeau (i). Il s’adrciïa à
l ’A v o c a t , C on feil de la M a rq u ife de Cabris.
C e t A g e n t propofoic pour première condition d’exclure
le G e n tilh o m m e nom m é dans les Lettres-Patentes , & de
choifir 1 époux de la D e m o ife llc de Cabris parmi quatre perfonnes indiquées , à la tête defquel.es étoit le fils du C o m t e
de G ra ile , Lieutenant-Général d es A rm ées N avales 2).
Cetre première condition n’épouvantoit pas la M arquife
de Cabris. Sur quatre gendres offerts, on pouvoit au moins
choifir , & même on laiffoit la liberté de les refufer tous les
quatre , ÔC de faire un ch o ix abfolumenc indépendant.
M a is la fécondé étoit révoltante. O n exig eoit qu’en faveur
de ce m a ria g e , le père & la mère fiilènt le facrifîce entier
de leur fortune , qu’ils fe li v r a ie n t à la merci d’un gendre
q u ’ils ne connoilToient pas. L a négociation n ’alla pas plus
loin.
Q u elqu es jours après , le
Septem bre 178 J , la M a r
quife de Cabris étoit à M o n t r o u g c , auprès de fon mari.
Elle y reçoit la vifite de fon frère , le C hevalier de M ira
beau , qu’elle n’avoit vu que deux fois depuis 17 ans. Il
m ê m e contre le vœ u d e fa mère. L e ctoiroir-on , fi 011 11e le lifoit pas
dans un écrit im p rim é ? V o i c i fes propres expreifions : « L a Curatelle du
M arquis de Cabris appartient de droit & de f a it à la Suppliante ; ( la
D a m e de L o m b a rd ) la D em o ifelle de Cabris ejl de droit fo u s la p u iffa n ce du Curateur de fo n père ; c ’ efl au Curateur f e u l qu appartient le
droit de la marier j tant que fo n père vivra , la mère n ’ a aucune puiffance
f u r elle . elle peut être mariée f i n s le confentem ent & contre le vœu de
f a mère. R eq u ê te au R o i , i m p r im é e , page <0.
(1) L e fieur V i a l fera tout à l ’heure un perfonnage rem arquable.
(z) Le Comte de Gralfe va fe montrer aiiiïi dans un moment.
E i j
�annonce qu’il a quitté Ton R ég im en t fans congé , fa n s
l'aveu de fort pcrc , qu’il n’efl: à Paris que pour quelquesjours.
L a M arquife de Cabris ch erch oit à deviner l’objet d’un
voyage fi myftérieux £c fi précipité, lorfqu’un tiers, dont le
Chevalier s’étoit fait accom pagner , propofe de le marier
avec fa nièce , la D c m o ife llc
de C abris , pour terminer
d ifo it-il, les conteftations qui diviioient la famille depuis li
lo n g temps.
L e f o i r , la M arquife de Cabris retourne à fon C o u v e n t ;
fon frère la fuit ¿c reite à fon parloir jufqu’à n e u f heures.
L e lendemain on a trouvé dans le parloir deux papiers (i)
échappés de la poche
du C hevalier ;
l’un n’eifc com poié
que de quatre lignes ; l’autre eft une inftru£fcion de deux
pages , donnée au C hevalier fur les moyens à employer
pour parvenir au mariage projeté. Ces deux papiers font en
tièrem ent écrits de la main m ême du M arquis de M irabeau.
L a Marquife de
Cabris tient en ce m om ent la parole
qu’elle a donnée de ne faire connoîrre les intentions de
fon père que par les écrits de fon père ( i ).
Le premier n’eft qu’un rendez-vous donné au C hevalier
fon fils.
« D e u x lettres , premier A o û t 1 7 S 5
( 1 ) , font en che-
(1) Ils font joints ^ux Procès verbaux des allemblées tenues chez le
Magiftrat , à la vacation du 1 6 Septembre.
( 1 ) Elle a voulu cacher ces écrits. Son père l’a forcée de les ren
dre p u b lics.T o u s les parens ont été témoins , q u ’au m om en t où M* R o - ,
zier , reprefentant fon père , s’eft montré à l ’aiïem blée » pour y d e m a n
der ail nom de fon père q u e fa fille lui fut e n le v é e ,
elle l’a invite à
ftifpenLlre le dépôt de fes pouvoirs, S: a inftruire fon père q u ’elle poirédoic .
ces écrits, parce que cette nouvelle pourroit au moins l’en gagera la neutra
lité. M e R o zie r cil reveuu le foir m ê m e , & il
dépolé fes pouvoirs >
�~37
min pour le Chevalier ; dans la première , je çhangeois
» l’adreiTc, & défignois l’H ôtcl Sc. Michel , rue des Francs» Bourgeois , qui é to itla m aifon de M de Fourqueux , Sc
» donne par derrière au paiTage , Ichez M adam e de Failli.
» D em a in , à onze heures du matin ou environ , je paflerai
» d ’abord à l’H ô tel de T o u r a in e , ôc iî l'on n’y cft pas,
»> à celui de S c . M ich el des Francs-Bourgeois, u
Le fécond écrit eil une note inférée dans ce billet ; cette
note cft fans date.
« D e m a n d e r d’abord fi l’on a quelqu’engagcm ent pris
» pour fa fille , attendu que fin s cela , l ’on a un parti à
>5 propofer.
» D ire que fon père veut l’établir ; que fatigué des dif» ficultés extérieures > & c , il lui a propofé d’époufer uns
» de fes nièces.
» Q u e , nièce pour nièce , cela lui a fait venir l’idée de
» réunir la portion de fa famille qui peut l’ê c r c , Sc ç[’é~
poufer celle qui peut lui procurer le plus d ’avantages ;
»
qu’il fait cette idée
¡f o r t
lo in
de
son
p e r .e
, à qui
» elle a été propofée.
» Q u ’elle ne lui c o n ven o it pas non plus «à lui dans ce
» fens là , qui coniiftoir à l’avoir par avis de parens , par.
difant tout haut , q u ’il n ’avoit pas trouve le M arqu is de M irabeau , &c
q u ’il étoit obligé de rem plir fa charge , difanc tout ba s, q u ’il avoit trouve
le M arqu is de M irabeau , & qu e celui ci avoir prétendu q u e ces deux
écrits ( écrits de fa main ) , croient fa u x , q u ’il l 'a v o i r m êm e chargé de
s’enferire en fa u x .
( i ) C e t t e date eft une erreur. L e C h ev alier de M irabeau i parti de
fon R é g im e n t fans congé , n’auroit pas etc un m ois fans paroîcre chez
fa feru r , objet de fon voyage : fa vifite à M.ontroiige , le î
b r e , & fes Lettres fiibféquetues le prouvent jufqu’à l'évidence.
Septem
Qu’on n'oublie pas
que l'écrit cft en en
tier de la ma>n du
Marquis de Mira
beau.
�3»
»* force de d r o it s , 8i contradictoirem ent avec la m è r e ;
>» mais qu’il lui conviertdroit de débuter dans le m onde
« par une réunion ; que fi cela ne leu r répugne p a s , qu'ils
»» s’expliquent fur le f o n d , 8c fur l’état de l’affaire dont
»> on n cl aucune notion.
»> Si on lui demande quels font fes moyens pour conci>5 cilier tant d ’efprits difeords , dire qu’il a un a m i , à la
» famille duquel il a les plus ienfibles obligations , qui fe
»J fait fort
»»
D ’ E N T R A Î N E R . L A V I E l L L E , & : d c DISPOSER. D E SES
a le n to u rs
; qu’à l’égard de fon p è re , qui
en traîn e
» fon oncle ( i ) , il faut qu’il foit sûr des autres côtés avant
» d’en ouvrir le m o t , mais qu’alors ce fera fon a ffa ire ;
»* mais que com m e cette courfe cft
m
ab so lu m en t
ig n o rée
n’eft qu’à court d é la i, il faut qu’on s’explique du
m oui ou du non , afin de ne le pas
d éco u vrir
&
com pro-
»» M E T T R E .
» A lors , fi l’on entre dans le récit de l’é ratdes affaires ,
» leur laiffer dire tous
leurs
m en son ges
,
ne leur rien
» difputcr ; leur difanc enfuite qu’on va s’informer de la
» verfion de l’autre p a r t ; car il faut ici-bas que tout fe
» rapproche ; mais que le
principal eft de favoir fi fa
»5 propofition eft du gré de la m ère, & fi elle aime m ieu x
» lui qu’un (z)
»
var ties
é t r a n g e r
tie n n e
sa
qu i
p l a c e
,
lui
ou l a
sera
d o n n é
d ispu ter
p a r
sans
ses
f in
. »
« Selon que tournera ce d é b u t , fi l’on paroît entrer
1
( i ) L e Bailli de M aribeau , qui entraîné, s’eft m ontre en Provence ©
C h e f de la perfccution.
[z] Étrange alternative pour le M arq u is &
la M a r q u i fe de C a b ris !
donner leur fille au C h ev alier de M irabeau ,
ou la voir m arier contro
Ieuj: vœ u , & à un étranger du choix de leurs perfécutçurs. Céder f a
place au C h e v a lie r de M ir a b e a u , ou être ctcrnellcm enc perfécuté.
�39
»»■dans fes vues, on pourra délayer & fu iv re , mais donnant
» le plus court term e; ne pouvant faire ici qu’une apparition
» bien fourde > jufqu’à ce qu’on foît sur de quelque ch ofe;"
« à plus forte r a ifo n , fi l’on paroît vouloir prendre des
« c ir c u its , faut-il preilèr par un veut-on y ne veut-on p a s >
»
A N T E C E D A N T A T O U T . >v
»» Si cela tournoit b i e n , il faudroit propofer tout de
» fuite de voir la fœ u r;
la
,
afficher toute franchisé
*
« mais ardente & g a ie ; laifler tout d ir c ;[ i] e n fu it e reprendre
» fa p a rtie ; dire que s’il faut continuer à co n tcïlcr., on
*> fç retire ; qu’il faut donc fe perfuader que chacun de
>• fa part a eu tort ou raifon juiqu’i c i , ‘ com m e il arrive
» toujours ; mais que fon plan e ftd e faire oublier de toute
>» part ce qui peut a ig r i r ; que ii ce coup - d’o e il, agrée 8c
»> cft préféré à celui de continuer
bataille
, Sc voir m arier"
»> fa fille par avis de p a ren s, tout de fuite on va fe faire
» informer de l’autre p a r t , q y ’on ne croira pas un m ot
» des
faits
litigieux
, mais qu’on verra clair fur les
« affaires réelles. »
» Si l’on voit qu’on '‘ait r e m u é e
capté les pallions
m nuifiblcs j Sc qu’il faille donner fa part à l’efpric d’in« tr ig u e , il faudra ouvrir alors la totalité de fon plan de
» réunion &: de volonté de
fixer
>5 de faire ccflcr le ch oquant
»
de
p^ y e r
,
vendre
et
l ’é t a t
de
sa
M
ère
,
dym qins de ce d éiord re,
réunir
les
biens
aifurcy: fon
: { i] Q n a y p que le Çljevalier de M irabeau s ctoit d ’abord adrelîc à un
t'iex s. À je f ic h e r t o v t e ïjp .a ^ c u is e
; ce niot peint le véritable caractère
d.ç la M a r q u ife de Ç a b r i f ; fou père m êm e eft forcé de lui rendre jufticc
dans fes confidences intimes.
i
�40
» crac; que tout cela ne T t peut que par
»> d’une p a r t , l’aveu du p è re , èc peut
»
L A S I T UA T I ON
>j
»
seul
.d
Q u e lï ce l a c o n v i c u t ôc Te conf i r me EN
isso lu ble
nécessité
AMELIORER.
DES I NTERLOCUTEURS. «
DANS L A M A I N , ET F A I S A N T T R A I T E R
m
la
se t o u c h a n t
d ’a
I LL ANC E I N-
tout c^e fuite il va Te raccorder avec fon
,
» m o y e n d’autre p a r t, & de-là
descendre chez
son p è r e
,
» attendu qu’on s’eft procuré un congé pour le refte du tems
»> de fervicc ; que l à , on ne l’efpionne pas fur ce qu’il fait
» fie'les gens qu’il ,voit ; q u e b ie n tô t on lui parlera affaires
» av e c c o n f i a nc e , fie q u ’il a mè n e r a les c h o fes1fé lo n le tem s,
' ' - , i:
» mais promptement. «.
*»’ Q u e fi au contraire cela ne convient pas , il ne
» demande que
secret a b so lu
, & repart tout de fuite pour
m fa troupe, ayant voulu com m encer par le com m encem ent,
»
fie ne
s’é t a n t o u v e r t à p e r f onne. «
O n ço n n o ît maintenant les intentions du M arquis de
M irabeau. O n voit avec quelle’influence fecrète il agifToit
dans la confpiration d e .P r o v e n c e \ fous le’ nom Sc par l’or
gane de l’oncle q u 'il entraînoic ; 6c fi l’on efl forcé de con
tinuer bataille , il ne faudra pas s’étonner de le vç>ir au pre
mier rang.
L e C hevalier
cet
cependant s’eft apperçu de la perte de
écrit. Il a em p loyé ,
pour le retirer des mains de
fa fœ ù r, l’inftancc &. la menace ; elle a cru devoir le co n ferver ôc le joindre aux pièces dépofées ch ez le Magiftrat'
pour l’inftrüction de la Jufticc. L e C hevalier cft reparti
pour fon R é g im e n t , &. l’on peut croire qu’il n’a pas d é - '
çowvert cette perte à fon père j qui fe feroit abftenu , fans
d o u te,
�4*
d o u t e , du rôle cju’il va jouer dans la derniere aiTembléc de
Parens (i).
C e t te aflemblée s’eft tenue les 1 3 , 14 &
16 Septembre
dernier.
La dame de L om b ard y d em and e, conformément a fes
nouvelles conclufiotis, que Ton fils foit in terdit; qu’elle foit
nom m ée C u ratrice à l ’intcrdi&ion. ; que la perfonne de
Ton fils Sc celle de fa petite-fille, com m e dépendante de la
curatelle de ion f i ls , lui foient remifes ; q u ’elle foit reftituée en poileffion des b ien s, titres &L papiers; q u ’iT Toit
n o m m é un Curateur ad hoc pour recevoir fon com pte de
l ’adm iniftration précédente.
A v e c elle le préfentent quatre p a re n s , M . T eiifier, A u -
[ 1 ] C ’eft au refus feul de la M a r q u i fe de C a b r is q u ’on peut attribuer
la requête de la d am e de L om ba rd , fignifiée le j Septem bre y c’eft-idire j le lend em ain
m ê m e du départ du C h ev alier. L a m anière donc
o n s’explique dans cette R eq u ê te , fur le fort de la d cm o ife lle de C a
bris , aiTure q u e cette requête eft, c o m m e l’in ftru & io n écrite au C h e v a
lier , r ouvrage du M atq u is de M irabeau .
O n y fait dire i la dam e de
L o m b a r d : « D a n s la-fâcheufe circonftance o ù la d e m o iié lle de Cabris
» fe trouve , elle ne peut pas habiter avec fa m ère , parce que fi elle
» d em eu ro it avec e l l e , elle feroit privée des confeils de rous fes pn» r e n s , tant paternels q u e maternels , p u ifq u ’aucun
d ’eux ne voit
fa
» mère. V o u s l'avez, M o n f i e u r , com bien cette jeu n e p e ifo n n e a b s » foin d ’être éclairée fur fes véritables intérêts. D ’ailleu rs, en la m e t» tant dans un C o u v e n t ,
où elle pourra voir librement le M arquis de
» M irabeau , fo n aïeu l m a te r n e l, M . & M adam e de S a illa n t yf o n oncle
» & f a tante germains > enfin tous fes proches- parens, elle pourra-êtr,*
» incelïam m en t é ta b lie, & alors plus de procès entre lesdeux M a r c j u i » fes de C a b iis. »
F
�dircur
41
!a R o te d’ A vig n o n ,
de
M
Tciflier Ton f i l s ,
le
C o m te de G rafle ôc le iicur de Com m cyras.
A v e c elle fc préfente V ia l , q u ’on a vu tour-a-1 heure
autres
de
l’A v o c a t de la M arqu ife de
C abris , A g e n t
de la négociation propofée par la dame de Lom bard pour
le mariage de la dcmoifellc de Cabris avec le fils du C o m te
de G r a f l e , & q u i, fans doute., étoit auiïî cet hom m e du
M arquis
de
M ir a b e a u , 'qui fc faifoit fort d'entraîner la
v ie ille , & difpofer de f e s alentours.
V ia l
étoit
porteur des procurations de fix parons de
G r a f l c , & chargé de porter leur vœu , conform ém ent aux
intentions de la dam e de Lom bard ( i ).
La M arqu ife de Cabris , avant de permettre qu’i l prenne
place au milieu d’une aflemblée refpc£bable, dépofe fur le
Bureau : i° . un décret de prife-dc-corps , décerné en 17 6 4 ,
par le Juge de G r a f l e , en vertu duquel V ia l & fon père ,
Greffier d’un village
voifin de G rafle ,
avoient l’un ôc
l’autre teilu pendant deux ans les priions de cette v i l l e , fur
une accufation de prévarication , de f a u x , d'intercept ion de
lettres, dans les fonctions de commis de fon p è r e ; 1*.
un Jugem ent du C o n fe il Souverain de la G u a d e lo u p e , du
15. Juin 1 7 7 5 , par lequel ce fieur V i a l , échappé des pri
ions de G r a f l e , & pafle à la G u a d elou p e, eft banni de
cette Ifle com m e injiigateur de procès , & perturbateur du
repos des fa m illes : digne repréfentant de ceux qui troublent
la famille du M arquis de Cabris.
[ 1 ] C a u x q u i fe font fait repréfenter par V i a l , connoiiToient fon
c a r a & è r e , notam m ent le fieur cle G o u r d o n , qui l ’avoit vu dans les prifons
de Grafle. L e fieur de G o u r d o n , père , ctoit Lieutenant de ce S i è g e ,
qui avoir d ïcrétc V i a l , pèie Sc fils , de prife de corps.
�45
Sur la repreTentation de ces deiK pièces, V i a l , malgré
fts murmures info'ens, fut forcé de fe retirer.
A v e c la dame de L om bard fe préfentent enfin quatre au
tres particuliers chargés des procurations de vingt - deux
parens, égalem ent Provençaux , égalem ent attachés à l ’in
térêt Sc à l’opinion de la dame de Lom bard.
C es
v in g t-h u it
parens abfens ,
&
repréfentés
par
V ia l & par les a u tr e s , manifeftenc dans leur procuration
une prévoyance remarquable.
Dans
le cas
où il feroit
queition d’un mariage pour la demoifelle de C a b ris, ils
déclarent qu’ils s’en rapportent au ch oix 5c à la prudence
de la dame de L o m b a r d ,
& qu’ils donnent leur vœ u à
celui qu’elle préfentera aux aiTemblécs.
V o ilà un choix bien é c la ir é , & un avis donné en grande
connoiflance d e ca u fc !
D e s quatre parens préfens , deux feûlem cnt fe confor
m en t aux demandes de la dame de L o m b a rd , & on les
devine. Le C o m te de G ra iiê (i) Sc le iïeur de C om m eyra s
eflriment que le M arquis de Cabris doit être in te r d it, &
[ i ] L e fieur de C o m m e y r a s n’eft là que le proxénète du C o m t e de
GraiTe ; il a pouffe Ton
zèle im pru d en t ju f q u ’à faire
d u cabinet du
la Ju ge , le théâtre de fa n o b le négociation. N ’ayant eu la liberté de voir
dem oifelle de C a b ris q u ’aux affemblées de fa m ille , il a eu un jour la
h ard ieiT ed es’adreiTerà cette jeune perfonne e l l e - m ê m e , & d e.la pérorer
pendant une d e m ie -h e u r e : E p o u f a l t f i l s du Com te de G r a jfe , & n c coutc\ pas ce que votre mère vous dira , étoient
les d eux points de fo u
difeours. D ix pareils o n t entendu cette éloquente exhortation !c la réponfe noble Sc f i g e de la d e m o ife lle d e C abris. Sa mère fut enfin obligée
d e rappeler au fieur de C o m m e y r a s
le refpeiit q u ’il devoit à fa ptt:-
fe n c e , & au lieu qui les ralïeinbloit.
F ij
�44
que fa mère doit être nommée fa C u r a tr ic e , & en cette
qualité feu!c ch argée, fans c o n c u r r e n c e , fans g u id e , fans
c c n f - i l s , de l’adminiftration d e la perfonne ôc des biens.
M M . TciiTier, père &. fils, é to ie n t, par le u rca ra& ère
leur é ta t, au-deflus de l’intérêt p e r fo n n e l, & des impulfions
étrangères. Juges impafLbles, ils ne ie décidèrent qu’après
un examen approfondi des différentes prerentions fie des
différens m o y e n s ; délicats autant que ju ftes, iis furent
d ’avis d’éviter l’interdi& ion , pour l’honneur de. la fa m ille ,
&. pour la sûreté des biens & des perfonnes ; de régler
les formes d’une adm iniilration d u r a b le , fous
l’autorité
de quelques C o n icils éclairés.
La M arquife de Cabris fe préfente de fon côté avec
d ix - fe p t parens & amis préfens , q u i , fur l ’examen des
pièces
confervécs par l’A rrêc du C o n f e i l , des n o u ve a u x ,
interrogatoires fubis par le M arquis de Cabris , & des
nouveaux rapports des gens de l’A r t , décident unanime
m ent que le M arquis de C abris n’étoit point dans le cas
de l'interdiction en 1 7 7 7 ; cl uc l’altération poftérieure de
iar f a n r é , pouvant & devant être une fuite des mauvais
traitemens exercés fur fa perfonne pendant la curatelle ;
la dame de Lom bard , fa m è r e , auteur de ces procédés,
èc rcfponfable de leurs e ffe t s , étoit par une conféqucnce
inévitable , non-rccevable dans fil demande actuelle ; que
ces fins de n o n - re c e v o ir, réfultantes des plaintes rendues
par la M arquife de Cabris , &. jointes au p ro c è s , devoient
etre jugées préalablement; à l’état actuel du M arquis de
Cabris.
Interpellés
par le M a giftrat
de donner leur avis fur
l’etat a& u cl du Marquis de C a b r i s , ils ajoutent : » que
�45
« s 'i l pouvoit être quejiion de fla tu er f u r l ’ état -actuel du
» M arquis dt C abris, » la nature de fa m aladie, Pefpérancc
de Ton ré ta b lifllm e n t > la lituation de fa f a m i lle , coût
devoit éloigner l’idée d ’une in te r d ic t io n , Sc que dans ce
cas ce feroit une précaution légale ôc fuffifante, de nom m er
des C on feils au m alade, qui donneroit une procuration irre-;
vocable pour gouverner ics biens 2c difpofcr de fcs revenus,
de 1’avis des C on feils nommés.
Enfin , forcés de s’expliquer dans le cas m êm e de Pi in
terdiction p ro n o n cée , ils appellent dans ce cas la M arqu iie
de C abris à la curatelle h o n o ra ire , le fieur C o u rt à la
curatelle o n é ra ire , foum ettant ce curateur onérairc à l’au
torité d’un C o n fc il.
D ix - f e p t parens a b fc n s , & repréfentés par leurs fondés
de p o u vo irs, portent les mêmes vœux contre l’interdiction
qu’ils remplacent par la nom ination des C o n f e i l s , &. dans
le cas imprévu de l’interdiction , ils règlent de la m êm e
manière la curatelle &
l’adminiitration des biens.
L a Marquife de C a b r i s , en fon nom p e rfo n n e l, fc ren
ferme dans les plaintes rendues par elle devant les Juges
de P r o v e n c e , rejetées par la Sentence de G ra d e , fie par
l ’Arrêc du Parlem ent d’A i x , renvoyées au Châtelec par
P A rrêt du C o n fe il des D é p ê c h e s ,
plaintes
portées
devant M .
le
dans fcs additions de
Lieutenant - C iv il.
Des
mauvais traitemens exercés fur la perfonne de fon m a r i,
& des abus com m is dans Padminiitration de fcs biens
fur les preuves déjà rapportées, iur celles q u e lle demande
à faire , elle fait réfultcr
une indignité , une incapacité,
une fin. de non-reccvoir invincible , qui doit écarccr toutes
les demandes de la dame de L o m b a rd contre fon fils.
A u fu rp lu s, clic a obfcrvé verbalem ent à la famille &
�4*
au M a g i f t r a t , q u e , dans le cas où il feroit queilion de
nom m er des C onfeils à Ton mari 3 il n e t o it guères poffible
d ’en trouver de plus fages'fic plus dignes de confiance que
ceux qu’il avoir demandés lu i- m ê m e par fa Requête du
m ême
R o te
jour 1 6 Septem bre: M. T ciiîie r : A u diteu r de la
d’ A v i g n o n , oncle du M arquis de Cabris , &
con
duit à l ’àflemblée de parens par la dame de L o m b a rd
e lle - m ê m e , M c de Beauféjour , ancien A v o c a t au P a r
l e m e n t , C on feil du Marquis de Cabris depuis 1 7 7 6. C e
choix futapplaudi de t o u s , fie il étoit/ait pour l’être. D e p u i s ,
le M arquis de Cabris a encore demandé concurrem m ent avec
ces C onfeils , M c d’O u t r c m o n t , déjà indiqué par la famille.
M . T e iifje r, préfent à l’a fïcm b lée, ÔC votant lui-même
contre l’in tc rd id io n , s’exeufa long-tcm s fur l’importance
fie la multiplicité de fes fo n ctio n s; mais enfin il a cédé
aux inftances du M arquis de C a b r is , fie il confent à faire
ce facrificc aux intérêts & au repos de fon neveu. (1)
A u milieu de ces deux partis oppofés, paroît M e R o z ie r ,
A v o c a t aux C o n fe ils , fie fondé de procuration du M arquis
de Mirabeau.
L e M arqu is de M ir a b e a u , en parlant du trtariage de la
dcmoifellc de C a b r i s , écrivoit à la dame de L o m b ard , au
mois de N o v e m b re 1 7 ^ 4 , qu’il ne vouloit aucunement f e
mêler de cette affaire. {2.)
1
‘ [ 1 ] La L ettre d u M arq u is de C a b r is à M . T e i f l i e r , Si la répoufe
par laquelle celui-ci veut bien accepter la qualité & la charge de C o n f e i l ,
fo n t annexées à la fécondé R eq uête prefentée par le M a r q u is de C a b ris
le z j Septem bre dôrnïar.
f i ] L ettre d u - M a r q u i s
.
.
de M irabeau , du
,
18 N o v e m b re
»7*4,
im p rim é e par la d a m e . d e L o m b a r d e l l c - m t m e , dans fa R eq u ê te i u
R o i , p. i i , aux P. J.
�V
O n vient de le voir dans riiifftruction écrite au C hevalier
Ton fils, tout en f e mêlant très-particulièrem ent de cette
affaire, vouloir ib cacher encore ,
faire dire au C h e valier
qu’ il f a i t cette idée fo r t loin de fo rt p ère, a qui elle a été
propofée.
Ainfi , jufqu’alors, le M arquis de M irabeau avoit agité
dans l'om bre les différentes machines qu’il faifoit m ouvoir;
à A ix , le B a i l l i , fon frère : * P a ris, la dame de Lom bard.
M a is e n f in ,
l’o it qivinitruit de la fatale imprudence du
C h e v a lie r , 6c de la perte de Vinjlruclion fecrette , il ait
défefpéré de fe cacher plus long-tem s ; foit que l ’inftance
du m om ent lui ait fuggéré la nécelîité de fa préfence, il
a cru devoir fe m ontrer à la dernière aiTembléc des parens,
& là , par l’organe de fon fondé de p o u vo irs, il a déclaré :
Q u ’il n’avoit pu v o t e r , ni fur l'interdiction du M arquis
» de C a b r is , ni fur Ja cu ra te lle ; mais que iï l'ïnterdiéfcion
” éroit p ro n o n cé e , fi la dame 'de Lom bard étoit nom m ée
» cu ra trice , com m e f a petite-fille étoit une dépendance de
>3 cette C u ra telle, ôc pour éviter
les contcftations qui
« pourroient s’élever entre les deux dames de C a b r is , au
» fujet de l’autorité qu’elles voudroient s’arroger égalem ent
»
fur cet e n fa n t;
îl
est
d ’a v i s
que la dem oifelle de
>3 Cabris f o i t t mife en te l Couvent q u ’ i l plaira au Juge
» d ’ indiquer, dont elle ne pourra fortiravant fo n établijfement^
» & où f a mère & fo n aïeule pourroient la voir a la grille
» feulem ent. ».
Q u ’on compare ce vœ u d’un defpotifme fa m ilie r, plutôt
que d’une fagefle impartiale, à l’inftrudtion écrite au C hevalier
de M irabeau ; qu’on le compare encore au projet configné
dans la R equête de la dame de L o m b a r d , dû 5 Septembre:
�43
en la mettant dans un Couvent ou elle pourra voir librement
le M arquis de M irabeau, fo u a ïe u l............. E lle pourra être
incejfamment établie. . . • l’identite des expreilions ôc
des
maximes , m anifeilerà la confiance du m êm e complor.
L e M arqu is de
M irab eau d iloit à
Ton f i is , d a n s fou
inftruction : L a Curatelle de l ’interdit emporte la puijj'ance
f u r f a fille . . . • U n homme a. moi entraîne la vieille & d i f
pofe de fe s
alentours. M a is , les alentours de la vieille ,
V i a l , le (ieur C o m m e y r a s , A l z i a r i , & m êm e la F em m ede-Cham bre, Marianne Flourt, pouvoient être entraînés euxmêmes par des intérêts d ifîe rc n s , 6c la
M arquis
prévoyance du
de M irabeau , allait jufqu’à fe méfier de ceux,
qu’il faii'oit fervir à fes deiTcins.
C ’eft pour cela qu’il prôpofe de iouilrairc la demoifelle
de C a b r i s , m ême à Ton a ïe u le, ôc que , par une tyrannie
b iz a r r e , dont l’habitude feule lui actcfte la lé g itim ité , il
veut que cette jeune perfonne demeure captive 6c privée
de la fociécé de fa mère ô£ de Ton a ïe u le , jufqu’à fon éta,b lifle m e n t, c’e il- l-d ir e , jufqu’au m om ent où la réuffitedu
projet charigcroit les chaînes de la dem oifelle de C a b r is ,
& de fa prifon la feroit païïer fous la puiüance de fo a aïeul
maternel.
%
C o n ç o it-o n co m m en t la. demoifelle de C abris pourroir
fc trouver fous la puiflâncc du M arquis de Mirabeau ? La
choie cil claire ; en époufant fon oncle , le C hevalier de
¿Vdirabcau.
L e M arquis cil né en
pays d e D r o it
É c rit ; tous fes
biens font fitués en pays de D r o it É c rit ; il prétend c o n ferver encore fon d om icile en pays d e D r o i t écrit. Son filfii,
quoique marié * demeure fous la p u iiîa n c e ,
avec Ion fils,
La
�49 '
la femme de fon fils, & tout ce qui eft fous h puiflance de fon
fils. La demoifelle d e C a b r is , en époufant fon oncle le C h e
v a lie r , fe trouve, avec tous les biens qui lui fônt deftinés ,
dans la main du M a rq u is , ion a ï e u l , ôc père de fon époux.
En P r o v e n c e , le M arquis de M irabeau laifloit ou faifoic
agir fes aiTbciés , dont le fccours lui afluroic ls? double avan
tage du m yilèrc âc du fu c c è s , &. qui prenoient fur eux l'évi
dence odieufe des efforts réunis pour opérer l’interdiition,
c ’e ft-à -d ire , l’anéantiiTement du Marquis de C a b r is , qu’il
’fiî l'o it an éa n tir, pour difpofer de fa fille ; fa u f enfuite, pour
l ’intérêt m êm e de la demoifelle de Cabris , à tom ber fur
fes propres alliés , pour leur faire reftiruer les rapines d ont
ils avoient eux-mêm es payé leurs iervices, l o r f q u e , p*r le
mariage p ro je té , il feroit devenu le père ôc le protecteur
légal de l’enfant dépouillé.
C ’eft dans ce conflit d’intérêts oppofés & de prétentions
co n tra ires, q u ’il faut chercher les décidons de la Juilice.
M O Y E N S .
D e u x queftions principales conduifent au Jugement.
L e M arquis
de Cabris étoit-il , en 1 7 7 7 , dans le cas
de l’interdi& ion prononcée par la Sentence
de G raile ,
& par l’A r iê t du Parlem ent d ’A ix ?
L e M arquis de Cabris eft-il aujourd’hui dans le cas de
l’intcrdi& ion demandée par la dame de L om b ard ?
T o u te s
les queftions incidentes
naîtront de ces deux
queftions principales.
C ’cft en agitant la première , qu’on examinera les difl'eG
�50
rentes caufes d 'indignité qui s’élèvent contre la dame de
L o m b a r d , & qui doivent form er autant de fins de nonreccvoir contre fa dem ande a£tuelle. Interdiction in ju fte,
curatelle infidelle, excès com m is ou foufFerts fur la petfonne de l’interdit , abus de tout genre dans l’adminiilration de Tes biens.
C ’efl: par une fuite néceflaire de cette première queftion,
qu’on exam inera de même fi les parens qui ont donné leur
vœ u en 1 7 7 7 pour faire interdire le M arquis de C a b r is , &
pour confier fa curatelle à la dame de L o m b a r d , furtout
ceux qui on t profité des infidélités de fon adminiilration ;
peuvent être admis aujourd’hui à voter pour que le M a r
quis de C abris foit encore interdit, Sc pour que fa mère
foie encore nom m ée Curatrice.
C*eft en exam inant la fécondé Q u e ftio n , celle de favoir
il le Marquis de C abris eft aujourd’hui dans le cas de l ’in
terdiction , q u ’on pourra difeuter les différens intérêts de
ceux qui confcillent & qui défirent cette interdiction. C ’eft
en fuppofant cette interdiction prononcée , qu’on établirai
les droits de la femme ôc de la fille de l’interdit.
P R E M I È R E
Le
Q U E S T I O N .
M arqu is de Cabris é to it-il, en 1 7 7 7 , dans le cas de
Uinterdiction ?
C etti q u iîtion
IST
PRÉALABUI,
rovxliuox i
C e tte queftion e ft la prem ière, & par l’ordre duraifon.r e m e n t & par l’ordre judiciaire.
L ’A r r ê t d u C o n f e i l des D é p ê c h e s , en annullant les Sen"
�71
tcnces de Gratte & les Arrêts du Parlement d’A i x , a ren
voyé
le refeifoire à juger pardevant M .
le Lieutenant*
C iv il du C h â te let de P a r i s , c ’eft-à-dire , le mérite des de
mandes fur lefquelles ces Sentences &
ces Arrêts étoient
intervenus.
L e T rib u n al de renvoi doit d o n c , avant toutes chofcs,
ftatuer fur le mérite de la d em andeTorm ée en 1777 * & il
ne peut examiner le mérite de cette d em a n d e, fans exami
ner fi à l’époque de cette d e m a n d e , en
1 7 7 7 , le M a r
quis de C abris étoit dans la nécciîiré de l’interdi& ion.
D ’ailleurs, les plaintes rendues par la M a rq u ife de C a b ris
devant les premiers Juges, des excès com m is fur la perfonne
de Ton m a r i , ayant été'rejetées par les Jugemens annullés ;
la caffation de ces jugemens laifle encore à juger la juftice
de ces plaintes , 8c il eft impoilible de ftatuer fur la juftice
de ces plaintes, fans comparer l’état du M arqu is en 1 7 7 7 ,
avec fon état a£tuel, fans examiner fi, en 1 7 7 7 , 1 e M arqu is
étoit dans la néceilité de l ’interdi&ion.
La difpofition de l’A rrê t du C o n fe il eft formelle à cet
égard. Il ordonne « qu’il fera convoqué
devant le ficur
» Lieutenant C iv il du C h âtelet de P a ris, une ailcm bîée des
» parens ôc amis du fieur de Cabris , lors de laquelle lefdits
« pareris ôc
amis prendront connoiflance
»> refpcctivcs, des rapports des M édecins
des Enquêtes
Chirurgiens ^
» des interrogatoires dudit fieur de C a b r i s , ainli que de
» celui qu’il prêtera de n o u v e a u , &C du nouveau rapport
» des Médecins &. Chirurgiens, s 'i l efi ordonné , pour don» ncr enfuite leur avis au ficur Lieutenant-Civil du C h â « telet de P a r is , auquel S. M . attribue , f a u f l’appc! au Par
is l e m e n t , toute C o u r , & c . «
C es enquêtes, ces rapports, ces interrogatoires, confcrG ij
�vés par TA rret du C o n feil des D é p ê c h e s , ne peuvent fervir qu’à éclairer l'état dans lequel écoic
alors la tête du
M arquis de Cabris , ôc par conféqucnt le mérite de la de
mande form ée alors par la dame de Lombard. L ’ Arrêc du
C o n feil des D é p êch es a donc voulu que les parens ¿kamis^
en prenant com m unication de ces enquêtes, rapports ÔC
in te rro g a to ire s , d o n n a ie n t leur a v i s , ôc que le Juge de
renvoi ftatuât d ’abord fur les conféquences de ces pièces
c o n fe rv é e s , c ’cft-à-dire, fu r ie mérite de la demande for*
n i é e , en 1 7 7 7 , par la dame de L o m b a r d , fur la juftied:
des plaintes rendues par la M arquife de Cabris , fur la’queitio n de favoir f i , e n 1 7 7 7 , le M arquis de C abris d evo it
ctre interdit.
Si le C o n fe il des D épêches n’avoit entendu attribuer au
Juge de renvoi que laconnorfTance de l’état a â u e l du M a r
quis de C a b r is , il n ’auroit pas exigé que l’avis des parens
£c amis 6c le Jugem ent du M agiftrat,fuiTent déterminés par
Jes cnquêtcs^rcfpc&ives faites en 1 7 7 7 , par les rapports
donnés en 1 7 7 7 , par les interrogatoires fubis en 1 7 7 7 ,
q u i, fans d o u te , ne peuvent fournir aucune lumière fur la
fituation phyfique ôc morale du M arquis de Cabris en 17 8 5 ,
D ’ailleu rs, dans ce cas , on procéderoit en vertu d ’un A rrê t
d''attribution > revêtu de L ettres-Patentes, & non pas en.
vertu d’un A rrê t de renvoi.
N o u s ne difons pas que l ’attribution donnée par l’A r r ê t
du C onfeil , ne frappe pas fur l’état aftuel du M arquis de
C a b ris ; mais cette queftion de favoir fi ce malade cft uujourd hui dans la néceflité de l’in terd iilion , cft néccfl’a ircmcnc
fubordonnée à la première., fubordonnée aux circonftances,,
aux raifons qui pourront déterminer le Juge t aux demandes
�53
que les deux dames de Cabris font autorifées a former par
le m ême Arrêc.
C e t A rrêc die que le M arquis de Cabris fera de nouveau
inrerrogé par le J u g e , ôc vifité par les Gens de l’A r t , s ’i l
ejl ordonné. C ’eft admettre que le M arquis de Cabris ne fera
point inrerrogé ni viiîté de nouveau , s ’ i l n e j l pas ordonné :
le C on feil des D épêches fuppofe donc un nouvel ordre de
ch ofes, une nouvelle p rocéd u re, une nouvelle demande ,
& c’eft: ce que la dame de L om bard a parfaitement entendu,
puifqu’elle a jugé elle-même fa demande en interdi& ion for*
m ée en 17 7 7 , a n é a n tie , & dans tous les cas , infuffifante
pour faire prononcer fur l’état a & u e ld e fon fils; puifqu’elie
a formé une nouvelle demande en interdi& ion devant M .
le Lieutenant-Civil.
11 faut d o n c , pour la régularité du Jugem en t à in te rv en ir,
pour l’exécution
parfaite de l’A r r ê t de renvoi , ftatuer
préalablement à t o u t , fur le mérite de la demande adoptée
par les Jugemens a n n u llés, fur la juftice des plaintes rendues
par la M arquife de Cabris , fur la queftion de favoir i i , en
1 7 7 7 , le M arquis de Cabris pouvoic & devoir être interdit.
Il feroit d’ailleurs impoffible de procéder a u tre m e n t, ôc le
raifonnem ent le plus fimple prouve cette impoifibiJité. Le
M agiftrat ferm erait il abfolum ent les yeux fur l ’objet princi
pal du renvoi, fur la chofe jugée par la Sentence de GraiFe
fie par l’ A rrêt du P a rle m en td ’A ix ? Croira-t-il ne devoir s’o c
cuper que de l’état a£tucl du M arquis de Cabris ? C roira t-il
n ’avoir à juger que la nouvelle demande de la D a m e de
L om b ard ? M ais avant de juger cette d e m a n d e , il faut juger
fi la D a m e de Lom bard a eu droit de la former.
La M arquife de Cabris élève aujourd’hui contre elle de»
�14
caufcs nombreufcs d*in d ig n ité, qui doivent la rendre inca
pable de former aucune demande. Il faut examiner fi ces
caufes font légitimes.
C es caufes d’indignité réfultent de la demande en inter
diction formée en 1 7 7 7 . Il faut examiner 11 le M arquis de
C abris a été juftement interdit.
C es caufes réfultent encore de fes écarts dans les fo n d io n s
de la curatelle qui lui avoit été confiée, des excès com m is
ou tolérés fur la perfonne de fon fils, des abus innom brables
aurorifés ou foufferts dans l’adm iniilration de fes biens. Elle
n ’eût pas été curatrice de fon fils , &: curatrice infidelle , li
fon fils n’eût pas été interdit. Il faut examiner fi fon fils a
été juftement interdit.
Il n’eft pas poffible de faire un pas dans cette affaire , il
l ’on veut être exaét & ré g u lier, avant d ’avoir décidé 11 le
M arquis de Cabris m éritoit, en 1 7 7 7 , l’inrerdi&ion pronon
cée par la Sentence de GraiTe , &. par l’A rrê t du Parlem ent
d ’ A ix.
Suppofons encore que le Juge s’ o ccu p e, avant t o u t , de la
nouvelle demande formée par la D a m e de Lombard ; fuppol'ons auifi que fur cette d e m a n d e , il interdife le Marquis de
Cabris ; feroit-il temps alors d’examiner fi cettedem andc étoit
re c e v a b le , U Ci la D a m e de L om bard avoit le droit de la
former ?
TD„ Marquis
Marquis de Cabris n’étoit pas en 1 7 7 7 dans le cas de
deCabris ** l 777- l’inrerdi£tion. C ette vérité , aujourd’hui d ém o n trée, cft la
tige des fins de non-rcccvoir qui repouflent la D a m e de L o m
bard , 2c avec elle cous ceux à qui d ie doit cette curatelle 11
odieufem ent exercée,
dont elle a, par récip ro cité , fervi les
p ro je ts , ou favorifé les invafions.
�n
C e n’eft pas dans les faits qui ont précédé la demande de
la D am e de L om b ard , qu’il faut chercher cette vérié ; rricn
ne peut inftruirp la Juftice , que ce qu’elle a ordonné ellem êm e pour fon inftru&ion.
D ’ailleurs , l’A rrêt du C o n fe il des D é p ê c h e s , d éfig n e, en
les c o n fe r v a n t, les pièces qui doivent être confultées. Il veut
que les enquêtes refpeciives , les rapports des Médecins &
Chirurgiens , 6 les interrogatoires du Marquis de Cabris, foient
com m uniqués aux parens 8c amis a ile m b lé s , pour donner
leur avis.
Les parens 8c amis ailemblés ont pris com m unication de
ces pièces co n lcrvé es, 8c ils ont tous déclaré , excepté ce-,
pendant le Comte de Grajfe & le fie u r de Commeyras , que
l ’état du M arqu is de Cabris en 1 7 7 7 , ne juflifioit pas l’interdi& ion dont il avoit été flétri.
En e f f e t , fi l’on coniulte d’abord les enquêtes refpe£tives,
on voit d’un cô té vingt-deux témoins entendus à la requête
de la D a m e de L o m b a rd , dont iept à h u it, c’eft-à-dire t fes
affidés, fes v a l e t s , fa fem m e-de-cham bre, veulent donner
quelque idée de la dém ence que l ’on cherche. Les autres
atteftent le bon fens 8c la raifon du Marquis de Cabris.
O n vo it d’un autre cô té quarante-deux témoins entendus
•a la requête du M arquis de C a b r is , ( 1 ) qui tous dépofenc
( 1 ) O n a obfervé que le Ju gé avoit interrom pu cette enquête avec une':
précipitation b lâ m a b le.S a n s c e l a , au lieu de quarante-deux t é m o in s ,
le"
M arquis de Cabris préfenteroit toutes les perfonnes dont il étoit connu
& fu r-to ut les habicans de fa T e r r e », d on t il fu t toujours & le père 3c
l ’ ami.
�Si indiquent des preuves de fa préfence d’c fp ric , & même
de fa (agacité 6c de fon intelligence.
Il en donnoit lui-même ,.à cette é p o q u e , une preuve bien
remarquable dans cette tr a n fa & io n , dont fcul il difeutoit ÔC
étabüfToit les claufes avec toute la com m unauté aflemblée
dans la falle de fon C h â te a u ; tranfa& ion confirmée trois ans
a p r è s , com m e un m onum ent de fa g e ile , parle m êm e T rib u *
nal qui ven oit de déclarer Ton A u te u r infenfé & maniaque.
Si des enquêtes refpe&ives on pafle aux rapports des M é
decins Sc C h ir u r g ie n s , on trouve la même v é r it é , avec quel
ques traces de l’empire exercé par la D a m e de L om bard fur
ceux dont elle s’environnoir.
L e M édecin Ifnard diflimule , Sc craint dans l'état de por
ter un jugem ent trop précipité ; deux fia n ces n étant pas fuffifa n tes pour l ’ inflruire du véritable & confiant état de l ’ efprit
q u t l exam ine.
L e C hirurgien L a m b e r t , déiintérefle , & par conféqucnt
f ïn c è r e , détaille tous les motifs de fa décifion , tous les
réfultats de fon examen , 6c déclare affirmativement que le
M arqu is de Cabris ejl
d ’ un tempérament mélancolique ;
mais qu’i l n ’y a en lui aucun égarement d ’ efp rit, & qu’ i l jo u it
d ’une fa in e raifon.
Si l’on jette enfin les yeux fur les interrogatoires du M a r
quis de Cabris , on eft frappé de fes réponfes tranquilles
8c raifonnables. D a n s celles qu’il a prêtées devant le C o n iciller-Commifl'aire du Parlem ent d ’A i x , on remarque furtout une raifon lu c id e , 6c cet ordre d ’une bonne m ém o ire,
qui ne peut claiïer les plus petitsdétails des affaires dom eiliq u e s , que dans une tête bien organifée.
E n fin , quand on a examiné tout ce qui pouvoit éclairer
le*
�les Juges, tic Provence fur la fituation defprjc du Marquis
de Cabris , pour concevoir les jugemens qui lui on t ravi fon
exiitence civilcen le déclarant infenfé ^il faut nëceiTairement
penfer à l ’aiTociation qui s’étoit formée pour l’anéantir, aux
intérêts divers qui infpiroient chaque membre de l’aiTociation , aux démarches tumultueufcs du Bailli de Mirabeau ,
enflammé par le d é p i t , & d’ailleurs entraîné par le M a r
quis de M irabeau ; fon frè re, aux in trig u e s, aux calom
nies employées pour le lu ccès; à la M a rq u ifed e C a b r i s , ar
rachée du lit de fon m a r i, ôc confinée loin de lu i, dans
un couvent de la haute Provence ; à la D e m o ifelle de
Cabris , enlevée fous les yeux de fon Père ; au M arquis
de Cabris lui-même , prifonnier dans
la
ville d’A i x ,
gardé à vue ju fq u e s d a n s fon a p p a rte m e n t, au m om ent
où il étoit encore fon unique maître fous la protection des
L o ix ; enfin , à tout ce que l’efprit de cabale & de violence a
ralfemblé dans cette aiï'airc déplorable.
C e tte troupe intéreflee marchoit fous la bannière de la
dame de Lom bard. C ’eft en fon nom que tous les coups ont
été portés; c’elt fur fa demande que Ion fils a été injuftem ent interdit.
C e tte interdiction cil l’injure la plus cruelle que la dame
de Lom bard pouvoit faire à fon fils , aux en fans de fon fils ,
aux enfans des enfans de ion fils.
Il faut diitinguer deux fortes d ’interdi& ioa ; celle p ro
non cée pour caufe de prodigalité, ,& celle prononcée pour
c a u fe d e démence. La première n’eil point une tache de fa
m ille , elle n’eft pour celui m ême qu’elle fr a p p e , qu’un
reproche de fes égaremens pâlies, l a prodigalité d’ un père
p orte lu id ig e u c c , mais jamais la ho.nce fur fes nfaus.
�5*
L ’inrerdi&ion pour caufc de dém ence cft une flétriflurc,
& pour l'in te rd it, & pour toute ia dcfcendancc : c’eft une
plaie qui du tronc va infectcr jufqu’aux plus petits rameaux.
D e tous les p réju g és, celui-là peu t-être, cft le icul raifoi:n ab le, ou plutôt ce n’eft pas un préjugé ; c ’eft une crainte légi
tim e qui vient quelquefois empoifonner le fentiment le plus
cher dans dans les apprêts d ’une union defirée, &c qui porte
l’inquifition dans une famille jufques fur les membres les
plus éloignés.
A in f i, Iorfqu’à la face de toute fa province , la dame de
Lom bard pourfuivoit avec acharnement la Sentence &. i’A rrêt qui on t déclaré fon fils en démence, elle difoit à fa P ro
v i n c e , a to u t le R o y a u m e ,e n montrant fa petite-fille,enfant
de fix a n s, intéreflante par toutes les qualités aimables que
la nature peut prodiguer : «• Q u e cet enfant vive f e u l , Sc
meure fans poftérité ; familles pures ,
m
recevoir
dans votre
« un poifon que
fein ;
il
trem blez de le
porte dans
fes
veines
j’ai tranfmis dans les veines de m ou
» fils.
C e cri terrible, elle le répète ici avec un emportement
qui e ffr a ie , &. fa petite fille touche à fa quinzième année:
elle annonce encore , elle publie que fon fils cft fou. L e
feroit-il devenu ? N ous allons examiner tout-à-l’heure s’il
cft devenu fou ,
com m ent il auroit pu le d eve n ir; mais
enfin il ne l’étoit pas en 1 7 7 7 ; la chofc eft ailèz prou
vée ,
fa mère l’a accufé de folie pour le faire en
chaîner.
Son aveuglement eft extrême : elle veut orner de quel
que vraifcm blance ce m enfonge de folie.
N ’a-t-elle pas
imprimé à Paris que fon é p o u x , le père de fon fils , avoic
�59
tïanfm is à ion fils le germe d’une démence incurable ? L a
dame de Lombard ne fait pas ce qu’elle é c r it , ou cc qu’on
écrit pour elle. Il cil impolîible de penfer q u e lle v o u lû t ,
de fa n g -fro id , pour exterminer ion fils 8c fa p e tite -fille ,
marcher à eux fur les cendres d’un mari qu’elle a dû ch é
rir 8c qu’elle doit rcfpe£ter. Si cette idée cruelle cft un fruit
de fon im ag in a tio n 3 voilà la dém ence: c'cft elle qu’ il faut
interdire.
.En vérité , les termes ufités n’expriment pas tout
l’o
dieux de ce m enfonge. Le M arquis de Cabris a trois feeurs
mariées ,8 c connues par leur bon fens 8c leur raifon. Son
père n’a jamais donné la m oindre preuve d ’un efprit difttrait
ou a g ité ; ¿te c e r te s , toute fa Province pourroit attefter qu’il
ne devoir pas cette tranquillité aux bons procédés de la dame
de L o m b ard , com m e elle a l’ineptie de le dire. Le M arquis de
Cabris lu i-m êm e, avant la tyrannie'qui a boulverfé toute fon
cx ifte n c e , n’avoit montré qu’un efprit préfent 8c raifonnable.
A infi , ce prétendu germ e de dém ence trouvé dans le fang
de fon p è r e , eft un trait perfide, le dernier trait qui carac*
tériie le com p lot formé fur la perionne de la D em oifellc
de Cabris. C ’cft pour difpoicr d’elle fans concurrence ,
pour lui ravir l’avantage du c h o ix , pour effrayer tous fes ri
v a u x , qu’on ofe flétrir en m ême-tem ps 8c fon p è re , 8c fon
ayeul ; 8c ce dcflcin peut il être douteux , lorfqu’on voie
s’empreifer autour d ’elle le C o m te de G r a d e , le M arqu is
de M irabeau , 8c tous ceux dont nous n’avons pas eu occaiion
de p a r le r ,
qui ne
craignent pas pour leurs fil*
cc qu’ils ont comploté de faire craindre aux autres.
E n s'efforçant d’ affaiblir la honte qui fuit une interdic
tion pour caufc de démence , la dame de Lom bard n’affoiH ij
�<jO
blic pas l’injure faite à fon fils, qui n ’étoit point en demenee. Elle difoit dans fa Requête au R oi : provoquer
rin te rd i& io n d ’un fils , lorfqu’il eft dans le cas de l’êrre ,
( d ’être interdit) c ’eft faire un a & e de p i é t é , c’eft obéir
aux L oix.
M ais provoquer l’interdi&ion d ’un fils , lorfqu’il n’eft
pas dans le cas d’être in te rd it; le noter com m e f o u , l o r f
qu’il eft fage ; le luppofer en d é m e n c e , lorfqu’il a toute
fa railon , pour lui ravir fon exiftencc & tous les droits de
citoyen : c’eft une atrocité jufqu’à préfent in o u ie , c ’eft une
violation des L o ix de la nature ôc de la fociété.
Les Lacédcm oniens n’avoienc point de loix contre les
crimes inconnus, nos loix n’ont pas prévu qu’une mère
fût capable de diffamer fon fils Si toute fa p oftérité, par
une
interdi&ion injufte, fous le prétexte d ’une dém ence
fuppofée1. C e t écart nouveau n ’eft donc fournis parmi nous
à aucune peine littéralem ent exprimée, [ i] M ais la raifon,
la juftice n a tu relle, veulent que celui qui a fait le m a l,
foie au moins privé des moyens de le faire encore. U n e
mère qui dépofe tous les lentimcns m aternels, doit abdiquer
auili tous les droits maternels. U n e mère qui a traité fon
[ 1 ] L a d am e de L o m b a r d tire la N o v . 1 1 5 ,
( elle fe tro m pe : c’eft
la N o v . 1 »4) pour prouver q u ’elle auroit été indigne de fucccder à Ton
fils furieux ou i n f e n fé , fi elle l’avoit abandonné. L a N o v . ne parle que
du fu r ie u x , & non pas de l’in f e n fé , & les foins q u ’elle preferit aux père
£c mere en faveur de leur fils, 11e font pas de le faire interdire. M a is la
d am e de L om ba rd ne dit pas que la m êm e N o v . la m enace de la m ê m e
p e i n e , fi elle a fait à fon fils une injure grave. S i gravem & ir. honeftam
injuriant injecejferk.
�¿1
fils com m e -un ennemi , cft i’ennemie
de Ton fiis;
elle
n ’eit plus fa mère.
A in J î, lorfque la dame de L om b ard demande aujourd’hui
que Ton fils Toit in te r d it, il ne faut pas l’é co u te r; il ne
faut pas m ême examiner fi quelque m o t if juifcifie fa de
mande ; parce qu’elle a ofé déjà le faire interdire fans
motif. L u i • (cro it-il permis de pourfuivre fon fils jufqu’au
tom beau , & de renouveler cette action infamante , toutes
les fois qu’elle feroit infpirée par fon intérêt particulier
ou par l’intérêt des autres.
C e tte caufe d ’in d ig n it é , lancée fur la dame de L o m b a rd ,
par l’intcrd iition
fils , ell g r a v e ;
m ême q u ’elle a provoquée contre fon
&
cependant elle fera p e u t-ê tre moins
d ’impreffion que celle qui nous refte à prélenter.
Elle invoque la nature pour juifcifier fa co n d u ite : fuivant
fes maximes, c’eil pour remplir un devoir de piété maternelle
qu’elle a fait interdire fon fils : c ’elt pour veiller fur fa
vie 6c fur fes biens, q u ’elle l’a privé de fa liberté phyfique
& morale. Suppofons d on c que l’in terd i& io n fut pour le
M arquis de C abris un fccours bienfaifant ôc in évita b le,
voyons co m m e elle a rempli ce devoir.
C u ratrice de fon fils, elle a écé revêtue du pouvoir des
L o ix fur fa perfonne 6c fur fes biens.
C o m m e n t a-t elle adminiftré fa perfonne ?
L e Marquis de Cabris a é t é , par fes ord res, placé dans
nne cham bre de fon c h â t e a u , à côté du n om m é A lzia ri
ivrogne [ i j de foixance ans, père du Procureur de la dame
[ i ] Seytre écrivoit à la M a r q u ife de C a b r i s , le prem ier M a r s 178 3 :
x l état de M., de Cabris ejl toujours le rneme , i l ne changera p a s t
�6i
de Lombard , qui lui-même l’a confié à deux domeftiques,
c ’eit à-dire, à deux paylans couverts de la livrée.
Alziari fe permectoit fou vent des a b fen ces, m êm e aiTez
lo n g u e s, & alors le château de C abris étoit gouverné par
M arianne F l o u r t ,
fem m e d e-ch a m b re
de la dame de
Lom bard.
L a dame de L om bard elle-même n’y faifoit que quelques
apparitions à intervalles très-éloignés. Elle habitoit conti
nuellem ent à GraiTe.
C e qui fe faifoit auprès de fon fils, fe faifoit donc par
fes ordres : fi l’on veut la traiter avec quelque fa v e u r, o n
croira feulement q u ’elle l’autorifoit ; &c Ci l’on veut être
très-indulgent , on fera au moins obligé de croire qu’elle
le to léro it; mais foit qu’elle le foufl'rît, qu’elle le p erm ît,
ou qu’elle l’o r d o n n â t,
elle en fera toujours refp on fab le,
parce que feule elle avoit l’autorité pour faire le b ie n , ôc
pour empêcher le mal.
O n a dit que les chagrins & les contrariétés avoient
troublé la conftitution du Marquis de C a b r is , 6c altéré
fa fanté. C e trou b le, cetre altération, s’étoient manifeftés
par une grande irritabilité dans tous fes organes.
L ’hu
manité feule demandoit pour lui un régime d o u x , ca lm a n t,
propre enfin à faire iuccédcr la paix à cette agitation
momentanée.
11 cil prouvé par la déclaration des témoins oculaires,
q u ’Alziari , failant manger le M arquis à fa t a b l e , pour le
„ tant qu’ il n’ aura pour M édecins que deux payfans & un
» qui le gardent fa n s rien f a i t e ,
» prtju d ice. »
iv ro g n e ,
qui mangerie Jes revenus à voire
�¿3
guérir de Favcrfîon qu*iî avoit pour l u i, lai fnifoit boire du
vin p u r , des liqueurs fo rte s, lui faifoit prendre du café
6c du ta b a c , ôc répendoit gaîm ent aux
repréfentations ,
que f a maladie étoit incurable , & que le v in , le café & le
taba c, nepouvoicnt pas lu i ja ir e plus de m al q u i l n en avoit.
L e (leur Sue., C hirurgien , viiicant le M arquis de Cabris
à M o n t r o u g e , dans l’état où l'ont réduit lix années de
tyrannie 5c de mauvais traitemens , a dit que parmi les
moyens de rétablir fa f a m é , il falloit qu.il eût la faculré
de voir 6c de parler à ceux qui lui feroiunt pla iiir; qu’on
eût l’attention d ’entrer dans fes idées , ne le contrariant
en rien.
L a dame de L o m b a r d , en faifant imprimer cet a v is,
a eu l’extrême limplicité d’écrire cette note à côté : c 'e fl
ce qu'on fa ifo it à Cabris , ju fq u au moment ou fo n époufe
l ’ en a arraché.
C o m m e n t le M a rq u is , à C a b ris , avoit-il la faculté de
voir ceux qui lui faifoient p laiiir, ôc co m m en t n’étoit-il
contrarié en rien ?
Il ne voyoit perfonne. D ans les iïx années qu'il a été
détenu ca p tif dans un cabinet de fon château , on n ’a
foufTert auprès de lui aucune vifue*étrangère. A in i i , s’il
ne voyoit pas ceux qu’il a im o it j au moins n ’éroit-il pas
obligé de voir ceux qu’il n’aim oit pas , excepté toutefois
A lzia ri , que fes complaifanccs criminelles ne rendoient
pas plus aimable.
M ais fa fille q u ’il a i m o i t , fa fille qu’il dem andoit dans
tous fes difeours , dans toutes fes lettres , il a pafle quatre
ans fans l'embralll-r , fans recevoir de fes nouvelles.
D a n s toutes les lettres I B ien tô t cette unique c o u fo U -
�64
tion lui fut arrachcc , de peur qu'il n’écrivît à fa fem m e.
Il cft
prouvé par la déclaration des témoins oculaires,
q u 'il y avoit dans la maifon les défenfes les plu s exprejjes de
ne remettre audit Seigneur M arquis aucune lettre de la p a n
de f a fem m e ni de tout autre , & de ne lu i fo u rn ir ni papier
ni plumes , afin qu'il n écrivît aucune lettre ni a f a fe m m e ,
ni a fe s amis.
O n dira fans douce qu’une trop grande application pouvo it être nuifible. Il avoit d on c au moins la liberté de la
p ro m e n a d e ?O u i, il fe prom enoit quelquefois : mais toujours
accom pagné d’un,valet fatellite , & quelquefois de deux, q u i,
pour ne le contrarier en rien , lorfqu’ il vouloir marcher dans
l'alléc de Sc. Jean , le forçoient a grands coups de poings de
marcher ailleurs. C e fait eft prouvé par la déclaration de
deux témoins oculaires.
Il cft prouvé que cette brutalité infolentc des V a l e t s , fc
m êloit m ême aux détails de leur fervice. Il eft prouvé par
une déclaration particulière , que C o u r t , l’un des dom eftiques placés auprès du M a r q u is , racontoic com m e
une
p io u e i l e , q u en chauffant ledit Seigneur M arquis , celui-ci
lui avoit donné un f o u jjle t , & que lui , Jean C o u rt, avoit
donné vingt coups de bâton f u r le dos dudit Seigneur M arquis.
arianne F lo u rt elle-même , fcm m c-de-cham brc de la
D a m e de Lom bard , fe croyoit aucorifée au mépris 6c à
l’oucrage , & difputoit audacieuiement
avec le M arquis
pour ne le contrarier en rien. Il eft prouvé par la déclara
tion d’un témoin oculaire , qu’un
j o u r , en fortant de la
tribune de l’ Egliic , M arianne difoic au M arquis a hautev o ix
: vous ctes f o x ,
0
vous fe r e ^ toujours fo u ,* ce q u e lle
répéta, cinq a f i x fo is d'un ton m enaçant..
La
�¿5
L à gardcrobe du Marquis ayant été pillée &c d ifp e rfé c ,
il a vécu pendant iîx années fans habits ôc ians linge. Il
étoit toujours à Cabris en robe-de-cham bre ou en vefte :
on a vu qu’il étoit parti pour Paris avec un feul habit 8c
d ix - n e u f chcmiies , fans bas & fans m ouchoirs ;
ôc la
D a m e de L o m b a rd , qui le plaint de n’avoir pas eu le temps
de faire faire íes m a lle s , n ’a pas encore fongé^ depuis plus
d e deux a n s, à lui faire parvenir un chiffon.
Les fenêtres de fa chambre étoient grillées com m e celles
d ’un fu rieu x ; 6c depuis qu’il eft à P a r is 3 dans cet état de
çrife 8c de trouble où l’on t réduit fix années de perfécurions , il intéreûe par fa tranquillité 8c fa douceur. Les
fenêtres de fa cham bre font toujours o u v e r te s ,
il fe p ro
m ène feul , il c o n v e r f e , il joue paiiiblement ; il fe livre
enfin avec un plaiiîr afïectueufement exprimé >àtous les amu*
femens que lui procure la petite fociété d ont il eft en vi
ronné.
O n a vu, dans le récit des fa its , qu’il étoit même arrivé aux
aftidés de la C u r a t r i c e , de faire coucher fans draps le Sei
gneur de la T e rre ,
un hom m e riche de 50,000 liv. de
rente. C ’efc ce que la D cm oifelle de C abris a affirmé à la
D a m e de Lom bard , en préfcncc des M a g iftra ts , Sc de tous
les parens aiTcmblés : aufli la D a m e de Lom bard a-t-elle dit
qu’on avoit amené cet enfant ( de 14 ans £c d e m i) aux
aflèmblées , pour lui faire infulter fon ayculc.
O n a fupprimé de ce trille récit , plufieurs détails <fjui ne
pourroient pas erre entendus fans dégoût. L e M arquis de
C abris, étoit dans fon Château , allimilé à ces infortunés ,
tombés par le bouleverfcment de tous leurs organes , dans
dans la claire des b r u t e s ,
attachés à la pierre qu’ils couI
�r
66
vrent de leur corps , & qui exiftenr >pour ainfi-dirc , au m i
lieu des horreurs de i’cxiiîetîcc.
V o ilà com m e la mère du M arquis de Cabris a f.iit inter»
dire Ton flîs , pour remplir envers lui un devoir d eptete /naicrnelU , pour obéir aux L o ix , pour v a lier fu r f a fanté.
Il étoit malade. La D a m e de L om bard
nous apprend
elle-même que des troubles antérieurs avoient a frotté fou
tempérament. Q a ’on
life
fes réponfes
faites devant le
C on fcille r-C o m m iila ire du Parlem ent d’A ix , & la manière
d o n t il parle , dans une grande tranquillité d’e f p r i t , des
foufrrances qui déchiroicnt fon c o r p s , attendrira les plus
infenfibles.
En cet é t a t , fa m ère, que la nature avoit établi fa g a r
dienne ; fa mère qui devoir faire au moins par tendrellc
ce qu’une autre auroit fait par humanité , fa mère s’empare
de l u i , le dépouille t l’enferme , l’e n v ir o n n e , pour guérir f a
f a n t é , de tout ce qui pouvoir augmenter fes douleurs , le
livre à dts m ercenaires, qui l’in fu lr e n t, qui le ty r a n n if e n t,
qui le frap p en t, &c qui pour le ca lm er, lui prodiguent des
alimcns Si des boiiTbns qui confu m cnt fes entrailles. P e n
dant lix années , elle écarte de lui tout ce qui pourroit le
rafleoir , le diftraire ; elle l’abreuve de privations & de dé
goûts : on diroit qu’elle s’exerce à embrâfer tous fes reff o r t s , moins encore par le régime brûlant q u ’elle lui fait
obfervcr , que par cette perfécurion le n te , décidée, qui mè
ne au défefpoir , Si. contre laquelle l'ame , pour s’ex h a ler,
dévore tout ce qui la retient.
Q u ’elle n’allègue point que ces fautes font les fiu tes de
fes a g e n s , Sc non pas les lionnes. C e qu’elle n’a pas fait »
elle 1 a laiiTé faire ; fie nous l’avons déjà d i t , elle eft c o u
pable de cousles excèscom m is en fon nom ôepar fon pouvoir.
�¿7
A u r o it - c n conçu le projet de juilifier un jour cette in
terdiction ü injnftement p ro n o n cée , Sc r/au roi t-on fuppofé
la dém ence que pour obtenir les moyens de la réalifer ?
D e s faits fi odieux exigent des preuves. Celles que la
M arqu ife préfente ne font pas fufpe&cs ; ce font des dé
clarations de quelques habitans de Cabris , fur lcfquelson
ne la foupçonnera pas d ’avoir e u , pendant le règne de fa
belle-mère , beaucoup d'influence ; elle a voulu cependant
proportionner les preuves à la publicité des faits ; elle a
dem andé , 8c elle demande encore qu’on
fafle fonner la
trom pette dans les rues de C a b r is , qu'on affcmble la mul
titu d e , qu’on interroge & qu’on écoute. La dame de L o m
bard s’y oppofe : cette réllftance eft un aveu forn\el. C e n’eft
pas avec les certificats du
D o c te u r , de ¿’honnête Chirur
gien y du Frère L a c e , du P rédicateur> du Chapelain , c ’eft-àd ;r e , de fes complaiians ou de fes co m p lice s, qu’elle peut
fe défendre. C ’eft la voix publique qu’il faut entendre. Si
elle n’a rien à fe reprocher , fi tous ces détails révoltans
fon t des m en fo n g e s, fon honneur exige qu’elle concoure
à l’enquête générale demandée par fa belle-fille. T a n t qu’elle
s’obftinera à fermer les cent bouches de la r e n o m m é e ,
on doit croire qu’elle eft coupable , puifqu’eüc craint d ’être
accufée.
Il n’eft perfonne q u i, en lifanc cette hifloire effrayante ,
ne tende auilitôt la main pour repoufler la dame de L o m
bard du cabinet du Juge à oui elle ofe demander encore
que fon fils foie interdit. Eft-ce donc pour le tourmenter
encore?
N o n ; nous ne lui faifons pas
cette injure : le cœur
d’Lne m è r e , de quelque intérêt qu’il foie a n im é , ne peut
lîj
�68
pas être cruel. N o u s avouons m ême qne relativement aux
excès com mis fur la perfonne de Ion iils s elle eft coupa
b l e , moins par fa mauvaise v o l o n t é , que par ia foiblciîc t fon incapacité (i) , par fa com plaifance aveugle pour tous
les intérêrs qui s’agitoient autour d’elle.
M ais elle v e u t, ou plutôt on la force de vouloir que fon
fils foit interdit , parce qu’il faut qu’elle ufurpe une puiff a n c e abfolne fur fa petite-fille , pour difpofer de fa per
fonne au gré de ceux qui guident fa v o lo n té , du M arquis
du Mirabeau , ou du
qu’elle obtienne
C o m te de G ra ile ; parce qu’il faut
encore l’adminiftration des b ie n s, p o u r
voiler ou pour confacrer les rapines de fes confédérés.
A l’égard de fa petite-fille, de la demoifelle de C a b r i s ,
rrous examinerons quel feroic ion f o r t , dans le cas de
l ’interdiction ; lorfque
nous aurons examiné l’état a£tuel
de fon p è r e , & fi l'état de fon père néceilite l’inEerdi&ion.
A l'égard des biens , il faut voir co m m ent la dame de
L o m b ard les a adminiftrés pendant fix ans , pour appren
dre fi elle feroit digne d e les adminiftrer encore.
A dm inistration
INJIBLLf,
L e premier devoir
d ’un C urateur eft de fa're appofer
les fccllés, ôc de faire l’inventaire des effets du pupille ou
de l’interdit. C e tte obligation , nécciïaire d’ailleurs pour la
décharge du C u r a t e u r , eft expreflement im pofée par les loix
R o m ain es, 8c plus expreifém ent encore par les itamrs de
P r o v e n c e , tant cités par la dame de Lom bard.
[ 1 ] S eytre, dans «ne
lettre du i M ars
1 7 8 } , parloir ainii de la»
d a m e de L o m b a r d : La cabale qui f a it mouvait e n te tête jo'tb le, qui ne
ja it p a s s ’ ndminiflrer tU t-m cm e , cette tête qui au roitbtfoin d ’ un C u xa ttu f
aulieu d ’eire Curatrice.
�69
M aires & alti Curatores, die cette loi lo c a le , cap.
de
T u tc l. arr. 10. S I tempore obi tus de cujus h xrcd itau agiuir
in dicla civitate pr.tfentes fu e r in t , illâ eâdem die obitûs ,
qu<e fa c iliter trunsferri pojjunt in tuto reduci capfafquefigillari fa c e tc per manum diclœ curiœ ordinarix pxosurent, de quibufquam atiiis poterit fie r it ettam ju ris commuais dilatione
pojlpojltâ deferiptionem debitam fie ri fa c ia n t cum ejfeclu ad
fa lv u m ju s minorum hujnfmodi. Q u o d fi ita fac-ere pofipofueTint, eifdem minoribus in cemum libris coronatorum LpfofacÎQ
tencantur ; pro qu/bus fie l esecutio realiter, prout fu prà , p r e f
iptione & apellaiione rejedis.
L a dame de Lombard devoit d o n c , au m om ent de fa
nom ination à la curatelle de Ton 61s , faire appofer les fcellés fur les effets d e fon fils , faire dreil'cr de tout un in
ventaire fidèle ; Sc faute d’avoir rempli cette formalité effc n tie lie , î'î’. c cit foumife à une peine pécuniaire , par la
loi même qui régit fa perfonne 6c Tes biens.
O n fe rappelle que le M arquis de
Cabris étoit encore
à A i x , pourfuivant fur l’appel de la Sentence du Juge de
G raife qui l’avoit in te r d it, lorfque , malgré cet appel ce r
tainement fuipenlit, la dame de Lombard ,
nom m ée C u
ratrice par une nouvelle S e n te n c e , faifoit enfoncer les ar
moires &
briier les ferrures du château de C a b r is , pour
fe mettre en pofîeilion de tous les effets de fon fils.
C ’étoit une fingulière manière d ’exécuter la loi qui lui
ordonnoit de faire appofer les fcclles.
L a même Sentence exigeoit que l’inventaire de tous les
meubles de l’interdit fût fait par un N otaire defi-gné, en
préfence d e l à C u ratrice & de deux païens.
�O n a vu nvrc quelle fidélité cct inventaire avoir été fait;
£c certes, en enfonçant les armoires , en brifant les ferrure?,
or; ne promet toit pas d’être fidèle.
U n mobilier de plus de 80000 liv. dont la M arquife de
Cabris repréfente aujourd’hui les mémoires & le s q uittances,
i’e trouve réduit à 1400 livres; n euf malles remplies de m eu
bles riches s tout récem ment apportés de P a r i s , n’on t pas été
ouvertes. O n n’a pas dit un m ot d’une b ib lio th è q u e , valant
au moins 11^000 livres; pas un m ot de l’argenterie ; pas un
m ot des meubles qui garnifioient l’habitation de la D a m e de
L om bard elle m ê m e , & donr elle n ’a que la jo u id a n c e; pas
un mot des meubles tranfportés par Ton fils à A i x ; pas un
m ot de tous les effets appartenans à la M a rq u ife d e C a b r is ,
laides à A i x , lors de fon enlèvem ent n o & u r n e , & devenus
le butin des Cervantes de la D a m e de Lombard.
Il eft: même conflaté par le fécond inventaire j fait en vertu
de l’A rrê t du Parlem ent de Paris, que plufieurs des meubles
dont on avoit daigné conftater l’exiitence , ont dilparu des
lieux où ils avoient été placés , pour être convertis à l’uiagç
de la D a m e de Lombard. ( 1 )
La portion la plus précieufe du m ob ilier, les titres de N o b le d e , les terriers, les pièces de recouvrement & de d éch arge,
tous les papiers enfin ont été l’objet d’une rapine plus révol
tante encore ; tk c’cft ici que la D am e de L om bard s’elfc
rendue coupable d ’un véritah'e-délit.
O n a vu com m ent les titres de famille Sc d’adminiftratiori
avoient été confondus Sc entaiTés fans defeription dans une
[ 1 ] Les
deux
inventaires ont ¿te joints
affeniblées de parens.
aux procès-verbaux des
�71
arm oire, fur laquelle le N otaire avoit appofé les fc e llé s , à la
réquiiîtion d ’A lz ia r i, Procureur de la D a m e de L o m b a rd , £c
des deux parensen préfence deiquels il falloit procéder.
L ’événem ent a prouvé que cette appolition de fccilés fur
des papiers précieux , dont 011 auroit dû faire la deferiptioa
la plus détaillée \ étoit moins une formalité remplie pour
éviter un travail long & p é n ib le , qu’un m oyen nouveau
d ’une invafion d ’autant plus crim inelle , qu’elle éioit c o m
binée fous un appareil judiciaire.
L a D a m e de Lom bard a brifé, ou fait brifer les fcellés
appofés fur cette armoire.
Elle s’eft e m p a r é e , &: elle a
difpcrfétous les titres. Cette perte effc inappréciable.Sans par
ler des terriers, & des pièces de recouvrem ent £1 de décha:g c , les archives do Cabris croient dépofitaires de tous les
titres de nobleflc , & ce dépôt feul pouvoit fournir les preu
ves à trente familles de Provence.
Les tirresde la rerre é toien t, pour ainii d ire, plus précieux.
E11 P r o v e n c e , point de féodalité ians titres. L a perte des
titres feroit pour la rerre de Cabris une perte au moins de
36,000 livres de droits Seigneuriaux.
L e N ota ire qui avoit appoié Iis fc c llc s , com m is par i:n
A r r ê t du Parlem ent pour les le v e r , & décrire tous 1rs
objers mis lous les fc ellé s, a conilaté par fon procès verbal,
qu’il avoic rrouvé les fcellés
b rifés,
bc
dans l’armoire
ouverte , des papiers relatifs à l’adm iniilration de la C u
ratrice.
avoit
Preuve n o u v e lle , mais in u tile , que la-C u ratrice
enlevé le« papier» renfermés dans cette a r m o ir e ,
lors du bifarre inventaire fait à fa re q u ê te , & qu’elle les
avoit remplacés par des papiers relatifs à fon adminiftra-
�T o u t ic
7Z
momie fait que le bris de fccllés eil un délie
qui ne peut être pourfuivi que par la voie extraordinaire, [ i]
Sa moindre confcqu encc cft de faire préiumer q u i l n a eu
Heu que pour fpolier les efîets mis fous la main de la
Juftice. [z]
i c i la preuve du délit c il com plette. La dame de L om b ard
efl d o n c convaincue d’une ipolation Ci confid érab le, que la
valeur des effets fpoliés ne peut pas être eftimée.
D a n s l’impuiflànce de nier le d é l i t , la dame de L om b ard
a voulu lcx c u fe r dan* fa Requête préfentée à la ({dernière
affemblée des parens. Elle a prétendu que ce fcellé n’é toit
point un fcellé ju d ic ia ire , q u ’il n’avoit pas été ordonne
par le J u g e ; que le cachet appofé étoit fon propre c a c h e t,
appofé par e l l e - m ê m e , & qu’ainfi elle avoit pu le rompre
fans y être autorifée par Juftice.
Excufe pitoyable Sc faulTe!
fcellés fur les effets
D ’a b o r d , l’appofition
des
de l’i n t e r d it , étoit une formalité
expreflément ordonnée par la Loi du pays : il n ’étoit pas
néceiïairc qu’elle fût
ordonnée par le Juge.
E n fai fane
appofer les fc c llé s , la dame de Lombard s’eft conform ée
à la Loi ; mais elle devoit auifi faire faire l'inventaire.
C e tte fécondé obligation c il une dépendance im m édiate
de Ja première.
[ i ] U n A rrê t d u P arlem ent de B a rjs , du 7 M a i 1 7 3 1 , a infirmé une
Sentence pai laquelle le L ie u te n a n t-C r im in e l d u C h â te le t a v o i t, fans
décret ni in te r ro g a to ir e , renvoyé à l ’audience fur une accufation de
corruption de dom eftiques pour rom pre des fcellés. L e m cn ie A r r ê t
décréta l ’inform ation pour parvenir à connoître les perfonnes contre
lesquelles la plainte avoit été rendue , & qui n’y étoienc pas nom m ées.
[ 1 ] R a v i o t , fur la coutum e de B o u r g o g n e , queft. 1 5 0 , n°. 37.
Enfuite y
�73
E n fu ite , le Juge n’avoit polht ordonne d ’appofer les
fc e llé s , parce qu’il avoir ordonné de faire l’in ven taire, ce
qui fuffilo t
pour conftater les quantités 8c les efpèccs
confiées à ia Curatrice. La dame de Lombard a fait appofer
les lcc'l^s fur les papiers , pour n’être pas obligée de les
invcnrorier : elle a tait ce que le Juge n’ordonnoit pas ,
pour ne pas faire ce q u ’il o rd o n n o it; c ’eft à-dire, qu’elle a
rempli la moitié de ion d e v o ir , pour fe difpenfer de l ’autre
moitié.
D a n s une tête auiïi fo ib le , il n’eft pas étonnanc que les
faits fe confondent. Ce n’eft point fon cachet qui a été
appofé fur l’arm oire; c ’eft celui du N otaire lui même. Il
faut lire les deux procès-verbaux. Il déclare dans le premier
qu’il agit en vertu d ’O rd o n n a n ce du J u g e , qu’il n ’a été
fait aucun inventaire des papiers, ôc qu’// a appofé le fc e llé
de fu s armes à la réquifition c^rs parties. Il conftare dans
le itc o n d , que ce fcellé a été brifé dans Ion a b f e n c e ,
q u ’il n’a été trouvé dans l’armoire aucun titre , ni de fam ille,
ni de p rop riété, mais des pièces de la geftion de la C u ratrice,
poftérieure à la date des fcellés.
E n f in , en fuppofant deux fauflecés : que cette appofition
de fcellés ne fut ordonnée ni par la L o i , ni par le J u g e ,
ôi que le
cachet appofé fut le cachet de la dame de
L om b ard ; ce ieroit d on c une rufe employée par elle pour
ecarter la defeription des papiers, Sc s’en faiiir im puném ent ;
&c cette rufe feroit d’autant plus co u p a b le, que le nom &
l ’appareil de la J u ftice , lui donnoient un extérieur impoiant.
C.'cil fur la foi de cette feinte fo r m a lité , que les parens,
ceniés
pre/ens à l’in v en ta ire , auroient confenti que les
turcs & papiers ne fu ik n c pas inventoriés. Brifer ce fimple
K
�74
cachet en l’ abfcnce de ces p a re n s , feroit une infidélité
auifi criminelle que le bris d’ un fcellé judiciaire» puifqu elle
auroit les mêmes c o n fé q u e n c e s , puifqu elle feroiî le prétexté
ou le m oyen de la fpoliacion des titres 8c papiers Tans
inventaire.
A i n i i , dans tous les c a s , la dame de L om bard ne pourroit exeufer l’omiiTion frauduleufe d’une formalité preferite
par la L oi & par le Juge.
D a n s tous les c a s , elle ne
pourroit fe juflifier de n’avoir pas fait inventorier les titres
& papiers pour les fouitraire &
D a n s tous les c a s ,
les difperfer à fon gré.
elle feroie coupable
d ’infidélité , &C
foum ife aux peines prononcées par la L oi.
L es autres abus de Tadminiftration fon t auifi nombreux
qu’intolérables.
O n a vu les meubles diiperfés & anéantis; ces meubles,
que le M arquis de C abris a vo it achetés à Paris , Sc donc
les mémoires fon t produits ; ccs mémoires montant à près
de 70,000 li v r e s , d ont la dame de L om b ard a payé ellem êm e une partie.
O n a vu les bois de h a u te -fa ta ye coupés & v e n d u s ;
les biens affermés par des
écrits fous fe iH g s-p riv és, &
pour des prix inférieurs aux prix offerts au M arquis de
C abris lui-même ; les fermages exigés d’a v a n c e ; les charges
&. les droits royaux arriérés; les terres féodales données
fans cenfives ; enfin , 300,000 livres au moins de dettes
contra&écs , 6c 300,000 mille livres au moins reçues &
dilapidées dans iix années , fans autre dépenfe légitime
que celle du Marquis de C a b r is , la peniion de fa femme Sc
celle de fa fille , & l’on a vu ce que le M arquis de C abris
pouvoit depenfer; 5c la penfionde fa fem me a été long-tems
�75
<3e 3000 livres , & cnfuice de 4000 livres , 6c Ion
fait
que fa fille étoit au C o u v e n t à G ra d e , à 100 livres de
peniion.
O n a vu le com pte de Seytrc arrêté fans d étails, Oins
d éb ats,
fans
pièces
juftificatives ,
&
Seytrc
conftirué
créancier de 61,000 l i v r e s , d ont 50,000 livres font déjà
p a y é e s , 6c doivent être refticuécs de l'aveu même de la.
Curatrice.
O n a vu fur-tout la tranfa&ion paiTée entre la Curatrice
& fes trois gendres , beaux-frères du M arquis de Cabris ,
par laquelle la C u ratrice fixe un prétendu fupplément de
légitim e
déjà doublem ent payé en 1 7 7 5 , Par ^es
k ° ns
offices de Seytre , alors curateur du Marquis de C a b r i s ,
à une fomm e d ’environ 200,000 liv. pour laquellcelle h y p o
thèque les objets les plus clairs de la fortune de fon fils,
6c l’on ie iouvient que ce fupplément de légitim e étoit
fixé par le tcilam ent du père c o m m u n , à 8000 livres pour
chaque feeur du M arquis de C a b r i s ,
ôc pour
les trois
c n fe m b le , à 14,000 livres.
T ou tes les
mains
pilloient autour
incapable , infouciante ,
de
fatisfaite des
la C u ratrice
refpe&s
qu’eile
recevoir tranquillement dans fon fauteuil à G r a l f e , 6c de
l’empire qui flatroit fa crédule Si. puérile vanité.
Les déclarations des Fermiers , annexées aux procèsverbaux
faits en l’H ôtel
de
M.
le
L ie u te n a n t-C iv il,
énoncent pluiieurs Maridemens donnés fur eux 6c acceptés,
lans énoncer aucun motif.
Le Bilan du fieur B o n in , [1] aujourd’hui annexé aux
[ 1] C ’eft au fîeur Bonin que la dame de L o m b a r d avoit afferme
pour lOjOOO livres ,
les moulins banneaux à h u ' l c j dont on avoir
K
ij
�7<Z
mêmes p rocès-verbaux, fait mention de plusieurs m andats
ou billets acquittés par l u i , fur-tout à A l z i a r i , pour 6,906
livres 10 fols 5 d en iers, &c cette lornme paroît acquittée
depuis le mois d ’O c to b re 1 7 8 1 , juiqu’au dix M a i fuivant.
C o m m e n t dans l’efpace de fix mois , &C à quel titre,, cette
fo m * ie a-t-elle été payée à A lziari ?
Le m êm e Bilan relate au 14 Janvier 1783 , un billec
de 4800 liv. payable a la fin du mois de Novembre fû iv a n i >
à M ‘ G a y te , A vocat de la dame de Lombard, 6c a&uellemcnc
ion fondé de pouvoirs.
C o m m e n t M e G a y te ctoit-il créancier de 4,800 liv.? [1]
O u a vu la C u r a t r i c e , partant pour P a r is , donner la
procuration la plus é te n d u e , pour régir & adminiftrer en
fon a b ( e n c e , à M e G a y t e , A v o c a t ,
0
quelquefois Juge v
lo r fq u il s’ agity pour l'intérêt de celle qu'il repréfentet d ’arrêter
offerc au M arq u is d e C a b ris 14 ,0 0 0 liv.
d eux
ans
après, &
Bonin a fait banqueroute
ceux q u i o f i o i e n t 14 ,0 0 0
livres n ’ont pas fait
banqueroute.
[ t j C e t t e queftion trouve fa réponse dans une L ettre de S e v t r e ,
du 6 * Î u in 1 783 , déjà im prim ée : «■11 en coûte
100 louis à votre
» maifon ; l’adminiftratrice donna à Bonin une quittance de cette f o m m e
»> le 14 Janvier 1 7 8 3 , fur la paye des moulins à écheoir en N o v e m b r e
» prochain,
»» tion de
» prouvent
3c en é c h a n g e , le failli donna
la m ê m e f o m m e , payable au
que d ’abord il 1avoit paffée fur
» & puis comme : l s p a r t a g e n t &
a
fe m êm e jour fon o b lig a m êm e
terme : fes livres
le com pte du P ro c u r e u r,
caufe de la fa illite ,
oit
a trouvé
» q u i l étoit plus convenable de le palier iur le com pte de \'A voca t
o qui figure dans le Bilan. O n n ’eft plus étonné k i de ce q u e ,
de
» brouilles qu ’ils é to ie n t, ils fe fo n t étroitem ent liés : on ajoute q u e
» t'eft aux dépens de votre maifon , & parce q u ’on abufe de la croy ance
o> £' de ¿>1 foibleffe de celle qui l ’ ad m inijhc* «
�77
Iss exécutoires du C onfeil d 'Ê ta t. O n î v u , malgrc cettc
procuration , paflée en préfence d’A lz i a r i, A lziari lui-mêm e
toucher les revenus de la t e r r e , com m e fondé de pouvoir
de la Curatrice. O n ne peut pas exiger un exemple plus
frappant de la licence autorifée par le défordre.
O n a vu enfin la C uratrice , pour raiTcmbler les reffources de fon vo y a g e & de fon féjour à Paris , exiger
d ’avance les revenus de
fon fils,
mettre
en gage Ion
arg en terie, vendre fes boucles d ’o r , arriver à Paris avec
24,000 livres dans fon porte-feuille, trouver fon fils & fa
p etite-fille réduits
au fimple n é ce ila irc , & 1 obtenant à
c r é d it ; ne pas leur tendre un é c u , & garder les 24,000
liv. appartenantes à fon fils, pour les frais de la demande
en interdiction qu’elle venoit intenter contre lui.
Il faut laiiler les ames honnêtes fc pénétrer de ce trait :
le fentiment eft plus éloquent que la parole.
V o ilà les preuves d ’une bonne adm iniitration , que la
dam e de L om bard préfente à la J u llic e , pour mériter Ht
obtenir le droit d’adminiftrer encore. [1]
La raifon
&
la
Loi la repoufl'ent avec mépris. Elle
FlNS DI non
prétend à la confiance de la J u ftic c , lorfqu’elle doit redouter * 1 c Ev ° 1K-
[ 1 ] 11 feroit ridicule de parler ici du prétendu co m pte par elle
rendu devant M * Boulard , ancien N o t a ir e , conform ém ent à la Sentence
d u 6 A v r i l 1784- C e co m p te 11’a été ni v u , ni examiné , ni débattu par
les parties intéreflees. N ’e f t - i l pas étonnant que M * Boulard , nncttn
N otaire ,
fe
foit
attribué
iine
au:orité
fuffifante
pour
allouer
les articles de ce c o m p t e , en déclarant q u ’il n ’a eu pour le fo rm er
que des renfeignem ens fuperficiels ? N ’eft-il pas plus étonnant e n c o r e ,
q u e les parties intéreflees, n’a y e n t p u , ju fq u ’à p r é fe n t , obtenir la c o m
m unication des Pièces Juftifkatives de ce prétendu cu .npie ?
�7*
Tes vengeances.
T o u te s
Tutor. £ Curât. du f f ,
les
L o ix
du
titre
de fu fpecl.
ÔC du cod, s’elevcnt contre -elle.
Suivant la Loi 3 de ce t i t r e , au f£, §. 16 .’ le tuteur q u i,
par fraude ou par n é g lig e n c e , n’a pas fait inventaire des
effets du p u p ille , doit être mis en prifon : T utores, qui
repertorium non fecerunt vinculis publicis jubetur conti
nt ri , & infuper pro fu fp e d is habentur. [1]
La m êm e L o i , §. 5 , prononce la deilicution du tu teu r,
s’il a commis des infidélités dans fa tu t e lle , s’il a caufé
quelque dom m age au pupille , s’il a fouftrait fes b ie n s ,
s’il a décourné fes moyens de fubiîftance. S i fo r te gm jfutus
in tutelâ e f l, aut fordidd egit , v el perniciosè pupiLlo , v el
aliquid intercepit ex rebus p u p illa rib u s, fufpeclum poflularc
licet.
La Loi 7 du même titre , §. 1 , punit par la deftitution
de la Vuteilc , non-feulement la fraude c o m m ife , mais la
négligence g roflière, parce qu’elle efl: très-voifin e de la
fraude : S i fra u s non f it adm ijfa, J ed lata neghgcntia quia
ifla prope. fraudent accedit ; removeri hune quaji fufpeclum
oportet.
La Loi 7 , cod. de fu fp . Tut. v e l Curât, décide qu’un
tuteur ou un curateur a cc u fé , doit être privé de ics fon c
tions & de fon p ou voir, jufqu’au jugem ent de l’accufation ;
6c pendant l’in t e r v a lle ,
un
autre
doit être chargé
['-] T o u t ce que ces L oix du tir. 16 du f f ,
de
ordonnent contre les
tuteurs fufpefts t elles l’appliquent égalem en t aux curateurs du furieux
8c «.lu prodigue.
N on tantum autem adolefcentis cu ra to r, f e d etiam
fu r io f î, vel p rod ig it uc fu fpeclus removeri p otejl. L eg. 5 , ff. de fufp. tut.
v e l c u u t . §. 1.
�79
l ’adminiftration. Eum quem ut fufpeclum tutorem v e l curatorem a ccu fa s, pend.en.tt caufâ cognitionis
ahjlinere ab
admïnijlraùone rerum tuarum , donec caufâ fin ia tu r , pr.tfes
Provincia juhehit. A liu s ramen intereâ in
locum ejus in
adminifiratione rerum ordinandus eji.
Ainfi d o n c , au m om ent où la dam e de Lom bard a été
accuféc ; lorfque la M arquiié de C abris s’eft élevée contre
les abus de Ton ad m in iftra tio n , lorfqu’elle a rendu plainte
d evant les premiers Juges des excès com m is fur la perfonne de Ton m a r i , lorfqu’clle a renouvel* Tes plaintes
devant M . le L ieu tenan t-C ivil; dès ce m om ent les fo n d io n s
&
r autorité de la dame de Lom bard auroient été fufpcn-
ducs , fi d ’ailleurs l’A r r ê t du C o n fc il des D épêches ne
l’avoit pas dépouillée de la curatelle.
Les plaintes de la M arquifc de Cabris auroient fuffi
pour néccffirer la difpoiition de la Sentence du 6 A v r il
1 7 8 4 , q u i , fur l’avis des parens a iîcm b lés, a nom m é le
fieur C o u rt Régiiïcur des biens du M arquis de C a b r i s ,
jufqu’à ce qu’il fût autrement ordonné.
1
E t lorfquc la fufpenfion de fes p ou voirs, s’ils fubfiiloient
e n c o r e , feroit prononcée par la Loi m ê m e , jufqu’au ju
gem en t de l’accufation , elle propofe férieufement de lui
rendre fes pouvoirs anéantis, avant m êm e que l’accufation
foit examinée.
C e c i démontre avec plus d’évidence encore la néceifité
de juger avant tout l’objet d^s plaintes rendues par la M a r
quifc de Cabris , le mérite des fins de non-rcccvoir qu’elle
¿lève contre fa b elle-m ère.
Si les griefs copfignés dans ces p la in te s , radminilfcratiçn
�8o
cruelle de
la perfonne , l’adm iniftration
deftru&ive des
biens , n’étoient pas pour la juftice fuffifamment conftatés
par les preuves que la M arqu ife de C abris p r é fe n te , il f audroic l'admettre , malgré la réfiftance de la D a m e de L o m
bard , à la preuve publique q u e lle
follicite
; & jufqu’à
l’événem ent de cette preuve , la D a m e de L om bard
ne
pourroic être écoutée ni dans fa demande en interdiction
de fon fils , ni dans fa demande à fin d !’être nom m ée C u
ratrice.
Mais les preuves acquifes fuffifent déjà pour éclairer la
J u ftic e , & fixer fa déciiion. Q u e faut-il d avantage que des
écrits que la C u ratrice n’ofe point attaquer , ôc fes pro
pres aveux?
D e s lettres de Seytrc , des déclarations particulières, donc
la D a m e de Lom bard auroic dû pouriuivre les auteurs, s’ils
cuiîent attefté des faits calom nieux ; aifurent tous les mauvais
ttaicemens d o n t le M arqu is de C abris a été l'objet 6c la
vi£time ; & la force avec laquelle elle réiifte à ce qu’une
enquête publique foie ajoutée à ces déclarations particu
lières , eft-ellc m ême une preuve invincible.
Les abus dans l’adminiftration des b ie n s, f o n t conftatés
par des écrits placés fous les yeux du M agiftrat.
Les M ém oires des meubles achetés à Paris par le M a r
quis de C a b r i s , m ontant k près de 70,000 liv. , fur lefquelles la Curacrice elle-m êm e a payé près de » 1,000 liv. ,
&, l’étrange inventaire fait par la C u ra trice , qui porte la to
talité
des
meubles
de
fon
fils à
1400 liv. font pro
duits.
L e com pte par lequel Scytrc a été, fans titre & fans ol jet,
conftitué
�8*
conftitué créancier de 61,000 Iiv. cft p ro d u it: les q u itta n
ces des 50000 Iiv. qu’il a déjà reçues, fon t repréfentées. La
coni'ulration par laquelle il eit décidé que Scytrc peut être
pourfuivi pour la reititution , même par la voie extraordidinaire , exifte dans la main de la D a m e de Lom bard.
L a trania& ion par laquelle le prétendu iupplémcnc de
légitim e des trois fœurs du Marquis de Cabris , a été por
tée à près de cent mille écus , cft produite.
Les baux faits
par la C uratrice , fous
fcing-pr.ivé &
pour des prix inférieurs aux prix offerts fon t produits.
Les faifics faites par les Receveurs des droits du R oi &c de
la Province , pour le payem ent des fommes non acquittées
par la C uratrice , ion t produites.
Les procès-verbaux du N o t a i r e , qui prouvent & îc bris
de fc e llé s , & le défaut d’inventaire des titres
p a p ie rs ,
iont produits,
t
Les quittances données par A îzia ri , com m e fondé de
pouvoirs de la Curatrice , & la procuration de la C uratrice
donnée dans le même te m p s , &c en préfence d’ A l z i a r i , à
M e G a y te , A v o c a t de G r a f f e ,
font produites.
Enfin , la Curatrice a avoué elle-même dans les aiTemblces de fa m ille, en préfence du M agiftrat , que pour faire
la guerre à fon fils , elle a voit mis en gage la ig e u te rie de
l'on fils, SC vendu les boucles d’or de fon fils.
Q uelles preuves voudroit-on
p ro u v é
chercher encore ? Il c fl;
que la D a m e de L om b ard s’efl: rendue, c o u pa bl e
de toutes les infidélités dont une feule , aux te rm e i des
L oix qui la condam nent , fuffiroit pour fa deilitution , il
elle étoit encore Curatrice. U n e feule fuiiiroit donc auiïi
‘
L
�S»
pour la rejeter loin de l’adminiflration qu’elle veut faifir ;
s’il éroit poffile que fon fils fût i n t e r d i t , s’il étoit poilible
que l’injare faite à fon fils par l’iniquité de la première
interdiction , ne fût pas capable de le garantir de la fé
condé.
Parens
nomi-
E n écartant la C u ratrice , il faut écarter avec elle les
natf.urs
8t ceux qui o n t
fRHMlÈRE Dcura* parens qui l’avoient nom m ée C uratrice
XÏLIE.
intérêt de la n o m m e r: encore par e x e m p le , ceux qui lui
ont prêté de l’argent q u ’elle difoit deftiner aux befoins de
l’interdit ; parce que le fuffrage des uns &
des autres effc
in d ign e de confiance.
En d r o it, les nominatcurs fon t garans &: rcfponfablcs du
T u te u r qu’ils n o m m e n t , parce que le Juge en confirm ant
leur choix , cède à l’aifurance qu’ils lui d onnen t de la fuffifin c e & de la capacité du Tu teu r. A u di font-ils tenus des
m êm es in té r ê t s , & fournis aux mêmes peines que le T u
teur dont ils font garants. (i)
D a n s l’e fp è c e je s parens qui on t fait nom m er la D a m e de
L om b ard C uratrice de fon fils ,
adminiftration. Leur fuffrage
fon t refponfables de fon
feul établit ce cautionne
ment dont rien ne peut les d é liv re r, ôc dont les circonftances rendent les réfuitats effrayans. L a
D am e de L om bard
cft abfolum ent infolvable. Elle ne pofsèdc rien : elle n’a
pour fubfiilcr qu’une penfion de 500a liv. , établie fur les
[ 1 J Etiam jidejujjbrem & Ltredem fidejujforis ad ratïonem ea/ndùm itfurarum revocandos ejje confiât , ad quam &
tutor rcvocatur. L e g . 3. if.
d e fid e j. & nomïna. & h*rc tuto.
Easdem reputaciones habebunt quas tutor : L e g . 5. Ibid.
�83
biens Je Ton fils pnr le ccilamcnt de Ton mari. O n vi ont de
voir l ’immenfité des répétitions
qui
v o n t être
exercées
contre elle. Les parens nominateurs, refponfables de fa g e f tion , n’ont pas d’autre m oyen
d’éviter le fardeau de ces
répétitions , prêt à tom ber fur eux par l’iofolvabilité de la
C uratrice, que de faire interdire encore le M arquis de C a b ris,
pour remettre dans la m êm e m a in , avec les pouvoirs d ’une
n ouvelle adminiitration , les Fautes de l’ancienne.
L a Juflice rejette leur fufFragc , entraîné par un intérêt fi
vifible &. fi grand.
C e u x qui ont eu la foibleiTe de prêter de
l’argent à la
C u ratrice fous le prétexte des befoins de fon fils in te rd it,
fon t animés par le m êm e in té rê t, 6c repoufléspar le m êm e
motif. Leur débitrice eft in fo lv a b le , & le feul m oyen qui
leur relie de ne pas perdre leurs avances , eft de faire inrerdire encore le M arquis de Cabris pour rendre à fa mère ,
avec les pouvoirs d ’une nouvelle adminiilrarion , le pou
voir d'acquitter les fommes prêtées.
M ais au milieu de ces votans intércûes , il en faut diftinguer trois qui joignent à l’intérêt com m un un intérêt plus
important. Les trois beaux-frères du M arquis de C abris ,
com batten t non-feulement pour fe fouftraire aux fuires du
cautionnem ent contracté par la nom ination de la D a m e de
Lom bard à la curatelle fi mal adminiltréc ; mais pour c o n ferver, s’il eft p o fu b leja portion des biens de l’interdit que la
C uratrice leur a li v r é e , fous le prétexte du prétendu fupplément de légitime. Le ieul moyen , co m m e l’on v o i t , eft
de faire interdire encore le M arquis de Cabris , pour conf a c r c r ,p a r l’autorité d’ une fécondé adminiitration., les rapi
nes de la première.
L
ij
�84
C ette expultîon de tous les nominacei rs de 1 ancienne
curatelle ÿ va trouver place lorfque nous examinerons le
nom bre & la diverfité des avis qui protègent ou qui co m
battent la demande a£tuelle de la D a m e de L om bard en.
interdiction de Ton fils.
S E C O N D E
Q U E S T I O N .
L e M arquis de Cabris e jl- il aujourd’ hui dans la nèccjfité
de l ’ interdichon ?
A près ce qui vient d’être dit , la première vérité qui doit
frapper , eft l’inutilité de cette queftion.
Si la demande de la D a m e
de Lom bard eft rejetée ,
co m m e elle doit 1 erre , par les indignités , les incapacités ,
les infidélités qui Ce raiTemblent fur ia t ê t e , il eft ieniible que le Marquis Ton fils , f û t - i l d’ailleurs dans la nécefliré de l’inrerdi£tion , ne peut pas être interdit.
Cependanc il le M arquis de Cabris eft aujourd’hui hors
d ’état d ’adminiftrer ia perfonne &. fes b ie n s , il faut que la
J-ullice veille fur lui.
« N ou s ne fommes que les adminiftrateurs de nos b ie n s,
» & la Loi qui nous en confie le g o u v e r n e m e n t, fe réiêrvc
« toujours l’empire abfolu qui lui appartient pour étendre
« ou refferrer notre pouvoir , fuivant les vues que la iageiTe
»» lui inlpire , & qui n’ont jamais pour objet que notre vém ri table intérêt. »
C eft en écabliiTant cette vérité , que le célèbre C o c h in
détailloit les d if lé r e n s moyens employés pas la Juftice pour
aflurer les intérêts des foibles d’c f p r i t , 5c des incapables.
�« D c-là font nées , continue-t-il , ces différentes précati» tions que la Loi prend courre des m ajeurs, pour empê« cher qu’ils ne diiîipent leurs biens , lorfqu’ils paroifténe
» incapables de les conicrver ; les uns font abfolumenc
» interdits de toute diipofuion , les autres ne le font que
» par rapport à l'aliénation des fonds ;
aux autres on
m donne un iimplc ^ o n f e i l , fans l’avis duquel ils ne peum vent contracter ;
il y en a qui ne font gênés que dans
» un feul genre d’action , par exemple , à qui on défend
» d’entreprendre aucun procès fans l’avis d ’iin A v o c a t.
»» L e remède change fu iva n t les circonflances, & c e f l la
» nature de chaque affaire qui règle la manière dont on doit
« pourvoir aux befoins de ceux a qui ces fecours fo n t n é c e f
faires. »
L a Juftice , dans cette circon ilance com m e dans toutes
les autres , appliquera donc le remède fuivant le befoim
Elle fera cc qui eit fuffifant : elle ne fera point ce qui eft
inutile. ■
D e u x partis font propofés dans l’ailemblée des parens.
L e p r e m ie r , conform e aux demandes de la D am e de
Lom bard. Le fécond , conforme aux demaxuies de la M arquife de Cabris.
Suivant le p re m ie r, il cil indifpc niable d ’interdire le M a r
quis de Cabris.
Suivant le fécond , il fuffiroit d’établir des confeils à l’adminiflration de fes biens.
Par le p re m ie r, dans le cas de l’inrcrdi£tion p ro n o n cé e ,
la D a m e de Lom bard feule, fans g u i d e , (ans confeils , cil
appelée à la curatelle de f'on fils , c ’cft-à dire à l'administra
�96
tion de fapcrfonne , de Tes b ie n s , & d e laperfonnc de fa fille.
Par le fé c o n d , dans le cas de l’interdiction p r o n o n c é e ,
la M arquife de Cabris eit appelée à la curatelle honoraire ;
le ficur Court,déjà nom m é régifleur, à la Curatelle onéraire,
toujours fous Paiiiilance de C onfeils éclairés.
Ii faut balancer les avantages ôc les inconvéniens de ces
deux partis , en oubliant pour
un m om ent les fins de
non-recevoir qui écartent la D a m e
de L om b ard 6c ceux
qui la pratiquent ÔC qu’elle favoriié.
I n u t i l i t é
L a liberté fociale eft le plus grand bien : la privation
de
I .' INTERDICTION.
de cette liberté eft le plus grand mal ; fie fi ce mal eft
employé com m e re m èd e, au moins ne fa u t - il l’employer
qu’à la dernière e x tr é m it é , lorfqu’il eft indifpen fable, &;
lorfqu ’un remède plus doux ne peut pas le remplacer.
» Q u e le p r é te u r , s’écrie la Loi , fe garde d ’enchaîner
>j un citoyen des liens d ’une curatelle, légèrem ent 6c fans
» connoillance de caufe. »
Si l’interdiction en
général eft un remède extrêm e ,
l’in te rd id io n prononcée pour caufe de d é m e n c e , a de plus
le
trifte
inconvénient d’étendre la tache
que fa caufe
p r o d u i t , jufqucs fur les defeendans de l’interdit.
Lorfque le citoyen frappé de cette interdiction , a des
e n fa n s , fie fur-tout des enfans q u i , par leur naiflancc 6c
leur fortune , ont des droits aux alliances les plus difting u é e s , il faut que l’interdiCtion foit d’une grande u tilité,
pour que le bien puiiTe compenfer le m a l, 6c c’eft encore
un m otif de ne l’employer que dans la plus grande néceffité,
6c à défaut de tout autre m oyen.
O n fait que trois caufes peuvent provoquer l’interdiCtion :
fureur, d é m e n c e , prodigalité.
�*7
D a n s le premier c a s , la Loi a deux objets : la sûreté
de la perfonne & la sûreté des biens. L e furieux peut
mettre en danger fa perfonne 5c celle des autres.
D a n s les deux derniers c a s , la Loi n’a q u ’un o b j e t ,
la sûreté des biens. 11 ne faut pas craindre que i’im bécille
&
le
prodigue attentent fur leur perfonne ou fur celle
des autres.
A i n f i , dans ces deux c a s , lorfque les biens font confervés
par des moyens déjà é ta b lis , ou lorfqu’ils peuvent être
affûtés par des précautions poflibles &. fuffîfanres, il ne
faut pas fonger à l’humiliante refl'ource de Tinterdidlion.
C es raifons on t introduit com m e une vérité g é n é ra le ,
que l’intcrdi£tion feroit in ju fte , parce qu’elle feroit inutile,
contre un hom m e d ’une telle foibleiïe d ’e f p r i t , q u ’il ne
pût manifefter
ni
m in e u r, parce que
exécuter aucune volonté ; contre un
la tutelle p ro d u it, quant aux biens
qu’il s’agic de c o n fe r v e r , le m êm e effet que l’interdi& ion
&. en fin , contre un hom m e dont les biens font fubftitués,
parce que la fubftitution feule rend toute aliénation impoiTible.
e ces principes g é n é ra u x , & pour en faire l’applicntion,
paflbns à l’examen de l ’état aftuel du M arqu is de Cabris
relativem ent à fa p e r fo n n e , Si relativem ent à fes biens.
L a r a ifo n , ce don fi g r a n d , qui diilingue notre efpèce,
do n t nous lorames fi fiers, eft un don fragile. L ’orgueil
de le poiTéder cil bien humilié par la foiblellè des relion s
d on t l’afTcmblage le p r o d u it, & dont l’accord le dirige.
Un
accident i m p r é v u ,
une
joie f u b it e , un
chagrin
c u :fa n r , tout ce qui franchit l’cfpace des effets ordinaires,
peur troubler ou détruire ces rcilorts d éliés, & fufceptibles.
de toutes les impreffions.
état actuel du
Dk
�88
Q u ’on choiiîile l’être de La plus robufte co n ilicu tio n ,
qu’on l'arrache d e .fa place o rd inaire, qu’on l’enlève à fes
habitudes
jo u rn a lière s,
facultés 6c de
à f e s . plaifirs ,
à l’ufage de Tes
fes rcflourccs ; qu’on l’a (TujétilTe à une
tyrannie longue 6c flétri l i a n t e , qu’on afloibliil'e les mem-*
bres par les douleurs , 6c fou ¡une par la iervitude ; cet
h om m e b ie n tô t ne fera plus un h o m m e ,
iî la railon efl
l ’unique attribut de {’humanité.
O n efl encore indigné de tout ce que le Marquis de
C abris a foufîert fous l’empire de la curatelle exercée par
fa mère. Interdit fans m o tif lé g it im e , au printems Je ion
â g e , au m om ent où fa majorité a ccom p lie, m ettoit dans
fa main
le libre ufage d’une fortune coniidérable ; cette
chaîne honteufe 6c non m é r it é e , pouvoit feule révolter
fon arne ôc troubler fes fens : ainfi , l’interdi£Uon feule
étoit capable d’opérer la caufe de l'interdiction.
É l o i g n é d e fa f e m m e , d e fa f i l l e , d e fes a m i s , d e tous
c e u x qui
la plus
lui é t o i e n t
chcrs ÔC agr éa b l e s , r e n f e r m é
pet ite c h a m b r e
é t é lcul
au
monde t
de
p ri v é
fon
de
c h ât e au ,
toute
comme
dans
s’il eût
communication
Sc
des plus (impies a m u f e m e n s , c o u v e r t d e h a i l l o n s , t y r a nn i f é
6ç b a t tu par fes va l et s ; c o n t i n u e l l e m e n t irrité , 6C par les
ri gueurs de fa c a p t i v i t é , 6c par le
il
éroit
nourri ;
pouvoit-il
comment
réfiiler à fix
cet
a n né e s
feu des
infortuné
de
cet
al imens d o n t
j eune
homme
étrange f u p p ü c c ,
aux efforts c o m b i n é s c o n t r e fa raifon.
La conduite des Subalternes déchaînés contre'le M arquis
de Cabris , ou plutôt enchaînés avec l u i , a trop decélé
Ipur objet. C et accord confiant des deux régimes contraires
à fa tranquillité, régime de procédés, régime de nourriture,
&
�&
89
fu r - to u t le propos d ’ A lziari $ que la maladie de fo n
maître étoit incurable ; qu'on pouvoit impunément lu i pro
diguer le c a f é , le vin , les liqueurs fo r te s , fans craindre
de lu i fa ir e plus de m al qu i l ríen avoit , aflfurcnt aflez
qu’on ne vouloir pas tourmenter le M arquis gratuitem ent,
& que la brutalité étoit m otivée par le projet d’anéantir
fon exiitence morale.
Sa
m ère,
feul auteur de ces
dangereux,
procédés
parce qu’elle les a p e r m is , ou parce qu’elle ne les a pas
empêchés ; c’eil fa mère qui vient aujourd’hui exagérer
leurs effets funeftes , pour juítifier ía perfécution paflée, &C
autorifer fa nouvelle perfécution.
C e tte penfée jette un fentim ent amer au milieu du raifonnem ent le plus froid.
Il ne faut pas croire cependant qu’un entier fuccès ait
couronné ce com p lot , &
q u ’on foit parvenu à enlever
au M arquis de Cabris la dernière étincelle de fa raifon.
Si nous prenons
l’engagem ent d ’expofer
avec vérité
l ’état actuel de fon e f p r it , nous exigeons au moins quelque
confiance. Il feroit injuite de voir dans un aveu le prétexte
d ’une réticence.
- Le
entière
Marquis
liberté
de Cabris
n’cit pas
toujours
d’efprit ; les tourmens q u ’il
pendant fix a n n é e s ,
dans une
a fouiFerts
en augm entant fa feniibilité ner-
veufe , ont aíFcdté fes facultes morales.
le
fouvenir de
fes douleurs, &, rout ce qui peut lui rappeler ce fo u v e n ir,
lui donne un accès de taciturnité & de m élancolie. A i n f î ,
c ’cit ce qui devroit exciter fes refpeCts, qui agite fes fens,
&
qui trouble
fes o rg a n e s; la préfence de fa m è r e , &
l’appareil d’un interrogatoire.
O n voit dans ceux qu’il a
M
�9°
prêtas devant M . le L i e u t e n a n t - C i v i l, moins un h o m m e
égaré , qu’ un hom m e aigri par la contrainte , 8c révolté
contre la tyrannie ,
qui refufe une réponie jufte à. des
demandes dix fois ré p étée s, 6c q u i , plus fouvent e n c o r e ,
ne veut ni écouter la d e m a n d e , ni faire la réponfe.
Son efprit cft tranquille , loin de tous les objets qui
peuvent lui retracer Tes infortunes. T o u s ceux qui l’entourent
attellent fa douceur. O n lui laiile la plus entière lib e rté ,
Ôc jamais il n ’a fait craindre le danger d ’en abufer.. Il
interroge , il répond avec juftefle : tous fes m ouvem ens
fo n t pofés 8c réfléchis. Il cft reconnoiiïant 8c afl'c£lueux
avec fa femme 8c fa fille. D e s perfonnes de la plus haute
diftin£tion n’ont pas dédaigné de le voir , de l’admettre
dans leur f o c i é t é , de faire la p a r tie , 8c l’on a ch oiii le
l'e R é v e rfis .
ieu le plus c o m p liq u é , le moins fufceptible de diftra£tion * ;
.
.,
/
•
,
, .
a
.
r
„
,
c
„
,
la prelcnce d c l p n t a ete la raeme ju iq u a la fin ; 6c après
quatre heures, de repos ôc de gaîté , l’humeur n ’a percé un
feul inftant qu’au fimulacre d’un interrogatoire.
D e -là
réfultent trois vérités.
L a p r e m i è r e , que le
M arquis de Cabris n’eft pas privé de l’cfpoir d’une entière
guérifon ; 6c les rapports des M éd ecins ôc C hirurgiens la
prom ettent avec alTez d ’aiïurancc. E n droit , cet efpoir
fuffiroit pour le garantir de l'interdiction.
La
&
seconde
qu’il cft
,
que la m élancolie n’eft qu’in fta n ta n ée ,
prcfque toujours libre de fens 6c de raifon..
E n d r o it, ces longs intervalles de tranq u illité, fuffiroienc
encore pour écarter la reiTource rigoureufe d’une inter
diction.
L a t r o i s i è m e , que m ê m e , dans fes m o m e n sd e vapeurs
ÔC de m é la n c o lie , il a l’extérieur paiiible ; que Ja nature
�9 1'
de fa maladie tend au repos
8c à l’apathie ; que dans
c e t é t a t , fes mouvemens lo n t lents &c mefurés t qu’il cft
enfin dans l’impofiîbilité morale d’attenter à fa perfonne
& à celle des autres.
C e tte dernière v é r it é , fixe & détermine l’objet fournis
dans la circonitance au loin de la Juitice. Elle n’a point
à veiller fur la sûreté de la perfonne. Elle ne doit être
occupée que de la confervation des biens.
A l’égard des biens
3 ils
fon t dans un état déplorable^
O n a vu les défailres de la curatelle exercée par la dame
de Lombard. Six années de mauvaife adminirtration , o n t
jeré dans la fortune du M arquis de C a b r i s , le trouble que
iïx années de mauvais traitemens ont porté dans fa perfonne.
M a is les fautes de fa mère ne peuvent pas être un m o t if
de l'interdiCtion qu’elle
demande ,
&
d’autres moyens
peuvent rétablir l’ordre &. la balance dans l ’adm iniitratioa
des biens.
D ’ailleurs, ces biens font fubititués, & cette fu b ititu tio n ,
dont l’efpérance a dirigé les plus ardens iniligateurs de
l'interdiCtion déjà p ro n o n cé e ,
repouifer l’idée
cil juilem ent ce qui d oit
d’une interdiction
néceilaire.
Parmi les
principes éta b lis, on a vu que l'interdiCtion étoit inutile
contre un hom m e déjà enchaîné par une fubllitution , Sc
qu’elle devoit être écartée par cela feul qu’elle étoit inutile.
C es m o tifs , éclairés par les meilleures in te n tio n s , o n t
v « 01 la fa-
entraîné les iufïragcs du tribunal de fam ille; de ce premier MILL£*
tr ib u n a l, établi par l’autorité fo u v e ra in e , pour juger fur
l ’état aCtuel du M arquis de Cabris.
O n a vu que ia mère n’avoit pu réunir que deux voix
M ij
�i fa demande en in te rd ictio n , celle du C o m te de G r a f f e ,
& celle du fieur de C om m cyras. [ i]
L e fieur de C om m cyras ne mérite pas cTÆtrc compté.
Sa conduite aux aiTemblées , a clairement dém ontré qu'il
ne vouloit l’interdiction que pour créer la dame de L o m b ard
cu ra trice , Se qu’il ne vou lo it établir cette c u ra te lle , que
pour protéger l ’agiotage exercé par lui jufques dans le
cabinet du J u g e , pour le m ariage projette de la dem oifclle
de C abris avec le fils du C o m te de G raile.
D ’ailleu rs, il s’eil rendu indigne de toute co n fia n c e %
par une fauiTeté volontaire. 11 a pris place dans l’aflemblée
en qualité de parent du M arquis de C a b r i s , [ i ] &. certes
[ i ] O n ne parle pas ici des v in g t - h u it procurations par lefquelles
v in g t-h u it parens de P rovence ont cru pouvoir donner leur vœu à
]’interdi£tion d em an d ée par la d am e d e L o m b a r d .
P our ccarter ces
v in g t - h u it c o m p la ifa n s , il n ’eft pas néceiTaire de rappeler l ’intérêt qui
d éterm ine en m ê m e - r e m s ,
&
q u i rejette leur fuffrnge. Il fufïit de
dire qu e ce v œ u , apporté de deux cents lieues , eft la preuve la plus
o d ie u fe de leur a veuglem en t & de leur m auvaife volon té. Ignorent-ils
q u ’en matière d ’incerdiétion ,
les abfens ne
peuvent pas délibérer :
parce q u e , pour pron on cer fur l ’état d ’un cit o y e n , il faut avoir fous le*
y e u x les fig n e î démonftratifs de fa dém ence 3 ou de fa préfence d ’efprit.
A u fu r p lu s , de ces 28 parens q u ’on préfente c o m m e la majeure par
tie &: la plus refpefbible de la fa m ille , le M a r q u is de V a u v e r n a r g u e s eit
feu l parent p a te r n e l, & encore au cinq uièm e degré.
T o u s les autres
fo n t parens de la D a m e de L o m b a r d . A i n f i , lorfqu e dans leur procura
tion , & dans Pailèinblée de f a m ille , ils prennent la qualité de parens
p a tern els, ils attellent une erreur volontaire , qu e la M a r q u ife de C a b r is
les défie de juflifier.
[ a ] Dans fon d i r e , au procès-verbal d ’a fle m b lé e , le fieur de C o m m eyras fe qualifie coujîn au quatrièm e d egré du côté p a te rn e l, à caufe de
�93
il n’cil lié à la famille de Cabris par aucun lien de p aren té,
quelqus éloigné qu’on puide le fuppofer.
Il pouvoit fe
préfcnccr com m e ami : l’ A rrêt du C on fcil des D épêches
co n voq u e les parais & amis ; mais fon vœu manifeftoic
q u ’il étoit encore moins ami que p a re n t, & entre deux
m e n fo n g e s , il a préféré le moins ridicule.
L e C o m te de G r a d e s’avance donc feul pour conqué
rir l’interdiction du M arquis de C abris ; Si c’effc ainfi qu’il
prétend pour fon fils à la main de la demoifelle de C abris.
C e mariage auroit pu convenir. M ais n’eft il donc d ’autres
moyens pour époufer la demoifelle de C a b r is , que de faire
interdire (on père ? Pou r captiver fon c œ u r , qui doit pré
céder fa main , n’eit-il donc d’autres moyens , que de graver
fur le front de Ion père une empreinte flé trid à n te; que de
livrer fon père aux mains avides & cruelles qui on t anéanti
fon e x iftc n c e , détruit fa fan té , troublé fon repos , & dévoré
fa fortune ?
Si le C o m te de G ra d e n ’a vu que ce chem in
pour
arriver à fon b u t , qu’il fe retire : fon vœ u refte inutile
com m e fon projet.
L a Juftice ne peut pas écouter un
fu d ra ge qu’un intérêt viiible [ i] accufe de p a rtia lité ; 8c
la demoifelle de Cabris déclare , avec toute la vivacité de
M adam e de V ille n e u v e , fo n e'poufe. L a d am e de C o m m e y r a s n ’eft point
née V illeneu ve. Elle eft fille d u fieur R abies t de la petite ville Ü A n o t t
dans la haute-Provence.
[i]
A cet intérêt , le C o m t e de GraiTe en joint un a u t r e , m o in i
r e m arq u ab le, à la vérité. Il eft oncle du C o m t e de GraiTe d u B a r , & du
fieur de St. C e z a i r e , beaux-frères du M arq u is de C a b r is , cautions de la
cu ratelle, & défendant pour leur propre co m p te r'envahiifem ent d ’une
portion des biens de leur beau-frère.
�94
Ton pays 6c la franchife de Ton â g e , que les Puiflances de Ja
terre ne pourront jamais la contraindre de fe donner aux perfccuteuis de Ton p ère,
6l
aux protecteurs de la perfécution.
L e C o m te de G rad e croit ou ne croit pas ce qu’il attefte
aux ailemblécs. S’il efl perfuadé que le Marquis de Cabris cft
m aniaque, affligé d 'u ne f o lie héréditaire , la fortune efl:-elle
un m o t if aflez puilïant, pour que le fils du C o m te de G ra d e
foit uni à la fille d’un m aniaque? Si le C o m te de G ra d e n’efl:
pas perfuadé de cette démence héréditaire, la fortune eft-elle
un m o tif a iîlz puidant pour que fa bouche démente fa penfée , pour qu’il déclare tout haut cequ ’il contredit tout bas ?
C o n tre
le fudrage
d ix - n e u f parens &
unique du C o m te de G r a d e , [ i]
amis préfens ,
rademblenc d ix - n e u f
fudrages contraires. Dépouillés de tout intérêt perfonnel,
exempts de toute p ré v e n tio n , ils ont prononcé fur l’etac
actuel du M arquis de C a b r i s , après un examen impartial
des événemens paiTés & des circonflances préientes
Ils
o n t remarqué dans la foiblcd'e actuelle de leur parent &C
ami j l’effet fu nede des mauvais traitemens a u ton frs par
fa première interdiction. Us ont reconnu dans les interro
gatoires & dans les rapports des gens de l’A r t , que cette
[ i ] O n a vu le M arq u is de M ir a b e a u , déclarer à la dernière aflem b l c e , q u ’il n’avoit pu voter pour l’interdiftion j mais la fuppofer d ’ ane
m anière cruelle , & rayer le M arq u is de C a b ris d e la lifte des v iv an s,
pour courir d ’un pas rapide à ce q u ’il defire uniqu em ent. N ’eft-ce pas en
effet feindre un pere m o r t , & m ort fans avoir laillé aucune trace de fo n
pouvoir p a te rn e l, que de vo u lo ir fe faifir de fa fille pendant ia vie , d e
d em an d er ferieufement à la Juilice que cette fille foit en ferm ée dans
u n C o u v e n t , d ’où elle ne fortiroit qu e pour être m a riée, o u elle n ’auroif
la liberté de voir fa mère & fes autres parens q u à la grille fe u le m e n t,
mais où elle verroit tres-librement le M arq u is de M ir a b e a u , lui diétanc
¿ e fp o tk ju e m e a t le m o y e n 8c le m o m e n t de fa liberté?
�foibleiTe d’efprir, dépendante de la foiblefTe des organes
étoir m omentanée , fufceptible de guérifon , fur - tout tran
quille , & toujours exempte de tranfports & dc m ouveniens furieux , tels qu’üs fiflrnt craindre pour la perfonne
du malade. Us ont jeté un regard d ’intérêt fur fa fille
unique, fur la dcm oifcllc dc C a b ris , âgée de quatorze ans
& d e m i, appelée par fa naiiTance & par fa fortune à une
alliance h on orable, & digne à tous égards d ’un m énagement
qui conferve dans l ’opinion publique & dans les cems \
v e n ir , l ’honneur dc ia p erfo n n e , & celui de fa poftérité
Entraînés par des motifs fi fages , les d ix - n e u f pa r c n '
& amis ont décidé que la perfonne du malade étant en
sû reté, foit par la nature de fa m a la d ie, foie par les foins
de Ion e p o u fe , dont perfonne ne peut le priver ; il falloir
rejeter la précaution humiliante dc l’in terdiction , puiique
d autres moyens ulités, faciles & fuffifans, pouvoienc veiller
à la c o n f e c t i o n des b ie n , , feul objet à régler dans ce
m om ent.
Parm i ces m o y e n s , ils on t choifi celui dont la Juftice
ellc-mem e d onne des exemples fréquens. Ils défirent q u ’elle
entoure le M arqu is de C abris de confeils ftgcJ & éclairés
avec le pouvoir d'établir & de diriger fur fts biens une’
adminiltration durable (i).
L a Juftice peut choifïr entre ces deux partis, interdic
tion ou nomination de confeils. E lle peut fuivre la v ’
partiale & ifoléc du C o m te de GrafTe, ou les voix
réunie
de d ix -n e u f parens & amis défintérefles. M ais Ja JuÎ^cc"1**
peut choifîr que cc qui cil rigoureufem ent jufle
pouvoir même détermine fon choix.
*
( i ) L e M arq u is de C a b ris a
une Requête du mois de Septembre dernier,
~
°n
r ~ ---------
” ” S* pn
\
�L ’intcrdi& ion , fût-elle d ’ailleurs fondée & u t i le , feroic
encore une iniquité b arb a re, parce qu’elle ne ieroit motivée
que par les brutalités de ceux qui la provoquent.
M ais clie cft abfolument in u tile , relativem ent aux deux
objets qu'elle doit e m b ra fle r; inutile pour la perfonne qui
n ’eft: point en d a n g e r ; inutile pour les biens qui feront confe r v e s ,
8c
par la fubftitution qui les enchaîne ,
ôc
par
l’adminiftration légale des confeils que demande le Marquis
de C a b r i s ,
que fa fam ille demande avec lui , & fatis
l'autorité defquels il ne pourra faire ni aliénation de fonds,
ni emploi des revenus.
Q u e l mal peut-on craindre ,
ôc
quels biens ne d oit-on
pas attendre de cette adminiftration , fi l’on nom m e les
confcils demandés par le M arquis de Cabris
ôc
par fa
fa m ille? L ’un eft c h e f d’un T rib u n a l-S o u ve ra in , [i] fujet
diftingué du M onarque lui-m êm e,
ôc dont
la modeltie feule
tient lccrets en ce m om ent les tém oignages honorables
qu’il en a reçus; les deux autres font deux anciens A v o c a ts
au P a rlem en t, [ i] dont le zèle peut feul égaler les lumières.
[ i ] M . T e y f l i e r , A u d iteu r de la R o te d ’A v ig n o n . O n obfervera q u ’il
eft parent de la d am e de L o m b a rd ; q u ’il a etc amené par elle aux
a ir e m b lc e s , Sc q u ’il s’eft déclaré le prem ier contre l ’in t e r d id io n q u ’elle
p o u r f u i t , après avoir entendu les f a i t s , & balancé les différens motifs.
E n le v o y a n t , fans le connoître , Sc fans autre raifon de confiance que le
caradtère dont il eft r e v ê t u , la M a r q u ife de Cabris a voulu rem ettre
entre fes mains le ju g em en t irrévocable d t ce trifte procès. Elle a propofé
à la dame de L om ba rd de confier ég alem ent fes p o u v o ir s à ce M a g iftra t,
fon parent, fou a m i , amené par elle aux a flem b lé es, qui terniineroit dans
deux heures une co nteftatio n, l’orig in e des troubles q u i déchirent la
fa m ille ,
&
le
germ e de m ille
autres conteftations.
L a d am e de
L o m S a r d a refufé.
f i l Mes d’Outremont <
5c de Beauféjour.
A in û ,
�97
A in fi, dans la balance de la J u ilic e , rien n’autorife l’inte-rdicfcion , 5c tout la co n d a m n e ; la fituation aétuellc du
M arquis de C a b ris , qui ne demande que des foins affectueux,
Si que ces ioins pourront rappeler, à cet état de fanté & de
paix dont il jouiiibic avant fon efclavage ; la ficuation de fes
b ie n s, déjà ftables dans les liens de la fubftitution, 6c q u i,
dans cous les c a s , feront fans doute plus utilement adminiftrés
par des C onfeils inftruits, que par un curateur, q u i, en ne
lui fuppofant pas l’incapacité abfoluc de la dame de L o m
bard, peut être très-inhabile aux affaires; &c e n fin , l’honneur
de la demoifelle de C abris , qui va devenir Pcfpérance d ’une
famille égale à la fie n n e , 8c dans laquelle elle d oit porter
feulement , les dons aimables que la nature a daigné lui
prodiguer.
Il ne refte à exam iner qu’une queflion incidente à celle
que nous venons de réfoudre.
D a n s le cas impoflible à n
p r é v o i r , où le M arquis de C abris fcroit in te rd it, q uelr
autre que la Marquife de Cabris fa fem m e pourroit pré- „
tendre h la curatelle?
Si la mère du Marquis de C a b r is , fi la dame de Lom bard
ne s’étoit pas rendue indigne de la curatelle qui lui avoit
été co n fié e; fi elle n’avoit pas traité fon fils com m e un
étranger , com m e un e n n em i., com m e un efclave ; on
pourroit examiner s’il exifle une concurrence ÔC un droit
égal cnrre-ellc 6c la Marquife de Cabris.
M a is depuis que fon in fou cia n ce, fa cruelle infenfib ilité,
& fon incapacité to ta le , fc font manifeftées par des œuvres
fi funeftes ; depuis qu’elle a perdu tous fes droits fur la
perfonne de fon fils , m ême le droit de pourfuivre fon
N
�interdiction , quand même elle fero t néceflaire ; on voie
bien qu’ il n’y a plus de livaliié , & que la femme feu.e du
M r.]u's de C abris pourroic être la c u r a tr ic e , s i l étoit
qucltion d’une curatelle.
C ’cit ici l’alarme générale.
Il eft tacile de fenrir que
t jus les intérefles, ceux qui ont fait interdire le M arquis
d e Cabris , 6c ceux qui veulent le faire interdire encore ;
ceux qui ont partagé íes dépouilles , ôc ceux qui veulent difpofer de ia fille, agitent avec effroi toutes leurs m a n œ u v re s ,
pour écarter le
m om ent
où
la M arqu ife
de
Cabris ,
jo ign an t les droits de la Juftice aux droits de la n a tu re ,
p o u rro it, dans fa iollicitude m a te rn e lle , fouftraire fa tille
à toutes
les intrigues qui
m en aien t fon
bonheur ,
fie
pourfuivre des refticutions immenfes fur les déprédateurs
des biens de fon mari.
Il n’eil pas étonnant qu’on a it , dans cette réfiftance,
épuifé tous les moyens d’invention , les faux p rin cip e s,
Jes faux raifonnemens , les calomnies.
11 étoit impoffible de nier que le droit ccm m un ne permît
d ’appeler une femme à la curatelle de ion mari in te rd it;
le fentim ent des Jurifconfultes étoit u n a n im e ; la Jurifprudcncc du C h â tc lc t offroit des exemples nom breux ,
ôc
l’ A rrêt du Parlem ent du 17 A v r il 1 7 3 4 , qui défère à la
M arquife de M cnars la curatelle de fon m a r i, étoit feul
un exemple ailcz d é c iiif, aflez refpcctable.
M ais on a voulu créer une excluiion particulière.
On
a prétendu que cette Jurifprudence étoit contraire aux loix
R o m a in es, 5c Spécialement contraire aux ftatutsde Provence.
C e c i eft une fuppofition : on eft obligé de renouveler cc
reproche , toutes les fois qu’il plaît à la dame de L om b ard
de renouveler fes erreurs volontaires.
�99
Pas un mot dans les ftatuts de Provence q uip u jile faire pré*
fumer ce qu’elle veut y lire. D a n s les loix R o m ain es, pas
une
trace d’cxclufion de la femme à la curatelle de fon mari.
La Marquife de Cabris a cité un A rrê t du Parlem ent
de P roven ce, du u Juin 1 6 9 4 , rapporté par le continuateur
de Boni face, qui nom m e une fem m e curatrice à l’interdiction
de fon mari.
Pluficurs A rrêts des autres Parlem ens des Provinces régies
par les Loix R o m a in e s , prouvent qu’ils fuivent tous la mê
me Jurifprudence , ôc qu’ils adm ettent , fu iva n tle s circonfta n ces, la femme a la curatielle de fon mari. B ouvot fournit
un exemple plus étonnant encore. Il cite un A rrê t du Parle
m ent, dont il recueilloit les d é d i i o n s , qui a nom m é une fille
curatrice de fa mère.
Les loix générales qui excluent les femmes des curatelles ,
com m e charges publiques, ne font pas obfcrvées dans le
Royaum e. Les deux Arrêts cités fuffifent pour le p rou ver;
& la curatelle de l’in te rd it, co tn m : droit h o n o ra ire , doit
être donnée devant le Juge , &
dans la forme preferite par
la loi , c ’cft à-dire , fur l’avis des parcnsaflfcmblés.
Il eft abfurde de vouloir appliquer à cette queftion la loi
14. ff. de curât, fu ri. qui défend de nomm er le mari curateur
de fa femme , de crainte qu’il ne la répudie pour fe difpcnfer de lui rendre compte.
D ’abord cette crainte eit une chim ère pour nous. L e d i
vorce eft loin de nos mœurs & de nos loix. Aulli B outaric
Sc les Auteurs qui ont traité la même matière , «mettent que
cette loi n’efi: pas obfervée, & que dans tous les Pays de D ro ir
É c r i t , le mari eft journellement curateur de fa femme mi
neure com m e en Pays Coutum ier.
D ’ailleurs , refufer au mari la curatelle de fa fe m m e , ce
N ij
�100
n’eft pas refufer -4 la femme la curatelle de fon mari ; furtout lorfque cous les biens de la fem m e font dotaux , lors
qu ' e l l e ne peut acquérir que pour fon m a r i , co m m e la M a r
q u i f e d e Cabris.
D e tous les Auteurs anciens & m o d e m cs>Bourjon eft peutêtre le feul qui éloigne la femme de la curatelle de fon mari.
Ce f r o i t , dic-il , renverfer l ’ordre naturel que de mettre un
mari fous la dépendance de fa femme. Il admet cependant
une exception en faveur de la femme d’un M a rch a n d , ôc in s
truite de fon com m erce.
U n A u teur moderne a remarqué qu’en général on peut
reprocher à Bourjon de manquer de c r it iq u e ,& que fouvent
les mêmes règles lui fervent à décider pour Sc contre.
En e f f e t , il venoit d’avouer q u e , co nform ém ent aux L o ix
R o m a in e s , un fils pouvoir être curateur de fon père interdit.
Filium f i fobriè v iv a t , patris curatorem dandum magis quam
extraneum. Il ne trouvoit pas révoltant de m ettre un père
dans la dépendance de fon fils. C e p e n d a n t, il faut convenir
qu’il y a moins d’inégalité entre un mari 6c fa femme qu’en
tre un père 6c fon fils. Auiïi l’on a v u , par l’ A rrêt de la Marqui fe de M én a rs,q u e le Parlem ent n 'avo it fait aucune atten
tion au fyftême ifolé de cet Auteur.
Le fils curateur de fon père refte toujours fous la puiffànce
de fon p ère, co m m e la femme curatrice de fon mari demeure
fous la puiiTance de fon mari. C e tte puiffance du père
du
mari i n t e r d i t , n’eft plus une puiffance d’exercice ; elle eft pu
rement légale.Elle fubfifte feulement pour l’utilité de ceux qui
la pofledent.
En donnant au fils la curatelle de fon p è r e , en donnant à
la femme la curatelle de fon m a r i , ce n’eft pas une autorité
�10X.
que la loi leur donne ; c’eit un devoir qu’elle leur impofc , un
devoir qui feroic prefcric par la nature , s’ il n’ étoit pas pfefcric par la loi.
L e fils cil in(pire par le re fp cil filial ; la femme par l’amour
conjugal , par la com m unauté d’intérêts ; & , com m e die
D argen tré fur l'article 491 de l’ancienne C o u tu m e de Bre
ta g n e , propter communes liberos & dignitaitm fa m ilU .
Il faut conclure de ces p rin cip es, que la femme n’eft pas
curatrice de fon mari de droit com m un , mais qu’elle peut
l’être par une jufte exception ; 2c que le Juge ne peut pas fe
difpenfer la n o m m e r , lorfqu’elle cil: appelée à cette charge
par les circonftances 5c jj>ar le plus grand nombre des parens
ailemblés.
D a n s l’cfpèce, on a vu la famille diviféc chez M . le Lieuten a n t- C iv il, entre la D a m e de L om bard ¿c la M arquife de
Cabris ; 6c fans avoir recours aux moyens de droic 6c de raiion qui repouiTent prefquc toutes les voix favorables à la
D a m e de Lombard , la Marquife de C abris emporte encore
la balapce. T r e n te voix choifiiïènt la D a m e de L om bard ;
trente fix appellent la M arquife de Cabris.
M ais bientôt la D a m e de Lombard reile feule, fi l’on veut
feulem ent rappeler le nom de ceux qui l ’environnent.
O n a vu quel intérêt animoit le C o m t e de GraiTe. C e
m o t if, indigne de l u i , eft égalem ent indigne de la confiance
du M àgiftrat.
O n a vu quel rôle jouoit le fieur de Com m éyras. C e rôle
peut prouver le zèle ÔC l’adreile d ’un négociateur , mais non
pas l’impartialité d’un Juge.
O n a vu que dix-huit parens, repréfentés par des fondés de
' P rocuratio n , étoictlc ou complices, ou caution^ où créanciers
Vœu bi la Famille.
�■i- r! ;
.
.
..
10 1
.
.
.
.
de la première adminiitration. C o m p li c e s ,-ils veulent rercn i r ' l s dépouilles injuftcmcnc'acquifes , càm m ç le prétendu
i
luppleaicnc de légitim e arrache par les bcaux-frercs.
Cau
tions , ils craignent de porter le fardeau des négligences ou
des infidélités de la D a m e de Lom bard. Créanciers , ils pré
tendent fe créer un moyen de recouvrer les fommes im pru
dem m ent prêtées.’ C es differens intérêts ne peuvent être
aflurés qu’en remettant la fortune du Marquis de Cabris en
tre les mains de cefle qui a com mis ou fouiîert les dépréda
tions , qu’une autre fera punir &. réparer.
Les dix autres ont
figné le M ém oire calomnieux fur
lequel la M arquifé de Cabris a éré privée de fa liberté.
C e t te démarche violente a prouvé qu’ils étoient fes enne'
m i s , 8c qu’ils m é d ito ie n t, depuis fept ans , la ruine de fa
famille.
j
D ’un autre c o t é , trente-fix voix impartiales défèrent la
curatelle à la M axquife de C a b r i s , dans le cas imprévu de
l ’interdiction de fon mari. D a n s le n o m b r e , on voit deux
pareils de la dame de Lom bard , amenés par elle aux ailemb lé e s , & qui n’ont pu fe décider contre elle j que fur les
preuves rapportées &
difeutées d evant toute la famille :
on voit onze parens très-proches de la dame de L o m b ard ,
q u i , n’étant point intérclFés à la première administration,
prononcent avec une entière liberté fur celle c,u’il i ’agit
d’établir. O n voit ii;izc parens du M a r q u i s de Cabris égale
ment recom m an d ab lçs, & par leur naillance , & par leur
forrunc. Sept amis préfens viennent ajouter leur lu il rage à ce
concours rcfpcdable.
Sur
¡(Il “
un Phjct d e t cette im p o rta n c e , Iorfque dans le*
L o ix générales
dans les Lo"ix particulières, rien ne co u -
�i °3
tredit le vœu de la farçiille , & lorfque le vœu de la famille
cft lui-m êm e néceflité par* les circonftauccs , c ’cil lui qui
doit déterminer & dicter le Jugem ent.
*
. Si la L o i , com m e l’allure la dame de L o m b a r d , refu fo it impérieufemenc à la M arqu ifc de Cabris la curatelle
de fon mari , la L o i feule iuftîroit au iyftême & aux cfp éranc.es de la dame de L om bard : les autres moyens Îeroicnt
inutiles.. E n .effet., fi le Code.,, le D ig e ftc & ' les. Statuts de
Proveucp , ne veulent pas qu’une femme foie curatrice de
fon m a r i, pourquoi invectiver cette femme ? Pourquoi la
calom nier ? Pourquoi tenter d’attirer fur elle les mépris
ou les foupçons du public & de la juitice ?
O n fe rappelle ces trois faits avancés dans la R equête du
r j pons1! ao
Bailli de M irabeau , Iorfqu’il v o u l u t , au Parlem ent d’Aix , u h ° c h , ! '
faire iupprimer un M ém oire de la M arqu ife de Cabris ,
faits
menfongers
tant de fois répétés , &c tanr de fois
détruits !
La dame de Lom bard en a fait encore fa principale défenfe devant M . le L ie u t e n a n t - C i v i l , pour oppofer au
moins
le ton du reproche
aux reproches dont elle eit
accablée.
Elle reproche donc
à
la M arqu ife de C a b r i s , d’avoir
livré les biens de ion mari à la plus folle dilîipation, de
lui avoir fait contracter pour plus de i 20,000 liv. de dettes,
de lui avoir furpris deux procurations pour faire des e m
prunts encore plus confidérables, de lui avoir fait faire un
teilam ent m yjlique en fa faveur. (1)
[ 1 ] L a d a m e de L o m b a r d
ne s’en tient pas à ces reproches ; elle
renouvelle les calomnies pcrfonelles q u e l l e a colportées dans les B nreru x
C o n t r e
l
*
�io 4
Les réponfes ne font pas difficiles.
D a n s fon com pte fi fingulièrement rendu devant M e
Boulard , la darne de L om bard déclare elle-m êm e q u e lle
a pris l’adminiftration dont elle va rendre com pte , des mains
ù tS 'c y ir c , C v r a t i u r à la minorité du M arquis de Cabris
depuis le décès de fon père , 2c ion
F
o n d e
de
po uvoirs
,
depuis fa majorité jufqu’à fon interdiction. C ertainem ent la
M arqu ife de Cabris n ’a jamais pu difliper le bien-de fon
m a r i , fi elle ne l a jamais adminiftré.
La M arquife de Cabris a annexé à fa R equ ête du a i
O f t o b r c dernier , tous les actes des emprunts faits par fon
mari avant fon interdiction.
des M in iftre s , dans les T r ib u n a u x , Sc q u e fes I ¡b e lle s , imprim es par
m illiers , ont verfées dans tout le R o y a u m e . L a M a r q u ife de C a b r i s ,
dans fes premiers écrits, a oppofé à chaque fait des preuves co n traires,
& des preuves écrites. Ici un m o t doit fuffire. C e s calom nies l ’ont fait
exiler de Paris à L y o n en 1 7 7 7 . L ’ordre a etc révoqué 14 jours après fur
fa feule dem an de. En 1 7 7 8 , ces calomnies l’ont fait arracher des bras
de fon mari q u ’elle d é f e n d o i t , &
l ’ont confinée dans un C o u v e n t des
M o n ta g n e s de Provence. Seule elle a fait jug er les m otifs de cet o r d r e ,
ôc feule elle a o btenu fa révocation. C e s c a l o m n i e s étoient la plus appa
rente raifon des Ju gem en s de Provence. Elle a d em an de juftice po u r t l!e
& pour fou m a r i , au C o n f e i l des D épêches de S. M . T o u t a été examiné.
L e M iniftre m ê m e duq uel étoit émané l ’ordre contre la M arqu ife de
C a bris , étoit M e m b r e du T r ib u n a l. T o u s les Jugem ens rendus en P r o
vence contre-ellé Sc contre fon m a r i , ont été annuités. L e M arq u is, c!e
C a b r is a été délivré des mains dé fa m ère , 8c placé fo us les yeux dé fa
fe m m e . L a d em o ifelle de C a b r is a été enlevée à fon a y e u l e j & rerriife'
entre les mains de fa mère. C e t t e réponfe eft aiTez b o n n e , Sc la d am e
de L o m b a r d daignera s’en contenter.
R c c o n n o iilà n c c
�!°5
ReconnoifTance de 12,000 iiv. empruntées le
21 M ai
17 7 3 , par le M arquis de C a b r is , alors m in e u r, &, aflïfté
de Seytre , fo n curateur.]
R c co n n o illa n c e de 10,000 liv. empruntées le 19 Juin
1 7 7 3 , par le M arquis de C a b r i s , alors m i n e u r , &: afliftc
de Seytre, fo n curateur..
R en te de i.,6oo 1. fans retenue , au principal de 32,000 1.
conftituée le 2.1 N ovem bre 1 7 7 j , par le M arquis de Cabris,
encore m in e u r, ôc ailiité de Seytre >fo n curateur. (2)
R en te
de
1,400
liv. fans
r e t e n u e , au principal
de
2,S^ooo liv. conilituée le 5 Mars 1 7 7 7 , par S e y tre , fo n d é
de la procuration générale du M arquis de Cabris , alors
majeur.
R en te de 900 liv. fans retenue, au principal de 18,000 1.
conftituée le 4 Juillet 1 7 7 6 , par Scycre, fo n d é de la pro
curation générale du Marquis de Cabris, alors majeur.
C es a£tes , qui portent les emprunts faits par , ou pour
le M a r q u is , à i i o , o o o l i v . , prouvent qu’ils o n t été fa its ,
partie pendant fa m inorité fie par fon c u ra te u r, partie pen
dant fa m a jo r ité , par fon fondé de procuration g én éra le ,
pendant l’abfence de fa
L yo n ; c e t o i t
femm e.
A lo rs elle étoit à
l’époque des troubles fcmës entre-elle
ôt
ion mari. Il faut être au-deilus d’un démenti , pour accufer
la M arqu ife de
Cabris des emprunts faits pendant Ton
abfence , facilités ôc autorifés par les A g e n s publics de la
tyrannie &C des déprédations d ont elle demande vengeance.
[ 1 ] Sceytre & A lzia ri faifoienc prêter cet argent , & eux - m ê m e j
c o m m e Procureurs des créa nciers, font faifir aujourd’hui les biens du
M arqu is de Cabris.
o
�i o6
II eft très-vrai que le Marquis de Cabris j
peu de temps
avant fon. interdiction , a donné à fa femme une procuration
à l'effet d’emprunter 2.0,000 livres; mais la Marquifc de
Cabris a-t-elle emprunté zo>ooo livres? N o n , elle n’a pas
emprunté un fol en vertu de cette procuration. U n e procu
ration ne peut exiilcr que par fqn e x é c u t io n , comme le
pouvoir ne ie manifefte que par fes eff ets. Lorique la M a r
quifc de Cabris n’a pas ufè de cette procuration, quelle abiurde méchanceté de dire qu’ elle l’avoit furprije à Ion mari
pour en aimj'cr!
A u iurplus, cette procuration eft la fe u le ; c’cft encore
une p etite malice de la dame de Lomb ard , ou de
ceux
qui la dirigent , d ’en avoir annexé deux aux Procès-ver
baux d’affemblee, lc de les appliquer toutes deux à la M a r
quifc de Cabris. Il feroit difficile de dire à qui la fécondé
étoit deftinée ; mais il eft certain qu’elle ne ro it pas deftinée à
une fem m e. L e nom du Procureur eft en blanc, ôi le Procureur
eft annoncé partout fous une dénomination mafcuune : fa
date prouve quelle a été fouferite vingt-quatre heures après
celle donnée à la Marquile de Cabris. La minute a toujours
été entre les mains de la dame de Lombard. T o u t imiique
que cette fécondé procuration avoit été réellement furprife
au Marquis de Cabris, pour révoquer celle donnée la veille
à fa femme.
A l’égard du T e f t a m c n t , dont on prétendoit autrefois
que les difpofitions avoient été connues Scdilcutécs lors de
l’Arret du Parlement d’A i x , la dame de Lombard convient
a u j o u r d ’hui qu’il eft m y fliq u c, ôC par conféquent clos & se
cret ; fi l’on pouvoit reprocher au Marquis de Cabris d’a
�107
v o ir .d é p o fé Ton teilam ent dans les mains de fa femme;,
quelle difpntc pourroit s’élever fur les diipoficions ignorées
d'un hom m e vivant ?
Q u e peuvent ces reproches v a in s , pour enlèvera la Marquife de Cabris l’honneur de la curatelle de Ton m ari?
N o u s difons l'honneur,
c’ell une obfervauon qui ré
pond à tous les re p ro ch e s, & qui prévient les-plus hardis
foupçons.
T a n d is que la dame de L o m b a r d , incapable par Ton âge
autant que par fa foibleilè , accufcc & convaincue de tant
d ’infidélités, demande à haute voix que ion fils foie inter
d it, pour administrer f e u le , fans fe c o u r s , fans confeils,
fes biens qu’elle a difperfés; la M arquifc de Cabris , forte
par f i jcuneile &c par l’expérience de fes malheurs , ne de
m a n d e , dans le cas où , contre toute juftice, fo n m ari feToit in terd it, que l’honneur d’être fa C u ratrice, & e.lle de
mande cet h o n n e u r , parce que ce feroit une injure de le
lui refufer. Elle ne veut point adminiftrer les biens; elle ne
veut que veiller fur la p erfo n n e , vivre auprès de fon m a r i,
réparer le défordre de fa fan té , tandis qu’ un confeil éclairé
réparera le défordre de fes affaires, & lui faire oublier ,
s il eff poilible , par toutes les douceurs d ’une vie tranquille,
les tribulations dont il a été iî long-temps tourmenté.
C ’eft conform ém ent à la demande de la M arquife de C a
b r is , que le plus grand nombre des P a ro n s , toujours dans
le cas de l’interdiction qu’ils n’approuvenc p a s , en la nom
m ant Curatrice honoraire, nom m ent M c C o u r t , Curateur
onérairc, ôc le foum ettent à l ’autorité d ’un confeil.
M e C o u rt cft celui que la Sentence du
6
A v r il
1784 a
provisoirement c h a r g é , iur la nom ination des p a r e n s ,d e
O ij
�108
l ’adminiflration dont la dame de L om bard a été dépouillée.
C ’eft un titre pour être ca lo m n ié ; il fuffit que M e C o u rt
foie appelé par les parens à la charge tant convoitée par la
dame de L o m b a rd , pour qu’on
reproches de négligence
8c
tente de l ’exclure par des
d’infidéliré. Q uels
reproches
dans la bouche de la dame de L om b ard !
C ep endant le choix des parens mérite d’être juftifié.
M c C o u r t , Procureur au Parlem ent d’A i x , jouit d’une
bonne renom m ée , qu’il doit à fa probité autant qu’à fes
lu m ières; il administre les biens du M arquis de Cabris
depuis environ dix-huit m o is; il a renouvelé une partie des
b a u x , ÔC ceux qu’il a renouvelés ont donné une augm en
tation annuelle de 5,000 liv.
L a d ame de L om b ard lui reproche de n’avoir fait verC ontre i «
c’ fer dans la caiiTe du Séqueftre, qu’une fomme de 1300 1.
tu u .
& de n’avoir point affermé les moulins à hui'e. La modicité
R é g isse u r a
de la dernière récolte préfente l’apparencc d’un défavantage
que le parti de la dame de Lom bard relève avcc une mauvaife-foi vraiment criminelle.
C es m o u lin s , affermés par la dame de Lom bard 20,000
li v r e s , ôc qui auroient dû l’être au m oins 14,000 livres,
n ’o n t rapporté l’année dernière que 7,5 6 9 liv. 7 fols 3 d.
Q u ’un hom m e né 6c vivant à Paris , dont les terres bor
dent les remparts de Paris , ne puifïc pas calculer les ré
coltes de P r o v e n c e , cette ignorance n’éronne pas; mais
que la dame de Lom bard , qui a vécu 70 ans fous les oli
viers Prov.cnccaux, affecte d ’ignorer que les produirions
de cet arbre font alternatives ; que la bonne 6c la mauvaife
ré o ltc fc fuivent avec cette régularité dont la Nature a
marqué tous les ouvrages : que cet ordre altern atif, général
�ro9
dans tous les cantons de la P r o v e n c e , cil encore plus fCnfiblc dans les cantons voiiins des m o n ta g n e s , & plantés de
vieux oliviers; que
la dame de Lom bard alfecle furcouc
d ’ignorer que l’année dernière a été vraimenr défaflreufe,
qu’elle n’a pas rapporté la moitié d’une mauvaiie ré co lte;
& qu’cllç a iîe & e cette ignorance pour en faire un reproche
grave & le m o t if d’un foupçon in ju rie u x , cette mauvaifefoi efl intolérable.
L a M arquife de Cabris a annexé à fa dernière requête
le certificat des C onfuls de G r a t te , donné le 29 Septembre
d e r n ie r , &. le certificat des C onfu ls de Cabris , par lequel
ils attellent que dans le terroir de G ra d e &
les terroirs
voiiins , la nature a divifé les récoltes des olives par bonne
& mauvaife a n n ée ; &c que la bonne année produit HUIT
fois plus que la maavaife.
Q u e cette différence énorme ne furprenne pas ; on peuc
promettre avec affurance que ces moulins à h u ile, qui n’onc
pas rapporté 8,000 livres l’année dernière , rapporteront
cette année plus de 50,000 livres.
L a M arquifc a annexé à fa dernière requête le com pte
(1) que M c C o u rt s e ft
cmprcfie d ’envoyer à la première
nouvelle des reproches de la dame de Lombard.
Il fa it, dans le préambule de ce c o m p te , l’obfcrvation
qu’on vient de lire fur la différence des récoltes , 5c il ajoute
q u ’ il avoit fait procéder à des enchères pour affermer les
moulins à huile ; mais que ceux qui avoient dcjjein de pren-
(1) Par le r-éfultat de ce c o m p te , M<-‘ C o u r t efl: en avance de 10 9 6 Jiv.
j f o l s 9 d.'; il a reçu 5798 l i v . 1 2 fols 6 d . & i l a dépenfe 6 8 94 livres 18
fols 3 deniers.
�1tO
dre cette F er m e, furent rebutés par de fa iffe s ctaintes que
certaines perfonnes du P a y s leur infpitèrent.
La dame de Lo m b ar d reproche donc au Regiiïeur de
n ’avoir pas fait ce q u e l l e , ou fes agens l’ont empêché de
faire.
Le Régiflcur obfcrve encore qu’il eft intéreflant pour le
Ma rquis de Cabris que fes moulins ne foient pas affermes
cette année , par deux raifons : d’abord , parce que la récolte
pendante doit donner un produit cxccdant deux années
de la Ferçne ordinaire , êc enfuitc parce qu’il pourra favorr
]c véritable produit de fes mouiins , qu’on ignore depuis
environ 10 ans.
Le Régiflcur répond avec la même énergie au fécond re
proche de la dame de Lombard.
En effet., n ’cft-il pas ridicule que la dame de L om b ard
fe plaigne de ce que la caille du Séqucitrc n’a reçu encore
que 1300 liv res, elle par qui les biens du M arquis de C a
bris ont été pillés pendant fepe a n s , &
font enchaînés
aujourd’hui.
L e R égiflcur obfervc tout ce qu’on a déjà vu dans le récit
des faits : qu’elle avoit exigé d ’avance 20,000 livres fur la
Ferm e des moulins
à h u ile , ôc environ 1700
livres du
Ferm ier de la T e rre de Blézardes. Il obfcrve qu’elle avoit
laiilé arrérager les im portions de la N o b lcile , la capita
tio n , la taille
8c
les intérêts dûs aux Créanciers légitimes
de fou fils, Sc qu’elle avoit négligé des réparations cflèntiçllcs.
Il obfervc que peu de temps après la, nomination du Sé~
�111
quef l re , (i) les rentes & revenus du Marquis de Cabris ju re n t
Jai fis pour les fr a is de f a tranßadon a P aris , & par d ’ autres
f a i f e s fa ite s a la Requête des fieur de G ourdou de Gras , 6
la D am e de S. Ce\aire ( z ) du fieur M a ß e , M ‘ de P en fo n a
P a ris , & de la Dam e Prieure du Couvent de Bon-Secours.
Il
oblcrvc que' toutes ces fa ifles ont été fu iv ies de celles
fa ite s a la requête des Dem oifclles de B o n p a r, du fie u r de
T a rd ivi , & du fieu r Courmes , Créanciers du M arquis de
Cabris , ( 3 ) & enfin par une autre à l.i requête de la Dam e
M arquife douairière, (4) de forte , ajoute le Régi fleur , qu’ il
n ’ a prefquericn reçu des Fermiers, dont les mains ont été liées
par les diverfes fin fie s.
Q u e la D a m e de Lom bard trouve une réponfe , s’il c il
pofîible. C es cfForts contre la probité & la capacité de l’iiom (1) C ’eft-à dire t peu de temps après la Sentence du 6 A v r i l 17 8 4 ,
q u i a enlevé Paiiminiilration à la D a m e de L om bard.
(1) Pour l’exécution de la tranfaétion qui porte le prétendu fnpplém ent de légitim e à plus de 100,000 liv., tranfaétion annullée par l ’A rrêt
du C o n fe il.
(3) C e fo n t les créances facilitées par A lzia ri & nutorifées par S e y t r e ,
c o m m e curateur , ou c o m m e fo nd é de pouvoirs du M arqu is de C a b r is ;
&: aujou rd ’h u i , c’oft: Seytre } c’eft A lzia ri qui fe trouvent Procureurs
des créanciers, & qu , en cette qualité ; pourfuivent & font faiiir les
biens.
-
(5) N ’eft-on pas étonné ou indigné de voir la D a m e de l om bard fe
préfencer elle - m êm e c o m m e créancière de fon f i l s , lorfqu ’elle a diilïpé
plus de 100 m ille écus fur fes r e v e n u s , lorfqu’elle a grevé fes biens de
plus de 100 m ille écus de dettes ? N ’eft on pas ind ign é de la v o i r ,
comme créancière 'de fo n f i s , failli' & enchaîner dans les mains des 1e r m i e r s , les revenus de fon fils , & fe plaindre de ce que les revenus de
fun fils
ne font pas dépofes dans la caiiTe du Séqueftre ?
�1I
X
me appelé par les circcnftances 5c par la Fa mil le , a 1 adminiftration des biens , atteftent l’inutilité des calomnies hafardées contre la Marquife de Cabris , qui ne veut pas adminif*
trer ; Si dans ces reproches infeniés , on voit plutôt le défefpoir du fuccès certain de la belle-fille , que l ’cfpoir de réuilîr
elle-même.
Elle cil il loin d’efpérer , qu’on annonce autour d ’elle que
dans l’impoilibilité de la nommer curatrice , les Juges n o m
meront un curateur d’office , autre que ceux indiqués par
les parens.
C e fyftême tient du délire qui agite tous les fyflêmcs de
l ’aiTociation. 11 faut une caution à l’in terdit, co m m e au pu
pille. Les pareils nominateurs (ont cautions du curateur q u ’ils
nomment. Les Juges doivent confirmer leur choix , s’ils ne
veulent pas être eux-mêmes cautions du curateur qu’ils fubfûitueroienc au choix des parens. Leurs fonctions refpe&ables font déjà trop onéreufes, pour leuriuppofer ledefir d’en
augmenter le fardeau,
D a n s l’efpècc , il faut donc fe décider entre deux perfonnes préfentées par la famille , la mère & Tépoufe du Marquis
de Cabris.
E t c o m m en t balancer ? Sa mère cft rejetée par la loi. Elle
cft comptable d’une curatelle déjà e x e r c é e , d ’une curatelle
fouillée de tous les abus que l’incapacité, l’infouciance &c l ’indélité peuvent accumuler. Elle cft comptablcde toutes les d i
lapidations qu’elle a autorifées ou fouftertes ; elle cft compta«
ble d’ un mobilier immenfe difperfé,destitrcs fouftrairs fans in
ventaire & au mépris des fccllés bi ifés, des baux faits par an
ticipation ôt fous lignaturc privée,iignes perfides d’un prix in-r
ferieurau véritable prix
elle cft comptable des bois coupés
fans
�M3’
fans nécelîîtré-, des terres abandonnées- fans redevance
des pertes eliuyccs par le retard des 'rçpcarations urgentes.
Elle.eit comptable des dans confidérablcs faits à les gendres
fous le prétexte & Je nom de légitime , des foixante mille
livres dont elle a payé les trahiions d e S e y t r e , de toutes les
rapines exercées par les fubaiternes, par A l z i a r i , qui oioit
fe couvrir de ion n o m , ôc de ion pouvoir pour piller les reve
nus de ion fils.
Elle effc comptable des tourmens que ion fils a foufFcrts
dans fon propre C h â t e a u , des privations qu’il ép ro u vo ita u
milieu de fa f o r t u n e , au milieu de ceux qui dévailoient fa
fo r tu n e , . d e s atteintes portées à l'on exiftence., des alimens
contraires à fa fan té , des haillons dont il étoit c o u v e r t ,
des injures qu’il en te nd oi t, des coups qu’il r e c c v o i t , fous la
main même de fes valets. Elle cft comptable de tout ce qu’il
a enduré à P a r i s , dans l’humiliation &C le befoin , redevable
de fa vie au crédit d ’un Maître de Peniîon , lorfqu’clle le
v o ÿ ô i t , lorfqu’clle lui p àr loi t, toute cha-gée des revenus
de fa T e rr e , du prix de fon argenterie
6i
de fes boucles
d ’or.
T e l l e cft l’indignité de cette ancienne curatrice, qu’un
étranger,un inconnu, un habitant desplus lointaines régions,
lui feroit préférable Sc préféré.,
s’il étoit queftion d ’une
nouvelle curatelle.
L a femme de fon fils, aux droits que la Loi lui d o n n e ,
unit les droits de la nature , de ia famille, de fon é t a t ,
:dc fa tendrefle , do nt d i e a donné des preuves éclatantes.
S e u l e , . e l l e a défendu fon époux, courte tous fes parens
ennemis; & pour la v o i r défendu , elle a traîné trois années
.de fa jeuncüc lous^un joug aviliiTanr. Pleine du courage
P
�ii4
qui l’anime c n c o r c , elle n’a briie Tes fers que pour brifer
ceux de ion épo ux , pour l’arracher des mains qui s’appefantifloient fur lui , pour le placer fous la fauve-garde d ’un
Tribunal plus propice. S e u l e , elle l’a accueilli foiblc &
dépouillé; elle l’a foigné , habillé &C nourri , fans autre
créJic que fa p ar ole , fans autre fccours que ceux de fes
amis , aux rifqucs de fa dot & de fes elpérances. Dans ce
mom en t encore , elle ne détend contre
l’intrigue Sc la
c a l o m n i e , que la douceur d’être auprès de l u i , de veiller
fur fon repos &. fur le bonheur de fa fille. Elle rejette les
foins. &î les foupçons inféparablcs de toute admmiftration
pécuniaire : elle ne prétend qu a l’honneur d etre époufe
&. mère.
M a i s , pourquoi ce parallèle ? pourquoi ce combat fur
la curatelle du Marquis de Cabris ? La curatelle ne peut
exifter que par l’interdiction , & le Marquis de Cabris ferat-il interdit ?
J
N o n : l’interdiition eft impoflible, parce qu’elle eft injufte ; elle clt injulte , parce qu’elle eft inutile.
Elle ne pourroit avoir que deux objets : la fureté de la
perfonne, & la fureté des biens.
Depuis que le Marquis de Cabris n’eft plus fous le bâton
de fes valets , fa perfonne eft en fureté : fes biens feront
confervés par les précautions que laJuftice fait prendre dans
de telles circonftances , par les foins aifidus &: éclairés d’un
Confc il relpcctablc.
Qu el avantage de plus pourroit promettre l’intcrdi£tion ?
Elle feroit utile fans doute , mais feulement à ceux qui
la provoquent.
Elle feroit utile à la dame de Lom bard , pour couvrir
�ir5
d ’une impunité éternelle les abus dont elle eft coupable ;
aux parens qui l’ont protégée, pour fe fouftraire à la caution
qui les menace ; à fes A g e n s fubalternes, pour petpétuer
leurs rapines; à S e y tr e , pour conferver les 60,000 liv
fi
juftement acquifes ; aux beaux-frères, pour légitimer , s’il
étoit p offible , le prétendu fupplément de légitime ; au
C o m t e de G r a ffe , pour unir fon fils à la fille d’un homme
q u ’il veut noter de f o lie ; au Marquis de Mirabeau , pour
exercer librement l’empire qu’il fe promet fur les perfonnes
& fur les biens.
Si ce genre d'utilité étoit une raifon légitime de l 'interdiction , il faudroit fuppofer à la Juftice, à fes M i n i ftres,
le droit & la penfée d’immoler à l’affemblage bizarre de
tant d’intérêts odieux , la fortune & l’exiftence du M a r
quis de Cabris , l’honneur de fa fe m m e , & le bonheur de
fa fille.
S ig n é t
M ira b e a u
C H A M B R E
Me DU
,
D U
M ar qui fe de Cabris.
C O N S E I L .
V E Y R I E R ,
de
Avocat.
N orm an d ie,
Procureur.
D e l’ imprimerie de P . G . S I M O N & N .-H . N Y O N ,
Imprimeurs du P a r le m e n t , rue Mignon , 1 7 8 5
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Vernet
Relation
A related resource
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Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. De Cabris. 1785]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Du Veyrier
De Normandie
Subject
The topic of the resource
démence
curatelle
maltraitance
abus de faiblesse
enfermement
ordre ministériel d'enfermement
prodigalité
successions
assemblées de famille
inventaires
terriers
Ursulines
violences sur autrui
mobilier
prévarication
médecine légale
domestiques
bibliothèques
scellées
témoins
vie monastique
hôtels particuliers
lettres de cachet
correspondances
Riqueti (Honoré Gabriel, Comte de Mirabeau)
créances
experts
régime alimentaire
alcool
dénuement vestimentaire
Description
An account of the resource
Mémoire pour la dame marquise de Cabris, défendant à l'interdiction de son mari ; Contre la dame de Lombard, marquise douairière de Cabris, poursuivant l'interdiction de son fils, pour cause de démence.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
de l'imprimerie de P. G. Simon et N.-H. Nyon (Paris)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1785
1769-1785
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
115 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_V0114
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Vernet
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_V0115
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/17/53989/BCU_Factums_V0114.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Grasse (06069)
Aix-en-Provence (13001)
Sisteron (04209)
Cabris (06026)
Paris (75056)
Manosque (04112)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
abus de faiblesse
alcool
assemblées de famille
bibliothèques
correspondances
Créances
curatelle
démence
dénuement vestimentaire
domestiques
enfermement
experts
hôtels particuliers
inventaires
lettres de cachet
maltraitance
médecine légale
mobilier
ordre ministériel d'enfermement
prévarication
prodigalité
régime alimentaire
Riqueti (Honoré Gabriel, Comte de Mirabeau)
Scellées
Successions
témoins
terriers
Ursulines
vie monastique
violences sur autrui
-
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9c5848d873461cbf9b7b9b9421bb1a12
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Text
P O U R
&
les
P rieu r
,
P ro cu re u r,
C h a n o in es R é g u lie r s
L e fte r p , O r d r e
g a tion
de
C O N T R E
de S ain t
de
S yn d ic
l'A b b a y e
de
A u g u ftin , Congre-
F r a n c e , In tim és ;
J
e a n
G
r
E
l l i e r
,
Huiffier
en l'Election de Conjolens } Appellant.
L
ES Juges de la Sénéchauffée d ’A ng ou lê me ont jugé
rente foncière , ou réputée telle , ap p arten an te
aux Chanoines de Lefterp, n’a pas été purgée par des
L ettre s de ratification , feellées fans oppo fitio n d e leur
part , fur la c e ffion faite à G r e llie r par fo n p è r e , d e d e u x
corps de do maines fujets à la rente.
L a loi qui a établi les Lettres de ratification leur a
refufé , dans tous les c a s , l'effet de purger les rentes
A
qu’ une
C
des
hambre*
E n qu êtes.
�foncières \ niais quand elles 1 auroient en geneial , la
fraude cara&érifée qui éclaté dans le fp ece p aiticuliere,
en fcroit un cas d exception.
F A
I T S .
I l cil dû à l’ A b baye de L e fte r p , fur le V illa g e de
C h e z le-Brun, autrement M âs-de-Tarnac, Paroifle d ’EiTe,
en A n g o u m o is, une rente de v in g t-q u a tre boiiîeaux de
f c ig le ,f c i z e boiilcaux ra s d ’avo in e, mefure de C o n fo le n s ,
6c 5 fous d’argent.
Plufieurs anciens monumens exiftans de cette rente
porteroient à croire qu’elle f u t , dans l'o rig in e , de nature
icigneuriale. T els f o n t , i w. une rcconnoiiT’a ncc du 3
M ars 147 3 , qui fc trouve dans un terrier latin de l’A b
b a y e , où cette rente eft qualifiée de cens perpétuel rend a b le , perpetuo ccnfu renduali; z°. une ailîgnation donnée
à un Particulier en 1 6 1 9 , p o u r, « en qualité de Tenan» cier du V illa g e de Che^-le-Brun, fe voir condamner à
« bailler par déclaration , les lieux , domaines & héri>5 tages qu’il tenoit dans les fonds & f i e f s de la S e i>5 gneurie Sc A b b a y e de L e fte rp , les cens , rentes Sc
« autres droits qu’il devoit pour raifon d’ic e u x , &cc. « ;
30. un régalement proportionnel fait en 1 7 0 2 , entre les
différens détenteurs du V illa g e de C h e z-lc -B ru n , de tou
tes les redevances dues fur ce V il la g e , en tête duquel rég a lc m e n t, dans rénumération qui y eft faite de ces rede
vances , la rente duc h l’A b b a y e de Lefterp eft énoncée
en ces termes : « A u d evoir, par chacun a n , au Seigneur
» A b b é dudit L efterp , de f c i g l e , &cc. m.
D ’autres circonftanccs plus déterminantes, il faut l ’a
vou er , forcent de regarder la rente dont il s’agit com m e
limple fo n c iè r e , foit qu'elle ait été créée telle dans l’o
r i g i n e , in traditione fu n d i, foit qu’il ne faille lui attri
buer les privilèges de la foncialité qu’en la regardant
�3
com m e conftituéc par don ou legs f a it a U E glifepour fo n
dations pieùfes.
A u refte , com m e G rellicr n’accorde pas moins aux
C h an oin es de Lcfterp que la conftitution de cette rente
par don ou le g s, & que d ’un autre côté il ne difeonvient
pas du point de D r o i t , que de pareilles rentes jouiflent de
tous ¡es privilèges des foncières ( 1 ) , il cft inutile d’entrer
ici dans de plus grands dérails pour fixer la nature préci ie de la n o tr e , pour laquelle nous nous contentons de
cette donnée.
T ou tefois l’opinion q u ’elle étoitfcigneurialc s’eft perpé
tuée jufqu’à ces derniers temps. C'efl: dans cette opinion
que lorfqu’au mois d ’O & o b r e 1 7 6 7 , la dam e veuve de
D r e u x Sc la demoifelle R o ch o n , fœ urs, propriétaires de
la métairie dite de C he-^ -le-B run , qui fait partie de la
tenue &C village de ce n o m , affermèrent cette métairie
au fieur Jacques G r e llic r , Huiiîier en l’Eledtion de C o n fo le n s , père de l’A p p ella n t, elles le chargèrent feule
m e n t , par le bail , de payer L A R E N T E N O B L E due fu r
ladite métairie, par où on entendoit l ’cnfemble des re
devances q u i, p a rle régalcm ent de 1 7 0 1 , étoient échues
en charge aux propriétaires de cette m éta irie, & q u ’en
effet ils avoient toujours payées feuls depuis : or de ce
n om b re étoit la rente due à P A bbaye de Lcftcrp. C ’cil
dans cette opinion que lorfqu’en 1 7 6 8 , les mêmes pro
priétaires vendirent au m êm e Jacques Grellicr cette m êm e
métairie de C hez-le-B run 3 elles le chargeront feulem ent
de payer à l’avenir cous droits R o ya u x Sc S e i g n e u r i a u x ,
déclarant la mécairic vendue mouvante en principal du
Comte de Confolens , n ayant f u ( porte Pacte ) déclarer
les A U T R E S S e i g n e u r s : claufe d ’ufage quand on croit
( 1 ) Voy.Loyfrau, de la DiflinÜion des Rentes, chap. 8 ,n° m; Argou , In/lit.
au Droit Français, Liv. III, chap. 25 ; Pocquet de Livonnièrc, Réglés du Droit
français, Liv. III, ^aP- 3»«°. 3 i du Rou{Teau de la Combe, V°. Rente*,
Se(f, 3 , no, a.
A .j
�■4
relever de pluficurs Seigneurs donc on veut s’épargner
J’énumération j & claulc qui deiigne ici I A bbaye de
L e f t c r p , entr’autres Seigneurs qu’on fuppofoit nu V illa g e
de C h e z - l e - B r u n , d’après l’énoncé du régalement de
1702.
Q u o i qu’il en Toit, G rcllier père étant d e v e n u , par fon
acquilition , propriéraire de la métairie de Chez-lc-Brun ,
ce fut déformais à lui q u e , félon l’ ufage obfervé depuis
ce réga lem en t, les Chanoines de Lcitcrp s’adrefferent
pour le fervice de leur rente. Le ficur D a le n s , P ro cu
reur-Syndic de P A b b a y c , lui écriv it, après la récolte de
1 7 6 9 , pour lui demander l’arrérage de cette année èc
celui de la p ré c é d e n te , qui avoient couru de fon temps;
mais alors Grcllier avoir -appris , par le paiement qu’il
av oi r fait des lods &: ventes de fon acquifition au lcul
Seigneur de C o n fo le n s , à ne plus regarder la rente due
à PA bbayc de Lcfterp com m e Seigneuriale ; cela lui fit
naître l’i d é e , non pas de la contcftcr aux Chanoines ,
car il n’y avoit pas moyen , mais de s’en faire garantir
par fes ven d ereffes, apparemment fous prétexte qu’il n’étoit chargé par fon contrat que du paiement à l’avcnir de tous droits R oyau x &c Seigneuriaux.
T e l paroît ê tre , en effet , Pefprit de la lettre qu’il
écrivit en réponfe au fieur D a l e n s , le premier O d lobre
1 7 6 9 , lettre infiniment précieufe dans l ’a ffa ir e , par la
circonftancc que le corps & PadreiTe en fon t entiè
rem ent écrits de la main de G r c llie r , fils , ( P A p p e lla n t),
n ’y ayant que la fignaturc qui foit de la main du père.
L a voici :
M
o n s i e u
»
m e demandez.
“
J
e
r
,
fuis b i e n emb a r r af le d e p a y e r la rente qu e VOUS
Je n ’ai
pas a i l e z
amaiTé d e bl é p our
» tourner d an s la t err e, ( c ’e f t - à - d i r é , pour enfemencer )
» S i j e vous la dois > ce n e f l que parce que j e poflède le
�5
« fonds : j’en dois être garanti par mes vendeurs. Tout
” ce que j e puis f a i r e , ce fera de vous en déduire le mon” tant fu r les frais qui me fo n t dûs contre le f e u r M au” cœur: » ( c ’étoit un débiteur des C h a n oin es, contre le
quel Grcllier avoir fait quelques pourfuites pour eux
en fa qualité d ’Huiflier). « J e jouhaiterois, de tout mon.
» cœur, avoir du blé a vous donner, parce que j e n 'y
« penferois plu s.
« J’ai l’h o n n e u r d ’ ê t r e , & c . S ig n é , G r e l l i e r .
» A C o n f i a i s , ce premier Oclobre 176 9 . «
Les choies en fon t reftées là jufqu’en 17 73 : mais avant
de dire ce qui s’efl: pafle à cette époque entre les G relli e r , père & fils , & les Chanoines de L eftcrp , il eft cffentiel de faire connoîtrc le Procès que ces deux H uiffiers ont eu fucceiïivem cnt avec les Prêtres de la C o m
munauté de Saint N i c o l a s , établie en l’E g life de Saint
M a x im e de C o n f o l e n s , pour pareille rente que celle
duc aux C h an oin es de Leilerp.
P
,
des Grellier^ père & f i ls avec les
Prêtres de la Communauté de Saint Nicolas
de Conjolens ;
rocès
Oit f e trouve le détail des manoeuvres pratiquées entre ces
deux H uifjiers, pour faire paffer fecrétem ent, de la tête
du père fu r celle du f ils , la propriété de ce que le père
avait acquis dans la tenue de Che^-le-Erun.
P arm i les rentes dont étoit chargée la tenue de C h e zle -B r u n , il paroit qu’il y en avoit originairem ent deux
dues à la C om m u nauté a e Saint N ic o la s de C o n fo le n s ,
�6
l’une de trois’ boiffeaux d'avoine Sc 1 6 fous d’a r g e n t,
( c e lle - là , q u ’il paroît que la C om m unauté de Saint N i
colas a lai lié perdre , fut m ile , par le régalement de
17 0 1 , à la charge de la- mérairie de C h e z - l e - B r u n ,
dice lu Grande , car on en diftinguoit alors d e u x , la
Grande &c la P e t it e , ) l ’a u tr e , de vingt quatre boiiïeau x
de f c i g l e , (c e lle -là , qui a été co n fe rv é e , fut m ife , par
le régalem ent de 1702 à la charge de la petite métairie
de C h e z le-B ru n , réunie depuis à la grande.)
G re liier, père, ayant acquis en 1768 la métairie de
C h c z - lc - B r u n , com p oféc des deux de ce n o m , n’entre
prit p o in t, ni fous prétexte de garantie contre fes V c n d e re fle s , ni a u tre m en t, de fe ioiiftrairc à la charge de
cette dernière rente de vingt-quatre boiffeaux de fcigle :
au co n tra ire, pendant les deux années 1768 & 1 7 6 9 , il
paya pour chacune à la C om m unauté de Saint N icolas ,
huit b o iiïe a u x , à valoir fur la totalité. C e tte C o m m u
nauté lai fia arrérager le reftant de ces deux années Sc
les fuivantes entières jufques
compris 17 72 .
T ro u v a n t apparemment la fom m e f o r t e , G reliier père
imagina un fingulier m oyen de fe libérer de tous ces
arrérages. C e fu t, en coniéquence de PEdit de 1771 qui
vint à paraître dans ces entrefaites, d’obtenir dés L e t
tres de ratification fur fon contrat d ’acquilîtion de 1768.
Il le dépofa en cfFct , dans cette v u e , au G reffe de la
Sénéchaulîec d ’A ngou lêm e. Les Prêtres de la C o m m u
nauté de Saint N i c o l a s , qui avoient déjà traité avec lu i,
co m m e folidairement obligé à leur re n te , puifqu’il étoit
entré en paiement avec eux , n’en lurent rien &c ne
s’aviferent p^s m êm e d ’y veiller : il n’y eue d on c point
d ’oppoiîtion de leur part au fceau des L e t t re s de ratifica
tion qui furent expédiées à G r el i i e r le 1 1 Mars I7 7 2 .
V ers la fin de cette a n n ée , les Prêtres de la C o m m u
nauté de §aint N ic o la s , ne voyant point que perlonne
fc m ît çn devoir de fervir leur r e n te , firent alîîgncr
�7
tant G r e l li c r , p èr e, que les. autres tenanciers du village
de C h e z le-Brun pour être iolidairement condamnés à
leur payer les arrérages depuis & compris 1768 , jufques &c compris 1 7 7 2 , à la déduction des feize boilTeaux
reçus fur les années 1768 & 1769.
Ils ne furent pas peu furpris de voir que G re llier,
défendant à cette demande , leur oppofa fes Lettres de
ratification ; mais on font com bien il leur fut facile
d ’écarter une prétention qui t e n d o it , de la part d ’un
d éb iteu r, à fe libérer par cette voie de fa dette propre
& perfotinelle ÿ ( car il s’a g iiloit d’arrérages é c hu s du
temps de G r e llic r ) . Aufli par la Sentence définitive qui
in te rv in t, fans s’arrêter à la ridicule fin de n o n - r e c e voir que Grellier avoit prétendu tirer de fes Lettres de
ratification , fut-il , com m e les autres tenanciers , c o n
damné folidairem ent à payer aux Prêtres de la C o m m u
nauté de Saint N i c o l a s , les arrérages de leur rente pour
toutes les années demandées , fous la feule d éd u & io n
des feize b oifleaux reçus.
M ais avant que cette S e n te n c e , qui n’eft que du 13
A v r il 1 7 7 4 , fût rendue , Sc pendant la conteftation qui y
donna lieu , G r e llie r , père , conçut avec fon fils, un pro
jet bien plus im p o r ta n t, que de ie libérer de quelques
années d’arrérages d ’une rente. Il eft de notre fujet de
le développer ici , puifqu’il en doit fortit un moye'n
tranchant de défenfc pour les Chanoines de Lefterp.
Grellier , père , dont toute la fortune apparente en
biens fo n d s , avec celle de fa fem m e , n’alloit pas à
v in g t mille livres, avoit fix e n fa n s , dont PAppellant eft
Painé, Il y avoit
long-temps qu'il étoit noyé de
d e t t e s , mais fans que cela eût encore fait d’éclat. U n e cer
taine réputation de probité dont il avoir joui ju fq u ’a lo r s ,
lui avoit donné la facilité de n’emprunter guères que fur
de fimplcs billets : il n’avoit ainfi prcfque que des créan
ciers chirographaires, q u i , ne fe connoiiTant point entre
�8
e u x , ne l ’inquiétoicnt point e n c o r e , parce qu’ils ignoroient fes embarras. Il s agiiToic , en rendant tous ces
créanciers du|n s de leur crédulité , de faire paffer ion
bien à íes enfans fans charge de dettes.
D e donner ou de vendre dirc& cm ent fes fonds à fes
e n fa n s , par des a£tes publics, &L faits par des Notaires
du c a n t o n , ç’aurojt été un mauvais moyen ; les créan
ciers auroient pris l’alarme , ils auroient fondu tous à
la fois fur un débiteur qu’ils auroient vu s’occuper des
m oyens de les fruftrer, 8c le projet auroit manqué infail
liblement. Il valoit bien mieux trouver un expédient qui
réunît le double avantage , & de donner dans le public
une haute idée de l’aifance de Grellier , p ère, afin nonf e u l e m e n t de ne pas alarmer les créanciers qu’il avoit
d é j à , mais même d’en engager d’autres à être pris au
m êm e piège , & tout à la fois de d o n n e r a fes enfans,
fur íes biens , un titre préférable à ceux de fes créan
ciers par limpies b ille ts , fie m ême à ceux des hypothécai
res. O r , cet e x p é d ie n t, Grellier le trouva.
' D e fix enfans qu’il a v o i t , avec une fo r tu n e , com m e
il a déjà été dit , tout au plus d’une vingtaine de mille
livres en fonds , &C o b é r é e , il en maria deux par le
m êm e contrat en 1 7 7 1 •' l’A ppcllant en eft un Par ce
c o n tra t, il leur conftitua à chacun en dot une fom m e
de q u i n z e m i l l e l i v r e s , payables (porte le co n tra t)
dans un m o is , en effets fur B o r d e a u x , la R o ch lie 2c
R o ch efort. Il conftitua en outre à l’ A p p e lla n t, fon fils
a i n é , une maifon & un pré.
Il faut noter ici que G re llie r , fimple Huiiïïer en l’EIcction de Confolens , n’avoit de la vie eu de com m erce
dans a u c un e des places n o m m é e s dans ce c o n tra t;
q u ’il n’ y avoir certainement dans aucune de ces places,
aucun N é g o c ia n t ni Banquier difpofé à acquitter des
Lettres-de-change tirées ou en-iotlecs par lui , ni qui
çût des fonds pour cela. AuiTi v a - t - o n bien voir que
celles
�9
celles d o n t il s’agit , iî feulement G rcllier s’eft
donné la peine de les fa ire, n'on t jamais été préfentées
à leurs adreiles. Mais toujours , voilà Grellier parvenu
à fes fins; le voilà q u i , co m m e un homme r ic h e , de
fix enfans q u ’il a , en marie d e u x , & leur conftitue des
dots coniidérables qu’il s’oblige à payer prefque com p
ta n t fans coucher à fes immeubles. Q u o i de plus p ro
pre à tranquilliier fes créanciers actu els, & à lui en faire
trouver d ’autres? C e p e n d a n t, com m e tous ces prétendus
effets fur B o rd eau x, la R ochelle lie R o ch e fo rt n ’auront
rien de réel, il eft clair que fes enfans reviendront fur
lui pour leur p a ie m e n t,
que pour ce recours ils au
r o n t , par leur contrat de m ariage, une hypothèque fur les
immeubles de leur père qui fruftrera tous fes créanciers
par fimples billets : les créanciers hypothécaires , du
m oins ceux q u i, raffurés par les apparences, & par le
leurre du contrat de m a ria g e , n’auront pas form é d ’oppofition de précaution fur les biens de G r c llie r , ne fe
trouveront pas moins fruftrés , pourvu que le recours
des enfans fur le père s’exerce il fecrétcm cnt que perio n n e ne puiiTe s’en douter jufqu’à ce que la loi ait
pris foin elle-m êm e d’en confacrer l'effet. O r , voilà
bien les deux objets que G rellier, père, s’étoit propofés.
11 faut voir co m m en t fa conduite poftérieurc 6c celle de
fo n fils y ont répondu.
O n a dit que les prétendues L e t tr e s -d e - c h a n g e fur
B o r d e a u x , la R ochelle 8c R o c h e f o r t , ( i l elles ont feu
lem ent été fa ite s ,) n ’ont du m oins jamais été préfentées
à leurs adrefles.
Il auroit été en effet fort m a l-a d ro it de faire reve
nir ces Lettres fur G re llie r , p ère, par des protêts, ce
qui n’auroit pas manqué d ’arriver fi elles euffent été pré
fentées. L a publicité de pareils a£tes ne convenoit nulle
m en t au deffein d'entretenir les créanciers dans leur
erreur fur la prétendue aifancc de G re llie r, père; il étoic
beaucoup plus court d’opérer tout fimplement fur ces
�IO
L e ttre s , com m e n’étant pas a cq u ittées, mais fans en faire
plus de b ru it; & c’cft auflî le parti que prirent G re llier,
p è r e , Sc l’A p p e ll a n t , fon fils ainé , par un a£te du 22
Septembre ^773 » Par le q u e l, attendu que G rellier, f i l s ,
ri avoit pas été payé de f a conflitution dotale , fon père
lui céda deux corps de métairies , l’une au village de
Che-{-le Brun , ( c’eft celle-là Aiême qu’il avoit acquifc en
176K , de la dame veuve de D re u x & de la demoifelle
llo ch o n -, ) l’autre au lieu du d u r o n , ( c e l l e - l à q u i fait
auffi partie de la 'ten u e de C hez-lc-B run , avoit été acquife par G re llie r, p è r e , en 1772 , ) l’ une & l’autre pour
une fom m e de 10,000 livres à com pte de fa conilitution dotale. A l’égard des 5000 livres reftantes , il fut
die qu’il feroit fait com pte entre les P a rties, à N o ë l ,
lors prochain.
Mais cet a & e qui venoit fi bien au but de Grellier
père & de fon fils , auroit encore pu tout gâter s’il eût
été connu : il étoit donc queftion de le faire i e c r e t , quoi
qu’authentique. Qufc fit-on pour cela ? O n ne le pafla
point devant des Notaires de C o n fo le n s , où G r e llie r, fils,
dem euro it, où Grellier, père, avoit toujours demeuré auiîi,
& où il avoit toujours eu le fiége de fon é ta t, de fa fortunrôc de fes affaires , quoiqu’il p aroifleq u e pour le m o
m en t il habiroit au village de C h e z - P o u g e a r d , qui en
eft à deux pas. N o n , ce ne fut point à C o n fo le n s qu’on
pafla F aite du 22 Septembre 1773 : les G r e llie r , père
fils, y étoient trop connus : un a£te de cette nature y
auroit fait trop de fenfation. O n alla d o n c le pafler :
o ù ? à C h a b a n o is , V ille éloignée de trois grandes lieues
Limoufincs de celle de C o n fo len s , avec laquelle d ail
leurs clic n’a a u c u n e relation.
V o ilà , par cc (cul a£te , tous les créanciers chirographaircs fruftrés : reftent les h yp oth écaires, dont i l f a u t
tâcher de purger les hypothèques. 11 s’agit pour cela ,
de la part de G re llie r, fils, d’obtenir & de faire fc c llc f
des Lettres de ratification fur fon c o n t â t , avant qu’aï»-
�1I
cun d’eux ait fon gé à y former oppoiîtion. L e m oyen ,
c ’efl: de continuer à tenir l ’a i l e dans Je plus profond
fe crc t, jufqu’au fceau de ces Lettres. O r , voici les pré
cautions qu’on prit pour cela.
D ans la C ou tu m e d’A n g ou m ois qui régit les métai
ries de C h c \ -le - Brun & du Chlron, le retrait lignager
a lieu pour les acquêts com m e pour les propres \ il fe
régie d ’ailleurs com m e les fucceffions , en forte q u e ,
quand la vente a ete faite a un lig n a g e r, les lignagers en.
m êm e degré , fon t admis à exercer Je retrait pour leur
part ; G rcllier , fils , avoir des frères & des fœurs
qui étoient dans ce cas ; il auroit donc été intérciTanc
pour lui de faire courir l’an de délai que la C o u tu m e
leur accordoit pour exercer le retrait. M ais pour faire
courir cet an de d é la i, il auroit f a llu , fuivant l’art. 7 6
de cette C o u tu m e , notifier Jbn contrat au Greffe de la
Junfdiction en laquelle les héritages acquis étoient fitués.
O r cette Juriididtion éroit précifément celle de C o n folcns : en confequ cncc point de notification.
L a ceflïon dont il s’agit étant faite en paiement de
co n ilitu tion dotale par le père au fils , ne devoir point
de centième denier ; cependant G rc llie r, père, 6c ion fils,
étoient dans l’opinon qu’elle en d evo ir, Sc leurs N o ta i
res de Chabanois y étoient com m e e u x , car on voit à
la fin de Pacte qu’ils avoient renvoyé au Bureau de Confo len s pour le centième denier. Mais porter Pacte au Bu
reau de C on fo ie n s , ç’auroit été le moyen de le faire
co nnoître à tout le m onde. O n artendit d on c , pour l’y
porter , le temps où on croyoit pouvoir le faire fans dan°-er, c’eft à-dire après l’obtention des Lettres de ratifi
cation. Il fut en effet préfenté pour la première fois en
ce B u re a u , le 27 D é ce m b re 1773 , & G rcllier fils, avoit
des Lettres de ratification dès le 6 du m ême mois , épo
que qui répond à celle à laquelle io n contrat avoit été
expofé dans PAuditoire de la SénéchauiTée d ’A n g o u lê roe» favoir , le 4 O c to b r e 17 73 , co m m e le Greffier
B ij
�11
en a fait mention au bas , c cft - a - dire en temps de
pleines vacances ■ circonftance qui n cft point indifiérente.
M ais cc qui ccoit encore bien plus fait pour entrete
nir le p u b lic , & fur-tout les Prêtres de la Com m unauté
de Saint N icolas , dans l’opinion que Grellier , p ère , étoit
toujours propriétaire de fes domaines du village de
C h e z l c - B r u n , c’eft que pendant qu’il faifoit avec ion
fils, tous les honnêtes arrangemens qu’on vient de v o ir,
il n’avoit pas ceiié un inftant de plaider avec les Prêtres de
la C om m u nauté de S. N ic o la s , com m e tenancier du village
de C h ei-le-B ru n , fans dire un m ot de la ccfiîon qu’il avoit
faite à fon fils de tout ce qu’il poflédoit dans ce village , &
fans même la donner à foupçonner ; en forte que cc ne fut
que plus de fix mois après ce ttecciIïon ,& . le 13 Avril 1 7 7 4
fe u le m e n t, q u ’intervint la Sentence dont il a été p a rlé ,
qui le condam na com m e tenancier du village de Cke\-leBrun , à payer folidaircrr.cnt avec les autres tenanciers,
aux Prêtres de la C om m u nauté de Saint N ic o la s , les arré
rages de leur rente de vingt - quatre boifléaux de fe igle ,
pour les années depuis & compris 1768 , jufqucs ôc
compris 1 7 7 1 .
M ais alors il n'y avoit plus aucuns ménagemens à
garder ; toutes les précautions qu’on avoit pu prendre
étoient prifes ; G rellier, fils , avoit obtenu des Lettres de
ratification fur fon contrat ; c ’étoit-là ce qui devoit lui
fervir de fauve-garde contre tous les créanciers de fon
p è r e , quels qu’ils fuflent 3 fi quelque chofe pouvoit lui
en fervir, vu ce qui s’étoit paiTé. Q u a n t au p è r e , il ne
rifquoit plus rien , ne pofledant rien. C e fut donc alors
que le fils crut pouvoir , fans d a n g e r , préienter fon
contrat au Bureau de PInfinuation à. C onfolens.
L a nouvelle s’en répandit bientôt ; les Prêtres de la
C o m m u n a u té de Saint N icolas en furent inftruits des
premiers ; leur furprife fu t telle qu’on peut le penfer ,
d’après le rôle qu’on a vu que G re llie r, p è r e , venoit de
�13
jouer avec eux , dans tout le cours d ’une conteftation
judiciaire. Q u o i qu’il en f o i t , com m e G r e llic r, fils, de
quelque manière que cela eut été f a i t , avoit pris la place
de fon p è r e , quant à la propriété de l’héritage fujet à
leur rente, c ’éroit déformais à lui qu’ils dévoient s’adreirer
pour le fervice de cette rente à l’avenir ; & c’eft auffi
ce qu’ils firen t, en l’aflignanr, pour fe voir condam ner
à leur en paffer titre nouvel. D ’un autre c ô t é , com m e
ils ne voyoient plus aucune rcflourcc pour fe faire payer
par le père, des arrérages dont ils avoient obtenu c o n d a m
nation contre lu i, &L que le fils , c o m m e détenteur de
l ’h éritage, n’étoit pas moins tenu hypothécairement de ces
arrérages , que le perc ne l’étoit p e rfo n n e llcm e n t, ils
prirent le parti de cumuler cette action hypothécaire con
tre le fils, pour les arrérages , avec l ’adtion perfonnelle 8c
h yp oth écaire, pour la paiTation du titre nouvel.
Ici va com m encer de la part de Grellicr, fils, l’application
de Tes Lettres de ratification , non pas au fonds m ême des
rentes dont les héritages par lui acquis de fon père
étoient ch a rg é s ^ -c a r on verra qu’il étoit bien éloigné
encore de croire pouvoir faire de ces Lettres un u lagc
j^uili étendu ; mais aux arrérages de ces rentes , échus
vivant fa détention. Sans s’expliquer en effet par fes
d é fe n fe s , fur le premier & le plus important c h e f des
demandes des Prêtres de la C om m unauté de Saint
N ic o la s , qui étoit le titre nouvel èc la reconnoifTance de
leur rente pour l’a v e n ir, il les foutint non-recevables à
lui demander les arrérages dont la condam nation avoit
été prononcée contre fon p ère, prétendant q u ’ils avoient
été purgés par fes Lettres de ratification. Les Prêtres de
la Com m unauré de Saint N icolas fe défendirent de
ce prétendu effet de ces L e ttre s , en oppofant la fraude
& la col luf ion pratiquées entre le père & le fils, dont ils
d é t a i l l è r e n t quelques circon fta n ccs, moins parfaitem ent,
ce p en d a n t, que leur exemple ôc le temps n ’ont mis les
Chanoines de Lefterp à portée de le faire ici ; & cette
�14
défen fe de leur part fit tant d ’impreiïïon fur les Juges de
la Sénéchauflee d’A n g o u lê m e , que ces Juges n’héiitcrent
pas à leur adju ger, par leur Sentence du 4 Septembre
1 7 7 4 , l’ un & l’autre c h e f de leurs conclu fions.
G r c l lie r , fils , q u o iq u e , com m e on l’a d i t , il n’e û t , dans
Pinftruttion de la C a u f e , prétendu fe prévaloir de fes
Lettres de ratification , que relativement au c h e f de
conclufions des Prêtres uc la C om m unauté de Saint
N i c o l a s , qui avoir pour objet les arrérages du temps
de (on père , ne laifla pas d ’interjetter indéfiniment
appel en la C o u r , de cette S e n te n c e , &: d’y furprendre
m êm e des défenfes indéfinies contre fon exécution.
M ais c o m m e par la fuite il eut Padrcfle de reftreindre à
propos fon appel , au c h e f qui concernoit les arrérages
antérieurs à fa détention , offrant de payer ceux échus
d ep u is,
de pafler titre nouvel de la r e n r e , il paroît
que parle mérite de cette o ffre, quifem bloie défintérefler,
jufqu’à un certain p o in t, les Prêtres de la C om m u nauté
de Saint N i c o la s , au moyen de ce que , pour les arrérages
antérieurs à la détention du fils , ils avoient pour ob ligé
le p è re , la G r a n d ’C h a m b rc de la C o u r fe dércrmina à
infirmer vis-à-vis du fils , par fon A rrêt du 21 M ai 1 7 7 ^ ,
la Sentence de la Sénéchauflee d ’A n g ou lêm e , au c h e f
qui co n cern oit ces a rrérages, en le condam nant fuivant
/on o ff r e , à payer ceux échus depuis fa d étention , & à
pafler titre nouvel de la rente.
T e ls ont été les circonilances & l’événem ent du procès
que les manœuvres des G r e lii c r , père & fils, ont mis les
Prêtres de la C om m unauté de Saint N ico la s dans le cas
d ’a v oi r avec e u x , pour la rente de vingt quatre boiffeaux
de f e i gl c due à ccctc C o m m u n a u t é fur le village de
ChcZ-le-Brun.
Les C hanoines de Lefterp ont eu auifi pour la le u r ,
fucceiïïvcm cnt affaire au père 8c au fils.
�1J
P r o c é d u r e s des Chanoines de Leflerp contre Grellier ,vère
& contre G rellier, f i l s , en la Juflice de Confolens , & en
• la SénéchauJJee et Angoulême.
détail circonftancié de ces procédures feroic
inutile ici. Il fuffira de dire en un m on, à l’égard de
G r e llie r , p è r e , que les C hanoines de Lefterp , dans
l ' i g n o r a n c e où ils étoient- avec tout le public , de ce qui
s’étoit pafle entre Ion fils 8c l u i , l’ayant affigné en la
Juftice de C o n fo len s le Z9 D écem bre 1773 , feulement ( 1 )
p o u r, en qualité de Tenancier du village de Che^-le- Brun
être condam né lolidaircm ent à payer les arrérages échus
de leur re n te , 6c à en paiFcr titre n o u v e l, celui c i , au
lieu de d ir e , ce qui étoit fi .naturel, qu’il n’étoit plus
Tenancier du village de ChcT^-le-Brun, ayant cédé à fon
fils tout ce qu’il y avoir , ne trouva rien de plus expédient
que de Te laiiler doublem ent contum acer , en laiflant
d ’abord rendre contre lui une première Sentence par
défaut faute de comparoir , adjudicativc des c o n c lu io n s
des C h a n o in e s , ôc enfuite une fe co n d e p a r défaut faute
de p la id e r , qui le débouta de fon oppofition à la
première.
E t à l’égard du fils , il fuffira de dire auilî q u ’il tint
en la Juftice de C o n f o le n s , abfolum cnt la m êm e co n
duite que fon père , lorfqu’inftruits enfin par la vo ix
publique, de la ceiîion que fon pcrc lui avoit faite des
métairies de C h e z-le -B ru n 8c du C hiron , les C hanoines
de Leftcrp l’y aifignerent, pour être condam né à leur
paffer titre nouvel de leur rente. Il laiila , en eiFct , à
l ’exemple de fon père, rendre en la Juftice de C o n f o le n s ,
deux Sentences confëcutives par défaut contre l u i , fans
feulement avoir l’idée d’oppofer fes Lettres de ratification
Un
,
( 1 ) Sa ceflion à fon fils étoit du 22 Septembre précédent.
�I
6
à la dem ande des C hanoines de Leilerp , qui n’y avoient
pas co m p ris, com m e les Prêtres de la C om m u nauté de
Saint N ic o la s , des arrérages antérieurs à fa détention,;,
& ce ne fut que dans l’inftru&ion , en la SénéchauiTéc
d ’Ano-oulêm e, de l’appel par lui interjette de ces S e n
tences , qu’on s’avifa de mettre en avant pour lui ,
le prétendu m oyen de ces Lettres de ratification qu’il
n ’avoit jamais deftinées à cet ufage.
C e moyen , quoiqu’auili foiblem ent réfuté par le
D éfenfeur des Chanoines de Lcfterp , qui ne le jugea pas
digne d ’une plus férieufe attention , que chaudem ent
défendu par celui de G re llie r, q u i , l’ayant im a g in é , mit
fon honneur à le foutenir , ne féduifit point les Juges de
la Sénéchauflee d ’A n g o u lê m c . Ils rendirent, en e ffe t, le
10 A o û t 1781 , fur les conclufions du M iniftère p u b lic ,
leur Sentence p^r laquelle ils confirmèrent purement 6c
(implement celles de la Juftice de C on fo len s. Il s 'a g it
de faire voir qu’ils ont bien jugé,
M O Y E N S ,
Nous aurons abondam m ent rempli cette tâ c h e , iï nous
d ém o n tro n s,
i°. Q u e les Lettres de ratification ne purgent pas les
rentes foncières ou réputées telles ;
20. Q u e quand même , dans la thèfe générale , les
Lettres de ratification auroient cet effet , celles
obtenues par Grellier ne l^ u roien t pas dans Pefpèce
particulière.
P R E M I È R E
P R O P O S I T I O N .
L es Lettres de ratification ne purgent pas les rentes
foncières.
II
fem ble que pour établir cette p r o p o f u i o n il devroic
fuffiro
�17
fuiïïre de rapporter ici ces termes de l’article 7 de l’Edit
du mois de Juin 1 7 7 1 : « fans que néanmoins lefdircs
« Lettres de ratification puiffent donner aux acq uéreurs,
» relativement à la propriété, d r o i t s r é e l s , f o n c i e r s ,
« ieivitudes ■& a u tre s, plus de droits que n’en auront
» les vendeurs; l’effet defdites Lettres étant r e s t r e i n t
» à purger les privilèges & hypothèques S E U L E M E N T ».
M a is puifqu’une difpofition a c Loi aufli précife n’a pu
retenir Grellier de mettre en thèfc la proportion c o n
traire , il faut bien entrer en lice avec l u i , pour lui
prouver en form e ce que la L o i lui dit inutilement.
P o u r c e l a , il eit néceilaire de co m m encer par bien dé
finir la rente foncière.
L o y f e a u , liv, ier^ chap. 3 , n. 8 , de fon traité de la
diftin£tion des re n te s, la d é fin it, U ne redevance prin
cipale de l ’héritage 3 impofee en Valiénation d ’içelu i, pour etre
payée & fupportée par fo n détenteur.
Il efl; d it , en l ’aliénation d 'ic e lu i, parce qu'en effet le
bailleur à rente aliène l’héritage q u ’il d o n n e à ce tirre ,
& que la propriété de cet héritage eft transférée de fa tête
fur celle du preneur. T o u te fo is cela n’a pas lieu ii plei
nem ent 8c lî parfaitem ent, qu’il ne refte au bailleur aucune
efpèce de dom aine,aucune cfpèce de propriété de l’héritage.
Auili Loyfeau d it - il, au chap. 7 , n. 4 , du m êm e trairé,
que la rente foncière e ji impofée par manière d'une retenue,
& réfervaùon fu r le fon d s & propriété.
O r , veut-on avoir une idée bien jufte de cette rete
nue & réfervaùon faite par le bail à rente fur le fonds
& la p r o p r i é t é de l’héritage , qu’on fe repréfente celle
faite par le bail à c e n s ;
qu’aux différences près qui
réfultent de la différente nature de la propriété n ob le
& de la p r o p r i é t é roturière , on foit perfuadé que le
bail à. cens ÔC le bail à rente font abfolum cnt fernblablcs
dans leurs effets.
J°. L a rente foncière co m m e le cens eft d u e , prinC
�i8
¿ p a ie m e n t par l'héritage ; le poiTeiTeur de l’héritage n e
doit la rente f o n c i è r e com m e le c e n s , qu’en fa qualité
de poiTeiTeur de l’héritage ; auiîi , peut-il fe décharger
pour l’avenir de la rente foncière com m e du cens , en
aliénant ou en déguerpiflant l'héritage.
2°. L a rente foncière retenue par le bail à re n te ,
prend , com m e le cens retenu par le bail à cens , la
m êm e qualité de propre ou d’acquêt qu’avoit l'héri
tage.
3°. L e bail à rente foncière ne d onne point ouver
ture aux droits de lods &C ve n te s, com m e le bail à cens
ne donne point ouverture aux droits de quint,
4°. M ais la vente de la rente foncière donne ouver
ture aux droits de lods &: ventes , com m e la vente du
cens donne ouverture aux droits de quint.
50. Le retrait lignager ni le ccnfucl n’ont pas lieu par
le bail à r e n te , com m e le retrait lignager ni le féodal
n ’ont pas lieu par le bail à cens,
6°. M ais le retrait lignager & le ceniuel ont lieu par
I a vente de la renre, com m e le retrait lignager & le féo
dal ont lieu par la vente du censO n voit d on c que le bail à rente produit en roture
a bfolu m en t les mêmes effets que le bail à cens en fief ;
pour peu qu’on y rcfléchiffe, on verra que cette parfaite
co n form ité dans les effets vient precifément de ce que l’un
co m m e l’autre de ces a£tes c o n t i e n t , iuivant Pexpreffion énergique de L o y f c a u , une retenue & réfervatïon fu r
le fon ds S propriété ; ce qui fait que l’héritage , quoique
bail lé à c e n s ou à re n te , effc t ouj our s c e n f e être dans les
mains du b a i l l e u r , (oit v i s - à - v i s de la famille de ce bail
le u r , (oit vis-à-vis du Seigneur de qui il relève..
E n un m o t , la rente foncière due principalement par
l’h é rita g e , & accidentellem ent feulement p a rla perfonne
qui le p o fs è d e , cil , proprement & en f o i , un de ces
�droits que les Jurifconfultes appellent droits dans la
c h o f c ^ ju s in re, qui par conféquent doit avoir toute
la folidité des droits de cette efpèce ; bien différente e a
cela de H y p o th è q u e , m êm e privilégiée , qui eft bien
a u ili, fi l’on veut , un droit dans la chofe , un jus in
re , puifqu’ellc l’aifedtc de la fuit p a r - t o u t , mais qui
cependant n’a cette qualité qu’a c c c ifo irc m e n t, & dépend am m en t de l’obÜgacion p erfon n clle, du droit ad rem ,
auquel elle eft jointe ( *-) , & par conféqu cnt ne peut
(*)Loyfeau,ib,<î
avoir plus de folidité que cette a£tion perfonnelle , que n‘ l l ce droit ad rem dont elle dépend.
Après avoir ainii bien fixé l’idée qu'on doit fe for^
mer de la nature de la rente fo n c iè re , voyons fi l’in
tention de la L o i qui a établi les Lettres de ratification,
a été qu’elles purgeaifent un pareil droit.
L a premiere ch o fe qui fe préfente à confulter pour
c e la , c ’eft le préambule de cetre L o i. L e préambule eft
l ’introduction naturelle a l’intclligence de fes difpofitions ; c’t f l là que L égiflatcur a eu foin de rendre'
com pte en peu de mots des objets fur leiquels porte fa
L oi , des morifs qui l’ont déterminé à la fa ir e , des avan
tages qu’il s'eit propofé d ’en faire retirer à fes fujets > Sc
des inconvéniens d ont il a voulu les garantir.
O r , l ’objet de la L o i fur les Lettres de ra tifica tio n ,
quel cit-il, iuivant le préambule ? C ’cft de fix er d'une ma•
mère invariable l'o ’ dre ù la (labi[ite DES H Y P O T H È Q U E S ,
fj de tracer une rouie J'ùre & fa c ile pour les conferver.
Les motifs qui ont d t e r m i n é le L é g i f l a t cu r à faire cette
L o i , les avantages qu’il s’eft propofé d’en faire retirer à
fes f u je t s , quels fo n t-ils , fuivant ce même préambule ?
CV-ft d'un côté que les acquéreurs puiffent traiter avec
fo lid ité , & f e libérer valablement ; & d un autre c ô té , que
Les vendeurs puijfent recevoir le. p rix de leurs biens, Jans
attendre les longueurs d'un décret volontaire. Enfin , quels
inconvéniens a-t-il voulu prévenir ? C e fon t les pertes
C ij
w
�q u ‘ éprouvent fo u v e n t ce u x qu i a y a n t a cquis des biens t
f o n t obligés de les d é g u e r p ir , ou d ’en p a y e r d e u x f o i s le
pi LX p a r l'e ffe t D ES D E M A N D E S E N D É C L A R A T I O N
D ' H Y P O T H È Q U E S , formées par LES CRÉANCI ERS DES
VENDEURS.
de la Loi paroît b ie n , par ce préam bule,
dirigée fur les hypothèques , c ’e f t - à - d i r e ,
fur les droits in re , Amplement a c c e flo ir e s , Sc dépendans
d ’un droit a d re/n , d ’une obligation perfonnelle : il n’y
a rien qui annonce que le Législateur ait eu le moins
du monde en vue les droits dans la chofe , les droits
in re a b fo lu s , &. indépendans de tout droit a d rem J de
route obligation p e r f o n n e l l e , tels qu’e i l , proprement Sc
de fo i, une rente foncière.
L ’i n t e n t i o n
uniquement
G reilier répond que le but d e là L o i , manifefté dans le
préam bule, a été de mettre les acquéreurs «à l’abri de
toute éviction de la part des tiers , après le paiement de
leur p rix , 6c de mettre les vendeurs a l’abri de toute
a & io n en garantie de la part des acquéreurs pour raifon
de ces évictio n s; que par co n féq u cn t les Lettres de rati
fication doivent auiïï bien purger les rentes foncières que
les fimples hypothèques.
L e b ut de la L o i, manifefté dans le préambule, eil fi peu
ce que dit G r e ilie r , q u e , de Ton aveugles Lettres de ratifi
cation n’ont aucune prife fur la propriété ; or tout le m on d e
fait que ce droit efl: le fujet le plus ordinaire des évictions
que les acquéreurs fouffrent de la part des tiers, & des
recours de garantie qu’ils exercent c o n t r e leurs vendeurs.
A in fi , le p r é a mb u l e d e la L o i refte entièrem ent pour nous.
E ntrons maintenant dans le détail des difpofitions.
En prenant les articles par o r d r e , nous lifons d ’abord
dans l’article 6 , que , » tous propriétaires d ’immeu» bles , & c . , qui vo u d ro n t purger les hypothèques d o n t
�w Iefdirs immeubles feront grévés , feront tenus de
»* prendre des Lettres de ratification. «
L'article 7 dit que « les lettres de ratification purge» ron t les hypothèques & privilèges a l'égard de tous les créanv ci ers des vendeurs qui auront négligé de former leurs
» op p ofitions, & c . »
Les hypothèques & les privilèges , & non pas, les droits
fo n cier s......... A l'égard de tous les créanciers des vendeurs ,
c ’efc-à-dirc, ri l’égard de toutes les perfonnes à qui il
fera dû par les perfonnes des vendeurs , 2c non pas , à l’é
gard des perfonnes à qui il fera dû directem ent par les
chofes vendues , ce qui cil le cas de la rente f o n
cière.
T o u t cela , fi l’on v e u t , 11c fait encore qu’ une preuve
negative .par la regie qui dicit de uno } negat de altero ;
mais voilà qui c ft p ofitif:
“ Sans que néanmoins ( ajoute l’article 7 ) lefdites
« Lettres de ratification puiiTcnt donner aux acquéreurs,
« relativement a la propriété , droits RÉE L S , F O NC I E R S ,
« fervitudes & autres , plus de droits que n ’en auront
» les vendeurs ; l'effet defdites Lettres étant R E S T R E I N T
» à purger les privilèges & hypothèques S E U L E M E N T ».
G rcllier ne fc rend pas à l’évidence de cette difpofition. L e L ég iflateu r, felon lu i, n’a point entendu par
cet article difpcnfer ceux qui auroient des droits réels ,
fo n ciers, fervitudes ou autres , de s’oppoièr aux Lettres de
ratification; c ’eût é té , dit-il, contredire lui-même la difpofition de l’article 34 de fon E d it, qui ne porte cette
difpcnfe qu’ en faveur des Seigneurs , pour raifon du
fonds du cens , rentes foncières & autres droits feigneuriaux S>c féodaux. Il a feulement voulu dire que fi les
contrats portoient aliénation de propriété , droits réels ,
fo n cie rs, fervitudes ôc autres, non appartenans aux vendeurs , les acquéreurs ne pourroient fc m ain ten ir, fous
pretexte de Lettres de ra tifica tio n , dans les biens ou
�12
droits niai à. propos vendus. En un m o t , les droits rcelsy
fo n ciers, fervitudes & autres, dont il efl^parlé dans l’ar
ticle 7 , ne d o i v e n t s’entendre, fuivant l’Adverfaire , que
des droits réels accifs, qu’on ne peut acquérir par des
Lettres de ratification , mais non des droits réels pqffifs^
que tout acquéreur peut purger par cette voie.
Rtponfc,
Mais d ’a b o r d , par quelle regie de logique G rcllierparviendroit-il à nous prouver que deux articles fc concrarieroient , parce que l’un porteroit une exception & que
l ’autre en porteroit une autre ? Q u e ne dit-il au (fi que
l ’article 3 4 , qui ne porte exception qu’en faveur des S c io-neurs eil en contradiction avec les articles ) i & 3 3 ,
d o n t l’un porte exception feulement en faveur des fem m es,
pour leurs hypothèques fur les biens de leurs m a ris , pen
dant la vie de ceux-ci , &. en faveur des enfahs , pour
leurs hypothèques fur les biens de leurs p eres, pour raiio n des douaires non ou verts, & l’autre porte excep tio n
feulem ent en faveur des appcllés à la lubftitution des
biens vendus? Il y auroit autant de raifon à piétendre ces difpofitions contradictoires avec celle de l’arriclc 3 4 , que celle de l’article 7 , dans le fens que nous
lui donnons. Mais la vérité cft qu’il n’y a de contradic
tion ni d’une part ni de l’autre , parce qu’on ne peuc co n
cevoir de c o n t r a d i c t i o n qu’entre des chofes contraires
cntr’elles, & qu’il y a fort loin de dire dans différons
articles des chofes différentes, à dire dans Jifférens ar
ticles des chofes contraires entr’elles.
En fécond l i e u , non-feulement le foi.s que nous d o n
n o n s à la difpofition de l’article 7 de l'Edu ne contrarie
pas la difpofition de l’arcirlc 3 4 , mais même la dllpoii¿¡011 de l’arcicle 34 d e m a n d e , fit par équité & par raifon,
le fens que nous donnons à la difpofition de l’articl ■7.
En effet
ce n’eft pas ieulemcnt pour raifon du fpncls
du cens
( fcul droit vraim ent 'fe ig n e u r ia l, & auquel
r é p o n d , par cette rai(on , le m o t feigneuriaux de l’arr
�23
ticle 3 4 ) , que les Seigneurs font difpcnfés de form er
oppoficion au iceau des Lettres de ratification ; cet ar
ticle 34 difpenfe encore les Seigneurs de former oppolltion , pour raifon du fonds des fur-cens , r e n t e s f o n
c i è r e s , 6c autres droits non feigneuriaux, auxquels ré
p o n d , par cette r a ifo n , le m ot fé o d a u x , pour fignifïcr
des droits apparrerians, à la v é r ité ,a u x S e ig n e u rs , mais
cependant non feigneuriaux (1).
O r , il des droits limpies fonciers , appartenans au x
Seigneurs, font mis par cet article dans l’e x c e p t io n ,
pourquoi ceux de même n a tu re, appartenans à d ’autres
particuliers, n’y feroient-ils pas mis par l’article 7 ? C e
n ’eil pas la qualité des p e rio n n e s, mais la nature desdroits qui produit l’exception.
V o y o n s maintenant li l’article 7 , en lui-m êm e, peut
fupporrer un autre fens que celui que nous lui donnons,
C ’cít de droits fonciers a ctifs, dit G re llie r, que cet ar
ticle p a rle, & non pas de droits pafjîfs.
D ’a b o rd , pourquoi le Légiflateur auroit - il fait cette
difliii£tion ? Pourquoi auroit-il refuié l’efFcc de faire ac
quérir avec l’héritage vendu des droits qui n’appartiens
nenepasau ven deu r, a u n e formalité à laquelle il auroit ac
cordé celui de purger cet héritage de droits de m êm e
nature dont il eit grevé ? O n feroit fort embarrafle d’en
dire la m oindre raifon ; d ’autant plus que chacun fait
q u ’en termes de D r o ic , l'ufucapion qui eft une manière
d’ a cq u érir, ne demande ni plus de q u a lité s, ni plus de
temps que la prefeription qui eft une manière de fe li
bérer ; & que m ê m e , en matière de droits réels & fon
ciers,, on peut dire que l’ufucapion & la prefeription fe
”
»
”
”
( i ) “ Il y a une grande différence à fa ire, ( dit M . Pocquet de L iv o n niùre , dans fon T raité dos F ie fs , livre 6 , chapitre p re m ie r, page 5 3 8 , )
e.i re ]e ccm f & la rente , m êm e féodale , c’eft-à-dire , im pofée par f a it e d’in *?°diition ou d’accn U m en t, lo ifqu ’elle eft jo in te à un cens particulier , & n e
tl2Iî>
t P-is lieu duc^ns.
”
feroit ici le lieu de parler des rentes féodales ou foncières, Stc..
�*4
confondent abfolumetit, parce que co m m e un droit de
cette nature eft une forte de propriété retenue fur l’hé
ritage qui en eft grçvé , libérer paiîîvement fon héritage
d ’un pareil droit , c ’eil: acquérir activement un droit qu’on
n ’avoit pas. A u d i , parmi trois manières d ’a c q u é r i r ^ # / *
prefcripùon les droits réels fu r les héritages, que nous
enlc ign e un A u t e u r , rccommandablc fur t tout par la
netteté Sc la préciiîon de fes idées, ( l’Au tcur des Principes
delaJurifprudenceFrançaife, tom. 2 , t i t . d e laPrefcription,.
n. 6 3 9 ) , met-il c e l l e - c i , « lorfque le propriétaire d ’un
« héritage fujet au droit de c h a m p a r t , a joui de fon
» héritage librement pendant 30 ans, fans que j’aye perçu
» pendant tout ce temps le champart qui m ’étoit du,
» Ce détenteur , ( dit-il ) , en acquérant la libération du
» champart, a a c q u i s l a p a r t i e d e l a p r o p r i é t é
» q u i l u i m a n q u o i t H Ainfi f e libérer en pareil c a s ,
c ’eft a c q u é r i r ; d’où il fuit que ce qui , dans cette
matière , n ’a pas la vertu de faire acquérir, ne peut avoir
celle de libérer. Le Législateur n’a d on c conftamment
point eu de raifon de faire la diftmetion imaginée par
Grellier. V o y o n s actuellement s’il l’a faite.
« Sans que néanmoins, ( porte l’art. 7), lcfdites Lettres de
ratification puiiTent donner aux acquéreurs, relativement
>5 cl la propriété, droits réels. yfonciers ^fervitudes & q.utres,
>j plus de droits que n’en auront les vendeurs ».Si le L é g i s
lateur eut entendu faire la diftiniHon de droits fonciers
pajftfs Sc de droits fonciers actifs^ pour foumettre les uns à
la purgation par les Lettres de ratification,
déclarer que
les autres ne pourroient être acquis par c e t t e voie, il y avoit
une mani è re toute fimple de dire cela fans prêter a 1 équi
v o q u e : il n’y avoic q u ’ à dire,
fans que l’acquercur puifle,
jî ious prétexte defdites Lettres de ratification, fe main-r
>3 tenir dans un droit de propriété, ou tout autre droit:
« foncier a e lif qui lui auroit été vendu par celui à qui
» il n’appartenoit pas ; l'effet defdites Lettres étant feuvi lement de purger tous droits fonciers pajjifs , qui pourroicnc
�*5
” roient être prétendus par des tiers fur l’héritage vendu ;
” enfcmble les privilèges & hypothèques dont il pourroit
” être grevé ». A u lieu de s’exprimer ainii, q u ’a fait le
Légifiateur ? V o u la n t proferire égalem ent &: l’acquifition
des droits fonciers a c t if s , &: la purgation des droits fonciers
P 'a ffifs, il a choiii une expreflion générique qui renfermât
l’une &c l’autre égalem ent: « fans que néanmoins leidites
33 Lettres de ratification puiiïent donner aux acquéreurs,
33 r e la tiv e m e n t a la p ro p riété, droits r é e ls , f o n d e rs , fervLtu.de s
33 & autres , plus de droits que n’en auront ies vendeurs 33.
L a rente foncière cft un droit de propriété quelconque fur
l ’héritage qui la d o i t , puifque nous avons vu qu’elle cil en
roture abfolum ent la même chofe que ce que le cens cft: en
f ie f , qu’elle cil créée, fu iv a n tl’expreffion de L o y fe a u , par
manière de retenue & réfervation f u r le fo n d s & p rop riété de
r h é r ita g e , qu’elle cft: enfin un droit réel &c foncier , un ju s
in re indépendant ôc abfolu. O r , le vendeur n’avoit pas
cette cfpècc de propriété de l’héritage qui réfide dans la
rente fo n c iè r e ; il n’avoit pas le droit foncier dans lequel
cette rente confifte : il avoit toute propriété de l’h éritage,
m oins celle qui réfide dans la rente; il avoit tous droits
fonciers fur l’héritage , moins celui dans lequel elle
confifte. D o n c fi ion acquéreur avoit par l’efFet des
Lettres de ratification cette cfpècc de propriété , ce droit
fon cier qui manquoit à fon v e n d e u r , il feroit vrai de
dire que fes Lettres de ratification lui d o n n e ro ie n t,
rela tivem ent à la p r o p r ié té , droits réels ô f o n c ie r s , plus
de droits que n’en avoit fon ven deu r, ce qui cft form el
l e m e n t contraire à la difpofition de l ’Edit.
Et certes, fi cette difpofition en e ll e - m ê m e pouvoir1aider quelque doute fur ce point , ce doute ne feroitil pas levé par les termes qui fuivent : l'effet defdites
Lettres étant R E S T R E I N T à purger les privilèges & Jiypoi
tkèques S E U L E M E N T ?
Q u e l e ft, en to ut, l’efFet des lettres de ratification? C ’efl de
purger les privilèges & hypothèques. C ’efl: à c e la , c’efl à cela
D
�que leur effet cil R E S T R E I N T . Q u e peuton de plus fore, tic plus én erg iq u e? R i e n , abfolumenc
rien autre ch o ie que les privilèges & hypothèques n’eft
purgé par les Lettres de ratification. M a is une propriété ,
telle q u ’elle foir., & telle q u o n voudra luppoler celle qui
réiide dans la rente foncière , mais un droit r é e l, un
droic fo n c ie r , un jus in rc indépendant & abl'olu , tel
q u ’on ne peut difeonvenir qu’clt cette rente , n’clt pas un
iimplc p rivilège, une limpie hypothèque. L ’h y p o th è q u e ,
le privilège , ne font des droits clans la c l i o k ', des droits
in rc , q u ’accefloirem ent & dépendam m ent d ’un droic
a d rem y d ’une obligation pcrfonncllc. La rente foncière
n ’eit donc pas purgée par les Lettres de ratification ,
pulique reflet de c i s L c t t r c s . it II F. s r m .i s T \ purger Us
privilèges 0 hypothèques S E U L E M E N T .
SEULEMENT
Objfttion.
M a is , dit G r e llic r , la rente foncière n’clt autre ch o fc
qu’une créance privilégiée : puis d on c qur les Lettres de
ratification purgent les créances p rivilég iées, elles d oi
vent purger les rentes foncières.
Rtpvnft.
L a définition de la rente f on c i è r e par G rellicr n’a
que deux mots , auiTi ne contient-elle que deux erreu rs,
mai» c lk s font capitales.
i ”. La rente ton-rierc n’eft point proprement une
créance. O n n’appelle de ce nom que ce q u ’une perfonne doit à une autre , & dans l'L d it do: Lettres de
ratification n o t a m m e n t , c ’cll ainfi que ce mot cft en
tendu , puifqu’il ne ^’v agit de purgation q u i I c g a id Je
tout le s crejnutrs ¿es ven Jeun. O r , dan» la rente t o r r i è r e ,
c^ ft
ch o H qui doit à u n e r c : f r “ c. O n n i e l l e du
nom
«
c«; qui c 1« T ^ jp b ie , ou du moins
p■
vable à »»“ cffiPfiîr tî?rfT»e. O r , d :• la rcüte fon cière,
j ^ fonne ne p r u t jamais ft? -rr 'a
dette , qui
crt le fon d*. J e !i rente ; pcrlonnc ne p t’j t non plus |âm aii le p*»ycr i qui .1 cA d ù , fan* que ccîü»ci le veuille.
�17
i° . L a rente foncière n’eil point non plus Un priviUge»
T o u t Peifec du privilège cil que le créancier foie payé
par préférence iur le prix de l’héritage. L ’cifct de la
foncialité de la rente cil que l’héritage ne puilfe palTcr
dans les mains de l’acquéreur fans la charge de la rente.
L e privilège n’efl qu’une hypothèque qui prime les autres;
l’hypothèque ti’cil oue le droit de faire vendre l’héritage
pour être payé fur le p rix , d ont le lu rp lu s, li furplus y
a , doit être rendu au débiteur. Le droit de rente fo n
cière cil bien plas que cela ; c ’ell le droit de le faire
lervir de la rente par le détenteur de l'h éritage, ou de le
forcer k le d é g u e r p ir , fans aucun égard s'il vauc plus
ou moins que le fonds de la rente.
O n voit d o n c q u ’il y a une différence énorm e entre
le droit de rente foncière 6c une (impie créance privilé
giée , & que par conféquenc G rc llic r fc fait l’illufion la
plus grofîière, q u a n d , de ce que les Lettre* de ratification
purgent les créances privilégiées , il veut en conclure
qu'elles doivent aufli purger les rentes foncières.
O n a vu quel argum ent réfulte dans les termes de
l’art. 7 , contre la purgation de la rente foncière par les
Lettres de ra tifica tio n , de cc que la rente foncière c o n
tient u nr r;!erve de p r o p r r i i que conque (ur 1‘héritaçc
baille a i c titre , de ce qu’enfin , lu ivam l’cxpiotlion de
L o y lc ju , i !L* cil t t w c pur formé Je reu*ue O niervttuon
Jur
/ fvii Ù p'opriJu Je i'kiritufft. Vou.» la rcponlc
que GrcHicr fan À ü ’t argum ent.
U n e rente c o n llu u r t f, die i l , pour le prix d ’un fo n d s ,
une prop reté -uin b e n qu'une rente Îoc>c>èr«\ O r ,
c o n it s m t n e n :, cette renie conilttu ee l e t r u purgée par
1e Urcui Je» lettre* d? r4t>Heot;on ; pourt|ttoi d o n c La
rente foncière oc U t< t o u i l l e pa% amîi ?
U n r rente
elk une p ro p rict' , Un« doute ,
l) ■
�28
dans la main de celui à qui elle eft duc ; mais par rap
port à Phérirage pour le prix duquel elle a été co n ftitu ce,
cc n’eft point une forte de propriété de cet héritage;
ce n’eft q u ’ une créance portant hypothèque : au lieu
q u’ une rente fo n ciè re , créée lors de l’aliénation de Phcritao-e , p a r fo r m e de retenue & réfervation f u r le fo n d s ô
p ropriété c t i c e l u i , cit une forte de propriété de cet héri
tage m êm e qu’elle repréfente. D e cette différence de
nature dérive la différence des effets que doivent pro
duire les Lettres de ratification relativement à l’une
relativement à l’autre. Les Lettres de ratification doivent
purger l’u n e , parce que le Légiflatcur a voulu que leur
effet fût de purger les p riv ilèg es ô hypothèques. Elles ne
d o i v e n t pas purger l ’autre , parce que le Légiflatcur a
vou lu que leur effet fût R E S T R E I N T à purger les privi
lèges & hypothèques S E U L E M E N T , & qu’ une rente fon
cière eft plus qu’une hypothèque ou qu'un privilège ; que
c ’eft une forte de propriété représentative de l ’h éritage,
un droit réel & foncier enfin dans l’héritage.
R
estreint
a p u rg er les p r iv ilè g e s & hyp othèqu es
seu
! O h , c ’cit bien d ’après une difpofition Sem
blable que le Légiflatcur ne pourroit , fans contradic
tion , ordonner par une autre , que les Lettres de ratifica
tion purgeaffent les droits réels
fonciers! C ette difpofition n’eft pas conçue en termes dém onftratifs, com m e
celle de Particle 34 , mais en termes abfolumcnt limi
tatifs & impéricuScment prohibitifs de toute e xten fio n ,
restreint
S E U L E M E N T . Aufli va-t-on bien voir que
toutes les autres difpofitions de la L oi que nous allons
parcourir , ont été di£técs par le m ême cfprit.
A u x termes de l’ arc. 1 z, f a u t e par Pacquéreur d’avoir fait
Sceller Ses Lettres de ratification, dans chacun desBailliao-es
o ù feront fitués les biens vendu s, qu’arrivcra-t-il, à quels
incon ven ien s, a quelles charges l’acquéreur fe trouverat-il fujet ? « Il fera fujet aux hypothèques des créanciers
» des v e n d e u rs , pour raifon des immeubles qui fe trou-
lem ent
�29
” veront iicués dan.î l'étendue des Bailliages où les Lettres
” de ratification n’auront pas été icellées ». T o u t cc que
l ’acquéreur atiroit donc gagné en foi Tant iccller fes L cttres dans tous les Bailliages , ç'auroit été de n ’être pas
fujet aux hypothèques des créanciers des vendeurs. T o u t
ce que les Lettres de ratification pu rgent, ce le n t d on c
les hypothéqués des créanciers des vendeurs. Elles ne pur
gen t donc pas les droits réels, fo n c ie r s , en un m o t , ' / «
rentes foncières.
L ’art. 1 5. eft ainfi conçu : ci Les créanciers & tous ceux
« qui prétendront droit de privilège & hypothèque, fur
« les immeubles tant réels que fictifs de leurs débiteurs
Les rentes foncières ne font point dettes des perfonnes,
mais des fonds ; elles n’emportent point une fimple hy
pothèque , un {impie p riv ilè g e , mais un droit fon cier:
ainfi , il n’y a rien dans cc com m en cem en t d ’a r tic lc ,
dans l’énum ération q u ’il contient de ceux qui « feront
« tenus de form er oppofition entre les mains des C o n fe r« vateurs créés par l'art. 2 n , il n’y a rien , d ifo ns-nou s,
qui convienne aux créanciers, o u , pour parler plus per
tin e m m en t, aux propriétaires de rentes foncières : la fuite
de l’art, ne leur convient pas mieux. « A l'effet, ( y lit« 011 ) , par les cré a n ciers, de conferver" leurs hypothèques
» ô privilèges, lors des mutations de propriété des im« m e u b le s , &cc. n. Faut-il répéter ici que les rentes fo n
cières ne font pas de Jîmples hypothèques, de fimpies pri
vilèges fur les fo n d s ; que par conféqu cnt l'effet de l’oppofition aux Lettres de ratification n’eft pas de les co n
f e r v e r , ce qui fuppofe que celui des Lettres de ratifica
tion n’eft pas de les purger ?
M a is ces conféq u ences, toutes fortes q u ’ e ll es f o n t , le
cè d e n t peut-être encore à celle qui réfulte de l ’art. 19.
L e L é g i f l a t c u r s’eft propofé dans cet article de régler
le fort des différons oppofans au fccau des Lettres de
ratification. Certainem ent fi les c r é a n c ie r s , ou p lu tô t,
les propriétaires de rentes fon cières, cuiTent été du nombre
�50
de ceux à qui il entendoit itnpofer la néceiHté de former
oppofition , il fc feroic occupé d ’eux , il auroit réglé leur
f o r r , il auroit d i t , à l’exemple d’Henri II dans les articles
6 &c i i de fon £dir fur les criées en décret forcé t ce
qui feroic réfulté de leur oppofition ; avec d ’aurant plus de
raifon que leur créance étant due par la ch ofe m ême , iis
étoient bien préférables fur la ch ofe aux créanciers de la
perfonne. Mais non , l’article 19 porte feulem ent ,
« qu’entre les créanciers o p p o fa n s , les privilégiés feront
m les premiers payés fur le prix defdites a cq u ittio n s :
« après les privilégiés acquittés , les hypothécaires feront
» colloqués fuivant l’ordre & le rang de leurs hvpo>1 thèques : &c s’il refte des deniers après l’entier paiement
>5 defdits créanciers privilégiés & hypothécaires , la
diftribution s’en fera par contribution entre les créan»3 ciers chirographaires oppofans , par préférence aux
»; créanciers privilégiés ou hypothécaires qui auroienc
»> négligé de former leur oppofition ».
E t les créanciers de rentes foncières , quel fera donc
leur fort en cas ou à défaut d ’oppofition de leur part ?
L ’article n’en dit rien : le Légiflateur ne s’y cft pas plus
occupé d ’eux , que des propriétaires mêmes. C ’eft
qu’il n’a pas plus voulu aitreindre les uns à former
oppofition , qu’il n’a voulu y aitreindre les autres. C ’effc
q u ’il n’a pas plus voulu que les Lettres de ratification
puro-eâfTent les rentes fo n c iè r e s , qu’il n’a voulu qu’elles
purgeâflcnt la propriété. G ’eft qu’en un m ot , co m m e
il l’a déclaré lui-même dans l’article 7 , il n'a pas plus
voulu que les Lettres de ratification pu fient d o n n e r aux
acquéreurs relativement aux charges fo n d e r a , plus de
droits que n’en a v o i c n c les v e n d e u r s , qu il ne l’a vou lu
relativem ent a la propriété.
Sur l’article zo nous nous contenterons de faire
r e ma rq u e r ces exprcflîons,
les oppofitions qui pourront
« être formées fur les propriétaires des immeubles réels
>3 & fictifs, pour fureté des créances hypothéquées fu r lefdits
�31
immeubles ». C o m b ie n de fois le Légiflateur répète
l ’objet & re fle t des oppoficions , com m e s’il craignoic
q u ’ils ne fufient pas bien entendus !
Sur l’arcicle ?.3 nous obferverons que « le créancier
” oppofant au fceau de Lettres de ratification , eft tenu
m de déclarer par ion oppofition , le nom de famille ,
» les titres, q u a lité s , & demeure de fo n débiteur». C e
créancier n’eft fûrement point celui d ’une rente fo n ciè re ;
car le créancier d ’une pareille rente n’a proprement
pour débiteur que le fonds m êm e fur lequel elle eil
alîife : auiîi dans les oppoficions à fin de c h a r g e , q u i ,
en iaiiie réelle, font formées pour rentes fo n c iè r e s , le
créancier n’eft-il tenu de déligner autre chofe que
l ’héritage m êm e qui lui doit.
Enfin nous obferverons fur l’article 17 , que fuivanc
c e t a rtic le , ci dans le cas où avant le fceau des Lettres
» de ratification , il auroit été fait quelques oppoiitions
» d o n t les confervatcurs n'enflent pas fait m ention ,
» ( fur le repli des Lettres ) , lefdits confervatcurs
» demeureront refponfables en leur propre Si privé nom ,
» des fommes auxquelles pourront m onter les créances
» defdits oppofans qui vitnar oient en ordre utile ».
Si le Légiflateur eût entendu aftreindre les propriétaires
de rentes foncières à former oppofition pour la confervation de leurs rentes , & fi les Lettres de ratification
avoient Pcfl’e t de purger ces rentes faute que les rentiers
cuiTcnc form é oppofition , ou que leur oppofition eut
été mentionnée par le confervateur fur le repli des
L e t t r e s , les rentiers n ’a u ro ie n t-ils , dans ce dernier c a s ,
aucun recours contre le confervateur pour la perte de
leurs rentes , tandis que les fimplcs créanciers pcrfonnels
du vendeur en ont un fi com plet pour la perte de leurs
hypothèques ? C ela ne fe préfumera pas. C ependant le
Légiflateur n’a point parlé de recours de la part des
rentiers , tandis qu’il a eu fi grand foin de pourvoir à
celui des fimples créanciers pcrfonnels. Q u e lle peut être
�3*
!a raifon de cette d iffe re n ce , fi ce n’cft que les rentiersi
n’avoient pas befoin qu’on s’occupât de leur indemnité
en pareil cas , parce que leurs rentes ne fou d roien t
aucune atteinte par les Lettres de ratification ?
V o ilà t-il aflfez d ’articles , aifez de difpoiitions dans
l ’E d i t , toutes aboutiflantes, com m e à l’e n v i, au point que
nous voulons prouver ? Trouveroit-on un autre p o in t,
quel qu’il f o i t , fur l ’eiFet des Lettres de ratification ,
qui fut iufceptible de preuves fi m ultipliées, tirées de
l’efprit &Z d elà lettre de la Loi ? O n en doute. Q u e devient,
d ’après c e la , la diftin£tion de Grcllier entre les droits
fonciers actifs, que les Lettres de ratification ne fon t pas
acquérir , 6c les droits fonciers p a jffs , q u e , felon lu i ,
elles p u rg en t? Quand une difpofition de L oi eft claire
précifc , com m e l’eft celle de l’article 7 de l’E d ir , pour
exclure de la purgation par les Lettres de ratification
tous droits fonciers indiftinctcm ent, on eft difpenfé d ’en
chercher l’explication & la confirmation dans les autres
difpoiitions ; mais quand cette difpofition claire 6c précife
par elle-m êm e , fe trouve encore expliquée , appuyée ,
confirm ée par prefque tous les autres articles , prcfquc
toutes les autres difpoiitions , prefque tous les mots enfin
de la L o i, de forte que fi on 11e prenoit pas cette difpofition
dans toute l’étendue du fens qu’elle préiente, prefque toutes
les autres fe trouveroient injuftes ou im parfaites, il y a
de la folie à prétendre rcltreindrc fon fens par des d iftin& ions qu’elle n ’a pas faites ; & c ’ell: le cas plus que
jamais d’appliquer cet adage fi connu : V b i lex non dijllngiàt,
nec nos diflitiguere de bemus.
D a n s l’impoiïïbilité de répondre à tant d argumens
précis , Grcllier fe r e t r anch e dans des raifonnemens
minéraux. T o u t l'objet de la Loi fur les Lettres de rati
fica tio n , d i t - i l, a été d’abroger les décrets volontaires
do n t les formalités croient longues 6c difpendieufcs ,
pour y fubilitucr les Lettres de ratification d ont l’o b
tention
�33
tention eft moins coûteu fe & moins longue. O r , les
décrets volontaires purgeoient fans contredit les rentes
foncières. D o n c ces rentes d oivent aufli être purgées par
les L ettres de ratification.
L ’abrogation des décrets volontaires , ou p l u t ô t , la
fuppreifion de cet ufage , de cette formalité fimulée
cjui n’exiftoit par aucune L o i , eft bien encrée dans le
plan du L é g iila te u r , com m e une fuite de l'établiiTlment
de la nouvelle formalité des Lettres de ratification ; mais
cette abrogation , cette fuppreiîion n’ont point été fon
objet ,
encore moins fon unique objet. Son o b j e t ,
( perfonne n’en eft fans doute mieux inftruit que luim ê m e ) , a é t é , com m e il s’en eft expliqué dans fon.
préambule , de fix e r d'une manière invariable l'ordre & la
fia bilité des hypothèques, & de tracer une route sûre & facile,
pour les conjerver. A in f i, tout ce q u i , dans l’ufaee des
décrets vo lo n ta ires, avoit le m êm e b u t , le L égiilateur
a dû le confervcr dans fa Loi ; mais par la m êm e raifon ,
to u t ce q u i , dans l’ ufage des décrets v o lo n ta ire s , ne
te n d oit pas à ce b u t , il a dû le rejetter ; il a dû ne pas
m odeler fur cela les effets de fa L o i. O r , la purgation
des droits réels & fo n c ie r s , des rentes fo n ciè re s, en un
m o t , qui avoit lieu par le décret volontaire , n’a aucun
rapport a la fixation invariable de l'ordre & de la fia b ilité
des hypothèques y ni aux moyens de les conferver ; car les
droits réels &c fonciers ne fo n t pas moins differens des
h y p o th è q u e s, que les ch ofes le fon t des perfonnes. D o n c
d é j à , en réfléchiflant fur le but que le L égiilateur s’eft
propofé dans l’établiiTement de fa L o i , il eft évid ent
q u ’il n’a pas dû en régler les effets fur ceux des décrets
v o lo n ta ire s , relativement à la purgation des droits réels
& fonciers : & de fait , il ne les y a pas réglés co m m e
nous l’avons démontré par une foule de difpofitions de
cette Loi.
M ais pour en donner ici une dernière p r e u v e , nous
E
Rêponfe,
�34
reviendrons encore une fois fur l’article 3 4 ; & c e t
article p ré c ifé m e n t, que G rellier a cru pouvoir invoquer
en fa fa v e u r, fervira ainfi d oublem ent contre lui.
Il eft certain que les décrets volontaires purgeoient,
n o n - f e u l e m e n t les rentes foncières ordinaires , mais
e n co re les féodales , c ’eft-à-dire , celles qui fans être
feigneuriales , appartiennent néanmoins au Seigneur du
fonds. A in f i,le fu r-ccn s,les droits de champart 8c d’agrière
n on feigneuriaux , étoient p u r g é s , fans c o n tr e d it, par
les décrets volontaires.
C ependant il eft auiïï certain , d’un autre cô té , que
les Lettres de ratification ne purgent pas les rentes féodales
non feigneuriales , ( l’article 34 de l’ Edit y eft formel ).
Il eft d o n c vrai de dire que les effets des Lettres de
ratification ne font pas calqués en to u t fur ceux des décrets
volontaires ; qu’au c o n tr a ir e , ils en diffèrent efTentiellc m e n t , notam m ent au fujet des droits réels 8c fonciers.
I/a rticle 7 de l’E dit a précifément pour o b je t d’établir
cette différence. Les décrets v o lo n ta ires, à l’înftar des
décrets forcés qu’ils im itoien t, purgeoient tous droits réels
fo n ciers, fervitudes & autres de cette nature ; ils pouvoient
ainfi donner à l’ acquéreur, relativement à tous ces o b je ts ,
plus de droits que n’en avoit le vendeur. Les Lettres de
ratification n’ont point un tel effet ; elles ne peuvent'
d o n n er à l’a cq u é re u r, relativement à tous ces o b je ts ,
plus de droits que n’en avoit le vendeur ; & leur effet eft
r e s t r e i n t
à purger les privilèges &c hypothèques s e u
l e m e n t
.
E t s’il ne fuffit pas d’avoir dém ontré dans le fait:
cette différence entre l’effet des décrets volontaires 8c
celui des Lettres de ratification , s’il faut aller jufqu’à
fonder les raifons que le Légiflatcur a eues pour l’éta
b l i r , on en trouve de très-dignes de fa fageile.
Il convient que les décrets forcés purgent & les droits
fo n c ie r s , & la propriété m ê m e ; parce qu’il eft de la
dignité ôc de l’autorité de la Juftice, qu’une vente faite
�35
par ¿H e, ne foie fufceptible d’aucune a tt e in te , ni dans
fa fubftance , ni dans fes conditions : ceux d on t on a
m al-à-propos compris les biens dans une faifie férieufe ,
ou qui ont des d r o i t s , de telle nature qu'ils io ie n t, fur
les biens d écrétés, fon t avertis, par la publicité que les
formalités des criées donnen t au d écret, de fe prefenter
pour les re cla m er: s’ils le n é g lig e n t, ils doivent fe j ’invputer a e u x - m ê m e s ; & la vente faite par la Juftice ne
d o it pas fouffrir de leur négligence.
A l’inftar des décrets fo r c é s , un ufage abufif avoit
introduit les décrets volontaires , form alité fim u lé c ,
au m oyen de laquelle on avoit voulu donner aux
conventions des Parties la m êm e force qu’aux décrets
de la J u ftice , d o n t on empruntoit le mafquc. Mais f i ,
jufqu’à ce qu’ une L o i fage vîn t faire ceifer cet abus in
décent de ce qu’il y a de plus re fp e£ tab lc, on pouvoit
tolérer que de fimples feintes allaffent jufqu’à mettre un
acquéreur à l’abri des recherches des créanciers perfonnels & hypothécaires de fon vendeur , créanciers qui ,
d'un c ô t é , n’avoient q u ’ un droit acceiToire fur la ch o ie
v e n d u e , puifqu’en effet l’hypothèque n’eft qu’un acceffoire de l’obligation pcrfonnelle ; 6c q u i , d ’un autre côté ,
n ’éprouvoient pas néceffairement par-là une perte réelle
de leur créance , mais feulement d ’une de leurs sû retés,
puifqu’ils confervoient toujours l’obligation pcrfonnelle
fur leur d éb iteu r, &c leur hypothèque fur fes autres biens;
il j, difo ns-nou s, on pouvoit tolérer qu’une vente v o lo n
taire d’h om m e à h o m m e , ôc pour laquelle rien ne follicito it une fe rm eté , une irréfragabilité fur tous les points ,
fem blablo à celle que la dignité & l’autorité de la Juf
tice dem andent pour une vente qui émane d ’e l l e , fi on
pouvoit tolérer qu’une pareille v e n t e , au m oyen de quel
ques formalités fimulées, eût l’effet de mettre l’acquéreur à
l’abri des recherches de pareils créanciers , quel abus
criant n’y avoit-il pas à fouffrir qu’elle eût celui de pur
ger jufqu’à la p rop riété, co m m e cela fe pratiquoit dans
E ij
�36
Jes premiers temps ; jufqu’aux droits réels 8c fo n c ie rs ,
co m m e cela s’cil toujours pratiqué; c’eil-à-dire , de don
ner à un h om m e le droit de vendre avec effet ce qui
n e lui appartient p a s , ou plus qu’il ne lui appartient ; &C
>ar-là, ( d a n s le cas de rentes f o n c i è r e s ) , de fruftrer
ans refïburce les Propriétaires de ces rentes ? Nous difons
fa n s reffource , parce q u e , co m m e la rente foncière eil
Ja dette propre de l’h é rita g e , & n’eil duc par la perfo n n e qu’autant qu’elle pofsède le fonds fur lequel elle
eft a iîîfe , le fonds en étant une fois lib é r é , la rente eil
anéantie, & n’eil plus exigible fur aucune perfonne.
O r , c ’eft cet abus que le Légiflateur a voulu corriger
dans fa L o i fur les Lettres de ratification. Il a d onné à
ces Lettres tout l'effet qui étoit néceffaire au but qu’il
fe p ro p o fo it, de fix e r d'une manière invariable F ordre ù
la fia b ilité des privilèges & hypothèques, & de tracer une
route fû re ô fa c ile pour les conferver. Il a voulu que qui
c o n q u e auroit de pareils d r o it s , & voudroit les confer
v e r , en cas de vente volontaire des objets qui y feroient
a ffe £ lé s , prît pour cela la route fûre & facile qu’il trace
par fa Loi. M ais il n’a pas été plus loin. T o u t ce qui
excèd e les privilèges & hypothèques, eil hors de fon objet.
L ’article 7 de fa L o i le dit exprcfTément ; toutes les au
tres difpofitions de cette L o i le fuppofent : & à cet égard ,
c o m m e on v o i t , l’intention du Légiflateur cil aufli fage
dans fes m o t ifs , que certaine dans le fait.
Î
G rellier cherche à fon tour à rendre com pte des m o
tifs de la L o i pour être telle qu’il la fuppofe. La ra ifo n ,
d it - il, de la néceiîité de l’oppofition , en cas de rente
fo n c iè r e , c’cft qu’une r e nt e f o n c i è r e eft auifi prefcriptible
que toute autre c ré a n c e , & que les Lettres de ratifica
tion ne fo n t qu’une voie abrégée de prescription , co m m e
l ’etoient les décrets volontaires quand ils avoient lieu.
5 1 y par 1 article 3 4 , les Seigneurs fon t difpenfés de for
m er oppofition pour le fonds des c e n s , rentes foncières
�37
& autres droits feigneuriaux èc féodaux fur les héritages
étant dans leur ceniive & m ouvance , c’eft parce que ces
droits font imprefcriptibles de leur nature.
D o u b le erreur de fait & de droit.
Erreur de fait. T o u s les droits compris dansTart.-34.
ne jouiflent point du privilège de l ’imprefcriptibilité. Il
n ’y a que le c e n s , proprement d i t , qui foit impreferiptible : la rente fo n ciè re , quoiqu’appartenante au S e ig n e u r,
eil fujette à la prefeription.
Erreur de droit. L ’imprefcriptibilité du cens fuffiroit bien,
fans d o u t e , pour l’exempter de la purgation par les Lettres
d e ratification ; mais ce n’eft pourtant point dire£tement k
raifon de cette impreferiptibilité feule q u ’il en eft exem pt ;
a u tre m e n t, il faudroic dire que tout ce qui eft prescrip
tible devroit être purgé : o r , o n a un exemple du c o n
traire dans la propriété ; ce d roit, quoiqu’auifi preferiptible que tout autre , n’eft pas purgé par les Lettres de ra
tification : il faudroic dire auili que dans les pays où le
cens eft prefcrip tible, co m m e il y en a quelques-uns, il
d evro it être purgé ; ce qui n’eft p a s; car la difpofition de
l ’article 34 de PEdit eft générale pour tout le R oyaum e.
L a preferiptibilité des rentes foncières ne co n clu t d o n c
rien pour leur purgation par les Lettres de ratification.
Après tant de dém onftrations accumulées de la v é r ité ,
iue les Lettres de ratification ne purgent pas les rentes
o n c iè rc s , prendrons-nous la peine d’oppofer ici G rcllier
à lui-même? Lui rappellerons-nous fa conduite avec les
Prêtres de la C om m u n auté de Saint N ico la s de C o n f o l e n s , au fujet d’une rente toute fem blable à celle récla
m ée par les C hanoines de Lefterp ? Lui dirons-nous que
par A rrêt ( 1 ) de cette m êm e C o u r devant laquelle il
?
„ C 1 ) C e t A rr ê t du 21 M a i 1 7 7 9 , fait partie de la p ro d u â io n principale de
G rellier.
�38
plaide aujourd’h u i , il lui a été donne a£te de Ton offre ,
en qualité de détenteur du village de C hez-le-B run, de
paffer déclaration aux Prêtres de la Communauté de Saint
N icolas y de la rente de vingt - quatre boijjeaux de fe ig le ,
( d on t il s’agifloit ) , & d'en payer les arrérages échus de
fo n temps ; 8c qu’en co n féq u en ce, cet A rrêt l ’a c o n d a m n é ,
de fo n confentement, à faire l’un &. l'autre? C e tte remar
que n ’ajoureroit rien fans doute à la force de nos preu
ves ; mais au moins on y verroit quelle opinion Singu
lière il faut que G rellier ait des M agiftrats Souverains ,
pour venir leur propofer aujourd’hui de juger que le fccau
des Lettres de ratification purge les rentes fo n c iè re s , après
leur av oi r fait j u g e r , il y a quatre ans ,f u r fo n confente
m ent, qu’il ne les purge pas.
■Objeition,
Rcponft.
M ais fi l u i , G r e l l i e r , a fait juger à ces M agiftrats que
le fceau des Lettres de ratification ne purge pas les rentes
fo n c iè re s , un au tre, à l’en c r o ir e , leur a fait juger qu’il
les purge. Il nous cite en effet un A rrêt rendu à l’A u d ience de relevée de la G ra n d ’C h a m b r e , le 6 A vril
1 7 8 1 , A r r ê t , q u i , félon l u i , a jugé la queftion in terminis pour la p u rg a tio n , en faveur d'une dam e A u g ier
co n tre un fieur Arnauld. Il ajoute qu’il a été fait note
de cet A rrê t à la Bibliothèque des A vocats ; &: fon P r o
cureur en a produit une copie au p r o c è s , ainfi qu’un
exemplaire du M ém oire imprimé qui fut fait pour le fieur
A r n a u l d , créancier de la rente foncière.
i ° . Plus nous fom m es pénétrés de refpcct p our les dé
cidons de la C o u r , plus nous avons de peine à croire que
la queftion ait été jugée t o u t e nue par PA rrêt qu’on nous
c i t e , & que des circonftances particulières que nous igno
rons n’aient pas influé fur la décifion. N o u s ne v o y o n s
que la d éfenfc du fieur Arnauld qui a fu c c o m b é ; c ’eft
dans celle de la dame A ugier qui a réuifi, que pour
voient fc trouver ces circonstances.
�39
i°.. U n A rrêt fo lit a ir e , quand m êm e on fuppoferoit
qu'il auroit jugé la queftion in terminis , ne fuffiroit pas
pour former une jurisprudence : il f a u t , pour cela rfer ie s
rcrum perpetuo fini aliterjudicatarum - &C la C o u r , pour avoir
igé une feule fois une q u e ftio n , ne s’interdit pas de
examiner de nouveau.
3°. O n a f a i t , à la vérité , co m m e le remarque G r e llie r ,
n ote de cet A rrê t à la B ibliothèque des A vocats ; ou
p lu tô t, ( car il ne faut pas q u ’on attache à cela plus d ’im
portance que la ch ofe n’en mérite ) , un des A vocats fréquentans cette Bibliothèque , a mis dans un des car
tons qu’on y c o n fe r v e , une note fur feuille v o la n t e , de
l’A rrê t en queftion. M a is c ’eft précifém ent parce qu’il a
caufé beaucoup de fu rp rife, qu’on en a fait note : s’il eût
jugé la queftion , com m e tout le m o n d e penfoit qu’elle
auroit dû l’être , on ne l’eût point remarqué.
4^. C ’eft avec l’air de la m êm e fu rp rife, qu’il eft rap
porté dans un O u vrage qui vient de p a ro ître , fous le
titre d’ Obfervauons & jugem ens fu r les Coutumes d'A m ien s
fj f u r plufisurs matières de D ro it civ il & coutumier. L e
trente -huitièm e chapitre de cet O u vra g e eft un petit
rraité fur l’Edit des Lettres de ratification. A u n°. 15
de ce ch apitre, l’A u tcu r fe fait la queftion , iî le créan
cier d’une rente foncière eft obligé de form er oppoficion..
» Plufiturs perfonn.es inflruites des principes, d it - i l, ont:cru
m que l'oppofition n éioit pas nécefjaire. Je m ’en vais dire ce
» qui a été jugé m. Il rapporte enfuite l’efpèce de l’A rrêt
de 1781 , avec les m oyens des Parties. N ous y v o y o n s ,,
ainiï que dans le M ém oire imprimé du fieur A r n a u ld , que
l’affaire ne fut p o i n t , à beaucoup p r è s , traitée co m m e
elle devoir l’être. O n mit en queftion , fi le bail à' rente
co n rcn oit ou non aliénation ; & ce fut principalement
fous prétexte qu’il ne co n tcn o it pas d’aliénation , mais
que la propriété form elle de l’héritage baillé à rente réfidoic toujours fur la tête du bailleur, que le fieur Ar~
nauld ioutint que fa rente n’avoit pas été purgée par les*
�40
Lettres de ratification de la dam e A u g ie r ; co m m e s’ il
n ’y avoir que la propriété form elle qui fût exempte de
la purgation ; co m m e fi-, dans les termes de l’Edit ,
l ’exemption ne portoit pas aulli expreflem ent fur les
droits réels 2c fonciers ! T o u t ce qu’on peut d on c dire que
l ’Arrêc a jugé , en confidérant a défenfe du fieur À r n au ld , c ’e(t que le bail à rente contient réellement alié
nation ; 8c cela eft vrai : c ’eft que le propriétaire d ’une
rente foncière fur un h é rita g e, n’eft pas propriétaire de
l'héritage ; 8c cela eft encore vrai. Si , fans porter les
chofes jufques-Ià, le fieur A rnauld fe fût borné à foutenir que fa rente é ta n t, non pas une propriété fo rm elle ,
mais une forte de propriété repréfentative de l'h éritage ,
un droit réel ôc foncier enfin fur l’héritage , elle n’avoit
pu être purgée par les Letrres de ratification de la dame
A u g i e r , on ne peut fe perfuader qu’il eût perdu fa caufe
co m m e il a f a i t , puifqu’il eft certain que l’exemption eft
précife dans P E d it , pour les droits réels 8c fonciers ,
auiïï-bien que pour la propriété.
T e l le eft la défenfe des Chanoines de L e fte r p , en con
sidérant la queftion dans la thèfe générale. M ais s’ils y
o n t tant infifté fous ce point de vue , c ’e ft, en quelque
forte , plus pour l’honneur des principes que pour le befoin de leur c a u f e ; car le point de droit en lu i-m ê m e
leur eft à-peu-près indifférent, vu les circonftances parti
culières qui accom pagn ent l’efpèce. C ’eft ce q u ’on va
voir dans la propofition fuivante.
S E C O N D E
�4i
S E C O N D E
P R O P O S I T I O N .
Q uand même dans la thèfe générale les Lettres de rad~
fc a tio n auroient l'effet de purger les rentes fo n cières,
celles obtenues par Grellier ne i*auroient pas dans t e f
pèce particulière..
D e u x circonftances décifives co ncou rent pour I’établiffem ent de cctre propofition :
i°. La connoiiïance perfonnelle que Grellier avoit
de la rente donc il s’agit avant fo n acquifition ;
2°. L a fraude & la collufion pratiquées entre fon père
Sc lui pour dérober au p u b lic , & n otam m ent aux C h a
noines de Lefterp , la co n n oiiïan ce de la tranilation de
propriété du père au fils , &c l’obtention des Lettres de
racificacion.
Chacu ne de ces circonftances mérite d ’être déve
loppée.
P
r e m i è r e
C
i r c o n s t a n c e
.
Connoiffance perfonnelle que G rellier avoit de la rente
dont i l s'agit.
Il eft, en matière de d é c r e t , un principe confacré par
une Jurifprudcnce conftante , c ’eft que le décret ne purge
point les Servitudes patentes ou vi/ibles. Et pourquoi ? Parce
que celui qui veut le rendre adjudicaraire d ’un héricage
quelconque , étant préfumé 1 avoir examiné d’avance ,
puifqu’il doit lui ctre adjugé tel qu’il f e pourfuit & com
porte ; & la Servitude patente n ’ayant pu lui échapper
•F
�4l
dans cet e x a m e n , il a dû la regarder com m e une charge
naturelle de Ton adjudication.
U n e ' rente foncière due fur un h é rita g e , cft bien une
efpèce de fervitude : to u te fo is , com m e elle n’eft pas de
nature à être apperçüe à l’in fp e& ion de l’héritage , il
p y a qu’ u n cas où le principe puifle y être appliqué }.
c e f t celui où le créancier de la rente pourroit prouver
q u e l’adjudicataire fur décret a eu une connoiiTancé perfon n ellc de la rente avant l’adjudication. M a i s , dans ce
c a s , la connoiiTancé perfonnelle d e là rente qu’avoir l’ad
jud icataire, d o i t , & même à plus forte raifon que dans le
cas de fervitude patente , faire mettre cette rente au
nom bre des charges de fon adjudication. N o u s difons „
à plus forte r a ifo n , parce qu’en e ffe t, tandis que dans
l e cas de fervitude p aren te, on fe décide d ’après une
iim p lep réiom p tion de d ro it, très-forte, à la vérité, mais
toujours p ré fo m p tio n , ladécifion dans le cas de connoiffance prouvée de l a r e n t e , eft fondée i ur la certitude
même.
C e la étant vrai en matière de d é c r e t , m êm e fo r c é ,,
qui eft le plus folem nel de tous les concrats de vente y
T e f t , ou plutôt le f e r o i t , à plus forte raifon , en m a
tière de Lettres de ratification , qui n’étant que le co m
plément d’une convention particulière t participent beau
coup de fon cara£tère privé.
O r , il eft certain que G rellier a eu avant l’obtention
de fes Lettres de ratifica tion , & m êm e avant fon acquifition , une connoiiTancé perfonnelle de la rente dont il
s’agit. C ela réfulte de ce que c ’eft lui qui a écrit de f a i
main le corps entier & l ’ adrejje de la L e t t r e du premier
O cto b re 1 7 6 9 , adreflee par fon père au Procureur-Syn
dic de l’A b baye de L c it* r p , par laquelle la rente d o n t
il s’agit eft form ellem ent reconnue , & le paiement des
arrérages offert par compenfation.
C e fa it, fur lequel les défenfeurS de Grellier ont ju fq u 'ic i évité de s’expliquer , fous prétexte q u ’ils n ’o n t
�45
point à cet égard d ’inftru£tions de la part de leur C l i e n t ,
com m e iî depuis plus de trois ans que le procès dure ,
ils n’avoient pas bien eu le temps de s’en procurer , eft
fubiidiairenient articulé par des concluiions préciies de
la part des Chanoines de Lefterp. Les défenfeurs de
G r e llie r , qui fans doute n ’attendent pas d’inftructions
qui les autorifent à le n ie r , o n t pris le parti de raifonner d eflus, en le fuppofant vrai ; & leurs raifonnemens à
cec égard tendent à deux fins : la première , de prouver
que la Lettre de 1769 , q uoiq u ’écrite de la main de
G r e llie r , ne lui a pas donné une connoilfance perfonnelle de la rente d ont il s’a g i t ; la fé c o n d é , que quand
m êm e elle lui auroit donné cette c o n n o iiïa n c e , il n ’en
auroit pas moins purgé la rente par fes Lettres de rati
fication.
P o u r remplir le premier o b j e t , ils nous difent que
la reconnoifîance de la r e n te , l'engagem ent de la payer
porté par la Lettre de 1769 , n’étoit que conditionnel.
G re llier, père , ign oroit s’il la devoir. S i j e vous la dois ,
(marquoit-il aux C h a n o in es). O r , G re llie r, fils, en écri
vant fous la diCtée de Ton p è r e , ces expreflions de doute
& d ’in certitu d e, n’a pas pu en recueillir une connoiflance
certaine de l’exiftence de cette rente.
L a conjon£tion f i n’efl pas toujours conditionnelle.
Elle ne l ’eft que lo rfq u ’elle peut fe refondre en ces fa
çons de parler : E n cas que, Pourvu que , A moins q u e,
ou autres femblables. Dans d ’autres c a s , clic eft caufative ; c’eft-à-dire, qu’elle exprime la raifon pourquoi la
ch o ie eft. C e s cas font ceux où elle peut fc réfoudre
en cette façon de parler : L a raifon qui fa it que telle
ckofe e j l , c 'e jlq u e , &c. ; 5c alors, loin d ’être une expreffion de doute & d ’in certitu d e , elle a m ême plus de force
9 ue la lîmplc affirmation s puifquc c’eft une affirmation
m otivée. D ’après cette règle qui eft des élémens de la
langue , il eft évident que la conjonction f i dans la
F ij
�f
Obje&ion;
Reponfe.
44
phrafe' citée de la L ettre de 176 9 , n’eft pas condition
n e lle , mais ca u fa tive ; car cette phrafe ne peut pas erre
tournée en c e lle s-ci; E n cas que je vous doive la renie y
Pourvu que j e vous doive la rente , A moins que je ne vous
doive la rente , j e pofsède le fonds y mais bien en celleci : L a raifon pour laquelle j e vous dois la rente, c e f l que
j e pofslde le fonds. A in iî d o n c , nulle condition , nulle
incertitude dans cette p h r a fe , qui dût tenir en fufpens
l’efprit d e celui qui l’écrivoit»
i
O n répond pour G r e lli e r , qu’au iurplus, depuis 1 7 6g
qu’il a écrit pour fon père , ju fq u en 1773 que fon père
lui a cédé les héritages fujets à la rente , il a eu le
temps d’oublier ce que contenoit une L e t t r e , très-indiffé
rente pour lui lorfqu’elle a été écritePerfon n e ne croira que G re llie r, fils , à l’âge où il étoit
en 1 7 6 9 , ( s ’étant marié en 1773 ) , in itié , co m m e il
l ’é c o i t , dans les affaires de ion p ère, fe m êla n t, co m m e
il faifoit , de l’exploitation de fcs petits d o m a in e s, eûr
oublié en fi peu de temps, une redevance de vingt-quatre
boifléaux de fe ig le , feize b oiiïcaux d'avoine de 5 fous
d ’a rg e n t, fur une métairie de 3 ou 400 livres de reve
n u ; " mais au refte , cet oubli imaginé de fa part fi à
p ro p o sj ne lui feroit ici d’aucun fecou rs; parce qu’en
Jufticc on n ’eft: point admis à alléguer l’oubli de ce
q u ’on a fu une fo is , & fu r-to u t, de ce qu’on a fait : ii
une pareille défenfc étoit a d m ife , on ne verroit que des
mémoires qui manqueroient du jour au lendemain.
V o y o n s a&uellem ent le raifonnement qu’on fait pour
prouver que quoique G r e l l i e r ait eu avant fon acqui
sition une co n n oiu an cc pcrfonnclle de la rente dont il
s’a g i t , il ne l’en a pas moins purgée par fes Lettres de
ratification.
Ohjeftion.
Il arrive tous les jours, nous dit-on, que l'adjudicataire
l
�45
ou l’acquéreur d’un héritage , a c o n n u , fo it dans des
contributions de m o b il i e r , Toit dans une direction y ley
créances auxquelles l’hérirage vendu ou décrété étoit
hypothéqué ; cependant fi les créanciers , foie (impies
h y p o th é ca ires, ioit m êm e p r iv ilé g ié s , ne form ent pas
leurs oppofitions au d é c re t, ou au fccau des Lettres de
ratification obtenues fur la v e n t e , la connoiifance perfonnelle que l'adjudicataire ou l’acquéreur avoit de leurs
créances n’ empêche pas qu’il ne les ait purgées. La connoiflance perfonnclle eft d on c une circonftance tout-àfait indifférente en matière de purgation par le décret ou
par les Lettres de ratification.
P o u r q u o i , dans le cas de la fimpîe hypothèque ou du
p rivilège, l’adjudicataire ou l’acq u éreu r, quoiqu’en ayant
eu connoifTance avant l’adju d ica tion , ou avant le fceau
des Lettres de ratification, les purge-t-il? C ’eft que co m m e
ces droits n’ont lieu que pour des dettes du V endeur ou
Saiii , ÔC non pour des dettes de la chofe vendue ou dé
crétée , l’adjudicataire ou l’acquéreur n’eft cenfé s’en êtr<
ch a rg é , ni pcrfon n ellcm en t, ni fur la ch ofe vendu e, parce
que rien ne lui d ifo it qu’en acquéranc i l 'd û t époufer les
d ettes de fon vendeur ; au lieu que la rente foncière
étant proprement la dette de la ch ofe ve n d u e , & n on
celle du v e n d e u r , l'adjudicataire en ayant eu c o n n o iffance , eft cenfé s'en être chargé fur la chofe en l ’ac
q uéran t; parce que tout lui d ifoit qu’une chofe ne va pas
fans fes charges.
Ces motifs de différence entre la rente foncière & la.
iimple hypothéqué en ce c a s , fo n t tres-bien expliqués
par M . Pothier dans fon traité de PH ypothèque ,,
chap. z , fe c i. première , art. 3.
» L a raifon de différence ( d i t - i l ) vient de la difFe” rente nature du droit de rente foncière & du droit
» d’hypothèque. L a rente foncière étant due par Phéri»» tage plutôt que par la p e rfo n n e a> ce droit confifte &
Rcponfe,.
�4<5
m exiger du pofleiïeur de l’héritage la preftation de la rcn„ te. P a r conféquent celui qui achète l ’ héritage avec la con« noiffance de cette charge , efi cenfé s’y fo u m en re, &
« ainfi s’obliger a la preftation de la rente. A u co n tra ire ,
m le droit d ’hyp othèq ue, m êm e fp éciale, qu’a fur un héri»j tage le créancier d’une rente conftituée , ne coniifte
» pas dans le droit d’exiger du poiTefleur de l’héritage
sj la preftation de la rente qui eft due par la perionne
ïj qui l’a conftituée...................D e-la i l Ju.it que celui qui
n achète l ’ héritage, quoiqu'avec connoiffance delà rente, ...
m n e f pas pour cela cenfé s’ obliger a la preflation de la
»3 rente. «
Il
faut d on c en cette matière bien diftinguer la dette
d e l ’ h é r i t a g e , d e celle de la perfonne du vendeur.
L ’ a c h e te u r , quand il a connu Ja p re m iè re , eft cenfé
s’en êrre chargé fur l’héritage ; & c ’eft à celle-là qu’il faut
appliquer la déciiion qui a lieu pour la fervitude paten
t e , avec laquelle toutes les charges de cette efpèce ont
ce rapport effenriel d’être chargés de l’héritage. A u
contraire , quoique l ’acquéreur ait connu la f é c o n d é ,
qui réfidant principalement fur la perfonne du v e n d e u r,
n’ affcctoit qu’accidentellem ent & acccffoirem ent l’héri
tage , il n’eft nullement cenfé avoir voulu s’en c h a r g e r ,
ni p erfon n ellem en t, ni fur l ’héritage : c’eft pourquoi la
purgation doit avoir lieu en ce c a s , malgré la connoiffance qu’il en a eue.
S
e c o n d e
C
i r c o n s t a n c e
.
Fraude & collufion pratiquées entre G rellier, p ir e , <£
G rellier , f i s .
Q u ’on fe rappelle ici la conduire que G rc llic r, p ère, &
fon fils, ont tenue dans cette affaire.
D ans quelles vu es, & par quels m o y en s, G rellier, p è r e ,
�47
a fait pafler fur la tête de fon f i l j , les biens fujets à la.
rente des Chanoines..
C ’eft dans la vue de fruftrer fes créanciers. C ’efl: par le
m oyen de deux a£tes , d o n t le p r e m ie r , tout en,d onnant
fur lui à fon fils,,, des droits qui de.voient a b f o r b e r , &
a u -d e là , le peu d ’a & i f qu’il a v o i t , ne pouvoit pourtant
ue tranquillifer beaucoup fes créanciers , en donnant
ans le public une idée très-avantageufe de fon aifance
&; m êm e de fa richefle ; 6c l’autre co n fo m m o it cette
œuvre d ’in iq u ité , en faifant pafler à fon fils fes b ie n s ,
en paiement d’une prétendue d ot qu’il n’avoit jamais été
dans le cas de lui d o n n e r , & en rem placem ent de pré
tendus effets de com m erce qui n’ont jamais pu exifter.
Q u ’on fe rappelle actuellement par quels m oyens 6c
par quelles précautions^Grellier, p è r e , & fon f i l s , fon t
parvenus à cacher aux Chanoines de L e fte r p , ôc à to u t
le m o n d e , & la ceilion du père au fils, ôc les Lettres de
ratification obtenues par le fils fur cette ceiîion.
C 'e ft en allant pafler l’a£be de ceiîion à trois grandes
lie u e s .d e C o n f o l e n s , fiège unique de leur d o m ic ile ,
de:leur é t a t , de leur fo r tu n e , de leurs affaires, de leurs
connoiffances.
C ’e f t , de la part du p è r e , en p la id a n t, d’abord avec les
Prêtres de la C om m u nauté de Saint N icolas de C o n fo le n s ,
enfuite avec les C hanoines de Lefterp , en qualité de
tenancier du lieu ô village de C h ez-le-B ru n , avec les u n s,
pendant plus de fix m o is , & avec les autres, pendant plus
d ’un an après qu’il avoit cédé à fon fils couc ce qu’il avoit
dans c e village ; & en ic laiilanc condam ner vis à-vis des
uns &. vis-à-vis des autres en cette qualité.
C ’eft j de la part du fils , en ne faifant point notifier fon
a£te de ceiîion pour faire courir l’an du retrait.
C ’eft en ne le préfentant au Bureau de l’Infinuation a,
q u’après l’obtention de fes Lettres de ratification.
C ’eft enfin en dépofant cet acte au G re ffe de la Sénéchauffée d ’A n g o u l ê m e en temps de pleines vacances pour;
3
�48
obtenir deflus des Lettres de ratification. ( C irco n fta n ce
qui n’eft fûrement pas indifférente i c i , vu fa réunion à
toutes les autres ).
Q u ’ on joigne à tout cela le fait certain que G re llie r ,
p è r e , a toujours paru jouir des biens cédés jufqu’après le
fceau des Lettres de ratification obtenues par le fils fur
la ceilîon , & Pim poifibilité, d’ailleu rs, d’appercevoir une
m u tation de propriété & de jotiifiance du père au fils , par
les foins que prendroit le fils des biens de fon père-, n ’y
ayant rien de plus naturel que de préfumer qu'il les prend
pour fon père.
D e cette réunion de circonftanccs naiiTent trois
obftacles infurmontables à la purgation de la rente d o n t
il s’agit par les Letrrcs de ratification de G r e llie r , fils ,
q u a n d m êm e on fuppoferoit que régulièrement 1 effet
de pareilles Lettres fut de purger les charges foncières
ou réputées, telles.
Prem ier Objiacle.
L a ceiïîon de G r e lli e r , père, à fon fils , des dom aines
d ont il s’a g i t , étant faite en fraude de fes c ré a n c ie rs ,
s'il en fut ja m a is, tant à caufe des précautions qu’il a
prifes pour leur en dérober la connoiiTancé , qu’à caufe
de fon excès relativement à fa fortune , eft nulle félon
toutes les L oix du titre du D ig efte Quoe in fraudem creditorum} qui réprouvent généralement toutes les manières donc
les débiteurs diminuent frauduleufcmcnt le fonds de leurs
biens , pour en priver leurs créanciers. » A it prceior, Q u æ
» fraudationis causa gefta erunt. Hoec verba generalia fu n t;
» & continent in Je om nem omnino fraudem fadtam ,• vel
»> alicnationcm , velquemcumjuecontraclum. Q u o d cu m q u e
w igitur fraudis causa fadtum eft , videtur his verbis revo» c a r i, qualecumque fuerit ; nam latè vtrba ifla patent.
» S ivè trgo rem alienavit, f v è acceptilatione v el paclo
» ahqutm lib erâvit, idem erit probandum. »
C ’cft
�49
C es L oix di& ées par l’équité & la raifon , & dignes
à tous égards de la ia g e iïe d e leurs A u t e u r s , loin d ’avoir
été mitigées dans notre ufage , y ont au contraire reçu
une jufte extenfion ; car au lieu que dans le D ro it R o m ain
o n ne regardoir régulièrement co m m e aliénations faites
en fraude des cré a n ciers, que celles des chofes qui étoient
d é jà in bonis du d é b ite u r, parmi nous la renonciation à de
iïmples d roits, quoique non encore e x e rcé s , com m e la re
nonciation à une fucceifion, tom be dans le cas de la f ra u d e ;
enforte que les créanciers du renonçant fon t admis à fe
faire fubroger à fes droits pour accepter la fucceilïon ré
p u d ié e , s’ils efpèrent y trouver leur compte.
L a ceifion faite par G re llie r,p è re , à fon fils, des héritages
d o n t il s’a g i t , eit d on c nulle fuivant la difpolîtion de
c e s L o ix générales , avec d ’autant plus de raifon que
G r e llie r , fils, a été com plice de la fraude de fon p è r e , 2c
q u ’elle n’a m êm e été com m ife que pour lui.
C e t t e ceifion eft encore nulle par la difpoficion par
ticulière de l’O rd o n n a n ce du C o m m e r c e , tirre 1 1 , arc. 4 ,
ui déclare nuls tous tranfports, ce[Jions } ventes & donations
ebiens meubles ou immeubles, faits E n f r a u d e des créan
ciers ; & plus particulièrement encore par la difpofition
de l’E d it du mois de M ai 1609 , qui annulle tous tranfports,
ceffïons, ventes ô aliénations , fa its a u x e n f a n s e t h é r i
t ie r s pr ésom ptifs
ou amis du débiteur ; &. veut que s 'il
paraît que ¿es tranfports , ceffions , donations & ventes ,
fo ien t fa its & acceptés e n f r a u d e des créanciers , les
cejfionaires, donataires & acquéreurs , fo ien t punis comme
complices des fraudes & banqueroutes.
3
C e la p o fé , com m e les Lettres de ratification ne f o n t ,
fuivant m êm e la fignification propre de leur n o m , qu’une
confirm ation d e là v e n te , ceifion, ou autre a£te fur lequel
elles font obtenues , c ’eft une conféquence néceflaire que
l ’adte à confirmer étant nul , Pacte confirm atif le ioit
aufîï ; parce que ce qui eft nul en f o i , n’eft pas fufceptible
de confirmation.
G
�5°
S eco n d Obflacle..
*
G rc llie r nous apprend lu i- m ê m e , & c’efl: la vérité ,,
que l'effet du fceau des Lettres de ratification for les droits
q u ’il p u r g e , n’eft autre chofe qu’une cf|>èce deprefeription
de ces d r o it s , faute par ceux à qui ils appartiennent d ’avoir
fo rm é leur oppofirion ( i ) .
C e tte prefeription eft proprement fo n d é e , co m m e la
prefeription de dix ou vingt a n s , fur la pofleflion de bonnefoi que l’acquéreur à ju fte titre de l’héritage a eue de
cet h é rita g e, fans la charge dont il s’agit , pendant l e temps réglé pour le fceau de fes Lettres de ratification;,
enforte que cette prefeription réfultanre des Lettres de
ratification , n’ eft proprement que celle de dix ou v in g t
ans abrégée.
D e - là il fuit que les mêmes exceptions qui ont lieu
co n tre la prefeription ordinaire de dix ou v in g t a n s ,
o n t auifi lieu contre celle réfultante des Lettres de rati
fication.
E t ainfi, i°. de m êm e qu’ en matière de prefeription de
dix ou vingt ans , co m m e la bonne foi fur - tout y eft
n é ce fla ire , celui contre qui on .veut s’én prévaloir eft ad
mis à s’en défendre , en prouvant qu’on a eu c o n n o iffance de la charge réclam ée; de m êm e en matière de
Lettres de ratification , celui à qui on les oppofe doic
auiîï être admis à en repouiTer l’eiF et, en prouvant q u e
l’acquéreur qui les a ob ten u es, avoit connoifTànce de la
charge qu’il prétend avoir purgée. ( M o y e n qui rentre dans
celui tiré de la première circon fta n ce, développée ci-deffus ).
( i ) D e H e r i c o u r t , dans fou traité de la v en te des im m eubles p a r d é cre t»
cfaap. 9 , n. J , fait la m ô m e rem arq u e fur l’effet di» d é c re t.
�S1
2 ° . D a n s la prefcription ordinaire de dix ou vin g t a n s,
pour que le nouvel acquéreur de l’héritage puifle le pré
tendre libre dans fa main de la charge ré cla m ée , il faut
que la rranilation de propriété en fa perfonne ait été
fe n fib le , tellem ent que celui qui réclame la charge n’ait
pu l’ignorer. C ’eft la difpofition précîfe de l’art. 115 d e là
C o u tu m e de P a r is , qui fait à cet égard le D r o it com m un.
» Si le créancier de la re n te , ( porte cet art. ) , a eu jufte
» caufc d'ignorer l'aliénation , parce que le débiteur de
»» ladite rente feroit toujours demeuré en poffeilion de
» l’héritage , par le m oyen de location rétention d ’ufu» fr u it, ou autres fem blables, pendant ledit te m p s , la
» prefcription n’a cours ».
D e m êm e d o n c , s’il éto.it poflîble d ’admettre que les
L ettres de ratification purgeaiTent les rentes foncières ,
au moins cela ne p o u rro it-il avoir lieu que lo rfq u ’elles
auroient été obtenues fur une vente de laquelle il feroit
réfulté une véritable dépoiTciîîon, une mutation fenfible
de jouifïance du vendeur à l’acquéreur, qu’autant enfin ,
( pour parler le langage de la C o u t u m e ) , que le créa n
cier de la rente n’auroit pas eu ju fle caufe d'ignorer ta lié
nation.
O r , dans notre e fp èc e, non -feulem en t rien n’a mar
qué latranilation de propriété, de la tête d e G r e llie r , père,
fur celle de G re llicr, fils , n o n -ie u lcm e n t la jouifïance des
héritages d ont il s’agit n’a pas paru changer de mains
un feul in fta n t, n on-feulem ent e n f i n , G r e llic r , p è r e ,
& G r e llie r , fils, ont pris toutes fortes de précautions frau dulcufes pour dérober a tout le m onde la connoiiïance
de ce qui s’étoit paÎTé entr’ eux , mais en core ils ont par
des faits directs, induit les C hanoines de L eilcrp & to u t
le Public en erreur à cet égard. Q u e p e u t - i f en effet y
avoir de plus directement fait dans cette v u e , que d ’avoir
de la part du p è r e , continué de plaider en qualité de proG ij
�*.5 Î ,
priétaire des héritages dont i l s 'a g it, tant avec les Prêtres
de la C om m u n a u té de Saint N ico la s de C o n fo le n s , qu’avec
les Chanoines de Lefterp e u x -m ê m e s , pendant plus d ’un
an après la ceilion qu’il en avoit faite à Ton fils? C e r t e s ,
par une telle c o n d u it e , les C hanoines de Lefterp ont
bien été m i s , non - feulem ent dans une ju fle ignorancey
mais encore dans une ignorance invincible de l’aliéna
tion ; & par c o n fé q u e n t , quel que fût régulièrement
PefFet des Lettres de ratification fur les rentes fon cières,
ou réputées te lle s , l’efpèce de prefeription qui en réfulte
ne fauroit avoir lieu co n tr’eux.
Troifikme Objlacle,
Enfin,abftra&ion faire des deux obftacles précédons, fon
dés fur des L o ix poiitives, il en eft un troifième plus général
& plus puiflant encore , s’il eft p oiîible, fondé fur une L o i
de droit n atu rel, fous-entenduc par toutes celles de droit
p o fitif: c’eft que la fraude & le dol pcrfonncl vicient
tous les a&cs où ils fe trouvent : c’eft que les difpofitions
de toutes les Loix s’entendent to u jo u rs, ceffant la fraude :
c ’e ft, en un m o t , que les L o ix prêtent leur fecours dans
toutes les occaiions , aux vi&im es & non pas aux m a c h i'nareurs de la fraude. N em ini fraits fâ a prodeffepotefi. D e cep tis, non decipientibus/ju rapfu bveniu n t.
O r , la fraude &. le dol pcrfonnel de la part de G r e llie r ,
è r e , & de G r e lli e r , fils , font manifeftes dans l’efpèce.
eft clair que ce n’èft que par ce m oyen que le fils eft!
parvenu à fe procurer des Lettres de ratification fans
oppofition de la part des C hanoines de Lefterp. Il eft
d o n c également certain que q u a n d m êm e on voudroit
adm ettre contre l’évidence d é m o n t r é e , que les Lettres,
de ratification euiTent l'effet de purger les rentes f o n
cières , ou réputées t e lle s , G re llie r , fils , feroit indigne de
E
�53
cette faveur qui ne pourroit jamais
bonne foi.
être due qu’à la
Grellier com m ence d'un grand’ f a n g - fr o i d fa réponfe
au moyen de fraude &: aux trois obftaclcs qui en réfultent contre la purgation de la rente dont il s’a g i t , par
dire que ni dans le f a i t , ni dans le d r o i t , ce moyen ne
peut produire aux C h a n oin es de Leftcrp plus de fruit que
tous les autres. C e la veut bien dire apparemment que
dans le fa it, il n 'y a point de fraude dans la conduite de
fon père &. de lui ; & que dans le d r o i t , quand il y en
auroit cela ne Pauroit pas empêché de purger la rente
d on t il s’a g it par fes Lettres de ratification. L a première
de ces propofitions feroit permife à G re llie r, s’il la prou vo it ; mais il n’y a perfonne qui ne dût rougir d ’avoir
ieulem ent im aginé la fécondé. C ependant G rellier eil
entré en p r e u v e , m êm e de c e lle - là , tant il eft intrépide
défenfeur de paradoxes! C o m m e n ço n s par examiner fes
défenfes contre le fait.
D ’a b o rd , quant à la fraude de G r e llie r , père, envers fes
créanciers 3 d ’où r é f u lt e , par la nullité de l ’a£te à rati
fie r , le premier obftacle à l'effet que G rellier 3 fils , voudroit attribuer à fes Lettres de ratification , il n’en voit
p o i n t , d it - i l, ( c’eft-à-dire, de f r a u d e ) , ni dans la conftitution de d ot de 15,000 liv. que fon père lui a fa ir e ,
ni dans la promeffe de paiement de cette doc en L e t t r e s - d e - c h a n g e fur Bordeaux ; la R o c h e lle fie R o c h e fo r c ,
ni enfin dans le rem placem ent de ces Lettres par le tranfport clandeftin des métairies de C h e z - le - Brun & d u
Chiron.
Q u a n t à la conilitution de d o t de 15,000 livres, fans
d o u t e , d i t - i l , que m o n père pouvoit la f a i r e , puifqu’il'
l’a faitç.
O b je ilio n . ■
�54
Mponfe.
Belle raifon ! G r e llie r ,p è r e , le pouvoit fans doute abfolum ent ; il pouvoit m ême en ce fens conftituer à fon fils
une d ot dix fois & cent fois plus forte ; il pouvoit lui en
conftituer une d’un million ; car la poilibilité de s’ obliger
n ’a point de bornes. M ais le pouvoit-il relativement ? tJn
père qui avec moins de 20,000 livres de fortune apparente,
& m oins que rien peut-être de fortune effective , ( 1 ) eft
ch argé de fix enfans , peut-il donner à deux de ces enfans
en les m a ria n t, chacun 1 5,000 liv. ? Il eft évident que non.
O r , c ’eft cette impoflibilité relative d o n t nous voulons
parler ; & il ne nous en faut pas d ’autre pour notre m oyen
de fraude.
Objcilion.
L a promette du paiement de la d ot en Lettres-de-changc
fur B o r d e a u x , la R o ch e lle 6c R o ch e fo rt , n ’a rien que
de très-naturel non p l u s , félon Grellier ; parce que fon
père faifant le com m erce de beftiaux , pouvoit recevoir
des Lettres - de - change fur les différentes places de
com m erce.
Réponfe.
i°* G re llie r, père, n’a jamais vendu d ’autres beftiaux que,
ceux de fes petits d o m a in e s, &C on fent que dès - lofs il
n’en a jamais pu vendre aiïez pour qu’il lui fût dû 10,0 0 0 1.,
m o n ta n t des prétendues L e t t r e s - d e - c h a n g e remplacées
par la ceiîïon des domaines de Chez-lc-Brun & du C hiron t
& encore moins 30,000 livres, m ontant des deux dots
q u ’il s’étoit en g ag é de payer en cette monnoie.
20. Q u a n d m êm e Grellier auroit pu accum uler un débet
de 30,000 liv r e s , ou feulement de 10,000 livres fur les
marchands , ce n’ auroit jamais été à Bordeaux , la R o -
(1)
D a n s ce meme te m p s , ou peu ap rès, il fut emprifonné pour dettes , à
« q u ê t e du receveur des tailles d’A n go u lcrae,
la
�55
chelle ou R ocheforc , que cet argent auroit pu lui être
du. A ucune de ces Villes ne tire de beftiaux de C o n fo le n s ,,
ni des environs..
3 °. L e fa it, non dénié par G r c l l i e r , que les prétendues
Lettres-d e-change n’ont jamais été présentées à leurs
a d r e ffe s , 'fair bien voir que ce n’étoient que de vains’
fimuiacrcs fans aucune réaliré.
4°. E n fin , quand m êm e G r c llie r , père, auroit fait véri
tablem ent le com m erce de beftiaux , quand m êm e il
auroit pu accumuler un débet de 30 ou de 10,000 livres f
quand m êm e ces 30 ou ces 10,000 livres auroient pu lui'
être dues à B o rd e a u x , la R o ch e lle o u R o c h e f o r t , quand
m ê m e , en un m o t , les prétendues Lettres-de-change par
lui promifes à fon fils en paiement de fa d o t , auroient
été auifi réelles qu’elles étoient évidem m ent fu p p o fé e s ,
le fait ieul d ’avoir promis à fon fils par fon contrat de
m a ria g e , le paiement de fa d ot en effets de c o m m e r c e ,
pour enfuite , fous prétexte que ces prétendus effets
n ’étoient pas acquittés , lui donner des immeubles à la
place par un a£te clandeftin , ce fait fe u l, ( d i fo n s - n o u s ) ,
fc roic une fraude qui rendroit nulle la ceffion d ’immeubles
vis-à-vis de to u t créancier de G r e llie r , p.ère ; parce que ce
fait feu l renfermeront une intention frauduleufe de préfenter toujours co m m e exiftans dans fa main pour la fureté
de fes créan ciers, des immeubles qui n’y étoient plus.
D e c e que les prétendus effets de comm erce n’avoienc
rien de réel , il s’enfuit feulement que la fraude eft
doublement prouvée ; parce qu’il n’y a que la fraude qui*'
puiffe appeller le m en fo n g e à fon fecours.
Grellier fait de vains efforts pour pallier le vice
clandeftinité que les Chanoines de Lefterp reprochent
à l ’a£te de ceifion qui lui a été faite par fon p è r e , desv
métairies de C h e z-le -B ru n & du C h iro n , en rempj^.?-t
cernent des prétendus effets de co m m erce non payés.
i ° . D i t - i l , cet A Û c pouvoit être fait~à C h aban o is auiji-
ObjçOion. •
�5^
bien qu’à C o n fo len s ; car on n’ cft pas obligé de pafler
les a£bes au lieu de Ton domicile.
Riponfe.
O b je ftio n .
C e l a eft vrai ; mais quand on n’a point de raifon d’aller
paifer un a£te ailleurs qu’au dom icile des Parties , on n’y
va point ; 2c quand les Parties on t intérêt que cetsa£le
ne foit pas connu dans le lieu de leur d o m ic ile , fi elles ;vont
le paiTer ailleurs, elles' fon t de droit pré-fumées n’y-avoir
été que pour en dérober la connoiiïance à ce u x à; qui .
elles avoienf intérêt de Je cacher.
*
a°. Q u a n t à l’in iin u atio n , dit G r e lli e r , les C hanoines
de Lefterp conviennent eux - mêmes que l’a£te de ccilion
d ont il s’agit n’y écoit pas fujet.
. •
•
»
Rêponfe.
Objeâion.
Rêponfe.
O b je& io n ,
C e la peut être ; mais les G r e lli e r , père & fils , ainii que
leurs notaires de C h a b a n o is,- étoient dans l ’opinion qu’il
y étoit fujet : la preuve , c ’eft que le fils l’y a réellement .
préfenté. G r , c’eft dans la circonftance du temps où
ce tte préfentation a été f a i t e , qu’eft la fraude. P o u r q u o i,
en e f f e t , G r e llie r , fils , auroit-il attendu à la f a i r e , jufqu’après le fceau de fes Lettres de ratification , fi ce n’eût
été pour empêcher que l’a£le ne fût connu avant ?
5°. Pou r ce qui eft de la notification au G re ffe de
C o n f o l e n s , néceiTaire pour faire courir l ’an du re trait,
Grellier dit q u ’il a bien été le maître de la faire ou de ne
la pas faire.
C e la eft vrai ; chacun eft bien le maître de négliger fes
* affaires; mais quand l’omiflîon doit procijrcr plus d ’avan*
tages que la d ilig e n c e , l’omiflîon eft cenfée faite à dciTein
pour fe procurer l’avantage<j;ui d oit en réfulter.
4°. Enfin , à l ’égard de la circonftance du temps où
l ’a d c
\
�*
57
Ta&e d ece ifio n a été dépofé au Greffe de la Sénéchauilec
d ’A n g o u lê m e , Gr-ellïer dit , que la Loi qui ordonne cc
dépôt ne marque aucun temps de l'année dans lequel il
ne puiiïe ,pas être fait utilement.
C e la eft encore vrai ; mais lorfqu’à tout ce qu’on peut
im aginer d’autres précautions fraudulcufes,.pour dérober
la co n n oiiïan cc de cet a£te à ceux qui avoient intérêt de
le connoître , fe joint encore la circonftauce que le dépôt
en a. été fait au G reffe pour l'obtention des Lettres de
ratification , en temps de pleines vacances , lorfque le
Palais d ’A n g o u lê m e étoit vuide d’Ofiiciers & de plaideurs,
& que par conféquent c e t a & e n’y pouvoir être vu de
perfonne , cette c ir c o n fla n c e , peu confidérable peut-être,
fi elle étoit fe u le , emprunte une grande force de toutes
les autres , &. leur en donne à fon tour.
Rcponfi
G rellier paile de-là aux faits de fraude , defquels nous
avons fait réfulter notre fécond obftaclc à la purgation
de la rente dont il s’agit. D éfa u t d ’indices de translation
d e propriété du père au fils. Indices contraires.
D éfa ut d'indices. G rellier répond que fon père a été
véritablement deffaiii des métairies de C h e z-lc-B ru n &
du C h ir o n , par la ce/lion qu’il lui en a fa ite ; &, que lu i,
fon fils , en a été faifi par le m ê m e a£te„
C ’eft éluder la difficulté & non pas la réfoudre. O n fait
bien que l'’a£fcc de ceiîion é t o i t , de fa n a tu re , tranflatif
d e propriété ; mais on dit que la tranilation de propriété
qui en eft r é f u l t é e , n’a pas été fenfible. O r , l ’article 11 5 de
la C ou tu m e de Paris , qui eft bien auffi dans l’efpèce d’un
a.&e, de fa nature , tranflatif de propFiété, exige que la
ïranflation de propriété aie été tellem ent fenfible que
H
obje&îon'
Rÿonfe.
�58 A
ceux qui avoîent in térêt d ’en être inftruits, n’ aient pas:
eu ju jle caufe de l'ignorer..
O b jectio n .
Rèponfc..
Grelli'er prétend que c’eft: m a l - à - p r o p o s que nous
raifonnons en matière de Lettres de ratification, com m e
il faudroit le faire en matière de prefcription de dix ou v in g t
ans , les Lettres de ratification , felon lui , produifant
l’efFet de la plus longue prefcription.
Q u an d m ême il feroic vrai que l’effet des Lettres de
ratification pût être comparé à celui de la prefcription
du plus long temps , l’un & l’autre raifonnement que
nous avons faits à cet égard n ’en feroient pas moinS>
concluants.
L e premier porte fur la mauvaife foi réfultante de la
connoiiTance perfonnclle que GrelHer avoit de la rente
d o n t il s’agit- O r , dans la prefcription , m êm e du plus
lb n g tem ps, celai qui l’oppofe n’eft pas, à la v é rité , obligé,,
c o m m e dans la prefcription de dix ou vingt ans, de prouver
fa bonne foi par le rapport d’un jufte titre; mais au moins
ne faut-il pas qu’on prouve conrre lui qu’il a été en
mauvaife foi. et L e feul laps du temps fait préfumer la
» bonne foi dans cette prefcription , tant que le contraire.
» ne paroît p a s , ( dit M . Pothicr , dans fon traité de
» la P re fcrip tio n , partie 1 , article premier, §. 3, n. 1 7 3 ) ,
m c ’eft-à dire , tant que celui a qui La prefcription -e fi
m oppofée , n'apporte pas des preuves fu ffij antes « ( de
mauvaife f o i . ) I c i , la mauvaife foi de G r c llie r , fa c o n noillance perlonnclle de la rente donc il.s’a g i t , eft litté
ralement prouvée par la Lettre écrite de fa m ain ,.,en
1 7 6 9 , a u P r o c u r e u r - S y n d i c de PAbbaye de Lefterp.
N o tre p r e m i e r raifonnem ent fondé fur la néceflicé de la
b o n n e foi en matière de prefcription1, vaudroit d on c
contre lui ,, quand même nous ferions dans un cas
analogue à la prefcription du plus lo n g temps.
�59
L e fécond v fondé fur le défaut de publicité de la trans
lation de p rop riété, de la tête du père fur celle du fils ,
vaudroit également ; car à cet égard , il n’y a aucune
différence entre la prefeription de dix ou vingt ans, & ccllc
de trente ans. C ’eftcn core ce que nous enfeigne M. Pothier,
loc. cit. a A ces différences près , (dit-il en effet ) , la pof»5 feiîion pour la prefeription de trente ans, doit avoir les
a m êm es qualités que celles qui fon t requifes pour la
m prefeription de dix ou v in g t ans : elle doit pareillement
» être une poffeflion qui ait été p u b liq u e ; la C o u tu m e
» s’en explique par ces tcrme§: il aucun a joui publiquem ent
» & c . ; « & cela eft d ’ailleurs marqué dans cet adage
fi c o n n u , applicable à toute efpèce de prefeription; N ec
v i , NEC c l a m , n e c p r e c a r io .
A u furplus, c ’effc pure com plaifance de notre part de
nous prêter à cette h ypothèfe ; car ce n’eft point du
to u t à la prefeription de trente a n s, mais bien à celle
de dix ou vingt a n s , qu’efl analogue Pefpèce de p r e f
eription qui rélulte des Lettres de ratification. Il fuffit,
pour s’en c o n v a in c r e , de faire attention aux cas dans
Îcfquels l’une 6c l’autre prefeription o n t lieu. L a pref
eription de trente ans a lieu dans le feul cas où il n’y a
>as de titre ; celle de dix ou v in g t ans au contraire dans
c feul cas où il y a un jufte titre. E h bien ! les Lettres
de ratification n’ont lieu non plus qu’en cas de jufte tit r e ,
puifque c ’eft précifém ent ce jufte titre q u ’il s’agit de ra
tifier. C ’efl donc aux qualités requifes dans la poffeflion
en cas de prefeription par dix ou vingt ans , qu’il faut
avoir égard en matière de Lettres de ratification ; & m êm e
il faut y redoubler de rigueur , parce que l ’cfpècc de
prefeription réiultante des Lettres de ratification eft déjà
un r e l â c h e m e n t de la •prefeription de dix ou vingt a n s ,
<]ui y eft tellement abrégée , que deux mois y tiennent
lieu de dix ou vingt ans.
f
H ij
�6o
O bje& ion_
A l’article des indices contraires, GreÎlier ré p o n d , i°. que
fi Ton père a été traduit en juitice depuis la ce flio n , foie
par les Prêtres cfe la C om m u nauté de Saint Nicolas , (oie
par les C hanoines de L e i t e r p , c’étoir pour les arrérages
du temps de fa pofleiïïon , arrérages que la celîion ne
p ou voir le difpenfer de p a y e r ; d’où il veut conclure ap
parem m ent que fon père n’avoit que faire de parler dé
cette ceiïïon ; 2°. que co m m e fon père ne s’eft pas dé
fendu , on n’a obtenu contre lui que des Jugemens par
défaut ; d’où il veu t conclure apparemment que fon père
n ’eft pas caufe il dans la procédure & dans les Sen ten ces,
on l’a qualifié de tenancier du village de C h e l e - Brun y
dans un temps où il ne l’étoit plus-
Rcponfe.
T o u s ces faits manquent d ’exa&itude. Il n’eil pas vrai
d ’abord que l’aétion des Chanoines de Leiterp contre
G re Ilie r, p ère, ait eu pour objet des arrérages feu lem ent:
on lit en propres termes dans ¡’Exploit : « E t pour en
>5 outre être condam né à paiTer titre nouvel de ladite
n rente par nouveaux renans, Sic. «. Q u a n t a l’adtion
des Prêtres de la C om m u nauté de Saint N ic o la s , nous
ne pouvons aflurer qu’elle fur dans les. mêmes termes ,
n ’ayant point l’Exploit pour le vérifier; mais ce qu’il y
a de certain , c ’eft que la Sentence qui intervint fur leur
dem ande fut rendue bien contradictoirem ent , & non
point par défaut contre G re Ilie r, p è r e ; & d è s - l o r s fa
manvaife foi eft évidente , non - feulement pour s’être
laïiTé qualifier dans toute cette p ro c é d u re , de tenancier
du village de Che^-le-Brun, ne l’étant p lu s, mais encore
pour avoir procédé lui-même dans tout le cours de l’inftru6tion , en cette qualité. Sa contumacevis-à-vis des C h a - '
noines de L cfterp , ne le fauve pas davantage du reproche
de mauvaife foi à cet é g a r d ; car il n’y en a pas moins
�6i
a. fe taire t o u t - à - f a i t , pour ne pas dire ce qu’on doit
dire , qu’ à raire ce qu’on doit dire lorfqu ’on s’eft déter
miné à parler.
T e l le e f t , en point de fait ,. la défenfe de G rellicr
contre le m o y e n de fraude qui lui eft oppofé : on a vu
il elle eft fatisfaifante. Sa defenfe en point de droit e ft,
co m m e on doit s’y a tte n d r e , encore bien plus pitoyable.
it-il , les L o ix Romaines fur les a£tes faits en
fraude des créanciers, n’ont aucun trait à l’cfpècc : elles
ne peuvent s’appliquer qu’à tous autres a£tes que ceux
dont il s’agit.
ObjaiVtoni-
C ep en d a n t ces L o ix fon t en termes abfolum ent g én é
raux : Quodcumque ig itu r, . . . qualecumque fu&rit , . . . nam
latkverba ifla patent. Q u e G rellier nous m ontre c o m m en t
des a£tes aulli pleins de fraude que ceux faits entre fon
père &t l u i , pourroient échapper à la difpoiition de pa
reilles Loix.
R-ponfe. ■
G rellier répond à l’art. 4 du tit. 11 de l’O rd o n n a n ce
de 1 6 7 3 , clue
difpoiition ne regarde que les cas de
faillite & de banqueroute : il ne répond rien à la difpofition de l’E d it du m ois d e M ai 1609.
Objeilion.1
Il
eft vrai que la première de ces L o ix eft fous le titre
des faillites & banqueroutes ; mais elle difpofe g én érale
ment pour toutes fortes de c a s : « D é c la r o n s nuls tous
» tranfports, ventes & donations de b iens, meubles ou
» im m e u b le s , faits en fraude des créanciers ». Q u i dit
tout^. n’excepte rie n ; & en e f f e t , co m m en t y a u r o it - i l
¿es cas où de pareils actes puffent fe foutenir ?
D ’ailleurs , Grellier père étoit bien dans le cas de la
Réponfi. ■
�6i
b a n q u e ro u te , & de la banqueroute ouverte , du m oins
aux yeux de Ton fils parfaitement initié dans le fecret
de Tes affaires , puifcjiie d è s - lo r s il étoit hors d’état de
payer fes d ettes; qu’il faifoit o u e n d o ffo it des Lcttres-dech an ge qui n’écoient pas acquittées, & qu’il fe laiffbit emprifonner pour d e t te s , à Ja requête du R eceveur des
T aille s d’A ngou lêm c.
Enfin la difpofition de l’Edic de 1 6 0 9 , à laquelle
Grellier ne répond rien , reçoit une application tout-àfait directe à l’e fp èc e, puifqu’elle regarde p réciiém ent les
tranfports faits aux e n fa n s , héritiers préfomptifs ou amis
du débiteur. C es perfonnes étanc plus fufpe£tes de fe
prêter à la f r a u d e , le L é g i f l a t e u r a cru devoir faire une
L o i exprès contre elles.
G rellier , co m m e s’il eût craint que nos preuves de
fraude ne fuiTent pas affez- fortes contre lui, a eu foin
d ’y ajouter le dernier trait par une produ&ion nouvelle
qu'il a faite au procès. Se dem andant en effet à lui-même ,
quel peut avoir été le m o t if de fa condam nation devant
les premiers Juges, ( com m e s’il n’y en eût pas eu à c h o ifir) , il a très-fpiritucllem cnt imaginé que p e u t - ê t r e
étoit-ce la qualité que ces Juges lui avoient iup p ofée, d 'hé
ritier de fon père ; & pour prévenir ce m oyen en la C o u r ,
en cas que les Chanoines de Lefterp fuilent tentés d’en
faire u f a g e , il a produit par production nouvelle fa
renonciation à la fuccciTion de fon père.
L a prévoyance de G rellier va loin aflurémcnt., car les
Chanoines de Lefterp ne fe feroient jamais avifés de
motiver la demande d ’ un droit réel par une qualité d ’hé
ritier : mais fi fa p r o d u c t i o n n o u v e l l e eft inutile p ou r'fon
o b je t , elle ne le fera pas pour prouver de plus en plus
la fraude & la collufion pratiquées entre un père qui a
trouvé le m oyen de faire paffer, de fon v iv a n t, tous fes
biens à fon fils, au prejudice de fes créanciers, & un
�63
fils qui après avoir épuifé par une conftitution de d ot
e x c e ffive toute la fortune de fon p è r e , a re n o n cé , après
la m ort de ce p è r e , à fa fucceffion infolvable.
O n voit donc q u e , quand m êm e l’efprit & la lettre de
la L o i fur les Lettres de ra tifica tio n , ne répugneroient
pas auffi fenfiblem ent qu’ils le fon t à ce que les rentesfoncières , ou réputées telles,.fu ffent purgées par ces L e t
tres , to u t s’oppoferoit dans l 'e fpèce particulière à la
purgation prétendue par G re llie r , de celle dont il s’agit.
M onfieur C L É M E N T D E B L A V E T T E , Rapporteur.
M r M A R C H A N D D U C H A U M E , A v o c a t.
L e v a s s e u r , Procureur-
D e l’im p rim erie de la V e u v e H é r i s s a n t ,
n ie N e u v e N o tr e -D a m e . 1785.
�
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A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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A name given to the resource
[Factum. Les prieur, procureur, syndic et chanoines réguliers de l'Abbaye de Lesterp. 1785]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Clément De Blavette
Marchand Du Chaume
Levasseur
Subject
The topic of the resource
hypothèques
créances
abbayes
terriers
fiefs
droits féodaux
rentes féodales
cens
lettres de change
coutume d'Angoumois
métairie
retrait lignager
successions
lettres de ratification
doctrine
créances
droits d'agrières
rentes foncières
prescription
droit romain
fraudes
Description
An account of the resource
Mémoire pour les prieur, procureur, syndic et chanoines réguliers de l'Abbaye de Lesterp, Ordre de Saint Augustin, Congrégation de France, intimés ; Contre Jean Crellier, huissier en l'élection de consolens, appellant.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
de l'imprimerie de la veuve Herissant (Paris)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1785
1473-1785
Avant 1661
1661-1715 : Règne de Louis XIV
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
63 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_V0109
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Vernet
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Chez-le-Brun (village de)
Confolens (16500)
Esse (paroisse d')
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Relation
A related resource
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abbayes
cens
coutume d'Angoumois
Créances
doctrine
droit Romain
droits d'agrières
droits féodaux
fiefs
fraudes
hypothèques
lettres de change
lettres de ratification
métairie
prescription
rentes féodales
rentes foncières
retrait lignager
Successions
terriers
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/18/53955/BCU_Factums_B0116.pdf
04f31eb2c9f0fa6f6fb5ee71b804499d
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Text
M E M O I R E
POUR
M e P i e r r e A n d r a u d , Seigneur de Parpaleix ,
C onfeiller au Siege P réfidial de Clermont-F errand, I n t i m é
C O N T R E
M e M
L
le fieu r J o a c h i m D
a y et ,
escoroles ,
E cu yer,
&
N otaire , Appellans.
A décifion du procès dépend du fens que l’on doit donner
à une claufe contractuelle, & en derniere analyfe de l’a cc ep
tion d’un mot.
U n article de la Coutume d’ Auvergne déclare la fille mariée
du vivant de fes pere & mere forclofe de toutes fucceffions
au profit des mâles ; mais un autre article de cette même C o u
tume , permet au pere de déroger à l’exclufion de la l o i , de
l’anéantir ou de la limiter à fon gré.
Toutes les Parties étant
d’accord fur cette
pere , il s’agit uniquement de f a v o i r ce
voulu.
que
faculté du
le pere a
Jean G o d i v e l , vivant fous l’empire de la Coutume d’ A u
verg ne, a ftipulé qu’ Antoinette God ivel fa fille feroit forclofe,
m ais que la forclufion n’a uroit lieu qu’au profit des freres ger
mains feulement. A-t-il voulu que la renonciation fût reftreinte,
relativement aux freres confanguins ? ou n’a-t-il entendu donner
A
�aux premiers qu’une firnple préférence? la particule feulement
eft-elle un terme limitatif ? Annonce-t-elle une reilriilion ? ou
faut-il, en renverfant toutes les notions à cet égard , décider
a v é c les iîeurs Deicoro!es & M a y e t , que les mors >feulement
& préférablemtnt font deux termes fynonimes ?
T e l l e efl la premiere queftion fur laquelle il s’agit de pro
noncer.
La f é c o n d e , également fimple , eit de fçavoir fi le fieur
Andraud a pu acquérir les droits de différens cohéritiers dans
la fucceifion d’une parente commune, & fi ces d roi ts , légiti
mement acquis
7 doivent
lui être confervés.
F A I T .
Jean G o d i v e l , bifaïeul des P a rt i es , vivant en 1 6 8 4 , fut
marié deux fois. Il eut de fon fécond mariage fept e n fa n s ,
trois mâles &
quatre filles. L e premier ne lui en avoit donné
qu’ un , c ’ étoit un garçon, nommée Henri Godivel*
D e concert a v e c Magdeleine de M â c o n , f a fécondé fe m m e ,
il m a r i a , le 27 Mai 1 6 8 4 , Antoinette G o d i v e l , l’une de fes
filles.
Il eût p u , par le contrat de m a r ia g e , la réferver à tous fe»
droits. H lui étoit permis de déroger entièrement à la Coutume
qui prononçoit la forclufion * il fe borna à en reftreindre l'effet»
Antoinette Godi vel avoit des freres germains; Jean G o d i v e l
&
Magdeleine de M âco n voulurent que la forclufion eût lieu
à leur égard ^ mais ils voulurent en même tems que cette
forclufion ne pût profiter, en aucune maniéré, à Henri G o
divel , fils du premier l i t , qui étoit étranger à Magdeleine
de Mâcoh ,
qui avoit recueilli feul toute la
fucceffiorc
d’ Anne Andraud fa m e r e , premiere femme de Jean God ivel*
�3
En conféquence la claufe de renonciation fut conçue en
ces termes : « La future époufe ( Antoinette ) renonce à toutes
w fucceffions directes & collatérales ; mais elle y renonce au
» profit de [es freres germains s e u l e m e n t ».
Parmi les freres germains , le feul qui fût marié étoit Guil
laume Godi vel. Sa branche vient de s’éteindre dans la perfonne de Catherine Godivel fa derniere fil le , décédée au mois
de Dé cembre 1783.
Il s’eft trouvé pour recueillir fa fucceflion, d’ une p a r t , les
defcendans de Henri G o d i v e l ,
f re re
confanguin de Guillaume;
de l’autre, les defcendans des quatre fœurs germaines de ce
même Gu illaume, parmi lefquels on doit compter le iîeur
A n d ra u d , arriéré petit-fils d’Antoinette.
Il ne pouvoit plus être queftion de la renonciation de celleci , puifque cette renonciation n’avoit été faite qu’ au profit
des freres germains feulement, & qu’il ne fe trouvoit pas un
individu defcendant des freres germains; aufli les différens
cohéritiers n’ont-ils f a i t , à cette é p o q u e , aucune difficulté
d’admettre le fieur Andraud en concurrence ave c euv.
D ’abord ils l’ont nommé l’un des dépofitaires folidaires de
l’argent & effets trouvés fous les fc ell és , montant à une fomme
de 30221 livres.
Enfuite, lorfqu’on a procédé au partage de cette f o m m e ,
le fieur Andraud eft entré dans ce partage , fait fous fîgnatures
privées le 6 Février 1 7 8 4 , & il y a été dit exprefiément « qu il
» étoit héritier en partie de Catherine Godivel j q ui l agiiToit
« auffi comme fubrogé aux droits des fieurs Admirât S ey m ie r,
MPrêtre, & Admirât S ey m ie r, B o u r g e o i s , & encore à ceux
Mdu fieur Gi lb e rg u es , Prêtre ».
En effet, les fieurs S e y m i e r , formant ave c les fieurs Defcoroles & M a y et la branche de Henri G o d i v e l , avoient vendu
A 2
�4
leurs droits fuccefiifs au fieur Andraud, par a£te du 7 Janvier
1 7 8 4 ; & le iîeur Gilbergues avoi: cédé les fiens par un a i l e
du 17 du même mois. Le prix des acquifitions s’éievoit en t o - ‘
talité à près de 36000 livres.
Tour cela a été reconnu dans le partage du
6 Février;
le
fieur Andraud y a été admis, tant pour les droits dont il étoit
ceiïïonnaire, que pour fes droits perfonnels dans la fucceifion ;
il a concouru à toutes les opérations. Il a été dit que c’étoit defon confentement qu\ine fomme de 2400 livres étoit dépofée
chez un Notaire ; enfin , iur l’argent comptant, il a r e ç u , con
jointement av ec la dame de Maliargues, une fomme de 3600 L
fous les yeux & du confentement de tous les cohéritiers.
C e n’eft pas tout encore. Non-feulement les fieur D e f c o rôles & M a y e t ont admis le fieur Andraud com me héritier de
fon c h e f , & comme ceiîionnaire des fieurs Seymier &
Gil»
b e r g u e s , mais eux-mêmes, au mois de Dé cembre 1 7 8 4 , après
le partage des meubles trouvés dans une maifon de la fucceffion , ont vendu au fieur Andraud leur part & portion fur ces
meubles. Ils ont donc reconnu la qualité qu’ils conteilent main-tenant au fieur A n d r a u d , puifqu’ils prétendent que pour avoir
droit d’acquérir, il faut être du nombre des héritiers.
Cependant ces A d v e r f a i r e s , e n contradi&ion m an if ed ea ve c
e u x - m ê m e s , a voi en r, par un exploit du 3 Février 17 84 , formé
une demande en fubrogàtion contre le fieur Andraud , relati
vement aux droits par lui acquis deslieurs S ey m ie r, & le 9 du
même m o i s , trois jours après le partage , ils avoient demandéégalement à être Subrogés aux droits vendus par Je fieur Abbé
Gilbergues.
Par une fuite de cet étrange f y f t ê m e , ils ont foutenu, dans-«
une Requête préientée en la Sénéchauflee de Clermont le 23.
Mars fujvant, que le fieur Andraud n’avoit pu paroître dans le
�5
partage y ni comme héritier de Ton c h e f , ni comme ceilionnaire des fieurs Gilbergues & Seymier. Sur ce fondement iis
ont conclu « à ce que le fieur Andrjivid , comme repréfentant
» Antoinette Go d iv el ,ju t. exclus de la. ju cu ffion conrentieufe j
» q u ’il fût ordonné que la portion qu’il avoir, pnfe am partage,
» appartiendroit par droit d’accroiflunent à eux fieurs M a ye t &
» D ef co rol es, & aux autres portions héréditaires de leur bran» che ; en coniéquence, & attendu ( fuivant ç u x ) que.le fieur
» Ar.draud fe trouvoit étranger à la iucc/uTion , , q u ’il.s fuflent
» fubrogés aux droits par lui acquis des fieurs G i lb e r g u e s '&
» autres ».
Il n’a pas été difficile au fieur Andraud d’écarter ces pré
tentions.
,,
En premier li eu , il a démontré qu’Antoinette Godivel n’a voit
point été forclofe au profit de Henri G o d i v e l , ion frere confanguin. « La Coutume d’A uvergn e , a-t-il d i t , permettoir au
» pere de faire cefler l’exclufion en totalité, ou de la modifier
» par une réferve ; il n’y a que fa volonté à confulter » ; or , de
bonne-foi, eft-il poifible d’avoir le moindre doute fur la réferve,
lorfque la claufe contenant la renonciation p o r t e , en termes
expres t que cette renonciation aura lieu au profit des itères
germains feulem ent?
En deuxieme lieu, le fieur Andraud a établi que même dans
l ’hypothéfe ( fi évidemment fauffe ) où l’on pourroit regarder
Antoinette G o d i v e l , fon aïeule, comme forclofe , relativement
à un frere confangu:n , quoiqu’il eût été dit dans fon contrat de
mariage que la forclufion auroit lieu au profit des freres gervnzms feulement, il lui reiteroit encore des droits très ré els, fur
la fucceflion contentieufe , attendu qu’il avoit acquis ceux de
difFérens cohéritiers dont les titres n’étoient point conteftés, &
que ia demande en fubrogation formée par fes Adverfaircs,
nétoit foutenable à aucun égard.
�6
Enfin le fieür Andraud a prouvé que les fieurs M a y e t &
Defcoroles étoient non-recevables à prétendre qu’il dût être
exclus de la fucceffion, par la raifon qu’ils l’avoient déjà admis
au partage de différens objets de cette même fucceffion , &
avoient traité av e c lui comme ave c un véritable & légitime
héritier.
A ces moyens fi décififs, les fieurs Defcoroles & M a y e t
n’ayant oppofé que des fophifmes, les premiers J u g e s , bien
Convaincus que la réferve exprimée dans le contrat de mariage
d ’Antoinette Go d iv el ne pouvoit être anéantie, ont j u g é , c o n
formément à cettere ferve , que les defcendans de Henri G o d i
v e l ne devoient pas profiter de la renonciation , & en conféqu e nc e , par Sentence rendue fur produ&ions refpe&ives le
6
Juillet 1784 , ils ont« débouté les fieurs Defcoroles & M a y e t
» de leurs demandes, & les ont condamnés aux dépens ».
Notre o b j e t , djns ce m o m e n t , eft d’établir que cette Sen
tence , dont les Adverfaires ont interjetté appel en la C o u r , eil
conforme à l’équité , au texte & à l’efprit de la Coutume fous
l’empire de laquelle elle a été rendue.
M O Y E N S .
■
" Le fyilêirie des fieurs M a y e t & Defcoroles ayant deux par
ties, la défenfe du fieur Andraud doit en avoir deux également.
Ces Adverfaires prétendent que le fieur Andraud n’ eft point
héritier de Catherine G o d i v e l , & que par une conféquence de
cette propoiition , ils doivent être fubrogés aux droits par lui
acquis de diiFérens cohéritiers. Nous démontrerons, i ° . que la
qualité d'héritier de Catherine Go d iv el ne peut être contefiée
au fieur Andraud , à moins qu’on ne conteile l’évidence m ê m e ;
i ° . Q u e fous tous les rapports , la demande en fubrogation
formée contre lui eil abfolument infoutenable.
�7
s.
Ie'*
L e fieur Andraud efl-il dans le nombre des héritiers légitimes de
Catherine G od iv el ?
Sur quei prétexte voudroit-on écarter le fieur Andraud de
la fuccefîion dont il s’agit ? Sur ce qu’on prétend qu’ Antoinette
G o d i v e l , fon aïeule, a été fo r d o fe , fans reftriélion, de toutes
fucceifions directes & collatérales, & que par une fuite néceffaire dè cette forclufion, les ^defeendans d’ Antoinette n’ont
pu avoir, de fon c h e f , aucun droit fur ces mêmes fucceifions,
foit directes, foit collatérales.
C e prétexte, qui fera l’unique bafe du fyftême des Appel
o n s , eft de toute fauffeté. Antoinette G o d i v e l ne s’eft point
trouvée forclofe, fans reftri&ion ; il eft évident au contraire,
que la forclufion étoit reilreinte, & qu’elle l’étoit de maniéré
à ne pouvoir profiter à ceux qui en réclament 1’efïet aujourd’hui.
C/eft la loi du pays qui prononce la forclufion ; c’efl: le pere
qui peut réferver à fa fille les droits que lui donnoit la nature.
Ouvrons donc la Coutume d’ A u v e r g n e ,
pour connoître lai
difpofition de la Loi ; ouvrons le contrat de mariage d’Antoi
nette G o d i v e l , pour favoir ce que fon pere a voulu.
L ’article 25 de la Coutume d’Auvergne eft ainfi conçu :
« Fille mariée par le p ere, ou par l'ayeul paternel, ou par un
» tiers ou cPelle-même, lefdits p ere, ou ayeul paternel
mere
» vivans, douée, ou non , ait quitté, ou non, elle, ne Jes defeen» dans, ne peuvent venir à (uccejjion de pere, mere , frere^Jœur,
w ne autre quelconque , directe t ou collatérale , tant qu i l y a mâley
» ou defeendant de mâle , héritant efdites fuccejjions, fo it ledit
M defeendant m âle, ou femelle.,, finon quelle fû t mariée en pre•
» mieres nôces en la maifon de fefdits pcrej>u a y eu l, ou l'un d 'eu x.
�8
m
fa n s con{lituùon de d o t , auquel cas n e f l forclofe defdites Juc -
» cejjions ».
C e t article efl d’une rigueur fi ex trême, que s’il n’étoit mo
difié par un autre, dont nous parlerons dans un moment, il
feroit impoflible de ie' tolérer.
Les Auteurs qui ont écrit fur cette matiere ont penfé que
l’ ufage d’exclure les filles de toutes fucceifions dans la province
d’ A u v e r g n e , avoit été pris des anciens Germains, parmi lefquçls les filles n’ héritoient ni de leurs p er es , ni de leurs freres ;
mais ils ont remarqué une circonftance qu il efi: bien important
defai fi r, c’efl que chez les Germains, les filles n’avoient nul
befoin de d o t , les maris u’en exigeant point ( i ) . Il n’en efi pas
de même en Auvergne. Les Habitans.de cette Province ne
prennent pas leurs épouies fans dot : d’où il réfulte que la même
loi, f a g e & fans inconvénient chez les Germains,feroit barbare
dans nos mœurs.
A la prendre i i o l é e , &
fans modification, l’exdufion des
filles a paru une loi fi rigoureufe à D u m ou li n , qu’elle lui a fait
dire, qu’on prétention., en A u ve r gn e, que le mpt enfans, ne
cornpreno.it pas les filles. D icutu quod in A rverniâ, appellalippe liberoràm^ non venlunt fa m in e , cjuœ non computantur fu b
vulgari, enfans (2).
En un mot,toutesles confidérations générales, toutes celles de
l’équité & du droit naturel /eroient pour la reftriftion de la ford ufion des filles, fi cette forclufion n’étoit modifiée & reftreinte
par la loi même qui la contient. Mais afin qu’on ne croie pas
que pour la défenle du fieur A n d r a u d , nous avons befoin de
ces confidérations générales, nous nous hâtons d’obferver que
c e fi: par les termes de la C o u t u m e , & dans le fens le plus
*»■ »
1 1—
1 ■1
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- - --
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1 —
—
( 1 ) T a c i t e , de morib. G e r m a n . C a p . 8.
( î ) C o n fu lt a û o n 5 6 , n ° . a ? .
rigoureux
�rigoureux qu’on voudra leur donner, ( pourvu qu’on ne les
dénature pas ) que le fieur Andraud veut être jugé.
L ’article 25 de la Coutume d ’ Auvergne prononce la forclu
sion dans les termes que nous avons rappellés ci-deffus; 11 n y
*3
à cet cgard aucune difficulté ;■mais ce qu’on ne peut aufli
nous contefter, c ’eft: que l’article 27 de cette même Cou tume
porte en termes exprès, que le pere , en mariant (a fille, en
premieres n o c e s , peut lui réferver tous fes droits fuccejjifs.
« L e pere &
autres afcendans, en mariant en premieres
» noces leur fille & autres delcendans en droite l i g n e , peuvent
»> réjerver à leurdite fille & autres defcendans en droite lig ne ,
» droit lucceflif de pere , mere & autres leidits parens ». V o i l à
Comment eit conçu l’article 27.
La difpofition importante que contient cet article n’eft pas
équivoque. L e p e r e , en mariant fa f i lle , a la faculté de lui
réferver tous fes droits, malgré la forclufion prononcée par
l’article 25 ; il peut donc les lai réferver en partie. Il peut
mod if ie r, reftreindre la renonciation , puifqu’il pourroit la
rendre abfolument nulle. C a r qui peut le plus peut le moins.
C ’eft une vérité qui n’a pas befoin d’être prouvée.
D ’après c e l a , il eft évident que la queftion fe réduit à fa v o i r ,
ii Jean G o d i v e l, en mariant Antoinette G o d i v e l fa fille, & lui
faifant ftipuler une renonciation , a voulu que cette renoncia
tion fût générale & a b i o l u e , qu elle profitât indiftin&emenc
à tous les enfans d’ Antoinette, ou fi au contraire, la forclufion
a été reftreinte.
Pour décider cette queftion, il fufïira, ainfi que nous 1 avons
d i t , d’ouvrir le contrat de mariage d Antoinette G o d i v e l , &
d ’y lire la claufe relative à la forclufion.
C et te claufe eft ainfi co nçu e: « moyennant ladite conftitu“ tlP n , la future époufe renoncera , de l’autorité du futur
B
�10
» é p o u x , à toutes fucceiïïons dire&es & collatérales, au prb*
» f i t de fe s freres germains s e u l e m e n t ».
Q u ’on écarte pour un moment tout intérêt perfonnel, &
qu’on nous dife s’il peut y avoir le moindre doute furia reftriction j le p er e, q u i , comme on eft forcé d’en c o n v e n i r , avoit
le droit de limiter l’exclufion de fa fille, a dit en termes ex
p r è s , que cette exclufion auroit lieu au profit des freres g e r
mains feulement', cela ne fera pas v r a i , fi les freres germains
ne font pas les fe u ls.qui en profitent, fi l’exclufion doit pro
fiter encore; à un frere ccnfanguin & à fes defeendans. C a r
fans doute on ne peut pas prétendre qu’une difpoiition ait lieu
en faveur d’une perfonne feulem ent, fi elle a lieu en faveur de
cette perfonne & en faveur d ’une autre. C ’efl: une vérité ma?*
thématique.. Il faut donc décider que la renonciation d’Antoi
nette Go d iv el ne dût avoir d’effet que pour fes freres germáins;
que ni Henri G o d i v e l , frere coníanguin,- ni íes defeendans',
n ’ont jamais pu en réclamer l’a v a n ta g e , ou bien il faut anéantir
la difpofition de Jean G o d i v e l , pere commun.
Nous pourrions nous en tenir au fimple énoncé de la claufe
qui contient cette difpofition , & qui , dans fon expréflioti
claire &
préciie, ne laifle aucun doute fur la volonté de Jean
God iv el ; mais indépendamment de l’acception des termes qui
ne
fouffrent pas deux interprétations, tout fe réunit d’ailleurs
en faveur du fieur Andraiid.
- i °. Il eil inconreftable que Jean G o d i v e l , pere d’An to ine tt e,
par la difpofition particulière inférée dans le contrat de ma
riage de fa fille , a eu intention de faire ce que la loi feule
ne faifoit pas. S’il eût voulu que l’exclufion fût. générale &
abf olu e, il n’auroit eu befoin de rien ftipuler à ce f u j e t j c a r
la Coutume excluoit la fille en termes formels des biens fournis
à fon e m p i re , & l’excluoit en faveur de tous les m â l e s , foit
�11
germ ain s, foit confanguins. L e pere a fait une difpofition;
cette difpofition n’eit pas pure & fimpîe ; elle contient une mo
dification. Q u e l l e que foit l’étendue de cette modification, il
eft confiant qu’iï y en a une. Premiere vérité, d’où il réfultc
que ce n’eft point la difpofition de la L o i , mais celle du pere
qu’il faut confulter. L e pere avoit la faculté de déroger à la
C o u t u m e , & il y a dérogé.
2°. Il fe trouvoit dans le fait des motifs bien capables de
le déterminer à reftreindre la renonciation de f a i l l e au profit
des freres germains. Antoinette G o d i y e l etoit née du fécond
mariage de Jean G o d i v e l a v e c Madeleine de Maçon. Elle
avoit trois freres & trois fœurs du même l i t , & fa mere etoit
vivante. Il n’exiiloit au contraire qu’un feul enfant du premier
mariage de Jean G o d i v e l ( c ’étoit Henri G o d i v e l , qui avoit
recueilli ou devoit recueillir feul la fucceflion d A n n e Andraud
fa mere ) ; préfum era-t-on que Madeleine de Maçon , mere
d ’ Antoinette G o d i v e l , eût confenti qu’en faveur de Henri
• G o d i v e l , qui lui étoit étr ang er, Antoinette Godivel fa fille
renonçât à toutes fucceflions dire£tes & collatérales ? Il faudroit q u e ll e eût eu bien peu de pouvoir fur Jean G o d i v e l fon
m a r i , ou que l’intérêt de fes enfans fût bien peu de chofe
à fes yeux. Jean Go d iv el lui-même ne pouvoit l’e x i g e r , &
il ne l’a ¡joint fait. T o u t cela a été reconnu & attefté par les
Adveriaires, page 5 de leur Mémoire im prim é, devant les pre
miers Juges. «Madeleine de M âco n , ont-ils dit, vo y o i t fans
» doute avec peine que Henri G o d i v e l , enfant du premier lit
» de fon m a r i , partageroit ave c Guillaume G o d iv el fon fus le
»> bénéfice de la forclufion. O n vpit que pour éviter ce partage,
» pour attribuer l’effet de la forclufion en efitiera Guillaume G o» d ivel, qui lui ¿toit ciujji cherquc Henri Godivel devoit lui être
y
�12“
__
i> indifférent, elle engagea Ton mari à diriger la renonciation
» au profit de G u i ll a u m e , & c. »
V o i là donc un motif puiifant, reconnu par toutes les Par
ties. Madeleine de M â c o n n’a pas voulu que la renonciation
de fa fille , faite atf profit de fes enfans mâles , freres germains
d’Antoinette , fût faite également au profit de Henri G o d i v e l ,
frere confanguin d’ Antoinette , mais étranger & indifférent à
Madeleine de Mâcon. Refte à fçavoir fi cette volonté , fi
naturelle & fi jufte, a été fuivie.
3 0. A l’infpeftion feule des termes de la renonciation, il
ri’éft pas poflible d’avoir fur ce point le doute le plus léger.
Jean G o d iv el a ftipulé que la renonciation d’Antoinette G o
divel fa fille profireroit aux freres germains feulement, enfans
de Madeleine de Mâcon. I c i , il faut l ' a v o u e r , nous fommes
embarrafles pour prouver que le mot feulement eft un terme limi
tatif; c ’eft le fort des vérités dont l’évidence eft p a lp a bl e , de
n’être point fufceptibles de démonftration. Nous en viendrons
perpétuellement à ce raifonnement auffi fimple que péremptoire : Jean G od i ve l a dit expreffément qu’ Antoinette fa fille
renonçoit au profit de fes freres germains feulement ; fi les
freres germains ne font pas les feuls qui profitent de la renon
ciation , fans doute cette renonciation n’eft pas faite au profit
des freres germains feulement. O r Henri G od i ve l n’étoit point
frere germain d’Antoinette ; il eft donc certain que la renon
ciation n’a dû profiter ni à Henri G o d i v e l , ni à fes defeendans,
ou bien il faut anéantir le mot feulement qui a reftreint cette
renonciation; il faut le regarder comme n’exiftant pas.
Nous avons fur le fens & la valeur de ce mot l’aveu impli
cite des Appellans.; ils conviennent q ue , lorfqu’un pere fait
renoncer fa fille aux fucccifions d i r e & e s , en ajoutant le mot
feulem ent, cette patticule lui réferve lesfucçeiîions collatérales;
�le pere a le même pouvoir pour limiter la renonciation , rela
tivement aux perfonnes, que pour la reftreindre relativement
aux chofes. D e même qu’il peut ftipuler que la renonciation
n’aura point lieu pour telle efpece de fucceifions, Toit directes,
Toit collatérales, il peut ftipuier également que la renonciation
fera fans effet, relativement à tels individus. Si donc lorfqu’il
a été dit que la fiile.renonçoit aux fucceifions dire&es feu le
ment , ce mot a fuifi pour lui réferver les fucceifions collaté
rales ; il eft inconteftable que lorfqu’il a été ftipulé qu’elle.renonçoit au profit des freres germains feulem ent, ce même mot
a fuffi pour lui réferver fes droits fucceilifs à elle ou à fes defc e n d a n s , dans le cas où il ne fe trouveroit en concurrence
qu’ un frère confanguin.
•
O
..
b j e c t i o n s . « Jean G o d i v e l , nous difent les fieurs De f-
» coroles & M a y e t , en itipulant dans le contrat de mariage
w d’Antoinette fa fille, quelle renonçoit au profit des freres
» germains feulement, n’a attaché à ce dernier terme que l’idée
»> de préférence des freres germains fur les freres confanguins’,
» en cas de concurrence entre eux.
» Cet te particule feulem ent, ne peut avoir un fens auifi
» etendu que ces mots: & non d'autres ,• & cependant fi le fieur
v> Go d iv el eût fait renoncer fa fille au profit des freres germains,
» & non d’autres, on ne pouvoit point encore confidérer ces
>* termes comme excluant les freres confanguins ».
» 11 n’y a aucune conféquence à tirer de ce que la renoncia» tion aux fuccefjions directes feulement, vaut réferve aux fuc» ceflions collatérales : dans ce c a s , la reftrièHon ne peut avoir
: » d’autre objet que de réferver à la fille les fucceifions colla» térales. Dans le cas, au contraire , de la renonciation faite
n par la fille , au profit de fe s freres germains feulement
3 l’objet
�•14
» eiV d'appliquer aux freres germains le profit de la renoncia*
» t i o n , à l'exclufîon des autres j en forte que la claufe opere fou
» e f f e t , en leur affurant cette préférence.
> » Enfin le Bru n, Auroux Defpomimiers, &
M e Chabrol»
■
» dernier Commentateur dè la Coutume d’A u v e r g n e , font
» d’accord pour décider que *la> renonciation faite par la fille
» au profit de fes freres germains feulement, ou de fes freres
» germains & non d’autres, ne vaut qu’une préférence en fa» veut de ceux au profit'defquels efl: dirigée la renonciation.
» D ’ailleurs, ajoutent les Adverfaires, ce n’eft point de la
» renonciation faite par Antoinette Godi vel que réfulte la for» clufion. Cet te forclufion efl: prononcée par la Coutume : la
» renonciation n’a rien ajouté quant à cet objet. A i n f i c e n’eft
» point cette renonciation qui doit fervir à borner l’étendue
» de la forclufion", mais la C o u tu m e , qui déclare la fille for» clofe *.
R é p o n s e s . O n auroit de la peine à cr o ire , fi on n’ en v o y o i t
la preuvet dans le. procès a£luel, que dans ce moment où la
langue eft f i x é e , il fe foit trouvé des hommes capables de
foutenir férieufement & co nf ta m m e nt , que ces mots: feulement
& préférablement, font deux mots fynonimes ; que le premier
n’annonce point une re fl ri & io n , mais une fimple préférence.
C ’eft c o m m e li l’on foutenoit que le mot tout ne comprend pas
le t o u t , mais feulement la plus grande partie de ce dont il eft
queftion. Il paroîtra faftidieux de revenir fans ceffe au même
raifonnement j mais fi l’on confidere que c’eft-là le point décifif
du procès, on fera m o i n s ,f é v e r e , & fans doute on nous per
mettra d’y ramener l’attention. Si Jean G o d i v e l avoit entendu
ne donner qu’une préférence aux freres germains, il auroit dit:
au profît des freres.germ ains, préférablement t premièrement, tant
�-M
q u d en exljlera. Au lieu de cela , il a fuit ftipuler que la for-'
clufion d’Antoinette G od i ve l auroit lieu au profit des freres
germains feulement. Il a donc voulu ( & fa volonté a été clai
rement ex primée) que les freres germains d’ Antoinette fuiTent
les feuls qui profitaient de la forclufion j c a r , on ne fçauroit
trop le répéter, fi les freres germains ne font pas les feuls ; fi
un frere confanguin ou Tes defcendans peuvent en profiter auifi,
il implique de dire que la forclufion ait lieu au profit des freres
germains feulement. Par ce dernier terme fe u l, il eft donc évi
demment démontré que Jean G od i ve l n’a point entendu don
ner une fimple préférence aux freres germains, mais qu’il a
formellement exclus le frere confanguin & fes defcendans.
Après avoir vu les fieurs Defcoroles & M a y e t prétendre
que la particule feulement n’eft; pas un terme limitatif, on n’eft:
pas étonné de les voir foutenir que cette même particule fe u
lement n’a pas un fens aufli étendu que ces mots : & nbn d'autres.
Cependant cette prétention n’eft pas moins étrange que la pre
mière ; elle n’eil pas‘ moins contraire aux idées & à l’exception
reçues. Lorfqu’après avoir défigné un certain nombre ou une
certaine claffe d’hommes, çn dit : tels individus, tellesperfànncs
feulement profiteront de t-elle difpofition, on entend que ces
perfonnes, ces individus feront les feuls qui en effet puiffent
profiter de la difpofition. S ’ils font les feuls, il eft bien conftant
«[u’il n’y en aura pas d ’autres : la particule feulement &
ces
pinots & non d'autres ^ ont donc un fens, une fignification abso
lument fynonimes. L ’acception étant attachée au mot par une
convention générale , de même que telle valeur à tel nombre ,
ces deux objets font fufceptibîes de la même démonftration.
C e font des vérités mathématiques, qu’il eft ridicule de con
tefter.
Les Adverfaires difent encore que quoique le mot feulement
�ï6
foit limitatif, lorfqu’il eil appliqué à telle nature de fucceffion , on ne peut pas en conclure qu’il le foit également lorf
qu’il eil appliqué à telle clafi'e d’individus. Cette diilinftion
/
eil imaginaire & infourenable. Si Iorfqu’ün pere a fait renoncer
fa fille aux fucceiïîons direfles feulem ent, on décide que par
ce mot feulem ent, il iui a réfervé lés fucceiîions collatérales ,
. pourquoi ne décideroit-on p a s , par le même principe., que
lorfqu’un pere a U\t renoncer fa fille au profit de fes frères
germains feulem ent, il lui a réfervé fes droits, eu égard aux
freres conlanguins ? C ’eft une chimère de prétendre que dans
le premier c a s , la reitndlion ne peut avoir d’autre objet que
de réferver à la fille les lucceiîions collatérales j &
que dans
le fécond , l’objet eil de donner une fimple préférence aux
freres germains. C ’ell réfoudre la queilion par la queilion. H
eil bien plus fimple &
plus vrai de dire que l'objet eil le
m ê m e , que la reilri6lion a une égale force dans les deux cas ;
x
que de même que dans le p r e m i e r , le pere n’eil affeété que
d’une i d é e , celle de réferver à fa fille le droit aux fucceiîions
collatérales, en ilipulant que la forclufion aura lieu pour les
fucceiîions dire£les feulement ; de m ê m e , dans le iecond , il
n’çft affefté que d’une i d é e , celle ’d ’exclure les freres confanguins du profit de la forclufion, en ilipulant que la fprclufiorç
aura lieu pour les freres germains feulement.
A u furplus, dans leurs obje&ions m ê m e s , il échappe aux
fieuts P e fc o r o le s & M a y e t de dire q u e , dans ce dernier c a s ,
l’objet eil d’appliquer ?ux freres germains le profit de la renon
ciation , à l'excluflon des autres, O n conçoit facilement co m
ment les freres confanguins péuvent être exclus, & cependant
profiter de la renonciation.
Les autorités ( fort inutiles d’ailleurs fur une queilion qu1
doit fe décider par les réglés du bon fens & de l’équité ) ne font
�17
pas plus favorables aux Adveri'aires que le raifonnetnent.
Ils cirent L eb ru n , Auroux des Pommiers & le dernier C o m
mentateur de la Coutume d’Auvergne.
Par rapport aux deux premiers qui ont é c r i t , non pour la
Coutume d’A u v e r g n e , mais pour celle de Bourbonnois, il etl
vrai que fur une queftion qui préfente quelqu’analogie avec
celle du p r o c è s , ils femblent décider que ces m o t s , & non
d'autres, n’operent point pour tous les cas une exclufion abiolue,
mais ils fe fondent fur l’article 307 de la Coutume de Bourbonn o i s , & voici d’ailleurs comment ils déiruifent eux-memes les
conféquences qu’on voudroit tirer de cette premiere partie de
leur décifion.
Lebrun, fur les articles 305 & 3 0 9 , qui portent, que fille
mariée & apanée ejl exclufe quand il y a des mâles ou des defcendans des m âles, parle de la renonciation faite par une fille
au profit de fort frere germain f e u l , s’exprime en ces termes :
« D è s que le pete a limité la renonciation de fa fille en faveur
» du frere germain , il l’a réfervée tacitement à l’égard des
» autres ; après quoi les freres confanguins ne f e peuvent plus
** prévaloir de l'exclufion coutumiere en faveur des m âles, puif» que la renonciation expreiTe n’eft qu’en faveur d’un frere
» g e r m a i n , & ' que quand le pere a fait une flïp u la ù o n , la Cou» tume qui nauro'u difpofé quen fa p la ce , ceffe de difpofer. C e
» qui eft d’autant plus juite, ajoute Lebrun , que c’eil le pere .
»> qui d o t e , & non pas la C o u t u m e , & qu’il fait ce qu il doit
» donner, à proportion de ce qu’il exige de fa fille, donnant
» plus, quand il lui laiiTe moins de retour aux fuccefiions de
* la famille , & moins, quand il lui donne plus d’efpérance de
>* pouvoir venir à fes fucceiïlons ».
O n ne fauroit defirer rien de plus f o r m e l , en faveur du
principe que nous foutenons.
C
�i8
Auroux de Pomm ie re s, fur l'article 307 de la même C o u
tume ( d e Bourbonnois) n. i o &
1 1 , décide « que fi la fille
» qui n’avoit qu’un frere germain au rems de fa renonciation,
>> renonce nommément ôc expreiTément en faveur de ce frere
» défigné par ion nom de b ap t êm e , cette renonciation ne pro» jiiera q u à lui J'eul, & non aux autres freres germains qui
» naîtront enfuite , & que ceux-ci ne pourront profiter de la
» renonciation , que dans le cas où elle feroir faite au profit
» du frere germain ¡fin e exprcjjione p articula rï&n 0mlni3 ».
Les fieurs Defcoroles Si M a y e t prétendent que ces Auteurs
ne raifonnent ainfi , que lorfqu’il s’agit de l’excl.ufion de freres
co nfanguins, parce q u e , difent-ils , la Coutume de Bourbonnois décide contr'eux. L ’obfervation n’eftp as e x a £ l e j c a r d’u a
c ô t é , Auroux & le Brun fe fondent fur des raifons générales>
- é g a l e m e n t applicables aux freres germains & aux confanguins,
& d’un autre cô té , Auroux des Po m m ie re s , dans l’endroit c i t é ,
ne parle pas du tout des freres confanguins. C ’eit précifénient de germain à germain qu’il annonce la reftriftion, dans
l e cas où la renonciation eÜ faite au profit de tel frere germain
nommément.
Q u a n t au dernier Commentateur de la Cou tume d’A u v e r
g n e , quelqu’eilimable que foit fon travail, nous n’héfiterions
point à le c o m b a tt re , & nous nous flatterions de le faire a v e c
fiiccès, fi fon opinion étoit telle que les Adverfaires le pré
tendent , mais il s’en faut du tout au tout. C e Jurifconfulte
foutient au contraire formellement le principe fur lequel le
fîeur Andraud appuie fa défenie.
Les fieurs M a y e t & D e fc o r o l e s f e font permis là-deflus une
petite infidélité, qui ne leur fera pas d’un grand avantage r
mais dont nous avons cependant le droit de nous plaindre.
V o i c i comment ils citent le paffage de M e Chabrol fui
�19
l’ article 25 de la Coutume d’ A u ve r gn e, fe£Kon 1 , page
373*
« La renonciation dirigée en faveur de tel maie, n a d autre
^
M objet que de donner la préférence à ce mâle fur les autres.......
» I l ne fufjîroit même pas qu’elle renonçât en faveur de tel de
» fes freres feulement ; il jaudroit en outre qu’elle eût ftipulé
*■
» que lui ou fa poftérité venant à défaillir, elles ou fes defeen-
.
» dans feroient habiles à fu c c é d e r , nonobftant l’exiftence des
» autres m â le s , & c . »
11
feroit bien étonnant que cet A u te u r , qui a donné une
;
Confultation abfolument contraire, fût tombé dans une pa
reille erreur. Cependant les Adverfaires le citent deux fois
dans leurs Salvations, & deux fois de la même manière.
Si 1’ on ouvre fon C o m m e n ta ir e , à l’endroit cité , on y lit :
« il eft certain que la renonciation dirigée en faveur de tel
» m â le , n’a d’autre objet que de donner la préférence à ce
» mâle fur les autres; mais (i celui-ci ou fa poftérité viennent
» à défaillir, les autres mâles reprennent leurs droits, parce
» que la Coutume exclut la fille en faveur de tous les mâles
» indiftin&ement » : la préférence donnée à l’un n’éteint pas
le droit des autres. = Enfuite au lieu de ces mots rapportés par
les fieurs Defcoroles & M a y e t : il ne fujfiroit mime pas quelle
renonçât en faveur de tel de fes freres feulem ent, l’Auteur dit au
contraire: « il faudroit flipuler expreffément que la fille renonce
» en faveur de tel de fes jieres feulement. . . . . .
M
Il eft vrai que frappé de la conteitation a£fcuclle , fur laquelle
il étoit confulté, précifément'à l’époque de fon commentaire,
il a ajouté çes mots ( comme pour indiquer une précaution
furabondante qui prévieudroit toute difficulté ) « & même ( i ) ,
» que lui ou fa poftérité venant à défaillir, elle ou les defeen-
(,■) Los
Ad-i
c«
Mdans deviendront habiles à fucc éde r, & c. » C e il ainfi, con-~exPrcffio,,s»ûi,
« n u e r A u t e u r , cejt par Je meme principe ( dit-ii plus b a i ) un Cens totalement différent
» n
1
•
offroientf
�20
*lecelui qu’ils »'qu’il ne fuffit p^s qu’ une iilie renonce aux fucceffions dîétabür. En » re&es pour avoir droit aux collatérales, fi elle n’ajoute
confequence , „ q U’e ÎIe ne renonce qu’aux fucceffions dire&es feulement
ils ont imagine
.
d’y fubftituer C e dernier membre
explique parfaitement
les termes qui
prenions*«*/ p ré c é d e n t, & dont les Adverfaires ont voulu tirer avantage
» faudroit en e n
outre y o ie .
»
»
Avec de pa-
jes
d én a tu ra n t.
1
5
c
La m me décifion fe retrouve en la fe&ion 5 du même
iin’eiTpas^nè chapitre. « Il faut quelque chofe de plus, y eft-H d i t , que la
n^pûtpr^T en" * ^lr,P^e renonciation aux fucceffions dire&es , pour emporter
ter com m e fa- » l a réferve des fucceffions collatérales par e x e m p l e , la pârvorable,
,
.
r ,
» t i c u i e l a x a t i v e tant feulement.
» L a particule feulement eit taxative & limitative. Il faut
»d on ne r un fens à chaque expreffion j &
une renonciation à
» telle fucceifion feulem ent, ne peut avoir d ’autre, objet que
» réferver les autres ».
Enfin, ce qui trancheroit toute difficulté, s’il pouvoit y en
avoir fur le fens de ces diiFérens pa fla g es , qui fans doute ne
paroîtront pas équivoques , c ’eft que l’A u t e u r , encore vi van t,
confuhé fur la queftion qui divife les Part ie s, a d éc id é, en
termes e x p r è s , que lorfque la renonciation étoit faite au profit
des freres gérmains feulem ent, ce mot feulement opéroit une
reftri ft ion , de maniéré que la fille n’étoit point forclofe , re
lativement aux freres confarvguins.
Il eft donc v r a i , ainfi que nous l’avons d it , que les fiems
Defcorolles & M a y e t ont ¿t la fois contre eux l’é qu it é , la loi& la décifion des Jurifconfultes»
C e s Adverfaires, aflez embarraiTés pour fixer le point de
leur d é fe nf e , ont
reconnu , page 9 de leur Mémoire im
primé, devant les premiers Juges ( & cet aveu fuffiroit pour
détruire leur fvftême fur la valeur du mot feuleme.nt') ils ont
xeconnu que s’il s’agiffoit d’interpréter la claufe du contrat d e
�21
mariage d’Antoinette G o d i v e l en elle-même, on ne pourroit
'pas douter que l'interprétation ne dût f c faire en fa v eu r du fleu r
Anâraud. :
lis font aujourd’hui dans la même perfuation. « M a i s , dl» fent i l s , ce n’eft point la renonciation d’Antoinette Godivel
» qui doit fervir à borner l’étendue de la forclufion, c’eit la
» Coutume qui déclare la fille forclofe ».
Nous répondrons à cet argument par le paiTage déjà cité
d’un Auteur que les Adverfaires prétendent leur être fav o
rable. « Dès que le pere a limité la renonciation de fa fille en
» faveur des freres g erm ai ns , il l’a réfervée tacitement à l’é» gard des autres ; après quoi les freres confanguins ne fe
>►peuvent plus prévaloir de V&xclufion coutumiere en faveur des
» mâles, puifque la renonciation expreffe n’eft. qu’en faveur
» des freres germains , & que quand le pere a fa it une filpula» tion , la Coutume , qui n auroit difpofé qu’en fa place , cejfe de
» difpofer; ce qui eft d’autant plus jufte, que c ’eit le pere
» qui d o t e , & non pas la Coutume , &
qu’il fait ce qu’il
» doit donner à proportion de ce qu’il exige de fa fille ».
C e pairage de Lebrun, appliqué il la queftion a&uel le , en
offre un réfumé exa£L
C e n eft point la forclufion prononcée pai la Coutume qu’il
faut co ni u lt er, mais la difpofition du p e r e , à qui la loi p er rnettoit de faire ceffer l’excluiion légale en totalité, ou de
la modifier par une réferve. Dè s que le pere a fait une ftipulation la Coutume cefïe de difpofer. Suivant cette ftipulation, la forclufion n’a dû avoir lieu qu'au profit des freres ger
mains feulement ; ni le frere confanguin , ni fes aefcendans ,
n ont pu en profiter. O r , dans ce moment-ci, il n’exifte pas un
feul individu dcfcendanr des freres g e rm a i n s , c’eft la fuccef-
�fion du dernier qui forme l’objet de la conteftation ; il eft donc
démontré que le fieur Andraud , defcendant d’Antoinette G o d i v e l , doit , en cette qua li té , être admis au partage de cette
même fucceflion.
C e t t e premiere vérité une fois bien co n fi a n t e , il ne fera
pas difficile d’établir que le fieur Andraud a pu acquérir les
droits de différens cohéritiers , &
que ces droits ne fçau-
roient lui être enlevés.
S-
I I.
Demande en fubrogation.
C et te prétention particulière des fieurs M a y e t & Defco rol es,
p ro fe ri te , ainfi qu’elle devoit l’ê t r e ,
par la Sentence dont
eft a p p e l , eft fondée encore fur la prétendue forclufîon d’A n
toinette G o d i v e l , relativement aux freres confanguins.
O n dit au fieur Andraud; Antoinette Go d iv el s’étant trouvée
forclofe , d ’abord au profit des freres germains, de préférence,
& enfuite , à défauts des freres germains , au profit des confm g u in s , ni elle , ni fes defeendans n’ont pu venir à fucceffi on s , foit d i r e & e s , foit collatérales; defeendans d'Antoinette
G o d i v e l , vous êtes d o n c , par une conféquence néceiTaire de
la forclufion , fans droit fur la fuccciTion de Catherine Godivel
"de euju s i vous devez être réputé étranger; par une extenfion
des loix,yoer dtvtrfas & ab A naflafio, la Jurifprudence permet
aux héritiers dtr le faire fubroger aux droits qu’un étranger
peut avoir acquis dans une fucceflion j vous ne pouvez donc
contefter la demande en iubrogation formée contre vous, re
lativement aux ventes qui vous ont été confenties par les fieurs
Seymier & Gilbcrgues.
�Vo il à le fyflême des fieurs Defcoroles & M&yet, Nous r é
carrerons par trois moyens également décififs.
i ° . Dans le point de d r o i t , les loix pe.r diverfas & ab A n a f
îafio (abftrattion faite du défaut de forcluiîon ) ne fçauroient
être applicables à l’efpece.
Ces lois dans l’origine n’ont eu pour objet que d’écarter les
acquéreurs des droits litig ieu x, efpece de gens avides &
peu
délicats, qu’ on voy oit à Rome de très-mauvais oeil, & qui ne
méritent pas plus de faveur parmi nous. Un acquereur de droits
fuccefiifs, n’eft point un acquéreur de droits litigieux. Il effc
vrai que par la Jurifprudence ces mêmes loix ont reçu l’extenfion d’un cas à un autre; mais cela a été fondé fur deux mo
tifs qui nous font attefles par les Adverfaires eux -m êm e s, & qui
très-certainement ne fe recontrent point ici.
« L e premier motif a é té , nous difent-ils ( i ) , d’empêcher
» que des étrangers ne portaient un ceil curieux & indiferet fur
» les affaires d’une famille ; le f é c o n d , que des cohéritiers ne
» fufTent pas expofés à effuyer le caprice & les vexations d’un
» nouveau copartageant , qui pourroit être de compofuion
» difficile , ou dont l ’infolvabilitê feroit naître des inquiétudes ».
D ’une p a r t , il eft impôflible d ’envifager le fieur Andraud
comme venant porter un ceil indiferet fur les affaires d’une
famille à laquelle il feroit étranger ; car non-feulement il n’eft
pas étranger à la famille, mais defeendant d’Antoinette G o
divel , feeur germaine de Guillaume G o d i v e l , d’où proviennent
les biens à partager; il fe trouve tenir de plus près que les
autres cohéritiers, ou du moins que les fleurs Defcoroles &
M a y e t , à Catherine G o d i v e l , de la fucceffion de cujus. D ’ail-
0 ) Mémoire imprimé devant les premiers Ju g es, p . a a.
�24
leurs, comment admettre ce prétendu mot if, Iorfqu’on voit
que le fieur Andraud a déjà eu le fecret de la fa m il le , qu’il a
été dépofitaire, qu'on l’a admis au partage, en un mot qu’il a
aiîiilé à toutes les opérations. D ’autre p a r t , le fécond motif
n’eil pas plus üdmiflible ; on n’a à craindre , ni c a p r i c e s , ni
v e xa ti on s , ni infolvabilité du fieur Andraud ; tous les cohé
ritiers favent qu’il a fait le bien de la fucceflion -, que ce n’eil
point pour gagner qu’il a a cq u is , mais pour diminuer le nombre
des copartageans : circonilance qui doit nécessairement tour
ner à l’avantage de tous. Il eft donc certain que les motifs qui
ont fait étendre les Lo ix per diverfas & ab A n a jîa jio , ne peu
ve nt recevoir aucune application contre le fieur Andrau. D ’où
il réfulte qu’on ne peut argumenter de ces L o i x , parce que
n’ayant point été faites contre les acquéreurs de droits fucceflifs, &
n’agiflant contr’eux que par-une extenfion que la
Jurifprudence leur a donnée fur tels motifs déterminés, dès que
ces motifs ne i’e rencontrent pas, l’ extenfion fi x é e , ou reftreinte par la Jurifprudence , doit ceffer d’ avoir lieu.
Il y a , au contraire , de très-fortes raifons de droit & d’é
quité pour confimier les acquifitionsfaites par le fieur Andraud,
&
rejetter la demande en fubrogation. D ’abord l’intérêt du
c o m m e r c e , que la liberté favorife, & auquel une trop grande
gêne , fur-tout lorfqu’elle ell fans fon de m en t, ne peut que
nuire beaucoup. C e c i n’eil qu’une raifon d’équité ; il y en a
une de d r o i t , tirée de ce que la Coutume d’Auvergne a eu en
vu e deux fortes d’héritiers, l’héritier ab im ejlat, & l’héritier
conventionnel. La fille, une fois forclofe, ne peut être héri
tière ab in teflai, que par le rappel : cela eil vrai ; mais elle
peut devenir héritière conventionnelle. C et te
faculté fuflit
pour donner le droit d'acquérir. S i , par quelque paéle que ce
�foît y on peut devenir héritier c o nv en ti on ne l, on eft à 1 abri
des demandes en fubrogation.
En un m o t , tout parle en faveur des a£tes confentis au fieur
Andraud par les fieurs Gilbergues & S e y m i e r ; rien ne pe.utleur
porter atteinte. Les L oi x qu’on oppoiè n’ont point été faites
pour des a£tes de cette nature ; & l’extenfion qu’on a donnée
à ces Lo ix ne peut avoir lieu dans l’e f p e c e , puifque les motifs
fur lefquels elle eft fondée , manquent abfolument. Premier
moyen contre les demandes en fubrogation.
2°. Les fieurs Defcorolles & M a y e t fe trouveroient, dans
tous les c a s , non recevables à oppofer les l o i x , per diverfas
& ab A n a fla jïo , parce qu’ils ont reconnu au fieur Andraud. la
qualité d’héritier. Ils l’ont admis au parrage du mobilier de la
fuccefîion. Le fieur Andraud a paru « comme héritier en partie
» de Catherine G o d i v e l , &
# fieurs Seymier &
comme fubrogé aux droits des
G i l b e r g u e s » ; il a concouru à toutes les
opérations ; il a été dit que c ’étoit de fon confentement qu’une
fomme de 2400 livres étoit dépofée entre les mains d’un N o
taire î enfin , fur l’argent c o m p t a n t , il a reçu une fomme de
3600 livres 9fous les y e u x & du confentement de tous les cohéri
tiers. D e s faits de cette nature ne peuvent être balancés par des
proteftations vagues & générales. Dans prefque tous les a i l e s ,
il eft de forme & d’ufage d’inférer des réferves &
protefta-
tions ; mais on n’y a aucun é ga rd , lorfque les faits font co n
traires.
Il y a une autre circonftance e n c o r e , c ’eft que les A d v e r
saires eux-mêmes, après le partage des meubles qui fe font
trouvés dans une maifon de la fucceflion , ont vendu leur part
fi" portion fu r les meubles au (leur Andraud. Les Adverfaires
prétendent que pour avoir droit d ’acquérir, & être à l’abri des
demandes en fubrogation , il falloit être héritier. O r , ils ont
D
�z6
regardé le fieur Andraud comm e ayant le droit d’acquérir t
puifqu’iJs lui ont vendu ; ils ont donc re co n n u , par cela ieul ,
qu’il éroit héritier, & qu’il ne pouvoit y avoir lieu à la iubrogation, ù moins qu’ils n’aillent jufqu’à prétendre qu’ils peuvent
fè faire iubroger à la vente qu il s ont faite au fieur Andraud.
D e tout c e l a , il réfulte une fin de non recevoir inconteiïable.
Second moyen contre les demandes en fubrogation.
Troifiemement. Quand on admettroit l’application des loix
pcr diverjas & ab Anajlafio , & quand on feroit abftra&ion de
toutes fins de non re cev oi r, le iÿftême des Adverfaires fur ce
point ne feroit fo u t en a b le , qu’autant qu’on fuppoferoic que
réellement le fieur Andraud elt étranger à la fucceflion de
Catherine G o d i v e l , fous prétexte qu’ Antoinette G o d i v e l , fon
a ïeule, a été forclofe ; o r , nous avons établi qu’ Antoinette
Go d iv el n’avoit point été f o r c lo fe , relativement à fon frerc
con-fanguin , puifque fon p e r e , qui avoit eu le pouvoir de
rendre la forclufion n u l l e , & à plus forte raifon , celui de la
reftreindre, avoit dit., en termes e x p r è s , que la forclufion
n’auroit lieu , qu’au profit des freres germains s e u l e m e n t , c e
qui étoit exprimer clairement qu’elle ne profiteroit point aux
freres confanguins. Il ne fe préfente , dans ce moment-ci, au
cun héritier defcendant des freres germains. U n feul s’étoit
m a r i é , & fa poftérité vient de s’éteindre dans la perfonne de
C atherine
Go d iv el.
11 ne
peut donc être que ft ion , en aucune
maniéré , de la prétendue forclufion j ou bien il faut anéantir
la réferve ftipulée par Jean G o d i v e l , réferve qu’il lui étoit
permis de faire , d’apres le texte formel de la loi.
S’il n’y a point de forclufion, le fieur Andraud eft héritier ,
Si par ce titre f e u l , fans avoir befoin de faire ufage des autres
moyens qui concourent ù fa défe nfe , il é c a r t e , fans retour, la
demande en.fubrogation.
�17
L e même m oy en é t a b l i t , inconteftablement, qu’il a eu le
droit de fe préfenter, comm e héritier de fon c h e f , & comm e
fubrogé aux droits des fieurs Gilbergues & S ey m ier .
Monf ieur C L É M E N T D E
G I V R Y , Rapporteur,
Me DE L A G O U T T E ,
A vo c a t.
B u s c h e , Proc.
c
A
PARIS,
chez P. G . S
i m o n
, &
N. H. N
y o n
Imprimeurs du P a rl e m en t , rue M ignon , 1 7 8 5 .
,
�
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Factums Baron Grenier
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Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Andraud, Pierre. 1785]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Clément De Givry
De Lagoutte
Busche
Subject
The topic of the resource
forclusion
droit d'accroissement
secondes noces
généalogie
successions
coutume d'Auvergne
jurisprudence
doctrine
coutume du Bourbonnais
frères germains
Description
An account of the resource
Mémoire pour maître Pierre Andraud, seigneur de Parpaleix, conseiller au siège présidial de Clermont-Ferrand, intimé ; Contre le sieur Joachim Descoroles, ecuyer, et maître, notaire, appellans.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Chez P. G. Simon, et N. H. Nyon, imprimeur du Parlement (Paris)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1785
1684-1785
1661-1715 : Règne de Louis XIV
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
27 p.
BCU_Factums_B0116
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Baron-Grenier
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_B0115
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/18/53955/BCU_Factums_B0116.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Olliergues (63258)
Clermont-Ferrand (63113)
Chanterelle (15040)
Rights
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Domaine public
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coutume du Bourbonnais
doctrine
droit d'accroissement
forclusion
frères germains
généalogie
jurisprudence
secondes noces
Successions
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da18f479c2d494b67ec676b2aac712f8
PDF Text
Text
CONSULTATION
POUR
Madame
DE
SOUBRANY.
C O N T R E Mefdamcs M A U G U E S
,
D'AUBI ÈRE & FAVARD.
E T C O N T R E Madame V A L E I X .
A
R I 0 M,
De l’imprimerie de M
D É G O U T T E , ImprimeurLibraire, près la Fontaine des Lignes.
a r t in
M.
D C C. L X X X V.
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1
W
w
*
L e C O N S E I L S O U S S I G N É , qui a lu diff é - Queftion
rentes confultations & qui a relu celle qu’il a déli- furlamanière
bérée à Paris le 23 janvier 1 7 8 5 , fur la queftion de dans lacoufavoir qui doit recueillir les meubles & acquêts
tum
e.
qui compofent la fucceff i on du fieur Carraud d’Urb iz e ,
E S T D ’A V I S que les articles 1 , 6 & 9 du
titre 1 2 de la coutume d’Auvergne, les défèrent
à la dame de Soubrany.
Le fieur Carraud d’Urbize étoit fils d’une Garnaud;
fon père , d’une D ubois, Si fon aïeul d’une Bardin.
Les lignes de ces trois femmes fe préfentent pour
recueillir fa fucceff ion : chacune foutient qu’elle a
un droit exclufif. A qui faut-il accorder la préfé
rence ?
L ’article I er du titre 1 2 de la coutume d’AuA
�vergne, dit, en parlant des propres (æ), qu'il faut les
donner au plus prochain lignager du défunt. L'art.
répute les meubles & acquêts provenus du côté
paternel, & les défère aux parens paternels (¿ ) ;
ainii on y adjuge cette efpèce de biens, fuivant les
règles établies pour la iücceiTion des propres pater
nels. L'article admet la repréfentation infinie dans
les deux lignes (c).
Ce font là les difpoiitions de la coutume dans
lefquelles il faut chercher les motifs de décider : il
eft facile de concevoir qu'il réfulte de leur concours,
que la dame de Soubrany eft feule appelée à la fucceiTion du fieur d’Urbize , car elle a l’avantage fur
les dames Maugues , d'Aubière & Favard, de la
proximité par le chef qu'elle repréfente, Si fur la
dame V aleix , de la qualité de la ligne.
Les textes de la coutume décident en faveur de
Ja dame de Soubrany. Ses adveriaires qui ne peu
vent pas fe le difîtmuler , fe livrent à des interpréta-
6
9
(a) L e mort faiiît !c v i f , for> plus prochain lignager habile à lui fucccder ab-inteftdt, (ans apprélieniion de fait.
On dit que cet article parle des propres, (oit parce qu’il fe fert du
mot lign ager, & que les propres feuls ont une lig n e , fait parce que
la coutume diipofe des meubles & acquêts par un article exprès.
( b) T ous biens acquis par le défunt de la fucceflîon duquel feroît
■queftion^ font tenus & réputés biens paternels & provenus du côté
paternel , tellement que les parens paternels y fucccdent ; & en font les
parens maternels forclos.
(c) Repréfentation a lieu , tant er. droite ligne que collatérale, itfquc
a d infinuum , audit pays çoutumier.
�(
3
)'
t'ions quelles difent être l’eiprit de la coutume ; mais
fi les textes de la loi donnent clairement la fucceffion à la dame de Soubrany , comment imaginer
que ion efprit la lui refufe ?
La ligne Rardin & la ligne Garnaud ont chacune
embrailé un fyflême qui ravorife fon intérêt ; ainil
la queftion la plus iïmple fait naître diverfes opi
nions. Pour juger fainement à laquelle on doit s’ar
rêter, ileft néceiTaire de confulter les maximes géné
rales du droit coutumier , Si d’examiner eniuite
celles qui font particulières à la coutume d'Auver
gne. Ce développementfourniralapreuve infiniment
précieufe pour la dame de Soubrany , que non feu
lement les textes formels de la coutume lui aiTurent la préférence fur les lignes Bardin & Garnaud,
mais encore qu’elle réunit contre la première, tout
le droit coutumier de France.
Il n’y a , iuivant le droit romain , qu’un feul
patrimoine dans chaque fucceifion ; & la loi le dé
fère au plus proche parent, fans diftinition de ligne.
Le droit coutumier a introduit une législation
bien différente : il diftingue les biens en propres &
en acquêts : il défère les meubles & acquêts au plus
proche parent du défunt, de quelque côté qu’il lui
foit parent , & donne fes propres aux parens de la
ligne de celui qui les a portés dans la fam ille;
c’eft cette préférence des parens de la ligne de l’ac
quéreur , qui eft défignée par la règle fi connue
A 2
P rin cip ts
généraux du
droit co u tu m ier.
�(4)
dans nos coutumes fous les mots, paterna paternis ^
materna maternis.
Ce principe général de l’afFeètation des propres
à certaines lignes, n'a pas été reçu de la même
manière dans toutes les coutumes. G u in é} après
les avoir toutes étudiées , dit avoir reconnu quatre
ufages différens.
Suivant le premier , le plus proche parent pater
nel fuccède à tous les biens qui font provenus du
côté du père , & le plus proche parent maternel
fuccède à tout ce qui eft provenu du côté de la
mère , fans remonter plus haut, ni chercher plus
loin , de quelle part les propres étoient échus au
père ou à la mère du défunt. Dans ces coutumes y
dit-il, non recurritur ad avitina : on confidère feule
ment le dernier mourant & la perfonne par le décès,
de laquelle fes biens lui font avenus.
Dans le fécond ufage, qui eft celui des coutumes
fou chères , les propres ne font déférés qu’aux defc.endans, & non aux collatéraux de l’acquéreur ;
au défaut de ces defcendans, les plus proches parens
du défunt font appelés.
Le troifième ufage eil des coutumes de côté Sc
ligne , telle que celle d’Auvergne. C ’eft celui du
plus grand nombre des coutumes, & notamment de
celle de Paris, il faut, dans ces coutumes, être parent
du défunt,.du côté & ligne de celui qui a mis les
héritages dans la famille. Ils font affe&és d’abord aux
�( H
deScendans , -enSuite aux collatéraux de-l'acquéreur,
foit du côté paternel, Toit du côté maternel.
Enfin, le quatrième des uSages, reconnu par Guiné,
eft celui des coutumes de représentation infinie : on
y défère l’héritage propre à celui d’entre les héritiers
du défunt qui repréSente la perSonne la plus proche
de l’acquéreur : on regarde plutôt l’habilité de Suc
céder à cet acquéreur, que la proximité avec le défunt ;
c’eft- à-dire, que le plus éloigné concourt avec le
plus proche, lorfque les auteurs de leurs lignes étoient
en parité de degré.
On dit que tous les ufages dont on vient de parler ,
favorifent la prétention de la dame de Soubrany;& ,
en effet, dans les premières coutumes, où le plus
proche parent paternel iuccède aux propres paternels,
les biens dont il s’agît lui appartiendroient , puis
qu’ils font fictivement des propres paternels, & qu’elle
eft inconteftablement plus proche parente paternelle
duiieur d’Urbize, que les dames Maugues, d’Aubière
& Favard.
Dans les fécondés , elle auroit le même avantage,
puifqu’il n’y a pas de defeendans de l’acquéreur, &
qu elle eft, à l’égard de la ligne Bardin, la plus proche
parente du fieur d’ Urbize.
Elle fuccéderoit encore dans les troifièmes, parce
qu’il Suffit d’y être le parent le plus proche du défunt,
du côté & ligne de l’acquéreur, & qu’elle eft la plus
proche parente du fieur d’Urbize, du côté d’Amable
�, * (
Principes
particuliers
de la coutu
me d’A uver
gne.
Carraud, qui eft cenfé être l'acquéreur des biens dont
il s’a g it, comme on le démontrera dans la fuite.
Dans les quatrièmes, enfin, elle feroit appelée,
exclufivement aux dames M augues, d’Aubière &
Favard^ parce qu’elle a , par repréfentation de Pierre
D ubois, l’avantage de la proximité, non feulement
fur elles , mais encore fur Claude Bardin, qui eft le
chef de leur ligne, & celui par repréfentation de qui
elles réclament la fucceifion du fieur d’ Urbize
La dame de Soubrany eft.appelée, exclufivement
à la ligne Bardin , par toutes les coutumes qui ont
admis le retour aux eftocs ; elle l’eft également par
celles qui y ont joint la repréfentation infinie. La
coutume d’Auvergne feroit-elle donc la feule q u i,
par des difpofitions fingulières, la priveroit de la fucceffion dont il s’agit ?
Cette coutume, dont prefque toutes les difpofi
tions font tirées du droit romain , s’en eft beaucoup
écartée en matière de fucceifion, & fon fyftême de
la fucceiîibilitéj qui tient totalement à l’efprit gé
nérai des coutumes , confifte dans ces principales
règles : le plus prochain lignager eft préféré: la repré
fentation infinie a lieu dans les deux lignes : les
meubles & acquêts appartiennent aux afcendans : à
leur défaut, ils font réputés propres paternels, & font
déférés aux parens paternels qui y font regardés
d’un œil plus favorable; ce qui vient peut-être de ce
que les femmes n'y avoient anciennement qu’un très-
�(7 )
médiocre patrimoine : elle exige le retour aux eftocs.
Il n’eft pas une feule de ces règles , qui ne s’ac
corde parfaitement avec la prétention de la dame de
Soubrany ; pas une feule , par conféquent, qui n’ex
clue fes adverfaires.
D ’abord, il faut fixer les idées qui doivent naître
de la difpofition de l’article du titre 1 2 de la cou
tume d’Auvergne.
Elle dit que les meubles Sc acquêts font réputés
provenus du côté paternel. On fait que les biens pro
venus au défaut du côté paternel, ou , comme dit
Du Moulin , acquis par le père , font des propres
naiiTans dans la perfonne du fils ; ainii dire que des
acquêts font réputés provenus du côté paternel, c’effc
évidemment leur attribuer la qualité fi<5tive de propre
paternel. Les rédaéteurs de la coutume ont très-bien
compris que des acquêts n’étoient pas des propres,
auili fe font-ils contentés de dire que les acquêts
étoient réputés provenus du côté paternel.
C ’eil par une conféquence de cette fièlion, qu’en
Auvergne les acquêts font déférés aux parens pater
nels. Sans la fidlion, il eût fallu, pour fe conformer
à l’article 4 , qui dit qu’il y a deux manières d'héri
tiers : l’un , du côté paternel ; l’autre, du côté maternel
( cc que d’autres coutumes expliquent, en difant que
les biens s’en vont en deux lignes), partager les meu
bles & les acquêts entre les parens paternels & les •
parens maternels , comme dans toutes les coutumes
qui prescrivent cette divifion en deux lignes.
6
3
�Principes
fur les fic
tion s.
( 8)
S’il eft vrai que les acquêts font fictivement des
propres paternels, il ne l’eft pas moins qu’ils font
des propres naiiTans , & c’eil ce qu’il faut bien faifir.
Du Moulin les défigne par les mots, quæflta à pâtre ;
quand il ne l’eut pas dit, il eût fallu entendre la cou
tume dans ce fens : quelques obfervations vont en
convaincre.
Les meubles & acquêts ne peuvent être propres
que par fiétion. On doit la recevoir autant qu’elle eft
néceifaire pour faire paiTer les acquêts aux parens
paternels, & n e pas aller au delà. Une fiétion eft une
dérogation à la règle ; on doit la reftreindre au feul
cas pour lequel elle a été introduite, & ne lui donner
que l’étendue qui lui eft ftridtement indifpenfable
pour l’exécution de la loi dérogatoire. Ce principe
eft enfeigné par-tout. Quelle en eft la conféquence?
C ’eft qu’il faut, en prêtant aux acquêts la qualité de
propres , leur appliquer, autant qu’il eft poffible , de
le faire fans contrarier l'eiprit de la dérogation , les
règles qui s’éloignent le moins de leur qualité réelle
d’acquêts. Les acquêts confervent leur qualité d’ac
quêts, lorfqu’ily a des afeendans,
dans ce cas, ils
y fuccèdent, parce qu’ils font les parens les plus
proches du délunt ; s il n y a pas d afeendans, ces
acquêts deviennent propres fiétifs du côté paternel :
or, en les réputant propres naiiTans , ils appartien
dront, à l’exemple des acquêts, au plus proche parent
paternel. Donc , pour l’éloigner le moins des prin
cipes
�I 9 )
cîpes par lefquels on doit déférer les acquêts , il
faut les confidérer comme propres naiiïàns ; c’eftà-dire, comme des acquêts d’Amable Carraud, père„
du iieur d’Urbize.
Ainiî, deux chofes irrévocables : la première, les
meubles & acquêts dont il s’agit font des propres .
fiétifs & naiifans ; la fécondé > on doit les déférer au
plus prochain lignager.
Il faut maintenant rappeler quelques principes.
- Tout le monde fait que la règle paterna paternes ,
materna ma ternis, a établi une efpèce de repréfentation qui, en général, n’a lieu que pour les propres,
& qui n’eft étendue aux meubles & aux acquêts, que
dans les coutumes q u i, comme celle d’Auvergne y
portent que les fucceiîions s’en vont en deux lignes.
Tout le monde fait aufiî, que dans les coutumes qui
ont admis la repréientation à l’infini, on défère l’hé
ritage propre à celui d’entre les héritiers, qui repré
fente la perfonne la plus proche de celui qui a mis
cet héritage dans la famille ; c’eft-à-dire, qu’on y confidère moins la proximité avec le défunt , que la
proximité avec celui par l’induftrie duquel Phéritage eft venu dans la famille , & a paifé au défunt.
O r , la dame de Soubrany eft plus proche parente
paternelle que les dames Maugues , d’Aubière &
Favard, d’Amable Carraud q u i, comme on l’a déjà
prouvé, eft cenfé, par la fièlion de la coutume d’Au
vergne , avoir mis les biens dans la famille ; donc
B
�( 10 )
elle doit leur être préférée. C ’eil une conféquence
néceiTaire des principes de la repréfentation infinie ,
jointe à la règle du retour aux eftocs.
Il eil donc vrai que la dame de Soubrany réunit
contre la ligne Bardin , non feulement tout le droit
coutumier de France, mais encore les textes & l’eipriE
de la coutume d’Auvergne.
Quant à la dame V aleix, elle eil également excluie
par le texte même de la coutume. A défaut d’afcendans, la loi répute les acquêts propres paternels, &
les défère aux parens paternels. O r, la dame V a
leix n’eil pas parente paternelle ; car elle eil la fille de
la tante maternelle du fieur d’ Urbize : elle ne feroit
appelée à lui fuccéder, qu’autant que le priv ilège
accordé aux parens paternels , ne pourroit plus
recevoir d’application ; c’eil-à-dire, qu’il n’exiileroit
aucun parent paternel ; & la ligne Dubois, comme
la ligne Bardin , font dans la parenté paternelle du
fieur d’ Urbize.
Nous voilà parvenus au moment d’examiner le
fyflême propofé pour la ligne Bardin, & celui qu’on
fait valoir pour la ügne Garnaud.
Les textes de la coutume d’Auvergnç, & tous les
ufages du pays coutumier , fe réunifient en faveur
de la dame de.Soubrany contre la ligne Bardin. Par
quels raifonnemens eipère-t-on de balancer une pré
tention aulti folidement protégée? une interpréta
tion ingénieufe eft la ieule arme avec laquelle on,
effaie de la combattre.
�Les dames M augues, d’Aubière & Favard , invo
quent l’article de la coutume qui répute les acquêts
propres paternels, Sc les défère aux parens paternels ;
elles fou tiennent que la coutume n’a entendu parler
que des parens du nom; qu’ainiî les Carraud font
ieuls appelés. Elles ajoutent qu’à leur défaut, il faut
leur fubftituer la ligne qui a le plus d’approximation
avec eu x, & que cette ligne eft celle des Bardin ,
qui font inconteftablementplus parens paternels que
'les Dubois, puifqu’ils étoient parens paternels, pen
dant que les Dubois n’étoient encore que parens
maternels.
On conçoit que ee fyftême porte fur un fonde
ment bien fragile; car il s’écroule en entier, fi les
mots, parais paternels, défignent non feulement les
parens du nom , mais tous ceux qui font unis à une
perfonne par fon père. O r, qu’entend la coutume
par ces mots, parens paternels l Cochin , dans une
efpèce à - peu - près femblable , concevoit à peine
qu on pût le demander; cependant c’eftà l’idée qu’on
doit attacher à ces mots, parens paternels, que ie
réduit la queftion fur laquelle les jurifconfultes de
la province d’Auvergne font divifés.
On lit par-tout que le parent paternel eft celui qui
fe trouve uni au père par les liens du fang; foit que
la parenté vienne du côté du père du père, foit qu’elle
vienne du côté de la mère du père. Le frère de l’aïeul
& celui de l’aïeule, font l’un & l’autre oncles du
B2
�( 1 2 .)
père; ils font par conféquent parens paternels du fils..
Si cette définition des m ots, parens paternels, eft
exaéle, s'il n’eft pas permis de la contefter, comment
pourroit-on douter que les parens de l’aïeule du fieur
d’ Urbize ne foient appelés à fa iucceifion , pour y
recueillir les acquêts propres fictifs l La coutume
d’Auyergne auroit-elle donc un idiome qui lui feroit
particulier ? Se ferviroit-elle des mots, parens pater
nels , dans un fens différent de celui qu’on y attache
dans tout le royaume, & qu’on leur a donné dans la
coutume de Normandie? Cette coutume, ainii que
celle d’Auvergne , appelle les parens paternels à la
fucceifion des acquêts; & , dans l’article 3 2 8 , elle
explique ce que c’eft qu’un parent paternel. Les
fœurs utérines du père , y eft-il dit f font tantes pater
nelles de leurs neveux & nièces, & , en cette qualité}
excluent les oncles & tantes maternelles du défunt en
la fucceffîon des meubles-acquéts du défunt.
La fœur utérine du père ne il fa fœur , que par
leur mère commune : elle eft cependant tante pater
nelle de fes neveux & nièces : donc les parens du
père, du côté de fa m ère, font parens paternels du
fils. La conféquence eft forcée.
S’il eft évident que les dames Maugues., d’ Aubièœ, Favard& Soubrany , font parentes paternelles,
du fieur d’ Urbize, il ne s’agit plus que d’examiner
qui d’entre elles doit avoir la préférence.
. La queftion ie réfout facilement : la coutume-
�H *)
repute les acquêts propres fiétifs. Elle appelle à
recueillir les propres , les plus prochains lignagers
du défunt; c’eft-à-dire, ceux qui repréfentent un chef
qui étoit le parent le plus proche de l'acquéreur. Dans
l’efpèce, c’eft Amable Carraud qui eft cenfé l’acqué
reur. O r , Pierre Dubois, chef de la ligne de la
dame de Soubrany, & par repréfentation de qui elle
vient à la fuccelfion du fieur d’Urbize , eft plus
proche parente de cet Amable Carraud, que ne l’eft
Claude Bardin , chef de la ligne des dames Maugues , d’Aubière & Favard : donc elle doit leur être
préférée. Cet argument eft fans réplique.
Pour admettre le fyftême de la ligne Bardin, il
faudroit confidérer les biens dont il s’a g it, comme
des acquêts d’André Carraud , bifaïeul du iieur
d’ Urbize; c’eft-à-dire, comme des. propres anciens;
mais ce feroit cumuler les fiétions ; & c’eft une
maxime qu’on n’en reçoit jamais deux à-la-fois: ce
feroit tout au moins s’éloigner de la vérité , plus
qu’il n’eft néceifaire de le taire , pour l’exécution
de l’article
qui donne aux acquêts la qualité
fictive de propres ; ce qui feroit oppofé à nos vraies
maximes fur les fictions : ce feroit contrarier les
principes , qui veulent que dans le doute , fi des
biens iont propres anciens ou nailfans , on leur
attribue cette dernière qualité: ce feraitenfinintroduire
cette bizarrerie , que le parent exclu des propres
naiffans, feroit appelé à recueillir les propres fictifs
6
�( 14)
de la même ligne , tandis qu’ils doivent être déférés
d’après les mêmes règles.
Si les principes que l’on vient de rappeler n’étoient pas aufll certains, s’il falloir recourir à des
autorités , on invoqueroit celle de M. Chabrol,
Dans ion favant commentaire de la coutume d’Au
vergne, il dit, tome I er, page 273 y que la jurifprudence ne reçoit pas deux Hélions à-la -fo is: d’où il
réiulte qu’il faut réputer les acquêts dont il s’agit y
propres naiflans. Il dit encore au même tome , page
2 4 2 , que dans les divifions de propres, il faut obferver de les faire retourner à la ligne d’où ils font
provenus , c qu’on doit toujours préférer celui
qui eft le plus proche de ce côté, par la repréfentation qui a lieu à l’infini. L ’application de ce paflage
fe fait aifément à l’efpèce. La dame de Soubrany,
par repréfentation de Pierre Dubois , fon chef, eft
plus proche parente du iîeur d’Urbize, par Amable
Carraud , que les dames Maugues, d’Aubière c
Favard ; ainii, d’après l’avis de ce commentateur,
elle doit leur être préférée.
Il faut terminer les preuves de la dame de Soubrany contre la ligne Bardin par une obfervation
qui fera fentir combien il eft dangereux de s’écar
ter des vrais principes. L ’admiiîion du fyftême des
dames Maugues, d’Aubierre c Favard, introdui
s i t une incertitude inévitable c continuelle fur
la queftion de favoir fi celui à qui on adjugeroit
8
8
8
8
�( If )
une iucceflîon compofée uniquement de meubles &
d'acquêts, en demeureroit irrévocablement le pro
priétaire.
En effet, on connoît en général quels font les
plus proches parens du défunt ; ils font d’ailleurs
très-prompts à fe faire connoître comme habiles
a lui iuccéder ; mais il n'en eft pas de même de
ceux dont les auteurs font anciennement entrés dans
fa famille ; la parenté eft oubliée : ces anciens parens
& le défunt fe font mutuellement perdus de vue^ &
toujours le parent le plus ancien, eft celui qui fonge le
moins à fuccéder, & qui dès-lors doit le moins
fe mettre fur les rangs pour recueillir une iuccef*
fion. Cela pofé, fi on admettoit le fyftême incon
cevable , que celui qui eft parent le plus ancien
nement, c’eft-à-dire, qui eft le moins parent, devroit être préféré, précifément parce qu’il feroit le
plus ancien, il n’y auroit perfonne qui pût s'aiïurer
de conferver la fucceifion qu’on lui auroit déférée
à ce titre. Il eft impolfible de fe rendre certain que
toutes les familles qui fe font unies à celle du défunt
font éteintes; dès-lors celui qui auroit été envoyé
en poifeilion de l’hérédité, auroit toujours à craindre
d être dépoifédé par un plus ancien, à qui il feroit
forcé de la remettre avec les jouiilances qu’il en
auroit faites. Ce parent plus ancien pourroit à fon
tour éprouver le même fort; ainfi de fuite : de forte
qeu pendant vingt-neuf ans, & même pendant un fiècle,
�( \6 )
s'il y avoit des minorités, plufieurs familles pourroienc
être ruinées pour avoir reçu fucceifivement des biens
qui leur auroicnt été déférés en vertu de la difpofition
de la coutume. Comment prêter à la loi d’Auvergne un
pareil égarement? Comment admettre que, par une
bizarrerie fans exemple, elle auroit appelé à une
iucceifion, précifément celui que le défunt devoit
non feulement le moins affectionner, mais encore
ne pas connoître comme fon parent} & que , con
trariant ainfi le vœu de la nature, elle auroit prefcrit
des maximes diamétralement oppofées à celles de
toutes les coutumes de France, & même de toutes
les loix connues?
Les partifans du fyilême de la ligne Bardin, par
lent de deux arrêts rendus, l’un pour les Poftoly, &
l’autre pour les Bergers ; mais fi ces deux arrêts
ont adjugé les biens au parent le plus éloigné du
défunt, c’eft qu’il étoit fon parent du côté de celui
qui les avoit mis dans la famille , tandis que fon
adverfaire ne l’étoit pas ; ainfi nulle reifemblance
à l’efpèce.
Paifons à l’examen du fyilême de la dame Valeix.
On dit, pour elle, que la coutume d’Auvergne ne
s’eit pas expliquée fur la queftion dont il s’a g it,
& qu’à défaut de difpofition précife, il faut en
revenir à la règle , le mort fai fit le v i f fon plus
prochain lignagier. On prétend que la loi du retour
aux eftocs, celle de la repréfentation infinie & l’af-
fe&ation
�( *7 )
fé&ation des acquêts aux parens paternels, ne font
que des exceptions de cette règle; qu’elles doivent
-être reflreintes aux cas pour lefquels elles ont
été faites, & qu’ainii un eiloc venant à défaillir
la règle du retour aux eftocs n’a plus d’objets ni
d’application, & qu’il en eft de même de la règle
qui affeéte les acquêts aux parens paternels. De là
on conclut que la dame Valeix étant la plus proche
parente du fieur d’ Urbize, elle doit feule fuccéder
à fes acquêts..
Tous cesraifonnemens ontpourbafe,la fuppofition
que, fous les mots, parens paternels, la coutume
n’a entendu comprendre que les parens du nom ;
mais on. a démontré que cette interprétation de la
coutume étoit contraire à- toutes les idées reçues
O
*,
& notamment à l’explication que donne de ces
mots une coutume qui fur ce point a le même
efprit que celle d>’Auvergne; & les preuves que
l’on a lait valoir contre la ligne Bardin, militent
également contre la dame Valeix. Il ne refte donc
de ce dernier fyftême , que quelques explications
qu 011 ne fauroit adopter des articles de la coutume,
comme quand on dit que les articles 4 ,
& 9 ,
font des* exceptions du premier , tandis qu’ils fe
concilient parlaitement entr’eux. L ’erreur dans la
quelle on eft tombé , vient de ce qu’on a donné au
.mot lignager , le même fens qu’au mot parent.
Si l’on pouvoit admettre que la coutume 11a
C
6
�(i8)
"appelé à la fucceiHon des acquêts que les parens du
'n o m , le fyftême de la dame Valeix pourroit être
préfenté avec quelque avantage ; car ion interpré
tation de l’efprit de la coutume, feroit fondé fur-la
lettre de la coutume de Paris & de plufieurs autres
•qui ont beaucoup de rapport avec celle d’Auver
gne ; & cette dernière n’ayant rien qui répugne à
:l’ufage qui s’eft introduit dans les coutumes de la
troifième claife , fur la règle du retour aux eftocs,
il femble que fuivre cet ufage , ce feroit fe confor
mer à fon efprit.
Ce raifonnement conduit à une obiervation con
tre la prétention de la ligne Bardin ; c’eft qu’en
admettant la fuppofition d’après laquelle elle a comrpofé fon fyftême , elle fe trouverait encore exclue
par la dame Valeix.
Toute cette difcution fe réfume en peu de mots.
Les acquêts & les meubles du fieur d’Urbize font
fictivement des propres paternels & naiifans ; c’eftà-dire, qu’ils-font cenfés provenus d’Amable Carraud : il faut les adjuger à celui q u i, par repré
sentation de fon auteur , eft le plus proche parent
-du fieur d’Urbize , par cet AmableCarraud. C ’eft ce
que■Guiné explique très-bien, en difantque les cou
tumes de repréfentation demandent deux chofes ,
l3habilité & la proximité. Entre ceux qui font habi
les la proximité l’emporte , & hors les cas des de£
• cendans de celui qui a mis l’héritage dans la famille,
�( 19 )
dont la prérogative fe tire de l'ancien ufage des cou
tumes , qui dans leur origine étoient toutes fouchère s, nous ne voyons pas qu’on y ait jamais dérogé.
La dame Valeix n’eft pas habile à fuccéder au
fieur d’Urbize, puifqu’il s'agit de biens paternels , '
& qu’elle eft parente maternelle. Entre les lignes Bardin & Dubois , celle-ci eft la plus proche. Or , fuivant Guiné , . entre ceux qui font habiles, la proxi
mité l’emporte. Donc il faut déférer la fucceffion à
la dame de Soubrany.
D é l i b é r é à R iom le 20 novembre 17 8 5 .
HOM,
avocat au parlement de Paris*
�%*
&
JÈ js r - J É
JL O &
X JÉo
C L A U D E B A R D I N ----- C A T H E R I N E G A S C H IE R .
rv
i i . h—■..i. ■i
A n n e Bardin.t
¡Antoine F a v a rd .
C laude Favard .
Françoife DufraiiTe..
H enri-Ifaac F avard .
Marguerite Dufaud,
n X .,
N . Garnaud.
Gabrielle Garnaud.
N . Colonges,
-o
Claudine Bardin.
A ndré Carraud.
Pierre Dubois..
François Carraud.
Françoife D ubois.'
Am able Carraud.
Marthe Garnaud.
Jean-Baptifte Duboiî>
I
Am able-M arguerite Du*’
B o is , V euve de M. àiSoubrany, Défenderefle*-
L e s Dames M augues, M arie-Anne Colonges. Pierre-François Carraud
d ’Aubière & F a v a rd , N . V a le ix , Demanded’U rbize, de cujus.
Demandereflès.
reffe.
Safucceifion eft com pofée de meubles & d’ac
quêts qui, fuivant l’art. 6
du tit. 1 2 de lacout. d’A u
vergne, font réputés pro
venus du côté paternel.
�
Dublin Core
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Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. De Soubrany. 1785]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Hom, avocat au parlement de Paris
Subject
The topic of the resource
successions
coutume d'Auvergne
représentation à l'infini
retrait lignager
arbre généalogique
Description
An account of the resource
Titre complet : Consultation pour Madame de Soubrany. Contre Mesdames Mauges, d'Aubière et Favard. Et contre Madame Valeix.
Arbre généalogique.
Table Godemel : faux incidents : le jugement de première instance a-t-il pu prononcer sur le fond de la contestation, avant de statuer sur un faux incident qui embrassait toute la cause, et devait nécessairement influer sur le sort de toutes les demandes ? Mode : - de successibilité dans la coutume d’auvergne. Successibilité : mode de successibilité dans la coutume d’auvergne.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
de l'imprimerie de Martin Dégoutte (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1785
1650-1785
1661-1715 : Règne de Louis XIV
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
19 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G1201
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Clermont-Ferrand (63113)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Relation
A related resource
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53159/BCU_Factums_G1201.jpg
arbre généalogique
coutume d'Auvergne
représentation à l'infini
retrait lignager
Successions