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LJXünâZZ
v twMMBTWw*1
¿J5S
M É M O I R E
P O U R
M argu erite
C O U G U E T - F L O R A . T , v e u v e d u sieur
d e R e y r o l l e s , intimée;
COUR
C O N T R E
r-
d ’a p p e l
i
V
C a t h e r i n e M A I G N E , se d is a n t a u s s i veuve d u d it
d e
sieu r d e R e y r o lles , appelante.
ri o m
.
section.
L A demoiselle M aigne n ’est pas satisfaite d'a voir usurpé une
grande fortune, et empoisonné la vie d'une malheureuse épouse;
elle ose lui disputer encore un titre respectable reçu aux pieds des
autels, et opposer une form ule révolutionnaire et illégale au plus
sacré des engagemens. L e désir de tout contester à son adversaire
l’a aveuglée et jetée dans cette inconséquence. Pour exposer sa h aine
devant les tribunaux, il lui a semblé doux d ’y être en scène ellemême; et elle n ’a pas cra in t, dans son propre pays, de livrer sa
vie toute entière à de pénibles souvenirs.
Une première tentative devoit la convaincre que la passion n ’est
pas le plus sur des guides. Condamnée par les juges qui la connoissoient le m ieux, elle avoit lieu de croire qu’un système de calomnie
ne prévaudroit pas contre les principes, et qu’une cour supérieure,
gardien naturel dès lois de l'em pire, ne porteroit pas légèrement une
atteinte dangereuse au lien sacré du mariage, le premier fondement
des sociétés civiles.
L a dame de Reyrolles avoit été justement indignée du genre de
défense d’abord adopté par la demoiselle M a ig n e, et son premier
A
�c 2 y ,
mouvement avoîl été d’user d’une représüille bien légitime. Plus en
état que personne , dans sa triste position de rendre compte
des faits el gestes de sa rivale, elle n ’avoit'rifch tu dé te qui la tourrnentoit depuis tant d’années, et il lui^paroissoit consolant de la
poursuivre encore, comme urir’remords Vengeur, de la forcerrà
sentir le poids de son opulence, et de mériter enfin une liaine
qu’elle ne provoquoit pas.
Cependant la dame de Reyrolles a réfléchi que cette jouissance
décevante n ’étoit pas digne de la majesté de la cour ; en consé
quence elle s’est fait un devoir scrupuleux d ’écarter de son récit
touj«* les épisodes étrangèr^»à ses moyens. L a réclamation d’un
état crvil présente d’ailleurs trop d’intérêt par elle-même, pour que
cet intérêt soit sacrifié à des personnalités et à une stérile vengeance.
3 L e mariage est-il un contrat d’ordre public; c ’est-à-dire, une
femme sous la puissance maritale a-t-elle p u , après un divorce
n u l, traiter irrévocablement avec son m ari? et si le mariage n ’étoit
pas légalement dissous, a-t-elle pu consommer cette dissolution
par un acte privé?
T elle est la principale question de cette cause ; et il faut avouer
que sans cette espèce de vandalisme philosophique, qui a brouillé
long-temps toutes les idées morales, on rougiroit de la trouver difficultueuse. Mais avec la gloire du nom français renaissent de jour
en jour ces antiques maximes, dont nous n’avons éprouvé l’ébran
lement que pour sentir les funestes conséquences de nos vicissitudes.
A ujourd’hui le mariage, placé sous l’égide de la religion et sous la
sauve-garde de la m agistrature, a reconquis sa dignité prim itive;
et tout ce qui tend à la maintenir retrouve dans les tribunaux une
protection salutaire, indépendante des personnes et des circons
tances.
F A I T S .
L a dame C o u g u et-F lo ra l contracta mariage avec le sieur de
R eyrolles, médecin , le 7 novembre 177/»» et se constitua en dot
ses biens échus et à échoir, c’est-à-dire, qu’elle donna plein pou-
�voir à son époux, ¡de rechercher et régir une fortune -inc^nnuc^a
elle-même. L e contrat mentionne la stipulation i(d un^douaire,, et
autres avantages m atrim oniaux.^
,{Les premières! années de ce mariage furent heureuses. Devenue
m ère, et possédant*toute l’affection de son époux , la damende
Reyrolles étoit loin de prévoir que cette félicité seroit détruite par
une femme qui alors ne lui sembloit nullemenl: à c r a i n d r e , et que
le sieur de Reyrolles paroissoit juger avec rigueur. j n6fono<
L a destinée de la dame de Reyrolles en disposa autrem ent, et
bientôt elle se convainquit que les goûts des hommes ne^se règlent
pas toujours par leur estime. D ans sa fierté , elle abandonna^un
époux parjure, à sa nouvelle conquête, e^ se retira c h e z la^dame
de F lo ra t, sa grand’mère. if;
il. C et éclat, imprudent peut-être , tourna tout entier au profit de
sa xivale; la dame de Reyrolles fut privée de tout secours , denses
bijo u x; et poussée d ’infortunes en infortunes, pour obtenir six
louis de son époux , il exigea qu’elle les reçût de la demoiselle
M aigne. T e l étoit, après dix ans de m ariage, l’humiliation à laquellb
étoit condamnée une épouse : tels étoient les premiers chagrins
qu’elle fut obligée de dévorer. •
Une réconciliation apparente succéda à ce premier orage. Dupe
de son cœur et de sa franchise , la dame de Reyrolles se trouvoit
encoi’e heureuse des égards de son époux; mais l’illusion qu’elle
s’efforça long-temps de se fa ir e , céda à l’évidence : l’indignation
étouffa tous les calculs d’intérêt personnel, et l’épouse outragée ne
connut plus les ménagemens de la dépendance.
Los sieur et dame Caklaguès, parens de la dame de Reyrolles ,
alloient s’établir à Lim oges. Affligés de sa position , ils lui propo
sèrent un asile ; et celle qui dominoit le sieur de Reyrolles ne sen
tant que le plaisir d’être délivrée d’une surveillante incom m ode,
l^pressa de consentir à cette séparation.
Combien étoit déjà changé le sort de la dame de R eyrolles! elle
avoit un époux; une étrangère lui faisoit oublier ses scrmens et
ses devoirs : elle avoit eu un enfant; la m ort, moins cruelle, le lui
A 2
�< 4 )
avoit ravi à l ’âge où il «toit incapable'de tendresse. C ’est ainsi
qu’épouse sans époux , mère de famille sans enfans , la dame de
Reyrolles a vécu plusieurs années à Limoges , abandonnée aux
c o n s o l a t i o n s de l’amitié et aux fantômes d e ,l’espérance.
Elle avoit touché assez régulièrement à Limoges une pension de
bienséance que lui faisoit le sieur de R eyro lles, par égard pour la
maison de Caldaguès; mais au commencement de la révolution
elle ne reçut plus rien , et revint à Brioude.
Cette espèce de résurrection d ’une femme oubliée parut lui re
donner le charme de la nouveauté, et réveiller dans le cœur du
sieur de Reyrolles des feux mal éteints. Il est certain qu’il eût fait
son bonheur de rompre, ses chaînes, et de mériter l’affection de
son épousp, si la prévoyance allarmée de la demoisellt/ Maigne
n ’eût cherché à la hâte à détruire ce premier mouvement par toutes
sortes de moyens.
Mais tel est le sort d’un homme subjugué; le sieur de Reyrolles
vo yo il, et il n’osoil voir; il vouloit, etnepouvoit s’enhardir à vouloir:
l'homme le plus impérieux n’est donc qu’un foible enfant devant
la passion qui le domine. L e premier acte de loiblesse qu’il s’est
laissé surprendre, est l’abandon qu’un vaincu fait de ses armes ;
il reste désormais sans d éfense, et se dévoue a l’esclavage.
L a demoiselle Maigne triompha , et le premier usage de sa
victoire fut de dicter les conditions et de profiter de la faveur des
circonstances.
Alors existoit une loi récente, que quelques femmes regardèrent
comme un présent du ciel et une faveur de la Providence. Après
la dissolution de la m onarchie, de la féodalité et de la puissance
paternelle, en quelques jours d’intervalle, et avant d ’attaquer la
religion dans ses solennités, il n’y avoit plus qu’une destruction in
termédiaire à prononcer ; et le lien du mariage, malgré son antique
inviolabilité, fut dissoluble indistinctement par le divorce.
Celte innovation étoit trop précieuse à la demoiselle Maigne
pour qu’elle ne s'empressât pas de la saisir. En conséquence , le
34 mai 1797»
>1 lut signifia à la dame de R eyrolles, de la part de sou
�( 5 )
m a ri, un acle par lequel il déclaroit qu’ il entendoit divorcer pour
cause d’absence, et pour incompatibilité d’humeur et de caractère,
en conséquence dé quoi il nominoit trois amis , et lui faisoit som
mation de nommer de sa part trois parens ou amis.
11
Dans cette conjoncture que pouvoit faire une épouse? plaider?
les tribunaux n ’éloient pas compétens ; résister? la loi ne le lui per-’1*
mettoit pas : souvent le demandeur se faisoit lui-même signifier
une réponse, et le divorce n ’en alloit pas moins à sa fin.
^
Quoi qu’il en s o it, le 27 mai il fut déclaré , à la requête de
la dame de -Reyrolles, que pour satisfaire à la sommation du 24
ellé nommoit trois parens , ajoutant que le sieur de R eyro lles, en
\
provoquant son divorce , n ’avoit fait que prévenir ses intentions'.
L e 27 juin il fut tenu une première assemblée de fa m ille, tou-’
jours motivée pour absence et incom patibilité; et après les dires du
demandeur et la tentative de conciliation des parens, on lit la ré
ponse suivante : Sur quoi ladite Couguet-Florat leur a répondu
qu’elle était disposée à suivre en tout point la 'volonté de son
mari ; mais que si son dit mari persiste ¿1 requérir le divorce ,
elle y donne les mains.
Celte réponse si naïve , où l’obéissance seule se laisse apercevoir,
étoit en elle-même insignifiante : mais on voulut lui donner un sens.
Les longs délais de l’incompatibilité s’accordoient mal avec l’im
patience de la demoiselle M aigne. On crut donc découvrir dans
les diresde la dame de Reyrolles des matériaux suffisans pour para
chever un divorce par consentement m u tu el, pour lequel il n’y
avoit plus qu’un mois à attendre.
En conséquence, à la date du 28 juillet 1783, un mois après la seule
assemblée de fam ille, on fit rédiger un acte de divorce , dans lequel
on suppose qu’il a été requis par les deux époux, d’après la procé
dure voulue pour le consentement mutuel.
Cet acte fut porté à la dame de Reyrolles par un valet du comité
révolutionnaire, long-temps, quoiqu’on en d is e , après la date qui
lui a été donnée : elle sign a, il n’y avoit pas à hésiter ; d’ailleurs
son refus , en l’exposant, n’eût fait que rendre celle pièce inu-
�■'itfi1! ubnsiilO fi il î f -ci.-i'ii l
' s;>^ijf:n^ f ‘ !nni
a .ni,tile içt forcer à reprendre la suite du premier mode de divorce.
A^nsi s’acconiplit cette œuvre d’iniquité, et la demoiselle M aignc
eut enfin levé lç plus grand des^obstacles Ornais comme si le d e l
se fu t joué de ses plus clières espérances , l’époque de son ma
riage qu’elle avoit tant hâtée s’éloignoit de jour en jour ; et pendant
quelque temps il y eut lieu de croire que le sieur de R eyrolles,
p é n é t r é dejla perte volontaire qu’il avoit sollicitée, oublioit la pro
cédure monstrueuse qu’il avoit ébauchée, et revenoit à ses pre
miers" engagemens.
11
L a dame de Reyrolles se livra de bonne foi à une si douce rési
piscence ; elle feignit même ne pas remarquer qu’il ne venoit chez
elle qu’à la dérobée et avec la timidité d ’un esclave. Enfin , une
grpssesse lui parut le comble du bonheur, et le gage assuré d’une
réconciliation après laquelle elle soupiroit depuis si long-temps.
.j'M ais .les assiduités du sieur de Reyrolles n ’avoient pas échappé
aux ennemis de son épouse. T ro p adroits pour faire un é cla t, ils
frappèrent des coups plus certains, et le poison de la calomnie vint
ébrauler l’imagination foible d’un homme que le premier mouve
ment faisoit agir, et q u i, dans ce qui concernoit ses passions , ne
savoit jamais penser par lui-méme. C ’est ainsi que, dans sa confiance
aveugle, la darne de Reyrolles se croyoit encore épouse quand ses
ennemis ourdissoient sa perte : Inquirebant niala s ib i , et dolos
totd die medilabantiir.
L a grossesse de la dame de Reyrolles fournit une vaste champ
à leur malignité; l’époux lui-même fut entraîné ii douter contre sa
conviction intim e; et ce que la dame de R ejrolles avoit cru être le
sceau de la paix devint en un instant le signal de la discorde et de
la haine.
T o u t d’un coup la scène change : on profite diligemment de la
disposition d’esprit où on a mis le sieur de Reyrolles , et son m a
riage avec la demoiselle Muigne est consommé le n messidor
an 2 , douze jours avant que la dame de Reyrolles , sur son lit
de douleur, donnât le jour à une malheureuse créature sous d ’aussi
sinistres auspices.
�Non , le ciel nç l’a point béni, ce fatal mariage î II a entendu ^aua"
thème ,pronjpjnç^ par 4une épouse dans sa désolation ; fet elle n a
pas eu la douleur de savoir plus* heureuse qu’elle celle qui 1 avoit
*J; !-, *î ’ .. •, i ./ ‘
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chassée du lit conjugal. En portant un nom usurpé , la demoi
selle M aigue ne trouva plus dans le sieur de R eyrolles cet être
soumis sur lequel elle avoit exercé tant de fois une capricieuse
1
-.;or>
puissance.,
L a demoiselle Maigne avoit calculé cet effet habituel du mariage j
et pour se prémunir contre son résultat , elle profita d’ürie époque
où le sieur de Reyrolles venoit d’être destitué de sa place de rece
veur du district, pour proposer un testament mutuel qui fut respec
tivement signé en l’an
5 . Quelque temps après, une séparation
volontaire les a éloignés jusqu’à la m ort.
^
Cependant la dame de R eyrolles, abandonnée à sa situation péni
ble , dévoroit ses chagrins et se devouoit à sa destinée. Occupee
des soins maternels que demandoit le premier âge de sa fille ^elle
attendoit avec résignation que le sieur de R eyrolles, rendu de nou
veau ù ses premiers liens , s’occupât de deux êtres qu’il avoit si
cruellement traités. M a is, au lieu d’un retour à la nature, il ne fit
plus apercevoir son autorité maritale que par des hostilités et par
l ’abus de son administration.
I
.11 avoit recueilli la succession considérable de l’aieule de son
épouse, avoit traité de gré à gré avec un cohéritier pour le partage
des immeubles, et s’étoit emparé des effets m obiliers, sans compte
ni mesure.
Néanm oins, demeurant libre d ’en fixer la consistance , et pour
consommer la ruine de son épouse , le sieur de Reyrolles lui fit
faire , le 7 messidor an 4 > un acte d’offres de 7000 francs en man
dats territoriaux, pour le montant , d it-il, d e ce q u ’il avoit touché
sur sa dot , attendu que ladite Couguet avoit toujours éludé de
déclarer ce qui pouvoit lui être dû ; qu’ elle ne cherchoit qu’à re
tarder la libération dudit Reyrolles , qu’il étoit de son intérêt
d’ opérer le plutôt possible.
L a dame de Reyrolles répondit qu’elle ctoit surprise et lassce
�.,
( 8 )
des procédés ¡niques de son m ari, et refusa les offres. 11 y eut
procès' verbal 'de non''conciliation , après leq u el’eÏÏê' fu t assignée
le oi
su iv a n t dcvaRt le tribunal du Puf*; en réalisation
et v a l i d i t é desdites offres.
^
Ces diligences avoient lieu à la dernièVe heure du papier-monnoie;
numéraire reparut au commencemçnt de l’an 5 ; et, dans ce pre
mier iustant où l’opinion en augmèntoit la valeur, le sieur de R e y
rolles se hâta de faire proposer S sa femme une modique sómme de
6ooo francs pour tout terminer ; ajo u tan t, pour l’intim ider, que
si elle ne l’acceptoit pas , les offres de l'an 4 seroient jugées vala
bles , parce qu’elles avoient eu lieu avant la suppression du papier.
En vain la dame de Reyrolles demanda-t-elle à être éclairée sur
la valeur réelle de sa propre fortune; il Fallut obéir à la puissance
maritale , et céder à la crainte de n ’avoir que les mandats offerts
au lieu du numéraire prom is, Si cile s’exposoit à aller plaider dans
un tribunal presque incon nu, à tlôuze lieues de son domicile.
L a dame de Reyrolles signa donc un traité le 16 frim aire an 5 ,
par lequel on lui fit dire qu’elle étoit venue à compte avcca son
ïjiari, et qu’après communication prise de l’inventaire de son aïeule
et d ’un partage de 1786, il lui revenoit 6126 liv. 10 sous; ù quoi
ajoutant d’autres articles touchés par son m a ri, quoique non com
pris dans l’inventaire, en valeur de 873 liv. 10 sous, le sieur de
Reyrolles se trouva tout juste débiteur des 6000 fr. qu’il voiiloit
p a ye r, et dont l’acte porle quittance.
A compter de cette époque les époux furent séparés , et la dam e
de Reyrolles n ’eut plus qu'à s’étourdir sur le passé et à supporter
m e s s i d o r
,
l e
son sort avec courage : elle se consoloil avec sa fille, et cette con
solation même lui lut enviée. Ajirès le 18 fructidor , on lui donna
l’ularine sur le sort de cette enfant , qui n’aVoit pas encore d’état
civil. O11 lui persuada que les peines de la loi pourroient l’attein
d re, et elle se décida à faire u n e déclaration ù Pofiicier public. On
n ’eut garde de transcrire la qualité qu’elle vouloil se donner, par
la raison qu’il eût Oté incivique de mépriser un divorce, et que
le .sieur de R eyrolles, redevenu puissant, n ’auroit pas trouvé bon
q u ’ il
�Y... . r -ijj.vï
( 9 )
vïw v w
r W '
qu’il fût fait mention de lui sans sa participation. L a dame de
Reyrolles déclara donc seulement qu’il lui^étoit né une fille le 21
messidor qui suivit son divorce. Com m e ce divorce étoit daté de
l’an 2 de la liberté, on supposa la naissance de l’enfant au 21 m es
sidor an 5 . Cette erreur a été reconnue par la demoiselle M aigne,
et seroit aisée à rétablir à l’égard d ’un fait aussi notoire.
Dans ces entrefaites le sieur de R eyro lles, nommé receveur du
département de la H au te-L o ire, alla s’établir au P u y. L à , ayant
vécu près de six années séparé absolument de la demoiselle M aigne,
qui liabitoit Brioude, il fut atteint de la maladie qui l’a conduit
au tombeau.
A cette époque terrible, où l’hom m e, ne trouvant plus d asile
dans les illusions du m onde, voudroit réparer dans un instànt les
fautes de sa vie toute entière, l ’opinion générale a rendu au sieur de
Reyrolles la justice d’attester qu’il n’avoit rien plus à coeur que de
se réconcilier avec sa fem m e, et de lui en donner, par un testament
honorable, la seule preuve qui fû t désormais en son pouvoir.
j En e ffe t , il est de notoriété au P u y que le sieur de Reyrolles
avoit fait un testament par lequel , cassant celui qu’il regardolt
comme un monument de foiblesse et de honte, il léguoit 4 o °00
à la dame de Reyrolles personnellem ent, et faisoit en faveur du
sieur Y auzelles , ex-législateur, une disposition considérable.
Aussitôt que la demoiselle Maigne apprit la maladie du sieur
de Reyrolles, elle voulut se mettre à portée de déranger des projets
dont elle ne pouvoit douter. Craignant de 11e pas se hâter assez ,
elle envoya au Puy le sieur Granchier le mercredi , et arriva ellemême le vendredi suivant. Sa vue fit une révolution singulière au
sieur de R eyro lles, q u i, à ce qu’on assure, se tourna brusquement
du côté opposé, et se couvrit la tête avec un mouvement con
vulsif. Quoi qu’il en so it, il expira le même jour 18 floréal an 12.
Cette mort soudaine servoit mieux la demoiselle M aigne que
tous les plans qu’elle avoit pu concevoir. Seule dans la maison du
sieur de R eyrolles, et en attendant les scellés qui 11e dévoient être
posés que le lendemain , au lieu de verser des larmes stériles qu’il
13
�Valoit mieux, r é s e r v e r . -pour la pantomime.de& audiences , la~de~
moiselle M a i g n e étoit libre de tout parcourir,[[Un ¿çertainc,pqrte-;
feuille vert avoit paru donner de l’inquiétude au défunt : il n ’an
plus paru; et le public qui se trompe rarement en ¡conjectures dé
sintéressées, parolt avoir été imbu de l’idée que dans çe porte-feuillen
gissoient les papiers les plus précieux, et surtout le dernier!tes-c
tament. E t qu’on ne dise pas que c’e s t jà une fable de pure im a-p
gination ; ce bruit ayoit pris une telle consistance, que le sieur
Y auzelles, légataire, a rendu sur ce m otif une plainte en suppres-ip
sion de ce testament. .u; ju
jo
,JLa dame de Reyrolles ne donnera pas d’autres détails d’qn fait
qu’elle n ’a appris que par.Ja notoriété,publique. C e n’est point las
fortune du sieur de Reyrollfes qu’elle ambitionne; elle ne demande
rien qui ne soit à elle-même; elle veut,son état civil, sa dot , et ner
dispute point à la demoiselle Maigne une opulence chèrement,*
achetée, et dont la source équivoque n ’est de nature à donner du
crédit que-vis-à-vis quelques collatéraux.
•/[
■ Après la ;mort du sieur de Rqyrolles, ce n ’étoit plu§ que des
tribunaux que son épouse pouvoit attendre justice; en conséquence, ;
le, 19 thermidor an 12, elle fit citer Catherine Maigne en payement
de ses d ot, trousseau et gains m atrim oniaux, e t, en tant que de
besoin, en nullité du divorce et actes postérieurs.
; L a demoiselle Maigne ne savoit pas encore à fond le rôle con
venable à la circonstance. Cotte tendresse soi-disant conjugale qu’il
falloit supposer à un homme dont les dernières volontés avoient
été d’enrichir sa fidèle m oitié, ne s’allioit guère avec un domicile
constamment séparé, et à douze lieues de distance. Cependant la
demoiselle M aigne, qui avoit toujours habité Brioude, et qui ignoroit les moindres affaires du sieur de R eyrollcs, proposa un déclinatoire, soit qu’elle criU qu’il n ’avoit pas transféré au Puy son do
micile de d roit, soit qu’elle fût entraînée par la vérité à convenir
qu’elle n ’avoit pas le même domicile de fait que celui qu’elle disoit
son époux; elle ignoroil que le sieur de Reyrollcs avoit acquis une
maison au l Ju y , s’en déçlaroit habitant dans les actes publics, et
�( ( i l ' 1)
. . . . .......
a^oil mêmë fait’l*â‘ÿ ê r sà' cotë’ttidbilière à Bri6üdéï,T!h consequetibé/
et par çes' tntotifs P'^lle ftit’ déboütéè dè son déclmatÔÎTé 'par J1* ^
ment du 23 f l a i r e
,jb T m n ob
JioT* 5iav .9»Uu»‘
A u fond la dCm'oiselle Maignë'Tépondit que la dame dë Reyrolles*}
n ’étoit^pasirecëvable’dàns s a ’ dem ande, soif à causé de la loi <ïtiia
26 germinal ran'l i n é d i t parce que la defilande n’ avoit êt<^ form ëèâ
qu'après la mort du sieur d e;ReyrolIes, soit parcé que la darfie dë'*
Reyrolles étoit divorcée par uri' acte requis èt'signé pat ellé>niâtne;’§
qu'elle avoit traité avec son >màri en qualité dc'xfemniê' divorcée,
el avoit pris la même qualité dans plusieurs autres8actes^^110" *
tamment dans la déclaration dé naissance-druri 'ertfant ilé ^ n - a n
après le divorce; qu’à l’égard d’elle-même1Catherine M aigne 9^elltí^,,
n ’avoit ipoint à craindreJle sort de'ce'dW orce* parce qu’tillé étôit*
mariée légitim em ent, héritière unîversélle'J1'e t que le ''sieur d e 1
Reyrolles avoit tellement persisté dans cette Volonté pendënt
ans, qu’à sa:imort on avoit trouvé le testament dd la démôiselfel5
M aigne parmi ses papiers les plus préùieuoc.'
1 5' -'
¿11 est inutile de rappeler les moyens opposés par la datïielBe
Reyrolles à cette défetièe de la demoiselle M a ig n e , les fa itsT*61- ';
devant narrés les indiquent; et il suffit de dire qü’en déclarant lé ’^
divorce n u l, les premiers juges ne virent plus dans la dame d e ’
Reyrolles qu’une épouse restée sous la puissance m aritale, n ’ayant
pu dès - lors traiter valablement avec son époux , n i:rprendre
une qualité qu’elle n’ avoit pas. En conséquence, par jugement du
24 floréal an i 5 , le tribunal du P u y , sans s’arrêter aux fins de
non-récevoir proposées par Catherine M aigrie, déclara nul l’acte
de divorce du 28 juillet 175)3, et tout ce qui l’a précédé, de même
que le traité du 3 frimaire an 5 ; remit la dame de Reyrolles au'
même état où elle étoit avant lesdits actes ; condâmna Catherine*
M aigne, en qualité d’héritière du sieur de R eyrolles, à lui payer,
i #.
3oo fr. pour le montant de son trousseau stipulé en son contrat
de mariage du 7 novembre 1774 ; 2°* 1200 fr. pour ses bagues et
joyaux; 3“. 400 fr. pour sa pension viducllfc; 4*. à lui fournir un
logement garni et m eublé, suivant son état et Sa fortune, dans le
B 2
�( I;2 >
à qui et dans le temps de droit; j . à payer à ladite dame de.Reypi
rplles ¿l5 o° fr - P our S0D Jeuil.flt pe^uj de.s^ dwqestique; et à,l'égard
(jj^p^yemept
d o tale tribunal o r d o n n a . p a r t i e s conteste--.
rfiiei^plup amplement, et à, cet e ff& fournirpienLjeurp^tats w s«
pe^tifs, çauf débats. Les inscriptions de,la dame de Reyrolle^ furent,
HiaintepyejS jfjsqy a parfait; .payement,, et, il fu t ordonné que ledit
jùg^riiepM eroit exécuté en la fpyme de l'ordonnance nonobstant;
l’?PPçl*b nos: ■bujili .Yi ei nobpr,.
*’ ‘
C çt.te^ p n ièrç d$posit/pn^dçnx*a lieu »à lat demoiselle,Maigne de;
h ^ e r singulièrep.entjiSQn appel et $es poursuites. Impatiente de;
jQuip Sjap^eptr^vp^clle r^mfliïtra à la çour que la douairière d ’un
receveur génér^l ne pouvoi^vi^re^ayec des saisies qui arrêtaient des l
comptes extrêmement pressans, et que la trésorerie nationale la
pressait pour les rendre. L a c o jir, par son arrêt provisoire du
24 floréal an i 3 , a fait défense d’exécuter le jugement jusqu’à son
nYàtw '
ï»Vta ■'*'
. >v
*
^pg.r^i5îs s°u,t aujourd’hui sur le point.de faire juger le fond
de la contestation, et la dame de Reyrolles attend sans inquiétude,
une décision qui ne peut être que conforme à la morale et à la
juS.^ÇC^vyi,
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T o u te la défense de la demoiselle Maigne est fondée sur ce(
paradoxe : L e mariage est une siqiple convention privée; il peut
être détruit de gré à gré par un simple acte, qui,supplée les form es'
de ta loi , ou qui en dispense.
• •
L a défense de la dame de Reyrolles est de d ire , au contraire,'-,
q u elle mariage est un lien destiné à l’union de deux fam illes,
intéressant la société entière, et ne pouvant être dissous que danaj.
la rigueur des formes légales.
Sans.jdoutc la solution de ces deux systèmes cpt écrite dans le
�{ *3 )
. . .
cœur de tous «eu*>qm:tt^äüront 'pas oublié ¿iéè'^A’incipcS1îïnrôÂ'abléi^
qui résistent au. fi'acasr*des‘ rövölutionä et à l’ébloiiiss?enienÎ des
8ystèmes.''intjb oJibel h i ^ e q é .‘ Ö ^iioib *b «r moJ » ^ b Jo ^-iuv «
b Ic i il est constant' qu ’en
77/v1^ datafté!‘d e R eyrolleV a été m artel
i n . . I_LA lès-'solennité*
A.
h l ! /■! n ( lO f >
ilO^ que^ 'CftYl
avec toutes
fcivilès" é t '‘ Mfcfeligieuseé^et
son ep'oux
n'est m ort qu’en' 'l'an^ i'ai 111 s’dgitMotìc^cl’exàm irier^i l^ 'iilanage ^
a été légalem eril dissoüs par uufTd h ô rco . M a is lar>'(liw*ii ^"ill 'îW j^
l« r oppose des fins dc'non-riécevoii*, qu’il faut bxâiîiitttir?3et‘^èsT
prétentions donnent1 lieu aux questions suivantes ^1
S ’’darri e j
de Reyrolles est-elle recevable à demander la nullité de son di'voVïc
après lai. mort de son m a ri^ e t malgré la' lo i i du 26'‘gÇi^in'dl^an
onze ?' 2*.t À u fond , le rdivorce opposé éàt-il -valable?1^ 3S P i e „
divôtee n ’a pas été:Valable , a-t-il* p ü n éaft& o in s7être validé
^
la convention particulière de là damende Reyrolles ?
kI r ' " - t'vt6' vd
wip l ì
.»Vil 1 eolqmoo
,
l«o~7
'
iv.Yiq 1‘ P(R E M I È R e T Q ’u e's t i o n .
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}n*;mf)^u[ al-îjJuoèzs D aôrrewL
,t ‘ t 6 i ftc loinoft fcc
L a dame de Reyrolles est-elle recevable à demander là 'n u llité *1
hde son divorce aprè¿¡la mort de son inari, et m a lg ré Ici toi
a'du 26 germinal an 11 ?
;,jlno!> fil 0
ftl . -* r -,
i
iloieiDr-b bnil
Sur quoi donc seroit fondée la première fin de non-recevoir?-I
sur une loi rom aine? mais elle ne s’applique pas : ne de statu
defunctorum post quinquennìtmì qùeràtur. Ici le sieur de Reyrolles
est mort en l’an 12, et il ne s’c6t pas même écoulé six mois de son
décès à' la demande.
■ C ’est encore moins le Code civil qui favoriseroit la demoiselle
Maìgne. L ’artldfc'ì 88!'porte que \i l ’époux au préjudice duquel a
» été contracté un second m ariage, peut en demander la nullité ,
» du vivant même de l’épôux'qui étôit engagé avec lui. »
L a loi ne permet donc de se pourvoir aVaht la mort de l’époux,
qu’à titre de grâce ; et il semble', par ses expressions, que c’est à
regret qu’elle y a consenti : elle laisse entrevoir le Conseil de ne pas'
user de ce consentement- ; et ce mot
qui terrible potir ainsi
aAAÂ jüul
^ 7 ®
�( i4 )
dire,échappéaà:1a, plume du logislatçur, ¿^ ¡cepen d an t de lajplus,,
gr^n^c m oralitc.jâ arr '>/■
eulq b iul on ttora s i Imfii;’Q u’est-ce en effet qu’une d e m a n d e ^ ce,genre i form ée par Té-y
poux abandonné contre l’époux coupable, si, ¡cc^ n’,êst une espèce de
dénonçiation..ouvrant le champ le plus .vasjte à,la discorde, et ren
d a n t désormais, toutp, réconciliation impossible?
Est-ce une foible épouse qui, du vivant de son m ari, osera Tapp e l e r , .devant ,les tribunaux pour lui dire : Je veux qu’on vous o^ igç
à me rester fidèle? Mais si une seule fois peut-être, dans l’anti-v
quUéj.Ja^sensible Hypparette a reconquis par un appel en justice,
la,tendresse du plus infidèle des époux, combien d’autres s'indigne-»**
roiçnt d ’être ainsi troublés dans leurs affections, et vengeroient'j
leuç amour propre par un,abandon plus éternel! C ar les homm es,
qui font les institutions, n’on.t^créé, que .la .puissance, maritale,; et
quels que soient les dons que le sçxe ait reçus de la nature en dé
dommagement de sa foible^se „ ,çe pouvoir d ’éqpilibre n'est plus
qu’un^ divinité imaginaire, quand les premières affections ont perdu
leur prestige. Malheur donc à l’épouse inconsidérée qui tenteroit dq
proclamer son abandon et de çhercljer son,époux jusque dans les
bra§ d ’une riyale !
11 est bien plus dans l’ordre qu’une femme prudente ferme les
yeux sur les torts de son époux, et qu’elle tolère son infidélité pour
espérer son inconstance : le même caprice qui l’a éloigné du lit
conjugal, peut l’y ramener repentant et fidèle. L e lien sacré du
mariage est comme l ’amour de la patrie. Cunctqs ducit, eÇ inir*
memores non sintt esse sut,
T o u t devoit faire penser à la dame de Reyroljps que son goût
pour la demoiselle Maigne ne devoit être qu’éphémère : leur lia-*
bilalion séparée , urje haine qu’ils ne dissimuloient plu s, annon-,
çoient une rupture prochaine; et sar,S lcs difficultés que le Code
civil a ajoutées au divorce, il est notoire que le sieur de Reyrolles
auroit vaincu la répugnance de divorcer une seconde fois, car il
ne cachoit ù personne qu’il n ’étoil retenu que par celte çonsideratiçu. Quoi qu’il en. soit, la daine de Reyrolles a lait ce qu’elle
�devoit^fatèe j
((!& * )'
,
„
'fjlTèlIé'a eti de l ’esp o ir, elle a g a rd é ie Silcnce'V
et quand la m ort ne lui a plus présenté qu ’une étrangère à pour
suivré^'éllé-Sï réclâïrië’Be's'dfoit^inüri10^ 3nu UP 3j
n39° B"
L a demoiselle Maigne ri’è'st pas le'prem ier héritier qüv'àit opposé que là nullité d’un divorce ne pouvoit pas être demandée contre
lui. M ais la cour de cassation a décidé le contraire Jpar arrêt du
14 "vendémiaire anf,io .
i f>Y
li:
■■o.-aïo. ->nu
L a deuxième fin7de non -recevoir‘ n ’ a pas même le hlérite de
fonder un raisonnement sur le bon sens.
' *
'»rut;
Parce que la loi transitoire du 26 germinal a dit : Tous divorces :
■prononcés, etc., auront leurs effets / o n en a conclu qu’à com pler'
dé fcétte loi il n’étoit plus possible^d’attaquei* les précédons divorces?*
«C’est-à-dire que si la veillé de la loi nouvelle un divorce‘avdit1
été prononcé sans aucunes épreuves ,fIles époux n ’en seroient pasP
moins séparés à jam ais; et c ’est ainsi qu'on fait Finjure ali légtà-P
lateur de lui prêter des pensées irréfléchies et monstrueuses. ainu^
l M àis la demoiselle M aigne n’a réussi à se faire un moyen dè là'P
loi du-a6 germinal qu’en1 tronquant entièrement l’article invoqulél3^
« T o u s divorces‘prononcés par des officiers de l ’état civ il,"6 tr('
» autorisés par jugem ent, avant la publication du titre'd ù Codef1^
» civil relatif au divorce, auront leurs effets conformément aux
» lois qui existoient avant cette publication. »
Ainsi le législateur n ’a pas commis la faute de valider ce qui étoit
nul, il a au contraire déclaré ne valider que ce que la loi existante 3
lors du divorce approuvoit expressément. Incivile erat, nisi lotâ
legeperspeeld, judicare. M aintenant que l’article entier est rétabli,
l ’objection de la demoiselle Maigne se rétorque contre elle.
D
e u x i è m e
Q
u e s t i o n
.
L e divorce du 28 ju illet iy g 3 est-il valable ?
Comment le seroit-il? il y en a trois dans un seul.
Ces trois espèces de divorces exigeoient trois sortes d’épreuves et
�(
16
)
de procédures. L e sieur de R e yro llcs, plus pressé qu’il ne dcvoit
l ’è lre , a m a l g a m a to u t , et interrompit au milieu de son cours une
p r e m i è r e procédure, pour lui en substituer une seconde qui ne s’ y
allioit pas.
L a nature de toute procédure se fixe irrévocablement par la
demande introductive. L e sieur de R eyrolles, par son exploit ori
ginaire du 24 mai 179 3, avoit form é demande en divorce, soit
pour absence depuis neuf ans, soit pour incompatibilité d’ humeur
et de caractère. Cependant le divorce est prononcé sous prétexte
de consentement mutuel.
L e divorce pouvoit être dem andé , comme cause déterminée pour
absence pendant cinq ans sans nouvelles , ou pour abandon pen
dant deux ans. ( 2\ loi du 20 septembre 179 2, § . 1 , art. 4. )
Si le sieur de Reyrolles eût voulu un divorce pour absence pen
dant cinq ans sans nouvelles, il lui falloit pour première pièce
un acte de notoriété constatant celte longue absence ( § . 2 , art. 17) :
mais sa femme étoit près de lui le 24 mai 1793.
S ’il eût voulu un divorce pour abandon pendant deux ans , il
falloit assigner sa femme devant un tribunal de famille ( art. 18 ) ,
parce que le fait d’abandon comportoit une défense justificative.
O r , il étoit constant que la dame de Reyrolles n’étoit allée à
Lim oges qu’avec l’agréncient de son mari , qu’elle y recevoit ses
lettres et une pension annuelle. Mais ce n ’est pas pour abandon que
le sieur de Reyrolles demanda le divorce : l'exploit n’en dit rien.
Pour incompatibilité d ’hum eur, le sieur de Reyrollcs avoit sa
marche tracée d ’une manière positive.
« Il convoquera une première assemblée de parcns, ou d ’amis à
» défaut de pareils , laquelle ne pourra avoir lieu qu’un mois après
») la convocation. ( § . 3 , art. 8. )
» La convocation sera faite psr l’un des officiers m unicipaux....
» L ’acte en sera signifié à l’époux défendeur. ( A rt. 9» )
» Si la conciliation n ’a pas lieu , l’assemblée se prorogera à deux
» mois , et les époux y seront ajournés. A l’expiration des deux
» m o is. . . si les représentations ne peuvent encore concilier les
époux,
�« époux.,
§e,prorogera à^trbis mois* (t Ar.U-. 10 e t - n . )
(i>) Si,^.lja, tr,bisicmGl?éançe-le(provoquant persiste , acte en sera
>tpressé. l l 9JuL>en- scip -délivré expédition >qqu’il fera signifier à
» l’époux "défendeur. » ( A rt. 12. )
;" ! *®BCÏ
„ L e sieur^de Reyrolles provoqua un divorce le 24 mai ,.sans acte
de^convocation d’un officier, municipal, j J ^iviJDiihoaiQi .obnfitnob
Il ne nomma, point 4 <r parens ; iljindiqua.seulem ent' des amis ,
sans même exprimer, cjue ce fû t à-défaut de parens.
aiioq
^ L a première assemblée eut lieu le 27, juin 1793 .11 en fut dressé
acte; mais aucune signification n’a été faite à?la dam e-de Rey-;
rp lles, parce que les moteurs craignoient que» dans l ’intervalle les
choses fussent pacifiées.
8ns p n h .intîbnéf? oaroads
Il n’y a ainsi pas eu, de divorce pour^incompatibilité d’humeur p
pas plus que pour absence. nu ,jluo-r
g o lk ^ f-»- ^b'r.j-r.a 0! i£ . nC e seroit donc lun divorce pan consentem ent m utuel qu’il faui*
droit valider.
: r»n ohatoo ou
M ais l’acte prim itif,y,est un obstacle perpétuel; oniveütcepen-:
ejant que les actes qui suiv/entaient corrigé cette première procédure.
^ La loi en exigeoit une absolument différente. : ? T^iigie^c jiollfit
s«. L e ’ mari et.la, fqmme qui demanderont conjointement le d i-j
»i^vorce, seront tenus de convoquer une assemblée de six au moins'
» des plus proches parens , ou d’amis à défaut de parens. ( §• 2 ,i
art, t " . )
» f;
•
■<{iu io '.oniiai
(>> L ’assemblée,sera convoquée à jour fixe et lieu convenu avec^
» les parens ou amis. . . . L ’acte de convocation sera <signifié par
» un huissier aux parens ou amis convoqués. ( A rt. 2. ) '*
' ' •
» Les deux époux se présenteront en personne à l’assemblée ; ils
» ,y exposeront qu’ils demandent le divorce. » ( A r t . 4. )
. L e but de la loi se remarque assez par la différence des actes
préliminaires. „ ,
. fr i f
-,vf ; c i:
o.
L ’incompatibilité pouvoit n ’avoir lieu que d e là part d’un époux:
la procédure devoit donc avoir des formes hostiles ; c’est pourquoi
U convocation devoit être réglée par un officier m u n icip al, et un
•I G
*—
�( 18 )
huissier devoit sommer répouxr défendeur do concourir à la form a
tion de l'assem blée, et d 'y com paroître.><ib al il, ooirf c iup 'nub
M ais le divorce par consentement m utuelisupposoit.dedaipart
des époux un accord préalable né d’une égale satiété’ de vivre
ensemble. L a loi vouloit donc la preuve évidente qu’ils avoient
un désir unanime de mettre fin à une cohabitation ¡insupportable ;
et de là vient que, pour éprouver l’uniformité de cette vocation,
la loi exigeoit une simultanéité dans les démarches;
i A in s i, bien loin de'se signifier par huissier une nomination de
parens , et par actes séparés , ce qui marqueroit une provocation ,
la loi a voulu que le mari et la femme indiquassent ensemble les
parens,'en les choisissant par moitié; elle a voulu qu’ils demandassent
le divorce conjointement .* ce qui exprime avec clarté que la loi ne
veut ni demandeur ni défendeur.
«i):L a demoiselle Maigne objectera-t-elle que le but est également
rempli quand l’un des époux a requis le divorce et que l’autre y a
consenti ? Mais voilà une provocation , voilà un défendeur en
divorce : ce n ’est plus une demande conjointe , et l’intention de la
loi est manquée.
Souvent l’incompatibilité d’humeur pouvoit être égale; mais la
moralité de l’Un des époux peut répugner à un remède désiré
par l’autre. T e l époux ne se résoudroit jamais à vouloir le di
vorce , q u i, provoqué par une dem ande, trouve dans sa fierté une
adhésion qui n ’étoit pas dans son cœur ; sa répugnance est vaincue
par l’idée que la loi ne lui a offert aucun moyen de résister à l’at
taque, et, dans son accord m êm e, son opinion est soulagée en se
disant qu’il n ’a point été le provocateur.
Mais pourquoi chercher l’intention de la loi quand elle est claire?
Non omnium quai à majoribus constitutn surit ratio reddi potest.
11 est encore un principe bien constant en tait de lois rigoureuses,
c’est que toutes les formalités doivent être suivies à la lettre sous
peine de nullité ; et la loi du l\ germinal an 2 a étendu cette peine
à l'inobservation des formes prescrites par toutes les lois rendues
depuis 1789.
�( * 9 )
C e serolt donc s'abuser étrangement que de voir dans la procé
dure qui a précédé le divorceiprononcé le 28 juillet 1793 ¿lies actes
préliminaires d ’un, divorce*par consentement mutuel.
.icl-fl
Non - seulement r. cette* procédure n ’est pas conforme à la l o i ,
mais le sieur de R cyrollesja donné un autre nom au divorce par
lui demandé.i II a requis seul le divorce ; et si sa femme a répondu
par un second acte qu’i l n ’avoit fait que prévenir ses intentions,
elle n ’a pas pour cela changé la nature d’une dem ande, tellement
indélébile qu’elleine comportoit ni opposition ,r<ni débats , ,ni ju
gement.
eimpr
Lors de l’assemblée , la dame de Reyrolles ne parolt .encore que
pour répondre ; elle ne requiert pas le divorce , elle veut seulement
suivre la volonté de son mari. A u lieu de demander conjointement
le divorce, elle donne les mains à la demande, ¿/son m a r i y persiste.
Alors le mari persiste ; donc c’est lui seul qui veut le divorce ,
c’est lui seul qui le provoque et qui le consomme.
¡min
Voilà cependant ce que l ’officier public , dans l’oubli dejses
devoirs , a reçu comme les épreuves suffisantes d’un divorce.-.. >y-ib
U n divorce commencé pour incompatibilité d ’humeur exigeait
une toule d’actes et de longs délais ; cet officier public s’est contenté
d ’un seul acte et de trente-trois jours de délai.
... ext’
C ’est donc ainsi que la sainteté du mariage auroit été mise à la
merci de l’arbitraire ou du caprice , pour ne rien dire de plus.
Mais il seroit insensé de justifier cette procédure dans ses délais
etdanssa forme; elle a péché encore par une irrégularité non moins
grande. L e sieur de Reyrolles semble avoir voulu esquiver les repré
sentations de sa fam ille, car il n’a appelé aucun de ses parons à
son divorce.
Ici encore la loi a marqué entre les doux procédures une dif
férence notable. Pour l’incompatibilité d ’h u m eu r, il suffisoit de
parens ou amis ; mais pour le consentement m u tu el, la loi a voulu
la convocation des plus proches parens.
S i , comme veut le dire la demoiselle Maigne , il eut été égal
d’avoir des am is, c ’étoit inutilement que lu loi étoit plus exigeante
C 2
�!
i
( 20 )
pour le consentement mutuel. M ais , sans raisonner plus long-temps
sur un point déjà trop évident , il suffit de remarquer que la loi
ne vouloit des àtttis q u 'à défaut de parens.? S & sa .
w i c r ’' !
Oseroit-on. supposer qu’à Brioude le sieur de Reyrolles n ’avoit
pas de parens? cela est aisé à démentir : mais si cela eût été
vrai , il falloit au moins l'exprimer. T o u t acte de formalité doit por
ter avec lui-même la preuve que celte formalité a été'rcm plie. Déjà
la cour d’ap p el, dans une cause sem blable, a annullé un divorce
entre des habitans deR iom , par arrêt du 26 pluviôse an 10 , sur le
m o tif que les actes n’exprimoient pas que des amis n ’eusSent été
appelés qu’à défaut de parens.
Que signifie même cet acte si précipité, qu’on dénomme si impro
prement un acte de divorce? L ’officier public, de sa pleine puissance,
y dissout un contrat de mariage passé devant Couguetet Héraud ,
notaivés , le 7 novembre 1774* Mais jamais on n ’a ouï dire que ce
fût le contrat notarié qui donnât l’état civil aux époux, et consti
tuât le mariage. A vant 1792, l’église donnoit tout à la fois l ’état
civil et le sacrement ; le mariage ne tenoit son essence que de la
célébration. Or , ce n’est pas l’acte de célébration du 8 novembre
qui a été dissous, mais un simple contrat privé, réglant des affaires
d’intérêt, et totalement incapable d’opérer un mariage.
Enfin , la loi du 20 septembre a exigé que « tous actes de divorce
» fussent sujets aux mêmes formalités d’enregistrement et de publi» cation que l'étoient les jugemens de séparation » ( §. 5 , art. 1 1 . )
O r , le divorce opposé ne paroit pas même avoir été enregistré.
On avoitobjectéà Iadame de Reyrolles qu’elle-même avoit assigné
pour la prononciation du divorce. Elle ignore si aucun exploit
existe, car elle n ’en a jamais donné l’ordre ; m ais, quand on supposcroit le contraire, prétendroit-on sérieusement qu’une défende
resse en divorce a pu provoquer à son tour un divorce par con
sentement mutuel ?
U n exploit après le changement de formalités auroit rétabli la
procédure pour incompatibilité d ’humeur , et cet exploit même
seroit une nullité de plus.
�C 2 1 .0
s ,,; “ '" t W ' Î s ' ! ï m e
<[j; oupicm -t sb Jiliiia ;i
U E S T I
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Tî.
S i le divorce n'a pas été valable, a-t-il pu néanmoins elre valide
,l par une convention particulière de la dame de Reyrolles? '
'>■
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.ru ■ii n
_
rr
t;'
U n contrat qui n ’intéresse que les deux parties peut sans doute
ne dépendre que d ’elles seules, et alors il est rompu aussitôjL qu’elles
.en. ont exprimé ^ „vo lo n té..
:Ji.
rJi
Mais un contrat qui intéresse la société entière ne peut se dis- .
soudre que par des actes publics et authentiques, et dans les fornies^
rigoureusement exigées. Cette différence est sensible, et tient à la
nature du contrat de mariage.
n
Oser dire,qu’il est un simple contrat privé n ’est qu’une hérésie^
insoutenable; elle est condamnée par toutes nos lois ; et les ^°"-^
mains eux-mêm es, qui cependant admettaient la répudiation et
.divorce, nous ont transmis les idées grandes et nobles qu’ils avoient ^
sur l’importance çlu mariage.
, n.
,
,
« Parmi toutes les institutions hum aines, a dit Justinien, rien^
» n’est si sacré et si important que le mariage, car c’est par lui que
» sc forme la suite des génératioiis; c’est par lui que se peuplent
» les régions et que les cités fleurissent : il est le conservateur de^
» la république et la source de sa prospérité. »
N ihil in rebus mortalibus perindé 'venerandum est atque matrimonium : quippeecc quo liberi , omnisque deinceps sobolis sériés
existâ t} qnod regiones atque civitates fréquenter reddat, undè
denique reipublicœ coaugmentatio fia t. ( N ovell. i/jo. )
T o u t ce qui lenoit au mariage participoit chez les Romains de
cette considération. Les dots étoieut aussi considérées comme objet
d’intérêt public : Ileipublicœ interest dotes mtdieram salvas esse.
L e divorce avoit aussi mérité l’atlention du législateur; il en
déterm inoitlcs form es, et exigeoit l’avis de la famille et la présence
de sept témoins, afin que leur nom bre, leur influence et leurs représentalipns fussent un frein ù la rupture du mariage, ( jf . D e
divortius et repudiiis. )
�iSV.El si
formes n ’étoient pas exactement suivies, le divorce étoit
radicalement nul : Nidlum divortium ralwn est. ( L . 9 . eod. ) *
3»
■cetlemullité n ’aüroit pas été textuelle, elle eût été pro
noncée' par la loi qui portoit que toutes[lés conventions faites contre
le'droit civil, contra juris civilis régulas t étoient nulles de plein
droit, etUic produisoient aucune action. ( L . 28, f f . D e pactis.)
\s' O r, il n?étoit pas douteux que la form e de dissolution du mariage
ne fû t réglée par le droit civil : Jure civili dissolvere solet matri-ntoninmM^ L . 1 1 , f f . D e divort. et rep. )
l e s
Q
u
a
n
d
D ’autres lois disent expressément que tout ce qui tient à l’état
des hommes n’est pas en leur pouvoir, parce qu’on ne peut changer
la condition des personnes : Status hominis ■vel conditio personarum mutari non potest. ( L . liheros, c. D e lib. c .)
ob Sans- doute ces principes suffiroient pour établir qu’un divorce
n ’est pas susceptible d’être validé par des conventions particulières;
et ilirésisteroit d’ailleurs au bon sens que la loi eût exigé des formes
rigoureuses, et que cependant elle eût permis aux époux de s’en
dispenser indirectement.
tr
'ii M ais la loi, après avoir exprimé scrupuleusement les formes à suivre
?pour le divorce, avoit aussi prévu que des époux trop peu attachés
à son observation pourroient se permettre des traités pour valider ce
qu’elle ne valide pas; et, par une prévoyance très-conséquente, elle
repousse ces conventions illégales, et les déclare radicalement nulles.
Pactiones sanè si quæ adversus prœsentia scita nostrœ majestatis fuerint attenlatœ, tanquam legibus contrarias nullam liabere ■vohtrnus fimiitatem. ( L . 8 , code D e repudiis. )
Ainsi la question est disertement jugée par la loi elle-même.
Si un divorce n’a pas été légalement fa it, les époux ne peuvent
ensuite le valider par aucune convention.
'
Sans doute la demoiselle Maigne ne prétendra pas que ces prin
cipes soient combattus par aucune loi française. On dem ande,
dit Vinnius, s’il est permis de transiger sur la validité des mariages:
oui, répond-il, s’il s’ngil de valider le mariage : Ut sponsa manval sponsa, placcl Iransaclionem valcrc; mais la transaction est
�(
23 )
absolument n u lle , s’il s?agit de relâcher le lien’ du mariage. ( P in n .
D e trans. ) ,v\ )
«\v\Y&rc u\ui'
■
'
1tj 11 ■*'' fP
L a demoiselle M aigne t opposera-t-elle la loi du 20 septembre
1792. M ais quelle, que fù tll’opinion du tem ps, elle n ’y trouvera
rien de favorable à son système. « L a dissolubilité spontanée du
» m ariage, disoit lis rapporteur de celte l o i , la liberté d en con» tracter un second , après un premier qui ne seroil pas légalem ent
» rom pu, seroit une liberté immorale et impolitique. »
Aussi la loi du 20 septembre s’exprime-t-elle d’une manière 1resconforme aux principes enseignés par les lois romaines. :iui
« L e mariage est dissous par le divorce légalement prononcé.
)> Les époux ne peuvent contracter un second mariage qu’apres
)) que le premier aura été dissous conformément aux lois. » mv
j: Que la demoiselle M aigne ne se dissimule pas toutejla force de
l’expression ne peuvent. T outes les fo is, dit Dum oulin , qu’elle se
trouve dans les lois de rigueur, elle marque la plus forte des prohi
bitions ; elle ôte la puissance de droit et de fait , et a le même
résultat que l’impossibilité absolue.
n (nii
Il en résulte donc que la demoiselle M aigne n ’a jamais pu être
l’épouse du sieur de Reyrolles , dès que son divorce n ’a pas été
fait conformément aux lois.
L e Code civil répète ces dispositions de la loi du 20 septembre.
Rien n’est plus c la ir , et il est difficile d’y voir que si le divorce
n’est pas légalement prononcé, on pourra dissoudre le m a r i a g e par
des conventions particulières.
D ’ailleurs , suivant le Code civil , il faut pour la validité d une
convention, 1“. la capacité de contracter, 2°. une cause licite dans
l’obligation. ( A rt. 1108. ) O r, suivant l’art. 11 2/,, la femme mariée
est incapable de contracter elle-même ; e t , d’après l’art. 1 i5 3 , la
cause est illicite quand elle est prohibée par la l o i , ou contraire à
l’ordre public.
Se départir de son étal civil est sans doute la plus grande dis
position qu’une femme mariée puisse faire; et cependant <Ile n’a
Tas la capacité de faire des dispositions bien moindres. Com m ent
�(, 24 )
t r a i t e r o i t - e l l e librem ent avec son m a r i , à qui elle doit obéissance,
et qu’elle est obligée de suivre partout où il juge à propos de ré- sider? ( A r t . a i 5 et 2 i 4 * ) q ne 'n .. \ii
Ui
L e mari lui-même , chef de la puissance maritale , ne peut y
x déroger et s’en départir par une convention. ( A rt. i 388 . ) C om , m ent donc concevoir que le mariage soit dépendant d’une transac
tion , quand la puissance maritale n ’en seroit pas susceptible, elle
g qui n ’est cependant qu’un effet ou une émanation du m ariage?
t. Jusqu’ici la dame de Reyrolles a supposé un traité sur la vali
dité de son divorce; e t , dans ce cas m êm e, il est évident qu’un
: traité seroit nul : mais il n ’en existe d ’aucune espèce ; et ce que la
»demoiselle Maigne appelle à son secours , est seulement une appro
bation du divorce , résultante du traité de l’an 5 et de quelques
Ê'exploits; io
ar <usb L a dame de Reyrollea, objecte la demoiselle M aigne, s’est donnée
¿plusieurs fois la qualité de fem m e divorcée: donc elle a approuvé,
s (elle a ratifié, elle a validé son acte de divorce.
•Ji<> Ge qu’on n ’oseroit pas dire pour l’acte du plus mince in térêt, la
demoiselle Maigne le propose avec assurance pour une dissolution
de< mariage.
• M ais peut-on s’imprimer une qualité qu’on n’a p a s, et perdre
■par un seul mot son état civil ? Un mineur cesse-t-il de l’êtreen
se disant majeur? et un époux, en se disant veuf, cesseroit-il d’être
engagé dans les liens du mariage?
L ’exécution d’un acte n u l, dit M . Cochin dans son 37*. plai
d o y e r, n ’en a jamais opéré la ratification; c a r , dans les cas où
la loi donne dix ans pour réclam er, si chaque acte d ’exécution
opère une ratification , il faudroit dire que la loi n ’a accordé aucun
délai ; et au contraire tout le monde sait qu’il ne faut considérer que
l’acte nul , et compter pour rien son exécution.
D e même , la dame de Reyrolles ayant coopéré par sa signature
à un premier acte n u l, c ’est-à-dire , à son d iv o rce, tout ce qu’elle
a fait ensuite n’en a été que l’exécution.
11 falloit qu’elle réclamât ou exécutât. M ais, étant en puissance
maritale ,
�( * 5 )
m aritale, elle avoit au moins dix ans pour réclamér à compter du
décès de. son mari : jusque-là ellç éto ird o n c forcée d’exécuter un
divorce n u l, car son intérêt n’étoit pas de réclamer , de peur que
son mari ne divorçât une seconde fois plus régulièrement.
Sans doute la restitution de sa dot étoit la première execution
du divorce ; et on a vu comment elle fut forcée par des offres à
traiter pour ce que voulut le sieur de Reyrolles. L e c o m p t e d'ins
truction qu’il lui devoit comme m andataire, pour avoir touché des
droits successifs inconnus, exigeoit d ’après les lois un détail qu’il n’a
pas donné; et quand cette partie de la cause , pendante encore de
vant les premiers juges , sera remise en discussion , la dame de
Reyrolles prouvera l’abus évident de la puissance m aritale, et le
tort considérable qui lui a été fait.
!
L a dame de Reyrolles n’a point traité sur son divorce : elle n’ a
fait que l'exécuter par contrainte. Pour exister , elle fut obligée de
form er quelques demandes ; et sans doute pour la régularité des
exploits, ne pouvant se dire’ autorisée du sieur de R eyro lles, elle
étoit forcée de se dire divorcée pour recevoir ce qu’elle demandoit.
n Mais toutes les fois que cette qualité n’étoit pas de form e néces
saire , la dame de Reyrolles s’abstenoit de la prendre ; elle peut
représenter plus de soixante actes où elle ne se l’est pas donnée ;
elle a meme prouvé, par les registres de son m a ri, qu’il n ’a pas
cessé de lui donner par écrit le nom de Floral-Reyrolles après le
prétendu divorce.
L exécution d’un acte n u l, on le répète, n ’a jamais produit une
ratification ; et le Code civil a fait aujourd’hui une loi du célèbre
passage de Dum oulin sur cette matière. « L a ratification d ’une
» obligation contre laquelle la loi admet l’action en nullité ou en
» rescision , n ’est valable que lorsqu’on y trouve la substance de
» cette obligation, la mention du m otif de l’action en rescision
» et l’intention de réparer le vice sur lequel cette action est fondée. »
( A rt. i 338 . )
Une donation nulle ne peut même être ratifiée : il faut la refaire
en forme légale . (A r t. jojçj. ) U n divorce auroit-il moins intéressé
D
�( 26?
le législateur? et pensera-t-on qu’il fût plutôt susceptible d’une
simple ratification?
jurisprudence ne s'est jamais écartée de ces principes. Un
L
a
’
jugement a été cassé le
messidor an 4 , parce que des quittances
données en viduité avoient été réputées ratification d’une vente de
bien dotal en coutume d’A uvergne, « attendu que les formalités
» n’ ont pas été remplies, et que l’ exécution pendant plusieurs
» années du traité du ...... n’ a pu valider un acte nul dans son
» principe. »
Cependant la demoiselle Maigne insiste, et il lui semble que tous
les principes qu’on vient de lui rappeler ont été renversés par un
arrêt récent de la cour de cassation, qui a jugé en tlièse, dit-elle,
que le mariage et le divorce ne sont plus des contrats d’ordre publie,
et qu’on est non recevable à 'demander la nullité d’un divorce quand
on l ’a approuvé par des actes subséquens.
Mais ce n ’est là qu’une calomnie de la demoiselle Maigne contre
la cour de cassation , qui ne peut être sérieusement accusée d’un
tel paradoxe. II n’étoit question devant elle que d’un divorce va
lable, d ès-lo rs la cause n’est plus la même.
Cependant un arrêt de cassation est une arme trop puissante
pour qu’il suffise de ne se défendre contr’elle qu’avec cette seule in
dication. L a dame de Reyrolles va en rappeler l’espèce précise, et
il sera aise de voir que la demoiselle M aigne a voulu seulement
abuser de quelques expressions fugitives et ambiguës d’un arrêt de
circonstance.
« L e sieur B ocliler, après avoir reconnu dans plusieurs contrats
» la validité du divorce obtenu par sa fem m e, avoit cependant
» tenté de le faire annuller par justice.
» C elle-ci, en repoussant les nullités, opposoit d ’ailleurs et pé» rcinptoircmenl que son ci-d eva n t mari étoit non recevable >
» attendu qu’il avoit reconnu la validité du divorce.
» A rrêt de la cour d ’appel séante à T rê v e s, qui admet la fin de
n non-recevoir ; attendu que les moyens de nullité étoient sans
» fondement ; et encore, attendu que le mari a pu et voulu renoncer
�( 27 )
» au droit qu’ il avoit de pontes ter les effets civils du divorce de aon
» épouse.
Boni1 ■
’
“
i> Pourvoi en cassation, pour contravention à l’article 6 du Code
« c iv il.
'pooiiK, , ...
.«■
3'
>5 '» L e demandeur soutenoit qu’une convention „tendante à lairc,
» valoir un acte de divorce n u l, seroit contraire à l’ordre public,
» et aux bonnes mœurs ; qu’ain si, en supposant le tait de recon« noissance ou consentement par le m ari, la cour d’appel n auro.it,
» pu conclure, en point de d ro it, que par la force de cette çon» vention le divorce fû t devenu inattaquable.
,ncbn "
» A r r ê t . — Attendu qu’en ajoutant à la considération de là non
» application des lois invoquées par le demandeur a u x , .actes pars
» lui attaqués, celle de l’approbation par lui donnée h la régulant^
»- de ces actes, et même celle de la reconnoissance par lui faitç.d_an$9
» d’autres actes publics de sa qualité de fem m e divorcée, à cell^j
n qui a fait prononcer le divorce d ’avec lu i, la cour d’appel n a
» pas violé l’art. 6 du Code civil, q u i, défendant de déroger,par.
» des conventions particulières a Vordre public et aux bopyqfy
» mœurs, et bornant sa défense à ce qui concerne ces objets d ’in»' térêt public, a voulu permettre l’effet des reconnoissancçs,ct cc^ui
» des transactions sur Vintérêt civil et privé ; ce qu’il a formelle-;.
» ment exprimé dans Fart. 2046, et ce que la loi transitoire do.
» floréal an 11 a spécialement appliqué au divorce.
» La cour rejette.
» D u 24 pluviôse an i 3 . — Section des requêtes. »
( Sircj', an 1 5 , pag. 2 25. )
Combien de différences notables entre cet r.rrêt et la cause!
Après un divorce demandé et obtenu par une femme , c’est le
mari qui, n’étant sous la puissance de personne, fait des conven
tions sur ce divorce.
Il traite librem ent; il n’est pas incapable.
11 traite sur les inlérdts civils du divorce.
11 ne traite pas seulement sur la suite du divorce, mais il reconnoit par plusieurs actes la 'validité du divorce.
D a
�( »8?) )
En
p la id a n t
jfil ne peut pas m êm e prouver que le divorce ait été-
nul d’aucune n u llité. ! »Myin /I olfoeiomob c l 9rnmo 3 àbioàb seq îaa '8
L a c o u r d’appel en effet ne se décide que par ce m otifif: q
En cassation, l'époux n ’essaye pas même encore de prétendre que
son divorce est n u l, et il se borne à une dissertation polémique
s u r l’effet de la ratification qu’il a donnée. >
noi
p
A insi la position de la question n’étoit pas de savoir s’il avoitr.
pustransiger sur un divorce n u l, mais s’il pouvoit faire rescinder
un traité relatif aux intérêts civils, par cela seul qu’il avoit aussi
transigé sur la validité du divorce.
C ’est donc encore le fait qui a décidé la cour de cassation ; et/n
si ses motifs donnent à méditer sur leur sens, il n’en résulte qu’une >
plus grande conviction qu’elle a clairement distingué ce qui tcnoit
à l’ ordre public et à Vintérêt civil et privé, et qu’elle ne s’est dé- \\>
cidée à juger aussi Je sieur Boehler non recevable, qu’en ce que, le
divorce étant valable, ses traités étoient étrangers à l’ordre public.
L e m otif pris de l’art. 2046 du Code le prouve. 11 porte qu’on
peut traiter sur l’intérêt privé résultant d’un délit. O n n ’est doncrd
pas libre de traiter aussi pour l’intérêt de la société.
E t comme une femme ne peut pas être épouse respectivement
au corps social, et divorcée pour sa fam ille et pour elle-m êm e,
il en résulte qu’elle peut bien traiter pour son intérêt privé, mais
seulement après que l’ ordre social n’ a plus d’ intérêt; c’est-à-dire,
quand son divorce a été consommé conformément aux lois.
L ’arrêt de cassation est donc b h n loin d’être favorable à la de
moiselle M aigne, qui ne peut pas exciper d’un divorce légal, après
lequel sans doute la dame de Reyrolles eût pu traiter sur les intérêts
civils résultans de son mariage.
L a demoiselle M aigne , en citant cet a rrê t, a prétendu , avec
le rédacteur, que l’article G du titre préliminaire du Code ne porte
qu’une prohibition obscure et incertaine, qui ne peut s’appliquer
à la cause, parce que les traités sur les divorces 11e sont pas d ’ordre
public.
Il est vrai que ce rédacteur propose cette obscurité, seulement
�commoiun-doute;»mais il termine de maniéré à prouver qu i! ne
s’est pas décidé comme la demoiselle M aigne l’entend, onuaur, !• \v\s\
Cependant sa.première application semble fautive j car en (rédui
sant la définition? d'ordre public ù ce qui concerne l’état de la
république-, quodadstatum reipublicce pertinet, il n’ appas remar-joe
qué que l’expression jus publicum étoit alternativement employee uô
parties lois romaines pour le droit public et pour l’ ordre public;
ce qui comporte encore une nuance nécessaire à distinguer, com m eaq
on peut le prouverJpar des exemples.
¡JbI-.
:-'ü
nu
Lorsqu’avant les novelles , la défense de distraire lai_falcidie it
n’éloit pas permise, si un testateur avoit voulu en prescrire la dis
traction , à peine par son héritier de payer une somme aux léga-, 12
taires, cette disposition étoit déclarée nulle, comme contraire^au lq
droit public , et toute action étoit déniée aux légataires
&
Cependant une telle nullité n’intéressoit aucunement Vétat\de la.hd
république.
..
o io y ib
Si en donnant la dot au mari on avoit stipulé qu’il ne contribueroit pas aux frais d’inhumation que la loi mettoit à la chargeaq
de la dot, celui qui avoit payé ces frais n ’en avoit pas moins unesq
action en répétition contre le m ari, et il ne pouvoit pas opposer sa
stipulation , parce que la loi la déclaroit nulle et attentatoire auüt
droit public (2)... Cependant encore l’état de la république étoit
fort étranger à cette convention.
.110
____________________ __________________________________ l:
(1) Frater curn hceredem sororem scriberet, et alinm ab eà, oui donattim %>olebat, j tipulnri curavit ne falcidià uCeretur , et ut certain pecurtiam , si contrd fecisset , preestare , privatorum cautions legibus non esse
refragandum conslitit et ideo sororem
rétention habi
ta ram , et actionem ex stipulant denegandam. ( L. i 5 ,ff. A d leg.falc. )
:
j u
r e
v u h l i c o
<■ m
(a) Neralitis queerit si is (/ni dotent dederat pro muliere , stipulatus
est.... Ne qtiid maritus in fanus conferret, an fitneraiia maritus leneatur>
et ait... Si alius funeravit, posse eum maritum convenire, quia pacto hoo
*us ruiiu cu ii infringi non possit. (L . 20 ,ff. De relig. et sumpt.)
�( 30 )
• Ccs dJspófcitioTiá n ’étoient donc que d'ordre public? et la loi ne
v o u lo il' >á¿ qti’elles pussent êtie é lu d a s1 par des conventions partic id U 'r e s ^
Cotnm ent donc seroit-il proposable de'supposer à la
Volubition' de dissoudre le mariage!, un moindre intérêt d ’ordre
piibÚc? et au lieu de se jeter dans ^application vague de la loi 6 ,
cod . D e petetis ; ' cl de l’art. 6 du C o d e, comment ne pas trouver
une' nullité radicale aux divorces faits' sans toutes les formalités ,1
quand la loi a dit : Nnllum ratum est divortium, n isi, etc.? com
ment ne pas trouver une nullité radicale dans les conventions sur
les divorces, quand la loi a dit : Pactiones mdlam habere vohnnus
Jirmitatem, tanquam legibus contrarias? enfin, comment ne pas
voir'urie disposition prohibitive et irritante dans la loi du 20 sep
tem bre, quand elle dit qu’un second mariage ne peut être contracté
qu'après un divorce IdgaH
■
' ' ~
Quand les lois sont si claires, comment sero it-il possible de
penser' qu’une femme, à qui un divorce illégal n ’a pas ôté la qua
lité de femme mariée, ait pu s’en priver elle-m êm e en se disant
divorcée, et en ne transigeant pas même sur la validité du divorce
qii’on lui oppose?
•
-îo
Que reste-t-il donc à la demoiselle M aign e, si ce n’est de faire
diversion à la cause par la naissance d’un enfant, survenue, dit-elle,
long-temps après le divorce? Mais d’abord elle est convenue que la
date donnée à cette naissance étoit une erreur. Que n’avouoit-elle
avec la même franchise les circonstances explicatives dont elle étoit
mieux informée encore. On verroit qu’un époux chancelant entre'
une épouse et sa rivale, déterminé à fixer son irrésolution par un
retour à ses devoirs , en est tout à coup détourné par une séduc
tion toujours active ; habitare fa cit sterilem in domo , et la mcie
de ses onfans, repoussée comme une vile e sc la ^ , est obligée de cédcr
ù une étrangère lea honneurs du lit conjugal.
Eh ! qu'importe à la demoiselle Maigne cette naissance; est-ce
bien à elle à scruter la conduite d’une épouse ? Si cette conduite
étoit blâm able, cet adultère qu’elle proclame ne seroit-il pas
�son propre ouvrage? n ’eil porteroit - elle pas le poids éternel?
Mais il1ne s’agit point ici de la naissance d’un entant; il suffit
à la darne de Reyrolles de déclarer qu’elle n’a point à en rougir,
et qu’elle est à même|de présenter des témoignages non équivoques
pour sa justification. L e fait de celte naissance n’est ici employé
que comme moyen de la cau se, et parce que la qualité de ienune
divorcée y est donnée à la dame de Reyrolles. M ais ne seroit—il
pas bizarre q u e , dans la commune où un divorce a été prononcé,
l’officier public eût lui-même rendu à la femme la qualité d’épouse?
L ’objection est donc absolument nulle , et rentre d’ailleurs dans la
discussion précédente, où elle Irouve sa réponse.
Ainsi s’évanouissent tous les moyens de la demoiselle M aigne,^
et se justifie la décision des premiers juges. (|[~.
^
L e nom de veuve du sieur de Reyrolles lui est ôté , mais_(jl lui^.
en reste la fortune. L a dame de Reyrolles se borne à vouloir, çe
qui lui appartient , d ’après son contrat de mariage. N ’est-ce pas
assez qu’elle soit réduite à le demander à la demoiselle Maigne ;
qu’après vingt-neuf ans de mariage elle ait quelque chose à lui
envier , et que le sort de l’une et de l’ autre soit aujourd’hui si
différent?
T T
‘
'
Une réglé de droit a prévu ces caprices de la fo rtu n e ,e l le yœuj
du législateur n ’a pas balancé : M elius estfavere repetitioni quam
cidventitio lucro. L e sort des parties seroit écrit dans cette loi
seule , s’il n’étoit déjà réglé par des principes d’une plus haute
importance.
A u x yeux de la morale et de l’opinion, l’intimée ne cessera pas
d ’être la veuve de R eyrolles; elle le sera de même aux yeu x de la
co u r, puisque les lois ne réputent pas son mariage dissous. L a
demoiselle Maigne ne laissant pas de postérité, il ne s’agit point
ici du danger d’ôter un état civil à des enfans nés dans la bonne
foi. A in si, les principes demeurent dans toute leur force , et ne
sont vaincus par aucune considération. L a demoiselle Maigne est
réduite à des fins de non-rccevoir. Mais que signifient de misérables
�( 3 2 )
subterfuges dans une cause de cette nature ? Les magistrats n’y
verront qu’un mariage ou un d ivorce, c’e s t - à - d ir e , un objet
majeur et d ’ordre public. Alors disparoitront les personnes, l’in
térêt seul de la société sera mis en balance, et l’arrêt de la cour
sera tout à la fois une leçon de morale et un monument de juris
prudence.
Signé F L O R A T ,
veuve D E R E Y R O L L E S .
M e D E L A P C H I E R , avocat.
M e C R O I Z I E R , licencie avoué
A R IO M , de l’imprimerie de L a n d r io t, seul imprimeur de la
Cour d’appel. — Frim aire an 1 4
�
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Factums Marie
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Description
An account of the resource
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Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Couguet-Florat, Marguerite. An 4?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Delapchier
Croizier
Subject
The topic of the resource
divorces
assignats
substitution de testaments
Description
An account of the resource
Mémoire Pour Marguerite Couguet-Florat, veuve du sieur de Reyrolles, intimée; Contre Catherine Maigne, se disant aussi veuve dudit sieur de Reyrolles , appelante.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa An 4
1774-Circa An 4
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
32 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0706
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0524
BCU_Factums_M0708
BCU_Factums_M0615
BCU_Factums_M0309
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Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Le Puy-en-Velay (43157)
Brioude (43040)
Rights
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assignats
divorces
substitution de testaments
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7997aa8c4193bd63b1576a3216b72e68
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Text
M
É
M
O
I
R
E
P O U R
M a rg u erite
CO U G U ET-FLO R AT,
d e R e y r o l l e s , in tim é e ;
v e u v e d u sieur
COUR
C O N T
D ’a p p e l
DERIOM.
R E
.
MA IG N E , se disant aussi veuve
dudit ____
sieur R
, appelante.
Ca t h e r i n e
de
eyrolles
l re. SECTION.
L A demoiselle Maigne n’est pas satisfaite d'avoir usurpé une
grande fortune, et empoisonné la vie d'une malheureuse épouse;
elle ose lui disputer encore un titre respectable reçu aux pieds des
autels, et opposer une formule révolutionnaire et illégale au plus
sacré des engagemens. L e désir de tout contester à son adversaire
l ’a aveuglée et jetée dans cette inconséquence. Pour exposer sa haine
devant les tribunaux, il lui a semblé doux d ’y être en scène ellemême; et elle n ’a pas craint, dans son propre pays, de livrer sa
vie toute entière à de pénibles souvenirs.
Une première tentative devoit la convaincre que la passion n ’est
pas le plus sûr des guides. Condamnée par les juges qui la connoissoient le mieux, elle avoit lieu de croire qu’un système de calomnie
ne prévaudroit pas contre les principes, et qu’une cour supérieure,
gardien naturel des lois de l’empire, ne porteroit pas légèrement une
atteinte dangereuse au lien sucré du mariage, le premier fondement
des sociétés civiles.
La dame de Reyrolles avoit été justement indignée du genre de
défense d’abord adopté par la demoiselle M a ig n e , et son premier
A
�( 2)
mouvement avoil été d’user d’une représaille bien légitime. Plus en
état que personne , dans sa triste position , de rendre compte
des faits et gestes de sa rivale, elle n ’avoit rien tu de ce qui la tourrnentoit depuis tant d’années , et il lui paroissoit consolant de la
jtoursuivre encore, comme un remords vengeur, de la forcer à
sentir le poids de son opulence, et de mériter enfin une haine
qu’elle ne provoquoit pas.
Cependant la dame de Reyrolles a réfléchi que cette jouissance
décevante n ’étoit pas digne de la majesté de la cour ; en consé
quence elle s’est fait un devoir scrupuleux d’écarter de son récit
toutes les épisodes étrangères à ses moyens. L a réclamation d ’un
état civil présente d’ailleurs trop d’intérêt par elle-même, pour que
cet intérêt soit sacrifié à des personnalités et à une stérile vengeance.
L e mariage est-il un contrat d ’ordre public; c’est-à-dire, une
femme sous la puissance maritale a-t-elle p u , après un divorce
nul, traiter irrévocablement avec son mari? et si le mariage n ’étoit
pas légalement dissous, a-t-elle pu consommer cette dissolution
par un acte privé ?
T elle est la principale question de cette cause; et il faut avouer
que sans cette espèce de vandalisme philosophique, qui a brouillé
long-temps toutes les idées morales, on rougiroit de la trouver difficultueuse. Mais avec la gloire du nom français renaissent de jour
' en jour ces antiques maximes, dont nous n ’avons éprouvé l’ébran
lement que pour sentir les funestes conséquences de nos vicissitudes.
Aujourd’hui le mariage, placé sous l’égide de la religion et sous la
sauve-garde de la magistrature, a reconquis sa dignité primitive;
et tout ce qui tend à la maintenir retrouve dans les tribunaux une
protection salutaire, indépendante des personnes et des circons
tances.
f a i t s
.
L a dame C o u g u e t - F I o r a t contracta mariage avec l e sieur de
Reyrolles, médecin, le 7 novembre 1774, et se constitua en d o t
ses biens échus et à échoir, c’est-à-dire, qu’elle donna plein pou-
�(3 )
voir à son cpoux de rechercher et régir une fortune inconnue à
elle-même. L e contrat mentionne la stipulation d’un douaire, et
autres avantages matrimoniaux.
Les premières années de ce mariage furent heureuses. Devenue
m ère, et possédant toute l’affection de son époux , la dame de
Reyrolles étoit loin de prévoir que cette félicité seroil détruite par
une femme qui alors ne lui sembloit nullement à craindre, et que
le sieur de Reyrolles paroissoit juger avec rigueur.
L a destinée de la dame de Reyrolles en disposa autrement, et
bientôt elle se convainquit que les goûts des hommes ne se règlent
pas toujours par leur estime. Dans sa fierté , elle abandonna un
époux parjure, à sa nouvelle conquête, et se retira chez la dame
de F lo r a t, sa grand’mère.
Cet éclat, imprudent peut-être, tourna tout entier au profit de
sa rivale; la dame de Fxeyrolles fut privée de tout secours, de ses
bijoux ; et poussée d'infortunes en infortunes , pour obtenir six
louis de son époux , il exigea qu’elle les reçût de la demoiselle
Maigne. T e l étoit, après dix ans de mariage, l’humiliation à laquelle
étoit condamnée une épouse : tels étoient les premiers chagrins
qu’elle fut obligée de dévorer.
Une réconciliation apparente succéda à ce premier orage. Dupe
de son cœur et de sa franchise , la dame de Reyrolles se trouvoit
encore heureuse des égards de son époux; mais l ’illusion qu’elle
s’efforça long-temps de se faire, céda à l’évidence : l’indignation
étouffa tous les calculs d ’intérêt personnel, et l’épouse outragée ne
connut plus les ménagemens de la dépendance.
Les sieur et dame Caldaguès, parons de la dame de R eyrolles,
alloient s’établir à Limoges. Affligés de sa position, ils lui propo
sèrent un asile; et celle qui dominoit le sieur de Reyrolles ne sen
tant que le plaisir d ’être délivrée d’une surveillante incommode,
la pressa de consentir à cette séparation.
Combien étoit déjà changé le sort de la dame de Reyrolles! elle
avoit un époux; une étrangère lui faisoit oublier ses sermens et
ses devoirs : elle avoit eu un enfant; la m ort, moins cruelle, le lui
A 2
�....................................................................... / ( 4 )
avoit ravi à l’âge où il étoit incapable de tendresse. C ’est ainsi
qu'épouse sans é po ux, mère de famille sans enf’ans , la dame de
Reyrolles a vécu plusieurs années à Limoges , abandonnée aux
consolations de l’amitié et aux fantômes de l’espérance.
Elle avoit touché assez régulièrement à Limoges une pension de
bienséance que lui faisoit le sieur de Reyrolles , par égard pour la
maison de Caldaguès; mais au commencement dè la révolution
elle ne reçut plus rien , et revint à Brioude.
Cette espèce de résurrection d’une femme oubliée parut lui re
donner le charme de la nouveauté, et réveiller dans le cœur du
sieur de Reyrolles des feux mal éteints.
est certain qu’il eût fait
son bonheur de rompre ses chaînes, et de mériter l'affection de
son'épouse, si la prévoyance allarmée de la demoiselle Maigne
n ’eût cherché à la hâte à détruire ce premier mouvement par toutes
11
sortes de moyens.
Mais tel est le sort d ’un homme subjugué; le sieur de Reyrolles
voyoit, et il n’osoil voir; il vouloit, et ne pouvoit s’enhardir à vouloir:
l ’homme le plus impérieux n ’est donc qu’un foible enfant devant
la passion qui le domine. L e premier acte de foiblesse qu’il s’est
laissé surprendre, es t l’abandon qu’un vaincu fait de ses armes ;
il reste désormais sans défense, et se dévoue à l’esclavage.
L a demoiselle Maigne triompha , et le premier usage de sa
victoire fut de dicter les conditions et de profiter de la faveur des
circonstances.
Alors existoit une loi récente, que quelques femmes regardèrent
comme un présent du ciel et une faveur de la Providence. Après
la dissolution de la monarchie, de la féodalité et de la puissance
paternelle, en quelques jours d’intervalle, et avant d ’atlaquer la
religion dans ses solennités, il n ’y avoit plus qu’une destruction in
termédiaire «» prononcer; et le lien du mariage, malgré son antique
inviolabilité, fut dissoluble indistinctement par le divorce.
Cette innovation étoit trop précieuse à la demoiselle Maigne
pour qu’elle ne s ’e m p r e s s â t pas de la saisir. En conséquence , le
3/, mai 1797, il fut signifié à la dame de Reyrolles, de la part de son
�( 5 ;)
m a r i , un acte par lequel, il déclarait qu’il entenrloit divorcer pour
cause d ’absence, et pour incompatibilité d ’humeur et de caractère;
en conséquence de quoi il nominoit trois amis , et lui faisoit som
mation de nommer de sa part trois parens ou amis.
Dans cette conjoncture que pouvoit faire une épouse? plaider?
les tribunaux n’éloient pascompétens ; résister? la loi ne le lui permettoit pas : souvent le demandeur se faisoit lui-même signifier
une réponse, et le divorce n ’eu alloit pas moins à sa fin.
Quoi qu’il en soit , le 27 mai il fut d éclaré, à la requête de
la dame die Reyrolles, que pour satisfaire à la sommation du 24
elle nommoit trois parens, ajoutant que le sieur de R eyrolles, en
provoquant son divorce , n ’avoit fait que prévenir scs intentions.
L e 27 juin il fut tenu une première assemblée de fam ille, tou
jours motivée pour absence et incompatibilité; et après les dires du
demandeur et la tentative de conciliation des parens, on lit la ré
ponse suivante : S u r quoi ladite Conguet-F lorat leur,a répondu
q u e lle étoit disposée à suivre en tout point la 'volonté de son
mari ; mais que s i son dit mari persiste à requérir le divorce ,
elle y donne les mains.
Cette réponse si naïve , où l’obéissance seule se laisse apercevoir,
étoit en elle-même insignifiante : mais on voulut lui donner un sens.
Les longs délais de l’incompatibilité s’accordoient mal avec l’im
patience de la demoiselle Maigne. On crut, donc découvrir dans
les dires de la dame de Reyrolles des matériaux suffisans pour para
chever un divorce par consentement m utuel, pour lequel il n ’y
avoit plus qu’un mois à attendre.
En conséquence, à la date du 28 juillet 1785, un mois après la seule
assemblée de famille, on fit rédiger u n acte de divorce , dans lequel
on suppose qu’il a été requis par les deux époux, d’après la procé
dure voulue pour le consentement mutuel.
Cet acte fut porté à la dame de Reyrolles par un valet du comité
révolutionnaire, long-temps, quoiqu’on en dise, après la date qui
lui a été donnée : elle signa, il n ’y avoit pas à hésiter; d ’ailleurs
son re fu s, en l'exposant, n ’eùt fait que rendre cette pièce inu-
�( 6 )
lile , et forcer à reprendre la suite du premier mode de divorce.
Ainsi s’accomplit cette œuvre d ’iniquité , et la demoiselle Maigne
eut enfin levé le plus grand des obstacles : mais comme si le ciel
se fut joué de ses plus chères espérances , l’époque de son ma
riage qu’elle avoil tant hâtée s’éloignoit de jour en jour ; et pendant
quelque temps il y eut lieu de croire que le sieur de Reyrolles,
pénétré de la perte volontaire qu’il avoit sollicitée, oublioit la pro
cédure monstrueuse qu’il avoit ébauchée, et revenoit à ses pre
miers engagemens.
L a dame de Reyrolles se livra de bonne foi à une si douce rési
piscence ; elle feignit même ne pas remarquer qu’il ne venoit chez
elle qu’à la dérobée et avec la timidité d’un esclave. Enfin , une
grossesse lui parut le comble du bonheur, et le gage assuré d’une
réconciliation après laquelle elle soupiroit depuis si long-temps.
Mais les assiduités du sieur de Reyrolles n’avoient pas échappé
aux ennemis de son épouse, T ro p adroits pour faire un éclat, ils
frappèrent des coups plus certains, et le poison de la calomnie vint
ébranler l’imagination foible d ’un homme que le premier mouve
ment faisoit agir, et q u i , dans ce qui concernoit ses passions , ne
savoil j a m a i s p e n s e r par lui-méme. C ’est ainsi que, dans sa confiance
aveugle, la dame de Reyrolles se croyoit encore épouse quand ses
ennemis ourdissoient sa porto : Inquivebant niala sib i, et doloy
totd die meditabantnr.
- L a grossesse de la dame de Reyrolles fournit une vaste champ
à leur malignité; l’époux lui-même fut entraîné à douter contre sa
conviction intime ; et ce que la dame de Reyrolles avoit cru être lo
sceau de la paix devint en un instant le signal de la discorde et de
la haine.
- T o u t d’un coup la scène chango : on profite diligemment de la
disposition d’esprit où on a mis le sieur de Reyrolles , et son ma
riage avec la demoiselle Maigne est consommé le 11 messidor
an 2 , douze jours avant que la dame de Reyrolles , sur son lit
do douleur , donnât le jour à une malheureuse créature sous d’aussi
sinistres apspiccs.
�( (7)
N o n , le ciel ne l’a point béni, ce fatal mariage ! Il a entendu Panathème prononcé par une épouse dans sa désolation; et elle n’a
pas eu la douleur de savoir plus heureuse qu’elle celle qui l’avoit
ch asscc du lit conjugal. En portant un nom usurpe , la demoi^
selle Maigne ne trouva plus dans le sieur de Reyrolles cet être
soumis sur lequel elle a voit exercé tant de fois une capricieuse
puissance.
L a demoiselle Maigne avoit calculécet effet habituel du mariage;
et pour se prémunir contre son résultat , elle profita d’une époque
où le sieur de Reyrolles venoit d’être destitué de sa place de rece
veur du district, pour proposer un testament mutuel qui fut respec
tivement signé en l’an
5.
Quelque temps après, une séparation
volontaire les a éloignés jusqu’à la mort.
Cependant la dame de Reyrolles, abandonnée à sa situation péni
ble , dévoroit ses chagrins et se devouoit à sa destinée. Occupée
des soins maternels que demandoit le premier âge de sa fille, elle
attendoit avec résignation que le sieur de Reyrolles, rendu de nou
veau à ses premiers liens , s’occupât de deux êtres qu’il avoit si
cruellement traités. M a is, au lieu d ’un retour à-la nature, il ne fit
plus apercevoir son autorité maritale que par des hostilités et par
l’abus de son administration.
Il avoit recueilli la succession considérable de l’aïeule de son
épouse, avoit traité de gré à gré avec un cohéritier pour le partage
des immeubles, et s’éloit emparé des effets mobiliers, sans compte
ni mesure.
Néanmoins, demeurant libre d ’en fixer la consistance, et pour
consommer la ruine de son épouse , le sieur de Reyrolles lui fit
faire , le 7 messidor an 4 , un acte d ’offres de 7000 francs en man
dats territoriaux, pour le m o n ta n t, dit-il, de ce qu’il avoit touché
sur sa dot , attendu que ladite Couguet avoit toujours élu d é de
déclarer ce qui pouvoit lu i être du ; qu’ elle ne cherchoit qu’à re
tarder la libération dudit Reyrolles , q u 'il étoit de son intérêt
d’ opérer le plutôt possible.
L a dame Ue Reyrolles répondit qu’elle ctoit surprise et lassée
�(S)
des procédés iniques de son m a ri, et refusa les offres. Il y eut
procès verbal de non conciliation , après lequel elle fut assignée
le 21 messidor su ivan t, devant le tribunal du P u y , en réalisation
et validité desdites offres.
Ces diligences avoient lieu à la dernière heure du papier-monnoie;
le numéraire reparut au commencement de l’an ; et, dans ce pre
mier instant où l ’opinion en augmentoit la valeur, le sieur de R e y
5
rolles se hâta de faire proposer à sa femme une modique somme de
Gooo francs pour tout terminer ; ajoutant, pour l’intimider, que
si elle ne l’acceptoit pas , les offres de Fan /j seroient jugées vala
bles , parce qu’elles avoient eu lieu avant la suppression du papier.
En vain la daine de Reyrolles demanda-t-elle à être éclairée sur
la valeur réelle de sa propre fortune ; il fallut obéir à la puissance
maritale , et céder à la crainte de n’avoir que les mandats offerts
au lien du numéraire promis, si elle s’exposoit à aller plaider dans*
un tribunal presque inconnu , à douze lieues de son domicile.
L a dame dé Reyrolles signa donc un traité le 16 frimaire an
5,
par lequel on lui fit dire qu’elle étoit venue à compte avec son
mari, et qu’après communication prise de l’inventaire de son aïeule
et d ’un p a r t a g e de 1785, il lui revenoit 6126 liv. 10 sous; ¿1 quoi
ajoutant d/autres articles touchés par son m ari, quoique non com
pris dans l’inventaire, en valeur de 873 liv. 10 sous, le sieur de
Reyrolles se trouva tout juste débiteur des Gooo fr. qu’il vouloit
payer , et dont l’acte porte quittance.
A ccnnpter de cette époque les époux furent séparés, et la dame
de Reyrolles 11’eut plus qu’à s’étourdir sur le passé et à supporter
son sort avec courage : elle se consoloit avec sa lille, et celte con
solation même lui lut enviée. Après le 18 fructidor , 011 lui donna
l ’alarme sur le sort de cette e n la n t , qui n’avoit pas encore d ’état
civil. On lui persuada que les peines de la loi pourroient l’attein
dre, et elle se décida à laire une déclaration à l’officier public. On
n ’eut garde de transcrire la qualité qu’elle vouloit se donner, par
la raison qu’il eût été incivique de mépriser un divorce, et quo
le sieur de Reyrolles, redevenu puissant, n’auroit pas trouvé bon
q u ’ il
�9
.. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . C )
qu’il fût fait mention de lui sans sa participation. L a dame de
Reyrolles déclara donc seulement qu’il lui étoit né une fille le 21
messidor qui suivit son divorce. Comme ce divorce étoit daté de
l’an 2 de la liberté, on supposa la naissance de l’enfant au 21 mes
sidor an . Cette erreur a été reconnue par la demoiselle Maigne,
et seroit aisée à rétablir à l’égard d ’un fait aussi notoire.
Dans ces entrefaites le sieur de Reyrolles, nommé receveur du
département de la H aute-Loire, alla s’établir au Puy. Là , ayant
vécu près de six années séparé absolument de la demoiselle Maigne,
qui habitoit Brioude, il fut atteint de la maladie qui Ta conduit
au tombeau.
5
A celte époque terrible, où l’homme, ne trouvant plus d’asile
dans les illusions du monde, voudroit réparer dans un instant les
fautes de sa vie toute entière, l’opinion générale a rendu au sieur de
Reyrolles la justice d ’attester qu’il n’avoit rien plus à cœur que de
se réconcilier avec sa femme, et de lui en donner, par un testament
honorable, la seule preuve qui fût désormais en son pouvoir.
En e f f e t , il est de notoriété au Puy que le sieur de Reyrolles
avoit fait un testament par lequel , cassant celui qu’il regardoit
comme un monument de foiblesse et de honte, il léguoit 40000 f.
à la dame de Reyrolles personnellement, et faisoit en faveur du
sieur Vauzelles, ex-législateur, une disposition considérable.
Aussitôt que la demoiselle Maigne apprit la maladie du sieur
de Reyrolles, elle voulut se mettre à portée de déranger des projets
dont elle ne pouvoit douter. Craignant de ne pas se hâter assez,
elle envoya au Puy le sieur Grancliier le mercredi, et arriva ellemême le vendredi suivant. Sa vue fit une révolution singulière au
sieur de Reyrolles , q u i, à ce qu’on assure, se tourna brusquement
du côté opposé, et se couvrit la tête avec un mouvement con
vulsif. Quoi qu’il en soit, il expira le même jour 18 floréal an 12.
Cette mort soudaine servoit mieux la demoiselle Maigne que
tous les plans qu’elle avoit pu concevoir. Seule dans la maison du
sieur de Reyrolles, et en attendant les scellés qui ne dévoient être
posés que le lendemain, au lieu de verser des larmes stériles qu’il
li
�•
( 10 )
valoit mieux réserver pour la pantomime des audiences, la de
moiselle Maigne étoit libre de tout parcourir. Un certain porte
feuille vert avoit paru donner de l’inquiétude au défunt : il n'a
plus paru; et le public qui se trompe rarement en conjectures dé
sintéressées, paroit avoir été imbu de l’idée que dans ce porte-feuille
gissoient les papiers les plus précieux, et surtout le dernier tes
tament. Et qu’on ne dise pas que c’est là une fable de pure ima
gination ; ce bruit avoit pris une telle consistance, que le sieur
Vauzelles, légataire, a rendu sur ce m otif une plainte en suppres
sion de ce testament.
L a dame de Reyrolles ne donnera pas d’autres détails d’un fait
qu’elle n ’a appris que par la notoriété publique. C e n’est point la
fortune du sieur de Reyrolles qu’elle ambitionne; elle ne demande
rien qui ne soit à elle-même; elle veut son état civil, sa dot, et ne
dispute point à la demoiselle Maigne une opulence chèrement
achetée, et dont la source équivoque n’est de nature à donner du
crédit que vis-à-vis quelques collatéraux.
Après la mort du sieur de Reyrolles, ce n ’étoit plus que des
tribunaux que son épouse pouvoit attendre justice; en conséquence,
le 19 thermidor an 12, elle fit citer Catherine Maigne en payement
de ses dot, trousseau et gains matrimoniaux, e t, en tant que de
b esoin, en nullité du divorce et actes postérieurs.
L a demoiselle Maigne ne savoit pas encore à fond le rôle con
venable à la circonstance. Cette tendresse soi-disant conjugale qu’il
falloit supposer à un homme dont les dernières volontés avoient
été d ’enrichir sa fidèle moitié, ne s’allioit guère avec un domicile
constamment séparé, et à douze lieues de distance. Cependant la
demoiselle Maigne, qui avoit toujours habité Brioude, et qui ignoroit les moindres affaires du sieur de Reyrolles, proposa un déclinatoire, soit qu’elle crût qu’il n’avoit pas transféré au Puy son do
micile de droit, soit qu’elle iiU entraînée par la vérité à convenir
qu’elle n’avoit pas le même domicile de fait que celui qu’elle disoit
son époux; elle ignoroit que le sieur de Reyrolles avoit acquis une
maison au P u y , s’en déclaroit habitant dans les actes publics, et
�( * 0
avoit même fait rayer sa cote mobilière à Rrioude. En conséquence,
et par ces m o tifs, elle fut déboutée de son déclinatoire par juge
frimaire an i .
ment du
A u fond la demoiselle Maigne répondit que la dame de Reyrolles
n ’étoit pas recevable dans sa demande, soit à cause de la loi du
26 germinal an 1 1 , soit parce que la demande n’avoit été formée
qu’après la mort du sieur de Reyrolles, soit parce que la dame de
Reyrolles étoit divorcée par un acte requis et signé par elle-même;
qu’elle avoit traité avec son mari en qualité de femme divorcée,
23
3
et avoit pris la même qualité dans plusieurs autres actes , no
tamment dans la déclaration de naissance d’un enfant né un an
après le divorce; qu’à l’égard d ’elle-même Catherine Maigne, elle
11’avoit point à craindre le sort de ce divorce, parce qu’elle étoit
mariée légitimement, héritière universelle, et que le sieur de
Reyrolles avoit tellement persisté dans cette volonté pendant sept
ans, qu’à sa mort on avoit trouvé le testament de la demoiselle
Maigne parmi ses papiers les p lus p récieux.
Il est inutile de rappeler les moyens opposés par la dame de
Reyrolles à cette défense de la demoiselle M a ig n e , les faits cidevant narrés les indiquent; et il suffit de dire qu’en déclarant le
divorce nul, les premiers juges ne virent plus dans la dame de
Reyrolles qu’une épouse restée sous la puissance maritale, n ’ayant
pu dès - lors traiter valablement avec son époux , ni prendre
une qualité qu’elle n ’avoit pas. En conséquence, par jugement du
24 floréal an 1 , le tribunal du P u y, sans s’arrêter aux fins de
non-recevoir proposées par Catherine M aign e, déclara nul l’acte
de divorce du 28 juillet 1793, et tout ce qui l’a précédé, de même
que le traité du
frimaire an ; remit la dame de Reyrolles au
même état où elle étoit avant lesdits actes; condamna Catherine
Maigne, en qualité d ’héritière du sieur de Reyrolles, à lui payer,
i". oo ir. pour le montant de son trousseau stipulé en son contrat
de mariage du 7 novembre 1774 ; 20. 1200 fr. pour ses bagues et
joyaux; °. /¡oo fr. pour sa pension vîtluelle; *- à lui fournir un
logement garni et meublé, suivant son état et sa fortune, dans le
3
3
5
3
5
4
B 2
�dernier domicile du défunt, à la charge par ladite dame de Reyrolles
de constater l’état dudit mobilier qui lui sera remis, pour être rendu
à qui et dans le temps de droit; °. à payer à ladite dame de R eyrolles i oo fr. pour son deuil et celui de sa domestique; et à l’égard
du payement de la dot, le tribunal ordonna que les parties conlesteroient plus amplement, et à cet effet fourniraient leurs états res
5
5
pectifs, sauf débats. Les inscriptions de la dame de Reyrolles furent
maintenues jusqu’à parfait payement, et il fut ordonné que ledit
jugement seroit exécuté en la forme de l’ordonnance nonobstant
l’appel.
Cette dernière disposition donna lieu à la demoiselle Maigne de
hâter singulièrement son appel et ses poursuites. Impatiente de
jouir sans entraves, elle remontra à la cour que la douairière d’un
receveur général ne pouvoit vivre avec des saisies qui arrétoient des
comptes extrêmement pressans, et que la trésorerie nationale la
pressoit pour les rendre. L a co u r, par son arrêt provisoire du
3
24 floréal an i , a fait défénse d’exécuter le jugement jusqu’à son
arrêt définitif.
Les parties sont aujourd’hui sur le point de faire juger le fond
de la contestation, et la dame de Reyrolles attend sans inquiétude
une décision qui ne peut être qufe conforme à la morale et à la
justice.
m
o
y
e
'n
s
.
^Toute la défense de la demoiselle Maigne est fondée sur ce
paradoxe : L e mariage est une simple convention privée; il peut
être détruit de gré à gré par un simple acte, qui supplée les formes
de la lo i , ou qui en dispense.
L a défense de la dame de Reyrolles est de dire, au contraire,
que le mariage est un lien destiné à union de deux fam illes,
intéressant la société entière, et ne pouvant être dissous que dans
la rigueur des formes légales.
Sans doute la solution de ces deux systèmes est écrite dans le
1
�( *3 )
cœur Je tous ceux qui n ’auront pas oublié ces principes immuables
qui résislent au fracas des révolutions et à l’éblouissement de^
systèmes.
Ici il est constant qu’en 1774 la dame de Reyrolles a été mariée
avec toutes les solennités civiles et religieuses, et que son époux
n'est mort qu’en l'an 12. 11 s’agit donc d’examiner si le mariage
a été légalement dissous par un divorce. Mais la dame de R e y
rolles oppose des fins de non-recevoir, qu’il faut examiner; et ses
prélentions donnent lieu aux questions suivantes : i°. L a d a m e ’
de Reyrolles est-elle recevable à demander la nullité de son divorce
après la mort de son m ari, et malgré la loi du 26 germinal an
onze ? 2°. A u f o n d , le divorce opposé est-il valable ?
3°.
Si ce
divorce n’a pas été valable , a-t-il pu néanmoins être validé par
la convention particulière de la dame de*Reyrolles?
P
ï i e m i è r e
Q
u e s t i o n
.
I m dame de R eyrolles est-elle recevable à demander la nullité
de son divorcé après la mort de son m ari, et malgré la lo i
du 26 germ inal an 1 1 ?
Sur quoi donc seroit fondée la première fin de non-recevoir?
sur une loi romaine ? mais elle ne s’applique pas : ne de statu
defunctorum post quinqiiennium queratur. Ici le sieur de Reyrolles
est mort en l’an 12, et il ne s’est pas même écoulé six mois de son
décès à la demande.
C ’est encore moins le Code civil qui favoriseroit la demoiselle
Maigne. L ’article 188 porte que « l’époux au préjudice duquel a
») été contracté un second mariage, peut en demander la nullité,
w du vivant même de l’époux qui étoit engagé avec lui. »
L a loi ne permet donc de se pourvoir avant la mort de l’époux,
q u ’à titre de grâce; et il semble, par ses expressions, que c’est à
regret qu’elle y a consenti : elle laisse entrevoir le conseil de ne pas
user de ce consentement ; et ce mot m êm e, qui semble pour ainsi
�*4
(
)
dire échappé à la plume du législateur, est cependant de la plus
grande moralité.
Q u ’est-ce en effet qu’une demande de ce genre, formée par l'é
poux abandonné contre l’époux coupable, si ce n’est une espèce de
dénonciation ouvrant le champ le plus vaste à la discorde, et ren
dant désormais toute réconciliation impossible?
Est-ce une foible épouse qui, du vivant de son mari, osera l’ap
peler devant les tribunaux pour lui dire ; Je veux qu’on vous oblige
à me rester fidèle? Mais si une seule fois peut-être, dans l’anti
quité, la sensible Hypparelte a reconquis par un appel en juslice,
la tendresse du plus infidèle des époux, combien d’autres s'indigneroient d ’être ainsi troublés dans leurs affections, et vengeroient
leur amour propre par un abandon plus éternel! Car les hommes,
qui font les institutions, n’ont créé que la puissance maritale; et
quels que soient les dons que le sexe ait reçus de la nature en dé
dommagement de sa foiblesse, ce pouvoir d’équilibre n'est plus
qu’une divinité imaginaire, quand les premières affections ont perdu
leur prestige. Malheür donc à epouse inconsidérée qui tenleroit de
proclamer son abandon et de chercher son époux jusque dans les
bras d’une rivale !
Il est bien plus dans l’ordre qu’une femme prudente ferme les
yeux sur les torts de son époux, et qu’elle tolère son infidélité pour
espérer son inconstance : le même caprice qui l’a éloigné du lit
c o n j u g a l peut l’y ramener repentant et fidèle. L e lien sacré du
1
mariage est comme l ’amour de la patrie, Cunctos d u cit, et irnt
memores non sin it esse sut.
T o u t devoit faire penser à la dame de Reyrolles que son goût
pour la demoiselle Maigne ne devoit être qu’éphémère : leur ha
bitation séparée , une haine qu’ils ne dissimuloient plus, annoncoient une rupture prochaine ; et sans les difficultés que le Code
civil a ajoutées au divorce, il est notoire que le sieur de Reyrolles
auroil vaincu la répugnance de divorcer une seconde fois, car il
ne cachoit à personne qu’il n ’étoil retenu que par cette considéra-,
lion. Quoi qu’il en soit, la darne de Reyrolles a fait ce qu’elle ;
�( i5 )
devoit faire; tant qu’elle a eu de l’espoir, elle a gardé le silence;
et quand la mort ne lui a plus présenté qu’une étrangère à pour
suivre, elle a réclamé ses droits.
L a demoiselle Maigne n’est pas le premier héritier qui ait op
posé que la nullité d ’un divorce ne pouvoit pas être demandée contre
lui. Mais la cour de cassation a décidé le contraire par arrêt du
i4 vendémiaire an 10.
L a deuxième fin de n o n -recevoir n ’a pas même le mérite de
fonder un raisonnement sur le bon sens.
Parce que la loi transitoire du 26 germinal a dit : T ous divorces
prononcés, etc., auront leurs effets, on en a conclu qu’à compter
de cette loi il n’étoit plus possible d’attaquer les précédons divorces.
C ’est-à-dire que si la veille dé la loi nouvelle un divorce avoit
été prononcé sans aucunes épreuves, les époux n’en seroient pas
moins séparés à jamais; et c’est ainsi qu^on fait l’injure au légis
lateur de lui prêter des pensées irréfléchies et monstrueuses.
Mais la demoiselle Maigne n ’a réussi à se faire un moyen de la
loi du 26 germinal qu’en tronquant entièrement l’article invoqué.
« T o u s divorces prononcés par des officiers de l’état civil, ou
» autorisés par jugement, avant la publication du titre du Code
» civil relatif au divorce, auront leurs effets conformément a u x
» lois qui existaient avant cette publication. »
Ainsi le législateur n ’a pas commis la faute de valider ce qui étoit
nul, il a au contraire déclaré ne valider que ce que la loi existante
lors du divorce approuvoit expressément. Incivile erat, n isi totd
logeperspectd, judicare. Maintenant que l’article entier est rétabli,
l ’objection de la-demoiselle Maigne se rétorque contre elle.
D
e u x i è m e
Q
u e s t i o n
L.e divorce du 28 ju ille t 1 yg
5 e st-il
.
valable ?
Comment le seroit-il? il y en a trois dans un seul.
Ces trois espèces de divorces exigeoient trois sortes d’épreuves et
�( 1 6 )
de procédures. L e sieur de R eyrolles, plus pressé qu’il ne devoit
l ’être, amalgama to u t, et interrompit au milieu de son cours une
première procédure, pour lui en substituer une seconde qui ne s’y
allioit pas.
L a nature de toute procédure se fixe irrévocablement par la
demande introductive. Le sieur de Reyrolles, par son exploit ori
ginaire du 24 mai 1793, avoit formé demande en divorce, soit
pour absence depuis n e u f ans, soit pour incompatibilité d’ humeur
et de caractère. Cependant le divorce est prononcé sous prétexte
de consentement mutuel.
L e divorce pouvoit être demandé, comme cause déterminée pour
absence pendant cinq ans sans nouvelles , ou pour abandon pen
dant deux ans. ( 2'. loi du 20 septembre 1792, § . 1 , art. 4. )
Si le sieur de Reyrolles eût voulu un divorce pour absence pen*
dant cinq ans sans nouvelles , 'ù lui falloit pour première pièce
1 un acte de notoriété constatant cette longue absence ( § . 2 , art. 17):
mais sa femme étoit près de lui le 24 mai 1793.
S ’il eût voulu un divorce pour abandon pendant deux ans , il
falloit assigner sa femme devant un tribunal de famille ( art. 18 ) ,
parce que le fait d’abandon comportoit une défense justificative.
O r , il étoit constant que la dame de Reyrolles n’étoit allée à
Limoges qu’avec l ’agrément de son mari , qu’elle y recevoit ses
lettres et une pension annuelle. Mais ce n ’est pas pour abandon que
le sieur de Reyrolles demanda le divorce : l'exploit n’en dit rien.
Pour in co m p a tib ilité d ’i n i m e u r , le sieur de R e y r o lle s avoit sa
m a r c h e tracée d ’une m an ière positive,
« Il convoquera une première assemblée de parens, ou d’amis à
« défaut de parens , laquelle ne pourra avoir lieu qu’un mois après
» la convocation. ( §. 2 , art. 8. )
» La convocation sera laite par un des officiers municipaux....
» L ’acte en sera signifié ù l’époux défendeur. ( A rt. 9. )
» Si la conciliation n ’a pas lieu , assemblée se prorogera à deux
» mois , et les époux y seront ajournés. A l’expiration des deux
» m o i s , . , si les représentations,11e peuvent encore concilier les
1
1
époux,
�( l7 ) * #
» époux , l'assemblée sc prorogera à trois mois. ( A rt. 10 et n . )
» Si à la troisième séance le provoquant persiste, acte en sera
» dressé. 11 lui en sera délivré expédition , qu’il fera signifier à
« l’époux défendeur. » ( A rt. 12. )
L e sieur de Reyrolles provoqua un divorce le 24 m ai, sans acte
de convocation d ’un officier municipal.
Il ne nomma point de parens ; il indiqua seulement des a m is,
sans même exprimer que ce fût à défaut de parens.
L a première assemblée eut lieu le 27 juin 1793. Il en fut dressé
acte; mais aucune signification n’ a été faite à la dame de Rey
rolles , parce que les moteurs craignoient que dans l’intervalle les
choses fussent pacifiées.
Il n’y a ainsi pas eu de divorce pour incompatibilité d ’humeur,
pas plus que pour absence.
C e seroit donc un divorce par consentement mutuel qu’il faudroit valider.
Mais l’acte primitif y est un obstacle perpétuel; on veut cepen
dant que les actes qui suivent aient corrigé cette première procédure.
L a loi en exigeoit une absolument différente.
■
*»
« L e mari et la femme qui demanderont conjointement le di» vorcc, seront tenus de convoquer une assemblée de six au moins
» des p lu s proches parens, ou d’amis à défaut de parens. ( §. 2 ,
art. 1". )
» L ’assemblée sera convoquée à jour fixe et lieu convenu avec
» les parens ou amis. . . . L ’acte de convocation sera signifié par
» un huissier aux parens ou amis convoqués. ( Art. 2. )
» Les deux époux se présenteront en personne à l’assemblée; ils
» y exposeront qu’ils demandent le divorce. » ( Art. 4. )
L e but de la loi se remarque assez par la différence des actes
préliminaires.
L ’incompatibilité pouvoit n’avoir lieu que de la part d’un époux:
la procédure devoit donc avoir des formes hosliles ; c’est pourquoi
la convocation devoit être réglée par un officier m unicipal, et un
• G
�}
huissier devoit sommer l ’époux défendeur de concourir à la forma
tion de l’assemblée , et d’y comparoître.
Mais le divorce par consentement mutuel supposoit de la part
des époux un accord préalable né d’une égale satiété de vivre
ensemble. L a loi vouloit donc la preuve évidente qu’ils avoient
un désir unanime de mettre fin à une cohabitation insupportable ;
et de là vient que, pour éprouver l’uniformité de cette vocation,
la loi exigeoit une simultanéité dans les démarches.
A in s i, bien loin de se signifier par huissier une nomination de
parens , et par actes séparés , ce qui marqueroit une provocation ,
la loi a voulu que le mari et la femme indiquassent ensem ble les
parens, en les choisissant par moitié; ellea vouluqu’ilsdemandassent
le divorce conjointement .- ce qui exprime avec clarté que la loi ne
veut ni demandeur ni défendeur.
(
1
8
L a demoiselle Maigne objectera-t-elle que le but est également
rempli quand l’un des époux a requis le divorce et que l’autre y a
consenti ? Mais voilà une provocation , voilà un défendeur en
divorce : ce n’est plus une demande conjointe , et l’intention de la
loi est manquée.
Souvent l’incompatibilité d’humeur pouvoit être égale; mais la
moralité de l ’un des époux peut répugner à un remède désiré
par l’autre. T e l époux ne se résoudroit jamais à vouloir le di
vorce , q u i , provoqué par une demande, trouve dans sa fierté une
adhésion qui n ’éloit pas dans son cœur ; sa répugnance est vaincue
par l’idée que la loi ne lui a offert aucun moyen de résister à l’at
taque, et, dans son accord même, son opinion est soulagée en se
disant qu’il n ’a point été le provocateur.
Mais pourquoi chercher l’intention de la loi quand elle est claire?
N on omnium quee à majoribus constituta sunt ratio reddipotest.
Il est encore un principe bien constant en fait de lois rigoureuses,
c ’est que toutes les formalités doivent etre suivies à la lettre sous
peine de nullité ; et la loi du l\ germinal an 2 a étendu celte peine
à ^inobservation des formes prescrites par toutes les lois rendues
depuis 178g.
�r9
(
)
Ce seroit donc s’abuser étrangement que de voir dans la procé
dure qui a précédé le divorce prononcé le 28 juillet 1793, les actes
préliminaires d ’un divorce par consentement mutuel.
Non-seulement cette procédure n ’est pas conforme à la lo i,
mais le sieur de Reyrolles a donné un autre nom au divorce par
lui demandé. Il a requis seu l le divorce ; et si sa femme a répondu
par un second acte qu’il n ’avoit fait que prévenir ses intentions,
elle n ’a pas pour cela changé la nature d’une demande, tellement
indélébile qu’elle ne coinportoit ni opposition, ni débats , ni ju
gement.
Lors de l’assemblée, la dame de Reyrolles ne paroît encore que
pour répondre ; elle ne requiert pas le divorce , elle veut seulement
suivre la volonté de son mari. A u lieu de demander conjointement
le divorce, elle donne les mains à la demande, s i son mari y persiste.
Alors le mari persiste ; donc c’est lui seul qui veu t le divorce ,
c’est lui seul qui le provoque et qui le consomme.
Voilà cependant ce que l’officier public , dans l’oubli de ses
devoirs , a reçu comme les épreuves suffisantes d’un divorce.
Un divorce commencé pour incompatibilité d ’humeur exigeoit
une foule d’actes et de longs délais ; cet officier public s’est contenlé
d ’un seul acte cl de trente-trois jours de délai.
C ’est donc ainsi que la sainteté du mariage auroit été mise à la
merci de l’arbitraire ou du caprice, pour ne rien dire de plus.
Mais il seroit insensé de justifier cette procédure dans ses délais
etdanssa forme; elle a péché encore par une irrégularité non moins
grande. L e sieur de Reyrolles semble avoir voulu esquiver les repré
sentations de sa famille, car il n ’a appelé aucun de ses parens à
son divorce.
Ici encore la loi a marqué entre les deux proce'dures une dif
férence notable. Pour l’incompatibilité d ’hum eur, il suffisoit de
parens ou amis ; mais pour le consentement m utuel, la loi a voulu
la convocation des plus proches parens.
Si , comme veut le dire la demoiselle Maigne , il eût été égal
d’avoir des amis , c’étoit inutilement que la loi étoit plus exigeante
C 2
�C 20 )
pour le consentement mutuel. Mais , sans raisonner plus long-temps
sur un point déjà trop évident , il suffît de remarquer que la loi
ne vouloit des amis qu'« défaut de parens.
Oseroit-on supposer qu’à Brioude le sieur de Reyrolles n ’avoit
pas de parens? cela est aisé à démentir : mais si cela eût été
vrai, il falloit au moins l’exprimer. T o u t acte de formalité doit por
ter avec lui-même la preuve que cette formalité a été remplie. Déjà
la cour d’appel, dans une cause semblable, a annullé un divorce
entre des habitans de Riom , par arrêt du 26 pluviôse an 10 , sur le
m o tif que les actes n’exprimoient pas que des amis n ’eussent été
appelés qu’à défaut de parens.
Que signifie même cet acte si précipité , qu’on dénomme si impro
prement un acte de divorce? L ’officier public, de sa pleine puissance,
y dissout un contrat de mariage passé devant Couguet et Iïéra ud ,
notaires, le 7 novembre 1774• Mais jamais on n’a ouï dire que ce
fût le contrat notarié qui donnât l’état civil aux époux, et consti
tuât le mariage. Avant 1792, l’église donnoit tout à la fois l’état
civil et le sacrement ; le mariage ne tenoit son essence que de la
célébration. Or , ce n’est pas l’acte de célébration du 8 novembre
qui a été dissous, mais un simple contrat privé, réglant des affaires
d ’intérêt, et totalement incapable d’opérer un mariage.
Enfin , la loi du 20 septembre a exigé que « tous actes de divorce
» fussent sujets aux mêmes formalités d ’enregistrement et de publi» cation que l'éloient les jugemens de séparation » ( §. , art. 11. )
3
Or , le divorce opposé ne parolt pas même avoir été enregistré.
On avoitobjectéà ladame de Reyrolles qu’elle-même avoit assigné
pour la prononciation du divorce. Elle ignore si aucun exploit
existe, car elle n’en a jamais donné l’ordre ; mais, quand on supposeroit le contraire, prétendroit-on sérieusement qu’une défende
resse en divorce a pu provoquer à son tour un divorce par con
sentem ent m utuel ?
Un exploit après le changement de formalités auroit rétabli la
procédure pour incompatibilité d ’huriieur , et cet exploiltinême
seroit une nullité de plus.
�T
r o i s i è m e
Q
u e s t i o n
.
S i le divorce n'a pas été v a la b le, a -t-il pu néanmoins être v a lid é
par une convention particulière de la dame de R ey rolles?
Un contrat qui n ’intéresse que les deux parties peut sans doute
ne dépendre que d ’elles seules, et alors il est rompu aussitôt qu’elles
en ont exprimé la volonté.
Mais un contrat qui intéresse la société entière ne peut se dis
soudre que par des actes publics et authentiques, et dans les formes
rigoureusement exigées. Celte différence est sensible, et lient à la
nature du contrat de mariage.
Oser dire qu’il est un simple contrat privé n ’est qu’une hérésie
insoutenable; elle est condamnée par toutes nos lois; et les R o
mains eux-mêmes, qui cependant admetloient la répudiation et le
divorce, nous ont transmis les idées grandes et nobles qu’ils avoient
sur l’importance du mariage.
« Parmi toutes les institutions humaines, a dit Justinien , rien
» n ’est si sacré et si important que le mariage, car c’est par lui que
t) se forme la suite des générations; c’est par lui que se peuplent
» les régions et que les citpa fleurissent : il est le conservateur de
» la république et la source de sa prospérité. »
N ih il in rebus mortalibus perinde venerandum est atque matrimoniurn : qu ip p eex quo liberi, omnisque deinceps sobolis sériés
e x is tâ t, quod regiones atque civitaies frequenter reddat, undè
déni que reipublicce coaugnientatio fia t. ( N ovell. i
T o u t ce qui lenoit au mariage participoit chez les Romains de
cette considération. Les dots étoient aussi considérées comme objet
d ’intérêt public : lïeip u b licœ interest dotes mulierum salvas esse.
L e divorce avoit aussi mérité l’attention du législateur ; il en
déterminoit les formes, et exigeoit l’avis de la famille et la présence
de sept témoins, afin que leur nombre, leur influence et leurs re
présentations fussent un frein à la rupture du mariage. ( ff. D e
divortïus et repudius. )
4°0
�Et si les formes n ’étoient pas exactement suivies, le divorce étoit
radicalement nul : Nullum divorlium ratum est. ( L . g. eod. )
Quand cette nullité n ’auroit pas été textuelle, elle eût été pro
noncée par la loi qui portoit que toutes les conventions faites contre
le droit civil, contra ju r is civilis régulas, étoient nulles de plein
droit, et ne produisoient aucune action. ( L . 28, f f . D e p a ctis.)
O r, il n’étoit pas douteux que la forme de dissolution du mariage
ne fût réglée par le droit civil : Jure c iv ili dissolvere solet matrimonium. ( h . 11 , f f . D e divort. et rep. )
D ’autres lois disent expressément que tout ce qui tient à l ’état
des hommes n ’est pas en leur pouvoir, parce qu’on ne peut changer
la condition des personnes : Status hom inis v e l conditio personarum mutari non potest. ( L . Ilhéros, c. D e lib. c. )
Sans doute ces principes suffiroient pour établir qu’un divorce
n’est pas susceptible d’êlre validé par des conventions particulières •
et il résisteroit d'ailleurs au bon sens que la loi eût exigé des formes
rigoureuses, et que cependant elle eût permis aux époux de s’en
dispenser indirectement.
Mais la loi, après avoir exprimé scrupuleusement les formes à suivre
pour le divorce, avoit aussi prévu que des époux trop peu attachés
à son observation pourroientse permettre des traités pour valider ce
qu’elle ne valide pas; et, par une prévoyance très-conséquente, elle
repousse ces conventions illégales, et les déclare radicalement nulles.
P actiones sanè s i quœ adversus prœsenlia scita nostrœ majestatis fu erin t attentatee, tanquam legibus contrarias nullam habere volurnus firmitatem. ( L . 8 , code D e repudiis. )
Ainsi la question est disertement jugée par la loi elle-même.
Si un divorce n ’a pas été légalement f a i t , les époux ne peuvent
ensuite le valider par aucune convention.
Sans doute la demoiselle Maigne ne prétendra pas que ces prin
cipes soient combattus par aucune loi irançaise. On demande,
dit Vinnius, s’il est permis de transiger sur la validité des mariages:
o u i , répond-il, s’il s’agit de valider le mariage : U t sponsa ma~
fieat sponsa, placet transactionem v a lcre; mais la transaction est
�23
(
)
absolument n u lle, s’il s’agit de relâcher le lien du mariage. ( V inn.
D e trans. )
L a demoiselle Maigne opposera-t-elle la loi du 20 septembre
1792. Mais quelle que fût l’opinion du temps, elle n ’y trouvera
rien de favorable à son système. « L a dissolubilité spontanée du
» mariage, disoit le rapporteur de cette lo i, la liberté d ’en con» tracter un second , après un premier qui ne seroit pas légalement
» rompu , seroit une liberté immorale et impolitique. »
Aussi la loi du 20 septembre s’exprime-t-elle d’une manière trèsconforme aux principes enseignés par les lois romaines.
a L e mariage est dissous par le divorce légalement prononcé.
» Les époux ne peuvent contracter un second mariage qu’après
» que le premier aura été dissous conformément auoc lois. »
Que la demoiselle Maigne ne se dissimule pas toute la force de
l’expression ne peuvent. Toutes les fois , dit Dumoulin , qu’elle se
trouve dans les lois de rigueur, elle marque la plus forte des prohi
bitions ; elle ôte la puissance de droit et de fait , et a le même
résultat que l’impossibilité absolue.
Il en résulte donc que la demoiselle Maigne n ’a jamais pu être
l ’épouse du sieur de R e yro lles, dès que son divorce n ’a pas été
fait conformément aux lois.
L e Code civil répète ces dispositions de la loi du 20 septembre.
Rien n ’est plus c la ir , et il est difficile d ’y voir que si le divorce
n ’est pas légalement prononcé, on pourra dissoudre le mariage par
des conventions particulières.
D ’ailleurs , suivant le Code c iv il, il faut pour la validité d ’une
convention ,
la capacité de contracter, 2". une cause licite dans
l ’obligation. ( Art. 1108. ) O r, suivant l’art. 1124, la iemmemariée
est incapable de contracter elle-même; e t , d’après l'art. i i 5 3 , la
cause est illicite quand elle est prohibée par la .lo i , ou contraire à
l ’ordre public.
Se départir de son état civil est sans doute la plus grande dis
position qu’une iemrnc mariée puisse f.iire; et cependant elle n ’a
pas la capacité de faire des dispositions bien moindres. Comment
�24
(
) .......................................
• trailcroit-elle librement avec son m a r i , à qui elle doit obéissance,
et qu’elle est obligée de suivre partout où il juge à propos de ré
sider? ( A r t . 2 i3 et i * )
L e mari lui-même , chef de la puissance maritale , ne peut y
déroger et s’en départir par une convention. ( A rt. i
. ) Com
ment donc concevoir que le mariage soit dépendant d’une transac
tion , quand la puissance maritale n ’en seroit pas susceptible, elle
qui n ’est cependant qu’un effet ou une émanation du mariage?
Jusqu’ici la dame de Reyrolles a supposé un traité sur la vali
dité de son divorce ; et , dans ce cas m êm e, il est évident qu’un
traité seroit nul : mais il n ’en existe d ’aucune espèce ; et ce que la
demoiselle Maigne appelle à son secours , est seulement une appro
bation du divorce , résultante du traité de l’an
et de quelques
exploits.
L a dame de Reyrolles, objecte la demoiselle Maigne, s’est donnée
24
588
5
plusieurs fois la qualité de femme divorcée: donc elle a approuvé,
elle a ratifié, elle a v a lid é son acte de divorce.
Ce qu’on n ’oseroit pas dire pour l’acte du plus mince intérêt, la
demoiselle Maigne le propose avec assurance pour une dissolution
de mariage.
Mais peut-on s’imprimer une qualité qu’on n’a p a s , et perdre
par un seul mot son état civil ? U n mineur cesse-t-il de l’être en
se disant majeur ? et un époux, en se disant veuf, cesseroit-il d ’être
engagé dans les liens du mariage ?
L ’exécution d’un acte n u l , dit M . Cochin dans son 37e. plai
d o y e r , n ’en a jamais opéré la ratification ; c a r , dans les cas où
la loi donne dix ans pour réclamer , si chaque acte d’exécution
opère une ratification , il faudroit dire que la loi n’a accordé aucun
délai ; et au contraire tout le monde sait qu il 11e iaut considérer que
l ’acte nul , et compter pour rien son exécution.
D e même , la dame de Reyrolles ayant coopéré par sa signature
à un premier acte n u l , c ’est-à-dire , à son divorce , tout ce qu’elle
a fait ensuite n’en a été que 1 exécution.
Il fulloit qu’elle réclamât ou exécutât, M ais, étant en puissance
m aritale ,
�25
(
)
m aritale, elle avoit au moins dix ans pour réclamer à compter du
décès de son mari : jusque-là elle étoit donc forcée d’exécuter un
divorce nul , car son intérêt n’étoit pas de réclamer , de peur que son mari ne divorçât une seconde fois plus régulièrement.
Sans doute la restitution de sa dot étoit la première exécution
du divorce ; et on a vu comment'elle fut forcée par des offres à
traiter pour ce que voulut le sieur de Reyrolles. L e compte d’ins
truction qu’il lui devoit comme mandataire, pour avoir touché des
droits successifs inconnus, exigeoit d’après les lois un détail qu’il n’a
pas donné; et quand cette partie de la cause , pendante encore de
vant les premiers juges , sera remise en discussion , la dame de
Reyrolles prouvera l’abus évident de la puissance maritale, et le
tort considérable qui lui a été fait.
L a dame de Reyrolles n ’a point traité sur son divorce : elle n’a
fait que l'exécuter par contrainte. Pour exister , elle fut obligée de
former quelques demandes ; et sans doute pour la régularité des
exploits, ne pouvant sc dire autorisée du sieur de Reyrolles, elle
étoit forcée de se dire divorcée pour recevoir ce qu’elle demandoit.
Mais toutes les fois que celte qualité n’étoit pas de forme néces
saire, la dame de Reyrolles s’abstenoit de la prendre; elle peut
représenter plus de soixante actes où elle ne se l’est pas donnée ;
elle a même prouvé, par les registres de son m a r i , qu’il n ’a pas
cessé de lui donner par écrit le nom de F lorat-R ejrolles après le
prétendu divorce.
L ’exécution d’un acte nul, on le répète, n ’a jamais produit une
ratification ; et le Code civil a fait aujourd’hui une loi du célèbre
passage de Dumoulin sur celle matière. « L a ratification d ’une
» obligation contre laquelle la loi admet l’action en nullité ou en
« rescision , n ’est valable que lorsqu’on y trouve la substance de
» cette obligation, la mention du m otif de l'action en rescision,
» et l’intention de réparer le vice sur lequel cette action esl iondée. »
( Art. i
.)
358
Une donation nulle ne peut même être ratifiée : il faut la refaire
en form e légale. ( A r t . i q. ) Un divorce auroil-il moins intéressé
D
53
�(* 6 )
le législateur? et pensera-t-on qu’il fut plutôt susceptible d’une
simple ratification ?
La jurisprudence ne s’est jamais écartée de ces principes. Un
jugement a été cassé le
messidor an 4» parce que des quittances
données en viduité avoient été réputées ratification d’une vente de
bien dotal en coutume d’Auvergne, « attendu que les form alités
» n’ ont pas é té rem plies, et que l’ exécution pendant plusieurs
» années du traité du...... n’ a pii 'valider un acte nul dans son
» principe. »
23
Cependant la demoiselle Maigne insiste, et il lui semble que tous
les principes qu’on vient de lui rappeler ont été renversés par un
arrêt récent de la cour de cassation, qui a jugé en thèse, dit-elle,
que le mariage et le divorce ne sont plus des contrats d’ordre public,
et qu’on est non recevable à demander la nullité d’un divorce quand
on l’a approuvé par des actes subséquens.
Mais ce n’est là qu’une calomnie de la demoiselle Maigne contre
la cour de cassation , qui ne peut être sérieusement accusée d ’un
tel paradoxe. Il n ’étoit question devant elle que d’un divorce 'va
la b le, dès-lors la cause n’est plus la même.
Cependant un arrêt de cassation est une arme trop puissante
pour qu’il suffise de ne se défendre contr’elle qu’avec cette seule in
dication. L a dame de Reyrolles va en rappeler l’espèce précise, et
il sera aisé de voir que la demoiselle Maigne a voulu seulement
abuser de quelques expressions fugitives et ambiguës d’un arrêt de
circonstance.
« Le sieur Bocliler, après avoir reconnu dans plusieurs contrats
» la v a lid ité du divorce obtenu par sa icm m e, avoit cependant
» tenté de le faire annuller par justice.
» Celle-ci, en repoussant les nullités, opposoit d’ailleurs et pé*
» rcrnptoircrnent que son ci-d evant mari étoit non recevable,
» attendu qu’il avoit reconnu la v a lid ité du divorce.
» Arrêt de la cour d’appel séante à Trêves, qui admet la fin de
» non-recevoir ; attendu que les moyens de n u llité étaient sans
)) fondem ent ; et encore, attendu que le inari a pu et voulu renoncer
�.7
( 2 )
)) au droit qu’il avoit de contester les effets civils du divorco de son
» épouse.
n Pourvoi en cassation, pour contravention à l’article 6 du Code
» civil.
» L e demandeur soutenoit qu’une convention tendante à faire
» valoir un acte de divorce n u l, seroit contraire à l’ordre public
» et aux bonnes mœurs ; qu’ainsi, en supposant le fait de recon>i n o is s a n c e ou consentement par le m ari, la cour d’appel n ’auroit
» pu conclure, en point de d ro it, que par la force de celte con» vention le divorce fût devenu inattaquable.
» A r r ê t . — Attendu qu’en ajoutant à la considération de la non
» application des lois invoquées par le demandeur aux actes par
»
»
h
»
»
»
»
»
lui attaqués, celle de l’approbation par lui donnée à la régularité
de ces actes, et même celle de la reconnoissance par lui faite dans
d’aulres actes publics de sa qualité de fem m e divorcée, à celle
qui a fait prononcer le divorce d ’avec lui, la cour d’appel n’a
pas violé l’art. 6 du Code civil, q u i , défendant de déroger par
des conventions particulières à l ’ordre public et a u x bonnes
m œ urs, et bornant sa défense à ce qui concerne ces objets d’intérêt public, a voulu permettre l’effet des reconnoissances et celui
» des transactions sur l’ intérêt civil et privé; ce qu’il a formelle» ment exprimé dans Fart. 2046, et ce que la loi transitoire de
» floréal an 11 a spécialement appliqué au divorce.
» La cour rejette.
» D u 24 pluviôse an i . — Section des requêtes. »
( S ir e y , an i 5 , pag.
3
225. )
Combien de différences notables entre cet arrêt et la cause!
Après un divorce demandé et obtenu par une fe m m e , c ’est le
mari qui, n’étant sous la puissance de personne, fait des conven
tions sur ce divorce.
11 traite librement; il n’est pas incapable.
11 traite sur les intérêts civils du divorce.
11
ne traite pas seulement sur la suite du divorce, mais il reconnoit par plusieurs actes la v alidité du divorce.
D 2
�( *8 )
En plaidant, il ne peut pas même prouver que le divorce ait etc
nul d’aucune nullité.
L a cour d ’appel en effet ne se décide que par ce motif.
En cassation, l’époux n’essaye pas même encore de prétendre que
son divorce est n u l, et il se borne à une dissertation polémique
sur l ’effet de la ratification qu’il a donnée.
Ainsi la position de la question n’étoit pas de savoir s’il avoit
pu transiger sur un divorce n u l, mais s’il pouvoit faire rescinder
un traité relatif aux intérêts civils, par cela seul qu’il avoit aussi
transigé sur la validité du divorce.
C ’est donc encore le fait qui a décide la cour de cassation ; et
si ses motifs donnent à méditer sur leur sens, il n’en résulte qu’une
plus grande conviction qu’elle a clairement distingué ce qui tenoit
à l’ ordre public et à l’ intérêt civ il et privé, et qu’elle ne s’est dé
cidée à juger aussi le sieur Boehler non recevable, qu’en ce que, le
divorce étant valable, ses traités étoient étrangers à l’ordre public.
L e m otif pris de l ’art. 2046 du Code le prouve. Il porte qu’on
peut traiter sur l’intérêt privé résultant d ’un délit. On 11’est donc
pas libre de traiter aussi pour l’intérêt de la société.
E t comme une femme ne peut pas être épouse respectivement
au corps social, el divorcée pour sa famille et pour elle-même,
il en résulte qu’elle peut bien traiter pour son intérêt privé, mais
seulement après que l’ ordre social n’ a plus d’ intérêt; c’est-à-dire,
quand son divorce a été consommé conformément aux lois.
L ’arrêt de cassation est donc bien loin d’être favorable à la de
moiselle M aigne, qui ne peut pas exciper d’un divorce légal, après
lequel sans doute la dame de Reyrolles eût pu traiter sur les intérêts
civils résultans de son mariage.
L a demoiselle M a ig n e , en citant cet arrêt, a prétendu, avec
le rédacteur, que l'article 6 du titre préliminaire du Code ne porte
qu’une prohibition obscure el incertaine, qui ne peut s’appliquer
à la cause, parce que les traités sur les divorces ne sont pas d’ordre
public.
J1 est vrai que ce rédacteur propose cette obscurité, seulement
�*9
(
)
comme un doute; mais il termine de manière à prouver qu’il ne
s’est pas décidé comme la demoiselle Maigne l’entend.
Cependant sa première application semble fautive; car en rédui
sant la définition d’ordre public à ce qui concerne l’état de la
république, quodadstatum reipublicœ pertinet, il n’a pas remar
qué que l’expression ju s publicum étoit alternativement employée
par les lois romaines pour le droit public et pour l ’ ordre p u b lic;
ce qui comporte encore une nuance nécessaire à distinguer, comme
on peut le prouver par des exemples.
Lorsqu’avant les novelles , la défense de distraire la falcidie
n’éloit pas permise, si un testateur avoit voulu en prescrire la dis
traction, à peine par son héritier de payer une somme aux léga
taires, celte disposition étoit déclarée nulle, comme contraire au
droit public , et toute action étoit déniée aux légataires ( i ) . . .
Cependant une telle nullité n’inléressoit aucunement l’ état de la
république.
Si en donnant la dot au mari on avoit stipulé qu’il ne contribueroit pas aux frais d ’inhumation que la loi meltoit à la charge
de la dot, celui qui avoit payé ces frais n ’en avoit pas moins une
action en répétition contre le mari, et il ne pouvoit pas opposer sa
stipulation, parce que la loi la déclaroit nulle et attentatoire au
droit public (2)... Cependant encore l ’état de la république étoit
fort étranger à cette convention.
(1)
F ra ler cum hceredem sororem scriberet, e t aliu m ab e A , c u i dona-
tum v o le b a t , stipulavi cnravit ne f a lc id it i uteretur
niam
,
si contrd f e c i s s e t , prcestare
,
Tej'ragandum co n stitit ; e t ideo sororem
luram
(a)
,
,
et ut certain p e cu -
privatoruni cautione legibus non esse
ju r e
p u h lico
et action em e x stipulata denegandarn.
(
L.
1
retentionem Jiabi-
S , f f . A d leg. f a l c . )
N eratius quterit s i is q u i dotem dederat pro muliere
,
stip u la tili
est.... N e q u id m aritus in fu n u s co n jerret , ari funeraria m aritus teneatur?
e t a it... S i alius fu n eravit, posse eum m aritum convenire , q u ia p a c to hoc
J u s 1‘ u b l i c u m
infringi non possit.
(
L.
20
, f f D e rclig. et sum pt.
)
�3
( ° )
Ces dispositions n ’étoient donc que d'ordre public, et la loi ne
vouloit pas qu’elles pussent être éludées par des conventions par
ticulières. Comment donc seroit-il proposable de supposer à la
prohibition de dissoudre le mariage, un moindre intérêt d ’ordre
public? et au lieu de se jeter dans l'application vague de la loi 6 ,
cod. D e p a c tis, et de l’art. 6 du C o d e, comment ne pas trouver
une nullité radicale aux divorces faits sans toutes les formalités,
quand la loi a dit : N ullum ratum est divortium, m s i, ete.? com
ment ne pas trouver une nullité radicale dans les conventions sur
les divorces, quand la loi a dit : P actiones nullam habere voluinus
Jirm itatem , tanquam legîbus contrarias? enfin, comment ne pas
voir une disposition prohibitive et irritante dans la loi du 20 sep
tembre, quand elle dit qu’un second mariage ?ie p e u tè Ire contracté
qu’après un divorce lé g a l?
Quand les lois sont si claires, comment seroit-il possible do
penser qu’une femme, à qui un divorce illégal n ’a pas ôté la qua
lité de femme mariée, ait pu s’en priver elle-même en se disant
divorcée, et en ne transigeant pas même sur la validité du divorce
qu’on lui oppose?
Que r e s t e - t - i l donc à la demoiselle M aigne, si ce n ’est de faire
d iv e r s i o n à la cause par la naissance d ’un enfant, survenue, dit-elle,
long-temps après le divorce? Mais d ’abord elle est convenue que la
date donnée à cette naissance étoit une erreur. Que n’avouoit-elle
avec la même franchise les circonstances explicatives dont elle étoit
mieux informée encore. On verroit qu’un époux chancelant entre
u n e épouse et sa rivale, déterminé it fixer son irrésolution par un
retour à scs devoirs , en est tout à coup détourné par une séduc
tion toujours active; habitare fa c it sterilern in dom o, et la mère
doses enfans, r e p o u s s é e comme une vile esclave, est obligée de céder
ii une étrangère les honneurs du ht conjugal.
E h ! qu’importe à la demoiselle Maigne cette naissance; est-ce
bien à elle à scruter la conduite d’une épouse? Si cette conduite
étoit blâm able, cet adultère qu’elle proclame ne seroit-il pas
�(3 0
son propre ouvrage?-n'en porteroit- elle pas le poids éternel?
Mais il ne s’agit point ici de la naissance d’un enfant; il suffit
à la dame de Reyrolles de déclarer qu’elle n’a point à en rougir,
et qu’elle est à même de présenter des témoignages non équivoques
pour sa justification. L e fait de celte naissance n’est ici employé
que comme moyen de la cause, et parce que la qualité de femme
divorcée y est donnée à la dame de Reyrolles. Mais ne seroit-il
pas bizarre que, dans la commune où un divorce a été prononcé,
l’officier public eût lui-même rendu à la femme la qualité d’épouse?
L ’objection est dorlc absolument nulle , et rentre d’ailleurs dans la
discussion précédente, où elle trouve sa réponse.
Ainsi s’évanouissent tous les moyens de la demoiselle Maigne,
et se justifie la décision des premiers juges.
L e nom de veuve du sieur de Reyrolles lui est ôté , mais il lui
en reste la fortune. La dame de Reyrolles se borne à vouloir ce
qui lui appartient , d ’après son contrat de mariage. N ’est-ce pas
assez qu’elle soit réduite à le demander à la demoiselle Maigne ;
qu’après vingt-neuf ans de mariage elle ait quelque chose à lui
envier, et que le sort de l’une et de l’autre soit aujourd’hui si
différent ?
Une règle de droit a prévu ces caprices de la fo rtu n e,et le vœu
du législateur n ’a pas balancé: M e liu s estfavererepetitioniqucim
cidventitio lucro. L e sort des parties seroit écrit dans cette loi
seule , s’il n’étoit déjà réglé par des principes d’une plus haute
importance.
A u x yeux de la morale et de l’opinion , l’intimée ne cessera pas
d ’être la veuve de Reyrolles; elle le sera de même aux yeux de la
co u r, puisque les lois ne réputent pas son mariage dissous. L a
demoiselle Maigne ne laissant pas de postérité, il ne s’agit point
ici du danger d’ôter un état civil à des enfans nés dans la bonne
foi. Ainsi, les principes demeurent dans toute leur force , et ne
sont vaincus par aucune considération. L a demoiselle Maigne est
réduite à des fins de non-rccevoir. Mais que signifient de misérables
�( 33 )
subterfuges dans une cause de cette nature ? Les magistrats n’y
verront qu’un mariage ou un divorce, c’e s t - à - d i r e , un objet
majeur et d ’ordre public. Alors disparoîtront les personnes, l’in
térêt seul de la société sera mis en balance, et l’arrêt de la cour
sera tout à la fois une leçon de morale et un monument de juris
prudence.
Signé F L O R A T , veuve D E R E Y R O L L E S .
M e D E L A P C H I E R , avocat.
M e C R O I Z I E R , licen cié avoué,
À R IO M , de l ’ im p rim e rie de L a n d r i o t , seul im p r im e u r de la
Cour d ’appel. — F r im a ir e an 1 4
�
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Factums Marie
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Description
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Text
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Title
A name given to the resource
[Factum. Couguet-Florat, Marguerite. An 4?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Delapchier
Croizier
Subject
The topic of the resource
divorces
assignats
substitution de testaments
jugement moral du divorce
Description
An account of the resource
Mémoire Pour Marguerite Couguet-Florat, veuve du sieur de Reyrolles, intimée; Contre Catherine Maigne, se disant aussi veuve dudit sieur de Reyrolles , appelante.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa An 4
1774-Circa An 4
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
32 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0309
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0706
BCU_Factums_M0708
BCU_Factums_M0615
BCU_Factums_M0524
BCU_Factums_M0707
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Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Brioude (43040)
Le Puy-en-Velay (43157)
Rights
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