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380099e08bd9745bdc5b5d61e4531dcc
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Text
MEMOIRE
SUR
LA
D EM AN D E
EN
NULLITÉ
D’UNE VENTE
DE
DONT
LE
BIENS
PRIX
A
É T É
A
d e
l
IN D U M E N T
PAYÉ.
RIOM,
’ i m p r i m e r i e
I M P R I M E U R
DOTAUX,
DE
d e
L A
L A N D RIOT,
COUR
Juillet 1804.
D ’A P P E L ,
s e u l
�MÉMOIRE
P O UR
D am e S u z a n n e D E C H A L U S , veuve en pre
mières noces de F r a n ç o i s D U B O I S D E ST.J U L IE N , et en secondes noces de P i e r r e
D E T O U R N E M 1 R E , h a b it a n t e du lieu du
M o n t , commune de S t .- E ti e n n e - a u x - C la u x ,
canton d’U s s e l, département de la C o r r è z e ,
appelante ;
C O N T R E
,
Le cit. G A Z A R D , propriétaire habitant de la
ville de M urât intimé, et incidemment appelant
,
,
- L ’ a p p e l a n t e , Suzanne de C halus, par s o n prem ier
contrat de mariage avec Dubois de S t.- Ju lie n , s’est cons
titue tous ses biens présens en d o t, à l'exception d’une
A
�(
23
somme de 2,000 francs, qu’elle s’est réservée en paraphernal. P ar le même contrat, elle a donné pouvoir à
son mari de vendre, à la charge que le prix seroit em
ployé à l’acquittement des dettes du mari emportant
hypothèque, à commencer par les plus anciennes et pri
vilégiées.
»
E n vertu de ce p o u v o ir, le mari a vendu à Gazard.
L e prix de la vente a-t-il été employé conformément
¿1 la clause du contrat de m ariage?
S ’il ne l’a point été, la vente doit-elle être maintenue?
Subsidiairement, Gazard ne doit-il pas être condamné du
moins à payer une seconde fois le prix qu’il a indûment
payé par sa propre faute, saut son recours contre la suc
cession de son vendeur?
T e l est le principal objet de la contestation.
FA ITS.
D u mariage de F r a n ç o is - A im é de Chalus et de Ca
therine Danti, sont issues deux filles, Marianne et Suzanne
de Chalus.
Marianne de Chalus s’est mariée la première avec. . .
.............. de Chalus. Mineure i\ l'époque de son mariage,
elle n’a ni donné, ni pu donner pouvoir à son mari de
vendre.
Quoique le mari nYfit pas ce pouvoir, cependant, par
acte du I er. juin 17 7 3 , il vendit, et la dame de Chalus
devenue majeure vendit avec l u i , sous son autorisation,
au citoyen Gazard père de l’ intimé, quelques héritages dé
tachés, moyennant la somnac de 2; 100 irancs. Suzanne de
«
�( 3 )
Chalus, ¿gaiement majeure, et libre alors de ses droils,
est aussi partie dans le contrat; il est dit que la vente a
été consentie solidairement, tant par elle que par sa sœur
et son beau-frère.
L e 4 a o û l 1 7 7 4 , Suzanne de Chalus a contracté mariage
avec. François Dubois de St.-Julien.
Il est essentiel de transcrire ici les clauses du contrat
de mariage.
« E n faveur dudit m ariage, et pour en faciliter les
« charges, la future épouse, est-il dit, maîtresse de ses
« droits et actions, pour n’être sous la puissance de quel« conque, et non fiancée, s’est d’elle-même constituée
« en tous les droits, part et portion héréditaires qui lui
« sont échus par le décès de ses père et m ère, et par
«■ celui de Jean-Baptiste Danti, son oncle maternel: les« quels droits, de quelque nature qu’ils puissent ê tr e ,
« en quoi qu’ils puissent ou doivent consister, et où qu’ils
« soient sis et situés, la demoiselle future épouse donne,
« par ces présentes, plein pouvoir et autorité audit Dubois
« de St.-Julien, son futur m ari, de les rechercher, faire
« partager, vendre, céder, a'iéner, et autrement en traiter
« et transiger à tel prix , clauses et conditions qu’il avi« sera bon être; recevoir et fournir quittance dudit prix
« desdites aliénations ou traités qu’il passera; pour tous
« lesdits actes auxquels le futur époux aura consenti à
« raison desdits biens et droits de la future, valoir et
« sortir le môme cifet que si elle les a voit faits elle-même
« par avant ces présentes.
« A la charge toutefois que sous la réserve et retenue
« de la somme de io,ooo francs, que le futur pourra
A 2
�(
4)
c< recevoir sur les premiers deniers à toucher des biens
« de la future épouse, pour en disposer et faire tel em« ploi que bon lui semblera, et de laquelle dite somme
« de 10,000 francs il déclare faire dès ce jour assiette et
« assignats sur tous ses biens présens et ¿1 v e n ir, pour la
« future y avoir recours , le cas arrivant, tout le surplus
« du susdit prix des susdites aliénations, et autres droits
« mobiliers déjii acquis ci la fu tu r e , seront employés à
« la libération des dettes et créances hypothécaires , à
« commencer par les plus anciennes et privilégiées dudit
« futur époux; à l'effet duquel emploi, ledit fu tu r, faisant
« lesdites aliénations, sera tenu de déléguer le prix d’icelles
« en l’acquit desdites créances auxquelles la future épouse
« demeurera , pour p/us ample sûreté de la restitution
« de sa dot , de plein droit subrogée. »
Et ensuite:
« Nonobstant ce que dessus est d ît, que tous effets
« mobiliers acquis 11 la future épouse seront eni« ployé s à ï acquittement des dettes du fu tu r époux ‘
« cependant il demeure dès tout à l heure autorisé à recc-»
« voir et quittancer , sans aucune indication d'em ploi,
« ceux dépendans et faisant partie de la succession dudit
« sieur Danli son oncle maternel, non excédant la somme
« de io o francs, pour chaque échéance de chacun desdits
« effets, déclarant ledit futur, assigner dès ce jour sur
« toussesdits biens présens et à ven ir, toute somme qu’il
« pourra recevoir desdits effets. »
11 est dit ensuite : « Reconnoît de plus, le futur époux,
« que la future ayant déjà en son pouvoir quelques meubles
« meublans, linge et argenterie provenus de la succession
�. futur-époux se contente
tt dudit Danti ?on onc!e, (lui5 )dit
« de ce que lesdils meubles sont en possession de la future,
« qui sera réputée lui en avoir lait Ja délivrance, le prê
te sent mariage accompli; la bénédiction nuptiale duquel
te tiendra lieudequitfance,sansqu’ilenso:lbesoîn d’autre;
« et déclarent, lesdiles parties, lesdils meubles être en
« valeur de ]a somme de i,9 4 ° fi’ancs.
« Se constitue déplus, est-il ajouté, la future, la somme
« de 1,000 francs, à elle due par Teillard de M u ra l, et
« qui lui est payable, moitié le 12 novembre prochain,
« et le restant le i 5 mai prochain.
ce P lu s, celle de 2,574 francs à elle due par demoiselle
ce Benoît, veuve Chabanon, habitante de la même ville;
îc laquelle somme lui est encore payable, moitié à la St.« Martin d’ hiver, 1 1 novembre prochain, et l’autre moitié
« au même jour de l’année prochaine; desquelles sommes
cc le futur époux se contentant de 1a solvabilité desdits
« débiteurs des sommes dont il s’agit, fait dès ù présent
ce reconnoissance à la future.
« Plus, celle de 300 francs à elle duc par Joseph Pichot j
« Celle de 5oo francs t\ elle due par Gaudilhon 3
ce Celle de i 5 g francs, due par Chareire;
ce Celle de 276 francs, due par llodde ;
ce Celle de 200 francs, due par Catherine Coudère.
ce lleconnoît de plus, le futur, avoir reçu comptant,
ce en espèces de cours, la somme de 5oo francs.
Toutes lesdites sommes, y compris celle de 1,940 fr.,
pour mobilier, revenant à celle de 7.3^4 bvuics.
ce A la suite de ces clauses, la future se réserve tous
les revenus de scs biens, qui étoienl échus, et qui pou-
�• ( 5 )
« Voient lui être dûs, pour en faire elle-même la p é r
it ception, et en disposer ainsi qu’elle aviseroit.
« Elle se réserve encore , en paraphernal, deux créan
ce ces, l’une de 2,000 francs en capital, à prendre sur
« un particulier de Clerm ont, et fautre à prendre sur
un particulier d’Aurîllac. •»
L e fu tu r, de son coté, se constitue tous les biens et
droits qui lui étoient échus par le décès de Jean Dubois
de la M argeride, son père.
Marguerite Gorce, mère du futur, vivoit encore; elle
comparoît au contrat par un fondé de pouvoir.
Ce fondé de p o u v o i r , en vertu de la procuration an
nexée au contrat de mariage, et conformément A la pro
curation, choisit et nomme le futur pour recueillir l’effet
de la donation de moitié des biens présens, faite dans le con
trat de mariage de la mère, tant par le père que par la
m ère, à celui des en fan s à naître qui seroit choisi.
Il est dit ensuite que le fondé de pouvoir fait dona
tion au futur époux de tous biens présens de ladite dame
Gorce , tant en meubles q u ’ immeubles , pour et au nom
de ladite dame.
Se déport , est-il ajouté, en même faveu r dudit fu tu r
époux , de Cusufruit <ie la moitié des biens présens de
ladite dame , tant mobiliers qii'immoblicrs , et même
de la totalité de ses gains nuptiaux, ¿1 la charge d'une
légitime de d ro it, envers les autres frères et sœurs.
Enfin il est constitué à la future, en cas de survie,
un douaire.
Telles sont les clauses du rontrat de mariage.
Dubois de S t .- J u l ie n eut bientôt dissipé la somme
�7
)
de 7,384 francs, qu’il avoit reçue lors du contrat, ou eu
(
argent ou en effets exigibles à des époques très-rapprochées.
Il perçut encore, à différentes fois, sans songer à en
donner em ploi, du cit. d'Anglard, une somme de 14,500 f.
Ces deux sommes étoieut loin de suffire ù sa prodi
galité.
Des biens de la future dép^ndoit le domaine de Landet,
indivis, et h partager par égales portions avec Marianne
de Chalus sa sœur.
L e 1 3 octobre 1 7 7 5 , Dubois de St.-Julien, en vertu
du pouvoir à lui donné par le contrat de mariage, M a
rianne de Chalus, et Chalus son m ari, conjointement
et solidairement, vendirent au cit. Gazard, père de l’in
tim é, ledit domaine de Landet, avec tous les bestiaux,
meubles et outils d’agriculture qui le garnissoient.
L e prix de la vente i'ut fixé à la somme de 36,968 fr.;
savoir, 4,000 francs pour le mobilier, 968 francs pour
épingles, et le surplus pour le domaine; la moitié de la
quelle somme de 36,968 francs, revenant à Dubois do
S t.-Ju lie n , pour la portion de son épouse, formoit la
somme de 18,484 francs.
Sur cette somme de 18,484 francs, il fut payé comptant
celle de 2,884 francs, qui fut perçue par Dubois de St.Ju lie n , sans em ploi; le surplus, c’est-à-dire, la somme
de 1 5,6 oo francs restante, fut stipulée payable, savoir,
3,600 francs à la nocL lors prochaine , aux créanciers ,
est-il dit, dudit S t.-Ju lie n , qui seront par lui indiqués ,
en conformité et suivant les cl mises énoncées en son
contrat de m ariage; et le surplus à raison de 3,000 Francs
par an, à la St.-Martin de chaque année, avec l’intérêt;
�(8 )
nonobstant les termes ; et il est répété que le montant
de ces quatre termes de 3,000 francs chacun, parfaisant
l’entier prix revenant audit Dubois de St.-Julien, seroit
.payé aux créanciers dudit de S t.-Ju lien , sur l'indica■tion qu i en seroit faite p a r ce dernier : le tout aussi,
est-il ajouté, en suivant les clauses énoncées au contrat
^de mariage dudit'de St.-Julien.
Il est dit que les biens sont vendus francs et quittes de
toutes dettes, charges et hypothèques, jusqu’au jour.
L e 1 7 du même mois, quatre jours après, mandement
de Dubois de St.-Julien, d’une somme de 13,000 francs
à payer à Blatin, négociant à C lerm ont, un de ses créan
c i e r s ; et acceptation au bas, de la part de Gazard, à la
date du même jour : l’un et l’autre sous seing privé.
L e lendemain 1 8 , autre mandement, également sous
seing privé, de 1,600 francs à payer au cit. Lamouroux,
Mêm e jo u r, troisième mandement de 1,000 francs à
.payer à R o u x cadet.
-,
Ces mandemens sont également acceptés par Gazard.
On ne se livre dans cc moment u aucunes réflexions
sur la sincérité de la date donnee, et aux mandemens,
et à l’acccptation qui en a été faite par Gazard ; on se
borne à rendre compte des actes, et à les suivre dans l’ordro
de la date qu’ils présentent.
L e 19 du même mois d’octobre, acte entre Dubois de
St.-Julien et le cit. d’A n g la rd , devant notaires.
P ar cet acte, Dubois de St.-Julien fait quittance finale
au cit. d’A n g la rd , des sommes que celui-ci devoit, dès
avant U; mariage, A Suzanne de Chalus, et faisant partie
de ses biens dotaux,
- i:
•i
Dubois
�(9 )
Dubois de St.-Julien déclare avoir reçu depuis son
m ariage, en différentes fois, la somme de 14 ,5 16 francs.
Voici les termes de la quittance :
Fut présent Dubois de St.-Julien, lequel, tant en son
nom propre et p rivé, que comme maître des biens dotaux
■de son épouse, a x’econnu et confesse que lu i, ou la dame
son épouse, ont reçu du sieur d Anglard de Combe, savoir:
la dame de St.-Julien, le 28 septembre 1 7 7 1 , la somme
de 700 francs; le 10 juin 1 7 7 2 , la somme d e .400 francs;
le 25 juillet 1 7 7 3 , la somme de 300 francs; le 20 juillet
de la même année, la somme de 7 francs; le 14 juillet
1 7 7 4 / la somme de 400 francs; et lui dit de St.-Julien,
depuis son mariage avec ladite dame, la somme de 14 ,5 16 fr.
revenant lesdites sommes ensemble, à celle de 17 ,0 16 fr.
L e 16 novembre 1 7 7 6 , arrêté de compte entre Dubois
de St.-Julien et Blatin , par lequel compte Dubois de St.Ju lien se rcconnoît débiteur envers Blatin de la somme
de 13,030 livres 1 1 sous 9 deniers; il paye comptant la
somme de 30 livres 1 1 sous 9 deniers, et il est dit qu’en
payement du surplus, il a présentement délivré audit
Blatin un mandement de 13,000 francs sur G azard,
sous la date du 17 octobre précédent, signé dudit G azard
pour l'accepter, ainsi que l'a déclaré D ubois de St.Ju lien . Blatin accepte ce mandement aux hasards, périls
et risques de Dubois, et se réserve, contre ce dernier,
son recours à défaut de payement.
Il paroît que. Gazard a payé.
Il paroît qu’ il a aussi payé les deux mandemens de
Laniouroux et de Roux,
B
�( 10 )
Il prétend qu’au moyen de ces trois mandémens il s’est
entièrement libéré. Ces inandemens et la somme de 2,884 fr.
payée comptant lors de la vente, font effectivement la
somme totale de 18,484 francs.
i r
II est à observer que partie de la créance de Blatin
étoit purement chirographaire; que la créance de Lamouroux et celle de R ou x étoient également chirographaires.
L ’adversaire en convient : il ne porte lui - même la
créance hypothécaire de Blatin , résultat de différentes
condamnations consulaii-es, qu’à 7,838 francs j il convient
encore que celle de ces créances dont l’hypothèque est la
plus ancienne, ne remonte qu’à 1757.
Ce n’étoit pas assez pour Dubois de St.-Julien d’avoir
vendu le domaine de Landet ; il vendit bientôt après,
par acte du 8 janvier 1 7 7 6 , au cit. T eillard , un autre
domaine appelé le domaine de V e irière , également indi
vis avec Marianne de Chalus, moyennant, pour sa por
tion , la somme de 16,546 francs: il n’est justifié non plus
d’aucun emploi utile de cette somme.
lie 1 3 juin 17 7 7 1 ü perçut, des biens de son épouse,
une somme de 2,600 i r ., pour reste du prix de la charge
de trésorier de France, dont étoit revêtu défunt Danti.
L e 1 1 juillet 1 7 8 4 , après le décès de la m ère, il a
perçu une autre somme de 1,000 francs.
Nul emploi encore de ces deux sommes.
II n’avoit pouvoir, par le contrat de mariage, de dis
poser sans emploi que dune somme de 10,000 francs; et
voilà plus de 60,000 francs perçus sans emploi, ou avec
un emploi chimérique.
�( ” )
P ar le contrat de mariage................................ 7i3^4 fr*
Du cit. d’A n glard ................................................ 14.500
Lors de la vente du domaine de L a n d et.. 2,884
Pour reste du prix de cette vente..................iô,6oo
D e Teillard............................................................ 16,646
P our reste du prix de la charge..................... 2,600
Des droits de la mère......................................... 1,000
T o t a l .......................................................6 0 5 1 4 fr.
C’est ainsi que Dubois de S t.-Ju lie n a disposé arbi
trairement de la dot de sa femme, au mépris des clauses
du contrat de mariage.
Marianne de Chalus, quoiqu’elle n’eût pas donné le
même pou voir, n’avoit pas été plus heureuse ; ses biens
n’avoient pas moins été aliénés.
Devenue, la première , maîtresse de ses droits, par le
décès de son m a r i, elle a réclamé la première, et contre
la vente du 1 3 octobre 17 7 6 , et contre celle du 1 er. juin
I 7 7 3 '
Sur la demande en désistement, Gazard transigea par
acte du 7 mai 1 7 8 7 , 0 1 il obtint la ratification des deux
ventes, moyennant la somme de 5,600 francs, qu’il donna
pour plus-value.
’
Cependant Dubois de St.-Julien ajoutoit toujours de
nouvelles dettes aux anciennes : la dame de St.-Julien se vit
obligée de demander sa séparation de biens.Cette séparation
fut prononcée par sentence de la sénéchaussée de llioin ,
du 1 3 janvier 1789.
En vertu de cette sentence, elle fit, le 2.5 avril suivant,
une saisie -arrêt entre les mains de Gazard fils, héritier
B 2
�institué de son père décédé peu après l’acte de 1 7 8 7 ,
de tout ce qu’il pouvoit devoir du prix de la vente,
sans cependant, est-il dit, Vapprouver. Elle le fit citer
en même temps pour faire sa déclaration ailirmative sur
ladite saisie-arrêt. •
Gazard fds fit signifier des exceptions dans lesquelles
il dit que la demande de la dame de S t.- Ju lie n étoit
contradictoire5 qu’il impliquoit de demander le prix de
la vente, et de se réserver de l’attaquer; qu’il falloit qu’elle
s’expliquât.
E n cet état, et le 30 mai de la même année, Dubois
de St.-Julien est décédé, laissant de son mariage une fille
u n iq u e, Jeanne D u b ois, encore mineure. L a dame de
St.-Julien fut nommée tutrice; elle a géré en cette qua
lité jusqu'en 17 9 1 .
Son premier soin fut de faire procéder à l’apposition
des scellés et à l'inventaire.
Ce soin rem p li, elle s’occupa de recouvrer ses propres
biens, sa dot si légèrement dissipée par son m a ri; elle
reprit l’instance contre Gazard fils.
L e 6 août 17 8 9 , elle présenta requête par laquelle elle
conclut à ce que Gazard fût condamné à lui rapporter
quiltanccs contenant subrogation ¿\ son profit, de la part
des créanciers hypothécaires les plus anciens, jusqu’A con
currence de la somme de 18,484 francs; sinon cl faute
de ce, la vente du 1 3 octobre 17 7 5 fût déclarée nulle en
ce qui la concernoil : à ce que Gazard fût condamné à so
désister de la moitié du domaine de Landet, avec restitu
tion des jouissances et des dégradations.
E n 1 7 9 1 , la dame de St.-Julien s’est mariée en secondes
�' *
noces avec Pierre de Tournemire. En même temps le fils
de celui-ci a épousé .Jeanne Dubois.
Dans l’intervalle, les anciens tribunaux ont été sup
p rim és; la dame de Tournemire et son mari ont repris
successivement l’instance au tribunal de district, au tri
bunal civil, et enfin au tribunal d’arrondissement de M urât,
lieu du domicile de Gazard.
E n ce dernier tribunal, Gazard a donné plus de dévelop
pement h sa défense.
Il a justifié des trois mandemens de Blatin, Lam ouroux
et R o u x ; il a soutenu qu’au moyen de ces mandemens
par lui acquittés, et de la somme de 2,884 francs
comptant lors de la vente, il avoit rempli l’entier prix
de la vente.
Il a été plus loin : il a prétendu que loin d’étre débi
teur, et de pouvoir être recherché par la dame de T o u rnemire, celle-ci étoit personnellement débitrice envers lui;
il s’est rendu en conséquence incidemment demandeur.
Il a prétendu que la dame de Tournemire devoit lui
rembourser la somme de 5 ,600 fr. qu’il avoit été obligé
de payer à Marianne de Chalus, par l’acte du 7 mai 17 8 7 ,
pour obtenir la ratification des deux ventes, du i e r juin
1 7 7 3 , et 1 3 octobre
Rt ce, en vertu de la garantie
solidaire promise par elle-m êm e dans la première vente,
et par son mari dans la seconde , eu vertu du pouvoir
qu’elle lui avoit donné de vendre.
Il a exposé qu*il avoit éprouvé différentes demandes
hypothécaires de la part dt s créanciers de Ja succession
Danti, et, par suite, de la dame de T o u r n e m i r e elle-même;
qu’il étoit juste que celle-ci lui remboursât les irais que ces
�demandesliypothécaireslui avoientoccasionés.11 a porté ces
diflérens frais à une somme de 120 liv. 19 sous", d’une part;
75 francs, d’autre ; et 64 livres 5 sous, encore d'autre.
Il a allégué avoir payé une somme de 89 francs pour
arrérages de cens ; une autre somme de 53 francs pour
arrérages''d’une rente-due à un nommé Gàudilhon ; et
i 55 francs pour reste d’impositions des années 1 7 7 3 , 1774
et 1775.
- 1
:
• ! *•
Il a réclamé une somme de i 5 j francs pour un envoi de
toile fait à la dame de Tou rnem ire, dans le temps de son
r
premier mariage. } ' ■
i,; i
Il a exposé enfin ’que la dame veuve Boisset, tante desdites dames deChaluset de Tournem ire, décédée en 17 8 0 ,
avoit, par son testament et par cod ifies, institué scs deux
nièces ses héritières, et avoit en même temps légué à M.
S o lf ie r de Laubrot, en le nommant pour exécuteur testa
mentaire, une somme de 1,400 francs, laquelle s’étoit en
suite , avec les intérêts et frais , élevée à la somme de 1,680
francs ; qu’ il avoit été contraint de payer cette somme, évi
demment à la charge de la dame de T o u rn em ire, et que
celle-ci ne pouvoit se d isp en ser de lui en faire raison.
Il a conclu à la condamnation de ces diverses sommes.
I/objet le plus important étoit la vente du 1 3 octobre
17 7 5 . La discussion s est principalement engagée sur le
mérite de cette vente*.
La daim* de Tournemire a soutenu que les pnyemens
faits ;i Blatin, Roux et Lamouroux , ne remplissoient pas le
vœu deson contrat de mariage; qu’elle n’avoit donné pou
voir de vendre'qu’à la charge, et sous la condition insépa
rable du pouvoir, que le prix seroit emplpyé à’ i acquitte
�( i5 )
ment des dettes du mari les plus anciennes et les plus privi
légiées; que cette clause^étoit d’autant plus de rig u e u r, que
le,,prix devant être employé à acquitter, non ses propres
dettes, mais celles du m ari, il lui importoit d’être subrogée
aux plus anciennes créances, pour ne pas être exposée à
perdre, tout à la fois, la chose et le prix ; que les créances
L a m o u ro u x , R o u x et Blatin étoienL loin d'être les plus an
ciennes; qu’il en existait de beaucoup antérieures; qu’ une
partie même de ces créances Blatin, R o u x , Lam o u ro u x,
était chirographaire.
Quant aux demandes incidentes» elle s’est contentée de
dire que c’ étoient des demandes entièrement distinctes et
séparées, des demandes principales qui devoient être for
mées à domicile, et après citation préalable en conciliation.
Gazard , de son côté, a cherché à justifier, et la vente,
et les payemens par lui faits en conséquence delà vente.
. l i a dit, d’une part, qii’aux termes du contrat de m a
riage, Dubois de S a in t-Ju lie n avoitla liberté de disposer
sans em ploi, sur le prix des aliénations, d’ une somme de
10,000 francs; qu’il a voit pu dès-lors percevoir lui-m êm e,
ou déléguer à tel de ses créanciers que bon lui sembloit, jus
qu’à concurrence delà somme de 10,000 francs ; qu’il im
portoit peu, jusqu’A concurrence de celte somme , que les
créanciers délégués fussent chirographaires ou hypothé
caires, puisqu’il auroit pu même ne pas déléguer; qu’une
pa»tie de la créance de Blatin étoit à la vérité chirographaire, m aisq iù l y avoit 7,838 francs emportant hypothèque ; qu’au surplus il avoit payé à la bonne fo’ , et sur l'in
dication du mari ; et que si le mari n’avoit point indiqué
�( 15)
les créanciers les plus anciens, la femme de voit s’imputer
d’a v o i r choisi un mandataire infidèle.
II a persisté dans ses demandes incidentes. II a soutenu
que ces demandes avoient été régulièrement formées
d’avoué à avoué, et qu’ il n’avoit pas eu besoin de les faire
précéder de conciliation.
L a causé portée à l'audience'des premiers juges, du 14
prairial an g, jugement est intervenu, dont on ne transcrira qu’un des motifs, nécessaire pour l’intelligence mémo
du jugement.
A ttendu, est-il d i t , entre autres motifs au nombre de
vingt contenant le plaidoyer.de Gazard, que Gazard a
payé la somme de 1,680 francs à défunt Sobrier d e L a u lre t,
créance à la charge de Suzanne de Chalus, hypothéquée
sur le domaine de Landet; que la somme de 10,000 francs
payée sans em ploi, celle de 7,838 francs faisant partie de la
créance de Blatin , hypothécaire, et dont l’hypothèquo
remonte 1 7 6 7 , et celle de 1,680 francs payée à Sobrier
de Laubret, forment le prix de la vente, et une somme
de 6 3 4 francs en sus, le tribunal déboule Suzanne de Chalus
de sa demande.
Faisant droit sur les demandes incidentes de Gazard , la
c o n d am n e A payer et rembourser Gazard :
i<\ La somme de 634 livres 2 sous 6 deniers, faisant, avec
celle de 1,045 liv. 17 sous 6 deniers, celle de 1,680 francs,
payée par G a z a r d père, à Sobrier de Laubret ;
2°. Celle de 89 livres 2 sons 6 deniers pour arrérages de
)
ccus;
3°. Celle de i 5 5 francs pour impositions antérieures A la
vente ;
�( *7 )
4 °. Celle de 53 livres 8 sous pour arrérages d’une rente
due à Gaudilhon ;
5°. Celle de 120 livres 19 sous 6 dcriicrs d’une p a r t , 75
livres 1 sou d’autre, 64 livres 5 sous d’autre, pour frais
faits par Gazard, sur les demandes hypothécaires ;
Avec intérêts desdites sommes depuis les demandes qui
en ont été formée?.
Renvoie Gazard à se pourvoir ainsi qu’il avisera pour la
somme de i 5 j francs, pour le prix delà toile fournie par
son père à Suzanne de Chalus.
Condamne Suzanne de Chalus à payer et rembourser à
Gazard la somme qu’il lui en a coûté pour obtenir la ratifi
cation de Marianne de Chalus, des deux contrats de vente
du i er. juin 17 7 3 ? et du 1 3 octobre 1 7 7 5 , suivant la liqui
dation de la somme de 5,630 francs, montant du prix de la
ratification ou frais d'acte','et ce au sou pour franc , sur le
prix desdits déüx actes dé vente ^’ ensemble aux intérêts de
la somme à laquelle se trouvera monter la portion de ladite
somme de 5,630 francs, qui sera déterminée de la manière
ci-dessus, à compter du jour des payemens qui en ont été
faits par Gazard à Marianne de Chalus.
Sur la demande de Gazard en remboursement de ce qu’il
lui en a coûté pour obtenir la ratification de Marianne de
Chalus, du contrat de vénte du domaine de Landet, ainsi
que sur tous les autres chefs de demandes, fins et conclu
sions des parties , les met hors de procès.
Condamne Suzanne de Chalus en tous les dépens faits
tant en la ci-devant sénéchaussée qu'au tribunal de district
de Riorn , tribunal civil du département du Puy-de-Dôme,
et au tribunal de Murât.
C
�( i8 )
L a dame de Tournemire a interjeté appel de ce jugement.
Gazard s’est rendu aussi incidemment appelant ;
1 ° . E n ce q u e le j u g e m e n t d o n t cal a p p e l ne lui a pas
adjugé la somme de 1,680 livres 17 sous 6 deniers, par
lui payée à M. Sobrier de L a u b r e t, exécuteur testamen
taire de la dame veuve Boisset, pour le legs à lui fait;
2°. En ce que le jugement ne lui a pas adjugé l’entière
somme de 5,630 francs, pour l’indemnité payée à Marianne Chalus, par l’acte du 7 mai 17 8 7 , ou frais dudit acte.
Dans cet intervalle , la dame de Tournemire est de
venue veuve une seconde fois par le décès de Pierre de
Tournemire. .
Sur l’appel, en persistant dans les conclusions par elle
prises en première instance, elle a conclu subsidiairementj
attendu qu’en tribunal souverain il faut conclure h toutes
fins, à ce que dans le cas 011 le tribunal feroit quelque diffi
culté de prononcer la nullité de la vente, et de condamner
Gazard au désistement du domaine, il fût condamné à lui
payer le prix de la vente, c’est-à-dire, la somme de 18,484
francs, avec intérêts à compter du jour de la sentence de
séparation, sauf son recours contre la succession de Dubois
de St.-Julien pour la répétition de ce qu’il a indûment payé.
L a cause portée à l’audience du six nivôse dernier, n’a
pu recevoir sa décision. L e tribunal a appointé les parties
au conseil.
Depuis, la dame de Tournemire a présenté à sa fille cl à
son gendre le compte de tutelle, c est-à-dire, des revenus
q u ’elle a perçus, sous la déduction des dépenses. On ima
gine bien que Dubois de Saint-Julien n’a pas laissé de titres
de créances.
�t 19 ^
C’est en cet état que le tribunal a à faire droit, et sur l'ap
pel principal de la dame de Tournem ire, et sur l’appel inci
dent de Gazard.
jlp p el principal de la dame de 'Tournemire.
L a discussion sur cet appel se réduit à cinq questions.
Gazard a-t-il payé valablement jusqu’il concurrence de
la somme de 10,000 francs, disponible sans emploi ?
A-t-il payé valablement, en payant sur l’indication du
mari ?
A-t-il pu et dû connoître s’il existoit des créanciers an
térieurs ?
Existoit-il en effet des créances antérieures ?
L e pouvoir de vendre peut-il être séparé de la condition
sous laquelle il a été donné ?
Telles sont les questions que cette première partie de la
cause présente.
PREM IÈRE
QUESTION.
G azard a-t-il payé valablement jusqu à concurrence de
la somme de 10,000 fr a n c s , disponible sa?is emploi?
On a vu le contrat de mariage. L a future , Suzanne de
Chalus, a donné pouvoir de vendre. Mais comment a-t-elle
donné ce-pouvoir? Elle a augmenté, et en même temps
restreint, le pouvoir légal du mari. Elle l’a augmenté, cil
lui donnant le pouvoir d’aliéner les immeubles, dont la loi
lui interdisoit la disposition. Elle l’a restreint, en lassujétissant ù donner em ploi, moins 10,000 francs, de tous les
C 3
�(
)
deniers provenans tant des droits mobiliers qu’immobi
liers.
Ces 10,000 francs étoient à prendre sur les premiers
deniers. Ils ont été épuisés, et bien au delà , par la somme
de 7,384 francs, reçue lors du contrat de mariage, en
argent ou effets mobiliers, et par la somme de 14,500
francs , perçue du citoyen d’Anglard , en différentes
fois ¡depuis le m ariage , ainsi que la quittance l’énonce.
E t quand on voudroit mettre cette quittance à l’écart,
comme postéi'ieure à la vente notariée , ils seraient tou
jours épuisés par les 7,384 francs perçus lors du contrat
de mariage, et p arles 2,884 francs payés comptant lors
de la v e n te , sans emploi.
Ainsi l’objection tomberoit, au moins pour le surplus.
Ce calcul n’est pas celui de Gazard.
II donne au mari une double latitude de pouvoirs.
II prétend que Dubois avoit, p a r la lo i , la liberté de
disposer, comme il jugeroit à propos, de tous les objets
mobiliers de la fem m e; et, p a r la convention , le droit
de disposer d’une somme de 10,000 francs, sur le prix
des immeubles; que sans cela la femme ne lui auroit fait
aucun avantage; qu'elle auroit diminué au lieu d'étendre
son pouvoir; qu’on ne pouvoit dès-lors imputer sur les
10,000 francs disponibles par la convention, ni les sommes
ou efTets mobiliers qu’il pouvoit avoir x-eçus lors du con
trat de mariage, ni les 14,500 francs reçus du citoyen
d’A n glard , sommes dont la lui lui donnoit la libre et
entière disposition.
Sans doute, d’après la loi, Je mari est maître absolu
des droits mobiliers, des actions mobilières et possessoires
�2u
(
)
de la femme. Mais on sait aussi que les contrats de mariage
sont susceptibles de toutes sortes de clauses. C ’est principa
lement dans ces actes , les plus favorables de la société,
que la disposition des parties fait cesser celle de la loi. L a
femme majeure et libre p eu t, contre la disposition du
droit qui interdit au mari l’aliénation de la dot immobi
lière , lui donner pouvoir de vendre : de même elle peut
restreindre le droit de disposer du mobilier, assujétir le
mari à donner emploi des sommes qu’il recevra provenant
de ses effets mobiliers. Si le mari n y trouve pas son
com pte, il n’a qu’à ne pas accepter la constitution. L a
femme pourroit affranchir entièrement ses biens de la puis
sance maritale, en se les réservant en paraphernal; à plus
forte raison peut-elle apposer à sa constitution de dot telle
condition que bon lui semble.
¡
La loi règle et détermine le pouvoir du mari sur les biens
de la femme; mais c’est lorsqu’il n y a point de conven
tion , ou que par la convention il n’est point dérogé au
droit commun.
L ’adversaire cherche ensuite à équivoquer sur le con
trat de mariage. Suivant l u i , la stipulation d’emploi ne
frappe que sur le prix des immeubles ; suivant lu i, les
10,000 francs disponibles sans emploi étoient également à
prendre sur le prix des immeubles : c’est sur cette double
équivoque que porte son raisonnement. De cette double
proposition, il tire la conséquence qu’ilne peut ê t r e question,
ni des 7.384 francs reçus lors du contrat, ni de la créance
de d’Anglard. Il faut prouver qu’il erre sur l’ une et sur
l’autre.
Pour prouver que la stipulation d'emploi ne frappe pa»
�VP
( 22 J
seulement sur le prix qui proviendroit des aliénations des
immeubles, il suffit de remettre la clause sous les yeux.
« A la charge toutefois que sous la réserve et retenue
« de la somme de 10,000 francs que le futur pourra rece« voir sur les premiers deniers à toucher des biens, tout le
« surplus du susdit prix des susdites aliénations, et autres
« droits mobiliers déjà acquis à laj'uture , seront ern« ployés. »
Il n’est pas dit, à toucher des biens immeubles; il est dit,
à toucher des biens généralement; et l’on sait que le mot
biens , terme générique, comprend dans son acception
tous les biens tant meubles qu’immeubles.
L ’adversaire insiste sur ces m ots, tout le surplus du sus
dit prix des susdites aliénations ; mais il ne faut pas les
séparer des autres mots qui suivent immédiatement, et
autres droits mobiliers déjà acquis à la future.
E t quelques lignes plus bas, nonobstant ce que dessus ,
est dit que tous les effets mobiliers acquis à la future
cpouse seront employés à Vacquittement des dettes du
jfutur époux. Ces expressions peuvent-elles être plusclaires?
Si la première partie de la clause présentoit quelque obscu
rité , ces derniers termes ne leveroient-ils pas tout doute ?
E t ce qui suit expliqueroit encore suffisamment l’inten
tion des parties.
« Cependant il demeure dès tout à l’heure autorisé à
• recevoir et quittancer, sans aucune indication d’em« ploi , ceux dépendons et faisant partie de la succession
« dudit D an ti, non excédant la somme de 100 francs
« pour chaque échéance de chacun desdits effets. »
Exclusio unius est inclusio alterius , et vice versâ.
�( 23 )
De cela qu’il a fallu une clause expresse pour autoriser le
mari à percevoir sans emploi ces effets particuliers, non
excédant 100 francs, ne résulte-t-il pas évidemment qu’on
a entendu l’assujétir , et qu’il a entendu s’assujétir luim êm e, à l’emploi du surplus ?
L a stipulation ne frappe donc pas uniquement sur le
prix des immeubles. Dubois de St. Julien a etc assujéti à
donner emploi de tous les deniers indistinctement, qu’il
percevroit de son épouse, soit de ses biens meubles, soit
de ses immeubles, moins les effets particuliers dont on
vient de parler, non excédant 100 francs , et moins tou
jours la somme de 10,000 francs conformément à la pre
mière partie de la clause.
I/adversaire n’est pas plus exact sur la seconde asser
tion. Qu’on lise encore le contrat de mariage. Il est dit,
sur les premiers deniers à toucher des biens ; il n’est pas
dit, des biens immeubles; il est dit, des biens , généra
lement; terme absolu, terme générique, qui ne s’applique
pas plus à une nature de biens qu’à l’autre, qui comprend
tout, meubles et immeubles.
Ces 10,000 étoient à prendre sur les premiers deniers.
Quels ont été ces premiers deniers ? On l’a déjà dit.
i ° . Les 7,384 francs reçus lors du contrat de mariage;
2°. L a somme de 14,600 francs reçue du citoyen d’Anglard ;
3 0. Celle de 2,884 francs perçue sans emploi lors du
contrat de vente.
Gazard, fécond en objections, a encore incidente. Il a
opposé, quant à la somme de 7 , 3 8 4 fr- clu,d n avoit été
reçu en deniers que celle de 5 oo francs; que le surplus
�( 24)
étoit en créances sur différens particuliers; que rien ne cons
tatait que le montant en eût 6 t6 perçu.
On lui a répondu que d’abord, indépendamment des
5 oo fr., Dubois de St.-Julien avoit reçu, en meubles ou ar'genterie qui équivaloit à l’argent comptant, 1,940 francs1;
que le surplus étoit à la vérité en billets, mais à des époejues
très-rapprochées; les uns à la St.-Martin lors prochaine, et
les autres au mois de mai suivant : qu’il n’étôit pas à pré
sumer que Dubois de St.-Julien eût laissé ses débiteurs
en retard : qu’au surplus il avoit pris les billets pour comp
tant; qu’il en avoit fait son affaire : qu’il avoit déclaré,
principalement pour la créance de 1,000 francs sur Teillard de M urât, et de 2,674 francs sur la veuve Cfiabanon ,
que se contentant de la solvabilité des débiteurs , il
en fa is o it dès à présent reconnoissance à la future.
Relativement à la quittance de d’Ariglard, Gazard a
cru récarter d’un m ot, en disant qu’elle étoit postérieure
aux mandemens de Blatin , R o u x et Lafnoüroûx. Ces
mandemens sont effectivement à partir de la date qu’ils
présentent, des 1 7 et 1 8 octobre , et la quittance de d’A nglard est du 19 ; mais il y est dit, et depuis le m ariage:
le payement n’est donc pas seulement du jour delà quit
tance; il avoit donc perçu antérieurement. Ces mots, et
depuis le mariage , prouvent ce que tout concourt d’ailleurs
à faire penser, que cette somme de i 4 , 5oo francs n’a pas
été acquittée en un seul payement; quelle a été acquit
tée en plusieurs payemens partiels, lors desquels d’Ariglnrd se contenta de quittances sous seing p rivé; que ce
fut seulement lors du dernier payement qu’il prit une
quittance devant notaires, quittance dans laquelle il com
prit
�f* 5 )
prit l’entière somme, en annullant les quittances par
tielles, qui devenoient inutiles.
L a quittance est du 19 octobre , et les mandemens
de B latin , Lamouroux et R ou x sont du 17 et du 18.
Mais ces mandemens sont sous seing privé. Est-il cons
tant qu’ils ont été véritablement souscrits à cette date ?
Dubois de S t.-Ju lie n et'Gazard n’ont - ils pas été les
maîtres d y donner la date quils ont voulu?
r
E t on le demande : Dubois de St.-Julien ne pouvoit
percevoir, soit sur les effets mobiliers, soit sur-les im
meubles, que 10,000 francs sans emploi. Si on imputoit les 10,000 francs sur les mandemens de Blatin, L a
mouroux et R o u x , d’Anglard auroit donc mal p a y é ,
comme ayant payé sans emploi ! L a dame de Chalus pourroit donc l’attaquer ! Car, enfin, elle n’a remis à la discrétion
de son mari que 10,000 francs ; elle n’a pu être constituée
en perte par son mari que de cette somme. Si elle attaquoit
d’A n glard , celui-ci ne formeroit-il pas tierce-opposition
au jugement? ne diroit-il pas que les mandemens, étant
sous seing p riv é , ne peuvent faire foi de leur date que
du jour qu’ils ont été revêtus de la formalité du con
trôle; qu’il n’a pas été au pouvoir de Dubois de SaintJulien et de Gazard, en donnant à ces mandemens la
date qu’ils ont vo u lu , de rendre sans effet sa quittance?
L e mandement de Blatin est du 1 7 octobre ; il est
taxativement de la somme de 13,000 francs; et cepen
dant il n’a réglé son compte avec Blatin que 1° *6 no
vembre suivant, par lequel compte il se trouve débi
teur précisément de cette somme de 13,000 francs, plus
30 livres 1 1 sous 9 deniers qu’il paye comptant. Est-il
D
�( a 6 )
a présum er, est-il vraisemblable qu’il ait donné le man
dement précisément du montant du reliquat du compte,
avant le compte ?
Ce mandement n’ a été remisa Blatin que le jour même
de l’arrêté de compte , le 16 novembre; l’arrêté de compte
en fait foi. Ju sq u e -là il avoit demeuré dans la poche
de Dubois de St.-Julien. O r , que signifioit ce mande
m ent, tant qu’il n’ étoit point accepté par Blatin , tant
q u ’il a demeuré dans la poche de. Dubois de St.-Julien
à qui il étoit libre de le mettre au feu si bon lui sembloit?
L e mandement de R o u x est du 1 8 ; et il se trouve
accepté par Gazard le 1 7 , avant par conséquent qu’il eût
¿té souscrit.
Tout cela ne justifîe-tril pas le soupçon sur le peu de
sincérité de la date donnée à ccs mandemens?
L e tribunal s’arrêteroit-iJ, nonobstant toutes ces cir
constances, à la date qu’ils présentent; mettroit-il à l’écart
la quittance de d’A n glard, comme postérieure; l’adversaive n’en seroit pas plus avancé. Les 10,000 francs dis
ponibles sans emploi se trouveroient toujours épuisés
antérieurement aux mandemens , ainsi qu’on l’a déjà
observé, 1°. par les 7,384 francs perçus lors du contrat
de m ariage, et ensuite par la somme de 2,884 francs
perçue sans emploi à l’instant de la vente. Ces deux sommes
fcnt celle de 10,268 francs.
Mais pourquoi entrer même dans cette discussion ?
toutes ces questions sont oiseuses. L e litre même de Ga,zard, le contrat de vente, le condamne. Par lè contrat
du vente il a été expressément chargé de payer le prix,
�( 27 )
déduction faite de la somme de 2,884 francs, aux créan
ciers dudit St.-Julien, qui seroient par lui indiqués , en
conformité et suivant les clauses énoncées en son con
trat de mariage ; et cette clause n’est pas exprimée ûnô
seule fo is, elle est géminée.
De là il résulte, ou que Dubois de St.-Julien a re
connu qu’il avoit déjà épuisé les 10,000 francs disponi
bles sans em ploi, lesquels étoient à prendre sur les pre
miers deniers; ou que, s’il ne les avoit p a s ’épuisés, il
n’a pas voulu faire usage de la faculté qui lui avoit été
laissée par son contrat de mariage ; ce qui revient au
même.
Gazard n’a pu s’écarter de la loi qui lui a été im
posée par la vente. Ce n’est pas seulement le contrat
de mariage, c’est son propre contrat qu’on lui oppose.
Venons maintenant au grand moyen de défense qu’il
a fait valoir.
Il a prétendu qu’ayant payé à l’indication du m a r i,
il avoit valablement p ay é ; qu'il ne pouvoit être tenu
que de suivre cette indication ; que le contrat de vente
porte, aux créanciers q u i seront indiqués p a rle m ari ;
que le contrat de mariage porte également, sur l’indi
cation du mari ; que la femme a à s’imputer d’avoir
choisi un mandataire infidèle ; que quant à lui on ne
pouvoit lui imputer aucune faute; que d’un autre doté
le contrat de mariage portoit, à l’acquittement des créances
les plus anciennes et les plus privilégiées; et que la dette
de Blatin, Lam ouroux et RouX , emportant la contrainte
par corps, étoient privilégiées : ceci conduit à la second©
question.
Dz
�(' 28
S E C O N D E
)
Q U E S T I O N .
G azard a-t-il valablement p a y é , en payant sur tin di
cation du m ari ?
Il cherche encore à équivoquer. Il équivoque, et sur
la clause du contrat de y e n te , et sur la clause du contrat
de mariage.
, L ’acte de vente porte : aux créanciers qui seront
indiqués p ar le vendeur. Mais ensuite il est ajouté : con
form ém ent aux clauses du contrat de mariage.
Les parties n’entendoient donc point déroger au con
trat de mariage; et elles ne le pouvoient.
.M aintenant, que porte(le contrat de m ariage? Est-il
dit sur Vindication? Il est dit : à l'effet de quoi le m ari
sera tenu. Ce n’est pas une confiance que la femme lui
témoigne ; c’est une obligation qu’elle lui impose. Ce n’est
pas une simple faculté ; c’est un devoir. L e pouvoir n’est
donné que sous cette condition; condition d’autant plus
de rigueur, que le prix devoit être employé à payer, non
les dettes de la fem m e, mais celles du mari, et qu’il importoit à la femme d’avoir une subrogation utile, pour
n’ être pas exposée à perdre tout *\ la fois le domaine et
1 e prix.
Qu’ont dit les premiers juges? « A ttendu, porte un
« de leurs motifs, que s’il est vrai que François Dubois
« n’ait pas indiqué ses créanciers les plus anciens en
« hypothèque et les plus privilégiés, Gazard, acquéreur,
« ne doit pas en être responsable. Suzanne de Chalus a
t
t
�( 29 )
« à se reprocher de n’avoir pas pris les moyens néces« saires pour venir à son but, d’avoir choisi un manda
te taire infidèle, et doit seule supporter les effets de cette
« infidélité, quelque funeste qu’elle puisse être pour elle. »
Ils citent ensuite la loi 21 au D igeste , § . 3 , de Negotiis gestis , qui s’exprime ainsi : Mandato tuo negotia
mea JLucius Titius gessit. Tu mihi actione negotiorum
gestorum teneris , non ni hoc tantum ut actiones tuas
prœstes , sed etiam quod imprudenter eum ehgeris , ut
quidquid detrimenti negligentia ejus f e c i t , tu m ihi
prœstes.
Ils n’ont pas vu que cette l o i , et autres qu’ils auroient
pu citer, sont dans l’espèce d’un mandat indéfini, et
qu’ il y a bien à distinguer entre un mandat indéfini et
un mandat limité.
Dans le mandat indéfini, le mandant est indistinctement
engagé par le fait du mandataire. Dans le mandat limité,
il n’est engagé qu’autant que le mandataire s’est stricte
ment renfermé dans les termes du mandat : c’est la dé
cision du jurisconsulte P a u l , dans la loi 5 au D igeste ,
M andait : Diligenter fin es mandait custodiendi sunt ;
nam qui excessit aliud quid fa c ere videtur.
Dans le mandat illim ité, le mandant a à s’ imputer
qu’ il a choisi un mandataire infidèle. Dans le mandat
lim ité, au contraire, c’est à celui qui contracte avec le
mandataire au delà des bornes du mandat, à s’imputer
d’avoir contracté. Il ne seroit pas même recevable à
alléguer qu’il a ignoré les bornes du mandat. On lui
répondroit qu’il devoit s’en inf or me r , suivant cette
maxime, Unusquisque débet esse gnarus conditioms
ejus cuni quo contrahit,
�{ 3° )
Quelle faute peut-on imputer h Suzanne de Chalus ?
Elle a donné pouvoir au mari de vendre ; mais, en même
temps , elle a subordonné ce pouvoir à la condition
d’employer le prix au payement des dettes les plus an
ciennes en hypothèque. Elle savoit que cette condition
étoit inséparable et indivisible du pouvoir. Elle s’est repo
sée, et elle a dû se reposer sur la loi du contrat.
En est-il de même de Gazard? peut-il .dire qu’il est
exempt de faute ?
T R O I S I È M E
QUES T I ON.
Gazard a-t-il dû, a-t-il pu connaître s’il existoit des
créances antérieures ?
L e contrat de mariage Je lui annonçoit assez. En l’assujétissant à payer les créanciers les plus anciens et les
plus privilégiés, c’ étoit assez l’avertir qu’il en existoit
nombre. C’étoit assez l’avertir de ne payer qu’avec une
extrême r é s e r v e , . non-seulement pour assurer la validité
delà vente, mais encore pour assurer le payement; pour
ne pas courir le danger, après avoir payé des créanciers
postérieurs, d’être recherché par des créanciers anté
rieurs.
A cette époque, l'édit de 1 7 7 1 étoit en vigueur. Il ne
s’agissoit que de se transporter au bureau des hypothè
ques, de vérifier s’il existoit des oppositions : c’étoit la
démarche la plus simple et la plus facile.
A-t-il pris cette précaution? a-t-il agi comme le père
de famille lu moins diligent auroit agi i a-t-il même donné
Je temps aux créanciers de se faire connoîlrc ?
�C 31 )
Qu'on se fixe sur les dates.
L a vente est du 1 3 octobre, les mandemens du 17
et du 18 , et l’acceptation est du même jour que les
mandemens.
Il accepte quatre jours après la vente.
Il accepte par anticipation, avant l’échéance des termes.
Il accepte pour payer des créances qui ne sont même
point hypothécaires.
Ce n’est pas ici simple imprudence ou faute légère :
c’est faute lourde, que les lois assimilent au dol. Et qui
sait si Gazard, courant le risque, ne l’a pas fait payer?
I/édit de 1 7 7 1 n’eûl-il pas été en vigueur; il avoit
encore un m o yen , celui de ne payer que d’autorité de
justice, d’appeler la dame de Saint-Julien, pour faire
ordonner le payement contradictoirement avec elle.
C’est se moquer de dire que les créances de Blatin ,
Laniouroux et R o u x , emportant la contrainte par corps ,
étoient privilégiées. Elles pouvoient être privilégiées pour
le m ari; ce pouvoit être celles qu'il importoit le plus au
mari de payer: mais elles n’étoient pas privilégiées pour
la femme. Quand il a été dit, dans le contrat de mariage,
à la charge de payer les créances les plus ancieimes et
les plus privilégiées, on a entendu parler d’un privilège
sur les biens , et non sur la personne ; d’un privilège
qui survécût même à la dissolution du mariage.
Non-seulement le mari ne pouyoit vendre les biens
de sa femme , et intervertirla loi du contrat, pour sortir
de prison, mais la femme elle - même ne le pouvoit,
sans avis de parons et décret du ju g e , et encore à dé
faut de biens paraphernaux.
�( 32 )
Ajoutons que rien ne justifie que la créance de Lamouroux et de R o u x emportât la contrainte par c o rp s,
puisqu’on ne rapporte point le titre. On est réduit , à
cet égard, à croire l’adversaire sur parole.
Q U A T R I È M E
QUESTION.
E x isto it-il des créances antérieures ?
.
*
5
Il en existoit du chef de Dubois de M arg erid e, père
dudit Dubois de St.-Julien.
Il en existoit du chef de la mère , Marguerite Gorce.
P o u r plus grande intelligence de cette partie de la
cause , on a fait deux tableaux qu’on se propose de
joindre au présent mémoire, l’un comprenant les dettes
du chef du p è re , l’autre les dettes de la m è re , toutes
conservées par des reconnoissances 6u poursuites en temps
utile. On a divisé ces deux tableaux par colonnes. L a
première contient le nom du créancier originaire ; la
seconde, la date de l’hypotlièque ; et la troisième, la
somme.
On n y a compris que celles évidemment antérieures
en hypothèque.
Non-seulement il existoit des créances anciennes; mais
il existoit, à raison d’une partie de ces créances , des
oppositions au bureau des hypothèques. On a justifié de
ces oppositions.
Gazard ne s’est pas dissimulé combien l’objection étoit
pressante. Il s’est retourné de toutes manières.
Il a d it, quant aux créances pour lesquelles il n’avoit
pas
�i 33 )
pns été formé d’opposition au bureau des hypothèques,
qu’il n’avoit point été obligé de les connoîtrè. On a déjà
vu que ce n’étoit pas une raison.
Relativement aux autres, il a dit qu on ne justifioit que
de quatre oppositions; que ces quatre oppositions portoient sur des dettes personnelles à la mère , dérivant de
son chef ou du chef de ses auteurs ; que ces dettes éloient
étrangères au fils, tant que la mère vivoit ; quelles n etoient devenues propres à Dubois de bt.-Julien, qu après
li! décès de la mère , décès arrivé long-temps après la
vente du domaine , et après l’acceptation des niandemens.
Il a été encore facile de lui répondre.
Ou a v u , dans le récit des faits , que Marguerite
Gorce, par son contrat de mariage avec Dubois de Margeride , avoit donné la moitié de ses biens présens à
celui des enfans à naître qui scroit choisi; qu’ensuite en
mariant Dubois de Sa in t - Ju lie n son fils, avec Suzanne
de Chalus, elle Favoit nommé pour recueillir l’eflet de
celte donation.
Cette élection , se référant à la donation , ne pouvoit
comprendre que les biens qui faisoient l’objet de la dona
tion , c’est-à-dire , ceux que Marguerite Gorce avoit à
l’époque de son mariage.
L a mère ne voulant pas borner là scs avantages , il est
d i t , par une clause subséquente, qu’elle lui fait donation
de tous ses biens présens , c’est-à-dire , de ceux même
qui lui étoient advenus depuis son mariage , qui n’ctoient
pas préscus alors, qui étoient plutôt biens à retur par
rapport à la première donation , mais qui étoient biens
présens lors do la seconde ; en sorte que le mot présens
E
�( 34 )
a une acception bien plus étendue dans la seconde clause
que dans la première.
Par une troisième , il est dit qu’elle s’est démise, en
faveur du futur, de l’usufruit de la moitié des biens pré
sens; et par le mot présens', il faut entendre dans cette
clause, comme dans la clause précédente , tous les biens
à .elle appartenons au moment de la démission , nonseulement ceux qui lui appartenoient à l’époque où elle
s’est elle-même mariée, mais encore ceux qui lui sont
parvenus depuis, qu'on peut appeler adventifs.
Dès ce moment, les dettes de Marguerite Gorce ne sontelles pas devenues personnelles à Dubois de Saint-Julien ?
N ’é toi t-il pas d'abord, comme donataire en propriété
et usufruit de la moitié des biens , tenu de la moitié de
toutes les dettes existantes à l’époque de son mariage ?
N ’étoit-il pas même tenu de la totalité, comme dona
taire de la totalité des biens?
I/effet de la donation de biens présens est de saisir à
l’instant le donataire , à la différence des donations de
biens présens et à venir qui ne saisissent que par le décès.
Dès l’instant de la donation , Dubois de Saint-Julien a
été saisi de la propriété. S'il a été saisi de la propriété,
il a été aussi saisi des dettes : les biens n’ont pu passer
sur sa tête qu’avec cette charge.
L a réserve que la mère s’est faite de l'usufruit d’une
partie, n’a pas été un obstacle à cette saisine. La réserve
d’usufruit ne change pas la nature de la donation.
Dubois de Saint;-Julien
n’éloit pas seulement donataire
»• •
contractuel de la m ère, il étoit encore aux droits d'une
tante, Dauphine Gorce , 'sœur clc Marguerite,
�Comme aux droits de cette tante , il ¿toit encore
évidemment tenu des dettes , au moins pour la part et
portion que cette tante amendoit dans la succession des
auteurs communs. Il faut expliquer ceci.
Antoine Gorce et Anne Murol étoient l’aïeul et l’aïeule
maternels de Dubois de Saint-Julien.
D e leur mariage issurent trois enfans, François, M ar
guerite et Dauphine.
François fut destiné à être le chef de la maison , et à
recueillir par conséquent toute la fortune.
Marguerite contracta mariage avec Dubois de M àrgeride. Par le contrat de mariage, il lui fut destiné une
somme de 19,000 francs; e t, au moyen de cette somme,
elle fut forclose. C’est de ce mariage qu’est issu Dubois
de Saint-Julien.
Antoine G orce, père commun , décéda , e t , après lu i,
François G o rce, sur qui portoient toutes les vues de la
famille, sans postérité , et sans avoir fait de dispositions.
M argu erite, dont la forclusion cessa par le défaut de
mâles, et Dauphine , lui succédèrent par égales portions.
Dauphine contracta mariage , en 173 8 , avec JosephAlexis Cheix , officier au régiment d’Agénois. P ar le
contrat de m ariage, elle céda à Dubois de M argeride,
sou beau-frère , tous scs droits- successifs , mobiliers et
immobiliers , dans la succession de François Gorce et
d’Antoine Gorce , moyennant la somme de 19,^00 fr.
quelle se constitua en dot. L ’effet de cette cession a ensuite
passé, par le décès de Dubois de M a r g e r i d e , à Dubois
de Saint-Julien ; et Dubois de Margeride étoit décédé
long-icmps avant la vente dont il s’agit.
E 2
�.Z2D.
( 3^ )
Dubois de Saint-Ju lien , à l’époque de la vente, étoit
donc tenu des dettes provenantes de l’estoc maternel, nonseulement comme donataire contractuel de la mère, mais
encore comme étant aux droits de Dauphine Gorce.
Il y a plus : il étoit tenu personnellement comme ayant
reconnu de nouveau, en son n o m , partie de ces dettes.
Entr’autres dettes, il s’étoit obligé, par acte du 19 avril
1 7 7 4 , personnellement et solidairement avec sa m è re ,
envers Joseph et Pierre Sim on , créanciers anciens et
qui avoient formé opposition au bureau des hypothèques.
C’est donc mal à propos que les juges dont est appel
ont dit, dans un de leurs motifs, que la presque tota
lité des créances dérivoient de l’estoc m aternel, et que
Dubois de Saint-Julien n’avoit pu en devenir débiteur
qu’après le décès de sa m ère, arrivé long-temps après
la vente; que dès - lors le prix de la vente n’avoit pu
être employé à payer des créances qui lui étoient encore
étrangères.
C’est aussi mal à propos que dans le même mol if
ils ont ajouté que ces créances n’avoient été déclarées
exécutoires, contre Dubois de Saint-Julien, que depuis
1777 ju5llu en 1785. Déjà l’acte du 19 avril 1 7 7 4 , dont
on vient de parler, par lequel Dubois de Saint-Julien
s’étoit constitué personnellement débiteur solidaire avec
ga mère envers Joseph et Pierre Sim on, étoit bien sans
doute exécutoire par lui-même. Il n’éloit pas besoin d’ob
tenir un jugement» Ensuite celte obtention d un juge
ment , pour faire déclarer le titre o.\ceuloirc , pouvoit
cire nécessaire, et étoit même requise avant le Code
civil, pour ramener le titre à exécution , pour contraindre
�( 37 ) w .
au payement; mais l’héritier n’étoit pas moins tenu de
la dette dès l’instant du décès, et le donataire à titre
universel dès l’instant qu’il étoit saisi de la donation. La
saisine des biens emportoit Ja saisine des dettes.
Ces créances, a-t-on dit, ont été acquittées depuis.
Partie a été effectivement acquittée, non par Dubois
de Saint- Julien , qui s’en inquiétoit p e u , mais par le.
sieur de T o u rn em ire, son gendre, qui- a p aÿé, non des
deniers de la succession, repudiee d’abord et ensuite ac
c e p té e sous bénéfice d’inventaire par la dame son épouse ,
mais de ses propres deniers, -et q u i, en p a y a n t s ’est
fait subroger.
Ces créances ont été si peu acquittées, que le sieur
Théroulde aux droits du sieur B e ra u d , autre créan
cier également de l’estoc m aternel, et du nombre de
ceux qui avoient formé opposition au bureau des hy
pothèques antérieurement à la vente qui fait l’objet de
la contestation , a po u rsu ivi, au tribunal de première
instance de Clerm ont, la vente par expropriation forcée
de tous les biens de la succession.
On «mettra eous les yeux du tribunal l’afFiche conte
nant la désignation des biens saisis , et l’dxtrait des in
scriptions, au nombre de 85 .
L e sieur de Tournemire s’est rendu adjudicataire à la
chaleur des enchères, et l’adversaire ne peut pas dire
que les biens n’ont pas été portés à leur valeur. Il a
été lui-mc*mc du nombre des enchérisseurs, et un des
plus ardens.
Ou ne peut mieux prouver que les créances auxquelles
la daine de Tournem ire, alors de Saiiit - Julien , avoit
�; %%*
( 38 )
intérêt d’être subrogée, n’ont pas été acquittées, que
par le rapport de la procédure en expropriation forcée
faite par un de'ces créanciers anciens précisément pour
parvenir au payement.
Autre objection. Ces créances, a-t-on dit, n’ont point
été inscrites. Elles ne peuvent dès-lors faire obstacle à
la collocation de jla dame de Tournemire à la date de
son hypothèque personnelle, résultante de son contrat
de mariage : elles doivent être regardées, quant à 1*hy
pothèque , comme n’existant pas; e t, d’autre part, la
'dam e de Tournemire ne s’est elle - même pas fait in
scrire pour la conservation de son hypothèque person
nelle , en sorte que si elle perd , c'est par sa faute.
" Réponse. La créance de B erau d , un des créanciers
opposans au bureau des hypothèques, a bien du moins
été1 inscrite , puisque T h éro u ld e, qui est à ses droits,
a fait vendre par expropriation .forcée. Il en est de
même des autres.
.1
N ’auroicnt-elles point été inscrites; ce n’est point par
ce qui s’est passé ex in te rv a lle par des événemens subséquens, par des lois qui n’existoienl point alors, qu’il
faut juger de la*validité de la vente.
Les créanciers auroicnt-ils même laissé entièrement
prescrire leur créance; la dame de Tournemire seroit
toujours fondée h dire : Vous n'avez pas satisfait à la
condition sous laquelle j’avois donné pouvoir de vendre,
vous ne vous êtes pas renfermés dans le mandat; la
vente est nulle. Tout le monde sait que les conditions
ne se remplissent point par des équivalons; quelles sont
de droit étroit. Lorsque j'ai apposé pour condition au
�( 39 )
pouvoir que je donnois de ven dre, le rapport de la
subrogation aux créanciers les plus anciens en hypoA
tbcque, je n’ai pas entendu entrer en procès avec vous
pour mesurer le degré d’intérêt que., je pouvois avoir
à cette subrogation. J ’ai stipulé que le prix seroit
employé à payer l e s créanciers les plus anciens. C est la
condition apposée h ni on consentement vous n’avez
pu vous en écarter. Si vous^ vous^jr étiez .cpniormes,
si vous m’aviez rapporte la subrogation,etjles(pieces à
l’appui, je les aurois fait inscrire; j’aurois fait tous les
actes conservatoires; ou si je ne les avois pas faits, la
perte seroit retombée sur moi.
r
M ais, de plus, cette première partie de l’objection
tombe par le fait. Les créances ont été inscrites ; et
ces créances inscrites , bien antérieures ù celle de Blatin,
absorbent, et au delà, le prix de la vente.
L a seconde partie de l’ o b je c tio n , qui forme un des
attendus du jugement, n’est pas,,plus frappante : elle
reçoit deux réponses également victorieuses.
L a prem ière: elle n’avoit past besoin de^veiller h la
conservation de son hypothèque personnelle, tant qu’ella
a dû croire qu’on lui rapporteroit^ une subrogation à
une hypothèque plus ancienne.
»
L a seconde: c’est qu’elle n’agit; point ici comme créan
cière ; elle agit comme propriétaire. Si elle agissoit comme
créancière, 011 pourroit lui opposer le défaut d’inscrip
tion : mais elle agit comme propriétaire. Ce n’est pas le
prix qu'elle réclam e; c’est la c h ose.(t EI •P,| P °,V u 1^
nullité de la vente, faute par l e ( vendeur f et par 1 ac
quéreur, de s’ètre conformés,à la condition sous laquelle
»
"
l '
11
�( 40 )
seule elle avoit donné pouvoir de vendre. SI la vente
est nulle, elle n’avoit pas besoin d’inscription pour con
server sa propriété.
L e sieur Gazard a fait une dernière objection. Après
la mort de Dubois de Saint-Ju lien , Suzanne de Chalus
a été tutrice de sa fille. E n cette qualité, elle a joui
de tout; elle a géré et administré tous les biens de la
'succession ; elle n’a point rendu le compte de tutelle.
Tant qu’elle n’a point rendu le compte, elle est censée
s’être payée par ses mains du prix de la vente.
Toujours même équivoque de la part de l’adversaire.
Il ne s’agit pas, encore une f o i s , du prix de la vente. Ce
n*est pas le p r ix , c’est la propriété que la dame de
Tournemire réclame. Elle a consenti, à l’époque du con
t r a t de mariage, à vendre ses biens, à condition que
le prix scroit employé à payer les créanciers les plus
anciens. L a condition n’a pas été remplie. L e consente
ment donné sous cette condition n’existe plus. Elle a
youlu vendre alors ; elle no le veut pas aujourd’hui.
P ar la mort de Dubois de Saint-Julien, le pouvoir
a été a néan ti. Ce n’est pas après sa m ort, et dans un
teirfps où il n’a plus été le m aître, in ïd ternpus quo
dominus non est, que le sieur Gazard peut demander
à suppléer, par là garantie du p r ix , par le payement
même du prix , au rapport ¡de la subrogation.
A in si, quand même la dame de Tournemire auroit
perçu, par la jouissance et l’administration qu’elle a faite
des biens de son riinri après son décès, des sommes
excédant ’ même le prix dé la vente, le sieur Gazard
n’uuroit qu1unc action pour lui luire rendre compte de
ces
�(4 0
ces sommes. Cette circonstance ne lui donncroit pas
droit à la propriété du domaine.
, Mais, de plus, pour faire cesser cette objection faite
à l’audience, elle a rendu le compte de tutelle; compte
qui ne pouvoit être qu’un compte des revenus ; car on
imagine b ien , comme nous l’avons observé dans.l’ex
pose des faits, que le sieur Dubois de Saint-Julien n’a
pas laissé d’effets actifs. P ar le résultat, la recelte faite
par la dame de Tournemire depuis le 14 juillet 1789
jusqu’au 2 mai 17 9 1 , époque du contrat de mariage de
sa fille, et époque par conséquent où la tutelle a fin i,
se trouve inférieure à la dépense de 5688 fr. 75 centimes.
En se résumant sur cette quatrième question, il existe
des créances antérieures. Ces créances n’ont pas été acquit
tées , comme il a plu au sieur Gazard de le dire. Elles
subsistent. Elles ont été inscrites. Elles priment, aujour
d’hui comme alors, l’hypothèque de Blatin.
. Il y a plus : la créance de Blatin n’a pas été inscrite ;
en sorte quelle est primée par les créanciers même
postérieurs. E t à qui la faute si elle n’a pas été in
scrite? n’est-elle pas au sieur Gazard, q u i, d’une part,
'avoit les quittances, et les pièces à l’ap p u i, en ses mains,
et qui , d’autre p a r t , obligé de rapporter une subro
gation utile, devoit principalement, et pour sa propre
sûreté , veiller ù la conservation de l'hypothèque.
L e prix de la vente n’a pas même été employé en
tièrement à payer des créances hypothécaires du m ari,
soit antérieures, soit postérieures. Les juges dont est
appel n’ont pu eux-mêmes porter les payemens faits
par Gazard eu l’acquit du m ari, qu’i\ 16930 fr. Pouç
E,
�(4 0
compléter la'somme de 18484 f r . , ils ont été obligés
de recourir à un payement que le sieur Gazard a dit
avoir fait au sieur Laubret d’une somme de 1680 l i v . .
1 7 sous 6 deniers, pour legs à lui fait par la dame
veuve Boisset ; dette, non du m a ri, mais de la femme.
Sur ce payement, ils ont pris 1046 ir. pour faire l’ap
point des 18484 fr ., eL.ont condamné Suzanne de Chalus
à rembourser la somme de 6co fr. restante.
JVlais , d’une p a r t , Suzanne de Chalus n’avoit pas
donné pouvoir de vendre pour payer ses dettes, mais
pour payer celles du mari. C’est une seconde interver
sion à la loi du contrat; interversion que les premiers
juges ne dévoient pas se permettre.
- D ’autre part, cette opération contient une injustice;
On fait payer A Suzanne de Chalus l’entière somme de
1680 livres 17 sous 6 deniers, tandis que la moitié
seule est à sa charge, comme héritière, seulement pour
m o itié , de la veuve Boisset. On ne pouvoit donc im
puter sur le prix que la somme de 840 livres 9 sous,
et non celle de 1046 f r . , et encore moins condamner
à payer les 600 fr. restans»
C I N Q U I È M E
Q U E S T I O N .
L e -pouvoir de vendre -peut-il être séparé de la condi
tion sous laquelle il a été donné?
»
Cette question ne peut être l’objet d’une difficulté
sérieuse. « Lorsque la femme, dit Chabrol dans son corn« mentairc 6ur l’article 3 du titre 14 de la Coutume,
�( 43 ) #
« permet au mari d’aliéner ses biens dotaux à la charge
« d’un emploi en d’autres fon ds, ou en payement des
et dettes; dans ce cas, l’acquéreur doit veiller exacte« ment à l’einploi : on ne peut pas séparer la permission de
« vendre, de la condition sous laquelle elle a été donnée :
a l’une ne peut subsister sans l’autre. L ’acquéreur ne
« seroit pas admis à dire qu’il n’a pas connu cette res« triction , puisqu’il n’a pu être instruit de la permisT
« sion de vendre, sans l’être en même temps de la con
te dition sous laquelle elle a été donnée; il s’expose donc
« volontairement à être évincé s’il suit la foi de son ven« deur, et qu’il n’y ait pas d’emploi. »
Remarquons ces expressions de C habrol , à être évincé ;
et celles-ci, s'il suit la J o i de son vendeur. Il étoit donc
bien loin d’adopter le système des premiers juges, qui
ont rejeté la faute sur le mandant, qui ont pensé que
le mandant devoit s’imputer d’avoir choisi un manda
taire infidèle.
L ’adversaire a qualifié lui-même de m andat, et il ne
pouvoit le qualifier autrement, le pouvoir que la femme
donne au mari de vendre. Si c’est un mandat, il doit
être exactement observé ; il n’est pas permis de s’écarter
des bornes. Et quelle est la peine en cas de;contraven
tion? la nullité du contrat. C ’est la disposition de la loi 5
au Digeste , M andati , du jurisconsulte P a u l, que nous
avons ci-dessus citée. Diixgenter fin es mandati custodiendi sunt. L e mandant n’est point alors engagé par
le fait du mandataire. Il n’y a plus de contrat. N am
qui cxcessit aliiul quid facere videtur.
E t c’est ce qui a été jugé par la seconde section de
F 2
�( 44 )
ce tribunal dans les plus forts termes, dans la cause de
M . Lucas, président du tribunal d’arrondissement de
G an n at, contre Prévost.
' L ’espèce étoit particulière.
L a fem m e, en se constituant ses biens en dot, s’étoit
réservé à elle-même le pouvoir de ven d re, sous l’au
torisation de son m ari, et à la charge de l’emploi. De
ses biens dépendoit une maison située A Ebreuil. Elle
avoit vendu sous l’autorisation du mari ; mais il n’avoit
pas été fait emploi. L a femme étant décédée, les héri
tiers sont revenus contre la vente , sur le fondement
q u ’il n’avoit pas été fait emploi. L ’acquéreur répondoit
que le défaut d’emploi ne pouvoit entraîner la nullité
de la vente ; que cette circonstance ne pouvoit que le
rendre garant du prix ; que dans l’espèce où le pou
v o ir est donné au mari de vendre à la charge de l’em
ploi , on concevoit que le défaut d’emploi emportoit la
nullité de la vente, parce que le mari vendoit la chose
d’autrui, et qu’il ne pouvoit séparer son mandat des
conditions qui y étoient imposées : mais qu’ici la femme
s’étoit réservé à elle-même le pouvoir de vendre; qu’elle
vendoit sa propre chose; qu’il ne s’agissoit plus d’ap
pliquer la maxime Fines mandati custodiendi sunt ,• que
dans cette espèce la femme ou scs héritiers ne pouvoient
exiger que la garantie du prix.
* Nonobstant ces raisons, la vente a été déclarée nulle,
et l’acquéreur condamné au désistement, sans s’arrêter
à ses offres de faire raison du prix.
/
�'■il SJ.
(
(+
*
45)
Appel incident de Gazard.
Gazard se plaint, de son côté, de ce que le jugement
dont est appel ne lui a pas adjugé la somme de 1680
livres 17 sous 6 deniers par lui payee à M . Sobrier de
Laubret , exécuteur testamentaire de la dame veuve
Boisset, pour le legs à lui fait.
S’il avoit lu avec plus de réflexion et le jugement et
les molifs du jugement, il auroit vu qu’il se trompoit.
Il auroit v u , dans un des attendus, que partie de cette
somme a servi à parfaire le prix de la vente; et, dans le
dispositif, que le surplus, montant à 634 f r . , fait un
des chefs de condamnation prononcés contre la dame de
Tournem ire.
Gazard ne pourroit réclamer la partie de la somme
qui a été compensée avec le restant du prix , qu’autant
qu’on annulleroit la vente. Il reconnoît donc déjà luim êm e, par cet appel incident, la nullité de la vente; et,
dans cette hypothèse, il n’a voit pas besoin de se rendre
incidemment appelant en ce chef. L a dame de T o u r
nemire n’auroit pas élevé de contestation. L a vente étant
annullée , Gazard cessant d’être débiteur du p r i x , il ne
pouvoit plus être question de compensation, et la dame
de Tournemire auroit offert, comme elle offre en ce
cas, de faire raison , pour la part qui la c o n c e r n e , de ladite
somme de 1680 f r . , en par Gazard justifiant l’avoir
effectivement payée.
Il
se plaint encore de ce que le jugement ne lui a
pas adjugé l’eutière somme de 56oo fr. pour plus-value
�C 4^ )
payée à madame de Chalus , sœur de Suzanne de Chalus,
par l’acte du 7 mai 1 7 8 7 ; plus-value dont il a prétendu
que Suzanne de Chalus devoit le garantir et l’indem
niser, en vertu de la garantie solidaire promise par ellemême dans la vente du i*\ juin 1 7 7 3 , et par son mari
dans la vente du 1 3 octobre 17 7 $ en vertu du pouvoir
qu’elle lui avoit donné de vendre.
P our écarter ce second chef d’appel incident, il n’est
besoin que de transcrire les motifs du jugement, et de
rappeler ensuite la disposition du jugement relative à ce
.chef de demande.
. A ttendu , quant à la vente du i°r. juîn 1 7 7 3 , que
G azard a été obligé de payer à madame de Chalus
une somme de 5630 j'r . pour obtenir sa ratification
du contrat de vente du I er. ju in 1 7 7 3 , et de celui du
domaine de Laudet du 1 3 octobre ijy S ‘ que Suzanne
de Chalus ayant vendu p a r le contrat du I er. ju in
1 7 7 3 solidairement avec sa sœ ur, est tenue de fa ir e
valoir ledit contrat , et p ar conséquent de rembourser
audit G azard ce q u il lui en a coûté pour en obtenir
la ratification ;
Attendu, quant à la vente du 1 3 octobre 1 7 7 5 , ga
rantie solidairement par Dubois de S a in t-Ju lie n se u l,
que quelque pouvoir général et illimité que Suzanne
de Chalus eût donné à son m ari de vendre ses biens
dotaux, elle ne lui a pas donné le pouvoir de vendre
la portion de bu'ns appartenante a sa sccur , et indi
vise avec la sienne .
En conséquence les premiers juges ont condamné
Suzanne de Chalus à rembourser le montant de f i a -
�( 47 )
demnité payée par l’acte du 7 mai 1 7 8 7 , à raison seu
lement de la vente du I er. juin 1 7 7 3 , par ventilation
sur le prix des deux contrats. Ils ont débouté le sieur
Gazard du surplus de sa prétention ’ et ils ont rendu
justice exacte.
On ne conçoit pas comment le sieur Gazard s’est élevé
contre cette disposition du jugement. Ce n’étoit pas lui
qui pouvoit se plaindre de ce que les premiers juges
ne lui avoient pas été assez favorables.
*
•
*
•
Tels sont les appels respectifs. Tels sont les moyens que
la dame de T ournem ire a fait valoir à l’appui de son droit.
Ces moyens peuvent-ils être combattus avec quelque succès
dans un tribunal impartial et éclairé ?
P A G È S - M E I M A C , jurisconsulte.
D E V È Z E , avoué
�
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Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
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Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. De Chalus. 1804]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Pagès-Meimac
Devèze
Subject
The topic of the resource
biens dotaux
contrats de mariage
créances
créanciers hypothécaires
biens paraphernaux
successions
ventes
domaines agricoles
ferme
créanciers chirographaires
autorité maritale
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire pour dame Suzanne de Chalus, veuve en premières noces de François Dubois de Saint-Julien, et en secondes noces de Pierre de Tournemire, habitante du lieu de Mont, commune de Saint-Etienne-aux-Claux, canton d'Ussel, département de la Corrèze, appelante ; contre le citoyen Gazard, propriétaire, habitant de la ville de Murat, intimé, et incidemment appelant.
Table Godemel : Conditions : 3. le pouvoir donné au mari d’aliéner les biens dotaux, énoncé dans un contrat de mariage, peut-il être séparé de la condition pour laquelle il a été donné ? la condition donnée au mari d’employer le prix provenant des ventes en payement de ses dettes et créances hypothécaires, en commençant par les plus anciennes, et qu’il sera tenu de déléguer, a-t-elle pu obliger l’acquéreur de rechercher la date de ses créances, même sous l’empire de l’édit de 1771 ? L’indication faite par le mari a-t-elle valablement libéré l’acquéreur ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'Imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1804
1773-1804
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
47 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2007
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2008
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53377/BCU_Factums_G2007.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Murat (15138)
Saint-Etienne-aux-Clos (19199)
Landet (domaine de)
Veirière (domaine de)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
autorité maritale
biens dotaux
biens paraphernaux
contrats de mariage
Créances
créanciers chirographaires
créanciers hypothécaires
domaines agricoles
ferme
Successions
ventes
-
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29ffe46dd46841681e378fd6e8fc1658
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C R É A N C E S
D U
NOM
DATE
d es
de
CRÉANCIERS
ORIGINAIRES.
P È R E .
SOMMES.
l'D ÏP O T H È Q U E .
Chateau Debort
15 mars 1719.
Dubois - Dumont , dit
Lavinhac....................
Gaspard Dubois - Du Hugues Rochefort, . . .
Pcsquet ou Tlieroulde,
comme aux droitsde la
veuve Puliabilier. . .
1020 fr.
1731.
9560
1731.
5571
1753.
97 2
1751.
571
1741.
260
1746.
7349
1765.
2545
�C R É A N C E S
N
0
D E
M È R E .
DATE
M
de
des
CRÉANCIERS
L A
1’
ORIGINAIRES.
A n n e Gorce et Gaspard
Sinionet..........................
S 0 M M E S.
II Y P O ” H â Q U E,
6 septembre 1712.
5 o 4 4 fr.
réduit en 1727
à 525 1 f r.
24 décembre 1726..
5257
P e r ro n .................................
24 avril 1731.
5240
L aville.................................
27 avril 173G.
1200
28 juillet 175g.
649
Pesrjuet ou T b e ro u ld e ,
com m e aux droits de
Beraud............................
1722.
6337
Joseph et Pierre Simon.
1728.
8679
»
-------------------------------- ,
�MÉMOIRE
P ou r M e. A n t o i n e G A Z A R D , avocat, maire
de la ville de Murât, intimé, et incidemment
appelant ;
dame S u z a n n e D E C H A L U S , veuve
en premières noces de François D u b o i s d e
St.- J u l i e n , et en secondes noces de Pierre
T o u r n e m i r e , appelante d'unjugement rendu
au tribunal civil de Murât, le 14 prairial an 9.
C o n tre
QUESTIONS.
L e pouvoir d’ aliéner les biens d o ta u x, énoncé au
contrat de mariage de la dame de C halus, est-il général
et illim ité?
La. condition imposée au m ari d’employer le p rix pro
venant des ventes au payement de ses dettes et créances
hypothécaires, en commençant par les plus anciennes,
et qu’ il sera tenu de déléguer, a-t-elle pu obliger l'acqué
reur de rechercher la date de ces créances ?
Pouvoit-il en avoir les moyens lors de l'édit de 1771 ?
L' indication faite par le m ari vendeur n'a-t-elle pas
libéré valablement l’acquéreur?
L ’appelante seroit-elle aujourd’hui recevable dans sa
demande en nullité de la vente ou en restitution du prix?
F A I T S .
S
uzanne
DE
CH ALU S,
a u j o u r d ’h u i v e u v e T o u r -
n e m i r e , e t M a r i e - A n n e d e C h a l u s , sa s œ u r , o n t s u c c é d é
A
�44 *
( 2 }
par égale portion au sieur Danty, leur oncle maternel.
Elles jouissoient indivisément de sa fortune, lorsque, le
I er. juin 1773, Suzanne Chalus, majeure et non mariée,
et le sieur de Chalus, son beau-frère, époux de MarieAnne , vendirent solidairement, et avec promesse de
garantie, quelques parcelles d’héritages provenans de la
succession Danty, au sieur Denis Gazard, père de l’inti
m é, moyennant la somme de 2100 francs, dont le con
trat porte quittance.
L e 4 août 17 7 4 , la dame Suzanne Chalus contracta
mariage avec le sieur François Dubois de Saint-Julien.
On a vu qu’elle étoit majeure, et maîtresse de ses
droits. E lle se constitue en tous ses droits, parts et por
tions héréditaires qui lui sont échus par le décès de ses
père et m ère, et par celui de Jean-Baptiste Danty, son
oncle maternel; « lesquels droits, est-il dit, de quelque
« nature qu’ils puissent être, en quoi qu’ils puissent et
« doivent consister, et où qu’ils soient sis et situés. Elle
k donne par ces présentes plein pouvoir et autorité au
« sieur Dubois de Saint-Julien, son futur m a r i, de les
« rechercher, partager, vendre, céder, aliéner, et au« trement en traiter et transiger à tels p r ix , clauses,
« charges et conditions qu il avisera bon être,■recevoir
u et fournir quittance du prix des aliénations ou traités
« qu’il passera ; pour tous les actes auxquels le futur
« époux aura consenti à raison des droits et biens de la
« demoiselle future, valoir et sortir même effet que si
« elle les a voit elle-même passés avant ces présentes. »
Il est ajouté : « A la charge toutefois que sous la
« réserve et retenue de la somme de 10000 francs que
�«
«
«
«
«
«
«
C 3 ).
le futur époux pourra recevoir sur les premiers deniers
ci toucher des biens de la demoiselle future, pour en
disposer et faire tel emploi que bon lui semblera, et
de laquelle somme de ioooo francs il déclare faire dès^
ce jour assiette et assignat sur tous ses biens présens
et à venir, pour la demoiselle future y avoir recours
le cas arrivant.
« Tout le surplus du prix desdites aliénations, et
« autres droits mobiliers déjà acquis à la demoiselle
« future, seront employés à la libération des dettes et
« créances hypothécaires, à commencer par les plus
« anciennes et privilégiées du futur époux; à l’effet
« duquel emploi le futur faisant les aliénations , sera
« tenu de déléguer le prix d’icelles en l’acquit des
« créances, auxquelles la future demeurera subrogée de
« plein d ro it, pour plus ample sûreté de la restitution
« de sa dot. »
On lit encore dans ce contrat la clause suivante :
« Nonobstant ce qui est ci-dessus d it, que tous effets
o mobiliers déjà acquis à la demoiselle future seront
« employés en l’acquittement dés dettes du futur époux,
« cependant il demeure dès tout à l’heure autorisé à
« recevoir, sans aucune indication d’em ploi, ceux dé« pendans de la succession et faisant partie des biens du
« sieur Danty, son oncle, non excédant la somme de
« ioo francs pour chaque échéance, etc. »
L e 13 octobre 1775, Jean-François Chalusdu Chûtelet,
tant en son propre et privé nom, qu’au nom et comme
mari de dame M arie-Anne de Chalus, et ayant droit,
suivant leur contrat de mariage, de vendre les immeubles
A 2
�( 4 )
appartenans à sa femme, et François Dubois de SaintJulien , aussi tant en son propre et privé nom , que
comme mari de dame Suzanne de Chalus, tous deux
solidairem ent, sans division ni discussion, vendirent
avec pleine garantie, au sieur Denis Gazard , père de
l’intimé, un domaine appelé de Lan del, une montagne
en dépendante, euseinMe les bestiaux qui garnissoient les
montagne et domaine, et qui sont désignés au contrat.
L e prix de la vente est fixé ù 36000 f r . , et 968 fr.
pour épingl s; savoir, 4000 francs pour le mobilier,
et le surplus pour les immeubles. L ’acquéreur paye
comptant la somme de 9368 francs, dont le contrat porte
quittance. 11 est dit que sur cette somme le sieur de
Chalus a pris celle de 6484, francs, et le sieur Dubois
de Saint-Julien celle de 2884 francs : quant à la somme
de 27600 francs restante pour parfaire l’entier p rix , le
sieur Gazard, acquéreur, s’oblige de la payer, savoir,
celle de 3600 francs à la Noël lors prochaine, aux créant
ciers du sieur de Saint-Julien qu i lui seront indiqués
par lu i, en conform ité et suivant les clauses énoncées
en son contrat de mariage avec la dame Suzanne de
Chalus.
Les 24000 fr. sont stipulés payables en quatre termes
égaux; moitié sera payée au sieur de Chalus, et l’autre
m oitié aux créanciers du sieur de Saint - .Julien , sur
Tin d ic a tio n qui en sera faite par ce dernier : le to u t
a u s s i ch c o n fo r m ité e t s u iv a n t les cla u s e s cn o n cée s a.u
c o n tr a t de m a r ia g e du s ie u r de S a in t - J u lie n .
Jusque-là il est impossible d apercevoir aucun abus ou
excès de pouvoir de la part du sieur de Saint-Julien,
�C 5 )
l’un des vendeurs : toutes les clauses de la vente sont
conformes à celles du contrat de mariage, et le sieur de
Suint-Julien n’a fait que ce qu’il avoit le droit de faire.
Cette observation trouvera sa place dan§ la suite.
Il paroît que le sieur Dubois de Saint-Julien étoit
pressé de faire cette indication. L e contrat de mariage
n’énonçoit aucune date des créances qui pesoient sur le
sieur Dubois; il n’en particularisoit aucune, et il étoit
impossible au sieur Gazard, acquéreur, de les counoître :
il dut donc suivre la foi de son vendeur, qui étoit luimême intéressé à ce qu'on remboursât les dettes les plus
anciennes comme les plus onéreuses.
D ’un autre côté, l’acquéreur devoit être pleinement
rassuré sur la plus grande partie de la somme qu’il devoit
pour la portion du sieur de Saint-Julien; son contrat de
mariage apprenoit que sur le prix des venfes immobi
lières qu’il avoit le droit de faire, il pouvoit toucher
jusqu’à concurrence d’une somme de ioooo francs, dout
il avoit la faculté d’user comme il lui plairoit, sans être
tenu à aucun emploi ni désignation de payement. Il ne
revenoit sur le prix de la vente , au sieur Dubois de
Saint - Julien , qu’ une somme de 18484 francs : il n’y
avoit donc, par conséquent, que celle de 8484 francs
qui devoit être employée au payement de ses dettes.
Quoi qu’ il en soit, les 17 et 18 du même mois d’oc
tobre 1775, le sieur Dubois de Saint-Julien fait ses indi
cations ; il désigne les sieurs Lamouroux , Roux cadet,
et Blattin , tous trois négocians à Clermont, et leur donne
des mandemens pour être payés sur le prix de cette
vente.
�( <5 )
L e sieur Gazard paye au sieur Lamouroux une somme
de 1600 francs; celle de 1000 francs au sieur Roux cadet;
celle de 13000 francs au sieur Blattin. Il rapporte toutes
les quittances, ainsi que les titres authentiques, dont le
plus ancien remonte à
E t quels étoient ces titres ? C ’étoit des lettres de change
dont les créanciers avoient obtenu la condamnation par
corps. Certes il étoit urgent pour le sieur Dubois de
Saint-Julien de se débarrasser de pareils créanciers, et
il ne pouvoit faire un meilleur emploi du prix de ses
ventes.
Mais ce qu’il y a d’important à ajouter, c’est que par
le contrat de vente, du 13 octobre 1775, les immeubles
avoient été vendus francs et quittes de toutes charges,
dettes et hypothèques, même des arrérages des cens dont
les biens étoient grevés envers les seigneurs.
Cependant le sieur Gazard fut bientôt assailli par une
foule de créanciers du sieur D an ty, qui l’assignèrent
hypothécairement; et malgré les dénonciations faites à
ses vendeurs, qui se laissoient toujours condamner par
défaut, il s’est vu obligé de payer, i°. une somme de
467 francs pour arrérages de cens ou impositions restés
dûs, et dont il rapporte les quittances; 20. une somme
de 160 francs pour frais, sur les demandes hypothécaires
formées par les sieurs D um as, Gandillon et Danjou ,
créanciers à titre de rente viagère, du sieur Danty;
30. celle de 82 livres 18 sous au sieur Gandillon, pour
arrérages d’une rente due par la succession Danty, et
dont le sieur Gazard a retiré quittance le 12 octobre 1777;
40. la somme de 1756 francs 20 centimes au sieur Sau-
�( 7 ) ..
brier de L au b ret, exécuteur testamentaire de la dame
veuve de Boisset, créancière de cette somme de la suc
cession Danty, et dont le sieur Gazard rapporte aussi la
quittance.
Ainsi le sieur Gazard q u i, aux termes de son contrat,
ne devoit au sieur de S a i n t -Julien que la somme de
18484 francs, a payé,
i°. L e jour du contrat, deux mille huit
cent quatre-vingt-quatre francs, c i ...........
2884 £• »Ci
20. Au sieur Lamouroux , seize cents
francs, c i .........................................................
1600
»
3°. A u sieur Blattin, treize mille francs,
c i ...................................................................... 13000 • »
4°. A u même sieur Blattin, une somme
de dix-huit cent soixante-onze francs, ci. 1871
»
dont ce dernier étoit encore créancier, et
en a fourni quittance au sieur Gazard le
zo février 1789.
5°. Pour arrérages de cens ou impositions, quatre cent soixante-sept francs, ci.
467
»
6°. Pour frais des demandes hypothé
caires dont on a déjà parlé, deux cent
soixante francs, c i ........................................
260
»
7°. A Gandillon, quatre-vingt-deux liv.
huit sous, c i ..................................................
82 40
8°. A Saubrier de Laubret, dix-sept cent
1756 20
cinquante-six livres quatre sous, c i .........
T o t a l
................................. 21920f. 60c.
Ce n’est pas tout encore •, le sieur Chalus du Châtelet,
�(
8 )
covendeur du sieur Dubois de Saint-Julien, s’étoit permis
d’avancer que son contrat de mariage, dont il ne justiiioit pas, lui donnoit la faculté d e vendre : ce n’étoit
de sa part qu’une assertion mensongère. A peine est-il
décédé, que Marie-Anne Chalus, sa veuve, fait assigner
le sieur Gazard, par exploit du 25 octobre 1785, au
bailliage de V ie , pour voir déclarer, en ce qui la concernoit, les deux ventes de 1773 et de 1776 nulles et de
nul eifet, et que le sieur Gazard fût tenu de se désister
des immeubles par lui acquis, avec restitution de jouis
sances.
Il fallut composer avec la dame veuve Chalus, dès que
son mari n’avoit pas craint de commettre un stellionat,
mais sauf la garantie du sieur Gazard contre le sieur de
Saint-Julien, qui avoit vendu solidairement. En con
séquence, par acte du 7 mai 1787, Marie-Anne Chalus
ratifia, soit la vente consentie en 1773 , conjointement
avec sa sœur, soit la vente de 17 75 , moyennant une
somme de 5630 francs et une pièce de toile. De sorte
que le sieur Gazard a été rançonné de toutes les manières,
pour une acquisition faite de bonne foi, et qui sembloit
lui présenter toute sûreté.
L ’exemple de la dame de Chalus 11’a fait qu’encourager
la dame de Saint-Julien, sa sœur : cependant la récla
mation de celte dernière a été plus tardive, et sa conduite
précédente n’annonçoit pas qu’elle eût l’intention d’in
quiéter le sieur Gazard.
On voit que la dame Saint-Julien forma contre son
mari, le 10 s e p t e m b r e 1788, une demande en séparation
de biens; le 26 du même mois de septembre, elle fit
rendre
�rendre ¿'une sentenceT1 intërtô'cutoire , qui ' ordonna la
preuve des faits de dissipation du mari* elle obtient, le
13 janvier 1789, une sentence qui prononce cette sépa
ration , et n’oublie rien dans les condamnations qu’elle
fait prononcer. . ■t . :
‘-•-Elle fait notamment condamner son mari à lui payer
et rembourser une somme de 18484 francs, revenant,
est-il d it, à la demanderesse, en sa qualité d’héritière
du sieur Danty, son oncle maternel, pour sa m oitié'du
p rix de la vérité du domaine dé ‘L a n d e l, provenant de
cette succession ; laquelle v e n t é é t é consentie par' le
sieur Dubois* de S ain t-Ju lien , et par le sieur François
de Chalus du Châtelet, son b e a u -frè re , au profit du
sieur D en is G a z a r d , négociant, de la ville de M urât,
par contrat1du 13 octobre 1775.
La dame veuve Saint-Julien ne contestoit pas alors la
validité de la vente ni des. indications faites par son mari,
puisqu’elle l’a fait expressément condamner au rembour
sement dû prix de cette môme vente. ’ ,!l
Son premier, acte d’hostilité suppose encore les mêmes
intentions; car le 28 avril 1789 elle fait faire entre lfes
mains du sieur Denis Gazard une saisie-arrêt de tout ce
qu’il pourroit devoir à François Dubois, son m ari, et
par exprèsidu prix de la vente du dôrilainè de Landel.
Elle annonce que cettè saisie-arr!ê t )e'st faite eu vertu
de sa séparation du 3 janvier pbécédetlt,' qui 'lh déclare
créancière de son é p o u x d ’une somme'cle 60004 francs.
Elle assigne en même temps le sieur Gazard pour faire
son allirmation sur la saisie.
Elle ajoute, à la vérité, qu’elle n’entend point npprouB
�MO-
( IO )
ver la ven te, et qu’elle se réserve, au contraire, d’en
demander la nullité. Mais la protestation ne sauroit être
aussi forte que l’action; et lorsqu’on voit que la dame de
Saint-Julien fait condamner son mari à lui rembourser
le prix de la vente, sans aucune réserve; lorsqu’en même
temps elle fait saisir et arrêter entre les mains de l’acqué
reur le prix de cette même vente, il est diflicile de penser
qu’après ces actes approbatifs et géminés, elle puisse se
pourvoir avec succès contre un acquéreur légitime.
La dame Dubois de Saint-Julien ne s’en tint pas là.
L e 6 août suivant, et dans une requête ou elle se qua~
lifie veuve de Saint-Julien , elle demande que le sieur
Gazard soit condamné à lui remettre les titres et quit
tances contenant subrogation à son profit de la part des
créanciers hypothécaires et les plus anciens de son mari,
jusqu’à concurrence de la somme de 18484 francs, faute
de quoi elle conclut à la nullité du contrat de vente de
17 7 5 , avec restitution de jouissances depuis le décès de
son mari, si mieux n’aime le sieur Gazard lui payer la
gomme de 18484 francs, avec l’intérêt depuis la même
époque.,
,
;
L e sieur G azard, en défenses, justifie des quittances
des créanciers qui lui avoient été indiqués par son ven
deur ; et par requête du 19 février 1790, il forme de
mande incidente contre elle du prix de la ratification
consentie par la dame de Chalus, sa sœur, des intérêts
et des frais par lui faits sur les demandes hypothécaires.
E t , au surplus, soutint la validité de la vente et de sa
libération.
La discussion fut quelque tejnp9 suspendue par le si-
�( II
)
lence de la dame de Saint-Julien et le changement des
tribunaux. Mais l’instance ayant été reprise au tribunal
civil de M urât, le sieur Gazard, par ;une nouvelle re
quête du 14 prairial an 9 , en soutenant 'la dame de
•Saint’-Julien non recevable dans sa demande, conclut à
la restitution de toutes les sommes qu’il a voit payées
au delà du prix de son acquisition , et dont on a fait
plus hautüe détail",!avec les intérêts ainsi que dè droit.
- C ’est lë même jour q u e ,‘ la cause portée à l’audience,
le tribunal de Mui’at rendit Un .jugement contradictoire
par lequel il donne acte au sieur Gazard de ses offres
de remettre, dans tel dépôt public qui seroit choisi, les
titres de créances qu’il a remboursées sur le prix de sa
vente, les quittances par lui retirées, ainsi que les délé
gations qui ont été faites par le sieur Dubois de SaintJulien; ordonne que le sieur G azard déposera au greffe
du tribunal ses titres, pièces et quittances, pour y rester
e n ’ dépôt pendant l’espace d’un mois à compter de la
Signification du jugement, pour que la1dame de Chalus
puisse en prendre communication, ou en retirer telles
copies colla tionnées qu’elle jugera à propos.
La dame de Chalus est déboutée de sa demande en
nullité de la vente.
I
'
Faisant droit sur la demande incidente du sieur Ga
zard, Suzanne de Chalus est condamnée à luî rembourser,
i°. La somme de 634 liv. 2 sous 6 deniers, faisant avec
celle de 1045 liv. 17 sous 6 deniers, celle de 1680 liv.
payée par le sieur Gazard , à défuttt Saubrier-Laubret,
sur celle de 7490 liv. formant le principal d’une rente
constituée par feu Jean Danty, le 20 aôût 1760.
B 2
�¿5X( I2 )
2°. Celle cîe 89 livres 2 sous 2 deniers, payée par le
sieur Gazard, pour arrérages de cens dûs sur le domaine
de L an d el, pour les années 1773, 1774 et 1775, ainsi
qu’il résulte des quittances relatées au jugement.
30. La somme de i 55 livres 12 sous pour les impo
sitions de l’année 17 75 , suivant la quittance représentée
par le sieur Gazard.
4°. Celle de 53 liv. 8 sous pour le montant des arré
rages d’une rente due au sieur Gandillon.sur la succes
sion D anty, et payée par le sieur Gazard, suivant sa
quittance.
r
5°. La somme de 120 liv. 19 sous 6 deniers pour le
montant d’un exécutoire de dépens décerné au profit de
Gazard, contre les héritiers Danty, le 26 janvier. 1782,
et le coût de deux procès verbaux de refus,et rébellion,
qui ont suivi cet exécutoire.
6°. Celle de y 5 livres 1 sou pour frais faits par le sieuv
Gazard dans l’instance relative à la demande hypothé
caire formée par Gandillon sur le domaine de Landel;
la dénonciation de cette demande et celle en recours
contre les héritiers Danty , qui avoit été adjugée par
sentence d elà sénéchaussée d’Auvergne, le 24 mai 1777,
si mieux n’aime la dame Chnlus, suivant la taxe qui en
sera faite en la manière ordinaire.
7 0. La somme de 64 livres 5 sous pour frais faits par
le sieur Gnzard, sur la demande en déclaration d’hypo
thèques, formée par le sieur D anjou, dénonciation d’icelle, et poursuite en recours.
Suzanne Chalus est également condamnée au pavement
des intérêts de toutes ces sommes, à compter de la
demande.
�( 13 )
L e sieur Gazard est renvoyé à se pourvoir ainsi qu’il
avisera pour le payement de la somme de i 5j francs,
faisant le prix de la pièce de toile fournie par le sieur
Gazard p è r e , à Suzanne de Chalus.
Cette dernièi’e est encore condamnée à rembourser au
sieur Gazard les sommes qu’il lui en a coûté pour ob
tenir la ratification de Marie-Anne de Chalus, du contrat
deivente du i er. juin 1773? suivant la ventilation qui
en seroit faite sur la somme de 5630 francs, montant du
prix de cette ratification, pour la vente de 1773 et celle
de 17 75 , avec les intérêts de cette somme.
Sur la demande en remboursement formée par le sieur
Gazard, du prix de la ratification du contrat de 1775 ,
le sieur Gazard est mis hors de cour, ainsi que sur les
autres chefs de demande, fins et conclusions des parties:
la dame de Chalui est condamnée en tous les d é p e n s,
tant ceux faits en la sénéchaussée qu’au tribunal de
Murât.
Les premiers juges se sont déterminés par plusieurs
motifs qu’011 se contentera- d’analiser.
Ils avoient posé en question, i°. celle de savoir si
le sieur Gazard étoit tenu de rapporter les quittances
établissant sa libération du prix de la vente; 20. si faute
de rapport de ces quittances, le contrat de vente de
1775 devoit être déclaré nul; 30. si le sieur Gazard étoit
valablement libéré du prix de son contrat; 40. si Suzanne
de Chalus devoit être tenue de rem bourser au sieur
Gazard la somme de 5630 francs par lui payée à MarieA n n e Chalus, pour obtenir la ratification des ventes de
1773 et de 1775; 5». si on pouvoit statuer sur les de-
�( 14 )
mandes inçidentes formées par le sieur Gazai’d , contre
la dame de Chalus, en remboursement des sommes par
lui payées aux créanciers de la succession Danty, ainsi
que du montant des frais par lui faits sur les demandes
hypothécaires; de ces mêmes créanciers, et sur les de
mandes en recours.
« Les premiers juges pensent sur la première question,
que le sieur Gazard n’est pas tenu de se dessaisir des titres
qui établissent sa libération, qui lui sont nécessaires visà-vis les héritiers Dubois; que les offres qu’il fait de les
déposer au greffe, pour que la dame de Chalus puisse
en prendre communication ou en retirer des expéditions
collationnées, sont raisonnables, et doivent suffire à la
dame veuve Saint-Julien.
« Les premiers juges disent ensuite que Suzanne de
Chalus a donné à son mari, par son contrat de mariage,
le pouvoir de vendre ses biens dotaux ; qu’elle l’a au
torisé à toucher sans em ploi, ou pour en faire tel usage
qu’il jugeroit à propos, une somme de ioooo francs.
« Il leur paroît évident, d’après les termes du contrat
de m a r ia g e , que cette somme devoit être prise sur le
prix des aliénations des immeubles, et qu e, dans tous
les cas, quand on supposerait quelqu’ambiguité, l’obscu
rité ou l’équivoque s’interpréteroit contre la dame de
Chalus.
« L e contrat de mariage ne porte pas que la somme
de 7384 francs, prétendue touchée par le sieur Dubois
de Saint-Julien, sera imputée sur les 10000 francs dont
il avoit la libre disposition.
« Daus la supposition que cette somme de 10000 fr.
�( i5 )
dût être pi'ise sur le mobilier, le sieur Dubois n’a réel
lement touché, lors de son contrat de mariage, qu’une
somme de 5oo francs.
« La somme de 1940 francs, à laquelle la valeur des
meubles a été fix é e , ne forme pas une créance pour
Suzanne de Chalus ; ce n’est qu’une vente du trousseau
faite au mari, d’après la maxime, D o s œ stim ata, dus
vendita : et pour le surplus, le mari a seulement reçu
les titres établissant'ses créances; remise de titres néces
saire, puisque Suzanne de Chalus se constituoit én^dot
ces différentes sommes, et que le mari seul avoit le droit
de les percevoir.
« Les indications faites par le sieur Dubois au sieur
Gazard, des créanciers qui devoient recevoir le prix du
contrat de 1 7 7 5 , ont été^faites par actes des 1 7 . et 18
octobre 177^; elles sont donc antérieures à la quittance
de 14000 francs, donnée par Dubois au sieur d’Anglard:
d’où il suit qu’en supposant que la somme de 10000 fr.
que Dubois devoit toucher sans em ploi, dût être prise
tant sur les meubles que sur lés' immeubles, François
Dubois a pu toucher la somme de 10000 francs , sans
em ploi, du sieur G azard, ou la déléguer à tels de ses
créanciers qu’il lui plaisoit d’indiquer.
« D ’un autre c ô té , Suzanne de Chalus a jugé ellemême que cette somme de 10000 fr. devoit être prise
sur la vente des immeubles, autrement elle eût eu ù
exercer une action contre le sieur d’Anglard , en rem
boursement d’une somme de 4000 fr. qui auroit excédé
celle de 10000 francs dont le innri pou voit user. Elle
n’a pas formé cette action.
•
�.(i6)
« SiiMune de Clialus, en donnant à son mari le pouvoir
de vendre ses biens dotaux pour en employer le prix
au payement des créanciers personnels du mari, à com
mencer par les plus anciens en hypothèques, et les plus
privilégiés , a formellement chargé son mari de faire
l’indication des créanciers. Il en résulte que le sieur Gazard a dû payer les créanciers qui lui étoient indiqués
par Dubois, il lui étoit d’ailleurs impossible de connoître
les créanciers les plus anciens : il n’avoit aucun moyen
dans les lois du temps pour acquérir ceite connoissance.
« Si François Dubois n’a pas indiqué ses créanciers
les plus anciens eu hypothèques , Gazurd , acquéreur,
ne doit pas en être responsable : Suzanne de Chalus a
à se reprocher d’avoir choisi un mandataire infidèle, et
doit seule supporter les effets de cette infidélité, quelque
funeste qu’elle puisse être pour elle. La loi 21 il'., §. 3 ,
Jiegot. gest., en a une disposition précise.
« Le sieur Gazard a pu valablement payer la somme
<le 10000 francs, fcoit ù François Dubois, sans emploi,
soit à ses créanciers chirograpliaires.
« Dans la créance de 13000 francs payée à Blattin,
il se trouve une créance hypothécaire pour la somme
de 1838 francs, dont l’hypothèque frappoit tant sur
François Dubois que sur J e a n , son père.
a La presque totalité des créances dont Suzanne Cluilus
justifie par le rapport des inscriptions, vient du chef de
la mère de François Dubois et de son aïeul; celui-ci n’a
pu devenir débiteur de ces différentes créances qu’après
le décès de sa mère, et elles 11 ont été déclarées exécutoires
contre lui que depuis 1777 jusqu’en 178Î).
a Les
�( *7 )
« Les premiers juges remarquent ensuite deux choses;
l’une, que ces créances appartiennent aujourd’hui à Pierre
Tourneinire, second mari de Suzanne de Chalus, qui
eu est devenu cessionaire; la seconde, que dans ses ins
criptions elle ne dit point en vertu de quel titre il étoit
devenu propriétaire de ces créances : d’ou il suit que
dans cette famille on a formé le dessein, ou de s’emparer
des biens à vil p rix, ou de rançonner les acquéreurs;
ce qui n’est ni juste ni honnête. Enfin il est douteux
que les inscriptions de Tourneinire aient conservé l'hy
pothèque de ces mêmes créances.
« Le tribunal remarque encore que toutes les créances
payées par Gnzard à Blattin , Lamouroux et Roux ,
étoient des créances emportant la contrainte par corps;
cette contrainte avoit même été prononcée par les sen
tences que Blattin avoit obtenues : elles formoient donc
des créances privilégiées, surtout pour un gentilhomme
qui avoit compromis sa liberté, et pour qui l’emprison
nement eût été l’a liront le plus sanglant. Les femmes,
dont les biens dotaux étoient inaliénables, avoient néan
moins la faculté de les vendre pour les créances de cette
nature, lorsque le mari n’avoit point de ressources.
« Indépendamment de toutes les sommes payées aux
créanciers indiqués, le sieur Gazard a payé encore celle
de 1680 francs à feu Saubrier-Laubret, pour partie du
sort principal d’une rente due à la veuve de Boisset par
la succession Danty , et qui étoit hypothéquée sur le
domaine de Landel. Ainsi 10000 francs jwyés .sans
em ploi, et qui pouvoient l’être aux tenues du contrat
de mariage, 7838 fr. faisant partie de lu créance Blattin,
c
�( i8 )
et portant hypothèque depuis 17 6 7, 1680 francs payés
à Saubrier-Laubret, excèdent la portion l'evenante à
Dubois d’une somme de 634 francs.
« Il résulte de deux certificats d’inscription formée au
bureau des hypothèques par les créanciers de François
Dubois, délivrés par le conservateur de Clermont, le 5
fructidor an 8 , et les bordereaux d’inscription rapportés
par Suzanne de Chalus constatent qu’elle n’a fait aucune
inscription sur les biens de François D ubois, son mari ;
elle auroit perdu toute espèce d’hypothèque sur ces mêmes
biens, quand bien même le sieur Gazard auroit employé
le prix à payer les créanciers les plus anciens.
<f L e sieur Gazard a été aussi obligé de payer plusieurs
sommes pour arrérages de cens, rentes foncières, impo
sitions dues sur le domaine de Landel. Il a payé des
dépens sur les demandes en déclaration d’hypothèques
formées contre lui ; il a été obligé de faire des frais
pour se défendre : la demande en remboursement qu’il
a formée de ces objets n’est qu’une demande incidente
pour laquelle il étoit inutile de passer au bureau de paix;
et ces sommes doivent lui être allouées.
« Le sieur Gazard a été obligé de payer à Marie-Anne
de Chalus une somme de 5630 francs, pour obtenir sa
ratification du contrat de vente du i cr. juin 1773 , et de
celui du domaine de Landel. Suzanne de Chalus ayant
vendu par le contrat du icr. ju,n 1773 , solidairement
avec sa sœur, est tenue de faire valoir ce contrat, et par
conséquent de rembourser à Gazard ce qu’il lui en a
coûté pour obtenir la ratificationde cet objet. iVlaisqueîque
pouvoir général et illimité que Suzanne de Chalus ait
�( T9 )
donné à son mari de vendre ses biens dotaux, elle ne
lui a pas donné pouvoir de vendre la portion de bien
appartenante à sa sœur, et indivise avec la sienne. »
Tels sont en substance les motifs qui ont déterminé
les premiers juges ; ils sont de la plus grande force rela
tivement à la demande formée par Suzanne de Chalus;
mais les intérêts du sieur Gazard sont blessés en deux,
points : i° . les premiers juges ne pouvoient amalgamer
la créance payée à Saubrier avec le prix de la, vente.
L e sieur Gazard avoit payé au delà de ce qu’il devoit,
indépendamment de cette créance qui est personnelle à
la dame de Chalus : ce seroit la faire perdre au sieur
Gazard, que de vouloir l’employer à compléter le prix
de la vente de 1776 ; et il n’en étoit nullement besoin.
D ’un autre côté, le sieur D ubois, par son contrat de
mariage, avoit droit de vendre les biens de sa femme
à telles conditions que bon lu i sernbleroit. Les propriétés
de la dame Dubois étoient indivises avec celles de sa sœur:
il étoit difiieile de trouver des acquéreurs sans une vente
solidaire, et cette condition de solidarité n’excédoit pas
les pouvoirs du mari.
Le sieur Gazard devoit donc obtenir la condamnation
de la somme totale qu’il a payée pour obtenir la rati
fication de la dame de Chalus.
La dame veuve Tourncmirc ayant eu le courage d’in
terjeter appel d’un jugement qui a si justement repoussé
ses prétentions, le sieur Gazard s’est, de son côté, rendu
incidemment appelant quant aux deux chefs qu’on vient
d’expliquer; et c’est sur ces appels respectifs qu’il s’agit
de prononcer.
C 2
�*.
\(iO-
( 20 )
A van t d’examiner le mérite des prétentions de la dame
Teuve Tournemire, il convient de vérifier si la dame de
Chalus est aujourd’hui recevable à former cette demande.
On se rappelle que la dame de Chalus a fait prononcer
sa séparation de biens avec le sieur Dubois, son premier
m a ri, par sentence de la sénéchaussée d’A u v e r g n e , du
13 janvier 1789 ; cette sentence liquide en même temps
ses droits , et on voit que Suzanne de Chalus n’a rien
oublié : elle conclut entr’autres choses à ce que son mari
soit condamné à lui payer la somme de 18484 f r . , qui
lui revient en sa qualité d’héritière du sieur Danty, son
oncle maternel, pour sa moitié du prix de la vente du
domaine de Landel, provenant de cette succession, et
consentie par le sieur Dubois de Saint-Julien conjoin
tement avec le sieur François de Chalus du Châtelet,
son beau-frère, au profit du sieur Denis Gazard, négo
ciant, de la ville de M urât, par contrat du 13 octobre
l y 7 5'
Telles sont littéralement les conclusions par elle prises,
comme on le voit, en grande connoissance de cause, et
avec le contrat à la main. La sentence de séparation
prononce la condamnation de cette somme au profit de
Suzanne de Chalus : au moyen de cette sentence, et de
son hypothèque, qui remoutoit à son contrat de mariage,
elle avoit dans les mains tous les moyens de se faire rem
bourser.
Elle a clle-mêine reconnu et confirmé la vente faite
par son mari. Elle obtient tout ce qu’elle pouvoit exiger,
le remboursement du prix de la vente. Comment donc
aujourd’hui pourroit-elle réclamer la nullité de cette
�M r.'
( 21 )
même vente ? Ne seroit-ce pas avoir et la chose et le
prix ?
La dame de Chalus dira-t-elle que loi's de cette con
damnation elle étoit toujoui’s en puissance de mari; que
ses biens dotaux n’en étoient pas moins inaliénables?
Mais , i°. il ne s’agissoit pas d’aliénation , puisque
l ’objet étoit vendu en vertu du pouvoir qu’elle avoit
donné en majorité par son contrat de mariage ; 2°. il
est de principe que celui qui peut agir peut aussi ap
prouver. O r , on ne contestera pas, sans doute, que la
dame Dubois, séparée de biens, avoit la faculté d’ac
tionner les acquéreurs en désistement, de demander la
nullité des ventes, comme d’exiger le payement du prix,
si les acquéreurs ne s’étoient pas valablement libérés.
La dame Dubois ne px-end pas ce parti; ce n’est point
la nullité des ventes qu’elle demande, elle reconnoît que
son mari à valablement vendu ; elle ne réclame pas contre
les tiers acquéreurs le remboursement du p r i x , elle re
connoît aussi qu’ils se sont valablement libérés : mais
elle demande la condamnation de toutes ces sommes
contre son mari qui les avoit touchées; elle obtient cette
condamnation qui remplit son objet, et lui fait reprendre
tout ce que son époux a touché ou reçu pour elle.
Cette sentence de séparation a passé en force de chose
jugée; la condamnation contre le mari subsiste : il y a
donc une contradiction bien frappante entre cette sen
tence et la demande formée contre le sieur Gazai’d. Elle
réclame contre ce dernier ce qui ne lui est pas d û , ce
qu’elle a droit de reprendre sur les biens de son m ari,
�( 22)
ce qu’elle ne peut obtenir deux fois. Il y a donc contre
sa demande une fin de non-recevoir insurmontable.
La dame veuve Tournemire n’osera pas dire que les
biens de son mari fussent insufïisans pour obtenir le
remboursement de ses créances; elle a produit au procès
plusieurs pièces qui prouveraient sa turpitude. Elle fait
usage d’une expropriation forcée poursuivie sur partie
des biens du sieur Dubois, à la requête d’un sieur Théroulde et d’un sieur Lebarois-d’Orgevalle, tous les deux
prête-noms du sieur Tournemire, ou dont il a acquis les
droits à vil prix. L e sieur Tournemire s’est rendu adju
dicataire des biens expropriés, moyennant une somme de
60000 f r . , c’est-à-dire, pour la moitié de leur valeur; il
s’est ouvert un ordre pour la distribution du prix de
cette vente, et là le sieur Tournemire, figurant comme
cédatàire des prétendus créanciers du sieur Dubois de
Saint-Julien , s’est fait colloquer par jugement d’ordre
pour la totalité du prix ; de manière qu’ il a trouvé le
moyen d’avoir une grande partie des biens sans bourse
délier.
Ce li’cst pas tout encore ; il s’est rendu aussi adjudi
cataire des biens qui appartenoicnt ou sieur D ubois,
d.ins le département de la Corrèze. L à , il iiguroit sous
le nom du sieur Lachapelle, son cousin, qui a fait en
sa faveur une déclaration de mieux. Il a obtenu pour
45000 fr. des biens qui valoient plus de 100000 fr. ; et
c’est lorsque Tournemire est nanti de toute la fortune
de Dubois de Saint-Julien , de tout ce qui formoit le
gage des créanciers dont il a obtenu les cessions par
�( 23)
lassitude; c’est avec cette fortune si considérable, dont
il est en possession , ou dont il a revendu une partie
avec des bénéfices immenses, que la dame veuve Tournemire vient porter l’inquiétude et jeter l’alarme parmi
les créanciers de son m ari, qu’elle a spoliés avec autant
d ’audace que d’indignité.
Les circonstances qui accompagnent cette demande
sont tellement défavorables, qu’elle ne peut se promettre
aucun succès, indépendamment de la fin de non-recevoir
qu’on vient de développer.
Mais ces moyens pourroient-ils avoir quelqu’apparence
de fondement en point de droit? Ce n’est pas sans raison
que les premiers juges, dans leurs motifs, ont tiré parti
de toutes ces circonstances, de ces présomptions graves
et concordantes, qui établissent que la dame Dubois de
Saint-Julien , en ne justifiant d’aucun de ses titres de
cession, a conçu le dessein de tout dissimuler à la justice,
de s’emparer, pour des sommes modiques, de tous les
biens de son mari , et de rançonner les acquéx*eurs; ce
qui est contre toutes les convenances et contre toutes
les règles d’honnêteté et de délicatesse.
En prenant les choses dans l’état où elles se présentent,
la dame Dubois de Saint>Julien ne peut espérer de rendre
le sieur Gazard garant ou responsable de l’inexécution
prétendue des clauses de son contrat de mariage : elle
étoit majeure et maîtresse de scs droits lorsqu’elle s’est
mariée; elle a donné ù son mari le pouvoir le plus absolu
et le plus illimité, de vendre ses immeubles à telle con«
dition qu’il jugeroit à propos. Il est inutile de s’appe
santir sur le point de savoir si elle a pu donner ce droit
�1 24 )
à son mari. Il est constant, eu principe, que la femme
majeure peut donner à son futur le droit de faire ce
qu’elle pouvoit faire elle-même.
Elle lui a donné plein pouvoir et autorité de vendre,
céder et aliéner tous ses biens immeubles, sous la seule
condition et x’éserve de la somme de 10000 fr. que son
futur pourra recevoir sur les premiers deniers à toucher
de ses b ien s, pour en disposer et faire tel emploi que
bon lui semblera.
Il est remarquable que cette permission 'de toucher
10000 francs suit immédiatement la faculté de vendre les
immeubles. Ce n’est qu’après cette clause indivisible, que
la demoiselle Dubois parle de son mobilier, dont elle fait
l’énumération dans son contrat, et pour lequel elle se
contente de l’hypothèque sur les biens de son mari.
L e mari est le maître de toute la dot mobilière ; c’est
son domaine c iv i l , comme le dit Duperrier : il a le
droit de la toucher, de la percevoir; et sa quittance li
bère valablement les débiteurs.
Si pour le prix de ses immeubles elle charge son
mari de l’employer au payement de ses dettes anciennes,
elle le charge aussi d’en déléguer le prix; et les acquéreurs
devoient nécessairement suivre la foi de son indication.
La fin de non-recevoir résultante de la séparation
du 13 janvier 1789, de la saisie-arrêt faite entre les
mains du sieur Gazard iils, sur le prix de celte vente
de 1775, suiliroit pour écarter les prétentions de la dame
de Saint-Julien. Ce sont autant d’actes géminés et npprobatils de la vente, dans 1111 temps ou elle avoit la
liberté d’agir et la faculté de vouloir.
Au
�( *5 )
A u fond, et indépendamment de ces premiers moyens,
il est aisé de prouver que la dame veuve Tournernire
n’a aucune sorte d’action à exercer contre le sieur Gazard.
Il faut considérer d’abord par quel acte le sieur
Dubois a reçu les pouvoirs en vertu desquels il a vendu;
2°. quelle étoit l’étendue de ses pouvoirs, s’il les a ex
cédés ; 30. si l’acquéreur avec lequel il a traité, n’a pas
été forcé, par la nature môme de ces pouvoirs, à suivre
la foi de son vendeur.
Quand on aura discuté ces différentes propositions,
on examinera le mérite des objections de la dame de
Saint-Julien ; il sera besoin surtout de faire remarquer
son inexactitude, et de relever les erreurs dans lesquelles
elle est volontairement tombée.
P r e m i è r e
p r o p o s i t i o n
.
C’est par son contrat de mariage que la dame veuve
Tournemire a donné à son mari le pouvoir le plus ab
solu et le plus illimité, de vendre et aliéner ses biens
immeubles. Les contrats de mariage sont susceptibles de
toutes les conventions : c’est un pacte entre deux familles
qu’ il faut respecter , parce que sans ces conventions le
mariage n’auroit pas eu lieu.
La dame Dubois, née en 1744 , étoit âgée de trente
ans lors de son contrat de mariage; elle avoit déjà ellemême vendu , étant fille, une portion de ses immeubles;
elle avoit une connoissancc exacte de ses liions; ce qui
est assez prouvé par le détail auquel elle se livre dans
son contrat.
D
�( 2 6 }
Quel étoit son objet lorsqu’elle a permis à son mari
d’aliéner ses biens? c’étoit de venir au secours de son
époux, d’affranchir ses propriétés des dettes qui les grevoient; et elle ne faisoit pas un grand sacrifice, puis
qu’elle n’a voit que des propriétés médiocres et indivises,
qui eussent perdu de leur valeur en les divisant. Elle
convient elle-même qu’elle a donné à son mari un pou
voir valable; elle reconnoît qu’il a pu vendre, mais elle
prétend que c’est sous des conditions inséparables de la
permission qu’elle a donnée; et c’est sur cette prétendue
indivisibilité de la condition que roule tout son système.
En quoi consiste donc cette condition ? Est-elle res
trictive? L ’inexécution pourroit-elle entraîner la nullité
de la vente? Ce n’est là qu’une chimère qui ramène à
l’étendue des pouvoirs qu’elle a donnés à son mari, et
à vérifier si ce dernier a excédé ses pouvoirs. C’est l’objet
de la seconde proposition.
S
e c o n d e
p r o p o s i t i o n
.
S’il y a jamais eu d’exemple d’un pouvoir général et
illimité, c’est dans le contrat de mariage qu’on le trouve.
L e mari est le maître absolu : tous les actes qu’il va
passer sont aussi valables que si la femme les avoit
passés elle-même. Sur les premiers deniers à toucher
des bien s, le mari peut disposer à son gré d’une somme
de 10000 francs, et sans aucune désignation. Il est clair
qu’on ne peut entendre par biens que les immeubles :
jusque-là il n’a point encore été question du mobilier;
ou n’a parlé que des aliénations ou des ventes qui sont
�7
C' 27 )
permises au mari; et déjà, avant qu’il soit question du
mobilier, le mari a assigné et hypothéqué cette somme"
de ioooo francs sur ses propres biens. La clause sui
vante établit encore plus clairement que les ioooo fr.
ne s’appliquent qu’aux immeubles. Tout le surplus, estil dit, du prix desdites aliénations ainsi que des autres
droits mobiliers seront employés, etc. Donc la somme
de ioooo francs doit être prise préalablement sur le
prix de la vente des immeubles. C’est une chose avant
l’autre : la future ne s’occupe que postérieurement.de son
mobilier dont elle veut aussi l’emploi à la libération de
son mari.
Et comment cela pourroit-il être autrement? le mari
ne touche point de mobilier lors du contrat de mariage,
la femme ne se constitue que des billets ou effets qu’elle
livre à son mari, si on n’cn excepte une somme de 5oo fr. :
il est dans l’intention respective des parties que la vente
des immeubles soit faite avant l’échéance des effets. C’est
donc nécessairement et préalablement sur le prix des
immeubles que \ù mari pouvort et devoit toucher cette
somme de ioooo francs.
11 faut d’ailleurs faire une bien grande différence entre
les immeubles et le mobilier. I/acquéreur qui achète du
mari un bien dotal de sa femme doit connoître le contrat
de mariage, et a le droit d’en exiger la représentation;
le débiteur du' mobilier, au contraire, n’a pas cette fa
culté. L e mari est le maître du mobilier de sa iemme ;
il peut seul exercer toutes les actions m obilières et en
.faire le recouvrement : le débiteur est tenu de verser
entre les mains1 du m ari, et so libère valablement sans
D
2
�( 2S )
autre examen ; et quoique le mari soit tenu par son
contrat de mariage de faire emploi de ce mobilier, la
femme seule, qui a exigé cette condition, doit veiller à
cet emploi : elle n’a d’action que sur les biens de son
mari ; elle n’en a point contre les débiteurs qui justifient
de leurs quittances.
Point de doute donc que la somme de ioooo francs
a dû être prise sur les immeubles, et que le sieur Gazard a dû payer sans crainte jusqu’à concurrence de cette
somme.
Maintenant Suzanne Chalus a voulu que le surplus
fût employé au payement des créanciers du mari, les
plus anciens et les plus privilégiés , qu’il seroit tenu
de déléguer. Voilà sans doute une indication bien Vague :
il est impossible de savoir et de connoître quels sont ces
créanciers; on n’en désigne aucuns. La dame de Chalus
s’en rapporte pleinement et entièrement à la foi de son
mari; elle l’investit d’une confiance générale : et les tiers
ne doivent pas être plus scrupuleux dans leur examen,
que la femme elle-même. L ’acquéreur qui se présente
prend connoissance du contrat ; il y trouve un pouvoir
illimité donné au mari de vendre les immeubles de la
femme; il y voit bien qu’après ioooo francs le reste du
prix doit être employé au payement des créanciers les
plus anciens. Mais comme c’est d’après la délégation du
mari, et qu’on ne s’est pas mis en même de faire rénu
mération ou la désignation de ces créances, pourvu qu’il
paye à des créanciers indiqués par le mari, il a rempli
toutes les conditions du contrat; il se voit nécessaire
ment obligé de suivre la foi du vendeur. Il n’y a point
�( 29 )
d’excès de pouvoirs : il peut y avoir abus de la part
du mandataire; mais cet abus ne concerne pas l’acquércur : et c’est ce qu’on va démontrer dans la troisième
proposition.
T
r o i s i è m e
p r o p o s i t i o n
.
Par le contrat de vente, du 13 octobre 1775, le domaine
de Landel a été vendu au sieur Gazard par les maris
des deux sœurs. Le sieur Dubois de Saint-Julien donne
quittance de 2884 francs sur la portion qui lui revient;
le surplus du prix, stipulé payable à termes, doit l’être aux
créanciers du sieur de Saint-Julien , qui seront indiqués
par l u i , en conformité et suivant les clauses énoncées
en son contrat de mariage avec Suzanne de Chalus. Cette
condition est répétée deux fois, à raison de la différence
des termes despayemens, et toujours sur l’indication qui
sera par lui faite des créanciers, conformément à son
contrat de mariage.
Une première réflexion qui se présente, c’est qu’il est
impossible au moins d’attaquer la vente de nullité ; car le
mari n’a vendu que suivant les conditions énoncées en
son contrat de mariage : elles sont littéralement rap
portées dans la vente. 11 apprend qu’il ne peut vendre
qu’en faisant payer le prix aux créanciers qu’il indiquera,
conformément au contrat de mariage. Jusque-là pas
d’excès de pouvoirs, sûreté pour l’acquéreur, puisqu’il
doit payer aux créanciers qui lui seront indiqués par le
vendeur, qui doit aussi déléguer d'après son contrat de
mariage.
�( 30 )
La demande en nullité de la vente est donc une véri
table absurdité. Que la dame Dubois se fût bornée à
demander la restitution du prix qui n’auroit pas été payé
aux créanciers plus anciens, il devient alors nécessaire
d’entrer dans quelques explications. Mais qu’elle conclût
à la nullité de la vente et au désistement du domaine,
lorsqu’elle est obligée de convenir qu’elle a pu donner
permission de vendre, lorsque cette vente a été faite con
formément aux clauses du contrat, c’est ce qu’on ne peut
concevoir ni expliquer. Aussi voit-on qu’elle est en con
tradiction avec elle-même dans sa défense ; car dans ses
griefs elle ne conclut qu’à la restitution du p rix, et dans
son mémoire elle demande la nullité : ce n’est donc que
sous le rapport de la demande en restitution du prix que
l’on doit discuter. La demande en nullité est tellement
choquante, qu’elle ne mérite pas un plus grand déve
loppement.
On a déjà prouvé que la somme de ioooo francs a
été valablement acquittée, sans qu’il fût besoin d’emploi :
reste celle de 8484 francs.
Le surlendemain de la ven te, le sieur Dubois de St.Julien indique les créanciers Blattin, Roux et Lamouroux:
le sieur Gazard paye sur cette indication. Blattin étoit
créancier hypothécaire jusqu’à concurrence de la somme
de 7838 francs, et son hypothèque remontoit à 1767; il
étoit indiqué par le sieur Dubois, et le sieur Gazard a
dû croire qu’une hypothèque qui remontoit si haut devoit
être une des plus anciennes; il ne devoit voir autre chose
que l’indication. Lamouroux et Roux , dit-on, n’étoient
que créanciers chirographaircs. Cela peut être; innis ces
�( 3i )
créances étoient des lettres de change; mais ces créances
entraînoient la contrainte par corps; mais ces créanciers
étoient'indiqués par le sieur Dubois; mais enfin le sieur
Gazard pouvoit payer jusqu’à concurrence de ioooo fr.
sans emploi. O r, en payant Blattin, Lamouroux et R o u x,
le sieur Gazard ne pouvoit courir aucuns risques.
Si le sieur de Saint-Julien étoit tenu de déléguer le
prix de la vente aux créanciers plus anciens en hypo
thèques, ou privilégiés, il a abusé de son p ou voir;
mais ce n?est point la faute de l’acquéreur, qui ne pou
voit apercevoir ni éviter cet abus; et on sait que l’abus
de pouvoirs est un fait personnel au mandataire, qui
seul en est responsable : c’est ce qui est enseigné par
D ôm at, dans ses Lois civiltis, liv. I er. , tit. i 5 , sect. i re.,
n°. i r . Celui qui donne un pouvoir à un tiers est obligé
de répondre de ce qui uura été mal géré par celui qu’il
commet , sauf son recours contre le mandataire : telle
est la disposition de la loi 21 , §. d ern ., ff. de neg. gest.
Voici comment s’explique cette loi : M andatu tuo negot¿a mea L ucius T itiu s gessit, quod is non rectè gessit,
tu mihi actione negotiorum gestorum teneris ?ion in hoc
tantum ut actioncs tuas prœstes, sed etiam quod itnprudenter eum elegeris, ut quidquid detrimenti negligentùî cju sjecit tu rnihi prœstes.
L ’art. 1991 du Code Napoléon dit que le mandataire
est tenu d’accomplir le mandat tant qu’il en demeure
chargé, et répond des dommages-intérêts résultans de
son inexécution. Par l’article suivant, il est tenu nonseulement du d o l , mais encore des fuutcd qu’il commet
dans sa gestion.
�( 3* )
En appliquant ces principes à l’espèce, qu’étoit ici le
sieur Dubois de Saint-Julien? Il étoit le mandataire de
sa femme. S’il n’a pas bien rempli son mandat, si elle
l’a imprudemment choisi, s’il n’a pas fait des indications
conformes à son mandat, il en est responsable; il est
tenu des dommages-intérêts : mais la dame Dubois n’a
d’action que contre lui; elle a à se reprocher de ne pas
avoir limité davantage son pouvoir, de ne pas avoir fait
une délégation plus précise, de s’en être rapportée à son
indication. Cette délégation est absolument extrinsèque,
ne tient pas à la substance de l’acte, et ne peut vicier
ni la vente ni les payemens.
Dès que la dame Chalus s’<*toit elle-même livrée à son
époux par la généralité de ses pouvoirs , l’acquéreur
devoit donc, suivre la foi de son vendeur. En effet, de
deux choses l’une; ou la dame Chalus connoissoit les
dettes anciennes et privilégiées de sou mari, ou elle ne
les connoissoit pas.
Dans le premier cas, il étoit tout simple de prévenir
toutes discussions, en indiquant elle-même les créanciers,
et les dettes à acquitter.
Dans la seconde hypothèse, si elle ne les connoissoit
pas, si elle ne s’est pas fait représenter l’état de ces
créances, il est évident qu’elle s’est entièrement confiée
à son mari, et s’en est rapportée à lui sur les payemens.
Comment voudroit-elle aujourd'hui rendre les acquéreurs
garans de l’abus que son mari a fait de sa confiance illi
mitée ? Il a vendu et délégué en vertu d’un pouvoir
spécial; il n’apparlenoit pas à l’acquéreur de s’immiscer
dans aucune recherche à cet égard : il étoit même im
possible
�( 33 )
possible à cet acquéreur d’obtenir, relativement aux dettes
personnelles du sieur de Saint-Julien, d’autres connoissances que celles que ce vendeur vouloit donner. Les
immeubles vendus appartenoient à la dame de SaintJulien , le prix en provenant devoit être employé à l’ac
quittement des dettes du mari; que pouvoit faire l’acqué
reur dans cette circonstance? Il achetoit sous l’empire de
l’édit de 17 71, devoit-il obtenir des lettres de ratification?
mais ces lettres de ratification ne lui auroient fait connoître que les créanciers de la femme, et ce n’étoit'point ,
à eux qu’il devoit payer le prix. Devoit-il rechercher les
oppositions qui pou voient subsister sur le sieur Dubois?
mais ces oppositions, s’il en existoit, ne lui am’oient appris
ni la date ni la nature des créances. La législation hypo
thécaire qui existoit à l’époque de la vente ne donnoit
aucune publicité aux hypothèques ; le créancier chirographaire a v o it, comme le créancier hypothécaire, le
droit de former opposition au bureau des hypothèques :
cette recherche eût donc été absolument vaine; et il ne
restoit d’autre moyen au sieur Gazard, pour se libérer,
que de suivre l’indication de son vendeur.
Il faut toujours se reporter au temps où les actes ont
été faits. Aujourd’hui, et depuis la loi du 11 brumaire
an 7 , il est facile de connoître les créanciers hypothé
caires; il suflit de retirer un extrait des inscriptions du
bureau des hypothèques : ces inscriptions a p p r e n n e n t la
date des titres, par conséquent l’antériorité d e s . créances.
L ’éditde 1771 n'oiï'roit pas cette ressource; on ne pouvoit
connoître les titres hypothécaires que lors de l’ordre ou
distribution des deniers sur le prix d’une vente ; et le
E
�( 34 ) ^
sieur Gazard ne pouvoit pas même user de ce moyen,
puisque les immeubles vendus appartenoient à la femme,
et qu’il devoit payer aux créanciers du mari.
Ce n’est donc qu’en confondant les temps et les lieux
que l’appelante a pu donner quelque couleur à un sys
tème extravagant. Et lorsqu’on considère que l’appelante
a obtenu contre son mari la condamnation du prix de
cette vente; lorsqu’on la voit elle ou ses enfans en pos
session de tous les biens de ce même mari; quand on se
pénètre des clauses du contrat de mariage, qu’on y trouve
un pouvoir absolu et illimité de vendre tous les im
meubles , que le prix doit en être payé aux créanciers
du m ari, et sur l’indication du mari, on demeure con
vaincu que le sieur Gazard n’ayant acquis que confor
mément aux clauses du contrat, n’ayant payé que sur
l’indication du mari, est nécessairement à l’abri de toutes
recherches à cet égard.
On ne peut s’empêcher d’observer encore que par une
fatalité singulière, et une préférence dont le sieur Gazard
se seroit bien passé, la dame Suzanne dp Chalus ne s’est
adressée qu’à lui ; et cependant elle nous apprend ellemême dans son mémoire, que postérieurement à la vente
de 1775 le sieur Dubois de Saint-Julien a vendu le do
maine de la Verrière au sieur Teilhard, domaine qui est
d’une égale valeur A celui de Landel. Le sieur Teilhard,
comme le premier acquéreur, a payé un à-compte lors
de la vente, et s’en est rapporté pour le surplus à l’in
dication de son vendeur, qui n’a pas été plus exact que
lors du premier contrat. Cependant la dame de Chalus
a gardé le sileuce sur cette vente. Il étoit dans l’ordre
�( 35 3
des choses, si elle croyoit avoir des droits, de s’adresser
d’abord au dernier acquéreur ; c’étoit le moyen d’éviter
un circuit d’actions. Elle pouvoit recevoir tout .ce qui
lui étoit dû de ce second acquéreur, pourquoi a-t-elle
donc dirigé exclusivement ses poursuites contre le sieur
Gazard ? On ne peut imputer cette démarche qu’à des
intentions perverses et de mauvaise foi.
Mais cette vente postérieure est un obstacle à la de
mande de la dame de Chalus. Il est dans les principes
qu’on doit d’abord épuiser les derniers acquéreurs avant
de remonter aux premiers. Il est bien évident que la
dame de Chalus, même dans son système, n’est qu’une
simple créancière, que les ventes sont inattaquables, que
le premier acquéreur auroit un recours contre les der
niers : la dame de Chalus devoit donc, avant tout, épuiser
les derniers acquéreurs; et en supposant qu’elle eût des
droits, elle seroit non recevuble à les exercer contre le
sieur Gazard.
Il ne s’agit plus que de parcourir rapidement les objec
tions proposées par la dame de Chalus, qu’elle a divisées
en cinq questions.
Dans la première, elle prétend que Gazard n’a pas
payé valablement jusqu’à concurrence de ioooo francs.
C ’est attaquer l’acte dans sa substance même ; et c’est
alors qu’elle se promène de suppositions en suppositions.
Elle n’est pas exacte, lorsqu’elle dit que cette somme
étoit à prendre sur les premiers deniers; il falloit au moins
achever la phrase : à toucher des biens de la demoiselle
fu tu r e ; il falloit dire que cette phrase se lie avec la permissiou de vendre les immeubles, qu’elle en forme l’emE 2
�>V Xl(t-
( 36 )
,
semble ; que ce n’est que le surplus du prix des aliénations,
ainsi que les droits mobiliers, que le mari est obligé d’em
ployer.
Elle n’est pas exacte, loi’squ’elle dit que le mari a
touché, lors du contrat, la somme de 7384 f r . , puisqu'il est constant qu’il n’a reçu que la somme de 5oo fr. ;
que le surplus consistoit en billets ou effets payables à
termes, et qui ne répondoient pas à l’urgence des besoins
du mari.
Elle n’est pas exacte encore, lorsqu’elle parle de la
somme de 14500 francs reçue du sieur d’Anglard, puis
qu’elle est obligée de reconnoître elle-même que la quit
tance donnée au sieur d’Anglard est postérieure et à la
ven te, et à l’ indication des payemens.
L e surplus de la discussion n’est qu’un jeu de mots et une
ridiculité. Elle voudroit élever des doutes sur la sincérité
de la date de ces mandemens, comme si la date n’obligeoit
pas celui qui a souscrit le mandement, lorsque la dame
de Chalus reconnoît elle-même, par sa sentence de sépa
ration, que le mari avoit touché cette somme, et qu’elle
n’a formé sa demande qu’après le décès du mari.
La dame Suzanne de Chalus n’est pas plus lumineuse
sur la seconde question. Elle prétend que le sieur Gazard
n’a pas valablement payé sur l’indication de son mari;
elle veut combattre les principes qu’il a invoqués; elle
soutient que la loi de negnt. gest. , citée par le sieur
Gazard, ne s’applique qu’à un mandat général et in
défini, et elle prétend que dans l’espèce le mandat étoit
limité : mais elle n’a pas même cherché à prouver cette
assertion ; elle met en fait ce qui est en question , et
�( 37 )
combat la difficulté par la difficulté. Comme on croit
avoir démontré que le mandat étoit général et absolu,
que Suzanne Chalus s’étoit elle-même livrée par la géné
ralité de ses pouvoirs , et s’en étoit entièrement remise
à l’indication de son mari , ce seroit tomber dans des
l'épétitions que de s’occuper plus long-temps d’une asser
tion aussi hasardée.
La dame Suzanne de Chalus n’est pas plus conséquente
sur la troisième question ; elle prétend que Gazard a
pu et dû connoître s’il existoit des créances antérieures.
Il n’a voit qu’à se transporter, dit-elle assez légèrement,
au bureau des hypothèques, et vérifier s’il existoit des
oppositions. Mais on a déjà fait voir à la dame de Chalus
que l’existence des oppositions n’auroit rien appris au
sieur Gazard : ces oppositions n’énonçoient ni la date,
ni la nature des créances ; le créancier chirograpliaire
formoit son opposition comme l'hypothécaire-, il n’y avoit
donc aucun moyen possible de vérifier la priorité des
créances.
La dame de Chalus prétend établir sur la quatrième
question, qu’il existoit des créances antérieures à celles
acquittées par le sieur Gazard ; elle a pris la peine de
faire deux tableaux pour la plus grande intelligence de
cette partie de la cause, et elle n’a pas atteint son but,
car elle n’a fait que l’obscurcir. Qu’importe au sieur
Gazard, et à tout autre, de connoître ce qui s’est passé
dans cette famille; les institutions, les substitutions, les
élections, les Gorsse, ou les Dubois ? D ’abord la dame
Gorsse vivoit encore à l’époque de 17 7^ , et c’étoit à
elle à se mêler de ses affaires.
�zï*
( 38 }
La seule chose qui n’est pas fort importante, mais qui
auroit au moins quelque chose de plausible, eût été de
savoir s’il existoit des oppositions. La dame de Chalus,
malgré toutes ses recherches, n’en a présenté que quatre:
mais sur ces quatre oppositions, l’une faite à la requête
du sieur Troupinon-Dum as, ne frappe que sur la suc
cession Danty, et par conséquent étrangère à la question;
l ’autre, du 3 décembre 17 7 6 , également postérieure à
la vente, frappe sur Marguerite Gorsse, qui vivoit alors:
elle est faite à la requête d’un sieur Barre, procureur,
demeurant à Clermont; et ce Barre, qui ne réclame rien,
n’a jamais figuré parmi les créanciers Dubois. Une troi
sième, du 30 avril 1774, faite à la requête des sieurs
Simond , frappe encore sur Marguerite Gorsse. Enfin,
u n e - quatrième, du 18 octobre 1773, faite à la requête
du sieur Jean Beraud, porte seule sur François Dubois,
sans énoncer aucuns titres. D e sorte que le sieur Gazard
ne pouvoit acquérir aucune lumière sur la priorité ou
l’ancienneté des créances, et n’a voit d’autre boussole que
l’indication de son vendeur.
Il ne paroît même pas que ces créanciers aient pris
aucune précaution conservatoire. Si Théroulde est aux
droits de Beraud, Tournemirc est lui-même aux droits
de Théroulde, et a dans ses mains le gage des créanciers.
Ma is la dame Suzanne de C halus, qui ne veut jamais
paroîlre embarrassée , prétend que quand bien même
les créanciers anciens auroient laissé prescrire leurs titres,
elle seroit toujours fondée à dire que le sieur Gazard
n’a pas rempli le mandat qui lui étoit imposé ; c’est
tourner autour d’un cercle vicieux : car bien certaine-
�C 39 )
m e n t, si les anciennes créances étoient prescrites , le
payement fait à Blattin, Lamouroux et R o u x, rempliroit
alors l’objet de la vente, et la dame Chalus n’auroit aucun
motif pour se plaindre.
La dame de Chalus a-t-elle mieux raisonne lorsqu’elle
a prétendu qu’elle n’agissoit pas comme créancière, mais
comme propriétaire ? Pour le dire ainsi, il faudroit
prouver la nullité de la vente, et c’est ce qui a le moins
occupé la dame Suzanne de Chalus.
lia cinquième question retombe dans les premières, et
n’offre que du vague ou de l’incertitude. La dame de
Chalus voudroit prouver que la permission de vendre
ne peut pas être séparée de la condition ; elle invoque à
cet égard l’autorité du dernier commentateur sur l'art. 3
du titre 14 , qu’elle voudroit expliquer à sa manière. L e
dernier commentateur suppose une condition limitée,
comme une charge d’emploi en d’autres fonds , ou en
payement de dettes, ce qui suppose les dettes de la femme,
ou en acquisition d’une charge, etc. : c’est alors qu’il dit
avec fondement que la condition est inséparable de la
permission, parce qu’il y a un objet certain et déterminé
qui forme la matière de l’engagement, qui est nécessaire
pour la validité de la convention. Mais lorsqu’il s’agit
d’une condition vague et indéterminée, d’une chose dont
le mandataire est le maître, puisqu’on se livre à sa foi,
alors il n’existe plus de condition essentielle et insépa
rable. On ne peut mieux comparer cette clause générale
et si étendue, qu’à celle par laquelle le mai’* se seroit
engagé à employer sur le plus clair et le plus liquide de
ses biens. O r , le dernier co m m en ta te u r, 6°. quest., ne
�%%<?( 4 0 )
pense pas qu’une clause aussi vague puisse équivaloir à
une condition d’emploi. Ce seroit entraver les transactions
commerciales; il n’y auroit plus de mutations certaines;
et l’intérêt public exige qu’on puisse donner toute sûreté
comme toute facilité dans les mutations.
La dame de Chalus en revient toujours à prétendre
que le mandat étoit borné et limité ; elle invoque cet
adage de droit : Fines maïuiati custodiendi sunt. Mais
qu’elle se rappelle donc qu’on lui a nié la majeure, qu’on
lui a prouvé que son mandat étoit général et absolu,
qu’elle n’a d’action que contre son m ari, s’il est vrai
q u ’ il ait abusé de son pouvoir, et q u ’elle l’a ainsi reconnu
en faisant elle-même prononcer la condamnation contre
lui de toutes les sommes qu’il a reçues sur le prix des
ventes.
Restent les demandes incidentes du sieur Gazard : la
dame de Chalus les combat bien foiblement; elle auroit
d’ailleurs bien mauvaise grâce de contester au sieur Ga
zard les sommes qu’il a payées à sa décharge, et notam
ment la créance Saubrier. Mais la dame de Chalus pré
tend que le sieur Gazard n’a pas voulu faire attention
que les premiers juges avoient employé cette somme à
compléter le prix de la vente de 1776; et c’est préci
sément de quoi se plaint le sieur Gazard. 11 avoit payé
bien au delà de sa dette , indépendamment de cette
créance ; et il entend avec raison la répéter contre la
dame Chalus, en la faisant débouter de sa demande. Il
se plaint de ce que les premiers juges ont ajouté cette
somme pour compléter le prix de la vente, parce que
c’est un moyen de la lui faire perdre, si d’ailleurs il est
libéré
�( 4 i )_
libéré du prix de son acquisition. O r il a payé bien
au delà : 2884 francs quittancés par le contrat, 13000 fr.
au sieur Blattin , 1600 fr. au sieur Lamouroux, 1000 fr.
à R o u x , 1871 fr. qu’il a payés de plus au sieur Blattin,
les intérêts de ces sommes : tout cela s’élève au delà de
la somme de 18484 francs dont il étoit débiteur.
Les premiers juges ne devoient point retrancher de ce
payement les créances qu’ils regardent comme cliirographaires, puisque le sieur Gazard n’avoit payé que sur
l’indication du sieur Dubois; les premiers juges l’avoient
ainsi décidé par leurs motifs précédens, et se trouvent
en contradiction en faisant porter la créance Saubrier
sur le prix de la vente. Ce grief est donc bien fondé,
puisque la dame de Chalus ne peut pas même contester
la légitimité de la créance; et quand elle vient dire que
le sieur Gazard, en réclamant cette somme, reconnoît la
nullité de la vente, elle ne fait que déceler son embarras
et la pénurie de ses moyens.
L e second grief du sieur Gazard a déjà été expliqué
dans le cours du mémoire. On n’a pas oublié que le
sieur Dubois de Saint-Julien pouvoit vendre à telles
charges et conditions qu’il lui plairoit. La solidarité sti
pulée avec le sieur de Chalus, son beau-frère, étoit une
condition essentielle et indispensable de la vente : elle
résulloit de l’indivision du domaine, qui 11e pouvoit se
vendre que cumulativement et solidairement. La dame
de Chalus a dit que tous les actes faits par son mari
auroient la même force et validité que si elle les fai soit
elle-même. C’est donc elle-même qui a contracté un en
gagement solidaire; et si les premiers juges l’ont conF
�( 4^ )
damnée justement k rembourser au sieur Gazard les
sommes qu’il avoit payées pour obtenir la ratification
de la vente de 1773 , il falloit aussi porter la même
décision pour la ratification de la vente de 177^ : ubi
cadem ra tio , ibidem jus.
A l’égard des autres sommes payées pour frais des
demandes hypothécaires ou pour y défendre, de celles
payées pour arrérages de cens, impositions, ou rentes
antérieures à la vente, Suzanne de Chalus n’a pas entrepris
de les contester. '
On terminera cette discussion par une observation
essentielle. Dans le prix de la vente du domaine de Landel,
il y est entré la somme de 4000 francs pour mobilier >
dont 2000 francs pour la portion du sieur Dubois de
Saint-Julien. Cet objet n’étoit point assujéti à un emploi;
c’étoit une somme que le sieur de Saint-Julien avoit
droit, comme mari, de recevoir : elle seroit donc aussi
à diminuer sur celles qui devoient être payées aux créan
ciers. Enfin le bien avoit été vendu franc et quitte de
toutes dettes et hypothèques, et on a vu que le sieur
Gazard, à peine devenu a c q u é r e u r , avoit été assailli de
demandes hypothécaires.
Cette acquisition, loin de lui être avantageuse, n’a cessé
de lui donner des inquiétudes; et après plus de trente
ans de possession, on le voit encore obligé de parcourir
tous les degrés de juridiction pour se défendre contre
une demande inconvenante et hasardée. C’est une femme
qui a dans ses mains toute la fortune de son mari; qui
n’a d’autre but, d’autre objet, que de rançonner un ac
quéreur de bonne foi; qui lui donne la préférence sur
�( 43 )
des acquéreurs postérieurs, comme sur les détenteurs des
biens de son mari, qui lui off roient une ressource certaine.
Les circonstances, les principes, les motifs de considéra
tion se réunissent en faveur du sieur Gazard, et il a tout
à espérer de la justice de la Cour.
M . C A T H O L , rapporteur.
Me . P A G E S ( d e R i o m ) , ancien avocat.
M e. M A N D E T , avoué licencié.
/-v
m o, <a - ( f - ,
'
A RIOM , de l’imp. de TH IBAU D , Imprim. de la Cour impériale, et libraire
rue deS Taules, maison Landriot. — Mai 1810,
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Gazard, Antoine. 1810]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Cathol
Pagès
Mandet
Subject
The topic of the resource
biens dotaux
contrats de mariage
créances
hypothèques
biens paraphernaux
successions
ventes
domaines agricoles
ferme
créanciers chirographaires
autorité maritale
stellionat
fraudes
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire pour maître Antoine Gazard, avocat, maire de la ville de Murat, intimé, et incidemment appelant ; contre dame Suzanne de Chalus, veuve en premières noces de François Dubois de Saint-Julien, et en secondes noces de Pierre Tournemire, appelante d'un jugement rendu au tribunal civil de Murat, le 14 prairial an 9. Questions. Le pouvoir d'aliéner les biens dotaux, énoncé au contrat de mariage de la dame de Chalus, est-il général et illimité ?
tableau des créances du père et de la mère
note manuscrite : « 13 août 1810, 1ére chambre, bien jugé sur les deux appels. »
Table Godemel : Conditions : 3. le pouvoir donné au mari d’aliéner les biens dotaux, énoncé dans un contrat de mariage, peut-il être séparé de la condition pour laquelle il a été donné ? la condition donnée au mari d’employer le prix provenant des ventes en payement de ses dettes et créances hypothécaires, en commençant par les plus anciennes, et qu’il sera tenu de déléguer, a-t-elle pu obliger l’acquéreur de rechercher la date de ses créances, même sous l’empire de l’édit de 1771 ? L’indication faite par le mari a-t-elle valablement libéré l’acquéreur ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
de l'imprimerie de Thibaud (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1810
1773-1804
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
43 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2008
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2007
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53378/BCU_Factums_G2008.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Murat (15138)
Saint-Etienne-aux-Clos (19199)
Landet (domaine de)
Veirière (domaine de)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
autorité maritale
biens dotaux
biens paraphernaux
contrats de mariage
Créances
créanciers chirographaires
domaines agricoles
ferme
fraudes
hypothèques
stellionat
Successions
ventes