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be2b0dab7e6427c106479f39efad3794
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CONSULTATIONS
P O U R
LES SIEURS DELSOL, FRERES;
CONTRE
LA
DAM E
VEUVE
LEUR
SOEUR
V IG IE R -D ’O R C E T ,
CONSANGUINE.
( V o i r , pour le fait et les questions élevées à ce sujet, la Sentence ci-join te, du 22
août 1808, intervenue depuis la première Consultation, et dont lesdits sieurs D e lsol
sont appelants ; voir en outre (pour plus grand développement des principes consacrés
par l’A rrêt solennel du 17 février 176 7, sur la transmissibilité du retour conventionnel)
la copie ci-jointe du Précis qui a étc imprimé pour lo rs, et auquel renvoient les
Consultations. )
PARIS,
D E L ’I M P R I M E R I E D E M AM E F R È R E S .
1809.
�PREMIÈRE CONSULTATION.
F A IT S E X P O SÉ S.
L
e
S O U S S I G N É , auquel il a été exposé,
Q ue, par le contrat de mariage passé entre le sieur GabrielBarthélemi de Yigier et la demoiselle Delsol de Volpilhac, en
1760 , à Aurillac, le sieur Delsol père a donné à la future sa
fille , ce acceptante , et par avancement d’hoirie , les domaine
et terre Duclaux , en quoiqu’ils puissent consister, aux mêmes
charges et conditions que le délaissement lui en seroit fait el
adjugé, conformément aux demandes par lui formées aux re
quêtes du Palais} et, a défaut d’adjudication de ladite demande
en délaissement, il a donné à ladite future toutes les créances
qu’il avoit à exercer sur lesdits biens en capitaux et accessoires;
Que , par le même contrat , ledit sieur D e l s o l père a en
outre donné à ladite future sa fille la somme de 10,000 liv.,
qui a été délivrée audit sieur futur époux; qu’à l’égard du sur
plus de ses autres biens qui se trouveraient lui rester lors de
son décès, il a promis de n’instituer d’autres héritiers que
ladite future sa fille , sous la réserve de l’usufruit de ces
mêmes biens , qu’il pourrait cependant vendre eL e n g a g e r tant
a la vie qu’à la mort, et sous la réserve en ou tre de pouvoir dis
poser d’une somme de 10,000 l iv ., qui resterait a ladite future,
s’il n’en disposoit [»as ; comme aussi à la charge par sadile fille
de payer Goo liv. de pension à la dem oiselle Lagarde, sa bellc1
�/
( 3 )
mère , si celle-ci survivoit à lui donateur; qu’enfin le sieur
Delsol père s’est réservé expressément (pour le cas où ladite fu
ture épouse décèdei’oit sans enfants, ou ses enfants sans des
cendants et sans avoir disposé valablem ent), le d r o i t d e
r é v e r s i o n , ta n t d e s b ie n s d o n n é s q u e r é s e r v é s , s a n s q u ’i l
p u t ê t r e d é r o g é p a r s a d i t e j i l l e a u d it d r o i t d e r e v e r s io n , p a r
a u c u n e d i s p o s i t i o n , n i a u tr e s a c t e s à c e c o n tr a ir e s ;
Q u’en conséquence, le sieur Delsol père a cru pouvoir dispo
ser du droit de réversion qu’il s’étoit réservé, comme d’un droit
qu’il avoit in b o n is , et faisant-partie de son patrimoine , ainsi
qu’il résulte de son testament fait en 1780, annulé poux vice
de forme seulement, par lequel il appeloit son fils ain e, et
successivement 6es autres enfants, par ordre de primogeniture,
à profiter de ce même droit;
Que ledit sieur Delsol père , décédé depuis, a transmis né
cessairement à ses héritiers tous les droits, même éventuels,
dont il étoit saisi, et, par conséquent, le droit de réversion
qu’il s’étoit réservé expressément pour le cas du décès de sadite
fille sans enfants , et de ses enfants sans enfants, et qu’ainsi ils
ont l’espérance , le cas arrivant, de recueillir, comme effets de
la succession de leur père , les biens dont il a stipulé le retour
à son profit, c’est-à-dirc non seulement ceux qu’il avoit donnés
irrévocablement sous la seule réserve du retour, sans même en
retenir l’usufruit, mais encore ceux qu’il avoit compris dans
rinstitution contractuelle de sa fille, avec réserve de pouvoir les
vendre ou engager (même d’eu jouir en usufruit sa vie durant),
et que cependant il n’a ni vendus ni engagés ;
�Mi
(
3
Avis y relatif.
E s t d ’ a v i s que les enfants et héritiers Delsol sont saisis de
tous les biens et droits dont leur père est décédé saisi, et qu’en
cette qualité ils ont droit, la condition du retour arrivant, à
tous les fonds et créances qu’il a pu donner à sa fille en la
m ariant, tant ceux par lui donnés irrévocablemeut que ceux
pour lesquels il l’a instituée s o n héritière contractuelle, c’est-àdire même à ceux desdits fonds et créances qu’il s’étoit réservé
de pouvoir vendre ou engager, et que cependant il n’a ni ven
dus ni engagés 5
Q u’en conséquence lesdits héritiers, comme propriétaires et
créanciers conditionnels, sont fondés dès à présent, non pas à
intenter aucune action pour revendiquer les fonds en question,
ou pour exiger le paiement des créances dont il s’a g it, mais à
faire tous actes conservatoires de leursdits droits éventuels {art.
i i 80 du Code civil) , notamïnent à requérir toutes transcrip
tions et inscriptions nécessaires dudit contrat de mariage , aux
bureaux de la conservation des hypothèques , dans les arron
dissements desquels sont situés les fonds en question, ou cent
affectés à l’hypothèque desdites créances ; le tout à reflet d'em
pêcher que leur sœur et autres possesseurs desdits fonds, ou
les débiteurs desdites créances, puissent préjudicier aux droits
éventuels de propriété et d’hypothèque des requérants; comme
aussi à défendre à toute demande qui seroit formée contre eux
à fin de radiation desdites transcriptions et inscriptions.
�O B S E R V A T IO N S .
Principes sur la transmissibihté des stipulations
conditionnelles.
Il ne s’agit pas ici d’un retour lé g a l, qui sans doute ne seroit
pas transmissible aux héritiers du donateur décédé avant son
ouverture.
C ’est par convention, par stipulation expresse que le donateur
s’est réservé ce droit pour l’exercer, comme tous ses autres droits,
par lui-mème ou par ses ayants-cause, quels qu’ils fussent, le
cas de la condition arrivant.
A la vérité, ce n’est qu’ une espérance jusqu’à l’arrivée de la
condition, du moins tant qu’il est possible que la condition ar
rive ou n’arrive pas) , e x stipulatione conditionali tantiim
spes est debitum ir i , In st., §.- 4 > D e verborum obligationibus ; mais cette espérance est transmissible, eamque ipsam
spem in hœredem transmittimus , s i, priusquàm conditio
e x s t e t , mors nobis contingat, ibidem. E t la raison en est que
dans les contrats la condition a effet rétroactif au temps de
l’acte , quasijam contracta in prœteritum em ptione , Leg. 8,
if. D e periculo et commodo rei venditœ ; Leg. 78 , lï’. D e
verborum obligationibus y Leg. iG , if. D e solutionibus et
libérât ionibus.
A in si, la condition une fois arrivée , la stipulation a le même
effet que si elle avoit été faite sans c o n d itio n : C iim en irn s e m e l
c o n d itio e x t i t i t , p e r i n d è h a b e tu r a c s i illo te m p o r e q u o s t i p u la tio i n t e r p o s i t a e s t , s in e c o n d itio n e f a c t a e s s e t , Leg. 11,
S* 1 j if- Q u i p o ti o r e s . Car dans les stipulations011 ne considère
�f4
'
■( 5 )
que le temps où le contrat est Fait: Quia in stipulationibus tem■ pus spectatur quo contrahimus. Leg. 18 , v e rs., F iliu sfa miliaSj ÎT. D e regulis juris.
E n fin , il n’est pas nécessaire que la condition arrive pendant
la vie du stipulant : Ciim quis sub aliqucî conditione stipulatus fu erit, posteà existente conditione hceres ejus agere
potest, In st., p. 25 , D e inutilibus stipulationibus.
Ils ne souffrent aucune exception.
Cette règle ne reçoit aucune exception , pas même pour les
faits stipulés sous condition , quoiqu’ils pussent paroître person
nels de leur nature : Generaliter sancimus omneni stipulationem , sive in dando, sive in faciendo , sive m ixta e x
dando et faciendo inveniatur , et ad liœredes et contra hceredes transniitti, sive specialis hceredum Jiat mentio , sive
non. Leg. i 3 , Cod. D e contrahendd et committendd stipu-
latione y c a r, comme le dit Pedius , Leg. 7 ,
8 , ff. D e
pactis : Plerumquè persona pacto inseritur , non ut personale pactum J ia t, sed ut demonstretur curn quo pactum
factuni est.
A in si, l'héritier n’a pointa prouver que son auteur a voulu
stipuler pour lui \ c’est à celui qui le prétend exclu par la stipu
lation à prouver sa prétendue exclusion : Quamvis verum
est quod qui excipit probare debet quod excipitur, attarnen
de ipso dun taxat, at non de hcerede ejus convenisse petitor, non qui excip it probare debet. Leg. 9 , if. D e probationibus etpraïsuniptionibus. E t l’on décidoit en conséquence
que, le fils de famille qui a stipulé sous condition ayant été en
suite émancipé, l’action appartient an père, quoique la condition
�( 6 )
soit arrivée depuis l'émancipation. Leg. 78 , ff. D e verborum
obliga tion ibus.
En un m o t, comme le dit Jean-Jacques Schüts dans son
Compendium ju r is , au titre D e pactis : Conditio casualis
suspendit actiîs perfectionem , adeo ut ipsum ju s in suspenso s it , et tantum spes sit debitum iri , fjuce tamen spes
in conventionibus hoc fa c it , ut quis creditor dicatur, atque
res ipsius bonis annumeretur . . . . h inc apparet, pendente
conditione y aliquid subesse quod conventionem sustentât >
atque sic obligationem tanquam in utero materno latere ;
c’est un enfant dans le ventre de sa mère , q u i , une fois venu
au monde, est réputé né dès le moment de sa conception: Undè
conventiones conditionales e x pressenti vires accipiunt,
quod seciis est in legatis ; ut itaque conventio conditionalis obligationem producat , conditio casualis omnino e x pectanda e s t . . . . conditione autem sem el existente, perin dè habetur ac s i ab initiopure conventumesset, et statim ve~
nit ac cedit dies.
s
Pas même pour les contrats bienfaisants. Arrêt solennel
¿1 ce sujet de 176']'.
Ces décisions s’appliquent non pas seulement aux conditions
stipulées dans les contrats intéressés , mais aussi h celles des
contrats bienfaisants.
Cependant La Rouvière a prétendu le contraire dans son
T r a i t é du droit de retour, liv. i cr, chap. i 3 , où il veut que le
retour stipulé par les donateurs , pour le cas du décès du dona
taire sans enfants, ne soit pas transmissible aux héritiers du do
nateur, décédé avant l’événement de la condition; et il se fonde
�(
7 )
sur la loi Quod de pariter , ff. D e rebus dubiis, qui, dans le
fait, ne décide qu’une question de survie (comme le soussigné
l’a démontré dans la seconde partie de* son précis , imprimé en
17675 pour le sieur Réné Louis, l’héritier et consorts, contre
le marquis de Mesme, appelant de sentence rendue au parc
civil du Châtelet de Paris , le 29 juillet 17G6, après cinq au
diences.)
M ais, comme l’a démontré pareillement le soussigné dans la
même partie de son précis, la loi Caïus , 45 , ff. Solato matrimonio , et la loi A via , 6 , au Code , D e jure dotium , déci
dent au contraire que le retour conventionnel est transmissible
aux héritiers du donateur , quoique celui-ci soit décédé avant
l’événement de la condition sous laquelle il avoit stipulé le re
tour à son profit. E t c’est aussi ce qui a été jugé en grande connoissance de cause, dans la première cause du rôle d’après la
Chandeleur, par arrêt solennel du parlement de P aris, en la
grand’chambre, le 17 février 1767, qui confirme ladite sentence.
Cependant la cause de l’appelant avoit été plaidée, tant au
Châtelet qu’au parlement, par M. Tronchet, et c’étoit bien le
cas de lui appliquer ce que Virgile avoit dit d’IIector : St Per~
gama dextrd defendi potuissent , etiam hac defensa fu is
sent. Mais malgré les grands talents et les prodigieux efforts
du défenseur, qui passoit dès-lors à juste titre pour un des plus
profonds jurisconsultes de ce temps, tous les magistrats, ainsi
que l’avocat général Barcntin , qui portoit la parole, reconnu
rent facilement, comme avpient fait les premier? juges, que
pour cette fois M. Tronchet s’étoit trompé ; qu’en effet la pré
tention de son client, qu’il avoit ilcfpudu avpc .tflnt de zèle,
étoit évidemment subversive des principes gén éra^ sui'lii trans
mission de toutes stipulations conditionnelles, q uçjle étoit con-
�(S)
traire à toutes les décisions des docteurs et des lois sur la trans
mission du retour conventionnel en particulier, et qu’enfin
elle étoit également contraire à la jurisprudence établie par tous
les jugements rendus sur cette question, comme le soussigné
l’avoit démontré dans les trois parties de son précis imprimé.
L es lois nouvelles n’y ont point dérogé.
On a cependant tenté encore dans ces derniers temps de re
nouveler la même prétention, en soutenant que le droit de re
tour , stipulé par le donateur , ne pouvoit avoir lieu qu’à son
profit personnellement, c’est-à-dire autant seulement qu’il survivroit à l’événement de la condition du retour qu’il se réservoit; mais il falloit pouvoir mettre en avant de nouveaux pré
textes, autres que ceux qui ont été proscrits si solennellement
par l’arrèt du 17 février 17O7.
O n a cru les trouver d ans la loi des 25 octobre et i/j novem
b r e 17 9 2 , qui abolit toutes les substitutions non encore ou
vertes, dans l’article 896 du Code c iv il, qui les prohibe pour
l’avenir, et dans l’article 9 5 i du même Code, qui prohibe
toute stipulation conditionnelle du retour des choses don
nées , au profit d’autres que le donateur se u l, et survivant
à l’événement de la condition qui doit donner ouverture au
retour.
E11 effet, a-t-011 dit, nul doute que l’on doit, regarder comme
une véritable substitution la stipulation expresse ou tacite du
droit de retour au profit d’autres que le donateur vivant lors de
son ouverture : or les substitutions non encore ouvertes lors de
la publication de la loi des ii> octobre et i/| novembre 1792
sont abolies par cette loi ; donc toutes les stipulations de retour
�,
( .9 )
au profit d’autres que le donateur, qui n’étoient pas encore ou
vertes à celte époque , sont pareillement abolies; et c’est par
cette raison, a-t-on ajouté , que l’article g 5 i du Code civil dé-,
fend de stipuler le retour au profit d’autres que le donateur sur
vivant à son ouverture.
Tels sont du moins les nouveaux moyens qui ont été em
ployés au tribunal de cassation par J\Î. M éjan, défenseur de
M. Larregoyen contre la dame de Navailles, pour faire casser,
s’il avoit été possible, le jugement de la Cour d’appel de Pau ,
du 19 thermidor an 1 2 , confirmatif de jugement du tribunal
de première instance de Saint-Palais., rendu au profit de la
dame de Navailles.
.
•
Mais, sans avoir égard h ces prétendus moyens , par arrêt •
rendu le 11 fi’imaire an i4> en la section des requêtes, au rap
port de M . Borel, sous la p'résidence de M . M u r a ir e , et qui est
rapporté au commencement du troisième cahier du Journal des
audiences du Tribunal de cassation ; pour l’an 14— 1806 : L a
C o u r, attendu qu’on ne peut appliquer au x droits de retour
labolition prononcée p a r le s lois des 25 octobre et 14 no
vembre 179 2, a rejeté la demande en pourvoi dont il s’agissoit.
On faisoit cependant beaucoup valoir pour M. Larregoyen
la. circonstance particulière que, dans le fait, il s’étoit écoulé un
siècle d’intervalle entre la stipulation de retour et l'ouverture
de ce droit au profit de la dame Navailles, représentant les
sieur et dame M artin, dotateurs , dont elle descendoit ; que
pendant ce temps la d o t, pnreux donnée à leur fille à charge
de retour , avoit passé successivement dan« sa descendancc^Kir
plusieurs mains, sans pouvoir être aliénée au préjudice du droit
de retour qui pourroil s’ouvrir un jour , ce q u i, suivant le de1
�fi*'
( 10 )
fenseur du sieur Larregoyen, présentoit tous les caractères d’une
véritable substitution graduelle dans la descendance de la do
nataire , et ensuite , en cas d’extinction de cette descendance ,
en faveur de ceux qui pour lors representeroient les donateurs.
Mais (comme l’a observé M. Daniels, substitut du procureur
général, portant la parole) de ce que les substitutions testa
mentaires et même celles établies par contrat dé mariage ont
été abolies , il ne faut pas conclure qu’il en est de même du droit
de retour. L es dispositions textuelles de la loi (celles du
17 nivose an 2, art. 74>
ventôse suivant, art. j , )
s'élèveraient, ajoute-t-il, contre celte conséquence, puis
qu'elles conservent le droit de retour (en faveur d autres que
le donateur) lorsque les substitutions étoient déjà abolies.
D 'a illeurs , disoit-il encore, le droit de retourne peut être
assimilé à une véritable substitution , lorsque le donateur
exerce lui-même ce droit y ce n'est donc pas non plus une
substitution quand il est ex e rcé par ses héritiers qui ne re
présentent avec lui que la même personne y et de la il coneluoit que les juges, tant de première instance que d’appel ,
avoient fait une juste application des lois de la matière (comme
l’a reconnu la Cour par son arrêt de rejet du iG frimaire an i/j.)
E lles ne le pouvoient même p a s , quand les rédacteurs en
auroient eu f intention .
En vain insisteroit-on encore, malgré le préjuge de cet airêt , sur ce que l’arlicle (j5i du ('ode civil a prohibé toute
stipulation de retour au profit d’autres que le donateur vivant;
en vain vondroit-on eu conclure que les rédacteurs de l’article
out considéré comme des substitutions véritables les stipula-
^
�2+>\
C 11 )
tions de retour qui ne profiteroient qu’aux représentants du
donaleur après sa m o it , et qu’ainsi ils ont entendu abolir tous
les retours conventionnels ' qui n’auroient été ouverts , posté
rieurement au décès des donateurs, que depuis l’abolition des
substitutions.
Quand même il s e r o it possible de supposer aux rédacteurs un
pareil m o tif, et que ce niotii prétendu est le seul qui ait dé
terminé la rédaction de l’article, l’intention qu’on leur suppose,
ne feroit pas loi toute seule et par elle-même, puisqu’elle n’a
pas été érigée en loi; car autre chose est la loi, et autre chose est
le m otif qui a pu déterminer à la proposer , comme, en fait de
dispositions testamentaires, autre chose est la disposition et au
tre chose est le m otif ( c a u s a d a n d i ) qui a pu la dicter : R a tio
le g a n d i l e g a to n o n c o h œ r e t , le m otif de la disposition n’en
lait pas partie. L e g . ^■3. , p . G, ÎT. D e c o n d itio n ib u s e t d e m o n s tr a tio n ib u s e t c a u s is q u œ in te s ta n ie n to s c r ïb u n tu r . E t
tout ce qui rés ulteroit de cette supposition, c’est que l’article
951 seroit indubitablement un de ceux qu’il faudra rapporter
lorsqu’il sera question de la révision du Code civil; car com
ment pourroit-on laisser subsister une loi dont le seul m otif auroit été de donner lÿuu (sans cependant l’ordonner) à l'abolition
de droits acquis par des conventions qu’autorisoient les lois et
la jurisprudence antérieures.
Ajoutez que la loi de 1792, qui abolit les substitutions"non
encore ouvertes , est odieuse par elle-même , .comme contraire
au droit commun établi de temps immémorial par tontes les
lois antérieures rendues sur ce lait, et sur-tout à cette raison
écrite qui depuis tant de siècles est r e co n n u e par tous les peu
ples polices comme le Code universel du genre humain. Aussi
n’a-t-elle pu être provoquée que par des circonstances impérieuses,
�A
»»
( 12 )
seules capables de la justifier ; mais au moins ne doit-on pas
l’appliquer à ce qui ne porte pas la dénomination expresse de
substitution, qnand même il en auroit d’ailleurs le caractère
et l’cflet sous une dénomination différente ; a plus forte raison
ne doit-on pas l’étendre à des stipulations conditionnelles qui,
saisissant à l’instant même le stipulant, et ses ayants-cause con
sidérés comme la continuation de sa personne,' ressemblent
aussi peu à une substitution que le jour ressemble à la nuit. E t
il faudra*toujours en revenir à dire avec la loi que ce qui a
été établi contre la raison et les principes du droit ne doit pas
être tiré à conséquence : Quod contra juris rationem receptu m est non est p r o d u c e n d u m ad consequentias . Leg. \[\ ,
i 5 et 16, il'. D e le gibus y Leg. i / j i , If. D e regulis juris.
Il y a plus; c’est que quand même la nouvelle loi auroit abolien
termes textuels, et très expressément, tous les retours conven
tionnels qnin’auroient été ouverts que depuis celle de 1792, con
cernant les substitutions, etaprès le décès des donateurs, une pa
reille loi, attendu le vice radical de rétroact ivité dont elle se trouveroit infectée, ne seroit pas susceptible d’exécution en cette par
tie. En vain voudroit-on l’assimiler à la loi qui abolit les substitu
tions établies par actes antérieurs à sa promulgation, mais qui
n’étoient pas encore ouvertes pour lors. Il y a bien de la diffé
rence entre l’une et l’autre, car les substitutions qui ne sont que
des dispositions en faveur de tiers non présents ni acceptants
ne peuvent saisir l'appelé qu’au moment de leur ouverture , et
même autant-seulement que l’appelé: l’acceptera pour lors ; jus
que-là le substitué n’a aucun droit acquis; et par conséquent la
loi a pu , sans porter atteinte à rm véritable droit de propriété 7
Abolir tonies les substitutions qui viendroient à s’ouvrir par la
suite, quoiqu'elles fussent établies par des actes antérieurs.
�-?3a
*
( 13 )
Il n’en est pas de même des’ stipulations conditionnelles. E n
effet, quoiqu’il n’en résulté qu’un droit éventuel, une simple
espérance, comme le disent les Institutes, elles saisissent de ce
droit, à l’instant m êm e, le stipulant, et dans sa personne ses
ayants-droit, c’est-à-dire ceux qui le représenteront, quant à l’ob
jet de la stipulation, lors de l’événement de la condition sous
laquelle la stipulation a été faite et conservée ; or il résulte'né
cessairement de là que toute loi postérieure qui aboliroit ces
droits éventuels enlèveroit de fait au stipulant, dan£ la per
sonne de ses ayants-cause , des droits acquis dont ils étoient sai
sis, ce qui seroit une atteinte formelle au droit de propriété.
E nfin la lettre même de la clause en question nécessite
rait, en tant que de besoin, la transmissibilité du retour
qui y est stipulé*
À ces considérations générales, toutes péremptoires, nous
en joindrons une particulière, et qui toute seule suffiroit, en
tant que de besoin, pour trancher la question ; c’est que les
propres termes dans lesquels est conçue la stipulation condi
tionnelle de retour dont il s’agit assurent textuellement et
littéralement ce droit aux ayants-cause tlu stipulant, quels qu’ils
soient, comme au stipulant lui-mêine, le cas de la condition
arrivant; et que, de plus, les mêmes termes sont formellement
exclusifs de toute substitution.
E t d’abord, que dans l’espèce le droit de retour soit assuré,
en tant que de besoin, par les termes mêmes de la stipulation
du donateur, à ses ayants-cause, comme au donateur lui-mènic,
ou plutôt au donateur dans la personne de ses ayants-droit, au
„cas d’événement de la condition, en quelque temps que ce soitj
j k
;
�*K.
( 4 )
c’est ce qui résulte évidemment de cc que ce retour.est stipulé,
nommément, pour les biens formant l’objet de l'institution con
tractuelle de la donataire; car assurément il étoit impossible que
le retour de ces biens particuliers qui n étoient donnés qu’à titre
d’institution, et par conséquent sous la.condition de la survie
de la donataire au donateur, s’ouvrit jamais pendant la vie de
celui-ci. E t puisque cependant il s’éloit réservé pour lui-même,
et non pour aucun tiers après lu i, ces mêmes biens à.titre de
retour conventionnel, il falloit bien que sa reserve put profiter
à ceux de ses ayants-cause et transmissionnaires à titre universel
ou particulier q u i, lors de l’ouverture du retour par lui réserve,
le représenteroient pour cet objet, comme ne formant à cet
égard qu’une seule et même personne avec lui. Autrem ent, sa
réserve n’eût pu profiter à personne en aucun cas, et la clause
auroit été illusoire.
E lle sujfiroit aussi toute seule pour écarter toute idée
d e s u b s titu tio n .
Mais il est également sensible que le donateur en stipulant le
t<
ï \.ouypour
lui, et non pour aucun autre que lui-même, a néces
sairement exclu toute substitution; car enfin, comme^lc disoit
M. Daniels, portant la parole pour le ministère public en lu
Cour de cassation, il est impossible de se substituer soi-même à
son donataire pour la chose donnée.
Il est bien vrai que le donateur qui stipule le’retour pour
lui-même seulement, et non pas pour des tiers après lui, le sti
pule aussi nécessairement pour ses ayants-cause et transmissionnaires, soit qu’il doive en profiter de son vivant, soit que par
l’événement, le droit qu’il s’est réservé ne s’ouvre qu’après sa
�-?
35"
( i5 )
m ort, à moins qu’il n’ait formellement excepté ce dernier cas
par sa réserve, comme par exemple en stipulant le retour a son
profit, pour le cas seulement du prédécès du donataire.
Mais ces transmissionnaires et ayants-cause ne forment avec
lui qu’une seule et même personne, qui a toujours été saisie
ah initio, tant de son vivant que depuis son décès, du droit
éventuel qu’il s’étoit réservé, comme de tous ses autres biens,
sans attendre l’événement de la condition.
Ainsi, il est impossible^de les supposer substitués par le do
nateur au donataire, et tout ce qui résulte de la réserve de re
tour stipulée par le donateur pour lui-même seulement, et non
pour aucun tiers après lui, c’est que la condition du retour ar
rivant , le donataire cesse d’être propriétaire de la chose don
née, c’est que la donation qui lui avoit été faite est alors réso
lue ou 1évoquée 5 c est enfin que le donateur en la personne de
ses ayants-droit, en conséquence de sa réserve, se trouve avoir
recouvré sa propriété dont il 11e s’étoit dessaisi que sous une con
dition résolutive qui a eu lieu *, c’est en un mot que cette pro
priété s’est réunie de plein droit à son patrimoine aussitôt l’ar
rivée de la condition résolutive apposée à la donation : or cer
tainement il est bien permis aux donateurs , nonobstant l’abo
lition de toutes substitutions, de stipuler qu’en tel ou tel cas
leurs donations seront résolues de plein droit, ab initia, comme
si elles n’avoient jamais existé, ou pour la suite seulement,
comme dans le cas de larévocalioiules donations pour cause de
snrvenance d’enlantsj le tout, soit que la condition résolutoire
arrive de leur vivant, soit qu’elle n’arrive qu’après leur mort :
car les conditions résolutives produisent leur cflei, lors même
qu’elles n’arrivent «ju’après la mort du stipulant , ce qui 11’em- '
pêche pas que l’acte résolu n’ait subsisté jusque-là, s’il n’a pas
J.l
�x
( i6 )
etc autrement convenu. Leg. i 5 , in princ., (T. D e indiem addictione.) V oyez aussi la loi finale au Code, D e legcitis.
L e s observations précédentes sont également applicables
aux institutions contractuelles sous conditions résolu
toires.
Il en est de même incontestablement des donations par forme
d’institution contractuelle, q ui, suivant Potliier, Laurière, et
tous nos autres auteurs, ne différent des autres donations en
tre-vifs qu’en ce qu’elles sont laites sous la condition particu
lière de la survie du donataii'C, et en ce que le donateur peut
encore , nonobstant la donation, s’aider des choses qui y sont
comprises , par contrats intéresses , tels que la vente ou l’hy
pothèque , mais non pas en disposer à titre graduit par dona
tions entre-vifs , institutions 011 le’gs.
En effet, l’instituant contractuel doit aussi pouvoir stipuler
que sa donation s e r a résiliée ou révoquée, si telle ou telle con
dition a r r i v e par la suite, n’importe en quel temps, et que ce
pendant elle aura jusque-là tout son eilet; mais en ce cas les
biens qui en sont l’objet, comme étant retournés à la masse de
l'hérédité, et réunis au patrimoine du donateur, appartiennent à
ceux qui lors de l’arrivée de la condition résolutoire se trouvent
représenter ledit donateurou instituant j eiassureincnt ceux-ci 11e
r e p r e n n e n t .pas les biens en question en qualité de substitués au
donataire ; c’est le donateur lui-inème, toujours existant dans leur
p e r s o n n e , qui reprend sa c h o s e , comme ayant cessé d’appartenir à
l’institué, au moyen delà résolution de l’institution, qui aeu lieu
]i:ir l Ï ! \ è n e m e n t , comme le donateur ou s^s représentants re"p rn n in u la chose donnée, lorsqu'il y a survenance d’eniants,
�22>ï
(
17 }.
même posthumes, quoique le posthume ne soit né que depuis
son décès. Autrem ent, il faudroit dire, ce qui est absurde, que
le vendeur ou ses héritiers, rentrant dans la propriété de la
chose vendue par l’eiTet de la résolution de la Vente, ou de la
rescision du contrat, reprennent la chose vendue comme substi
tués à l’acheteur. E t il faudroit conclure de là ( ce qui seroit
encore plus absurde, s’il est possible), qu*attendu l’abolition de
toute substitution, il n*est plus permis de vendre sous condition
résolutive, ni de faire résilier aucun contrat de vente, non
plus que de disposer par donation, institution ou legs, sous
condition résolutive. Mais il faudroit aussi, avant tout, effacer
du Code civil les articles 953, 960 , 962, 963 et 966, relatifs
a la révocation des donations de toute espèce pour cause de
survenance d’enfants , même posthumes, qui ne seroient néfc
que depuis le décès du donateur; il faudroit notamment sup
primer ledit article 963, en ce qu’il suppose qu’au cas de la sur
venance d’enfants du donateur ( avant ou après son décès ) le
retour s’opère , non pas, à proprement parler ; par voie de ré
version à sa personne, mais bien plutôt par voie de réunion à
son patrimoine de tous les objets qui en avoient été distraits à
titrp lucratif, et par conséquent au profit de ses représentants ,
si la réunion ne s’opère qu’après son décès (les biens çompris
dans la donation révoquée de plein droit r e s t e r o n t d a n s
LE PATRIMOINE DU DONATEUR , LIBRES DE TOUTES CHARGES
ET HYPOTHÈQUES DU CHEF DU DONATAIRE
, etc.)
m
Conclusion ,
Tout ceci posé, nul doute que les représentants du sieur
Delsol, donateur , sont fondés à requérir, dès à présent, toutes
3
�C' i s )
transcriptions et inscriptions nécessaires pour assurer la conser
vation (le leur droit de retour, à l’effet de prevenirles atteintes
qui pourroient y être portées par la donataire et autres posses
seurs des biens sujets à réversion , ou par les débiteurs des
créances qui tiennent lieu de ces mêmes fonds.
On peut d’autant moins leur contester ce droit, que le retour
dont il s’agit doit nécessairement s’ouvrir un jour à leur profit,
ou au profit de leurs transmissionnaires et ayailts-droit, par le
fait du décès de la donataire sans enfants , attendu qu’elle n a
pas eu d’enfants , et que son âge avancé ne loi laisse plus d’espérancc d’en avoir.
Délibéré UParis parle soussigné ancien avocat, ce vingt-sept
juin dix-liuit cent six.
LESPARAT.
�% 3cj
(
T9
)
KUJJWHMii fim ii tULM
SECONDE CONSULTATION
L e C O N S E I L S O U S S I G N É , qui a vu copie (ci-jointc)
(lu jugement l’endu en première instance par le tribunal civil
d’Aurillac , le 2 2 juillet 1808 , entre les sieurs Delsol frères, et
la dame veuve Vigier d’Orcet, leur sœur consanguine; ensemble
les mémoires imprimés qui ont étépré&ntés au tribunal pour le
soutien de leurs prétentions respéctives ;
E s t d ’ a v i s , par les raisons déjà exposées en sa Consultation
délibérée le 2 7 j u i n 1 8 0 6 , ainsi que da n s les o b se r v a tio n s par
ticulières sur chacun des motifs dudit jugement, qui lui ont
été communiquées, et encore par les autres raisons qui seront
déduites ci-après ;
Que les sieurs Delsol frères; sont bien fondés dans leur appel
dudit jugement, en ce que par icelui la stipulation de retour
réservé p a r le sieur D elsol père , dans le contrat de mariage
de la dame d'O rcet, sa f il le , a été déclarée personnelle au
dit sieur D e ls o l, et caduque par son prédécès. Q u ’en effet,
(bien loin que le retour réseryé soit devenu caduc par le prédé
cès du sieur Delsol père, qui l’a stipulé) * il ne peut manquer
de s’ouvrir un jour et d’opérer la réunion effective «1 son patri
moine, des choses sujettes audit droit, au moyen de ce que la
dame d’O rc e t, sa fille, qui n’a pas d’enfants, et qui est actuelle
ment hors d’àge d’en avo ir, décédera nécessairement sans en
fants.
1
�(
20
)
Les premiers juges avoient encore élevé deux autres questions, l’une (qui est la première des trois posées dans leur ju
gement) étoit de savoir quels biens avaient été et pouvoienl
être compris dans la clause de retour réservé par le sieur
Basile D e lso l, dans le contrat de mariage de la dame d’ Orpet sa fille $ et l’autre de savoir si, dans le cas de transmissïbilité, ce droit de retour ne se seroit pas confondu
dans la personne de lq dame d’ Orçet avec sa qualité d’héri
tière contractuelle de son père ; mais leur jugement n’a dé
cidé que cellç de savoir si là réserve du retour dont il s’agit
étoit limitée à la personne du sieur Delsol, ou si au contraire
elle avoit pu être tran sm ise a ses héritiers } et c’est aussi la seule
dont la solution doit nous occuper , comme étant la seule qui
soit à juger sur l’appel de leur sentence.
Ce n est pas qu’ils n’aient émis dans les attendus de leur ju
gement leur opinion sur les deux questions qu’ils ont laissées
indécises j mais cette opinion n’y est présentée que pour justi
fier leur jugement sur celle qu’ils ont décidée : or l’appel dont
il s’agit ne peut porter que sur ce qui a été jugé effectivement,
quelle qu’ait pu être d’ailleurs leur opinion sur d’autres ques
tions restées indécises.
J. L a stipulation du retour par le sieur D elsol père étoii
in rem , et pourquoi ?
Quoi qu il en soit au surplus , nous observerons d abord îi
cet égard que, si la stipulation dont il s’agit a été jugée per
sonnelle au stipulant, et par conséquçnt non transmissible, c’est,
comme l’exposent les premiers juges dans leurs inotils, parceque le sieur Delsol n’a pas stipulé nommément pour ses ayants-
�*4i
(
).
(¡cause, et sur-tout p a r c e qu’en stipulant le reto’ur pour le cas pré
vu par sa stipulation, il ne l’a pas réservé aux s ie n s en particu
lier, comme l’a fa it, dans le même contrat de mariage , la mère
du futur en dotant son fds.
Mais c’est précisément parceque le sieur Delsol entendoit ré
server un retour vraiment réel, in rem , à la masse de son par
triinoine , en faveur de t o u s ceux auxquels il pourroit importer
que le retour eût lieu qu’il l’a stipulé en termes généraux ,
non e x c lu s if s d’aucune classe de ses ayants-cause , et non pas
seulement pour sa personne ou les siens. Taie pactum non in
personam dirigitur, sed cùm generale s i t , locum inter hcèredes habebit. Leg. !±i, ff. D ep actis.
II. C o n s é q u e n c e s q u i s e r o ie n t r é s u l té e s d e la p e r s o n n a l i t é
d e s a s tip u la tio n p o u r l u i e t l e s siens s e u le m e n t.
Dans le fait, le sieur Delsol père n’avoit pas alors d’autre en
fant que la future sa fille. Peut-être même supposoil-il, attendu
son état de viduité , qu’il n en auroit jamais d’autre : or dans
cette supposition , si par l’événement le retour stipulé ne
s’ouvroit qu’après son décès, soit par le décès de sa fille sans en
fants, soit par le décès des enfants de sadite fille, après leur
mère, sans descendants d’eux, il ne poiivoit plus être représenté
par aucuns siens proprement dits , mais seulement par des col
latéraux très éloignés qu’il ne connoissoit même pas (comme l’a
dit et répété souvent la dame Dorcet elle-m êm e), ou par d’au
tres successeurs qu’il’ se seroit créés à lui-même par titres uni
versels ou singuliers.
Si donc il n’avoit stipulé le retour que pour lui et les siens t
comme avoitfuitlu mère du futu r, alors le retou r n’au roit eu
�*
T-
( 22 )
lieu qu’en sa personne , ou celle des sie n s, c’est-à-dire pour
le cas sexxlernent de sa survie, ou- de celle d’aucuns des siens
à l’ouverture dudit droit ; et ce droit n’auroit profité à son dé
faut qu’à celui ou ceux d’entre les siens qui auroient existé pour
lors. Eux seuls en effet se seroient trouvés composer la classe ou
espèce particulière et déterminée d’ayauts-cause, à laquelle auroit été réservé le retour : or, comme le dit la loi 80, il. D e regulis ju ris y In toto ju re y generi per speciem derogatur ;
et comme le dit aussi la loi 99, p. 5 , ÎT D e legatis 3° , Semper species generi derogat. E n un m o t, nuls autres ayantscause du sieur Delsol stipulant n’y auroient pu rien prétendre ,
à quelque titre que ce f û t , ni comme héritiers légitimes ou cib
i n t e s t a t mais non siens , ni comme héritiers irréguliers ,
ni comme héritiers institués , ou légataires, soit universels, soit
à titre universel (c’est-à-dire pour par lie ) , ni comme légataixes particuliers, ni comme donataires entre-vifs ou à cause de
m ort, ni comme cessionnaires à titre onéreux, ni pnfin comme
créanciers chirogniphaires ou hypothécaires, quoiqu’intérêt que
ces différentes classes d’ayants-cause pussent avoir à ce que la
réunion effective à son patrimoine des biens donnés et réservés
leur en eût assuré la conservation; alors en effet, au moyen du
prédécès de ceux dans la personne desquels seulement le retour
auroit pu s'opérer , toute réunion au patrimoine, du stipulant
seroit devenue impossible.
Ainsi le sieur Delsol se seroit interdit, pour ce cas particulier,
toute espèce «le disposition, tant d e s biens donnés (pic* des biens
réservés, et par conséquent de tous ceux.qui, lors île son dé
cès, a u r o i e n t pu composer son patrimoine , quoique tous fuss<“iu stipulés réversibles, si sa fille décédoit sans enfauts, ou si
les eulums de sa fille décédoieut eux-mêmes sans descendants :
�(
*3 )
or assurément, le cas arrivant que sa fille décédât après lui sans "
enfants (comme il arrivera bien certainement), ou que lés en- fants de sa fille décédassent après lui et leur mère sans enfants ,
comme il étoit alors très possible, il étoit bien plus naturel qu’en
ce cas tous ses biens stipulés réversibles retournassent et se réu
nissent à son patrimoine en faveur de ceux qui y auraient in
térêt , et qu’à cet effet le retour fût stipule par une clause gé
nérale , c’est-à-dire à la masse de son patrimoine , plutôt qu’à
lui-même et aux siens personnellement , à l’exclusion de tous au
tres ayants-cause 5 car n’y ayant encore alors personne qui pût
l’intéresser^ au défaut de sa fille et des enfants de sa fille ou de
leurs descendants (puisqu’il n’avoit pas encore d’autres successibles que des collatéraux fort éloignés qu’il ne connoissoit même
pas ) , il devoit préférer tous les autres ayants-cause qu’il pourroit avoir, ou se créer à.Iui-même, à ceux de sa fille décédante
sans enfants, qui ne pouvoient que lui être étrangers, si luimême restoit en viduité. C ’est même probablement par cette
raison qu’il a interdit très expressément à sa fille toute disposi
tion préjudiciable au droit de retour qu’il stipuloit par une
clause générale et sans aucune limitation ; et s’il n’a pas étendu
cette prohibition aux enfants de sa fille, lors même qu’ils décèderoient après lui et leur mère sans descendants d’eux (quoi
qu’en cç cas ils fussent pareillement grevés du retour à son pa
trimoine, tant pour les biens donnés que pour les biens réservés) ;
si même au contraire il leur a permis audit cas toute disposition
des biens en question *, si enfin il a stipulé à cet effet que ledit
retour à son patrimoine n’auroit lieu qu’autant qu’ils seroieiit
décédés sans descendants d’eux, et sans avoir disposé , c’est
évidemment pareeque (à la différence de leur mère , sa fille ,
qui dans le cas où elle survivroit à son père décédé en viduilé t
�( *4 )
ne pouvoit avoir pour successibles que des collatéranx fort éloi
gnés , et peut-être même inconnus) eux au contraire, décédant
ensuite après leur mère et sans descendants d’eux , avoient du
moins pour successibles, à défaut du sieur Delsol leur aïeul
maternel, d’autres parents très proches dans la personne de
leurs oncles paternels, frères de leur père; alors en effet le sieur
Delsol n’avoit aucune raison suffisante d’empecher que les en
fants de sa fille, décédant sans enfants après lui et après leur
mère, pussent disposer des biens dont il stipuloitla reversion ; car
ces mêmes enfants ayant audit cas pour successibles des oncles
paternels, ou leilrs enfants, le sieur Delsol pouvoit facilement
supposer que les enfants de sa fille ne seroîent pas tentés de dis
poser au profit d’étrangers , au préjudice de patents aussi pro
ches, et que , s’ils usoient de la liberté qu’il leur laissoit de dis
poser , ce ne seroit qu’en faveur de ceux de ces parents dont la
position particulière exigeroit qu’ils fussent plus avantagés qua
les autres*
«
III. I l n'en étoit pas du retour stipulé parla mère du fu tu r,
comme de celui stipulé par le sieur Delsol.
Il n’en étoit pas de même du retour stipulé par la mère dû
futur pour elle et les siens, en cas de décès de son fils sans en
fants , ou des enfants de son fils sans enfants et sans avoir dis
posé ; en effet, la mère du futur ayan t, lors du mariage de son
fils, plusieurs autres enfants, ne pouvoit penser qu’à assurer à
ces autres enfants le retour des biens qu’elle donnoit au futur ,
son fils , si celui-ci décédoit sans enfants , ou si ces enfants détédoient eux-mêmes sans descendants : or il lui suflîsoit à cet
filet de stipuler le retour pour elle et les siens personnellement,
�*<s
(
25 )
c’est-à-dire à l’exclusion de tous autres ayants-cause} el cepen
dant de laisser non seulement aux enfants de son lils , mais à
son fils lui-même, la liberté de disposer ; n’étant pas à présumer
que celui-ci, s’il n’avoit pas d’enfants, voulût user de cette fa
culté au préjudice de sa propre mère , ou de ceux qu’elle appeloit les siens (frères, sœurs, neveux ou nièces d eson ditfils),
si ce n’est en faveur de ceux d’entre eux d o n t, comme il vient
d’être d it , la position pourroit exiger qu’ils fussent plus avan
tagés que les autres. E t c’est aussi tout ce que le mandataire de
la dame veuve d’Orcet, porteur de sa procuration rédigée à Mau
riac , et comparant pour elle au contrat de m ariage, étoit
chargé de stipuler, sans pouvoir s’en écarter, ni y rien changer.
I V • Peut-être le sieur D elsol auroit-il stipulé le retour dans
la même form e que la mère du futur , s ’il avoit été dans le
même cas.
Il en auroit peut-être été de même de la stipulation du sieur
Delsol père , s’il avoit été dans le même cas ; mais n’ayant pour
lors d’autre enfant que la future, s’il avoit restreint de même
à sa personne et aucc siens le retour qu’il stipuloit, cette res
triction aiyroit eu rinconvénient d’annoncer des espérances d’a
voir d’autres enfants d’un second mariage; et quoiqu’il ne pen
sât peut-être pas alors à se remarier , il auroit au moins donné
lieu par-là au futur et à la famille du futur d’exiger de lui qu’a
vant tout il s’expliquât sur ce point. Q ui sait même s’il n’auroit
pas fallu leur donner des assurances positives que ce qu’ilspouvoient craindre n’arriveroit pas ?
L) ailleurs il pouvoit très bien se faire que, le cas prévu du re
tour arrivant, il n’existât aucun parent successible du sieur
�*
( 36 )
Delsol père capable de le représenter, ou qu’il n’y en eût que
de très éloignés qu’il n’auroit jamais connus; et c’est même ce
qui seroit nécessairement arrivé, s’il étoit resté veuf : or il étoit
bien naturel qu’il p û t, au moins pour ce cas particulier, se don
ner par actes entre-vifs ou de dernière volonté, à titre gratuit
ou onéreux , tel successeur universel ou singulier qu’il jugeroit
à propos, à l’eiïet de recueillir, en tout ou. partie, le bénéfice
du retour en question. ■
.
Il de voit donc, comme il l’a fait, se réserver le retour par une
stipulation générale , de manière que le cas prévu arrivant, en
quelque temps que ce f u t , de son vivant ou après sa m o rt, il
y eût lieu au retour in rem , ou a son patrimoine, en faveur de
ses ayants-cause, ou de qui de droit, et non pas seulement k sa
personne ou a u x sie n s, à l’exclusion de tous autres ayantscause, le tout sans que la donataire , sa fille , pût préjudicier
ou déroger à ce droit de retour par aucune disposition.
V . L es premiers juges ont supposé que la personnalité delà
stipulation du retour par le sieur D elsol résultoit de la dé
fense qu’il a faite à sa fille d ÿ déroger. Combien cette
supposition est absurde !
0
Cependant, s’il faut en croire les premiers juges, la défense
faite par le. sieur Delsol père k la dame d’O rcet, sa fdle, de dé
roger au droit de retour qu’il stîpuloit, prouverait au contraire
qu’il ne l’a stipulé (pic pour lui personnellement, n’étant pas
présumable , disent-ils , qu’il mit sa fille (lors unique) dans
un tel étal d'interdiction (pour le cas oii elle décéderait sans
<:<il'ants; car c’est de ce rasumquement qu’il s’agit) , et ce enf a
veur de parents éloignés avec lesquels il iiavoit aucune re-
�( 27 )
lation , que les parties même ne connoissoient p a s , ainsi
que la dame d ’Orcet Ta plusieurs fo is dit et écrit , sans que
ce fa it ait été désavoué.
Il auroit donc été bien plus convenable, suivant eux , que- le
sieur Delsol père se mit lui-mème dans l’interdiction , et ce en
faveur des étrangers que sa fille, décédante sans enfan'cs, jugeroit à propos.de préférer à tous les ayants-cause qu’il se seroit
créés à lui-même , ou à ceux qui (comme il pouvoit arriver, et
comme il est arrivé effectivement) lui seroient survenus : or
on sent combien est absurde une pareille supposition.
V I. L institution contractuelle de la dame d’ O rcet, qu i, sui
vant les premiers ju g e s , prouverait la personnalité de la.
s tip u la tio n du retour par le sieur D elso l s o n p è r e ,
e n d é m o n tr e a u c o n tr a ir e la r é a lité .
Enfin , suivant les mêmes, la limitation du retour dont il s’a
git à la personne du stipulant résulteroit Sün -
de la
circonstance que le sieur D elso l , après avoir fa it à sa
f ille une donation entre-vifs, Va instituée en même temps
son héritière universelle ; en effet, ajoutent-ils, il seroit ab
surde de supposer qu’il eût fa it et voulu faire , contre cette
héritière , une réserve qui ne devoit et ne pouvoit profiter
qu’à elle-m êm e , puisqiien admettant la transmis s ibilité du
retour, cette transmission ne pouvoit avoir lieu qu’en faveur
de cette même héritière.
Mais ils supposent par-là que l’institution contractuelle de
la demoiselle Delsol par son père est une institution pure et
simple , q u i, une fois ouverte au profit de l’instituée par le pré
décès de l’instituant, ne pouvoit cesser en aucun temps d’avoir
tout
�U <*
t'V '
( *8 )
IoîiL son effet, qu’en un mot cette institution n’étoit affectée
d’aucune condition résolutoire , tandis qu’au contraire cette
même institution ( qui à la vérité ne pouvoit être révoquée
par aucun acte postérieur ) devoit cependant se résoudre de
plein d ro it, comme la donation, par le seul fait, du décès de
l’instituée sans enfants , ou de ses enfants sans descendants et
sans avoir disposé ; car c’est ce qui résulte textuellement de la
clause par laquelle le sieur Delsol (après avoir promis de n’ins
tituer d'autre héritier que la future sa Jille dans les autres
biens ( non donnés ) qui se trouveront lui rester lors de son
d écès ) s’est réservé , (pour le cas où ladite future sa fille décèderoit sans enfants , ou ses enfants sans descendants, ou sans
avoir valablement disposé ) , le droit de réversion et retour ,
tant des biens donnés que réserv és , sans qu’il puisse être
dérogé par sadite Jille audit droit de réversion par aucune
disposition, n i autre acte à ce contraires. O r, bien loin que
cette clause puisse faire présumer la personnalité du retour-stipulé par le sieur Delsol père , comme le prétendent les pre
miers juges , la v é r it é e st au co n tr a ir e qu’il en résulte une
nouvelle preuve de sa transmissibilité ; et ce la , quand même on
voudroit ne comprendre dans la classe des biens réservés dont
la réversion est nommément stipulée , que ceux non donnés
qui existoient pour lors , et qui lui seroient restés lors de son
décès , à l’exclusion de tous ceux qu’il auroil acquis depuis sa
stipulation } car enfin il est bien évident que le. droit de retour
(qui pouvoit s’ouvrir pendant la vie du stipulant pour lesbicris
qu’il donnoit) ne pouvoit s’ouvrir qu’après sa m o rt, pour les
biens réservés , soit que (comme on n’en peut douter) il ait
entendu désigner par biens réservés ce qu’il appelle dans le
même acte les biens institués (c’est-à-dire la totalité de ccux
�(
)
non donnés qui luiresteroient lors de son décès, et généralement
tous ses biens, à l’exception des biens donnés, et de ceux qu’il
auroit depuis vendus ou engagés), soit même , qix’il n’eut en
tendu comprendre sous cette dénomination que ceux des biens
non donnés qu’il possédoit lors du contrat de mariage de sa
fille et qu’il auroit conservés jusqu’à sa mort.
E t qu’on ne dise pas , comme l’ont fait les premiers juges ,
que les mots, biens réserves, ont échappé à Vinadvertance
du rédacteur , qui (suivant eux) navoit que les notions les
plus obscures sur la nature et les effets des institutions
contractuelles ; car ce sont bien plutôC les premiers juges
eux-mêmes q u i, comme on l’a pu voir d éjà , et comme on le
verra encore plus particulièrement ci-après , sont dans le cas
qu’on lei^r fasse ce reproche \ et au surplus , quoi qu’il en soit,
ils ont bien prouvé par-là qu’il étoit absolument impossible ,
malgré toutes leurs subtilités, et pour ainsi dire leurs tours de
force j de restreindre aux biens donnés un retour stipulé pour
les biens tant donnés que réservés. Il faudra donc toujours
en revenir à dire que le retour des biens réservés (q u i, dans
tous les cas, sont nécessairement des biens non donnés) , ne
pouvant sîouvrir avant la mort du, stipulant, étoit bien cer
tainement transmissible à ses héritiers ou autres ayants-cause ;
or, il devoit en être de même du retour des biens donnés , puis
qu’il est stipulé par la même clause et dans les mêmes termes.
V II. Lorsque le retour s'ouvrira par le fa it du décès de la
dame d ’ Orcct sans enfants , son institution contractuelle
sera comme non avenue.
Peu importe enflu que la dame d’O rcct, en sa qualité d’hé-
�( 3o )
ritùrc instituée contractuellement, soit quant à présent la seule
représentante de son père. D u moment que le retour s’ouvrira
par le fait de son décès sans enfants , elle n’aura plus été héri
tière contractuelle , attendu la clause résolutoire apposée à son
institution. A lors, en effet, il sera vrai de dire qu’elle n’aura
été qu’héritière ab intestat de son père, concurremment avec
ses frères, c’est-à-dire pour partie seulement} et par consé
quent elle n’aura laissé dans sa succession , à ses ayants-cause,
quels qu’ils puissent ê tre , que sa part afférente dans tous les
objets dont la réversion au patrimoine de son père aura eu lieu
par le fait de son dticès sans enfants.
Il est vrai , comme l’observent les premiers juges , qu’en
droit romain une institution d’héritier par testament (autre
que celui fait ju re militari) n’auroit été susceptible d’aucune
limitation ou résolubilité, quand même cet héritier testamen
taire n’auroit été institué que e x re certd, ou pour une certaine
quotité , telle que la moitié ou le tiers de l’hérédité, ou à
compter de tel temps , ou enfin jusqu’à tel temps; qu’en effet
l’héritier ainsi institué par testament valable , éKint seul insti
tué , auroit é t é , de d ro it, héritier pour le to u t, pour tous
les cas et pour tous les temps , sauÇ seulement les droits des légitiniaires ; mais c’est pareeque chez les Romains personne ne
pouvoit mourir partitn testatus , partirn intestatus (à moins
qu’il n’eut testé jure militari) ; car , comme l’observe Pérez en
ses Institutes impériales , e x institutione hœredis ad certum v e l e x certo tempore facta sequeretur quod quis dece-
dere posset, pro parte testatus , et pro parte mtestatus.
�VIII. L es institutions contractuelles, inconnues chez les Ro
mains , n’ont rien de commun avec leurs institutions tes
tamentaires.
Il n’en est pas de même des institutions contractuelles abso
lument étrangères au droit romain, et qui cependant ont été
admises dans les ci-devant provinces dites de droit éci'it, comme
dans tout le surplus de l’ancienne France ; en effe t, suivant
tous nos auteurs ( q u o i q u e disent au contraire les premiers juges),
ces institutions d’héritier par contrats ne ressemblent aucune
ment aux institutions testamentaires des Romains , si ce n’est
à celles faites ju re militari, ou à leurs legs universels , soit aux
legs de toute l’hérédité ou de tous les biens, soit aux legs de •
partie de l’hérédité ou de partie des biens, partis etpro parte ,
(que notre Code civil qualifie legs à titre universel), avec cette
différence seulement que nos institutions contractuelles, d’ori
gine française et absolument inconnues chez les Romains, sont
irrévocables comme tenant de la nature des contrats, tandis
que les legs et autres dispositions testamentaires de toute es
pèce peuvent toujours être révoquées par le testateur jusqu’à
son décès.
IX . Autrement elles ne pourroient jam ais avoir lieu pour
partie , tandis que , suivant P o th ier, elles ont lieu in
contestablement pour partie comme pour le tout.
S’il en pouvoit être autrem ent, il faudroit aller ju s q u ’à dire
que l’institution contractuelle pour partie des biens ou de l’hé
rédité, ou même seulement pour quelques uns des corps certains
qui la composent, auroit l’effet d’une institution universelle
pour toute l’hérédité ; car c’est ce qui résulteroit du principe
�(
32 )
posé par les premiers juges (dans le second a tte n d u de leur troi
sième question), que l in s titu tio n c o n tr a c tu e lle f o r m e u n v é
r ita b le h é r iti e r
q u i n e d if f è r e q u e d e
n o m de i ?h é r it ie r
(des Rom ains), q u a n t a il u n iv e r s a l it é
d u t it r e : or personne jusqu’à présent n’avoit osé mettre en
avant une hérésie aussi monstrueuse, et il étoit réservé aux pre
miers juges d’en faire la base de leur jugement.
Il leurauroitcependant suffi, pour se garantir d’un pareil écart,
de consulter sur cette matière nos auteurs élémentaires, tels
que Pothier, dans son introduction au titre 17 de la coutume
d’Orléans. Us y auroient vu , par exemple, iila fin du n° 17 de
l’appendice de cette introduction, que l’institution contractuelle
y est définie la donation que quelqu'un f a i t de s a s u c c e s s io n
t e s t a m e n t a ir e
e n to u t o u e n p a r t i e , p a r c o n tr a t d e m a r i a g e , à T u n e d e s
p a r t i e s c o n tr a c t a n t e s , o u a u x e n f a n ts q u i n a îtr o n t d u f u t u r
m a r ia g e y au n° i l \ du même appendice, que d e m ê m e q u e la
s u c c e s s io n te s t a m e n ta i r e d a n s l e s p r o v in c e s ou e lle e s t a d
m i s e y fa it cesser la s u c c e s s io n l é g i t i m e e t ab i n t e s t a t ,
d e m ê m e la succession contractuelle f a i t cesser la s u c c e s
s io n lé g itim e o u ab intestat p o u r le t o t a l , lo r s q u e l'h é r itie r
c o n tr a c t u e l a é t é in s ti tu é h é r i t i e r p o u r le t o t a l , o u p o u r l a
p a r t ie p ou r l a q u e l l e i l a é t é i n s t i t u é ; d’où il conclut, à la
fin dudit n° 24 , que, lo r s q u e T h é r itie r c o n tr a c t u e l é t r a n g e r
a é t é i n s ti tu é s e u le m e n t p o u r u n e p o r t io n , puta p our
l a m o it ié , i l s u c c è d e a u x p r o p r e s ,
de m êm e q u a u x au
t r e s b ie n s , pour ¡.a p o r t io n p ou r l a q u e l l e i l a é t é in s
t i t u é , e t q u e l'h é r itie r li g n a g e r ab intestat « y s u c c è d e q u e
pour c e t t e m o i t i é ; et ensuite au 11"
25 qui suit,
q u e Tenf a u t
héritier c o n tr a c t u e l d e so n p è r e , pour u n e c e r t a i n e porTION y im:ta POUR UN TIERS OU POUR UN QUART, n ’eST PAS
�ZS3
(
33 )
OBLIGÉ E N V E R S SES FRÈRES E T SOEURS, H É R I T I E R S L É G I T I M E S
ET
AB
I NTESTAT
POUR
LES A U T R E S
P O R T I O N S , CM
rapport
de ce qui lui a été donné ou légué p a r son père.
X . D a n s les p ays de droit écrit elles ont lieu pour partie et
p a r conséquent ad tempus ou ex tcm porc , un sur-tout
qu'elles y
sont considérées comme de véritables dona
tions entre-vifs.
Dira-t-on qu’il n’en étoit pas de même dans nos provinces cidevant régies par le droit écrit ? Mais s’il est vra i, comme le
dit Laurières (au sommaire du n°
23 du chapitre premier de
son Traité des institutions et substitutions contractuelles), que
ces institutions ont pris leur origine des lois romaines qui
permettaient a u x soldats
iiv p r o c in c t u
de s'instituer héri
tiers p a r des pactes réciproques de su ccéd er , il en résultera
nécessairement que les institutions contractuelles, comme les
legs universels , ou à titre universel, peuvent avoir lieu, même
en pays de droit é crit, ou pour un temps seulement, ou à par
tir de tel temps, ou pour partie seulement de l’hérédité ou des
biens , ou même pour un tel corps héréditaire , etc. ; car as
surément 011 ne pouvoit pas appliquer à celui qui testoit ju re
militari , la règle : N em o potest decedere partim te status
partim intestatus.
C ’est ce qui résultera pareillement de ce que dit et répète
s o u v e n t le même auteur , notamment au n° 23 de son chap. 3 ,
et au chap. 4 , n°» 8 et suivants , que les institutions contrac tu elles, en pays de droit écrit> sont réputées vraies dona
tions entre-vifs d<; biens présents et à venir, par lesquelles
linstituant s’interdit la fa c u lté de disposer non seulement
5
V
�(
34 )
à titre g r a t u i t , ruais mêm e à titre onéreux, p a r ve n te, hy
pothèque ou autrem ent, s i ce n’est pour pressante et ur
gente nécessité y car on co n v ien d ra sans d o ute q u e les d o n a
tions p e u v en t se faire p o u r n ’av oir eiïet q u e j u s q u à tel te m p s ,
o u à co m p ter de tel te m p s , elc. E t il faut b ie n q u e le sieur Del
sol p è r e , re c o n n u p o u r p r o c u r e u r très i n s t r u i t , ait eu connoissance de cette j u ris p ru d e n c e , p u is q u ’il a cru d evoir se réserver
l’u su fru it de ce q u ’il appelle les biens institués (c e st-à -d ire de
ceux p o u r lesquels il in stitu o it sa fille son h éritière contrac
tuelle) , ainsi q u e la faculté de p o u v o ir les v e n d re o u engager.
X I . L ’héritier institué contractueîlement ne poun'oit être
a ss im ilé ,
suivant L,aurières , m ême en p ays de droit
é c r it, qu’à l'héritier des Romains institué in castrensibus,
ou ju re m ilitari.
Si donc o n v o u lo it a b so lu m e n t assimiler l’h é ritie r institu e
e o n tra ctu c lle m e n t a l’h é ritie r-in stitu é d u d ro it ro m a in , ce n e
p o u rr o it ê tre a u m oins q u ’à l’h é ritie r institu é in castrensibus ,
o u p a r testam en t fait ju r e m ilitari, q u ’il fa u d ro it le c o m p a re r 5
et c’est aussi ce q u ’a fait L a in iè re s au n° i 5 6 d u d it chap. 4 > ° ù
il re m a rq u e q u e , quoiqu’il y eut accroissem ent de l ’institué
i n b o n is castuf. n s ib u s
à r héritier
au i n t e s t a t
il n’y avoit pas accroissem ent de l ’héritier
quand il répudiait , à l'héritier institue
in
du soldat,
,
c a s t h e n s i nus y
a h in t e s t a t
après q u o i il ajoute : /¿ 7 , par la m êm e raison , il n y apas a c
croissement parm i nous de l'héritier al) intestat a l héritier
contractuel , ou aulégataire universel d ’une portion de biens,
(quoifju’i l y ait accroissem ent du légataire universel, ou de
Vhéritier contractuel , d'une portion de biens ou de succès-
�ZSs
1
/
(
35 )
s ion , ci l’héritier ab intestat), parceque , comme on Fa d it,
l ’héritier ab intestat est héritier solidairement de tous les
biens du défunt, au lieu que l’héritier contractuel, ou le lé
gataire universel, n’étant supposé successeur q u e d ’ u n e
p a r t i e s e u l e m e n t , il ne peut rien prétendre a u - d e l a d e
l a p a r t i e q u i l u i e s t d o n n é e , Fusage étant certain par
m i nous que chacun peut mourir p a r t i m t e s t a t u s , p a r
t i m i n t e s t a t u s , comme les soldats romains ; car , comme
le remarque très bien Loisel (liv. 2, t. 5 , règle 2 1, de ses Institutescoutumières), nos Français comme gens de guerre ont
reçu plusieurs patrimoines , et divers héritiers , d'une même
personne : or il faut convenir que ces propositions sont toutes
précisément les contradictoires de celles que les premiers juges
ont cru nécessaire de consigner dans les motifs de leur jugement,
pour le justifier autant qu’il étoit en eux.
X II. I l résulte évidemment de tout ce que dessus que le
sieur D e lso l a stipulé un retour à son patrimoine in rem ,
et qu au contraire celu i stipulé p a r la mère du fu tu r étoit
personnel à elle et aux siens.
Tout ceci posé , il doit maintenant demeurer pour constant
et suffisamment démontré, que si l’on voit, dans le même con
trat de mariage, d’1111 coté, le sieur Delsol père se réserver, par
une clause générale , le droit de réversion ou retour pour le
cas du décès de sa fille sans enfants , ou des enfants de sa fille
sans descendants , avec stipulation expresse que sadite fille ne
pourroit déroger à ce droit de retour par aucunes dispositions ,
ou autres actes à ce contraires, et cependant, que les enfants de
sadite fille , pareillement grevés dudit droit de retour, pour le
�Cas de leur décès sans descendants, pourroient faire telles dis
positions qu’ils jugeraient il propos ; si en même temps on y
voit d’un autre coté la mère du fu tu r, qui stipùloit le retour
pour elle et/é?.f sien s , en cas de décès de son fils sans enfants,
ou des enfants de son fils sans enfants, ne point défendre a son
fils de déroger audit droit de retour par aucunes dispositions ,
mais au contraire laisser aux enfants de son fils et a son fils luimême toute liberté a cet égard , ce n’est pas, comme l’ont sup
posé les premiers juges dans leurs motifs, que les contractants
aient entendu restreindre au sieur Delsol père personnellement
le retour qu’il stipùloit, et cependant assurer à tous'les ayantscause de la mère du futur le retour qu’elle se réservoit. Leur in
tention au contraire étoit évidemment, à raison de la différence
des circonstances ou chacun se trouvoit pour lors, que le retour
stipulé par le père de la future eût lieu généralement comme
retour ou réversion in rem à son patrimoine, en faveur de tous
ceux qui auroient intérêt à ce que son patrimoine fut conservé
dans son intégrité , mais que celui stipulé par la mère du futur
fut seulement personnel à elle et aux siens .
X III. Principes élémentaires sur la transmis s ibilité de tou
tes stipulations conditionnelles, tant suivant le droit ro
main que suivant le Code Napoléon. L a présomption lé
gale de leur h é a l i t é ne peut être balancée que par des preu
ves écrites dans la clause même de leur personnalité.
Voilà ce q u e les prem iers juges a u ro ie n t vu dans les stip u
lations de re to u r d o n t il s’a g i t , s i , au lieu de s’a rrê te r à de p ré
tendues conjectures toutes insignifiantes q u ’ils o n t entassées
sans uu-.m u c , co m m e sans d is c e rn e m e n t, dans leurs m o tifs, ils.'
�-Î/J
( 37 )
avoient considéré , ainsi qu’ils le devoient, que la stipulation
de retour dont il s’agit est une de celles dont le vrai sens, dé
terminé par la loi même , n’a jamais été abandonné à l’interpré
tation arbitraire des juges, et qu’au surplus, comme ils en con
viennent eux-mêmes dans leurs motifs, toute stipulation de re
tour est, de droit, transmissible aux ayants-cause du stipulant,
lorsque celui-ci ne l’a pas limite à sa personne.
A la vérité , ils supposent en meme temps que cette limita
tion est de droit, et qu’elle doit se suppléer lorsqu’il n’a rien été
dit de contraire ; mais ils ignorent donc, ou feignent d’ignorer ,
que tout au contraire les lois, tant anciennes que nouvelles ,
ont érigé en présomption légale, à laquelle on ne pourroit op
poser aucune autre espèce de présomption ou conjecture, celle
résultante de ce que le stipulant n’a pas exclus, en termes ex
près, du bénéfice de sa stipulation conditionnelle, et de celle de
retour en particulier, ses héritiers ou ayants-cause.
Cependant ils ne pouvoieut méconnoitre cct adage si sou
vent rappelé dans les livres élémentaires, tels en particulier que
les Institutos, et aujourd’hui consacré en tant que de besoin par
le Code Napoléon, que le bénéfice des stipulations condition
nelles se transmet nécessairement aux ayants-cause du stipulant
décédé avant l'événement de la condition : E x . stipulatione
condition ali tantimi spes est debitum i r i ,. eanupie ipsarn
spem in liœrcdem transnnttimus, si priusfjuàm conditio éxtet mors nobis contingat. Inst., p. 4, D e'vcrb. oblig. Ciun(pus s ub conditionc stipuJatus fu e r it , /¿cet ante conditio nern decesserit, posleh existente condilione heures ejus
agere potest. I n s t . , p.
D e inutil, stipul.
Ils auroient dû savoir au moins que, . s u i v a n t 1article 1179
du Code Napoléon , la condition accomplie a un effet ré-
�(
38 )
tr o a c tif a u jo u r a u q u e l le n g a g e m e n t a é té c o n tr a c té , e t q u e,
s i le c r é a n c i e r e s t m o r t a v a n t l a c c o m p l i s s e m e n t d e la c o n
d it io n y s e s d r o its p a s s e n t à s o n h é r itie r . Q u ’ainsi, com m e
le décide l’article 1 122 d ud it C o d e , o n e s t c e n s é a v o ir s tip u l é
p o u r s e s h é r iti e r s e t a y a n t s - c a u s e , à m o in s q u e le c o n tr a ir e
n e s o it e x p r i m é , o u n e r é s u l t e d e l a n a t u r e m ê m e d e l a
c o n v e n t io n
(co m m e , par exem p le, parcequ’il s’agiroit d’un
droit d’usufruit ou d’u sa g e , ou de to u t autre d roit personnel au
stip u la n t, mais non pas bien certa in em en t, com m e l’insinuent
les prem iers ju g e s, parceque quelques circonstances p ourraien t
donner lieu de le faire soupçonner.) E n fin , ils auraien t dù. con
clure de là que l’ayant-cause du stip u lan t, quel q u ’il s o i t , et en
q u elqu e tem ps que la condition a rriv e , n’a point à p rou ver que
son au teur a vou lu stipuler p our ceux q u i le représenteraient
lors de l’arrivée de la condition ; q u ’en un m ot c’est à celui qui
le prétend exclus par la stip u lation , à le p ro u ve r, c’est-à-dire,
suivant l’article 112 2 dud it C o d e , à prou ver que cette exclusion
est écrite dans la stipulation m êm e. Q u a m v is v e r u m e s t q u b d
q u i e x c i p i t p r o b a r e d e b e t q u o d e x c i p i t u r , a tt a m e n d e ip s o
d u n t a x a t , a t n o n d e h œ r e d e e ju s c o n v e n i s s e , p e t i t o r , n o n
q u i e x c i p i t , p r o b a r e d e b e t. L eg. 9 , fi. D e p r o b e t p r œ s .
Q u ’en elfet., il y a en ce cas présom ption vraim en t légale ,
j u r i s e t d e j u r e } que la stipulation est in r e m , et non pas
lim itée à la personne d u s tip u la n t, com m e le soussigné 1 a déjà
dém ontré dans sa Consultation p récéd en te, délibérée le 27 juiu
i8of>, et com m e il l’avoit dém ontré avec bien plus de d éve
loppem ent encore dans son Précis ( c i- jo in t ) , im prim é en 17G 7,
pour les sieurs L h éritier , F ourrroi et consors , contre le m ar
quis de IMesme , et sur lequel est interven u l’arrêt solennel du
>7 lé \ rit* i- même année : or une présom ption de cette esp èce,
�contre laquelle on ne doit adm ettre aucune présom ption con
traire, ne p ourroit être balancée ou détruite que par des
preuves positives et bien form elles, e v i d e n tis s im is e t in s c r ip tis h a b i t i s , com m e le d it la loi 2 5 , p. 4 , i n j i n e ,
if. D e
prob. e t p r œ s .
Il faudrait donc dém ontrer par écrit, c’est-à-dire, com m e le
porte ledit article 1 1 2 2 , par les expressions m êm es d e l à stip u
lation, que celui q u i a stipulé sous condition (qu oiqu ’il n’ait
pas parlé de scs ayants-cause) a cependant tém oigné vo u lo ir les
e x c lu re , ayan t par exem ple déclaré expressém ent ne vo u lo ir
stipuler que p our le cas où il su rvivrait à l’événem ent de la con
dition.
A u tre m en t, et à défaut de preuve écrite de cette espèce , il
sera toujours censé , com m e le d it V in n iu s, a d r e m f a m i l i a r e m r e s p e jc is s e } c’est-à-dire avoir vou lu a c q u é r ir , ou con
server, ou rep ren d re, et avoir en pleine propriété ( le cas de la
condition a r r iv a n t, en q uelqu e tem ps que ce fû t) , ce q u i fait
l’objet de sa stipulation con dition n elle, le to u t à reffet de pou
v o ir disposer librem ent par actes entre-vifs ou à cause de m ort
du droit éventuel q u i en résu lte, com m e de tous ses autres
d roits, soit ouverts-, soit seulem ent éventuels : or tel est le cas
où s’est trouvé le sieur D elsol père , q u i, en stipulan t un droit
de retour auquel sa fille 11e pourroit déroger par aucim es dispo
s i t io n s (q u o iq u e les enfants de sa fille le p u ssent) 11’a
aucun de scs ayauts-cause du bénéfice de sa stipulation-
exclus
�( 4o )
X IV - Preuves p a r le testament du sieur D e ls o l , et par les
consultations qu’il avoit prises d ’avance sur ce point, q u il
étoit bien convaincu de la r é a x i té de sa stipulation.
Aussi voit-on que le sieur D elso l, toujours bien convaincu de
la l'éalité de son droit en a disposé par testament peu de jours
avant sa m ort, comme d’un droit vraiment réel m rem , quoi
que ce droit purement éventuel ne dût s’ouvrir, suivant toutes
les apparences , qu’après sa mort et même bien long - temps
après.
Effectivement par ce testam ent, après avoir institué son fils
aîné et successivement ses autres enfants, par ordre de primogéniture, ses h éritiers u n iv e r s e ls , il avoit déclaré vouloir e x
pressément que, dans le cas où la dame Jeanne-Marie Delsol,
épouse du sieur de V ig ie r , viendroit à décéder sans en
fants ou descendants , son héritier recueille et profite du
droit de réversion , par lui stipulé dans le contrat de ma
riage de sa fille avec ledit sieur de V ig ier, etc. E t si ses
dispositions à cet égard n’ont pu recevoir aucune exécution, c’est
u n i q u e m e n t parceque le testamenta été déclaré nul pour vice
de forme. Comment en effet auroit-il pu douter un instant de
son d ro it, lui q u i savoit bien n’avoir pas limité sa stipulation
au cas de sa survie , et qu’il ne s’agissoit pas d’un droit d’usu
fruit ou d’usage, ni d’aucun autre droit personnel de sa nature?
Il avoit bien présumé cependant que sa fille , en cas qu’elle
lui survécût, prétendroit le retour éteint par le seul fait de sa
survie, et qu’alors elle s'opposerait à l’exécution de toute espèce
de disposition qu’il aurait cru devoir en faire, pour le cas oii il
«’ouvrirait en quelque temps que ce fût.
En conséquence il avoit pris dès l’année 1 7 7 1 , neuf ans avant.
�■Z
(4 0
sa mort, (un mois avant son second mariage) la précaution de con
sulter M. Chabrol, jurisconsulte deRiom, regardé pour lors a bien
juste titre comme l’oracle de la province; et ce jurisconsulte, quoi
qu’il ne connût pas encore l’arrêt de 1767 qui a fait cesser tous les
cloutes sur ce point, avoit répondu par sa consultation du 24 sep
tembre 1771 (conformément h. la décision de Henrys sûr sem
blable espèce) que M. Delsol ayant stipulé le. retour, en cas de
décès, non seulement de sa fille, mais des enfants de sa fille sans
d e sce n d a n ts (comme il n’étoitpas vraisemblable qu’il eût entendu
survivre aux enfants de sa fille et à leurs descendants, et qu’il eût
étendu si loin sa pensée; comme d’ailleurs il est de principe que
les stipulations son censées faites, tant pour les stipulants que
pour leurs héritiers ou ayants-cause), il devoit être supposé
avoir entendu que cette réserve et convention s’étendroient
bien loin } etpouvoient durer encore après lui.
Il en a été de même de MM. Audran le jeune, Ceuttes et
Ducrochet, jurisconsultes distingués de Riom , qu’il a encore
consultés les i 5 décembre 1778 et 2 janvier 17 7 9 , plus d’un an
avant sa m ort, et q u i, en lui faisant la même réponse, l’ont
appuyée de nouvelles autorités notamment de -celle de l’arrêt
solennel de 1767 , qu’ils présentent comme ayant levé tous les
doutes sur ce p o in t, s’il pouvoit y en avoir encore.
X V . E n v a i n v o iu lr o it- o n a s s i m i l e r là s tip u la tio n d u r e to u r
in rem à u n jid é i c o m m is .
Mais, disent encore les premiers juges (dans le septième a t
te n d u do leur première question), la c la u s e p a r la q u e lle le
s ie u r D e l s o l a v o u lu f a i r e r e n tr e r d a n s s a f a m i l l e , a p r è s s o n
d é c è s e t c e l u i d e s a f i l l e , le s b ie n s r é s e r v é s ou i n s ti tu é s , n e
G
�(4 0
p o u r r o i t ê t r e e n v is a g é e q u e c o m m e u n e c h a r g e d e f i d é i c o m i
m i s } c o m m e u n e v é r it a b le s u b s titu tio n d o n t i l a u r o it v o u lu
g r e v e r s a J i l l e , e t la q u e lle
s e r o i t a b r o g é e p a r le s lo is d u
i4 n o v e m b r e 1792. Ainsi ils supposent que le retour dont il
s’agit seroit un retour à la f a m i l l e du sieur Delsol en particu
lier, à l’exclusion de tous ses autres ayants-cause, tandis que
dans le fait c’est un retour indéfini et illimité à son patrimoine,
et par conséquent à ses ayants-cause, quels qu’ils puissent être,
c’est-à-dire un retour à lui-même, dans la personne de ceux qui
à son défaut le représenteront pour les choses sujettes à ce droit,
lors de son ouverture. O r , certainement ou ne pourra jamais
concevoir que le retour à son patrimoine, ou à soi-même, soit
une véritable substitution fidéicommissaire. Il faudrait au moins,
- pour constituer une telle substitution , que ce retour eut été
stipulé en faveur de tiers, autres que les représentants néces
saires du stipulant, pour venir en second ordre après celui qu’il
a gratifié directement; ou si l’on veut encore, au profit du
moins d’une classe p articu lièr e et déterminée de ses représen
tants et ayants-cause , à l’exclusion de toutes les autres classes ,
comme, par exemple , au profit des s ie n s seulement.
Il ne peut pas en être de même du retour indéfini stipulé par
une clause g é n é r a le , sans aucune espèce délim itation, tel que
celui stipulé par le sieur Delsol père, à raison des circonstances
particulières oii il se trouvoit, comme 011 l’a vu ci-dessus; eu
effet, il y « cette différence entre le retour conventionnel et la
substitution fidéicommissaire, que le retour général et indéfini,
a p p o s é pour tel cas, à une convention quelconque, même à
celle de succéder, la résout, et fait rentrer, le cas arrivant,
tous les biens dont il avoit été disposé sous cette condition, par
donation ou institution , dans le patrimoine du stipulant, pour
�les remettre entre ses mains, ou à son défaut dans celles de ses
représentants, qui ne sont à cet égard et pour ce qui concerne
cet objet que la continuation de sa personne. Aussi voit-on que
la loi du 17 nivose an 2 (quoique les substitutions fidéicommissaires fussent alors abrogées) a conservé les retours convention
nels dans leur intégrité, et qu’en conséquence la Cour de cas
sation, par son arrêt du 11 frimaire an 14 (dont le soussigné a
rendu compte dans sa Consultation de 1806) , a maintenu un
droit de retour indéfini et illimité, comme n’ayant rien de com
mun avec la substitution fidéicommissaire, quoique son ouver
ture n’eut eu lieu que plus d’un siècle après le décès du donateur
qui l’avoit stipulé.
1. D e V e x p o s é c i - d e s s u s r é s u lte la s o lu tio n d e s tr o is
q u e s tio n s p o s é e s p a r l e s p r e m i e r s j u g e s .
De tout ce qui vient d’être exposé résulte incontestablement
la solution de la seconde des trois questions posées par les pre
miers juges , qui étoit de savoir s i la r é s e r v e d e r e to u r s tip u
lé e p a r le s ie u r D e l s o l p è r e é t o it li m i t é e à s a p e r s o n n e , e t
p o u v o it ê t r e tr a n s m is e à s e s h é r iti e r s : or cette question est la
seule qu’ils aient jugée , et par conséquent la seule qui soit à
juger sur l’appel; mais il en résulte encore, en tantque de besoin,
la solution des deux autres questions qu’ils ont pareillement
posées (quoiqu’ils n’aient pas pris sur eux de les juger, s’étant
contenté à cet égard d’émettre leur opinion). En ciï’ct la pre
mière de ces deux questions étoit de savoir quels biens ont été
et pouvoient être compris dans la clause par laquelle le sieur
Delsol s’est réservé le retour, et l’autre de savoir si, dans le
cas de transmissibilité , ce droit tic retour 11c seroit pas confon
�( 44 )
du dans la personne de la dame d’Orcet avec sa qualité d’he'ritière contractuelle de son père : or on a vu ci-dessus, d’une part,
que la stipulation de retour par le sieur Delsol père comprenoit
en termes exprès les biens par lui donnés à sa iille, et en outre
la totalité des biens non donnés qu’il laisseroit au jour de son
décès ; et d’autre part, que le retour ne devant s’ouvrir que par
le fait du décès de la dame d’Orcet sans enfants (c’est-à-dire lors
de la révocation de son institution contractuelle ) , il étoit im
possible que ce droit de retour, en quelque temps qu’il s’ouv r it , se confondit un seul instant dans sa personne avec sa qua
lité d’héritière contractuelle de son père ; et l’on a vu de plus
que la dame d’O rcet, qui n’a pas d’enfants, étant actuellement
hors d’àge d’en avoir, le droit de retour dont elle est grevée ne
peut manquer de s’ouvrir un jour au profit de ceux qui se sont
trouvés être héritiers ab intestat du sieur Delsol père décédé
sans avoir testé valablem ent, c’est-à-dire au profit de la dame
d’Orcet elle-même pour sa part héréditaire, et pour le surplus
au profit des sieurs Delsol, ses frères} le tout attendu que l’é
vénement de la condition apposée au retour (comme toute es
pèce de condition apposée à une stipulation), a un effet rétroac
tif au jour même de la stipulation, comme on l’a vu ci-devant:
or il résulte de là, en dernière analyse, que les sieurs Delsol frères
ont été bien fondés à exercer les actes conservatoires de leur
droit, quoique ce droit ne soit qu’éventuel-, et ils doivent croire
que c’est aussi ce qui sera jugé sur leur appel par les magistrats
supérieurs qui en sont saisis.
Délibéré à Paris par le soussigné ancien avocat, ce 24
mars 1809.
LESPARAT.
�( 44
L
e
b is
)
C O N S E IL S O U S S IG N É , qui a pris lecture des deux
consultations délibérées et rédigées par M. Lesparat, les 27 juin
1806 et 24 mars 1809, ensemble du jugement rendu en pre
mière instance par le tribunal d’Aurillac, entre madame d’Orcet
et MM. Delsol, le 22 juillet 18085 vu d’ailleurs le précis imprimé
sur lequel est intervenu l’arrêt solennel du 17 février 1767,
adopte entièrement tous les principes déduits dans les deux con
sultations précitées, où la doctrine sur les clauses de retour est
établie avec un jugement exquis et une clarté parfaite. Il s’ho
nore sur-tout de professer, avec le respectable jurisconsulte qui
en est l’auteur, l’opinion que l’article 951 du Code Napoléon,
quelles qu’aient été les intentions de ses illustres rédacteurs (ce
qui est fort inutile à approfondir), n’a nulle influence sur une
question qui procède d’une convention faite avant le Code; et à
ce sujet il croit devoir observer que si (par application de ce
principe sur l’impossibilité de donner effet rétroactif aux lois )
on croit devoir contester à l’article 1179 du Code Napoléon
(quoique confirmatif d’un droit antérieur) toute influence sur
la question de présomption légale pourla réalitédu retour, celte
présomption légale se retrouve, quant à l’espèce, dans le droit
romain, qui, lors des conventions, éloit la loi coërcitivc des
parties domiciliées en pays de droit écrit. L e Conseil pense donc
�(
44 *<” ' )
que îe jugement du tribunal de première instance sera réformé
sans coup férir par la cour d’appel, et que la stipulation de re
tour sera réinvestie de tous les effets que lui a assignes la volonté
des parties.
D élibéré à P a ris, ce 17 mai 1809.
BELLART,
B O N N E T , D E L V IN C O U R T , L A C A L P R A D E .
�N
a p o i
. . É O N , PAR LA GRACE DE DlEU ET LES CONSTITUTIONS DE l ’ E m -
ï i r e , E m p e r e u r d e s F r a n ç a i s , R o i d’ I t a l i e , e t P r o t e c t e u r d e l à
C o n f é d é r a t i o n d u R k i n , à tou s p r é s e n ts et à v e n i r , S a l u t :
L e T r i b u n a l c i v i l d e p r e m iè r e in s ta n c e é t a b li à A u n l l n c , c h e f -lie u
..de p r é f e c t u r e d u d é p a r t e m e n t d u C a n t a l , a r e n d u le j u g e m e n t s u i v a n t :
E n t r e d a m e J e a n n e - M a r i c D e ls o l , v e u v e d e s ie u r G a b r i e l - B a r t b é l e m y
V i g i e r - d ’O r c e t , h a b i t a n t d e la v ille d e M a u r i a c , d e m a n d e r e s s e en e x e c u tio n d e j u g e m e n t d u six a o û t d e r n i e r , et d é fe n d e r e s s e en o p p o s i t i o n ,
c o m p a r a n t e p a r M e. L a b r o , son a v o u é , d ’ u n e p a r t ;
S i e u r P i e r r r - F r a n ç o i s D e l s o l , p r o p r i é t a i r e , h a b i t a n t d e la ville d ’A u r il l a c , d é f e n d e u r et o p p o s a n t , c o m p a r a n t p a r M ' . R a m p o n , son a v o u é ,
d ’a u t r e p a r t ;
S i e u r G a b r i e l - B a r t h é l e m y D e l s o l , p r o p r i é t a i r e , h a b i t a n t d e la ville
d e P a r i s , aussi d é f e n d e u r et o p p o s a n t , c o m p a r a n t p a r M e. B o n n e f o n s ,
son a v o u é , d ’a u tr e p a r t ;
E n p r é s e n c e d e s ie u r A n t o i n e D e s p r a t s , p r o p r i é t a i r e , h a b i t a n t d u d i t
A u r i l l a c , aussi d é f e n d e u r , c o m p a r a n t p a r M ' . M a n h e s , son a v o u é , d ’a u t r e
part :
O u ï le r a p p o r t d e l ’ in s la n c e d ’e n tr e les p a r t i e s , fa it p u b l i q u e m e n t à
l ’a u d i e n c e p a r M . D i l z o n s , p r é s i d e n t , m e m b r e d e la L é g i o n d ’I I o n n c u r ,
en e x é c u t io n du j u g e m e n t d u d i x - n e u f l é v r i e r d e r n i e r , à l’a u d i e n c e d u
v i n g t - u n j u i l l e t , et a p r è s q u ’il en a é l é d é li b é r é à la c h a m b r e d u co n s e il,
en e x é c u t io n d u j u g e m e n t d ’ h ie r v in g t-u n j u i l l e t ; v u le p r o c è s , les c o n
c lu s io n s d e sd its sieu rs P i e r r e - F r a n ç o i s et G a b r i e l - B a r t h é l e m y D e l s o l ,
t e n d a n t à ê t r e r e ç u s o p jio sa n s au j u g e m e n t r e n d u p a r d é fa u t fa u te d e
p l a i d e r , le six a o û t d e r n i e r , q u e fa isa n t d r o i t su r l e u r o p p o s i t i o n , le d it
j u g e m e n t lû t d é c h iré nul et de n u l cil’e t , a u p r i n c i p a l la d a m e d ’ü r c e t
fû t d é c la r é e pur< n ien t et s im p le m e n t non r e c e v a b l e d an s sa d e m a n d e , o u
en tous cas déboutée*, sous l.t r é s e r v e q u e font les s ie u r s D e l s o l , d e x e r
ce. c o n t r e tous d é t e n t e u r s des bi ens s o u mi s au d ro it d e r e t o u r les d ro its
e t a ctio n s r é s u l u n s d e le u r s q u a lité s d e t r a n s m is s io n u a ir e s , ainsi qu'il»
�#,*j v
(
46 )
a v i s e r o n t , et q u e la d ain e d ’O r c e t so it c o n d a m n é e a u x de'pens -, v u les
c o n c lu s io n s d e la d a m e d ’O r c e t , te n d a n t e s à c e q u e les sieu rs D e lso l fu s
se n t d é b o u t é s d e l ’o p p o s itio n p a r e u x forme'e p a r l e u r r e q u ê t e d u v i n g t trois a o û t d e r n ie r a u j u g e m e n t d u six d u m ê m e m o is , q u ’il fû t o r d o n n é
e n c o n s é q u e n c e q u e le s u s d it j u g e m e n t se ro it e x é c u t é s u i v a n t sa fo r m e
e t t e n e u r , e t q u e lesd its sieu rs D e ls o l fu s se n t c o n d a m n é s a u x d é p e n s •
v u aussi les c o n clu sio n s d u s ie u r D e s p r a t s , t e n d a n te s a ce q u ’il fu t d o n n é
a cte d es o ffres q u ’il a v o it to u jo u r s faites d e p a y e r le p r i x d e spn a c q u isi
t io n , en , p a r la d a m e d ’O r c e t , lu i d o n n a n t b o n n e et su ffisante c a u t i o n ,
o u e n fa isa n t j u g e r la v a l i d i t é d e son p a i e m e n t vis-à-vis des sieu rs D e ls o l
ses f r è r e s ; en c o n s é q u e n c e , et d an s le cas o ù elle p a r v i e n d r o i t à fa ire j u
g e r p a r j u g e m e n t en d e r n i e r r e s s o r t , q u e le d r o it d e r e t o u r d o n t s’a git
est i r r é v o c a b l e m e n t é t e i n t , q u e lesd its sieu rs D e ls o l fu ssen t c o n d a m n é s
a u x d é p e n s d e la c o n t e s t a t io n , m ê m e vis-à-vis d e lu i D e s p r a t s j et a u cas
c o n t r a i r e o ù le t r i b u n a l d é c i d e r o i t q u e le d ro it d e r e t o u r p e u t s o u v r i r
e n c o r e en f a v e u r des sie u r s D e l s o l , en ce c a s , q u e la d a m e d ’O r c e t fu t
d é c la r é e n o n r e c e v a b l e d a n s sa d e m a n d e en p a i e m e n t d u p r ix d u p r é
d e C a n c o u r , q u ’elle fû t c o n d a m n é e à r e s t itu e r les six ce n ts fr a n c s p a r
clic r e ç u s , a v e c les in térêts l é g i t i m e m e n t d u s , et en o u t r e en six m ille
fr a n c s de d o m m a g e s - i i i té r ê t s r é s u lla n s d e l ’é v i c t i o n , et en tous les d é
p en s.
D a n s le fa it, en l ’a n n é e i / 4o , le s ie u r B a sile D e ls o l , p r o c u r e u r au
b a illia g e d ’ A u r i l l a c , é p o u s a la d e m o is e lle T h o m a s ; d e c e m a r ia g e il
n’issut q u ’ u ne fille q u i se m a r ia a v e c le s ie u r d e V i g i e r - d ’O r c e t ; d an s leu r
c o n t r a t d e m a r i a g e , d u d e u x j u i n 1 7 G 0 , le s ie u r D e ls o l d o n n a p a r d o n a
tio n e n tr e - v ifs p u r e et s i m p l e , à la d e m o is e lle D e l s o l , sa fille , p a r a v a n
c e m e n t d ’h o ir i e , le d o m a i n e , te r re et s e ig n e u r i e d u C l a u x , 011 q u o i q u e
l a d ite t e r r e et d o m a in e d u C l a u x p u iss e n t ê t r e et c o n s is t e r , a u x m ê m e s
c l a u s e s , c h a r g e s et c o n d itio n s q u e le d é la is s e m e n t lui en sera fa i t , c o n f o r
m é m e n t à la d e m a n d e q u ’ il en a fo r m é e a u x r e q u ê t e s d u p a la is, et au
cas où ladite d e m a n d e en d é la is s e m e n t d esd its bien s ne lui se ro it pas a d j u g é e , ledit D e ls o l , p o u r d é d o m m a g e r sa fille d u d i t d o m a in e et te r re du
4
�|f C
( 47 )
C l a u x , l u i d o n n a et délaissa toutes les c r é a n c e s q u i l u i éto ien t d u e s p a r
lesd its b ie n s en ca p ita l et a ccesso ires; le sieu r D e ls o l d o n n a aussi p a r
m ê m e d o n a tio n e n tr e - v ifs à la d ite d e m o ise lle D e ls o l sa fille la s o m m e
de d ix m ille l i v r e s , q u ’ il p a y a c o m p t a n t ; et à l ’é g a r d d u s u r p lu s de ses
a u tr e s b ie n s q u i se t r o u v e r o ie n t rester a u d i t s i e u r D e ls o l lors d e son d é
c è s , il p r o m i t d e n’in s tit u e r d ’a u t r e h é r itiè r e q u e la d e m o is e lle D e ls o l,
sa fille, sous la r é s e r v e d e l’u su fr u it d e tous les L iens in s tit u é s , e t d e p o u
v o i r v e n d r e e t e n g a g e r lesd its b ie n s ainsi q u ’il j u g e r a à p r o p o s , ta n t en
la v i e q u ’à la m o r t , et e n c o r e d e d isp o ser d u n e s o m m e d e d ix m ille l i v . ,
e t n ’en dispo sa n t p a s , la r é s e r v e to u r n e r a a u p r o fit d e sa d ite fille; et a u
cas o ù la d ite d e m o is e lle f u t u r e é p o u s e v i e n d r o i t à d é c é d e r sans e n fa n ts,
o u ses en fa n ts sans d e s c e n d a n ts , o u sans d is p o s e r v a l a b le m e n t , le d it s ie u r
D e ls o l se r é se r v a e x p r e s s é m e n t le d r o it d e r é v e r s io n e t r e t o u r , t a n t des
b ie n s d o n n é s q u e r é s e r v é s , sans q u ’il p û t ê t r e d é r o g é p a r sa fille f u t u r e
é p o u s e a u d i t d r o i t d e r é v e r s io n p a r a u c u n e d is p o sitio n n i a u tr e s actes
a c e c o n tr a ir e s. P a r le m ê m e c o n t r a t , le s ie u r d e V i g i e r o n c l e , p o u r et
a u n o m d e la d a m e M o i s s i e r , u s a n t d u p o u v o i r d o n n é à la d i t e d a m e p a r
le s ie u r de V i g i e r , son m a r i , d a n s son c o n t r a t d e m a r i a g e d u o n z e
fé v r ie r 1 7 2 2 , n o m m a led it sieu r d e V i g i e r f u t u r é p o u x , p o u r r e c u e illir
l'effet d e l a d o n a t i o n d e la 'm o itié d e tous ses b ie n s p a r e u x fa ite a u p r o fit
d e c e l u i d e le u r s e n fa n s à n a ître q u i se ro it ch oisi p a r e u x o u p a r le s u r
v i v a n t d ’e u x ; e t en v e r t u d u p o u v o i r sp écial p o rté en lad ite p r o c u r a t i o n ,
il d o n n a à l it r e d e d o n a t io n e n t r e - v i f s a u d i t s ie u r d e V i g i e r , fu t u r
é p o u x , t o u t le s u r p lu s des b i e n s , m e u b l e s et i m m e u b l e s , p r é se n ts et à
v e n i r d e la d ite d a m e , et r é se r v a à l a d ite d a m e V i g i e r la l ib e r t é d e d is p o
se r p a r a c te e n t r e - v i f s o u à ca u se d e m o r t d ’ u n e s o m m e d e d ix m ille
l i v r e s à p r e n d r e s u r les b ie n s p a r elle d o n n é s ; se r é se r v a p a r e i l l e m e n t ,
la d ite d a m e V i g i e r , ( e t p o u r elle led it s i e u r p r o c u r e u r c o n s tit u é ) , le r e to u r
et r é v e r s io n à elle et a u x siens des b ie n s p a r elle d o n n é s a u d i t sieu r fu tu r
é p o u x , d an s le cas o ù il v ie n d r o it à d é c é d e r sans e n fa n t s , ou ses en tants
sans d e s c e n d a n t s , o u sans a v o ir v a l a b l e m e n t d isposé. — C e ne fu t q u e
p lu s d e o n z e ans a p rè s le m a r ia g e d e sa fille q u e , le v in g t o c t o b r e 1 7 7 1 ,
le s ie u r D e ls o l en c o n t r a c t a u n s e c o n d a v e c la d em o ise lle D u b o i s . D a n s
I
a
�ce s e c o n d c o n t r a t d e m a r i a g e , les é p o u x d o n n e j i t la m o it ié d e le u rs
b ie n s à u n d e s en fants à n a ître q u i se ro it ch o isi p a r e u x ou p a r le s u r v i
v a n t. — L e 1 1 ju illet 17 8 0, le s ie u r D e ls o l fit u n t e s t a m e n t p a r le q u e l , a p rè s
a v o i r l é g u é m ille liv r e s à la d a m e d ’O r c e t , et so ix a n te m ille liv r e s à c h a
c u n d e ses trois e n f a n l s , il in s titu a p o u r son h é r itie r u n i v e r s e l son fils
a în é d u s e c o n d l i t , e t , à son d é f a u t , ses a u t r e s e n fa n ts p a r o r d r e d e p rim o g é n it u r e , v o u l a n t e x p r e s s é m e n t q u e d a n s le cas o u la d a m e d ’O r c e t
v ie n d r o it à m o u r i r sans e n fa n ts, o u ses en f a nt s sans d e s c e n d a n t s , son h é r i
t ie r p r o fitâ t d u d r o it d e r e t o u r p a r l u i s t i p u l é d an s le c o n t r a t d e m a r i a g e
de sa f i l l e . — C e t e s t a m e n t fu t d é c l a r é n u l p o u r v i c e d e f o r m e p a r se n
te n c e d u b a illia g e d ’A u r i l l a c d u v i n g t - n e u f a o û t 1 7 8 2 , l a q u e l l e o r d o n n a
le p a r t a g e d e la s u c c e s s io n d u s ie u r D e ls o l , p o u r eu ê t r e d éla issé a u x
en fa n ts d u s e c o n d l i t trois d o u z i è m e s p o u r l e u r lé g it im e de d r o i t , e t les
n e u f a u tr e s d o u z i è m e s
à la
d a m e d ’O r c e t , en v e r t u d e l ’in s titu tio n c o n
tr a c t u e lle . L e p a r t a g e fu t ainsi e x é c u t é . — D e v e n u s m a j e u r s , les sieurs
D e ls o l f r è r e s , tant en l e u r n o m q u e c o m m e co h é r itie r s d e S o p h i e , l e u r
sœ u r m o r t e a b i n t e s t a t , o n t p a ss é a v e c la d a m e d ’O r c e t , les d ix v e n t ô s e
et v i n g t - t r o i s g e r m i n a l a n n e u f , d e u x actes sé p a r é s p a r l e s q u e ls les sieu rs
D e l s o l , en a p p r o u v a n t le p a r t a g e d e s i m m e u b l e s d e l e u r p è r e , c é d o ie n t
à la d a m e d ’O r c c t le h u i t i è m e r e v e n a n t à c h a c u n d ’e u x d an s l ’a r g e n t
c o m p t a n t , le p r i x d u m o b i l i e r , les c r é a n c e s p e r ç u e s , e t l e u r p a rt d an s la
s o m m e d e d ix m ille liv r e s p o r t é e p a r le c o n t r a t d e m a r ia g e d u d e u x ju in
1 7 G 0 , en q u o i q u e le t o u t p u iss e ê t r e et c o n s i s t e r , sans a u tr e s réserv es
q u e celles c i - a p r è s : ( l a d a m e d ’O r c e t d e m e u r e c h a r g é e d es d e ttes d e la
su cc essio n ; au m o y e n d e ce , les p a r t ie s se t ie n n e n t r e s p e c t i v e m e n t q u itte s
d u passé jusqu'à hujr, e t p r o m e t t e n t n e p lu s se rie n d e m a n d e r l ’u n e à
l ’a u t r e . ) —
P a r m i les b ie n s restés k la d a m e d ’ O i c e t é t o it u n e p a r t ie de
la m o n t a g n e a p p e lé e d e B r o u s s e t t c -, e lle l ’a v e n d u e a u s ie u r D e ls o l a în é ,
p a r a c te d u v i n g t - h u i t f r u c t id o r an d i x , m o y e n n a n t d o u z e m ille l i v r e s ,
d o n t il a p a y é h u i t m ille l i v r e s , e t la d a m e d ' O r c c t l ’a te n u q u i tt e des
q u a t r e m i lle liv r e s r e s t a n t e s , au moyen d o c e q u ’il a r e n o n c é au q u a r t
des c r é a n c e s à r e c o u v r e r . — L e s i e u r D e ls o l n’a v u a u c u n d a n g e r d an s
t c ite a cq u isitio n . — L e q u i n z e a v r i l 1 8 0 G , la d a m e d ’O r c e t v e n d it au
�■¿71
(
49 )
s ie u r D e s p r a ts u n p r é a p p e l é d e C a n c o u r , l e q u e l fait p a rtie d es b ie n s
d u s ie u r D e ls o l. — P e u a p rè s a p a r u l ’a r r ê t d e la c o u r de c a s s a t i o n , d u
o n z e fr i m a i r e a n q u a t o r z e , q u i a v a l i d é u n d r o i t d e r e t o u r c o n v e n t i o n
n e l et c o u t u m i e r , a u q u e l o n v o u lo i t a p p l i q u e r la loi s u p p r e s s iv e d es
s u b s titu tio n s . A l o r s l e s ie u r D e s p r a t s , c r a ig n a n t à to r t d ’é tre u n jo u r
é v i n c é d e son a c q u i s i t i o n , r e fu sa d ’en p a y e r l e p r i x - s u r le c o m m a n d e
m e n t q u i lu i a é t é fait le o n z e j u i l l e t , il a r é p o n d u q u e le d ro it d e r e t o u r
é t a n t *une stip u la tio n c o n d itio n n e lle q u i passe a u x h é r i t i e r s , il a v o it
ju s t e s u je t d ? a p p r é h c n d e r d ’é tre t r o u b l é d a n s la p r o p r i é t é d u p r é de
C a n c o u r , e t d e d e m a n d e r p a r c o n s é q u e n t a r é s o u d r e la v e n t e , o u à r e
te n i r le p r i x , o u à p a y e r sous ca u tio n . C e r e fu s o b li g e a la d a m e d’ O r c e t
à se p o u r v o i r en j u s t ic e , et à d e m a n d e r c o n t r e le s ie u r D e s p r a t s la c o n
tin u a tio n d e ses p o u r s u i t e s , et c o n t r e les sieü rs D e ls o l la n u l l it é d e la
cla u s e . C ité s a u b u r e a u de p a i x , l ’aîn é a r é p o n d u q u ’il n e
p a s le c o n t r a t d e m a r i a g e d e sa s œ u r ,
4j u ’il
connoissoit
i g n o r o i t si son p è r e a v o it
s t ip u lé u n d r o it d e r e t o u r , q u ’e n le s u p p o s a n t a i n s i , il n’a u r o i t q u ’ u n e
e s p é r a n c e . O n a p r é t e n d u p o u r l e c a d e t q u ’ il a v o i t c h a n g é son d o m i
cile à P a r i s , e t sous c e p r é t e x t e o n a é l u d é la c l ô t u r e d u p r o c è s - v e r b a l .'
j u s q u ’ au o n z e a o û t. A s s ig n é s a u t r i b u n a l , c h a c u n d ’e u x a
constitué
a v o u é , et a p rè s a v o i r t e r g i v e r s é p e n d a n t p lu s d e h u i t m o i s , ils o n t d e
m a n d é p a r des e x c e p t i o n s sé p a r é e s à ê t r e m is h o r s d e c a u s e , s’a g i s s a n t ,
d is o ie n t - ils , d ’u n d r o it non o u v e r t . D a n s
cet
é t a t , la c a u s e p o r l é e à l’a u
d ie n c e d u c i n q ju in 1 8 0 7 , il i n t e r v i n t u n j u g e m e n t p a r d é fa u t q u i o r
d o n n a q u ’ils d é f e n d r o i e n t a u fo n d . Us o n t fa it sig n ifier d es d é fe n s e s le
d e u x j u i l l e t , en p r o t e s ta n t d e se p o u r v o i r c o n t r e le ju g e m e n t, d u c in q
ju i n . Q u o i q u ’ils e u ss e n t d o n n é le u r s m o y e n s p a r é c r i t , les s ie u r s D elsol
n ’o n t pas v o u l u les p l a i d e r à l ’a u d ie n c e . L e six a o û t u n s e c o n d j u g e m e n t
p a r d é f a u t a d é c la r é n u lle la cla u s e d u d r o it d e r e t o u r , e t a o r d o n n é la
co n t in u a tio n d es p o u r s u it e s c o n t r e le s ie u r D e s p r a t s . L e s sieurs Delsol
o n t f o r m é o p p o sitio n à c e j u g e m e n t , e t c e n’est q u e le d i x - n e u f fé v r ie r
180 8 q u ’ ils se so n t en lin p r é s e n té s à l’a u d i e n c e , o ù , su r plaid oiries res
p e c t i v e s p e n d a n t q u a t r e a u d i e n c e s , il a été o r d o n n é u n e in s tr u c tio n p a r
é c r it au r a p p o r t d e M. Del/.ons, p r é s i d e n t .
�D a n s le d r o i t , la ca u se pre'sente à j u g e r ,
Q u e l s b i e n s o n t é t é , e t p o u v o i e n t ê t r e c o m p r i s d an s la c la u s e d e r e
i°
t o u r r é s e r v e 'e p a r le s ie u r B a z i l e D e ls o l d a n s le c o n t r a t d e m a r ia g e d e
la d a m e d ’O r c e t sa fille ;
2° S i c ette r é s e r v e é t o it l im it é e à la p e r s o n n e d u s ie u r D e l s o l , o u p o u v o i t ê tre tra n s m is e à ses h é r i t i e r s ;
3°
S i d an s l e cas d e la t r a n s m is s i b i l i t é , c e d r o i t d e r e t o u r n e se seroit
p a s c o n f o n d u d a n s l a p e r s o n n e d e la d a m e d ’O r c e t a v e c sa q u a li t é d ’h é r i
tiè re c o n t r a c t u e l le d e son p è r e .
S u r la p r e m i è r e q u e s t i o n , a t t e n d u ,
i ° Q u e , c o n f o r m é m e n t a u C o d e c i v i l , d an s l ’i n t e r p r é ta t io n d es c o n
v e n t i o n s , o n d o i t p l u t ô t r e c h e r c h e r q u e l le a été la c o m m u n e in t e n tio n
d e s p a rties c o n t r a c t a n t e s , q u e s’a r r ê t e r a u sens littéral des t e r m e s ;
q u e les te r m e s s u s c e p t ib le s d e l i e u x sens d o i v e n t ê t r e p ris d a n s c e l u i q u i
c o n v i e n t l e p l u s à la m a t iè r e d u c o n t r a t ; q u e to u tes les cla u s es des
c o n v e n t i o n s s’i n t e r p r è t e n t les u n e s p a r les a u t r e s , en d o n n a n t à c h a
c u n e l e sons q u i r é s u lte d e l’a c te e n t i e r ; q u e , d an s le d o u t e , les c o n
v e n t io n s s’i n t e r p r è t e n t c o n t r e c e l u i q u i a s t i p u l é , o u q u i p o u v o i t faire
la loi ;
2 “ Q u e l’o b j e t d u d r o i t d e r e t o u r c o n v e n t i o n n e l est d e faire r e n t r e r
d an s les cas p r é v u s , d a n s le d o m a in e d u d o n a t e u r , les ch o ses p a r lu i
d o n n é e s ; q u e d è s - lo r s , o n n e p e u t le s u p p o s e r o u l'a d m e t t r e q u e d an s
les
c o n v e n t i o n s e t cas o ù un d o n a t e u r s’est d é p o u i l lé d e sa p r o p r i é t é ,
et p e u t en su ite la r e p r e n d r e ;
3°
Q u e le s ie u r D e ls o l a y a n t fait u n e d o n a tio n e n tr e - v ifs à sa fille, et
l’a y a n t , p a r le m ê m e c o n t r a t , in s titu é e son h é r itiè r e u n i v e r s e l l e , il se ro it
c o n t r a d i c t o i r e et c o n t r e la n a t u r e d ’ u n e in s titu tio n q u e la r é s e r v e d e r e
t o u r p a r lui stip u lé e en m ê m e t e m p s , »’ a p p l i q u a i a u x b i e n s q u i faisoient
l'o b je t d e c e t t e i n s tit u tio n , d o n t la p r o p r i é t é e t to u te d ispo sitio n à titre
o n é r e u x ne laisso ie n t pas d e reste r en son p o u v o i r , et d o n t ¡1 ne se d é p o u illo it p a s ; q u ’ il se ro it d ès-lo rs r id i c u le d e s u p p o s e r q u 'il so n g e o it à
faire r e n t r e r d an s ses m a in s ce q u i n'en so rto it p a s , et n e p o u v o it p a s
f'n sortir de son v iv a n t ;
�(
4°
)
Q u e l e sens d e l’a c t e e n t i e r , e t l ’i n te n tio n b i e n c o n n u e d es p a rties
é t o it d ’a s s u r e r , d ès l ’i n s l a n t , à la d a m e d ’O r c c t , à lit r e d e d o n a t a i r e , et
t a n t en n u e p r o p r i é t é q u ’ u s u f r u i t , u n e p a r t i e d e la f o r t u n e d e son p è r e ,
e t le s u r p lu s a p r è s sa m o r t , sans q u e la d o n a ta ire p û t c e p e n d a n t d is p o
ser d e r i e n , au p r é j u d i c e d e son p è r e , d an s les cas p r é v u s p a r la cla u s e
d e r e t o u r -,
5°
Q u ’il s’e n s u it d ès-lo rs q< e , q u o i q u ’on lise d a n s c e l t e c la u s e q u e le
s ie u r D e ls o l se r é s e r v e le d r o it d e r e v e r s io n et r e t o u r , t a n t d es L ie n s
d o n n é s q u e r é s e r v é s , les p r i n c i p e s c i - d e s s u s é n o n c é s p e r m e t t e n t d ’a u
t a n t m o in s d e s u p p o s e r q u e , p a r les m ots d e b ie n s réservés, les p a rtie s
a v o i e n t e n t e n d u les b ie n s d e l’i n s t i t u t i o n , q u e p e u d e lig n e s a u p a r a v a n t
elles les a v o i e n t d é sig n é s sous le n o m d e b ie n s in s titu és ; q u ’il est p lu s
n a t u r e l d e c r o i r e q u e les m o ts b ie n s réservés o n t é c h a p p é à l’i n a d v e r
t a n c e d u r é d a c t e u r ; d ’a u t a n t p lu s q u e t o u t e la c o n t e x t u r e d e la p a r t ie
d u c o n t r a t d e m a r i a g e , q u i c o n c e r n e les d is p o sitio n s d u s ie u r D e l s o l ,
p r o u v e q u e c e r é d a c t e u r a v o it les n o tio n s les p l u s o b s c u r e s s u r la n a t u r e
e t les effets des in s tit u tio n s c o n t r a c t u e lle s ;
G° Q u ’il se p e u t e n c o r e ( c a r t o u t e c o n j e c t u r e est a d m is s ib le d a n s l ’in
t e r p r é t a t i o n d ’ u n e c la u s e aussi e x t r a o r d i n a i r e ) q u e , p a r r e t o u r d es b ie n s
r é s e r v é s o u in s titu é s, o n a it v o u l u e n t e n d r e l a c a d u c i t é d e l’ in s titu tio n
e n cas d e p r é d é c è s d e l ’h é r itiè r e in s titu é e et d e ses e n fa n ts ;
7 ° Q u e s’il fallo it d o n n e r q u e l q u e s e n s , q u e l q u e s effets à la c la u s e d e
r e t o u r d es b ie n s réservés, y r e c o n n o i t r e les b i e n s d e l'in s titu tio n , e t
s u p p o s e r q u e le bieur D e ls o l v o u lo i t les fa ir e r e n t r e r d a n s sa fa m ille
a p r è s son d é c è s e t c e l u i d e sa fille -, c e t t e c la u s e c o n t r a r i a n t é v i d e m
m e n t la n a t u r e e t les p r i n c i p e s d u d r o i t d e r e to y ir, n e p o u v o i t ê t r e e n
v is a g é e q u e c o m m e u n e c h a r g e de f i d é i c o m m i s , c o m m e u n e v é r it a b le
s u b s t it u t io n d o n t i l a u r o i t v o u l u g r e v e r sa f i l l e , e t la q u e l l e s e ro i t a b r o g é e
p a r les lois d u q u a t o r z e n o v e m b r e 1 7 9 2 .
S u r la s e c o n d e q u e s t i o n , a t t e n d u ,
i°
Q u e q u o i q u e la m a j o r i t é d es a u t e u r s , c l p l u s i e u r s m ê m e
très
e s t i m a b l e s , a ie n t le m i q u ’en g é n é r a l r e li e t d e la stip u la tio n de r e t o u r
c o n v e n t i o n n e l , e u f a v e u r d u d o n a t e u r , sans q u ’il f û t la it m e n t i o n d e ses
�V
' *
( 5 2 }
h é r i t i e r s , éto it tra n s m is sib le à son h é r itie r c o m m e to u te a u t r e s t i p u la t i o n ,
m ê m e c o n d i t i o n n e l l e , a p p o s é e d a n s les c o n t r a t s ; q u o i q u ’il se t r o u v e
m ê m e d e u x a rrêts q u i l ’a v o i e n t ainsi j u g é , to u s s’a c c o r d e n t c e p e n d a n t à
d i r e , et la saine raison suffit p o u r p r o u v e r , q u e c e tte transm issibilité ne
p e u t a v o i r lieu l o r s q u e la st ip u la t io n d e r e t o u r a été lim it é e à la p e r
son ne du d on ateu r ;
2° Q u e , d a n s l'e s p è ce a c t u e lle , c e t t e l im it a t io n à la p e r s o n n e d u sieur
D i lsol r é s u lte é v i d e m m e n t , soit d e la c i r c o n s t a n c e q u e la d a m e de
V i g i e r , m è r e d u f u t u r é p o u x , l u i fa is a n t d o n a t io n d e to u s b i e n s , s’en
r é s e r v a l e r e t o u r p o u r elle et les sien s , t a n d is q u e le s i e u r D e ls o l n e le
r é s e r v a q u e p o u r lu i j q u e c e t t e d if fé r e n c e r e m a r q u a b l e d a n s les d e u x
cla u ses in sérées d a n s le m ê m e a c t e , d ’a illeu rs p a r f a i t e m e n t s e m b l a b l e s ,
a n n o n c e c l a ir e m e n t q u e les p a r t i e s v o u l o i e n t , q u a n t à c e , l e u r d o u n e r
u n e é t e n d u e d if fé r e n t e ;
3°
Q u e c e t t e d iffé r e n c e d an s la s t i p u la t i o n s’ e x p l i q u e e n c o r e p a r la
c i r c o n s t a n c e i m p o r t a n t e q u e la d a m e d e V i g i e r a v o it p lu s ie u r s e n f a n t s ,
p o u r le s q u e ls sa s o l li c i t u d e m a t ç r n e ll e l ’e n g a g e o it à c o n s e r v e r scs b i e n s ,
a u lie u q u e le s ie u r D e ls o l u ’a v o i t q u ’ u n e fille u n i q u e , e t a u c u n p r o c h e
parent ;
/|° Q u e la p r o h i b i t i o n si e n tiè r e , si a b s o l u e d e d i s p o s e r , q u e l e s ie u r
D e ls o l i m p o s o i t à sa fille , p r o u v e e n c o r q q u ’ il ne st ip u lo it q u e p o u r lu i
n ’ étant pas p r é s u m a b l e q u ’il m i l sa fille d an s u n tel é ta t d ’iu tc r d ic tio n
en fa v e u r de parents éloignés , avec lesquels il n ’a voit aucunes rela
tio n s, que les parties m êm e ne connoissoient p a s , ainsi que la dame
d'O rcel l’a plusieurs f o i s dit et écrit , sans que le f a i t ait été désa
voué,
5°
Q u e c e t t e lim itatio n r é s u lte s u r - t o u t d e la c i r c o n s t a n c e q u e l e s i e u r
D e l s o l , a p r è s a v o i r l’a it à sa fille u n e d o n a t io u e n i r e - v i i s , l’in s tit u a n t en
m ê m e t e m p s son h éritière u n i v e r s e l l e , il s e n tit a b s u r d e d e s u p p o s e r
q u ’il e u t fa it et v o u lu faire c o n t r e c e t t e h é r itiè r e m i e r é s e r v e q u i ne d e vo it <;t n e p o u v o it p r o fite r q u ’à e l l e - m ê m e , p u i s q u ’en «d.Tietlaut le s y s
t è m e de tra iism U s ib ilité d u d r o it d e r e t o u r , c e l l e tra n s m is sio n u ’a u r o it
p u a v o ir lieu q u ’e n f a v e u r d e c e t t e m ê m e héritière*.
�Z7S
(
53
)
S u r la tro isiè m e q u e s tio n , a t t e n d u ,
i ° C o m m e il v i e n t d ’ê t r e d i t , q u e l'a c tio n r é s u lta n t e d ’ u n e r é s e r v e
d e r e t o u r , m ê m e i n d é f i n ie , n e p o u v o i t p r o f it e r q u ’a u x h é r itie r s c o m m e
fa isa n t p a r t i e d es a ctio n s h é r é d it a ir e s ;
a 0 Q u e , d a n s l ’e s p è c e , la d a m e D o r c e t , é ta n t s e u le h é r itiè r e u n i v e r
s e lle , fo r m e u n v é r i t a b le h é r itie r q u i n e d ifféré q u e d e n o m d e l ’h é r itie r
t e s t a m e n t a i r e , q u a n t à l’ u n iv e rs a lité d u t i t r e ; q u e c e t t e i n s tit u tio n m e t 1
l ’i n s tit u é à la p l a c e d e s h é r itie r s d u s a n g , et l e cas a v e n a n t , l e saisit d e
to u s les d ro its d e l’h é r é d it é ;
3°
Q u e les a u t r e s e n fa n ts m ê m e d e l ’i n s t i t u a n t , s u i v a n t les p r i n c i p e s
u n i v e r s e l le m e n t r e ç u s lors d u d é c è s d u s i e u r D e ls o l , p e r d o i e n t p a r l’effet
d e c e tte in s tit u tio n la q u a li t é d ’h é r itie r s et n e c o n s e r v o ie n t q u ’u n s im p le
d r o i t à u n e p o r t io n d e s b i e n s à t it r e d e l é g i t i m e ;
4°
Q u e dès-lors la r é s e r v e d e r e t o u r t r a n s m is s i b l e , q u o i q u e d ir ig é e
c o n t r e u n h é r itie r i n s t i t u é , ( s ’il é to it p o s s ib le d e la p r é s u m e r ) , se se ro it
c o n f o n d u e a v e c l’eiTet d e l’i u s t itu t io n p a r le c o n c o u r s d e d e u x qu a lités
d e d o n a ta ire g r e v é e d e r e t o u r , e t d ’h é r itiè r e se u le a p p e l é e à en p r o fit e r .
L e T I U B U N A L d é b o u t e les sieu rs J e a n - F r a n ç o i s et G a b r i e l - B a r t h é l e m y D e ls o l d e l’o p p o s itio n p a r e u x fo r m é e a u j u g e m e n t p a r d é f a u t fa u te
de p laid er,
d u six a o û t 1 8 0 7 , o r d o n n e q u e c e j u g e m e n t se ra e x é c u t é
selo n sa fo r m e et t e n e u r ; en c o n s é q u e n c e , d é c l a r e p e r s o n n e lle a u s ie u r
D elsol p è r e , e t c a d u q u e p a r son p r é d é c è s , la s t i p u la t i o n d e r e t o u r p a r
lu i r é s e r v é e d a n s le c o n t r a t d e m a r ia g e d e la d a in e d ’O r c e t sa f i l l e , o r
d o n n e q u e les p o u r s u i t e s c o m m e n c é e s c o n t r e le s ie u r D e s p r a l s s e r o n t
c o n t i n u é e s , en cas d e r efu s u l t é r i e u r d e sa p a r t d e p a y e r les t e r m e s d u
p r i x d e la v e n t e d u p r é d e C a n c o u r à p r o p o r t i o n d e l e u r é c h é a n c e ,
ainsi q u e d es i n t é r ê t s , to u s d é p e n s c o m p e n s é s e n tr e toute.1« les p a r t i e s ;
a tt e n d u la p r o x i m i t é d es sieu rs D e ls o l et d a m e d ’O r c e t , q u e les p r e m ie rs
n ’oiit pas p r o v o q u é l’i n s t a n c e , et a t t e n d u q u e le s ie u r D e s p r a t s a p u a v o ir
j u s q u ’a un c e r t a in p o i n t un ju s te s u je t d e c r a in te su r la v a lid ité d e son
a cq u isitio n et la s û r e t é d e ses f o n d s ; e t s e r a , le p ré se n t j u g e m e n t c o m m e
fo n d é en t it r e , e x é c u t é v i s - à - v i s le s ie u r D e s p r a l s , n o n o b s t a n t e t sans'
�A
( 54 )
■
p r é j u d i c e d e l ’a p p e l , à la c h a r g e n é a n m o in s p a r la d a m e d ’O r c e t d e d o n
n e r , e n cas d ’a p p e l , b o n n e e t su ffisa n te c a u tio n a c o n c u r r e n c e d es ca
p i t a u x e x ig ib le s . F a i t e t juge' a u t r i b u n a l c iv il d e p r e m iè r e i n s t a n c e ,
é t a b li à A u r i l l a c , ch e f-lie u d e p r é f e c t u r e d u d é p a r t e m e n t d u C a n t a l , le
v i n g t - d e u x ju ille t m il h u i t c e n t h u i t , s é a n t s , m e s s ie u rs D e lz o n s présir
d e n t , m e m b r e d e la lé g i o n d ’h o n n e u r ; D e lz o r t s et L a v a l , ju g e s . M a n
d o n s et o r d o n n o n s à to u s hu issiers s u r c e r e q u i s d e m e t t r e le p r é s e n t
j u g e m e n t à e x é c u t i o n , à n o s p r o c u r e u r s p r è s les t r i b u n a u x d e p r e m ie r e
i n s ta n c e d ’y tenir la m a i n , à to u s c o m m a n d a n t s et o fficiers d e la fo rce
p u b l i q u e d e p r ê t e r m a in - f o r te l o r s q u ’ils e n s e r o n t l é g a l e m e n t r e q u is . E n
fo i d e q u o i l e p r é s e n t j u g e m e n t a e t e s ig n e p a r le p r é s i d e n t e t p a r le
greffier. Signé à l a m i n u t e , m o n s ie u r D e l z o n s , p r é s i d e n t ; e t B r u n o n ,
g reffier. P o u r c o p i e c o n f o r m e à l’e x p é d i t i o n , signé L i b r o , a v o u é .
�PRÉCIS
P O U R le sieur René-Louis L H É R IT IE R et consors, intimés ;
CO N TR E
m essire J
oseph
, marquis de M E S M E S ,
appelant.
L e s ieu r L o u i s L h é r i t i e r , p a r le c o n t r a t d e m a r ia g e d e d e m o is e lle M a r i e A l b e r t i n e R a c i n e , sa b e l l e - n i è c e , a v e c le s ie u r m a r q u i s d e R a v i g n a n , d u
i S m a r s 1 7 1 2 , a p r o m is d o n n e r à la d e m o i s e l l e , lors f u t u r e é p o u s e , la
som m e d e
3o,ooo
l i v . , q u ’il l u i a e f f e c t i v e m e n t p a y é e p e u a p r è s ; m a is il a
été stipule' en m ê m e tem p s que ladite som m e retonrneroit audit sieur
L h éritier, donateur , en cas de décès de la dem oiselle fu tu r e épouse
sans enfants, et encore e n cas qu’il y eût des e n f a n t s , et qu'ils v in s
sent à décéder avant d’ être p o u rv u s , ou avant d’ avoir atteint l’âge
de majorité.
L a d o n a t a ir e n ’a v o it alors q u e v i n g t - t r o i s ans e t d e m i , l e d o n a t e u r e'toit
d an s la s o ix a n t iè m e a n n é e d e son â g e , e t il a v o i t d e u x e n fa n ts m â le s âgés
l ’u n d e d i x - s e p t a n s e t l’a u t r e d e tre iz e ( 1 ) . C ’est d o n c é v i d e m m e n t p o u r
scs enf.ints et h é r i t i e r s , e n c o r e p l u t ô t q u e p o u r l u i - m ê m e , q u ’ il s tip u lo it
c e l l e r é s e r v e , d o n t il ne p o u v o i t p a s sc fla tter d e p r o f it e r p e r s o n n e l le
m ent.
Q u o i q u 'il en s o i t , le d o n a t e u r est d é c é d é en 178 0. L o n g - t e m p s a p r è s ,
et le
3o
n o v e m b r e 1 7 G 4 , la d em o ise lle R a c i n e , d o n a t a i r e , est d é c é d é e sans
a v o i r laissé d ’e n fa n t s , ni de son p r e m ie r m a r ia g e a v e c le sieu r m a r q u is de
IlavifFiinn, n i (]c son s e c o n d m a r ia g e a v e c le s ie u r c o m t e d e D a in p u s .
E n c o n s é q u e n c e , les in t im é s , c o m m e r e p r é s e n t a n t le sieu r L o u is L l i é -
( 1 ) L a i n e , conseiller au p a r l e m e n t , a s u rv é c u au don ate u r »011 p è re , dont
¡1 a lierite.
Il est a u -
jou rd hui rep rése nté p.ir les i u i m i é a , scs h éritier* b é néficiair es , nui t o u t en m ê m e te m ps h é rit is rs
su bstitués du d o n a t e u r leur oncle .
x
PREMIERE
CAUSE
«lu rôle d*
Paris
(de 1767.)
De la trans
mission des
stipulations
condition nelles , et
de celles de
retour en
particulier
�( 56 )
r i t i e r , d o n a t e u r , o n t f o r m é c o n t r e l e sieu r m a r q u i s d e M e s m e s , d o n a
t a ir e u n i v e r s e l d e l a d e m o is e lle R a c i n e , v e u v e D a m p u s , e t c h a r g é à ce
titre d e ses d ettes a n t é r ie u r e s a u p r e m i e r a v r i l I749> l e u r d e m a n d e e n
r e s t i t u t i o n des
5o,ooo
liv . d o n n é e s p a r l e u r a u t e u r , c o n f o r m é m e n t à la r é
s e r v e s tip u lé e p a r l e c o n t r a t d e 1 7 1 2 .
L a ca u se p o r t é e à l ’a u d i e n c e d u p a r c c i v i l d u C h â l e l e l d e Paris^ il y est
i n t e r v e n u le 29 ju i lle t d e r n i e r , s u r le s p la id o ir ie s r e s p e c ti v e s d es parties
p e n d a n t c i n q a u d i e n c e s , s e n t e n c e p a r l a q u e l l e , attendu le décès de la
dem oiselle R a cin e , veuve D a m p u s , sans enfants , le m a r q u i s de
M e s m e s , son d o n a t a ir e u n i v e r s e l , est c o n d a m n é a r e s t itu e r a u x in tim é s
les
3o,ooo
liv . d o n t la r é v e r s io n a v o i t été' s tip u lé e p a r l e u r a u t e u r . C ’est
d e c e t t e s e n t e n c e q u e le m a r q u i s d e M e s m e s est a p p e l a n t . I l n e se ra p a s
d ifficile d ’en é t a b li r le b i e n j u g é .
A c e t e f f e t , n o u s e x a m in e r o n s les p r i n c i p e s g é n é r a u x s u r la tr a n s m is
sion d e t o u t e s st ip u la t io n s c o n d itio n n e lle s ; les d écisio n s d es d o c t e u r s et
des lois s u r l a t ra n s m is s io n d u r e t o u r c o n v e n t i o n n e l en p a r t i c u l i e r , et
l ’é ta t a c t u e l d e l à j u r i s p r u d e n c e s u r c e l t e q u e s tio n .
P R E M I È R E
P A R T I E .
Principes généraux sur la transmission de toutes stipula
tions conditionnelles.
U n seul m o t su ffît p o u r ju s tifie r l a s e n t e n c e d o n t est a p p e l , c’est q u e
la c o n d itio n so u s la q u e lle le r e t o u r a é t é r é s e r v é , se t r o u v e a u j o u r d ’hui
p u riG ée p a r le d é c è s d e la d e m o is e lle R a c i n e , d o n a t a i r e , sans en fa n s.
I n u t i l e d ’o p p o s e r q u e le d o n a t e u r es t d é c é d é a v a n t l’é v e n e m e n t d e la
c o n d i t i o n . C e t t e c ir c o n s t a n c e est d es p lu s i n d i ffé r e n t e s , p a r c c q u e le r e
t o u r a é t é st ip u lé p o u r a v o i r l i e u , n o n en cas d e p réd e ce s , mais s im p le
m e n t en cas d e déco* d e la d o n a t a ir e sans en fa n ts : o r , c e l t e c o n d i t i o n se
t r o u v e p u r if ié e p a r l 'é v é n e m e n t .
Il est v r a i q u e les h éritiers d u d o n a t e u r n’o n t p a s été a p p e lé s n o m m é
m e n t à r e c u e illir le p r o fit d u r e t o u r ; m ais les h ér itier s n’o n t p a s bes o in
d e la vo ca tio n de l ’h o m m e p o u r p r o f il e r des d ro its d o n t l e u r a u t e u r est
�Zï<j
(
5 7
3
d é c é d é saisi ; ils n’ o n l besoin q u e d e c e lle d e la lo i q u i les saisit d e tous les
d ro its d u d é f u n t , q u i les s u b r o g e à sa saisine en la c o n t in u a n t en l e u r p e r
so n n e. E n c o n s é q u e n c e , il l e u r suffit q u e c e l u i a u q u e l ils s u c c è d e n t ait été
v r a i m e n t saisi du d r o it q u ’ ils r é c la m e n t, q u e cc d r o i t a it fa it p a rtie d e ses
bien s. O r les a ctes e n t r e - v i f s , m ê m e c o n d i t i o n n e l s , saisissent to u jo u r s à
l’in s ta n t m ê m e , sans a tt e n d r e l'é v é n e m e n t .d e la c o n d itio n . L e s a ctio n s q u i
en r é s u l t e n t , q u o iq u e non e n c o r e o u v e r t e s , so n t in b o n is d u s tip u la n t :
c o n t r a c t a s , c ts i c o n d i l i o n a l i s , t a in e n e x p r æ s e n t i v i r e s a c c i p i t , d it
V i n n i u s . I n c o n lr a c tib u s ici t e m p u s s p c c t a t u r f/no c o n lr a h u n u s , d it la
loi 7 8 , ÎT. d e v e r b . o b lig .
D e l à , cette r è g le g é n é r a le r e b a tt u e d an s tou s les liv r e s é l é m e n t a i r e s ,
e t n o t a m m e n t d an s les I n s t i l u t e s , q u e les stip u la tio n s c o n d itio n n e lle s se
tr a n s m e t te n t à l’h é r i li e r , q u o iq u e le st ip u la n t soit d é c é d é a v a n t l’é v é n e
m e n t de la co n d itio n . E x s t i p u l a t i o n e c o n d i t i o n a li t a n t u m s p e s e s t d é
b ita n t i r i , e a m q tie ip s a m s p e m in liœ r e d e m t r a n s i n i ll i n m s , s i p r iiis
q u a n t c o n d it io e x s t e t , m o r s n o b is c o n t i n g a t , liv .
3.
t. i(>. p. /(. C iitn
q u is suf> a l iq u d c o n d i l io n c s t ip u la lu s J i i e r i t , p o s t e à e x is t e n t e c o n d i t i o n e , h œ re s e ju s a g e r e p o t e s t , m ê m e liv . t. 20. p.
25 .
E n v a i n v o u d r o i t - o n a p p o r t e r q u e l q u ’e x c e p t i o n à c e tte rèijle ; les lois
d é c i d e n t q u ’o n n’en d o it a d m e t t r e a u c u n e : G E N E R A L I T E R s a n c im u s
om n e
ni s t i p u la t io n e m siv e in d a n d o , s iv c i n f a c i e n d o , s iv c m i x t a e x
d a t u lo e t f a c i e n d o in v e n ia t u r , e t a d h æ r e d e s e t c o n t r a h œ r e d e s I r o n s mittir S I V E S P E C I s / L I S I I Æ l l E D U M F I s iT M E N T I O , S I F E NO N:
j iv . i 3 . co d . d e c o n tr a li. et c o m m . s t ip n l.
E n va in o p p o s e r o i t - o n q u e le s t ip u la n t q u i n’ a p a r lé q u e d e l u i - m ê m e ,
q u i n’a pas n o m m é ses h é r i t i e r s , a e n t e n d u r e s t r e i n d r e la stip u la tio n à sa
p e r s o n n e ; la lo i r é p o n d q u e la s lip u la t io n n ’ en est p a s m o in s r éelle : p l e r in n q u o c n i m , u t P e d i u s a i t , p e r s o n a p a c t o i n s e r it u r , n o n u t p e r s o n a le p a c t u m J i a t , s e d u t d c n i o n s t r c t u r c u m q u o p a c l u m j a c t u u i e s t ,
liv . 7 . p. U tr u r n . II'. d e p a c t is .
P o u r to u t d ire en un m p t , l’h é r itie r n ’i ^ i o i n t à p r o u v e r q u e son a u t e u r
a v o u lu s t ip u le r p o u r lu i. U lui sufTit q u ’il n ’y ait pas eu d ’ in te n lio n de
l’e x c lu r e . O r c e tte inten tio n n ’est pas à s u p p o s e r lo r s q u 'e lle n’ est pas c x -
8
�i * /
( 58 )
primée. C ’est à ceux q ui le p ré te n d e n t exclus a prouver son e x c lu sio n :
Quamvis verum est qu od qui ex cip it, probare débet quod excipitur ;
at tamen de ipso dum taxat , at non de hcerede ejus convertisse petitor,
non qu i excip it, probare débet ; liv. 9. fi. de prob. et prœf.
Il en est autrem ent des dispositions (1) conditionnelles de 1homme ou
de la loi. Elles ne se transm ettent pas à l’héritier de l’appelé décédé a vant
l ’événem ent de la condition , ( et voilà p ourquoi le retour légal n’est pas
transm issible) mais c ’est p a re eq u e les héritiers ne recueillent du cliel de
leur a u t e u r , et com m e transm issionnaires, q ue les droits dont il est dé
cédé saisi : o r les dispositions conditionnelles n e Saisissent qu au m om ent
de leur ouverture. Ju sq u e-là elles ne sont point in bonis de l’appelé.
Inu tilem ent le testateur en auroit-il ordon né la transmission ; elle 11’a u -
Traité
tions^c^g. I’° ‘ l Pas
pour c e la , dit R i c a r d , p a reeq u e le testateur 11epeut pas donn. G5o.
ijer à ses dispositions un effet rétroactif, que les lois leur r e fu s e n t, ni
o p é re r une transmission qui n’est l’ou vrag e q ue de la lo i, et q ui ne d érive
pas de l’intention de rh om nie. Il est vrai que dans ce cas l'héritier v ie n droil de son c h e f et en son n o m , c o m m e appelé lui-m êm e en vertu de la
vocation expresse du testateur; mais il 11e viend roil pas com m e transmisNoalis <!e sionnaire, ce qui est bien différent à tous égards, s lliu d entm est transtransm is-
sione,
au
commence -
.
7-
»
uussio, et aima est vocalto.
Si d o n c la transmission a lieu p our les stipulations conditionnelles } et
non p o u r les dispositions, cela ne vien t p a s , com m e 011 v o i t , de la diffé
rence d'intention, p uisque l’intention m êm e expresse est incapable d’op é
rer la transmission dans les dispositions conditionnelles ; il est évide nt
q u e c’est la saisine seule q u i tra n s m et, pareeq u e la transmission n’est
elle-m êm e qu’une continuation de saisine.
L e sieur marquis de Mcsmcs , don t les prétentions ne s’accorden t pas
a vec ces p r in c ip e s , fait tout son possible p o u r en éluder l’application ;
(1) Ijx ditpniiüon proprement dite, par opposition aux Mipulations, c»t un acte pur de la volonté
qui te pastr hori la présence, et utuJa participation île celui qui tu est l'objet. 'I'* Iles sont lu dispotiliont UMaim-ulairt v Telle* »ont ¡uistt les substitutions contenues dam lit acte» entre-vif», nuxqml» le tub»tilu<! n'intervient pas; car tfl^mtcrvenoil pour acerpter, il »croit donataire comlitionni-1, '■
<l'acte s. roit ù »ou égard uu patte, mlc convention, uu contrat, une «tipulatiou, et non pat
une tliipotition.
�fo r c é d e c o n v e n i r q u e tous a clcs e n t r e - v i f s , p u r s e t sim ples ou c o n d i t i o n
n e ls , saisissent a c t u e ll e m e n t et n é c e s s a ir e m e n t, il ne v e u t c e p e n d a n t pas
r e c o n n o î lr e q u e la transm ission en d o iv e ê tre la s u itç ; il a im e m i e u x la
faire d é r i v e r d e la p r é s o m p t io n g é n é r a le , q u ’en s t i p u la n t p o u r n o u s ,
n o u s so m m e s cen sés a v o ir p a r lé p o u r nos h é r i t i e r s ; p u i s , r e str e ig n a n t
c e tte p r é s o m p t io n a u x seuls co n tr a ts in téressés, il en c o n c l u t q u e la tra n s
mission des stipu la tion s co n d itio n n e lle s n ’a p a s lie u l o r s q u ’elles se r e n c o n
t r e n t d an s les c o n tr a ts bienfaisants.
M ais i ° il est fa u x q u e les c o n tr a is intéressés so ien t les seuls d an s les
q u e ls le s t ip u la n t e s t. ce n sé a v o ir p a r l é p o u r ses h é r i t i e r s ; la r è g le est
g é n é r a le p o u r t o u te es p è ce de c o n t r a t s , p u i s q u e les lois n ’o n t fait a u c u n e
e x c e p t i o n , p u i s q u ’a u c o n t r a i r e elles o n t e x c l u to u te e x c e p tio n p a r la g é
n é ra lité e t l’ u n iv e rs a lité a b so lu e d e le u rs expression s. G e n e r a l i t e r
s a n c im u s O M N E M s t i p u la t i o n e m ...........t r a n s m it li, s iv e s p e c ia li s h c c r e d u m f i a t n i e n t i o , siu c n o n .
2° L e sens d e la r è g le n’est pas p r é c i s é m e n t q u e n o u s so m m e s p r é
su m é s a v o ir p e n se a nos h é r itie r s et a ya tils -ca u se , e t a v o i r p o s i t i v e m e n t
v o u l u st ip u le r p o u r e u x ; c a r il e s l b ie n r a re q u e les c o n t r a c t a n t s y p e n se n t
p o s i t i v e m e n t , et o n n e p r é s u m e pas ce q u i a r r i v e r a r e m e n t . L e v r a i sens
d e la r è g le est s e u le m e n t q u e l e s t i p u l a n t , q u i n ’a pas f o r m e lle m e n t res
tr e in t la stip u la tio n à ça p e r s o n n e , n e p e u t pas ê tre s u p p o s é a vo ir v o u lu
e x c l u r e ses h éritiers. O r cette p r é s o m p t i o n , n é c e s s a ir e m e n t a p p lic a b le à
to u te e s p è c e d e s t i p u la t i o n , suffit to u te s e u l e , n o n p o u r en o p é r e r la
transm ission , c a r c ’est la saisine se u le q u i l’o p è r e , m ais p o u r é c a r t e r les
ob sta cle s q u i p o u r r o i e n t l'a r rê te r ou la r e n d r e inefficace.
Q u e le c o n t r a t soit in téress é ou b i e n f a is a n t , il n ’i m p o r t e ( i ) . P u i s q u e
~
----
i
—
(i) En matière de contrats, dit Ricard, la siipulalion qui en fait le principal commerce oblige
dès-lors réciproquement les parties de 1 accomplir au cas de la condition qui, \ proprement parler
ne passe que pour une restriction, pour le cas prévu par les parties seulement, et laisse au surplus la
convention pure et simple, de sorte que l'échéance arrivant, la condition est censée comme non '
écrite. Pour ce qui concerne le legs au contraire,"la condition en affecte tellement la disposition C|
la substance, qu il ne subsiste absolument qu’avec elle et que par elle ; de sorte que comme ce n’est
pas le titre ¡legratuit ou d'onéreux </ui produit cette différence, mais la qualité de l'acte, s’il
esl testamentaire, c’est-à-dire, sans stipulation, et un pur acte de la l olonté d'une personne
�( G» )
d an s l'u n et d a n s l ’ a u l r c la saisine y a lieu d e p lein d r o i t , c o m m e l ’a p p e
lan t en c o n v i e n t l u i - m ê m e , il fau t b ie n q u ’ elle soit co n tin u é e d an s la p e r
so n n e des tra n sm issio n n aires. O n n e p e u t p a s les su p p o s e r e x c lu s p a r le
S t ip u la n t, l o r s q u e c e lu i-c i n ’a p a s p r o n o n c é l e u r e x c lu s io n ; o r , s’ils ne
so n t p a s e x c l u s , il est dans l ’o r d r e d e s ch o ses q u e , c o m m e su cc e ss e u rs
u n iv e r s e ls du sin g u lie r s d u t r a n s m e t t a n t , ils s u c c e d c n t a la saisine c o m
m e n c é e en sa p e r s o n n e , c o m m e à to u s ses a u t r e s d r o i t s , q u a n d m e m e il
n ’au ro it p o in t d u t o u t p e n s é à e u x .
D ’a illeu rs 011 p e u t d ir e q u e to u s c e u x q u i c o n t r a c t e n t , sans m e m e q u ’ils
a ient jam ais p e n sé fi la t r a n s m is s i o n , o n t c e p e n d a n t , d u m o in s implicite
ment et é m i n e m m e n t , u n e v é r i t a b le in te n tio n d e t r a n s m e t tr e . E11 e f f e t ,
q u i c o n q u e s t ip u le v e u t avoir, p o s s é d e r , a c q u é r i r , en u n m o t a jo u te r o u
réunir à son p a tr im o in e ce q u i l'ait l’o b je t de sa s t i p u l a t i o n , ad rem fa m iliarein respicit , c o m m e d it V i n n i u s ; s’il n e s t ip u le q u e c o n d itio n n e lle
m e n t , il n e v e u t avoir q u e p o u r le cas d e la c o n d i t i o n , m ais il v e u t avoir
p o u r ce cas-là en q u e l q u e t e m p s q u e la c o n d itio n p u iss e a r r i v e r : o r , avoir
u n e c h o s e , c ’est in c o n t e s t a b l e m e n t ê t r e en d r o it d’en j o u i r , faire e t d is
p o s e r c o m m e d e tou s ses a u tr e s b i e n s , d e la v e n d r e , d e l’e n g a g e r , d e la
l é g u e r , e t c . , et p a r c o n s é q u e n t d e la t r a n s m e t tr e à ses a y a n t s - c a u s e , àp lu s forte raison à scs h é r itie r s.
A in s i q u a n d m ê m e la tra n sm issio n ne d é r iv e r o it q u e d e l ’in ten tio n d e
t r a n s m e t t r e , c o m m e cette i n te n tio n se r e n c o n t r e , non à la v é r it é expli
citement , m ais d u m oins implicitement et éminemment , d an s t o u te
espèce d e s tip u la tio n a p p o sé e à to u te e s p è c e d e co n tr a ts , sans m ê m e q u e
oü s’il est conventionnel et fait entre-deux personnes, il n’y a pas dt doute que les donations
suivies d'acceptation , participant ù la nature de ces ilerniers actes, les conditions qui s'y rentfinirent ont un effet rétroactif au jour de ta donation , ainsi que dans les autres contrats. Et ailleur»: si une donation sous condition estfaite entre-vifs, quoique la condition n'arrive qu’après,
la mort du donataire, ses héritiers ne laisseront pas îlejouir du bénéfice de la donation, comme
ayant été parfaite, au moj en de Veffet rétroactif qui est donné à la donation, dujour qu'elle a
été passée; car, ajoute-t-il, ce n'est pas seulement la qualité de donation entre-vif» qui fait la
transmission au projit des héritiers du donataire, mais l'effet rétroactif du droit et de /- posses
sion au jour du contrat. Trait« île» ilisi>ovtions touditiounclU», chap.
•ui 'lUuuoa»( dr*i>. •*, partie ¡înroiire, U- l ia cl lit.
5, $
r, u. aol. Ti aile t\«i
�Z % 2 >
( 61 )
le s t ip u la n t ait ja m a is p en se à ses h é r i t i e r s ; il sero it to u jo u rs v r a i de d i r e ,
d ’a pres les lo is , q u e les stip u la tio n s c o n d itio n n e lle s so n t to u tes tra n s m is sibles d e l e u r n a t u r e , soit q u ’elles se t r o u v e n t d a n s d es c o n trats in té r e s
sés , soit q u ’elles se r e n c o n t r e n t d an s des co n tr a ts b ie n fa is a n ts. Il se ro it
to u jo u r s vrai d e d ir e q u e le transm issio nn aire n’a rien à p r o u v e r , e t q u e
c ’est à c e lu i q u i p r é t e n d l’e x c l u r e a p r o u v e r son e x c lu s io n .
N o u s c o n v e n o n s a v e c le sieu r m a r q u is d e M e s m e s q u e si la stip u la tio n
e'toit p e r s o n n e l l e , la transm ission n’au r o it pas lie u en f a v e u r d es h éritiers
d u s t i p u la n t ; mais la p er so n n a lité ne se p r é s u m e jam a is. P o u r la s u p p o s e r
i l f a u t ( d it M . P o t h i e r en son T r a i t é des o b l i g a t i o n s , t. 1. p . ^ 5 ) q Ue
c e la s o it e x p l i q u é c la ir e m e n t d a n s la c o n v e n t io n ; e t a in s i , ajoute-t-il
d e c e q u e la p e r s o n n e e n v e r s la q u e lle j e c o n t r a c t e q u e lq u ’ engagement
e s t n o m m é e p a r la c o n v e n t i o n , i l n e s 'e n s u it p a s q u e V intention d e s
p a r tie s a it é t é d e r e s tr e in d r e à s a p e r s o n n e le d r o it q u i e n r é s u lt e ; o n
d o i t p e n s e r a u c o n tr a ir e q u ’ e lle n’ e s t n o m m é e q u e p o u r m a r q u e r a v e c
q u i la c o n v e n t io n e s t f a i t e .
N o u s c o n v e n o n s e n c o r e a v e c F o n l a n e l l a , q u ’en fait d e s tip u la tio n s c o n
d itio n n e lles , lo r s q u e la c o n d itio n est p e r s o n n e lle , c’ e s t - à - d i r e d e n a t u r e
à n e p o u v o ir s’a c c o m p li r q u e d an s la p e r s o n n e d u s t i p u l a n t , Quandà
apponitur in personâ stipulatoris , la tra n sm issio n n e p e u t y a v o i r lieu
q u ’a u t a n t q u e le s t i p u la n t a u r o it lu i - m ê m e r e c u e illi l ’o b je t de la s t i p u l a - *
lion p a r 1 e x is te n c e de la co n d itio n p u r ifié e de son v i v a n t ; niais c ’est pa rc eq u e , c o m m e il 1 a jo u te fo rt b ie n , la c o n d itio n n’éta n t pas a r r iv é e p e n d a n t
la vie d u s t i p u l a n t , son décès la re n d i m p o s s i b l e , et q u ’ainsi il ne reste
p lu s d ’e s p é r a n c e à t r a n s m e ttr e . C e cas n’est d o n c pas 1111e e x c e p tio n à la
r è g le g é n é r a le d u p a r a g r a p h e
Ex
conditionali, q u i n ’en reço it a u c u n e ;
c’ est s e u l e m e n t u n e e s p è c e d an s la q u e lle la r è g le d u p a r a g r a p h e ne p e u t
p a s r e c e v o i r son a p p l ic a t i o n , p a r e e q u e le p a r a g r a p h e , pai lant d e la trans
m ission des s tip u la tio n s c o n d itio n n e lle s , s u p p o s e q u e la co n d itio n puisse
e n c o r e a r r i v e r , q u o i q u ’a p r è s le d écès d u s t i p u l a n t : or elle ne p e u t p lu s
a r r i v e r a p rè s so n d é c è s , si elle ne d e v o i t s’a c c o m p li r q u ’en sa p e r so n n e .
P o u r a p p l i q u e r a n o tre e s p è c e le p r i n c i p e de F o n l a n e l l a , il f a u d r o i t
p r o u v e r q u e la c o n d itio n sous la q u e lle le r e to u r a é lé stip u la ne p o u v o it
�s’ a c c o m p li r q u ’e a la p e r s o n n e d u d o n a t e u r e t d e son v i v a n t ; m ais il n’ en
est pas aiusi. L e fa it du d écès d e la d o n a t a ir e sans e n fa n t s , q u i fait la se u le
c o n d itio n d u r e t o u r , p o u v o it s’a c c o m p l i r in d i f f é r e m m e n t d u v i v a n t d u
d o n a t e u r ou a p rè s son d écès. C e l t e c o n d i t i o n é l o i t a b so lu m e n t extrin
sèque à sa p e r s o n n e , p o u r n o u s s e r v ir d e s e x p r e ss io n s d e c e t a u t e u r , et
d è s - lo r s il est co n s ta n t q u ’ elle n’a p a s p u r e n d r e la stip u la tio n p erso n
n elle.
I l est vra i q u e , s u i v a n t R i c a r d e t le j o u r n a li s te des A u d i e n c e s , les clauses
d e r e t o u r d o i v e n t s’i n t e r p r é t e r s t r i c t e m e n t ; m ais ils n ’o n t jam a is c o n c lu de
l à ^ u ’il fallût en e m p ê c h e r la transm ission. L a se u le c o n s é q u e n c e q u ’ils
a ie n t tirée de ce p r i n c i p e est q u ’il n e fa u t p a s é t e n d r e ces sortes d e c la u ses,
e t q u ’ainsi le r e t o u r é ta n t s tip u lé p o u r le cas d u d écès d u d o n a ta ire sans
e n f a n t s , il n e fa llo it pas l’é t e n d r e a u cas d u d écès d e ses en fa n ts sans
e n fa n ts.
O r , c e n’est pas d o n n e r d e l’ex ten s io n à u n e stip u la tio n q u e de la s u p
p o s e r t ra n s m is sib le a u x h éritiers d u stip u la n t. C e t t e tra u sm issibilité est
u n e su ite n é cessa ire de la saisine a tt a c h é e à t o u t e stipulation , et d e l ’in
ten tion A'avoir et a c q u é r i r q u i se r e n c o n t r e dans tous les s t i p u l a n t s , lors
m ê m e q u ’ils n ’o n t p a s p e n s é à le u r s h é r i t i e r s ; ca r n o u s n’avons v é r i t a b le
m e n t q u e c e q u e n o u s p o u v o n s l e u r tra n s m e t tr e .
A u s s i , q u o i q u e dans le d ro it ro m a in les s tip u la tio n s p r o p r e m e n t dites,
Solemnes verborum conceptiones , fussen t d e d r o it étro it et très-étroit,
q u o i q u ’on l e u r d o n n â t le n o m p r o p r e de c o n tr a ts striclijuris , p a r o p p o
sition a u x co n trats d e b o n n e f o i , q u o i q u 'e n c o n s é q u e n c e 011 les i n t e r p r é
tât to u jo u r s en cas d e d o u t e c o n t r e le s t i p u l a n t , quia debuit legan aper-
tiùs dteere rontraclui, la r è " l c é t o it c e p e n d a n t sans a u c u n e e x c e p tio n
d e les d é c la r e r t r a n s m i s i b l e s a u x h éritiers d u s t i p u l a n t , Gcncruhter san-
cimus otnneni slipulationem , etc.
A u c o n t r a i r e , les d ispositions c o n d i t i o n n e l l e s , q u i c e p e n d a n t sont su s
c e p t i b l e s d e l'in te r p r é ta tio n la p lu s la r ^ e , 11e p r o lito ie n t pas a u x héritiers
do l’ in stitu é o u lé g a ta ir e d é c é d é a v a n t l e u r o u v e r t u r e , à moins q u ’ ils n y
fussent c o n q u i s e x p r e s s é m e n t ; mais c’ est p a r e e q u e la transm ission d an s
ce cas est i m p o s s i b l e , c o m m e n o u s l’a v o n s o b s e r v é d éjà , à d é fa u t de sai-
�£%$
( 63 )
sine p r é e x ista n te . D è s - l o r s l’h éritier d e l’a p p e l é ne p o u v o i t ê t r e a d m is à le
r e m p la c e r q u e p a r v o ie d e v o c a t i o n , c o m m e a p p e l é l u i - m ê m c . O r la v o
catio n d o it ê tre e x p r e s s e et n e se s u p p lé e pas ( à la d iffé r e n c e de la tra n s
mission , q u i est t o u jo u r s d e d ro it en cas de saisine p r é e x i s t a n t e ) . A liu d
est Iransmissio , et aliud est voccitio.
En
d e u x m o t s , to u te stipu la tion c o n d itio n n e lle est n é c e ss a ir e m e n t
tra n sm issib le à l’h é r itie r d u s t i p u la n t , si la c o n d itio n p e u t e n c o r e r e c e v o i r
son a c c o m p li s s e m e n t , p a r e e q u ’au m o y e n de la saisin e a tt a c h é e a u x actes
e n t r e - v i f s , le d ro it q u i en résu lte a fait p a rtie des b ie n s d u t r a n s m e t t a n t ,
d è s le t e m p s m ê m e d e l’acte. Il n’ est pas n é cessa ire p o u r cela d e d o n n e r
à la cla u s e a u c u n e e x t e n s i o n , p a r e e q u e c ’est la loi s e u l e , la fo r c e d e la sai
s i n e , et non pas l ’in ten tio n p o sitive d e t r a n s m e t tr e , q u i o p è r e la t r a n s
m ission. Il est vra i q u e la saisine e l l e - m ê m e d é p e n d en q u e l q u e
sorte
de
l ’inten tio n d u s t i p u la n t ; m ais c’ est s e u le m e n t en c e sens q u ’ elle ne s’ a p
p l i q u e qu^aux d ro its q u e les p a rtie s o n t eus en v u e , et p o u r les cas q u ’ elles
o n t e x p r im é s . D u r e s t e , u n e fois q u e la c o n d itio n p r é v u e p a r les pa rties
est a r r i v é e , il d e v i e n t co n s ta n t q u e la saisine a eu lieu ab inilio,. et q u e la
transm issio n s’en est s u i v i e , sans q u e l e s s li p u l a n t s y a ie n t s e u le m e n t p en sé.
Il ne p o u r r o i t y a v o i r d e q u e s tio n q u e s u r le p o i n t d e sa v o ir sou s q u e l le
c o n d itio n les p a rtie s o n t e n t e n d u co n tra cter^ si c’ est s e u l e m e n t sous la
c o n d itio n e x p r i m é e d an s l’a c t e , o u si c ’ est e n c o r e sous la c o n d itio n d e la
s u r v i e d u s t i p u l a n t ; m ais p o u r s u p p l é e r c e l t e s e c o n d e c o n d i t i o n , lo r s
q u ’elle n ’est pas e x p r i m é e , il f a u d r o it a jo u te r à la le t tr e d e la c l a u s e : o r
c ’est ce q u e la p lu s g r a n d e r i g u e u r n e p e u t pas a u t o ris e r .
S E C O N D E
P A R T I E .
Décisions (les docteurs et des lois sur la transmission du
retour conventionnel en particulier.
A u ss i F o n t a n e lla d é c i d e - t - i l a f f i r m a t i v e m e n t (pie le r e t o u r c o n v e n t i o n -
n c pactis
n c l passe a u x h é r itie r s d e c e lu i q u i l’a s t i p u l é , q u o i q u e la co n d itio n d u
r e t o u r ne s 'a c c o m p lis se q u ’uprès son d écès. E t quann’is non esset dictum
nisi <juod rcverlcrentur bona douai a ad do/mtorem , nihilominùs
6lo9,a J*>
�( 64 )
reverli debuissent ad ejus hœredem , ilio ante donatarium defuncto ,
si pos tea adimpleretur conditio, quia conlractus conditionalis transmittitur ad hceredes; ex v u l g a r i p a r a g r a p h e ) , E x condilionali.
Il s’o b j e c t e la loi Q uod de pariter , ff. de rebus dubiis, q u i p a ro ît s u p
p o s e r le co n tr a ir e ( i ) ; niais il r é p o n d a v e c B a r t h o le et les g lo ssaleu rs , q u i
d e p u i s ont é té su ivis p a r M e P o t h i e r en ses P a n d e c t e s J u s l i n i e n n e s , q u e
c e l t e loi n e d é c i d e pas la q u e s tio n d e r e t o u r d o n t il 11e s’agissoit p a s , mais
s e u le m e n t u n e q u e s t i o n d e s u r v i e , s a v o i r , q u i des d e u x de la m è r e ou de
la fille , p é r ie s p a r m ê m e a c c i d e n t , é to it cen sée a v o ir s u r v é c u : Q uod de
pariter mortuis tradavimus in aliis agitatimi est ut ecce, etc. -, q u ’à la
v é r i t é , la d écisio n s u r la q u e s tio n d e s u r v i e p r é s u p p o s o le r e t o u r d o n t il
s’ agissoit non t r a u s m i s s i b le , m ais q u ’ a p p a r e m m e n t le s t i p u la n t a v o it e x
p r i m é , c o m m e se c o n d e c o n d itio n d u r e t o u r , l ’é v é n e m e n t d e sa s u r v i e , et
q u e l e ju risc o n su lte a u r a n é g lig é d e r a p p o r t e r c e l t e c i r c o n s t a n j p , p a r c e q u ’ elle n’éto it pas r e la tiv e à la q u e s tio n p r i n c i p a l e , ainsi q u e cela se vo it
f r é q u e m m e n t d an s les lois d u D ig e s t e et d u G o d e .
C e l t e i n t e r p r é ta t io n lu i p a ro ît d ’a u t a n t p lu s n é c e ss a ir e , q u e sans cela la
l o i Q uod de pariter c o n l r e d i r o i t m a n i fe s t e m e n t la d isp o sitio n a b s o lu e e t
i m p é r a t i v e d u p a r a g r a p h e E x condilionali , su r la transm issio n de t o u te
e s p è c e d e stip u la tio n c o n d itio n n e lle , et les d écisio ns d es lois Caius et ^ivia
( d o n t il sera p a rlé t o u t-à -l’ l i e u r e ) , su r la transm issio n d u r e t o u r en p a r
tic u lie r .
11 est
vrai q u e P a u l d e C a s t r e s , C o v a r r u v i a s et M e n o c h iu s o n t pris la loi
Q uod de pariter d an s u n sens to u t d iffé r e n t. Ils en o n t c e n c l u q o e la sti
p u la t io n d u r e t o u r d e la d o t p o u r le cas d u d é cè s d u m a r i o u d e la fe m m e
pendant le mariage r e n f e r m o it ta c it e m e n t la c o n d itio n d e la s u r v i e d u
s t i p u la n t : habet ista stipulatio tacitam conditionem , st stipulator su-
pen'ixcrit ; m ais ils sont o b lig és d e c o n v e n i r en m i m e t e m p s q u e c e t t e
(1) Quoil de parilcr mortui» tractavimus ¡11 aliis agitatimi e»t ut eccc: Si mater stipulata c»t dotem
k marito, morlui filiâ in matrimonio libi rrddi, et «imul cùm Filia periit, au ad liæredem malrit
aclio ex »tipulatu competerci ?et divu» Pin» rcicripjil non eue comtimiam stiptilalioncm , quia
maicr l'ilia 11011 »npervixil; itom quæritur »i extraneus qui dotem »(ipulatus c»t, »imnl cmn marito
decencril, vd cum eâ propter quam »tipulatu» e»»et, an ad hæredem actio competerei ?
�(
65
)
d é c isio n q u ’ ils s u p p o s e n t à la loi Q u od de pariler est sin g u lière et sans
e x e m p l e : Casus est singularis in istâ lege, d it P a u l d e C a s t r e s , nec re-
cordor alibi hoc vidisse: e n c o r e d u m o i n s , a j o u t e - t - i l , lo r s q u e le r e t o u r
est p o u r a v o i r lie u d an s le cas d u d é cè s d u m a r i pendant le mariage , i^
s e m b le q u e l a f a v e u r d e s m a r ia g e s fu tu rs p e u t fa ire p r é f é r e r la d o n a ta ire
s u r v i v a n t e a u x h é r itie r s d u d o n a t e u r , afin q u e l le a it u n e d o t p o u r se
r e m a r i e r , c e q u i es t d e l’in t é r ê t p u b l i c . I n hoc major ratio quant in
p r im o , scilicetfavore dotis ut e x eü millier possit iteruin nubere. M ais
l o r s q u e le r e t o u r est s tip u lé p o u r le cas d u d e c e s de la f e m m e pendant le
mariage, il n’y a pas m ê m e raison d e f a v e u r ( a m o in s q u e c e n e soit p o u r
fa v o r is e r le s e c o n d m a r i a g e d u m a ri s u r v i v a n t ) ;< sed in prim o casu
non sic.
S i n o n o b s t a n t ces raison s p é r e m p t o i r e s , P a u l d e C a s t r e s e t scs s e c t a
teu rs o n t p ersisté d an s l e u r i n t e r p r é t a t i o n , i l n e f a u t ’p a s c r o i r e q u ’ ils a ie n t
e n t e n d u p o u r cela se d é p a r t i r des d é cisio n s d u p a r a g r a p h e E x condition
nait e t d es lois Caius et A v ia . Ils c o n v i e n n e n t q u ’e n g é n é r a l le r e t o u r
c o n v e n t i o n n e l est t râ n s m is sib le c o m m e t o u te a u t r e s t i p u la t i o n c o n d i t i o n
n e lle ; s e u le m e n t ils e n e x c e p t e n t l e cas p a r t i c u l ie r q u ’ ils s u p p o s e n t d an s
la loi Q uod depariter, c’e s t - à - d i r e , c e l u i o ù le r e t o u r a été s t ip u lé p o u r
a v o i r l i e u , moriuâ fih â i n m a t r i m o n i o , o u mortuo i n
m a tr i-
m o n io marito; d e so rte q u e l o r s q u e le r e t o u r est s t i p u lé sous t o u te a u t r e
c o n d itio n q u e c e lle d u d écès d u m a r i o u d d la f e m m e ' pendant le m a
riage , /JV Mu4. t r i m o n i o ,* l o r s q u e , p a r e x e m p l e , c o m m e d a n s n o t r e
e s p è c e , il est r é s e r v é p o u r le cas d u d écès d e la f e m m e nort précisément
pendant le mariage, m ais en g é n é r a l p o u r le cas d e son d é c è s san s e n
fa n t s , p e n d a n t le m a r ia g e o u en v i d u i t é , a l o r s , s u i v a n t les m ê m e s d o c
t e u r s , les p r i n c i p e s r e p r e n n e n t l e u r e m p i r e , la t ra n s m is sio n d u r e t o u r
s’o p è r e de plein d r o i t , o n n e s o u s - e n te n d plits la c o n d i t i o n d e la su r v ie d u
d o n a t e u r , e t l’on s u it sntMrdiiTicullé les règlds gériérales stir la transm ission
des s tip u la tio n s c o n d i t i o n n e l le s , et n o t a m m e n t les d écisio ns des lois Caius
e t A via.
C e t t e 'd o c t r i n e se t r o u v e fo rt b ie n e x p l i q u é e pat- P i e r r e D à r b o s a , c h a n
ce lie r d e P o r t u g a l , l’un d es p r i n c i p a u x s e c ta te u rs d e P a u l d e C a str e s. C ’est
9
�sur la loi C a iu s, iF. soluto m atrim onio, versiculo quod ciim ila. A p res
avoir c o n clu de cette loi <Tt de la loi udvia, co d ice de ju r e dotiuin, q u e
le re to u r conventionnel est transm issible, il s’ob jecte la loi Q u o d d e p a -
riter, q u ’il entend dans le m êm e sens que P a u l de Castres, C ovarru vias
et M en o cliiu sj mais il y ré p o n d en disant q u e cette loi n ’a lieu que p our
le cas particulier dont-il y est p a rle, lorsq ue le reto u r doit a voir lieu m or-
tud IN M A T R I MO N I O Jiliâ. N equ e obstat dicta le x Q u o d de pariter,
quia ïoquitur quando quis stipulatur dotem sibi red d i, mortud i n
M A T R iM O N lo J ilid ; nam tune tacila subintelligitur conditio supervivenliœ , ut ibi tradunt doctores; sed si generaliter concepta sit stipu
lation procederet id q u o d sentit is textus cum sim ilibus.
A in si la loi Q u o d de p ariter, de q u e lq u e m an ière q u ’on veuille l ’en
t e n d r e , est sans application à notre e s p è c e ; car il ne s’agit pas dans la
cause de retour stipulé p o u r avoir l ie u , m ortud IN M A T R I m o n i o J iliâ.
D ’ailleurs le mari ne gagnant plus la dot par sa s u r v ie , com m e dans l’a n
cien d r o it, la faveur de son m ariage fu tu r ne milite plus contre les lie n tiers d u d o n a te u r , et l’intérêt p u b l ic n’est plus com prom is p ar la trans
mission. E n vain diroit-on q u e le mari su rviv an t profite encore a ujour
d’h u i , à cause de la c o m m u n a u té , de la moitié de la som m e constituée en
dot à sa fem m e. Il faudroit au moins q ue la som m e n’eût pas été stipulée
p r o p r e de co m m u n au té : or, dans l’espèce de la cause, les
3o,ooo
liv. don-
ue'es p a r le sieur L h éritier ont été stipulées propres.
Il n ’en est pas des lois Caius et A via, c o m m e de la loi Q uod de p ari-
ler. Elles sont toutes d e u x très précises p our la question qui nous divise.
Dans la prem ière ( i ) , il s’agissoit d ’une dot donnée au m ari p ar l’aïeul
(l) Caïii» Seïus avm maternui Seïæ ncpli quæ erat in palri» poleilate, certain pecuniæ (juantila1cm dolis iiominc Lucio Titio marito dédit, et instrumcnlo dotali ejiumodi paclmn et alipulationcm coinplexus csl, *i inter Titium Lucium marilum et Sciaiu divoçtuim«incculpa mulieris factum
e»»et, do» omni» uxori vel Cai'o Seïo avo tnalerno rcdderctur reslihienlurque. <^u*ro, ciim Seïu»
avm malermi» ttaliin vità diTunctu» »it, et Scïa
sine etilpu mà divertir t, \ivo pâtre ma
>» cujui potcslale est, a» et ciù aclio ex hoc pacto et slipulationc compelat, et utriim liturrdi av
inalttm ex itipulatu, au uepti? Ilc»]>ondi ni penona nmilim ncpli» videri iiiulililer ttipulatiourm
tu« loiicepuin , «piouiam avu» inalermis «i ttipul; tu» propomlur ; quod_ciim ila e»t, lnmdi $iipulatori», «jviaudocuiuquc direrterit muiicr, aclio competcrc videtur.
�(
67 )
m a t e r n e l de la f e m m e , et p a r c e l u i - c i s t i p u lé e re'versible a u p r o fit de la
f e m m e , o u de l u i d o n a t e u r , en cas d e d i v o r c e sans la fa u te d e la f e m m e .
L e d iv o r c e a r r i v a , m ais le d o n a t e u r q u i s’éto it r é s e r v é l e r e t o u r ( d u m oin s
en s e c o n d ) é t o it p r é d é c é d é , n o n o b s t a n t c e p r é d é c è s , le ju r is c o n s u lt e
( s u p p o s a n t n u lle la stip u la tio n faite en p r e m i e r a u p r o f it d e la fe m m e ,
quia nem o altcri stipularipotest) d é c id e q u e les h é r i t i e r s d u d o n a t e u r
d o i v e n t p r o f it e r d u r e t o u r en q u a lité d e t r a n s m is s io n n a ir e s , c o m m e a u r o i t p u faire le d o n a t e u r lu i- m ê m e . Quocl cùm ita est, hceredi stipulatoris, quandocum que divcrtcrit rnulicr, actio cornpelere videtur.
L a loi ¿Lvia n’ est pas m o in s ex p resse. L a q u e s tio n e to it d e s a v o ir si le
r e t o u r d e la d o t , n ’a y a n t été r é s e r v é q u e p a r u n s im p le p a c t e , et n o n p a r
u n e st ip u la t io n en f o r m e , il é to it t r a n s m is sib le a u x h é r itie r s d u d o n a t e u r .
L ’e m p e r e u r r é p o n d q u ’il fa u t d is t in g u e r si la d o t , d o n t le r e t o u r a été
r é s e r v é p a r le p a c t e est u n e d o t p r o f e c t i c e , ( c ’e s t - à - d i r e d o n n é e p a r c e l u i
q u i a la p u iss a n ce p a te rn e lle ) o u si elle est a d v e n t i c e . L o r s q u ’ elle est p r o
fe c t i c e , c o m m e en ce cas le d o n a t e u r est a ss u ré d u r e t o u r lé g a l q u i n ’es t
p a s t r a n s m is s ib le , on s u p p o s e q u ’il s’en est c o n t e n t é , e t q u e c’est p o u r
ce la q u ’il n ’a p a s eu r e c o u r s à u n e st ip u la t io n en f o r m e ; m ais l o r s q u e la
d o t est a d v e n t i c e , telle q u e ce lle d o n n é e p a r l e s é t r a n g e r s o u les a s c e n
d a n ts m a te r n e ls q u i n e p e u v e n t pas p r é t e n d r e l e r e t o u r l é g a l , a lo rs le r e
t o u r q u i en a été r é s e r v é p a r u n s im p le p a c t e est t r a n s m is s ib le a u x h é r i
tiers d u d o n a t e u r . A via tua corum q u c e p ro fd id tua in dotem d é d it ,
etsiverborum obligatio non interccssit , actioncm ex Jid e convcntionis
ad te , si hœres extitisti, transmittere p o tu it, nec cnim cadem causa
est patris et matris pacisccntium ; quippe matris p a ctu m actioncm
prœscriptis verbis constituit; p a tris , dolis actionem conventione sim p lici minim e creditur innovare.
Q u e l q u e cla ires q u e so ie n t ce s d e u x l o i s , il s’ est c e p e n d a n t t r o u v é
u n d o c t e u r ( i ) q u i , p o u r les c o n c i l i e r a v e c la d é c is io n a t t r ib u é e p a r P a u l
d e C a stres et a u tr e s à la loi Q uod de pariter , a essayé d e l e u r d o n n e r u n e
a u t r e i n t e r p r é t a t i o n . P a r e x e m p l e , il s u p p o s e q u e d a n s l ’e s p è c e d e l à loi
(ijlia r th c le m i S ocin, sur la loi Q u o d <U p a r ittr.
�( 68 )
A v i a , la d o n a t r i c e a v o i t s u r v é c u à l’o u v e r t u r e d u r e t o u r q u ’elle s’éto it
r é s e r v é , e t p a r r a p p o r t à la loi Caius , il p r é t e n d q u e c ’ est la st ip u la t io n
e x p r e s s e fa ite e n p r e m i e r a u p r o fit d e la f e m m e m a r ié e q u i a fait p r é s u
m e r d e la p a r t d u d o t a te u r ( p o u r l e r e t o u r s t ip u lé e n su ite à son p r o fit )
u n e d é ro g a tio n à la d isp o sitio n p r é t e n d u e d e la loi Q uod de paritçr ;
m a is c e t t e d o u b l e s o lu tio n se r é f u t e d ’e l le - m ê m e . E n e ffe t, p o u r ce q u i
e s t d e la p r e m i è r e , il est s e n s ib le q u e si la d o n a t r ic e a v o i t s u r v é c u , il n’y
a u r o it p a s e u d e d is tin ctio n à faire e n t r e le p a c t e d e l’a s c e n d a n t m a t e r n e l
e t celu i d u p è r e , p o u r d é c l a r e r le p r e m i e r t ra n s m is sib le , et n o n p a s l ’ a u t r e :
to u s les d e u x a u r o i e n t é t é é g a l e m e n t t r a n s m is s i b le s , p u i s q u e le r e t o u r
m ê m e lé g a l se t r a n s m e t , l o r s q u ’u n e fois il a é t é a c q u is a u p è r e p a r sa s u r
v i e . A l ’é g a r d d e la lo i Caius , il n ’est pas p o s s ib le de c o n c e v o i r q u e la
c ir c o n s t a n c e d e la s t i p u la t i o n e x p r e s s e d e r e t o u r faite e n p r e m i e r au p r o fit
d e la f e m m e a it p u in flu e r a u c u n e m e n t s u r la t r a n s m is sib ilité d e ce lle
fa ite e n s e c o n d p a r l e d o t a t e u r a u p r o f it d e lui-m êm e,* il est é v i d e n t q u e
la d é c is io n d e la loi a u r o i t é t é la m ê m e , q u a n d c e t t e c ir c o n s t a n c e n e s’y
sero it p a s t r o u v é e .
A u s s i cet a u t e u r finit-il p a r r e c o n n o î t r e q u e ces s o lu tio n s s o n t p lu s s u b
tiles q u e solides^ et q u ’il fa u d r o it b i e n se g a r d e r d e les s u i v r e d an s la p r a
t i q u e , d an s les j u g e m e n t s : cogita famen </uia pulc/ira est conclusio ,
NON T A M E N FORTE TN J U D I C A N D O ESSET A B A L I A O P IN IO N E
RECEDENDU3I.
E t e f f e c t i v e m e n t , com m e il le d it fo r t b i e n a u m ê m e e n d r o i t , si c e
n ’ étoit le d o u b l e sens d o n t la loi Q u od de panier p;iroît s u s c e p t i b l e , il
n ’y auro it p a s u n seul d o c t e u r d a n s t o u t le m o n d e e n li e r q u i n’o p iïia t p o u r
d u r e t o u r c o n v e n t i o n n e l d a n s tous les cas. N o n esset
la transm issio n
doctor in mutido qui contrarium non consuleret, si non vulisset istum
texlum .
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0 1
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E.
E xa m en de la Jurisprudence.
S u i v a n t P a p o n , a u l it r e d es D o n a t i o n s , a rt.
38 ,
il a é té j u g é </uc
la rétention Jaitc p a r un donateur, (juc si le donataire meurt sans en-
�{
69 )
Ja n ts , la chose donnée retournera au donateiu' sans faire mention
des s ie n s e s t réelle et non personnelle , pa r ainsi transmissible à l’hé
ritier du donateur} s’il se trouve m ort , lorsque la condition d’icelle
rétention advient.
a 0 M. M aynard,
1. 8. c. 33. r a p p o r t e
q u c ' p a r s e n t e n c e d o la s é n é c h a u s
sée d e L a u s e r r e , le r e t o u r s t i p u l é p a r u n o n c l e d o n a t e u r a u p a y s d e Q u e r c i ,
p o u r le cas d u d é c è s d e so n n e v e u d o n a ta ire sa n s e n f a n t s , l e d i t ca s é t a n t
a r r i v é , q u o i q u 'a p r è s le d é c è s d u d o n a t e u r , fu t j u g é t r a n s m is s ib le a u x
h é r itie r s d u d o n a t e u r , nonobstant le défaut de ce mot sien ou autre
équip oient.
3°
L e m ê m e M . M a y n a r d r a p p o r t e q u e s u r l 'a p p e l d e c e tte s e n t e n c e
p a r a r r ê t r e n d u à son r a p p o r t , a u m o is d e j a n v i e r i S 7 4 5 c o n f i r m a t i f d e
la s e n t e n c e , le r e t o u r f u t a d j u g é a u x h é r itie r s d u d o n a t e u r .
4°
F o n l a n e l l a n o u s a ss u r e q u e la m ê m e c h o se a été j u g é e c o n t r e l u i -
m e m e , le 10 a v r il 1 6 0 9 , p a r le c o n s isto ir e d e la p r i n c i p a u t é d e C a ta lo g n e .
Conatus f u i defendere quod non poterant ( d o t e m v i n d i c a r e h rere d es
d o n a to ris p r æ m o r t u i )fundans intentionem indispositione legis Q u o d de
p a r i t e r , et eorum quee super ea dicunt superiiis allegali de subinlelli-
gentid condilionis superviventiœ, sed non potui oblinere; irno décla
ration f u i t expresse sub die 10 A p rilis anno 1 6 0 9 , infavorem hœred u m ; e t cela p a r c e q u ’il n ’y a v o it p a s d e p r e u v e q u e le d o n a t e u r e û t
lim i t é le r e t o u r a u cas d e sa s u r v i e , sumendo expresse motivum quùd
non constaret canceptam fuisse stipulationein respectu’reversionis ad
donatorem, si isfiliœ supervixisset, ac proindè regulando emn casuni
e x dispositione paragraphi E x c o n d itio n a li sunpliciter conccdenii
transmissionem ad hcâredes} quando non adest expressa condilio
superviventiœ.
5» L a m ê m e ch o se a e n c o r e é t é d é c i d é e d an s l ’e s p è c e p r é s e n t e p a r M e*
13la r u , N o r m a n d , L e C l e r c d e V e a u d o n n o e t G u é a l i x d e l l e v e r s c a u x , c o m
m issaires n o m m é s p a r le co n seil p o u r j u g e r les co n tes ta tio n s rela tiv es à la
s u cc essio n d u sieu r L h é r i t i c r d o n a t e u r . E n c û b l, p a r l e u r a r r ê t de p a r t a g e ,
ils o n t r é s e r v é a u x p a r t i e s , p a r u n a c t e s é p a r é , l’e s p é r a n c e d u r e t o u r sti
p u l é p a r le s ie u r L h é r i t i c r en ces t e r m e s : les parties ont encore Vespé
rance , le cas arrivant, de la réversion de la somme de 3 oqoo livres
�(■ 7 °
)
donnée en dot p a r le sieur Lhéritier père à m adam e la m arquise de
R a v ig n a n , sa ( b e l le ) nièce.
6°
E nfin la sentence don t est a p p e l , re n d u e sur les plaidoiries solen
nelles des parties p e n d a n t c in q a u d ie n c e s , a juge' en faveur des héritiers
d u do n ate u r, sur le fon dem en t q ue la condition ex p rim é e p a r l e do n a
te u r p o u r donner lieu au .retour s’étoit vérifiée : attendu le décès de la
dem oiselle R a c in e , veuve D am p us, sans enfants.
L e marquis de M esmes auroit bien v o u lu p o u v o ir opposer à cette suite
de décisions q u e lq u es décisions contraires capables de les balancer. Mais
q uelqu es recherches q u ’il ait p u fa ir e , il ne lui a pas été possible d’en
p ro d u ire u ne s e u le ; en vain e x c ip e - t-il de l’arrêt rap p orté p a r M o r n a c ,
a u titre de dote profectitia. Il y étoit question d u retour d ’une dot cons
tituée par un p ère naturel à sa fdle b â t a r d e , et p ar conséq uen t profectice,
c om m e le dit M o r n a c lu i-m ê m e et com m e le p ro u v e fort bien H c n r y s ,
].
6 . c. 5 . part. 3o,
où il établit q u e le retour légal a lieu au profit d u père
naturel p o u r la dot p a r lui co nstituée, co m m e e'tant censée profectice ,
à cause de l’obligation où il est de d o t e r ; or il ne s’agit p o in t ici d ’une
dot profectice.
D ’ailleurs, si l’on exam ine bien l’espèce de l’arrêt d e M o r n a c , on verra
q u ’il n’est pas même précis p o u r le cas de la dot profectice. E n effet, M o r
n a c dit lui-m êm e q u e le retour avoit été stipulé seulem ent p o u r le cas du
de'cès de la fille sans enfants. O r , la fille n’e'toit pas décédée sans enfants,
p u is q u e ses enfants lui avoient su rvé c u . D ecesserat presbyter p o s -
TEAQUE S PU R I A AC LIBERT. Il est vrai q ue les enfants éloient d é
cédés sans enfants, et c ’est a p p a re m m en t sous ce p n itex te que les héri
tiers du prêtre dotnteur reven d iqu oien t la d o t , en éten da n t la condition
du décès sans e n fa n ts , au cas du d é c è s , et des enfants sans enfants.
M ais c o m m e l’ont fort bien ob servé R ic a r d et le Journaliste des A ud ien ce s,
les stipulations en général et celles de retou r en p articulier étant de droit
¿ tr o it, ne doiv e n t pas être étendues d’ un cas à un autre. D ès-lors , on ne
pouvoit pas a d ju g e r le retour a u x héritiers du prêtre dotatcur. L u i-m ê m e
auroit Cté exclus à défaut d ’é vén em en t de la condition p r é v u e ( i ) .
(0 AgiVtiu
Ov l’rcibylcro qui cùm dmurct filia- »purin: 3oo aur«o> in<lol«Ri, condilionn«
�( V
)
S i des j u g e m e n t s n o u s passon s a u su ffra g e d e s a u te u r s fr a n ç a is , n o u s
v e r r o n s q u e la q u e s tio n y est to u jo u r s d é c id é e u n i f o r m é m e n t en f a v e u r
des t r a n s m is s io n n a ir e s , n o t a m m e n t l o r s q u e la d o n a tio n est faite p a r a u
tres q u e les a s c e n d a n ts ( c o m m e p a r e x e m p l e p a r u n b e l - o n c l e ) , n o t a m
m e n t lo r s q u e le d o n a t e u r , éta n t p lu s â g é q u e le d o n a t a i r e , a c e p e n d a n t
p r é v u n o n s e u l e m e n t l e d écès d u d o n a ta ire sans e n f a n t s , m a is e n c o r e le
d écès d e scs en fants sans en fants ou a v a n t l e u r m a jo rité .
L a réversion conventionnelle , d it L e B r u n , t r a ité d e s S u c c e s s i o n s ,
1.
i . c . 5 . sect. 2 } passe a nos héritiers si nous ne l’avons limitée, ce qui
se f a it quelquefois, en ne la stipulant qu'au cas du prédécès du do
nataire ; mais quand nous l’avons stipulée simplement au cas du dé
cès du donataire sans enfants , alors nous avons parlé pour nos hé
ritiers ou ayants-cause.
Quant à la réversion conventionnelle, d i t L a c o m b e , au m o l R é v e r
sion , elle ne concerne pas moins les héritiers du donateur qui l’a sti
p u lé e, que sa personne même. N a m pleru m qu e ta/n hœredibus no'stris quant nobisine/ipsis cavemus, i. g . d e P r o b . s lin s is i un ascendant
fa it donation h son fils ou à sa fille , à condition de réversion, si le
donateur meurt sans enfants, les choses données passent a u x héri
tiers du donateur prédécédé, si elle n’a été limitée.
L e retour conventionnel, d it f a u t e u r d e la n o u v e l l e c o lle c tio n de J u
r i s p r u d e n c e , au m o t R e t o u r , n’a d ’autres règles que celles de la con
vention ................ et comme les conventions passent in liæ r e d e s et a d
h æ r c d e s , il s’ensuit que si le donateur prédecède , la réversion doit
appartenir à ses héritiers qui le représentent, lorsque la condition
sous laquelle elle est stipulée est arrivée, à moins que la réversion
n’eût été stipulée personnelle, et qu'elle n’ait été limitée p a r des clauses
qui l'empêchent d’être transmise a u x héritiers.
Ï J o m a l , crt son traité d es L o i s C iv ile s s u r le R e t o u r , a p rè s a v o ir d é c i d é ,
illam labulis nuptiaUbus adjcccrat(ii siile liberis filia decesaerit, do» ad *e reverlerelur) nullà faci«
mcntioue Increduli). Susceplì crani liberi ex co matrimonio quibii* mperatilibu» decesserat PresbyIcr, postfà^uc spuria ac liberi re dim i htcrcdn rrc»bylm dytem illam utjprofecliliamex clan*
«ulA revcrtioni»....à politiouc iiU «liminoli iuut.
�(
72 )
c o m m e l o u s les a u t e u r s c i- d e s s u s c i t e s , q u ’e n g én ér a l le r e t o u r stip u lé
p a r un a s c e n d a n t o u t o u t a u t r e d o n a t e u r d o i t se r é g le r c o m m e les a u tr e s
c o n v e n t i o n s , e t n o n à l ’in s ta r d u r e t o u r l é g a l , a jo u te q u e cela est encore
p lu s ju s te p o u r les donateurs autres que les ascendants. L a raison
q u ’il en d o n n e est q u e les d o n a t e u r s é t r a n g e r s ( t e l q u ’ éto it le sieu r L h é r it ie r p a r r a p p o r t à la d e m o is e lle R a c i n e , sa b e l l e - n i e c e ) , n’a y a n t p a s la
m ê m e a ffectio n p o u r la fam ille d e le u r s d o n a t a i r e s , on p r é s u m e encor.e
p l u s a is é m e n t d ’e u x q u e d es a s c e n d a n t s , q u ’ils o n t v o u l u p r e f é r e r le u rs
p r o p r e s h é r itie r s à la faniille de c e lu i c o n t r e l e q u e l ils o n t s t ip u lé le r e
to u r .
E n f i n , s u i v a n t l l e n r y s , q u o i q u ’on g é n é r a l le d o n a t e u r , m ê m e a s c e n d a n t,
q u i se r é s e r v e le r e t o u r soit ce n sé le faire tan t p o u r lu i q u e p o u r ses
h é r i t i e r s , c e l t e p r é s o m p t io n lég a le d e v i e n t b i e n p lu s fo rte e n c o r e , lo r s
q u e , c o m m e d an s n o tre e s p è c e , il a p r é v u n o n s e u l e m e n t le d é c è s d u d o
n a ta ir e sans e n f a n t s , m ais e n c o r e le d é c è s d e ses e n fa n ts a v a n t l e u r m a
jo r ité . E n effet , d it - il , quoique le père survivant , l’ordre de la nature
en soit troublé, c'est pourtant chose assez com m une , mais qu'un
père p ense survivre à sa fille et a u x enfants qu’elle p eu t laisser, qu 'il
étende si loin sa p e n sé e , c’est ce qu’ on ne peut pas présumer. D o n c ,
ajoute-t-il, quand le père a stip u lé que la dot serait réversible, s i sa f ille
décédoit sans enfants ou scs enfants sans enfants, il ne s ’est-pas
persuadé que tout cela prtt arriver lu i vivant, et p a r conséquent il a
bien entendu que cette stipulation f û t aussi bien profitable h ses héri
tiers qu'à lui-m êm e, autrem ent il n ’auroit pas eu une visée si longue,
et s’il n’avoit cru que de stipuler le t'Ctour p o u r lu i, il en auroit res
treint la condition et les termes. I l se scroit'contenté de parler du p ré
décès de sa fille sans enfants, et il n ’auroit p as ajouté.et de ses enfants
sans enfants.
L e m a r q u i s d e M e sm e s o p p o s e à ces a u t o r i t é s le s e n tim e n t d e B o u c h e u il, d e l î r c t o n n i e r s u r l l e n r y s , et d e M r . L a R o u v i è r e ; m ais C o u c h e u il
ne se d é c i d e q u e d a p r è s l ’a r r ê t d e M o r n a c , q u i , c o m m e n o u s l ’a v o n s v u ,
i»’a pa*. dq r a p p o r t à l ’c s p è c c . B r c t o n n i c r so d é c i d e sans d o n n e r aucun*raison de .son a v i s ; am.si o n 11« p e u t pns d e v i n e r q u e l a été son m o t i f :
�( 73 )
d ’a ille u r s , l’e s p è c e s u r l a q u e l l e il d o n n e s o n a v i s , q u i est ce lle d e H e n r y s ,
est b i e n d i f fé r e n t e d e la n ô t r e , o ù l e d o n a t e u r est u n b e l - o n c l e , et p a r
c o n s é q u e n t u n é t r a n g e r ; a u lie u q u e d a n s l ’e s p è c e d e I i e n r y s , c ’ est u n
p è r e a ss u r é d u r e t o u r lé g a l d e la d o t p r o f e c t i c e p a r l u i d o n n é e . P a r r a p
p o r t à M e. L a R o u v i è r e , il n e d e v r o i t p l u s ê t r e n o m m é d a n s c e t t e c a u s e ,
d ’a p r è s les p r e u v e s q u i o n t é té a d m in is tr é e s a u c h â t e l e t , q u e c e t a u t e u r
n ’a p a s c o n n u les p r e m i e r s p r i n c i p e s d e la m a l i e r e , et q u ’ il n ’a p a s e n
t e n d u les d o c t e u r s p a r l u i cités.
C O N C L U S I O N .
N o u s n e c r o y o n s p a s q u ’il reste la m o i n d r e d if fic u lt é d a n s c e t t e c a u s e ;
c a r il 11c f a u t p a s r e g a r d e r c o m m e telle l’o p i n i o n iso lée d e d e u x a u t e u r s
i n d u it s en e r r e u r p a r des a u t o r i t é s m a l e n t e n d u e s . C ’est t o u j o u r s a u x
p r i n c i p e s q u ’ il en f a u t r e v e n i r . O r , les p r i n c i p e s é lé m e n t a i r e s d u d r o i t ,
' c e u x d o n t n o u s a v o n s é t é r e b a tt u s d a n s les é c o l e s , e t q u i r e te n tis s e n t
j o u r n e l l e m e n t d an s les t r i b u n a u x , s o n t q u e les st ip u la t io n s c o n d i t i o n
n e lle s se t r a n s m e t t e n t à l’h é r i t i e r d u s t i p u l a n t , n o n o b s t a n t le p r é d é c è s d e
c e l u i - c i , q u e les a c te s e n t r e - v i f s , m ê m e c o n d i t i o n n e l s , o p è r e n t la sa isin e
in inslanli, q u e les c o n d itio n s y o n t u n effet r é t r o a c t i f , q u e , s u i v a n t la
r è g l e le mort saisit "le v i f \ les h é r itie r s s u c c è d e n t à t o u s les d ro its d o n t
l e u r a u t e u r est d é c é d é s a i s i , q u ’ ils n’ e n p o u r r o i e n t ê t r e p r i v é s q u e p a r
u n e v o l o n t é e x p r e s s e d u s t i p u la n t q u i a u r o i t f o r m e l l e m e n t r e s t r e i n t la
s t ip u la t io n à sa p e r s o n n e , q u e c ’est à c e lu i q u i les p r é t e n d e x c l u s à p r o u
v e r l e u r e x c l u s i o n , q u e les c o n v e n t i o n s s o n t t o u j o u r s ce n sé e s r é e l l e s , q u e
la p e r s o n n a lit é n e s y s u p p o s e ja m a is , q u ’ elle d o i t ê t r e p r o u v é e p a r des
e x p r e s s io n s q u i la n é c e s s i t e n t , etc.
L e m a r q u i s d e M e s ni es 11e d o it p a s se fla tter q u e la c o u r d é r o g e en sa
f a v e u r à ces p r i n c i p e s c o n s a c r é s p a r l’a n t i q u i t é la p lu s r e s p e c t a b l e , a d o p
tes p a r to u tes les n a tio n s p o lic é e s e t q u i fo n t u n e p a r t i e essen tielle d e la
législa tio n u n i v e r s e l le e t d u d ro it d e s g e n s .
K n vain v o u d r o i t - i l on é l u d e r l’a p p l ic a t i o n p a r des d is tin c tio n s i m a g i
n a i r e s ; I e s p r it a c t u e l de n o t r e j u r i s p r u d e n c e c s t . d e p r é v e n i r , a u t a n t q u ’ il
est possib le., t o u t e i n c e r t i t u d e d a n s les j u g e m e n t s , en
n’admettant
10
({ue
�C
74
)
d es p r i n c i p e s c l a i r s , et en r e j c l a n t t o u t e s les d is tin c tio n s a r b it r a i r e s q u e
la s u b t i l it é d e s - d o ç t e u r & a v o i l m u lt i p li é e s à l ’infin i. C e sero it a lle r d ir e c t e
m e n t c o n t r e c e t e s p r i t , e t n o u s r e je t e r d a n s le c h a o s a f f r e u x d ’i n c e r t i t u d e ,
d o n t la b o n t é du p r i n c e e t la sa g esse d e la c o u r t r a v a i l le n t to u s les j o u r s
à n o u s r e t i r e r , q u e d ’a d m e t t r e les d is tin c tio n s i m a g in é e s p a r le m a r q u i s
d e M e s m e s p o u r le b e s o in d e sa ca u se .
L e s p r i n c i p e s n e d o i v e n t ê t r e lim it é s q u e p a r d e s e x c e p t i o n s aussi c la i
r e m e n t éta b lie s et aussi n o to ir e s q u e le p r i n c i p e m ê m e . T e l l e e s t , p a r
e x e m p l e , l ’e x c e p t i o n q u ’ u n e j u r i s p r u d e n c e c o n s t a n t e , u n i f o r m e et a y a n t
f o r c e d e loi a é t a b li e p o u r le cas p r é c i s d e la st ip u la t io n d e r e p r is e d e l ’a p
p o r t en c o m m u n a u t é p a r l a f e m m e r e n o n ç a r tte . L a p e r s o n n a li t é d e c e tte
s t ip u la t io n ( i i n i q u e d a n s son e s p è c e , c o m m e l’o b s e r v e M®. P o t h i e r , en
son tra,i.lé<lc& O b l i g a t i o n s , à l ’e n d r o i t d é jà c i t é ) est a ussi n o to ir e q u e la
r é a l i t é de* t o u t e s ,le s a u t r e s ; e t en c o n s é q u e n c e , il n’y a ja m a is d e diffi
c u l t é l p r s q u c le cas d e c e t t e e x c e p t i o n sc p r é s e n t e . Il n ’en est p a s d e
m ê m e d e c e l l e q u ’i m a g i n e a u j o u r d ’h u i le m a r q u i s d e M e s m e s . E l l e n ’est
a u t o r is é e p a r a u c u n e l o i , a u c u n u s a g e , . E n v a in v o u d r o i l - o n l’ass im iler à
la p r e m i è r e . L a d i f l e r p n c e e s t d es p lu s fr a p p a n t e s .
E n e f f e t , la st ip u la t io n d e r e p r is e d e l’a p p o r i en c o m m u n a u t é est c o n
tra ire à to u te s les r è g le s d e l ’é g a l i l é , q u i fait l’a nie des so ciétés . I'-lle c h a n g e
la s o c ié t é d es c o n jo in ts en u n e v é r i t a b l e s o c ié t é léo/imc, o u la f e m m e
est a ssu rée d e s p ro fits sans c o u r i r a u c u n s r is q u e s ; en c o n s é q u e n c e u n e
s t ip u la t io n p a r e il l e se ro it p r o s c r i t e d a n s u n e so ciété o r d i n a i r e , c o m m e
c o n t r a i r e a u d r o i t n a t u r e l . S i e lle es t t o lé r é e d a n s la s o c ié té c o n j u g a l e ,
c ’es t u n i q u e m e n t à c a u s e d e la g r a n d e f a v e u r d e s c o n t r a i s île m a r i a g e ,
q u i a u t o r is e t o u te e s p è c e d e c l a u s e , l o r s q u ’ elle ne va pas j u s q u ’à o ffe n s e r
le s b o n n e s m œ u r s ; a u c o n t r a i r e la s t i p u la t i o n d e r e t o u r n e r e n f e r m e rjeu
q u e d e 1res c o n f o r m e a u x p r e m i e r s p r i n c i p e s d u d r o i t d e s g e n s , é t a n t
p e r m is à t o u t d o n a t e u r d ’im p o s e r à sa l ib é r a li té telle c h a r g e qu 'il j u g e à
p r o p o s . D è s - lo r s 011 n e d o it p a s ê t r e s u r p r is q u e la j y r i s p r u d e n c e d es
arrêta a it d é c l a r é la p r e m i è r e s t i p u la t i o n p e r s o n n e l le , et non pas l’an Ir e .
Q u od contra ju r is ralioncM introductum est , non est produccudm n
adcorucifucntias.
�(
75 )
I n d é p e n d a m m e n t d e c e tte c o n s i d é r a t i o n p a r t i c u l i è r e a u x c la u s e s d e
r e p r i s e , q u i p e u t - ê t r e a p a r u su ffisante p o u r les fa ire d é c la r e r p e r s o n
n elles, il y en a u n e g é n é r a l e tirée d es p r i n c i p e s d u d r o i t , q u i a p u e n c o r e
c o n d u i r e à la m ê m e d é c isio n . C ’es t q u e la c o n d i t i o n so u s l a q u e l l e est s t i
p u l é e la r e p r is e d e l’a p p o r t d e la f e m m e en c o m m u n a u t é , c ’ e s t- à -d ire , sa
r e n o n c ia t io n à la c o m m u n a u t é , est p u r e m e n t potestative é t a n t a u p o u
v o i r d e la f e m m e s t i p u la n t e d e r e n o n c e r o u d e n e p a s r e n o n c e r . O r ,
p r e s q u e to u s les a n c ie n s d o c t e u r s o n t s o u t e n u q u e ces so r te s d e c o n d i
tio n s ( s i petìero , si renuntiavero} e t c . ) é t o ie n t p e r s o n n e l le s et n e p o u
v a i e n t s’a c c o m p l i r q u e d a n s la p e r s o n n e d u s t i p u l a n t , quia videntur
apponi in persond stipulatoris ; et e f f e c t i v e m e n t ce s c o n d i t i o n s p a r o i s s e n t se r é f é r e r d i r e c t e m e n t à la p e r s o n n e d u s t i p u la n t p o u r l e u r e x é c u
t io n . Il n’en est p a s d e m ê m e d u ca s d e d écès d u d o n a t a i r e san s e n f a n t s ,
q u i fait la c o n d i t i o n o r d i n a i r e d u r e t o u r . C e t t e c o n d i t i o n est casuelle, et
n o n p o te s t a t iv e . E l l e n’ est a u p o u v o i r d ’a u c u n e d e s p a r t i e s c o n t r a c t a n t e s .
E l l e es t a b s o l u m e n t extrinsèque à la p e r s o n n e d u d o n a t e u r s t i p u l a n t ;
non apponitur in persond stipulatoris, p o u r n o u s s e r v i r d e s e x p r e s
sio ns d e F o n t a n e l l a . Il n ’y a d o n c a u c u n p r é t e x t e d e la fa ire d é c l a r e r p e r
s o n n e l le , et d ès-lors c’ e s l i n c o n t e s t a b l e m e n t le ca s d ’y a p p l i q u e r les p r i n
c i p e s g é n é r a u x q u i o n t é t é é t a b lis p o u r la t ra n s m is sio n d e s s t ip u la t io n s
c o n d i t i o n n e l l e s , e t n o t a m m e n t la d is p o sitio n d u p a r a g r a p h e E x condi
tionali et d es lois Caius e t A via.
M.
B A R E N T I N , avocat-général.
M e.
L E S P A R A T ,
avocat.
H U R E A U l’a în é , p ro cu re u r.
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
[Factum. Delsol, Jean-François. 1809]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Bellart
Bonnet
Delvincourt
Lacalprade
Barentin
Lesparat
Hureau l'aîné
Subject
The topic of the resource
successions
avancement d'hoirie
contrats de mariage
substitution
droit de retour
nullité de testaments
fideicommis
jurisprudence
dot
stipulation
Description
An account of the resource
Titre complet : Consultation pour les sieurs Delsol, frères ; contre la dame veuve Vigier-d'Orcet, leur sœur consanguine [suivi de] Arrêt du Tribunal civil de première instance d'Aurillac [suivi de] Précis pour le sieur René-Louis Lhéritier et consors, intimés ; contre messire Joseph, marquis de Mesmes, appelant.
Table Godemel : Retour : 3. peut-on stipuler, dans un contrat de mariage, un droit de retour tant pour une donation que pour une institution ? un droit de retour est-il transmissible aux héritiers du donateur, sans stipulation ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
de l'imprimerie de Mame frères (Paris)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1809
1760-1809
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
75 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G1910
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0531
BCU_Factums_G1911
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53362/BCU_Factums_G1910.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Aurillac (15014)
Marmanhac (15118)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
avancement d'hoirie
contrats de mariage
dot
droit de retour
fideicommis
jurisprudence
nullité de testaments
stipulation
substitution
Successions
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/5/53889/BCU_Factums_M0629.pdf
3d887f17cc25d0446e02274210e97129
PDF Text
Text
CONSULTATIONS
POUR
LES SIEURS DELSOL, FRERES;
CONTRE
LA
DAM E
*
VEUVE
LEUR
V IG IE R -D ’O R C E T ,
SOEUR C O N S A N G U I N E .
( V o ir , pour le fait et les questions élevées à ce sujet, la Sentence ci-jointe7 du 22
août 1808, intervenue depuis la première Consultation, et dont lesdits sieurs Delsol
sont appelants ; voir en outre (pour plus grand développement des principes consacrés
par l’Arrêt solennel du 17 février 1767, sur la transmissibilité du retour conventionnel)
la copie ci-jointe du Précis qui a été imprimé pour lors, et auquel renvoient les
Consultations. )
PARIS,
DE
L ’I M P R I M E R I E
DE
1809.
MAME
FRÈRES.
�PREMIÈRE CONSULTATION.
F A IT S E X P O SÉ S.
L
e
.
S O U S S I G N É , auquel il a été exposé,
Q ue, par le contrat de mariage passé entre le sieur GabrielBarthélemi de V igier et la demoiselle Delsol de Volpilhac, en
1760 , à A urillac, le sieur Delsol père a donné à la future sa
fille , ce acceptante , et par avancement d’hoirie , les domaine
et terre Duclaux , en qu o iq u ’ils puissent consister, aux mêmes
charges et conditions que le délaissement lui en seroit fait et
adjugé , conformément aux demandes par lui formées aux re
quêtes du Palais; et, à défaut d’adjudication de ladite demande
en délaissement, il a donné à ladite future toutes les créances
qu’il avoit à exercer sur lesdits biens en capitaux et accessoires ;
Que , par le même contrat , ledit sieur Delsol père a en
outre donné à ladite future sa fille la somme de 10,000 liv .,
qui a été délivrée audit sieur futur époux qu’à l’égard du surplus de ses autres biens qui se trouveroient lui rester lors de
son décès, il a promis de n’instituer d’autres héritiers que
ladite future sa fille , sous la réserve de l’usufruit de ces
mêmes biens , qu’il pourroit cependant vendre et engager tant
a la vie qu’à la mort, et sous la réserve en outre de pouvoir disposer d 'une somme de 10,000 liv. , qui resteroit a ladite future,
s’il n’en disposoit pas j comme aussi à la charge par sadite fille
de payer 600 liv. de peusion à la demoiselle Lagarde, sa belle-
�.
.
.
.
m ère, si celle-ci survivoit à lui donateur; qu’enfin le sieur
Delsol père s’est réservé expressément (pour le cas où ladite fu
ture épouse décèderoit sans enfants, ou ses enfants sans des
cendants et sans avoir disposé valablem ent), le droit de
réversion , tant des biens donnés que réservés , sans qu’il
put être dérogé par sadite fille audit droit de reversion, par
aucune d isposition / n i autres actes à ce contrairesj
•Qu’en conséquence, le sieur Delsol père a cru pouvoir dispo
ser du droit de réversion qu’il s’étoit réservé, comme d’un droit
qu’il avoit in bonis , et faisant partie de son patrimoine , ainsi
qu’il résulte de son testament fait en 1780, annulé pour vice
de forme seulement, par lequel il appeloit son fils aine', et
successivement ses autres enfants, parôrdre de primogeniture, '
à profiter de ce même droit;
Que ledit sieur Delsol père , décédé depuis, a transmis né
cessairement à ses héritiers tous les droits, même éventuels,
dont il étoit saisi, et, par conséquent, le droit de réversion
qu’il s’étoit réservé expressément pour le cas du décès de sadite
fille sans enfants , et de ses enfants sans enfants , et qu’ainsi ils
ont l’espérance , le cas arrivant, de recueillir, comme effets de
la succession de leur père , les biens dont il a stipulé le retour
à son profit, c’est-à-dire non seulement ceux qu’il avoit donnés
irrévocablement sous la seule réserve du retour, sans même en
retenir 1 usufruit, mais encoi'e ceux qu’il avoit compris dans
l’institution contractuelle de sa fille, avec réserve de pouvoir les
vendre ou engager (même d’en jouir en usufruit sa vie durant),
et que cependant il n’a ni vendus ni engagés ;
�( 3
A vis y relatif.
que les enfants et héritiers Delsol sont saisis de
tous les biens et droits dont leur père est décédé saisi, et qu’en
cette qualité ils ont droit, la condition du retour arrivant, à
tous les fonds et créances qu’il a pu donner à sa fille en la
m ariant, tant ceux par lui donnés irrévocablemeut que ceux
pour lesquels il l’a instituée son héritière contractuelle, c’est-àdire même à ceux desdits fonds et créances qu’il s’étoit réservé
de pouvoir vendre ou engager, et que cependant il n’a ni ven
dus ni engagés 5
Q u’en conséquence lesdits héritiers, comme propriétaires et
créanciers conditionnels, sont fondés dès h présent, non pas à
intenter aucune action pour revendiquer les fonds en question,
ou pour exiger le paiement des créances dont il s’a g it, mais h
faire tous actes conservatoires de leursdits droits éventuels ( art.
1 180 du Code civil ) , notamment à requérir toutes transcrip
tions et inscriptions nécessaires dudit contrat de mariage , aux
bureaux de la conservation des hypothèques , dans les arron
dissements desquels sont situés les fonds en question, ou ceux
affectés à l’hypothèque desdites créances ; le tout à l’effet d’em
pêcher que leur sœur et autres possesseurs desdits fojids, ou
les débiteurs desdites créances', puissent préjudicier aux droits
éventuels de propriété et d’hypothèque des requérants; comme
aussi à défendre à toute demande qui seroit formée contre eux
à fin de radiation desdites transcriptions et inscriptions.
E
st
d ’a v is
�(4 )
O B S E R V A T IO N S .
P rincip es sur la transm issibilité des stipulations
conditionnelles.
Il ne s’agit pas ici cl un retour lé g a l, qui sans doute ne seroit
pas transmissible aux héritiers du donateur décédé avant son
ouverture.
C ’estpar convention, par stipulation expresse que le donateur
s’est réservé ce droit pour l’exercer, comme tous ses autres droits,
par lui-meme ou par scs ayants-causc, quels qu’ils fussent, le
cas de la condition arrivant.
A la vérité, ce n’est qu’une espérance jusqu’à l’arrivée de la
condition, du moins tant qu’il est possible que la condition ar
rive ou n’arrive pas) , e x stipulatione conditionali tantum
spes est debitum i r i , In st., §. 4 ? D e verborum obligationibus ; mais cette espérance est transmissible, eamque ipsani
spem in hœredem transmittimus ,• s i, priusquàm conditio
c x s t e t , mors nobis contingat, ibidem. E t la raison en est que
dans le's contrats la condition'a effet rétroactif au temps de
l’acte , quasijam contracta in prœteritum em ptione, Leg. 8,
iï. D e periculo et comrnodo rei venditœ y Leg. 7 8 , if. D e
verborum obligationibus ; Leg. 16 , ff. D e solutionibus et
lïberationïbus.
Ainsi, la condition une fois arrivée , la stipulation a le même
effet que si elle avoitété faite sans condition : Ciim enim sem el
conditio e x t it it } perinde habetur ac si illo tempore r/uo 'sti
pula tio interposita est, sine conditione fa cta es set, Leg. 11,
§. 1, ff. Q u i potiores. Car dans les stipulations on ne considère
�( 5 .)
que le temps où le contrat est l'ait: Quia instipulationibus tem
pus speclatur quo conlrahimus. Leg. 18 , vers. , F iliu s f a
m ilias, fF. D e regulis jui'is.
’ Enfin, il n’est pas nécessaire que la condition arrive pendant
la vie du stipulant : C iirn quis sub aliqud. conditione stipulatus f a e n t , posteà eæistente conditione hœres ejus agere
jjp test. In st., p. 20 , D e inutilibus stipulationibus.
‘
I ls ne souffrent aucune exception.
'
Cette règle ne reçoit aucune exception , pas même pour les
faits stipulés sous condition , quoiqu’ils pussent paroitre person
nels de leur nature: Generciliter sancim us omnem stipulationem , sive in dando , sive in faciendo , sîve~lïïïæta e x
dando et f a c iendo ihveniatur, et ad hæredes et contra luc
re de s transm itti, sive specialis hœredum fiat_nientio , sive
non. Leg. i 3 , Cod. D e contrahendd et com m ittendd stipulationey ca r, comme le dit Pedius , Leg. 7 , §. 8 , ff. D e
p a ctis : Plerum què persona pacto inseritur , non ut persoîiale p a c tu m fia t, sed ut demonstretur cum quo pactum
factum est.
A in si, Tliériticr n’a point à prouver que son auteur a voulu
stipuler pour lui j c est à celui qui le prétend exclu par la stipu
lation à prouver sa prétendue exclusion : Quamvis veruni
est quod qui ex cip it probare debet quod ex cip itu r, attamen
de i p s o d u n ta x a t, at non de hœrede ejus convenisse p eti
tor, non qui e x c ip it probare-debet. Leg. 9, Si. D e probationibus etprcesiitnptionibus. E t l’on décidoit en conséquence
que, le fils de làmille qui a stipulé sous condition ayant été en- .
suite émancipé, l’action appartient au père, quoique la condition
�( 6 )
soit arrivée depuis l’émancipation. L eg . 7 8 , ff. D e verborum
obligationibus.
E n un m o t, comme le dit Jean-Jacques Schüts dans son
Compendium j u r i s , au titre D e pactis : Condiùo casualis
suspendit actûs p erfectio n en i, adeo ut ipsum ju s in sus
penso s i t , et tantum spes sit debitum iri, quæ tamen spes
in conventionibus hoc f a c i t , ut quis creditor d ica tu r} atque
res ipsius bonis annum eretur. . . . h inc apparet, pendente
conditioner aliquid subesse quod conventionem sustentât,
atque sic obligationem tanquam in utero materno latere ;
c’est un enfant dans le ventre de sa mère , q u i, une fois venu
au monde, est réputé né dès le moment de sa conception: Undè
com entiones çonditionales e x prœ senti vires accipiunt,
quod sechs est in legatis y ut itaque conventio conditionalis obligationem producat, conditio casualis omnino e x pectanda e s t . . . . conditione autem sem el e x is tente, perindè habetur ac s i ab initiopurè com entum esset, et statim venit ac cçdit dies.
P a s même pour les contrats bienfaisants. A rrêt solennel
¿1 ce sujet de 1767. '
Ces décisions s’appliquent non pas seulement aux conditions
s t i p u l é e s dans les contrats intéressés,
mais aussi £1 celles des
contrats bienfaisants.
•
Cependant La Rouvière a prétendu le contraire dans son
du droit de retour, liv. i c% chap. i 3 , où il veut que le
T
r a
i t e
retour stipulé par les donateurs, pour le cas du deces du dona
taire sans enfants, ne soit pas transmissible aux héritiers du do
nateur, décédé, avant) l’événement de la condition; et) il se fonde
�( 7 )
sur la loi Quod de pariter } ff. D e rebus dubiis , qui, dans le
fait, ne décide qu’une question de survie (comme le soussigné
l’a démontré dans la seconde partie de son précis , imprimé en
176 7, pour le sieur Réné Louis, l’héritier et consorts, contre
le marquis de Mesme, appelant de sentence rendue au parc
civil du Châtelet de Paris , le 29 juillet 1766, après cinq au
diences.)
«
Mais, comme l’a démontré pareillement le soussigné dans la
même partie de son précis, la loi C a ïu s , 45 , ff. Soluto matri
monio , et la loi Avia , 6 , au Code , D e ju re dolium , déci
dent au contraire que le retour conventionnel est transmissible
aux héritiers du donateur , quoique celui-ci soit décédé avant
l’événement de la condition sous laquelle il avoit stipule le re
tour à son profit. E t c’est aussi ce qui a été jugé en grande connoissance de cause, dans la première cause du rôle d’après la
Chandeleur, par arrêt solennel du parlement de Paris , c n j a
grand’chambre, le 17 février 1767, qui confirme ladite senteiice.
Cependant la cause de l’appelant avoit été plaidée, tant au
Châtelet qu’au parlement, par M. Tronchet, et e etoit bien le
cas de lui appliquer ce que Virgile avoit dit d’Hector : S i Pergama d extrd jd efejid i pojkï&te&t', etiam hâc defensa fu is
sent. Mais malgré les grands talents et les prodigieux efforts
du défenseur, qui passoit dès-lors à j uste litre pour un des plus
profonds jurisconsultes de ce temps, tous les magistrats,'ainsi
que l’avocat général Barentin , qui portoit la parole, reconnu
rent facilement, comme avoient fait les p r e m i e r s juges, que
pour cette fois M. Tronchet s’étoit trompé ; qu’en effet la pré
tention de son client, qu’il avoit défendu avec tant de zèle,
étoit évidemment subversive des principes généraux sur la trans
mission de toutes stipulations conditionnelles, quelle étoit con-
�.
(8 )
.
traire à toutes les décisions des docteurs et des lois sur la trans
mission du retour conventionnel en particulier, et qu’enfin
elle étoit également contraire a la jurisprudence établie par tous
les jugements rendus sur cette question, comme le Soussigné
l’avoit démontré dans les trois parties de son précis imprimé.
L e s lois nouvelles n’y ont point déro ë é'
On a cependant tenté encore dans ces derniers temps de re
nouveler la même prétention, en soutenant que le droit de re
tour , stipulé par le donateur , ne pouvoit avoir lieu qu’à son
profit personnellement, c’est-à-dire autant seulement qu’il survivroit à l’événement de la condition du retour qu’il se réservoit; mais il falloit pouvoir mettre en avant de nouveaux pré
textes, autres que ceux qui ont été proscrits si solennellement
par l’arrêt du 17 février 1767.
On a cru les trouver dans la loi des 1 5 octobre et 14 novem
bre 179 2 , qui abolit toutes les substitutions non encore ou
vertes, dans l’article 896 du Code c iv il, qui les prohibe pour
l’avenir , et dans l’article g 5 i du même Code, qui prohibe
toute stipulation conditionnelle du retour des choses don
nées , au profit d’autres que le donateur se u l, et survivant
à l’événement de la condition qui doit donner ouverture au
retour.
lin effet, a-t-on dit, nul doute que l’on doit regarder comme
une véritable substitution la stipulation expresse ou tacite du
droit de retour au profit.-d’autres que le donateur vivant lors de
son ouverture : or les substitutions non encore ouvertes lors de
la publication de la loi des 25 octobre et i/j novembre 1792
sont abolies par cette loi ; donc toutes les stipulations de retour
�(9 )
au profit d’autres que le donateur, qui n’étoieni pas encore ou«
vertes à cette époque , sont pareillement abolies; et c’cst par
cette raison, a-t-on ajouté, que l’article t)5 1 du Code civil dé-,
fend de stipuler le retour au profit d’autres que le donateur sur
vivant à son ouverture.
Tels sont du moins les nouveaux moyens qui ont été em
ployés au tribunal de cassation par M. M éjan, défenseur de
M. Larregoyen contre la dame de Navailles, pour faire casser,
s’il avoit été possible, le jugement de la Cour d’appel de Pau ,
du 19 thermidor an 12 , confirmatif de jugement du tribunal
de première instance de Saint-Palais j rendu au profit de la
dame de Navailles.
Mais, sans avoir égard à ces prétendus m oyens, par arrêt
rendu le 1 1 frimaire an id , en la section des requêtes, au rap
port de ÏVL Borel, sous la présidence de M. Muraire , et qui est
rapporté au commencement du troisième cahier du Journal des
audiences du Tribunal de cassation , pour l’an 14— 1806 : L a
C o u r, attendu qu’on ne peut appliquer a u x droits de retour
Vabolition prononcée par les lois des 25 octobre et 14 no
vembre 179 2, a rejeté la demande en pourvoi dont il s’agissoit.
On faisoit cependant beaucoup valoir pour M. Larregoyen
la circonstance particulière que, dans le fait, il s’étoit écoulé un
7siècle d’intervalle entre la stipulation de retour et l’ouverture
de ce droit au profit de la dame Navailles, l’eprésentant les
sieur et dame Martin, dotateurs , dont elle, dcscendoit ; que
pendant ce temps la d o t, par eux donnée à leur fille à charge
de retour , avoit passé successivement dans sa descendance par
plusieurs mains, sans pouvoir être aliénée au préjudice du droit
de retour qui pourroit s’ouvrir un jo u r, ce q u i, suivant le dé-
�( 10 )
fçnseur du sieur Larregoyen, présentait tous les caractère» d’une
'véritable substitution graduelle dans la descendance de la do
nataire , et ensuite , en cas d’extinction de cette descendance ,
*en faveur de ceux qui pour lors représenteroient les donateurs.
Mais (comme l’a observé M. Daniels, substitut du procureur
général, portant la parole ) de ce que les substitutions testa
mentaires et même celles établies par contrat de mariage ont
été abolies, il ne faut pas conclure qu’il en est de même du droit
de retour. L e s dispositions textuelles de la loi (celles du
17 nivose an 2, art. 74? £t du 23 ventôse suivant, art. 5 ,)
s ’élèveroient, ajoute-t-il, contre cette con séquence, p u is
qu’elles conservent le droit de retour (en faveur d’autres que
le donateur) lorsque les substitutions étoient déjà abolies.
D ’a illeu rs, disoit-il encore, le droit de retou rn e p e ut être
assim ilé à une véritable substitution , lorsque le donateur
<
ex erce lui-m ême ce droit ; ce n’est donc pas non plus une
substitution quand il est e x e r c é par ses héritiers qui ne re
présentent avec lui que la m ême personne ; et de là il eoncluoit que- les juges, tant de première instance que d’appel ,
avoient fait une juste application des lois de la matière (comme
l’a reconnu la Cour par son arrêt de rejet du iG frimaire an i/j..)
E lle s ne lepouvoient même p a s , quand les r édacteurs en
auroient eu ïintention.
'
E n vain insisteroit-on encore, malgré le préjugé de cet ar•r£t, sur ce que l’article 951 du Code civil a prohibé toute
stipulation de retour au profit d’autres que le donateur vivant;
•en vain voudroit-on en conclure que les rédacteurs de l’article
■oui considéré comme des substitutions véritables les stipula-
�f II )
lions de retour qui ne profileroient qu’aux représentants det
donateur après sa m o rt, et qu’ainsi ils ont entendu abolir tous
les retours conventionnels qui n’auroient été ouverts , posté
rieurement au décès des donateurs, que depuis l’abolition des
substitutions.
Quand même il seroit possible de supposer aux rédacteurs un
pareil m o tif, et que ce m otif prétendu est le seul qui ait dé
terminé la rédaction de l’artiçle, l’intention qu’on leur suppose
ne feroit pas loi toute seule et par elle-même, puisqu’elle n’a
pas été érigée en loi ; car autre chose est la loi, et autre chose est
le m otif qui a pu déterminer a la proposer , comme, en fait de
dispositions testamentaires, autre chose est la disposition et au
tre chose est le m otif ( causa dandï) qui a pu la dicter : Ratia
legandi legato nqn çoheeret, le m otif de la disposition n’en
fait pas partie. L eg . 72 , p. G, ff. D e conditionilms et demonslrationibus et causis quos in testamento scribimtur. E t
tout ce qui résulterait de cette supposition, o’est que l’article
951 seroit indubitablement un de ceux qu’il faudra rapporter
lorsqu’il sera question de la révision du Code civil; car com
ment pourroit-on laisser subsister une loi dont le seul m otif au
rait été de donner lieu (sans cependant l’ordonner ) à l’abolition
de droits acquis par des conventions qu’autoriçoient les lois et
la jurisprudence antérieures.
Ajoutez que la loi de 1792, qui abolit les substitutions non .
encore ouvertes , est odieuse par elle-même , comme contraire
au droit commun établi de temps immémorial par toutes les
lois antérieures rendues sur ce lait, et sur-tout à cette raison
écrite, qui depuis tant de siècle^ qst reconnue par tous les.peu
ples policés comme le Code universel du genre humain. Aussi
n’a-t-elle pu être provoquée que par des circonstances impérieuses,
�( 12 )
seules capables de la justifier ; mais au moins ne doit-on pas
l’appliquer à ce qui ne porte pas la de'nomination expresse de
substitution, quand mcme il en auroit d’ailleurs le caractère
et PefFet sous une dénomination différente ; à plus\ forte raison
ne doit-on pas l’étendre à des stipulations conditionnelles qui,
saisissant à l’instant même le stipulant, et ses ayants-cause con
sidérés comme la continuation de sa personne, ressemblent
• aussi peu à une substitution que le jour ressemble à la nuit. E t
il faudra toujours en revenir à dire avec la loi que ce qui* a
été établi contre la raison et les principes du droit ne doit pas
être tiré à conséquence : Q uod contra juris rationem receptum est non est p roducendum ad consequentias. Leg. 14 ?
i 5 et 16, ff. D e le gibus ; Leg. 1 4 1 ? f f D e regulis ju ris.
Il y a plus 5c’est que quand mcme la nouvelle loi auroit aboli en
termes textuels, et très expressément, tous les retours conven
tionnels qni n’auroient été ouverts que depuis celle de 1792, con
cernant les substitutions, etaprès le décès des donateurs, une pa
reille loi, attendu le vice radical de rétroactivité dont elle se trouveroit infectée, ne seroit pas susceptible d’exécution en cette par
tie. En vain voudroit-on l’assimiler à la loi qui abolit les substitu
tions établies par actes antérieurs à sa promulgation, mais qui
n’étoient pas encore ouvertes pour lofs. Il y a bien de la diffé
rence entre l'ime et l’autre, car les substitutions qui ne sont que
des dispositions en faveur de tiers non présents ni acceptants
ne peuvent saisir l’appelé qu’au moment de leur ouverture , et
même autant seulement que ? appelé l’acceptera pour lors • jus
que-là le substitué n a aucun droit acquis ; et par conséquent la
loi a pu , sans porter atteinte à un véritable droit de propriété ,
abolir toutes les substitutions qui viendraient à s’ouvrir par la
.suite, quoiqu’elles fussent établies par des actes antérieurs.
�C i3 )
Il n’en est pas de même des stipulations conditionnelles. En
effet, quoiqu’il n’en résulte qu’un droit éventuel, une simple
espérance, comme le disent les Institutes, elles saisissent de ce
droit, à l’instant m êm e, le stipulant, et dans sa personne ses
ayants-droit, c’est-à-dire ceux qui le représenteront, quant à l’ob
jet de la stipulation, lors de l’événement de la condition sous
laquelle la stipulation a été faite et conservée ; or il résulte né
cessairement de là que toute loi postérieure qui aboliroit ces.
droits éventuels enlèveroit de fait au stipulant, dans la per
sonne de ses ayants-cause , des droits acquis dont ils étoient sai
sis, ce qui seroit une atteinte formelle au droit de propriété,
E n fin la lettre même de la clause en question nécessite
rait :, en tant que de besoin, la transm issibilité du retour
qui y est stipulé.
1
A ces considérations générales, toutes péremptoires, nous
en joindrons une particulière, et qui toute seule suffiroit, en
tant que de besoin, pour trancher la question; c’est que les
propres termes dans lesquels est conçue la stipulation condi
tionnelle de retour dont il s’agit assurent textuellement et
littéralement ce droit aux ayants-cause du stipulant, quels qu’ils
soient, comme au stipulant lui-même, le cas de la condition
arrivant; et que, de plus, les mêmes ternies sont formellement
exclusifs de toute substitution.
E t d’abord, que dans l’espèce le droit de retour soit assuré,
en tant que de besoin, par les termes mêmes de la stipulation
du donateur, à ses ayants-cause, comme au donateur lui-même,
ou plutôt au donateur dans la personne de scs ayants-droit, au
cas d’événement de la condition, en quelque temps que ce soit;
�( 4 )
c’cst ce qui résulte évidemment de ce que ce retour est stipulé,
nommément, pour les biens formant l’objet de l’institution con
tractuelle de la donataire; car assurément il étoit impossible que
le retour de ces biens particuliers qui n’étoient donnés qu’à titre
d’institution, et par conséquent sous la condition de la siirvie
de la donataire au donateur, s’ouvrit jamais pendant la vie de
celui-ci. E t puisque cependant il s’éloit réservé pourlui-même,
ernôrTpour aucun tiers après lu i, ces mêmes biens à titre de
retour conventionnel, il falloit bien que sa réserve pùt profiter
à ceux de ses ayants-cause et transmissionnaircs à titre universel
ou particulier q u i, lorè de l’ouverture du retour par lui réservé,
le représenteroient pour cet objet, comme ne formant à cet
égard qu’une seule et même personne avec lui. Autrem ent, sa
réserve n’eût pu profiter à personne en aucun cas, et la clause
_
auroit été illusoire.
E lle sitffiroit aussi toute seule pour écarter toute idée
de substitution.
Mais il est également sensible que le donateur en stipulant le
retourp o u rlü i, qt non pour aucun autre que lui-même, a néces
sairement exclu toute substitution; car enfin, comme le disoit
M. Daniels, portant la parole pour le ministère public en la
Cour de cassation, il est impossible de se substituer soi-même à
son donataire pour la chose donnée.
Il est bien vrai que le donateur qui stipule le retour pour
lni-mcrnc seulement, et non pas pour des tiers après ltii, le sti
pule aussi nécessairement pour ses ayants-cause et transrmssionnairos, soit qu’il doive en profiter de son vivant, soit que par
l’événement, le droit qu’il s’est réservé ne s’ouvre qu’après s^
�C 15 )
mort, à moins qu?il n’ait formellement excepté ce dernier cas
par sa réserve, comme par exemple en stipulant le retour à sou
profit, pour le cas seulement du prédécès du donataire.
Mais ces transmissiopnaires et ayants-cause ne forment avec
lui qu’une s.eule et même personne, qui a toujours été saisie
ab ihitio, tant de son vivant que depuis son décès, du droit
éventuel qu’il s’étoit réservé, comme de tous ses autres Liens,
sans attendre l’événement de la condition.
Ainsi, il est impossible de les supposer substitués par le do
nateur au donataire, et tout ce qui résulte de la réserve de re
tour stipulée par le donateur pour lui-même seulement, et non
pour aucun tiers après lui, c’est que la condition du retour ar
riv a n t, le donataire cesse d’être propriétaire de la chose don
née, c’est que la donation qui lui avoit été faite est alors réso
lue ou révoquée j c’est enfin que le donateur en la personne de
ses ayants-droit, en conséquence de sa réserve, se trouve avoir
recouvré sa propriété dont il ne s’étoit dessaisi que sous une con
dition résolutive qui a eu lieu -, c’est en un mot que cette pro
priété s’est réunie de plein droit à son patrimoine aussitôt l’ar
rivée de la condition résolutive apposée à la donation : or cer
tainement il est bien permis aux donateurs , nonobstant l’abo
lition de toutes substitutions, de stipuler qu’en tel ou tel cas
leurs donations seront résolues de plein droit, ab initip, comme
si elles u’avoient jamais existé, ou pour la suite seulement,
comme dans le cas de la révocation des donations pour cause de
survenance d’enfants', le tout, soit que la condition résolutoire
arrive de leur vivant, soit qu’elle n’arrive qu’après leur mort :
car les conditions résolutives produisent leur effet, lors meine
qu’elles n’arrivent qu’après la mort du stipulant , ce qui n’em
pêche pas que l’acte résolu n’ait subsisté jusque-là, s’il n’a pas
�(■ G )
¿téautrement convenu. L eg . i 5 , in princ., ff. D e in diem addictione. ) V o y e z aussi la loi finale au Code, D e legatis.
L e s observations précédentes sont égalem ent applicables
„ a u x institutions contractuelles sous conditions résolu
toires.
Il en est de même incontestablement des donations par forme
d’institution contractuelle, qui, suivant Pothier ,'Laurière, et
tous nos autres auteurs, ne diffèrent des autres donations en
tre-vifs qu’en ce qu’elles sont faites sous la condition particu
lière de la survie du donataire, et en ce que le donateur peut
encore , nonobstant la donation, s’aider des choses qui y sont
comprises , par contrats intéressés , tels que la vente ou l’hy
pothèque , mais non pas en disposer à titre graÔuit par dona
tions entre-vifs , institutions ou legs.
En effet, l’instituant contractuel doit aussi pouvoir stipuler
que sa donation sera résiliée ou révoquée, si telle ou telle con
dition arrive par la suite, n’importe en quel temps, et que ce
pendant elle aura jusque-là tout son effet; mais en ce cas les
biens qui en sont l’objet, comme étant retournés à la masse de
l'hérédité, et réunis au patrimoine du donateur, appartiennent à
ceux qui lors de l’arrivée de la condition résolutoire se trouvent
représenter ledit donateur ou instituant; etassurément ceux-ci ne
reprennent pas les biens en question en qualité de substitués au
donataire ; c’est le donateur lui-même, toujours existant dans leur
personne, qui reprend sa chose, comme ayant cessé d’appartenir à .
l’institué, au moyen delà résolution de l’institution, qui a eu lieu
par l’événement, comme le donateur ou ses représentants re
prennent la chose donnée, lorsqu’il y a survenance d’enfants,
�C *7 )
même posthumes, quoique le posthume ne soit né que depuis
son décès. Autrement, il faudrait dire, ce qui est absurde, que
le vendeur ou scs héritiers, rentrant dans la propriété de la
chose vendue par l’effet de la résolution de la vente, ou de lu
rescision du contrat, reprennent la chose vendue comme substi
tués h l’acheteur. E t il faudrait conclure de la ( ce qui seroit
encore plus absurde, s’il est possible), qu’attendu l’abolition de
toute substitution, il n’est plus permis de vendre sous condition
résolutive , ni de faire résilier aucun contrai de vente, non
plus que de disposer par donation, institution ou legs, sous
condition résolutive. Mais il faudrait aussi, avant tout, effacer
du Gode civil les articles g 53 , 960 , 962, 963 et 966, relatifs
à la révocation des donations de toute espèce pour cause de
survenance d’enfants , même posthumes, qui ne seroient nés
que depuis le décès du donateur; il faudrait notamment sup
primer ledit article 963, en ce qu’il suppose qu’au cas de la sur
venance d’enfants du donateur (avant ou après son décès ) le
retour s’opère , non pas, à proprement parler, par voie de ré
version h sa personne, mais bien plutôt par voie de réunion à
son patrimoine de tous les objets qui en avoient été distraits à
titre lucratif, et par conséquent au profit de ses représentants ,
si la réunion ne s’opère qu’après son décès ( les biens compris
dans la donation révoquée de plein droit r e s t e r o n t d a n s
LE P A T R IM O I N E DU D O N A T E U R , LIBRES DE TOUTES CHARGES
E T HYPOTHÈQUES DU CHEF D U D O N A T A IR E
, etc. )
(
Conclusion.
Tout ceci posé, nul doute que les représentants du sieur
Delsol, donateur, sont fondés à requérir, dès à présent, toutes
3
�( i8 )
transcriptions et inscriptions nécessaires pour assurer la conser
vation de leur droit de retour, a l’effet de prévenir les atteintes
qui pourroient y être portées par la donataire et autres posses
seurs des biens sujets, à réversion , ou par les débiteurs des
créances qui tiennent lieu de ces mêmes fonds.
On peut d’autant moins leur contester ce droit, que le retour
•dont il s’agit doit nécessairement s’ouvrir un jour îx leur profit,
ou au profit de leurs trùnsmissionnaires et ayants-droit, par le
fait du décès de la donataire sans enfants , attendu qu’elle n’a
pas eu d’enfanls , et que son âge avaneé ne lui laisse plus d’es
pérance d’en avoir.
Délibéré à Paris par le soussigné ancien avocat, ce vingt-sept
juin dix-huit cent six.
LESPARAT.
�( *9 )
SECONDE CONSULTATION.
L e C O N S E I L S O U S S I G N É , q u ia vu copie (ci-jointe)
du jugement reudu en première instance par le tribunal civil
d’Aurillac , le 22 juillet 1808 , entre les sieurs Dclsol Frères, et
la dame veuve Y igier d’Orcet, leur sœur consanguine; ensemble
les mémoires imprimés qui ont été présentés au tribunal pour le
soutien de leurs prétentions respéctives ;
>
, par les raisons déjà exposées en sa Consultation
délibérée le 27 juin 1806, ainsi que dans les observations par
ticulières sur chacun des motifs dudit jugenient, qui lui ont
■été communiquées, et encore par les autres raisons qui seront
déduites ci-après ;
Que les sieurs Delsol frères sont bien fondés dans leur appel
dudit jugement, en ce que par icelui la stipulation de retour.
'réservé par le sieur D e lso lp ère , dans le contrat de mariage
de la dame d’ Orcet, sa f i l l e , a été déclarée personnelle au
dit sieur D e lso l , et caduque par son p réd écès. Qu’en effet,
(bien loin que le retour réservé soit devenu caduc par le prédé
cès du sieur Delsol père, qui l’a stip u lé), il ne peut manquer
de s’ouvrir un jour et d’opérer la réunion effective à son patri
moine, des choses sujettes audit droit, au moyen de ce que la
dame d O rc e t, sa fille, qui n’a pas d’enfants, et qui est actuelle
ment hors d’àge d’en avo ir, décédera néccssaii’emeiit sans en
fants.
•
E s t d ’a v is
�( 20
Les premiers juges avoient encore élevé deux autres ques
tions, l’une (qui est la première des trois posées dans leur ju
gement) étoit de savoir quels biens avoient é té et pouvoient
être compris dans la clause de retour réservé par le sieur
B a sile D e ls o l, dans le contrat de mariage de la dame d’ Orcet sa f ille y et l’autre de savoir si, dans le cas de transmissib ilité , ce droit de retour ne se seroit pa s confondu
dans la personne de la dame d’ O rcet avec sa qualité d’héri
tière contractuelle de son p ère ; mais leur jugement n’a dé
cidé que celle de savoir si la réserve du retour dont il s’agit
étoit limitée à la personne du sieur Delsol, ou si au contraire
elle avoit pu être transmise à ses héritiers ; et c’est aussi la seule
dont la solution doit nous occuper , comme étant la seule qui
soit à juger sur l’appel de leur sentence.
Ce n’est pas qu’ils n’aient émis dans les attendus de leur ju
gement leur opinion sur les deux questions qu’ils ont laissées
indécises ; mais cette opinion n’y est présentée que pour justi
fier leur jugement sur celle qu’ils ont décidée : or l’appel dont
il s’agit ne peut porter que sur ce qui a été jugé effectivement,
quelle qu’ait pu être d’ailleurs leur opinion sur d’autres ques
tions restées indécises.
I. L a stipulation du retour par le sieur D e lso l père étoit
in rem , et pourquoi ?
Q uoiqu’il en soit au surplus, nous observerons d’abord à
cet égard que, si la stipulation dont il s’agit a été jugée per
sonnelle au stipulant, et par conséquent non transmissible, c’est,
comme l’exposent les premiers juges dans leurs motifs, parceque le sieur Delsol n’a n a s stipulé nommément pour scs ayants-
�( 31 )
'Cause, et sur-tout parcequ’en stipulant le retour pour le cas pré
vu par sa stipulation, il ne l’a pas réservé aux siens en particu
lier, comme l’a fa it, dans le même contrat de mariage , la mère
<lu futur en dotant son fils.
Mais c’est précisément parceque le sieur Delsol entendoit ré
server un retour vraiment réel, in rem , à la masse de son pa
trimoine , en faveur de tous ceux auxquels il pourroit importer
que le retour eût lieu , qu’il l’a stipulé en termes g én éra u x,
non exclusifs d’aucune classe de ses ayants-cause, et non pas
seulement pour sa personne ou les siens. Taie pactum non in
personam dirigitur y sed chm general e s i t , locum inter hceredes habebit. Leg. 4 1 , ff- D e pactis.
II. Conséquences qui seroient résultées de la personnalité
de sa stipulation pour lu i et les siens seulement.
• Dans le fait, le sieur Delsol père n’avoit pas alors d’autre en
fant que la future sa fille. Peut-être même supposoit-il, attendu
son état de viduité , qu’il n’en auroit jamais d’autre : or dans
cette supposition , si par l’événement le retour stipulé ne
s’ouvroit qu’àprès son décès, soit par le décès de sa fille sans en
fants, soit par le décès des enfants de sadite fille , après leur
mère, sans descendants d’eux, il ne pouvoit pluS être représenté
par aucuns siens proprement dits , mais seulement par des col
latéraux très éloignés qu’il ne connoissoit même pas (comme l’a
dit et répété souvent la dame Dorcet elle-même), ou par d’au
tres successeurs qu’il se seroit créés à lui-même par titres uni
versels ou singuliers.
" •
'
• •
Si donc il n’avoit stipulé le retour que pour lui et les sien s,
comme avoitfaitla mère du fu tu r, alors le retour n’auroit eu
�( « )
e
lieu qu’en sa personne , ou celle des s ie n s , c’est-à-dire pour
le cas seulement de sa survie, ou de celle d’aucuns des siens
à l’ouverture dudit droit ; et ce droit n’auroit profité à son dé
faut qu’à celui ou ceux d’entre les siens qui auroient existé pour
lors. Eux seuls en effet se seraient trouvés composer la classe ou
espèce particulière et déterminée d’ayants-causc, à laquelle au
rait été réservé le retour : o r, comme le dit la loi 80, ÎT. D e regulis ju r is y In toto ju r e , generi p er speciem derogatur ;
et comme le dit aussi la loi 99, p. 5 , iF. "De legatis 3° , Sem
p er species generi derogat. E n un m o t, nuls autres ayantscause du sieur Delsol stipulant n’y auroient pu rien prétendre ,
à quelque titre que ce f û t , ni comme héritiers légitimes ou àb
in testa t, mais non s ie n s , ni comme héritiers irréguliers ,
ni comme héritiers institués , ou légataires, soit universels, soit
à titre universel (c’est-à-dire pour partie) , ni comme léga
taires particuliers, ni comme donataires entre-vifs ou à cause de
m ort, ni comme cessionnaires à titre onéreux, ni enfin comme
créanciers chirograpliaircs ou hypothécaires, quelqu’intérêt que
ces différentes classes d’ayants-cause pussent avoir à ce que la
réunion effective à son patrimoine des biens donnés et réservés
leur en eût assuré la conservation; alors en effet, au moyen du
prédécès de ceux dans la personne desquels seulement le retour
auroit pu s’opérer , toute réunion au patrimoine du stipulant
seroit devenue impossible.
Ainsi le sieur Delsol se serait interdit, pour ce cas particulier,
toute espèce de disposition, tant des biens donnés que des biens
réservés, et par conséquent de tous ceux q u i, lors de son dér
' ces, auroient pu composer son patrimoine , quoique tous fus
sent stipulés réversibles, si sa fille décédoit sans enfants, ou si
les enfants de sa fille (lécédoient eux-mêmes sans descendants :
�( ^3 )
or assurément, le cas arrivant que sa fille décédât après lui sans
enfants (comme il arrivera bien certainementJ, ou que les en
fants de sa fille décédassent après lui et leur mère sans enfants ,
comme il étoit alors très possible, il étoit bien plus naturel qu’en
ce cas tous ses biens stipulés réversibles retournassent et se réu
nissent à son patrimoine en faveur de ceux qui y auraient in
té rêt, et qu’à cet eifetle retour fût stipulé par une clause gé
nérale , c’est-à-dire à la masse de sou patrimoine , plutôt qu’à
lui-même et a u x siens personnellement, à l’exclusion de tous au
tres ayants-cause ; car n’y ayant encore alors personne qui pût
l’intéresser, au défaut de sa fille et des enfants de sa fille ou de
leurs descendants (puisqu’il n’avoit pas encore d’autres successibles que des collatéraux fort éloignes qu’il ne conuoissoit même
pas ) , il devoit préférer tous les autres ayants-cause qu’il pouxroit avoir, ou se créer à lui-même, à ceux de sa fille décédante
sans enfants, qui ne pouvoient que lui être étrangers, si lui^
m ê m e restoit en viduité. C’est même probablement par cette
raison qu’il a interdit très expressément à sa fille toute, disposi
tion préjudiciable au droit de retour qu’il stipuloit par une
.clause générale et sans aucune limitation ; et s’il n’a pas étendu
cette prohibition aux enfants de sa fille, lors même qu’ils dé
céderaient après lui et leur .mère sans descendants d’eux (quoi-,
qii’en te cas ils fussent pareillement grevés du retour à son pa
trimoine, tant pour les biens donnés que pour les biens réservés) ;
si même au contraire il leur a permis audit cas toute disposition
des biens on question ; si enfin il a stipulé à cet effet que ledit
.retour a sou patrimoine n’auroit lieu qu’autant qu’ils seraient
.décédés sans descendants d’eux, et sans avoir disposé, c’est
évidemment pareeque (à la différence de leur mère , sa fille ,
,qui dans le cas où elle survivrait à son père décédé en viduité.,
«
�( »4 )
_
ne pouvoit avoir pour succcssibles que des collatéranx fort éloi
gnés , et peut-être même inconnus) eux au contraire, décédant
ensuite après leur mère et sans descendants d’eux , avoicnt du
moins pour succcssibles , à défaut du sieur Delsol leur aïeul
maternel, d’autres parents très proches dans la personne de
leurs oncles paternels, frères de leur père; alors en effet le sieur
Delsol n’avoit aucune raison suffisante d’empêclier que les en
fants de sa fille, décédant sans enfants après lui et après leur
mère, pussent disposer des biens dont il stipuloit la réversion;, car
ces mêmes enfants ayant audit cas pour succcssibles des oncles
paternels, ou leurs enfants, le sieur Delsol pouvoit facilement
supposer que les enfants de sa fille ne seroient pas tentés de dis
poser au profit d’étrangers , au préjudice de parents aussi pro
ches , et que , s’ils usoient de la liberté qu’il leur laissoit de dis
poser , ce ne seroit qu’en faveur de ceux de ces parents dont la
position particulière exigerait qu’ils fussent plus avantagés que
les autres.
III. I l n’en étoit p a s du retour stipulé p a rla mère du fu tu r,
comme de celu i stipulé par le sieur D elsol.
Il n’en étoit pas de même du retour stipulé par la mère du
futur pour elle et les sien s> en cas de décès de son fils sans en
fants , ou des enfants de son fils sans enfants et sans avoir dis
posé ; en effet, la mère du futur ayant , lors du mariage de son
fils, plusieurs autres enfants, né pouvoit penser qu’h assurer à
ces autres enfants le retour des biens qu’elle donnoit au futur ,
son fils , si celui-ci decedoit sans enfants , ou si ces enfants décédoient eux-mêmes sans descendants : or il lui sufllsoit à cet
effet de stipuler le retour pour elle et les siens personnellement,
�( *5 )
c’est-à-dire à l’exclusion de tous autres ayants-cause; et cepen
dant de laisser non seulement aux enfants de son fils , mais à
son fils lui-même, la liberté de disposer ; n’étant pas à présumer
que celui-ci, s’il n’avoit pas d’enfants, voulût user de cette fa
culté au préjudice de sa propre mère , ou de ceux qu’elle appeloit les siens (frères, sœurs, neveux ou nièces de sonditfils),
si ce n’est en faveur de ceux d’entre eux d o n t, comme il vient
d’être d it , la position pourroit exiger qu’ils fussent plus avan
tagés que les autres. E t c’est aussi tout ce que le mandataire de
la dame veuve d’Orcet, porteur de sa procuration rédigée à Mau
riac , et comparant pour elle au contrat de m ariage, étoit
chargé de stipuler, sans pouvoir s’en écarter, ni y rien changer. ,
IV . Peut-être le sieur D e ls o l auroit-il stipulé le retour dans
la même form e que la mère du fu tu r, s 'il avoit é té dans le
m êm e cas.
Il en auroit peut-être été de même de la stipulation du sieur
Delsol père , s’il avoit été dans le même cas ; mais n’ayant pour
lors d’autre enfant que la future, s’il avoit restreint de même
à sa personne et a u x siens le retour qu’il stipuloit, cette res
triction auroit eu l’inconvénient d’annoncer des espérances d’a
voir d’autres enfants d’un second mariage ; et quoiqu’il ne pen
sât peut-être pas alors à se remarier , il auroit au moins donné
lieu par-là au futur et à la famille du futur d’exîgëFdè lui qu’a
vant tout il s’expliquât sur ce point. Q ui sait même s’il n’auroit
pas fallu leur donner des assurances positives que ce qu’ils pouvoient craindre n’arriveroit pas ?
D ailleurs il pouvoit très bien se faire que, le cas prévu du re
tour arrivant, il n’existât aucun parent successible du sieur
�( *6 )
Delsol père capable de le représenter, ou qu’il n’y en eût que
de très éloignés qu’il n’auroit jamais connus; et c’est même ce
qui serait nécessairement arrivé, s’il étoit resté veuf : or il étoit
bien naturel qu’il pû t, au moins pour ce cas particulier, se don
n e r par a c t e s entre-vifs ou de dernière volonté, à titre gratuit
ou onéreux , tel successeur universel ou singulier, qu’il jugeroit
«Hpropos, à l’eiTetde recueillir , emtout ou partie, le bénéfice
du retour en question.
Il devoit donc, comme il ¡l’a fait, se réserver le retour par une
stipulation générale , de manière que le cas prévu arrivant, en
quelque temps que ce f û t , de son vivant ou après sa m o rt, il
y eût lieu au retour in rem , ou k Son patrimoine, en faveur de
ses ayants-cause, ou de qui de droit, et non pas seulement à sa
personne ou a u x s ie n s , à l’exclusion de tous autres ayantscause, le tout sans que la donataire, sa fille, pût préjudicier
ou déroger à ce di’oit de retour par aucune disposition.
-
-
V . L e s prem iers ju g e s ont supposé que la personnalité d elà
stipulation du retour par le sieur D e ls o l résultoit de la dé
fe n se qu’il a fa ite à sa fille d’y déroger. Combien cette
supposition est absurde /
Cependant, s’il faut en croire les premiers juges, la défense
faite par le sieur Delsol père à la dame d’O rcet, sa fille, de dé
roger a u droit de retour qu’il stipuloit, prouveroit au contraire
qu’il ne l’a stipulé que pour lui personnellement, n’étant pas
présumable , disent-ils , qu’il mît sa f ille (lors unique) dans
un tel état dinterdiction (pour le cas où elle décèderoit sans
enfants; car c’cst de ce cas uniquement qu’il s’agit) , et ce en f a
veur de parents éloignés avec lesquels il n’avoit aucune re-
�( 27 )
lation , que les parties même ne connoissoient p a s , a in si
que la dame d ’ O rcetl'a plusieurs fo is dit et é c r it, sans que
c e fa it ait é té désavoué.
' Il auroit donc été bien plus convenable, suivant eux , que le
sieur Delsol père se mit lui-meme dans l’interdiction , et ce en
faveur des étrangers que sa fille, décédante sans enfants, jugeroit à propos de préférer h. tous les ayants-cause qu’il se seroit
créés à lui-même , ou à ceux qui (comme il pouvoit arriver, et
comme il est arrivé effectivement) lui seroient survenus : or
on sent combien est absurde une pareille supposition.
V I. L ’institution contractuelle de la dame d 'O rce t} q u i, sui
vant les prem iers ju g e s , prouverait la personnalité de la
Stipulation du retour p a r le sieur D e ls o l son p è r e ,
• en démontre au contraire la réalité.
Enfin , suivant les mêmes, ladimitation du retour dont il s’a
git à la personne du stipulant résulterait s u r - t o u t d e l a
circonstance que le sieur D e ls o l, après avoir fa it à sa
f il le une donation entre-vifs, l ’a instituée en même temps
son héritière universelle ; e n e jfe t , ajoutent-ils, il seroit ab
surde de supposer qu’il eût fa it et voulu fa ir e } contre cette
héritière , une réserve qui ne devoit et ne pouvoit p r o f i t e r
q u ’à elle-m êm e, puisqu’en admettant là t r a n s m i s s i b i l i t é d u
retour} cette transmission'ne pouvoit a v o i r lieu qu en fa v eu r
de cette m êm e héritière.
'
Mais ils supposent par-là que l’institution contractuelle de
la demoiselle Delsol par son père est- une institution pure et
simple , q u i, une fois ouverte au profit de l’instituee par le pré
décès de l’instituant, ne pouvoit cesser en aucun temps d’avoir
�'
( ,8 )
^
tout son effet, qu’en un mot cette institution n’étoit affectée
d’aucune condition résolutoire , tandis qu’au contraire cette
même institution ( qui à la vérité ne pouvoit être révoquée
par aucun acte postérieur ) devoit cependant se résoudre de
plein d ro it, comme la donation, par le seul fait du décès de
l’instituée sans enfants , ou de ses enfants sans descendants et
sans avoir disposé ; car c’est ce qui résulte textuellement de la
clause par laquelle le sieur Delsol ( après avoir promis de n’ins
tituer d’autre héritier que la future sa f ille dans les autres
biens ( non donnés ) qui se trouveront lui rester lors de son
d é c è s) s’est réservé , (pour le cas où ladite future saillie décèderoit sans enfants , ou ses enfants sans descendants, ou sans
avoir valablement disposé ) , le droit de réversion et retour,
tant des biens donnés que réservés , sans q u il puisse être
dérogé par sadite f i l le audit droit de réversion par aucune
disposition, n i autre acte à ce contraires. O r , bien loin que
cette clause puisse faire présumer la personnalité du retour sti
pulé par le sieur Delsol père , comme le prétendent les pre
miers juges , la vérité est au contraire qu’il en résulte une
nouvelle preuve de sa transmissibilité ; et cela , quand même on
voudrait ne comprendre dans la classe des biens réservés dont
la réversion est nommément stipulée , que ceux non donnés
qui existoient pour lors , et qui lui seraient restés lors de son
décès , à 1 exclusion de tous ceux qu’il aurait acquis depuis sa
stipulation \ car enfin il est bien évident que le droit de retour
(qui pouvoit s’ouvrir pendant la vie du stipulant pour les biens
qu’il donnoit) ne pouvoit s’ouvrir qu’après sa m o rt, pour les ,
biens réservés , soit que (comme on n’en peut douter) il ait
entendu désigner par biens réservés ce qu’il appelle dans lemême acte les biens institués (c’est-à-dire la totalité de ceux
�( *9 )
non donnés qui Iuiresteroient lors de son décès, et généralement
tous scs biens, à l’exception des biens donnés, èt de ceux qu’il
auroit depuis vendus ou engagés), soit même , qu’il n’eut en
tendu comprendre sous cette dénomination que ceux des biens
non donnés qu’il possédoit lors du contrat de mariage de sa
fille et qu’-il auroit conservés jusqu’il sa mort.
E t qu’on ne dise pas , comme l’ont fait les premiers juges ,
que les m ots, biens réservés, ont échappé à Tinadvertance
du réd a cteu r, qui (suivant eux) ti avoit que les notions les
plus obscures sur la nature et les effets des institutions
contractuelles y car ce sont bien plutôt les premiers juges
eux-mêmes q u i, comme on l’a pu voir déjà , et comme 011 le
verra encore plus particulièrement ci-après , sont dans le cas
qu’on leur fasse ce reproche 5 et au surplus , quoi qu’il en soit,
ils ont bien prouvé par-là qu’il étoit absolument impossible ,
malgré toutes leurs subtilités, et pour ainsi dire leurs tours de
force , de restreindre aux biens donnés un retour stipulé pour
les biens tant donnés que réservés. Il faudra donc toujours
en revenir à dire que le retour des biens réservés (q u i, dans
tous les cas , sont nécessairement des biens non donnés), ne
pouvant s’ouvrir avant la mort du stipulant,. étoit bien cer
tainement transmissible à ses héritiers ou autres ayants-cause
or, il devoit en être de même du retour des biens donnés, puis1
qu’il est stipulé par la même clause et dans les mêmes termes.
V II. Lorsque le retour s’ouvrira par le fa it du décès de la
dame d ’ O rcet sans enfants , son institution contractuelle
sera comm e non'tivenue.
Peu importe enfin que la dame d’O rccl, en sa qualité d’hé-
�( 3o )
îilère instituée contractuellement, soit quanta présent la seule
représentante de son père. Du moment que le retour s’ouvrira
par le fait de sou décès sans enfants, elle n’aura plus été héri
tière contractuelle , attendu la clause résolutoire apposée à son
institution. A lo rs, en effet, il sera vrai de dire qu’elle n’aura
été qu’héritière ah intestat de son père, concurremment avec
ses frères, c’est-à-dire pour partie seulement; et par consé
quent elle n’aura laissé dans sa succession , à ses ayants-cause,
quels qu’ils puissent ê tre , que sa part afférente dans tous les
objets dont la réversion.au patrimoine de son père aura eu lieu
par le fait de son décès sans enfants.
Il est vrai , comme l’observent les premiers juges , qu’en
droit romain une institution d’héritier par testament (autre
que celui fait ju r e militari) n’auroit été susceptible d’aucune
limitation ou résolubilité, quand même cet héritier testamen
taire n’auroit été institué que e x re certd, ou pour une certaine
quotité , telle que la moitié ou le tiers de l’hérédité, ou à
compter de tel temps , ou enfin: jusqu’à, tel temps; qu’en effet
l’héritier ainsi institué par testament valable , étant seul insti
tué , auroit é té, de droit,, héritier pour le to u t, pour tous
les cas et pour tous les temps , sauf seulement les droits des légitimaires ; mais c’est pareeque chez les Romains personne ne
pouvoit mourir parti/n te status, partim intestatus (à moins
qu’il n’eut teste ju re m ilitari) ; car , comme l’observe Pérez en
ses Institutes impériales, e x institutione hceredis ad certum v e l e x certo tempore fa cta sequeretur quod quis deced erep o sset, pro parte te sta tu s, et p ro p a rte intestatus.
�( 3i )
V III. L e s institutions contractuellesy inconnues ch ez les Ro
mains , n’ont rien de commun avec leurs institutions tes
tamentaires.
•
«
Il n’en est pas de même des institutions contractuelles abso
lument étrangères au droit romain, et qui cependant ont été
admises dans les ci-devant provinces dites de droitécrit, comme
dans tout le surplus de l’ancienne France \ en effet, suivant
tous nosauteurs (quoi que disent au contraire les premiers juges),
ces institutions d’héritier par contrats ne ressemblent aucune
ment aux institutions testamentaires des Romains , si ce n’est
à celles faites ju r e m ilitari, ou à leurs legs universels , soit aux
legs de toute l’hérédité ou de tous les biens, soit aux legs de
partie de l’hérédité ou de partie des biens, partis etpro p a rte,
(que notre Code civil qualifie legs à titre universel), avec cette
différence seulement qqe nos institutions contractuelles, d’ori
gine française et absolument inconnues clicz les Romains, sont
irrévocables comme tenant de la nature des contrats, tandis
que les legs et autres dispositions testamentaires de toute es
pèce peuvent toujours être révoquées par le testateur jusqu’à
son décès.
IX . A utrem ent elles ne pourroient ja m a is avoir lieu pour
partie , tandis q u e, suivant P o th ie r , elles ont lieu in
contestablement pour partie comme pour le tout.
S’il en pouvoit être autrem ent, il faudroit aller jusqu’à dire
que l’institution contractuelle pour partie des biens ou de 1 hé
rédité, ou même seulement pour quelques uns des corps certains
qui la composent, auroit l’effet d’une institution universelle
pour toute l’hérédité ; car c’est ce qui résulterait du principe
�( 3a )
posé par les premiers juges (dans le second attendu de leur troi
sième question), que Tinstitution contractuelle form e un v é
ritable héritier q u i N E DIFFÈRE QUE DE N O M DE £ HÉRITIER
t e s t a m e n t a i r e (des Rom ains), q u a n t a i ’ u n i v e r s a l i t é
*
9'
f
9 *
t
d u t i t r e : or personne jusqua présent navoit ose mettre en
avant une hérésie aussi monstrueuse, et il étoit réservé aux pre
miers juges d’en faire la base de leur jugement.
Il leurauroit cependant suffi, pour se garantir d’un pareil écart,
de consulter sur cette matière jios auteurs élémentaires, tels
que Polluer, dans son introduction au titre 17 de la coutume
d’Orléans. Ils y auroient vu , par exemple, à la fin du n° 17 de
l’appendice de cette introduction, que l’institution contractuelle
y est définie la donation que quelqu’un fa it de sa succession
en tout ou e n p a r t ie , p a r contrat de m ariage, à l’une des
'
parties contractantes} ou a u x enfants qui naîtront du fu tu r
mariage y au n° il\ du même appendice, que de m êm e que la
succession testamentaire dans les provinces oh elle est ad
m ise y fa it cesser la succession légitim e et a b i n t e s t a t ,
de m ême la succession contractuelle fa it cesser la su cces
sion légitime ou ab intestat pour le total, lorsque l ’héritier
contractuel a été institué héritier pour le total, ou po u r l a
p a r t ie p o u r l a q u e l l e il a é t é i n s t i t u é ; d’où il conclut, à la
fin dudit n° 24 > que, lorsque l’héritier contractuel étranger
a é té institué s e u l e m e n t po u r u n e p o r t i o n , p u t a p o u r
LA MOITIÉ , il succède a u x propres , de m êm e qu’a u x au
tres b ie n s, pour l a p o r t i o n p o u r l a q u e l l e i l a é t é i n s
t i t u é , et que l ’héritier l i g n a g e r ab intestat « y succède que
pour cette m oitié y et ensuite au n» 25 qui suit, que Tenfant
héritier contractuel de so n p e re , pour u n e c e r t a in e p o r
t io n , PUTA. POUR UN TIERS OU POUR UN QUART, n ’e ST PAS
�(33)
OBLIGÉ E N V E R S SES FRÈRES E T SOEURS, HÉRITIERS LÉGITIMES
E T AB
INTESTAT
POUR
LES A U TR E S P O R T IO N S , CM
rapport
de ce qui lu i a é té donné ou légué par son père.
X . D an s les pays de droit écrit elles ont lieu pour partie et
par conséquent ad tempus ou ex tempore, vu sur-tout
q u elles y sont considérées comme de véritables dona
tions entre-vifs.
.
Dira-t-on qu’il n’en étoit pas de même dans nos provinces cidevant régies par le droit écrit ? Mais s’il est vrai, comme le
dit Laurières (au sommaire du n° 23 du chapitre premier de
son Traité dès institutions et substitutions contractuelles), que
ces institutions ont pris leur origine des lois romaines q u i
perm ettaient a u x soldats i n p r o c i n c t u de s'instituer héri
tiers par des pactes réciproques de succéder, il en résultera
nécessairement que les institutions contractuelles, comme les
legs universels , ou à titre universel, peuvent avoir lieu, même
en pays de droit écrit, ou pour un temps seulement, ou à par
tir de tel temps, ou pour partie seulement de l’hérédité ou des
biens , ou même pour un tel corps héréditaire , etc. ; car as
surément 011 ne pouvoit pas appliquer à celui qui testoit ju re
m ilita ri, la règle : Nerno potest decedere partim testatus
partim intestatus.
C’est ce qui résultera pareillement de ce que dit et répète
souvent le même auteur , notamment au n° a3 de son chap. 3 ,
et au chap. /|, nos 8 et suivants , que les institutions contraç tuelles y en pays de droit écrit, sont réputées vraies dona
tions entre-vifs~de biens présents et à ven ir, par lesquelles
Finstituant s'interdit la fnnulté de disposer non seulement
�( 34 )
a titre gratuit, mais même à titre on éreu x, par ven te, hy
pothèque ou autrement s i ce n’est pour pressante et ur
gente n écessité y car on conviendra sans doute que les dona
tions peuvent se Hure pour n’avoir effet que jusqu’à tel temps,
ou ù compter de tel temps, etc. E t il faut bien que le sieur Delsol pèrç, reconnu pour procureur très instruit, ait eu connoissance de cette jurisprudence, puisqu’il a cru devoir se réserver
l’usufruit de ce qu’il appelle les ¿tiens institués (c’est-à-dire de
ceux pour lesquels il inslituoit sa fille son héritière contrac
tuelle) , ainsi que la faculté de pouvoir les vendre ou engager.
X.I. L ’héritier institué contractuellement ne pourroit être
a ssim ilé , suivant Laurières , même en pays de droit
écrit > qu’à lliéritier des Romains institué in castrensibus,
qu
jure militari.
Si donc ,on vouloit absolument assimiler l’héritier institué
contractuellement à l’héritier institué du droit romain, ce ne
pourroit être au moins qu’à l’héritier institué in castrensibus,
ou par testament fait ju re m ilitari, qu’il faudroit le comparer ;
et c’est aussi cc qu’a fait Laurières au n° i 56 dudit chap. 4 > où
il remarque que , quoiqu’il y eût accroissem ent de l ’institué
i n bo n is ÇyiSTKHNSiBUs a Théritier a b in t e s t a t du sold at,
i l n’y avoit p a s accroissem ent de l’héritier a b in t e s t a t ,
quand il répudioit, lï l ’héritier institué i n ca str en sibu s ;
après quoi il ajoute : E t , par la même raison, il n’y apas a c
croissement parm i nous de Théritier ab intestat à Théritier
contractuel, ou dùlégataire universeldiineportion de biens,
(qutiiqu’i l y ait accroissem ent du légataire universel, ou de
Fhéritier contractuel, d’une portion de biens ou de succès-
�( 35 )
s ion , à Théritier ab intestat) , parcec/ue, comme on Fa d it ,
l ’héritier ab intestat est héritier solidairement de tous les
biens du d é fu n t, au lieu que l’héritier contractuel, ou le lé
gataire universel, n’étant supposé successeur q u e d ’ u n e
p a r t i e s e u l e m e n t , il ne peu t rien prétendre a u -d e l a d e
l a p a r t i e q u i l u i e s t d o n n é e , l’usage étant certain par
mi nous que chacun peut mourir p a r t i m t e s t a t u s , p a r
t i m i n t e s t a t u s , com m e les soldats romains y car, comme
le remarque très bienLoisel (liv. 2, t. 5 , règle a i , de ses Ins
titutes coutumières), nos Français comme gens de guerre ont
reçu plusieurs patrim oines, et divers-héritiers, d’une même
personne : or il faut convenir que ces propositions sont toutes
précisément les contradictoires de celles que les premiers juges
ont cm nécessaire* de consigner dans les motifs de leur jugement,
pour le justifier autant qu’il étoit eh eux.
X II. I l résulte évidemment de tout ce que dessus que le
sieur D e lso l a stipulé un retour à son patrimoine in rem ,
et qu’au contraire celu i stipulé par la mère du fu tu r étoit
personnel à elle et aux siens.
Tout ceci posé , il doit maintenant demeurer pour constant
et suffisamment démontré, que si l’on voit, dans le même con
trat de mariage, d’un côté, le sieur Delsol père se réserver, par
une clause générale , le droit de réversion ou retour pour le
cas du décès de sa fille sans enfants , ou des enfants de sa fille
sans descendants , avec stipulation expresse que sadite fille ne
pourroit déroger h ce droit de retour par aucunes dispositions ,
ou autres actes à ce contraires, et cependant, que les enfants de
sadite fille , pareillement grevés dudit droit de retour pour le
�( 36 )
_
_■
_
cas de leur décès sans descendants, pourroient faire telles dis
positions qu’ils jugeroient à propos ; si en même temps on y
voit d’un autre côté la mère du fu tu r, qui stipuloit le retour
pour elle et les sie n s , en cas de décès de son fils sans enfants,
ou des enfants de son fils sans enfants, ne point défendre à son
fils de déroger audit droit de retour par aucunes dispositions ,
mais au contraire laisser aux enfants de son fils et k son fils luiijnême toute liberté à cet égard , ce n’est pas, comme l’ont sup
posé les premiers juges dans leurs motifs, que les contractants
aient entendu restreindre au sieur Delsol père personnellement
le retour qu’il stipuloit, et cependant assurer à tous les ayantscause de la mère du futur le retour qu’elle se réservoit. Leur in
tention au contraire étoit évidemment, à raison de la différence
des circonstances où chacun se trouvoit pour lors, que le retour
stipulé par le père de la future eût lieu généralement comme
retour ou réversion in rem h son patrimoine, en faveur de tous
ceux qui auroient intérêt à ce que son patrimoine fût conservé
dans son intégrité , mais que celui stipulé par la mère du futur
fût seulement personnel à elle et a u x siens.
X III. Princip es élém entaires sur la transmissibïlité de tou
tes stipulations conditionnelles, tant suivant le droit ro
main que suivant le Code N apoléon. L a présomption lé
gale de leur r é a lité ne peut être balancée que par des preu
ves écrites dans la clause même de leur p e r s o n n a l i t é .
Voilà ce que les premiers juges auroient vu dans les stipu
lations de retour dont il s’a g it, s i , au lieu de s’arrêter à de pré
tendues conjectures toutes insignifiantes qu’ils ont entassées
sans mesure, comme s a n s discernement, dans leurs motifs, ils,
�('37 )
avoient considéré , ainsi qu’ils le devoient, que la stipulation
de retour dont il s’agit est une de celles dont le vrai sens, dé
terminé par la loi même , n’a jamais été abandonné à l’interpré
tation arbitraire des juges, et qu’au surplus, comme ils en con
viennent eux-mêmes dans leurs motifs, toute stipulation de re
tour est, de droit, transmissible aux ayants-cause du stipulant,
lorsque celui-ci ne l’a pas limité à sa personne.
A la vérité , ils supposent en même temps que cette limita
tion est de droit, et qu’elle doit se suppléer lorsqu’il n’a rien été
dit de contraire; mais ils ignorent donc, ou feignent d’ignorer,
que tout au contraire les lois, tant anciennes que nouvelles,
ont érigé en présomption légale, à laquelle on ne pourroit op
poser aucune autre espèce de présomption ou conjecture, celle
résultante de ce que le stipulant n’a pas exclus, en termes ex
près, du bénéfice de sa stipulation conditionnelle, et de celle de
retour en particulier, ses héritiers ou ayants-cause.
? Cependant ils ne pouvoient méconnoitre cet adage si sou
vent rappelé dans les livres élémentaires, tels en particulier que
les Institutos, et aujourd’hui consacré en tant que de besoin par
le Code Napoléon, que le bénéfice des stipulations condition_nelles se transmet nécessairement.aux ayants-cause du stipulant
décédé avant l’événement de la condition : E x stipulalione
conditionali tetntum spes est dcbitum i r i , eanxquê ipsani
spem in hœredem transniittimus, sipriusquàm conditio e x
tet mors nobis contingat. Inst., p. 4, D e verb. oblig. Ciun
quis sub coiulitione stipulatus f u e r it , licet cuite conditionem decesserit, postea existente conditione hceres ejus
agerepotest. Inst. , p. a 5., D e inutil, stipul.
Ils auroient du savoir au moins que , suivant l’article 117Q.
du Code Napoléon , la condition accomplie a un effet ré-
�( 38 )
^
t.ro a c tif au jo u r auquel 1engagement a étécon tra cté, et que}
s i le créancier est mort avant Iaccom plissem ent de la con
dition y ses droits passent à son héritier. Qu'ainsi, comme
le décide l ’article i i a a dudit Code, on est ce n s é avoir stipulé
pour.ses héritiers et ayants-cause , à moins que le contraire
ne soit e x p r i m é , o u j n e r é s u l t e d e l a n a t u r e m ê m e d e l a
c o n v e n t i o n (comme, par exemple, parcequ’il s’agiroit d’un
droit d’usufruit ou d’usage, ou de tout autre droit personnel au
stipulant, mais non pas bien certainement, comme l’insinuent
les premiers juges, parceque quelques circonstances pourroient
donner lieu de le faire soupçonner.) Enfin, ils auroient dû con
clure de là que l’ayant-cause du stipulant, quel qu’il s o it, et en
quelque temps que la condition arrive, n’a point à prouver que
son auteur a voulu stipuler pour ceux qui le représenteroient
lors de l’arrivée de la condition -, qu’en un mot c’est à celui qui
je prétend exclus par la stipulation, à le prouver, c’est-à-dire,
suivant l’article 1 1 1% dudit C ode, à prouver que cette exclusion
est écrite dans la stipulation même. Quamvis verum est quod
qui excipitprobare debet quod excip itu r, attamen de ipso
d u n ta xa t, a tn o n d e hœrede ejus convertisse, p e tito r , non
qui e x c ip it , probare debet. Leg. 9 , ft'. D e prob. et prœs.
Q u’en e f f e t , il y a en ce cas présomption vraiment légale ,
ju r is et de ju r e , que la stipulation est in rem , et non pas
limitée à la personne du stipulant, comme le soussigné l’a déjà
d é m o n t r é dans sa Consultation précédente, délibérée le 27 juin
1806 , et comme il l’avoit démontré avec bien plus de déve
loppement encore dans son Précis (ci-joint), imprimé en 17G7,
pour les sieurs Lliéritier , Fourcroi et consors , contre le mar
quis de Mesme , et sur lequel est intervenu l’arrêt solennel du
17 lévrier même année : or une présomption de cette espèce ,
�^
( 3cj )
contre laquelle on ne doit admettre aucune présomption con
traire, ne pourrait être balancée ou détruite que par des
preuves positives et bien formelles, evidentissimis et in scriptis habitis , comme le dit la loi a 5 , p. 4 > in f in e , ff. D e
pvob. et prœs.
Il faudrait donc démontrer par écrit, c’est-à-dire, comme le
porte ledit article 112 2 , par les expressions mêmes de la stipu
lation, que celui qui a stipulé sous condition (quoiqu’il n’ait
pas parlé de ses ayants-cause ) a cependant témoigné vouloir les
exclure, ayant par exemple déclaré expressément ne vouloir
stipuler que pour le cas où il survivrait à l’événement de la con
dition.
Autrement, et a défaut de preuve écrite de cette espèce , il
sera toujours censé, comme Te dit V iunius, a d rem fam iliarem respexisse , c’est-à-dire avoir voulu acquérir, ou con
server, ou reprendre, et avoir en pleine propriété ( le cas de la
condition arrivant, en quelque temps que ce fût) , ce qui fait
l’ objet de sa stipulation conditionnelle, le tout a l’effet de'pou
voir disposer librement par actes entre-vifs ou à cause de mort
du droit éventuel qui en résulte, comme de tous ses autres
droits, soit ouverts, soit seulement éventuels : or tel est le cas
où s’est trouvé le.sieur Delsol père , qui, en stipulant un droit
de retour auquel sa fille ne pourrait déroger par aucunes dispo
sitions (quoique les enfants de sa fille le pussent) n’a exclus
aucun de ses ayants-cause du bénéfice de sa stipulation.
�( 4o )
X IV . Preuves par le testament du sieur D e lso i, et par les
consultations qu’il avoit p rises d'avance sur ce point, qu’il
étoit bien convaincude la r é a l i t é de sa stipulation.
Aussi voit-on que le sieur D elsol, toujours bien convaincu de
la réalité de son droit en a disposé par testament peu de_ jours
avant sa m ort, comme d’un droit vraiment reelTra rem , quoi
que ce droit purement eventuel ne dût s’ouvrir, suivant toutes
les apparences, qu’après sa mort et même bien long - temps
après.
Effectivement par ce testam ent, après avoir institué son fils
aîné et successivement ses autres enfants, par ordre de primogéniture, ses héritiers universels, il avoit déclaré -vouloir e x
pressém ent que, dans le cas ou la dame Jeanne-M arie D elsol,
épouse du sieur de V i g i e r , viendroit à décéder sans en
fa n ts ou descendants , son héritier recueille et profite du
droit de réversion , par lu i stipulé dans le contrat de ma
riage de sa f ille avec ledit sieur de V ig ie r , etc. E t si ses
dispositions à cet égard n’ont pu recevoir aucune exécution, c’est
uniquement pareeque le testament a été déclaré nul pour vice
de forme. Comment en effet auroit-il pu douter un instant de
son d ro it, lui qui savoit bien n’avoir pas limité sa stipulation
au cas de sa survie , et qu’il ne s’agissoit pas d’un droit d’usu
fruit ou d’usage, ni d’aucun autre droit personnel de sa nature ?
Il avoit bien présumé cependant que sa fille , en cas qu’elle
lui survécût, prétendrait le retour éteint par le seul fait de sa
survie, et qu’alors elle s’opposerait à l’exécution de toute espèce
de disposition qu’il aurait cru devoir en fairè, pour le cas où. il
s’ouvriroit en quelque temps que ce fut.
Eu conséquence il avoit pris dès l’année 1 7 7 1 , neufans avant
�'
( 4 0
sa mort, (un mois avant son second mariage) la précaution de con
sulter M. Chabrol, jurisconsulte de Riom, regarde pourlors à bien
juste titre comme l’oracle de la province*, et ce jurisconsulte, quoi
qu’il ne connût pas encore l’arrêt de 1767 quia fait cesser tous les
doutes sur ce point, avoit répondu par sa consultation du a/j. sep
tembre 17 71 ( conformément à laTdecîsîôn'IIeTIenrys sur sem
blable espèce) que M. Delsol ayant stipulé le retour, en cas de
décès, non seulement de sa fille, mais des enfants de sa fille sans
descendants (comme il n’étoit pas vraisemblable qu’il eût entendu
survivre aux enfants de sa fille et à leurs descendants, et qu’il eût
étendu si loin sa pensee; comme d’ailleurs il est de principe que
les stipulations son cemeèTTaTtës7tant pour les stipulants que
pour leurs héritiers ou ayants-causc), il devoit être supposé
avoir éntendu que cette réserve et convention slFt^iJdrdïérit
bien loin , et pouvaient durer encore après lui.
,
Il en a été de même de MM. A u d râ ^ e jeune , u jjytteeet
Ducrochet, jurisconsultes distingués de Riom , qu’il a encore
consultés les 1 5 décembre 1*778 et 2 janvier 1779, plus d’un an
avant sa m ort, et q u i, en lui faisant la même réponse, l’ont '
appuyée de nouvelles autorités notamment de celle de l’arrêt
solennel de 1767 , qu’ils présentent comme ayant levé tous les
doutes sur ce poin t, s’il pouvoit y en avoir encore.
X V . E n vain voudroit-on assim iler la stipulation du retour.
in rem a unJidéicom m is.
Mais, disent encore les premiers juges (dans le septieme at
tendu de leur première question), la clause par. laquelle le
sieur D e lso l a voulu fa ire rentrer dans sa fa m ille, après son
décès et celu i de sa f i l l e , les biens réservés ou institués, ne
(>
«
>
�.
.
(4 °
.
pourvoit être envisagée que comme une cliarge de fid éico m i
m is, comme une véritable substitution dont il aurait voulu
grever sa f ille , et laquelle seroit abrogée par lés lois du
i 4 novembre 1792. Ainsi ils supposent que le retour dont il
s’agit seroit un retour à la fa m ille du sieur Delsol en particu
lier , à l’exclusion de tous ses autres ayants-cause, tandis que
dans le fait c’est un retour indéfini et illimité à son patrimoine,
et par conséquent à ses ayants-cause, quels qu’ils puissent être,
c’est-k-dire un retour k lui-même, dans la personne de ceux qui
à son défaut le représenteront pour les choses sujettes à ce droit,
lors de son ouverture. O r , certainement on ne pourra jamais
concevoir que le retour a son patrimoine, ou à soi-même, soit
une véritable substitution fidéicommissaire. Il faudroit au moins,
pour constituer une telle substitution, que ce retour eût été
stipulé en faveur de tiers, autres que les représentants néces
saires du stipulant, pour venir en second ordre après celui qu’il
a gratifié directement; ou si l’on veut encore, au profit du
moins d’une classe particulière et déterminée de ses représen
tants et ayants-cause , à l’exclusion de toutes les autres classes ,
comme j par exemple , au profit des siens seulement.
Il ne peut pas en être de même du retour indéfini stipulé par
une clause générale, sans aucune espèce de limitation, tel que
celui stipulé par le sieur Delsol père, à raison des circonstances
• particulières où il se trouvoit, comme on l’a vu ci-dessus ; en
effet, il y a cette différence entre le retour conventionnel et la
substitution fidéicommissaire, que le retour général et indéfini,
apposé pour tel cas, à une convention quelconque, même à
celle de succéder , la résout, et fait rentrer , le cas arrivant,
tous les biens dont il avoit été disposé sous cette condition, par
donation ou institution , dans le patrimoine du stipulant, pour
/
�(43)
les remettre entre ses m ains, ou à son défaut dans celles de ses
représentants, qui ne sont à cet égard et pour ce qui concerne
cet objet que la continuation de sa personne. Aussi voit-on que
la loi du 17 nivose an 2 (quoique les substitutions fidéicommissaires fussent alors abrogées) a conservé les retours convention
nels dans leur intégrité, et qu’en conséquence la Cour de cas
sation, par son arrêt du 11 frimaire an 14 (dont le soussigné a
rendu compte dans sa Consultation de 1806) , a maintenu un
droit de retour indéfini et illimité, comme n’ayant rien de com
mun avec la substitution fidéicommîssaire, quoique son ouver
ture n’eût eu lieu que plus d’un siècle après le décès du donateur
qui l’avoit stipulé.
X V I. D e V exposé ci-dessus résulte la solution des trois
questions posées p a r les prem iers ju g es.
De tout ce qui vient d’être exposé résulte incontestablement
la solution de la seconde des trois questions posées par les pre
miers juges , qui étoit de savoir si la réserve de retour stipu
lée par le sieur D e ls o l père étoit lim itée à sa person n e, et
pouvait être transmise à ses héritiers: or cette question est la
seule qu’ils aient jugée , et par conséquent la seule qui soit k
juger sur l’appel; mais il en résuite encore,, en tant que de besoin,
la solution des deux autres questions qu’ils ont pareillement posées (quoiqu’ils n’aient pas pris sur eux de les juger, s’étant
contenté à cet égard d’émettre leur opinion). En effet la pre
mière de ccs deux questions étoit de savoir quels biens ont été
et pouvoient être compris dans la clause par laquelle le sieur
Delsol s est réservé le retour, et l’autre de savoir si, dans le
cas de transmissibilité , ce droit de retour ne seroit pas confon-
�( 44 ) '
...
du dans la personne de la dame d’Orcet avec sa qualité d’hen
tière contractuelle de son père : or on a vu ci-dessus, d’une part,
que la stipulation de retour par le sieur Delsol père comprenoit
en termes exprès les biens par lui donnés à sa fille, et en outre
la totalité des biens non donnés qu’il laisseroit au jour de son
décès; et d’autre part, que le retour ne devant s’ouvrir que par
le fait du décès de la dame d’Orcet sans enfants (c’est-à-dire lors
de la révocation de son institution contractuelle), il étoit im
possible que ce droit de retour, en quelque temps qu’il s’ouv r it , se confondit un seul instant dans sa personne avec sa qua
lité d’héritière contractuelle de son père ; et l’on a vu de plus
que la dame d’O rcet, qui n’a pas d’enfants, étant actuellement
hors d’àge d’en avoir, le droit de retour dont elle est grevée ne
peut manquer de s’ouvrir un jour au profit de ceux qui se sont
trouvés être héritiers ab intestat du sieur Delsol père décédé
sans avoir testé valablem ent, c’est-à-dire au profit de la dame
d’Orcet elle-même pour sa part héréditaire, et pour le surplus
au profit des sieurs Delsol, ses frères j le tout attendu que l'é
vénement de la condition apposée au retour (comme toute es
pèce de condition apposée à une stipulation), a un effet rétroac
tif au jour même de la stipulation, comme on l’a vu ci-devant:
or il résulte de là, en dernière analyse, que les sieurs Delsol frères
ont été bien fondés à exercer les actes conservatoires de leur
droit, quoique ce droit ne soit qu’éventuel; et ils doivent croire
que c’est aussi ce qui sera jugé sur leur appel par les magistrats
supérieurs qui en sont saisis.
Délibéré à Paris par le soussigné ancien avocat, ce 24
mars 1809.
LESPARAT.
�L e
C O N S E IL S O U S S IG N É , qui a pris leclure des deux
consultations délibérées et rédigées par M. Lesparat, les 27 juin
1806 et 24 mars 1809, ensemble du jugement rendu en pre
mière instance par le tribunal d’Àurillac, entre madame d’Orcet
et MM. Delsol, le 22 juillet 18085 vu d’ailleurs le précis imprimé
sur lequel est intervenu l’arrêt solennel du 17 février 1767,
adopte entièrement tous les principes déduits dans les deux con
sultations précitées, où la doctrine sur les clauses de retour est
établie avec un jugement exquis et une cia* té parfaite. Il s’ho
nore
sur-tout de professer, avec le respectable jurisconsulte qui
en est l’auteur, l’opinion que l’article g 5 i du Code Napoléon,
quelles qu’aient été les intentions de ses illustres rédacteurs (ce
qui est fort inutile à approfondir), n’a nulle influence sur une
question qui procède d’une.convention faite ayant le Code; et à
ce sujet il croit devoir observer que si (par application de ce
principe sur l’impossibilité de donner effet rétroactif aux lois )
on croit devoir contester à l’article 1179 du Code Napoléon
(quoique confirmatif d’un droit antérieur) toute influence sur
la question de présomption légale pour la réalité du retour, celte
présomption légale se retrouve, quant à l’espèce, dans le droit
romain, qui, lors des conventions, étoil la loi coërcitive des
parties domiciliées en pays de droit écrit. Le Conseil pense donc
�<( 44 ter )
que le jugement du tribunal de première instance sera réformé
sans coup férir par la cour d’appel, et que la stipulation de re
tour sera réinvestie de tous les effets que lui a assignés la volonté
des parties.
Délibéré a Paris, ce 17 m a r i 809.
‘
BELLART,
B O N N E T, D E L V IN C O U R T , LA C A LPR A D E .
�IN a p o l e o n ,
PAR LA GRACE DE
DlEU
ET LES CONSTITUTIONS DE l ’E m -
f i r e , E m p e r e u r d e s ' F r a n ç a i s , R o i d ’I t a l i e , e t P r o t e c t e u r d e l a
, à tous présents et à venir, S a l u t :
Le T r i b u n a l civil de première instance établi à Aurillac, chef-lien ■
de préfecture du département du Cantal, a rendu le jugement suivant :
Entre dame Jeanne-Murie Delsol, veuve de sieur Gabriel-Barthélerny
V i gier-d’O rcet, habitant de la ville de Mauriac, demanderesse en exé
cution de jugement du six aoûl dernier, et défenderesse en opposition,
comparante par Me. Labro, son avoué, d’une part;
Sieur Pierrc-François Delsol, propriétaire, habitant de la ville d’AuC o n f é d é r a t io n du R h in
rillac, défendeur et opposant, comparant par M '.R am pon, son avoué,
d’autre part;
Sieur Gabriel-Barthélemy Delsol, proprie'taire, habitant de la ville
de Paris, aussi défendeur et opposant, comparant par Me. Bonnefons,
s o n avoué, d’autre part;
En présence de sieur Antoine Desprats, propriétaire, habitant dudit
Aurillac, aussi défendeur, comparant par Me.Manhes, son avoué, d’autre
part :
Ouï le rapport de l’instance d’entre les parties, fait publiquement à
l’audience par M. Delzons, président, membre de la Légion d Honneur,
en exécution du jugement du dix-neuf février dernier, à l’audience du
vingt-un juillet, et après qu’il en a été délibéré à la chambre du conseil,
en exécution du jugement d'hier vingt-un juillet; vu le procès, les con
clusions desdits sieurs Pierre-François et Gabriel-Barthélemy Delsol,
tendant à être reçus opposans au jugement rendu par défaut faute de
' plaider, le six août dernier, que faisant droit sur leur opposition, ledit
jugement fût déclaré nul et de nul effet, au principal la dame dO rcet
iut déclarée purement et simplement non reccvable dans sa demande, ou
en tous cas déboutée, sous^Ia réserve que font les sieurs Delsol, d exer
cer contre tous détenteurs des biens soumis au droit de retour les droits
et actions résullans de leurs qualités de transmissionnaires, ainsi qu’üa
�( 46 )
'
aviseront, et que la dame d’Orcet soit condamnée aux dépens ; vu les
conclusions de la dame d’O rcet, tendantes à ce que les sieurs Delsol fus
sent déboutés de l’opposition par eux formée par leur requête du vingt- ^
trois août dernier au jugement du six du même mois, qu’il fût ordonné
en conséquence que le susdit jugement seroit exécuté suivant sa forme
et teneur, et que lesdits sieurs Delsol fussent condamnés aux dépens ;
vu aussi les conclusions du sieur Desprats, tendantes à ce qu’il fût donné
acte des offres qu’il avoit toujours faites de payer le prix de son acquisi
tion, en , par la dame d’Orcet, lui donnant bonne et suffisante caution,
ou en faisant juger la validité de son paiement vis-à-vis des sieurs Delsol
ses frères ; en conséquence, et dans le cas où elle parviendroit à faire ju
ger par jugement en dernier ressort, que le droit de retour dont s’agit
e s t irrévocablement éteint, que lesdits sieurs Delsol fussent condamnés
aux dépens de la contestation, même vis-à-vis de lui Desprats; et au cas
contraire où le tribunal décideroit que le droit de retour peut s’ouvrir
encore en faveur des sieurs Delsol, en ce cas, que la dame d’Orcet fût
déclarée non recevable dans sa demande en paiement du prix du pré
de Cancour, qu’elle fût condamnée à restituer les six cents francs par
elle reçus, avec les intérêts légitimement dus, et en outre en six mille
francs de dommages-intérêts résultans de l’éviction, et en tous les dé
pens.
Dans le fait, en l’année i j 4° > 1° sieur Basile Delsol, procureur au
bailliage d’ A.uriüac, épousa la demoiselle Thomas; de ce mariage il
n’issut qu’une tille qui se maria avec le sieur de Vigier-d’Orcet -, dans leur
contrat de mariage, du deux juin 17G0, le sieur Delsol donna par dona
tion entre-vifs pure et simple, à la demoiselle Delsol, sa fille, par avan
cement d’hoirie, le domaine, terre et seigneurie du Claux, en quoi que
ladite terre'ct domaine du Claux puissent être et consister, aux mêmes
clauses, charges et conditions que le délaissement lui en sera fait, confor
mément à la demande qu’il en a formée aux requêtes du palais, et au
cas où ladite demande en délaissement desdits biens 11e lui seroit pas ad
jugée, ledit Delsol, pour dédommager sa fille dudit domaine et terre du
�( 47 )
Claux, lui donna et délaissa toutes les créances qui lui étaient dues par
lesdits biens en capital et accessoires; le sieur Delsol donna aussi par
même donation entre-vifs à ladite demoiselle Delsol sa fille la somme
de dix mille livres, qu’il paya comptant ; et à l’égard du surplus de ses
autres biens qui se trouveroient rester audit sieur Delsol lors de son dé
cès, il promit de n’instituer d’autre héritière que la demoiselle Delsol,
sa fille, sous la réserve de l’usufruit de tous les biens institués, et de pou
voir vendre et engagèr lesdits biens ainsi qu’il jugera à propos, tant en
la vie qu’à la m ort, et encore de disposer d’une somme de dix mille liv .,
et n’en disposant pas, la réserve tournera au profit de sadite fille; et au
cas où ladite demoiselle future épouse viendroit à décéder sans enfants,
ou ses enfants sans descendants, ou sans disposer valablement, ledit sieur
Delsol se réserva expressément le droit de réversion et retour, tant des
biens donnés que réservés, sans qu’il pût être dérogé par sa fille future
épouse audit droit de réversion par aucune disposition ni autres actes
à ce contraires. P ar le même contint, le sieur de Vigier oncle, pour et
au nom de la dame Moissier, usant du pouvoir donné à ladite dame par
le sieur de V ig ier, son mari, dans son contrat de mariage du onze
février 1722, nomma ledit sieur de Yigier futur c'poux, pour recueillir
l’efFet de ladonation de la moitié de tous ses biens par eux faite au profit
de celui de leurs enfans à naître qui seroit choisi par eux ou par le sur
vivant d’eux; et en vertu du pouvoir spécial porté en ladite procuration,
il donna à titre de donation entre-vifs audit sieur de Y igier, futur
époux, tout le surplus des biens, meubles et immeubles, présents et à
venir de ladite dame, et réserva à ladite dame Vigier la liberté de dispo
ser par acte entre-vifs ou à cause de mort d’ une somme de dix mille
livres à prendre sur les biens par elle donnés; se réserva pareillement,
ladite dame Yigier, (et pour elle ledit sieur procureur constitué), le retour
et réversion à elle et aux siens des biens par elle donnés audit sieur futur
époux, dans le cas où il viendroit à décéder sans enfants, ou ses enfants
sans descendants, ou sans avoir valablem ent dispose.
Ce ne fut que
plus de onze ans après le mariage <le sa fille que, le vingt octobre 1771,
le sieur Delsol en contracta un second avec la demoiselle Dubois. Dans
�( 48 )
ce secoud contrat de m ariage, les époux donnent la moitié de leurs biens à un des enfants à naître qui seroit choisi par eux ou par le survi
vant.— Le 11 juillet 1780, le sieur Delsol fit un testamentpar lequel,après
avoir légué mille livres à la dame d’Orcet, et soixante mille livres à cha
cun de ses trois enfants, il institua pour son héritier universel son fils
aîné du second lit, et, a son défaut, ses autres enfants par ordre dé primogéniture, voulant expressément que dans le cas où la dame d’Orcet
viendroit à mourir sans enfants, ouses enfants sans descendants, sonliéritier profitât du droit de retour par lui stipulé dans le contrat de mariage
de sa fille. — Ce testament fut déclaré nul pour vice de forme par sen
tence du bailliage d’Aurillac du vingt-neuf août 1782, laquelle ordonna
le partage de la succession du sieur Delsol, pour en être délaissé aux
enfants du second lit trois douzièmes pour leur,légitime de droit, et les
neuf autres douzièmes à la dame d’Orcet, en vertu de l’institution con
tractuelle. Ce partage fut ainsi exécuté. — Devenus majeurs, les sieurs
Delsol frères, tant eu leur nom que comme cohéritiers de Sophie, leur
sœur morte ab intestat, ont passé avec la dame d’O rcel, les dix ventôse
et vingt-trois germinal an neuf, deux actes séparés par lesquels les sieurs
Delsol, en approuvant le partage des immeubles de leur père, cédoient
à la dame d’Orcet le huitième revenant à chacun d’eux dans l’argent
comptant, le prix du mobilier, les créances perçues, et lçur part dans la
somme de dix mille livres portée par le contrat de mariage du deux juin
17G0, en quoi que le tout puisse êlre cl consister, sans autres réserves
que celles ci-après : (la dame d’Orcet demeure chargée des dettes de la
succession; au moyen de ce, les parties se tiennent respectivement quilles
du pas se jusqu ahuy, et promettent ne plus se rien demander l’une à
l’antre.)— Parmi les biens restés ¿1 la dame d’Orcel étoil une partie de
la montagne appelée de Broussette ; elle l’a vendue au sieur Delsol aîné,
par acle du vingt-huit fructidor an d ix, moyennant douze mille livres,
dont il a payé huit mille livres, et la dame d’Orcet l’a tcuu quitte des
quatre mille livres restantes, au moyen de ce qu’il a renoncé au quart
des créances à recouvrer. — Le sieur Delsol n’a vu aucun danger dans
cotte acquisition. — Le quinze avril 1806, la dame d’Orcet vendit au
�( 49 )
sieur Desprats un pré appelé de Cancour, lequel fait partie des biens
du sieu r Delsol. — Peu après a paru l'arrêt de la cour de cassation, du
onze frimaire an quatorze, qui a validé un droit de retour convention
nel et coutumier, auquel on \ouloit appliquer la loi suppressive .des
substitutions. Alors le sieur Desprats, craignant à tort d'être un jour
évincé de’ son acquisition, refusa d’en payer le prix; sur le commande
ment qui lui a été fait le onze juillet, il a répondu que le droit de retour
étant une stipulation conditionnelle qui passe aux héritiers, il avoit
juste sujet d’appréhender d’être troublé dans la propriété du pré de
Cancour, et de demander par conséquent à résoudre la vente, ou à re
tenir le prix, ou à payer sous caution. Ce refus obligea la dame d’Orcet
à se pourvoir en justice, et à demander contre le sieur Desprats la con
tinuation de ses poursuites, et contre les sieurs Delsol la nullité de la
clause. Cités au bureau de paix, l’aîné a répondu qu’il ne connoissoit
pas le contrat de mariage de sa sœ ur, qu’il ignoroit si son père avoit
stipulé un droit de retour, qu’en le supposant ainsi, il n’auroit qu’une
espérance. On a pre'tendu pour le cadet qu’il avoit changé son domi
cile à Paris, et sous ce prétexte on a éludé la clôture du procès-verbal
jusqu’au onze août. Assignés au tribun al, chacun d’eux a constitué
avoué, et après avoir tergiversé pendant plus de huit mois, ils ont de
mandé par des exceptions séparées à être mis hors de cause, s’agissant,
disoient-ils, d’un droit non ouvert. Dans cet état, la cause porlée à l’au
dience du cinq juin 1807, ^ intervint un jugement par défaut qui or
donna qu’ils défèndroient au fond. Ils ont fait signifier des défenses le
deux juillet, en protestant de se- pourvoir contre le jugement du cinq
juin. Quoiqu’ils eussent donné leurs moyens par écrit, les sieurs Delsol
n’ont pas voulu les plaider à l’audience. L e six août un second jugement
par défaut a déclaré nulle la clause du droit de retour, et a ordonné la
continuation des poursuites contre le sieur Desprats. Les sieurs Delsol
ont formé opposition à ce jugement, et ce n’est que le dix-neuf février
1808 qu’ils se sont enfin présentés à l’audience, où, sur plaidoiries res
pectives pendant quatre audiences, il a été ordonné une instruction par
écrit au rapport de M. Delzons., président.
n
�( 5o )
Dans le droit, la cause présente à ju ger,
i° Quels biens ont été, et pouvoient être compris dans la clause de re
tour réservée par le sieur Bazile Delsol dans le contrat de mariage de
la dame d’Orcet sa fille;
2° Si cette réserve étoit limitée à la personne du sieur Delsol, ou pouvoit êlre transmise à ses héritiers;
3 ° Si dans le cas de la transmissibilité, ce droit de retour ne se seroit
pas confondu dans la personne delà dame d’Orcet avec sa qualité d’héri
tière contractuelle de son père.
~
Sur la première question, attendu,
i° Q u e, conformément au Code civil, dans l’interprétation des con
ventions , on doit plutôt rechercher quelle a été la commune intention
des parties contractantes, que s’arrêter au sens littéral des termes j
que les termes susceptibles de deux sens doivent être pris dans celui qui
convient le plus à la matière du contrat ; que toutes les clauses des
conventions s’interprètent les unes par les autres, en donnant à cha
cune le sons qui résulte de l’acte entier; que, dans le doute, les con
ventions s*interprètent contre celui qui a stipulé, ou qui pouvoit faire
la loi ;
2° Que l’objet du droit de retour conventionnel est de faire rentrer
dans les cas prévus, dans le domaine du donateur, les choses par lui
données; que dès-lors, on ne peut le supposer ou l’admettre que dans
les conventions et cas où un donateur s’est dépouillé de sa propriété.
et peut ensuite la reprendre ;
• 3 ° Que le sieur Delsol ayant fait une donation entre-vifs à sa fille, et
l’ayant, par le mem^ o n tratv instituée son héritière universelle, il seroit
contradictoire et comrb la nMure d’une institution que la réserVe de re
tour par lui stipulée en même temps, s’appliquât, a u x biens quifaisoient
l’objet de cette institution, dont la propriété et toute disposition à titre
onéreux ne laissoient pas de rester en son p o uvoir, et dont il ne se dépouilloit pas ; qu’il seroit dès-lors ridicule de supposer qu’il songeoit à
faire rentrer dans scs mains cc qui n’en oorloit pas, cl ne pouvoit pas
en sortir'cie son vivan t;"
‘
!
"
’
�( 5 i )
i: 4 0lQ ue sens c^e t’actc entier , et l’intention' Lien connue des parties
étoit d’assurer , dès l’instant/à la dame d’Q rcct, à titre de donataire, et
tant en nue propriété' qu’ usufruit, une partie de la fortune de son père ,
et le surplus aprèsfsa m ort, sans cfue»la donataire pût cependant dispo
ser de rien, au préjudice de son père, clans les cas prévus par la clause
de rçUmr ; .
>
i
5 ° Qu’il s’ensuit» dès-lors que, quoiqu’on lise dans cette clause que le
sieur Delsol se réserve le droit de réversion et retou r, lailt des biens
donnés,que réservés, les principes ci-*dessus énoncés permettent d’au
tant moins de supposer que, par les mots de biens réservés, les parties
-avoient entendu les biens de l’institution, que peu de lignes aupàravant
elles les avoient désignés sous le nom de biens institués ; qu’il est plus
naturel do croire que les-mots biens r é s e r v é s ont échappé à l’inadver
tance du rédacteur; d’autant plus que toute la contexture de la partie
t du contrat de mariage, qui concerne les dispositions du sieur Delsol,
prouve que ce rédacteur avoit les notions les plus obscures sur la nature
et les effets des institutions contractuelles ;
6° Qu’il se peut encore (car toute conjecture est admissiblè dans l’in
terprétation d’une clause aussi extraordinaire) que, par retour des biens
• réservés ou institués, on ait voulu entendre la caducité de l’institution
en cas de prédécès de l’héritière instituée et de ses*enfants ;
70 Que s’il falloit donner quelque sens, quelques effets à la clause de
retour des biens réservés, y reconnoitre les biens de l'institution, et
supposer que le sieur Delsol vouloit les faire rentrer dans sa famille
après son décès et celui de sa fille ; cette clause contrariant évidem
ment la nature et les principes du droit de retour > ne'pouvoit être en
visagée que comme une charge de fidéicommis, comme une véritable
substitution dont il auroit voulu grever sa fille, et laquelle seroit abrogée
par les lois du quatorze novembre 1.792.
Sur la seconde question, attendu ,
• J'
■
■: ‘ ‘ 1
l ° Que quoique la majorité des auteurs, et plusieurs même très
estimables, aient lenu quVn général l'effet de la stipulation de retour
conventionnel, eu faveur du donateur, sans qu’il fût fait mention de se*
�...
( r' 2 )
.
.
héritiers, étoit transmissible à son héritier comme toute autre stipulation,
même conditionnelle, apposée dans les contrats ; quoiqu’il se trouve
même deux arrêts qui l’avoient ainsi jugé, tous s’accordent cependant à
dire, et la saine raison suffît pour prouver, que cette transmissibilité ne
peut avoir lieu lorsque la stipulation de retour a été limitee à la per
sonne du donateur ;
2o Que , dans l'espèce actuelle, cette limitation à la personne du sieur
Delsol rés'ulte évidemment, soit de la circonstance que la
V ig ie r^ mère du futur époux, lui faisant donation de tous biens, s’en
réserva le retour pour elle et le s s i e n s , tandis que le sieur Delsol ne le
re’serva que pour lui ; que cette différence remarquable dans les deux
clauses insérées dans le même a cte, d’ailleurs parfaitement semblables,
annonce clairement que les parties vouloient, quant à ce , leur donner
une étendue différente ;
3 ° Que celte différence dans la stipulation s’explique encore par la
.
circonstance importante que la dame de Vigier avoit plusieurs enfants,
pour lesquels sa sollicitude maternelle l’engageoit à conserver ses biens,
au lieu que le sieur Delsol n’avoit qu’une fille unique , et aucun proche
parent ;
/¡° Que la prohibition si entière, si absolue de disposer, que le sieur
Delsol imposoità sa fille, prouve encore qu’il ne stipuloit que pour lu i}
n’étant pas présumable qu’il mît sa fille dans un tel état d’interdiction
e n f a v e u r d e p a r e n t s é lo i g n é s , a v e c l e s q u e ls i l n ’a v o i t a u c u n e s r e la
ti o n s , q u e le s p a r t ie s m ê m e n e c o n n a i s s a ie n t p a s , a in s i q u e l a d a m e
d ’O r c e t l’a p l u s i e u r s j Ois d i t e t é c r i t , s a n s q u e le f a i t a i t é t é d é s a
voué ;
.
.
5 ° Que celte limitation résulte sur-tout de la circonstance que le sieur
Delsol, après avoir fait à sa fille une donation entre-vifs , l’instiluànt en
même temps son héritière universelle, il seroit absurde de supposer
qu’il eût fait et voulu faire contre cette heriliere une reserve qui ne devoit et ne pouvoit profiter qu’à elle-même , puisqu’en admettant le sys
tème de transmissibilité du droit de retou r, cette transmission n’auroit
pu avoir lieu qu’en faveur de celte même héritière.
)
�C 53 )
Sur la troisième question , attendu ,
i» Comme il vient d’être d it, que l’action résultante d’une réserve
de retour, même indéGnie, ne pouvoit profiter qu’aux héritiers comme
faisant partie des actions héréditaires ;
.
20 Q ue, dans l’espèce, la dame Dorcet, étant seule héritière univer
selle, forme un véritable héritier qui ne diffère que de nom de l’héritier
testamentaire, quant à l’universalité du titre; que cette institution met
l’institué à la place des héritiers du sang, et le cas avenant, le saisit de
tous les droits de l’hérédité ;
3 ° Que les autres enfants même de l’instituant, suivant les principes
univèrsellement reçus lors du décès du sieur Delsol, perdoient par FefFet
de cette institution la qualité d’héritiers et ne conscrvoient qu’uu simple
droit à une portion des biens à titre de légitime ;
4 ° Que dès-lors la réserve de retour transmissible, quoique dirigée
contre un héritier institué, (s’il étoit possible de la présum er), se seroit
confondue avec l'effet de l’institution par le concours de deux qualités
de donataire grevée de retour, et d’héritière seule appelée à en proGter.
L e T R IB U N A L déboute les sieurs Jean-François et Gabriel-Barthélemy Delsol de l’opposition par eux formée au jugement par défaut faute
do plaider, du six août 1807, ordonné que ce jugement sera exécuté
selon sa forme et teneur; en conséquence, déclare personnelle au sieur
Delsol père, et caduque par son prédécès, la stipulation de retour par
lui réservée dans le contrat de mariage de la dame d’Orcet sa fille, or
donne que les poursuites commencées contre le sieur Desprats seront
continuées, en cas de refus ultérieur de sa part dè payer les termes du
prix.de la vente du pré de Cancour à proportion de leur échéance,
ainsi que des intérêts, tous dépens compensés entre toutes les parties,attendu la proximité des sieurs Delsol et dAmc d’Orcet, que les premiers
n ont pas provoqué l’instance, cl attendu que le sieur Desprats a pu avoir
jusqu’à un certain point un juste sujet de crainte sur la validité de son
acquisition et la sûreté de ses fonds j et sera, le présent jugement comme
fondé en titre, exécuté vis-à-vis le sieur Desprats , nonobstant cl sans
�( 54)
préjudice de l’appel, à la charge néanmoins par la dame d’Orcet de don
ner, en cas d’appel, bonne et suffisante caution>à concurrence des ca
pitaux exigibles. Fait et jugé au tribunal civil de première instance,
établi à Aurillac, chef-lieu de préfecture du département du Cantal , le
vingt-deux juillet mil huit cent huit, séants, messieurs Delzons prési
dent, membre de,la légion d’honnqurjjDelzorts et L aval, juges. Man
dons et ordqrçnons à tous huissiers sur ce requis de mettre le présent
jugement à exécution, à nos procureurs près les tribunaux de première
instance d’y tenir la m ain, à tous commandants çt officiers de la force
publiquo de prêter main-forte lorsqu’ils en seront légalement requis. En
foi de quoi le présent jugement a été signé par le président et par le
greffier. Sign é à la m inute, monsieur D e lz o n s , président j et BrunoH ,
greffier. Pour copie conforme à l’expédition, sig n éL abro , avoué. ”
*V î * '• •>**«*»/' n
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�PRÉCIS
PREMIERE'
CAUSE
du rôle de
Paris
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PO U R le sieur René-Louis L IIÉ R IT IE R et consbrs, intimés ; (de 17670
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C O N T R E messire J o s e p h . marquis de M E S M E S .
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sieur Louis Lhéritier, par l e contrat de mariage de demoiselle MarieAlberline Racine, sa belle-nièce, avec le sieur marquis.de,Ravignan, du
18 mars 1 7 1 2 , a promis donner à la demoiselle, lors future épouse, la
somme de 3o,ooo liv ., qu’il lui a effectivement payée peu après; mais il a
été stipulé en même temps q u e l a d i t e s o m m e r e t o u r n e r o i t a u d i t s ie u r
L h é r i t i e r , d o n a t e u r , e n c a s d e d é c è s d e l a d e m o is e lle f u t u r e é p o u s e
s a n s e n f a n t s , e t e n c o r e e n c a s q u ’i l y e û t d e s e n f a n t s , e t q u ’ils v i n s
s e n t à d é c é d e r a v a n t d ’ê tr e p o u r v u s , o u a v a n t d ' a v o i r a tte in t l ’â g e
d e m a jo r i t é .
,
t
,
L a donataire n’avoit alors que vingt-trois ans et dem i, le donateur étoit
dans la soixantième année de son âge, et il avoit deux enfants mâles âgés
l’un de dix-sept ans et l’autre de treize (1). C’est donc évidemment pour
ses enfants et héritiers, encore plutôt que pour lui-même, qu’il stipuloit
cette réserve, dont il ne pouvoit pas se flatter de profiter personnelle
ment.
Quoi qu il en soit, le donateur est decede en i " 3o. Long-temps après,
et le 3o novembre 17C4, la demoiselle Racine, donataire, est décédée sans
avoir laissé d’enfants, ni de son premier mariage avec le sieur marquis de
Ravignan, ni de son second mariage avec le sieur comte de Darnpus.
En conséquence, les intimés, comme représentant le sieur Louis L hé( 1) Laine’ , conseiller au parlement, a s u r v é c u au donateur son père, dont il aliérilé. Il estaujourd hui représenté par les intimas, scs héritiers bénéficiaires, <jui sont en müne temps héritier»'
substitués du donateur leur oucle.
Delà trans
mission de*
stipulation!
Condition-
neiies , et
de celles du
retour tu
particulier
�( 5 6 )'
ritier, donateur, ont formé contre le sieur marquis de Musinés, dona
taire universel de la demoiselle Racine, veuve Dampus, et chargé à ce
titre de ses dettes antérieures au premier avril 1749» leur demande en
restitution des 5o,ooo liy. données par leur auteur, conformément à la ré
serve stipulée p arle contrat de 1712.
L a cause portée à l’audience du parc civil du Châtelet de Paris, il y est
intervenu le 29 juillet dernier, sur les plaidoiries respectives des parties
pendant cinq audiences, sentence par laquelle, attendu le décès de la
dem oiselle R a cin e, veuve D a m p u s, sans enfants j le marquis de
Mesmes, son donataire universel, est condamné à restituer aux intimés
les 3o,ooo liv. dont la réversion avoit été stipulée par leur auteur. C ’est
de celte sentence que le marquis de Mesmes est appelant. Il ne sera pas
difficile d’en établir le bien jugé.
A. cet effet, nous examinerons les principes généraux sur la transmis
sion de toutes stipulations conditionnelles ; les décisions des docteurs et
des lois sur la transmission .du retour conventionnel en particulier, et
l’état actuel d elà jurisprudence sur cette question.
P R E M I È R E
P A R T I E .
P rin cip es généraux sur la transmission de toutes stipula
tions conditionnelles.
\
.
Un seul mot suffît pour justifier la sentence dont est appel, c’est que
la condition sous laquelle le retour a été réservé, se trouve aujourd’hui
purifiée par le décès de la demoiselle Racine, donataire,«ans enfans.
Inutile d’opposer que le donateur est décédé avant l’événement de la
condition. Celte circonstance est des plus indifférentes, parccquc le re
tour a été stipule pour avoir lieu, non en cas de p réd é cè s, mais simple
ment en cas de décès de la donataire sans enfants : o r , cette condition se
trouve purifiée par 1 evenement.
Il est vrai que les héritiers du donateur n’ont pas été appelés nommé
ment à recucillii le profit du retour; mais les héritiers n’ont pas besoin
de la vocation de l’homme pour profiter des droits dont leur auteur est
�( *7 )
,
décédé saisi ; ils n’ont besoin que de celle de la loi qui les saisit de lous les
droits du défunt, qui les subroge à sa saisine en la continuant en leur per
sonne. En conséquence, il leur suffit que celui auquel ils succèdent ail été
vraiment saisi du droit qu’ils réclament, que ce droit ail fait partie de ses
biens. Or les actes entre-vifs, même conditionnels, saisissent Loujours à
l’instant même, sans attendre l'événement de la condition. Les actions qui
en résultent, quoique non encore ouvertes, sont in bonis du stipulant :
conlractus, ctsi condilionalis, tamen e x prevsenti vires accipit, dit
Vinnius. I n contractibus id tempus spectatur quo contrahim us, dit la
loi 78 , ff. de verb. oblig.
D e là , celte règle générale rebattue dans tous les livres élémentaires,
et notamment dans les Institutes, que les stipulations conditionnelles se
transmettent à l’héritier, quoique le stipulant soit décédé avant l’évèncment de la condition. E x s t i p u l a lio n e c o n d ilio n a li ta n tin n s p e s e s t d e b itu m i r i , e a m q u c i p s a tn s p e m in h œ r e d e m tr a n s m ittim u s s i p r ii/s
q u à m c o n d i t io e x s t e t , m o r s n o b is c o n t i n g a t , liv. 3 . t. iG. p. 4 - C ù m
q u is s u b a l i q u â c o n d itio n e s ti p u la tu s f u e r i t , p o s t e à e x is te n te c o n d i î i o n e , h œ r e s e ju s a g e r e p o t e s t , même liv. t. 20. p. i 5 .
En vain voudroit-on apporter quelqu’exceplion à cette règle; les lois
décident qu’on n’en doit admettre aucune : O E N E R A L I T E R s a n c im u s
O M N E M s t i p u l a t i o n e m s iv e in d a n d o , s iv e i n f a c i e n d o , s iv e m i x l a e x
d a n d o e t fa c ie n d o in v e n ia tu r , e t a d h œ re d e s e t c o n lr a h œ re d e s Ira n sm i t t i , S I V E SPECIALIS' H ÆREDUM F I A T MENTIO, SIVE NON:
jiv. i 3 . cod. d e c o n tr a h . e t c o m m . s tip u l.
En vain opposeroit-on que le stipulant qui n’a parlé que de lui-même,
qui n’a pas nommé ses héritiers, a entendu restreindre la stipulation à sa
personne ; la loi répond qiiela stipulation n’en est pas moins r é e l l e : p leriu n q u sen im , ul Pedius a it, persona p a clo Inseritur, non ut p ersonalc pactum f i a t , sed ut dem onslretur cum quo paclum faclum est,
liv. 7. p. Ulrum. 11’. de pactis.
P ou r tout dire en un inol, l’héritier n’a point à prouver que son auteur
a voulu stipuler pour lui. Il lui suilil qu’il n’y ait pas eu d’intenlion de
l’exclure. O r celte intention n’est pas à supposer lorsqu’elle 11’cst pas ex
'
8
�_
Traité
n. 65o.
.
( 58)
primée. C’est ¡1 ceux qui le prétendent exclus à prouver son exclusion :
Quamvis verum est qu od qui ex cip it, probare debet q u o d excipitur ;
attam en de ipso dum taxat, a tn o n de hcerede ejus convertisse petitor,
non qu i e x c ip itp r o b a r e debet ; liv. 9. II'. de prob. et preef.
Il en est autrement des dispositions (1) conditionnelles de l'homme ou
de la loi. Elles 11e se transincltent pas à l’héritier de l’appelé décédé avant
l’événement de la condition , ( et voila pourquoi le retour légal n’est pas
transmissible ) mais c’est pareeque les héritiers ne recueillent du chef de
leur auteur> et comme transmissionnaires, que les droits dont il est dé
cédé saisi : or les dispositions conditionnelles 11c saisissent qu'au moment
de leur ouverture. Jusque-là elles ne sont point m bonis de l’appelé.
Inutilement le testateur en auroit-il ordonné la transmission ; elle n’auroit pas lieu pour cela, dit R icard, pareeque le testateur ne peut pas donner à ses dispositions un effet rétroactif, que les lois leur refusent, ni
opérer une transmission qui n’est l’ouvrage que de la loi, et qui ne dérive
Xoalis de
pas de l’inlention de l’homme. Il est vrai qiie dans ce cas l’bérilier viendroil de son chef et en son nom, comme appelé lui-mênje en vertu de la
vocation expresse du testateur; mais il ne viendroit pas comme transmissionnaire, ce qui est bien différent à tous égards. Æ iu d e n im est trans-
sione™su m issioy et aliud est vocatio.
‘
■omnicnceSi donc la transmission a lieu pour les stipulations conditionnelles , et
ment.
. . .
.
.
1
non pour les dispositions, cela ne vient pas, comme 011 vo it, de la diffé
rence d’intention,, puisque l’intention même expresse est incapable d’opé
rer la transmission dans les dispositions conditionnelles ; il est évident
que c’est la saisine seule qui transmet, pareeque la transmission n’est
elle-même qu’une continuation de saisine.
L e sieur marquis de Mcsmes , dont les prétentions ne s’accordent pas
avec ces principes, fait tout son possible pour en éliuli;r l'application;
(1) I.a disposition proprement dite, par opposition aux stipulations, est un acte pur de la voloutë
qui se passe hors la présence, et sans la participation de celui (pii eu est 1 objet. Telles sont les dispo
sitions testamentaires. Telles- sont aussi les substitutions contenues dans 1rs acles entre-viCs, aux«juuls le substitutn’interviciit pas; car sil iutervenoitpour accepter, il scrrçit donataire couditionn<l, et l’acte seroit à son égard un pacte, uue convention, uu contrat, une stipulation, et non pas
une dispusltion..
'
�C *9 )
forcé de convenir que tous actes entre-vifs, purs et simples ou condition
nels, saisissent actuellement et nécessairement, il ne veut cependant pas
rcconnoître que la transmission en doive être la suite ; il aime mieux la
faire dériver de la présomption générale, qu’en stipulant pour nous,
nous sommes censés avoir parlé pour nos héritiers; puis, restreignant
celte présomption aux seuls contrats intéressés, il en conclut que la trans
mission des stipulations conditionnelles n’a pas lieu lorsqu’elles se rencon
trent dans les contrats bienfaisants.
Mais i° il est faux que les contrats intéressés soient les seuls dans les
quels le stipulant est censé avoir parlé pour scs héritiers ; la règle est
générale pour toute espèce de contrats, puisque les lois n’ont fait aucune
exception, puisqu’au contraire elles ont exclu toute exception par la gé
néralité et l’universalité absolue de leurs expressions. G e n e r a l i t e r
s a n c im u s O M N E M s t i p u l a t i o n e m ........... tr c in s m itli, s iv e s p e c ia lis h œ ~
r e d u m / i a t m e n t i o , s iv e n o n .
a° Le sens do la règle n’est pas précisément quo nous sommes pré
sumes avoir pensé à nos héritiers et ayants-cause, et avoir positivement
voulu stipuler pour eux ; car il est bien rare que les contractants y pensent,
positivement, et on ne présume pas ce qui arrive rarement. Le vrai sens
de la règle est seulement que le stipulant, qui n’a pas formellement res
treint la stipulation à sa personne, ne peut pas être supposé avoir voulu
exclure scs héritiers. Or celle présomption, nécessairement applicable à
toute espèce de stipulation, suffît toute seule, non pour en opérer la
transmission, car c’est la saisine seule qui l’opère , mais pour écarter les
obstacles qui pourroient l’arrêter ou la rendre inefficace.
Que le contrat soit intéressé ou bienfaisant, il n’importe (i). Puisque
(i) En matière de contrats, dit Ricard, la stipulation qui en fait le principal commerce oblige
dès-lors réciproquement les parties de l’accomplir au cas de la condition qui, à proprement parler^
ne passe que pour une restriction, pour le cas prévu par. les parties seulement, ei laisse au surplus la
convention pure et simple, de sorte que lechéance arrivant, la condition est cense'e comme non
écrite. Pour ce qui concerne le legs au contraire, la couilitiou en affecte tellement la disposition ct
la substance, qu’il ne subsiste absolument qu’avec e l l e ct que par elle ; de sorte que comme ce n ’est
p a s le titre de g ra tu it ou d ’onéreux qui p r o d u i t cette différence, mais la qualité de l acte, s ’il
est testam entaire, c’e st-à -d ire , s a n s stip u la tio n , et un p u r acte de la volonté d'une personne ,
�( 6° )
dans l’un et dans l’aulre la saisine y a lieu de plein droit, comme l’appe~
Jant en convient lui-m êm e, il faut bien qu’elle soit continuée dans la per
sonne des transmissionnaires. On ne peut pas les supposer exclus par le „
Stipulant,, lorsque celui-ci n’a pas prononcé leur exclusion;, o r , s’ils ne
sont pas cxclus, il est dans l’ordre des choses que, comme successeurs
universels ou singuliers du transmettant, ils succèdent à la saisine com
mencée en sa personne, comme à tous scs,autres droits, quand même il
n’auroit point du tout pensé à eux.
D’ailleurs on peut dire que tous ceux qui contractent, sans même qu’ils
aient jamais pensé à la transmission, ont cependant, du moins im p l i c i t e
m e n t et éminemment, une véritable intention de transmettre. En ofl'et,
quiconque stipule veut a v o i r , posséder, acquérir, en un mot ajouter ou
r é u n ir & son patrimoine ce qui fait l’ol»jet de sa stipulation, a d r e m j ' a m i l i a r e m r e s p i c i t , comme dit Yinnius; s’il ne stipule que conditionnelle
ment, il ne veut a v o ir que pour le cas de la condition., mais il veut a v o ir
pour ce cas-là en quelque temps que la condition puisse arriver : or, a v o ir
une chose, c’est incontestablement être en droit d’en jouir, faire et dis
poser comme de tous ses autres biens, de la vendre, de l’engager, delà
léguer, etc., et par conséquent de la, transmettre à sesayants-cause, à
plus forte raison à ses héritiers.
Ainsi quand même la transmission ne dériveroit que de l’intention detransmettre, comme cette intention se rencontre, non à la vérité e x p l i c i t e m e n t , mais du moins i m p l i c i t e m e n t et é m i n e m m e n t , dans toute
espèce de stipulation apposée à toute espèce de contrats , sans même que
ou s’i l est conventionnel et f a i t entre deux personnes, i l n ’y a pas de doute que les donations
suivies d’acceptation, p a rticip a n t à la nature de ces derniers actes, les conditions qui s’jr ren
contrent ont un effet rétroactij au jo u r de la do n a tio n , ainsi <[uc dans les autres contrats. El ail
leurs : si une donation sous condition estfa ite entre-vifs, quoique la condition u arrive qu’après
la mort du donataire, ses héritiers ne laisseront ¡¡as de. jo u ir du bénéfice de la donation, comme
ayant clé p a r f a i t e tiu moyen de ¡[effet rétro a c tif q u iT s f d onné à j a donation, du fo u r b u ’elle a
été passée; car, ajoute-t-il, uTn'cstpa's seulement la qualité de donation entre-vifs qui f a i t la
transmission au profit des héritiers du donataire, mais l ’effet rétro a ctif du droit et de !* posses
sion au jo u r du contrat. Traité des dispositions conditionnelles, chap. 5, § i , n. ao4. Tiaitc des
substitutions, chap. 4, partie première, u.. l4a et i44..
�( 61 )
le stipulant ait jamais pensé à scs héritiers; il seroit toujours vrai de dire,
d’après les lois, que les stipulations conditionnelles sont toutes transmissibles de leur nature, soit qu’elles se trouvent dans des contrats intéres
sés , soit qu’elles sc rencontrent dans des conlràts bienfaisants. II seroit
toujours vrai de dire que le transmissionnaire n’a rien à prouver, et que
c’est à celui qui prétend l’exclure à prouver son exclusion.
Nous convenons avec le sieur marquis de Mesmes que si la stipulation
étoit personnelle, la transmission n’auroit pas lieu en faveur des héritiers
du stipulant ; mais là personnalité ne se présume jamais. Pour la supposer
il f a u t ( dit M. Potlner en son Traité des obligations, t. i. p. 75 ) que
cela soit exp liq u é clairement dans la convention; et ainsi, ajoute-t-il,
de ce que la personne envers laquelle j e contracte qiieh/u engagement
est nommée p ar la convention, iln e s’ ensuit p as que Yintention des
parties ait été de restreindre à sa personne le droit qui en résulte ; on
doit penser au contraire qu’elle n’est nom m ée que p o u r marquer avec
qui la convention estfaites
Nous convenons encore avec Fontanella, qu’en fait de stipulations con
ditionnelles, lorsque la condition est perso’nnelle, c’est-à-dire de nature
à 11c pouvoir s’accomplir que dans la personne du stipulant, Quandà
apponitur irt personâ stipulatoris, la transmission ne peut y avoir lieu
qu’autant que le stipulant auroit lui-même recueilli l’objet de la stipula
tion par l’existence de la condition purifiée de son vivant; mais c’est parceque, comme il l’ajoute fort bien , la condition n’étant pas arrivée pendant
la vie du stipulant, son décès la rend impossible, et qu’ainsi il ne reste
plus d’espérance à transmettre. Ce cas n’est donc pas une exception à la
règle*générale du paragraphe E x conditionali, qui n’en reçoit aucune;
c’est seulement une espèce dans laquelle la règle du paragraphe ne peut
pas recevoir son application, pareeque le paragraphe, parlant de la trans
mission des stipulations conditionnelles, suppose que la condition puisse
encore arriver, quoiqu’après le décès du stipulant : or elle ne peut plus ,
arriver après son décès? si elle ne tlcvoil s’accomplir
en sa personne.
Pour appliquer à notre espèce le principe de Fontanella, il faudroit
prouver que la condition sous laquelle le retour a été stipulé ne pouvoit
�( 62 )
s’accomplir qu’en la personne du donateur el de son vivant; mais il n’en
est pas ainsi. L e fait du de'cès de la donataire sans enfants, qui fait la seule
condition du retour, pouvoit s’accomplir indifféremment du vivant du
donateur ou après son décès. Celte condition étoit absolument extrin
sèque à sa personne, pour nous servir des expressions de cet auteur, cl
dès-lors il est constant qu’elle n’a pas pu rendre la stipulation person
nelle.
Il est vrai que, suivant Iîicard et le journaliste des Audiences, les clauses
de retour doivent s’interpréter strictement; mais ils n’ont jamais conclu de
là qu’il fallût en empêcher la transmission. La seule conséquence qu’ils
aienttirée de ce principe est qu’il ne faut pas étendre ces sortes de clauses,
et qu’ainsi le retour étant stipulé pour le cas du décès du donataire sans
enfants, il ne falloit pas l’étendre au cas du décès de ses enfants sans
enfants.
O r, ce n’est pas donner de l’extension à une stipulation que de la sup
poser transmissible aux héritiers du stipulant. Cette transmissibilité est
une suite nécessaire de la saisine attachée à toute stipulation, et de l’in
tention à'avoir et acquérir quise rencontre dans tous les stipulants, lors
même qu’ils n’ont pas pensé à leurs héritiers ; car nous n’avons véritable
ment que ce que'nous pouvons leur transmettre.
Aussi, quoique dans le droit romain les stipulations proprement dites,
Solem nes verborum con cep lion es, fussent de droit étroit cl très-étroit,
quoiqu’on leur donnât le nom propre de contrats strictijuris, par oppo
sition aux contrats de bonne foi, quoiqu'on conséquence on les interpré
tât toujours en cas de doute contre le stipulant, quia debilitlegem aperhiis dicere contractm , ]a règle étoit cependant sans aucune exception
de les declarer transmissibles aux héritiers du stipulant, Gcncrahlcr sancimus om nem stipulalionem , etc.
>
Au contraire, les dispositions conditionnelles, qui cependant sont sus
ceptibles de l’interprétation la plus large, ne profitoient pas aux héritiers
de l’institué ou légataire décédé avant leur ouverture, à moins qu’ils n’y
fussent compris expressément; mais c’est pareeque la transmission dans
ce cas est impossible, comme nous l’avons observé déjà , à défaut de sai
\
�(63 )
sine préexistante. Dès-lors l’héritier de l’appelé ne pouvoit être admis à le
remplacer que par voie de vocation, comme appelé lui-même. Or la vo
cation doit être expresse et ne se supplée pas (à la différence de la trans
mission , qui est toujours de droit en cas de saisine préexistante), ¿ tliu d
est transmissio, et aliud est vacatio.
En deux m ots, toute stipulation conditionnelle est nécessairement
transmissible à l’héritier du stipulant, si la condition peut encore recevoir
son accomplissement, parcequ’au moyen de la saisine attacliée aux actes
entre-vifs, le droit qui en résulte a fait partie des biens du transmettant,
dès le temps même de l’acte. II n’est pas nécessaire pour cela de donner
à la clause aucune extension, pareeque c’est la loi seule, la force'de la sai
sine, et non pas l'intention positive de transmettre, qui opère la trans
mission. Il est vrai que la saisine elle-même dépend en quelque sorte de
l’intention du stipulant; mais c’est seulement en ce sens qu’elle ne s’ap
plique qu’aux droits que les parties ont eus en vue, et pour les cas qu’elles
ont exprimes. Du reste, une fois que la condition prévue par les parties
est arrivée, il devient constant que la saisine h eu lieu ab ini/io, et que la
transmission s’en est suivie, sans que les stipulants y aient seulement pensé.
Il ne pourroit y avoir de question que sur le point de savoir sous quelle
condition les parties ont entendu contracter,, si c’est seulement sous la
condition exprimée dans l’acte, ou si c’est encore sous la condition de la
survie du stipulant; mais pour suppléer cette seconde condition, lors
qu’elle n’est pas exprimée, il fuudroit ajouter à la lettre de la clause : or
c’est ce que la plus grande rigueur ne peut pas autoriser.
S E C O N D E P A R T I E .
Décisions des docteurs et des lois sur la transmission du
retour conventionnel en particulier.
Aussi Fontanclla décide-t-il affirmativement que le retour convention Uc pactiü
nel passe aux héritiers de celui qui l’a stipulé, quoique la condition du nuptialibus
clausula 4,
^ retour ne s’ac complisse qu’après son décès. E t quainvis non esset dietmn glossa ¿4,
n. a3 .
nisi quod reverlcrentur bona donata ad donatorem , nihilominiis
�( 64 )
..
reverti debuissent a d ejus hœ redem , ilio ante donatarium defuncto,
si posteà acfimpleretur co n d itio , quia contractus conditionalis trans_
mittitur a d hœ redes ; ex vulgan paragraphe), E æ con dilion a li.
Il s’objecte la loi Q u o d de pariter, ff. de rebus dubiis, qui paroit sup
poser le contraire ( i ) ; mais il re'pond avec Barlliole et les glossaleurs, qui
depuis ont été suivis par M* Potliier en ses Pandecles Jusliniennes, que
cette loi ne décide pas la question de retour dont il ne s’agissoit pas, mais
seulement une question de survie, savoir, qui des deux de la mère ou de
la fille, péries par incme accident, e'toitcenséô avoir survécu : Q u o d de
pariter mortuis tractavimus in aliis agitatimi est ut ecce, etc. ; qu’à la
vérité, la décision sur la question de survie présuppose le retour dont il
s’agissoit non transmissible, mais qu’apparemment le stipulant avoit ex
prim é, comme seconde condition du retour, l’événement de sa survie, et
que le jurisconsulte aura négligé de rapporter cette circonstance, parcequ’elle n’étoitpas relative à la question principale, ainsi que cela se voit
fréquemment dans les lois du Digeste et du Code.
Cette interprétation lui paroît d’autant plus nécessaire, que sans cela la
loi Q u o d d e p a r i t e r contrediroit manifestement la disposition absolue et
impérative du paragraphe E x c o n d i t i o n a l i , sur la transmission de toute
espèce de stipulation conditionnelle, et les décisions des lois Caius et A v ia
( dont il sera parlé tout-à-l’heurc), sur la transmission du retour en par
ticulier.
”
Il est vrai que Paul de Castres, Covarruvias etMcnocliius ont pris la loi
Q u o d de pariter dans un sens tout différent. Ils en ont conclu que la sti
pulation du retour de la dot pour le cas du décès du mari ou de la femme
pendant le mariage renfermoit tacitement la condition de la survie du
stipulant: habet ista stipulatio tacitam conditionem , si stipulalor sup erv ixerit; mais ils sont obligés de convenir en iniine temps que cette
(i) Quod de pariter mortuis tractavimus in aliis agitatum est ut ecce: Si mater stipulata est dotem
à marito mortuà filid in m atrim onio sibi reddi, et simul cùm filia periit, an ad hærcdem malris
actio ex stipulata competeret ? et divus Pius rescripsit non esse commissam stipulationem , quia
mater filiæ non supervixit : itom quaeritur si extraueus qui dotem stipulatila est, simul cuin marito •
decesserit, vel cum eà propter <|iiam stipulatili esset, an adhæredera actio competerei?
�( <35 )
décision qu’ils supposent à la loi Q u o d de p a rile r est singulière et sans
exemple : Casus est singularis in istâ lege , d it Paul de Castres, nec recordor alibi h oc vid isse : encore du moins, ajoute-t-il, lorsque le retour
est poûrlivoir~Tieu dans le cas du décès du mari p en d a n t le m a ria g e, i^
semble que la faveur des mariages futurs peut faire préférer la donataire
survivante aux héritiers du donateur, afin qu’elle ait une dot pour se
rem arier, ce qui est de l’intérêt public. I n hoc m ajor ratio quant in
p r im o , scih cetfa vo re dolis u t e x ed m u lie rp o ssit iterinn nubere. Mais
lorsque le retour est stipulé pour le cas du d éc è s d eîaT e mine p en d a n t le
m a n a g e, il n’y a pas même raison de faveur (à moins que ce ne soit pour
favoriser le second mariage du mari survivant ) ; se d in p rim o casu
non sic.
Si nonobstant ces raisons pérem ptoires, Paul de Castres et ses secta
teurs ont persisté dans leur interprétation, il ne faut pas croire qu’ils aient
entendu pour cela se départir des décisions d u paragraphe E x condition a li et des lois Caius et A v ia . Ils conviennent qu’en général le retour
conventionnel est transmissible comme toute autre stipulation condition
nelle; seulement ils en exceptent le cas particulier qu’ils supposent dans
la loi Q uod de p a r ile r, c’est-à-dire, celui où le retour a été stipulé pour
avoir lieu, m ortu â f d lâ i n m A T R I MON 10 , ou m ortuo IN M A T R I
m o n i o m an to; de sorte que lorsque le retour est stipulé sous toute autre
condition que celle du décès du mari ou de la femme p en d a n t le ma~
n a g e , i n m a t r i m o n i o ; lorsque, par exemple, comme dans notre
espèce, il est réservé pour le cas du décès de la femme non précisém ent
p e n d a n t le m ariage, mais en général po u r le cas' de son décès sans en
fants, pendant le mariage ou en viduité, alors, suivant les mêmes doc
teurs, les principes reprennent leur em pire, la transmission du retour
s’opère de plein d ro it, on ne sous-entend plus la condition de la survie du
donateur, et l’on suit sans difficulté les règles générales sur la transmission
des stipulations conditionnelles, et notam m ent les décisions des lois Caius
et A v ia .
Celte doctrine se trouve fort bien explique'e p ar Pierre Barbosa, chan
celier de P ortugal, l’un des principaux sectateurs de Paul de Castres. C’est.
0
�( ^6 )
sur la loi C a i u s , if. s o lu lo m a l r i m o n i o , versiculo q u o d c ù m ita . Après
avoir conclu de celle loi et de la loi ¿ d v ia , codicc d e j u r e d o t i w n , que
le retour conventionnel est transmissible, il s’objecte la loi Q u o d d e p a r ite r , qu’il entend dans le même sens que Paul de Castres, Covnrruvias
et Menoehius ; mais il y répond en disant que celle loi n’a lieu que pour
le cas particulier dont il y est parlé, lorsque le retour doit avoir lieu m o r t u â i n M A T n i M O N i o J iltâ . N e g u e o b s t a t d ic t a l e x Quod de pariler,
q u ia l o q u ï t u r q u a n d o q u is s t i p u l a t u r d o te m s ib i r e d d i , m o r t u â
IN
M A X R I M O N I O f i l i d ; n a m tu n e t a c i t a s u b in te llig ilu r c o n d itio s u p e r v i v e n t i œ , u t ib l t r a d u n t d o c t o r e s ; s e d s i g e n e r a l i t e r c o n c e p t a s i t s t i p u
la tio n p r o c e d e r e t i d q u o d s e n t i t is t e x l u s c u m s im ilib u s .
Ainsi la loi Q u o d d e p a r i t e r , de quelque manière qu’on veuille l’en
tendre, est sans application a noire espece ; car il ne s’agit pas dans la
cause deTetour stipulé pour avoir lieu, m o r t u d i n m a t r i m o n i o f i l i â .
D’ailleurs le mari ne gagnant plus la dot par sa survie, comme dans l’an
cien droit, la faveur de son mariage Futur ne milite plus contre les héri
tiers du donateur, et l’intérêt public n’est plus compromis par la trans
mission. En vain diroit-on que le mari survivant profite encore aujour
d’hui, à cause delà communauté, de la moitié de la somme constituée en
dot à sa femme. Il faudroit au moins que la somme n’eût pas été stipulée •
propre de communauté : or, dans l’espèce de la cause, les 3o,ooo liv. don
nées par le sieur Lhérilier ont été stipulées propres.
Il n’en est pas des lois C a iu s et A v i a , comme de la loi Q u o d d e p a r i
le r . Elles sont toutes deux très précises pour la question qui nous divise.
Dans la première ( i ) , il s’agissoit d’une dot donnée au mari par l’aïeul
(i) Caius Se'i'iis avus maternus Sei® uepti <jusberat in patris potestate, certam pecunUe quantitàtem dotti nomine Lucio Tilio marito dedit, et instrumento dolali tjusinodi pacumi et stipulalio—
nem complexus est,si iuler Titium Luciuminaritum eiSeiam divortium sineculpù mulieris factum
esset, dos omnis uxori vel Caio Seì'o avo materno redderetur reslituereturque. Quaeio, cùm Seius
avus maternus statini vità defuncti!» sii, et Seia posteà sine culpà suà diverter.t, vivo patre suo
in cujus potestate est, an et cui actio ex hoc pacto et slipulalione compelat, et utrum ha=redi av
materni ex stipulatu, ali nepti? Respondí in persona quidem neptis viileri inutiliter sti}.ulationetn
esse couceptam, quoniain avus maternus ei stipulatila propomtur ; quod cùm ita est, hxredi stipulatoris, quandocunaque direrterit mulier, acùo competere videtur-
�( 67 )
nialerncl de la femme, et par celui-ci slipule'e re'versible au profit de la
femme, oy de lui donateur, en cas de divorce san? la faute de la femme.
L e divorce arriva, mais le donateur qui s’étoit réservé le retour (du moins
en icco n d ) étoit prédécédé!; nonobstant ce prédécès, le jurisconsulte
(supposant nulle la stipulation faite en premier au profit de la femme ,
quia nem o a lteri stipulavip o te s t) décide que les héritiers du donateur
doivent profiter du retour en qualité de tra:ismissio.inaires, comme auroit pu faire le donateur lui-menie. Q u o d c ù m ita e st, hœ redi stip u la to n s , quandocum que diverterit millier, actio com pelere videtu r.
La loi A v ia n’est pas moins expresse. La question étoit desavoir si le
retour de la dot, n’ayant été réservé que par un simple pacte, et non par
une stipulation en forme, il étoit transmissible aux héritiers du donateur.
L ’empereur répond qu’il faut distinguer si la dot, dont le retour a été
réservé par le pacte est une dot profeclicc, (c ’est-à-dire donnée par celui
qui a la puissance paternelle) ou si elle est adventice. Lorsqu’elle est profectice, c o m m e en ce cas le donateur est assuré du retour légal qui n’est
pas transmissible, on suppose qu'il s’en est contenté, et que c’est pour
cela qu’il n’a pas eu recours à une stipulation en forme; mais lorsque la
dot est adventice, telle que celle donnée par les étrangers ou les ascen
dants maternels qui ne peuvent pas prétendre le retour légal, alors le re
tour qui en a été réservé par un simple pacte est transmissible aux héri
tiers du donateur. A v ia tua eo n im quee p ro J iliâ tua in dotera d é d itt
etsiverb o ru m obligatio non intercessit, aclionem e x fid e convcntionis
a d te, s i hœres ex titisti, tran sm itiere p o tu it , nec enirrTëadem causa
est patris e t m a tn s paciscentium ; q u ippe m atris p a c tu m actionem
•prœscriptis verbis con stitu it; p a tr is , dotis actionem conventione simp lic i m inim e creditu r innovare.
Quelque claires que soient ces deux lois, il s’est cependant trouvé
un docteur (i) q u i, pour les concilier avec la décision attribuée par Paul
de Castres et autres à la loi Q u o d de p a r ite r , a essayé de leur donner une
autre interprétation. Par exemple, il suppose que dans 1espèce de la loi
(i) Barthélemi Socin, sur la loi Quod de pariter.
�( 68 )
A v ia , la donatrice avoit survécu à l’ouverture du retour qu’elle s’étoit
réservé, et par rapport à la loi Caius , il prétend que cVst la stipulation
expresse faite en premier au profit de la femme mariée qui a fait présu
mer de la part du dotateur (pour le retour stipulé ensuite à son profit )
une dérogation à la disposition prétendue de la loi Q u od de pariter ;
mais cette double solution se réfute d’ellc-même. En effet, pour ce qui
est de la première, il est sensible que si la donatrice avoit survécu, il n’y
.auroit pas eu de distinction a faire entre le pacte de l’ascendant maternel
et celui du père, pour déclarer le premier transmissible, et non pas l’autre :
tous les deux auroient été également transmissibles, puisque le retour
même légal se transmet, lorsqu’une fois il a été acquis au père par sa sur
vie. A l’égard do la loi C a ius, il n’est pas possible de concevoir que la
circonstance de la stipulation expresse de retour faite en premier au profit
de la femme ait pu influer aucunement sur la transmissibilité de celle
faite en second par le dotateur au profit de lui-même ; il est évident que
la décision de là loi auroit été la même, quand cette circonstance ne s’y
seroit pas trouvée.
Aussi cet auteur finit-il par reconnoîlre que ces solutions sont plus sub
tiles que solides, et qu’il faudroit bien se garder de les suivre dans la pra
tique, dans les jugements : cogita lam en quia pulchra est conclasio ,
N O N T A M E N F O R T E I N J U D I C A N D O ESSET A B A L I A O P I N I O N E
RECEDENDUM.
E t effectivement, comme il le dit fort bien au même endroit, si ce
n’étoit le double sens dont la loi Q uoil de pariter paroît susceptible , il
n’y auroit pas un seul docteur dans tout,le monde entier qui n’opinât pour
la transmission du-retour conventionnel dans tous les cas. N o n esset
doctor in Jiiundo quiconlrarium non consuleret, si non vidissct tslutn
textum .
T R O I S I È M E
P A R T I E .
E x a m e n de la Jurisprudence*
1° Suivant Papon, au titre des Donations, art. 38 , il a été jugé que
la rétention fa ite p a r un d o n a te u r q u e si le donataire meurt sans en-
�(
).
J a n ts , la chose donnée retournera au don ateu r sans fa ir e m ention
d ë fsie n s, est réelle'et non p e rso n n e lle , p a r ain si transm issible à l ’he- *
ritier du donateur, s’il se trouve m o r t, lorsque la con dition d 'ic d ltT
rétention a dvient.
2° M. Maynard, 1. 8. c. 33. rapporte que par sentence de la sénéehausse'e de Lauserre, le retour stipulé par un oncle donateur au pays de Querci,
pour le cas du décès de son neveu donataire sans enfants, ledit cas étant
arrivé, quoiqu'après le décès du donateur, fut ju^é transmissible aux
héritiers du donateur, n o n o bstan t le défau t de ce m o t sien ou a ulrs.
e’quipolent.
...»
3 ° Le même M. Maynard rapporte que sur l'appel du cette sentence
par arrêt rendu à son rapport, au mois de janvier 1574-j coniirmalil de
la sentence, le retour fut adjugé aux héritiers du donateur.
4° Fonlanella nous assure que la même chose a été jugée contre lui même, le 10 avril 1G09, par le consistoire de la principauté de Catalogne.
Conatus f u i defendere q u o d non p o tera n t ( dotem vindicare hærcdcs
donatoris præmorlui) fu n dans intentionem in dispositione legis Quod de
pariter, et eorum quee super ea dicunt superius allegati de subintelligen tid cotulilionis superviventiœ , se d non p o tu i oblinere; im o d ecla - _
ra tum fu it expresse sub die 10 y lp r d is anno 1G09, itifa vo rem hœ redum ; et cela pareequ’il n’y avoit pas de preuve que le donateur eût
limité le retour au cas de sa survie, su m en do expresse m otivum qu od
non con staret con ceptam fu isse stipulationem respectu reversionis a d
donatorem , siisJilice su pervixisset, ac p ro in d è regulando eum casum
ex dispositione p a ra g ra p h i E x conditionali sim pliciter conceden/i
transm issionem a d h œ redes, qu ando non aclest expressa conditio
superviventiœ.
*
5° La même chose a encore étédécide'e
présente par Mes
d a n s
l ’ e s p è c e
Blaru, Normand, L e Clerc de Yeaudonne et Guéaux deRevcrsoaux, com
missaires nommés par le conseil pour juger les contestations relatives a la
succession du sieur JLhéritier donateur. E11 effet, par leur arrêt de partage,
ils ont réservé aux parties, par un acte séparé, l’espérance du retour sti
pulé par le sieur Lhéritier en ces ternies : les parties on t encore l’espé
ran ce, le cas arrivant, de la réversion de la som m e de
3qqoo
livres
'
�( 7°*)
donnée en dot p a r le sieur Lhéritier père à m adam e la marquise de
R a vig na n , sa ( b e l l e ) nièce.
6° Enfin la sentence dont,eSt appel, rendue sur les plaidoiries solen
nelles des parties pendant cinq audiences, a jugé en faveur des héritiers
du donateur, sur le fondement que la condition exprimée p arle dona
teur pour donner lieu au retour s’étoit. vérifiée : attendu le décès de la.
dem oiselle R a c in e , veu ve D a m p u s, sans enfants.
L e marquis de Mesmes auroit bien voulu pouvoir opposer à cette suite
de décisions quelques décisions contraires capables de les balancer. Mais
quelques recherches qu’il ait pu faire, il ne lui a pas été possible d’en
produire une seule; en vain excipe-t-il de l’arrêt rapporté par Mornac ^
au titre de dote profectilia. Il y étoit question du retour d’une dot cons
tituée par mi père naturel a sa fille bâtarde, et par conséquent profeclice,
comme le dit Mornac lui-même et comme le prouve fort bien H cnrys,
]. G. c. 5 . part. 3o, où il e'tablit que le retour légal a lieu au profit du père
naturel pour la dot par lui constituée, comme étant censée prqfectice ,
à cause de l’obligation où il est de doter; or il ne s’agit point ici d’une
dot profeclice.
D’ailleurs, si l’on examine bien l’espèce de l’arrêt de Mornac, on verra
qu’il n’est pas même précis pour le cas de la dot profeclice. En effet, Moi'nac dit lui-même que le retour avoit été stipulé seulement pour le cas du
décès de la fille sans enfants. O r, la fille n’éloit pas décédée sans enfants,
puisque scs enfants lui avoient survécu. D ecesserat presbyter POST e a q u e s p v r i a A C L I BE RT . Il est vrai que les enfants étoient dé
cédés sans enfants, et c’est apparemment sous ce prétexte que les héri
tiers du jirêtre dotateur revendiquoient la d ot, en étendant la condition
du décès sans enfants , au cas du décès, et des enfants sans enfants.
M a i s c o m m e l’ont fort bien observé Ricard etle Journaliste des Audiences,
les stipulations en général et celles de retour en particulier étant de droit
étroit, ne doivent pas être étendues d’un cas à un autre. Dès-lors, on ne
pouvoit pas adjuger le retour aux héritiers du prêtre dotalcur. Lui-même
auroit été exclus à défaut d’événement de la condition prévue (i).
(i) Ageliatur de lVcsbytcro qui cùra donaret filiæ sjmriæ 3oo aureos iudotem, conditioner
�( 7/ )
Si des jugements nous passons au suffrage des auteurs français, nous
v e rro n s que la question y est toujours décidée uniforme'ment en faveur
des transmissionnaires, notamment lorsque la donation est faite par au
tres que les ascendants (comme par exemple par un bel-oncle), notam
ment lorsque le donateur, étant plus âgé que le donataire, a cependant
prévu non seulement le décès du donataire sans enfants, mais encore le
deces de ses enfants sans enfants ou avant leur majorité.
L a réversion conventionnelle, dit Le Brun, traité des Successions,
]. i. c . 5 . sect. 2, passe a nos héritiers si nous ne l’avons limitée, ce qui
se f a it quelquefois, en ne la stipulant qu’au cas du prédécès du do
nataire ; mais quand nous Vavons stipulée simplement au cas du dé
cès du d onataire sans enfants, alors nous avons parlé pour nos hé
ritiers ou ayants-cause.
Quant a la réversion co nventionnelle , dit Lacom be, au mol Réver
sion , elle ne concerne vas m oins les héritiers du d onateur qui l’a sti
p ulée , que sa personne m ême. N am plerum que ta/n hœredibus nostris quant nobismelipsis cavemus, 1. 9. de Prob. s lin s i si un ascendant
fa it donation à son fils ou à sa f i lle , « condition de réversion, si le
donateur meurt sans e n f a n t l e s choses données passent a u x héri
tiers du donateur p rédécédé, si elle n’a été limitée.
L e retour conventionnel, dit 1auteur de la nouvelle collection de Ju
risprudence, au mot Retour, n’a d ’autres règles que celles de la con
vention............. et com m e les conventions passent in hæredes et ad
hæredes, il s’ ensuit que si le donateur prédécède, la réversion doit
appartenir à ses héritiers qui le représentent, lorsque la condition
sous laquelle elle est stipulée est arrivée, à moins que la réversion
n’eût été stipulée personnelle, et qu’elle n’ ait étélim iléepar des clauses
qui l’em pêchent d’être transmise a u x héritiers.
Domat, en son traité des Lois Civiles sur le Retour, après a vo ir décidé,
illam tabuli3 n u p t i a l i b u s adjecerat (si sine l i b e r i s filia d e c e s s e r i t , dos a d se reverterctur) nullà factà
mentionc hæreduin. Suscepti crani liberi ex eo matrimonio q u i b u s superstilibus decesserai Presby
ter, pusteàque spuria ac i i i e r F i ^ î û n l liæredis PresbyterTdolem illam u tprofeciitiam ex clau»«14 reversionis.... à petitione sui suromoli sunt.
1
�( 72 )
conimc tous les auteurs ci-dessus cités, qu’en général le retour stipulé
par un ascendant ou tout aulre donateur doit se régler comme les autres
conventions, et non à l’inslar du retour lég a l, ajoute que cela est encore
p lu s ju s te p o u r les donateurs autres que les ascendants. La raison
qu’il en donne est que les donateurs étrangers (tel qu’éLoit le sieur Lhéritier par rapport à la demoiselle Racine, sa belle-nièce ), n’ayant pas la
même affection pour la famille de leurs donataires, on présume encore
plus aisément d’eux que des ascendants, qu’ils ont voulu préférer leurs
propres héritiers a la famille de celui contre lequel ils ont stipulé le re
tour.
Enfin, suivantIlem js, quoiqu’en général le donateur, même ascendant,
qui se réserve le retour soit censé le faire tant pour lui que pour ses
héritiers, cette présomption légale devient bien plus forte encore, lors
que, comme dans notre espèce, il a prévu non seulement le décès du do
nataire sans enfants, mais encore le décès de scs enfants avant leur ma
jorité. E n effet, dit-il, quoique le p ère su rv iv a n t, l’ordre de la nature
en so it tro u b lé, c’est p o u rta n t chose a ssez co m m u n e, m ais qiCun
père pen se .survivre a sa fille e t au x enfants qu’elle p e u t laisser, qu'il
étende si loin sa p e n sé e , c’est ce qu’on y,e p e u t p a s présum er. D o n c ,
ajoute-t-il, qu an d le p ère a stip u lé que la d o t sero it réversible, s i sa f ille
décédoit sans enfants ou scs enfants sans enfan ts, il ne s ’est p as
p ersu a d é que to u t cela p û t arriver lui' viva n t, et p a r con séqu en t il a
bien entendu q ue cette stipu lation f û t aussi bien profitable à ses héri
tiers qu’à lu i-m êm e, au trem ent il n’au roit p a s eu une visée s i longue,
et s’il n’avoît cru que de stipu ler le retour p o u r lu i, il en au roit res
treint la condition e lle s term es, l i s e sero ït contenté d é p o r te r dît p r é
décès de sa fille sans enfanU, et il n’auroit p a s ajo u té et de scs enfants
sans eiifail
L e marquis de Mcsmes oppose à ces autorités le sentiment de Bouclieuil, de Bretonnier sur Henrys, et de M°. L aR ouvière; mais Boucheuil
ne se décide que d’après l’arrêt de Mornac, qui, comme nous l’avons vu,
n’a pas de rapport à l’espèce. Bretonnier se décide sans donner aucune
raison de son avis; ainsi on ne peut pas deviner quel a été son motif:
�(
)
d’ailleurs, l’espèce sur laquelle il donne son avis, qui est celle de Henrys,
est bien différente de la nôtre, où le donateur est un bel-onclc, et par
conséquent un étranger; au lieu que dans l’espèce de H enrys, c’est un
père assuré du retour légal de la dot profeclice par lui donnée. Par rap
port à Me. La Rouvière, il ne c^evroit plus être nommé dans cette cause,
d’après les preuves qui ont été administrées au châtelet, que cet auteur
n’a pas connu les premiers principes ‘delâTm aüère, et qu’il n’a pas en
tendu les docteurs par lui cités.
*
CONCLUSION.
Nous ne croyons pas qu’il reste la moindre difficulté dans cette cause;
car il ne faut pas regarder comme telle l’opinion isolée de deux auteurs
induits en erreur par des autorités mal entendues. C ’est toujours aux
principes qu’il en faut revenir. O r, les principes élémentaires du d ro it,
ceux dont n o u s avons été rebattus dans les écoles, et qui retentissent
j o u r n e l l e m e n t dans les tribunaux, sont que les stipulations condition
nelles se transmettent à l’héritier du stipulant, nonobstant le prédécès de
celui-ci, que les actes entre-vifs, même conditionnels, opèrent la saisine
in instanti, que les conditions y ont un effet rétroactif, que, suivant la
règle le m ort saisit le v i f les héritiers succèdent à tous les droits dont
leur auteur est décédé saisi, qu’ils n’en pourroient être privés que par
une volonté expresse du stipulant qui auroit formellement restreint la
stipulation à sa personne, que c’est à celui qui les prétend exclus à prou
ver leur exclusion, que les conventions sont toujours censées réelles, que
la personnalité ne s’y suppose jam ais, qu’elle doit être prouvée par des
expressions qui la nécessitent, etc.
L e marquis de Mesmes ne doit pas se flatter que la cour déroge en sa
faveur à ces principes consacrés par l’antiquité la plus respectable, adop
tés par toutes les nations policées et qùi' font une partie essentielle de la
législation universelle et du droit des gens.
11
En vain voudroit-il en éluder l’application par des distinctions imagi
naires; l’esprit actuel de notre jurisprudence est de prévenir, autant qu’il
est possiblej toute incertitude dans les jugements, en n’admettant que
10
�C 74 )
des principes clairs, et en rejetant toutes les distinctions arbitraires que
ia subtilité des docteurs avoit multipliées à l’infini. Ce seroit aller directe
ment contre cet esprit, et nous rejeter dans le chaos affreux d’incertitude,
dont la bonté du prince et la sagesse de la cour travaillent tous les jours
à nous retirer, que d'admettre les distinctions imaginées par le marquis
de Mesmes pour le besoin de sa cause.
Les principes ne doivent être limités que par des exceptions aussi clai
rement établies et aussi notoires que le principe même. Telle est, par
exem ple, l’exception qu’ une jurisprudence constante, uniforme et ayant
force de loi a établie pour le cas précis de la stipulation de reprise de l’ap
port èn communauté p arla femme renonçante. L a personnalité de cette
stipulation (unique dans son espèce, comme l’observe M c. P otliier, en
son traité des Obligations , à l'endroit déjà cité) est aussi notoire que la
réalité de toutes les autres; et en conséquence, il n ’y a ja m a is de diffi
culté lorsque le cas de cette exception se présente. Il n’en est pas de
même de celle qu’imagine aujourd’hui le marquis de Mesmes. Elle n est
autorisée par aucune lo i, aucun usage. E n vain voudroit-on l’assimiler à
la première. L a différence est des plus frappantes.
En effet, la stipulation de reprise de l’apport en communauté est con
traire à toutes les règles de l’égalité, qui fait l’ame des sociétés. Elle change
la société des conjoints en une véritable société léonine, où la femme
est assurée des profits sans courir aucuns risques ; en conséquence une
stipulation pareille seroit proscrite dans une société ordinaire, comme
contraire au droit naturel. Si elle est tolérée dans la société conjugale,
c’est uniquement à cause de la grande faveur des contrats de mariage,
qui autorise toute espèce de clause, lorsqu’elle ne va pas jusqu’à offenser
les bonnes mœurs ; au contraire la stipulation de retour ne r e n f e r m e rien
que de très conforme aux premiers principes du droit d es gens, étant
permis à tout donateur. 4’imposer à sa libéralité telle charge qu’il juge.à
propos. Dès-lors on ne doit pas être surpris que la jurisprudence des
arrêts ait déclaré la première stipulation personnelle, et non pas l’autre.
,
Quod contra juris rationem introduction est non est producendum
ad consequentias
,
�( 75 )
Indépendamment de cette considération particulière aux clauses de
reprise, qui peut-être a paru suffisante pour les faire déclarer person
nelles, il y en a une générale tirée des principes du droit, qui a pu encore
conduire à la même décision. C’est que la condition sous laquelle est sti
pulée la reprise de l’apport de la femme en communauté, c’est-à-dire, sa
renonciation à la communauté, est purement potestative , étant au pou
voir de la femme stipulante de renoncer ou de ne pas renoncer. O r,
presque tous les anciens docteurs ont soutenu que ces sortes de condi
tions ( si p e tie r o , si renuntiavero, etc.) étoient personnelles et ne pouvoient s’accomplir que dans la personne du stipulant, quia viden tur
a p p on i in persond stipulatoris; et effectivement ces conditions paroissent se référer directement à la personne du stipulant pour leur exécu
tion. Il n’en est pas de même du cas de décès du donataire sans enfants,
qui fait la condition ordinaire du retour. Cette condition est casuelle} et
non potestative. Elle n’est au p o u v o i r d ’a u c u n e des p a r ties contractantes.
Elle est a b s o l u m e n t extrinsèque à la personne du donateur stipulant,non apponitur in p erson d stipulatoris, pour nous servir des expres
sions de Fontanella. 11 n’y a donc aucun prétexte de la faire déclarer per
sonnelle, et dès-lors c’est incontestablement le cas d’y appliquer les prin
cipes généraux qui ont été établis pour la transmission des stipulations
conditionnelles, et notamment la disposition du paragraphe E x con d itionali et des lois Caius et A v ia .
M. B À R E N T I N , a v o c a t - g é n é r a l .
Me. L E S P A R À T , avocat.
B u r e a u l’aîné, procureur.
�
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Factums Marie
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Description
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Title
A name given to the resource
[Factum. Delsol, Jean-François. 1809]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Bellart
Bonnet
Delvincourt
Lacalprade
Barentin
Lesparat
Hureau l'aîné
Subject
The topic of the resource
successions
avancement d'hoirie
contrats de mariage
substitution
droit de retour
nullité du testament
fideicommis
jurisprudence
dot
stipulation
Description
An account of the resource
Consultation pour les sieurs Delsol, frères ; contre la dame veuve Vigier-d'Orcet, leur sœur consanguine [suivi de] Arrêt du Tribunal civil de première instance d'Aurillac [suivi de] Précis pour le sieur René-Louis Lhéritier et consors, intimés ; contre messire Joseph, marquis de Mesmes, appelant.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
de l'imprimerie de Mame frères (Paris)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1809
1760-1809
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
75 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0629
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0531
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The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Aurillac (15014)
Rights
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Domaine public
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contrats de mariage
dot
droit de retour
fideicommis
jurisprudence
nullité du testament
stipulation
substitution
Successions
-
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PDF Text
Text
R É P O N S E
POUR
L A
D A M E
D’ O R CET
Au M é m o i r e des Sieurs D E L S O L .
I■i;
:<
A
u
A U R I L L A C ,
D e l’imprimerie de V i a l l a n e s ,
1808
Père et Fils..
li.
�3o/
RÉPONSE
POUR
Dame J e a n n e - M a r i e D E L S O L ,
M. G a b r i e l - B a r t h é l e m y
d e
veuve de
VIGIER-
D O R C E T , Demanderesse;
CONTRE
Sieur J e a n - F r a n ç o i s
DELSOL
G a b r ie l-B a r t h é le m y
aîné et
DELSOL-
V O L P I L H A C , Défendeurs;
E n présence du S.r D E S P R A T S , aussi Défendeur,
L
’H o m m e ne s’est mis en société, il ne s’agite tant
sur
la t e r r e , que pour avoir des propriétés et en jouir. Enfant,
esclave m ê m e , il veut avoir un pécule. Il tient sur-tout à
la faculté de disposer ; c’est par elle q u e , durant sa vie ,
il s’attache tout ce qui l’entoure ; c ’est à elle qu’au déclin
de ses jo u r s , il doit l’espoir de revivre dans ses dernières
volontés et dans le souvenir de ceux dont il fut le bienfaiteur.
C e droit si p r é c i e u x , la dame D o rc e t le réclame auA
�TjûS.
( O
.
jourd’hui » en repoussant Xinterdiction que les sieurs D elsol
font résulter d’une clause de retour insérée dans son contrat
.
de mariage. ( i )
U ne demande aussi juste a sa source dans le désir que
nous avons tous, d’ordonner de nos biens à notre gré ;
E lle
a sa sou rce,
dans l’obligation impérieuse pour la
dame D o r c e t , de payer toutes les dettes de son m a ri, et
celles q u elle a contracté pour faire honneur à sa m ém oire;
E lle a sa source dans l’h ab itu d e, devenue un besoin pour
e l l e , de répandre autour de ses h abitation s, les secours
que l’aisance doit au m a lh e u r:
E t n o n , comme on le d it, page 2. du m ém o ire, dans
F éloignement où ton a toujours tenu la dune D o rcet , de sa
fam ille , et dans l'impatience où sont les personnes qui l'en
tourent de s'assurer par des voies indirectes , avant son décès,
un patrimoine que les lois du sang , l'ordre établi par les lots
et le vœu de la nature lui prescrivaient de conserver intact
à ses proches.
N on ! la dame D orcet ne s’est pas tenue éloignée de sa
fa m ille ;
et les sieurs D e ls o l , qu’ont-ils donc fait pour se
rapprocher d’elle ?
Élevés loin de leur soeur, ont-ils jamais appris à la con( 1 ) C ’ est, dit-on , page 2. du mémoire , une demande prématurée ,
'dont les annales de la jurisprudence n offrent pas £ exemple. . . . Si l’on
lit D en isart, au mot substitution, n.° 1 1 9 , i z o e t 1 1 8 , on y trouvera
trois arrêts des 3 août 1 7 3 5 ,
4. septembre 1 7 5 5 et 1 3 avril
qui ont prononcé sur des substitutions non ouvertes.
1767,
Veut-on donc ,
q u e , dé};\ paralisée dans son droit de pro priété, par le refus du sieur
Desprats, par les inscriptions hypothéquaires et les prétentions liautem nt
proclamées des sieurs D elsol, la dame Dorcet attende, pour s’en plaindre,
que la saisie de ses revenus la réduise ¿\ solliciter leur pitié !
�3o 3
3
(
;) .
naître et à l ’a im e r? A leur m ajorité, ils n’ont vu que sa
fortune et lui ont demandé compte de leur part :
aujour
d’hui ! . . . . ils veulent la sienne.
N on ! rien ne les autorise à suspecter ses intentions, à l’ac
cuser de voies indirectes. Ils savent bien qu’avec une ame
b o n n e , fra n c h e , généreuse, elle a une force de caractère
qui ne la laisse à la discrétion de personne.
N o n ! rien ne l’oblige à conserver son patrimoine intact.
Q u e lui servirait donc d’être riche et
lib re? C e que
la
nature aurait pu lui commander pour des enfans, la nature
se borne à le lui conseiller pour des collatéraux *, et la loi
lui
permet de gratifier ceux qui auront le mieux mérité
d’e l l e , proches ou étrangers. ( 2 )
Mais la réserve que le C o d e N apoléon ne fait pas en
collatérale, les sieurs D elsol veulent la suppléer en exhu
mant du contrat
de
1 7 6 0 , une clause qu’ils appelent de
réversion ; clause qui eût empêché l’acte qui la co n tie n t, si
elle eût eu
le sens
qu’ ils lui attribuent ;
clause éteinte
par le prédécès de leur père qui ne la stipula que pour
lui } clause dont l’effet se serait confondu dans l’ins
titution u n iverselle,
faite à
leur
sœur ;
clause
enfin à
laquelle ils ne croyent pas eux-m êm es, puisque, tout ré-
(2 ) Combien plus commode était la loi de l’an 2 q u i , créant des héritiers
nécessaires, dans toutes les lignes , à l’in fin i, les dispensait de tous
procédés, de toutes convenances , et ne leur laissait d’autre soin que
celui de consulter les tables
agréable d’ctre habile
de probabilité ! c’est alors
q u ’il était
succéder ! tout était profit ; si les collatéraux
étaient ric h e s , on a v a i t , malgré e u x , les cinq sixièmes de leurs b iens;
s’ils étaient pauvres , on n’était pas obligé de leur fournir des alimens.
Législation absurde, q u i , pour
serrer les liens de la parenté, avait
rompu tous les liens de la famille.
�( 4 >
.
cfcmment, l’un -deux a acquis et payé partie de ces mêmes
biens qu ils soutiennent inaliénables .
Système insidieux qui, soutenu par des inscriptions ima
ginaires, par des chicanes adroitement prolongées, par des
insinuations répandues et accréditées avec art , n’a d’autre
but réel que d’intimider ceux qui seraient tentés d’acheter
des biens de la darne D o r c e t , de la tenir dans des alarmes
perpétuelles, d’arrêter ses dispositions, par
la crainte de
ne léguer que des p r o c è s , et de s’assurer ainsi , par une
interdiction de fa it , une hérédité que la loi ne leur réserve
p a s , qui ne leur est point dévolue par la convention et
qu’ils dédaignent d’obtenir par des.voies plus libérales.
C ’est par une suite de ce système q u e , dans leur m é
moire ( 3 ) , les sieurs D elsol ont oublié les principales cir
constances de l ’afFaire. L a dame D orcet n’agira pas ainsi j
elle dira to u t, répondra à tout: et le public , pour lequel
un sens droit et l’équité sont toujours des guides su rs,
pourra facilement reconnaître, s’il est juste et raisonnable,
que la dame D o r c e t , héritière universelle de tous les biens
de sa fa m ille , soit réduite à un usufruit p ré ca ire , et n’ait
rien en propriété : oui rien , pas même une légitime pater
n e lle , pas même son patrimoine maternel.
F A I T S .
E n l’année
baillage
1 7 4 0 , le sieur Basile D e ls o l, procureur au
d ’A u r il l a c , épousa la demoiselle
T h o m a s , fille *
uniqu e, très-riche.
Il résulte
de
leur contrat
R û u ssy , n o ta ire ,
le
de mariage ,
passé
devant
20 n o v e m b re ,
- ( 3 ) Q u e l 1on dit néanmoins , pnge 2 , destiné à faire percer la vérité
jusque* au public qui a souvent des opinions qui l'entraînent, des préju gés qui le subjuguent.
�3o/
f 5 } .
i . ° Q u e le sieur D elsol se constitua une somme de 300 1.
qui fut reçue par la dame L a g a rd e , sa belle-mère. ( 4 ) j
Q u e celle-ci fit donation à sa fille de tous ses biens
m e u b le s , im m eubles, n o m s , droits et actions présents et
à venir > tant de son c h e f que de celui du sieur T hom as
son m a r i , et encor de celui d’autre Jean T hom as son beaupère, sous réserve de l’usufruit pour en v iv re avec le fu
tur époux ; e t , en cas d’incompatibilité, la D am e Lagarde
se réserva la moitié de la maison par elle acquise du sieur
Faucher ( 5 ) , l’ameublement nécessaire, le profit de son
com m erce et 1 0 0 0 liv. pour disposer, tout quoi reviendrait
à sa fille lors de son décès -,
- 3 . 0 Q u e les dames T h o m a s , mère et fille , donnèrent
pouvoir audit sieur D elsol d’exiger paiement des sommes
qui leur étaient d u e s d e vendre leurs biens meubles et im
meubles , aux conditions qu’il a v is e ra it, sans être garant de
l ’insolvabilité des débiteurs ni d’aucune réduction desdites
Créances > comme aussi de faire à leurs immeubles les répa
rations qu’il croirait utiles , lesquelles lui seraient reconnues
'sur la simple quittance des o u vriers}
4 . 0 Q u ’attendu que les dames T h o m as faisaient un c o m
merce particulier, elles pourraient le continuer en sociétéj
le sieur D elsol autorisant, à cet effet, sa future épouse ;
5.0 Q u e Françoise P ru n e t, veuve de Pierre Lagarde mar
chand , intervint pour donner à la demoiselle Thom as tous
ses biens présens et à venir.
( 4 ) Les sieurs D elsol disent néanmoins q u ’à cette époque le sieur
Delsol avait touché, pour ses droits héréditaires, une somme consi
dérable ; mais ils ne font que le dire , ils ne le prouvent pas,
( 5 ) Cette maison fut vendue par le sieur Delsol,
r
�(é)
' Cet acte qui rendait le sieur Delsol fnaître absolu des
biens des dames T h o m a s , dévoile l’origine de ceux qu’il
acquit depuis.
L a dame Lagarde , n’ayant d ’autre enfant que la dame
D elsol , regarda comme siennes les affaires de son gendre ;
elle lui communiqua
toutes ses
ressources, le cautionna
dans ses baux-à-ferme et ses différentes spéculations. D e tels
m o y e n s , dans les mains d’un homme aussi industrieux que
le sieur D e ls o l,
devaient nécessairement avoir de grands
résultats.
E n même temps la dame Lagarde continua son commerce,
de société a v e c sa f i l l e , et si héureusement qu’il serait at
testé, par tous ceux qui l ’ont c o n n u e ,
qu’à sa mort elle
avait une très-grande fortune. ( 6 )
L a dame Dorcet est le seul fruit de ce premier mariage
du sieur D elsol. A la mort de la dame T h o m as sa mère,
la dame L a g a r d e , son ayeule , v o y a n t que le sieur D elsol,
déjà v ie u x , était décidé à ne pas se rem arier, ne prit aucune
précaution pour faire constater les biens que laissait sa fille,
ni pour em p êch e r, à son d é c è s, la confusion des siens avec
ceux du sieur D elsol.
F ille unique et appelée à recueillir de grands b ie n s , la
demoiselle Delsol fut
recherchée par les meilleurs partis.
M . de V ig ie r - D o r c e t , ancien officier de c a v a le r ie , et re
ceveur particulier des finances des élections de St.-Flour et
de M au riac, héritier d ’une maison opulente, ancienne et
bien alliée, obtint l’agrément du sieur D elsol.
(6)
Les sieurs Delsol n’ont point parlé , dans leur m é m o ire, du
premier contrat de mariage de leur père, ni des biens des dames T h o m a s:
on aura occasion de remarquer d’autres oublis encore plus essentiels»
�3o/'
(
Les deux
7
)
familles s’étant communiqué
leurs intentions
respectives , le contrat de mariage fut passé le % juin 17 6 0 .
E n voici les principales clauses :
« L e sieur D e l s o l ..............donne par donation entre vifs
« pure et sim ple, à la demoiselle D elsol sa fille ci-présente
» et acceptante, et autorisée en tant que de besoin par ledit
»> sieur de V ig ie r son futur é p o u x , par avancement d’hoirie,
» le dom ain e, terre et seigneurie du C l a u x , parroisse de
'» Naucelles ; en quoi que ladite terre et domaine du C la u x
» puissent être et consister, aux mêmes clauses, charges et
» conditions que le
délaissement lui
sera fait et adjugé,
» conformément à la demande qu’il en a formé aux requêtes
» du palais . . . . et , au cas ladite demande en délaisse» ment desdits biens ne lui serait pas a d ju g é e , ledit sieur
» D e ls o l, pour dédommager sa fille dudit domaine et terre
» du Claux , lui donne et délaisse toutes les créances qui lui
» sont dues sur lesdits b ie n s , en capital et accessoires. . . ( 7 )
» Ledit sieur D elsol a aussi do n n é, par même donation
» entre vifs, à ladite demoiselle D elsol sa fille, ce acceptante,
»> autorisée comme dessus, la somme de 1 0 ,0 0 0 liv. qu’il a
» présentement délivrée et comptée . . . .
>♦ E t , à l’égard du surplus de ses autres biens qui se trou» veront rester audit sieur D elsol , lors de son d éc ès, icelui
»
»
»
»
a promis de n’instituer d’autre héritière que ladite demoiselle Delsol sa fille , sous la réserve de l’usufruit de tous
les biens institués, et de pouvoir vendre et engager lesdits
biens, ainsi qu’il trouvera à propos, tant en la vie qu a la mort,
(7)
Ces créances montaient à environ 60,000 liv . ; au to tal, les dona
tions du sieur Delsol n’étaient q u ’un à compte sur les biens de sa bellemère et 'de sa f e m m e , qu’il avait confondus avec les siens.
**'c
�. ( 8 )
» et encore de pouvoir disposer d’une somme de 10 ,0 0 0 liv .,’
» et n’en disposant p a s , la réserve tournera au profit de
» sadite fille; et enfin, à la charge de payer à la demoiselle
» Lagarde sa b elle -m è re , au cas elle survive audit si.eur
» D e ls o l, une pension annuelle et viagère de 600 liv.
» £ / , au cas ladite demoiselle future épouse viendrait à dé-
» céder sans enfans ou ses enfans sans descendans ou sans
» disposer valablement , ledit sieur D elsol se réserve expressemènt
» le droit de réversion et retour , tant des biens donnés que
» réservés , sans q u il puisse être dérogé, par sadite fille future
» épouse, audit droit de réversion , par aucune disposition
» ni autres actes à ce contraires ».
V o ic i maintenant les clauses relatives au sieur de VigierD o rcet : « Et ledit sieur de Vigier o n cle , pour et au nom de
» ladite dame de M o ssie r, usant du pouvoir donné à ladite
» dame p a r ledit feu de V ig ier son m a r i, dans son c ontr at
» de mariage du 1 1 février 1 7 2 7 , nomme ledit sieur de
» V igier aîné futur époux , pour recueillir l’effet de la
» donation de la moitié de tous ses biens, conjointement par
» eux faite au profit de celui de leurs enfans à naître
qui
» serait choisi par eux ou par l’un d’e u x .............
» Et en vertu du pouvoir spécial porté en ladite procuration,
» il a donné et donne , à titre de donation entre vifs , audit
» sieur de V igier futur é p o u x ,
tout le surplus des biens
» meubles et im m eubles, présens et à venir de ladite d a m e ..
» S e réserve de plus ladite d a m e , la liberté de disposer
» par acte entre vifs ou à cause de m o r t , d’une somme
»> de 1 0 ,0 0 0 liv. à prendre sur les biens par elle donnés. . . .
>► Se réserve pareillement ladite dame de V i g i e r , et pour
» elle , ledit sieur procureur constitué, le retour et reversion
» a elle et aux siens t des biens par elle donnés audit sieur
futur
�» futur époux , dans le cas où il viendrait à décéder sans
» enfans ou ses enfans sans d escendans, ou sans avoir va» lablement
disposé ».
( 8)
L e sieur de V ig ier-d ’O rcet mourut en 17 8 5 , après avoir
fait un testament par lequel il instituait la dame d’Orcet
son héritière universelle. Sa famille prétendit qu’il n’avait
pu disposer au préjudice du droit de re to u r, et que les mots
sans avoir valablement dispose , ne se referaient qu a ses
enfans et descendans; m a is , par arrêt du 18 novem bre,
1 7 8 5 , le testament fut maintenu. L e sieur d’Orcet laissait
des dettes immenses. L a dame d'Orcet qui ne s’était rendue
héritière bénéficiaire que pour honorer sa m ém o ire, en a
p a y é pour 90 0,0 00 l i v . , et il en reste encore pour une
somme considérable.
C e ne fut que plus de
11
ans après le mariage de sa
fille q u e , le 20 octobre 1 7 7 1 , le sieur Delsol en contracta
un second avec la
demoiselle Dubois. ( 9 )
T ro is enfans
en provinrent. Suivant le cours trop ordinaire des choses,
le sieur D elsol tourna toutes ses affections vers les fruits de ce
dernier h ym en. L a dame d’Orcet, sa fille, vivait à Mauriac ; il
était in firm e;
on parvint facilement à lui persuader qu’il
n ’était pas lié par le contrat du 2 juin 17 6 0 .
(8 )
C ’est envain que l’on chercherait cette clause dans le mémoire
des sieurs Delsol. Ils n’ont pas dit un seul mot qui put seulement en
faire soupçonner l’existence.
( 9) C ’est encore envain que l’on chercherait dans le mémoire du
sieur D e ls o l, la date de ce second contrat. D es deux mariages du sieur
D e ls o l, disent-ils, page 3 , étaient issus plusieurs enfans. Et comme ils
y pai lent de suite de celui de la dame d’O rce t, ceux qui ne connaîtraient
pas leur fam ille , seraient tentés de croire qu’ils assistèrent au mariage
(de leur sœur.
B
�.
C 1 0 •)
C ’est dans cette idée q u e , par celui du 20 octobre 1 7 7 1 ,
il avait donné la moitié de ses biens à l’un des enfans
naître de son second mariage.
C ’est aussi dans cette idée qu’il fit, le 1 1 juillet
à
17 8 0 ,
un testament par lequel , après avo ir légué 100 0 liv. à la
dame d’Orcet, et 6,0000 1. à chacun de ses trois autres enfans,
il institua pour son héritier universel, son fils aîné du second
li t , et à son défaut , ses autres enfans, par ordre de primo
geniture; voulant expressément q u e, dans le cas où la dame
d’Orcet viendrait à mourir sans e n fa n s, ou ses enfans sans
descendans, son héritier profitât du droit de retour par lui
stipulé dans le contrat de mariage de sa fille. ( 1 0 )
C es deux actes ne sont que des monumens de l’infirmité
du sieur D e l s o l , et de l’influence qu’on exerçait sur lui ;
car on lui faisait faire des dispositions gratuites, on lui fai
sait dire que le droit de retour passerait à son héritier
institué, tandis que depuis 1 7 6 0 existait l'institution contrac
tuelle qui conférait à la dame d’O rcet tous les biens, droits
et actions qu’il laisserait à son décès.
Q uoi qu’il en so it, à cette dernière époque il fut fait in
v e n ta ire , e t , en exécution de deux sentences du baillage
d ’A u rillac, des 19 août
1 7 8 1 et 1 2
décembre 17 8 3 , un
partage , par lequel il fut délaissé aux enfans du second l i t ,
trois douzièmes des biens héréditaires pour leur légitime de
droit. Les neuf autres douzièmes restèrent à la dame d’O rcet
en vertu de l’institution contractuelle.
Devenus m a je u rs, les sieurs D e ls o l, tant en leur nom que
comme cohéritiers de Sophie leur sœur , morte al> intestat ,
(10)
Il sera inutile de s’occuper de ce testament, qui a été déclaré
nul par sentence du 1 9 août
178 2,
�( 11 )
ont passé, avec la dame d 'O r c e t , les
ïo
ventôse et 23 germi
nal an 9 , deux actes séparés, dont voici
les principales
clauses ( 1 1 ) :
i . ° Les sieurs D elsol approuvent le partage des immeubles
de leur
p ère, fait par Lasmoles et D eveze , experts , en
vertu des sentences sus*énoncées }
2 .0 Ils cèdent a la dame d’O rcet le huitième revenant à
- chacun d’eux ( 1 2 ) dans l’argent c o m p ta n t, le prix du
m o b ilie r, les créances perçues, et leur part dans la somme
de 10,00 0 liv. portée par le contrat de mariage du z juin i j 6 o ,
en quoi que le tout puisse être et consister, sans autres réserves
que celles ci-après ;
3 . 0 L a dame d’O rcet leur cède une somme de 30,000 liv.
due à la succession par la dame Di:bois leur mère ; elle
consent qu’ils répètent contr’elle une somme de 14 ,2 5 5 liv.
• qu’elle lui a payé pour pensions j elle leur délaisse en pro
priété le domaine de Coussergues ( 1 3 ) ;
4 .0 E lle cède à l’aîné le quart des créances à recouvrer ,
et au cadet la liquidation de la charge de receveur
consignations ;
.
-
-
rg-
■
des
-------
( 1 1 ) Les sieurs Delsol n’ont point p a r lé , dans leur m ém o ire, des
sentences de 1 7 8 2 et 1 7 83 , ni du partage fait
des traités de l’an 9 , par lesquels ils
en conséquence , ni
ont reconnu leur
soeur pour
héritière universelle, sans aucune réserve : traités qui sont le résultat
de plusieurs mois de conférences entre trois Jurisconsultes que les parties
avaient pris pour arbitres.
(12)
Par le double lien , ils avaient succédé à Sophie leur sœur
germaine , à l ’exclusion de la dame d’Orcct. D c j - lo r s , les 3 douzièmes
se partageant entr’eux , cela faisait un huitième pour chacun.
( 1 3 ) Ce domaine provient de la succession de la dame Thomas.
�( 11 ) .
j . ° Les sieurs D elsol tiennent quitte ia dame d ’O r c e t , de
toutes restitutions de jouissances et intérêts ;
6.° La dame d’Orcet demeure chargée des dettes de la
succession.
A u moyen de ce , les parties se tiennent respectivement quittes
du passé jusques h u i , et promettent ne plus se rien demander
tune à l'autre
sans dépens de part ni d'autre
Parmi les biens restés à la dame d’O rc e t , était une partie
de la montagne appelée du Broussete; elle l’a vendue au sieur
D elsol aîné, par acte du 28 fructidor an 10 , m oyennant
12,0 0 0 liv. Il a p ayé 8,000 , et la dame d’ Orcet l’a tenu
quitte des 4,000 liv. restant, au m oyen de ce qu’il a re
noncé au quart des créances à recouvrer. L e sieur D elsol
n’a vu aucun danger dans cette acquisition.
Mais bientôt ç’a été tout autre chose. La dame d’O rcet
venait de vendre au sieun Desprats le pré de C a n c o u r ,
lequel fait partie des biens institués. Les sieurs Delsol ont
vu avec peine cette aliénation qui diminuait une succession
sur la q u e lle , en leur qualité de frères et héritiers présomptifs
de la dame d ’O r c e t , ils croyaient pouvoir fonder quelque
espérance.
Peu après a paru l’arrêt de la C o u r de cassation du 1 1
fiimaire an 1 4 , qui a validé un droit de retour c on ven
tionnel et coû tu mie r } auquel on voulait
suppressive des substitutions. Alors
appliquer la
loi
les sieurs Delsol ont
conçu l’idée de faire revivre la clause du contrat de 1 7 6 0 ;
et ils ont publiquement annoncé les droits qu’ils disaient
avoir sur les biens de leur sœur. ( 1 4 )
( 1 4 ) Aussitôt les créanciers de la dame d’Orcct ont pris l’é v e i l; ses
biens ont été couverts d’inscriptions, et elle a eu la douleur de v o ir
�3/s
( «} )
Instruit de cette clause et des prétentions des sieurs D elsol,
le sieur Desprats a craint qu’ils ne vinssent un jour l’évincer
de son acquisition, et il a refusé d ’en payer le prix. £ur
le commandement qui lui a été fait le n
juillet 1 8 0 6 , il a
répondu que le droit de retour étant une stipulation con
ditionnelle qui passe aux héritiers , il avait juste sujet d ’ap
préhender d’être troublé dans la propriété du pré de C a n co u r,
et de demander par conséquent à résoudre la vente , ou à
retenir le prix , ou à p ayer
sous caution.
Q ue pouvait faire la dame d’O rcet dans cette occurrence?
F ra p p ée, par le f a i t , d’une incapacité absolue de disposer
de ses biens, elle n’a pas eu à choisir parmi les m oyens
de la faire cesser ; il ne s’en présentait qu’un et elle l’a
saisi ; elle a demandé contre le sieur Desprats la conti
nuation de ses poursuites, et contre les sieurs D e ls o l, la nullité
de la clause de retour.
Ici ont commencé les chicanes des sieurs D elsol. Cités au
bureau de p a i x , l’aîné a répondu q u il ne connaissait pas le
contrat de mariage de sa saur ( 1 5 ) ; qu il ignorait si son père
y avait stipule un droit de retour ; quen le supposant a in si , il
n aurait qu une espérance, &c. . . . O n a prétendu pour le cader,
qu’il avait changé son domicile à P a r i s , e t , sous ce prétexte,
on a éludé la clôture du procès-verbal jusques au 1 1 août.
Assignés au trib u n a l, chacun d’eux a constitué son avoué ,
et, après avoir tergiversé pendant plus de huit m o is, ils ont
dans cette circonstance , que la crainte étouffait toutes les considérations
et jusqu’à la v o i x de l’amitié.
(15)
Il ne le connaissait pas ! et depuis plusieurs mois, il le poitait
dans sa poche, le lisant à tout le monde et ne parlant d’autre chose !
�( H )
dem andé, par des exceptions séparées, à être mis hors de cause,
s’agissant, disaient-ils, d’un droit non ouvert.
5 juin 18 0 7 . Jugem ent par défaut, qui leur a ordonné de
défendre au fond.
Ils ont fait signifier des défenses le 2 ju ille t, en protestant
de se pourvoir contre le jugement du 5 ju in ; c ’est-à-dire,
q u ’après avoir défendu, ils se réservaient de faire juger s’ils
devaient défendre.
C es neuf mois qui se sont écoulés entre l’assignation et le
jugement du 5 juin , les sieurs D elsol les
ont em ployés à
résoudre un problème qui les tourmentait fort. Il ne s’agissait
de rien moins que de faire, sur les biens de la dame d’O r c e t ,
des actes conservatoires de ce même droit de re to u r, qu’ils
soutenaient n’être pour eux qu’une espérance incertaine. D e là
sont venues deux inscriptions montant à ic o ,o o o l i v . , que les
sieurs D elsol ont pris sur tous les biens présens et à venir 'de
leur sœ u r, et le croirait-on? Pour sûreté de la créance résul
tante en leur fa veu r, de cette sentence du 29 août 1 7 8 2 , qui
avait ordonné le p a rta g e , et sur laquelle les parties avaient
irrévocablement traité , sans aucune réserve , par les actes de
l ’an 9 ; ces inscriptions, basées sur un titre étein t, ne pou
vaient se soutenir; mais elles avaient provisoirement l’effet
de frapper les biens de la dame d’O rcer.
L a nullité de ces inscriptions a été prononcée par jugement
contradictoire du 30 juillet 1 8 0 7 , auquel
ont
acquiescé en payant les dépens;
les sieurs D elsol
mais avant
qu’elles
fussent r a y é e s , ils les ont renouvelées par un autre de la même
somme de 1 0 0 ,0 0 0 liv. qu’ils ont prise en vertu du contrat
de 17 6 0 , sur les biens que la dame d’O rcet possède à Mauriac,
le 2 juillet d ern ier, c’est-à-dire le même jour qu’à A u rilla c ,
�( M )
en défendant au fond , ils se réservaient de faire juger qu’il
ne s’agissait que d’un droit non ouvert.
Q uoiqu’ils eussent donné leurs m oyens par é c r it , les sieurs
Delsol n’ont pas voulu les plaider à l’audience. L e 6 août ,
un second jugement par défaut a déclaré nulle la clause du
droit de retour , et ordonné la continuation des poursuites
contre le sieur Desprats.
Les sieurs D elsol ont formé opposition à ce jugement ; et
ce n’est qu’au mois de février 18 0 8 , qu’ils se sont enfin pré
sentés à l’audience o ù , sur plaidoiries respectives, il a été.
ordonné une instruction par écrit au rapport de M . le Président.
Pendant les plaidoiries, un mémoire a p a r u , dans lequel
les sieurs Delsol ont essayé d’établir quatre propositions :
i . ° Q u ’en p rin cip e, le droit de retour est transmissible
aux héritiers du donateur ;
2 . 0 Q ue ce droit n’est pas atteint par les lois abolitives des
substitutions ;
3 .0 Q u e l’institution faite en faveur de la dame d’O rcet ,
ne comprend pas l ’efFet d ’une clause stipulée contr’elle }
4 .0 Q u ’en aucun c a s , elle n ’a pas le droit de disposer des
biens soumis au droit de retour.
T e l est l’état actuel de l'affaire.
OBSERVATIONS
GÉNÉRALES.
Suivant l’ancien d ro it, le père était seul tenu de constituer
à sa fille une dot qui s’appelait profectice, et la fille mourant
pendant le mariage , la dot restait au mari. ( 1 6 )
(16 )
La mère n’ayant pas la puissance paternelle, ce qu’elle donnait
à ses enfans était adventif. Si elle les instituait par testament, ils étaient
réputés héritiers étrangers, heredes extranei. Instit. liy, 2 , tit. 1 9 ,
�( l 6 ) .
D e l à il arrivait que le père avait la douleur de perdre à
la fois et sa fille et la d o t, et l’on craignit avec raison que
Retour ¿¿gai.
cela ne refroidît la générosité des pères. C ’est ce qui fit
introduire le retour légal en vertu duquel le père reprenait
la d o t , si la fille mourait sans postérité.
Ju re succursum est p a tri , ut filiâ amissâ solatii loco cederet,
si redderetur ei dos ab ipso profecta , ne et filics amis sce etpecunia
damnum sentiret. Leg. 6. ff. de jure dotium.
Prospiciendum est enim ne hâc injecta fo rm id in e , parentum
circà liberos munificentia retardetur. Leg. z. cod. de bon. quce. iib.
L e retour légal avait lieu dans la jurisprudence française}
mais les parlemens y avaient mis différentes modifications.
D a n s la coutume de Paris les ascendans l’exerçaient à titre de
succession particulière.
Il a été maintenu 'par l ’art. 5 du décret du 23 ventôse
an i pour les donations antérieures au 5 brumaire.
L ’art. 7 4 7 du code N apoléon le rétablit comme droit
successif.
Retour
L e retour conventionnel est évidemment fondé sur les mêmes
conyentionnel, motifs que le retour légal. Le donateur est inspiré par la même
crainte qui a fait introduire c e l u i - c i ; et s’il stipule un droit
que la loi réserve tacitement pour l u i , c’est parce que la
stipulation a cet effet, que le donataire ne peut l’éluder en
disposant ; car c’est la seule différence qui existe entre le retour
légal et le retour conventionnel.
Il a été maintenu par l’art. 7 4 de la loi du 1 7 nivôse an 2.
L ’art. 95 r du code N apoléon permet au donateur de le
stipuler ; mais pour lui seulement.
extra m is. D e 1A vint une grande différence que l ’on aura occasion de
rem arq uer, entre le retour stipulé par le p è re , et le retour stipulé par
la mère.
Outre
�S i*
( *7 )
Outre ces deux m oyens de faire rentrer les biens donnes
dans le domaine du donateur, il en existait d’autres par lesquels
il pouvait obliger le donataire à les conserver et à les rendre
à d’autres personnes gratifiées en second o rd re , et alors ces
clauses étaient des substitutions.
Elles furent abolies par le décret du 1 4 novem bre 179 2 .Elles sont prohibées par Tart. 896 du code N apoléon.
C ela p o s é , la dame d’Orcet va considérer la clause dont
il s’agit, sous les deux rapports q u ’elle présente, ce qui divisera
la discussion en deux parties.
D ans la prem ière, elle prouvera que la clausç de réversion
des biens réservés est nulle et com m e non é c rite , ou que c ’est
une substitution abolie par la loi de 17 9 2 .
C et ordre paraît plus c la ir , en ce que la solution de cette
première difficulté, servant à en résoudre d’autres qui se pré
senteront dans la deuxième partie, cela épargne des répétitions.
D an s la se c o n d e , elle établira:
i . ° Q u ’en fait, le retour dont s’agit était purement personnel
au sieur D elsol ;
z .° Q u ’en d ro it, ce retour ne peut profiter aux sieurs
D elsol ;
3 . 0 Q u e , dans tous les cas, il tomberait dans l’institution, et
se serait confondu dans la personne de la dame d ’O r c e t ,
héritière universelle ;
4 . 0 Q u e , nonobstant la clause, elle pourrait dispose'r.
Les propositions des sieurs D elsol seront examinées et
débattues dans le cours de la discussion, selon qu’elles auront
trait à l’une de c e lle s - c i.
Substitutions,
�M
O
(
i8
)
Y
E
N
P R E M IÈ R E
S
.
P A R T IE .
BIENS R É S E R V É S
.
«<VW « W V ^ i
P R O P O S IT IO N .
La clause de réversion des biens réservés est nulle
et comme non écrite, ou cest un substitution abolie
- par la loi du 14. novembre 179 2A v a n t de discuter cette proposition, il faut se fixer sur
l ’effet de la clause par laquelle le sieur Delsol a promis de
n instituer d'autre héritière que la demoiselle D elsol sa fille.
A l’au d ien ce, les sieurs Delsol ont prétendu que ce n était
là qu’une promesse d’égalité, et q u e , par générosité pu re,
traitant avec leur sœur , ils l’avaient reconnue pour héritière
universelle.
L a dame d’O rcet a trop
sultes ( 1 7 )
bonne idée des trois Juriscon
qui préparèrent ces traités,
pour croire qu’ils
aient, hésité un instant sur sa qualité d’h éritiè re ; et il lui
est aujourd’hui permis de croire que les sieurs Delsol n’au(17)
M. Coffinhal, membre du Corps législatif, et MM. Vigier et
yerniols, avocats,
»
�5/cj
( *9 )
raient pas manqué alors l ’occasion de prendre une grande
partie des biens qui sont l’objet de leur sollicitude.
Q u i ne sait , au re s te , que la promesse d’instituer vaut
institution ? O n peut vo ir là-dessus, Lacom be , n .° premier;
Lebrun, liv. 3 , chap. 2 , n .° 4 4 i Catelan ,.tom. i . er, liv. 2,
chap. 4 4 ; Heftrys, liv. 5, chap. 4 , question 5 9 ; F u r g o l e ,
des donations, tom. 5 , page 1 0 4 , 0 1 1 il cite un grand nombre
d ’autres auteurs.
L a clause a donc le même sens qu’elle aurait, si elle était
ainsi conçue : « Le sieur D elsol ria institué d'autre héritière,
que sa fille ». E t lorsqu’en même temps il se réserve
de
pouvoir disposer d’une somme de 10 ,0 0 0 l i v . , laq uelle, faute
de disposition, tournera au profit de sa f i l l e , lorsqu’il la
charge de p a y e r , sur cette institution, une pension de 600 liv.
à la dame Lagarde son ayeule,- il faut fermer les y e u x à
la lum ière, ou convenir que c’est là une'véritable institution.
C 'est a in s i, au surplus, que l’ont reconnu les semences
de 1 7 8 2 et et 1 7 8 3 qui avaient acquis l’autorité de la chose
jugée par le partage fait avec la tutrice des sieurs D elsol j
d o n c , lorsqu’en l’an 9 , ils ont traité avec la dame d’O rc e t,
comme héritière u n iv e rse lle , ils n’ont pas été généreux , ils
ont été forcément justes.
M aintenant, lorsque le sieur D e lso l a stipulé la réversion
des biens réserves, de quels biens a-t-il entendu parler ? U ne
seconde lecture des clauses ne résoudra pas cette question;
et il n en restera que la conviction intime q u e ,p e u versé dans
le droit, quoiqu’il eût vu beaucoup d’affaires , le sieur D elso l
entassa sans ordre et sans ch o ix , dans ce contrat de ma
r ia g e , toutes les clauses
dont il avait des réminiscences,
et qu’il croyait analogues à ce qu’il voulait stipuler.
P o u rq u o i,
par
e x em p le, cette réserve de l’usufruit des
�( 10 )
biens institués, dès qu’il est de l ’essence de toute institution
de n’avoir d’exécution qu’à la mort de celui qui la fait ?
Pourquoi cette réserve de pouvoir vendre
et engager,
dès qu’il n’ assurait à sa fille que le surplus des autres biens
qui se trouveraient lui rester , lors de son décès ?
Pourquoi
cette réserve de pouvoir vendre et en g a ge r,
même à la mort ; com m e si on pouvait engager et vendre
par testament ?
Après, c e la , faut-il s’étonner q u e , de suite, il stipule la
ré versio n , tant des biens donnés que réservés * c’est-à-dire ,
des biens qu’il donne et des biens qu’il ne donne pas ?
M ais ces biens réservés, quels sont-ils ? C e ne sont pas
les biens institués; car lorsqu’il en a p a rlé , il les a appelés
biens institués. C e sont donc les
1 0 ,0 0 0 liv. dont il s’est
réservé la disposition.
Cependant les sieurs D elsol veulent que ce mot réservés
se référé aux biens institués.
Mais une institution contractuelle peut-elle être frappée
d’un droit de retour.
Q u ’e s t - c e d’abord qu’une institution contractuelle ?
« C ’e st, dit L e b ru n , liv. 3 , cliap. 2 , n .° 7 , une donation
» entre vifs du titre et de la qualité d ’héritier, lorsque la
» succession de l’instituant sera ouverte.
» C e n’est, dit F e rriè re , au mot institution , ni une donation
» entre v i f s , ni une donation à cause de m o r t , c’est un don
» irrévocable de succession.
» C ’est, dit Lacom be, n.° 1 .er, une donation du titre d’héritier.
» C ’est, dit C h a b r o l, chap. 1 4 , art. 1 6 , un don irrévocable
» des biens que l’instituant laissera à son décès ; il dispose de
» sa succession, il met l’héritier institué à la place de l’heritier
ab intestat.
�» C ’est, dît D enîsart, n .9 i et 1 4 , une disposition qui fait
»> un héritier indépendamment de la loi. L ’héritier contractuel
»> ne peut disposer des biens qui composent l ’hérédité avant
» l’ouverture de la succession; il ne peut ni les transmettre
» à ses h éritiers, ni les hypothéquer à ses créanciers, s’il ne
» les a lui-m êm e recueillis j et son droit devient caduc j s’il
» prédécéde ceux qui l ’avaient institué, parce que l ’institution
»> ne donne aucun droit à l’institué sur les biens présens. »
E n un m o t , c’est une disposition amphibie , un testament
irré v o c a b le , mais q u i, à l’instar de tous les testamens, ne
transmet les biens qu’au décès de l’instituant.
Q u ’e s t - c e maintenant que le droit de retour?
>► C ’est, dit Denisart, n .°
i . er, un droit par le m oyen
» duquel le donateur recouvre, par le décès du donataire, les
» choses qu’il lui avait données.
» C ’est, dit C h a b ro l, chap. 1 4 , art. 2 4 , un droit par leq u el,
» en donnant ses biens entre v i f s , on peut se réserver la réver» sion , dans le cas o ù le donataire viendrait à mourir avant
» le donateur.
» C ’est, dit F e rriè re , un droit en vertu duquel les immeubles
» donnés par les ascendans à leurs descendans retournent aux
» donateurs, lorsque les enfans donataires décédent sans hoirs.
» C ’e s t , dit D o m a t , lois c iv ile s , liv 2 , titre 2 , section 3 , le
» droit que peut avoir un d o nateu r, survivant à son donataire
» de reprendre les choses données. Ut quod dédit , iterùm a i
» eum reveriatur. Leg. fin . cod. commun, utriusq. judic.
, C ’est, en un m o t, un droit en vertu duquel les biens dont
le donateur s’est d essaisi, reviennent dans ses m ains, parce
que le donataire meurt avant lui sans postérité.
T out droit de retour doit donc être essentiellement de nature
à pouvoir profiter au donateur personnellem ent: les sieurs
�( “
)
D elsot reconnaissent e u x -m ê m e s
ce principe, car ils ne
cessent*de repéter dans leur m ém oire, et notamment page 9 ,
qu ils ont continué en leur personne la saisine dont le sieur D elso l
était revêtu.
'
Des-lors, il est impossible que le droit de retour soit apposé
dans un testament, ni dans une donation à cause de m ort,
ni dans une institution contractuelle, puisque les choses qui
en font l’o b je t , ne sont acquises à l ’héritier ou au donataire
que par le décès du testateur, du donateur ou de l’instituant;
les biens ne peuvent lui retourner, puisqu’il n’en a pas été
dessaisi, et de même que l’on ne peut re v e n ir, si l’on n’est
point parti, de même l ’on ne peut se réserver de reprendre
ce qu’on n’a pas donné.
Cela p o sé , de deux choses l’u n e; ou il faut rayer dans la
clause de réversion ces m o ts, tant que réservés, ou il faut dire
q u e , par rapport à ces biens, le droit de retour n’était qu’une
véritable substitution Fidéicommissaire abolie par la loi du 14
novem bre 1 7 9 2 .
E n effet, il est évident que le sieur Delsol ne pouvait se
réserver à lu i-m êm e la réversion de ces b ie n s, puisqu’il ne
les avait pas abdiqués et qu’il devait mourir
avant que la
Üame d’O rcet pût les a v o ir ; o r , il est aisé de comprendre que
le sieur Delsol n’a pas voulu dire :
Quand je serai mort, un j o u r , qu alors , en vertu de l'institution
contractuelle énoncée
dans le présent contrat, ma fille aura
recueilli ma succession, et que, postérieurement elle viendra à mourir
sans enfans , ou ses enfans sans descendans, ou sans valablement
disposer ; dans ce ca s , moi D elso l , me réserve la réversion des
biens qui auront composé mon hérédité.
C e serait supposer au sieur D elsol l ’idée la plus absurde
qui puisse entrer dans la tête d’un h o m m e , puisqu’elle repose
�3^ a
C *r)
toute entière sur une chose physiquement impossible et contre
nature.
U n e telle clause est nulle et reprouvée par les lois.
Quæ rerum naiurà prohibentur, millâ lege confirmant sunU
Impossibilium nulla obligatio. Leg. i8<j de regulis ju ris.
S i impossibilis condiùo ofrligationibus adjiciatur , n ih il valet
stipulaùo. Impossibilis autem condiùo habetur 3 cui natura
impedimenio est , quo minus existât , veluii si quis itci d ix e rii:
si digito ccelutn attigero , dare spondes ? Instit . i l de inutilib,
stipulât.
« Toute condition impossible........... est nulle et rend nulle
» la convention qui en dépend. Art. 1 1 7 2 du code N apoléon .
» Dans toutes dispositions, entre vifs ou testamentaires, les
conditions im possibles.. . . sont reputées non écrites. Art. 900.»
Et certes, il n’y avait pas plus d’impossibilité pour le sieur
D elso l à toucher le ciel avec le d o ig t, qu’à ressusciter, pour
succéder à sa fille.
L a réversion des biens réservés est donc une condition
impossible et contre nature } par conséquent, elle est nulle
et comme non écrite.
Cependant, les sieurs Delsol prétendent, page 21 , que ce
n’est là qu’une objection spécieuse, et q u e , d ’après tous les
auteurs et particulièrement d'après R ic a r d , Furgole et P oth ier ,
S o n peut apposer un droit de retour à toute espèce de libéralités , et
par exprès quon peut Capposer à une institution contractuelle. ( *# )
( 18 ) Quand les sieurs D elsol copient des consultations et des
m émoires, que des jurisconsultes vivans ont fait pour leur cause, ils
peuvent se dispenser de citer les auteurs; m ais, quand ils invoquent
R i c a r d , Furgole et P o th je r, pour appuyer une absurdité de nature à
Être a p e r ç u e par un enfant, ils doivent citer le livre et la page où
I
�(«4 )
Ces auteurs étaient trop instruits pour professer une telle
opinion. Leurs ouvrages sont pleins de maximes contraires.
R ic a r d , dans son traité des donations, 3«e partie, chap. 7 ,
section 2 , n .° 7 7 1 , d it : qu’il faut prendre garde que le
» droit de retour est absolument contraire à la nature des
» donations entre v i f s , dont l’effet est de transférer irrévoca» blement au donataire la propriété et la possession de la chose
» donnée
sans aucune apparence de retour au profit du
» donateur. C ’est la définition et l’essence de la donation
» entre vifs. D on ad o propriè appellatur, cùm dat aliquis ea
» mente, ut statirn velit accipieniis f i e r i , nec ullo casû ad se
» revertí. Leg. 1 , D ig . de donat.
C o m m e n t a u r a it - il
pu dire ensuite que l’institution qui
ne transfère ni propriété n i possession , était susceptible de
retour à l’instituant qui reste saisi de tout?
A u s s i, après avoir établi que les institutions et les legs
peuvent être conditionnels , il décide , d’après une foule de
lo is , dans son traité des dispositions conditionnelles, chap. 5 ,
section 2 , n .° 2 3 4 , que les conditions impossibles sont nulles
et/ie produisent aucun effet; de sorte quelles sont considérées
com m e non écrites. Impossibilis conditio in institutionibus et
legatis nec non in Jid e i commissis et ' libertatibus , pro non
scriptâ, habetur.
F u rg o le , des donations, tom 5 , page 1 7 1 , dit que les
donations, en contrat de m ariag e, sont susceptibles de toutes
sont leurs opinions, pour ne pas exposer le lecteur à croire, sur parole,
( et c’est peut-être ce qu’ils désirent ) ou à se fatiguer en vaines recherches ,
l et c’cst ce que le lecteur n’aime pas ). La dame d’Orcet doit ajouter
que nulle part, ces trois auteurs n’ont dit que le retour puisse être
ppposé h une institution contractuelle.
sortes
�C
)
sortes de conditions honnêtes et possibles; et, quoique les
institutions contractuelles fussent considérées, dans son parle
m ent, comme des donations entre v ifs , il atteste, page 1 1 3 ,
« qu’on juge que l’institution ou la promesse d ’instituer, qui
» sont la même c h o se ,
sont caduques par le prédécès de
» l’institué lorsqu’il ne laisse pas des enfans ; quoique le droit
» de réversion n ’ait pas lieu , suivant F ern a u d , n .° 9 , et M . de
» C atelan , liv. 4 1 chap. 1 2 ».
C e t auteur est donc bien éloigné de décider que la réversion
soit une condition possible dans une institution.
E n fin , Pothier q u i, dans son traité des donations entre v ifs,
se borne à indiquer l’origine du droit de retour , d it, dans son
traité des obligations, part. 2 , chap. 3 , art. i . er, § 2 , que la
condition d’une chose impossible rend l’acte nul, si elle es tin.
faciendo ; qu’elle n’a aucun effet, si elle est in non faciendo ;
et qu’elle est n u lle, sans vicier le l e g s , si elle est portée
dans un testament.
T o u t ce
que ces auteurs ont pu d ir e , comme tous les
autres, de relatif à cette m atière, se réduit à ce que toutes
les conventions et dispositions, soit entre v i f s , soit à cause de
m o r t , sont susceptibles de toute espèce de c on d ition s, pourvu
qu’elles ne soient ni im possibles, ni illicites.
A u s s i, ne pouvant citer ïeurs o p in io n s,
les sieurs D elso l
en émettent une de leur c r u , page 2 1 du mémoire.
L'institution contractuelle, disent-ils , est comme la donation
entre v if s , un contrat, une obligation que contracte t'instituant
envers l'institué , de lui laisser ses biens ; elle ne diffère de la
donation entre vifs } qu'en ce qu'elle est faite ious la condition
particulière de la survie du donataire.
Cela n’est pas exact. L ’institution n’a de commun avec la
donation entre vifs que l’irrévocabilité. L e donateur ne pro-
D
�t f )
ittet pas de laisser ses b ie n s , il les d o n n e, il s’en dépouille
actu : au lieu que l’instituant n’en peut être désaisi que par sa
m o r t , et l’institution est caduque s’il survit à l’institué.
M ais cette condition particulière de survie n empêche pas que
(
ï instituant contractuel ne puisse fa ire résilier ou révoquer sa
libéralité , si telle ou telle condition a rrive , n importe en quel
temps , et que cependant elle puisse avoir jusques-la tout son effet i
Il est impossible que l ’instituant révoque l’ institution et que
celle-ci ait jusques-là son e ffe t, puisqu’elle ne peut 1 avoir
q u ’après la mort de l’instituant. L a condition qu’on suppose,
ne p o u r ra , par conséquent, être un droit de re to u r, qui ne
peut avoir lieu que pour un objet précédemment transmis.
E n ce cas , les biens qui en sont Cobjet , comme étant retournés
à la masse de l'hérédité et réunis au patrimoine du donateur ,
appartiennent à ceux qu i, lors de l'arrivée de la condition réso
lutoire , se trouvent représenter le donateur ou l'instituant.
T o u t-à -l’heure on faisait opérer la résolution au profit de
l’instituant, à présent c’est en faveur de ses héritiers ; mais
il ne s’agit donc pas d’un droit de reto u r, parce que l’instituant
n’a pu leur transmettre un droit qui ne pouvait s’ouvrir en sa
personne.
C’est le donateur lui-même, toujours existant dans leur personne,
qui reprend sa chose , comme ayant cessé d'appartenir à l'institué,
au moyen de la résolution de Cinstitution qui a eu lieu par
l'événement.
M a is , encore une f o i s , les r e p r é s e n t a i de l’instituant ne
peuvent pas re p re n d re, par retour, des biens qui n’ont passé
que par sa mort à son héritier ; et s’ils ont droit de les reprendre
après que l’institué les a recueillis, ce ne peut être que com m e
gratifiés en second o r d r e , et alors il y a fideicommis.
Comme L donateur , ou ses représentans reprennent la chose
�'
3i r
( 17 3
'donnée , lorsqu 'il y
a survenance d'enfant , même posthume ,
quoique le posthume ne soit né que depuis son décès.
L a révocation s’opère alors en vertu de la loi qui attache
3 la donation la condition si sine liberis ; la donation est résolue
au profit du donateur qui s'est ex p ro p rié , (x amiquâ causa
et inherente contractui. Mais il est impossible que le retour
apposé à une institution ait jamais ce résultat, puisqu’il ne
peut résoudre, au profit de l’instituant, une disposition qui
ne prend effet que par sa mort. L e reto u r, en ce cas , n’est
qu’une stipulation de caducité; o r , il est clair com m e le jour,
que l’institution ne devenant c a d u q u e , que par le prédécès
de l’instituant, la caducité ne peut jamais s’ouvrir en faveur
de ses héritiers, puisque dès le moment de sa m ort, l’institué
se trouve saisi et ne peut être dépossédé , à moins qu’il n’y
ait fidéicommis.
Il faut donc répéter que la réversion des biens réserves est
nulle et com m e non-écrite.
E t que gagneraient les sieurs D e lso l à ne pas le rayer
de la clause? lisseraient alors dans la deuxième h yp oth èse,
et forcés de convenir que le retour des biens réservés n ’est
q u ’ une véritable substitution abolie par la loi du
14
no
vem bre 1 7 9 2 .
Q u ’est ce qu’une substitution fidéicommissaire ?
« 1 1 y a fidéicom m is, dit M . M e r lin , questions de droit,
# tom. 8 , page 4 8 8 , toutes les fois q u ii existe une disposition
» par la q u e lle , en gratifiant quelqu’un , on le charge
» de rendre l ’objet de la libéralité à un tiers que l’on en
» gratifie en second
ordre.
A in si,
dans une
disposition
» fidéicommissaire, il entre nécessairement tiois personnes
» celle qui d o n n e , celle qui est gratifiée à la charge de
» rendre et celle à qui l ’on doit ie nd re »,
�« L es substitutions sont p ro h ib ées, dit l’art. 896 du Code
» N a p o l é o n , et afin qu’on n’équivoque pas sur le m o t , il
» ajoute : toute disposition par laquelle le donataire, l’héritier
» institué ou le légataire sera chargé de conserver et de rendre
» à un tiers j sera nulle, même à l’égard du donataire, de
» l’héritier institué ou du légataire ».
E t , dès le 1 4 novembre 17 9 2 , une loi avait aboli toutes
les substitutions non ouvertes et en avait attribué les biens à
ceux qui en étaient saisis.
L a charge de conserver et de rendre à un tie r s , voilà le
caractère distinctif de la substitution, quelle que soit d’ailleurs
la disposition qui la contient.
C ’est, conformément à cette règle , que l’art. 898 du C o d e
porte : « que la disposition par laquelle un tiers serait appelé
» à recueillir le don , l ’hérédité ou le legs , dans le cas où
» le donataire , l’héritier institué ou le légataire ne le recueil» lerait pas , ne sera pas regardé comme une substitution et
» sera valable ». L a raison en e s t , qu’en ce c a s , il n’y a pas
charge de conserver et de rendre, puisque le premier gratifié
n ’a pas recueilli , et que le second appelé prend la libéralité,
sans intermédiaire , et de la main même du donateur.
11 sera maintenant facile de discerner si la réversion des
biens réservés forme une substitution.
L e sieur Delsol pouvait stipuler pour lui , et même pour
les siens, le retour des biens qu'il donnait} c’est-à-dire du
domaine du C la u x et des 1 0 ,0 0 0 liv.
Mais il est démontré qu’il ne pouvait se réserver de repren
dre les biens qu’il ne donnait pas; c’est-à-dire les biens compris
dans l’institution contractuelle.
Cependant le contrat de mariage ne parle que du sieur
�( *9 )
D elsol. ' C ’est lui qui se réserve le droit de réversion } il nô
parle pas même de ses parens.
Il faut donc se prêter aux besoins des sieurs D e l s o l , et
supposer, avec e u x , que les héritiers du sieur D elsol sont
implicitement compris dans la mcme ré s e rv e , suivant les lois
relatives à la transmission dont ils ont fait un si pompeux
étalage. Cette supposition ne suffira pas pour lever la difficulté;
c a r, si la stipulation est censée avoir étç faite implicitement
en fa ve ur des h éritiers, il n’en est pas moins vrai q u ’elle
com prend, en termes fo rm els, le sieur D elsol ; et on a établi
l ’impossibilité que les biens compris dans l’institution retour
nassent jamais à lui.
11 faut donc pousser la complaisance jusqu’au b o u t , et
supposer que le sieur D elsol a voulu se. conserver à lui-même
le droit de retour des biens donnés , et qu'il n’a pas voulu
se conserver à lu i, (puisque cela ne pouvait pas être) , mais
à ses héritiers, le droit de retour des biens
réservés.
Si les sieurs D elsol trouvent une hypothèse plus favorable,
ils n ’ont qu’à l’indiquer.
Alors la clause sera censée rédigée en ces termes :
« A l’égard du surplus de ses autres biens qui resteront
» audit sieur Delsol , lors de son d é c è s, icelui promet de
» n’instituer d’autre héritière que la demoiselle D elsol sa fille,
» sous la réserve de l’usufruit, etc. ; et, au cas où ladite demoi» selle Delsol future épouse, viendrait à décéder sans enfans,
» ou ses enfans sans descendans, ou sans disposer valablement,
»
»
»
»
il réserve expressément à ses héritiers le droit de réversion
et retour des biens réservés , sans qu’il puisse être dérogé
par sadite fille future ép ou se, audit droit de réversio n , par
aucune disposition ni autre acte à ce contraire ».
D ’a b o rd , la clause ainsi conçue profite toute entière à la
�C 3° ) ,
dame d’O r c e f; car n’y ayant de vocation que pour les héritiers
du sieur D e ls o l , le retour suit sa succession , de laquelle il
li e pouvait être séparé que par la vocation d’autres personnes
que les héritiers ; o r , la dame d’Orcet étant grevée du droit
de retour > et en même temps héritière u n iverselle, il y a
confusion , ainsi que cela sera plus amplement démontré.
Mais ce n’est pas tout : que l’on suppose encore que toute
autre personne que la dame d’ Orcet ait succédé aux droits
du sieur Delsol ; celui dont il s’agit i c i , ne sera jamais qu’une
substitution fidéicommissaire, puisque la dame d’Orcet aura
été chargée de conserver et de rendre ; et qu’alors il y aura ,
dans la disposition, les trois personnes dont le concours forme
la substitution.
}
Q uand un donateur stipulait à son profit la réversion
des biens qu’il d on n ait, c’était un vrai droit de retour ; quand
il le stipulait aussi pour ses héritiers, c ’est qu’il prévoyait
le cas où le retour ne s’ouvrirait pas de son vivant. Ces
réserves n ’avaient rien de commun avec la substitution fideicom m issaire, abolie par la loi du 1 4 novembre 17 9 2 . E t
c’est ainsi.qu’il faut entendre l’arrêt d e là C o u r de cassation
rendu le 1 1
frimaire an 1 4 ,
entre les héritiers de la de
moiselle R osalie Lalanne et la dame de N availle.
Les sieur et dame Bidon de S t - M a r t i n , en mariant en
1 6 9 4 , la demoiselle Ursule de St.-Martin leur fille au sieur
L a la n n e ,
lui constituèrent, par son contrat de m ariage,
une dot de 18,000 l iv . , il fut stipulé par une clause expresse,
qu’en cas de
dissolution du mariage sans enfans ou leur
postérité légitime défaillant, la dor retournerait soit aux père
et mère qui la constituaient, soit à leur fils et à ses héritiers.
V o ilà une donation entre vifs avec stipulation d’un véritable
droit de retour en’ faveur, des donateurs, de leur fils et de
�33/
( s1 )
ses héritiers. Cette stipulation était d’ailleurs conforme
au
statut coutumier de N avarre qui régissait les parties et leur
contrat.
L a postérité de la d a m e ' Ursule de St.-M artin , épouse du
sieur L a la n n e , s’est éteinte par la décès de R o salie Lalanne
morte sans enfans en 1 7 9 3 . Le sieur L a rre g o ye n était son
h éritier; la dame de N availle descendant des sieur et
dame de St.rMartin , réclamait la dot de
18 ,0 0 0 l i v . , en
vertu du droit de retour que ceux-ci s’étaient ré serv é, non
seulement pour eux mais encore pour leur fils et ses héritiers.
Fallait-il rejetter cette demande, sous prétexte que le con
trat de mariage de 16 9 4 renfermait une substitution fideicommissaire? L a C our de cassation s’est prononcée pour
la n é g a tiv e , et les motifs de son arrêt sont faciles à saisir.
Il s’agissait d’abord d’une donation entre v ifs; et en second
lieu , les donateurs s’étaient réservé à e u x , à leur f i s et à ses
héritiers , un droit qu’il était impossible de qualifier autre
ment que d ’un droit de re to u r; puisque, en vertu de cette
clause, l’objet donné pouvait retourner aux donateurs d’où
il était provenu.
Il était perm is, à cette époque, de stipuler le retour au
profit du donateur et de ses héritiers; o u , ce qui revient au
m ê m e , de d écla re r, que dans le cas où le donateur ne vivrait
pas à l’époque de l’ouverture du droit réservé, le droit serait
transmissible à ses héritiers, et cette convention avait
été
formellement stipulée dans la donation.
A la vérité, le contrat de mariage de 1694 présentait une
substitution fidéicommissaire en faveur des descendans de
la dame Ursule de St.-M artin, fille alors dotée, et cette
substitution était en même temps fondée sur les coutumes de
N avarre et de Béarn
par ce m o y e n , les père et m è re , en
�( 3 0
dotant leur fille , l’avaient chargée de conserver et de rendre
à ses enfans, et ceux-ci aux leurs, à l’in fin i, la chose donnée j
et cette stipulation, conforme à la coutume lo cale, emportait,
il n’y
a pas de doute, un véritable fidéicom mis, dans la
ligne de la dame Ursule de St.-M artin; mais ce n’était pas
en vertu de cette substitution , dont l’abolition était avouée,
que la dame N availle réclamait la dot ; elle n’était pas même
de la ligne qui seule était appelée au fidéicommis ; elle n’in
voq uait, à l’appui de sa dem ande, que le
droit de retour
stipulé par les donateurs , à leur profit , à celui de leur fils
et de ses descendans ; et ce droit a paru trop clairement
conservé par la loi du 1 7 nivôse an 2 , pour que les tri
bunaux ayent pu le déclarer aboli.
Tel
est le résumé de l’espèce de
cet
arrêt, d’après le
compte qu’on en voit dans le journal des audiences. L ’on
se rend néanmoins avec peine à l’idée qu’une clause qui dort
ainsi plus d’un siè cle, et s’éveille tout-à-coup pour transporter
des biens qui ont fait so u c h e , d’une famille dans une autre,
ne renferme rien qu’un simple droit de retour, sans qu’il
y ait charge de conserver et de rendre. Il faut avouer q u e ,
si ce n’est pas une substitution, cela en a b ie n , au premier
coup-d’œ i l , la ressemblance et les effets.
M a is , qu’y a-t-il l à , au surplus ,„ d’applicable à l ’espèce
actuelle ? Il est d’abord constant q u e , lorsqu’il s’ agit de qualifier
une convention ou le droit qui en résulte, c’est plutôt la
nature des choses
que les expressions
parties, qui doivent servir
em ployées
par les
de régie.
ln contractibus, rei veritas potiiis quàm scriptura perspici
débit. Leg. I. Cod. P lu s val. quod agit.
N on quod scriptum , sed quod gestum est , inspicitur. P lu s
actum quam scriptum valet* Leg. 3 et 4 . Cod. eodem.
Q u ’importe
�333
C h
)
Q u ’importe, par conséquent, que le sieur Delsol ait qualifié
de réversion ou de retour 3 la stipulation dont s ’a g i t , si
la chose n’y est pas ; s i , à l’égard
des biens réservés s le
contrat renferme une véritable substitution fidéicommissaire ;
s’il est même impossible qu’il
contienne une autre dispo
sition ? T out est dit alors ; on naura pas à s’arrêter aux
m o t s : o r , il serait difficile de trouver une vérité plus in
contestable que celle-ci.
En effet, il est p ro u vé, jusqu’à l’é v id en c e,q u e celui qui dis
pose par testament, par tout autre acte à cause de mort
ou par une institution contractuelle, ne peut se réserver le
retour de sa libéralité, puisqu’elle ne peut être recueillie
qu’après sa mort.
Il est prouvé de m êm e, que tout droit de retour doit
nécessairement pouvoir s’ouvrir au profit du donateur.
D o n c , toutes les fois que le disposant stipule la réversion
pour d’autres que pour lui , toutes les foi* qu’il appose la
condition de retour au profit de quelqu’u n , des biens qu’il
ne transmet à son héritier qu’à son d écès, il charge cet
héritier de conserver sa libéralité et de Ja rendre au tiers
appelé au retour. Il y a alors trois personnes dans la dis
position , celui qui fait la libéralité, celui qui doit d’abord
la recueillir et celui auquel
elle doit être rendue. Il y a
donc fidéicommis.
O r , ces trois personnes seraient dans la clause de réversion
des biens réservés ; le sieur D elsol instituant, la dame d’Orcet
qui devait recueillir à sa m o r t, et les parens du sieur D elsol
auxquels les biens devaient être ren d us, le cas arrivant.
Veut-on plus de dévéloppement ?
Q u e dans une disposition contractuelle, un père nomme
un de ses enfans son héritier u n iv e rse l, et qu’employant
E
�( 34)
les mêmes termes que le sieur D e ls o l, il déclare q ue, dans
le cas où cet enfant vienne à mourir sans enfans, e t c ., les
biens institués retourneront à ses plus proches parens, sans
qu’il puisse être dérogé, e t c . , ne sera-ce pas une substitution
fïdéicommissaire ?
L ’enfant ainsi institué, sera chargé de conserver et de rendre,
il sera charge de conserver , parce que le disposant lui a
défendu de d éro g e r, par un acte quelconque, à la reversion.
11 sera chargé de rendre , non pas au disposant qui sera
mort quand sa disposition s’ouvrira , mais à un tiers ; et
voilà ce qui constitue le fidéicommis prohibé par la loi
de 17 9 2 et par le C o d e N apoléon.
Il n’en est pas de même du droit de retour ; il ne sup
pose essentiellement que deux personnes, le donateur qui se
dessaisit entre vifs de la propriété , et le donataire qui accepte.
C ’est uniquement pour son profit personnel que le donateur
se réserve le retour. C ’est une clause résolutive, dont l’événe
ment doit faire rentrer l’objet donné dans le domaine de
celui d’où il p r o v ie n t , comme s’il n’en était jamais sorti;
enfin, une clause qui réserve au donateur mêm e, la faculté
de rentrer dans sa propriété ex antiquâ causa.
Si les anciennes lois permettaient au donateur de stipuler
en même temps la réversion au profit de ses héritiers, il
fallait cependant qu’il commençât toujours par en faire la
réserve à son profit, et que cette réserve pût avoir
en sa
personne:
effet
les héritiers ne venaient alors que par
représentation et pour recueillir l’effet d’un droit qui faisait
partie de sa succession , d’un droit enfin q u i , originairement
acquis au do n ateu r, leur avait été transmis par son décès,car s’ils l’avaient pris dans la succession du d onataire, il
y aurait eu fidéicommis.
�2>3J
( 35 )
O r , dans une
institution contractuelle qui ne doit être
exécutée que lorsque le disposant ne sera p lu s,
comment
pourrait-il profiter lui-même du droit de réversion ? Toute
clause qui renferme une pareille absurdité doit être réputée
non é c rite ; et si on
veut la faire passer à d’autres qu’à
l ’instituant, l’héritier est alors charge de conservera t de rendre,
et il y a fidéiccmmis aboli par la loi du 14 novembre
1 7 9 2 . C e n’est plus une réversion que l’instituant a voulu,
mot y qui dans sa signification emporte l’idée du retour de la
chose donnée dans la main d’où elle est partie; c ’est une vraie
restitution dont l’héritier a été grevé en faveur d’un tiers ;
et il est bien évident que de pareilles dispositions sont ann u llé e s, n’importe qu’elles se trouvent dans un testament ou
dans une institution contractuelle.
Il est inutile de pousser plus loin cette discussion ; elle
est venue à des démonstrations si sim ples, si claires que ce
serait servir les sieurs Delsol que de les réfuter plus long-temps.
Ils n’insistent sur une prétention si extraordinaire, que pour
opérer une diversion. Ils n’affectent, sans espérance et sans
raison , des droits sur les biens qu’ils appèlent réservés , que
pour amener les esprits qui craignent les embarras et
difficultés
d ’un long
d é b a t , à se
les
relâcher sur les biens
donnés pour les dédommager de c e u x - c i; à p ro p o se r, en
un m o t , ce q u ’on appèle une compensation.
Cette vieille
r u s e , praticable quand il s’agit de faits embrouillés ou de
torts réciproques , ne réussira pas ici. On ne compense pas
les clauses d’un contrat de mariage ni les questions de droit.
E t , sur cette première partie d e l à discussion , il n’y a pas
de milieu : I9 .clause de
réversion des biens réservés est
nulle et comme non écrite, ou c’est une substitution abolie
par la loi du 1 4 novembre 17 9 2 .
�DEUXIÈM E
B I E N S
PARTIE.
D O N N É S .
I . re P R O P O S I T I O N .
En fait, la clame de réversion est purement personnelle
au sieur Delsol.
\
T o u s ceux qui pensent que la stipulation du retour pro
fite aux héritiers du donateur, lorsqu’il vient à mourir avant
de l ’avoir recueillie, avouent néanmoins que cette transmission
ne doit pas
avoir lieu lorsqu’il
a limité la réserve à sa
personne, et qu’il ne s’est point occupé de ses héritiers. Les
sieurs D elsol en conviennent ( 1 9 ) ; c’est d’ailleurs décide
par l’art. 1 1 2 2 du code N a p o lé o n , qui est en cela simple
ment déclaratif des anciens principes.
« O n est censé avoir stipulé pour soi et pour ses héritiers
» et ay an s-cau se, à moins que le contraire ne soit exprimé
» ou ne résulte de la nature de la convention ».
Ainsi , avant d’examiner si le retour dont il s’agit est en
droit transmissible aux héritiers du sieur D e l s o l , il convient
de vo ir s i, en fa it, il n’a pas été restreint à sa personne.
D ’a b o rd , le contrat fut fait en 1 7 6 0 , dans un temps où
l ’on était bien loin de reconnaître que le retour passât aux
héritiers. Les auteurs étaient partagés ; ils s’opposaient réci
proquement des textes de lois et des arrêts: mais ceux qui
( 1 9 ) Pages 1.2 , 16 et 1 7 du mémoire.
�33/
(
37
)
avaient écrit le plus récem m ent, étaient contre la transmis
sion ( 2 0 ) . L ’arrêt de 1 7 6 7 q u i, selon les sieurs Delsol (p a g e
14
du m é m o i r e ) , a fix é irrévocablement la jurisprudence,
ne fut rendu que 7 ans après le contrat de 17 6 0 .
L e sieur D e ls o l, homme d’affaires,
savait donc que la
Stipulation du retour ne profitait pas aux héritiers. T o u t au
m oins, on accordera qu il 11 ignorait point que la question
ne fût très-controversée; dès-lors, s’il avait intention que sa
réserve allât plus loin qu’à sa personne, la prudence lui faisait
un devoir de s’en expliquer d’une manière positive.
O n accordera sans doute aussi
que deux familles
qui
allaient s’allier ensemble par un contrat solenn el, setaient,
suivant l’usage, communiqué les dispositions, quelles enten
daient mutuellement y insérer; on ne peut supposer qu’un
acte de cette im portance, que le mariage le plus considérable
qui se fût vu de long-temps, ait été fait ex abrupto et sans
qu’on ait observé les procédés et les convenances usitées
en pareil cas dans toutes les familles.
L e sieur Delsol savait donc que la dame de V ig ier ferait, à
son f i l s , donation de ses b ie n s , et s’en réserverait le retour à
elle et aux siens ; e t , ce fut par suite
de cet arrangement
préliminaire , que la dame de Vigier donna à son beau-frère
la procuration en vertu de laquelle il stipula dans le contrat
les conventions précédemment arrêtées.
Et, réciproquement, la famille de V igier savait que le sieur
D elso l donnerait à sa fille le domaine du Claux et 10 ,0 0 0 1.,
qu’ il 1 instituerait héritière et qu’il se réserverait pour
seulement le droit de retour.
lui
E t , pourquoi cette différence dans les deux clauses ? E lle
( 1 0 ) Boucheul écrivait en 1727, et Arnaud de la Rouvière, en 1737.
�( 5» )
était dictée par la nature et par la différence des positions
o ù se trouvaient les donateurs.
L a dame de V igier ayant plusieurs enfans , il paraissait
convenable que la réserve fut faite pour eux comme pour elle.
Le sieur D e ls o l, au contraire, n’avait que sa fille ; il était
v e u f depuis long-tem ps, et son âge et son goût n’annon
çaient pas qu’il eût l’idée de passer à des secondes n oces;
il n’avait aucun proche parent qui pût partager son affection,
qu’il portait toute entière sur sa fille unique : quel eût donc
été le but d’une réserve de retour pour les siens ? Est-ce
pour des collatéraux éloignés et avec lesquels il ne vivait
p a s , que le sieur Delsol aurait stipulé cette réserve et la
défense d’aliéner ? Peut-on croire qu’il fut assez injuste que
de préférer de tels parens à sa fille unique, et qu’il aimât
mieux leur laisser, plutôt qu a elle , la disposition de sa
fortune ? S’il eût annoncé cette intention , la famille de
V igier y aurait-elle consenti ? Aurait-elle souffert que la
demoiselle D elsol ne pût disposer de rien envers son mari,
tandis que celui-ci conservait la liberté de lui faire passer
tous ses biens? O n le demande ; de bonne f o i , le sieur
D elsol aurait-il osé le proposer ? V o ilà pourquoi il ne stipula
que pour lui.
Encore moins eût-il osé annoncer qu’il entendait réserver
le droit de retour pour des enfans d’un second lit ? Pou r
quoi dissimuler ce que personne n’ignore ?
L a famille du sieur d’O rcet, s’ unissant à celle du sieur Delsol,
payait-elle un tribut au préjugé qui faisait rechercher l’alliance
de familles privilégiées?
Suivait-elle les spéculations de ceux qui se relâchent sur les
dots des fille s, dans l’espérance d’avoir part au crédit et à la
protection des pères qui ont des postes éminens ?
�( 39 )
L e sieur D o rcet enfin, était-il entraîné par une de ces in
clinations décidées qui, franchissant les distances et rapprochant
les extrêmes, amènent souvent des unions mal assorties et
rarement heureuses ?
R ie n de tout cela. Il faisait ce qu’on appèle un mariage
de fortune ; il épousait une fille unique et très-riche héri
tière ( 2 , 1 ) ; le sieur D e ls o l , à son to u r, trouvait dans son
gendre une fortune plus considérable que la sienne, une place
singulièrement recherchée , une alliance très-honorable.
C e rte s , personne ne doute que la demoiselle Delsol ne fût
jamais devenue dame d’O r c e t , si elle eût été réduite à dis
puter contre son père ou ses héritiers, les lambeaux du
patrimoine maternel qu’il avait confondu dans le sien ; s’il
eût dit qu’il se remarierait, que des enfans d’un autre lit
viendraient d’abord prendre une légitime sur ses b ie n s, et
puis prétendre
au reste en vertu du retour ; qu’a in si, la
dame d’Orcet n’apporterait à son mari que l’espérance d ’avoir,
pendant q u elle v iv r a it , l’usufruit de ses biens3 en échange"
de la faculté qu’il avait de lui laisser tous les siens en pro
priété. U ne telle inégalité dans des conditions de cette im
portance , eût à coup sûr révolté le sieur d’Orcet et ses
parens; il est clair que le mariage n’ aurait pas eu lieu. Mais
n o n , le sieur D elsol ne pensait pas plus à sa progéniture
du second lit qu’à ses collatéraux ; il ne pensait q ua lui
et à sa fille ; et voilà encore une f o i s , pourquoi il ne sti
pula le retour que pour lui.
(ii)
La dame d’Orcet peut dire avec v é r ité , qu’elle-même ne de
sirait pas cette union, et qu’elle ne fit qu’obéir à son père: elle doit
ajouter qu’elle n’a jamais eu à s’en repentir ; le sieur d ’Orcet n’a cessé
de lui donner des preuves de sa tendresse, et son testament renferme
la plus signalée de toutes,
�,
( 40 )
E t , peut-on s’y méprendre en lisant la clause, en la com
parant à celle de la dame d e V i g i e r ? Celle-ci , dans
sa
procuration, et son procureur fo n d é , dans le contrat, réser
à elle et aux siens. Assurément, les parties
contractantes ont attaché une idée , un sens à ces derniers
vent le retour
mots : Les contrats entre vifs , dit G u e re t, journal du palais,
tom. 2 , pag. 36 2 , sont toujours des actes étudiés, faits dans
la liberté toute entière de l'esprit ; concertés , arrêtés entre plu
sieurs parties qui s éclaircissent tune
l'autre , et dont toute
tapplication est de ne rien oublier de ce qui peut servir à fa ire
connaître leurs intentions. Ce ne sont pas les clauses mentales
qui font les contrats, ce sont les clauses écrites , cest le con
sentement mutuel et respectif des contractans ; o r , une partie
ne consent pas à ce quune autre pense, elle ne consent quà
ce quelle exprime, et tout ce qui nest pas exprimé est hors du
contrat et nen fait point partie . Il a donc été convenu, d’après
la signification naturelle de cette condition , que le sieur
ef Orcet venant à mourir sans enjans , ou ses enfans sans descendans, ou sans avoir valablement disposé 3 les biens donnés
retourneraient à la dame sa m ère, et au cas qu’elle fût morte,
aux siens } c ’est-à-dire, à ses autres enfans. T e lle a é t é 'la
condition apposée par la dame de V ig ier à sa libéralité.
E t maintenant, lorsque le sieur D elsol a dit : qu'au cas la.
demoiselle sa fille viendrait à mourir sans enfans , ou ses enfans
sans descendans, ou sans avoir valablement disposé , i l se réserve
expressément le droit de réversion des biens donnés , sans q u 'il
puisse être dérogé, etc. Les parties ont certainement attaché
une idée , un sens différent à cette expression si peu semblable
à l’autre. Il a donc été c o n v e n u , d’après la signification na
turelle de cette c o n d itio n , que "la dame d’O r c e t , mourant
dans le cas prévu , les biens retourneraient au sieur Delsol j
�3^7
( 4 0
mais que s ’il était mort avant sa fille , ils ne retourneraient
pas aux siens qui n'étaient, lors de la convention, que des
collatéraux si étrangers au sieur D e ls o l, qu’il ne les avait pas
même appelés au contrat. T e lle a encore été la condition
imposée par le sieur Delsol à sa donation.
D on c i l est exprimé et i l résulte de la nature de la convention,
que la réserve est limitée au sieur Delsol.
C e qui le prouve de plus en plus, c’est la défense de déroger
au
droit
de retour ,
qui ne peut être que relative à sa
personne. Il avait permis à sa fille, comme à ses petitsenfans, de disposer ( 22 ) ; car le retour ne devait avoir lieu 3
qu’autant qu’il n’y aurait ni en fa n s, ni disposition j et à la fin
de la clause , il lui defend d’y déroger par aucun acte. Cette
contradiction apparente s’évanouit dès que cette défense n’a
d’autre durée que sa vie. Il était naturel que , survivant à sa
fille, il rentrât dans ses b ie n s , et que , la prédécédant, elle eût
pour disposer, la latitude que devait avoir sa descendance ;
sans quoi,il aurait eu plus de prédilection pour ses futurs petitsenfans que pour sa fille j ce qui est contre toute vraisemblance.
Par ce m o y e n , les deux parties de la clau se, qui se contra
rient et s’exclu en t, obtiennent un sens raisonnable et conforme
à la commune intention des parties j ce qui est le m ode d’in
terprétation indiqué par les lois.
(12)
Il a été jugé par l’arrêt du 18 janvier 1 7 8 8 , que les m ots, ou sans
avoir valablement disposé, qui sont dans la clause de retour stipulée
p a r l a dame de V igier, pour elle et les siens, s’appliquaient au sieur
d’Oicet comme à ses enfans, puisque le testament qu’il avait fait en
faveur de sa fe m m e , au préjudice de ses frères, a cté confirmé. Par
conséquent, les mêmes mots répétés dans la clause stipulée par le sieur
D e ls o l, pour lui et non pour lui et pour Us siens, s’applique également
à la dame d’Orcet.
F
�.................................... (
4 0
Quoti'es in siipulatìonibus ambigua oratio est, commodissimum
est id accepi quo res de quà agitur in tuto sit. Leg. 86. f f. de
verbo, oblig.
Qiiotiès idem, sermo duas sententias exprim it , ea potissimùs
accipietur , quce rei gerendce aptior est. Leg. 6y. de Reg. ju ris ,
« Toutes les clauses des conventions s’interprètent les unes
» par les autres , en donnant à chacune le sens qui résulte
» de l’acte entier. Art. 1 1 6 1 du code Napoléon ».
U n e autre preuve se tire de l’institution universelle, q u e ,
dans la clause précédente, le sieur D elsol venait de faire en
faveur de sa fille.
Q uoi 1 elle était déjà nommée héritière de tous les biens,
de tous les droits qu’il laisserait à sa m o rt; elle était préférée,
com m e elle devait l’être , à des collatéraux qui n’ont jamais
de place dans le cœur d’un p è r e ; et l’on v e u t, qu’un instant
après, il soit subitement pris de tendresse pour e u x , au point
d’interdire sa fille unique et de les appeler à recueillir, libre
ment et sans condition , ces mêmes biens qu’il rend indispo
nibles dans ses mains !
Supposera-t-on en co re, et qu’est-ce q u ’une invraisemblance
de plus ? que le sieur Delsol pensait alors
aux enfans qu’il
a u ra it, douze ans après, d’un second mariage contracté à
l’âge de plus de soixante
ans ? Mais s’il
aimait
tant
ces
collatéraux , s’il avait l’ espérance d’être encore père, pourquoi,
à l ’exem ple de la dame de Y i g i e r , ne réservait-il pas le retour
pour les siens ? Pourquoi faisait-il, en faveur de sa fille, une
institution
universelle qu’il a depuis inutilement essayé de
révoquer , lorsqu’en effet on lui a suggéré l’idée qu’il n’avait
pas en 17 6 0 ?
Les sieurs Delsol répèteront-ils ce qu’ils ont d it , pages 5 et
20 du mémoire, que le testament de leur père est une preuve
�^3
(
43
)
manifeste de l’intention qu’il avait de leur transmettre ses biens
par le m oyen du retour?
O u i , ce testament prouve le dessein qu’avait le sieur Delsol
en 1 7 8 0 , lorsque, subjugué par sa seconde épo u se, il s’imagi
nait pouvoir disposer, à titre gratuit, des biens qu’en 1 7 6 0 il
avait assurés à la dame d’Orcet ; m ais, n est-il pas aussi une
preuve nouvelle , qu’en stipulant la réversion , il n’avait point
pensé à des enfans d’un autre lit ? S’il y eût pensé, n’aurait-il
pas stipulé pour lui et pour les siens , en copiant la clause
que la dame de V igier écrivait sous ses y e u x ? E t , s’il avait
cru que la sienne, telle quelle est, pouvait profiter à ses
en fan s, quel besoin avait-il de tester pour renouveller une
disposition faite dans le contrat de 1 7 6 0 ? Il est clair , au
contraire, que ce testament n’a été suggéré que pour détruire
ce contrat, et que l’extension du retour aux enfans du second
lit j n’y a été insérée , que pour donner à la clause un sens
auquel personne n’avait pensé en 17 6 0 .
Il ne faut pas supposer au sieur D elsol des intentions qu’il
n’a jamais eu. Il est évident, pour tout esprit raiso n n a b le ,
que, dans les circonstances où il se trou vait, il a voulu assurer
tousses biens à sa fille ; et, sans d o u te , q u a l’exemple de
tous les pères, il regrettait de ne pouvoir lui en donner davan
tage. Il a craint qu elle ne mourût avant l u i , sans postérité \
e t , pour ne pas perdre et sa fille et ses b ie n s , il a aussi voulu
que ceux-ci lui revinssent, mais il n’a pas porté plus loin sa
pensée.
Les sieurs Delsol disent so u ve n t, et par exprès, page 2 0 ,
que le redoublement de la clause fait présumer que le sieur
D elsol a pensé à ses héritiers. Mais peut-on invoquer des
présomptions, lorsque le contrat d e / 17 6 0 fournit une preuve
positive dans la différence des deux clauses de retour? N ’est-il
�(44)
pas visible q u ’ en se réservant expressément, c’est-à-dire, e/î
réservant à soi la réversion , tandis que la dame de V igier
la stipulait pour elle et pour les siens , le sieur D elsol n’a agi
que pour l u i , alors que la dame de V ig îer agissait pour elle
et pour ses enfans S Peut-on , après c e l a , proposer une inter- ,
prétation aussi contraire à la lettre de la clause ? Et ne voit-on
p a s , en mêm e-tem ps, que le sieur Delsol avait intérêt à la
stipuler pour l u i , afin d’empêcher sa fille de disposer à son
préjudice ; effet que ne pouvait produire le retour légal ? En
un m ot, quiconque lira ces clauses sans prévention , sera con
vaincu de cette vérité : le sieur D elsol s’ est préféré à sa fille ,
mais il a préféré sa fille à tout ce qui n’était pas lui.
C e sens contente à-la-fois le cœur et l ’esprit. Il découle
naturellement des différentes clauses de l ’ acte. Elles n’ont
rien d’incohérent, rien de contradictoire, rien qui pût effa
roucher quelqu’une des parties contractantes ; rien qui répugne
aux convenances qu’elles devaient o b s erve r, ni aux conven
tions qu’elles devaient réciproquement agréer dans un contrat
qui était le résultat de leur volonté commune.
Q u e l’on adopte le système des sieurs D e ls o l , et cet accord,
que la vérité seule peut produire , disparaît aussitôt,
ou n’a
plus que des stipulations disparates et révoltantes, des clauses
barroques et contradictoires, un sens absurde et inextricable.
A lors , il faut avoir une fôi assez robuste , pour croire que
la réserve de la dame de V i g i e r , pour elle et les siens , n’a
pas plus d’effet que la réserve du sieur D e lso l, pour soi expres
sément.
Q u e le sieur D e l s o l , faisant sa fille héritière, lui préféré
cependant des collatéraux pour lesquels il ne stipule rien.
Q ue la famille de V ig ie r , faisant une alliance avec la fo r
tune , a néanmoins la sottise de consentir des clauses qui
�'b ’f S
( 45 )
permettent au sieur d’Orcet
femme a sans que celle-ci
moindre chose.
de donner tous ses biens à sa
puisse jamais le gratifier de la
»
Q u e le sieur D elsol se réserve sérieusement de revenir de
l ’autre monde pour succéder à sa fille 3 après que celle-ci lui
aura succédé.
E t , qu’après sa m ort, le droit de retour , dont il aura été
saisi de son vivant , ne sera pourtant pas dans son hérédité
avec toutes ses autres a ctio n s, & c . & c .
M ais, qu’importe aux sieurs Delsol , d’insulter ainsi aux
facultés intellectuelles de leur père ? Q u e leur importe de
mépriser l’amitié de leur sœ ur, pourvu q u e , par a r r ê t , ils
parviennent a obtenir ses biens ? Les aveugles ! ils ne vo'ient
pas que la simple raison détruit tout leur système, et qu’à moins
de la renier volontairem ent, on ne peut sacrifier, comme eux
à l’injustice , la vérité à l’invraisemblance et le bon.
sens à l’absurdité.
Il
est donc v r a i, qu’ en fa it, le retour était personnel au
sieur Delsol, et que par conséquent, son décès l’a rendu caduc.
L e sieur D elsol n’ayant pas examiné cette proposition, la
dame d’Orcet n’a pas d’autres objections à réfuter.
E lle croit laisser dans les cœurs cette satisfaction qu’on
éprouve à l’apparition d’une vérité que l’on désire; et, dans
les esprits, cette v iv e conviction qui n’est jamais que le ré
sultat de la juste combinaison des actes et des principes.
Les autres propositions ne seront donc que subsidiaires#
r
�II.e P R O P O S I T I O N .
En droit,
' I
ls
le retour ne peut profiter aux sieurs
Delsol.
se sont trompés, les sieurs D e ls o l , s’ils ont cru que
la dame d’Orcet contesterait le principe de la transmission
q u ’ils ont invoqué dans leur mémoire.
Certes , quand les
lois anciennes et nouvelles ne le consacreraient p a s, la raison
seule dirait que celui qui acquiert, de quelque manière que ce
so it, définitivement ou sous cond ition , acquiert pour lui et
pour ses héritiers; tout comme celui qui s’o b lig e , oblige
également ses héritiers et ayans-cause.
M a i s , la raison dit pareillement, qu’il n’y a pas de principe
san^ exception ; que, par exemple, la transmission n’a pas lieu,
quand il s’agit d’un droit qui n’en est pas susceptible par luimême ou par les circonstances de la stipulation ; et v o i l à pour
quoi l’art. 1 1 1 2 du code N apoléon, résumant les anciennes lois,
a dit : « on est censé avoir stipulé pour soi et pour ses héri« tiers et ayans-cause, à moins que le contraire ne son exprimé,
» ou ne résulte de la nature de la convention ».
L a dame d’O rcet a prouvé dans la proposition précédente,
que le contraire était exprimé dans la donation de 17 6 0 . Il
faut voir maintenant si le contraire ne résulte pas de la nature
de cette donation.
D ’a b o rd , l’on ne peut nier qu’il y a beaucoup de stipula
tions qui ne passent pas aux
héritiers ; et ce sont toutes
celles q u i , par leur n a tu re , leur m otif ou leur o b jet, sont
bornées aux personnes des contractans.
Dans cette c la sse ,
>1 faut nécessairement ranger tous les contrats d’usufruit , de
rente viagère et tous autres de ce g e n re , q u i, quoique obli-
�'
t 47 )
gatoires pour les débiteurs et leurs héritiers,
cependant transmissibles à
ceux des
ne sont pas
créa n ciers, par
la
ra iso n , qu’à l’égard de ceux-ci , ils ne contiennent que des
conventions purement personnelles.
Dans cette classe, il faut ranger encor toutes les obligations
qui ne peuvent être exécutées que par les personnes mêmes
qui les ont consenties, parce qu elles ont pour objet des faits
personnels aux débiteurs qui ne peuvent être parfournis par
leurs héritiers ( 23 ).
Dans cette classe, il faut ranger toutes les conventions qui
prennent uniquement leur source dans des intérêts, dans des
motifs personnels au stipulateur. T e lle e s t , par exem ple , la
réserve faite par la fe m m e , de pouvoir reprendre, en cas de
renonciation à la communauté, tout ou partie de ce q u ’elle
y aura mis. Cette faculté se restreint aux objets désignés dans
le contrat ; elle ne s’étend pas aux enfans, si elle n’est accordée
qu a la femme ; les héritiers ascendans ou collatéraux, n’en peu
vent profiter, si elle n’est stipulée que pour la femme et les
enfans. H e n r y s , tom. 2 , l i v . 6 , quest. 3 , art. 1 5 1 4 du code.
D ans cette classe, enfin, il faut ranger le droit de retour,
lorsque le donateur ne l’a pas réservé pour d’autres que pour lui.
I c i , les sieurs Delsol vont s e c r ie r , que c’est déroger aux
lois qu’ils ont cité et notamment à la loi gènèraliter sancimus.
M ais, pourquoi y déroge-t-on pour les conventions d’usufruit,
de rente viagère? Parce qu’il est de la nature de ces contrats,
que l’ usufruit et la tente soient bornés à la personne du créan
c ie r , même sans stipulation particulière.
Pourquoi y déroge-t-on pour toutes les obligations qui ne
( * 3 ) Voyez Pothier, traité des obligations, part. 3. chap. 7. art 3.
§ 3 et suivans,
�( 4» )
peuvent être parfourhies que par ceu xq u i les ont contractées?
Parce que l ’objet de ces obligations est un se rv ic e , un travail,
une chose enfin q u i, dépendant de l’industrie ou du talent du
débiteur, ne peut être exécutée par ses héritiers.
Pourquoi y déroge-t-on pour toutes les conventions basées
sur des motifs personnels au stipulateur, comme dans le cas
prévu par l’art. 1 5 1 4 du c o d e ? Parce que la réserve faite
dans cette espèce, par la fem m e, étant une exception au droit
com m un, doit, comme toutes les exceptions, être restreinte au
cas exprim é; et parce que , cette réserve étant inspirée à la
femme par des motifs dont elle seule est juge, il ne convient
pas que ses héritiers puissent user d’une faculté remise à sa
seule prudence.
O r , le droit de retour n’est qu’une exception au droit
c om m u n , puisqu’il est absolument contraire à la nature des
donations entre v ifs , dont l'effet est de transférer incommur
tablement au donataire la propriété et la possession de la
chose donnée, sans aucune espérance de retour au profit du
7
donateur. R i c a r d , 3 , c partie, chap. 7, section 2 , Leg.
de donat. ( 24 )
Il est d ’ailleurs fondé sur des motifs personnels au donateur,
car celui-ci ne le stipule que pour ne pas s’exposer à perdre
à la fois ses biens et la personne qu’il gratifie; et toutes les
considérations qui l’y portent, sont prises dans son intérêt,
puisqu’ il n’y parle que de lui. L e retour conventionnel est la
copie du retour légal. C ’est un emprunt que l ’homme fait de
la loi.
M a is, disent les sieurs D e ls o l , page 1 2 et 13 , « le donateur
» qui réserve le retour n’a pas besoin de parler de ses héritiers*.
(
m
) V o yez çi-dessus, page 2.4.
c’est
�( 49 )
» c’est la loi seule , la force de la saisine et non pas l’intention
» positive de transmettre qui opère la transmission.il est vrai
» que la saisine elle - même
dépend en quelque sorte de
» l’intention du stipulant; mais c ’est seulement en ce sens
» qu’elle ne s’applique qu’aux droits que les parties ont eu
» en vue et pour les cas qu’elles ont exprimé ».
Les sieurs Delsol affectent de confondre entièrement les
deux principes de la transmission en général, et de la saisine
en matière de contrat conditionnel, au point q u e , selon ce
systèm e, toute saisine opérerait une transmission nécessaire 3
ce qui n ’est ni ne peut être si universel.
En effet, la transmission dans les contrats qui en sont
susceptibles, dérive de la r è g le , pîerumquè tam kœredibus
quam nobismetipsis cavernas.
• E t , dans les stipulations conditionnelles, la saisine résulte
de l’acte entre vifs. L a condition arrivant à effet rétroactif au
jour du contrat en faveur du stipulant, et l’espérance de la
recueillir passe à l’héritier, si la convention n ’ a rien qui s’y
oppose.
M ais il est si peu vrai que la transmission soit la suite de
cette saisine, qu’au contraire, celle-ci se continue dans la per
sonne de l’héritier, par la seule raison
qu’elle est censée
stipulée pour l u i , comme elle l’était pour celui qu’il représente.
L ’acte entre vifs
ne saisit et ne peut saisir que selon
l’intention des parties et dans les termes de leur convention.
Lorsque la stipulation est personnelle, comme dans les con
trats dont on vient de parler, la saisine n’a lieu quen faveur
du contractant, et l’effet rétroactif de la condition ne s’opère
que pour lui.
C ’est ce que Fontanella explique disertemcnt en ces termes:
D isposiùo dictiparagraphe ex conditionali siipulatione , inter
G
�C 5° )
alias limitztiones cjtias recipit , una est , ut non habeat locum
quando condiùo apponitur in persona stipulatoris ; tunc enim cùm
conditio dejiciat per mortem ipsius, contingentem ante mortem
alterius, non restai aliquod in conditionale , quod ad heredem
transmittatur , et sic non liabet locum dtspositio predict a qutc
transmissionem concedit ; Loquitur enim in aliis conduiombus
extrinsecis , non residemibus in persona stipulatoris , qvce non
dejiciunt per illius mortem , sed adhiic pendent, veluti si navis
ex asiâ venerit , vel alias , non verô in his quce, resident in
ejus personam et per ejus mortem deficiunt. L ’auteur cite Faber s
B a rth o le , Alexandre et d’autres D o c te u rs, et la lo i, si decem
ciim periero.
D o n c , la transmission ne dérive pas de la saisine, mais
de. la règle plerumque.
D o n c , pour décider si la stipulation conditionnelle passe
à l’héritier, il faut préalablement voir si elle est réelle ou
personnelle.
D o n c , si la loi dit en général que ex stipulatione conditio-
nali spes a d heredem transmittitur
ce n’est qu’en conséquence
de la règle générale plerumque.
D o n c , la transmission n’a pas lieu et la saisine est bornée
au stipulant, toutes les fois que la condition ne regarde que
sa personne.
Dans le plus grand nombre des contrats intéressés, la trans
mission s’opère, parce que chaque stipulant non tàm personam
quàm rem familiarem respicit.
Dans les dispositions testamentaires, il en est autrement ;
si le legs est con d ition n el, le légataire ne transmet pas son
droit à son héritier , s’ il décédé avant l’événement de la
condition , parce que le testateur est présumé n’avoir pensé
qu à la personne du légataire et non à celle de son héritier
�3
s,
( 51 )
qu’ il ne connaissait pas. N on idem est 'm conditionalibus legatls ,
dit V innius, sur le § ex condidonali , quià stipulationes etiam
conditionales ex prcesenti vires accipiunt, quamvis obligatio in
suspenso sit , legata autem derniim ciim deberi incipiunt.
.Et dans les donations, la transmission n ’a lieu qu’autant
que la condition est réelle.
R i c a r d , ( des dispositions conditionnelles, chap. 5, sect. i , )
a dit avec raison , que la condition n’empeche pas la saisine
qui résulte de la donation, et q u e, par suite , la condition a
un effet rétroactif.
Mais il n’a dit nulle part que la transmission ait lieu en
matière de donation conditionnelle, par le seul effet de la
saisine et sans qu’il soit besoin de consulter l’intention, des
parties sur l’étendue et la nature de la condition. Il n’a dit nulle
p a rt, que le retour stipulé par le donateur , doive s’étendre à
l ’héritier, et il a encore moins dit que cette extension fût une
conséquence de la seule saisine résultant de la donation. Il
ne pouvait ainsi confondre l’effet rétroactif de la condition
avec la transmission du droit conditionnel.
D o n c , la question actuelle gît à savoir si la stipulation
est réelle ou personnelle, ou pour mieux d ire , s’il y a lieu à
l ’application de la règle plerumqu'e.
Il faut observer ici que cette règle est un principe particulier
aux contrats onéreux et intéressés ; mais il n’en doit pas être
ainsi des contrats gratuits. L ’esprit d’intérêt dicte les premiers,
ad rem jam iliarem respic'nur. L ’esprit de bienfaisance préside
aux derniers, ut liberalitatem' et munijicentiam exerceat. Et la
loi gcneraliter sancimus , ne parle pas des dispositions ; elle ne
concerne que les stipulations , omnem stipulationem .
C ’est une pure équivoque de dire que la clause de retour
est une véritable convention : c ’en est une en ce sens, que
�(50
le donataire qui accepte la d o n atio n , s’oblige à exécuter les
c ha rg es sous lesquelles elle est faite ; mais cette convention
n’est que l’accessoire de la d on ation , c’est une condition
que le donateur impose à sa l i b é r a l i t é c ’est une loi qu’il
dicte à son donataire; et de là vient que si celui-ci la trouve
trop d u re, il peut répudier la donation ; ce qu’il ne pourrait
faire, si c’était une véritable convention qui ne se résout
que comme elle se fo rm e, par le consentement mutuel des
parties. C ’est donc par les principes des donations, qu’il faut
en interpréter les conditions.
O r , on l’a déjà dit, il est de l’essence de la donation,
d’emporter en faveur du donataire, la propriété absolue de
l ’objet donné. D at aliquis eâ mente, ut statim velit accipientis
f i e r i , nec ullo casû ad se reverti , et propter nullam aliam
causant ja c it quam ut liber alitatem et munificentiam exerceat^
et hœc propriè donatio appellatur. Leg. I , f f de donat.
Sans doute le donateur peut mettre des bornes à sa
l i b é r a li t é , m a is il d o it le s .e x p liq u e r . T oute ch a rg e, toute
condition qui tend à restreindre la libéralité, est de droit
étroit, comme contraire à l’essence de l’acte. Elle s’interprète
par l’esprit général de c e lu i-c i, qui est la libéralité et l’expro
priation.
Le donateur est présumé avoir voulu donner tout
ce qu’il n’a pas expressément retranché; il a dû clairement
designer les bornes dans lesquelles il voulait renfermer sa
donation. Ces maximes vraies pour toutes les donations,
le sont encore plus pour celles faites en contrat de mariage,
où la faveur du donataire est plus grande, où la libéralité
est présumée plus entière, où tout est de rigueur, parce que
tout y est réfléchi.
Q u e . les sieurs
Delsol
disent
maintenant, pourquoi la
transmission s’opérerait, lorsqu’il résulte de la clause, que la
�( 53 )
-condition est toute personnelle au stipulateur ; lorsque la
transmission est contraire à la nature de l’a c te ; lorsqu’enfin
elle est reprouvée par une loi formelle ? O r , ces trois raisons
se remontrent ici :
1 . ° S’il est vrai que la saisine ne peut se continuer
dans les héritiers, quand le contrat est fondé sur un d ro it,
un o b je t , un intérêt renfermé dans la personne du stipulateur,
pourquoi aurait-elle lieu dans le retour que le donateur n’a
stipulé que pour lui? N ’est-ce pas letendre à un cas non
exprimé par les parties? N ’est-ce pas aggraver une condition
qu’elles ont clairement expliqué,, et qu’il leur eût été facile
d etendre , si elles l’avaient voulu ? Q ue dans les conditions
qui peuvent indifféremment s’accomplir de leur vivant ou
après leur m o rt, il y ait transmission; que dans une vente
sous faculté de rém éré, par e x em p le, l’efFet de cette con
dition résolutoire concerne réciproquement les héritiers du
vendeur et de l’acheteur, cela se conçoit ; mais il en doit être
autrement, lorsque
la condition
tombe sur
la personne
même de l’une des parties; lorsqu’ il est évident, comme
dans l’espèce actuelle, que la condition a pour borne la vie
de celui qui l’a imposée pour son seul intérêt. N on habet
loctim quandb conditio apponitur in personâ stipulaioris.
2.° Il a été démontré que le retour est une exception au
droit com m un, absolument contraire à l’essence de la dona
tion entre vifs. O r , il est de r è g le , que les exceptions ne
s’étendent pas ; et certes , il serait bien plus contraire à la
nature de la donation, que la saisine du retour stipulé pour
le seul donateur, passât encore à ses héritiers.
3 .0
U ne loi s’y oppose, et les sieurs Delsol l’auraient déjà
remarqué, s’ils avaient lu la fin de la loi A v ia , dont ils
n’ont rapporté que le commencement: nec enim , ajoute-t-elle,
�C
5-4
)
eadem causa est patrls et mairis paciscentium ; qiùppe malris
pacium actionem prescriptis verbis constituit ; patris , doits actionem profectitice nomine competentem, conventions simplici
minime creditur innovare.
« C a r , il y . a de la différence entre le pacte du père et
» celui de la mère , au sujet de la dot ; en effet, il résulte
» du pacte de la mère l’action prescriptis verbis ; mais celui
du père ne
peut c h a n g e r,
par une simple convention,
» l’action de la dot profectice ».
Cette différence vient de ce que , dans le-droit R om ain ,
l’action de la dot profectice qui n’était autre chose que le
retour l é g a l , n’avait lieu que pour le p è r e , seul tenu, par
suite de la puissance paternelle, à doter sa fille. « C ’est là,
» disaient feu M M . Léo n et Babille , dans une consultation,
» le principe
général
qui veut , qu’en matière de retour
» conven tionnel, on distingue celui qui est stipulé par la
» m ère, de celui qui l’est par la p è re , et que celui-ci n’ait
» précisément d’autre effet que le retour lé g a l, si le père
» ne s’en est formellement e x p liq u é ,
de
manière à
» donner plus d ’étendue qu’il n’en a régulièrement,
lui
en vertu
» du droit commun ».
O r , de droit c o m m u n , le retour légal a-t-il jamais pro
fité aux héritiers du donateur ?
D o n c , en p rin cip e , le retour conventionnel du père est
restreint à
sa p erso n n e, toutes les fois qu’il
ne l’a
pas
étendu à ses héritiers.
D eux fameuses lois , disent néanmoins les sieurs D e ls o l ,
page 1 3 , décident formellement la question en faveur d es'
héritiers du stipulant :
L'u n e est la loi Ga'ius , 45 f f , soluto mairimonio .
L ’autre cst la loi A v i a , (5 c o d , de jure dotium,
'
�( 55 )
V o ici' l’espèce de la première de ces lo is :
« Gaius-Seius, ayeul maternel de Seia qui était sous la
»> puissance paternelle, a donné en d o t , pour sa petite-fille,
» à Lucius-Titius son m a r i, une certaine somme d’argent.
»> Dans le contrat qui contient les conventions d o tales, on
» a inséré cette clause qui a ete confirmée par une stipu» lation : si le divorce s'esi fa it entre les conjoints , sans faute
» de la part de la fem m e , toute la dot sera rendue à la femme
» ou à son ayeul maternel. On demande si l’ayeul maternel
» ve na nt à mourir aussi-tôt après cette convention , et
» qu’ensuite le divorce soit arrivé sans la faute de la fem m e,
» mais du vivant du père , sous la puissance de qui elle
» était, la stipulation produit encore une action et à qui
» cette action est acquise , si c’est à l’héritier de l’ayeui
» maternel ou à sa petite-fille.
L e jurisconsulte répond ; « il est vrai que cette stipula» tio n ,
faite par l’ayeul
m atern el, ne peut avoir a u cu n _
» effet dans la personne de la petite-fille, parce que cet
» ayeul a stipulé au profit de c e lle -ci, et qu’il est de règle,
» qu’on ne peut pas stipuler pour autrui; ainsi, l’action que
» produit cette stipulation , paraît appartenir à l’héritier de
» l’ayeul , hœredi stipulatoris actio competere videtur ►>,
D e ce fragment de texte , les sieurs Delsol infèrent que
le retour se transmet aux héritiers,- mais il n’était pas du
tout question de cela dans cette espèce.
L a dot n’avait pas été donnée à S e ia , et ne p o u v a it même
pas lui etre utilement constituée, parce que Seia était sous
la puissance paternelle; l’ay eu l maternel, contractant avec le
m a r i , avait stipulé un cas de
restitution de la d o t , et il
n’était question que de l’exécution de cette clause ; de p l u s ,
le divorce s’étant fait sans la faute de la fe m m e , le mari
�t
56
).
ne pouvait retenir la d o t , il devait donc la ren d re, non
à la femme , pour qui on n’avait pu stipuler , mais à l’ayeul
ou à ses héritiers ; le jurisconsulte devait donc répondre
comme il l’a fa it ; et cela ne ressemble en rien à la trans
mission du re to u r ; mais cela y ressemblé encore m oins, si
l’on achève de lire cette loi dont
aussi omis la fin.
« C e p e n d a n t, continue
les
sieurs
Delsol ont
le jurisconsulte, il faut d i r e ,
» dicendum est , que la dot peut être valablement payée à
» S e ia, quoiqu’elle n’ait pas d’action pour l’exiger, comme
» si l’ayeul avait stipulé qu’on donnerait une chose à lui
» ou à un tiers ; il sera même accordé à la petite-fille une
» action utile, en conséquence de cette convention de l’ayeul,
» afin qu’elle ne soit pas privée de l’avantage qu’il a voulu
» lui faire ; car la faveur due aux mariages et l'affection
» naturelle de l’ayeul pour sa petite-fille, doivent faire
» adopter ce parti ».
En core un c o u p , cela est étranger à la question dont il
s’agit ic i; et s’il en résulte quelque induction, c ’est que la
faveur due au mariage et à l’enfant donataire, doit
faire
écarter les héritiers du donateur.
V o ic i l’espèce de la loi A v ia .
« V otre ayeule a pu vous transmettre, si vous ave^ été son
» héritier, l’action qui résulte de la convention pour les choses
» qu’elle a données en dot pour votre fille , quoique l ’obli» gation des paroles ne soit pas intervenue ; car il y a de la
» différence, etc ».
O n ne voit pas quel parti les sieurs Delsol peuvent tirer
d une décision pareille. D ’une part, l’Empereur répond à
Sulpitius, que l’action n’a pu lui être transmise qu’autant qu’il
a ete héritier, si heures extitisti, ce qui prouve que cette
action
�'b J t
( 57 )
action aurait suivi la succession testamentaire; car, Sulpitius
n’étant que petit-fils, était exclu de la succession ab intestat
par les enfans de l’ayeule. D'autre p a rt, cette même loi fait
la distinction dont on a déjà parlé entre la convention stipulée
par la mère et celle stipulée par le père, et décidé formellement
que celle-ci n’a pas d’autre effet que le retour lé g a l, lorsqu’il
n’y a pas de stipulation plus étendue; ce q u i , loin défavoriser
le système du sieur Delsol, le renverse entièrement.
Ces deux lois sont donc loin de décider la question en
faveur des héritiers du donateur. E lle est de
plus jugée
çontr’eux par la lo i, quod de pariter 1 7 , f f ’, de rebus dubiis.
« La question qui a été agitée au sujet de plusieurs personnes
» qui meurent ensem ble, a été aussi traitée, par rapport à
» d’autres espèces; par e x e m p le , une mère constituant une
» dot à sa fille , a- obligé le m a ri, par une stipulation, à lui
» rendre cette d o t, dans le cas 011 la fille viendrait à mourir
» pendant le m a ria g e ; la mère est morte en même-temps,
» avec sa fille: les héritiers de la mère auront-ils, contre le
» m a r i, l’action provenant de la stipulation qu’elle a fait avec
>► lui ? L ’Empereur Antonin a' répondu, que cette stipulation
» ne donnerait point d’action contre le m a ri, par la raison
» que la mère n’a point survécu à sa fille ; quià mater filiez
» non supervixit.
L a stipulation du r e to u r n e passait donc pas aux héritiers
du donateur , à moins d’une convention expresse ; car, la fille
étant morte pendant le m ariage, le cas de la restitution était
o u v e r t , et il ne s’agissait pas de savoir qui de la mère
ou de la fille avait su rv é c u , mais bien si le mari devait
rendre la dot aux héritiers de la m ère, an ad heredem matris
actio ex stipulatu competeret. Peu importait que la fille fût
décédée avant ou après la m è r e 5 c a r , si elle était morte
H
�.
O8)
.
avant la m ère, celle-ci avait eu l’action et l’avait transmise
à ses héritiers ; et si elle était morte après la m è re , la saisine,
r é s u lta n t de la stipulation en faveur de la m ère, s’était con
tinuée, depuis sa m o r t , dans ses héritiers. Si d o n c , l’Empereur
a dit que la stipulation ne leur profitait p a s , attendu que la
mère n’a point survécu à sa fille , c’est parce qu’il a reconnu
qu'elle était personnelle à la mère et non réelle , et q u ’il
ne pouvait y avoir de transmission.
L a jurisprudence est-elle plus claire et plus uniforme que
les lois ? Les sieurs D elsol citent trois arrêts.
L e premier est celui dont parle P a p o n , au titre des d o
nations, art. 38. Mais
cet auteur n’indique ni la d a t e , ni
l ’espèce de ce ju gem en t, ni le tribunal qui l’a rendu.
L e sec o n d , qui est de 1 5 7 4 , est rapporté par M aynard,
liv . 8 , chap. 3 3 . Mais cet arrêt est du parlement de T o u
louse , qui s’est tellement écarté du d ro it, que , contre ses
dispositions formelles , il accordait le retour légal aux col
latéraux , même aux étrangers.
L e troisième est celui que le parlement de Paris rendit le
1 7 février 1 7 6 7 , entre les sieurs Lheritier et le marquis de
Mesmes. M a i s , il faut convenir que si jamais il a été permis
de faire fléchir les p rin cip e s, c ’était bien dans cette occasion.
L e sieur Lheritier ayant des enfans légitimes, avait donné '
à une belle-n ièce, c’est-à-dire à une étrangère, une somme
de 30*000 liv. qui lui retournerait , au cas du décès de la
donataire sans enfans ou de ceux-ci avant leur majorité. L a
faveur des enfans injustement dépouillés pour enrichir uti>
étranger, un grand seigneur , dût beaucoup influer sur cette
décision.
Mais ccs arrêts sont contredits par d’autres.
M o rn ac , sur la loi 5 t de ju re dotium7 en rapporte un du
�3 icj
t 59 )
19 mai ¡ 6 1 6 , qui a rejette la transmission. Les sieurs D elsol
diront en v^ in , qu’il s’ agissait d’un cas différent. Mornac qui
avait vu rendre cet a rrêt, pose ainsi la-question. Quœsitum
est in edictali auditorio , an stipulations reversionis conceptâ in
personam donantis in dotem , si donatarius sine hberis decesserit,
ju s iüu d revers ionis , ad heredes donatoris transeat ; dicimus
v u lg o , si le droit de reprise et de réversion passera aux
héritiers du donant ? Et l’arrêt a jugé la question contre
les héritiers , ut qui in stipulationem deducti non essent, parce
qu’ils n’étaient pas dans la stipulation.
L ’arrêt de 1 6 8 2 , rapporté par Gueret, au journal du palais,
est encore cité contre la transmission, par tous les auteurs
qui la rejettent. N o n , qu’il ait jugé la question en th è se ,
mais en ce qu’il a formellement reconnu le prin cipe, que le
retour doit être renfermé dans les termes de la stipulation.
L e donateur lui-même fut écarté du retour qu’il s’était réservé,
au cas qu’il n’y
eût pas d’enfans; parce que le donataire
avait laissé un enfant
qui cependant était
mort avant le
donateur. Gueret a fait là-dessus une discussion lumineuse
qui développe les vrais principes, et dont Bretonier fait l’éloge.
O n est encore moins satisfait, si l’on interroge les auteurs.
Les sieurs Delsol citent Lebrun.
Ils citent Laco m be ,• m ais, mal à p ro p o s, car il leur est
contraire. A u n .° 2 , Laco m be dit ce que les sieurs D elsol
ra p p o rte n t, page 1 7 du mémoire : on voit que dans ce para
graphe il ne fait que rappeler l’avis de Lebrun aux n.os 3 5 et 3 6 ?
duquel il renvoie. Et au dernier § de ce même n .° 2 , Lacom be
émet son opinion en ces termes : « Bretonier sur H e n ry s
» eodem , est d ’avis contraire avec raison, parce que la réversion
» conventionnelle dépend entièrement de la stipulation des
�( 6 0 ). . ,
» parties ». E t B r e t o n ie r ,à l’endroit cité par L a c o m b e , réfute
le système de la transmission.
Ils citent H enrys. Cet auteur avait d’abord adopté la v is
opposé à la transmission ; mais il en c h a n g e a , d’après M aynard,
et son principal m otif est q u e , le père stipulant le retour de
la d o t , si sa fille meurt sans en fan s, ou ses enfans sans descendans , ne s’est pas persuadé que cela pût arriver de son
v iv a n t , et n’a eu une visée si longue , que parce qu il a pensé
à ses héritiers; mais ne peut-on pas répondre, avec G u e re t,
que dan£ un contrat entre v ifs , où plusieurs parties arrangent
ensemble leurs con v en tio n s, il n’y a rien de m ental; qu’une
partie ne contracte pas selon les pensées de l’autre, mais selon
ce qui est écrit ; qu’il est inutile de recourir à des présomptions,
quand les parties ont clairement manifesté leur idée et qu’il
leur était facile de l’étendre par d ’autres stipulations ; qu’enfin,
on ne peut croire que le donateur a pensé à ses héritiers,
parce q u ’il a parlé de ses p e t it s - e n fa n s , p u i s q u e , dans moins
d’un a n , la condition prévue pouvait s’accomplir. Dans l ’es
pèce actuelle, par exem ple, la dame d’O rcet pouvait m ou rir,
laissant un enfant, et celui-ci mourir peu après, sans descen
d a is. Il ne fallait pas même un a n , pour que le sieur Delsol
vît arriver le cas dont il redoutait les suites ; et c’est cette
crainte et non la pensée de ses héritiers, qui lui a suggéré la
clause du retour.
Enfin , à l’audience ,
les sieurs D elsol ont cité C h a b r o l ,
qui se fonde sur H en rys et sur l’arrêt de 17 6 7 .
A ces auteurs , la dame d’O rc e t en oppose un plus grand
de jure dotium, Bretonier ,
sur H e n r y s , tom. 2 , liv. 6 , quest. 3. G u e r e t , journal du
palais. D o m a t, lois civile s, liv. 2 , tic. 2 , sect. 3. B o u ch eu l,
nombre. M ornac , sur la loi 5.
�( 6 i )
conventions de su c c é d e r, chap. 1 2 , n .° 7 1 . Arnaud d e là
R o u v iè re , traité du droit de retour.
Les sieurs D e lso l récusent M o r n a c ; mais on a déjà vu que
c ’est sans raison.
Ils récusent B reto n ier, parce qu’il s ’ est trompé ou qu’il a
seulement voulu d ire , qu’il ne faut pas trop etendre le retour.
Po u r toute réponse, il suffit de lire l’auteur. Après avoir parlé
d ’H e n ry s, de M aynard , de P a p o n , de L e b r u n ,
il d it :
« n o n o b s ta n t toutes ces autorités, j ’ai bien de la peine à me
» ranger à cette opinion ; ma raison est, que dans cette occa-
» sion il s’agit d’une réversion conventionnelle qui dépend
» entièrement de la stipulation des parties; o r , les stipulations
» sont de droit étroit et ne s’étendent, pas d u n cas à un
» autre , & c ».
Us récusent B o u c h e u l, parce q u ’il cite l’arrêt de M o r n a c ;
m ais, outre que cet arrêt est dans l’esp èce, Boucheul se fonde
encore sur d’autres arrêts de 1 5 8 4 et 1609 .
Enfin ils récusent Arnaud-Larouvière , comme ne connais
sant pas les premiers principes de la matière; tandis qu’il a
fait., sur fe droit de re to u r, un traité complet qui est géné
ralement cité.
Mais la vérité sortira-t-elle de ces lois qui se contredisent,
de ces arrêts qui se con trarien t, de ces auteurs dont les opi
nions se balancent ?
N on. Les lo is! elles sont tirées du code des R o m a in s, qui
avaient, sur la d o t, des pratiques inconnues dans notre légis
lation ; les usages de ce p eu ple, qui donnaient au mari la
dot de la femme décédée en m a ria g e , ( ce qui nécessitait la
stipulation dotem reid i
contre le mari )
rendent
peut-être
étrangères à la question actuelle, des décisions qui pourraient
bien être uniquement relatives au cas où la stipulation de
�(
■)
•restitution de dot devenait une convention entre le donateur
et le m a r i , et où il ne s’agissait pas de la considérer comme
une -charge imposée à la d onation, au profit du do n ateu r,
contre le donataire.
Les arrêts ! Celui de 1 574 est du parlement de Toulouse ;
ceux de 1 6 1 6 et de 16 8 2 sont au contraire de celui de Paris ;
et l’arrêt de 1 7 6 7 , qui est le seul rendu depuis les deux autres >
j i ’a certainement pu fixer la jurisprudence. Est-ce là cette série
non interrompue de décisions u n ifo rm es, qui transmettant
d ’âge en âge un point de doctrine , commande l’assentiment
universel et supplée au silence de la loi ?
D ’ailleurs, on ne peut se dissimuler que le retour con ven
tionnel étendu aux héritiers, a les effets de la substitution ,
puisque le donataire et ses enfans ne pouvant disposer, sont,
par le fait, chargés de conserver et de rendre ; ce qui fait
dire à R ic a r d , n.° 7 9 8 , que le droit de retour est une véri
table espèce de fidéicommis 3 sujet à l ’ h y p o t h è q u e de la dot
com m e les biens substitués, ainsi que l’a jugé le parlement
de T o u lo u se , par arrêt de 1 5 9 0 . Cetfe analogie a dû néces
sairement influer sur les arrêrs rendus en matiète de retour.
O r , ceux qu’opposent les sieurs D e lso l, datent d’un temps
où les substitutions conjecturales étaient admises. Celui de
1 7 6 7 a lui-même statué sur une stipulation faite en 1 7 1 2 . E t
i c i , il s’agit d’une clause insérée dans un contrat de 1 7 6 0 ,
postérieur à l’ordonnance de
1 7 4 7 > qui a défendu d’établir
aucune substitution sur des conjectures. ( Art. 1 9 ) .
Les auteurs ! L e plus grand nombre et sur-tout les plus récens,
ont écrit contre la transmission. Mais des opinions qui ne réunis
sent pas l’approbation générale , peuvent-elles servir de règle?
O ù donc sera le terme de cette incertitude ? O ù se prendra
Je motif de décision ?
�3^3
Dans le code des Français.
E t , que les sieurs D elsol ne crient pas à l ’efFet rétroactif.
11 ne s’agit pas de prononcer sur une clause expresse d’un
acte antérieur au c o d e , car il n’y a pas de stipulation en faveur
des héritiers du sieur Delsol ; et la question actuelle ne serait
pas agitée, s’il avait réservé le retour pour les siens.
Il ne s’agit pas de juger contre une législation préexistante
ou contre une jurisprudence reconnue.
11 ne s’agit pas d o te r aux sieurs D elsol un droit a cq u is;
car ils ne prétendent qu’à une expectative con d ition nelle, et
la difficulté consiste à décider s’ils peuvent l’avoir.
Il s’agit seulement de résoudre une question qui n’est clai
rement tranchée ni par les lois , ni par les arrêts, ni par les
auteurs; et, nul doute a lo rs, que l’autorité du code ne doive
prévaloir.
« Est-il v r a i , messieurs, d isait, au tribunal de la Seine,
» M . Jo u b e rt, Procureur im périal, dans une
question qui
» présentait la même difficulté ( 2 4 ) . Est-il vrai que le code
» civil ne doive avoir aucune influence sur vos décisions,
v dans les contestations sur des droits qui lui sont antérieurs ?
» Cela est v r a i , sans doute , quand il existe, pour décider
» les q uestions, des lois claires et précises , ou< ce qui n’est
» guère moins respectable,
une jurisprudence
constante et
» invariable .
(24 )
Il fallait juger s’il y avait péril d’cviction pour une vente passee
en l ’an 3 , et interpréter la lo i 1 8 , § i . er, ff. dt ptriculo et commodo rei
venditœ. C e magistrat a fait décider la question par l ’art.. 16 53. du c o d e ,
dont le moindre bienfait n’est pas d’av o ir mis fin sur cet objet com m e
sur beaucoup d’autres, à toutes les subtilités du droit
dt la cour dt cassation , an 1 3 .
Romain. Jurisprudence
�*¿4
C ¿4 )
» M a is , lorsqu’on ne vous présente, pour motifs de décision
» que des lois obscures où chaque partie trouve ce qu’elle
» v e u t , que des arrêts qui s’anéantissent, que des auteurs qui
» ne sont pas d’accord ;
» S ’il se présente alors un code destiné à f ix e r à jamais nos
» relations civiles et sociales , q u i , repoussant cet esprit no» vateur, auquel nous devons tant de funestes essais, n’a fait
» que réunir les lois que l ’expérience des siècles a rendu éter>♦ nelles comme celles de la nature ; un code rédigé par les
» hommes les plus recommandables par leurs vastes lumières ;
>> sur la rédaction duquel tous les S a v a n s , tous les Magistrats
» de l’Empire ont été appelés à donner leur avis ; ce code ne
» devra-t-il pas être le guide le plus s û r , l ’autorité la plus
» respectable que nous puissions vous offrir ? Et lui préférer
»
v
»
»
une jurisprudence versatile ou des auteurs qui se contredisent, n e serait-ce pas imiter la folie de ces n a v ig a t e u r s
q ui, après l’invention de la b o u s s o l e , s’o b s t in a ie n t à suivre
les é to ile s q u i le s a v a ie n t si s o u v e n t é g a ré s » ?
A la v o ix de cet éloquent M agistrat, le code s’ouvre de
lui-même.
A
rt.
»
m z . « O n est censé avoir stipulé pour soi et pour
» ses héritiers ou ayans-cause , à moins que le contraire 11e
» soit exprimé ou ne résulte de la nature de la convention.
A r t . nyç). « L a condition accomplie a un effet rétroactif
» au jour auquel l’engagement a été contracté. Si le créancier
» est mort avant l’accomplissement de la condition, ses droits
» passent à son héritier.
A
rt.
g b i. « Le donateur pourra stipuler le droit de retour
» des objets d o n n és, soit pour le cas du prédécès du donataire
» seul, soit pour le cas du prédécès du donataire et de ses
» doscendans.
Ce
�( «s )
» C e droit ne pourra être stipulé qu’au profit du donateur seul ».
A in s i, le code admet le principe de la transmission, pour
toutes les conventions qui en sont susceptibles. A r t . n z z .
Il consacre la saisine résultante du contrat et l'effet rétroactif
de la condition. A r t . 117 9 »
Mais, il reconnaît que le retour conventionnel,étant emprunté
du retour l é g a l , et d ic te, comme c e lu i-c i, par des motifs per
sonnels au donateur, n’est pas susceptible de transmission ; que
la sa isin e n e peut en passer aux héritiers, et il en restreint
la stipulation au donateur. A r t . g b i .
E t , ce qui prouve évidemment que cette disposition a été
universellement considérée comme un corollaire des anciens
principes, c ’est q u e , ni dans les observations des T rib u n s,
ni dans la discussion du Conseil d e ta t, ni dans les discours
prononcés au C orps législatif, elle n’a éprouvé aucune opposi
tion i et il n’a été rien dit qui puisse amener à croire que l’on
faisait une loi nouvelle. C ’eût été cependant un point assez
essentiel pour fixer l’attention de quelqu’u n , parmi les nom
breux collaborateurs du code. ( 2 5 )
__________________ ♦ ________________________________________________
(25)
Les sieurs D elsol se debarrassent de l’art. 9 5 1 , d’une manière
tout-à-fait aisée. Ils disent, dans leurs défenses, signifiées le 1 juillet 18 0 7 ,
q u e , « l’on peut assurer d’avance, qu’à la première révision du code c iv il,
v une disposition subversive de tous les principes reçus, et qui forme
» antinomie com plète avec l’art. 1 1 7 9 qui a paru postérieurement, sera
» nécessairement reform ée;et que la transmissibilité sera, comme aupara»> vant, consacrée par les lois et exécutée par une jurisprudence uniforme ; »
C ’est-à-d ire, en d’autres term es; que les auteurs du code se sont trompés.
Les sieurs D elsol ne leur feraient pas ce reproche, s’ils voulaient ne
pas confondre ce que le code a distingué. L’art, n z z retrace la règle
pltrumquï. L ’art. 1 1 7 9 rappèle l’eflet rétroactif de la cor.dition;et l’art. 9 5 1 ,
appliquant les deux autres, décide que le retour
est
au
nombre
I
des
�J&
( 66 )
L e s sieurs D e ls o l, diront-ils que l’art. 9 5 1 prohibe seulement
la stipulation du retour pour les héritiers du donateur, mais
qu’ il ne décide pas que les héritiers ne succèdent point à la
réserve qu’il en a faite pour lu i; qu’ ainsi, on n’en peut inférer
qu’il a terminé l’ancienne controverse ?
Il est facile de v o ir , qu’en disant, par l’art, u z i , que l’on
stipule pour ses héritiers, à moins que le contraire ne soit
exprim é) ou ne résulte de la nature de l’a c t e , le code n’a
fait que retracer la règle plerumquè.
E t , en d is a n t, par l ’art. 9 5 1 , que le retour ne peut être
stipulé que pour le donateur s e u l , le code a seulement fait
l’application de cette règle.
Mais, il en résulte nécessairement qu’il reconnaît et rejette
la transmission du retour, comme contraire à la nature des
donations ; e t , en cela, il ne détruit ni législation, ni juris•
/
,
prudence antérieure. Raisonner autrement, ce serait soutenir,
qu’aujourd’hui m êm e, la réserve du retour pour le donateur ,
passerait aux héritiers , m a lg r é l’article 9 5 1 , et a u r a it indi
rectement l'effet qu’il refuse à la stipulation expresse, en faveur
des héritiers.
*
Et ce qui rend cette application du code juste et raisonna
b le , c’est qu’elle coïncide parfaitem ent, soit avec les princi
pes , soit avec la stipulation.
A v e c les principes: parce que le droit de retour est conconditions et conventions non transmissibles aux héritiers. Les sieurs
D elso l veu len t, ail contraire, d’après le § ex conditionali stipulationc,
que toute condition soit nécessairement transm issible, sans distinction
de celles q u i , par la nature de l’acte ou l’intention des p a rtie s, sont
personnelles au stipulant. T oute leur défense repose sur cette erreur; et
quoiqu’cue so; t ¿yidente et heurte également les anciens et les nouveau x
principes, ils sont condamnés h la soutenir jusqu’à la fin.
�3 (T>
C
traire à l’essence de la
* 7
)
donation entre vifs ; qu’il est une
exception et doit être, par conséquent, restreint dans les bornes
que le donateur a posé; qu’il contrarie la faveur des mariages,
la liberté des dispositions, la circulation des propriétés ; qu’il
prend enfin sa source dans des motifs personnels au donateur,
comme le retour légal dont il est 1 image.
A v ec la stipulation : parce q u e lle ne parle que du donateur;
quelle a été faite en 1 7 6 0 , temps où les maximes consacrées
par les arrêts de 1 6 1 6 et 1 6 8 2 , et professées par B re to n ie r,
par Boucheul, par Arnaud de la R o u v i è r e , q u i, les derniers
avaient traité cette matière, donnaient la prépondérance aux
adversaires de la transmission , et que les parties s o n t , indé
pendamment du fa it , censées avoir contracté suivant l’opinion
dominante ; de sorte que la clause trouve sa décision dans
les mêmes principes qui présidèrent à son origine.
Il est donc vrai de dire qu’en droit ,
profiter aux
le retour ne peut
sieurs D elsol.
III.e
P R O P O S I T I O N .
Dans tous les cas, taction du retour tomberait dans
l'institution et se serait confondue dans la personne
de la dame d’O rc e t, héritière universelle.
L
a
dame d’O rcet aurait pu,sans danger, se borner à prouver,
ainsi qu’elle l’a fait dans sa première proposition , que la
clause du retour était purement personnelle à son père ; ce
n’est que pour suivre les sieurs D elsol dans toutes les parties
de leur système et en faire v o ir le peu de fo n d e m e n t, sous
tous ses rapports, qu’elle s ’est prêtée à examiner trois propo
sitions subsidiaires.
�( 68 )
Dans l’une, elle vient d’établir, qu’en d r o it , le retour ne
peut profiter aux sieurs Delsol.
Dans c e lle -c i, elle va démontrer que l’action qui aurait
pu en résulter, se serait confondue dans l’institution universelle.
Il a été prouvé dans la première partie des m o y e n s , que
réservés ne pouvait concerner que les
10 ,0 0 0 liv. dont le sieur Delsol s’était réservé la disposition,
parce qu’il-avait autrement désigné les biens institues, et que
le retour des biens
ceux-ci n’avaient pu être frappés de re to u r, parce qu ils ne
pouvaient retourner au sieur D e lso l, après sa m o rt, ni passer^
à ses enfans du second l i t , sans fidéicommis.
L ’institution doit donc être considérée comme pure et simple.
O r , cette institution est universelle; elle comprend tous
les biens, tous les droits, toutes les actions et généralement
tout ce qui pourrait appartenir au sieur D e ls o l , au temps de
sa m o rt; et il n’en avait été distrait que 10,0 0 0 liv. q u i, faute
de disposition , devaient y rentrer.
C ’est donc la dame d’O r c e t , héritière instituée, qui seule
représente le sieur Delsol.
Hœres in omne ju s m oriui, non tantum, singularum rerum
dominium sutcedii. L eg 3 3 , j f d e acquir . , vel omit, hered.
Hccreditas nihil aliud est quam successio in universum ju s
quod dejunctus habuerit. Leg. G z , j f de. reg. ju r.
Bona ità accipienda sunt , universitatis cujusque successionem,
quâ succeditur in ju s demortui : suscipiturque ejus rei commodutn. N am , sive solvendo sunt bona , sive non sunt : sive
damnum habent , sivelu crum : sive in corporibus sunt , sive in
actionibus , in hoc loco , propriè bona appellantur. Leg. 3 ,
J f de bonor. posess.
M aintenant, si l’on suppose que le droit de réversion des
biens donnés, peut être transmis aux sieurs D e ls o l, ce ne
�( ¿9 )
sera pas comme étant directement appelés en leur qualité
d ’enfans du second lit de leur p ère, car il n y a pas de v o
cation pour eux dans la clause, et il ne pourrait y en avoir,
puisqu’il ne pensait pas alors au mariage qu’il n’a contracté
que 1 1 ans après ; ce ne sera donc que comme héritiers du
sieur D e ls o l; et sans doute, q u a cet ég ard , ils ne récuseront
pas leur propre autorité,
« L e droit de retour, stipulé par le donateur, disent-ils,’
» page 9 , même pour lui s e u l, se transmet aux héritiers : les
» héritiers n ’ont pas besoin de la vocation de l’homme pour
» profiter du droit dont leur auteur est mort saisi ; ils n’ont
» besoin que de celle de la loi qui les saisit de tous les droits
» du défunt, qui les subroge à la saisine, en la continuant
» en leur personne.
Et page z 6 , « les héritiers différent même si peu du défunt,
» en matière de stipulation, et s o n t , au contraire , tellement
» identifiés avec l u i , qu’ils en tren t, par la force de la loi ,
» dans les stipulations , pour ainsi d i r e , malgré lui ; qu’ ils
» y entrent sans qu’il les no^nme, sans qu’il s’occupe de leur
» intérêt, sans qu’il le prévoie ; et qu’il suffit qu’il ait stipulé
» pour lui et qu’il n’ait pas formellement déclaré qu’il n’enten« dait stipuler que pour lui-même , pour qu’il a it , dans le
» même temps et par cela s e u l, stipulé pour eux ».
Les sieurs D elsol n’ont pas sans doute fait attention, qu’en
raisonnant a in si, ils plaidaient pour la dame d’Orcet ; leur
père a fait une institution universelle, et ce n’est pas en leur
fa v e u r; c a r , en 1 7 6 0 , ils étaient dans le néant et personne
ne pensait à eux ; c’est au profit de la dame d’Orcet. Il faut
donc qu’ils reviennent sur leurs pas , et qu’à la place de
ce
mot héritiers, qui leur a si souvent échappé , ils substituent
c e lu i- c i, enfans qu parens.
�( /
Mais il ne suffira pas de faire cette correction ; il faudra
aussi démentir les deux lois et Domat , qu’ils citent à la fin
de la page 25. Il fa u d ra , de plus, désavouer la loi A via ,
qu’ils in v o q u e n t, pages 13 et 14 .
Dans cette loi , l’Empereur ne dit à Sulpitius, que
son
ayeule a pu lui transmettre l’action qu’elle avait pour les
choses données à la fille de Sulpitius, qu’autant qu’il a été
son héritier, si heures extitisti. Il était en effet évident que Sul
pitius étant exclu de la succession légitime de l’a y e u l e , par
les enfans de c e lle -c i, elle n’avait pu lui transmettre cette
action , que par testament, si hczres extitisti.
L a même décision se trouve dans le § pâte r de la loi 4 0 ,
ff de pactis.
Dans cette esp èce, un père mariant sa fille unique, lui
promet une dot dont il paie la rente, et stipule que si la fille
meurt sans enfans pendant le mariage (auquel cas la d o t,
selon le droit du digeste , appartenait en entier au mari )
son frère , son héritier pourra retenir la moitié de cettedot ;
depuis, lui étant survenu des enfans qu’il a institués héritiers
par testament, on demande si cette stipulai ion profite aux
enfans ou au frère du donateur; Papinien répond : E a con-
vendo libens posteà suszeptis et hœredibus testammto reliais
proderit , cùm inter contrahentes id actum sit ut hœredibus cou
su la tur , et illo tempore quo pater altos filio s non habuit in
fratrem suum judicium supremum contulisse videatur.
E t , C u ja s , sur cette, l o i , ajoute : Actum fra tri ut hæredi
consistit in personâ cujucumque hccredis, non in personâ jratris
qui non extitit hczres : ergo et in personâ hccredis extranei, nedàm
in personâ f i l i i hccredis instituù .
D o n c , en pareil c a s , les enfans ne succèdent pas à l’action,
comme enfans du stipulateur, mais comme ses héritiers institués,
�( 70
et en vertu de la disposition qui leur transmet tous ses biens i
au point que, si un étranger était institué h é ritie r, c’est à lui
que l’action appartiendrait,
au préjudice des enfans.
D o n c , les sieurs D elsol, n ’étant pas héritiers de leur père,
ne p e u v e n t , de leur propre a v e u , revendiquer une action
qui n’est pas attachée à leur qualité d enfans du sieur D e ls o l,
et qui suit, comme tout ce qui lui appartenait, le sort de
son hérédité.
*
'
Les sieurs D elsol n’étant pas directement appelés comme
enfans ni d’aucune autre m anière, ne peuvent avoir plus de
droit que n’en auraient les autres parens de leur père. Sup
posé , en effet, qu’il ne se fût pas remarié et q u ’ il n’eût laissé
que la dame d’Orcet et ses autres parens qui ne sont connus
de personne, pas même des sieurs D e ls o l: on le demande,
serait-il entré dans l’idée de quelqu’un , que la dame d’O rcet
n’était pas propriétaire absolue des biens de son père ? Si un
collatéral eût consulté sur les prétentions que font valoir les
sieurs D e l s o l , on lui aurait certainement répondu que, n’étant
ni hériiier institué , ni appelé par la c la u se , il était sans qualité.
E t , parce que les sieurs D elso l sont venus au monde, 1 2 ans
après la clause , ils p o u rro n t, ce que n’aurait pu ce collatéral,
tandis qu’ils ne sont , comme l u i , ni appelés spécialement,
ni institués héritiers par aucune disposition! N o n . Eadem
causa , idem jus.
Pour se convaincre de plus en plus de toute la fausseté
de leur sy stèm e, il suffit d’en examiner les conséquences:
elles ne vont à rien
les principes.
moins q u ’à choquer la raison et tous
Ils prétendent, page 33 , que le contrat de mariage donne
tout à la dame d’O r c e t , excepté le droit de retour j qu’en
�( 71 )
fnême-temps, ce droit est transmissible, et qu’ils sont appelés
à le recueillir, comme héritiers de leur père.
M a i s , n’est-il pas constant que la dame d’O rcet est son
héritière universelle , et que l’institution qui lui a fait passer
tous ses biens, n’est, ni n’a pu être grevée de retour ?
Com m ent pourrait-il donc se faire que la dame d’O rc e t,
ayant en sa faveur une institution un iverselle, il existât
n éan m o in s, dans la succession de son p è re , un d ro it, une
action quelconque, qui fût retranchée de cette institution,
lorsque rien n’en a été distrait par la clause qui la contient ?
C om m ent pourrait-il être que la dame d’Orcet, prenant tous
les b ie n s, comme héritière contractuelle, il restât quelque
chose de l ib r e , pour les héritiers naturels ?
,
Il y aurait donc deux successions ; l’une conventionnelle,
qui comprendrait tout, hors le retour; et l’autre
intestat ,
qui ne comprendrait que le retour seul.
M ais cela est-il possible ? L ’institution contractuelle de tout
ce que l’instituant laissera à son d écès, n’est-elle pas un titre
u n iversel, comme le testament ; et l ’héritier ne prend-il p a s,
dans les deux c a s , tout ce que le défunt possédait ?
Il n’est pas de principe plus constant que celui de l’indivi
sibilité de la succession : l’héritier ne peut en accepter une
partie et rejetter l’autre; sa qualité est universelle; et ne fût-il
institué qu’en une partie, il serait héritier pour le tout. D e là
est venue cette règle du droit R o m ain : Ju s nostrum non patitur
cundcm in paganis ( 2 6 ) , et testato et intestato decessisse, eaî unique
rerurn nattiraliter inter se pugna est , testants et intes-
m u s, Leg. y , f f de reg. ju r.
(16 )
Id est in rebus p a g a n i, re i non militis.
Ñeque
�( 75")
Nequè etiim idem ex parte testatus, et ex parte intestatus
decedere potest. Instit. b de hered. instit,
Domat, lois civ. , l i v . , tit. i , sec. i , et liv. 3, tit. 1 , sec. 9 .
C ’est ce qui fait dire à M. M e r lin , dans son répertoire
universel de jurisprudence, au mot condition , q u e , « Si une
» seule personne est instituée héritière en une partie de la
» succession, et sous condition pour 1 a u tre , elle recueillera
» la succession; parce que la moitié qui lui est donnée, sous
» con d ition , n’appartenant à p erso n n e, se réunira à l’autre,
» par droit d’accroissement.
» Q ue la raison de cette décision sort de ce prin cipe,
» qu’un testateur ne peut pas laisser sa succession tout-à-la-fois
» par testament et sans testament, partim testatus, partïm in » testatus. C ’est pour éviter ce partage choquant d’une chose
» indivisible , que le droit d’accroissement a été introduit dans
» les successions. A in si, ajoute-t-il, l’institution conditionnelle
» d’une partie de la succession 3 ne peut avoir aucun effet
» lorsqu’elle regarde la même personne que l’institution pure
» et simple ».
Ces règles de l’indivisibilité de l’institution , s’appliquent à
celle de la dame d’Orcet ; quoique portée dans un contrat
de m ariage, elle n’était pas moins re n v o y é e , pour l’exécution,
au décès du sieur Delsol ; elle a tous les effets d’un testament.
L a dame d ’Orcet a donc réuni sur sa tête toutes les actions
que pouvait exercer son père ; et si l’on s’obstine à vouloir
que le droit de retour lui ait su rvécu , il a nécessairement fgic
partie de sa succession y il était in bonis , et dès le moment
du décès du sieur D e l s o l , il s’est éteint par la confusion qui
s est faite dans la personne de la dame d O r c e t , des deux
qualités de créancière et de débitrice du même objet. A rt .
13 0 0 du code Napoléon .
K
\
�( 74 )
I l en est autrement, lorsque c’est un étranger ou un colla
téral qui donne et se réserve le retour pour lui et pour ses
héritiers , en cas de décès du donataire sans enfans ou que,
laissant des en fans, ceux-ci viennent à mourir sans postérité.
L ’héritier du donateur et celui du donataire sont différens. L a
qualité de donataire et celle d’héritier du donateur ne se
rencontrent p a s; et par conséquent, il n’y a pas ljeu à l’ex
tinction du droit de retour qui marche avec la succession
du donateur, de même que la chose donnée marche avec
l’hérédité du donataire. C e sont des lignes ou des descendan
ces qui communément ne se confondent pas. E t en effet, il
n’ y avait pas eu de confusion dans l’espèce de l’arrêt du 1 7
février 1 7 6 7 , car il n’y aurait pas eu de p ro cès, si la de
moiselle R acin e eût été instituée héritière du sieur Lhéritier.
Q u e l’on compulse tous les auteurs, tous les recueils d’arrêts,
on ne trouvera aucune espèce pareille à c e lle -c i, où la do
nataire est en même-temps héritière un iverselle, grevée de
r e to u r d an s u n e
q u a l i t é , et a p p e lé e d a n s l’a u tre à r e c u e illir
toutes les actions du donateur.
Les sieurs Delsol n’ont aucun titre pour empêcher cette
confusion. Ils n’avaient qu’un droit à la succession de leur
p ère, et ils l ’ont consommé. Il leur revenait une légitime; ils
• l ’ont prise en biens héréditaires dont ils disposent à leur gré; ils
- l’ont prise sur les biens donnés dont la valeur a été rapportée
à la succession ; ils ont reconnu leur sœur pour héritière uni
ve rselle; ils l’ont chargée d ’acquitter les dettes de l’hérédité;
ils n’ont fait aucune réserve ; quelle pourrait donc être leur
qualité? Héritiers naturels: ils sont exclus par l’héritière
générale contractuelle. La disposition de leur père ne contient,
en leur f a v e u r , aucune vocation
particulière au droit de
retour. 11 a donc suivi le cours de la succession.
�T>yj
\
y
^
( 75 )
O n ne contestera pas, sans d ou te, que l’héritier contrac
tuel ait tous les d ro its, toutes les prérogatives de l'héritier
légitime et testamentaire.
Dans les institutions contractuelles, dit Dénisart, au mot
institution , n.° 7 , 9 , 1 0 , 1 1 et i a , même dans celles qui
changent le cours ordinaire des successions, l ’institué est un
héritier trè s.-p a rfa it et très-véritable ; il représente aussi par
faitement la personne du défunt que l ’héritier légitime,* il est,
comme l u i , saisi de la succession ; la règle le mort saisit le
v i f 1 a lieu en faveur de l’une et de l’autre espèce d’héritier:
et en c e l a , cet auteur n ’est que l’écho de tous ceux qui ont
parlé des institutions contractuelles.
Les sieurs Delsol objecteront-ils, comme ils l’ont fait dans
leurs défenses et à l’audience, que leur père a v o u lu , que
si la dame d’O rcet mourait sans enfans, les biens donnés
revinssent
à lui ;
q u e , ce cas a rrivan t, ils
ne
peuvent
revenir à e lle ; car autrement ce serait un cercle v ic ie u x ,
et la clause eût été inutile, puisque la dame d’Orcet aurait
eu les biens sans la clause et malgré la clause.
Mais les sieurs Delsol.sont seuls dans le cercle v ic ie u x , en
faisant cette objection; car ils partent du point en contesta
t io n , comme s’il était décidé en leur fa v e u r: et leur raison
nement n’est fondé que sur cette double e rre u r, que le retour
n’est pas personnel au sieur D e l s o l , et qu’il leur
nommément à eux.
11 est évident que, sans la c la u se, il n’y aurait pas
entre les parties ; la dame d’O rcet aurait les biens
tablement, en vertu des dispositions universelles de
a profité
de procès
incontes
son père.
E t malgré la clause , elle doit aussi les a v o ir , parce qu’il
est établi que le sieur D elsol ne l’a stipulée que pour lui ;
q u elle est devenue caduque par sa m o r t , et
qu’alors
même
A'.r-i
�(70......................
qu’on voudrait faire passer aux héritiers la réversion des biens
d onnés, la dame d’Orcet étant seule héritière , les sieurs Delsol
n’étant appelés ni comme enfans, ni d’aucune autre manière,
l ’action que produit le retour, se confond dans l ’institution,
tout comme s’y seraient confondus tous les droits, toutes les
actions que le sieur D elsol aurait pu avoir personnellement
à exercer contre sa fille. A rt. 1300 du code Nvpoléon.
L a c la u se , entendue dans son vrai sens et selon les prin
cipes , n’était dirigée contre la dame d’O rcet qu’en faveur de
son père seul; voilà pourquoi il 11e l’étendit pas aux siens,
et q u ’au contraire } il les priva non seulement de ce droit,
mais encore de tout ce qu’il laisserait en mourant.
L a dame d’Orcet prend
donc les biens, conformément
à la clause. S i , par un sens fo rc é , les sieurs D elsol lui don
nent une plus grande extension , c’est peine perdue pour eux ,
car ils ne sont pas en position pour en profiter ; et a lo r s
m ê m e , la d a m e d ’ O r c e t p r e n d e n c o r e les b ie n s , m a lg r é la
clause qui se perd dans l’institution universelle.
L ’objectioii des sieurs Delsol se rétorqu e, en définitif,
contre eux ; car ils veulent avoir les biens sans la clause qui
ne les appèle p a s, et malgré la clause qui ne parle que de
leur père, et ne peut leur profiter.
IVlais, disent enfin les sieurs Delsol, pag. 3 1 et 3 2 du mémoire,
« pour que la dame d’Orcet pût s’accorder avec elle-même,
» il faudrait 'd’abôrd commencer par effacer du contrat de
'» mariage de 1 7 6 0 , la claüse'du retour quese réserva le sieur
*» D e lso l, donateur. Il faudrait ensuite que le sieur Delsol fût
» mort
¿ans représentai« au dégré successible, autres que
» la dame d’Orcet. Il faudrait enfin supposer que la stipu» lation de retour ci t, de sa nature, personnelle e t , par
�2>yy
( 77 )
» conséquent, incommunicable aux héritiers
du donateur,
!» nonobstant son prédécès.
» O r , le retour est stipule dans le contrat de 1 7 6 0 ; et il
» existe encore , puisqu’il ne doit s’ouvrir qu’à la mort de
» la dame d’Orcet. D ès qu’il ex iste , elle n’a pu le recueillir
» avant l’événement de la condition, et sa qualité d h é ritiè re,
» à la charge du reto u r, ne lui confère pas un droit dirige
» contre e l l e , autrement il faudrait dire que la dame d’O rcet
» s’est succédée à elle-m êm e, de son vivant etc. ».
V o i l à , sans d o u te , ce que les sieurs .D elso l ont cru
pouvoir dire de plus fort. Mais se so n t-ils bien entendus
e u x -m ê m e s ?
D ’a b o r d , ils doivent bien se garder de commencer par effacer
du contrat de mariage de 1360 , la clause du retour que se réserva
le sieur D elsol ; car s’ils l’eiFacent, ils effacent aussi leur pré
tention ; tout est fin i, et même leur raisonnement.
E n second lieu , qu’importe que le sieur D élsol ait laissé
des enfans d’un second lit ou des collatéraux à un dégré quel
conque ? Il est clair que ne les ayant pas appelés au retour,
en leur qualité d ’enfans ou de collatéraux , ils ne peuvent
y venir que comme héritiers.
En troisième lieu, pour que la clause soit communicable
aux héritiers, il faut auparavant décider q u ’ elle.n’est point
personnelle: or , la dame d’Orcet croit avo ir clairement établi
que la clause ne concernait que le donateur : et maintenant,
quand le retour pourrait passer aux héritiers, il faut voir s’il
ne tombe pas dans l’institution.
O r , ici les sieurs Delsol se trompent ( page 3 1 )., s ’ils
pensent trouver de l'absurdité et une conjusion d'idées dans
la proposition de la dame d'Orcet.
E n effet, ils partent de cette id é e , que le retour existe
�( 78 ,)
encore jusqu’à son décès, et quêtant héritière, à charge de
retour, elle ne peut recueillir un droit qui ne s’ouvrira qu’à
sa mort.
Mais d ’une part, le retour n’a pu atteindre l’institution
contractuelle. L ’absurdité de l’opinion contraire est d’une telle
évid ence, qu’elle a frappé jusques aux sieurs Delsol ; car, s’ils
trouvent absurde que la dame d’O rcet puisse recueillir, de
son vivant y un droit qui ne devrait s’ouvrir qu’à son décès,
ils conviennent bien qu’il ne l ’est pas moins que le sieur
D e lso l ait pu se réserver celui de reprendre les biens réservés
qu’il ne donnait pas et qu’il ne devait transmettre que par
sa mort.
S ’il est une fois constant que le retour n’est, ni n’a pu être
apposé à l’institution contractuelle, a lo rs , la dame d’Orcet
n’est pas héritière grevée de retour; il n’est plus question
que de celui des biens donnés, et il est tout simple que la
dame d’O rc e t , héritière u n iverselle, succède à une action
que l’on suppose avoir pu se trouver in bonis de son père.
Il est au contraire absurde
de soutenir, qu’il a pu laisser
quelque droit qui ne soit pas recueilli par celle qui le repré
sente in universum ju s.
S i , par h a z a rd , aujourd’hui l’on découvrait un contrat
conditionnel, au profit du sieur D e ls o l, et que la condition
vint à s’accom plir: si , par ex em p le, la donation de 17 6 0
avait été faite à un étranger, avec réserve de retour pour le
sieur D elsol et les siens, au cas que le donataire mourût sans
enfans, et que ce droit vint à s’o u v r ir: si e n fin , la dame
d’O rcet avait elle-même contracté, en faveur de son p è re ,
une obligation p a y a b le , au cas qu’elle fût héritière de son
mari 9 lequel cas est arrivé : serait-ce au profit des sieurs Delsol
ou de
la dame
d’O r c e t ,
que toutes ces actions s e r a ie n t
�( 79 )
ouvertes? T o u t le m o n d e , sans doute répondra, que ce 6erait
pour elle.
D ’autre part, où est donc ce droit qui existe encore jusqu'au
décès de la dame d ’ Orcet ? Il faut bien qu’il réside dans quelqu’un.
Les sieurs Delsol ne cessent de dire que la saisine se continue
dans la personne des héritiers : les héritiers sont donc saisis.
M ais où sont les héritiers du sieur Delsol ? Il n’y en a d’autre
que la dame d’Orcet. L ’institution n’est faite qu’en sa faveur.
Les sieurs Delsol ne sont venus que comme enfans ,
prendre une légitime dans les biens institués ; ils l’ont prise
aussi dans les biens d on n és, qui , encore une f o i s , ont été
rapportés au partage; en sorte que Io n peut dire, en toute vérité,
que la donation n’existe p lu s , et que tous les biens du sieur
D elsol sont confondus dans la succession que les sieurs
Delsol ont reconnu, par les traités de l’an 9 , appartenir à leur
sœur , à la charge d’en p ayer les dettes.
E t , c ’ est ce que décidaient, dans leur consultation , M M .
Léon et B a b ille , à la lecture de cette clause de retour des
biens donnés et réservés. « Il est impossible d’admettre ,
v disaient-ils, que le sieur Delsol ait stipulé ce retour pour
» d’autres que pour lui seul ; parce q u e , si on le suppose
» prédécédé, il n’a et ne peut avoir d’autre héritier que sa
» fille q u i , ayant une fois recueilli à ce titre , ne peut dé» sormais être évincée de son hérédité par qui que ce s o it ,
» dès qu’elle n’est pas grevée de substitution. C ’est là une vérité
» qui se montre avec tant d’év id en c e, qu’elle est encore plus
» facile à sentir qu’à exprimer ».
Après de telles autorités, l’on peut répéter sans crainte ,
q u e , dans tous les c a s , l ’action du retour tomberait dans l’ins
titution , et se serait confondue dans la personne de la dame
d’Orcet , héritière universelle.
�’( 8 ° )
IV .'
P R O P O S I T I O N .
Nonobstant la clause, la dame d’Orcet pourrait disposer,
«
C
e l l e -ci
e s t , sans contredit, la plus subsidiaire de toutes ;
mais elle sert à faire vo ir combien est inutile et déraisonnable
le système des sieurs Delsol.
Ils veulent que leur père , se réservant le retour des biens
donnés 3 ait en même-temps stipulé pour ses héritiers.
Q uel est donc l’effet du retour ainsi transmissible ?
Il en a d eux.
D ’a b o r d , celui de perpétuer les biens donnés dans la ligne
de la dame d’O r c e t , afin que le dernier de ses descendans,
venant à mourir , sans avoir valablement disposé , les biens
passent aux héritiers du donateur. L ’on supposera m êm e, si
l’on v e u t , q u e le s ie u r D e l s o l a v o u lu c e t effet, en défendant
à sa fille tout acte contraire.
Il y aura donc substitution dans la ligne de la dame d’O rc e t,
puisqu’elle et ses descendans, à l’infini, seront chargés de con
server et de se rendre successivement les biens donnés.
Mais cette substitution a été, sans c o n t r e d i t , abolie. M .
Daniels l’a formellement reconnu, lors de l’arrêt du 1 1 frimaire
an 1 4 .
« Il y a d’a b o rd , a dit ce Magistrat , dans là stipulation
» du contrat de mariage de 1 6 9 4 , un droit de retour, consis» tant en ce que la dot était réversible à la ligne masculine;
» il y a ensuite dans le même contrat une substitution, en ce
w que la donataire a été chargée de conserver et de rendre
» aux enfans et ceux-ci aux leurs, à l’infini, la chose donnée...
» Les
�3?»
C8 0
» Les substitutions testamentaires ont été abolies ; celles ren» fermées dans les contrats de m a ria g e , l’ont été aussi. . . .
» La substitution établie par le contrat de mariage de 1 694
# a donc été abolie ».
L e second effet du retour transmissible devrait être, de faire
passer les biens à une autre ligne, ou si 1 on v e u t, aux héritiers,
par la défaillance de la ligne de la dame d’Orcet.
L e sieur D elsol n’a pas voulu cet effet-là. Il ne l’a pas
rendu nécessaire, puisqu’il a permis aux enfans et descendans
de la dame d’O r c e t , de disposer des biens donnés : ou ses
enfans sans descendans , ou sans avoir valablement disposé. ,
est-il dit dans la clause.
A i n s i , les enfans et les descendans de la dame d’O rcet
auraient eu la faculté de d isposer; et ce n’est qu’autant qu’ils
n e n auraient pas fait usage , que le retour aurait eu lieu.
D o n c , la défense faite à la dame d’O r c e t , de déroger au
retour , n est pas prise dans l’intérêt de la ligne appelée à le
re cu e illir; c a r , si elle eût été inspirée par ce m o t if, elle
eût été étendue aux enfans.
D o n c , la dame d’Orcet * n’ayant pas d ’enfans à qui elle
doive transmettre les b ien s, le m otif de la défense de déroger
s’évanouit ; et la substitution, dérivant de cette défense et de
l’obligation de conserver et de rendre aux enfans,
étant
d’ailleurs abolie par la loi de 1 7 9 2 , il est clair qu’elle a le
'droit de disposer.
C ’est ainsi que l’a entendu M . Daniels , dans la suite de
son plaidoyer. « Dans les parlemens de Dijon et de P a r is ,
» a - 1 - il d it, la seule faculté de disposer de la dot, au préjudice
» des collatéraux , n excluait pas le droit de retour; il fallait
» encore exercer cette faculté. O r , encore une fo is , R o sa lie
» Laianne ne l’a jamais e x e r c é e } le droit de retour a donc dû
L
�( 8 0
»> avoir tout son effet. Dans la coutume de N a v a r r e , la subsj> titution n’avait lieu qu’en faveur des descendans de la fille
» dotée ; elle était le m o yen d’assurer à la ligne masculine
» l’exercice du droit de
retour que la coutume lui avait
» accordé. C e m oyen n’existait plus depuis l’abolition des
» substitutions; mais dans l’espèce, R osalie Lalanne n’a pas
» disposé de la dot constituée en 1 6 7 4 , à Ursule St.-Martin.
» La dame de Navailles a donc pu réclamer cette dot à titre
» de réversion , comme dans les ressorts des parlemens de
» Paris et de D i j o n , elle aurait pu la ré cla m e r, nonobstant
» la faculté qu’avait la fille d o té e , d’en anéantir l’effet par
» une disposition contraire ».
M a i s , cela n’a - t - i l pas été ju g é , même
avant la loi
abolitive des substitutions, et à l’occasion du contrat de 17 6 0 ?
L a réserve du retour stipulé par la dame de V i g i e r , pour
elle et les s ie n s , était aussi subordonnée au cas où le sieur
d ’Orcet mourrait sans enfans, ou ses enfans sans descendans,
ou sans avoir valablement disposé. Ses héritiers naturels ont
en vain soutenu que la faculté de disposer n’était accordée
qu’aux enfans j l’arrêt du 18 janvier 178 8 , a décidé quelle
s’étendait aussi au sieur d’Orcet.
L a clause concernant la dame d’O r c e t , est littéralement la
même.
L a défense de déroger au retour, n’était prise que dans
l ’intérêt de sa descendance ou dans celui du sieur D elsol.
C e m o tif n’existe plus.
Cette défense produisait d’ailleurs une substitution qui est
abolie.
D o n c , la dame d’O rcet peut disposer.
Les sieurs Delsol invoquent vainement les principes pour
en conclure que le donataire grevé de retour ne peut aliéner.
�383
Ils vont même ju s q u ’à citer l’art. 9 52 du co d e , qui n ’ est que
la conséquence de cet article 9 5 1 , qu’ils ont condamné à la
réformation.
Certainement, le retour conventionnel a l’effet d’empêcher
et de résoudre les aliénations faites par le donataire; mais
il ne peut ici avoir ce résultat, parce que la clause porte ces
mots : ou sans avoir valablement disposé. L e sieur D elsol a
donc voulu que la stipulation ne privât pas la ligne de la
dame d’O r c e t , de la faculté de disposer j ce qui réduisait cette
stipulation aux effets du retour légal.
Ils invoquent aussi la fin de la clause qui défend à la dame
d’Orcet de déroger au droit de retour ; mais l’objection a été
levée d’avance. Cette p ro h ib itio n , dont on a précédemment
expliqué les m o tifs, n’a plus d’application , dès que le sieur
D elsol est mort , dès que la dame d’Orcet n’a pas d’en fan t;
e t , dans aucun cas elle ne pourrait avoir effet, dès que dans
la ligne de la dame d’O r c e t , elle aurait produit une véritable
substitution.
R É S U M É .
I
R eb elle dans tous les sens, au système des sieurs D e l s o l ,
la clause du contrat de 17 6 0 se refuse à toutes les interpréta
tions qu’ils veulent lui donner.
S ’a g it-il des biens réservés /
Cette énonciation s’applique , malgré eux , à la somme de
10 ,0 0 0 liv. dont le sieur D elsol s’ est réservé la faculté de
d isposer; lorsqu’il a parlé des biens compris dans l’institution,
il les a qualifiés biens insinués ; et quand il s’agit d’une charge
rigoureuse , inusitée , indiget speciali designatione , et l’inter
prétation est toute contre celui q u i, dictant la lo i, a p\i? a dû
mieux s’expliquer.
�.
(§4)
,
'
Persistent-ils à étendre ce mot réservés^ aux biens institués ?
Ils tombent dans une alternative dont le résultat leur est
toujours contraire.
O u la clause est nulle et comme non écrite , parce q u elle
est subordonnée à une condition impossible et contre nature,
le sieur Delsol ne pouvant revenir de l’autre monde pour
recueillir le droit de retour de ces b ie n s, qui n’ont passé
que par sa m o r t , à son héritière universelle.
O u là clause renferme une substitution fidéicommissaire ;
parce que le
retour ne pouvant jamais s opérer au profit du
stipulateur, ne peut passer à d’a u tres, qu’autant qu’ils sont
gratifiés en second ordre ; l’héritière ayant
priété ,
recueilli la p ro
ne peut être chargée de conserver et de rendre à
d’autres que lui , sans qu’il y
ait trois personnes comprises
dans la stipulation , et par conséquent, sans qu’il y ait fidéicommis aboli par la loi du 1 4 novembre 17 9 2 .
S ’a g it-il des biens donnés ?
i . ° L a réservé du retour est évidemment personnelle
au
sieur D elsol.
C ’est l’expression littérale de la clause.
C ’est l’intention commune des parties, déterminée p a rle s
circonstances où elles se trouvaient.
Il
réserva le retour à soi expressément,
lui s e u l, parce q u ’il n’avait qu’un
c’est-à-dire , pour
enfant; parce
que le
mariage n’aurait pas eu lie u , s’il eût parlé d’autres héritiers ;
parce qu’il ne pouvait penser à des collatéraux qu’ il n’avait
p a s , ni à des enfans d’ un second mariage qu’il ne contracta
que plus de onze ans après.
L a dame de V igicr réserva le retour à elle et aux siens ÿ
parce qu’elle avait d’autres enfans.
E lle lê p o u v ait; elle le v o u lu t; elle le fit. L e sieur Delsol
�3 Hi
C 85 )
le
pouvait de même ; il ne le fit point : d o n c , il ne le
voulut pas.
Subsidiairement :
2 .0 La transmission du retour aux héritiers du donateur,
n’était formellement consacrée par aucune loi. La jurispru
dence n’était ni constante , ni reconnue. Les auteurs se con
tredisaient. L ’opinion'dom inante repoussait cette o p in io n ,
lorsque le contrat a été passé. C ’est donc le nouveau code
q u i , destiné à fixer toutes les incertitudes, à terminer toutes
les controverses, doit décider la difficulté ; et il y a d’autant
moins d’effet rétroactif, que le principe qu’il p o se, est con
forme aux règles
du droit j à la lettre de la clause et à
l’intention évidente des parties.
3 . 0 L e système de la transmission est infructueux pour les
sieurs Delsol.
Ils ne sont appelés ni comme en fan s, ni d’aucune autre
manière. Ils ne peuvent venir comme héritiers ; c a r , il n’y
en a d’autre que la dame d’O r c e t , q u i , instituée par son
contrat de m ariage, et ne pouvant l’être à charge de re to u r,
représente exclusivement le sieur D elso l , réunit sur sa tête
tous les d roits, toutes les actions qu’il a laissé, et éteint, par
la confusion, celles qu’il aurait pu avoir contr’elle.
4 .0 E n fin , toutes ces hypothèses n’empêcheraient pas la
dame d’O rcet de disposer. L a défense de déroger au retour,
était prise dans l’intérêt de sa ligne j elle cesse avec le motif
qui l ’inspira , et ne serait d’ailleurs , qu’une charge de con
server et de rendre, qui ne peut aujourd’hui recevoir d’exé
cution. L a dame d’Orcet a donc le droit qu’auraient eu ses
descendans, qui pouvaient disposer des biens donnés
le
retour étant réduit par la clause m êm e, aux simples effets du
retour légal.
I
�T>V*
¿y »;
S
(.8 6 )
D o n c , sous tous les rapports, le refus que fait le sieur
Desprats de payer le prix du pré de C a n c o u r, est mal
fondé. La prétention des sieurs D e ls o l, qui lui sert de m o
tif, ne peut se soutenir; et le jugement par défaut, qui ,
sans avoir égard à la clause de ré versio n , a ordonné la
continuation des poursuites , doit être maintenu.
M agistrats! prononcez. L a dame d'O rcet attend votre
décision avec la confiance et la sécurité que doivent inspirer
sa cause et ses juges.
Jusques ic i, elle n’a tenu que le langage de la raison.
S ’il fallait parler à vos cœurs , elle dirait :
3’ai passé ma vie à liquider les biens de mon père ( 2 6 ) ;
j ’en ai ve n d u , à la vérité, pour payer les dettes de mon
(26)
Pages 6 et 7 de leur m ém oire, les sieurs D elsol portent à un
m illio n , vaieur de ce temps, les biens de leur père. S ’il faut les en c ro ire ,
la majeure partie de cette fortune a été engloutie tn peu d ’anncesi La dame
d 'O rc et, aprts avoir ¿puisé les créances mobilières , a vendu tous les immeu
bles q u elle a trouve à vendre. Ils terminent en lui imputant îe dessein
avoué publiquement de Us dépouiller, pour enrichir des étrangers. C ’est ainsi
que , pour se rendre intéressans, ils calomnient jusqu’il ses intentions.
Lors du partage fait en 1 7 8 5 , les immeubles du sieur D e ls o l, y
compris le domaine du C l a u x , furent estimés 15 0 ,8 7 2 l i v . ; les sieurs
D elsol en ont pris le q u art, qui fut d élivre en nature
leur tutrice.
Les effets appréciés dans l’inventaire fait en 17 8 0 , se
montaient
h 2 1 7 , 3 9 2 liv . ; mais, comme il y avait en outre des objets non déter
m in és, le vérificateur du contrôle é v a lu a , d’o ffic e , tout le m obilier h
23 0 .0 0 0 liv . et perçut le droit sur cette somme.
Pourquoi donc les sieurs D elsol (page 6 )
le portent-ils A plus de
70 0 .0 0 0 liv . ? Quel peut être le but de cette erreur de 500,000 liv»
d’autant plus inexcusable, q u ’ils ont en leur pouvoir
une expédition
de l’in ven taire, et que la discussion, dont les traités de l’an 9 ont été la
suite , leur a fait connaître le véritable état de la succession ? C ’est que
�.3-S7
( ÿ7 )
é p o u x , mais j*ai réparé, amélioré et conservé la plus grande
partie de ces biens, malgré la tourmente révolutionnaire.
E t , nouveau T an ta le, il me serait défendu d’y toucher!
Frappée
d’interdiction, i\ ne me serait
pas permis de
repousse r la calomnie par des bienfaits !
J e ne pourrais secourir l^s malheureux , recompenser de
vieux domestiques, léguer un souvenir a 1amitié!
sans cela , ils n’auraient pu dire que, dans peu d’années, la dame d’Oi'cet
en a dissipé la majeure partie. C ’est qu’il était écrit que les sieurs D elsol
ne seraient exacts sur rien.
M algré tous les soins que s’est donné la dame d ’O r c e t, m algré toutes
les poursuites qu’ elle a fait fa ire , elle n’ a pu recouvrer que 1 86,000 liv .
y compris les sommes dues par la dame D u b o is, veuve du sieur D elsol ;
sur quoi l ’on a déduit les reprises que la dame d’Orcet a pu justifier par
é c rit; 6 o ,o o o liv . qu’ il a fallu payer pour sommes dues par la caisse
des consignations; enfin, les dettes de la succession, sans m im e y
comprendre les legs portés au testament du sieur D e lso l, que la dame
d ’Orcet a p a y é s , quoiqu’ il ait été déclaré nul. Le reste de l’ac tif a
été réduit à presque rien par les insolvabilités ; par le défaut de titres ; par
l’abolition des arrérages de rente ; par les remises ordonnées par le sieur
D e ls o l, dans un état confié à son directeur; enfin, par les pertes résul
tantes des paiemens reçus en assignats.
B r e f, il est résulté du compte présenté en l’an 9 , qu’il ne
revenait
aux
sieurs D elsol que 20,00 0 liv . pour leur quart de l’ac tif réel ; et cependant
la dame d’Orcet a cédé au sieur D elsol aîné, i . ° 15 ,0 0 0 liv . dues par
sa m è re; z .° 4 ,0 0 0 ljv . à prendre sur e lle , pour excédent de pensions
par elle reçues; 3 .0 la m o itié 'd u domaine de Coussergues ; 4 .0 le quart
des créances à recou vrer, qu’il a depuis abandonné pour 4 ,0 00 liv . ,
dans la vente de la montagne du 28 thermidor an 10. Le sieur D elso lVolpilhac a traité sur les m êm es'bases; excepté qu’au lieu du quart des
créances à re c o u v re r, la dame d’Orcet lui a cédé la liquidation de
l’ofiice de receveur des consignations, tombé dans le tiers
objet sur lequel elle a éprouvé une perte de
30,000 liv,
consolidé
•
�Ç S« )
,
D e l’opulence où j'ai v é c u , de l’abondance oii je vis en
core , un mot pourrait me précipiter dans la misère ! Expropriée
du peu de biens que j’aurais de libres, saisie peut-être dans
tous mes re v e n u s, je serais condamnée à connaître le besoin,
à traîner, dans le désespoir, des jours trop lens à fin ir , dont
le dernier accomplirait la condition tant désirée !
E t , sous mes y e u x , les sieurs Delsol disposeraient, à leur
p laisir, des biens qu’ils ont pris dans cette même succession
o ù se confondirent celles de m on ayeule et de ma m ère!
Sous mes y e u x , ils vendraient mon héritage m aternel,
que je leur ai donné en paiement de leur légitime ( 2 7 ) 1
¿conduits par tous les tribunaux , qu’auront-ils perdu ? rien*
V o ilà comme la dame d’Orcet les dépouille pour enrichir des étrangers!
T elle est cette fortune tant exagérée! T el est ce m obilier p ro d igieu x,
pour lequel cependant, les sieurs D elsol n’ ont pris sur la dame d’Orcet
qu’ une inscription de 10 0 ,0 0 0 liv . !
En même temps qu’elle liquidait la succession de son p è re , la dame
d’Orcet s’occupait aussi de celle de son mari qui laissait plus de dettes
que de biens. Malgré qu’elle ait vendu beaucoup de ces b ien s, et qu’elle
ait aussi aliéné une partie des siens pour p ayer ces dettes qui s’élevaient
à plus de 900,000 liv . ; elle doit encore; une partie considérable de cette
som m e;, mais ceux des biens de son mari qu’elle a con servés, valent plus
que ceux qu’elle a vendus de la succession paternelle. T elle est cette femme
qui dissipe tout !
Sans doute que »pour plaire aux sieurs D e lso l, il faut que la dame
d’Orcet conserve scrupuleusement ses capitaux ; qu’elle les accroisse
en économisant sur ses reven u s, et qu’elle ne dispose de rie n , pour
tout laisser à des frères qui ne se souviennent d ’e lle , que lorsqu’il
s’agit de sa fortune.
(17 )
Partie du domaine de C ou ssergues, que le sieur D elsol cadet
possédait en en tier, par les arrangemens qu’il a faits avec son frè re ,
a etc vendue^ L a yente du surplus est actuellement affichée-
�(
89)
Ils pourront encore obtenir de la nature, ce que la justice
ne leur doit pas. Ils auront la ressource d ’un dernier appel
au cœur d ’une sœur généreuse: ils savent bien, que pour celle
qui n’a pas le bonheur detre m ère, des frè re s, pour peu
qu’ils le veuillent, sont toujours sûrs de tenir lieu d’enfans (28).
(2 8 ) Ainsi se réalisera le voeu du code Napoléon.
Ne rien réserver pour les collatérau x, c’est leur dire de tout mériter :
conception morale et profon de, q u i, prenant les hommes tels qu’ils sont,
se sert de leurs défauts m êm e, pour les obliger à devenir ce qu’ils
doivent ê tr e
Signé D e l s o l - V i g i e r .
v
M . D E L Z O N S , Présid ent, Rapporteur.
L A B R O , Avoué.
I
�.•l i l j i - j j j i u
T
F
A I T S ,
A
B
L
E
vmm
.
.....................................................................
O B SERVAT I 0 N S
page 4
G É N É R A L E S ................................... 1 5
M o y e n s . — I .re P a r t . — B
i e n s
r é s e r v é s
.
L a clause de reversion des biens réservés est nulle et
comme non écrite
18
Ou c 'est une substitution abolie par la loi du 14
Novembre 1792 .......................................................................... 27
II.e
Part.
—
B
i e n s
d o n n é s .
E n f a i t , la clause de réversion
est purement personnelle au sieur D e ls o l , . . .
I .re
Proposition. —
36
II.e Proposition. — E n droit, le retour dont s'agit , ne
' peut profiter aux sieurs Delsol .
I I I . e Proposition.
. . . . . . .
46
— Dans tous les cas l 'a c t i o n du
retour tomberait dans l'institution et se serait confondue
dans la personne de la dame d'O rcet , héritière universelle.
67
\
I V . c Proposition.
— Nonobstant la clause , la dame
d Orcet pourrait d is p o s e r . ................................
R
80
é s u m é ........................................................................................ 85
N o te sur la valeur réelle de la succession du sieur Delsol.
86
�
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The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
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Description
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Text
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A name given to the resource
[Factum. Delsol, Jeanne-Marie. 1808]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Delzons
Labro
Subject
The topic of the resource
successions
avancement d'hoirie
contrats de mariage
substitution
droit de retour
annulation du testament
fideicommis
jurisprudence
dot
stipulation
Description
An account of the resource
Titre complet : Réponse pour Dame Jeanne-Marie Delsol, veuve de monsieur Gabriel-Barthélemy de Vigier-Dorcet, demanderesse ; Contre sieur Jean-François Delsol aîné et Gabriel-Barthélemy Delsol-Volpilhac, défendeurs ; En présence du Sr Desprats, aussi défendeur.
table des matières.
Table Godemel : Retour : 3. peut-on stipuler, dans un contrat de mariage, un droit de retour tant pour une donation que pour une institution ? un droit de retour est-il transmissible aux héritiers du donateur, sans stipulation ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Viallanes (Aurillac)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1808
1760-1809
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
89 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G1911
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G1910
BCU_Factums_M0531
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53363/BCU_Factums_G1911.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Aurillac (15014)
Marmanhac (15118)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
annulation du testament
avancement d'hoirie
contrats de mariage
dot
droit de retour
fideicommis
jurisprudence
stipulation
substitution
Successions