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.
FRED. Mo. WHITE
Le
ecret des Sabl....
. Traduit de l'Anglais par
EVE et
LUCI~
MARGUERITTE
COLLECTION
PAMA
BibllotTl èque de la .. Mode Nationale ••
PARIS. -
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PAR IS, 94 , Rue d'Al ésia (XIV ' )
T él. : Vnugirard 14-25,
�LE- SECRET
DES SABLES
�/
�FRED
M. WHITE
LE SECRET
DES SABLES
ROMAN
ADAPTÉ DE L ANGLAIS PAR
ÈVE PAUL-MARGUERITTE
ÉDITIONS DE "LA MODE NATIONAL !:!.
94. Rue d'AI6Aiu, 94, -
PARIS (XIV")
��LE SECRET DES SABLES
ur; Am DANS LE BESOIN
La lurrlÏl-re jaltIw <ln crépu6c ulo pénétra dans la salle à
manger ci'Overs anùs, où lefi bougies des grands candéla bres
';c:airai ent doucem ent la lable il. travers les abat-jo ur
vert s. 'fou-L Hait obscur dans la pièce, hors le parljue t ciré,
l('s cadres d'or des tableau x el l'argent erie du dressoi,r .
Les bougies de cirr projeta ient des taches lumineu ses sur
l;. Labie autour dr laquolle trois personn es étaient assises.
Au centrl1, Rir Horace Amory faisait vis-O.-vis à sa fille
Vera. Lady J\lTlûr)" était morte depuis si longtem ps que
c'est à poine si Vera so souvona it d'elle.
MDriu, veuye do Sir Gab)'iel Amory, le frère d' Horac<"
tournai t Ir. dos au vieux dr'essoi!' ri style l!Jlifiabctll. C'est.
de Gabriel Amory qu'Hora ce' avait, hérité.
li y a pen de f<lmilles sur ICSllucllcs ne rourt pas
((lIPlq\1P histoire drangr , les Amory Ile faisaien t pas excl'pt.ion Il la ré/de. Les srrviteU l's ct ll's gens du village avai('nl ,
(JUMel ,]K parlail'n t de Lady Amory, un regard signiIlc
atif
ou un souriro umbign .
Ce n'est pas qu'rlle fût laide OH tlgép : elle était plus
j.,une lJuc Rir Horace 01. toujour s admirab lement habillée .
~,pn
visage, aux traits régulier s, ne trahissa iont jamais la
moindr e émotion ; ses chevoux étai nt bloJlds et abonda nts,
muison éprouva it, cn la regarda nt, un sentime nt inquiét ant,
�6
LE SECRET DES SABLES
car son visage de cire avait l'immobilité des visagbs des
morts . P:ufois, eUe parlait des actualités, mais avec un
(ffort, et jamais elle ne souriait.
Elle a vait des manies : parfois, elle se connnait dans sa
chambre pour ne voir personne; d'autres fois, elle prenait
part aux repas sans proférer un mot.
Son unique affection était Dick AmOJ'Y, le fils d'Horacf',
qui faisait sa carrière dans le Stock Exchange.
La cause de ces allures étaÏL inconnue. On racontait que
Gabriel Amory avait passé la plus grande partie de sa vie
clans le Midi de la France . On n'avait connu sa f mme
qu'après sa mort, car alors elle était venue habiter Overun, - n'avait jamais
sanc's. Son secret, - si elle en av~L
transpil'ü.
Quelques années auparavant, elle avait exprimé 10 clé"il'
de vivre cliC? elle et avait loué un grand cottage sur uno
des rins du fleuve à 5 IdJomètres de là. Mais eUp y vivait
rar ement et sembla it préférer Oversands.
Néanmoins, cerlains jours de tristesse, ello disparaissait
ct s'inslallait au cottage, où deux vieux domestiques, un
ménage, la servaient.
Sil' Horare n'aui'ait su dire au juste ce qu'eUo était ni
quels i:taienl ses parf'nts. Ilia croyait l'lche, car elle p1rrt ail parfois de splendides bijoux. 11 n'était sûr que d'une
chose, c'est qu'clle roprésentait un myslère vivant.
Les repas étaient toujours lents et cérémonieux.
Les Alnol'Y n'étaient pas une vieille famille: Sü' Horace
\ '~ n il iC'nt
on troisième lignée. Oversands leur apparlenait
depuis quatre- vin3ls ans, il avait élé acheté on mÙTlle
Lr.mps que 10 tilre du baron.
Les Âmory avaipnt fait leur fortune dans la ville d'
P;ho l'oTiioulh, où la hanque Al1Iory el ms était prospèrp.
~ir
110race était hau leIlH1nt estimé pa,. tout le pays.
Pourtant, il n'avait pas l'air heureux. Ce soir précisé ment son regard trahissait une anxiété, et Vera l'aurait
remarqué si ello n'avait été plongée dans ses propres pen ·
sée~
Vera était lIne petite crbature hO"ul'euse oL souriante,
courag( use ct résolue.
�LE SECnET DES SA BLES
7
- S'il ne fait pas attention, il ira dans les sab l c~ mouvants! cria tout à coup Lady Amory.
Sa voix vibra dans la pièce silencieuse, mais son visage
de cire consorva sa gravité.
- Les sables garderonlleur secret! reprit-t- elle, mais
je les connais. Ceux qui dironl que je l'y ai poussée mentiront, car elle s'est suicidée.
Ses mots sonnaient nets, et Lady Amory, comme si elle
ne los eût pas prononcés, éplucha une orange. Une ombre
d'ennui passa sur le visage de Sil' Horace, que ce genre de
sortie exaspérait. Vera inlervint :
- Vous avez raison, tante, dit-elle avec douceur, ce
n'es l pas votre faute. Voulez- vous que nous fassions un
peu de musique au salon?
- Je vais me coucher! murmura Lady Amory. Sijen'y
allais pas, ce seraiL mentionné dans los journaux; tout est
relaté dans los jOlll'naux. Mais ils seront bien attrapés à
cause de l'enquôte.
Vera l'accompagna avec sollicitude.
-- N'allez pas du côté dcssables,ni de la Maison-Rouge,
dit Lad'y Amory, ils ne sont pas dangereux pour moi qui
r,onnais leurs secl'ols , mais ils Le seraient pOUl' vous.
V<;ra frissonna au son de la voix rauque de sa tanLe. La
vioille Maison- Rouge, située près de la rivière, dans un
end roit dangereux ct isolé, avait toujours été son canchemul'; ello avait donné lieu il des légendes singulières, ct
. pl t.;!j d'un qui s'était aventuré de son côté n'était jamais
1'. ',U !lU •
. ais tloUl'f) uoi Lady Amol'y ne p01lvait-clle en détacher
(';\)Ll? BJlo no pouvait pl'ononeer trois phrases sons y
hil'oallusion, çt,p lus d'une [ois, on l'a vail s urprise absol'hél'
düllS la t.:ontcmpJalion des sables .
Vera se rctrouva soulo a vcc allègomont, son exp ression
sereine la quitta, ct rlle parut anxieuse pt malhclll'CUSC·
une granlhJ inquiétude l'euvahH ct': utant plus grande
qu'elle l'avait plœ; longLellips dissimulée. Elle sortit un
JctLl'c de sa poehc cL la j'cluL, hien qu'elle cn conn1l1 1([lW"S par cœ ul':
f,'Jll
�8
LE SECRET DES SABLES
Rejoignez-moi à 10 ]1('ure6 du soir à la mais.on
l'ouge. J'ai de terribles ennuis eL jo n'ose pas ma montrer
11. la maison. Dick. »
Ce n'était pas la première l'ois quo son frère se distinguait de la sorle. Une fois déjà, on avai L soldé ses dettes
après des scènes orageuses, et Sir Horace avait déclaré
qu'une aulre fois Dick se dé))rouilleraiL tout seul. Ces nouvraux ennuis - dos dettes encore - df'vaiont êtres graves
pour qu'il n'osât pas en parler. L'imaginuiive Ver!!. voyait
Mjà fion frère déshonnoré et poursuivi.
11 fallait avertir Sir Horace. De toutes façons, eUe irait il.
la Maison-Rouge il l'heure indiquéo.
Vera ~e dirigea vers la bibliothèquo où son père fumait
un cigare. Elle le trouva en compagnie d'un grand jeunl'
homme, au visage résolu, au regard ft'unc, qui lui parut
fort beau dans ~on
habit de soirée.
- Nil vous sauvez pas, Veral dit Bir Horacl', et serrez
la main de MI'. Ronnld Bastable, le fils de mon v ieil intendant, .J oseph Ras Lable.
- 11 y a bi n l( ngtcmps qur jr 11 'ai nlle plaioir de
YOliS voir, Miss Ver~,
diL le joune hommc.
- Quinze ans, n' sL-ca pas? (lit Ve-fn ('II souriant. Nous
t'II faisions une paire d'amis 1
- Je ne l'ai pas oulJli6, dit-il.
:"ir Horace fronça le sourcil. HonnIt! ouhliait un pOil
'l'Op que son pèrn avait Hé un omployü chez lui. Depuis,
Ir vieux Bastable s'(;U~il,
enrichi au point do devenir propriét:üre de plusieurs maisons d'Ovorsands t nr donner à
i;on lilo uno bello ôducntion, mais, au,' youx de Sil' Horace,
il resLrl'nil tOl1jonf:; un subordonné, Deux uns auparavant,
ils s'6LaionL hl'ouilltis, eL Sil' Horace avait. j\1ré quo Joseph
RnsLablo s'en repentirait,
Vora ouhliait tout cola pOllr TIf' so SOllvenir (jIHl dcs
nltcnlions de son camarade (rE·nfaller.
lH.'urC'ux ùe vous voir, dit-l'Ile.
- \ion fl'I'ro ~crniL
VOlIS demander I:lQn /I(ln'sao. Je
_ Je voulais ju~trn1(L
suis IIné à IHin étude, Illon m'a dil qu'il Huit ioi,
_ \ron fils vienl )'arpm nl, répondit :-tir' Horac!' d'lllH'
�U; SECRET D ES SABLES
9
voix sèche. Je regreLte de ne pouvoir vous renseigner.
- Vous avez à lui faire une communication importante?
demanda Vera, qui vit Basll1.bIe devenir gravo.
- ,Oui, très, répondiL-il, et je regrette de ne pouvoir
vous en parler, c'est pour une aITaire Loute personnelle. Je
suis très oontrarié do ne pas avoir son adresse.
Une vague inquiétude s'empara dQ Vera, qui obseryait
attentivemenL Bas LabIe eL eut. le spntiment ql.l'il pouvait
être un loyal ami dans les heures ~p)aves.
Blle projeta de
se confier à lui.
-,. Je Buis désolé, repliqua-L-elle. Je vous aideraij; si je
Ll pouvais. Mais je vous empêc/1.e de causrr avec mon
père. Bonsoir, ]\h. Bastable.
T!ll1e se reLira dans le salon eL aLtendiL, fébrile. Advienne
que pOUNa 1 mUe prendra Ronald Baslable pour confident.
Il serait discret, to~ü
,Hl moins 1
}tJ1l1l l'entendit souhailù~'
Je ponsoir à Sir Horace qui
l'Ot'flI'Wll la porte derrière lui. l!illp 10 suivit et le vit qui
litlloil:l'IIUH li grandoH el)jamb6os dan~
l'avenue. II n'y avait
pas un moment à perdre. Elle courut derrière lui ct posa
flU I)l; in sur le; bI'as do nonalt!.
11
LA nAGVE
MAlQUI~E
Bar.tnhle (~lrnaL
vl'rs eUe un rag'lIl'd Uf(>'~lX
Ilt clevinn
il l'anxiùLé
!i(1O ylt'ingr. .
- J'rspiJllo </1111 vous (l'aile\,> lJ<l!; Ill!) mal juger, diL-olle .
•1CI /l'ai Jl'AS oublié quo votre p~l't!
eL JI) Illien sont ennemi!i,
mais eela n rst pas une raison pOIll' quo nous le l:ioyonr;
nlS~.
C'~pL
si étrango que VOliS vfluirz à Oversands ru soil'
pl'l.eitiùuwnL, mais je crois que ln Providence l'a youhl. 101\
J'I~
ra a ùos ennuis.
- VOllS a-l-H dH cela, l\IisH VOl'a? demrlllùa le jeul~
hOlllllllJ, Hi!' Hor\l(\o IIll 1\aiL pns ...
- Oit 1 mali ph'o ne saiL rien. J'en suis iJlfol'/llée dl'puit\
ha dtiLr~sl
uO
�10
LE SECRET DES SABLES
quelques heures pal' un enlant du village. Avez-vous vu
Dick récemm ent?
- Je l'ai vu souvent à Londres . Je suis avocat eLjefai s
partie du même club que lui; plus d'une fois, j'ai pu lui...
.
enfin 1
- Vous lui ayez prêté de l'argent , s'exclam a Vera. C'est
étrange qu'il n'est pas parlé de vous dans ses lettres. 11 est
en ce momen t dans une situat.ion difficile ct n'osl' paraître il
o versands. Ml'. BasLable, esL-ce vraimen t si grave que cela?
Ronald se tourna vers le jeune visage anxieux .
- J e le crains, dit-il gentime nt. Dick m'a parlé il y a
deux jours. J e crois qu'il ne m'a pas tout dit, et c'est déjà
sérIeux.
- Vous voulez dire qu'il nous a ... qu'il nous a déshonorés ?
Bastabl e r épondit après un long silence.
- Voire frère est très lié avec un homme de loi nommé
Rowen. Je crois qu'ils ont tous deux spéculé avec les biens
d'une cliente de Bowen, une vieille dame, morte récemment. Ses héritier s ont demand é des explic:üions, et touL
découve rt. A moins qu'une somme de 500.000 francs
~'est
ne leur tombe dans lCR mains d'ici quelques hOUl'es, il ost
probabl e que, ..
- Oh 1 c'o!':L afTrellx! gém it la jeune fille. Mon père en
mourra . J\lais il faui que nous sauvion s ce misérable enfan!.,
si c'est possible. N'avoz- vous pas une idée?
- 11 faudrai t d'abord savoir où il est.
- C'esL vrai 1 J'oublia is de vous dire qu'il se cache il la
)[aison- Rougo. Cet endr'oit maudit l'a touj ours allir6. Il
JU'y donne rendez- vous il 10 heures du soir. Que faire? .Je
n'ose y aller. J'ai failli t.oul dire il poro. Faut-il qu'i!
sache?
los
- Pas encore! dit Bas Labie. 11 sc peut quo j'arn~e
J'irai à votre place parlor à Dick. Rentrez vito ul1n
cho~s.
qll'on no so douLe de rien.
- c.:omment vous remerci er? murmu ra Vrra. Quand
vous reverra i-je? Je ne vivrai pas,lan l. que cc pUllvr'c
g:lJçon ...
�LB SECRET DES SADLES
11
- J e serai demain matin, à midi, dans l'aYenue dl ti
ifs.
- J'y serai aussi, dit Vera. C'ust là que, enfants, nous
faisions nos parties de chasse, dit-elle doucement. Comme
ce temps est loin! Et clans quelles circonstances je vous
retrouve! Au l'evùir ilTr . Bastable.
Elle lui tendit les dE'uX mains a vee une spontanéité gra·ieuso.
- Je me suis toujours souvenu ùo vous, dit-il, et je
vous aiderai de mon mieux, J[iss Vera . Si votre frère peut
ô,re sauYé, il lE' sera. J'ai un projet, mais nous en recauserons.
- Jo vais prendre patience jusqu'à demain matin.
- Domain il midi . Je voudrais vous apportcr de bonnes
nouvelles.
Bi 13astable s'i!loigna hl'llsqucmpnt. 11 liât a le pas, car il
y avait llllC );onne hcure de marche avant (\'atlcindl'c la
,fuisun- Rouge.
Tout cn marebant, ill'cvécuL ses jcuors années, il avait
douze ans, et Vera sept. Son pèrp était ÏlHcndant chez
·~i.r
Horace. Puis la brouille. m que Jo choses s'étaient
pass6ns ensuite! La ruine des Amol'y, tandjs qu'au contrail'c Joseph BasLablc faisait fortune. Agent à 8horemouth,
il ayait spéculé 'avaJltageusement avec des tenes, ct, à
1 dcmo actuelle, ln moiLié do la ville lui app' douait, 01,
(,'est llli fIui avait été l'insLrument de la ruine de lu banque
.1 mnr!J et Ils en (,l'é.1nt une auLrl' ban!]Ufl ri vale. 11 avait
jl1"Û d'JllIlllilier ::;jr Horace ct de Ir. chasser d'Oversands .
•r08l1l:1 Bas!abl n a vai L d'autres illllhiLions. 11 les avaient
eonliü(Js Ü [{ollalt!, (JI. voilà que 10 ha~;lJ'd
llulrtbIaiL faire de
l'CS cltimèns une réalité,
Honalt! approchai L do la muison, d'aspeCt rébul'batif. La
porte grinça sous la pousséo de Ronald. Quelqu'un avait
fumé dans le salon !l'uLLcllLo, CUI' une fortc odeur ue tabac
s't'n xhala. 13astablc appel;, douc('rnenL Die!, Amory. 11
dut l'appt'lcr trois fois, !Gnllll, nno tète s'avança tiuüdolllent
der la pOI'le ontrcbflilléc. Et Dick (,lIlra, avec lin SOUl'Îl'iJ
iré,~o)u
sur son joli visage.
�12
LE SECRET DES SABLES
-- VOUS m'avez fait peur, murmura-t-il. ~.les
nerfG :sont
à bout. Comment m'avez-vous déniché?
Baséable s'expliqua.
- C'est amical à vous, vieux 1 elit-il. Eh bien! le mal
est fait. 11 y a eu mandat d'nrrèt. Je devrais tout avouer
au père, mais je n'ose pas. Vous, Buslable, vous lui direz .
l!Jt, domain, envoyez-moi donc ùes cip-areLics et du whisky.
1ci, je set'ai en sûreté jusqu'à ce que mon père se procur,)
de l'argent. Ah 1 j'ai été idiot d'ocouier ce Howen! jo n'ai
pas Louché un sou de la fortune, et c'est inique que je !lois
le seul à expier .
- J<Jcoutez, dit Bastable, j'ai un projet. Je ne sais si je
VOliS sau verai, mais je vais le tenter'. Si. ..
Amory sena violemment le bras de son compagnon .
- Chut! murmura- t-il, il y a quelqu'un dans la maison
BasLable se tut . En effet quoIqu'un do\ai 1. marcher dans
10 11:111. La POi'1.f' s'entr'ouvril., ct une maill IOIlgu;) et.
hlancllC, aux ûflt51es roses, apparut 01. dispHI'ut.
- Vou:, a III "u? soulTla Baslablt•. C'était ,·j~ible.
Dne
main n:lUl"Illani.l', ol'néo n'uno super)l(' 1>011 0 avec un diamant 1.';' 1111 l'lù)is . Jo rl'connaiLrai (;oLLo bugl/u n'impol'Lc où.
Amory cluqunit dOl:) donl s.
- Nu mo quiLLe/' pas, balbulia-l-il en n. Je n'ai pas \ Il
de bague. "oun avez rèv!..
III
Ronald pun:iu un moment qu'il avait ôté vir,l.ill1e (l'unll
hnLlneillnlion. Ils lil'l.:JlL le tOUt' dl' ln maison. Hi n n'indi.
qunil qu'un l!('I~
humain y nvail Jla~ô.
Lt'fl vieu. nwublcs
plael!. Ln pOttu du fond 6tnt' f('rllléll, 'l lu
6laif'nl il l(~ur
c lef rouillée dans la serl'ul'e. Quaut ft la porte d'enlrée, elle
avail {;t.é fl'I'mur à clur pal' B,Hi1.ILlp.
Vous a \·cz l'èvé! fil Diuk Alilol'y uervcusument.
�LE SECUET DES SABLES
13
H,emeUez-vous ct I!C m'effraycz pas, puisqu'il faut que je
passe la nuit dans Ct' trOll.
Bastable le laissa seul cl, comme il était d'humcur à
causer, il se l'f'fl(liL au club de Shoremonth.
Le fumoir était vide; Ronald prit un journal: l'll'loile
dit soir, et le feuilleta négligemment. 'l'out à coup, son
regard accrocha cc titre alléchaut.
« Étrange afjaire à hy Court.
La police s'o"cupe de la
disparition de Ml'. AI'thur Bowen, l'avoué bi n connu.
D('puis quelqtws années, l'élude de \L Bowen sc trouve à
Ivy CourL, Fenchurch ~tre.
A l'extrémité de la cour,
faisant face à la rue, SI; trouve UIle pctite maison occupée
pOl' M. Bowen. Lt's clercs lruvailkm (jans !ps pii'ces du cah
ct le maltrc sc réserve les chambres du haut. Bien que
l'étude soil entourée de magasins, la COtb' {'sL l'l't'sque toujour!; déscrte, CUI' seuls y passent les clients do M. Bowrn.
" Hier, ~I.
nowen sc meitait au trul'ail ainsi que d'habitude. A JlJ idi, il rcç'ut une lettro d'lin client do provillee
qui r -clamail des papiers importants, ot un des clercs se
chargea do les poner au chemin de fer. 1\ midi et domü"
l'aulro clerc allait déjeunor. Quand il revint, il no trouva
pas .1. Bowen. Comme 10 secrétaire était ouvert et qu'il
contenait d'importants papiers, il se rendit dans la ehiJmbro
dl' !Il. Huwen, qu'il trouva duns le plus graol1 désordre. Le
grand coITru-fort avaiL disparu, ainsi que tous los livres
privés. Sur la table, s'étalai nL un mouchoir souillé et
quelques taches de sung. Aucune trace de l'infortuné
Bm,von.
« La police supposo qu'il a été vicLime d'un a~sS8int,
Mais il est singulier qu'un pareil crime aiL été accompli en
plein jour, à deux pas do lu l'ue Frnchurch. »
Honnit! Easlable relut le pnrugrrlpho ut(Nllivem nt el il
allait l'cjotor le journal, lorsque cos autre lignes, Il dOl"ni re
puge, attir\rcnl, son aLLention ;
Dam. )'apri's- midi, la polioe
n Le, m!)s/he (l'b!! COll,." a 6L6 informùe par uno maison 1'10 ohargoant do diNérents
t.ransports que Howcn IIvait prié qu'on vmt prondre choz
lui, vers une h@'ure, divers objet!! dont un 0offrp-fort pour
�LE SECRET DES SAD LES
arriva à
les transporter à Orchard Lane. Le camioneUl~
l'heure dite, avec un porLenr; ils furent reçus par un
monsieur qui leur donna une demi-couronne et les pria
d'aller boire à sa santé, car on n'aurait pas Lesoin de leurs
snrvices avant une demi-heure . Quand ils revinrent, ils ne
Lrouvèrent plus le camion, ct l'élude était déserLe. Les
piècel) offraient le plus grand désordr!'. Dans l'après-midi,
on retrouva le camion vide près de l'église 8ain1,- Paul. La
police recherche attentivement un homme mince, entre les
deux âges, à moustaches noires ct q(li parle avec un accent
étranger . Telle est la descrip1 ion quI' lit le camionneur de
l'homme qui leur donna le pourboire. La police suppose
que la JeUre qui commandait Je camion ne fut pas écrite
par M. Bowen. »
Ce mystère étrange semblait n'avoir' aucun rapport avec
les angoisses de Dick Amory.
L'afTaire avait été menée par des scélt':raLs bien informés
des habitudes de Bowen. Ils savaienL que l'llomme cIe loi
devai Lse trouver seul entre midi cL une houre. 11s avaient
dû étotlrdir Bowen d'un coup porLé il la tète ct, pendant ce
Lrmps, avaient enlevé le r.offre-forL ct emporté le corps . Ce
crime allait, pour un temps, alimente!' 1"5 conversations à
Londres.
Une ou clellx personnes qu'il ne connaissait pas se trou·
vaient dans le rumoir. Puis deux hommes vinrenL s'asseoir
n face rie lui. L'ainé, d'une Oère prestance, avait une
moustache rousse relevée de !aço'l conquéranLe. JI porLaiL
un monocle eL avaiL un accenL éLrangrr. L'auLre ImwaiL
auLour de lui des COlipS d'œil inquieLs d'un air Limide. Son
visage disparaissaiL pr"sque sous uno barbe et des favoris
gris, oL des luneLLes bleues protégeaient ses yeux. Avec
beaucoup cl'aisance, l'étranger engagea la conversation
avec Honald.
- Charmant endroit 1 dit-il, eL plus paisible que le club
de Londres. Mon ami Sir George Lumbey m'Ilvait prédil
que je me plairais ici, ainsi qlle mon parrnt, 1If. Sexton,
forL lIurml'n6 p:n un gros lrllvnil. II )H1N.\IL q\lC' l'nir do
shorcmouth est. excellent ponr les lHlI'fs.
�LE SECRET DES SABLES
15
-- C'eet l'avis de beaucoup de docteurs, dit Ronald.
- Ah! ils ont bien raison! dit l'homme aux moustaches
rousses, moi-mème je me sens mieux. Je connais un peu
tous les climats du monde et je trouve qu'aucun ne vaut lc
climat anglais. J'en parle en homme de science ..
- Vous comp ter vous établir ici? demanda Ronald pour
dir quelque chose.
- A quoi l'avez vous deviné? dit l'étranger en souriant.
Vous lisez dans la pensée. J'ai touché à pas mal de choses,
et ma dernière manie est à l'aviation. Sans me vanter, je
crois pouvoir promettre une invention nouvelle. Le difficile est de trouver un endroit pour les expériences. Je crois
avoir résolu le problème en adoptant Shoremouth. Je suis
assez tenLé par la Maison. Rouge; ce lieua mauvaise réputation eL, grâce à cela, est désert. Ces étendues de sable
sont l'endroit rêvé pour un vol d'aéroplane. Qui en est le
propriétaire?
- Sir Horace Amory .
Un sourire sinistre éclaira le visage de l'étranger. Le petit
homme nerveux parut alors s'intéresser à la conversation.
- J'ai déjà entendu prononcer ce nom! dit sèchement
l'étranger. Je snppose que Sir Horace sera trop heureux de
louer l'endroit, surtout si je le prends tel qu'il est. Sexton,
prètez-moi votre crayon, je vais relever l'adresse de Sil'
Horace.
Le petiL homme sortit un crayon de sa poche, et l'étranger aux moustaches rousses retira l'un de ses gants de
Suède gris. Ronald tressaillit violemment. Il venai t .de
l'econnaJ Lre au troisième doigt la bague en lorme de marquise qu'il avait vue à la Maison-Rouge sùr la: main mystérieuse.
IV
AUTRE llL:COUVJ!R'l'E
Ronald 50 domina, énervé cependant de co que le petit
hommo posait sur lui un rogard soupçonneux. Au risque
�LE SECRET DES SABLES
16
d'éveill er davanta ge ceLLe suspicio n, il regarda do nouveau
la bague. C'éLait bien le m&mo bijou sur une main diITérente. Que conclur e?
11 était singulie r qu'un homme en apparen ce aussi distingué et cultivé que ect éLranger songeât à habiter un
endJ'oit aussi sauvage . LeS vols d'aérop lanes n'étaien t
peuL-êt re qu'un prétexte à dissimu ler de sombre s projets.
JI (:tait singulie r aussi que l'étrang er s'éprit de l'endroi t
jusle au momen t où Dick Amory s'y caehait .
honalLi se leva et arpenta le hall, puis, s'appro chant du
matre d'hf,[ci :
- Qui l'st le viSitcul' au lllLlnot·le? demand a-t-il.
- Un gentilho mme du nom do Lara, monsieu r, le comt.o
Henri <.le Lara. L'autre est malude, cL Lous deux sont descendus au Grand- Hô tel.
- Est-ce qu'ils déjeune nt ici, Salmon ?
- Oui, monsieu r. 11s sont arriv6s il. 6 h. 1/2 apl'Os une
longue promen ade. Le- gentlem an a,ux: lunottos paraiss ait
faLig11é, t Je comLe' proposa de J(jj uner ici. '.. r. 8oxton
Ir~'
er t;n v01.1)IIJent
1'l~
a répondu qu'II é l. li .. r'Jrt ('puis6 pour ()nr"
do ::wirl't", c~ j'ai (.6 lcur c' h ('\J!wr lIll cûtr>leLt<-.
- De sorte qu'ils pourrol lt, ap1'l'S, fuil'(, un tour SUI' la
p r'om cnad('?
' if'llJ'. Jh tint pril; Je car6 dam; la
in"ullés dans le fUTIloir'.
!ic>!t!'
5<1l1p de bJlluI'(!, puis sc
plus pc>rplox qu'avan L Il surHonaltl retO\irnn S',l~;!>iojr
Pour l'insLanl., ils. ne devaien t pas
veillerai L ers é~l'antrs.
pénétre r dans la MaIson -Rougo ; après louL, ils n'en obtiendraient pas la clef, ct Dick serail on sflrcLé un jour ('ncoro.
Apros le repus, Ronald oonsult a los journau x. Presquo
Lous parlaien t du Ml/stère d' ' Py Court ot échafau daient
d'ingùni<'u5ès tlléoril 'H. 'j'ous conclua ient à J'assass inai, de
Bowcn. UafltabllJ reLourn a il la Maison -Rouge .
Enlrn, lIolIs voiln 1 dit Amory. Que vous avez été.
long!
onZl Ilcuros il. peine 1
11 e~t
.. Ah 1 je n'ai d jà plus la notion du l,omps. J'ai dû
n t, trI' nln Yllontr6 l'II gagll. VmlR (ovez dos cignr LI.cs?
-
.le rw l;ais PM, Illon
�LE SECRET DES SABLES
17
- J'en ai apporté suffisament pour une semaine. Ce
qui m'inquiète, c'est votré nourriture. Mais, de touLe façon,
il nous faudra trouver une autre cachette, car il se peut
qu'on loue demain la maison. ,
- Ah! il vaudrait mieux que je sois mort! cria violernmo:)ot Amory, ou que je nesoisjarnaisné.Nat urellemcnt, la
pohoe esL à mes trousses.
- Je ne crois pas. ;lIais, tenez, voici une page du Télégraphe qui vous inLéressera.
Amory prit vivemenl le papier. Il était clair qu'il 11e
p osaiL qu'à lui. Quand il acheva sa lecture, un sourire
détendit son visage.
- Allons, je peux respirer encore quelque temps, dit- il.
On ne s'occupo que de Bowen. Au faiL, on ne saiL pas jus'ju'à quel point il s'esL c:ompromis. Je resLerai iCi tant (pH' ...
- Mais, vous ne pouvez pas, inLerrompit Ronald. J'ai
fail la connaissance d'un étranger, un aviateur, qui compte
louer l'endroit. 11 sc peut qu'il enLre aujourd'hui en pOSSession de la cieL
- Quelle sorLe ùe Lype? demanda Amory .
.- Un ô:,r a nrrer, grand, élancé, m ousL:.whe teintr ct
mr nod e. LI' comte de Lara. JI 0. un ami du nom de
::'u .; r,n, qui esL il IDOÎlu invalide .
.\m' l',V :tl'lwlILa nrrveusemcnL la pièce.
~ Il h'IL \'Ol1S arranger pour éloi !nel' ces gens' quelque
1.cmps. ,10 Lr0uverai ponL-èLrr un moyen de me procurer
dt: l'argent. 11 St P"fl 1';, 'lll'llI'H que j(' n'en n'aie pas hesoin.
On ne s'occupera pas (10 [11 ,li Lan . 'I"e l':lÎ ,lo;r0 BO\\'C'1l
resLera obscure, eL il sc peuL qu'elle re6te Loujours Ull H1J~
tère. Bu Cc cas, je suis sauv(:.
- Mais vous avez vol6 des grns, diL Honald ...
- Si Bowcn csL mor!., l'nfl'nirc n'aUl'a pas (le suiLe.
Poul'q1.loi alors inLol'viendrais- je '1 '
qu'il De soiL pas morL. S'il revient, quelle
- ~uposn
sera votre Ritua.Îon? fi faudra qu'il rende l'argent, il vou/!
allsignorn.
- Alors il sera t mps d'y'song r, et c'cet Lien lu diable
f,i je Illl parviens pas à rl::l5titller la moi Lié.
�18
LE SECRET DES SAD LES
Vous oubliez que, si Bowen n'a pas le sou, il vous
faudra restituer la somme totale. Vous ne semblez pas vous
rendre compte de la situation. Avez- vous un moyen d'en
sortir?
- Mon Dieu, il y a ma tanle, Lady Amory. Elle est
originale, vous savez; mais elle a quelque argent
et elle m'aime beaucoup. N'avez-v ous jamais vu ses
bijoux?
- Non .
- Elle les porte de temps en temps et, vous savez, elle
a les plus belles pienes du monde. Je sais qu'elle les
enferme dans un colTret, dans sa pelite maison. Il suffirait
qu'elle consente à se défaire de quelques-unes ... Justement,
elle est en ce moment à Oversands. Ne parlez pas de cela
à Vera, mais priez-la de me ménager une entrevue avec
Lady Amory.
Honald promit.
Vera attendait impatiemment dans l'avenuo des ifs.
- J'espere que vous m'aporte~
de bonnes nouvelles 1
cria-t-elle?
- Pas mauvaises 1 répond iL Hon::.tld.
Et il lui expliqua Lout. Elle respira mieux en apprenant
que la catastrophe s'éloignait.
- C'est très aimable à vous, dit-elle avec reconnaissance. Vous trouverez moyen d'empêcher ce scandale. Je
me demande ce que Dick espère de Lady Amory. mie est
au jardin, je vais lui parler. Allendez-moi 1
Honalct attendit; les voix des Jeux [emmeg lui parvenaienL, l'une incohérente, l'autre pCl'suasivo oL douce. Ellos
passèrent si prt's de lui, derrièro la haie, qu'il aurait pu
les Loucher.
Lady Amory s'appuyait sur uno canne d'ébène dont la
poignée représentait uno main en ivoire.
- HépNt'7., disaiL-elle, je comprendrai mieux; parloz
10nLement. Quand la rnal'ée esL basso sur les sables mouvants, je no poux penser à rion.
a l'es mots
Honald tressaillit, mais ce n'étaiL p~s
étranges. Son regard Ile posa SUl' la main de Lady AInory,
�LE SECRET DES SABLES
19
et il reconnut la mûme main et la même bague qu'il avait
vues, la nuit précédente, à la Maison-Rouge .
- Qu'est-ca que tout cela signifie? se demanda-t-il
avec angoisse.
v
LES CINQ ALLUMETTES
Quel genre ùe relaLions pouvait exister entre Lady
Amory eL celui qui s'flppelait 10 comte de Lara. EL pourquoi cele créature à moiLié démpnLe se rendaiL-elle, la
nuit, à la Maison-Rouge. Peu de gens dans Shoremouth
auraient cu l'auda.ce de s'y risquer à la nuit, et celte
pauvre femme n'hésitait pas! Quelle folie, quel intérêt
la guidaient?
Ronald entendit le murmure des voix; Vera faisaiL tous
les frais. EnOn, elle vint le reLrouver; elle avait un ail'
grave.
- Jo cJlains d'avoir échoué, dit-elle. J'ai tenLé d'expliquer lrs choses b. ma Lante el je crains de lui avoir laissé
l'impressioll qu'il esl arrivé quelque chose à Dick. Blle est
dans un de ses mauvais jours. Peut-ètre quo Dick se ferait
mieux comprendre, il a Loujours fait d'elle ce qu'il voulait.
- Ne lui parlez plus de lui el arrangez-vous pour qu'il
la rell'ontro comme par hasard.
- Ah! que vous ètes bon, murmura-t-cUe, pour prendre
ainsi part à nos ennuis. Je suis d'auLant plus sensible à
votre ami',ié que je n'ai pa(j d'amis. ;\10n père viL en sauvage, il ne quitte la bibliothèque que pour venir aux
repas. Je sais que les foUos de Dick l'onL profondément
aITeeté, mais je crains qu'il n'ail aussi d'autres ennuis
plus graves ... Je voudrais S'J.voir ...
DCJs larmr>s brillèrent dans Jes yeux de la jouno fllle.
Ronald, ému ct flotté, garda le sil"nce. II aurait pu révéler
à Vera le secl'ut. des inquiétudes de Sir Horace. Son père y
avai" SOllvcnL (ai t allusion : des spécula Lions mauvaises.
OveI'sands hypothéq1loo ... Ronal(l croyait môme que son
�20
LE SECRET DBS SABLES
père en possédait l'hypothèque. Il ne l'avait jamais dit
nettement, mais ceia ressortait de ses paroles. Ronald
savait encore que son père avait de granrls projets et que,
pour les exécuter, Sir Horace lui barrait la route .
_ Je suis pei.né de CP, que vous me dites, murmura-t-i1.
_ Je n'aurais p as dû vous parler ainsi, dit·elle en souriant bravement. nIais il me semble si naturel de me confier ù vous . Je le faisais éLant enfant. Vous vous souvenez,
Ronald?
Cc pelU nom lui vint tout naturell emenL au", lèvres, et
Ronald, à ront ndre: sentit son cœur battre plus fort. Il
avait si souvent r~vé
cl'ètre richo et glorieux cL d'ùpousel'
Vera Amory. Et il serait riche un jour, cL son éducation
valait celle de la jeune fille.
l\lais :::i1' Horace consentiraiL-i1 ? Ronald seraiL ton jours
pour lui le Ids de son domesLiqne, ,Joseph Bastable, clui
4 ui , devant lui, levait sa casquetLe, celui qui l'<.Ippelait
« Il10nsimJr 1).
_ Je ferai pour vous ce que je pourrai, di L-il. Pour
l'instant, uno 5eule chose s'impose: S,IU'ill' Dick. 11 sc
peut qu'on /10 lui demande pus de. l'l,sUl lier l'argent tout
de suiLr. Ne doutez pus (n tout CliR de son honu,'f pLo.
_ .:\Ionsicur Bas,able, tLC. -,ou. sùc l-luon n'I'u doil pas
douLel' ?
-ldlollS, on VOI'l'U, oil-il, so dûrohant. it la question
lrop pl'~ci\e.
Dick cfipl'rr qu Lady .Arnol'y lui viendl'a en
aide. Vous 10 pel1sL:Z aussi. Jo lui l'aconLerai ce qui s'el:il
passé, oL il vitmdl'a voir votl'O lanLe.
Il Mail lard lorsque Honald trouva le temps de retourno!' à la. ,Iaison-Houge.
Vous avez pris volre temp~,
{it le jeune Amory
d'urll': \'oi~
do r proc!t<'; il Y
ùe 11"'111'(>5 que je VOU!!
atLendli.
_ fon CllCl' ami, toul n'esL pas aussi simple que vous
lIembJ~
10 croire. Si ouS el'oyez qn c'ust fndle de \'OIlR
proou1'er rips vivres l,Tc t.rouve quo V0116 Il. vez tort do "o115
enfermer ainsi. VOIlS pourriez S:lns imprudence mettre le
rlt.JZ dohors. D'ici, vous pouvez voir les grms à plusiours
�LE SECRET DES SABLES
21
kilomètres, et toutes ces collines de silble recouvertes
d'épais gazon vous masqueraiLnt au besoin. Allons, venez 1
- Je veux bien, dit le jeune homme', une petite promenade avant lil nuit me fera du hien. CeLte maison
m'énerve. Il me semble "lout le temps qu'on va venir
frapper à la porte. Racontez-moi maintenant l'emploi
de votre temps.
- J'ai causé avec votre sœur, laquelle a tenté vainement de faire entendre à Lady Amory que vous désiriez
la voir. Demain soir, vers 10 heures, promenez-vous près
de la maison jusqu'à ce que votre sœur vous fasse signe
qne vous pouvez entrer. ,\fais n'oubliez pas, Amory, que,
si Lady Amory VOIlS tire d'embarras, l'argent doit aller
à ceux que vous avez fruslrés.
- EL qu'en forais- jl' autrement?
- Je ne sais, rnais je vous oonnai::; assez, mon cher
ami, pour sa voir que vous n'dos pas capable tIo prendre
seul le parti d'un aGto· h6l'oïqne. Allons, je rcviendrai
demain.
Honald le quitta, et Amory, qui l'avait accornpagn6
plus loin qu'il ne voulait, eut plus d'un kilomètre à f(1ire
pour regagner ln ;\10.;800 - Rouge. Il n'y avait pas de r,\Îson
pour fJlI'ill'enconLrftt quelqu'un, mais une grand" inquiéiud(· l'oppressait. 11 tremblait (le la tète aux pi"I.!i, quand
il arriva. La POI'll'! était ou verte.
- Tiens : pensa-t" il, j'aurais juré que je l'a v .IÏ~
rtlfermée, denière .I3astHhle ; je me trompe sans dOllte.
11 ferma lus l'ideaux des fenêtres et alluma deux chandeliers. Puis, il sortit d'un vieux meuble de chôno une
bOIlLcillode whisky et un vrrrc qll'il rmplit gén()rOUHenwnL.
La cOllleur l'l'vint à sos joues. Il l'cpri L Hon assul'anc '.
Il fouilla dans ses pochos cl n'y ll'ou\'a pas sns ,lIlulllllLlcs
()t S"R f'Ïgal'lltles.
'luis il y /'11 uvait~sl'
la cheminée l/ll'J
hoîtc do formo inf'onnuf' .. "
- D'oùp"ut-cllo biun v('nir'? pl'ma-t il. J'ai vlh~saJu
mclt.m; sUllIblablf's 011 FJ'al1c(~,
lIIai:; je n'en ai j mais usé.
Alors, il vit snr la lilblo cillq allumettes soufl" 15.
- Cinq allllnll.'LLl's! dit-il inll·igaé. D~lx
cD;tl'b6~s
el
�22
LE SECRET DES SABLES
une coupée en deux, le Lout en forme de poillnard. Au
nom nu ciel, qu'est-ce que cela signifie?
VI
DE S Ql 1 ESTIONS lNAT1ENDUES
Dick Amol'y contempla le symbo le avec anxiéLé. Ces
allumettes n'étaienL pas sur la Labloune heure auparavant,
eL il ne les aurait pas disposées machinalomont ainsi sans
s'on souvenir. D'ailleurs, il n'usait pas do ces allumettes
soufrées inconnues dans le pays. La Loilo avait donc ét.é
oubliée sur la cheminée par son propriétaire, lequel avait
passé dans la maison peu de Lemps auparavant. Cola
JI'ayait l'ien de rassurant.
Amory reprit du \\hisky cL œcha soigneusement la
hout\!ille. Puis il nt le tour de la maison eL s'accouda à
ù la LabIe. Les cinq allumettes, imitant vaguement le
(lessin d'un poignard, éLaient toujours là. l\lais, au lieu
d'un signe, il y en avaiL Lrois, disposés côtc il côto, ct
qui semblaient èLl'e le travail d'un enfant. essayanL quelque
pll::.ûe.
-
Je suis devenu fou, pensa-t.-il terrifl6.
Bt il sc pinça pOUl' s' convaincre fJl\'il ne rcvait. pas.
TouL à coup, un hruiL de pas venant du dehors le fil se
1uyor bl'us(jllemenl. 11 sourna les bougies qu'il poussa dans
la chèminéo Pl sc g-lissa:derri l' un vieuxlJulret de chêno.
J ,[1 police Hait sur Rl'S l races.
Une lumière électrique illlllnina la pièce, t Dick, levant,
la L~e,
disLingua deux silhouc'Ucs ù hommes. L'lin des
cll'UX, tOlll' RU moins, n' Lait. cel'Les pas un déLective. Il
() ait grand, élancô, pOl'lait un monode, oLsa mousLache
l' Ol:~SC
Nait retrol!ss('o do façon conquéranle. ~ _ ;on
COIOpt'~no
61 aiL tr~6
}1I11'Lu ('1 p01'1 ail des IuneLL s bleues.
J e plus gran!l des tl('\1: lui paruL être un ét.ral g r, el
l'i1lll.rCl; un Anglais, l'I. il lui sCll1hla qu'il J'avait déjà vu.
l,a rhan/'f' nous SI'l'l, dil l'homme au monoele, nous
�LE SECRET DES SABLES
23
ne pouvions trouver une demeure qui nous convienne
mieux. Personne ne viendra nous y troubler. Nous l'aurons
pour un morceav de pain. Sir Horace sera heureux de
trouver enfin un locataire. Explorons, voulez- vous?
Les visiteurs disparurent dans la salle à manger
- Vous remarquez, mon cher, dit l'étranger, que la
maison est en partie meublé. Voici de vieux chandeliers
q\l'On paierait cher. Allumez ces bougies. C'est une veine
que nous ayons trouvé le porte ouverte.
Dick AmOl'y maudit son oubli.
- Les rideaux sont tirés, reprit gaiement l'étranger,
et quelqu'un a fumé récemment dans la pièce. Peut- ètre
que Sir Horace, dr. temps à autre, visite la propriété.
Tenez, posez ces candélabres SUl' la table. Dieu du ciel 1
qu'est-ce que cela?
Ces derniers mots furent prononcés avec un accent de
rage, de crain Le, de fureur et de haine. Amory se glissa
dans l'entrée et, oubliant le risque qu'il courait, glissa
son regard dans la salle il manger.
Les bougies brûlaient doucement sur la table, rt
l'étranger, hagard, se tenait le fronL de la main (ll'oite.
- Qu'y a-t-il? demanda le potit homme,
- Voyez cos allumettes! souffla l'autre, là, surlatable;
cela ne vous r eprésente rien qu'un puzzle imbécilo pOUl'
l'amusement dos fous. Dieu veuille qu'il en rùt ainsi 1
Ainsi, ils sont trois à me traquer 1 Je croyais a voir déjou(:
leul' jOlll Et je croyais m'en être à jamais liMré. Quelle
folie 1 Ils me suivaient 1 Ils étaiont SUl' mes talons ct
m'observaienL 1 Bt je n'en sa vais l'ÏP!l il Y a uno houre!
Jo Ile l'ai diL qu'à vous, (>1. vous Il\' !lI';w('z pus qui tL\:
11Tl instant!
- Qu'est- ce quo vou.,; mllrmur,'z dOlic? drmuncla Il'
petit homme.
L'élrun~e
se rossaisit cl sourit.
- Peu Importe 1 Je vous Je dirai plus t<ll'd. Ah! mon
ami, il y a au monde quelque chose de plus l'ecJ oul,alJlo
qllO la police. Vous 0<' saVi.'Z pas co que c'(~t
que d'èLr
f'l>mme moi en pr'}ie à des dÔl1lons, ct cola plll' JJla propre
�J,E SECRET DBS SAIlLES
faute 1 Enfin, je sera i au moinsiranquille cotte nuit Il-PIlOre,
car ceci n'est qu'un averLissement. Mainle~t,
f'lÎsQnnons 1 Nous sommes ici pour d~couvri
le secret des
sables. Vous qui Gtes né el avez vécu ici, VQU& savez Ptlr
cœur la légende!
- Ce n'est pas une légonllc.
- Tant mieux J ::'i la chose esL vrai,,, nOUq n'aurAPi! pa,>
perdu notre temps. Dona, iQn~
pri:s (lp nUllS, so j,roll VP,
enlerrée dans les snblt's mouvants, la VDh'ul' de près rIo
deux millions. A yec mon bagage de soi ' Ilet) et YQS cOlll1aissances du lieu, nOUR arrivl'rilns bien li ffit1ttrp la main SUl'
ce trésor qui, à IllCS youx, a tl'nuiunt plu~
de pllix qu'il
appartient il d'aul.rcK. ~iab,
COljUne toutes l~spntrf:je3,
celle-ci demande dl' l'urgent, eL nous n'en n'avons pas. Je>
ne sais mèm e comment nOlis ferons. au hout do la semaine
pour régler l'hôtel. Quand nons prclIC]rpns P0f:;sl'sj;ion dp
la nlaison, il nous faudra exhiber des réfél1CnCQS quo jf,
n'ai pas. Nous avonfi pu nOU ti iniroduirr. dans 10 club foll
prenant le nom d'un li omnH; qt!Î n'nseI'U jamais rl!meltre
Ir pied en Angleterre. Si on nOlLl J emand o dei! références,
nous forons b(en de régler à l'avunce la locaLion pOUl' une
annnée.
- Commr.nl ferez-vous? diL le petiL homme avec
ironip.
AmoI'y so lorLUI'ait l'esprit à chercher où il avait déjà
entendu parlel' CClLtu voix
- .]e me 1) lit,mn utlo 1 (lit gaiement l'étrangf'l'. JI ost
r.erLain quo nous som mes HallS 10 sou, mais nou!:> serons
peut-êll'e on fonu,; d'ici peu, si VOIlS déployer, CJuelquf!
eouragr. J'ai {lé vall'f' pl'()videpco ..J'ai dépista la polico
il vos lruusses . l' ndanl !es quelques jours qui on!' précédé
votre arrivén, j'ai fail cl'imporLantes découvertO!:i, celle-ej
ontro autros qu'il y a dans l'une dOR maillons du payl!
pour plusieurs miliulls de bijoux, lesquels sont e nfcrlll ~
dans lIM tubl .. Ù COilfl r, r1i,.;poH(~e
pros d'une fenêtro. Ln
r,~nêl(J
esL enlouréo dl' lil'I'rtl loullu ; l'espagnpleLLo, fariJ(l
il LOlil"-nor. Que ditr'fl-VO US de cela, IlI01l jeune ami?
1.0 petit hUln~
mU/'IIII1!":1 lino l1ppI'Clb'I'ion.
�LE SECRET DES SAHLr.S
25
- Les bijoux sont il nous, si nous le voulons, mais il
faut agir sans retard . La femme cst aussi capricieuse qlU!
belle . Il lui sumrait de pensOl' que les bijoux ne sont pas
:;ûreté.
- Demain soir? ... suggéra le petit homme.
- Non, mon fidèle a.~1Ï,
tout de suite. ,Te no vous en ai
pas parlé plus Lôt pour ne pas vous laisser le loisir de
vous dérober. Nous allons nous mettre en campagne, et
je filerai il Londres me débarrasser du buLin. Soufflez
ees bougies ct. silivez-moi. Vous agirez suivant mes
conseils. Il n'y a pas le moindre danger. Venez.
La porte se referma sur les conspirat'1urs, et Amory
demeura seu!.
- Je me demande qui sont ces gens, pensa-toi!. Je me
demande où ils vont eL où ils comptent trouver ces bijoux.
Je ne connais personlle à douze milles à la ronde asse:.l sot
pour . ..
'l'out à coup, il bondit:
- Les diamants de Lady Amol'y! s'écria- toi!. Ces
pierres précieuses sm· lesquelles jo compLais pour sorLir
de ceL enfel" 1
II se l'ua dehors el, ollblinnL le danger, coprut il travers
les dunes verH la maison de son pèr!".
VII
lIl'{ IIC, ~MJ;
D' t'PAll1ll S
La ville de bhoremouth esL un mélange pittoresque
pL de neuf. D'abord village de pêchOlll'S jusqu'au
jour où il s'y ôlnblit un commerce de cordes. La vieille
ville est Lout l'Il hou tiques il pignons; la Orand'Hue date
du temps dt lu J'cine ElisalJelh. 11 y a çà et là des crevasses
entro l\~fi
muÜlon~.
La villn I\PUVU est dlflércnlo : les magasins sont
Illodcrncs. Pl'csqun toutes les l'UCS mènenLà la jelée ou à de
vastes sqllarcH où sc dressent les hôtels. ,ElMpresquejtolls
(10 vil~ux
�26
LE SECRET DES SABLES
a ppartiennent à Mr. J oseph Bastable; l'homme important
du pays .
11 y a quatorze ans, il n'était rien, et la ville neu ve
n'existait pas, Bastable a fait la fortune de Shoremou th.
Il était directeur de la Grande Banque, celle qui avait p ar
sa concurrence ruiné la banque Amory. P ersonne ne
savait jusqu'où s'étendait/a propriété de Ml'. Bast able.
11 habitait, dans la Grand'Rue, une vieille maison
modesLie sans doute, 1\1rs . Bas appelée La. Grange, ~a!
table aim ait ceLte VIeIlle demeure siLuée dans un e r ue
p aisible. Elle était plus considér ée que son mari, car, avant
d'épouser Bas table, elle porLait le nom d'Amory. Son
mariage avait mortellement offensé la famille, el ce fu t
e.ntre Josepn et Sir Horace III débu t de la lutLe fJui devait
ameucr la ruine du baron.
Bastable était un gros homme à la voix ruoe . Il était
dur ct sans scrupules; aussi a vait-il r éali sé ses ambitions .
La premièr e étaiL d'hum ilier Sir Horace. 11 désirait aussi
do tel' ShoremouLh d'un cham p de golf rJui ferait sa gloire,
car sa popularité dans ShoremoaLh lui étaH aussi chèl'.'
que sa propre vic. 11 y avait un obs tacle il CP projet.
L 'étendu e de terre où aurait pu s'éLablir ce goli ap
a ~
tenait à Sir Horace, qui avait r efusé obs tinément de s'n
défaire p our faire enrager son ennemi .
Bastable r enLra soup er chez lui avec une bonne hUlUell r
inaccou Lumée . R onald, préoccupé par des penséns mélan .
coliqu es, no le r emarqua p as.
Au dessert, Bas tablo allu ma un cigaro.
- Fais comm e moi, mon garçon, diL - il jovÎnloment, lu
ne fOl'as rien do bon dans l'existence tanl quo l u fum
e l' a~
cos détesLables cigal'eLlos .
I~t,
Hanl; transition, il ajouLa :
- ,J'ai du nouvea u à VOUI; apPI'C' ndJ'o : Kennedy est
mOl' t.
- John Kenn dy ? nt 'vIrs. BasLablo. C'esl trist e.
- Oui, c'es t une p erte p our ~h o r o m o u t h . JI avait
ramassu quelque argen t pLsava it lu cons l'ver . Je p arierais
qu 'il laisHIJ lm domi - rnillion .
�1
LK SECRET DES SABLES
27
- J'espère qu'il a sonié à ses parents pauvres, murmura ilIrs. Bastable.
_ Je ne crois pas. Kennedy était un idiot. Il ne m'a
jamais informé de ses proj ets. i\Iais je suis un des exécuteurs t estamentaires , je saurai bientôt ce qui en est .
_ Comment est-il mort? demanda Ronald.
_ Un accident! Il était en Suisse où il venait d'acheté
du terrain : il a péri dans une excursion de montagne,
ntcrré avec ses compagnons sous une avalanche. Imp os sible de r etrouver son corps. Tçms les journaux du soir
rdalent l'accident. Je voudrais voir le visage de Sir
Amory quand il apprendra la nouvelle.
- Ils étaient donc amis?
- Ils ont des affaires ensemble. Kennedy a rendu bien
ùos services à Amory . Amory doit toujours à Kennedy la
somme de 500.000 francs.
Horace va être obligé de la r os! i tuer?
- Alors, ~:ir
(lemanda 1\ rs. Baslable.
- 11 me semLle 1 dit Bas Labie qui se versa un verre de
Porlo. Eu ma qualité d'exécuteur, je dois réclamer l'argent
dû à Kennedy. 'tant pis pour lui s'il ne peut s'exécuterl
!lirs. Bustable cut un air' inquiet. Bile était peu versée
SUI' la conduite des aITai!' s, mais e lll) savait comment pro(;~da
it son mari.
- Vous n'allez pas VOLIS ROl'vir de c . ~lIc
créa nce pour sa
ruino? dit-clle.
Pourquoi pus? 1'('pliql1a Rlslahlc . .Je veux ruin"!'
mon l'nncmi. Je veux qu'il m'implo!'!?;l genoux. Je YOUK
qu'il 100 code fion tC'1'l',lin pOUl' le goH, el il me Je cédera à
Hlon prix. Hirnlôt, il se l'a ohli-ill de vendr le chrll.eatl ct
(·'est moi qui l'achol.cl'ui. On m 'app ellel'a Jor,l'ph Bablable
cl'Ovcrsallds . .l!:t, si Amol'y su concl ui Lbien, je lui donnerai
un l'mploi dan:; notre banque, ul vous épousorez sa ll11e,
Ronald. Sir HOl'uce SCI'a trop heureux de vous a'voÏJ' ponr
gendro.
- Ne plaiso.ntct pas, supplia Ron ald. Si je SOl:" li'" i.,
épouser ,\liss Amol'y, je n'aurDis guère de c;huncr. u'~l.
élu 1
�28
LB SECRET DES SABLES
- Pas si elle est pauvre, mon garçun. Songez à ce que
vous rl'présenterez pour elle. Mais je n'insiste pas.
- Vous êtes trop bon! oit sèchement Ronald. Ainsi
vous ne voulez pas épargner Sir Horace.
- Les affairos sont Ifls affaires.
Et Bastable acheva son verre de Porto et sortit brusquement.
- Ronald, dit Mrs Bastable, il faut empêcher oela.
Ronald tressaillit; c'était la première fois que sa mère ~e
permettait une opinion opposée à celle de son mari.
- .le le voudrais! dit Ronald 1ristemcnt. Sir Horace
doit être averti à l'instant. Peut-être aura-t-il le temps de
sc retourner, de trouver l'argent.
- Serait-ce jlOnnète si vous y alliez? ..
Ici, M J'S. Bastllble s'arrêta de crainte d'en avoir trop
dit.
- J'y pensais, dit Honald . Je pensais aussi à Vern. Fautil sc risquer?
- Oui, dil ]\[rs. Bastable. Sir Horace a jadis été bon
pOUl' IlHJi. Si VOllS pouviez au moins le pr6vonir ...
Rona Id ronsulLa l'llOrIoge. Di,' heures moins dix. Il se
leva l'ésolllmrnt.
- .1 'y vais, oit-il. Peul-èLl'e ai-je tort. La fin justifiera
les moyens.
VIII
A
r.'AlIH:
Ri!' Horace, oRRis devant ln toble de la hihlioUlIlqUO,
r:onlernpJIlH (Ivre rnrlf1ncolio IIne JiaHsc de fl!1pjrrs. Comin!'
tOUfl IOH ôtl'OS ill!;olll'Ïanls, il l'pronvnit 1111 pnnl i profond il
rog Irder les chosl's on face. Aujoul'd'hl1Î Cju'ils'y elTo'~\ni,
il ota; t l'pou vunt6 de l'étal «le SIlS ;tlTuir(!f;.
Son plus gros souri etait sa d 'Lte nvers Kennedy, dottf'
qu'il devait (\C'(luilt,lr qu(;lquel! JOUI'!; plull tard '1
l·(!ch~ne.
n domeHtique vint annon,:er M. ] onald Baslablc.
�29
LE SECRET D ilS SABLES
- Dites que je suis occupé, répondit-il, et que je llil
recevrai avec plaisir demain matin à la Lanque.
- Il insisLe beaucoup pour voir monsieur, uH le dornesLiquE'.
- Faites-le donc entrer, dit Horace avec impat.ience.
Ronald, entra et Sir Horace no put s'empêcher d'ac!mil'cr la bello prestance du jeune hommc, son aisance. Au
fail, pal' sa mère, il était un Amory.
- Asseyez-vous, mon elu.l', diL ::;il' Horace avec cordialilé. Je suis surpris de vous revoir si tôt après votre dCl'nié!'!' visiLe. Vous venez me porler affaires, sans doule.
Est-co pressé?
- Oui, Sir Horace. Je v:iens vous apprendl'e que
MI'. Kennedy es t 1110rt.
- Grand Dieu 1 s'écria Arnory, quel <J lTl'eux lO.allkur 1
RaconLez-moi tout!
ltonalr! s'emprossa de lu SI dlif.lÎI'e.
- COlnlllcllL u V<':Z-VOUS til;, iné ({ue ccllû. mON m'anecteraiL. CUl' vous le savez, n'est-ce pas, sans quoi vous ne
Sl>l'ioz pas ici?
-- Jo l'ai su par mon pè1'e CJui est un des I)Xô(>u Lours de
\Ir. Kennedy. Je serai franc avec vous, !::iil' LJor<lce, quiLle
à trahir lu confianco de mon père .•Je sni!! que vous
deyez à MI'. Kennedy une somme donl l'éch6ancc pst
procho. JI vous faudra la rl'i'ltitu l'. J'aj t nu 1'1 vous averlir afin quo vous preniez vos dispositions.
-- Je V01lS remercie du Iond dit cruur, dit Sir Horace.
Votre pôre ci moi sommes ennemis tlepuis si longtemps
que je ne puis lui en vouloil' d'utiliser conLr moi Jos
al'mes quo 10 Bort lui donne. Si les choses toul'nenL commo
il 80mb! , jo crois qu'il me faudI'a renOHet')' Il gm'dor lm!
I.(,l'l'ps qui longent la l'ivisre.
Ri!' Horacc' 11(' leva, nt Ronald devina qu il dé&irail l'lI1. r fleul.
d'êtrt' venu. Ne
=- li N"Oir, dit-il, jQ 3uji'l~hfrex
prehllz pUA kI p ,ino dl- ~oncr
le dome!ltique, je ronnaifô 11\
d\~min,
Ronald !lori,iL, et Sir Bora('
Il'
,roula
nll",;
un faüt,u
�30
LE SECRET DES SABLES
Cette fois, il était la proie de ce Joseph Dastable qu
n'épargnerait pas celui dont il aurait volontiers payé la
ruine.
Si Sir Horace n'était pai'! en état de s'acquitter, il engagerait une procédure.
Ronald traversa le hall et distingua, par la porte
entr'ouverLe du salon, Vera assise auprès de sa tante.
n s'arr èta une seconde, et Vern. vint au devant de lui.
- Pourquoi êtes-vous ici? demanda-t-clle. Est-ce que
Dick? ..
- Il n'est pas question de Dick .•Te suis venu causer
avec Sir Horace_ Pour Dick, je pense qu'il aLLend patie:nmenL l'entrevue qu'il aura avec Lady Amol'y,
- Ma tante ne va guère en ce moment, dit Vera. Elle
a une nouvelle manie, elle joue avec des allumettes. Venez
lui parler.
Ronald suivit Veril dans le salon ct trouva Lady Amory
accoudée à une petite table de jeu. DevanL elle, une 'boite
d'allumettes.
Elle avait divisé les allum ettes par groupes de cinq et
les avait disposées de telle façon qu'elles présenLaient
vaguemenL la forme d'un poignard.
- Bonsoir, Lady Amory 1 diL Ronald. Voulez-vous m'initier à ce jeu?
- Vous appe lez ça un jeul cria-t-eHe avec un rire strident. Un jeu 1 Un jeu mortel, entendez-vous 1 Mais vous
n' n savez rien. Regardez, mon garçon, cL voyez 1 Celui là est le chef. Los autres sont les saLelliLes. S'il l'ordonne,
Jo traîLre sel'a condamné. li ne pourra s'échapper. Que ce
soit dans uno année, dans des annéc>s, Ron heure viendra
eL olle sonnera au momenL la plus inaLLendu_
Ronald, pour ramener la vieille dame à dos pensées plus
saines, parla de Dick.
- C'esL un bon garçon, dit-elle, il hél'itera de mol. Mals
vous ne prétendez poe qu'il est par ici? Il me prévient Loujours de sa venue. Vous Mes son ennemi? Vous le haïssez?
nonald vOLOlut poursuivre ln conversaLion, mnis Lady
Amory garda un silence têtu_
�LE SECRET DES SABLES
3i
Ronald se retira, suivi par VerJ..
- Vous voyez, dit la jeune fille, tout est inutile. Il faut
'lttendre qu'elle soit en de meilleures disposilions. Vendredi, mon père dîne dehors, Dick pourrait, ce soir-là,
venir vers 10 heures.
- Bien, dit Ronald, mais je me demande si cetre entrevue arrangera les choses.
- J'en suis sûre, dit Vera. Dick a toujours ou une heureuse influence SUl' elle. Mais que vous êtes bon, Ronald,
de prendre tant de poine pOUl' nous!
- Ce n'esl pas une peine, dit-il; je suis si heureux de
faire quelque chose pour vous. Jo n'ai pDS oublié les
vieux jours, allez 1 Il Y a eu un fossé entre nous ...
- Pas entre vous et moi, dil Vera en souriant. Jo n'ai
pas oublié que votre mère était une Amory. Je sais que
nos pères sont à couteaux tirés, mais cela ne m'empêchera
pas d'aller voir Mrs. Baslable. Ar,noncez-Iui ma visite.
Au revo.:r.
Ronald garda un instant dans les siennes les petites
mains tremblantes.
Comme il s'éloignait, il distingua deux silhouel tes qui
semblaienl se dissimuler dans l'ombre. Erreur san9 ,joute!
Un peu plus loin, il en "il une aulre 1
II s'approcha hardiment et saisit l'homme à la gorge,
Une voix familière protesta, et Ronald reconnut
Dick.
- Qu'elit-ce quo vous faites donc ici? s'ôcria-t-il en
lâchanl son élreinle.
_.- Je poursuis deux voleurs. J'ai assis lé à leur complot
Ù la Maison-Houge. Co sonl de fumeux scélérals. Ils sonl
descendus au Grand-Hôlel et comptent louer la MaisonRouge il mon père.
Uonald eul un légor sifflet d'étonnement.
- Je les connais, dit-il. L'un est un élranger avec une
grosse mouslache l'ousse et un monocle. L'autre est pelit
et harbu. Ils élaient. au club la nuit dernière. Qu'est- ce
qu'iltl vculent faire?
- Dérober les bijonx de Lad,. .A.moryet les monnayer. Je
�32
LE SECRET D ES SABLES
les ai suivis pour donner l'alarme. Quelle chartce que je
vous aie rencontré!
Ronald se souvint de deux silhouettes entrevues une
minut.e avant dans l'avenue.
- AlLendons, dit Ronald. tes gens n'entreprendrons
l'ion avant une heure ou deux, cela nous donnora le temps
de réiléd1ir. Ne vous montrez pas. Je me chargerai de
tout expliquer.
/
IX
SUR LE
RIVA&E
Depuis longtemps, Sil' Horace sc dOutait que ses afTaires
n'allaient pas. Un à un, la banque rivale lui avait dérobé
ses nlbIJeu!'!; clients. Certes, il surmontOl'ailla malchance,
mais c\:tvit un rude moment à passel'. Il pensa que, bientôt, on ne dirait plus en padant do lui ~Ir
Horace Amory
d'Oversands; il peusa que, bi"n1,ôL, la banque Arhory el
fils n'eüsterait plus quo dans le passé el il fut étonné de
se trouver calme.
11 ouvl'illa porte du hall et appela Vera. A Cf) moment.
Lady Amory se dirigeait lentement vers l'escalier. D'habitude' 1'11<, Re retirait plus tôt. Les pierres précieuses de
son rollier brillaient d'un éclat merveilleux. 11 songea quo
seule la moitié ùe seS bijoux les tirerait d'uITaire.
Vera devina l'inquiétude de SOI1 père. Sans qu'on le
lui ait dit, elle préssentait que la ruine 6t:üL proche.
- Mon cher papa, ùiL-elle d'uno voix tremblante, .le
veux quo vous me disiez tout. Je ne savais pas que vos
aJlair<,s allaient auSsi mal.
- ~1ol is, Illon enfant, protesta Si r Il UI'a l· !'.
- Si, si, vous pouvez 111<' p1\1'lor. ous sommes ruin~s.
,li le dovillC eL suis de tuilh à le !lupporll·j'.
Il eut Ul'. upir de soulagoment..
A oym:,vou!I prC:'$ du réu, Vera, dU·il, et. C<lU!OM.
Il [.1U1. rlùcider ce 11011' notre plan d'o,<,tion. Ons ne POllvonll l'I'atl'r iri.
�33
tE SECRET DES SABLES
- TI nous faudra quitter OversanJs ?
- Oui, mais je ne chercherai pas à le vendre, puisqu'il
Elst hypothéqué 1 J'ai eu bien des tracas, Vera, ét c'est
seulement quand j'allais en sortir qu'il m'a. fallu, pour la
troisième fois, payer les dettes de Dick. C'est Dick qui
nous a ruinés.
- Vous aVC7, en de mauvaises \1oùvelles, ce soi!!?
- Oui, par le jeu'1e 13ailtable, qui a agi en ami.
- Il ct Loujours été ùévoué ...
- Oui, je ne l'ai pas oublié. Eh bien 1 voilà. Il y a très
longtemps j'ai emprunté au vieux Kennedy Mo.oOO francs
que je n'ai jamais pu rendre. Je ne me tracassais pas. Kennedy est un vieux l~amràe,
il a toujours renouvelé
l'échéanco. Il ne b renouvûllera plus: il est. mort.
- Mort 1 ce pauvre cher vieux Kennedy 1
- Oui, il vous aimaiL beaucoup, mon enfant. Il ést
mort, et c'esL Joseph Bas LabIe qui il le soih do ses allaires.
li ne m'Recordcra pas un jour de délai, je dois rcstituer
lèe 500.000 francs la semaine prochaine. 11 ordonnera une
saisie. Comprenez -vous?
- Papa, (lit Vera, pourquoi cet homme vous déLeste- L-il '1
- Parce qn'ilm'o. profondément ofiensé, diL Amory à veix
buss '. j'ai cU foi cn lui, j'ai foi en tout le monde. Il y 3.
longtemps, je lui avais confié une grosse som me d'argent.
C'était au moment du m'ack financier de Smeaton; mon
~iel
ami Cnrtwright m.'avait ( ~mand6
du le secourir. 11 lui
J(\llaiL :l50.000 francs oI1 01'. J'ai ()hargé Bas table d les lui
POt'lur, L J'argonL no lui est jamais parveliu. nastable prit
10 chemin des sables mouvantfJ il maréo basse, il voulait,
avec l'autro messager, traverser la rivière à pied sec.
Bastallie revinL soul, son compagnon avait été nglouti
dans 1 'S saDles mou-vanls. C'est du moins ce qu'il a raconLé,
mais jl' sais bien qu'il y out tm meurtr el'tL(' nuit-là.. A
dut,:)r de cc jour, Bostable So montra insoh'nt ct détaché
de moi. J'appl"is qu'il a\'ait faiL dl'S pla mGnt~J
à BhürcmouLh, lui qui n'avait pas un sou. Il savait bi ~n quo je 1
soupçonnais, je n'ai pu le lui cacher. Mais j , n'avais pas,
2
�do l'l'eu' e. Alors? .. Je vous révèle un lôeOI'et qu'aveu moi
vous êtes seule à t,;opnallr e• Il elOt étrange, n'est-cil pas,
que cc soiL 10 Ms d~ cot ~ome
qui m'(lvertisse du dan-
ger que je coure aUJourd hm?
_ Ronald est un gentilhomme, père.
_ Allons, je no vais pas attendre le coup de Dastable.
J'ai déjà cu des olIres d'achat. Strep1.on, l'agent de chang",
est prêL à prendre O,:,ersands tel quoI. Quafld tout sera
liquidé, il nouS restera peut-être 700 à 800 ]ivres par
an pour vivre.
- l'cu importe, père. Nous vivrons 1 JI n'y a pas de
honte à êLre pauvre 1
Tendrement, Vera s'approcha de son père et l'embras '1\.
- Je suis heureuse cL fière que vous vous soyez confié à
moi, dit-elle. Rassurez-vous, père, je sanrai être heureuse
dans n'importe quelle condition. Et puis la fortune peut
change)'.
- C'LsL possible, murmura i::lir Horace, prêL il. sc raccrocher ù dt'!:i espoirs chimériques.
- non50ir, pérr, dit Vera. Promettl'z-Ii\ui dl IlO pas
l'pssas -el' \'01. ('nnuis toute la nuit.
pit' Horacl' II' promît. Mai~,
Ulle heure plus Lard, jl était
t'ncor(' il la mêm placr, occupé à l'èv r auprès du
feu.
Il enlrndil loul à coup 1. ~arche
dans la piree voisine.
Il sr. l va, ouvrit la porte el, ;1 la IupuT' qne projela Ir
foyc)', il reconnul Lady Amory. Elle ·'lait. encore VI}!,\lP do
la splcndirlr l'obI' hlanchr qu'pUr portait al) dhwr III Sf/lIlhlnil d1t'l'cl!l'r qllrlque chosc'.
- .l!' chl'fr,llI' ma boile d'nlh.urt(~,
dil.-clJc, jl' no puis
ril'n fai!'p SlIns nlhlrnrl,t,(><" \OHS S(1V'~.
Quand .if' nI' J'ai
pas, .il' li" pf'UX pab fuire l" signp. Et, quand ils voit'nt l,
Aig)ll', ils ont pnur et. jls RC sal1vrnL; j'ai hiefl Tf connu l'un
rl'IIntrr ('Hli., hiN, ~UI'
la l'oui"
, Jr IIorne(' l'Xprlll1i:\ sa sympathJe. fi v.tl,uL nW?UI. 1'" PH,
rOlltrorirl'ln folll' pl, sc boissant, il ramassnil hl hoitp, 'lui
"Lnit tomhé!', el la lendil il L:ltly J\mol'y.
�~.
AllofJs, dit il, no
VOU!!
préocou{les plus de
00
signe.
dOl'angerCl ce~l
nuit, dit·il.
l'ersorme n(J VOl~
- Ils viennent à n'importe quelle heure, ils n'ont pas
péur. Mals ils redÛ'utent le signe.
Elle s'arl'èta, la tète en arrière, comme si elle écoutait un
bruit que Sir HO!l'ace n'entendait pas. Elle olIrait un tableau
saisissanL avec sa l'obe blanche, ses joyaux eL son teinl
livide.
- Vous èles heureuse dr posséder cela, Mal'ia, dil
Amory, en touchant le gros diamanl qui brillait sur sa
poitrine. Ce doit êtrè charmanl de porter sur sa robc une
forlune. Mais c'est en tout cas dangereux. Pourquoi ne me
donnez-vous pas vos bijoux 3. garder? Je les serrerais dans
le colIre-fort, et vous n'auriez qu'à me les demander le jour
où vous voudriez les porter.
- Non, dit-clIc, en se reculant, soudain soupçonneuse.
Ils sonl en sûrolé ('hez moi. Je monLre le signe, et ils n'osenl
pas Loueher à mes pierres bien-aimées. Je 1ions ft elles
plm; qu'à lout.
Un' brusque lenlaLion s'empara d'Am ory. Si seulement
il possédaiL cc gros diam~nt,
il pourraiL Lenjl' t,\le à Baslable, ',u~or
Oyel'snnds et porL~l'
hauL la LOLe.
- Donnoz-moi l'If~
ùe ces pierres, \]uJ'ia, diL-il d'uno
\'oix rauqu(', IJI'èLcl-la moi soulom nt. Jo suis dans une
t~l'
dMrcsso. Compreul'i. cc quI' je 'iOliS di~.
Bi je r.)'ai pas
blCnlô!. de l'argcn t., il mo f;1.udra partir cJ'iei, vl'ndJ'e 10
chiH au eL lounr Hn cotlagl;l. Il fandra l'CnOIlc('r il toul cc
luxe donL vous jousr,~.
Vous pouvez mr sauver si vous le
V01('~
••
Elle parul eomprrndl'c'. Mais, Loul il cC/up, lIne expression
de erainto eJlvnhil son visage 1'1, n·,'Pt1 lin cl'Ï l'auque, elle
R'rnfnil dHni'l Rn l1i1nmlll'l', 1j11'rllo /·"rl'l'ma il der. l'nis, nYl'e.
une hiHe ftibri!r, elle reLira du Liroi/' lous s s bijoux eL les
('nrouiL :;OIlS son mnLelas.
on, non, soufllaiL-oiIe en I.I'oJJlhlanL Iii' la Lète aux
pieus. Il ne les aura pas. 11 m'lluraiL volée si j'étais !'c'HLl>/'
plus longlemps avec lui, el je ne veux les donner qu'à Dick.
::ii l('s iuitrC':; viennenl ! ctle nuil, il faul, <III! jl' snls pl'f;lc.
�LE SMCRE1 DES SABtES
Elle prii la 1JUILt; u' al1UI\"Lt'~
tL disposa sur la table à
coiITer les signes étranges. Puis, avec un soupir de satisfaction, se retira dans sa chambre.
x
L'tCLAt DU nlAMAlI/'1'
De Lara et Sexlon s'étaient dissimulés dans un fossé non
loin de l'avenue. A travers les arbustes, ils apercevaient la
maison. Ils attendirent que loutes les lumières fussent
éleintes.
D'ho.bilude, toutes les lumièr('s à Ovel'sands élaienL
èLnintes Vers 1t heures. Ce soir-là, la fenètr'3 de la salle
d'étucll' élait encore éclairée à minuit, ainsi que deux des
chambre;; du premier étage,
- Cetle nt.tente m'exaspère rt m'énerve, dit de Lara;
dans l'action, je suis le plus brave des hravc~,
mais, drs
qu'il me faul patienler, je deviens Limide comme une
pellsionnaire. Tenez, c'esl la ff'nètre de gauche.
- Celle qui psl érlairée?
Justement? C'est lû cabinel de toilette de la dame au:
bijlJux. D'ordin<J ir!', el~
s'endorl de bonne heure. Ah 1 la
Inmit\l'l' s'éll'Ïnll
Sexloll fris~onla.
LI' l'onrai(o n'était pas sa princip:dc
VCI't.U. 11 (>lait novicr pOil!' en g!'lIru <l'ent.reprise et souhait ait C[lI fond du cœur qu'l,Il!' s'al'ho,'ilt bien.
C'est ré"ol1fortnnL d'avoir nn allié aussi bravc 'Iut'
vous, (lit dt, Lara il'oniqllolJ\()llI; surLout, n'usez pus do
ln violenCe, J1lon chrr 1
(' craign"" l'i('n, je suis me ('onlenir, et je snis aussi
ne [.la~
\ lrc ellrayu pal quelques allumclles dispo~ue
5\11'
Uno tubl".
Hien, dit rie l,ara, fJui prllil sous II! sarcasme, jcne vous
laq\lÎTwrai plu!!.
Il "'e Il!vH pt s'a pprol'hn lenlomenl dl' ln fenêtre. )o;lIr
�LK SECRET DES SABLES
37
était peu éloignée du sol, et il était facile d'y accéder grâce
au lierre touffu qui l'encadrait.
- Les bijoux sont dans un Liroir près de la fenê~r.
La
chose es t plus simple que je no croyais. J'aurais pu me
passer de vous, u lieu de vous mettre de moitié dans
celte allaire. Jo suis toujours trop généreux.
- Génér eux, vous 1 Allons donc! Vous savez bien que
je vous serai nécessairo plus tard,
- Donne't -moi le briquet, dit de Lara, et le couteau .
•\.ttendnz ici et ne pordez pas la têle . ~; i quelllu'un vienl,
sifflez légèram nl. Votre rôle est facile et, en somme,
honnête , cotnparé à vos derniers exploits.
De Lara s'accrocha au lierre et alteigniL la fenêtre qu'il
ouvrit facilemenL à l'aide du couteau. Uno seconde après,
il était dans la piH~O.
11 pressa le Loul.on ùe la petite lamp
électrique, qui éclaira aussiLôt la tahlo à coiffer. 11 tira à
lui la Liroir. Cetle folle fla l"ùdy Amory ne i'avàit mûml'
pas ferm é à clef 1 Mais, stllpeu l' 1 Il le trouva vida. 11
ouvrit les autros tiI'oirs. VidoB également. Il étouLTa un
juron el, tout à coup, dovint livide et se pélrilla dans
l'immohili lé.
Los cinq allumeLLes 1 Le signe du poignard 1
- Ces démons ont le dia:ble av('ceux, murmura-Loi!. Ils
devinenL mes pensées secrùLas; ils devinenL mes proj ols
avant mc)me que.ie les conçoive. '0 n '(~st
pas Sext n ; il
n'a su noLre 6quijJée qu'au demier 11IlHnl' lIL.
~Ul'
son front, perlait une s uour froiù", il luttait désesp6rôm enL pour sc r csaisir. Peu à PPu, la couloul' rovint à
Sos joues.
Jt;n summe, pensa-L-il, il n'y a pas do danger imm6 ùiat.
Il fallait avant touL Lrouver Ips bijoux qui ne pouvaient
ütroluin 1 l'cuL -être Lady Amol'y lC8 Il yaiL-clll' serr és dans
sa propru chambre. Cda douhlaiL Jp risque, mais ù Lara
n"'lait pas hOlnlll e à so déco l'ug!lr. Il vint r ojoindre Scxton. Cl'lui-ei jJoussa llll soupÏl' du so ulagement.
- FlloJlB viLe. diL-il, puisqu'il n'y a pl1~
l'icn il Iail'e
i~l
�38
LE SECRET DES SABLES
Au contraire, dit sÈ:chement de Lara, je n'ai pas
encore les diamants. J e ne les ai pas Lrouvés où ils devaient être . Notre belle ennemie il dû les serrer dans sa
ehambre.
.
- Nous n'avons plus qu'à renLrer à l'hôLel, dit Sexton.
- Vous croyez donc que je me décourage pour un
obslacle aussi Jfiinine! Je suis plus que jamais r ésolu à me
procurer les bijoux. J'entrerai dans la chambre. Si elle
dort, lant mieux pour elle. Mais, si je ne Lrouve pas les
bijoux, il faudra bien que je la réveille. Oh 1 je ne serai pas
brutal. Je suis trop dévoué au beau sexe . Attendez-moi.
EL, de nouveau, il grimpa presque gaiment jusqu'à la
fonolre et se glissa dans la chambre à coucher. Lady
Amory dormait profondément, mais elle avail oublié
d','lrindre la lumière électrique. II furela une demi-heure
dans la pièce, sans succès . Toul il lOUp, une exclamation
lu jiL sU I'sauler. Lady Amory, assise sur son lil, le conLCJll].Jlait a vee un visage du furie hUl'J'inùe.
.
- \larial s'écria-L-il avec sLupcmr, \Iaria! commenl se
Lail-il?.. Lady Arnory ...
- Je suis Lady Amory 1 Que faiLes-volis ici? dil-elle
d'une voix trancllanLe et résolue, en .l()\1lllle qui sait ce
qu'eUe faiL.
-Je suis Lady Amory, r'p6La-t-elle,la dernière personne
que vous désjrie~
voir, hein? VoLre seu lr vue me l'end ma
raison cL jt.l devine '0 quo vous cherchez. Les diamaJlts de
Lady 1I.mol'yl
- Vmul rn'6vit('z la pl'ine ùe YOllsles demander, nt-il Cil
souriant. I~xéeulpzvous gentim ent. ,Jo serais dtJso16 d'avoir
à r ccolll'ir à la violuJlcl>.
Vraiment, dit -cliC' avoc ironil'. J<;h bien 1 G1lf'rc:lH'z!
J<Jlle eut linrprurlence do jeler llil ('()gar([ Snr Je 1iL. De
Lura IuL lwlair6. 11 'oull'va Il' malrlas cl Lira à lui lIllO
masse de joyaux.
Ludy Amory perdiL la Lèto. mIr SI' l'ua sur do Vl1'a, lui
laboura lm; {~pélu.s
avee S('S ongloa, cn poussanl des l'fif;
stridenLs. Ils s'oxasp6rait'nt ions cll'lI\. dans \Jnl~
luil!' for(·)IH~e.
LOf; hijoux ~'(:parilc.
'·Ul' If' pllllll'-l.lOr. A CP
�LB
SB~RET
DES SABLES
moment, Sexton poussa un 'cri d'alarme. De Lara se précipita à la fenêtre du cabillet de toilette et vit que son ami
luttait avec un individu, tandis qu'un autre grimpait après
le lierre.
- Reculez, sima d~ Lara, ou je tire SUl' YOus.
Honald sauta promptement à terre, et de Lara, l'imiLanL, s'enfui t avec Sexton en une course folle. Ronald et
Dick avaient attendu trop longtemps pour agir, et Si!'
Horace, accouru aux cris, était entré trop Lard dans la
chambre de Lady Amory. Quand il sc miL à la fCJl':'Lre,
Dll:.k se recula yivement.
- Il ne faut pas que mon père me voie, faites-moi passer
pour un de vos amis ct ne dites pas que vous cvnnaissez
C;05 gens. N'oubliez pas qu'ils possèdent un secreL qui
peuL nOLIs être un jour utile. 1\11 revoir.
Ronald fit cc que Dick demandait, ct Sir Horac le pria
de grimper par le lierr jusqu'au cabinPl de toileLte. Lady
Amory, a 'croupie sur le plancher, s'occupait à l'assemble!'
~on
trésor.
- Est-cc qu'il ne manqu rien? df'TI1rnda-t-iL
- 8i, dit Lady Amory, J'un nir soupçonn llX, il me
manqUil une étoile de diamanLs. Mais, cJès demain, je ferai
portl'r ces bijoux cheï. moi. Donnrï.-moÎ les allumettes que
jl' refasse Je signe.
- Elle' 111' sail pas el' qui s'esl pass6, diL Sir Horace,
quand il I:itJ Lrouva Reul av!;c Honald dans la salir à
Ulangf'l'. ,Je vous suis biun obligé, \11'. BasLahlp, cL je i:luis
vrairfll'nL n;1vl'è Cj\H' Cl'I.(" pauvl'!' j\'mlUC' ail pordu son
ditllnunt.
XI
Unc' bonno nuit l'l'mit ::; il' ] {Drace de SOli émolion, maiR
V<'ra Il'C'lllpnrlil pas sans inquléLurlt's 1(, récit d!' l'événcIll.
III.
Lndy\mory semblail n'en pas :lVOil' I(Jrdé Il' HOuYeni ,·.
�LE SECRET.DES SABLES
- Je le tenai!;, disaiL Sir Horace, et je l'aurai/> bien
mallrisé s'il n'avait éteinL les lumièr~s.
fI a m enacé de
tirer sur Bastable, qui était là avec un ami.
- El Jes voleurs sonÎ.-ils au moins parUs les mains
vides?
- Non, malheur usement. Ils ont pu d6robor une étoile
rn diamants. Mais c'est la fauLe du votro tante. J'ai bien
assez cl'ennuis comme cela sans ajouLer cou. -là.
- Vous les subire,; vaillamment, père, dit Vera.
- Je l'espère, Illun l'nfanL. D'aill eurs la situation lÙ!l;t
peut-ètre pas si grave. 11 y a encor e do l'espoir; il se peut
CJue nous ne soyons pas obligés de quiLler Ovrrso.nrts.
- Quf'l bonheur! dit Vera.
El, elle s'absorba dans la lectUl'C du journal qu'clIo parcourait tmls les J'latins. Sans doui.(' que la poliliqut ne
donnait pas lieu à de nomLrou." ul't.iclrH, car on padaiL
1.0UjOlll'R du famtlux • Myslèro Ùtl cn!Tr .. -forL » pl, do la
disparition de Bowen. l!Jt Vora s'y illLl'rpssait pal'cr qne
BOWI'I\ a vail. éLé UJl ami do Di 'k.
1.,0 quotidion prévoyai{, Cl' jOlu'-là, Ullé issuo nOllvcl!o d
l'al:·llirl1. Ello luL 1(' rour baLi anL 10 parugraplll' suivanL :
" On a mis en lumière un (aiL sinq'tllit'I' qui pUl'ulL rLr'
lil' au {( ,Ilyslùrf' du coltrr'-fOl't Il. Uepuis dr.ux jours,
NI'. llicl,urd Arnory, du 8'ock u.:.'l'hangc, 11 d ispuru; il était
j'ami inliml' cil' \,1' . Bt,WI'ii. r. Amory l'sI, fils uniqn .. dc Sir
Homcl' \mor,)', de i:lhorl;/l1oulh. l)'.ljJr't'R IUl rnquùtos, on
cl'oit qu'il sll'aiL:'.t Paris. 1 "SL-Cl pas Li/.nlTe qlh' crs dt·ux
t'II rnrnJll t(' rnp,;? LeH parr'nls rln
pu'sollnaKes aioul di.~parl
\1 1'.
mory ne sl'mbh nl pas inquif'Ls. (:'l'sl fort SUInl'enanl! "
VOI'a lNl'phona aussitôt. il son Pl'!'!' à la ban !Ui". 11
rl'fusa d e pl"'lIdl" la 'hfJsf' '111 séril'lIx.
- NI' VOliS rncUez pa!; pn plÎlIc pour Di('!" r('pondit oir
Horace. H'il avaH besoin d'argent, il nous ['aurait. fait
Ravoir, It;n fluoi 1: LL' liisLoil'e)e ennet J'Ilf'-l-il? Dick s
halladn !lallH r1rlulo à Paris ut! il \{onl('-Cal'lo. NI' lIlor'to111''-; pas, Vl'I':\; il Y fi dl Il.' III 1'.'01l1l S qui nI'pUt ndl'Ill.
r)t'Ii 'H pél'l)l', Vl'J'H Hl' hl. 1110 1. l l'l' r Il COliltlllllllCul ion uve'
�LE sEeRST DES
SABL~
Ronald. Il avait lu le journal et il allait démentir l'insinuatioll. Dick éc.rirait à son clerc une lettr e qui pl'ouverait
à l'édiLeu r du quotidirm Loute son erreur.
- J e verrai Dick tout à l'hl:u;' e cl, j'irai ensuite à Londres
demander au journal dQ sc rétracter dès demain. CommwL
va Lady Amory ?
-Comme d'habitud e. EUene se souvi 'nt de ril'D. Croyl'zvous que les voleurs feront une nouvelle t('ntalÎvl'?
- Certes, nun. Je les connais ct je pourrai mettre la
main dessus en temps opporLun. Il y a un mystèrf' qu e je
suis résolu ft découvrir. :-ii on les ar~ti,
il me faudraiL y
renoncer. Mais on va les surveill"r de près. J'a v rLirai la
police quand je jugerai Ir moment venu.
L e soir de cri te mt'ml' journée, Ronald trav(,l'sait la ville
avec deux lettres dans sa poche, l'unt' pour le clerr
d'l\mory, l'autre pour Il' directeur du quotidil'n. Cl s leLlres
établissaient ql1'Amory (!wi( nL ('n F rancI' pour aITaire.
Lorsqu'il eut porté Cl'S lef tres il leur desi,inaliuD, il se
dirigea vers S('otlund Yard. 11 voulait parle!' il l'inop ecteur
(/lù avait]a gard ' du Il cofir(!t Il ,
L'inspcelour Kile J'accueillit avlC un somirp.
- J e voulais juslem nL vous voir, monsi ur ]3asLablc.
J'ai quelque chosp à vous monLrl'r. ',ais di Les-moi co qui
ml: vaul 10 plaisir de votrl' visitl'.
Itonald lJ1oni,ra la eoupul't' (lu (Iuol idiefl ct désigna h'
paragraph e injllri l'ux.
- Jp suis un ami de lu famill", l'xplifjlJH -t- i1, ct, tou l (fi
uc1meltnnt la liberté cll' la ]lI" HS!', jf' l/'ouvo ('plJp-ci
l'>xc 'ssive. 1 Tl'. AmoI'y étail,il <,sl Hai, :uni do Hom'Il; mais
cela suffit-il il. jusLilirr (' pUt' im;inunll)ll? Il ressort dl' Cl'l.to
leetllrc C[IW ou bi n Ml'. Jllory a Nô victillw clu {'\Jrnplot
monté conLrp \11'. BOWI'Jl, ou bil·n etS c!"\JX nH'ssil'urs SI'
Sont conuP)'Lés [l'lUI' disparall!'o haüiklll('nt :qll'('fl avoil'
U Illis drillans Il 11'urs l'I'{'uncil'rs.
vous bieD SlI" l'Ille CI' JI\' fioil pas le cas?
- l~t(Js
demanda Kill'.
qu'il elll' [1);11 Il'. \(,il'.
Ronald an'I'da IlU(' I~ail'é
- Vous plaisanl l" dit il. ,' l'. ;,,n l'J"L.ü~1I
AlIgleLlJl'l'o
�1 r. SECRET DES S Ull.f.S
hier et il a prié le journal de se rétracter. Il s'occupe d'une
aITaire importante dont il vC'ut garder le secret. Il va
passer quelques jours en France. Il lui est déjà arrivé pIns
d'tulC fois de quilter ainsi son étud e.
Je le sais, dit Kile fl'oidemenL.
_ :-'fais, c1ll'r monsieur, protes la Ronald, vous nt' SOUSC'nlpnùez pas ...
_ Je ne sous-entends ripn, dit Kitc avec calme. Nous
wJmmes en présrnce d'un crime compliqué, et il y a plusi~ul'
façons de l'e;..-pliquer. Il se peut que '.Ir. Bowt'n ait
été yictime d'un guet-apt'ns. Jusqu'à présent nl)s r cclll' rehl's ne nous onl pas mené loin. 11 sutnt de peu de chos"s
pour éclairer une aITairt'. Bnill1, nous avons découverl Jo
coITro -fort.
- Où donc '1 s"exclama Ronald.
On l'a rept\ché dans la Tamisl', il Hollll'rhilhc. Quel'1 nm; plocheurs l'ont relirt\ croyant l'lune'lI'" IInn anc!'\; La
def manquait. Quand nous l'avons ouverl, nous n'avons
trouvé Ilu'une moi lié dl' Ceuille de papil'!' dan~
l'un c!I'S
liroirs. Auruit-on ouvcet le eoITre-[ot't 1 J 'arl'ÏvL au SUj('L
,Iont je voulais vous l'ntl'cL('nir. Que p nspl.- VvllS de c·
dor.uml'n! ?
Ki'l' tendit fi P..onaJd lu moitié (k la feuille l'n qu(>slioll.
1JI! jl'unc hom me lu l ce qui su i t :
<C
\oieÎ l'aoresse : Jmil'ph Bust.abll', la Gran;je, Shoremou!!J. Ron(\(' ('hanee! Jp VOl", wU:I:lÎte d'oblenir ce fllll'
vous d{~sil'(,/.
mais j' n (Ioule. J. '1' .•
- t),lI'~-(e
qlle ,"cla vl'llL dll't!? dnmandu HonnI!! .
•1C Ill' sais pas plus que VOliS. (,(' doenlllcnl n'csl pas
"Î!('plIl, VOyt'1. (:Ofllnw le' papi!')' l'st j:lIllli et usù 1 Pout-ètrl'
f(1I'iln<l ;1111:1l1I rapport nVllc h' mys!o!'c ... Voulez-vous Cil
Ill'CIII!J'\' une copil' l't la lllOllll"'" n vnlrf' pli!'('. Il VUIIS dil'il
pout dre '1l1i l'sl ce J. 'l'.
Il pourr,lÎl rl'connaill'!' r':t'l'iI.1Il'I', sugj.{t·ra RonaI".
VOIIII'/.-vous Jl1(' I:unlir-r l'lll'll,(inui 't
Kil' h{'sila UrlI' !>('coIHI, , l'lIis, gli sa illi" papil'I' rlU~
lIn~
t :\\·,·loPfl", 1" !.l'n,lil il hOl1uld.
- J t' \'UII Il' 1: li Il lie 1:' \UIIS S('I\\I odli1:(0 tlo Ille donncr
�LE SECRET DES SABLES
43
une réponse au plus tôt. Cela pourra nous être utile.
- Je vous le promets. Avez-vous déjà quelques indices?
- Très vagues 1 Un clerc déclare avoir vu dans l'office
de Ml'. Bowen, précisément il l'heure du déjeuner, un
homme de haute stature, l'ail' d'un étranger; il portait à
sa main droile une bague en forme de marquise ornée d'un
diamant et d'un rubis.
- Vraiment! dit Ronald, qui tressaillit; cela devrait
nous aider, Ml'. KiLe.
XII
UNE ARME BRISÉE
Ronald avait bien failli se trahir lorsque Kite avait fait
allusion à la bague. 11 étaiL clair que le comte Henri de
Lara élait l'homme à poursuivre.
Honald aurait tout révélé à KiLe s'il n'avait craint de
comprOml1llrl' Dick Amory. Et en quoi son père allail-il
Nre Inêlé à l'afi'aire? Son p.)re qui avait une vic si paisible,
si routinière!
Le lendemain, au pelit déj'uner, il l'interrogea.
- Vousavez sans doute suivi le « Mystère du coffre-fort»?
dcmanda-l-il.
- Oui, dil Baslable.
- Eh bien 1repril ftonald, on l'a rotrouvé le 'olYre-fort.
J e j'ai appl'is hiel' à , 'cotland Yaru pal' un inspecteur.
Devinezce qlle 'onlonait le co 11'1'0 ? Une fouillo de papier
porlanl volro nom 'l votl'e adresse.
- Quelle absurdité! s'écria J3aslable.
- VOLlS aIle..: vous convaincre de la vl'l'il6 de 111eR
paroles, dil Honuld, qui sortit 10 papier do sa poche.
mpara avec une hâle qui !;ul'pril
DU!,tahle s'on
Honnit!. Jamais il n'avait vu son pè'rc aussi nerv !lX.
Bastalll" pillit l'Il MchilTl'anl.l'êcrillll't1.
Je juro que jl' n'ai jamais VII cc papier, dit-il d'uno
voi.x )'UII qUl', ol jt' n' n comprend!; pas 1(' sens. Dites à
\' oll'I) Ullii 10 d6l(wLivp qu'il m'est illlfJossiblp do !,(jc!airor
�LE SECRET DES SAaLES
Ronald quitta son père avec le sentiment désagréable
qu'il avait menti.
Joseph Bastable s'enferma dans son bmeau flt peu à peu
se ressaisit.
- Ainsi, il est do retour, murmura-t-il. Mais qu'il
essaie Ull peu de s'atLaquer à moi! Qu'il se montre
seu lement à Shoremouth, et je ...
n donna un violent coup de poing sur la table et se
l-eva. Puis, prenant son chapeau, il sortit pour aller à la
banq 'e. 11 y trouva un mot do Sir Horace par lequel ce
dernier le priait amicalement Je lui rendre visite.
- Ahl il veut me voir, dit-il avec un sourire féroce. J e
le tiens 1
11 expédia ses aITaires eL se rendit pal' la Grand'Rue à
la banque Amory et fils. Sir Horace le fil al tendre quclque& minutes et lu roçuL avec une aisance et une distim: tion tOllle naturelle do grand soigneur.
- Vous désiriez me voir? dcmunda BNltable d'un ton
rogu o.
"
- Oui, cher monsieur, au Aujet de ma detLe envers
Kennedy, dont l'échéance a été plusieurs fois renouvelée,
et que, cetle fois-ci, je désira acquiLLer.
Bastable, qui s'étaU montré hautain, changea d'atiiluda.
- Bien, dit.-il avec embarras. Je vous apporterai le reçu.
Préfél'eil- vous que je vous porto l'argent?
- Non, je reviendrai, diL Basta1Jle précipitamment. J e
ne serai pas .ong.
Il HOI'tit, la rage dans 10 cœur. A la bnnque, il se fil
apport l' Je dossier de Kennedy ot n'y Lrou va pas le papi l'
qu'il cherchait.
Il grinça des dents. Kennedy l'avait pcuL-t\tl'o l'etiré au
dprniPl' momont, Il jnra, il pl.s ta. Arnol'y :lIlaiL-11 lui
glis,,!'l' clam; les rloigts, Cc papIer e 'jsLait, lIluis où? ... Ahl
SOli l'nncllIl n'allait pas lui uchoppel'. JI Il'hésite/'uït
pas il ...
Il sonnn ct dil au circ qui IlC pl'uscnla ;
Allp1, pr{oveni,' Sil' HOl'llCIl qU('I(' do('ument PJl qumition
asL acLuellement il Lonùl'ol:; dons 101:; Uluilj!j do /lOS ugouLs.
�LE SECRET DES SAHLES
Dites que je l'ai l'udame et c:uwp .. u 1" putter a l::iir Horace
après-de-main,
XlII
LE TI~lBhE
bE LA POSTE
BasLable consultait rarement sa femme, poul'tant il était
Hel' de ce qu'elle fût une grande dame, et, sur toutes les
questions de protocole, se fiait à ses avis. Comme presque
Lous ceux de sa classe, il avait une âme de snob.
Pour l{\ première fois, Joseph Bas't able sp rôvéla tel
qu'il éLD.it. P ndant deux jours, il se montra changeant,
irritable, ei il avait le regard inquiet et fuyant d'une personne qui sr. senL coupable .
Penrhnt le di-jeuner, il lit, à sa lemme une réponse si
hl'~uc:
tIue Honaid ilte'vJ~.
Vous oubliez que vous paI'lez à ma mè['e, monsieur .
h:l.stable devinL pourpre.
- Vous n'()llez pas HIC commander, je portsel Vous av el':
honlp de woi, peui-êtr<l?
- Quelques fois. ET' CP moment, pUI' exemple.
HusLable s'enferm.
fi ans un morne silence, puis,
('f)IHmo pour S'('XCUSC[' ;
J'ai cu lin gros fnllui, dü-ill'llfill.
)';1., com!11e on sc Ir'vaiL de Lable :
- .!\crOlll[>ag-lIfW;-D1oj au huI' 'LIli, HOllLtld, \ ous m'aidel' 1. fI rnil'C' ma (1)ITr,sl'jJda:f~
.
.11' VPlIX hinl1, ['C'pl'iL Ronald,
l'Ileil alorsl 01li, je suis trl'S CIU'y(~,
mon enfilllt.
Vn\U; SaVl''l. eOlTlbic'n j'ai à ['œur d'étahlil UII jeu de golf à
HIH)['(>lIIouLh. .J'ai (IlVOyU Br: j(iL't V;U'dOll, l'ingénieur,
61udi 'l'Il' tl'rJ'ain flui longe la l'ivii!rr. 11 par'ait qu'avec
2000 li Vl'CS ;\ prine on l'n ferai 10 pll1s he:tu champ do
1{,)lf du l' yuume. l'o1ll' un dub, tl'pnle mille suOiraienL
La It'rrl', en son ('laI. actuol, ne rcprésente rien. Amory
1111' 1:1 1'{'<!I-I':lÏl pUIIl' 'lU ·Iquc~
lIIilliers cil' h\l'cs.
J'v n /··'!I'l'il t-illl'aull"S pl'OjCt.S, dit Runald.
�NOll. il a &eulement de l'entôtcInont 6t do l'ol'g'Uel ,
J'alll:lis lui faire la proposition. mais, Dieu le damne, il .'n
aura eu vent, par qui? .. Et il bluITe.
-- Vous voulez parler de l'afTairc Rtmnedy?
_.- Oui. il. a dû apprendre la chose, ou la deviner . .A
moins qu'un do mes omployés no m'ait Lrahi. Je sais qui
je dois soupçonner.
Ronald rougit, gêné. Son père allait pout-être accuser
eL fairo pâtlr un innocent.
- Vos soupçons sont injustos, diL-ll bravemenL. C'esL
moi qui on ai parlé à Sir Horace.
- Vous ... Vous avez osé? bégaya le père.
- Prenez garde, ùit Ronald, on vous regarde. Mon cher
père, vous avez voulu faire de mol un gentloman, et je
YOUS on sais gré; comprenez que j'agisse en gentleman.
J'ai averti loyalement Sir Horaco, je ne 10 regrette pas.
Bastable ne protesta pas. Il so son lit subitoment inférieur
à Ronald; 11 sentait confusrmont quo son fils a 'lait raiso!l.
Sans doute, il avait peu d'aptiludes aux aJIaires, mals il
s<lvail les l1sagos du monr1e.
Con~ciet.
d'avoir ét.é tl'Op loin, Ronald s'uf;sil avec l'intention de blen travaillrr. Il aidait SOUV('lll son pèl'C il fairu
sa correspondance.
Parmi lèS cl ilTércIlLes let.L'c~,
collc-d al li l'a son aLlonl iOI) :
481, Llncoln's Inn Yurd,
CI
LUNlION.
Cller monsieur,
aIJons le
a En l'l'panse à (JOlre lettre du 13 courant, n~us
regret de IIOUS dire que nos IJle~
ne concordent pas alJec les
lJutre.~
'. D'aflris /0 corrrsflondnnre ({I/I' nnrf' ICIlf/II.! rll' l'OUS el d,'
MI'. ]lOW6/i., il est c[air 'lw: nO/I'L' r/i.(Jnf (~ (IUl dI/pu ,VOliS /le
jiOUlJonli mftlh"I(rel',!"III"nt con.r,II.lter 11-11'. {,'i.cha.rcl A I/Ifl/'y
'lit i est abl'cnt de [,onri rL'ç pn nI' '1ltelq ues Il'Tn{J8,
«il;'Iu.~
/l01L.~
l'oi/llns obli"é~'
tir conclure fj;HJ I,otre client (/.
hélJÎ.Ctimrcle Jl.11!1iI1r.Ç. BOCf1f'l/ofm Amor!!. ,Vous J1r:.~aui'ms
dire
encore Icqud d.e, deux e,~t If! cfJ/lprtbie ri, si, tl'ici ~(I «'mf/i'i/!
�/n'Qallair:d, (Iorw M flllUI ~nloy3
pail qt;e~u
t1l;lClil'oil/;tl:'
men (.8, MJIl9 p ortcroll'7 p!uiTLte.
« ,\ ous ne croyons pas que Jiir. Bvwen ait été "u;tlmed'u1i8
bancles de malfaiteurs; au contraire, Tlons croyons pluWt à
une escroquerie, lU,.. Bn(f'en disparut de bonne heure dalls
l'après midi, el, ce point établi, il est singulier 'lite nous ayrms
le lendemain reçu une lettre de lui, qui, ainsi que l'indique le
timbre, 0 hé mi,çeà la poste ri. la fin de la 10llrnt:e . .luge: ·en ('('US
mt!me l,al' l'enCJelopp" à-jointe, EU'! indique que la lettre
fut mise à IUle posle de West Central, à [) h, 40,
« Ce fait esl signifiCatif, AOlls serions heureux d'en causer
avec (lOI/S.
« Votre dévoui',
« Hr.flEI'ATIi ET B;;Tl.mt.
)l
Ce n011l u'uLait pas inl'onnu à HonaId, c'rLait celui d'une
ogence d'avoués, II relut la letlre : quoi4ue vague, elll'
jetail de 1l0UVrallX aperçus SIII' 1 alTairc, l~'i1nge
que son
p "rr y l'ùt été ll1 èJ(' 1
Un SI!ul point é!aiL clair, C'esl 'lue la dispal'iUOll
d'.\rlhur Uowell Il'i~at.
j)a~;
dlll' il Ull a~,lsit
pUÎ'lf!lIï/
al'aM. mis t'plie Hlrl' ;\ la posl,. daus la soirée, ainsi que
I,~ prouvnit l'ellvcloppr.
CO\l1mt'nl hon pèl'l' élail-il mdé il relu. l'ourtJllOi lIurepalh pl Bull!'r III i lo,'ri vait'lll ils !II' la ~ortp?
Honairl s\'
torturait l'esprit, lorsquf! wn pèr'.! entra, JI lui ll'lldiL la
Ipllrl' :
Je
'<'muid,
Ill'
sais {'oJ1lme~
l'l'pondl'\' :\
edl\' Il'lll'C, di!.
Buslallh' p:u'I'ollJ'ulla fl'uilll', d Houa/fi rel1larq1la qU'l'II,·
1J'I'J\\ulaii. cla~
~a maill .
•h' J'('JlIllldl'<li IIlOI III èll Il', l't''pollc111 II' P"I''', ("t'sI 1111"
Hlrai/'(; lOlll,' jlf'I'SOl1l1f'lll', l't, ju l'l'glt'ltl' flul' vous l'ayt'i\
ou \'l.Ir 1. (' ••J.. vous drmnndl' pourf{uoi \'OllS J'avrz rail ?
.
PlH.1~
}'ollrlliloi
111'/'11 "r;ji~
.if'
<lh~t(
JIll?
VOII
Ill' m'H\·I'!.
dit f{UA \ O\l~
cil ,p/, mi'lo ,1. ..
!.;luo voul!??-\ ous dire? nf'mannn Bnl;lahl('. Ho\\ cn a
faiL 1'I11'!.III'll qlJIIlquus plllr.(,l1Irnls, J l' dé~il'
'Iut' les hOlnJllCS
�48
LE SECRfoT DES SABLnS
de loi les 19noreuL. J al èLe a,;sez soi pour garantir un
acompte à Bowen, ct il srmblc qu'il ait volé ses clients.
XIV
<IN J'AREN'!'
i'LOlGN~;
Ces gons agissent au nom des héritiers? '[emanda
Ronai,!.
- Ju;,temellt? Un dient de l\II', Bowrn c~l
mori, ci ses
hérit.iel's ont consulté d'autres avoués, Howell s'est servi de
mon nom plus souvent qu'il n'auri~
dû. J'irai demain il
Lonl[rcs cl je remeltrai ces gens il leur placc. Toul de
mèmc, CP!.\' histoire Bowrn psl singulièro,
'l'rps sill/{ulière 1 dil sèchemenl R,)lwlr!. ,) r vois qll r
Dick Amory est aussi mèh; il c'I'lic hisloil'I'. \ ous lü sa viez?
I3uslable cnl ~IO
gesle d'lmpatil'Ilce.
,] Cl su vnib qur Dick était le ('oul'lier dr I3owon, C'esl
toul l1nlul'el. ,lI' \'t'l'rai. C('S gens demain. Je \'OUS :Jpporlel'ai P('ut.-~:r
dl1 nou\,'au.
Honald f]uiUa 11' bureau dans 1111 pI;nihll. dut d't'spril.
flick AlI1ol'Y était en danger, cal, a défaul de Bowell,
/{pl'''pat li l't Butler, dont les :mul'çons ét airnl. éveillés,
poul'suivrail'nt Il' jrllnc 1IonlJTc~
pl llllrlicraic'nl sr!! li V rl'f' ,
Il fnllait a \1'1'111' Dick au plus lot.
l',ndanl C'I' I('mps, Baslahlp arpl'nt ail ragPlIsc'TTwnl SOli
hureau. La IcUI'u 1'1 \'ail. profondément aJll!('I(', l'lus ('ulnw,
il !;onnn,
MI', ,J'll111 'l'lIrk l'sl-il "'1111 cc malin? drmandill· i 1.
Oui, IIIOIlSII'I\I', t',"p')ll<hl II: derc'. Il a III ('I1U' altl·nelll
long\'('l1)ps pOlit' V(JU~
voir.
BaHlnlJlu fit uo gl'~\.·
ilupalinlll, el un prtiL 110111111(\ à l'aÎl'
d(' furol "ulr.I,
Eh IJ«'fl 1 .Johll, dil IIlisl.ahJ'J av!)!: IIIHl bonlll hUffirlJl'
un pou l'ud .. , Vous êles V!iUU pOUl' louche!' \'o!r,! pl'lil
c~ht"qlH'
?
�LE SECRKT DE S SABLES
- Non, monsieur, dit 't\urk, je suis venu, pensau( que
vous désiriez me voir,
-- Oui, peul- êtr e ,Puis -je faire quelque choso pour vous?
l ous vonons! Que de gens vous auraient poursui vi pour
!''3tte aITaire, Ilein ? IiJl vous avoz élé m e fair e ce coup, à
à moi 1
- J e crois qu e j'avais bu 1 dit Turk avec humilité,
- Je le crois! Vous n'avez faiL quo cela ces dernières
années. Avec un cerveau comm e le vôLre, vous auriez pu
faire iO I' t.une , Même au jourù'hui , on peut nc.ore se fier à
vous, ca r vous n'avez jamais tr ah i un secl'et. Vous avez le
p apie.r?
'l'url;: cul un ,'egal'd inqui et comme s'il e ût craint que les
meubles n'eussent Lies oreilles, li s'assura que l a portl'
'Laie nt bien fermée. Puis, il Lira de fia poche une longue
f uill C' do papi!')' bleu et la tendiL il BasLah lo, qui la lut
aLLcnLi vt'me n L.
TI' ~R
bieJ1, J ohn, appl'ouva-L-i), J. J'ùs hi '11. Voil.:i 1eR
riuq li VI' S que j vous a i pl'omi s. MaintenanL, allezvous-on eL ltlCh z dû no pas tI'op gas pilleI' cet arg nL.
TUl'k sorli l, el BasLablr, mit, le papier sous clef. Puis il
s'occu pa ùe s !; besognes journalières. Il déjeuna au cLub
et sc rendit ensuite à la banqu - Amory eL IiIs, où il
delllél nd a il vOÏl' Ri r HOf(;II.:f'.
C ' lui -el le r eçu La ussitôt.
l'ou r ln p eLiLo a ITaire dont 1I0US aVOlls p:.tl'lù l'a ull'e
jOIIl·... diL gauch Jnt'nl Dt.stuble.
La pelile ,l'ta ire? r('péla Sir HOJ'(ll'l' d'ull ail' vag l\f: 1
Ah 1 VOliS parl ez de la 1101,1) Kennedy, donL l'accepLa LioJl
l'st <)lIll'l.) les main!; tif' vos agrlüs df) Londres.
j~l1
(J l'sL aeLuell ment dnns ma poc he, dil Bast'able.
- llO.il1)('nt, J\II'. Bastobl e, c'esL illL"re sa.nt. Voulez-vous
me la mOlltl'er. J(' somis h Ulll'OUX de m' n o.CqUiltOl' au plus
lilL. .'iOO.DOO fl'unes -L quolqu es cenlilll s, j o crois?
(t.
ou lc'iI-vous sonner pour moi, jt' vous prie? J\ lerci.
il' I1 ol'uce inscrivit qu elques mols s m un feuille
qu'il l"ndil au sel.:réLail'e accouru au coup dtilimbre, Lejeu!lil
clerc l'evint qu lques minutps après, portant une pile
�do 'bUletfildo banque 'Ot.
t1ll1l
polgnOe d'o et d'a;,gent,
Ilar;table, à 11/. prlofO do Sil' Horace, compta la somme,
Sir Horace le pria tde lui donner le reçu de Kennedy.
Bastable s'exécuta, Au fond il était dé~u,
II espérait un
peu qu'?n lui aurait demanclé 'e ncore un dél~i,
Mais ~l sc
consol::ut en pensant que l'argent appartonall aux. cl,leni s
de bir Horace et que le crack, quand il sc prodUlratl,
serait magnifique,
11 donna le reçu presque à regret.
- l\lerci, dit Sir Horace.
- Je le jetterais au feu, à yotre place, maintenant, dit
Bas table d'un air détaché ct bon enfant,
- Je m'en garderai bien, ~épliqua
Sil' Horace. je puis
avoir emprunté cet argent, et mes créanciers, s'ils l'cxigaicnt, ont le droit de voir cc reçu, Voilil une idée qu'un
homme d'alTaircs 'omme VOliS n'aurait pas dû avoir,
Sir Horace cut un accont do doux reproche. Mais Bastable devina l'intention qui sc cachait sous cos mots r(.
devint pourpre de rage. D'uno main malaclroitr, il rus·
sembla les billet.s, l'argent ('L, sur un brrf sa lut, 5"
l'etirn,
Sir Horace JI' vit s'éloigner a V('l: lIll Hourirc s,'rcin l'(.
, '~ niqul',
il parcO\lrut de nouveau l,' papiN' bleu l'L ln mil
préciellspmpnt sous clef.
- Ah Jabri1np heure 1 murmura - t-il, voilà un grand, jour
Jlour moi,
- Ull mnllsirur demande à vous voir, dit le cle're, qlli
était cnlré sans Hl'e entendu, Faut-il !:üre ('litrer?
:-;ir JJol'are /iL signe que oui, Ln carle p l'LaiL l'p nom
})uc de Villiers
1\('1111('
at!l'('ss(' qui 1'{'véliH la IHlliulmlil.é 011 visitt'ur,
1 Il hfllllllJ"
d'lIo ., ('lllqll:lllLainr d':II11lrl's l'nll'ôl.
nrand,
!!l'isolllWl1ls cL l,' I~agl'"
lallll(", 11 s'avança a\'\'l'
,lSSlIral1f:I',
l ';,r
l~r ·t moi rit: vous df>rlll1!l'rl', riil l'éf~ni(I,
.To "'Iiq
f'lll,n'lI,(
d~:r."ntl'J
11\'(""
'PIl'1 rn
cll' yo~
;>'11",
(rJ"I!'fOI'" rln~
r, IJI -~.tr(l
nn ~,
h L<l7l':lR l.n~t1
(\1 .in
(Il .,(, 'b pa(, qut' Je 1lU~
prodll's l1:1J'rnls p:lr allianr,'.
o,\)!,
IIll
�-
Vralment, duo, eUt il' BOl'CiQI) en l';Qtll'Jant, l!Jt
CDmm nt?
- Lady Alllory, la veuve de votre frilre, est ma ~ousine.
Nous nous sommes perdus de vue pendant des années.
Mais, me lrouvant dans le voisinage, j'ai pensé il me présenter à elle.
' - Elle en sera charmée, dit Sir Horace. Je n'ai jamais
été très renseigné sur les antécédents de Lady Amory, Elle,
mun Dieu, est un peu ... vous comprenez ...
- Folle, dit le duc avec calme. Tout à fail folle, la
pauvre. Elle a épousé votre frère contre la volonté de sa
famille. Elle a vécu à l'étranger avec son mari, n'est-ce
pas?
- Oui, jusqu'à la mort de mon frère. Ce n'est qu'alors
que j'ili connu ma belle-sœur. Il me l'a léguée, pour ainsi
dir . Je me suis incliné d"vant ce dernier vœu, sans m'informer de qnoi que cc soit. A quoi bon?
- lfln effot, dit le dllC, avec sympathie. Je vous raconterai une autre fois cetle triste histoire. Maria ct moi avons
été très amis, jadis, je crois qu'dIe m'aimaiL bien' ct, si je
pouvais la voir ...
- 'Ion cher due, vous la Vf;'rl'OZ, dit ."il' Horace aimahlement. VOtif; )'csll!Z i,'j quelquo temps?
.J.' n'~
sais ri n, diL de Villiors.
lflh bit'lIl Vt;J1CZ (line)' c soi l' fi vcr nous, suggéra Sil'
Borncu. En :luto, vous T'cgagnu'pjf, faGill'J1Ient votre (oit.
- VOliS (lt('s trop airnaJllL, dit le duc. J'accepte avec
plaisir et, si j'ose demand!'r' ncore une grace, co Herait
colle de revoir ma pauvre parrntc sans témoin. Par cxempIc, clio SI' trollverait seul nu solon ail moment de mon
arT'iv "f'. J o nI' ~ai
Hi vous comprcndrril ca désir, purcmcnt
Si'nl.imenlal?
- 'l'l'ès bil'll, dit All1ory ..J'avertiT·ni ma IIU('. NOliS dînons
à il heurrs,
Bur une poignj,l' cl mains, 1 ~ doux hommos so gépal'i:rl'rü.
Il était huit heures moins quelqur:s minutes lorsque
l'anto ~'arlLn
dl'vnnt Ovcrso.nf13.
�52
L~
DES SAULB:
E~RT
Le duc rntra dans le salon, ulle personne mince~
touie
vêtue de blanc et con verte du bijoux, se leva et vint à sa
r encontre,
Lady Amol'ycomtcnlplal'étrangnr Uvee un visage (l'abord
porta les mains à sa
s implemenl. curieux, puis livide, ~le
poitrine et chàncela,
- J 'ai reçu vo tre message, ~raj
nit }(' duc, .Te suis
accouru, co urage , mon amie, courage 1 11 'vous ont donc
poursUivie jllsqu'ici?
Lally Amol'ys'accrocha à lui, L'txpression démente ùe
s()n regard fit p laec à une ex pr
es~
ion
rie joie:
- Enfin, vous voilà! murmllra-L-f'lle , Vous vuilà!
Merci, mon Di ~l d
xv
RoJ\alti cnvll'ilgea. la sUuation avec COllf<lgf', JallJuiH il
n'a vaiL pris la peine rl'analyser le ('aradi'l'(' (k son pi'l' 'I
n1(\i~
il flva iLsouvent senli que, l:i j leur' ]J01'. nlé o'ovaiL pas
éLé si étro ite, il aurait ëpl'ouv{1 pOUl' J oseph Roslahle lUi t'
éloignement ins Lmctif.
JUIiI']\I'OÙ son père ~'ùtai!.l plongé dans cl,tir ténébr USI'
afi:1il'l'? l'ln fOlll cœ;, il y était III ;Jo ain:;1 qllt ' le [ll'oll\'llii
ln lull l'o C'f\W Honnie \'l'liai 1 cl' lil'e, LI' 1.011 dl' la If'lll'.,
l'ill'llli{'1.a, Il JI mm qn'il 1\';)lIl'f1it pas 1',,,J'if nulrl JlII'I1I Ù
'1 lt l'lqll'II\\ qu'il n\l'pl'isnit. : ais HOII pi'l'II Ill' 1,1 'III lIIl!III"
p;l~
1" 'IIIlIl'lflll "
!'tIlU': 1I1l!.
1: 1 If tll'( l'avaIt :t1nl'aw 1
Il était; d nil' Ij\H' .Jo:;epll IhslltbJI' '1l1l"lil.]l1l l'II diro [lilln
long, \Tnis I~n qll i Sl' tr ouvait- il agir avP!\ Dick, le hls dl'
RI/Il pnnl'mi, l't'\1 jlrobabl f' 11111' f'(~ fùl daw; 1111 IJut 1 hal'il CP pOUl' Il' l'Il inl l'?
1II bic, I~tai
flonllid Il'(''>\uillil. il l'l',!," {l''lIS/'P. II savait SfJI! !JI ~I'U
I::tpabl!' d(' IOIlt.
Il il'I'IIil. r Icik dl' saw,il' p ,l' fli!'l . ,~(riLé
d!'\' Iil/'r:ll"
ft'J' ;III
LI
plll, i1I,
dl' bUll Ill'
ùlIla
b(,II1'I' ,]Il
l'hll, 'l pra
'1l311l11
l'
I.:llllll ill
�LE SECRBT DES SABLES
53
de la Maison -Rouge. Dick l'attendait en fumant d'élerneJ:Les
cigarettes.
- J'avais peur que vous ne vinssiez pas, dit le jeune
homme. Oh! je ne vous fais allcun reproche, mais vous
devinez que c'est affolant d'écouter les heures dans cette
solitude. Je crois que je ferais mieux de Iller à l'étranger.
- Et reconnailre :linsi que vous êtes coupable 1
- Vous croyez que ça aurait l'air d'une fuite?
- Sans cloute 1 Pour le moment, on vous croit En FI'Ilnae,
(>n voyage d'affaires; on ne dit rien. Mais je parie que
plusieurs personnes attendent impatiemment volre relonr.
- Qu'cn savez-vous?
- Herepat'l et Butler, par eXI>mple!
- Grand Dieu 1 Bastabl , vous ne voulez pas dira qu'ils
vont agir! cria Arnory. Tout esl perdu alors puisqu'ils
sont les représentants nI' l'homme qua ...
- Vous el Dowen avrz voUd JEh bien 1 ils agissent, jus(ornentl J'ai lu une leltre d'eux.
- Un lettre d'eux 1 Écrite Ù qui?
Ronald h6sHa il répondrl'.
- J'aime JllÎl'ux être fJ'flne. La lettre ôtait adressoe à
111011 pùre. 'es gens ficmll ient croire quo Dow -fi n' st pas
JnOl'L.
- Pas morL! s'écria Alnory. 11 a été assassiné.
- Ne VQUS y fiez pusl HOJ'ppaLh t Bull l' so refusent a
lu croire. 11s r 1 vent évid mm 'Ill le prouv l',
- L'onL ils rait '1 rllllllUlldu Amol'y, inquiet. Ont-ils la
pl'Ollve quo Bowen n'a pu::! 6t6 Lué.
- II Y l'Il r.t linO: 1I1l!' lotlr' écrite par Bowen il H l'epulh ct BuLlr'r pL mi!;o à ln posle queiques Il Ilr'!; ((près la
diHpal'iLion. lis vont Sigllutl' I' ce fait à la police. On a
montionné volr!' 11 ni.
CoUr fois, je Hl i ~ pord u 1 gémit AmoJ'Y.
- Jo !'!lIns, dit Hunc\lù, lU ces gen::; n'en sachenl plus
llJnf{ qu'ils IH' lA disl'nt. 'tais vous, pourquoi m'avoir aché
VOS l'apports avec mOIl pi'r -'/
l'cu importe, diL )\IClory, HIIlI.)l1I'I'Uss6, ccla n'a rien Il.
\"ic' av c\ l'airait', .
�LE SECRET DES SABLES
- Je n'en suis pas sûr! Et depuis combien de temps
étiez-vous en alTair.-s avec lui?
- Un an ou àeux, prononl,:u Dick, avec une indilTérence
aITecLée. Mais vraiment, Bastable . . .
- Pourquoi ne pas m e l 'avoir dit? répét.a Ronald.
- Parce que j'en avais honte! cria Dick brusquement,
Croyez-moi ou TI ml' croyez pas. Tant pis ,si je heurte vos
sentiments 1 J e ne vaux pas cher, Ronald, mais je suis un
saint comparé à votre p ér I' .
- Ditl's-moi tout! dit Ronald avec calme.
- Si vous voulez! dit le jenne homme. Mais soyez brave 1
Je suis dppuis deux ans en relations a vec,,votre p èr e et aussi
aye~
un client de la banque. Nous nous sommes rencontrés souvenl à Londres. Vous pensez bien qu'au débul il
se méliait de moi, mais, peu à peu, j 10 connus mieux, eL
il 50 monlra brave homme av pc moi. Il me donna
l'adl'ssr d'un pl'èlrm' d'argent, qui me rrndil. de grands
~l!rvü:es,
,'Il ais je m'aperçus un jon/' que j'avais alTairc à
de licITés coquins. Plus jc luttai s, plus je m'embourbais,
Vous avez Huns don te rntrndu JI) nom de la Compagnie Delu pole el Cie? :b;lJp praLique l'USlH'C SUI' lu plus grande échelle.
HOllUld fil \lll signe de l'le ulTirmalif.
- l,al bi{'n 1 rrpri l Dick, Delapole esl le nom d'emprunt
di' Joseph Baslable.
Ilonalrl ('ul un grsLp cil' f\lupeur; il no s'aH ndait pus Ù
Ufll' jJ'II'l'iJll' révf.Jalioll.
C'rst uITl'PUX! IllUJ'ntUfll R ono ld. Qlle pensrrait Vera,
quI' pr '!1st'l'uil voll't! pèl'r, s'il/l s,naipnll
OIiS n'avons pas de quoi levc!' si hall!. la LHe 1 di l
Amol'y, en manièro de ('onsolnlion. Si voll'l' p l'C' esl lin
r.lf·i1p~,
lt' fils dr mon pèl'O ('n ('sL 1111 a1lLre. 1'IL' VOlIS
inquiélez pas pOIll' Veru. EH!' usL fldl·ll', "l, ~ i plie VOliS
aime, la conduite olu votro l'r"re fi C sel'a p'IS 1I1l obslacle Ù
voll'! union. ,l vous flul"lis 6p'lrgn(' r,(' [")[1[>, si j'avais
]lli. \'I)'r, Il
('J'uit r(lW j'ignol'!' srs 1';JppUI'ls étroits av('['
les ai appris pal' Iws'II'd. Hi \'(JIIS Ha\il'z qud
:;nl,., travaIl nous Il uns fai t. PIlSf'111 hll'1 .Iamuis j,\ Il ml'
Sl l'JI~
foul'l'é /;',-d,'dml : sn n ~; [\li!
1){'lopol(,. ,~f'
)'1'
�LE SECRET DES SABLES
55
Ronald ne voulait pas en entendre davantage. Ce qu'il
venait d'apprendre l'étreignait amèrement dans sa fLerié,
dans ses ambitions! Jamais plus, il ne pourrait aspirer à
Vera. A ses yeux, le plus grand criminel était moins coupable que le prêteur d'argent qui s'enrichissait de la ruine
des Butres.
- Nous ne reparlerons plusde cela, diiRonald. Laissons
croire que mon père était un ami de Bowen, laissons croire
que Bowen sut ingénieusement faire croire aux gens qu'il
fuL victime d'un attentat ...
:'vIais Amory n'écoutait pas, ct son visage étail sombre el
anxieux, car, pour lui, tous les chemins avaient la même
issuû fuiale.
XVI
1JNE NOB).E rlMII.U:
Dans le salon d'Ov rsands, où le crépuscule jetait sur son
visage une ombrc douce, Lady Amory causait avec nalurel.
L'émolion d rctrou ver son vieil ami cL parent lui avait
rendu la J·aison.
- Pourquoi n'èll's - \,ous pas vcnll plus tôt? tlemanda-l-l'Ile.
_. ,) no pouvais pas 1 rl:pliqua dé Villiers, ci puis nous
n'y aurions ri(' 11 gagné. :JJainLcnanL quo Luigi rst morl,
c\:-.L dilYéront 1
- Luigi est morl? CommenL ('sL- il mOl'i?
- Oc sa bonne mori. Vous devinoz qllP! mal nO\1S avons
(lU lOlltC's cps dernières anné s à le prol gel' cr,nLre c('s
grns. DOIl B 'nLès surtout 1 r,Jais, l'année tlel'nière, Bcntùs il
t'olé tu(- dans lu montn.gllr. Après crIa, on rl spira un pOil; il
l'lait le plus iJllplucnhlu. Jamais nous n'avons pu 10 persund '1' de noir!' bonno loi, lui fuiro l~omprcnd
que· 5(>111
ce ll'ultre de ùe Lara étaiL coupable, Ah 1 si jamais j' 10
pillce, celui-là 1
- l'tus bu:; Ilmurmura Lady Antory, il est ici. Je l'ai YU
du prl':;,
�56
LE SECIlET DES SABLES
- De Lara, ici! cria le duc. Pourquoi serait-il ici?
- Pour le trésor. Il sait touL. SOuvenez-vous en qU!;J:;
termes d'intimité nous avons été avec lui. Il sait toutr,
l'histoire du trésor et le suicide de ma pauvre sœur. \lais
je ne veux pas en parler, cela me trouble l'ef:'priL. Elle r~-:
morte sous mes Y'UX, et mon mari me reprocha del'avoil'
luée. Je suis innocente, je le jure.
De Villiers l'apaisa pal' de douces paroles.
- Jo sais, je sais! Vous aimi 'Z tant la pau\"1'e ,Julia.
VOliS avez ou un gr;.'nd chagrin.
- Jamais je nr me suis consolée. Elle ~'pst
j 'lél' dan:,
It'S sables mouvants; mais elle j(~la
aussi le tl'ésor, mOI!
trésor 1 E1le était aussi toile qUf' jp Il' fus pal' la suilr. '.fa:,;
il n'est peul-tÎln' p-as lrop lard pour sauver Sir Horac, .
Vous VOYI,'" que je l'aimé! JI a clé si bon pour moi, mOIl
rher Vidor! si honl nr St' plaignalll jamais dr JIlI'S saulu
d'hll mt'ur! EL Vera .st Ull angl' dl' honle 1 I~L
j'aime tall
CP malhr.urcux Dick, qui est toujolll's ('llfieLLé. J Is sont dans
la gènp il présent, llIais ils ne Ill'onl jalllais l'it'Il d munfJ(.
Pourtant, ih, ml' croirnt riche. Bt jl' ne mr l'l'nds rompll
dr tout ct'Ia qu'aux rarrs instanls où ma pauvrl' cl'rvelll'
est lurid r, commo en c' rnompnt.
- gh bipn! nOlis saurons récornpl'flsur leul' IJOulé, di 1
I;Utlll lIt dl' iIIiLl's . .\ ais que d'ennuis d!~
lous ôles! Il
l'olllanciPr l'II Cel'ait I1l1r belli' hisloir,', s'il osait. seult' mPlh
l'écrirp. Il!' vellr!et.a cOlTlme la Ilùl.rf' parallrait illvraiIH'lllhlablr. II faut fi \'uir passé tll'u: I.p!'I'ihl,'s flnn61's dalh
11':5 montagnf s cIl' Hicill' ('l vl'cu dam. la n:lIntl' pcrpMtlt'llt'
cil' H, Illès ( l df' Sil band' pOUl' Sil VUIl' el' que (~'fsl
qu'un"
Vl'Ild 'tt,,- D, Lara pst UII malill! Hl jamais JI' h! l'l'Il
contl'p 1
Lu !J<Jrtt' s'ouvrit, l't V 'l'a ('nlr'a. ElIr lt'Ildll. la main à cll'
Villiers .
. JI' suis hllurcu'e d .. vous voir, dit-l'III'. C'!!!;I. si
bizarre ({Ul' jl' nI' cunnaisse aucun )lill'I'1l1 df lI1a l:mte.
Jn r(pvrais I!\'oir hontl' dl' IIIC IH'l" n l'J' aus:-.i till'd,
diL Il' dur. \Iais el' n't'sL pih l'loi r 1111.1'. 1) flll'ls inlùl'd:s
Ill e l'l'lCntüoul Cil ::)lcl1 '.
l,st -Cl' Pd."
'Inria'/
�L~
llECRET DES SABJ.ES
57
Lady Amory fit me vague réponso. Elle était repartie
dans la pays cles cll1mères.
~ir
Horace enLra; un p eu après, 0/1 annonça 10 dm!'r qui
fllt animé. Sir Horace se montra spiriLuel ct enjoué, au
pllÎnL que Vera sc demanda si sail p ère avaiL tout a ooup
(Jublié 80S soucis d'argent.
- Saveh-vous, Rir Horace , dit do Villiers après le rcpas
en allumant un cigar e (Vera et sa tante s'étaient retirées
au salon), savez-vous que j'admire boaucoup votre vil'
anglaisC', j'aime Il' confort cll' vos maisons. Qur le conl inpnt,
nous ne savons pal> nous installer ainsi. Mes maisons sonL
Lrop granrles pt froides; il Y a trop do IIH\l'brl' rj"duns .
Vous ai- je diL qur j'avais éLé élevé on AnglrLl'rJ' ,?
« OUI, j'ai Mû an collège cl'L~ton
pendant cinCJ ans.
:\, on père "olllait que j'ontre clans la diplornar.io eL que je
suis aLLachô, à Londrl's, à J'ambassado ilalil 'nnn. en souhaiL se sC'raiL réalisé sans un événemenL Iléiiustrpu_ (luC' je
vous IUcunLerai un jour, Cc s'lir, je veux sm'tout m'pxcuSI'l' d'Ilvoir ainsi négligé Lady Amory, ùo ravoir laissée à
YolJ'e 'hat'gr.
- EIlI' ost parente 1 diL f;ir Horace.
'da nu nous cl {'gage pas d nOG ohlj~fLins,
dit dl'
Villipl'fi. Lady mol'y ét.ait pauvr(1, cf'la r nel Vllll'l' aLtiluc[1' t ncoreplus génol' 1181'. Si, denotl'u colt'" nOUll n 'avo
l1~
ril'rt CaiL pOlir l'Ile, c'ost. qu'alors cl'!:t l1owl6Lait. irllpussihlp,
VOliS IH' cOl1naissil'il pas Lady Amol'y avant son Jl\ariage?
Non, dit :-:lil' Horael . J o OP l'Ili COl1llU!' fJu'aprl's la
l1IorL d'Illon fJ'ère. Ils avaÎc'nt toujours vMu ;i l'üt.rnnglll'
fla morl soudnllW l'elllplicha dt! rail'o 1111 ll)s!nllll'nt. Il
cst louL naLurf'! qll e jl' mr sois chargé de Lady Amol'Y ..
Savp~,-us
,OlllnH'nL voll'l' rrl'rp l'st mort? demanùa
le <hl '.
n ur 'idpnt 'i
,
OH. Il a ét6 nasnssiné. Un un ou deux uvanl sa morl,
qlll Iqun muis ici el qUf'IIj11/' ll'lTlps l'n :-lÎril". Tady
il pa ~sa
ilrnory aml'na lia SO'UI' ici. CI lin ci!Hl suicida nn Hi' jotant
dam. Il's snhlns lnOl/Vnnts, pl'!'" dl' 1 ~Jaison-H!lugf'.
On
\ :uuf[a l'affulre l't OH l'n ~/!I1l\
qU'WH! 'O J'VUllt
rll' I.;uly
1
�58
LE SHCRET DES SADLES
Amory avait péri Il.cci(}en 1ellemen l. Sn scour avait dû
cacher son idcllLiLé.
- Pourqu oi? demand a sir Horace .
- .J 0 vous I,' dirai pIns tard. Cc doulour f'ux éVl'!lemrnL
amuit HUm b. IroublrT' hl raison do Lady Amol'y. 11 Ilt'
eausa pas seul s('s ehagrin s. Vous avez bien connuso n mari?
n'avons jamais vécu l'un près
- Non, Lrès peu. ~UlS
de l'autrp.
- C'était l'homm (' Il' plus dur C]lH' j'ai!' connu. J(. n'ai
JI la
jamais cOJ'r.pris pourquo i 'Iaria l\waiL (~pousé.
un
1'aire
à
pas
mêmc
}lt'nsa
Ile
Il
négligea tou te sa vie.
LesLamonL pour t:llo.
puisqu' il est morl soudain ement 1... Ppul-êt rp
- M~lÎs
am'ait-i l faiL ce Ll'stamenL 1 11 savait d'ailleu rs que Lady
Amory ne manqua it de rien. EII!' avait de ln fortune.
- l!.·lle allait, répéta le duc avec inLention, ellu a \lait
lmp fortune en bijoux.
- COJl!!iùérable.
- Oui, considé rable. l\lnis cIl!' no ra plus, ct voLre
frèro le savaiL hien. Lorsque la sœur de Lady Amory
résoluL de dispara ître, elI!' enfouit tous 1 s bijoux dans
les sabIrs mouvanLs. Ils y sont encor!' aujomd 'hui.
- Mais, diL Sir Horacl' , quo Lou Les ces révélati ons stupéfiait, Lady Amory a d'autres bijoux.
- Ceux qu'elle porto sont ùes copies des véritabl es. II
n'y a que des pierres fausses.
- Vous ne plaisant ez pas?bal buLia Sir Horace, devenu
livide.
- En ai-je l'air? diL le duc avec dignité .
XVI!
LES SABLES DE LA MORT
Sir Horace eut vaguem ent conscience que son hôle lui
parlait, mais il était incapab le de répondr e. Un épais
nuage obscurc issait so. raison.
�LE SECRET DES SABLES
59
pas bien? demanda poliment
Vous no vous sent~
le duc.
Sir Horac" s'efTorça de sourire Clt sc versa un vrrt'e d('
brandy. L'in 'idellL auraiL peul. -èlrl' passé inap!'I'çu avec un
aulro homll1l', mais 1(' duc devina que Sil' Horace avait
cnmpté sur lL's bijoux d!' Lady Alllo!'y.
Je soufTre un peu du cœur, ('xpliqun précipitammenl
l'il' lIOl'ac!'. Les moindres émotions lllC bouleversent.
I~n c ore
un v.rrl' de 11orto? Non? Voulez-vous que nous
passioJls preudrl' le caré au salon?
Ll's deux hOlllnws l'cll'ouvl'J'ent ,ll1 salon Lady ~Iari
et
Veru. Le duc s'assiL prl\s de Vrra; Lady .\mory faisail
11111' plllicncp, le jeu l'absorbuil toule, Amory arpenlait
la pièce, il aurail donné beaucoup pOUl' aller s't'nfcrmer
clans son bUl'NlU. Di) illicrs observa h' visage du vieux
banqllier, le masque d'amabilité étaiL lombé pour faire
de lassitude hébél,éc.
place à lme (~xpr:siol
De Villiers admira J'arrangcJIl('nl du salon, 1 's tableaux
lps vases de npllI'S, Veru souriait.
bel endroit qu'Ovl'r- Pour moi, il n'y a pas de plu~
sands, dil-elle. J'y suis née, j'y ai loujom" vécu, et mon
pèr me laisse la direction de la maison.
- CP ('TI quoi il faiL preuve de discernement 1 dit JI'
dw'.
Vera souril au compliment.
- Je suis ravie de vous l'nt ndrc dire cela, dit-elle,
mais, hélas 1 je crains qu'il nous faille bienlôl quilter ces
murs que j'aime tanl 1 Mon père n'a plus les capacilés
qu'il avait, ou plutôt il est devenu vieux jou : la banque
rivale lui fait du tort. Et puis mon pérI' est trop bon,
trop généreux; il ne peut constat r une misère sans la
s courir. Il a raisoll, je J'admire. lais quand je pense
qu'il faudra quitter Oversands 1 répéta-t-ell avec regrels.
Elle se tut.
ce moment, Sir Horace poussa un
gémissem nt et s'affaissa dans un fauteuil.
- Votre père est souffrant! dit de Villiers.
Vera sc leva précipitamment et courut vers son père.
- Je ... J'irai mieux dans une minute, ditSir Horace en
�60
LE
~ECnT
DES SABLES
inquiéLt"l, pas. Vera,
laisanL eITort pour parler. Ne vou~
domu'z-moi le bras, je mc reposerai un peu Sur le canapé
do mon bureau. Mon cher duc, ne pnrLoz pas, je vous en
prie.
_ Vouloz-vous que j'envoie chercher le doctelJr?
dl'maJ-\(la Vera cn conduisant Sir Horace dans la pièco
VOiSÎM.
_ Non, non, dit Sir Horace, le docLeur no peut rien
pour moi. J'ai eu trop do tracas ces mois derniers et je
vien::; de recovoir uno mauvaise nouvpllo. Je m'inquiète
peut- ètr e à tort. Retuurnez au salon, mon enfant, ct
nxcus('z.moi aupres du duc. Jo crois quu je vais me
meUrt; au lit.
Le duc e-xprima ses regrets. Il pria Vera do ne pas
s'occuper de lui. Il partirait dès quo l'auto scrail prèto.
g"eufiez-moÎ don'}, dit Vera, ct permettez-moi de
mn retirer.
De Villiers reforma doucemeut la portu sur elle.
_ Voilà une chance inespérée, dit Lady Amory d'une
voix naLurello.
De Villiers tressaillit. Il avait complètement oublié la
présence de sa compagne. ChOlio curieuse, elle retrouvait
lion bon eons quand Plie élait seule av('c lui.
~-Je
ne comprends pas, cliL-il, qu'attendez-vous de moi?
Lady Amol'y rejeta les carl es avec impatience.
_ J.'yr:ux quo vousvoniozàla Maison-Rouge, murmura-t-l'lIr. Oh 1 .Jn n'ai pas pl'ur .•l'y vais Bouvent la
nuit qU..lnd la maison dort. Nous ne rencontrerons per~onl
: la llIarôe l'st liasse. Venez, je vous monLrOl'ai
quelque chuse quo vous n'avez jamais vu. Jo sais co que
jo dis; quann vous l'tes près de moi, j'ai toule ma Faison.
Venez ou sinon j'irai seule.
_ ['onsez aux risques, il est I.ard 1 (,it le duc,
_ Mon cher Victor, il n'y a pas de risqurs. Bt puis, il
faut que j'y aillo. QuoIque chosu m'attiro. Si je résiste,
cet état, je
j'en P( l'cirai [f' sommeil. Quand je suis ~las
ppnsl' à ma pauvrt! sœur. Si les sables disaicnt lcur secret,
iu l'edllvieodrais moi-mème.
�L~
SECRET DES SAULES
61
De Villiers la co:1Lempla tristemenL. Bn somme , elle
était encore jeune, elle s'éLait mariée à seize ans et , à
quarante ans, elle éLait dans tout l'éclat de sa beauté.
Elle aurait été séduisante sans la t ris Lesse de son visage
et le r egard lointain de ses yeux. Et il fut un temps où,
pour le duc dl' Villiers, elle npréspntait toutes les femmes.
- Je vous suis , dH-il, eL je vous ramèner ai.
- Non, je reviendrai seule. Laissl:z-moi le temps de
changer de l'obe, je vous l'l'joindrai au bouc de l'a\'enue.
Quelle brlle nuit:
- Bien, dit-il, je consens à CP qtll' vous me demandrz,
mais je Lrouvl' cette équip ée un peu folle .
Ils se r ejoignirent au bout de l'avenue. L'auto de de
Villiers attend aiL à un endroit donné . Il faisaiL sombre ,
lorsqu 'ils s'eugagèr ,'nt dans le chemi n menant à la ri viôre,
la lun e était il son dcrni<.!r quartier.
Lady Amory glissa sa main sous le bras ùe son compagnon. Elle bavardail gaîment comme si elle eût oublié
ses ang-oiSf.CA.
Mais, pou à pou, (%1 devinL grave, et de Villiers sentit
que sa main tl'embla iL.
Ils arrivèrent enfin au boro de l'cau. On aurait dit un
pays éloigné de toutl' civilisaLion. lis dépa'5sèrent les
les dlllles ct arrivèrent au bord de la ligne d'écume, la issée
par 11\ marée'.
De Villiers drvinail la Jla~;se
insl.ablc des sables mouvanLs. Le paysage gris sf'rnblail désolé.
- Qud lieu! fil-il en frissonnant. Comment SUpposl,r
qu'un eilllroil pareil puisse ('XÎ5Ll'l' si pl'l:S du (;hâteau.
C'nst là que votre pauvre sœur ...
Il hésita à finir sa phrase . Lady Mory désigna Une
longue nie de rocher;; qui surgissaient à inLervalles réguliers comme dûs sentinelles !idèles.
- Ce sonL les pierres 'le r epair e, murmura-t-elle.
Parfo.is, la mer les recouvre; d'auLre:> fois, elles se dressent
bien haut sur les GoLs. Cela dépend de la marée. J e suis
passée eL repassée souvent .ln cet endroit alots qne les
roches arnenraient il peine à la surface cie l'eau. C'est
�de la tl'oiaième que me I:lCilUl' s'ellt Je~(j.
Jo nt! ~elJRs
'11
111,1mo t, j'al Lout vu. II10n 111 1'1 m'a' 'usa d l'a voir POUS!!OI'.
prétendant que j'étais maladivement jalouse tl'elle. Il no
soupçonnaft gubre combien Julia le détesLaiL pour sa
dureté envers moi. Elle était folle, c'est vrai. IWc passé·
dait coLLe âme san vilge, ardente, qui fut notre malédictiflil.
Elle cTut lue j'étais contro eIl , ct o'esl. pOUl' rela qu'elle
prit. mes bijoux eL les précipita dans les sables." Mais
P 'l'sonne ne sait! J'ai bien gardé le secret 1
De VillierS:so taisait. Lui aussi aurait pu raconLer une
histoire" .
-- Je commence à comprendl'o la fascination qu'excm'ce
sur vous crt horribl endroit, dit·il. J'ai envie de traverser de ]':nül'e côté P'JUl' exanlÎn,'l' le terrain. Est-cc
dangercux?
1 ullemenL, si vous f,lites bien attention. :\1ais, si
vous glissez, les sables vous engloutir'ont, comme l'araignée le fait du moucheron. Aucune fQrce humaine no
VOliS sauvera.
De Villiers fil t}1I Iqucs p,IS ct santa sur la première
o0he. Commo il pt'elHl.Ït Hon élall pour bondir SUI' la
Uil eri tel'l'ible :
St't'ondr, Lady .\mOl'Y pOl'~a
- P"yencll.l rovenez! On a l'l'mué 1 S piPl'l'OS !
'Vl! l
1;(DIllIH: DE LA \101\1'
Do son œil scrutateur, Lacly Amory avait perçu le
danger. Chaqu roche lui étoit uussi fnmilièl'e que les
ml'lIblr'l rlr. sn rhambre à coucher. EII eût pli franchir
le co.urant les youx fermés. Depuis des années, elle était
venue bien souvent ici. Chaque fois que son idéo f]xo la
reprenait, eUo "'{'courait dans rell,. direction.
Or, los rorlU's n'étaiont plus a la meme place. On cul.
dit qu'une force inconnue les avait arrarhép<; rie leur
foncl,'nwnt l)l}lll' lm; l'rplacel' autrement.
�lJd~·
Amol'y perQut instl.~ér(!p
le p lVil ludcle n'oüt pu t'liro plus
al~
Jo
I 't(\,
porI!. L'f)sprlt,
plu~
jJr6cis
quo le (]ovin t le 1!ien en ceL instant.
C.lf à p eino son pied aya it- il Louché lu 1'ol;h e quo de
Villiers s'éL<.l it senti glissor. Il oscilla <ie droiLe à ga ucho,
f'S5ay an t vainpIn ont do r ep!'endre so n équili bre. Un pil lo
r ayon de lune 50 jouai t sur le p aysago rlésf'l't eL les sables
mou vants . On eût dit qué des milli ons de serpen ts
s'en r'oulaien t et se déroulaient , pr,'ls il f(1odr c sur leur
proie
- J et ez-Yous il plat ventre! cria L ady Am0ry, c'es t
\'o ll'e srule c]wncC'.
Mais de Villiers nc tin t aucun compte de l'avertissemcnt.
Les mots lui p arvenaient très alra ib lis. F ort calme, il
rut conscirnce de l'horrour de sa situation. Il y a des
morls qu'on p eut affron ter avec ' sang- froid mais pas
celle- là .
E n im agin atio n, de Villiers sc vil glisse r' de plus r11
plu s bas. L e sable lui montait aux genou x , il la taill r , lui
l'emplissait la gorge ...
'l'out cer i en UJI cela it' \lui lui p aru t un siùcle.
La voix de Lady Arnnry ~;'é l eva
encore p erçan te appe lall l à l'aid e.
,\Iais il n'y avait perc;onne on vu+,. Ils éta ient tous de ux
seuls au h ord de l'univers.
- Couchô ! hurla -t -e tle. Oh! il to mbe ...
De Villiers oscilla, puis glissa . Il tom ba à gmoux SUI'
les sables . D'un eITort, il agrippa une aiguille de l'OC do la
main gauche. Cela sufJlt à )e maintenir qu elque t emps
au -dcssns de la surface.
Drs forces ineonnues semblaient Je tirer par n -bas .
!'r i bl l' dans ce tte impressioll.
Il y avait qu elqnc chose d c~te
L ady Amory nc p erdit poin t, sun te mps en a is inuWps .
Mépri bunL le danger, elle courut au secours de l'infortuné.
EJJ (l SI' jeta l' II tra vers d'une des l'oches , de fflço n :\ afileu l' l I' ne ~OIl
long, sur IR surfa cc glissant.e.
.
- Donnez votre m am, üt- ellù d'une VOIX r auque .
11 ohi éL, et, p our quelques instants, le dall!;Or fut
�LE SECRET DF.S SABLES
conjuré. Cependant la caLasLroplle finale n'était que
re~adé.
Même s'il eût fait grand jour, on n'eût pu espérer
aucune aide dans ce désert.
_ Vous ê~es
brave, nt de Villiers, mais d'ici une heure
ou deux ...
_ Appelons, dit Lady Amory. Peut-être un passant
solitaire entendra-t-il.
TlIais aucune personne ne répondit à leurs cris, sinon la
complainte d'un oiseau de met'.
Ils reprirent souffle et lancèrent un nouvel appel. Cette
fois, un cri partit de la Maison-Rouge, en réponse .
Lady Amory fut secouée d'un rire nerveux Gui manqua
lui fairo perdre l'équilibre. De Villiers lui serra la main
plus étroitement.
- Ducoul'age , dominez-vous, mon amie? Cc n'éLait pasun
écho cotte fois. ,J'ai distinctemen t reconnu une voix J'homme.
Une autro silhouette se détacha sur le ciel:
- Ohl làl Qu'y a-t-il ?
_ ;Avancez-vous jusqu'à la seconde l'ocho, cria Lady
Amory. Mon compagnon a glissé. Je le soutiens de mon
mieux. Ou pluLôt courez chercher une échellel Il y en a
une dans la grange adossée à la Milison-Rouge.
La silhouette de la berge disparut promptement. dans lu
direction indiquée.
Quelqu'un l'attendaiL sur le seuil.
_ Que diable se passe-t-iI\ Ron ald? interrogea Dick.
__ C'est votre Lanto, Lady Amory. Avrc un ami, elle a
!.Pnté do tr~ves
le. couranl,. Son compagnon a glissé.
l!.:lle le soutlOnt Lant bIen que mal au-dessus des sables. Il
faudrait une échelle.
.
Dick laissa échapper un juron.
_ C'est risquer la mort que d . s'uventure.r ainsi dans la
nuiL 1 Quelle déveifi'3 pOUl' moi 1 Après tout peut- être n'aijo pas besoin de me montror? V us arrangerc? ça sans
mol, pas?
Sa voix tremblait do crainte. Commo u'habitude, il ne
pen~ail
, qu'à lui.
�LE SECRET DES SADLES
65
Ronald out un sourire de mépris. Il regroLLait presque
de s'èlre mèlé dl's affaires de ce poltron . Mais que n'auraitil pas fait pour .l'amour de Vera?
Il prit uno voix dure pour répondre .
Deux vies humaines sont en danger. Pou vous
importr, n'est-ce pas? Il me faut l'éch('lle. Si vous ne
m'aidez pas de bon gré, je vous y conlraindrai malgré vous.
Ces moLs curent l'effeL désiré . Amol'y i\t le Lour de la
maison pour chercl}{'r l'échelle qu'ils irainèront tous deu.'
sur la borge. Elle était heurcuscmrnt fort longue. Ils la
jeLèrenl entre la rive el la troisième roche, où elle s'accola
fermemenL. Ronal s'avenLura alors sur ce chemin improvisé ct instable, Il le nt tourn.:r de façon que l'autre
plÎt s'agripl'/'l' dl'S deux mains aux barrcalL'c de
l'échelle.
- JI' vous suls prorondément obligé, dit alors le dul',
C'est un miracle que vous voussoyez lrouvé là. NOllS aurions
pu tenir une heure au plus. Me voilà sauvé. Voulcz·vous
vous occupez de Lady ... de ma compagnl'.
- Je m'pn occupo, riposla Honald. Dick, voull'z-vous
venir jusqu'à la prrmière roche tendre la main ù Lady
Amory.
Dick s'avança ùe fort mauvaise grâce. Il hli élaiL
impossible de domeuré caché plus longtemps. Il tendit la
main il sa tanle, qui saula sur la rive. Elle l'l'garda Dick
sans parallrc le reconoa1lr(;'. Toul son esprit élait concl'ntré
Sur Ronald et sur de Villiors.
Ronald élait debouL sur l'échellp, lendant toute son éner·
gic à tirer le duc il lui. Celui-ci, ainsi aidé, put reprendre
conLacL avec la roche et se hisser par un ré1 abliesement
des poignels sur l'échrlle. li éLait sauvo.
Lady "\mory poussa un cri de joie.
- ComJ11P vous avez été 'aIme cl couragelJx, fiL·('l1ü en
l'(:connaissnnt Ronald. MI'. Bastablc, n'c-st-ce pas?
- Pour vous s('rvir, madame, dil le jeune homme, l'Il
s'inclinallt.
Elle se tourna alors YC1'S son J1PVCU eLle dévisagl'll. alll' ntivlnH;nL.
3
�66
LE SECRET DES SABLES
Dick, cria-t-elle. Dick! Quo faites -vous ici? Depuis
quand êt es-vous au chât eau? Pourquoi ne vous ai-j e pas
TU ce soir?
Dick posa sa main sur le bras de sa t ante et prenant une
voix douce :
- J e vouàrais que vous compreniez, dit-il. Concent r ez
votre esprit, tante, sur ce que je vais vous dire. Si je n'ai
pas été à la maison, c'es t parc e que je n'ai pas osé. J'ai eu
de cruels ennuis ces derniers t emps et je suis forcé de me
cacher. J e me suis réfugié à la Maison-Roug'} . Bastable m'y
apporte de quoi me nourrir. Sans votre accident, vous ne
m'auriez p as vu ce soir. Puis-j e compter sur la discrétion
de volre compagnon?
- Ne vous inquietez pas, dit Lady Amory froidement.
Ce monsieur est de mes amis. Votre secr et est sauf.
De Villiers s'approcha à ce momen t, et Lady Amory lui
expliqua brièv ement 1 s choses. J amais Dick ne l'avaiL vue
aw;si lucide.
- Ah 1 ces jeun es gens, fil le duc rH souriant. Toujours
des escapades nou velles! J 'ai connu cela, Ml'. Amory. Vous
vous cachez dans ce lieu désert? ]\1a is c'est t out à fait
romantique 1 Voudrie7. -vous DOUS conduire dans votre
antre ? Dans votre r etraite, veux -j e dire. J e ne serais p as
lâché de mettre mes vêl ements à sécher devant le feu.
Dick se mi t en mar che, et ils se dirigèr ent vers la J\f aisonRouge . Les volet s massifs étaient fermés , si bien qu'on ne
pouvait voir aucun e lumièr e du dehors.
Mais, au seuil de la salle à manger, la pe tite troup e
s'arrôta s urprise , devant le sp ectacle qui s'oITrait à seS
regards.
Une grosse lamp e à pétrole éclairait la t able. Sur la
napp e blanche, était préparé un délicat soup er pour trois
personnes. 11 y a vait des fourchettes et des cuillerS
d'argent, un poulet froid, un énorme p ât é et une salade
russe.
Sur 10 buITet, une armé do bouteilles poudreuses à
étiquettes dorées . Dick r eslait mu et délonn ement.
- Co soup er ser a le bienv enu, fit le duc gaiement. Et
�LE SECRET DES SADLES
67
lorsque vous m'aurez donné un veston de rechange, monsieur Amory, j'y ferai honneur.
XIX
UNE VISITE ~UTINALE
Bien qu'il fût d'une nature optimiste, de Lara fut profondément attristé de son échec. La capture des bijoux lui
avait paru une chose certaine. Et le désappointement
était cruel.
Pour mener à bien l'entreprise dans laquelle il s'était
lancé, l'argent était nécessaire au scéléraL. Les moyens de
s'en procurer ne lui faisaient pas défaut. Mais la campagne
menaçait de durer plus lon gtemps qu'il ne l'avait escompté tout d'abord. Shoremouth n'était pas une ville de
grande ressource. De Lara se résolut donc il donner à
l'hôtel une chèque dûment signé de sa main, tout en sachant
parfaitement qu'il n'avait aucun fonds à la banque pour le
solder.
Aussi était-lI plutôt sombre ce matin-là
Il se 1enait avec Sexton dans la salle où ils venaient de
prendre leur petit déjeuner du matin.
- J'ai réglé notro note d'un chèque, dit-il. On ne
m'avaiLricn réclamé encore, mais ça n'allI'aiL pas tardé. Seulement, si ce chèque n'est pas payé après-demain, un distingué étranger qui ml) ressemblo comme un frère courra le
risque de so voir appréhendé et traîné en prison sans
autre forme de procès.
- Vous avez toujours employé des moyens extrêmes!
-Audacieux sculemont, corrigea de Lara. l assurez-vous.
J'ai l'intention d'expédier cc soir pal' le dernier courrier la
somme de 100 livres il mes banquiers. Cela fait, je
pourrai me mettre en campagne. Je ne voulais pas avoir
recours à cette source maintenant, dans l'espoir d" 'Il
obtenir plus par la suite . Mais, je n'ai pas le choix. C'c:st
lin peu comme si j'allais tuûr la poule aux roufs d'or.
�68
LE SECRET DES SABLES
Qui aUez-vous falre chanLer? dema.nda SC'XIGll
cynique.
- Un homme de l'endroit, ce qui faciliLe les choses. Il
répond au nom de Joseph BasLable.
Sexton dévisagea l'int rlocuteur avec stupeur, et son
visage dur so détendit en un largo somire.
- Audacieux me parait en elIet le mot exact. Il n'y a
aucuno limita à votre imprudencE'. Bastable esL le dernier
homme du monde à se laisser saigncr. Il vous fera jeter à
la parla do son bur au.
Lara souriL eL alluma une ·igaretle.
- .Je ne crois pas, fit-il avc:c negme. Suivez-moi bicn.
Que m'avez-vons dit au juste de BatLer, cotte inforLunée victime de BasLable? Son nom me servira de Jeyier . Je
parlerai au nom de sa femme et de ses enfants.
Sexton ricana. Il ne lui déplaisaiL pas de songer que son
ami pourrail subir une humiliation. Il expliqu'l.longuement
les choses. L'autre sc déclara salisfait. Et il sorLit avrc
l'air d'un homme ravi de lui ct de tout le monde.
Le patron de l'hôLel, qui avait le précieux chèque on
poche, se montra poli et môme obséquieux.
Au bur au de Joseph Bastable, de Lara nt pas~el'
sa
carte. Le grand homme consentil à le recevoir quelques
minutes. 11 jouait avec la carte qu'on venait de lui
remettre. Son attitude était JlUulainr, mais polie .
- Que puis-je pOlir YOUS, momlieur? demanda-L-il.
Le comte lui adressa un souriro sua ve.
- 'fout d'abord, monsionr, je vous domande la permission de m'a seoir. N olre en1retien pouna durC'r quelque
temps. Voici: j'arrivo de suiLe au faiL. Je suis un homme
d'esprit scienlifiquo. J'ai fait déjà. nombre d'expériences
curious("s. Comme, aujourd'hui, tout 10 monde s'intéresse à
l'aviation, mes éLudes so sont porLé(;s récommrnt vers ce
sujeL tout spécial. J\·spère, sous peu, lanc r sur le marchô
un aéoroplono qlli sera à la fois léger, solide et !WU élevé
de prix. Je cherche lm enù,'oit paisible pour mc:ner mes
expériellc(;s à bonne fin, sans être soumis à la curiosité
ues imbéciles ct des curieux. J'ai songé à la ;\r aison· Rouge.
�LI! S'Be R ET' D ES SAII'LES
- Mais, mon
s i e ur~
je ne vois p as où vous· voulez en
venir. La Maison-Rouge ne m'appar tient pas.
- je sais . C'esL la l'ropriété de Sir Horace Amory. J'ai
cru comprendre qu il n'auraiL aucune obj ection à la louer.
Seulement, je n'ai aucune relation ici et je désirerais voir
l'aITaire conclue le plus tôt possible. Aussi ai-j e pensô que
vous consentiri ez peut-être à me servir de garimt.
Bast able eut un sourire acide. Cette idôe sembla l'amuser
prodigieusemenL.
- Vous autres, homme de science, avez une pauvre idée
des affaires. Pour,quoi ferais-j e cela pour vous? Qui me
dit que vous n'êtes pas un aventurier ou un coquin?
- Exact, dit de Lara, suave. Mais en ai-je l'air? Vous
me direz que vous semblez un tr0s honnête homme et
vous êtes peut- êtro un misérable. La mine esl trompeuse
JlI faut courir des risques dans la vi e.
- Avez-vous l'intention de m'insulter?
- Cher monsieur, proles ta le comte, ce n'est là. qu'une
supposition somblablo à celle que vous faisi ez tout à
l'heure à mon égard. Et je no me serais point permis cette
facétie, si je n'avais entendu p arler de vous par mon vieil
ami Batter . Je crois que son nom de baptême ôtait Roger,
mais j e me trompe peut -être?
Les trails de Bastable durcirent. Ce nom venait do sonnor l'alarme à ses oreilles, et il se tenaiL sur la dé ~ ensi
ve
prêl au combal. Dopuis des ann6Qs, le nom Batter n'a vait
Né prononcé devanL lui. Mais il ne rayait pas oub1l6 pour
cela.
.
- Roger Balter est mort, dit -il d' une voix âpre. Et, à
moins que vous no soyez do Cv pays, YOUS ne pouvez
e,mnaîtra sa romanlique histoire .
bien que je no sois pas d'ici .
- J e la connais (! ~ p c n ( lunt,
.l'l atter, croit-on , Lrouv a la morL, de mli l , en traversant los
sabirs mouvanLs sur cl '5 l'ir rrl's choncclantcs. Il p ortait àla yille voisine une grosse somme d'argent.
- Que voul oz-vous dire par votre croit -on? ..
- Cher monsieur, ft[ l'auLre avec douceur, si BaLler
é ait mort, je n'aurais p as cu le plaisir de fairo sa connais -
�70
LE SECRET DES SABLES
sance. Mais il mourut plus tard, repenta nt d'avoir volé son
patron. L'argen t, d'ailleurs, alla à d'autres . Lui n'eut que
100 li vres pour sa part. Il disparu t. Et la légende se
forma; celle d'un homm e mort courageusement ('n ayant
fait son devoir. lais cette malhon nêteté, contrair e à son
caractè re, lui avait telleme nt tourné les sens qu'il n'eut
jamais le courage de toucher le prix de son crime. Ce
chèque de 100 livres ('st aujourd 'hui en ma possession.
Peut-êt re voulez-vous le ,"oir?
De Lara tendit un papi C'r au hasard. Bas table lerepoussa
sans seuleme nt y jC' ter les yeux. Il ne pouvait suppose r
qu'on so jouât de lui, BasLable, il cc point.
- Voici le chèque, r ep rit de Lara. Les aulrrs ont été
payés à un certain l\f r. Arthur Bowen, qui affrcta la somme
à l'achat de certains terrains sis dans le voisina gr ... Quoique en réaliLé, Ml'. Bastabl e, je n'aie peut-êt re pas besoin
ùe vous dire le réel nom de l'achete ur, "dont :Ml'. Bowen
.
n'était que l'homm e de paille...
Bastabl crispa les points et dévisagea son int rlocuteu r
sans bonté. Il no pouvait méconn aître mainten ant que
l'advers aire était digne de lui.
- V nez au fait, dit-il.
- S'il vous faut les points sur les i, les voilà: vous avez
fait preuve d'une divinati on rare en achetan t les vastes
terrains sis au delà des maréca grs , à l'extrém ité de la
ville neuve.
- Voulez-vous suggérer pal' là qlle j'ai vol6l'ar gent qui
les paya?
Bt il se dressa furi eux, oublian t ioute prudenc e. Un
désir fou de tomber sur son adversa ire et cie lui labour r
la figure de . cs ongles le posséda. D Lara était prêt. La
luLie fut courte et inégal '. Une second plus Lard, Dastabl c
gisait à terre, renversé SUI' le dos. L comte l'avait pris à
la gorge. Bastabl e avait une marque livid sous l'œil
gauche, f'L salèvre , fendu e, saignait . De Lara était frais
comme un e margu rit à l'aube.
- Je sais que vous avez volé l'argent , fiL-il avec douceur.
Vous aviez découv ert que BaLLer volait la Banque Amory
�LE SECRET DES SAD LES
71
et vous avez voulu être de moitié avec lui dans les bénéfices. C'ét ait ingénieux. J e puis prouver tout ce que je dis
là. L evez-vous, mainLenant , et, si vous essayez de sauter
encore sur moi, je vous easse le bras droit.
Bastable se remit sur ses pieds tout chancelant . J amais,
d ans sa vie aventureuse, pareille chose ne lui était arrivée.
C'éLait touj ours lui qui avait résisLé aux autres, et tout le
monde avai t plié devant lui. Ain si; il existait un homme
eap able de le baUre sur son propre t errain ? Cet te id ée lui
donnait à réiléchir.
Il concéda:
- Que r éclamez-vous?
- Pour moi, rien, déclara de Lara . Ent re p arenthèses,
vous ferez bien d'inventer une raison plausible à voLre
asp ec t ac Luel. J e viens de la part do la famille Bat t er, /
auj ourd'hui dans la misère. J e fais une souscripLion en sa
fa veur et j'ai l'imprudence de croire qu e vous inscrirez
vot re nom p our 100 li vr es . MainL enant, ne proLe st el.
pas. Vot re modestie se refu se , je p ense, à la pllblicité qu e
lui vaudrait un pareil don. Aussi, soyez tranquille, cher
monsieur, je m'arrangerai p our qu'il r este anonyme.
Bastable p âli t. Dorrièr e le sourire d l'h om me, il vit
luire dans ses yeux un regard dur comme l'acier. Péniblement , il tira de sa p oche un carn et de chèques et inscri vit,
Sur l'un d'eux , la somme demandée .
- Là , murmura -t-il. Vous voil à conten t, bandit 1
- J e vous r emercie, nt le comLe sans p araitre entendre
l'épithèt e désobligeante. J'espèr e vous voir quelquefois à
lu i\Iaison -R ouge . A propos, je donnerai votre nom comme
garan L du mien. Mes Litres vous ay ant p aru satisfai san ts .? ..
- Hors d'ici, mi sérable 1
De Lara euL un sourire plein d'onction.
- J e pars. Mais, lorsque je vois combien il es t facile de
réussir auprès de vous, je m'étonne de ma propre mod6r a Lion. Mais nous nous reL rouverons, Bas LabIe !
�72
LB SECRET DBS, SABLES
xx
hE PIRE
- Voilà uno délicate at tention, ou je ne m'y connais
pas, déclara de Villiers,
Dick, muet de stup eur, r egarda la table,
La salle à manger avait pris un air confortable et intime,
comme par un coup de baguette magique. On sc serait cru
transporté dans un conte des Mille et une Nuits.
- Mais Vloilà une retraite charmante, fit do Villiers
ravi.
Dick ouvrait des yeux démesurés,
- Il Y a un e heura, rien de tout cda n'existait! s'écriat- il.
- Une agréable surprise de la part de vos amis! suggéra le duc.
Mais la plaisanterie ne paruL point dérideI' le jeune
homme. Il regardait avec anxiété la tablo dressée devant
lui. Il s'hypnotisait sur les vins raros ct les cigares 'coû teux' Que aignillait touL cola ct qui en ôtait r esponsable?
Cette surpl'ise aimable ne lui était évidemment pas_.des-
tinée,
- J e n'y comprends rien, flt-il porplcX3. J usqu'à.:ce jour,
la Maison-Rouge était un refuge sûr, Personne ne v enaH
rôder autour de l'habitation. C'ost ù p oine si une douzaine
d'indi vidus de ShoremouLh oserait passer ici la nuiL tombée.
Bt mainLenant, l'on dirait une aubol'ge do touristes 1 Les
gens y vienn ent pique-niquer à illinuiL 1 Vous fer oz ce:qu'il
vous plaira, moi je ne veux pas être vu et ne r esterai pas
une seconde de plus.
- Votre escapade est donc si sérieuse? intorrogea de
Villiors surpri::.
- J e me cache do la justic'), avoua Dick, morne. On ;1
lancé un mandat d'arrêt conLro moi. J e ne me soucie guère
de le voir appliqué. J 'ai pris de l'argl1nL rpli ne m'apparLe-
�LB SECRET DES SABLES
73
nait pas,; bien entendu, je comptai p le restituer à temps,
san~
que personne s'en apcrçüt ... Tous les crimine'ls ne le
sont pas volontairement 1..
Amory pal'lait avec amertume ct désospoir. 11 commençait fi, se r endr~
compLe du sort qui l'attendait. Et pui.s
pourquoi tous ces gens v.::naient-ils l'l'nnuyar, pourquoi
envahissait-on ainsi la Maison-TIougo?
11 jeta un regard vers Lady Amory. Elle avait écouté
atten livement, et ses yeux étaient ploins de larmos.
- Mon pauvre garçon! dit-elle, mon pauYro p etit garçon! Vous auriez dû savoir que je vous aurais aidé si vous
étiez venu fi moi à temps. l\lais que puis-je maintenant. Si
seulement j'avais tout co que j'ai p erdu; si seulcmeul les
sables voulaient dire leur secret.
EUe se tut brusquement. Dick l'observait. avec élonnement. Elle semblait compre-ndre la situation, toucher du
doiglle danger. Seuls ses derniers mots révélaient la fêlur e.
- Que vous dire? intervint de Villiers. Je voudrais vous
venir en aide. Mais excusez mon égoïsme, je suis trempé
et voudrai.s blen mo changer...
•
Amory afHrma que c'était possible. Il av ail quelques
vêtements dans sa chambre. Cinq minutes .prr.s, le duc
reparaissait séché, ct amusé de son aventure. 11 ne parut
pas r emarquer l'inquiétude visible d'Amory.
- Asseyons- nous deyanl cct excellent souper, dit-il.
Peut-être n'a-t-il pas été prépart: pour nous, mais qu'importe? Nous pourrons toujours le payer, n'est-ce pas?
b'ailleurs, j'aimerais voir ...
Il s'anêta alors brusquemenL. Le sourire disparut de
Son visago, il serra les lèvres et ses yeux brillèrent. Une
simple bolte d'allumetLes en argenl venait d'attirer SOIl
attention. IlIa r egarda avec un rogard presque meurtrier.
Puis il se tourna vers la dy Amory. Ello hocha tristement
la tête.
- A la r éOexion, nous ferons mieux de partir, fil de
Villiers d'une voix changée. J e vais attendre mon auto. Je
vais expliquer l'affaire aux étrangers qui doivent dlner ici
et j p...
�LE SECRET DES SADLES
- J e n'en fer ais ri en à vot re place, dit Ronald d'une
Taçt,n signi!1cative.
D·' Villiers lui jeta un r egard interrogatuur ;
- Non? J e YOU S remercie de votre avertissement . .Mais
j e vous assure que je ne crain s absolument ri en. Quelqu'un
peu t -il me donner une boUc d'allumettes ordinaires?
Amory en tendit une ;
- Quand à moi, dit-il, vous m'excuserez, mais l'endroit
n'cs t pas sûr. A la place du duc, la pla isanterie me paraltrait en elTet excellente mais, pour moi...
D Villi ers serra les dC'n ts ;
- Il n'y a pas de pla isanterie, dit-il sévèr . Ou alors lIe
csl. plu l ôt sinis tre. Mais je sui s heureux de m'êtr e trouvé
ici. .. ::ii vous voulez bien me laisse r seul...
- Victor, vous ne fer ez p as ceLLe imprudence 1 cri <l
Lady Amory.
- ~:a chèr e, il n'y a aucun danger pour moi. J e tiens Il'
nm'l l d la sit ua ti on entre m es mains.
- Votr e imprudence est crimin elle, r ('lH'it Lady Am ory.
\ ous avez toujours été ainsi ? 1\lais je vous supplie de gar der avec vous a u moins un de ces m essieurs ...
A ce momt'nt, on entendit un bruit de p as au dehors et
la por le s'ouvl'iL toute gl'and e. Vera Amory se tenait sur
le seuil, très pfd , le vi sage agiLé ct la r espira Lion halC"
tan Le , comm ' si ellc a.vait couru très vi te.
Ses yeux étaieni pleins de terreur . Elle p oussa un sou '
pir de soulagt'men t en apcrcevanl la r ()uni on. R onald s'approcha d'elle et, tendl'ement, lui prit la main.
- Oh ! qu r lle joie de vous trouver! su l'fo qua - L- elle. J 'ai
rit. venir, il fallait absolmnent que je vous vO-ÎC! ct jt
n'osais me fier à p rl'sonne ...
- Que s'est-il passé ? inicrrogra R onald.
- Quelqu e chose de terrible.
Bil e r C'prcnait haleine, ct la couleur revenait peu il pctl
.\ ses joues.
- Diek, il s'ag it de pél" ...
- Que lui esi- il arrivé ?
li a li une attaque. Il me parlait tou t tranlluillemt'tlt,
�LE SECRET DES SABLES
75
quand il est tombé comme une masse. Ça a ét6 aITreux!
Il vous a demand é et semble désireux de vous voir de
suite pour une aITaire pressan te. Le docteur l'a trouvé à
moitié inconsc ient, prononçanL votre nom sans disconti nuer. On a télépho né à Shorem outh pour une nurse. Mais
il faut que vous venie7. sans retard.
Dick écoutai t avec un pauvre visage chaviré . Ce n'était
pas un méchan t garçon, ct, en dépit de tout son égoïsme,
il aimait son père. Cepend ant la pensée de se montre r dans
les circonst ances actuelle s l'inquié tait bien un peu. S'il se
montra it ou vertement à O\1ersan ds, on le citerait peut-êL re
le lendem ain à la banque et alors.. . CeLLe seule pensée
glaça son sang dans ses veines, ct il se mit à tremble r
violemm ent.
Ronalù observa it son hésitaLion avec impatie nce et
mépris.
- Nous irons tous, dit-il.
Ils prirent congé de de Villiers. Celu i -ci semblai t très
absorbé avec sa boîte d'allum ettes . Lady Amory s'approc lw
ùe lui et murmu ra quelque s mots il son oreille. De VilliC' rs
SOurit et hocha négati vemen Lla tête.
Lady Amory suivit alors trisLemenL son noveu.
- Pourqu oi tenez-v ous il rester caché, Dick?
Elle parlaiL d'un ton calme et parfaite ment précis. Dick
eut une lueur d'espoir .
- Ne vous l'ai-je point expliqu é, dit-il. ncstez un p eu
On arrière, que les autres ne nous entendenL pas. 'l'anle
"[aria, je traverse de cruels ennuis, pour avoir accomp li
Une mauvai se action dont je )'Tle l'opens. Si je ne me proCUl'
pas 300.000 francs cl'iéi quelquefl JOUI'S, la prison
l'n'atten d . EL je déshono re ma famiiie. Comproncz- vous?
- Fort bien, dit Lady Amory. C'esL aITreux!
- Ma petite tante, vous ne vous doutez pas :J. que)
PoinL je suis malheu reux. La honte de ma fauLe r etombe ra
SUr mon père et ma sœur qui devront quitter Shorcm
outh.
l'lIon père m'aider ait bien, mais il ne le pout pas. Je suis
~û r que son attaque a été amenée par de nouvea ux embarrus d'argen t. Ne pourriez.-vous pas nous sauver tous, tante?
�-
16
LE SECRET DES SABLES
Lady Amory porta sa main longue et blanche il sa poi~
trine toute élincelante de bijoux. Elle avait compri
l'allusion de Dick el tourna vers lui un visage plein d
larmes.
- Mon cher garçon, je le ferais avec joie si je 1" pou
vais. Pour l'amour de vous, je sacrifierais bien volontio
jusqu'à mon dernier centime. Mais comprenez une f(lis pou~
toules : je ne suis pas riche. Jo possède juste une petite
ronte et les meubles de mon cotag~
...
- Mais les diamants 1 Ilt Dick impalienté. Vos magnifiques bijoux. Vous portez sur vous loule une fortun e qui
nous remettrait tous à Ool.
- 11s sont faux 1 dil Lady Amory. Ils sont tous faux. Je.
les fis imiter aulrefois, lorsque les vraies perles étaient
encore en ma possession. J e voulais me garantir ainsi
conlre les voleurs. Mais les vraies pierres reposent au fond
des sables mouvanls .
- C'est impossible, fil Dick incrédule. Vous ne comprenez pas.
- Mon cher garçon, je ne comprends que trop bien,
observa Lady Amory. Tenez, ceci vous prouvera ce que
j'avance .
Elle arracha le prndcntif de diamants et d'émeraudes
qui scintillait Bur sa poitrine et le tendit au jeune homme.
- Prenez, dil-elle. Hegardez, il la lueur lunaire, les
pierres brillent comme des éloil<'s. Elles vaudraient dos
milliers de francs si elles étai.ent vraies. Mais elles sont
lausses. Essayez de lp$ venùre ct vous verrez ce qua vous
en oITrira un bijouti( l', Peut-êtro quelques centaines de
francs, car les imitations sont bonnes. Je sais que vous me
croyez Ioll , mais je suis au contrairu parfaitoment sensée
ce soil'. Essayez seulement. Et prenez tout ce qu'il YOUs
plaira dans mon colTrel il bijùux si cola doit yons convaincre.
Cqmmenl aurait-il pu
« Ell e estfoll'J 1 » songea Dick.
croire unI' histoire aussi invraisemblablf'?
Le bijou qu'il tenait dans sa main r, présentait IL' prix
d · Fa libcr l6. JI iI'ait à I ondrl'R ct 1 convertirait Cil
�,
LE SECRET DES SABLES
77
argent. Les quelque s milliers de franc qu'il en retirera it lui
permet traient d'affron ter le front haut le premier tapage
que susciter ait l'affaire Bowcn.
- Comme nt ce malheu r est-il arrivé? demand a Dick
dans le désir de flatter la manie de sa tante.
Lady Amory lui fit le recit que noue; connais sons. Dick
comme nçait à compf(' ndre l'intérè t du duc pour la MaisonRougI'. Ain~
sa tante avait imposé cette ridicule légende à
de Villiers! Après tout, mie-;}x valait ne point la contredire.
,
- Je suis désolé, dit-il, pour V011S autant que pour moL
Quel étrange s événem ents dans un lieu aussi tranqui lle.
Tant pis, il faudra tâcher de nous tirer de là le mieux
possibll'.
Lady Amory souria.
- Vous êtes un brave garçon, dit-elle . Tout n'est pas
('Dcore perdtl.
XXI
SUR LA PISTE
Sil' Horace reposai t dans son lit, indiffér ent à tout ce qui
l'entour ait. Il sembla it avoir vieilli tout à coup de plusieurs années. De mauvai ses nouvell es avaient dù l'atteindre. Cepend ant, au commen cement de la soirée, il avait
Paru il Vera plus gai que d'habilu de.
11 repouss a viveme nt l'offre d'un méd('cin el d'uno nurse.
l! murmu rail des mols incohér nts. Seul, le nom de son fils
l'evenai ldansso n monolo gue. Aussi, lorsque le jeune homme
nl son enlrée, le docLeur poussa nn soupir de soulage ment.
- Voilà une heureus e chance 1 dil- il. Votro père ...
h Dne sorle de grognem ont parlit du lit. Le docleur se
âla vers la porto.
- Votr présonco f ra le plus grand bien il. Sir HoracE'.
li Il. un secrel sur l'eilprit donL il Sera heureux de 50 décharger à. volre proflt. J(' suis sûr qu'il dormira paisible ment
enSUite. C'est lout ce 'lu'il nous faut.
\
�78
LE SECRET DEe SABLES
Dick se tenait auprès du lit, un p eu honteux. Comment
supposer que cette pauvre ruine était son père? Celui-ci
eut un regard plus vif à la vue de son fils.
- J e suis heureux de vous voir, Dick. Vous êtes un
gentil enfant d'être accouru aussi vite. Cherchez mes clefs,
voulez-vous? Elles sont dans la poche de mon pantalon.
Dick obéit, et Sir Horace eut un sO\1rire de satisfaction.
- Cette peULe clef, reprit Sir Horace, est celle de Illon
coffre-fort. Dans le tiroir de gauche, au fond ... le reçu de
John Kennedy ... L'ai payé ... était un faux ...
11 répéta le dernier mot une vingtaine do fois comme
pour l'imprimer dans la cûrvelle du jeune homme.
- Gardez-le, r eprit-il ... peut être utile ... Cc coquin de
BasLable .. _
Sir Horace venait de s'évanouir; ses yeux s'étaient frrmés, et son visage était pâle oomme la mort. Ef1'rayé, Dick
appela le dooLeur. A son grand soulagtlmenL, l'homme de
science ne parut pas inquiet :
- Non, il n'est pas mort, dit-il. C'est la réac Lion. J e ne
voudrais pas être indiscret ... Sir Horace vous a-t-il dit cc
qu'il désirait vous dirc?
- J c crois. l!]n tous cas, il semblai t satisfait de sa confidcnce.
- Elle l'a soulagéé toujours. J'eSpbl'e qu'une nuiL
de repos lui fera du bien. Cependant on ne peut jamHiS
dire. Comme il, a un:) bonn nUl'sr, je revi ndrni demain
matin.
Les autres membres de la famillo attendaient, anxiouJ(,
clans le salon. Les événements de la soirée avaient aITccté
péniblement Lady Amory ; assise dans un faulmlil, clIo
regardait un point du mur d'un air absent. Vera l'obser"
vait avec inquiétude. Lorsque la j('une fille lui parla de
monter se coucher, Lady Amol'y se leva , obéissante, ct
quitta la salle sans salupr Ronald.
- Peut-on imaginer une maison pareille? demando
'fera. La description dans un roman en po.raHrait cxces"
sin.
�LE SECRET DES SABLES
79
- La vie est plus mouvementée que le roman, affirma
Ronald. Sir Horace est-il très mal?
- Je crois son trouble plus moral que physique. Jamais
je ne l'avais vu plus gai que ce soir. Cependant, depuis
quelqGe temps, les choses vont mal pour lui: nous avons
même songé à quüter la maison. Et puis, brusquement, ce
soir, la gaieté sans raison, au dîner. Je le laisse à table
fumer son cigare avec notre hôte. Et, lorsqu'ils r entr nt
au salon, je remarque instantanément le changem nL.
Cependant mon père n'avait, r eçu aucune visite et pas la
moindre lettre. Est-ce une confidence du duc de Villiers? .
Sans doute. Vous ne savez rien, Ronald?
Le jeune homme eut lm sourire heureux en entendant
son nom dans la bouche de son amie. Mais' il se devait do
lui faire part de ses soupçons:
- Je crains, dit-il, que mon père ne soit au fond do
tous ces nnuis. Je n'ignore pas son aversion pour votre
père. Il s'est mis en tète d'acheter le t errain situé au delà
de la rivière. Votre père s'y refuse. Et, voyez-vous, Vera,
je ne puis admettre certains procédés qui, sous le nom
d'aITaires ...
- J e vous comprends, interrompit la jeune fllle. Vous
êtes l'honnûteté même. Mais, croyez-moi, nous n'avons rien
à nous envier. Si vous avez à rougir de votre pèrC', moi,
de mon côté, j'ai mon frère ...
Ronald prit la main de Vera et la s rra tendrement.
- Nous avons chacun nolre faix à porter. C'est un lien
de plus entre nous.
- J 'espère que votre orgueil ne sc meUra pas en travers de notre ... amitié, fil -elle d'une voix tremblante.
Qu'importe ce que diront les gens. Et puis vous ôtes un
Amor,)' pal' votre mère, vous ôtes du même sang que
nou s.
Blle lui souriait doucement, loule son âme réfugiée dans
s('s yeux d'un aveu inconscient.
La pièce était silencieuse. Les lampes laissai ent tomber
une lumière douce. Ronald, obéissant à une impulsion
il'résislible, miL sa main sur l'épaulo de Vera ell'altira il
�80
LE SECRET DES SABLES
lui. Il vit ses joues s'empourprer et srnlit la presion de
sa main dans la sienne.
- Nous nous comprenons, dites, chérie.
- Oui, fit-elle d'une voix bassr, si basse que Ronald
l' ntendit à peine. L01'fique je vous ai revu après touttlS
ces années, il m'a semblé que nous ne nous étions jamais
quitL&s. SeulemenL, YOUS êLes devenu plus orgueilleux,
Ronald.
- Je le suis en ce momenl, diL-il galamment.
EL ses lèvres touchèrent les siennes .. .
Ils parlaient à mi-voix en se pTenantles mains, lorsque
Dick entra dans la pièce.
Vera l'interrogea d'un regard anxieux.
- Comment va père?
- Il s'endort, expliqua le jeune homme. Le docteur
affirme qu'il ira mieux demain. La nurse est oxcellente, on
peut se reposer de tout sur elIr, ct vous n'avez rien de
mieux il faire que d'aller vous coucher.
V ~ra
pousso. un soupü' de sOlùagement. Par réaction,
elle sentit alOI';; toute sa fatigue. La journée avait éLé dure,
mais la soirée lui avaiL apporté un si grand bonheur! ...
- Oui, j'ai besoin de repos. Bonsoir, Romlld très cher .
El elle Ini tendit sa joue.
Dick les regarda a \'ec stupéfaction.
- Ohl ... dit-il, lorsque la porte se Cut refermée. Vous
pourriez prévenir ... Je n'ai rien à dire à cela.'.. Personnellement, j'en suis même heureux. Vous êLes unhon garçon,
ROl,ald,'et mon meilleur ami. Vous êLes de plus un parent
du côté maternel. Seulemûnt, mon père refusera son consonLement.
.
- Ne nous en occupons pas oncore, dit le jeune homme
en sourian!.. CommenL vo. Sil' IlÛ'race?
- Pas bien. Son aspect m'a LcrriOé. Un gros Lracas le
tourmente. JI croit m'en a voir fait part. Mais je n'y ai pas
compris gran(1 chose. 11 s'agit d'un reçu par lui donné au
vieux Kennedy. Il Il dû le régler l:cpl'ndalli, car j'ai compris qu'i1l'u\':liL mo.inlenanL dn/ls son ('olTre-fort. 'l'oujours,
il me l'a alllrmé en me donnant les clefs.
�LE SECBET DES SABLES
81
- Je serai franc avec VOUS, Dick, voilà cc que je sais.
110n père veul forcer Sir IIorace, qu'il déleste, à lui
vendre, pour en faire des lerrains de golf, les terrains sHués
de l'autre cô~é
de la rivière. J'ai averti votre père de ce
qui se tramait. Il savait qu'il lui fallait trouver de l'argent
au plus tôt et il l'a trouvé.
- Mais, il a parlé d'un faux, affirma Dicl\:.
Le visage de Ronald devint forl pâle. Une frayeur soudaine lui pinça le cœur.
- Voulait-il dire que le chOque était un faux?
- J'ai cru le comprendre. Mais cela ne fait que compliquer l'affaire. Pourquoi mon père serait-il assez sot pOUl'
payer 500.000 francs un chèque faux? Plus j'y songe, plus
cela me par{lU embrouillé. On dirait qu'une atmosphère
de mystère nous entoure. Quels sont les inconnus de la
Maison-Rouge? En quoi sont-ils apparentés à ma tante?
Que signifient ces allumettes en forme de poignard?
Pourquoi Lady Amory me dit-elle que ses bijoux sont
faux et que les vrais r posent au fond des sables mouvants? ... En vérilé, voilà de quoi vous meUre la cervelle en
l'envers 7...
Mais Honald ne l'écoutait gnèl'e. Son esprit travaillait
sur la révélation de Dick concernant le reçu du vieux Kennedy. Élait-ce ré~lemnt
un faux? Sil' Horace avait plutôt les esprits troublés. Cc n'esl pas impunémenl qu'on vit
en contact perpéluel avec une folle comme Lady Amory.
- y comprenez vous quelque chose? interrogea Dick
nvec brllsrJucrie.
-- Pas pOUl' l'inslant . .Mon père éclaircir'll. r·eut- être l'aIfaire. Irez-vous il. la banque, demain?
Amory inclina la tête d'un ail' pensif.
- Ille faut. Tout le monde saura d'ici quelque:; heures
ma présence au ehâleau. J'irai à Lo:} Ird:> dall'l 'après
midi pour affaires et serai de retour 10 lendemain
malin.
Ronald jeta lin coup d'œil à l'horloge. 11 6tait plus de
minuit, cl il sc sentiL fo.tigué. Il prit congé de Dick
Sur la roulr, à un carrefour, il aperçul une silhouel te
�82
LE SECRET DES SABLES
se hâtant vers la ville. La démarche de l'homme lui parut
r~mèe.
Il hâta le pas et lell't'joignit.
- Inspecteur Kile 1 appela-t-il.
Kite retourna la tête eL roconnut Ronald.
- Lui-même, monsieur. Amusant de vous rencontrt'r
ainsi. Il est vrai que vous demeurez près d'ici.
- Vous venez pour afl'aircs?
- Oui, dit IULe, une alTaire dans laquelle vous êtes
intéressé. Je viem; d'arrêter l'homme qu'on accuse d'avoir
assassiné Bowen. 11 se nomme Henri de J .ara.
CHAPITRE XXll
UN DOCUMENT BIZARRE
Dick Amory se réveilla le lendemain matin à la triste
réalité de sa situation. 11 ne ressentait aucun remord, mais
une inquiétude très grande. Comment tout cela finirait-il?
Très optimiste, il doutaiL fort de l'affirmation de Lady
Amory concernant ses bijoux et il voy aiL là un espoir de
salut.
La pauvro femme ôtait folle cl ne savait ce qu'dIe disait.
C'était par une aberration de son esprit qu'eUe croyait à
la perte de ses vrais diamants; elle se trompait; Dick n'en
doutait pas.
Le jeune homme s'approcha dr la fen ~tre
de son cabinet
de toilette pour examiner Je Lijou que sa tanLe lui avait
donnô. 11 était mauvais juge, étanL peu connaissrur, mais
il se flatait ceprnda~
de reconnaîlre le vrai du faux. 01'
les diamanLs ct les émeraudes se,intillaient comme des
(Istres. Lady Amol'y confondait. 11 6tai L impossible que
ces joyaux ne fussent pas véritables.
Cependant, l'histoire de sa LanL(' lui avait paru Yl'~em
blablc. EL puis elle avait un tcl a cent de vériLé ... "Mais
Dick yoului !>pérer malgré tout. 11 iraiL à Londrc6 cL
vondrai le bijou pour une grosse somme d'arg nt.
JI dN)f' C'THlit, done déjeuner dans un éLat d' spriL Qxcelleni'
�LE SECRET DES SABLES
sa
Vera étail déjà à table.
- Comment va le père? s'enquit le jeune homme d'un
ton insouciant.
- Beaucoup mieux, parait-il. La nurse préfère qu'on
n'enlre pas chez lui. 11 r epose.
- Bah 1 il guérira, nt Dick gaiement. Je suis plus à
plaindre que lui 1
- CommenL pouvez-vous (lire cela? diL Vera d'un ton
de reproche. N'avez-vous donc pas honte?
Dick reprit du jambon.
- Bah! Ne vous illi'IUiétez pas. Le père s'en sortira
moi aussi. Tenez, servez-moi une lasse de thé. Je me considère comme Liré d'aLTaires.
En dépit le son anxiété, Vera ne put réprimer lill
sourire.
- Toujours le mème. Toujous faisant des soUises et
espérant en éviter les conséquencrs. Comment pouvez-vous
ètre Liré d'allaire d('pui~
hic!'?
- J'ai eu de la chanc , voilà Lout. Mais ne me questionnez pas, Vera .• 'oyez ·tI'anquillc, je n'amûnerai pas la
disgrâce sur ma famille. D'ailleurs, si j'en juge d'ap.l'ès cc
que j'ai vu hier soir, vous sere? l'icllC d'ici peu.
Les joues de la jeune fille s'empourprèrenL.
- Vous failes allusion à Ronald Basiable?
- Darne! Mais que dira le père lorsqu'il saura que VOlLS
voulez épouser le fils de son aneien régisseur? Bas table
qui, sous un nom d'emprunt, esL l'un (les pl.JS grands usuriors de Londrcs. Commcllt je le sais? Pour avoir été
happé dans sps g)' iIT s.
Vera 6coilLniL Lrès calme. De JOReph Bastablc, rien ne
pouvaiL l'6Lonner. Elle avaiL suppos61e pire. Le père de
Honald élail cn dehors de la quesLion. Elle aimait Ronald
ct elle 1'6pOUSlJ'HiL.
Dick se sentil, beaucoup moins Ocr lorsqu'i l lui fallut so
montrer dans les rues de Shorcrnoulh. Plusieurs connaissances l'aecosl aienl, d(>sireuscs d'avoir des nouvolles de
Air Horace. De vieux eumaradi's vrnaicnt s'enquérir des
GUIISlS de (;on ahsence. Plusieurs hisLoires avaienL circulé
�LE SECRET DES SABLES
mêlant Dick au « Mystère du coITre-fort ». Il se senLait
tie plus en plus inconfortable à mesure qu'il approchait de
la banque. Le caissier, en rappOl't dC'puis plusieurs années
avec la famille Amory, l'accueillit froid ement.
- Que puis-j e pour vous, MI' . Richal'd?
- Soyez sans inquiétude, P",mberton, fit Diek d'un ton
léger. Je ne viens pas cambrioler la caisse. J e viens de la
- part de mon père prendre un papier dans son coITre-forL
Vous n'y voyez pas d'objection, j'imagin e?
- Certes non, fit le brave homme un peu rassuré.
Di<.>kle suivit dans la pièce des coITres-forts et, ayant
ouv rt CE'lui de san père, en tira un papier bleu qu'il examina curieusement. C'était l'acceptation 500.000 francs et
faveur de John Kennedy et dûment paraphée de La signature des banqui l's. Qu'avait voulu dire Sir Horace. Le
r eçu n'avait rien d'un faux? Et puis, pourquoi Sir Horace
se seraÎt-il délesté de cette somme énorme en faveur d'un
faux?
Dkk toul'naiL ct retournait le papier dans sa main.
Soudain, son expression de surprise fit place à un sourire.
Le l'ecu était daté de six mois auparavant. Et, commo
ses yeux tombaient sur le timbre, il eut un sifflement
qui en disait long.
Dix minutes plus lard, il se présenlait à la banque
rivale et sol1iciLail un en Lretien de quelques minuL s avec
M. llasLable.
Bastable, calé dans un grand faut euil de cuir, je r oçut
avec un sourire sarcaslifJue sur son visage gras.
- Voilà un plaisir inattendu, dit-il. Que désire7.-VOus
de moi? Désir z-vous me citer comme témoin il décharge
lors de voLre prochaine comparution à la barre d s
accusés?
Dirk méprisa le gl'ossier sarcasme. En temps ordinaire
tremblait devant j'homme. Mais l'arme qu'il dét nait
lui donnait du courage.
- J e n'y song ais !,'1.Iùrr, dit-il avec calme. Non, si je
vous cHais comme témoin, se serail plutôt dans l'aITaire
D lapulE'.
�LB saCRET' DES SAnLItS
811l
Le visage de· Bastable s'fIsSOmbfit.
- Que signifie? interrogea-t-il avec hauteur.
- Vous. le. devinez,. jc.pense. J e' vous ai dém<asqué. Bastable. Dire que vous ne faites qu'un avec l'usur,ieX"
noioirl.. . Qui I:eût cru'? ImagiMr que 10 mairu de Shore ffiDuth prêle de l'argen t. à cent pour PfllJf. cenl' 1 Qui osera;
vous adresser la parole après ce tic' révélation?
Les veines du fron t de Baslable se. g"Onflèl'0fit ; s,vn visage
s'emp ourpra; il esquissa un mouvement d'attaque Ve1'S.
Dir.k. Mais·le jeune homme sourit.
- Non , pas de ça. Vous suriez 10 premier à' vOus,en
rep entir. Il est heuréux que vous ayez un fils- Gomme
Ronald. Sans lui, cette histoir.e couurait déjà, 811oremoulh.
Baslable r etomba sur son fauteuil. Il ne fallait rien
brusquer.
- Vous t enez à ce que je vous poursuivre en diffa·
mati on?
Diek sc mit à rire.
- J 'y comp le . Rien ne me fer ait plus plaisir. J e puis
prouver tout ce que j'avance. Vous ,m'avez ruiné, vous .me
payer0z ça. Et ce n'esi pas tout 1
- Voyons, qu'y a - t-il de plus? .. .
- J e vais vous le dire. Sur la r equêt e. de mon pérot je
vi ens d'examinor ses papiers. J'ai trouvé le chèque de
500.000 francs, fait par mon père en faveur de Keoo'edy.
Or, il m'a paru étrange que Sir Horace eut à payer un
chèque accepté il y a six mois, alors qutl'lll timbre r emont e
à six somaincs seulement.
Bastable bondiL. Un cri de stllp OUl' s'échappa de' ses
lèvres. Fou de d'o ull3ur, il ne se possédait plus.
J ohn Tur k l ri a-l-il, l'in 'M eile 1... s i je le tenais, ..
Il s'arrêla aussitô t , calmé. Quelle foli e le prenait? Et
ce sot d'Amory qui l'observait avec un sourire amusé 1 Il.
se domina de toutes srs forces, se contraignit même à
sourire. L'effort lui fit bourdonner le sang aux oreilles_
- Puis- je examiner ce r eçu? demanda-t-il.
- J no crois pas, dit 10 joune homme, très calme.
�86
LE SECRET DES SABLES
Peut-être, après tout, me suis- je trompé, mais je ne pense
pas.
- Si je pouvais vous venir en aide, souffla le vieil
homme.
- Merci, Bastable. Mes affaires sont en excellent état.
Et, si jamais j'ai besoin d'argent, je pourrais toujours
recourir aux bons offices de Delapole.
Sur cc mot cinglant, Dick quiLLa le bureau de sa victime .
Jamais il ne s'était senti anssi content de lui.
Comme il prenait la rue principale, il aperçut de petits
groupes de gens discutant avec animation.
- Qu'y a-t-il? demanda-t-il intrigué.
- On a trouvé il. la Maison -Rouge le corps d'un inconnu
Un meurtre, croit-on. On ignore les détails.
XXIII
UNE LONGUE VEILLE
Ronald avait escompté une bonne nuit de sommeil, car
il était fatigué depuis quelque temps. Mais, maintenant, il
n'y songeait plus. 11 se sentiL de nouveau lucide et lrès
éveillé. Un sourire se joua sur srs lèvres; Ronald avait
une lhéorie il. lui sur le meurle de Bowen, mais il se garda
d'on laire part pour l'instant il. l'inspecteur Kito.
- Vous croyez que Lara est mèlé il. ceLLe histoiro?
- J' n suis même sûr, répliqua KiLe. Nous observons
ce prétendu comte ct .puis quelque temps. La police
italienne avait attiré nos yeux sur lui. 11 est originaire
de Sicile et appartient même à une bonne famille.
li est impliqué déjà dans plus d'un meurtrc, mais,
en Sicile, parait-il, cela ne tire guère à conséqucnce.
Cependant. comme l'influ nec do son parti a faibli dans le
pays, il s'est vu forcé de prendre la fuite. C'est en
Angleterre qu'il s'csl réfugié. 11 dépense énormément
J'argent ct n'est pas SCl'Upl1 leuxquant aux moyens d se le
l,rOC11I'd'. Nous le supposons mêlé depuis quelque temps à
�LE SECRET DES SABLES
87
p lusieurs histoires louches. Malheureusement, nous manquons de preuves décisives.
- Comment a vez-vous su qu'il était mêlé à l'affaire
Bowen?
- Par le plus pur des hasards, expliqqa KiLe. Il faut
t oujours que les criminels sc trahissent par une imprud enco imp ardonnable. Celui qui nous intéresse es Lla vicLi me de son amour pour les bij oux.
R onald souri t. Jll'a vait r emarqué.
- En erret , il por te une Lrès belle bague marquise de
diamant s et rubi s, dit-il.
- Précisément . Est -ce drôle que ce t homme se fasse
pincer p our n'avoir su r ésisLer au plaisir de porLer un e
bague de prix? L'indi vidu que l'on vit en dernier dans les
bureaux de Bowen portait cette bague. Le déLail$ est cité
dans les journaux, ct cependanL de L ar a n'en tient poinL
comp te . On le r eLrouve clans un r es LauranL élégant de
West End av c Ia même bague. Bien entendu , on garde un
œil sur lui, on faiL une enquêLe ct l'on découvre que cet.
JlO mme es L descendu ici dans un bon hôtel avec un nommé
Sexton.
- A - t -on r elevé une charge quelconque conLre son
comp agnon ?
- P as encore, m ai::; , lorsqu'on fréqu nte un homme
(' omm e de L ara ...
- Oui, évidemment . En t ouL ca5 , vous n'allez rien
Lenter c soir ?
- P ourquoi p as? II m'esL arri vé d'arrêter plus d'ull
(' j'iminel dan" son liL . C'esL m 0me le meilleur m oyen de
s urprendre cc genro de coupables , SeulemenL , il me fauù!'a iL réveiller les gens de l' hôLei.
'- Ce sora inu Lilo: Il y a bal ce soir au club, eL je ne
serais pas éLonné que de Lara sc so il arrangé pOUl' avoir
une in viLation .
.- Vous le connaissez ?
- Un peu, dit R onald en souriant. Il es L membr e ÙI;.
m~
m e <:lub que moi ; Sexton a ussi d'ailleuril. Cc dern oir
somble sou ffra n t. Il ser ail ici pour sa santé. Do Lara pré-
�83
LE SBCRET DES SABLES
tend qu'il fait des expériences scienWlques, il parle de
construire un aéroplane et a loué dans ce but la hl ai.sonRouge.
- Je sais, dit Kite. J'en viens justement. Mais je n'ai
tr{)uvé personne. La maison était plongée dans une obscurité complète. C'est pourquoi je vais à l'hôtel.
Ronald écoulait avec surprise. Une heure à pejne auparavant, il availlaissé de Villiers à la Maison-Rouge, prêt
à partager son souper avec le premier venu. La pièce
était brillamment éclairée.
- Étes-vous entré dans la maison? demanda le jeune
homme.
- J'ai ouvert la porLe d'entrée, expliqua Kite: tout
était noir. Comme je n'avais pas d'allumettes en poche, j'ai
renoncé à poursuivre mes recherches. J'irai e4 plorer dès
demain matin. Voulez-vous m'accompagno!' à l'hôtel?
Ronald consentit volontiers. Sa curiosité était éveillée.
- Arrêterez-vous aussi Sexton?
- Peut-être, nt l'autre sans se compromel.Lre.
Les portûs de nôtel étaient grandes ouvertes, et l'antichambre, brillamment éclairée. Kite nt appeler le propriétaire et murmura quolques mots à son oreille.
- J'espère qu'il n'y a rien de gravo, fit oelui-ci inquiet,
en tournant et reLournant la carLe do l'inspecteur. En tous
cas, le comte de Lara n'est point il l'hôtel.
KiLo se mit en devoir de rassuror le brave homme. Il
vonait enquêter, en amateur, l'ion de plus.
- Si le oomte rentre, dit-il, vous voudrez bien cependant ne point le provenir de ma visiLe. M. Scxton, l'ami
du comte, ao trouve-toi! en ce moment à l'hôtel?
Oui; non soulement M. SexLon éLait il l'hôtol, mais
encoro il attendait le retour do son ami dans son salon
particulior. M. Sexton souffrait des norfs, et les pr6toxtos
les plus frivoles ôtaient cause qu'il s'enfermait des heures
tout seul.
Kile ôcbang a un regard avec n'yuald. Voilà qui allait
des mieu." .
�LE SECRET DES SAaLES
&9.
- J'aimerais dire un mot ou deux à M. Sexton, dit-il,
aITable. Voudriez-vous nous conduire chez lui? Inutile
de nous annoncer.
Sexton était enfoui dans un profond fauteuil en train
de lire, lorsqtle ces visiteurs inattendus fir ent leur entrée.
Ses yeux papilIutèrent derrière leurs lunettes., son visage
devint livide de terreur. On eût dit un rat pris au
piège .
- Que ... que signifie? .. balbutia-t-il.
11 tremblait des pieds à la têt.e.
- Nous avons pris la liber Lé de monLer chez vous. Vous
nous excuserez sans doute lorsque vous saurez que mon
nom est celui de l'inspecteur Kite, de Scoiland Yard.
Anéan ti, Sexton tomba assis sur une chaise. II faisait pitié.
- En quoi cela me concerne-t-il? Je ... j.e m'appelle ...
Soxton et...
Il étranglait.
- J e le sais, reprit Kito. Aussi, pour vous. éviter des
ennuis, je vous demanderai d'avoir conOance en moi. Vous
êtes l'ami du comte de Lara qui nous inspire quelques
soupçons. A dire vIai, nous venons l'arrêter.
1 fil le petit homme. Et pourquoi?
- ~e.ignur
- On le soupçonne d'être mêlé à la disparition de
M. Bowen, l'avoué, peut-êtro m ême de l'avoir M?assiné.
Sexton, à cette révélation, cessa de trembler, et une
ombre de sourire s'esquissa Sill' ses lèvres. L'idée lui parut
mêmc si drÔlo qu'il laissa échapper un peLit rire bref.
Mais, comme los autres le r egardaient attentivoment, il
repriL sa gravité.
- Jo vous domande pardon, messieurs, mais, vraimenL,
la choso st si comique ... Le comte mêlé à cotte his,
Loire? ... Voilà qui va l'amuser l
- 'fant mieux, diL KiLe. Mais ce ne sOl'a pas pour long lemps. Et, même, je crains que nous no soyons forcés de
vous considérer comme son complice el de vous arrêtor
<'II même t emps.
Soxtoll, à ces paroles, fut repris d'un Lremblement de
torrour.
�90
LE SECRET DES SABLES
- Ce n'est pas une plaisanterie alors? balbuLia-t-il. Mais
le comte n'esL pas là. Il est à. la Maison-Rouge. Il y doit
faire des expériences ... Je vous accompagnerai pour vous
prouver combien votre erreur est grande en me croyant
complice d'un criminel.
EL il chercha, d'un air aiTuiré ct imp ortant, son chapeau
ct son pardessus. Il semblait fort excité et parla presque
sans discontinuer Lout le long du chemin. li se calma à
l'approche de la Maison-Rouge. D'une des fenêtres du rezde-chaussée Hltrait uno ligne lumineuse, et des voix se firent
enLendre à leur approche . Il s'arrêta visiblement mal à
l'aise.
- Peut-être vaudrait-il mieux que j'enLre le premier
pour préparer le comLe? demanda-t-il.
- Impossible, dit l'inspecLeur d'une voix brève.
SexLon se miL à trembler de nouveau, ct on enLendit
claquer ses dents.
Les voix venanL de l'intérieur de la maison se faisaient
de plus en plus forLes, comme s'il s'agissait d'une querelle.
Puis vinrenL un cri ct un juron, le bruit d'un coup, un
autre cri perçant 0~ :>resque immédiaLement la lumière
s'éLeigniL. Une silhoueLte sc profila, sur le cid gris, à
J'angle de la maisoll. Elle disparut vers les dunes.
- ViLe, à sa poursuite 1 cria Kite. 11 va nous échapper 1...
- Vaudrait mieux fouiller la maison, dit Ronald plus
calme. Il faiL nuit noire, ct le fugitif doiL déjà être loin ...
Il froUa une allume1.Le tout en parlant cL enlra dans la
salle il. manger. La lampe avaiL été renversée, mais il y
a vail doux cancl61abres allumés sur la cheminée.
A Lerre gisail une forme inanimée.
�LE SECRET DES SABLES
91
XXIV
ARRÊTÉ
Sexton trembla de Lous ses membres et montra un désir
anxieux de s'éloigner au plus tôt. Mais KiLe fixa sur lui
un œi l glacé, et il changea d'idée. Ronald releva la lamp e
eL l'alluma. La lumièrQ éclaira tous les coins de la pièce.
On avait à peine touché au souper. Les assiettes étaient
encore propres, eLl'argenterie, inLacte. Seuls, quelques verres
brisés et une boîte d'allumeLtes répandues à terre.
Devant la cheminée, le corps inanimé, les bras collés au
côté. Une dague d'acier était plongée jusqu'au cœur dans
la poitrine de l'infortuné. Au-dessous, cinq allumettes disposées en forme de poignard. Ronald se rappela avoir déjà
vu le signe auparavanL.
- Voici l'homme que vous cherchiez, murmura-t-il.
Kite regarda froidement le visage du mort.
- Je suis forcé de vous croire sur parole, dit-il. J e
n'a vais jamais vu l'individu auparavant. Mais il porto la
môme bagu .
Et il désigna la main de de Lara à laquelle brillait une
marquise de diamants. Sexton poussa un grognement en
détournanL la tête. Ronald pointa son doigt vers les allumeHes disposées si ' curieusement sur la poitrine de
l'homme.
- Cela vous diL quelque chose? demanda-L-il.
- ÉLrange, dit KiLe. Il s'agit là du signe d'une affiliation secrèLe. On vo.iL cela clans les romans-f uilletons.
Ingénieux, d'ailleurs. Les allumoUes ne coûLentrien, on s'en
procuro parLout, et cola n'attire guère l'aLlention.
- Mais l'aI'rang ment en esL bien bizarre.
- Oui. C'est sans cloute le signe que la SociéLé secrète
a a compli son œuvre. On reproduit le fait dans les journaux ct Lous les menbres sont averLis. Cela évite les lettres
danger.()uscs.
�92
L.E S'BeliEr D ES SAInES
Vous cr oyez que ceci est l'œuvre d' une société
s ecrèt e?
- J'en suis sûr. J e puis mème vous dire son nom. C'est
la section r ouge d es chevaliers d'Anl,onia d e Sicile. Il y a
deux sect ions: la rouge et la bl eue. Elle cherchent à se
détruire mutuellem ent. Cela éviLe du mal à la police. J 'ai
étudié b fonc tionnement d e cette société , il y a quelques
années. Il cst très curieuX'. Dv Lara était un tra îtr e à sa
secLion. Il p or te sur sa p oitrine le signe du parjur .
- C'es t lout un r oman 1 s'ex clam a Bonald.
- C'en es L un. Co signe est vraiment ingéni eux. On p euL
le disp oser partout sans avoir l'air de rien, fût- ce au
milieu d'un d iner sur la napp e. On a l'a ir d e j ouer a vec
d es p eLits bouts d e bois ... Mais n011S p er dons notre t emp s .
- L es criminels ne doivent pas ètre loin, suggéI'a
Honald .
- Suffisamment p 01!!r qu'on ne puisse pas les attaquer.
En général, nousne les pl' ' nons j a mais. Peu nous importc ,
d 'ailleurs, d es cOf{uins comm e do L ar a fon t aussi bien de
disp araît re . .
Il se p ench a sur la form o inanimée et fouilla IfS poches .
Il en sortit une bourse avec un p eu d'a rgent, un porte feuille vide, un paquet d e leUres qui consisLaioot pour la
plupart en facLuras non acquittées, demandes d'argont, et
un chèque fI'oissé. Kîte haussa les sourcils en lisan t la
signa Lure et 10 t endit à P.on ald .
- L o comLe n'a p oint J'air d'un éLraw'ul' ici, dit- il.
Voudriez-vous avoir la bonLé do me diI'e qui a liré c,}
chèque, M. Bastable?
110na ld ouvriL la bouche tou to grande :
- :Mais c'est m on p i:J" 1 Un chèque d e 100 livres !
Quelle choso xlr aor ùinair c 1
Kitc se tourna à un cri do Sf'x ton.
- Veus av oz qu oIque chollc à dir0? d emand a- L-i l polim l'nt.
- Non ... L a surpri se ... j e c1'uya is q uI' JI' com t" n'avail
plus d 'arg n l ...
- L e enm le- était un de vos amis?
�LE SECllET DES SABLES
93
- Je le connais depuis des années.
- P ul-l1lre alors pourrez- vous nous expliquer comment
il pOEsède un chèque au nom de M. Bastable ... c.t à moins
que ce ne soit un faux ...
- Ce n'est pas un faux, s'écria Sexton avec fureur. J'en
suis c l'Lain. Quant au rest0, je ne sais rien. De Lara
avait cn effet afCaire avec :"1. Bastabll', il me l'avait
dit.
Ronald écoulait, mal convaincu. Son père jettcraitil quelque éclaircissem nt sur ce mystère? Celte idée le
rrndait inquiet.
Kitr, pendant ce temps, examinait les lettres saisies
dans la p che du mort . 11 paraissait fort intéressé.
- J'ai encore quelques quesLions à vous poser, dit-il en
sc lournant vers Sexton. Je vous ai dit pou-rquoi je venais
arrôter le comLe. A cause de la disparition ùe Bowen.
Maintenant voulez-vous bien jeter un coup d'œil sur cc
lélégramme. Je crois qu'il vient de vous.
S xLon prit Je papier d'un main tremblante. Il regarda
Kite d'un air soupçonneux. Quel était ce piège?
Le télégramme était brd ;
« 2rlercredi 1 heure 15 exactement. Tous deux sortis.
Sexton. ))
- Vous rapelcz-~ous
avoir envoyé ce télégramme?
demanda Kite.
Srxton pâlit, maudissant l'insouciance de son compagnon d6funt.
Nier no servirait à r1(,11.
- J'ai dû l'envoyer ... j'oubIir ... quelque affaire insignifiante ...
- ÉviùC'mmenL lIIais, voy z-vous, c'rst un mercredi
que Bow n disparut de son bureau, vors une heure d
quart al J'S quo les deux clercs éLaicnL sorLis. J'ai pcuLêLre Lort, mais c'est ainsi. que j'int rprèLe le m('ssagc.
C'est p. uL-ùlre une simple coïncidrnce, mais cola me
donne 1 droit Je vous arrêter, sous inculpation ùe comPliciLé au meurLr .
flexion souriL, ei 10 même rire qui lui avait échappé
�LE SECRET DES SABLES
quelques heures auparavant, dans le salon, le secoua de
nouveau.
Mais il reprit bien vite son sérieux
- Vous vous trompez, monsieur, rien ne dit que Bowen
soit morL. Ce télégramme es Lune simple coincidence.
Mais l'inspecteur écoutait d'une oroille distraite. Il
parcourait les lettres. Un sourire se jeua sur !>9S lèvres.
- Inutile, monsieur. Plus j'examine l'aiTaire, plus les
preuves conLre vous deviennenL accablantes. Tenez , jetez
un coup d'œil sur cette lettre.
Sexton poussa un cri en reconnaissant l'écriture. Il fit
signe qu'il était inutile de la lire.
Mais KiLe tenait à le confondre:
- Écoutez:
« Cher ami, mercredi me co/wiendl'a à merveille. Je vous
laisse le soin de vous occuper des détails . L'un des clercs
partira à la campagne et ne reviendra que tard dans l'aprèsmidi. L'alltre s'absen'te une heure, au moment du déjeuner.
Nous aurons donc amplement le temps. Votre plan de la
tapissière est excellent. C'est simple et rapide.
« Jc vous attendrai comme convcnu et télégraphierai confirmation mardi soir. Ensuite, nous pourrons prendre le chemin
de oSlwremoulh pour y découvrir ce que vous savez.
({ Bien à vous,
« SEXTON . "
Sexton, à ceLte lecture, perdit toute prudence.
- L'idiot 1 .s'6crra-t-i1. Il devait êtro ivre ou fou pell!'
garder une pareille lettre. Vous me croye:G donc complice
de de Lara dans la disparition de M. Bowen, et vous n'aveZ
pas tort ù votro point do vue; toutes les preuves sonl
contre moi.
Et il tomba lourdement assis sur uno chaise. 11 semblait
forL accablé; ct cependant un ombre de sourire se jouait
sur ses lèvres. Ronald l'examinait attentivement.
- Inutile de r esLer ici davanLage, reprit Kite. Nous n'y
trouverons aucune trace des criminels. J e vais r l'mer lil
�LE SECRET DES SABLES
95
maison et informer la police de Shoremouth. Je suis fâché
d'être contraint de vous arrêter, Mr . Sexton, mais mon
devoir m'impose cette pénible necessité.
Sexton se leva en soupirant et suivit docilement l'inspecteur. Il semblait subitement rassuré. Au poste de police,
Kite trouva un sergent endormi à qui il expliqua l'aITaire.
On envoya quelques hommes monter la garde à la l\1aisonRouge.
Sexton fut prié poliment de rester en attendant dans la
salIe:de garde.)l demanda la permissiond écrire une lettre.
- Si vous voulez, dit le sorgent, brave homme. On la
fera porter au matin. Vous n'êtes que détenu provisoire et
non prisonnier au secret.
Soxton griITonna rapidement quelques lignes qu'il souligna plusieurs fois. Il tendit la le Ure Il. l'ofllcier.
- Je vous seraisreconnaissanl de laraire porter le plus
tôt possible, dit-il.
Le sergent promit. Il jeta un coup d'œil SUl' l'enveloppe
ct ;lut : Monsieur Richard Amory, Oversands. Dans le
coin_:~Urgent.
xxv
LI::
TnÉson
Dick Amory descendit ce matin-lit d'excellente humeur.
Après tout, la vic n'était point aussi triste qu'il l'avait
supposée quolqu s jours auparavant. Il était cloux d'avoir
eu raison d'un toI être que Bastable. Il avait maint nant
barre sur l'homme.
Il Mait tard. Toul 10 monde avait déjà pris son polit
déjeuner. Si)' Ilol'uce allait mieux, mais la tOt restait Iaible,
ct le docteur préférait qu'il ne vît personne pour le présent.
Aussi Dick atLaqua-t-il son déjeuner cl' xcellent appétit.
Ses tcrreurs s'étaient évanouies. Mais, comme ilprenait la
cafelière pour so verser du café, il aperçut une lettre à son
Qom sur le plateau. La soule écriture lui nt froid au cœllr.
- Donl Qu'y a-t-il ncore? murmura-t-il.
�96
LE SECRET DES SABLES
AVilC des doigts tremblants, il déC"hil'D. l'f"nveloppe. Il
était préparé à de mauvaises nouvelles, mals certes pas à
celle-là. Il luL et reluL la lettre et, tout étourdi, se prit la
,Lête à deux mains.
- Bon Dieu! Quelles complications! grogna-t-il. Qui
pouvait prévoir tout cela? J'en ai froid dans 10 dos. Et
cependant cette arreslation est d'un comique achevé . Si
je n'étais pas en cause, je rirais comme un fou. Mais il me
faut allez 10 voir ...
Uno heure plus tard, Dick so présentait lUl poste de
police avec une assurance aITedue qu'il étaitloind'éprouver.
Il conféra longuemenL avec Iv!. SexLon, ct c'est tard dans
l'après'-midi qu'on le vit paraîlre au club. 11 s'assit d'un air
accablé et réclama un whisky et soda dunt il semblait avoir
grand besoin.
Personne ne remarqua sa pâleur: on ùiscuLait avoc
animation le meurtre de la Maison-Rouge.
- Quoi do neuf? inLerrogea Dick.
de rien
- Rien, ]Jien entendu la police est in('apbl~
découvrir. On prétend que Ronald pourraiL dire quelque
chose, mais il rst fermé comme une huître.
- Est-il encore là? demanda quelqu'un.
Dick sc miL en quête de son ami, sans atLendre la
réponse. 111e Lrouva dans le salon voisin (ln train de lire
le journal.
- Hallô, vi ux? Que ,me direz-vous? iuLLl'rogea Dick.
Ronald lui fit le récit des del'nit'I's événeml'nts. Di·lt
n'imita point sa tl'ancldse ot no lui soulOu mot de sa visite
au poste de police. A quoi bonparlerde chosos désagréables?
- Vous savez pourquoi on voulaiL arrêtar de Lara?
-Oui ...
- Comme compromis dans 10 meurlro do Dowen.
Dick grimaça d'une façon horrinquo, mais ne dit l'ion.
inq allumeLtes (·n
- Et on le 11'0UVO assassiné ave\~
forme de poignard disposées sur sa poitrino.
- Scignour 1 exclama Dick.
- Oui, uno étrange hisloirl', n'l'st-co pas? Cc ~ ' igne
serait la marque distinctive d'une société silieirnne.
�LE SECRET DES SABLES
97
- Oui, je sais.
I! se turent méditan t.
- A quelle heure l'enquêt e? interrog ea Dick.
- Quatre heures de l'après- midi. Vous y assistez, bien
entendu ?
- J'ai peur que non . J e dois aller à Londre s pour
alTaires. Si je réussis, sans doute reviend rai-je ce soir.
Il prit congé presque aussitôt de son ami.
Ronald , resté seul, s'aband enna à ses réflexions. Que
SortiraiL-il de tout cela? QuoI rôle jouait Son père? Qui
avait assassiné de L ara?
A ce mom ent, un souveni r se précisa dans sa mémoire.
Le duc de Villiers n'était- il point resté seul à la Maison!touge la nuit du crime, n'avait- il point vu de Lara, ne
lui avait-il point porté le coup falal? .. Mais qui avait
Préparé le souper pour trois conviv es? De Lara sans doute.
SexLon semblai t ignorer toute l'aITaire . Qui était le duc
au juste?
Toutes ces question s sc pressaient dans sa cervelle et y
restaien t sans réponse.
Pourqu oi ne parlera it-il pas, le duc de Villiers ?
1 -Hallô , mademo iselle? .. Hallô 1Voulez- vous me donner
e château d'Overs ands?.. Oui... la proprié té de
111'. Amory. C'est cela. IIallô 1 ] ourrais- je pat'ler au duc
Ùe Villiers? ..
~on,
Sa _Grâce était à Londres pour a fl'aÏl'es , elle ne
revlcnd rait pas avant quelqucs jours. Déçu, Ronald
r~ c rochait
le récep teur lorsque son père entra dans la
Pièce. Il semblai t furieux,
- Vraime nt, les gens ne doutent do rien 1 Mon temps est
PréCieux 1 Pourqu oi diable me convoq ue-t-on il cette
~nquôto?
Parce que jo me suis porté garant de cet aveDt~l'Ie
pour la location d'une maison, il faut que j'aille
Otnoigncr? ...
- Vous le connaissiez? interrog ea Ronald .
- A peine ... seuleme nt pour ce LLe affaire ...
-- Rien do plus?
.
-- Rien.
�98
LE SECRET DES SABLES
- Que signifie alors cc chèque de dix mille francs?
Joseph Bastable devint rouge de furieux.
- Cet imbécile ne l'aurait-il point encaissé?
- ]) faut croire. Et le chèque est dans les mains de la
police. Vous ferez bien une autre fois de vous méfier.
Bastable jouait nerveusement avec le porte-plume. Il
ne savait que répondre.
Ronald n'insista pas. Tristement, il sortit de la pièce.
Dehors, {il rencontra Dick Amory qui se hâlait vers la
gare.
- Peur de manquer mon train, expliqua-t-il... Suis en
retard. Tâcherai de revenir cc soir ... Irai vous voir ...
Aux approches de Lùndres, Dick respira plus lil>remen l.
Il se rendit à son club, où il changea de vètcments et
écrivit quelques lettres.
Il se fit ensuite conduire en taxi-aulo chez un des grands
bijoutiers de Bond Street.
- l\Ionsieur désire?
Dick sorlil de sa poche le bijou de sa tanLe.
- Ccci appartient à Lady Amory. expliqua-t-il. Ello
serail désireuse d'avoir un serond pUlrl ntif, (>xacteInrnt
semhlahle. A quel prix pourriez-vous Ille l'étahlir?
Le bijoutier prit le pendentif ct l'examina soigneusement
à la loupe. 11 le reposa avec tl'udressü dans l'écrin.
- Nous pourrions vous rn faire une copie exacte, monsieur, pOUl' 2 fJOO li \'l'CS. Les picrres sont Lelles cL seront
di (Hciles à réassortir.
- Tant que cela 1 s'écria Dick, suJToqllé.
- Oh! oui, monsipur. Je vous donnerais 2500 li \'1C~
ferme d~ celui-ci, ~ans
hal'l:l'uigner, ct jn considérerais quO
je fais unc bonne Hflairp.
~I ourdi, ivre do joie, Dick sortit dr la hou tique en tituhant, sa voix trcmbla pour lancer au chauJTeul', d'une yoi~
triomphantc :
- A la })anCjuc!
�LE SECRET DES SADLES
99
XXVI
LE FILS PRODIGUE
Contrairement à son habitude, Bastablo rentra chez lui
pour déjeuner. Il venait de traverser des moments pénibI~s
et avait besoin de repos. Cet homme, qui avait ignoré
jusqu'à ce jour la contradiction, s'apercevait que ce que
l 'on ose à vingt ans était impossible à cinquante. 11 avait
mangé son pain blanc en premier, et il lui paraissait amer
de dévorer aujourdh'hui son pain bis.
Quelqu es personnes sont de grands criminels sans avoir
eu maille il partir avec la justice. Joseph Bastable était de
ceux.-Ià. Il commettait un crime sans hésitcr IOJ'squ'il était
sûr qu'on ne le découvrirait pas. Il ne s'était jamais
heurte de front il personne et ignorait l'opposition.
Shorcmouth était son orgueil; il l'avait faii. Quand il
s'agissait de la ville, tout bon sens l'abandonnait. Les
difficultés que lui avaient suscitées Sir Horace Amory au
sujet des terrains de golf l'avaient reudu fou. Pour les
surmonter, il n'avait pas craiat d'avoir recours il des
procédés douleux,
Or ces procédés n'étaient pas sans risques. Il les a "ait
négligés touL d'abord, ces risques, mais il commencait lA
se rendre compto qu'ils étaient sérieux. Et le pil'e est que
le danger smblait venir de cc Dick Amory, qu'il avait
toujours considél'é comme un sot. Vraimeut, c'éLait inattondu.
JI Nait fort songeur en sc meLlanL à Labl e.JI but un verre
de porto cL sc sentit alors un peu ragaillardi. 11 s'cn versa
aUssitôt un second.
!\Irs. Bastable, assise en vis-il-vis, atLendait que son
seigncur ct maUre voulût bion prendrc la parole. Pal'
roservc cL n011 par crainLe, elle se Laisait habitueucme(jnL
..
sa présC'nce
o"~
(",
DJvant son silonc", olle hasarda cependant:
;" \V f!
�100
LE SECRET
~ES
SABL~
- Sir Horace se porte-t U mieux?
Bastable sorLit de sa rêverie.
-On le prétend. Son trouble est plus moral que physique . Des soucis d'argent ... Il n'avait qu'à me vendre se
terrains ... Je lui aurais versé une jolie somme. Mais il n'a
pas voulu; tant pis pour lui. Aujourd'hui, je me passerai de lui.
- Comment cela?
- Comment? Oh 1c'est bien simple. L'aITaire me coûtera
un p eu plus d'argent voilà tout. J e consLruirai un pont sur
la rivière,...allant de la Maison-Rouge à l'auLre l'ive. J'ai
tout convenu ce matin par téléphone. Deux mille cinq
cents livres 1 Les ouvriers se mettent à l'œuvre cette
se maine. Les piles de fer et l'arche centrale seront en place
d'ici une quinzaine. Dans un an, Shoremouth me devra son
Golf Club. EL l'on prétend que Sir Horace Amory est
l'homme inOuent de la ville!
Le nom seul de son rival lui fais ai t trembler la voix de
colère. Ah 1 s'il avait pu le tenir entre SE'S mains.
Sans compter qu'en ce moment LouL semblait sc tourner
contre lui. Cette histoire de chèque ? Qu'allait-on lui
demander à l'enquête sur le meUl'tre de de Lara?
11 mâchonna son cigare avec fureur. Et puis, l'erreur de
rl ate sur le faux reçu donné à Sir Horace? Comment
l'expliqueraiL-il? Si Dick Amory était disposé à lui vendre
ce reçu, moyennant finan ce ? .. Improbable. Cependant
celte persp ective soulint Baslablc. Il y songea en sc
rendant à son bureau.
L'enquête concernant le meurLre du comte Henri de
Lara Nait fixée à quatre heures il l'hôtel de Ville.
La sal le était comble lorsque BasLable y entra. On sc
rangea pour lè laisser passer. L'enquête élait commencée.
11 s'assit à coLé do J'avoué. L'inspecteur Kite éLaiL en train
de lémoignrr.
- Pourquoi veniez-vous arrêter le comte de Lara?
interrogeaiL le président.
- Comme complice dans la disparition do l'avoué
.I3row('n: vous savez : le fam"ux mystère du colTro-
�LE SECRET DES SABLES
101
tort qui tH tant de brui t, il y a quelque temps.
- Parfaitement.
Le coroner posa quelques nouvelles questions. On:rit ci rculer la bague-marquise, et Kite reproduisit le signe des
allum ettes, qui excita une vive curiosité dans l'assistance .
Voilà qui allait remplir ie lendemain tous les journaux
locaux.
Puis, vint le tour de Joseph Bastable. JI se leva rogue
et important
- Je regrette de vous avoir dérangé, dit pol1ment le
coroner, mais il nous a paru que vous pourriez peut-être
nous donner des renseignemenLs u'lil -s. Ce chèque, portant
votre signature et trouvé dans la poche de la victime estil faux?
Bastable hésiLa un moment. Le coroner hli suggérait là
un moyen facile d'en sortir. Qui prouverait le contraire?
Mais, à ce moment, ses yeux tombèrent sur SexLon qui le
dévisageait attenLivement. Que savait celui-là, au jusLe?
Non, mieux valait dire la vériLé en l'arrangeant à sa
manière
- C'est bi 11 un chèque à mon nom. Le comLe, un
homme d'allair s ct de science rC'marquable, était venu
me soumettre d s plans ingénieux pour la construction
d'un nou vel aéroplane. La chose m'a paru intéressanLe, et
j'ai consenti une commandite de 10000 francs.
L'explication semblait plausible et convaincante. Les
SpecLateurs cependant parurent déçus. Ils attendaient autre
chose. Mais les jurés furent satisfaiLs. Oh posa encore à
13astable une ou deux questions de détail ct on lui rendit
sa liberLé. Mais il ne sc senLait pas tout à fait à l'aise ct,
en s'asseyant, il Crut remarquer un sourire sarcasLique
Sur le visage de Sexton
L'attention se ranima à la déposition de Ronald. Ti ns,
le père et le Iils avaient à témoigner? Plusieurs s'C'n éton-
Ml' ut
La déposition du ,ieune homme ne faisait que corroborer
Colle do l'insp clcur Kite. Ello fut courte .
.l3icn'lôt, il vint s'asseoir à côté de son père.
�102
LE SECRET DES SABLES
- Je me demande, lui souffla co dernier à voix basse, ce
quo signifie voLre nouvelle liaison avec l'inspecteur
Kilo
Ronald socoua la tête poliment, mais avec fermeLé.
- Vous me permettrez de ne point vous le dire encore, •
père, fit-il avec calme.
Mais le vieux BasLable n'écoutait seulement pas sa
réponse. Un nom venait do frapper son oreille, un nom
oublié depuis des années, qui l'assommait comme un coup
de poing.
C'était Kite qui l'avait prononcé. Le coroner parul surpris. C'éLait un vieux magistrat: il siégeait dans le pays
depuis des années et des années ...
- Inspecteur, je ne vous comprends pas... vous faites
erreur, dit-il. Vous parlez d'appeler comme témoin, dans
ceLte affaire, un homme du nom cie Josiah Balter? •
Il Y eut un murmure de stupeur dans l'assistance.
Josiah Batter éLait mort depuis des années. Il était mort
nu service de la banque Amory, el on le considérait
comme un héros.
- Oul, repriL Kite sans s'émouvoir. Je ne me Lrompe
pas. Veuillez faire appC'ler l\J. Josiah Baller.
Le nom sonna éLrangem nt dans la grande salle.
13asLable ouvrit des yeux démesurés et pâlit d'une faç.on
visiblr.
A ce moment, tous les regards convergèrent vers le fond
de la pièce. L'on vil alors entrer un pelit homme cassé en
deux, aux cheveux gris et sales, qui s'a vança d'un air
humble vers la barre .
.- C'esL lui 1 souffla Joseph Bastable d'une voix rauque.
Son cœur battait avec violence, ct lu sueur pe:rlait à ses
lemp es.
�LE
~ECRT
DES SABLES
'103
XXVII
DES INQUIÉTUDES
Il fallut quelque temps à Dick pour réaliser toute sa
chance. Il n'y avait plus aucun doute l les pierres étaient
vraies. Un expel't ne pouvait s'y tromper. De plus, le
bijou lui appartenait bien en propre, puisque Lady Amory
le lui avait donné. Ainsi, du trésor perdu dans les sables
mouvants, un seul bijou avait échappé au désastre, et il
fallait que ce fût justement oelui.- là ?
Que ne ferait-il avec cet argent? D'abord, il pourrait
régler ses créanci rs, et en tout cas Herepath et Butler.
- Savoir si clle possède quelques bijoux d'égale valeur
parmi sos copies? se demanda Dick.
A la banque, on ne lit aucune difficulté pour lui prêter
sur le· bijou de famille
.
- Deux cent mille francs vous suffiront-ils? Préférezvous des billets ou un chèque?
- Un chèque me conviendra. Je n'ai pas un besoin
immédiat de cet argent.
] 1rentra au bureau et expédia le chèque à son banquier.
Voilà plusieurs jours qu'il ne s'était senLi le cœur aussi
léger. Il fut tenté d'aller retrouver ses anciens camarades
de fête et de faire bombance avec eux toute la nuit, mais,
à la réfloxion, il résista. On le pousserait à jouer, il perdrait
peul-être. Non, merci, la llornièrc leçon lui suffisait.
11 écr ivit llnC lottre à Herepath et Dutler, leur fixant
lin rondez- vous pOUl' le lendemain, et, sagement, il reprit
le chemin de ShoremouLh. Il était trop tard pour renLrer
aH château, mieux valait passer au club. Au fumoir, les
Olembres discuLaient avec animation les événements de
J'apr\s-midi.
-Vous en doulioz-vous? lui demanda-t-on. Saviez-vous
qU'il n'étaiL. pns mort?
�104
LE SECRET DES SADLES
- Quelle est celte devinette? demanda Dick, et de qui
s'agit-il?
- Mais du vieux Josiah Batler. L'emp loyé qu'on
croyait, depuis plusieurs années, mort à votre service.
- Voilà quinze ans qu'il a disparu!
- Hé bien! il est retrouvé. La police l'a arrêté à la
Maison-Rouge, peu après la consommation du crime. On
le prenait pour un des assassins. Il a pu prouver son innocence, mais il s'est porté comme témoin. Sa déposi.tion a
élé sensationnelle. Voilà longtemps que Shoremouth
n'avait été aussi. agité.
Dick écoutait avec ahurissement,
- En voilà des nouvelles! Mais alors... si Batter n'est
point mOl'l, cela [l'ouve qLto l'argent qu'il poI'tait d'une
ville à l'autre n'a pas été perdu et qu'il l'a volé. A moins
que ... Il n'était pas seul... Je ...
Il s'arrêta court en apercevant Ronald. 11 s'approcha
de lui.
- Celle histoire est-elle vraie? demanda-l-il à
mi-voix.
- Absolument, répliqua le jeune homme. Nos amis ne
considèrent l'affaire qu'au point de vue du meurtre de de
Lara. Ils ont oublié les cil'conslances qui entourèrent la
morl de BaHer ... Vous vous en so,uvenez,vous, parce que
votre famille a perdu sa forlune dans cette a venture. Mou
p re éLaiL avec Baller lorsque se produisilla soi-disant
catastrophe ... Voyez-vous les cOincidences ? ...
- Non, non, fiL Dick genLiment. TouL cela ne prouve
rien. VoLre père pou vaiL Lrès bien cl'oire à un
accident., .
Ronald écoutait la tête basse. Dick était genLil, mais nC
savait-il pas, lui, Ronald, que la forLune de son p ère datait
do celte 6poque? l!:L puis n'avait-il pas lu a terreur SUl'
le visage de son père, lorsque le vieux Batter étail apparu
eomme Lazare au sorlir de sa tombe?
- Voyons, du courage, vieux, dit Dick en lui frappant
sur l'épaule. Vous n'êles pas responsable de la conduite do
votre père, eL Vera s'en moque pas mal. Ah' il faut qUO
�LE SECRET DES SABLES
105
je renLl'e, on doit se demand er ce que je. deviens.
L'histoi re était déjà parvenu au château . Vera essayai t
de la raconLer à Lady Amory. Elles étaient assises dans le
grand salon, près de la monum entale cheminée. Sir Horace ,
qui s'étaiL senLi beaucoup mieux ce jour-là, avait insisté
pour descendre diner. II était étendu sur la chaise longue,
près de la fenètre, et semblai t endorm i. Les femmes parlaient à voix basse, et la pièce étaient si vaste qu'elles ne
risquaie nt point de déranger le malade .
- Mon père sail-il? interrog ea Dick en entrant .
- Pas un mot, dit Vera. Nous n'avons parlé de rien au
diner, et mainten ant il dort.
-- Batler n'est point venu ici, pal' hasard ?
- Non. Quelle extraor dinaire histoire ! Shorem outh ne
parle que de cela. Quelle conclusion on tirez-vo us,
Dick?
- Je crois que Batter et le vieux Bastabl e étaient de
concert pour manger le morcea u. Ils ont dû partage r, et
BastalJle' a cortaine ment dû s'arrang er pour garder la plus
grosse pal:t. Batter disparu t, et Bastabl e fit fortune ... 'l'out
le monde a oublié cette histoire . Heureusement pour
Ronald!
- Pauvre ami, dit Vera doucem ent. L'avez- vous vu,
Dick?
- Il est au club eL se douté de tout. L'idée que son
père est un criminel ne l'égaye guère, comme bien vous
pensez!
. (( .J'ai affirmé que cela ne changer ait rienà vossenLimenLs.
AI-Je eu tort?
Le visage de la jeune fille s'empou rpra.
- Vous m'amusez, Dick! Comme si vous n'éLiez pas
aussi coupable que son père. Nous n'avons rien à vous
cnvier" .
Dick ne parut pas ému du reproche.
- Bah 1 On semble ruiné un jour, on esL à flot le len·
demain. Ma dernière spécula tion a bien tourné, cn
somme ... Meg banquie rs ont une grosse somme à mon
Compte ... el je vais me rcmeltr e à l'œ'Uvre. El puis, soyez
�LE SECRET DES SABLES
tranquiHe, Vera, je suis un homme raisonnable à partir
d'aujourd'hui.
Vera parut satisfaite de ces vagues déclarations.
-Tant mieux, dit-elle gentiment. Ah! je vais voir si la
chambre de père est prôte.
'Elle se glissa sans bruit hors de la pièce. Sir Horaee
dormait toujours, et Lady Amory semblait fort absorbée
à faire des patiences.
Dick s'approcha d'elle et lui prit doucement les cartes des
mains. Elle leva la tête avec un sourire.
- Vous voilà de retour, Dick? dit-elle. Comme vous
semblez heureux?
Dick oublia que son père dormait.
11 répondit d'une voix claire et nette;
- J'ai eu beaucoup de chance. Il faut que je vous en
fasse part. Le bijou que vous m'avez donné n'était pas
faux. C'étaient de vraies pierres. On m'a prêté dessus
plus de deux cent mille francs ... Une somme égale assurerait mon indépendance. N'auriez.-vous point, par hasard
d'autre bijou ayant échappé à la catastrophe? .. Dites,
pe tite tan te ?
Lady Amory hocha la tôle d'un air pensif.
- Je suis heureuse de penser que l'un de mes bijoux
s'est trouvé être vrai, Dick. Mais je n'ose espérer une
chapee semblable une seconde fois. 'l'out ce que j'ai vonS
appartient, 'rOUg le savez bien, mais je crains que cela nC
vous soiL pas d'une grande utilité.
- Si YOUS me les montriez maintenant, tante ? ..
« Qui sait si, demain, elle ne sera pas retombée dans sa
folie »,songea le jeune homme.
Lady Amory se leva en sOl1rianL.
- -On ne peut rien vous refuser, enfant gâté.
Commo la porLe se refermait sur elle, Sir Horace tressaillit, comme s'il s'éveillaiL. Il sc dressa cL fIL quelques
pas dans IR pièce.
- Eh bien 1 Dick, fit-il a YCC gaieLé. Vous voici d· rctour.
vu pc~danl
mon délirc? 11 me semble quo oui .. ·
Vous ~i-je
Je suis bien faLigu~
... Je vais monLpr mo coucher. Vous
�LE SECRET DES SABLES
107
allez à Londres, demain ? .. Moi aussi. Nous pourrons
VOyager ensemble. Bonsoir, mon garçon.
Et, avant que le jeune homme fût revenu de sa surprise,
il quiltait la pièco en sifflant llD refrain d'opérette. La
nurse accourut lui offrir son bras qu'il refusa. Vera le
gronda gentiment. n semblait d'excellente llUmeur.
- Je suis guéri, mon enfant; protesta-t-il Je vais à
Londres avec Dick, demain; il s'occupera de moi. Bonsoir,
-chère.
Le sourire quitta ses lèvres lorsqu'il fut seul dans sa
chambre. Il ferma soigneusement la porle il. verrou el,
tiranl une clef minuscule de- sa poche, il ouvrit un coffret
et en tira un objet compact enveloppé de papier de soie.
Ille déplia avec amour.
- Oserai -j e ? .. murmura-l-il à mi-voix.
XXVIII
U!'\E DEPOSrrION SENSATIONNELLE
Le retour Je J osiah Balter avait fail sensation . Les
légl"lndcs se formaient. L'interrogatoire donnait matière il.
de nombreuses discussions. On l'avait arrêté au voisinage
do la Maison-Rouge.
- Que faisiez-vous là? avait demandé le coroner il. l'enquêle.
- J'arrivais de LondJ'es, xpliqua le vieillard. Je n'avais
Point d'argent. L'ami de Shoremouth à. qui je complais cn
omprunter éLait absenl. La nuit tombait, je n'avais pas. de
qUoi me payer lm gîte ... C'est alors qlle je songeai à la
Maison -Rouge. Je traversai la ville sans qu'on me reconnût
et y arrivai. La parle élait ouverte. J'étais f!xténué et me
luissai tomber sur un sofa. A peine y étais-je qu'un bruit
de voix me fit sursulltU'. J'aprrçus deux hommrs dans la
salle voisine. Ils parlaienl une langue qui m'était inconnUe ... l'italirn, je crois.
(( Des grns de la haute, bien habillés ... Ils fumaienl drs
�108
L~
SECRET DES SABLES
cigarettes et riaient très fort. Ils portaient un panier
qu'ils déposèrent dans la salle à manger. lis durent en
sortir des mets appétissants, car une odeur de venai·
sons el de pâtisserie parvenàit jusqu'à moi. Ils avaient.
apporté aussi une grosse lampe qu'ils allumi:rent. Puis ils
sortirent en fermant la porte derrière eux. Que signifiait
cela? Sans doute allaient-ils r evenir. J e mourais de faim,
et le parfum des victuailles me chatouillait les narines il
tel point que j'allais me risquer à subtiliser lm pâté ou un e
tranche de poulet, lorsque la porte se rouvrit sur les deu:>C
hommes. J 'eus à p eine le temps de me dissimuler drrrV·re
un paravent. Comme je tombais de fatigu e, jo me la issa i
choir sur un diyan et m'y endormis d'un profond sommeil.
Beaucoup de temps dul s'écou1er. Lorsque je m'éveillai, il
faisait toujours nuit noire. J e Ille glissai à nouveau derrière
le paravent:
« Cinq minutes plus tard, un troisième larron sr prése n'
tail, comme les deux hommes venaient de s'attabler. Il
eut V;} mouvempnt de recul en voyant que la pièce était
occupée, mais l'un des Haliens ferma :vivement la porte il
double tour ct mit la cid dans sa poche, en éclatant d ~
rire.
« Je risquai un coup d'œil. L'inlrus était de venu blanc
comme un linge. 11 prit alors la paroI , et ils discutèrent
vivemenl dans leur palois, tous ll'ois.
« Vous êtes un trailre, conclul l' un des Italiens, (' n
« français. Vous mérilez la morl, vous n'y échapperez paS.
a Une aulo nOlis aLlend ... n6us serons loin à l'aube... Jai,
« nous sommrs de bons diables el vous convions au para« vant il souper. Voyez, c s pâliss"ries sonl excellentes , le
« vins sont choisis avec soin ... »
a Le Lon étail forl doux, mais le sous-entendu me glaça
le sang dans les veinf's. Je srnlis que j'allais assister à un c
trag6die épouvantable. Le condamné ne monlrail aucune
fray eur: son visage étail très pâle, el ses yeux brjlaie~t
étrangemenl. Il s'assit avec naturel, but ct mangea. FUIS
il choisit un gros cigare el le fuma. Lorsqu'il eut fini, il 50
leva l'l Ir ~s dl'ux autrl'S ri milèr\; nl.
�LE SECRET DES SABLES
109
1!:tes-vous prêt? demanda l'un deux. »
(( Pour toute réponse, il se découvrit la poitrine. L'un des
hommes s'approcha, je vis luire un éclair ... L'arme disparut
dans le cœur ... Il Y eut une chute lourde, et le silence
régna ... Je perdis connaissance ... Lorsque je revins à moi,
la pièce était déserte; il Y avait à Lerre des traces de sang,
. mais le cadavre et les deux assassins avaient disparu. »
La déposiLion avait produiL une vive émotion.
- Que conclure de tout ceci? avait demandé le coroner
perplexe.
C'est alors qne Kite avait demandé l'ajournement de
l'alTaire à un mois.
- Accordé, avait dit le coroner soulagé.
La eour s'était vidée. Les spectateurs discutaient avec
animation.
Comme Baller se disposait à quiLter la pièce, une main
s'était appesantie sur son épaule .
11 tourna la Lête et vil derrière lui le visage congestionné
de Jos eph Bastable.
«-
XXIX
UNE EnnEUR JUDICIAIRE
- Je désire vous dire quelques mols, dit Baslable d'une
voix rude.
Les yeux de l'infortuné se mirent à papilloLer. Il se mit
à trembler devant l'homme qui l'avait dominé jadis au
point de l'amonor au crimo. Pauv)' , vioux, n'é tait-il pas
plus qu e jamais aujourd'hui à sa merci? Sa promière parole
fut pour mendier.
- J'ai faim, dit-il, ayoz pilié de moi.
- Tenez , fil Baslable méprisant.
Et il lui lendiL un billet.
- Jo ne Lions pas à èlre vu en volre compagnie, repritil. V MZ à cinq heur es à mon bureau. Vous enlr l'OZ par
la porte de service. Je serai seul. Pour l'inslant, filez 1
Batter obéit humblement.
�110
LE SECRET DES SABLES
Quant à Bastable, il se dirigea vers seS bureaux. DJS
gens le saluaient. Il semblait ne pas les r econnaltre .
L'apparition inaLlendue de Batter lui troublait toutes les
idées. On lui annonça que les travaux du pont étaient
commencés. Cette nouvelle ne parvint pas à le dérider.
Que lui importait ceite légèra satisfaction de vani té, alors
que toutes les bonnes carLes passairnt dans la main de Sir
lIorac.: , son ennemi? Saurait -il les jouer? Amory n'était
qu'un soL 1
11 méditait ainsi, lorsqu'on intl'odl1isit Bat ter dans son
bUl'eau. li tow'na toute sa fureur contrl' l'infortuné.
Bh bienl que signifie cela? Pourquoi èLcs-\ OUS
J""-U1U, bandit que vous ètes?
Baller sc redrcssa lég.:r,rn"nt sous l'injure.
11 jeta un r cgard circulaire sur la pièce conrortable, le
bureau luxueux, les fauteuils profonds d e cuir ha vane qui
Tisaient le luxe ct la prospérilé.
- J'étais un honuM honoré avant de vous connailre, rlitil avec un essai ùe dignité. Aujourd 'hui, je suis une épave.
Bt vous êtes riche, heureux, respectr, grâce il moi. .. Je
n'ai été (J1w votre instrument. Vous vous êtes joué ùe ma
faiùl rsc;r ... C'est sur yoll''' suggrslion qUI' j'ai d6\'alis6 Sir
lIoracl'. Vuus m'n VLl. donné mn pal'l, bir>n SÙI'. 1ais qu'est('e que 10.000 franr.s en compar:.lÏson dl' ce quI' YOUS avez
rér'ollé? Quelle folil' a été la mÎl nn'!... D'aulres sc
vengerai "nt ...
- Je vons l'n ferai bi en "jle puss"r J'ellvi,}.
-- Vraim l' nt. J::t de quelle raçon? l'cu dl' choses
nù'Ol'ayent maintenant, rt VOtlS moins que personne.
Pourquoi SUiS-jl' ypnu, d('lTwndcz-YOWi? l'arce ((Ul' j(' n'ai
trouvé !l'OUVI'<1gP nulle parL, ces f.<·mps derniers, parce que
je suis vieux, usé, pareI' (lue vous me drV('z iJipn quelque
chos '.
- El si jl' rrfusL' ?
- Sil' lIoracp pourra peut-être me venir en aide? Mon
histoire pourr:lÏl l'intéresser, il me semble.
ilaslable lai/i.c;a échapper nn juron. Il se conLinl pour no
pas lui sauler fi la gorge. Datter l'obsrrvait de ses yeux:
�LE SECRET DES SADLES
111
papillotants, rn souriant doucement de sa grande boucheédentée.
Bastable sentit naître en lui une frayeur grandissante.
- Votre prix? dit-il d'une voix rauque. Et alors pas de
gaffe. C'est vous seul qui avez pris l'argent et qui l'avez
perdu en spéculations malheureuses ? ..
- A quoi bon mentir, dit BaLter d'une voi}!: douce. Je
voulais revoir le pays natal une dernièr e rois .. . Un docteur
m'a dit que je souffrais d'une grave maladie de cœur ... que
je n'en avais plus pour longtemps ... J'ai cru mourir en
route ... Que m'importe la vic dorénavant. Décidément,
j'aime mieux tout avouer à Sir Horace, cela mettra all
moins ma conscience en repos.
Bas table le regarda avec effroi. La crainte lui mordait
le cœur à nouveau.
- Vous ferez bien d'y regarder à deux Iois, gronda-L-il.
Sh' Horace esL d'ail! urs mouranL eL ne reçoiL pel'SOnnd.
Réfléchissez un jour ou deux ... Et venez me voir demain
à l'heure du dîner. Pourquoi voudriez-vous me faire tant
de mal, après m'avoir laissé en repos toutes ces années?
Batter eut un rire ironique. La question lui paraissait
pleine d'humour.
- J e viendrai vous ,"oir demain soir, dit-iL Mais je ne
fais auoune promesse.
BaLLer, laissant son bon ami à ses médiLatlon~,
sortit en
r edressant la tète.
Plus Basiable réfléchissait, moins il voyuit une solution
à toutes ses dimculLés. Toute sa 80 i1'é en fut gâchée, Ct son
excellenL cigare même lui parut amer. 11 lui fallait à tout
prix transiger avec Batte]'. Dût-il en coûter la moitlé de
sa fOl'Lun o. Mais BatLor ne fle pl'usenta pas. A sa place,
Joseph Bastable rrçut un mot no Sir ll orace, le priant de
voulo.ir bien passer au château, entre neuf ou dix heures
du soir, pour affaire importante.
Baslabl0 dr.chira la lettre et en jeta les morceaux au feu
d'un air pensif. Ainsi Sir Horace était rétalJli. C 'tte nouvelle ne lui disait l'ion qui vaille. Elle renversait tous sus
plans. 11 sc leva prit son chapeau ci sortit.
�112
LE SECRET DES SABLES
Sir Horace se tenait dans la biblioth èque au sorLir de
table, lorsqu'on lui annonça la venue de Bastabl e. Le
vieux sire avait retrouv é sa vivacité d'autref ois et semblai t
d'excellente humeur . Il avait passé la journée à Londres.
- Priez M. Bastabl e d'aLtendre quelques instants .
- Oh 1 rien ne presse, répondi t celui-ci au valet qui lui
transm ettait la réponse. DiLes cependa nt à votre maître
qu'il s'agit de choses importa ntes.
Sir Horace , jugeant que l'humil iation était suffisante,
fit introdu ire aussitô t son ennemi .
Le domesLique précéda le vieux Bastabl e à travers les
vastes couloirs . Aucun signe de pauvret é. Les toiles de
maîLres, les vieilles armures , les Lapisseries de prix disaient
le luxe ancestr al, le confort cerLain.
Sir Horace se leva polimen t à l'entrée de son visiLeur.
Tou Le trace de maladie avait disparu , jamais Bastabl e ne
l'avait vu aussi bien po rLant. Son aLLitude l'es Lait calme
et digne.
- Asseyez-vous, je vous prie, diL-il avec froideu r et de
ce Lon protecLeur qui exaspér ait l'ancien régisseur. Voilà
longLemps que nous ne nous somme vus .
Bastabl e ne sc sen Lait pas à l'aise dans cetie vaste pièce.
Et son cœur baLLait à coups plus précipiLés.
Sir Horace repriL :
- Vous venez sans douLe me parler de la résurrec tion
inattend ue de mon ancien emp loy é BaLter.
- Elle m'a autant surpris que vous, se hâLa de dirA
Bastabl e.
.
- Évidem ment ... évidemmenL ... désagréableme nt SUI'pris même, je pariera is?
Bastabl e ignora l'intenti on.
- Mais ...
Sir Horace sourit. 11 éLaiL malLre de la siLuation.
- J e ne l'ai poinL encore vu, ayant passé la journée à
Londres. Il viendra cc soir. Vous l'avez déjà rencont ré,
bien entendu ?
Bas table eùL nié avec plaisir. Mais le moyen?
- Quelques instants , avoua-t oi!. Il voulait de l'argent .
�LE SECRET DES SABLES
- C'est bien trois cent cinquante mille francs, demanda
Sir Horace à brûle-pourpoint, que je vous avais chargé,
ainsi que Batter, de porter ...
- Précisément, interrompit Baslablc. Ayant cru à
l'accident, je me sentais la conscience légère, mais, du
moment que Batler n'est pas mort, je sens toute ma responsabilité ... laissez-moi traiter avec ce misérable ... Vous
ne pouvez vous commettre avec lui... J'arrangerai touL
cela ... Je lui ferai avouer son vol... Quant à compenser 1&
perte, je m'olIre à le faire sur ma fortune personnelle ...
J'ai mon carnet de chèques. A combien estimez-vous ? ..
Bastable eut un sourire jaune qu'il s'elIorça de faira conciliant... Cette générosité allaH lui coûter cher, car Sir
Horace allait accepter. cela ne faisait pas doute, mais
tout était préférable au chil.timent qui l'attendait.
- Je vous remercie, diL alors Sir Amory d'un air élrange.
Mais je préfère n'accepler aucune restitulion pour l'instant.
Laissons la jus lice suivre son cours. D'ailleurs, il ne s'agit
pas de MI'. Balter pour l'instant, mais de Mr. Kennedy.
- Vous voulez parler du chèque à son nom que YOUS
avez r6glé tout dernièrement? ..
Justement. J'ai soumis 1 reçu à mes hommes
d'alIaires. Il ne leur a point paru tout a fait en règle ...
Une irrégularité insignifiante évidemment ...
- Une irr6gularité, vous m'étonnez. Si Mr. Kennedy
élaiL là en personne, il vous diraH ...
A ce moment, un laquais entra après avoir frappé deux
fois à la porte. Il lendit sur le plateau d'argent une carte
à Sir Horace. Celui-ci murmura quelques instruction à
voix basse.
- Voici le jour des surprises,dit-il. Mr. Kennedy 1uimême va nous renseigner. 11 m'attend au salon.
�11ft
LE SECRET DES SABLES
xxx
QUI J>.ERD GAGNE
BasLable eut un rire de folie. Ah 1 ça? Tout le monde se
liguait contre lui? .. Mai3 non, c'était une excellente plaisanterie . Sir Horace ospérai l'intimider? Il se trompait.
Lui, BasLable, tomber dans ce piège grossier? Allons done.
- Très drôle, dit-il. Mais ça ne prend pas.
Sil' Horace, qui examinait la carte de son visiteur avec
attention, leva 1('8 yeux.
- Je vous demande pardon, dit-il, mals je ne comprends
pas très bien. Que voulez-vous dire?
- Vous me prenez pour un autre, cher monsieur, racontez à d'autres que le vieux Kennedy revient 0 la vic .. ,
Mais il. moi.
Et il out un rire de mépris.
Sir Horace commençaiL à comprendre.
- Vous croyez que je veux vous intimider, m-il Lrès
amusé ... Oui, je sais qu'on emploi ces rUlIes dans voLre
monde. Faut-il faire monler M. Kennedy pour vous convaincre?
Bas LabIe commrnçaiL à. lrouver la siluation beaucoup
moins drôle. Sir lIorace somblait sincère. Était-il possible que Kennedy fût encore vivan L? .. Depuis quand Sir
Horace 0n était-il informé? Depuis le commencement
peut-Gtl'e? Bn ce cas, lui, Baslable s'éLaillaiss6 jou r
comme un enfant. Le rouge lui monla au visage.
- Si vous ct 1\1. Kennedy agissiez de concert ... balbutia-t-il...
Sir Horace l'inlerrompiL, furieux.
- M. Konnedy et moi sommrs des gentlemen. Ne l'oubliez plus, je vous prie. Je sais qu'il est vivanl, un point
c'esl tout. Je l'ai cru morL comme lout le monde. m je
reconnais qu'il ressuscite à un momenl inopporlun ... pour
vous.
�LE SECRET DES SABLES
115
Les derniers mots sonnèrent gros de menaces aux
oreilles attentives de Bas Labie.
- Que voulez-vous dire? demanda-t-il.
- Interprétez mes paroles comme il vous plaira. Je n'ai
pas à vous apprendre cc que vous savez déjà.
- Vous croyez que mon chèque éLait un faux.
Sir Horace ne puL réprimer un sourire. 11 lui plaisait
de voir le gros homme donner tète baissée dans le
piège.
- De quel chèque parlez-vous? interrogea Sir Horace
très amusé.
- Ne faites donc pas le malin!
- Voyons, la situation me paraîL simple ) je dois à
1\1. Kennedy une grosse somme. J e renouvelle à la premièrtl
échéance. Sur cc, M. Kennedy disparalt. Vous devenez
mon créancier. Je ne veux rien vous devoir cl préfère vous
régler la somme. Le chèque esl en votre possession, je le
r ègle sans proL SoLer. Comme je suis censé avoir afTaire Il.
un honnête homme .. .
Le visage de Bastnhle s'empourpra. Sir Horace poursuiYit, impitoyable ;
- J e n'examine seulcmrnL pas les daLes du chèque ...
S'il y a quelques p~ties
irrégulariiés, je pr6fèr.) que mes
hornm s d'affairl1s s'en occupenL ...
BasLa\)le s'était ramassé comme un tigre pr.}L à bondir,
mais il ne sayait que répondre.
- Vous m'avrz flu ll/lO offro, il y a quelques minutes,
rcpriLSir Horace: cC'lI" ùe me l'('stituer l'argent perdu
j'd.is par votro ... négligrnce. J e l'accepterai peul-être ...
Cela dépendra dt' ma conversalion a\ -'c Batter. D'ailleurs,
peu m'importe la question argenL ... Elle n'exislera plus
pour moi désormais ...
Bustable laissa échapper un ricanement.
- Une spéculation heureusl', continua Sir Horace, a
mi;; fln à Lous wes ennuis ... J e pense mème à me retirer
cles alTairl!s eL à disposer de ma baJ;lque. Peut-ôLre scriezvous lenté de l'acCJuérir?
DaslaLlc écoulaiL, stupide ù'6LonnemenL. S'il Il vait pu
�116
LE SECRET DES SABLES
avoir 13. certitude qu.e son ennemi blufIait... Mais que
croire? ...
Il se leva, prit son chapeau . Il n'avait plus rien à faire
ici.
- J e m'en tiens à mon ofIre, dit-il d'une voix rauque.
Bonsoir, monsieur.
Amory le reconduisit polim ent. Il semblait fort satisfait
de cette conversation, Il quitta son ennemi après uno
remarque aimable sur l'intemp érie de la saison.
Il entra au salon, pensant y trouver Kennedy. Mais
celui-ci n'avaiL pu atlendre si longtemps et s'étail entretenu avec Dick, qui l'avait inviLé à diner pourle lendemain.
Le jeune homme informa son p èr e que leur vieil ami
avait fort à faire, étant arrivé du jour seul ment à 3horemouth. Il s'était rendu sans tarder à ses bureaux.
- Je croyais que BasLable avait pris sa succession?
- Oui eL non. D'ailleurs, Kennedy a déjà r elevé de
nombreuses irrégularités dans ses comptes. L'une vous
vise paraH- il. S'agit -il du chèque payé à Bastable?
- Justement, mon enfant. Et notre bon ami Bastable
n'en mène pas large à l'heure actuelle. Je vous en réponds.
- Oh 1 mais, je ne vous ai pas diL ...
Et Dick fit alors à son père un récit détaillé de sa dernière entrevue avec Bastable.
- Croyez-vous que le sot a laissé échapper le nom de
J ohn 'furIe La chos esl claire comme le jour. C'est son
secrétaire qui a fait le faux ... Cal' c'esL un faux que vous
avez payé. Qu'allez-vous fail'e?
- Cela dépondra dos circonstances . J 'ai la preuve qu'il
m'a volé 500.000 francs avec ce faux ... Jo su is certain,
d'autre part, qu'il m'a volé égolem nt les 350.000 francs,
de concert avec Batter ... 11 faudra qu'il me r embourse ces
sommes. 1\lais le pourra-t-il... Sa haine contre moi fa
aveuglé, pauvre hommel
Dick souriL. Il avait )'cpris toute sa bell e assurance . Ses
afIai l'CS étaient n ordre maintenant. II éLait assez riche
pOUl' fairo face à tou s ses engagements. Et, si Bowenétait
l'cparu, il eût pu sc justificr à la face du monde et Iiquidr; t
�LE SECRET DES SABLES
117
tout c honteux passé. Mais Bowen restait toujours
inlrouvable.
- Je vais au club reto~v
e r Ronald, fit Dick. Curieux,
n'est-ce pas, ajoula-t-il, de penser qu'il est le fils d'un tel
p èr 1
- Oh! mais Ronald est un gentleman, affirma [e
vi eillard. Et sa mère ûst une Amory; i[ a du bon sang
dans les veines.
Dick ne put réprimer un sourire: son père avait loujours été enliché de noblesse . Il retint néanmoins [es
paroles de Sir Horace; ill s lui resservirait au besoin.
Ronald parcourait distraitement un journal dans le
fumoir.
- Venez pl' s de la fenêlre, dit-il, en apercevant Dick,
nous y serons plus lranquilles.
- J'ai de bonnes nou velles à vous apprendre, assura
Dick radieux. J e suis à Oots désormais. Je puis faire face
à tous [es engagements conlraclés par Bowen. Il no me
manque que l'homme.
El il eut un sourire ambigu.
- Vous ne croyez Ip as à sa mort, alors ? demanda
Ronald en souriant.
- D'aulant moins qu e je l'ai vu tout dernièrement.
El Dick ful pris d'un vériLable fou rire.
- C't!sl trop drôl , conGa-loi!. Figurez-vous qu'il esl en
prison 1...
- Je ne vois pas ...
Lu jeune homm e essayait de repl'endre son sérieux.
- SexLon ...
- Je l'aurais parié, dU Ronald gaiement. SoxLon n'est
autre .. .
- ... que Bowen. El il 'st arrGlé sous l'inculpalion de
s'êtI'e assassiné ... lui-même 1
�118
LE SECRET DES SABLES
XXXI
LA GRAi'iDE CONFESSION,
Shoremouth n'avait jamais vu une agitation pareille. La
mort mystérieuse de de Lara était déjà oubliée. On ne
parlait plus que du retour de M. Kennedy. La seule personne calme était 1\1. Kennedy lui-même. Le récit de sa
disparition était fort simple. Il ne s'était pas trouvé sur
les lieux de la catastrophe. Au dernier momenL, il avait
changé d'idée et pris une 1\utre direcLÎon. Pendant quelques
jours, il n'avait reçu ni lettres ni journaux et n'avait pu
démentir sa mort. Lorsqu'il avait appris la vériLé, il s'était
gardé de démentir les bruits courant sur son compte :
c'était un vieux garçon sans famille; sa mort ou sa vic
n'importait à personne. Il s'était amusé de voir quelle
serail sa presse ...
- Je ne suis pas le premier, disaiL-il ce soir-là, confortablement installé à sa table avec Sir Amory en vis-à-vis,
à m'êLre réjoui d'une gloire posthume. On goûte, je vous
assure, une certaine saveur à la lecLure de son oraison
funèbre.
Il avait inviLé Sir Horace à vù:1Ïr parLagér son modeste
souper dans sa peLite maison, sise dans le faubourg.
- En somme, je n'ai pas cu à me plaindrr, la presse a
été plu Lôt bonne. Vos aITaires me semblent pn meilleur
éLat, mon ami. l'II ais je crains que ce soit là seu}ement une
apparence. Et je ne vois pas comment vous seriez sorti do
tous vos tracas si vùus n'aviez pas volé l'ètoile de diamants
de Lady Amory ...
Sir Horace sursauta. Son visage s'empourpra d'indignaLion. Mais MI'. Kennedy parut ignorer son émoi et porta
avec flegme un verre de porLo à ses lèvres.
- Je puis Lolércr beaucoup do choses d'un ami, s'écria
Sir IIol'acl?, mais il y a des limiLes.
- Nous ne ks avons pas dépassées, dit avec calme son
�LE SECRET DES SABLES
119
compagnon. Rasseyez-vous, mon cher ami, et discutons
froidement l'afTaire. J 'ai toujours été pour vous un ami
fidèle et véridique, je ne changerai pas aujourd'hui. Donnezmoi votre parole d'honneur que vous n'avez pas dérobé
l'étoile de diamants de LadyAmory, etjevous présenterai
mes excuses los plus plates .
La rougeur disparut du visage de Sir Amory ; il devint
très pâle.
- Qui vous a dit .. . ma réputation ...
- Votre réputation est sauve. Je vous affirme là des
Ca iLs dont je suis sûr; j'en ai appris certains, je me suis
convaincu des autres par déduction ... Le duc de Villiers
est un de mes vieux amis ... J'étais lié aussi avec votre
scélérat de frère ... C'est moi qui vous avais envoyé le duc ...
Je l'avais rencontré en France... Il a déj-euné ici
aujourd'hui même et nous avons parlé de choses et
d'autres... Vous connaissez ou plutôt vous avez connu
l'homme qui tenta de dérober à Lady Amory ses bijoux ...
- Le comte de Lara?
- Oui. C'était un proche parent par alliance de Lady
Amory. Mais nous n'étudierons pas l'histoire de cet
intéressant scélérat. Donc, la nuit où il tenla l'efTraction
de la r.hambre de Lady Amory, vous avez profité du désordre pour subtiliser l'étoile de diamants . Vous pensiez
emprunter dessus une somme capable de payer mon chèque.
EL, en attendant, vous aviez disposé de l'argent de vos
clients avec l'intention, bien entendu do le replacer à temps.
Du premil' coup, vous avez vu que le chèque était un
faux. Cep!'ndant, vous avez payé. Pourquoi? Sinon parce
que vous espériez ainsi a voir prise sur Bas table ?
Amory éooutait en jouant nCI'veusomen t avec son couLeau
à desscrt.
- Vos déductions sont exactes, cOMéda-t-il. Bastable
complote ma ruine depuis des années; je n'ai pas voulu
négliger l'occasion de le mettre dans son Lort. Aussi, quand
le duc m'a dit que los diamants de LUlly Alllory étaienL des
copies cL non les vrais, j'ai éprouvé un coup terriblc. J'ai
mème failli ('n m01ll'ir".
�120
LE SE CRET DES SABL ES
- Alors?
- P eu après , une conversation saisie entre mon fi ls et sa
t ante me prouva que le duc s'ét ait trompé; les bij oux
étaient vériLables; j'éLa is sauvé. .. J 'ai pu emprunter,
r eplacer l'argent de mes clients , m e na ce r~ B as t a bl e .. .
- Vous en ét iez descendu là? .. Un homme de votre
rang, de votre âge 1. ..
Amory , accablé, sc t enait la t êto à deux mains.
- Mais je ne veux pas vous juger .. . On ne sait oe qu'on
f2rait soi -même dans une siL uaiion pareille ... C'est égal
v ous ne valez guère mieux que celui que vous fl étrissez.
- Peu t -être ... Mai s j'ai tout do même d'autres exc uses
que Bastable. J 'avais mu r éputation à sauver ... celle de
mes enfants ...
- Admettons. Maintenant pa rlons aITaires. Le vrai
chèque est dans mon coITre-forL. J e le présenter ai dema in
à Bastable, qui me r emboursera sans diIncullés ...
- Mais je veux le poursuivr e ...
- Poursuivez tant quo vous voud r ez. Vous obtiendr ez
p ~ ut · ê tr e de le faire co ndamner à sept ans de travaux
forcés ... à qu oi cela vous a vancora-t-il ? ... Et p uj s,~ p al '
son mariage, Bastable est un peu votre pa l'cnt. 111e seru
bi(·n davantagè lorsque s n fils aura épousé yo tr e fille.
- R onald Bastqble et V l'a' fH Amory cn sUI'sautant,
vou s n'y songez pas ,
- Au contrair , j'y songe b aucoup. Vous no pOUVlZ
trouvcr un meilleur gC'ndl'C. C'est un garçon in tellige nt. ,
sûr, à qui je laisserai toute ma fortun e qui sc monLe à plu sieurs millions. De plus,si vous consentezà cc mariage ,j e me
permettrai d'oITrir à Ver a p our son m ariage un joli
présent de noce. R onald Bastablo
prendt'u la
directi on de la banqu e ... nous nous meUrons tous deux il:
la retraite, m on vieil ami, il en est Lemps. Vous n'aurez
plus qu 'à ehassr r ou il pêcher à la ligne, ce sera charm ant.
Que dites -vous?
Sir Horace s'é ta iL l'ass is tout doucement. L'ofrrc était
Lenlante. C'é lait le calm e, la prosp6riLé, le bonheuJ' ...
Un sourire s'esquissa SUl' son visage .
�LE SECRET DES SABLES
121
- Je suis un père faible, dit-il. Si Vera désire ce mariage,
je n'aurai pas le cœur de lui refuser mon consentement.
XXXII
LES CHOSES SUIVENT LEUI\ COUI\S
Ronald ne parut nullement surpris des révélations de
Dick au sujet de Bowen. Il'se doutait vaguement de la
vérité. Ma e moyen de sortir de cet imbroglio?
- La situation ne manque pas de comique, constatait.
Dick. Seulement, c'est très compliqué. Si Bowen était
libre, il inventerait une histoire quelconque ct, pouvant
grâce à moi, faire face à ses créanciers, tout serait bien.
Mais pour l'nstant ...
- II comparaîL demain devant los juges? Si l'on
pouvait le l'emettre en liberté provisoire, sous caution ...
- Il disparaîLrait ct on ne reverrait plus M. Sexton:
c'est ma seule espérance.
Dès l'ouverture de l'audience du lendemain, les deux
jewlCs gens se trouvèrent là, fort anxieux.
Les preuves de culpabilité contre Sexton se bornaient,
en somme, au télégramme trouvé sur le comte de Lara.
C'était peu.
L'inspectE'Ul' Kite avait déjà regagné Londres, laissant
l'affaire entre les mains de la polico localo. Le chef
constable de ShoreJl1ouLh agissait commo accusateur.
C'était un jeune homme zélé et offioieux, en corrfIit continuel uvee le tribunal. Ronald en tira d'heureux présages.
- Malcolm est en train de fairo voLre jou, souffIat-il il l'oreille de Dick. Il exsapère le vieil Harlley.
Le juge du tribunal commençait en effet il s'échauffer.
Comme la plupart des vieux magistrats, il avait une foi
profonde en sa connaissance légale, ct toute insinuation
venant d'un jeune avocat le metlait hors de lui. Le cas
de Sexton n'olTrait aucun intérêt, et il ne cl;lcha pas son
opinion. Aussi, lorsque le jouno Malcolm sugg6ra que
�122
LE SECRET DES SABLES
l'affaire devrait être remise à quinzaine, faute de preuves ,
il entra dans une colère violente . On n'en finirait jamais
alors!...
.
-En ce cas, je réclame ma liberté proviso ire, intervin t
viveme nt Bowen. Je suis détenu depuis quelques jours sans
évidence ...
-On ne vous interrog e pas, coupa verteme nt le j&une
magistr at.
- Pardon fit le viel H'art]cy furieux. Le préve:nu a
parfaite ment raison On V~
le relâche r sous caution de
250 livres
« Passons à une autre affaire, je vous prie, M.l· l'Assrsseur, sinon, de ce train-là , nous coucherons ici co soir.
On n'eut aucune difficullé à faire parveni r à Bowen la
somme nécessaire. Quelques heures plus lard, il filait sans
tambou rs ni trompe ttes sur Londres . Lorsqu' il atteigni t
la métrop olr, Sexton étail mort, et Bowen reparut dans
ses bureaux .
Le lendem ain, Dick lut dans les journau x, avec amusement l'histoir o ùe la résurrec tion de Bowcn; €'lIe n'était
pas mal combin ée; le public serait bien forcé de l'avalrr
telle quelle.
- Voilà une affaire cnlerré r, remarq ua-t-il à voix
haute, en beurran t une tarLine avec sollicitude. C'est égal,
jo l'ai échappé e belle! Désormais, mes amis, je suis un
garçon rangé. Je retourn o demain à Londre s el, une fois
mon affaire réglée avec Rowen, je me me mets au travail!
Vf'l'a adressa un soupir,) JWl1rel1X à son Ihncé qui
Iléj( nnait av('('. eux cC' malin-l à.
Kir Horace était à Londrrs a vc(' son viril ami IÜ'nned y,
C't Lady Amol'y se promrn ait rn auLo fi vec 1(' duc de Villi('rs.
On n'avait point rncorc rdcyé lrs fracc's des assassins
dl' la \laison- Rougr. Le dne avait gardé un sil·nee prll-
(knt.
-- Je n'ai l'il'n il clin', avait-l- il avoué. Jo n'ni poiJlL
tJ"~lpé
dan~
l' c~l'im
eL n'étai,; méme point préRl'nl. J';wais déj.\ quit l é (·n auto depuis longtem ps. l'cul(:ll'cpourrnis-jC' (lire 10 nom du justide r; cal' nous envi-
�LE SECRET DES SABLES
123
sageons l'affaire sous des angles différent. Ce que vous
appelez meurlre, je le nomme justice.
n sourit d'un air pensif, en allumant sa cigarette, et il
tendit la main à Lady Amory pour l'aider à monter dans
l'auto. Il n'avait plus reparlé de l'affaire.
- Je ne vous accompagnerai pas au tennis, fit Dick avec
sérieux, j'ai des tas de lettres à écrire, et, comme je
compte travailler énormément à l'avenir, il ne faut pas
me tenter. D'ailleurs, vous n'avez aucun besoin de moi.
Et, sur ces paroles sensées, il quitla la pièce.
- Toute l'après-midi à nous, s'écria Ronald gaiement.
Qu'allons ·nous faire?
- Une grande promenade, suggéra Vera. Comme celle
que nous faisions ensemble jadis.
- Très bien, dit Ronald, t.raversons le parc et allons
jl,lsqu'à la Maison-Rouge. J'ai hâte de voir le ponl que
mon père fait conslruire. Les arches sont déjà posées.
Depuis que l'on a calé les énormes piles, la rivière change,
parait-il, de lil.C'est prodigieux, la force de la mécanique.
Le progrès 1 Les sables, lassés de la sorle, se raffermissent,
dil-on, à vue d'œil.
« Voilà qui va changer tout le caractère de l'endroit!
- Ohl Tant mieuxl Ces maudits sables mouvants ont
été l'origine de tous nos maux.
- Mais aussi celui ùe notre bonheur, Vera? ...
La jeune fille leva SUl' son fiancé un regard heureux et
confiant:
- Vous rappelez-vous, Ronald? .. Nous avions coutume (le joner M, ('nfanls, vous me prolégiez toujours.
- Jo continuerai, chérir, voilà Lout.
Vera passa avec Lrndrcsse son bras sous cclui du jeune
hommc, ct ils avancèrenl n silence.
Bienlôl, la maison de briques rouges leur apparut dans
le soleil, elle n'avait 1'icn rIe sinislre dans la lumiùre, et
ils s'en approchèrent sans crainte.
D'un regard ils parcoururent toul le PL ysage. Quel
,<"hangelTIcnll La masse mouvante avail disparu, laissant
à nu une élcndue de gravier presque sec. Les roches de
�124
LE S E CRET DES SABLE S
rep a iI'e se détachaienL semblable à des sen tinelles soli t aires.
- Comment croire que quelques piles enfoncées soli dQment dans le sol ont suffi à opér er cette méLamorphosp 1
s'écria Ronald . C'est inconcevable. Et, lorsqu'il y a ura les
terrains de golf, l'endroit sera méconnaissable. Que fa itesvous, chérie?
L a jeune fill e s'était p enchée au dess us du lit presq ue
desséch é de la pivière.
U n obj et brillait au milieu des cailloux:
- Un trésor ? demanda le jeun e homme en riant.
Vera poussa un cri:
- C'est la casse Lte à bijoux de ma t a nle 1
X XXiII
L'ARCE NT
sous
J. A ROU lI.I,1l
Ronald dégagea avec so in le coITret e t l'emp orta sur ra
ri ve . 11 éLait for t léger p our sa t a ille; t, lorsqu'il l'eu l.
frott é e t p oli, Ronald cons l.a ta qu'il était en argent et
bois de cè dre. La serl'ure et les gonds, à m oitié m a ngé;.:
pa r la l'ouille, cédèrent sans dimculLé. L e couvercle
tomb a .
- Vous avez r aison, chère, s'écri a le j une hom me . Cv
sont bien les bijoux p er d us depuis qua torze a ns! Il s
uu rair:nt pu l'es ter introuva bles sans la co nsl ru ction ùu
nou veau p onL.
- Comm nt cela?
- C'est s imple. L a pose de ces énormes pilps q ui
doi ven t servir de fond ation au nou v au ponL onL altéréles coura nLs. CClIx ·ci ont en tra!né 10 sablo dans des directions ùilTél'on Les , creusant de nouveaux lits, met ta nt les
a nciens à sec. L'eau a acco mpli en quelq ues sem ain es un
tr avail que les hommes euss nt mis des au li ées il In I\ pr il
})onne fin. Pout -être do La ra aVlliL - il j'arrière- p ensé'
d'accomplir ce tle besogn en ve na nt habiter le pays ...
�LE SECRET DES SABLES
125
Qui le saura jamais? .. En tout cas, nous avons les bijoux,
c'est l'essentiel.
Et Ronald vida le contenu de la cassette sur l'herbe.
Des pierres ternes comme des morceaux de verre tombèrent sur la mousse.
Les jeunes gens se regardèrent:
- On dirait des bijoux de théâtr e, constata Vera sans
enthousiasme. Croyez-vous que des années dans l'eau
salée puissent alLérer l'éclat du diamant? J e ne le crois
p as. Alors?
- Nous n'y connaissons rien, dit Ronald. Le plus simple
sera de les montrer à un expert.
Au châ teau, ils trouvèrent Sir Horace, installé sur la
terrasse dans un r ocking- chair. Il fumait un excellent
cigar \! et semblait enchanté de la vie.
- Ahl Ronald, fiL-il avec cordialité. Je viens de causer
longuement avec votre pèr e et M. Kennedy. Nous avons
éclairci plusieurs malenlendus el r églé plusieurs comptes.
Les explications que m'a données votre père sont très satisfaisantes. Nou s sommes d'accord sur tous les points
M. Kennedy el moi allons r éorganiser la b-anque afin de
vous en passer la direction. Votre p èr e se r olire des
affaires. C'est aux jeunes de travailler maintenant. Notre
ïortul1l() à tous trois vous appartiendra un jour. Et,
puisqu'il m'es t revenu que vous aimiez Vera ...
Sir IIorace sc tut en soudant. Ronald 50 touma vers sa
fiancée et lui prit la main:
- Nous avons votre consentement? domanda-t-il.
-Certes 1 Et de grand cœur. J e ne fai s point de phrases ...
Vera es t une bonne nUe, Ronald; r endez -la heureuse.
Désormai s vos fian çailles so nt officielles . F aites-en part
à la Lerre ent ièr e si bon vous semble 1
.
Sir Horace Mai t IJlu s 6mu qu'il ne le voulait pal'aiLl'e.
Il se détourna pOUl' essuyer une larme .
Ronald, pOlll' fai l'e diversion, raconLa l'histoi re de la
casselte. Sir Horace examina allenLivement les bijoux
retrouv6s.
- Mais on tlirait du verre ! fil-il. TnLC'rrogcons Lady
�126
LE SECRET DES SABLE3
Amory. Elle se irouve dans le salon avec le duc de
Villiers.
Lady Amory ne semblait plus la même femme. Ses
joues avaient r epris do belles couleurs, eL ses yeux brillaient
d'un éclat inaccoutumé. Elle semblait avoir r econquia
toute sa raison avec le bonheur.
- Mais voici ma cassette, fit-elle d'un Lon enjoué. Celle
que ma pauvre sœur avait précipitée dans les sables, dans
un accès de fureur ct de folie. Comme ces bijoux sont
Lernes 1 Que signifie?
Sir Horace r éfléchissait. Les bijoux étaient faux selon
LouLe vraisemblance. D'autre part, les deux joyaux do
Lady Amory considérés comme faux eL von dus à Londres
s'étaient trouvés vrais, alors?
- Je vais téléphoner à Balde, Jo grand bijoutier exporL,
s'écria Sir Horace. II nous renseignera.
Ainsi fut fait. Une demi-heure plus tard, l'expert
accourait. Son opinion ne sc fiL pas aLtendre : les bijoux
trouvés dans les sahlesétaient de piètres imitations, détériorées par leuI' s('joUl' dans l'cau salée. Seuls, ceux que
porLail Lady Amory élaiC'llL d'un prix inestimable.
Toute la confuHioll s'était fa ite dMS la pauvre cenello
insane do la smur de Lady Amory ot, par suiLe, dans celle
de Lady Amory cllc-ml:mo. Personne n'avaii pu dissiper
son errour.
- Si j'avais su! s'écria Lady Amol'Y, lorsque l'experL
cut tlispal'u.
- Qu'importe maintenant" dü Sir Horace. Ma fortUDe'
m'cst rendue, celle do res jrunel:l gons sora incalculable'.
'rout est Lion qui finit bic-n. EL les dianwnts resplondiroll t
Il vec plus d'éclat qoe jamais sur vous.
Lady Arnory souri L, ct uno légoro rougeur s'alluma sur
SOli teint délicnL. Ello semblait rajeunie de dix ans.
- PeuL-être, d'autant que ...
- Oui, complClta Je duc. Maria est c!flsirousc de rovoil'
son pays, Les obstacles qui l'empêcha ient d'y retourner
onL disparu. La morl do co scélérat do Lara n'y esl peint
étrangère. C'éLail trn ennemi morto! de sa famille ... dos
�LE SECr.ET DES SABLES
127
haines de races ... Sans une erreur impardonnable de ma
part, Lady Amory serail ma femme depuis 10ngLemps. Il
esL heureusement Lemps encore de la r éparer. C'est ce que
nous compLons faire.
- Encore un mariage, s'écria Sir Horace. Voilà du
nouveau, par exemplel Si on le célébrait le mème jouI' que
celui de Vera?
- Oh ! oui, fiL la jeune flIle. Co seraiL genLil 1
- Qu'il en soil ainsi, dit Larly Amory iouLe joyeuse.
'fous mes bijoux apparLiendront à Vera un jour. Je lui en
donnerai plusieurs comme cadeau de mariage. Je vous ai
souvent fait une vie bien lriiiile, ma chère peLiLe. Mais il
ne fauL pa::; m'en vouloir. Le chagrin m'avaiL rendue à
moitié folle. lIiais Je bonheur m'a rendu toule ma raison
Onscdispersa. Ronald ct Verase retrouvc:,renl peu après
dans le parc que fleurissaiL le printemps.
- J o suis hcureuse de penser Ciu ' nous serons Lous réunis
cc soir, Ronald. J'aime dùjà \'olro 1Il1'l'e. Quant à volre
père ...
,- Vous serez ÏIl<luJgenle pOUl' hli, diL Je jeune homme,
commo sa naJlcfu~
s 'lllblaiL hf'silanLe. Il a ou bien dos
Lor,s, mais il kg a pnyés clH;remeni eL &'cn reponL
amèrcmplll aujourd'hui. Cc n'csi plus le même homme, jo
YOUS asslIl'O; il a hien vieilli depuis dou).. jours ... Vous
IinÏl'l'z pal' J'aimf 1 pO\u' l'amour de moi, dit s, bit'Il
aiméo?
l'our loule l'épollse, PIle lui lendiL ses lùv rl's:
- Nous ne parll'I'OI1S plus j,Hllais du passé, dit-clle
gaiement.
_ L'avenir est bien plus J'ianL, assura-L-i1.
Et, Lous deux cnlacés, ils unmçaicnt dans le malin
l'adieux parmi les fl(Jur~,
tandis (1'10 des amandiers fleul'Îs
elTeuillail'lll, SUI' leurs deux fl'ont.; rapprochés, de blancs
pétales.
FIN
�"307-9-30. -
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White , Frederick Merrick (1859-1935)
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Le secret des sables : roman
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Date
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impr. 1930
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