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MEMOIRE
P O U R J e a n - B a p t i s t e L o m b a r d , Docteur
en Médecine , Intimé ;
CONTRE
Q
Gui-DajEAN
,
Marchand
,
Appelant.
u e l fpeftacle affligeant pour l’h u m a n ité, 'que celui
d’un fils qui dévoue, fans pudeur, la mémoire de fon pere
a- l’ignominie d ’une banqueroute !
Encore fi ce fils, peu délicat, trouvoit, dans les motifs
honteux qui l'animent,des moyens avoués par la loi ! mais,
jufqu' à cette excufe , tout lui manque.
Seul o b j e t , s’il faut l’en cro ire, d’une donation faite
a fon p e r e , il v e u t, e n fe p o r t a n r héritier bénéficiaire
de celui dont la fuccefion ne doit offrir aucune reffourcé,
dépouiller un tiers-acquéreur de bonne f o i , &
tout à la fois de fa chofe & de fon prix.
le p riv e r
Mais il ne lui réftéra que l’humiliation d’avoir infructueufement tenté de compromettre la mémoire de fon
pere & la fortune d’un tiers.
A
�D ’abordjil eft non r e ç e v a b le clans Ton appel des fcntences
qui
d éjà
le
c o n d a m n e n t .
Il
l’eft même à fe porter héritier
bénéficiaire , à faute d’avoir rempli les formalités d’ ufage
en ce cas , & pour s’être immifcé ,• avant t o u t , dans l'hé
rédité
prétendue
Q u a n d
m êm e
bénéficiaire.
«il pourroit fe pourvoir contre ces fentences &. t
fe dire héritier bénéficiaire, il.ne s’enfuivroit pas
que la donation dont il s’agit dût lui profiter.
Sans doute q u e , dans les principes , la d o n a tio n , faite
au gendre, eft cen& e l’être à la fille ou à Leurs enfans; mais
ce n’eft
l’objet
q u ’a u t a n t que le gendre
de c e t t e libéralité.
n’ a pas été perfonnellement
Ici la d o n a tio n , faite au gendre 3 ne regarde évidem
m ent que lui. T outes les circonftances qui accompagnent
c^tte donation le défignent feul, pour en recueillir l'effet.
C . t t e donation qui ( ce q u ’il eft important de remarquer)
vient à la fuite de premières difpofitions relatives feu
lement à l u i , eft dictée par ïa m itié 8c la reconnoijjance.
Elle n’eft faite que pour, p a r l u i , jou ir & difpofer du
tout , ainjt q u 'il avifera. Elle ne l’eft même que fous la
charge de ne pouvoir, par le gendre „inftituer d’autre hé
ritier que fon fils, non pas dans les feulsobjets de la dona
tion , mais dans l’univerfalité de ces biens ; cette derniere
circonftance
doit être d’autant plus précieufe que
la
donatrice n’auroit pas grevé fon gendre perfonnellement,
s’il n’avoit été que le prête-nom de fon fils ; nemo oneratus%
n iji honoratus.
A u refte , le fils avoue lui même que fon pere eft
donataire, pour fon propre c o m p t e , au moins quant à
l*ufufruit, puifqu il le fuppofe grevé de fubftitution envers
�3
lui ; fuppofition-d'autant ¡plus gauche & maladroite que ce
fyfteme de pretendue fnbftitution, qui donne prife contre
lu i, ne peut ,.à défaut d’enregiftrement & de publication,
lui être d’aucune utilité.
T elle eft én fubftance l’idée de la conteftation. Il en
•réfulte fans doute q u e , com m e l’ont déjà décide deux
tribunaux diiFérens , G ui-D ajean ne p e u t, ni com m e he-*
ritier bénéficiaire , ni com m e d o n ataire, dépouiller le iieuf;
L o m b a rd , & le renvoyer'pour fon rembourfernent, à la
fucceflion infolvable de Pierre D ajean fonpere.
F A I T S .
i i Septembre 1 7 5 1 , teftament de Louis Bourlet qui
nom m e M arie L a c o u r t , fa fem me , fon héritrere univerfelle , fous différentes charges 8c notam m ent fous celle
de rendre fon hérédité à tel de leurs enfans que bon lui
femblera.
10
O & o b re 1 7 5 3 ,
mariage de Louife Bourlet avec
Pierre Dajean. Alors , M arie Lacourt remet cette hérédité
a fa fille, en en acquittant par elle toutes les dettes. Elle lui
donne moitié de fes biens ; mais en même temps elle fe
r é fe rv e l ’ ufufm it tant de l’hérédité qùe de la donation.
E n 1 7 5 9 , L o u i f e B o u r l e t d é c e d e , lfù iT a n tu n fe u l e n f a n t ;
c’eft l’adverfaire. . ■ ■
• •1
19 Janvier 1761 , trania£bion, entre M arie Lacourt 8c
fon gendre, dont il eft important d’analyfer les principales
difpoiitions.
;
/
.
Alors, le gendre d em a n d oit, comme -tuteur^ 9 Je déjaiiTement de i’hérédité de Louis B o u r le t, enfem ble d e src(bjets
 ij
�?4
donnés par Mdrîe Lacourt. Il demandoit de plus,enfonproprc
& privé nom,) la rerriife de fa d o c , de 484flivres par lui
payées à la déchargé de Louis B o u r le t & d e Marie L acou rt,
& de 140 l i v . , qu’il avoit prêtées à cette derpiere. 1
Marie Lacourt fe d éfen doic, en qualité d'ufufruitiere ,
de
re m e ttre
l’hérédité &. les objets de fa donation. Quanc
à la reftitution de la d o t , des 484 livres de dettes &c
d e s
240 livres de p r ê t ,
fans en contefter l’e xig ib ilitéy
elle obfervoit feulement q u e , comme tuteur, fon gendre en
de voit la moitié.
En cet é t a t , M arie Lacour ren o n ce, en faveur
0
au
profit de fo n gendre , à l’ufufruit & même au droit de
retour fur les biens par elle donnés ; elle fait toutefois
dépendre la rénonciation au droit de retour, du prédécès
de Gui-Dajean. Elle reconnoît avoir reçu les induftriesde
fon gendre 8c le prêt de 240 livres. A la fuite de tous ces
avantages qui conftamment ne regardent que le g e n d r e ,
& annoncent les intentions les moins équivoques de bienfaifance envers lui , M arie Lacouic lui donne , à titre
d'am itié & de reconnoijfance , tous fes autres biens , pour s
par lui y faire & difpofer du touty ainfi qu'il avifera ; elle
ne lui fait même cette donation que fous nombre de charges
&; entr’autres, fous la condition de ne pouvoir inflituer
d’ autre héritier que G ui-D a jean ; telle eft la difpofition.
que celui-ci prétend n’être faite qu’ à fa c o n i i d é r a t i o n .
27 Avril 1773, v e n t e , par Pierre D a je a n ,e n fa qualité de
donataire, d’une grange ménaçant
ru in e , couverte de
paille & en mauvais é t a t , &C d’une piece de terre conti
nue , m oy en n a n t'4 1 4 livres, dont 24 livres font payées
comptant ; tout annonce que cette vente
n’avoit été
�5
faite que pour acquitter quelques-unes des charges de la
donation.
Ceiïïonnaire
du
droit
de retrait cenfuel ,
Lombard rembourie l’acquéreur ,
le fieur
fe met en Ton lieu 8c
place.
Le paiement des 400 livres reliantes fur le p rix , en gage,
.entre les créanciers du vendeu r,
une
inftance de préfé
rence fur laquelle in tervien t, le 18 Janvier 1 7 7 8 , fentence
qui c o n d a m n e G u i-D a je a n , fimplement com m e héritier
de
fon
pere t fans le dire héritier bénéficiaire, au paie
m ent de cette fomme.
A lors, Pierre Dajean étoit m o rt; on ignore l’époque de
fon décès.
•1
C e qui paroît certain, c’eft qu e, peu après, G ui-D ajean,
fans aucune appofition de fce llé s, fans inventaire préala
b le , fe met en polleifion de la fucceiiion de fon p ere, ôc
jouît de tous les biens qui la compofoient.
C ependant, plufieurs années après, le z i Mars 1783
Sc comme ii les chofes étoient encore entieres, Gui-Dajean
fe préfente en ju ftice, ôc croit pouvoir devenir héritier
bénéficiaire , en déclarant alors ne vouloir accepter cette
fucceiiion que fous bénéfice d’inventaire.
Le 16 y il procède à l'inventaire ou plutôt à un procès,
verbal de carence des meubles &c effets de la fucceifion.
Trois jours après & le 29 , il f o r m e , com m e héritier
bénéficiaire, en la juftice de L ign erac, une demande en
défiftement des objets dont le fieur Lom bard avoit exercé
le retrait feigneurial.
L e 7 Juillet fu iv a n t, le fieur Lombard le foutient non.r e c e v a b le , com m e ne p o u v a n t, dans les circonftances
�particulières qu’il développe , être ‘iiëiïtier bénéficiaire
& mal fondé, pareeque le,bien vendu dépendoit de la
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donation faite au profit de Pierre JJajean, vëndeur.
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L e 10 , G ui-D ajean impute*a Ion ablencd du pays le
retard qu’il avoir apporté à l’acceptation de
l'hérédité
fous bénéfice d’inventaire. Il dénié avoir fait aucun acte
¿ ’héritier. Il prétend q ù e , com m e donataire, fon pere
ne . pouvoit réclamer que 'm oitié'de s objets de la do
nation.
Alors , le fieur Lombard , en contenant cette abfence
& la non im m ixtion dans l’hérédité, obferve q u e, com m e
d o n ataire
de M arie L acou rt, Pierre Dàjean avoit d’autant
mieux pu difpofer des objets en q u eftio n , fans que G u iD ajean fût en droit de 's’en plaindre, que ce dernier avoit
trouvé, dans les biens de la donatrice , de quoi fe remplir
Sc au de-là des objets par elle donnés à Louife Bourlet fa
mere.
2
A o û t,fe n te n c e q u i,e n t r ’autres difpofitions, ordonne
la vérification êc eftimation de tous les immeubles de l’hé
rédité de Marie L a c o u r t, à l’effet de conftater s’ils fuffifent effectivement pour affurer à G ui-D àjean la valeur
des biens donnés à Louife Bourlet.
i z , Rapport qui fixe à 1,4 17 liv. la valeur des immeu
bles de cette hérédité , ôc feulement à 718 liv. la valeur
des objets vendus par Pierre Dajean ; c'étoit bien conf
tater que Gui-D ajean jouiffoit, 6c au d e - là , des biens don
nés à fa mere.
z i N ovem b re, fentence fur délibéré qui entérine le rap
port Sc déboute Gui-D ajean de fa demande en déiiftement,
attendu qu’il joui« des deux tiers des biens ayant appar
�tenu
7
à M arie L a c o u r t , en ce non compris
le mobilier.
C om m e G ui-D ajean avoit éxécucé cette dernierc fentence , en payant les dépens, le fieur Lombard , devant
fe croire propriétaire incom m utable, con vertit,p eu après,
la mauvaife grange en maifon 8c la piece de terre en
jardin.
Dix-huit mois &. plus après, Gui-Dajeiap appelle fe.ulernenl»
de cette fen ten ce, le 13 Juin 1785 , au bailliage d’Aurillac^,
àc ne fe plaint pas de celle du 1 A o û t , d ’ap,rps laquelle, il
étoit cependant condamné.
^
En ce T r ib u n a l, G u i-D a je a n imagine les difFétenis
fyftêmes qu’ il reproduit aujourd’hui. Il préfente la d o
nation comme une libéralité à lui faite'dans la pdrfonnc
de fon perc. 11 prétend en outre que cette donation eft
une véritable fubftitution à fon profit. Enfin , il place
cette donation dans la claiTe des donations fiduciaires ( i).I
•f
’
A u cu n de ces fyftê m é s, dont le premier étoit le feul
fpécieu x, ne fait fortune. U n e Sentence , du 4 Septembre
1 7 8 6 , confirme celle de la Juftice de L i^ n erac, avec
amende &. dépens.
C e nouvel échec ne décourage pas G ui-D ajean ; il fe
pourvoie en la C o u r , où fon appel fa it , en ce moment ,
la matière d un procès par écrie.
v
• ••
r
(
1
( 1 ) Le (ïcut Lombard ne s’expliquera pa* fur le fyftéme de la. don ation
fid^çiaire, fyftcmc déplorable que Gui-Dajean paroîi avoir abandonne , puifqu'il
ne l’a pas fait reparoîcrc lors de Tes falvations.
�'8
M O Y E N S.
* A v a n t 'd e développer les1 moyens fans nombre qui
dbivcnc
aiTurer
à Pierre Dajean ,
ou à Tes ayans-caufc ,
l’efFec de la donation à lui faite par M arie L acou rt; avant
d^établîr , par fuite, le bien - jugé des Sentences q u i , dans
deux Tribunaux diiFérens ,~lui ont donné fucçeiiivement
gain de caufe, le fieur Lombard croit devoir arrêter d’abord
les regards de la Juftice fur le rôle qu’il joue, 6c le mettre
en oppofition avec celui dont G u i Dajean s’eft chargé.
.
Obfervations
préliminaires.
i‘M
L e fieur Lombard ne vient pas , comme donataire „
difputer, à un héritier légitim e, un bien que la Loi lui
donnoit , 8c q u e , ceflant la donation , celui - ci auroic
trouvé dans la fucccfiïon de fon auteur.
i
Il ne paroît que com m ç tiers-acquéreur 8c même com m e
1'ayant-çaufed*un tiers-acquéreur, 8c pour conferver un bien
qu ’il poiTéde de bonne f o i , 8c dçnt il a payé la valeur. Et dans
quelle circonftance fe préfentc-t-il ? Quand le vendeur, conÊ
tamment infolvable , ne lui préfente aucune reiTource pour
ion rembourfement ; quand celui qui veut l’en dépouiller
fans pudeur 8c fans bourfe d é liée , ne rougit pas d ’ac
c e p te r , fous bénéfice d’in ven taire, la fucccilion du vendeurÿ q u a n d ccc h é r i t i e r n ’a p a s m ê m e honte de livrer par
fuite la mémoire de fon pcrc à la défaveur du ftcllionat, 8c
m êm e à l’infamie d’une faillite.
A la différence de fon Adverfaire j le fieur Lom bard
franc 8t loyal dans fa m arche, ne cherche point à faire un
bénéfice :
'
�9
bénéfice : non certat de lucro çaptando ; il fe propofe feule
ment d’éviter une perte ; certat de damno vitando.
En faudroit-il davantage pour maintenir le fieur L o m
bard dans la propriété d’un bien fi loyalement acquis, &
du prix duquel il ne p o u rro it, dans le fyftême de Ton
A dverfaire, être jamais rembourfé?
M ais il n’en eft pas réduit à, invoquer de fimples
moyens de confidération. S’il en fait u fage, c’eft unique
ment pour mettre fa conduite en oppofition avec celle
de fon Adverfaire ; c’eft pour faire voir que la fienne eft
auiîi honnête que l'autre eft vile 8c méprifable.
Les détails qui vont fuivre prouveront cette vérité il
importante pour le fieur Lom bard.
G u i-D a jea n prétend faire infirmer des Sentences qui
l o n t débouté de fa demande en défiftement ; mais il
Fins ¿c non*;
recevoir.
fa u d ro it, avant to u t, que l’appel en fût rccev ab le, &. il
ne l’cft aflurément pas.
D e u x fortes de fins de non-recevoir s’élévent contre
cet appel ; l’une réfulte du paiement des dépens ; l’autre
eft prife dans le défaut d’appel d’une autre Sentence
qui forme un préjugé puiffant en faveur de celle qui eft
attaquée.
Q u a n t à la prem iere, nul doute q u e , fi les dépens
lie .
avoient été p a yés, ce feroit un acquiefcement au jugé de
la Sentence qui en rendroit l’appel non - recevable * .
A la v é r it é , G u i-D a je a n dénie ce p a iem en t, & il le
peut avcc a va n ta g e, puifque la quittance s’en trouve
nçceiTairemcnt entre fes mains ; mais ce paiement n’en
B
* O ià cel
66j 't
tit. *7 « art- i*
�eft pas moins’ certain, Sc pourroit être attefté, au befoin ,
par nombre de perfonnes du lieu. C ’eft mêm e k caufe de
ce paiement que G u i-D ajea n a laiflé écouler près de
deux ans , fans fe pourvoir au Bailliage d’Aurillac. D e l à
vient que le fieur Lom bard a faic fur les lieux des am élio'
rations 8c des changemens qu’autrement il n’auroit pas
faits.
A l’égard de la fé c o n d é , elle eft c o n fia n te , & nulle
dénégation ne peut la rendre problématique.
En la Juftice de Lignerac , il s’agiiToit de favoir f i ,
com m e le foutenoit le fieur Lombard , G ui-D ajean avoit
trouvé , dans les biens provenans de l’hérédité de M arie
L a c o u r t , de quoi fe remplir de la donation que celle - ci
avoit faite à Louifc Bourlet.
En cet é t a t , premiere Sentence qui ordonne la véri
fication de ce fait important ; rapport qui conftatc l’exac
titude de ce fait ; fécondé Sentence qui prononce en conf é q u e n c e , ÔC qui condamne G ui-D ajean.
Jufqu’à préfent ce dernier n’a appelé que de cette der
nière Sentence. Il refpe&e toujours la précédente. Il avoue
donc implicitement le parti pris alors de faire dépendre
le fort de fa réclamation de l’établiiTement de ce fait. Il
ne peut d o n c , s’il n’appelle pas de c e t t e fécondé Sentence
prétendre k l’infirmation de l’autre.
,
Peu importe que cette fin de non-recevoir, omife au
Bailliage d’A u r i l l a c , n’ait été propoféc qu’en la Cour. Il
n’en fera toujours pas moins certain qu’une Sentence nonattaquée a fait dépendre l’événement de la conteftation
d ’un point de fait qui fe trouve con ftaté; & que , dans
�11
l’état des chofes, il eft d’autant plus impoflîble d’infirmer
un Jugement qui a prononcé en conform ité, que fon in
firmation donneroiten même tems l’être, contre le vœu de
la Loi , * à deux Jugemens contradictoires entre les memes
t>
-
r
i
A
c
•
*
Ordonnance
d e 1 É 6 7 , tit. j y ,
rarties & pour raifon de meme rait.
att.
34.
Q u an d le fieur Lom bard ne feroit point dans le cas
de faire valoir ces fins de non-reccvoir , il lui feroit en
core facile de m ain ten ir, fans leur fecou rs, le bien jugé
des Sentences dont eft appel.
G u i-D ajea n
pourfuit la nullité d’une
vente d’im-
sur le béné-
meubles q u i , s’il faut l’en c r o ir e , n’appartenoient qu’à
ih ven '
l u i , comme feul ôc véritable donataire de M arie Lacourt ;
mais il ne fait pas attention q u e , dans le cas même où il
feroit effectivement l’objet de la libéralité de c e l l e - c i , il
feroit encore non • recevable à attaquer cette vente. L e
vendeur eft fon pere ; il en eft l’héritier ; il feroit donc
garant de fa propre a& ion ; quem de evictione tenet a cîio ,
eumdem agentem repellit excepùo.
V ainem en t en a p p e l l e - t - i l à fa
qualité d’héritier
bénéficiaire, & excipe-t-il par fuite de la non-confufion :
il ne peut fe prévaloir , ni de cette qualité , ni de fes
avantages.
Q uoique, d’après la L o i Sancimus, au code de Jure de-Hb. s les lettres de bénéfice d’inventaire ne foient pas n éceflTaires en pays de droit é c r it , pour jouir du bénéfice
d inventaire , cependant des loix particulières e x ig e n t ,
m em e pour ces p a y s , l’obtention de ces lettres : Edic
de D écem bre 1 7 0 3 , D éclaration de M ars
1708.
�11
E t c’eft ce qui fait dire à. l’annotateur d’A r g o u , liv. z ,
ch. i 9 : « pour jouir du bénéfice d ’inventaire , i l fa u t
i» prendre des lettres du Prince , qu’on appelle lettres
»
de bénéfice d’inventaire.
A u tre fo is, cette formalité
»
n’éroit néceiTaire qu’en pays coutumier ; les derniers
«
E d its ù Arrêts l'ont étendue
»
ÉCRIT
AV%
PAYS
DE
DROIT
»•
O n trouve même dans L a c o m b e , verSo h é ritie r, n. i „
un A r r ê t , du 1 6 M ai
1 7 1 8 , qui ordonne ,
P A Y S DE DROIT ÉCR IT
> que l'on obtiendra des lettres de
POUR
LE
Chancellerie.
D ’après ces autorités , les lettres de bénéfice d’inven
taire font donc néceiTaires à l’héritier bénéficiaire, même
dans les pays de droit écrit.
C e la pofé , la fimple déclaration en Juftice, de la part
de cet héritier , qu’il n’entend accepter la fucceflion que
fous bénéfice d ’inventaire , eft donc infuffifance.
C ’eft: aujourd’hui un point de [droit fi confiant que
G u i-D a jea n vient d’y rendre hommage ; c a r, après avoir
fo u te n u , d’abord en la Jufticc de Lignerac , enfuite au
bailliage d ’Aurillac , & même en la C o u r , que cette
fimple déclaration, à laquelle il s’étoit b o r n é , étoic fuffif a n t e , il vient d’obtenir des lettres de bénéfice d’inven* Voy, fapro- taire
¿uftion nouvelle.
M ais ces lettres ont été tardivement obtenues; elles ne
l ’ont été que plufieurs années après l’inventaire qu’elles
auroient dû précéder ; & elles ne peuvent aiîurer aucun
des avantages du bénéfice d ’inventaire à G u i - D ajcan *
qui doit demeurer héritier pur ÔC fimple.
�3
ï
A ccorderoit - on néanmoins un effet rétroa & if à ces
lettres ? G u i-D ajean n’en feroit pas moins encore héritier
pur 8c fimple.
i°. L ’Ordonnance i 6 i y , art. 1 1 8 , exige que
1 h é
ritier bénéficiaire fafTe âppofer les fcellés : tel efl: en
particulier le vœu de la C o utu m e de Bretagne , art. 5 7 3 .
C ette appofition cft tellement néceiTaire
qu’à défaut de
cette formalité , un A r r ê t , du 1 o Juillet 1 6 3 5 , a con
damné l'héritiere bénéficiaire à payer toutes les dettes
ultra vires ; cet A rrêt fe trouve dans H e n r y s , tome pre
mier , liv. 6 , ch. 4 , queft. 11.
I c i , nulle appofition de fcellés. Q u ’eft-il arrivé ? T o u t
le mobilier avoit été enlevé avant l’inventaire , qui n’eft
autre chofe qu’un vrai procès - verbal de carence.
A défaut de cette appofition de fce llés, G ui-D ajean
ne peut donc fe dire héritier bénéficiaire.
a 0.
¿ cr . i t
D ’après L a c o m b e , ibid 3 n. 7 ; e n p a y s d e d r o i t
, les créanciers doivent être appelés a l ’ inventaire 3
0 les créanciers non connus , par des affiches publiques„
L ’A rrêt que l’on vient de citer a même condamné l’héri*
ticre in ftitu é e , qui s’étoit portée héritiere bénéficiaire ,
à p ayer, comme héritiere pure 8c fim p le , à faute d’avoir
convoqué les créanciers lors de l’inventaire.
Il ne paroit pas q u e , lors de fon prétendu inventaire,
G ui-D ajean ait rempli cette formalité eflentielle ; car on
ne voit ni aflignation pour les créanciers connus , ni
affiches publiques pour les créanciers non connus. Il n’a
pas même appelé le fieur Lom bard qu’ il devoir cepen
dant connoître pour un des créanciers de la
fucceifion 7
puifquc , trois jours a p r è s , il devoit l’aifigncr en dé(X-
�14
rem ent, & lui ouvrir, contre cette fucceiîion , une a& ion
en rembourfemenr.
Cette omiiîion, jointe au défaut d’appoiition de fcellés,
doit donc le conftituer héritier pure & fimple.
30. Il efl: un terme au-delà d u q u el, malgré l’inven
taire , l’héritier ne peut pas fe dire bénéficiaire. C e terme
eft de trente ou quarante jours dans les pays de droit
écrit. C e tems une fois révolu fans confe&ion de l’in
ventaire , l’héritier perd les avantages du bénéfice d’in
ventaire. L a loi Sancimus , déjà invoquée , en a une difpofition expreflTe ; elle efl: ainfi conçue : omni tamen modo
inventarium ab ipfo conficiatur ut ,
1NTRA
TR 1GINTA
, pofi apertas tabulas.. . . exordium capiat inventa
d i e s
rium fuper kis rebus quas defunclus 3 mords tempore > habebat.
C ’eft auifi l’opinion d’A rgou, loc. cit. où il pofe, com m e
m axim e certaine, que « d a n s l e s p a y s d e d r o i t é c r i t ,
» i l fa u t un mois ou quarante jours , après que l’héritier
>ï a eu connoiflfance de l’ouverture de la fucccflion, quV/
u fajfcprocéder a l'inventaire par une perfonne publique....
» s 'il laijfe écouler un trop long tems fans fa ire fa ire inven-
à moins qu’il n'en ait caufe lé g itim e .. . .
» RÉPUTÉ HÉRITIER PUR ET SIMPLE » .
n taire ,
il est
L ’cfpecc d ’inventaire fait par G ui - D ajean ne l’a été
que
pluficurs
années après
l’o u v e r t u r e
de
la fucceffion.
~et inventaire, néceiTaire cependant pour le fairejouir du
bénéfice , ne peut donc lui être d’aucune utilité.
Son abfcnce prétendue ne peut exeufer ce retard. O utre
qu ’elle n’eft aucunement p rou vée, c’cft q u e, quand clic le
f e r o i t , il ne pourroit en cirer parti ; c a r , ayant laiiTé
�i5
écouler plufieurs années 8c conféquemment un trop long
tems 3 il feroic fans excufe légitime.
D ’ailleurs, la même loi a prévu ce cas au §. 3 ; elle
n’ accorde alors qu’un an pour la confe&ion de 1 inventaire;
tune eis UNIUS ANNi SPATI UM a morte teflatoris numerandum damus , ad hujufmodi inventant confummationem.
Aufïî , G ui-D ajean a-t-il été co n d a m n é , comme héri
tier pur &
fimple , lors de la Sentence du t 8 Janvier
1 7 7 8 , qui le dit feulement héritier de fon perc , 8c qui
ne
pouvoit au reite le qualifier héritier bénéficiaire,
puifque ce n’eft: que plufieurs années après & en 1 7 8 3 ,
qu’ il a tenté de fe faire paiïcr pour tel.
M a i s , ce qui doit trancher toute difficulté fur Pimpoflibilité où fe trouve G u i - D a j e a n de profiter du béné
fice d1inventaire , c’eft qu’avant de faire aucune déclara
tion , com m e héritier bénéficiaire , il avoit fait a£te
d’héritier.
Ce
fait qu’établiroient
fculs
l’omiifion de
partie des formalités d’ufage en ce cas , 8c le retard ap
porté dans l’obfervation des autres, pourroit ê t r e , au bcf o i n , prouvé par le rapport fait en exécution de la Sen
tence du 1 A o û t 1 7 8 3 , de laquelle il réfultc qu’il s’eft
mis en poflcflîon de tous les biens de la donation faite
à fon perc. Les chofcs n’étoient donc plus entieres.
ne
pouvoit donc plus fe porter héritier bénéficiaire.
11
S i , com m e on ne peut en d o u t e r , G u i - D ajean eft
héritier pur 8c fimple , peu importeroit donc que cette
donation fut faite à fa coniidération 8c pour lui feul. Il
feroit non-rcccvablc à dem ander, fous ce prétexte , la
nullité de la vente fur laquelle le fieur Lom bard a
e x erce
le retrait c c n fu e l.C o m m e héritier du v e n d eu r, il feroit,
�i6
âinfi qu’on l’a déjà d it, garant de fa propre a&ion : quem
de eviclione 3 & c .
M ais G u i-D ajea n n’eil conftamment pas l’objet de
cette libéralité : c’eft ce qu’il s’agit maintenant de dé
montrer.
D o n a t i o n
pERS O N N E L L E
>U
GENDRE-
En gén éral, la donation , faire au gendre & à la fille,
eft bien cenfée faite à celle-ci : Leprêcrc ,c e n t. i , ch. 3 4 :
Dupleiîis, de la C o m m u n a u t é , / ^ . 173 ; L ebru n , même
traité , pag. 1 1 0 , n. 1 1 , &c.
Il en eft de même de la donation faite au gendre feul ;
A n jo u , 3 3 5 ;
M aine , 3 4 5 : Blois , 1 7 1 ,
&c.
L a raifon en eft qu’ une femblable donation eft réputée
faite en confidération des feuls liens du fang : prjifumitur
âatum f o li perfonx conjuncl4.
M ais cette fimple préfomption, fondée uniquement fur
Ja parenté, c e iie , quand le gendre peut être personnelle
m ent l’objet de la libéralité : la C outum e de T royes ,
art. 1 4 1 ,
prévoit ce c a s , & dit : toutefois , f i cette dona
tion étoit fa ite p a r e x p r è s a u x d e u x c o n j o i n t s , / / n’ en
demeureroit que la m o i t i é p r o p r e a u d i t e n f a n t .
A u f li, des Arrêts en très grand nombre ont, en pareille
circonftancc, déclaré le gendre l’objet pcrfonncl de la
libéralité à lui faite.
M . de C a m b o la s , liv. 6 , ch. 1 3 , remarque trois Arrêts
du Parlement de T o u lo u f c , des i Juin 1 6 3 1 ,
8 M ai
1 6 6 3 , & 1 0 Décem bre 1 6 6 4 , qui ont jugé :
Jj’un , que la donation , faite au gendre & pçur lu i a
n’eft
�T7
n’eilpas faite à la fille, parce que les beaux-peres tiennent
lieu de peres à leurs gendres.
Et les deux autres , q u e, s’il paroît que la donation faite
au gendre , le foit à fa feule confidération , elle lui doit
être acquife & non à la fille du donateur.
Et c’eft ce qui fait dire à M . d e C a tela n , arrétiftedu même
Parlement : s 'i l paroit que l a d o n a t i o n ou inflitution,
EN FAVEUR DU GENDRE , ejl fa ite A SA SEULE CON
SID ER A TIO N & non a la confidération de la fille 9 en de
cas elle d o i t Êt r e a c q u i s e a u g e n d r e 0 non a la fille .
fa ite
Lapeyrere, let. D . n°. 5 4 , rapporte des arrêts femblables du Parlement de B ordeau x, 8c fait en même tems
cette obfervation ; on efiime que, dans les bonnes réglés ,
l a d o n a t i o n , f a i t e a u g e n d r e yfans aucune relation
a la f ille , a p p a r t i e n t a u g e n d r e .
D e n ifa rd , verbo confeiîion , n°. 5 , cite un a rrê t, du 30
A o û t 1 7 6 2 , qui attelle que la jurifprudence de la C o u r ,
fur ce p o i n t , eil abfolument la m ê m e , puifque cet ar
rêt a -m a in te n u , en faveur du g e n d r e , une donation à
lui f a i t e , quoiqu'on lui oppofât que la donation, fa ite au
gendre, ¿¿oit réputée fa ite a la f i ll e , & que, f i J le gendre
avoit reçu , cétoit moins comme étant l'objet perfonnel de
f a libéralité t que comme c h e f 0 adminijlrateur de la com
munauté.
P è s que la d o n a tio n , faite au g e n d re , p e u t , fuivant les
circonilances > ne regarder que l u i , il faut donc exam i.
ner fi ? dans l’efpece , la donation n’eit relative qu’au
gçndre.
A v a n t de paÛTer à la donation , M arie Lacourt déclare.
C
�i8
renon cer, en faveur & au profit de D ajean fort gendre,
non-feulement à l’ufufruic de l’hérédité de Ton mari ,
& même des biens par elle précédemment donnés à fa
fille, mais encore au droit de réveriion , dans le cas de
prédécès de Gui-Dajean.
A la vue de ces mots : en faveur ù au profit Oc. , il
feroit difficile fans doute d’appercevoir un autre que le
g e n d re , appelé à recueillir l’effet de cette renonciation.
O utre que cesexpreiîîons n’indiquent que lu i, c’eft qu e,
cette renonciation ne d e v a n t , quant au droit
tour , profiter au
de re
gendre que dans le cas du prédécès
de G u i-D ajea n , il eft impollible de faire p o f e r , u n feul
inftant j l’objet de cette libéralité fur la tête de ce dernier.
Si M arie Lacourt n’avoit alors en vue que fon gen
d r e , il eft à croire qu’elle étoit encore dans les mêmes
fentim ens pour l u i , lorfque, s’o ccu p an t, im m édiatem ent
après , de la donation en difficulté, elle a déclaré ; &
p o u r , l ’a m i t i é p a r t i c u l i è r e qu*elle a pour ledit D ajean
fo n gendre,
<S
p o u r les bons et a g r é a b l e s services
qu’i l lui a rendus & qu'elle efpere d'en recevoir encore ,
d e l a p r e u v e d e s q u e l s e l l e l e r e l è v e , elle a donne
& d o n n e .............. audit D ajean jo n gendre 3 ci préfent &
acceptant ù h u m b l e m e n t r e m e r c i a n t , la totalité des
b iens, ô c .
C ’eft au refte ce qu’écablic, d’une maniéré non équi
v o q u e , chacun des termes de la donation.
i° . C o m m e dans les difpofitions précédentes, le gendre*
eft fe u l nom m é ( i ) ; il n’y eft m êm e aucunement queftion
de fa qualité de tuteur.
( i ) On pourroic induire de la donation faite par Marie Lacourt à fa fille
�*9
i°. Si fa belle-mere lui donn e, c’eft pour Vamitié par
ticulière q u elle a pour lu i; fentiment dont Pothier * fe * T raité des foc1
.
,
,
,» i •
•
,
i
cernons, chap. 4,
co n te n te, pour conftituer le gendre 1 objet unique de la pag.471.
libéralité de la belle-mere.
30. U n autre fentim ent détermine encore cette d o
nation , c’eft la reconnoiiTance. L e gendre n’eft dona
taire que pour les bons & agréables fervices &c.
40. La donatrice entend ii bien que fa donation pro
fite à fon gendre que , dans la crainte qu’on ne veuille
en faire dépendre TeiFet de la preuve de ces fe rv ic e s,
elle le relève expreflement de l’obligation de faire cette
preuve.
50.
E n fin ,
c’eft parce que le gendre étoit feul appelé
à recueillir cette donation , qu’il eft dit humblement re
merciant , fans que fa belle-mere s’y oppofe.
En rappochant toutes ces circonftances , il doit être
certain que cette donation eft faite au gendre &
à fa
feule confidération ; ce qui doit fuffire, d’après les au
torités c i-d e iïu s, pour le conftituer feul l’objet de cette
libéralité.
A u furplus , quand , fans indiquer tous ces motifs de libé
ralité e n f a v e u r de fon g e n d re , M arie Lacourt lui auroit fait
fa donation p u r e m e n t 6c Amplement, il ne faudroit encore,
pour fe convaincre qu’elle ne regarde que l u i , que les
différentes claufes & charges qui l’accompagnent.
i°. La donation eft faite au gendre , pour 3 par l u i ,
feute , fans nommer fon ge n d re, que, quand clic d o n n o it, elle ¿¿fignoit
eifément celui qu’elle vouloit a van tager, fahs chcichcr un prete-nom.
C
ij
,t,
�20
jou ir & difpofer du tout, ainfi q u 'il avifera. Il a donc le
droit d’ufer des objets de cette donation com m e de fa
propre chofc.
C ro it-o n
, d’apres c e la , q u il ne foit que le
prête-nom de fon fils ?
2°. C e n’eft pas to u t ; cette donation ne lui eft faire
qu û la charge de ne pouvoir inflituer autre héritier que
fo n fils ! V o ilà une charge bien importante dont le grève
cette
donation.
Elle lui interdit le droit de fe choifir
un h é ritie r, même pour raifon de fes*propres b i e n s ;
car elle ne la borne pas aux feuls objets de la donation.
Croit-on que cette donation l’eût ainii g re v é , fi elle n’eut
pas dû lui profiter ? Nemo oneratus t niji honoratus.
3°. C e n’eft pas tout encore ;cette donation, qui demeure
m uette fur des créances duement établies
que répétoit
alors le g e n d r e , e ft, jufqu’à concurrence de ces créances,
moins une libéralité qu’un paiement. N e peut-on pas in
duire de ce filence, une nouvelle preuve d ’un avantage
perfonnel au gendre q u i , a u tre m en t, auroit confervé le
droit de répéter fes créances ?
4°. Enfin, cette donation le charge de payer une foule
de dettes q u elle défigne. Elle ne le fait fans doute en
core , que parce q u elle ne devoit profiter qu’à lui ; c’eft
la jufte conféquence de la maxime , nemo oneratus Oc.
Il réfulte même de l’importance de ces dettes qui s’é lè
vent à une fom m e confidérable, que cette donation eft
plus o n é r e u f c q u e p r o f ita b le au g e n d r e .
Les termes de cette donation & m êm e
fes claufes,
to ut fe réunit donc pour la faire réfider fur la tête du
gendre, &
pour le conftituer l’objet perfonnel de la li
béralité q u e lle contient.
�II
T el eft , à cet
é g a r d ,
trouve la preuve de
l’avantage du fieur L om b ard , qu’il
ce point important dan? le pro
pre fyftême de fort adverfaire.
En eilct t abufant, com m e on le démontrera plus lo in , de
la charge impofée au gendre , de ne pouvoir inftituer
d’autre héritier que fon fils, Gui-Dajean en conclud que
cette donation eft une véritable fubftitution à fon pro
fit ( i ) ;
ôc il n e 'f a i t pas attention qu’en grevant ainii
fon pere de l’obligation
de ren d re, il
le déclare lui-
même l’objet perfonnel de cette libéralité , puifque le
grevé de fubftitution eft un véritable donataire (z), qui
peut devenir propriétaire des biens fubftitués, ii l’appelé
meurt avant lui, & qui peut mêm e difpofer valablement
à l’égard des tiers , il la fubftitution n’eft ni publiée ni
enregiftrée.
Il eft in d ifféren t, d ’après cela q u e , lors de
l’arrêc
remarqué par M M . de Cambolas & de Catelan, une do
nation faite au g e n d re , ait été adjugée à l’en fa n t; des
circonftancesparticulieres avoient déterminé cettedécifion.
i° . Il étoit évident que cette donation, faite pour évi
ter la divijion des biens, ne regardoit que l’enfant qu i,
dans la donation, étoit même die en bas âge.
2.°- Dans cette donation , nulle permilïïon au gend re,
( i ) Il perfifte tellement dans cette étrange prétention q u e , dans fes falvations , fol. 3 7 , il d it , à l’occafion de cette d o n atio n , c'tji un fid É i-com m i*
dont elle a chargé Pierre Dajean fon genare.
( t ) G u i-D a je a n en convient lui - même ; il ajoute dans les mêmes écritu
1
res; queft-ce qu'un fidti-commis î C'efi UNI_i. b e r a i.ix Î exercée envers quelqu'un ,
fo u r la rendre à un autre.
�de jo u ir ù difpofer, com m e dans celle dont il s’a g it , du
tout, ainfi qu’ i l avifcra.
3°. Il ne s’agifloit pas, com m e dans l’efp èce, de l’in
térêt d’un
tie rs-
acquéreur.
4°. A lo r s , le donataire certabat de lucro. I c i , le fieur
Lombard certat de damno.
5°. C ’étoit le donateur q u i, reclamant lui-même, annonçoit affez que c’écoit au profit de ion fils & non de
Ton gendre, qu’il avoit difp ofé, ce qui ne fe rencontre pas
en ce moment.
6°. La donation étoit purement gratuite; &. celle en
queftion eft onéreufe.
7°. A la différence de la nôtre , cette donation n’étoit
point déterminée par l ’ am itié, & caufée pour récompenfe
de fervices ( i ).
A in f i, nul argument à tirer du jugé de cet arrêt.
Peu importe q u e , lors de la donation , le gendre eût
convolé en fécondés noces. C e tte circonftance eft telle
m ent indifférente en elle-même ,
que l’on a vu la do
natrice préférer fon gendre à fes propres enfans , en l’ap
p e la n t, à leur préjudice, à rccuellir l’effet de fa renon
ciation au droit de retour. Si ce convoi ne l’a pas em
pêché de faire ainfi profiter fon gendre des avantages
de ce droit de retour , croit-on que ce convoi ait pu
former obftacle à ce qu’elle lui f ît cette donation , exclufivement à G ui-D ajean ?
Il eft faux q u e , com m e ce dernier le prétend, cette
(j) A remarquer que ces obfcrvations ne font faites que fur la feulecontioHTance
que Gui-Dajean a donnée de l’efpccc de cet arrêt.
�*3
donation n’ait été faite au gendre que com m e tuteur. C ette
qualité par lui prife au commencement de la tranfad ion
de
1761 j n’a aucunement influé fur cette donation.
C ’cft l'amitié., c’eft la reconnoifiance, c’eft l’ex tin d io n des
créances, c’eit la charge des dettes feules
q u i
l’ont déter
minée. Delà , le droit exprès de jouir 6c difpoier à. vo
lonté. D elà encore la défenfe d’inftituer un autre héri
tier que Gui-Dajean. D ’ailleurs, au com m encem ent de cet
a d e , le gendre paroît auífi en fo n propre & privé nom ;
& c’eft conilam ment en cette derniere qualité qu’il eft
conftitué donataire.
S i , com m e il n’en faut pas douter , cette donation
eft faite à la feule confidération du O
cendre *, fi elle ne
regarde que lui, celui-ci à donc pu vendre quelques o b
jets dépendans de cette donation ; fon fils ne peut donc
pas en demander le déliftement , fous le vain prétexte
qu’il eft feul l’objet de cette libéralité.
A entendre Gui-Dajean , cette donation eft une vé
ritable fubftitution q u i , ayant obligé fon pere de lui re
mettre les différens objets qui la com pofoient , ne lui
a pas permis de vendre les objets dont le défiftement
eft demandé ; Sc il fonde ce fyftêmc de fubftitution fur
1 obligation impofee à Ton pere de ne point inftituer
d’autre héritier que lui.
M ais com m ent n’a - t - i l pas fenti que toute idée de
fubftitution étoit inconciliable avec une obligation de
cette nature ?
L ’objet de la fubftitution eft toujours de g ên e r, dans
tous les cas &, dans tous les terns , la faculté de difp’o*
fer; ôc conféquem m ent l’interdidio n qui en réiulte, porte
ir.
Pointdcfubfti-»
tution.
�* 4
rtufll bien fur les a&es entre-vifs que fur les a&es à caufer
de mort. A u fli, lorfque la fubftitution eft en
r è g le , il
n’eft pas plus permis au grevé de vendre, engager & hy
p othéquer, que de tefter & difpoier en contemplation
de mort.
Pour que la donation dont il s’agit emportât fubfti
tution , il faudroit donc qu’elle eût interdit à Pierre D a jean toute efpèce de difpofitions.
Il
eft bien impoiîible d’appercevoir une femblable inter
diction dans une fimple défenfe d’inftituer un autre hé
ritier que G ui-D ajean ; c a r , avoir reftreint cette inter
diction à la feule inftitution d’héritier, c’eft avoir néceflairement permis toutes autres difpofitions ;
c’eft: avoir
notam m ent autorifé celle entre-vifs, & dès lors toutes ventes
aliénations ; cette conféquence eft: 1a fuite
m axime qui dicit de uno negat de altero,
de
la
Ecartons donc de cette donation toute idée de fubftirution qui eft: abfolument incompatible avec une dé
fenfe de d ifp o fer, limitée au feul cas de l’inftituçion
d’héritier.
Il
faut d’autant mieux lecarter q u e , com m e on l’a déjà
remarqué , le gendre étant donataire, pour >par lu i, jouir
& difpofer du tout , ainfi q u 'il avifera , il ne peut pas
être un fidei - commiflaire chargé de rendre, un fimple
ufufruitier.
Q uand il le f e r o i t , cette fubftitution purement hy
pothétique , ne pourroit pas encore être oppofée au fieur
L o m b a rd , & fonder le défiftement demandé.
défaut de
P U B L I C A T I O N ST
II eft, en matière de fu bftitu tion , des formalités qui
4
*
quand
�N
.
25
quand elles ne font pas remplies dans le délai p refcrit, d’enregistr*les rendent non-oppofables à des acquéreurs 6c à des
créanciers : alors les appelés , dont les droits fe trouvent tution.
com p ro m is, n’ont d’action que contre le grevé 6c iur
fes biens perfonnels, fans pouvoir aucunement inquieter
ces tiers.
Ces formalités font 6c l’cnregiitrement 8c la publication
exigés par l’ordonnance de 1 7 4 7 , cit. z , art. 2 7 , 18 ôC
29 ; ce dernier art. dont
la difpofition eft
finguliè-
rement applicable à l'e ip è c e , porte: « pourra néanmoins
” etre
procédé à la publication fie à l’enregiitrement
” des fubititutions , après l’expiration dudit délai de fix
» m ois; mais , dans ce ca s, ¿a fubjiitution naura d'effet ^
» CONTRE LES CREANCIERS ET LES TIERS - ACQUEREURS ,
» que du jou r qu’i l aura été fa tisfa it auxdites formalités ;
” Sa n s q u ’e l l e s p u i s s e n t ê t r e
” auront contracté avant
opposées a ceux q u i
l e d i t j o u r ».
Rien n’eit aiTurément plus fage que cette difpofition;
c a r , ceiTant ces form alités, ceffant auifi l’inutilité des fubftitutions à l’égard des tiers dans le cas
de l’inobfer-
vation de ces form alités, ces écabliilem ens^fi utiles en
eux-memes pour la confervation des biens dans les fa
m illes, 8c p o u r fauver un prodigue de fa propre fureur
feroient lin ftitu tio n la plus dangereufe 6c la plus per
fide pour le public qui , ignorant alors des difpofitions
toujours faites dans l’intérieur des fam illes, & la charge
impofée a la jouiflancé , croiroit pouvoir valablement
traiter avec celui dans la main duquel il la verroit, qui
lui paroitroit un véritable propriétaire , 6c qui cepen
dant ne f e r o it , au m oyen de la fubititution, qu’un finipie depofitaire chargé de rendre.
D
SUBSTi-.
�i
6
A u i f i, la loi, multipliant les moyens de mettre le public
à l’abri des dangers de cette in ftitu tion, foumet-elle à la
rigueur de ces
form alités
, les mineurs , les interdits, les
H ô p ita u x , les Eglii'es , fauf leur recours contre leurs
t u t e u r s , curateurs,
adminiftrateurs & marguilliers; art.
3 z , m êm e tit. Aufli ne regarde-t-elle pas com m e fuffif a n t e , pour rendre la fubftitution o p p o fa b le, la fimple
connoiffance que des tiers intéreiTés auroient pu en avo ir,
d’une toute autre manière que par la voie de l’enregiftrem ent de la publication , art. 3 ibid.
C ’eft au refte ce que la Cour a folemnellement jugé ,
en faveur d’un tiers-acquéreur, par arrêt r e n d u , le pre
mier Mars 1785 , en la premiere chambre des enqu êtes,
au rapport de M . de Gars de Courcelles ,
dans des
V la Gaz des
circonftances beaucoup moins favorables * .
Trib. rom. 13,
Dans lefpèce de cet A rrêt , un fisur B e n q u e z , pour
4
lequel écrivoitle défenfeur du fieur L om bard , avoit acquis,
en 1 7 7 4 , un bien fu b ftitu é, d’un fieur de la Barrere,
héritier du grevé de fu b ftitu tio n , fans être lui-m êm e'
appelé. Alors , la fubftitution n’étoit ni publiée , ni enregiftrée. Elle ne le fut même qu’en i7 7 8 .Q u c ft io n de favoir
f i , dans des circonftances où l’aliénation éto itfaite à non
domino y puifquele vendeur étoit étranger à la fubftitution,
le fieur B e n q u e z , acquéreur, pouvoit [oppofer le défaut
de publication c d ’e n r e g i f t r e m e n t . L a c o n t c f t a t i o n , portée
5
d ’abord par appel au Parlement de T o u lo u fe , fut décidée,
contre l ui , par arrêt du 9 Septembre 1779. Mais un
jugem ent du C o n f e i l , du
19 N ovem bre 1 7 8 1 , ayant
cafle cet arrêt & renvoyé en la C o u r , il y fut jugé que le
fieur B enquez
quoiqu’acquéreur de l’heritier du g r e v é ,
�17
lequel étoit étranger à la fubftitution, & conféquem entfans
aucuns droits dans les biens vendus p o u v o it, auifi bien
que l’acquéreur du grevé ou de l’appelé, oppofer le défaut
de publication
S i,
5c
d’enregiftrement.
dans le cas d’une acquilïtion faite de tout autre que
d’un intérefle à la fubftitution, ce moyen aréuffi, com m ent
le même moyen ne feroic-il pas admis ici ou l’aliénation
eft du fait du g re vé, fi la prétendue fubftitution dont il
s’agir n’eft ni publiée ni enregiftrée ?
Jufqu’à préfent il ne paroît ni publication, ni enreo-iilrement ; & il n ’en a pas été fait fans doute , parceque la
donation en queftion n’a jamais été confidérée com m e
emportant fubftitution.
En fuppofant donc qu’il exiftât une fubftitution , elle
feroit fans aucun effet à l’égard du iieur Lombard , en.
f a qualité de tiers-acquéreur ; &C elle le fe ro it, quoiqu’en
dife G ui-D ajean , malgré fa minorité 6c m êm e malgré
fon ignorance prétendue de l’exiftence de cette fubftitu
tion , ainii que le décident nettem ent les art. 32 ôC 33
de l’Ordonnance de 1 7 4 7 , tic. 2 ci-deiïus.
M ais
il faut en revenir à la vérité. C e tte donation
ne contient point de fubftitution. Elle eft pure & fimple.
Elle conftitue Pierre D ajean perfonnellement donataire.
Elle le charge il peu de ren d re, qu’elle lui conféré nom
m ém ent le droit de jo u ir ô difpofer du tout > ainfi qu’ i l
avifera. Elle ne le greve que de l’obligation de ne point
faire d’autre héritier que fon fils. Elle ne le greve par con féquent que dans fes dernieres difpofitions. Q uant à celles
en tre -vifs, elle le laifle abfolument libre.
�i8
Cela p o fé, les fe n te n c e s , don t l'appel n’eft d’ailleurs
pas recevable , ont donc dû com m e elles fo n t f a i t , main
tenir l’effet de la vente faite par Pierre Dajean. En vendant,
il
avoit difpofé de ce qui lui appartenoir. Il avoit ufé du
' droit que lui conféroit expreffément la donation. Il étoit
donataire libre. Quand il ne l’auroit pas é t é , quand il
auroit au contraire été grevé de fubftitution , cette vente
n’en auroit pas moins dû être m ain tenu e, à l’égard de
l’acquéreur, à défaut de publication & d’enregiftrement
de cette prétendue fubftitution. C ’étoit même d ’autant
mieux le cas de déclarer cette vente inattaquable que
com m e héritier de fon pere &
fans moyens fuff îfans
pour jouir des avantages du bénéfice d’inven taire, G u iD ajean étoit garant de fa propre action.
En conféquence , le fieur Lombard ne doute pas que
la Cour ne prononce , com m e l’ont déjà fait les Juges de
Lignerac & ceux d’A u rillac, & q u elle ne laiffe à Gui-Dajean
le regr e t humiliant d'avoir inutilement tenté de déshonorer
la mémoire de fon
p e r e , en d épouillant, fans bourfe
d é lié e , un acquéreur de bonne f o i ,
en le renvoyant
pour fon rembourfement à une fucceffion notoirement infolvable.
Monf îeur M O R E L D E V I N D Ê , Rapporteur.
M c. B A B I L L E D E P R É N O Y , A vocar.
V ig ie r
De
, Procureur.
l'imprimerie de la Veuve D'HOURY & DEBURE , Imprimeurs - Libraire*
de Mgr. le Duc d ’O r l é a n s , rue H autefeuil l e , N°. 14,1789
�
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Factums Vernet
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Title
A name given to the resource
[Factum. Lombard, Jean-Baptiste. 1789]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Morel De Vindé
Babille De Prénoy
Vigier
Subject
The topic of the resource
successions
banqueroute
donations
dot
renonciation à succession
créances
Lignerac (Justice de)
droit écrit
bénéfice d'inventaires
doctrine
Description
An account of the resource
Mémoire pour Jean-Baptiste Lombard, docteur en médecine, intimé ; Contre Gui-Dajean, marchand, appelant.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
de l'imprimerie de la veuve d'Houry et Debure (Paris)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1789
1751-1789
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
28 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_V0102
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Vernet
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Saint-Chamant (15176)
Rights
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Domaine public
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banqueroute
bénéfice d'inventaires
Créances
doctrine
donations
dot
droit écrit
Lignerac (Justice de)
renonciation à succession
Successions
-
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M
É
M
O
I R
E
P O U R Dame G abrielle d 'O livier , V eu ve de M re JeanBaptiste de Tournem ire ,
donataire
et héritière de
demoiselle R odd e sa mère , laquelle étoit légataire de
M re Léonard de C h a zelle , Appellante de Sentence
rendue par d éfau t, en la Sénéchaussée de R io m , le 28
mars 1787.
CO N T R E
M essire A ntoine-J oseph
ett demoiselle M arguerite
de
de
l a
V
aissiere
C h a z e l l e son épouse
,
;
se
disant héritière du sieur Léonard de Chazelle son p è r e }
Intim és .
La
survenance d’enfants annul l e-t-elle un testament ?
Si l’on eût proposé cette question à R o m e , la loi auroit
prononcé l'affirmative , et on n’auroit pas écouté celui qui
se seroit élevé - contré cette décision. C h e z les Romains ,
l'institution d’héritier étoit un honneur. T o u s les enfan s y
A
�a
avaient un droit ¿gai ; un père ne potivoit en priver aucun
sans des justes motifs , dont la loi ne lui laissoit que 1 apjlicatio n .
Parmi nous, qui n’avons pas adopté 1institution d’héritier,
qui ne devons ce bienfait-.qu’au s?.ng et à la l o i , nous ne
connoissons point le v ice de prétérition.
Si. quelques Auteurs , imbus des principes de là Jurisprud^nse Romaine ,
ont pensé que la survenance d’enfants
annulîoit un testam ent, c'est une erreur qu’on n’ose plus
soutenir aujourd’hui. L es Ordonnances de 17?» et 173>
**
ont tracé la ligne de démarcation qui sépare à jamais les
principes des donations et ceux des testaments.
Q uand un h o m m e, sans enfants
se dépouille d’une
partie de ses biens par une donation entre vifs', il s’est
lié irrévocablem ent, et ne pouvant briser un lien dont là
t,mdr esse pour ses enfants le fait repentir , la loi vient
consoler la sollicitude paternelle.
Dans un testam ent, au contraire, l’homme restant touj3urs libre de sa volonté , n’a pas besoin du secours de la
lo i pour manifester ses regrets ; il n’a qu’à vouloir un mo
ment , et sa volonté rend à ses enfants ce qu’il avoit d o n n é
à des étrangers , qui lui sont moins chers.
L a différence du pouvoir que ces deux sortes d’actes
laissent au p è r e , a déterminé la différence des prin cip es
relatifs aux uns et aux autres. L ’aveugle intérêt peut seul
oser entreprendre de les confondre.
F A I T S .
L a demoiselle Françoise R o d d e , étoit née sâns fortune *
�niais elle étoit douée d’un caractère qui la rendoit chcrô
à tous ceux qui la connoissoient. L e sieur Chazelle, son
oncle , se trouva heureux de lui tenir lieu de p ère, et prit
à elle l’intérêt le pins tendre ; il l’appclla auprès de lui ,
veilla à son éducation, et ia soigna autant que l’exigeoit
sa naissance, et que sa fortune le lui permettoit.
T ous ces bienfaits auroient cependant été funestes à la
demoiselle R o d d es, si son oncle eut borné là sa générosité :
il le sentit ; e t , décidé par les règles de la justice autant
que par les mouvements de son cœur , il ne voulut pas
être généreux à demi. L a coutume lui permettoit la libre
disposition du quart de ses biens; il le légua à sa j 211:13
p îpille par testament du 30 avril 1743 , et laissa le reste à
S:s héritiers ab intestat y par égale portion.
L e sieur de Chazelle étoit alors garçon. B ientôt il
épousa demoiselle M arie-M arguerite de Vilîem nnié ; mais
sa tendresse pour sa femme ne le rendit point injuste envers
sa nièce. Il laissa subsister son testament ; e t , réglant avec
la dame son ép o u se, le sort des enfants à naître de ce
mariage , il Stipula que , pour conserver leur m a lso n , ils
donnoient , par donation entre-vifs
,
pure et irrévocable , m oitié
de leurs biens présents et à v e n ir } à un de ses znfants rna.e ou
f i lit } qui naîtroient de leur mariage , te l q u i l serait par eu x
n om m é , ou par Cun d 'eu x
,
ou à leur d éfa u t , en cas de décès ,
par quatre parents. C e sont le propres expressions de cette
clause.
Peu de temps après son mariage , le sieur de Chazelle
^trouva l’occasion d’établir la demoiselle Roddes sa nièce.
L'éducation qu’il lui avait fait d o n n er, jointe au legs d’une
poraou de ses biens, lui iit trouver un parti trec-sortabie.
A ij
�4
Pour ne pas le laisser échapper , et pour indemniser ça
nièce de la réduction de son le g s , qu i, au moyen d i la
donation contractuelle , étoit bornée à un huitième , au lieu
d ’un quart , il lui fi* un cadeau de noces de 1,000 liv. et de
quelques m eubles, qu’on qualifia de dot dans son contrat
de mariage avec le sieur d’O livier.
Q u o i qu’il en soit de cette qualification , le sieur C h az .lle ne changea rien aux dispositions écrites dans son
testam ent, lesquelles se trouvoient seulement réduites à un
huitième , comme nous venons de le dire.
L e sieur de C hazelleeut plusieurs enfants de son mariage.
I l vit croître , il aima ces fruits d’une union très-heureuse ,
sans qu’il songeât à révoquer le legs qu’il avoit fait à sa
nièce.
Il mourut , et laissa son testament dans les formes qu’il
l’avoit écrit. L a dame son épouse mourut aussi.
Ils navoient point c h o is i, entre les deux enfants qui
alloient leur survivra , le donataire qu’ils avoient fait par
leur contrat de mariage ; de sorte que ce choix difficile à
faire par un père et une mère qui ont une égale tendresse
pour leurs enfants, fut dévolu aux p aren ts, qui se décidè
rent en faveur de la dame Baronne D escorailles. Cette der
nière recueillit la moitié de la succession, à titre de dona
taire, et la dame delà Vaissière sa soeur, reçut l’autre comme
héritière.
C e partage ne devoit frapper que sur les biens qui
étoient libres ; et dcs-lors, le legs fait à la demoiselle
Roddes devoit en être distrait. Cependant les parents firent
une masse de t-mte la fortune des père et mère , et la
divisèrent en deux parties é g a le s, sans son songer à payer
�à-la légataire , la juste libéralité que le sieur de Chazeîle
lui avoit faite.
Cette conduite étrange n’étoit pas conséquente avec
l ’opération que les parents venoient de faire ; c a r , à quoi
bon ) dans une succession dévolue à deux sœurs , nommer
une d’elles donataire de la moitié des b ien s,
et l’autre
héritière de la seconde partie ? L ’intention des père et
mère u’avoit-elle pas été que l’une de leurs filles fù: avan
tagée ? C ep en d an t, par ce partage, elles sont également
favorisées. Q uelle devoitdonc être l’opération des parents ,
en faisant le choix qui leur é:oit référé ? Ils devoient dis
traire de la portion de l’héritière, le legs fait à la dame
d’O livier : par ce m oyen, l’héritière auroit eu moins que
sa soeur, et l ’intention de leurs auteurs eut été remplie.
Q u o iq u ’il en so it, la dame de T o u rn em ire, qui repré
sente la dame d’O livier sa m ère, comme cessionnaire et
comme hérière contractuelle , a demandé à la dame de la
Y a is s ic re , héritière du sieur de Chazelle son p c re , la déli
vrance de son legs.
Une demande aussi [juste a éprouvé un refus , et donné
lieu à la contestation qui divise aujourd’hui les parties. E lle
a déjà été jugée par défau t, au Présidiil de R ioin } contre
la dame de Tournem ire. Mais cette sentence, fruit d’une
erreu r, qui n’a pas été combattue devant les premiers Juges,
ne sauroit tenir contre les principes que nous allons déve
lopper.
M
O
Y
E
N
S
.
L e sieur de Chazelle avoit le droit de disposer du quart
de ses biens : on ne le lui a jamais contesté.
�6
L a demoiselle R odd e , sa légataire, étoit capable de
recevoir cette libéralité ; on convient encore de ce point.
L e testament qui contient le legs qu’elle réclame , est
revêtu de toutes ses formes. O n n’élève aucun douce à cet
égard.
Il ne devroit donc plus subsister de contestation entre
les parties. L e
testateur a pu léguer ; la légataire a pu
recevoir; et nul vice de forme ne s’élève contre le testa
ment. O ù donc est la difficulté ?
Si ce testament est valable aux yeux de la l o i , il contra
rie l’ambition des adversaires ; et voilà le m otif de leurs
efioris pour le faire anéantir. M ais, comme c’est l’intérêt
seul qui les guide , ils ne présentent pour défendre leur
système ,
que les erreurs inséparables de la cause de
l ’avidité.
Il ont vu dans nos lo ix , que la survenance d'un enfant
annulloit une donation ; et ils appliquent aux testam ents,
ce qui n’est vrai que pour les donations. Ils n’ont pu se
dissimuler la différence qu’il y a entre une libéralité irré
vocable et une libéralité qui pourroit être révoquée par le
testateur ; mais ils ont confondu toutes nos idées sur ces
m atières, et ils se sont flattés de faire illusion.
D elà passant à des erreurs d’un autre genre , ils ont
invoqué le D roit Rom ain , quand l’acte dont il s’agit n’est
soumis qu’à nos loix cotumières , à notre D roit François.
Iis ont assimilé le testament des Rom ains à nos dispostions
de dernière volonté , malgré la disparate immense qui les
rend étrangers. Enfin , citant ces loi.t romaines sans exac
titude ou sans attention, ils ont tout em brouillé, et ils ont
fini par nous fournir des armes contr’eux-mêmes.
�7
Ramenons tout âux vrais prencipes , et forçons
nos
adversaires à retracter les sophismes que leur imagination
a enfantés pour défendre le système le plus étrange.
i ° . Etablissons q u e , si la survenai.ce d’un enfant détruit
Une donation , elle ne produit pas le même eiïet sur un
testament.
2°. L a différence qu’il y a entre
nos dispositions de
derniers volontéet le testament des Romains.
5°. Q u ’aucune loi rornaine applicable à notre espèce n’est
contraire au testament du sieur de C h a zelle, puisqu’il a
pérséveré dans sa volonté , après la naissance de ses enfans.
4°. Q i e la Jurisprudence et les Auteurs qui ont écrit
après l’Ordonnance de 1731 et celle de 1 7 5 5 , se reu
nissent pour en prouver la validité.
Et nous pourrons conclure qu’il est digne de la sanction
des tribunaux, puisqu’il est conform e au vœ u de nos loix,
S-
! er
l a survenance etun Enfant ne. détruit pas un Testament,
N ou s reconnoissons trois vices destructifs des testa
ments. Ils sont n u ls, s’ils pèchent par les formes : ils ne
peuvent subsister, s’il y a défaut de capacité de la part <fti
testateur ou de la part du légataire : enfin, les tribunaux les
reprouvent, s’ils blessent nos mœurs p arleu r dispositions.
N o s loix ont marqué tous ces vices ; et quand elles s’arrêr
ient sur ce d é tail, elles disent que les testamens qui en
sont exempts sont valab les, et doivent être consacrés par
la justice.
�8
Ici toutes les formes ont été observées : point d’incâpacité
ni de la part du testateur ni de la part de la lé g a t a ir e e t
nos mœurs approuvent qu’un oncle marque, par des dispo
sitions de dernière volon ré, qu’il a aimé sa nièce , et qu’il
voulu lui servir de père.
Si donc on veut que la survenance d’un enfant annuité
parmi nous l’acte qui contient un le g s , il faut qu’on noiis
cite une loi françoise qui prononce cette nullité. En existe
t-il ? la coutume d’Auvergne sous l’empire de laquelle se
trouveut les biens du testateur contient-elle quelque disposi
tion à cet égard ? non :
Mais ce n’est pas a ssez. N ous avons une Ordonnance
sur les testaments ; contient-elle un article qui prononce
eette nullité ? N on .
E n fin , dans le nombre de nos loix , qui est immense ,
trouve-t-on quelque trace qui annonce que jamais nous
ayoas admis cet étrange système ? N on encore. T o u t notre
C o d e est muet sur çe point ; et ce seroit une erreur nou
velle pour n o u s, si quelques parents aussi avides que les
adversaires ne l’avoient fait inscrire dans les registres de nos
Tribunaux , qui l’ont proscrite aussi souvent que l’ambition
a osé la présenter. ( i )
E t certes t si l’on eût regardé la survenance d’un enfant
comme une cause de révocation de testam ent, nos lo ix
<•
---- -
■
---------- 3
( 1 ) N eus parlerons de cette Jurisprudence en réfutant les dernières objections
des intimés ; et nous ferons vo ir que les arrêts rendus dans notre espèce ont consacré
les testaments, malgré la survenance d’enfants ; que ceux qui semblent avoir jugé
jl’une manière différente , sont dans des circonstances étrangères à la dame de
Toumemire.
l’auroient
�*
l ’auroient déclaré , comme elles ont déclaré que Cette cir
constance annulle les donations.
Q u e prouvent donc leurs dispositions à l’égard de cellesci , et leur silence sur ceux-là ?
Q u e ces deux sortes d’actes sont séparées par une diffé
rence totale.
L es premiers sont irrévocables. L e donateur et le dona»
taire forment ensemble un contrat qui ne peut être rompu
sans le consentement du donataire.
L es seconds sont révocables ad nutum. L e testateur ne
contracte point avec le légataire ; il peut rompre son
testament quand il le veut.
Dans les prem iers, le donateur est lié : là loi seule peut
briser l’acte qui contient des libéralités dont il se rep en t, et
qu’on présume qu’il n’auroit pas faites , s’il avoit e u , ou s’il
aro it cru avoir des enfants. L a loi se place alors entre lui
et le donataire pour plaider la cause de la nature.
Dans les seconds, le testateur, toujours maître de réparer
les erreurs de la bienfaisance, n’a pas besoin que la loi
lüi prête un secours qui lui est inutile. S ’il a des enfants
à l’époque du testament, il a été généreux en connoissancs
de cause : s’il lui en survient après qu’il est f a i t , et que
la nature parle à son cœur , il p eu t, de son propre m ouve
ment , l’écouter et lui obéir.
L a différence est - elle assez grande ? Cependant elle n’a
pas arrêté les adversaires. Ils confondent ces actes. L e m otif
de l’ordonnance qui révoque les donations par la survenance
d’un en fan t, d o it , suivant e u x , faire annuller les testataments dans la même circonstance. L e testateur ne fait un
le g s qu’en considération de ce qu’il n’a point d’enfants,
B
�¡0
qu’à condition qu’il n’en aura pâs : quand il lui en survient,
son testament est anéanti, la nature rentre dans ses droits,
et les enfants ne sont pas plus privés d’une partie de la
fortune de leur père , par un
testament que par une
donation.
Si telle est la disposition du testateur, quand il n’a pas
d’enfants, cette disposition doit changer quand il devient
père ; et comme il a le droit de rompre son testam ent,
on doit croire qu’il persiste dans ses résolutions , quand iL
laisse subsister l’acte qui les contient.
M a is , plaçons , pour un m om ent, sur la même lig n e ,
les testaments et les donations ; et supposons qu’un parti
culier , avant d’avoir des enfants , eût fait une donation. Il
lui en naît un. Si ce père , après la naissance de cet en fan t,
ratifie sa donation par un acte nouveau, cet enfant pourra-t-il
en demander la révocation ? Q ui seroit assez étranger à ne s
loix pour oser prononcer l'affirmative ? personne sans
doute. E t bien un testateur qui lègue une partie de sa for
tune , avant d’avoir des enfants, et qui , quand il e n a ,
ne révoque pas son testam ent, que fait-il ? ne confirme-t-il
p as, ne ratifie t-il pas son testament ? et dès-lors, peut on
alléguer la survenance d’un enfant pour le faire révoquer ?
Dans le premier cas , la donation renouvellée après la nais
sance d’un en fan t, est une donation faite après la surve
nance de l’enfant. O n ne peut donc pas dire que le dona
teur ne l’auroit pas fa ite , s’il avoit é t é , ou s’il avoit cru
qu’il seroit père.
Dans le second, le testament qui n’est pas déchiré après
que le testateur a vu naître un enfant , n’est-ii pas censé
fait après la naissance de cet enfant ? Comment donc pour-
�îï
roit-on âlléguer la naissance de cet enfant pour faire
annuller l’acte qui contient les justes libéralités de son
père ?
Disons plus : qu’est un testament ? quelle est sa date ?
Un testament n’e st-il pas l’expression de la volonté du
testateer ? Tant qu’il v i t , n’est-il pas maître de la changer ?
O u i sans dnute. T elles sont nos maximes ; et n’en résuste^-t-il
pas la conséquence qu’un testam ent, quelqu’antérieur qu’il
soit à la mort du testateur , est. l ’expressions de sa dernière
vo lon té; n’en résulte-t-il pas cette autre conséquence q u e ,
si les enfants sont nés avant sa mort , le testament est
postérieur à leur naissance !
Dans l’espèce , le testateur âvoit vu naître ses enfants ; il'
les avoit vu croître ; il les avoit aimés ; il meurt : jusques«là
ayant pu changer son testament , il Ta confirmé chaque
jour en ne le révoquant pas. Il est donc postérieur à la
naissance de ses filles : on ne peut d o n c , encore une fo is ,
l ’attaquer sous pretexte de la survenance d’enfants.
L a thèse ne seroit pas la m êm e, si la libéralité envers
sa nièce ,
étoit écrite dans une donation.
Il n’auroit
pas été libre de la révoquer : sa date seroit celle du jour
de la passation du contrat ; et la naissance d’un enfant
po :térieurement à l’acte , rendroit la donation nulle.
N e perdons par conséquent jamais de vue cette diffé
rence. Dans ies donations , l’homme a besoin du secours
de la loi pour rompre un lien qu’il a eu l’imprudence de
form er, et qu’il n’auroit pas formé , s’il avoit cru avoir des
enfants.
Dans les testaments au contraire, il est toujours maîtte
B ij
�12
de sfr v o lo n té , parce qu’il ne l’a point engagée irrévoca
blement.
N e perdons pas de vue que, lorsque le donateur a vu
naître un enfant, et que loin de se repentir de sa libéralité ,
il la fait de nouveau : cette seconde donation ne peut plus
être révo q u ée, fous prétexte qu’un enfant est né posté
rieurement à la première.
D e même un testament s fait avant la naissance d’un
enfant, est ratifié , si le père ne le détruit pas après la nais
sance de cet enfant. C e n’est plus le prem ier, c’en est un
second dont la date est celle de la mort du testateur.
V o ilà toute la cause ; elle est dans ce peu de mots : et
nous y sommes revenus par ce résumé , pour la fixer irrévo
cablement. Maintenant, si nous nous livrons à d’autres discustio n s, nous nous écarterons du point de la décision : mais
dans ces écarts, où nous serons entraînés par nos adversaires,
nous aurons toujours à la main le flambeau de la vérité ;
et nous prouverons que la vérité qui poursuit l’erreu r,
a c q u ie r t
de nouvelles forces dans sa m arche, et se prépare
un triomphe plus complet.
L a conservation de ce testament n en est pas une] ratifica
tion , disent les adversaires : s’il éxiste , c’est que le fisur
de Chazelle a oublié de le déchirer. L a tendresse paternelle
doit faire présumer que son intention n’a pas été de laisser
subsister un legs qui depouilloit ses enfans d’une partie de
sa fortune.
L e sieur de Chazelle a oublié de déchirer son testament!
l’invention est heureuse. E l c’est sa tendresse pour ses en
fants , qui doit le
faire présumer f N ous rendrons un
hommage plus juste à la tendresse paternelle, en disant que,
�13
lorsqu’un père se repent d’un bienfait qui dépouille un fris qui
lui vient de naître, son premier mouvement est de courir
à l’acte qui le renferm e, et de le déchirer ; que, quand il ne
le ddehire pas , il manifeste que sa libéralité a été le fruit
d?une volonté constante que rien n’a pu ébranler, puisqu’elle
a résisté à la voix de la nature.
Mais , sur quoi est fondée cette objection ? sur un fait
supposé : et pour la repousser , que faut-il de plus , que
de présenter un fait vrai ? l’existence du testament
S ’il étoit permis d’écouter le langage des adversaires,
quel testament seroit à l’abri de la censure des tribunaux ?
quel est le fils qui ne trouveroit pas ce moyen pour le faire
anéantir ? quel est celui qui ne pourroit pas dire que le
testament qui le prive d’une partie des biens de son père >
n’existe que parce que son père a oublié de le chan ger, de
le rétracter?
Mais non. Il étoit réservé aux adversaires de bazarder
cet étrange discours. L e sieur de Chazelle n’a rien oublié
de ce qu’il a voulu faire. Son testament existe, parce qu’il
a voulu le laisser subsister, malgré la survenance de ses
enfants. Sa tendresse, pour eux n’a rien changé aux justes sen
timents qu’il avoit pour sa nièce. Il n’a pas cessé de l’aimer,
quoique des enfants soient venu prendre la première place
dans son cœur. L es soins qu’il avoit eus de sa jeunesse,
ses premiers bienfaits lui avoient fait un devoir des se
conds. Sans le legs qu’il lui a fait , ses premiers présents lui
seroient devenus funestes. E t remarquez combien >le sieur
de Chazelle ctok loin de vouloir rétracter son testament.
Quand il le f it , à la vérité, il n’étoit pas marié. Mais queique
temps après son m ariage, il trouve un établissement pour
�*4
sa nièce. Il saisit âvec empressement cette occasion de
l’indemniser ds ce que le legs du quart avoit été réduit à
un huitième par la donation contractuelle portée dans son
contrat de mariage. Il lui fait un présent de n o c e s , de
1000 liv ., et de quelques meubles.
|
E t sans doute il doit paroître nouveau d’entendre les
adversaires dire à ce sujet, que le sieur de Chazelle avoit
anéanti son testament, et par le contrat de mariage qui
contient une donation ds moitié de ses biens à l’un des
enfants qui naîtroient, et par le contrat de mariage de la
demoiselles R odde qui reçoit une dot.
Prem ièrem ent, le contrat de mariage du sieur de C h a
zelle ne prouve qu’une chose , c’est qu’il a voulu avan
tager un de ses enfants, comme il le dit lui-m êm e, p our
soutenir sa maison. Il lui donne en conséquence , la moitié
de ses b ie n s, et les lui donne francs et libres de toutes
charges. Q uant à l’autre moitié , il veut qu’elle soit parta
gée entre tous ses enfants par égale portion.
Mais quentend-on par les biens d’une succession ? ce
qui re s te , toutes les dettes de la succession payées : deducto
xre alieno. O r , les legs sont compris dans les dettes.
A in s i, la deuxième partie des biens du sieur de Chazelle
étoit affectée aux charges , et par conséquent au legs de la
demoiselle Rodde. C e l e g s , q u i, dans le principe, étoit
du quart, s’est trouvé par le contrat de mariage., réduit
à un huitièm e, parce que la donation contractuelle dé
pouille le père de la moitié des biens qu’il avoit lors de
t ’stament , et que le legs d’un quart ne se prend que
sur les biens que le testateur laisse à sa mort. Il est du quart
�'5
de la moirî'i niais respectivement au m it , il n’est que
d un huitième.
20' L e contrat de mariage de la demoisseîle Rodde ne
contient rien qui annonce la destruction du testament du
sieur de Chazelle. C e dernier y ajoute une nouvelle preuve
de son attachement pour sa nièce : il le fait , parce qu’il
veut l’indemniser de la réduction que son legs avoit éprouvée ;
en vain y chercheroit-on autre chose. O n n’y trouve que
cela ; et pourquoi y chercher la preuve de l’anéantissement
du testament ? L e testateur avoit-il besoin de déguiser son
intention ? E toit-il forcé de la configner dans des actes
étrangers ? ne lui suflisoit-il pas de déchirer le testament ? E t
s’il ne l’a pas f a it , que faut-il en conclure, sinon qu’il a
voulu le laisser subsister ?
C ette conséquence est détruite, suivant les adversaires,
par une dernière quittance, que la demoiselle R odd e et
SDn mari ont donné du dernier paiement de la dot que le
sieur de Chazelle lui avoit constituée. Par cette quittance,
disen t-il, le sieur de Chamelle, s ’ est fa it tenir quitte et déchargé
lu i et les siens ; et elle est donnée sans aucune réserve généra
lement quelconque. D onc il ne devoit plus rien à la demoiselle
R odd e ; donc ses héritiers ne lui devoient plus rien ; donc
le legs étoit déîruir.
N otre réponse pourroit être fort courte. L e testament
subsiste ; donc il n’a pas été détruit. E t certes , cette
manière de raisonner est plus juste que celle des adversaires.
L e principe de la conséquence est tiré d’un fait constant;
et la conféquence en découle d’?/ie-r»iême. Les adversaires,
au contraire, tirent une conséquence étrangère à leur prem’tce. Ils disent : le sieur de Chazelle a payé la dot qu’il
�16
avoit constituée à là demoiselle R odd e ; donc son testament
est détruit. Q uelle étrange logique !
Reprenons l ’objection. « L a quittance décharge le sieur
» de Chazelle et les siens ». Mais de quoi ? de toute la d o t,
parce que la demoiselle R odde en recevoit le dernier paie
ment. E lle est donnée sans aucune réserve généralement
quelconque. Mais sur quoi
frappe cette renonciation à
toute réserve ? sur ce qui faisoit l’objet de la quittance,
sur la dot.
Ecartons donc ces subtilités , qui n’auroient jamais dû
être proposées. N i le contrat de mariage du sieur C h a z e lle ,
ni le contrat de mariage de la demoiselle R o d e , ni la
quittance finale de la d o t, rien de tout cela ne peut faire
présumer l’anéantissement du testament. Ces actes prouvent
au contraire, que le sieur de Chazelle a voulu le laisser
subsister. Ils le p rou ven t, parce qu’ils n’en contiennent
pas la révocation ; ils le prouvent sur-tout , puisque le
second atteste que si , par le prem ier, le legs du quart
avoit été réduit à un huitième , le sieur de Chazelle à voulu
indemniser sa nièce de cette réduction ; et que le troisième
établit qu’il a été fidèle aux engagements qu’il avoit pris par
le second.
Après tant de preuves que le sieur de Chazelle a persisté
jusqu'à sa m o rt, dans sa volonté , nous arrêterons-nous à la
dernière objection des adversaires ? Ils la tirent de l’opéra
tion des quatre parents qui ont fait le choix que le sieur de
Cbâzelle et sa femme n avoient pas osé faire d’un de leuijs
enfants , pour recueillir la donation contractuelle de la
moitié de leurs biens.
Si ces quatre parents , disent-ils
,
eussent
cru
à l’existence
du
�17
du testament de 1 7 3 4 , ils auroient pu ne pâs Faire de choix ;
car ils n’avoient aucune raison d’avantager- l’aînée des filles
au préjudice de la cadette qui auroit pu se trouver ru inée,
61 la succession avoit été chargée de dettes.
i° . Q u ’importe l’opinion de ces quatre parens ? est - ce
leur opinion qui doit décider si le testateur a persisté dans
sa volonté ? le testament qui existe ne suffit il pas pour le
demoritrer ?
20. N e pourrions nous pas tirer de cette opération la
plus grand avantage, si nous en avions besoin ? L a suc- 1
cession du sieur de Chazelle , dirions nous, étoit sans
charges. La seule étoit le legs fait à la demoiselle Roddes.
Si ce legs n’eut pas existé , si les parens l’avoient ignoré »
ils n’auroient eu aucun intérêt de faite île éhobii'que les
père et mère des adversaires leur ¿voient déféré. Et en
e ffe t, les sieur et dame de Chazelle n’avoient laissé que
deux enfants. Leur succession étoit1 de droit partagée paf
moitié. D ès-lors n’auroit-il pas été indifférent que 'l’urt
d^s enfants reçût sa moitié à titre de donataire, bu à titre 1
d’héritière ? puisqu’il n’y àuroit pas eu déchargés, leur con*
dition eût été la même, et le choix devenoit inutile entre
eux d’eux.
Plaçons nous maintenant dans la véritable thèse fcc nous
Verrons la nécessité de faire un choix. L ’intention des père
^ mère étoit qu’un de leurs enfants fût avantagé pour soutenir la maison. Il existoit un legs. C e legs devoit être
u la charge de l’héritière, et la donataire devoit en. être
fra n c h ie .
Pour remplir l ’intention des père et m ère, les
Quatre parents instruits de ce legs
ortt donc été fôrèés de
taire un choix. Cette opération est donc une preuve que
C
�i
18
k s quatre parents avaient coanoissânçe du testament. Elte
nous offre donc, un Nouveau, moyen contre le système des
adversaires mais nous leur en faisons grâce. L e testament
subsiste ; il n'a point été révoqué.
secours étrangers pour se soutenir.
Il n ’a pas besoin de
L a loi le consacre ,
puisqu’elle n’en prononce pas la nullité par la survenance
d’enfantSi.
C e silence de. l’ordonnance de
1 7 3 J ,. gêne bien les
adversaires.. O n peut en juger par les efforts qu’ils tentent
pour eçhapper- aux conséquences qui en résultent..
C ette ordonnance se ta ît, disent-ils „ sur la question qui
nous, divise.;, mais elle n’a pas dérogé aux.loix ,auX:usages,
ni à la jurisprudence , concernant la révocation tacite des
testaments. A i n s i p a r exemple., l’inimitié qui* est survenue
entre le.testateur e tle légataire après un testament „ l e fait
révoquer de plein;d ro it, si. cette haine est telle qu’elle
füsse. croire: que si elle eut; existé lors ou« avant le. testa?m entj il n’auroit pas été fa it; et q u o ia jo u t e n t - ils , un
testament sera rompu par une inimitié ultérieure , et la
naissance d’un,enfant ne produira pas le même effet! L 3
tendresse paternelle sera donc moins puissante que 1*'
haine. Un homme sera donc plus sensible-à une injure*,
qu’un père ne sera attaché à ses enfants»
C e t argument a droit d’étonner. D ’abord.notre ordoi*nm ce.de. 17-3
et nos coutumes sont muettes sur la ré
vocation, des
testaments pour cause d’inim itié, corn«16
elles le sont sur la révocation de. ces actes par la surve*
nance d’enfants,, et; elles offrent les mêmes. motifs p °ur
ne pas admettre la première.; aussi ne-l’admettons nous*
R43*'-
�N ous présumons, avec raison :J que si le testateur o f
fensé par son légataire n’a pas révoqué sa libéralité, c e st
ou parce qu’il a pardonné, -ou parce qu’il a eu des motifs
puissant« pour ne pas lui enlever un don qu’il avoit cru
devoir lui faire.
Ensuite 3 quand nous admettrions cette cause de révoca
tion ta c ite , seroit-ce une nécessité pour admettre celle de
la survenance des enfants ? N ’y a -tjil pas une différence
telle qu’il soit impossible de confondre ces deux espèces ?
L es Magistrats peuvent penser qu’un testateur, grièvement
outragé , n’a jamais eu l’intention de pardonner l'offense :
que s’il n’a pas révoqué son testament , c’est qu’il a
été
surpris par la m ort; et que son désir a toujours été de
l ’anéantir.
Ils peuvent penser que la haine et
la bienfai
sance sont incompatibles. Opposés l’un à l'au tre, si ces
deux sentiments entrent un instant dans un cœ ur, la haine
l ’emporte ordinairement sur la générosité. Une foule de
circonstances peut appuyer ces présom ptions, et en faire
un corps de preuve que l’intention du testateur a été de
priver son légataire du don qu’il lui avoit fait avant d’avoir
eu à s’en plaindre.
Mais dans l ’espèce d’un testament suivi de la naissance
d’un enfant, les présomptions ne peuvent pas être les mêmes.
L a tendresse paternelle n’exclut pas l’amitié, la bienfaisance
envers ses parens. T ou s les sentiments doux se prêtent
un mutuel secours; ils ne sont point étrangers l’ un à l’autre ;
ils sont, si nous osons le d ire , de la même faniills , et qui
en admet u n , peut et doit les admettre tous.
O n voit donc une grande différence entre les deux es
pèces. Dans la prem ière, le testateur offensé a dû avoir
C ij
�'SO
1 intention de retirer ses bienfaits.
sensissç testaiorem.
Manifestum est aliuà
D ans la seconde, en faisant un don à son parent, le
testateur prouve qu’il l’a aimé et quand il laisse subsister
son testament, il prouve que le sentiment qui l a dicté a
toujours été le même.
Dans la première il peut y avoir des raisons d’anéantir
le testament.
Dans. la seconde il ne peut point y en avoir. T o u t
se réunit au contraire pour le faire confirmer , parce que
rien ne fiiit douter de la persévérance du testateur dans sa
bienfaisance.
Il en seroit autrement si le père avoit ignoré l’existence
<le ses ¡enfants, parce q u e , dans ce ca s, on pourroit pré
sumer que s’il avoit connu cette circonstance il n’auroit
pas. .persévéré ;; tet c’est dans ce sens qu’il faut entendre
toutes les loix romaines qui nous sont opposées par les
adversaires, et que nous examinerons dans tin moment.
Mais, disent-ils i, la connoissance ou rignorànce de la
paternité ne doivent être considérées qu'à la date du tes-r
tament. O r , quand le sieur de Chazelle a fait son tes.r
tafn en t, ïl' n’avoit point d’en fan ts, et il ignoroit s’il en
auroit : donc , etc.
-
C e que les adversaires appliquent ici -aux testaments,
n’est vrai que pour les donations. Et pourquoi ? c’est que
1e donateur est lié par le contrat et l’acceptation du do
nataire ; au lieu que par un -testament le testateur ne l’est
pas. Il a la liberté ds le révoquer , et quand il ne le fait
p o in t, il atteste qu’il a toujours voulu ce <5 j’il avoit voulu
dans le principe.
^
? .
�2 1.
Us citent plusieurs fragments de loix : mais c’est la loi
entière qu’il faut citer. L a voici :
« Si filius-familias m iles, fecisset testamentum more rni» litiæ , deinde post mortem patris posthumus ei nasceretur :
» utique rumpitur testamentum ejus : verum si perseverasset
» in eâ voluntate ut vellet adliuc illud testamentum valere :
3> valiturum illud quasi rursum aliud factum ». 1. 33 ff. tit. de
testtamento m ilitis.,
Cette loi est très-positive, et les adversaires, en la ci• ta n t, n’avoient pas osé en transcrire la dernière partie :
verum si perseverasset, etc.
E lle est conforme à nos principes ; elle est d’accord
avec ce que nous dit la raison à cet égard.
Il est si vrai en principe qu’un testament n’acquiert une
existence légale , et qu’il n’a de date que celle que lui donne
la mort du testateur, qu’entre deux légataires nommés par
deux testaments différents, faits par la même personne , à
des époques éloign ées, on ne conn oît, on n’admet ni prio
rité, ni postériorité; et que l’héritier naturel, par exem ple,
reprend sa légitime sur tous les le g s , sans avoir é^ard à
la date des testaments. Dans l’espèce de plusieurs donations
au contraire, l’héritier est obligé de remonter des dernières
aux premières pour se remplir de la portion que la loi ne
laisse pas à la disposition de l’homme...
C e principe se confirme par une foule d’autres exemples.
A in s i, le legs d’une partie déterminée de la fortune du tes
tateur, ne ¡>e prend que sur les biens qu’il laisse libres à
«a mort. Il peut donc le diminuer, l’augm enter, le détruire
Par des dispositions particulières. Son testament n’est donc
\
�22
consommé qu’à sa mort. Sa mort seule lui donne donc
sa date.
A in s i, un testament est annuité si le testateur meurt
incapable de tester « irritum fit testamentum quoties ipsî
» testatori aliquid contigit, puta, si civitatera amittat » 1. 6,
§. j , d e inj. rupt. cir. j . testam.
Il est c la ir, d’après cette loi qu’on ne juge pas le tes
tament à l’époque où il a été fait; mais à l’époque de la
mort du testateur.
E t la raison ne nous dit elle pas qu’un père qui laisse
subsister sou testament, après la naissance d’ un enfant ,
persévère , dans sa v o lo n té , qu’une volonté continuée est
une volonté n o u velle, et que dès-lors sa persévérance est
comme un testament n ouveau,
fait pendant qu’il avoit
des enfants?
Concluons donc de cette discussion que le testament du
sieur de C h a zelle, fait dans un temps où il n’étoit pas père,
confirmé par sa persévérance quand il a eu des enfants, est
à l’abri de toute atteinte.
L es adversaires qui ne peuvent pas échapper à cette
conséquence par les coutum es, ni les principes de notre
droit françois ont recours à deux autres armes , aux loix
romaines et à la jurisprudence.
A l’égard des loix romaines, nous pourrions nous abs
tenir de les diccuter. N ous avons sur les testaments une
ordonnance positive q u i, comparée avec celle relative aux
donations , décide par son silence que la survenance d’en
fants ne ré v o q u e pas les dispositions de dernière v o lo n té .
L e testament a d’ailleurs été fait en pays de coutum e, et
c’est un écart impardonnable que de le citer devant les loi*
romaines.
�23
Quant à la jurisprudence, nous convenons qu’elle fixe de»
points sur lesquels nos coutumes ou nos ordonnances n’ont
pas statué ; mais si les arrêts sont conformes aux principes,
ils sont en faveur de la dame de Tournemire. Si quelques
circonstances étrangères à l’espèce ont décidé les tribunaux
à contrarier, les principes généraux, ces arrêts ne peuvent
pas lui être opposés.
D ’après cela nous pourrions nous^ dispenser de suivre nos
adversaires dans la. discussion où ils. vont nous entraîner..
Cependant, comme les loix romaines et la jurisprudence
consacrent les maximes que nous avons in vo q u ées, nous
ne refusons pas ce nouveau combat.
M ais avant de nous livrer à l’examen dès objections
qui sont tirées des loix romaines , nous croyons devoir
fixer la nature des -testaments chez les Romains et leur
différence avec nos dispositions de dernière volonté.
I I.
D e s teflaments cke ^ les Rom ains
,
& des difpofitions
de
dernière volonté parm i nous.
L e testament chez les Romains étoit une institution d’hé
ritier faite dans les formes prescrites par les loix.
T ous
les enfants devoient y être nommés.. D elà cette maxime
que l'institution des enfants est le premier devoir des parens
dans- leur testament. D elà cette loi qui n’affranchissoit même
pas de rinofficiosité le testament de celui qui aurcit cons^
titué l'empereur pour son héritier >[i imperator f u hares in(li -
lutus
,
poffe inofficiofum d ici teflamentum fepe. referiptum efi.
L . 8 t%6 ff. de. inoff. testarn..
Parmi.nous l’institution d’héritier n’a pas lieu; aussi nou&;
�24
ne connoissons point la prétérition. C e dont l’homme peut
disposer est fixé par la loi. C e dont la loi ne lui laisse pas
la disposition appartient aux héritiers. D ès-lors peu im
porte aux héritiers d’êtrenommés dans les testaments de leurs
parents. L ’institution n’ayant pas lieu , nous ne devons pas
avoir les préjugés des Romains à cet égard. Si nos testa
ments ont quelques rapports avec quelques unes des disposi
tions de dernière volonté des Rom ains, c’est avec les actes
qu’ils nommoient codicilles. L e codicille,suivant la définition
de la lo i , est un acte qui contient des dispositions à cause
de mort sans institution d’héritier. Côdicillis hceredltàs } neque. d a rï , neque adimi p o te st , ne confondatur ju s testamento rum
et codicillotum .
'
'
V o ilà bien ríos testaments. Une disposition à cause de mort
sans institution d'héritier.
L à querelle d’inofficiosité n’étoit pas admise contre un codicile; et cela par une raison bien simple. Les Romains
étoient sensibles à l’honneur de l’institution et un codicille ne
contenoit pas d’institution.
C ’est par la même raison que nous n'avons pas admis la
plainte d’inofficiosité. N ous tenons de la loi seule la qualité
d’héritier. L ’homme ne peut ni nous la donner, ni nous l’ôter.
D ’après la différence qu’il y a entre les testaments des R o
mains et nos dispositions de dernière v o lo n té , les loix ro
maines sur les testaments ne peuvent pas être appliquées à
notre espèce.
Il n’en est pas de même des loix relatives à leurs codicilles^
en ce qui ne contrarie pas nos mœurs et notre droit françoisi.
O n peut y trouver plusieurs maximes qui peuvent nous
éclairer.
,
$. III.
�2*
« I I I .
Examen des L oix Romaines opposées pxr les sieur et dame da
la Viissière.
L a première est tirée du C ode , T . 2 p , de Posthum'U
hxred. instit. , vel exhœred. vel prxterit. V o ic i quels en sont
les termes.
» Si post testamenti)m factum quo posthumorum suorum
» nullam mentionem testator f e c i t , filium , filiamve susci» c ip it, intestato vita functus est : cum agnatione poçthyml
j*
vel poshtumæ cujus non m em init, testamentum ruptum
» sit. E x rupto autem testamento nihil deb eri, neque je : i
» posse , explorati Juris est ».
L a seconde est tirée du D ig e s t , L . t o , de Lib. et Postk.
hcered. instit, vel. exhçered. E lle est conçue en ces termes.
a Commodissimè is qui nundum natus est ità hseres
p instituitur, sive vivo me , sive mortuo natus fuerit hæres
» esto : aut etiam purè neutrius temporis habita rationç.
» Si alter uter casus omissus fuerit eo casu qui omissus fit,
» natus rumpit testamentum, quia hic filius nec sub condi*> tione quidem scriptus hæres intelligitur qui in hune
» casum nascitur qui non est testamento apprehensus ».
Q u e résulte-t-il de ces deux L o ix ? qu’un enfant qui n’est
pas encore n é , peut être institué héritier * et q u e, s’il est
passé sous silence dans le testament de son père , sa unissance postérieure rompt le testament dans lequel il e.sjt
omis.
M a is , au'ont-elles de relatif à notre espèce et même à
notre Législation?
D
�2Î
S ’agit-il ici de la naissance d’un posthume? E t nos dis
positions de dernière volonté suivent - elles les L o ix
des Rom ains pour les testaments ?
Quant à l’espèce , nous demandons l’exécution
d’un
acte contenant un lçgs. L e legs avo;t été fait avant la
naissance des enfants du testateur; mais le père avoit connu
ses enf.'nts avant de mourir ; et nous verrons dans un m o
ment , en discutant le D roit Romain sur les codicilles , et
notre Jurisprudence sur nos testam ents, combien celte
d'iTcrence est décisive.
A l’égard des L o ix Romaines sur les testam ents, nous
avons déjà dit qu’elles.étoie.it étrangères à nos opinions , à
n tre dreit sur les dispositions de dernière volonté.
. C hez hs. R om ains, l’homme avoit le droit de se pouvoir
donner un héritier.
Parmi nous, l’héritier est nommé par la L o i. L ’homme
n î peut faire que des légataires.
Chez les Romains, tous les enfants devoientôtre nomméâ
ctans leurs testaments , tous institués héritiers, ou exhérédés
avec dénonciation des causes de l’exhérédation.
Parmi n o u s, rien de tout cela. N os testaments ne sont
que d ;s codicilles. N o js ne connoissons pas la délicatesse
des préjugés romains. L ’institution d’héritier étoit un hon
neur pour eux. C hez n o u s, l’institution est un bienfait de
la L o i.
Cette différence d’opinions et de mœurs a dû dicter aux
Rom.iins d is L o ix qui déclarassent qu’ un testament seroitr
rompu , par l’onrs;ion d’un enfant. Testamentum rumpitur
av;i3.t.o:itsiu tueredis, ]lt à n ous, des coutumes et des ordon-
�27
nance muettes sur un point qu’il droit inutile de fixer, parce
que institution d'héritier n’a lieu.
Ainsi , d’un coté , les Loix citées concernent les testa
m ents, et d ès-lo rs, elles ne sont pas apj licables à l'espèce,
où il n’est question que d’un codicille , puisque le testa
ment ne contient qu’un legs. D ’un autre c ô t é , il s’agit dans
ces L o ix , de la naissance d’un posthum e, dont la préte
ntion annulle le testament du père ; et dans notre esp èce,
les enfants du testateur sont nés pendant sa vie : il les a
vus pendant douze ans.
Les adversaires font ici un tableau touchant du tendre
intérêt que devoit inspirer un être qui n’étoit pas encore
né. En annullant le testament paternel
par
survenance
d’enfants, les loix , disent-ils, ont pensé qu’un père ne se
serait pas déterminé à donner ses biens à un étranger , s’il
eût su qu’il pourroic lui naître un enfant.
Ils.tiennent beaucoup à cette idée ; car elle se trouve
répétée à chaque objection qu’ils font. N ous avons déjà fait
voir que cette
présomption de la tendresse paternelle
devoit s’évanouir devant un testament , fa it, à la vérité ,
par un testateur qui n avoit pas d’enfants , mais consacré par
une persévérance de douze an s, pendant- lequel temps le
testateur avoit eu deux filles qu’il avoit tendrement aim ées,
èt avec assez d’cgalité , pour n’oser pas choisir entr’eiles
celle qui recueilleroit la donation contractuelle , portée par
son contrat de mariage.
M a is , ce tableau de la piété parternelle que les adver-«
su'ires mettent dans un si beau ca d re , est-il bien fidèle? Us
n’ontt vu , dans le D roit Romain , que les L o ix qu’ils ont
citées : ils n’ont pas réfléchi que dans l’espèce de ces mêmes
D ij
�*8
JLoix , 1institution pour la Somme la plus m odique, faite
en faveur d’un posthume , suffit pour valider le testament
où ii est nommé.
S i donc un posthume , institué seulement pour une
■somme de f o liv» ne rompt pas le testament de son père ;
« il nç lui reste dans ce c a s q u e le droit de demander sa
légitim e , il est évident que ce n’est pas l’unique intérêt
des posthumes qm a dicté les L o ix dont il s agit ici ; que ces
L o i* ne soiit qu’une suite de l’obligation étroite où est le
père de nommer , dans san testam ent, ses enfants nés ou
à naître.
C ette nécessité est inconnue parmi nous ; et dès-lors
nous ne devons pas admettre les. L c ix qu'elle a données*
aux Romains'.
Remarquons enfin q u e , s i , dans îe D roit R o m a in , làprdtérition rompoit le testament dans toutes ses parties,
ainsi qu’il résulte de ce fragment tiré d’une des L o ix citées
x x rupto autem testamento n ih il deberi
n equepetiposse tx p lo -
rati ju r is est. C e droit a été changé parla novelle i i j , qui
easse le testam ent, quant à l’institution ,. et le laisse sub
sister pour les le g s , sauf à les falcidier pour compléter la
légitim e du prétérit.
« Si vero contigerit ( ce sont les termes de cette L o i du,
D roit Romain ) in quibusdam talibus testamentis quœdam
» legeta
v tl Jtdeicommissa , a ut libertates y aut tutorunî
» drttiones reli-nqui,. vel quælibet alia capitula concessa
» legibus noîTiinari. : ta omnia jubem us adimpleri et àaTf
9 M is quitus f u t ri nt dtrelicta et tatiquam in. hoc non rescissurn>
y obtincat testamentum. E t hæ.c quidon de. parentunx ordi-
# uavimus testam ents
�A in s i, après ¿voir prouvé que les:'adversaires ne poud
roient pas tirer avantage des deux L o ix qu’ils ont invo
quées avec plus de hardiesse que de prudence , parce
quelles ne déclarent un testament n u l, qu’à cause du. vice
de prétérition , que nos coutumes et nos ordonnances
n’ont pâs adm is, nous venons de leur démontrer par la
novelle i i j , que , quand même nous serions placés dans
l ’espèce des L o ix c ité e s , le testament du sieur de Chazelle
devroit avoir son exécution, puisque la dame de T ourne.mire ne réclame qu’un legs. Legata , v el fidcicom m issa....
ta
omnia jubem us adimpleri et'd a ri illis quibus fu erin t dere-
Jicta i et tanquam in hoc non rescissum obtineat testamentum.
L es sieur et dame Vaissière seront-ils plus heureux dan»
leurs autres citations? Ils disent ; le vice de prétérition qui
annulloit les testaments des Romains , n’avoit pas lieu pour
les testaments militaires : les testaments militaires se rappro
chent donc beaucoup de nos dispositions de dernière v o
lonté ; par conséquent, les L o ix qui ty sont r£?ôtives
recevront une application d irecte à celui du sieur de
Chazelle.
Fondés sur ce raisonnement, ils invoquent deux L o ix
tirées du d igeste, titre de testameuto m ilitis.
Arrêtons - nous un moment. Ils les invoquent , parce
q u ’ils pensent que la prétérition n’annulle pas un testament
.m ilitaire, et que ce testament ressemble à nos dispositions
'de dernière volonté.
C e sont deux erreurs qu’il faut redresser r et nous en tire
rons la conséquence que' ces loix se réfutent par les mêmes
raisons que nous avons développées sur les deux autres.
D ’abord , c ’est une première erreur de dire que le vicc
�3
de
°
prétérition n’annulle pas un testament militaire. L à
L o i qui établit la querelle d’inofficiosité est très-générale.
E lle porte : omnibus tam parentibus quàm lib en s de inofficioso l i â t disputais. Les fils , les pères- des militaires , tous
sont compris dans les termes omnibus tàm parentibus quàm
liberis.
E t pourquoi en seroient-ils exempts ? L es testaments
militaires ont été regardés par les R om ain s, et sont traités
* Editsde1570 parmi nous , avec beaucoup de faveur*. O n les affranchit
IS7Î’
des formes gênantes que les militaires ne peuvent pas rem
plir ; mais ils sont sujets d ailleurs , aux mêmes L o ix :
prohibita per legem m iles facere non potesr. Ainsi , ce dont
un citadin n’a qas le droit de disposer , n’est pas laissé à la
disposition du soldat. Rem issa hæredibus p er legem , m iles
testamento suo imperare non potest. Ses droits ne sont pas plus
étendus que ceux de ses concitoyens. E t pour s’en convain
cre , il ne faut que consulter les L o ix Romaines sur leurs
principes relativement aux successions. R a tio n a tu ra lis,
quasi le x qucedzm tacita
,
liberis parentium hccreditattm a'idicit
velut ad debitam successiontm eos vocando. Propter quod et
in ju r e civ ili suorum kxre'ium nomzn eis inductum est. A c
ne ju d icio quidem parentis , n isi e x meritis de causis sumn\ovt,ri
ab eâ successione possunt. L . 7, ff*. Bon. damn.
Toutes leurs L o ix respirent ces sentiments : c’est lâ
raison naturelle qui défère la succession des pères aux
enfants ; qui les y appelle. L e D roit civil ne fait que les
indiquer ; et il n’est pas permis aux parents de la leur enle
v e r , sans de justes causes.
C es vérités, puisées dans la nature, ne sont-elles que
des erreurs pour les militaires? peut-on dire qu’ils les igno-
�31
rem ? Et quelles que soient les difficultés qu'ils trouvent à
remplir a la r m é e , les formes prescrites pour les amres
testam ents, où s^roit la raison pour les affranchir du devoir
de disposer en faveur de leurs véritables h éritiers, ' de
Tobligation d’accordor à tous leurs enfants, l’honneur de
.l'institution ?
L es L o ix mêmes que les adversaires nôus ont citées ,
ne prouvent-elles pas que le vice de la prétention annulloit
les testaments des Militaires? O n y voit qu’un posthume omis
par son père m ilitaire, rompoit son testament. « S i filins
» fvmilias miles testamentum fecerit et omiserit posthumum. . *
» oninmo modo rumpit testamentum », Omiserit; ce terme ne
peint-il pas la prétention? Omnino rumpit testamentum ; ces
termes n’ar.noncent-ils pas que ce vice rompoit le testamant militaire ?
Q u elle est la première conséquence de tout ceci ? qu$
les testaments militaires devoient contenir l’institution de
tous les héritiers du testateur; que par con séq u en t, ils ne
ressemblent pas plus à nos dispositions de dernière vo lo n té,
que tout ce qui portoit le nom de testament chez les
Romains.
Q u ’en résule t-il en second lieu? que les nouvelles L o ix
qui vont nous être o p p o sées, sont déjà repoussées par les
raisons que nous avons expliquées sv<r les deux première»
L o ix que nos adversaires avoient invoquées.
.Cependant, ne craignons pas de les examiner de plus
près. Elles sont si favorables à ia demande de la veuve de
Tournemire , qu’on est.tenté de.croire que c’est pour elle
que ses adversaires ont écrit jusqu’à présent.
L a première est la L o i 33, N ous allons la rappporrer
�s*
telle que le s Intimés la citen t: nous la rapporterons ensuite
telle qu'elle existe.
« Si filiusfamilias miles fecisset testamentum more mili» tiæ , deinde post mortem patris pothumus ei nasceretur ,
» utique rum pitur ejus testamentum. . . . Secundùmque
» si filius familias miles testamentum fecerit et omiserit pos» thumum per errorem , non quod volebat exhæredatum,
» deinde posthumus post m ortem avi, vivo adhuc filio , id
» est patri suo t natus fuerit, omnimodo rumpit illius testa» mentum »,
L a seconde eft la 3 6e , *. Ier, E lle est conçue en ces
termes :
11 M iles in supremis ordinandis ignarus uxorem
esse
» prægnantem ventris non habuit mentionem ; post mortem
» patris nata filia ruptufli çssç testamentum apparuit, neque
» legata deberi ».
» S i qua vçro medio tempore scriptus hæres , legata sol9 visset utilihus actionibus filiæ datis ob improrisum casum
» esse revocanda; nec institutum cum bonae fidei posses» so refu erit, quod indè servari non potuisset, præstari».
C es L o ix sont très-sages. Dans la prem ière, d’après ia
version des adversaires, un soldat fait
un testament ; il
ne parle pas d’un posthume qui lui naît après «a m o rt, et
son testament est rompu. R ien n’e s t’plus conform e aux
principes des Romains sur les testaments ; c’est une consé
quence , un corollaire de cet axiome : agnatione sui hœredis
¡rumpitur testamentum
Dans la seco n d e, fidèlement citée , un soldat ne parle
pas dans son testam ent, d’un posthum e, parce qu’il ignoroit
que sa femme fut enceinte; ignarus uxorem esse prægnantem}
et
�33
et son testament est également cassé.
Ces dispositions
n’offrent encore rien que de conséquent aux principes des
L o ix Rom aines.
Mais , posons une autre espèce. Si le soldat , après
avoir testé en faveur d’un étanger , revient dans sa patrie ;
s’il trouve que sa femme l’a rendu père , et que cependant
il persévère
dans sa volonté , qu’il ne la révoque pas
expressém ent, quel sera le sort de son testament ? L a ré
ponse est écrite dans la première L o i citée par les adver
saires. E t c’est ici la lacune dont nous nous sommes plaints.
Ecoutons - la-cette réponse.
a Si filius familias miles fecisset testamentum more mili» .tiæ , deinde postm ortem patris posthumus ei nasceretur M
» utiquerumpitur testamentum ».
•V oilà pour la première espèce.
^ •
$
V o içip o u r là seconde.
« Verum si perseverâsset în eâ voluntâte , ut vellet
« adhùc illud testamentum -valere : valiturum illud quasi
» rursum aliud factum ».
C ette réponse de la L o i est-elle assez claire ? tranche-telle assez fortement la difficulté ? Il est inutile sans doute
de nous occuper à prouver que les adversaires avbieiit
intérêt de ne pas la transcrire.
Avant d’abandonnsr les testaments militaires , ils citent
encore deux L oix qui y sont relatives. C e sont le s p c et io®,
C od. de test milit.
Mais ces deux L o i x , comme celles que nous venons
d’analyser, sont fondées sur l’ignorance présumée du père....
ignorons se filium habere......... si cum , vel in utero filia
nesdo pâtre milite t etc. E t dès-lors , ces L o ix , outre
E
�qu’elles sont étrângères à notre D roit François, ne reçoivent
aucune application à notre espèce , ou le père n'a pas vécu
dans l’ignorance qu’il avoit des enfants.
Hâtons - nous donc d’arriver à la discussion des L o ix
touchant les codicilles ; elles ont plus de rapport à nos
dispositions de dernière volonté ; mais n’oublions pas que
nous examinons les L o ix d’un peuple où l’institution d’hérilier étant un honneur pour les enfants , un devoir pour les '
pères , la Jurisprudence devoit être très - sévère contre
les codicilles , qui pourroient tendre à la rendre illusoire.
L a première est tirée du D igeste 2 , de Jure Codicillorumt
1. 18
« Q ui gravi utero uxorem esse ignorabat codicillis ad
» filium scriptis libertates d éd it, natâ post mortem patris
» filiâ, cum de eâ nihil patrem sensisse constituisset, pla» cuit libertates à solo filio præstari posse ».
L a deuxième est la ip e du même titre. E lle s’explique
ainsi :
« Is qui filium unum habebât cum codicillos ad eum
» scripsisset ; decessit intestatus hærede et eo , et quem
» postea procreavit : agnatione sui hærdis nenio dixerit
» codicillos evanuisse : igitur si nihil tam de posthumis
» esperavit et codicilli non evanescat ; et quae relicta s u n t ,
» pro parte dimidia filius ad quem
codicillus
factus est
» solvere compellitur , non etiam posthumus. Sed et si
x» codicillos reliquisset duobus superstitibus filiis decedens ,
» cum putaret alterum ex his prius decessisse , simili modo
» dici p o te st, omnia per inde debere filium ad quem scripti
» sunt codicilli , atque si solus hæres extitisset patri. Im o
g, duntaxat partem debet.
Eorum tamen quae pro parte
�» præstari non possunt, nih’il eorum prastandum, quoniam
» illi non fuerit fîlioabiaturus nisisolum putaret successorem
» sibi futurum. »
Ces deux nouvelles L o ix sont dans la même espèce que
celles que nous avons examinées touchant les testamens
militaires : c’est le même esprit qui a dicté les unes et les
autres , l’ignorauce ou étoit le père qu’il avoit un enfant de
plus.
Dans la première de ces nouvelles L o ix le père avoit
ignoré la grossesse de sa femme ; qui g ra vi utero uxorem
esse ignorabat. Il n’avoit pas connu son en fan t, cum e x eâ
( filia ) nihiL patrem sensisse constitlsset
L a seconde embrasse deux espèces. Dans l’une , le père
n’avoit qu’un fils. Il meurt ab intestat , et il lui naît un
posthume.
Dans l’autre, il en naît deux ; mais en mourant , il pense!
que l’un de ses fils est mort âvânt. lui.
Dans ces deux cas, l’ignorance où étoit le père , a décidé
la L o i à dire qu’il n’y auroit que celui à qui le père avoit
écrit les codicilles , qui dût les payer.
L a L o i a pu se déterminer par la présomption que , si
le père avoit eu connoissance qu’il avoit deux enfants, il
n’auroit pas chargé sa succession de tant de codicilles : et
cette présomption est très - raisonnable. M a is , si le père
avoit connu tous ses enfants , et qu’il eût persévéré dans sa
libéralité, alors la L o i n’auroit pas touché à ses disposi
tions. Verum si perseverasset in eâ voluntate ut vellet âd/iàc
illu d testcimentum valere : vciliturum illu d quasi rursum aliiid
factum .
E t qu’on ne dise pâs que ce fragment est tiré d’une L o i
E ij
�3*
qui concerne les testaments militaire?. Il est pris d’un L o i
rendue dans la même espèce ; et dès-lors il est applicable.
M a is, veut-on voir ce que décident les L o ix Romaines
sur les co d icilles, quand l’ignorance du père ne les a pas
dictés ?
L a L d i 1 6 , fF. de Jure Codicil. , est conçue en ces termes:
« A b intestato factis codicillis , relicta
etiam posteà
» natus intestati successor debebit ».
Ainsi , aux termes de cette L o i , l’enfant né après un
codicille fait , est obligé de payer les legs. E lle renverse
donc tout le système des adversaires ; et leurs efforts pour
lui donner un sens détourné , attestent assez qu’elle les
gêne. Mais toutes leurs recherches , toutes leurs subtilités
sont inutiles.
Cette L o i ne contrarie pâs celles citées. E lle fait lç droit
commun ; et les autres sont des exceptions. '
Ecoutons encore la L o i 8 , §. i er, de Jure Codicil.
1
« Ideo fideicommissa dari possunt ab intestate* succeden» tibus , quoniam creditur paterfamilias sponte suâ his
» relinquere legitimam hæreditatenî ».
Encore une fo is , voilà le droit commun. L es codicilles
frappent sur tous les héritiers , sur ceux qui sont institués,
comme sur ceux qui succèdent ab intestat. Aucun n’en est
exempt , à moins que le père ait ignoré sa naissance; m ais,
quand il a su qu’il laissoit sa femme grosse ; qu’il lui naîtroit
un posthum e, ses codicilles ne sont pas fondés sur une
erreur de fait ; et d è s-lo s, ils obligent tous ses enfants.
E t c’est une erreur que l’avidité seule peut oser hazarder,
que de prétendre que lorsqu’un père, après avoir fait un
co d icille, persévère dans sa volon té, malgré la naissance de
�37
nouveaux enfants, ne confirme pas son testament ; c’est
une dérision de vouloir appliquer à cette e s p è c e , les L o ix
qui décident des cas absolument opposés.
Résumons cette discussion.
Les L o ix Romaines sont étrangères
dans une contestation
kJ
où il s’agit d’un testament fait en pays coutumier. C e mot
?eul écartoit toutes celles qui nous ont été opposées.
C epen dan t, nous les avons exam inées, analysées, dis
cutées , et elles nous ont fourni de nouvelles armes.
i° . Celles qui déclarent les testaments révoqués par’’ la
survenance d’un posthume , quand le posthume a été passé
sous sile n ce, sont sages et parfaitement d’accord avec
l’esprit du. D roit Romain , qui admet la querelle d’inofficiosité fondée sur le vice de prétéricion.
M a is , dans notre e sp è c e , le testament du sieur de
Chazelle n’est soumis qu’à nos L o ix coutum ières, qui
n’admettent pas l’institution d’h éritier, et qui ont rejetté
par conséquent, toutes les ressources que le D roit Rom ain
ouvrok aux enfants passés sous silence dans le testament de
leur père.
D ’ailleurs , la prétérition ne rompoit le testam ent, chez
les Romains , que relativement à l’institution. T e l étoit le
droit nouveau , attesté par la novelle 11 <;. Les legs con te
nus dans le testament étoient valables, Ea omnia (legata vel
fideicommissa , aut libertates ) « Jubemus adimpleri et dari
» illis quibus fuerint d erelicta, et tânquàm in hoc non
» rescissum testamentum ». O r , nous ne demandons qu’un
legs. D on c , même d’après le D roit Rom ain nouveau , ls
testament du sieur de Chazelle doit être consacré.
fio. L es
L o ix relatives aux testements militaires des
�* 8,
R o m ain s, décident que lorsqu’un père , soldat, est mort
sans savoir qu’il lui étoit survenu un enfant , le testament ,
fruit de cette ignorance , étoit rompu; mais q u e, si le père
connoissant la naissance de son fiis , persiste dans sa v o
lonté
,
le testament doit avoir son
exécution. Verum si
pcrscverasset in eâ voluntate ut vdlct adhàc illu d testamentum
valere
,
valiturum illud quasi rursutn ahud factum .
:
Cette seconde partie de la L o i prononce la validité du
testament du sieur de Ghazelle. Quand il le f it , il n’avoit
point d’enfant ; il ignoroit s’il seroit père. M a is, après la
naissance de ses enfants , il a persévéré pendant douze
a n n é e s entières , dans ses dispositions. Elles sont donc
consacrées par la L o i même qu’on oppose pour les faire
anéantir.
3°. Celles qui règlent les codicilles , rendues dans les
mêmes circonstances, offrent la même décision, la même
conséquence. Si le père a ignoré la naissance d’un second
enfant ; si l’ayant connu , il pense qu’un de ses fils est m ort,
les codicilles ne frappent que sur celui à qui il avoit écrit
les codicilles. O n peut présumer , faire des conjectures,
lorsqu’on ignore ce qu’auroit fait une personne dans telle
ou telle circonstance. C ’est alors une question de v o lo n té ,
et la L o i la décide en faveur des héritiers, parce que ratio
naturalis
,
quasi L e x qucedam tacita liberis parentium hcerc-
ditatem addicit y élut ad debitam successionem eos vocando.
Mais , lorsque la volonté du testateur est certain e, il
est impossible d’admettre des présomptions contre cette
volonté connue ;
et c’est alors que les L o ix disent : ab
intestato fa ctis codicillis ,
successor d&bebiu
relicta etiam posteà, natus intestati
�r3p
Enfin , un testament est l’expression de la dernière v o
lonté : il n’a d’effet qu’au jour de la mort du testateur. O n
ne consulte pas sa d a te, mais celle du décès de celui qui
l ’a dicté. Jusques-là , ce n’est qu’un papier domestique ; ce
n’est qu’un projet d’intention que la mort vient consacrer.
Tant qu’on ne le change p a s, on le confirme. Chaque instant
de la vie en est une ratification nouvelle.
Ainsi y c’est au dernier moment de la vie du sieur de
C h a z e lle , qu’il faut saisir ses dispositions, ec les laisser
avec re sp e ct, telles qu’il les a écrites. Il a persévéré pen
dant douze ans , après la naissance de ses enfants. Ses en
fants sont venus occuper dans son cœur la première place ;
mais ils n’ont pas détruit l'amitié qu’il avoit pour sa nièce.
L a tendresse paternelle , l’attachem entpour safamille ,to u s
Ces sentiments doux habitent sans rivalité dans le même
fcœur ; et ce qu’ils dictent l’un et l’autre , est consacré, si la
L o i et les mœurs ne sont pas blessées par leurs disposi
tions renfermées dans des actes revêtus de toutes les formes.
Passons donc à l’examen de la Jurisprudence et de l’opi
nion des Auteurs.
s.
IV .
D e la Jurisprudence et des Jurisconsultes.
Après avoir établi les véritables principes de la m atière,
fait une sage âpplicatiou des L o ix Romaines , q u i, loin
de combattre notre demande , achèvent d’en démontrer la
justice , devrions-nous nous occuper de discuter quelques
arrêts qui nous sont opposés ? Si ces arrêts consacrent nos
m axim es, ils sont de nouvelle s arises pour nous. S ’ils pa-
�40
roissent les contrarier, qu’en ré s u lte ra -t-il, sinon qu’ils
ont été rendus dans des circonstances étrangères à notre
espèce ?
L es adversaires nous citent sept arrêts :
L e premier , du 1 o janvier i î i i .
L e second , du 6 août 1 641.
L e troisième , du 3 juillet 1663.
L e quatrièm e, du 2 mars i 56 y.
L e cinquième , du 17 août 1 j 17.
L e sixième , du 7 janvier 172 7.
L e septième enfin, est de 1783.
L es six premiers s’écartent d’un seul m o t, ils sont anté
rieurs à l’ordonnance de 173 j , concernant les testaments,
et celle de 173 1 , concernant les donations. L es Juriscon
sultes qui ont écrit avant ces deux L o i x , confondoient
les principes des donations et ceux des testaments. M .
d’A guesseau, alors A vocat
G é n é ra l, et qui depuis fut
C h a n celier, s’expliquoit en ces rermes :
I j> Quelques A uteu rs, ( disoit-il dans son plaidoyer sur la
» cause des héritiers V illayer ) ont prétendu qu’on pouvoit
» étendre ce qui a été introduit pour les donations entre» vifs aux dispositions testamentaires ; et que la survenance
» cfcs enfants révoquoit également les uns et les autres ;
» cette opinion n’est fondée que sur la confusion qu’on
» a faite des principes qui règlent la n itu re des donations
.» entre-vifs , et de ceux qui déterminent le caractère des
» donations à cause de mort ».
Ainsi s’exprimoit ce Magistrat : et quand il fut Chance
lier , il s’occupa de séparer ces deux branches de notre
Législation. I l ne les traita pas dans la même O r d o n n a n c e -
�Il en fit deux. Dans l’u n e , il posâ les prîncipês qui règlent
la nature des donations'; et dans l’autre , ceux qui détermi
nent le caractère des testaments. Il n’y eut plus la confusion
dont il se plaignoit. L es donations furent révoquées par là
survenance d'enfants, les testaments ne les furent pas.
M ais ,
avant cette époque , quelques Auteurs soute-
noienc , comme il le dit , que la survenance d ’enfants
annulloit les testaments ; et la Jurisprudence a pu consacrer
ces erreurs du temps. Il appartient aux L o ix de fixer nos
véritab e ; ma mes.
C ela sufFiroit pour écarter les six premiers arrêts qui
nous sont opposés.
Cependant ,
q u on nous suive dans
l ’examen de leurs espèces , et Ton verra qu’ils ne sont pas
applicables à la nôtre.
Dans le prem ier, un homme avoit fait cinq legs mo
diques. L ’acte étoit d’un temps où étant gârço n , il n’âvoît
pas pu porter sa volonté sur des enfants. Devenu père-, il
avoit acquitté, de son vivant , les seuls legs qu’il avoit
voulu ; l’un , en mettant son domestique en apprentissage;
l’auire’, en mariant sa nièce ; et ces deux légataires ne formoient aucune demande, etc.
L e posthume offroit aussi d’acquitter un troisième legs1,
de 40 écu s, fait aux pauvres de la R eligion PrétendueRéform ée. Il n’en restoit que deux autres , de yo écus
chacun , qui avoient été négligés. M . S e rv in , A v o ca tGénéral , dit que a pour les circonstances particulières, le
» testament devoit être cassé entièrem ent, combien qu’en
» la thèse générale, il ne dût l’être q u epro legiti/nâ ». L e
Parlement mit hors de Cour. A in s i, cet arrêt re ju g e rien.
M . l’Avocat-G énéral prouve que dans la thèse générale^,
F
�les legs ne sont que réductibles par la survenance denfanti,
jusqu’à concurrence de la légitime.
V o ic i l’espèce du second.
Un testateur fait un legs à sa femme , qui n’^toit pas
gro sse, et à deux de ses nièces. Il devient père , et il meurt.
L e s deux nièces, convaincues des inte'ntions de leur oncle ,
ne
demandent rien. C ’étoit la mère du posthum e, q u i,
remariée en secondes n o c e s , réclamoit son legs contre sa
propre fille. O n sent dès-lors, combien elle se présentoit
défavorablement. Il y avoit deux autres circonstances. E lle
avoit déclaré dans l’inventaire fait après le décès de son
m ari, que les biens appartenoient moitié à elle et moitié à
sa fille. E lle avoit fait la même déclaration dans son second
contrat de m ariage, en présence de son second mari. Ces
deux déclartions étoient une reconnoissance de la révoca
tion du legs. L a demande de cette marâtre parut odieuse à
M . l’A vocat-G énéral T a lo n , qui ne voyoit dans la cause ,
qu un second mari qui tâchoit de dépouiller les enfants au
premier mariage : et la Cour en la proscrivant, fit un acte
de justice qui n’a aucune application à notre espèce.
Le
arrêt annulle le testament d’un homme marié qui
n'avoit pas encore d’enfant. Il lui en naît un. Le'père assiste
au B aptêm e, et ne survit que quinze jours. C et arrêt estil applicable à l’espèce on le sieur Cnazelte survit douze
ans à la naissance de ses deux filles ? N on sans doute.
Il' E t remarquez que Soeve , qui le rapporte, dit « qu’il y
» avoit preuve âu procès s que depuis la naissance de l’en» fant , le père avoit retiré son testament d’entre les mains
» de celui a qui il l’avoit confié pour en être le dépositaire;
j» et qu’incontinent après lavo ir retiré, il avoit été atteint
�J* d’apoplexie. I l est certain, ajoute l’A rrêtiste, que cette
» présomption violente se rencontrant au fait particulier
» dont il s’agissoic, on pourroit dire que le testateur avoit
» la volonté de révoquer son testament , mais qu’il navoit
» pu le mettre à exécution , ayant été prévenu de là
» mort ».
_Q u 'on juge combien cet arrêt s’éloigne de notre espèce;
combien il nous est étranger ; combien , en raisonnant
d’après les circonstances dans lesquelles il a été rendu i
nous pourrions ajouter des réflexions qui viendroient grossir
les moyens qui militent déjà en notre faveur. N ous n’en
ferons qu’u n e, c’est que c’est l’intention du testateur qu’il
faut consulter. O r , tout prouve dans notre thèse , que le
sieur de Chazelle a persisté. Aucune action de sa vie ne
nous l’offre décidé à changer ses dispositions ; rien ne nous,
le présente avec le moindre repentir , avec la plus légère
irrésolution. ]1 aime ses enfants, il vit au milieu d’eux pen
dant 12 a n s, et tous les moments de sa vie sont autant
d’actes d’approbation de son testament en faveur d’une
nièce qu’il a toujours également chérie.
L ’espèce du quatrième arrêt se rapporte à ces Ioix ro
maines qui décident qu’un posthume inconnu au père ,
annulle le testament; il est m tm e des circonstances qui
ne permettoient pas de douter de l ’intention du testateur.
Il suffira de les rapporter pour faire sentir combien les
adversaires ont mis peu de choix dans les armes dont ils
se servent.
M . de Bordeaux revient de son ambassade d’A ngleterre;
*1 tombe m alade, fait son tessament, et meurt. L a dame
son épouse étoit enceinte depuis 15 ou 20 jours , et n’erç
F ij
�44 .
. . ..
fut instruite que Quelque temps après la mort de son mari.
L e mari l’ignoroit égalem ent, et son testament en contenoit la preuve; car en léguant 20,000 liv. à la dam©
Sanguin sa sœur , il la dispensoit de rapporter cette somme
à sa succession, en venant, d iso it-il, à partage avec ses
co-héritiers. Il ne cornptoit donc laisser que des héritiers
collatéraux, et non pas un fils qui n’auroit eu rien à parta
ger avec sa tante. A u ssi, cette sœur du testateur ne denîandoit-elle pas son legs. D ’autres légataires de 80,000 1.
qui composoient à-peu-près la totalité de la succession ne
demandoient rien non plus.
O n attend avec impatience qu’on nomme les adversaires
du posthume. C ’étoit une concubine an gloise, une fille
naturelle légataire de 1200 liv. de rente viagère, et un
valet-de-cham bre légataire de 1000 liv.
L'arrêt débouta la concubine, réduisit la pension ali
mentaire de la fille naturelle à 300 liv. ; il fut ju ste, et s’il
poussa la sévérité jusqu’à annuller le legs du valet-de*
cham bre, c’est d’après la présomption , que si le testa
teur avoit su qu’il seroit père , il auroit été moins libéral.
■L ’arrêtiste constate les i j ou 20 jours de grossesse seu
lem en t, le silence de la sœur convaincue des intentions de
son frère, le silence des autres légataires , la défaveur de la
concu bine, et sur-tout la clause où le testateur dispensoi
sa sœur de rapporter son legs au partage de ses co-héri
tiers.
L e cinquième a été rendu dans un 3 espèce qui présentoit la même défaveur que le second. Deux époux font
un testament mutuel avant d’avoir des enfants. Un fils leur
naît un an et quatre jours après. L a mère meurt au bout
�4Î
de 18 ans sans l’avoir révoqué ; mais le père qui regardoit
la révocation comme constante entre lui et sa femme»
n’avoir pas fait inventorier le testament, et il avoit déclaré
dans son inventaire , que les effets de sa Communauté
étoient à partager entre son fils et lu i, sans prendre la
qualité de donataire de sa femme. C ’est après cette recon
naissance formelle qui équivaut à une renonciation , qu’il
demandoit contre son propre fils
l’exécution du
don
mutuel.
L e sixième arrêt est rendu pour la coutume de N oyon .
I l s’agissoit dans l'affaire dun legs universel , fait à un
mari par sa femme ; ils avoient eu quatre enfants qui tous
étoient décédés. Q uelque temps après il leur en naquit uà
cinquième. L a mère avoit survécu trois ans à la naissancç
de cet enfant, et étoit morte sans avoir révoqué son tes
tament. L e mari en demanda l’exécution , et il fut débouté.
C et arrêt prononça avec justice la nullité du testament.
Si la Cour se détermina d’après les principes de M . l’avocat*
général G ilbert de V o isin s, il paroît qu’elle eut égard aux
dispositions de la coutume de N o y o n , qui perniet au$
conjoints de s’avantager différemment, suivant qu’ils ont*
ou qu’ils n’ont pas d’enfanis. L e testament dont il s’agissoit,
fait pendant que les époux n’avoient pas d’enfants, étoit
Valable ; mais la naissance d’un fils ne les laissant plus libres
de se faire un legs universel, le testament de la femme à
s.on mari se trouvoit contraire au vœ u de la coutume.
Ç ’en étoit assez sans doute ; mais le Parlement dut êtrerévolté de l’action d’un père qui tendoit à dépouiller son.
fils de toute la succession de sa mère. Si rien n’annonçoit
^ue la testatrice
eut voulu révoquer son testament 9 au
�46
moins il y avoit la juste p réem p tion qu’elle avoit compté
que son mari aimeroit assez son fils pour ne pas lui ravir
son bien : il y avoit aussi la présomption qu’elle
avoit
dû penser que la loi révoqueroit elle-même une libéralité
qu’elle avoit faite dans un temps où elle n’avoit pas d’en
fants , et que la naissance d’un enfant rendoit illégale.
C et arrêt est aussi loin que les autres de notre espèce*
E nfin, nous le rép éton s, tous ceux que nous avons exa
minés jusqu’ici sont antérieurs à l’ordonnance des donations
et à celle des testaments, époque à laquelle les Juriscon
sultes confondoient les principes des uns et des autres-.
E t nous faisons ici une réflexion satisfaisante, c’est que le
Parlem ent, dans toutes ses décisions, fut toujours conforme
aux vraies maximes. S’il annulla quelques testaments faits
avant la naissance' d’un enfant; il ne le fit jamais que
lorsqu’il vit que telle avoit été l’intention des testateurs.
E n fin , si le dernier est postérieur à ces deux ordon
nances , il est rendu dans les mêmes principes. L a dame
Matharel avoit institué sa mère sa légataire pour un quart
de ses bien s, et avoit fait deux autres legs. E lle étoit ma
lade lors de son testament; elle revint en santé y et trois
ans après elle accoucha d’une fille qui lui coûta la vie , car
trois heures après elle mourut. Sur la contestation élevée
entre l’héritier du fils de la testatrice et les deux légataire«
particuliers, les deux legs furent déclarés révoqués.
La
C o u rse déterm ina, par la circonstance que la mère étoit
morte trois heures apiès ses couches , et qu’elle n’avoit
pas eu le temps de marquer sa volonté.
Dans ce cas on
présume avec raison, que la tendresse m iternelle auroit
orté la testatrice à rompre son testament.
�47
- .
M ais dans notre espèce il n’y a pâs de présomption sem»
blable à fa ire , p^rce que le testateur a si bien manifesté
sa volonté par une persévérance de 12 ans, qu’il est im
possible de conjecturer.
L es Cours ont rendu quelques autres arrêts, et nous
les opposons aux adversaires ; ils forment le dernier état
de la jurisprudence.
L ’un est rendu au Parlement de Rouen. Augeard qui le
rapporte en donne l’espèce. L e testateur donne à sa sœur
tout ce dont la coutume lui laissoit la liberté de disposer ;
il avoit alors un fi’s „naturel ; il en épousa la mère et. lé
gitima son fils ; il mourut long-tempe après, sans avoir
d’autres enfaitts et sans révoquer ses dispositions dû der
nière volonté. Elles furent attaquées ; mais le Parlement
les consacra par arrêt du 20. décembre 172 7. C et arrêt
fut porté au Conseil par la voie de la cassation ; mais la
requête fut rejîttée.
’'
L e second est rendu par la Cour , qui doit juger le
testament du steur de Chazelle. C ’e?t l’arrêt qui a confirmé
14 testament du sieur le R iche de la Poupeliniere. T o u t
lè m onde'en connoît les circonstances; il s’étoir. marié
en 1759 , et avoit disposé le 29 novembre 1762 de L’u
niversalité de ses biens. A cette époque la dame son épouse
étoit enceinte de près dé trois mois. Il ne parla point de
cet erífant'dáns son testament', et il mourut le y déceinbfe
suivant, sans avoir* rien changé à ses dispositions ; il étôlt
probable que le testateur avoit ignoré la grossesse de sa
femme à l’époque du ’testament; mais il étoit probable qu’il
1avc/it connue avant de mcHirir ; et la Cour
consacra ses
dispositions de dernière v o lo n té , par arrêt
du 12 mar*
�4^
1 7 ^ « O n l’âttaquâ par toutes les voies ; mais on ne put
parvenir à le faire réformer.
A in s i, ce cortège d’arrêts effrayants par le nom b re, dont
les adversaires avoient entouré leur systèm e, s’est dissipé.
L e dernier état de la jurisprudence , attesté par ceux que
nous avons rapportés, ajoute de nouvelles preuves de la
validité du testament du sîeur de Chazelle. Q ue reste-t il
à nos adversaires? une dernière ressource que ne négligent
jamais ceux qui défendent une mauvaise cause, celle d’aller
fouiller dans les auteurs, et d’y recueillir les erreurs qui leur
sont échappées.
T o u s ceux dont ils invoquent le suffrage, ont écrit avânt
l’ordonnance de 1731 et celle de 173 j .
C ’est à eux que
M . d’Aguesseau , alors A vocat-gén éral, àdressoit le repro, che de confondre les principes des donations et ceux des
testaments. C e sont eux peut-être qui ont fait concevoir à
ce grand Magistrat le projet qu’il a exécuté depuis, d e ,
nous donner des loix positives sur ces deux matières im
portantes de la législation de tout peuple civilisé.
R icard â été redressé par son annotateur. Me* Bergier,
fondé sur l’esprit et le rexte de nos ordonnances, pense que
la survenance d’enfants nannulle point un testament.
P o m at parle de ce qui se pratiquoit à R o m e, et d’ailleurs
il finit par rapporter la novelle 11 j , qui décide que la
survenance d’enfants ne rompoitpas letestam entpourleslegs.
S i Auzanet , sur la coutume de P aris, paroît penser que
la naissance d’un posthume annulle le testam ent, il ne le
croit que dans le cas oh le testateur n’auroit pas parlé des
posthume?. I l se détermine donc par la considération du vice
de prétérition.
�4P
L a Thotnassîere se fonde sur la même erreur.
Coquille sur l’ignorance où le testateur auroit été de Tétât
'de sa maison.
C ochin dit que c’est une question de volonté , à en juger
d ’après les arrêts.
'
Si nous appliquons toutes ces autorités à la contestation
qui nous divise , nous les verrons sc réunir en notre faveur.
Il ne s’agit ici que d’un le g s, et D om at citant la novelle
11 y , est d’avis que le legs est valable.
Auzanet et la Thomassiere fondent leur avis sur la prétérition. O r , ce vice est inconnu dans. notre législation, qui
n’admet pas l’institution d’héritier; et encore une fois il ne
s agit que d’un legs dans notre espèce.
,
L e sieur de Chazelle n’a pas ignoré l’état de sa m aison;
il a vécu 12 ans avec ses enfants. Cette circonstance rap
pelle Coquille à notre avis.
Il
n’y a pas liéu à chercher la volonté du testateur. Sa v o
lonté est claire, elle s’est manifestée par une persévérance
de 12 ans. U b i est evidens voluntas , non relinquitur prœsumptioni locus.
Concluons donc que le testament du sieur de Chazelle est
valable. S i, aux dispositions de nos lo ix , à la jurisprudence
des arrêts, aux preuves même que nous a fournies le raison
nem ent, nous voulions ajouter l’autorité des A uteurs, nous
pourrions citer tous ceux qui ont écrit après l’ordonnance
de 1731 et celles de 173 f , F u rg o l, l’Annotateur de R icard ;
mais ces citations inutiles nous entraîneroient dans une dis
cussion , que le désir et la facilité de répondre à to u t, n’ont
déjà rendu que trop longue pour une question qui se réduît^à
ce peu de mots.
•
�**0
,
. L e .testateur étoit libre de disposeï du quart de ses biens.
L e testament est revêtu dé toutes les formalités requises.
L a survenance d’enfants annulle une donâtion, moins en
faveur des posthumes peut-être que pour favoriser les mariages.
. E lle ne produit pas le même effet sur les testaments.
Dans les donations l’homme est lié par un contrat ; il ne
peut le rompre sans le secours de la loi.
”')
Dans les testaments au contraire, l’homme toujours libre,
n’a besoin que de v o u lo ir, pour obéir au penchant de son
cœ ur pour ses enfants.
O r , le sieur de Chazelle a connu l’existence de ses enfants;
il les a aim és, il a vécu 1 2. ans avec eux. Sa persévérance
est marquée par autant d’approbations, qu’il s’est écoulé de
'minutes pendant cet intervalle, et ce seroit une impiété que
d'élever des doute sur ses intentions.
- ■
*
.i
Monsieur C L E M E N T D E B L A V E T , Rapporteur*
M c. V ig ie r , Procureur.
A Paris , chez K N A P E N & F ils , Lib.-lm pr. de la C our
des A id e s , au bas du Pont Saint M ichel. 1789.
�
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Factums Vernet
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Description
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Title
A name given to the resource
[Factum. Olivier, Gabrielle d'. 1789]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Clément De Blavet
Vigier
Subject
The topic of the resource
testaments
successions
legs
dot
donations
doctrine
droit romain
posthume
jurisprudence
droit coutumier
Description
An account of the resource
Mémoire pour dame Gabrielle d'Olivier, veuve de monsieur Jean-Baptiste de Tournemire, donataire et héritière de demoiselle Rodde sa mère, laquelle était légataire de monsieur Léonard De Chazelle, appellante de sentence rendue par défaut, en la sénéchaussée de Riom, le 28 mars 1787. Contre messire Antoine-Joseph De La Vaissiere ; et demoiselle Marguerite de Chazelle son épouse, se disant héritière du sieur Léonard de Chazelle son père, intimés.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Chez Knapen et Fils (Paris)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1789
1743-1789
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
50 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_V0113
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Vernet
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Saint-Vincent-de-Salers (15218)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
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