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COUR ROYALE
MÉMOIRE
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4 ” ' CHAMBRE.
POUR
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DE R IO M .
L es sieurs M A R T I N , Médecin ; M A R T I N , Greffier du
J u g e de paix-, M O N E S T I E R , U S S E L , R E Y N A U D ,
M- BONJOUR.
M A U G U E - C H A M P F L O U R , et autres Propriétaires
de T a l l e n d e , d e M o n t o n , de S a i n t - A m a n d , appelans
d ’ u n Jugement rendu par le T r i b u n a l de C l e r m o n t ;
CONTRE
Dame
J u stin e
USSEL
et
le
sieur V
in cen t
M* JOHANNEL.
C H A N D E Z O N 3 son mari, Adjoint de la com
mune de Tallende, y habitant, intimés
EN PRÉSENCE
De la dame D U V E R N I N , veuve C I S T E R N E S , en son
nom et comme tutr ice de
de dam e
H élèn e
C h arles
CISTERN ES,
V A R E N N E S , son m a r i ,
M* SAVARIN,
CISTERNES;
et du sieur de
assignes en assistance de
c a u s e , et aussi intimés;
EN PRÉSENCE
De la dame M O N E S T I E R
son m a r i ,
et d u sieur C R E U Z E T
D ’É tie n ne B O H A T - L A M I , A ntoine B O H A T - T IX IE R ,
L a u ernt T I X I E R , H u g u e s B O H A T , d i t l e G r e
n a d ier
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MeTAILHAND.
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M* D EBORD .
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B A L L E T - B E L O S T E -,
To us aussi assignés en cause, et intimés;
E N P R É S E N C E ENFIN
M9 Y E Y S S E T .
D u sieur
f.s
Nicolas
B A R B A R I N , également appelant.
discussions re la tives à l ’irrig atio n de vastes p ra iries sont
l ’objet d e la cause actuelle.
O11 sait qu’à la différence dessourecs qui naissant dans une pro
priété privée en sont l’accessoire , et dont le propriétaire peut
disposer à son gré tant que lescaux restent dans son héritage, les
cours d’eau plus considérables , tels que les ruisseaux , ne sont la
propriété de personne particulièrement ; que seulement les ri
verains ou ceux dont les cours d’eau traversent les fonds peuvent
en user à leur passage ; mais que cet usage est soumis à des règles,
à des modifications , à des conditions établies dans l’intérêt de tous
les propriétaires riverains.
Il est juste,
en effet,
que tous ceux qui sont exposés aux
ravages des eau x, aux inondations qui sillonnant leur sol
en
enlèvent la terre végétale pour le couvrir de gravier et quel
quefois de rochers, à toutes les dégradations que ne produit que
trop souvent le dangereux voisinage des rivières cl des ruisseaux ,
il est juste que tous ceux que ces désastres affligent jouissent au
nioiusde quelques avantages; que les eaux, si fréquemment nuisibles,
leur servent aussi pour féconder leur terrain, pour l’améliorer,
pour les indemniser des pertes qu’ils éprouvent journellement.
La loi devait doue, dans sa sollicitude égale pour tous les inté
rêts, veiller à une sage distribution des eaux utiles tomme dange
reuses à t o u s , et ne pas permettre qu’un seul, parce qu’il possède-
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rait une propriété supérieure, s'en emparât sans mesure et les
détournât complètement de leur cours lorsqu’il n’aurait pas à en
redouter les ravages , pour les rejeter sur les propriétés inférieures,
lorsqu’elles pourraient lui nuire.
Telle est pourtant la prétention des époux Cliandczon.
Un ruisseau appelé la Monnc, qui, découlant des montagnes,
traverse les territoires de Saint-Amand, de Tallende et de Monton, a
servi, de tems immémorial, dans le seul territoire de Tallende, à
l’arrosement d’environ cent trente mille toises des plus précieuses
prairies , presque toutes formant des vergers brillans de végétation
et de riches fruits.
Le sieur et la dame Cliandczon, qui ne sont propriétaires que
d’environ huit mille toises de terre , dont une faible partie seule
ment est riveraine du cours d’e a u , veulent détourner à leur gré
toutes les eaux , ne pas mèine les rendre à leur cours ordinaire
après en avoir u s é , et priver ainsi une foule de propriétaires infé
rieurs des bienfaits d’une irrigation dont ils avaient toujours joui.
Et ce qu’il y a de remarquable, ce n’est pas sur leur propriété
meme que les époux Cliandczon prennent les eaux qu’ils détour
nent ; c’est sur une propriété voisine qu’ils vont la chercher, et
que, par abus ou par tolérance, plaçant d’année en année, dans une
position plus élevée et plus éloignée de leur propre terrain, des
obstacles au cours naturel, au cours ordinaire des eaux , ils les
dirigent toutes dans leur héritage ; si cc n’est dans les instans de
danger, où le ruisseau, devenu un torrent dévastateur, est rejeté
dans son lit pour couvrir et dégrader toutes les prairies inférieures,
c est a - d iie , toutes les propriétés des appelans , comme l’année
présente en a fourni les plus déplorables exemples.
C est contre cet abus qu’aucune l o i , qu’aucun principe n’autorise,
que les appelans vicnnem réclamer devant la Cour. Le jugement
qu ils attaquent n a etc que le triste fruit d ’une préoccupation et
d’une erreur non seulement sur lc droit mais encore sur le fait j
c,*r la position des parties, la localité, la nature même de la de
mande, en un mot l'objet du procès paraissent avoir etc absolument
méconnus par les premiers juges.
�( 4 )
FAITS.
Les propriétés des parties sont situées dans le territoire de T a llende, entre deux ruisseaux, l’un appelé la Monne, dont le lit, placé
au midi et dans une partie plus élevée du territoire , sert à arroser
ces propriétés ; l’autre, appelé la V e yre , au nord du prem ier, et1
q u i, coulant dans un terrain plus bas , ne peut les féconder.
Un plan des lieux, annexé au mémoire , rendra plus facile l’in
telligence de la localité. On peut y voir les lits des deux cours
d’e a u , dont la pente est de l’otiest à l’est.
L e lit de la Monne, qui est celui dont nous avons principalement
à nous occuper, est tracé sur ce plan depuis les héritages du sieur
Bouchard, qui y sont indiqués par la lettre A , à l’o uest, jusqu’à
l’extrémité des propriétés des appelans, qui se terminent à l’est vers
deux points marqués par les grandes lettres Z Z.
L e sieur Bouchard possède à l’ouest, vers le point A , et sur les
deux rives de la Monne , les premiers héritages désignés sur le
plnu. Celui qui est bordé par la rive gauche de la rivière est le seul
qui puisse être arrosé à l’aide d’une prise d’eau placée sur cette
même rive plus à l’ouest. Mais les eaux peu abondantes employée*
à cette irrigation retombent dans le lit du ruisseau à la sortie de
l’héritage même.
La propriété Bouchard, sur la rive gauche, s’arrête au point B r
où commence la propriété des époux Chandczon.
Sur la rive droite , la propriété Bou< liai d s’étend plus à l’est. Elle
va jusqu’au n° 70, qui indique des vignes et broussailles appartenant
aux époux Chandczon. Ceux-ci ne possèdent que ce seul héritage
sur la rive droite de la rivière; il est bordé par le lit dans une lon
gueur de
85 mètres ou
/p toises environ ; il est élevé de plus do
30 pieds au-dessus «lu lit; et par conséquent, cet héritage* pas plus
que les héritages voisins sur la même riv e , qui sont Ions à uno
très-grande élévation , ne peut a u c u n e m e n t profiter des eaux du
ruisseau.
Les é p o u x Chande7.on possèdent, sur la rive gauche, une vigne,
�( 5 )
une terre, une noyéree ou saussaie, et des butimens marques au plaa
par les n°» G7, 68, 69 (1). Ces objets ne peuvent être arrosés ; leur
position et l’élévation du terrain ne le permettent pas.
Les époux Chandezon possèdent aussi le pré n° GG du plan : c’est'
le fonds qu’ils font arroser. Il est borné à l’ouest par leur vigne et
leur noyérée , au nord par un chemin public, à l’est par un autre
chemin public , au midi par un pré des héritiers Cisternes, n° 72
du plan , et dans une très-petite partie, c’esi-à-dirc dans une lon
gueur seulement d’environ G6 toises, p a rle ruisseau de la Monnc.
C ’est sur cette longueur seulement que touche au ruisseau ce préverger Chandezon , dont la superficie entière, y compris le n° 75
qui a été acheté d’un nommé Ballet, est de 8712 toises; et c’est
pour ce pré qu’on voudrait absorber la totalité des eaux de la Monnc.
Toutes les propriétés Chandezon ne sont bordées par la rivière,
sur la rive gauche , que dans une longueur d’environ 120 toises, et
sur la rive droite, dans celle d’environ 4 3 toises. jN o u s avons déjà
dit que cette dernière rive est très-élevée, et qu’elle est presque à
pic du lit de la rivière.
Quatre prises d’eau sont sur ce lit.
L a première, dans le pré Bouchard, en avant du point B par le
quel les eaux s’introduisent dans la propriété Chandezon, à l’aide
d’un canal qui les conduit au n° 66: L ’entrée du canal sur la pro
priété Chandezon est fixée par un agage en maçonnerie que l’on
»Ucrcepte quand 011 le veut à l’aide d’une vanne.
• A côté, et vers le même point B, mais un peu plus haut, parallèle
ment au lit de la rivière, est établi un déversoir, aussi bâti en ma*
Sonnerie sur une longueur de trois mètres seulement, et ou est placé
0rdinaircmcnl une vanne qu’on lève quand on veut rejeter l’eau
dans la rivière.
C ’est vers ce point que se trouve la prise d’eau des époux Chande
zon. Ils n’ont pas d’ailleurs de barrage fixe sur la rivière; ils 011
clèvent un en pierres mobiles, qu’ils établissent, non pcrpcndiculaire-
( 0 C»» numéro» »ont cciit il« Cartailre, «i le» me»ure» ou contenance* que Pou ¡uJiqucr.i
d*n» le rocuioire »cronl tircct du Ca.lajli« m im e .
�(6 )
ment aux deux vives mais diagonalcmcnt le long de la propriété
llotieliard. Ce barrage mobile ils l’onl prolongé en amont depuis
quelques années, et toujours do plus en plus, de manière à diriger
vers le point B dans leur canal la totalité de l’eau do la Monpe,
sur-tout lorsqu’elle n’est pas très-abondante.
Telle est la première prise d’eau faite sur la rivière. Elle ne sert
et ne peut servir qu’aux époux Chandeïion.
Lne seconde prise d’eau a lieu au point Q , en tête du pré u* 72.,
appartenant à madame Cisternes. Elle sert à arroser ce pré , et est
destinée aussi, à l’aide d’une rase ou canal qui traverse le chemin
entre les points J K , à arroser les prés n°* 320 et 32 î appartenant
53f),
U la dame Cisternes, ainsi que les autres prés marqués parles n0l
.340 jusques et compris le n°
aux appelans.
Les
555-, héritages divers qui appartiennent
prairies auxquelles cette prise d’eau devrait servir sont
d’une surface de 28,904 toises. Mais l’eau n’arçive aux derniers
héritages que lorsque les prés des héritiers Cisternes ont suffisam
ment bu; et ceux-ci eux-mêmes ne reçoivent d’eau que ce que leur
laissent parvenir les époux Chandezon, qui o n t, dit-on,-quelques
arrangemens secrets avec la dame Cisternes et avec les autres intimés.
La troisième prise d'eau se fait au point R , toujours sur la rive
48 5
gauche de la Monne. E lle est destinée à l’irrigation de
,o o toises
de prairies , divisées-entre les appelans , et désignées sur le plan
par les lettres T T .T .
La quatrième prise d’eau est pincée ou point U , sur la rive
droite de la Monne ; elle a aussi pour objet l’arrosement d’une
vaste prairie , contenant, dans le seul terroir de Tallende , 58,074
toises, et divisée entre un grand nombre des appelans.
Ces deux dernières prises d’eau sont devenues presque inutiles
quelque tcnis avant le procès, pur suite des injustes entreprises
du sieur Chandezon sur le cours d’eau, dans la partie supérieure.
Toutes ces prairies inférieures, dont la superficie totale est de
5 5
i a o , G toises, existent depuis tin teins immémorial; elles ont tou
jours usé des eaux de la Monne pour leur irrigation; élites sont gar
nies d’arbres cl forment de beaux, de fertiles vergers, qui produisent
�(
1
)
ccs excellens fruits que recherchent, dans ce canton sur-tout, les
marchands parisiens attires par l’excellente qualité des pommes qui
y mûrissent.
Ces avantages seraient perdus pour les appelans si le jugement
dont est appel était confirmé. Leurs prairies se dessécheraient ; les
arbres qui les garnissent périraient, et leurs intérêts, comme ceux de
l’agriculture, éprouveraient un immense dommage, pour satisfaire
à l’ambition et aux arbitraires volontés des époux Chandczon.
Long-tems ceux-ci, ou plutôt le sieur Ussel leur auteur, s’étaient
rendu justice; ils ne prenaient l’eau que rarement et pendant un
tems très-court, en tête de leur propriété, vers le point B, ou audessus à peu de distance. E t alors même ils n’en détournaient qu’une
faible partie; ils en laissaient arriver la plus grande quantité aux
prairies inférieures, en sorte qu’il s’operaitfacilementune distribution,
sinon régulière, au moins assez équitable pour que personne n’eût
été autorisé à se plaindre ; et si cette modération eut continue
d’être le mobile de tous, il aurait été inutile de recourir à la justice
des tribunaux.
Cependant, comme les eaux de la Monnc n’étaient pas toujours
assez abondantes, on cherrha, en l’an 9, à augmenter les ressources
qu’elles offraient en tâchant d’y réunir d’autres eaux ; savoir celles
qui servaient au routoir d’un sieur Monestier, ou qui découlaient
petites sources surgissant d.ins le voisinage.
Ce routoir est situé au nord de l’enclos du sieur Chandczon , audelà du chemin. Il est iudiquésur leplau parla lettre D. Les sources
sont à côté.
On se proposa de recueillir les eaux sortant du routoir et des
sources, dans une rase qui devait les conduire au point E du plan ,
°ù elles devaient s’introduire dans un canal découvert mais cons
truit en maçonnerie, et suivre la ligne courbe E F G II l J K. Vers
deux derniers points elles devaient se réunir au canal trans
versal existant depuis long-tems pour l’usage de la prise d’eau Q K.
Ce premier canal, s’il avait pu remplir le but propose, aurait
aussi recueilli et rend.i à leurs cours ordinaire les eaux de la
Momie, qui se scruicnt écoulées de l’onclos Chandczon, pour l’irri-
�( 8 )
galion duquel elles étaient détournées dans sa partie supérieure. Ce
canal offrait donc d’assez grands avantages à tous les propriétaires
de prairies. Aussi le projet sourit-il beaucoup au sieur Ussel, alors
propriétaire de l’cnclos Cliandezon, soil parce qu!il assainissait le
bas de son héritage, soit parce que celte nouvelle ressource
d’irrigation obtenue pour les propriétés inférieures lui faisait
espérer pouvoir retenir lui-même à son agage supérieur une plus
grande quantité d’eau ou la conserver plus long-tems pour l’arrosement de son enclos.
L e projet fut donc exécuté , sans néamoins aucune modification
des droits des parties à l’usage des eaux de la ¡\Ionnc. Un arrêté de
l’administration municipale , homologué par le préfet , autorisa à
creuser ce canal le long du chemin public qui borde , à l’est,
l’enclos Ussel, aujourd’hui l’enclos Chandezon ; le canal fut construit
en maçonnerie, et M. Ussel contribua pour cent francs aux frais do
celte construction.
Mais on ne tarda pas à reconnaître l’inutilité du canal, et l’im
possibilité de faire arriver au point K les eaux que l’on y réunissait.
En effet , si des points D , E et F l’eau arrivait facilement au
point G qui est le plus bas, il n’en était pas de même pour la faire par
1
venir au point K le long du chemin , en suivant la ligne I I J. Le
55
point K distant du point G de 1
mètres, au lieu d'être plus bas
a une sur-élévation de a mètres 76 centimètres (plus dehuit pieds);
en sorte qu'il aurait fallu un canal très-profond dans une grande
partie de sa longueur , bien cimenté pour que l’eau ne s'échappât
pas par infiltration dans le chemin 011 dans le pré Chandezon, et
qui fût revêtu de murs latéraux et saillans , pour empêcher l'en
combrement que produirait la circulation des voilures.
Ces difiicultés et d’autres obstacles que la localité présente ont
rendu tout-à-fait insignifiant ce canal, dont le lit fut bientôt couvert
de vase qui s’opposait encore au cours de l’eau. Dès l’origine même
de sa création, l’eau refoulée se pratiqua, sur le chemin qui longe
le canal à l’est, différentes issues par où elle s’échappe pour aller se
jeter au-delà , dans la V e j r c , ruisseau dont le lit est moins élevé.
J'.n 1823 , le sieur lleynaud, desservant à Tallendc et propjié-t
�( 9 )
taire de deux prés considérables de ce canton, voulut faire récurer
et réparer le canal dans l’espoir de l’utiliser ; mais il ne put y
réussir et ne fut pas dédommagé de ses dépenses.
Ce fut alors aussi que, dans l’espoir du succès dans l’usage du
canal,
le sieur Ileynaud essaya d’établir un règlement pour
l’irrigation des prés inférieurs ; il en fît faire un projet par le sieur
Chouvy, expert. Mais ce règlement n’a jamais été adopté , ni même
connu par les autres propriétaires , et le sieur Reynaud a dû
seul en payer les frais.
On prétend que ce projet de règlement avait été confié à
M. Chandezon, comme adjoint de Tallende , et que celui-ci a
«
refusé de le restituer.
Cependant, avant comme depuis la construction et l'essai du
canal, toutes les prairies avaient continué de proGtcr de l’eau
de la Monne, et de recevoir, suivant l’étendue de chaque portion,
l’eau à laquelle elle avait droit. Le sieur Ussel, beau-père du sieur
Chandezon , la détournait rarement, et en petite quantité seulement 5
et lorsqu’il la retenait trop long-tems ou en trop grande quantité ,
‘•>n se transportait vers le barrage mobile qu’il établissait momenta
nément dans le lit de la rivière le long de la propriété Bouchard ;
°n déplaçait les pierres , 011 faisait disparaître le barrage , et l’on
rendait l’eau à son cours naturel pour l’arrosement des prés infé
rieurs,.
C ’est ainsi que cela s’est pratiqué jusqu’en i
85 a. Néanmoins on
■ne doit pas dissimuler qu’à défaut dé règlement d’eau, il y avait
nécessairement de l’arbitraire dans cet usage des eau^ ; car chacun
s*en emparait plus 011 moins fréquemment, suivant sa vigilance , scs
tentatives et le degré d’insouciance ou de résistance des autres pro
priétaires. O11 11c doit pas dissimuler aussi qu’à défaut de règles fixes
et positives qui déterminassent l’exercice des droits de chacun àl irri
gation, il s’élevait souvent des querelles assez sérieuses, parce que.
•»oins la rivière était abondante et plus les besoins paraissaient
pressans , plus c h a c u n faisait d’efi’orls pour s’approprier l’eau et
arroser sa propriété particulière.
Ces discussions, ces querelles furent portées fort loin , sur-tout
2
�on 1832, année de sécheresse où M. Cliandezon , qui jouissait de
l’cnclos de son beau-père ou qui l’administrait, augmenta scs pré
tentions, fit continuer beaucoup plus haut, en amont dans le lit de
la riv iè re , un barrage mobile , placé au-dessus de la ligne de ses
propriétés, et prolongea ce barrage jusqu’à atteindre la hauteur de
/(7 mètres ou i!\ toises environ le long d’une propriété étrangère,
celle du sieur Bouchard.
Cette œuvre était illégale; car si le propriétaire riverain est au
torisé par la loi à u se r. à leur passage, des eaux qui baignent les
bords de sa propriété, il n’a le droit de les prendre que devant son
héritage même; il n’a pas le droit d’aller les chercher devant une
propriété supérieure appartenant à autrui et de les conduire ainsi
à la sienne par une espèce de canal établi sur un terrain étranger;
et lors même que le propriétaire supérieur tolérerait cette voie de
fait, ce propriétaire supérieur ne peut avoircelte tolérance, ni celui
qui l’obtient en user au préjudice des propriétés inférieures qui
bordent le lit de la rivière. L ’eau doit en effet profiter en totalité
aux propriétaires inférieurs si le premier propriétaire ne peut luimême s’en servir à cause de la position de son héritage. C ’est ce
que nous prouverons plus tard.
Celte œuvre illégale, dans un moment où la rarclé des eaux ren
dait la sécheresse mortelle pour la végétation, cette œuvre hasardée
excita des querelles pîus violentes que jamais sur le point même où
elle se pratiquait; le barrage fut détruit plusieurs fois, plusieurs fois
rétabli pour être détruit de nouveau; et cela sans beaucoup d’eflbits
puisqu’il n’y avait qu’une simple rangée de pierres à écarte:*.
ZSous n’entrerons pas dans les liicheux détails de ces luttes. Il
suffira de savoir qu’un coup de fusil fut tiré, cl que, si personne ne
fut blessé alors, des malheurs graves étaient à craindre par la suite;
on sorte qu’il était urgent de prendre des moyens pour les prévenir.
Le moyen le plus simple el le plus sur était un règlement d’eau.
Les propriétaires des prés se concertèrent pour y parvenir. Le
plus grand nombre le considérait comme indispensable. Le sieur
lisse! ou plutôt le sieur Cliandezon s’y opposa. Quelques autres
personnes dont il avait o.blenu le silence par des arrangemens parti-
�( 11 )
ailiers ne voulurent pas s’en mêler; alors commença le procès.
855
Par exploit du x i mars 1
, le sieur Martin, grellier du juge de
pa ix, d’accord avec un grand nombre d’autres propriétaires, assi
gne les époux Chandezon et le sieur Ussel, leur père ou beau-père,
ainsi que huit autres particuliers.
11 leur expose qu’il est propriétaire, ainsi que beaucoup d’autres
personnes, de prés situés sur les deux rives du ruisseau de la Monnc;
Que l’arrosement de ces prés a lieu au moyen des eaux de ce
ruisseau, qui y sont destinées;
Q u e, n’y ayant pas de règlement, lui et les autres propriétaires
de ces prés éprouvent des dillicultés journalières pour la conduite
et la direction des eaux destinées a leur arrosement ;
Que notamment, en i 8 5 2 , le sieur Chandezon avait usé de ces
eaux comme d’une propriété à laquelle il aurait un droit exclusif,
en les tenant constamment détournées de leur lit qu’il laissait à
sec; de sorte que, par le résultat de cette voie de fait, les eau x, vu
la disposition des lieux , ne rentraient pas dans leur l i t , et les prés
inférieurs en avaient presque tous été privés, ce qui avait occa
sionné un tort considérable aux propriétaires ;
Que le plus grand nombre des propriétaires des prés, voulant
faire cesser toute discussion, avaient proposé aux compris un rè
glement amiable pour la distribution des eaux dans chaque parcelle
de pré; mais que ces derniers s’y sont refusés.
Eu conséquence il les assigne pour voir ordonner un règlement
des prises d’eau dans le ruisseau de la Monnc, pour l'arrosement des
pi’és de tous les propriétaires , et pour nommer ou voir nommer
des experts qui procéderaient à ce règlement dans la proportion
de la contenance de chaque parcelle de pré, et qui indiqueraient les
travaux à faire pour l’exécution du règlement et pour faciliter le coulcment des eaux.
Il conclut, eu cas de contestation, aux dépens contre les contes
tons, sinon à ce qu’ils soient supportés par charpie partie intéressée,
dans la proportion de la contenance de sa propriété.
Le sieur Cisternes-Dclorinc, un des propriétaires riverains, fut
«iis en cause par u n second exploit du i ,r avril i
855 .
�L e io mai suivant, plus de quarante autres propriétaires de
prés intervinrent par requête et adhérèrent aux conclusions du
sieur Martin.
Dans le cours de l’instance, le sieur Ussel meurt, et la cause est
reprise par l’une de ses (¡lies, la daine Chandezon, et par le sieur
Chandezon lui-mêine, comme cédataire des droits de l’autre fille.
L ’ailaire s’instruit par des conclusions respectivement signifiées;
et l’on remarque que, parmi tous les défendeurs , les sieur et darne
Chandezon sont les seuls qui s’opposent au règlement demandé, eux
qui moins que personne cependant avaient réellement des droits à
une eau qu’ils ne pouvaient pas prendre sur le bord même de leur
propriété, et qu’ils ne pouvaient pas rendre à son cours ordinaire ,
comme la loi le prescrit, les eaux superflues qu’ils introduisent dans
leur enclos s’écoulant, après l’irrigation, ou dans le chemin C D au
nord de cet enclos, ou dans celui G II l à l’est, sans pouvoir rentrer
dans la Monne.
Parmi les autres assignés, les époux Crouzet déclarent, par des
conclusions du 7 mars i
85 /f , n’entendre prendre aucune
part à la
contestation , se réservant tous leurs droits en cas de règlement.
Sept autres défendeurs, par des conclusions du 1 1 août, deman
dent acte de ce qu’ils s’en remettent à droit en réclamant leurs dé
pens contre ceux qui succomberaient.
Le sieur Cistcrnes s’en remet aussi à droit sous toutes réserves.
Mais les époux Chandezon résistent. Ils prétendent avoir le droit
d’user à leur gré des eaux de la Monne, argumentent des chaussées,
des canaux qu’ilsdisentavoir faitset entretenus pour leur prise d’eau,
se font un moyen de la construction du canal fait en l’an g pour re
cueillir les eaux vers le chemin G II I J K , allèguent un prétendu
règlement fait en 1822, sans leur participation, entre les aun es pro
priétaires, invoquent enfin une prétendue possession exclusive et
immémoriale comme réglant l’exercice «le leurs droits.
Cette possession était illusoire; elle n’a jamais été ni exclusive ,
ni paisible, ni de l’étendue qu’ou voudrait lui donner aujourd’hui.
La construction de l’an 9 , le pi étendu règlement de 1822, ne
�(
'3
)
fournissaient aussi au sieur Ghandczon que les plus insignifiantes
objections.
Mais les époux Ghandczon se prétendaient aussi propriétaires
des deux rives de la Momie ; ils parlaient de chaussées, de
canaux construits et réparés par eux seuls; ils prétendaient que
l’eau était rendue à son cours naturel. La localité n’était pas
connue des magistrats; ils crurent que la prise d’eau existait sur la
propriété même des époux Chandezon, entre les deux rives qui
leur appartenaient; ils pensèrent que les canaux dont on argumen
tait étaient étabtis au milieu du lit même de la rivière; ils eurent
l’idée fausse que les propriétaires inférieurs voulaient se servir, pour
l’irrigation de leurs héritages, de ces canaux à la construction des
quels ils n’avaient pas concouru ; ils considérèrent enfin l’eau
comme étant rendue à son cours ordinaire dans le lit de laMonne,
après avoir parcouru les propriétés Chandezon ; et ils rejetèrent
la demande en règlement d’eau par des moti£> qui ne sont en
harmonie avec aucune des questions de la cause.
854
Ce jugement est du 28 mai i
» en voici les termes:
« Attendu que la co-propriété de la prise d’eau dont il s’agit 11’est
« pas justifiée;
« Q u’en effet d’une part il n'est rapporté aucun titre, et d’autre
« part il n’existe aucuns travaux sur la propriété du sieur Chandezon,
” exécutés par les propriétaires inférieurs;
« Q u ’ainsi les parties restent dans les ternies des articles G/j¡2 et
« G/j/, du code civil; qu’il n’est point prouvé que Chandezon ait
« excédé les droits que lui donnent ces articles ;
Par ces motifs ,
« Le tribunal déclare les demandeurs non rcccvables dans leur
« demande, et les condamne aux dépens. »
Ainsi le tribunal a supposé qu'il existait sur le lit du ruisseau des
travaux dont nous voulions profiter, tandis qu’il n’existe aucune
construction sur le lit de la rivière; tandis que la prise d’eau sti
forme à l’aide d’une simple rangée de pierres mobiles , non liées
entr’elh*!,, irrégulièrement posées et empruntées du lit mémo ;
Le tribunal a cru que nous voulions participer à cette prise d’eau,
�inadis qu’au contraire nous nous en plaignons et qu’elle nous esi
nuisible;
Il a pensé enfin que la cause restait dans les termes des articlesô/ja
et G44 du code civil, tandis que ces articles sont étrangers à la lo
calité; tandis qu’aussi l’article G44 prescrit de rendre l ’eau ¿1 son
cours ordinaire, et que le sieur Chandezon en change au contraire
le cours et la rejette, à la sortie de son fonds, sur des points éloignés
du cours ordinaire auquel elle 11e peut plus revenir.
Cette affaire était trop importante, le préjudice que le jugement
ferait éprouver aux propriétaires des prés était trop considérable
pour qu’ils 11e portassent pas leurs réclamations devant la Cour.
Les intervenans et le premier demandeur se sont réunis pour
3
854
interjeter appel, par exploits des i septembre et 2 décembre 1
-Cet appel, dirigé principalement contre les époux Chandezon ,
leurs seuls , leurs vrais adversaires} a été signifié aussi à ceux qui
.s’en étaient remis à droit, parce que leur intérêt commande leur
présence dans la cause.
La Couraura à prononcer sur les difficultés réelles qui 11’ont pas
été abordées par les premiers juges.
L ’examen des principes nous conduira à apprécier les prétentions
des époux Chandezon, à déterminer les droits de chacun des pro
priétaires riverains et à reconnaître la nécessité du règlement d’eau
qui est réclamé.
DISCUSSION.
La doctrine ancienne, telle qu’elle avait été adoptée par les au
teurs les plus respectés , déclarait les eaux communes à tous les
propriétaires supérieurs ou inférieurs dont elles bordaient ou tra
versaient les héritages.
Le droit naturel même établissait cette communauté , et quident
nuturali ju r e communia sunt ornnia heee, aar, aqua p rojlu cn s,
etc. Inst., lib. 2, tit. 1, §. 1.
l)e ce principe découle nécessairement la conséquence que les
propriétaires riverains 11e peuvent disposer des eaux courauicv
�( i5 )
comme de leur propriété p riv é e , qu’ils ne peuvent se les appro
prier exclusivement, qu’ils ont seulement le droit d’en user à leur
passage, mais qu’ils doivent les rendre à leur cours ordinaire, c’està-dire les faire rentrer, à 1’cxlrcinitc de leurs héritages, dans le lit
qu’elles s’étaient creusé.
Davot, dans son traité du droit français , tome
5 , p. 208 , s’ex
prime ainsi :
« Si le propriétaire reçoit dans son héritage l’eau qui vient
* d’ailleurs, il peut s’en servir pour son usage, mais ils ne peut en
* détourner le cours ancien, au préjudice des héritages qui sont
* au-dessous. »
L ’opinion de l’auteur s’applique comme on le voit à un terrain
traversé par un cours d’eau.
liretonnier, sur Heyrys, tient le même langage : (Observations
nouvelles, quest. 18g, livre 4, tome 2).
« Celui dans l’héritage duquel l’eau ne fait que passer, venant
«
*
*
*
d’ailleurs, 11e peut s’en servir que pour son utilité, et non pas
pour son divertissement ; il ne peut ni la ’retenir, ni la détourner
au préjudice du public ni de ses voisins, parce qu’il n’en est pas le
propriétaire, ruais un simple usager; et par conséquent il en
« doit user en bon père de famille, c’est-à-dire en bon voisin. »
Antérieurement à ces auteurs, Domat enseignait les mêmes vérités
dans son droit public , livre 1 , tit. 8 , sect. 2, n° 1 1.
L ’usage des rivières étant au public, personne 11e peut y faire
de changement qui nuise à cet usage.
'< Ainsi, quoiqu’on puisse détourner de l’eau d’un ruisseau ou
* dune rivière pour arroser des prés ou d’autres héritages ou
« pour des moulins et autres usages, chacun doit user de cctLc li«■berle, de sorte q u ’ il uc nuise point à des voisins qui auraient
un semblable besoin et un pareil droit; et s’il n’y avait pas assez
« d eau p our ton s, ou que l’usage qu'en feraient quelques-uns
* J iït nuisible a u x a u tre s, il y serait pourvu selon le besoin,
« par les officiers de qu i c’ est la charge.
(Jporlet euitn in hujusnm di rebus ulilitatem et tulelam f o cientis spectari sine tnjurui utùjue accohirum , dit une loi
�1
romaine citée par le savant auteur. (La . 1, § 7, in fin e , ÎT, ne quid
in Jlurn. )
Toutes ces opinions s’appliquent aux héritages qui sont traversés
par les cours d’eaux connue à ceux qui en sont haignés sur un
bord seulement.
Cos principes étaient consacrés par une disposition expresse de
l’art. 207 de la coutume de Normandie.
Cette doctrine est la base des divers articles du Code c iv il, qui
se sont occupés des cours d’eau.
On y remarque une différence essentielle entre les règles rela
tives aux sources et celles applicables aux eaux qui 11e naissent pas
dans un héritage mais qui y arrivent des terrains supérieurs.
v Celui qui a une source dans son fond, dit l’article 6 4 1 , p e u t
«r en user à sa volonté.
11 peut donc la retenir, la détourner, en disposer arbitrairement,
parce qu’il en est le maître, parce que la source est un accessoire
de sa propriété oii elle surgit.
Au contraire, d’après l’article G44 5 s* Je riverain ou celui dont
l’héritage est traversé par l’eau peut en user à son passage, son
usage est restreint, est soumis à des modifications et à des condi
tions qui en préviennent l’abus.
«■Celui dont la propriété borde une eau courante, autre que
« celle qui est déclarée dépendante du domaine public, peut s’en
a servira son passage pour l’irrigation de ses propriétés.
*
Celui dont cette eau traverse l'héritage peut même en user
« dans l’in ten a lle qu’elle y parcourt, mais à la charge de la ren« dro , à la sortie de scs fonds, « son cours ordinaire.
Dans los deux cas, le propriétaire du fonds, soit que l’eau le tra
verse ou qu’elle le borde seulement, ce propriétaire n’a qu'un sim
ple usage de cette eau ; seulement, s’il est propriétaire «les deux
rives, 11’élant en concurrence avec personne dans cette partie du
cours d'eau, il en use seul dans tout Cintervalle qu'elle parcourt
au milieu de sa propriété ; tandis que , s’il nVst propriétaire que
•l’une r iv e , sou usage doit sc combiner, même pour l'intervalle
pendant lequel l’eau baigne d’un côté son terrain, son usage doit se.
�( 17 )
combiner avec l’usage, avec les droits semblables qu’a le proprié
taire de l’autre rive.
Mais scs droits , dans les deux c a s , se réduisent à un simple
usage, à un usage qui n’est pas attributif de la propriété de l’eau,
a un usage qui ne doit pas devenir un abus et par lequel on ne peut
être autorisé à changer le cours de cette eau , ni même à l’absorber
en totalité au préjudice des autres propriétaires dont les fonds sont
aussi traversés ou bordés par le cours d’eau.
« Cette faculté, dit Pardessus, ne doit pas cependant dégénérer
* en une occupation tellement exclusive, que les autres en soient
* privés. L ’eau est pour tous un don de la nature -, que chacun do
* ceux à qui elle peut être utile a droit de réclamer également ;
K la seule différence consiste en ce que la disposition des lieux la
* donne à l’un avant l’autre. Mais ce n’est qu’un dépôt dont il peut
* u s e r , pourvu qu’il ne prive pas ces derniers du même droit
* (Traité des servitudes, partie 2, chap. i , sect. i , n° i o i ) .
M. Toullicr, dans son droit civil français, s’exprime dans le même
35
54
sens (liv. 2 , tit. 2, chap. 2, n° i
et 1 )*
« Si le propriétaire d’un héritage que traverse un courant d’eau
w pouvait détourner ce courant ou en retenir tonies les cauæ
« au préjudice du fonds inférieur, le propriétaire supérieur aurait
<f le même droit ; en défendant à l’un et à l’autre de détourner le
« cours de l’eau, la loi protège également leurs propriétés par la
* limitation même qu’elle y apporte; ils peuvent user de l’eau pen" dant qu’elle traverse leur héritage , l’y faire circuler comme bon
* leur semble, mais à la charge de la rendre , à la sortie de leur
« fonds, a son cours ordinaire.
De tôut ce que nous venons de dire et de la lettre même de l’ar
ticle 6/(4 il résulte en droit, i* que, si celui dont la propriété borde
une eau courante peut s ’en servir ¿1 son p a ssa g e, il ne peut pas
la conduire au-delà du point ou son héritage cesse d’être bordé par
le cours d’eau; 20 qu’il en est de même du propriétaire dont le
fonds est traversé par l’eau courante ; car d’après le second para
graphe de l’article , il 11e peut user de l’eau que dans l'¡ritenutile
elle parcourt son héritage. Donc son usage doit se borner à
�l'héritage traversé par le cours de l’eau; il ne peut être étendu à
des héritages réunis au précédent , éloignés des bords du cours
d’eau et que cc cours ne traverserait pas.
M. Proudhon, déjà si honorablement connu par son excellent
Traité de l'usufruit et de l’usage , a développé avec beaucoup de
sagacité et de sagesse, dans un nouveau Traité du domaine public,
les droits que peuvent avoir sur un cours d’eau les propriétaires
d’héritages riverains ou traversés par ce cours d’eau.
Après avoir transcrit l’art.
644 du
Code et posé aussi en prin
cipe que ces héritages ont seulement l’usage de l’eau, il fait remar
quer que , s'il était permis à tous les propriétaires riverains de
changer le cours des eaux , tantôt à droite, tantôt à gauche, cette
licence introduirait bientôt entr’eux un état d’anarchie, de débats et
de guerre civile.
11 ajoute ensuite cette observation importante
,n
:
« De là on doit encore tirer la conséquence que le propriétaire
« du fonds riverain ne pourrait y pratiquer un canal depuis le
« ruisseau, pour en conduire les eaux su r un héritage plus reculé,
« attendu que cc serait appauvrir le cours d’e a u , au préjudice des
« héritages qui sont situés , soit à l’autre bord, soit plus bas , et qui
433
421
« ont lous le droit d’en profiler. » ( V . t. 4 » p* n" *
•)
A la page
, il dit que « le propriétaire riverain du cours
4^8
« d’eau 11e pourra , au préjudice des autres propriétaires , soit
« collatéraux , soit inférieurs , le faire dériver en tout ou en partie,
« dans un réservoir ou étang, etc. »
A la page
d’attention :
4 29 > *1
d’autres remarques également dignes
« Le propriétaire d’un fonds bordant le ruisseau n’a le droit d’y
v prendre que l’eau nécessaire à l’irrigation de son propre héric tage ; donc il ne pourrait y perm ettre la confection cl’un
v aqueduc pour conduire les eauæ sur le fonds d’ un autre qu i
« serait plus recu lé; et tant qu’il n’y aurait pas prescription, les
« autres propriétaires intéressés à la s u p p r e s s i o n d’un pareil 011« vrago pourraient la demander. »
Il dit à la suite que « ce propriétaire riverain n’a le droit
�( l9 )
* d’arrosement que pour l’usage du fonds qui borde l'e a u ; s’il
« l’agrandit par des acquisitions d’aulres fonds gui ne soient p as
r euæ-m ëm es adjacens au ruisseau , il n’aura pas la faculté d’y
« faire, au préjudice des autres propriétaires, de plus grandes
« prises d’eau pour l’irrigation de ses propriétés...... La raison de
« c e la , c ’est que la servitude d’usage, qui n’est établie que pour
« un fonds, ne doit pas cire étendue à d’aulres........
« S’il ne peut en user à discrétion comme le maître de la source,
« c’est parce que les autres propriétaires, soit collatéraux, soit in« férieurs, ont aussi leurs droits, auxquels il est défendu de porter
« préjudice. »
A la page / p i , s’occupant des droits du propriétaire dont les
fonds bordent le cours d’eau des deux côtés, il souligne ces expres
sions de l’article 644 >p eu t même en user, pour en conclure que
« le propriétaire du fonds n’est toujours signalé que comme
« usager, et encore que son usage ne s’applique qu’à l’irrigation
* de ses héritages...... et qu’il ne pourrait pas recueillir e t renv fe r m e r les e a u x dans des étangs ou réservoirs. »
433
A la page
, en rappelant q u e , si l’art. 644 permet à celui dont
l’héritage est traversé par l’eau , d’en user « son passage dans
l’intervalle q u e lle y p a rco u rt, c’est à la charge de la rendre,
ci la sortie de ses fo n d s , à son cours ordinaire, l’auteur fait re
marquer que l’article ne dit pas à la sortie de son fo n d s , mais
a la sortie de ses fo n d s ; et il ajoute ensuite une observation d’une
grande justesse :
«■ C ’est pourquoi, si l’on suppose que le fonds qu’il possède à
« gauche du ruisseau, s o it, vers la région inférieure, moins pro« longé que celui qu’il possède sur la droite, et qu’il veuille le
* faire circuler ou serpenter dans l’intérieur d’un de ces fonds, il
* sera obligé de le ramener à son cours naturel vis-à-vis de la
« pointe du fonds latéral de gauche , qui est le moins p r o l o n g é ;
* attendu qu’autrement on ne pourrait pas dire qu’il l’a rendu à
* son cours ordinaire à la sortie de scs fonds. »
Des diverses règles que nous venons d’analyser, le judicieux au
teur tire plusieurs conséquences, notamment, page
435 , où il dit :
�( >0 )
.
« Que les propriétaires des fonds touchant au ruisseau dans
« la partie inférieure ont ;mssi un-véritable droit à l’irrigation de
« leurs héritages-;, droit dont il n’est pas permis de les priver,
« puisque celui qui les précède ne doit jouir des eaux avant eux
« qu’à la charge de les rendre , par un aqueduc , à leur cours ork
diuaire. Et cela est de toute justice , car comme ils 11e pourraient
« s’empêcher de les recevoir si elles leur étaient nuisibles , il faut
« bien que, réciproquement, ils aient le droit d’en exiger la trans«f mission lorsqu’elles leur sont utiles. »
C ’est d’après ces mêmes idées de justice, que l'auteur décide en
faveur des propriétaires inférieurs la question qui liait lorsque
l'héritage d’un des riverains est trop élevé pour y faire monter les
eaux ; il se demande alors si le riverain opposé doit profiter de
cette circonstance pour s’emparer de l’eau dont n’use pas celui-là,
et pour faire serpenter cette eau dans son pré ?
L ’auteur répond négativement « parce qu’il est incontestable que
<r les propriétaires des héritages inférieurs ont droit à toutes les
» eaux qui découlent naturellement des fonds supérieurs ; d’où il
<î résulte que, s i , parmi ces fonds , il y en a qui n ’absorbent auv cunc partie du fluide, ce sera une cause d’accroissement, ou
« plutôt de non décroissement dans la masse dirigée vers la ré-
44
436
«■gion inférieure. » ( V . le même tome 4 »Pag e
*> u* i
.)
Tous ces principes se résument en quelques règles positives et
conformes à la lettre comme à l’esprit de l’art. 644 du Code civil :
Un propriétaire riverain d’un cours d’eau peut se servir de l’eau
à son passage ; c’est-à-dire, qu’il doit la prendre sur sa propre r iv e ,
et 11e remployer fjii’à l’irrigation du seul héritage qui borde le cours
d'eau ;
Celui dont le fonds est traversé par l’eau peut en u ser, mais seu
lem ent dans £intervalle que l'eau y parcourt.
n’a pas le droit
11
d’élendre son usage au-delà de la limite où l’eau cesse d’avoir son
cours au milieu de scs propriétés;
Ce propriétaire doit rendre , au point extrême de celle des
rives de scs deux fonds qui est la moins p r o l o n g é e , il doit rendre ,
à l'extrémité de celle rive , ¿1 son cours ordinaire, l’eau qu’d avait
�( 21 )
Retournée, sans pouvoir en prolonger l’usage dans une partie in
férieure de son héritage, qui ne borderait pas le cours d’eau ;
C ’est devant son propre héritage , et non devant l’héritage supé
rieur d’un autre que chaque pi’opriétaire doit prendre l’eau dont
il veut user ; il n'a pas le droit de la prendre , à l’aide d’une rase ou
d’un canal, dans la partie supérieure du lit du ruisseau , ou dans le
terrain du propriétaire voisin; c e lu i-c i, simple usager lui-méme
pour sou propre héritage seulement, n’a pas aussi le droit d’auto
riser l’établissement* d’un canal ou d’un aqueduc sur son terrain
ou sur la partie correspondante du lit du ruisseau, pour diriger l’eau
sur l’héritage d’un autre, au préjudice des propriétaires inférieurs ;
ces derniers sont autorisés à faire détruire ou modifier les ouvrages
qui empêchent que l’eau ne leur a r r iv e ;.
Enfin, si certains des héritages riverains ne peuvent, à cause de
leur élévation, user des eaux pour leur irrigation, ce qu’ils ne
pourront recevoir devra profiter aux riverains inférieurs par droit
de non décroissement.
Comparons cette doctrine aux prétentions des époux Chandezon
et à la localité.
Ces prétentions , et les moyens sur lesquels elles s'appuient, sont
développés dans de longues conclusions signifiées en première
instance, le
5 mai i 83 /f, et dont voici l’analyse
:
« En fait, dit-on , la propriété des sieur et dame Chandezon est
en partie b o rd ée, en partie traversée parle ruisseau de la Monne;
« A
65 mètres environ,
au couchant de leur ve rg er, il y a une
prise d’eau consacrée par un usage immémorial ;
« L ’eau introduite dans le verger se divise en une infinité de
petites rigoles établies pour son irrigation;
*
En sortant du verger, elles se rendent dans un canal dont la
direction a été donnée par les demandeurs pour distribuer ces
eaux enlre les propriétés inférieures ;
« Si elles n’arrivent pas à leur destination , c’est que le canal est
dégradé; c’est aux demandeurs à le réparer : cela est étranger au
sieur Chandezon ;
« Il avait été fuit anciennement une distribution des eaux ; elle a
�etc renouvelée en 1822 par le sieur Chouvy, expert, entre les
propriétés inférieures; et le sieur U ssel, représenté par les époux
Chandezon, 11’y figure pas.
« En droit, le libre usage qu’ont exercé les époux Chandezon
de la prise d’eau sur le ruisseau de la Monne, pendant un tems
immémorial, est une servitude que nul ne peut leur contester ;
(f Celui dont la propriété est traversée par une eau courante a
le droit d’en user dans l’intervalle quelle y parcourt, à la charge
de la rendre, à la sortie de ses fonds, à son cours ordinaire;
« Il peut absorber entièrement l’eau, toutes les fois qu’il n'en
change pas le cours ;
« O r, les époux Chandezon entretiennent les rases qui laissent
écouler l’eau de leur veFger ;
« Ils ne peuvent être responsables de ce qui arrive par le fait
d’ouvrages inférieurs à leurs propriétés ;
« Un règlement d’eau 11e peut être demandé que par ceux qui
sont en concuiTcnce ; or, la propriété des sieur et dame Chandezon
étant traversée par le ruisseau, ils exercent leurs droits sans aucune
concurrence, et n’ont pas à ménager ceux des propriétaires
riverains ;
«■Les propriétaires" de la rive opposée pourraient seuls se
plaindre (1);
« Les époux Chandezon seuls ont établi et entretenu, à leurs
frais , les vannes et les canaux qui servent à l’irrigation de leurs
propriétés; eux seuls doivent, par conséquent, en jouir. »
Tels so n t, en résumé, les principaux moyens sur lesquels on
s’appuie pour repousser le règlement demandé.
Parmi quelques faits et quelques principes exacts , ces moyens
en présentent beaucoup d’erronnés ; et même ce qu’il y a de vrai
reçoit une fausse application.
En fa it, la propriété des époux Chandezon n’est B o r d é e que
dans une petite partie par le ruisseau de la Monne , et elle n’est
1
( 1 ) Ceci est un e erreur. V . le p»j»age de l’io u Jb o n cité |j u» liaut, tome 4,
n* » .
430
�( 23 )
traversée par ce ruisseau que dans une partie beaucoup plus petite
e n c o re , comme on peut le voir sur le plan; les époux Chandezon
ne sont propriétaires des deux rives du ruisseau, que sur une longeur d’environ G5 toises , et la plus longue ligne par laquelle ils
touchent au ruisseau sur l’une des rives , la rive gauche , n’est
15
que de 1
toises.
La partie la plus considérable^de leur propriété est éloignée du lit
du ruisseau , et se prolonge, presque en totalité, derrière le pré de
la dame Cisternes, qui est intermédiaire entre le cours d’eau et 1e
verger Chandezon ; en sorte que c’est à la darne Cisternes seule
qu’appartiennent, dans celte longue étendue, les droits de proprié
taire riverain ; o r, celte dame use elle-même de scs droits pour
l’irrigation de sa prairie.
C ’est aussi une erreur de fait de dire que les époux Chandezon
rendent l’eau à son cours ordinaire comme le veul la loi (C . C .,
art. 644)j car le cours ordinaire est le ruisseau qui est au midi;
o r , les eaux qui sortent de la propriété Chandezon tombent, en
partie, à l’aspecl opposé, au nord, le long du chemin , vers les
lettres C D du plan , et en partie, à l’est, aussi le long d’un chemin ,
vers les lettres G I I I ; et de là , il est impossible, à raison de la
disposition du terrain , qu’elles puissent rentrer dans le lit de la
Monne; il faudrait qu’elles remontassent de près de neuf pieds.
L e canal G
11 I avait été pratiqué , il est vrai,
pour recueillir les
eaux qui tombent dans les deux chemins, et qui proviennent no
tamment de plusieurs sources. Riais lors de l’établissement do ce
canal , aux Irais duquel le sieur Ussel avait contribué en l’an 9
comme tous les autres propriétaires , les riverains inférieurs ne
renoncèrent a aucuns de leurs droits sur les eaux de la Monne;
et certes, une telle renonciation, si le sieur Ussel eût pu l’obtenir,
aurait été consignée dans un traité.
L e canal, au reste, ne peut servir à l’irrigation des prés des appelans , l’eau ne pouvant monter d’environ 9 pieds , comme il le fau
drait. Il est, d’ailleurs, complètement dégradé ; il ne pourrait être
rétabli qu’à grands frais et à une grande profondeur, en le construi
sant de toute autre manière qu’il ne l’avait été dans son origine , en
�le faisant passer sous ’plusieurs ponls , et sans même qu’il pût être
d’une utilité réelle et équivalente aux dépenses qu’il occasionnerait.
IVous verrons bientôt que si le propriétaire riverain, ou celui
dont le terrain est traversé par l’eau, veut en user, c’est à lui-même
à la rendre , à ses frais , à son cours ordinaire, et qu’il ne lui est
pas permis d’en changer le cours, et de la jeter à l’aventure , à la
sortie de ses fonds, en laissant aux propriétaires inférieurs le soin
de la reprendre.
E niin, cette prétendue distribution des e a u x , renouvelée en
1822 entre les propriétaires inférieurs , est une erreur de plus du
sieur Chandezon. Jamais cette distribution 11’a été reconnue ni exé
cutée par les appelans ; il ne peut y avoir de règlement sans que
toutes les parties intéressées y concourent, le sieur Chandezon
comme les autres. Jusqu’à présent , ou au moins jusqu’en i
832 ,
avant la tentative usurpatrice du sieur Chandezon l’eau arrivait à
chaque prairie, parce que le sieur Chandezon 011 avant lui son
beau-père en prenaient peu et rarement , et que , s’ils détournaient
l’eau , les propriétaires inférieurs allaient lui rendre son co urs, en
détruisant le barrage temporaire et mobile qu'ils y avaient établi.
Tels sont les faits : examinons le droit.
Comme propriétaire riverain , le sieur Chandezon ne pourrait se
servir de Veau qu’à son passage , c’est-à-dire, sur le bord même de
sa propriété ; il n’aurait donc pas le droit de la conduire loin de
son l i t , dans un héritage ou un prolongement d ’héritage qu’il a
ajouté à sa propriété riveraine, et q u i, n’étant ni adjacent ù
la rive ni correspondant à cette riv e , ne peut avoir aucun droit à
l ’eau. C ’est ce qui résulte des dispositions do l’art.
du Code
civil; c’est ce qu'enseigne Proudhon, toine 4» I>agc 29. (V o ir
644
5
le passage e’i -dessus cité.)
Comme possédant même une propriété traversée par ce cours
d’eau , le sieur Chandezon ne pourrait user de l’eau qnv dans Cin~
tervalle qu’ elle y p arcourt, comme le dit expressément le second
paragraphe de l’art. 644’ O r » cet intervalle s arrete au point () ; le
ruisseau de la Momie ne traverse la propriété du sieur Chandezon
que dans une partie de la ligne U Q ; et a cc dernier point se* ter
mine le bord de son héritage ; à ce dernier point, il 11c possède plus
�(
*5
)
même une seule rive du cours d’eau. Ainsi, aux termes de la l o i ,
c’est à ce point Q , qu’il devrait rendre l’eau à son cours ordinaire,
c ’est-à-dire, au lit du ruisseau ; car cela est impérieusement,
prescrit par l’art. 644 du Code civil, qui lui impose cette loi
comme condition attachée à l’usage de l’eau qu’il lui accorde ;
à la charge de la ren d re, à la sortie de ses fo n d s ,
à son c o u r s
o r d in a i r e , dit l’article.*
Et remarquons que , suivant la doctrine de M. Proudhon , lors
même que la propriété du sieur Chandezon s’étendrait, sur la rive
droite, plus bas que le point Q , il n’en devrait pas moins rendre
l’eau à ce p o in t, parce qu’il serait tenu de la ramener à son cours
ordinaire, vis-à-vis de la pointe ditfonds latéral qu i est le moins
prolongé su r l ’une des rives.
Nous ne rappelons cette opinion que pour mieux fixer le sens de
644
l’article
du Code civil ; car, dans l’espèce, le point Q , sur la rive
gauche, est môme le point le plus prolongé des deux héritages que
possède le sieur Chandezon sur les deux rives (V. le plan); en sorte
que le sieur Chandezon devrait rendre l’eau à son cours ordinaire,
même plus haut que le point Q.
L e sieur Chandezon obéit-il à cette prescription de la loi ?
Use-t-il seulement de J’eau dans l ’intervalle q u e lle parcourt sa
propriété ? La rend-il, comme il l’a prétendu, comme il l’a fait
croire au tribunal de première instance, qui a adopté aveuglément
ses allégations , la rend-il à l ’extrémité de cet intervalle, c ’est-à<bre au point Q , comme il le devrait?
Non , l’ eau ne revient p a s , l’eau ne petit pas revenir à ce point ;
clic est détournée de son cours ordinaire ; elle est jetée à un tout
autre aspect que celui où coule ie lit de la Monne ; elle ne peut plus
y rentrer naturellement, parce quelle se trouve dans un terrain
beaucoup plus bas que le lit du cours ordinaire ; elle ne pourrait y
revenu' qu’à l ’aide de travaux extraordinaires et ou creusant un
canal d’une grande profondeur, (pii consommerait en frais d éta
blissement des sommes considérables, dont Ventretien annuel serait
;iussi trop coûteux parce qu’il serait bientôt encombré par les
terres , par les sables, et que l’on sc verrait enfin forcé d’aban-*
4
�donner, comme on Va déjà éprouvé , parce que toutes les fois qu’on
a à vaincre des obstacles naturels, la résistance constante de la
nature finit toujours pur triompher.
Dans de telles circonstances, que peut-on penser de l’observation
des époux Chandezon, qui disent naïvement que l’eau étant sortie
de leur p r é , ils ne peuvent être responsables de ce qui arrive par
le fait d’ouvrages extérieurs à leurs propriétés?
L ’observation pourrait être do quelque justesse, si les époux
Chandezon rendaient l’eau à son cours ordinaire , et que ce cours
fût ensuite gêné par des faits indépendans de leur volonté.
Mais il arrive précisément tout le contraire. L ’eau, comme nous
l’avons déjà dit (et il est impossible qu’on nie cette vérité de fait),
l’eau n’est pas rendue à son cours ordinaire ; et les ouvrages dont on
•
•
*
*
i
p a rle , loin de nuire à la rentrée de l’eau dans le lit de la Monne ,
avaient pour but de l’y ramener ; mais ce but n’a pu être rempli.
Au reste, ce n’est pas aux riverains inférieurs à ramener dans
leur lit naturel, dans leur cours ordinaire, les eaux dont les époux
Chandezon veulent user ; c’est à eux que la loi impose cette con
dition absolue ; c’est à eux donc , ou à renoncer à l’usage des eaux,
ou à faire et à entretenir tous les ouvrages nécessaires pour exécuter
la condition sous laquelle cet usage leur est attribué.
Ainsi, les époux Chandezon violentla loidans ses principaux points r
Us la violent en ne se restreignant pas, comme riverains , à se
servir de l’eau à sou passage, pour l’irrigation du seul terrain qui
est adjacent à la rive, mais en la détournant pour la conduire à uu
terrain plus éloigné du ruisseau , et qui, n’étant pas exposé aux inconvéuicns des eaux , ne doit pas profiler de leurs a\antages ;
Ils la violent , même comme propriétaires de fonds traversés
par un cours d’eau , en ne se bornant pas à user des eaux dans
l’intervalle qu’elle y parcourt, en ne restituant pas l’eau à l’extrémité
de cet intervalle, et en l’étendant à une propriété que celle eau ne
parcourt pas , qui est au contraire séparée du cours d’eau par une
propriété étrangère ;
Ils la vio len t, en ne rendant pas l’eau à son cours ordinaire,
comme la loi les y oblige , et en la jetant, au contraire, à.u u c
�(
27
)
grande distance, et sur un terrain beaucoup plus bas , d’oii elle ne
peut rentrer dans son Ht ;
Ils violent aussi la loi sous un autre rapport, en prenant l’eau ,
«on dans la partie du cours qui est correspondante à leur propriété,
mais au-dessus, dans une partie du lit dont est riverain un proprié
taire étranger qui n’a pas le droit de disposer de l’eau au préjudice
des propriétés inférieures et riveraines.
Si les époux Chandezon se bornaient à prendre l’eau dans la ligne
de leur propriété, c’est-à-dire, dans l’intervalle du point B au point
O , les riverains inférieurs auraient peu à se plaindre , parce qu’ils
ne seraient privés que d’une faible portion des eaux de la rivière.
L e ruisseau de là Monne coule dans un vallon; et son lit est en
caissé de manière que la rive droite étant très-élevec et tresescarpée ne peut profiter des e a u x , tandis que les terrains , sur
la rive gauche , sont inclinés eu pente plus d o u c e , et peuvent
être arrosés dans leur partie basse.
L ’enclos des époux Chandezon est un petit monticule à trois
versans , l’un au midi du (*ké de la rivière l’autre au nord du
côté du chemin C D , et le troisième à l’est , vers les lettres G H I.
Si l’eau nécessaire à l’irrigation était prise seulement vers le point
B , ou même en amont mais dans un point rapproché , il ne s’in
troduirait dans la propriété.Chandezon qu’une très-petite quantité
d’eau; l’encaissement du lit en conserverait la plus grande quantité
pour les propriétés inférieures.
Mais les époux Chandezon vont aujourd’hui prendre l’eau
beaucoup plus haut que leurs propriétés , à
45
mètres environ
au-dessus du point l i , dans la partie du lit de la rivière qui
longe la propriété Bouchard, c ’est-à-dire, à un point dont le
niveau est beaucoup plus élevé que le point B , où le lit est moins
encaissé, et à l’aide d’un barrage qui n’a rien de fixe, qui n’est
formé que de simples pierres alignées dans le lit de la rivière, non
liées cntr’elles , mêlées quelquefois d’un peu de paille; à l’aide d’un
barrage qui varie de forme et de longueur à l’arbitraire du sieur
Chandezon, et que, d’année en année, il remonte,un peu plus
haut, le long de la propriété Bouchard ; en sorte que, depuis i
85 a,
il s’est emparé, dans tous les lems, de la plus grande partie de l’eau
�de la Monne, e l , dirns les tems socs, de la totalité de cette can.
Telle est la manière dont les époux Chandezon veulent s’appro
prier l’eau de la Monne.
En ont-ils le droit ?
La négative n’est pas douteuse. La lettre comme l’esprit de
l ’article
644 du
code civil le démontrent. Cet article permet au
propriétaire riverain de se servir de l’ eau à son passage, et à celui
dont le terrain est traversé p ar l’eau d’en user dans l’intervalle
qu’elle y parcourt. Mais elle ne l’autorise pas à s’introduire audessus de la ligne de sa propriété dans le lit du ruisseau, à remonter
ce li t , à y établir un barrage pour empêcher l’eau de couler dans
sou lit naturel, pour en changer le cours et pour la diriger vers
une propriété inférieure de
45 mètres au point ou elle
est prise.
Les époux Chandezon diront-ils que le sieur Bouchard le tolère,
et que lui seul étant riverain en cet endroit, pourrait seul aussi s’y
opposer?
Un tel argument serait la plus grande des erreurs.
L e sieur Bouchard n’est pas propriétaire de l’cviu de la rivière.
Cette eau est commune à tous les riverains ; el chacun d’eux peut
seulement en user sans avoir le droit de concéder à un autre ce
qui ne lui appartient pas à lui-même.
Comme riverain, le sieur Bouchard a le droit de se servir de
l’eau pour l'irrigation de sa propriété ; et dans le fait il exerce ce
droit.
Cet usage exercé par le sieur Bouchard pour son propre avan
tage, épuise tous ses droits ; il ne lui est pas d’ailleurs permis de
tolérer dans un autre ce qu’il ne pourrait pas faire lui-mème pour
son propre avantage. Il ne peut pas autoriser le sieur Chandezon ni
qui que ce soit à établir dans la partie du lit dont lui Bouchard est
riverain, un barrage pour conduire l’eau chez son voisin ; car ce
serait se rendre maître d’une eau dont il n’a qu’un usage personnel;
ce serait disposer de la chose des riverains inférieurs.
Cette doctrine ressort clairement des dispositions de l’article G44
du code c iv il, qui a entendu concilier les intérêts de tous les rive
rains, cl qui 11e veut pas que plusieurs riverains supérieurs puissent
�( 20 )
se concerter entr’eux pour priver les inférieurs des avantages qu’ils
peuvent retirer du Voisinage d’une x’iviere trop souvent désastreuse,
pour eux par ses irruptions.
Cette doctrine est aussi professée par M. Proudhon , dans son
Traité du domaine public . dont nous avons déjà transcrit le passage
si positif où il dit que le propriétaire d’ un fo n d s qu i borde un
ruisseau n’a le droit d ’y prendre que l’eau nécessaire à l’irri
gation de son propre héritage , e t qu’il ne pourrait y perm ettre
la confection d ’un aqueduc p our conduire les e a u x su r le fo n d s
d ’un autre q u i serait plus reculé ( V . tome
4 , page 429 )-
A in si, c’est sans droit que le sieur Chandezon s’empare de l’eau
de la rivière vers un point qui ne correspond même à aucune de
ses propriétés; et les x’iverains inférieurs sont d’autant plus fondes
et intéressés à s’en plaindre , qu’en ne prenant l’eau que près de
chez lu i, il n’en pourrait retenir qu’ une partie et ne priverait pas
les vastes prairies qui sont plus basses d’une irrigation dont elles
ont toujours joui.
Nous avons démontré clairement et positivement, il semble, que
l’article 644 du code civil ne conférait pas aux époux Chandezon
les droits qu’ils s’arrogent, et que par leurs entreprises ils blessaient
ouvertement la lettre comme l’esprit de notre législation sur les
cours d’eau.
Ici se présente une autre objection tirée de l’existence des canaux
et de l’usage des eaux, usage qu’ils ont exercé eux ou leurs auteurs,
disent-ils, depuis un teins immémorial.
Relativement aux canaux et à l’agage B aux frais de l’établisse
ment desquels les propriétaires inférieurs n’avaient pas contribué ,
dit-on, il est assez étrange qu’on se soit fait de celte circonstance
un moyen devant les premiers juges.
Cet usage, utile aux époux Chandezon seuls, ces rases ou rigoles
<ln’ils ont creusés dans leur pré, ne sont que nuisibles aux riverains
infér ieurs. Ceux-ci ne pourraient s’en servir, en eussent-ils le droit;
ds n’y ont jamais rien prétendu; ce n’est pas là que gît la question
de la cause.
Quant à l’argument tiré de l’usage des e au x, il csl facile d’y ré
�pondre; cl on le sentait si bien qu’on ri’y a pas insisté en première
instance. Aussi le tribunal ne s’y esw l pas arrêté:
1
Ce prétendu usage n’a pu acquérir aiicuri droit aux époux Chaiidezon, parce qu’il n’a été ni caractérisé, ni exclusif.
Il n’a pas été caractérisé par des travaux de main d’homme, éta
blis d’une manière fixe et propres à annoncer l’intention permanente
de s’emparer des eaux au préjudice des droits des riverains inté
rieurs.
E n effet, sauf un commencement de rase pratiquée dans la pro
priété Bouchard, en amont mais à peu de distance du point B , les
époux Chandezon ni leur auteur n’ont jamais pratiqué, sur le lit de
la rivière au-dessus de leur propriété , des ouvrages apparens et
solidement édifiés, tels qu’un barrage en maçonnerie, pour diriger
dans leurs héritages les eaux de la rivière de la Monne. Ils n’y ont
même jamais élevé d’écluse eu fascines soutenues par des p ie u x, ni
aucune autre espèce de construction solide qui détournât les eaux
de la rivière et qui put faire concevoir aux propriétaires inférieurs
la crainte d’en être prives.
Ils se sont toujours bornés, lorsqu’ils voulaient s’emparer de l’eau,
à faire instantanément dans le lit de la rivière et dans la partie de
cc lit, correspondante à la propriété Bouchard, un barrage mobile j
composé des pierres prises dans le lit môme de la Monne et aux
quelles ou réunissait un peu do paille, afin de détourner les eaux do
leur cours ordinaire pour les diriger, par une espèce de cannfctcm*
porairc , le long de la propriété Bouchard, jusqu’à la rase qui
commence à une faible distance de leur propriété particulière*
c’est-à-dire, près du point marqué B sur le plan.
O r de tels ouvrages, qui ne présentaient rien de certain , rien do
fixe, rien de positif, qui disparaissaient à la moindre crue d ’eau, au
moindre mouvement de la rivière , n’ont pti constituer une ser
vitude réelle de prise d’eau, ni attribuer un droit exorbitant, un
droit contraire aux prescriptions de la loi, celui d’aller prendre, sui*la rive d’un héritage supérieur cl à un point éloigné de son propré
héritage, l’eau que la nature comme la loi destinent aux héritages
�(
ê
'
3i
)
^
inférieurs lorsque le possesseur du terrain supérieur ne peut plus
en user lui-même sur sa propre rive.
Pour établir une servitude de prise d’eau, pour acquérir par la
prescription sur le lit d’une rivière , comme sur le terrain d’autrui
un droit exclusif à des eaux qui ne nous appartiennent pas, il faut
que la possession soit caractérisée par des ouvrages apparens et
fixes, qui n’aient rien de précaire et qui ne puissent pas être
considérés comme l’eiï'et de la simple tolérance du propriétaire su
périeur , ou comme ayant pu échapper à l’attention des propriétaires
inférieurs auxquels les eaux devaient arriver. On peut invoquer sur
cette question par analogie un arrêt de la Cour de Iliom, du 2G
avril 1826. (V o ir aussi l’article 6^2 du.Code civil.)
O r, certes, à la manière dont était formée l’espèce de barrage
pratiqué par les époux Chandezon ou leur auteur, et tant que ce
barrage n’avait pas été prolongé en amont d’environ
45
mètres et
élargi sur le lit de la rivière de manière à intercepter la totalité ou
la presque totalité des eaux; en un mot tant qu’il 11’y avait pas eu
832
abus comme en j
, époque de l’origine du procès, les proprié
taires inférieurs, ainsi que le propriétaire supérieur , n’avaient dû
donner qu’une légère attention à l’entreprise des époux Chandezon,
parce qu’ils n’en éprouvaient pas un préjudice sérieux et continu.
Cette entreprise ne causait en cil et aucun préjudice au sieur
Bouchard, propriétaire supérieur, un barrage peu solide et peu
élevé n’exposant pas son héritage à être inondé.
Les propriétaires inférieurs étaient eux-mêmes peu blessés dans
leurs intérêts, soit parce que ce barrage n’existait pas constamment,
soit parce q u e , même pendant son existence primitive, comme il
était plus rapproché du point II, il ne détournait qu’une petite portion
de l’eau et en laissait arriver la plus grande quantité aux prairies
inférieures.
Ainsi, sous ce premier rappo rt, l’usage des eaux invoqué par les
époux Chandezon ne pourrait leur valoir aucun droit parce qu’il
n’aurait pas été caractérisé et que leur possession n’cîxt été que pré
caire.
Mais il y a plus, cet usage n’a jamais été exclusif.
1
�Jamais, en eiïet, avant )
832 , les époux Chandezon, ni
leur au
teur ne s'étaient emparés des eaux arbitrairement, quand bon leur
semblait, et malgré la résistance des riverains inférieurs; jamais ils
u’avaient disposé de ces eaux à leur gré ; jamais ils ne les avaient
détournés abondamment et constamment au préjudice des proprié
taires inférieurs.
S’ils usaient des eaux de la M onne, ce n’était qu'assez rarement*
et en partie seulement comme nous l’avons déjà dit; en sorte que
la plus grande masse du cours d'eau arrivait constamment aux pro
priétés inférieures.
E t si quelquefois le barrage était maintenu ou disposé de ma
niéré à détourner une trop grande quantité d’e a u , les proprié
taires inférieurs se transportaient vers ce barrage toléré plutôt que
dû ; et tantôt ils le détruisaient, tantôt ils le réduisaient de manière
à faire disparaître le préjudice qu’ils en auraient éprouvé.
C ’est ainsi que les choses se sont passées jusqu’en i
; c ’est
ainsi q u e , jusqu’à cette époque, sans qu’il y eut de règlement formé
832
et bien ordonné entre les divers propriétaires des prés supérieurs
ou inférieurs, tous cependant profitaient tour à Lourdes eaux , quoi
qu’avec peu de régularité; tous jouissaient des mêmes avantages s’ils
étaient exposés aux mêmes désastres; aucun d’e ux, pas plus les
époux Chandezon que les autres , n’avait ni 11e réclamait de privi
lège exclusif sur ces eaux.
T el a été l’unique mode de possession des époux Chandezon
ou de leur auteur. O11 le demande, pourrait-on trouver dans un tel
usage des eaux, dans une possession aussi précaire, aussi incertaine,
aussi variable, aussi peu exclusive, le principe du droit, qu’ils ré
clament aujourd’h u i , de s’emparer à leur gré et sans mesure des
eaux de la Monne ; de les retenir tant qu’il leur plairait ; de les absor
ber presqu’enticrement, soit pour l’irrigation d’une grande étendua
de propriété non riveraine du cours d’e a u , soit pour l’entretien
d’un vivier qu’ils y ont récemment établi; enfin de changer la di
rection de ces eaux sans s’inquiéter de les rendre à leur cours ordi
naire comme le veut la loi: et de prétendre encore que c ’est à ceux
<jui en ont besoin à les faire rentrer dans leur lit, tandis que Ja loi
�( 33 )
impose expressément celte charge à tous ceux auxquels elle c»
accorde l’usage?
Reconnaissons donc que les époux Chandezon ne peuvent invo
quer en leur faveur une possession caractérisée et sufiisante pour les
autoriser à priver les propriétaires inférieurs des eaux communes
que la nature a destinées à tous les riverains; reconnaissons qu'ils
sont tenus de se soumettre aux principes que nous avons ci-dessus
développés sur l’usage des e a u x ; reconnaissons q u e ,) comme
riverains, comme propriétaires même d’héritages que le cours d’eau
traverserait, ils ne pourraient prendre l’eau que sur la ligne de leur
propriété, et n'auraient pas le droit d’aller s'en emparer au préju
dice des propriétaires inférieurs, sur la partie du lit correspondante
à la propriété Bouchard; reconnaissons que, même en usant de l’eau,
ils seraient tenus de la rendre à son cours ordinaire, à la sortie de
leurs fonds et au point même où ils cessent d’être riverains; recon
naissons, en un mot, que leurs prétentions, qui tendent à violer
toutes ces règles, doivent être repoussées, et qu’il est juste de mettre
un frein à l’usage arbitraire qu’ils veulent faire d’un cours d’eau
auquel beaucoup d’autres propriétaires ont aussi des droits.
Ceci nous conduit à examiner si un règlement d'eau doit cire
ordonné.
A la suite des principes poses dans l’article
644
du Code civil
sur l’usage des eaux accordé par la loi à ceux qui possèdent des
héritages bordés ou traversés par une eau courante, vienneut des
dispositions réglementaires écrites dans l’article
645 pour faire cesser
les contestations que cet usage peut faire naître.
645
L ’article
s’exprime ainsi :
« S ’il s’élève une contestation entre les propriétaires auxquels
« les eaux peuvent être utiles, les tribunaux en prononçant doivent
« concilier Vintérêt de ¿’agriculture avec le respect du à la pro« priété ; et dans tous les cas les régleuiens particuliers et locaux
« doivent être respectés.
Cette dernière partie de l'article reste sans application dans la
ca u se , puisqu’il n’cxisle aucun règlement local et que le but du
procès est d’en faire ordonner.
5
�( 34 )
Quant à la première partie, jamais cause n’en comrhanda plus
l ’applicaiion. La lutte est engagée entre un propriétaire qui ne
possède qu’environ 8,000 toises de terrain susceptible d’irrigation,
et qui, pour en augmenter les produits ou les embellisseincus dans
son intérêt privé , veut absorber ou détourner à son gré toutes les
eaux du ruisseau de la Monne et en priver plus de 120,000
toises de prairies inférieures , toutes d’une grande valeur et d’un
produit considérable, toutes garnies d’arbres fruitiers, toutes exis
tantes en nature de prairie depuis 1111 teins immémorial, et en pos
session depuis plusieurs siècles d’un droit d’irrigatiou dont le sieur
Chandezon voudrait aujourd’hui les empêcher de jouir.
' Sans doute l’intérêt de l’agriculture ne permet pas qu’on sacrifie
ainsi à un seul, et pour un terrain d’une médiocre surface, les droits
d’un grand nombre de propriétaires et la fertilité d’une vaste éten
due d’un terrain auquel l’arrosement est nécessaire.
Cette première considération suffirait seule pour faire ordonner
le règlement réclamé.
Nous pourrions aussi invoquer contre les prétentions des époux
Chandezon , soit des autorités nombreuses, soit la jurisprudence de
plusieurs cours.
Ces prétentions sont repoussées par les observations même qui
ont été faites au conseil d’é ta t, lors de la rédaction de cette partie
du Code civil.
«• Lorsque l’eau passe par plusieurs héritages, y fut-il d i t , sans
« que personne en soit propriétaire , que le modo de jouir n’est
« établi ni par le titre, ni par la possession, ni par des réglemens
* particuliers et locaux, les tribunaux déterminent la jouissance de
« chacun par un règlement qui fixe le teins pendant lequel chaque
« propriétaire usera des eaux et même l’heure oii il pourra s’en
/|5
«f servir; et l’article G veut qu’ils combinent ce règlement de matf nière à concilier l’intérêt de l’agriculture, c ’es t-à -d ire l’intérêt
« général avec le respect dù à la propriété (Esprit du Code civil
5
<t Sur l’article G/| ).
Ici Finlérct général est. tout en faveur des appelans, et l’intérêt
de la propriété ne peut leur être opposé, puisque
uous
savons que
�(
33
)
les eaux d’un ruisseau sont communes à tous les riveraius, et
que les époux Chandezon, riverains dans une très-faible étendue de
terrain, n’avaient à ces eaux qu’un droit proportionnel el par con
séquent fort restreint ; puisque nous avons vu aussi que les époux:
Chandezon n’avaient pas le droit de prendre les eaux au point du
lit où ils s’en emparent pour les conduire à leurs héritages.
Bien plus, dans l’espèce, le respect dû à la propriété est blessé par
les entreprises du sieur Chandezon, qui violent le droit que les
propriétaires inférieurs ont acquis à l’usage de ce cours d’e au , par
une possession de plusieurs siècles.
Malleville , sur le même article
645 , dit aussi que , « si l’un des
« riverains absorbait l’eau au préjudice des autres ou en prenait un
« volume considérable, c’esfle cas de faire un règlement entr’eux,
<f et que c’est l’objet de la seconde partie de l’article
645 .
M, Pardessus, après avoir posé en principe qu’un riverain ne
peut détourner l’eau en entier sur son fonds , ajoute ce conseil re
marquable :
x Si le volume était si modique qu’il ne fut pas possible d’y faire
» des saignées , et que par cela seul les eaux devinssent inutiles ,
« il vaudrait mieux les accordera un seul pendant quelques heures
« ou quelques jours, et par ce moyen les en faire jouir su ccesii« vem ent pendant un tems proportionné à leurs besoins, que de
* ne les leur donner que partiellement, et dès-lors en si petite
« quantité qu’ils se trouvent manquer d’un élément qui peut seul
v féconder leurs héritages ; en un mot les tribunaux doivent établir
« des règles de convenance et d’équité.
Telle est la vraie doctrine. Il ne doit cire permis à aucun riverain,
quoique supérieur, de s’emparer exclusivement de l’eau au préju
dice des riverains inférieurs ; et les tribunaux doivent s’empresser
de réprimer les abus et d’ordonner les réglcmcns nécessaires pour
une sage distribution des eaux.
C ’est sur cette doctrine que s’est fondée la Cour de Riorn, on
décidant par deux arrêts , l’un du
germinal en 10, l’antre du
5
27 nivôse an 12 , que le propriétaire d’un pré supérieur où passait
un ruisseau n’avait pu relcnir l’eau cl la détourner des prés iufe«
�e 36 )
rieurs. ( V o i r ;ccs arrêts dans le journal de la C o ur, an 12., pages
1 1 6 , 120 ).
o
On p<uit consulter aussi un arrêt du parlement de Paris , du
65
j 6 juillet i o , rapporté par Mornac.
C ’est encore en adoptant et cri consacrant cette doctrine , qu’un
ai’rêt de cassation du 7 avril 1807, rejeta le pourvoi contre un
arrêt de la cour de Dijon , qui avait condamné un propriétaire su
périeur et riverain à détruire des digues et des canaux qu’il avait
établis pour s’emparer de la plus grande partie de l’ean , au préju
dice des propriétés inférieures. Une des dispositions de l’arrêt ren
voie ce propriétaire supérieur ¿1 se pourvoir en règlem ent avec
les parties intéressées. L ’arrêt reconnaît donc que des réglemeijs
sont nécessaires dans de tels cas.
•
On oppose, il est vrai, un autre arrêt du 16 juillet 1807, qui a
rejeté aussi le pourvoi contre une décision contraire. Mais ce se
cond arrêt ne peut être invoque par les époux Chandezon sous plu
sieurs rapports : 1* parce que les propriétés de celui qui se servait
des eaux étaient traversées par des ruisseaux ; qu’il ne prenait les
eaux qu’à leur passage et dans la partie du lit qui était bordée des
deux côtés par ses héritages, et qu’il n’en usait que dans Vintervalle
où le ruisseau parcourait ses propriétés ; 20 parce qu’à la sortie
de ses f o n d s , et au point où il cessait d’être riverain, il les rendait
¿1 leur cours ordinaire.
O r le sieur Chandezon ne fait rien de tout cela : 10 il ne prend
pas les eaux dans la ligne de scs propriétés; il va les prendre, sans
droit,par pure tolérance, dans lapartiesupérieure du lit, devantrheritage lîouchard à qui ces eaux n’appartiennent cependant pas, et
qui ne peut légalement en disposer ni en laisser user au préjudice
des riverains inférieurs auxquels la nature comme la loi les destinent}
nous avons déjà prouvé cette vérité de principes.
2* Le sieur Chandezon n’use pas des eaux dans l’intervalle seule
ment où leur cours traverse scs propriétés; il les conduit sur un
lorrain éloigné du lit de la rivière ; et ce qu’il y a de contraire à tous
les principes , il ne les rend pas à leur cours ordinaire , il les dé
�( 3? )
tourne au contraire de ce cours pour les faire tomber sur un terrain
beaucoup plus bas d’ou elles ne peuvent rentrer dans leur lit.
L e second arrêt invoqué ne peut donc recevoir aucune applica
tion à la cause, et la doctrine que nous avons cmise reste dans toute
sa fo rc e , protégée par la loi comme par l’équité, comme par l'in
térêt de l’agriculture.
Cette doctrine a été appliquée par un troisième arrêt plus récent
de la Cour de cassation ; cet arrêt, en date du i o avril 1821, et qui
casse une décision contraire, déclare en principe, en visant l’article
645 du code sur lequel il se fonde, que «■lorsque des propriétaires
« de dilTérens terrains ont le droit de se servir des mêmes eaux, et
« que le mode de jouissance n’est déterminé ni par les anciens
titres ni par aucun règlement particulier et lo c a l , c’est aux tri« bunaux qu’il appartient de prononcer sur les points qui divisent
* les intéressés et de fixer des règles qui préviennent tous débats
« ultérieurs.
T e l est le point de droit que pose l’arrêt.
Ce point de droit s’applique exactement à la contestation présente.
Les eaux de la Monne sont communes à tous les riverains , et
tous'ontle droit de se servir de ces eaux; nous l’avons déjàprouvé.
S ’il y a des difficultés entre les riverains sur le mode d’usage de
ces e a u x , les tribunaux sont donc appelés à faire cesser ces diffi
cultés par un règlement fait dans l’intérêt de tous.
Et comment le sieur Chandczon pourrait-il être admis à s’y op
poser , lui qui y a un intérêt plus pressant que tout autre s’il veut
obtenir ou conserver l’usage légal d’une partie de ces eaux ; lui qui,
s’il 11 y avait pas de règlement , devrait être privé de toute prise
d’eau.
1
Car rs propriétaires riverains, même inférieurs , ont le droit de
1 empêcher d exercer aucune prise d’eau ailleurs que dev;,nt s011
propre héritage ; ils ont aussi le droit d’exiger qu’il fasse rentrer
dans le lit de la rivière les eaux dont il userait et qu’il les fasse ren
trer dans leur lit au point où son héritage cesse de border le cours
d’eau.
Or, comment le sieur Chandczon arroserait-il, en sc soumettant
�( 38 )
à ces prescriptions qui lui sont cependant rigoureusement imposées
par la l o i , comme condition expresse de la faculté d’user de l’eau?
Ainsi par sa résistance illégale et injuste au règlement qui est de
mandé , il s’expose lui-même à être privé absolument de l’eau dont
il abuse aujourd’hui,
Il s’expose à en être privé ; car comme nous l’avons déjà fait ob
server il ne pourrait argumenter de prescription , puisqu’il n’a pos
sédé que précairement, puisqu’il n’avait jamais usé avant i
832 que
d’une faible partie des eau x, puisque le barrage qu’il établissait illé
galement sur le lit du ruisseau vis-à-rvis la propriété Bouchard était
détruit par les propriétaires inférieurs dès qu’ils s’apercevaient que
l’eau ne leur arrivait pas ou qu’elle ne leur arrivait qu’en moindre
quantité , puisqu’enfin jusqu’aux nouvelles tentatives par lesquelles
le sieur Chandezon a voulu s’approprier la presque totalité de l’eau
commune pour s’en servir même à embellir sa propriété et à y
établir un ou plusieurs viviers, jusqu’à ces tentatives arbitraires, les
propriétaires inférieurs avaient suflisamment fait arroser leurs vastes
prairies.
Ces propriétaires inférieurs ont donc le droit de se plaindre et
d’insister sur un règlement qui ménage les intérêts de tous.
Ils sont d’autant plus dignes d’intérêt dans celle réclamation , que
leurs prairies, dont le terrain est presqu’au niveau du lit du ruisseau,
sont chaque année exposées à d’aifligeantes dégradations par l’inva
sion des eaux j et ils ont fait cette année-ci l’épreuve la plus désas
treuse de ce danger.
Les époux Chandezon, au contraire, donl le terrain est élevé audessus du cours d’eau, sont à l’abri de ces malheurs presque annuels j
et cependant ils voudraient seuls profiter du bénéfice des eaux, eux
qui n’en redoutent pas les incommodités , pour en laisser tous les
ravages dans les
momens fâcheux aux propriétaires inférieurs
qu’ils priveraient de leur avantage dans les inomens où elles pour,
raient être utiles.
n’nst pas ainsi que la justice
Ce
se distribue.
Loin de là; l’équité ;
et la justice commandent un ordre tout oppose.
^
Cîir selon la remarque de Proudhon : « Si les près infui'icurs
�( 39 )
•
« étaient sujets à des inondations dans les crues d’eau cxtraordi« naires , cc serait là une considération majeure pour leur laisser
«• pleinement l’usage des eaux d’irrigation dans les tems ordinaires,
» plutôt que de permettre au propriétaire supérieur de s’en empa«■rer, tandis que l’organisation naturelle du sol le met à couvert
« des mêmes pertes__Secundùm naturcini e s t commoda ciijus* que rei seq u i quem sequuntur incommoda. L . 10, flf de reg.
« ju ris. »
Le cas prévu par l’auteur est celui où se trouvent souvent les
parties.
Cependant, quoique dans les tems de sécheresse l’eau puisse être
insuffisante pour tous, les appelans se sont bornes à demander un
règlement qui divisât les eaux entre tous les propriétaires supérieurs
et inférieurs dans la proportion de l’étendue des propriétés respec
tives susceptibles d’irrigation. Celte réclamation était trop juste
pour que le sieur Chandezon lui-même ne l’eût pas accueillie, si les
conseils irréfléchis de son intérêt personnel ne l’avaient complète
ment aveuglé sur scs droits.
Aussi est-il le seul qui ait résisté à la demande en règlement.
Les autres intimés ne s’y sont pas opposés; ils s’en sont rapportés à
droit en première instance; - et s’ils ne se sont pas réunis aux appe
lans, c’est qu’il existe, à ce qu’il paraît, entr’eux et le sieur Chande
zon , des arrangemens secrets qui les désintéressent.
Il
est vraisemblable que devant la Cour les autres intimés reste
ront aussi neutres dans les débats , prêts cependant à profiter du
succès qu’obtiendraient les appelans.
Mais s’ils se montraient hostiles, la dissertation à laquelle on vient
de se livrer leur sci ait applicable.
Dans cette cause, un règlement d’eau est autorisé par la loi pour
l’usage d’un cours d’eau commun à un grand nombre de proprié
taires riverains, parmi lesquels il n’en est pas un seul qui ait un droit
de possession exclusive, et dont il est juste que tous recueillent les
avantages, les propriétaires inférieurs sur-tout,
exposés aux ravages des inondations.
beaucoup plus
Ce règlement d’oau, réclamé par beaucoup , refusé par un s e u l,
�est prescrit par l'intérêt de l’agriculture, qui ne permet pas que
de vastes et de nombreuses prairies de la plus grande valeur, soient
privées d’une irrigation de laquelle elles ont toujours joui, et ré
duites à une affligeante stérilité , pour fournir à la prodigalité de
l’arrosement et aux embellissemens d’une propriété unique d’une
bien plus faible étendue, d’une bien moindre valeur.
Ce règlement d’eau est voulu par l’intérêt légitime du sieur
Chandezon, à qui la l o i , rigoureusement appliquée , refuserait
toute participation à l’usage de l’e a u , puisqu’à la sortie de ses fonds,
il ne la rend pas, il ne peut la rendre à son cours ordinaire.
Ce règlem ent, enfin, est nécessaire dans l’intérêt de l’ordre
p ublic, pour prévenir les violens débats , les dangereuses querelles
que font naître l’usage et l’occupation des e a u x , et qui peuvent
produire de fâcheux excès , dans l’irritation qui jaillit du choc des
passions, excitées, sur-tout dans les tems de sécheresse par l’ur
gence des besoins d’irrigation.
La Cour, dans sa haute sagesse, ordonnera la mesure commandée
par les circonstances , comme par la doctrine, comme par l'équité,
qui est la première des lois,
M e A L L E M A N D , Avocat.
M* B O N J O U R , avoué,
R I OM ,
IM PR IM ER IE DE SA LL E S F IL S ,
PRES L E PA LAIS.
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Martin. 1836?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Allemand
Bonjour
Savarin
Johannel
Chirol
Tailhand
Debord
Veysset
Subject
The topic of the resource
jouissance des eaux
irrigation
jardins
rivières
vin
prises d'eau
canal
cadastre
sécheresse
doctrine
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire pour les sieurs Martin, médecin ; Martin, greffier du juge de paix ; Monestier, Ussel, Reynaud, Maugue-Champflour, et autres propriétaires de Tallende, de Monton, de Saint-Amand, appelans d'un jugement rendu par le tribunal de Clermont ; contre dame Justine Ussel et le sieur Vincent Chandezon, son mari, adjoint de la commune de Tallende, y habitant, intimés ; en présence de la dame Duvernin, veuve Cisternes, en son nom et comme tutrice de Charles Cisternes ; de dame Hélène Cisternes, et du sieur de Varennes, son mari, assignés en assistance de cause, et aussi intimés ; en présence de la dame Monestier et du sieur Creuzet son mari, d'Etienne Bohat-Lami, Antoine Bohat-Tixier, Laurent Tixier, Hugues Bohat, dit le grenadier, et de François Ballet-Beloste ; tous aussi assignés en cause, et intimés ; en présence enfin du sieur Nicolas Barbarin, également appelant.
Annotations manuscrites.
plan cadastral.
Table Godemel : Cours d’eau.
en matière de cours d’eau, les dispositions des articles 644 et 645 du Code civil ne sont applicables qu’aux cas où les droits du riverain d’une eau courante sont égaux, et où il n’y a ni titre ni possession qui déterminent des droits spéciaux en faveur de l’un d’eux. – ainsi, lorsqu’il résulte, des faits de la cause, ou de l’état des lieux, ou des documens produits, que des constructions de main d’homme ont été faites pour conduire les eaux dans la propriété de l’une des parties, et qu’elle en a profité depuis une époque reculée, il y a lieu de maintenir sa possession.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Imprimerie de Salles fils (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1836
1800-1836
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
1814-1830 : Restauration
1830-1848 : Monarchie de Juillet
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
40 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2810
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2811
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53566/BCU_Factums_G2810.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Saint-Amant-Tallende (63315)
Veyre-Monton (63455)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
cadastre
canal
doctrine
irrigation
jardins
Jouissance des eaux
prises d'eau
rivières
sécheresse
vin
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/28/54005/BCU_Factums_DVV04.pdf
a77ec1d995eea76534adde67ae372c24
PDF Text
Text
PRÉCIS
COUR ROYALE
E N
DE IlIOM.
R É P O N S E
I ro C H A M B R E .
POUR
B ernard
D U V E R T , A p p e la n t;
CONTRE
D am e M
arie
-G
enèse
C H A U V A S S A G N E-
L A B R U G I È R E , Intimée.
»11«
L a dame Labrugière a cru devoir publier un Mémoire
dans une cause q u ’elle déclare elle-même être d ’ un
faible intérêt.
Si la cause est , en effet, d ’un faible intérêt pour
elle, elle est d ’ un grand intérêt pour un cultivateur
peu riche, auquel on veut enlever une partie de haie^
inutile à la dame L ab ru gière, dont la propriété n ’est
close
d ’aucun
co t é ,
nécessaire à Bernard
O u v e r t,
puisqu’elle complète la clôture d un héritage précieux.
L a dame Labrugière réclame la propriété de q u a
rante-six toises en longueur d une haie plus étendue ,
qui sépare son héritage de celui de
D u ve rt .
Elle
convient q u e , dans sa prolongation des deux côtés,
le surplus de la haie appartient à D u v e r t ;
mais.,
�dit-elle, l ’intermédiaire est ma chose, parce que j ’en
ai la possession..
Cett e possession est au moins très-équivoque; car
si le dame Labrugière a fait entendre des témoins qui
la lui a tt rib u e nt , un de ses propres témoins et tous
ceux de l ’enquête contraire la lui refusent.
L a dame Labrugière ne présente d ’ailleurs aucun
titre, et l ’état des' lieux repousse ses prétentions :
aussi, tout en déclarant q u 'e lle ne craint pas Ici
lu m iè r e , elle redoute au moins beaucoup une vérifi
cation \ elle ne veut pas sur-tout q u ’on examine s’il y
a des bornes entre les deux propriétés, jiarce que la
confiance donnée (ï une b o r n e p a r cela seu l qu on la
trouve im p la n tée, serait un moyen sûr de d ép ou iller
les propriétaires les p lu s honnêtes.
L a dame Labrugière pense q u ’au lieu d ’ une vérifi
cation par des experts du choix des magistrats, il est
plus juste q u ’on s’en rapporte à elle-même sur IîÎ
localité q u e l l e d é c rit , sur le plan q u e l l e présente,
sur les faits q u ’elle allègue. 11 lui a 'paru aussi clans
les convenances judiciaires d ’orner son écrit imprimé
d ’insinuations contre son adversaire,
d ’imputations
même aussi singulières q u ’étrangères au'procès.
D uvert a d û répondre pour faire apprécier h leur
juste valeur ces petits écarts de l ’intérêt p rivé, pour
dire les faits dans toute leur ex ac ti tude, pour décrire
les lieux tels qu ils sont , et pour faire reconnaître à la
C ou r quelle est celle des deux parlies, du faible ou du
puissant, du pauvre ou du riche, qui cherche à dé
pouiller l ’autre de ce qui lui appartient.
�FAITS.
Bernard Dave rt est propriétaire cTun pré (l’ une
assez grande va leu r , clos, à tous les aspects, par des
haies qui le séparent des héritages voisins. U n e des
quatre haies qui forment la clôture est intermédiaire
entre le pré de D u vert et un héritage de la dame
L ab ru gière, dont la plus grande partie est en terre,
dont une lisière seulement est en nature de pré.
C ette haie in te rm é d i a ir e , à s’en référer même au
plan de la dame Labrugière , a cent six toises de
longueur.
Devant la C o u r , il s’agit seulement de la propriété
de quarante-six toises, à prendre dans le milieu de
cette longueur. L a darrfc Labrugière reconnaît aujour
d ’hui que soixante-six toises de haie, sur les cent six,
appartiennent à Du vert. E lle consent «i ne pas lui
contester les deux extrémités de la longueur de la
haie; elle avoue q u ’il a* la propriété de vingt toises
au nord, et de quarante toises au m i d i , sur toute
l'étendue; mais elle veut s’attribuer celle des quarantesix toises, placées dans le milieu de la ligne. ( V o i r le
plan de la dame Labrugi ère.)
C ett e prétention assez si n g u l i è r e 3 qui tendrait à
diviser la même h a ie , non dans sa l a r g e u r , mais dans
sa longueur,
est justifiée,
dit-o n,
par l ’ usage des
lie u x, usage que l ’on croit pouvoir établir à l ’aide de
certificats assez équivoques, obtenus d ’ailleurs de la
COmplaisance c[e quelques ^individus isolés.
Pour do nner quelque couleur à son système , la
�dame Labrugière allègue q u ’en arrivant sur les l ie u x ,
on est frappé de la physionomie différente de ces di
verses parties (le haie.
Cette allégation tardive, commandée par le besoin
de la cause, surprendra si l ’on considère q u ’elle est en
contradiction directe avec les faits, q u ’avait exposés
Duve rt devant les premiers juges, qui ne paraissent
pas avoir été démentis par la dame Labrugière, et dont
l ’exactitude eut été facile à vérifier par une opération
d ’experts à laquelle celle-ci a toujours résisté.
La haie, dans toute son ét en due, dans la partie
contestée comme dans celles qui ne le sont pas, dans
tout le pourtour «même du pré de D u v e r t , est partout
de la même nature, de la même essence, de la même
force, du même âge; partout elle présente la même
physionomie ; partout on reconnaît à la simple vue
qu elle a été plantée et retaillée par le même m aîtr e,
et q u ’elle doit appartenir à un seul propriétaire.
U n autre point de localité'fort remarquable est que
l ’héritage de madame Labrugière n ’est clos d ’aucun
coté ab so lu m en t, et que le procès q u ’elle a intenté
n ’a pour b u t d ’obtenir une clôture que pour une trèsfaible portion du circuit de sa propriété, tandis que
D u v e r t , dont le pré est entouré de haies, s’en trou
verait privé dans ce seul point. C ett e circonstance ser
vira à apprécier quelle est celle des parties qui a un
intérêt réel a la contestation.
L e f\ février 1 8 2 2 , D u v e r t ,
usant de ses droits,
coupa un chêne enradiqué dans la haie, cl eu re
tailla quelques autres suivant son usage.
�Cela fournit au garde particulier de la dame L a b r u
gière une occasion de déployer son zèle. Il se transporta
chez Duve rt en l ’absence de celui-ci, et dressa procèsverbal sur un prétendu délit q u ’il ne lui avait pas été
difficile de découvrir, pu isqu’ il avait eu lieu en plein
jo ur sans que Duvert eût pris aucune précaution pour
éviter les regards de qui que ce soit.
Des injures que s’était permises ce salarié de la
dame Chauvassagne-Labrugière donnèrent lieu à une
plainte que Duve rt porta contre lui par exploit du
5 février 1822.
Mais cette action fut paralysée par une autre plainte
portée par la dame Chauvassagne elle-même, le 25 du
même mois, sur l ’enlèvement de l ’arbre enradiqué dans
la haie.
U n jugement du 14 mars 1822 renvoya les parties
à fins civiles.
Après un procès-verbal de non conciliation lors d u
quel D u v e r t , tout en argument ant, et de sa possession
et de l ’état des lieux et de l ’existence d ’ une borne >
offrit,
mais i n u t i l e m e n t ,
de s’en rapporter à des
experts du choix des parties., l ’affaire fut portée devant
le tribunal civil de C l e r m o n t ,
du
I er
par une assignation
août 1822 , par laquelle la dame Chauvassagne
réclama la totalité de la haie qui séparait son pré de
celui de Duvert.
D evant le tr ib u n a l , des écritures ou des conclusions
furent signifiées.
L à dame Chauvassagne argumenta seulement de sa
prétendue possession.
�( <5 )
Du vert invoqua, comme il l ’avait fait devant le juge
de paix, l'identité d ’essence et de grosseur, d ’àge et de
force des arbres et de la haie contestée avec d ’autres
arbres qui se trouvaient dans l ’héritage de D u v e r t ,
et avec la haie qui se continuait autour de cet héritage.
Il indiqua une borne séparative et conclut subsidiairement à une vérification des lieux.
P ar jugement interlocutoire du 18 février 1 82 3, le
tribun al crut devoir ordonner la preuve de la pos
session exclusive de la dame Chau va ss agn e, mais en
réservant les moyens des parties et les dépens. Il ne
rejeta pas d ’ailleurs le moyen de vérification-, seule
ment il déclara q u ’il ne deviendrait nécessaire q u ’a u
tant que les enquêtes ne seraient pas concluantes.
La
dame Labrugière
fut chargée
de
la
preuve
directe parce que la possession était son seul titre.
Treize témoins ont été entendus à la requête de la
dame Chauvassagne ; parmi eux , douze déposent en
sa faveur; mais le plus grand nom bre, habitant loin
d e l à , connaissant peu les localités, ne rapportent que
des ouï-dire ; cinq d ’en tr’eux sont frères, beaux-frères
ou cousins germains de l ’artisan du procès, Gil bert
D u s s o l , garde particulier de la dame Chauvassagne;
un autre est son expert de confiance; d ’autres étaient
ses débit eur s, ou plaidaient avec Du vert.
Nous discuterons , dans la suite , ces dépositions
qui ne devraient p a s , il semble, balancer même celles
de
onze
déclarations
unanimes
et
favorables
à
D u v e rt , et parmi lesquelles il avait l'avantage de
�pouvoir invoquer un des propres témoins de la dame
Labrugière.
Cependant, embarrassée par le résultat des enquêtes,
la dame Labrugière jugea prudent, d ’abord de restrein
dre ses prétentions à une portion de cette haie qu elle
avait toute réclamée j u s q u ’alors,
ensuite de se pro
curer quelques certificats pour persuader h la justice
que dans l ’ancien canton de Mozun , il était d ' u s a g e ,
pour les haies communes, de les partager dans leur
longueur; en sorte que l ’un des copropriétaires en eût
un bout et l ’autre ce qui restait à la suite. A l'aide
de cette adroite restriction et de certificats officieux,
la dame Labrugière a fait accueillir ses prétentions
par jugement du 2 mars 182Î).
Les motifs de cette décision ont été transcrits dans
le mémoire de l ’intimée.
Pour en démontrer l ’erreur, il suffira d ’examiner :
i° A qui l'état des lieux et les principes attribuent
la propriété de la portion de haie en litige?
20 Si la possession alléguée par la dame Labrugière
serait assez exclusive, assez puissante pour détruire
les droits de D u vert ?
L ’état des lieux a déjà été indiqué.
L ’ héritage de la dame Labrugière est ouvert de tous
côtés ; il n'a pas même de clôture du cote d ’un chemin
public qui le borne au nord. C o m m en t présumerait011 q u ’il est clos dans une laible partie seulement de
son pourtour? et a quoi lui servirait pour sa défense
la haie partielle q ’ uelle réclame?
L e pré de D u vert est au contraire clos de toutes
�par ts, et la portion de haie q u ’on lui conteste est
nécessaire pour compléter
p o u rrait -o n
cette clôture.
supposer q u ’elle
dépend
C om m ent
de l ’ héritage
auquel elle est in u t il e , plutôt que de celui auquel
elle est indispensable?
•
L a haie en litige est de la même natu re, du même
âge, de la même force que son prolongement au nord
et au m id i, et que la totalité de la haie qui circonscrit
le pré de D u v e r t ; partout aussi dans la ha ie, et même
dans l ’intérieur du pré de D u v e r t , l ’on trouve des
arbres de même essence, de même grosseur que ceux
q u ’a coupés Duve rt ou qui restent encore dans la
partie litigieuse;
Part ou t les liens mis à la haie ont leurs nœuds du
côté de l ’ héritage D u vert ;
En fin il y a identité
entre ce qui est contesté
et ce qui ne l ’est pas*
C om m en t expliquera-t-on cette identité de la chose
si ce n ’est en reconnaissant l ’identité du propriétaire?
Ou
comment échappera-t-on à la force de cette
preuve matérielle , si ce n ’est en déniant des laits
exposés et non contredits en i ro instance?
E t d ’ailleurs, si l ’on croit pouvoir les dénier aujour
d ’ h u i , pourquoi
experts ?
se refuser h une
vérification
par
Cette vérification ferait connaître aussi l ’existence
et les caractères d ’ une borne dont il a toujours été
parlé |>ar D u v e r t , même au bureau de paix.
C e n ’est pas sérieusement
que la dame
C lia u-
�vassagne prév oit, dans son mémoire, l ’hypothèse où
la borne existerait près d ’un point non en litige.
L a borne est située auprès de la portion de haie
réclamée par la dame Labrugière*, et par conséquent,
elle est d ’une grande importance pour la décision de
la cause. On la remarque près du point désigné par la
lettre C dans le plan de 1 intimée. C ’est la lettre A qui
l ’indique dans le plan de l ’appelant \ elle laisse la
haie du coté du pré Duvert.
Mais quelle confiance mérite une borne im p la n tée,
a-t-on d it ? N e fo u r n ira it-elle pas un moyen sur de
d é p o u iller les propriétaires les p lu s honnêtes.
L ’observation eût éLé reçue peu favorablement chez
les Romains, nos maîtres en législation , dont le respect
pour les bornes est si connu, et dont les plus anciennes
lois n'avaient établi le culte d ’aucun dieu avant celui
du dieu Te rme.
Mais
a-t-on cru que
cette observation était
un
argunient ?
Sans doute une borne implantée ne doit pas servir
va dépouiller des propriétaires honnêtes.
Mais elle est un moyen légal pour fixer les limites
des propriétés, et pour repousser les prétentions in
justes des propriétaires même honnêtes.
Une borne est 1111 litre m u e t , q u i d a n s l ’absence
des titres écrits et positifs, en tient l ie u , a la même
force, et fait cesser toute incertitude.
Ici la borne existante est le titre de Duvert.
«1nel est le titre contraire que présente la dame
Labrugière ?
a
�( IO )
9
y.
E lle n ’en présente aucun. Mais la passion n ’a-t-elle
pas des ressources? Qua nd elle ne peut raisonner, elle
in] h ri«.
Q u ’y a-t-il de plus facile, s’écrie la dame L a b r u
gière, que d 'en fo u ir des b o rn es?.... L a dame C h a u
vassagne n 'a ccuse pas D u vert de V avoir f a i t $ mais il
la fo r c e à lu i dire que ce ne serait pas la prem ière
fo is
q u ’il au rait eu des contestations p o u r des bornes,
et q u o n aurait reconnu qu elles n étaient p a s dans
leu r situation p rim itiv e.
Tel est le charitable langage de la dame C h au vas
sagne. C ’est comme si elle disait : « Je n ’accuse pas
« mon plaid eu r, mais gardez-vous bien de ne le pas
« croire coupable. »
E t su r-le-champ, pour adoucir encore le trait de
ses bénignes insinuations, elle ajoute que D u vert s’est
laissé surprendre p a r M . 1 im al-D uvcrriin, changeant,
avec p e lle et jfiochc , le lit d'un ruisseau , p o u r
s approprier quelques arbres.
Tel est l'honnète argument que propose la damet
Chauvassagne contre la vérification qu elle veut éviter,
q u o iq u 'e lle ne craigne p as la lum ière.
C e t argument a-t-il été bien réfléchi?
Un aveugle désir de succès a-t-il pu égarer la dame
L a b rugi è r e , jus q u’à lui faire oublier le respect que
tout plaideur doit a la Justice, celui q u ’il
se
lui-mêm e, ce respect salutaire qui
à ce que
s ’o p p o s e
doit à
l ’on hasarde jamais des accusations inconsidérées, par
lesquelles on décèle plus d irritation que de franchise?
Q u ’avaient à faire dans la cause actuelle M. Y im a l-
�( 11 )
Duvernin et les contestations q u i ont pu avoir lieu
entre Du vert et lui? Où. ont-ils etc pris ces prétendus
renseignement sur
des difficultés étrangères , qui ,
depuis quatorze ans et plus, ont été terminées sans
d i s c u s s i o n ? On ne fera pas à M . Duvernin
de penser que c ’est
l ’injure
auprès de lui que toutes ces
faussetés ont été recueillies}
il est trop ami
de la
v é r it é , des lois et de l o r d r e , pour s’être prêté 'a ce
déplorable jeu des passions.
Que la dame Labrugière consulte, au reste, ceux-la
même q u i ont présidé aux arrangcmens faits entre
Du vert et M . Duvernin j q u ’elle consulte aussi et le
juge
de
paix des lieux , et ses suppléans et son
g r e f f i e r ( r ) ; et, reconnaissant elle-même l ’injustice
de ses réflexions, elle regrettera sans doute de s’être
laissé aller à des calomnies qui n ’étaient ni autorisées
ni excusées par l ’intérêt d ’une défense lé gi tim e, et qui
font sur l'esprit de dignes magistrats une impression
bien opposée au b u t q u ’on se propose.
Mais c ’est trop s’occuper de ces misérables tracas
series. Revenons à notre sujet.
Les moyens de faits que l ’état des lieux et la borne
existante fournissent à D u v e r t ,
se fortifient par les
règles de notre législation.
A utr ef ois on considérait les haies intermédiaires
c o m m e dépendant de celle des deux propriétés voisines
(OC»;s fonctionnaires et les experts qui ont terminé les arrangement
pris avec M. Duvernin ont délivré à Duvert des certificats qui r é p o n d e n t
à la scandalouse accusation que l ’on s’est permise,
�qui avaient le pins besoin de clôture. C ’est sur cette
idée-pririçipe qu'était fondée la règle écrite dans p l u
sieurs coutumes q u ’entre une terre et un pr é, la haie
était réputée appartenir au pré, parce que le p r é a p lu s
besoin de clôture que la terre.
Cette présomption de propriété exclut les préten
tions de la dame Labritgière et protège la résistance de
D u v e r t , puisque l ’ héritage de celui-ci est en totalité
en nature de p r é . et que la clôture au point litigieux
lui est d ’autant plus nécessaire q u ’il est aussi clos dans
toutes les autres parties de son périmètre, tandis que
la presque totalité de l ’ héritage ae madame Labrugière
est en nature de terre labourable, q u ’ une très petite
portion seulement est en pré, et que cette portion a
même d ’autant moins besoin de clôture q u ’elle n ’est
close à aucun autre aspect , pas même le long du
chemin public qui la confine au nord.
L e Code civil, loi des parties et de la cause, établit
aussi en faveur de
l ’héritage clos une présomption
légale de la propriété de la haie qui le sépare d ’un
héritage non clos (V o ir le Code c iv il , article 670);
et quel est le m o t if de la loi?
C e m oti f que rappelle M. Locré sur l ’article cité est
aussi sage que concluant.
L ’a u t e u r , après avoir fait observer q u e , pour une
ha ie ,
la chose résistait à ce que I on admit aussi les
marques de non mitoyenneté adoptées pour les murs
et les fossés, ajoute:
« On les a donc remplacées par un autre indice qui
�( «3 )
« devient assurément une preuve irréfragable de la
« non mitoyenneté; je parle de la circonstance où un
« seul des héritages est en état de clôture, c’est-à-dire
« fermé de tous côtés. Alors il est évident que la haie
« appartient à cet héritage comme faisant partie de la
« clôture e n tière, et non pas un terrain contigu que
« son propriétaire a laissé ouvert. »
A i n s i, il y a pour D u v e r t présomption légale de la
propriété. Or on sait qu ell e est la force d ’ une telle
pr éso m pt io n; elle dispense de toutes preuves celui au
profit duquel elle existe, et nulle preuve n ’est admise
contr’elle. ( V o y e z le Code c i v i l , article i3£>2.)
C ’est donc bien vainement que la dame Labrugière
in v oq u e des certificats datés des 3 o janvier et c) fé
vrier i S ^ S , à l ’aide desquels elle a persuadé aux pre
miers juges que dans le canton de M ozu n , les haies
communes étaient divisées entre les co-propriétaires
dans leur longueur et non dans leur épaisseur.
Ces certificats dont on a senti le besoin pour ré
pandre de l ’incertitude dans la cause ou pour expliquer
à sa manière les déclarations des té m o ins , ces certi
ficats que l’on a dû préférer à des enquêtes légales,
parce q u ’il est peu vraisemblable que des habitans du
canton de Mozun se fussent prêtés à attester, sous la
foi du serment et devant un magistrat,
le ridicule
usage q u ’ils in d iq u en t, ces certificats obtenus de la
complaisance et que la loi repousse ( V o i r l'article 2 8 3
du Code de procédure), ces certificats ont cependant
produit merveille devant les premiers juges qui ont
considéré q u ’il était éta b li que dans le canton de la
�( 4
)
situation des l ie u x , l ’ usage était de partager ainsi les
haies séparatives des propriétés.
Certes, on 11e sait ce qui doit le plus étonner, ou
de la coniiauce que les premiers juges ont accordée à
ces déclarations extrajudiciaires, ou de la complaisance
avec laquelle la dame Labrugière s’est appuyée sur une
aussi futile autorité.
Il est é ta b li} dit-elle, que dans*le pays les haies
sont partagées dans leur longueur.
Il est éta b li : mais co mment? votre certificat: du
3 o janvier i 8 ‘2 5 , parle de jouissances communes de
certaines haies séparatives; mais il n ’indique pas le
mode de cette jouissance, et il est absolument muet
sur le partage.
C elui du 9 février su iv a n t, qui parle de division de
haies est assez équivoque sur la manière dont elles
sont divisées; et la lecture des actes de partages serait
nécessaire pou r bien ente ndr e la déclaration. C e se
cond acte, d ’ailleurs, n ’atteste pas un usage constant;
il dit seulement que les partages de jouissance ont lieu
fréquemment.
O r,
lors même que cela se serait pratiqué entre
certains propriétaires,
peut-on transformer en usage
un mode aussi bizarre qu impropre à conserver aux
haies leur destination ?
Quelle est, en c l f c t , la destination d ’ une haie? de
clore 1 héritage dont elle dépend. E l celle destination
serail-elle remplie, s i , dans la même ligne séparative,
une portion de haie appartenait a 1 un des héritages,
et l'autre portion à l ’héritage voisin ? L e maître de
�( ’S )
cette seconde portion ne pourrait-il pas la détruire
à son gré , et livrer ainsi à l ’invasion l ’autre propriété
qui ne serait plus que mi-close. U n inconvénient aussi
grave ne se rencontre pas pour les haies mitoy ennes,
puisque chacun des copropriétaires peut s’opposer à la
destruction de la haie, suivant la maxime l u com m uni
causa potior est causa prohibentis.
Livrons donc au ridicule q u i l u i app artient, cet
usage prétendu qui ne tendrait*qu.’à rendre les haies
inutiles; et convenons que s’il est vrai, ce qui n ’est pas
vraisemblable, q u ’ il ait été fait quelque partage de
cette espèce, au moins ils ne sont pas com m un s, et
q u ’ils ne peuvent pas être pris pour règle en faveur
de madame Labrugière^ tant q u ’elle ne prouvera pas
q u ’ il en a été iait un de ce genre en tr e elle et D u vert.
Dans la cause, l ’état cfes lieux écarte l'idée d ’un tel
partage.
L ’ un
des
héritages
est entièrement
clos;
l'autre est ouvert de toutes parts. L a haie qui entoure
le premier offre les mêmes caractères d ’essence, d ’;\ge,
de force, d identité parfaite dans la partie contestée
comme dans tout le surplus. C ett e haie est nécessaire
à D uvert;
elle est inutile à la dame Labrugière. L a
loi elle-même en att ribue la propriété à Duve rt ; et une
borne ancienne vient ajout er, en faveur de ce lu i- c i,
à la force de la présomption légale résultant de l ’état
des lieux.
Pour combattre toutes ces circonstances, tons ces
prïncàpes} e t pour obtenir de la Justice une chose dont
elle n a absolument aucun besoin, que reste-t-il à la
daine Labrugière?
�( 1(5 )
Il lui reste la prescription : c’est son moyen unique.
L a prescription q u i , dans une telle cause, ne m é r i
terait sans doute pas d être appelée la patrone du
genre
humain , mais
devrait
plutôt être
qualifiée
d ’im pium præ sidium } pu is q u’elle consacrerait une
injustice.
Dans un tel cas, la prescription qui aurait pour b ut
de dépouiller le vrai propriétaire, ne doit au. moins
être admise que lorsqu’elle ne présente rien d ’équi
vo que , et q u ’il est démontré clairement q ue, pendant
t re n t e a n s ,
elle a été co ntin ue,
exclusive et sans
contradiction. ( V o ir l ’art. 2 du tit. 17 de la C ou tu m e
d ’ Auvergne, et l ’art. 222g du Code civil.)
O r , examinons si l ’enquête présentée par la dame
L abrugière doit obtenir un haut degré de confiance 5
si les deux enquêtes ne se balancent pas m ê m e , et
s il est possible à la dame Labrugière d invoquer la
possession exclusive et co n ti n u e qui lu i aurait été
nécessaire pour prescrire.*
Treize témoins ont été entendus à la requête de la
dame Labrugière.
C i n q d entr eux sont païens très-proches de Gil b er t
D ussol, garde particulier de cette d a m e , et le prin
cipal auteur d ’ une contestation q u ’il a le plus grand
intérêt à faire réussir.
Pou r en assurer le succès, il a paru à ce garde uiile de
faire entendre ses deux frères Jacques et Jean Dussol, <je
et 1 1 e témoins de l ’enquête directe} sou beau-frère
Antoine I*ru lié re , G° témoin j ses cousins germains
Antoine Croissant et Antoine Dussol, Î>c et 12e té-
�( T7 )
moins; d ’autres individus en procès avec Du vert ; un
débiteur de madame Labrugière; l ’expert de confiance
de celle-ci; en général des étrangers qui ne pouvaient
rien savoir personnellement, et dont la véracité peut
inspirer de justes soupçons.
Mais que nous apprennent ces diverses dépositions?
Le
I er
té m oin,
le sieur C h o m e t t e ,
parle d ’une
opération q u ’il a faite en 1820 , et lors de laquelle il
n u m é ro t a , comme appartenant à la dame Labrugière,
trois arbres enradiqués dans la haie contentieuse.
Il ajoute q u ’il n ’cprouva d ’opposition de personne;
mais il ne dit pas que Du vert ait été présent à ce
q u ’il a fait.
E t lo r s q u ’on l ’interroge sur ceux q u i lu i ont fourni
les renseignemens nécessaires, il indique le domestique
de la maison,
Ou quelques voisins dont il ne se
rappelle pas le nom.
On le demande : quelle preuve de possession présente
pour la dame Labrugière une opération qui n'a pré
cédé que de deux ans le commencement du procès;
à laquelle rien ne prouve que D u vert ait assisté; que
peut-être meVne il a toujours ignorée, et qui a été
faite sous la direction du domestique de madame
Labrugières ou de tout autre inconnu?
L e 2e t é m o i n , nom m é L a m b e r t ,
jour nalier, est
d ’autant moins digne de coniiance que d ’abord il
déclare avoir toujours v u ,
depuis trente-deux a n s,
tailler et couper les arbres de la haie en lit ig e, pour
le compte de la dame Chau va ss agn e, et q u ’à la ün
de la déposition il ajoute n ’avoir vu q u ’ une seule fois
3
�l'aire le retail de la haie en litige par les fermiers
de la dame Chauvassagne ; m ais q u 'il a
toute sa v ie que
la
haie
appartenait
ouï-d ire
à la dame
Chauvassagne.
C e témoin a entendu dire au vieux Germain q u e ,
s’il ne faisait pas plus attention que ses maîtres euxmèmes , Bernard D u vert
finirait par s’emparer de
la haie.
C e témoin qui se contredit d ’abord dans sa dépo
si ti on, q u i la restreint ensuite à des ouï-dire nous
donne la mesure de la foi que l ’on doit à l ’enquête
de la dame Labrugicre.
La
réflexion q u ’il
prête
au
vieux
Germain
ne
prouve-t-elle pas aussi q u ’il y avait contradiction de
la part de D u vert dans la possession des fermiers de
son voisin? O r , l ’on sait q u ’ une possession non pa i
sible n ’est pas suffisante pour prescrire.
Le
3 e témoin ,
aussi
no m m é
Lambert ,
parle
d ’un seul fait de retail qui aurait eu lieu il y a
46 a n s , dit-il.
L e surplus de sa déposition ne consiste q u ’en ouidire. Or l ’on connaît le cas q u ’on doit* faire de ces
sortes de renseignemens. O u ï-d ir e , v a p a r v i l l e , dit
Loysel ; en un m u id de ouï-dire y il ri y a poin t de
p lein ; un seul œ il a p lu s de crédit (jue d e u x oreilles
n'ont d 'a udiyi.
Le 4 e témoin, Jacques P r u l li è r e , qui est sans doute
le frère d ’A n toin e, 6e témoin et beau-lrère du garde
Dussol , et qui , comme tous les témoins de cette
enquête , habite dans une autre commune que celle
�( i9 )
de la situation des lie u x, dit avoir taillé et entretenu
la clôture pendant q u ’il était métayer de la dame
Chauvassagne ; mais il ne nous apprend pas à quelle
époque ni pendant combien de tems il a été métayer.
L e 7e témoin, nommé Gamelon, habitant deM ozu n,
reproché comme étant en procès avec D u v e r t , prétend
aussi q u ’il est de sa connaissance que depuis 4 2 ans
les métayers de la dame Labrugière ont retaillé la
haie. Mais il ne déclare pas l ’avoir vu et n ’indique
pas c o m m e n t le fait dont il dépose lui a été co nn u .
Le
10e témoin ,
Joseph
Parrot ,
ancien
garde
champêtre, n ’a rien vu lui-même* Sa déposition, qui
ne s’a p p l i q u e q u ’a des faits récens, ne présente rien
de remarquable, si ce n ’est q u ’il a entendu dire par
madame Ghauvassagne q u ’elle était propriétaire d ’en
viron trente pas de haie.
Trente p a s ; on en réclame 4 ^> toises, ce q u i ferait
92 pas au moins.
Les autres témoins, à l ’exception du 8% sur lequel
nous nous arrêterons bientôt , sont jeunes pour la
plupart j et les faits dont ils parleut ne datent que de
quelques années avant le procès. Ces témoins, qui
sont les 5e , 6e, 9e , n ° et 12e , s o n t , comme nous
l'avons déjà
remarqué , les frères , beaux-frères ou
cousins-germains de ce garde
Dussol , l ’homme de
l'intimée et l ’artisan du procès.
Il n ’y a de rem arq uab le, dans les déclarations de
trois d ’en tr ’eux , que le fait du retail d ’ un ch êne ,
retail qui a u r a i t , disent-ils, été restitué par Duve rt
�( 20 )
à la dame L a b r u g i è r e , pour éviter, un procès dont
il était menacé cinq ans avant l ’enquête.
C e fait qui n ’a été déclaré que par trois bouches
fort suspectes, qui n ’a été su d ’aucun habitant de la
commune où il s’est passé, qui cependant aurait dû
exciter une sorte de rumeur , et n ’aurait pu être
ignoré par les propriétaires des lie ux; ce f a i t , si peu
vraisemblable , est cependant la plus forte base du
jugement dont est a pp el, le pivot sur lequel roulent
les principaux
argumens de la dame Labrugière ,
le trait le plus caractéristique de la possession qu elle
allègue.
E t néanmoins pourrait-on y croire si l ’on considère
la qualité des témoins qui en déposent ? si l ’on (ait
aussi attention q u ’il n’en fut pas même dressé procèsv e r b a l , ni par le garde champêtre de la co m m u n e, ni
par le garde particulier de la dame Labrugière?
O n fait rem onter le fait à qu el q u es années seule
ment avant le procès actuel. O r , comment supposer
que D u v e r t , si résigné et si docile, les années anté
rieures à 1822,' eût été si entreprenant et si obstiné
peu de teins après?
Enfin , quand il serait vrai même q u e , dans l'igno
rance de ses droits, ou que cédant aux menaces d ’ une
personne riche et puissante cl h la crainte d ’ un procès
ruineux pour l u i , Du vert aurait eu un instant d ’in
quiétude et de pusillanimité, cela aut.oriserait-il ¿1 le*
priver d une portion de haie, d o n t la localité et les
principes s’accordent h lui attribuer la propriété, et
dont il n ’est pas prouvé que la dame Chauvassagne ait
�( 21 )
ou pendant trente ans la possession paisible, exclusive
et continue, sans laquelle la loi ne reconnaît pas de
prescription ?
E n effet, q u ’on examine avec soin les douze dépo
sitions de l ’enquête directe dont argumente la dame
Labrugi ère, on pourra y trouver des ouï-dire, quelques
faits isolés, mais peu de faits anciens et de déclarations
de visu ; rien qui indique une continuité de possession ,
une possession exercée sans tr o u b le, une possession
connue de D u v e r t et autorisée par lui , une possession
pro pre , en un m o t , à. remplacer le titre écrit que
l ’on ne présente pas, et à détruire les titres muets que
l ’état des lieux fournit à l ’appe lan t.
A u c o n t r a i r e , si l ’ on se fixe sur les témoignages
favorables
h Duve rt , ils sont nombreux , ils sont
visuels, ils sont positifs.
L e 8e témoin de l ’enquête même de la d a m e .L a b r u
gière , le seul des témoins de cette enquê te ,
qui,
h ab ita nt les lieux , pû t connaître parfaitement les
faits, ce témoin , âgé 70 an s, « dépose q u ’ il est à sa
« connaissance personnelle, depuis plus de /p ans, que
« la clôture en litige a toujours été jouie par D u v e rt
« ou ses auteurs.
11 ajoute
« q u ’il existe une hom e séparative des
« propriétés. »
Il parle d ’un chêne placé dans la haie et vendu par
D u vert père au curé, qui le retira sans nul empêche
ment.
Il j»aîle aussi de deux chênes situés sur un te rtre,
mais dans le prc de madame Labrugicrc.
�( 22 )
Ce témoin qui venait de faire la déposition la plus
claire fut interpellé par l'avoué de la dameLabru gière,
qui lui demanda s’il ne savait pas que la partie de
haie qui joignait le pré «de cette dame, lui appartenait.
C ’était demander au témoin q u ’il dit oui
3
après
avoir dit non.
"4b;
•* '* •
L e juge-commissaire rejeta la question comme insi
dieuse et irrégulière.
L a dame Chauvassagne f e in t , dans son Mémoire,
de s’en étonner.
Si quelque chose doit étonner, c’est q u ’on se soit
permis une question dont la réponse se trouvait dans la
déclaration que venait de faire le té moi n, et q u ’on
n ’ait pas voulu remarquer que cette déclaration était
d ’autant moins équivoque, q u ’elle parlait d ’ une borne
séparative des deux propriétés, borne qui existe pré
cisément vers la portion contentieuse de la haie.
A cette déposition si c on clu ante de l ’en qu êt e
directe se réunissent dans l ’enquête contraire des
dépositions unanimes
d habitans de divers
villages
de la commune de Bougheat :
Le rPr témoin, femme âgée de trente-sept ans,'sortie
depuis 9 ans de la maison D u vert où elle était restée
7 ans, comme domestique, qui déclare q u e , pendant
tout le teins d e s o n s e r v i c e , e lle a v u Duvert
reta iller la haie don t il s’agit;
Q u i ajoute (ju ayant d'entrer chez D u vert , elle
avait v u reta iller cette haie />ar le p è r e y
L e ‘2e témoin, âgé de soixante-sept an s, qui toute
sa v ie a v u le grand-père et le père de D u vert et
�( ^
)
D uvert lu i - m ême c o u p e r} retailler et
planter la haie dont il s ’agit y
Le 3e témoin , âgé de cinquante ans , qui dépose
aussi, comme en ayant la connaissance personnelle,
sur la jouissance constante et sans opposition de la
haie litigieuse par Duvert père, et par le fils luimême;
Le 4e témoin, âgé de cinquante-neuf an s, q u i,
toute sa vie , a v u Bernard D uvert 3 son p è re , son
grand-père jo u ir e x c l u s iv e m e n t cl sans trouble de
la haie en litige y
Le 5 e témoin , âgé de près de trente a n s , qui
déclare avoir toujours vu D uvert ou ses auteurs jo u ir ,
sans nulle opposition, de la haie, l’avoir vu retailler
plusieurs fo is , avoir lui-m ém e aidé Duvert une année;
Le 6e témoin, âgé de quarante-huit ans, qui a
toujours vu Duvert et ses auteurs exploiter et entre
tenir la liaie litigieuse ;
Le 7 e témoin , âgé de soixante-douze ans, qui déclare
aussi avoir vu de tout teins D uvert et ses a u teu rs,
jo u ir
et
de la haie liti
gieuse, et (fu il a lui-m ém e
au retail de ladite
haie pour le compte de la fa m ille D uvert y
Ce témoin parle de l’arbre vendu au curé.
Le 8e tém oin, âgé de cinquante-deux ans, qui
atteste aussi, comme 1 ayant v u e , la jouissance cons
tante et sans trouble de cette haie par la famille
Duvert; qui ajoute être resté deux ans au service des
fermiers de la dame (jliauvassagne, sans avoir jamais
vu ni oui-dire q u ’ils exerçassent de droits sur la haie;
B ern ard
exclusivem en t
sans
trouble
coopéré
�( *4 )
qui parle enfin des glands recueillis par les D u v e r t ;
Les 9e et 10e témoins, âgés, l ’un de quarante-sept
ans, l ’autre de cinquante-cinq ans, qui certifient éga
lement avoir vu toute leu r v ie D u vert ou ses auteu rs,
jo u ir exclu siv em en t et sans trouble de la haie liti
gieuse ; qui parlent même de leurs faits personnels de
coopération à cette jouissance, comme de glands re
cueillis, d ’ un chêne vendu au curé de Bougheat.
A u c u n de ces témoins n ’a v u , n ’a même entendu
dire que la dame Chauvassagne ou ses fermiers aient
jamais exerçé des ac^es de possession sur la haie.
Ils déclarent aussi n ’avoir jamais entendu parler de
l ’étrange fait annoncé par les parens du garde Dussol,
de cette restitution par Du vert k la dame Labrugière
du produit du retail d ’ un chêne, principal argument
de l ’intimée.
Qu e la dame Labrugière elle-même oublie un instant,
s’il est possible , que les deux enquêtes ont été faites
dans sa propre cause, q u ’elle compare sans prévention
leurs dépositions contraires ; q u ’elle se fixe sur les
termes de ces dépositions,
sur le vague de celles in
voquées dans son système, sur les simples ouï-dire qui
en constituent les principales assertions, sur la qualité
même des témoins et sur la foi due à tous les parens de
son propre garde; qu elle considère ensuite la précision,
la clart é, la loree des onze dépositions q u i , soit dans
sa propre enquête, soit dans celle de D u v e r t , attestent
les droits de celui-ci; q u ’elle se rappelle que tous ces
té moins, domiciliés dans la commune de Bo u gheat,
parlent de faits q u ’ils ont v u s , de faits qui sont de
�( -5 )
leu r connaissance p erson n elle et, sans doute, alors
faisant un retour sur elle-même; ne se livrant plus aux
impulsions d ’un garde qui joue le zèle et le dévoûment;
n ’écoutant plus la voix des passions et de l ’intérêt
privé; ramenée par la réflexion à des sentimens plus
justes, elle sera disposée à reconnaître ses torts, à ne
plus disputer à un cultivateur honnête une portion
de haie nécessaire à celui-ci, inutile pour elle,
une
portion de haie que les principes du d r o i t , les cir
constances de la localité et l ’existence permanente d ’ une
borne ancienne attribuent à Duvert et lui refusent à
elle-même, une portion de haie que ne lui accorde
même pas la prescription : ce moyen honteux pour
ceux même qui lui doivent leur succès, et que la loi
n ’admet que lorsqu’il est fondé sur une possession
trentenaire,
paisible, non
équivoque et exclusive;
possession que Du vert seul pourrait invoquer dans la
cause, et qui vient ajouter aux titres m u ets , tracés
sur les lieux en sa faveur.
DUVERT.
»
Mc A L L E M A N D , ancien A v o ca t.
Me V E Y S S E T , L ic e n c ié -A voué.
HIOM , I M P R I M E R I E DE SALLES , PRES L E PALAIS DE JUST1CK-
�
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Factums fonds privés
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Title
A name given to the resource
[Factum. Duvert, Bernard. 1825?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Allemand
Veysset
Subject
The topic of the resource
conflit de voisinage
bornage
enquêtes par ouï-dire
haies
gardes des propriétés
abus de faiblesse
coupe de bois
experts
diffamation
usages locaux
prescription
coutume d'Auvergne
Description
An account of the resource
Précis en réponse pour Bernard Duvert, appelant; contre Marie-Genèze Chauvassagne-Labrugière, intimée.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Salles (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1825 ?
1822-1825
1814-1830 : Restauration
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
25 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_DVV04
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Don Vendrand-Voyer
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_DVV03
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/28/54005/BCU_Factums_DVV04.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Mauzun (63216)
Clermont-Ferrand (63113)
Bongheat (63044)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
abus de faiblesse
bornage
Conflit de voisinage
Coupe de bois
coutume d'Auvergne
diffamation
enquêtes par ouï-dire
experts
gardes des propriétés
haies
prescription
usages locaux
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53529/BCU_Factums_G2614.pdf
451e21711534cff57cd88e109ef63056
PDF Text
Text
MÉMOIRE.
�COUR ROYALE.
MÉMOIRE
_
____
1 ere CHAMBRE.
POUR
;
A U B I G N A T . , V e uv e de
V ILLE V A U D
Propriétaire à
Appelante;
J e a n n e
P ie r r e
Royat„
CON
T R E
*
Le sieur P i e r r e C H A M B A U D . , AdjudantCommandant, Offer de la Légion-d’honneur,
, ancien Maire de C hamalières e t Royat ,
habitant de la ville de Clermont , Intimé
al'
•’i¡ J ‘illOiü
A
L veuve Villevaud a dénoncé à la justice une m anœ uvre dont,
'r
elle a été victi m e , et qui a entraîné sa ruine.
jr
C ette manoeuvre est l’ouvrage du sieur Chambaud , réuni avec
le sieur C h e v a lie r, notaire à C lermont , et G irard, notaire, à
Chamalières, ses deux amis.
Les deux derniers ont fait une banqueroute frauduleuse, et
sont en fuite,
Le sieur Chambaud est le seul que la justice puisse atteindre.
I l a été le principal instrument de la fraude; il en a conçu le
projet, il l’a dirigé avec art, il l’a mis à fin, il en a profité: en
résultat, il a touché 10,893 fr. 79 c., qui appartenaient à la veuve
Villeva u d , et qui lui étaient destinés..
�O ) •
Elle demande la restitution de cette somme ; si elle ne l ’a pas
obtenue en cause p rincip ale, c’est parce que les faits n’étaient pas
suffisamment éclaircis;
C ’est parce qu’elle avait omis d ’en articuler de graves, échappés
à sa mémoire affaiblie par ses m alheurs, ou qui ne lui étaient
pas alors suffisamment connus;
C ’est, enfin, parce qu’elle avait négligé de faire la recherche de
rènseignemens précieux qu’elle s’est procurés depuis.
A u jou rd ’hui, le dôl, Jà fraude, et les manœuvres pratiquées par
le sieur Chambaud, pour opérer la ruine de la veuve Y illc v a u d ,
et s’enrichir de ses dépouilles, sont dévoilés; et il n’échappera j)as,
devant la Cour, aux condamnations qu’elle a vainement sollicitées
contre lui devant le tribunal de première instance.
- ' n r F : ■!>
F A I T S :
M. Dalbiat, ancien procureur du Roi à Clerm ont, avait acquis,
par adjùdibatibn nationale0; lé i 3 juin 179 1, un pré situé à R o y a t,
appelé le ¿ré. du Breuil,' dépendant du prieuré de Royat.
M. Dalbiat revendit ce pré , le 3 frimaire an 11 , au sieur Girard,
notaire a Chamalières, moyennant 22,000 liv. tournois.
Cette somme ne fut stipulée payable que dans douze ans.
L e sieur Girard abusa de ce long intervalle, pour tromper les
habitans de Royat, auxquels il avait eu l ’art d’inspirer de la
confiance.
Il consentit, à plusieurs'habitans de cette commune, des ventes
pîfrticllcs' de ce pré du B r e u il, dont il toucha le prix.
La principale fut celle de dix jo urn au x, qu’il consentit, par
acte du 21 juin 1808, à la veuve Villevaud cl à Ligier Lourgoignon,
son gendre ; savoir , n e u f dixièmes pour elle, et un dixième pour
son gendre.1
L é ’prix de cette'vente fut fixé à 11,177 fr- 5° c ., ou 11,379 liv.
tournois.
Il fut payé sur ce prix 7,819 fr. comptant.
Les 3,io o fr. restans furent stipulés payables le 11 novembre
suivant.
�(3)
Mais il est dit que « le sieur Girard ne pourra exiger le re m '
» boursement de ladite somme restée d u e , qu’en fournissant une
>> hypothèque spéciale, pour la sûreté du prix total de la^prçsente
» ven te, avec faculté de prendre inscription ,.,;ott|en donnai^
» bonne et suffisante caution pour ta sûreté de laditehyp 0ti)èque. ^
Le sieur Girard parut se mettre en devoir de remplir cct en-^
gagement.
r> u
.oo. nn
L e i 3 mai i8 o g , il fit un prêt de roj862, fr; 5 o ç. au sieur
Fontghasse fils, et à la <lame veuve D é so ch e s, sa mèrp.
u, .
Ce prêt était destiné à former le cautionnement du sieur
Fontghasse, nommé receveur jpripcipalj.jdes.j Droits-réunis, à
Thiers ; il devait être remboursp aux prêteurs danç cin q ans r
c’est-à-dire, le i 3 mai i 8 i 4 *
•
,
,«r .
l"lu-uix
Cette somme fut hypothéquée spécialement .suc la maison ;de
•la dame Fontghasse, située rue de la T reille ; et on lit / dans
l ’obligation, la clause qui s u it:
ü{> j ’ • . .,
« Ledit sieur Girard déclare que ladite soipm e principale ci» dessus provient des deniers de Jeanne Aubignat, veuve Yille» v a u d , et de Ligier Bourgoignon, son gendre , et fait partie du
» prix de la vente que ledit sieur Girard lui a consentie d ’un p ré
» situé à R o ya t, suivant l’acte passé devant Chevalier et son
» collègue , le 21 juin 1808. A u moyen de laquellè déclaration,
» ledit sieur Fontghasse sera tenu , comme il s ’y oblige [ de ne
» faire le remboursement de ladite somme qu'en présence desdits
n Aubignat et Bourgoignon, pour veiller à l'emploi d'icelle, conjbr” nié ment audit contrat. »
A u moyen de cette précaution, les deniers de la veuve Villcvaud
étaient en sûreté; c’est-à-dire, qu’en supposant que le sieur Girard,
qui avait pris douze ans pour payer à M. Dalbiat le prix de
son acquisition du pré du B r e u il, ne satisfît pas àses engagcinens,’
et q u e lle , veuve Villevaud, fût recherchée par ce vendeur pri
m itif, elle retrouvait nécessairement son prix dans la maison
Fontghasse, attendu que l'hypothèque du sieur G irard, sur cette
maison, était la p rem ière, et que les sieurs et dame Fontghasse
ne pouvaient se libérer de cette somme sans la présence et le
�(4)
concours de la veuve Villevaud , et sans qu’il en fut fait emploi.
Cependant on verra bientôt qu’il en est arrive tout autrement:
Que l’obligation de 10,862 fr. 5o c . , consentie par les sieurs
et dame Fontghasse au sieur G ira rd , a passé depuis entre les
mains "du siéur Chambaud , son ami , son créancier et son
cessionnaire
Que cette somme a été touchée au préjudice de la veuve
Villevaud à qui elle était destinée ;
Que la veuve Villevaud a perdu sa 'sûreté sur la maison
Fontghasse;
Q u ’elle a été recherchée depuis par la dame Dalbiat pour son
acquisition du pré du B r e u il, qui n’avait pas été payée au sieur
Dalbiat par le sieur G irard, son acquéreur immédiat ;
Q u ’elle est obligée de payer cette acquisition une seconde fois;
Q u ’elle est ru in é e, et cela par le fait du sieur C ham baud,
qui s’est enrichi de ses dépouilles.
Com m ent tout cela s’e st-il opéré?
C ’est ce qu’il s’agit d’expliquer;
L e sieur ChainJjaud était maire de Chamalières et Royat.
Il a va it, a c e t i t r e , d a n s c e l t e c o m m u n e , c e t a s c e n d a n t que
donne sur le peuple l’habitude de commander et l’art de so
faire obéir.
11 était intimement lié avec le sieur Girard, notaire àChainalières,
et avec toutes les personnes de sa maison.
Com m e le sieur Chambaud était habituellémcnt dans la
maison G ira rd , il lui fut facile de s’apercevoir, sur la fin de
l ’année i 8 i 3 , du mauvais état de ses affaires, et qu’il était dès
lors en état de faillite, ou de déconfiture. On verra m êm e ,
dans la suite , qu il est p r o u v e , par scs propres a v e u x , qu’il en
avait une parfaile connaissance.
L e sieur Chambaud cfait créancier de Girard de sommes
considérables.
Le sieur Chambaud-lilanchard, son proche p a re n t, était dan»
la même position.
�/*<)
(5)
L e sieur C h a m b a u d chercha des l o r s , de concer t avec G irard,
à mett re à couv ert sa créance et celle de son parent.
Girard n ’ a v a i t d'effet disponible que l’obligation Fontghassey
mais cet e f l e t était la garantie de la v e u v e V illevau d , et l’emploi
des deniers qui formaient le prix de son acquisition du pré du
B rcu il-
11 fallait donc, avant tout, obtenir d’elle le sacrifice de ses
droits sur celte obligation.
L ’entreprise semblait difficile ; mais le sieur Chambaud avait
à faire à une paysanne illitérée, et qui n’avait pas m êm e l ’in
telligence ordinaire aux personnes de sa classe.
Il commença par employer auprès d’elle les moyens de
douceur et de persuasion ; il lui fit entendre qu’il avait besoin
du désistement de son hypothèque sur la maison Fontghasse ,
et qu’il lui ferait donner en rem placem ent, par le sieur Girard ,
une hypothèque sur son domaine de Lagarandic, situé com mune
de St-Barthélemy d’A y d a t , qui était en valeur de 3o,ooo fr, et
sur lequel il n’existait aucune hypothèque.
Ces premières tentatives verbales n’ayant pas r é u s s i , il ne
craignit pas de les consigner par écrit.
Il donna à la veuve Villevaud un écrit de sa m ain, qui est
rapporté au procès,
C e t^ c r it est conçu en ces termes:
« Il existe une hypothèque de 11,000 fr., que la veuve Villevaud
a placée sur une maison de Clermont.
« On demande qu’elle en donne main-levée pour la transférer
» sur un domaine de montagne de la valeur de 3o,ooo f r . , qui
n n’est grevé d’aucune hypothèque. »
1-ic sieur Chambaud cherchait, par cet écrit, à induire en
erreur la veuve Villevaud.
Ce domaine de Lagarandic, qu’il certifie valoir 3o,ooo fr., a été
vendu depuis 9,000 fr.
L l pendant qu’il attestait que ce domaine n’était grevé d’aucune
hypothèque, il était bien des fois couvert par l'hypothèque
légale de la femme G ira rd , ou par d ’autres hypothèques c o n
ventionnelles ou judiciaires.
�(6)
•
Q u o i q u ’il en soit, la veuve Villcvaud, qui ne savait ni lire,
ni é c r ir e , ayant communiqué ce papier à quelques personnes
de confiance, on lui en fit connaître l’insuffisance, et elle refusa
de se prêter à ce que le sieur Chambaud exigeait d’elle.
L e sieur Chambaud changea alors de ton avec la veuve Villevaud.
II lui avait prêté une somme de 6,000 fr,' par obligation passée
devant G ira rd , notaire, le 6 avril 1810.
Il n ’est peut-être pas inutile d’observer que l’intérêt ne fut
fixé dans cette obligation q u ’au taux légal de cinq pour cent ;
tuais q u e , dans la réalité, il fut convenu à dix, ce q u i .» été
religieusement exécute par la veuve V illevau d , qui a la preuve
écrite de la main du sieur C ham bau d , du taux auquel elle payait
cet intérêt.
L e sieur Chambaud trouvant la veuve Villevaud rebelle à scs
volo n té s, la menaça d’exercer contre elle des poursuites rigou
reuses pour la contraindre au remboursement de son capital,
dans un temps où l’état de ses affaires 11e lui permettait pas
d’eifectuer ce remboursement.
Mais Ces premières menaces n ’ayant produit aucun effet, il
en fit d’un autre genre.
La veuve \ illevaiid avait un fils aîné soumis à la conscription ;
cette loi n’avait jamais été si sévère que dans le passage de 1813 à
1814*
"
' L e fils Villcvaud avait, à la vérité, plus d ’un titre à l’e xem ption,
soit comme fils de veuve, soit comme peu propre d’ailleurs au
service m ilitaire.
Mais que pouvaient la raison et même la loi contre la puissance?
On menaçait de l’envoyer dans les charois de l’arm ée, où tout
conscrit pouvait être admis sans égard aux causes qui pouvaient
l'exem pter du service militaire.
Ce dernier coup porta le désespoir dans l’âme de la veuve
Villcvaud. Elle aurait tout sacrifié pour sauver son fils; mais ce
q»‘> ne lui permit plus d ’hésiter, ce fut un écrit qu’011 lui fit
parvenir, qui paraissait signé par le sieur Chambaud, par lequel
il lui garantissait, formellement la validité du transfert de sou
�(7)
hypothèque tic la maison Fontghasse sur le domaine de Lagarandie, qu’on lui assurait de rechef valoir 3o,ooo fr., e t-n ’être
grevé d’aucune hypothèque,
L a veuve Villevaud prit alors l e tparli’ de céder aux instances
du sieur Cham baud, et de faire ce qu’on exigeait d’elle.
L e sieur Chambaud redevint doux et caressant ; il luiindiqùa un jour pour se trouver chez Chevalier, notaire: elle
s’y rendit au jour indiqué ; elle y trouva le siéur Chambaud
Girard et Chevalier, qui l’y attendaient.
«
La veuve V illeva u d , qui ne savait ni l i r e , ni é c r ir e , n’eùfc;
besoin que de donner son consentement de se départir de son
hypothèque sur la maison Fontghasse, et de la transférer sur.
le domaine de Lagarandie.
On rédigea de suite un acte, dans lequel on expose que, par acte
du 27 janvier 1808, le sieur Girard vendit à la veuve Villevaud et
à Ligier Bourgoignon, son gendre, ce dernier pour un dixième
seu lem en t, un pré situé dans les dépendances de lloyat
moyennant 11,177 fr. 5o c., avec convention que le sieur Girard
serait obligé de fournir une hypothèque spéciale pour sûreté"de
ladite vente;
Que pour se conformer à celte clause, en présence et du
consentement de ladite Aubignat et dudit Bourgoignon,ilfe sieur
Girard avait prêté au sieur Fontgliasse et à la dame D é soch es,
sa m è re , la somme de 10,862 f r . , suivant obligation reçue par
ledit Chevalier, notaire, le i 3 mai 1809, avec déclaration, dans
ladite obligation, que les fonds prêtés provenaient du prix de la
vente dudit jour 21 ju in , et que le remboursement ne pourrait
en être effectué qu’en présence desdits Aubignat et B ourgoignon,
pour veiller à l’emploi de cette somme ;
Q u ’aujourd’hui, ladite Aubignat étant seule intéressée dans
cette atfaire, « et ne voulant aucunement gêner la libération
» dudit sieur Fontghasse , attendu que ledit sieur Girard offrait
» une garantie suffisante pour le prix de la vente ci-dessus datée
» par l’hypothèque dont il sera ci-après parlé,
» Elle consentait, comme elle consent par ces présentes, que
>> le sieur Fontghassc serlibère, hors sa présence, de ladite somme
�(8)
» de 10,862 fr. envers ledit sieur G ir a r d , ainsi qu’il avisera 7
» et sans qu’il soit tenu de veiller à l ’emploi d ’icelle.
» E n conséquence, est-il ajouté, du consentement présentement
» donné par ladite Aubignat, et pour lui donner une garantie
» plus que suffisante du prix de la vente dudit jour 21 ju in , le
» sieur Girard a spécialement affecté et hypothéqué un Corps
» de domaine situé au lieu de Lagarandie, commune de St» Barthélémy d’A y d a t , consistant en bâtim ens, p r é s , terres et
» pacages, sur lequel ladite Aubignat pourra prendre de suite
> inscription, conformément audit acte de vente précité. »
Il est bon de remarquer q u e , dans la contexlure de cet acte ,
on affecte de n ’exiger le transfert de la créance* de la veuve Villevaud, sur le domaine de Lagarandie, que dans l’intérét du
sieur Fontghasse, qui était étranger à cet acte, et qui l ’ignorait,
pour ne gêner aucunement, y est-il dit', la libération du sieur
Fontghasse, comme s’il avait iniporté au sieur Fontghasse de
payer les 10,862 fr. au sieur Girard, ou à la veuve Villevaud.
On peut encore remarquer qu’on affecte de dire qu’on offrait
à la veuve Villevaud une gar antie suffisante ; et de répéter plus
bas, une garantie plus que suffisante, quoique cette garantie fut
absolument i l l u s o i r e .
E n f in , on doit encore remarquer qu’il était convenu , par cet
a c te , q u ’on ferait de suite, au nom de la veuve Villevaud, une
inscription sur le domaine de Lagarandie; inscription qui devait
être faite par le sieur Chevalier, et aux frais de ceux qui avaient
exigé d ’elle un si grand sacrifice , tandis (¡ue cette inscription
n ’a été mise au bureau des hypothèques que le 11 niai 1814 »
trois mois dix-sept jours après la convention.
A la vérité, quand celle inscription eût été faite de suite,
comme l’exigeait l’a c t e , la veuve Villevaud 11’cn serait pas plus
heureuse , et sa créance n’en serait pas moins perdue : la valeur
réelle du domaine de Lagarandie étant bien des fois absorbée
par les hypothèques légales ou conventionnelles antérieures,
quoique le sieur Cliambaud eut attesté cent fois à la veuve Ville
vaud , verbalement et par é c r it , que ce domaine était en valeur
de 3o,ooo J r ., et n 'était grevé. d'aucune h ypothèque*
�y
y
(9 )
>
5- v j
Mais la veuve Villcvaucl a appris depuis, et postérieurement
au j u g e m e n t rendu au tribunal de Clcrmont , qu’après la con
fection de l’a i l e , ci lorsqu’elle se fut retirée de l’étude du notaire,
les sieurs Cliambaud, Girard et Chevalier entrèrent dans une
chambre à c ô t é , d’où ils sortirent après un entretien s e c re t,
et que le sieur Chevalier dit à son inaître-clcrc, en présence du
sieur Cliambaud et. de Girard : P^ous ne ferez l'inscription de la
veuve Vil/evaud, sur le domaine de JLcigarandie, tpie quand on
vous le dira.
I)e sorte que le retard de cette inscription n ’a pas été seule
ment 1’cffet d’une négligence impardonnable, mais l’efTet d'une
collusion reprehensible des trois personnages qui s’étaient réunis
pour tromper la veuve Villevaud , et la dépouiller de sa fortune.
L e sacrifice de la veuve Villevaud, de son hypothèque et de
son p rivilè g e , sur la maison Fontgliasse, a été à peine consommé,
que l’obligation Fontgliasse, débarrassée de toutes ses entraves/
est devenue la propriété du sieur Cliambaud; et cela, p ar'u n acte
de cession, qui a sans doute etc fait le même jour, mais qui
n’a ete date que de quelques jours après.
Cette cession, dans laquelle le sieur Cliambaud fait figurer avec
lui le sieur C liam baud, son p a ren t, se termine en ces termes :
« La •présente cession est faite moyennant pareille somme
» de 10,862 f r . , r,o c . , que ledit sieur Girard déclare avoir ct-de.» vaut. reçue desdits sieurs Cliambaud , dont quittance.
Expressions desquelles résulte la preuve mathématique , que
les cessionnaires étaient créanciers du sieur G ir a r d , puisqu’ils se
faisaient céder celle obligation en payement des sommes ci-devant
reçues d’eux par le sieur Girard.
L e sieur Chambaud , ainsi parvenu à ses lins , a cherché à
mettre a profil l’ Iu'ureuse position où il s’était [»lacé aux dépens
de la veuve Villevaud.
Il a poursuivi le payement de l’obligation dont Girard lui avait
làil le transport.
il a m is la maison Fontgliasse en expropriation forcée.
Ellp a été vendue juridiquement.
\
�( IO )
11 a poursuivi l ’ordre du prix.
Il a été colloque u tilem en t, cl il a touché seul, ou avec le sieur
Chambaud-Blanchard , son parent, 10,893 fr. , 79 c . , dans le
courant de l’année 1816.
Pendant que le sieur Chambaud touchait ainsi des deniers qui
avaient été destinés primitivement à assurer à la veuve Villevaud
le prix de son acquisition du pré du B reu il, q u ’elle avait compté
au sieur G irard, elle était recherchée en éviction par la dame
Dalbiat.
O11 a vu que le sieur Girard , en achetant du sieur Dalbiat
le pré du Breuil, avait obtenu douze ans de délai pour en payer
le prix.
L e sieur G ira rd , loin de se libérer du capital, n’avait pas
même été exact à payer les intérêts.
La dame Dalbiat, qui'était aux droits de son mari, se pourvut
alors contre les tiers - détenteurs de ce p r é , et spécialement
contre la veuve V ille v a u d , qui en possédait une portion consi
dérable.
La veuve Villevaud sc vit donc obligée de payer une seconde
fois le prix de son acquisition, ou du moins elle en paye
annuellement les intérêts, jusqu’à ce qu’il plaise à la dame
Dalbiat d ’exiger le remboursement de son capital, ou de l ’évincer
de sa propriété, ce dont elle est journellement menacée.
L e danger pressant que faisait courir à la veuve Yillfcvaud
la recherche de la d^me Dalbiat,. lui fit ourrir les yeux sur la
profondeur du précipice que le sieur Chambaud avait creusé
sous ses pas.
Elle prit des renseignemens sur le domaine de Lagarandie
que le sieur Chambaud lui avait fait substituer à l'hypothèque
qu'elle avait sur la maison Fonlghasse.
Elle apprit que ce domaine (pie le sieur Chambaud lui avait
assuré tant de fois, verbalement et par écrit, cire rf'u/ic valent4
de 3o,ooo j r . , était, bien loin d'en valoir la moitié;
E l qu'au lieu de 11’clre grevé d’aucune hypothèque, cumule il
�(n)
•1
r•
l'assurait par son é c r i t , il était grevé de l'h y p o th èq u e légale de
irard qui
la femme- G
Girard
qui en absorbait la valeur et au d e là , et q u ’ il
était en outre grevé d’une multitude d’hypothèques convention
nelles ou judiciaires, dont plusieurs étaient antérieures à l ’acte
du 27 janvier 1814 » cl nuiraient rendu son inscription insigni
fiante , quand elle aurait été faite de suite comme le portait cet
•acte.
Elle a alors porté ses plaintes au sieur Chambaud sur le funeste
résidtal de ses procédés à son égard ; mais elle n’y a trouvé que
durcie , et scs plaintes n’ont produit d’autre effet q u e . d e lui
attirer des injures.
Accablée par scs m alheurs, s e u le , sans a p p u i, et dépourvue
de ressources pécuniaires, elle a passé quelque temps a gémir
sur son sort, sans avoir ni les moyens de recourir aux tribunaux ,
ni le courage de dénoncer à l ’opinion publique un homme d ’un
état aussi imposant que l’était le sieur Chambaud.
Ce n ’a été qu’au mois d’août 1819, q u e , bien convaincue q u ’elle
n’avait rien à espérer, à l’amiable, du sieur Cham baud, elle est
parvenne à vaincre sa rép ugnance, et à dénoncer aux tribunaux
les manœuvres qu’il avait pratiquées pour opérer sa ruine et
s’approprier ses dépouilles.
La veuve Yillcvaud a comm encé par d époser’ chez M e Cavy ,
notaire, le billet de garantie qui était dans ses mains , qu’elle
croyait signé du sieur Cham baud, auquel elle attachait trop de
prix pour ne pas en assurer l’existence,
K l par exploit du 3 août 1819, après avoir exposé les fails r
cl spécialement l’écrit de garantie dont elle avait fait le d é p ô t ,
a fait citer le sieur Chambaud devant le juge de paix de
son dom icile, pour être concilié, si faire se pouvait, sur la
demandé qu’elle se proposait de former contre lui, « tendante
» a ce qu’il f,U condamné à lui payer et rembourser la somme
» de 10,862 fi-. f»o c.., montant de l’obligation souscrite par les
» sieur cl dame Font {»liasse, laquelle devait servir d’emploi pour
le prix de l’acquisition qu’elle avait faite, de G ira rd , du pré
« du Iircuil, ensemble au payement des intérêts deladile somme
�¡A
( 12 )
»
»
•»
«
à compter du moment q u ’elle a clé obligée de payer le même
prix de son acquisition à la dame Dalbial, ou d’en servir
l'intérêt, comme aussi à lui payer des dominages-inlérêls ,
à donner par déclaration, et aux dépens. »
L e sieur Charnbaud a paru devant le juge de paix; il a pré
tendu (pie « l’e x p o s é , fait par la veuve Villevaud dans sa
» citation, était faux et supposé, injurieux cl calomnieux, et
» qu’il entendait en demander la suppression avec dommages» intérêts. »
II ajoute qu’il est tres-étonné que la veuve Villevaud ose
annoncer q u ’ e l l e tient de lui un prétendu é crit, portant une
garantie quelconque de l'effet de son désistement de son hypo
thèque sur la maison Fontghasse; qu’il n’a jamais écrit, signé,
ni délivré un pareil écrit, contre lequel il proteste de faux-,
et il se réservç, en conséquence, toute action, soit civile., soii
criminelle.
La veuve Villevaud n’avait garde de s’attendre à une pareille
défense: ne sachant ni lire, ni écrire, il avait été facile d ’abuser
de son ignorance et de sa simplicité ; et 011 lui a assuré qu’en
effet l ’ é c r i t qu'elle a d ép o sé , n’est ni de l’écriture du sieur
Charnbaud , ni signé p a r lùi.
L e sieur Charnbaud, ayant appris q u e , malgré sa dénégation
d ’avoir signé cet écrit , la veuve Villevaud n’en persistait
pas moins dans ses plaintes , il a cru pouvoir l'effrayer par
un acte instrumentaire qu’il lui a fait faire par huissier, le
22 avril 1820, par l e q u e l , après avoir dit qu’il se proposait
de se pourvoir en justice , pour faire déclarer cet écrit
faux , .fabriqué, et faire condamner la veuve Villevaud en ses
d o m m a g e s -in té rê ts , dans le cas où elle persisterait à v o u lo ir ,
s’en serv ir, il l’a fait som mer de déclarer si elle entend faire
usage, soit envers lu i, soit envers ses ayans-cause, dudit écrit
déposé par elle chez M e. C avy, notaire, et si elle persiste dans
ses dires injurieux et calomnieux par elle laits au bureau de
conciliation , ou si (.|l(. conSt.nt à ce que ces dires soient suj»primes , et lcdil écrit retiré des mains du notaire pour être
�( i3 )
biffe et lacéré , üt rnieux elle n ’aime donner déclaration authen
tiq u e , d e v a n t notaire, qu’elle reconnaît ledit écrit faux , et non
émané dudit sieur .Chainbaud , et les dires insérés au procèsvcrbal de non conciliation, du i lÿ août 1B19, injurieux et
calomnieux.
La veuve Villevaud a répondu à cet acte instrumentaire , q u ’elle
ne connaissait rien aux affaires judiciaires ; que tout ce qu’elle
sait, c’est qu’elle a donné au requérant une somme de 11,000 fr.,
cl qu’elle n’a rien touché;
Q u ’au surplus, vu son ignorance, elle invite le requérant à'
choisir uu ou plusieurs jurisconsultes, pour régler, à l’amiable,
s’il est p ossib le, l’affaire dont il s’agit.
Cet acte instrumentaire fut suivi d’une assignation donnée, par
le sieur Chainbaud, à la veuve V ille v a u d , le 22 mai su ivan t,
tendante à ce qu’il lui fût donné acte du désaveu qu’il faisait
d’avoir écrit et signé l’acte déposé, par la veuve Villevaud, chez
M c. C a v y , notaire , lequel serait supprimé et lacéré , com m e
fabrique.
V oir pareillement ordonner q u e , sans s’arrêter , ni avoir égard
aux prétentions et demandes énoncées dans sa citation du 3 août
181 g, dans lesquelles elle sera déclarée non recevaîde et mal fondée,
les termes injurieux.cl calom nieux, insérés soil dans ladite cita
tion , soil dans le procès-verbal du juge de p a ix , seront sup
primés ; qu’elle sera condamnée en 2,000 fr. de dommagesin té rêls, applicables aux pauvres; que le jugement à intervenir
sera imprimé cl aiïiçhé au nombre de cent exemplaires aux frais de
Jadilc veuve V illeva u d , e t’ qu’elle çera, en ou tre, condamnée
aux dépens.
veuveV illevaud, de son coté, a fait assigner le sieur Chainbaud,
le 12 juin suivant, pour voir dire et ordonner q u e , sans s’arrêter
au département de sou hypothèque et p riv ilè g e , sur la maison
Fonlghasse, qu’elle a donné, par l’acte passé devant C hevalier,
notaire, le 27 janvier ,814, lequel sera déclaré m i l , frauduleux
cl comme non avenu , ledit sieur Chainbaud sera condamné
�f
( 4 )
à lui rendre cl restituer la somme de i o , 8 c)3 fr. -9 c . , qu’il a
touchée a son lieu et place, par sa collocation dans l’ordre de
la maison Fontghasse, aux intérêts de ladite som m e, d ep u is le
jour q u ’a eu lieu ladite collocation ; se v o i r , en o u tre, condam
ner en la somme de G,000 fr. de'dommages-intérêts envers elle,
et aux dépens.
D epuis, l’exposante, en persistant dans ses premières con
clusions , a signifié des conclusions m otivé e s, tendantes subsidiairement à ce qu’il lui fut permis de faire preuve, tant par
titres que par té m o in s , des faits de dol et de fraude qui
étaient alors à sa connaissance, cl des manœuvres pratiquées
par le sieur Chambaud pour la tr o m p e r, et obtenir d’elle le
département de son hypothèque et privilège sur la maison
Fontghasse, pour les remplacer par une inscription sur le do
maine deLagarandie dont il exagérait sciemment la valeur, pour
l ’induire en erreu r, et qu’il attestait n’être grevé d'aucune hypo
thèque, tandis que la valeur en était bien des fois absorbée par
des hypothèques légales ou conventionnelles, existantes lors de la
rédaction de cet acte.
L e sieur Chambaud a défendu à cette demande, en désavouant
tous les faits articulés par la veuve Villevaud;
E n présentant l’écrit de sa main , qu’il lui avait remis, comme
un m émoire à consulter dans scs intérêts ;
En prétendant q u ’il eut été sans intérêt dans toutes les ma
nœuvres ([non lui im pute, ne lui étant rien du par le sieur
Girard ;
Eu assurant que l’acte du 27 janvier lui était étranger, cet acte
n ’étant passé qu'entre la veuve Villevaud et Girard , et hors de
sa présence ;
Ou a l'égard des prétendues menaces faites à la veuve Villevaud
par lui ou par ses agens, q u ’elles étaient d ’autant moins vraisem
blables, (¡ne tout était terminé pour la conscription à l’époque
de crt acte; que d’ailleurs son (ils était exempt , par la loi, du
service militaire x et qu'il était personnellement sans a u c u n e
influence possible dans celle partie.
�( i5)
Enfin il a ajouté que si la veuve Yillevaucl avait perdu sa
créance , c’était par sa fa u te , "et pour n’avoir pas fait son ins
cription , sur le domaine de Lagarandie, immédiatement après
l’acte du 27 janvier.
C e genre de défense, et la hardiesse des dénégations du
s i e u r Chambaud , en a imposé au tribunal de première ins
tance; et la cause portée à l’audience du 18 août 1820, il est
intervenu jugement contradictoire q u i , sans s’a rrê te r, ni avoir
égard aux faits articulés pau la veuve Y illc v a u d , qui sont dé*
clarés inadmissibles, ordonne que l’écrit, attribué au sieur Qbantbaud , déposé parmi les minutes de M e. C avÿ, notaire, le 19 juin
181g, sera rayé et biffé ; que mention sera faite dudil jugement
en marge de l’acte de dépôt, et condamne la veuve Yillévaud
aux dépens pour tous doimnages-intérèts.
1c
La veuve Yillcvaud .est appelante de ce jugement.
Non pas dans la partie qui est relative à l’écrit qui est déposé
chez M e. Cavy , notaire, elle s’est assurée qu’il n’est ni écrit de la
main du sieur Chambaud, ni signé de lui : elle n’a donc rien
à opposer à celte parlie du jugement.
L e tribunal a ob servé, avec raison, que ne sachant ni lir e , ni
écrire, ce n’est pas a elle qu’on peut attribuer cet écrit ; il ne lui
reste donc qu’à gémir sur les funestes effets d’une supercherie
dont elle ne peul atteindre les auteurs.
Mais elle dénonce à la Cour ce ju gem ent, pour avoir repoussé
ses plaintes sur le dol , la fraude, et les manœuvres pratiquées
par le sieur Chambaud pour lui enlever sa fo rtu n e , et s’en em
parer pour son compte et pour celui du sieur •C ham bau d , son
parent.
Depuis ce jugem ent, elle a fait de précieuses découvertes , fjoit
en preuves écrites , soit en faits nouveaux , ou qui avaient échappé
a sa mémoire , ou q ui soui parvenus depuis à sa connaissance; el
elle se flatte que ces preuves de tout genre 11e seront plus
écartées par le reproche commode de rinadiuissibilile, comme
elles l’oul été en cause principale.
’
�( i6 )
Los principes sur le dol et la fraude sont écrits clans tons les
livres.
L e jurisconsulte Labeo en donne la définition en ces termes ;
D olu s malus est omnis calliditas , ftd la c ia , rnachiuatio, ad cir~
cum tenicndum , j'a llen d u m , decipiendmn alterum adhibita.
Expressions que Danty traduit en ses termes, dans scs additions
sur le traité de la preuve par témoins, de Boiceau, cliap. 7, n°. 10:
« Dol mauvais • on entend toutes sortes de finesse, de trom» perie, ou de fraude, concertée pour surprendre et pour tromper
» un aulre. »
Telle est encore la défmilirin que nous en donne Barb eyracx
sur Puffendorf, dans son Traité du droit de la nature et des gens,
Liv. 3 , cliap. 6 , aux notes:
» Par dol, dolus malus, on entend toutes sortes de surprise, de
» fra u d e, de finesse, de fein te, de dissimulation; en un m o l ,
» toute mauvaise v o ie , directe 011 indirecte, positive ou négative,
» par laquelle 011 trompe quelqu’un malicieusement ».
i- D u m o u lin , cl différons autres jurisconsultes, et après e u x ,
D an ty, a l'endroit cité, développent le vrai sens de chacune de
Ces Irois expressions, em p loyées, par te jurisconsulte romain,
dans la définition du dol , calliditas, fa lla c ia , inachiuntio , et par
lesquelles il a voulu marquer trois différons degrés de dol.
« Le p rem ier, appelé calliditas, est celle dextérité que les
» Latins appellent soh rtin n i, par laquelle un liommc a d ro it,
» cl qui a de l’expérience dans les affaires , engage une
» personne simple à faire ce qu’il veut, cl le m èn e, comme
>>■on d it, p a r l e nez, non pas ouvertem ent, mais par dos ma- •
» nières cachées, et avec une apparence «le sincérité dont il
» \n c sa défie pas: ce qui csl fort bien exprimé par le mol
» cirainu tinirc. »
. « Le second d e g r é , appelé f a lla c ia , est la fraude qui se
» «oinmcl manifestement par des paroles affectées ou équivoques ,
» et par des mensonges.
« Le troisième degré, niachi/iatio , est la surprise qui se fa il
�( T7 )
» par des voies indirectes et par de mauvais m o y e n s , qui pas« sent jusqu’il ce que. nous appelons fourberie.
» An reste, ajoute-t-il, n°. i 5 , le dol peut se définir, en
» général, tout dessein frauduleux de nuire à autrui, soit que
» cela se fasse avec déguisement et avec simulation, soit que
» cela se fasse ouvertement. »
Et. nous lisons dans l’article 1109 du Code civil, « qu’il n’y
» a point de consentement valable, si le consentement n’a été
» donné que par e rreu r, ou s’il a été extorqué par violence,
» ou sur/ms par dol. »
11 ne nous reste donc qu’à faire l’application de ces principes
à la cause.
La veuve Villcvaud achète de Girard un pré qu’il avait
acquis lui-même du sieur D alb iat, et dont il 11e lui avait pas
payé le prix , qui n’était payable que dans le ternie de douze
années, qui n’était pas expiré,
L e prix de l’acquisition de la veuve Villcvaud était de 11,379 liv.
tournois.
Elle ne paye qu’en prenant la précaution de l ’emploi de ses
deniers.
Girard fait un prêt aux sieur et dame Fontghasse, qui lui
en consentent obligation solidaire, payable dans cinq ans, et
l ’assurent par première hypothèque sur la maison de la dame
Fontghasse, située .à C lc rm o n t, rue de la Treille.
Ou stipule, dans cet acte, que les deniers prêtés proviennent
de la veuve Villcvaud , et sont le prix de la vente du pré du
ïïreuil. 11 est ajouté que les sieur et dame Fontghassc seront
tenus, comme ils s’y o b lig e n t, de ne faire le remboursement
de la somme prêtée qu’en présence de la veuve Villcvaud, et
de Son g e n d re , alors intéressé pour un dixième dans l'acquisition
du pre du U rcuil, pour veiller à l'emploi dicelle conformément
au conlral.
Le terme de cinq ans , lixé pour le remboursement du capital,
étant sur le point d’e x p ir e r , le sieur C ham bau d , qui connaissait
3
;
�(i8)
parfaitement le mauvais état des affaires du sieur Girard , et qui
ne voyait aucune ressource dans les moyens personnels de son
d é b ite u r , pour se faire payer de sa créan ce, et de celle du
sieur Charnbaud, son p arent, conçut alors le projet de sacrifier
la veuve Villevaud, et de prendre sa place.
C ’est ce qu’on a p p elle, en matière de fraude , concilium.
Ce projet a été suivi d’exécution; et on trouve ici concilium
et evenlus.
L e sieur Charnbaud emploie d’abord envers la veuve Ville
vaud des sollicitations amicales.
Ces sollicitations n’ayant pas réussi, il les consigne dans un
écrit q u ’il remet à la veuve Villevaud.
« Il existe, porte cet écrit, une hypothèque de 11,000 fr.
» que la veuve Villevaud a placée sur une maison de Clermont.
« On demande qu’elle en donne main-levée pour la transférer
» sur un domaine de montagne, de valeur de 3o,ooo fr, qui
» n ’est grevé d’aucune hypothèque. »
Si on veut commenter cet é c r it , on se demande d ’abord
comment le sieur Charnbaud était instruit qu’il existait une
inscription de 11,000 fr, faite par la veuve Villevaud sur une
maison de Clermont, si ce n’csl parce que le sieur G irard, son
ami in tim e, l’avait instruit de toutes ses affaires, et l’avait initié
dans le secret de sa position.
On demande qu’elle en donne main-levée.
Quel est celui qui demande que la veuve "Nillcvaud d onne
cette main-levée ? Ce n’est pas le sieur G ira rd , qui n’est pas
m ême dénommé dans cet é c r it , et qui n’a pas pris la peine de
l ’é c r i r e , c’est' celui dont il est l’ouvrage, et qui devait en
p ro fite r, ainsi que son p a r e n t, créancier comme lui du sieur
Girard.
Et quels moyens le sieur Charnbaud emploie-t-il pour par
venir à son but? La fraude cl le mensonge, callidiiatem ,fallacùun,
machinnlionem.
On demande la mn’m -lcvée de celle i n s c r i p t i o n p o u r la Iransf érer
sur 1111 domaine de montagne, appartenant au sieur Girard, de
valeur de 3o,ooo IV.
�(*9)
.
Et cclte valeur était tellement exagérée par le sieur Chambaud/
qu<5 ce domaine a été ven d u , d ep u is, 9,000 fr.
L e sieur Chambaud ajoute que ce domaine n'est grevé d'aucune
h y p o th è q u e , el i l est établi que non-seulement la valeur de ce
domaine était épuisée, et bien au delà, par l'hypothèque légale
d e là fem m e, mais que ce domaine était encore couvert d’autres
i n s c r i p t i o n s judiciaires ou conventionnelles, pour des sommes
énormes dont plusieurs existaient au moment o ù le sieur Chambaud traçait ces lignes.
Ainsi le sieur Chambaud usait de d o l , de fraude et de men
songes ; il employait tout à la fois, calliditatem, fallaciam et
machinationem: et contre qui usait-il de tous ces m oyens? contre
une malheureuse villageoise, illitéré e , sur laquelle il avait l ’as
cendant de la puissance, qu’ il aggravait encore par des menaces
<Tcxcrcer contre elle des poursuites rigoureu ses, pour la forcer
au remboursement d’un capital de 6,000 fr. qu’elle était hors
d ’état de faire , et des menaces plus effrayantes encore d ’accabler
son fds du poids de la conscription.
C ’est ici le cas de rappeler la défense du sieur Chambaud
devant les premiers juges, qui est développée avec complaisance
dans les nombreux considérans qui précèdent le dispositif du
jugement.
Il s’est présenté continuellement comm e étant sans intérêt
dans cette affaire;
Comme étant étranger à l’acte du 14 janvier i8 i/ f, <lans lequel
non-seulement il n’était pas en qualité, mais qui avait été fait
hors de sa présence.
O r , tout est faux et mensonger dans ces faits,
L a veuve Yillcvaud offre de prouver que le sieur Chambaud
ctait avec Girard chez Chevalier, notaire; qu’il a assisté h la
rédaction de 1acte ; (pie la veuve Yillcvaud s’étant retirée de
1 étude du notaire, les trois amis sont entrés dans une chambre
a c<'»té de l’étu de, d’où ils sont sortis après une conférence se
crète, à la suite de laquelle Chevalier a dit à son maître-clerc,
�•V
( 20 )
en présence du sieur Chambaud et de Girard: V m s ne ferez l'mscription île la vaine J^illeiaud, que lorsqu'on vous le dira.
Quant au prétendu défau! d’intérêt, tant de fois répété par le
sieur Chambaud, c’est encore un m ensonge, démontré par une
preuve é c rite , émanée de lui-même.
On a vu qu’aussitôt après avoir obtenu le. sacrifice qu’il exigeait
’d e la veuve Yillevaud, de son inscription sur la maison Fontghasse,
p ou r la transférer sur le domaine de Lagarandie, il a trouvé le
m oyen de s’approprier l’obligation de 10,862 fr. 5o c., qu’avait
le sieur Girard sur cette maison.
Il s’est fait c o n s e n t i r à lui et au sieur Chambaud , son parent,
la cession de cette obligation, qui a sans doute été faite le
m êm e jour et au m êm e instant, quoique le complaisant notaire
Tait datée du 5 février, huit jours après l ’acte du 27 janvier.
Mais cette date est assez indifférente; ce qui est bien plus
important dans cet acte, c’est la reconnaissance que fait le sieur
Girard , que « cette cession est faite moyennant pareille somme
:» de 10,862 fr. 5o c . , que le sieur Girard déclare avoir ci-devant
» reçue desdils sieurs C ham baud, dont quittance. »
Si le sieur Girard avait ci-devant reçu des sieurs Chambaud
la somme de 10,862 fr. 5o c., il était donc leur débiteur de
cette som m e, au moment qu’il leur transférait son obligation de
la même somme sur la maison Fontghassc; il leur transférait
donc cette obligation pour se libérer envers eux. L e sieur Cliainbaud n’élait donc pas sans intérêt pour lu i, et pour son p a re n t,
lorsqu’ il exigeait avec tant d ’instance, de la veuve Y illev a u d , la
main-levée de son inscription sur la maison Fontghassc, et son
transfert sur le domaine de Lagarandie.
L e sieur C ham bau d , qui a senti toute l'importance de ce fait,
a cherché à en prévenir les conséquences qui devaient naturclkv
ment en résulter contre lui. 11 s’est donc retourné de toutes les
manières pour y répandre une obscurité ténébreuse; mais tous
les efforts qu’il a faits pour cela se retournent contre lu i, et ne
le rendent que plus coupable.
�( 21 )
D ’a b o rd , q u a n t à la partie de la cession qui concerne le sieur
Chambaud-Blanchard, son parent, le sieur Clnunbaud s’exprime
en ces Lcrmcs, dans un Mémoire imprimé q u ’il a distribué en
cause principale , page t).
. .
« Les deux cessionnaircs entraient pour chacun moitié dans
» le prix de la cession : le sieur C ham baud-B lanchard a fait.
» tenir à compte sur sa portion ce <jid lui était du ; le surplus,
» il l’a payé en argent, c i ....................................... 5 , 43 i fr. 25 c. »
L e sieur Cliambaud ne dit pas ici ce qui était dù à son parent;
d’après l ’acte de cession, il est prouvé que c’était la totalité de.
sa moitié du prix de cette cession, puisque le sieur Girard
l ’avait reçue de lui ci-devant : et quand il y aurait eu quelque
léger appoint, à donner pour solde, une pareille minutie ne
tirerait pas à conséquence.
L e sieur Cliambaud est bien plus embarrassé pour sa moitié
du payement du prix de la cession.
D ’ab o rd , à l’en croire, ce qu’ il en a fait a été pour obliger
le sieur Boucliet.
« Le sieur Cliambaud, est-il dit dans ce M ém oire, a fait
» appeler le sieur B o u c h e t, (¡ni était bien loin de se douter du
» mauvais état des affaires de Girard.
»
»
«
»
»
»
« Il fait ensuite dire a Boucliet qu’il a cautionné Girard pour
7,700 fr, cl (pie, dans sa simplicité, il ajoute q u ’il 11c peut
pas croire avoir été trompé par son camarade d’enfance, par
celui qu’il regardait comme son meilleur ami. Trom peuse
sécurité! s’écrie le sieur Cliambaud; où n’aurait-clle pas conduii le malheureux Boucliet, ^i. un ami plus sincère n’avait
pas veillé sur lui,? »
Que d’aveux précieux dans ces lignes!
. ^ m a r q u o n s d’abord (pie le sieur Cliambaud fait appeler le
sicui B o u cliet, (¡ni était loin de se douter du mauvais état des
affaires de Girard.
Le sieur Cliambaud l’en instruit; et Bouchet, dans sa sim pli
cité, 11e veut pas y croire.
�*
»-
'l
( 22 )
Que faut-il conclure de tout cela ? Que le sieur Chambaud
était parfaitement instruit du marnais état des affaires de Girard,
p u isq u ’il en instruit les autres ;
Q u e , dès lors, tout ce qu’il faisait était de mauvaise foi;
Q u e c’était de mauvaise foi, et pour tromper la veuve Yillev a u d , qu’il la pressait par tarit de m oyens, soit verbalem ent,
soit par é c r i t , soit, par des menaces de tout g e n r e , de donner
la tnnin-lcvée de son inscription sur la maison Fontghasse, sa
chant bien q u ’en la transférait sur le dom.nine de Lagarandie,
elle perdrait nécessairement sa créance, attendu le mauvais état
des affaires de Grirard ;
Q u e c’était de mauvaise foi qu’il se faisait céder l’obligation
de Girard sur la maison Fontghasse, puisqu’il ne pouvait accepter
cette cession sans contrevenir aux lo is , et faire tort aux autres
créanciers ;
Q ue rien n ’est moins excusable que d ’avoir ruiné la veuve
Villevnud , et de lui avoir fait perdre sciemment sa créance ,
pour l'eillcr, comme il le d i t , sur le sieur B o u ch et, qui a trouvé
en lui un ami plus sincère que Girard , son camarade d’enfance,
p u is q u e , à l ’en c r o i r e , i l s e r a i t parvenu à sauver sa créance en
sacrifiant la veuve N i l l e v a u t l .
L e sieur Chambaud ajoute qu’il a payé au sieur Delaune 2,000 f,
sur le p'rix de la cession ;
Et qu'il a cédé à Bouchet des obligations pour le restant,
mrtiris 3 i fr. 25. c. q u ’il a payés au sieur G ira rd , en deniers,
pour appoint.
»tn. ii
11 faut convenir que le slctfr Chamband a une mémoire heu
reuse, puisqu'il se rappelle du nombre ‘des centimes qu’il a
payé au sieur G ira rd , le 27 ja m icr 1814.
M ais, d ’une part, cette version est inconciliable avec le texte
de la cèssion, qui atteste que le sieur Girard était débiteur de
la totalité du prix envers les deux cedataires.
D ' a u t r e - p a r t , si cette version était v r a i e , le sieur Cha i nb au d
serait bien ¡»lus c o u p a b l e , p uisqu' il ne lut resterait nicnie
pas
I excuse d e l'intérêt p e r s o n n e l , et q u ’ il aurait gra t ui t ement , et de
�( 23 )
gaîté de cœur, sacrifié une malheureuse veuve, sans défense, pour
enrichir (le ses dépouilles le sieur Chambaud-Blanchard, son
proche p a re n l, et le sieur Bouchet, son am i, dont il aurait
payé les créances, au moyen de l'obligation Fontghasse, nonseulement au préjudice de la veuve Villevaud à qui elle appar
tenait , mais au préjudice des autres créanciers Girard.
C ’est le cas de dire que le sieur Chambaud s’esl pris ici dans
ses propres filets.
Il
ne sera pas plus heureux dans le genre de défense^ qu’il
a employé devant les premiers ju g e s , sur le retard de l’ins
cription prise, au nom de la veuvp Yilleyaud , sur le domaine de
Lagarandie.
C ’est sa faute, a-t-il dit, si elle a perdu sa créance ; c’est parcç
q u’au lieu de faire son inscription au bureau (les h y p o th è q u e s ,
immédiatement à la suite de l’acte du 27 janvier 1814, çlle ne
la formée qu’au mois de mai suivant.
Mais comment concilier ce reproche que fait ici le sieur Chanibaud à la veuve Villevaud avec les laits dont elle offre la
p reuve; que lorsqu’elle se fut retirée de chez le notaire, les
trois amis , les sieurs Cham baud, Girard et Chevalier entrèrent
dans une chambre a coté de l ’etudc, d’où ils sortirent après un
entretien secret, et que Chevalier dit à son maître-clerc., en
presence du sieur Chambaud et de Girard : Jro\is ne ferez l'ins
cription de la veuve P'illevaud, que lorsqu'on vous en donnera
l ordre.
Comment concilier ce reproche avec le fait constant et consacré
par l’ usage, que c’était à C hevalier, notaire , ou à scs clercs, à
faire cette inscription , et non à une paysanne illilérée , qui devait
nécessairement s’en rapporter à eux , ne pouvant pas la faire
par elle-même ?
Comment concilier ce r e p r o c h e , avec la parfaite connaissance
qu’avait le sieur Chambaud du mauvais état des affaires du
sieur (iirard, dont il instruisait si bien Cham baud-Blanchard,
son parent, et B o u ch et, son a m i, tandis que non-seulement
il cachait ce mauvais état des affaires de Girard à la veuve
�( 24)
V illcv a u d , mais qu’il afTcctait de lui exagérer sa fo rtu n e , verba
lement et par écrit, pour mieux la trom per, et qu’il lui assurait
que cette fortune n’était grevée d ’aucune hypothèque. ( * )
Mais ce reproche n’est pas seulement fait de mauvaise foi
par le sieur Chambaud à la veuve Villcvaud ; il est encore dé
montré q u e , lors même que l ’inscription de la veuve Villcvaud ciit
été faite le jour même de l’acte du 27 janvier i8i/f, elle 11e lui
aurait pas été plus avantageuse que celle qui a été faite pour
elle au mois de mai suivant;
Soit parce que le sieur Chambaud l’avait trompée d ’une ma
nière étrange, sur la valeur du domaine de Lagaramlie, qui a
été vendu f),ooo f r . , tandis qu’il le portait à 3o,ooo fr ., par son
écrit qui est dans les mains de la veuve Villcvaud ;
Soit parce qu’il attestait que ce domaine n’étail grevé d’aucune
hypothèque, tandis que non-seulement la valeur en était bien
plus qu’absorbée par l’hypothèque légale de la dame G irard,
dont les droits lui étaient parfaitement connus;
Soit parce qu’il y avait trois autres inscriptions sur ce domaine,
ou généralement sur tous les biens du sieur Girard , antérieures
a l’acte du 27 janvier i B i /J, qui montaient à environ 28,000 fr.
Ainsi , le reproche que lait le sieur Cliamhnud à la veuve Vil
lcvaud d ’avoir perdu sa fortune par sa faille, el pour n ’a v o i r
pas fait son inscription immédiatement après l’acte du 2 7 'jan
v ie r, n’est pas plus heureusement imaginé que son prétendu
défaut d ’intérêt dans cette affaire ; que le fait (pic l’acte du
27 janvier a été fait en son absence, qu’ il lui était absolument
étranger, cl qu’il était lait-uniquem ent dans l’intérêt du sieur
Girard.
Le sieur Chambaud n'est pas plus heureux dans ses réponses
aux reproches que lui a laits la veuve Villcvaud , de lui avoir
(*; \.*'s d r ttr s *1»’ ('»irar<! * in setite* j u s q u ' a u
12 mai i S r r>, m o n te n t à 1 2 0 , 7 [ f i fr. *
jio n <011^11 ¡» l'i n s c r ip t io n h’ gale d e mi f e m m e , q u i m o n ta it a n m o i n s à
12 ,0 0 0 l r , ,
n o n compris, w» «lrttrs «ïiiroKia p liair e*.
l*,t l a
to talité
de
»es b i e n s a O l e \ r n d u e ,
par
actes
vo lo n taires,
m j/i o
** f r .
�Uts$
(¡>5)
fait et fait faire des m en aces, soit de la poursuivre rigoureuse
ment pour la forcer au remboursement des 6,000 fr. q u ’elle lui
d e v a it, soit de faire partir son fds, si elle sc refusait à ce qu’il
exigeai* d’elle.
A l’en c r o ir e , tout était terminé pour la co n scription , a
l’époque où l ’on suppose qu’il a fait ces menaces ; et il était
tellement étranger et sans pouvoir lui n u i r e , qu’il suifit de la
seule invraisemblance de ces faits, pour les faire rejeter.
Gomme si tout le monde ne savait pas que , sur la lin de 1813,
et. au commencement de 1814, il n’y avait point de bornes aux
abus du p o u v o ir , et aux vexations en matière de conscription ;
Comme si l’on ignorait que rien n’était im po ssib le, dans ce
genre, à un maire tel que le sieur Cliam baud, q u i réunissait a ce
titre un grade militaire qui lui donnail un ascendant, et un degré
de puissance auquel il était impossible à la veuve Yillevaud de
résister.
L e sieur Cliambaud croit encore pouvoir écarter ces faits, en
opposant que le fils de la veuve Yillevaud était n on -seu lem en t
exempt comme fils de v e u v e , mais comme im propre au service
militaire ; comme si on ignorait que tel conscrit qui ne pouvait
etre encadre dans un corps de troupe de ligne, était employé
utilement dans les charois de l’armée.
D ’ailleurs, la veuve Villevaud était-elle en état de juger du
plus ou moins d’effet que pouvaient avoir les menaces du
sieur Cliambaud ? c’est sur les inquiétudes si naturelles de la
tendresse maternelle ; c’est sur sa crédulité et son ignorance , qui
étaient bien connues du sieur Cliam baud, qu’il faut calculer la
vraisemblance de ces m enaces, et non sur le plus ou le moins
de possibilité qu’aurait eu le sieur Cliambaud de les mettre à
exécution.
A u surplus , il n’est pas à craindre qu’on ose élever des doutes
sur 1 admissibilité de la preuve testimoniale des faits articulés par
la veuve Yillevaud.
La plupart de ces faits sont déjà établis par des preuves
écrites irrécusables: et ne voudrait-on les considérer que comme
(commencement de preuves par é c r it , il nous suffirait d ’invoquer
�( 26 )
l ’articlc 1 347 du Code civil, qui porte que les règles établies sur
l ’inadmissibilité de la preuve testimoniale , reçoivent exception
lorsqu’il existe un commencement de preuve par écrit;
L ’article 1348, qui porte que ces règles reçoivent encore excep
tion , lorsqu’il s’agit d’obligations qui naissent de contrats, et de
délits ou quasi délits ;
E t l’article 1 353 , dans lequel on lit que « les présomptions qui
ne sont pas établies par la l o i , sont abandonnées aux lumières
et à la prudence du magistrat, qui ne doit admettre que des
présomptions g ra ve s, précises et concordantes, et dans les
cas seulement où la loi admet les preuves testimoniales, à
moins que l'acte ne soit attaqué pour cause de fraude ou de dol.
Il
ne faut, d ’ailleurs, jamais perdre de v u e , dans ces ma
tières , ce que nous dit le judicieux Coquille, dans son Commen
taire sur l’art. 4o du chap. 4 de la Coutume de Nivernois, que
« ceux qui veulent faire frau d e, travaillent de tout leur pouvoir
» à la couvrir; q u ’elle ne serait pas fraude, si elle n ’était occulte,
» et par regle générale, se dit qu’ez choses qui communément
» sont de difficile preuve ; on doit recevoir les preuves par con» jectures , et telles qu’on les peut recouvrir ; et peut-on joindre
différentes sortes de preuves imparfaites, pour en faire une
complète ? »
On ne peut donc refuser à la veuve Villevaud la faculté de réunir
tous les genres de preuves propres à constater le dol et la fraude
dont elle a été victime. L e jugement qui a déclaré inadmissible,
ou la preuve testimoniale, ou les faits articulés par la veuve Villev a u d , est un vrai déni de justice qu’elle dénonce à la C o u r ,
devant laquelle les opprimés sont assurés de trouver justice et
protection.
Me B O I R O T , ancien Jurisconsulte.
M e V E Y S S E T , Avoué
A CLERMONT, I)E L’IMPRIM ERIE DE PELLISSON, IM P.-LIBRAIRE,
AU C O lN DES R UES SAINT - GENES ET SAIN T E S P R I T,
�
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Title
A name given to the resource
Factums Godemel
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A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
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A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Aubignat, Jeanne. 1821?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Boirot
Veysset
Subject
The topic of the resource
banqueroute
notaires
dol
biens nationaux
créances
hypothèques
magistrats municipaux
abus de faiblesse
conscription
fraudes
illettrisme
doctrine
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire pour Jeanne Aubignat, veuve de Pierre Villevaud, Propriétaire à Royat, appelante ; contre Le sieur Pierre Chambaud, Adjudant-Commandant, Offer de la Légion-d'honneur, ancien Maire de Chamalières et Royat, habitant de la ville de Clermont, Intimé.
Table Godemel : Dol : 3. lorsque les faits mis en preuve auraient, s’ils étaient prouvés, le caractère de dol, fraude, séduction et violence mis en usage dans la vue d’engager une partie à abandonner ses droits, pour en profiter à son préjudice ; les juges peuvent admettre la preuve testimoniale, aux termes des articles 1116 et 1382 du code civil. – on ne peut opposer, en ce cas, les dispositions de la loi qui interdisent toutes preuves contre les conventions faites entre parties ou contre des obligations dont l’objet excéderait 150 francs, parce qu’en matière de fraude, dol, séduction et violence, il ne dépend pas de la partie contre laquelle ces moyens ont été pratiqués, de se procurer une convention ou des preuves qui aient pu l’en mettre à l’abri.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Pellisson (Clermont-Ferrand)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1821
1791-1821
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
1814-1830 : Restauration
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
26 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2614
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2615
BCU_Factums_G2616
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53529/BCU_Factums_G2614.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Royat (63308)
Chamalières (63075)
Clermont-Ferrand (63113 )
Aydat (63026)
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Information about rights held in and over the resource
Domaine public
abus de faiblesse
banqueroute
biens nationaux
conscription
Créances
doctrine
dol
fraudes
hypothèques
illettrisme
magistrats municipaux
notaires
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53531/BCU_Factums_G2616.pdf
220a1061d356e9b8159648977a06b17c
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Text
RÉPONSE.
�RÉPONSE
PO U R
Jeanne
AUBIGNAT,VeVILLEVAUD, Appelante;
CONTRE
Le Sr CHAMBAUD, Adjudant Com m andant,
Officier de la Legion-d’Honneur, ci-devant
Maire de Chamalières et Royat, Intimé.
L e sieur Chambaud termine son Mémoire par d ire, pag. 8 3 ,
q u 'il doit être assez, généreux pour oublier et pardonner.
II est facile de pardonner aux autres le mal qu’on le u r a fait.
Il n’est pas toujours aussi facile d e
pardonner à soi-même,
si l’on descend dans son cœur et qu’on interroge sa conscience,
surtout quand on jette un coup-d'œil sur sa poitrine, pag. 8.
L e sieur Chambaud ne veut pas seulement être généreux envers
la veuve V illevaud, il veut encore l’être envers son défenseur,
en prenant la peine d’excuser son zèle, qu’il attribue à la bonté
et à la simplicité de son cœur, qu’il veut bien qualifier d ’honorables.
Sans chercher à analiser le sens de ces expressions, on se con
tentera de répondre qu’il ne suffisait pas de la bonté et de la
simpliste du cœur pour entreprendre une tache aussi pénible ,
que la defense de la veuve V illevaud, lorsqu’il s’agissait de lutter
avec tant de désavantage pour le faible contre le fort;
Pour l’opprimé contre l’oppresseur;
Pour une malheureuse paysanne, pauv r e , ru in ée, délaissée
�O )
par la nature entière; contre l’homme puissant, entoure de*
prestiges, des cordons, des grades et de la fortune.
Il fallait être animé d’un sentiment plus honorable; de l’atta
chement à ses devoirs, qui ne permet pas à l’homine public de
refuser son appui au malheur, et de capituler avec les considé
rations.
L e fait avéré dans la cause, est que la veuve Villevaud a été
'dépouillée d’une somme de 10,862 fr. 5o c . , qui formait à peu
près toute sa fortune.
On dit que ce fait est acéré : le sieur Cliambaud s’en explique1
ainsi dans son premier M ém oire, pag. 2 :
« Que la veuve Villevaud ait été victime de la fraude de deux
» ci-dêvant notaires, dont l’opinion publique a fait justice; c ’est,
» ce qui est malheureusement trop vrai pour elle : mais prétendre
» que le sieur Cliambaud a p u y contribuer dune manière quel» conque, c’est ce qui n’est ni vrai ni vraisemblable.»
O r, ce fait que le sieur Cliambaud dit n’être ni vrai ni vrai
semblable, qu’il ait contribué d'une manière quelconque dans l’acte
frauduleux dont la veuve Villevaud a été victim e, et qui a opéré
ga ruine, elle demande a éiii. orlmisc à en faire la preuve tant
par titres que par témoins.
E lle va bien plus loin : elle demande à faire la preuve que
c’est le sieur Cliambaud qui a m édité, préparé, dirigé et con
s o m m é cet acte frauduleux, de concert avec les deux ci-devant
notaires dont l opinion jniblique et J'ait justice•
C ’est en vaïn que le sieur Cliambaud a recours à de misérables
s ub t erf uges et à de vaincs subtilités de chicane pour échapper
5 la vérité qui le p resse, et qu’il qualifia les faits qu’on lui
oppose d’invraisemblables et d’insuüisan: pour établir sa culC ’cst encore vainement qu’il invoque avec jactance le jugement
du tribunal de première instance qui les a déclaré tels,
L ’alfaire alors 11’élait pas instruite;
^• f
Les faits n’claicnl ni suflisanuucnt développés, ni précises ;
�?3 )
Ceux même qui étaient connus ne l’ctaient qu’imparfaitement ;
E t beaucoup d’autres, d’une importance m ajeure, ne sont
parvenus qu’après le jugement à la connaissance de la veuve
Yillevaud.
Au surplus, le sieur Chambaud a - t - i l bien réfléchi sur les
conséquences de ce genre de défenses , et des efforts inouis
qu’il fait pour repousser, comme inadmissibles ou comme insuf
fisantes, toutes les preuves q u ’offre contre lui la veuve Yillevaud?
S’il est vrai que le sieur Chambaud n’ait pas contribué, d'une
manière quelconque, à l’acte frauduleux dont elle a été victime;
S’il est vrai, comme il le répète à toutes les pages de son second
M ém oire, qu’il ait absolument été étranger à cet acte; qu’il ait
été fait sans son concours, à son insçu et hors sa présence ,
pourquoi fuit-il, avec tant d’opiniâtreté, la lum ière, et s’opposet-il, avec tant d’efforts, à laisser sortir la lampe de dessous le
boisseau ?
'> P°g. 2.
Un homme comme le sieur Chambaud, officier supérieur}
montrant sur sa poitrine la glorieuse distinction, récompense de
ses services....; entouré de l'estime de ses camarades, de la confiance
et de lamitié de tous ceux qui le connaissent, doit ¿ lie comme
la femme de César, il ne doif pao £uc auupçonné.
On ne peut discuter cette affaire , et se faire entendre, sans
rappeler les faits qui l’ont fait naître.
Il ne faut pas les chercher dans les 83 pages du dernier
Mémoire du sieur Chambaud , ils se perdent dans la discussion,
et on ne peut suivre sa marche sans courir le risque de s’égarer
et d’égarer la justice.
Nous prendrons ces faits dans son premier M émoire, imprimé
et signifié le y août 1820, où il s’exprime en ces termes :
« Le sieur Girard , ancien notaire à Chamalières, avait acquis
» du sieur Dalbiat le pré du lïreüil , dépendances de Royat j
» le prix avait été stipulé payable dans 12 ans.
» Par acte du 21 juin 1808, passé devant C h evalier, notaire,4
» le sieur G irard vendit à Jeanne A u b ign at, veuve Y ille v a u d ,
�( 4 }
» et à Léger Bourgougnon, son gen dre, une partie considérable!
» du pré du Breiiil.
» La veuve Villevaud entrait pour neuf dixièmes dans l ’ac» quisition , et son gendre pour un dixième.
» Cette vente fut faite moyennant le prix de n , 3 i() livres
» tournois, dont 7,81g livres payées comptant, et les 3,75o livres
» restant, payables au i 5 novembre suivant.
» Il fut stipulé que le vendeur ne pourrait exiger le rem» boursement de cette somme qu’en fournissant une hypothèque
» pour la sûreté totale de la v e n te, ou en en donnant caution.
» Cette clause était importante pour la veuve Villevaud, puis
ai qu’elle avait à redouter deux actions hypothécaires ; d’une
» p a r t, Girard n’avait pas payé le prix de son acquisition au
» sieur D albiat, premier vendeur, qui dès lors avait un privilège
» sur l’objet vendu; de l’autre, le pré du Breiiil était grevé
» de l’hypothèque légale de la dame Dalbiat : nous allons voir
» coinmetit le sieur G irard , de concert avec le sieur Chevalier,
» a effectué l’emploi promis à la veuve Villevaud ».
C ’est toujours le sieur Chambaud qui rend compte des faits.
« Lie i 3 mai iRoq, le sieur Fonghasse, tant en son nom qu’en
» qualité de procureur fondé de la darne Fonghasse , sa mere ,
» souscrivit au sieur Girard , dcv«iiii ciic-miior 7 notaire, une
» obligation de 10,862 fr. 5o c., payable dans cinq ans, l’intérêt
» à cinq pour cent, avec l'affectation spéciale d’une maison sise
» rue de la Treille. Cet acte porte en outre la stipulation
y> suivante :
» Ledit sieur Girard déclare que ladite somme principale
» provient des deniers de Jeanne Aubignat, neuve J'illevaud, et
y, de Légeï Bourgougnon, son gendre, et fa it partie du prix de la
» vente que ledit Girard leur a consentie d'un pré situe à lloyaf,
» suivant l'acte passé devant nous Chevalier, notaire, le 21 ju in 1808,
» au moyen de. lafjuelle déclaration ledit sieur Fonghasse sera
« tenu, comme il’s'y oblige, de ne faire le remboursement de ladite
y> soiiiritc i]tien présente desdits Alibignat cl Bourgougnon, pour
v veiller ¿1 l'emploi'(Tiêelle, conformément audit contrut de vente.»
�fAi «4 .
( 5 )
» En vertu (le celte obligation, le sieur Girard prit une ins» criplion sur le sieur Fonghasse le 16 juin suivant.
» Au m oyen, continue le sieur Cliambaud, de cet emploi
» illusoire, la veuve Villevaud se libéra de la somme d e 3 ,5oo fr.
» qu’elle restait devoir à G irard , et celui-ci lui donna quittance
» finale le 12 mars 1812. Cet acte, passé comme les autres devant
» Chevalier, est pur et sim ple, et ne contient point, de la part
» de la veuve V illevaud, acceptation de la charge de remploi ;
» on y trouve seulement par simple énonciation ,
. .
» Que ladite somme présentement (juit/ance'e, ainsi que cçlle
» formant le surplus du prix de ladite vente, ont ¿te employées par
» Girard au désir du même acte de vente, par hypothèque spéciale,
» suivant obligation reçue par le même notaire le i 3 mai 1809,
» consentie au sieur Fonghasse. »
On a vu plus haut que le sieur Cliambaud. qualifie dillussoire
l’engagement contracté par le sieur Fonghasse, dans son obligation
du i3 mai 1809, de n’en faire le remboursement qu’en présence
de la veuve Villevaud et de son gendre, pour veiller à l’emploi
d’icelle, parce que cet engagement n’avait pas été accepté par la
veuve Villevaud.
M ais, outre que le sieur Fonghasse et sa mère ayant promis
de ne pas faire le remboursement des 10,862 fr. 5o c . , au sieur
Girard, qu’en présence et du consentement de la veuve Villevaud,
leur engagement était sacré; le sieur Cliambaud sait mieux que
personne quelle en était la valeur, lui qui a louché les 10,862 fr.
5o c. à la place cl au préjudice de la veuve Villevaud.
Voilà le moment critique de l ’affaire; et quoiqu’on ne puisse
plus suivre mot à mot la narration du sieur Cliambaud, comme
011 l’a fait jusqu’ici, on y trouve encore, au milieu d e ’l'obscurité
dont il cherche à s’environner, des sillons de lumière suifisans
pour nous diriger et nous conduire .nu bul.
11 nous dit qu’il élail créancier de la veuve V illevau d , d ’une
obligation de 6,000 fr;
Qu’après plusieurs avertissemens formels , mais infructueux,
une sommation lut faite au mois de décembre i8 i3 , c’cst-à-dirc,
�I* . :
'
( 6 )
environ un mois avant le fameux acte du 27 janvier 1814, que
le sieur Chambaud reconnaît lui-méme avoir clé l’ouvrage du
dol et de la fraude.
« A cette époque , dit-il, le mauvais état des affaires de Girard
» et de Chevalier était à son comble. »
Ce passage est précieux ; il prouve que le sieur Cliambaud
connaissait alors parfaitement le mauvais état des affaires de
Girard: et comment l’aurait-il ignoré? ils étaient amis insépa
rables ; il passait sa vie dans la maison Girard ; il était en tout
son conseil et son guide.
On lit a la suite de ce passage que « G irard, qui crut voir
» l’occasion de toucher de l’argent, chercha à appiloycr le sieur
» Cliambaud, par l'entremise de la veuve Villevaud, et fit un
» demi-aveu sur sa position de fortune. »
Ainsi, Girard se sert d’une personne interposée pour appitoyer
le sieur Chambaud sur son so rt, lui qui avait à sa disposition
tant d’autres moyens plus efficaces.
E t de qui se sert-il pour cela ? D ’une paysanne qui ne sait ni
lire ni écrire, et qui est, sans contredit, la femme la plus bornée
de sa commune.
Quoi qu’il en soit, lo sieur Girard fait au sieur Chambaud un
demi-aveu de la position de s<i fortune.
Il ajoutait qu’il « n’avait qu’un moyen de se tirer «l’embarras,
» c’était que le sieur Chambaud consentît à accorder le délai
» d’un an à la veuve V illevaud, pour le payement de ce qu’elle
» lui devait, et que celle-ci consentit de son côté à transférer sur
» le domaine de la Garandie, appartenant à lui Girard, l ’hypothèijite quelle avait sur la maison Fonghasse, pour une somme
y> d'environ 11,000 fr .»
Ici l’intrigue commence à se dérouler.
Le mauvais état des affaires de Girard et de Chevalier était à
son comble.
G irard n’avait qu’un m oyen de faire de l ’argent, et de se tirer
de l'em barras où il se trouyait ; il eu fait confidence au sieur
Chambaud.
�( 7 }
Ce m oyen, celait que la veuve T^dlevaud consentît de son côté
à transférer sur le domaine de la Garandie, appartenant à lui
Girard, l'hypothèque quelle avait sur la maison Fongha sse, pour
une somme d ’envirop 1 1,000 fr .
« Alors, disait Ærirard, (on copie toujours le premier Mémoire
» du sieur Chambaud,), la somme que j e toucherai sur la maison
y> Fonghasse, et environ 7,000 lr. que je puis mettre en recou» vrement dans mon étu d e, me mettront à même de faire face
» à toutes mes affaires. »
Voilà donc le projet form é, et d’après le sieur Chambaud luimême , c’est lui qui en est le confident.
Déjà on peut s’apercevoir, s’il est vrai comme il le dit dans
son M ém oire, qu'il n ’a pu y coopérer d'une manière quelconque,
Mais allons plus loin. Que dira le sieur Chambaud, s’il est
prouvé que c’est lui qui s’est chargé de 1 exécution de ce projet,
et qui en a conduit le fil jusqu’au dénouement?
D ’abord il sollicite, avec les plus vives instances, la veuve
.Yillevaud, comme il en est convenu avec G irard, de donner
main-levée de son hypothèque sur la maison Fonghasse, et de
la transférer sur le domaine de la Garandie, appartenant à Girard;
et il lui prom et, si elle veut s'y prêter, la plus grande indul
gence pour le payement de son obligation de 6,000 fr.
Pour lui inspirer plus de confiance, il lui remet un écrit de
sa inain, produit au procès et conçu en ces termes :
« Il existe une hypothèque de 11,000 fr. que la veuve Yillevaud
» a placé sur une maison de Clermont»
» On demande qu’elle en donne main-levée, pour la transférer
» sur un domaine de montagne, de la valeur de 3o,ooo fr. qui
» n’est grevé d’aucune hypothèque. »
Et le sieur Clmmbaud atteste à la justice, avec un front d ’ai
rain , (/it il n ’a pu coopérer, en manière quelconque, à ce transfert
frauduleux dont lu veuve. P^illevaud a été victime; que tout ce qui
s'est passé à cet égard a été fa it sans son concours, à son insçu
et hors sa présence, et lui est absolument étranger.
�( 8 )
Cependant on a vu que c’est lui qui a etc le premier confident
du projet ;
Que lorsqu’on lui en a fait la confidence, le marnais état de$
affaires de Girard était à son comble.
II d it , dans cet endroit de son ancien M ém oire, qu'il lui fit un
demi-aveu de sa position.
(
E t on voit dans la page 9 de ce premier M ém oire, qu’il en
était si parfaitement instruit, qu’il en fit part à son ami Bouchet*
qui était dans une trompeuse sécurité, et qu’il s’écrie : « Où
>1 n aurait-elle pas conduit le malheureux Bouchcl, si un ami
y> plus sincère n ’avait pas veillé sur lu i? »
^
Ainsi, c’était dans la pleine connaissance que le mauvais état
des affaires de Girard était à son comble, qu’il approuve son
projet de déterminer la veuve Villevaud à transférer, sur le do
maine de la Garandie, l’obligation de 11,000 fr. qu’elle avait sur
la maison Fonghasse, et qu’il dresse scs batteries pour emporter,
la place.
L e prem ier moyen qu’emploie le sieur Cham baud, est la per
suasion ; et pour mieux circonvenir la veuve V illevaud, il ne
craini pas d’assurer par son écrit qu’elle ne court aucun risque
a faire ce qu’on lui propose.
L e sieur Chambaud nous dit que l’écrit qu’il a donné à la
veuve Villevaud était une note à consulter.
Quoique cette qualification soit fort étrange dans la bouche
d’un colonel ou d’un adjudant-général, peu importe de quelle
manière cet écrit soit qualifié, il n’en prouve pas m oins,
Premièrement, que le sieur Chambaud était parfaitement au
courant du projet de faire transférer l’obligation de 1 1,000 fr.
qu’avait la veuve'Villevaud sur la maison Fonghasse, sur le
domaine de la Garandie, appartenant à G irard;
<
Secondement, qu’il était l’agent de Girard pour mener à fin
cette intrigue;
E t cela, malgré la pleine connaissance qu’il avait que le mauvais
état (1rs affaires de Girard était à son comble.
Quoi qu’il en soit, ni cet écrit, ni les sollicitations j o u r n a l i è r e s
�( 9 >
du sieur Chambaud, ne purent déterminer la veuve Villevaud à
se prêter à ce que lui et Girard exigeaient d’elle.
Le s i e u r Chambaud eut alors , recours à d’autres moyens.
On a vu qu’il était créancier de la veuve Villevaud d’une obli
gation de 6,000 f r ., qui était échue depuis long-temps ;
Qu’il était d’autant plus pressé de toucher le remboursement
de scs fonds, q u e , « dans la situation critique où étaient alors
» les affaires publiques, tout capitaliste , et particulièrement tout
» capitaliste militaire, sentait la nécessité de faire rentrer son
» argent ( premier M ém oire, pag. 4- ) » ;
Q u’il était convenu avec son ami Girard, qu’il « consentirait à
» accorder le délai d’un an a la veuve Villevaud, pour le payement
►
> de ce qu’elle lui devait, pourvu que celle-ci consentît de son
» côté à transférer sur le domaine de la Garandie, appartenant
» à lui Girard, l’hypothèque qu’elle avait sur la maison Fonghasse,
» pour une somme d’environ n ,o o o fr. »
Il prit donc le parti de changer de ton avec la veuve Villevaud;
il la menaça des poursuites les plus rigoureuses, et joignant le
fait aux menaces , il lui envoie des huissiers le 22 janvier 1814,
cinq jours avant l’acte du 27 janvier, pour la contraindre au
payement de son obligation: ce commandement est joint aux
pièces.
Mais ce genre de menaces îiyant encore été insuffisant pour
déterminer la veuve Villevaud au sacrifice qu’il exigeait d’e lle ,
il eut recours à un autre moyen qui lui parut devoir être plus
efficace : il la menaça et la fit menacer de faire partir son fils
pour les armées dans les 24 heures.
La veuve Villevaud offre la preuve de ce fait, et elle produira,
pour l’attester, des témoins rccommandables.
Elle pourrait d’ailleurs invoquer sur ce fait, comme sur les
précédens, la notoriété des communes de Royat et de Chamalières.
Tous les habitans de ces communes ont été instruits, dans le
teins, de scs malheurs, des moyens employés pour obtenir d’elle
�C 10 )
les sacrifices qui ont opéré sa ruine, et ils en conservent encore
de profonds souvenirs.
C ’est en vain que le sieur Cliambaud, pour éluder la preuve
de ce fait relatif à la conscription, nous dit que le fils de la
;veuve Villevaud en était exempt comme fils de veuve ;
Q u’il était d’ailleurs peu propre au service militaire.
Comme si de pareils moyens suffisaient pour bannir la terreur
du cœur d’une mère qui aurait sacrifié toute sa fortune pour
empêcher le départ de son fils.
Q u’on se rappelle , comme le dit le sieur Cliambaud dans
son prem ier Mémoire , la situation critique où étaient alors les
affaires publiques.
Qu’on se rappelle toute la France orientale couverte des ar
mées de l’Europe coalisée.
Q u’on se rappelle la levée des gardes-d’honneur composée de
tous les jeunes gens des familles aisées dont un grand nombre
étaient fils, et même fils uniques de veuves, et qui tous avaient
payé leur tribut à la conscription, ou avaient des remplaçans
aux armées.
Alors le besoin était tel que tout conscrit était soldat, et que
celui qui nTétait pas bon pour être encadré dans la lign e, était
utilement employé dans les charrois.
Le sieur Chambaud invoque encore, sur ce fait, son défaut
d’influence dans la conscription militaire.
I c i , la veuve Villevauil est obligé de s’arrêter.
On a dit quelque part : Malheur à celui tpii soulèverait le voile
de la société: on peut dire avec bien plus de vérité !-Malheur à
celui qui soulèverait le voila de la conscription !
La veuve Villevaud croit être forcée de se restreindre à ce
qui lui est personnel; peulrctre lui ierait-on un reproche d’aller
- plus loin: c’est aux témoins qui ont plus de latitude, si la C our
daigne les interroger et les entendre, à nous apprendre si le
sieur Cham baud, officier supérieur et maire des c o m m u n e s de
Chamalières et R oyat, était sans influence, et quelle ¿tait sa
manière d’en user dans ces matières.
�'( II )’
Quoi qu’il en so it, la veuve Villevaud fut tellement effrayée
'de cette dernière m enace, qu elle n hésita plus a faire le sacrifice
q u ’on exigeait d’elle.
Elle était déjà décidée à se prêter à t o u t , lorsqu’il lui
p a r v in t un écrit qu’on lui dit être signé du sieur Chambaud ,
qui contenait la garantie du transfert de son hypothèque sur le
domaine de la Garandie.
Elle a appris depuis que ce dernier écrit était faux ; elle ne
se rappelle pas s’il lui a été remis directement par le sieur
Chambaud ou par un tiers; mais ne sachant ni lire ni écrire, elle
jnc pouvait avoir aucun doute sur sa sincérité.
Le rendez-vous fut donné chez Chevalier, notaire, dans la
matinée du 27 janvier.
La veuve Villevaud cro ît, sans toutefois en avoir la certitude,
qu’elle y fut conduite par le sieur Chambaud lui-meme.
Ce qu’il y a de certain, c’est qu’elle s’y trouva avec les sieurs
Chambaud et Girard, et que là fut rédigé, en présence du sieur
Chambaud, l’acte tant sollicité et tant désiré par l’un et par l’autre.
On y expose que, par acte du 27 janvier 1808, le sieur Girard
vend it à la veuve Villevaud, et à Léger Bourgougnon, son gendre,ce dernier pour un dixième seulem ent, un pré situé dans les
«lependances de R o yat, moyennant 11,177 ^r>
c- > avec con
vention que le sieur Girard serait obligé de fournir une hypo-fhèque spéciale pour sûreté de ladite vente;
Que pour se conformer à cette clause, en présence et du
consentement de ladite Aubignat et dudit Bourgougnon, le sieur
Girard avait prêté au sieur Fonghasse, et à la dame D ésoches,
sa mère, la somme de 10,862 fr. So c., suivant obligation reçue par
ledit Chevalier, notaire, le i 3 mai 1809, avec déclaration, dans
ladite obligation, que les fonds prêtés provenaient du prix de
ladite vente, et que le remboursement ne pourrait en être
effectué qu’en présence desdils Aubignat et Bourgougnon, pour,
veiller à l'emploi de cette somme;
Q u ’aujourd’h u i, ladite Aubignat étant seule intéressée dans
cette affaire, « e t ne voulant aucunem ent gêner la libération
�'( 12 )
» dudif sieur Fonghasse, attendu que ledit sieur Girard offrait
» une garantie suffisante pour le prix de la vente ci-dessus
i» datée,, par hypothèque dont il sera ci-après parlé..
» Elle consentait, comme elle consent par ces présentes, que
» le sieur Fonghasse se libère, hors sa présence, de ladite somme
» de 10,862 fr. 5o c. envers ledit. Girard , ainsi qu’il avisera,
» et sans qu’il soit besoin de veiller à l’emploi d’icelle.»
E n conséquence, est-il ajouté, du consentement présentement
donné par ladite Aubignat , et pour lui donner une garantie pluj*
que suffisante du prix de la vente dudit jour 21 juin , le sieur
Girard a spécialement affecté et hypothèque un corps de domaine,,
situé au lieu de la Garandic, commune de Saint-Barthclemid’A ydat, consistant en bâtim ens, prés , terres et pacages , sur
lequel ladite Aubignat pourra prendre de suite inscription
conformément audit acte de vente précité.
- L e sacrifice consom m é, la veuve Viilevaud se relire.
Mais il n’en est pas de même des sieurs Girard et Cbambaud~>
• Us entrent, avec Chevalier dans une chambre qui était a côté
de son étude; e t, après une conférence secrète, Chevalier sort
et dit à son maître clerc : V ous ne ferez l'inscription de la veuve
.Vdlevaud que lors ijn on vous l onlom 1eru,
• E t en effet, cette inscription n’a clé faite par chevalier q u e
plus de trois mois après l’acte du 27 janvier.
' -Ce fait était accablant pour le sieur Chambaud, lui qui n’avaii
cessé de dire, d’écrire et d’imprimer, qu'il n'avait coopéré d'aucune
manière à tout ce qui s'était passé entre Gnard et la veuve T' dlevaud;
'!que tout s’était fa it à son insçu, sans son concours et hars sa
'présence.
Il a cherché quels pouvaient être les témoins qui s’élaieni
'trouvés chez Chevalier, notaire, le 27 janvier i 8 i 4 ; il a jeté les^
'ycux'sur M. Pineau, son maître clerc, et actuellement notaire,,
et il lui a fait écrire pour savoir s’il avait connaissance de ce
'qui s’était passé chez Chevalier, notaire, lors de la rédaction de
l*acte du 27 janvier 1814>-
�M. Pineau a répondu qu’il ne se rappelait pas les faits sur
■lesquels on lui demandait des eclaiicissemens.
Celle lettre est transcrite dans le Mémoire du sieur Chambaud,
pag. 78, et il croit pouvoir en conclure que ces faits sont faux
el controuvés.
M. Pineau a agi en homme sage, qui ne devait pas s’expliquer
s u r des faits aussi graves, sans nécessité; on doit louer sa prudence
et sa discrétion, mais il n’en faut pas conclure qu’il aura aussi
peu de mémoire s’il est interroge par la justice el sur la foi du
serinent.
Au surplus, qui a dit au sieur Chambaud qu’il ne peut pas y avoir
d’autres témoins de ces faits que M. Pineau, et qu’il ne peut
pas se trouver d’autres genres de preuves, tels que des aveux
des uns ou des autres des artisans de cette manœuvre?
Mais tout n’était pas fini par cet acte de transfert, si 1 obligation
Fonghasse restait dans les mains de Girard ; comme le mauvais
état de ses affaires était à son combla, elle devenait la proie de
ses créanciers ; et le sieur Chambaud n’avait pas entendu tra
vailler pour la masse, mais bien pour lu i, pour scs parens et
scs amis.
Il fallait donc promptement sortir des mains de Girard cette
obligation Fonghasse.
Le sieur Chambaud, parent de l’intim é, était créancier comme
lui de Girard; il fallait sauver sa créance, et le tirer de la faillite
ou de la déconfiture qui était parfaitement connue de l’intim é,
et qui à chaque instant pouvait devenir publique.
En conséquence, il se fait céder à lui et à son .parent Chambaud
l’obligation Fonghasse, débarrassée des entraves de la veuve
Villevaud. , ■
L ’acte de transfert était du 27 janvier i 8 i 4*
L ’acte de cession est daté du 5 février suivant.
Mais, quand on voit que ‘c’est un acte passé devant le même
Chevalier, notaire, si peu délicat dans scs fonctions, et qu’il
était de la plus grande urgence de transférer, dans le moment
même en mains tierces, cette obligation Fonghasse, pour éviter
�?
'p
( 14 )
que l’acte fait avec la veuve V illevaud, ne fût connu par les
autres créanciers G irard , et que cette obligation ne lut saisie
par eux, on peut dire, sans être taxé d’incrédulité, que ce second
acte fut fait le même jour et dans le même instant que celui fait
avec la veuve Villevaud, parce que le second acte était la con
séquence immédiate du premier, et qu’il n’était que le corrollaire et le complément de ^opération.
A u surplus, rien n’était plus facile que de faire faire celte
cession le même jour à lui et au sieur Chainbaud, son parent,
attendu que l’un et l’autre n’avaient rien à débourser pour celte
cession ; car on lit dans cet acte que « la présente cession e§t
» faite moyennant pareille somme de 10,862 fr. 5o c., que ledit
» sieur Girard déclare avoir ci-devant reçue desdits sieurs Chain» b au d , dont quittance. »
Comment Girard avait-il ci-devant reçu des sieurs Chambaud,
cessionnaires, les 10,862 fr. 5o cent., montant de l’obligation
Fonghasse, qu’il leur cède? ce ne peut-être que parce qu’ils
étaient l’un et l’autre ses créanciers de cette somme.
Ils faisaient, à la vérité, un acte prohibé par les lo is, ^en ce
que le sieur Chambaud sachant que le mauvais état des affaires
de Girard était, y, son co m b le , il ne lui était pas permis de se
payer ni de faire payer ses parens et ses amis an préjudice des
autres créanciers ; cc p’était qu’une peccadille aux yeux de l’in
térêt personnel.
Tandis que si l ’on veut expliquer autrement cette quittance,
si le sieur Chambaud veut prétendre, comme il n’a ccssé de le
dire dans ses M ém oires, qu’il ne lui était rien dû par Girard
avant cet acte de cession, il est impossible de concilier cette
assertion avec la quittance qui constate qu’il n’a pas donné une
obole à Girard pour le prix de cette cession, et qu’il en avait
payé le prix antérieurement.
O ï» convient que la mention de la quittance est sincère pour
le sieur Chambaud, cessionnaire de l’intimé : pourquoi cette
mention serait-elle fausse pour lui ?
�<
)
L e sieur Cliambaud fait sur cette cession une version , q u i,
prenant pour une vei î t e , ne fait qn ajouter a ses torts.
Si^on/cn croit, dès que Girard se vit débarrassé des entraves
que la veuve Villcvaud était en droit de mettre à la libération
du sieur Fonghasse, il colporta son obligation chez tous les
capitalistes de Clermont pour se faire des fonds, et il ne put y
réussir.
Le sieur Cliambaud voulut bien se prêter à en accepter la
cession, de concert avec le sieur Cliambaud, son parent, qui
ne l’est plus aujourd’hui qu’au huitième degré ( 2e M éin ., p. 24.)
Ce qu’il en fit, ce fut pour obliger son protégé Bouchct, dont
toute la fortune était compromise pour avoir cautionné Girard.
E t c’est à cette occasion qu’il s’écrie : « Trompeuse sécurité! où
» n'aurait-elle pas conduit le malheureux Bouchct, si un ami
» plus sincère n'avait pas veillé sur lui? »
Cet arni plus sincère, c’était le sieur Cliambaud, qui prétend
n’avoir agi dans tout cela que dans l’intérêt du sieur B ouchct,
dont il voulait éviter la ruine.
Adoptons cette version: le sieur Cliambaud en sera-t-il plus
innocent aux yeux de la loi et de l’équité?
É tait-il plus juste de sacrifier la veuve V illcvau d, et de lui
faire perdre 10,862 f. 5o c. qui lui étaient assurés sur la maison
Fonghasse, pour les faire gagner à son parent Cliambaud, et
à son protégé, son secretaire, Bouchct?
Son action serait bien moins odieuse et bien plus excusable, s’il
avouait franchement qu'il a fait tout cela pour lui-m êm e et
dans ses intérêts, parce que c’est un sentiment qui est dans
la nature, Proxirnus sum mihi.
Mais, abuser de la faiblesse et de l’ignorance d’une malheureuse
paysanne, sans défenses, pour la dépouiller de toute sa fortune,
saus autre intérêt que de la faire passer à des étrangers, c’est
aggraver ses torts, et rendre la fraude plus odieuse.
Au surplus, le sieur Chambaud n’a pas travaillé en vain en se
faisant céder par Girard l’obligation Fonghasse, débarrassée des
entraves de la veuve Yillevaud; il n’a pas perdu un moment pour
�( i6 )
en faire le recouvrement ; il a poursuivi le sieur Eonghasse à
toule outrance , il lui a refusé impitoyablement jusqu’au moindre
délai; il a de suite mis sa maison, rue de la Treille, îfen Expro
priation forcée; elle a été vendue: il en a poursuivi l ’ordre, il
a été .colloque en première ligne; les bordereaux ont été délivrés,'
et il a touché, ainsi que le sieur Chambaud, son parent et son
concessionnaire, le montant de l’obligation en principaux intérêts
et frais.
Tandis que la veuve Villevaud a été recherchée par madame
Dalbial pour son acquisition du pré du Jîrciiil, e t, elle a été
obligée de la payer une seconde lois.
E t qu’à l ’égard du transfert de son hypothèque sur le domaine
de la Garandie ; outre q u e , par une manœuvre crim inelle, son
inscription n ’a été formée au bureau des hypothèques que plus
de trois mois après l’acte du 27 janvier 1814; ce fameux do
maine que le siepr Chambaud assurait avec tant de confiance,
par son écrit rapporté au procès , valoir 3o,ooo fr.', et n'être
grevé d ’aucune hypothèque , n’a été vendu que g ,000 fr., et se
trouve grevé d’un grandnombrc d’hypothèques légales, judiciaires,
et conventionnelles.
C ’est dans cet état de choses que faiTairc 5C présente à la Cour.
La veuve Villevaud demande à faire preuve des faits qu’elle
a articulé tant par litres que par témoins.
Le sieur Chambaud dit n’avoir coopéré en manière quelconque
à*l’acte de transfert du 27 janvier 1814, qu’il prétend lui être
absolument étranger, et avoir été fait à son. in sçu , sans son con
cours et hors sa présence.
La veuve Villevaud rapporte un écrit du sieur Chambaud, qui
contient la preuve contraire.
E lle rapporte le premier Mémoire du sieur Chambaud, signifié
au mois d’août 1820, qui contient les aveux les plus précieux
sur toute sa conduite dans cette affaire, qui prouvent qu’il était
parfaitement instruit que le mauvais état des affaires de Girard
était il son comble , lorsqu’il lui a confié son projet de faire
�w*
*•
( 17 )
renoncer la veuve Villevaud à son hypothèque sur ]a maison
Fonghasse;
Qiii prouve que lui, sieur Cliambaud, premier confident de ce
projet, est devenu l’agent de toute cette intrigue, et que c’est
par son fait qu’ elle a été mise à fin, au préjudice de la veuve
.Villevaud dont elle a opéré la ruine.
Com m ent, dès lo rs , peut-on refuser à la veuve Villevaud la
preuve testimoniale qu’elle sollicite avec tant d’instances depuis
le commencement de cette contestation?
Si
on consulte le texte des lois, nous lisons dans l’art. i 348
du Code civil, que les règles, établies sur l’inadmissibilité de la
preuve testimoniale, reçoivent exception lorstjft’il s’agit d’olili-* '
gâtions qui haïssent Vie contrats, et* de*délits itt iptasi délits. ■ .
E f”dan$ Faïf. T S .^ -q u e ' Pj
^ ct'ptm m esl-adm isc lorsque.
l'acte ¿si attjfffué pouf- cMï£k d e'd o l'eï de'frandéï
O n retrouve les mêmciT’ prinerpes'•'datis-Hous J e s .auteurs
\^
ont traité ja.*nalieret ‘
/
v
JVlaÿs ne. s’agît-il que des’ faits Oitl;intrires,»éti-aftgers au dol et,à
la fraijde? Ù^sfifliV qù'xT existe des pr^uY.evécriteSjdc ces faits v
ÿu" Kesoiri*, pôhfrai-Cnt «opérer J3 .co ^ ic^ io ^ in iais qu’ôn ’ ,
V s
♦vpiii bieii ne* coniiaétCt^iCi qn U CiW} nie ^est com 1nci 1ce 111ens de *’ *'
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T------1- ' ---- L ’a^t“^ ^U-4Slrft ao.*le J ’ordonnançe^dc, 1 GG ^adin& w ln^cuve*
testimoniale dans lés cas ou elle est jffoTiibïTtr,* loislju d—
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existe un commencement de preuve par
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G’est donc uiu point de legislà\feîf*â t a b r i de to o te-céh traV £
diction*.* *
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' ' ’O n cr3i f dtîvbii* Faissoi» au* d4|jpjn5Cll?^Ç.U:t»ve,^Xc. -VillcYaucl-,
^
le soin de donner à l’audience tout le développement dont ces
principes sont susceptibles.
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«»v**» A
�( 18 )
La veuve Villevaud terminera sa discussion
qu’elle a faite en commençant.
Elle articule contre le sieur Chambaud des
de son intérêt que ces faits soient éclaircis:
rien à se reprocher, est fort de sa conscience
lumière.
par une réflexion
faits graves ; il est
l’homme qui n’a
et ne fuit pas la
Me BOIROT, ancien Jurisconsulte.
Me VEYSSET, Avoué
/*> x Cutt~. Ovxa. Cl*, j CvJk
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A. CLERMONT - FERRA N D , DE L’IMPRIMERIE DE PELLISSON, IMPRIMEUR.,
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.A U C O IN D E S R U E S
C4 mm<mAuiw <a»W*. ii» ^ iù 4 u».
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S A IN T -G E N E S E T S A IN T -E S P R IT
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Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
[Factum. Aubignat, Jeanne. 1822?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Boirot
Veysset
Subject
The topic of the resource
notaires
dol
biens nationaux
créances
hypothèques
magistrats municipaux
abus de faiblesse
conscription
fraudes
illettrisme
doctrine
faux
experts
arbitrages
notables
domaines agricoles
opinion publique
chantage
infirmes
banqueroute
Description
An account of the resource
Titre complet : Réponse pour Jeanne Aubignat, Veuve Villevaud, Appelante ; contre Le Sieur Chambaud, Adjudant Commandant, Officier de la Légion-d'Honneur, ci-devant Maire de Chamalières et Royat, Intimé.
Annotations manuscrites. Arrêt de la 1ére chambre, 1822, arrêt complet.
Table Godemel : Dol : 3. lorsque les faits mis en preuve auraient, s’ils étaient prouvés, le caractère de dol, fraude, séduction et violence mis en usage dans la vue d’engager une partie à abandonner ses droits, pour en profiter à son préjudice ; les juges peuvent admettre la preuve testimoniale, aux termes des articles 1116 et 1382 du code civil. – on ne peut opposer, en ce cas, les dispositions de la loi qui interdisent toutes preuves contre les conventions faites entre parties ou contre des obligations dont l’objet excéderait 150 francs, parce qu’en matière de fraude, dol, séduction et violence, il ne dépend pas de la partie contre laquelle ces moyens ont été pratiqués, de se procurer une convention ou des preuves qui aient pu l’en mettre à l’abri.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Pellisson (Clermont-Ferrand)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1822
1791-1822
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
1814-1830 : Restauration
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
18 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2616
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2615
BCU_Factums_G2614
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53531/BCU_Factums_G2616.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Royat (63308)
Chamalières (63075)
Clermont-Ferrand (63113 )
Aydat (63026)
Lagarandie (domaine de)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
abus de faiblesse
arbitrages
banqueroute
biens nationaux
chantage
conscription
Créances
doctrine
dol
domaines agricoles
experts
Faux
fraudes
hypothèques
illettrisme
infirmes
magistrats municipaux
notables
notaires
opinion publique
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53561/BCU_Factums_G2805.pdf
4020a4866c4c888127e012cc3695ef5e
PDF Text
Text
^
iff:
—
COUR R O Y A L E
MÉMOIRE
DE
RIOM.
POUR
PR EM IÈRE c h a m b r e .
G ilb e rt et Louis-Etienne GUESTON, Pro
priétaires; Françoise GUESTON, et JeanPourçain CAUSSE, son mari,
Proprié
taire et Docteur en médecine, Appelans de
jugement rendu par le Tribunal civil de
Moulins, le 28 avril 1 8 3 6 ;
CONTRE
L éonard CANU, Intimé.
D e u x jugemens du tribunal civil de Moulins sont en présence d ans
cette cause ; l'un du 19 août 1816, qui, après l’emploi des fo rm a lités
prescrites par l’art. 467 du Code civil, homologue une t ra n sa ctio n
faite par un tuteur; l'autre t de 1 8 3 6 qui annule cet acte , parce
que , d it-il, c était un partage et non une transaction.
A insi, deux jugemens du m ême tribunal ont différemment qua
lifié l'acte qui fait le fondement du procès : le premier y a reconnu
une transaction et l’a hom ologuée, à une époque où le tribunal était
�*
V
— 2 —
chargé par la loi d ’en examiner les caractères, de le qualifier com m e
il devait l’ê t r e , et de n’y mettre le sceau de son autorité que lors
qu’il aurait reconnu que le mineur avait avantage à transiger ; le se
cond , mettant à l’écart le jugement d ’homologation , et ne voyant
qu’u a simple acte de la juridiction volontaire, en a prononcé la
nullité , à une époque où il semble que , d’après les lois , il n ’avait
aucune autorilé pour examiner les caractères déjà fixés et reconnus
de cet acte, et ne pouvait l’annuler q u ’aulant q u ’il n’aurait pas été
accompagné des formalités prescrites par la loi pour l’espèce d ’acte
qu ’on avait voulu faire, et que le tribunal de
i 8 jG
avait autorisé.
Ce n’est pas la seule erreur de ce jugement.
Léonard Canu réclame une part de succession y comme enfant na
turel du sieur Gueston. O r , en reconnaissant que les droits de l’in
tim é , comme enfant naturel, étaient contestés; que son id e n tité ,
sa qualité, elle-m êm e, était en litige; q u ’en la supposant ré e lle , on
lui contestait, encore, le droit de critiquer des actes passés antérieu
rement et de bonne foi entre le père et ses enfans légitimes , le tri
bunal de Moulins n ’a pas voulu voir une transaction dans le traité
par lequel on-lui accordait une somme de 3 ,ooo fr. pour éviter un
procès sur ces questions graves, q u i , en compromettant les intérêts
desparties, tendaient à accuser, d ’une part, et à justifier, d<^l’a u tre ,
la mémoire du sieur Gueston.
Allant plus loin enco#re , il a décidé que toute transaction, fût-elle
sincère et de bonne fo i, ne pouvait être considérée que comme un
partage, si elle faisait cesser l’indivision; que la cession de droits
successifs, elle-même, perdait son caractère, d ’après l’article 888 du
Code civ il, touLes les fois que le vendeur demeurait garant d ’autre
chose que de sa qualité d ’héritier.
Enfin., et quoique , dans l’espèce , Léonard Canu , pour lequel 011
a a ccep té, avçc autorisation régulière, 3^000 fr. par forme de tran
saction, n\iût garanti, ni la qualité du droit, ni le droit' lui-même ,
ni,la qualité qui lili était contestée, et quoique tout cela résultât du
niêwe î)cto i le tribunal a décidé q u ’on devait y supposer ou y voir
�— 3 —
la vente des droits* certains déterminés 3 et le résultat d’un .partage
préexistant.
S ’arrogeant ainsi nne autorité supérieure à la sienne p r o p r e , et le
droit de contredire ce que lui, ou ses devanciers, avaient fait en 18 16,
il a déclaré nulle la transaction faite avec un mineur ;
Q uoiqu’il y eût matière à transaction , et transaction réelle sur des
points en litige , lesquels portaient sur les fondemens même du
droit prétendu pour le mineur ;
Quoique le besoin et les avantages de cette transaction eussent été
reconnus par un conseil de fam ille, et par trois jurisconsultes nom
més par le procureur du roi ;
Q u o iq u e , enfin , le tribunal co m p étent, le même tribunal, il faut
le dire , alors chargé par la loi d ’apprécier le mérite de cet acte , de
l’autoriser ou de l’empècher , l’eût homologué purement et simple
ment comme transaction, après l’observation de toutes les forma
lités prescrites.
De si graves erreurs devaient être signalées à la haute sagesse de
la C o u r, et nous lui en soumettons l’examen avec confiance. Les
faits et les actes nombreux qui constituent cette cause , les questions
assez piquantes qu’elle fait naître ou apercevoir, nous entraîneront
dans quelques détails. ¡Nous tâcherons de les abréger et de les pré
senter clairement. Elle a d ’ailleurs pour les intimés une importance
morale qui réclame spécialement l’attention.
FAITS.
I'rançois Gueston , père et beau-père des appelans, avait contracté
mariage avec Françoise lîarathon-Desgranges le 14 juin 1790. Ils se
soumirent au régime de la communauté, q u i , d ’ailleurs, à cette
époque , était la loi établie par la Coutume du Bourbonnais. La femme
avait des biens assez considérable^
Françoise Barathon décéda en 1 7 9 6 , l a i s s a n t e s trois enfans en
bas âge. Le m a ri, survivant, ne fit ni inventaire ni acte equipollent,
�— 4 —
et la communauté continua avec ses enfans , conformément à la
Coutume.
François Gueston resta ve u f, dans la force de l ’âge. Ses enfans
n ’ont pas à rechercher si les passions de la jeunesse l ’entraînèrent à
quelques écarts; ils mettraient bien plutôt du prix à couvrir de leur
respect des faiblesses qui ne sont que trop dans la nature, si la nais
sance d'un enfant naturel reconnu par lui à une époque plus recu
lée , et dont l ’origine est encore un mystère, n ’était la cause unique
de ce procès.
Marie Brunet était entrée chez lui assez jeune. Deux fois elle avait
été renvoyée et reprise. Sans nous jeter dans des conjectures, sans
adopter comme vrais des bruits publics plus ou moins vraisem
blables , et dont le souvenir existe encore dans le p a y s , nous nous
arrêterons à des faits matériels résultant des actes qui constituent le
procès , et nous ne remonterons pas plus haut que le fait qui lui a
donné naissance. Nous nous bornerons à dire q u ’après avoir ren
voyé Marie Brunet, une première fois, de son service, en 1808, Fran
çois Gueston la reprit en 1 8 1 0 , et la garda très-peu de temps.
Jusque l à , il n’avait pas manqué de tendresse envers ses enfans;
ils s’empressent de reconnaître qu ’il leur avait donné tous les soins
q u ’exigeait leur âge, et n’avait rien négligé pour leur éducation.
Mais leur retour des pensions dans la maison paternelle , leur âge
plus avancé, leur intelligence plus développ ée, qui pouvaient deve
nir un peu gênans pour lui ; enfin , l’approche de leur majorité , au
moins celle du fils aîné, qui faisait apercevoir la possibilité qu ’il eût,
bientôt, à rendre un compte de tutelle et de communauté, ame
nèrent chez lui quelques inquiétudes qui changèrent sa manière
d ’être envers ses enfans. Les moindres ch ose s, leur seule présence
lui faisait ombrage ; et en certains momens, où son esprit ne pouvait
pas être c a lm e , il allait jusqu’à menacer de faire disparaître sa for
tune , q u i, d isa it-il, lui apparjenait d ’autant plus exclusivement
qu ’elle était le fr& t de son industrie.
I ù n 8 i a , le fils aîné, devenu majeur, fut effrayé de cet état de choses.
�— 5 —
Il pensa à réclamer ses droits ; mais les menaces q u ’il avait enten
dues , l’empire qu ’on exerçait sur son père , la facilité qu ’on avait
d’influencer, surtout dans certains niomens, un homme qui autre
fois était un exemple de re te n u e , lui firent craindre que s il formait
une demande sans autre précaution, sa fortune mobilière ne disparût
d ’un coup de main. Copropriétaire par suite de la continuation de
communauté , il requit une apposition de scellés. Cette démarche
un peu bru sq u e , peut-être, à raison de sa qualité de fils, dut empi
rer la situation respective.
Au commencement de i 8 i 4 > Marie Brunet demeurait au Montetaux-Moines; elle y avait fait connaissance avec Gilbert Fratissier,
qu’elle épousa plus tard. Dans le cours de la même année , elle ren
tra chez le sieur Gueston. Â.lors elle était en ce in te , c ’est un fait po
sitif, soit que l’enfant dont elle accoucha plus tard fû t , en réalité,
Léonard C anu, dont la naissance fut constatée le 23 octobre 1 8 1 4 *
ou que son enfant fût né mort à une date différente , comme on le
croyait dans le pays. Quoi q u ’il en soit, les î g et 23 octobre, deux
actes indiquèrent légalement la naissance d’un enfant dont l ’origine
fut laissée dans les ténèbres.
Sur le registre matricule des enfans trouvés de l’hôpital-général
de Moulins, ou trouve cette insertion :
« IS'° 797. Léonard C a n u , apporté au berceau le 19 octobre 1 8 1 4 ,
» âgé d ’ un jo u r , confié le 19 dit h Françoise L o m e t, femme de Jean
» ll é n a u d , commune de Trévol. »
Et sur le registre double des naissances de la ville de. Moulins ,
pour 1 8 1 4 * on tro u ve , à la date du 23 o c to b r e , un acte qui constate
q u e , ce jour-là m ê m e, 23 octobre, Catherine ll i b i e r , préposée de
l’hôpital-général, a présenté un enfant nommé Léonard C a n u , dgé
d un jo u r , trouve exposé dans le berceau dudit hospice ; en sorte
que ce serait le infime enfant qui était âgé d ’un jour le 19 , et envoyé
le i g à l r e v o l , qui est présenté à la mairie de Moulins le 2 0 , comme
âgé d ’ un jour.
Nous oc relevons cette circonstance que comme étant le commen-
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cernent des singularités qui ont accompagné tous les actes dont ce
Léonard Canu a été l’objet. Au reste, on y remarque que cet en
fant n ’est reconnu par personne ; q u ’il a été exposé sans aucune
marque distinctive , comme le dit le procès verbal. S ’il était l’enfant
de Marie Bru net ; s i , ce qui était bien plus douteux encore , il était
celui de François G ueston, il faut convenir que ce prétendu père
n’avait pas eu la pensée de le réclamer un jour. L e procès v e r b a l,
en indiquant minutieusement tout ce qui avait été trouvé sur l ’enjfant : un drapeau, une bourrasse, une chemise 3 une brassière et deux
bonnets t sans autres marques distinctives qui puissent donner des renseignemens sur sa naissance, démontre que le nom Léonard Canu
ne lui avait été donné q u ’à l’hospice ; en sorte q u ’il ne restait aux
véritables parens de cet enfant aucun moyen de le reconnaître parmi
ceux qui pouvaient avoir été déposés à la même époque.
Peu de temps après, et au mois de janvier 1 8 1 5 , nous trouvons
des actes qu ’il faut nécessairement connaître, et surtout bien ap
précier. Que Léonard Canu fût l’enfant de Marie B run et, ou qu ’elle
l ’eût supposé ; qu’il fût le produit des œuvres du sieur Gueston , ou
de tout a u tre , il est certain, il est notoire dans le p a y s , que le sieur
Gueston était vivement persécuté par Marie B r u n e t, pour en obtenir
quelque chose; q u ’il y avait eu entre eux des scènes violentes ( on le
prouverait au b e so in ); q u ’enfin le sieur Gueston avait fini par aper
cevoir qu'on l ’irritait mal à propos, q u ’on l’entretenait dans de
fausses et déplorables démarches contre ses enfans, et q u ’en deve
nant injuste à leur égard, il s’éloignait pour lui-mcrne de tout ce
qui fait le bonheur de la v i e , en se laissant captiver par Marie Bru
net. 11 sentit le besoin de sc défendre et des violences et des sé
ductions qui l ’entouraient.
Au mois de septembre 1 8 1 4 • H avait acheté du sieur Renaud de
B o i s r e n a u d la propriété de Sciauve. Il n ’en avait pas payé le prix
(4 8 ,oo o fr. ) , et le devait en totalité; il ne p o u v a it pas le payer avec
ses ressources personnelles, surtout à la compagnie de Marie Bru
net. Le i 4 janvier i 8 i 5 , il en lit la vente à ses enfans, en même
�— 7 —
temps que (le ses autres biens. Les deux frères majeurs y assistèrent
Françoise Gueston, leur sœur, mineure émancipée, e t , se P5Uj¿atlt
torts pour elle, promirent sa ratification à sa majorité. La vemfe fut
laite moyennant certaines réserves de jouissance, pour la vie du
vendeur, et à la charge de p ay e r, 1*48,000 francs au sieur de
Boisrenaud et les intérêts depuis l’acquisition; 2° 10,000 fr. au sieur
Alibert; 3° 3,ooo fr. de pension viagère au vendeur, et sa provision
de bois à brûler. E n fin , le sieur Gueston y impose à ses enfans une
condition que nous devons transcrire littéralement.
« A la condition très-expresse que lesdits biens cédés seront par» tagés avec ceux de la mère des acquéreurs , et ce par égalité entre
» ses trois enfans; qu ’à cet effet, il en sera fait trois lots les plus
» justes et les plus égaux possibles , de manière que les deux lots qui
» comprendront, l’ un, le château et la réserve de Sciauve; et l ’autre,
» la terre des S a lles, seront attribués aux deux garçons, vo ulan t,
» ledit sieur Gueston p è r e , que si l’un des enfans contrevient à cette
» clause, et q u e , dans l’année de la majorité de sa demoiselle, ses
» enfans ne lui rapportent pas l’acte de partage portant attribution
» des deux lots ci-dessus, le présent demeurera nul et non avenu ;
» e t , dans ce cas, ledit sieur François Gueston dispose au préjudice
» du contrevenant à cette clause, et au profit des non contrevenans,
» de la portion disponible de ses b ien s, en meilleure forme que
» donation puisse valoir, la présente clause étant acceptée par ses
» enfans. *
On voit parfaitement ici le but et 1esprit de cet acte. L e sieur
Gueston voulait transmettre à ses enfans une propriété dont il devait
le prix et qu’il ne pouvait pas payer; il voulait qu ’ils acquittassent,
pour lui, une somme de 10,000 francs ù un, tiers; enfin, il voulait
faire entre eux une sorte de partage et attribution de lo ts, autant,
cependant, que pouvaient le permettre les conditions onéreuses q u ’il
leur im posait, et qui ôtaient h sa disposition le caractère de pure
libéralité. Il faisait, d ailleurs, cette disposition entre scs■
enfans, ses
deux garçons, sa fiUc» comme u a homme qui n’avait pas d ’autre
�— 8 —
enfant ayant droit à une réserv e, ni qui pût porter la moindre at
teints à la distribution q u ’il faisait de sa fortune. Il ne connaissait
pas
en effet , il ne pouvait pas connaître Léonard Canu , cet
enfant exposé au bac de l’hospice de Moulins, à une grande dis
tance de son dom icile, sans aucune marque distinctive, et sans que
rien pût lui indiquer qu ’il était le sien ni même celui de Marie Bru
net. S ’il fallait d ’ailleurs s’en référer aux bruits qui coururent alors,
Marie Brunet se serait accouchée sur les lieux et non pas à Moulins ;
l’accouchement aurait eu lieu à une époque postérieure au 18 oc
tobre ; enfin, elle aurait mis au monde un enfant m o r t- n é , ou né
m o rt, et non Léonard C a n u , vivant depuis le 18 ou le 23 o c to b r e ,
comme on voudra. Il ne faut donc pas s’étonner que le sieur Gueslon ne pût ni ne voulût le reconnaître. D ’ailleurs, l ’ acte du i 4 jan
vier est reçu par le sieur Boucaumont-Marzat, notaire de la famille,
au château de Sciauve, avec tous les caractères de l’authenticité.
Toutefois, placé dans cette position difficile d ’un homme qui a ,
d ’un côté , ses onfans légitimes pour lesquels il éprouve le sentiment
du père de fam ille, e t , de l ’autre, une personne du sexe vers la
quelle il a été entraîné par son isolem ent, et qui exerce encore sur
lui une sorte d’e m p ire, il ne p ut, en rendant justice à ses enfans , et
en se mettant lui-même dans l’heureuse impossibilité de les priver
de sa fortune, se défendre de subir et de leur imposer quelqnes co n
ditions. Ici se présente un fait que nous ne devons pas laisser ignorer.
Trois jours avant cet a cte, et le 11 du même mois de ja n v ier,
Marie Brunet s’était présentée à l’hospice de Moulins; elle y avait
réclamé Léonard Canu comme étant son enfant, et il lui avait été
remis par une sœur de l’hospice. Rien n ’était plus facile : l'adminis
tration publique comme celle de l’hospice y trouvaient tout h la fois
l ’intérêt de l’enfant et le le u r ; celui de l ’enfant, puisque, obligé q u ’on
était de le livrer àdes mains mercenaires, une femme qui se présentait
comme sa mère était préférable; l’intérêt de l’administration, puis
q u ’elle était déchargée des frais de nourriture , d ’entretien et d ’édu
cation. On sait, d ’ailleürs) combien l’administratiou prcnd de soins
�— 9 —
pour connaître les parens qui font déposer des enfans 'au berceau
des hospices, et pour les forcer à les reprendre. A plus forte raison
autorise-t-elle à les leur remettre , lorsqu’ils se présentent d’euxmêmes, et que ce no sont pas des gens sans aveu. La commission
administrative de l’hospice n’avait donc pas dû hésiter, sans avoir b e
soin de demander à Marie Brunet des preuves de son assertion.
Celle-ci avait pu , au surplus, choisir cet enfant comme tout autre
parmi ceux déposés satis aucune marque distinctive ; et si, en géné
ral , il y a beaucoup plus de ceux qui cherchent à se débarrasser de
ces fruits du libertinage que de ceux qui cherchent à se les appro
p rier, il n’est pas sans exemple q u ’ils deviennent un objet de spécu
lation. Cela put arriver dans l ’espèce; et nous verrons, par la suite
des faits, qu ’on en eut la p en sée, et qu ’on en éleva la question lors
de la transaction qui a donné lieu au procès.
Si Léonard Canu était l’enfant de Marie B r u n e t , il y avait quel
que chose d’extraordinaire à le lui voir retirer de l’hospice moins
de trois mois après l’y avoir déposé; aussi pensait-on généralement,
alors , qu ’elle avait pris un enfant à l’hospice pour s’en faire un
moyen à l’égard du sieur Gueston. 11 y avait quelque chose d’ingé
nieux à cette manœuvre pendant qu’on préparait les élémens de
l’acte ; et c ’était une adroite diversion, au moment même où il allait
être consommé, que de jeter au milieu de ces négociations un enfant
que Marie Brunet s’appropriait. 11 servait merveilleusement scs vues
en embarrassant le sieur Gueston de sa présence en même temps
que de ses réclamations. Quoi qu ’il en soit, le même jo ur, i 4 jan
vier, les enfans donnaient la déclaration suivante :
« Nous soussignés, Gilbert etLouis-Llienne G ueston, demeurant
» dans la commune de Meillet, et demoiselle Françoise G ueston,
® dememant en la commune de Saint-IIj'laire , reconnaissons devoir
» à M arie Brunett hlle majeure , demeurant en la commune de
» M urât, la somme de deux mille lrancs pour elle et son enfant na» tu re l, seulem ent, aux conditions ci-après, et ce par pur don et
• » par forme de récompense de ses services, pour laquelle somme
2
�— 10 —
» nous sommes convenus de lui servir et faire une pension viagère
» de trois cents francs, tant à sou profit q u ’au profit de Léonard Canu,
» son fils n a tu re l, né le 18 octobre 1 8 14 > lequel elle a retiré de
» l'hospice, le i l janvier présent mots, avec convention que si ledit
» enfant parvient à la g e de d ix - h u it a n s , ladite pension cessera
» d’avoir lieu sur la tète de Marie B r u n e t, et appartiendra en totalité
* raudit Léonard C anu, auquel cas nous nous obligeons de la payer ;
» mais s’il décède sans s’établir, après les dix-huit a n s, et que Marie
» Brunet, sa m è r e , vive, nous nous obligeons de continuer ladite rente
» sur la tête de M arie Brunet ju sq u ’ à son décès............ « Cette décla
ration est ensuite approuvée par les trois enfans, quoique écrite d ’ au
tre main.
11 n ’est pas difficile de découvrir la pensée qui a présidé à cet
acte. Ou on n’ose pas demander au sieur Gueston qu ’il reconnaisse
cet enfant dont l’origine est couverte de ténèbres, ou si on le de
mande, il le refuse. II estentouré de sa famille, de ses enfans, moins
exposé à la séduction, à la contrainte. T ou tefo is, à la suite de quel
ques familiarités avec Marie Brunet, et sans examiner si' 1enfant q u ’elle
présente comme le sien, est ou non celui du sieur G ueston, ni lui
ni ses enfans ne reculent devant un sacrifice purement pécuniaire.
Cette déclaration peut d ’autant moins avoir un autre b u t, que per
sonne n y intervient, pas mèinc Marie Brunet, pour y donner un état
à cet enfant. Elle-même n’accepte pas la disposition, qui demeure
avec le simple caractère d ’acte unilatéraf, sous seing prive, quoique
contenant un don purement gratuit’, qui renferme , par co n séqu en t,
une simple obligation morale plutôt qu'un contrat réel et légalement
consenti. Reconnaissons ici que si François .Gueston eut cru que
cet enfant était le sien, et q u ’il eût voulu le reconnaître , il n ’a u ra it
pas manqué d’ajouter q iw l entendait le réduire à cette pen sion,
conformément à l'article
t
du Code
civil. On ne peut pas
en douter; et l’acte témoigne assez nettement de cette volonté. 11
prouve plus, encore , puisqu’il est exclusif d ’une reconnaissance
que François. Gueston îuÎ refuse. D eux jours après, un no uvel'acte *
�— il —
se passe; nous devons encore en faire apercevoir les singularités.
. Nous avons dit qu ’au commencement de 1814 » Marie Brunet de
meurait au M ontet, et y avait connu Gilbert Fratissier. L e 16 jan
vier i 8 i 5 , elle passe avec lui son contrat de mariage; il constate
que son père était encore vivant, et qu elle n ’avait pas recueilli sa
succession.
« Elle se constitue les biens et droits qui lui sont échus par le décès
» de Marie M ica u d , sa mère ;
v E t , de son ch ef, une somme de deux mille cinq cent cinquante
* francs; savoir : 2 ,3 5 o fr. numéraire, par elle à Cinstant comptés
» et réalisés en espèces d ’or et d'argent ; et 200 francs de meubles
» consistant en un lit de plume et couverture avec traversin, une
» armoire en cerisier, quatorze draps de lit, deux nappes, neuf ser» vieltes et treize aunes de toile b la n c h e , au petit étroit. Dans l’ar» moire ci-dessus sont les rob es, habillemens, linges et bardes de
» la future é p o u se , non compris dans les sommes ci-dessus ¿et qu elle
* n ’ a voulu détailler ni faire estimer par les présentes. ■
>
Elle déclare que le tout provient de ses épargnes , gages et écono
mies. Elle déclare , en o u tr e , avoir une petite pièce de terre en jar
din , située à Mural, en valeur de 200 fr.
On voit q u ’indépendamment des 5 oo fr. de rente viagère promis à
Marie Brunet et à l’enfant, le sieur Gueston ne faisait pas trop mal
les honneurs du contrat de mariage, qui, toutefois, se passait hors sa
présence, devant M‘ P la ce , notaire au Montet. 2 , 35 o francs et des
meubles, d’une part, 3 oofr. de rente viagère de l’autre, une quantité
de linge qui demeure inconnue, parce que Marie Brunet n'a voulu
ni le detailler ni le faire estimer. Dans toute supposition, il n’avait
pas été déraisonnable.
Après cette constitution, le contrat renferme la clause suivante :
« La future epouse nous a requis de déclarer en ces présentes
» qu’elle est m è r e , depuis environ trois m ois, d ’un enfant mâle
» nommé Léonard C anu, suivant l’acte de naissance dudit enfant,
» constaté par M. le juge de paix du canton de Moulins, partie de
�— 12 —
i l’ouest, le 19 octobre 1814 5 extrait duquel acte lui a été délivré le
» 10 janvier, présent m o is, par M. Ripoud l’aîné, adjoint à la mairie
» de Moulins; voulant ladite future que ledit enfant soit, par cespré» sentes, et ainsi qu’ elle se propose de le réitérer par l ’acte civil de
» son m ariage, légalement et authentiquement reconnu comme son
» enfant légitime, et qu'il lui succède conjointement et par égales
» portions j avec les autres enfans quelle pourra avoir du mariage q u ’elle
a se propose de contracter ; voulant q u e , dans le cas où elle 11’en
» aurait pas d'autres, ledit Léonard Canu lui succède en totalité, et
» soit reconnu pour son iicritier universel de tous les biens dont elle
s mourra vêtue et saisie. »
Il faut en convenir : le futur époux qui consentait à une pareille
insertion dans son contrat de m ariage, si cet enfant ne provenait pas
de ses œuvres , n'était pas dominé par le respect humain. Tout
homme du p eu ple, si bas placé qu’il fût par la fortune , et s’il avait
conservé quelque chose de l'hom m e, 'n’aurait pas voulu constater
ainsi, par l’acte môme de son mariage , le déshonneur de celle à la
quelle il allait s’un ir, et sa propre immoralité ; car il y avait immo
ralité notable, si cet enfant n’était pas le sien, à consigner ce té
moignage dans cet acte solennel, pour que ses enfans et sa famille
l ’y retrouvassent à jamais. Cela n ’est pas dans la nature de l’hom m e
honnête. Dans cette supposition, quel jugement faudrait-il donc por
ter et de l’homme qui accepte une pareille condition, et de la femme
q u i, avec 0,000 fr. au m oins, des im meubles, du m obilier, un via
ger de 5 oo fr. et des droits successifs, ne trouve q u ’un pareil époux?
Où trouvera-t-elle le droit de dire à un tiers q u ’un enfant q u ’elle
vient de retirer d ’un hospice lui appartient, s i , d ’ailleurs, il n ’existe
pas de signes certains auxquels on puisse le reconnaître?
Mais cet acte fait plutôt croire que le futur époux était le père de l’en
fant, à supposer, toutefois, q u ’il pût s’en assurer. C ’est à cette pen sée’
plus morale que tendent toutes les expressions de la clause que nous
venons de transcrire. Comment, en elfet, si elle n’avait pas dominé les
esprits, y aurait-oa écrit que Marie Brunct reconnaissait Léonard
«I
�Canu comme son enfant légitim e? Comment y aurait-on stipulé qu’il
lui succéderait conjointement et par égale portion, avec les autres
enfans q u ’elle pourrait avoir du m ariage, et q u ’au cas où elle n’en
aurait pas d'autres, il lui succéderait pour le tout, et serait son hé
ritier universel? Com m ent, sans ce la , le futur époux aurait-il con
senti à le mettre sur la môme ligne de légitimité et de droits successifs
que ses propres enfans? Y a-t-il rien de plus expressif que ces ter
mes : Son enfant légitime............ .. qui succédera par égalité avec les
autres en fa n s.............. du mariage? Il n’y avait que la paternité de
Fratissier qui pût produire de semblables résultats ; et aussi s’em
presse-t-on de dire que la reconnaissance sera réitérée par l ’acte civil
du mariage ; pensée monstrueuse, si ce n ’était pas pour l’attribuer
au futur époux.
Celte réitération, il est v r a i , n ’a pas eu lieu dans l’acte civil de
célébration, et Fratissier n’a jamais reconnu l’enfant. Un instant de
réiléxion avait suffi à Marie Brunet pour en écarter la pensée. Elle
songea que quelque moment se présenterait o ù , trouvant le sieur
Ciucston livré à lu i-m ê m e , elle pourrait reprendre/ses moyens de
séduction, et l’amener à une reconnaissance , moins sans doute dans
l’intérêt moral de Léonard Canu, que pour en tirer quelque chose de
p lu s , soit pour l u i , soit pour elle-même ; car elle savait très-bien
stipuler les conditions à son profit. Poursuivons.
Le 16 février, elle se présente devant Boucanm ont, notaire. Elle
lui dépose l’acte sous seing privé du i4 janvier, et en fait acte d’ac
ceptation authentique ; acceptation complètement inutile sous deux
rapports différons ;
Inutile dans toute supposition, si elle ne comptait pas sur la fidé
lité des enfans Gueston à tenir leur promesse, puisque l'acte n’était
pas valable légalement ;
Inutile e n c o r e , si on pouvait obtenir plus tard la reconnaissance
du sieur G ueston; car, en ce cas, on était bien obligé de recon
naître qu ¡1 faudrait abandonner la pension, ou l’imputer sur la por
tion réservée par la loi à l’enfant naturel reconnu.
�-
H -
Cet acte n ’était donc q u ’une précaution pour s’assurer la pension',
au cas où on ne pourrait pas obtenir la reconnaissance. Cette pré
voyance est demeurée sans effet. L e 5 o mars
i
8 i 5 , moins de six se
maines après, Marie Brunet parvint à obtenir la reconnaissance du
sieur Gueston.La forme de cet acte est encore bonne à considérer. Le
sieur Gueston n ’y figure pas seul : Marie Brunet y comparaît avec lui
pour y répéter une reconnaissance désormais inutile, après l’avoir
faite dans le plus solennel et le plus authentique de tous les actes ;
mais sa présence était nécessaire pour que François Gueston accom
plît ce qu ’on voulait de lui. Aussi n ’est-ce plus le notaire de la fa
m ille, à Montmaraut, qui la reçoit, mais bien celui qui avait reçu
Je contrat de mariage des époux Fratissier ; e t, pour cela, le sieur
Gueston se transporte au Montet. I c i , on ne peut s’empêcher de re
marquer q u ’après une reconnaissance formelle et très - suffisante,
faite dans cet acte même par Gueston et Marie B run et, « qu’ ils ont
» donné l ’ un et l ’autre le jou r à Léonard Canu , suivant l’acte de nais» sance dudit enfant, du 19 octobre 1 8 1 4 >dont copie a été délivrée
» par Ripoud, adjoint, » on met dans la bouche de chacun d ’eux une
déclaration particulière ;
D ’abord, par Marie B ru n et, une réitération expresse de la recon
naissance portée dans son contrat de mariage ; chose fort inutile as
surément , si ce n'est pour amener celle qui la suit.
■ Et, enfin, une réquisition spéciale, par le sieur Gueston au notaire,
de recevoir sa déclaration publique et authentique, et de la rédiger
par acte en forme , chose pour le moins superflue , à côté de cette
déclaration en forme déjà écrite par le notaire, et qui serait absurde,
si immédiatement on n ’avait ajouté, o u , pour mieux dire , échappé
Je véritable motif de cette répétition surabondante :
»
A fin que ce môme enfant put recueillir dans sa succession l’ intégra <■
litédes droits que les lois accordent aux enfans naturels reconnust
s a n s rn É J U D icE d e s a u t r e s d i s p o s i t i o n s
e t ce
qui peuvent avoir été faites en
sa faveur. »
A insi, toujours le même but de la part de Marie B run et, prendre,
�recevoir et tirer à soi. A rg e n t, m obilier, r e n t e , tout cela ne suffira
pas ; il faudra d’autres promesses. Elle a voulu, par son propre contrat
de mariage, que l ’enfant qu ’elle a v a i t auparavant fût considéré comme
légitime; qu ’il partageât par égalité avec tes autres enfans q u e lle
pourrait avoir de son mariage; aujourd'hui, elle n’ose pas le quali
fier légitime à l’égard du sieur Gueston , ce qui serait absurde ; mais
elle veut, et elle lui fait dire qu ’il aura l ’ intégralité des droits de
l’ enfant naturel} en outre, et sans préjudice des autres dispositions
déjà faites en sa faveur ; tout comme si un enfant naturel reconnu
pouvait, par des dispositions directes ou indirectes, obtenir des préciputs au delà de la part que lui réserve la loi ! Q u o n dise mainte
nant que Marie Brunet a négligé les droits et les intérêts de son fils,
et q u e , quelques mois aprèst elle les a sacrifiés par un traité dé
savantageux !
Évidemment, celte déclaration était écrite dans l’acte pour porter
atteinte, autant que possible, aux dispositions que le sieur Gueston
avait faites de sa fortune au profit de ses trois enfans. Mais ceux-ci
pouvaient attaquer la reconnaissance ; ils pouvaient la critiquer comme
frauduleuse, s’ils croyaient y reconnaître ce caractère; Personne ne
savait mieux que Marie Brunet si la vérité des faits devait lui inspirer
des craintes à ce sujet. La suite va nous prouver q u ’elle en concevait
de très-sérieuses.
Certes , après une reconnaissance aussi authentique , deux ou trois
fois constatée dans le même acte, en termes géminés, elle n’avait b e
soin d’aucune autre précaution, à moins qu’un sentiment intérieur,
dicté par une vérité q u elle seule, peut-être-,, pouvait connaître tout
entierc, ne lui inspirât des doutes sur son efficacité. Dans la perplexité
ou la mettait la crainte que cette vérité ne fut connue, elle dicta au
sieur Gueston une démarche qui décèle scs inquiétudes et son em
barras.
Le 4 juillet 18 1 5 , François Gueston se présente encore au Montet
devant le notaire Place , 1homme de confiance des époux Fratissier.
11 lui dépose un paquet de papiers cacheté t concernant Léonard, son
�— 16 —
*
fils naturel. Il le requiert d ’en recevoir Je d é p ô t, se réservant de le
retirer à sa volonté, en donnant décharge ; ajoutant que « dans le cas
» où il ne retirerait pas lui-même l’objet de ce d ép ô t, il voulait et
* entendaitqu’il fûtrem is soit audit Le'onard, son fds naturel, lors de
» sa majorité, soit au tuteur qui pourrait lui être nommé ; mais à
» condition q u ’en ce dernier cas, il en sera (ait ouverture par le no» taire dépositaire, lequel constatera, de suite, en .présence du tu» teu r, l’existence des pièces contenues audit paquet, par un inven» taire détaillé. »
Lorsqu’on connaît les pièces qui étaient contenues dans ce paquet,
on se demande pourquoi tout ce mystère , si ce n ’est pour p arven ir,
par un moyen indirect, à faire répéter e n c o r e , et consolider par le
sieur Gueston , une reconnaissance dont on se défiait? C ’était tout
bonnem ent, i° l’acte de naissance de Léonard Canu ; 2®.une note
du reirait de l’hospice, par Marie Brunet ; 3° une expédition du con
trat de mariage des époux Fratissier, qu’assurément le sieur Gueston
n’avait pas retirée de son propre mouvement ; 4®l’acte d ’acceptation
de la rente viagère, en date du 16 février; 5®enfin, une expédition
de l’acte de reconnaissance du 3 o mars i 8 i 5 . Assurément, tout
cela n’exigeait pas ce dépôt mysLériéux, et il avait nécessairement
une autre cause, que tout le monde peut apercevoir, la confirmation
d ’une reconnaissance qui n’avait pas été assez spontanée pour inspirerune entière confiance. Aussi, après la mort de François Gueston,
lorsque ces enfans connurent ce d é p ô t , leur inspira-t-il la crainte
que ce paquet ne renfermât quelque chose d ’injurieux, et exigèrentils que l’ouverture du paquet fût faite en leur présence.
T outefois, Marie Brunet n’était pas encore pleinement rassurée.
Toujours pleine de sollicitude pour les intérêts matériels de Léonard
C a n u , et les siens propres, elle chercha à se tranquilliser par d ’au
tres moyens; et, n’importe que ce soit avant ou après la mort de
F ra n ç o is Gueston, arrivée le 1er mai i 8 i G , elle communiqua scs
craintes à des jurisconsultes, en leur demandant un avis. Dans un
' mémoire qui indiquerait que le sieur Gueston vivait e n co re, et on
�— 17 —
on parle beaucoup de son attachement sans bornes pour son quatrième
enfant, on dit qu’ il voudrait lui assurer une existence honnête, mais
q u ’il craint de ne pouvoir seconder l’intention de la nature , i° parce
q u ’il a vendu tous scs biens à ses trois premiers enfans, le i/( janvier
1 8 1 5 ; 2° parce qu’t'/ craint qu'on ne conteste l’identité de l ’ enfant,
qui a resté, en quelque sorte, inconnu depuis sa naissance jusqu’à la re
mise qui en fut faite à sa mère par une sœur de l’hospice de Moulins;
3° parce qu’il craint que la reconnaissance ne soit tardive ou q u ’elle
soit contestée.
Puis,
on fait observer que l’acte de pension viagère, qui
désigne Léonard Canu , fils de la B ru n et, devrait valoir comme ap
probation de la part des enfans, et faire remonter la reconnaissance
au jour de la naissance. Enfin, on demande d ’indiquer, s’il peut en
core en être temps, lotit ce qu’il est possible de faire dans l'intérêt
de Léonard Cami. Là-dessus, les jurisconsultes s’e x p liq u e n t, et
après quelques hésitations sur une question q u ’ils reconnaissent dif
ficile par rapport aux droits de l’en fan t, ils se prononcent sur tous
les points en sa faveur. Nous n ’entrerons dans aucun détail sur celte
consultation; cela n’est pas nécessaire à la cause.
Aussitôt après le décès du sieur G ueston, ses enfans firent procéder
régulièrement à l’inventaire de son mobilier*, soit à la Sciauve, où il
était décédé , soit à Moulins, où il avait une chambre à loyer. De son
cô té , Marie Brunet provoqua la réunion d’un conseil de famille, qui
lui confirma la tutelle de Léonard C a n u , lui donna pour cotuteur
Fratissicr, son mari ; pour subrogé tu te u r, G ilb e rt'C o u rre t, c l l ’aulorisa à faire ouvrir le paquet déposé chez M* Place. L e i o ju ille l,
il fut procédé à cette ouverture, qui ne produisit autre chose que les*
cinq pièces que nous venons de désigner e t, immédiatem ent, Marie
Brunet se mit en mesure de connaître et de faire effectuer les droits
qui îesultaient, au profit de Léonard Canu , de la reconnaissance et
des autres pièces renfermecs dans ce paquet. Au moins , cela servit ’
*le pretexte avant tout, elle chercha à se procurer des consulta
tions.
I c i , nous parlerons avec une délibération de famille du 5 août
3
�•=.*8
1 8 1 6 , quî est, en quelque so rte, l’ouvrage des intimés, et qui ne
saurait être suspecte à leur égard.
Sur quoi les avocats furent-ils consultés ? Quelles questions eu
rent-ils à résoudre? C ’est là ce q u ’il faut bien expliquer; car c’est le
point d e départ de toutes les opérations ultérieures; c ’est ce qui'
peut seul nous montrer parfaitement quels é taien t, i° la position
«les parties; 2° leurs prétentions respectives,. et nous apprendre si
elles ont voulu faire,, si elles ont effectué , et si la- justice a homo
logué le partage, non contesté, d ’une succession, ou une transaction
sur des difficultés réelles, plus ou moins graves, opposées à celte pré
tention.
Après avoir fait procéder à la reconnaissance des pièces déposées
chez M' P la c e , les époux Fralissier, désirant s ’éclairer sur leurs ef
fets ( c ’est la délibération du conseil de famille qui parle ) , s ’adres
sèrent à des jurisconsultes , q u i, après un mûr examen des pièces , dé
cidèrent :
« i° Que la reconnaissance du 3 o mars i 8 i 5 était valable en la.
forme et au fond......
« a® Que si, dans les termes de l’article 33 (), l ’intérêt suffit pour
» q u ’on soit admis à contester la reconnaissance d ’un enfant naturel,
» on ne voit, dans l ’e sp èce, aucune raison de craindre que les hé» riliers légitimes pussent faire accueillir une action qui tendrait à
» faire révoquer en doute l'identité de l ’ enfant reconnu,
b
Après avoir fixé, d ’après la loi., les droits de l ’enfant naturel re
connu , les jurisconsultes ajoutent :
•
« 6® Que s’il ne trouve s i réserve dans les biens de la succession,
* il peut demander la réduction des dispositions entre-vifs qui ont ex~
» cédé la quotité disponible ; »
7° Q uc > dans l’espèce , et d ’après l’artide 9 1 8 , qui exige l'impu
tation cl rapport de la valeur des dons faits, à charge de rente via
g è re , à des succcssiblcs en ligne d irecte, L éonard Canu était fondi
à demander le bénéfice de cet article ;
8* Q u ’il importait peu que la reconnaissance fût postérieure à 1&
�vente , parce que le droit résultait de la qualité do l’enfant n a tu r e l,
que le père pouvait toujours reconnaître.
Ils déterminent ensuite c e qui. doit lui revenir dans leur opi
nion.
¡'
Faisons ici une remarque essentielle. Nous n’avons pas à rechercher
si ces jurisconsultes étaient dans l’erreur pour le tout ou pour partie,
ou s’ils avaient complètement raison en décidant toutes ces ques
tions en faveur de Léonard Canu ; une seule chose nous occupe et
doit nous occuper : celle de savoir s’il s’élevait ou non des question:1
qui missent en litige le droit de Léonard Canu ; si les enfans Gueston
approuvaient toutes ces décisions, ou se mettaient en mesure de les contester. O r , deux choses demeurent constantes :
L ’une , qu ’il s’élevait des questions plus ou moins graves ;
L ’autre, que ces questions ne naissaient pas sur les détails d’un
partage dont le droit serait re co n n u , mais bien sur ce droit en luimême ; tellement que, les jurisconsultes examinent le droit au par
tage bien plus que les questions secondaires qui pouvaient naître de
l ’exercice de ce droit.
O r , à supposer même que ces questions eussent peu de gravité ,
cela demeurait sans importance; car il suffisait qu’elles existassent ,
qu’elles fussent ou qu’elles pussent être élevées, pour qu ’elles de
vinssent matière à transaction.
C ’est là, nous devons le dire, toute la question du procès.
S i , d’ailleurs , on considère ces difficultés soit isolém ent, soit dans
leur ensemble, on sera forcé de reconnaître q u ’elles étaient graves
et sérieuses.
Fasse qu ’une reconnaissance d’enfant naturel soit valable à quelq u ’époque qu’elle soit faite ; qu ’en général, il soit difficile à des enfans légitimes de contester utilement l’identité d ’un enfant naturel
que leur pere a reconnu librement ; passe encore que l’enfant ait
droit à une reserve et à la réduction de toutes d isp o sitio n s gratuites
antérieures; mais, quelle que fût là-dessus la force de l’opinion des
jurisconsultes, leur consultation ne témoigne pas moins que ces
�questions étaient élevées, et q u ’il fallait les franchir avant d ’arriver
au partage. E t , en outre, deux questions fort graves ne s’étaient pas
présentées aux conseils avec toutes leurs circon*tqjnces.
Et d ’abord, s’ils avaient examiné, dans les termes ordinaires, la pos
sibilité de contester l’identité, ils ne l’avaient pas fait par application
aux faits particuliers. Remarquons bien q u ’ils n’étaient consultés que
pat Léonard Canu ou ses tuteurs, q u i, en témoignant la crainte
qu ’on ne contestât l ’identité, ne leur avaient pas fait connaître les
motifs spéciaux de celte crainte, tous les actes, toutes les circons
tances que nous avons rappelées ci-dessus, et qui laissent apercevoir
non une volonté froide et peu croyable, de la part d ’un p è r e , de
supposer 1’cxisterhce d ’un enfant naturel, mais un système fallacieux
dont il était plutôt, lui-môme , la victime que l’artisan. A lors, il était
‘ n otoire, on étail en état de prouver, et on le serait encore anjour“d ’h u i, que l’enfant de Marie Bninet était m o rt; que la reconnais
sance du 3 o mars i 8 i 5 avait élé arrachée au sieur Gueslon par des
manœuvres honteuses; qu’il avait été dépouillé de toute liberté d ’es
prit, et subjugué par tous les moyens de séduction et de contrainte.
Les faits que nous venons d ’exposer ne le faisaient que trop pres
sentir. Les actes antérieurs h la reconnaissance prouvent que Marie
Brunet n'espérait pas faire accepter par le sieur Gueston l ’enfant
q u ’elle avait choisi à l'hospice. Il suiïit, pour cela, de lire et l'acte
constitutif de la pension du i/j janvier, et le contrat de mariage
de Marie B n in e t, du surlendemain 16. Ceux postérieurs démon
tren t, à n'en pas do uter, combien peu elle se fiait à cette reconnais
sance, qu’elle tachait de faire confirmer par des actes indirects q u ’elle
faisait faire successivement, et qui, sans cela, eussent été sans objet.
Tout cela même écarté, il fallait encore examiner une question grave
et important*:. L ’atl. ()iS, quiserait tout le litre de l'enfant naturel,
oblige seulement le successible qui a accepté une vente à fonds
perdu , à imputer ou rapporter la rnlriir de l'immeuble ainsi aliéné.
O r , ici deu* choses se rencontraient :
i* Les biens avaient été vendus non-seulement pour une rente
�viagère, mais encore pour un capital de 58 ,ooo fr., délégué aux ven
deurs de ces mêmes b ie n s, pour le prix des acquisitions, d’où on
pouvait conclure qii’il n’y avait rien à réclamer à ce sujet , spéciale
ment pour le bien d e là Sciauve, sur lequel il n’avait pas été payé une
obole par François Gueston ;
2° Et dans le cas même où il y aurait eu lieu à rapport pour le sur
plus, il était question de savoir si ce rapport pouvait s’appliquer aux
immeubles m ôm es, ou seulement à leur valeur ; o r , c ’était une ques
tion élevée.
Enfin, si on abandonnait la position présente, si on élevait en
justice de semblables prétentions contre les enfans légitimes, on
pouvait courir le grave danger de les voir retirer le pur don de 3oo f.
de rente viagère q u ’ils avaient promis par l’acte sous seing privé du
*4 février i 8 i 5 , puisque tout le monde reconnaissait qu’il était ra
dicalement* nul.
*
D où il était évident qu ’avant de former en justice une demande
c n partage, et d’en courir la responsabilité, les tuteurs de Léonard
Canu avaient de graves réflexions à faire. O r , c ’est ce qui les porta à
demander des conseils avant d ’ouvrir un litige, pour le moins incer
tain, sur les droits de l’enfant naturel à un partage de succession.
Jusque l à , il n ’y avait de débats avec personne
les tuteurs seuls
examinaient et faisaient examiner les droits de leur pupille liors la
presence des intéressés. Ils exposaient la question à leur guise; mais
quelle que fùl la décision ou l’opinion de leurs conseils, les enfans
légitimes restaient les maîtres de leurs droits et de leurs m oyens,
qu ils n ont abandonnes dans aucun temps. Pendant q u ’on se mettait en
garde contre leurs contestations, cn les prévoyant, avant môme q u ’ils
les eussent élevées, ils conservaient leur propre position. Voyons la
suite des laits, toujours dans la délibération du conseil de f a m i l l e ,
provoquée par les époux Fratissier.
Ceux-ci ajoutent « qu après avoir pris ces éclaircissemcns............ ..
* Us se proposaient de former en justice une demande en réduction de
» la donation faite cn forme de vente le i/f janvier i 8 i 5 , et en par-
�✓/
•t
*
— 22 —
» tage des cinq sixièmes d ’une locaterie qu i formait, avec la terre
» de la Sciauve j la totalité des immeubles de la succession.... , lorsque
» les enfans légitimes du sieur Gueston ont proposé de transiger sur
» lotis les droits dudit enfant naturel, moyennant une somme de
» trois mille fr a n c s, q u ’ils disaient supérieure à celle qui pouvait lui
» revenir, en admettant, ce qui t o l t a i t êtiie c o n t e s t é , selon e u x ,
» que les diverses questions précédemment agitées fussent résolues en sa
» faveur. »
Nous devons insister là-dessus, parce que ces détails fixent nette
ment la position des parties.
Au milieu de toutes les prévisions des tuteurs et de leurs conseils,
de tout ce q u ’ils disaient de favorable pour Léonard Canu , les enfans
du sieur Gueston, menacés d'un procès, se présentent. Ils leur di
sent : a Tous élevez des prétentions que nous pouvons combattre ; vos
conseils vous donnent raison sur toutes les questions agitées; nous
sommes fondés à le contester. Ils prétendent que votre identité ne
peut être révoquée en doute, que vous avez droit de critiquer la
vente de 1 8 1 5 , d ’exiger le rapport des biens ,*etc., etc. Nous pou
vons contester tout cela, repousser votre action, e t , qui plus e st,
vous refuser jusqu’aux 5 oo fr. de rente viagère promis par un acte
n u l, en 18 1 5 . Çi vous voulez ouvrir cette lu tte, nous nous défen
drons. T outefois, même e n .su cco m b a n t, vous nous aurez fait sou
tenir un procès fâcheux, peu honorable pour la mémoire de notre
auteur ; et nous préférons faire un sacrifice pour laisser ces questions
enfouies. Youlcz-vous renoncer à entrer sur ce terrain? nous renon
cerons h nous y défendre; et pour éviter toute discussion sur ces dé-'
tails fâcheu x, nous vous offrons 3 ,000 fr. Si vous examinez bien ,
vous verrez que nous vous offrons, en numéraire, plus qu’il ne vous
reviendrait en supposant tout, et que nous faisons un sacrifice réel
pour éviter un procès. Les acceptez-vous? Tout est fini. An cas con
traire, nous restons avec nosdroits, et nous les ferons valoir, assurés de
ne jamais vous devoir davantage, quand vous réussiriez , mais avec la
çhance de ne pas vous devoir une o b o le, pas inème la pension que
�nous avions promise, si vous succombez. a Voilà le véritable sujet dit
litige, le droit et la qualité môme de l’enfant naturel mis en ques
tion , et non pas seulement les détails d’un partage auquel on lui
contestait toute espèce de droit. Cette situation est dessinée autant
que possible dans cette délibération , puisqu’il n’y avait aucun procès
commencé , et que la question était de savoir si on devait s’exposer
a l introduire.
La délibération ajoute que, sur celte proposition* les tuteurs avaient
eu de nouveau recours à leurs conseils, et que ceux-ci, après avoir
pris connaissance de la valeur des biens, et en persistant à décider
en faveur de l’enfant naturel toutes les questions déjà résolues par
e» x , reconnaissent encore qu’il est avantageux à l ’ enfant naturel que
les tuteurs transigent moyennant te p rix propotc. Q u ’eussent-ils donc
d it, s’ils avaient entrevu des doutes sur les questions qu ’ils avaient
soulevées?
Pour s’en convaincre, les conseils avaient fait ou fait faire l’esti
mation des biens. Déduction faite dés dettes, ils n ’étaient en valeur
^ e de 4 6 , 196 fr. G5 cent. *, et comme , dans toutes les suppositions,
Ie mineur n ’amendait q u ’un seizième, il ne pouvait obtenir que
2*887 fr* En recevant 3 ,000 fr., il avait donc plus que ce à quoi
*1 pouvait prétendre.
D où il résultait que les enfans Gueston faisaient, en réalité, uir
sacrifice à la mémoire de leur p ère , et qu ’ils étaient à l’abri de tout
soupçon d ’injustice envers Garni, supposé môme son enfant naturel.
Voulant se conformer à l ’art. 4G7 du Code C iv il, les tuteurs de
mandent ensuite l’avis du conseil de famille. Le juge de paix com
pose ce conseil d ’amis et de voisins, attendu que l ’enfant naturel n ’ a
d autres parens que ses pire et m ère, et que , d ’ailleurs , les pareils du
pire naturel seraient trop souvent portes à sacrifier les intérêt» de l ’en
fant ne hors mariage. L e conseil de fam ille, ainsi com posé, co n si
dère que toutes les questions sont résolues en faveur du mineur. Il
deelare qtt il est à lu connaissance particulière de chacun de ses mem
bres que Us immeubles de la succession sont estimés au-dessus de tetir
�- 2 1 raleur; e t , e n fin , reconnaissant que l'arrangement proposé ne peut
qu’être avantageux au m ineur, il autorise à transiger comme il est
proposé.
L e 10 a o û t, les tuteurs présentent une requête au procureur du
roi; e t , poursuivant l’exécution de l’article 46 7, ils réclament la no
mination de trois jurisconsultes.
L e procureur du roi ne
sq
'
v
méprend pas ; il ne voit là que ce qui
y était, c ’est-à-dire un projet de transaction sur des prétentions op
posées, et non un projet de partage, qui aurait exigé d ’autres forma
lités et des mesures différentes, et il rend l’ordonnance suivante :
« Yu la présente r e q u ê te , et l ’article 467 du Code de procédure
» civile, nous commettons MM. Jutier o n cle , Ossavy et Boÿron
» fils, jurisconsultes , à l ’effet de donner leur avis su r'le projet de
b transaction dont il s’agit. Fait à Moulins , le
10 août 1816.
» Meilheurat. »
I c i , remarquons encore que les enfans Gueston , après leur pro
position faite, demeuraient étrangers à toutes ces investigations; que
les jurisconsultes rccommandables, commis par le procureur du roi,
n ’avaient, comme les conseils des tuteurs, d ’autres lumières, sur
les faits, que celles que les époux Fratissier jugeaient convenable
de leur donner. L eur consultation démontre toute l’attention
qu’ils mirent à cet examen. Faute d ’une discussion contradictoire,
ils pensent que les décisions prises par les conseils du mineur « sont
» en harmonie avec les lois nouvelles et la jurisprudence de la Cour
» de cassation ;
» Que s’il y avait des doutes............ le mineur ne pourrait s’en
* plaindre, puisque toutes les questions ont été résolues en sa fa* veür;
*
Q u ’il est reconnu, en fa it , par le conseil de famille, que les
» biens de la succession se trouvent portes à une estimation supérieure
* à leur valeur réelle. »
Q u ’e n fin , « il importe d ’éviter à l ’enfant naturel un procès qui no
» tendrait q u ’à faire naître pour lui des chances incertaines, et à rc-
�— 23 —
» m ettre en question ce qui est résolu en sa faveur, en 1 exposant a des
* frais considérables qui pourraient consommer sa ruine. »
Ainsi, les jurisconsultes ne s’occupent pas d un partage, mais bien
d ’une transaction, pour prévenir un procès qui présenterait <les chances
incertaines ; et aussi, après un mûr exam en, ils estiment qu il y a
Heu d ’ autoriser l ’enfant naturel A t r a n s i g e r pour tous les droits à lui
afférens dans la succession , moyennant la somme de 0,000 fr.
Après cette consultation, les tuteurs firent dresser la transaction
par M" G ueulettc, notaire à Moulins. Elle ne fu t, pour ainsi dire ,
qu une copie de la délibération du conseil de famille. Elle énonce ,
comme la délibération , les questions qui pouvaient s’élever sur
l’ identité de l ’ enfant, sur la validité de la vente du pere , sur la ré
duction de cet acte considérée comme donation , etc. ; e t , enfin ,
on déclare qu’on a résolu de transiger, par forme de transaction sur
procès, pour tous les droits que prétend Léonard Canu. Les enfans le
gitimes ne mettent aucune importance à ce qu on qualifie I'rançois
Cueston père naturel de Léonard Canu , puisque celui-ci ne pouvait
rien prétendre q u ’à ce titre ; cela entrait dans la transaction comme
le reste. Les enfans renonçaient à le contester, en môme temps que
les tuteurs de Canu renonçaient à demander quoi que ce soit au
delà de5 3 ,ooo fr. olferls par forme de transaction. Après cela, les tu
teurs soumettent le tout à l'homologation du tribunal. La-dessus ,
après les formalités voulues en matière de transaction , le tribun a l , sur le rapport de son p résident, et sur ics conclusions conformes
de
l\r., le procureur
du roi, prononce ainsi q u ’il suit»:
« Attendu que toutes les formalités prescrites pour la validité des
» transactions laites au nom des mineurs ont été scrupuleusement ol>» servées ;
» Attendu que le conseil de famille du mineur Canu , ainsi que
» les trois jurisconsultes désignés par M. le procureur du r o i , ont
» reconnu qu’ il était très-avantageux pour le mineur de traiter et tran-
* siger aux conditions fixées par l’acte du 12 août ;
* Le tribunal homologue la transaction passée entre les cotuteurs
4
�\ S V
.
— 20 —'
» du mineur Leonard Canu et les enfans légitimes de François Cues» to n , le 12 août présent m ois, pour ladite transaction Être exé» entée selon sa forme et teneur. »
Croira-t-on que le magistrat éclairé qui tenait le p arqu et, et le
tribunal lui-m êm e, se soient mépris sur ce q u ’ils faisaient et sur ce
qu ’il y avait à faire ? Q u ’ils aient cru apercevoir un procès avec des
chances incertaines, là
oh
il y aurait eu un droit certain et reconnu'
( car il aurait fallu qu’il fût reconnu ), et seulement un partage à ef
fectuer? Comment prêter une erreur si grossière aux magistrats de
cette époque, au jurisconsulte qui préside aujourd’hui le tribunal d e
Moulins, et q u i, avec ses' deux collègues, commis par le procureur
du roi, avait préparé et la transaction et la décision du tribunal?.
Toutefois, et en le supposant, en tenant pour certain ce qui n’ost
ni vrai m possible , la question serait encore de savoir'si on ne doit
pas prendre les choses telles q u elle s sont; si ce n’est pas une véri
table transaction qu’on a faite , une transaction que le tribunal a ho
mologuée , alors même qu’il aurait pu ou dû ne pas le fa ire , et si cen ’est pas seulement une transaction dont il faut examiner la validité.
Vingt ans se sont écoulés pendant lesquels cette transaction a été
exécutée par le payement annuel des intérêts. Nous ne disons pas
cela pour en tirer un moyen de fin de non-recevoir contre’ Canu ,
qui était mineur, niais pour montrer comment l’acte a été apprécié
par.les tuteurs, qui, mieux que personne, pouvaient en connaître la
p o r té e , par la nature des faits qui l’avaient amené. La majorité de
Léonard Garni ¿tant arrivée, les enfans Gueston lui ont offert le
payement du capital. Il l’a refusé, prétendant avoir de plus amples
droits. Le iG janvier i 8 3 6 , il lui a été fait, en personne, un acte
d ’offres; et sur son refus constaté, il a été .assigné devant le tribunalîle Moulins , pour en voir prononeçr la validité.
Le iG février, pour faire diversion, Léonard Canu a assigné les
enfans Gueston devant le tribunal de Montluçon ; il a demandé le
partage de la succession du sieur Gueston, ouverte dans l ’étendue d e
sa juridiction.
�— 27 —
L e 24 mars, il a signifié des défenses sur la demande en validité
, «l'offres, et a conclu , i° à ce que le tribunal de Moulins se déclarât
incompétent, et renvoyât les parties devant le tribunal de Montluçon ; 20 subsidiairement, à ce qi/il sursît jusqu’après le jugement de
la demande en partage. Il s’est fondé sur ce que l’acte de 1816 était
Un véritable partage sous la forme de transaction ; q u ’il était qualifié
tel par l’art. 888 du Code civil ; que les formalités du partage n ’ayant
pas été observées.à l’égard du mineur., il n ’était que provisionnel ;
<îue , dans tous les cas, il serait nul ou sujet à rescision. Il a ajouté
qu’en excipant de ce m o ye n , même devant le tribunal de M oulins,
il devenait; par exception, demandeur en partage; et que , dès lors,
le tribu n al de M o n tlu ç o n , q u ’il avait saisi par a ctio n principale , pou
vait seul prononcer §ur le litige ; que , dans tous les cas, l’action en
validité des offres était subordonnée à ce qui serait jugé sur l’action
en partage.
En venant plaider la cause , Léonard Canu a étendu ses conclu
sions : il a demandé principalement le sursis, et subsidiairement,
sans s’arrêter à l’acte du 12 août 1 8 1 6 , qui serait declatc nul
t l subsidiairement rescindable , les demandeurs fussent déclarés non
recevables, ou mal fondés dans leur demande.
Sur cette exception, le tribunal de Moulins a prononcé comme il
suit, par jugement du 8 avril i 836 :
« En fait, attendu que la qualité d’enfant naturel de Canu a été
reconnue par François Gueston et Marie lî r u n e t , suivant l’acte au
thentique du 3 o mars 181 G; que celle reconnaissance a été confirmée
dans l’acte du 12 août suivant, par l'admission, de la part des cnlans légitimes de Gueston , à l’exercice de ses droits, en cette qualité,
dans la succession île leur père ; d ’où il suit qu'aucun doute ne sau
rait s elevcr sur cette qualité de Canu comme enfant naturel de
Gueston;
*
» Attendu que la demande des héritiers Gueston contre Canu est
uniquement fondée sur 1 acte du 12 août 1 8 1 6 , d'où résulte la nécescilui d’apprécier la nature et les effets de cet acte au respect dudit
Canu ;
�» Attendu que cet a c t e , bien qu'il soit qualifié transaction, équi
vaut à un partage à l’égard de C a n u , puisqu’il en produit tous l e s .
effets pour lui ;
*
•
» Q u’il contient, en effet,«rémunération de tous les biens formant
la totalité de la succession de François Gueston, leur estimation, la
composition de la masse, la liquidation de la succession , enfin , la
détermination de la quotit^* revenant à Canu en sa qualité d ’enfant
naturel, laquelle y est fixée à un seizième par suite de la réduction
op érée, par l’exercice de ses droits, de la donation déguisée du
14 janvier l 8 j 5 ; q u ’il contient évaluation de cette quotité à une
somme un peu inférieure à 3 ,ooo f r . , et portée ensuite .à la somme
de 3 ,ooo fr. , pour désintéresser plus complètement Canu , et pour
(est-il dit à la fin dudit acte) tous les droits que peut prétendre Léo
nard Canu dans la succession de François Gueston; d ’où il suit que
cet acte renferme tous le’s élémens d ’nn p artag e, q u ’il en a , en
«jutre, le caractère essentiel et distinctif, celui dé faire cesser l’indi
vision ;
» Attendu que si l'acte du 12 août 1 8 1 6 n’est pas un partage pro
prement dit, en ce sens q u ’il n’est pas susceptible des conséquences
légales des partages ordinaires , énoncés notamment dans les art. 883
et 884 du Code c iv il, c ’est uniquement parce qu’il n’y a pas eu at
tribution , délivrance et mise en possession réelle de la portion en
nature de la succession revenant à Canu ; niais que cette partie de
l’acte de partage en est plutôt la conséquence et le résultat qu’elle
n’en est l’eQet principal et le caractère essentiel, lesquels résident
seuls dans ce double point de faire cesser l’indivision et de déter
miner la quotité ;
» Attendu que cet acte du 12 août 1 8 1 G ne peut être considéré
comme renfermant jtnc vente de droits successifs, lorsqu’on considère
également le caracterc propre et distinctif de ce genre d'aliénation ;
» En effet, le vendeur de droits successifs ne vend et ne garantit
que sa qualité d'héritier ou d’ayant-droit ; du reste, il n ’est pas ga
rant de la moindre ouîdc la plus grande étendue de ses droits; il ne
�vend que ce qui se trouve ou peut se trouver dans la succession ; o r ,
dans l ’acte du 12 août, Canu a vendu non-seulement des droits cer
tains , mais des droits liquidés, déterminés, une quote p art, enfin ,
attributive d ’une valeur fixée; en un m o t , le résultat d u n partage
Préexistant;
» D ’où il suit que l ’acte du 12 août 18 16 tient lieu de partage,
puisqu’il a fait cesser, à son respect, l’indivision de la succession à
laquelle il avait des droits et une quotité d ’ailleurs non conlestée ;
» Q u’enfin , s’il pouvait exister quelque doute sur ce point de doc
trine et de droit, il serait levé textuellement par l’art. 888 du Code
civil, disposition dans laquelle le législateur, par une sagesse remar
quable, évite avec un soin évident de se servir du mot partage, et
dit : « Tout acte ayant pour objet de faire cesser l'indivision, encore
* qu’il fût qualifié de v e n t e y d ’échange et de transaction, ou de toute
* autre manière. »
* En d ro it, attendu qu'en matière de partage intéressant des mi
neurs , la loi a établi des règles et déterminé des formes spéciales,
dont elle prescrit l’observation rigoureuse, sous peine de ne laisser
a ‘l’acte dans lequel elles n’auraient pas été scrupuleusement obser
vées, que le simple caractère et la seule force d ’un partage purement
provisionnel (articles 466 et 8/|0 du Gode civil) ;
* Attendu que l ’acte dont il s’agit, contenant transaction sur d ’au- •
très points litigieux, 'les héritiers Gueston pourraient alléguer, peutêtre , que l’admission de Canu à prendre part H a succession de leur
pure dans la proportion qui s’y trouve déterm inée, n ’a été que la
condition, par forme de transaction, de la renonciation de leur part
à dillérens droits, et notamment à celui de contester la qualité d ’enfant
naturel;
» Mais attendu que cotte considération, toutefois, noterait rien
au résiliât de lacté du 12 août 18 16 pour C a n u , et 11c s a u r a i t en
changer la nature et îles effots ;
* Attendu que si quelques inonnmens de jurisprudencecons.lcront
la validitu d\un partage par voie de ¡transaction cuire majeucs;cfjm -
�— 30 —
neurs, même avec attribution cle parts (arrêt do rejet de la Cour de
cassation, du 3 o août i 8 t 5 ) , ou doit y signaler que le partage était
alors attaqué par les majeurs, tandis que l ’inobservation des art, [\QQ
et 84 o du Code civil ne peut être invoquée que par les mineurs ;
» Deuxièmement, que les biens avaient été estimés en ju stice , et
que cette seconde garantie des intérêts protégés du mineur manque
dans l’espèce dont il s’agit ;
■
« D ’où il suit que cet acte du 12 août 1 8 1 6 , qui sert de base à la
demande, est nul en tant q u ’il détermine d ’une manière définitive la
part afférente à C a n u , comme enfant naturel, et q u ’il fait cesser
pour lui l’indivision dans la succession de François Gueston.
» En ce qui touche la surséance dem andée,
» Attendu q u ’il n ’y a lieu de surseoir à statuer sur la demande des
héritiers Gueston jusqu’après la décision de la demande en partage
formée par Canu au tribunal de Montluçon ;
» Q u’il y a nécessité, au contraire, de prononcer préalablement
sur celle dont il s’agit, parce q u ’avant de procéder sur un nouveau
partage, il est de raison, autant que de justice , de décider d ’abord
sur l’effet ou l ’invalidité d ’un partage antérieur, objet de l’acte du
1 2 août 1816 ;
» Statuant et faisant d r o i t ,
» Déclare les héritiers Gueston mal fondés en leur dem ande, les
déboute d ’ic e lle , en renvoie Léonard Canu ; fait réserve à toutes les
parties de leurs droits respectifs, à l'effet soit de procéder à un nou
veau partage , soit d ’exercer lesdits droits ainsi q u ’elles aviseront ; or*donne qu ’il sera fait masse des dépens, qui seront supportés par
quart ^ar chacune des parties. »
DISCUSSION.
En déférant aux lumières supérieures de la Cour l’examen de cfcttc
décision, les appelans n’ont pas à craindre l'influence d ’un préjugé.
S ’ils ont à critiquer au jugement de première instance , ils invoquent
�— 51 —
une autre décision du même tribunal, et en demandent la mainte
nue ; et il leur serait permis de dire q u e , pendant que la dernière
de ces décisions est sujette à l’a p p e l, la première en était affranchie
par ses caractères propres, et que le tribunal de Moulins était incom
pétent pour se réformer lui-mètne. Aussi le ministère public avait-il
Pris des conclusions diamétralement opposées.
Le tribunal était saisi d ’une demande en validité d ’offres , et il était
essentiellement compétent pour y statuer, puisque c ’était une de
mande personnelle, et que le défendeur était domicilié dans l’étendne de sa juridiction. Tout le monde, au reste, l’a reconnu ; mais
avait-i[ la capacité pour annuler, sur.une question incidente, la dé
cision judiciaire du 19 août 1816,? Nous n ’hésitons pas à dire que
n°n ; mais nous devons, tout à la fois, expliquer notre pensée et la
prouver.
Si la décision du tribunal de Moulins, du 19 août 1 8 1 6 , était un
v^ritable jugement rendu en matière conten lieuse, entre deux partlcs soutenant des propositions contraires et des intérêts opposés,
lo»t le inonde avancerait que le tribunal de Moulins, ayant epuise
*a juridiction , n ’avait plus aucune capacité pour réviser son propre
)ugeinent. L e tribunal n’a pas abordé cette question; il a cru n’avoir
P0"^ à s’occuper de la décision rendue le 19 août ib iG . l i a proC(!(lé comme si elle n ’existait pas ; il n’a vu qu’ un aclc passé devant
Gueulclic , notaire, le 12 août 1,816, et a déclaré cet acte nul.
^ ’«st donc un simple acte que le tribunal a voulu annuler; mais ,
s°us ce rapport, il est tombé dahs une erreur tout aussi grave.
■Pour que la réfutation soit plus claire, représentons-nous le sysletnc du jugement. 11 se résume en ce peu de mots :
l * Le sieur Cuestou avait reconnu Léonard Canu par IVcte du
12 août 1 8 1 6 ; cette reconnaissance a été confirmée par l’acte du
*9 août. Sa qualité était donc certaine.
Cet aclc du 19 août est le fondement de la. dem ande, et il faut
* apprécier.
Or» bien que qualifie transaction, il équivaut à un partage , et en
�— 52 —
produit toüsdcs effets; il en a d’ailleurs le caractère essentiel et dis
tinctif, celui de faire cesser l ’indivision.
Ce n’est pas, à la vérité , un partagé proprement d it, puisqu’il n’y
a point attribution de part à Léonard Canu ; mais ce n ’est pas non
pins une cession de.droits successifs : car le caractère de cette es
pèce d ’acte est que le vendeur ne demeure garant de rien. O r , ici,
Cànu à vendu non-seulement des droits certains, mais des droits liqui
dés, déterminés, une quote part attributive d ’ une valeur fix é e , en un
VlOt,
LE RÉSULTAT » ’ UN r A R Î A G E PRÉEXISTANT.
A cela vient se joindre l’art. 888 , qui veut qu ’un a c t e , qui fait
cesser l’indivision, ne puisse jamais être considéré que comme un
véritable* partage.
3° Les formalités prescrites pour les partages avec les m ineurs,
n’ayant pas été observées, l ’acte est demeuré purement provisionnel,
Nous omettons le dernier motif, qiii nous suffira plus lard pour
démontrct combien le tribunal s’est Vu embarrassé dans ce système ;
nous le prenons tel q u ’il e s t , et ne croyons pas difficile de le réfu
ter. Tout consiste, sous ce rapport, à apprécier les caractères de
l’acte du i g août 18 16.
Oublions pour un instant, quoique ce soit un moyen tranchant
dans la cause, que cet acte était passé pour un m ineur, et que la
justice y avait présidé avec sa gravité»et ses formes régulières ;
qu’elle l’avait couvert de son autorité, reconnu et déclaré valable,
en la forme qui lui était donnée ; qu ’enfin , elle en avait fixé défini
tivement les caractères, alors q u ’elld en avait le droit et le pouvoir;
supposons que Léonard Canu était majeur; que c ’est lui seul, en
personne, qui a’ Cônsenti l’acte tel qu’il est présenté, et q u ’aujour
d ’hui, il en demande pnrement et simplement la nullité, il no fau
drait qu’ouvrir la loi pour lui répondre :
« Les transactions ont, entre les parties, l’autorité do la chose jugée
» en dernier ressort. Elles ne peuvent être attaquées ni pour cause
» d ’erreur de droit, ni pour cause de lésion ( art. 2032 ). » Elles
ne peuvent l’ôtre que par suite d'crreür dans la personne ou sur l ’ objet
de la contestation , pour cause de dol et de violence ( art. 2o53 )•
�O r , lui dirait-on, vous étiez majeur, libre (le vos droits , vous les
avez réglés volontairement, et en connaissancedecauso; vous n’argu
mentez ni d ’erreur dans la personne ou sur l ’objet de la contestation ,
n<-de dol ou de violence. L ’acte demeure donc inattaquable.
Vous dites que ce n ’est pas une transaction ! Mais celui qui a
passe un acte, dans une qualification et avec des caractères qui lui
sont propres, n’est jamais recevable à le dénaturer, à lui supposer
Une autre volonté, une autre intention que celle q u ’il y a formelle
ment écrite; e t, d ’ailleurs, qu ’importerait? N’est-il pas vrai q u e ,
quels que soient ses caractères, pourvu qu’il n’y ait rien d ’illicite ,
les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les
°nt faites ? Q u ’elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement
Mutuel, ou pour des causes que la loi autorise? ( Art. 1 1 3 'j. ) L ’acte
6eriut donc valable sous une forme comme sous une autre, soit comme
transaction, soit comme vente ou cession ou autrement, puisqu’il
a °té volontairement consenti.
t ^ *a vérité, la loi ne tient pas compte de la qualification , lorsqu’il
San>t de tout acte qui a pour objet de faire cesser Vindivision e n t r e
^H éritiers ; et le tribunal a dit que le titre de l’enfant naturel étant
reconiui, il avait un droit incontestable au partage ; que l’acte ne
P°uvait pas même être considéré comme cession de droits succèsc|r,
bî mais c’est ici q u ’il est à peine besoin de signaler les erreurs de
C° sysletne, tant elles sont nombreuses et évidentes.
du
^ > d a b o r d , il n’v avait ici ni indivision ni cohéritiers. Dans l’acte
»
*
< r
*2 août 1 8 1 6 , comme dans la délibération du conseil deiam ille
(ÎU| lavait p récédé, il a été reconnu q u ’il y avait seulem ent, à cet
c‘nai d , prétention des tuteurs, appuyée par l’avis de leurs conseils,
j?a,s c°ntestée par les enfans Gueston , soit quant à la qualité de
anu, soit quant à sa prétention de contester la vente de 1 8 1 5 , d ’en
mander la réduction comme don à rente viager«;, d ’exiger le
Apport dos immeubles, etc. Avant d’arriver au partage, il fallait
^ r c d accord de tout cela , il fallait avoir franchi toutes ces difficultés,
a*t résoudre toutes ces questions; et c ’est sur tout cela qu’on a
�transigé, pour etouffer un procès dans sa naissance. Ni l’une ni
les autres parties ne sont donc admissibles à soulever aujourd’hui
toutes cesquestions. Inutilement on argumente de ce qu’il y avait eu
reconnaissance par le p è r e , le 3 o mars 1816. D ’une part, la recon
naissance d’un enfant n’empêchait pas de contester l’identité de celui
qui voulait se l’approprier. O r , une contestation grave s’élevait sur
ce point, et les circonstances que nous avons signalées y répandaient
des difficultés sérieuses; de l ’autre, les enfans légitimes
pouvaient
être admis à critiquer cette reconnaissance, comme frauduleuse ellem ê m e, autant q u ’on voudrait s’en servir pour porter atteinte aux
droits qui leur étaient acquis par des actes antérieurs.
„
Supposé même que les droits de l’enfant fussent reconnus,
et
qu ’il ne restât qu’à les régler, il y aurait eu encore, sur ce règlement,
matière à contestation sur laquelle on pouvait traiter. E11 ce ca s,
l ’acte de 1816 serait une véritable cession de ses droits aux héritiers
légitimes. O r , si l’article 888 veut q u ’on n’ait pas ég ard , dans le cas
q u ’il suppose., à la qualification de transaction, ce n’est pas pour
annuler l’acte ainsi qualifié, mais uniquement pour le soumettre à
à la rescision, comme acte qui a pour objet de faire cesser l ’ indivision
entre cohéritiers; -mais, e n co re, celte disposition n’est ni générale
ni absolue; la loi 11e veut pas soumettre à la rescision tous les actes
qui font cesser l’indivision entre cohéritiers ; elle reconnaît q u ’il est
de ces actes qui doivent en être affranchis par leur caractère propre ;
c l , aussi, elle s’empresse d ’a jo u te r, art. 88g :
« L ’action ( en rescision ) n ’cst*pas admise contre une vente de
» droits successifs faite sans fraude à l’un des héritiers par les autres
» cohéritiers ou par l’un d ’eux. »
E l , ainsi, lesdroiis de Canu supposés certains, sa qualité recon
nue, le traité sur ces droits, par 1111 majeur, moyennant une somme
fixe, serait une véritable cession de celle e s p e c ¿ , inattaquable de
sa nature, parce que c’est encore , sur la quotité et la valeur des
droits, une sorte de transaction où tous les hasards restent d ’un
�s
35 —
L e tribunal a abordé cette objection ; et si nous l’examinons* à
notre tour, quoique fort inutile à la c a u se , c ’est uniquement parce
qu’il nous a mis sur cette voie. Voyons donc comment il la re
pousse.
« Dans la vente de droits successif» ( dit-il ) , le vendeur ne ga* ranlit que sa qualité d ’héritier ou ayant-droit ; il n’est pas garant
* de la moindre ou de la plus grande étendue de ses droils; il ne
* vend que ce qui se trouve ou peut se trouver dans la succession.
* O r , dans la vente du 12 août, Canu a vendu non-seulement des
* droits certains, mais des droits liquides et détermines, une quote
* part attributive d ’une valeur fixée, en un m o t, le résultat d ’ un
* partage préexistant. »
On ne peut pas errer plus complètement et en droit et en fait.
En droit, et q u clq u’indifférent que cela soit à la question qui nous
°ccupe, il est certain qu’une cession de droils successifs peut avoir
des bases diverses sans perdre ses caractères, ni le bénéfice de l’ar
m e 889. •
Ou peut céder une quote part déterminée dans une succession ;
quoique le cédant demeure garant q u ’il y avait droit pour la qu oqu’il a v e n d u e , il sufiit que cette part soit cédée pour un prix
certain et à la charge par le cédataire de payer les dctles , pour quo
lacté soit une véritable cession de droits successifs qui résiste à l’arlicle 888.
On peut, encore, céder simplement son droit à la succession, lorsqu ¡1 y a 1itige sur la quotité, lîn ce cas, la quotité elle-même reste
aux périls du cessionnaire ; mais le cédant demeure garant q u ’il était
héritier; car la ce*ssion suppose qu ’il avait un litre; et cependant,
n)nlgré celte garantie, l’acte échappe encore à l'application de l’ar
ticle 888.
E nfin, on peut céder son droit alors même qu ’il y a litige sur sou
existence, cas auquel le cédant ne vend q u ’une chance, et 11e demeure
garant de rien. C ’est à celle dernière espèce seule que le tribunal
dont est appel a voulu réduire l’application de l’art. 889 ; erreur ma»
�— oG —
nifeste, que condamnent les principes, les lois positives et la juris
prudence de tous les temps. IN’est-il pas certain, en effet, et l’ex
périence
des affaires, comme la simple intelligence des actes,
n’apprend-elle pas à tout le monde que toutes ces espèces de con
ventions renferment ce que ^
lois qualifient jaclus relis, c ’est-à-
dire, que le cédant transforme en une somme fixe, ou une chose
certaine , des droits plus ou moins contestés, pour rejeter sur le cédataire toutes les incertitudes de son droit, de la quotité ou de
l’étendue de ce d ro it, en un m o t , tous les hasards de la succession?
Que , par cela s e u l, et n’y eut-il que la condition imposée de payer
la généralité des dettes connues ou inconnues, il n’y a jamais lieu à
rescision, parce que les parties ne pourraient reconnaître soit une
matière certaine et déterminée, soit un prix fixe et invariable , aux
quels elles pussent s’arrêter, et qu'alors il n’y a jamais possibilité de
prouver la lésion?
Au reste , remarquons bien l’antithèse qui existe entre les deux
articles 888 et 889. L e premier refuse toute conséquence à la quali
fication de transaction, lorsqu’elle est donnée à un véritable partage;
à tout acte qui fait cesser l’indivision entre cohéritiers, lorsqu’il pro
duit lotis les résultats du partage, garantie réciproque , etc. Il n’a
q u ’un b u t , celui de m a i n t e n i r l’action e n rescision qu’il introduit,
et à laquelle, sans celte disposition, 011 aurait.toujours pu échapper
par la forme et la qualification des actes. Mais la loi ne veut, et n’a
besoin de cette exception, que lorsqu’il s’agit d ’un véritable partage,
et que la qualification est donnée dans une intention frauduleuse. Il
11’esl p as, en cilet, défendu de transiger sur la matière des partages
Tpas plus que sur toute autre , lorsqu’il existe line malière quelconque
à transaction; l’art. 888 n ’a pas ce sens absolu. On peut indépen
damment de la raison , qui semblerait suffire
consulter tous les doc
teurs qui ont écrit sur cette m alière, notamment M. Chabot de l’Allie r , sur l’arlicle 888. llien de plus formel que leur doctrine. Au
surplus, tout cela n ’est autre chose que l’application spéciale de ce
grand principe de l’art. 1 l 5 G , que la nature des actes se détermine
�— 57 —
plus par l’intenlion que par le sens littéral des termes. Aussi le lé
gislateur s’empresse-t-il d ’ajouter que cette exception cessera, et q u ’il
11 y aura pas lieu à rescision contre la vente de droits successifs. Pour
quoi cela? parce q u ’une cession de celle nature (q uoiqu e premier
acte entre cohéritiers) , faite par celui qui prétend un droit à celui
qui le co n teste , soit dans sa réalité, soit dans son étendue , et alors
même qu’il ne contesterait que sur la valeur, est une véritable tran
saction entre deux parties qui ont des intérêts opposés; e t , alors,
n’importe que la transaction porte sur des difficultés fondamentales
ou sur des questions de quotité ou de détail, il y a toujours une vé
ritable transaction. En d r o it , le tribunal a donc évidemment erré.
En fait, nous ne concevons pas qu’il ait pu dire sérieusement q u e ,
« dans la vente du 12 a o û t , Canu a vendu non-seulement des droits
certains, mais encore des droits liquidés et déterminés. »
*
Quoi ! ses droits étaient certains , lorsqu’il s’était empressé de
constater lui-même qu ’il craignait contestation sur son identité? lors
que ses conseils ayant décidé que cette identité était'suiïisamment
établie , ses adversaires lui répondaient que cela pouvait être contesté,
et q u ’on l’insérait dans l ’acte même? lorsqu’enfin 011 soutenait que
la reconnaissance étant postérieure à l ’acte du 14 janvier i 8 i 5 , elle
ne pouvait y porter atteinte?
Q u o i! scs droits étaient liquides cl déterminés, lorsqu’on lui con
testait celui d ’exiger le rapport des biens attribués aux enfans, par
l ’acte du i4 janvier, et l’application 'de l’art. 9 1 8 , à raison du prix
considérable et des conditions onéreuses attachées à cet acte !
E t , enfin, où était donc ce partage préexistant, que le tribunal
voit partout, q u ’il ne peut cependant pas signaler, et q u ’on n’aper
çoit nulle part? Q u ’importe q u e , pour savoir si 011 avait intérêt *i
transiger et pour quel prix, la partie eut examiné, par l ’estimation
des b ien s, si elle aurait des chances plus ou moins avantageuses à
courir en cas de succès dans une lutte judiciaire, et voulu connaître
ce qui lui reviendrait, toutes suppositions fuites en sa faveur? Cela
cm pêchc-t-il q u ’elle ait réellement transigé sur des difficultés eiijr-
�lantes, et qui pouvaient être décidées contre elle, si elle soutenait le
procès? Q u’importe, enfin , qu’il y ait une valeur fixée, dés qu’il n’y
en a pas d ’aufre que celle de la transaction? Sans doute si, avant de
transiger, et en dehors de la transaction, on eût reconnu les droits
de Léonard Canu ; si on en eût fixé la nature, la quotité, l’étendue
et la valeur, et q u ’ensuite on lui eût attribué une somme moindre,
sous prétexte de transiger, l’argumentation du tribunal pourrait être
vraie. Mais ici, en estimant les biens et la part qui en serait revenue
à Canu en supposant son droit, on lui contestait ce droit, et on n’a
vait d ’autre but que de mettre cette valeur en regard de la somme
offerte , pour prouver q u ’on faisait une proposition avantageuse. Au
r e s te , sans raisonner nous-mêmes, nous n ’avons qu’à laisser argu
menter le tribunal dont est appel : il a senti le besoin d ’un partage
préexistant à la transaction, d ’une valeur fixée en dehors de cette
transaction ; et il nous suffit de nous reposer là-dessus, en démon
trant q u ’il ne se rencontre aucune de ces conditions que lui-même a
jugées nécessaires, et qui le seraient en effet.
A la v érité, on a dit dans la transaction que Léonard Canu était
le fils naturel de François Gueston ; mais qu’importe ? Cela résultait,
bien ou m a l, de l’acte de reconnaissance du père ; et en le répétant
dans la transaction , les enfans disaient qu'ils pouvaient contester cette
reconnaissance, postérieure à l’acte du i/j janvier
i
8 i5,
comme
faite ou surprise à leur père en fraude de leurs droits. L e tribunal
ajoute encore que cela résulte même de ce que les enfans Gueston
Vont admis à l’ exercice de ses droits en cette qualité. Mais on ne veut
pas voir que c ’est seulement par la transaction, c l en transigeant,
q u ’il a élé admis, non à exercer scs droits comme héritier, mais à
recevoir 3 ,o o o fr. par transaction. O r , dès que les enfans Gueston
sc résignaient à donner 3 ,ooo fr. , il était impossible de ne pas sup
poser à Canu un titre pour les recevoir; e t , dès lors , il fallait néces
sairement transiger sur le titre comme sur la somme ; e t , clans leur
ensemble, toutes ces conventions ne faisaient toujours q u ’une tran«action unique, où chacun renonçait à de plus grandes prétentions1,
�et "où l’admission de Canu à prendre 3 ,ooo fr. , comme enfant na
t u r e l, n ’était écrite qu’à côté de sa promesse de ne pas faire valoir
sa reconnaissance pour réclamer quoi que ce soit au delà de ces
3 ,ooo fr. , et pour accuser devant les tribunaux la mémoire du sieur
Gueston.
M ais, là-dessus, nous serons bien plus forts en laissant raisonner
le tribunal lui-même. 11 en dit plus q u ’il n’en faut, dans un motif
subséquent, pour détruire tout l’effet des p récéd en s, quand son ar
gumentation serait vraie, jutant q u ’elle manque de justesse.
« Attendu que l’acte dont il s’a g it , contenant transaction sur d ’au» très points litigieux, les héritiers Gueston pourraient alléguer, peut» être, que /’admission de Canu à prendre part à [a succession de leur
» père, dans la proportion qui s’y trouve déterm inée, n ’ a été que la
« condition, par forme de transaction, delà renonciation de leur part à
* différons droits, et notamment à celui de contester la qualité d ’enfant
» naturel.
» Mais, attendu que cette considération, toutefois, n ’ôterait rien
» au résultat de l’acte du 12 août, pour en changer la nature et les
» effets. »
Très-bien : le tribunal reconnaît rtettement que l ’acte du 12 août
contenait transaction sur des points litigieux. Ce n’était donc pas une
qualification fausse réclamant l’application de l’art. 888. Seulement,
le tribunal dit que celte transaction portait sur d ’autres points : il
aurait été fort embarrassé, sans doute , d ’en désigner d ’autres , c ’està-dire des points de litige étrangers à la question et aux droits de
Léonard Canu ; mais il s’empresse de nous rassurer à cet égard ; luimême il efface immédiatement celte qualification :
A
utres
, qu'il
vient d ’écrire, et il reconnaît qu’ un de ccs points litigieux était le
droit de contester à Canu la qualité d ’enfant naturel. D o n c , d ’après
le jugement lui-m êm e, il y avait contestation, et il y a eu transac
tion sur ce point important, fondamental , en même temps que sur
d ’autres; et l ’admission de Canu à prendre part à la succession a été
le résultat, l'effet et uue des conditions de cette transaction. Q u ’avions-
�-
4
0
-
nous donc besoin d ’examiner nous-mêmes les caractères de cet acte',
de rechercher s’il contenait ou non transaction ; et com m ent, à côté
de ce m otif, tous ceux qui précèdent peuvent-ils se soutenir ? N'estil pas désormais incontestable qu’ un de ces d roits, auxquels les héri
tiers Gueston ont renoncé, était celui de contester la qualité de Canu
comme enfant naturel de leur père , et q u ’ils l’ont fait en regard des
conditions qui ont accompagné cette renonciation? Q u ’enfin, la pro
messe de payer 3 ,ooo fr. n ’a été que la conséquence de cette re
nonciation, qui n’était faite elle-même que parce que Canu ou ses
tuteurs, pour l u i , renonçaient à toute prétention autre que celle de
ces 3 ,ooo fr. ? L e jugement le reconnaît.
Au r e s te , convenons que les enfans Gueston auraient joué une
partie de dupes, s’ils avaient consenti à reconnaître sans retour une
qualité q u ’ils contestaient, une identité q u ’ils contestaient e n co re,
des droits de réduction qu’ils ne voulaient pas souffrir, et tout cela
sans prendre aucune précaution pour lie r , à leur égard, Léonard
Canu. Evidemment, ils n’ont pas abandonné leurs m oyens; et au
jourd’h u i, si on pouvait annuler le traité, et aborder la demande en
partage, il y aurait toutes ces questions à juger. O r , ces questions,
avec un majeur surtout, seraient matière à transaction, llien n ’est
plus évident. Pourquoi donc ne l’auraient-elles pas été en 1 8 1 6 ?
Iist-ce qu’elles n’étaient pas les mêmes ?
II est donc bien évident que l ’acte de 1 8 1 6 , supposé fait entre
majeurs, ne serait pas susceptible d ’ôtre anéanti; qu ’aucun moyen
de nullité écrit dans les lois pourrait l’atteindre , et qu’en le consi
dérant même comme ayant, au fond, les caraclères d ’un acte qui fait
cesser l ’indivision, il serait inattaquable , parce q u ’il ne serait pas
moins une véritable transaction ; e t , d é jà , il demeurerait démontré
que ni le procureur du roi de 181 G, ni les jurisconsultes qu ’il avait
n o m m é s, ni le conseil de famille qui avait autorisé la transaction , ni
le tribunal qui l’a homologuée, n ’ont été si mal avisés q u ’on le sup
pose.
L a minorité de Léonard Canu, en 181G, forcerait-elle d ’adopter une
�décision, contraire ? Non-seulement nous repoussons cette proposi
tion , mais nous allons prouver que la position des enfans Gueston
devient plus favorable, et encore plus ¡également fixée par cette seule
circonstance ; et on va reconnaître q u ’alors même qu ’un majeur
pourrait encore, quoique sans avantage, agiter la question de res
cision , et un tribunal la. ju g e r , cas auquel il serait obligé de la re
je te r, comme nous venons de l’établir , tous les tribunaux sont
incompétens pour examiner le mérite et les caractères de la transac
tion judiciaire de 1 8 1 6 , et que le mineur, lui-m êm e, demeure dé
pourvu, e t , pour mieux dire, dépouillé par Ja loi même de toute
capacité pour la critiquer, parce qu ’elle a pris du jugement d ho
mologation un caractère irrévocable et une validité qui ne peut plus
être mise en question. Ici se présente une question grav e, qui tient
à l’honneur même de la justice.
Avant le Code civil, la législation n’offrait aucun moyen de faire
une transaction solide avec les mineurs; et comme on le voit dans
l’exposé des motifs de la l o i , par M. B e rlie r, sur l’article 4^7 » Ie
Code a voulu créer cette faculté dans un intérêt général.
<t Les principes admis jusqu’alors, dit M. Berlier , sans repousser
ces transactions, en rendaient l’usage impraticable; car elles ne pou
vaient valoir qu ’autant q u ’elles profitaient au pupille , et que celui-ci
s’en contentait ; si hoc pupillo expédiât ; et ce point de fait, toujours
subordonné à la volonté future du mineur, écartait nécessairement
un contrat aussi peu solide.
» De cette manière, toutes les difficultés dans lesquelles un mi
neur était engagé devenaient un dédale d ’où l’on ne pouvait sortir
q u ’à grands frais, parce que les issues conciliatoircs étaient fermées,
et que si le tuteur n’osait rien faire qui eût l’air d ’altérer un droit
équivoque, de son c ô t é , l ’adversaire du pupille ne voulait point
traiter avec un homme dont le caractère ne lui offrait aucune ga
rantie.
» De là, ruine de plus d’un m ineur; de là , aussi, de nombreuses
entraves pour beaucoup de majeurs.
v
6
�-
ni -
_ ti II convenait de mettre un terme à de si grands inconvénient,
et le projet y a pourvu en imprimant un caractère durable aux tran
sactions pour lesquelles le tuteur aura été autorisé par le conseil de
l'amille, de l'avis de trois jurisconsultes désignés par le commissaire
du gouvernement, et après que le tribunal civil aura homologué la
transaction sur les conclusions du môme commissaire.
i Tant de précautions écartent toute espèce de danger ; elles sub
viennent aussi aux besoins de la société, q u i , en accordant une juste
sollicitude aux mineurs, doit aussi considérer les majeurs ; elles don
nent enfin à l’administration du tuteur son vrai complément. Que serait-ce , en effet, q u ’un administrateur qui ne trouverait pas dans la
législation un moyen d ’éviter un mauvais procès, ni de faire un ar
rangement utile. ?»
Ces considérations, qui ont une haute portée , et qu'on trouve
reproduites dans les discours prononcés sur les art. 20S2 et 2o53
du Code civil, ont amené la disposition de l’art. 4 ^7 - Avec ce la , i)
est facile d en saisir les caractères et d ’en déterminer les effets. La loi,
toujours prévoyante, a voulu imprimer aux transactions qui seraient
faites en la forme q u e lle prescrit, le caractère de l’irrévocabilité , no
nobstant la minorité d'une 011 de plusieurs parties; et elle en a con
fié le pouvoir aux ministres de la justice. Sous leurs ailes , et avec
leur protection , les mineurs peuvent tfaire les actes qui les intéressent aussi valablement que les majeurs.
E t , aussi, dans cette nouvelle création , ne retrouve-t-on plus,
comme principô applicable à tous les cas, la hiérarchie des divers
degrés de juridiction. 11 ne s’agît plus, en effet, do ces discussions
qui naissent de la diversité des intérêts entre des parties opposées,
lesquelles peuvent élever des questions subtiles , faire naître des
doutes, embarrasser les esprits. L;\ les magistrats sont appelés à pro
noncer sur des questions souvent difficiles ; ils peuvent se méprendre
sur le sens des actes, sur la véritable volonté des parties, sur l’appli»
cation des lois; et il faut au législateur des garanties contre l’erreur
des juges oux-môincs. C ’est pour cela q u ’il établit divers degrés de
�— 43 —
juridiction comme une sauvegarde pour les intérêts privés qui sont
en présence.
- Mais lorsqu’il s’agit seulement de suppléer à l’incapacité des per
sonnes, et d ’environner les incapables d ’une autorité tutélaire qui
veille à la conservation de leurs droits, le législateur ne pense plus, il
ne peut plus admettre la nécessité des divers degrés de juridiction. L e
ministère du juge n’est plu^le même ; il n’est'plus q u ’un surveillant*
que la loi charge de protéger le mineur, et à qui elle donne toute
autorité pour mettre la sanction à ses actes, lorsqu’ils sont faits avec
les formes régulières , et qn’il y a reconnu.de l’avantage ; mais, aussi,
après qu’il les a homologués, la loi leur donne-t-elle .tout lu carac
tère d ’irrévocabilité q u ’ils auraient, si toiiLes les parties eussent été
majeures et libres de leurs droits; c ’est ce que le Code civil nous
enseigne
O dans une foule d ’arlicles.
~ i
m
Nous avons rapporté plus haut les articles 2o 5 a et 2o 5 3 * sur l’eEfet
des transactions entre personnes capables de contracter ; à cela il
faut ajouter diverses dispositions, soit générales, soit particulières,
sur les personnes incapables;
L ’art. 1123 : « Toute personne peut contracter si elle n’est pas
déclarée incapable par la loi. j
’
,
L ’art. 1 1 2 4 : « Les incapables de contracter sont les mineurs , —
» les interdits , — les femmes mariées, dans les cas exprimés. »
L ’art. 1 1 25 : « Le mineur , l’in terd it, la femme mariée, ne peu> vent attaquer leurs engagemens que dans les cas prévus parla loi. »
D ’où il résulte que leurs engagemens sont valables toutes les fois
que la loi ne les autorise pas expressément à les attaquer.
O r , tous ces articles sont coordonnés avec l’art. 467 , qui autorise
le tuteur * à transiger après autorisation du conseil de famille, et
» l’avis de trois jurisconsultes commis par le procureur du roi. »
Il ajoute que « la transaction ne sqra valable q u ’autant q u ’elle aura
» été homologuée par le tribunal de première instance. »
Quoique cette disposition ne soit exprimée q u ’en termes négatifs,
«lie ne renferme pas moins la règle que l’homologaliou du tribunal
�-
«
-
¿tiiTîra pour valider la transaction faite par le mineur} ou , pour l u i ,
par son tuteur, Elle est1-, d ’ailleurs, confirmée par l’art. 2o/f5.
Enfin , on peut y ajoutèr l’art. 1 3 1 4 :
t Lorsque les formalités requises à l’égard des mineurs, soit pour
» aliénation d ’immeubles, soit dans un partage de succession> ont
» été remplies , ils so n t, relativement à ces a ctes, considérés comme
4» s ’ ils les avaient faits en majorité. »
*
Cet article semble* ne parler que de deux cas spéciaux, la vente
des immeubles et le partage ; mais il est évident que sa disposition
est générale, o u , tout au m oins, qu’elle le devient par une inévi
table analogie.
D ’une p art, il est placé sous la rubrique générale de l ’action en
■nullité des conventions.
•i
O r , en ^ ra p p ro ch a n t des art. 1 1 23 , 1 124 et 1 1 2 5 , sur les nul
lités résultant de la minorité, et de l'art. 467 > qui autorise la tran
saction entre m ineurs, avec les formes prescrites, on demeure con
vaincu que l’ art. i 3 i 4 s’applique à toutes les conventions permises
au m ineur, lorsque les formalités requises ont ctè remplies, et que ne
lut-il pas écrit dans le Code, il faudrait l’y suppléer.
E t , aussi, dans le rapport de M. Jaubert au T ribu nal, trouve-ton ce passage décisif :
a Hors les cas spécialement exprim és, les mineurs ne peuvent être
admis à la restitution. La restitution est un bénéfice extraordinaire
et une exception. Toute exception doit &tre fondée sur une loi pré
cise.
» Cependant, il était convenable de rassurer pleinement ceux qui
traiteraient avec des mineurs, en suivant les formalités prescrites.
Cette précaution , si elle n’était pas nécessaire, est du moins u tile , à
cause de cette idée si invétérée, et qui s’est si souvent réalisée , q u ’il
n’y avait pas de sûreté à traiter avec les mineurs.
» Pour les partages, l ’opinion générale était q u ’ils ne pouvaient
être que provisdires ; quant aux ventes, toutes les formalités possi
bles n’empêchaient pas que l’acquéreur ne fût inquiété sous prétexte
de la moindre lésion.
•
�* » Il fallait souvent des demi-siècles pour savoiï si une affaire traité^
avec un minenr pouvait être regardée comme absolument con
sommée.
*
5 L ’intérêt des mineurs, celui des familles, le respect dû à là mo
rale publique, exigeaient que la personne et les biens des mineurs
Fussent environnés de toute la protection de la loi.
r » Mais enfin , an est souvent forcé de traiter avec les mineurs, et
des mineurs ont souvent besoin qu’on traite avec eux. Il faut donc
que l ’ intérêt des tiers soit garanti, lorsque les tiers ont suivi les for
mes prescrites par la loi. »
'• Evidemment celte doctrine, qui est le fondement de la lo i, s’ap' plique aux transactions comme à toute autre espèce d’acle qu’elle a
autorisés avec des formalités diverses. D ’ailleurs, cela est d ’autant
plus
évident
j que la transaction ne peut jamais avoir trait q u ’à des
meubles ou ii des immeubles. Dans le premier cas, elle est presque
toujours dans le domaine du tuteur 011 du mineur émancipé ; dans le
l’art. i 3 i/j y est expressément applicable; il l’est surtout
dans le cas particulier : car de quoi se plaint-on? de ce q u ’au lieu
d ’ouvrir un partage au mineur, et d ’o r d o n n e r une estimation judi
Second,
ciaire d'immeubles, le tribunal a autorisé le mineur à recevoir une
simple indemnité de 3 ,ooo fr. IVest-il pas évident que plus cela se
rait
Il
vrai,
plus l’art. 13 14- serait applicable?
est donc démontré qu ’une fois l’avis dit conseil de famille et des
troiâ jurisconsultes obtenu, et l’homologation du tribunal prononcée,
l’acte est irrévocable comme s’il avait été fait entre majeurs; nous
osons ajouter qu’il est cent fois plus respectable , parce q u ’il est cou
vert de la protection de la justice.
Un majeur, en effet, peut se tromper, agir avec légèreté, se lais
ser préoccuper par des apparences, par quelques entrainemens ; et
il tie faut pas moins sanctionner ce qu ’il a fait librement, alors môme
qu’il ne le voudrait plus. La justice, au contraire, ne se préoccupe
t>as; olle n'agit ptiS légèrement; elle ne dément jarrriis la gravité de
fion ministère ; et lorsqu'elle a observé les formes exigées pour tel ou
G.
�-
46 -
tel acte, toute garantie est acquise aux intérêts de l’incapable, parce
que son incapacité, suffisamment suppléée, a totalement disparu. . ,
Ici une réflexion se présente, que nous ne devons pas laisser ina
perçue.
Saisi du pouvoir d’accorder ou de refuser l’homologation , le tri
bunal de première instance est nécessairement investi du droit de
déterminer la nature de l’acte qu ’on lui p résente, et les formalités
qui lui conviennent. O r , il est et il doit être de l’essence de sa dé
cision d ’être aussi-bien irrévocable dans cette partie que sur le fond
même de l’intérêt du mineur.
î
Eh quoi ! il aurait le pouvoir d ’homologuer une transaction , et
l’obligation de l’examiner avec scrupule avant de statuer, et ¡1 n’au
rait pas le droit et le pouvoir de décider si l’acte q u ’on lui présente
est une véritable transaction !
. Qui d o n c, lorsqu’il l’a reconnu, serait compétent pour décider le
, .
«
contraire?
Serait-ce lui-m êm e, comme le juge'naturel des parties? Mais estce qu ’il pourrait proroger sa juridiction pour détruire ce q u ’il a fait?
- On comprend*bien que si l’acte a été fait sans les formalités pres
crites, il puisse en prononcer la nullité; mais pourquoi cela? C ’est
que , dans cette hypothèse, l’acte a été fait sans pouvoir, hors des
termes de la loi, et il reste sans valeur; e t, en ce ca s, le tribunal
ne fait qu’appliquer la loi dans les bornes de son autorité, en décla
rant nul un acte fait en contravention aux lo is, et qui ne se trouve
plus souscrit que par un mineur dont l’incapacité n ’a pas été légale
ment suppléée. Mais dans le cas, au contraire , où les formalités re
quises ont été observées, et l’homologation prononcée , le juge a agi
légalement; il a consommé un acte de son ministère. O r , il n’a pu
Je, faire ainsi sans fixer définitivement les caractères du contrat, et
déterminer le genre de formalités qui lui était propre. Si donc elles
o n t
été remplies, l’homologation de l’acte a épuisé sa juridiction : il
ne serait plus admissible ensuite h décider, et aucfiiî autre tribunal
ilu serait compétent pour dire qu ’il s’est trompé , q u ’il a mal apprécié
�-
47 -
'
l’acte qui lui était soumis. Il était juge , clans le cercle de ses fonc
tio n s, la première fois, comme il l’est la seconde, et il n’est pas au
torisé à se réformer.
Toute cette doctrine se résume en deux mots.
•
L é jugement qui intervient sur la demande de l’incapable, et qui
homologue l’acte qualifié transaction, n’est autre chose que la con
sommation du contrat, l’acte nécessaire pour q u ’il soit valable et
parfait, en donnant au mineur pleine et entière capacité pour le
consommer ; et si celui au nom duquel Pacte a été fait et le jugement
rendu veut se plaindre, i^faut qu ’il attaque l’acte lui-même par les
moyens ordinaires de nullité. O r , il ne lui su (Tira pas de dire que la
justice a prononcé légèrement, qu ’elle n’a pas assez examiné , il fau
dra qu’il prouve qu’èlle a été surprise , q u ’on a amené la consomma
tion de l’acte par des moyens frauduleux, exercés au préjudice de
lui mineur ou interdit, et que le tuteur qui a provoqué l’acte a par
ticipé à la fraude, ou a été lui-même trompé et surpris par le dol
d ’un tiers qui a profilé de l’acte. C ’est donc , dans cette supposition ,
une action en nullité qu’il faut exercer contre les autours de la
fraude, et q u i, en certains cas, peut amener la révocation de l’au
torisation judiciaire ; mais lorsque le mineur ne pourra citer aucun
fait de dol exercé par des tiers, et q u ’il se bornera à dire qu ’il a mal
à propos demandé l’autorisation de faire un a c t e , et q u ’on ne devait
pas riiomologuer, son action s’anéantira devant l’autorité des lois,
qui protègent les contrats régulièrement consommés, et les actes des
corps judiciaires qui les ont autorisés ou confirmés. Toute autre
doctrine serait dérisoire pour la justice. A in si, le tribunal de 18 1G a
pu decider que c ’était une transaction, il l’a fait valablement, ir
révocablement, et il n’y a plus à y revenir. Iîl comment, dans l’es
p è c e , hésiter à le reconnaître? On veut qu’en 18 1G le tribunal de
Moulins eut du employer les formalités du partage; mais c ’eût été
refuser au mineur la faculté de transigea, le forcer à p l a i d e r ' malgré
lui, l’obliger à soulever des questions, et à provoquer une décision
qui pouvait détruire jscs_espéranccs ; tourner enfin contre lui ce qui
�4 + 1
♦*
*
*
*
'* •
î
était établi en si» faveur. Mais quoi! on voudrait donc ^refuser au tri—
bùnal compétent eh 1 8 1 6 , le droit de juger ce qui était plus avan
tageux au mineur! On 11e fait pas attention qu’avant d'ordonnôr
l’emploi des formalités du partage, le tribunal de. Moulins Voyait des
questions à juger, et qu ’il a reconnu préférable au mineur qu ’elles
ne fussent pas agitées. C ’est donc avec une intention bien méditée
q u ’il a eu recours aux formes de la transaction. Est-ce q u ’il n’en avait
pas le pouvoir? E t , d ’ailleurs, quel est donc ce grief si fâcheux qui
doit soulever aujourd’hui le zèle de la justice? Il se borne à dire quô
l’estimation des biens n’a pas été faite par trois experts commis. Ou
nVa pas fait attention, e n co re , que le tribunal n’a ordonné d ’estima
tion d ’aucune espace ; q u ’il était le juge du besoin de cette estima*
t i o n , et q u ’évidemment elle n’était pas nécessaire!, puisqu’il ne fai
sait pas un partage.
Mais pourquoi tant raisonner sur des hypothèses, en droit, aloM
que le fait est positif, certain , et d’une telle évidence , quJil apparaît
de lui-mème à tous ies yeux? Est-ce q u ’il peut s’élever le moindre
doute sur la question de savoir si l’acte était une véritable transac
tion? Nous en avons assez dit ci-desSus, pages 18 et suivant., et 3 g ,
pour qu’il ne puisse pus subsister (le doutes, et iious il’y reviendrons
pas. L e tribunal dont est appel lui-mème s’est vu obligé de le recon
naître et de le consigner dans son jugement; eu sorte que ce n’est
plus seulement avec des autorités étrangères, mai .4 avec le jugement
dont est appel lu i-m è m e , que nous détruisons le système des pre
miers juges, et le fait sur lequel il est établi.
Mais ce n’est pas là seulement que nous pouvons mettre ce juge
ment en contradiction avec lui-mème ; ne dit-il pas encore que
l’acte de i 8 1 5 , portant cession de ses biens , par le sieur Gueston
père à ses enfans , était tine donation déguisée ?
Quoi ! c ’est le tribunal doi^t est appel qui juge celte question , et
qui décide en même tem fs
q u ’il
n’y avait en 1816 ni litige ni ma
tière à transaction ! Est-ce qu’il a vu quelque part que les enfans
Gueston eussent renoncé à se sfcrvir de cet acte authentique, et doftt
�— 49 —
l’exécution était depuis long-temps consommée? Est-ce q u ’il’ n’a pas
lu dans la délibération du conseil de famille , et dans la consultation
judiciaire , que les enfans Gueston entendaient en soutenir la vali
dité et se refuser à la réduction? Est-ce que cela n’y est pas exprimé
assez clairement lorsqu’on y lit ce motif des trois jurisconsultes :
« Considérant q u ’il importe d ’éviter à l ’enfant naturel un procès
» qui ne tendrait q u ’à faire naître pour lui des chances incertaines,
» et à remettre en question ce qui est résolu en sa faveur, en l’expo» sant à des frais considérables qui pourraient consommer sa ruine. »
E t , enfin, e s t - c e q u e , aujourd’hui m ô m e , cette question se
trouve jugée quelque part ?
Ce n’est pas tout encore ; lisons la disposition finale du jugement,
et nous verrons q u e , là comme dans ses motifs, le tribunal détruit,
de ses propres mains, tout le système q u ’il avait édifié.
C ’est après avoir reconnu q u ’il y avait transaction sur des points
liti gieu x, fondamentaux, q u ’il prononce sur la demande en validité
d ’offres. Considérant l’acte de 1816 comine n u l, parce q u ’il n’était
q u ’un partage, y appliquant l’art. 888 du Code civil, qui est évidem
ment étranger à cette question de nullité, il rejette la dem ande,
puis il ajoute :
« Fait réserve à toutes les parties de leurs droits respectifs, à l’effet
» soit de procéder à un nouveau partage, soit d ’ exercer lesdits droits ,
» ainsi q u ’elles aviseront. Ordonne qu ’il sera fait masse des d é p e n s,
» qui seront supportés par quart par chacune des parties.
L e tribunal savait très-bien que Léonard Canu, avait formé une
demande en partage devant le tribunal de Montluçon, dans le ressort
duquel la succession s’est ouverte , et que cette demande faisait re
vivre toutes les questions soulevées et éteintes en 1816. O r , n ’osant
pas les juger directement, il réserve aux parties tous leurs droits,
soit pour faire un nouveau partage, soit pour exercer lesdits droitsPuisque de ces deux hypothèses il fait une alternative, il a donc la
pensée, il reconnaît donc que l ’exercicc desdits droits p o u rrait écarter
la demande en partage; e t, en effet, c ’est une position inévitable,
�qui résulte de ce q u e , en annulant la transaction , il ne pouvait pas
s’empêcher de remettre chacune des parties dans la position où elle
était auparavant. Ainsi, il délaisse toutes les parties à se présenter
devant le tribunal de Montluçon , l’une pour suivre sa demande en
partage, les autres pour s’en défendre, y faire valoir leurs droits, et
faire rejeter, si elles peuvent, cette dem ande, par leurs moyens
préjudiciels. On en reviendra donc devant le tribunal de Montluçon,
pour agiter toutes les questions qui sVilevaient en 1 8 1 6 , sauf, toute
fois, la difficulté que trouveraient, peut-être, les enfans Gueston à
établir, après un intervalle de vingt années, certains points de fait
qui étaient notoires à cette époque. L à , nous aurions à examiner,
avant tout, la question d ’identité du dem andeur, celle de savoir si
la reconnaissance du 3o mars 1816 a été faite librement et avec con
naissance de cause ; ;si elle n ’était pas, au contraire, le produit du dol
exercé sur le sieur Gueston, comme on offrait de le prouver; si elle
pouvait, dans tous les cas, porter atteinte à la vente de i 8 i 5 , faite
par le père à scs trois enfans, etc., etc.
.
Sans d o u te , e n co re , le tribunal a eu la conviction que les enfans
Gueston avaient pu soutenir, sans injustice, que l’acte de 1816 était
une transaction ; c ’est le seul motif qui ait pu autoriser la compensa
tion des dépens'. O r , celte conviction a dû résulter nécessairement
de ce que le tribunal reconnaissait q u ’il y avait eu transaction sur
des points litigieux q u e , d ’abord, il qualifiait autres; qu ’ensuite, il
reconnaissait s’appliquer aux prétentions de Canu. Mais c ’est évi
demment avouer q u ’en 181.6, il y avait, comme aujourd’hui, matière
à transaction ; et comment le tribunal n’a-t-il pas aperçu q u ’en se
refusant, à lui-même (tribunal de *81G) , le. droit de reconnaître,
dans l’acte , une véritable transaction , et de l’homologuer comme
te lle , alors que la loi lui en donnait le pouvoir, il faisait lui-m êm e,
sans le d ire, en i 836 , et 6ans en avoir le droit, une véritable tran
saction, pleine, toutefois, d’inconséquences ?
Mous ne pousserons pas plus loin cette discussion. C ’est déjà trop,
sans doute. Si quelque chose est respectable au monde, ce sont les
�— 51 —
actes des corps judiciaires lorsqu’ils sont faits dans les limites de leur
autorité, et environnés de toutes les solennités prescrites par la loi.
I c i , en 1 8 1 6 , des prétentions opposées faisaient pressentir une
lutte vive, animée, chanceuse; un mineur y était intéressé. Pour en
prévenir les dangers, il a réclamé l’autorisation de transiger; un
conseil de famille y a reconnu d ’incontestables avantages; trois ju
risconsultes , régulièrement com m is, en ont démontré l’utilité pour
le m ineur, et ont signalé le danger q u ’il y aurait pour lui à ne pas
le faire. Légalement éclairé, le tribunal a couvert de sa protection
tutélaire les intérêts du mineur, et l’a relevé de son incapacité. Ainsi
couvert de son autorité souveraine, ce contrat a reçu toute sa perfection ; il demeure donc inébranlable; et c ’est honorer à la fois la
justice et son ministère, que de prononcer la maintenue d ’une con
vention fait loyalement, en connaissance de cause et avec pleine li
berté , sous la foi de la législation qui nous régit.
**
»
Me DE VISSAC avocat.
Me V EYSSET, avoué-licencié.
RIOM, IMPRIMERIE DE E. T HIBAUD
�
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The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Gueston, Gilbert. 1836]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
De Vissac
Veysset
Subject
The topic of the resource
successions
partage
enfants naturels
coutume du Bourbonnais
exposition
abandon d'enfant
fausse identité
reconnaissance de paternité
transactions
partage
domestiques
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire pour Gilbert et Louis-Etienne Gueston, propriétaires ; Françoise Gueston, et Jean-Pourçain Causse, son mari, propriétaire et Docteur en médecine, appelans de jugement rendu par le tribunal civil de Moulins, le 28 avril 1836 ; contre Léonard Canu, Intimé.
Annotations manuscrites.
Table Godemel : Enfant naturel.
6. lorsqu’après la reconnaissance authentique d’un enfant naturel et le décès du reconnaissant, les héritiers légitimes de ce dernier ont confirmé la reconnaissance, dans un acte passé avec le tuteur autorisé par une délibération du conseil de famille, en admettant l’enfant naturel à l’exercice de ses droits, en cette qualité, dans la succession de leur père, et que, dans cet acte, qualifié transaction, après l’énumération de tous les biens de la succession, leur estimation, la composition de la masse, la liquidation et enfin, la détermination de la quotité revenant à l’enfant naturel avec évaluation d’une somme fixe, on lui abandonne une somme un peu plus forte pour le désintéresser plus complétement et pour tous les droits qu’il peut prétendre dans la succession du défunt ; cet acte bien qu’il ait été homologué en justice, à la diligence du tuteur, et sans contradiction doit-il être considéré comme vente de droits successifs et transaction, ou au contraire comme partage ?
l’enfant naturel après sa majorité, peut-il, en invoquant le véritable caractère de l’acte, s’il a réellement fait cesser l’indivision, et en excipant de ce que les formes prescrites par la loi, pour l’efficacité des partages avec des mineurs, n’ont pas été observées, en demander la nullité, ou la rescision pour cause de lésion, et conclure à un nouveau partage ?
peut-on lui opposer, comme fins de non-recevoir, l’autorité de la chose jugée, résultant, soit de la décision judiciaire qui avait homologué l’acte réglant à une somme fixe ses droits dans la succession de son père naturel ? soit du caractère et des effets de la transaction ayant eu pour objet de trancher, entre parties, des difficultés nombreuses sur la qualité du réclamant, sur le règlement de ses droits, sur les conséquences des libéralités et dispositions antérieures faites à son profit ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Imprimerie de E. Thibaud (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1836
1814-1836
1814-1830 : Restauration
1830-1848 : Monarchie de Juillet
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
51 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2805
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2806
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53561/BCU_Factums_G2805.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Le Montet (03183)
Moulins (03190)
Trévol (03290)
Sciauve (château de)
Salles (terre de)
Saint-Hilaire (03238)
Saint-Silvain-Bas-le-Roc (23240)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
abandon d'enfant
coutume du Bourbonnais
domestiques
enfants naturels
exposition
fausse identité
partage
reconnaissance de paternité
Successions
transactions
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53583/BCU_Factums_G2827.pdf
c2a426fc766a5dc4b6c8dadb45d72c2c
PDF Text
Text
POUR
Pierre V A L L E R Y - D E SSA UR E T DE
C H E Y L UC, intimé;
CONTRE
Les frères VIALON, appelans de jugement
rendu par le tribunal d’Issoire Ie 4 fé
vrier 1839.
A P RÈS vingt années d 'e x é c u t i o n com p lète d ’une transaction co n
ven ue en 1 8 1 7 et con so m m ée en 1 8 2 3
,les frères Vialon ont élevé , ;
en 1 8 3 8 , :une prétention q u i repoussent tous les actes e t toutes les
circonstances de la cause
ILs invo q u ent u n e expression d e
t r a i t é , e t , p our en tirer parti,
ils la d é naturent.
Ils appellent, à leur s e c o u r s le testament de M . D e s t a i n g , et ils
contreviennent à sa lettre et à l’intention du testateur.
I l s veulent q u e des percières, sur d e s fonds appartenant
�r 'i '
-<r-' •
M. D estaing, ne fussent „ d a n s sa Lmaiu, q u ’u n ç p ro priété m o b iliè re,
sous les lois qui imprimaient à la redevan ce e lle -m ê m e un caractère
im m obilier.
Ils veulent ne voir q u ’un contrat1^
rente là où la p ropriété du
fonds n ’était m ôme pas aliénée.
Ils veulent q u e rh é ritie r * D c s ta ih g , en leur a ttr ib u a n t^ s 'c o / iim is
d e rente d e la succession en Ifcur qualité de légataires des m e u
b l e s , leur ait attribué le droit de réclam er la propriété des p e r c iè r e s , q u o iq u e , par le m ôm e a c t e , ils, lui en aient remis la posses
sion c o m m e faisant partie de la succession im m obilière.
, Enfin ? après ^ayoir prom is , par le traité
m ô m e j s u r le q u e l ils
fonden t leurs p r é te n tio n s , q u e toutes contestations en tr’eiuc et l ’h é
ritier Destaing,^ seraient éteintes et amorties , ité.veulent avoir le d ro it
d ’in te n te r, co n tre ce d e r n ie r , le procès le plus m e n a ça n t-p o u r sa
A
fo rtu n e e t son repos.
Il ne nous sera pas difficile de repousser cette prétention am bi
tie u s e , q u ’ils n ’ont soumise à la justice q u e par ¡un retour sur e u x m êm es, et comrrftf une de_ ces- folles espérances q u ’on fonde q u e l
quefois sur l’incertitude des jug em en s humains.
C e tte cause réside prin cipalem ent dans les faits; nous nous hâtons
de les exposer.
FAITS.
M, D e s ta in g , q u e représente l ’in tim é , était propriétaire d ’un d o
maine situé à B e rg o n n e , Giniat et autres lieu x, et d u q u e l d é p e n
daient des tènem ens assez considérables en nature de v i g n e , q u i
étaient jo u is , à titre de p e r c iè r e s , par un assez grand nom bro de
cultivateurs. C e tte jouissance avait é t é , en tout ou en p a r t i e , c o n s
tatée par des b aux ou des reconnaissances.
Nous
en produisons
d e u x qui nous suffiront p our préciser la q u e s tio n : le p r e m i e r ,
de*
1 7 8 6 ; le s e c o n d , de 1 8 1 0 , ratifiant un>hail de 17 8 2 .
L e plus souvent, c o m m e l’enseigne :U. Chabrol J la p e r c i ô r e en A u v e r
gne existait sans titre. L ’habitant venait d é frich er uuü portion de terre
�dans les h e rm e s v a c a n s o u terrains incultes, d é p e n d a n s d e l a propriété
d ’un s e ig n e u r , et il en payait la p ercière au t ie r s , au quart ou au
c in q uièm e des fruits, suivant la qualité des terrains. D e simples p ro
priétaires, aussi, donnaient sans écrit des terres à cultiver, à charge
de p ercière. T a n t q u e la terre dem eurait p roductive, le colon culti
vait ; tant q u ’il payait la percière , le propriétaire le laissait en pos
session ; mais cela ne l ’établissait pas maître du fonds. Il ne pouvait
pas en disposer co m m e sien ; il avait seulem en t la faculté d ’eu jouir
eu payant la p e r c iè r e ; aussi n ’acquerrait-il ¡amais la propriété par la
possession, parce q u ’il n ’était q u ’un sim ple,colon partiaire , et q ue
,sa jouissance , conditionnée de l ’obligation de délivrer une partie des
fruits, e t pouvant, d ’ailleurs, cesser sans sa v o lo n té , était p urem ent
précaire.
^
Dans beaucoup de c a s , c e p e n d a n t, les caractères du droit d e
c h a c u n étaient consignés dans des a ctes, soit dans de simples recon
naissances faites après coup , soit dans des baux qui constataient la
concession à titre de percière. L es uns réservaient expressém ent la
propriété au c o n c é d a n t; les autres, sans la réserver en termes e x p r è s ,
ne constataient q u ’un délaissement p r é c a i r e , sans aliénation perpé
tuelle de la propriété. D ’a utres, e n fin , portaient concession p e rp é
tuelle. Dans ce dernier c a s , l’acte em portait aliénation de la pro
p r ié té ; m ais, alors m êm e, le propriétaire y conservait de la partici
pation.*'Il subissait les chances auxquelles la terre et ses produits
pouvaient d em eurer sujets, et la redevance ne cessait pas pour cela
d ’ôtre une propriété im m obilière. C ’est une vérité de droit que nous
n ’avons pas besoin de prouver.
Voyons ce qui s’ est passé dans l’espèce.
P ar un acte du 4 janvier 1 7 8 6 , M. Destaing donn e, à titre de per
cière , à divers individus, une vigne a i chalinc, s itu é e , etc.
L es preneurs s’obligent de délivrer et porter le tiers du bois et de
tous les fr u its , de payer les c e n s , de bien travailler ladite v ig n e , la
tailler , celui lasser j fossoyer et émonder en temps et saison convenable ,
a peine d'être évinces du fonds, sans autre forme de procès.
M. Destaing dem eure chargé de payer l'impôt.
�On voit qu'il n'y est pas Q uestion dé* ébncbssîon p e r p é t u e lle , ni
''d’aliénation de p ro p rié té ; cju*îl 1n'y a 1I ^ q u ' u n è simple autorisation
de c u ltiv e r , à la chargé de délivrer u n ë rp o rtio n ‘ de fn iits , e t , évi
d e m m e n t , en l ’absence de cette aliénation en term es e x p r è s , la ré
serve d ’expulser ou évincer sànsautre form e de procès , n ’est pas seuleIn e n t un m oyen résolutoire', mais u n e véritable retenue du droit d é
propriété. C ette v é rité , dans'son application
à
l’espèce ,
'Se
trouvera
confirm ée par une ratification d e 1810 q u e notis rapporterons en son
lieu.
’
EnM’an 5 , 51. Destaing fit son testament. Il l é g u a , à son épouse ,
la Jouissance d e tous ses biens, im m eubles et contrats, maisons, etc. ",
d e plus , la jouissance d e tout son m obilier, même la propriété, si la
loi le permet.
•<
C e p rem ier acte m ontre n ettem en t la pensée de SU Destaing. II
distingue cla irem en t les diverses parties de sa fortune : im m eub les
et contrats, légués en simple u su fr u it,'d ’une p a r t; mobilier en pro
priété de l’autre. Si on veut prétendre q u ’il n ’avait droit q u ’à une
simple p ercière e t non à la propriété des vignes délaissées à ce ti
t r e , si m è iç e on veu t q u e , dans sa main , ces percières ne fus
sent q u e de simples rentes q ui , en ce c a s , auraient été fo n c iè r e s ,
on les trouvera dans la catégorie des contrats c l non du m obilier; c l ,
cep endant, M. D estaing spécialise bien q u ’il n ’en donne q u e l’usu fn iit,
et q u ’il n ’e n te n d lé g u e r , en p r o p r i é t é , q u e le m obilier et point
ces contrats.
En l’an 6 , et
par un codicile manuscrit sur la m êm e fe u ille ,
M. Destaing ajouta q u ’étant informé de la faculté q u e lui d on nent (
les lois , il * don ne c l a t t r ib u e , à son ép ouse , la propriété de tous
ses meubles meublans et de tout ce qui sort nature de m o b ilier, sans
aucune exception. » C e r ta in e m e n t, sa pensée n ’était autre que celle
ex prim ée dans le testament ; il ne faisait q u e la co n fir m e r; e t , dans
cette simple addition à cet acte s o le n n e l, cette expression mobilier
n ’enveloppait pas Içs contrats de rente , moins encore les percières ;
M. Destaing pouvait d ’autant moins lui d o n n e r c elte é t e n d u e , que
la loi, con fo rm e alors à la p ensée générale des h o m m e s , n ’y co m p re -
�'n a î t pâs'Més prestations foncières; q u ’e l l e ’dëfclaralt im m eu b les ; 7et
Certes il n ’e r itra itp às'p lu s dans la p ensée dés'h om rïiës" du m on d e
que dans celle d e s ' m a g i s t r a t s q ü é les' prestations d ’uné portion de
’ fruitsTussent'i/« m obilier, lorsque là loi d u ' i 8 d é c e m b r e I 7 9 0 eNëm êm e , en les déclarant rachetables , a jo u ta it'c e s termes p récie u x!:
' « L a faculté de rach eter lés*rentes foncières ne ch an gé rien ï 1 leur
* nature i m m o b iliè r e ; elles continueront d ’être soumîsës a u x 'm ë « m es principes j"lo is et usages q u e 1ci-dëvant", quarit à l ’o r d r e 'd ô s
« dispositions et quant aux dispositions entre-vifs et'tèstttm'M airés. -*»
C ’est sous cette loi q u ’ont é té faits le testam'ent'et lé ëOdiéile. À fnsi,
sa disposition, réunie à la distinction; trè s-p ré cise '‘dti tèéta m en t,
dém ontre , sans aucun doute', le sens e t ‘l'é ten d u e 'd è s te r m e s 1 q u e
M. Destaing a em ployés au c o d ic ile , et le^bôrneS du lé g s rq u ’il fai
sait à son épouse[1‘ f,ll‘,! irr : ‘;u,,|!
I •
.¡ j
. J i u . .i,
■
' Il d écéda en juin 1 8 0 1 , e t 1^'"dès*ce' m om en t ,' socMépdilsc, tjüë
représentent les 'frères 'Yialoii', exérça 'sur la succession les droits
q u e l l e tenait de ces actes. Elle Ait mise '¿ta pôssVWSiott d e Ions ses
b ie n s , soit com m e propriétaire d u m o b ilië r^ soit co m m e usufrui
tière de tout le surplus.
"
!I'
1
!
J‘,!'',V,J: Ji,*>1w*
Nous avons parlé d ’un bail du *28 septem bre 1782 ; il avait b e
soin d ’être ratifié. L e /^octobre ' 18*10', les détenteurs Comparurent
en gran<^iombre devant un notaire pour f a ir e ‘c e tte ratification. Ils
y étaient a p p e lé s , et la ratification fut a ccep té e par M. A ntoine
f^ ia lo n ,'p è r e des intimés, à qui AI“* Destaing avait confié l’adminis
tration de sa fo r tu n e , et qui était d ’ailleurs son héritier instiluél
Il a p p a r t e n a i t à cette dame d e déclarer à quel litre elle prétendait
r e p ré s e n te r ’son m ari > el; il lui f’allait'énôncer la quhlité eh t e r tu de
laquelle elle pouvait a cc e p te r la ratifi’ditfidii. Sans d o u t d , elle .n’eiU
pas pu s ’attribuer’ la p ropriété à ellc-hiêiue én prenant Cette, ‘q ualilé
en présence de tiers qtii^'n’avàiékit1
Inti-rCt1¿1 la lui co p ttstér';
mais elle était bien libre au mbm$',d e!récôn naîlre t^ué'le' testam ent
ue lui e n attribuait q u ’e l’usufruit-; V oyons cè q u ’elle fiti"
M. Vialon comparut à ract’è ''com m c faisant.et sè'jïoriant fn tt pontM adame D e sta in k \ tfg d tiiirc, éà l'sfPubiT
d t i {b itn s l de son Hniiri.
�Voîlkjpour, la qualité j^elle, çpt a$sq%;form elle.;:M m* D e s ta in g , d ’ail—
. l e u r s , pendant,¡tout le cours de sa v i e , ,n’a jamais*réclame: autre
c h o s e ; elle n ’a ja m a is, q u e n o u s .s a c h io n s , pris »l’autre qualité sur
_ces p e r c i è r e s , et t o u s s e s çiytes ont p rouvé q u ’elle n ’y prétendait
.pas autrem ent. S es héritiers e u x - m ô m e s , ,après les avoir remises à
-rh é ritie rjd u mari à la cessation d e l'usufruit* en 1 8 1 6 , n ’en ont
_ run réclam é ju sq u ’en 1 83 ,8 , pendant urçjntervalle de plus de vingt
a n n é e s , reconnaissant bien q u ’elle ne les avait jamais détenues q u e
c o m m e usufruitière.
,u ,.
.
m
Si nous examinons le corps d e l’a c t e , nous y découvrirons d ’au
tres stipulations non moins précieuses sur le fond du droit.
11 m entionne d ’abord tq u e MM. Destaing .avait délaissé aux c o m
parons un héritage par eux planté en v ig n e , à la charge de la moitié
des fruits. C es prem iers term es nous apprennent q u e , d ’abord et
sans aucun titre , les détenteu rs avaient défrich é et planté en vigne
u n hérilage de M. D e s ta in g , et q u e c e fait avait été ultérieure
m e n t reconnu par un acte. C ’était d o n c , dans l’o r ig in e , une de ces
jouissances,précaires d o n t nous avons p a r l é , e t dont les conditions
furent inscrites plus tard dans un acte de d é la is s e m e n t, q u e rien
n ’annonce avoir été fait à titre p erpétuel et avec tradition de la pro
priété. Au contraire , des m entions précieuses sorties de la b o u c h e
du sieur Y ialon et reco n n u es vraies par les d é t e n te u r s , viennent
attester q u e la propriété avait é té réservée.
^
D ’ab ord , on y lit, i° q u e M. Destaing était dem euré ch argé, cha
cun an, de payer les contributions pour lesquelles les détenteurs lui
p ayaient 5 l’r . , et de délivrer deux milliers d ’é c h a la s ;
2° O n y qualifie bail ù colonage , ù moitié f r u i t , le délaissement
de 1 7 8 a , et on le ratifie com m e tel ;
,,
3 * On y stipule q u e les preneurs p a ye ro n t les contributions et se
ron t d éch a rg és de l’obligation annuelle de 5 fr.
E n f i u , dans d e u x autres parties de l’a c t e , on y q u a lifie toujours
M “ * D estaing de légataire en usufruit des p e r c i è r e s , et le bail à p u *
cière d e 17 8 2 de simple bail à colonage.
O u voit q u e tout cela est dans l ’esprit du bail de 1 7 8 6 , et de la
�v é r ita b le 'e n te n te d u :jtêstamcnt de M. iDestaing. S i f, d ’a ille u r s , on
peut dire que sou héritier; n ’y est pas partie , et q u e ces* reconnais
sances ne sont pas acceptées par: l u i , elles ne constatent paslm oins
q u ’en se m ettant en possessionjaprès la mdrt d e son m a r i, et e n ’r e cevant délivrance de la main de son Héritier, elle ne l'avait réclam ée
e^reçue.quV/H titre d ’u su fru itière, parce« q u ’en effet', le testament
ne la lui .donnait! q u ’à ce titre. E llesiconstatent aussi q u e , soit ma
dam e Destaing, agissant.pour la succession, s o it les détenteurs stipu
lant- pouri e u x - m ô m e s , ayant à,fixer la*nature d e la concession j la
déclarèrent simple colonage et jnon> aliénation dé propriété. D es faits
q u e nous allons reconnaître attesterontiet confirm eront solen nelle
m ent cette vérité.
:
, )l
¡.toM'f'f;
•
Ju»»!
•.JM"’“ Destaing ne s ’était pas ico n te n té e de i confier au sieur YiaÎon
l ’administration de sa fortune ; elle lui avait consenti un bail à ferm e
q ui semblait lui assurer, m êm e après son;décès, la jouissance des biens
don telle n ’avait q u e l ’usufruit. C e bail portait sur les biens de Bergonn e,
G in ia t, don t les percières faisaient une notable p a r t i e ; c a r ,1 rem ar
quons-le bien, au moins nous le cro yons, toutes les vignes étaient jouies
en percière , et le sieur Yialon jouissait des p e r c iè r e s , en vertu du
b a il, com m e du surplus. T o u t cela ¡faisait, aux y e u x de t o u s , l’e n
s e m b le de la succéssion imm obilière. L e bail à ferm e durait1 et d e
vait se p r d U ^ g e r ic n c o r e pend an t un assez long t e m p s , lo r s q u ’au
mois de juin 1 8 1 6 ; M T Destaing décéda. D e cela s e u l , résultait la
cessation de l ’usufruityiot le d r o it, au profit des héritiers du m a r i ,
d e reprendre la possession des biens qui y étaient sujets.
. A lorsile sieur Yialon était d é c é d é ; mais ses enfans étant appelés
à recu e illir, à son d éfa u t, la succession de M"* D estain g, les in té
rêts respectifs durent être réglés entre e u x , et les héritiers, rep ré
sentés par l’abbé do C h e y lu c . T o u te f o is , les enfans Yialon étant m i
n e u r s . leur m ère les représenta en se portant forte p o u r eux. E lle
étajt d ’ailleurs'assistée! d'un conseil é c l a i r é ,
p éricliter les droits de scs enfants.
•
qui
:
ne
laissait pas
'
Des difficultés'assez graves s’étaient é le v é e s , notam m en t à l’o c
casion du bail à ferm e conscnU ’, par la-. d à tn e ; D é s tà iü g ’ au sieur
1
�—
S —
Y ialoo, M||de C h e y lu c le soutenait fait à son p réju dice è ts e p r é t e n d a i t ,
en 4 voil.» d e te fa*re annuler. L e 35 juillet 1 8 1 7 , ' o n ' fit un1 règle*
m e n t,p r o v is o ir e , q ui a é té co n so m m é par l’acte du’, 4 février 18 23 ,
dont il s’agit aujourd'hui; Il n o u s suffit'do d ire, quant à présent ; q u é
la dam e ,Vialon renorlça au b én éfice d e c e ’ b à i i 'à ferine*j'évidem
m e n t fait' erç fraude e t con tre le droit des h é ritie rs , e tp l’h éritie r
D e stain g fut im m é d ia te m e n t rem isien possession d e ' c e s biens, sans
a tte n d re la consom m ation du règlem ent définitif,^.
... •»
l
Ici, les faits sont r e m a r q u a b le s ; car le bail c o m p r e n a n t ‘les; p e r
c iè r e s .o u les immeubles,(jouis à ce titre par des tie rs, c o m m e il
com prenait les ?utre 3tIm meubles de la succession ,1 e tic e S ’ p erciè re s
com p renant tout le v ig n o b le , d ’ailleurs fort étendti de cette p r o
p riété, ^
héritiers d e la'd a m e iD e sta in g , at'aient ài dessiner tout de
suite la natare de> le u rs piétentibns;
:
r.
»i> :n
. ¡i i ii;
Si les'p e rciè res étaient léguées en p ropriété à M*** D estaing, ils d e
vaient les retenir en rem ettant les autres biens, i
;ii
Si, au co n tr a ir e ,e lle s ne Jui avaient été d o n n é e s q u ’en usu fru it, ils
ne devaient faire au cu n e distinction dans la r e m i s e , qui devait p o rte r
sur le |.out.
tii.
!<i *
-
O r , M™* Vialon rem it les p erciè re s avec le surplus d e la su cces
sion im m obilière qui appartenait à l ’h éritier Destaing. Il n ’y eut, à c e t
é gard, ni i g n o r a n c e , ni oubli. Après la m ort de son m a r i , f f t e lle avait,
co m m e lu i, joui des percières et d e tout co ^ q u i était com p ris au
bail de ferm e. M. de C h e y lu c reprit d o n c ’, par cette rem ise, la pos
session des percières c o m m e d u surplus des im m eub les ; e t, depuis
ce jour, il jouit e ffectivem ent, soit de ces p erciè re s, soit d es im m e u
bles qui y étaient sujets ; c a r , si Jes concessions n ’étaient q u e des
baux à colonage, c o m m e le constatent et l’ acte de 1 7 8 6 0 1 la ratifica
tion d e 18 10 , c ’était l'im m eu ble qui lui était remis e t don t ¡1 jouis
sait , m ôme en se b ornant à p rendre la p ercière.
L e s faits subséquen s parlent en core assez haut p our n ’avoir pa*
besoin de com m en ta ire.
11
L e s im m eub les d^ .l^ sup cestfon Destaing n ’étaient pas à la portée
du sieur de C h e y l u c , q i j i , d ’ailJeufs» «n se portant fort p our les
i
�—
9 —
a u tre s , n'y amendait q ue sa portion. Il vendit', le 12 mai 1 8 1 9 ,
par acte reçu C a v y , notaire à C ie r m o n t , à M. T e ilh a rd d ’E v r y , ¡es
im m eubles sujets à p ercière co m m e tous autres, « à la charge d ’exé» cu te r les baux tant ordinaires q u ’e m ph itéotiq ues ou à percière,
» sauf à s’entendre avec Us ferm iers, pour leur expulsion ou conser» vation ainsi q ue l ’a cq u é reu r l ’avisera. »
O n voit que M. de C h e y lu c ne réduisait pas le droit de son ac
q u é re u r à prendre une rente ou p ercière ; q ue seulem en t jl le ch argeait;d’e x écu ter les b a u x ... à percière ou au tre s, et enfin q u e , s ’e x
primant ^ pps c e t acte com m e M “ * Destaing dans celui de 1 8 1 0 , il
considérait les b aux à percière co m m e de simples colonages, et les
détenteurs com m e des fermiers.
Depuis ce te m p s-là ,
com m e
du surplus ;
M.
T eilh a rd a joui des biens à p e rciè re
et il a tellem ent suivi la ligne tracée par
M ra Destaing et par M. de C h e y lu c , son ven deu r; il a tellem ent c o n
sidéré son droit com m e reposant sur la propriété m ê m e des im m eu
bles, q u ’il a repris la totalité ou la majeure partie de ces im m eubles,
et fait disparaître ce titre de p ercière auq ue l les frères Yialon ve u
lent réduire aujourd’hui le droit de M. D e stain g, pour en faire de
simples contrats de rente qui sé seraient trouvés enveloppés dans un
legs’ de mobilier bien à l ’insu du testateur,
Ici, 011 aperçoit tout le danger de la position de M. de C h e y lu c ,
si les frères Yialon parvenaient à leur but. Après avoir fait décider
avec lui q u e les percières étaient comprises dans le legs du m obi
lie r, il ne leur resterait q u ’à réclam er de M. Teilhard le payem ent
de cette p e r c iè r e , à laquelle seraient assujettis les imm eubles qui
lui ont été vendus et la fortune entière de. Jl. de C h e y l u c ,
qui a
stipulé pour ses cohéritiers com m e pour lui-m êm e avec la plus e n
tière bonn«; f o i, serait engloutie sous le poids des garanties q u ’il d e
vrait à son a cquéreur.
Ilàlons-nous d ’en finir sur cette partie importante des faits. A rri
vons à connaître le traité qui a consom m é l’arrangem ent provisoire
du
juillet 1 8 1 7 . Il est du 4 février i 8 a 3 ; et com m e c ’est sur c e t
acte que les frères Yialon fondent a u jou rd ’hui leurs prétentions, il
�faut s’y appesantir un peu. N ’om ettons pas . d ’ailleurs, de faire o b ser
ver q u ’il est rédigé quatre ans après la vente faite par M. d e C h e y luc au sieur Teilhard.
L ’abbé de C h e y lu c y stipule [tant son nom personnel q ue se por
tant fort et garantissant pour tous ses cohéritiers.
M “ * Yialon agit c o m m e se portant forte et garantissant pour ses
en fans.
Un expose les difficultés qui étaient la m atière du traité. Il faut
les connaître.
L e s héritiers Destaing réclam aient divers im m eub les
vendus
par M m” D e s ta in g ; ils se plaignaient de dégradations et abus dans
la jouissance ; ils voulaient d e m a n d e r la nullité des baux de f e r m e ,
tel q u e celui des b iens de B e r g o n e , G in ia t, e tc .; ils voulaient im
poser aux enfans Y ialon l ’obligation d e c o n tr ib u e r , c o m m e léga
taires du m o b ilie r , au p ayem en t de dettes assez considérables de la
succession D e s ta in g ; e t ,
e n f i n , ils réclam aient provisoirem ent le
p ayem en t du prix de la ferm e et le rem b ou rsem en t du prix des
bestiaux et sem en ces q u ’ils p rétendaient avoir été détournés par
M “ * Destaing.
I D e leur c ô t é , les enfans Y ialon, en résistant à toutes ces p réten
tio n s , dem andaient la répétition de tout ce qui avait été to u ch é par
M. Destaing des biens d e son é p o u s e , spécialem ent d ’une partie
de la successioi
m obilière d ’un a bbé
Mauricaut. Ils réclamaient
toutes les rentes généralem ent q u e lc o n q u e s provenant de M. Des
taing, et, enfin, une certaine som m e q u ’ils p rétendirent avoir été avan
c ée par M ” ’ Destaing, pour le com p te de la succession de son mari.
Dans tout cela, pas un seul mot sur la question des percières, qui
pourtant eussent valu la peine d ’une e x p lic a t io n , si M “ * Yialon eût
p rétendu
les retenir c o m m e
C h e y lu c eû t voulu
renies
m obilières
et
les conserver co m m e d e m eurant
que
M.
de
étrangères
au legs du mobilier. Cela est facile h c o m p re n d re . lin
1 8 1 7 , il
avait été forcé de s’en o c c u p e r et 011 l’avait fa it; car ( nous l’avons
d i t ) pendant q u e ,
d ’une m a i n , M"" Vialon avait retenu
les sim-
plus contrats de rentes en p r o p r ié té , de l’autre, elle avait remis aux
�héritiers Destaing la possession des percières, ou, p o u r m ieux d i r e ,
des imm eubles qui y étaient sujets. C ’est c e q u e constate le traite
de i 8 a 3 q ue nous examinons.
Après avoir rendu com pte des réclamations r e sp ec tive s, on ajou te
cette explication où tout est bon à recueillir :
« Dans cette p o sitio n , le 25 ju ille t 1 8 1 7 , les parties entrèrent en
» arrangement. Il fut convenu e n tr ’elles de certaines bases d ’après
» lesquelles ladite daine veuve Yialon , au nom de s e s e n f a n s ,
re-
» nonça au bénéfice du b a il à ferme des biens de B ergon ne et G iniat
1 don t lesdits héritiers D estaing se mirent provisoirement enposses» sio n ; mais toutes les difficultés n ’ayant pas été tranchées entre
» les parties, et désirant d ’éviter un procès d o n t la longueur et la
» com plication
auraient été très-onéreuses, elles se sont rappro-
» ch ées ; e t , guidées par des conseils et amis c o m m u n s , elles ont
» traité et transigé de la m anière s u iv a n te , par transaction pure ,
s simple et ir r é v o c a b le , sur tous les points de leurs contestations. »
I c i , on voit bien clairem ent q u e les conventions de
1 8 1 7 n ’a
vaient été q u e verbales ; q u e néanm oins, dès cette ép o q u e , M m* ViaIon avait renoncé au bail à f e r m e , et que les héritiers Destaing
avaient été remis en possession des biens de B e rg o n n e , G in ia t, etc.
O r , il est constant que cette mise en possession com prit les biens
sujets à p e r c i è r e , ce q u ’on nommait les percières. On ne le contes
tera p a s , et nous le p ro u v e ro n s, d ’ailleu rs, sans é q u ivo q u e .
L ’article 1 " du traité porte q u e le bail à ferm e des dom aines de
B ergonn e et Giniat fait en faveur du sieur V i a l o n , dem eure résilié
♦
à dater du décès de la dame D esta in g . Les enfans'Vialon retiendront
le p r ix du ba il à ferm e ou des jouissances q u ’ ils ont exercées depuis le
décès ju s q u ’ il l'époque où les héritiers Destaing en ont été remis en pos
session. ( Plus haut , on a fixé cette é p o q u e au 2 5 juillet 1 8 1 7 . )
On voit que dans cet intervalle , ils avaient joui des percières c o m
prises dans le bail de f e r m e , et q u ’ils se croyaient obligés à une
stipulation expresse p our se dispenser d ’en faire la restitution.
P a r les art. 2 , 3 , 5 , G ,
les
héritiers Destaing ren o n ce n t à
toutes leurs dem andes , spécialem ent à la répétition proportionnelle
�des dettes q u ’ils avaient p a v é e s , et ils payent 2,000 fr. de soulte.
L e s art. 7, 8, g , 10, portent q u e lq u e s renonciations faites par les
enfans Yialon à leurs propre prétentions.
1
Enfin , l’art. 4 » où on vent puiser le m o yen du p r o c è s , est ainsi
conçu :
1
« L e s héritiers Destaing déclarent, en tant q u e de b e so in , ratifier
le testament du sieur Destaing. Toutes les rentes généralement quel
conques sont réputées faire partie du legs universel fait à ladite daine
Destaing. »
O n p réten d q u e c e m ot rentes com p ren d les p e r c i è r e s , q u o i
q u ’elles eussent été remises à l'héritier Destaing eu 1 8 1 7 ; q u ’il les
eû t vendues en
i 8 i q , et q u e le traité portait reconnaissance et
confirmation de cette remise. L a question sera de savoir, i° si l’ex
pression les renferm e nécessairem ent ; 20 si c elte tradition a été et
pu être la commune in ten tion , la volonté des parties.
L e traité se termine par d eu x clauses essentielles à connaître.
Art. 12. c Au m o yen des p r é s e n t e s , toutes contestations entre
» lesdits héritiers Y ialon et Destaing , relativement il leurs prétentions
» respectives qui ont amène la présente transaction, dem e u re n t é te in » tes et amorties. »
Art. i 3 . « Dans le cas où l’une des parties é l è v e r a i t , co n tre Pau» t r e , des réclam ations ou prétentions qui n ’auraient pas été p ré» vues dans le présent traité , il sera libre à la partie défenderesse
» de d e m a n d er q ue le traité soit a n n u lé ; e t , sur cette d e m a n d e ,
» le traité devra être réputé com m e non a d v e n u , et les doux par» ties rentreront respectivem ent dans leurs droits, com m e si la p ré » sente transaction n ’eût pas eu lieu. La faculté ne sera pas ré ci> p r o q u e , et l ’annulation de la
transaction ne
1 d e m a n d é e par celle des parties q ui élèverait
pourra pas être
des
réclamations
* nouvelles.
C e traité a reçu sa pleine et entière exécution.
D é j à , nous l ’a
vons v u , les conventions de 1 8 1 7 don t il n ’est q u e la c on so m m a
t io n , la ratification é c r i t e , avaient été p leinem ent exécutées. Elles
ont continué de Pôtre pend an t i 5 ans e n c o re , après 1823. P en d a n t
�tout ce temps , les enfans Y i a l o n , m ineurs ou de v e n u s m ajeurs , o nt
respecté la possession des héritiers D estain g, e t de AI. T e i l h a r d ,
leur acquéreur. M ais, en i 8 3 8 , ils ont don né u ne assignation dansl
laquelle ils appliquent le système q u ’ils ont nouvellem ent r ê v é , et
essayent de don ner à leur silence et aux faits qui les em barrassent,
u ne co u le u r qui en détruise l’efiet.
T
i
Ils rappellent la disposition du testament de M. Destaing. Ils di
sent q u e toutes les rentes généralem ent q u e lc o n q u e s faisaient par
tie du legs du m obilier, parce q u ’a/«rs , elles étaient m eubles p a r la
force des lois des 1 8 décembre 1 7 9 0 ,
11 brum aire et*'i2' frimaire
an v u , et q u e M. Destaing est dé céd é sous leur e m p ir e ; q u e le traité
de 18 13 a re c o n n u leur droit sur touteslcs rentes'généralement quelcon
ques de la succession ; q u ’une partie de ces rentes leur a bien été relâ
c h ée ; mais q u e leur m ère, tutrice', habitait loin de la localité où étaient
situés les biens , et ([a elle ne connaissait pas bien la consistance de la
succession mobilière de M. D e stain g, notamment les rentes. E lle a
cru, dit-on, q u 'il n ’ en existait pas d ’autres que celles dont elle fu t mise
en possession. L es requérans ont partagé la m ôme e r r e u r ; et c ’est
seulem ent depuis peu de temps q u ’ ils ont appris q u ’il existait d ’a u tres rejites qui n’avaient pas encore été relâchées, et dont jouit e n c o r e
le sieur A b b é de C heyln c. O n ajoute q ue les cham parts, complans ,
p ercières et autres prestations de cette n a tu r e , constituent de v é
ritables rentes foncières, et ont été mobilisées co m m e elles. Enfin ,
après avoir appliqué leurs prétentions, ou ce q u ’ils nom ment leur
droit aux fonds sur lesquels ils ente nden t a g ir , ils assignent M. de
C h e y lu c pour être condam né à se désister des prestations, redevances
(t percières dues à la succession de M. D estaing; à en restituer les
jouissances induem ent perçues depuis le décès de M m' D esta in g ,
ou 20,000 fr . pour en tenir lie u , e t , e n fin , à rem ettre tous les titres
constitutifs et reconnaissances.
I c i, on oublie des faits essentiels, o u , p our m ieux dire , on veu t
les m éconnaître et 011 c h e rc h e à les travestir.
O n feint de croire q u ’après le décès de M “ * D e stain g; c ’est la
dam e Yialon qui a été mise en possession, e t à q ui on a remis les
�contrats de r e n te , et on dissimule q u ’après son m a r i , et en vertu ,
soit do l ’autorisation d e la dam e Destaing , soit du bail de ferm e par
l e q u e l la dam e Destaing avait c h e rc h é à p ro lo n g e r au delà de sa vie
la jouissance de la famille V ia lo n , c ’est elle q ui a joui des biens, des
im m e u b le s , des p e r c iè r e s , des r e n t e s , jusq ues
à
l'arrangem ent
d e 1 8 1 7 ; q u e c ’est e l l e , au c o n tr a ir e , q u i a remis aux héritiers
Destaing la possession d e ce qui n ’élait pas ou de ce q u ’on a jugé
n ’être pas dans son legs en propriété ; q u ’on ne lui a pas r e m i s , mais
q u ’elle a retenu les contrats de rentes, pendant q u ’elle rem ettait les
p e r c iè r e s ; q u ’e n f in , elle a fait cette transaction en connaissance de
c a u s e , et en se conform ant aux actes passés par son m a r i , où il r e
connaissait q u e les b aux à percières n ’étaient q u ’un simple colonage.,
et les possesseurs, des fermiers. O n feint de p enser, et on ne craint
pas de dire q u e la loi du 18 d é c e m b r e 179 0 avait
m obilisé ces
prestations ; com m e si on pouvait ignorer q u e le législateur a vou lu ,
par un article e x p r è s , se p récautionner contre ce tte fausse interp ré
tation; mais, au moins, on reconnaît form ellem en t, dans cette assigna
tio n , le fait d e la possession des percières par M. D estaing depuis le
juillet »817 , par suite des arrangemens p r is , et cela suffit p our
q u e c e fait important soit et d e m e u r e avéré.
C e n ’est p a s , au surplus, u n e plaisanterie ou u ne ch ose de peu
d ’importance q ue le rfive de ce procès. 11 ne s’agit, ni plus ni moins,*
q u e de d eu x cen t dix-sept œuvres de vignes de 120 toises , q u e les
frères Yialon veu len t prétendre réduites à un droit p u r e m e n t m o
b i li e r , oublié par eux ou par leur m ère , malgré son i m p o r t a n c e , ou
ignoré par elle, q u o iq u ’elle en eû t joui long-tem ps, et son mari avant
e l l e , et q u ’ils en connussent parfaitem ent l’existence et la nature.
C ette d e m a n d e, portée au tribunal d ’Issoire, a été reje té e par ju
g e m e n t contradictoire du 4 février i 83 ( ) , sur lequel la C o u r a main
tenant à statuer. Nous ne faisons pas l’analyse de ses m o tifs; nous
lus transcrivons liü é r a lle m c u t à la suite du précis.
P o u r toute d is c u s s io n , nous nous réduirons à des observations
s o m m a ir e s , puisées dans les faits et dans les lois. N ous les appli-
�—
i5 —
*
q u e r o n s , soit au testament de M. D estain g, soit au traité de 1823.
E t d ’a b o r d , quant au testament., les frères Vialon p réte n d e n t
q u ’il com prenait les percières dans le legs de la p ropriété. C ’est
une e rre ur en droit et en fait.
Dans l’ancien d r o it, elles étaient constam m ent imm eubles. A u s s i ,
sans prétendre q u ’elles fussent m obilières de leur n a tu r e , se bornet-on à dire q u ’elles avaient été mobilisées par les lois nouvelles, spé
cialem ent par l ’art. 1“ du 18 décembre 1790. On ferm e les y e u x sur
l ’art. 3 du titre 5 qui exprime n ettem en t q u ’elles conserveront leur
nature im m o b iliè re , et q u ’elles dem eureront soumises aux m êm e s
p rin cip e s, lois et usages q u e c i- d e v a n t, quant à l ’ordre des suc
cessions, et quant a u x dispositions entre-vifs et testamentaires.
L a disposition d e M. Destaing a été faite sous l’empire de cette
loi ; et sa v o l o n t é , com m e les termes don t il s’est servi p o u r l’ex
p r im e r , ne peuvent être expliqués et entendus q u e dans le sens
q u ’ils avaient alors. C o m m e n t croire, en effet, q u ’en léguant la p ro
priété de son m obilier, M. Destaing ait entendu , ou pu entendre au
tre chose, q u e ce qui était alors reconnu m obilier? C e legs ne p eut
d o n c com p rend re j aux termes d e la l o i , un bien q u ’elle déclarait
im m euble par une disposition expresse.
Q u ’importe q u ’au décès du testa teu r, les d e u x lois des 11 b ru
maire et 12 frimaire an v u eussent été p ro m u lg u é e s; q u ’elles eus
sent déclaré les renies non susceptibles d ’h y p o t h è q u e , et sujettes
seulem en t à un droit m obilier dans l’enregistrem ent des actes ? Estce que cela change l ’é ten due des l e g s , et les bornes q ue le testa
teur avait mises à sa volonté dans le testament de l’an 5 et le codicile de l’an GP Est-ce que ces lois ont ajouté une ligne, un mot, une
seule lettre au testament d e JI. D estain g, aggrandì sa volonté , d é
naturé son intention? On ne l’a pas p e n s é , et on s’est empressé
d'in v oq u e r la loi de ) 790 co m m e le fondem ent de ce système ; c ’est
poilr cela q u ’il s’écro ule par sa base. T o u t ce q u ’on dit 11e seraitil pas, en effet, sans la m oindre valeur, si j\I. Destaing était d é c é d é
le lendemain de son testament, et sous l’empire de la loi de 1790? Sa vo
lonté s’est-elle a g g r a n d ie , parce q u ’une loi postérieure a d o n n é plus
fîa * .
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�d ’é ten d u e à l'application du mot m obilier? N’est-ce pas toujours la
■Mi l l - . .
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volonté, du testateur q u ’il faut co nsidérer? E t alors m ôme q u ’on di
rait q u e le testament n ’est censé fait que du jo u r de la m o r t , il suf
firai^ d ’ajouter la se c o n d e partie d e c e t a x io m e ; c ’e s t-à -d ir e , que
ie testateur est censé avoir persévéré dans sa volonté ju s q u ’au de r
nier jour de sa vie. 11 faut don c toujours en revenir à ce q u ’était
cette volonté au jour où elle a été exprim ée. En n ’y ch angeant rien,
en gardant le silence d e p u i s , le testateur ne l’a ni é t e n d u e , ni aggrandie ; il l ’a seulem en t maintenue telle q u ’elle était.
O n conçoit bien q ue le testament ne prenant effet q u e par la
m o r t , et ses dispositions étant irrévocables ju s q u e -là , elles soient
saisies par la loi du décès, et q u ’elles soient annulées, si c e tte loi ne
les autorise pas, q u o i q u ’elles fussent licites par la loi qui existait au
m om en t de la confection du te s ta m e n t; c ’est la c o n s é q u e n c e na
turelle de ce q u e la disposition était restée révocable et de ce que
le testateur n ’ayant pas fait un usage absolu de sa vo lo n té, ne s’étant
pas lié avant son d é c è s , la loi du m o m en t est la seule qui puisse
régir ses dispositions à cause de la mort.
Mais si la loi du jour où il a testé n ’avait permis de disposer que
d ’une q uo tité
m oindre , et q ue le testateur eût dit : « Je don ne
la q uotité dont la loi me p erm et de disposer, » la loi postérieure qui
viendrait à éten dre la faculté de disposer, n ’étendrait pas p our c e la ,
et de d r o i t , les dispositions déjà fa ite s , à moins q u e le testateur
n ’eû t expressém ent déclaré q u ’il donnait toute la quotité permise
par la l o i , et p a r c e l l e s qui pourraient être prom ulguées plus tard.
D e m ê m e , parce q u ’elle don ne de l’extension à un term e e m p lo y é
par le testateur p our exp rim er sa v o lo n té , elle ne chan ge ni cette
v o l o n t é , ni ses caractères, ni son éte n d u e.
La raison de tout cela naît de c e q u e ces
sortes de cas renfer
m en t une simple question de volonté ; et q u ’au législateur lui-même,
il n’apparlicnt pas d ’aggrandir ou d e t e n d r e la volonté des hommes.
En toutes c h o s e s , dans les testamens com m e dans les c o n v en
tio n s, il faut ap pliqu er ce
p rincipe éternel du droit : V o lu n la t
maxime speclanda est. O r , i c i , la seule circonstance q u e le testa-
�tateur se serait b o rne à léguer son m obilier, sirlTirait, en d r o it, pour
ne pas y com prend re des prestations q ue la loi déclarait im m eubles
lorsque la disposition a été faite ; il n’y aurait pas besoin d e r e c h e r
c h e r l’intention.
M a is ,'e n fa it, on peut ajouter c e qui résulte du testament sur |a
manifestation d ’intention , qui dem eurera claire et sans é q u iv o q u e .
M. Destaing lègue à son épouse ,
i ° L a jouissance de tous ses b i e n s , im m eubles et con tra ts, mai
s o n s , etc. ;
2° L a propriété de ses m eubles, et d e ’ tout ce qui sort nature de
m obilier.
. .
. .:
' f•
E v id e m m e n t, il ne léguait q u e ce q u i , à ce jo u r-là, aux ternies
d e la l o i , co m m e dans l ’intelligence com m un e des h om m es, sortait
nature de mobilier.
E videm m en t e n c o r e , le m o l contrats acco lé à celui im m euble, et
mis en antithèse du mot m o b ilier, dém ontre q u ’il n’entendait ^lé
gu e r q u e l ’usufruit de ce* q u ’on nom m ail les p erciires, m êm e en ap
p liq u a n t ce m ot aux im m eubles eu x-m êm es.
On eût pu peut-être tr o u v e r , dans ces ex p ression s, un sujet «Iî*
contester l ’applicption du
legs e n propriété à tout ce
qui était
contrats, q u o iq u e les uns pussent être mobiliers. C ’eût été une
q u e s tio n ; mais les héritiers de M, Destaing n’ont rien voulu r é
clam er de tout ce qui sortait nature de mobilier. Serait-ce une rai
son p our appliquer la disposition à des contrats qui auraient été im
m eub les par la disposition de
la loi au m om en t où le testateur
a exprim é sa volonté? p our lui faire don n er des im m eubles quand
il n ’a voulu don ner q u e du m obilier et d ém e m b rer ainsi n o ta b le
m e n t sa propriété foncière ju s q u ’à la priver de vigne.«; dans un p a v s
vignoble? Il y a des c a n to n s , en e f f e t , où la majeure partie des vi
gnes des grandes propriétés sont tenues en percjère , et où on ne
.considère pas moins c o m m e une partie importante de la propriété.
Nous n'aurions besoin que de ce seul m oyen où nouSi s u p f o iSons q u e les purcières n ’étaient q ue 4« simples prestations ; mais
était-ce là leur caractère? Fst-il d o n c vrai q ue les preneurs à p c i »•
*
‘ *
k
�cière étaient investis de la p r o p r i é t é , sans q u ’on pût les dépouiller
des i mmeubl es autrement q<ie par une rétrocèssiôn o u ' u n e résolu
tion judi ci ai re? Nous croyons e nc or e avoir le droit dé d i r é * q u è ceserait line e rre ur .
.
.nuiiir.Jm
1 i° Il n ’y a point de concession p e r p é t u e l l e ; le’^ te’rràes'de l ’acte
ne la portent pas. “
lu: f> noiJi..
a" Elle ne se trouve pas plus dans l ’intention ; le bailleur , ne di
sant rien'qui le dépouille d e (^on titré de propriétaire, s e' réserve, au
cont raire, le droit de reprendre le fonds sans autre form é de procès,
s’il trouve q u ’on né le cultive pas biën. Cette r é s er ve ' n’est é vi de m
ment pas résolutoi re; elle ne pourrait Être considérée c o m m e ' t e l l e '
q u ’autant q u ’elle aurait été iriàérée c o m m e modification à :un délais
sement ou bail perpét uel 1; mais, s é pa ré e ’de cette c o n v e n t i o n , elle
est une véritable retenue de la propriété.*
!
m ‘ib .
t
3 ° T o u t le monde a r eco nnu q u ’en e f f e t , les b au x n ’emportaient
q n ’ffu simple'colonage.
•
. -
■
D ’a b o r d , le - sieur Yialon , père des appelaris , q u i , en ’a c c e p t a n t ,
pour M m' D e s ta in g , la ratification du b a i l ' d è ' i 782 , l’a qualifié deux
foi.-! bail à colonage ;
, v' , |i
'i "M
E ns ui t e, les détenteurs qui. ont a cc e pt é cette* qualification et sc
•Æont reconnus de simples possesseurs
prébaires';" reconnaissance
q u ’ils ont pleinement confirmée et e x é c u t é e , vis-à-vis 31. T è i l h a r d ,
après la vente de 181 q ;
r ’
!
-
,
, '
Et aussi, dans cette ratification de i 8 i o , e t e ommë lune 'c onf eé qiKMice de tous les faits p ré exi st ans , le sieur Y i a l o n , potir la'dam e
D e sta in g , a-t-il encore reconnu q u e l es' pe rci èr cs ne revenaient à
M “ * Destaing que dans sa qualité de légataire
en
usufruit?
E t , e n f in , suivant toutes ces tradi ti ons, la da me Yjalrin , après
avoir accepté le titre d ’usufruit, a r e m i s , en 1 8 1 7 , à l’héritier D e s
taing , et la possession dès p e r c i è r e s , et tout ou partie dôsMitres
q u ’elle avait en son pouvoir. L c ^ a p p e l a n s d e m a nd e n t
a u j o u r d ’h u i
q u ’on leur remette ces litres, et q u ’on leur restitue Ici jiiuissnnccs
depuis le deets de il/” ' D e sta in g , ( s a u f sans doute celles de 1 81G à
1 8 1 7 , q u ’ils se sont r és er vé e se n 1823,)
preuve
évidente q u ’cïi 1 8 1 7 ,
�—
19
—
ils ont remis c l la possession el les litres des percières q u ’ils avaient
gardés jusques-Ià par suite du bail de ferm e fait au sieur Yialon. Ce
n ’t'st donc pas'par ign o ran ce, mais par une volonté r é flé c h ie , vo
lonté qn i'J'd’a ille u r s , était conform e «Via lo i, aux actes el à tous les
p r é c é d e n s ; parce q u ’alors, personne de c eu x qui connaissaient la
pensee "de M. D e s la in g , ne cherchait à la travestir. A c e t égard , ¡1
est facile d ’apercevoir q u e , si les sieurs Yialon étaient alors trop
jeu n es-p ou rla connaître par e u x-m ê m e s, ils se m éprennent aujour
d'hui sur les faits com m e sur les a c te s ; q u ’e irvoulant les expliquer
autreme/it q u e n ’ont fait leur père en 18 10, et leur m ère, se portant
forte pour eu x-et garantissant leur fa it, e n 11 S i 7 et en 1823, ils con
treviennent à des actes q u e leur m ère a religieusem ent respectés
pendant sa vie.
Il
■
!
'
-i
résulte donc de tout cela que le testament n ’attribuait pas à. la
daino'D estaingi la propriété des percières. V oyons si les enfans Y ia lon seront plus h eureu x sous un autre rapport. 1 ’
1
ik >
n -L e traité de t 8 a 3 , disent-ils, nous attribue toutes les rentes g éné
ralement q uelconques. O r , à cette é p o q u e , les percières n ’étaient
plus q u e des rentes mobilisées par les lois. Elles nous appartiennent
donc , et nous ne faisons q u e dem ander ^exécution de ce traité.
Q u a n d on n’examinerajt iqqe les termes de l’a c t e , c e lte préten
tion serait inadmissible.
u
11
,
j
lli;l
■
V
L ’actülne fait q u e ratifier le testamentaire testament n é donnait
q u e le mobilier ; le traité n ’em pôrte aucune attribution nouvelle. Il
n ’y a v a i t , sur cette propriété des p e r c iè r e s , aucune question élevee.
Les parties 11e traitaient pas et n ’avaient pas à t r a i t e r là-dessus , et
les transactions sc renferment glatis leur o b je t;... elles ne règlent que
Us (li/férens qui s'y trouvent compris* (»Art. 20/^8, 20/19-)
1
Mais il faut encore appliquer ici le principoique , dans les con v en
tion s, il faut plutôt rechercher, la commune intention des parties plu~k
tôt que s ’arrêter au sens littéral des mots. (A r t. 1 1 56 . ) O r
c ’esl ici
q ue la; véi’ité rcss'ort do Facto et de toutes ses parties. no! -.ut;b .1:1
JJ’unc p a rt, 011 stipule!que «les rentes appartiendront aux enfans
Yialon, et ils en retiennent les titres.' - >1 'u n i ^/irh
(! ,( >
�De l'a u tre, ou annule le bail <le ferme fait à Yialon. Ou applique
cette résiliation aux percières
qui élaieu l comprises dans le bail
avec les autres immeubles. O a reconnaît q u e le .sieur d e C b e y ln c
les possédait, depuis le aü juillet 1 8 1 7 , par suite «ielia remise q u ’on
lui en availfaite, et on stipule une clause expresse pour ne pas resti
tuer les jouissances perçues, par AI“ * Y ia lo n , de 1 8 1 6 à 1 8 1 7 . Ainsi,
on fait le ch oix des contrats d e simple rente p eur les retenir, et des
baux à p ercière p o ur les remettre, lit on voudrait que le m o l renies
oftt été appliqué aux p e r c iè r e s ! Bien p lu s, on fait l’acte a p r è s \ ans
de c e lte remise, ci,, d eu x ans après q u e , par une c o n s é q u e n ce de ce
fait, le sieur de C h e y lu c avait vendu ces d e u x cent dix-sep t œuvres
de vigne au sieur T h e ü h a r d j a vec p leiu e garantie , 'n o n -seu le m e n t
p o ur la part qui le c o n c e r n a it , mais e n core pour celles d e ses c o h é
ritiers
et o n iv u u d r a it, dans cet a c le m ê m e , puiser le droit de les
r é c l a m e r l O n p ro m et fo rm ellem en t d e ne plus se r e c h e r c h e r , et
on se serait réservé le p rocès le plus désastreux 1 D eux cen t dix-sep t
œ uvres d e vigne possédées par des tie rs, vendues de b o n n e foi en
V ertu
de la remise de 1 8 1 7 , et de la conviction c om m u n e q u ’elles
n ’étaient pas lé g u é e s ,
parce
q u ’elles constituaient une p ropriété
im m o b iliè re ; a o ,o o o fr. d e ite s lilu lio n s d e jo u issa n ce s; la garantie
non-seulem ent p e r so n n e lle , mais s ’appliquant à la part des autres
h éritiers; il n ’en fallait pas tant pour m en acer la fortune entière du
sieur do C b e y ln c ! E t on oserait dire q u ’o n s’esl réservé tout cela
co ntre l u i , en prom ettant q u e toutes euntestations qui ont amené la.
transaction seraient ête,intc$ <t am orties!
à
De d e u x choses l ’une : ou il u ’y avait pas d e conlcstalion là-des
s u s , con n u e cela e s t.é v id e u l, et la transaction ne s ’y applique p a s ,
car elle ne transmet r i e n , à nouveau l i t r e ,. au delà de c e q u i résul
tait du testament ; ou il y avait c o n te s ta tio n , e t elle a disparu sans
retou r d evan t c e lt e clause et la rem ise volontaire d e )a possession
au sieur d e C h e y lu c ,
E l, dans tous lesicas, c e l l e remise a été faite et ob ligée d ’après les
termes du te sta m en t* la stipulation des actes e t la reconnaissance
de tout le m onde dans tous les temps.
'
�N ’est-il pas, d ’ailleurs, évident, (iomme n o u i l ’a v o n s d îl, q u e le traité
d e i8 u 3 se référant au x arrangement p r is , ne faisant q u e constater
par écrit les bases arrêtées en 1 8 1 7 , reconnaissent n ettem en t q u e la
remise en possession des biens de l’héritier t) e s t a in g , dans lés p e r c iè r e s , avait été effectu ée' te a 5 ju ille t
1 8 17 , et,
e n fin , la vente
d e ces percières en 18 19 n ’ayant été q u e la conséquericè de ces ba
ses arrêtées, de ces arrangemens pris, de cette rethise en possession , cette
v e n te est
désormais inséparable du traité de i 8 a 3 , qui n ’est q u e la rela
tion écrite de tous ces faits? N ’en résulte-t-il pas l’impossibilité de
p r é te n d r e , h moins d ’aveuglem ent et sans une souveraine injustice ,
à un droit q ui serait l’ànnulation de cette vente et la désorganisation
d e toutes les conventions d e 18 17 et ! &2 3 ?
*
" T o u t cela , au reste , a été la c o n s é q u e n ce nécessaire d e ce q u e ,
dans la pensée de tous, les baux à p ercière n ’étaient q u ’un colonage,
les détenteurs de simples ferm iers, et q u ’à c e t é g a r d , la dam e D cstniug h ’était q u e légataire en u su fru it? C e n ’est pas nous qui disons
cela ; c ’est le dire, c ’est la reconnaissance de tous les intéressés, de
la dame Destairtg c o m m e du sieur Vialon, d e la dame Vialon com m e
des détenteurs. E crite dans tous les a c t e s , n ’a-t-elle pas dom iné et
dû dom iner dans le traité de 18 2 3 ? N ’e st-c e pas e l l e , e n f in , qui
doit nous d on n er la mesure du sens et de l’éten due q u e les parties
o n t imprimé dans cet acte au m ot ren ies? Il est don c clair q u e si la
p rétention des enfans Vialon avait q u e lq u e apparence de raison en
d r o i t . elle ne serait pas moins injuste et repoiis$ée par les faits ;
mais la loi n ’est pas moins expresse , et aussi la dame Vialon , p en
dant sa v i e , et ses e n fa n s, après sa m o r t , ont-ils long-temps res
p ecté ce traité de 1823. Alors m êm e q u ’il y aurait doute, il faudrait l'in
terpréter contre
C elu i
'(ni a stipulé, et en faveur de ¿eliii qui s’est obligé,
inrtis tous douteSdisparaissent devant les faits q u e nous Venons de par
courir et la stipulation du-traité.
■i '* '■
-
Et com m ent leur droite r a is o n / c o m m e n t un sentiment de justice
n’ont-ils pas dit aux enfant Violon q u e o'étiiit sur la foi du e à ce traité
<>t au t e s ta m e n t, entendu par tout le m onde daus le sens d ’un simple
u su fru it, q u e le sieur tld Cheyluc. avait vendu les percières et promis la
g ara n tie? C o m m e n t n ’oat*il^ pas rélléchi q u ’ils sont héritiers de
�—
22
—
leur m è r e , et q u e leur m ère s’est portée forte p our e u x? C om m ent
n ’ont-ils pas frémi dil p rocès interm inable qui sprait la suite de leur
dem a n d e si on pouvait l ’accu eillir? Ils ne veulent lire, dans le traité
de i 8 2 3 , q u e j ’arlicle 4 qui est relatif à l’attribution des rentes. Ils
ferm ent les y e u x .su r .tout le r e s te ; sur l ’article q ui résilie le bail
c om p renant les p ercières ; sur celui qui les autorise à re ten ir les
jouissances d e i S i 6 et 1 8 1 7 ; sur celui qui reconnaît q u e , par suite
d e cotte annu lation, les p erciè re sjo n t été remises au sieur de C iieyluc le 25 juillet 1 8 1 7 , fait q u ’ils reconnaissent e n core dans leur
assignation? Ils ne s’o c c u p e n t pas davantage des d eu x derniers arti
cles du traité ;
•
4
¡'
D e l’article 12 qui déclare toutes contestations éteintes et amor
ti e s ; ce qui se rapporterait à la r< mise des percières com m e à la re
ten u e des c o n tr a ts ,, lesquelles sont e xp ressém ent stipulées dans les
articles précéd ons ;
lit de l ’arlicle i 3 q u i , en cas de réclamation nouvelle , autorise
le défe n d e u r à de m a n d er la nullité du tra ité , et rem et les parties
dans tous leurs droits. L e ( sieur A b b é de C h e y lu c n ’oubliera pas
d ’user de cet article ; et, si besoin est, il prendra des conclusions sub
sidiaires. Nous verrons alors si M. de C h e y lu c devait les 2,000 fr. q u ’il
a d o n n é s ; si la dam e Destaing devait co n tr ib u e r aux d e t le s , rapporler
le prix des im m eubles q u ’elle avait vendus sans titre com m e sans
droit, rendre les jouissances de 1 8 1 6 et 1 8 1 7 ; si l e s r e n t e s l u i a p a i t e na ien t, e tc ., etc. L a dem a n d e n ’aurait donc réellem en t, pour résul
tat, q u e «le ressusciter toutes les autres p aiiie^ du procès, et d ’ouvrir
un litige interminable q u e la transaction
devait
irrévocablem ent
te rm in e r; car c ’était là son u n iq u e objet. Nous n ’en dirons pas d a
v a n ta g e , et nous nous b ornerons à d o n n e r le texte du jugem ent. Il
n ’a pas embrassé toutes les questions de la c a u s e , parce q u e le ma
gistrat se b o rn e à é n o n c e r les motifs qui lui paraissent justifier sa
décision. T o u t en nous y r é f é r a n t , nous avons dû , en C o u r s o u v e
raine , présenter, en a p e r ç u , tous les m oyen s qui militent en faveur
de l’intimée.
M* ni: V I S S A C , avocat;
M* V IÎV S S E T , avoué-licencié.
�—
a3 -
'"-' JUGEMENT.' -,
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; 1
_
' i> m I
« Attendu q u e , par ses testament et codicile en date des q u a
torze ventôse an c in q , et p rem ier complémentaire^ an s i x , G uil
laume D e s t a i n s , instituant la dame M ouricaut des Bessières,
fem m e
sa
légalaire de l’usufruit de to u s s e s b ie n s , n ’a disposé, en
sa fa v e u r , q u e d e ses m eubles en toute propriété,^
^ „
» Attendu q u ’a la date du testament , J e s percières q ui font l ’o b iet du litige étaient im m eubles de leur n a t u r e , et ne faisaient pas
>
1
‘ ’
°
lu ^
*1
partie, par c o n s é q u e n t, de la disposition en propriété ; . . .
IU
*
1
^
^'
» Q u e , si la loi de brum aire an sept a mobilisé les percières dans
l ’intervalle du te stam en t, à l ’ép oq u e du décès du te sta te u r, arrivé
en frimaire an n e u f, il n ’est pas vrai de dire q u e la disposition ait
c h an gé de n a tu re , et q u e la loi ait convertie en m eub le ce qui n ’é
tait q u ’iinmeuble' dans la pensée du te stateur, et dans la langue
qui exprimait alors sa p e n s é e , parce q ue , p our a rr iv e r ^ cette c o n
séq u e n ce , il faudrait rayer la date du testament q ui, cependant,
q u o iq u e o lo g r a p h e , sous la législation antérieure au C o d e , com m e
sous le C o d e lu i - m ê m e , n ’était pas seulem ent u n .a c t e sous seingp r iv é , mais un acte solennel qui faisait f o i ’de sa d a t e , et érigeait
le testateur e n ,o fficie r p u b lic , pour l’investir du b én éfice de l'au
thenticité, parce q u e le testament est l ’acte de la volonté d ’une seule
p e r so n n e , qui peut le ch an ger à ch aq u e in sta n t, et qui ne donne
«les droits aux tiers q u ’à partir de son d é c è s ;
»
Parce
q u ’il faut d is tin g u e r , dans un te sta m e n t, le cas où l ’on
doit consulter seulem ent la loi du d é c è s , pour les choses, par e x em
p le, q u e le législateur a pu faire sortir du domaine privé et ren
dre inaliénables à sa v o lo n té , com m e un m a jo r a i, ou une qualité
q u ’il a pu réserver, dans un intérêt de morale p u b l iq u e , p o u r sa
voir si le testateur a respecté ou transgressé les prescriptions de la
loi ; s’il n ’y a pas fait fraude , des clauses qui tiennent seulem en t à
la p r é f é r e n c e , à la désignation des objets d o n n é s , i lm le u t io u , au
uv
�—
2\ -
m ode de manifestation de sa volonté pour lesq u elles le testaltMir est
sou v era in , et qui ne p o u r r a ie n t, sans anachronisme, se référer à la
loi du décès ;
» P a rc e q u e le lé gisla te u r, com m e dans l ’espèce , aurait pu crtnv e r t i r , pour l’a v e n ir , ce qui était im m eub les en
m e u b l e s , sans
contraindre la volonté du testateur q u i , en ne ch an geant rien à soit
t e s ta m e n t, est censé ivoir persévéré dans la m ôme volonté jusqu'il
sa m o r t , sans q u é Io n pût in d n i r e , ainsi q u e l’enseigne" T o u l l i e r ,
tom e 5 , n8 6 1 1 , un ch an ge m e n t d e volonté des é vé n e m en s inter
m é d ia ir e s , 'puisqu’il n'a rien ch an gé dès q u ’il était libre d e le faire ;
parce q u ’il est de principe, en m atière d ’interprétation, que la preuve
des dispositions des dernières volontés doit se tirer d e l’acte m ême
qui les r e n fe r m e : E x ipsomet testamento non aliundè ; et q u e si on
écarte l’intention é c r i t e , il ne reste plus d ’é lé m e n s à l’interprétation;
’» Kn ce q ui to u ch e la transaction du 4 fé v rie r 182.5 ;
1
» A ttendu que , si l’article q uatre de la transaction stipule que
toutes les rentes g én éralem en t q u e lc o n q u e s sont réputées faire par
tie du legs universel fait à la dam e D estain g, par le testament de
^an 6 , q u e , de cette cla u se, il sem ble ré su lte r, au p rem ier a p e rç u ,
qu'on a entendu c o m p r e n d r e , non -seulem en t les ren ies p roprem ent
dites, consistant en prestations, en argent, oit en d e n rée s d une q u o
tité d éterm in ée , mais en c o r e dans une part éven tu e lle des fruits ,
c o m m e dans 'les baux à p ercières don t il s ’agit j si le m o t r e n te ’,
dans la langue ordinaire du d r o it , embrasse toutes les espèces cidessus é n o n c é e s , on ne p eut se refuser d e reco nnaître q u e le lé
gislateur n’ait attaché q u e lq u e différence entre les rentes foncières
et les champurts où percières, p uisq ue, la loi du 8 d é c e m b r e 1 7 9 0 ,
après avoir déclaré raclietables toutes les rentes fo n c iè re s d e q u e l
q u e esp èce (¡a’elles soient, ajoute, les cham parts d e toute e sp èce , et
«h* toutes d é n o m in a tio n s , le seront é g a l e m e n t , on peut d o u te r que
les parties contractantes dans le traité du 4 février i 8 3 3 , aient en
tendu les confondre dyns l’expressirtti g é n é riq u e de rente, au moins
suffisamment p o ur être autorisé ii r e c h e r c h e r si c e tte stipulation peut
se conciliet* avec les autres clatrses du c o n t r a t , d e
ner à ch acun e le ¡»eus q ui résulte de l’acte entier.
m anière à don
�» El d ’a b o rd . quels étaient les griefs sur lesquels les parties en teridîviciit transiger? On reprochait à la clame Destaing d ’avoir passé
des baux contraires aux intérêts des héritiers de son mari. S u r ce
chef, la transaction dispose :
»1 A r ticle premier. L e s b aux sont résiliés; les héritiers Vialon re
tiendront , entre leurs mains , le prix du bail à ferm e j ou des jouis
sances q u ’ils ont laites desdits biens de B ergonn e et G in ia t, depuis
le décès de la veuve Destaing ju sq u ’à l ’é p o q u e où les héritiers Destaiiiy ont été mis eu possession ; les. héritiers Destaing ne pourrout
rien réclam er à cet égard. Q u e l l e 'e s t la conséquence, q u ’il ia u t.cn
tirer? C ’est que les héritiers Destaing ont été m is e n possession du
consentem ent des en fans Vialon ou de leurs rep résentan s, en 18 17 ,
date reçounue ; que tous les fru its, depuis cette é p o q u e , leur ont
appartenu et leur appartiendront à l’av e n ir; q u ’il ne s’agissait plus
q u e de traiter sur la valeur du b a i l , qui se trouvera résolu m o y e n
nant l’ ahandou des jouissances , ce q ui constitue la compensation
d e l à transaction ; e t , com m e les percières faisaient partie du bail
d e s domaines «le Bergonne et G iniut, q u ’il n ’a été lien réservé à
cet é g a r d , elles font nécessairement partie des jouissances et d e
vienn ent l’a cc e s s o ire 'd e la propriété dont, la mise en possession a
été consentie en 1 8 1 7 , et consacrée en 18 23 ; cette clause serait
d o n c inconciliable avec l ’article 4 * 1 ° la transaction , p u i s q u e , par
celui-rci , les héritiers Vialon deviendraien t propriétaires des per
cières q u ’ils r e c o n n a i s s e n t im plicitem ent 11e pas leur appartenir par
l’a r tic le p re m ie r; e t , dans tous les c as, le b ut de la transaction
n ’aurait pas été r e m p l i , p uisq u ’elle n ’aurait pas statué sur les arréra
ges alors encourus et réclamés aujourd’h u i , et n ’aurait pas éteint le
p rocès ;
» A ttendu q u ’il est de principe q u e l’on doit r e c h e r c h e r , dans
les c o n v e n tio n s ,
quelle a été la com m une intention des parties
plutôt q ue d e s ’arrêter au sens littéral des te r m e s ;
>
Q u ’il est c o n s ta n t, en fait, q u e , depuis 1 8 1 9 , l ’héritier D es-
tiiing avait vendu au sieur Tcilh a rd les percières dont s’a g it; q u ’o n
ne peut pasjjÿiipposcï qti’ou 182J ,■il. eût consenti à faire l’abandon
�d u n e chose q u ’il ne pouvait jn s livrer , et qui l ’exposait à des dn m m ages-intérèts considérables ; q ue , de la part des enfans ^ ialon . il
est inconcevable q ue , s’ils avaient la conviction q u e l’art, do traité
pouvait atteindre les percières qui font l’ob jet du litige , ils aient
attendu q uin ze ans avant de form er leur dem ande ; q u ’il est p l u s
raisonnable
cès
et
de
penser ,
q u ’il résulte
existait d ’autres
de
du
m om ent q u ’il
l’exploit
introductif
renies an m om en t
fixer définitivem ent
le sort de
est
avoué au
pro
d ’instance ,
q u ’il
du p r o c è s ;
que
c ’est pour
ces rentes q u ’est intervenu l’ar
ticle q uatre du traité ; q u e , s’ils n’avaient pas alors connaissance de
l’existence des p e r c iè r e s , ainsi q u ’ils le s o u tie n n e n t, c e q ui n ’est
pas p r o b a b l e , p u isq u ’ils avaient joui par eux ou leur re p ré s e n ta n t,
antérieurem ent à 1 8 1 7 , é p o q u e de l’a b a n d o n , ils c o n v ie n n e n t im
p licitem ent q u ’elles n ’ont pas été com prises dans la transaction.
» Q u ’à la v é r i t é , l ’art. 4 du traité semble plutôt consacrer 1111
principe dont les c o n sé q u e n ces seraient g é n é ra le s , en reconnaissant
q u e toutes les rentes généralem ent q u e lc o n q u e s font partie du m o
b i l i e r , q u e faire l ’abandon d ’un objet particulier et restreint; mais
on ne doit pas supposer q u e le sieur de C h e y lu c aurait consenti l'ad
mission de ce principe , si les percières avaient été réclam ées à cette
é p o q u e ; q u e , d ’ailleurs, la transaction constituant un contrat c o m
muta tif, il est évident q u e , si les enfans Yialon ne connaissaient pas
alors ies p e r c iè r e s , ainsi q u ’ils l’ont s o u te n u , ils ne don naient rien
en compensation.
•
A t te n d u , d ’ailleurs, q u e , q u e lq u e
générales q u e soient les
clauses d ’une transaction, elles doivent se renferm er dans l’objet
sur lequel les parties ont en te n d u traiter.
» Q u e , s’il résulte de l’article prem ier q u e les héritiers Dcstaing
ont été im plicitem ent Reconnus propriétaires des p e r c iè r e s , l ’arti
cle quatre n ’a pas pu abroger l’article p r e m ie r ; q u e , si l ’on traitait,
dans l’ignorance de l’existence de ces p e r c iè r e s , la transaction nu
peut pas être o p p o s é e ; q u ’il faut se rep orte r alors à la loi du testa
m ent ;
» lit a tte n d u , sous ce point de v u e , q u ’il a été dém ontré q u e lo
�2
7
testateur, en disposant du m obilier, n ’avait pu c o m p re n d re les p ercières q u i , à cette é p o q u e , étaient imm obilières de le u r nature ;
» L e tribunal déclare les d e m andeu rs, parties de G a illa rd , non re cevables et mal fondés dans leur dem ande ;
» Et attendu q u ’en excipant de la transaction de 1 8 2 3 , c ’est par
le u r faute q u e la formalité de l ’enregistrem ent est d e v e n u e n é c e s
saire , les condam ne en tous les d é p e n s , dans lesquels sera com
pris le montant de l’enregistrem ent dudit acte q u e le tribunal alloue
à la partie de P ichot à titre de dom m ages-intérèts »
R i o m . — I m p r im e r ie de E . LEBOYER
�
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Factums Godemel
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An account of the resource
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A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Vallery-Dessauret de Cheyluc. 1839?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
De Vissac
Veysset
Subject
The topic of the resource
percière
testaments
successions
vin
bail à ferme
rentes
bail
Description
An account of the resource
Titre complet : Précis pour Pierre Vallery-Dessauret De Cheyluc, intimé ; contre les frères Vialon, appelans de jugement rendu par le tribunal d'Issoire, le 4 février 1839. [suivi de] Jugement.
Annotations manuscrites.
Table Godemel : Loi. : 5. les dispositions testamentaires doivent-elles être régies et interprétées, d’une manière absolue, par les lois en vigueur au décès du testateur, ou seulement au cas où la volonté de celui-ci peut donner lieu à interprétation, et n’a pas été clairement et formellement exprimée ? Percière. : 4. quels sont la nature et les effets des concessions de terrain à titre de champart, percière, complant, &c? emportent-elles, de la part du concédant, la propriété des immeubles en faveur du tenancier, ou, au contraire, leur demeure-elle réservée ?
5. le sieur Destaing en faisant don à sa femme, par testament, de l’usufruit de tous ses biens immeubles, y avait-il compris la jouissance de ses percière, qui, d’après la législation en vigueur à cette époque, étaient rangées dans la classe des biens immeubles ? ou, au contraire, en lui léguant la propriété de tous ses meubles meublans, et de tout ce qui sortait nature de mobilier, lui a-t-il donné la propriété de ses rentes foncières, percière et champart, dès que par les lois des 1er 9bre à 11 x bre 1798, antérieures au décès du testateur, ces redevances avaient été mobilisées ? de ce que le testateur, qui ne pouvait ignorer le changement intervenu dans le classement des percière et champarts, n’a fait aucune disposition nouvelle pour convertir en don de propriété ce qui n’était, dans le principe, qu’une attribution d’usufruit, ne s’ensuit-il pas qu’il a persévéré dans sa volonté jusqu’à son décès ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Imprimerie de E. Leboyer (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1839
1782-1839
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
1814-1830 : Restauration
1830-1848 : Monarchie de Juillet
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
27 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2827
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2828
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53583/BCU_Factums_G2827.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Bergonne (63036)
Gignat (63166)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
bail
bail à ferme
Percière
rentes
Successions
testaments
vin
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53469/BCU_Factums_G2415.pdf
ec30d65876520538345fcda261c6c79c
PDF Text
Text
rimmmaméuÊB
' MÉMOIRE EN RÉPONSE,
• ’
courroyale
DE
'
PO U R
'
R IO M .
PREMIÈRE CHAMBRE.
’r
L e
sie u r
A L B E R T , Appelant,
4
. . . .
.
CONTRE
; * ;i ;.
'*r
Les Héritiers D A U B U S S O N , Intimés.
S ’ il fallait juger la cause des héritiers Daubusson
d’après le ton d’assurance qui règne dans leur mémoire,
le sieur Albert devrait non seulement se déclarer vaincu,
mais encore demander grâce à ses adversaires.
Le premier mode adopté par le sieur Albert pour
faire connaitre ses moyens, a permis aux sieurs Daubusson de présenter leur cause sous des couleurs favo
rables ils ont nié des faits évidens, parce que le sieur
Albert n avait pas cru devoir détailler toutes ses
preuves.
Ils ont même présenté le sieur A lbert comme un
V
�r*
( o
importun q u i, créancier d’une somme très-modique,
ne plaide que pour la différence d’un pour cent d’in
térêts par àn.~
' ■
.
Ils ne disent pas- queï âort ils préparent au sieur
A lb ert, si la qualité d’héritiers bénéficiaires leur est
maintenue*, mais le sieur Albert voit clairement que
sa créance est perdue, si le jugement dont est appel
est confirmé. Les sieurs Daubusson semblent avoir fait
les parts, et déterminé ce que chacun doit perdre.
Le sieur Albert est si pénétré de cette crainte, il
plaide si peu pour une modique différence d’intérêts,
qu’il a offert à l’audience de la Cour, et qu’il offre
encore d’accorder cinq ans, même huit ans de délai,
sans aucune espèce d’intérêts, si les héritiers Daubusson
veulent lui garantir sa créance. .
Cette créance n'est pas réduite, comme on le dit, à
un capital de 2000 francs*, en cela, comme en bien
d’autres choses, les sieurs Daubusson dénaturent les
faits. La créance a été réglée, en i 8 i 3 y à un capital
de 8811 francs, produisant intérêt à -5 pour cent :
elle s’élève aujourd’hui à plus de 11,000 francs, parce
que depuis 18 13, le sieur Albert n’a rien reçu.
Pour redresser toutes ces. erreurs et détruire une
impression qui l i e serait produite que par un défaut
d’explication, il est essentiel de faire connaître l ’en
semble des circonstances.
•
/
Il est devenu indispensable d examiner de* nouvenii
les livres produits par les héritiers Daubusson. S’il est
résulté de cet examen <juer dan^ un premier travail ,
� *f
(3 )
le sieur Albert avait commis quelques erreurs, il en
est résulté aussi la certitude que le travail et les opé
rations des héritiers Daubusson ne présentent qu’ un
cahos impénétrable 5 qu’ils ont eux-mêmes formé le
labyrinthe dont assez mal-k-propos ils demandent le
fil au sieur Albert.
F A IT S.
François Daubusson faisait la banque à Clermont :
ses opérations étaient nombreuses y il dirigeait ses a f
faires d'une main sure et habile / il ne voyait presque
personne et n’était .distrait d ’aucune manière............
Ses héritiers le publient eux-mêmes.
Le 8 avril 1809, il quitta son comptoir, par suite
d une maladie qui le conduisit à la mort : il expira le
i 3 avril.
. - ■
Il n’est pas croyable qu’une 'banque aussi considé
rable ait été livrée à des commis, pendant les quatre
ou cinq derniers jours de 1g. maladie, qui avait étéjugee
mortelle. Puisque le défunt dirigeait tout par luimême, il n’avait pas une .confiance absolue dans ses
employés, et la famille ne leur en accorda pas davan
tage. Le sieur Louis Daubusson remplaça son frère ;
et quoiqu’il s’en défende, personne ne croira qu’il soit
demeure nidifièrent au mouvement d’une machine aussi
importante et aussi susceptible d’altération. Le sieur
Albert prouverait, s’il en était besoin, que, dès le 8
.ou le q avril, Louis Daubusson dirigea les affaires de
�( 4 )
son lrère; il avait de plus grands motifs pour ne pas
s’en abstenir après le décès.
;
Les sieurs Daubussonhésitèrent, dit-on, sur le parti
qu’ils devaient prendre; la hardiesse des opérations de
leur frère les épouvantait, mais Yhonneur leur défen
dait de répudier sa succession.
Cette crainte ne s’allie point avec l’idée déjà donnée
de l’habileté et de l’exactitude du défunt; mais qu’im
porte?............ Le sieur Albert ne se prévaut pas de ce
qu’on a accepté ;sous bénéfice d’inventaire; il se plaint
de ce qu’on n’a pas rempli les devoirs de cette qualité :
il laisse à l ’opinion publique le soin de juger tout le
reste; seulement il croit, et les liabitans de Clermont
croient aussi que tous les créanciers seraient payés, si
les sieurs Daubusson avaient un peu moins honoré la
mémoire de leur frère.
Pendant qu’on délibérait, les héritiers présomptifs
laissèrent (dit-on encore) tout entre les mains des
com m is, en leur recommandant cependant de ne dis
poser de rien en faveu r de qui que ce f u i.
Cette recommandation ne fut pas observée : les sieurs
Daubusson le savent bien; ils cherchent seulement à
insinuer qu’ils étaient étrangers à ce qui se passait
alors, et que les commis agissaient sans leur participa
tion directe ou indirecte.
C est en éludant de cette manicrc, que les héritiers
franchissent 1 intervalle qui s est écoulé entre la mort
et l’acceptation faite au greffe; mais une marche aussi
rapide dans l’exposition des faits ne peut éclairer la
�/
e 5 )
justice. Il est de l’intérêt du sieur Albert .dô faire
connaître tout ce qui a été fait depuis l’instant de la
mort; il examinera ensuite si, en point de droit et en
point de fa it, les héritiers sont réellement étrangers
aux opérations qui*ont eu lieu.
Le premier fait connu est un devoir de piété, auquel
le sieur Albert n’a jamais attaché l ’idée d’une adition
d’hérédité; il a dit seulement que si les héritiers étaient
en doute sur la solvabilité, ils ne devaient pas se per
mettre de dépenser près de iooo francs pour les funé
railles de leur frère; qu’une pareille ostentation était
de nature à faire présumer qu’on avait le dessein d’in
duire les créanciers en erreur, et le désir d’éloigner
leur surveillance.
Quant aux faits caractéristiques, on les trouve écrits
dans tous les livres produits, et ils sont aussi nombreux
qu ’importans ; mais ils se rattachent à divers tems et
à diverses questions. Il paraît convenable de n’en donner
d ’abord qu’un tableau abrégé, parce qu’il deviendra
indispensable de les présenter avec plus de développe
ment en examinant les questions auxquelles ils appar
tiennent.
Le sieur Albert avait parlé de faits qui se sont passés
le i 3 avril; mais il n’en parlera pas davantage, dès
qu on lui apprend que le sieur Daubusson est mort
le meme jour, à onze heures du soir : il se bornera
aux faits postérieurs.
Les opérations des i 5 , 16 et 17 avril peuvent, pour
le moment, etre expliqués en peu de mots. i° Divers
�correspondans ont été crédités pour des traites qui sont
arrivées à Clermont, qui ont été reçues, et qui ont
été ou acquittées, ou négociées, ou placées dans le
porte-feuille du défunt. Quelques-unes de ces traites
ont même été reçues et enregistrées avec convention,
d’un ou d’un demi pour cent de bénéfice pour la
banque Daubussblv?
2° Plusieurs créanciers ont été, par une opération,
opposée à la première, débités sur le livre, c’est-à-dire
qu’on leur a adressé des traites pour en toucher les
valeurs.
3 ° Le livre de caisse constate que diverses sommes
ont été versées dans le même intervalle, et que d’autres
sommes sont sorties de la banque.
A .1 égard de la correspondance., on voit dans le
livre intitulé : Copie de lettres, que la page 473 est
commencée à la date du i 3 avril ; elle est continuée
à la date du 17, sans aucun intervalle, par une lettre
adressée à Borelly, de Mendes. On l>ui annonce la mort
de François Daubusson^ un lui dit qu’après le premier
moment. de la douleur, la famille s’occupera des
affaires; et en attendant, on lui r e n v o i e des remises
q u ’il avait adressées au icléfunt par sa lettre æLu i i , le
priant -d’en décharger le (compte.
Le même jour, .011 écrit, h peu près dans les mêmes
ternies, à Colomb, et on lui renvoie également deux
effets adressés au défunt par une lettre du 10.
Tel est l ’ensemble des faits survenus les i£>, 16 et
17 avril.
�( 7 )
L ’acceptation sous bénéfice d’inventaire â eu lieu ïe
18 avril. Le même jour, un notaire a été commis pour
l ’inventaire, et les héritiers ont donné à Faure, ancien
caissier de la maison, une procuration pour gérer et
liquider la succession.
C ’est une question, de savoir si la déclaration faite
au greffe a précédé les actes et lesytfjSq^unonr, qui ont
eu lieu le même jour 18 avril. Il ne serait pas difficile
d’établir q u e , dans l’intérieur de la maison, on agis
sait le 18 comme on avait agiles i 5 , 16 et 17 , tandis
qu’à l ’extérieur on préparait les voies pour se préserver
personnellement des atteintes des créanciers-, mais cet
examen serait superflu^ car on n’est pas héritier sous
bénéfice d’inventaire par le fait seul de sa déclaration j
on ne l’est.réellement que quand on a rempli les con
ditions imposées par les lôis. Tout ce que l ’on fait
jusqu’à l ’accomplissement de ces conditions produit ,
à l’égard des tiers, les mêmes conséquences que si
c’était fait avant l’ acceptation. Il serait en effet trop
dangereux de donner à l’héritier le droit de disposer
des effets de la succession, avant d’en avoir fait fixer
légalement et invariablement la consistance.
Ainsi tout ce que les héritiers Daubusson ont fait
avant l’inventaire, même après leur déclaration au
greffe, doit être considéré comme adition d’hérédité,
si d ailleurs lus faits sont par eux-mêmes de nature à
le comporter.
On voit dans le livre intitulé Journal B (page 499),
et aussi au livre des Traites et remises3 que, le 18 avril,
�.(8 )
il a été remis à Bonfils et Blanc, de Clermont, trois
traites, faisant ensemble i o , 5 oo francs, l ’une sur
Bordeaux, échéant le 26 avril; l’autre sur Toulouse,
échéant le 3 o juin; et la troisième aussi sur Toulouse,
échéant le I er juillet. D ’autres traites ont été envoyées,
le même jour encore, pour des sommes assez consi
dérables.
Le même jour, on a continué'les écritures dans le
livre des comptes courans. On a crédité et débité de
la même manière, et par continuation des crédits et
des débits du défunt. Ce genre d’opération a même
été continué, à l’égard de certains des correspondans,
jusqu’au 3 o avril, e t, à l’égard de certains autres,
jusqu’au mois de mai, sans que le notaire ait vu et ait
etc mis a meme de voir et de constater l ’état des
livres, et des titres envoyés ou reçus.
Le même jour 18 avril, on écrit à plusieurs des
correspondais, débiteurs ou créanciers. On ne fait
nulle mention de l’acceptation sous bénéfice d’inven
taire; on dit à l ’un que, malgré la stagnation mo
mentanée des opérations de la maison , il n ’y aura
rien de dérangé à celles qui ont été faites j u s q u ’à ce
jo u r; on dit à. l’autre que les héritiers vont s’occuper
des affaires de la liquidation. On dit au sieur Albert
que les héritiers ont pris le parti de s occuper seule
ment de sa liquidation.
Ces lettres portent envoi d’effets sur diverses per
sonnes, avec invitation d’en créditer le compte du
�(
9)
défunt, ou d*en soigner la' rentrée, comme à l ’ordi
naire , au crédit de la maisorf.
' '
Il serait inutile de chercher la mention de ces effets
dans ün inventaire qui n’a été ooiftmertcé que le len
demain.
• Les sieurs Daubussori disfcnt que les termes de ces
lettres expliquent la qualité bénéficiaire, principale
ment celle adressée au sieur Albert : ce n’est là qu’une
«rreur. Le parti pris de liquider supposerait bien qu’on
ne voulait pas continuer la banque, mais il ne sup
poserait pas la qualité bénéficiaire, parce que l'héri
tier pur et simple peut, tout aussi bien que l’héritier
bénéficiaire, rompre les relations d’une banque, sans
prendre le parti de la répudiation, ou de l ’acceptation
sous bénéfice d’inventaire. L ’avis n’était donc q u ’.afin
d’empècher que les correspondans fissent des disposi
tions nouvelles.
Le 19 avril, l’inventaire est commencé. On donne
au notaire un porte-feuille fermant h clef*, et le no
taire l’ouvre pour faire la description des effets qui s’y
trouvent.........Il n ’est pas douteux que le porte-feuille
avait été ouvert, puisque, pendant les cinq jours pré-,
cedens, on avait envoyé un grand nombre d’effets qui
ne pouvaient avoir été pris ailleurs, parce qu’un ban
quier ne laisse pas circuler de telles espèces dans ses
bureaux et dans ses appartemens.
La seconde séance a lieu le 20 avril ^elle est employée
à la description des effets dii morne porte-feuille.
Le meme jour, on adresse à tous l<s coricfj ondans
�une circulaire imprimée, signée Faurc, dans laquelle
il dit que les héritiers n’étant pas dans l’intention de
donner suite aux opérations du défunt, l’ont chargé
de la*liquidation'de ses affaires. Il n’est pas dit un
mot de l’acceptation sous bénéfice d’inventaire, et la
signature de Faure est précédée de cette énonciation :
P a r ¡procuration des héritiers de François Daubusson
aîné.
•’ /
Ces lettres contiennent envoi d’effets, dont plusieurs
sont à des échéances reculées, au 3 o avril, aux i er, 8 et
3 o mai. Les ; envois n’étaient donc point urgens ;
d’ailleurs j on pouvait les porter ' dans l’inventaire ,
commencé dès la veille.
La troisième séance de l’inventaire eut lieu le 21
avril. Le notaire fait la description des divers autres;
effets qu’on lui présente.
Le 1 1 , le notaire continue la même opération, et
il ajourne son travail au 5 mai. On n’avait pas encore
songé ni à la caisse, ni au livre de caisse, ni aux autres
livres du défunt, sur lesquels les héritiers écrivaient
tous les jours.
suspension des opérations de l’inventaire pen
dant quatorze jours doit paraître étonnante; on n’avait
pas dessein de rien cacher au notaire, qui n’était que
le secrétaire bénévole des héritiers ; mais on ne savait
La
pas bien encore comment on arrangerait la partie des
livres; il fallait de la prudence; il fallait attendre des
réponses; et ce n’était qu’après avoir pris des renseigne*-
�( 11 )
mens, qu’on pouvait dresser, selon les occurences, un
tableau de la succession.
C ’est afin de dresser ce tableau, que les héritiers ont
pris un délai de quatorze jours, pendant lequel ils ont
continué de changer la face des choses, et constitué
créancier celui qui était débiteur, et v ic e 'versa.
A cette époque , les sieurs Daubusson flattaient
encore les créanciers ; témoin la lettre adressée au sieur
A lbert, le 25 avril, dans laquelle on vante le zèle et
l ’empressement de Louis Daubusson ; on dit qu’avec
un peu de patience on viendra à bout de tout, et que
tout le monde sera satisfait.
Mais à mesure que les travaux avancent, on change
de langage; on écrit, le G mai, que, pour le moment,
on ne paiera qu un quart.
!
Cette nouvelle étonne et épouvante le sieur A lbert,
qui était alors créancier d’une somme considérable. Il
répond, et demande si la succession est en état de
faillite?....... Il menace de se pourvoir, et il ne tarde
pas à effectuer son projet, puisqu’il assigne les sieurs
Daubusson comme héritiers purs et simples, le i craoùt
1809.
Pendant le cours de ces débats, les héritiers s’occu
paient de la copie du livre des comptes courans. Cette
fameuse copie parait devant le notaire le 5 mai : elle
comprend deux parties; l’une est relative aux comptes
couiaus soldés. Cette première partie occupe cent quatre
feuillets. La seconde partie comprend les comptes cou
rans non soldés, et relatifs aux débiteurs de la succès- '
�sion seulement. Le notaire paraphe ce livre , après
avoir transcrit dans son procès-verbal tous les noms des
débiteurs, et le montant de leurs dettes.
Ce livre n’était pas terminé. On le remet à Bonadier
pour continuer son travail, et le représenter quand il
en sera requis. Pour donner le tems de combiner les
o p é r a tio n s le notaire ajourne la séance au a 3 mai.
La sixième séance a lieu le 23 mai. Bonadier re
présente de nouveau le livre intitulé ; Copie de&
comptes courans. Depuis la dernière vérification, di
vers articles y ont été portés : le notaire en fait le
relevé, et le consigne dans sou procès-verbal.
A la même séance, Bonadier présente un livre de
caisse, duquel il résulte (dit le notaire) que, le i3
avril, il y avait, en argent, ^o5 f r . , et le 19 avril,
43 oi fr.
, Çette opération n’est-elle pas dérisoire?....... Le no
taire devait voir la caisse, et non le livre ; il devait la
voir dès le premier instant. Pourquoi d’ailleurs les
héritiers se permettaient-ils de l ’ouvrir?...... Ils l ’ont
cependant ouverte, puisque les sommes ont varié dans
l’intervalle du dccès à l’inventaire.
„ Le 24 mai, on fait l’inventaire du mobilier. Le 25
mai > on se rend au domaine de Polagnat, pour
constater l ’état de quelques objets modiques, laissant
en arrière des objets plus précieux à Clermont.
L e 27 mai, on revient dans la maison du défuntr
a Clermont. Les héritiers présentent au notaire descarions, que l ’on examine avec un détail minutieux,
�pour se résumer à dire qu’ils ne renferment rien d’im
portant.
Toutefois, on fait déclarer au notaire que cent trois
pièces, consistant en traites, mémoires, bons au por
teur, ou autres objets, ont été acquittés, depuisl’ouverture de la succession, par les ayant-droit.
Précaution singulière, qui n’est propre qu’à inspirer
des soupçons ! ....... car pourquoi faire constater par le
notaire qu’on avait payé des dettes? Si le fait était
Vrai, la précaution était inutile. U n héritier qui paye
n ’a besoin que de s’assurer de la légitimité de la dette,
et de se faire donner quittance.
' N ’aurait-on pas eu l ’intention de faire reconnaître
en sa faveur des dettes qui auraient été payées par le
défunt?— Il serait très-possible que l ’on eût trouvé,
dans les papiers, des effets récemment acquittés 5 que
les créanciers eussent, pour constater l ’acquit, donné
de simples signatures en blanc, comme cela se pratique
assez fréqueminént dans le commerce, et que les héri
tiers eussent profité de la'circonstance pour faire dé
clarer par le notaire qu’ils avaient eux-mêmes compté
les valeurs.
Le notaire, fort complaisant, atteste un fait qu’il
ne connaît pas *, il n’a pas l’attention de déclarer à
quelles sommes se portent les dettes; il ne paraphe
point les pièces; en sorte qu’on peut présenter, ddiis
la suite, cent trois traites on bons au porteur quel
conques , et prétendre qu’on a libéré la succession
d autan t, à quelques sommes que cela puisse s’élever.
�( -4 )
Ce n’est point là un inventaire fait pour les créan
ciers et pour la justice; ce n’est qu’une pièce, de pré
caution en faveur des héritiers.
La dixième séance de l’inventaire a eu lieu le i er juin.
On y constate l’existence de quelques effets actifs ,
q u ’apparemment on n’avait pas jugé à propos d’in
ventorier les 19 et 20 avril, et on fait ensuite le dé
tail du passif de la succession. La copie du livre des
comptes courans sert encore de guide et de règle au
notaire, qui la transcrit littéralement dans son procèsr
verbal.
La continuation de l ’inventaire est renvoyée au 11
octobre, c’est-à-dire à quatre mois et demi. A celte
dernière époque, les héritiers affirment qu’ils n’ont
rien détourne de la succession, et que, depuis la
séance du i er juin, il n’est rien parvenu à leur con
naissance touchant l’actif...... Ils déclarent certaines
dettes passives.
Cet inventaire présente un volume considérable de
papiers et d’écritures , sans rien offrir d’utile, si ce
n’est le détail des effets du porte-feuille, ce qui serait
beaucoup cependant, si on avait agi en cela avec
scrupule et exactitude. . Quant à l’état des livres, le
travail du notaire ne signifie rien; et les cinquanteneuf heures qui ont été employées à des descriptions
inutiles, pour les trois quarts, auraient suffi, et audelà, pour arrêter et régler invariablement l’état des
livres du défunt.
Dans le cours de l’année 1809, les sieurs Lecoq ,
�( .5 )
Cellier et Albert avaient attaqué les sieurs Daubusson
comme héritiers^ purs et simples de leur frère. Le tri
bunal de commerce avait renvoyé les parties devant
les juges civils.
Au commencement de l ’année 1810, l'instance s’en
gagea au civil, et elle fut décidée en faveur des sieurs
Daubusson, par un jugement du 17 mars. La cause
avait reçu un assez grand développement; cependant
les livres de la banque ne furent pas produits, au
moins la question ni les motifs du jugement n’en font
nulle mention.
Il parait qu’on s’étaya uniquement des soustractions
ou omissions dans l’inventaire; elles furent si bien
détaillées, que les héritiers, profitant de l’avertisse
ment, essayèrent de réparer leurs fautes dans le compte
qu’ils rendirent ensuite.
Le 16 avril, Lecoq et Cellier se rendirent appelans
devant la Cour. Le sieur Albert interjeta lui-même
appel le 18 avril, et la cause fut placée sur le rôle au
mois de juillet.
Les sieurs Daubusson voulurent se débarrasser de
deux de leurs adversaires , et laisser le sieur Albert
dans l’isolement : la chose était facile; Lecoq et Cellier
ne plaidaient que pour être payés : ils furent satisfaits.
Les sieurs Daubusson disent que Cellier et Lecoq
ont été très-raisonnables; qu’ils ont pris des effets verreux, et qu il u’;i Unm q U’al, sieur Albert d’agir de la
même manière....... C et te proposition n ’est assurément
pas loyale ; des creancieis qui ont fourni leurs deniei’s
r
�pour alimenter une banque ne peuvent être réduits
à prendre des effets verretix; les héritiers, sur-tout
des héritiers comme les sieurs Daubusson, qui n ’ont
accepté que par honneur, rougiraient de l ’idée q u ’ils
vont se libérer de cette manière, en conservant ce
q u ’il y a de bon. Par Cette spéculation, les sieur9
Daubusson auraient plus de 200,000 fr. de profit ,
sans parler de ce qui a pu être omis dans l’inventaire,
et sans comprendre le domaine de Polagnat, qui vaut
plus de 100,000 francs, tandis que les créanciers qui
auraient compté leurs deniers n’auraient que la triste
perspective des insolvabilités.
Mais il leur est fort commode de dire que Cellier et
Lecoq ont pris pour leur compte des effets douteux :
ils n’en indiquent aucun. Ce ne serait pas sûrement
la rente acquise par Cellier, puisqu’elle était bien
hypothéquée; d’ailleurs, Cellier était créancier déplus
de 4000 francs : la rente n’a été vendue que 1700 fr.
Comment lui a-t-on payé le reste?....... Comment at-on payé à Lecoq 83 oo fr. ?
Cellier et Lecoq avaient commenté l’attaque; le
sieur Albert était seulement intervenu; ce n était pas
lui qui possédait les élémens de la défense, et on crut
qu’en désintéressant ceux qui connaissaient plus par
ticulièrement les circonstancesj on aurait moins à
craindre.
Q uant
au sieur Albert, on Fa d’abord appaisé par
des paiemens; il était créancier, au moment du décès,
d’une somme de 37,707 francs.
�;( *7 )
On lui avait transmis , dans le courant d ’avril ,
pour environ 8000 fr. d’effets, payables sur diverses
places : ils furent acquittés; et il <în résultait que la
créance était réduite à environ 3 o,ooo francs; mais
d’autres traites plus anciennes, et portées au débit du
sieur A lb e rt, ne furent pas acquittées ; elles étaient
de la même somme, ou à peu de chose près il devait
les répéter contre la succession, et de-là vint que la
créance remonta à son premier taux de 37,000 francs;
si bien qu’à l’époque du 12 mai 1809, le sieur Albert
n’avait réellement rien reçu.
Cet état de fluctuation ne tranquillisait point le
sieur Albert. La lettre du 5 m a i, qui lui annonçait
q u ’on ne paierait qu’un quart, n’était pas non plus
très-propre à le rassurer; et ce fut dans cette occurrence
qu’il intenta son action.
Dans les mois de ju in , octobre et novembre, les
héritiers payèrent pour lui ou lui donnèrent des effets
jusqu’à concurrence de 16,000 fr.
Au mois de juin 1810, les héritiers réglèrent un
compte de la créance. /
E t il est Trai que si ce règlement avait été exécuté,
le sieur Albert ne serait resté créancier ’ que de
144 francs , sauf là rectification d’une erreur de
46o fr . , commise à son préjudice. Il est vrai encore
que ce reliquat. de 2144 francs ne représentait que
1 intérêt des capitaux du sieur Albert : la-créance n’en
était pas moins légitime et moins .respectable.. Le sieur
Albert donnait des éens au défunt', ou lui ouvrait tljgs
3
�crédits; le défaut en retirait des bénéfices : la succes
sion en a profité, tandis que le sieur A lbert, de son
côté, payait les intérêts à ceux qui lui fournissaient
des fonds. Pourquoi cherche-t-on, dès-lors, à faire
une différence entre les capitaux et les intérêts?
Mais le règlement ne put avoir son effet. On avait
cédé au sieur Albert une créance de 18,000 francs sur
Altaroche : elle était exigible en 1 8 1 1; elle ne fut
point acquittée. Les héritiers en ont repris les titres,
et ont remis d’autres créances au sieur Albert, mais
pour des sommes moindres ; il a fallu , à cause de ces
retours, régler un nouveau compte le 3 i décembre
1 8 13. Le compte est dressé et signé par Louis Daubusson ; il constitue le sieur Albert créancier de
8811 f r . , produisant intérêt à cinq pour cent.
La créance du sieur Albert n’est donc pas composée
d’un modique capital de 2144 francs; il ne fallait
donc pas se donner tant de peine pour embrouiller
cette partie de la cause, et chercher à en tirer avan
tage, tout en reconnaissant que le fait était étranger
à la question que la Cour doit juger. Il ne fallait pas
sur-tout passer sous silence le compte qui émanait et
qui'était signé de Louis Daubusson, pour faire un
compte imaginaire, à la même époque du 3 i décembre
i 8 i 3 ; il était plus qu’inutile, encore d’afïecier , en
parlant d un redressement de ^62 fr.' , de présenter
cette somme comme provenant d’intérêts, tandis que
si on avait voulu voir ses propres livres, on aurait
reconnu que 3 oo francs avaient été touchés, par les
�( '9 )
héritiers, sur le capital de l’une des traites cédées au
sieur Albert.
Il était inutile encore de chercher a établir que le
sieur Albert aurait du garder à ses risques les effets
d ’Altaroche, parce q u’il les avait choisis dans le porte
feuille.
' j
Le sieur Albert n’a point c h o is i;-il aurait fait
d’ailleurs son choix dans un moment peu favorable :
en juin 1810, le porte-feuille était dépourvu de tout
ce qu’i l >y avait de bon; d’ailleurs, rles sieurs Daubusson conviennent qu’ils devaient rester garans de la
solvabilité. Eh bien! la garantie est ouverte au mo
ment de l ’échéance, et le sieür1 Albert n’etr'a pas
usé plutôt.
1
r 1,
E n fin, le sieur Daubusson est devenu adjudicataire
des biens d’Altaroche; il a dû recouvrer la créance;
et s’il est vrai qu’une partie du recouvrement dépende
de l’événement,d’un ordre, il ne dépend pas au moins
du sieur Albert d’en presser la clôture, ni de s’appro
prier la collocation qui pourra être faite eh faveiir dû
sieur Daubusson.
<
- ’
on Ces moyens de considération j; que les siëuis Dau
busson jettent au hasard, ne sont donc pas dernature
à faire la moindre impression, et il faut en revenir
aux véritables difficultés de la cause.
d A la fin de l’année 18 12 , les héritiers présentèrent
un compte de bénéfice d’ inventaire;' ils difeent qu’il a
etei homologue avec tous les créanciers présens, ou
dûment appelés; que les livres du défunt sont restés
�( 20 )
long-tems déposés au greffe du tribunal de Clermont,
Le sieur Albert ne connaît point le jugement d’ho
mologation ; il n’y a pas été partie, et ne pouvait y
figurer, puisque le procès actuel existait en la Cour,
et q u ’avant de discuter ou d’admettre un compte de
bénéfice d’inventaire, il faut nécessairement être réglé
sur la qualité, quand elle est contestée.
Ainsi le sieur Albert ne s’occupera pas de ce compte;
il croit pouvoir dire cependant, que le jugement d’ho
mologation , s’il existe, n’a pas acquis force de chose
jugée. Il peut en dire autant des jugemens rendus à
Clermont contre le sieur Salomon et le sieur Christal,
sur les demandes .qu’ils avaient intentées, et qui .ten
daient, comme celles des sieurs Lecoq, Cellier et
Albert, a la dechéance du bénéfice d’inventaire. Il
ignorçquel sort a eu une autre demande formée par
le sieur Paghon,
.
(
•>
Ce q u ’il y a de bien constant , c’est que le sieur
Albert n’a plus reçAi u n denier depuis le compte fde
18 1 3 ; il a attendu plusieurs années; et enfin, voyant
que les héritiers ne s’occupaient plus.de lu i, il a repris
la poursuite de sou appel de 1810 : peut-on d i r e que
cette demande,^oit indiscrète et importune?
1
■
La cause a été pla id ée , de la part du sieur A l b e r t ,
à l ’audience du jnercredi
■
18 18. Il
disait , eu preiîiiei .¡lieu , que les sieurs Daubusson
avaient} fait, $cte, d héritiers avant l’acceptation uu
greffe, et avant l inventaire. Il disait, en second lieu,
qu’ils n’avaient pas luit un inventaire complet «t
�( ■
■
" )'
fidèle, i a parce qu’ils avaient mis à l’écart les livres
du défunt, et en avaient substitué un de leur façon,
lequel ne pouvait suppléer à tous les autres*, 2° parce
qu’il y avait eu des soustractions d’effets. Il ajoutait
que les héritiers auraient même encouru la déchéance ,
en consentant, sans aucune formalité, vente de deux
contrats de rente.
Les sieurs Daubusson ne \produisaient , à cette
audience , que les deuÿ livres que le notaire avait
paraphés , savoir : un livre de caisse , et le livre de
copie des comptes courans ; mais k l’audience du ven
dredi f ils rapportèrent plusieurs autres livres. Ils
disaient que „ quoique ces livres n’eussent été cotés et
paraphés, ni pendant la v ie , ni après la mort de leur
frère, on ne pouvait douter de leur sincérité, d’autant
que presque tous renfermaient des écritures de la main
du défunt; que ces livres avaient été fidèlement copiés
ou résumés dans le livre de copie , et que lu concor
dance éloignait l’idée de toute espèce de soupçon de
fraude.
L ’audience du vendredi fut toute entière occupée
par le défenseur des sieurs Daubusson. Le sieur Albert
n’avait donc pu répondre à rien : la réplique lui était
réservée pour le lundi. De nouveaux élémens étant
produits, il émit assez naturel que le sieur Albert
désirât de les connaître : ce ne fut pas par un mou
vement spontané qu’il requit le dépôt des livres, niais
bien par suite de réflexions prudentes. 11 communiqua
ses désirs avant l’audience du lundi , et la Cour
*
�( 22 )
ordonna le dépôt pendant un mois. Ce ne fut pas
sans quelque résistance de la part des sieurs Daubusson,
qui prétendaient que les livres ayant été déposés à
Clermont lors de la présentation du compte de bénéfice
d’inventaire, ils. n’étaient pas tenus de les déposer de
nouveau. Us ne voulaient pas se rendre à cette idée,
que le sieur Albert n’ayant pu ni dù paraître au
compte , n’avait point profité du dépôt fait à cette
occasion. .
Le sieur Albert n’a rien promis, et la Cour ne l ’a
soumis à aucune condition : il eût été fort imprudent
de promettre un résultat quelconque, avant de con
naître les papiers dont on demandait communication.
11 serait plus difficile encore de penser que le ministère
public et la Cour elle-même, eussent été suffisamment
instruits, avant d’avoir entendu le sieur Albert dans
ses moyens sur l’état nouveau de la cause ; cependant,
d’après les sieurs Daubusson , les opinions étaient
fixées, et il n’y avait plus qu’à prononcer un bien
j ug^
Les livres sont restés en dépôt au greffe de la Cour
pendant un mois, après lequel les sieurs Daubusson
les ont retirés -, et si la cajise n’a pas été plaidée im
médiatement après, c’est par des circonstances parti
culières, étrangères aux cliens.
L ’inspection des livres produits a prouvé notamment
qu’on ne montrait pas le livre-journal. Une sommation
a été fuite, à ce sujet, aux sieurs Daubusson, qui n’y
�( =3 )
ont pas répondu. Leur réponse à des interpellations
postérieures n’a pas été plus satisfaisante.
r
MOYENS.
Le premier est tiré du défaut d’apposition de scellés.
Il est présenté dans les conclusions du sieur Albert :
il serait superflu de le détailler encore; mais il faut
répondre aux argumens proposés par les sieurs Dau
busson.
Il n’y a eu yni hardiesse ni témérité de la part du
sieur Albert,
présenter ce moyen, sur-tout d’après
la conséquence qu’il en tire. Car la conduite des
héritiers doit être, dans des causes de cette nature }
examinée sous tous ses points de vue.
Mais on s’étonne que ce soit le sieur A lbert, qui
se plaigne de ce qu’on a pris des précautions pour le
rassurer, pour l’emjiecher de requérir le scellé............
C ’est, dit-on, à la face des créanciers de C lerm ont,*
que les héritiers agissaient; quatre jours furent con
✓
sacrés à délibérer; il n’en fallait pas tant pour frapper
leur attention.... Le comptoir f u t occupé sans relâche
par les commis....... L ’acceptation fut faite en leur
présence au milieu d’eux ;fî>n jugement rendu publi
quement fut bientôt connu de tous; la procuration
donnée a Faurc, la circulaire, en un m ot, tout annon
çait nettement, la résolution.
Voila un singulier mélange de circonstances..........
D abord le sieur Albert pouvait ignorer ce qui se
�(
34
)
passait à C lerm on t, et s’il était vrai qu’un jugement
rendu sans contradiction, sans publicité, fut présumé
connu de toute une ville, on pourrait supposer au
moins que cette connaissance ne se serait pas si vite
propagée au loin.
Mais il s’agit bien moins de ce qui a eu lieu le 18 ,
que de ce qui .s’est passé antérieurement.
De pompeuses funérailles ont lieu le i 4 ; cela ne
pouvait annoncer ni aux habitant de la ville ni aux
étrangers, le danger d’une insolvabilité, l’idée de la
part des héritiers de répudier ou d’accepter sous
bénéfice d’inventaire.
Le comptoir constamment ouvert ne pouvait faire
présumer que les héritiers ctaient dans le doute, dans
1 incertitude, sur le parti qu’ils avaient à prendre;
on est censé avoir délibéré quand on agit; et on agit
réellement lorsque le comptoir d’un banquier est ouvert,
qu’on y paye , et qu’on y fait des négociations..........
Cette conduite seule était capable de faire croire ,
même aux créanciers de Clerm ont, que la succession
était déjà acceptée purement et simplement.
Quand on au rait, le 18 , donné toute la publicité
à 1 acceptation sous bénéfice d’inventaire, il y aurait
déjà sujet de soupçon p^TJr cela seul, qu’on se serait
donné toute espèce de latitude pendant cinq jours,
durant lesquels on aurait éloigné la surveillance.
Ce n est pas le 18, ni même le 19 , que la déter
mination a été rendue publique; la circulaire du 20
indique seulement qu’on liquidera les affaires sans
�0
5
)
\
continuer la banque, mais elle n’annonce pas la qua
lité bénéficiaire.
Mais au moins le sieur Albert a été averti, puisqu’il
est venu le 21 avril, au milieu du comptoir; il ne
s’est pas plaint, et n’a pas requis l’apposition du
scellé......
Le sieur Albert se souvient d’être entré dans le
comptoir; il n’a pas la mémoire assez heureuse pour
se rappeler, après dix ans, le quantième du mois;
il suppose néanmoins que ce soit réellement le 21 avril,
qu’il a fait cette courte apparition.
Il n’en résulterait pas la preuve qu’il était, dans
ce moment, sans inquiétude; il en résulterait bien
plutôt que sa visite aurait été plus prompte, s’il
n ’avait pas été averti trop tard;
Mais requérir le scellé à cette époque, eût été une
précaution inutile; huit jours s’étaient écoulés depuis
l’ouverture de la succession ; l ’inventaire des effets
actifs était déjà fait ou sur le point d’être terminé.
Le mal était opéré, si on avait la volonté d’en faire,
et le remède aurait été sans but.
Le sieur Albert n’a rien vu. Le caractère du sieur
Louis Daubusson n’est pas assez communicatif pour
laisser croire qu’il se soit livré au sieur Albert; il lui
a fait des promesses, et l ’a ainsi congédié; mais le
sieur Albert n ’a sans doute pas perdu, le droit d’exaininei , de critiquer ou d’apprécier ce qu’on ne lui a
pas lait connaître alors; il n’a pas approuvé ce qui
aurait été mal ou incompleltement l’ait.
4
�( 26 )
Les sieurs Daubusson ont-ils fa it acte d ’héritiers avant
leur déclaration au greffe, et avant l ’inventaire ?
Plusieurs faits sont présentés par le sieur Albert,
Le premier consiste dans la tenue et la continuation
des livres. Le fait est désavoué nettement; il faut donc
en établir les preuves.
/
Il est bon peut-être de séparer les époques, et de
distinguer ce qui a été fait depuis le décès jusqu’au
18 avril, de ce qui a été fait depuis le 18 avril jusqu’au
moment où l’état des livres a été constaté d’une ma
nière quelconque dans l’inventaire.
Le livre des copies de lettres a été continué, sans
interruption et sans séparation, par des lettres écrites;
k la date du i j avril....... Ce sont des lettres par les
quelles on renvoie k Borelly et k Colomb des effets
qu’ils avaient adressés au défunt, et qui étaient par
venus k Clermont le 16.
s Le sieur Albert avait dit que ces effets avaient du
être pris dans le porte-feuille. Les héritiers lui en font
le reproche, et lui apprennent que les effets n’arri
vèrent U Clermont que le 16 avril.
Ils ajoutent qu’on ne pouvait se dispenser de ren
voyer promptement ces objets, sans compromettre les
intérêts des correspondans, et que, considérée sous tous
scs rapports, l’opération ne peut présenter aucun ca
ractère de fraude.
Il ne s agit pas de savoir ici si 011 a commis une
�fo j
( 27 )
fraude, ou si on a agi avec sincérité et prudence. Les
fraudes ont pour résultat de faire décheoir du bénéfice
d ’inventaire, lorsque cette qualité a été prise en tems
opportun. Les aditions d’hérédité ont des conséquences
différentes ; elles rendent inhabile à profiter du béné
fice d’inventaire; en cela, les faits et les actes sont
absolument indépendans de toute espèce de fraude ,
de toute soustraction 5 ils peuvent être le résultat de
la démarche la plus franche ; cependant ils n’en pro
duisent pas moins l’effet d’annuller l ’acceptation sous
bénéfice d’inventaire, faite postérieurement.
Or, qu’a-t-on fait à l’égard de Borelly et de Co
lomb?...... On a ouvert les lettres qui étaient adressées
au défunt : il n’y a que l ’héritier qui puisse s’arroger
ce droit. Les lettres devaient rester closes jusqu’après
l ’acceptation, et jusqu’au moment de l ’inventaire. Si
on craignait de compromettre les intérêts ou de la suc
cession ou des correspondais, il fallait ou se déter
miner plutôt au parti du bénéfice d’inventaire, ou au
moins faire constater, par un officier public, l ’état
des papiers reçus, et le motif de leur renvoi. Il pou
vait se trouver , dans les paquets et dans les lettres
adressés au d éfu nt, des papiers faciles à distraire.
D ’un autre côté, l’héritier qui délibère né peut
impunément se permettre d’écrire sur les papiers et
les livres de la succession : ici on a écrit l ’opération
sur Son livre de lettres.
Le livre-journal l i présente, à la page
1;1 rc_
^ lation de douze opérations, datées des i 5 , iG et 17
�( =8 )
avril. Les héritiers ont crédité divers correspondant
jusqu’à concurrence de 1 5 , 3 gS f r . , en recevant d’eux
des traites sur diverses places. Il faut remarquer que
plusieurs de ces traites sont reçues par les héritiers,
avec mention d’un bénéfice d’un pour cent ou d’un
demi pour cent.
Ce sont des opérations tout-à-fait opposées à celles
qui ont eu lieu à l ’égard de Borelly et Colomb; là ,
on n’a pas voulu retenir des traites et en charger les
comptes du défunt, dans la crainte de demeurer ex
posé au reproche d’une adition d’hérédité; i c i , on
a agi dans un sens contraire.
On a donné, pour détruire l ’impression que pouvait
produire l ’opération de Borelly, divers prétextes qui
sont impuissans pour effacer le fait matériel d’adition
d’hérédité ; mais au moins ils ne sauraient être appli
qués aux opérations actuelles, sans tomber dans une
contradiction frappante; car le motif q a ’on donne pour
excuser le renvoi est exclusif de tout prétexte et de
toute raison pour légitimer une opération absolumen t
différente.
Plusieurs circonstances se réunissent d’ailleurs pour
eloigner toute idée de nécessité et d’urgence dans cette
opération.
i° Parmi les traites qui ont été acceptées le 15 avril
il en est deux qui étaient envoyées par des créanciers
de la succession; savoir, les sieurs Bertrand et Du —
doux. H aurait fallu agir a leur égard comme ou l’avait
fait à l ’égard de Borelly et Colomb, c’est-à-dire ren-
�fit
( 29 )
voyer les traites, et ne pas augmenter le passif de la
succession ;
,
2° Plusieurs des traites étaient çchues, même pro
testées; d’autres étaient k des échéance^ fort éloignées,
h la fin d’avril et au mois de mai....... . Il n ’y avait
donc aucun danger à les renvoyer; d’ailleurs, si les
héritiers voulaient obliger les correspondans, et ne pas
agir comme héritiers, ils pouvaient prendre les traites
pour leur compte personnel, et ne pas les mêler avec
les comptes et les affaires de la succession ;
3 ° Aucun inconvénient ne pouvait se présenter à
l ’égard du sieur Collangette, qui négocia, le 17 avril,
des traites sur Paris pour 2820 francs; le sieur Col
langette habitait Clermont. Si les héritiers avaient
refusé cette négociation, Collangette aurait sûrement
trouvé un autre banquier pour faire toucher ses fonds.
Les héritiers n’avaient aucun motif, aucun prétexte
pour accepter ces effets : ils entendaient donc agir
comme héritiers.
,
*
1
Le livre de caisse constate qu’on a reçu , chaque
jour, des sommes quelconques dues à la succession ;
et comme l’adition d’hérédité ne se détermine pas par
la plus ou moins grande importance desiactos ou des
opérations, i l fserait sans utilité de chercher à établir
ce que le sieur Albert a cru entendre à l’audience.do
la Cour. Il en avait gardé une note. Il y a eu cer
tainement erreur de part ou d’au ire; mais il 11e faut
pas qu’011 se prévale de ce que le sieur Albert n’en a
�(S o )
rien dit à l’audience même; il en aurait parlé, s’il
avait eu l ’occasion de répliquer.
En mettant ce fait à l ’écart, il demeure établi que,
depuis le décèsf qu’au 18 a v r il, il a été écrit, par
continuation, sur tous les livres du défunt; qu’on a
accepté des négociations pour le compte de la succes
sion, et avec profit^ qu’on a ouvert les lettres adressées
au défunt, disposé d’effets renfermés dans les lettres;
qu’enfin on a reçu des créances personnelles au défunt.
En faut-il davantage pour caractériser des aditions
d ’hérédité , et l’intention d’appréhender la suc
cession ?.........
Il
importe peu que tous ces faits aient été appris
au sieur Albert par l’inspection des livres qu’on lui
a communiqués. On accordera aux sieurs Daubusson,
puisqu’ils le désirent, qu’ils on t, en cela, agi avec
franchise; qu’ils n’ont pas voulu soustraire les sommes
et les objets qu’ils ont consignés dans les livres.
Mais les faits sont matériellement prouvés; et i l
serait ridicule de proposer que parce que la preuve
vient des héritiers eux-mêmes, la conséquence des faits
doit être écartée. Tous les jours on prouve des aditions
d’hérédité, par des actes authentiques, ou par des
actes SOUS s e i n g privé , et p e r s o n n e e n c o r e ne s’est avisé
de dire que l ’ hcritier doive en être relevé, par Cela
seul que sa conduite n’a pas été cachée et dissimulée.
Plus les faits sont ostensibles , plus ils prouvent
l ’intention
d’appréhender
la succession.
C ’est un
malheur pour l ’héritier, s’il s’est d’abord trompé; si,
�( 3 0
pendant qu’il pouvait délibérer, il a agi, mais lorsque
la qualité a été prise, elle est irrévocable, et l’accep
tation sous bénéfice d’inventaire ne peut pas être
admise.
Les sieurs Daubusson se défendent encore sous un
autre point de vue -, ils disent que tous les faits qu’on
leur oppose sont propres à F au re, rmi a continué les
opérations du défunt , comme il les faisait avant sa
m ort, c’est-à-dire comme son mandataire.
Mais il est certain que le mandat finit par la mort
du mandant. Faure ne pouvait ignorer la mort de
François Daubusson , et il n’a pu croire à la durée
prolongée d’une procuration inconnue , qui n’exista
peut-être jamais.
Les héritiers ont été saisis, de droit et de fa it, par la
mort de François Daubusson ; ils n’ont pas ignoré son
décès, puisqu’ils étaient sur les lieux, et qu’ils lui ont
rendu les derniers devoirs : dès cet instant ils ont su
que tout ce qui pouvait être fait reposait sur eux*'
Ils l’ont si peu ignoré, qu’ils nous disent eux-mêmes,
dans leur mémoire imprimé, que tandis qu’ils - déli
béraient , ils laissèrent tout entre les mains des commis,
leur recommandant de ne disposer de rien en faveur
de personne.
.
Les héritiers ont tout laissé entre les mains de Faure,
en lui faisuiit des recommandations. Ils l’ont, dès ce
moment, établi leur propre mandataire; et comme
^01} peut faire des: actes d’hérédité, non^seulement par
soi-mome7 mais encore par le ministère d’autrui, il
�lui-même. Le sieur Albert offre de prouver que tout
a été fait sous la direction et par les ordres de Louis
Daubusson, qui a constamment habité le comptoir,
18 avril, comme il l ’avait
Enfin, les héritiers se sont approprié les opérations
de Faure , puisque les livres ont été continués , par
eux, dans l ’état où ils étaient au 18 avril; puisque
plusieurs traites, entrées dans la banque dans l’inter
valle du i 3 au 18 , ont été prises par les héritiers, et
négociées par eux. Dès qu’ils ne veulent aujourd’hui
s’attribuer rien de ce qui a été fait avant leur accep
tation , pourquoi n’ont-ils pas été alors frappés du
danger dans lequel Faure les avait conduits, et pour
quoi n’ont-ils pas séparé leurs propres opérations, des
opérations du sieur Faure?
Tout est donc personnel aux héritiers ; et ils ne
pouvaient plus, le 18 avril, prendre une qualité à
laquelle ils avaient renoncé de tant de manières.
*
'
'
L
D ’autres'opérations ont eu lieu le 18 avril. Les
sieurs Daubitsson prétendent qu’elles ne peuvent point
être considérées comme imprimant la qualité d ’héritier, par deux raisons : la première, parce qu’à cette
époque ils avaient fa it!leur déclaration au greffe; la*
seconde , parce que Faure aurait outre-passé soir
�fi/
( 33 )
mandat, s’il eût fait quelque chose qui eût nui à
leur qualité bénéficiaire.
Le sieur Albert ne croit pas qu’il soit vrai que la
simple déclaration au greffe donne le droit à l’héritier
de disposer des effets de la succession. D ’après l’art. 794
du Code civil, la déclaration n’a d’effet qu’autant
qu’elle est précédée ou suivie d'uii^ inventaire fidèle
et exact. La déclaration n’a donc d ’autre but que
ce lu i de préparer à l ’inventaire et d’annoncer la cause
pour laquelle on va y procéder; mais tant que la conr
dition n’est pas accomplie, l’héritier qui dispose d’effets
de la succession, détruit lui-même l ’effet de sa décla
ration. Il ne faut pas, pour renoncer a l’effet de cette
déclaration, qui n’est encore qu’une chose de forme,
un consentement écrit et authentique. Cette rénon*ciation peut s’opérer comme toutes les aditions d’hé
rédité , expressément ou tacitement. S’ il en était
autrement, la condition de faire l ’inventaire serait
illusoire-, l’héritier a plusieurs mois pour y pourvoir,
et il pourrait, pendant ce d élai, faire disparaître tous
les titres et le mobilier.
Cette idée répugne à la raison. L ’héritier 11e doit
mettre la main sur la succession, au moins pour en
disposer, qu’après avoir assuré les droits des tiers, et
ils ne peuvent l'être que par l ’inventaire; jusqu’à ce
que cette assurance est donnée, la qualité bénéficiaire
n’existe pas aux yeux de la loi.
Ainsi, toutes les dispositions faites avant l ’inven
taire, peuvent et doivent entraîner avec elles l ’aditioa
5
�( 34 )
d’hérédité, car il faut qu’elles soient assujéties à une v
peine.
L ’autre objection des sieurs Daubusson est bien plus
singulière5 ils veulent, mettant toujours en avant le
commis Faure, que celui-ci n’ait pu les engager au-delà
des termes de leur mandat. Ce n’est là qu’une con
fusion de principe. Il est bien vrai que si les créanciers
excipaient d’une convention faite avec Faure, que les
créanciers eussent lu et dù lire, pour cette convention,
la procuration donnée par les héritiers, l’engagement
de Faure ne serait point valable, s’il excédait les
termes du mandat. Mais le sieur Albert n ’a point
traité avec Faure, et si dans ses opérations, qui ne
sont pas des traités, Faure a compromis ses mandans,
il leur doit des dommages-intérêts ; c’est à quoi peut
se réduire l ’objection des sieurs Daubusson. On peut
donc regarder comme certain que la qualité d’héritier
pur et simple a pu être prise tacitement le 18 avril,
comme elle pouvait l ’être ayant la déclaration au
greffe....... Voyons ce qui a été fait......
Diverses traites ont été négociées, savoir : à Boniils et
Blanc, de Clevmont, pour la somme de i o , 5 oo francs,
payables a Bordeaux, les 2 5 avril, 3 o juin et i " juillet;
à Sébau t, de Paris, pour
francs, payables les
20, 23, 27, 3 o avril et 10 mai; à Rédieux, pour la
somme de io5o francs, payables au 3o avril (1).
(1) C ’est par une erreur typographique que cet envoi avait clé d’aLord
fixé ¿1 la date du 17 avril. A la page 5 des conclusions, l ’envoi a été
indiqué à sa véritable date.
�w
( 35 ),
L ’envoi n’était pas si urgent qu’on fût dispensé
d’attendre l’opération de l’inventaire. Plusieurs des
effets étaient h des échéances longues.
D ’ailleurs, si on ne voulait pas faire acte d’héritier,
on avait deux moyens : celui de procéder à Tinven
taire plutôt ; celui enfin de faire constater l’extraction
des effets, conformément à l ’article 796 du Code civil,
et à l’article 4<->3 du Code de commerce.
Les sieurs Daubusson ne nient pas positivement
l ’omission de ces effets dans l’inventaire, mais ils disent
(p. 21), qu’ils sont portés à Vinventaire, au chapitre
des comptes courans.
Cela demande une explication.
Les effets paraissent avoir été portés aux comptes
courans, c’est-à-dire, que la chose e§t possible, si on
en juge par la comparaison des sommes; mais ils ne
sont pas détaillés dans l'inventaire, qui ne présente
que le résultat des comptes courans.
En supposant que les sieurs Daubusson fussent ad
missibles à se dire et porter héritiers bénéficiaires}
ont-ils rempli les conditions que la loi leur imposait?
L eu r inventaire est-il complet et fid è le ?
Ce n’est point par double emploi, ce n’est point
par envie de confondre et de répéter sans motifs, que
le sieur Albert a reproduit, dans celle question,
quelques-uns des faits rappelés dans la question pré
cédente; on l’a déjà dit : le même fait peut avoir deux.
�( 36 )
conséquences ; cela est vrai, sur-tout dans la cause
actuelle. Tel fait peut ne pas constituer une adition
d’hérédité, ne pas exclure du droit d’accepter sous
bénéfice d'inventaire, tandis qu’il peut être propre à
opérer la déchéance.
Il était encore nécessaire de distinguer plusieurs
genres d’omissions, puisqu’il est vrai qu’elles sont
plus ou moins absolues. Certains des effets omis dans
le procès-verbal d’inventaire, sont, dit-on, entrés dans
les comptes courans, d’autres, dans le compte du
bénéfice d’inventaire seulement , et d’autres ne pa
raissent figurer nulle part.
Le sieur Albert persistera donc dans cette méthode,
sauf à abréger, le plus possible, les détails.
L ’inventaire ne comprend poin t, i 0 les effets envoyés
le jour de l’acceptation5 beaucoup d’autres effets en
voyés le 20 et les jours postérieurs, n ’y sont pas non
plus mentionnés. •
A cet égard, les sieurs Daubusson objectent, i° que
ces opérations ne sont point dissimulées, puisqu’elles
ont été faites ostensiblement pendant l’inventaire ;
qu’elles ont été portées sur tous les livres, e t, par
suite, dans l ’inventaire, qui rappelle le compte cou
rant de chacun de ceux à qui les effets avaient été
envoyés 5 20 qu’une partie de ces effets a été envoyée
au sieur Albert lui-meïne, et qu on 11e peut être accusé
d’avoir voulu soustraire, lorsque l’envoi a été fait à
-la personne jnèûie à laquelle la soustraction aurait dû
iiuiïe.
a»
1
�( 37 )
Avec de pareils moyens, on parviendrait à boule-.,
verser toutes les règles.
Il faudrait d’abord pouvoir se persuader qu’il est
égal qu’un officier public procède à l ’inventaire*, qu’il
constate l’existence des effets actifs, leur nature et leur
objet; ou que les héritiers puissent le constater euxmêmes sur des livres non authentiques, sur des livres
qui peuvent être changés.
Mais alors il n’était pas nécessaire d’ordonner la
confection d'un inventaire ^ et de l’exiger d’une ma
nière absolue; il suffisait d’autoriser l ’héritier à faire
un état de la succession. Cette latitude ne lui a été
et ne pouvait lui être accordée. Le notaire doit voir
lui-méme les titres, pour éviter qu’ils soient dénaturés.
La circonstance de l ’envoi de quelques-uns des
effets au sieur Albert n’est pas considérable ; on pour
rait avoir été exact à son égard, et avoir été infidèle à
l ’égard de beaucoup d’autres, ce qui retomberait sur
la masse de la succession, et sur le sieur Albert comme
sur tous les autres créanciers.
Le sieur Albert n’a point su, dans l ’origine, si les
effets q u ’on lui a envoyés étaient ou n’étaient pas dans
l ’inventaire; on lui a en a payé les valeurs, et il ne
s’est point occupé du soin de'garder note de ces effets,
pour vérifier, plusieurs années après., s’il en résulterait
tin fait de soustraction. A insi, quoiqu’on lui eût mis
les effets dans les mains, il n’était pas impossible de
les soustraiie a la masse de la succession.
L ’inventaire ne comprend pas, deuxièmement, divers
�( 38 )
effets qui se trouvaient mentionnés clans le livre des
traites et remises......... On ne les voit pas figurer non
plus dans les comptes courans; en sorte que les héri
tiers ne peuvent donner à cette omission le même pré
texte qu’ils donnent à l’omission indiquée au premier
article. Voilà une preuve de la nécessité de distinguer
les espèces ou les genres d’omissions.
Trois traites ont été remises à Olier le 19 avril ;
l ’une, de la somme de £>200 fr.j l ’autre, de la somme
de i 5 oo fr. ; et la troisième, de 2400 fr. Cette remise
est constatée par le livre des traites et remises, sous les
numéros 4624, 5261 et 5344 Olier était en compte courant avec le défunt ; il
était son débiteur, suivant l ’état du compte au moment
du décès.
✓
Les traites qu’on a remises à Olier appartenaient au
défunt ; il fallait, dès qu’on croyait pouvoir se dispenser
de mentionner ces effets dans l’inventaire, les porter
en augmentation de la dette d’Olier, sur le compte
courant : on n’en a rien fait; on ne les a même pas
portés au livre-journal B .
A la vérité, les héritiers ont fait avec Olier d’autres
opérations depuis la mort de François Daubusson, et
ils l’ont constitué créancier de 947 1 francs, à la date
du i er juin 1809; mais, soit qu’on examine le livre
original des comptes courans, soit qu’on examine la
copic_derssée par les héritiers, on ne peut trouver au
cune mention des trois traites qui ont fait l ’objet de
la négociation du 19 avril.
�( 3g )
Il est possible, il est probable même que les héritiers
chercheront à expliquer cette opération ; mais si ce n’est
que par (les conjectures, il sera difficile de détruire le
fait d’omission ; il sera impossible de faire croire à un
oubli, la négociation ayant été faite le jour même où
l ’on commençait l’inventaire du porte-feuille.
Une autre omission est établie par le même livre des
traites et remises. Le n° 4383 indique un effet de
Bonnet et Labarthe sur Cherpal, à Paris, de la somme
de 3 ooo francs, payable le i 6r juin. Cet effet est entré
le 19 janvier 1809, et sa sortie n’est point mention
née....... Il était doîni:£fr^c)rte-feiiille au mois d’avril.
L ’inventaire n’en fait aucune mention.
Que deviendra donc cette réflexion, que les sieurs
Daubusson ne peuvent retenir, et qui est produite par
le sentiment de leur bonne foi, par la certitude q u ’ils
n ’ont rien omis, que tout est mentionné dans les livres,
que tout a été remis aux créanciers dans le mois de
l ’ouverture de la succession , au sieur Albert luimême ?
Les négociations faites à Olier ne sont point consignées
dans les livres. L ’existence de la traite de 3 ooo francs
n’y figure pas non plus; elles figurent bien dans le
livre des traites et remises, mais qu’importe?............
Elles 11 augmentent pas l ’actif de la succession;
elles
ne sont pas consignées dans rinvcnLaire, en sorte que,
si, au lieu de contester la qualité d ’héritier,
Albert
s était
borné
à
le sieur
examiner l ’inventaire
et
le
�( 4o )
compte du bénéfice d’inventaire, il n’aurait pas connu
ces omissions.
- On ne peut pas dire au sieur Albert qu’il aurait ,
en examinant le compte, trouvé les traces de ces omis
sions dans le livre des traites.
D ’ab o rd , les héritiers ne peuvent renvoyer les
créanciers à l’examen de livres non inventoriés.
D ’ailleurs, le sieur Albert y aurait d’autant moins
songé, que l ’inventaire relate des effets portés dans le
même livre.
Comment aurait-on pu imaginer que les héritiers
eussent fait des choix , des
et q u ’ils eussent
fait inventaire de cei’tains effets, tandis qu’ils en auraient
négligé d’autres, constatés par le même livre, égale
ment existans dans le porte-feuille?
Au surplus, il est des faits qu’il ne faut jamais
juger par leur résultat. En matière de bénéfice d’inven
taire il n’y a qu’une seule pièce à considérer, c’est
l ’inventaire lui-même; les moyens pris antérieurement,
quand ils auraient été ménagés depuis l’origine, ne
peuvent changer la situation de l’héritier.
Le sieur Albert ne sait pas pourquoi on a d it, à la
page 26 du mémoire des sieurs Daubusson , qu’il avait
été malheureux dans toutes ses découvertes, et que
l’efFet q u ’il indiquait comme entré le i5 février, et
sorti le iG m ai, était precisement compris à la cotte
10G de l ’inventaire.
Si on avait lu avec attention les conclusions (p. 10),
On se serait convaincu que le sieur Albert voulait seule
�ment faire' cojjftprendTq comment il é ta it,possible de
vérifier qu’unr effet sorti après le décèsj était entré,
pendant la vie. Il ne prenait pas. pour. exemple l’effet
de 63 a francs , afin de prouver-une omission positive;
il n’indiquait même pas cet effet, ni par son objet,
ni par son numéro.
5
Il serait possible, dans, une affaire où il faut vérifiertant, de livres, de commettre quelques erreurs sans
mériter beaucoup de blâme; mais, au moins, il ne
faut pas blâmer sans motif.
L ’omission de l ’effet Lassale, dans l ’inventaire, a des
caractères différens de toutes les autres.. La créance n’est
mentionnée dans aticinirij\*e; elle est seulement portée
dans le compte du bénéfice d’ inventaire.
Si les héritiers établissaient que l ’effet était ou
perdu ou adiré à l’époque de l’inventaire, ils pourraient
légitimer l?omission, au- moins jusqu’au moment où
l ’effet a été retrouvé.
Mais , sans examiner s’il est croyable qu’un banquier
place des effets ailleurs que d^p? soft j»orter feu ille,
au moins' est-il certain que cet, effet ayait reparu au
moment de son échéance , pw..ifqu’il a été protesté Lç
lendemain, rôt aoûfc
efc q u Jil a.éty* acquitté le
ü3 du même mois;: et il fflut qonvqnir cjme le hasar4
a bien servi, les sieurs Daubusiso^'j, puisque cet effet
perdu, a été retrouvé, à point nommé pour le jour du
protêt.
Pourquoi ne l ’a-i-oni pas pppté,, ou,sa valeur, daus
L’inventaire., à. la séance postérieure^....,
6
�' ( 4* )
De ce qu’on ne l ’a pas mentionné, faut-il, comme
on le prétend, en tirer la conséquence de la bonne foi
des héritiers, qui ont porté d’autres créances que
personne ne connaissait j ni ne pouvait connaître ?
Ce n’est pas à la séance du 11 octobre, qu’ils ont
porté d’autres effets actifs ; ils ne se sont occupés que
du passif : c’était bien plus intéressant pour eux. Ils
en ont porté ailleurs, qui n ’étaient pas enregistrés dans
les livres produits, mais qui devaient l ’être quelque
part. Nous ne tarderons pas à convaincre la Cour que
ces enregistremens devaient être précisément dans le
livre-journal, qui ne paraît pas.
Mais serait-il bien vrai que l ’omission de l ’effet Lassale
ait été faite de bonne foi et par oubli?
C ’est au hasrrd que les créanciers doivent la décou
verte de cette omission ; c’est à cette découverte ,
indiquée à l ’audience du 17 mars 1810, qu’est due la
réminiscence des héritiersLe protêt n’était point un acte public qui pût rem
placer la mention dans l ’inventaire , et même faire
connaître aux parties intéressées l ’existence du billet.
Tout le monde sait quel genre de publicité produit
un protêt datis «ne ville de commerce.
Ce que les héritiers appellent registre de recette a
pu en être charge en 18 1 2 , a l ’époque du compte
rendu, après que la soustraction a été découverte. Ce
registre , improprement nommé,
n’est autre chose
q u ’un compte tenu par lçs héritiers eux-mêmes , et
�( 43),
dans lequel il leur appartient de faire toutes les trans
positions qui leur conviennent. v
Ce n’est point une pièce authentique et publique :
ce n’est donc pas dans ce com pte, que les omissions
déjà révélées peuvent être réparées.
Il est constant, en d ro it, que l ’héritier qui découvre
de nouveaux effets, après l’inventaire, doit les y faire
porter par addition, avec les mêmes formes et solen
nités qui ont été ou dû être employées à l’inventaire ;
encore faut-il qu’on ne puisse pas présumer que la
découverte de ces effets a précédé de long-tems l ’addition
à l’inventaire. Il aurait été trop tard , peut-être, de
comprendre l’effet Lassale à la séance du 11 octobre ;
mais enfin il aurait fallu l ’y porter, pour avoir un
prétexte, une excuse à donner.
Il importe peu que la même, somme ait été payée
à Besseyre : tout cela ne répare point l ’omission.
D ’ailleurs Besseyre, en négociant cet effet, en avait
reçu la valeur en espèces ou en billets. Il avait d’autres
affaires avec le défunt; on lui a payé tout ou partie de
sa créance-, et à mesure des paiemens , il a rendu ses
litres. Les sieurs Daubusson ont bien pu se créer une
petite ressource, en écrivant dans leur compte q u ’ils
ont payé 3 ooo fr. à Besseyre, le jour même où l ’effet
de Lassale a été acquitté; mais ils seraient fort embar
rasses , si on leur demandait une quittance du même
joui et de la meme somme, signée de Besseyre.
Si pourtant cette quittance n’existait pas ; si la
mention du paiement de 3 ooo f r . , faite dans le compte
�( 44 :)
rendu en 1812 > était en contradiction avec les écrits
de Besseyre, il faudrait 'convenir que le moyen serait
fort mal imagine.
La Cour ne s'arrêtera pas’sans doute à cette idée ,
que Besseyre ne pourrait pas se prévaloir de la sous
traction , 'ét q u e les autres 'créanciers peuvent encore
bien moins‘en exciper.
Les faits de soustraction’,' et les moyens qui en
résultent-, appartiennent à tous les créanciers en
général ; ils produisent pour tous le même éifèt, qui a
consisté à diminuer la masSè.de la succession : la loi y
attache une peine , et n’interdit a personne le droit
d’en demander l ’application.
Bes^eyte pouvait rêt're trompé comme les autres
créanciers , si la soustraction 'n’avait pas été décou
verte. Il avait plus dé ressources pour s’apercevoir de
'cette fraude; 'mais il pouvait ne pas la remarquer ,
d ’ a u t a n t qu ’il était possible !qüe l’efFet'eiit été acquitté
avant son échéance, 'ou ^ u ’il ëut ete 'négocié et porté
dans d’autres 'comptes.
D ’ailleurs-, il faudrait aller jusqu’à-prétendre qu’il
n’y a pas de soustraction, là où il existe Une possibilité
quelconque de là découvrir et de la protrv’ér : rce serait
•une fin dè non^rëcevoir contraire à ttxtites -les idées
•
»
1
"reçues.
Enfin', ’il résulterait -dû système*dés rieurs Daubusson que l^hérîtiër'béhéficiaife pdüi*hiit impunément
■'soü9traire. tous 'lés ëffét's actifs-, dont l’un 'on l’autre
^ é s1créanciers aurait une connaissance quelconque : il
�n ’aurait qu’à désintéresser ces créanciers, et'opposer à
tous les autres qu’ils sont non-recevables a provoquer
la déchéance.
Le sieur Albert ne dira qu’un mot sur le quatrième
article d’omission , relatif aux sommes reçues par les
.héritiers, pour les créances non comprises dans l’in
ventaire.
Au lieu de 100,000 fr. , les héritiers se réduisent
à 10,000. On en trouverait bien davantage, si 011
.coûiparait le compte avec l’inventaire; mais la quotité
de la-somme ne change rien à la question.
Le rapport des sommes a la masse de la succession,
n’est pas en lui-même un fait de soustraction, mais il le
suppose nécessairement ; car toutes les créances d’un
banquier sont constatées, ou par son porte-feuille, ou
par ses livres. On a tout connu au moment de l’inven
taire. Si on n’a yas tout constaté, c’est parce qu’on ne
l ’a pas voulu; et si on a ensuite porté, dans le compte.,
des objets non portés dans l’inventaire , ce n’est que
parce qu’on a craint d’être pris ,en d éfaut, par l ’un
ou par l’autre des créanciers.
Les sieurs Daubusson devaient, pour détruire cette
présomption., se ¿mettre en peine d’établir comment
ils ont découvert l’existence des créances qui, font
l’objet du présent article.
Relativement .h. l?argenterie , qui forme un autre
objet de soustraction , les sieurs Daubusson donnent
une réponse peu satisfaisante.
Le 22 avril 18 12 , ils ont mentionne sur leur
�V i
( 4 0 ')
compte de bénéfice d’inventaire, qu’ils avaient reçu
de JDupic 1 1 43 fr a n c s, pour capital et intérêts d ’une
somme de 900 f r . , qui lu i avait été prêtée le 2 no
vembre 1808, et pour garantie de laquelle il avait
d o n n é de l ’argenterie en dépôt.
Le sieur Albert leur dit que la mention positive du
prêt et de sa date, suppose l’existence d’un b ille t, au
moins d’une note quelconque sur les livres du défunt.
Pourquoi l ’inventaire est-il muet sur cette opéra
tion ?... En supposant que l ’argenterie ait été soustraite
par une tierce personne, qui a bien voulu la rendre
ensuite , le billet ou le livre qui mentionnaient le
prêt n’ avaient pas été soustraits eux-m êm es, et ils
devaient figurer dans l ’inventaire.
La réponse des sieurs Daubusson, au sujet de l ’état
de la caisse, est seulement évasive. Le sieur Albert leur
a dit qu’il était étonnant que la banque fût dépourvue
de numéraire; mais sachant bien que cette observation
n’était peint suffisante pour conduire à une déchéance,
il a ajouté que les héritiers n’auraient pas dû se per
mettre de toucher à la caisse et au livre de caisse ;
qu’ils n’auraient pas dû attendre six semaines pour
faire constater leur état, et que si tout avait étc fait
en tems et d ’une manière convenables, il n’y aurait
eu aucun sujet de soupçon; mais que le soupçon était
quelque chose, lorsque l’ héritier n’avait pas satisfait
aux conditions de la loi.
On répond k cela, i° que le défunt ne retenait pas
habituellement ses fouds en caisse; que lorsqu’il en
�t*y
( 47 )
avait une certaine quantité, il les déposait à la caisse
du receveur général, ou chez d’autres banquiers, qui
étaient prêts à lui en fournir au besoin ; 2° que plu
sieurs créanciers avaient retiré leurs fonds le 10 avril
et les trois jours suivans.
La première idée n’est exacte sous aucun rapport ;
le défunt n’était en compte courant ni avec le receveur
général, ni avec aucun banquier de Clermont : ainsi
on ne saurait supposer des versemens habituels et fréquens; et s’il était vrai qu’il entrât dans les spécula
tions des banquiers de dépouiller leurs caisses, François'
Daubusson n’aurait pu compter sur la caisse de ses
confrères \ qui auraient probablement dû spéculer
comme lui.
L a seconde observation souffre une assez grande mo
dification; car si les créanciers ont retiré des fonds le
10 avril, il en est entré dans la caisse le même jour;
et dans les trois jours suivans, il en est entré pour
8700 francs, tandis qu’il n’en est sorti que jusqu’à
concurrence de 8455 fr.
Les sieurs Daubusstfïi, qui savent si bien lire dans
leurs livres , devraient, dans les moyens de considé
ration qu’ils en tire n t, ne pas se borner à donner le
résultat d’une page, en omettant ce qui, dans la page
voisine, opère la balance.
Ces moyens ne détruisent pas, d’ailleurs, le reproche
que fait le sieur Albert , qu’il puise dans Ja circons
tance qu on a négligé de faire constater l ’état de la
->
�C'48 )
caisse, et qu’on en a changé ou pu changer la situation
avant l ’inventaire.
L e sieur Albert présente , comme un moyen de
déchéance, la négligence, l ’oubli de faire constater
l ’état des livres.
On lui répond que tous les livres ont été présentés
au notaire; que s’il y avait faute, ce serait le notaire
lui-mème qu’il faudrait accuser de soustraction.
Ces observations ne paraissaient pas sérieuses d’abord ;
on y persiste cependant : il faut donc y répondre.
E n fait, le procès-verbal ne constate et ne laisse
même pas supposer que les livres du défunt aient été
présentés au notaire ; on ne lui a présenté que le livre
de caisse et la copie des comptes coura,ns ; il les a pa
raphés; et il aurait été assez docile pour parapher tous
les autres, si on lui en avait donné connaissance.
En d roit, il • t certain que les fautes commises dans
lin inventaire sont imputables à l’héritier; s’il en était
autrement, il n’y aurait jamais lieu à déchéance, même
quand on aurait omis la totalité des effets actifs; il
suffirait à l’ héritier de dire qu’il les a présentés au
notaire, qui n’a pas jugé à propos d’en faire inventaire.
Cependant, et même quand'o n pourrait aller jusquelà , il faudrait bien que le refus du notaire fût cons
taté : il ne l’est ici d’aucune manière.
Non seulem ent les, sieurs Daubussou, qui se disent
très-ignorans. en matière dç bénéfice d’inventaire,,
Yfiulent. rejeter leurs fautes sur autrui, mais encore ils.
�Çïl
( 49 )
veulent reprocher aux créanciers un défaut de vigilance;
ils pouvaient venir, disent-ils, à l ’inventaire, et re- ’
quérir que l’état des livres fût constaté. Le sieur Albert
y est venu le 21 avril, et il a eu, plus qu’aucun autre,
l ’occasion de surveiller ses droits; il pouvait même
laisser un procureur fondé.
S’il était vrai que tous les créanciers indistinctement
eussent le droit de faire des réquisitions, ce ne serait
qu’une faculté dont la négligence ne pourrait jamais
leur être imputée; mais ce droit ne leur est pas accordé
d’une manière absolue.
L ’article 941 du Code de procédure, ne donne le
droit de requérir l’inventaire qu’à ceux qui ont droit
de requérir la levée du scellé. D ’après l ’article 9 3 o ,
le droit de faire lever le scellé n’est accordé q u ’à ceux
qui ont le droit de le faire apposer; et ce droit est
restreint, par l ’article 909, aux créanciers fondés en
titre exécutoire , ou autorisés par une permission
expresse du juge. Le sieur Albert n ’était dans aucun
de ces cas : il ne pouvait donc faire aucune réquisition.
Cette réponse, tirée de la loi même, est suffisante
pour faire comprendre la futilité du moyen des sieurs
Daubusson. La loi met toutes les conditions à la charge
et sous la responsabilité de l ’héritier. Puisqu’elle lui
accorde une faveur personnelle, c’est à l u i, et à lui
seul qu il appartient de remplir les conditions, sans
lesquelles cette faveur cesse d’exsiter.
Les créanciers n’ont donc rien à requérir; mais ils
7
�ont incontestablement le droit de se plaindre de tout
ce qui reste, sans réquisition ou sans exécution.
D ’ailleurs, le sieur A lb e rt, dans une courte appa
rition qu’il fit à Clerm ont, n’a pu voir ce qu’on avait
fait, encore moins ce qu’on voulait faire; il n’adhéra
à rien. On ne s’occupait guère de lu i, puisque sa
présence n’est pas mentionnée dans le procès-verbal.
E t dès qu’on veut qu’il ait été accompagné d’un
conseil prudent et éclairé, ce n’est qu’un plus grand
m otif de croire que le sieur Albert s’est abstenu de
parler, sachant bien que si l ’inventaire était fautif, il
pourrait toujours s’en prévaloir.
Passons donc au véritable m oyen, d’après lequel la
question doit être jugée,
La loi veut (art. 94 ^ du Code de procédure, n° 6 ),
que s’il y a des livres et registres de commerce, l'état en
soit constaté ; que les feuillets en soient pareillement
cottés et paraphés, s’ils ne le sont , et s’il y a des
blancs dans les pages écrites, qu’ils soiént bàtonnés.
La loi a eu trois buts diflerens dans cette disposition:
i° d’éviter, au moyen du paraphe, la substitution soit
d’un livre entier, soit de quelques feuillets seulement.
C ’est déjà une précaution importante. Car il n’est pas
impossible d'opérer de tels changemens ;
2° De faire constater invariablement le nombre et
ta qualité de livres, afin qu’à chaque instant l’héritier
puisse être requis et tenu de les représenter; et si cette
condition n est pas remplie, les créanciers n’ont aucun
.moyen de s’éclairer; l’héritier peut impunément leur
�TP%
4
cacher l’un ou plusieurs des liyréS les .plus hripoitàns ;
3 ° D ’éviter, eu faisant bâtonuer les blancs, toute
espèce de mention frauduleuse, comme des antidates,
sur des opérations q u i, quoique du fait dôs héritiers»
seraient présentées comme faites par le défunt.
Le législateur a crain t, est dû craindre tous ces
abus; il reste à savoir si, par des considérations et par
des raisonnemens, on peut parvenir k se soustraire aux
conditions généralement et absolument imposées.
C ’est précisément à l ’égard des commerçan9, que le
n° 6 de l’article 943 dispose. Tout a été prévu et
calculé. Le conseil d’état a été touché même de la
situation des enfans qui voudraient continuer le com
merce de leur père; la faveur qu’ils devaient inspirerî
n’a pu produire ni changement ni exception; on a
seulement dit qu’il ne s’agissait pas de bàtonner les
feuillets sur lesquels il n’avait pas été écrit qu’on
s’arrêterait au dernier article du registre, et q u ’on ne
remplirait que les intervalles qui se rencontrei^aient
jusques-là.
;'
Il faut donc que les intervalles soient remplis; c’est
une condition devenue absolue ; il n’est permis h
personne de la méconnaître et de la mépriser^ elle
tient trop à l ’intérêt public : .en l’ éludant par ¡des
prétextes, on détruirait tous les fôndemens de la con
fiance qui règrui et qui doit régner dans le commerce.
; Le crédit, la! confiance, qu’on accorderait person
nellement a un banquier, à un négociant, seraient sans
cesse accompagnés de l’inquiétude d’une mort impré-
�^
( 5a )
tu e , et de l’idéé que des héritiers peuvent présenter,
comme insolvable, la succession la plus opulente.
L ’héritier ne peut donc pas raisonner avec les prin
cipes*, il doit s’y soumettre sans en examiner autrement
les motifs.
Il serait inutile, dès-lors, d’examiner avec détail,
si d’après les livres communiqués par les sieurs Daubusson, il est absolument impossible de prouver des
fraudes, des soustractions : il suffit d’établir que les
héritiers ont manqué h une condition essentielle, et à
l ’inaccomplissement de laquelle la loi attache une
présomption légale de fraude.
‘
Toutefois, le sieur Albert a démontré, dans ses con
clusions imprimées, qu’il y avait possibilité de com
mettre des fraudes; il sera peut-être aisé de rendre
les preuves plus sensibles encore, lors de la plaidoirie,
et avec le secours des livres.
Les sieurs Daubusson ont mis quelque complaisance
à s’occuper du plan d’attaque du sieur A lbert, et à
lui donner un certain ridicule; par exemple ils disentr
que depuis la page 20 jusqu’à la page 2 8 , le sieur
Albert a discuté sur les livres, et que, sans savoir
pourquoi, il a repris cette discussion depuis la page
28 jusqu’à la page 34.
S i, avant de critiquer, on avait voulu se pénétrer
du but de ces discussions, on aurait pu comprendre
leur différence. Le sieur Albert a voulu établir, i° la
possibilité de soustraire; et pour cela, il a fait connaître
la forme des différons livres produits ;
20
l’inutilité et
�l ’insuffisance dû'livre des copies de comptes courans;
et pour cela il a dit que ce livre n’était'point conforme
à son original ; 3 ° que tous les livres courans delà banque
de François Daubusson n’étaient pas rapportés; et pour
cela il a fait comprendre que l’ensemble des opérations
exigeait la tenue d’un livre général, qui ne parait pas.
Ce n’est donc pas sans m otifs, que le sieur Albert a
divisé ses moyens; ce n’est pas sans motifs non plus
que les sieurs Daubusson cherchent à les confondre et
à prouver en même tems que tous les livres produits
ont un rapport, une corrélation si intimes, qu’il serait
impossible de commettre la moindre fraude sans qu’elle
fût h l’instant dévoilée.
Une première observation des intimés consiste à dire
que l’exactitude des comptes courans peut être vérifiée,
parce que les correspondans sont connus; q u ’ils sont
porteurs de la copie de leur compte et des lettres
d’envoi. ;
^Ce serait renvoyer les créanciei’s , qui suspectent
l ’inventaire, à des démarches dont la loi a voulu les
dispenser, à des démarches probablement impuissantes,
puisqu’il n’existe aucun moyen de contraindre les cor
respondans à commi^iiquer leurs papiers.
Les héritiers donnent ensuite des idées générales sur
les élémens des banques; ils la divisent en deux parties:
le numéraire, et les effets.
Cette division n'apprend rien pour la cause. Tout
le monde sait que la banque se fait avec ces deux
espèces de monnaie; mais cela n’’indique pas le bu t,
�ï ’emploi des livres, et les rapports qu’ils ont avec telles
Ou telles opérations.
' - r r.
JLa banque se compose de deux branches distinctes;
la'première comprend toutes les opérations qui se font
par comptes courans, c’est-à-dire avec des' correspondans habituels, à l’égard desquels il y a une circulation
journalière d ’effets et de traites.
L ’autre branche se compose des opérations qui se
font avec des particuliers qui n’ont pas de comptes
coürans; elles consistent en placemens de'fonds ou en
emprunts, constatés par des billets ou lettres de change
qui ne doivent pas être et ne sont pas négociés : l ’in-r
ventaire en fournit des exemples. On peut voir, depuis
le commencement de ce procès-verbal, que les effets
trouvés dans le porte-feuille sont échus, pour la plu
p a rt, depuis 1807 et 1808, sans avoir été négociés.
Avec cette première idée cle division de la banque,
nous pouvons apprécier le degré de confiance que peuvent
inspirer les livres produits, et voir .s’ils sont suscep
tibles de dévoiler toutes les soustractions.
Le livre de copies de lettres, le livre-journal /?, et
le livre des comptes courans , que les héritiers appellent
le grand-livre-, sont corrélatifs, et^enseignent les mêmes
opérations; mais Us 11c sont destinés qu’à la'branche
des comptes courans.
Le livre d’annotations, autrement appelé des traites
et remises 1 a bien aussi des rapports avec les comptes
courans, ïnais il 11’est pas exclusivement affecté à cette
branche d’opéralion ; les effets qui y sont enregistré*
�p y
( îï }
négocies ou délivrés indistinctement à tout le
monde......Quand ils sont envoyés à des correspondans
en compte courant, ils sont enregistrés sur les comptes;
mais ils ne sont enregistrés sur aucun autre livre, lors
qu’ils sont remis à des négocians ou particuliers qui ne
tiennent pas de comptes courans; au moins les sieurs
Daubusson ne rapportent aucun livre susceptible et
d etin é à constater cette espèce d’opération.
Sont
Quant au livre de caisse, il est évident que son objet
n ’est pas de relater ni distinguer les opérations qui së
font par négociation d’effets; il a pour but seulement
de donner, jour par jou r, la situation du numéraire;
il ne peut pas faire mention d’un effet que le banquier
recevrait en échange d’un autre effet.
Il suit delà qu e, pour soustraire ou dénaturer la
partie d’une banque dans sa branche des comptes cou
rans, il n’est pas nécessaire d’altérer tous les livres; il
suffit, sans même en altérer aucun d’une manière ap
parente, que l’on écrive en deux endroits, sur le livrejournal B et sur le livre des comptes courans, ou sur
le livre des comptes courans et sur le livre de caisse.
r O r, la chose est possible; on a pu écrire sur les livres
des opérations faites après la mort, en les reportant à
des dates antérieures.
On est reste maître de tous les livres; on n’en a réglé
le résultat qu au mois de mai. On a p u , dans l’inter
valle' de près d’un mois, recevoir de l ’argent ou des
effets dont on a profité, et les porter néanmoins en
■
*>
�I
(,.5 6 )
diminution des créances ou en augmentation des dettes,
de la succession.
,
Pour supposer la possibilité de ces opérations , il
suffît d’imaginer que le livre-journal B n’était pas
Su courant ; qu’il était resté sans écriture pendant
deux jours, même pendant une journée : il en résultera
qu’on a pu y porter, à la date du i 3 , des sommes
reçues postérieurement. La même facilité a existé par
rapport au livre de caisse : elle a été bien plus grande
relativement aux comptes courans.
E t il ne faut pas q u ’on nous dise que toutes les
opérations sont écrites, à l ’instant même, sur tous
ces livres.
Il serait possible, dans le cas particulier, que l ’on
eût négligé les écritures pendant les derniers jours de
là maladie; en outre, c’est que tous les livres produits
ne sont que des livres auxiliaires. Les élémens qui les
composent sont puisés dans le livre-journal général :
lès écritures de ces livres peuvent donc être ajournées.
Ce que nous disons est puisé dans les auteurs qui
se sont occupés de la tenue des livres de commerce,
et qui s’expriment en ces termes :
« Le livre m émorial est ainsi nommé , à cause qu’il
sert de mémoire. On l’appelle aussi livre-brouillon ou
livre-brouillard, parce que toutes les affaires de négoce
s’y trouvent mêlées confusement, et pour ainsi dire
mêlées ensemble.
Le livre mémorial est le premier de tous, et celui
duquel se tire ensuite tout ce qui compose les autres, »:
�f
('Sj
)
Est-il bien difficile de croire, d’après cela , que les
livres que l ’on produit aient été écrits postérieurement
aux dates qui y sont énoncées?
'
Cette facilité d’opérer ne p ro d u it, il est vrai >
q u ’une présomption de fraude ; mais elle montre
davantage la nécessité de se conformer à la loi , qui
veut que l ’état des livres soit constaté. Si on avait
rempli cette condition d’abord après le décès, on se
serait privé de cette fatale latitude; car il est possible
'
que les paiemens et les négociations , inscrits sous la
date du i 3 avril, n’aient été faits que le 24, même
plus tard; et si les livres eussent été arrêtés, il aurait
été impossible d’antidater.
La facilité est bien plus grande encore à. l’égard de
la seconde branche d’opérations, c’est-à-dire, à l’égard,
des prêts et emprunts sur billets ou effets non négociés.
Ces effets ne sont portés sur aucun des livres produits’,
si ce n’est sur des carnets d’échéance, qui n’indiquent
ni la date des effets, ni l’époque de leur entrée dans
le porte-feuille, et se bornent seulement à l’indication
du nom du débiteur, de la somme due, et de la date
du paiement.
Ces carnets sont susceptibles de toute espèce d’alté
ration. Le sieur Albert en a indiqué quelques exemples
dans ses conclusions (pag. 24 et 25).
INous pourrions ajouter que l ’inventaire 11’est point
en concordance avec les deux carnets d’échéance que
l ’on proçluit. Ce£ carnets 11e commencent q u ’en 1808^
8
/
v
�. ( 58 )
et l’inventaire relate une foule d ’effets échus en 1807,
.même à des années antérieures.
.
.
Il 11e résulterait, de cette circonstance, rien ;qiû pût
présenter uu préjudice aux créanciers, si, en faisant in
ventaire des effets plus anciens,(on avait fait inventaire
aussi des effets nouveaux, de tous ceux, en un m o t}
qui. sont inscrits dans les carnets de 1808 et 1809;
jnais plusieurs de ces effets nouveaux ne figurent
.pas à-l’inventaire.
-,
_
E t par exemple lé carnet d ’échéance indique, comme
¡¿levant éeheoir en août 1809., plusieurs effets de
•Mandet et autres. L ’inventaire n’eç fait pas mention ^
il indique d’autres effets dus par les mêmes parties ^
mais à des échéances de 1806.et 1808 : les sommes ne
■sont pas les mêmes.
La même observation se présente à l’égard d’un effet
île Serve jeune. Le carnet l ’indique comme payable
en septembre 1809 ; L’inventaire énonce une traite
échue en 1808, et les sommes ne sont pas les mêmes.
Le même carnet mentionne quatre effets de Rodde, de
chacun 1000 f r ., payables en octobre 1809 : l’inven
taire ne relate que quatre effets échus en 1807.
f
Comment peut-on prétendre, après de telles confu
sions , qu’on a pu se dispenser de faire constater l ’état
des livres?.......
Puisque les livres n’ont pas été paraphés, qu’ils
n ’ont même phs etc présentes au notaire, ils ne peuvent
ûtre regardés comme pièces supplétives de l'inventaire.
Il serait dérisoire, en effet, de proposer à la justice
�fAi
(*9 )
d’admettre , après plusieurs années, comme légales, et
probantes, dés pièces qu’on s’est obstiné à retenir
lorsqu’il fallait les montrer. Les héritiers' Daubussoù
le pensent bien ainsi ; car c’est pour remplacer tous
ces livres qu’ils ont fait rédiger et parapher le livre
intitulé : Copie des comptes courans.
Est-il bien vrai, d’abord, qu’un tel livre entre dans
la tenue d’une banque ?
Nous ne le croyons pas, même d’après les explica
tions que nous en donnent les héritiers Daubusson.
Si la copie des comptes courans, qu’on renvoie, aux
correspondans, est levée sur le livre des comptes
courans, si elle en est l ’image fidèle, à quoi servirait
de rapporter sur un livro nouveau la copie de cette
copie?...... Ce ne serait qu’une répétition in u tile, un
double emploi de tems...... Il est donc au moins fort
douteux que ce livre ait été commencé par le défunt,
et qu’il ne soit pas au contraire de l’invention des
héritiers.
! Mais cette difficulté ne peut avoir aucun but dans
la cause. Il est constant que, depuis le folio 104, le
livre dont il est question est le propre travail des
héritiers.
' O r, il faut examinor si, en supposant que les héri■tiers aient pu faire l’inventaire eux-mêmes, et régler
1 état de là succession, en prenant leurs élémens dans
<fes livres susceptibles d?altération ; il faut examiner,
#lisons«-nous, si ce travail est exact. ‘
L a 1première partie de ce liv re , celle que les héritiers
-
�<tUo>
( 60 )
attribuent au défunt, et qui se termine à la page io 3 ,
a été présentée au notaire le 5 mai; l’inventaire
çnonce que les comptes qui y sont portes ont été
“soldés, ce qui veut dire que le défunt avait reçu luimême tout ce qui pouvait être dû d’après les comptes.
Cependaut le sieur Bataille est inscrit à la;page 3 5 ,
et il y figure comme débiteur de 992 francs, valeur
du i 5 février 1809.
- Pourquoi s’est-on permis de dire que cette créance
était soldée, et de la soustraire ainsi à l ’actif de la
succession ?
Ce ne peut être par l ’effet d’une erreur, car si on
avait consulté le second livre des comptes courans, on
aurait vu (folio 9), qu’à la date du i 5 février, Bataille
était débiteur de celte somme; on aurait vu qu’à la
date du décès, même à la date du 5 m ai, Bataille'
restait encore débiteur.
Si on suppose que l ’article inscrit à la page 83 de
la copie des comptes courans, ait échappé au notaire,
il faut en tirer d’abord la conséquence qu’on 11’a pas
été exact; qu’on a eu tort de libérer ainsi deux cents
correspondans; que ce travail est im parfait, infidèle.
Mais y a-t-il un m otif qui ait pu dispenser les hé
ritiers de porter sur leur propre copie la dette de
B ataille, mentionnée encore sur Voriginal des comptes
courans?...... Ils ne l ’ont cependant pas fait. Le nom
de Bataille ne figure ni dans cette copie, ni dans l’in
ventaire....... Il résulte donc de là une inexactitude et
une omission rtiellq et volontaire, omission qui n ’exis-
�terait pas si., au lieu de faire une copie ou un résumé,
on avait fait parapher, ét constater
des livres.
Une autre inexactitude qui constitue également une
omission, est prouvée par la comparaison du livre de
copie f folio io 5 avec le folio 7 du second livre des
comptes courans, à l’article de la Farge Ghaylade. '
La copie n’est pas conforme à l ’original ; l ’original
mentionne deux opérations qui ne sont pas dans la
copie. La différence existe au préjudice de la succession.
- Sur l ’original, Chaylade est porté débiteur a la date
du 8 novembre 1808, de [±6 o francs, et a la date du
27 mars 1809, de q44 francs-, ces deux articles sont
omis dans la copie.
« Nous pourrions donner- d’autres exemples de cette
nature; mais il faut borner et des recherches trèsennuyeuses, et des détails si stériles. Cependant il est
nécessaire de citer quelques-unes des imperfections qui
se présentent dans un autre genre.
Le livre des comptes courans présente, au folio 181,
un article de compte tenu avec Sébaut, de Paris. Si
on avait arrêté le compte au moment du décès, Sébaut
aurait été débiteur de i 3 ,ooo francs*, on ne l’a arrêté
que beaucoup plus tard, et la dette de Sébaut ne
figure à l’inventaire que pour 3/|56 francs. D ’où vient
cette différence?.... E lle vient de certaines opération^
faites depuis l’ouverture de la succession, jusqu’au
27 mai. •
,
Mais qui peut assurer aux créanciers que ces^ opé
rations sont sincères?......... On crédite Sébaut d’une
�somme de
( 62 )
francs pour intérêt ou commission', a$
3 o avril?...**•-.Comment était-il du. des intérêts h, un
débiteur?
»■ }
- On le crédite en outre d ’une somme de 1 6 , 366 ' fr,
poijr des traites .à ordre divers, qui sont censées aVoii:
fait,retour. Le sieur Albert ne peut prouver la fausseté
de ces deux opérations; mais il ne trouve nulle« part
le preuve de leur sincérité. Les héritiers) ne devaient
pas se permettre de changer ainsi l’état des comptes;
gi§pbau t, débiteur, d’une part, avait pu être créancier,
d’une autre p art, ce compte aurait été réglé postér
rieurement; il n’en fallait pas moins constater l’état
de la succession au moment de son ouverture,
L article de Louis Pons, de L yo n , présente les
memes difficultés» Suivant l ’originajj du livre
de$
comptes. Pons aurait été débiteur à l ’époque du décès,
d’une somme de 2600 francs. Dans la copie du livre
' et dans l’inventaire, il est créancier de 11,884 francs,
Cette différence provient encore d’opérations continuées
jusqu’au 17 maj.
1,.
Mais il se présente sur la sincérité dé tes opérations,
les mêmes difficultés qu’à l’égard de S é b a u t;il pour*
rait y avoir même un fait particulier : Pons a été
crédité le i 5 avril (suivant le livre journal 2T), i° pour
qpp remise sur Villefranche, que Pons a renvoyée;
30 pour une remise par lui tirée sur Limoges; Ces effets
seraient rentres dans 1 actif de la succession; oh ne les
y voit point figurer; on ne voit pas non plus à qui
¡1^ of)t.ét(iLreniis, eu. sorte qu’il paraît que les.héritiers
�;( 63 ))
en ont profité, tandis que les valeurs ont été em ployée
à diminuer l ’actif, ou k augmênter^le passif dé la suc*cession.
V - : f f ii:i
'(f
;■ .q
j , ; . ' *»•
En général, tous les comptes sont réglés de la mênie
manière. La copie n’est donc pas conforme k l ’original.
On voit dans cette copie des articles absolument différens de ceux de l’original.
. Si on. s’arrête au premier article, qui est celui de
Souchard, on remarque que le livre du défun,t men
tionne k la page du D O IT, cinq opérations qui aug
menteraient la dette de Souchard*, dans la copie, tous
ces objets sont omis, sans qu’on puisse en concevoir le
motif. Il .paraît bien que cette omission peut avoir eu
pour prétexte le défaut de recouvrement de traites
que le défunt avait données k Souchard; mais on est
bien embarrassé quand on veut vérifier si ces traites
n’ont ‘ pas- été portées ailleurs, car le livre où est lé
compte de Souchard, ne renvoie k aucun autre.
C ’est en jetant les créanciers dans une impossibilité
presque absolue de vérifier les comptes arrêtés par les
•héritiers eux-mêmes, qu’ils prétendentHéfier de toute
preuve de fraude
niais ’de cette impossibilité même,
il résulte que le travail des héritiers est incomplet,
inexact, infidèle.
1
Ce que nous venons de dire ne concerne que les
comptes courans; la branche des prêts et ¿es emprunts
reste sans aucune preuve, sans aucune présomption
de sincérité.
C ’est précisément'cette branche de la banque, qui
�tus
I
C c4 )
prouve l’existence nécessaire d’un livre-journal général.
L e sieur Albert s’est plaint avec raison de son absence.
On dit q u ’on ne peut pas lui pardonner ce soupçon;
il est grave, en effet; mais peut-être lui pardonnerat-on moins la preuve assez positive qu’il eu adminis
trera,
E n attendant, nous pouvons dire que la réponse
des liéritièrs n ’est point franche. Il ne s’agit pas de
savoir si le sieur Albert tient un livre du genre de
celui qu’il réclame; il s’agit de savoir si François Daubusson en avait un , et si les héritiers l ’ont eu eil
leur pouvoir; si ce n’est pas là qu’ils ont trouvé la
preuve de l ’existence de ces créances, q u i, suivant eux
n étaient connues de personne.
Il serait bien difficile d’imaginer q u ’avec le se
cours de deux carnets, le défunt eut,pu faire des
opérations qui présentaient un mouvement continuel'
de 5 oo,ooo francs au passif, et qui en font présumer
autant à l ’actif. Ces carnets n’indiquent pas les opéra
tions jour par jour; ils n ’indiqu.ent que les échéances,
de telle manière qu’un effet est porté au mois de
décembre (si c’est la date do, son échéance), quoique
le prêt ait été fait six mois ou un an avant. Mais sans
nous livrer davantage à cette démonstration, il suffira
de dire que 1 existence du livre général des opérations
journalières sera prouvée par l’appelant.
La question relative à la vente des contrais de rente
à donné lieu à beaucoup de réflexions de la part-des
�f a
{ <* . )
intim és; les unes sont puisées dans le droit) les autre«
dans des circonstances,
!
Quand au point de d ro it, les intimés veulent faire
une distinction que la loi ne fait pas*, la loi s’exprime
généralement et catégoriquement ; elle embrasse toutes
les rentes; et si celles dont il s’agit n’étaient pas com
prises dans la prohibition, il faudrait croire que toutes
les rentes -en sont exceptées.
Quant aux circonstances, les sieurs Daubusson pré
tendent qu’il est peu convenable que le sieur Albert
ose se faire un moyen de cette ven te, lui qui a exhorté
les sieurs Daubusson k traiter avec Cellier.
■Le sieur Albert doit s’étonner de l ’apostrophe qui a
pour but de le constituer de mauvaise foi. Il n’a point
conseillé, n’a point exhorté à vendre les rentes; il ne se
rappelle pas dans quels termes il s’est exprimé; mais il
voit dans une lettre du sieur Louis Daubusson luirçnême , datée du 3 i mai 1810 , le passage suivant :
« Nous avons vu hier M . C ellier, qui nous a paru
vouloir s’ arranger des créances que nous lu i avons
offertes. »
C ’est certainement à cette lettre, que le sieur Albert
a répondu. S’il a dit qu’il conseillait de terminer avec
Cellier, il a donné le conseil conformément à la pro
position qu’on lui faisait.. On ne lui disait pas qu’on
•se proposait de céder un contrat de rente; et ce n’était
pas a lui , d’ailleurs , qu’on devait s’adresser pour
savoir quelles formalités on devait employer.
Il n’a pas conseillé, et ençpre moins adhéré à la
9
�■ ,
.(66)
vente de l’autre contrat de rente, consentie en faveur
de LachaiTd.
‘
. Les fins de non-recevoir sont donc déplorables ; et si
on avait communiqué au sieur Albert les lettres où l ’on
prétend les ^puiser, peut-être faudrait-il examiner si,
à son tou r, il peut pardonner le reproche qu'on lui
adresse, en ne rendant pas les faits tels qu’ils sont.
E t q u ’importe, au surplus, que le sieur Albert ait
reçu des effets de la succession, et qu’il né s’en plaigne
p a s?...... Les effets de la succession ont pu être négo
ciés sans encourir la déchéance. La loi donne à>l’héritier
bénéficiaire le droit de recouvrer; mais les contrats de
rente n’ont pu être vendus sans formalités, parce que
la loi le défend.
•■■.
Il n est point exact de dire que le sieur A lbert-ait
pris a ses risques la créance sur Altaroche; les sieurs
-Daubusson lui en firent la proposition ; mais il ne voulut
pas y adhérer. Il les défie de justifier d’aucune conven
tion de celte nature, soit par traité', soit par lettres.
Pourquoi'donc revenir sans cesse sur une négociation
dont les conditions, d’ailleurs, ont été si bien appré
ciées, que les intimés ont repris les titres d’Altaroche?
Pourquoi cherche-t-on à torturer les faits, et à réduire
une créance dont ou a signé soi-même le règlement deux
ans après la négociation?'.__
Le sieur Louis Daubusson ne prétend pas , sans
doute, niei sa -signatuie; cependant il raisonne'comme
si Je règlement n’existait pas.
Il est bien étonnant, d’après cela , qu'’on mécon”
�<(. <'6 7 1)
_
^
Jnaisse le véritables'intéfcêt jclu procès -, qu’on se. .per
mette d’examiner si le sieur Albert a besoin de toucher
•sa créance, et quel emploi il veut en faire.* Ne diraiton pas que le sieur Albert est placé sous la tutelle de
ses adversaires, et qu’avant de réclamer ce qui.lui est
-légitimement dû, il doit prouver premièrement‘sés
besoins et sa situation personnelle?
i
> -¡6
, Ce ne sorit pas des moyens de cause : on le; sait
-bien; mais il faut (toujours,! quand on prend les de
d a n s, se rendre, favorable ,,!èt jeter sur les autres;un
-’peu ç de ridicule r ne [serait-ce que cette idée que le
sieur Albertmê plaidé que'pour la diiférence d’un pour
centid’ihtérêts! idée d’autant plus déplacée , cependant,
que le sieur Albert offre.de longs termes, si on veut
lu i donner une sûreté,'-et se; soumet.à n’exiger aucun
intérêt pendant cet intervalle.
!*
Pourquoi n’accepte-t-on pas cette offre?........ Dès
q u ’on est si certain que >le sieur Albert n’est pas en
danger de perdre, 011 ,he saurait se compromettre soimême. ■f •
•')'?,
.a n ;.-1 • .oSi on persiste dans le refus, il fa u trcroire qu’on
cherche à abuser, et à échapper à une condamnation
qu’on n’a pas la volonté de réaliser.
On fait, dans le même dessein, un grand étalage
du compte rendu en 181 2, et qui a été, dit-on, ho
mologué sans contradiction,( circonstance que le sieur
Albert ne connaît pas.
Mais qu a-t-on lait depuis cette époque?...... Le sieur
Albert^ a - t - i l reçu une portion quelconque, de sa
�(6 8 )
créance?. Cependant, depuis cinq ans o n a du
opérer: des recouvremens; il n’est pas q uestion d u plus
o u du moins de lenteur : il y a eu cessation absolue.
Les héritiers ont payé la totalité de plusieurs créances;
ils en ont agi ainsi à l ’égard de ceux qu’ils redoutaient.
Le sieur Albert est peut-être le seul, de tous les créan
ciers en compte courant, qui n’ait pas été entièrement
payé; et tout lui fait présager qu’il ne le sera jamais,
s’il est obligé de discuter un compte de bénéfice d’inventaire. Comment établirait-il que l ’actif est recouvré?
Cet actif consiste en billets ou lettres de change, qui.
peuvent ;toujours être représentés, quoique les valeurs
en aient été payées, parce qu’on peut retenir les titres
en donnant des quittances. Les héritiers peuvent,
d’ailleurs, retarder à leur gré les recouvremens, en
profitant des intérêts. Ils en ont d’autant plus la fa
cilité , qu’ils font eux-mêmes la banque.
L ’intérêt de la cause est donc de savoir si le sieur
Albert pourra espérer de toucher, ou s’il perdra une
créance de 11,000 francs. Il s’élève des procès plus
graves pour des intérêts moins importans.
A L B E R T aîné.
Me G A R R O N , Avocat.
Me V E Y S S E T , A voué-licencié.
R IOM , IMPRIMERIE DE SALLES
P RÈS LE PALAIS DE JUSTICE.
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Albert, Claude. 1819?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Garron
Veysset
Subject
The topic of the resource
successions
inventaires
scellées
bénéfice d'inventaires
conflits de procédures
livres de comptes
banquiers
banques
créances
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire en réponse, pour le sieur Albert, appelant, contre les héritiers Daubusson, intimés.
Table Godemel : héritier bénéficiaire : - qui n’a point fait apposer les scellés sur les objets meubles de la succession ; qui a omis de faire comprendre dans l’inventaire certains de ces objets, lorsqu’il n’est point établi que cette omission fut volontaire ; qui a fait des paiements à divers créanciers, sans règlement du juge, et sans observer une juste proportion ; enfin, qui a cédé en paiement à des créanciers de contrat de rente, sans suivre les formes prescrites pour la vente des biens meubles dépendants d’une succession acceptée sous bénéfice d’inventaire ; est-il réputé héritier pur et simple, ou déchu du bénéfice d’inventaire ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de J.-C. Salles (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1819
1813-1819
1804-1814 : 1er Empire
1814-1830 : Restauration
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
68 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2415
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2413
BCU_Factums_G2414
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53469/BCU_Factums_G2415.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Clermont-Ferrand (63113)
Chanonat (63084)
Saint-Gervais d'Auvergne (63354)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
banques
banquiers
bénéfice d'inventaires
conflits de procédures
Créances
inventaires
livres de comptes
Scellées
Successions
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53490/BCU_Factums_G2504.pdf
9e8a2baf7ee2bafdc40ef575b0fff936
PDF Text
Text
MEMOIRE
EM PLOYÉ PO U R RÉPONSE A GRIEFS
k“ '
J
DE RIOM.
EN E X E C U T IO N
**"•
DE L’ARRÊT DE LA COUR
DU
18
AOUT
1819,
‘Wl p“ écriu
iïa*ÙÊ t&J.
.
PO UR
Sieur
Pier r e- F
élix
V A LENTIN
et
dame
N O U V E A U , son épouse,
propriétaires, habitant le lieu de la Rouquette,
^ commune de Cassaniauze , arrondissement
d 'A urillac, département du Cantal, intimés;
M
ar ie
-S
Chambre.
ophie
CONTRE
Sieur P i e r r e - A n t o i n e C A P E L L E , P u e c h J e a n d e m o is e lle s M a r i e et S o p h i e CA-
�c o
P E L L E y frère et sœurs , propriétaires,
habitant ladite ville ¿CAurillac, appelons
de jugement rendu par le Tribunal civil
d'Aurillac , le Si décembre 1 8 1 7 3 suivant
les exploits des 12 février et 11 mars i 8 i 8 y
E T EN C O R E C O N TRE
La dame M arie-So ph ie L A N Z A C D E
MOJSTLOGIS¡religieuse^habitante de la
ville d ’Aurillacy M a rie-Ju d ith L A N Z A (7,
veuve du sieur P I A L E S >et M arie-H on orée L A N Z A C ^ toutes deux habitant le
lieu et commune du Viviers y le sieur
P . B R A S S A T -M U R A T , docteur en médecïney et la dame Ju d ith L A N Z A C 3 son
épouse, de lui autorisée, habitans de la
v ille d 'A u b ie r y autre M a r i e - %f üDi Tt t
L A N Z A C D E M ONTL 0 GIS-CH ANAT\
propriétaire, habitante au lieu de la Rou(juette } commune de Cassaniauze 3 canton
de Montsalvj y le sieur M A R S IL L A C y
docteur - médecin , O l i m p i e - S i l v i e L A N
Z A C D E M O N T L O G IS , s o j i épouse, de
lui 'autorisée y M a r i e - C h r i s t i n e L A N
Z A C D E M O N T L O G IS y M a r i e - A n n e
�( 3 )
C H A U D E S A I G U E S D U T U R R I E U 'y
veuve de C lau de L A N Z A C D E M O N T L O G I S , tutrice de leurjils mineur; Jo s é
p h i n e - J u d it h
L A N Z A C D E M O NTL O G I S , tous propriétaires 3 habitans du
lieu de Dousques , commune de V éza c y
P ie r r e -A le x a n d r e et P ie r r e -H o n o r é
L A N Z A C D E M O N T L O G I S , proprié
taires , habitans du lieu de Montlogis , com
mune de Ladinhou y susdit canton de Monts a lv j 3 aussi appelans du même jugement,
S ’IL falloit en cro ire les h éritiers C a p e lle , ils au ro ien t
à com battre u n e préten tion odieuse, et leur cause
toute favorable, appelleroit, au contraire, la bienveil
lance de la justice, Donataire direct de la dame Jalinques,
par la stipulation de son contrat de mariage, leur auteur
auroit acheté par d’immenses sacrifices les biens qu’on
paroissoit lui donner à titre purement gratuit. U n moyen
de substitution, péniblement inventé par un donataire
postérieur, 6eroit aujourd’hui opposé à ses enfans, pour
les dépouiller, pour leur arracher violemment une pro
priété qui lui avoit coûté tant de soins, d’inquiétudes,
et jusqu’au sacrifice de sa propre fortune. Suivant eux,
1 idée de substitution n’est qu’une chimère que la cupi
dité a rêvée, et dont elle veut abuser aujourd’hui; enfin,
I *
�( 4 )
c’est des appelons qu’il faut dire que malgré les décisions
nombreuses qui ont tenté de ramener les esprits à la
vérité et à la ju stice, les leçons de Vexpérience sont
ordinairement perdues pour les plaideurs.
Les intimés ne nieront pas ce que cette assertion
peut avoir de vrai, même dans la contestation actuelle;
mais ils la repousseront loin d’eux, et laisseront à la
justice de décider si les appelans n’ont pas fait en cela
le tableau de leur propre cause. En rétablissant les faits,
ils démontreront que les héritiers Capelle ont établi
leur défense sur des suppositions erronées, sur des moyens
de droit plus subtils que solides.
Nous verrons, en effet, combien le tableau qu’ils ont
présenté diffère de la cause. La dame Jalinques, en
donnant sa fortune à sa sœur, avoit, il est vrai, témoi
gné de la bienveillance à son futur beau-frère; elle
l’avoit gratifié en second ordre, et ordonné que les biens
lu i seroient remis au cas mais seulement au cas où
la fu t u r e , sa sœur, décéderoit sans erifans. Le sieur
C ap elle n’âvo it ni efforts ni sacrifices à faire p o u r exé
cuter les conditions de cette libéralité, et il n’eut pas
le mérite d’y avoir satisfait. Possesseur de biens consi
dérables, en vertu de la donation, il fit des procès à la
bienfaitrice de son épouse, qui étoit la sienne propre ; car
il participoit au bienfait comme mari et comme substitué.
Sa veuve, maîtresse de ses biens, en gratifia un nouvel
époux; long-temps on ne contesta à l’un ni à l’autre la
légitimité de leur possession, et certainement on n y
eût jamais pensé, si une demande formée par les intimés,
en restitution de quelques sommes, n’en eût inspiré
�( 5 )
l’idée; mais on n’avoit pas encore eu l'ambition de s’appro
prier une fortune sous la foi de laquelle ont été con
tractés deux mariages successifs, celui du sieur Nouveavi
et celui du sieur Yalentin. On n’avoit pas rêvé de
prétendus sacrifices qu’on avoit jamais faits ; des dan
gers imaginaires qu’on n’avoit jamais courus; des faits
qui n’ont jamais existés. On ne savoit pas encore qu’en
acquérant les droits des héritiers de la dame Nouveau,
on pouvoit, sous leur nom, prêter à la disposition de
la dame Jalinques un caractère autre que le sien propre,
et se faire un moyen auprès de la justice d’une décla
ration émanée des sieurs Capelle eux-mêmes, sous le
nom de la dame de Murât. Le temps des rêves est
arrivé et le procès a commencé. Il ne devoit pas s’ar
rêter en première instance ; le grand intérêt qu’il
comporte ne le permettoit pas, et il appartenoit à la
Cour d’y mettre le sceau de sa sagesse. Les intimés
esp èren t lui d ém on trer que la décision des premiers
juges est à l’abri de la censure, au moins dans la dis
position principale dont se plaignent les héritiers Capelle.
F A IT S .
Le 23 septembre 1786, le sieur Capelle épousa MarieJudith Lanzac de Montlogis.il étoit veuf alors, et avoit
trois enfans de son premier mariage. Nous n’avons pas
à rechercher s’il fut porté à ce nouvel hymen par ¿es
illusions de goût ; il est peu ordinaire que ce motif
soit celui qu’on donne à l’union conjugale ; il ne nous est
pas difficile, d’ailleurs, (le discerner un motif beaucoup
�( 6 )
plus naturel, beaucoup plus respectable. Le sieur Capelle
avoit trois enfans en bas âge, un garçon et deux filles;
il avoit besoin de quelqu’un pour soigner leur enfance,
et rester à la tête de sa maison. Un homme livré à luimême est ordinairement peu capable de ces soins minu
tieux et délicats qui sont pourtant indispensables. Le
sieur Capelle le pensa pour lui-même ; il crut devoir
donner une seconde mère à ses enfa ns, et nous ne craignons
pas de dire qu’il avoit atteint son but. A entendre les
appelans, sa tendresse pour eux ne lui auroit fait faire
que des calculs d’intérêt personnel, et son second mariage
n’auroit été qu’une spéculation ; il auroit épousé une
vieille fille, qui ne lui offroit x^as même des illusions ,
et il l’auroit épousée uniquement pour avoir sa fortune.
Nous ne savons pas s’il y avoit de sa part absence totale
de goût; mais si cela étoit vrai, le motif de cet hymen
ne rendroit pas sa spéculation plus recommandable aux
yeux de la justice, et peut-être ses enfans eussent-ils
mieux fait de le taire. Quoiqu’il en soit, nous pouvons
facilem ent supposer que le sieu r Capelle n’avoit pas
sacrifié toutes les convenances, et foulé aux pieds le
respect dû à une union sainte par elle-même, pour n y
faire qu'un marché et n’y voir qu’un intérêt pécuniaire;
et qu’au moins il avoit mêlé à ses calculs un motif plus
noble et plus digne du mariage. Au reste, l’âge de la
demoiselle de Montlogis et le sien, sa condition et la
sienne, sa fortune et la sienne, sans parler de celle de
sa sœur ; tout cela étoit assorti, et la future épouse étant
capable de donner à ses enfans les soins d’une m ère,
elle offroit au sieur Capelle un avantage de plus,
�( 7 )
Nous ne répéterons pas ici les conditions de ce mariage,
déjà transcrites dans le mémoire des appelons} page
et suivantes; ils en ont fait ressortir toutes les expressions
auxquelles ils ont cru pouvoir trouver un sens qui leur
fût avantageux. Il est si facile d’y voir la véritable inten
tion des parties; elles se sont exprimées si simplement,
qu’il nous suffira de rappeler les dispositions principales.
Nous ne parlerons que de la clause qui donne lieu au
procès; car c’est elle qui doit nous apprendre à qui la
clame veuve Jalinques a donné et voulu donner. Après
la constitution dotale de tous biens présens et à venir et
le pouvoir de vendre donné au futur époux par clés
clauses qui lui sont étrangères , elle intervient au contrat,
et s’exprime ainsi :
« Laquelle, pour Vamitié 'particulière qu elle a pour
« la fu tu re épouse, sa sœur, a , en faveur du mariage,
K donné, à titre de donation entre-vifs pure et simple,
« A SADITE SŒUR, future épouse, CE ACCEPTAN TE,
« tous les biens meubles et immeubles dépendans de la
« succession du sieur Jalinques, son. m ari, dont elle est
« héritière testamentaire....................................................
Cette donation est faite sous diverses réserves et con
ditions, notamment de payer à la donatrice une somme
de 120,000 liv. ,dont 20,000 liv. dans six mois, 10,000 liv.
un an après, et les 90,000 liv. restant, par 3,000 liv.
d'année en année ; de payer une pension viagère de
600 livres à une dame Delom, et d’acquitter toutes les
dettes de la succession du sieur Jalinques. Cette dernière
condition n’étoit que de forme. Le sieur Jalinques avoit
laissé un actif considérable en créances, billets et obli-
5
�( 8 )
gâtions, qui faisoient partie de la donation faite à la
future épouse ; par conséquent, pas de dettes; il n’en
existoit que pour 2,000 livres, et le sieur Capelle nen
paya jamais une obole ; cette somme a été acquittée par
le sieur Nouveau, après le second mariage.
Enfin, et c’est là le grand, le principal moyen des
appelans, les fu tu rs époux, le sieur Capelle comme la
demoiselle Lanzac, s’obligent solidairement à remplir
ces charges.
Il faut en convenir, si le contrat de mariage s’arrêtoit
là , si on ne savoit pas autre chose, la charge imposée
au sieur Capelle, solidairement, pourroit paroître exor
bitante; car il est bien incontestable que la donation n’étant
faite qu’à la fu tu re épouse, n’étant acceptée que par
elle, le sieur Capelle, qui ne figuroit pas du tout dans
la disposition, et qui n’avoit que son droit de jouissance
comme m a ri, auroit contracté un engagement un peu
sévère; mais lorsqu’on saura que par la suite de l’acte, la,'
donatrice s’engage à remettre aux futurs pour 80,000 liv.
de créances actives ; que ces effets étoient livrés au sieur
C a p e lle , comme mari et maître des biens dotaux, quoique
sa fortune ne présentât pas une garantie suffisante;
lorsqu on saura que le recouvrement des effets devoit
couvrir, et bien au delà les 30,000 livres payables en
dix-huit mois ; qu’enfin, et indépendamment de ses effets
actifs, la dame Jalinques liyroit au sieur Capelle des
immeubles dont le revenu excédoit de beaucoup les
3,000 livres qu’il devoit payer par année, on ne sera
plus étonné d’une précaution que commandoient les
circonstances, et qui nétoit plus du tout onéreuse pour
le
�( 9 )
le sieur Capelle ; car il est peu de ¿futurs époux qui
refusassent leur engagement personnel de payer 30,000 1.
en recevant personnellement des effets pour 80,000 liv.,
et de payer 3,000 liv. par an en prenant la jouissance
d’immeubles qui produisissent beaucoup au delà. Les
avantages qui en résultaient dès lors pour les époux,
ceux que le mari pouvoit lui-même en espérer par lu
suite, et enfin l’impossibilité qu’il pût entrevoir pour
lui-même aucun danger; tout cela, sans autre motif,
étoit suffisant pour lui faire donner son propre enga
gement, sans qu’il fût besoin d’aucun autre don propre
a lui seul. Il ne faut donc pas supposer la nécessité
dune donation directe au mari lui-même, qu’on s’efforce
de trouver partout, parce qu’on ne la trouve nulle part;
et le contrat de mariage se fût - il borné à ces dispo
sitions , elles n’auroient rien d’inconciliable avec la
position des parties, rien même d’extraordinaire en soi.
Mais les parties n e s’a rrê te n t pas à ces premiers termes j
une stipulation secondaire suit cette première disposition;
elle concerne le fu t u r époux qui n’avoit aucune part
à la précédente. Qu’est-elle? que peut-elle être? Voilà
ou résidé la difficulté de la cause. L ’esprit doit être
prépare d’avance à la nature de cette disposition, puisque
déjà il en existait une parfaite, absoluç, et qui constituoit
a elle seule une véritable libéra/î^i; on s’attend dès
lors à voir une clause qui contienne une disposition se
condaire. Au reste, lisons-la immédiatement.
« D ajis le cas où la demoiselle future épouse vienne
« à décéder sans enfans du présent mariage, audit cas
»
�( 10 )
« seulement, les biens qui resteront de ceux ci-dessus
« donnés, s e r o n t r e m is et appartiendront audit futur
« ép oux, et en cas de prédécès, ¿1 ses héritiers ou à
r< celui d’entr’eux qu'il aura choisi , avec néanmoins h•< ber té à la future épouse de disposer de la somme de
■< trois mille liv r e s ................. en faveur de qui bon lui
« semblera; et au m oyen de tout ce que dessus, ladite
« dame de Lanzaç de la Ilouquette s’est dessaisie et
« dévêtue desdits biens donnés , et en a saisi et vêtu,
a tant EN PROPRIÉTÉ qu’en usufruit, LAD ITE DEMOI« s e lle
f u t u r e é p o u s e , p o u r , par elle et lesdits
c< futurs ép ou x, en jouir dès à présent....................
Voilà la clause. Ne nous occupons pas encore des
facultés qui y sont ajoutées; ce n’est pas là ce qui cons
titue le don ni ses c a ra c tè re s; la disposition entre la
donatrice et ceux qui reçoivent directement ou indirec
tement est complète ; elle est terminée par ces expressions
finales : et au moyen de ce que dessus, ladite dame
s’est dessaisie et dévêtue.
Considérons cette^ stipulation avec une entière fran
chise; dépouillons-nous de toute prévention; voyons la
pensée des contractons avec cette simplicité qui se trouve
dans la clause m êm e, et
qui est immanquablement
compagne de la v é r ité , et nous serons convaincus,
sans qu’il nous en ^ A t e beaucoup de méditation, que
cette clause n’est qu’une véritable substitution.
E h ! que pouvoit-elle être autrement? Il existoit déjà
une donation parfaite, entre-vifs, dirigée au profit de
la femme seule, acceptée par elle seule; toute autre dis-
�/ f*
( ” )
position ne pouvoit donc être qu’une substitution ou
une association à la donation primitive, avec ou sans
accroissement, c'est-à-dire, une autre donation directe
de la dame de Lanzac au sieur Capelle ; donation q u i,
en ce cas, devroit se trouver dans l’acte, en termes
exprès, et qu’on n’eût pas manqué de faire accepter
par le sieur Capelle, comme on l’avoit fait pour la
future, si on eût eu la volonté, et surtout la volonté
préméditée de faire une véritable donation.
Mais, au lieu de cela, on voit la dame de Lanzac
stipuler, qu'en cas de décès de la future, et audit cas
seulement, les biens.............................seront remis et
appartiendront au futur époux, et en cas de prédécès,
a ses héritiers; assurément il n’y a pas là d’association à la
donation ; on n’y fait pas la part de chacun des pré
tendus donataires; on ne donne pas conjointement, avec
droit d’accroissement ; il eût cependant fallu l'un ou
l’antre, s’ils eussent été donataires dix’ects tous les deux.
Ne nous occupons pas encore de savoir si l’obligation
de remettre portoit sur tous les biens, ou seulement sur
çeux dont la dame Capelle n’auroit pas disposé ; ne
parlons pas encore principes; mais ne perdons pas de vue
que c’est ¿1s o j i décès, et seulement en cas de décès sans enfans du mariage, quelle doit remettre les biens au futur
ou à ses héritiers. Nous verrons, lorsque nous serons à l’ex
position des principes, que tous les docteurs reconnoissent
cette condition comme celle qui est le plus essentiellement
caractéristique de substitution. Remarquons aussi qud
pour ne laisser aucun doute, c’est après avoir stipulé au
profit du sieur Capelle, cette remise conditionnelle des
3 *
«
�biens, ou de ceux qui resteront, peuimporte, que la clona*
trice ajoute ces expressions désespérantes : et au moyen de
ce que dessus , ladite dame s’est dessaisie et dévêtue des
biens donnés , et en a saisi et v ê t u .............qui ? Si deux
donataires sont appelés directement, c’est le cas de les
vêtir tous les deux; mais, pro/idolor ! on a saisi et vêtu,
tantEN p r o p r i é t é qu’en usufruit, LAD ITE DEMOISELLE
fu tu re
É p o u s e ; elle seule et personne q u e lle , parce
qu’on n’avoit, donné qu’à elle, que personne qu’elle
n’avoit accepté le don, et que si elle et le futur époux
doivent jo u ir , c’est comme une conséquence nécessaire de
ce qu’on venoit de donner des biens à sa fu tu re, tant en
-propriété qiüen usufruit , et de ce que ces biens étant
dotaux, il lui appartenoit d'en jo u ir , mais seulement
d’en jouir en sa qualité de mari.
Nous ajouterons, puisque cela peut faire plaisir aux
héritiers Capelle, qu’on donne ensuite la liberté au futur
époux de vendre et aliéner les biens donnés, mais du
consentement de la fu tu re épousej de recevoir le prix
des ventes et des sommes dues, mais à la charge de les
reconnoitre et de les rendre à qui il appartiendra ; et s’il
est besoin de quelque réflexion sur ces clauses accessoires,
et sur lesquelles les appelans ont tant glosé, nous verrons
plus tard combien elles sont insignifiantes pour arriver
au but où les héritiers Capelle veulent atteindre par
tant d’efforts. Nous devons nous borner, en ce mo
ment, à ce récit simple et exact du fait qui concerne la
difficulté principale du procès, et ne pas pousser plus
loin les réflexions. La cause se voit toute entière dans ce
peu de mots; elle se présente d’une manière nette et
�3
( i )
concise. Nous verrons si la discussion y changera quelquè
chose, car il faudra bien discuter, ne fût-ce que pour
répondre, par des principes positifs, aux arguties, aux in
terprétations de mots dans lesquelles se retranchent les
héritiers Capelle.
Poursuivons le récit des faits.
Peu après le mariage, il fut question de réaliser la
promesse de la dame Jalinques, de remettre pour 80,000 .
d’effets ; elle n’en eut que pour 70,108 livres. A in si,
d’après la convention du contrat, elle devoit diminuer
95892 livres sur les 120,000 livres qu'elle s’étoit réservées.
Elle fut plus généreuse, car par un traité du 4 décembre
*7^6, deux mois après le mariage, elle fit remise de
20.000 livres sur sa réserve, qui fut dès lors réduite à
1
100.000 livres, et elle abandonna aux sieur et dame
Capelle une quantité assez considérable du mobilier qu’elle
s’étoit égalemant réservé, notamment six lits de maître,
beaucoup de linge et d’ustensiles de ménage.
Bientôt après, la dame Jalinques contracta un nouveau
mariage avec le sieur de Murât. Nous devons dire ici que
le sieur Capelle, au nom duquel on dit beaucoup aujour
d’hui qu’il n’aimoit que les donations directes et positives,
avoit compté sur un avantage qui ne lui étoit promis
nulle part, pas même par substitution, pas même par
une assurance verbale. Il comptoit bien ne jamais payer
ou voir revenir dans ses mains, comme mari, les 100,0001.
réservées par la dame Jalinques; c’étoit une partie de
sa spéculation. Le second mariage de la donatrice la
faisoit disparoître; avec elle s’évanouirent les illusions,
car elles avoient duré jusque-là. Le sieur Capelle prit
�4
( i )
de l’humeur, la manifesta, et ne se croyant pas donataire
direct, ne voyant pas un dédommagement suffisant de sa
solidarité, dans l’espoir d’une saisine à venir , ne voyant
là que le bien être futur de ses en fans et non pas le
sien propre, il parut exiger de la dame son épouse qu'elle
répudiât à la donation; celle-ci refusa d’y consentir.
De cette époque, le sieur Capelle se retira à SaintConstant, et laissa la dame Lanzac à la Rouquette. Il
çst vrai qu’alors il montra moins d’attachement à son
épouse que de regrets de voir évanouir des espérances
qu’il n'avoit pas été autorisé à concevoir.
Quoiqu’il en soit, plusieurs procès et non un seul,
s'élevèrent sur le refus de payer; quoiqu’on en dise dans
le mémoire des appelans,le mari et la femme n’avoient
pas le même but; l'un vouloit répudier, et vraisem
blablement répudier seul, quoiqu’il parût vouloir aussi
la répudiation de son épouse , car il lui auroit été
bien doux de conserver les biens comme m ari et de
ne rien devoir solidairement; l’autre répugnoit à ce
m o y e n peu con ven ab le. Si l’obligation personnelle du
mari eut été causée par une donation directe qui
lui fût propre, sans; cloute, il eût eu le droit de s’en
affranchir‘en répudiant; mais ne faisant qu’abandonner un
droit de substitution non encore ouvert, ce qui ne sign:iioit rien dans l’intérêt de la donatrice, et son obligation
ayant d’autres causes, les conventions du contrat étoient
indivisibles. Aussi la sentence du 29 août 1790 ne laissat-elle d’autre option que celle d’exécuter la condition ,
faute de quoi, elle déclara la donation révoquée;. Il faut
convenir qu’en refusant de satisfaire à la condition, soit
�(«5 )
pcrsounellement, soit comme m ari, le sieur Capelle avoit
uu excellent moyen de s'en' affranchir, puisque la révo
cation s'ensuivoit. Il eut ses raisons, sans doute, pour ne
pas prendre ce parti, auquel il n’avoit qu’à perdre.
r
A u reste, un acte positif, la transaction du 20 décembre
17 9 1, nous apprend ce qu'il en avoit coûté jusque-là au
sieur Capelle pour satisfaire aux charges de la donation.
lJas une obole n’étoit payée .sur le. capital, quoiqu’il y
eût 36,000 livres d’échus, et 9,600 livres étoient dues sur
les intérêts. Certes, le sieur Capelle qui avoit joui des
biens, et sans, douté reçu des capitaux de créances, étoit
bien débiteur personnel des intérêts, et il ne résultait
pour lui aucune perte, même momentanée, de l’obli
gation de les payer; pourquoi ne l'avoit—
il pas fait?
Quoiqu’il en soit, par ce traité la dette est liquidée
a i ° 9 ,6°o livres : le sieur Capelle payé. . . 12,728 liv.
D o n t 9,600 liv re s sur les in té rê ts, en sorte
q u ’ il ne p a y e de ses d e n ie rs, ’su r le’ cap ital,
q u e la m od iqu e som m e de 3 ,18 8 liv res.
Le sieur de Lanzac, frère de son épouse,
paye sur sa dot.........................................i. . ^ 8 1 2 liy.
La dame de Murât reprend le domaine
de Saint-Michel, faisant partie de la donation,
Pour..................................................... ...
. . . .
8,000 liv.
Enfin, elle reprend de ses propres créances
ou capitaux de rente, jusqu’à concurrence de 24,000 liv.
Voilà donc 46,990 livres acquittées, sans que le sieur
Capelle, qui prétend avoir fait de si grands sacrifices,
ait l)ay t de ses deniers au delà de 3,188 livres; le sur-
�( 16 )
plus est couvert par la reprise d’une partie des biens
donnés et les deniers de son épou sequ i étoit donataire,
et qui n’avoit pas voulu cesser de l’être. Quant au sur
plus , il est stipulé par la transaction qu’il sera payé par
termes de 3,000 livres chaque année.
Pour y satisfaire, il lui restoit :
i°. Le domaine de Lauriol, qui a été vendu
dans la suite...................................
20,000 liv,
20. Trois gros corps de domaine, composant
les propriétés de la Rouquette et d’AirollesVielle, dont on a trouvé plus d’une fois. . . ioo,OQoliv.
30. Des prés, terres et bois détachés, et
environ quarante setiers de rentes seigneu
riales qui étoient encore dues à cette époque.
Ne les portons que pour mémoire.
40. Enfin, des créances pour. . . . .
46,108 liv.
En tout.
? 166,108 livT
C’est-à-dire, plus de trois fois la somme de 53,000 liv,
dont il restoit encore débiteur. Ajoutons que, devant
payer par termes de 3,900 livres chaque, les revenus
couvroient à chaque terme l’intérêt et le capital, et les
couvroient d’autant mieux, que le sieur Capelle, jouis
sant des biens, ne payoit et n’étoit obligé de payer qu’en
assignats, soit le capital, soit les intérêts; et qu’en outre,
il reçut dans l’intervalle plusieurs remboursemens de
créances; cela est établi.
Disons encore que dans cette récapitulation, nous
n’avons pas compris la valeur des cheptels et du mobilier
éjuü le contrat de mariage porte à une valeur considé
rable ,
�( 17 )
rable, puisqu’il estime à 102,708 livres les choses mo
bilières comprises en la donation, et que la donatrice
ne s’oblige à remettre que pour 80,000 liv. de créances,
ce qui laisse 22,600 livres pour les meuble9 et cheptels.
Voilà quelle étoit la position du sieur Capelle après
le traité de 1791^ il est aisé, dès lors, de juger des sa
crifices qu’il dut faire, et de la nécessité oü il f u t mis
par cette donation, de vendre ses biens à vil prix, pour
en acquitter les charges, pour augmente?' les cheptels,
et surtout pour placer au bien de la Rouquette un mo
bilier d’une grande valeur ( mémoire des appelans,
page 1 4 Certes, si le sieur Capelle eût été tellement
gene par les obligations qu’il avoit contractées envers la
dame de M urât, c’eût été un acte d’une bien mauvaise
administration que de vendre ses biens à vil p rix, et
d en employer une partie notable à un mobilier de luxe,
surtout lorsq u e déjà le m o b ilier étoit considérable. Mais
comme tout est inexactitude dans les faits exposés par
les héritiers Capelle, il n’est pas difficile de leur prouver
à chaque pas le contraire de ce qu’ils avancent.
Ils osent dire (page 13 ) que la réserve de 120,000 liv.
avoit été réduite à 100,000 livres , en retranchant les
payemensfaits par le sieur Capelle à la dame de M urât,
et les deux traités de 1786 et 17 9 1, prouvent que ce
fut une véritable générosité de la dame de Murât.
Ils présentent le m obilier, les cheptels, comme ayant
besoin d’augmentations considérables ; et le contrat de
mariage, par son évaluation, établit qu’ils étoient d’une
valeur énorme,
3
�( i8 )
Ils disent qu’il ne put pas payer, parce que les dé
biteurs étoient insolvables, et le traité de 17 9 1 Prouve
que la donatrice reprit pour 24,000 livres de ses propres
créances, dont la majeure partie en contrats de reilte.
Ils ajoutent que dans l’intervalle du traité à son décès,
le sieur Capelle paya 18 ,118 livres, et qu il fu t fo r c é ,
pour y parvenir, de vendre pour 22,000 liv. le domaine,
de Maillcret qui vaut 60,000 liv., et les faits même qu’il
articule ou qu’il avoue, prouvent tout le contraire.
Nous devons examiner ces faits d’un peu plus près.
Le traité de 179 1 fixoit les payemensau 20 décembre
de chaque année, à commencer le 20 décembre 17 9 2 ,
et nous avons bien établi que jusque-là le sieur Capellen’avoit pas payé un denier, si ce n'est les 3 ,1 88-livres
portées par le traité.
Avant son décès arrivé le i janvier 1794, il échut
3,000 livres le 20 décembre 17 9 2 , et 3,000 livres le 20
décembre 17 9 3, en tout 6,000 livres, dont le paye
ment ne pouvoit pas être bien onéreux, car les pre
m iers 3,0 0 0 liv r e s v a lo ie n t à l’échelle 2 ,1 3 0 livres, les
autres valoient i , o livres, en tout 3,780 livres. O r, in
dépendamment des revenus et de ce dont les appelons
ne conviennent pas sur les capitaux, ils reconnoissent
que leur père avoit touché 4,000 livres sur les créances
données. Il est difficile de concevoir, dès lors, par
quelle circonstance prise dans la donation, il avoit été
Jb r c é d’aliéner ses biens à vil prix.
5
65
Allons plus lo in , et nous verrons encore de l’inexactituue.
�C 19 0
Au lieu de payer 6,000 livres seulement, le sieur
Capelle paya 18 ,118 livres: cela est vrai; mais d’abord,
qui l’y obligeoit? Certes, il y auroitbien du mérite à
nous prouver aujourd’hui qu’il fut fo r c é à vendre des
.biens à vil prix, pour payer ce qu’il ne devoit pas, et
user d’une clause qui lui permettoit d'anticiper les payemens, parce qu’il voyoit du bénéfice à payer en assignats.
Mais, d’ailleurs, il est prouvé au procès que ce ne fut
pas avec le prix de ses biens qu’il paya les 18 ,118 livres.
D ’abord, on ne prouve pas que cela soit.
En second lieu, il avoit, par les résultats de la donation,
'de quoi en payer au moins une partie.
Enfin , n’est-il pas reconnu qu’à la même époque, et
pour faire ces payemens, il emprunta à la demoiselle de
Montlogis, sa belle-sœur, une somme de 10,000 livres?
qu’il lui eu fitiun billet? qu’il mourut sans l’avoir payé?
.qu’après le second mariage de sa veuve a v e c le sieur
N o u v e a u , ceu x -ci l’ont ‘retiré et y ;ont substitué un
payement effectif ou leur engagement personnel, ce qui
■est«-la môme chose?'Ces faits sont prouvés par des «pièces
produites,-et dont nous aurons une autre occasion de
parler; et cependant les héritiers Capelle^qui, en pre•jnière instance, avoient osé prétendre que‘leur père avoit
remboursé ces 1 0,000 livres, assertion qu’ils furent obligés
.d’abandonner, avancent encore aujourd’hui.que leur père
paya 18 ,118 livres, tde ses ‘deniers et aux dépens de ses
-biens propres; ils s’en font, tout à la'fois, des moyens
'de faveur et un moyen de droit; comme leur père, ils
sont sujets aux illusions. Celles-là ne sont pas les seules dont
leur'esprit se soit enveloppé. En première instance, Üs
3
*
�( 20 )
en eurent plus d’une autre non moins grave, sur lesquelles
nous ne pouvons pas garder le silence.
Nous insistons sur les faits , non qu’ils changent
quelque chose aux caractères de la donation qui cons
tituent la véritable question de la cause ; ils ne sauroient,
en effet, la dénaturer , pas plus que les expressions
qu’on a pu employer dans la transaction de 1791 ne
sauroient la changer; tout cela n’empêche pas que la
disposition ne soit et ne reste ce qu’elle est; mais il n’est
pas hors de propos de montrer la vérité dans la série
des faits qui ont amené le procès,, lorsqu'on voit les ap
pelons tirer tous les argumens de leur cause de certains
moyens de faveur qu’ils invoquent sans cesse, et qu’ils
ne manquent pas d’assaisonner de quelques calomnies
contre la seconde femme de leur père. C’est pour se
rendre plus favorables, sans doute, qu’après avoir, aban
donné une action qui n’étoit que ridicule, ils glissent,
dans le cours d’une narration peu fidèle, que la veuve
de leur père avoit soustrait, dans sa succession, de l ’a rgc?it, des effets, du m obilier; que des poursuites en
spoliation avoient été dirigées contr’e lle , mais qua
leurs tuteurs négligèrent ces poursuites.
Peu de mots suffiront pour repousser cette calomnie.
A l’époque du décès de son m ari, la dame Capelle
étoit venue à Saint Constant pour lui donner des soins.
I<e sieur Capelle avoit auprès de lui une de ses sœurs
et un beau-frère qui ne le quittoient pas. A peine eutil fermé les yeux qu’on apposa les scellés ; sa veuve
revint à la Rouquette et trouva déjà les scellés apposés
pendant sa courte absence : ils l’avoient été même sur
�( 21 )
ses armoires; en sorte que revenue, dans l'habitation
qu’elle occupoit seule depuis plusieurs années-, elle-fut
privée ¡de son linge, denses hardes; en un mot, des
objets les plus nécessaires.
Un tuteur fut nommé aux enfans du défunt,jet ce
tuteur fit procéder à l’inventaire , en présence du sieur
Chaule, oncle des mineurs , qui avoit rçsjté auprès de
leur père jusqu’au dernier moment. L ’inventaire prouve
que tout fut trouvé sous les scellés, même, le livrejournal du défunt qui fut dans la suite un grand sujet
de difficultés; aussi ne sc plaignit-on de rien, ne paruton pas soupçonner la moindre soustraction, dansjous les
actes qui furent faits en présence de la veuve, à l’occa
sion de cette succession; mais on le prétendit dans la
suite. Qui intenta cette action? fut-ce le tuteur et fut-ce lui
qui la négligea ensuite? Les appelans osent le dire, tandis
qu’au contraire,, il est d ém o n tré, par la p ro céd u re,, que
cette demande, loin d’étre isolée, étoit une branche du
procès actuel; que ce fut après six ans et demi depuis
la demande formée en Van ix contre leur tuteur, par
les sieur et dame Nouveau, que par des conclusions
incidentes prises à l’audience du 20 juillet 18 10 , les
appelajis eux-m êm es et non leur tuteur, formèrent
une demande relative à ces prétendues soustractions,
demande si déplorable qu’ils ont été obligés de l’aban
donner pour se réduire à une question qu’ils ne sou-»
tiennent encore que par un long tissu de subtilités.
Ces inexactitudes multipliées dont les héritiers Capelle
sentent le besoin pour se rendre favorables, se sont
�X 122 )
encore' acbrues siir l’appel : nous les relèverons à me
sure et *sdnsircinticiper sur le s‘faits.'Quelle triste res
source! Si‘ tout cela étoit vrai , • qu’en résulteroi t-il ?
quelques moyens de faveur qui ne changeraient pas
la cause ; mais par quoi est remplacée cette faveur, lorsqu’ori’ iaperçoit que les faits ne sont pas exacts, et qu’on
'les 'a faussement articulés ? quel est le sentiment qui
’naturellement se substitue à la place de ce mouvement
-tle bienveillance qui indique la faveur ? Ce n’est pas à
nôüs de répondre; il nous suffit de savoir que la justice
“liesse laissé pas aussi Facilement prévenir.'
Poursuivons :
- La dame Capelle se remaria; le sieur Nouveau ne
la trouva pas indigne de sa recherche, quoiqu’elle-eût
alors quelques années de plus qu’en 1786. Les appelans
ont rapporté deux clauses de son contrat de mariage
'(‘ page i ); nous n’en dirons donc qu’un mot. On voit
que la dame Capelle donna à son nouvel époux le bien
de la Rouquette, et que prévoyant le Icas où cette dis
position pourvoit être contestée, elle lui donna tous ses
'autres biens préséns et à venir.
« Cette donation Secondaire, ‘ disent ici les *enfans
« Capelle, indiquePassez l’opiniôn de 'la dame Lanzac
« elle-même sur le droit qu’elle s’arrogeoit de disposer do
« la terre de la Rouquette. »
Et de là il semble j'à les‘entendre ,¡que par cela-seul
elle a long-temps d’avance jugé tout le procès.
Il n’est pas difficile encoi'e de repousser cette argutie,
jA côté de cette claùsfc, écrite ouvertement et sans dé«
5
�3
(* Î
tour clans un acte public, se trouve la donation formelle
de la propriété; d’où il est évident1que la dame Capelle
croyolt et prétendoit l’avoir ; que'seulement, par une
stipulation de pure'prévoyance^ élléirëhtendoit prévenir
les difficultés. Mais, en écrivant sans mystère cette clause
dans le contrat, eile li’enteÀ&oit'pas assurément affoiblir
ni'dénaturer lés droits dont elle Venôit d’user, ni donner
à ses adversaires un témoignâ^b public de son opinion,
contre elle-même. A u reste, que signifieroit l’incerti
tude d’une femme sur les effets d’une substitution? sur
la question de savoir si une disposition est à la fois directe
et actuelle, ou seulement oblique et en second ordre ?
il est aujourd’hui même'des esprits plus exercés, plus or
nés de la science du droit, plus méditatifs enfin, qui ont
sur ce point des idées divergentes, qui sq trompent sur
les règles q u ’il faut y a p p liq u e r; com m ent donc attri
b u e r q u e lq u e conséquence à ces expression s de la veuve
Capelle ?
1
Au reste, et des clauses mêmes de'ce contrat de mariage, nous tirerons contre les héritiers Capelle des con.
séquences bien plus fortes. Nous verrons bientôt, par la
conduite qu’ils ont tenue, quelle opinion ils ont de leur
cause, lorsque,pendant le procès, pendant qu’ils étoient
entourés de jurisconsultes qui pouvoient, mieux que la
dame Nouveau, juger les effets de la clause, ils ont cru
prudent d’acquérir les droits de ses héritiers naturels;
droits qui ne peuvent exister qu’en cas d’exécution de
la donation faite au sidur Nouveau ; car si les héritiers
Capelle étoient donataires directs de la dame de M u râ t
tous les biens qu’elle avoit donnés à la dame Capelle, sa
�( H )
sœur, leur appar tiendraient, et alors le sieur Nouveau,
ou ses ayant droits, recueilleroient tout le surplus des
biens qui provenoient à la dame Nouveau d’un autre
chef que de su sœur, c’est-à-dire, ce qui constituait sa
dotproprement dite. E n ce cas, il n’y auroit pas do
succession ab intestat, et l&sœuride la dame Nouveau
n’auroient rien à prétendre. A quelle fin les appelans
ont-ils donc, avec beaucojip dp méditation, remboursé
la dot ou acheté les droits de ces héritiers, si ce n’est
parce qu’ils ont jugé, en grande connoissance de cause,
que le bien de la Rouquette appartenoit au sieur Nou
veau , parce qu’il? ne pouvoient pas y prétendre en vertu
d’une donation directe, et que les aufjes biens de la dgnie
Nouveau demeurant libres, ils appartenoient à ses héri
tiers; que, dès lors, il y avoit du bénéfice à les acqué
rir? Certes oui, il y avoit du bénéfice, car, en acquérant
pendant le procès, oij argumentait contr’eux de rincer?
titude; on obtenoit une cession à v il p rix , et en faisant
cela par des actes secrets, on se réservoit encore de parler
en leur nom devant la justice; de leur faire tenir un langage
dont on pût se servir contre le sieur Nouveau ; de leur
faire déclarer ouvertement qu’il n’y avoit pas de substi
tution, mais une donation directe, et autres petits moyens
de ce genre,qui peuvent aider lorsqu’on n’en connoît
pas le principe, mais qui perdent tout leur prix lorsqu’on
le découvre; or, c’est encore un fait prouvé au procès.
N ’y auroit-il pas, par liazard, des conséquences beaucoup
plus sérieuses à tirer de là, sur l’opinion secrète qu’ont
eue les adversaires eux-mêmes, entourés de leur conseil,
qu’on ue peut en trouve;’ dans une clause de prévoyance,
jîcrito
�( ^ )
écrite de bonne foi dans un Ucte publié par la daine
N ouveau ?
En poursuivant le récit des faits, les appelans con
viennent ( page 16 ) que les sieur et dame Nouveau
agirent en propriétaires ; puis, ils ajoutent :
» Ils remboursèrent d’abord à la dame de M urât, en
» assignats d’une valeur presque nulle, les sommes qu1
» lui restoient dues d’après la transaction de 1791*
» Ils s’adressèrent ensuite aux mineurs Capelle, et firent
» à leur tuteur, par acte du
floréal an 3 , offre de
» 11,8 35 livres d’assignats, somme à laquelle ils fixèrent *
» d’après leur calcul, les remboursemens dont ils étoient
» débiteurs envers les mineurs Capelle, pour le rem» boursement des payemens faits par leur père à la
» dame de Murât.
» Le tuteur refusa ces offres comme insuffisantes et
» immorales, et demanda un compte. »
Ils ajoutent enfin q u e par la force de deux jugemens,
le tuteur reçut, comme contrain^ ces valeurs idéales ,
le 2Ô messidor an 3 , le jo u r même où fut rendue cette loi
si connue , qui, réprimant les spéculations peu hono
rables de certains débiteurs, déclaroit nuls les rem
boursemens en papier monnoie, si ruineux pour les
créanciers.
Très-bien: encore des inexactitudes, et toujours à
dessein de prévenir la justice ; il faut encore les relever.
i ° . Il n’est pas vrai que les sieur et dame Nouveau
aient commencé par rembourser la dame de M urât; ils
ont été exacts à remplir à cet égard leurs engagemens,
5
4
�( 2 6 )
mais ils ne l'ont remboursée qu’après les mineurs Capelle.
2°. Il n’est pas vrai qu’ils l’aient remboursée en assi
gnats; tout a été payé en numéraire. Nous n’aurions
besoin que d’une simple négation pour détruire l’assertion
contraire, puisqu’elle est dénuée de preuves ; puisque,
d’ailleurs, ce fait n’intéresse point les héritiers Capelle;
mais les intimés ont dans les mains toutes les quittances
dont la date embrasse tout l’intervalle, depuis le 27
thermidor an 6 jusqu’au 14 décembre 1810.
De quel œil faudra-t-il donc voir ces accusations
irréfléchies ?
Il est vrai que les sieur et dame Nouveau firent des
offres en assignats au tuteur des mineurs Capelle; que
ces offres furent maintenues par deux jugemens; que
le tuteur fut obligé de les recevoir et d’en donner quit
tance; mais les circonstances du fait ne sont pas moins
inexactes dans le mémoire des appelans; car, suivant
eux, on leur auroit offert 11,836 livres, et rien de
plus, quoiqu’il y eût eu 18 ,118 livres de payées. Mais
il falloit passer sous 90 silence un fait essentiel, parce
que ce fait détruit une assertion à laquelle on tenoit
beaucoup.
Rétablissons le fait en cette partie.
Nous l’avons déjà dit: le sieur Capelle, depuis la tran
saction de 17 9 1, avoit payé, sur le capital, 18 ,118 livres,
dont la majeure partie par anticipation ; s’il étoit do
nataire direct, il avoit payé pour lui-méme; s’il ne
l’étoit pas, il devenoit créancier de 21,306 livres, en
y ajoutant 3,188 livres payées avant la transaction.
�27
(
)
Remarquons bien que les 18,188 livres avoient été
payées en assignats, motif réel qui avoit excité le sieur
Capelle à anticiper les payemens, et que pour cela Capelle avoit emprunté 10,000 livres de la demoiselle
de Montlogis, sa belle sœur ; les sieur et dame Nouveau,
qui avoient retiré le billet après le décès de Capelle,
ne se soucioient pas du tout de rembourser en numé
raire 21,306 livres payées en assignats ; ils voulurent
payer; on refusa; ils firent des offres, non-seulement
de 11,8 35 liv. pour le capital et les intérêts, mais, en outre,
du billet (de 10,000 livres ) de Capelle, avec Vacquit
en marge en fa v e u r du sieur Nouveau, Ce sont les
termes du jugement qui valida les offres.
Ainsi, ils offroient aux héritiers Capelle, en payement
de 10,000 livres, les mêmes 10,000 livres qu’ils avoient
empruntées pour les payer à la dame de Murât. A la
vérité, le surplus offert étoit d’une moindre valeur que
les 3 ,1 8 8 liv. argent et les 8 , 1 1 8 liv. assignats payées
par le sieur Capelle; mais, d’une part, il étoit impossible
de calculer aussi juste; de l’autre, la loi du
messidor
an 3 ne s’appliquoit pas aux remboursemens de ce genre,
et on ne faisoit rien d’injuste en offrant des assignats pour
des assignats ; enfin, on ne disconviendra pas, sans doute,
et d’ailleurs la procédure le prouvoit sans réplique, que
dès l’origine les sieur et dame Nouveau ont offert judiciaire
ment auxhéritiers Capelle de compter les payemens respec
tifs pour ce qu’ils valoient à l’époque des payemens, et de
rembourser l’excédent dont ils se trouveraient débiteurs ;
offre admise par le jugement dont est appel, quoique sans
cesse refusée par les Capelle, parce qu’ils préféroient so
25
4
*
�( *8 )
•
servir du fait comme un moyen de défaveur contre les in
timés ; mais il leur importait aussi de ne pas trop s’expli
quer sur ce point, pour ne pas découvrir le fait relatif
au billet de 10,000 livres, emprunté par Capelle pour
payer la dame de M urât en assigjiats , et réduire
à sa véritable valeur, c’e st-à -d ire à rien, le grand,
l’indispensable moyen tiré de l’obligation où on prétendoit avoir été de vendre un domaine au plus vil prix,
pour payer les réserves de la dame de Murât.
Il est vrai, néanmoins, que le sieur Capellc vendit le
domaine de Mailleret, mais déjà ce que nous venons
de dire prouverait que ce ne fut pas pour payer
j forcément les sommes dues pour les réserves de la do
nation , puisqu’il avoit emprunté pour anticiper les
payemens. S’il falloit ajouter autre chose, nous répé
terions ici ce que déjà on a dit et redit en première
instance aux héritiers Capelle, et ce à quoi ils n’ont
pu faire aucune réponse solide, savoir: que leur père
n’étoit propriétaire que d’un vingt-deuxième de ce do
maine ; qu’il avoit acheté les autres portions de ses co
héritiers, et que n’ayant pu les payer, il avoit été obligé
de revendre. Certes, on voit bien plutôt là le motif
d’une vente forcée, qu’on ne peut le trouver dans un
payement fait par anticipation. Preuve évidente que
jamais Capelle n’a été forcé de vendre pour payer la
dame deMurat ; preuve encore, par la position de sa propre
fortune, qu’à lepoque de son contrat de mariage, il
ne pouvoit calculer, ni sur son aisance, ni sur ses res
sources pécuniaires, pour s’imposer, dès lors, des sacrifices
personnels, comme l'équivalent d’une donation directe
�/;/
C 29 )
et actuelle que lui auïoit fuite la clame de Murât; que,
par conséquent, on se méprend en voulant prouver par
cela seul la nécessité d'une donation directe.
Nous arrivons h l’époque de la demande: elle fut for''
mée le 27 nivôse an 12 , par les sieur et dame Nouveau;
ils réclamèrent, i ° . 6,938 ,livres perçues par le sieur
Capelle, des débiteurs de la dame Nouveau; 2°. la ga
rantie des 21,000 livres payées à la dame de Murât, et dont
on ne leur avoit, ni remis les quittances, ni justifié le
•payement; ils y joignirent trois autres chefs de demande,
dont deux ont été abandonnés pour cause de leur peu
d’intérêt; le dernier avoit trait aux frais qu’avoient coû
tés à la dame Nouveau la noui’riture et entretien des
deux demoiselles Capelle, pendant vingt-un mois qu’elles
avoient resté auprès d’elle après la mort de leur père.
Ce chef de demande étoit certainement fondé en'droit;
mais il répugnoit à la dame N o u v e a u , p arce q u ’en pre
nant auprès d’elle les enfans de son premier mari, elle
n’avoit eu d’autre idée que celle de leur donner des
soins plus convenables à leur enfance; elle abandonna
encore bientôt après ce chef de réclamation.
Jusque-là les héritiers Capelle n’avoient rien dit, et
n’avoientpas pensé à réclamer le bénéfice d’une prétendue
donation directe, «\ laquelle personne ne croyoit, et qui,
si elle eût existé, eût reçu son accomplissement par la
mort de Capelle, puisqu’il en résultoit la certitude qu’il
ne naîtroit pas d’enfans du mariage. Cinq ans et plus
se passèrent sans qu’on osât élever cette prétention ;
enfin, on la proposa dans une écriture du 3 mai 1809.
L a dame Nouveau mourut avant le jugement. S’il n’y
�( 30 )
avoit pas de substitution, si les biens de la Rouquette
et autres, provenans de la dame Jalinques, devoient être
remis aux héritiers Capelle, les sœurs de la dame Nouveau
n’étoient pas intéressées dans le procès ; car la dot de
la dame Nouveau et le surplus de ses biens personnels
appartenoient en ce cas au sieur Nouveau, et les sœurs
de sa femme n’avoient rien à réclamer; les sieurs Capelle
les mirent néanmoins en cause, et ceux-ci firent signifier
une requête le 18 novembre 1816.
Il est assez curieux de voir cette requête et les cir
constances q u i l’accompagnent. Les enfans Capelle ont
voulu mettre les héritiers Lanzac dans leurs intérêts ;
p lacer dans leur bouche des moyens dont ils pussent
se servir ; pour cela il a fallu ach eter, non leur silence,
mais la permission de les faire parler; aussi, on a com
mencé par leur rembourser la dot de la dame Nouveau,
qui ne pouvoit leur appartenir qu’autant que le sieur
Nouveau seroitpropriétaire de la Rouquette; on a acheté
d’eux les répétitions qu’ils pouvoient avoir contre le sieur
N o u v e a u p o u r des som m es q u ’il auroit re çu e s do son
épouse, et qu’il doit rendre s3il conserve la Rouquette ;
et après cette opération , les Capelle ont présenté, au
nom des héritiers Montlogis,la requête du 18 novembre
18 16 .
Ne doutons pas que cette requête ne soit l’ouvrage
des héritiers Capelle personnellement; le langage qu’on
y tient sulhroit seul pour le prouver; mais, pour qu’on
n’en fasse pas de doutes, la grosse de cette requête est
réunie ù leur propre dossier. Elle est fort courte ; elle
avoit moins pour objet de discuter et de faire des frais
�31
(
)
que de présenter des moyens saillans, dont les Capelle
pussent tirer avantage.
On y dit que « les héritiers de la dame Nouveau,
« appelés en cause après son décès, ont été instruits que
« les sieur et dame Capelle soutenoient que d’après le
« contrat de m ariage................les biens..................leur
« appartenaient; tandis que les sieur et dame Nouveau
« avoient prétendu que la clause du contrat n’étoit qu’une
« substitution fidéicommissaire ; — qu'ils ont appris d’ un
« autre côté que le sieur Nouveau entendoit conserver
« le domaine de la Rouquette ; ...................que les ex« posans, en leur qualité d’héritiers naturels de la dame
« N ou veau ,forces de prendre un parti dans Vinstance
« où ils ont été appelés, APRÈS AVOIR F A IT MUREMENT
« EXAM INER LES CLAUSES DU CONTRAT DE M A« RIAGE ........................... SE SONT CONVAINCUS de la
« légitimité de la réclamation des sieur et demoiselles
« C apelle , avec d’autan t p lu s clc i-aison q u e la dam e de
« Murât q u i avoit fait la donation, et qui connoît mieux
« que personne l’intention respective des parties con« tractantes, déclare que sa volonté fo rm elle étoit d’as« socier directement le sieur Capelle ; .................... que
« la pensee d'une substitution ne vint à aucune des
« parties , NI AUX CONSEILS qui présidèrent aux con*
« vendons ; — qu’ainsi leur seul intérêt seroit de se faire
« restituer les sommes apportées en dot, soit par la
« dame de Murât, soit parla dame Nouveau, et reçues
« par leurs premiers maris. »
V o ilà, excepté un, tous les motifs de ces conclusions.
Les héritiers Lanzac ont été instruits ; ................. ils ont
�3
( * )
appris, à*un autre côté; ils sont fo rc é s de prendre un
p a jtij cela peut être; car, s’il y a substitution, ils seront
propriétaires du domaine d’Airolles-Vielle et autres
immeubles provenans de la dame de Murât, et non donnés
au sieur Nouveau par son épouse ; plus, de toutes les
reprises, soit de la dame de M urat, soit de la dame Nouveau,
personnellement; si, au contraire, il n’y a pas substi
tution , mais une donation directe, il ne leur revient
rien du tout; car, en ce cas, tous les biens provenans
de la dame de Murât appartiennent aux héritiers Capelle,
et le surplus des biens de la dame Nouveau appartient
à son mari par la stipulation même du contrat. Par quel
eiïet magique les héritiers de la dame Nouveau, instruits
par hasard, et encore d’un autre côté, et fo rcés de
prendre un parti, sont-ils assez débonnaires pour recon
noitre de prime abord, et sans contestation, qu’il n’y
a pas de substitution, mais une donation directe, faite
au sieur Capelle, lorsque cette donation doit les dépouiller
entièrement ? Ils vont nous le dire : c’est parce qu’ils
n'ont à réclamer que les som m es apportées en dot, soit
par la dame de M u r â t , soit p a r la dame Nouveau; que
le s s ie u r e t d e m o is e lle s c a p e l l e l e u r en o n t
f a i t r a i s o n ; q u il ne leur reste ¿1 dém êler , n i avec
le sieur Nouveau, jii avec les héritiers Capelle, et
qu’ils doivent être mis hors de cause. C’est le motif
qui complète leurs conclusions. Très bien: nous voyons
maintenant pourquoi les héritiers Lanzac ont été si complaisans ; on les a payés ; on leur a donné le montant
de reprises qu’on ne leur devoit pas. Vraisemblablement
( et il n’en faut pas douter ) , on y a ajoulé quelque
chose
�( 33 )
chose pour la propriété du domaine d’Airolles-Vielle et
des autres biens qui leur appartenoient en cas de subs
titution ; mais les héritiers Capelle ne sont pas obligé de
le dire; toujours est-il vrai, d’après leur déclaration,
qu’on leur a remboursé les reprises qu’on ne pouvoit
leur devoir que dans le seul cas où on reconnoîtroit
l’existence de la substitution ; c’est déjà, de la part dès
Capelle, avoir assez défavorablement jugé leur propre
cause.
Il fait réellement pitié de voir le certificat de la dame
de Murât que la pensée d’une substitution ne vint à
aucune des parties. Qu’étoit la pensée, l’opinion des
parties, et particulièrement de ,1a dame de Murât qui
assurément ne sait pas ce que c’est qu’une substitution?
Aussi compte-t-elle son opinion pour peu de chose ; car
elle atteste immédiatement la pensée des conseils. Qui l’a
„chargée de cette mission? sont-ce ces conseils? Mais leur
pensée toute en tière doit se tro u v e r dans l’acte qu’ils ont
rédigé, et c’est toujours là qu’il faut en revenir. D ’ailleurs,
qu’elle est donc cette autorité si imposante pour faire
un acte ou l’expliquer à sa manière, trente ans après sa
date, lorsqu’elle n’a plus aucun intérêt à le soutenir,
et, il faut le dire, qu’on l’intéresse pour aider à le dé
truire. Quelle foi mérite encore la déclaration de tous
ces cohéritiers, qu'ils ont J a i t mûrement exam iner le
contrat , et qu'ils se sont convaincus qu’il n’y avoit pas
de substitution, et que la prétention des héritiers Capelle
est légitime? qu’est-ce que tout cela veut dire, lorsqu’ils
conviennent qu’ils ont reçu ce qui leur reviendroit en
cas de substitution, et que tout leur intérêt est d’étr<$
5
�(3 4 3
mis hors de cause ? Ce n’est pas seulement de la mala
dresse; on ne peut pas être plus dépourvu de raison et
mettre plus évidemment au jour une collusion peu hon
nête.
Mais ce, n’est pas tout : ces héritiers Lanzac, désin
téressés et plus que désintéressés, ne s’en sont pas tenus
là. Après cette déclaration formelle, ils ont cru, ou ceux
qui parloient en leur nom ont cru qu’il auroit mieux
valu parler autrement, et le 6 août 18 17 , ils ont pré
senté une nouvelle requête, par laquelle ils ont conclu
contre le sieur Nouveau, à ce qu’il fut tenu de se dé
sister en leur faveur ou en faveur des sieur et dame
Capelle, de tous les biens compris en la donation, et ils
ont ajouté que leurs moyens étoient les mêmes que ceux
des héritiers Capelle : ces conclusions sont répétées lors
du jugement dont est appel. On rougit, en vérité, de
Ja petitesse de ces moyens qui démontrent la triste idée
que les,sieur et dame .Capelle avoient de leur cause, après
avoir fa it exam iner mûrement la clause du contrat.
•Les héritiers Capelle éprouvèrent un certain embarras
su r le fo n d de la contestation. Ils n e se bornèrent pas
à prétendre que le contrai de mariage de 1786 contenoit,
au profit de leur père, une donation directe et actuelle;
mais, dirent-ils ( et ils le disent.encore à demi ) , cette dispo
sition n’étoit pas du tout gratuite. Les sacrifices personnels
du sieur Capelle, les obligations qu’il contracta solidai
rement, tout cela déxnontroit dans la disposition une
espèce de contrat xommutatif qui en faisoit plutôt une
vente ou cession des biens qu’une véritable donation. On
repoussa ce système,<etil fut .de suite abandonné; mais
�( . 35 v
les appelans l’ont converti en moyen de considération ,
et c’est pour cela qu’il a fallu bien établir les faits, pour
démontrer l’inexactitude de ceux dans lesquels ils s’étoient
enveloppés.
<
Le jugement dont est appel, en statuant sur la ques
tion principale , embrasse aussi les accessoires par des dis
positions secondaires. Il seroit superflu de nous en oc
cuper. Deux de ces dispositions exigeront cependant
quelques explications prises dans des faits positifs; mais
il est inutile de les donner en ce moment ; elles ne feroient
que détourner l’attention sur ceux qui sont relatifs à la
question principale. Il faut, ce semble, la discuter immé
diatement. Nous appliquerons ensuite à ces deux dispo
sitions particulières , les faits qui leur appartiennent, et
qui n’exigeront pas de grands développemens.
Nous allons p o ser les prin cip es ¿ non des principes
d o u teu x et susceptibles de controverse, mais des règles
constantes et avouées par tous les docteurs, comme celles
qui sont en cette matière les fondemens du droit. Nou9
nous bornerons à une exposition simple et précise, sans
l’embarrasser de l’examen des objections. Nous ne les dé
daignerons que pour cela; et après avoir montré com
ment, d’après les principes, il faut considérer la disposition
dont il s’agit,-nous ferons voir la futilité des objections
qui nous sont faites.
'v.
M O YEN S.
Nous n’aurons point à contester pour savoir ce qui
constitue essentiellement une substitution fidéicommis5 *
�*\ 1
C 3« )
saire; avec les appelans, nous prendrons la définition de
Thévenot d’Essaules; elle est d’autant plus incontestable ,
qu’elle a été adoptée par tous les docteurs qui ont écrit
après lui. C’est, dit-il, «une disposition de l’homme,
« par laquelle, en gratijiant quelqu’un expressément
« ou tacitement, on le charge de rendre la chose à lui
« donnée, ou une autre chose, à un t i e r s Von gratifie
« en second ordre. »
Cette définition , simple, exacte, est en même temps
la plus juste qu’on trouve dans les auteurs, quoique les
appelans la qualifient imparfaite. Remarquons que c’est
le donateur lui-même qui doit gratifier au second ordre
comme au p rem ier ; m ais la disposition diffère suivant
les cas. Lorsqu’il gratifie deux personnes conjointement,
ou que les saisissant l'une et l'autre, il prévoit un évé
nement qui doit attribuer à l’une exclusivement, tout
ou partie de l’objet donné, il a fait à l’une et à l’autre
une donation directe , car la condition simple n’en
change pas les caractères. M a is lo rsq u ’il donne à un seul
d’a b o r d , et q u ’ il stipule qu’après le décès de ce dona
taire, les biens seront remis à un tiers, c’est-à-dire,
à une autre personne que le donataire lui-même, il n’y
a plus qu’une substitution fidéicommisaire, parce qu’il
n’y a plus don actuel, tradition actuelle, avec ou sans
condition, mais qu’il y a trait de temps et ordre suc
cessif.
Ainsi, nous n’aurons aucune difficulté sur ces prin
cipes généraux ; mais nous en avons sur les conditions qui
établissent l’ordre successif et le trait de temps, la charge
de rendre et celle de conserver. C’est, en effet, sur ces
�37
C
)
principes particuliers, que les appelans dissertent, expli
quent, obscurcissent; car cela paroît si simple, et le
sens.de ces conditions si naturel, qu'on ne conçoit pas
le moyen de faire une difficulté sérieuse.
Nous ne devons pas omettre d’observer que, dans
l’origine , les substitutions étoient faites verbalement et
n’exigeoint aucune formalité. Lorsqu’ensuite, on exigea
quelles fussent écrites, on ne les assujétit à aucuns termes
mai’qués ; on les reconnoissoit aux caractères de la dis
position , a l’ensemble de l’acte, sans les rechercher dans
des expressions obligées; aussi, disoit-on qu’elles s’établissoient par conjectures.
Cependant on ne voulut pas donner trop de latitude
à 1 esprit de l’homme ; on ne voulut pas que les con
jectures fussent entièrement livrées à l’arbitraire, et elles
furent pour la plupart d éterm inées par les lois, c’est-àdire, q u ’on jugeoit l’acte par le caractère que telle ou
telle circonstance imprimoit à la disposition.
Celle qui fait le sujet du procès a été faite sous les
anciennes lois ; elle n’étoit donc assujétie à aucun5terme*;
elle pouvoit et devoit s’établir par les conjectures légales,
et c’est en quoi nous ne sommes pas tout-à-fait dans la
même position que s’il s’agissoit d’une libéralité stipulée
depuis le Code.
Nous avons dit que la définition de Thévenot étoit
parfaite ; rien n’est plus vrai, quoiqu’il y manque la
charge de conserver, ce en quoi les appelans la soutien
nent imparfaite. On pourroit penser, d’abord, que la
charge de rendre suppose nécessairement l’obligation de
conserver, par la nature même des termes, et cela étoit
�( 38 )
vrai dans l’ancien droit. Ce seroit cependant une erreur
si on généralisoit trop cette proposition; car, aujour
d’hui que le Code civil interdit les substitutions, qu’il
les définit nettement, en exigeant que le donateur soit
précisément chargé de conserver et de rendre ,• qu’enfin,
il annule, non-seulement la substitution, mais encore la
donation qui en est grevée; que, dès lors, tout doit
tendre au maintien de l’acte, et toute incertitude doit
s’interpréter favorablement, on pourroit juger que l’obli
gation de rendre, imposée à un donataire, sans aucun
terme, doit s’exécuter au moment même de la tradition;
qu’ainsi,il n’y a pas de trait de temps, pas de substiution,
mais un fidéicommis pur et simple qui s’ouvre en même
temps que l’effet de l’acte qui le contient.
Mais, dans l’ancien droit, il n’en étoit pas de même ;
la charge indéterminée de rendre supposoit que le grevé
devoit conserver les biens pendant sa vie ; la condition
de la mort du grevé n’avoit pas besoin d’être annoncée
expressém en t n i im p licitem en t ; c’est en core ce que nous
dit Thévenot, qui explique en cela le sens de sa défini
tion ( chap.
), et c’est ce que nous dit M, Toullier,
. 3 , tit. 2 , chap. I er., n°. 22. « C’est cet usage constant
« d’entendre en ce sens la charge de rendre, qui l’a faite
« employer simplement et sans y ajouter à la mort du
« donataire, dans l’article 896.
« Cette expression est ici ( dans l’article ) d’autant moins
« équivoque, qu’elle est accompagnée de la charge d&
« conserver. »
E n sorte, poursuit-il, n°. 2 3 , que « quoique dans Tan
ce cienne jurisprudence française, la simple charge de
1
56
�39
(
)
a rendrefCtt suffisante pour faire présumer que le gr,evé
« n’étoit obligé à restituer les biens qu’à sa m ort, ou pour
« établir ce qu’on appeloit une substitution, à moins
« qu’il n’y eût dans l’acte quelque tejrme ou quelque
a circonstance qui indiquât le contraire, sous l'empire
« du Code, elle ne suffiroit pas si elle n'étoit accoin
te pagnée de la charge de conserver, et ne contituemoijt
« qu’un ildéicommis pur et simple, etc. »
On voit par là que la condition de remettre les biens
à la mort est celle à laquelle on s’attache le plus pour
reconnoître la substitution fidéicommissaire, tellement
qu’autrefois il falloit la supposer de droit par la seule
charge de rendre, quoiqu’on n’y trouvât pas la charge
de conserver. Mais s’il n’y avoit pas de doute en ce cas,
il y en avoit moins encore lorsque ce terme du décès
du donataire
contrat; c’est
temporis , et
qui faisoient
se trouvoit textuellement écrit dans le
cette condition qui constitue le tractus
ce trait du temps est une des conjectures
légalement présumer la substitution.
Quant à l’ordre successif, c’est encore chose plus
simple; comme nous l’avons dit ci-dessus, il se trouve dans
la disposition qui renferme d’abord une donation faite
à une personne nommée, et ordonne ensuite la remise
à une autre personne non comprise dans la donation ;
c’est-à-dire, toute disposition faite à deux personnes qui
ne sont pas conjointes, et dont l’une ne doit recueillir
qu’après l’autre.
Lorsque le legs a été fait conjointement à plusieurs,
avec déclaration qu’il appartiendroit au survivant, il
n y a pas substitution, dit M. Toullier, n°. 46; » on
�C 40 )
« peut dire, en effet, que chacun des deux légataires ne
» doit être, jusqu’à l’événement de la condition, con» sidéré que comme usufruitier de sa moitié, usufruit
» qui se consolidera à la propriété du tout, en faveur
» du survivant; que la propriété est suspendue jusqu’au
» décès d\i prémourant, ce qui rend le legs conditionnel
» (Jliant à la propriété, sans qu’il y ait de substitution. »
Nous devons ajouter, pour ne pas donner trop de
latitude à cette pensée de la suspension de propriété,
qu’elle ne demeure pas incertaine pour le temps qu’a
duré la condition ; car on sait que l’accomplissement d’une
simple condition a un effet rétroactif qui fait valoir
la disposition ab in itia, comme si elle eût été exécutée
de suite et sans condition.
>
Mais, ajoute M.' Toullier , n°. 49/ » on ne peut
» s’empêcher de voir une substitution dans le legs fait
» à plusieurs, non pas conjointement, comme dans
» l’espèce du n°. 46, et avec déclaration que le tout
» appartiendrait au survivant, mais séparément à
» chacune d’elles, lorsqu’elles se marieront, avec la
» clause qu’en cas que l’une d’elles vienne à mourir sans
» enfàns de son mariage, sa part retournera aux autres
» légataires. La Cour de Bruxelles l’a ainsi jugé, et avec
» raison, dans l’espèce suivante: Ja c q u e s - Jo s e p h Drion
» avoit institué françois Drion, son frère, son héritier
» universel, et Favoit chargé de donner à chacun des en» fans encore à marier de leur frère Adrien Drion, une
» somme de 6,000 francs, lorsqu’ils se marieront de son
» consentement.
« Ju s q u e -là point de substitution; mais le testateur
« ajoutoit
�«
I
(4 0
« ajoutoîfc qu'en cas qu’un desdits enfans vint à mourir
« sans laisser de ’génération de son mariage, sa p a rt’
« retourneroit à ses autres frères et sœurs. Cette clause
« de retour rénfermoit évidemment et nécessairement
« la charge de conserver et de rendre, c’est-à-dire, une
« substitution conditionnelle et réciproque des légataires
« les uns aux autres, et, par arrêt du 14 juillet 1808,
« rapporté dans le recueil de jui'isprudenee du Code,
k la Cour de Bruxelles déclare nul le legs de 6,000 livres.
« Cette espèce est bien différente de celle du n ° . 46,
« ci-dessus ; dans celle-ci, le legs étoit fait conjointement
« îi plusieurs légataires, et au survivant d’entr’eux ; on
« prouvoit donc que chacun d’eux, jusqu’à l’événement,
« n’étoit considéré que comme usufruitier de sa moi« tié, etc. »
Ainsi, tenons pour certaine la différence qui existe
dans les effets que leur donne la l o i, e n tre la donation
conjointe et avec droit d’accroissement, qu’autorise, même
aujourd’hui, l’article 1044 du Code civil, et la donation
à un seul, avec la condition de remise à un autre, après
le décès de ce donataire.
Nous ne parlons pas de plusieurs distinctions que fait
M. Toullier, de plusieurs exemples qu’il cite, et qui
tous confirment ce que nous venons de dire; nous en
rappellerons ce qui sera nécessaire dans la réponse aux
objections des appelans ; pour le moment', nous nous
retranchons ) dans un court exposé de principes; nous
tuchons de les réduire à des idées nettes et simples, autant
que la matière peut le comporter.
r
Nous pourrions nous borner à cette seule autorité,
6
�( 42 )
elle est assez respectable ; elle est, d’ailleurs, si conforme
aux principes connus et aux idées de raison, qu’elle nous
su/ïiroit, sans doute ; mais nous pouvons la fortifier par
celle d’auteurs non moins recommandables. Nous ne
citerons pas directement les docteurs de l’ancien droit,
ni Ricard , ni Furgole , auteurs profonds autant que
judicieux; on nous accuseroit peut-être de mêler à cette
discussion de la métaphysique, de la subtilité, à laquelle
prête nécessairement une foule de nuances des substitu
tions dans l’ancien droit ; nous resterons sur le terrain où
les appelans nous ont placés ; nous nous bornerons aux
auteurs qui ont écrit depuis le Code civil, et cela par
deux raisons.
L ’une, que la loi actuelle étant plus favorable à ceux
qui repoussent l’existence d’une substitution, par cette
raison qu’elle les interdit, et qu’on doit naturellement
présumer qu’une disposition est faite dans l’esprit de la
loi ; les appelans ne pourront pas récuser cette doctrine,
si elle les condamne.
L ’a u t r e , que ; des auteu rs ont ré d u it les p rin cip es à
des idées plus simples, et les ont dégagés de toutes les
distinctions, souvent subtiles, cjui les obscurcissoient dans
l’ancien droit.
.'
Nous citerons notamment M. M erlin, et l’auteur du
dernier traité des donations, M. Grenier.
Nous devons, cependant, relativement à ce dernier
auteur, faire une remarque que commandent les cir
constances. Sans doute, il est permis de citer des auteurs
vivans; mais lorsque l’autorité dont on se prévaut est
celle d’un magistrat devant lequel on parle ; lorsque 1 au-
�43
(
)
leur que l’on'interpelle est lui-même assis sur les lys,>
tenant d’une main sûre et équitable la balance de la justice,
dans laquelle il est appelé à peser les moyens respectifs
des parties, cette position commande le respect, et on
doit user de circonspection en interprétant devant lui
ses propres pensées. Aussi, nous tenant dans les bornes
d’une respectueuse discrétion, nous ne citerons de cet
auteur que ce qui sera nécessaire pour repousser les
moyens que les appelans ont voulu se faire à l’aide de
quelques-unes de ses expressions.
-*M. Merlin, v°. substitution fidéicommissaire, enseigne
la même doctrine que M. Toullier. Après avoir adopté
la définition de Thévenot, et posé quelques principes
généraux, il s’explique plus particulièrement sur les con
ditions qu^nous examinons en ce moment; il s’explique
ainsi, section 8 , n°. 3.
, . >n .
« Une autre condition essentielle pour établir un
« fidéicommis, est que les termes dont on se sert pour
« l’exprimer emportent l’ordre successif ou trait de temps,
« c’est-à-dire , qu’ils n’appellent le substitué qu’en second
« ordre', et -après que Vinstitué ou donataire immédiat
« aura recueilli.
v
Ainsi, le testateur qui dit: J ’institue un tel et ses
« enfans, ne fait pas de substitution, parce qu’il n’y a
« rien dans sa manière de parler qui indique l’ordre suc« cessif ; tout y annonce, au contraire, qu’il y appelle le
«1 père et les enfans ENSEMBLE ................. ou qu’il subs« titue vulgairement les enfans au père.
« Mais si je dis : J ’institue un tely et APRÈS LUI ses
« eiifans, il y aura fidéicommis, parce que les enfans sont
6 *
�44
(
)
« appelés pour recueillir après leur père, et non pas)
« concurremment avec lui.
« II en sera de même , si je dis : J'institue un tel et
<c ses héritiers, car le mot héritier désigne une qualité
« qui ne peut avoir lieu qu’après la mort de Vinstitué ,
« et, par conséquent, emporte l’ordre successif.
>2
« Si j’instituois quelqu’un pour l u i , ses héritiers ou
« ayant cause , ces termes , uniquement relatifs à la
« transmission qui a lieu de droit au profit des héritiers,
« ne pourroient pas caractériser un fïdéicommis.
\.
« Mais si à ces termes se trouvoit jointe quelque qua« lification particulière qui intervertit Vordre des suc« cessions légitimes; ily auroitfidéicommis, par exemple:
« J e donne à un tely pour lui et ses hoirs mâles *
« I l en seroit de même de toute autre désignation
« particulière qui, sans produire nécessairement. une
« pareille interversion, emporteroit toujours le trait du
« temps ; par exemple: J e donne à tel et à ses enfans àr
« naître ; en ce cas, le père est saisi par la donation ,
« m a i s les enfuns ne peuvent pas l’ê t r e , puisqu’ils n’existent
« p a s ; il n’y a donc pasvocation simultanée, mais ordre 1
« successif, par conséquent, jidéicom m is. »
y
Après avoir dit au n°. 4. que les mots je substitue em
portent de droit le trait de tempsy parce qu’ils com
prennent tous les genres de substitution, M .-M erlin
examine ensuite s’il en seroit ainsi des mots ye .mets à
*a place, et il.pense qu’oui; car, substituer et mettre à
la place n’ont qu’une seule et même signification, commele prouvent la loi romaine et l’article 67 de l’ordonnance
de J
*
747
�( 4$ )
a Cependant, dit-il, Thévenot pense quails ne pro« duiroient la fidéicommissaire qu’autant qu’ils seraient
« joints à des termes emportant trait de temps, comme
« si on disoit : J'institue un tel, et A son d écès je mets
« un tel à sa place. »
jn
• Il se demande ensuite si les mots, eli cas de décès^
auroient le même effet que ceux à son décès; il sem
blerait, dit-il, qu’ils'n’emportent d’autre idée:que celle
d’une substitution vulgaire ; et il rapporte l’arrêt de
Pompadour, qui l’avoit ainsi jugé le 2 juillet
Mais il ajoute immédiatement qu’i l ne faut pas croirè
cette décision exacte; que Thévenot pense le contraire,5
et qu’il finit adopter sa doctrine. Il en donne la preuve
la plus convaincante, en rapportant un arrêt rendu sur
les conclusions de M : l’avocat-général d’ Aguesseau, qui
admit la requête civile contre celui du 2 juillet 1766,
et déclara la substitution existan te.
A in s i, lo rsq u ’on recherche si un acte contient des dis
positions conjointes ou simultanées, ou seulement des
dispositions successives marquées par des termes divers,
an voit quelle importance les auteurs donnent à ces ex
pressions : à son décès, lors du décès, en cas décès.
Sans anticiper sur ce que nous serons obligés de dire
lorsque nous réfuterons le moyen tiré de la différence
que font les appelans entre les substitutions et les con
ditions, nous devons faire ici quelques observations cer
taines en principes.
i°. Toutes les conditions ne sont pas des substitutions,
car il en est beaucoup qui n’ont pas ce caractère, et ce
�(4 6
y
sont celles dont nous avons entendu parler plus haut sous
le nom de conditions simples. Mais toutes lesjconditions
ne sont pas valables; il en est d’impossibles, de contraires
aux bonnes mœurs, de prohibées par la loi, et de ce
nombre sont aujourd’hui les substitutions, car les subs
titutions fid,éicommissaires sont de véritables conditions.
2°, Un fidéicommis peut être pur et simple ou con
ditionnel ; je lègue à'tel une terre', à la charge de donner
20,000 francs à telrautre; voilà un fidéicommis pur et
simple qui ’exécute au moment ou l’acte commence
d’piyoU’cson;jeffet ; qui saisit le donataireudirectement;
qui ne saisit., à la vérité, celui-qui est dans la condition
quq p ar ^entremise du donataire direct, mais qui le saisit
de suite ; et alors il n’y a pas trait de temps, comme
nous l’avons déjà observé ; ou bien, je lègue à tel ma
terre;, et il remettra 520,000 francs à tel autre lorsqu'il
mourra ; ic i, le fidéicommis devient conditionnel et
emporte substitution.
. v 1
3°. La substitutionfidéicommissaire peut', elle-même,*
être pure et simple-ou conditionnelle.
>
E lle est pure et simple, lorsqu’on dit : J e donne à tel
ma terre, à la charge de la rendre à so?i décès, ou de
la conserver et faiivndre à tel autre* 1
;.v
-H
• JîllCiqst conditionnelle^ lorsqu?on dit: à la charge de
la rendfe, s'il meurt sans énfans, parce que si le dona
taire a ¡dés enfans qui lui survivent, la substitution n’existe
pas.
Mais qu’elle soit conditionnelle ou pure et simple,
elle n’est :pus moins substitution ; elle n’est pas moins
6
�47
(
)
interdite pas le Code ; elle n’a pas moins été abolie pài*
la loi du 14 novembre 1792, si elle u’étoit pas ouverte
auparavant.
Ces observations nous étoient nécessaires pour ne pas
confondre la condition simple mise A une institution ou
donation', et celle qui accompagne une substitution à la
quelle seule elle est apposée ; elles sont d’ailleurs utiles pour
saisir les nuances de chaque espèce ,* et appliquer saine
ment la jurisprudence des ai*rêts : nous devons en citer
quelques exemples.
'JiioJ r i
« J ’institue P aulm o n héritier universel, et s 'il meurt
« sans eirfans, je le charge de rendre ma succession à
« Pierre: Voilà, dit M .3Toullier, page i , une subs-»
« titutiôn conditionnelle ,' et cette substitution est abolie
« comme les autres, quoiqiié'1l’ordre Successif ne soit
« établi qûè conditionnellement, car la'loi n’a pas disfc tingué en tre celles q ui sont p u res et sim ples et celle»
« qui sont faites sous condition. »
:
' À l’appui de cela, M. TouHier cite un arrêt’ •trèsremarquable. Jean Mérendol avoit institué Alexandre
Merendol sorïhéritier universel,- pour jouir ét dispose^ du
tout, lorsqu’il auroit atteint lage de vingt-quatre ans, et en
cas de moi t avant Vâge de vingt-quatre ans, le testateur
léguoitLà Jean-Baptiste C avy, 10,000 liv ., et à Jacques
Merendol pareille somme , à prendre sur' tous ses biens.
C ertes,ily uvoit dans cette espèce grande facilité à disser
ter sur la différence des simples Conditions avec les subs
titutions proprement dites; 011 pou voit dire ( et rien n’étoit
plus spécieux'^ que le testateur n’avoit ni substitué ni
chargé de rendre ou de remettre ; qu’il avoit légué direc-
5
�tementà tous, que tous tenoient de lui, mais sauf l’évé
nement d’une simple condition qui n’empêchoit pas la
saisine du légataire pour le tout. Cet argument étoit à lui
seul plus capable d’ébranler que tout ce que peuvent
appliquer les appelans à la clause qui nous occupe.
Mais la différence des termes établissoit que l’un ne
devoit recueillir qu’après l’autre, et ne permettait d’y
voir, ni une substitution vulgaire, ni un legs fait con^
jointement ; la condition elle-même établissoit le tractus
temporis, et la Cour de cassation jugea que le testament
se réduisoit à une substitution des deux sommes de
1 0,000J'y. yfa ite sous la condition de la mort de Vhéritier
avant sa vingt-quatrième année (T o u llier, n°. 37, à la
n o t e E t en effet, il y avoit là, n on un fidéicommis pur
et simple , mais un fidéicommis conditionnel en cas de
mort ; et quoiqu’il s’agît d’une disposition faite depuis le
Code, que, par conséquent, la fayeur fût du côté des léga?
taires, et que l’interprétation tendante à maintenir l’acte,
dût être adoptée de préférence; tout-fut annulé, soit la
disposition p r in c ip a le , soit la condition,
M . M erlin, s. 10 , §. I er., rapporte un arrêt très-:
remarquable encore.
l.e 6 janvier 1792, Joseph Arboré fait son testament;
instituera mèi’o son héritière, et fait à l’abbé Raynal un
legs de 30,000 livres. Jusque-là tout est bien; mais il
ajoute : dont je l’engage à disposer enfa v e u r dç madame
de K ercado, sa nièce. Il meurt le 6 février 1792 ; l’abbé
Raynal survit à la loi du 14 novembre, et meurt pen
dant la ; durée,,dç quelques.contestations, cjui|,avoient ar-r
rîtlé le payement du leg s., .
-, ,. • •
Demande
�( 4 9 )
Demande eu délivrance par la dame Kercado, qui
se prétend la véritable légataire ; elle ne peut nier le
fidéicornmis qui résultoit alors des termes de prière,
comme des termes impératifs ; mais elle soutient qu’il
étoit pur et simple et non conditionnel, parce qu’elle
étoit l’objet direct de la disposition ; qu’elle étoit faite
dans son intérêt et non dans celui de l’abbé Raynal, qui
étoit simple 7ninistre.q\iel\e étoit saisie de suite et sans
term e; qu’ainsi il n’y avoit pas substitution.
Jugement qui le décide ainsi.
Appel et arrêt de la cour de Paris qui infirme.
Pourvoi en cassation.
M. Merlin fit ressortir , avec sa profondeur ordi
naire, les principes relatifs aux fidéicornmis condition
nels ; il les établit par plusieurs lois romaines, par les
principes du droit français. Il prouva que l’abbé Raynal
n’étoit pas chargé de rendre à l’ouverture de la succes
sion ; qu’il pouvoit conserver jusqu’à l’époque où il lui
plairoit de restituer, ou jusqu’à sa mort, et le 4 août 1808,
un arrêt de la Cour de cassation rejeta le pourvoi par ce
motif très-simple, et dont on eût dit peut-être q iC ilri avoit
pas exigé beaucoup de méditation :
« Attendu qu’en supposant que la question dût être
« résolue par les principes du droit romain, on ne pour« roit néanmoins disconvenir que la jurisprudence des
« arrêts, fondée sur l’autorité des docteurs les plus dis« tingués, n’y eût apporté cette modification, qu’unjid éi« commis de l’espèce de celui dont il s'agit ne pouvoit
« être réputé que. conditionnel. »
E t cette ju risp ru d en ce étoit celle dont nous avons
7
�. ( 5 0 }
parlé plus haut, et qui avoit fait admettre, dans nuire
usage la charge de rendre, comme emportant le droit
de conserver jusqu’à la mort.
Ces arrêts, comme on le voit, établissent des prin
cipes. Nous verrons quelle application il faut en faire
à la disposition qui nous occupe.
Nous ne devons pas omettre un pi’éjugé du plus grand
poids,,un décret impérial du 31 octobre 1 8 1 0 , inséré
au bulletin des lois, et rapporté pai M. Grenier, tom. I er..,
page 121.
Le pluviôse an 1 3 , codicille de la dame Malloz; elle
lègue à l’hospice de Bois commun quatre arpens de pré.
5
L e 7 m ars 1 8 0 9 , elle m odifie cette disposition par un
second codicille ; elle v e u t q u ’un arp en t soit distrait au
p ro fit de Ju lie n n e -F ra n ç o ise , sa fille n a tu re lle ; mais que
si Ju lie n n e v ie n t à décéder sans enfans , l’arp en t dont
elle aura foui re to u rn e à l ’hospiceCertes, tout étoit, dans cette espèce, susceptible d’une
interprétation favorable. Deux codicilles qui prenoient
effet le m êm e jo u r p a r la m o rt du te sta te u r, q u i conten oien t l’un et l’autre l’ensemble de ses dernières vo
lontés, devoient être censés un seul et même acte. Les
deux dispositions qui y étoient contenues, embrassoient
simultanément deux personnes qui pouvoient être consi
dérées l’une et l’autre comme l’objet direct de la dispo
sition. ü n pouvoit dire, avec beaucoup de raison, que
l’hospice étoit légataire de tout, sous une simple condition,
et qu’au cas de décès sans enfans ( ce qui netoit qu’une
condition suspensive de l’exécution, mais non de l'effet
de la disposition ), Julienne-Françoise n’étoit et n’avoit
�5
( i )
jamais été, dans riutention de la testatrice, qu’une simple
usufruitière ; qu’enfin, cette intention se manifestoit par
les propres termes du testament, les biens dont elle aura
joui.
Cependant, le gouvernement décide qu’il y a subs
titution; « et néanmoins, voulant concilier le respect
« dû à la lo i, avec celui qui est dû aux intentions de
« la bieirfuitrice de l'hospice, » il lui laissa la jouissance
de l'arpent de pré.
On voit, par cette décision,combien on jugeoit formelle
la disposition de la loi et ses conséquences, sous le Code,
où la charge de conserver et de rendre semble devoir être
expresse ; où le testateur, quand il ne dit pas le contraire,
est présumé de droit n’avoir pas voulu faire ce que la
loi lui défendoit ; cependant, comme c’est la nature des
dispositions qu’il faut voir, on se croit obligé d’y recon
noitre une v é rita b le su b stitu tio n , parce qu’il y avoit
fidéicommis, qu’il étoit conditionnel, qu’il établissoit
ordre successif et-irait de temps, que, par conséquent,
les termes dont elle aura jo u i, ne pouvoient pas être
appr°priés à ce genre de disposition, dans un sens res
trictif, et ne pouvoient pas la dénaturer.
Nous ne devons pas ometttre de citer un auteur dont
l’ouvrage, pour être nouvellement publié, n’en a pas
moins bien du mérite (*). Destiné à fixer les caractères
auxquels on doit reconnoitre les substitutions, il réunit,
en un seul corps, la doctrine des auteurs les plus distin
gues, et réduit celte matière à des termes simples et à des
(*) M . Roland de V illarg u es, des caractères auxquels on doit reconnoitre let
substitutions prohibées p a r le Code civ il, publié en 1820.
7 *
�52
(
)
principes positifs. Nous n’en citerons que quelques traits
principaux sur la question qui nous occupe.
Il établit, page 4 7 , qu’il faut, pour la substitution,
qu’il y ait ordre successif ; « il faut donc, dit-il, d’après
« Pérégrinus, que les deux donataires soient appelés
« successivement, et non pas concurremment , ordine
« successivo et non conjunctivo , seu simulta?ieo.
Il recherche, page o,ce qui autrefois constituoit Z’ordre
s u c c e s s ifet le reconnoît à trois caractères; il falloit,
i ° . Que le droit de l’appelé fût éventuel, c’est-à-dire,
soumis à une condition suspensive’
20. Qu’il dût s'écouler un temps avant la remise du
fidéicommis ;
3 0. Que l’époque de la remise fut celle de la mort
du grevé.
Le premier de'ces caractères indique la substitution,
parce que la condition laisse reposer la propriété sur la
tête du grevé, jusqu’à son accomplissement, et la fixe
sur la tête du substitué, lors de cet accomplissement ;
ce qui , dit - i l , est bien différent que si le droit de
l’ap p elé n’étoit suspendu par aucune condition, mais
seulement par un terme ; car, en ce cas, la transmis
sion s’opéreroit directement et immédiatement du tes
tateur à l’appelé. N ’est-ce pas^ en effet, poursuit-il,
parce que l’appelé n’a qvüune simple espérance , subo?donnée à Vaccomplissement de la condition j n'est - ce
pas cette incertitude de la propriété qui est la princi
pale cause de la prohibition des substitutions ? . . . .
car nos substitutions sont ce qu’étoient, dans le droit ro
main, les fidéicommis conditionnels.
5
�53
(
)
Le second caractère, le temps, indique la substitution ,
parce qu’il établit un ordre particulier de succession ,
et, pour cela, il sufïïsoit, dans notre ancien droit, que le
disposant eût entendu appeler le second donataire après
que le prem ier auroit recueilli ou reçu. Verba trac tum temporis habentia , ita ut substitutio post a d i t a m h æ r e d it a t e m videatur fa cta .
Et comme, dans notre usage, la mort du grevé étoit
toujours censée ajoutée à la charge de rendre ( à plus forte
raison si elle étoit écrite); cela cônstituoit le troisième
caractère.
« Remarquons , dit-il page 6 i , que dès que la m oit
« du grevé doit être le terme de la rem ise, toutes les
« fois que la charge de rendre sera conçue dans ce sens,
« la substitution réunira, par cela seul, les différens ca« ractères que nous venons de parcourir et qui doivent
« constituer l’ordre successif. »
De là , cette conséquence que si on trouve dans un
acte deux donations à deux personnes différentes, il faut
principalement considérer si elles sont faites concurrem
ment, de manière à ce que toutes les deux, ou celle
des deux dans l’intérêt de laquelle est faite la disposi
tion, recueille au moment où l’acte commence d’avoir
son effet; ou si elles sont successives, en ce sens, que
la propriété repose pour un temps sur la tête de l’un,
et doit, après ce temps, et surtout après la mort du
premier donataire, se placer, p a r la remise, sur la tête
du second. Voilà la pierre de touche pour reconnoître
les caractères de l’acte et les effets qu’il doit produire.
Nous nen dirons pas davantage ici; nous ajouterons
�seulement qu’aux chapitres 6 , 9 et 10 , il développe cette
doctrine, d’après Ricard, Bergier, Thévenot, M erlin,
Toullier , Grenier , qui lui servent constamment de
guides, mais revient toujours à la distinction d’entre les
fidéicommis purs qui ne forment qu’une condition, et
les fidéicommis conditionnels qui emportent toujours
substitution, lorsque la mort du grevé est l’époque de
la remise.
Nous pourrions citer de nombreux arrêts qui ont con
sacré ces principes; par exemple, le 22 décembre 18 10 ,
la Cour de Turin a jugé que l’institution faite au profit
d’un tel, pour lui et ses descendans mâles, renferme
substitution (1).
Le 17 messidor an n , même décision de la Cour de
cassation, pour le cas d’une institution faite*pour lui et
ses eirfans à naître (2).
Plusieurs arrêts ont jugé que le rappel des héritiers
légitimés, en cas de prédécès du donataire, étoit subs
titution.
E n f in , le 2 2 juin 1 8 1 2 , la C o u r de cassation, en
cassant u n arrêt de Montpellier, a jugé qu’après une
donation entre-vifs, avec réserve, le don de la réserve
à un tiers, avec stipulation de retour pour le donataire
lui-même y emportait substitution (3).
Observons que la plupart de ces autorités si respec
tables s’appliquent aux principes du Code civil, où, ce( O D e n e v e r s , 1 8 1 1 , supplément, page 12G.
(a )D e n e v e rs , 17 9 1 à l’an i a , page 714*
( 3) Denevcrs, 1 8 1 3 , page 557-
�( 5 5 )
pendant, tout s’interprète avec bienveillance, par deux*
raisons également puissantes.
L ’une, que la substitution étant défendue, le donateur
est censé, dans le doute, n’avoir voulu faire que ce que
la loi lui permettoit.
L ’autre, que par cette même cause, l’existence de la
substitution tendant à détraire l’acte, on ne doit l’y
voir que lorsqu’elle y est nécessairement.
Avec quel avantage n’appliquerons - nous donc pas
ces principes à vin acte fait sous les anciennes lois, où
la substitution étant permise, on doit beaucoup plus
facilement présumer que le testateur avoit voulu subs
tituer, plutôt que de chercher dans l’acte qu’il a fait
une disposition embarassée, insolite, fût-il même possible
de la concilier avec l’ensemble de l’acte et les caractères
qui lui sont propx-es? A une espèce où la nullité de la
substitution, bien loin de re n v e rs e r tout l’édifice des
volon tés du testateur, ne fait que rendre pure et simple,
par la défaillance de la condition, la disposition la plus
naturelle, la disposition directe de la dame de M urât,
la seule, il faut le dire, qui fût dans le contrat de ma
riage une disposition réelle et parfaite.
C’est ce que nous allons démontrer par quelques ap
plications très-simples de ces principes à la disposition
dont il s’agit.
Y verrons-nous] une donation faite conjointement à
deux personnes appelées chacune pour le tout, ou avec
accroissement de l’une à l’autre de la portion de chacun ?
Y lirons-nous une vocation simultanée ?
�56
(
)
Si cela n'y est pas, y aura-t-il un fidéicommis?
Ce fidéicommis sera-t-il pur ou conditionnel ?
N ’cn doutons pas : il faut qu’une de ces choses se trouve
dans la disposition; car, quelle autre chose pourroit s’y
trouver, et s’y trouver valablement?
Voyons donc ce qui y est; car, c’est aux expressions
d’un acte, coordonnées avec la pensée des parties ; c’est
à son ensemble, à ses caractères, au genre d’effet et
d’exécution qui lui est propre, qu’il faut juger de ce qu’il
est, de ce qu’il peut valoir.
Voyons d’abord le motif de la dame Jalinques de qui
émane la disposition. Elle est veu ve, sans enfans ; la
future épouse est «a sœur.
O r, elle donne pour motif Vamitié particulière qitelle
a pour la future épouse, sa sœur. Cela seul suffit pour
ne pas se méprendre sur son intention, pour juger quelle
personne a été l’objet direct de sa disposition. Voyons
si la disposition y est conforme.
E ll e donne à sadite sœur, fu tu re épouse, ce accep
tante : ju sq u e-là tout est clair, positif, parfait ; elle donne
et sa sœur accepte; elle ne donne qu’à elle et elle seule
accepte. Pas de difficulté; voilà un*; disposition complète.
Elle ne s’en tient pas là ; voulant prévoir un événe
ment qui est incertain, elle fait une disposition secon
daire.
D ans le cas où la demoiselle fu tu re épouse vienne à
décéder sans enfans, les b ie n s ............................. seront
remis et appartiendront au futur époux.
Y a-t-il possibilité de voir là une donation conjointe;
l’un
�57
(
)
’un est donataire direct et accepte; l’autre le sera dans
un cas, si telle chose arrive; aussi n’accepte-t-il rien,
parce que la donatrice ne lui fait aucun don direct et
actuel. A la vérité, si l’événement arrive, les biens lui
appartiendront, mais il ne les prendra pas directement
de la dame Jalinques; car, dans l’intervalle, un autre
les aura possédés comme propriétaire ; seulement ils lui
seront remis. O r, ils ne pourront l'être que par celui
qui les aura déjà recueillis, et, en effet, le donataire
q u i accepte les aura recueillis, possédés, parce que
du jour même de la donation ils lui appartiennent,
Il aura eu le droit de les conserver ju squ à son décès;
il ne sera tenu qu’alors de les remettre, et encore s’il
n’y a pas d’enfans du mariage. Ainsi, il y a deux dis
positions distinctes et successives \Vxme actuelle, parfaite,
l’autre incertaine et sans effet actuel ; l’une et l’autre
marquée par les term es qui leur conviennent et le genre
d’effet qui leur est propre.
S’il n’y a pas de donation fa ite conjointement, il
r iy a pas non plus de vocation simultanée. Il n’y a
pas à s’y méprendre, lorsque les parties ont employé
des termes si clairs, si précis et si conformes avec l’in
tention exprimée. Nous pouvons d’autant moins en
douter, quaprès avoir fait cette disposition oblique,
la donatrice, voulant couronner ses volontés par la
clause finale ordinaire, après l’une et l’autre disposition,
ajoute qu’elle s’est dessaisie et dévêtue des biens donnés,
et en a vêtu et saisi, tant en propriété qu’en usufruit,
LA D IT E DEM OISELLE FU TU RE ÉrO ÜSE. On ne peut
8
�58
(
)
donc pas douter que malgré ce qu'elle vient de dire de
sa volonté ù l’égard du futur et de s;:s héritiers, t-iln’ait donné et voulu donner qu’à la future; que la
future, seule donataire, seule acceptante, ne le soit
tant en propriété qu’en usufruit ? cela étant, quelle
autre personne quelle eût pu remettre? à qui le sieur
Capclle eût-il pu demander la remise, si ce n’est à ses
héritiers? Or, comme cette remise ne devoit être effectuée
que dans un cas prévu, il est d’autant plus indispensable
d’y voir un fidéicommis, que, sans cela, la disposition
secondaire ne seroit susceptible d’aucun effet, et ne
pourroit être éxécutée d’aucune manière; car, remar
quons bien que dans les espèces où des dispositions
faites à plusieurs ont été maintenues, on a considéré
que celui qui étoit dépouillé par l’événement, par
l’accomplissement de la condition, n’étoit, dans la pensée
du donateur, qu’un simple usufruitier, et que la pro
priété étoit censée avoir résidé, ah initio, sur la tête
de celui qui y étoit appelé à défaut de l’autre ; mais
ici le don est transm is tant en propriété qu’en usufruit,
et c’est en ces termes qu’il est accepté; la charge de
re m e ttre pesoit donc sur la dame Capelle, propriétaire
et usufruitière tout ensemble, et cette charge constituoit
évidemment un fidéicommis.
Mais ce fidéicommis étoit-il pur ou conditionnel?
Le fidéicommis pur ne peut exister, nous l’avons v u ,
que lorsque le légataire direct est chargé de remettre
à l’instant même, et que le testateur n’a eu en vue que
le fidéicommissaire seul et non l'intérêt du grevé, en
�( 59 )
quoi il est peu compatible avec la donation entre-vifs.
Alors le légataire direct n’est qu’une personne interposée
pour faire valoir une disposition qui autrement pourroit
ne pas valoir, ou pour satisfaire des vues particulières
du testateur ; il est ce qu’on appelle un simple ministre, et
ici il est évidemment impossible de trouver un fidéicommis de ce genre. La dame Capelle, donataire directe,
ne doit-elle pas garder les biens jusqu’à son décès ? ne
peut-elle pas les conserver jusque-là, tant en propriété
qu’en usufruit? la remise quelle doit faire et qu’elle
seule peut faire, puisqu’elle est saisie de la propriété,
n’est-elle pas suspendue par un événement qui est
incertain jusque dans;son existence à venir? n’y a-t-il
pas, de toute nécessité, ordre successif, puisque le sieur
Capelle ne doit recueillir qu’après elle et trait de temps,
puisqu'elle doit posséder avant lu i, posséder seule et
comme propriétaire? peut-on douter que l’intérêt de
la demoiselle de M ontlogis, Vamitié particulière que
luiportoit la donatrice, ne fût la cause finale de la dis^position? oseroit-on dire que la dame Jalinques avoit en
vue seulement, ou même principalement, l’intérêt du
sieur Capelle et non celui de sa sœur ? en vérité, lorsque
sur une telle clause, on met en doute ces conséquences
inévitables , ne ferme^t-on pas les yeux à la lumière ?
ne s’efforce-t-on pas de prouver l’existence de ce qui
u’existe nulle part, et de nier ce qui est partout?
N ’en disons pas davantage ; tenons-nous en à ces idées
simples, claires, évidentes. Eli ! pourquoi disserter lon
guement? L ’application des principes se fait d’elle-même;
8 *
�( 6o )
les conséquences viennent naturellement et sans effort.
Restons dans cette simplicité ; elle est, nous l’avons déjà
dit, compagne ordinaire de la vérité.
Concluons de là , que quand bien même la disposition
seroit modifiée par quelques termes particuliers, elle resteroit toujom*s ce qu’elle est. Ne pouvant être exécutée
que comme substitution fideicomrnissaire, elle ne sauroit
perdre cette qualité qui la constitue, qui est de son es
sence , et sans laquelle elle n’existeroit pas ; car, on le
demande, si les substitutions fidéicommissiares avoient été
inconnues ou n’avoient jamais été admises dans notre
droit ; par quel mode, par quelle fiction auroit-on pu
prétendre à la validité de cette clause et à la possibilité
de son exécution? Arrêtons-nous sur ce point ; plus on
avance et plus on est convaincu.
Passons aux objections des appelans ; ils nous reste
à y répondre, à les réfuter. Nous ne croyons pas que
cette tâche soit difficile ; c’est encore avec les principes
que nous allons le faire. Malgré le désir d’être concis,
nous serons en core o b ligés à q u elq u es développemens T
à des citations ; tou t cela est inévitable.
Deux propositions sont établies par les appelans.
i° . Il n’y a pas de substitution fidéicommissaire.
2°. Dans le doute, la disposition devroit être main
tenue.
Pour prouver la première proposition, ils en établis
sent deux autres.
i ° . Il n’y a pas charge de conserver;
29. Il n’y a pas charge de rendre.
Nous allons les examiner successivement.
;
�9,o*
( 6i )
r
•
*...•*
f
P r e m iè r e O b je c t io n . •
\
• 5t
Les motifs qui ont dicté Vabolition des substitutions
/?e se rencontrent pas dans Vespèce j la crainte des
fra u d es envers les créanciers] le but defa ir e ientrer
les biens dans le commerce.1 ' ^
°
Cet argument est bien peu de chose. Fut-il rigou
reusement vrai, que signifieroit-il ? Ces motifs principaux
peuvent avoir dicté une disposition générale; or, comme
il n’est pas de règle générale sans inconvéniens, quelque
bon ne qu’elle soit , il pourroit se faire que certaines
dispositions particulières se trouvassent comprises dans
sa prohibition, quoique leur esprit ne fût pas celui qui
a été le motif de la loi. Ainsi, quoiqu’un individu n’eût
que des idées très-légitimes, très-naturelles, en substi
tuant un de ses enfans à l’autre, sa disposition ne scroit
pas m oins nulle, p a r cela seul q u ’elle co m p ren d ro it u n e
substitution. D ’ailleurs, si le législateur a pensé que ce
mode de disposition prêtoit à la fraude et faisoit sortir
les biens du commerce, c’est parce que le grevé ni le
substitué ne peuvent en disposer librement l’un sans
l’autre, et ici cette condition se rencontre; car, et pour
qu’on n’en doute pas, elle est positivement écrite dans le
contrat; or, toutes les fois qu’une substitution fidéicommissaire étoit réduite au premier degré, et qu’après son
ouverture, les biens devoient appartenir au substitué,
dune manière absolue, et sans condition, il semble que
rien nempêchoit le grevé et le substitué de disposer
des biens, pur une volonté commune, avant l’ouverture
�S ô2)
de la substitution; ainsi, en le disant dans le contrat,
011 donnoit moins une faculté aux futurs époux, qu’on
ne leur imposoit textuellement une condition qui, d’ail
leurs, étoit propre à la substitution, et qui semble la
prouver davantage, bien loin d’en repousser l’idée.
Cette réponse fort simple a une double application ;
car elle repousse cette autre objection tirée du pouvoir
de vendre; mais n’anticipons pas, puisqu’on la repro-r
duit ailleurs. Les appelans continuent :
D e u x iè m e O b je c t io n .
On reconnaît une substitution à ses expressions et ci
ses caractères. Quoiqu’il ne soit nécessaire d’aucun
terme m arqué, dans le cas actuel, auctaie expression,
ne Yindique. On donne dans un cas à la fu tu re ,
et dans un autre cas au fu t u r ; les biens lui appar
tiendront ', est-il dit.
•*
r
Un moment: recueillons d’abord cet aveu des héri
tiers Capelle, qu’il n’est nécessaire d’aucuns termes mar
qués , et d em an d on s-leu r s’il ctoit nécessaire de s’expri
mer autrement qu’on ne l’a fait pour créer une substition. On donne à la fu tu re épouse qui accepte ; on le
fait A cause de l’amitié particulière qu'on a pour elle ;
mais si elle décède sans enfans, cette amitié n’aura plus
d’objet plus rapproché de la future que son mari; alors,
et seulement en ce cas, on dit que les biens lui appartiendront ; mais pourquoi lui appartiendront-ils ? com
ment lui parviendront-ils ? Parce quV/i lui seront remis;
et pour qu’on ne doute pas de la personne qui les lui
�I
( 63 )
remettra, on ajoute, après avoir dit cela, qu’en consé
quence on a saisi et vêtu , tant en propriété qu'en
usufruit , la demoisellefuture-épouse. Si on ne reconnoit
pas à ces expressions deux personnes qui recueillent
successivement la propriété par la remise que l’une lait
à l’autre, autant vaut dire que dans l’ancien droit aucun
terme ne peut remplacer ceux-ci: J e substitue; et alors
il ne faudroit pas convenir qu’il n’y avoit pas de ternies
marqués.
O n con tin u e en ;irefusant de v o ir dans la clause les
caractères de la su b stitu tio n , et ici l’objection se sub
divise.
T r o is iè m e O b je c t io n .
I l ri y a pas charge de conserver,
z°. Parce q u i l y a pouvoir indéfini d'aliéner;
2.°. P a rc e qu’on ne chargeoit de remettre que les biens
QUI r e s t e r o n t d e c e u x
c i-d e ssu s d o n n é s
.
Nous allons répondre, après avoir observé, cependant,
qu’il seroit difficile en général de refuser les caractères
de la substitution à une clause qui la marque évidem
ment par ses expressions. A u reste, parcourons les détails
de cette objection.
La permission de vendre étoit nécessaire ici ; elle étoit
au moins utile. Elle étoit doublement stipulée au contrat ;
d abord, pour les biens dotaux en général ; 20. pour
les biens donnés et substitués par la dame Jalinques en
particulier. Or f cette faculté n’empêchoit pas plus les
biens donnés par la dame Jalinques d’être substitués
�A C6 4
)
qu’elle rn’empêchoit d’être dotaux les autres biens de la
dame Capelle. L'exception admise par suite des circons
tances, et de la position des parties, ne changeoit, ni les
caractères de la constitution de l’épouse, ni ceux de la
donation de sa sœur. Les conditions, les règles attachées
à la dotalité et à la substitution, suivoient l’effet de cette
exception et en étoient inséparables, et la permission
d’aliéner des biens substitués ne change pas plus leur
caractère que celle d’aliéner les biens dotaux n’empêche
les deniers d’être dotaux comme l’immeuble lui-même.
Les inconvéniens qui peuvent en résulter par événe
ment ne changent rien au principe des choses. Quelquefois,
pour les biens dotaux, le pouvoir est donné indéfini
ment, et alors il y a danger pour la femme; quelque
fois il y a charge d’emploi ,%et le danger est bien moins
grand ; quelquefois le pouvoir n’est réseryé qu’avec Je
consentement de la femme et à la charge de reconnoîlre ;
et, dans tous les cas, les biens acquis en remploi, ou
les deniers eux-mêmes, çonsei’v e n t le caractère de l’iin*
m eu b le. Il fau d ro it en dii*e autant des biens substitués,
lorsque surtout la permission d’aliéner n’est donnée au
mari substitué qu’avec le consentement de Vépouse, do
nataire grevée, et à la charge de reconnoître.
Mais réduisons-nous à une observation très-simple;
elle résulte du, fait...La dame JalinqUes imposant des
charges à sa libéralité , et le sieur Capelle ne voulant
exposer, ni ses propres biens, ni son aisance personnelle
pour payer les dettes d’autrui, la donataire devoit donner
la liberté de vendre pour payer et les dettes et sa ré
serve ;
�C (Ï5 -0
serve; elle le fait, et aussi, voulant substituer le sieur
Capelle, elle charge seulement de lui remettre les biens
qui resteront de ceux ci-dessus donnés. Il sembleroit
assez évident que la dame Jalinques neut d’autre but
que celui d’autoriser la vente pour satisfaire aux charges,
et de laisser tout le l'este dans la donation grevée de subs
titution; car elle n’autorise la dame Jalinques à disposer
que de 3,000 livres seulement, preuve qu’elle la lioit
pour tout le reste ; mais nous donnerons à choisir aux
héritiers Capelle de l’une des deux interprétations qu’on
peut donner à cette clause; où la faculté d’aliéner, c’està-dire, de disposer, étoit indéfinie et n’obligeoit à resti
tuer au sieur Capelle que ce qu’il plairoit à la dona
trice de conserver, et alors n’étant gênée par rien,
elle a pu librement disposer au profit de son second
m ari, comme au bénéfice de tout autre ; ou cette faculté
rentroit dans la classe de ce qu’on appeloit autrefois fidéicom m is de eo quod supererit, et il y avoit substitution.
Ce doit être une chose ou l’autre.
Tout doux, disent les héritiers Capelle, page 28; la
première partie de l’objection n’est qu’une équivoque;
la dame Capelle 11 étoit pas propriétaire absolue ; elle
n’avoit qu'un droit subordonné à un événement, et
cet événement étoit Vexistence d'enfans nés de son
premier mariage. Propriétaire dans un cas , elle pour
voit disposer à son g ré; non propriétaire dans le cas
contraire, elle navoit pas qualité pour en gratifier
qui que ce soit.
A notre tour, nous ferons remarquer que c’est là que
se trouve 1 équivoque; nous le prouverons sans réplique,
9
�( 6 6 ) .
,
lorsque nous examinerons la différence qui existe entre
les substitutions et les simples conditions qui ne vicient
pas une donation; mais, en attendant, nous devons ré
péter que la dame Capelle étoit donataire de la propriété
comme de l’usufruit, et que cet événement qui paroît
si peu intéressant aux sieurs Capelle, étoit celui de sa
mort et de sa mort sans enfa n s , cas seulement auquel
elle devoit remettre, après avoir néanmoins possédé jus
que-là en propriété.
Pour ne rien laisser à désirer sur ce point de ce
qu'il est nécessaire de dire en ce lieu, nous reviendrons
sur ce que nous avons indiqué ci-dessus, page 47, d’après
IVI. Toullier, sur la substitution conditionnelle.
Il faut bien distinguer, en effet, la condition mise
à la donation de celle qui est mise seulement à la
substitution.
Si la dame Jalinques après avoir simplement donné
à la dame Capelle , eût dit : à sa mort les biens se
ront remis au futur époux, personne n'élèveroit de
doute sur la substitution 5 car il y iiuroit évidemment
don de propriété, charge de conserver jusqu’à la mort
et de remettre à la m ort; mais la substitution seroit
pure et simple.
T^a condition apposée : s 'il n existe pas d’enfan s ,
change-t-elle quelque chose aux caractères de la donation?
Non certes. La charge de remettre et de remettre à la mort
est 11 seule chose qui modifie la donation; mais ensuite cette
stipulation est, elle-même , modifiée par une condition :
la charge de remettre la subsitutioxi ne sera pas indé-
�7
(¿ )
finie; elle ne sera pas pure et simple, mais conditionnelle.
A in si, que cette substitution ait ou non son effet,
la future sera propriétaire; elle le sera jusqu’à sa mort;
car , nonobstant la condition déjà apposée de cette re
mise, on l’a vêtue et saisie, tant en propriété qu’en usu
fruit. S’il y a des enfans à sa mort, la propriété lui.
restera d’une manière absolue. Si elle n’en a pas, cette
propriété passera, sera remise, au. futur époux; c’està - dire, que le sieur Capelle sera substitué dans un
cas; qu’il ne le sera pas dans l’autre; mais toujours
la donation directe restera parfaite en propriété, sauf la
remise en cas d’événement.
Cette explication nous paroît un peu plus juste, un
peu plus conforme à l’acte, que celle des héritiers Capelle.
E h ! comment, d’ailleurs, pourroient-ils s’accorder avec
eux-mêmes ; ils veulent que la charge de rem ettre ne
çoit ici q u ’une condition sim ple ; o r , comment une
simple condition pourroit-elle devenir elle-même con
ditionnelle; être elle-même chargée d’une autre condition?
Ne jouons pas sur les termes, et reconnoissons que ce mot
qu’on neveut pas dire, cette chose qu’on ne veut pas v o ir,
c’estune substitution qui aura lieu dans un cas, n’aura pas
lieu dans un autre , qui sera conditionnelle, et q u i,
sauf l’événement de la condition, grevera, dans tous
les cas, la propriété dans les mains du donataire.
En sorte que s’il y a des enfans, rien ne gênera le
libre exercice de la propriété dans les mains de la dame
Capelle, et la donation faite au sieur Nouveau sera
valable ; s’il n’y en a pas, l’obligatiou de remettre,
9 *
�( 68 )
........................................
lui arrachera à sa mort la propriété qui aura jusque-là
résidé sur sa tête. Voilà le résultat primitif; niais par
l’effet de l’abolition des substitutions, la donation faite au
sieur Nouveau sera valable dans les deux cas.
Les héritiers Capelle se défendent plus mal encore
sur la seconde hypothèse de la substitution de eo quod
si/pererit ■ suivant eux , elle r?étoit considérée comme
fideicommissaire , qu’autant que le pouvoir d'aliéner
étoit restreint.
E t d’ailleurs, il faut appliquer ici la législation nou
velle qui n’abolit pas cette espèce de substitution ; les
auteurs et la jurisprudence sont d’accord là-dessus, et on
cite M. Toullier, M. Grenier.
Une erreur de droit et une mauvaise application des
plus saines autorités composent tout cet argument.
Qu’on ouvre tous les auteurs sur ce genre de substi
tution : Thévenot d'Essaules , ch. 22; M. Merlin , sec. io r
§. 9 ; M. Roland de Villargues, ch. 14 ; M. Toullierr
M. Grenier lui - même qui n’en dit qu’un mot, et on
c o n v ie n d ra
que cette disposition étoit to u jo u rs, de sa na~
tare, considérée comme restreinte; qu’au moins le grevé
devoit conserver la quarte ; que si quelquefois on lui permettoit de l'entamer, c’étoit par des considérations par
ticulières, mais que cela n’empêchoit pas qu’il y eût
substitution. Ce n’étoit donc pas, lorsque le pouvoir
d'aliéner étoit restreint par l’acte même qu’on refusoit
d’y reconnoitre la substitution, mais c’étoit, au contraire,
par la nature de l’acte et la nécessité d’y voir une subs
titution qu’on regardoit de droit la faculté comme res
treinte , et qu’on exigeoit du grevé qu’il conservât quel
que chose.
�f
6
9
E t, encore une fois, si, dans l’espèce, la faculté avoit été
tellement illimitée, que la dame Capelle ny eût pas
éprouvé la moindre gêne, sa disposition envers le sieur
Nouveau seroit bonne et valable.
Quant à l’application qu’on veut faire du Code civil,
des auteurs et d’un arrêt de Bruxelles ( pag. 30 ), qui au
jourd’hui ne regardent pas cette clause comme line subs
titution réelle, que les héritiers Capelle lisent'encore,
et ils y verront ce motif que le Code ayant pro
hibé les substitutions, il ne faut en voir que la où on
y sera forcé par les termes ou les caractères de la dis
position, et qu’on ne doit pas voir Vobligation de con
server dans une disposition de ce genre ; mais tous reconnoissent que sous les anciens principes cela opéroit substitution. M. Grenier, en le disant sur l’arrêt de
1809, ajoute : « c e q u i p e u t s e u l j u s t i f i e r l ’a r r ê t ,
« c est que sous une législation telle que celle qu i ré«usiilte de Varticle 896 du Code
on doit se tenir
« à cette législation, sans avoir égard, au moins sur
« ce point, aux lois romaines dont le génie étoit de
« favoriser et détendre les substitutions.» Voilà ce que
dit ce profond jurisconsulte , en approuvant l'arrét.
Cette autorité en vaut bien une autre, et nous n’avons
pas besoin de nous'étayer des opinions contraires, dont
on convient ( page 31 ), même sous l’empire du Code
civil, car nous ne sommes pas sous le'Code pour la ques
tion qui nous divise.
Enfin, on se résume sur ce point ( page 34 ) , en
disant qu’il ne ^peut y avoir substitution là où celui
�\ r\
«/>
( 7° )
qu’on indique comme substitué a pu être, privé de tous
les biens.
E t ici nous répétons deux choses :
i°. De tout ce qu’on vient de dire, il résulte que
le substitué n’a pas pu être privé par la seule volonté
du g revé, puisque le consentement, le concours du subs
titué étoit nécessaire pour vendre ; donc il ne pouvoit
être privé des biens que par sa volonté propre; donc le
donataire étoit chargé de conserver,
2°. Cela est tellement vrai que cette obligation de
conserver est le seul titre des héritiers Gapelle ; car
de quoi se plaignent-ils? De ce que la dame Nouveau
n’a pas c o n s e rv é , de ce qu’elle a disposé à leur préjudice;
la faculté d’aliéner étoit donc limitée, suivant eux-mêmes,
ou bien, si elle étoit illimitée, ils' n’ont plus de titre pour
se plaindre. Les appelans ont beau se débattre, appeler
à leur secours toute leur logique et celle de la famille de
Montlogis; elle ne sauvera pas leur argument des con-r
séquences de ce dilemme.
Qu atrièm e Objectio n ,
I l rfy a pas charge de rendre à un tiers.
Nous devrions avoir peu de chose à répondre ici, car
nous ne pouvons pas avoir prouvé qu’il y avoit charge
de conserver et de conserver jusqu’à la iiiort, sans qu’il
en résulte la charge de rendre. Onne peut conserver
que pour l’intérêt d’un autre , et cet intérêt ne peut
consister que dans la remise des biens; si autrefois la
�( I1 )
Charge de rendre supposoit celle de conserver, l’obligation de conserver1emportoit à plus forte raison celle
de rendre, surtout lorsqu’une autre personne étoit nom
mée pour recevoir à l’époque de la remise.
Les appelans ne se sont pas dissimulés la force de
cette Conséquence ; aussi ont - ils tâché de prouver qu’il
n’y avoit pas charge de conserver, et prétendant l’avoir
fait, ils disent, page 34 , qu’en Vabsence de ce carac
tère principal, il importerait peu que des caractères
1noms importans fussent reconnus dans la clause dont
il s’agit. A notre tour nous dirons, avec bien plus d’avantaSej qu’après avoir aussi clairement prouvé que la charge
de conserver se trouve dans la donation, il seroit fort
indifférent qu’on n’y eût pas écrit des conditions moins
importantes, parce que ce caractère principal q u i,
d’après eux, constitue l’essence des substitutions, suffit
et en traîn e tous les autres
Mais cela ne suffit pas aux appelans; abondans en idées
plus ou moins subtiles, ils nous forcent encore à discuter.
La charge de rendre, disent-ils, doit exister au profit d’un
tiers ; or, ce tiers doit être une personne non présente
à Vacte de libéralité. X-e sieur Capelle n’étoit pas un
tiers ; c’étoit une partie contractante.
Cette proposition tendrait à établir qu’on ne pouvoit
jamais, dans un contrat de mariage, faire une donation
directe à l’un des époux et substituer l'autre, et qu’on
ne peut davantage user d’un semblable mode dans aucun
ac te entre-vifs. Cela seul sullit pour démontrer q u ’elle
repose sur une erreur.
Un tiers, une tierce personne, est celle qui est étran-
�( 72 )
gère à la chose dont on s’occupe, ù la disposition qu'on
fait, qu’elle y soit ou non présente. Ainsi, un individu
qui est institué ou légataire par un testament, n’est pas
un tiers, parce que la disposition l'intéresse quoiqu’il
n’y soit point partie. Si une autre personne lui est subs
tituée, cette personne devient un tiers, non par cette
raison qu’elle n’est pas partie dans l’acte, mais parce
qu’clle est étrangère à la disposition principale, parce
qu’elle est tiers , respectivement à l’institué.
De même , si un seul contrat renferme plusieurs
dispositions en faveur de diverses personnes, chacune
d’elles, quoique partie dans l’acte, est un tiers respec
tivement à la disposition qui n’est pas faite à son profit.
Ainsi, on peut n’être pas partie dans un acte, et
cependant n’être pas étranger à ses dispositions; on peut
y être partie et demeurer étranger à quelque disposition,
être tiers respectivement à cette disposition et à ceux
qu’elle concerne.
C’est ce qui arrive dans le cas présent, et ce qui se
prouve par les principes m êm es q u e nous avons établis.
Si la donation est conjointe, simultanée, elle concerné
directement le sieur Capelle, et alors, pas de difficultés.
Si elle n’a pas ce caractère ; qu’il y ait deux dispositions
successives, et que le sieur Capelle ne soit appelé que
par la seconde , il est étranger à la donation directe;
il est un tiers respectivement au donataire, et cette
conséquence nous donne la satisfaction que toujours,
et dans tous les cas, nous revenons au même principe.
Que voulez-vous dire, s’écrient les appelans? ne
scmblç-t-il pas que le sieur Capelle n’est dans cet acte
qu’une
�73
C )
qu’une partie accidentelle? qu’il s’y trouve comme par
hasard? Cependant il en est la partie principale. C’est
le futur époux ; c’est en faveur du mariage que sont
faites toutes les libéralités qu'on lit dans le contrat; c’est
en cette qualité qu’on lui attribue la propriété des biens
donnés, s’il n’y a pas d’enfans; cela n’est-il pas irréfragable?
( page 37 )
Il n’est encore pas difficile de répondre.
Certes oui, le sieur Capelle est partie principale dans
le contrat de mariage; car tout le monde sait que pour
se marier il faut'être deux, et qu’au contrat de mariage
les deux futurs époux sont les deux personnes dont on
peut se passer le moins. Ainsi, dans l’espèce, on ne
pouvoit, ni passer le contrat, ni stipuler les conditions
qui étoient de son essence, sans la présence du sieur
Capelle; mais, on le demande, tout cela ne pouvoit-il pas
être sans que la dame Jalinques intervînt pour faire
une donation?
Elle est intervenue, dit-on, et cette circonstance,
comme les autres, a été une condition du mariage.
Très-bien: nous ne contesterons pas non plus que
tout ce qui est écrit au contrat ne soit fait en contem
plation du mariage; mais n’oublions pas que nous no
sommes encore occupés qu’à rechercher si le sieur Capelle
eut ou non partie directe dans la donation. O r, la
demoiselle de Montlogis, en intervenant pour donner
son bien, étoit maîtresse, sans doute, de le donner à
qui elle voudroit, et seulement à qui il lui plairoit; elle
pouvoit imposer des conditions, et en les acceptant, on
étoit obligé de s’y soumettre. Vous conviendrez bien dq
ïQ
�ilA)
cela, héritiers Capelle! il faut le penser pour votre
honneur.
Si cçla est, vous conviendrez bien nuçsi que dans un
contrat de mariage où votre père étoit une forte inté
ressante partie, la dame Jalinques pouvoit ne pas du
tout s’occuper de lui, donner à sa sœur pour' Vamitié
particulière qu'elle lu i portoit, et vouloir donner à
elle seule; qu’elle pouvoit stipuler que les biens donnés
seroient dotaux, ou les laisser tomber dans la stipulation
générale de dotalité, mais sans donner pouvoir au futur
de les aliéner, ni s’occuper de lui pas plus que s’il
n'eût pas existé. Auriez-vous osé dire, en ce cas, que
votre père avoit sur ses biens des droits de propriété ?
qu’il étoit donataire direct? qu’en un mot, parce qu’il
étoit le futur époux, il étoit partie essentielle dans la
donation, où on n’avoit pas le moindre besoin de lui pas
même pour autoriser l’acceptation? Il faut croire que vous
n'irez pas jusque-là ; vous auriez dit que comme mari,
il avoit droit de jouir des biens donnés comme des autres
biens dotaux, mais vous auriez a v o u e , sans d o u te , qu’il
n’étoit pas partie dans la donation, quoique partie au
con trat. Très-bien: avançons un peu plus.
Vous conviendrez bien encore que la dame Jalinques
pouvoit stipuler que les biens donnés seroient parapliernaux; que la future en jouiroit exclusivement à son
mari, et sans s’inquiéter de sa puissance ni de son
autorité. Si cela étoit écrit dans le contrat, diriez-vous
que le sieur Capelle, partie contractante, futur époux
9*ns la présence duquel la future épouse auroit été fort
�c ? 5 )
embarrassée de stipuler un. contrat de mariage, étoit.
néamoins partie directe et nécessaire dans la donation?
Quelle chimère, dites-vous ; le mariage ne se seroit
pas fait, car la double donation en étoit une des con
ditions.
?
Un instant, sieur Capelle! ce n’est pas là la question
qu’on vous fait. Mariage ou non , condition acceptée
ou non, dites-nous ce que vous auriez à répondre, si
cette clause étoit écrite dans le contrat, et qu’alors votre
père qui y contractait l’eût trouvée bonne. Vous
avoueriez, n’est-ce pas, que votre père, quoique partie
au contrat, étoit fort étranger à la donation; qu’elle
ne le regardoit pas du tout, et qu’il étoit bien certaine
ment une tierce personne respectivement à la dame
Jalinques et aux biens qu’elle donnoit à un autre, à
son épouse , si vous le voulez, mais en lui défendant d’y
toucher, môme pour en jouir. Il faut bien avouer cela
ou se taire. Très-bien encore ; faisons un pas de plus et
raprochons-nous du fait réel de la cause.
Si la dame Jalinques, adoucissant un peu sa sévérité >
eût jeté un coup d’œil secondaire sur le futur époux,
votre père, et, sans se départir dz l ’amitié particulière
qu'elle portoit à sa sœur, eût dit formellement : « Je
« veux qu’en cas de décès sans enfans ( ou même à son
* décès), ses héritiers soient chargés de rendre les biens
« ci-dessus dojmés au sieur Capelle, futur époux, ou à
« ses héritiers en cas de prédécès, lesquels je substitue »
( ou même sans ajouter ces derniers mots ) ; diriez vous
que, parce que le sieur Capelle étoit partie contractante,
qud étoit iutur époux, il n’y avoit pas charge de con*
io *
�. c7 6 }
server, et qu’il n’y avoit pas charge de conserver, parce
que la charge de rendre n’étoit pas stipulée pour un tiers,
attendu que le futur époux ne sauroit être tiers dans
un acte si intéressant pour lui ? ne penseriez - vous
pas plutôt que cela démontre que votre interprétation
du mot tiers est déplorable ? qu’on doit prendre les li
béralités pour ce qu’elles sont, et qu’il faut être fou pour
vouloir être donataire direct lorsqu’on est si évidem
ment et si clairement substitué? et cela ne vous conduiroit-il pas par hasard à penser, et ne vous obligeroit-il
pas à reconnoître que si les expressions pouvoient être
moins claires, l’intention moins positive, ce ne seroit
pas parce que le substitué ou prétendu tel seroit partie
au contrat comme fu tu r époux qu’il faudroit refuser de
voir une substitution là où elle se trouve réellement ?
faire une donation directe, principale, d’un fidéicommis
conditionnel ? mettre un individu dans la vocation au
premier dégré, lorsqu’il n’est appelé qu’en second ordre ?
enfin, dénaturer une libéralité, parce qu’elle est écrite
dans un con trat de m a ria g e , et que le futur époux veut
qu’elle soit autre qu’elle n’est? ne penseriez-vous pas,
d’ailleurs, au moins à part vous, si vous ne vouliez pas
en convenir, qu’on a formellement imprimé au sieur
Capelle la qualité de tiers, d’étranger à la donation et
à la propriété actuelle des biens, en disant que les
biens lu i seront remis si la future décède sans enfans,
et en ajoutant immédiatement, qu'en conséquence on
investit et saisit, tant en propriété qu’en usufruit, la
demoiselle fu tu re épouse. Dites-nous, s’il vous plaît,
ce que c’est que cette conséquence..........de saisir. . • »
�( 77 )
de la propriété........... la fu tu re épouse, si c’est à son
futur époux qu’on vient de donner directement, et ac
tuellement, sauf l’événement d’une condition ? E t vous
qui prétendez que votre père avoit dicté la condition
dans son intérêt, ce qui suppose qu’il avoit médité ses
stipulations, dites-nous comment il avoit trouvé que l’un
étoit la conséquence de l’autre ; nous aurions grand
besoin que votre logique où celle des héritiers de Montlogis nous forçât de voir dans un acte le contraire de
ce qui y est écrit, lorsque tout nous ramène sans cesse
à reconnoître que, tiers ou non, c’est l’esprit et les termes
de la clause qu’il faut considérer.........Répondez donc.
Quelle perfidie ! semblent dire les héritiers Capelle ;
depuis quand^ est-il permis de mettre ainsi les gens à
la question? et pourquoi, sieur Valentin, ne voulezvous pas voir que cette libéralité conditionnelle n'étoit
pas fa ite à titra gratuit ; quelle étoit le prix des sa
crifices considérables qu'on imposoit au sieur Capelle
et auxquels il s'oblige oit..............enfin, qu'en se sou
mettant à ces obligations y il stipuloit par réciprocité
ses propres intérêts, car dans tout acte synallagmatique, et surtout dans un contrat de m ariage, toutes
les clauses sont réputées corrélatives et être la condition .
les unes des autres ( page 38 )?
Un moment : nous répondrons à votre réciprocité ;
mais nous ne sommes pas obligés de satisfaire votre
impatience , et il faut bien vous observer , en pas
sant , que tout cela est inutile pour savoir ce que c’est
quun tiers respectivement ù un donateur et à une
donation; que cela ne change rien à la question, sous
�.
(
7
8
\
ce rapport, et ne sauroit aiToiblir les argumens que nous
venons de vous faire ; mais si vous croyez avoir un besoin
indispensable de cette nouvelle tirade pour fortifier l’ar
gument, nous allons vous répondre encore. Déjà tout
ce que nous venons de dire y suifiroit. N’en résulte-t-il
pas, en effet, que quelles que soient les circonstances
qui entourent l’acte, c’est la clause qu’il faut voir?
jfitout cela étoit écrit dans le contrat, à côté de la sti
pulation de substitution, telle que nous venons de la
supposer en termes exprès, y seroit-elle moins écrite?
en seroit-elle moins supprimée par la loi? et ne nous
est-il pas permis de dire encore que si on trouvoit les
termes moins positifs (et certes ils le sont assez ), il n’en
faudroit pas moins voir la clause telle qu’elle est, parce
que tout cela n’est pas exclusif de substitution? ne sommes
nous pas autorisés à dire que si la stipulation appartenoit
au sieur Capelle, si elle avoit été dictée p a r lu i, comme
maître de ses conditions, à titre de réciprocité, elle
n’en devient alors que plus claire, puisque c’est lui qui
n’a pas dem andé q u ’on le saisit de la propriété, et qui
n’a pas voulu qu’on apportât la moindre modification
à cette transmission de propriété, à la saisine de la
fu tu re jusqu’au moment de sa mort ? et si cette clause
étoit aussi obscure qu’elle est claire, ne seroit-ce pas
contre lui qui prétend l'avoir stipulée, l’avoir dictée,
que se feroit l’interprétation ?
Au reste, nous avons déjà répondu en fait à ces pré
tendus sacrifices, à ces obligations si considérables; ils
ont disparu comme une fumée ; il fie nous reste qu’à
ajouter un mot.
�79
C
)
Les obligations du sieur Capelle se rattachent bien
plutôt, nous l’avons dit, à sa qualité de mari, à la cir
constance qu’on lui livroit des biens considérables, no
tamment des effets mobiliers dont lui seul avoit la libre
disposition, non comme donataire, mais par la seule
qualité de mari.
Mais la meilleure preuve qu'on ne lui imposoit aucun
sacrifice personnel, qu’il ne contractoit aucune obligation
sur ses biens propres, résulte de cette permission de
vendre, que sans doute il avoit exigée pour ne pas
compromettre ses propres biens ; faculté qui le mettoit
(.VrtYftant plus à l’abri, qu’elle étoit plus illimitée, puis
qu’il pouvoit en user sans mesure. Voilà la clause réelle
qu’il avoit stipulée comme condition de son engagement
personnel, mais non une donation personnelle , qu’en ce
cas il n’auroit pas oublié de faire écrire. Ainsi, il est évident
qu’il ne contractoit aucune obligation qui mît en danger
ses propres biens et lui imposât des sacrifices personnels.
Au reste, l’événement l’a justifié, puisqu’il n’a rien
vendu pour payer, pas même partie des biens donnés.
Il est vrai qu’il n’avoit pas acquitté les charges, si ce
n’est une modique somme en assignats, ne valant pas ce
qu’il avoit touché ; le sieur Nouveau lui-même n’a rien
vendu des biens compris en la donation, et il a tout payé
en numéraire. Où étoit donc ce chimérique danger, puis
qu’on n’a pas même eu besoin de la ressource qu’on s’étoit
réservée?
Enfin, la sentence de 1790 vient mettre le comble
à ces preuves. Le sieur Capelle répudioit pour son
compte; son épouse ne répudioit pas. La sentence le
�( 80 )
condamne à exécuter les charges de la donation, faute
de quoi la déclare révoquée. Certes, si elle étoit si
onéreuse pour lui, il avoit un fort bon moyen de mettre
ses biens à l’abri. Jusque-là il ne lui en avoit pas
coûté une obole, puisqu’ayant joui des biens et tou
ché 4,000 livres des créances, il étoit encore en arrière
de 9,600 livres sur les intérêts, lors du traité qui
suivit cette sentence. Il savoit pour combien il pouvoit en
être quitte. Il n’avoit qu’à laisser écouler trois mois, et la
donation étoit révoquée de droit, sans même qu’il y
eût de dommages-intérêts contre lui; certes, la chance
n’étoitpas périlleuse. Que fit-il? Ne pouvant pas ret 1« »
les biens sans être personnellement obligé à remplir
les chai*ges, il p ré fé ra garder les biens et s’exposer à
payer; preuve évidente qu’il y voyoit du bénéfice et
non de la perte; des bénéfices actuels pour son épouse,
et pour lui comme mari, et des bénéfices possibles dans
l’avenir, pour lui -personnellement; preuve encore, et
preuve sans réplique, que s’il se fût cru donataire
direct, il n’eût pas fait ce procès; car il auroit eu
p erso n n ellem en t le bénéfice qui appartenoit à son épouse,
et s’il crut, après la sentence, que la considération de
ce bénéfice devoit le décider à garder la donation,
quoiqu’elle n’appartînt qu'à son épouse, il se fût bien
gardé auparavant de répudier lui-même, s’il eût pensé
être donataire direct.
Les héritiers Capelle ne s’arrêtent pas là ; prenez
donc garde , nous disent-ils encore ( page 38 ) ,
qu'il est de l’essence même de la subtitution , qu'elle
g’éteigne par le prédéçès du substitué, et qu’il n'en
transmet
�(Sx ) _
transmet pas le droit à ses héritiers; or, ici le sieur
Capelle stipule non-seulement pour lu i, mais encore
pour' ses héritiers ; cette circonstance, comme les deux
précédentes, n’écarte-t-elle pas toute idée de substitution.
E t nous aussi, nous le dirons: faites attention; voyez
que vous intervertissez le principe.
Il est très-certain qu’il est dans la nature de la substi
tution qu’elle ne passe pas aux héritiers du substitué
lorsqu’il prédécède.
E t nous ne craignons pas de dire que si on ne trouvoit
pas dans le contrat de 1786 ces expressions formelles,
en cas de prédécès , à ses héritiers ou à celui d’entr’eux
q u 'il aura choisi, les héritiers du sieur Capelle n’auroient
eu aucun droit à la disposition; parce que, de sa nature,
elle ne leur étoit pas transmissible; parce que la condition
de remettre, qui ne prenoit eiFet qu’à l’époque fixée,
étoit purement personnelle à l’appelé.
A la vérité,les héritiers Capelle auroient pu parvenir
à se faire adjuger les biens, s’ils eussent pu d’abord faire
juger que leur père étoit donataire direct; mais leur
saisine auroit été seulement la conséquence de cette
décision, bien loin d’en être l’antécédant; évidemment
les appelans prennent ici la conséquence pour le principe.
Nous pouvons supposer en passant que l’événement
prévu ( de la mort sans enfans) fût arrivé avant l’abolition
des substitutions, et que les enfans Capelle eussent, de
leur chef, demandé la délivrance des biens comme dona-”
taires directs, et quoique cela ne change pas la question,
nous demanderons si cette1 prétention, à cette époque,
eut paru autre chose qu’une absurdité ; il faut cependant
11
�C 8 â )
la voir sous ce point de vue pour la bien apprécier;
car on n’auroit pas pu dire alors que Féxistence de
la substitution tendant à détruire l’acte, il falloit tout
voir favorablement pour le sieur Capelle.
Au reste, nous irons plus loin, et de cela seul que
la dame Jalinques s’est vue obligée d’appeler les héritiers
du sieur Capelle, en cas de prédécès, nous concluons
qu’elle n’a fait qu’une véritable substitution; car, sans
cela, il eût été inutile de les appeler.
Or donc, s’ils ont eu quelques droits, ils résultent
non de la loi ni de la nature de la stipulation, mais
de la vocation expresse de leur personne. La dame
Jalinques n’a pas voulu faire plusieurs d egrés de substi
tution , mais elle a voulu que si le père ne recueilloit .
pas le bénéfice de la substitution, il appartînt à ses
enfans; on pourrait dire que c’est une espèce de substitu
tion vulgaire ajoutée à une substitution fidéicommissaire;,
stipulation qui, pas plus que la faculté d’élire, n’étoit pas
insolite dans les substitutions ; car, encore une fois, une
substitution p o u v o it être c o n d itio n n e lle ; elle pouvoit
être modifiée par toutes conditions licites, qui seulement
ne prenoient effet que par l’ouverture de la substitution,
elle-même.
Nous nous arrêterions ici ; nous croirions pouvoir et
devoir le faire, si les appelans ne revenoient, en cet
endroit, à leur moyen principal tiré de la différence
qui existe entre une donation purement conditionnelle
et une substitution, et si nous n’avions pris l’engage
ment de détruire de fond en comble le système qu’il»
te sont créé sur ce point. L ’examen plus particulier de
�( 83 )
de cette difficulté qu’en effet nous n’avons qu’efileurée,
allongera nécessairement une discussion déjà fort éten
due ; mais nous ne devons rien négliger sur la partie
essentielle d’une cause d’un aussi grand intérêt ; car la
fortune des intimés y est attachée toute entière. Au
reste, nous laisserons parler les auteurs, et nous ne dis
cuterons que pour soutenir l’attention et lier entr’elles
les diverses citations qui nous seront nécessaires.
Nous pourrions, sans aucun danger, nous placer dans
l’espèce d’une simple disposition conditionnelle, et ne
pas chercher, dans les principes des substitutions, des rè
gles qu’on soutient à tort n’être pas applicables ; la cause
des appelans n’en seroit pas meilleure.
Ce n’est pas tout, en effet, que de placer en avant
le mot condition , pour le mettre en opposition avec celui
substitution , et de partir de là pour en faire toujours,
et dans tous les cas , des choses différentes dans leur prin
cipe et dans leurs effets. La première de toutes les
conditions, pour raisonner juste en cette matière, est
de commencer par bien définir ce que c’est qu’une con
dition , et de savoir si, parmi les diverses espèces qu’il
en faut reconnoître, celle qui est apposée à la donation
faite'à la dame Capelle ne dégénère pas en substitution.
Consultons Furgole(des testamens, ch. 7,sect. 2 ,n ° . 12);
il fait une grande différence eptre les conditions sus
pensives et résolutoires.
« La condition suspensive, dit-il, est celle qui fait dé« pendre l’effet et la validité de la disposition d’un évé« nement à venir ; c'est ce que les lois appellent prov prement condition, et la résolutive est celle qui ne
M *
�« suspend et n’empêche point l’effet et l’exécution de la
« disposition, mais qui la résout et l’anéantit diins le cas
a de quelqu’événement à venir. La condition négative,
« la charge et le mode, quand il est fondé sur une cause
« finale, produisent l'effet de résoudre et d’anéantir les
« dispositions auxquelles ils sont attachés;»
Cette distinction est certaine, et il est fort important
de ne pas s’en écarter.
E n effet, si en faisant une libéralité à un individu,
on y met cette condition négative qu’il ne fera pas telle
chose, le donataire accomplit la condition tant qu'il ne
la viole pas ; il est, dès lo rs, investi du legs dès le moment
où l’acte commence d’avoir son effet, et si, par la suite,,
il viole la condition, cette circonstance résout dans ses
mains la donation, et il doit rendre et la chose et les
fruits.
S i, au contraire, la condition est affirmative, je lui
donne , s’il fa it telle chose , ou si telle chose a rriv e ,,
il faut accomplir la charge pour pouvoir demander la
délivrance; alors la donation est suspensive, et il ne faut
pas oublier ce mot de Furgole, que c’est ce que les lois
appellent proprement condition.
Or,, si nous examinons la condition dont il s’agit, en
supposant deux donations directes faites à la dame Capello et à son m ari, nous ne pouvons douter qu’elle
réunit ces deux qualités, suivant la personne à laquelle
on veut l’appliquer..
I,a considère-t-on respectivement à la dame Capelle,
donataire en premier ordre? Elle est évidemment né
gative: si elle ne meut tpas sans errfans. La donataire, saisie
�C 85 3
à l’instant même, est propriétaire jusqu’au moment ou
elle m ou rra sans enfans du inarige ; mais, si ce cas aï-rive,
la donation est résolue.
S i, au contraire, on la considère respectivement à la
donation supposée faite au sieur Cappelle, elle est évi
demment affirmative : si la fu tu re meurt sans enfans
du m ariage, alors, comme la donation faite au mari ne
doit avoir lieu qu’au seul cas où l’événement arrivera,
la condition est suspensive, non-seulement de l’exécu-^
tion, mais encore de l’effet de la disposition.
Notre supposition de deux donations directes est
assurément bien gratuite ; car la preuve que nous ne
sommes pas ici dans le même cas, se tire tout à la fois
des termes de la clause et de la nature de la disposition
qui est successive ; d’ailleurs , si ce cas existait , la
donation faite à la dame Capelle, et simplement sus
ceptible de résolution, n’auroit pu a vo ir son effet qu’à
la charge de donner la caution que le droit romain appeloit mucienne ; et la résolution venant, elle auroit été
obligée de rendre la chose et les fr u it s , parce que, dans
ce ca sce lles des deux donations qui doit subsister dé
finitivement, a son effet ab initio , comme donation
directe et actuelle. Mais ici ce mode d’exécution étolt
impossible , parce que la dame Capelle n'avoit été
chargée de remettre qità sa mort ; aussi n’a - 1 - on
jamais osé lui demander la restitution des fruits ; preuve
évidente qu’il ne s’agit pas de deux donations di—
lectes, prcmnt effet en même, temps, quoique sous
une condition résolutoire ou suspensive , mais biendune substitution qui n’oblige de rendre qu’à Tévé-
�8 5 }
nement du décès , sans (restitution
de fruits et voilà
que tout en consentant à chercher dans l’acte deux dona
tions conditionnelles, nous nous retrouvons toujours sur
le terrain des substitutions.
A u reste, Roland de Yillargues va nous l’expliquer
clairement, n°. 49, bis.
« La substitution prohibée suppose essentiellement le
« concours ou l’existence de deux donations ou deux
« libéralités, dont l’une, qu’on peut appeler principale,
« faite pour avoir lieu jusqu’à un certain temps ( la
« mort du prem ier donataire avant celle du second ), est
« résoluble dans le cas où la condition sous laquelle la
« seconde donation est faite vient à échoir; dont l’autre,
« la seconde, faite sous la forme d'une disposition mo« d a le , et pour n’avoir son effet qu’après un certain
« temps ( le prédécès du premier donataire ) , est su«' bordonnée à une condition suspensive, dont le résultat
« est de laisser reposer la propriété sur la téte du pre«. mier donataire, et de la p la c er, en-cas de prédécès
« de ce dernier, sur la tête du second donataire > td’où
« naît l'ordre successif. »
Cela est fort clair, et il importe fort peu que le cas
prévu soit celui du prédécès du second donataire, et
qu’on ne parle pas de ses héritiers; cette nuance dans
notre espèce naît d’une stipulation particulière qui ne
change rien à la nature de la disposition ; nous l’avons
prouvé.
Mais.M. Roland de Villargues s’explique plus claire
ment cpçoyc } et repousse d’avance une objection dans
la note insérée en cet endroit.
L
�W )
( 87 )
r « Ce n’est pas, à proprement p a rle r, que la pro« priété du grevé soit soumise à une condition résolu« toire, dont Vévénement effaceroit le trait de temps,
« et auroit pour effet de résoudre ries libéralités, tout
« de même que si elle n’avoit pas été faite () art. 1 1 8 3
« du Code civil ). Sans doute, le grevé cesse d'être
« propriétaire lorsque l’événement de la condition arrive;
a mais, jusque-là, sa propriété n’en a pas moins été réelle
« et pleine : non ideo minus rectè QUID n o s t r u m ESSE
c< VIND ICABIM US, QUOD ABIRE A NOBIS DOMINIUM
« s p e r a t u r , si conditio legati extiterit ( 1 . 6 6 , fF. de
« rei vind. ) ; aussi, est-il constant que la propriété du
« grevé n’est pas résolue ab initio, en telle sorte qu’il
« soit censé n’avoir point été propriétaire ; elle n’est ré « solue que ut ex nunc , et non pas ut ex tune , comme
« disent les auteurs. Aussi est-il constant que la pro
se priété du substitué ne rem o n te qu’à l’ouverture de
« la substitution ( Thévenot y chap. 36 );
E h bien! sieurs Capelle, cela est-il clair? cela est-il
applicable à une clause, où après avoir dit que les biens
vous seroient remis au décès, on a ajouté que la dame
Capelle n’en seroit pas moins propriétaire, et que jusque'
là on ne vouloit pas moins la saisir, tant en propriété
qu’en usufruit ? avez - vous donc eu tort de ne pas
demander la remise au décès du sieur Capelle > quoi
qu’alors il devînt certain qu’ il ne naîtroit pas d’enfans
du mariage ? avez-vous eu tort de ne pa9 demander les
fruits, et de reconnoître par là que vous ne pouviez
pas résoudre la donation de la dame Capelle ab initio ?
que, par conséquent, vous n’étiez pas non plus donataires
�(88)
ab initio , ce qui étoit, en un mot, reconnoître*qu’il
y avoit ordre successif\ et que vous n’étiez que subs
titués ?
N ’est-ce pas encore assez? Nous n’ajoüterons plus qu’un
mot sur ce point. L ’auteur du dernier traité des dona
tions examine la différence qui existe entre les substi
tutions et les donations purement conditionnelles, p. 1 1 3
et suivantes, et il s’exprime ainsi, pag. 1 1 .
«Les modes de vocations de plusieurs personnes sont
« étrangers au fidéicommis, et deviennent simplement
« conditionnels lorsque leur résultat est de fo rm er l’un
a ou Vautre de ces trois ordres de choses, qui sont ceux
« qui arrivent ordinairement et q u ’il faut Lien saisir. »
Il faut donc l’un de ces trois caractères pour ôter à
la disposition la qualité de fidéicommis.
5
k i ° . Ou le disposant a simplement en vue pour son
« héritier ou son légataire un particulier, mais avec la
« prévoyance que ce particulier pourra être dans l’im« possibilité ou l’incapacité de recueillir, et alors le disc< posant e n ap p ellera u n autre. »
C’est la substitution vulgaire qui n’est qu’une véritable
condition. ' « 2°. Gu le disposant a en vue deux ou plusieurs per
te sonnes, mais avec des idées qui ne tiennent point à
a un ordre successif de l’une de ces personnes aux autres,
« et de celles-ci cntr’elles, de manière que chacune
« d'elles a droit, dès Vinstant du décès du disposant,
« à une portion déterminée des biens, q u i l u i e s t
« a f f e c t é e r A R LA d i s p o s i t i o n , ou à une somme
« à prendre sur ces mûmes biens.
«3°.
�ofit
( 89 )
« 3 °. Ou le disposant entend ne donner qu’à une
k
personne, ou même à plusieurs CO NJO INTEM ENT,
« mais sous une condition éventuelle, et q u i, l’événe« ment venant à arriver, emporteroit la révocation de
« la disposition. »
Eh bien ! héritiers Capelle, dites-nous, s'il vous plaît,
lequel de ces trois cas est le votre ? votre père étoit-il
substitué vulgairement à la donation entre - v ifs ? lui
avoit-on fait une portion déterminée? lui avoit-on donné
conjointement? et si vous n’êtes dans aucun de ces trois
cas, où est donc la donation directe et conditionnelle faite
à votre père ? car, pour vous personnellement, vous
n’étiez pas donataires; vous étiez bien des tiers non
parties à l’acte : qu’en dites-vous ?
r Nous n’ajoutons aucune réflexion ; nous en avon s au
moins assez dit là-dessus ; m ais après a v o ir , quoiqu’un
peu plus légèrement, établi le principe, nous devions,
au risque de nous répéter un p e u , réserver ces auto
rités imposantes, pour montrer, dans toute sa nudité,
une objection que les appelans reproduisent sans cesse,
et sous toutes les formes possibles.
Les appelans citent des exemples pris dans la coutume
d’Auvergne ; il ne nous faut que peu de réflexions pour
en démontrer l’inapplication , et nous ne croyons pas
devoir les omettre.
E t d’abord, nous pourrions dire qu’il n’y a point d’a
nalogie, parce que là où la substitution étoit défendue,
on ne devoit pus la présumer, parce qu’on ne présume
pas la violation de la loi, et que là au contraire où elle
�C 90 )
étoit permise, la présomption étoit inverse. Au reste,
voyons ces exemples.
Le premier ( pag. 42 ) , est ce fameux exemple des deux
frères Simon et Amable, qu’on trouve partout, et où
assurément, il n’y avoit pas d’ordre succesif, car aucun
des deux frères n’étoit saisi avant l’autre, ni plus que
l'autre ; mais la saisine de tous les deux étoit subor
donnée à un événement qui devoit décider à qui la pro
priété appartiendront ab initio.
Le second est assez maladroitement choisi. « J e lègue
« 10 0 fr. à T itiu s, et où il viendroit à mourir sans en« fans ni descendans , ledit légat retournei'a à mon liéri»
« tier ab intestat. La sénéchaussée, dit-on, jugea que la
« disposition devoit avoir son effet. »
S’il ne nous étoit permis de lire cette citation que
dans le mémoire des appelans, nous avouons que la
décision nous étonneroit un peu, quoiqu’elle fût prise
dans un pays où on ne devoit pas présumer la substitu
tion j mais il est p erm is à tout le m on de d’a lle r lire la
page 128 de M. Chabrol, et c’est alors la citation qui
étonne.
M. Chabrol dit, en effet: » Ce jugement est rapporté
» SANS DATE par M e. Marie ; mais il cite en même
» temps une sentence du mercredi 11 ju in 1 6 6 1, sur
» la plaidoirie de M M . Pro/iet et F a y d it, q u i a jugé
» le contraire. » M. Chabrol rapporte l’espèce], parfaite
ment semblable * celle de Titius.
A la vérité, il trouve que la première sentence rappor
tée SANS d a t e par un seul auteur, et sans qu’il fasse
�90
C
connoitre l'espèce qui a plutôt l’air d’un exemple, étoit
beaucoup plus juridique; mais outre qu’il n’en donne
a u c u n e raison convaincante, il ajoute encore : •
Néanmoins une autre sentence du 2.4. juillet 1663
a encore jugé sur les mêmes principes que celle de
t66i. Il ajoute que les avocats de Paris n’étoicnt pas
de cette opinion.
L ’espèce de cette dernière sentence étoit simple:unmari
avoit légué à sa femme le quart de ses biens, en cas que son
fils mourût avant elle. Il étoit très-possible de juger
'qu’il n’y avoit pas substitution, car l’enfant n’étoit pas
institué; on pouvoit dire qu’il étoit dans la condition
et non dans la disposition, et peut-être pourroit-on
regarder cette sentence comme très-sévère ; mais néan
moins elle fut rendue, et elle est un peu plus authen
tique que celle rapportée sans date par M e. M arie,
sous le nom' de Titius qui assurément n’étoit pas un
auvergnat?:' '
'
Qu’il nous soit permis de dire, au surplus, que l’espèce
,de cette dernière sentence est posée comme exemple
par M. Toullier, page 69, et par M. Grenier, page
ïi8 . Le premier pense qu’il n’y auroit pas substitution
sous le Code. M. grenier décide le contraire, en ajoutant
qu’il ne peut se rendre à cette opinion, quoique M.
Chabrol atteste que c’étoit celle des avocats d’Auvergne,
«le Bourbonnois et de Paris, et M. Roland, page 95,
s’expxime ainsi :
» A ne consulter que la rigueur des principes, il est
» certain que la clause dont il s’agit ri exprime qu’un
J2 *
�C 92 )
« legs conditionnel. » Il en donne des raisons plausibles, et
qu’on peut voir, Loc. Cit.
« Mais, poursuit-il, il s’agit de savoir si un legs con« ditionnel de l’espèce de celui dont il s’agit, n’a pas,
« dans le f a i t , pour résultat, d’opérer une substi« tution, et si, dès lors, il ne doit pas être considéré
« comme une tournure prise pour éluder Ici disposition
« prohibitive des substitutions.
« O r, que le legs dont nous parlons opère en résultat
« une véritable subtitution, c’est ce qu’on ne peut ré« voquer en doute. En effet, appeler la mère après le
« décès des enfans, n’est-ce pas la réduire à un simple
« droit éventuel à la propriété des biens légués ? n’est-ce
« pas laisser reposer cette propriété su r la tête de ces
« enfans, tout aussi bien que s’ ils eussent été qualifiés
« expressément, à la charge de rendre à leur mort ?
» n’est ce pas, dès lors, établir un véritable ordre suc» cessif? » Ces principes sont ceux que M. Grenier
avoit professés, page 118 et 119 .
Gela nous suffit pour juger de l'à-propos de la citation
que font les appelans de la sentence de Titius.
Nous ne craignons pas de dire qu’aucun des autres
exemples cités ne peut arrêter un instant l’esprit du
juge ; les principes que nous avons exposés en repoussent
l’application. Nous ne devons nous arrêter un instant
que sur celui rendu par la Cour le 28 avril 1806.
Si cet arrêt n’a été dicté par aucune circonstance
particulière, nous nous tiendrons dans les bornes du
rtspect et nous retrancherons dans deux mots :
�93
(
)
L ’un, que l'espèce de cet arrêt n’a point d’analogie
avec l i nôtre;
L ’au tre, qu’il faut juger legibus , no?i exemplis.
Nous nous arrêterions là sans faire nous-mêmes la
critique de cet arrêt, si des autorités graves ne nous y
autorisoient.
M. Grenier, page 1 1 9 , prend une espèce semblable
pour son troisième exemple, et décide qu’il y a substi
tution.
Pour assurer davantage la justesse de cette opinion,
il cite une espèce copiée mot pour mot sur celle de
l’arrêt du 28 avril 1806, et rapporte un arrêt de la
Cour de Bruxelles, du 26 avril 1806, qui jugea tout
le contraire; preuve que dans la même semaine tout le
monde ne vit pas des mêmes yeux.
Il ajoute à cela un arrêt semblable de la Cour d’A ix ,
du
juin 1809.
E t enfin, il s’exprime en ces termes :
« Mais, à ces autorités, il s’en joint une du plus grand
« poids à l’appui de cette opinion, qui même est telle
« qu’on peut dire qu’elle ne laisse plus de difficultés. »
et il rapporte le décret impérial du 31 octobre 18 10 ,
que nous avons cité plus haut, page o. Et il n’y auroit
pas de substitution! il y auroit donation directe!
Comment, disent les appelans, car ils ne se tiennent
battus sur rien, vous osez méconnoitre à notre titre le
le caractère de donation directe, lorsque la transaction
de 1791 qui vous est propre, avoue à chaque page que
le sieur Capelle est donataire? n’a-t-elle pas fixé le vrai
sens du contrat de mariage?
5
5
�( 94)
Nous ne concevons guère comment la relation d’un
acte dans un autre forceroit à juger cet acte autrement
que lui-même'ne l’indique. Nous ne concevrions guère
mieux comment les termes de relation dont on s’est
servi dans la transaction de 179 1 pourroient avoir cet
effet rigoureux et contraire à la loi, de dépouiller une
femme de ses biens dotaux pour enrichir son mari qui
contractoit avec elle et dictoit la stipulation. Mais la
transaction, en les qualifiant l’un et l’autre donataires,
a-t-elle dit qu’ils le fussent conjointement plutôt que
successivement? a-t-elle dit que le mai*i étoit donataire
direct plutôt que donataire substitué ? a-t-elle dit que la
donation directe regardât le sieur Capelle autrement
que comme mari? et n’est ce pas toujours le contrat
qu’il faut consulter pour le savoir?
En voilà sans doute assez, et plus qu’il n’en faut pour
avoir rempli notre tâche, avoir prouvé par les principes
qu’il y a substitution, avoir pulvérisé les objections de
nos adversaires. Il ne nous reste plus qu’à jeter un re^
gard sur leur dernière proposition, que dans le doute la
disposition doit être maintejiue.
N ous disons un regard; pourquoi, en effet, nous y
arrêterions-nous long-temps? n’ayons-nous pas tout exr
près tiré nos autorités, notre discussion toute entière,
des principes existans sous le Code civil ? n’avons-nous
pas démontré qu’à supposer même que l'acte dont il
s’agit eût été fait depuis le Code, on ne pourroit, d’après
les principes, y voir qu’une substitution, parce que la
disposition ne peut être exécutée par aucune autre voie?
Mais, pour ne rien laisser à désirer sur ce point, nous
�wy
c
9
5
}
répéterons qüe l’interprétation de l’ambiguïté des dis
positions faites sons le Code, doit être faite en sens inverse
de ce qu’elle est pour les dispositions anciennes. Sans
doute, aujourd’hui, la substitution étant une violation
de la loi, et son existence devant détruire l’acte entier,
il faut tout interpréter au maintien de l’acte, parce que
la disposition doit être entendue dans le sens où la loi
lui donne un effet ; mais si on vouloit appliquer ce prin
cipe dans le même sens à une disposition faite sous les
anciennes lois, ce seroit, dit M. Toullier invoquer la
lettre des lois romaines pour en détruire Veffet ; car,
sous ces lois, la substitution étoit un acte valable; elle
produisoit son effet ; tout tendoit donc à la présumer,
même la faveur que réclamoit la volonté du disposant ;
et ce n’est pas parce qu’une loi subséquente a aboli les
substitutions, qu’il faut voir différemment; car cette loi
n’a pas plus changé les actes ou dénaturé les affections,
qu’elle n’a pu rétroagir sur l’intention d’un donateur, qui
depuis long-temps avoit reçu sa perfection. C’est encore
ce qu’a reconnu, le 29 mars 1 8 1 1 , la Cour royale de
Besançon, par un arrêt que rapporte M . Toullier,
page 67.
E t, de là, il est évident que les deux arrêts de Riom
et de Limoges, cités par les appelans, ne peuvent leur
être d’aucune utilité. Qu’ont-ils jugé? Que sous le Code
une disposition qui pouvoit présenter l’idée ou d’un
fideicommis ou d’une substitution vulgaire, devoit être
considérée comme valable, parce que la substitution vul
gaire est permise. On le demande ; que peut-on en inférer
pour la cause ?
�. C 96 )
Au reste, après avoir détruit tons les moyens fie fait
que les appelans articulent pour obtenir la fa veu r, que
seroit-il besoin de dire encore ? Quoi ! ce seroit eux que
la justice devroit regarder avec bienveillance, pour qui
elle devroit se laisser fléchir! il faudroit refuser de voir
une substitution là où elle est si clairement écrite, non
pour maintenir les intentions de la dame Jalinques, mais
pour en renverser l’édifice ! il faudroit qu’une donation
directement faite par des motifs d’aifeçtion personnelle,
fut anéantie, précisément parce que, dans le doute, les
actes doivent être maintenus! que la dame Nouveau,
qu’on prétend avoir eu la faculté illimitée d’aliéner ,
pour prouver qu’elle n’étoit pas chai’gée de conserver
et de rendre, n’eût pu faire aucune disposition au profit
d’un nouvel époux! ij faudroit que cette proscription
pesât toute entière sur le sieur Nouveau et ses héritiers,
après que sur la foi de cette donation, et pour en conrserver l’objet, soit à sa femme soit à lui, il s’est étroitement
gêné ! qu’il a exactem en t p a y é en n u m é r a ir e , et de ses
propres deniers, les sommes considérables qui étoient
dues à la dame de Murât, comme une charge de cette
donation qu’on ne veut plus reconnoitre aujourd’hui !
et, dans le doute, il faudroit ruiner ses héritiei’s, leur
arracher l’espoir de leur propre contrat de mariage et
des promesses qui leur ont été faites! et pour qui? pour
les héritiers Capelle qui achètent les reprises de la dame
Nouveau , et ne craignent pas d’accabler les sieur et dame
Valentin de saisies, parce que ces reprises sont exigibles,
tandis qu’en même temps ils lui contestent la propriété
de la Rouquette, qui seule peut en être chargée dans
leurs
�97
(
)
leurs mains; tandis qu’encore que si cette propriété leur
étoit enlevée, ce seroicnt eux qu’on poursuit pour les
payer qui scroient propriétaii'es et créanciers de ces
repi’ises! Ah! sieurs et dame Capelle, quand vous parlez
de doutes, quand vous invoquez la faveur, convenez
que vous n’y pensez pas.
Mais les héritiers Capelle y pensoient-ils davantage, lors
que ne se trouvant pas assez sûr de leurs propres forcés'’,
et voulant profiter doublement de leur convention avec
les héritiers de la dame Nouveau, ils les ont fait inter
venir en la cause? lorsqu'ils ont présenté, au nom de
ces héritiers, la ridicule requête du 18 novembre 18 16 ,
qu’ensuite ils ont sonné la trompette sur cette décla
ration qu’ils attribuent à la véracité des héritiers de Montlogis et à la bonne mémoire de la dame de Murât? Ces
pauvres Capelle ! ils ont oublié la grosse de cette requête
dans leur dossier. Ils n’ont pas fait attention qu’elle étoit
écrite de la main qui a grossoyé toutes les leurs ; que
le copiste, le clerc de leur propre avoué avoit l’habitude
d’écrire en marge de chaque grosse, M e. Bastid, avocat,
■parce que M e, Bastid étoit en effet l’avocat rédacteur
de leurs mémoires signifiés ; et que croyant toujours
travailler pour le moitié maître, il écrivit encore
en tête de celle attribuée aux Montlogis, ces mêmes
mots : M e. B astid , avocat\ qu’on aperçoit encore un
peu , quoique le chef de l'étude , lorsquul s’en est
aperçu, ait effacé ou fait effacer très-soigneusement ces
mots pour y ’mettre au-dessous, M K. Grognicr, avocat.
Les héritiers Capelle n'ont pas vu tout cela! F in isso n s*3
�9
( 8 )
en ; c'est presque abuser de la permission de montrer la
pauvreté d’une cause et la petitesse de ses moyens.
Nous avons annoncé que les sieur et dame Valentin
avoient à réclamer contre deux dispositions du jugement
dont est appel ; elles concerneroient les héritiers de la
dame Nouveau, et ce n’est que par suite de la cession
qu’ils ont faite de leurs droits aux héritiers Capelle ,
qu’on doit les discuter contr’eux; l’une d’elles est assez
intéressante par son objet ; néanmoins , chacun de ces
deux griefs peut se réduire à peu de mots.
ü n sait que la dame Jalinques avoit remis au sieur
Capelle un certain nombre de titres des créances com
prises dans la donation ; il n’en avoit perçu qu’une trèsmince partie, et le surplus étoit dans ses mains lors de
son décès ; il en fut fait inventaire.
Lorsqu’on i i sa veuve, épouse du sieur Nouveau
décéda, il fut fait un nouvel inventaire. Le sieur Nou
veau , pour éviter une nouvelle description des papiers,
offrit de justifier de l’emploi des créances par lui perçues
et de re p ré se n te r en n atu re tous les autres titres et pa
piers énoncés au p re m ie r inventaire. Cette offre fut ac
ceptée par le sieur Capelle qui avoit requis l’inventaire
comme porteur d'une procuration de la dame Lanzac de
Montlogis, religieuse.
,
Mais dans l’intervalle du décès du sieur Capelle à
son second mariage avec le sieur Nouveau, la veuve
Capelle avoit reçu et quittancé certaines sommes.
O r, le sieur Nouveau, en s’obligeant à représenter
en nature tous les effets dont il n’avoit pas l'eeu le mon-
85
�c 99 ;
tant, s'est bien interdit de prétendre que clans l’inter
valle d’un inventaire à l’autre , les titres pouvoient avoir
été dénaturés par la dame son épouse ; mais il ne s’est
engagé qu’à justifier de l’emploi des sommes reçues, et
à représenter tous les autres titres et papiers. Il semble
évident, dès lors, qu’il satisfera à son obligation, qu’ il
prouvera Vemploi des sommes reçues, en justifiant des
quittances données par la dame Capelle pendant son
veuvage, et il ne devra représenter que les autres titres
comme il s’y est obligé.
Cependant le jugement le condamne à représenter
tous les titres compris dans l’inventaire de 179 4 , ou cl
¿faire raison de leur montant.
Les sieur et dame Valentin soutiennent que cette con
damnation excède les termes de l’offre du sieur Nouveau,
acceptée parle sieur Capelle, dans l’inventaire de i 8 i 5.
Voyons quelle étoit la position du sieur'Nouveau et ce
que cet acte y a changé.
■
[
La dame Capelle, ayant resté un certain temps dans
le veuvage, et l’état de ses créances actives n’ayant pas
été constaté lors de son convoi avec le sieur Nouveau,
celui-ci n’étoit directemnt chargé d’aucnne partie déter
minée de ces titres, et au'décos de la dame son épouse,
si on n’eût rienc trouvé , ou qu’on n’en eût trouvé
qu’une partie, on ne pouvoit pas lui demander de remplir
1 inventaire de 179 4 ; on ne pouvoit exiger de lui tout
ou partie de ces titres de créance, qu’après avoir, prouvé
qu’il les* *avoit -reçus; u*’>12 'J
*
i
E11 faisant, pour éviter la description dps effets, l’offre
13
*
�•*V
*<¿'
( 100 )
écrit« clans l’inventaire de i& i , le sieur Nouvcr.û perdit
l'avantage de sa position; il fut présumé de droit nanti
de tous les titres inventoriés en 1794; mais cette pré
somption de droit ne fut pas exclusive de la preuve
contraire.
Or, s'il prouve, par des quittances, que la dame
Nouveau avoit reçu, avant son convoi, certaines de ces
créances, il aura rempli, 011 le repète, son obligation;
il aura justifié l’em ploi, comme il s’y est soumis ; il
seroit évidemment injuste d’en exiger davantage , et de
lui faire payer ce que sa femme auroit reçu avant son
mariage, lorsqu’il le prouve par écrit.
5
I«a seconde difficulté
d évelop p em en s.
n’e x ig e
pas de plus gran ds
La dame veuve Capelle, en contractant son second
mariage avec le sieur Nouveau , lui donna les domaine et -enclos de la Rouquette et dépendances j ces
objets lui avoient été livrés tels qu’ils étoient lors du
contrat de 1 7 8 6 ; elle les livra encore au sieur Nou
veau-de la même manière en l’an 3. Un domaine com
posé de terres labourables et d’un cheptel et l’enclos de
la Rouquette faisoient tout l’objet de cette donation.
Il est quéstiûn aujourd’hui de savoir si le sieur Nou
veau , supposé qu’il les conserve, doit les garder tels
qu’ils lui ont été donnés, ou si les héritiers Capelle auroient droit d’en retirer tous les besliaux. Trois raisons
déterminantes semblent s’y opposer, quoiqu’avant le
Code on n’eût pas la règle générale des immeubles
par destination.
�C 101
)
La première , que le mot domaine , employé dans
sa signification commune, ne sauroitpermettre, même
à la pensée , de séparer les bestiaux de labour des
terres labourables ; car il ne sauroit y avoir de do-'
maine sans exploitation, ni d’exploitation sans bestiaux.
La seconde, qu’en donnant le domaine tel qu’il étoit
-composé, et en outre avec ses dépendances , le mot
dépendance ne pouvoit s’appliquer qu’aux bestiaux qui
étoient et sont encore un accessoire indispensable, une
dépendance nécessaire du domaine. • •
Le troisième enfin , que la dame Nouveau l’avoit reçu
de .sa sœur ; quelle l’a livré de même au sieur Nou
veau; et quà ces deux époques, quoiqu’on ne connût
pas les immeubles pav destination, on a livré à la
dame Capelle, et elle même a livré à son second mari,
le dom aine tel q u ’il é to it, avec les b e s tia u x , p arce q u 'il
l
îs son intention de les distraire.
pendant, le jugement, en condamnant les intimés
à rendre les meubles de la Rouquette, n’autorise pas
à retenir les bestiaux. Cela sembleroit exclure celte retenue; et, soit erreur, soit oubli, soit préméditation,
le jugement peut servir de titre pour le refuser. Les
intimés ne doivent pas laisser dans l’incertitude celte
partie de la cause, d’autant que la valeur des bestiaux
d’exploitation est considérable.
Il y auroit, sans doute, une fort grave injustice à
maintenir une telle disposition ; peut-on concevoir l’idée
qu un donataire fût tout à coup privé des bestiaux qui
�( 102 )
sont nécessaires à l’objet donné, et qu’il fut arrêté dans
la culture au moment le plus intéressant de l’exploita
tion, des semailles, de la récolte ? On ne peut concevoir
l’idée d’une donation semblable; 0n pourroit peut-être
s'en faire une question dans une vente où chacun stipule;
mais dans une donation ! Impossible.
Il ne reste plus aux intimés qu’à conclure sur ces trois
chefs; ils se réservent de développer davantage leurs con
clusions par leur inventaire de production ; il leur suffit
de les indiquer ici.
Ce considéré, il plaise à la Cour, sur l’appel principal,
mettre l’appel au néant, avec amende et dépens.
E t sur les deux chefs ci-dessus, dans le cas où la C o u r
croiroit ne pas pouvoir p ro n o n cer p a r simple interpré
tation, donner acte de l’appel incident interjeté en tant
que de besoin; ce faisant, dire mal jugé en ces deux
chefs ; ordonner que les sieur et dame Valentin ne seront- *
tenus de faire raison des créances qu’en deniers ou quit
tances , dans lesquelles celles données par la dame veuve
C a p elle seront adm ises ; o rd o n n er que les bestiaux et
cheptels du domaine de la R ouquette y demeureront
réunis comme en étant l’accessoire; condamner les appélans aux dépens, et ordonner la restitution de l’amende.
M. T A SSIN D E V IL L E P IO N , rapporteur.
M E. D E V IS S A C , avocat.
M c. V E Y S S E T , avoué-licencié.
T H I B A U D , Im primeur du R o i, de la Cour ro ya le, et libraire , à R iom.
�
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The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Valentin, Pierre-Félix. 1819?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Tassin de Villepion
De Vissac
Veysset
Subject
The topic of the resource
donations
contrats de mariage
fideicommis
pensions viagères
renonciation à succession
assignats
élevage bovins
immeubles
Description
An account of the resource
Titre complet : mémoire employé pour réponse à griefs, en exécution de l'arrêt de la Cour du 18 août 1819, pour sieur Pierre-Félix Valentin et dame Marie-Sophie Nouveau, son épouse, propriétaires, habitant le lieu de la Rouquette, commune de Cassaniauze, arrondissement d'Aurillac, département du Cantal, intimés ; Contre sieur Pierre-Antoine Capelle, Puech Jean, demoiselles Marie et Sophie Capelle, frère et sœurs, propriétaires, habitant ladite ville d'Aurillac, appelans de jugement rendu par le tribunal civil d'Aurillac, le 31 décembre 1817, suivant les exploits des 12 février et 11 mars 1818 ; Et encore contre la dame Marie-Sophie Lanzac de Montlogis, religieuse, habitante de la ville d'Aurillac ; Marie-Judith Lanzac, veuve du sieur Piales, et Marie-Honorée Lanzac, toutes deux habitant le lieu et commune di Viviers ; le sieur Brassat-Murat, docteur en médecine, et la dame Judith Lanzac, son épouse, de lui autorisée, habitans de la ville d'Aubier ; autre Marie-Judith Lanzac de Montlogis-Chanat, propriétaire, habitante au lieu de la Rouquette, commune de Cassaniauze, canton de Montsalvy ; le sieur Marsillac, docteur-médecin, Olimpie-Silvie Lanzac de Montlogis, son épouse, de lui autorisée, ; Marie-Christine Lanzac de Montlogis, Marie-Anne Chaudesaigues du Turrieu, veuve de Claude Lanzac de Montlogis, tutrice de leur fils mineur ; Joséphine-Judith Lanzac de Montlogis, tous propriétaires, habitans du lieu de Dousques, commune de Vézac ; Pierre-Alexandre et Pierre-Honoré Lanzac de Montlogis, propriétaires, habitans du lieu de Montlogis, commune de Ladinhou, susdit canton de Montsalvy, aussi appelans du même jugement.
note manuscrite : « 6 avril 1821, journal des audiences, p. 197.
Table Godemel : Bestiaux : Pour l’ancien législateur, les bestiaux attachés à la culture et les instruments aratoires n’étaient pas nécessairement considérés comme immeubles par destination, et accessoires du domaine. – ainsi, ils ne faisaient point partie de la donation du domaine, s’il n’y avait clause expresse et spéciale. Instruments aratoires : sous l’ancienne législation, les bestiaux attachés à la culture et les instruments aratoires n’étaient pas nécessairement considérés comme immeubles par destination, et accessoires du domaine. – ainsi ils ne faisaient pas partie de la donation du domaine, s’il n’y avait point de clause expresse et spéciale
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Thibaud (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1819
1786-1819
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1804-1814 : 1er Empire
1814-1830 : Restauration
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
102 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2504
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2503
BCU_Factums_G2505
BCU_Factums_G2506
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53490/BCU_Factums_G2504.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Aurillac (15014)
Calvinet (15027)
Cassaniouze (15029)
La Rouquette (château de)
Agrovieille (domaine d')
Saint-Michel (domaine de)
Mallaret (domaine de)
Ladinhac (15089)
Vézac (15255)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
assignats
contrats de mariage
donations
élevage bovins
fideicommis
immeubles
pensions viagères
renonciation à succession